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Titre : Expédition scientifique de Morée, ordonnée par le gouvernement français. Architecture, sculptures, inscriptions et vues du Péloponèse, des Cyclades et de l'Attique. Volume 1 / mesurées, dessinées, recueillies et publiées par Abel Blouet,... Amable Ravoisié, Achille Poirot, Félix Trézel et Frédéric de Gournay, ses collaborateurs

Auteur : Blouet, Abel (1795-1853). Auteur du texte

Éditeur : Firmin-Didot frères (Paris)

Date d'édition : 1831-1838

Contributeur : Ravoisié, Amable (1801-1867). Collaborateur

Contributeur : Poirot, Achille. Collaborateur

Contributeur : Trezel, Felix (1782-1855). Collaborateur

Contributeur : Gournay, Frédéric de (1803-18..). Collaborateur

Contributeur : Expédition scientifique de Morée, ordonnée par le gouvernement français. Éditeur scientifique

Notice d'ensemble : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb31181734t

Type : monographie imprimée

Langue : français

Format : 3 vol. : pl. ; gr. in-fol.

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Description : Avec mode texte

Droits : Consultable en ligne

Droits : Public domain

Identifiant : ark:/12148/bpt6k5562220x

Source : Bibliothèque nationale de France, département Réserve des livres rares, J-12

Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France

Date de mise en ligne : 28/09/2009

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EXPÉDITION

SCIENTIFIQUE

DE MORËE,

ORDONNÉE

PAR LE GOUVERNEMENT FRANÇAIS.


Nota. M. le Colonel BORY DE ST-VINCEKT, Directeur de la Section d'Histoire naturelle, et ses Collaborateurs, MM. VIRLET, DE BOBELAYE, BACCUET, BRULLÉ et DELATWAY, publient les résultats de leurs travaux dans une autre partie qui, avec celle-ci, formera l'ensemble de l'ouvrage de l'Expédition scientifique de Morée.

IMPRIMERIE DE FIRMIN DIDOT FRÈRES, IMPRIMEURS DE L'INSTITUT,

RUE JACOB, TX° 24-




EXPÉDITION

SCIENTIFIQUE

DE MORÉE

ORDONNÉE

PAR LE GOUVERNEMENT FRANÇAIS.

PREMIER VOLUME.

À PARIS,

CHEZ FIRMIN DIDOT FRÈRES, LIBRAIRES,

RUE JACOB, 2.4.

I83I.





INTRODUCTION.

PREMIÈRE PARTIE.

C EST une erreur commune à tous les philosophes grecs de représenter les premières familles des hommes plongées dans la barbarie, adonnées aux plus honteuses superstitions, vivant de glands et de racines, vêtues de peaux de bêtes et habitant dans des cavernes. Ils ignoraient qu'après le déluge, le genre humain descendit dans la plaine de Sennaar, et qu'il n'y avait qu'une même pensée parmi les hommes, celle de l'unité de Dieu.

Laloi deMoïse futdonnée l'an du mondé a5i3 (av. J.-C. 14g OJ c'est-à-dire plusieurs siècles après l'établissement d'Inachus et de Cécrops dans la Grèce, et même postérieurement à l'arrivée de Cadmus dans laBéotie. Lecode des Hébreux tendait à rappeler les hommes au culte du vrai Dieu : voyons comment les philosophes grecs expliquaient les origines primordiales

de l'univers.

Les sages de l'école antique admettaient en principe l'état de bête et de mutisme, mutum et turpe pecus, dont les hommes sont sortis, par une expérience de tâtonnements et de hasards heureux ; comme si la brute pouvait changer de condition. En effet, l'oiseau fait son nid ainsi qu'aux premiers jours de la création, et les animaux parviennent toutà-coup à un.point qu'ils ne peuvent franchir, parce que Vinstinct a ses limites invariables.

Un esprit divin anime, au contraire, l'homme! Pour lui seul la vérité a existé avant l'erreur, la science avant l'ignorance, les lois et les moeurs avant la barbarie; et le culte fut pur jusqu'à l'époque de la dispersion des familles patriciennes de Vunivers antédiluvien! Ainsi parle l'école chrétienne. Le principe de la civilisation remonterait donc aux premiers âges de l'ère humaine. On voit, plus de 1800 ans avant J.-C., des rois de Sicyone et d'Argos, ce qui suppose une société formée. L'un de ces rois sacrifie à Jupiter Phryxien, sur le Parnasse, pour l'avoir sauvé d'un cataclisme. Partout on trouve des autels, des sacrifices, des expiations, des oracles, des rois, des tribunaux; institutions qui ne peuvent s'accorder avec l'état de brute. Ainsi Dieu était glorifié par les hommes aux voix articulées, suivant l'expression d'Homère, dès les temps les plus anciens dans la Hellade. Les Israélites étaient encore esclaves dans l'Egypte, lorsque Eumolpe établit les mystères d'Eleusis, où cette formule était annoncée, en termes solennels, aux initiés: Contemple le roi du monde; il est un; il est lui-même; de lui sont nés tous les êtres ; il est en eux et au-dessus d'eux ; il a l'oeil sur tous les mortels, et aucun des mortels ne le voit. Voilà l'époque des premiers monuments et celle où le temple d'Apollon de Delphes, qui n'était qu'une tonnelle en lauriers du Tempe, fut changé en édifice solide.

On peut conclure, par un passage de Varron, cité par saint Augustin, que la statuaire, quelle que fût Ja grossièreté de son art, vint long-temps après les constructions architecturales. L'introduction des simulacres n'était point une idée reçue, mais une innovation, et ce fut elle qui amena l'idolâtrie.

Homère et Hésiode étaient monothéistes ; leurs hymnes qu'on chantait dans les fêtes étaient, en même temps, le catéchisme des peuples qui habitaient la Hellade, les îles de l'Archipel égéen et les contrées voisines de cette mer au sable doré, dont les flots baignent les rivages de l'Ionie et du continent hellénique.

Homère professa, avant Hésiode, la doctrine des unitaires de l'antiquité. Zeus, Deus, Jupiter, dit-il, est le maître souverain des dieux et des hommes, lui seul lance la foudre. Béunissez-vous, dieux et déesses, employez vos plus grands efforts, vous n'abaisserez pas vers la terre le dieu très-haut et impénétrable dans ses pensées; et s'il me plaît, je vous enlèverai tous, avec la terre et les mers profondes, et je vous attacherai au faîte de l'Olympe, où vous resterez suspendus ! Tel est le pouvoir sans bornes qui m'élève au-dessus des dieux et des hommes.

Hésiode, après avoir célébré la naissance du monde, qui tira son principe du Chaos (car l'Esprit, d'autres disent Y Amour, sommeillait étendu sur les eaux) représente Jupiter établissant l'ordre. La Justice, les Vertus, les Parques, les Saisons, les Heures et toutes les Puissances sont à ses ordres; il élève et il abaisse qui lui plaît; c'est au ciel et sur la terre le distributeur de l'autorité, de la gloire et du bonheur.

L'idée publique d'un Dieu suprême se conserva au milieu du paganisme. Mais le pouvoir des fables, qui enfanta le polythéisme, fut seul favorable aux arts de l'architecture, de la sculpture et de la peinture. Peu importait aux Grecs que les mythes fussent vraisemblables, pourvu qu'ils fussent extraordinaires et merveilleux. C'est pourquoi ils sont quelquefois difficiles à démêler, parce que les premiers Hellènes, prenant pour des histoires positives ce que les Égyptiens leur racontaient en style figuré, exprimaient à leur manière ce qu'ils avaient pu retenir et comprendre, en le défigurant encore par des circonstances qu'ils y ajoutaient. Ainsi, Hérodote, Thucydide et, après eux, Pausanias, s'expriment souvent d'une manière vague et obscure, quand ils parlent des premiers temps de la Grèce.

Nous ne pouvons juger de l'art chez les Grecs que par les débris de leurs monuments, de leurs temples, de leurs statues et de leurs bas-reliefs, souvent mutilés ; de leurs vases qui représentent des fêtes publiques ou des scènes defamille ; de leurs pierres gravées, de leurs médailles, de leurs cippes, de linteaux chargés d'anathèmes ou consécrations, de légendes, de décrets

Expêd. en Morée. a


ii INTRODUCTION.

publics, et par quelques ustensiles qu'on retrouve dans le sein de la terre. Aristote prétend qu'il n'y avait anciennement qu'un petit nombre de Panegyries qui avaient lieu surtout après la moisson et pendant la vendange, où l'on croj7ait honorer spécialement les dieux en s'enivrant; mais, dans la suite, le nombre des fêtes devint considérable. Les Athéniens surtout en étaient insatiables; ils en chômaient à eux seuls deux fois -plus que partout ailleurs, sans diminuer rien de la magnificence et du cérémonial.

Cependant une civilisation toute pure et tout intelligente s'élevait au sein de l'école de Platon, et, quoique de nos jours on ait fait l'apologie d'Anytus, la vertu de Socrate passera sans tache à la postérité la plus reculée. Les dieux de l'Olympe, dont il ébranla le culte, ainsi que leurs autels étaient à peu près déserts quand Aristophane disait à leurs ministres tombés dans le denûment d'agréer h portion légitime que leur offraient les passants, chose qui était loin d'égaler les hécatombes parfaites qu'on offrait à Phoebus, Apollon. Il y eut des restaurations sous Hadrien; mais elles ne servirent qu'à constater un état de choses qui ne devait, ni ne pouvait plus exister. Le temps ne .rétrograde jamais.

Pour rendre les Grecs humains, et civiliser ce peuple, d'autant plus cruel qu'il était plus sensible, ses législateurs s'étaient emparés de son imagination par l'attrait du merveilleux, et de ses sens par Je charme de la mélodie et des vers. La musique et la poésie animèrent toutes les parties de la prédication publique, et les sages, dominant la multitude, dont ils ne partageaient pas les erreurs, joignirent ainsi à leurs leçons une autorité qui avait quelque chose de divin. Lycurgue défendit qu'on écrivît ses constitutions ; et voulant que les jeunes gens les apprissent pav coeur, il est probable qu'on les mit en vers, et peut-être en musique, afin de les graver plus facilement dans la mémoire. Dans la suite des temps, lorsqu'on porta de nouvelles lois, on eut soin de faire intervenir des poètes pour les rédiger en distiques. Il est probable que Solon n'eut pas la même prévoyance que le législateur lacédémonien, car Aristophane, qui est sujet à se moquer des lois du bon vieux temps, dit qu'on se servait des cyrbes, ou morceaux de bois, sur lesquels elles étaient écrites, pour faire des fritures dans les foyers domestiques.

On voit, par cet aperçu, -comment la Grèce entra dans l'ordre social; quels furent ses progrès au sortir de la barbarie; à quel degré de splendeur elle s'éleva dans la carrière de tous les genres de gloire; et pourquoi les Romains, qui l'asservirent, n'attentèrent jamais à son illustration. Ils pensaient que dans les premiers moments d'esclavage, l'esprit des Grecs, encore vivifié par le souvenir de la liberté perdue, était dans un état d'agitation, assez semblable à celle des eaux de la mer après la tempête, et ils leur abandonnèrent les lauriers des Muses, pour les empêcher d'abaisser les yeux sur leurs chaînes.

C'est dans cet esprit que Servius Sulpicius parle des Hellènes dans une lettre écrite à Cicéron voyageant dans la Grèce. Cette épîtreélégiaque nous rappelle, avec le déclin de la grandeur de Rome, l'état malheureux de la patrie des Muses. « Je ne puis oublier, écrit-il à Tullius, une réflexion qui m'a beaucoup soulagé, pour diminue) 1 votre affliction. «• A mon retour d'Asie, je faisais voile d'Egine vers Mégare : j'ai fixé les yeux sur le pays qui était autour de moi. « É°ine était derrière, Mégare devant, le Pirée sur la droite et Corinthe à ma gauche, villes autrefois célèbres et floris& santés, qui sont aujourd'hui renversées et presque ensevelies sous leurs ruines. A cette ATie, je n'ai pu m'empêcher « de tourner mes pensées sur moi-même. Hélas! disais-je, comment nous agitons-nous, pauvres mortels! Comment « nous livrons-nous amèrement à la douleur pour la mort de nos amis, dont la vie est si courte, tandis que les cadavres ce de tant de villes fameuses sont étendus devant nos yeux, sans forme et sans vie! »

Le Péloponèse, au temps de Strabon , avait été tellement dévasté par les armées romaines, que la plupart des villes étaient détruites, et qu'il restait à peine des notions sur l'emplacement qu'elles avaient occupé. Il se plaint des difficultés qu'il a eues pour supputer les mesures qu'il en donne, d'après les divers auteurs qui les avaient rapportées; tant il existait déjà d'incertitude sur les dimensions topographiques de cette contrée d'éternelle mémoire. Ravagé postérieurement par les Barbares, le Péloponèse devint presque fruste pour les recherches historiques; et c'est maintenant dans ses campagnes, sous les fougères de ses landes, au milieu des forêts, deshalliers de myrtes et de romarins, au fond des tombeaux et parfois au milieu des eaux stagnantes, qu'il faut chercher les traces de sa splendeur éclipsée.

Un des plus savants géographes de notre âge, M. Gossellin, nous a donné les distances de Strabon pour servir de base à la confection d'une carte ancienne de la Hellade; mais, grâce à la commission savante envoyée en Morée, et aux officiers du corps du génie français, on pourra agir désormais d'une manière précise. On procédera alors avec régularité du connu, vers le conjectural, et l'on dégagera ainsi Yinconnue.

La Corinthie, d'après les anciennes délimitations, s'étendait au-delà de l'isthme, et une colonne, placée en deçà de la palestre de Cercyon, indiquait, de ce côté, les frontières de la Mégaride et de l'Attique. En redescendant vers Cenchrée, elle se prolongeait jusqu'au cap Spirée; et les montagnes de Cléones, ainsi que la rivière de Némée, la bornaient au midi et à l'occident.

L'Argolide se projetait depuis le défilé du Trété jusqu'au mont Para on et au mont Artémisius, qui la séparaient, le dernier de l'Arcadie et le premier de la Laconie. Vers le golfe Saronique, elle comprenait TEpidaurie, laTrézénieet l'Hermionide. Tels étaient les états héréditaires d'Agamemnon, auxquels plusieurs géographes ajoutent Egine, Calaurie, Hydrea,Tiparenus, Éphyre, Pityouse et l'écueil d'Haliousa.

Au revers des monts Parnon et Borée, commençait la Laconie. Enveloppée par la chaîne du mont Cromius, qui donne naissance à l'Alphée et à l'Eurotas, elle était bornée à l'occident par le Taygète et baignée, dans les autres limites, par lès mers de Cythère et de Myrtos.

La Messénie, bornée par la Laconie, l'Arcadie et l'ÉIide, riche d'un territoire fertile, maîtresse d'un golfe spacieux,


INTRODUCTION. m

de ports vastes et bien abrités, eût été la province la plus favorisée-du Péloponèse, sans le voisinage des Lacédémoniens, jaloux de toute prospérité étrangère.

La sainte Elide aArait pour frontières la Messénie, l'Achaïe, l'Arcadie et la mer Ionienne.

L'Achaïe, à jamais célèbre par sa ligue , qui fut le dernier boulevard de la liberté des Grecs, terminait à l'occident et au septentrion la presqu'île de Pelops que la mer des Alcyons séparait de la Locride et de la Phocide; enfin la Sic3'onie, patrie des plus célèbres artistes, située à l'extrémité orientale de l'Achaïe, était à peine aperçue entre le territoire de cette contrée et celui de la Corinthie.

Au centre de ces provinces brûlantes s'élevait, - comme la coupole d'un vaste édifice, la pastorale Arcadie. Couronnée de montagnes ombragées de forêts, parsemée de villes florissantes et de hameaux pittoresques, arrosée par les unies inépuisables du Stympbaie, de I'Olbios, de i'Alphée, du Ladon, de l'Erymanthe, du Gratis orgueilleux de devoir son origine au Styx, et de mille sources vivifiantes, la mythologie, pour ajouter aux charmes de cette l'égion, l'avait animée de la présence de ses divinités champêtres. Les habitants des autres contrées du Péloponèse trouvaient dans les vallées de l'Arcadie un printemps embaumé, des eaux froides, et une température d'autant plus délicieuse, qu'elle contrastait éminemment avec celle des plaines de l'Elide et des contrées voisines.

Tels étaient, dans leurs circonscriptions, les royaumes et les républiques du Péloponèse, riche de cent onze villes régies par des institutions tellement sages, que quelques-unes passaient pour être l'ouvrage des immortels. Une sorte d'inspiration les avait adaptées au génie des habitants de chacune de ses régions. Sparte, placée dans un pays agreste, avait établi pour principe de sa législation la guerre, l'orgueil, et le fanatisme de la liberté. L'Élide , au contraire, était le sanctuaire des arts, de l'agriculture et de la paix. Ses riches campagnes et les bords harmonieux de I'Alphée ne voyaient que des peuples amis, qui déposaient les armes, comme inutiles et sacrilèges, en entrantsur son territoire aimé de Jupiter. La Messénie rappelait dans ses élégies le bonheur fugitif d'un peuple paisible, dont la valeur n'avait pu défendre ses fertiles campagnes contre le féroce Spartiate. L'Achaïe , placée sur l'avantscène de la presqu'île, du côté où les Romains devaient paraître pour asservir la Grèce, citait ses victoires et la sagesse de ses conseils. Corinthe, maîtresse du commerce des deux mers, vantait son luxe, son opulence et ses courtisanes. L'Argolide revendiquait ses rois, dont la trompette épique et les poètes scéniques avaient célébré les exploits, la gloire, les malheurs éclatants et les forfaits héroïques. L'Epidaurie, protégée par Esculape, fils d'Apollon, et par Hygie, offrait des conseils, des secours et des asiles aux hommes dans les maladies qui les affligent. L'Arcadie, mère des fleuves nourriciers de la Chersonèse de Pélops, s'attribuait l'honneur d'avoir vu naître des dieux dans son sein, et d'être le berceau des Pélasges, qui avaient préparé l'ordre social, en rassemblant dans des villes murées, les peuplades jusqu'alors errantes et vagabondes.

La Sicyonie brillait d'un éclat incomparable entre toutes ces autonomies, par la célébrité de ses écoles de peinture et de sculpture, dont les chefs-d'oeuvre, répandus dans toutes les villes, appelaient les hommes à l'amour de la patrie, à l'enthousiasme de la vertu, et au culte de la Divinité, sans lequel il n'y a ni société possible, ni. bonheur durable sur la terre. Une culture vivifiante, et les prodiges des arts qui enrichissaient le Péloponèse, étaient l'ouvrage d'une population de deux millions d'habitants, autant qu'on peut en juger d'après l'étendue des villes et des terrains propres à les nourrir.

Ainsi, tant de merveilles, qui seraient ailleurs les résultats du nombre et de la richesse des individus, furent ici l'oeuvre d'un génie céleste et d'une population moindre que n'est celle de l'Helvétie.

Il y aurait de quoi douter de la vérité de cet état de prospérité, et j'entends accuser d'hyperbole la vénérable antiquité. Abordons la question, en nous attachant à la moins fertile des provinces de la. Hellade. L'Attique, à l'époque la plus florissante de ses annales, lorsque vingt et un mille citoyens d'un âge adulte possédaient douze cent mille livres sterling de revenu ( Ja moitié du budget de Paris ), occupait cependant la première place dans le monde?.... C'est qu'alors tous les citoyens osaient individuellement faire valoir la liberté de leurs pensées, de leurs paroles, de leurs actions; que des lois impartiales défendaient leurs personnes et leurs propriétés, et qu'ils avaient une action indépendante dans l'administration de la république. Les nuances si variées et si prononcées de leur caractère semblaient augmenter leur nombre. Forts de la liberté, échauffés par le beau nom de patrie, soutenus par une noble émulation, ils voulaient tous se mettre au niveau de la dignité nationale. Des individus d'un esprit ou d'un courage supérieur s'élançaient au-delà des bornes d'un oeil vulgaire; et, si nous suivions le calcul des chances ordinaires pour compter les individus d'un mérite transcendant, on serait tenté de croire , d'après la foule de ses grands hommes, que la république d'Athènes eut d'innombrables habitants, et que le Péloponèse fut peuplé par trente millions de Français. Dans l'enthousiasme national, Athènes était surnommée Y asile ( âpp^piov ) de la Grèce. Les peuples menacés par quelques invasions, dit Aristide, se réfugient dans son sein. Le Pirée et ses rades ouvrent des abris propices à tous les navigateurs. La ville de Minerve est Je centre d'où l'on peut visiter les îles de la mer Egée, qui forment devant elle un choeur de nymphes, qu'on peut considérer comme ses faubourgs et des parties de son vestibule; Apollon l'a surnommée le prytanée et le palais de la Grèce; Pindare l'appelle son rempart et son, appui.

Sparte, l'implacable rivale d'Athènes, possédait à elle seule le quart de la population de la Laconie. Au temps de Lycurgue, le nombre des hommes libres en âge de porter les armes se montait à trente-neuf mille. Cette classe étant généralemciiL regardée connue le quart de la population, il s'ensuit qu'on peut fixer à cent cinquante-six mille Je nombre des citoyens de la Laconie; celui des esclaves excédait cette quantité de plus d'un quart. L'Arcadie possédait une masse guerrière beaucoup plus considérable. Tant de prospérités furent la cause première des malheurs de la Hellade. Ses peuples libres étaient semblables à des rois que la fortune a corrompus; environnés de flatteurs qui ne

lixpéd. en Morée. b


iv INTRODUCTION.

leur parlaient que de gloire et de puissance, il aurait été dangereux de leur montrer l'instabilité des choses humaines, et l'orgueil ne tarda pas à être suivi des châtiments qu'il traîne toujours à sa suite. Platon, déguisant la vérité sous des formes séduisantes, avait contribué à augmenter l'enivrement public en disant « que si le soin de notre bétail et de nos a troupeaux est confié à des êtres qui leur sont supérieurs en intelligence, le gouvernement des nations et des hommes « devrait exiger l'intelligence et le pouvoir des dieux et des génies.» Hélas! les dieux et les génies remontèrent vers î'Otympe, dès que le j^euple-roi eut mis le pied sur le territoire de la Hellade. Il avait trouvé les Grecs divisés. Le règne auguste des lois était remplacé chez eux par l'esprit funeste des factions , qui semblaient n'avoir gardé de l'antique énergie que l'impossibilité pour les Hellènes de vivre soumis à aucune espèce d'autorité.

Pausanias, qui voyageait dans la Grèce vers le deuxième siècle de l'ère vulgaire, ne la trouva plus libre, mais encore ornée des monuments et des ouvrages de ses principaux artistes. Quelques villes étaient, à la vérité, ruinées; mais le mal n'était pas aussi grand qu'on pourrait l'imaginer, d'après le récit de Strabon, qui n'avait pas parcouru ce pa3's« Le sang dont Sylla avait fait regorger la Céramique était étanché. On montrait, en soupirant, les piédestaux et les niches d'un grand nombre de statues que les Romains avaient transportées en Italie ! Ils avaient fait main-basse sur quelques tableaux des grands maîtres; mais aucun d'eux n'avait osé profaner les chefs-d'oeuvre de Phidias qui décoraient le Parthénon ; un pareil sacrilège était réservé au XIXe siècle.

Les pertes qu'on avait faites étaient devenues moins sensibles depuis qu'Hérode Atticus avait restauré la ville de Thésée et le Pirée, revêtu le stade d'Athènes en marbre du Pentélique, et relevé nn grand nombre de villes. De pareils bienfaits s'étaient étendus jusqu'à Oricum, Aille située à l'extrémité de l'Acroeéraune, où les Pélasges plaçaient lliespérie, qui était pour eux le terme delà course du soleil, quand il cessait d'éclairer la Grèce. Hadrien aArait rebâti Corinthe et embelli le stade dePise. L'Altis était encore paré des statues des héros et des vainqueurs couronnés dans les fêtes d'Olympie. Eleusis, que Néron aArait craint de souiller de sa présence, jouissait de tout son éclat; et des théories nombreuses fréquentaient le Sécos, qu'Aristote nomme le temple de toute la terre. Tel était l'état du territoire classique au IIe siècle; mais les Grecs étaient loin d'aAroir épuisé toutes les vicissitudes du malheur. Agélas de Naupacte n'avait que trop prévu les désastres qui menaçaient la Hellade. Les restaurations de ses monuments, comme il le disait, ne lui aA7aientpas rendu sa vigueur première, et ils étaient destinés à s'écrouler bientôt, ainsi que les monuments et les temples des dieux, sous Jes coups des autocrates théologiens de Constantinople, qui firent entrer l'Etat dans l'Eglise.

IJ est juste, dit Diodore de Sicile, et important à la société humaine, que ceux qui ont abusé de leur puissance pour faire le mal soient livrés à une.malédiction éternelle. Constantin et Théodose surtout mériteront à ce titre un anathème éternel pour le tort qu'ils firent aux monuments et aux chefs-d'oeuvre de la Hellade. On vit, au temps de ces monarques et de leurs successeurs, qui ordonnèrent la destruction des monuments élevés à la gloire des dieux et des grands hommes, disparaître le patriotisme et les vertus des citoyens! Si on mesurait l'interAralle entre les écrits philosophiques de Platon et la légende de Théodoret, entre le caractère de Socrate et celui de Siméon Stylite, on apprécierait, dans toute la vérité, la réA'olution que l'empire grec, devenu chrétien, éprouva dans une période de cinq cents ans. Les peuples qu'on appelait barbares parurent avec les premiers siècles de notre ère. Dès ce temps, l'autorité des autocrates de Constantinople, comme celle des sultans qui leur ont succédé, deArint un problème qu'il fallut résoudre, presque annuellement, les armes à la main.

Les Scythes, qui avaient parcouru la Macédoine au temps de l'empereur Galiien, menacé Thcssalonique et Athènes; les Hernies, que les Grecs avaient vus piller Sparte, Corinthe, Argos, lorsque Athènes fut sauvée par la braA7oure de Dexippe, homme également connu dans les lettres et dans les armes, avaient passé comme des torrents, entre les années 2G0 et 2(38. L'archontat avait été aboli; et le stratège, ou inspecteur des marchés aux herbes potagères et au poisson , avait remplacé le magistrat éponyme qui donnait son nom à l'année.

En 260,, sous le règne de Claude 11, nom de stupide mémoire, les Goths s'étaient emparés de la ville de Miner\'e, lorsque le docte Cléomède, ayant rassemblé des soldats, battit et dispersa les barbares, promeut, comme le remarque M. de Chateaubriand, que la- science n'exclut pas le courage. Il paraît néanmoins que les malheurs publics s'oublièrent assez promptement, car Athènes fut une des premières à décerner des honneurs à Constantin, et à en recevoir des grâces, ou plutôt des humiliations. L'archonte-roi. dont on se ressouvint, fut transformé en préfet de police, et le gouverneur de l'Attique reçut alors le titre de grand-duc, qualité qui, se fixant dans une famille, devint héréditaire, et finit par transformer Ja république de Solon en nne principauté féodale.

Pistos (le fidèle), quatrième évêque d'Athènes, siégea au concile-de Nicée. L'Evangile, annoncé par saint Paul dans Athènes, n'y avait pas fructifié aussi rapidement que dans les autres parties de la Grèce. Socrate, qui futune espèce de Précurseur, et Platon, son disciple, n'avaient pas préparé les esprits à receAroir la vérité sans mélange d'idées superstitieuses. Ce ne fut que vers le milieu du IIe siècle qu'on vit l'esprit divin se manifester dans une ville où l'on doutait de tout et où l'on croyait aux plus honteuses impostures de la magie, dont Apulée appelait les ministres magn.ee relhgionis sidéra. Cependant on avait commencé, vers le milieu du Ier siècle, à lire , aux jardins d'Académus, l'éA-angile de saint Mathieu, écrit et composé en grec vrers l'an 44-. 0J 1 eut dix ans après des copies de l'éA-angile de saint Marc, qu'on surnomma l'abréA-iateur de saint Mathieu, et les épîtres de saint Paul furent multipliées par les calligraphes du Portique. Les fidèles, attentifs à conserver l'histoire de l'Église naissante, instituèrent alors des logothètes. ou notaires publics, afin de recueillir les actes des martyrs, et de séparer le bon grain de l'ivraie. Cette mesure était sage, car des apocryphes avaient déjà fabriqué les Récognitions et Épîtres de saint Clément, les Constitutions Apostoliques, une lettre de Jésus-Christ au roi A h gare, des lettres de la sainte Vierge, et une foule d'écrits dans lesquels le sacré et le profane étaient confondus. L'hérésie de Ménandre, juif samaritain, qui prétendait que le monde


INTRODUCTION. v

avait été créé par les anges, et celle des Gnosliques ou Illuminés, menaçaient le dogme, lorsque Quadratus, évêque d'Athènes, composa l'apologie de la religion chrétienne.

Constance, successeur de Constantin, après la mort de ses frères (337), avait fait présent de plusieurs îles à la ville d'Athènes, dont Julien, élevé parmi les philosophes du Portique, ne s'éloigna qu'en versant des larmes. Minerve, qu'il invoquait chaque jour, régnait encore au Parthénon. Cependant la foi avait établi le dogme, car les Grégoire, les Cyrille, les Basile, les Chrysostôme puisèrent leur sainte éloquence dans la patrie de Démosthènes, et les dieux ne perdirent leur crédit qu'au temps où l'on saisit le temporel des temples.

Au siècle de Théodose, les Goths, battus par Dexippe et par Cléodème (377), désolèrent l'Épire et la Thessalie. Ils se préparaient à ravager la Grèce, lorsqu'ils furent vaincus par Théodore, général des Achéens. Athènes, reconnaissante, éleva une statue à ce grand homme, tandis qu'on mutilait, par l'ordre de l'empereur, les bas-reliefs du Thésasum. Un édit prescrivait d'employer, à l'entretien des routes et des thermes, Jes chefs-d'oeuvre qui ornaient les temples des dieux... Comment quelques débris de ces édifices sont-ils parvenus jusqu'à nous? Hélas! les Barbares, soit par indifférence , soit par toute autre cause, se sont montrés plus conservateurs que les chrétiens et les hommes civilisés des derniers siècles qui ont suivi la renaissance des lettres.

Honorius et Arcadius tenaient les rênes de l'empire lorsque Alaric pénétra dans la Grèce : il respecta Athènes. Mais Corinthe, Argos, les villes de l'Arcadie et de la Laconie épromrèrent le sort le plus cruel, et on croit que le Jupiter de Phidias périt dans cette invasion des Barbares : pourquoi l'avait-on fait de matière précieuse? Stilicon.. en venant chasser Alaric du Péloponèse, acheva de désoler ce pays infortuné.

On sait qu'en vertu d'une loi de l'année 4o8, rendue par Honorius à la requête de saint Augustin, les revenus des temples des païens furent appliqués à la subsistance des troupes. Mais ce fut une déception, car les historiens du temps nous apprennent que les prélats d'Athènes, devenus possesseurs à cette époque des dotations affectées au service des dieux et des déesses, ne se rendaient aux temples de Thésée, de Jupiter-Olympien, au Panthéon d'Hadrien et au Parthénon, convertis en églises, que montés sur des chars attelés de cheA-aux blancs, et entourés d'un clergé magnifiquement vêtu. Les archontes (ce Arain nom subsiste encore de nos jours), rivalisant de luxe, entraient clans les églises sur des coursiers, dont ils ne descendaient qu'au pied des stalles qui leur étaient réservées. Les dames athéniennes, escortées d'eunuques, se faisaient porter en litière jusqu'aux galeries des édifices saints, où elles mêlaient leurs battements de mains à ceux des assistants qui applaudissaient les orateurs sacrés et les jeunes diacres qui dansaient avec le plus de grâce devant les autels du Seigneur.

Ces choses se passaient au temps où .Justinien donnait des lois à soixante - quatre provinces et à neuf cent trente-cinq villes. Quatre-vingts places fortes qui bordaient la ligne de la SaAre et du Danube, et plus de six cents donjons qu'il fit élever, ne purent empêcher la Grèce d'être raAragée par les Barbares. Sous ce règne, que la seule Théodora aurait suffi pour flétrir, les invasions des Scythes, des Hérules et des Goths, devinrent aussi périodiques que le x'etour des sauterelles et des épidémies. Le deuil était partout et l'esprit public ne se trouA-ait nulle part. Ainsi, pour nous servir d'une pensée de Napoléon : il y a des temps où toute raison, même la raison politique, celle dont on peut le moins se passer, semble s'être obscurcie avec la destinée du pays ; car on n'osait plus articuler Je doux, nom de patrie.

Le Péloponèse aArait été envahi par les SlaAres en 740; Patras n'était cependant tombée en leur pouvoir que sous Je règne de Nicéphore. c'est-à-dire de S02 à 812. Chaque année, de nouvelles hordes paraissaient sur la scène de la Hellade. Elles transformèrent l'Atlique et la Péninsule en une vaste solitude, dont on ne se souvenait plus à Constantinople que pour en soutirer quelques tributs. Le nom d'Athènes n'est plus cité qu'à de longs intervalles, dans Théophilacte Simocata et par l'anonyme de Ravenne. Enfin, Léon-le-Granimairien nous apprendincidentellement qu'un certain Chaxès, fils d'un père aussi obscur que lui, qui était préfet d'Achaïe, lut lapidé par le peuple, fatigué de ses injustices, dans une église d'Athènes, vers l'année 91 5. Cette ville fut oubliée, répètent les écrivains du temps; mais, tandis que l'histoire garde le silence, Jes actes des conciles et ceux delà daterie du patriarche de Constantinople nous font connaître que la religion chrétienne continua d'y fleurir.

La patrie des Muses semblait effacée du livre de vie, lorsque de nouA'eaux dévastateurs abordèrent à ses rivages. Vénitiens, Normands, Siciliens, chefs et soldats, non moins avides que les hordes d'Alaric,ne se montrèrent que pour dévorer; et le seul marquis de Montferrat s'occupa à reconstruire un simulacre d'ordre social sur les ruines amoncelées

de la JVIorée, qui avait: perdu son nom historique

flPAIA, LA BELLE. Cette épithète, par laquelle il semble qu'on doit naturellement désigner le Péloponèse, a prévalu sur tous Jes noms donnés à ce royaume. Les premiers chrétiens occidentaux qui parurent dans Ja Hellade, après les invasions des Barbares, adoptèrent probablement le nom d'Orasa, dont ils ne comprenaient pas la signification moderne; et la dénomination de Morée, qu'on trouve employée par Nicétas, l'a emporté dans la suite des âges. Ceux qui -savent la langue vulgaire des Grecs n'objecteront pas que le nom barbare de Péloponèse A'ient du grand nombre de mûriers qui couvrent ses campagnes, car le peuple, au lieu de Morea, employé autrefois pour désigner cette espèce d'arbres, se sert maintenant pour les nommer de celui de Sycaminos, expression qui n'a aucune consonnance avec celle de Morée. Enfin, si notre hypothèse était rejetée, ne pourrait-on pas penser avec Coronelli, que Je Péloponèse, qui fut la dernière contrée de l'Orient exclusivement habitée par les Romoei (ou Grecs sujets de Rome), ayant été appelé Romée, prit, avec une légère altération, le nom de Morée qu'il porte de nos jours?

Vers la fm du XIe siècle (1 o85) les guerres entre Alexis Comnène et les chefs de Normands, Robert et Boëmond, eurent

Expéd. en Morée. c


VJ INTRODUCTION.

pour théâtre l'Épire et la Macédoine. Depuis trois ans, plusieui-s Athéniens s'étaient réunis aux troupes impériales, qui furent battues par les hommes du Nord devant Dyrrachium et dans la plaine de Janina; mais la Hellade demeura intacte. Les premiers croisés ne firent que traA7erser l'Ulyrie macédonienne, l'Illyrie proprement dite, la Moesie et la Thrace, pour se rendre par Constantinople dans l'Asie-Mineure. Mais, sous le règne de Manuel Comnène, successeur d'Alexis, les rois de Sicile, les Vénitiens, les Pisans et les autres peuples occidentaux se précipitèrent sur la Morée et surî'Attique. RogerIer, qui était le chef de cette bande dWenturiers bardés de fer, s'empara de Corfou,de Thèbes et de Corinthe (i i4o).

Les Français, commandés par Boniface, marquis de Montferrat, et par Baudouin, comte de Flandre (iao4), les Vénitiens sous les ordres de Dandolo, ayant chassé Alexis de Constantinople, et rétabli Isaac l'Ange sur le trône, justifièrent, en s'emparant de la couronne impériale pour leur propre compte, ce que Maclrnivel a dit, qu'il n'y a pas d'exemple dans l'histoire d'une restauration qui puisse être durable. Baudouin, comte de Flandre, obtint l'empire, et le marquis de Montferrat fut déclaré roi de Thessalonique.

On parle, v-ers ce temps, d'un misérable tyran ou roi cle la Morée appelé Sgouros, né à Nauplie, qui vint mettre le siège devant Athènes : il en fut repoussé par l'archevêque Acominat Choniatès, frère de l'historien Nicétas. Nous traversons, sur les traces de M. Chateaubriand, à qui nous empruntons plusieurs documents historiques, cette bande de roitelets, de despotes, de princes, pour arriver au marquis de Boniface, qui reçut Athènes à composition. Boniface (quel nom! si on le compare à celui de Thémistocles) donna l'investiture de la seigneurie de Thèbes et d'Athènes à Othon de la Roche; les successeurs d'Othon prirent le titre de ducs d'Athènes et de grands sires de Thèbes. Au rapport de Nicétas, le marquis de Montferrat se saisit d'Argos et de la partie basse de Corinthe. Il n'eut qu'à se montrer pour s'emparer des domaines du roi des rois, Agamemnon.

Tandis que Boniface poursuivait ses succès, un coup de A7ent amenait d'autres Français à Modon. Geoffroi de Villehardouin, qui les commandait, reA-enait de la Terre-Sainte; il se rendit auprès du marquis de Montferrat qui assiégeait Nauplie, et bientôt après ils entreprirent la conquête delà Morée. Nicétas, qui a parfois quelque chose d'homérique, nous apprend que nos vieux paladins se nourrissaient « de culottes de boeuf bouillies, de porc salé cuit avec de la purée « de fèves assaisonnée d'ail et d'herbes de haut goût. »

Les Grecs de la Péninsule, habitués à mépriser le gouvernement déerépit-de leurs autocrates et à se régir en cantons à peu près indépendants, ne reçurent pas sans résistance des maîtres regardés commeschisnia.tiqu.es, qui de leur côté les qualifiaient deschismatiques. Les conquérants ignoraient qu'en bonne jîoJitique l'hérésie la plus dangereuse est celle d'un prince qui sépare de lui. une partie de ses sujets parce qu'ils ne partagent pas sa croyance religieuse. Les pays de plaines, tels que le plateau de Patras et les vallées qui y aboutissent, i'EIide, la Messénie, le bassin de l'Eurotas, J'Argolide, la Corinthie, quelques parties de l'Arcadie et le rivage septentrional delà Chersonèse, se soumirent. Mais l'EIeuthérolaconie, qu'on appelait alors Tzaconie, qui avait résisté à l'autorité des augustes et des eunuques du Bas-Empire, les peuplades de l'Olénos et du mont Cyllène parvinrent à se soustraire à la domination des Français. Ces étrangers ne s'établirent qu'après des combats sanglants à Calavryta, dans les roches Oléniennes, qui ont retenu la dénomination de Santa Meri ou montagnes de Saint-Omer, à cause d'un château fort que le seigneur de ce nom y fit construire, par ordre du marquis de Montferrat, maréchal de Champagne et de Romanie.

Ce prince, maître de Ja majeure partie de la Morée, ne Aroyant que des vassaux à exploiter, au lieu d'enfants des Hellènes qu'il aurait fallu rendre dignes des institutions glorieuses de leurs ancêtres, introduisit la féodalité dans son nouAreau royaume. Ainsi les divisions de thèmes et d'éparchies, qui dataient de l'ère des autocrates grecs, furent remplacées par d'autres démarcations. La Grèce eut. des ducs et des comtes d'Athènes, de Corinthe, de Patras et d'Argos; des barons de Caritène, des marquis de Thèbes, deLivadie, deNégrepont; et nos Roger de Damas devinrent seigneurs des Thermojjyles.

La chronique de la conquête de Constantinople et de l'établissement des Français en Morée nous donne des aperçus curieux sur la division politique de la presqu'île, à l'époque de 1207. Le livre de partage dressé par ordre de Geoffroi de Villehardouin portait que Gaultier de Rousseau aurait vingt-quatre fiefs dans le riche A^allon de Messénie, au bord du Xeri-Hos, où il fit bâtir le château d'Acova. Messire Hugues de Brienne eut en partage le pays des défilés de Scorta, surnommé les portes de la Laconie, avec vingt-deux fiefs de cheAraliers et des privilèges : i! fit, dans la suite, bâtir le château de Caritène. Le troisième porté sur Je livre était messire Alaman, auquel on concédait Patras et ses dépendances. Rémond obtint, à titre de baronie, le château, de Veligosti, quatre fiefs et le droit déporter bannière. Messire Guillaume eut le château de Niclée avec six fiefs. Guy de Nesle obtint six fiefs dans la Laconie, où il fit bâtir la forteresse de Hieraki. Raoul de Tournai reçut Calavryta et deux fiefs. On accorda à messire Hugues de l'Ile huit fiefs de che\raliers à Vostitza; il changea son nom en-celui de Carbonaro. Messire Lucas eut quatre fiefs avec la vallée et les dépendances de Gritzena. Jean de Neuilly obtint Passavas, quatre fiefs , le droit de porter bannière, et le titre de maréchal réversible à ses descendants. On décerna quatre fiefs à Robert de la Tremouille, qui fit bâtir Chalanthistra et prit le surnom de cette seigneurie. On alloua , dans le pays de Calamate, quatre fiefs aux Hospitaliers de Saint-Jean-de-Jérusalem, quatre aux Templiers, sous la condition de lever bannière, et quatre aux chevaliers teutoniques.

Ou assigna huit fiefs de cheA-aliers au métropolitain de Patras et à son chapitre, quatre de même nature à l'évêque d'Olénos, deux à l'évêque de Modon et deux à celui de Coron, qui étaient tous des prélats italiens. Ces deux derniers reçurent de plus chacun deux fiefs de chevaliers pour leurs chapitres. Les évêques de Veligosti, d'Amyclée et de Lacédémone furent dotés, de quatre fiefs chacun.


INTRODUCTION. vu

Le registre, continue le chroniqueur, portait ensuite Jes noms de plusieurs chevaliers qui avaient obtenu le don d'un fief, et ceux d'un grand nombre de sergents. On décréta, dans un parlement tenu à ce sujet, des règlements empruntés à l'ancienne jurisprudence française, qu'on a appelés depuis Les bons droits et assises de Jérusalem. Il fut arrêté, en conséquence, que ceux qui possédaient quatre fiefs lèveraient bannière et feraient le service de bannerets, chacun étant tenu dWoir sous son drapeau un cheA^alier et douze sergents. Ceux qui possédaient plus de quatre fiefs furent appointés à l'entretien de deux sergents à cheval, ou d'un chevalier pour chaque fief; enfin, les chevaliers qui n'a\raient qu'un fief furent tenus de servir en personne, ce qui leur fit donner le nom de sergents de la conquête.

Les blasons de nos familles historiques furent ainsi arborés aux portes de l'Acropole d'Athènes, de la Païamide de Nauplie, de Ja citadelle Larissa et de la forteresse de Patras, que Villehardouin avait fait construire sur l'emplacement de Sainte-Sophie, église qui avait succédé au temple de Diane Laphrienne. Ce fut plus tard que le paArillon de Saint-Marc flotta sur les remparts dAbarinus ouNavarin, àMéthone età Colonis. Le marquis de Montferrat ayant été tué, sa veuve fut déclarée régente du royaume de Thessalonique. Il est probable que la Morée secoua momentanément le joug de ses dominateurs : les haines religieuses y contribuèrent puissamment: les malheurs de Guillaume, qui dut restituer ses conquêtes à l'empereur grec, firent le reste.

Nous ignorons quel fut le casuel de Rome dans la Morée, objet de la convoitise du pape Innocent Iïi. On remarque dans une des lettres de ce pontife, adressée à l'archevêque d'Athènes, ce passage, qui explique la cause des ressentiments des Grecs : « Comme nous devons notre sollicitude pastorale aux Corinthiens, dès que leur Aille sera au « pouvoir des Latins, ce qui ne peut tarder, si la chose n'est déjà faite, que les brebis du Seigneur, ramenées à « un seul pasteur, le connaissent et soient connues de lui. C'est pourquoi nous mandons et ordonnons à votre fra« terni té, si Corinthe s'est rendue au très-noble G., sénéchal de Romanie, et qu'il s'y trouve quelque évêque grec, « d'user de prudence et de moyens efficaces pour l'amener à notre obédience, en exigeant le serment usité en pareil <c cas. S'il s'y refusait, A-OUS procéderez aussitôt à son remplacement, en lui substituant notre cher fils H., doyen <c de Châlons. » Le pape qui traçait ce plan de capitulation, ordonnait de destituer les clercs réfractaires à son autorité, et eirveloimait la Morée dans le filet de saint Pierre, sous le titre de proAince ecclésiastique de Corinthe. Tout peuple blessé dans sa croyance est doublement ennemi du conquérant qui attente aux droits de sa conscience et de son indépendance. Il n'en fallait pas tant pour rendre les Péloponésiens contraires aux Latins, et même plus favorables aux Turcs, qui toléraient leur culte, qu'à un pontife étranger, tel que le pape.

Vainement les Latins a\raient couvert la Morée de donjons, fondé Mistra; comme ils étaient généralement haïs, ils se trouvaient campés et non établis à demeure sur le sol de la liberté primitive du monde. Ils durent, après avoir éprouvé des revers, abandonner une partie des provinces qu'ils avaient conquises; et la Morée vît s'éleA;er le gouvernement des princes Roméiques, qui furent bientôt aux prises aA7ec les Français.

Emmanuel est le premier Grec revêtu du titre de Despote, qui lui fut conféré par son père, en ra4g, avec celui de duc de Mistra. La fille de Jean de Lusignan, qui. fut depuis roi d'Arménie, lui avait été accordée en mariage du Avivant de l'empereur Andronie le jeune; mais le traité ayant été rompu, il épousa une dame de Bulgarie et mourut le jour de Pâques 1280. Emmanuel eut alors pour successeur Théodore Paléologue, fils puîné de l'empereur Jean qui, redoutantla puissance de Bajazet, dont les hordes aA'aieut paru dans la Béotie , vendit le duché de Sparte aux che/valiers de Rhodes , et la seigneurie d'Argos aux Vénitiens. Les habitants de la Laconie aAraient éproirvé trop de Arexations de la part des Latins pour se soumettre aux eheA'aliers ; et le despote, obligé de faire résilier son contrat, étant moi't, son neAreu, despote de Sely\rrée, fils puîné de l'empereur Manuel, hérita de cette principauté. Il épousa Cléope, de la famille des Malatesta, qui mourut en i433, et ayant lui-même été moissonné par Ja peste en 14-4-8, son despolat échut à son frère Constantin. Celui -ci, ayant été élevé à l'empire, transmit l'inA'estiture de ce despotat à Démétrius, son frère, qui fut le dernier prince grec de Morée.

On peut juger d'après ce récit que les seigneurs latins étaient depuis long-temps dépossédés de la Laconie et de l'Argoli.de; mais ils conservaient les provinces situées au nord et à l'occident de la presqu'île.

L'empereur Robert d'Anjou, mort en >i364, avait donné à Marie de Bourbon, son épouse, la province d'Achaïe, dès l'année i357, Calamate, avec les châteaux et autres dépendances, pour les posséder en fief noble et en baronnie, suivant la coutume, s'en réserArant, et à ses successeurs, la seigneurie directe. Il aArait ajouté à ces dons, par acte passé à NapJes en i35g, le village alors désert de Poscarinicon et la montagne de Moudrinitza, pour joindre au château de Phanarion, qu'elle avait acheté de Guillemette de Charoi, ci-devant dame de Vostitza, en lui accordant l'investiture par l'anneau d'or. Ces ventes étant des espèces de dotations très-aven turées, l'impératrice Marie de Bourbon et son fils, Hugues de Q>Tre 5 prince de Galilée, s'étaient empressés, du vivant de Robert d'Anjou , de A^endre à la maison de Neri les baronnies de Vostitza et de Nivelet. La remise en fut faite à cette famille le 17 mars i364, par Alexandre de Brancas, maréchal du roi. de Sicile.

II en était temps; car les Centerions, famille puissante de Gênes, concurremment avec les Paléoîogues et les Zacharias Mellissènes, issus d'Alexis Strategopoulos, qui aA'aient expulsé les Latins de Constantinople, s'emparaient pied à pied du Péloponèse. Les Vénitiens et les Turcs étaient sur le point de s'y troirver en présence. Ces derniers, qui y avaient déjà fait quelques incursions, étaient parvenus, au mois de décembre, à remrerser la muraille de l'isthme, et Amurath,qui les conduisait, avait incendié Patras.

Expéd. en Morée. rf


vm INTRODUCTION.

Wadding, dans ses annales des frères mineurs, nous donne l'état du Péloponèse en I45Q. Il se trouve dans une lettre adressée au vénérable P. F. Jacques de la Marche. « Il y a dans la Grèce une certaine grande province, A'ulgaire« ment appelée Morée, de huit cents milles de circonférence, un territoire plantureux, très-fertile et abondant en « toutes choses, non-seulement des biens nécessaires à l'usage de l'homme, mais encore des productions qui sèment « à son ornement. Il donne du pain, du vin, des viandes, du fromage, de la laine, du coton, du lin, de la soie, « de la graine de kermès, de l'uva passa, raisin de Corinthe, pour la teinture: tout cela en abondance. Pour un « ducat on a deux stiers (staria) grands de la Marche, pesant i4o liA'res. Le A'in est au plus vil prix. Huit moutons gras a Avaient un ducat. L'aAroine et le fourrage sont si copieux, qu'en sus des bestiaux, ce pays peut nourrir cinquante mille « chevaux sans qu'il y ait cherté. L'année dernière, les Turcs y étant entrés aArec quatre-vingt mille hommes de ca« valerie, une innombrable armée de fantassins, et des charrois en quantité, ils y vécurent pendant cinq mois dans « l'abondance, et, après leur départ, le prix des denrées était très-bas, tant sont grandes ses ressources. Elle ressemble « à une île, environnée par la mer, à l'exception d'un bras étroit qui la joint au continent, lequel étant bien gardé, tout « le pays est en sûreté: totapatria est secura. Outre les villes qu'elle possède, il y a bien trois cents châteaux mm^és, a fortifiés et bien pour\rus; beaucoup cle bestiaux, et une population considérable. » La même année, Thomas, despote de Morée, assisté des Albanais, qui faisaient le fonds de la population agricole, avait profité des discordes des Turcs qui se déchiraient entre eux pour les battre; il en fit un grand nombre captifs, dont il envoya dix en cadeau au pape Pie IL Ces succès auraient dû réveiller le patriotisme des Grecs; mais les tristes rejetons des familles impériales, DémétriusAthanase Lascaris, Emmanuel Cantacuzène, enfants de la discorde, n'étaient occupés que de processions, d'accaparer de vaines et mensongères reliques, de se crever les yeux, et de s'empoisonner mutuellement. Soumis aux caloyers (moines), qui mettaient en question si on pouvait faire la guerre, si le célibat n'était pas préférable au mariage, ils ne surent ni défendre ni conserver un pays destiné à devenir Ja proie des Mahométans; Ce fut alors que Paîéologue Grizza et Nicolas Paléologue vendirent à la seigneurie de Saint-Marc Navarin et Monembasie.

Maîtres de ces places, les Vénitiens, qui n'écoutaient les aA'is de Rome que quand ils s'accordaient aA?ec leurs intérêts politiques, ayant concédé aux Grecs une entière liberté de culte, parvinrent à ranimer l'esprit public. En i4-64-, ils aAaient réussi à faire prendre les armes aux Moraïtes. La muraille de l'isthme avait été relevée comme par enchantement. Les habitants delà Laconie, ceux d'Epidaure, les Arcadiens, les Pelléniens, noms qu'on est étonné de retrouA'er dans les chroniqueurs de cette époque, se rangent sous la bannière de Venise. Partis de Nauplie, ils échouent devant Corinthe, et ils changent de plan en apprenant que l'Achaïe, agitée par un nommé Ranghis, refusait de participer au mouvement national. Ils se replièrent vers Mistra, dont ils s'étaient emparés; ils commençaient à s'y rallier quand ils apprirent l'ébranlement de l'armée du sultan, qui était campé à Larisse. Un Schypetar lui avait porté la nouvelle des éArénements qui se passaie- t en Morée. Le chef des Agarènes fait aussitôt abattre ses tentes, passe les Thermopyles, traverse les champs de Platée, franchit le Cytheron, trouve la muraille de l'isthme sans défenseurs, raA-age la plaine d'Argos, monte au plateau de la Tégéatide, s'établit à Londari, qui était alors la capitale de la Morée, ravitaille Patras, et traite aArec les Maniâtes, qu'il n'ose attaquer.

Nous ne rapporterons pas toutes les guerres qui ensanglantèrent depuis ce temps la Morée, où les Vénitiens continuèrent à posséder plusieurs places fortes. Nous nous contenterons de remarquer qu'à dater de cette époque, ils conçurent des préA'eutions si odieuses contre les Grecs, que ceux-ci, tourmentés, opprimés, aAriIis par tous les pro\réditeurs, ne regardèrent plus les Turcs que comme des libérateurs destinés à les affranchir d'un joug d'autant plus humiliant qu'il attentait à la liberté de leur culte. Morosini, qui reconquit une partie de la péninsule, en 1687 et 1688, n'eut pas l'art de conquérir l'affection des habitants, qui apprirent avec regret que leur sort était uni à celui de Venise par le traité de CarJovitz.

C'est à l'histoire qu'il appartient de dire comment le petit-fils d'un renégat français, Numan Cuprouly, qui fit trembler Ja chrétienté en 1715, lorsqu'il venait avec trois cent mille Turcs enRomélie, détacha le visir Coumourzy vers la Morée, tandis que, s'avançant à travers la Bosnie, il annonçait hautement qu'il A^oulait envahir l'Italie. II nous suffit de rapporter que les infidèles qui s'emparèrent de l'Acrocorinthe après six jours de tranchée ouverte, de Nauplie et de Monembasie, aArec une égale facilité, enleArèrent alors quarante mille habitants de la Morée, qu'ils traînèrent en esclaA^age. Les religieux catholiques et les négociants français furent enveloppés dans cette catastrophe. Le fils du Aice-consul de Mycône, Charles Bonfort de Cassis, fut A'endu à ce même bazar de Smyrne où Ton a vu les habitants de Chios mis à l'encan en 1822. Paul Lucas, témoin de ces désastres, en fait un tableau déchirant, et plusieurs lettres du temps nous font connaître qu'une grande partie des esclaves grecs furent rachetés par le R. P. capucin Jérothée de Villers-Coterets, sans que notre légation de Constantinople daignât révéler cette oeuvre de charité, que nous annonçons, jDeut-être pour la première fois, au monde chrétien.

La diplomatie eut de tout temps ses capitulations de conscience; les chrétiens égorgés avaient été aussi légalement égorgés alors que les martyrs de Chios, de Psara et de Missolonghi l'ont été de nos jours. Les Vénitiens perdirent la Morée, et les Turcs en demeurèrent seuls possesseurs par le traité de Passarovdtz, conclu sous les auspices de la Grande-Bretagne et de la Hollande.

Cette ère d'escïaA?age effaça les noms de duchés, de marquisats, de comtés, de baronnies; et les nouAreaux maîtres du Péloponèse firent un grand sangiac, ou drapeau de la presqu'île. Us procédèrent ensuite, conformément au canon de Soliman, au dénombrement des chrétiens que le fer avait épargnés, afin d'établir le cens, ou capitation. Cette


INTRODUCTION. «

lustralion des Grecs asservis, faite en 171g, lorsque l'auteur de la Henriade reproduisait Sophocle sur le théâtre de la nouvelle Athènes, donna pour résultat soixante mille chrétiens mâles, depuis l'âge de douze ans jusqu'à l'extrême vieillesse. D'après cette base, on peut conclure que le grand-seigneur attacha à son joug environ deux cent mille Grecs restes d'une population qui avait autrefois couvert Je Péloponèse de plus de deux millions d'habitants.

Cependant les chrétiens, à la faveur d'un siècle de paix, par l'effet naturel des mariages et le retour de ceux qui s'étaient expatriés, ne tardèrent pas à se trouver plus nombreux qu'ils n'étaient au moment de la cession de leur pays au sultan. Les beys et les agas, qui avaient succédé aux Seigneurs du livre d'or, en traitant les paysans comme des animaux utiles, au lieu de les écraser, ainsi que le commandait la politique ombrageuse de Venise, aAraient causé cette amélioration. Quoique les Turcs soient les plus propres à posséder inutilement un bon pays, Jes Ailles se relevaient, l'agriculture s'étendait, et la France, par l'activité de son commerce, ne tarda pas à répandre un bien-être auquel on n'était plus accoutumé. Ses comptoirs établis à Nauplie et à Patras tendaient à hâter la civilisation. UnéA-êque visiteur, recommandé par Grégoire XIII au roi de France, avait parcouru l'Albanie et le Péloponèse dès ;584, afin de consoler les fidèles. M. de Bel fond, depuis ce temps, consul à Coron , en protégeant le commerce, était parvenu à y établir une mission catholique, à l'instar de celles de Naxos, Thessalonique, Patras, Nauplie, Athènes, Mélos. Paros, Smyrne, Chios, Négrepont, qui furent instituées sous le règne de Charles IX. Le midi de la presqu'île florissait, lorsqu'une peste affreuse, apportée d'Egypte, éclata en 1756, et enleva, dans le terme de cinq années, la moitié de la population.

Ce fut six ans après ce désastre, en 1767, que quelques familles de la Messénie, excédées de leurs souffrances, résolurent de quitter pour toujours le beau ciel de la Grèce. John Thornbull, Anglais, qui se trouvait à Coron \vtee quelques vaisseaux, obtint, au prix de 1200 piastres, du bey qui commandait dans cette ville, la permission d'embarquer ces malheureux. Leur séparation de la terre natale fut douloureuse, au moment de quitter les tombeaux de leurs aïeux: et ils ne s'en détachèrent qu'à la voix des ministres du Christ, qui donnèrent le signal du départ, en les bénissant : Partez, âmes chrétiennes ! Us firent voile pour l'Amérique : la navigation fut longue et pénible pour atteindre les Florides, où ils fondèrent une colonie hellénique. On assure que ces Grecs ont envoyé plusieurs fois demander des prêtres à leur ancienne patrie; mais on ignore s'ils existent encore, comme la tribu des Éleuthérolacons que l'on retrouve clans les montagnes de la Corse.

Les tombeaux étaient à peine fermés, qu'on vit éclater un nouvel orage sur le Péloponèse. La Porte Ottomane se trouvait engagée dans une guerre désastreuse contre les Russes, lorsque des hommes qui n'avaient rien moins en A'ue que l'affranchissement de leur patrie , parlèrent de liberté dans un pays où l'on n'aspirait qu'au repos ; ils adressèrent leurs voeux à Catherine, en lui disant que Jes Moraïtes n'attendaient qu'un signal pour se ranger sous ses drapeaux. Séduite, ou feignant de l'être, l'ambitieuse souveraine du Nord, fit paraître pour la première fois dans Ja mer Egée Je labarum de Constantin reproduit sur ses glorieuses enseignes; une escadre libératrice était envoyée aux Grecs, et OrloAV, qui. la commandait, aborda à Chimova , port du Magne, Je 18 février 1776, lorsqu'on niait encore dans le divan l'existence du détroit de Gibraltar, comme jjoint de communication entre l'Océan et la Méditerranée. Quelques vaisseaux mal équipés, et douze cents hommes de débarquement firent éclater une révolte générale, qui prouA'a trop le peu que valaient alors les descendants des guerriers de Léonidas et de Philopoemen, pour qu'il soit à propos d'en rapporter la honteuse et déplorable histoire.

Cependant, cette insurrection, dans laquelle les Russes se signalèrent par quelques actions d'éclat, ne tarda pas à retomber sur les Grecs. Les Schypétars, sortis de la PréAralitaine, du Musaché, des Dibres, de l'Acrocéraune et de la Thesprotie, après avoir repoussé Jes étrangers, ne se contentèrent pas d'égorger une multitude de chrétiens épouvantés. A l'exemple de leurs ancêtres, conduits autrefois par Pierre-le-Boiteux, ils pensèrent à se fixer dans la Morée, qu'ils Arenaient de reconquérir au sultan. Ils y trouvaient d'anciens compatriotes établis à Lâla et à Bardouni , qui aA;aient embrassé le mahométisme depuis deux siècles. Ils se reconnurent à leur langage et à leur barbarie, et ils s'unirent afin d'exercer les plus affreux brigandages. Ayant obligé les pachas de leur Arendre la ferme des impôts publics, ils prêtaient aux Grecs, qui ne pouvaient payer leurs redeAwnces, à soixante pour cent par mois; puis, au moment des récoltes, ils s'emparaient des produits, et s'ils étaient insuffisants, ils saisissaient les femmes et les enfants. Dans l'espace de neuf ans, Aingt mille chrétiens des deux sexes furent vendus à l'encan aux Barbaresques et aux Turcs de la Romélie par les Arnaoutes, qui réduisirent ceux qu'ils épargnèrent à Ja condition des Hilotes. Les moines des solitudes, qui aA-aient en vain protégé quelques peuplades, allaient périr aArec elles, sans le secours du. lieutenant-général de l'empire.

Hassan ou Cassan Dgezaïr-Mandal-OgJou, envoyé par le sultan Abdoulhamid pour mettre fin à l'anarchie, parut inopinément dans le golfe d'Argos, au mois de juillet 1779- Débarquer, surprendre les Arnaoutes épars, Jes tailler en pièces, et exterminer au passage de l'isthme les hordes qui venaient à leur secours, fut l'affaire de quelques mois. Malgré cette rapidité, Hassan ne put atteindre quelques bandes répandues dans l'Arcadie et dans Ja Laconie, qui se réunirent aux Schypétars de Lâla et de Bardouni.

Hassan rétablit ainsi la paix au milieu des ruines du Péloponèse, en signalant sa Aictoire par une pyramide de têtes', élevée à une des portes de Tripolitza. Il ne pouvait pas rendre la vie aux Grecs, mais il aurait dû exiger la restitution des esclaAres, et rappeler une multitude de familles passées dans l'Asie-Mineure; ces vues étaient étrangères au coeur d'un Turc. Meilleur soldat qu'administrateur éclairé, il aA'ait reconquis un pays'désolé, et il ordonna le dénombrement des hommes établis dans les forêts, afin de fixer la capitation, sans s'inquiéter si on pouvait la

Expéd. en Morée. e


x INTRODUCTION.

payer. Le recensement fait à cette époque ne présenta pas une population de cent mille âmes, et cependant on maintint le nombre des caratchs sur l'ancien pied. On aggrava le sort des contribuables, en détachant le Magne du contrôle de la proA'ince, à laquelle on fit supporter sa capitation, de sorte que les chrétiens spoliés eurent à payer trois caratchs au lieu d'un! Telle fut l'issue des événements de 1770, qui coûtèrent la liberté ou la vie à plus de quatre-vingt mille individus.

Hassan-Pacha convoitait la vice-royauté du PélojDonèse; mais il dut céder aux intrigues de ses compétiteurs, et, le i4noArembre 1779, il mit à la A-oile, emportant des trésors qu'il chérissait, et la haine générale des Turcs, à laquelle il était plus qu'indifférent. Sous prétexte de ménager la presqu'île, il obtint du sultan qu'elle ne serait gouvernée que par un mouhazil, ou intendant. Il choisit à cet effet son lieutenant, Hadgi Ibrahim, ancien chef de voleurs, qui avait fait le pèlerinage de la Mecque, sans en revenir plus honnête homme. Protégé dans le conseil des ministres par Hassan, il pouvait commettre tous les crimes, et il n'y manqua pas. H fut remplacé à sa mort, au mois.de février 1781 , par son fils, Ali-Bey, qui se eouArrit de forfaits, et dont la punition se réduisit à une simple disgrâce de cour.

Le calme qui succéda à ce dernier événement ayant permis aux liabitants de la Morée de respirer, chacun rechercha ses proches et ses amis, comme on tâche de retrouver ses compagnons d'armes au milieu des rangs éclaircis des légions après une bataille. On se remit peu à peu, on commença à ensemencer les terres, on releA'a les villages; on entrevoyait un avenir plus heureux, lorsque du sein des champs, depuis long-temps incultes, sortit une peste meurtrière, qui se manifesta en 1781, et ne cessa qu'en 1785 de frapper un peuple déjà trop infortuné.

Plutarque a dit : «Les pirates sont aussi anciens que les tempêtes et les orages dans la Méditerranée; 5) aurait-il eu en A'ue l'Eleuthérolaconie? On ne parlait que des forbans du Magne dejmis quelques années, lorsqu'on vit reparaître en Morée le redoutable Mandal-Hassan-Pacha. Débarqué le 3i septembre à Nauplie, il accepte un festin splendide qui lui était offert par Meîech-Mehemet, commandant de l'Argolide. La maison de ce serasker était en fête; gardes, musiciens, saltiml>anques, bouffons, maîtres et valets attendaient le capitan-pacha, qui paraît accompagné d'un lion énorme. Chacun fuit à son aspect, et Melech, resté seul, est obligé de prendre place entre l'amiral et son lion, qui n'était pas un des convives les moins affamés du banquet. C'est dans cette occasion que le fameux pirate Colocotroni fut pendu aux vergues d'un vaisseau de l'escadre ottomane.

L'année suivante, Hassan, qui voulait purger le Péloponèse de quelques chefs récalcitrants, y emroya JousoufPacha. Ce vizir reçoit les grands de la province Je sabre au côté, les pistolets à la ceinture, la masse d'armes en. main; il fait tomber des têtes, et traîner devant lui jusqu'au muphti, qui n'échappe au gibet qu'en baisant la poussière de ses pieds. Informé de la rébellion du janissaire, aga de Navarin, il part suiAi de six hommes, pénètre dans la ville en passant par-dessus les remparts, assomme le coupable à coups de masse d'armes, en présence de ses soldats, fait jeter son cadavre clans la mer, et, après avoir ramené l'ordre, il rétablit le chef-lieu du gomrernement à Tripolilza.

Le chancelier Bacon prétend qu'il ne faut pas mépriser les prophéties, car elles ont fait beaucoup de mal. Un bruit avant-coureur de quelque éA'énement sinistre circulait alors parmi les Moraïtes (en 1793 ). On parlait de l'apparition, d'une hydre, qui s'était montrée à l'embouchure de J'Achéloùs ; elle aA'ait dévoré plusieurs bergers; les troupeaux, épouvantés, fuyaient à son approche. C'était le signe avant-coureur de quelque satrape exterminateur, et un Asiatique nommé Ismaël, qui prit le commandement de la Morée au commencement de 1796, ne justifia que trop la prédiction du vulgaire. Ce pacha semblait aA'oir fait voeu d'exterminer les chrétiens. Chaque Arendredi, avant de se rendre à la mosquée, il assistait au supplice de huit Grecs, qu'il faisait pendre ou empaler, avant d'adresser ses prières au puissant Allah de Mahomet. Son muhaziî ou lieutenant, Ali-Bey, non moins farouche, faisait tuer dans ses tournées les paysans dont la physionomie lui semblait de mauvais augure; et sans l'activité des Grecs, qui adressèrent au divan des représentations appuyées de larges sommes d'argent, ces deux scélérats auraient dépeuplé la Morée. Ils payèrent de leurs têtes les crimes dont ils s'étaient souillés; et, l'agriculture ayant repris une nouArelle activité, on ne parla plus de l'hydre d'Étolie, d'Ismaël-Pacha ni de son muhazil, tant le peuple oublie facilement le sang que lui ont coûté les tyrans les plus atroces. Cependant, les Grecs étaient destinés à venger leur patrie, parce qu'il n'est jamais entré dans Ja tête, non d'un sultan, mais d'aucun des princes, pasteurs des peuples, qui font entre eux tant de conventions inutiles, d'en adopter une générale en faveur des droits des peuples, fondée sur la miséricorde et la jDitié.

On vient de parcourir rapidement Jes phases principales de la Hellade, dans le but de préparer le lecteur à l'historique des monuments qui décorèrent le territoire où les arts brillèrent d'un si vif éclat, avant la longue période de malheurs qui l'accablèrent depuis sa conquête par les Romains.


INTRODUCTION. xi

SECONDE PARTIE.

La voix du besoin, dit le savant Quatremère de Quincy, se fait entendre partout, et à peu près d'une manière uniforme. Aussi rien de plus ressemblant, en tous pays et en tous temps, que ce qu'on appelle les préludes des arts. Dès lors aussi rien de moins propre à constater des rapports de communication entre les différents peuples, que certaines ressemblances de formes ou de dimensions , produits nécessaires d'idées communes à tous les esprits, ou de besoins uniformes imposés par la nécessité. Ainsi il y a dans l'art de bâtir une multitude de conformités générales, qui n'ont d'autre principe que les inspirations d'un instinct universel. Cependant lorsqu'on analyse, à l'égard de l'architecture des différents peuples, ce qui devrait constituer un corps d'histoire, on y découvre de si grandes diAdsions de temps et de lieux, qu'il serait impossible d'en subordonner les productions et leurs notions à aucune méthode, soit abstraite, soit chronologique. Mais, sans embrasser cette universalité, si on se borne à l'architecture grecque, devenue celle de l'Europe, et d'un grand nombre d'autres contrées, on ne trouvera encore que trop de difficultés à soumettre la totalité des connaissances qu'on possède au système régulier d'un ordre histoi'ique. C'est dans les déljris des monuments antiques qu'il faut étudier l'architecture, car on ne refait pas les édifices. Vainement Constantin voulut que la nouvelle Rome fit oublier par sa magnificence celle que tant de siècles et tant d'efforts avaient rendue digne d'être la capitale du monde. Il amassa dans Constantinople des colonnes apportées de Memphis, d'Athènes, de la Hellade et de l'Ionie : comme il ne pouA'aity transférer les édifices dont ces ouvrages recevaient autant d'éclat et de beauté qu'ils leur en donnaient, il lui fut impossible de reproduire cette harmonie résultant d'un accord parfait entre les divers objets qui se prêtent un charme réciproque. Ainsi, ce qu'il fit, et tout ce que firent ses successeurs, a bien moins signalé leur magnificence, que l'impuissance où les arts étaient alors de répondre à l'ambition de leurs protecteurs.

Nous devons peut-être nous féliciter que la Grèce soit tombée au pouvoir des Barbares, dont Y oubli ou Y indifférence ont sauvé quelques vénérables débris de l'antiquité. Supposons qu'Athènes eût été livrée à la discrétion des architectes, dont le goût change d'âge en âge, ils auraient voulu restaurer, et à force de science, il ne resterait plus aucuns vestiges de ce qui cause aujourd'hui notre admiration. Nous Arerrions quelques marbres chargés d'ornements; des plinthes, des tores, des filets embarrassés de rinceaux, de feuillages, d'entrelacs et de sculptures riches, parce que les artistes dégénérés n'auraient pu les faire belles. On n'aurait pas craint de A"ouloir embellir le Theseum et Je Parthénon. Ainsi répétons que la Providence, qui Areut que les lumières soient éternelles dans Je monde, a fait pour Je mieux ce qu'elle a permis, même dans les châtiments qu'elle infligea aux Grecs. La barbarie fut donc nécessaire à la conservation de l'art; tout en déplorant ses effets, si. nous continuons notre hypothèse, on A'erraau moins qu'elle ne leur a pas été aussi funeste qu'on le pense vulgairement. Depuis le renoin'ellement de l'art, ajoute le Vitruve moderne, la plupart de ceux qui se sont adonnés à l'architecture, ont négligé l'étude de la construction, en faveur de la composition et de la décoration, qu'ils ont regardées comme les objets principaux de leurs études ; tandis qu'il est certain qu'un édifice peut remplir l'objet de sa destination, quoiqu'il ne soit pas orné, et qu'un autre dont la décoration serait fort belle, ne le remplirait pas.

Cet abus , du moins on peut le soupçonner, vient de ce que la plupart de ceux qui renouvelèrent l'architecture antique, furent des peintres, des sculpteurs et des dessinateurs qui eurent particulièrement en vue la décoration, parce que cette partie était plus de leur ressort que la construction, qui exige des connaissances particulières. Cependant dans les monuments historiques qu'ils ont cherché à imiter, on voit que les colonnes, les frontons, et les autres parties principales de la décoration qui les ont frappés , sont cause que plusieurs architectes ont négligé Ja construction, pour se livrer à la partie Ja plus brillante de leur profession. De là tous ces projets où le principal est sacrifié aux accessoires, et où l'on n'a fait presque aucune attention à l'usage auquel un édifice était destiné, ni à la dépense nécessaire pour l'exécuter avec solidité.

Les gens en place et les amateurs n'ont pas assez réfléchi sur la nature et l'objet de l'architecture. Cet art n'est pas, comme la poésie, la peinture, la sculpture, la musique, une chose de pur agrément, qui puisse souffrir tous les écarts de l'imagination. Voyons, d'après cet exposé, comment les Grecs procédèrent, et par quels tâtonnements ils arri\<èrent à la perfection; car ils n'eurent personne à suiATe, ni à imiter, et ils furent eux-mêmes leurs guides et leurs instituteurs. En adoptant dans les arts du dessin, pour modèle fixe et réel, la nature et la forme du corps humain, ils réalisèrent ce principe d'Aristote : la beauté n'est autre chose que l'ordre dans la, grandeur.

La Grèce a un passé, dira-t-on ; ses premiers habitants furent Jes PéJasges, qui y introduisirent leurs constructions, et les arts y ont été primitivement apportés par Cécrops , fondateur d'Athènes. Un autre étranger , Deucalion, Arenu du nord, s'arrêta au mont Parnasse elles Hellènes qu'il commandait chassèrent les PéJasges de la Grèce, dont ils s'emparèrent en s'établissant dans leurs acropoles. Cadmus de Sidon fonda Thèbes en Béotie, Danaùs bâtit la citadelle Larissa

- j Expéd. en Morée. f


xii INTRODUCTION.

d'Argos, et Pélops, qui donna son nom au Péloponèse, réunit ses habitants, auxquels il donna des lois. Examinons ces données qui n'apprennent absolument" rien relativement aux arts, parce qu'elles sont vagues.

L'architecture ne devint un art dans Ja Grèce que lorsque la société fut parvenue à un certain degré de richesse et de culture sociale. Avant ce temps, il n'y eut, comme l'a remarqué M. Quatremère de Quincy, que ce qu'on doit appeler de la bâtisse; c'est-à-dire un des métiers nécessaires aux besoins de la vie physique. Or, comme à cette époque ces besoins furent très-bornés, l'emploi de l'artisan se réduisit à faire un abri capable de mettre l'homme à coirvert des in jures de l'atmosphère et de l'intempérie des saisons. Mais laissons parler Je savant académicien; on croit entendre un disciple de Platon , racontant les premiers âges des sociétés helléniques.

« C'est au temps plus ou moins prolongé, dit-il, de l'enfance des Grecs que la manière de bâtir commence à prendre, dans les diArerses contrées, ces formes et ces pratiques usuelles qui lui imprimèrent de si remarquables différences. Ces différences originaires, entre beaucoup d'autres sujétions qui auront pu contribuer à les produire, nous paraissent avoir tenu à deux causes principales : l'une est le genre de vie commandé à chaque peuplade par la nature; l'autre, le genre de matériaux qui auront dû se présenter aux premiers essais de la construction.

«Il est indubitable que, selon l'un ou l'autre des genres de Aie principaux, celui de chasseur, celui de pasteur, ou celui d'agriculteur auront offert, selon les pays et les climats, toutes sortes de conditions fort diArerses. Or nul doute qu'entre ces états primitifs , le genre de vie agricole ne soit celui qui ait dû porter l'homme à se fabriquer les abris Jes plus solides et les habitations les plus étendues. L'agriculture exige une vie active et sédentaire en même temps. Le laboureur demandera donc à la nature des moyens économiques et des matériaux d'un travail facile à mettre en oeuvre. Mais quels seront ces matériaux approjDriés aux nécessités de sa condition? La nature ne peut lui en présenter,.que de trois genres : la pierre, la terre et le bois.

« La pierre, à laquelle l'architecture sera redevable un jour de ses plus grands ouvrages, dans les sociétés perfectionnées, est, dans l'enfance de la société dont il est ici question, Ja matière Ja moins appropriée aux forces, aux moyens, aux instruments et aux combinaisons de l'homme. La pierre veut une exploitation laborieuse, des transports coûteux, des moyens d'éJé\ration et dépose qui exigent des machines, ou de nombreux et pénibles efforts.

«Nul doute que la terre ne présente un élément plus simple, plus facile, et beaucoup plus économique; mais il faut, long-temps aA-ant que l'industrie perfectionnée soit arrivée, par des préparations diverses et par la cuisson, à donner à cette matière la facilité d'emploi et la dureté qu'elle comporte, il faut, disons-nous, reconnaître que, dans son usage purement naturel, la terre toute seule ne formerait que des bâtisses fragiles et de peu d'étendue.

«Le bois dut s'offrir le plus naturellement et le plus universellement aux sociétés naissantes, et à celles qui eurent' besoin de se procurer, à peu de frais, des asiles durables. Il suffit, en effet, de se rappeler en quel état ont été trompées, dans tout I'unÎA'ers, par les voyageurs, ces premières réunions d'hommes, qu'on appelle sauvages, et dans quelle position les pays qu'elles habitaient, ou qu'elles habitent encore, se sont offerts à leurs recherches. Que lit-on dans leurs relations? partout on A-oit Ja terre couverte de forêts, et les sociétés, d'abord habitantes de ces forêts, sortir peu à peu de leurs tannières rustiques, s'établir en état de famille, et se réunir dans des huttes formées aux dépens des forêts; en sorte que plus ces sociétés s'augmentent, plus Jes bois diminuent. »

Ce fut donc d'abord de branchages que se formèrent les premières demeures des hommes. Bientôt on coupa les troncs d'arbres, pour en faire des supports et des soliA'es. La propriété du bois étant de se prêter avec plus ou moins de facilité aux constructions, cette matière dut donc entrer dans les premières bâtisses,car il serait difficile de concevoir comment il aurait été possible de s'en passer. Ainsi, rien ne se prêta plus naturellement que l'arbre à toutes les combinaisons que des besoins simples exigeaient d'hommes sans art et sans science.

La cabane, de quelque manière qu'on la considère, à quelque usage qu'elle serve, dans quelque pays et dans quelque temps qu'on s'en figure l'emploi, fut l'ébauche première des constructions, quoiqueVitnrve ait prouvé qu'en bien des lieux ce premier rudiment de la bâtisse est resté stérile pour l'art.

Il n'en fut pas de même dans la Grèce. On Aroit que si la cabane primitive atteste un état voisin de la barbarie, elle ne tarda pas à changer avec les progrès du bien-être public. Ainsi Jes arbres et Jes poutres qu'on enfonça en terre donnèrent dans la suite l'idée des premières colonnes. Comme les arbres A'ont eu diminuant de grosseur de bas en. haut, ils fournirent" Je modèle de l'ordre primitif d'architecture (le dorique), où cette diminution est la plus sensible. Ces poutres ainsi plantées en terre, sans aucun support apparent, furent encore représentées par Je même ordre dorique sans base. Lorsqu'on se fut aperçu que cette méthode exposait les bois à pourrir, on établit sous chaque poutre des massifs ou plateaux de bois, plus ou moins épais, qui servaient à lui donner une assiette et une plus grande solidité; de ces plateaux ou massifs, plus ou moins continus, plus ou moins élevés, sortirent les soubassements, les plinthes, les dés, les tores et les profils qui accompagnèrent Je bas des colonnes.

La conséquence naturelle des additions faites aux extrémités inférieures des poutres fut d'en couronner l'extrémité supérieure par un ou plusieurs plateaux, propres aussi à donner une assiette plus solide aux poutres transArersales. De là le chapiteau, d'abord avec simple tailloir,puis aA?ec tore dans le dorique. Qui ne voit, dans la dénomination même de l'épistyle ou architraAre, que l'emploi du bois et le travail de la charpenterie en furent encore les principes générateurs? Nécessairement: les solives des planchers Aunrent se placer sur l'architraA-e, et voilà que les bouts apparents de ces solives, et les intervalles qui les sépai-ent, donnent naissance aux triglyphes et aux métopes.

En continuant rémunération de toutes les parties nécessaires à ce qu'on nomme la cabane, ou habitation rustique,


INTRODUCTION. xin

dont nous donnons l'inventaire, on voit les solives inclinées du comble, reposant sur les bouts des solives du plancher, produire cette aArance qui composa l'a corniche saillante hors de l'édifice, pour mettre les murs à couvert des eaux pluviales. Le toit ou le comble indiqua nécessairement la forme du fronton: ainsi, par l'analyse de la cabane, on possède l'analyse du temple grec.

C'est à cette heureuse invention, prise à l'origine de la bâtisse, que l'architecture fut redevable de ce qui la constitua art d'imitation, en partant d'une ébauche composée des éléments et des combinaisons les plus simples. L'espèce de squelette qu'avait produit une imitation matérielle, attendait d'un autre genre de modèle un revêtement dû à un principe de vie. C'était du perfectionnement des arts imitateurs du corps humain que devait lui venir ce développement. Jusqu'alors , l'art de bâtir n'avait pu admettre l'idée d'une semblable amélioration. Restreint aux formes commandées par le besoin physique, il aurait pu rester à ce point, qui est celui de la routine, où l'imitation s'est perpétuée dans l'état d'une éternelle enfance. Mais comme il y a une sympathie nécessaire entre la sculpture et l'architecture, elles durent tendre à se prêter un embellissement mutuel afin de sortir des termes d'une pratique grossière. Dès que la sculpture se fut élevée par degrés de l'indication des signes les plus informes à la distinction des principaux rapports de dimension et de proportion, en partant des hermès , pour arriver aux simulacres des hommes et des dieux, il fut tout-à-fait naturel que le contact habituel des ouvrages du sculpteur avec ceux de l'architecte fit apercevoir à celui-ci, sinon un modèle effectif, au moins une analogie nouvelle de marche, d'idée et de procédé, dont il pouvait faire à ses ouvrages une application particulière. On aA'ait observé que la nature a tellement disposé le corps humain, qu'il n'y a rien d'inutile, rien dont on ne puisse reconnaître le but et la raison. Dès lors on^ne voulut admettre dans le système de l'architecture que ce dont on pourrait, comme dans la nature, justifier un emploi nécessaire et dépendant d'un ordre général.

La conséquence de cette imitation fut qu'un édifice deA^int, pour l'esprit et la raison, une espèce d'être organisé, subordonné à des lois d'autant plus constantes, que ces lois trouvaient en lui-même leur principe. Un code de proportions se forma dans lequel chaque partie trouva sa mesure et son rapport, en raison des modifications prescrites par le caractère de l'ensemble. Le tout et chaque partie furent ainsi dans une dépendance réciproque, d'où résulta leur accord inviolable.

L'étude approfondie des variétés de la nature dans la conformation des corps avait fait apercevoir à l'artiste les nuances d'âge, de qualités, de propriétés qui composèrent Jes modes divers de formes que Polyclète avait fixés dans son traité de symétrie, et dont Jes statues antiques donnèrent, par l'art du dessin, une nouvelle et plus heureuse application. L'architecture lui dut la fixation de ces modes divers, dont les caractères, rendus sensibles dans les trois ordres, sont devenus pour l'oeil, comme pour l'esprit, l'expression à la fois matérielle et intellectuelle des qualités plus ou moins prononcées de puissance, de force, de grâce, d'agréments, de légèreté, de richesse, de luxe et de magnificence.

On parle de villes fondées par Cadmus ; mais il en est comme des constructions premières, etcertainements'il existe un art qui cache son origine, c'est l'architecture. Il faut connaître l'état actuel des demeures des paysans de la Grèce, et des citadins, pour aAroir une idée du logement des hommes, douze siècles avant notre ère. Homère nous donne des descriptions assez magnifiques des palais, pour qu'on puisse les comparer aux sérails des Mahométans. On sait que les poètes, en généra] dominés par l'imagination, ont soirvent embelli leurs ouvrages de descriptions fantastiques. Cependant chez Homère, les édifices qu'il décrit, semblables à ceux des Orientaux modernes, se font remarquer par l'éclat, sans qu'il soit question d'ordonnance , de colonnes, ni d'aucun système architectural. Mais quelle était la demeure des particuliers ? des maisons en bois, ou simplement en briques crues, ayant pour soubassement quelques assises en pierre de blocage, comme sont, de nos jours , Jes maisons des villes dans le Levant, où un même ouvrier exécute toutes les parties de la bâtisse. Enfui il n'y a dans la Grèce, comme dans la capitale et dans les principales Ailles de la Turquie, que les mosquées ou temples et un jjetit nombre d'édifices publics qui aient un caractère de solidité et de durée.

Si cependant l'architecture prit naissance en Egypte et dans l'Asie, ce ne fut que dans les contrées habitées par les Grecs qu'elle parvint à son plus haut degré de perfection. L'histoire cite comme étant les deux premiers architectes qui méritent d'être nommés, Trophonios etAgamèdes, deux frères qui Aivaient entre le XVe et le Xe siècle avant notre ère: on leur attribuait un temple de Jupiter près de Lebadée en Béotie. Mais le nom Je plus fameux, dans ces temps mythologiques , est celui de l'Athénien Dédale, arrière-petit-fils d'Erechthée. Si on envisage la quantité de monuments et: d'ouvrages qu'on attribue à cet artiste, en Grèce, en Egypte, en Crète, en Italie, en Sicile, on remarquera qu'il aurait; dû être architecte, sculpteur et constructeur naval. On en conclura que ce personnage fut un de ces êtres auxquels on a Aroulu rapporter plusieurs inventions dont on ignorait l'origine et les auteurs, et que les artisans regardaient comme une sorte de patron religieux, sous la protection, duquel ils plaçaient leurs différentes professions.

Erésychtion appartient encore à ces temps fabuleux. Il était fils de Cécrops. On dit qu'il commença dans J'îJe de DéJos Je temple d'Apollon, continué aux frais de la Grèce entière, et qui devint un des j^Jus Idéaux édifices du monde. Mais on doit croire qu'il fabriqua seulement quelque enceinte, ou bien quelque hieron ; ce qui suffisait jîour un hermès, ou pour quelque pierre brute, qu'on adorait alors, au lieu où l'on bâtit ensuite le temple fameux consacré au fils de Latone. Les noms de plusieurs architectes auxquels on attribue desdéeouA'eries et des hrvenlions doivent être regardés comme des allégories que nous croyons inutiles de rapporter. ; ' .

Expéd. en Morée. ".- g


xiv INTRODUCTION.

Suivant Pline, Euryalus et Hyperbius employèrent les premiers, les briques, dont ils furent les iirvenleurs, et ils en firent usage à Athènes. Mais comme on Aient de le dire, plusieurs saATants pensent que ces noms étaient purement symboliques.

Eupalimes de Mégare éleva une des trois mei^eilles de Samos, le temple de Junon, bâti sur l'emplacement de celui qu'on attribuait aux Argonautes. C'était, au rapport d'Hérodote, l'édifice le plus important qu'on eût encore Aru de son temps.

Ctesiphon de Crète commença le temple de Diane à Ëphèse; il était d'ordre dorique, et en marbre blanc de Paros; il ne fut acheAré qu'au bout de deux cents ans. Brûlé par Erostrate, le jour de la naissance d'Alexandre-le-Grand, il fut rebâti plus magnifique qu'auparaA^ant, sous la direction de Dinocrates.

Callimaque de Corinthe, surnommé par ses concitoyens le premier des artistes, fut Inventeur du chapiteau corinthien, dontla symétrie de l'ordre est attribuée à Tarchelios et à Argelios. Il paraît que dans un temple qu'il édifia à Corinthe, et dans lequel il employa cette nouvelle décoration de chapiteaux, il fixa et détermina d'une manière plus précise qu'on ne JVvait fait aA-ant lui, les proportions et la manière d'être de l'ordre corinthien.

Au siècle de Deucalion, on avait élevé un temple à Jupiter dans la ville d'Athènes. Pisistrate, qui usurpa le pouvoir, Je voyant tombé en ruine, conçut le projet d'en faire édifier un autre à sa place, sous le nom de Jupiter Olympien. Ce travail, si grand et si somptueux dans le projet qu'on en fit, deAint l'oeuA-re des siècles suivants, et plusieurs hommes puissants mirent leur gloire à contribuer à sa construction et à son embellissement. Persée, dernier roi de Jlacédoine, et Antiochus Epiphane, eirviron 4oo ans après Pisistrate, finirent le corps du temple et élevèrent les colonnes de son portique, sous la direction de Cossutis, architecte romain, qui excella, dit-on, dans les proportions qu'il donna' à la cella. Cet édifice, bâti en marbre blanc, deAint alors Yun des temples les plus célèl.ires de Ja Grèce, au nombre desquels on comptait ceux de Diane à Ephèse, d'Apollon à MiJet, et de Cérès à Eleusis.

On sait que l'empereur Hadrien aA-ait décoré Athènes de plusieurs monuments, tels que le tenrple de Junon, de Jupiter Panhelléiîen , et un Panthéon où l'on admirait cent vingt colonnes de mai'bre de Phrygie, ainsi que des portiques. U y aA-ait près de ce temple une bibliothèque et un gymnase où l'on comptait cent colonnes en marbre de Libye. Mais revenons aux édifices construits avant la domination romaine.

Le temple de Thésée est Je plus ancien et l'un des plus magnifiques d'Athènes. C'est le mieux conservé. Toutes les colonnes, une seule exceptée, sont debout et peu mutilées; son entablement est dans le meilleur état, et il ne manque que quelques tables au plafond de ses portiques; ce qui n'empêche pas d'en pouvoir apprécier le dessin. Il est d'ordre dorique et parallélogramme par son plan, comme presque tous les temples grecs. Une rangée de colonnes tomme à l'entour. On en Aroit six de face, et treize de retour. II ressemlole beaucoup au Parthénon, auquel il semble avoir servi de modèle, ainsi qu'à la plupart des autres temples de la Grèce.

Le plan du Tlieseum a de longueur plus du double de sa largeur. L'intérieur forme un parallélogramme qui a plus de deux fois et demie sa largeur. Cet intérieur n'est décoré d'aucun pilastre. L'intérieur même du corps du temple n'en a que quatre situés aux quatre angles, et qui ne répondent à aucune des colonnes de la face, ni du retour. On Aroit par là que les anciens voulaient que leurs façades fussent composées de colonnes peu espacées; ils ne se piquaient pas de faire répondre les antes des angles de Ja cella à une des colonnes de la façade, parce que les portiques du côté du temple seraient deA"enus trop petits, ou trop grands. Cette licence qu'ils se permirent semble d'autant plus toîérable, qu'elle échappe dans l'exécution aux yeux des spectateurs. Les colonnes du temple de Thésée n'ont que six diamètres tout au plus de hauteur, comme toutes celles qu'on Aroit aux édifices d'Athènes du beau temps des arts. L'entablement qu'elles soutiennent est du tiers de la colonne, et Je fronton qui termine la façade est plus bas même qu'il ne léserait, en le traçant d'après la règle que Vitrmre donne pour en déterminer la hauteur. Les plafonds sont disposés d'une manière singulière. Il y a comme de grandes poutres de marbre à Ja hauteur de la corniche, qui, à peu de chose près, répondent à chaque triglyphe, et retracent l'idée de la première disposition des pièces de J)ois qui formaient ces ornements, dans l'origine de l'architecture.

Pausanias a parlé des sculptures du temple de Thésée, édifice dont la mutilation est attribuée à l'empereur Théodose. On y distingue encore le combat; des Centaures et des Lapithes, et celui des Athéniens contre les Amazones. Ces bas-reliefs sont sur les deux faces de la cella., ou corps du temple. On remarque à l'opisthodome, et sur Jes parties latérales , des bas-reliefs renfermés dans les carrés des métopes. II est probable que le sculpteur Mycon avait le projet qu'il y en eût tout autour de cet édifice.

On sait qu'Ictinus et Callicrates furent chargés par Périclès d'élever au milieu de l'acropole d'Athènes un édifice appelé le Parthénon, construit en marble blanc. Vu d'une distance considérable, il frappait d'étonnement; de près il était admirable par l'élégance de ses proportions, et par la beauté des bas-reliefs dont l'intérieur était décoré. Ictinus fut pareillement employé à la construction du temple de Cérès et de Proserpine à Eleusis, il en bâtit la ceJJa; il construisit également le temple de Phigalie en Arcadie.

<c Arrêtons-nous. » dit l'auteur d'Anacharsis, « deArant ce superbe monument d'ordre dorique, qui se présente «à nous. C'est ce qu'on appelle les Propylées ou vestibules de la citadelle. Périclès les fit construire en marbre, « d'après Jes dessins et sous la conduite de l'architecte Mnésiclès. Commencés au temps de l'archontat d'Eutymènes, ils ne


INTRODUCTION. xv

«furent achevés que cinq ans après : ils coûtèrent, dit-on, deux mille douze talents, somme exorbitante, et qui « excède le revenu annuel de la république. » Des statues équestres et une foule d'ornements décoraient cette façade, où se trouvait la seule porte qui donnait entrée dans l'Acropole, consacrée à Minerve, protectrice d'Athènes. Hippodamos de Milet avait édifié le Pirée, découvert par Thémistocle, lorsqu'il voulut créer une marine aux Athéniens. Mais le grand ouvrage de cet architecte fut la ville de Rhodes, Ja plus remarquable de l'antiquité par la beauté de ses bâtiments et de ses temples; Pline dit que de son temps Rhodes possédait plus de trois mille statues admirables, et de plus de valeur que toutes celles renfermées dans la Grèce entière.

L'art du sculpteur s'étant associé à l'architecture, dut servir avarier les inventions, à caractériser les différents modes, à multiplier les formes, Jes comlmiaisons et les effets de ses travaux, en fixant Je-genre qui caractérise chacun des ordres et en indiquant la destination de chaque édifice.

La sculpture grecque était parvenue à son apogée, au temps de Périclès. Elle avait commencé par des ébauches grossières, faites d'abord avec différentes sortes de bois, en partant de l'hermès, pour arriver à Ja statue. On montrait à Sicyone une statue d'Apollon en buis, et à Ephèse une autre de Diane en cèdre. Lysistrate cle Sicyone, frère de Lisyppe, paraît être le premier artiste qui ait fait des portraits de plâtre et de cire. L'ivoire était employé par morceaux, tiraillés séparément et qu'on rapprochait ensuite, pour en composer un tout. Lorsque le marbre fut connu,il devint la matière la plus recherchée par Jes artistes; celui qu'ils employaient ordinairement était tiré de l'île de Paros; mais l'art de fondre l'or et l'argent paraît dater dune plus haute antiquité: le veau d'or, le serpent d'airain, et les forges de Tubulcain, remontent aux premiers âges de la tradition.

Au temps de Périclès, Phidias, Polyclètes, Myron, Lysippe, Scopas, étaient les plus célèbres sculpteurs de la Grèce. Phidias mérite d'être mis à la tête de cette brillante école. Il établit dans ses ouArages le style majestueux qui marqua ses ouvrages d'un tel cachet de noblesse, de grandeur et de simplicité, que Périclès le choisit pour diriger l'érection des monuments dont il voulait embellir sa patrie, quoique Athènes possédât alors une foule d'artistes célèbres. Ce fut encore lui qui sculpta Je bloc cle marbre trouvé dans le camp des Perses , après la bataille de Marathon, dont il fit une statue de Némésis. Au nombre des ouvrages qui immortalisent son ciseau, on doit citer la statue colossale de Minerve du Parthénon, exécutée en or et en ivoire. Cicéron, Pline, Plutarque, Pausanias, parlent aA^ec enthousiasme de ce chef-d'oeuArre qui fut la plus belle production de ce génie. Cependant Phidias, dégoûté

r r

par l'envie, et découragé par l'ingratitude des Athéniens, dut se réfugier chez les Eléens. Ce fut dans l'Elide, aux bords de I'Alphée, que, pour se venger noblement de ses persécuteurs,!] exécuta la statue de Jupiter Olympien, qu'on reçut unanimement comme un prodige de l'art; ce qui n'empêcha pas l'auteur de mourir dans les fers.

Polyclètes, qui passa pour le statuaire Je plus habile dans les proportions du corps humain, avait exécuté une statue si parfaite, qu'elle était surnommée le Canon ou la Règle. Myron d'Eleuthère fut son disciple. Au nombre des ouvrages qui Je rendirent célèbre, on cite une vaclie d'airain d'une exécution si parfaite, qu'elle adonné lieu aux épigrammes rapportées dans l'Anthologie grecque.

Scopas, sculpteur- et architecte, aArait fait une statue de Vénus qui paraît IWoir emporté sur celle de Praxitèfes. Il contribua aussi à Ja construction du mausolée bâti à Halicarnasse par la reine Artémise.

A l'époque Ja plus brillante des arts, Libon de Messine bâtit le temple de Jupiter Olympien près de Pise, sur la rive droite de I'Alphée : c'était dans cet édifice qu'on admirait la statue de Phidias. Ce temple a été retroinré dans les fouilles faites par la commission de Morée \

Vers l'année 4io avant notre ère, le temple de Diane à Ephèse fut achevé par Péonios et par Démétrios prêtre de Diane. Le premier de ces architectes et Daphnis de Milet bâtirent près de cette ville un. temple en marbre, consacré à Apollon, qui fut le plus grand et le plus magnifique ouvrage de la Grèce. Ici finit à peii près l'école des artistes célèbres de la Hellade, dont nous donnons le tableau depuis le XVe jusqu'au IIIe siècle avant notre ère.

TABLEAU DES PRINCIPAUX ARCHITECTES ET STATUAIRES DE LA GRÈCE,

DEl'UrS LE XArC JUSQU'AU 111° SIÈCLE AVANT 1,'ÈflE DE J.-C.

Agamèdes, 1 architectes du XVe au

Trophonios, j Xe siècle.

Gitiadas de Laconie, architecte, statuaire, poète. IXesiècl< Dibulades cle Corinthe, sculpteur en plastique.. VIIe Rhoecos de Samos, fondeur et architecte. .... .VIIe

Théodore de Samos, fondeur, architecte, graveur.VIIe

Euehyr de Corinthe , statuaire VIIe

Corcebos, \

Ménésiclès, J

Xénoclès dAthènes, I

Métagène de Xypète, V architectes.

Çallicrates, 1

Ictinos, ■-. . I

Car pion, /

VIe siècle.

Mêlas de Chios, statuaire.

Glaucos de Chios, ouvrier en fer.

Miciades de .Chios, statuaire.

Antistate, architecte.

Calleschros, Athénien, architecte.

Antimachide, Athénien, architecte.

Poriuos, Athénien, architecte.

Dédale de Sicyone, statuaire. Dipoenes de Crète, son éJèA^e, statuaire. Scyllis de Crète, son élèAre, statuaire. Smilis d'Egine, statuaire. Doutas de Sparte, statuaire.

1 Voyez la description des planches, p. 6i du premier volume; une note cle M. Ch. Lenormant, bulletin n°n de février i832,p. in, de la Société de Correspondance archéologique; et une autre deM. P. Forchhammer, même ouvrage, bulletin n°ui de mars 183a, p. 33.

Expéd. en Morée. k


xvi INTRODUCTION.

Périles d'Agrigente, fondeur. Archémos de Chios, statuaire. Spintharos de Corinthe, architecte.

Bupalos de Chios, \

Athénis de CJuos, j

Cléarque de Rhégium , J

Théocles, f

Doryclidas, r

Médon de Sparte, |

„ , ;> statuaires.

Iectee, /

Ange! ion, |

Ménoschmes de Naupacte, |

Soidas de Naupacte, I

CalJon d'Egine, J

Daméas de Crotone,

Mem non, arch itecte, Damophon de Messénie, \ Pythodore cle Thèbes, ( statuaires.

Laphaès de Messénie, |

i

Ve siècle.

Phidias, \

Ouatas d'Egine,

Callitèle, son éJèAre, j

Hégésias d'Athènes, F

Agéladas d'Argos, / statuaires.

Slomios, [

Somis, j

Anaxagore d'Egine, J

Simon , son compatriote , /

Archias cle Corinthe, )

m i ,, n 0 architectes.

iVlandrocJes de Samos, )

Denys de Rhégium, \

Glaucus de Messane, f

. . , , , r„, ,, } statuaires.

Aristomed.es de J. Iiebes, l

Socrates, son compatriote, j

Hijjpodamus de Milet, architecte.

Elédas d'Argos, statuaire.

AI came nés d'Athènes , j statuaires de l'école de

Agoracrites de Paros, j Phidias.

Polyclètes d'Argos, statuaire et architecte.

Phradmon d'Argos, \

Gorgias. i

Callon d'Elis, f

Tir i,,'-,, -, ., > statuaires.

Myron uEleuthere,

Perelios, 1

Pytbagore de Rhégium. /

Alexis de Sicyone, \

Asopodore d'Argos, 1

Aristide, I

Phrynon ^ statuaires de l'école de

Dinon, '' Polyclète.

Atliénodore de Clitore, ]

Damias de Clitore, /

Lycios, fils de Myron, v

Antiphanes d'Argos, /

_ ' , _. ! statuaires.

Canthare de Sicyone, ?

Cléon , son compatriote, )

IVe siècle.

Naneyde d'Argos, \

Dinomènes, J

Patrocle de Crotone, [

Telephanes de Pnocee, [

Canachus de Sicyone, I

Aristocles, son frère, J

Chersiphron de Cnosse, 1 -, .

, , VJ nl architectes.

Metagene, son lits, )

Scopas de Paros, \

Bryaxis , f

i / / statuaires,

rimothee, |

Léocharès, /

Phyteos, ) . .

_, architectes.

batyros, )

Echion, li, , ., , •

, . . \ sculpteurs et statuaires.

Therimaque, j

Polyclès d'Athènes, "j

Céphisodote, d'Athènes, | statuaires de l'école

Hypatodore, ( d'Athènes.

Aristogiton, /

Lysippe de Sicyone, \

Lysistrate de Sicyone, J

Sthénis d'OJynthe, f

Euphronide, \ statuaires.

Sostrates de Chios , [

1 on, ]

Silanion d'Athènes, /

IIIe siècle.

Tisicrates de Sicyone, \

Zeuxis, son disciple,

lades, j

Euthycides de Sicyone, f „..„■,„ ,r , ,,, ,

•y I statuaires, eJeA-es de J école

Euthycrates, ) i T

J ' /de Lysippe.

Lahippe, (

Ti m arque, I

Céphisodotes, j

Pyromaque, /

Sostrates de Gnide, architecte.

On peut conclure de ce tableau que les principaux temples, édifices, monuments, bas-reliefs de la Grèce furent le produit de douze siècles, de vingt-cinq architectes en chef, et de quatre-A'ingt-onze statuaires et sculpteurs qui donnèrent leur nom à différentes écoles, jusqu'au règne d'AJexandre-Je-Grand.

Lysippe de Sicyone et Praxitèles vivaient lorsqu'Alexandre enrichit la Grèce des dépouilles de l'Orient. Ce héros voulut alors introduire l'architecture dans la Macédoine, où il fit bâtir des temples d'une rare magnificence; mais ces édifices, d'après ce qu'on voit de nos jours à Thessalonique, furent loin d'égaler ceux de l'Attique et du Péloponèse. On conçut


INTRODUCTION. xvn

de vastes projets; on prit pour du génie ce qui n'était que de l'exagération, quand l'architecte Dinocrâtes proposa de modeler le mont Athos sous la forme d'un géant qui porterait une ville dans sa main droite, et un lac dans sa gauche. Il était difficile d'imaginer un projet qui flattât davantage Alexandre. Il est inutile de dire qu'il resta sans exécution. Les talents de Dinocrates furent mieux employés à la fondation d'Alexandrie, qui devint la capitale de l'Egypte. On assigne la décadence de l'architecture et de la sculpture au temps des guerres civiles qui désolèrent la Hellade. Cependant Antoine et Hadrien terminèrent quelques temples à Athènes, et restaurèrent Olympie; Hadrien bâtit à Épidaure un Panthéon et un temple dédié à Apollon, à Esculape, et à Hygie, ainsi que des bains publics. Enfin on peut placer la fin de l'architecture classique, après l'empereur SéA-ère, vers le milieu du IIIe siècle de notre ère. La sculpture suivit sa décadence.

Nous ne rappellerons point les dommages causés aux monuments de la Grèce par Constantin, ainsi que par les autocrates ses successeurs, qui s'appliquèrent à les démolir. Tout ne fut plus que confusion dans la Hellade, dont nous avons fait connaître Jes vicissitudes, jusqu'à la fin du XVIIIe siècle. En expiation de leur gloire, les Grecs semblaient condamnés à un éternel esclavage; il n'y avait plus dans l'Orient de lumière que celle du soleil, destinée à éclairer des ruines, des tombeaux, et à viA'ifier quelques moissons propres à nourrir une race d'hommes abâtardis. Les Grecs avaient été si malheureux, chaque fois qu'ils avaient essayé de briser leurs chaînes, qu'ils paraissaient aAroir adopté pour règle de conduite, le sens de ce proverbe turc, que pour être tranquille, il faut être sourd, aveugle et muet. Mais ils étaient loin d'être insensibles au nom injurieux d'esclaves, et le réveil national qui éclata au cri de liberté, sorti de l'embrasement de Patras, Fa prouvé à la face du monde.

Le privilège du génie a quelque chose de divin; il participe à l'immortalité. Il faut toujours se tourner Arers la Grèce, lorsqu'on veut citer un grand homme, ou rappeler un noble souvenir. A peine échappé à la barbarie, l'Occident porta son attention vers Je Péloponèse et l'Attique.

M. de Chateaubriand, dans la première partie de l'Introduction de son Itinéraire de Paris à Jérusalem, dit comment, après être tombé au pouvoir des Turcs, le territoire classique reçut, à la renaissance des lettres, Ja visite des voyageurs que sa renommée antique attirait vers ses rivages.

Aussitôt qu'Athènes, esclave des musulmans, disparaît dans l'histoire moderne, onA-oit en effet commencer pour cette ville un nouvel ordre d'illustration digne de sa renommée. En cessant d'être le patrimoine de quelques princes obscurs, elle reprend, pour ainsi dire, son empire, en appelant tous les arts à Aisiter ses vénérables ruines. Dès l'an i/\6g, Francesco Gambiettï dessina quelques monuments d'Athènes. Le manuscrit de cet architecte était en vélin, et se voyait à la bibliothèque Barberini à Rome. II contenait, entre autres choses, le dessin de la tour des Vents, à Athènes, et celui des masures de Lacédémone, à quatre ou cinq milles de Mistra.

Nicolas Gerbel, qui publia à Bâle , en i55o , son ouvrage intitulé Pro declaratione picturoe, sive descriptionis Groecioe Sophiani libri seplem, est le second A'oyageur qui ait parlé d'Athènes. Sa description, excellente pour Je temps, est claire, courte, et pourtant substantielle. Gerbel ne parle guère que de l'ancienne Grèce; quant à Athènes moderne, il dit : JEneas Sylvius At/oenas hodie parvi oppiduli speciem gerere dicit, cujus munitissimam adhuc arcem, Florentinus quidam. Mahometanis tradiderit, ut nimis vere Ovidius dixerit:

Quid Pandionioe restant nisi nomen Athenoe?

O rerum, humanarum miserabiles vices! o tragicam liumanoe, potentioe permuiationem! civitas olim mûris, navalibus, oedificiis, armis, opibus, vins, prudentia, atque omni sapientia florentissima, in oppidulum, s eu potius vicuni, redacla est. Olim libéra, et suis legivus vivens ; nunc immanissimis Turcarum servitulis jugo obstricta. Prqjîciscere Athenas, et pro magnificentissimis operibus videto rudera et lamenta-biles ruinas. Noli, noli nimium fidere viribus tuis ; sed in eum confidilo qui dicit: Ego Dominus Deus vester.

vEneas Sylvius dit : « Athènes n'est plus aujourd'hui qu'une bourgade, dont la citadelle qui est encore très-forte a été « JiArée aux Mahométans par un Florentin; de sorte qu'on peut dire aA-ec Ovide : Il ne reste de la Aille de Pandion que « Je nom d'Athènes.

« O Aicissitude des choses humaines ! ô changement tragique de la jouissance des hommes ! une Avilie autrefois entourée de « remparts, puissante par ses A?aisseaux,par ses édifices, par ses armes, par ses richesses, par ses guerriers, par sa prudence, « florissante par toute sorte cle science, est réduite à la condition d'un bourg, ou plutôt d'un A'illage. (Athènes) autrefois <c libre, et vivant par ses lois, est soumise au joug de Ja race infâme des Turcs. Allez à Athènes, et vous verrez ses magni« fiques monuments remplacés par des décombres et de lamentables ruines. Gardez-vous, gardez-Arous de A^OUS confier « à A^OS forces, mais confiez-vous à celui qui dit : Je suis le Seigneur votre Dieu! »

Cette apostrophe d'un pape et d'un vieillard aux ruines d'Athènes, comme le remarque M. de Chateaubriand, est très-touchante, et nous ne saurions avoir trop de reconnaissance pour les hommes qui nous ont ouvert les routes de Ja beîJe antiquité. DujDinet, qui écrivait en i554, soutenait qu'Athènes n'était plus qu'une petite bourgade, exposée aux ravages des renards (c'est-à-dire des jakals) et des loups. Trois ans après, Lauremberg, dans sa description d'Athènes, s'écrie: Fuit quondam Groecia, fuerunt Athenoe: nunc neque in Groecia Athenoe, rieque in ipsa Graicia^ Groecia est. «La Grèce a « cessé d'exister; Athènes n'est plus! il n'y a plus d'Athènes dans la Grèce, ni de Grèce même dans la Grèce. •»

Ortellius, surnommé le Ptoléméede son temps (en 1678), donna quelques nouveaux renseignements sur la Grèce, dans son Theatrum orbis terrarum , et dans sa Synonyma■ geographica, réimprimée, sous le titre de Thésaurus geographicus; mais il confond mal à propos Sparte et Mistra: il croit aussi qu'il n'y avait plus à Athènes qu'un château, et quelques chaumières : Nunc castellum et casuloe tantum supersunt quoedàm.

Expéd. en Morée. l


XVIII INTRODUCTION.

Martin Crusius (en 1584), professeur de .grec et de latin à l'université de Tubinge, s'informa soigneusement du sort du Péloponèse et de l'Attique : ses huit hvres intitulés Turco-Groecia rendent compte de l'état de la Hellade depuis l'année i444 jusqu'au temps où il écrivait. Le premier livre contient l'histoire politique , et le second l'histoire ecclésiastique : les six autres livres sont composés de lettres adressées à différentes personne s par des Grecs Roméiques. Parmi ces épîtres, l'une, de Théodore Zygomalas, protonotaire de là grande église de Constantinople, est datée de l'année îSyS ; et l'autre, de Cabasilas, de la ville d'Acarnanie, aujourd'hui Arta en Epire, porte la rubrique de i584- Quoique ces lettres fourmillent d'erreurs, elles sont précieuses, à cause de l'ancienneté de leur date et par rapport au sujet qui nous occupe.

« Moi qui suis né à Nauplie, ville du Péloponèse, peu éloignée d'Athènes, j'ai sorwent vu cette dernière Avilie. J'ai « recherché avec soin les choses qu'elle renferme, l'Aréopage, l'antique Académie, le Lycée d'Aristote; enfin le Panthéon, « (Parthénon). Cet édifice est Je plus éleA^é, et surpasse tous les autres en beauté. On y voit en dehors, sculptée tour à « tour , l'histoire des Grecs et des dieux. On remarque surtout au-dessus de la porte principale (les propylées), des « chevaux qui paraissent vivants, et qu'on croirait entendre hennir. On dit qu'ils sont l'oirvrage cle Praxitèles : l'ameet « le génie de l'homme ont passé dans le marbre. Il y a dans ce lieu plusieurs autres choses dignes d'être Ames. Je ne « parle point de la colline opposée (probablement le mont Hymette), sur laquelle croissent des simples de toute espèce, « utiles à la médecine; colline que j'appelle Je jardin d'Adonis. Je ne parle pas non plus de la douceur de l'air, de la « bonté des eaux et des autres agréments d'Athènes: d'où il arrive que ses habitants, tombés maintenant dans la bar« barie, conservent toutefois quelques souvenirs de ce qu'ils ont été. On les reconnaît à la pureté de leur langage : comme « des sirènes, ils charment ceux qui les écoutent, par la variété de leurs accents.. . . Mais pourquoi parlerais-je d'Athènes ; « La peau de l'animal reste, l'animal lui-même a péri. »

Siméon Cabasilas, de la ville d'Arta (Acarnania), ajoute quelque chose aux renseignements du protonotaire. « Athènes, « dit-il, était composée autrefois de trois parties également peuplées. Aujourd'hui sa première partie, située dans un lieu c élevé, comprend Ja citadelle, et un temple dédié au dieu inconnu: cette première partie est habitée par les Turcs. Entre « celle-ci et la troisième, se trouve la seconde partie, où sont réunis les chrétiens. Après cette seconde partie, vient la traite sième, sur la porte de laquelle on lit cette inscription : »

C'EST ICI ATHÈNES , LA VILLE UE THESEE.

« On voit dans cette dernière partie un palais revêtu de grands marbres et soutenu par des colonnes. On y trouve encore « des maisons habitées. La Aille entière peut avoir six à sept milles de tour; elle possède environ douze mille citoyens. »

M. de Chateaubriand fait quatre remarques au sujet de cette description : r" le Parthénon avait été dédié par les chrétiens au dieu inconnu, de saint Paul. Spon chicane mal à propos GuilJet sur cette dédicace: Desbayes l'a citée dans son A'oyage. 20 Le temple de Jupiter Olympien (le palais revêtu de marbre) existait en grande partie du temps de Cabasilas : tous les autres A-cryageurs n'en ont vu que les ruines. 3" Athènes était diAisée, comme elle l'est encore aujourd'hui; mais elle contenait douze mille habitants, et elle n'en a plus que huit mille (elle en contenait dix mille au moment de sa ruine, de i8aa à i8a4-) On voyait plusieurs maisons A'ers le temple de Jupiter Olympien: cette partie delà Aille est déserte depuis 1770. 4" Enfin, la porte avec l'inscription: C'EST ICI ATHÈNES, LA VILLE DE THÉSÉE, a subsisté jusqu'à nos jours. On lit sur l'autre face de cette porte, du côté de lTIadrianopolis, ou Athenoe novoe:

CEST ICI LA AILLE DIIAWUEN , ET NON PAS LA VILLE UE THESEE.

Deshayes visita Athènes entre Jes années 1621 et i63o: « De Mégare jusqu'à Athènes, il n'y a, dit-il, qu'une petite « journée, qui nous dura moins que si. nous n'eussions marché que deux lieues : il n'y a jardin ni bois qui contente da« vantage Ja vue que ne le fait ce chemin. L'on va par une grande plaine, toute remplie d'oliviers et d'orangers, ayant ce la mer à main droite, et les collines à main, gauche, d'où sortent tant de beaux ruisseaux, qu'il semble que la nature se et soit efforcée à rendre ce pays aussi délicieux.

«La ville d'Athènes est située sur la pente et aux environs d'un rocher assis dans une plaine, laquelle est bornée par la « mer qu'elle a au midi, et par les montagnes agréables qui l'enferment du côté du septentrion. Elle n'est pas la moitié si « grande qu'elle étoit autrefois, ainsi que l'on peut voir par les ruines , à qui le temps a fait moins de mal que la barbarie a des nations qui ont tant de fois saccagé et pillé cette ville. Les bâtiments anciens qui y restent témoignent la magnificence <i de ceux qui les ont faits; car le marbre n'y est point épargné, non plus que les colonnes et les pilastres. Sur le haut du « rocher est le château , dont les Turcs se servent encore aujourd'hui. Entre plusieurs anciens bâtiments, il y a un temple, <c le Theseum, qui est aussi entier et aussi peu offensé de l'injure du temps, comme s'il ne A^enoit que d'être fait.

«En sortant d'Athènes, on traverse cette grande plaine qui est toute remplie d'oliviers et arrosée de plusieurs ruisseaux, « qui en augmentent la fertilité. Après avoir marché une bonne heure, on arriAre sur la marine où il y a un port « excellent, qui étoit autrefois fermé par une chaîne. Ceux du pays l'appellent Je port Lion , à cause d'un grand lion de ce pierreque l'on y voit encore aujourd'hui; mais les anciens le nommoientleport du Pirée : c'était en ce lieu que les Athéa niens assembloient leurs flottes et qu'ils s'embarquoient ordinairement. »


INTRODUCTION. , xix

L'établissement de nos consuls dans l'Attique remonte à l'année I6I5, et finit en i832, avec M. Fauvel qu'on aurait dû conserver comme une antiquité. Les mairvais jours de la révolution avaient respecté cet établissement; le pavillon de France ne flotte plus dans les murs consacrés à Minerve : mais le nom de FauArel y sera long-temps prononcé.

On a cru cpie StochoAve avait: vu Athènes en i63o;maisen comparant son texte avec celui de Deshayes, on demeure convaincu que le gentilhomme flamand n'a fait que copier l'ambassadeur français.

Le P. Antoine Pacifique donna en i636, à Venise, sa Description delà Morée, ouvrage sans méthode. Quelques années après, on voit arriver en Grèce les missionnaires, qui portaient dans tous les pays de l'umVers le nom, la gloire et l'amour de laFrance. Les jésuites de Paris s'établirent à Athènes, vers l'an i645 ; les capucins de la rue St.-Honoré s'y fixèrent en 1658, et, en 1669, le P. Simon acheta Ja lanterne de Démosthènes, monument près duquel on bâtit l'hospice des étrangers.

DesMouceaux parcourut en 1668 une partie du Péloponèse. Nous avons l'extrait de son voyage publié à la suite de celui de Corneille Bruyn ; il fait connaître quelques ruines dont il ne reste plus cle traces, et qui font viA^ement regretter ses dessins, ainsi que ses indications.

Au milieu des oeuvres-de charité dont leurs jours étaient remplis, nos missionnaires ne négligeaient point les travaux qui pouvaient être honorables à leur patrie. Le P. Babin, jésuite, donna, en 1672, une relation de l'état présent: de la ville d'Athènes : Spon en fut l'éditeur; on n'avait rien vu jusqu'alors d'aussi complet et d'aussi détaillé, sur les antiquités d'Athènes.

L'ambassadeur de France à la Porte, M. ,de Nointel, passa à Athènes dans l'année 167/1. : il était accompagné du savant orientaliste Galland. Il fit dessiner Jes bas-reliefs du Parthénon. Ces bas-reliefs ont péri en partie, et on est trop heureux d'avoir aujourd'hui les cartons du marquis de Nointel : ils sont pourtant demeurés inédits, à l'exception de celui qui représente le fronton du temple de Minerve.

Guillet publia en 1675, sous le nom de La Guilletière, l'Athènes ancienne et moderne. Cet ombrage fit naître une grande querelle parmi les-antiquaires. Spon crut prouver, ce qui était douteux, que Guillet ou La Guilletière, n'avait pas mis le pied à Athènes, et qu'il s'était borné à adresser une série de questions sur cette ville à un capucin de Patras. Quoiqu'il en soit, Guillet fit usage des renseignements qu'il obtint des PP. Simon et Barnabe; et il cite un monument, le Phanariton Diogenis, qui n'existait déjà plus du temps de Spon.

Le voyage de Spon et de Wheîer, exécuté dans les années 1675 et 1676, parut en 1678. Tout le monde connaît Je mérite de cet ouvrage, où l'art et l'antiquité sont traités avec une critique jusqu'alors ignorée. Le style de Spon est lourd et incorrect, mais il apprend une foule de choses intéressantes.

Le comte Winchelseay, ambassadeur de Ja cour de Londres, visita Athènes dans cette même année 1676; ce précurseur-du fameux comte El gin fit transporter en Angleterre quelques fragments de sculptures.

Tandis que toutes les recherches se dirigeaient vers l'Attique, la Laconie était oubliée, et Guillet se chargea de la restaurer, comme il avait fait (l'Athènes. Spon, qui n'avait pas vu Ja Laconie, attaqua Guillet d'après l'autorité de Giraud, de Vernon, et d'autres voyageurs. Giraud était consul de France à Athènes, depuis dix-huit ans, lorsque Spon Aroyageait en Grèce, et il avait commencé une description de Ja Morée qui eût été fort précieuse, car il était instruit et savait Je turc, Je grec ■ vulgaire, et le grec littéral. Mais comme il passa au service de Ja Grande-Bretagne, il estprobable que ses manuscrits seront tombés entre les mains de ses derniers maîtres.

Jl ne reste de Vernon, voyageur anglais, que son nom écrit sur une des colonnes du temple de Thésée, et une lettre imprimée dans les Philosophical transactions, 9,l\.a\r\l 1676. Ce voyageur trace rapidement Je tableau de ses courses dans la Hellade. « Sparte, dit-il, est un lieu désert. Mistra, qui en. est éloignée de quatre milles, est habitée. On Aroit à Sparte « presque toutes les murailles des tours et des fondements des temples, avec plusieurs colonnes démolies, aussi bien que a leurs chapiteaux ; il y reste encore un théâtre tout entier. Elle a eu autrefois cinq milles de tour, et elle est située à un « demi-quart de lieue de l'Eurotas. »

Nous A^oici arrÏArés, dit M. de Chateaubriand, à une autre époque de l'histoire d'Athènes. Les voyageurs qui l'ont visitée depuis 1676, n'ont plus que des ruines à étudier et à admirer. En 1G87, tandis 'que Louis XIV faisait élever la colonnade du LouArre, les bombes des Vénitiens écrasaient le temple de'Minerve. Cette même année on vit paraître à Venise la Notizia ciel ducato d'Atene, de Pierre Pacifique: mince oinrage, sans critique et sans recherches.

Le P. Coronelli, qui écrivait" enr 688, dans sa description géographique de la Morée reconquise par les Vénitiens, a montré quelque savoir; mais il n'apprend rien de nouveau, et il faut se méfier de ses citations ainsi que de ses cartes. Cependant .un Français remarquera parmi les guerriers qui combattirent alors sous les drapeaux de Venise, un prince de Turenne, qui se distingua dans la Messénie, aArec cette bravoure naturelle à tous ceux de sa maison, éteinte de nos jours avec Je premier grenadier de l'armée , la Tour d'Auvergne.

L'Atena Attica de Fanelli prend l'histoire d'Athènes à son origine, et la mène jusqu'à l'époque où l'auteur écriA^ait. Cet ouvrage est peu de chose. Chandler paraît avoir fait usage de Ja carte qui y est jointe.

Paul Lucas vit Athènes en 1704; sa relation est, comme tout ce qu'il a publié, mêlée de contes et de récits parfois intéressants. Le voyage du sieur Pellegrin en 1718 est au-dessous de celui cle Paul Lucas; car son misérable pamphlet n'est qu'un recueil d'anecdotes galantes, de chansons et de mauvais vers. L'histoire de la dernière conquête de la Morée par les Turcs laisse beaucoup à désirer, quoique ce soit la seule chose intéressante de sa relation.

Fourmont alla, en 172.8, par ordre de Louis XV, chercher au Levant des inscriptions et des manuscrits. Une lettre de M. Raoul Rochette au comte Aberdeen justifie, avec trop de saAroir et d'éclat, Fourmont, de l'accusation de faux

Expéd. en Morée. J


xx INTRODUCTION.

en archéologie qu'on lui aArait imputée, pour qu'il soit nécessaire de défendre sa mémoire. Son Aroyage est resté manuscrit; et on relrouAre de temps en temps les monuments historiques qu'il se vantait d'avoir détruits, lorsqu'il les aArait eu copiés. Un grand nombre de ses inscriptions, déposées au cabinet des manuscrits de la Bibliothèque royale, ont été publiées récemment par M. Boeck à Berlin.

Pococke visita Athènes en 1739. L'année suivante, Wood, Awkins et Bouvric faisaient leur beau voyage en l'honneur d'Homère. H serait à désirer qu'on en fît autant pour Virgile et pour Ovide.

Le premier A'oyage pittoresque de Ja Grèce est celui de David Leroi, éJèA-e de BJondel, regardé comme le fondateur de l'école d'architecture française. ChandJer, qui ne nomme jamais Spon quWec réjmgnance, ne manque pas d'accuser J'artiste français d'avoir altéré la Arérité dans quelques dessins. Il aurait dû se contenter d'observer qu'il y a des restaurations maladroites dans l'artiste français, et des ornements superflus; mais, à tout prendre, son ouATage, Aru le temps, est un monument honorable pour la France: David Leroi avaitvu Lacédémone, qu'il distingue fort bien de Mistra. Il voyageait en 1758.

On croit que les ruines d'Athènes de Robert Sayer, publiées en 1759, sont une traduction anglaise, et une nouvelle gravure des planches de Leroi. Nous laissons sur le compte de Chandler l'éloge qu'il fait du travail de Pars.

L'an 1761, StuartpuJnia, avecReA'elt, la description connue sous le titre de Antiquities of'Athènes : c'est un grand travail utile surtout aux artistes, et exécuté avec cette rigueur de mesures sans laquelle on ne saurait maintenant publier unouA'raged'architecture; mais la vérité, qui se trouve dans les détails, manque dans l'ensemble: le crayon et le burin anglais n'ont point toujours la netteté requise pour rendre les lignes pures des monuments du siècle de Périclès.

Il est bonde consulter les MonumentaP'eloponesiaca de Paul Paciaucli, imprimés la même année à Rome; on y trouvera, avec une érudition saine, une foule d'inscriptions et d'objets d'art très-précieux.

Le voyage de ChandJer est de l'année 1764- II apprend peu de chose relativement à la Morée. Ce qu'il dit au sujet d'Athènes sera bon à consulter dans tous les temps, et les inscriptions qu'il a recueillies ajoutent à nos connaissances historiques.

lliedsel parcourut le Péloponèse et l'Attique dans l'année 1778. Une foule de monuments aA'aient péri à Sparte, à Argos et à MégalopoJis.

Le Voyage pittoresque du comte de CIioîseuJ-Gouflier, dont le premier volume parut au commencement de 1778, a été terminé après la mort de cet académicien. 11 se trouve maintenant dans toutes Jes bibliothèques, dont il fait un des plus Jîeaux ornements. Famrel , Chevalier, Cassas, furent les principaux collaborateurs de feu M. ChoiseuJGouffier, qui n'a pas su rendre justice à leur coopération.

Les recherches de MM. FoucJierotet Fauve! commencèrentvers l'année 1 780.Quelques mémoires du dernier de ces A'oyageurs font connaître des lieux et des antiquités jusqu'alors ignorés. Notre grand helléniste, d'Anse de Villoison, parcourut la Grèce à peu près à cette époque : nous nVrvons pas joui du fruit de ses études. Il serait curieux de publier un vocabulaire de la langue dorique qu'il a recueilli dans Ja Laconie : il se trouve manuscrit au cabinet de la Bibliothèque royale. M. Le Chevalier, auteur du Voyage de Ja Troade, passa quelques moments à Athènes, dans l'année 1785, ainsi que l'abbé DeliJJe.

Le Voyage de Serolàni, chanoine sicilien, est philosophique, politique, économique, mais nul pour l'étude de l'antiquité.

En 1797, MM. Dimo et Stéphanopoli ont parcouru le Magne, où ils ont vu beaucoup de choses, avec les yeux de l'imagination. Leur relation , rédigée par un professeur de Paris, ne mérite que très-peu de confiance; ils ont confondu les moeurs féodales du XIIIe siècle avec celles des antiques Spartiates.

Le meilleur guide pour la Morée serait M. Pouqueville; malheureusement il était prisonnier à Tripolitza, a dit M. de Chateaubriand; mais depuis, ce A'oyageur a publié une description complète de la Grèce, qu'il a parcourue pendantdouze années. Au temps dont parle M. de Chateaubriand, lord Elgin faisait exécuter dans l'Attique Jes travaux et les ravages qui ont signalé J'influence éphémère qu'il avait acquise auprès du diA\'in. ci C'est une chose triste à remarquer, « que les peuples civilisés de l'Europe ont causé plus de mal aux monuments d'Athènes, dans l'espace de cent cinquante « ans, que tous les Barbares ensemble pendant une longue suite de siècles. Il est dur de penser qu'Alaric et M'aho« met II aAraient respecté le Parthénon, et qu'il a été renversé par Morosini et: par lord Elgin. »

Le 10 août 1806, un écrivain digne de l'école de Platon, aussi grand historien que remarquable par ses écrits politiques, M. de Chateaubriand, abordait au port de Méthone en Messénie. A peine débarqué, il dit Jes merveilles antiques et le deuil de la Hellade aux belles montagnes, il avait entendu, pendant la nuit, les aboiements du chien de Laconie qui Abeille à la garde des troupeaux, et le Arent de l'Elide, pareil aux sons des harpes éoliennes : ils Liaient empêché de dormir! Les premières clartés du 11 août lui laissent voir les torrents et les ruisseaux, bordés de lauriers-roses, et de gâtiliers qui donnent des rameaux de fleurs pareils aux quenouilles du lilas. Il reconnaît le mont Thématia, et? comme Fénelon , il est tenté de s'écrier : « Quand verrai-je le sang des Turcs mêlé au sang desTerses, sur Je champ de Marathon!» H remarque aA^ec plaisir les tombes des Mahométans! Il faudrait citer toute la partie de l'Itinéraire de M. de Chateaubriand dans la Grèce, pour en faire connaître le mérite, l'intérêt et les beautés homériques. Dès sa première halte, il parle de l'hospitalité des consuls de France, et toutes les fois que M. de Chateaubriand trouve à placer le nom de M. Pouqueville, il le cite; une sorte de sympathie régnait, sans qu'ils se connussent alors, entre ces deux amis de la Grèce. C'est au pied du mont ïthome que cet illustre voyageur se rappela du consul général de Janina, 23lacé auprès du tyran de l'Épire, Ali-Tébélen. Laissant derrière lui l'Ithome, qui domine la plaine de SténycJaros, il entre dans


INTRODUCTION. xxi

YIiermoeum, qui sépare la Messénie de la Laconie et de l'Arcadie, noms qu'on n'entend plus prononcer dans la douce patrie des Hellènes. Hélas!

Les Grecs ont tout; perdu, les arts et leurs merveilles,

Tout, jusqu'aux noms divins qui charmaient nos oreilles.

Des recherches savantes, des descriptions suaves, des réflexions profondes, caractérisent Ja relation de Sparte dans l'Itinéraire de M. de Chateaubriand. Il serait possible que Mistra, quoi qu'on en dise, eût été quelque faubourg de Sparte, car le nom de Sparte indique moins une Aille qu'une contrée habitée par différentes tribus disséminées et vivant par quartiers, comme on. voit de nos jours les bourgades du Magne. Sparte ne devint une ville et une place fortifiée que lorsqu'elle cessa d'être régie par les lois monacales de Lycurgue. Les noms de Katô-Chôrion, de Meso-Chôrion, le groupe de maisons qui environne l'archevêché et l'église de St.-Démétrius, Tretseîla, Panthalami, Parori, l'Hebroeicon, Magoula, semblent appuyer cette hypothèse. Les environs du théâtre auraient été ce qu'on appelle, à Paris et à Londres , la cité.

M. de Chateaubriand, après avoir traA'ersé le Péloponèse, visita ensuite Athènes, flétrissant les noms de Morosini et d'EJgin! « L'un, dit-il, dans le dessein d'embellir Venise, veut descendre les statues du Parthénon, et les brise; l'autre, « par amour des arts, acbèA'e la destruction que le proconsul de la seigneurie de Saint-Marc avait commencée.

«Le couvent de nos missionnaires , il a péri, cet humble refuge que la France possédait depuis l'année i658.

<i C'est là que vécurent les premiers voyageurs qui ont fait connaître la ville de Cécrops. Les religieux avaient décrit le « Parthénon : mais ils ne faisaient point parade de leur savoir ; retirés aux pieds du crucifix , ils cachaient dans l'obscurité « du cloître ce qu'ils aA'aient appris , et surtout ce qu'ils avaient souffert au milieu des débris de la ville de Pandion. » Le P. BaJmi, jésuite, avait trouvé Athènes non telle qu'elle fut autrefois, mais le Parthénon existait encore dans son ensemble, « D'aussi loin que je découvris Athènes de dessus la mer, avec des lunettes de longue vue, et que « je Ais quantité de grandes colonnes de marbre, je me sentis touché de respect. Le Parthénon, qui paraît de fort loin , « et qui est l'édifice d'Athènes le plus élevé au milieu de la citadelle, est long d'emiron cent vingt pieds, et large de « cinquante. » Puis, après l'avoir décrit d'une façon naïve, il ajoute, en déplorant la misère des chrétiens : « Que si Soîon « disait autrefois à un de ses amis, à l'aspect de cette ville et de ce grand nombre de magnifiques palais de marbre qu'il « considérait du haut d'une montagne, que ce n'était qu'un grand mais riche hôpital rempli d'autant de misérables qu'elle « contenait d'habitants ; j'aurais bien plus sujet de parler de la sorte, et dire que cette ville, rebâtie des ruines de ses ance ciens palais, n'est plus qu'un grand et pauvre hôpital, qui contient autant de misérables que l'on y Aroit de chrétiens.» Le docteur HolJand et le révérend Smarth Hughes ont publié deux ouvrages intéressants sur la Grèce. Us avaient parcouru J'Épire, la Thessalie, la Béotie, l'Attique et le Péloponèse. Tous deux avaient A'U et fréquenté M. PouqueAille, consul général à Janina. Us aA'aient recueilli dans son intimité une foule de matériaux, qui faisaient désirer la publication de ses recherches. En 1816 et 1817, M. Ambroise Didot voyageait au Levant, sur lequel il nous a donné des renseignements utiles, sous le titre modeste de Notes d'un voyage. A cette époque, on venait de découvrir à Mélos Ja belle statue de Vénus qui orne maintenant le Musée du Louvre. M. Ambroise a remis des notes sur la Laconie, Sparte et Olympie, que M. Pouqueville a insérées dans son Voyage de la Grèce.

M. Pouqueville publia en i8o5un A'oyage en Morée, à Constantinople et en Albanie. Nommé, en 1806. consul général de France auprès d'Ali, pacha cle Janina, par Napoléon, il justifia le choix du grand capitaine. Après douze ans de Aroyages dans l'IJIyrie macédonienne, dans J'Epire, dans la Macédoine, dans la Thessalie, dans la Hellade et dans le Péloponèse , M. Pouqueville a donné son Voyage de la Grèce qui a eu deux éditions de 1820-L821 jusqu'en 1826. C'est dans cette Araste réunion de faits qu'on a puisé une partie des matériaux qui composent cette Introduction. Lorsque l'insurrection delà Grèce éclata à Patras, on sait quel rôle philantropique M. Hugues Pouqueville, son frère, qui était consul dans cette résidence, remplit, en couvrant du pavillon de France plus de trois mille femmes, enfants et vieillards qu'il eut le bonheur d'arracher à la mort. 11 fut alors le représentant de la France, comme le général Fabvier l'a été dans la suite au milieu des Grecs armés au nom de la liberté, dont ils n'ont vu que les apparences.

Alors parut l'histoire de la régénération de la Grèce de M. Pouqueville, qui Aralut aux Hellènes d'innombrables partisans. L'intérêt devint général en firveur des chrétiens de la Grèce. Peuples, rois, firent des voeux, pour leur cause, avec des intentions différentes, et les sultans, dont l'insurrection grecque est destinée à renverser le trône tôt ou tard, comprirent que leur domination devait cesser dans la Hellade. Us parlaient encore de maintenir leur suzeraineté dans ce pays, où il n'y a de moderne que le despotisme, lorsque le canon de Navarin, qui retentit dans l'univers, apprit crue la marine turque était anéantie par des amiraux français, anglais et russes. A la A'érité, ce n'était pas la victoire immortelle de don Juan d'Autriche, et elle serait demeurée sans résultats, sans quelques hommes généreux qui se trompaient alors à la tête du cabinet français.

Une expédition française appareille de Toulon le 16 août 1828, et laisse tomber l'ancre au mouillage de Coroné(PétaIidi) dans le golfe de Messénie, le 3o à 2 heures et demie du matin. Les soldats brûlaient de combattre, et il ne leur fallut que se montrer pour obtenir la soumission de Pylos, de Méthone et de Colonis. Un ordre du jour du 10 septembre annonce à l'armée qu'elle marchera sur Athènes; la joie est au camp, le nom d'Athènes est dans toutes les bouches, lorsqu'un nouvel ordre prescrit aux guerriers de marcher contre Patras, qui n'avait pas été comprise dans la capitulation d'Ibrahim. La presqu'île est aussitôt traversée, et au bout d'une marche de cinquante-trois heures, l'armée française prend position sur la base du mont Panachaïcos, en vue du golfe des Alcyons; il y eut quelque résistance aArant de s'emparer du château bâti par Ville-Hardouin et de celui du cap Rhion qui commande l'entrée de la mer de Corinthe. Nos braA^es demandaient une lutte digne de leur courage! Mais telle n'était pas leur destinée; la mort devait se présenter à eux autrement que

Expéd. en Morée. k


xxii INTRODUCTION.

sous des lauriers: des fièvres intermittentes ne tardèrent pas à éclaircir leurs rangs. Magnanimes héros, combien de soldats, combien d'officiers, espoir de la patrie, reposent aux plages de NaArarin, dans les plaines et sur les hauteurs de Patras.

Le ministère français songea bientôt à profiter de la présence de nos soldats qui occupaient la Morée pour envr^er une commission savante. Elle ne prétendait pas égaler celle qu'on vit attachée à Ja gloire de Napoléon, lorsque vainqueur de l'Orient, il ordonnait: d'élever un monument plus durable que l'airain , oere perennius. L'expédition scientifique en Morée deArait rendre néanmoins d'éminents services aux lettres et aux sciences. L'Institut de France fut consulté. On désigna en conséquence, pour la section des beaux-arts, MM. Abel Blouet, architecte, comme directeur, et Amable Ravoisié, Achille Poirot, Frédéric cle Gournay et Félix Trezel,pour être ses collaborateurs. Us connaissaient les ouvrages publiés sur Ja Grèce, jusqu'au moment de l'insurrection, et particulièrement ceux sur Phigalée par le baron de Stackelberg, sur Oîympie et les champs de Platée par lord Stanhope, et les recherches sur la Grèce par le cheA7alier de Brônstedt. Les monuments du Péloponèse, dans leur état de dégradation, présentent plutôt des oeuvres de décombres que des édifices debout. Aussi nos architectes ont accompagné d'une restauration les ruines qu'ils ont retrouvées. Ils n'ignorent pas combien ce travail est délicat. Mais afin de ne laisser matière à aucune équivoque sur ce point, ils indiqueront ce qui existe maintenant, et ce qui est de reconstruction.

Comme rien n'est à dédaigner dans un pays où l'on rencontre à chaque pas un souvenir historique, et où Je moindre marbre devient un jalon placé dans la route presque effacée qui conduit à la connaissance des monuments de l'antiquité, on a recueilli non seulement les édifices à colonnes, mais encore les murailles des Ailles attribuées aux siècles pélasgiques. On reconnaîtra dans ces différentes constructions, qu'elles sont toujours basées sur un principe de convenance, rigoureusement rempli, d'après l'emploi de matériaux simples et d'un usage facile, et d'après la plus heureuse combinaison.

Ce fut au retour de M. Blouet et de ses collaborateurs, que M. Raoul Rochette, parlant au nom de l'Institut de France, dans la séance publique du samedi 3o avril IS3I, annonça au monde savant les travaux de la commission d'architecture et de sculpture envoyée dans la Grèce.

«C'est pour l'Institut de France tout entier, et pour l'Académie des beaux-arts en. particulier, l'objet d'une « satisfaction bien légitime, que de pouvoir proclamer, dans une occasion aussi solennelle cjue celle qui nous rassemble, les titres acquis à la reconnaissance publique, par des artistes français, dans une expédition scientifique « entreprise sous Jes auspices de l'Institut. Cette expédition n'eût-elle produit que la découverte du temple de «Jupiter Olympien, et la possession de quelques fragments des sculptures qui le décoraient, ce serait déjà un «résultat si précieux pour l'art et pour la science, que l'Institut pourrait, après y avoir contribué de plus d'une «manière, s'en féliciter à plus d'un titre: car ces utiles conquêtes de l'archéologie, faites à si peu de frais, ces «nobles dépouilles de l'art antique, si heureusement arrachées par des Français du sein de la terre qui les « recelait, peuvent être regardées comme une compensation plus que suffisante pour le prix qu'elles ont coûté. » Plus loin il ajoute :

«Mais indépendamment de ces sculptures d'OIympie, tant de travaux entrepris par nos artistes, sur presque « tous les points de la Morée; tant de villes antiques dont ils ont exploré les vestiges, mesuré les ruines, et sauvé, «autant qu'il pouvait dépendre d'eux, les derniers débris qui en restaient, des dernières atteintes de Ja destruc« tion et de la vétusté; tant de beaux dessins, tant de saArantes iiiArestigations, où l'art moderne, où la civili« sation française se sont signalés, pour ainsi dire, en présence et à J'envi du génie antique, sur un sol rem« pli de souvenirs de la Grèce, ne sont-ce pas là des résultats d'une valeur réelle?» M. Raoul-Rochette termine son rapport en ces termes :

«Il reste un dernier devoir à remplir à l'Institut, c'est de rendre hommage au zèle et à la capacité douta « fait preuA-e la section d'architecture cle l'expédition scientifique de Morée, dans cette fouille d'OIympie, qui a produitce de si importants résultats, et dans le cours des autres travaux qui avaient été recommandés à ses recherches. » La commission d'architecture et de sculpture de la Grèce a classé ses travaux et ses découvertes en les divisant en trois voluiaies. Elle a fait connaître, dans le tome premier , Pylos ou Navarin, Methone ou Modon, Colonis, Coron, Petalidi, Messène, Lepreum, SciJJonte, Olympie.

Le tome second comprendra: Aliphera, Phigalie, le temple d'Apollon à Bassae, Gorthys, Karitène, le mont Diaforti, Ira, Lycosura, Megalopoîis, Sparte, Mantinée, Argos, Mycènes, Thyrintlie et Nauplie.

Le tome troisième traitera des îles de Syra, de Téos, de Mycone, de Délos, de Naxos, de Mélos, du cap Sunium, de l'îJe d'Egine, d'Epidaure, de Hiéro, de Trézène, d'Hermione, de Némée, de Corinthe, de Sycione, de Patras, d'Elis, de Calamate, et de la périégésie du Magne, du cap Ténare, de Marathonisi, de Gythium, d'Amyelée, de Monembasie, d'Epidaure Limera, d'Astros , d'Athènes. On y trouvera un itinéraire depuis cette Aille jusqu'à NaA'arin, en passant par Salamine, Eleusis, les lacs de Stymphaleet de Phénéon, Vitina, le pont de Caritène, Nisi et Navarin. Si. le soin que la commission d'architecture a mis dans la publication de ses découvertes obtient le suffrage des personnes qui s'intéressent aux beaux-arts, elle se trompera heureuse d'avoir justifié le choix honorable qu'on a fait de ses membres, en attribuant la gloire de leur travail à Ja France, qui, après avoir déliArré la Grèce des Barbares, voulut: sauver les débris de sa splendeur antique.


ARRIVÉE EN MORÉE.

i. .-■--■—

NAVARIN.

LE 3 MARS 1829, les premiers rayons du jour nous permirent d'apercevoir à peu de distance les montagnes arides qui entourent la rade de Navarin. Je n'essaierai pas d'exprimer notre joie à l'aspect de cette terre si désirée; nous touchions le port où tendaient tous nos voeux, nous arrivions enfin au terme d'une traversée pénible de vingt-un jours. Quoique l'impression à la fois délicieuse et profonde que nous éprouvâmes en ce moment ne se soit pas affaiblie, et que nos souvenirs nous en fassent goûter encore tout le charme, nous ne tenterons point de la peindre, car ici les paroles manqueraient aux sensations. Pénétrés d'ailleurs du but de notre mission, nous n'oublierons pas dans le cours de cette relation, que nous devons faire une description exacte et simple de ce que nous avrons vu, plutôt qu'une histoire pompeuse et poétique de nos émotions. Nos lecteurs, nous l'espérons, sauront bien apprécier d'eux-mêmes tout ce que nos coeurs de Français et d'artistes ont éprouvé en abordant au rivage grec. Nous laissons donc entière liberté à leur imagination, que nous n'avons la prétention ni de diriger, ni d'exalter, persuadés que pour cela, des lieux communs admiratifs et des phrases ambitieuses feront bien moins que les noms seuls des Ailles, des sites, des monuments que nous citerons pour les av^oir vus.

Continuons notre récit. A notre droite, nous apercevions les iles Sapience et Cabrera, à gauche, celle de Prodano, nommée par les anciens Proie'; au fond, le bel ensemble des monts de la Messénie, qui se terminent au nord par les liantes montagnes de l'Arcadie, dont les cimes, encore couvertes de neige, forment le dernier plan de ce magnifique tableau. Enfin, à trois heures, après bien des alternatives d'espérances et de contrariétés causées par le caprice des vents, nous entrons, heureux impatients, dans cette vaste rade de Navarni qui, après avoir vu l'orgueil de Sparte humilié par les armes d'Athènes x, devait, quelques siècles plus lard, dcA7enir le glorieux théâtre du triomphe de la civilisation et de la chrétienté sur le fanatisme et la barbarie.

Nous entrons dans la rade en passant entre les rochers à pic qui terminent l'Ile Sphagie ou Spbactérie, et celui, du continent sud sur lequel est située la petite ville forte de Navarin. Une mosquée, un palmier, sont, au milieu des ruines de cette malheureuse ville, les seuls monuments apparents qui aient survécu à ses désastres. Nous mouillâmes auprès des bâtiments français et grecs, non loin du petit port situé sur une plage au bas de la ville.

RADE DE NAVARIN.

La racle de Navarin où, dans l'antiquité, les Messéniens vinrent de l'exil se venger avec leurs frondes des Lacédémoniens 9, et ou se livra, en 182.7, ^e grail(A combat naval dans lequel les escadres' combinées française, anglaise et russe anéantirent, la flotte turco-égyp tienne, peut contenir plus de deux mille vaisseaux 3. Elle est fermée à l'est par l'île Sphactérie qui, comme un mur du sud. au nord, semble se rattacher au continent dont elle est séparée par un canal étroit qui ne peut, dit Thucydide, recevoir que deux vaisseaux de front * ; or, nous savons quelle était la dimension des vaisseaux d'alors, dont nos bateaux de cabotage peuA'ent nous donner une idée. Le promontoire Coryphasium 5 forme un des côtés de ce détroit; son sommet, qui domine majestueusement au fond de la baie, est couronné par un château fort appelé Zonchio, ou Vieux-Navarin, qui est construit sur l'emplacement de la Pylos de Thucydide, que l'examen des lieux nous fait rjrésumer être aussi celle décrite par Homère, et à laquelle on peut aller du continent par un isthme très-bas qui termine au nord le fond de la rade.

Maintenant, revenant à la passe du sud, qui est la véritable entrée de la rade, SUÏA^OUS le continent qui, faisant une saillie en avant de la pointe de Sphactérie, de manière à ne laisser qu'une médiocre ouverture,

1 Thucydide, siège cle Pylos, liv. iv, chap. i. 3 Pouqueville, Premier Voyage en Grèce.

2 Pausaaias, liv. îv, chap. 2.6, p. 2.56. —Thucyd., liv. iv, chap. 26, 4 Thucyd., siège de Pylos, liv. iv, chap. 8, p. i43p. iQ2. 3 Pausan., liv. iv, chap. 36, p. 492.

1


(■*■) :

se creuse après l'éminence de Navarin, et forme en cet endroit un petit port où l'on débarque pour se rendre à Eski-Navarin, autrement dit le Nouveau-Navarin.

Là, nous abordâmes sur une mauvaise jetée en planches qui nous conduisit à une espèce de place pratiquée dans un renfoncement des montagnes; des Grecs pâles et défaits y tenaient un marché, au milieu d'une boue noire, et la misère tâchait d'y vendre à la misère, et au plus haut prix possible, de repoussants aliments.

A gauche de cette place, sous l'escarpement d'un chemin montant, nous remarquâmes une fontaine vénitienne ressemblant beaucoup à celle que donne M. Pouqueville comme une fontaine antique à Pylos \ (Voyez planche 2, fig. I.) Sur les rochers d'alentour, s'élèvent, çà et là, quelques maisons en bois qui composent aujourd'hui le Bas-Navarin. Derrière ces maisons, se trouve un ravin formé par les eaux qui coulent des montagnes. C'est là que nous vîmes de malheureuses familles grecques qui n'avaient pour abri que des antres de rochers, pour lit qu'une terre humide, pour vêtements que des haillons, pour unique ressource que l'aumône de nos soldats! Spectacle déchirant, et qui, en attristant le coeur, forme un contraste bien douloureux pour l'esprit, avec les souvenirs de splendeur que nous a laissés la Grèce !

En partant delà fontaine, on monte à Navarin par une route pavée qui conduit à la citadelle, dont l'entrée présente un aspect assez pittoresque. (Voyez planche 2, fig. III). La porte, qui est de construction vénitienne, laisse peu de doute sur l'origine de cette place que nous ferons remonter à l'année r685, époque à laquelle la république de Venise reconquit le Péloponèse par la braA^oure du procurateur Francesco Morosini. Voulant assurer sa conquête, en défendant les approches du plus beau port de la Morée, elle bâtit le Nouveau-Navarin, qui fut repris plus tard par les Turcs, et soustrait ensuite à leur pouvoir, en 1770, par le comte Orloff, lors de son expédition en Grèce, dans la campagne de Navarin, à la suite de laquelle les malheureux Grecs qui avaient secondé les Russes, furent impitoyablement massacrés par les Turcs 2. En 1821, les Grecs à leur tour y commirent d'atroces représailles sur une garnison turque qui, après une longue résistance, mais pressée par la famine, avait enfin capitulé. Deux cents de ces malheureux, hommes, femmes et enfants, furent condamnés, au mépris des traités, à mourir de faim sur un rocher isolé qui se trouve vers le fond et dans le milieu de la rade 3. La ville de Navarin, reprise par Ibrahim, pacha d'Egypte, fut remise, en 1829, aux Français, dont l'armée l'occupe aujourd'hui. Une partie de la garnison travaille au rétablissement de la citadelle et des fortifications qui entourent la ville. Les pièces de canon Arénitiennes, turques, russes, grecques et françaises qui en forment les batteries, indiquent les principales époques de l'histoire de cette ville.

Par suite de la guerre, Navarin n'offre plus que des décombres au milieu desquelles les Français se sont établis en réparant quelques habitations; les maisons les mieux conservées ont été restaurées pour loger les chefs. Parmi ces dernières, on peut citer, comme la principale, celle où était le sérail d'Ibrahim, et qui sert aujourd'hui de demeure au payeur de l'année et à l'administration de la poste.

Le seul édifice qui ait échappé à la destruction , est une église grecque dont la construction date probablement de celle des remparts; elle ressemble un peu, quoique dans une disposition beaucoup plus simple, à celle de Sainte-Sophie à Constantinople, et à celle de Saint-Marc à Venise. Elle est ornée de cinq arcades ■moresques formant portique à l'extérieur, et à l'intérieur, sa forme est une croix grecque, couronnée d'une coupole principale au milieu, et de quatre autres plus petites sur les quatre angles; le tout construit en petites pierres. L'intérieur est enduit d'un stuc sans peintures. Au devant de l'église, s'élève un petit édifice octogone qui devrait servir de baptistère, composé d'une seule salle et terminé par une coupole; il s'ou\rre sur ses huit faces, et forme avec l'église un élégant ensemble. (Voyez planches 3 et 4.)

Les Turcs ayant transformé cette église en mosquée, avaient construit, à l'un des angles du portique, in minaret que depuis les Grecs ont abattu, et dont on ne voit plus que le soubassement. Faute de ocalité convenable, cette église sert aujourd'hui de magasin de grains pour nos troupes.

Du haut de la citadelle, en regardant au sud-est, on aperçoit les restes assez considérables d'un iqueduc vénitien qui jadis l'approvisionnait d'eau; c'est de l'extrémité de cet aqueduc qu'on peut se faire me idée de l'étendue de la rade, et déterminer la position de la ville par rapport à l'île Sphactérie et au Dromontoire Coryphasium qui ferment l'horizon de cette vue. (Voyez planche 5, fig. I.)

1 Pouqueville, Deuxième Voyage en Grèce, tome VI, p. 72, et 74 par Alphonse Rabbe.

tour le dessin. 3 Mémoires du colonel Raybaud. —Alex. Soutzo, Histoire de la

2 Introduction aux Mémoires du colonel Raybaud sur la Grèce, Révolution grecque, p. 123.


(3) EXPLICATION DES PLANCHES.

FRONTISPICE.

Les fragments dont il se compose sont un couronnement en marbre trouvé à Épidaure; des cariatides romaines de Loucosprès d'Astros; une Minerve et un Hercule- des métopes découvertes par nous avec le temple de Jupiter Olympien, à Olympie,- un splrynx ébauché venant de Délos; un chapiteau composite trouvé à Coron; des petits vases cinéraires trompés dans les tombeaux d'Egine; diA'ers fragments d'architecture et une inscription sur laquelle sont indiquées les principales villes explorées dans le Voyage.

Dans le fond à gaucJie, est l'Acro-Corinthe, à droite, l'Acropole d'Athènes.

Les figures sont un militaire français montrant à un Grec une frégate française qui débarque les troupes par lesquelles •la liberté et la paix sont rendues à la Grèce. Près du Français, est un Turc rendant ses armes.

PLANCHE I.

Carte de la partie méridionale de la Grèce.

Cette carte est faite pour l'intelligence de notre Voyage. La route que nous avons suiAie est indiquée par des lignes ponctuées. Les lieux antiques sont indiqués par des points, et les noms antiques entre parenthèses.

PLANCHE Z.

Figure I. —■ Fontaine sur le port à NaArarin.

Cette fontaine, qui ressemble à celle que fil. Pouqueville donne pour une fontaine antique à Pylos, et pour la source des eaux de NaA'arin, est construite en pierre, et est ornée de petites arcades feintes de forme moresque.

Fig. II.—Source de feau de Navarin, à deux heures douze minutes de cette Aille, à l'entrée de Ja forêt de Goubô, et à peu de distance du mont Pilaw ou Témathéa.

Fig. III. —Porte de la citadelle de Navarin.

Cette porte qui, aA^ec la petite fontaine en aA'ant, forme un ensemble assez pittoresque, est de construction A'éni tienne. Depuis que ce dessin a. été fait, et pendant que nous étions encore en Morée, le tonnerre est tombé sur la poudrière, dont l'explosion a fait écrouler cette porte et une grande partie des remparts que Jes Français aA'aient rétablis.

PLANCHE 3.

Fig. I. — Plan de l'église de Navarin.

Au devant est un baptistère octogone; à l'angle de l'église, est le soubassement d'un minaret construit par les Turcs lorsqu'ils transformèrent cette église en mosquée. Les Grecs depuis ont démoli ce minaret. Cet édifice est construit en petits moellons. L'intérieur est reArêtu de stuc blanc sans peintures.

Fig. IL —■ Coupe de l'église.

PLANCHE 4Vue

4Vue l'église de NaA-arin..

Au deArant, est Je baptistère octogone.

PLANCHE 5.

Fig. I. — NrTvarin.

Cette vue, prise au-delà des ruines de l'aqueduc qui amenait l'eau de Goubê à la citadelle de Navarin qu'on voit sur le deArant, embrasse une partie de la rade. Au fond, est le promontoire Corypliasium, sur lequel sont Jes ruines de P}rlos, et à gauche du promontoire, une partie de l'île Sphactérie qui ferme la rade de ce côté.


(4)

ZONCHIO, VIEUX-NAVARIN OU PYLOS.

Du port de Navarin jusqu'au cap Coryphasium, il y a environ une lieue et demie de distance ; la direction est nord-ouest; au bas du promontoire, est un petit port. Après avoir traversé les débris des bâtiments turcs qui ont été jetés au rivage, c'est dans ce port que nous débarquâmes pour aller explorer les restes du Vieux - Navarin qui recouvre, avons-nous dit, l'emplacement de la Pylos de Thucydide, que l'on suppose avoir succédé à la Pylos de Nestor. (Vo}7ez planche 6, fig. L)

Bien que M. Pouqueville ait rétracté, dans la relation de son second voyage en Grèce, l'opinion par lui précédemment émise sur l'emplacement de l'ancienne Pylos de Messénie, qu'il avait indiquée en ce lieu, nous pensons qu'en examinant avec soin les localités, on s'en tiendra à ce que ce savant avait avancé dans la relation de son premier voyage.

Au pied des rochers qui bordent le port à gauche, et sur un isthme de sable qui sépare la rade d'un lac marécageux baignant la base du mont Coryphasium, nous trouvâmes un puits d'eau douce. De là, à quelques pas au sud, se trouvent les vrestiges d'une construction antique qui, s'avançant dans la mer, devait y former une jetée. (Voyez planche 7, fig. IV et V.) On longe ensuite les bords du petit canal percé entre le promontoire et l'île Sphactérie, qu'il sépare seulement de quelques toises. L'oeil en distingue aisément le fond. En tournant ensuite vers le nord, nous arrivâmes sur un plateau incliné qui était l'emplacement de la ville. Sur le sol, se trouvent des débris de poteries antiques; une route vénitienne pavée toute délabrée, le long de laquelle on remarque plusieurs vestiges du moyen âge, conduit au sommet du promontoire où sont les restes de la ville.

Construite dans l'origine par un croisé français que la chronique appelle messire Nicolas de Saint-Onier ', réparée par les Vénitiens qui la détruisirent en abandonnant la Morée, il n'en reste plus aujourd'hui que les murailles qui ont pour base en plusieurs endroits deux, trois et quatre assises de construction hellénique. A droite, près de l'entrée, une tour carrée est établie sur une semblable base; il en. est de ... même des tours tant rondes que carrées, et de toute la partie des murs qui ferment la citadelle du côté nord. (Voyez planche 6, fig. II, et planche 7, fig. III.)

Ces constructions helléniques, dont aucun voyageur moderne n'avait encore fait mention, et que j'aArais remarquées dans une course précédente, furent pour nous une découverte importante et un motif très-plausible de nous convaincre que nous voyions la Pylos de Messénie. L'intérieur de la ville 5 autrefois siège de l'acropole, ne présente plus qu'un amas de décombres parmi lesquelles on ne trompe de remarquable que quelques citernes antiques. Dans l'une d'elles, nous Agîmes le squelette d'un malheureux qui y était probablement tombé par une des ouvertures que des ronces et des herbes laissent à peine apercevoir. Ce fut auprès de cette citerne que nous trouvâmes une pierre carrée, creusée au milieu, et qui nous parut avoir servi de table à un autel antique où l'on sacrifiait.

En descendant au nord de l'acropole, on remarque à gauche, au milieu des rochers, une très-grosse muraille moderne composée de quartiers de roc posés les uns sur les autres, comme dans les constructions cyclopéennes ; cette muraille se prolonge jusqu'à la mer, et paraît aAroir été construite pour défendre le passage. En continuant à descendre entre des buissons d'érables et de figuiers sauvages, on trouve, sous les rochers qui pendent à pic sur le lac, une grotte de grande dimension; l'entrée regarde le nord, et l'intérieur s'élargissant, est faiblement éclairé par une fente du rocher. (Voyez planche 7, fig. I et IL) Cette grotte, appelée aujourd'hui grotte de Nestor, est probablement celle où il enfermait ses troupeaux, et que Pausanias indique comme se trouvant dans la vdlle \

Immédiatement au-dessous de la grotte, est un plateau sablonneux, ainsi que l'a dit Homère 3. On trompe en cet endroit une grande quantité de terres cuites mêlées à des fragments de poteries antiques. Au nord de ce plateau où devait être une partie de la ville, et près des rochers à pic qui terminent le promontoire Coryphasium, est un reste de mur antique qui formait de ce côté l'enceinte et l'extrémité de la ville.

Environ soixante mètres plus loin, les rochers sont interrompus, et la mer, avançant dans les sables y a formé, par le battement continuel de ses vagues, une espèce de port demi-circulaire et tellement régulier, qu'il semble avoir été fait de main d'homme. Les Grecs l'ont nommé Ventre de boeufs à cause

1 Chronique de Morée, par M. Buchon, page 387. 3 Homère, Odyssée.

2 Pausanias, vol. II, cliap. 36, p. 4o»-


(5) de sa configuration. Près de ce port, on remarque une partie de rochers qui paraît avoir été taillée pour faciliter une descente.

De l'extrémité nord de la ville, en revenant un peu sur ses pas, on trouve à l'est, sur des sables jaunes, une descente au bas de laquelle, en se repliant vers le sud, il existe, entre le lac et la base à pic de la montagne qui porte la citadelle, une route vénitienne pavée, conduisant au port que nous avons j)ris pour point de départ. Il est très-probable qu'une route antique sert de fondation à celle-ci, et communiquait du port à l'autre extrémité de la ville.

Maintenant que l'existence d'une ville antique nous est démontrée dans les lieux que nous avons parcourus, et que nous avons retrouvé sur le mont Coryphasium l'aspect de la Pylos inaccessible et sablonneuse décrite ainsi par Homère, notre conviction intime nous porterait à affirmer que nous avons découvert la ville de Nestor; mais comme Strabon ne s'explique pas clairement, et que ce qu'il dit à ce sujet 1 pourrait contrarier notre opinion, nous ne nous permettrons pas une décision absolue, et laisserons ce soin à MM. les archéologues, en leur donnant, par des dessins de la plus scrupuleuse exactitude, tous les documents nécessaires pour motiver et porter leur jugement dans une question qui^ comme à nous, leur paraîtra sans doute du plus haut intérêt.

Pendant le séjour que nous fîmes à Pylos pour en relever et dessiner les restes, M. Poirot fit une

excursion sur l'île Sphactérie. Cette île qui a quelque célébrité par la défaite des Lacédémoniens qui y

furent battus par l'Athénien Cléon le corroyeur a, et pendant les dernières guerres, par une \'ietoire

remjjortée par les Turcs sur les Grecs, n'est séparée du promontoire Coryphasium que par le petit canal

dont nous avons déjà parlé. Ainsi que le promontoire qui en est la suite, elle est escarpée du côté de la

rade, et forme une plaine inclinée du. côté de la haute mer. En suivant la sommité des rochers qui

dominent la rade, M. Poirot ne vit sur cette île déserte rien de remarquable; il y trouva seulement des

débris de navires turcs qui y avaient été lancés par les explosions, pendant le dernier combat naval.

Quelques-uns de ces débris, quoiqu'ils fussent à environ deux cents mètres au-dessus de la mer, avaient

jusqu'à trois mètres de longueur. En suivant un sentier, il trouva à peu de distance de la mer une chapelle

grecque en ruines, une citerne et un mur de construction moderne. Prévenant de ce point dans une

plaine inclinée couverte de houx, en suiArant le haut des rochers qui bordent la haute mer, on arrive eu

une heure et demie au petit canal près du port de Pylos.

1 Strabon, liv. Arni, cliap. 3, p. 177. z Pouqueville, Deuxième Vovage, liv. xvm, chap. 5, p. 71.

EXPLICATION DES PLANCHES DE PYLOS.

PLANCHE 5.

Figure II. — Zonchio ou Pylos.

Cette Arue, prise de l'extrémité de l'île Sphactérie, de l'autre côté du petit canal qui. communique de la rade à Ja mer, embrasse le promontoire Coryphasium , sur lequel était la Aille antique. Au sommet est Yacropole de cette Aille; au bas, à droite, le petit port, où l'on retrouAre encore des constructions antiques d'une jetée. L'horizon est fermé par Jes montagnes sur lesquelles se trouve la Aille de Gargaliano.

PLANCHE 6.

Figure T. —Plan de Zonchio ou Pylos.

A. Puits d'eau douce. D. Route montant à Ja citadelle sur l'emplacement de la

B. Construction antique d'une jetée. Aille.

C. Canal communiquant de la haute mer à la rade. E. Citadelle.

3


(6 )

F. Grotte dite de Nestor.

G. Plateau sablonneux sur lequel se trouvent des débris de

terre cuite antique et moderne. H. Mur d'enceinte de l'extrémité de la ville. J. Pente sablonneuse par laquelle on peut monter à la ville

de ce côté.

Fig. II. — Acropole de Pjdos. A. Route vénitienne pavée. Elle est probablement sur la

A'oie antique. 13. Entrée de la citadelle.

C. Fragment de tour antique.

D. Construction du moyen âge.

E. Citerne antique dans le roc.

K. Port circulaire formé dans les sables par le battement

des eaux. L. Chemin construit au pied du rocher. M. Lac d'eau, saumâtre.

N. Isthme de sable formant le fond de la rade. O. Rade de Navarin. P. Ile Sphactérie.

F. Murs antiques.

G. Murs modernes.

H. Grotte dite de Nestor. J. Citadelle du moyen âge.

K. Ville du même temps; ces deux dernières parties formant l'acropole antique.

NOTA. Les murs teintés en noir sont ceux antiques. Les murs teintés en gris sont ceux modernes, mais occupent très-probablement l'emplacement des murs antiques.

PLANCHE 7.

Figure I. — Plan de la grotte dite de Nestor.

Fig. IL —Coupe de la même grotte. A la partie haute se trouve, dans le rocher, une ouverture par laquelle la lumière pénètre à l'intérieur. Quantité de stalactites l'en dent cette grotte assez pittoresque.

Fig. III. — Détail de la construction des murs antiques qui forment la base de ceux de la citadelle moderne. Fig. IV. — Plan de la partie de jetée antique qui se trouve sur le port, au bas de la ville. Fig. V. — Profil de la même jetée.

RETOUR A NAVARIN PAR TERRE.

En partant du petit port où sont aujourd'hui logés dans des cabanes, des Grecs occupés à retirer de la mer les débris de la flotte turque, on peut revenir à Navarin par terre, en suivant l'isthme de sable qui sépare le fond de la rade du lac aux eaux saumâtres déjà cité. Après avoir traversé un ruisseau sur lequel est un petit pont ruiné, près d'une chapelle aussi en ruines, et les restes d'un petit: aqueduc, on rencontre quelques chaumières, et on arrive, après une heure de marche, au pied, des montagnes, à l'entrée d'une vallée bordée de coteaux, boisés en partie, qui. forment un beau paysage. Au milieu de la vallée, est le lit d'une petite rivière. Notre intention, en prenant cette direction, était d'aller Arisiter le village dit de Pila, *, que M. Pouqueville r indique pour être sur l'emplacement de l'ancienne Pylos. Nous entrâmes dans la vallée, en laissant à notre droite le bord de la mer qui est le chemin direct de Navarin. En montant par une route vénitienne pavée, on trouve un village nommé Pila, et qui, d'après M. Pouqueville, devait être Pylos. Mais nous y cherchons vainement les débris cyclopéens de Facropole de Pylos \ dont parle M. Pouqueville; en vain y cherchons-nous aussi l'aqueduc qui conduit l'eau à Navarin et la fontaine qui l'alimente. Nous n'aArons pas non plus sous les yeux ce sol sablonneux, siene

* ROUTE PAR DISTANCES DU PORT DE ZONCHIO A PILA PAR L'ISTHME.

A 6 minutes, Une chapelle ruinée, et tout près, un petit canal qui communique du lac à la rade; sur le canal, un petit pont en ruines, de deux arches, et très-près un petit aqueduc. 28 m. Une ruine de triques. 3 m. Ruines d'habitations; un petit canal. 8 m. Quelques chaumières ; un gué. 10 m. On arrive au bas des montagnes; champs de réglisses. 3 m. On quitte la rade pour entrer dans une vallée; beau paysage, ta m. On entre dans la montagne. 10 m. Route vénitienne pavée. 5 m. Fin du pavé, haut de la montagne; une très-belle vue; tour ruinée. 2 m. Pila, A'illage ruiné.

Total de la route, une heure 27 minutes.

1 Pouqueville, Deuxième Voyage en Grèce, tome VI, p. 72. 2 PouqueA'ille, Deuxième Voyage en Grèce, tome Vl, p. 72.


auquel nous devons reconnaitre la ville de Nestor, et qui s'est présenté à nous au cap Coryphasium. Nous pourrions donc sans scrupule reprendre îa route de Navarin; mais l'idée qu'en faisant quelques pas de plus, nous rencontrerons peut-être les antiquités annoncées par M. Pouqueville, et le désir aussi vif que sincère de nous trouver d'accord avec ce savant, nous déterminent à pousser nos explorations plus loin. Après avoir traversé le Alliage de Zaïniogli, où se trouve une petite fontaine, nous passons sur une montagne dont les couches de pierres découvertes forment une espèce de pavement antique; nous traversons un petit torrent qui, avec la cascade dont proviennent ses eaux, et qu'on aperçoit à peu de distance Arers la gauche, présente un paysage délicieux. Enfin, après une heure de marche, nous trouvons, dans un grand ravin, l'aqueduc objet de nos recherches; il est entièrement couA^ert de lierre et entouré d'une végétation des plus pittoresques; près de là, est la fontaine d'où partent les eaux de NaA^arin, et que les Grecs appellent Goubê *( voyez planche 3, fig. II), nom qu'ils donnent aussi à la grande forêt qui, de ce lieu, s'étend fort loin vers Nisi. Au sud-est de cette source, et à une assez grande distance, on aperçoit le mont conique appelé PilaAAr, et anciennement Témathéa. Mais rien en ce lieu, non plus qu'à Pila, ne nous a révélé l'existence d'une Avilie antique, et nous sommes persuadés qu'il ne faut point aller chercher Pylos ailleurs qu'au promontoire Coryphasium. Pour revenir à Navarin, nous reprenons la route que nous venons de suivre; trente-cinq minutes après, l'ayant quittée, nous nous élevons à gauche sur une montagne d'où l'on plonge sur la belle vallée qui borde la rade; descendant ensuite sur une route pavée qu'échelonnent souvent des regards d'aqueduc, nous traversons le village ruiné appelé Armaca, d'où nous passons sur le penchant des montagnes; peu de temps après, nous voyons des hangars en planches qui servent d'hôpital aux malades de notre armée que les fièAnres, fléau de ce climat, déciment chaque jour; enfin, après avoir côtoyé la rade sur le haut des rochers, nous arrivons au port de Navarin**.

* ROUTE DE PILA A LA SOURCE DE GOUBÊ.

A 12 minutes, Chapelle ruinée. 6 m. Zaïmogli, village ruiné. 10 m. Route sur des couches de pierres formant un pavement naturel. 4 m. Un petit torrent sous des arbres; dans le fond, à gauche, une cascade très-pittoresque. 5 m. Regard de l'aqueduc qui conduit l'eau à Navarin; route pavée, a m. Ravin très-pittoresque; à gauche une ruine moderne, n m. Ravin tivwersé par un grand aqueduc, couvert entièrement de végétations, a m. Ruines modernes. g m. Regard d'aqueduc. 10 m. Source d'où part l'eau qui va à Navarin, et que les Grecs appellent Goubê.

Total de la route, une heure 11 minutes.

**' ROUTE DE GOUBE A S'AVARIA".

A 35 minutes, en revenant par la même route, après avoir traversé le petit torrent, on laisse la route à droite pour prendre celle de Navarin. 5 m. Belle vue de la vallée, descente pavée. i:5 m. Un torrent dans la vallée. 8 m. Armaca, village ruiné; on monte. 7 m. Regard d'aqueduc. 5 m. Route sur le penchant d'une montagne. 17 m. Quelques grands arcs de l'aqueduc. 8 m. Fontaine; l'hôpital des Français. n5 m. L'aqueduc; une petite fontaine. 7 m. Port de Navarin.

Total de la route, deux heures 12 minutes.

Suivent les planches 1, 2, 3, 4, 5,6 et 7.

4



(9)

ROUTE DE NAVARIN A MODON.

LA route de Navarin à Modon est dans la direction du nord au sud, en laissant à droite le mont St.-Nicolo, dont la base se termine par le rocher sur lequel est bâtie la citadelle de Navarin; au sommet du mont est une chapelle comme il y en a sur presque toutes les montagnes de la Grèce. Du col qui forme la partie la plus élevrée de la route on découvre la plaine de Modon, et plus loin, la mer, les îles Sapiençe et Venetico, et le cap Gallo. En descendant ensuite, on trouve à moitié chemin de Navarin à Modon, une petite fontaine turque telle que nous en rencontrâmes souvent dans notre voyage. (Voy. pi. 8.) Là, des cantiniers français ont établi une tente et vendent des rafraîchissements aux militaires qui passent continuellement sur cette route 1. A quelque distance, à gauche dans la plaine, est une petite église grecque en ruine, mais encore assez conservée pour que nous ayons cru devoir la dessiner. (Voy. pi. 10 et n.) L'intérieur est orné de peintures à fresque représentant divers sujets de l'Ecriture-Sainte. Quoique ces peintures ne soient pas bien correctes, elles ne sont cependant pas sans mérite, et lem caractère est le même que celui des premières peintures de la renaissance des arts en Italie ; caractère que nous aArons retrouvé dans toutes les églises du moyen âge et qui paraît être un type consacré, puisque les peintures qui se font encore aujourd'hui en Grèce ont conservé le même style. Il est à remarquer que celles-ci ont été refaites, ce que nous avions découvert en examinant l'enduit de stuc, qui laissait v^oir dessous les parties détruites, une première couche également peinte. Cette église, qui a quelque analogie avec celle de Navarin, est bâtie en moellons et en briques liés ensemble par un mortier de chaux. A droite de la route, ATis-à-vis de l'église, sous les rochers qui flanquent le mont St.-Nicolo, sont des tombeaux antiques taillés dans le roc et décorés de grandes niches où l'on déposait les corps. Quelques-uns de ces tombeaux ayant été convertis en chapelles, on y fit des peintures semblables à celles de la petite église que nous venons de décrire. A peu de distance, en continuant la route, on trouve les restes d'un camp d'Ibrahim; ce sont des huttes carrées en terre, basses, étroites et disposées parallèlement les unes à côté des autres. Plus loin ensuite est le faubourg de Modon, d'où l'on découATe l'ensemble de la ville bordée par une ligne de fortifications, qui n'est dominée que par les plus hautes maisons et la pointe d'un minaret , seul reste de la domination turque \

Si au lieu de suivre la route directe de Navarin à Modon, on passe par la montagne qui borde le côté gauche de la plaine, ou arrive en une heure et demie de marche sur une pointe assez éleArée, couronnée par la ruine d'une chapelle; de ce lieu l'on découvre Modon, les îles qui l'avoisinent et la mer qui forme l'horizon de cette belle vue. Descendant ensuite dans la direction de la ville, on rencontre un village ruiné nommé Osphino, dans lequel sont deux petites chapelles grecques très-simples, sises près l'une de l'autre et ressemblant à deux ermitages. (Voyez l'une d'elles, planche 9.) Construites dans le même style, elles sont ornées à l'intérieur de peintures à fresque assez bien conservées; un mur, au milieu duquel est pratiquée une porte, traverse le fond de la nef et forme un petit sanctuaire fermé où se tient le prêtre pour.officier.

1 Si nous nous étendons autant sur les environs de Modon et de qui auront fait partie de cette expédition, ne manquerait pas d'être Navarin, qui forment le quartier-général de notre armée, c'est que pour eux d'un grand intérêt, nous avons pensé que tout ce qui pourrait rappeler ces lieux à ceux

ROUTE DE NAVARIN A MODON.

* En sortant de Navarin par la porte de la citadelle, on trouve à 5 minutes les ruines du faubourg. A4 m. un petit pont r.ur l'aquéduc qui conduit l'eau à Navarin. 3 m. un ravin dans des rochers. 10 m. fragment de route pavée. 9 m. un ravin; la route est près d'un aqueduc. 17 m. le point le plus élevé de la route; à gauche, une petite fontaine ruinée; à droite, le mont St.-Nicolo; ensuite on descend; route pavée. 29 m. un ravin sur le bord, une citerne ruinée; à gauche, Yrichï, village détruit. 7 m. fontaine et réservoir; à côté, la tente des Français. 2 m. une citerne détruite. 5 m. à droite sur le penchant de la montagne, des ruines d'habitation. 11 m. à droite, une citerne ruinée; à gauche, un torrent et plus loin Métaxadi, village. 16 m. un plateau sur lequel sont des traces d'anciens murs; à droite., dans le haut des rochers, des grottes ou tombeaux antiques; à gauche, une petite église en ruine. 7 ni. ruines d'un camp d'Ibrahim; à gauche, le torrent. 22 m. faubourg de Modon. 5 m. Modon.

Total de la route : 2 heures 32 minutes.

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( 10)

En continuant àdescendre vers l'est, on traverse plusieurs ravins magnifiquement ombragés de lauriersroses, d'ébéniers et de myrtes, ajîrès lesquels se trouvent les ruines d'une grande église dont les débris offrent quelques fragments antiques. Près de là, dans un village appelé Métaxadi, on passe sur un petit pont moderne dont la base est antique. (Voyez planche 8.) En se dirigeant ensuite vers le sud, en une heure on arriAre au faubourg de Modon, et l'on entre dans la Aille après avoir traversé une rivière sur un pont de deux arches assez bien construit. (Voyez planche i4-)

EXPLICATION DES PLANCHES.

PLANCHE 8.

Fig. I.—Fontaine près de NaArarin. Cette fontaine, que nous donnons comme un exemple de celles qu'on rencontre très-fréquemment en Morée, se trouve à moitié de la route de Ivavarin à Modon ; c'est là que les militaires qui passaient constamment sur cette route, s'arrêtaient pour se rafraîchir à la fontaine, ou à la cantine que des Français y avaient établie sous une tente près d'un abreuAroir.

Fig. II. — Petite église sur le penchant de la colline, jîrès de la fontaine; détruite par les soldats d'Ibrahim , il ne reste plus de cette église que le soubassement.

Fig. III. — Pont à Métaxadi, village ruiné près de Modon ; les assises inférieures de ce pont sont antiques et ser\7ent de base à la construction moderne.

PLANCHE g.

Fig. I, II et III. — Plan, coupe et vue perspective de l'une des deux petites églises du village d'Osphino, situé sur le penchant de la montagne, à gauche de la route de Navarin à Modon ; elle est précédée d'une petite cour dans laquelle on entre par une porte de côté: sou intérieur, orné de peintures à fresque, est divisé en deux parties par un mur qui forme au fond un petit sanctuaire fermé, dans lequel se tient le prêtre pour officier. Nous vîmes dans d'autres églises à peu près semblables, que la porte qui sert d'entrée à ce sanctuaire est fermée pendant la messe par une draperie, de manière que l'officiant n'est pas AÛsible.

PLANCHE IO.

Fig. I. — Plan d'une église grecque près de Modon. Cette église, remarquable par sa simplicité, est construite sur un plateau dont les terres sont soutenues par un mur de terrasse, couronné d'un appui formant autour d'elle une enceinte carrée: près de l'entrée sont deux citernes en. partie comblées par les ruines de l'église; un porche fermé précède la nef principale, dont Je milieu est divisé par quatre piliers qui portent une tour circulaire, couronnée par une petite coupole.

La construction de ce petit édifice se compose d'assises de moellons entre lesquels sont des lignes de briques, le tout lié ensemble par un mortier de chaux et de terre.

Son intérieur, revêtu de stuc, est orné de peintures à fresque sur un fond noir.

Fig. II.—Vue perspective de la ruine de l'église.

PLANCHE I I.

Fig. I. — Coupe de l'église près de Modon.

Fig. IL— Peinture de la petite voûte de l'angle intérieur à droite: elle représente des saints ayant des vêtements de diverses couleurs; dans le fond qui est noir sont des caractères grecs du temps; les autres peintures sont trop ruinées pour que nous ayons pu les dessiner.

Suivent les planches 8, 9, 10 et ri.


MODON, ANCIENNEMENT MGTHONE.

Pausanias, qui nous a laissé des documents si précieux sur l'histoire des peuples de l'antiquité, nous apprend que Mothone, aujourd'hui Modon, s'appelait, pendant la guerre de Troie et même antérieurement, Pédase ; qu'elle prit, plus tard, le nom d'une fille d'OEneus appelée Mothone; ou bien encore, que cette ville doit son nom à une grosse roche qui protège l'entrée du port et que les gens du pays appelaient Mothon 1.

Les Naupliens, chassés de leur ville par Démocratidas, roi d'Argos, à cause de leur attachement à Sparte, reçurent de cette dernière puissance Modon pour asile, et y fondèrent une colonie que les Messéniens" respectèrent jusqu'au temps où Epaminondas ayant accablé les Spartiates, éleva la Messénie audessus de sa rivale 2; mais l'empereur Trajan les affranchit de la domination de Messène. Plus tard, les Illyriens étant \renus mouiller dans le port de Modon et y ayant attiré par subterfuge les femmes des habitants, ils les enlevèrent, et s'étant ensuite emparés de la ville, ils en firent presque un désert 3.

C'est à Modon que Geoffroy de Ville-Hardouin, croisé français, fut obligé de chercher un refuge contre la tempête qui l'assaillit à son retour de la terre sainte, en 1199. Pendant le séjour qu'il y lit, un seigneur grec voulant profiter du désordre qui régnait à Modon, se ligua avec lui pour s'emparer du pays. Bientôt après, dépouillé de sa conquête, Ville-Hardouin se réunit à Guillaume de Champlitte et battit avec lui. Michel de Comnène à Modon, dont ils firent le siège 4.

Guillaume Galamatis, troisième seigneur de Morée, livra plus tard cette ville aux Vénitiens, pour quatre galères 0. Ils en restèrent les maîtres jusqu'en l'année 1498, époque à laquelle les Turcs , conduits par Bajazet II, s'en emparèrent 0.

Vers la fin du dix-septième siècle, Morosini, général vénitien, reprit Mx>don; mais lorsque la puissance de Venise s'affaiblit, les Turcs lui arrachèrent de noirveau cette ville, dont ils ont été à leur tour expulsés, en 1828, par les Français sous le commandement du général Maison, qui. acquit dans cette campagne le titre de maréchal de France.

Nous apprenons par l'inscription suivante, trouvée dans une église de la ville, que les remparts de Modon, bien réparés aujourd'hui par l'armée française, aAraient été élevés, en iSi/j-, par ordre du sénat Arénitien5 qui en confia l'exécution à Antonio Lauretano, procurateur-général du Péloponèse. Le lion de S t.-M arc, qui se voit encore sur la porte et sur le bastion du grand fossé, est une seconde preirve que ces constructions sont l'oeuvre des Vénitiens. (Voyez planche 12. )

D. O. M.

METHONEM COMMVNfRI VALUS MOENVS ET PROPVGNALIS TERRA. MARIQVE MANDAVIT SENÂTUS ANTONIO LAVRETANO PRO 1» GNÂLI ARMOM IN PELOPONNESO QUI TANTI OPERIS CURAM SUS1TNENS AD YRBIS ET REGNI TVTAMEN EORTIORA MVNIMENTA EREXIT ET CLAVSIT ANNO SALVTIS MDXIV.

Située sur un promontoire qui s'avance au sud vers nie Sapience, cette ville a une seule entrée par terre. Au-delà de cette entrée est la place principale au milieu de laquelle s'élève une colonne de granit oriental, couronnée par un ehajDiteau du Bas-Empire, sur lequel est une inscription latine à demi effacée, et dont les restes sont presque illisibles. A l'entrée de la citadelle qui borde la droite de cette place, se trouve la maison qu'habitait Ibrahim et où loge aujourd'hui le maréchal Maison. (Voyez planche 12.j

La AÙlle, qui s'étend à gauche depuis la place jusqu'au jDort, semblerait n'être habitée que par des

1 Pausanias, liv. ÎV, chap. 35.

2 Id.

3 Id.

4 Chron. de Morée, pag. 36 et 37.

5 Chron-, liv. xi.

6 Coronelli, pag. 83.


( 12)

Français, si l'on ne retrouvait dans le bazar, qui est la rue principale, quelques-Grecs assis sous des espèces d'échoppes et Amendant aux passants les chétifs produits de leur industrie. A l'extrémité du bazar est une grande église à l'angle de laquelle un minaret indique qu'elle a servi de mosquée; son intérieur, où l'on trouve l'inscription latine que nous avons donnée plus haut, est disposé comme les basiliques d'Italie, et di\usé par deux rangs de colonnes en marbre, de dimensions et de nature diverses. (Voyez planche izj- ) Dans la façade d'une autre église où les artilleurs ont établi leurs forges, on remarque quelques fragments de sculptures en marbre du moyen-âge, d'après lesquels on peut se faire une idée de ce qu'était la sculpture d'ornements en Grèce, à l'époque où les arts allaient renaître en Italie. (Voyez planche i3. ) •

Pendant notre séjour à Modon, d'après les indications données par quelques auteurs modernes, nous avons cherché les ruines de Mothone au pied des montagnes qui forment, à l'est, la limite de son horizon ; mais nous n'y trompâmes rien qui pût motiver leurs assertions, ni même faire supposer qu'une ville antique eût existé dans cet endroit. Nous pensâmes qu'il était plus vraisemblable de chercher l'antique Mothone sur l'emplacement même de Modon, dont le nom moderne n'est qu'une légère altération de l'ancien. Effectivement, nous trouvâmes que les murs de la ville, du côté du port, sont assis sur des parties de constructions helléniques ; (Aboyez, planche i5) qu'une tour qui sert de fort, sur le môle, a pour base un rocher qui ferme le port et qui doit être celui qu'a indiqué Pausanias 1. Enfin, pour dernière prenve, je ferai remarquer que la jetée qui se rattache à ce fort est de construction antique et forme le petit port, très-étroit, comme l'indique également le même auteur.

Si l'on ne trouve plus à Modon les restes du temple de Minerve Anémotis, fondé, dit-on, par Diomèdes, ni de celui de Diane, non plus que le puits bitumineux, je pense néanmoins que les restes antiques du port, dont la description s'accorde si parfaitement av'ec celle de Pausanias, suffisent pour déterminer d'une manière certaine l'emplacement de la Avilie antique. Cette opinion est d'autant mieux fondée que, comme je l'ai déjà dit, il n'existe rien, à l'endroit où l'on prétend qu'elle était, qui puisse fournir matière à une objection.

Ayant terminé nos travaux à Modon et dans ses environs et réglé nos affaires avec les autorités militaires, qui avaient mis à notre disposition tout ce qui pouvait adoucir les nombreuses privations que nous aurions à supporter, nous fîmes nos adieux à nos compatriotes, et pleins d'impatience de Aroir les lieux à jamais célèbres que nous allions parcourir, nous quittâmes sans regret les plages arides de Modon et de Navarin..

Le 6 avril, nous partîmes, emportant avec les instruments propres à nos travaux, des effets de campement, de cuisine, etc. Car dans un pays dépourvu de tout comme l'était alors le Péloponèse, il fallait nous munir des objets de première nécessité et nous préparer aux rudes épreuves de la vie nomade qui désormais allait devenir la nôtre.

r Pausanias, liv. iv, chap. 35.

EXPLICATION DES PLANCHES.

PLANCHE 12.

Fig. I. — Entrée de Modon. A gauche, sur le premier plan, se trouAre encastré dans le rempart un bas-relief représentant le lion de St.-Marc; plus loin, à l'extrémité du pont qui traArerse Je grand fossé, on Aroit la porte d'entrée de la ville, au-dessus de laquelle est aussi le lion vénitien; au-delà, sont les murailles de la citadelle.

Fig. II. — Place principale de Modon. Sur le devant s'élève une colonne de granit couronnée par un chapiteau du BasEmpire, surle tailloir duquel est une inscription latine à demi effacée; à droite est l'entrée de la citadelle et la maison où logeait Ibrahim, maintenant habitée par le maréchal Maison; à gauche, sont les maisons de la Aille et l'entrée du bazar; au fond, la vue est terminée par les remparts qui donnent sur la haute mer.

PLAINTCHE I 3.

Sculptures du moyen-âge, à Modon.

Les fragments, fig. I, II, III, IVet V, sont scellés dans le mur d'une église grecque. ; un autrefg. VI, est au pied d'une


. ,(.i3:), : . maison, à l'angle d'une rue, près de la même église; ces divers fragments en marbre peuvent donner une idée de ce qu'était la sculpture dans le Péloponèse, à l'époque où les arts allaient renaître en Italie.

PLANCHE i4

Fig. I et IL —Eglise à Modon. Cette église, disposée comme Jes basiliques d'Italie, est diA'isée en trois nefs par deux rangs de colonnes en marbre, de diverses natures et de différents diamètres, et provenant probablement des temples qui étaient dans cette ville, peut-être à l'endroit même où est aujourd'hui l'église; car, en Grèce comme en Italie, Jes temples payens ont presque toujours été remplacés par ceux du christianisme. Celui-ci fut transformé en mosquée, ainsi que l'indiquent une tribune à l'usage du culte mahométan et le minaret qui est à l'angle de la façade. Dans l'intérieur de l'église, on lit l'inscription latine que nous aA-ons donnée précédemment; elle indique l'époque à laquelle Jes Vénitiens éJeA'èrent les remparts de la A-ille.

Fig. III.—Pont à Modon, construit probablement en même temps que les fortifications; il sert de communication entre la Aille et une partie du faubourg où se trouve une grande citerne à laquelle vont puiser presque tous les habitants de la Aille.

PLANCHE I5.

Port de Modon. Fig. I. — Vue prise de l'extrémité de la jetée; au premier plan sont les constructions antiques dont elle se compose; au-dessus, des fragments de colonnes antiques scellés dans la construction, servent à amarrer les bâtiments. Les ruines de cette jetée embrassent tout le port et Aront se joindre au rocher que je suppose être celui que Pausanias indique, et sur lequel est construit un petit fort; à droite, dans le fond, on aperçoit une partie des remparts, au. bas desquels se trouvent des restes de constructions helléniques.

Fig. IL — Plan du port. A, extrémité de la jetée antique; B, fort moderne bâti sur un rocher ; C. porte de la ville ; D. partie de la construction antique au pied du rempart; E, débarcadère et entrée delà Aille.

Fig. III et IV. — Plan et élévation des constructions antiques de la jetée.

Fig. V. Détail des constructions helléniques sous les remparts.

Suivent les planches 12, i3, i4 et i5.

7



( i5 )

ROUTE DE MODON A CORON.

En sortant de la ville par le pont déjà cité et en se dirigeant à droite, la route passe près d'une citerne et longe ensuite le rivage de la mer. Après vingt minutes de marche, à l'endroit faussement désigné pour être l'emplacement de l'antique Mothone, on quitte le rivage pour entrer dans les montagnes; la route, à l'est, passe dans un petit village nommé Caîafati; ensuite, après plusieurs ruisseaux, on traverse une rivière appelée Lakanada, nom qu'elle prend d'un village quelle traverse, et qui se trouve à environ une lieue sur la gauche.

Après avoir pris notre premier repas cle campagne à Lombre des myrtes et des lauriers-roses qui bordent cette petite rivière, nous continuâmes notre route jusqu'à un torrent nommé le Grivi, sur la rive duquel, à peu. de distance à droite, se trouve une construction romaine en briques; ce qui reste de la Ajoute est orné de compartiments de stuc sculptés, ainsi que l'arc-doubleau de l'arcade d'entrée. Des conduits et une retraite formant bassin font présumer que cette ruine était une salle de bains. (Voyez planche 16.) Près de là, sur un plateau, sont les ruines d'une église d'assez grande dimension.

En continuant à se diriger vers Coron, on traverse un village ruiné où s'élève, à côté d'une citerne, une chapelle grecque ornée de peintures; et tout près, une autre chapelle presque semblable. Plus loin, en sortant de Paleochori, autre village ruiné, on découvre, du haut de la montagne, le golfe cle Coron, fermé du côté opposé par Pin nu en se chaîne du Taygète dont les cimes couronnées de neige forment, avec les montagnes fertiles de la Messénie, un de ces beaux spectacles dont la nature a été si prodigue pour la Grèce.

De ce point la route descend dans une riche campagne où l'on rencontre, au milieu, de plantations d'oliviers, eu partie incendiés par l'armée d'Ibrahim, plusieurs villages en ruines qui sont : Cacliroli, Carakopio, St.-Dimitri, liierakares et Giateroli. Un'cimetière turc est à peu de distance, et à quelques pas de là, on foule aux pieds des encastrements de tombeaux antiques, creusés dans la roche vive qui. forme le pavement de la route. Enfin l'on arrive à Coron, dont l'entrée fortifiée présente, avec le golfe et le Taygète, un point de vue des plus pittoresques*. ( Voyez planche 1.7. )

* ROUTE DJ-: JrOJJOK A COHOÏT.

Eu sortant de Modon, après la porte, on trouve à 4--îiiinuLos le pont; ensuite, on tourne à droite près d'une citerne, pour gagner le rivage de la mer. Sur ce rivage s'élèvent trois grands piliers qui sont des regards d'aqueduc. A. i8 m. la route monte à l'E. ; on quitte la vallée pour entrer dans une gorge; à i i ni. une citerne; à gauche, un petit village en ruines, appelé Caîafati; à 10 ni. l'extrémité d'un ravin; à gauche, un fort eu terre fait par Ibrahim. A 4 m- une citerne ; des restes d'une route vénitienne: à 9.3 ni. un ruisseau qu'on passe sur un très-petit pont en maçonnerie ; à L\ m. \\\\ ruisseau; à 28 m. sommet de Ja montagne. À gauche, à une demi-licue environ, un vieux château; de ce point une très-belle vue ; à J3 m., à une heure sur la gauche, Lakanada village, ou plutôt Lakanades, car il y en a deux . de ce nom. A 10 m. un ruisseau, une fontaine, quelques habitations; à 12 ni. champs cultivés; un ruisseau; une rivière nommée Lakanada, bordée de myrtes et de lauriers-roses; ruines d'un pont du Bas-Empire; belle vallée près de la mer. A i<) m. autre vallée; à gauche, un château. A 3 m. un pont vénitien, sur un ruisseau ; à 8 m. ruisseau; à droite, du côté de la mer, une tour gothique bien conservée. A 7 m. ruines d'une tour près d'un puits; à 3 m. le Grivi, torrent; sur le bord, à droite, une ruine romaine. (Voy. pi. i G.) Plus loin, ruines d'une église; à 5 in. une montée; partie de route pavée; à 18 m. à gauche, un petit village sur une montagne; un ruisseau ; à 7 m. champs cultivés et oliviers; à 7 m. un village ruiné; une chapelle; à 5 m. à droite, dans un fond , une autre chapelle ornée de peintures et, tout près, une église ; à 3 m. sommet de la montagne ; à 4 m. ravin boisé ; à 16 m. un ruisseau; à j L\ m. Paleochori, village; à L\ m. le point le plus élevé de la route ; vue du golfe et du Taygète; à a5 m. un ruisseau; à 26 m. une petite rivière; à droite, Cadiroli, village, dans un champ d'oliviers; au milieu, un château-fort; à 10 m. un ruisseau, champ d'oliviers; à 8 m. Carakopio, village considérable; à 9 m. à gauche, Calignares, village; à 4 m. chapelle ruinée; champs d'oliviers; à g m. à une demi-heure sur la gauche, St-I)iinitri, village; à droite Giateroli, village; un cimetière, près de la route; non loin delà, dans la roche vive qui forme le pavement, sont des encastrements de tombeaux antiques; à i5 m. route pavée; à 6 in. entrée de Coron. ( Voyez planche 17. ) Total de ia route : 6 heures 29 minutes.

CORON, AUTREFOIS COLONIDES.

Cette ville doit son origine à une colonie d'Athéniens. Ses habitants disent que Coloenus, qui les amena de l'Attique, prit, d'après un oracle, une alouette pour guide de son expédition'. On ignore aujourd'hui comment elle a changé ce nom d'origine fabuleuse contre celni de Coron, qui est aussi celui du golfe de Messénie.

Coron a toujours suiA7ile sort de la Morée : subjuguée successivement par les croisés français, les Génois les Vénitiens et les Turcs, les Espagnols s'en emparèrent en 1622; mais ils ne la possédèrent qu'un instant. Les Turcs, qui la leur reprirent, en furent chassés parle procurateur Francesco Morosini; mais par la suite, elle repassa, avec le reste de la Morée, sous le joug ottoman.

1 Paus. liv. IV, chap. 34- 8


( 16 ) En 1770, les Russes, sous les ordres du comte Orloff, tentèrent de la prendre d'assaut; mais après de

vains efforts, ils abandonnèrent leur entreprise, le 26 mai de la même année. Aussitôt que la garnison turque eut aperçu l'escadre à la A^oile, elle sortit de la citadelle, et détruisit entièrement la Aalle grecque1* Les Français y entrèrent, en 1828, à la suite d'une capitulation, et ils remirent cette place aux Grecs, au commencement de 182g. Les remparts de la ville haute et de la citadelle sont d'un bel aspect et en bon état, ayant été réparés ■par les Turcs. Quoiqu'il soit probable que les constructions des Vénitiens sont établies sur le plan de celles de l'acropole antique, nous n'y trouvâmes rien qui pût nous confirmer dans cette opinion.

Les seules antiquités qu'on trouve dans la ville sont quelques fragments employés dans les constructions modernes, entre, autres, deux chapiteaux du Bas-Empire, dont l'un, quoique assez grossièrement travaillé, ne laisse pas de rappeler le beau style grec de ceux de la tour des Vents à Athènes 2. (Voyez planche 17.)

Les principales maisons turques, à Coron, sont remarquables par la richesse de leur décoration et la grandeur de leur disposition; les intérieurs sont ornés de boiseries sculptées et peintes, ainsi que de Astraux de couleurs dont l'ensemble, d'un goût oriental, produit un bel effet.

La ville basse, qui était celle des Grecs, a été en grande partie ruinée parles dernières guerres. Dans ses tristes débris on ne trouve presque rien qui puisse intéresser le voyageur. L'inscription grecque que WL Pouqueville rapporte de St.-Dimitri a été enlevée; les seules antiquités qu'on rencontre encore parmi les restes de cette église sont quelques fragments de moulures en. marbre, d'un très-faible intérêt.

Le port, qui tient à cette partie delà ville, se compose d'une anse en partie formée par une jetée antique dont les pierres., autrefois régulièrement taillées, ont été rongées et défigurées par le mouvement continuel des vagues.

À l'est de la citadelle, sur un cap aujourd'hui cultivé, on rencontre une grande .quantité de débris cle terres cuites et cle poteries, ainsi que plusieurs citernes antiques bien conservées. Nous en trouvâmes six: cinq circulaires et une carrée; leurs ouvertures sont presque entièrement cachées sous les herbes, de sorte que si l'on n'était: averti parles guides, on courrait risque d'y tomber et de s'y noyer, car elles sont à peu près emplies d'eau. A l'extrémité de ce plateau, qu'occupait probablement la ville antique, sur le bord delà mer, on remarque des parties de murs de construction romaine du Ras-Empire, et, dans une masse de rochers à pic, qui forment le rivage, quelques marches taillées conduisant à la mer.

Ne trouvant rien à Coron qui dût nous arrêter, impatients d'armer à Messène, nous nous disposâmes à partir dès le lendemain cle notre arrivée. Depuis plusieurs jours, on attendait l'arrivée du comte Capodistrias qui devait se rendre au quartier-général cle l'armée française , pour y traiter avec le maréchal Maison des affaires relatives au gouvernement de la Grèce. Nous vîmes, ce jour-là, toutes les autorités de la Messénie se rendre à Coron pour y recevoir le président. C'est là aussi, que, pour la première fois, nous vîmes les troupes régulières grecques (Tacticos) qui composaient la garnison de la ville. Je ne sais jusqu'à quel point il était nécessaire de foire prendre à ces soldats un costume européen; mais comme artiste, je ne pus m'empêcher d'exprimer mon regret en leur voyant porterie maigre accoutrement prussien qui. contraste d'une manière si désagréable avec le costume pittoresque et caractéristique des palikares.

' Cboiseuil-Gouffier, liv. i, pag. a3 et a/j. 2 Ces deux chapiteaux en marbre ont été enlevés et transportés à

Modon par M. Esperonnier, commandant d'artillerie.

EXPLICATION DES PLANCHES.

__ïib Ç-QtQ iTiïT

PLANCHE 16.

Fig. I, II et III. — Plan, coupe et vue d'une construction romaine située sur la route de Modon à Coron. Les murs sont en briques. Ce qui reste de la Aroûte est orné de compartiments en stuc sculptés, ainsi que l'arc-doubleau de l'arcade d'entrée; des conduits et une retraite formant bassin font présumer que cette ruine était une salle de bains.

PLANCHE 17.

Fig. I. — Vue de l'entrée de Coron. Au-dessus de la porte est le lion de St.-Marc, ce qui prouve que ces constructions sont vénitiennes. A droite, est une fontaine de la même époque; on ajoercoit dans le lointain, vers la gauche, les cimes du Taygète qui se troirve de l'autre côté du golfe de Coron.

Fig. II et III. — Deux chapiteaux antiques en marbre trompés dans les ruines de la ville ; l'un est imité des chapiteaux de la tour des Vents à Athènes, l'autre est romain et de la décadence.

Suivent les planches 16 et 17.


( i7)

ROUTE DE CORON (COLONIDES) AU PORT PETALIDI (CORONE).

Eu sortant de la ville, on passe sur les vestiges des tombeaux antiques dont nous avons déjà parlé ; près de Carakxmio, on laisse, à gauche, la route de Modon, pour se diriger A^ers le nord, en côtoyant la mer, au milieu de champs d'oliviers que nous trouvâmes en partie détruits et brûlés par les Turcs.

En laissant sur la droite et sur la gauche de la route plusieurs villages ruinés, qui sont: Putriades, Cornus , Karcovi et Vounaria, on arrive à Kastélia, autre village également en ruines. L'emplacément de ce village étant îe lieu indiqué par Pausanias et par quelques auteurs modernes pour être celui où s'élevait le temple d'Apollon Corynthus, dont la statue était de bois, et une autre en airain, dédiée à Apollon Argoùs par ceux qui.montèrent le navire Argo, nous en fîmes l'exploration, et nous trouvâmes sur un mamelon qui domine le 'village, et près dune citerne, un massif de construction antique, formant un parallélogramme, et auprès duquel étaient épars plusieurs fragments en marbre d'une assez grande dimension. 11 est probable que tous ces restes ont appartenu au temple que nous cherchions.

C'est au milieu de ce beau site, couvert cle la plus riche végétation, et à l'aspect enchanteur des montagnes qui environnent le golfe de Messénie, que, du temps de Pausanias, les malades venaient, chercher la santé. On comprend que l'influence d'un si délicieux séjour dut leur procurer, ce qu'ils venaient y demander à Apollon.

A partir de Kastélia, la route continue à longer le rivage de la mer, à la distance de quelques pas. On traverse Kandiani, hameau ruiné, et, plus loin, un gué appelé Longa, du nom d'un village qui se voit à gauche, sur le penchant de la colline, et qui est environné de massifs de cyprès et d'arbres de Judée.

En poursuivant notre route, nous aperçûmes, en dehors du chemin, différents groupes d'hommes et de femmes^ portant des rameaux de myrte et de laurier ; ils attendaient, sur son passage, lé président de la Grèce, pour le fêter selon l'antique usage. Un instant après, nous le rencontrâmes à cheval, et se dirigeant vers Coron, entouré d'un état-major assez nombreux, où l'on remarquait quelques chefs grecs bien costumés, entre autres, Nicétas, aussi célèbre par sou patriotisme désintéressé que par sa bravoure. Nous descendîmes de cheval, pour présenter nos hommages au comte Capo-d'Jstrias, et le mettre au courant de notre mission; après uue courte pause, nous partîmes satisfaits de son affabilité et de sa bienveillance.

Notre route se prolongeait au milieu de massifs de myrtes et d'arbousiers sillonnés par de nombreux ruisseaux, comme en un délicieux jardin. Après aA^oir rencontré quelques fragments de route pavée, et traversé le lit boisé d'un petit torrent, nous arrivâmes au port Pétalidi, où. l'on trouve une jetée antique qui, partant du rivage, s'étend jusque dans la mer. Sur les rochers qui servent de base à cette jetée, l'on voit encore cinq ou six pierres d'assises régulières qui, après des siècles de destruction, viennent aujourd'hui témoigner de l'existence passée du port de Corone. *

* ROUTE DE CORON AU PORT PÉTALIDI.

En sortant de Coron on rentre dans la route de Modon, sur laquelle, après 58 minutes de marche, on retrouve le village de Carakopio. On quitte alors cette route p'our prendre, au nord, celle de Pétalidi qui traverse des bois d'oliviers. A u m. Putriades, village. A o.[\ m. Cornus. A 10 m. Karcovi, village ruiné; à 6 m. Vounaria, village, à droite, sur un cap. A 8 m. Kastélia, village ruiné, dominé par une montagne sur laquelle sont les ruines du temple d'Apollon Corynthus. A i4 m. Candiani, village rainé. A 6 m. Longa, rivière venant d'un village du même nom qui s'aperçoit sur le penchant d'une montagne; la route se prolonge dans une campagne couverte de végétation. A 5a m. ruisseau et fontaine. À a3 m. un torrent dans un ravin boisé. A43 m. après plusieurs ruisseaux, un petit torrent couvert d'arbustes. A 8 m. à droite, ruines d'une tour ronde; à 29 m. torrent dans un ravin. Â 3om., à droite, jetée antique du port de Corone qui setend assez loin dans la mer. À ri m. maisons du port Pétalidi.

Total de la route : 5 h. 33 m.


( i8)

PÉTALIDI, ANCIENNEMENT CORONE.

Une ruine du moyen-âge et deux habitations ruinées sont les seules constructions qu'on rencontre sur lep>ort. A l'O. N.O. sur le versant de la montagne où s'élevait la ville antique, qui se nommait Epeïa avant la restauration des Messéniens dans le Péloponèse, on rencontre plusieurs débris de la même époque, et quelques constructions romaines; parmi ces dernières, se trouve une salle décorée, à l'intérieur, de renfoncements en arcades, et deux fragments de statues antiques.

Sur le point culminant de la côte, sont les ruines de l'Acropole, dont il reste quelques parties d'enceinte de construction hellénique; mais on ne retrouve aucune trace des temples de Diane, de Bacchus et d'Esculape , non plus que du forum où était la statue en bronze de Jupiter SauAreur.

Comme nous étions dans le carême, et que les Grecs sont scrupuleux observateurs du jeûne, nous eûmes beaucoup de peine à nous procurer des vivres; sans la hardiesse du Grec qui nous sentait, et qui prit de force, en en déposant la valeur, un agneau qu'un pâtre refusait de lui A-endre, nous nous fussions couchés sans avoir pris d aliments, et dans nos tentes qui, malgré leur double toile, ne pouvaient nous garantir de la grande humidité de l'atmosphère. Nous aurions fait, du même coup, deux rudes essais, car c était la première fois que nous campions.

ROUTE DE PÉTALIDI A NISL

En remontant au nord, vers le rivage, on. passe près de plusieurs ruines du moyen-âge et d'une construction romaine ruinée. Ou traverse ensuite plusieurs ruisseaux près de leur embouchure, et, enfin, une petite rivière appelée le Karias. C'est sur cette plage que les Français, commandés par le général Maison, débarquèrent, en 1828, pour secourir la Grèce.

Dans cette plaine fertile, sillonnée par plusieurs ruisseaux, coule le Gigiori, rivière autrefois nommée Bias.

En continuant la route, au milieu de champs cultivés, couverts de plantations d'oliviers, de mûriers et de nopals, on arrive à Nisi. *

* ROUTE BU PORT PETALUH A KIS).

Après avoir passé près de plusieurs constructions modernes et du Bas-Empire, on traverse, après ag minutes , une petite rivière nommée Giané; à as m. une autre rivière appelée le Karias; c'est là que les Français débarquèrent en ]8a8. A io m. une fontaine; à 6 m. , la ^'élica, rivière qui traverse une plaine cultivée. A )8 m. un pont en pierre, sur l'Arrami, rivière; ensuite, Philippaki, village. La route se dirige vers le 1S. E. A 2.3 m. fontaine, dans une vallée, près d'une plantation de mûriers. A 3 m. un pont en pierre, sur le Gigiori (Bias); ensuite, des plantations de mûriers, d'oliviers et de nopals. On trouve à 6o m. Nisi, ville assez considérable; à iom., au-delà de la ville, une fontaine qui arrose toute la campagne.

Total de la route jusqu'à la fontaine : 3 heures.

NISI.

Située dans une plaine, à. "quelque distance du fond du golfe de Messénie, et près du Pamisus, Nisi est une ville moderne assez considérable. C'est à Nisi que l'intrépide Mavromichalis, retranché, dans une maison avec i% hommes, arrêta, pendant trois jours_, en 1770, l'effort des Turcs, pour protéger la fuite d'Orloff.

Cette Avilie a été presque entièrement détruite pendant la dernière guerre; mais depuis que la présence des Français y a rappelé la sécurité, les habitants ont relevé leurs maisons qui sont presque toutes construites en planches. Le bazar paraît très-fréquenté par les Grecs des villages A^oisins.

On remarque dans la Adlle une église du moyen-âge, assez considérable, et quelques autres d'une moindre importance.

A l'extrémité N. de la ville, est une fontaine dont les eaux abondantes arrosent les prairies d'alentour.


( i9 )

ROUTE DE NISI A ANDROUSSA

Ayant dépassé la fontaine, on se dirige au nord vers une plaine magnifique, au milieu de laquelle serpente le Pamisus; à droite, au pied d'une montagne qui forme les premiers échelons du Taygète, on aperçoit plusieurs villages dont les plus apparents sont: Aïaga,. Thorianouzi, Koutzoukoumani et Pépéritza. Nous rencontrâmes, en ce lieu, des officiers d'état-major français, occupés à lever la carte topographique de la Morée, ordonnée par le ministre de la guerre.

Après s'être dirigé parallèlement au cours du Pamisus, on quitte la plaine pour monter A^ers le nordouest sur une colline, au sommet de laquelle est située, sur un plateau, la ville d'Androussa. *

* ROUTE DE KISI A ANDROUSSA.

A partir de la fontaine, la route se dirige au nord, dans une plaine qu'arrose le Pamisus. Dans le fond, à droite, au pied des montagnes, plusieurs villages qui sont : Aïaga, Thorianouzi^ Koutzoukoumani, Pépérilza. A 3o minutes, on aperçoit à gauche, Gaïdaroehori, village appelé par les paysans Asiné. A 35 m. un ruisseau; à 16 m. à gauche, sur un mamelon, Ilomovrisi, village. A i5m. à droite, Aïdini, village; un petit pont sur un ruisseau. A 4 m. un autre petit pont. A 7 m. à droite, Kalamara, village. A 22. m. après avoir monté, Àndroussa.

Total de la route : 2 heures g minutes.

ANDROUSSA.

Cette ville assez considérable domine la plaine, au milieu de laquelle coule le Pamisus. Selon toute apparence , Androussa doit son origine au moyen-âge, quoique quelques auteurs aient prétendu qu'elle a été bâtie sur l'antique Audania, que Pausanias * indique à huit stades du bois sacré de Carnasium, près de la plaine de Stényclaros.

Depuis la destruction de cette ville, qui date de quelques années, une partie des maisons ont été rebâties, mais la végétation ayant envahi ses ruines, elle présente l'aspect de la désolation. On voit, à l'est, un château-fort en ruines; de la plate-forme où il est situé, on clécouATe toutes les campagnes environnantes : d'un côté, le mont EAran et l'Ithome; de l'autre, toute la chaîne du Taygète et le golfe azuré de Coron. Au nord du château., de l'autre coté d'un ravin, et sur le penchant d'un coteau boisé, est une petite chapelle bien conservée , très-pittoresque, dont la construction offre un mélange de pierres et de briques, très-heureusement combinées. (Voyez planche 18.)

Au milieu des ruines de la ville on trouve des restes de bains turcs, de mosquées et de maisons fortifiées. Dans l'une des moins endommagées, nous passâmes la uuit exposés aux intempéries de l'air.

ROUTE D'ANDROUSSA A MAVROMATI (ME S SENE). ■

Les restes d'un aqueduc bien construit, qu'on rencontre en sortant delà ville, prouvent qu'Androussa avait quelque importance. De là, pour se rendre à Mavromati, l'on traversera l'ouest de l'Evan, un ravin sur un petit pont, près d'une fontaine. On rencontre deux petits \rillages et, ensuite , dans une vallée qui est à gauche de la route , on aperçoit une petite église, qui est celle de Samari, petit village qu'on A^oit au-delà, sur un coteau boisé. Ce petit monument du moyen-âge, qui.dépend du monastère de Vourkano , . est l'un des plus complets et des mieux conservés de ce genre que nous vîmes en Morée. II peut, avec ceux que nous aArons déjà donnés, offrir le type des églises grecques qui, en général, ont une grande similitude.

La construction de celle-ci, qui se compose d'assises de pierres séparées par des lignes de briques, ainsi que le jeu de ses toits, lui donne, au milieu de la végétation Avariée qui l'environne, l'aspect le plus pittoresque.

1 Messen., chap. 33.

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( io y

A l'intérieur, sont des peintures à fresque, représentant des sujets tirés de l'Ecriture-Sainte, et du même style que toutes celles dont nous avons déjà parlé. Deux colonnes en marbre blanc veiné portent l'un des côtés du pendentif du milieu. A l'extérieur, le portique et la petite tour carrée qui le surmonte, sont portés par deux colonnes en pierre que le temps a noircies, ainsi que les deux piliers extrêmes de ce portique.

Le porche, qui décore l'entrée latérale, s'appuie également sur une colonne en pierre, supportant une arcade. (Voyez planche 19.)

Près de l'église sont dispersés des fragments de fûts de colonnes provenant probablement de monuments antiques.

En continuant la route qui conduit à Messène, ou marche sur le versant occidental de l'Evan. Sur les montagnes qui ferment l'horizon, au nord, s'élève un grand mur flanqué de tours : il fait partie de l'enceinte de Messène. Le village de Simiza se trouve en-deçà des murs opposés à ceux que nous venons de citer. Tout l'espace renfermé dans ces immenses murailles , en y comprenant le mont Idiome, embrassait autrefois une ville superbe qui n'est plus aujourd'hui qu'une grande et belle vallée couverte de champs cultivés, au milieu de bosquets de lauriers et d'oliviers sauvages, qui, semés abondamment sur le sol, l'enrichissent de leur végétation variée.

Près d'un ruisseau qu'on rencontre à peu de distance de Simiza, sont couchés à travers le chemin des débris de constructions antiques qu'il faut franchir pour arriver à Messène. Plus loin, sur le versant de rithome, est le A'illage de Mavromati, où, grâce à la généreuse hospitalité des habitants, nous trouvâmes un logement pour tout le temps que nous demanda l'exploration de la cité antique *.

KOUTK D'AÎSDROUSSA A MAVE03IATI. ( MESSÈNE. )

En sortant de la ville , A'ers le nord, on remarque sur la route un aqueduc assez considérable. A 17 minutes, une partie d'aqueduc; à 38 ni. après avoir tourné une petite, montagne, on voit dans une vallée, à gauche, l'église de Samari près du village du même nom. A 20 m. au lias d'une descente difficile, la rivière appelée Mavromati, au milieu d'une vallée; ensuite, on remonte sur le versant occidental du mont Evan. A 45 m. Simiza, village dans la vallée de Messène. A a/j m. un ruisseau; des constructions antiques; des murs de l'enceinte de Messène. La route, ensuite, monte vers la base de l'Idiome et l'on arrive, après 17 m., au village de Mavromati qui se trouve sur le penchant de la montagne.

Total de la route : 2 heures Zji minutes.

En partant de l'église de Samari pour se rendre à Mavromati, si, au lieu de passer à l'ouest del'EA^an on prend par son versant opposé, l'on arrive à un monastère assez considérable, nommé la Panagia de Vourkano.

Il serait difficile de rencontrer un lieu plus beau, que celui qu'ont choisi les moines de ce couvent pour y établir leur demeure. Au pied d'un mont majestueux, à l'abri des Arents du nord, et sur un sol assez élevé pour pouvoir embrasser d'un seul coup-d'oeil l'immense et magnifique plaine de la Messénie qu'arrose le Pamisus, les montagnes d'Arcadie à gauche, vis-à-vis et à droite, la chaîne du Taygète, et le golfe de Coron qui termine par un horizon sans fin ce magnifique tableau.

Le couvent, dont l'ensemble est très-pittoresque, est entouré de plantations de cyprès qui se détachent en vigueur sur le fond.brillant qui l'environne; à lentour, sont des champs cultivés et des jardins appartenant au monastère, auquel un petit aqueduc amène de l'Evan une eau excellente. Près de l'entrée à gauche, sont scellés dans la muraille deux pieds antiques en marbre d'une très-belle sculpture. Au milieu de la cour est une église du moyen-âge, dont l'intérieur, d'un bel effet, est orné de peintures à fresque bien conservées. Tous les sujets, tirés de l'ancien Testament, sont traités d'une manière remarquable.

De ce couvent, en gravissant le côté est de l'Evan par un sentier assez escarpé, l'on arrive sur le col qui sépare ce mont de rithome, et l'on entre dans l'antique Messène par la porte de Sparte. Un chemin, qui part de ce point et qui suit le contour de l'Ithome, conduit en dix minutes au village de Mavromati.


( 21 )

EXPLICATION DES PLANCHES.

i iiiiQOq i" i.

PLANCHE 18.

Plan et A'iie d'une petite église à Androussa. Ce rjetit édiliee, situé hors de la'ville, domine un riche vallon; des groupes d'arbres qui l'environnent ajoutent au charme de son aspect. Cette construction est remarquable par la simplicité de sa disposition et par Ja combinaison ingénieuse des pierres et des briques qui la composent.

PLANCHE 19.

Plan et coupe de l'église de Samari. Cette église, la plus complète et la mieux conservée de toutes celles que nous avons vues en Grèce, est remarquable par la complication de ses combles qui lui donnent un caractère très-pittoresque. Comme tous Jes monuments de ce genre, sa construction se compose de moellons et de briques liés par un mortier de terre et de chaux. A l'intérieur, qui est entièrement couvert de peintures à frescrue, représentant des sujets tirés de l'Ecriture-Sainte, sont deux colonnes en marbre veiné, supportant l'un des côtés de Ja coupole du milieu ; deux colonnes et deux piliers en pierre noircis par le temps soutiennent le porche d'entrée de la façade piïncipale; et une autre colonne, également en pierre, porte l'angle du porche latéral.

Près de cette église sont des fragments de colonnes qui paraissent avoir appartenu à un monument antique.

PLANCHE 20. Vue de l'église de Samari.

PLANCHE ai.

Plan et vue intérieure de l'église du monastère de "Vourkano. Ce petit édifice que nous donnons comme Je dernier exemple d'architecture moderne de notre ouvrage, est construit au milieu de la cour du couvent. Comme tous ceux de cette époque, il est orné à son intérieur de peintures à fresque dont les sujets sont tirés de l'Ecriture-Sainte. Dans la partie basse du pronaos, l'enfer est représenté par une composition bizarre, mais non pas sans quelque génie; toutes ces peintures sont exécutées sur un fond noir. Deux colonnes en marbre portent l'un des côtés du pendentif, et un petit mur orné d'arcades sépare la nef principale du sanctuaire. Les murs sont construits en briqués1 et en moellons.

Suivent les planches 18, 19, 20 et ai.



23 )

MESSENE.

Lorsqu'on pense à décrire le site et les monuments de l'antique Messène, l'esprit se trouve entraîné par la vive sympathie qu'éveillent les souvenirs d'héroïsme et de constance de son peuple, dans trois guerres successives dont le récit offre l'épisode le plus intéressant, peut-être, de l'histoire de la Grèce.

Avant le rétablissement de l'indépendance de cette contrée, par les Thébains , à la suite de la bataille deLeuctres, aucune ville n'aA^ait porté le nom de Messène. Ce fut Epàminondas qui fonda cette nouvelle cité au pied de l'Ithome, qui deAnnt son acropole. Sur le sommet de ce mont, et dès la plus haute antiquité, des temples étaient consacrés au culte des grandes déesses Cérès et Proserpine, ainsi qu'à Jupiter Ithomate.

C'est sur l'Ithome, et presque dans le sanctuaire de leurs divinités tutélaires, que les Messéniens, accablés par la puissante Lacédémoue, vinrent, dans la première et la troisième guerre qu'elle leur suscita, chercher un dernier refuge et se défendre avec un courage désespéré; mais après des années d'héroïques efforts , deux fois ils y virent expirer leur liberté.

Sparte, que les institutions de Lycurgue avaient rendue forte et ambitieuse, convoitait les riches campagnes de la Messénie, et cherchait contre elle des prétextes de guerre. Une rixe violente, dans laquelle Téléclus, l'un de ses deux rois, fut tué, éclata à Limna, ville située sur la limite des deux Etats et consacrée au culte commun des deux peuples. Ayant exigé des Messéniens des réparations humiliantes qui leur furent refusées , les Lacédémoniens s'emparèrent aussitôt par surprise d'Ampheïa et des autres places frontières , dont ils massacrèrent les habitants (744 av- J- C. ).

Les Messéniens coururent aux armes, et après plusieurs combats meurtriers dont le succès fut douteux, ils se retirèrent sur l'Ithome, dans la douzième année de la guerre.

Assiégés dans leur citadelle par une armée nouvelle, ils lui firent éprouver plusieurs défaites; mais une résistance si glorieuse et si longue épuisait toutes leurs ressources, et Aristodème, leur roi, après avoir bravé pendant cinq ans les efforts des Spartiates, trouAra sa position si désespérée qu'il se donna la mort.

Les Messéniens découragés, et d'ailleurs épuisés par la famine, abandonnèrent la place dans la \ringtième année de la guerre. Le peuple se retira sur le territoire de ses alliés, en Argolide et en Arcadie. Ceux qui restèrent eu Messénie furent soumis à l'humiliante condition de porter à Sparte la moitié du produit annuel de leurs terres; mais ce joug était trop pesant pour qu'il pût durer (yy-4)-

Quarante ans après la prise de rithome, les Messéniens se révoltèrent et prirent pour chef un prince du sang royal, Aristomène, général habile et audacieux.

Après un premier combat soutenu glorieusement, Aristomène courut eu Laconie, et pénétra pendant la nuit dans le temple de Minerve 5 au milieu de l'Acropole de Sparte, et y consacra à la déesse un. bouclier pris sur les Spartiates.

Ceux-ci, pour se conformer à l'oracle, ayant pris pour les commander le poète T}<rtée , n'en éprouvèrent pas moins trois défaites dans les plaines de Stényclaros; découragés par ces reA7ers, ils voulaient renoncer à la guerre, mais Tyrtée s'y opposa et les excita de nom^eau à combattre. Les Messéniens, trahis par le roi dArcadie leur allié, furent vaincus à la bataille cle la grande Tranchée, et se retirèrent sur le mont Ira, qu'Aristomène défendit pendant onze années.

Plus tard, profitant d'un orage, et instruits d'ailleurs par un transfuge de l'état souffrant de leur général, les Spartiates attaquèrent les Messéniens, et s'emparèrent d'Ira, après quatorze années de combats glorieux pour les vaincus (668). Aristomène fit néanmoins sa retraite au milieu, des assiégeants, et conduisit les débris de sa troupe chez les Arcadiens, où une nouvelle trahison fit échouer le hardi projet qu'il y avait conçu de surprendre et de détruire Sparte.

Une partie des Messéniens restèrent en Arcadie, tandis que les autres allèrent s'établir à Zancïé, en Sicile, qui reçut d'eux le nom de Messane, aujourd'hui Messine.

Deux siècles après la chute dira (464) ? les Ilotes et les Messéniens, voulant profiter du désordre qu'avait occasionné à Sparte un tremblement de terre qui ensevelit 20,000 de ses habitants, se révoltèrent et prirent les armes; mais ayant été repoussés dans leurs premières attaques par Archidamus ,' roi de Lacédémone, ils se retirèrent sur l'Ithome, où leur courage héroïque et l'assistance de Pise firent durer le siège dix années. 12


( *4)

Après la prise de l'Ithome (454), les Athéniens recueillirent les Messéniens et les établirent à Naupacte; mais ils en furent chassés par les Lacédémoniens, quand le succès de la bataille d'jEgos Potamos leur eut rendu la prépondérance qu'ils avaient perdue. Quelques-uns alors allèrent rejoindre leurs frères en Sicile ; d'autres fondèrent une colonie en Libye.

La victoire qu'Epaminondas remporta à Leuctres contre les Lacédémoniens (371) étonna la Grèce, et ébranla la puissance de Sparte. Pour tenir leurs rivaux dans l'abaissement, les Thébains se firent les protecteurs de tous les j^euples qu'ils avaient asservis ; l'Arcadie et la Messénie recouvrèrent leur indépendance; mais pour la consolider, Epaminondas fit relever leurs murailles, et les Arcadiens, d'après son conseil, bâtirent Mégalopolis , afin de réunir en un seul point les populations de quarante villes éparses. Il rappela de tous les pays où ils étaient dispersés les descendants des Messéniens bannis, et qui, chose digne de remarque, rapportèrent dans leur ancienne ]3atrie les moeurs, le costume et le langage doriens qu'ils avaient consei^és intacts au milieu de différents peuples.

Epaminondas songea à leur fonder une ville qui pût devenir un asile redoutable à l'ennemi. L'heureuse position de l'Ithome et l'assiette du terrain à la base de ce mont, si admirablement disposée pour asseoir une place de guerre, n'échappèrent pas à la sagacité d'un général si habile, et il choisit ce lieu déjà sacré aux yeux des Messéniens. Mais pour se conformer aux idées religieuses du temps, et pour agir puissamment sur l'esprit superstitieux d'un peuple que quatre siècles d'infortunes avaient rendu craintif, il fit consulter les augures pour connaître la volonté des dieux, et la réponse, comme on peut le penser, fut conforme à ses desseins (36g).

Il mit aussitôt tout en oeuvre pour l'exécution de son projet, imprima la plus grande activité aux architectes et aux travailleurs, surveilla tout, et les temples, les maisons s'élevèrent, et une ceinture de murailles formidables environna la cité nouvelle, qu'Epaminondas nomma Messène , voulant sans doute réunir comme en un seul faisceau tous les souvenirs glorieux de la Messénie entière qu'il faisait renaître forte et menaçante deA^ant sa rivale humiliée '.

Depuis cette époque, la Messénie prit son rang parmi, les Etats libres de la Grèce, et le conserAra jusqu'à la domination romaine. Seulement Messène fut surprise pendant la nuit par Démétrius , que son père Philippe, roi de Macédoine, avait envoyé pour lever des tributs d'argent sur les contrées voisines. Connaissant bien les localités, il escalada la muraille entre la ville et l'Acropole; mais repoussé par les habitants de la cité, et écrasé par la garnison de la citadelle, il s'enfuit dans le plus grand désordre, après avoir perdu presque tous ses soldats.

Dans le troisième siècle , le nom de Messène reparaît encore , et Hiéroclès en fait mention au sixième. L'oubli passa ensuite sur cette cité.

Parmi les ruines que nous offre cette ville célèbre, son mur d'enceinte, dont nous retrouvons encore de grandes parties, tient le premier rang. L'abbé de Fourmont, qui voyageait en Grèce en 1729, dit qu'alors les murs de Messène étaient flanqués de trente-huit tours. Aujourd'hui la porte de Mégalopolis, celle de Laconie et plusieurs tours sont encore debout; quelques-unes sont même dans un état parfait de conservation ( Aroyez les planches ).

Aux endroits où ces constructions ont été renversées, on retrouve les traces de la muraille et remplacement des tours; et dans ceux où il n'existe plus rien, la forme du terrain, jointe à la disposition des restes qui l'avoisinent, indique leur ensemble d'une manière qui n'est point douteuse, de telle sorte que nous aArons pu reWer avec certitude Te plan de ces murailles, ainsi que celui de la double enceinte qui forme la citadelle sur l'Ithome.

Dans l'intérieur , on retrouve une quantité de ruines et de débris en place dont il est difficile de reconnaître la destination ; d'autres ont suffisamment conservé de leurs formes primitives pour permettre de les comprendre facilement. Parmi ces derniers se trouve le stade, entouré de portiques doriques d'un beau caractère; à son extrémité, nous aA~ons retrouvé tous les fragments d'un asdicule passablement conservé, et dont nous pourrons donner une restauration certaine. Ensuite, les ruines du théâtre; des soubassements d'édifices ; des files de colonnes renversées ou en place ; des bases de tombeaux; deux ou trois fragments de sculpture ; quelques inscriptions et les restes antiques delà fontaine Clerjsydre, qui, aujourd'hui encore, fournit de l'eau assez abondamment pour la consommation des habitants de MaATOmati et pour la culture des terres de la vallée.

Sur la citadelle est un petit couvent qui occupe probablement remplacement du temple de Jupiter,

1 Voy. pour ces trois guerres et pour la fondation de Messène, Pausanias, Thucydide, Strabon, Polybe et Barthélémy.


(25)

dont la statue avait été faite par Agéladas pour les Messéniens réfugiés à Naupacte, après la guerre d'Aristomène\ A côté, sont deux citernes antiques, et au nord, un soubassement d'édifice, probablement celui du temple consacré aux grandes déesses.

L'intérêt qui résulte de notre exploration aii milieu de ces restes curieux , et surtout l'importance des murailles qui donnent aujourd'hui une idée complète du système cle fortifications employé au temps d'Epaminondas, nous ont déterminé à donner un plan général de Messène avec les détails topographiques les plus minutieux et les plus précis. Nous espérons par là procurer de véritables jouissances et de précieuses lumières à ceux qui, dans les monuments antiques, recherchent des documents historiques bien constatés.

Pendant le mois que nous passâmes à Messène, je fis faire des fouilles assez considérables, dont les résultats ne furent pas sans importance pour nos travaux.

Logés clans la plus belle maison du village, laquelle équivaudrait à' l'une de nos chaumières, nous jouissions, à la fin de chaque jour, du spectacle enchanteur que produit le soleil couchant sur les belles montagnes qui bornent l'horizon et sur l'admirable A7égétation. qui. couvre la vallée de Messène ; et, presque deA7enus habitants du village, ce n'est pas sans quelque regret que nous quittâmes ce beau séjour, ainsi que nos hôtes, dont l'hospitalité généreuse et les moeurs simples et innocentes nous rappelaient les beaux temps delà vie pastorale auxquels la fiction adonné le nom d'âge d'or, et qui semblaient nous offrir les personnages réels des églogues de Théocrite et de Virgile.

1 Pausanias, Mess., chap. 33.

EXPLICATION DES PLANCHES.

PLANCHE 22.

Plan général de Messène. Son enceinteimmenseque Pausanias trouvait la plus belle construction de ce genre, embrasse l'Ithome, plusieurs monticules et une grande vallée euluVée où sontéparses les ruines antiques.

L'immensité du terrain compris dans les murailles, et dont quelques parties escarpées étaient inhabitables , donne à penser que l'enceinte , indépendamment de la ville, renfermait des champs où les Messéniens, protégés par leurs remparts, poimu'ent. en temps de guerre, faire paître leurs troupeaux.

H ENVOIS DU PLAN nE MESSÈNE.

A. Sommet du mont: Idiome, ou Acropole antique.

B. Monastère construit, probablement, sur l'emplacement

du temple de Jupiter.

C. Soubassement; d'un temple antique, sans doute celui

des grandes déesses.

D. Deux citernes antiques.

E. Murs antiques de la citadelle.

F. Porte de la citadelle.

G. Hiérons antiques.

H. Porte de Sparte ou de Laconie.

J. Fontaine.

J. Porte de Mégalopolis.

K. Murs antiques deda A'ille.

L. Tour carrée à deux étages.

M. Tour ronde près de laquelle est une petite porte.

N. Tour carrée bien consei^ée.

O. Tour ronde près de laquelle est une petite porte fermée

par des pierres en encorbellement formant triangle. P. Passage d'un ruisseau sous la muraille. Q. Partie de mur où était probablement une porte; auprès, sont: des soubassements de tombeaux. R. Ruines d'un petit monument, hors des murs. S. Point d'où est prise Ja vue générale. T. Ruines d'un monument entouré par la muraille de la

ville. U. Ruines de tombeaux.

V. Partie de muraille dans laquelle une petite porte communique sur une plate-forme extérieure; vis-à-vis , de l'autre côté du ravin, est un fragment de mur antique. X. Ruines antiques.

Y. Ruines d'un temple dont les détails sont romains. Z. Ruines de deux cella grecques, sur la pente de l'Ithome.

13


( ,6 )

a. Mavromati, village.

b. Fontaine Clepsydre.

c Chapelle du moyen-âge, au-dessus de la fontaine Clepsydre. On tromre dans cette chapelle plusieurs fragments anticrues, entre autres, une massue d'Hercule.

d. Petite fontaine A^énitienne.

e. Chapelle dans laquelle on trouve des colonnes et des bases

bases marbre blanc, et une inscription dans le tableau delà porte.

f Soubassement orné de bossages. Le luxe et la solidité de cette construction, joints à son étendue, peuvent faire croire qu'elle appartenait au principal monument de la ville. La fontaine Arsinoé, qui était dans Ja place publique, devait être dans ses environs, puisque les eaux de la fontaine Clepsydre qui l'alimentaient passent encore près de ces ruines.

g. Mur dont la construction paraît plus ancienne que celle des autres monuments de la ville.

h. Stade.

i. Mur de terrasse dont les assises sont réglées et parementées.

k. Théâtre entièrement ruiné; aux points marqués x sont des amas de gradins déplacés.

1. Gros mur soutenant Je terre-plein du théâtre; on y remarque une porte dont la partie supérieure est fermée par des pierres en encorbellement formant triangle, comme à la porte des Lions à Mycène. Un escalier se trouve dans cette porte, . "A r%

m. Citerne antique.

n. Chapelle construite avec des fragments antiques; pif}

trouve dans l'intérieur des pieds d'autel, des colonnes, des chapiteaux et une inscription sur le tableau de la porte, o. Chapelle du moyen-âge, construite en partie avec des fragments antiques. Sur la façade latérale sud,' on trouve plusieurs chapiteaux etj^lusieurs bases en marbre blanc, un beau profil en pierre rouge imitant le marbre antique ; dans l'intérieur près du cul-de-four, un chapiteau composite, plusieurs ioniques : il est probable que ces chapiteaux proviennent des colonnes voisines, qui sont encore sur les ruines d'un temple antique, p. Bosquet dans lequel on trouAre le fragment de sculpture donné planche 3^ , et un fragment de statue de femme très-ruiné.

q. Colonnes renversées.

r. Partie de dallage.

s. Colonnes engagées. Ces colonnes devaient faire partie d'un portique ; près de cet endroit sont des colonnes ovales et canneléest.

canneléest. de ruines informes.

Ar. Colonnes octogones.

x. Mur dont toutes Jes assises sont remplies de trous de scellement et d'entailles.

y. Soubassement de grandes murailles qui devaient faire partie d'un édifice considérable.

z. A cet endroit, il existe des colonnes cannelées en place aA-ec des bases ioniques.

aa. Colonnes en place de o,45 de diamètre.

b,b^ Ruines antiques.

PLANCHE a3.

Vue générale de Messène prise de Ja vallée des tombeaux, au point S du plan général. A droite est le mont fthome, sur Ja pente duquel est situé le Alliage de MaATomati; au sommet, est le monastère. L'horizon est fermé par les monticules qui bornent la ville au nord et sur la sommité desquels s'élève une partie des remparts: tout l'espace compris dans cette vue était occupé par la ville.

Suivent les planches 22 et ^3.


(*7)

STADE, A MESSÈNE *.

Ce stade, dont Pausanias fait mention dans sa description de Messène, et qui, de son temps, renfermait une statue en bronze d'Aristomène J, se retrouve aujourd'hui en grande partie conservé. La longueur de ce monument, dont la forme présente quelques particularités, s'accorde parfaitement avec celle donnée par Vitruve 2. Il était presque entièrement environné de portiques, dont beaucoup de colonnes, encore en place on couchées auprès de leurs bases, permettent de rétablir leur ensemble d'une manière à peu près certaine. A la partie supérieure du stade, un triple rang de colonnes formait un double portique; sur les côtés, ce portique était simple, ouvert à l'intérieur, et, à l'extérieur, presque entièrement fermé par un mur.

Dii côté du double portique, 3e stade se termine par seize gradins en pierre formant un hémicycle; une colonne encore en place, d'autres qui sont renversées', ainsi que la forme du terrain , font présumer que ces portiques retournaient vers les gradins, et formaient de chaque côté un avant-corps qui fermait la partie supérieure, et en faisait ainsi une enceinte réservée pour la classe privilégiée, ou pour une destination différente. Des talus ou gradins en terre, qu'on A7oit encore presque entiers , terminaient toute la partie inférieure, probablement destinée au peuple.

Situé dans la partie basse de la ville, le stade se trouvait, en quelque sorte, tracé par le mouvement du terrain : les monticules qui l'eirvironnent formaient naturellement les talus qui l'entourent de trois côtés. A son extrémité inférieure, qui est fermée par le mur d'enceinte delà ville, est un. petit monument dont nous avons retrouAjé tous les fragments assez bien conservés et assez complets pour pouvoir en donner une restauration.

Le ruisseau qui passe au milieu du stade, et qui est alimenté par les eaux de la fontaine Clepsydre, aArait sans doute une autre direction; car, s'il eût été comme aujourd'hui, il aurait empêché les exercices qui se pratiquaient dans les édifices de ce genre.

Les fouilles que je fis faire dans le stade de Messène, me procurèrent des résultats précieux pour notre travail, ainsi qu'on peut s'en coiwaincre par l'examen des détails des planches suivantes.

* îl est indiqué sur le plan général par la lettre h.

T Paus., liv. iv, eh. 33. 2 Vit., liv. v, ch. xr.

EXPLICATION DES PLANCHES.

PLANCHE 2,4. Plan du stade de Messène.

A. Portiques doriques en pierre calcaire. Les colonnes du

rang du milieu du portique, double sont d'un diamètre plus fort que celui des colonnes extérieures. Dans les parties où Jes colonnes qui environnent le stade ne sont plus en place, on les retrouve couchées à côté de leurs bases.

B. Gradins en pierre; ils sont au nombre de seize et divisés,

de distance en distance, par de petits escaliers.

C. Gradins ou talus en terre.

D. Arène pour les exercices.

E. Mur d'enceinte de la ville.

F. Monument antique dont nous avons retrouvé tous les

fragments renversés. Des fouilles nous ont fait connaître ses fondations et la disposition de son plan.

G. Ruisseau alimenté par les eaux de la fontaine Clepsydre. H. Construction antique.

J. Fouille dans laquelle on a trouvé le sol du portique

et un large chaîneau au pied des colonnes du rang intérieur, plusieurs morceaux d'antéfixe de la couA^erture, ' ainsi que des carreaux en terre cuite du pavement.

K. Colonne en place, sur laquelle est gravée une longue inscription dont on ne peut lire que quelques mots. Dans la fouille faite à cet endroit, on a retrouvé six tambours de colonne et un chapiteau dorique non en place.

L. Fouille dans laquelle on a trouvé le dernier gradin.

M. Fragments de colonnes et d'entablement du portique. II y a aussi dans cet endroit un fragment de chapiteau corinthien.

N. Arrachenient.de. mur indiquant le retour du portique.

O. Fouille dans laquelle on a trouvé le mur de terrasse qui portait les colonnes, et contre lequel sont adossés les gradins en terre.

P. Fragments de colonnes et d'entablement du portique.

Q. Mur en grosses pierres avec parement.


Les murs et les colonnes teintés en noir sont ceux qui sont en place et qui s'élèvent au-dessus du sol. Les murs teintés en gris sont des fondations en place, et les colonnes teintées de la même façon sont celles qui ont été trouvées renversées à côté de leurs fondations.

PLANCHE 2.B.

jriq, j.—Coupe sur la longueur du stade, dans son état actuel. Fig. II.—Même coujie restaurée. Fig. lll.—Coupe transArersale. Fig. IV.—Même coupe restaurée.

PLANCHE 2.6.

Fig. I et IL —Plan et coupe delà fouille faite dans l'angle du portique. Au bas des colonnes se trouve un chaîneau en pierre dont Ja largeur, plus que suffisante pour l'écoulement des eaux pluviales, peut faire supposer qu'on y faisait circuler une partie des eaux de la fontaine Clepsydre, afin de rafraîchir l'air autour du stade. Ce chaîneau forme une des deux marches qui servent de base an portique.

Fig. III. — Ensemble de l'ordre du portique. Malgré toutes nos recherches, il ne nous a pas été possible de retrouver un fragment de la corniche qui aurait complété l'entablement, auquel il ne manque pas autre chose. Nous en aArons substitué une d'après d'autres ordres antiques analogues : des fragments d'antéfixe en terre cuite, trouA'és dans la fouille , nous ont servi pour la restauration de la couverture.

PLANCHE 27.

Détails de l'ordre du portique.

Fig. I. —Entablement et chapiteau. A est une entaille pour un scellement. Fig. IL — Profil du chapiteau et cannelure, grandeur d'exécution.

Fig. III.—Socle au bas des colonnes, et chaîneau pour l'écoulement des eaux ; la partie teintée plus claire est un morceau qui s'encastre dans l'autre.

Fig. IV.—Plan et profil du chapiteau des colonnes du milieu du portique double.

Fig. V.—Profil d'une cannelure.

Fig. VI.-—Plan et profil du chapiteau de Tordre extérieur du portique.

Fig. VII. — Profil d'une cannelure.

PLANCHE 28.

Divers détails du stade.

Fig. I.—Plan et coupe de la fouille indiquée par la lettre K. sur le plan du stade. Sur une colonne de l'extérieur du portique, on a trouvé une longue inscription dont on ne peut lire que ces mots :

CABEINOCAPOeYAAMIAC TPOOIMOCAPOenA

epoAeiTOY (*)

Dans la même fouille ont été trompés six tambours de colonnes doriques et un chapiteau non en place. Ces fragments proviennent sans doute d'un temple qui devait être situé près du stade.

Fig. Il et III. •—Plan et profil du chapiteau de l'ordre dorique, trouvé dans Ja fouille ci-dessus indiquée.

Fig. IV.—Plan et profil des gradins et des escaliers en pierre du stade.

Fig. V. — Fragment de chapiteau corinthien , trouvé dans le stade.

Fig. VI. —Fragments d'antéfixe et de couverture en terre cuite des portiques du stade.

PLANCHE 29.

Vue du stade prise au-delà des portiques du haut. Sur le premier plan sont Jes colonnes, et plus loin les gradins en pierre: adroite, les montagnes qui eirveîoppent le Arallée de Messène, et, dans le fond, celles du canton de Coron.

(*) Cette inscription a été copiée par M. Ch. Lenormant. Voyez ci-contre l'explication que M. Lebas, maître de conférences à l'école Normale, nous en a donnée.


( 29 )

EXPLICATION DE L'INSCRIPTION.

Ce fragment d'inscription , quelque court qu'il soit, offre trois exemples d'une confusion fréquente dans les monuments de ce genre, celle de ei substitué à t r et réciproquement. On y voit aussi, ce qui est moins ordinaire, l'emploi alternatif des formes E et G de l'epsilon.

La lacune indiquée à la seconde ligne ne peut exister. Il est évident que cette ligne doit se lier immédiatement à celle qui suit, et que celleci doit commencer non par un €, mais par un <P. L'inscription doit donc être lue ainsi :

2a|3îvoç KÎÏO YJjba\i.vMç , Tpô'piu.oç «~o E—aippooiTC/u. Sabinus (fils?) d'Eudamie, Trophimus (fils?) d'Èpaphrodite.

Les deux noms de Sabinus et de Trophimus, qui probablement figuraient dans un catalogue dont les autres noms ont disparu, désignentils des vainqueurs, des agonotlièles, ou toute autre magistrature relative aux jeux? c'est ce qu'il est, je crois, impossible de décider dans l'état se trouve l'inscription qui, d'ailleurs, doit se rapporter évidemment aux jeux, attendu qu'elle est gravée sur une colonne appartenant au stade. De plus, elle ne peut être que de l'époque romaine : le nom de Sabinus le prouve; car, prétendre aujourd'hui que la forme seule des lettres epsilon et sigma annonce un monument postérieur au siècle desAnlonins 2, ou même d'Auguste 3, ce serait persister dans une erreur grave, puisqu'il est démontré, de la manière la plus convaincante, que les formes C, G sont beaucoup plus anciennes /K

Je n'aurais point osé proposer le sens que j'ai donné aux mots ô-b Eù^apiaç et â-b È-açpoàiTûii , quelque plausible qu'il paraisse, s'il n'eût oblenul'approbation du savant M. Letronne, juge si compétent en pareille matière. L'usage le plus constant, dans les formules de ce genre, c'est de mettre le nom du père ou de la mère au génitif, avec ellipse du motùio; 5, qui, quelquefois aussi, se trouve exprimé, et surtout au nominatif ".D'autres fois encore on emploie la formule iy. Trarpo; 7, ou -KTOOC seul 8, ou même encore la préposition h. seule, en la faisant suivre du nom au génitif 9. v.r.6, suivant Sturz (Lexicon Xenophouteum, t. 1, p. 317), indique l'origine et la naissance; ce savant affirme même , que l'on dit aussi bien yiyvEsGai iy.; que ytyvEdJKi KTTO TIVOÇ (lisez ycvjVjai ). Damm, dans son Lexicon Homericum I 0, avance la même opinion , et cite de Pindare (Pylh. V, 1B2), â-b jj.arpoç, qui ne paraît pas se prêter à cette interprétation , et (Neni. Y, i[\ )

■ . Ex. <)h Kpo'vou XKI ZYJVOÇ vj

pcoaç aîyj/.aTocç erj-EuÉvraç

•/.OLl 0.7:0 yùV<7Z7-'/ JXïiOYÎlOMV.

où l'on voit figurer les deux prépositions dans le sens que je propose. Du reste, je ne pense pas qu'il faille adopter, comme une vérité absolue, la distinction que Daiiun établit entre à~o et iy., dont le premier marque, dit-il, l'origine paternelle, tandis que le second indique la parenté maternelle. J'ajouterai que ce n'est pas le seul cas où ces deux prépositions soient employées indifféremment ir.

Je remarquerai encore, au sujet de Sabinus fils d' Eudamie, qu'il n'est pas rare de rencontrer ainsi le nom seul de la mère I 2. Parmi tant d'exemples qu'on pourrait en apporter, je n'en citerai qu'un seul, celte inscription si bien expliquée par M. Boissonade ,3 :

AHMO20ENH APXEBOYAA2 XAIPE

' A'oyez la dissertation épigrapliique Je M. Boissonade à la (in de Luriie Holstenii Epi.stoloe ad diverses, p. 4^7; et les notes de ee même savant sur la vie de Proclus par Marinus, p. i/|G.

1 C'est l'opinion de Corsini, réfutée par Marini, Tsc.ri.zi.oni Jllmnc, p. 17a. 3 Paléographie de Moulfauco», p. i53. M. Nibby ( Gioriude jlrcadico, Febb. 1819, p. )G3), partageant l'erreur commune, fait spécialement dater ces formes du règne de Trajan. Il émet celte opinion, à laquelle du reste il ne paraît pas beaucoup tenir ( voy. p. 168), au sujet d'une inscription grecque en vers hexamètres, gravée sur un hermès acéphale de la Arilla Négroni, qui fut acquis par Jenkins , et se trouve aujourd'hui au BTusée du A'alican. AViiikclmann ( Storitt délie arti, t. a , lib. XI, c. 3 , p. 370 ) et Visconli ( Catalago di inomiiiienli scritti. dut Musen di Tomm. Jenkins, p. 36) n'en avaient pu lire que les cinq premiers vers. M. Nibby est parvenu à en déchiffrer deux autres. .le crois devoir la reproduire ici avec l'addition due à ce savant, parce que M. Jacobs, dans son édition de l'Anthologie Palatine, t. 3 , p. cm, n'en a donné que les cinq vers lus par AYinkelmann, et que le journal Arcadiquc est assez rare en France. J'y ajouterai la restitution fort conjecturale sans doute, niais peut-être assez vraisemblable, que j'ai faite de ce qui nous reste des cinq dernières lignes. On devra à cette restitution deux nouveaux vers qui complètent l'inscription.

Copie du monument, publiée par M. Nibby.

G K

IIATWC GMOIZHN. NIMAKAPXATHeCTA'I'POAI

ciAC.noAAAAeAcreAn

6MAICI TeXSAICIAIGAG. N 3CAI Teï£A.C ZHN.NI NG. irpOTCGNIIKOTI IIAIAI Tl'MBON KAI CTIIAHNKAI GIK ONAAÏTOCErAïVA TAICIN eMAIOIAAAMAICI TeXNACCAMeNOC KAÏTON GPrON • NGAI'IAHA AO X - K Aï • • NH KAI IIAIAI <MAOIC .. EïEATA'l'ON

ZHCAC NKTMAIG

HTAKIA6K AGNQAAe

iaieceAAMAOi

ACCANTeCK.

AAOXOCKAlCTocrnAr-..

AAOXOCKAlCTocrnAr-..

Arersion latine de M. Nibby.

(Les mots en italique indu] lient les changements que j'ai cru devoir l'aire dans cette version. )

Diis Manibus. Patria mihi Zenoni beatissima est Aplirodisias; militas vero urbes conjidens meis artibus cum peirigravisscm et cum strttxissem Zenoni juveni pramortuo (ilio bustum et columnam, et imagines ipse sculpsi meis manibus , aile conjiciens inclytum opus. Hic ubi charae uxori Clyincnoe et (ilio charis feci sepulcrum, cum vixissem annos septuaginla, jaceo. Hic mine jtic.emiis si/nul vita defuncti et ego , et uxor et tu, Jili, qui primus mortuus es.

QEOÎÇ Ka-a/_0ovi'otç.

IlaTpïç iu.ol Zvî'/wvi [Aazxp-aTT, EGT' 'Açpoootnaç. IIoXÀà SE à'(jTEa T:\c~bc ' iu.v.ïc. -ï/*mwi CIEXOMV,

KoÙ. TEUÇBIÇ ZvjVWVl VïCiJ TTpOTEOv/i/.OTl TTCCloî

1 ui/.6'ov xaï c—^Av,v, y.rÀ EiV.o'vaç aÙTOç syXu'J/oe , Taîciv ï\i.vÂc,aÀàp.aio"! ■zzyvacGé.ij.tvoç Z),UTOV É'pyov.

LvOa ciO.ïi ocXo'yio hÀup.Evy, y.ai —atoi tsîXoitriv TEUÇK TOCOOV , Çvjcaç 01' "* ITWV y.siij.ai É~-ay.iczy.y..

jLvOaîe vïïv y.EÎy.EcÛ' ap.a ot (JI'OTOV TEIÂGOLV-SÇ ICoyo) y.aÀ ai.oyoc y.al eu, Tzai, TrpÏÏTOç ÛTrâpçaç.

* (f. 77JG7CÇ. Aroy. lilynioîoij;. M;tgn., p. 32-3 , 4g. — Pour le sens donné à rriaror, voy. Itlomlield sur le PromélUée d'Eschyle . v. 653. )

** (Nibby Si.)

* M. Letronne, Recherches pour servira l'Hist. d'Egypte, p. n-ia.

6 Lambertiis Bos de E/iipsi, ]). 5o6, éd. Sehaefer.

" iia.uù.îbc iLiya.iTl-Atfi.aioc mi: fjacù.ia: Titcï.t[j.xUv, r.. -. >.. Inscription expliquée par M. Letronne, op. cit., p. 7; Oscopao-ï-oç Èpic:oç, Mû.m-a. xiiaupiaç Oio'r. Diog. Laert. v, 36.

7 ïb.-KÎoç iy. (Aïî-pbç Y.M îra-pbç Àpy.iTÉÀEu;, n° 1/(99 c,u Corpus Tnscript. gr. de M. Bocckh.

s Diog. Laert. Il , 16. À.pyJ).*oç, ÀOnvcûoç, r, MtXrlctoç , ^nrpoç Àîrt.Usiî'apotJ.

9 Inscription de Rosette, 1. g, Baci/.sùï JlTw.ffLKÎoç-. ... I iy. facùduc IITC?.E^KÎS'J y.xl fioLcù.'.GGrtz Apa:voVjç.

'" P. i38, col. 3 de la nouvelle édition.

"M. Letronne, op. cit., j). 211.

" Le nom seul de Ja mère indiqué, semble annoncer que Je père est mort. Cet usage existe encore en Grèce.

13 Coinmenlalio cpigraphicn , p. 427.

Suivent les planches %[\, %5, 26, 27, 28 et 29.

i5



MONUMENT ANTIQUE DE MESSÈNE.

Ce petit édifice, dont on retrouve encore tous les débris amoncelés sur les lieux, nous a paru mériter une attention particulière, autant pour la conservation de ses parties que pour la perfection de ses détails. II est au bas du stade, et assis sur un inateau qu'enveloppent les murailles de la ville ; ce qui ferait supposer que s'il n'est pas antérieur à la construction de ces murs , il est au moins du même temps , puisque pour lui réserver cette place on aurait interrompu la ligne naturelle de cette enceinte; ou bien, comme Pausanias, qui donne la description du gymnase et du stade de Messène , qui très-probablement étaient réunis, ne parle jjas de ce monument, on peut croire qu'il est postérieur à son voyage, et qu'il a été, peu après, élevé sur l'emplacement d'un autre plus ancien, et dont l'importance aura nécessité la déviation que le mur fait en cet endroit. Piien dans les fragments que nous avons examinés avec soin ne contrarie cette opinion; car, bien qu'ils soient grecs et d'une grande finesse de détails, on y remarque quelque analogie aA7ec les ordres doriques des Romains : ce qui ne se rencontre pas dans les détails du portique du stade. Comme tous les monuments de Messène , celui-ci est en roche calcaire grise et très-dure, la même qui se trouve généralement dans le Péloponèse. Sous les débris qui restent et qui sont encore assez conservés pour que j'aie pu en recomposer l'ensemble, nous avons retrouvé les bases des constructions, et par conséquent le plan de l'édifice. ( Voy. pi. 3o.) Voici quelques particularités que nous avons remarquées. Devant est un portique ouvert et plus large que la Cella, laquelle devait être carrée et ornée à son intérieur de petits pilastres, ainsi que l'indique la base d'un de ces pilastres posant encore sur une pierre, en place, à l'extrémité du monument.

Parmi les fragments d'architecture, sont un autel circulaire et une partie de soffîte ou d'architrave; sur cette architrave restent quelques lettres d'une inscription qui feraient peut-être reconnaître dans cet édifice un monument funéraire, si sa forme n'était pas plutôt celle d'un temple.

EXPLICATION DES PLANCHES.

. i Qtf V Km

PLANCHE 3O.

PLAN DU MONUMENT AVEC LES FOUILLES QUI Y ONT ÉTÉ FAITES.

A. Tranchée faite dans la terre.

B. Tranchées faites dans un massif sur lequel posaient les

constructions.

C. Massif sur lequel posait une colonne.

D. Seuil en place de la porte du monument.

E. Autel trouA'é parmi les fragments.

F. Dallage en place.

G. Mur de la ville formant une enceinte autour du monument.

monument.

Nota. Les constructions en place sont indiquées par une teinte foncée, les parties restaurées sont indiquées par une teinte plus claire.

PLANCHE 3I.

Façade principale du monument restaurée avec tous les fragments qui existent sur place. La muraille qui l'entoure a été restaurée d'après ce qui existe de cette muraille dans d'autres parties de la ville.

PLANCHE 3a.

Façade latérale et coupe restaurées: elles sont la conséquence du plan et de la façade principale; ce qui manquait pour les complétera été restauré d'après des monuments analogues. Des morceaux de terre cuite, trouvés dans les fouilles, ont servi à faire connaître le genre de 1a couverture de l'édifice.

16


(3.)

PLANCHE 33.

Détails de l'entablement et de' la face de Faute du portique ; à côté sont les plafonds et la coupe de la corniche avec un détail de la rosace de î'ante.

PLANCHE 34.

Fig. I et II.—Détails du chapiteau des colonnes. On peut remarquer, comme une particularité de ce chapiteau, que le haut du tailloir est couronné par un talon à peu près comme il y en a aux chapiteaux doriques romains,

Fig. III.—Coupe du chapiteau de I'ante.

Fig. IV. —Profil de faute. Les rosaces de ce côté ne sont pas semblables à celles de la face.

Fig. V. — Fragment d'un fût de colonne brisé en deux morceaux : un autre fragment formait la partie inférieure de la colonne.

Fig. VI. — Détails d'un autel en pierre trouvé parmi les fragments du monument.

Fig. VII.—Profil trouvé en place : il formait à l'intérieur de la cella un soubassement orné de pilastres.

Fig. VIII. — Carreau en terre cuite du pavement.

Fig. IX.—Fragment de sofhte ou d'architrave intérieur avec quelques lettres d'une inscription auxquelles M. Lebas donne l'interprétation suivante :

APIflN XA. . .

L'inscription dont il s'agit est en lettres cle 2 pouces, et d'un beau style. Quelle que soit la dislance qui sépare le N terminant le premier mot duX par lequel commence le second , il est constant, d'après l'état de la pierre, qu'aucune trace de caractères n'existe dans l'intervalle, et que la restitution doit porter seulement sur les deux dernières lettres.

Mais avant de songer à cette restitution, il paraît convenable de déterminer la place qu'occupait l'inscription dans le monument auquel appartenait la pierre où elle est gravée.

D'après les dimensions du fragment que le temps a respecté, en ajoutant à la suite de la fracture une distance égale à celle qui se trouve entre la troisième lettre du mot APlflN et le profil de l'extrémité, ainsi que la symétrie semble l'exiger, cette pierre ne devait pas avoir plus de 8 à g pieds de long ; d'où il suit qu'elle n'appartenait ni à la façade du monument, ni à l'architrave intérieure de la cella. Elle devait donc figurer sous le vestibule, et il paraît hors de doute qu'elle était placée au-dessus de la porte du monument, c'est-à-dire à i a pieds du sol.

En admettant cette supposition, il ne manquerait à la suite des deux lettres XA que trois autres lettres, et le mot yoXoz se présente de suite à l'esprit. Dès-lors l'inscription devrait être ainsi lue:

Apuov ycdpe. Arion, salai!

formule que l'on rencontre si souvent sur les monuments funéraires ], et d'après laquelle on pourrait penser que l'édifice en question n'était autre chose que le tombeau d'un personnage nommé Arion.

Quel était cet Arion auquel on avait élevé un pareil monument? Pausanias ne nous fournit aucune lumière à cet égard. De tous les hommes qui ont porté ce nom dans l'antiquité , le plus célèbre est sans contredit Arion de Méthynme. Sans doute il ne serait pas surprenant de trouver à Messène le culte de ce musicien célèbre, qui , comme on le sait, n'est que le reflet du culte de Taras, fondateur cle Ta rente a , et. que les Messéniens, à leur retour de Sicile, pouvaient: bien avoir rapporté dans leur patrie. Ce qui donnerait quelque force à cette opinion, c'est qu'il ne serait pas impossible de trouver des rapports entre l'aventure d'Arion et celle des enfants que les habitants de Messène, ME(rerîvtôtÈTït TG TTopÛ^ô), envoyaient tous les ans à tlbegiuin avec un maître de chant et un joueur de flûte, et. dont le vaisseau fut une fois abîmé avec eux dans les flots 3. Mais, pour affirmer qu'il est ici question d'Àrion de Méthynme, il faudrait qu'on eût retrouvé , sur les ruines de l'édifice, quelque emblème qui fît allusion à l'événement auquel ce chanteur dut sa célébrité, et auquel aussi se bornent tous les renseignements que les anciens nous ont transmis sur lui /|.

D'ailleurs, si le monument lui eût été consacré, il daterait sans doute de la reconstruction, de la ville, et peut-on croire que Pausanias n'en eût rien dit, lui qui ne manque pas cle mentionne)- la statue en bronze élevée à ce cylharoede sur le Ténare 5? Peut-on croire qu'on eût employé pour un personnage héroïque la formule yaïft, qui, lorsqu'on s'adresse aux dieux ou aux héros, est usitée seulement dans la poésie fi, jamais dans la langue monumentale ? Peut-on croire que l'inscription d'un temple ( car c'est vraiment un temple que nous avons sous les yeux) figurât non sur le frontispice, mais sur l'architrave d'un vestibule où elle n'était pas en évidence?

'A'oyez sur cette formule : Biagi, Monum.gr. ex museo JacobiNanii, p. 271 sqq.; Claudius, Dissertatio de salutationibus -veterum, p. I3I. Les Latins employaient dans le même sens les verbes vale, salve, et ave, qu'ils écrivaient aussi luive. Aroy. Griller, nccxciv, 2.

Une des formules les plus ordinaires était, yç/r^zs. ou y_p7jaT7j "y_cû.fs, 1ue 'on faisait suivre quelquefois de quelque pensée philosophique exprimée en vers comme dans une inscription trouvée en Asie-Mineure, vis-à-vis de l'île de Chio, et publiée dans le journal intitulé : 'Ep;j.rjç 6 ),o'yioç, iSjuin 1812. Je la rapporterai ici, parce qu'elle n'a été donnée ni par M. Jacobs, dans son Anthologie palatine, ni par BI. AYelker, dans son livre ayant pour titre Srttoge Epigrammatum groecarum.

^prjffT£ yjdpe.

Où 70 Ûtxveîv £<m xaxov, ITZEÏ 76 yE y.olp è-xéy.ÏMOEv à).),a TO Tipiv ïj).ixfï)ç xal yo-jéwv TtpoTtpov. = A'oyez M. C. O. Millier, Eist. des races et des villes helléniques. Détiens, t. 11, p. 399.

3 Pausanias, Elide, ch. 25.

'' Une grande partie des passages anciens relatifs à Arion ont été recueillis par M. Plehn dans ses Lesbiac.a, p. 166. Ajoutez-y Lucien, Dial. niar. vin ; Suidas, au mot 'Apîuv; Ovide, Fastes, 11, 79 sqq.; Solin, vu, 6; xn, 12. A7oyez aussi ATytlenbach sur les oeuvres morales de Plutarque, t. 11, p. 265, éd. Lips. 5 Laconie, ch. 25. 0 A7oy. Biagi, op. cit., p. 275.


( 33 )

D'un autre coté, il est difficile de croire qu'il s'agisse de quelque athlète nommé Arion, A^ainqueur clans le stade A'oisin de l'édifice. Auraiton élevé un temple à un athlète? Les tombeaux n'ont point cette forme , même quand ils renferment des hommes d'un rang distingué 7. Les temples sont réservés aux dieux et aux personnages héroïques.

Que faut-il donc voir dans le monument qui nous occupe? Assurément un édifice construit sur un emplacement consacré du temps cle la fondation de Messène par Epaminondas, et peut-être même avant; car il se trouve en dehors de l'alignement des murailles de la ville , qui ont dû suivre ses contours pour le renfermer dans leur enceinte. Des différents temples de Messène dont parle Pausanias 8, sans désigner leur position, il n'en est aucun qui paraisse avoir eu des dimensions assez restreintes pour qu'on puisse le placer ici. Mais après avoir parlé des différentes statues existant dans le gymnase de Messène , auquel probablement appartenait le stade, il nous apprenti que là aussi se trouvait le monument d'Aristomène, y.cd AOKJTOU.ÉVOUÇ 8l u.vr^.i iariv SVTC.ÏÎÛK 9. îl ajoute mêmeque les ossements decehéros, rapportés, par ordre de l'oracle cle Delphes, de Rhodes où il était mortIO, étaient renfermés dans ce lieu. II est bien vrai que, d'après ce qu'il ajoute ensuite, ce monument ne devait être autre chose de son temps qu'un tombeau, TKOOÇ , surmonté d'une colonne, y.iwv. Mais n'a-t-il pas pu se faire que, peu après lui, un petit temple ait été élevé sur l'emplacement occupé par ce tombeau. La colonne qui le surmontait et à laquelle on attachait le taureau sauvage qui devait être sacrifié à Aristomène, pouvait avoir été un jour, non pas ébranlée seulement, comme le désiraient les Messéniens ", mais renversée à la suite de fréquentes secousses. Celte circonstance aurait motivé Ja construction d'un monument plus digne du héros de la Messénie, pour lequel la vénération était si grande que ce fut surtout lui qu'on invoqua lors cle la construction de Messène "•. El cela ne serait pas sans exemple, Pausanias nous dit. lui-même que sur le tombeau de Castor on avait élevé un temple, et c'est aussi un temple qui, suivant cet auteur, passait à Elis pour le monument sépulcral d'Oxylus l 3.

Celte conjecture reçoit une certaine probabilité du témoignage de M, Blouet, qui reconnaît dans le monument tous les caractères de l'art grec , mais n'y voit rien qui s'oppose à ce qu'on lej-egarde comme de l'époque romaine. Restera toujours à expliquer l'inscription de ce temple; et, s'il est prouvé qu'on ne peut guère y voir une inscription funéraire, peut-être en la supposant plus étendue d'un mol, et rien ne contredit celle supposition, pourrait-on lire :

Âpicov Xa ■"' àvéôïixêv.

Arion , fils de Cha . . ., a élevé (ce temple),

et alors Arion serait le nom de l'architecte qui a bâti le temple. J'avoue que ce nom paraîlraitici pour la première fois, et qu'il ne figure ni dans FélibienlS, ni dans le catalogue de Junius , 6, ni dans celui de Sillig *'. Mais ce ne serait pas une raison suffisante pour rejeter celte supposition. Ces catalogues , quelque complets qu'ils soient, tendent à s'accroître à mesure que la terre nous rend les trésors de l'antiquité qu'elle tenait enfouis dans son sein.

On rencontre assez souvent sur les monuments des inscriptions qui rappellent le nom de celui qui les a construits. Nous en trouvons un exemple, entre tant d'autres 18, dans l'inscription gravée sur le linteau d'une niche cle la porte de Messène qui conduisait à Mégalopolis, et dont nous aurons plus tard occasion de parler.

' Les tombeaux ont d'ordinaire, même dans leur plus grand développement, Ja forme d'une stèle ou d'une colonne. Aroyez les tombeaux de Pompéi, celui de Cécilia Métella, etc. La forme la plus riche et la plus complète de ce genre de monuments, les oedicules, est encore bien loin de celle du monument qui nous occupe.

s Le temple d'Illithye. la chapelle des Curetés, les temples de Cérès, d'Esculape de Messène et l'Hierotliysium. Aroy. Messen,, ch. 3i.

5 Messen., ch. 32.

'" Jbid-, ch. 24.

" Tbid.,ch.3->.

" Ibid., ch. 27.

13 Lacon., ch. i3.

"< XaptSrjy.ou, XapiçÉvou , ou tout autre nom commençant par y a.

15 Recueil his torique de la. vie et des ouvrages des plus célèbres architectes.

'" Fr. Junii Catalogus Artificum. Rolerod., i6gl,, fol.

17 Catalogus Jrtijicum. Dresdoe et Lipsia;, 1827, in-8°.

,s Voyez Félibien , op. cit., pi. 26 , l,i, 1,5, 72 , g6 et 97. Cet usage se conserva dans le moyen-âge, témoin cette inscription de la cathédrale de Ferrare, la plus ancienne inscription que l'on connaisse en langue italienne :

NELmLLECENTOTIOENTACIN'QVENATO FOQVESTOTEMPLOAZOItzrCONSACHATO FON1COLAOSCOLTOREEGLIELMOFOLOTORE.

Suivent les planches 3o, 31, 32, 33 et 3/|.

J7



( 35 )

DIVERS DÉTAILS D'ARCHITECTURE DE MESSÈ3YE.

Nous a\?ons réuni, dans les trois planches suivantes, avec une vue delà fontaine Clepsydre, des fragments d'architecture et des détails de construction. Ce sont des restes de monuments aujourd'hui trop dégradés pour qu'il nous ait été possible d'en reconnaître l'ensemble, ni d'en déterminer la destination. Mais le caractère de ces fragments et la place où ils se trouvaient, et que nous indiquons dans notre plan général, ne seront peut-être sans intérêt ni pour l'artiste ni pour l'archéologue; et en les donnant tels qu'ils existent, nous avons voulu ne rien laisser à désirer sur les antiquités de Messène.

EXPLICATION DES PLANCHES.

PLANCHE 35.

Figure I. —Fontaine Clepsydre. Sa position est indiquée par Ja lettre b dans le plan général. Située sur le penchant de rithome au milieu du Alliage de MaATomati, cette fontaine dont parle Pausanias est celle où les nymphes Ithome et Néda■ Levèrent Jupiter enfant, après qu'il eut été soustrait par les Curetés à la barbarie de son père; et depuis ce larcin elle a toujours conservé le nom de Clepsydre. Tous les jours les Messéniens portaient de l'eau de cette fontaine au temple de Jupiter Ithomate. Une autre fontaine, la lontuine Arsinoë, qu'on voyait sur la place publique, était alimentée par ses eaux ' , lesquelles n'étant plus réglées dans leur cours, se répandent là où était jadis une ville florissante, et arrosent la fertile Arallée que cou\rraient de nombreux édifices. Une forte muraille de construction antique forme Ja fontaine Clepsydre, dont les pierres, détachées par l'abondance des eaux, sont aujourd'hui recouvertes de Ja plus riche Aég'étation.

Fig. IL — Bas-relief en pierre , trouvé à Messène. Ce bas-relief, qui est aujourd'hui au Musée royal, a été apporté en 1828 à Paris , par ordre du gouvernement français ; il représente un lion chassé par deux hommes, l'un à cheAral et l'autre à pied: deux lévriers, dont un. est terrassé par l'animal, font aussi partie de cette scène. La pierre de ce bas-relief, qui est une partie de cercle, conserve encore les entailles pour les crampons qui liaient entre elles, selon toute apparence, les différentes parties d'un exèdre. M. le baron Stackelberg, quia dessiné cette sculpture à Messène, près de l'antique gymnase, pense qu'elle représente la chasse du lion Cythéron, et qu'elle formait la frise d'un monument choragique, comme celui de Lysicrate à Athènes '.

PLANCHE 36.

Fig. I et 11. — Chapiteau ionique et chapiteau corinthien trouvés dans les murs d'une chapelle byzantine. ( F oyez plan, général, 0.)

Fig. III, IV, V, VI et VIL — DiArers fragments d'un monument de l'époque romaine. Ce monument est situé sur un plateau qui se trouAre au-dessus du village de MaATomati. ( Voyez plan général, Y.)

Fig. VIII. — Fragment d'autel en pierre trouvé près des ruines qui sont au-dessus du stade.

Fig. IX et X. — Base de colonne OA^aJe trouvée à l'endroit indiqué par la lettre s dans le plan général ; les entailles figurées dans cette base servaient" à recevoir les dormants en pierre ou en bois qui fermaient les entre-colonnements.

Fig. XI et XII. •— Fragments d'une colonne ovale, trouvée au même endroit s. Cette colonne reeeA'ait aussi des dormants pour fermer les entre-colonnements.

Fig. XIII,XI'V et XV. — Chapiteau grec et base romaine trouvés dans une chapelle byzantine. (Voyez plan général, n.)

1 Pausanias, livre IV, chap. xxxi et xxxin.

2 Lettre du baron Stackelberg; Annales de l'Institut de correspondance archéologique, 1829, page I3I.

18


( 36 )

PLANCHE 3y.

Fig. I et IL— Élévation et plan d'une muraille indiquée dans le plan général par la lettre f. Tout porte à croire que cette construction, dont nous ne donnons qu'une partie, servait de soubassement à un des principaux monuments de Messène, si nous en jugeons par la beauté de ses matériaux et le soin avec lequel ont été joints et taillés les bossages arrondis qui en formaient; le revêtement. Une fouille que nous ayons faite à l'angle a mis sous nos yeux l'ancien sol et les assises à parements plats qui servaient de base à cette belle construction.

Fig. III. — Profil d'une grande pierre qui probablement couronnait la muraille ci-dessus. Fig. IV. —Pierre d'angle de la même construction.

Fig. V et VI.—Plan et élévation d'une porte faisant partie d'une construction que nous aA"ons indiquée. (Plangénéral, l.) Cette construction est derrière le théâtre et soutenait d'un côté le terre-plein du liaut des gradins; l'escalier qui se trouve dans l'embrasure de la porte servait pour monter du sol extérieur au sol plus éleA;é de l'intérieur : une fouille nous a fait découATir le bas de l'escalier et la partie inférieure du mur. Le caractère de cette construction est le même que celui de l'enceinte de la AÙlle; et la porte , qui se termine en pointe par des pierres posées en encorbellement l'une sur l'autre, est. également semblable à une autre porte de cette même enceinte à l'endroit que nous avons indiqué. (Plangénéral, O.) Fig. VII. — Fragment de bas-relief pixrvenant sans doute d'un sarcophage. Il se trouA;e à l'endroit désigné/? du plan général. On voit près de ce bas-relief d'autres débris de tombeaux , et un fragment tout mutilé d'une statue de femme drapée.

Fig. VIII. — Détails d'une partie de mur de soutènement. ( Voyez le plan, i). Ce mur est à parement lisse et construit aA'ec le plus grand soin.

Fig. IX. — Partie du soubassement d'un édifice élevé au sommet de l'Ithome, dans l'ancienne citadelle. (Plan, général, C.) Dans le voisinage est actuellement un couvent que l'on dit bâti sur l'emplacement du temple de Jupiter Ithomate : celui des grandes déesses ne devait pas en être éloigné; et il est très-probable que ce soubassement en est un reste.

Suivent les planches 35, 36 et 37.


(h

MURS DE MESSENE.

Ce que nous avons déjà dit sur Messène montre assez combien les ruines même de cette ancienne ville sont importantes sous le rapport des constructions et des formes architecturales. Mais ce qui frappe le plus d'étonnement, ce sont les restes de ces fameuses murailles dont Pausanias dit qu'elles étaient les plus belles qu'il eût Aoies. On peut juger encore, par les parties les mieux conservées, et par les autres que nous restituons d'après celles-là , combien Epaminondas avait, attaché d'importance à la sûreté des Messéniens, en les rétablissant dans leur patrie, au milieu des remparts qui devaient les défendre. Ces admirables constructions qui ont résisté à tant de siècles , donnent une idée complète du système de fortifications des anciens Grecs, et expliquent mieux qu'aucun commentaire ce que dit Vitruve de la construction des murs des villes \

1 Vitruve, livre. I, chap. v.

EXPLICATION DES PLANCHES.

PLANCHE 38.

Fig. I.—Porte de Sparte à Messène. Cette porte (voyez plan général, H) est sur Je col de Ja montagne, entre le mont Ithome et le mont EVan. Un seul côté reste debout, l'autre ayant croulé jusqu'en bas des rochers qui forment la base de la porte : on voit à la partie qui existe une espèce de canal en pierre qui paraît aAroir servi à recevoir une traverse en bois que l'on poussait derrière la porte pour la fermer. Parmi les pierres entassées au pied de cette ruine, se trotiAre un fragment de fût de colonne dont nous n'aArons pu reconnaître Ja pJace.

Fig. IL—Partie de mur de Messène. Sous cette construction, indiquée par Ja lettre P du plan, coule un ruisseau qui A'ient de l'intérieur de la ville; des pierres en encorbellement qui se A'oient en place, indiquent que sous cette partie de la muraille aArait été ménagée une ouArerture pour le passage des eaux du ruisseau , et qu'au-dessus de cette ouverture se trompait un pont combiné dans l'épaisseur du mur, de manière à ne point interrompre la circulation sur le rempart; les deux montants qui se A'oient encore debout, et qui formaient probablement les deux côtés d'une omrerture supérieure , attestent la grande élévation du mur en cet endroit.

PLANCHE 3g,.

Tour carrée des murs. (Voyez plan général, N. )

Fig. I. — Plan à hauteur du dessus du mur. Au point D , est un des escaliers par lesquels on montait du sol intérieur de la A'ille sur le rempart ; les marches sont en saillie de 20 centimètres sur le massif qui leur sert de base.

Fig. II.— Plan de la partie supérieure de la tour. Les onze entailles qui se correspondent, et qui sont indiquées dans la figure par les lettres A et B , recevaient des solives qui supportaient un plancher supérieur sur lequel pouvaient se placer les soldats qui deA'aient défendre la A'ille. Au-dessous de ces entailles il s'en trom-e de plus grandes pour le scellement des grosses poutres formant l'armature du plancher.

Fig. III. — Profil de la tour comme elle existe.

Fig. IV. Coupe de la même tour. On a indiqué au trait le plancher incliné comme il devait être d'après les entailles

qui s'y trompent. Dans les deux dernières figures, les parties d'un tra\rail plus clair que Je reste indiquent ce qui est de restauration.

*9


( 38)

Fig. V. — Plan et profil des pierres qui formaient le dallage du rempart dans toute sa longueur; les extrémités de ces pierres sont en saillie de 3o centimètres sur le nu du mur, et forment larmier à l'intérieur. L'autre côté est profilé de manière à rece\:oir la base du petit mur couronné de créneaux derrière lequel étaient les soldats.

Fig. VI. — Plan et profil d'une des pierres qui recouvraient les créneaux d'angle de la tour. Pour ne pas laisser de doute sur la manière dont nous restaurons le couronnement de ces tours, nous devons avertir qu'une chose nous a été très-utile pour ce travail; c'est que partout où se trouvent les ruines des murs de la ville, il se trompe aussi quantité de ces pierres qui donnent la largeur des créneaux, et qui indiquent d'une manière précise Ja construction supérieure des murailles.

PLANCHE Ixo.

Tour carrée à deux étages. ( Voyez le plan général, L.

Fig. I. — Moitié du plan de la tour à la hauteur du rempart, et moitié du plan à Ja hauteur de l'étage supérieur. Dans ce dernier sont indiquées B, Ja retraite et Jes entailles dans lesquelles étaient les grosses poutres du plancher : au-dessus sont les fenêtres carrées du second étage , lequel avait aussi très-vraisemblablement son plancher, mais incliné, comme celui dont on retrouve les indications dans les autres tours : celle-ci deA^ait être également couronnée par des créneaux, comme nous l'avons indiqué dans la restauration de la porte de Messène. ( Voyez planches 44 > 45 et 46.) A chaque angle des croisées sont des trous de scellement pour la fermeture de ces croisées. Les pierres en arrachement indiquées par la lettre A faisaient partie d'un escalier semblable à celui que nous avons donné planche 3g.

Fig. 11. — Coupe de la tour. Les parties supérieures restaurées sont indiquées par un travail plus clair.

Fig. 111. — Coupe d'une des entailles qui recevaient les grosses poutres du plancher.

PLANCHE 4-iFig.

4-iFig. et IL — Plan et vue d'une tour ronde ( voyez plan général, O ) : auprès est une porte dont la construction est absolument la même que celle qui se trouve dans la grosse muraille qui soutient le terre-plein du théâtre. ( Voyez planche 3y, fig. V. ) Cette tour, comme les autres tours rondes de Messène, n'est circulaire que dans la partie cpii fait saillie sur le mur, en dehors de Ja ville ; elle était couronnée de créneaux qui formaient gradins à l'intérieur, comme ceux des tours carrées : on y retrouve aussi les traces du plancher incliné sur lequel, on pouvait monter pour la défense de Ja ville.

Fig. III. — Plan et profil d'une des pierres qui recouvraient les créneaux de la partie circulaire des tours.

Suivent les planches 38, 3g, 4o el /jj.


( 39 )

PORTE PRINCIPALE DE MESSÈNE.

De toutes les ruines de l'ancienne Messène, les restes de cette porte sont, sans contredit, ce qui frappe le plus d'étonnement. Le choix et le bel appareil des matériaux employés dans sa construction devaient la rendre indestructible; mais les lauriers et les Ientisques , en poussant leurs branches vigoureuses entre ces pierres, sont parvenus, à la longue, à les détacher, et même à les renverser malgré leur dimension extraordinaire.

L'endroit où elle a été élevée (vo}7ez plan général, J) ne permet pas de douter que ce ne soit la porte qui conduisait à Mégalopolis du temps de Pausanias : on y voyait un Hermès , ouvrage athénien \ En dehors elle est flanquée de deux tOLtrs dont les soubassements qui existent encore sont de même dimension que ceux des autres tours de l'enceinte de Messène. Près de la première porte, à l'entrée d'une cour circulaire (voyez le plan, planche 4^)3 se trouve de chaque côté une niche. Dans les profils qui couronnent celle qui est à gauche, il existe encore une inscrip-, tion du temps des Romains , qui doit avoir rapport à une restauration faite à la statue placée dans cette niche (voyez planche 4-7)• De l'autre côté de la cour circulaire est une seconde porte % où se trouve encore aujourd'hui, et tombé seulement d'un côté, im. grand linteau en pierre qui fermait la partie supérieure de cette porte. A quelques pas au-delà, en descendant dans la Avilie, on trouve une partie de dallage en pierres oblongues qui formaient le pavement de la voie antique.

Des tenons réservés pour la pose des pierres pendant 3a construction, et qui se voient encore en plusieurs endroits, indiquent que cette porte n'a pas été entièrement achevée, et pourraient faire croire qu'on la retrouve aujourd'hui presque dans l'état où elle a été laissée, si les tours qui sont auprès n'attestaient par leur entière conservation que la porte de Mégalopolis, vu son importance, a dû être terminée comme ces tours, moins quelques parties cle son raAralement.

Ce qui étonne surtout dans cette construction, c'est l'énorme pierre qui formait le linteau de la porte du côté de la ville (voyez planches 43 et 45 j, et qui se trompe aujourd'hui tombée d'un côté, et restée de l'autre presque en place. Au-dessous de cette pierre est le seuil de la porte sur lequel M. Gell dit avoir remarqué les traces des roues des chars qui entraient et sortaient de la ville, et il conclut d'après ces traces , qui indiquaient smVant lui le milieu de la porte, qu'une autre porte plus petite pour les piétons était à côté de cette première, et que l'une et l'autre étaient comprises sous la longueur du grand linteau. Dans un ouvrage publié pour servir de supplément aux antiquités d'Athènes, M.- Donaldson partage en partie cette opinion, excepté qu'il admet trois ouvertures, et place sous le linteau deux points d'appui intermédiaires; il s'autorise pour cela de l'empreinte de l'un de ces deux points d'appui qu'il dit exister sur la pierre qui forme le seuil.

Je regrette de ne pouvoir être de l'avis de ces savants voyageurs ; car je pense que si ces traces avaient été faites par les roues des chars , elles seraient également marquées , au lieu qu'il n'y en a qu'une bien apparente, laquelle, suiArant moi, était le canal pratiqué pour l'écoulement des eaux de la cour dont il forme l'axe, ainsi que celui de la porte extérieure. Ce qui peut fortifier cette conjecture, c'est crue la distance qui se trouve entre le montant encore en place qui. porte le linteau d'un côté, et l'axe du canal, fait la moitié de la longueur du linteau, moins ce qu'il faudrait pour la partie qui poserait sur ce montant. D'où je conduirais qu'une seule ouverture presque égale à celle d'entrée a existé, et non deux ou trois comme le pensent MM. Gell et Donaldson. D'ailleurs, en examinant la question sous le rapport de la construction, on ne pourra supposer que Ton ait choisi une pierre d'une dimension extraordinaire, et qui devait par conséquent avoir une destination spéciale, pour rendre la grande dimension de cette pierre en quelque sorte inutile en la faisant supporter par des points d'appui, lesquels auraient donné le moyen de fermer le haut de chacune des ouvertures par des pierres de moindres longueurs, et par conséquent plus faciles à trouver et à transporter. On peut ajouter

1 Paus., liv. IV, chap. 33. constamment par cette entrée principale de la ville, et la seconde

2 Suivant Jes auteurs anglais, cette porte était destinée à rece- porte, de l'autre côté de la cour, formait une seconde barrière qu'on voir l'affluence des chariots et des piétons qui devaient arriver pouvait opposer à l'ennemi qui aurait franchi la première.

20


' ' (4o) ■ ■ ■ ' '

à cela, que la porte des Lions à Mycènes, et celle d'Assos en Asie ( dont le dessin m'a été communiqué par M. Huyot), ainsi que beaucoup d'autres que nous avons rencontrées dans nos voyages, sont fermées à leurs parties supérieures, chacune par une plate-bande supportée seulement par ses extrémités.

Les dessins que nous donnons de cette porte la montrent dans l'état où elle est actuellement. Les restaurations qui les accompagnent, et qui ont été faites, soit d'après des parties existantes encore en place, ou qui sont renversées , soit d'après des monuments analogues; ces dessins et ces restaurations, disonsnous, en formant pour ainsi dire le résumé authentique cle ce que nous avons retrouvé des anciennes murailles de Messène, feront connaître ce que pouvait être cette porte, dont la date précise vient encore ajouter à l'intérêt qu'elle offre sous le rapport de sa construction, la plus belle peut-être de toute la Grèce.

EXPLICATION DES PLANCHES.

PLANCHE 4ÛFig. I. — Plan de la porte principale de Messène, état actuel et restauration.

RENVOIS DU PLAN.

A. Première porte flanquée de deux tours, dont il ne reste

plus que la base: le plan, de l'intérieur de ces tours est restauré d'après celles qui. existent près cle la porte.

B. Cour circulaire à l'entrée de laquelle sont deux nicJics;

suiTarehitnrve decelleindiquée parla lettre E, est une inscription du temps des Romains (voyez planche l\rf).

C. Porte intérieure : elle était couronnée par une platebande

platebande 5 mètres j'5 centimètres de longueur sur i mètre 1:1 centimètres de hauteur, d'un, seul morceau,

dont une des extrémités est encore presque en place. La fracture qui est au milieu de ce linteau a été occasionée par sa chute. Au milieu de la pierre qui forme Je seuil de cette porte, on remarque un petit canal qui forme J'axe de Ja cour, et que l'on peut supposer avoir été fait pour l'écoulement des eaux.

D. PaA'ement antique composé de grandes dalles de pierres posées sur un massif en construction '.

F. Parties restaurées.

Fig. IL — Vue de la porte prise cle l'extérieur. Au premier plan sont les massifs qui formaient l'ouverture d'entrée; au second plan est la grande pierre qui couronnait la porte de l'autre côté de la cour; et dans le fond se voit la base du mont Itliome.

PLANCHE 43Fig.

43Fig. !. Porte de Messène; état actuel, côté de la ville. La grande pierre inclinée, longue de 5 mètres y3 centimètres, large de i .mètre 16 centimètres, et de i mètre la centimètres de hauteur, formait la plate-bande ou linteau qui couronnait cette porte. Elle était supportée à ses extrémités par deux montants semblables à celui qui la soutient encore d'un côté, et dont la largeur est égale à celle de ce linteau ; l'autre coté, probablement semblable, a été démoli: et c'est ce qui a pu faire croire que Ja porte avait pour largeur toute l'ouverture qui existe aujourd'hui dans la muraille. Le canal existant sur le seuil pour l'écoulement des eaux formait le milieu de la porte, et correspond à l'axe de la cour, ainsi qu'à celui de la porte extérieure. De chaque côté sont des consoles saillantes (voyez le détail, fig. III): elles étaient probablement destinées-à supporter Jes traverses en bois avec lesquelles on fermait l'entrée delà A'ille. Sur plusieurs pierres on remarque des tenons qui sentaient pour la pose des pierres pendant la construction. L'existence de ces tenons, qu'on enlève habituellement, prouve 'que ce monument n'a jamais été entièrement acbeAré.

Fig. II. — Etat actuel de la porte, côté extérieur de la ville.

xGe pavement se trouve un peu plus éloigné de la porte qu'il n'est indiqué sur le plan.


C 4i- )

PLANCHE 44Porte

44Porte Messène ; façade extérieure restaurée. Les tours dont elle est flanquée ont été restaurées d'après celles qui sont encore en entier dans les murs de la ville, et que nous aArons données planches 3g et 4o; la porte a été restaurée d'après une autre de construction semblable, rpui se trom-e dans le mur d'enceinte près de la tour ronde (A'oyez planche 41 ), laquelle est de la même époque et en tout semblable à celle que nous aArons donnée, planche oy, fig. V. La porte des Lions à Mycènes, celle du monument connu sous le nom de Trésor d'Atrée, ainsi qu'une porte d'Assos en Asie, sont encore des exemples dont nous pouvons appuyer cette restauration.

PLANCHE 45Porte

45Porte Messène; façade intérieure restaurée. Dans la description de ce monument sont donnés les motifs qui ont déterminé à en faire la restauration telle qu'on la voit ici. Le grand linteau y est employé comme dans tous les monuments du genre de celui-ci; c'est-à-dire suivant le principe de la simple construction. Le mur qui enveloppe la cour circulaire et qu'on suppose avoir servi de plate-forme pour la défense de cette entrée, et de communication pour aller d'un rempart à l'autre, à hauteur du premier étage des tours, existe encore en grande partie jusqu'à la hauteur que nous lui donnons; seulement nous l'avons couronné par de grandes dalles formant larmier, comme celles que l'on, retrouve en place dans quelques parties clés remparts (voyez planche 3g, fig. V.)

PLANCHE 46.

Fig. I. — Porte de Messène ; coupe sur la cour , état actuel à l'intérieur de cette cour. Les pierres sont à parements lisses , au lieu qu'à l'extérieur tout le monument est à bossages bruts, ainsi que les murailles.

Fig. II. — Restauration dans laquelle se voit le profil des tours comme il existe à celles des murailles (voyez planche 3g). On a supposé qu'à la hauteur du second étage de ces tours l'on communiquait de l'une à l'autre par-dessus la porte et dans l'épaisseur du mur crénelé, comme cela se voit encore à d'anciennes portes de Home.

PLANCHE 4-7Fig.

4-7Fig. et II. — Façade et coupe de Ja niche de l'intérieur cle la cour circulaire. Sur Ja face principale de la corniche du couronnement est une inscription qui ne peut aAroir rapport qu'à une restauration de la statue qui était dans Ja niche (Aroyez ci-foiut Ja note de M. Lebas); car il est bien évident, par l'examen de Ja construction, que ce monument n'a pas sulii de restauration. Si l'on, considère Je {jeu de largeur de l'entaille carrée qui se trouve dans la pierre du bas de Ja niche, laquelle donne la mesure du socle de la statue, on peut croire que dans cette niche était l'Hermès, ouvrage athénien (c'est-à-dire à forme carrée) que Pausanias dit avoir Aru en sortant par Ja porte de Mégalopolis.

Fis?. 111. —Profil de la corniche du haut de la niclie.

Fig. IV. — Profil de la corniche du bas.

EXPLICATION DE L'INSCRIPTION.

ICCÎÏVTOÇ ID.COTLOÇ EÙOTjU.tWV £7î£<jH£UKG£V.

Quintus Plolius Euphémion a. restauré.

Celle inscription, gravée sur l'architrave cle l'une des deux niches pratiquées clans la cour circulaire où se trouve la porte cle Mégalopolis, et qui, à en juger par les noms Quintus Plolius, appartient à l'époque romaine, est au nombre de celles que Fourmont a recueillies en Gi'èce. Elle a été publiée plusieurs fois. Dodwell qui l'a vue, sans la copier, l'a insérée dans son Voyage d'après le manuscrit de Fourmont ' ; plus tard, 51. Stackelberg en a donné une copie fort inexacte, à la page io4 de son ouvrage sur le Temple d'Apollon à Bassae 2, et l'a interprétée d'une manière plus inexacte encore. Trompé par un passage de Pausanias s qui fait mention d'un Hennés qui se trouvait à la porte de Mégalopolis, il pense qu'il est question du rétablissement ■'>■ d'une statue d'Eupbemea, Euphemia, ou Euphémé, nourrice des Muses 5, dont le voisinage convient, dit-il, à Mercure, l'inventeur de la lyre. M. Boeckh, qui a inséré cette inscription dans son Recueil, sous le n° i<!j6o, rejette cette explication, mais ne se prononce pas sur le genre de restauration dont il peut s'agir ici.

Il est incontestable que chacune des deux niches doit avoir contenu une statue, ou plutôt un Hermès suivant l'opinion cle M. Blouet. M. Donaldson G, d'accord en ce point avec M. Stackelberg, pense qu'il est hors cle doute que l'inscription existant sur la niche gauche se rapporte à la statue qui y était placée. Pour moi, il m'est difficile de me rangera cette opinion. La réparation d'un Hermès, car le mot ÈTCtTwuacrev n'indique pas autre chose qu'une réparation 7, n'était pas un travail assez important pour qu'un artiste vînt en faire mention,

' Tome II, p. 365.

* Dur Apollotempel zit. Bassae in Arcadien. Rome, 1826, in-fol.

3 'IO'VTI Sa Trjç 'ApxaSt'aç le MsyâXïjv -o'Xtv Ècriv lv Taïç iruXoaç 'EpjJ-riç, 7zyyrfi 7%c iVTTtXTÏç. 'AOvjvaûov yàp 70 cyr,u.a TO TS-paycovov £GTIV iiz\ TOÏÇ 'Epp.atç, y.aX Trapà Tt/u-tov \j.E\j.al)Jiy.a.Giv o\ aXXoi. Messénie., ch. 33.

4 Quintus Plolius liât die Euphemea tvicdcrhcrgestcl.lt.

s II renvoie à Pausanias, lléotie, ch. 29 et 3o; mais il n'est question d'Enphémé qu'au cli. 2.9.

6 Antiquides of Athcns and ot/icr places in Greecc, p. ai.

" 'E/TEor.s'jaotv, quand il s'agit des monuments , répond à la formule latine

ai


( 4a ) non pas dans la partie du monument le moins en évidence, comme c'était J'usage ', mais sur l'architrave même de la niche où cet Hermès était placé. J'avais donc pensé 2 qu'il pourrait Lien s'agir d'une restauration plus importante, et qui se serait étendue à tout l'ensemble de la cour, et que Quintus Plolius Euphémion serait un nouveau nom d'architecte à ajouter aux catalogues d'artistes publiés par Félibien , Junius et Sillig: mais M. Blouet assure que clans cette partie des murs de Mécène on ne retrouve aucune trace de réparations, et force est d'abandonner celte conjecture, et de recourir à quelque autre.

La plus vraisemblable, c'est que la niche contenait l'Hermès dont parle Pausanias, et qui, sous le rapport de l'art, devait avoir une certaine importance, puisque le savant voyageur croit deAroir lui consacrer quelques lignes. Ce monument aura éprouvé quelque altération, aura peut-être même été renversé clans une des nombreuses guerres dont la Messénie a élé le théâtre, et le citoyen ou le magistrat qui l'a réparé ou relevé, aura obtenu en récompense l'honneur d'une inscription qui rappelait le service rendu à la cité.

restiluit, dont je ne citerai pour exemple que l'inscription du temple de la Concorde à Home :

[SENATVS.POPA'LA'SQA'IÎ.HOBIANVS. ]INCENDIO.CONSArMPTArM.RlîSTlTA'IT.

Voyez, pour cet emploi d'iTriGT-.EuaÇciv, l'inscription rapportée par Xénophon, E.rpcd. de Cyms y, 3, i3. AToyez aussiPolybe I, 36, 8, III, 24,11, IA% 77, 5,

et l'inscription de l'ancienne Thraconitis. citée par M. Letronne: Recherches pour servir ri l'histoire de l'Egypte , p. 1,6g.

' A'ovez, p. c., la statue dite du Gladiateur, où le nom du sculpteur Agathias est placé sur la partie la moins saillante du monument.

- P. 33 de cet ouvrage.

Suivent les planches l\i, 43, 44, 4$, 46" et 47-


(43)

DIVERSES INSCRIPTIONS DE MESSENE.

HKCUEILLIES PAR M. CH. LENOMIANT , ET EXPLIQUÉES PAU M. EEIÎAS.

E PI IEPEO5KPE20ONTOYETOY2PNZ

ArONO0ETH5

TIB.KAAYAI02KPI2riAN0YYI05API5T0MENH5

IEPO0YTAI

API5T0B0YA05API5T0B0YA0YN0BI02AIA1AN05

rPAMMATEY5K)#02XAAEIÀ0c&0P02KAAYAI05TP0IA02

È~l ispeta; KpeGcpovTOU , Irouç p^C? c?ywvo6cV/]ç Ttp. KXauotoç Kpi(;~iavoO ûioç Apic-ro|AÉv/]ç,

ûpûdurat AptGTOpov'Xoç Ap'.c-TopouXou , Nopioç ÂiXiavoç , ypap.fAKT€Ùç 2oçpoç , £a7a6oçpopoç KXauotoç TpwïXoç.

Sous lé prêtre Cresphonte, fan iZy,

agoiwlhèle

Tib. Claudius A'rislomène, fils de Crispianus,

sacrificateurs

Aristobulc fils d'Aristobulc (et) Novius Aelianus,

greffier Soplius, chalidophore Claudius Troïlus.

Ce monument figure dans le Corpus Tnscriplionum groecarum de M. Boeckh sous le n° 1297. La copie de M. Lenormant, comparée au texle de Walpole suivi par l'éditeur, ne présente que deux variantes : ligne 1, 1EPE02; 1. 2, AFONOGETHS. J'ai cru devoir les reproduire, sauf à rétablir les véritables leçons dans le texle en caractères courants.

M. Boeckh conjecture, d'après Reinesius ", que l'ère suivie dans cette inscription est l'ère achéenne, dont la première année date de la soumission de l'Achaïe par les Romains, l'an de Rome 608, avant J.-C. i46. L'année 1 5j correspondrait donc à l'an de Rome 764-765, de. notre ère i2-i3, un an ou deux après l'adoption de Tibère par Auguste.

Il est certain que la présence des noms Tiberius Claudius (1. 3), et Claudius (I. 6), ne permet pas de supposer celte inscription antérieure à l'époque où la famille Claudia obtint, dans la personne de Tibère, la puissance impériale; toutefois je pense que l'année iSy se rapporle, non à l'ère achéenne, mais à l'ère d'Aclium % 3o avant J.-C. L'usage de prendre la victoire d'Octave sur Antoine pour point de départ d'une ère nouvelle s'était étendu jusqu'en Syrie 3, et on ne saurait s'étonner de le trouver établi en Grèce. 1.1 est bien vrai qu'en Syrie ■> cette ère ne se montre plus sur les monnaies à partir du règne de Tibère; mais on peut présumer, avec quelque raison, qu'en Messénie, on la conserva sous ce prince par un sentiment de reconnaissance. La Messénie avait eu à se louer de Tibère. Tacite nous apprenti 5 que dans la contestation qui s'éleva en Ire les Lacédémoniens et les Messéniens relativement à la propriété du temple de Diane Limnalide, la question fut jugée à Rome, dans le sénat, en faveur des Messéniens, autant, sans doute, à cause de leur bon droit que grâce à la puissante recommandation ou plutôt aux ordres de l'empereur. C'était assurément un moyen de flatterie très-agréable à Tibère que de paraître tenir à une ère qui datait d'une victoire à laquelle sa famille devait l'empire, et l'on peut croire que les Messéniens ne le négligèrent pas. S'il en était ainsi, l'an J57 correspondrait à l'an lu7 de notre ère; et il n'est pas surprenant que les noms de Tiberius Claudius et de Claudius se retrouvent encore à cette époque, puisque 20 ou 3o ans plus tard nous le voyons porté par Je célèbre Herode Atlicus fi. Quant aux noms de Cresphonte et d'' Arislomhie, on sait qu'ils furent, célèbres dans les temps anciens cle la Messénie 7, et l'on conçoit que l'esprit national les ait fait conserver.

A quelle solennité se rapporte notre inscription, qui ne peut être évidemment rangée que parmi les monuments religieux ? Probablement à une cérémonie où devait figurer Bacchus, puisqu'il s'y trouvait un ministre chargé de porter le vin sacré, jraAi&oço'coç 8; et cela doit d'au1

d'au1 inscriptionum antiquarum, Ar, 52, p. 386. Reinesius y donne un résumé de l'histoire de Messénie.

0 Voyez M. Ideler, Handbuch der mathem. and technisçhen Chronologie, t. I, p. 470. Il ne faut pas confondre cette ère avec l'ère d'Alexandrie, qui date, non du jour de la bataille, maïs du jour où cette ville fut prise. Elle diffère bien plus encore de celle que l'on désigne sous le nom d'anni Augustorum, dont le point de départ est l'an 27 avant Jésus-Christ.

3 M. Ideler, 1. c, et t., II, 628.

4 Le même, I. c.

5 Ann. IV, 43.

6 A'oyez A'isconti, Tscrizioni Triopee, t. I, p. 243, des oeuvres diverses de ce savant, publiées à Milan par le docteur J. Labtis.—Les Grecs, quand ils eurent été soumis par les Romains, prirent souvent leurs noms, soit (voyez Haiiess, de

Nbminibus Groecorum libellas, p. a5 j pour obtenir leur protection ou pour leur témoigner leur reconnaissance, soit (Viscond , 1. c. ) par suite de leur admission aux droits de citoyens romains. ' Voyez Pausanias, IV, 3 et 6.

* XaXt^ooo'pûç idem quod àxjaTGos'pc; qui in Jiacchica pompa merum gestabat. Boeckh, I. c. — Ce mot, dont il n'existe pas d'autre exemple, est formé de ya'Xtç et de os'pu. Hesychius : x*>.tç" a ôxpa-oç cïvo;. Scliol. Apoll. Rh. f, 473 : Àûïjvato.. «S'a TGV oexpa-rcv X«).;v.X=ycutriv. Hipponax, cité par le scholiasle de Lycophron, 57g : Ô3.îva. fpovcûcTtv d jrdJ.iv W&ÎTWJMTEÇ. A'oycz encore Etym. M. 862, 36; Etym. Gud. 56a 36;Orion Thcb. Etym. 162, 3o;Casaubon sur Athénée, 1,7; M. Jacobs^ Animadv. in Athen., p. 2.31 sq. ; Cuper,0to.I,11; Barkcrsur le grand Etym., p. 729,6. Le génitif dcyjxXï; ou yiltç avait donc deux formes :Xa.Xîoç, qu'on trouvedanslefragment d'Achaeus cité par Athénée, IAr, 63, p. 427, et qui est indiqué aussi par les mots

22


( 44 )

tant moins surprendre qu'on sait par Pausanias 9 que Messène n'élait pas étrangère à ce dieu. Toutefois, M. Boeckh est d'avis qu'il s'agit ici non pas d'une fêle solennelle deBacchus, mais des fêtes appelées Ithomaea, célébrées en l'honneur de Jupiter Ithomale 3°, ou plutôt encore de quelque autre fête commune à tous les dieux. Ce qui porte surtout ce savant à adopter cette dernière opinion , c'est l'expression de i£po6u-at qui annonce un ministère se rattachant à l'UpoO'Jffiov , monument où, suivant Pausanias-IJ, se trouvaient les statues de tous les dieux reconnus par les Grecs. Du reste, je ne partage pas l'avis de M. Boeckh, lorsqu'il prétend que dans le passage de Pausanias, relatif aux Ithomaea, rien n'indique qu'on célébrât des jeux à celte fêle. Pausanias, au contraire, affirme et prouve qu'on y célébrait aussi dans les temps anciens un combat de musique, TO CJÈ âpyccîbv y.a.1 àycova l-iOecav U.O'JGB«JÇ 12. Or, dans cette phrase, le mot-/.aï prouve évidemment la présence des jeux gymnastiques. On peut encore voir une preuve delà célébration des jeux durant les Ithomaea, dans une médaille de Messène publiée récemment par M. Millingen l 3. Jupiter y est représenté debout, nu, vibrant la foudre de la main droite; sur la gauche il lient un aigle éployé, et devant lui est un trépied, offrande ordinaire des vainqueurs aux jeux solennels. Autour du dieu on lit AION. 10.QM. ME22AMQN.

La présence du yali^ocpopo; à des jeux célébrés en l'honneur de tous les dieux n'a rien qui doive surprendre. Sur les monuments choragiques, on voit presque toujours la Victoire qui de son oenochoé verse du vin dans la phialc qu'elle présente aux A'ainqueurs, soit dans les jeux gymnastiques, soit dans les jeux de la poésie et delà musique.

Celle inscription que C}riïaque vit, dit-on, dans la citadelle de Messène, et qui a été copiée depuis dans cette ville par Cockerell et par Aberdeen, se trouve sur le tableau de la porte d'une chapelle byzantine située à l'O. du théâtre, et désignée dans le plan de Messène par la lettre n. On peut conjecturer que cet édifice occupe l'emplacement du temple de Sarapis et d'Jsis, car il est voisin des ruines du théâtre. Or, suivant Pausanias 1/i, c'est près du théâtre que s'élevait le temple dont il s'agit. On se demandera peut-être comment notre inscription qui, comme on vient de le voir, ne peut se rapporter qu'à l'UpoGucov, se trouve.aujourd'hui appartenir;! un monument qui a remplacé le temjjle de Sarapis et d'Jsis. On ne peut lever cette objection qu'en supposant, ce qui n'est cerles pas sans exemple, que ce marbre aura été pris avec d'autres décombres de divers monuments pour servir à la construction cle la chapelle où elle se trouve aujourd'hui; et, en effet, M. Blouet nous apprend 10 qu'on Aroit dans les murs de cette église des fragments d'autels, des tronçons de colonnes qui doivent avoir figuré dans divers monuments.

7_a/.i'op6)v (Elvin. M. I. c), cl y7j.ixfr,7ci (Schol. Apoll. 1. a); et jroD.tJoç, d'où dérive xoeXi^fs'psç-M. Loberlisur Phryn.,p. 3v.G, indique la forme ■/_dî.:Szç, mais sans citer aucun lexte. Le molyîliç, d'où dérive àKpcy_oc).i? qu'on rencontre dans Apollonius, ]A', 433,et qui, suivant Hesychius, a lescns de ^u.ip.sû-jcc;, avait, d'après le témoignage de ce lexicographe, le même sens que yjliq.

s Pausanias , IV, 3i.

•" IV, 33.

" IAr. 32. X'è $i ôvGfj.a£s'|AEv&v Trapà jVJeçar.viwv l.EcoÛ'jG'tcv È'ysi y.'t'j Oswv àyaÂjj.aTC., ô—coouc vcjAttGUGiv ci ÉU'CVEÇ. Le ministère de UpctiÙTr,; se trouve aussi mentionné dans des inscriptions d'Agrigcnle et de Malle. Aroy. Castelli inscript. Sic, p. 7g et 82.

M. Boissonade, Comm. Ejjigr., p. 420 et suiv., elJ. Fr. liber l, Comment, de Sicilioe vclcris geôgraphia, etc., vol. 1 , V. I, p. i3o.

" Aboyez sur les aywvsç j/.oucruâjç l'excellent article de M. Fix dans la nouvelle édition du Thésaurus gr. ling ablJenr. Slephana consimetus, fasc. 2, col. 586 et 587.

' Ancienl coins qf 'G'reek ciliés and hings, publishedby JamesItiUllingcn.London, i83),])l. iv, 20, et p. 63 du texte. Aroyez sur cette médaille M. Raoul-Rochette, Journal des Savants. Septembre i831, p. 56/,.

"' IAr, 32 ad fin.

''J P. 26, pi. 22.

eY/UoA.PHXAipe

ATe\MHTOY i ATeiMeTOY '■ y • - i: ;" " -'•'«y-''— : lH° .-'V7/<r=\;

cnzoMeHHc / ^

Celte inscription qui, à en juger par la forme des lettres, doit être du second siècle après J. C. 1, a élé publiée par M. Boeckh dans son pi'écieux recueil, sous le n° i4g6- Suivant lui, elle doit être lue ainsi :

Eùf/.oXîr/î ycapE.

ÀT£t|r/f-rou ( TOC ) ÀTeqrrjTOu.

^(ùÇojj.ivoç.

C'est-à-dire : Eitmolpé, adieu !

[Ce tombeau est; aussi celui] dA limé tus, fils d'Alimêtus.

\ll est aussi celui] de Sozomèné.

Tel est du moins le sens que semblent indiquer, et cette observation de l'éditeur : genilwi. nomina sunt sepultorum, et l'explication du n° 1 762, auquel il renvoie pour le développement de celte opinion.

Je ne pense pas que la conjecture du savant académicien sur la sigle M puisse être admise comme satisfaisante, fi est vraiment impossible d'y voir le signe abrégé de TOU; aussi lui-même ne présente celte explication que sous la forme d'un doute.

J'oserai donc à mon tour proposer une interprétation approuvée par MM. Letronne, Hase et Raoul-Rochette, ce qui doit me la faire

regarder comme certaine:

]VJ}/.PÀ~/J yjiïcs,

A.TtfJ.vfrou Quyarep, (;.-ô'-£p 8e A.Tif/.vrrou 2(o(op.Év/îç.

Adieu, Eumolpë, fille d'Alimêtus, et mère d'Alimêtus [époux] de Sozomèné.

L'emploi du M, comme sigle du mot pfn;p, n'est pas commun, je l'avoue, du moins en grec; on trouve plutôt M HT. M P. 2. Les inscriptions latines, au contraire, offrent d'assez nombreux exemples de cette lettre employée pour représenter MATER i. Or il ne faut pas oublier que le monument qui nous occupe est d'une époque où les inscriptions grecques offrent souvent un caractère tout romain.

1 Les lettres de noire inscription ont la même forme que celles du n° 1467 de

la publication de ÎYI. Boeckh, auquel le savant éditeur assigne aussi cette époque.

" A7oy. Placentinus, de Siglis velerum Graecorum, p. ia5. On trouve aussi

MIEPA pour uXripx. dans une des inscriptions recueillies par le comte Vidua, pi. Y.

3 Gruter, 724, 7, et 727, 7.


(45)

Quant au 0 indiquant le mot Guyar/ip, il serait facile d'en citer de nombreux exemples 4. On sait d'ailleurs que chez les Grecs c'était un usage assez commun que de donner au petit-fils Je nom de son grand-père 5.

Enfin la conjonction è>è dont je fais suivre le mot prrep est indiquée par la ligne qui, perpendiculaire aux deux jambages du M, forme avec la ligne brisée qui les unit un A renversé, position que le A a parfois clans les sigles 6. Cette construction est d'ailleurs dans l'usage de la langue, aussi ne citerai-je d'autre autorité épigraphique que deux inscriptions copiées par le comte Yidua dans l'île de Chio 7 :

i.

APTEMI2IA

EHRT0<I»ANOï

01TATHP

ITNHAE

nosEiAinnor

2.

OAHMOS

ABP02YNH.NHHNIA02

rTNAIKAAE

AHEAAni (sic) TOT 0EOMWIAO2

îl resterait à justifier l'ellipse d'àvrjpoç. Je conviens qu'elle est rare, mais il me suffit qu'on en trouve des exemples pour qu'il me soit permis d'y avoir recours 8. On sait d'ailleurs que l'ellipse du mot conjux se rencontre fréquemment dans les inscriptions latines.

L explication que je donne du monument qui nous occupe, se trouve appuyée par la conjecture de M. Boeckh sur l'inscription 7^3 de son recueil, et confirmée parcelle inscription du colosse de Meinnon 9 :

rAIOCIOTAlOCAIO^TCIOC

APXIAIKACTHC0ES2NOC

APXIAIKACTOYVOCKAI

n A T H P11 K O Y C A M E M N O

KOCiiPACl'iPATHC

Caius Julius Dionysius archidicasle, fils et père de Tliéon archidicaste, fai entendu Mcmnoii à la première heure.

On voit dans cette inscription que le père et le fils de Dionysius portaient tous deux le nom de Théon, comme le père et le fils d'Eumolpé portaient celui d'Atimélus.

Disons encore que le nom de Sozomèné n'a rien qui doive surprendre. On trouve dans l'anliquité beaucoup cle participes employés comme noms propres. M. Boissonade en cite de nombreux exemples dans sa dissertation épigraphique 10.

i Corsini Nota; Groecorum, p. 28; Placentinus, op. cit., p. 84 sq. et 122.

5 Harless, de Nominibus Groecorum, p. 33. Il cite un passage de Démosthène contra Macaitalinn, p. io3g, qui ne laisse aucun doute à cet égard. A'oyez aussi Platon, Lâchés, p. i,vol. I, p. 2.5i, I. 10, éd. Bckker. r,\ù.v EIVIV UIETÇ GÛTCU, Srh JJÀI Tcûi^e, ^ra—77CU Êyf-n ovGjj.a Ocw/.-jïïiiïrtç, i[J.h<; &k GCTE , ï7a7777<Wv TE y.v\ GÙTG? cvcp/cxa TCLI^.GO TTccTpGç-Àftcreî^Yîv y«p aùrcv xa>.oû/j:EY.

"'Comme dans la sigle F7", 5o, résultant de la combinaison d'un n avec un A. Aroy.Placentinus, op. cit., p. i35.

' Tiiscriplioncs antiquoe a Comité Carolo Vidua in Turcico ilinerc collecta;. Paris, 1826. 8". Tab. xi., 3 et 1.

6 Voyez Schaefer sur les Ellipses de Lambert Bos, p. ai, et M. Boissonade sur les Héroïquesde Philoslrale, p. 307.

3 XXA'III, p. 3S, du mémoire de M. Letronne sur les inscriptions du colosse de Meinnon; dans les Transactions of the Royal Society of littérature 0/ Lontlon, t. II.

10 A la suite des lettres d'HoIstenius. p. !{hk\AIÂIONAYPHAlON

!{hk\AIÂIONAYPHAlON OIEAAHNE5EYXAPI 5TOYNTE2TOI20EOI5 5. KAlAITOYMENOITAArAOA TfiOI«nEI2HrH5AMENO . KAITAANAA.QMÀTAPAPA2XON TO2TIBKA5A101AAKAÎAIA NOYTOYAPXIEPEflSÂY 10. TJCINAIABIOYKAIEAAAAAP XOYAPOTOYKOINOYTHN AXAinNANESTHSAN

Cette inscription est gravée sur un piédestal en marbre blanc à moitié enfoui, qui se trouve près d'une fontaine à Messène. Comme Fourmont prétendait l'avoir copiée à Sparte, in area t/ieatri, elle a été attribuée à cette ville par tous ceux qui. l'ont reproduite d'après lui 1. M. Boeckh, qui l'a insérée dans son recueil sous le n° j 3i8, affirme, sur le témoignage de Mustoxidès et cle Fau.vcl 2, qu'elle appartient à Messène. La copie que l'on en donne ici, et qui a été prise sur les lieux par M. J_enonnant, ne laisse plus aucun cloute à cet égard.

Cette copie, comparée au texte adopté par M. Boeckh, ne contient d'au Ire variante que l'absence du trait qui, à la fin delà ligne 6, indique la place cle l'u terminant le mot acYiyïicajjivo-j, et celle de l'un des deux traits qui, à la première ligne, ont été pris par M. Osann pour les restes effacés d'un M, par M. Fativel pour les lignes parallèles d'un P, mais qui ne peuvent être que les deux lignes convergentes d'un A.

1 Sainte-Croix, Gouv. fédérât, de la Grèce, p. 462, n° 2.; Angclo Mai, ad Front., t. I, p. xcvi; Osann , Auctar. Lex. Gr., p. 60, et Syllog. II, 10, p. 258. 3 P. 6/[6et922.

23


( 4-6 )

Voici l'inscription eu caractères courants; et comme la traduction française ne peut suivre assez littéralement l'ordre des mots, je crois devoir la faire précéder d'une version latine :

A. AD.tov Aùpvfltov Ouvipov Kai'<J«pa.oî EX)>7iVe; EÙ^KptcrTouvTEç TOÎÇ ÔEOÎÇ y.tù «tToujj.svoi TK «yaOà TCO oiV.w, ctV/iy-/jO-«[/.£vou y.aï Ta âvaXu[y.«T« 7rapacyo'vTo; Ttp. Kl. 2aïGiox/cal Aftiavoû", TOÙ àpyiepsuç aÙTtov 5tà piou y.al éXlaoapyou, «TÎO TOÙ y.oivoù TÛV Ayatûv oev£crT-/iCKV.

Lucium Aelium Aurelium Verum Caesarem, Graeci gratias agentes Diis et précarités bona. (omnia Caesarum) domo, suadente et sumptus suppeditante Tiberio Claudio Saïlhida ( eodem ) et Aeliano, ponlifi.ee maximo eorum ad vilae tempus et helladarcha,publ.ico et commuai Achaeorum consensu posuerunt.

C'est-à-dire :

Sur la proposition de Tib. Cl. Saïlhidès appelé aussi Aelianus, grand-prêtre des Grecs à vie et helladarque, lequel a fourni les fonds, les Grecs rendant grâces aux dieux, et faisant des voeux pour le bonheur de la famille impériale, ont, du consentement unanime des Achéens, élevé cette statue à Lucius Aelius Aurelius Férus César.

M. Boeckh prouve d'une manière irrécusable que cette inscription se rapporte, non comme le prétend M. Osann, à M. Aelius Aurelius Verus,qui n'est autre que M. Aurelius Antoninus le philosophe, mais Lien à L. Aelius Aurelius Yerus Commodus, désigné ordinairement par les seuls noms de Lucius Verus. îl démontre aussi que ce monument ne peut avoir été gravé avant l'an de Rome giZj, de notre ère 161, où Lucius, qui jusqu'alors avait porté le nom de Commodus, reçut le litre de César et commença à être appelé Verus 3 ; et il conjecture que c'est en commémoration de cette association à l'empire que fut élevée la statue qui .surmontait le piédestal dont nous nous occupons.

Je ne répéterai point ici les diverses observations de M. Boeckh, son livre est trop connu pour que cela soit nécessaire; je m'attacherai seulement à quelques parties du texte sur lesquelles le plan de son ouvrage et l'extrême abondance des matières ne lui permettaient sans doute pas de s'arrêter.

L. 5. atToui/.Evoi Ta àyaGa. Formule consacrée: U.EOJXETE et oihew TOUÇ Geoù; TayocOa, Eschine contreClésiph., p. 70.1. 32, éd. de Henri Etienne. atTeîcrGai àyaOè Trapà OECOV, Xen. Cyr. 1.6,5. î~£.uyj.c^ci, cuvEu^EtjGai Ta àyaGa, Polltix 5, 12g.

L. 6. TCO oiV.co; suppléez 2Epa<7Totj ou Sefiao-Tiov, ou bien encore «pacTco. L'ellipse est ordinairement remplie 5.

L. 7. rà «va?i<6[/.*Ta TrapaGyovroç, formule moins commune que celle de TrpotJ^Eça^.EVûu TO àvalcojj.a, qui désigne le receveur des fonds destinés à la dépense. Voyez Je recueil de M. Boeckh, i3a8, i32C), I35I et passini. Cet emploi de -apsy<o n'est pas sans autorités.

L. S. Je n'adopte qu'avec quelque répugnance la manière dont Al. Boeckh lit les lettres KALAIAiVOY. Je sais que K peut être considéré comme la sigle de y.cà; mais j'avoue que l'absence de l'article TOÛ' devant les mots y.<A AiXiavoD' me choque comme contraire à la langue. Aussi sans le rapport qui existe entre AtXtavoO et Ai'Aiov (I. r), rapport par lequel on s'explique le dévouement cle Saïlhidès, il m'eût j^aru plus simple et plus convenable de lire KaiXiavou, Caeliani, ce qui aurait fait supposer des relations entre notre personnage et la famille Caelia.

L. 10. La dignité d'Helladarque ne se trouve mentionnée dans aucun auteur, et elle n'est connue que par les inscriptions 6, d'où ce mot n'est passé que récemment dans les lexiques. On ne peut donc déterminer d'une manière bien précise quelles pouvaient être les fonctions de celle charge qui doit être postérieure à la domination romaine. Il est probable cependant que les Helladarques étaient pour la Grèce ce qu'étaient les Asiarques pour l'Asie mineure, c'est-à-dire les présidents des jeux publics de toute la Grèce^. Ce qui confirme celle conjecture, c'est, que, comme les Asiarques, ils cumulaient souvent celte charge avec celle de grand-prêtre 8, et que l'on mettait une différence entre PHclladarque des Àmphictions et l'Helladarque des Grecs9, de même que sur les monuments de l'Asie on distingue et les Asiarques des confédérations IO et les Asiarques des villes.

L. 11. Km TOÛ' xoivoO TCOV Àyauov, Celle locution âiro TOU JMIVOU, comme celle qui lui correspond en latin, ex communi, peut présenter deux sens: aux frais de la commune, ou en vertu d'une décision de la. commune. Ce dernier était seul admissible, puisque les frais sont faits par Saïlhidès.

3 Aroy. Eckhel, Doctr. Niim., t. VII, p. 87.

* Yay. M. Letronne, Analyse crit. du recueil d'inscript. de M. le comte Aridua, p. 5.

5 Cf. Palaephat. de Incredik, ch. XXXArI, 16'.

6 Ou la trouve encore aux nos 1124 et 13o,6 du recueil de M. Boeckh.

" Aroy. la Dissertation de Aran Dale de Pontif. Gr. et Asiarchis , p. 277 et suivantes.

* On en voit un autre exemple au n° 112/j de M. Boeckh.

s Ibïd.

'° Van Dale, p. 27S et 281.


(47)

ROUTE DE MAVROMATI (MESSÈNE) A FRANCO ECLISSIA (ANDANIE. )

Le i.o mai, après un séjour d'un mois à Mavromati, nous quittâmes ce village, dont les habitants, pour qui nous étions devenus des connaissances, A^oulurent nous faire leurs adieux : aussi, le jour de notre départ, nous les trouvâmes tous qui s'étaient réunis afin de nous souhaiter un heureux voyage.

Pour aller à Franco Eclissia, que M. Pouqueville indique comme étant sur l'emplacement de l'antique Andanie, la route est la même que celle qui conduisait à Mégalopolis. Après être sorti par la porte dont nous avons donné les dessins, la route tourne au nord, et on la suit sous l'ombrage de quelques vieux chênes sur le versant de l'Ithome. On descend ensuite vers la plaine de Stenyclaros, dont l'ancienne fertilité n'est plus attestée maintenant que par quelques champs cultivés et quelques plantations d'oliviers qui bordent la rivière appelée Mavro Zoumena. Cette rivière se jette à peu de distance du point où on y arrive, dans une autre appelée aujourd'hui Pimatza et que les anciens historiens nomment Pamisus. Au confluent de ces deux rivières se trouve un pont d'une disposition toute particulière : il est divisé en trois branches; l'une de ces branches se dirige sur la route de Messène, l'autre sur celle de Mégalopolis, et la troisième, qui se trouve à la pointe formée par la rencontre de deux rivières, est dans la direction de Franco Eclissia.

Ce pont, tel qu'on le voit aujourd'hui, est moderne ou tout au plus du moyeu âge; cependant, quelques restes d'auciennes constructions cle même caractère et de même époque que celles des murs de Messène, servent de base à plusieurs de ses parties. C'est ainsi qu'à l'extrémité de ce pont, du côté de Messène, se Aroit encore une petite porte couverte par une plate-bande, et la base d'une des arches, dont les pierres posées en encorbellement indiquent un commencement de cintre.

Si l'on continuait la portion de cercle qui existe encore du pont antique, comme elle a été continuée par la construction moderne, on formerait une espèce d'ogiAre; et bien que cette forme d'arcade puisse ne pas paraître admissible pour des constructions antiques, nous devons faire observer qu'elle est cependant justifiée par plusieurs exemples, parmi lesquels on peut citer le Trésor d'Atrée à Mycènes et l'Emissaire de Tusculum 1.

En se dirigeant au nord par la partie du pont qui conduit à Alitouri, on trouve à peu de distance un tumulus ou tertre, sur lequel sont des débris de constructions et un fragment de colonne en pierre; près de là est une ruine d'église byzantine appelée Franco Eclissia, et dans laquelle se trouvent quelques débris en marbre.

Si Andanie, ville qui dut sa fondation à Polycaon, époux de Messène, fille de Triopas 2, était, comme le pensent quelques auteurs, là où est aujourd'hui Franco Eclissia, on n'en trouve plus d'autres traces que le tumulus dont j'ai parlé plus haut, et quelques débris en marbre et en pierre dans les églises en ruine du village nommé Alitouri, qui est au nord, près de Franco Eclissia*.

* DOUTE 1JE JIAVIIOMATI ( MESSÈNE ) A FRANCO ECLISSIA (ANDAKJE).

En partant de Mavromati et en se dirigeant vers le nord, on trouve à 26 minutes la porte de Mégalopolis. A 7 m. les ruines d'une chapelle. A12111. un hois de chênes. A4o m. après une descente, un ruisseau.Ag m. champ d'oliviers; la rouleau nord-est. A 16m. un vallon cultivé; une rivière. A 5 m. un moulin sur le bord de la rivière. A 3 m. une route construite; un bras de rivière. A 2 m. le pont triangulaire; du milieu du pont, en se dirigeant au nord, on trouve, à r3 m., près de la route, un tumulus. A 3 m. une ruine byzantine appelée Franco Eclissia ; dans le fond, à gauche, on voit un château fort sur une montagne.

Total de la route, 2 heures 16 minutes.

1 Donaldson, Supplément aux' antiquités d'Athènes, planches II 2 Pausan., liv. IV, chap. 1.

et III de Mycènes.


( 48 )

ROUTE DE FRANCO ECLISSIA A ARCADIA (CYP ARISSIA).

N'ayant rien trouvé à Franco Eclissia qui pût y faire reconnaître l'existence d'une ville antique, et par conséquent rien qui pût souleArer le voile qui cache encore la véritable position d'Andanie, et jugeant inutile de nous arrêter à des recherches qui sont plutôt du ressort des géographes et des archéologues que du nôtre, nous partîmes pour Arcadia.

En se dirigeant au nord-ouest, vers une forêt de chênes, par laquelle la route est fort belle, on arrive auprès d'une rivière appelée le Coda, que l'on traverse à un endroit où était autrefois un kan f auberge). A gauche on remarque, sur une montagne, un ancien château fort d'un aspect imposant; sans doute l'ancienne demeure de quelques-uns des chefs francs ou vénitiens qui furent pendant si long-temps maîtres du Péloponèse. La route continue toujours dans la forêt, au milieu de laquelle sont des champs cultivés. En marchant toujours vers l'ouest, après avoir passé sur deux petits ponts, on voit, à droite de la route, presque à la cime d'une montagne, Agrilos, village, considérable; et de chaque côté un autre village plus petit. On entre ensuite dans des défilés, et on traverse sur un beau pont en pierre le lit très-profond d'un torrent qui se jette près de là dans la rivière d'Arcadia. Les .montagnes, qui, en cet endroit, se coupent en sens divers , et la grande élévation du pont au milieu de cette nature si A-ariée, produisent un ensemble des j^lus pittoresques. La route, ensuite, longe la rivière d'Arcadia; et après avoir monté par un chemin très-rapide le long d'une gorge boisée, on découATe la mer et les lies Ioniennes, et derrière soi, dans le fond, les monts Itbome et EAran , et de la cime de la montagne on aperçoit Arcadia. Enfin, arrivé dans une plaine, après avoir passé, au milieu des lentisques et des oliviers, plusieurs ruisseaux qui l'arrosent, on traverse la rivière appelée Kartela, et on monte ensuite jusqu'à Arcadia à travers les champs d'oliviers qui entourent cette ville*.

* RO0TE DF. FRANCO ECLISSIA A ARCADIA ( CVPARISSIA ).

A 10 minutes, à droite, une fontaine; à gauche, une chapelle ruinée. A 2.5 m. une foret. A a3 m. le Cocla, rivière. A l\o m. on traverse le Coda. A S m. kan de Coda. A i4 ni. on traverse la rivière. A 11 m. on passe à gué un bras de la rivière, auprès cle quelques maisons. A 21 m. on passe successivement sur deux petits ponts. A i3 m., sur Je flanc de la montagne, à droite, Agrilos. village. A 47 m- 0)) entre dans Jes défilés. A 22 m. une rivière. A 20 m. beau pont en pierre. A o.g m. on passe à gué la rivière d'Arcadia; ensuite on monte. A 84 m. Kartela, autre rivière ; champ cullivé sous des oliviers. A 23 m., après avoir traversé plusieurs ruisseaux, on tourne pour monter à Arcadia. A. G m. on entre dans la ville.

Total de la route, 6 heures 33 minutes.

ARCADIA (CYPARISSIES ou CYPARISSIA).

Strabon et Pausanias, qui disent fort peu de chose de Cyparissia, permettent de supposer que cette vil 1 e était peu importante dans l'antiquité; suivant le dernier, on y Aboyait un temple à Apollon et un autre à Minerve, dont il ne reste pi us aujourd'hui la moindre trace. Il y avait aussi près de la nier une fontaine que Bacchus fit, dit-on, jaillir en frappant la terre de son thyrse : c'est pourquoi elle se nomme Dionisiade 1. Cette fontaine., qui a la forme d'un bassin carré, se retrouve encore aujourd'hui où l'indique le voyageur grec. Elle est encore î-egardée comme sacrée à cause des vertus miraculeuses que les habitants attribuent à ses eaux.

Arcadia, qui sans nul doute est sur l'emplacement de Cjqiarissia, fut une des premières villes qui tombèrent au pouvoir des croisés français commandés par Guillaume de Champlitte, qui la céda en toute propriété à messire Geoffroy de Ville-Hardouin , baile de Morée, avant de s'en retourner en France 2.

Cette ville, maintenant en ruine, est délicieusement située à mi-côte, et à peu de distance du rivage de la mer; elle est environnée de plantations d'oliviers, d'orangers, de mûriers et de grenadiers. Elle fut livrée au pillage et aux flammes par le fils du pacha d'Egypte : Ibrahim, dit Alexandre Soutzo, y massacra les femmes, les enfants et les vieillards 3.

1 Pausan., liv. IV, chap. XXXA'I.

2 Chronique de Morée, liv. IL

3 Alex. Soutzo, Bev. grecques, t. I, p. 362.


(49)

Au bas de la ville et près d'une grande construction moderne où se tient une foire qui a lieu tous les ans, on trouve la fontaine dont j'ai parlé plus haut; et à peu de distance, à deux pieds seulement du rivage delà mer, dans les écueils, une autre source d'une eau très-douce, laquelle j suivant notre guide, a encore plus de vertus que la première. De cet endroit, qui forme la pointe la plus avancée de la baie, revenant vers la ville, en longeant le rivage de cette baie qui formait le port de Cyparissia, on voit quelques débris de constructions antiques.

Les murs de la citadelle sont de construction moderne, mais ils paraissent avoir été construits sur l'emplacement et avec les pierres de l'ancienne acropole. Le seul fragment de muraille antique que nous ayons remarqué, se trouve du côté du nord près du mur moderne, et n'y tient nullement. Sa construction, parfaitement semblable à celle des murs de Messène , parait être du même temps, et diffère entièrement de ceux d'Arcadia, qui sont à parements lisses. (Voyez planche 4.9, fig. IL)

EXPLICATION DES PLANCHES.

PLANCHE l\8. Font anlirjue sur la. rivière Pirnatza ( Pamisus ).

[?io-. ]. Plan du pont et confluent des deux rivières. La route au nord conduit à Franco Eclissia ( Andanie );

celle au sud-ouest, à Mavromati (Messène), et celle au sud-est, à Sinano (Mégalopolis).

/,y>. H. Construction d'une partie du pont, avec l'indication au trait delà restauration d'une des arches. La

pierre A a été taillée en claveau lorsqu'on fit les arches modernes, lesquelles sont en petites pierres.

Fig. 1.11. — Vue de l'ensemble du pont.

PLANCHE 4,9Fi*.

4,9Fi*. — Vue d'Arcadia prise du côté du nord : on voit à droite la baie qui formait le port, et la pointe déterre sur

laquelle se trouve la fontaine de Bacebus.

/*-». H'. _ PJ;U1 et profil de la seule partie cle muraille antique que nous ayons remarquée à Arcadia. A, le mur

existant de la citadelle moderne; B, le mur antique.

Suivent les planches ^S et 4<>

2 0



(5i )

ROUTE D'ARCADIA A STROBITZI (LEPREUM).

D'Arcadia à Strobitzi, village qui est aujourd'hui sur l'emplacement de Lepreum, la route est pendant long-temps celle qui conduit aussi à Pirgos; elle remonte au nord à travers la campagne qui borde ïa mer. A peu de distance , on traverse sur un pont de pierre la rivière appelée Kartela, et on se trouve sur une plage couverte de buissons de Ientisques, et plus loin, près du lit d'un torrent dont le courant a beaucoup changé, puisqu'un grand pont en pierre, sur lequel on traversait autrefois ce torrent, est maintenant à côté et est devenu tout-à-fait inutile : la route ensuite continue sur la plage au milieu des sables. On voit, adroite, Sandanoï-Vouna, montagne conique et rougeâtre, cjui commence la chaîne des montagnes de la Triphilie. En longeant le pied de ces montagnes , au milieu des bosquets de Ientisques, on arrive au pontdeBouzi, sur la rivière de ce nom, qui est l'antique Neda, et ensuite à la rivière de Strobitzi, sur laquelle est un petit pont d'une seule arche en ogive. C'est là que, pour se rendre à Strobitzi, on quitte la côte et la route de Pirgos pour remonter le cours de lariA'ière, dans une vallée que bordent de chaque côté des montagnes couvertes en grande partie de pins, ce qui donne à ce pays un caractère tout particulier et très-pittoresque. Plus on avance dans la montagne, plus la forêt devient épaisse et la route difficile. On passe par Kalibea, village dont toutes les chaumières sont en forme de tentes; en sortant de ce village, le chemin continue et monte, au milieu d'une forêt, après laquelle se trouve une riche vallée, où l'on voit quelques maisons qui forment le village cle Strobitzi*.

* ROUTE D'ARCADIA (CYPARISSIA) A STROBITZI (LEPREUM).

A 20 minutes d'Arcadia, en se dirigeant au nord-est, on traverse la rivière Kartela sur un pont en pierre. A 44 rn. un torrent dont le lit est très-élendu ; à côté est un grand pont. A io m. ruine du moyen âge; la route sur le rivage dans les sables. A [\i m. à droite, Sandanoï-Vouna, commencement des montagnes de la Triphilie. A 27 m. ruisseau et fontaine; ruine de chapelle. A i5 m. rocher appelé Sténo; il y a, dit-on, une ancienne inscription. A 33 m. pont deBouzi sur la Neda, grand pont en pierre; à droite au milieu delà rivière un massif de construction qui paraît antique. A 6 m. à droite, une ferme. A 4g 11]- Lln soubassement moderne; un petit pont en pierre sur la rivière de Strobitzi, près de la montagne une tour carrée; on quitte la route pour remonter dans lu vallée le long de la rivière. A. a3 m. Kalibea, village au 'milieu de la forêt. A 1.3 m. un ruisseau sous un petit pont en pierre. A l\2 JD. on moule dans la forêt. A 20 m. plusieurs petites cascades, des moulins et le village de Strobitzi dans la vallée; au dessus, l'acropole cle Lepreum.

Total de la route : 5 heures 48 minutes.

STROBITZI (LEPREUM).

Lepreum, Lepreos, était une ville de la Triphilie, province qui faisait autrefois partie de l'Elide, et qui. plus tard fut réunie à celle d'Arcadie. On dit que Lepreos a été bâtie par Lepreus qui lui a donné son nom et qui, ayant eu la présomption de se mesurer avec Hercule, succomba dans cette lutte inégale; d'autres veulent que ce nom de Lépréates soit venu aux. habitants de ce pays, de ce que dans l'origine ils étaient sujets au mal de la lèpre'.

Cette ville, à ce que disent les habitants, possédait un temple de Jupiter Leucams, le tombeau de Lvcurgue, fils d'Aleus, et celui de Caucon ; mais de mon temps on n'y voyait plus rien de remarquable que le temple de Cérès: encore est-il de brique crue et dépouillé de sa statue. La. fontaine Arène est à peu de distance de la ville 2.

Les Lépréates donnaient chaque année aux Eléens leurs alliés, un talent, pour l'entretien du temple de Jupiter Olympien 3.

Aujourd'hui, Strobitzi, qui occupe l'emplacement de Lepreum, est situé au milieu d'une riche Aillée sillonnée par des ruisseaux qui distribuent leurs eaux à quelques moulins et arrosent toute cette fertile campagne. Au sud-est de ce village est un plateau escarpé et accessible d'un seul côté, sur lequel se trouvent les débris d'un monument antique, et entre autres un fragment de colonne. A l'est-nord-est du village en montant par un chemin difficile et cependant praticable pour des chevaux, on trouve des

1 Paus., liv. V, ch. v.

2 Paus., liv. V. ch. v.

3 Thucydide, liv. V, ch. vi.

26


' ■(■& )....

fragments antiques de muraille en place, et, au sommet de la montagne, l'acropole, dont les murs sont en Grande partie conservés. On entre dans cette enceinte par une partie de construction où existe une porte dont plusieurs voyageurs ont parlé (voyez planche 51). Les constructions de cette citadelle sont de deux époques : l'une, la plus ancienne, est à joints horizontaux, réguliers, et à bossages, à peu près comme celle des murs de Messène. La seconde est aussi antique, mais postérieure, car dans quelques parties elle a été superposée à l'autre; les pierres étant dune qualité inférieure, sont généralement plus dégradées que celles de la première. Les assises de la dernière construction sont à parements lisses, et les pierres, toutes de même grandeur, forment des refends réguliers. L'acropole est divisée en deux parties par un mur de séparation ouvert au milieu par une grande brèche, où. était probablement une porte. Dans la partie la plus élevée, on retrouve des soubassements antiques : tout porte à croire que ce sont les restes des temples indiqués par Pausanias. Attenant au mur d'enceinte sont d'autres portions de muraille qui s'étendent en descendant dans la vallée, et qui formaient nécessairement l'enceinte de la ville.

A l'est de l'acropole, sur la cime d'une montagne qui la domine un peu, on voit les ruines d'une fortification et de longs murs d'enceinte d'une place forte moderne, qui paraît avoir été construite avec des débris de murailles anciennes d'une ville qui, selon les géographes modernes, aurait été Macistus.

EXPLICATION DES PLANCHES.

PLANCHE 5O.

■Fig. 1. — Plan de Ja vallée de Strobitzi ( Lepreum).

A. Strobitzi, village dans Ja A'allée. 13. .Acropole antique de Lepreum.

C. Ancienne forteresse supposée sur l'emplacement de Macistus.

Fig. II. — Acropole de Lepreum.

A. Construction antique dans laquelle se trouAre une porte (voyez planche 5i, fig. I).

B. Construction antique de divers caractères(voy. pi. Si, fig. H).

D. Plateau escarpé sur lequel se trouvent Jes déJjris d'un monument antique.

E. Murs antiques qui formaient l'enceinte de Ja ville.

F. Point d'où est prise Ja vue générale (voy. planche 5a).

C. Autres détails de construction (voy. pi. 5i, fig. III).

D. Construction du moyen-âge divisant l'acropole en deux parties.

PLANCHE 5I.

Fig. !.. — Vue de la tour indiquée A sur le plan de l'acropole, et des restes d'une porte. Cette construction, comme toutes celles du môme caractère, c'est-à-dire à assises régulières, est en pierre poreuse et très-dure. Les autres parties, telles que celles des figures suivantes, sont en pierre calcaire grise et dure, comme celle des murs de Messène.

Fig. II. — Construction où se trouvent des parties irrégulières.

Fig. III. — Construction des petits murs de refend qui .divisent: les tours.

PLANCHE 5a..

Vue de la vallée de Strobitzi prise du point F du plan général : à droite est le plateau sur lequel sont les ruines d'un monument antique; à gauche, sur la montagne, se voient les restes de l'acropole de Lepreum.

Suivent-les j^Janches 5o, 5r et 52.


(53)

ROUTE DE LEPREUM A SAMICUM.

En partant de l'acropole de Lepreum, la route se dirige au nord-est, et passe sur le versant gauche de la montagne où sont les ruines de Macistus, elle tourne ensuite vers le nord , et puis enfin vers l'ouest jusqu'au bord de la mer. C'est à peu de distance sur cette route que se trouve le village appelé Moskitza. En continuant à marcher dans des montagnes, en partie boisées et très-pittoresques, on rencontre une petite église en ruine, semblable à presque toutes celles de la Morée; dans celle-ci sont des restes de peintures et des colonnes en marbre. Après on traverse une forêt de pins et le village de Glatza, remarquable par ses beaux grenadiers; plus loin on trouve Sarèna, village ruiné en partie. D'après l'indication de notre carte, nous cherchâmes au-dessus de ce village les ruines de Samicum, mais nous ne découvrîmes aucune trace d'antiquité. La route conduit de là à Piskini, où, après avoir cherché encore, nous ne trouvâmes rien là non plus qu'à Sarena qui puisse autoriser à placer Samicum dans cet endroit. On arrive ensuite au village de Zakaro, et peu après à la rivière Sidero, que quelques auteurs croient être l'ancienne Anigrus; lorsqu'on a traversé cette rivière, le khan ou auberge d'Agio Sidero ( St.-Isidore) s'offre, à peu de distance du rivage, aux A^oyageurs. Du khan de St.-Isidore pour aller à Samicum, la route se dirige A-ers le nord-ouest, et passe entre la mer et un lac d'eau saumàtre sur un terrain étroit et sablonneux au milieu d'une forêt de pins. C'est à l'extrémité de ce lac, appelé Caïapha, qu'est le défilé du même nom défendu par le fort Clidi; assez près de ce fort et sur le penchant de la montagne, on aperçoit les murs d'une acropole antique que plusieurs voyageurs désignent comme l'ancienne Samicum.

ROUTE DE LEPREUM A SAMICUM.

Partant de l'acropole de Lepreum, à 22 minutes on passe sous les murs de Macistus. A 23 m. on trouve une fontaine au milieu du village de Moskitza, la route au nord-ouest. A 1 h. 28 m. une église en ruine dans un hois. A 11 m. deux roules dans une forêt de pins. A9 m. Glatza, village.A i5 m. un torrent. A 5a m. Sarèna, village. A36 m, une grande chapelle au-dessus de Piskini. A 23 m. une fontaine dans une vallée cultivée. A l\5 m. la rivière et le village d'Agio Sidero. A 35 m. forêt de sapins, entre le marais et la mer. A ù\3 m. jetées en pierre dans les marais. A 3 m. à gauche un rocher escarpé, au has une ruine, à droite un autre rocher, au-dessus un fort. A i5 m. on passe au-dessous de Samicum en quittant la route pour monter sur une pente très-rapide. On arrive en i5 m. sur les murs de Samicum.

Total cle la route, 7 heures i5 minutes.

SAMICUM.

C'est par erreur que j'ai indiqué sur notre carte de Morée ce lieu sous le nom de Scillonte ; DodAvell, M. Martin, Leake, et notamment M. Boblay, membre de l'expédition, qui a bien voulu me communiquer le résultat de ses recherches à ce sujet, y reconnaissent Samicum. DodAvell a vu les cavernes dont parle Strabon, aureArers sud de la montagne au bord du marais; l'une était consacrée aux nymphes Anigriades; l'autre était fameuse par les aventures des Atlaiitides et par la naissance de Dardanus, fils de Jupiter et d'Electre, fille d'Atlas, roi d'Arcadie. Suivant Pausanias, il paraîtrait que le bourg Samicum était situé sur le bord de l'Anigrus à l'endroit où les marais se déchargent dans la mer : c'était, probablement aussi là que se trouvaient le temple de Neptune Samien 1 et le bois Posidium, tandis que la ville antique Samia ou Samos était sur le sommet de la montagne.

Strabon. 2 et Pausanias 3 disent que Samicum est Arène, qu'Homère 4 place près de la rivière Anigrus; suivant Polybe, cette, ville qu'il nomme toujours Samicum était, après Lepreum, la plus forte, la plus considérable de la Triphilie. Philippe s'en empara au temps de la ligne Achéenne; elle était encore ville sous Théodose, et depuis elle a été abandonnée.

Le terrain sur lequel sont les restes de cette ville forme une pente très-rapide du sud au nord; à l'extrémité sud, qui est la partie la plus élevée et celle qui se lie au mont Smyrne, est une roche à pic, sur laquelle on trouve des fragments de constructions, probablement la base d'un édifice : dans le terrain qui s'étend dejmis le pied de cette roche jusqu'à l'extrémité nord de la ville, on retrouve de grands murs

1 Strahon, liv. I, p. 346.

2 id.

3 Pausan., liv. V, chap. vi.

4 Iliade, 28, 591.

27


( H )

de soutènement pour les terres, qui sont très-inclinées dans cette partie, et des bases d'édifices; on y remarque aussi de grands rochers à pic, dont l'élévation est d'environ huit mètres ; dans le bas de cette enceinte est une partie de rocher taillée de manière à former une ouverture, où était probablement rentrée de Pacropole; la ville devait s'étendre au-delà sur un terrain en pente jusqu'au bas d'une vallée, au milieu de laquelle coule une petite rivière. Les murs de l'acropole, qui existent presque entiers, sont d'une construction qui paraît fort ancienne; dans quelques parties elle est régulière, et dans d'autres elle est polygonale, mais toujours appareillée aArec le plus grand soin : quelquefois la roche qui sert de base à ces murs a été taillée de manière à se lier avec la construction et à en former des parties; plusieurs petites portes ont été ménagées dans les murailles jDOur donner accès dans la campagne environnante. (Voyez les planches 53, 54 et 55.)

EXPLICATION DES PLANCHES. PLANCHE 53.

FIG. I. Plan de Samicum.

A. Acropole.

13. Emplacement de la ville.

C. Contre-fort du mont Smyrne (Mhitlie).

D. Fort Clidi, fermant le défilé de Caïapha.

E. Point d'où est prise la vue. (Voyez pi. 55.)

FIG. IL Acropole de Samicum.

F. Marais ou pêcheries de TavJa.

G. Fontaine.

II. Route d'OIympie. J. Route de Pyrgos.

A. Rocher escarpé sur Jequel se tromre la base d'un monument antique.

13. Partie, de muraille dans laquelle est une petite porte donnant entrée à une tour.

C. Autre porte. (Voyez les détails, planche 54-)

D. Tour, côté du nord. (Voyez les détails, planche 54-)

E. Diverses bases d'édifices et de murs de soutènement.

F. Entrée de l'acropole.

PLANCHE 54Fig.

54Fig. — Façade et coupe de la petite porte indiquée sur le plan de l'acropole par la lettre C. Fig. II. — Détail du mur indiqué par la lettre 13. Fig. III. — Détail de Ja tour D.

PLANCHE 55.

Vue de Samicum prise de la route au bas du fort Clidi. Sur la crête de la montagne du fond sont Jes murs de l'acropole.

Suivent les planches 53, 54 et 55.


(55)

ROUTE DE SAMICUM A OLYMPIE.

Le reste du jour où nous arrivâmes à Samicum ne nous ayant pas suffi pour en relever les ruines, nous fumes obligés de remettre au lendemain à terminer notre travail; la nuit, que nous j^assâmes dans les marais, où nous avions établi nos tentes, fut peut-être la plus pénible de tout notre Aroyage, à cause des cousins et des moustiques qui étaient en si grande quantité dans cet endroit, que, malgré les cousinières, nous en fûmes tellement maltraités, qu'au milieu de la nuit mes compagnons de voyage, à qui il était aussi impossible qu'à moi de dormir, furent obligés, pour se soustraire aux intolérables morsures de ces animaux, d'aller se coucher dehors , au risque de gagner les fièvres. Le lendemain matin nous ne fûmes pas surpris d'avoir été tant tourmentés quand nous A7îmes les toiles de nos tentes entièrement couvertes de cousins. Ne voulant donc pas nous trouver exposés de nouveau à pareil tourment, nous dépêchâmes notre travail de manière à pouvoir partir dans la journée, ce que nous fîmes l'aprèsmidi en nous dirigeant vers Olympie. La route de Samicum à Olynipie est sans doute encore celle qu'a suivie Pausanias. En partant du bas de la montagne sur laquelle sont les remparts de la ville antique , on se dirige vers le nord-ouest, au pied des coteaux dans une plaine marécageuse, en laissant à gauche une fontaine, la seule eau douce que nous ayons trouA^ée dans cet endroit. A peu de distance, à l'extrémité du terrain incliné sur lequel était sans doute la AÙlle, la route tourne au nord et passe par une vallée, au milieu de laquelle coule une petite rivière appelée Mandritza , et qui est indiquée sur la carte comme l'ancien Chalcis. Du haut d'un coteau qui ferme l'autre côté de la vallée, on remarque à droite sur une montagne des masses de rochers qui semblent être des constructions antiques, probablement les ruines de Scillonte qu'on doit trouver dans ces environs. Lorsqu'on est descendu du coteau on entre dans une vallée bordée de chaque côté par des montagnes sablonneuses couvertes de pins. La route, qui est pavée dans quelques parties , suit le bas de la vallée au milieu de terrains cultivés et arrosés par des eaux courantes. Le tableau que présente ce riche A7allon, bordé de montagnes très-pittoresques, est fermé dans le fond par les monts Olénos, les plus élevés du Péloponèse. A l'extrémité de cette vallée est une plaine fertile, au milieu de laquelle coule le plus grand fleuAre de la Morée; les modernes l'appellent Rouphia, corruption d'Alphée qui était son ancien nom. Bien que ce fleuve soit assez considérable, nous le traversâmes cependant sur nos cheA^aux; sou lit, comme celui de beaucoup de torrents, est très-étendu et très-irrégulier, son cours est rapide, et sa plus grande profondeur, à l'endroit où nous le passâmes, est d'environ deux pieds et demi : les habitants des bords de ce fleuve y naviguent dans de petites barques d'un seul morceau creusées dans un tronc d'arbre.

Arrivés de l'autre côté, nous -trouvâmes la route de Pirgos, et nous remontâmes le fleuve au milieu d'une riche vallée, en partie cultivée et bordée cle chaque côté par des coteaux couverts de pins : c'est en suivant cette route, qui.se dirige vers l'est,, que nous traversâmes une rivùère appelée StaATO Kephali, l'ancien Cladée, après quoi nous reconnûmes la plaine d'OIympie.

ROTJTF. DE SAMICUM A OLYMPIE.

En partant du has de la côte qui sert de hase aux remparts cle Samicum, on trouve à i8 minutes sur la gauche une fontaine dans des terrains marécageux. A 3 m. un petit pont sur un ruisseau; près de là, une grande construction moderne, la route au nord. A 10 m. adroite, sur une montagne, des rochers qui semhlent être des assises. A 17 m. on entre clans les montagnes; forêt de pins: dans un défilé une fontaine. A 48 ni. Macrèsa, nom d'un moulin; on voit dans le fond la cime du mont Olénos. A 3o m. sur une montagne à gauche, Lavicou, village. A 36 m. on entre dans une grande vallée entourée de montagnes couvertes de pins. A i3 m. les 'bords de I'Alphée. A 5 m. l'autre rive; on remonte ensuite vers l'est au has des montagnes. A35 m. on guée une petite rivière appelée le Cladée, et on trouve de l'autre côté quelques ruines romaines qui indiquent l'emplacement d'Otympiè.

Total de la route : 3 heures 35 minutes.

28


(56)

OLYMPIE.

Au nom seul d'OIympie, l'imagination d'un poète s'enflammerait, et trouverait dans la description

de ce lieu , autrefois si célèbre , le motif de belles pages qui seraient consacrées sans doute à retracer ces

jeux qui durent leur origine aux dieux de l'Olympe, et auxquels Hercule, Apollon, Mars et Mercure

daignèrent prendre part. Laissant un libre cours aux pensées qui lui seraient inspirées, il nous

peindrait cette plaine couverte des plus l)eaux monuments, chefs-d'oeuvre des Phidias et des Alcamènes,

où tous les cinq ans les peuples de la Grèce se rassemblaient, et où les plus beaux génies de l'antiquité

venaient mettre le sceau à leur gloire immortelle en se disputant une. couronne d'olivier. Mais incapable

de rendre dignement, la poésie de ces lieux inspirateurs , et devant d'ailleurs réduire tous ces beaux

souvenirs du passé aune simple description du présent, nous bornerons notre récit à faire connaître

fidèlement la vallée de I'Alphée, jadis brillante de toutes les richesses et de toutes les gloires, et qui

aujourd'hui n'offre plus qu'un désert.

C'est à Olympie que I'Alphée paraît dans toute sa largeur et sa beauté , ayant été grossi de plusieurs autres fleuves considérables, tels que ITIélisson, le Rrenthéate, le Gortynius, le Buphagus, le Ladon et l'Ervmanthe \ Les Eléens prétendaient que dès l'âge d'or Saturne avait un temple à Olympie 2; ils attribuaient l'origine des jeux Olympiques à Hercule, qui (disaient-ils) proposa un jour à ses quatre frères Péoneùs , Epimède, Jasius et Ida, de s'exercer à la course, et de décerner au vainqueur une couronne d'olivier, arbre qu'Hercule avait importé en Grèce 3; d'autres racontaient que Jupiter et Saturne combattirent ensemble à la lutte dans Olympie, et que l'empire du monde fut le prix de la AÙctoire ; enfin il y en avait qui soutenaient que Jupiter ayant triomphé des Titans, institua lui-même ces jeux, où Apollon, entre autres, signala son adresse en remportant le prix de la course sur Mercure , et celui du pugilat sur Mars ".

Cinquante ans après le déluge de Deucalion, Clymenus, fils de Cardis, et l'un des descendants d'Hercule Idéen, étant venu de Crète, célébra ces jeux à Olympie, ensuite il consacra un autel aux Curetés, et nommément à Hercule, sous le titre d'Hercule Protecteur. Eudyniion, fils d'Atthlius, chassa Clymenus de l'Elide, s'empara du royaume et le proposa à ses propres enfants pour prix de la course. Pélops, qui vint trente ans après En.dym.ion, fit représenter ces mêmes jeux en l'honneur de Jupiter, avec plus de pompe et d'appareil qu'aucun de ses prédécesseurs 5; mais depuis Oxilus, qui ne négligea pas non plus ces sortes de spectacles, les jeux Olympiques furent interrompus jusqu'à Iphicrate , qui les rétablit.

La solennité des jeux Olympiques attirait de toutes les parties de la Grèce une foule considérable qui y arrivait par terre et par mer 6; elle était consacrée par un décret qui suspendait toutes les hostilités, et en vertu duquel des troupes qui seraient alors entrées dans la terre. d'OIympie auraient été condamnées à payer une amende de deux mines (180 livres) par soldat '.

Suivant l'ancien usage, les A^ainqueurs, déjà comblés d'honneurs sur le champ de bataille, rentraient dans leur patrie avec tout l'appareil du triomphe 8, précédés et suivis d'un cortège nombreux, vêtus d'une robe de pourpre 9, quelquefois sur un char à deux ou quatre chevaux, et par une brèche pratiquée dans le mur de la ville J°. En certains endroits le trésor leur fournissait une subsistance honnête Ir : à Lacédénione ils avaient l'honneur, dans un jour de bataille, de combattre auprès du roi 12; presque partout ils avaient la préséance à la représentation des jeux; et le titre de Vainqueur Olympique ajouté à leur nom leur conciliait une estime et des égards qui faisaient le bonheur de leur A7ie l 3.

Avant notre arrivée à Otympie, plusieurs voyageurs français et étrangers, comprenant l'importance des découvertes qu'on pouA'ait faire dans cette mine féconde, avaient fait tous leurs efforts pour retrouver quelques-uns des monuments que Pausanias a décrits. Parmi ces voyageurs nous deA^ons citer MM. Fauvel,

1 Pausan., liv. V , chap. vu. a Id.

3 Id.

4 Id.

5 Id. liv. V, chap. vin,

6 Philostr., Vit. Apoll, liv. VIII, chap. xvm.

i jEschin. de Fais. leg., p. 3g78

3g78 del'Acad. des Belles-Lettres, t. I, p. 274.

9 Theoerit., in Idyll. 2, v. 74.

10 Plut., Sympos, lib. II, 55, t. II, p. 63g.

11 Diog. Laert. in Solon-., lib. I, § 55. 15 Plut. • in Lyc., t. I, p. 53.

l3 Xenoph. ap. Atlien., lib. X, chap. n, p. 4 t4-


( $7 J PouqueA'ille, Stanhope, Cokerell, Gell et Leak ; quekjues-uns, ne pouvant résister à leurs inspirations poétiques, prétendent avoir retrouvé des indices certains de tout ce qui devait avoir existé dans ces lieux si célèbres, et, trompés parleur imagination, ils trompent leurs lecteurs. M. Stanhope, qui nous a donné un ouvrage très-exact sur la plaine d'OIympie, rectifie ces erreurs, et nous fait voir les choses telles qu'elles étaient lors de son voyage, et à peu près telles que nous les avons trouvées. Les voyageurs Gell, Cokerell et Leak en ont aussi donné des descriptions fidèles et conformes à celle que nous allons donner à notre tour. En suivant la route qui conduit de Pyrgos à Miraca , c'est-à-dire en remontant vers l'est, le long des coteaux sablonneux qui bordent la vallée de I'Alphée, après avoir traversé le lit encaissé du Cladée, dans lequel se trouvent quelques grosses pierres provenant sans doute de monuments antiques, on reconnaît à quelques ruines romaines en briques l'emplacement d'OIympie, le mont Cronius, au pied duquel était l'AItis, dont nousaArous reconnu la place par la découverte que nous y avons faite du fameux temple de Jupiter Olympien, dont nous parlerons plus tard avec détails; à gauche de la route, dans la petite vallée qui forme un angle droit avec celle d'OIympie, au pied du mont Saturne, est une autre ruine romaine eu briques formant une salle carrée, dont la voûte est tombée : à l'intérieur se voient encore quelques restes de stuc. (Voyez lettre F, pi. 58 , et le détail, pi. 60.) Plus loin et dans l'encaissement du Cladée sont d'autres vestiges d'antiquités du même temps, mais dont on ne peut reconnaître la destination, non plus que de celle dont nous aA-ons parlé précédemment ; c'est là que M. Pouqueville dit avoir reconnu les restes d'un pont sur le Cladée. ( Voyez G, pi. 58, et les détails, pi. 60. ) En revenant vers la rive de I'Alphée, à droite de la route de Pirgos, se voient deux autres ruines romaines aussi en briques _, et qui sont sans intérêt. (PI. 58, J et K, et le détail de la plus importante de ces ruines, pi. 5g. ) Sur la route même de Pirgos se voit maintenant une ruine du moyen âge, découverte par M. Dubois. (Voyez H, pi. 58 , et le détail, pi. 61.) C'est à quelques pas de là, vers l'est, que se trouvent les restes du temple de Jupiter. (Voyez plan général D, et toutes les planches relatives à ce monumeut.)Un peu plus loin et sur la droite est encore une autre ruine romaine en briques, qui laisse reconnaître dans sou plan une salle octogone, et en contre-bas, le long du terrain à pic qui entoure une plaine plus basse, sont attenantes à cette salle octogone cinq ou six petites salles carrées et parallèlement placées, que quelques auteurs ont désignées pour être les remises des chars qui s'exerçaient à la course dans l'hippodrome, lequel, suivant ces écrivains, est reconnaissable par le terrain à pic dont nous Aren.ons déparier et dont nous parlerons encore plus loin. En continuant à smvre la route qui longe le pied des petits coteaux qui bordent la vallée, ou trouve, près d'un bosquet où sont quelques oliviers sauvages, des tombeaux turcs. C'est près de là que Je sentier se divise : en prenant celui de gauche, après aAroir monté un petit coteau, on voit un ravin boisé où coule une petite rivière, près de laquelle se trouA^e une ruine d'aquéduc romain en briques et en blocage. Près de là en remontant le ruisseau, M. Poirot a trouvé un chapiteau dorique et diVerses pierres auxquelles il n'a pu assigner ni nom ni époque. Après avoir traversé la rivière, on monte un autre coteau boisé, au haut duquel est le village de Miraca, qui se compose de chaumières assez misérables : au milieu est un pirgo ou petit château turc, construit avec des pierres provenant du temple, mais qui, réduites en moellons, n'ont plus aucun caractère architectural.

En redescendant de Miraca, dans une direction du nord au sud, on arrive dans la AraIIée près de l'embouchure de la petite rivière dans I'Alphée : c'est là que, suivant M. Pouqueville, de%7ait se trouver l'ancienne Pise; mais après avoir cherché vainement quelques traces de l'existence passée de cette ville, nous redescendons dans la vallée, où nous retrouvons à peu de distance les tombeaux turcs ci-dessus indiqués, et un peu plus loin un petit coteau sablonneux sur lequel étaient nos tentes.

C'est après des courses plusieurs fois répétées dans la plaine d'OIympie, dans les vallons et sur les coteaux qui l'environnent, et un séjour de six semaines, que nous nous sommes convaincus qu'on chercherait vainement d'autres ruines que celles que nous indiquons dans notre plan.

Je regrette de ne pas partager l'opinion des auteurs qui pensent que le terrain coupé à pic ou en talus , dont j'ai parlé plus haut, est, malgré ses irrégularités, l'ancien hippodrome d'OIympie, et je suis d'aAds que ce terrain n'indique pas autre chose qu'un ancien lit de I'Alphée. Je ne puis non plus reconnaître, dans une ruine romaine où se trouve une salle octogone, des remises pour les chars, parce que cette construction (voyez N, pi. 58, et le détail, pi. 5g), trop mesquine pour l'importance des jeux Olympiques, n'a aucune analogie avec les carceri romains qui se trouvent au cirque de Caracalla à Rome, et à d'autres monuments destinés aux courses de chars. D'ailleurs, pendant le long séjour que nous avons fait à Olympie , nous avons été à même d'observer tout ce qui reste sur ce sol célèbre, assez scrupuleusement pour être

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convaincus- crue toutes les prétendues découvertes que certains auteurs disent avoir faites ne sont autre chose que le fruit de leur imagination; il n'existe rien à Olympie que ce que nos dessins font connaître. Ainsi point d'apparence de théâtre, d'hippodrome, de stade, et de tant d'autres monuments qu'on prétend y avoir retrouvés. Par le plan général que nous donnons et où se trouve indiqué le cours de I'Alphée comme il était lors du voyage de Stanhope, et par comparaison son cours comme il est aujourd'hui, on peut juger des variations qu'il a éprouvées dans un espace de peu d'années; et lorsqu'on a cru qu'un ancien lit de ce fleuve était l'emplacement de l'hippodrome, et qu'on en a même déterminé d'après cela la longueur, on s'est évidemment trompé; car si les auteurs qui donnent ces mesures, avaient étendu leurs observations à un mille au-delà des bornes qu'ils donnent à l'hippodrome d'OIympie, ils auraient trouvé d'autres encaissements qui les auraient désabusés, puisque partout où I'Alphée coule dans une plaine, il laisse des traces semblables à celles que nos auteurs indiquent comme des restes de ce monument.

Une autre observation qui vient détruire tout-à-fait ces suppositions, c'est que les fouilles que nous avons fait faire au temple de Jupiter Olympien, nous ont prouvé que le sol antique de la plaine était de 10 et 12 pieds en contre-bas du sol. moderne, et que dans ce sol moderne, qui est un terrain d'alhrvions amenées parles eaux de I'Alphée, et descendues des montagnes sablonneuses qui emùronnentla vallée, on ne doit pas chercher de traces de l'hippodrome et du stade, puisque ce terrain n'existait pas lorsqu'il y avait un stade et un hippodrome.

II est donc constant, d'après ces observations qui reposent sur des faits matériels, que les cailloux et les sables venant des hautes montagnes et. roulés par le cours torrentueux de I'Alphée, opèrent chaque année un surhaussement dans son lit et dans toutes les vallées basses comme l'est celle d'OIympie, et que pour trouver les traces de l'hippodrome et du stade, il faudrait chercher au-dessous du sol moderne et à peu près au niveau des basses eaux du fleuve.

EXPLICATION DES PLANCHES.

PLANCHE 56.

Plan général d'OIympie indiquant le cours de I'Alphée, comme il était lors du Aroyage de Stanhope, et comme il est aujourd'hui.

A. Rouphia (Alphée), fleirve.

B. Stavro KephaJi (Cladée), rivière.

C. Mont Saturne ou Cronius.

D. Temple de Jupiter Olympien découArert par les membres

membres sections d'archéologie et d'architecture de l'Expédition scientifique de Morée.

E. Diverses ruines romaines en briques.

F. Eglise du moyen âge , découA'erte par M. Dubois.

G. Ancien lit du fleuAre indiqué à tort pour l'ancien hippodrome.

hippodrome.

H. Cours de I'Alphée lors du voyage de Stanhope.

J. Route de P3?rgos à Caritène.

K. Route de Miraca.

L. Miraca.

M. Ruisseau de Miraca.

N. Tombeaux turcs.

O. Point d'où est prise la vue. (Voy. p. 5y.)

P. Ruine d'un aqueduc romain.

Q. Route de Lala.

PLANCHE 5y.

Vue de la plaine d'OIympie, prise du point O du plan général. An premier plan sont des débris de construction du moyen âge; au second plan à droite, dans la plaine, se voient des tombeaux turcs ; plus loin, le mont Saturne, au pied duquel est le temple de Jupiter; à gauche Je fleuve Alphée, et dans le fond les montagnes des environs de Pyrgos.


PLANCHE 58.

A. Alphée, fleuA-e.

B. Cladée, rivière.

C. Mont Saturne ou Cronius.

D. Temple de Jupiter Olympien.

E. Petit monticule en forme de tumulus.

F. Ruine romaine en briques. (Voy. Je détail, pi. 60. )

G. Ruine romaine près du Cladée. (Voy. le détail,pi. 60.) H. Ruine du moyen âge. (Voyez les détails, pi. 61.)

J. Ruine romaine. (Vo}r. le détail, p. 5g.) K. Autre ruine romaine informe. L. Aqueduc souterrain.

M. Terrain au contre-bas de Ja plaine, et probablement un ancien lit: du fleuve que quelques auteurs ont désigné |}our être l'hippodrome. N. Ruine romaine. (Voy. le détail, pi. 5g.) . O. Route de Pyrgos à Carilène. P. Route de Lala.

PLANCHE 5g.

Fig. I. — Ruine d'OIympie.

Fig. II. — Plan et A7ue delà ruine romaine dont la position est indiquée, par la lettre N de la planche 58, et. qui est désignée pai>quelques auteurs pour des carceri de l'hippodrome. (Voyez, ce qui est dit à ce sujet, page 8). On trouve dans cette ruine quelques |3arties de stucs peints et des petits conduits qui pourraient y faire reconnaître des bains plutôt que des carceri.

Fig. III. — Plan d'une autre ruine romaine en briques. Dans une fouilJe très-profonde que nous y avons fait faire, on a trorn-é l'eau sans rencontrer de paArement.

Fig. IV. — Vue de la même ruine , et du mont Saturne.

PLANCHE 60.

Fig. I et II. —Plan et Arue de Ja ruine romaine en briques indiquée planche 58 à la lettre F; ainsi qu'aux autres ruines on y remarque quelques parties recouvertes de stuc avec des couleurs.

Fig. III. et IV.—Plan et vue d'une autre construction de même genre située au Jjord du Cladée. (Voyez G, pi. 58.) On y retrouAre aussi des parties de stuc, et dans l'angle A un fort enduit de ciment, connue il y en a souvent dans Jes constructions romaines destinées à contenir de l'eau.

PLANCHE 61.

Ruine d'une église du moyeu Age indiquée par Ja lettre H de la planche 58. Cet édifice a été Lati avec des fragments de monuments antiques. Les colonnes et les chapiteaux sont en. marbre blanc, les arcs en pierre, et les murs en briques recouArerts de stuc.

Fig. I. — Plan du monument et des fouilles qui. y ont été faites.

Fig. 11. — Coupe sur la ligne A B du plan. C, paA~ement en briques.

Fig. III. — Coupe sur la ligne C D. La lettre S indique des parties de stuc blanc très-bien conservées.

Fig. IV •— Coupe sur la ligne E F. Le morceau de marbre A II, qui sert de dé à la colonne, était auparaA-ant une corniche ou un piédestal : B, fût d'une colonne en marbre blanc, au-deArant du petit portique. C, paA^ement en briques.

Fig. V. — Détails des chapiteaux ioniques en marbre.

Fig. VI. — Détails de Ja Jiase et des chapiteaux de la partie circulaire.

Fig. VIL — Dessus du tailloir des mêmes chapiteaux.

Fig. VIII. — Morceau de marbre trouvé dans la fouille à l'endroit marqué G . de la figure IV.

Fig. IX. — Chapiteaux de pilastres entaillés dans le mur au-dessus des colonnes ioniques.

Fig. X. — Fragments de couArerture en marbre blanc trouvés dans la partie circulaire.

Sui\rent les planches 56, 57 , 58, 5g, 60 et 61.

3o



(6i )

TEMPLE DE JUPITER A OLYMPIE.

1 Comme il est de quelque importance pour l'histoire de cette découArerte, de connaître la part que chacun y a eue, et même la place où chacun des fragments a été trouvé, les renseignements qui suivent ne doivent rien laisser désirer à ce sujet; observant toutefois que les fouilOn

fouilOn pu voir par ce qui a été dit précédemment, que toutes les ruines qui se trouvent dans la plaine d'OIympie, sont des constructions en briques, qu'on peut aA^ec certitude attribuer à l'époque qui suivit l'invasion des Romains; une seule cependant doit en être exceptée, c'est celle qui est située à peu de distance au sud-ouest du mont Saturne, et qui est indiquée sur le plan général par la lettre D. Cette ruine, que tous les A^oyageurs aA^aient désignée pour être d'origine grecque, se distinguait par un fragment de colonne dorique d'une grande dimension et par des tranchées que les habitants des villages voisins y avaient faites pour en tirer la pierre. Ces tranchées, dirigées le long du mur de la cella, n'ayant, suivant M. Fauvel, que 125 pieds sur 60 pieds anglais, étaient loin de donner à penser que ce monument pût avoir été le temple de Jupiter; M. Pouqueville, qui voyageait avec le plan de M. Fauvel, croit que c'était le temple de Junon. ChandJer y aArait vu un chapiteau dorique, MM. Gell et Cockerell y trouvèrent des fragments qui, suivant eux, avaient la proportion convenable pour s'accorder avec les mesures que donne Pausanias du temple de Jupiter : il est bien certain que, pour des voyageurs qui ont l'intelligence des monuments de l'antiquité autant que ces deux derniers, le diamètre d'une colonne pouvait suffire pour déterminer approximativement la dimension d'un temple, si, toutefois, l'on en connaissait le nombre des colonnes; mais, comme ce nombre était inconnu, cette approximation restait toujours une conjecture. Il est cependant certain, d'après le témoignage de tous ces Aroyageurs, et notamment d'après celui de sir Stanhope^ qui nous a donné un plan très-exact de la plaine d'OIympie, qu'on saArait très-bien qu'il existait en cet endroit un temple : il ne pouvait donc y avoir de mérite à y découvrir un monument. Mais ce qui pouvait être une découverte, c'était d'y trouver des preuves que ce monument était le fameux temple de Jupiter Olympien ; et c'est ce que nos fouilles nous ont mis à même de démontrer.

Lorsque nous arrivâmes à Olympie, M. Dubois, directeur de la section d'archéologie de notre expédition , y était déjà depuis quelques jours aA7ec MM. Trézel et Amaury Duval, ses collaborateurs. D'après les instructions qui lui avaient été données par la commission, de l'Institut, cet antiquaire aArait fait commencer des fouilles dont\,le résultat avait été la découverte des premières assises des deux colonnes du pronaos et quelques petits fragments de sculpture.

D'après ces premières découvertes, qui suffisaient pour faire reconnaître la direction des constructions du temple, d'accord avec M. Dubois, je mis des ouvriers aA^ec les siens, afin que les travaux s'exécutassent avec plus de célérité. Quatre jours après, sur la proposition de M. Dubois, nous adoptâmes un autre mode d'opération: M. Dubois mit ses ouvriers à la face antérieure du temple, et moi les miens à la face postérieure r, pour donner à ces fouilles toute l'extension possible et ne rien laisser à regretter sur les importantes découA^ertes que nous espérions faire.

Par les dessins que nous donnons de tout ce qui a rapport au temple de Jupiter, on peut voir que le succès a passé nos espérances, et les précieux fragments que nous aA^ons trouvés, et qui ont été apportés en France avec l'autorisation du gouvernement grec et par l'entremise et l'assistance de l'armée française, en sont une preuve incontestable.

On jugera de l'importance de cette décom^erte par l'extrait du rapport qu'en a fait M. Raoul-Rochette, et qu'il a lu à la séance publique des quatre Académies le 3o avril i83i. Nous sommes heureux d'avoir à donner à ceux qui s'intéressent aux monuments historiques une description archéologique digne du sujet qui nous occupe.

les faites à la face antérieure du temple jusqu'à l'entrée du naos ont été ordonnées par M. Dubois, et que celles du resté du monument l'ont été par moi.

3i


(62)

EXTRAIT DU RAPPORT DE M. RAOUL-ROCHETTE,

LU A LA SÉANCE PUBLIQUE DES QUATRE ACADÉMIES, LE 3o AVRIL 1 831.

Nous abrégerons, Messieurs, autant que le comporte l'objet de votre réunion d'aujourd'hui, le compte sommaire que nous devons vous rendre, et nous réclamons d'avance toute votre indulgence pour un rapport aussi incomplet. Ces sculptures consistent en fragments de bas-reliefs, au nombre d'emriron dix-neuf, grands et petits, plusieurs desquels sont d'un assez grand volume et dans un assez bon état de conservation pour offrir une base solide aux considérations de diverse nature dont ils peuvent devenir l'objet, par rapport au monument dont ils faisaient partie, à l'intérêt du sujet, qu'ils représentaient, et au mérite de l'art qui les a produites.

Et d'abord, c'est un point d'une haute importance que la certitude acquise, par remplacement même où ils ont été trouvés, que ces fragments appartenaient à la décoration du grand temple de Jupiter Olympien.

Les notions querantiquité nousa transmises sur cet édifice célèbre; les observations des voyageurs modernes sur la situation actuelle de ses ruines, qui l'avaient fait désigner par la Commission de l'Institut comme le premier et le principal objet des explorations de nos artistes; mais surtout ses mesures, telles qu'elles se déduisent du témoignage précis de Pausanias, correspondant, sauf une très-légère différence, à celles que nos artistes ont retrouvées sur le terrain; toutes ces raisons concourent à prouver que c'est bien du temple fameux où fut placé le colosse cle Phidias, chef-d'oeuvre de la statuaire antique, et dont toutes les sculptures, dues en partie au ciseau d'Alcamène, le plus habile de ses disciples, durent se ressentir de l'influence de son génie, que proviennent en effet nos bas-reliefs. Cette première donnée, qui résulte de la seule localité, est justifiée par une notion plus précise. C'est à Ja partie postérieure du temple qu'ont été trouvés la plupart de ces bas-reliefs, et c'est de ce même côté qu'étaient placées les sculptures dont Pausanias indique le sujet et la disposition générale. Or ce sujet s'accorde avec celui de tous les fragments qui ont pu être recueillis. Voilà une noirvelle preuve, et une preuve positive, de l'identité de ces sculptures avec celles que Pausanias avait Arues au temple de Jupiter Olympien. Le st^Ie même de ces bas-reliefs ajoute encore, s'il est possible, à tous ces motifs de conviction. Nous n 'avons pas eu un seul instant, en présence de ces sculptures, à combattre l'idée ou à repousser le soupçon qu'elles appartinssent à une autre époque que celle delà fondation primitive du temple. Tout se réunit donc ici, la localité, le sujet et le style, pour nous donner la certitude entière que nous possédons, dans ces fragments de sculptures employées à la décoration du temple de Jupiter Olympien , un monument de l'art des Grecs, tel qu'il s'était produit sur l'un de ses principaux théâtres, à l'une de ses plus brillantes époques. Nous pouvons être assurés d'avoir dans ces fragments, trop peu considérables sans doute, mais précieux jusque dans leurs moindres détails, dont nous connaissons la date précise, l'emploi primitif et l'origine autbentique, des moyens d'apprécier le goût et le style d'une école grecque du grand siècle de Périclès; et cet aArantage, qui nous manque pour la plupart des sculptures antiques, de celles même du premier ordre, nous le possédons pour des sculptures .contemporaines de Phidias : cette seule considération suffît pour vous faire juger de l'importance et du mérite de ces fragments, destinés, nous n'en doutons pas, à tenir une place signalée dans l'histoire de l'art antique.

Le second rapport sous lequel nous nous sommes proposé de les envisager, celui du sujet même que représentaient ces sculptures, dans leur ensemble et dans leur état primitif, n'offre, à notre avis, i ni moins de certitude, ni moins d'intérêt.

: Le morceau principal représente la lutte d'Hercule contre le tau;

tau; de Crète. Il subsiste de ce groupe, exécuté de demi-relief, le ; torse du héros, avec sa tête presque entièrement détachée du bloc, et, du reste, assez peu endommagée; une partie du corps de l'animal, traité de moindre relief, et quelques fragments de membres de l'un et de l'autre. Ce sujet, déterminé d'une manière certaine, ne permet pas de méconnaître Hercule dans trois autres têtes plus ou moins mutilées, mais absolument semblables pour le caractère et pour la proportion, et surtout clans une quatrième tête, dont la conservation ne laisse rien à désirer. Hercule était donc, à n'en pas douter, le héros des autres bas-reliefs, et ces bas-reliefs devaient offrir la suite de ses douze travaux. C'est ce que confirme un fragment considérable d'un second bas-relief, qui consiste eu la figure presque entière du lion de Némée étendu et rendant le dernier soupir sous l'effort du héros, dont le pied droit y est resté attaché, ainsi qu'une partie de la jambe gauche et de la massue. Des morceaux d'un énorme serpent, trouvés dans la même fouille, suffisent pour indiquer le combat S Hercule contre l'hydre de Lerne; et plusieurs fragments d'une figure de femme, vêtue d'une tunique courte et armée d'un bouclier, ne peuvent se rapporter qu'au 'groupe d'Hercule et de l'Amazone; en sorte que l'existence de quafre des travaux d'Hercule, sculptés dans la même proportion et placés du même côté du temple, est un fait indubitable. Pausanias nous avait appris, en effet, que les exploits d'Hercule ornaient le dessus des portes du temple d'OIympie, et qu'ils y étaient distribués par égale moitié, de manière que VAmazone, le taureau de Crète, l'hydre de Lerne et le lion de Némée se trouvaient au-dessus de la porte de l'opisthodome. Or, c'est précisément de ce côté que la fouille entreprise par M. Blouet a produit Ja découverte des fragments que nous venons de signaler. Une autre fouille, ouverte d'abord par M. Dubois, à la partie opposée du même temple, où devaient se trouver les six autres travaux d'Hercule, a donné pour résultats des fragments du combat contre Diomède, de la lutte avec le sanglier d'Érymanthe et de la victoire sur Géryon. Voilà donc sept des travaux d'Hercule recouvrés, en partie du moins, après tant de siècles, à la place même qui les avait reçus, en tombant de celle qu'ils occupaient, et donnant au témoignage de Pausanias, qui les avait décrits et vus intacts, une confirmation inattendue. Mais ce n'est pas à ce seul résultat que se borne l'importance cle ces précieux fragments; ils prouvent encore, et cela d'une manière bien positive , que l'édifice auquel ils appartenaient est effectiArement le grand temple de Jupiter Olympien; et d'un seul fait ajouté à la science, d'un seul titre acquis à la véracité de Pausanias , ils font sortir une autorité nouvelle pour tous les récits de cet écrivain. Ainsi, tant de beaux monuments de l'art des Grecs, qui n'existent plus que dans son ouATage, pourront désormais être restitués avec plus de confiance, d'après les seules notions qu'il nous en a laissées : ainsi, ce qui s'est trouvé détruit à notre temple même d'OIympie pourra en quelque sorte y être réparé par nos architectes, à l'aide des renseignements fournis par le A'oyageur ancien; et grâce à quelques fragments de l'édifice combinés aArec quelques phrases de l'auteur grec, nous pouArons espérer de voir reparaître presque en son entier, sous le craj'on cle nos artistes, un temple dont il ne restait presque plus rien sur la terre.

D'autres preuves de la fidélité de Pausanias, qui sont autant d'éléments de la restitution du temple, sont sorties de la même fouille. Ainsi, lorsqu'après avoir traversé un pavement romain, qui aArait


surtout le mérite d'être riche, on est parvenu au véritable pavé antique, empreint de l'élégante simplicité grecque, i! s'est relroirvé de nombreux fragments des tuiles de marbre dont le temple était couvert en guise de briques ; et à la place même où s'élevait le colosse de Phidias, des débris du marbre noir qui en formait le pavé sont venus donner une nouvelle preu\re que c'était bien véritablement à cette place, et dans ce temple, qu'avait été érigée la merveille de l'art antique. Ce paAré était brisé et bouleversé de manière à montrer que la barbarie avait eu plus de part encore que le temps à sa destruction. Aussi n'a-t-on pas dû se flatter un seul instant de retrouver un seul débris du divin simulacre que le génie de Phidias avait emprunté du génie d'Homère, et qui résumait pour ainsi dire en lui seul toute la civilisation grecque. Un colosse d'or, d'ivoire et de pierres précieuses, qui n'avait pas moins de quarante-cinq pieds de hauteur, ne pouvait échapper, dans la chute du culte hellénique, à la proscription générale' de ses idoles ; trop d'intérêts et de passions conspiraient à l'envi pour détruire le Jupiter Olympien. C'est beaucoup plus que l'on ne pouvait espérer, après tant cle siècles de barbarie, que d'avoir retrouvé son sanctuaire; et ce n'est plus désormais qu'à 1a science qu'il faut redemander son image.

Mais un fragment précieux, qui avait échappé à l'attention de Pausanias, et que nous devons aux investigations de nos artistes, c'est une figure de Minerve en bas-relief, qui n'a souffert presque aucune dégradation , et qui a paru à votre Commission un morceau du premier ordre. La déesse est assise sur un rocher, où elle s'appuie de la main gauche, tandis que de la main droite , ployée au-dessous de sa poitrine, elle tenait un rameau, probablement d'olivier; et, suivant toute apparence, ce rameau, qu'elle présentait à un personnage debout devant elle, qui ne pouvait être qu'Hercule, était rapporté en bronze. On a trouvé effectivement, sur le sol antique, une feuille d'olivier, en métal doré, qui doit avoir appartenu à ce rameau; et le choix d'un pareil arbre se rapportait sans doute à la tradition antique célébrée par Pindare, qui attribuait à Hercule l'introduction dans la Grèce de l'olivier sauvage, et en vertu de laquelle on se servit d'une branche de cet arbre pour les premières couronnes olympiques. La figure de Minerve est presque intacte, et sa peau même, si l'on peut parler ainsi, n'avait pas été effleurée, tant qu'elle resta dans le sein de Ja terre; ce n'est qu'après son apparition qu'ut) des ouvriers grecs employés à la fouille, profitant d'un moment où l'architecte français, qui la dirigeait était éloigné, brisa d'un coup de pierre le nez de cette figure; et ce seul trait d'un fanatisme stupide suffit pour vous faire apprécier le zèle courageux et patient cle nos ] artistes, qui devaient à chaque instant défendre contre leurs propres ' agents le moindre résultat de leurs découvertes, et disputer pour ' ainsi dire à la barbarie actuelle les débris des monuments échappés 1 à la barbarie ancienne. Heureusement l'accident dont nous avons < parlé pourra être aisément réparé , grâce à un excellent dessin qu'un de nos artistes, M. Trézel, avait déjà fait de la figure entière : et nous i aurons à ce dessin une double obligation, en ce qu'il nous offrira < une image fidèle de cette figure et un moyen sûr cle lui rendre son c 'intégrité primitive. t

Nous aurions maintenant à vous entretenir des particularités qui I distinguent nos sculptures d'OIympie par rapport au mérite de l'art. s C'est, un point qui devrait sans doute être l'objet d'une discussion 1 approfondie, et qui ne saurait conséquemment être traité, dans cette J séance, avec les développements nécessaires. Nous nous bornerons r. donc à quelques idées générales. cj

En ne perdant pas de vue que ces bas-reliefs étaient faits pour être g plaças à xuïe assez grande hauteur, et en observant qu'à raison de d cette destination on n'a pas dû chercher à mettre, dans cle pareilles ti sculptures, cette élégance et ce fini d'exécution qu'auraient comportés g des ouvrages d'une plus grande importance, placés plus près de l'oeil, b on ne pourra s'empêcher d'admirer le savoir qui brille jusque dans a: les moindres fragments; la justesse et la vivacité du mouvement; u la noblesse et la vérité des formes ; une sobriété cle détails qui produit r< l'élévation du style, mais non pas aux dépens du naturel; la franchise ti du travail jointe à une vérité d'imitation, qui, dans l'état de dégrada- al tion où nous apparaissent ces bas-reliefs, produit presque l'illusion de le la réalité; en sorte que des membres épars, des mains, des bras et ci

avé des jambes séparés du tronc, semblent pour ainsi dire moulés sur né nature; que des marbres brisés par morceaux font presque l'effet ait d'une chair qui palpite. Ces qualités sont particulièrement sensibles le dans le groupe d'Hercule et du taureau, dans la figure du lion le couché , clans le fragment du groupe de Géryon, et surtout dans ta- la Minerve, morceau capital, où la grâce et la simplicité du style, ;r- d'accord aArec une vérité d'imitation portée au plus haut degré, propre duisent une des figures les plus originales, d'une pure école grecque, ps qui soient sans doute venues jusqu'à nous.

de Le caractère de tête, dans les deux seules figures que nous ayons

as recouvrées, Y Hercule et la Minerve, n'est pas moins neuf, ni moins re remarquable. Celui qui se retrouve dans les cinq têtes d'Hercule, et toutes plus ou moins endommagées, tel qu'il nous apparaît dans :1s une de ces têtes qui n'a presque souffert aucune atteinte, n'offre 3, aucun des traits de ce modèle tant soit peu coiwéntionnel qu'on îs croyait exclusivement propre aux effigies d'Hercule. C'est un type i- tout nouveau, qui se distingue surtout par la vérité, et qui nous r- représente sans doute une de ces belles têtes grecques prises dans une is nature choisie plutôt que dans un idéal systématique. La même observation s'applique plus particulièrement encore à la tête cle la Mile nerve. 11 suffirait de la seule apparition de cette tête, d'un caractère si s, pur, d'une expression si naïve, qu'on croirait modelée d'après ]e quelque charmante vierge de l'Élide, pour réduire à leur juste valeur u ces théories arbitraires, qui voudraient que l'art grec n'ait eu qu'une ie seule nature, ou qu'une seule physionomie, pour chaque personnage, is et que celui de Minerve, en particulier, ait affecté constamment une ., certaine austérité cle formes, une certaine sévérité d'expression. Une i- particularité tout-à-fait nouvelle, qui est commune à l'Hercule, à la i- Minerve, c'est la manière dont les cheveux sont indiqués par masses, ie sans aucune espèce de détails ; système suivi uniformément jusque ;; dans la barbe des têtes d'Hercule. Il est assez difficile de se rendre n compte de cette absence complète de détails, dans la barbe et les M cheveux, à des figures traitées du reste avec tout le soin et termie nées avec toute l'habileté que comportait l'espèce de sculptures dont elles faisaient partie, si ce n'est en supposant que les détails sup; primés ici par le statuaire avaient dû être suppléés à l'aide de la a peinture, dans ce système de sculpture et d'architecture coloriées s dont, il y a quelques aimées encore , nous soupçonnions à peine l'existence, et que nous ne serions pas éloignés maintenant d'appli; quer à tout, au point d'enluminer tous nos édifices et de joindre : toutes nos statues: car c'est un défaut assez naturel à l'esprit humain, d'abuser d'une vérité long-temps contestée, en en étendant les conséquences au-delà de toute mesure, et de gâter par l'exagération une idée heureuse et nouvelle. C'est ce que nous pourrions prouver par l'exemple même des anciens, mais heureusement que notre propre expérience nous suffit à cet égard.

Quel que soit le vrai motif de la particularité que j'ai signalée, on ne pourra s'empêcher d'en être frappé sous un autre rapport, eu ce qu'elle contraste tout-à-fait avec le système suivi dans une célèbre école grecque, dans celle d'Egine, où la barbe et les cheveux sont traités avec des détails si multipliés et avec un soin si minutieux. Le même contraste se trouve, bien qu'à un moindre degré, dans le style du nu et des draperies, si l'on compare, sous ce point de vue, les productions des deux écoles. 11 y aurait ainsi plus d'une comparaison à faire, sous le rapport du système général d'imitation et du mérite relatif d'exécution, entre nos sculptures d'OIympie et celles que nous connaissons maintenant pour appartenir à d'autres écoles grecques contemporaines, telles que celles du Parthénon d'Athènes, des temples d'Egine et de Phigalie; mais de pareilles considérations, qui embrasseraient une partie considérable cle l'histoire de l'art grec, ne sauraient être même indiquées dans ce rapport. Nous nous bornerons à dire qu'à ce litre seul d'éléments nouveaux, d'éléments authentiques de l'histoire de l'art, nos bas-reliefs d'OIympie acquièrent une importance peut-être supérieure à leur mérite réel. Nous ajouterons, pour dire ici notre pensée tout entière, que bien que l'exécution de ces bas-reliefs, d'accord avec l'âge connu du monument, atteste une belle époque cle l'art, nous avons cru y reconnaître, en les comparant aux sculptures d'Athènes, une sorte de goût provincial, une manière tant soit peu arriérée, qui sembleraient indiquer

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qu'elles ont été produites à quelque distance du brillant théâtre où l'imitation avait dès-lors atteint son plus haut degré de perfection.

En terminant ce rapport, la Commission dont j'ai l'honneur d'être l'organe auprès de vous, Messieurs, cède au besoin d'exprimer une dernière fois le sentiment profond d'intérêt aA^ec lequel elle a contemplé ces restes précieux d'un art dont il ne se recouvre presque pas un seul monument qui ne constate, à des degrés divers, une direction constante dans les mêmes principes, jointe à une inépuisable variété dans ses productions. Ici, comme dans toutes les oeuvres vraiment originales du génie grec, on ne peut s'empêcher de reconnaître et d'admirer cette imitation à la fois naïve et savante d'une nature choisie, qui devint de bonne heure et qui resta jusqu'au dernier moment le principe de l'art grec; principe excellent et fécond, qui suffit pour expliquer cette longue succession de grands artistes et cette immense quantité de chefs-d'oeuvre produits par la Grèce antique; tandis que, hors'de ce principe où la raison et le goût, la

vérité et la science, se trouvent si heureusement combinés, il n'y a pour l'art et pour les artistes que les perpétuelles variations de la mode ou les aveugles errements de la routine, le caprice pour règle, la fantaisie pour guide et la bizarrerie pour résultat. C'est une nouvelle application de ce grand principe que viennent nous offrir nos bas-reliefs d'Otympie, si mutilés, si dégradés qu'ils soient dans leur ensemble et dans leurs détails; et c'est aussi une excellente leçon qu'ils nous donnent, et qui ne pouvait guère venir plus à propos, en nous montrant comment l'imitation peut être toujours variée, sans cesser d'être jamais originale, et combien il y a pour l'art de manières d'être neuf et hardi, savant et vrai, en restant toujours, à l'exemple des anciens, dans une nature choisie, en l'étudiant avec conscience et en la rendant aArec soin ; en sorte que l'imitation de la nature et l'étude de l'antique deviennent pour nous deux formules presque équivalentes, et pour ainsi dire deux expressions différentes de la même idée.

RESTAURATION DU TEMPLE.

De toutes les descriptions de Pausanias, il n'y en a pas une qui soit aussi circonstanciée et aussi précise que celle qu'il nous donne du temple de Jupiter à Olympie ; et nous avons trouvé cette description si bien d'accord avec nos découvertes, qu'il ne nous a pas été possible de douter de son exactitude pour les parties qui nous manquent : aussi avons-nous scrupuleusement suivi cette description qui nous a semblé , pour ainsi dire , aussi incontestable que des matériaux trouvés sur les lieux.

M. Quatremère, dans son belou/vrage sur le Jupiter Olympien, voulant traiter à fond tout ce qui se rattachait à son sujet, adonné une restauration du temple. Comme il n'avait pour ce travail aucun document positif, il a recomposé son monument d'après la description de Pausanias, et il s'est servi, comme d'une autorité matérielle, du Parthénon et du grand temple de Poestum. Le respect qu'inspire l'érudition de M. Quatremère et la grande connaissance de l'antiquité qui se trouve dans son Jupiter Olympien empêcheront nos lecteurs de croire que nous ayons l'intention de critiquer son travail en entreprenant après lui une restauration du temple de Jupiter; nous sommes bien persuadés que , si les matériaux que nous avons rapportés lui eussent été connus lorsqu'il composa son ouvrage, ce qu'il nous eût donné serait bien supérieur à ce que nous ponrons faire : bien loin d'avoir la prétention de le corriger, on A^erra qu'il nous sert d'autorité dans nos conjectures, et crue nous adoptons entièrement les idées qui y sont émises , parce qu'elles sont le résultat de connaissances contre lesquelles les nôtres ne peuvent entrer en comparaison.

Afin que l'on juge mieux des rapports qui existent entre les matériaux que nous aA^ons trouvés et la description de Pausanias, nous aA?ons rapproché la description de ces matériaux aArec le récit de l'auteur grec ; nous y avous ajouté des restaurations que nous a\<ons faites des parties manquantes, et les autorités sur lesquelles nous nous sommes appuyés.

EXPLICATION DES PLANCHES.

PLANCHE 6a. Plan du temple, état actuel avec les fouilles.

Nous voyons dans Pausanias «. que le bois consacré à Jupiter portait depuis les temps les plus anciens le nom d'Àltis.... « que le temple et la statue de Jupiter- aAraient été faits du butin que rapportèrent les Eléens dans la guerre où. ils « détruisirent Pise et toutes les Arilles circonvoisines qui s'étaient souleArées.... Le temple, dit-il, est d'architecture dorique; « il est entouré de colonnes en dehors, et on l'a construit avec une espèce de tuf qu'on tromre dans le pays.... Il <c a g5 pieds de largeur et a3o de longueur; il a été bâti par Libon. architecte du pays r. » '

1 Pausan., liv. V, ch. x, traduction de Clavier.


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Le plan que nous donnons offre en effet un temple entouré de colonnes en dehors, construit en tuf très-dur, très-poreux, et par conséquent très-propre à se lier avec le stuc dont il est recouvert. Les mesures que donne Pausanias sont en pieds grecs de n pouces ï\ lignes de notre pied. Si l'on réduit ces mesures en mesures françaises, on aura pour Ja largeur 89 p. 8° 8 ou 29'mètres 1A6 millimètres, et pour la longueur 217 p. 20 8 ou 70 mètres 562 millimètres.

Or, en comparant les mesures de notre plan aArec celles-ci, on verra que la différence qui s'y trom'e est de si jDeu de chose qu'il ne sera pas possible de douter que ce monument ne soit le temple de Jupiter : on en sera d'autant plus convaincu, que Pausanias, dans sa description d'OIympie, n'indique aucun monument dont les dimensions puissent à beaucoup près approcher de celles de ce temple. Nous ferons ici une réflexion qui paraîtra peut-être superflue, c'est que Fauteur grec, qui n'était pas architecte, voyageait probablement sans les instruments nécessaires pour prendre des mesures exactes, et que dans celles qu'il a prises, peut-être à la bâte, iî a bien pu commettre quelque erreur. « Il y a dans l'intérieur « du temple des colonnes qui soutiennent des portiques supérieurs par lesquels est une entrée qui conduit à la statue. Il

«. y a aussi un escalier tournant pour monter sur le faîte z tonte la partie du pavé qui est devant la statue n'est point en

ce marbre blanc, mais en marbre noir entouré d'un rebord en marbre de Paros, qui sert à contenir l'huile qu'on y verse; « l'huile en effet est nécessaire pour îa conservation de la statue d'OIympie, elle empêche l'humidité de.FAltis, qui est un « endroit marécageux, de gâter l'ivoire 2. »

Nous aA'Oiis trouvé en effet deux colonnes de la décoration intérieure du temple renversées : elles sont en pierre grise semblable à celle des colonnes extérieures ; elles devaient être enduites de stuc, mais il n'y en avait plus de vestiges. Bien que leur état de ruine n'ait pas permis de les mesurer exactement, on a cependant pu reconnaître qu'elles étaient cannelées, et que leur diamètre de 1,100 donnait une hauteur convenable pour la combinaison cle deux ordres l'un sur l'autre. Dans l'intérieur du temple, sous la seconde colonne renversée à peu pi'ès au fond du naos, à l'endroit où devait être la statue, on a découvert beaucoup de débris de dalles eu marbre noir de 0,100 d'épaisseur, qui formaient, sans doute, la partie de pavement qui, suivant Pausanias. était devant la statue. Plus près de l'entrée du temple , on a trompé une partie de dallage en pierre, qui formait le massif sur lequel était posé le dallage en marbre, indiqué dans la description ; tout le reste du pavement intérieur de la cella était tellement ruiné qu'il nous a été impossible de reconnaître aucune trace delà disposition des portiques qui en formaient la décoration.

Nos découA-ertes jusque-là ont été d'accord avec les indications de Pausanias; mais ce que nous avons trouvé et qu'il a sans .doute négligé d'indiquer, c'est un paA7ement sous le pronaos et sous le portique : il est composé de carreaux en marbre blanc, et de compartiments en marbres de couleur, tels que cipolin, brèche violette et albâtre oriental. (Voyez planches 63 et 64 pour les détails). U est cependant possible que ce pavement, qui est évidemment une restauration romaine, n'existât pas encore du temps de cet historien; mais ce qu'il aurait dû Aroir, c'est une mosaïque sur laquelle cep aArem eut est posé, et qui est bien certainement de l'origine du temple. Cette mosaïque, exécutée avec des cailloux de I'Alphée d'environ 0,020 cubes, se composait de compartiments dont le milieu, divisé en deux sujets d'une figure, représentait, l'un un Triton, et l'autre une Syrène. Ces deux sujets sont entourés de méandres et de jualmettes; le tout d'un beau caractère et d'une belle exécution. (Voyez planches 63 et 6/4.)

A droite sous le pronaos, dans Ja combinaison du pavement de marbre qui pose sur Ja mosaïque, 011 a trouvé un massif qui devait former le soubassement" d'un piédestal ; il est posé sur la mosaïque : sa place et sa dimension ne permettent pas de douter que ce ne soit celui sur lequel étaient les chevaux de Cynisca : « Les offrandes qu'on consens dans J'aA'ant« nef du temple sont d'abord Je trône d'Arimnus, roi tyrrhénien, qui Je premier d'entre Jes Barbares fit une offrande à ce Jupiter Olympien; ensuite les chevaux deCj'iiisca, en bronze, monument delà Arictoire qu'elle remporta à Olympie. Ils « sont de grandeur naturelle ; on les Aroit à droite en entrant dans J'avant-nef. IJ y a aussi un trépied, etc. 3 )j

Renvois du plan.

A. Débris de dallage en marbre noir.

B. Colonnes rein-ersées : on suppose qu'elles faisaient partie

de la décoration intérieure.

C. 'Pavement romain en marbre de diverses couleurs : il

recouvre une mosaïque grecque exécutée avec les cailloux de I'Alphée.

D, Mosaïque grossière, en cailloux de 0,020 d'épaisseur: il

est probable qu'elle régnait sous tout le portique du temple.

E. Soubassement d'un piédestal en marbre blanc : sa dimension

dimension présumer qu'il supportait un monument considérable , probablement les chevaux de Cynisca.

Renvois indiquant les places où ont été trouvés les fragments de sculpture.

a. Deux combattants dont l'un est armé d'un large bouclier,

et deux autres fragments du même bas-relief. aa. Fragment d'un pied d'une grande dimension.

b. Tête de cheval.

c. Tête de sanglier.

d. Tête d'homme avec la barbe en masse.

e. Extrémité d'un pied.

f. Jambe en deux parties.

g. Tête d'homme avec la barbe en masse, d'une conservation

conservation h. Figure entière de femme assise: Minerve ou une nymphe.

1 Pausan., liv. V, ch. x.

2 Pausan., liv. V, ch. xr.

i. Feuille de laurier cm bronze.

j. Une main.

k. Hercule domptant un taureau.

1. Deux morceaux de serpent.

m. Un lion dompté, auquel tiennent une jambe, un pied

et une massue. n. Trois morceaux de jambe de l'Hercule domptant un

taureau. o. Face d'une tête de lion de la cimaise, p. Profil d'une même tête de lion.

3 Pausan., liv. V, ch. XII.

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PLANCHE 63.

Fig. I. — Ensemble du pa\rement romain sous le pronaos : il est exécuté en cipolin , brèche Adolette, albâtre oriental et marbre blanc. Dans, l'angle à droite est la base d'un piédestal.

Fig. IL — Mosaïque grecque existant sous le pavement ci-dessus indiqué. Cette mosaïque est exécutée en cailloux de I'Alphée, d'un centimètre de grosseur et de couleurs différentes.

PLANCHE 64. Détails de la mosaïque grecque ci-contre.

PLANCHE 65.

Plan restauré.

D'après ce qui existe, on ne peut aA7oir aucun doute sur la disposition du portique du temple, ni sur celle des murs de la cella, non plus que sur celle du pronaos et de l'opisthodome. La seule partie oùnos fouilles n'aient pas eu tout le succès que nous espérions est Je naos; tout y aArait été tellement JjouleA-ersé que nous n'avons pu y reconnaître rien de positif sur l'arrangement du portique, dont nous n'avons trom7é que deux fragments de colonnes renversées et très-frustes.

Pour suppléer à ce qui nous manquait si malheureusement de ce côté-là, nous avons eu recours à Pausanias et aux monuments antiques qui, par leur analogie, pouvaient nous aider à rétablir dans toutes ses parties cet édifice dont la découverte appartient à la France.

Dans le passage rapporté plus haut, lequel nous apprend qu'il y avait, dans l'intérieur, des colonnes qui soutenaient des portiques supérieurs par lesquels était une entrée qui conduisait à la statue, après avoir reconnu l'indication positive de deux étages de portiques, nous aArons été amenés à conclure qu'au fond du naos était une partie réservée où se trom7ait la statue du dieu, à laquelle on n'arrivait que par les entrées que Pausanias indique.

Cette disposition nous a semblé acquérir encore plus de A'raisemblance par Ja nécessité où l'on a été de faire Je temple hypèthre pour qu'il fût éclairé, et aussi par celle de mettre la statue sous un plafond, comme l'indique un passage de Strabon dont nous aurons à parler plus haut.

Mais ce qui dans notre tnrvail a été pour nous d'une autorité bien importante, c'est Je temple de Poestum, à cause de la ressemblance parfaite qui s'y trouve avec toutes les parties existantes du temple d'OIympie. Or, dans ce monument, Jes portiques intérieurs n'existent que sur les côtés, ainsi qu'au temple dEgine : et cela nous paraît suffisant aA7ec ce que nous Arenons de dire pour ne point faire retourner le portique devant l'entrée du temple.

Si l'on considère Je peu d'espace qui existe entre le mur de l'opisthodome et Je point où ont été troin'és une des colonnes de l'intérieur du temple et les débris du dallage en marbre noir sur leque] devait être la statue, on peut très-bien croire que la statue était dans la partie réservée, au fond du naos, et que par conséquent le plan était aussi pour cette partie conforme à celui du temple de Poestum. Cependant, comme Pausanias parle positivement des portes de l'opisthodome, nous aA7ons pensé qu'il fallait s'en tenir au texte et admettre que la statue était près de l'opisthodome , dans un sanctuaire, lequel aurait été couvert et ouvert intérieurement sur le naos, qui était découvert, ainsi qu'on le verra par Ja suite.

Pour concilier autant que possible les autorités matérielles aA7ec la description de l'auteur, nous aArous cru coiwenable de disposer cette partie telle qu'elle est au temple de PhigaJie, c'est-à-dire en réservant une partie entièrement ouA7erte sur ht nef. Par ce moyen qui dispense de mettre un portique comme dans le Parthénon, on prend le moins d'espace possible, et la statue se trouAre placée sur le point où nous avons trouvé les débris de marbre noir.

Quant à l'escalier tournant par lequel on montait au faîte de l'édifice, nous dirons que, comme par escalier tournant on peut entendre que dans une cage carrée les marches tournent, nous aA7ons cru aA7oir un exemple suffisant dans les escaliers du temple de Poestum où se rencontre cette particularité. Nous avons donc placé Jes nôtres comme ils Je sont dans ce temple, parce que de cette manière ils remplissent exactement Jes conditions prescrites par Je texte de Pausanias. Le pavement en marbre blanc (indiqué par Pausanias) a été combiné et restauré d'après celui du Parthénon * et celui en pierre du temple de Phigalie. Pour la disposition du trône nous aA7ons suivi autant que possible celle qui est indiquée dans l'ouA7rage de M. Quatremère de Quincy.

Renvois du plan.

A. Portiques.

B. Pronaos.

C. Naos découvert.

D. Portiques à deux étages.

E. Escaliers tournants montant aux portiques supérieurs,

qui conduisaient à la statue de Jupiter.

F. Partie couverte où était la statue.

G. Trône de Jupiter. H. OjDisthodome.

J. Posticum.

1 Voy. un plan exact du Parthénon donné par M. Brondsted d'après un dessin de M. Cockerell, Recherches sur la Grèce, liv. If, pi. I.


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PLANCHE 66.

Façade principale restaurée.

Si les fouilles ont fait connaître presque tout l'ensemble de la disposition du temple, nous regrettons qu'elles ne nous aient fourni que peu de chose pour la restauration de Ja façade. Les seuls restes dont nous puissions nous aider dans notre traA7ail sont trois socles qui forment la base du monument, les diamètres inférieurs des colonnes, plusieurs fragments de chapiteaux et le diamètre supérieur des colonnes, un fragment du profil de l'ante du posticum, des fragments d'arcbitarves et des fragments de triglyphes, le tout en pierre poreuse, et recouArert d'un stuc sur lequel nous n'avons remarqué aucune couleur. Malgré toutes nos recherches, nous n'avons trouvé de la corniche, rien autre chose qu'un fragment en marbre de Ja cimaise et deux fragments des têtes de lion qui servaient pour l'écoulement des eaux du toit. Une nouvelle preuA7e que nous pouvons ajouter à celles qui ont déjà été données de l'exactitude de Pausanias, c'est la découverte que nous avons faite de plusieurs fragments de la couverture, qui sont, ainsi que la cimaise, en marbre pentélique, comme il l'indique positivement. Liv. V, chap. x.

Les matériaux que nous venons d'indiquer ne donnent pas la hauteur de l'ordre; pour Je rétablir il nous a fallu suivre ceux des monuments existants , lesquels par l'analogie de leur ensemble et de leurs détails s'accordent le plus avec le nôtre : le temple de Thésée, quoique d'une bien moins grande dimension, nous a paru devoir remplir ce but mieux qu'aucun autre. En donnant au temple d'OIympie la proportion du temple de Thésée, c'est-à-dire pour la hauteur, en comprenantl'entabîement et non les trois socles, la longueur qu'on trouve de l'axe de la première colonne jusqu'à l'axe de la quatrième, et pour la hauteur des colonnes y compris le chapiteau, Ja longueur qu'on trouve depuis le diamètre extérieur de la colonne d'angle jusqu'à l'axe de la troisième colonne; en prenant sur la hauteur de l'entablement celle de l'arehitiv-we que nous avons trouvée et celle des métopes qui nous a été donnée par les bas-reliefs dont nous aurons à reparler pîus tard, il nous restait exactement la hauteur d'une corniche comme celle du temple de Thésée. Ayant heureusement retrouvé ces proportions, après avoir donné au fronton l'inclinaison de celui du même temple, nous avons obtenu un résultat qui nous semble prouver que nous avons rencontré juste, puisqu'avec tous ses rapports le temple d'OIympie se trouve aAroir précisément la hauteur de 68 pieds grecs depuis le sol jusqu'au sommet du fronton. « Son élévation depuis Je sol jusqu'au fronton est de 68 pieds '. » Ce qui fait en mesures françaises 64 pieds 2 pouces 8 lignes, ou 20 mètres 862 millimètres.

L'immense fouille faite à la façade principale par M. Dubois, avec l'espoir d'y trouver des sculptures du fronton, n'ayant produit que la découverte d'un fragment de pied colossal qui provenait nécessairement de ces sculptures, nous n'avons d'autres guides pour restaurer cette partie et Jes figures qui la décoraient, que le texte de Pausanias et une composition, déjà faite d'après ce texte dans l'ouvrage de M. Quatremère de Quincy : « II y a un vase doré * sur chaque coin « du toit, et au milieu du fronton une Victoire aussi dorée; au-dessus 3 de la Victoire est un bouclier d'or sur lequel est « représentée Ja Gorgone Méduse. L'inscription qui est sur Je bouclier nous apprend, par qui il a été dédié et à quelle « occasion : voici ce qu'elle porte : Les Lacédémoniens et leurs alliés ont consacré à Jupiter ce Jnouclier d'or pour la dîme ce du butin fait sur les Argiens, Jes Athéniens et les Ioniens qu'ils ont vaincus à Tanagre. A Ja ceinture qui règne au « dehors du temple, au-dessus des colonnes, sont suspendus A'ingt-un bouchers dorés, qui sont un don que fit Memmius, <f général romain , lorsqu'il eut vaincu les Achéens près de Corinthe, et qu'il eut chassé les Corinthiens Doriens. » Ce récit de Pausanias semble indiquer positivement que ces boucliers étaient placés sur l'architrave. D'ailleurs des trous de scellement remarqués par M. Cockerell, sur ]'architraAre du Parthénon, l'ont autorisé à y mettre des boucliers comme il y énervait au. temple d'OIympie. « Quant aux frontons, on voit sur celui de devant Pelops et Oenomaùs prêts à se disputer « Je prix de Ja course des chars; ils se disposent tous deux à entrer en lice. Jupiter est précisément au milieu du fronton; « à sa droite est Oenomaùs avec son casque sur sa tête; et auprès de lui Stérope, son épouse, l'une des filles d'Atlas, a MyrtiJus, qui conduisait lechar d'Oenomaùs, est aussi devant les chevaux, qui sont au nombre de quatre. Derrière lui sont « deux hommes dont on ne connaît pas les noms, mais qui étaient probablement aussi chargés par Oenomaùs du soin des « cheA7aux; tout-à-fait à l'extrémité se A'oit le fleuA'e Cladéus : c'est, après I'Alphée, ce! ni que les Eléens honorent le plus.-A. a la gauche de Jupiter on AroitPélopsetHippodam.ie, ensuite le conducteur du char dePélops, ses cheA7aux, deux palefreniers «. de Pélops, et à l'extrémité du fronton, à l'endroit où il se rétrécit", le fleuve Alphée. Le conducteur du char de I3élops se ce nommait: Sphérus, si l'on en croit les Troezéniens; mais l'exégète d'OIympie dit qu'il se nommait Cilla. Toutes les. a sculptures du fronton antérieur sont de Poeonius, originaire de Mendes, ville de Thrace. » Nous avons recomposé ce bas-relief d'après cette description, qui est tellement circonstanciée, qu'elle nous a suffi pour donner une idée exacte du sujet, autant, toutefois, qu'a pu Je permettre la petitesse de notre échelle '.

Malgré Je peu de succès obtenu par M. Dubois dans la fouille qu'il avait ordonnée à la face principale du temple, aArec l'espoir d'y retrouver les sculptures du fronton, ne Aroulantpas néanmoins laisser de regrets à cet égard, je fis faire à Ja face postérieure de grandes tranchées qui, bien que poussées jusqu'au dessous du sol antique comme celles de M. Dubois, n'eurent pas un meilleur résultat, soit que les sculptures eussent été e.nIeArées, soit qu'elles eussent été brisées pour en faire de la chaux comme nous avons vu cela se pratiquer dans d'autres parties de la Grèce; nous partîmes doncaA?ec Je regret de nVroir rien trou\7é aux endroits où le texte de Pausanias nous indiquait des chefs-d'oeuvre. Voici ce qu'il dit : ce Le fronton « postérieur du temple a été scuhpté par Alcamènes, contemporain de Phidias, et, après lui, Je pJus Iiabile statuaire. Il a

1 Pausan., liv. V, chap. x.

2 M. Quatremère dit en forme de chaudière.

3 M. Quatremère dit au-dessous. Cette version nous a paru plus d'accord aA7ec la décoration.

•'i Ce travail, qui pourrait être le sujet d'un ouvrage très-important de sculpture et d'archéologie, n'étant pas dans nos attributions, nous n'avons pas cru devoir y mettre d'autre importance que celle de compléter l'ensemble de notre façade.

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« représenté le combat des Centaures et des Lapithes aux noces de Pirithoùs. Ce héros est au milieu du fronton; auprès « de lui sont d'un côté Eurythion, qui enlève la femme de Pirithoùs, et Cénéus, qui défend ce dernier; de l'autre, Thésée ce qui combat les Centaures avec une hache ; un de ces Centaures veut enlever une vierge; un autre saisit un jeune garçon. ce Alcamènes a probablement choisi ce sujet, parce qu'il avait appris par les vers d'Homère, que Pirithoùs était fils de « Jupiter, et qu'il savait que Thésée descendait de Pélops à la quatrième génération. »

Quant aux parties de stuc que nous avons trotrvées, et dont tout le monument deA7ait être enduit, nous n'y avons vu aucune trace de couleur; le fond en est généralement blanc. Mais comme les observations de MM. Cockerell et Brôndsted sur Je Parthénon, celles de MM. Hittorff et Zante sur les monuments de la Sicile, et celles que nous aA7onspu faire de notre côté sur les mêmes édifices, et notamment sur le temple de Thésée, nous ont fourni des autorités suffisantes, nous avons indiqué sur quelques moulures des ornements, ainsi qu'on en A7oità ces monuments, car les anciens Jes employaient ordinairement, afin de donner plus de richesses à ces parties.

PLANCHE 67.

Coupe sur le portique au-devant de l'opisthodome.

Ce que nous avons à dire de cette partie du temple nous fournira l'occasion de parler de la plus importante découArerte que nous ayons faite dans nos fouilles, puisqu'elle est la preuve la plus convaincante que c'est bien véritablement le temple de Jupiter Olympien que nous avons découvert. Il s'agit de ces fragments de métopes si bien décrits plus haut par M. RaoulRochette dans son rapport à l'Institut. Ils ont été trouvés au pronaos et au posticum , précisément au-dessous de 1 endroit où nous Jes indiquons dans notre restauration. Voici comment Pausanias parle de ces belles sculptures :

ce On voit aussi dans Olympie la plupart des actions d'Hercule; on a représenté sur les portes du temple ' Ja chasse du ce sanglier d'Erymanthe en Arcadie, son expédition contre Diomède, roi de Thrace, et celle qu'il entreprit contre Géryoïi ce dans l'Erythée ; on le voit aussi se disposant à prendre sur ses épaules le fardeau d'Atlas, et nettoyant le pays des Eléens ce du fumier qui l'encombrait, v Celles qui ont été trouvées dans cette partie par M. Dubois et que nous donnons planche 76 s'accordent parfaitement avec cette description, ainsi que l'a prouvé M. Raoul-Rochette dans son rapport. Pausanias poursuit ainsi : ce On a sculpté sur les portes de l'opisthodome, ce héros enlevant le bouclier de l'Amazone, et celles de ce ses actions qui ont rapport à la biche Cérynite, au taureau de Cnosse, aux oiseaux Stymphalides; de plus ses combats ce contre l'hydre de Lerne et contre le lion de l'Argolide. » Les autres sculptures dont la découverte a été le résultat des travaux que j'ai ordonnés à la partie postérieure du temple' sont aussi parfaitement d'accord avec cette description. (Voyez planches 74-> 75, 76 et 77, et le rapport de M. Raoul-Rochette, page 62). Les deux principaux morceaux, qui sont celui où est représenté Hercule combattant le taureau de Crète, et l'autre Minerve ou une nymphe, nous donnent l'un la largeur et l'autre la hauteur; nous uA7onsdonc dû être conA7aincus que ces bas-reliefs étaient à peu près carrés et qu'ils étaient des métopes qui devaient s'encastrer entre Jes triglyphes, dont nous aAons trouvé celui qui était à l'angle, de même que ceuxque nous Arenions de remarquer au temple de PJn'gaJie, et qui étaient placés sous Je portique de ce temple, au-dessus des colonnes du pronaos et de l'opisthodome; par cet exemple, et par un autre semblable d'un temple de Selinunte en Sicile, et enfin par la place qu'occupent les Jjas-reliefs continus qui sont placés de même dans le temple de Thésée et dans celui de Minerve, nous aArons été amenés à penser que ceux d'OIympie aAraient les mêmes destinations, et que Pausanias en disant au-dessus des portes pouvait bien permettre de croire qu'il a voulu désigner le couronnement des colonnes de l'opisthodome et du pronaos, lequel se trouve en effet au-dessus et en avant des portes. Ce qui depuis a encore achevé de nous confirmer dans notre opinion . c'est qu'après avoir établi les proportions de cette partie que nous Arenions de découvrir, d'après les proportions du temple de Thésée, et que nous avions adoptées pour la façade, nous aA7ons trouA'é que la diA-ision des triglyphes donnait six métopes, et par conséquent Ja place des six bas-reliefs désignés par Pausanias; et que d'après les hauteurs adoptées et la largeur donnée par le resserrement des an tes de l'opisthodome et du pronaos, ces six métopes devaient être un peu plus hautes que larges : et c'est, en effet, ce qui a lieu dans les bas-reliefs. Pour prévenir l'objection qu'on pouvait faire en citant un sujet du basrelief des Panathénées, qui se Aoit dans le portique du Parthénon, et qui est divisé par compartiments, lesquels auraient pu faire croire, s'ils n'avaient été trouA7és en place, qu'ils aAraient formé autant de métopes, nous dirons que les morceaux, tous différents de largeur, sont beaucoup plus larges que hauts, tandis que la très-petite différence qui existe à ceux d'OIympie est dans le sens contraire, et qu'il est bien évident par la composition de l'Hercule combattant le taureau qu'elle est faite pour une métope; et que, pour dernière preuve, on voit que de chaque côté de ce bas-relief, Je marbre a été écaillé pour le faire sortir des rainures qui Je retenaient entre Jes triglyphes, comme au temple de PhigaJie. La seule difficulté qui se soit rencontrée dans cette combinaison AÙentdu texte même de Pausanias. Comme il indique d'une manière bien positive six sujets, et qxxe pas un de ces sujets ne comporte Ja figure de MinerA7e ou d'une nympJie que nous avons trouvée, nous n'avons eu d'autre moyen que celui de Ja faire entrer dans un de ces sujets et de la supposer comme elle est plusieurs fois sur Ja grande vasque delà villa Albani, à Rome, où elle est représentée, au milieu des travaux d'Hercule, comme la divinité protectrice de ce héros. Ce bas-relief, dans lequel M. Trézel a fait entrer le sujet relatif aux oiseaux du lac Stymphale, a été recomposé d'après un jDas-relief antique du Musée du LouArre, représentant le même sujet 3. M. Trézel, aidé des conseils de M. Raoul-RocJiette, a encore restitué trois autres sujets de ces métopes, dont deux du posticum, représentant. l'un

1 M. Quatremère dit : Dans le bas-relief qui règne au-dessus d'une des postes, etc.

2 Les principaux fragments de ces sculptures ont été trouvés par M. Ravoisié, qui suivait les fouilles que j'avais ordonnées pendant

une excursion que je fis aArec M. Poirot.

3 Ce bas-relief est rapporté dans l'ouvrage de M. le comte de Clarac, planche 196.


(%) Hercule combattant le taureau de Crète, et l'autre Hercule vainqueur du lion de Némée;le troisième du pronaos a rapport à son exjDédition contre Géryon. (Voyez les quatre métopes, planche 78.) Ce qui nous a autorisés à supposer des portes en bronze à l'entrée du naos et sous l'opisthodome, c'est le passage de Pausanias qui commence ainsi : « En entrant dans le « temple par Jes portes de bronze, etc. »

Quant aux plafonds qui couvrent les portiques et l'intérieur du monument, nous avons dû les supposer en bois, à cause des grands espaces qui résultent de la disposition du plan et qui ne permettent pas d'admettre qu'ils aient pu être en pierre ou en marbre. Le temple de Thésée et les propylées d'Eleusis ont été les modèles que nous aA7ons sinvis pour cette partie de notre restauration.

PLANCHE 68.

Coupe transversale sur le naos.

De tout notre traA7aiJ sur le temple de Jupiter Olympien cette partie est celle pour laquelle nous aA7ons eu Je moins de matériaux positifs; cependant nous avons cru nécessaire de donner cette coupe pour compléter le monument, en indiquant toutefois ce qui est conjectural, et les autorités sur lesquelles nous nous sommes appuyés pour restituer Jes parties manquantes.

L'analogie qu'il y a entre les parties existantes du plan du temple d'OIympie et le temple de Poestum nous ayant déterminés à adopter, en partie, Ja disposition intérieure de ce monument, afin de restituer au nôtre ce qui lui manque quant au plan, nous aA'ons dû, pour ne pas nous écarter de ce principe, l'adopter aussi pour la décoration intérieure, aArec cette différence seulement que toutes les parties existantes du temple d'OIympie étant d'une proportion beaucoup moins lourde que celles du temple de Poestum, nous aA7ons,dans notre restauration, mis en rapport les parties qui nous étaient inconnues avec celles que nous connaissions. Ainsi, ayant le diamètre inférieur des colonnes de l'intérieur, et donnant à ces colonnes le même rapport qu'à celles du dehors, nous avons obtenu la hauteur de l'ordre inférieur, et par conséquent une notwelle preuA7e qu'il deArait y en avoir un second au-dessus, puisque cette hauteur n'arriYait pas à la moitié de celle que donne Pausanias pour la hauteur générale du temple; supposant ensuite à l'ordre supérieur, d'après l'ordre inférieur, la proportion de l'un et de l'autre du temple de Poestum, nous avons obtenu, sinon la décoration intérieure comme elle était, au moins comme elle pouArait être.

Indépendamment du temple de Poestum, qui autorise à mettre deux rangs de colonnes l'un sur l'autre, dans l'intérieur du temple d'OIympie, on a encore l'autorité de Vitruve qui dit que dans les temples Irypèthres on plaçait un double rang de colonnes les unes au-dessus des autres '. Pausanias dit que le temple de Minerve Aléa à Tégée, Lâti par Je statuaire Scopas, était orné de deux rangs de colonnes à l'intérieur, que l'ordre inférieur était dorique et l'ordre supérieur corinthien 2... Nous aArons été déterminés à adopter Jes deux ordres doriques par ce que nous connaissons du temple de Poestum et par M. Quatremère de Quinçy qui, dans l'ouvrage que nous avons cité, a adopté Je même système de décoration. II est très-probable que Jes architectes de l'antiquité avaient imaginé de mettre deux rangs de colonnes l'un sur l'autre dans l'intérieur de leur tempJe, pour éviter les gros diamètres qu'auraient eus nécessairement des colonnes assez élevées pour atteindre la grande hauteur de ces intérieurs. Ce qui peut encore appuyer cette opinion, c'est que ces colonnes n'ayant à supporter que la charpente du comble et la couAerture, niaient pas besoin d'être aussi fortes que si elles eussent dû porter des solutés en marbre ou en pierre.

Maintenant que, parce qui précède, nous aA7ons suffisamment prom7é, au moins à ce qu'il nous semble, que le temple était décoré à l'intérieur comme ceux dont parle Vi.truAre sous le. nom d'Hypthères, nous devons dire qu'il différait cependant de ceux-ci en ce qu'il était au moins en partie couvert; ce qui. ne peut être mis en doute d'après ce passage de Strabon: ce Mais le plus considérable de ces ornements était Je .Jupiter d'ivoire, fait par l'Athénien Phidias, fils deCharmide. ce Cette statue était si grande, que, malgré la hauteur du temple, elle paraissait excéder Jes proportions. L'artiste l'avait ce faite assise, et cependant Ja tête touchait presque à la eou\7erture du temple; en sorte qu'elle semblait, si elle eût été ce debout, deA7oir enleA7er cette couverture 3. » Ce qui vient à l'appui de l'autorité de Strabon, c'est que, d'accord aArec M. Quatremère, il nous est impossible d'admettre que tous les objets précieux déposés dans le temple, et entre autres le Jupiter en or et en ivoire, eussent pu être conservés s'ils eussent été dans un temple entièrement découvert", exposés à toutes les intempéries. Or, puisque le temple était couvert, il reste à répondre à cette question : Comment était-il éclairé? (car il est impossible de croire, comme beaucoup d'auteurs qui ont écrit sur l'antiquité, que les temples étaient seulement" éclairés par les portes ; c'est surtout pour les temples grecs que Ja raison se refuse à admettre cette Jiypothèse quand on considère Ja grande distance qui se trouve d'abord depuis le portique extérieur jusqu'à Ja porte du pronaos, et ensuite celle qu'il y a depuis cette porte jusqu'au fond du naos, où était la statue du dieu 4. )

M. Quatremère supplée en quelque sorte au silence de VitruA7e sur ce sujet par Ja manière dont il interprète ce que dit cet ancien auteur relativement aux temples hypèthres : il pense que ces mots ce le milieu esta jour et sans toit » doivent s'entendre seulement d'une ouverture au milieu, sans que le toit soit découvert; et il en conclut que les grands temples périptères étaient éclairés par des jours du haut, et cite à l'appui de son opinion les passages suivants : ce Au temple de

1 Vit., lib. III., cap. 1., in fine.

2 Pausan., liv. VIII, chap. XLIX.

3 Strabon, tom. III, liv. A7III, p. 183 de la traduction.

4 Pour la manière dont était éclairé le temple, voir le Jupiter Olympien

Olympien M. Quatremère, (\ partie, § xu; et sur le même sujet sa dissertation dans les Mémoires de l'Institut, classe de littérature ancienne, tome III.

35


( 7o J Cérès à Eleusis , commencé par Jetinus, Zénocles pratiqua une fenêtre dans Je comble 1. » Ce temple étant de la même époque que celui d'OIympie, nous pensons avec M. Quatremère que cette autorité, par laquelle on prouve que les temples étaient éclairés à l'intérieur, doit être d'un grand poids dans Ja question que nous traitons, puisque, par ce moyen, .on arrive à ce qui paraît Je pJus A7raisembJable sur la manière dont l'intérieur des temples- était éclairé \ Si on examine ensuite la disposition de celui-ci, on A7erra que l'obligation d'y faire arriver la lumière entraîne nécessairement celle de l'éclairer du haut, puisqu'il 113' a pas de moyens admissibles pour l'éclairer autrement.

La nécessité des jours du haut étant donc reconnue, et admettant ce principe incontestable, que l'architecture des Grecs doit son origine à toutes les combinaisons simples que le mode de construction en bois exige, on trouvera que par ces combinaisons mêmes il a dû être très-facile de pratiquer des jours dans la charpente du comble, soit qu'on adopte une charpente apparente comme dans beaucoup de monuments de l'antiquité et du moyen-âge, soit qu'on suppose un plafond combiné avec les entraits, comme sont les plafonds en marbre du temple de Thésée, des propylées d'Eleusis, et de tant d'autres monuments grecs : il devient très-facile dans l'un et l'autre cas de ménager ces jours dans les intervalles laissés pour chacune des fermes qui composent la charpente obligée du comble, et d'en faire une décoration régulière et d'un bel effet.

Quant à J'olnjection qu'on pouvait faire sur Ja possibilité de fermer ces jours dans le comble sans cependant intercepter la lumière, nous croyons qu'il suffira pour y répondre de rappeler que l'emploi par les anciens des£>ierres transparentes, pour laisser pénétrer la lumière dans l'intérieur de leurs édifices, ne peut pas être mis en doute, et que ce moyen peut trèsbien se combiner avec les dalles de marbre qui formaient Ja couverture du temple. En second lieu, on peut aussi admettre que ces jours ont été A7itrés, sinon dès l'origine, au moins à une époque antérieure à celle du. voyage de Pausanias, puisque l'autorité de Pline et celle des découA7ertes de Pompéi prouA7ent d'une manière incontestable que l'emploi du verre pour vitraux était connu depuis long-temps. Sans vouloir décider que ce dernier moyen ait été employé au temple d'OIympie pour les jours dont nous Avouions parler, nous dirons cependant que dans Ja partie des fouilles qui ont été faites par M. Dubois, on a trouvé des morceaux de pâte de verre d'une grande épaisseur, qui en cela offraient Je caractère de solidité propre à l'usage dont nous parlons.

Ce moyen de restituer le temple d'OIympie étant l'expression de l'opinion de M. Quatremère de Quincy, nous aA7ons cru devoir l'adopter au moins en partie : seulement, au lieu de supposer des jours du haut comme ils sont dans la restauration qu'il a faite du même monument, nous avons cherché à rentrer plus largement dans la donnée de Vitruve, en laissant à découvert tout le naos et en supposant qu'il y avait au fond une partie couverte sous laquelle aurait été placée la statue. Par ce moyen, qui est celui qu'adopte M. Hirt, nous pensons qu'il ne doit plus rester de difficultés sur ce sujet, et que Fou trouve aussi en dernier résultat des combinaisons qui semblent d'accord avec la simplicité et la pureté des formes que comporte l'architecture des Grecs : et le temple d'Apollon à Phigalie serait encore un témoignage en faveur de ce que nous venons de dire, puisque la disposition de l'intérieur de ce temple offre, ainsi qu'on peut Je A7oir par ce qu'en doune M. de Stackelberg, un naos découvert", et au fond une partie ouverte sur Je naos, et couverte par des plafonds en marbre, de manière que tous Jes objets précieux pouvaient y être à couA'ert et cependant recevoir la lumière par Je naos.

Cette combinaison acquiert" encore un degré de plus de vraisemblance en ce qu'elle permet de supposer que Je grand rideau de pourpre donné par le roi de Tyr, aurait été suspendu à la grande plate-bande qui se trom7e au-dessus et en aArant de la statue; ce qui aurait produit l'effet des rideaux d'avant-scène dans nos théâtres.

Nous aurions été autorisés parce passage de Strabon: ce On voit d'ailleurs dans ce temple quantité de tableaux de ce ce peintre (Pamenus), » à mettre dans notre restauration des peintures, et toutes Jes sculptures et les offrandes indiquées par Pausanias. Mais le manque de matériaux pour cette partie nous ayant obligés de restreindre notre travail à ce qui a rapport à l'architecture, nous avons seulement rappelé le Jupiter restauré par M. Quatremère. Pouvions-nous passer sous silence l'objet principal de notre monument ?

PLANCHE 69.

Coupe longitudinale restaurée.

Cette coupe est la conséquence naturelle du plan et de celle donnée dans la planche précédente; elle explique l'arrangement de la partie hypèthre du temple et la combinaison du plafond des autres parties. Au-dessous est l'état actuel de la même coupe.

PLANCHE 70.

Façade latérale restaurée.

On y trouve l'arrangement de la couA7erture en marbre indiquée par Pausanias; cette partie a été restaurée avec les fragments que nous en ayons trouA7és, et avec des détails analogues qui se trouvent aux monuments d'Eleusis et à d'autres rapportés dans les Antiquités inédites de l'Attique 3. Les deux figures au-dessous représentent, l'une l'état actuel delà façade, et l'autre la coupe transversale sur le deArant de l'opisthodome, aussi dans son état actuel.

1 Plut, in Vita Pericl., p. 15g.

2 Comme nous partageons entièrement l'opinion de M. Quatremère sur ce sujet, et que nous n'aurions rien de mieux à faire que de

répéter ce qu'il dit pour développer cette idée, nous nous bornons à renvoyer aux ouvrages que nous avons cités plus haut. 3 Londres, 1817.


7* )

PLANCHE 71. Détails du temple de lupiter.

Fig. I. — Profil du chapiteau des colonnes du pronaos. On n'a pas trouA7é de tailloir.

Fig. II. —Profil du chapiteau de l'ordre extérieur. On n'y a pas tronvé les filets du bas.

Fig. III. — Ensemble du chapiteau de l'ordre extérieur.

Fig. IV. —Profil d'un chapiteau d'ante.

Fig. V. — Plan et profil d'un fragment de triglyplie d'angle. Les différences qui se trouA7ent comme largeur entre les deux faces de ce triglyplie et le peu de longueur de la partie qui forme le nu de la frise, indiquent que ce triglyphe est celui de l'angle au-dessus des antes du pronaos, et qu'il n'en existait pas sur le retour Je long de la cella. Fig. VI. — Détails de la partie supérieure du triglyplie. Fig. VII. — Cannelures des deux ordres. Fig. VIII. — Fragment d'architrave.

Fig. IX. —Autre fragment d'architrave portant des gouttes. Fig. X. — Détails du même fragment. Fig. XL —Emmarchement autour du temple.

Tous les fragments indiqués sur cette planche sont en pierre poreuse recouA7erle d'un stuc sur lequel nous n'avons pas trouA7é de couleur.

Ces stucs, indiqués par une double ligne, varient dans leur épaisseur, qui est de 1 à 2 centimètres.

PLANCHE 72. Détails du temple de Jupiter.

Fig. I. — Profil de chapiteau d'ante et de demi colonne accouplée.

Fig. IL — Plan du chapiteau.

Fig 111. —Face de l'ensemble du chapiteau.

Fig. IV. — Profil de FensemJjle.

Ce fragment en, marJure JjJanc étant d'une trop petite dimension pour avoir pu appartenir aux ordres intérieurs du temple, nous avons supposé qu'il appartenait à une des jietites colonnes en marbre qui supportaient le trône de Jupiter.

Fig. V. — Profil et face d'une autre ante.

Fig. VI. ■— Cannelure présumée être de l'ordre ci-dessus indiqué. Cette cannelure serait celle du diamètre inférieur.

Fig. VJI. —Profil d'un massif qui se trouve sous le pronaos à droite en entrant. C'est à cet endroit qu'ont été trouvés les fragments de moulures en marbre donnés dans la planche j3.

Fig\ VIII. — Fragment de la couArerture.

Tous Jes fragments que J'on A7oit dans cette planche sont en marbre blanc, la partie teintée plus noir dans le plan du chapiteau indique des entailles pour scellements.

PLANCHE 73.

Fragments de moulures.

Fig. 1. — Fragment de terre cuite au quart d'exécution.

Fig. Il, III et IV. ■—■ Fragments en marbre des moulures du piédestal trouA7é sous le pronaos, et qui portait probablement les cheAraux de Cynisca.

PLANCHE 74.

pig_ T_ —Face et profil d'un casque en. bronze recueilli par M. Dubois; au-dessus de ces figures est un détail plus grand d'une partie du même casque.

Fi& ]J. — Fragment de métope en marbre représentant le lion de Némée terrassé par Hercule. Fig. III, IV et Y. — Fragments des têtes de lion en marbre de Ja cimaise du temple. Fig. VI et VIL •— Fragments de pieds en marbre venant probablement des métopes.

PLANCHE y5.

Fin-, J. Fragment de métope en marbré représentant un combat : l'un des combattants est armé d'un large bouclier.

Fig. II et III. — Fragments d'une épaule et d'un torse appartenant au bas-relief ci-dessus indiqué.

Fig. IV, V et VI. — Fragments de tête de cheval et autres de tête d'homme.

Fig. VIL —■ Fragment de tête de sanglier, probablement celui d'Erymanthe.

Fig. VIII. — Fragment inconnu.

Fig. IX. — Fragment de serpent, probablement l'hydre de Lerne.

30


. , .(7?..) . • •

PLANCHE 76.

Fig.I. — Fragment de métope en marbre représentant Hercule .combattant le taureau de Crète.

Fig 11 et îïl. — Fragments de têtes d'autres métopes.'

Fig. IV, V et VI. — Deux fragments de pieds et un fragment de bras appartenant aussi à d'autres métopes.

PLANCHE 77.

Fig. I. — Métope représentant une Minerve ou nymphe assise sur un rocher.

Fig. Il et III. — Face et profil d'une tête d'Hercule bien conservée.

Fig. IV et V. — Fragments d'autres métopes.

Nota. Les sculptures de la planche j5 ont été trouA7ées par M. Dubois à la partie antérieure du temple, moins les fragments du serpent qui ont été trouvés par nous à la partie postérieure.

Toutes celles des planches jtl, 76 et 77 (moins le casque qui appartient à M. Dubois) ont été trouArées à la partie postérieure du temple, dans les fouilles que j'y fis faire. (Voyez la description de toutes ces sculptures par M. RaoulRochette, page 62.)

PLANCHE 78;

Restauration des quatre principaux fragments.

Fig. 1. — Hercule présentant à sa nymphe protectrice les oiseaux du lac Stymphale.

Fig. IL — Hercule combattant Géryon.

Fig. III. — Hercule vainqueur du lion de Némée.

Fig. IV. — Hercule combattant le taureau de Crète.

Suivent les planches 62, 63 et suivantes, jusques et compris la planche 78.


TABLE

DES MATIÈRES CONTENUES DANS LE PREMIER VOLUME.

Dédicace.

Introduction.

Frontispice.

Carte de la partie méridionale de la Grèce, pi. i.

Navarin, pag. i, pi. 2 et suivantes.

Rade de Navarin, p. 1.

Zonchio ou Pylos, p. 4>ph 5 et suiv.

Retour à Navarin par terre, p. 6.

Route de Navarin à Modon, p. 9, pi. 8 et suiv.

Modon, anciennement Mothone, p. 11, pi. 12 et suiv.

Route de Modon à Coron, p. i5, pi. 16.

Coron, autrefois Colonides, p. i5, pi. 17.

Route de Coron (Colonides) au port Pétalidi (Corone), p. 17.

Pétalidi, anciennement Corone, p. 18.

Route de Pétalidi à Nisi, p. 18.

Nisi, p. 18.

Route de Nisi à Androussa, p. rg.

Androussa, p. ig, pi. 18.

Route d'Androussa à Mavromati (Messène), p. ig, pi. 19 et suiv.

Messène, p. 23, pi. 22 et suiv.

Stade à Messène, p. 27, pi. 24 et suiv.

Monument antique de Messène, p. 3i, pi. 3o et suiv.

Divers détails d'architecture de Messène, p. 35, pi. 35, et suiv.

Murs de Messène, p. 37, pi. 38 et suiv.

Porte principale de Messène, p. 39, pi. 42 et suiv.

Diverses inscriptions de Messène, p. 43.

Route de Mavromati (Messène) à Franco Eclissia (Andanie), p. 47, pi. 48.

Route de Franco Eclisa à Arcadia ( Cyparissia ), p. 48.

Arcadia (Cyparissies ou Cyparissia), p. 48, pi. 49. Route d'Arcadia à Strobitzi (Lepreum), p. 5i. Strobitzi (Lepreum), p. 5i,pl. 5o et suiv. Route de Lepreum à Samicum, p. 53. Samicum, p. 53 , pi. 53 et suiv. Route de Samicum à Olympie, p. 53. Olympie, p. 56, pi. 56 et suiv. Temple de Jupiter à Olympie, p. 61. Extrait du rapport de M. Raoul-Rochette, p. 62. Restauration du temple, p. 64, pi. '62 et suiv.

Les planches de ce volume sont au nombre de 79, compris le frontispice.

FIN DU PREMIER VOLUME.



Longitude du Méridien de Paris.