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Titre : Bulletin / Société de géographie commerciale de Bordeaux

Auteur : Société de géographie commerciale (Bordeaux). Auteur du texte

Auteur : Groupe géographique et ethnographique du Sud-Ouest. Auteur du texte

Auteur : Association française pour l'avancement des sciences. Groupe régional (Gironde). Auteur du texte

Éditeur : [s.n.] (Bordeaux)

Date d'édition : 1896-08-20

Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb328696274

Notice du catalogue : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/cb328696274/date

Type : texte

Type : publication en série imprimée

Langue : français

Format : Nombre total de vues : 43158

Description : 20 août 1896

Description : 1896/08/20 (N14).

Description : Collection numérique : Fonds régional : Aquitaine

Droits : Consultable en ligne

Droits : Public domain

Identifiant : ark:/12148/bpt6k5573408r

Source : Bibliothèque nationale de France, département Philosophie, histoire, sciences de l'homme, 8-G-299

Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France

Date de mise en ligne : 20/12/2010

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14. 20 Juillet 1896.

TOPOGRAPHIE ANCIENNE

DES ETANGS DE HOURTIN ET DE LÀCANAU

ET POSITION PROBABLE DU PORT D'ANCHISE

(Suite et fin) (i)

IV. — Le port d'Anchise sur les cartes anciennes.

Anchise ne figure nulle part sur les cartes ou portulans du xive siècle, qui mentionnent Soulac et Arcachon. Même observation pour le xve. Le Grand Routier de Garcie Ferrande (1483) n'en fait pas mention.

xvie SIÈCLE. — La première carte, à ma connaissance, où figure ce nom, sous la forme Anchiser ou Anchises (con'usion de r et s dans les finales), est celle A'Oronce Fine, 1538. A moitié route entre Soulac et Cap-Breton, sans échancrure sur la côte, et aucune mention d'Arcachon.

1553. Carte italienne anonyme. Presque identique à la précédente.

1554. Autre carte italienne anonyme. Anchiser entre Laspar ta et Cuberton, sans mention d'Arcachon.

Anchise n'est indiqué ni sur la mappemonde de Cabot ni sur celle dite de Henri II, tandis qu'elles donnent Soulac, Arcachon et Capbreton. Ce nom ne se trouve pas davantage sur la carte de Pyrrh. Ligorio, 1558, ni sur la mappemonde de Mercator (s).

1560. Carte de Jolivet. Anchises, au premier quart de la distance entre S. Maria (Soulac) et Gaberton; rien d'Arcachon.

Anchi, par abréviation, sur la cassette Trivulci, date incertaine.

(i) Voir notre Bulletin de 1896, n° 13.

( 2) Cependant M. Dnffart a signalé {Bulletin du 6 janvier 1896) d'autres cartes de Mercator où figure Anchises, lieu habité sur l'embouchure d'une petite rivière.

14


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1503. Carte de Bouguerauld. Anchises au nord d'un estuaire très considérable.

1600. Carte de Hondius. Anchises sur une échancrure de la cote semblable à celle d'Arcachon, à moitié distance entre ce point et Soulac (*).

Enfin, plusieurs portulans conservés à la Bibliothèque nationale (par exemple le num. 227) placent entre S. Maria et Arcoxoni (Arcaxoni, Arcaxom), au lieu d'Anchises, une localité dite Balania, Balanai, Balanao, Balanan, .Valanan ou Balenat. Que signifie ce mot? Il ne me paraît pas qu'on doive le rapprocher du grec balaneion, bain. Ce serait plutôt le port « de la baleine », ainsi nommé soit de l'échouage d'une baleine, soit de la fréquentation des baleiniers; mais on en trouvera plus loin la seule explication concluante.

xviie SIÈCLE. — 1627. Carte de Savarius. Anchises, au fond et au nord d'un golfe considérable.

1635. Carte de Guyenne, anonyme, aux Archives départementales, num. 1209. Cette carte, fort mal dessinée, est cependant intéressante en ce qu'elle donne à l'étang doux de Médoc, extrémité nord, un effluent qui gagne à l'ouest l'Océan.

1647. Boisseau. — Rien d'Anchises; un étang.

1650. Clerville (carte manuscrite). — Deux étangs distincts; un affluent au nord; pas de noms.

1663. Blaeuw. — Reproduit Hondius; rien d'Anchise.

1679. Sanson. — Un étang.

1680. Yvounet, cité par M. Duffart (Bulletins des 6 janvier, p. 14, et 17 février, p. 101).

1693. llooge. — Un seul étang, mais avec un eflluent ouest, répondant plutôt à Lacanau qu'à Hourtin, et la mention : « Anchises ou rivière d'Anchises. »

.1695. Silvestre, cité par M. Duffart (comme ci-dessus).

1695. Anonyme hollandais. — Un estuaire sans nom.

(') Une autre carte de Hondius, indiquée par M. Duffart (ut supra) ne mentionne pas Anchises; celte carte, non datée, mentionne pour la prcuiiùre fois l'élanij doux de Médoc.


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1695. Domeniço de Ross), carte assez importante du « paese di Medo.c »; un étang.

1695 et 1698. Van Keulen. — Estuaire Anchise; pas d'étang.

1699. De Fer. — Anchises, estuaire d'un ruisseau situé au nord d'un étang unique, avec lequel il ne communique pas.

1700. Nolin.— Un seul étang.

1700. Yvounet répète ses renseignements de 1680 sur Anchises, havre à marée, profond, propre aux grands navires.

xvme SIÈCLE. — 1739. Renard (Atlas de la navigation), cité par M. Duffart, mentionne encore Anchise. Une superbe carte manuscrite du Médoc, à grande échelle (5-5 ÔVÎTS environ), de date incertaine (Bibl.' nationale), montre deux étangs distincts, sans estuaire ni effluent d'aucune sorte.

'1742. Nolin. — Anchises sur un ruisseau qui va à l'Océan, plus au nord que l'étang unique, avec lequel il ne communique pas.

i746. Le même. — Anchise a disparu.

1757. Le même. — Trois étangs.

1770. Bongard (Petit Flambeau de la navigation) signale Anchise comme impraticable même aux petits navires. Il le répète en 1785.

1774. De Mannevillelte et Dicquemare (Neptune orientalj; rien d'Anchise, et deux étangs.

On verra dans les paragraphes suivants ce que l'on peut tirer des cartes de Masse (1703), de Flsle (1718), Jaillot (1733), Belleyme et Cassini (1780-90).

V. — Topographie de l'étang de Hourtin et de son effluent disparu.

On admet généralement que le niveau de surface de l'étang de Hourtin est de 15 mètres. Un nivellement fait en 1792 par M. Lobgeois, et cité par Jouannet (Statistique de la Gironde, tome I, p. 49), lui assigne 13m376 au-dessus de l'écluse de Goulée. Il est certainement inférieur à 15 mètres au-dessus du plan Bourdaloue,-puisque la courbe de niveau +15 reste en arrière, à quelque distance de sa rive orientale, qu'elle vient côtoyer un moment au nordrest, ce qui explique, le rétrécisse-


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ment de la nappe sur ce point. Le Dictionnaire géographique de Joanne (en cours de publication) lui attribue lé niveau '■+-13, mais ce chiffre ne peut être exact, puisque nous trouvons au milieu dû marais de Talàris, à moitié distance de l'étang de Lacanau, un point qui s'élève encore à la cote +13 ; et s'il y a, comme l'affirme ce même ouvrage, 3 mètres de différence entre le niveau des deux étangs, il en faudrait "conclure pour celui de Hourtin à un chiffre voisin de 14,50.

Guéable jusque vers la moitié, quelquefois les deux tiers de sa largeur à partir de sa rive orientale, sa profondeur augmente brusquement, et atteint 12m50 près du bord occidental. Jouannet (1837) dit 14 mètres, mais le canal de dessèchement qui le relie à l'étang de Lacanau ayant abaissé de lm50 le niveau de la surface (1872), ces deux chiffres sont parfaitement d'accord. Ainsi sa plus grande profondeur au-dessous du niveau 14,50 étant 12,50, il en résulte que ce fond est à 2 mètres au-dessus du niveau moyen de la mer, ce qui le laisse encore à lm65 au-dessous de celui des plus hautes mers (*).

Masse, mesurant cette même profondeur à l'époque dès plus basses eaux (Carte de Guyenne, feuille datée 1703), la trouvait égale à 45 pieds ou!4m62, chiffre très voisin de celui de Jouannet. L'approfondissement étant de 11 mètres environ sur une distance qui varie de 1,400 à 2,000 mètres, se fait par une pente moyenne de 0,007 à 0,005, bien plus forte que celle du plan des landes, et plutôt analogue à celle des fonds marins de 0 à —10. D'où la conclusion assez naturelle qu'elle se raccorde plutôt au domaine maritime. En outre, si, par hypothèse, on supprime les dunes, et qu'on suppose la mer ayant libre accès à l'étang, le niveau des plus hautes mers viendrait heurter cette pente à une distance de 235 à 330 mètres plus à l'est que la ligne actuelle de profondeur maxima, les 12/13 de la largeur totale de l'étang demeurant à sec.

(i) On a objecté que l'approfondissement des étangs, postérieur à leur formation, est dû à l'affouillement par les eaux, qui cherchaient une issue. La réponse est bien simple : comment cet approfondissement n'a-t-il pas to.mé au pied des dunes, de Vendays à Ares, une fosse continue? C'est ce qu'auraient fait des eaux courantes animées d'une force suffisante.


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Enfin, si np.us combinons ce rivage moyen théorique avec celui., dont nous avons déjà calculé la position, abstraction faite des étangs, «pus obtiendrons le tracé suivant, où figure aussi la série des îles formées en avant par le cordon littoral. (Voirfig, 1.)

La Berle ou ruisseau de Lupian, unie à la Berle de Cailloua, Cailloa, Caillova, débouche dans l'étang par une assez large ouverture, dite Port du Sable. Le quartier qui s'étend sur la rive nord de cette embouchure porte le nom de Pey daou Camin (Pierre du Chemin) ou Bèvre, nom signalé par Jouannet et qui figure sur les anciennes cartes sous la forme de Berre ou

Beyre(4). , .

Or, sur le prolongement de cette berle dans l'étang, la partie guéable est coupée par une fosse de 13m50 (antérieurement, pour Jouannet, 15 mètres). Le Dictionnaire Joanne n'hésite pas à voir là le ruisseau d'Anchise, qu'il identifie sans autre explication avec la berle de Lupian.

Mais dans quelle direction ce ruisseau traversait-il l'étang? Évidemment dans la direction est-sud-est à ouest-nord-ouest, qui est déjà sa direction d'ensemble (de Berdillan au port du Sable) et aussi celle de la pente générale de la région, justement à partir de cette latitude, vers Mayan, le marais de la Perge, et la dépression de Montalivet.

Or, il se trouve qu'en prolongeant ainsi le ruisseau on aboutit sur la rive opposée à une anse qui était fréquentée par . les navires (*), puisqu'on y a trouvé un guindeau ; cette anse porte le nom significatif d'anse des Babines (bain, cuvette, dépression) et se termine.au nord, en un point appelé le Clôt, c'est-à-dire le Trou, qui forme sur la rive un brusque enfonce(l)

enfonce(l) forme yraie serait peut-être Béivre. Berre peut n'être qu'une erreur de transcription pour berle; Berra en bas latin désigne une plaine t-.n brousse et sans arbres; Bèvre est une des formes de bièvre, castor, qui est aussi un nom de rivière; mais c'est aussi l'infinitif gascon du verbe boire, pris substantivement au sens d'abreuvoir, source; et l'on voit que toutes ces interprétations s'appliquent fort bien au lieu désigné.

(*) La continuation de cette ligne droite aboutissant à l'Océan au kilomètre 37, on peut admettre un premier effluent aboutissant à ce point; nous le désignons sur la carte 2 par la lettre E.


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ment, de forme caractéristique. Bientôt, cependant, le ruisseau ne pouvant franchir l'énorme barrière que lui opposaient les dunes des Places, dut remonter en les côtoyant, pour s'enfuir au nord.

En effet, sur la côte, entre les kilomètres 34 et 35, au nord du poste des Genêts, M. Dulignon reconnaissait en 1876 un brusque affaissement des dunes, formant, une trouée de 100 mètres de large, au milieu de laquelle un lit de galets occupant une largeur de 20 mètres dessine le cours d'un ruisseau aujourd'hui à sec, et que l'on peut suivre vers l'est sur une longueur de 150 mètres. Évidemment une partie du lit ancien a été envahie des deux côtés par les sables, et il pouvait être beaucoup plus large. Là débouchait le ruisseau d'Anchise, au point marqué D sur notre carte 2.

Ce point est situé presque directement à l'ouest d'une dépression placée de l'autre côté des dunes; où se trouvent deux petits étangs prolongeant la pointe nord de l'étang de Hourtin, et dont la distance en ligne droite n'est que de 3 kil. 2. (Voir la carte de PÉtat-Major.)

Le courant une fois obstrué devait, selon la pente naturelle, descendre au nord le long des dunes par les marais de Belsarieu, de Lespaut et de la Perge, unissant ses eaux à celles du Deyre, pour arriver à l'Océan ensemble par la trouée de Montalivet, ancienne embouchure méridionale de la Gironde.

Mais, là encore, les dunes devaient lui barrer le passage, par une forte saillie à l'est, qui jetait la dune du Pelous à la rencontre de la courbe -+-14, forçant ainsi les eaux au sud de cette dune à redescendre vers l'étang de Hourtin, et à partir de ce moment seulement les eaux de Hourtin durent se diriger au sud sur Lacanau.

Mais il semble qu'elles ne pouvaient s'y résoudre, et elles ont cherché encore à se frayer un passage au nord; et filtrant sous ce long promontoire formé d'un seul rang de dunes qui court au nord pendant 11 kil. 1/2 ('), elles allaient en partie reparaître au pied de la dune des Dormans pour se faufiler (') Jusqu'à la trouée de Montalivet.



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dans la Lède-Longue, et y former le ruisseau de SaintNicolas (*), que les officiers de PÉtat-major n'ont pas inventé, mais qui s'est tout simplement asséché lorsque le canal de Lacanau a fait subir à la nappe de Hourtin le dénivellemènt plus haut signalé de lm50. D'ailleurs, M. Dulignon, qui n'a plus trouvé nulle trace de ce cours d'eau en 1876, aurait pu considérer cette disparition comme un simple cas particulier du dessèchement général des lèdes, si singulier" qu'on ne peut l'expliquer, dit-il, sans admettre des fissures inopinément produites dans les argiles du sous-sol. (Voir fig. 2.)

L'importance de la coupure qui joint l'étang de Hourtin à l'ancienne embouchure de PAnchise avait été reconnue par Brémontier qui, voulant rétablir l'effluent détruit, avait projeté d'arrêter, les semis au nord et au sud, et de laisser entre eux un vaste garde-feu, de l'étang à la mer. « Les sables de cette gorge factice, dit M. E. Feret, abandonnés à la fureur des vents,, auraient été balayés par eux; un vallon se fût ouvert — ou plutôt maintenu — dans la direction donnée, et lorsque, en s'approfondissant chaque jour, il se fût trouvé au niveau de l'étang, les eaux se faisant aisément jour à travers un sol aussi mobile, se seraient portées d'elles-mêmes à la mer, en raison de leur masse et de leur pente. » Les travaux entrepris en 1803, interrompus par les événements politiques en 1806, n'ont laissé d'autre trace que la création du poste dit le Flamant, à 1,200 mètres au nord de la coupure en question (s).

Dernier détail sur l'étang de Hourtin. Le moyen âge a connu un Port de Pelos, à l'ouest de Naujac; c'est exactement la situation du lieu dit le Pelous, marqué C sur notre carte.

Les cartes de Belleyme et de Cassini représentent les détails des dunes d'une façon purement conventionnelle qui ne nous apprend rien sur leur forme et leur enchevêtrement, mais elles en indiquent bien exactement la présence ou l'absence, et même les contours extérieurs. En ce qui concerne l'étang de

(») Carte 2, lettre B.

( 2) Cette coupure est très nettemeot marquée par un vrai couloir entre les dunes, sur la carte de l'Elat-ma.jor.


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Hourtin, elles n'indiquent aucun estuaire, aucune embouchure plus ou moins obstruée, aucun ruisseau allant à la mer, mais simplement un tronçon d'effluent montant au nord, qui se perd dans les marécages au bout de 1,500 mètres. Les marais de Belsarieu, Lespaut et la Perge, trop vaguement indiqués dans Cassini pour nous renseigner, sont dessinés avec soin sur la feuille 6 de Belleyme, avec un ruisseau qui paraît venir de l'étang et rejoint le Deyre en aval du bois de la Brisquette ; mais tout dessin de marais et de ruisseaux cesse absolument sur la feuille 12, où l'on chercherait en vain le Deyre, les berles de Lupian et de Cailloua, etc., également absents de la carte de Cassini.

Reste à signaler sur les cartes de de l'Isle (1718) et Jaillot (1733) l'indication d'Anchises dans les terres, sur un long ruisseau orienté du nord au sud, dont l'extrémité nord touche presque aux marais qui contournent' Vendays (marais de la Perge). Il me paraît que cette indication n'est pas à dédaigner, la position relative des lieux habités étant suffisamment exacte sur ces caries, surtout lorsqu'il s'agit d'une série de lieux placés en droite ligne, à la lisière même des dunes. Or, Anchises est. marqué sur ce ruisseau, c'est-à-dire au bord du marais littoral, entre le bois de la Brisquette au nord et celui de la Montagne au sud. Le bois de la Brisquette (Brasquëtte, Bréquette, Briquete, Bréquet) est situé sur les deux rives du Deyre, mais surtout à gauche, à l'endroit où ce cours d'eau atteint le marais; le bois dé la Montagne doit être cherché sur les dunes des Aubes et des Grands-Monts, à l'extrémité nord de l'étang. Anchises a donc disparu sous les dunes entre les kilomètres 28 et 33, probablement à moitié distance, au nord du marais de Belsarieu ; c'est le point marqué A sur notre carte.

VI. — Topographie de l'étang de Lacanau et de ses effluents.

La montagne de Lacanau (*) formait entre ce golfe et celui

de Hourtin un avancement considérable; mais tant que le

(i) ML sur la carte 2; voyez surtout la carte 1.

14.


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cordon littoral est resté à une distance suffisante, ils ne pouvaient être considérés que comme une seule et même lagune;

Lorsque la pente des dunes rencontrant celle de l'ancien promontoire a formé un seuil entre eux, la communication ne s'est plus faite que par un ruisseau circulant à travers dés marécages derrière la Montagne, à l'est; mais en hiver, à l'époque des inondations, la surélévation de la nappe pouvait encore les transformer en un seul étang.

Puis l'étang de Hourtin privé de son effluent nord a vu monter ses eaux à un niveau notablement supérieur, et dès lors elles se sont déversées dans celui de Lacanau.

Aujourd'hui, bien que le canal de dessèchement ait abaissé de lm50 l'altitude moyenne des eaux de Hourtin, elle reste supérieure de 3 mètres à 3m50 à celle de l'étang de Lacanau, évaluée à 11 mètres ou llm50.

Offrant les mêmes dispositions que l'étang de Hourtin, celui-ci est cependant plus profond de 3 mètres ou 3m50 relativement aux plans communs de comparaison, puisqu'il présente 12m50 d'eau au maximum, ce qui établit le fond à 1 mètre ou lin50 au-dessous du niveau moyen de la mer, soit 4m65 ou 5m15 au-dessous des hautes mers. A l'époque de Masse, la différence de niveau des surfaces étant moindre, il avait 8 pieds, ou 2m70 d'eau, de plus que l'étang de Hourtin. Ce chiffre diffère peu des nôtres ;

Deux issues indiquées par Masse (1703) correspondent aux deux échancrures principales de sa rive orientale : le Trou-duFer, un peu au nord de la plus septentrionale, au kilomètre 59 (J), juste sur le prolongement de la direction moyenne imposée à toutes les branches formant la craste de Lacanau par une dépression est-sud-est à ouest-nord-ouest qui commence au plateau de Salaunes. Au temps où écrit Masse, cette embouchure est déjà depuis longtemps obstruée. — La seconde issue du courant de Lacanau, également fermée, mais depuis moins longtemps, et correspondant à l'échancrure médiane, (i) Carte 2, lettre Y.


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s'ouvrait sur la côte au kilomètre 64 (') ; elle avait sans doute quelqpe temps suppléé à la précédente, les eaux rejetées au sud se frayant un chemin plus aisé à travers des lèdes, escoures et crohots d'un niveau inférieur à 10 mètres (au-dessus du plan Bourdaloue). Dans la baie médiane de l'étang, Masse a inscrit la mention suivante : « Là s'ouvre un vieux goulet par lequel s'écoulaient les eaux, * et, sur la côte : « Ici était l'embouchure dite Port de Saint-Vincent » (vocable paroissial de Lacanau). Jouannet dit avoir eu en main de vieux actes qui appellent le port, de Lacanau Port Maurice; est-ce l'autre embouchure qui portait ce nom, ou la baie d'où s'échappait le courant, ou simplement le débouché de la craste? il est impossible de le décider.

VIL — Conclusions.

En résumé, il résulte de notre discussion que :

1. Les côtes anciennes de l'Aquitaine étaient certainement découpées en golfes.

2. Ces golfes ont été obstrués et changés en étangs? grâce au rejet sur la côte des sables provenant de la destruction par déboisement, subsidence et érosion, d'une grande île qui formait en avant cordon littoral.

3. Les étangs de Lacanau et Hourtin, par leur niveau, leur profondeur et autres détails de leur topographie, rentrent absolument dans cette règle générale. Rien n'autorise à les en excepter.

4. Le port d'Anchises mentionné en 1538, utile jusqu'en 1700, et disparu en 1770, était situé sur un estuaire considérable, effluent nord de l'étang de Hourtin; l'embouchure et la direction de cet effluent sonftrès exactement connues.

5. Le village appelé Anchise, bâti au bord des marais de Belsarieu où se perdaient les eaux de l'effluent définitivement obstrué, doit être enseveli sous les dunes, au sud-ouest du bois de la Brisquette et du ruisseau le Deyre.

6. L'étang de Lacanau a eu deux effluents, peut-être simul(>) Carte 2, lettre G.


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tanés, mais plutôt successifs, l'un au nord, le Trou-du-Fer, l'autre au centre, le Port Saint-Vincent, dont la position sur la côte est exactement déterminée. M. DUTRAIT.

9 mars 1896.

Note complémentaire. — Depuis la rédaction première de l'article ci-dessus, j'ai eu entre les mains plusieurs autres cartes et portulans, où figurent, à la place d'Anchise, le nom de Balania ou quelqu'une de ses variantes, et j'ai continué 'de chercher à ce nom étrange une explication satisfaisante. Voici ce que j'ai trouvé : le celtique balan, genêt, en bas latin balanus, devenu en français balain, puis balai, a pour dérivé balania, lieu planté de genêts, dont balanat n'est qu'une forme gasconne.

Or, les dunes et le poste situés immédiatement au sud du point où j'ai fixé l'embouchure de PAnchise, portent précisément ce nom : « les Genêts ». Ainsi Pétymologie vient confirmer encore, d'une manière aussi péremptoire qu'inattendue, une identification de lieu que j'avais fondée sur des considérations purement topographiques. M. D.

Résumé de divers projets d'émancipation des esclaves dans les anciennes colonies françaises.

La récente discussion qui a eu lieu à la Chambre des députés, et qui s'est terminée par le vote, eh principe, de l'abolition immédiate de l'esclavage à Madagascar, donne un renouveau d'intérêt à la revue rétrospective de projets présentés par divers économistes ou philanthropes, sous le règne de LouisPhilippe, à un moment où on ne pouvait prévoir que la suppression totale et subite de l'esclavage allait, quelques années après, résulter d'une révolution dans le gouvernement de la métropole.

Bajot et Poirré avaient, en 1844, fait le résumé des divers projets d'émancipation présentés jusqu'alors, et dont nous allons nous-mème donner un sommaire.


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Les plans présentés dans divers mémoires, brochures, etc., peuvent se ranger en deux classes, suivant que l'émancipatipn est présentée comme devant s'opérer immédiatement, ou qu'elle doit être précédée d'une période plus ou moins longue de' transition.

La première classe elle-même, celle d'émancipation immédiate, se subdivise en deux, suivant que la mesure, dans la pensée des auteurs, doit être générale ou partielle seulement, sauf à s'étendre peu à peu, par catégories, à l'ensemble du personnel.

lre Classe, 1'° division. — Émancipation immédiate et générale.

Quatre des projets présentés, ceux de MM. Jules Lechevalier, Segond, Cestia et Van Rossum, combinaient le rachat général des personnes avec celui des propriétés et des usines.

Le premier dé ces projets chargeait de cette opération une compagnie financière, qui aurait ensuite continué l'exploitation générale de la colonie.

Dans les trois autres projets, c'était l'État qui était acheteur, mais à terme.

Le projet Segond affranchissait les esclaves immédiatement. Il stipulait l'achat immédiat de toutes les propriétés par l'État, en rente 4 0/0, et le rachat simultané, par les propriétaires, qui payaient un quart comptant et les trois autres quarts vingt ans après, par un intérêt de 7 1/2 0/0.

Les deux autres projets n'affranchissaient les esclaves qu'au bout d'un délai (de dix ans dans l'un, de sept ans dans l'autre), lequel délai était consacré à les instruire et à les préparer à la liberté.

Projet Cestia (1842).— Achat par l'État des propriétés et des esclaves. Un quart payé comptant, les trois quarts dix ans après, avec intérêt de 5 0/0. Pendant dix ans, les noirs resteraient, de fait, en servitude. Au bout de dix ans, mise en vente de toutes les propriétés et affranchissement général effectif.

Projet Van Rossum. — Même combinaison, délai de sept ans


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au lieu de dix ans. Paiement du rachat des propriétés par billets à échéance de sept ans.

On voit que, dans ces deux derniers projets, si l'émancipation immédiate est proclamée en principe, elle n'est pratiquement réalisée qu'au bout d'un délai assez long ; à vrai dire, ce sont des projets d'émancipation différée. (Voir à la 2e classe.) Les neuf autres projets d'émancipation immédiate et générale ne visent que les personnes sans s'occuper des propriétés.

Billiard (1835). — Rachat à raison de 1,000 francs par tête, dont un tiers payable par l'État, un tiers par le maître, chez lequel les affranchis restent comme engagés pour cinq ans, et qui pendant ce temps les nourrit, les loge, lés entrelient et. les salarie pour cinq jours par semaine. Ce salaire représente le tiers du prix d'affranchissement à la charge du maître.

Dreveton. — Système analogue, avec travail à la tâche et introduction du métayage. Il y aurait aussi un salaire, sur lequel le maître ferait des prélèvements pour se rembourser de la deuxième moitié du prix de l'indemnité, la première lui étant payée par l'État.

Rou'my (1841). — Rachat à raison de 1,500 francs par tète, moitié payée par l'État. L'autre moitié aussi payée par l'État, mais sept ans plus tard. Pendant ces sept ans, le maître paiera aux affranchis 20 centimes par jour. Après ces sept ans, ils resteront encore chez lui, mais ils ne lui devront plus qu'un travail de six jours par semaine au bout d'un an ; cinq jours au bout de deux ans, etc.

Saasswitzer. — Rachat successif d'un jour par semaine. Indemnité avancée par l'État et remboursable plus tard par le nègre (??).

Laisné de Villelévêque. — Mêmes idées. Un jour ouvrable, avancé par l'État au début et mis à la disposition de l'affranchi, permettrait à celui-ci de rembourser sur ses gains un nouveau jour par semaine, puis un troisième, etc., etc.

Foignet. — Indemnité de 1,500 fr. payable en trois termes de cinq ans. Le maître restant curateur de l'affranchi pendant ces quinze ans, et versant chaque semaine, au profit de Paf-


— 399 -rfranchi,

-rfranchi, salaire de deux jours à une caisse d'épargne spéciale. .

Aubin (1840). — Engagement de dix ans chez l'ancien maître ; obligation de s'engager ensuite pour cinq ou dix ans chez le même ou chez un autre, avec, pour tout salaire, la nourriture, le logement et les soins médicaux.

Petit de Baroncourt. — Remplacement de l'esclavage par le patronage. Le patronné reste chez son ancien maître, mais ne lui doit plus que cinq jours de travail sur sept..

Ce dernier projet adoucit un peu l'esclavage, mais, en somme, il le maintient.

Il ne mérite guère le nom de projet d'émancipation, non plus, d'ailleurs, que le projet Aubin.

1" Classe, 2* division. — Émancipation immédiate, mais partielle et progressive (11 projets).

a) AFFRANCHISSEMENT DES ENFANTS (7 PROJETS).

Barbaroux (1839). — Affranchissement immédiat et forcé des filles de neuf à dix ans. — Rachat par l'État, de gré ù gré, de celles de dix à seize ans. — Primes pour l'affranchissement des femmes surtout.

Les enfants suivant, au point de vue de l'esclavage, le sort des mères, l'affranchissement des enfants à naître des femmes ainsi affranchies dans leur jeunesse, devait, au bout d'un certain temps, devenir général.

Mmo Javonhey. — Rachat des enfants esclaves de cinq à quinze ans, et leur placement dans un vaste établissement, religieux.

Segond (1840). —Même projet, en somme, mais pour les enfants au-dessous de huit ans.

Sully Brunet. — Affranchissement de tout enfant légitime dès sa naissance. Éducation à la charge du maître pendant neuf ans; l'affranchi serait ensuite obligé à neuf ans de travail sur l'habitation.

Geoffrov. — Même idée.


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Louis Bret. — Même principe, mais étendu des enfants à naître aux enfants de moins de douze ans. L'abbé Hardy. — Même idée.

b) AFFRANCHISSEMENT DES ADULTES (4 PROJETS).

Dutertre Desaigremont (1836). — Affranchissement d'esclaves désignés par tirage au sort.

Robillard (1839). — Complément du prix de libération à fournir, par dons volontaires et subventions de l'État, aux esclaves ayant commencé à réunir par eux-mêmes de quoi se racheter.

Anonyme (1841). — Primes aux maîtres pour affranchir leurs esclaves. Au bout de vingt-cinq ans, libération générale des non encore affranchis; les maîtres recevront alors les quatre cinquièmes de la prime seulement.

Bigeon. — Émancipation successive par catégories d'âge décroissant.

2e Classe. — Émancipation différée, avec régime préparatoire.

Les deux projets Cestia et Van Rossum, que nous avons sommairement analysés à la fin de la lie division de la lie partie, mériteraient mieux d'être placés ici, car l'émancipation immédiate qu'ils proclament n'est d'abord que nominale.

AUTRES AUTEURS DE PROJETS (11).

Jollivet. — Apprentissage de quatorze ans pour les noirs.

Ronvellet de Gussac. — Mesures paternelles, préalables à l'émancipation, en ce qui concerne la vente et l'achat des esclaves.

Bernard. — Système de servage destiné à préparer l'émancipation.

Légat. — Amélioration du régime législatif des colonies et amélioration du sort des esclaves, en vue de préparer l'émancipation.

Cléret. — Subvention de l'État à une sucrerie modèle exploitée par le travail libre de certains noirs, pour démontrer aux autres, par l'exemple du bien-être de ceux-ci, les avantages du travail.


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Dauphin (1840). — Émigration des noirs largement organisée et reprise de la traite dans des conditions nouvelles.

Bougerel.— Exportation à la Guyane, etc., des nouveaux émancipés, et leur remplacement par des engagés indiens ou chinois, pour suppléer au déficit de leur travail.

De Grainville. — Proposition analogue à la seconde partie de la précédente.

Poupon. — Rachat de captifs en Afrique, et leur transport aux colonies avec obligation d'un engagement de quinze ans.

Boureau. — Émigration de blancs aux colonies pour stimuler les noirs au travail par leur exemple (?).

Montureux (1839). — Admission des noirs rachetés dans les cadres de l'armée.

Citons, en terminant, un mémoire adressé en 1828 au ministre de la Marine par Charles Fourier, demandant la concession de sept cents noirs des deux sexes pour organiser un essai de phalanstère.

En résumé, les projets de la lre classe semblent beaucoup mieux étudiés et plus sérieux que ceux de la seconde.

Tous ceux de la lre classe se préoccupent d'une indemnité à servir aux colons, sous forme d'un versement pécuniaire, le plus souvent complété par un certain temps de travail gratuit ou presque gratuit de l'affranchi.

La plupart des auteurs de projets de la 2e classe paraissent avoir peu compté sur le zèle des affranchis à se soutenir par un travail libre et salarié, à gagner leur vie en un mot; ils ont cherché soit à stimuler ce zèle présumé absent, par des moyens parfois bizarres, soit à le préparer par une période d'éducation dirigée sans doute dans ce but, soit à prévenir par une immigration d'autres éléments le préjudice que les colonies ne pouvaient manquer d'éprouver par la grève des noirs, se produisant à mesure qu'ils seraient affranchis.

Il ne faut pas perdre de vue qu'il s'agit, dans toutes ces études, de nos anciennes colonies, particulièrement des Antilles et de la Réunion, où les propriétaires d'esclaves étaient nos compatriotes depuis de nombreuses générations, et où l'escla-


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vage était, malgré tout ce qu'il peut avoir de triste au point de vue moral, un fait consacré par toutes les lois. En est-il de même à Madagascar, où l'esclavage d'une partie de la population est généralement le résultat de guerres entre diverses tribus et nationalités, qui toutes sont maintenant nos sujettes à titre égal, et envers aucune desquelles nous ne sommes plus obligés qu'envers les autres? L'indemnité aux- propriétaires d'esclaves semble beaucoup moins obligatoire dans le cas actuel.

J. V., Membre correspondent.

» ^» » . .

ESSAI DE GÉOGRAPHIE APPLIQUÉE

(Suite) (»).

LES CLIMATSC) Aotlon du climat sur les êtres organisés.

Parmi les agents auxquels le règne organique est subordonné, le plus important de beaucoup est le climat. Tous les corps vivants en dépendent. Les plantes lui sont rigoureusement soumises; nous pouvons modifier le sol, nous ne modifions pas le climat. Suivant les énergies individuelles, l'animal se dérobe plus ou moins, pour un temps plus ou moins long, aux influences climatiques; il ne s'enaffranchitjamais.Lernot d'acclimatation est impropre : un être organisé ne change pas impunément de climat ; transporté d'un pays à un autre, même à des distances énormes, même dans un autre hémisphère, il peut demeurer prospère dans son séjour nouveau, s'il y trouve

(i) Voir notre Bulletin de 1896, n«« 3, 4, 5, 6, 7-8,10,12 et 13.

( 2) Je réserve pour l'époque, encore éloignée, où mon travail, après iivoir été refait, sera publié en volume, l'indication scientifique et le détail des références. Je mesuis expliqué à ce sujet dans l'Introduction. Mais, dans la suite de cet lissai, ainsi que je l'ai déjà fait pour les pages qui précèdent, je citerai les ouvrages auxquels je dois des emprunts importants.

C'est le cas pour le présent chapitre, dont les sources principales sont :

J. llann, Handbuch der Klimatologie. — Woeikof, Die Klimate der Erde.— Grisebach, La végétation du globe, traduction de P. dé Tchihatchef. — Drude, Handbuch der P/lanzengeographie, et l'édition française. — Sagot et Raoul, Manuel pratique des cultures tropicales.


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des conditions atmosphériques semblables à celles des lieux qu'il a quittés ; en des circonstances différentes, tantôt il ne conserve pas les aptitudes antérieures à son déplacement, tantôt,.et le plus souvent, il languit, s'étiole ou succombe.

Chaque climat a des plantes et des animaux qui lui sont propres. Le climat et la vie sont étroitement liés et l'ignorance de leurs rapports intimes cause de graves mécomptes. C'est pour avoir méconnu cette loi que l'Algérie, faite pour l'olivier et pour la vigne, s'obstinait jadis à la culture delà canne à sucre et du coton ; de même, l'échec serait certain, si l'on voulait employer le chameau à Madagascar. Les procédés, les instruments de colonisation ne sauraient être identiques en Tunisie et au Congo ; mais les produits du Canada rappellent ceux de la Sibérie et de nombreux caractères communs rapprochent la Californie de l'Espagne, l'Algérie de la colonie du

Cap.

Effets olimattques de la rondeur de la terre.

Avant d'étudier les effets divers du climat sur la production, signalons d'abord ceux qui résultent de la forme de notre planète.

En vertu de la rondeur de la terre, les événements solaires se répètent des deux côtés de l'équateur. Seulement, ils suivent. un ordre opposé : l'hiver sévit en France, alors que l'été réchauffe l'Argentine; la moisson du blé se fait en juillet dans le premier, de ces deux pays, en janvier dans l'autre.

Ce renversement des saisons d'un hémisphère à l'autre, le commerce international et la production locale en éprouveront de plus en plus les conséquences, grâce à la multiplicité et à la rapidité croissantes des moyens de communication. Déjà quelques fabricants européens de confections ou de modes ont. cherché à utiliser le phénomène pour écouler dans l'Amérique du sud les articles de saison restés dans leurs magasins. Par contre, le développement des récoltes de céréales dans l'hémisphère austral s'impose, dès à présent, aux prévisions des marchés de l'autre hémisphère. Le commerce des primeurs surtout, secondé par les procédés frigorifiques, met à profit le


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renversement des saisons : en 1894, le Cap a importé en Angleterre pour 44 millions de francs de fruits semblables aux nôtres. Les expéditions se font au moment qui, pour nos plantes, en Europe, est celui du sommeil ; mais elles menacent de tuer, dès le berceau, une industrie curieuse de l'Angleterre, de la Belgique et du nord de la France, les forceries de raisins

et de fruits.

Limites des oltmats.

Les indications qui précèdent rappelaient, en même temps que les effets de la forme de la terre, ceux de la latitude. Toutefois, la latitude n'est pas le facteur unique du climat. Le climat d'une contrée est la résultante, on le sait, d'un ensemble de causes nombreuses et complexes, qui réagissent les unes sur les autres, comme la hauteur du soleil, la situation maritime ou continentale, les vents, les courants, l'exposition, l'altitude. Au point de vue climatique, la division en zones (une zone tropicale, deux zones tempérées, deux zones polaires), que nous tenons de l'antiquité, et qui est subordonnée à la situation de la terre par rapport au soleil, ne répond pas à toutes les exigences. Plus d'une fois, les pays parcourus par les cercles qui définissent les zones classiques sont, et sur de vastes étendues, semblables des deux côtés de ces limites : le tropique du Capricorne passe au milieu des déserts de l'Australie; le tropique du Cancer coupe en deux le Sahara et la chaudière de la mer Rouge; le cercle polaire arctique traverse là calotte glacée du Grônland.

Mais, si les frontières traditionnelles ne satisfont pas à tous les besoins d'une classification, elles présentent d'importants avantages : elles constituent assez commodément des circonscriptions approximatives ; elles ont pour base l'agent primordial du climat, le soleil ; elles déterminent, et cela d'une façon absolue, des zones d'éclairement. Or, la lumière est une des conditions de la vie végétale et, sous les hautes latitudes, grâce à la persistance de l'insolation, les plantes compensent en partie la longueur de leur repos hivernal par la rapidité de leur croissance.


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Je suivrai les divisions classiques, mais sous les réserves suivantes : je n'attacherai pas aux limites des zones un sens absolu, je me tiendrai tantôt en deçà, tantôt au delà des tropiques et des cercles polaires ; j'abandonnerai même tout à fait ces frontières mathématiques, quand je rencontrerai, pour les remplacer, des bornes matérielles. Ces limites nouvelles, que je constaterai à l'occasion, et que j'appelle géographiques, parce qu'elles sont visibles sur le sol, ne se présentent pas partout, mais elles se présentent souvent, et elles sont l'effet tangible des influences climatiques, rareté de l'humidité ou rareté de la chaleur. Ce sont : entre la zone tropicale et la zone tempérée, les déserts ; entre la zone tempérée et la zone polaire, la toundra sur terre, la banquise d'été sur mer (*).

Une autre réserve enfin, à peu près inutile : je vais observer des caractères généraux et je n'aurai égard qu'à ceux-là; il serait aisé de m'opposer des faits particuliers. Toute règle d'ensemble comporte des exceptions de détails.

Climat tropical.

Le climat-tropical occupe presque la moitié de la terre et, par opposition aux autres, il s'étend sur un domaine continu.

Il se distingue par la régularité des phénomènes. Trois surtout méritent d'être notés, au point de vue physiologique : l'intensité et la régularité de l'insolation, l'intensité et la constance de la chaleur, l'intensité et la périodicité des pluies. Sous ce climat, les saisons se réduisent à deux : la saison sèche et la saison des pluies. Cette dernière s'appelle communément l'hivernage, parce qu'elle est la plus contraire à l'organisme humain, mais non parce qu'elle est la moins chaude. Les pluies en effet sont des pluies d'été, qui suivent le passage du soleil au zénith.

Le régime des rivières et la végétation sont étroitement liés à ce partage des précipitations atmosphériques.

(') Pour.plus de détails, v. J. Gebelin, Les limites géographiques du climat tempéré, dans le Compte rendu du 16" Congrès national (Bordeaux, août 1895) des sociétés françaises de géographie.


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Les rivières éprouvent des crues périodiques et d'autant plus accusées que la différence entre la saison des pluies et la saison sèche est plus marquée. C'est en été que leurs eaux sont le plus hautes.

La végétation dépend, non pas de la chaleur, qui est continue, mais de l'humidité, qui est intermittente. La saison sèche est, pour elle, ce qu'est, en d'autres climats, l'hiver : l'époque du repos; le retour des pluies équivaut, pour elle, à notre printemps. Dans les endroits où l'humidité est constante, la végétation ne subit pas d'arrêt; un même arbre y porte simultanément des bourgeons, des fleurs, des fruits; escortées de prairies dans nos climats, les vallées fluviales sont accompagnées de forêts entre les tropiques.

Dans les régions tropicales, la végétation trouve combinés au degré le plus puissant les trois éléments essentiels, lumière, chaleur, humidité, qu'elle réclame. Elle y développe dans toute leur splendeur l'élan des plantes vers le ciel, la masse de la verdure, la largeur des feuilles, la multitude des espèces. La forêt y l'assemble les essences les plus variées; rarement des arbres de même nature se groupent sur un espace vaste : la lutte de la flore pour la vie est moins exclusive qu'ailleurs, parce que l'existence est plus aisée. Aux palmiers et aux bananiers s'ajoutent, pour caractériser le paysage : sur la côte, dans le domaine de la marée, les palétuviers, fixés par leurs racines aériennes, comme par des ancres; dans la forêt, les lianes, tantôt minces comme une ficelle, tantôt plus grosses qu'un câble, et les épiphytes, que l'atmosphère alimente et dont les orchidées sont le type.

Les plantes alimentaires des pays tropicaux ont plus d'eau, plus de bois, une fructification souvent plus abondante que les nôtres, mais moins de substances azotées; autrement dit, à poids égal, elles sont moins nourrissantes. Le climat tropical est fatal à notre pomme de terre, que remplacent divers tubercules farineux, le manioc, la patate, l'igname. Il rejette la plupart de nos arbres à fruits, bon nombre de nos légumes et plusieurs de ceux qui y poussent, comme le chou et le radis,


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n'y montent pas en graines. De nos céréales, il n'admet que celle qui, chez nous, exige le plus de chaleur et rétrécit le plus son aire : le maïs, qui forme, ainsi que l'oranger, le pont entre deux climats. Le riz, les mils et les sorghos, bien que la culture s'en prolonge jusque dans les pays tempérés, sont avant tout des végétaux des tropiques ; le riz y devient la céréale dominante, et le mil ne trouve que là un sérieux emploi alimentaire. Les régions tropicales ont leurs fruits, comme la mangue et l'ananas; leurs plantes textiles, comme le coton, le jute, l'agave; leurs plantes oléagineuses, comme l'arachide et le sésame; leurs résines, comme le caoutchouc et la gutta-percha. C'est le pays des denrées coloniales, comme le sucre de canne, le café, le cacao, et des épices, comme le poivre et le girofle.

La plupart de nos animaux domestiques, le mouton surtout et, après lui, le cheval et l'âne, supportent mal l'humidité persistante et lourde de la zone tropicale. Le mouton finit par y perdre sa laine, inutile pour le couvrir, et que remplacent le poil et le jarre. Le mulet résiste un peu mieux ; la chèvre, qui utilise la broussaille, la poule s'accommodent du climat; le porc, qui aime les marécages, prospère. La famille des bovidés, représentée dans le monde entier, possède des types adaptés aux pays chauds: le buffle, associé à la grande culture du riz; le boeuf à bosse, que montait Binger, quand il fit son entrée à Kong. L'éléphant, spécial aux contrées tropicales, n'est domestiqué qu'en Asie et dans les archipels qui s'y rattachent. En somme, les animaux porteurs sont peu communs entre les tropiques et c'est l'homme surtout qui y fait l'office de bête de somme. Parmi les animaux sauvages propres à ces régions et dont l'industrie utilise les dépouilles, rappelons les grands carnassiers, comme le tigre et le lion, les grands herbivores, comme l'hippopotame et le rhinocéros, les reptiles énormes, comme le crocodile, les oiseaux au plumage bariolé ou aux reflets métalliques.

La famille humaine est représentée, dans ces mêmes contrées, par des peuples qui leur sont propres, noirs, olivâtres, cuivrés. Les races indigènes n'y disparaissent pas, comme en


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d'autres climats, devant l'invasion blanche; tout au plus, elles s'y métissent; elles y conservent une supériorité numérique énorme, parce que seules elles sont conformées aux circonstances physiques. La race européenne, qui sait lutter contre le froid, se défend mal contre la chaleur, l'humidité et les miasmes de la région tropicale ; la fièvre, les maladies des voies digestives, l'anémie y sont pour elle des affections habituelles ; elle y vit, mais à force de volonté et d'hygiène, et à.la condition de renoncer aux efforts corporels prolongés et souvent même de multiplier les doubles emplois dans les offices qu'elle exerce. Elle fournit des administrateurs, des chefs de travaux, des contremaîtres, quelques ouvriers d'art, elle laisse à d'autres la culture des champs et l'exploitation des mines ('). Puissante par l'action civilisatrice, elle ne joue, par le nombre, qu'un rôle infime : 110,000 Européens, sur 287 millions d'habitants dans l'Inde anglaise ; 58,000, y compris les métis, sur 32 mil-v lions, dans les Indes orientales néerlandaises ; un millier, sur 280,000, dans l'Inde française; 4,000, sur 2 millions, en Cochinchine; 3,000, sur plus d'un million, au Sénégal; un millier, au Congo belge. Les pays tropicaux ne sont pas, pour la race européenne, des pays de peuplement.

Les caractères généraux que je viens d'esquisser reçoivent, sous l'effet des circonstances locales, des modifications : la brise de mer exerce une action modératrice et bienfaisante; l'altitude, au sujet de laquelle j'insisterai bientôt, peut contrebalancer l'influence climatique de la latitude. Surtout il importe

(') « J'estime qu'il ne serait point sage d'encourager la venue en ce pays » de ce qu'on appelle à proprement parler les travailleurs de la métropole. » L'expérience n'a cessé de démontrer, notamment à Hongay et à Kébao, » en ce qui. concerne les mineurs blancs, que les Européens ne sauraient » résister longtemps aux fatigues d'un travail manuel pénible. » (Rapport du résident général par intérim au Tonkin, 1893). — « L'Européen ne peut Ï guère travailler plus de six heures par jour, sous peine de s'anémier » rapidement. Les directions de l'artillerie et du chemin de fer en font «journellement l'expérience.» (Uapport du lieutenant-gouverneur du Soudan, 11 septembre 1895.) — A la Guadeloupe, i les Européens ne pen» sent guère à se livrer au travail de la terre à une altitude moindre de » 400 mètres; quant à la culture de la canne à sucre, il ne faut pas y » songer pour l'Européen. » (Procès-verbal de la Chambre d'agriculture de la Basse-Terre, 12 octobre 1895.)


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de discerner, dans l'ensemble des pays tropicaux, deux subdivisions principales : la zone équatoriale ; la zone tropicale proprement dite.

La zone équatoriale occupe, de l'ouest à l'est, le milieu des contrées tropicales ; elle est située des deux côtés de l'équateur, par lequel elle est.traversée; très contournée, très subordonnée, pour les phénomènes qui la distinguent, à la diversité des formes du terrain, à la répartition des mers et des terres, elle s'étend en moyenne, mais ces limites n'ont aucune précision, jusque vers le 12e degré de latitude, dans chaque hémisphère. C'est, pour la race blanche, la zone la plus inhospitalière. La constance des événements physiques y est le mieux accusée. Les écarts de température, du jour à la nuit, d'une période à une autre, sont faibles ; le thermomètre dépasse peu 30 degrés et se tient d'ordinaire entre 26 et 27 ; Pair est toujours chaud et la constance de l'humidité s'ajoute à celle de la chaleur. Les pluies tombent, avec abondance, durant la majeure partie de l'année, et, au voisinage de l'équateur, tous les mois. Les rivières sont sujettes à des crues, mais elles conservent toujours un volume d'eau considérable. Là se trouvent les fleuves du monde qui possèdent le débit le plus énorme et le plus vaste réseau navigable, l'Amazone et le Congo.

La végétation présente la même continuité que la chaleur et l'humidité qui l'entretiennent. La zone équatoriale est celle de la végétation persistante, ou, comme on dit usuellement, de la forêt vierge. La forêt vierge est représentée avant tout par trois grandes régions : deux immenses vallées fluviales qui se font face, Amazone et Congo ; une contrée que les vapeurs marines enveloppent, la presqu'île malaise et l'archipel malais. C'est en Amérique que la végétation persistante occupe l'espace le plus vaste : elle commence, du côté du nord, à la côte des Mosquitos, envahit ensuite les deux versants rétrécis de l'Amérique centrale et recouvre la partie septentrionale de l'Amérique du sud jusqu'au cours supérieur des affluents de droite de l'Amazone ; mais elle est interrompue par l'immense clairière des Llanos qu'elle enclave, et, à l'ouest des Andes, elle cesse, dès le


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3e degré de latitude sud, au golfe de Guayaquil ; par contre, entre les montagnes côtières et l'Atlantique, elle reparaît en bande mince, depuis le 10e degré de latitude sud et l'embouchure du Sâo Francisco jusqu'au tropique du Capricorne, au delà de Rio de Janeiro. En Afrique, elle court le long de l'Atlantique, depuis la Câsamance jusqu'au 5e degré de latitude sud, au nord de l'estuaire du Congo, en agrandissant progressivement son domaine; large de plusieurs centaines de kilomètres, dès les rivages septentrionaux du golfe de Guinée, elle enferme le delta du Niger, tout POgooué, la majeure partie du Congo et le cours inférieur de ses plus grands affluents, mais elle laisse en dehors l'embouchure du fleUve et la région lacustre de son bassin supérieur; elle n'atteint, à l'est, ni le Tanganyika ni PAlbert-Édouard, et fait place aux hautes herbes, pour revenir, en étroit cordon, sur les rivages du Zanguebar et sur la côte nord-est de Madagascar. Elle frange l'extrémité sud-ouest de l'Inde, la partie méridionale de Ceylan, et s'étend, de la presqu'île de Malacca, en passant par l'archipel malais, la Nouvelle-Guinée et le pourtour du golfe australien de Carpentarie, jusqu'aux îles Fidji.

La zone équatoriale, toujours humide et toujours chaude, est celle du palmier à huile et du palmier à sagou, du cocotier, de l'ivoire végétal, de la noix de kola et de la noix de Para, du caoutchouc et de la gutta-percha. C'est le domaine préféré du cacao et. des épi ces. Les récoltes y affectent le caractère d'une cueillette, tandis qu'elles se limitent, chez nous, à des périodes déterminées.

Sur les deux flancs de cette région, la zone tropicale proprement dite s'étend jusqu'aux derniers confins du climat tropical. Ici, la température est plus variable; le thermomètre monte plus haut et il descend plus bas; la différence entre la saison des pluies et la saison sèche est nettement tranchée et la durée de la période des précipitations diminue progressivement, à mesure qu'on se rapproche des limites polaires de la zone. Le régime des fleuves devient excessif : au temps des crues, ils élèvent leurs eaux jusqu'à 10,12, 15 mètres et peu-


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vent recevoir des navires de plusieurs milliers de tonneaux ; pendant la saison sèche, ils laissent à découvert lès barrages de rochers ou de sable, se divisent en biefs, et ne se laissent plus même parcourir par de simples canonnières. Comme les pluies, la végétation, sauf le long des cours d'eau et dans les bas-fonds toujours humides, est intermittente ; la forêt vierge fait place aux hautes herbes, entremêlées de grands arbres à feuillage caduc, à la savane ; la savane à son tour s'efface peu à peu devant la brousse.

La zone tropicale proprement dite est celle de l'arbre à beurre et de la grande culture des sorghos et des mils. C'est le domaine préféré du café, qui n'en dépasse pas les limites polaires, du coton, de la canne à sucre, qui prolongent leur habitat jusque dans les régions les plus chaudes du climat tempéré.

Dans la zone tropicale proprement dite, la race européenne doit, comme partout entre les tropiques, mettre sa santé en garde contre la saison des pluies ; mais elle rencontre des conditions physiologiques moins défavorables que dans les contrées équatoriales ; elle résiste mieux et plus longtemps. Dans les îles, sur certains plateaux, vers les limites polaires de la zone, elle peut former des colonies de peuplement. Dans cette même zone, le mouton, et surtout le cheval et l'âne, se maintiennent. Le climat tropical exerce aussi ses effets sur mer. Je ne parle pas seulement de la température des eaux, mais du régime des vents et des courants, et des formations de corail. A la zone équatoriale, ou du moins à une partie de cette zone, correspond, en mer, la zone des calmes, le pot au noir des marins, où Pair est saturé ou presque saturé de vapeur d'eau, où le ciel est chargé de nuages et déchiré par des orages fréquents. A la zone tropicale proprement dite correspond, en mer, le domaine des alizés, qui soufflent avec constance, sur la majeure partie des océans tropicaux, du nord-est dans l'hémisphère boréal, du sud-est dans l'autre hémisphère, jusqu'à la zone des calmes. Sur terre, les alizés sont déviés, interrompus, et l'influence perturbatrice des continents produit, surtout


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dans l'océan Indien, le remplacement des vents constants par, les vents périodiques, les alternances de la mousson. Les régions tropicales sont aussi le théâtre de ces redoutables tourbillons atmosphériques qu'on nomme ouragans ou typhons. Il serait d'ailleurs excessif d'assigner des limites précises aux météores aériens; elles varient suivant la saison; en été, elles se rapprochent du pôle et, pour les alizés, reculent jusque vers le 35e degré de latitude ; durant la période opposée, elles se rétrécissent dans la direction de l'équateur. Le domaine des alizés commence, en moyenne, au 30e degré de latitude, c'està-dire qu'il comprend la moitié de la terre. La zone des calmes, sous l'influence des courants froids des mers de l'hémisphère austral, est presque toujours rejetée au nord de l'équateur.

Les vents constants sont-ils la cause première des courants océaniques? Cette question n'est pas de notre ressort. Il nous appartient seulement de constater un fait : dans les mers tropicales se forment les courants équatoriaux et leurs déviations, origine des courants dérivés dont l'action se propage dans les autres parties de la terre.

Les huîtres perlières ne se rencontrent pas en dehors des mers chaudes. Les constructions des coraux, récifs frangeants, récifs barrières, atolls, îles basses, sont un effet et un indice du climat tropical. Les familles de ces travailleurs de la mer qu'on résume sous le nom de coraux n'élèvent pas leurs édifices dans les eaux qui n'ont pas au moins, 20 degrés de chaleur. A ces conditions s'en ajoutent d'autres, indépendantes des exigences thermiques : la pureté de l'eau, la nécessité d'un soubassement distant d'une quarantaine de mètres au plus de la surface marine. Quand l'eau est troublée par les apports d'une rivière, quand la température de Peau est abaissée par un courant frais, la ceinture de corail est interrompue. D'autres causes peut-être, encore mystérieuses, interviennent, car l'Atlantique est pauvre eh coraux constructeurs. Au contraire, les formations de corail abondent dans l'océan Indien, elles caractérisent le Pacifique ; elles alternent avec les volcans ou s'associent avec eux pour composer les archipels de la Polynésie.


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Lés fonds de corail constituent un ancrage détestable ; lés récifs de corail sont un danger pour la navigation et La Pérouse s'y perdit ; mais, à l'abri des barrières élevées par les animaux constructeurs, les marins trouvent des eaux calmes et des ports naturels.

(A suivre.J ■ J. GEBELIN.

DISTINCTIONS HONORIFIQUES

En vertu d'une loi spéciale, des nominations dans la Légion d'honneur ont été faites à l'occasion de l'Exposition organisée à Bordeaux par la Société philomathique en 1895. Parmi les nouveaux chevaliers de la Légion d'honneur, la Société de géographie commerciale de Bordeaux compte trois membres de son Bureau : MM. Marc Maurel, président d'honneur de la Société, et, jusqu'à la fin du dernier exercice, président effectif; J. Mauès, secrétaire général; F. Samazeuilh, trésorier de la Société.

Un punch par souscription a été offert par notre Société de géographie aux nouveaux chevaliers. Il a eu lieu, dans les salons du. café de.Bordeaux, le 24 juin 1896, à huit heures et demie du soir, sous la présidence de M. Hautreux, le doyen de nos vice-présidents. En notre nom à tous, M. Hautreux a exprimé ses regrets de l'absence de M. Marc Maurel, qu'un deuil cruel éloigne de nos réunions. Il a porté un toast, à M. Manès « qui, depuis vingt-deux ans, établit et resserre les liens du groupe de Bordeaux avec les sections voisines, avec les sociétés soeurs, avec les congrès; qui, par ses relations avec Paris, a pu attirer dans notre ville et nous faire entendre de si nombreux conférenciers; à M. Manès, la véritable cheville ouvrière de la Société, à qui celle-ci est redevable de •son extension et de sa situation prospère ».

Il a bu ensuite à M. Samazeuilh, l'un des ouvriers de la première heure de la Société de géographie, et qui reçoit en même temps la récompense de ses travaux sociologiques pour l'éducation des classes laborieuses.

En terminant, l'orateur a dit qu'il appartenait à M. le commandant Bonetti, le plus haut dignitaire de l'Ordre, ici présent, de donner l'accolade aux nouveaux légionnaires.

M. le commandant Bonetti s'est levé à son tour. Il a dit que la croix de la Légion d'honneur, dans l'esprit du fondateur de l'Ordre, avait un caractère d'universalité qui la rendait honorable non seulement pour le soldat, récompensé dans sa vaillance, mais encore pour le civil qui s'est dévoué à une cause utile pour son pays. Le devoir et l'honneur, telles sont les obligations des légionnaires.


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Le commandant a donné l'accolade à MM. Manès, et, Samazeuilh, au milieu des bravos de l'assistance. ■ Il a également porté un toast à M. Fallot, professeur à la Faculté des sciences, qui, délégué par la Société au Congrès de géographie qui s'est tenu, il y a peu de mois, à Tunis, a obtenu la croix de commandeur de l'ordre du Nichân-Iftikhar.

Puis, MM. Manès, Samazeuilh et Fallot ont répondu aux félicitations qui leur avaient été adressées. Des applaudissements chaleureux ont, à de nombreuses reprises, manifesté nos sympathies.

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CONGRÈS GÉOGRAPHIQUE DE LORIENT

Le Congrès des sociétés françaises de géographie tiendra sa 17° session à Lorient, du 2 au 8 août 1896, sous la présidence de M. Marcel Dubois, professeur de géographie coloniale à la Faculté des lettres de Paris.

PROGRAMME DU CONGRÈS

Dimanche 8 août.

Quatre heures et demie. — Ouverture solennelle du Congrès ('). — Allocution du président de la Société bretonne de géographie. — Discours de M. Marcel Dubois, président du Congres.

Huit heures et demie. —> Réception des congressistes, au foyer du Théâtre, par la Société bretonne de géographie.

Lundi 3 août.

Huit heures.— Réunion des délégués des sociétés. — Fixation des ordres du jour.

Neuf heures. — Séance (s).

Une heure et demie. — Séance.

Trois heures. — Visite de l'Arsenal maritime, dont les honneurs seront faits par M. de Maupeou d'Ableiges, directeur des constructions navales, vice-président de la Société bretonne de géographie, et par M. Dupré, ingénieur de lre classe de la Marine, meihbre du Conseil central.

Huit heures et demie. — Conférence.

Mardi 4 août.

Huit heures et demie. — Séance.

Midi. — "Visite à l'île de Groix et à l'École de pèche.

(') Le Congrès se tiendra au Théâtre. Les conférences du soir auront lieu dans la salle de spectacle, et les séances de jour au foyer du Théâtre.

(-) Des circulaires distribuées tous les matins donneront l'ordre du jour des séances.


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Mercredi B août.

Huit heures et demie.•— Séance. Deux heures. — Séance. 'Huit heures et demie.— Conférence.

Jeudi 6 août.

Excursion. — Visite aux monuments mégalithiques du Morbihan : Garnac, Locmariaker, Gavrinis, retour par Vannes.:—Départ par le train de cinq heures trente-cinq du matin. Retour à Lorient à huit heures cinquante du soir.

Vendredi 7 août.

Huit heures et demie.-— Séance.

Deux heures. — Séance.

Huit heures etdemie. — Conférence.

Samedi 8 août.

Huit heures et demie. — Séance.

Deux heures. — Réunion dès délégués des sociétés. (Revision des voeux.)

Trois heures et demie. — Séance de clôture.

Sept heures. — Banquet offert par souscription aux Délégués des Ministères.

OUVRAGES REÇUS PAR LA SOCIÉTÉ

ARDOUIN-DUMAZET. Voyage en France (7° série) : La région lyonnaise; Lyon, Monts du Lyonnais et du Forez. 1 vol. in-12, 340 pages, avec 49 cartes ou croquis. Paris, Berger-Levrault, 1896. — En attendant la publication, très prochaine d'ailleurs, de la 6e série du- Voyage en France, nous avons aujourd'hui à signaler la mise en vente de la 7° série, consacrée à Lyon et à la contrée comprise entre l'Allier, vers Vichy, et le Rhône.

Le présent volume débute par une promenade à travers Lyon, et la visite de ses quartiers et de ses monuments se complète par une remarquable étude sur le caractère des habitants et le rôle sociai de la ville.

Puis, voici, à l'est, sur la rive gauche du Rhône, l'entrée de la plaine du Dauphiné « petite Grau, non moins dénudée que la Crau arlésienne», qui n'attend que des canaux d'irrigation pour se transformer en riches jardins. A l'ouest, au contraire, s'étagent les coteaux de Fourvières, de Sainte-Irénée, de Sainte-Foy, véritables annexes de Lyon; plus au nord, c'est le massif du Mont-d'Or, « si vert, si riant, si fleuri », dont le plus haut sommet, le rnont Verdun (625 mètres), est la clef de la défense de Lyon. Bornant l'horizon lyonnais, vers le midi, se dresse à plus de 1,400 mètres


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le Pilât, ce Righi des bords du Rhône, qui mériterait de recevoir un plus grand nombre de touristes. De Lyon au Pilât, nous descendons le fleuve, entre de hautes collines, allant vers le pays où le soleil mûrit les marrons de Lyon, les abricots d'Ampuis, les cerises de Vienne et les vignobles de Côte-Rôtie.

De Vienne, jadis métropole des Gaules, aujourd'hui ville drapière, nous gagnons les monts du Lyonnais, aux sites admirables. La chapellerie, déjà active à Givors et à Grigny, y a établi son siège le plus considérable à Ghazelles.

Après une pointe sur Vichy et sur Thiers, qui joint à sa coutellerie mécanique si connue, la fabrication du papier timbré, nous traversons les monts du Forez, sans oublier de faire l'ascension de Pierre-sur-Haute, d'où l'oeil, à l'altitude de 1,640 mètres, contemple un magnifique panorama. Nous descendons alors vers Montbrison et Feurs, dans la plaine de la Loire, ancien lac, aujourd'hui encore criblée d'étangs.

Une courte visite à Saint-Galmier et à ses sources minérales, et en route pour les monts de Tarare, avec leurs hameaux où battent tant de métiers, et leurs bourgs populeux où se pressent les usines; voici Panissières et ses fabriques de linge de table et. de toilette; voici Tarare, dont la mousseline fait la fortune; voici encore Amplepuis, Thizy, Cours, Roanne, l'Arbresle, où des patrons ingénieux et hardis, servis par le bon marché de la main-d'oeuvre et la sagesse, des ouvriers, dont « beaucoup sont propriétaires de leur maison et d'un bout de champ », soumettent aux transformations les plus variées le coton, la laine et la soie.

Jetons un coup d'oeil aux pyrites de Saint-Bel et de Chessy, avant d'atteindre, par la vallée de l'Azergues, la belle plaine du. Beaujolais. La culture do la vigne occupe ici la première place; mais dès qu'on se rapproche de Lyon, les usines reparaissent : Villefranche-sur-Saône a la spécialité des cotons à tricoter, et Trévoux conserve ses tréfileries d'or et d'argent.

Le voyage est terminé et nous devons nous séparer de notre excellent guide. Notre regret s'atténuera à la pensée que M. ArdouinDumazet poursuit, avec une ardeur infatigable, sa vaste et consciencieuse enquête à travers notre pays et que, jusqu'en 1900, il aura souvent encore l'occasion — dans une oeuvre qui doit comprendre vingt-deux volumes, — de nous faire apprécier la variété et l'utilité de ses informations, comme aussi la clarté et le charme de son talent d'écrivain.

A. G.

Le Gérant : J. MANES.

Ooi-donux. — Intp. G. GoUNot/lLHOU, rue Guiraudc, H.