MEMOIRES
DE LA
SOCIÉTÉ HISTORIQUE
LITTÉRAIRE ET SCIENTIFIQUE DU CHER
(1928- 1929)
La Société laisse à chacun de ses Memores la responsabilité des travaux publiés avec signature.
MÉMOIRES
DE LA
SOCIÉTÉ HISTORIQUE
LITTÉRAIRE ET SCIENTIFIQUE
DU CHER
Reconnue comme établissement d'utilité publique par décret du 28 juillet 1925
4e SERIE — 37e VOLUME
(1928-1929)
BOURGES XAVIER DESQUAND
Libraire Rue de la Monnaie, 3
PARIS EDOUARD CHAMPION
Libraire Quai Malaquais, 5
LISTE DES MEMBRES DE LA SOCIÉTÉ
AU 15 MAI 1929
Présidents d'honneur :
MM. le PRÉFET DU CHER. le MAIRE DE BOURGES.
Anciens Présidents :
Commission historique : M. le PRÉFET (1849-1866). — Société historique : M. Hippolyte BOYER (1866-1868); — M. Jean-Félix LOURIOU (1868-1875) ; - M. Hippolyte BOYER (1876-1895) ; - M. Lucien JENY 1896-1897); — M Antoine LEGRAND (1898-1899); — M. Lucien JENY (1900-1901); — M. Théodore LARCHEVÊQUE (1902-1904); — M. Antoine LEGRAND (1905); - M.Théodore LARCHEVÊQUE(1906-1908); — M. Emile TURPIN (1909) ; - M. Théodore LARCHEVÊQUE (1910-1912); — M. Emile TURPIN (1913-1919). — M. Théodore LARCHEVÊQUE (1920-1922). — M. Emile TURPIN (1923-1925). — M. Charles DE MECQUENEM (1926-1928).
Bureau de la Société pour 1929 :
MM. le lieutenant-colonel CHENU (Paul), président. GANDILHON (Alfred), vice-président.
le chanoine VILAIRE (François), vice-président.
LABESSE (Camille), trésorier.
DUMONTEIL (Alexis), secrétaire général.
GAUCHERY (Robert), secrétaire adjoint.
BOURDIN (Louis), secrétaire adjoint.
DES CHAUMES (Paul), bibliothécaire-archiviste.
MORNET (Albert), trésorier honoraire.
Comité de publication :
MM. PONROY (Henry); DUBOIS DE LA SABLONIÈRE (Pierre);
N...
VI LISTE GENERALE
Membre bienfaiteur :
M. LARCHEVÊQUE (Théodore) (1863 + 1924).
Membres titulaires (1) :
Date d'admission
MM. MORNET (Albert), ancien banquier, rue des Arènes, 38,
à Bourges. 4 déc. 1868.
LEPRINCE (Maurice), O. ^, 01., docteur en médecine,
rue de la Tour, 62, à Paris (XVIe). 11 juin 1886.
NARCY (Charles), 0, professeur d'Ecole normale en
retraite, cité Paponot, à Cosne (Nièvre). 13 avril 1888.
BEAUBOIS (Eugène), pi., $, ingénieur principal du
Service vicinal en retraite, à Mehun-sur-Yèvre (Cher). 2 mai 1890.
GODON (Eugène), instituteur en retraite, rue GastonCougny,
GastonCougny, Bourges. 1er juillet 1892.
Louis (Achille), avocat, route de Bourges, 3bis, à VierzonVille
VierzonVille 14 oct. 1892.
DUBOIS DE LA SABLONIÈRE (Pierre), docteur en droit, avocat, ancien député, rue des Arènes, 61, à Bourges, et château du Préau, par Savigny-en-Septaine (Cher). 3 fév. 1893.
TÉMOIN (Daniel), O. ■&, 0, membre correspondant de l'Académie de Médecine, chirurgien en chef honoraire de l'Hôtel-Dieu, président de la Commission du Musée du Berry, place des Quatre-Piliers, 6, à Bourges. 3 fév. 1893.
Mme SIRE (M.-H.), rue de l'Équerre, 3, à Bourges. 16 janv. 1896.
MM. TOURNOIS (Jules), Q I , professeur honoraire de l'Université, rue de Lignac, 17, à Saint-Gaultier (Indre). 23 juillet 1896.
SAUVAGET (Alexis), ;&, O I., ingénieur en chef du Service
vicinal en retraite, rue Emile-Martin, 90, à Bourges. 20 janv. 1898,
DUMONTEIL (Alexis), avocat près la Cour d'appel, rue
Gambon, 22, à Bourges. 23 fév. 1899.
l'abbé BOIN (Joseph), curé de l'église Sainte-Barbe,
route de Nevers, à Bourges. 29 juin 1899.
(1) Les noms précédés d'un astérisque sont ceux des membres de la Société qui ont racheté leur cotisation,
DES MEMBRES DE LA SOCIETE VII
MM. MORNET (Daniel), professeur à la Sorbonne, agrégé de —
l'Université, boulevard Raspail, 282, à Paris (XIVe). 14 juin 1900. MORNET (Marcel), docteur en droit, avocat près la Cour
d'appel, rue des Arènes, 38, à Bourges. 23 mai 1901.
DESBOIS (Pierre), >fe, (}, notaire honoraire, rue du Fourau-Roi,
Fourau-Roi, à Bourges. 19 déc. 1901.
l'abbé VILAIRE (François), chanoine honoraire, secrétaire
de l'Archevêché, rue Coulon, 4, à Bourges. 17 avril 1902.
BEAUVOIS, 0 I., docteur-médecin oculiste, rue BerteauxDumas,
BerteauxDumas, à Neuilly (Seine). 12 juin 1902.
PAILLAT (Auguste), 0 I., notaire honoraire, rue EmileAimond,
EmileAimond, à Saint-Leu-la-Forêt (Seine-et-Oise). 15 janv. 1903.
BREU (Abel), avocat près la Cour d'appel, rue Fernault, 14,
à Bourges. 12 fév. 1903
CHAPELARD (René), îfc, ^, avocat près la Cour d'appel,
rue de la Halle, 9, à Bourges. 12 fév. 1903.
WARION (Louis), chirurgien-dentiste, rue Littré, 9,
à Bourges. 12 fév. 1903.
GANDILHON (Alfred), 0I., archiviste-paléographe, archiviste du département du Cher, membre non résidant du Comité des travaux historiques et scientifiques, rue Fernault, 29, à Bourges. 9 juin 1904.
MAYNIAL (Edouard), 0 i, ancien membre de l'Ecole de Rome, professeur agrégé au Lycée Henri-IV, rue de Sèvres, 4, à Paris (VIe). 23 nov. 1905.
BOURDIN (Louis), >&, ^, 01., $, ingénieur des Travaux publics de l'Etat en retraite, rue Jean-Baffier, 81, à Bourges. 13 juin 1907.
PONROY (Henry), &, avocat, conseiller général du Cher,
rue Coursarlon, 21, à Bourges. 17 déc. 1908.
BRODY DE LAMOTTE (Edouard), rue de Juranville, à
Saint-Amand-Montrond (Cher). 27 mai 1909.
GRAVET DE LA BUFFIÈRE (Joseph), #, capitaine d'artillerie en retraite, à La Bruère, par VierzonVillage. 28 oct. 1909.
MAGDELÉNAT (Henri), #,1J, 0, $,ingénieur des Ponts et Chaussées, administrateur délégué des Usines de Rosières, rue Victor-Hugo, 5, à Bourges. 16 déc. 1909.
GAUCHERY (Robert), #,$,,0, architecte départemental,
avenue Eugène-Brisson, 5, à Bourges. 26 janv. 1911.
VIII LISTE GENERALE
MM. SAINMONT (Charles), #, 1, avoué près le Tribunal de Date d'admission 1re instance, conseiller d'arrondissement, rue EmileZola, 5, à Bourges. 21 mars 1912. l'abbé GRIMOIN (Jean), aumônier des Petites Soeurs des
pauvres, enclos des Bénédictins, à Bourges. 30 mai 1912.
MARAS (Gabriel), 0, expert-géomètre, boulevard de la
Liberté, à Vierzon-Ville (Cher). 30 mai 1912.
LELIÈVRE (Robert), &, %, docteur en droit, notaire, rue
des Arènes, 36, à Bourges. 19 déc. 1912.
CHAUVEAU (Prosper), boulevard de la République, 23,
à Bourges. 27 nov. 1913.
le Vte DE SAINT-VENANT (Julien), &, 0, §, inspecteur des Eaux et Forêts en retraite, membre non résidant du Comité des travaux historiques et scientifiques, rue de la Petite-Armée, 1, à Bourges. 29 janv. 1914.
l'abbé DE LAUGARDIÈRE (Maurice), licencié ès lettres,
rue Montcenoux, 1, à Bourges. 18 juin 1914
le Cte DE MONTALIVET (Charles), o. &, lieutenant-colonel d'artillerie en retraite, rue de Chézy, 45, à Neuilly (Seine). 18 juin 1914.
LENORMANT DU COUDRAY (Georges), ancien notaire, rue
Fernault, 8, à Bourges. 23 juillet l914.
BOYER (Henri), 0i., $, tj, rédacteur du Ministère de l'Instruction publique et des Beaux-Arts en retraite, avenue de Neuilly, 83, à Neuilly (Seine). 26 nov. 1914.
RANCE (Marcel), #, ►£, ingénieur des Travaux publics
de l'Etat (Mines), rue Porte-Jaune, 32, à Bourges. 26 nov. 1914.
le Mis DE VOGÜÉ (Louis), o. •&, ►£, conseiller général du Cher, maire d'Oizon, château de La Verrerie, à Oizon (Cher). 31 mai 1917.
La Ville de Saint-Amand-Montrond (Cher). 30 oct. 1917
MM. le Mis DES MÉLOIZES (Henri), rue Jacques-Coeur, 18, à Bourges, et au château de Thizay, par Neuvy-Pailloux (Indre). 29 janv. 1918.
NOLLET (Ernest), docteur en médecine, à Saint-Satur
(Cher). 22 mars 1918.
DE CASTÉRAS (René), &, £, docteur-médecin dentiste, à Excideuil (Dordogne). 29 nov. 1918.
LESTOURGIE (Auguste), avocat près la Cour d'appel de
Paris, avenue d'Italie, 57, à Paris (XIIIe). 29 nov. 1918,
DES MEMBRES DE LA SOCIÉTÉ IX
MM. ROGER (François), o, g, avocat, agent général de la Caisse d'épargne, rue Joyeuse, 20, à Bourges. 30 janv. 1919,
le Bon DE LOYNES DE FUMICHON (Pierre), #, |i, propriétaire, au château de La Crolaye, par Villegenon (Cher). 20 juin 1919.
CHAVAILLON (Théogène), £, licencié es sciences, membre de la Société des Artistes français, conservateur du Musée, pharmacien, rue Nationale, 6, à Saint-AmandMontrond (Cher). 23 oct. 1919.
DALBET (Joseph), £, huissier, à Baugy (Cher). 28 nov. 1919.
BOISDON (Daniel), #, i£, avocat près la Cour d'appel, rue
des Armuriers, 8, à Bourges. 30 déc. 1919.
GÉRIGNY (Georges), avoué près le Tribunal de 1re instance, rue Fernault, 4bis, à Bourges. 30 déc. 1919.
LÉGER (Emile), receveur-économe de l'Asile de Beauregard, route de Marmagne, 53, à Bourges. 30 déc. 1919,
CHENU (Paul), ifts, 0, lieutenant-colonel d'artillerie en
retraite, rue de la Grosse-Armée, 7, à Bourges. 30 janv. 1920.
GARBAN (Maurice), #, %, notaire, cours Fleurus, 5, a
Saint-Amand-Montrond (Cher). 30 janv. 1920.
DE LAGUÉRENNE (Henry), &, J, membre de la Société archéologique de France, rue Marceau, 5, à SaintAmand-Montrond (Cher). 30 janv. 1920.
MALLARD (Henri), docteur en droit, avocat, à Montluçon
(Allier) 30 janv. 1920.
DE MECQUENEM (Charles), o. &, jg, 0, colonel d'artillerie
en retraite, rue Vieille-Saint-Ambroix, 9, à Bourges. 30 janv. 1920.
PLAT (Joseph), notaire, rue du Commandant-Martin, 1,
à Saint-Amand-Montrond (Cher). 27 fév. 1920.
l'abbé LELARGE (Félix), curé-doyen de Graçay (Cher). 26 mars 1920.
VILLETARD (Louis), chef de bureau aux Archives du
Cher, rue Emile-Martin, 63, à Bourges. 23 avril 1920.
l'abbé PIÉTU (Auguste), 0, chanoine honoraire, archiprêtre
archiprêtre Blanc (Indre). 25 juin 1920.
LÉVEILLER (Ferdinand), pharmacien, à Henrichemont
(Cher). 30 juillet 1920
MOUCHET (Léon), $, chirurgien vétérinaire, rue des
Ecoles, 10, à Bourges. 30 juillet l920.
WIMBÉE (Gaston), 0 i., professeur d'histoire à l'Ecole
normale d'instituteurs, rue des Vertus, 61, à Bourges. 30 juillet 1020
X LISTE GÉNÉRALE
Date d'admission
MM. GRESSIN (René), docteur en droit, avocat près la Cour
d'appel de Paris, rue Pasquier, 9, à Paris (VIIIe). 29 nov. 1920.
MORNET (Joseph), #, 0, lieutenant-colonel du génie, à
Vincennes (Seine). 29 nov. 1920.
*MELLOT(Arsène),p, o. g| ,rue du Commandant-Arago, 29,
à Orléans (Loiret), et à Léré (Cher). 23 déc. 1920.
PLAISANT (Marcel), jg, docteur en droit, avocat près la Cour d'appel de Paris, sénateur du Cher, boulevard Raspail, 7, à Paris (XIVe). 23 fév. 1921.
BIDAULT DES CHAUMES (Paul), docteur en droit, rue
Michelet, 1, à Bourges. 27 mai 1921
BÉRARD (Vital), #, £, docteur-médecin oculiste, boulevard Gambetta, 21, à Bourges. 30 déc. 1921
COTHENET (André), £, avoué près la Cour d'appel, rue
Porte-Jaune, 30, à Bourges, 30 déc. 1921.
l'abbé DUPUY (Auguste), chanoine honoraire, curé-doyen
de Mehun-sur-Yèvre (Cher). 31 mars 1922.
CHAMPION (Edouard), éditeur, quai Malaquais, 5, à Paris. 23 fév. 1923.
AUFRÈRE (Henry), 0, receveur des Contributions indirectes en retraite, rue Béraud, 9, à Bourges. 23 fév. 1923.
l'abbé AUGE (Paul), aumônier du couvent du BonPasteur, avenue Jean-Jaurès, 33, à Bourges. 23 fév. 1923.
DESQUAND (Xavier), libraire, rue de la Monnaie, 3 , à Bourges. 23 mars 1923.
AUX ENFANS (Aristide), libraire, rue des Arènes, à Bourges. 23 mars 1923.
AMELINE (Marius), licencié ès sciences physiques, docteur en médecine, directeur de la Colonie familiale, à Ainay-le-Château (Allier). 25 mai 1923.
GAUCHERY (Louis), rue Montcenoux, 12, à Bourges. 25 mai 1923.
BEDU (Ferdinand), comptable aux Usines de Mazières,
rue Saint-Outrille, 16, à Bourges. 25 mai 1923.
JOVY (Georges), ingénieur des Travaux publics de
l'Etat, à Selles-sur-Cher (Loir-et-Cher). 26 oct. 1923.
LARTISIEN (Gaston), directeur de la Succursale de la
Société Générale, rue du Commerce, 24, à Bourges. 30 nov. 1923.
EGOT (Marcel), notaire, à Ardentes (Indre). 30 nov. 1923.
le Cte DE MAUPAS (Alain), au château de Maupas, par les Aix-d'Angillon (Cher), et avenue de La Bourdonnais, 22, à Paris (VIIe). 28 déc. 1923.
DADU (Alphonse), ingénieur retraité des Travaux publics
de l'Etat, rue Fradet, à St-Amand-Montrond (Cher). 25 janv. 1924.
DES MEMBRES DE LA SOCIÉTÉ XI
Date d'admission
MM. l'abbé MILLET (Adrien), docteur es lettres, membre de —
la Société de linguistique de Paris, chargé du cours
de phonétique à l'Alliance française, rue Thibaud, 18,
à Paris (XlVe). 22 fév. 1924
MARCHÉ (Jacques), industriel, avenue de Neuilly, 53,
à Neuilly (Seine). 31 oct. 1924.
PERROT (François), notaire à Sancerre (Cher). 31 oct. 1924.
THIAULT (Albert), receveur des Postes et Télégraphes
en retraite, à Sancerre (Cher). 31 oct. 1924.
THIBAULT (Joseph), rue de l'Université, 56, à Paris (VIIe)
et à l'Ebeaupin, près Mézières-en-Brenne (Indre). 27 févr. 1925.
RAIMBAULT (Maurice), #, substitut du procureur de la
République au Tribunal départemental, à Versailles
(Seine-et-Oise). 24 avril 1925.
LEBRUN (Maxime), chirurgien, rue de Paradis, 26, à
Bourges. 24 avril 1925.
MOREUX (Raphaël), pharmacien, ex-interne des hôpitaux
de Paris, à Arcueil (Seine). 29 mai 1925.
GOSSET (Charles), docteur en droit, avocat au Conseil
d'Etat et à la Cour de cassation, quai de la Tournelle,
Tournelle, à Paris (Ve). 24 juillet 1925.
PROMPSAL (Félix), ingénieur des Ponts et Chaussées,
avenue d'Iéna, 3, à Paris (XVIe). 23 oct. 1925.
l'abbé DELAUNAY (Alexis), curé du Sacré-Coeur, rue de
l'Observatoire, 10, à Bourges. 27 nov. 1925.
le Baron DE TOULGOËT-TRÉANNA (Henri), au château
du Plessis-Beuvreau, par Saint-Laurent-de-la-Plaine
(Maine-et-Loire). 27 nov. 1925.
BAILLY (Henri), 0 I, professeur en retraite, rue Friedland,
Friedland, à Bourges. 27 nov 1925.
VERNET (Georges), 0, docteur en médecine, directeur de
l'asile de Beauregard, route de Marmagne à Bourges. 24 déc. 1925. PERRAULT-DESAIX (Henri), avenue de Paris, 161, à Clamart
(Seine). 24 déc. 1925.
GAUCHERY (André), docteur en médecine, rue Littré, 32,
à Bourges. 29 janv. 1926.
RÉTHORET (Jules), 0 I, $, directeur honoraire d'école,
rue Quintefol, 59, à Loches (Indre-et-Loire). 29 janv. 1926.
DES GACHONS (Jacques), &, homme de lettres avenue
de Villeneuve-l'Etang, à Versailles (Seine-ct-Oise). 26 fév. 1926.
XII LISTE GENERALE
Date d'admission
MM. POUMIER (Paul), docteur en médecine, conseiller d' ar- —
rondissement, à Savigny-en-Sancerre (Cher). 26 fév. 1926.
GRELAT (Eugène), directeur d'école, à Vierzon-Fay
(Cher). 26 mars 1926.
BUFFET (Christophe), C. &, intendant militaire du cadre
de réserve, rue de l'Observatoire prolongée, à Bourges. 30 avril 1926.
DELALEU (Roger), directeur des Nouvelles Galeries,
rue Moyenne, 8, à Bourges. 30 avril 1926.
RAIMOND (Auguste), pharmacien, à Savigny-en-Sancerre
(Cher). 30 avril 1926.
Mlle LAPAUTRE (Pauline), institutrice honoraire, à Sancergues
(Cher). 28 mai 1926.
MM. le Mis DU FOUR DE LA LONDE (Charles), rue d'Assas, 29,
à Paris (VIe) et à Aubigny-sur-Nère (Cher). 28 mai 1926.
PILLET (Albert), 0 I., chef de division honoraire à la Préfecture du Cher, boulevard de la Liberté, 40, à Bourges. 25 juin 1926.
AUDOUARD (Gabriel), &, docteur en médecine, avenue
Jean-Jaurès, 76, à Bourges. 23 juillet 1926.
MAUDRY (Alphonse), comptable, quai de la Marne, 46, à
Paris (XIXe). 25 nov. 1926.
DUMAS (Paul), instituteur, à Sancergues (Cher). 25 nov. 1926
PELLOILLE (Ferdinand), jg, directeur d'école, à Aubignysur-Nère (Cher). 25 nov. 1926.
VERNADE (Eugène), notaire, à Mehun-sur-Yèvre (Cher). 2 janv. 1927.
TINEL (Pierre), attaché aux Services civils du Gouvernement général de l'Indo-Chine, à Quang-Tri (Annam). 24 fév. 1927. * Mme LARCHEVÊQUE (Théodore), rue Fulton, à Bourges, et à
Mousseaux [Souesmes] (Loir-et-Cher). 31 mars 1927
MM. MOUILLERE (Louis), o. •&, ►&, commandant d'administration en retraite rue Jean-Baffier, 68, à Bourges. 30 juin 1927.
LANOUE (Camille), avenue Jean-Jaurès, 32, à Bourges. 30 juin 1927.
BARBARIN (Charles), conservateur à la Bibliothèque SteGeneviève,
SteGeneviève, retraite, rue Vauquelin, 15, à Paris (Ve). 30 juin 1927. Mme ROCHE (Gustave), à Châteauvert, par Mehun-sur-Yèvre
(Cher). 24 nov. 1927.
MM. FAUCON (Carolus), commissaire priseur, à Issoudun
(Indre). 24 nov. 1927.
ROBET (Emile), greffier de la Justice de Paix, à Sancoins
(Cher). 24 nov 1927.
DES MEMBRES DE LA SOCIÉTÉ XIII
MM. ROGER (Edmond), directeur d'école au Châtelet Date d'admission (Cher). 24 nov. 1927.
DE MARANSANGE (René), château de la Vieille-Forêt, au
Chàtelet-en-Berry (Cher). . 23 fév. 1928.
JOULIN (Maurice), instituteur titulaire, rue de Strasbourg, 11, à Bourges. 23 fév. 1928.
GIRAULT (Edouard), directeur honoraire d'école, rue
Camille-Desmoulins, à Bourges. 29 mars 1928.
HERVET (Henri), banquier, avenue Henri-Ducrot, 1, à
Bourges. 26 avril 1928.
GABILLAUD (Charles), &, 0I., o. $, receveur-percepteur, président de la Fédération des Sociétés berrichonnes de Paris, rue Oudinot, 14, à Paris (VIIe) 31 mai 1928.
Mlle GARNIER (Marie-Rose), docteur ès lettres, 89, rue JeanBaffier,
JeanBaffier, Bourges. 28 juin 1928.
MM. TOSCAN (Raoul), bibliothécaire adjoint de la ville de
Nevers, rue des Perrières, 8, à Nevers (Nièvre). 26 juil. 1928.
CALLON (Georges), inspecteur général des Ponts et Chaussées en retraite, à la Recluse, Billom (Puy-de-Dôme). 25 oct. 1928. Mme BAUDET (Eugène), rue Coursarlon, 36, à Bourges. 25 oct. 1928.
MM. LABESSE (Camille), #, J, percepteur hors classe en
retraite, rue de Charlet, 92, à Bourges. 27 nov. 1928.
le chanoine TULARD (Armand), rue Joyeuse, 11, à Bourges. 28 fév. 1929.
BARON (Louis), directeur d'assurances, rue des Arènes, 37,
à Bourges. 28 mars 1929.
DE BENGY-PUYVALLÉE (Maurice), archiviste-paléographe, rue Coursarlon, 2, à Bourges, et château de Villecomte, à Sainte-Solange (Cher). 28 mars 1929.
ROLLIN (Lucien), clerc de notaire, avenue Jean-Jaurès, 9,
à Saint-Amand-Montrond (Cher). 25 avril 1929.
Membres associés :
MM. MARTIN (Arthur), instituteur en retraite, à Bigny-Vallenay
(Cher). 1er avril 1892.
ÉVÊQUE, 01., professeur honoraire au Collège, rue
Guillemot, 31, à Châtellerault (Vienne). 1er juillet 1892.
BUCHET (Samuel), préparateur à la Faculté des Sciences,
avenue de l'Observatoire, 38, à Paris (XIVe). 14 oct. 1892,
XIV LISTE GÉNÉRALE DES MEMBRES DE LA SOCIÉTÉ
MM. LAMBERT (Léon), 0, instituteur honoraire, à Baugy Date d'admission (Cher). 12 nov. 1894.
HERVELON (Louis), 0 i., g, instituteur en retraite, à
Saint-Pierre-les-Bois (Cher). 10 mai 1900
l'abbé LELIÈVRE (Constant), ancien professeur, curé de
Vailly (Cher). 14 juin 1906.
AUPET (Louis), instituteur honoraire à Venesmes (Cher). 20 fév. 1913.
LASSOEUR (Pierre), directeur d'école, à St-Florent (Cher). 18 juin 1914
LAURENÇON (Edmond), #, 0i., professeur â l'Ecole Nationale Henri-Brisson, à Vierzon-Ville (Cher). 26 oct. 1910.
MÉTIER (Louis), 1, directeur de l'école annexe de l'Ecole
normale d'instituteurs, rue Carolus, 1, à Bourges. 20 juin 1919.
MARION (Marcel), membre de l'Académie des sciences morales et politiques, professeur au Collège de France, rue Claude-Bernard, 79, à Paris (Ve). 25 nov. 1921Membres
1921Membres :
MM. DRIFFORD (Georges), •&, 0 I., o. $, juge de paix, rue du Midi, 15, à Aubervilliers (Seine).
DUCHAUSSOY (Herménégilde), o. #, 0 I., professeur honoraire agrégé de sciences physiques et naturelles, ancien maire d'Amiens, avenue de Paris, 26, à Versailles (Seine-et-Oise).
DUMONT (Georges), greffier de la Justice de Paix, à SaintGaultier (Indre).
GALLETIER (Edouard), professeur agrégé à la Faculté des lettres, boulevard Sévigné, 5, à Rennes (Ille-et-Vilaine).
HUBERT (Eugène), 0 I., archiviste départemental, à Châteauroux (Indre).
LEFÈVRE (Louis-Eugène), ancien conservateur à la Bibliothèque d'art et d'archéologie, rue Jouffroy, 36bis, Paris (XVIIe).
LEPRINCE (Albert), 0, docteur-médecin oculiste, rue Jeanne-d'Arc, 8, à Gien (Loiret).
POÈTE (Marcel), #, directeur de l'Institut d'histoire, de géographie et d'économie urbaine de la ville de Paris, rue Sévigné, 29, à Paris (IIIe). Mlle RATIER (Emilie), impasse Saint-Louis, 4, à Bourges.
LISTE DES SOCIÉTÉS SAVANTES
ET DES ÉTABLISSEMENTS SCIENTIFIQUES
avec lesquels la Société Historique du Cher est en relations d'échange de publications.
Paris. — Comité des travaux historiques et scientifiques.
Répertoire de bibliographie scientifique du Ministère de l'Instruction publique. (Enseignement supérieur, 3e bureau.) Archives nationales.
Bibliothèque de l'Université de Paris, à la Sorbonne. Société nationale des Antiquaires de France.
Allier. — Société d'émulation du Bourbonnais, à Moulins.
Alpes-Maritimes. — Société des lettres, sciences et arts des Alpes-Maritimes, à Nice.
Aube. — Société académique d'agriculture, des sciences, art et belles-lettres de l'Aube, à Troyes.
Aveyron. — Société des lettres, sciences et arts de l'Aveyron, à Rodez.
Charente-Inférieure. — Société des archives historiques,
à Saintes. Cher. — Archives départementales.
Bibliothèque municipale de Bourges.
Bibliothèque du Lycée de Bourges.
Société des Antiquaires du Centre.
Corrèze. — Société des lettres, sciences et arts de la Corrèze, à Tulle.
Côte-d'Or. — Académie des sciences, arts et belles-lettres de Dijon. Société d'histoire, d'archéologie et de littérature de l'arrondissement de Beaune.
Creuse. — Société des sciences naturelles et archéologiques de la Creuse, à Guéret.
Eure-et-Loir. — Société archéologique d'Eure-et-Loir, à Chartres.
XVI LISTE DES SOCIETES SAVANTES
Garonne (Haute-). — Société archéologique du Midi de la France, à Toulouse.
Indre. — Société académique du Centre, à Châteauroux.
Loir-et-Cher. — Société des sciences et lettres de Loir-etCher, à Blois.
Loire (Haute-).— Société agricole et scientifique de la HauteLoire, au Puy.
Loiret. — Société archéologique et historique de l'Orléanais, à Orléans.
Marne (Haute-). — Société historique et archéologique de Langres.
Nièvre. — Société nivernaise des lettres, sciences et arts, à Nevers.
Oise. — Société d'histoire et d'archéologie (ancien Comité archéologique) de Senlis.
Rhône. — Académie des sciences, belles-lettres et arts de Lyon.
Saône-et-Loire. — Société d'histoire et d'archéologie de Chalon-sur-Saône.
Société éduenne, à Autun.
Académie de Mâcon. — Société des arts, sciences, belles-lettres, agriculture et encouragement au bien de Saône-et-Loire, à Mâcon.
Seine-et-Oise. — Commission des antiquités et des arts du département de Seine-et-Oise, à Versailles.
Seine-Inférieure. — Commission des antiquités de la SeineInférieure, à Rouen.
Somme. — Société des antiquaires de Picardie, à Amiens.
Vienne. — Société des antiquaires de l'Ouest, à Poitiers.
Yonne. — Société des sciences historiques et naturelles de l'Yonne, à Auxerre.
États-Unis. — Smithsonian Institution, à Washington.
American philosophical Society, à Philadelphie.
OBJETS TROUVÉS
DANS LES
FOUILLES DU CRÉDIT LYONNAIS
PLACE CUJAS, A BOURGES
A l'occasion de la reconstruction et de l'agrandissement de l'immeuble occupé par la succursale du Crédit Lyonnais, à Bourges, des fouilles importantes (1) ont été pratiquées en 1926-1927, sur le côté ouest de la place Cujas, à l'angle de celle-ci et de la rue Jacques-Coeur. Ces fouilles ont été suivies avec soin par M. Bourdin, représentant de l'architecte de la grande maison de banque ; notre confrère a recueilli la majorité des objets retrouvés et en a fait don au Musée du Berry. Quelques-uns sont en la possession de M. Métivier, entrepreneur, ou de M. Chenu.
L'énumération ci-après comprend l'ensemble de ces objets, classés par époque, avec la justification du classement pour quelques-uns d'entre eux.
(1) On a extrait environ 800 mètres cubes de déblais, sans compter les démolitions de maçonneries. Les fouilles ont été poussées partout jusqu'au calcaire fendillé de l'époque jurassique servant de base aux fondations (4 à 6 mètres en contre-bas du niveau actuel de la place.
2 OBJETS TROUVES
Epoque gauloise.
Monnaie de bronze des Arvernes au type de VERGA [sivellaunus]. Voir LA TOUR, Atlas de monnaies gauloises, XII, 3943.
Epoque gallo-romaine.
a) Partie supérieure d'un chapiteau composite (h. 0m50, 1. 0m67), trouvé à l'emplacement du café qui faisait le coin de la place Cujas et de la rue JacquesCoeur (1) (pl. II, fig. 1). Ce chapiteau peut être rapproché de celui qui a été publié sous le n° 1352 dans le Recueil des bas-reliefs de la Gaule romaine, de M. Espérandieu (t. II, p. 277, Musée archéologique de Saintes).
b) Jeton en os portant, d'un côté, cinq rainures circulaires autour d'une dépression centrale ; sans marques, de l'autre côté. Dimensions : diam. 0m043, haut. 0m006 (pl. I, fig. 1). On serait fondé à exprimer l'avis que le nombre des rainures est caractéristique de la valeur du jeton, si on avait trouvé dans le voisinage un autre jeton portant un nombre différent de rainures, et, par suite, que ce jeton a pu servir à compter sur l'abaque ; en l'absence de celte trouvaille, l'avis peut être contesté. Peut-être faut-il y voir simplement un pion de jeu d'époque incertaine.
(1) Il convient de rappeler ici que la construction d'un égout collecteur en 1884-1885 dans les rues du Commerce et Moyenne, depuis la rue des Arènes jusqu'à la rue Coursarlon, par conséquent dans une région de la ville très voisine de celle que nous considérons, a mis au jour des débris d'architecture romaine (Antiq. du Centre, t. XIII, p. 110 et suiv.). Il en fut de même en 1909, époque où des travaux semblables dans la rue Jacques-Coeur firent exhumer des bases de colonne double, qui semblent avoir appartenu à des ambages d'une porte monumentale. (Ibid , t. XXXII, p. XXXII.)
DANS LES FOUILLES DU CRÉDIT LYONNAIS 3
Toutefois, il nous a paru qu'il pouvait être rapproché de cinq disques plats en os « ornés sur une face d'un point central et de rainures faites au tour », recueillis par E. Chénon dans un puits-réceptacle à Châteaumeillant (1), et surtout d'une petite rondelle en os conservée au Musée de Saint-Germain (salle XVII, n° 8310). Celle-ci provient d'Arles et porte huit rainures circulaires (2). Pour ce motif, nous avons classé l'objet à l'époque gallo-romaine.
Epoque du Moyen Age.
a) Deux bouteilles en terre cuite non vernissée, à fond plat, de forme presque sphérique, de 0m07 de diamètre et de hauteur égale à 0m07 pour l'une, 0m085 pour l'autre (3); une bouteille similaire complète : haut. 0m085, diam. 0m08 (pl. I, fig. 2).
b) Buire en terre cuite non vernissée, à fond plat, portant une anse soudée à une collerette d'égout avec bec, fort élégante de forme. Le diamètre de la panse mesure 0m15, la hauteur 0m17 (pl. I, fig. 3).
Cet objet a subi un coup de feu qui a vitrifié l'argile sur une petite surface (quelques centimètres carrés). Il a été trouvé à fond de fouille, près d'un ancien puits creusé dans le calcaire des assises de la vieille ville.
c) Trois gobelets en terre blanchâtre, de 0m05, 0m065 et 0m09 d'ouverture (pl. I, fig. 4).
Celte buire et les gobelets qui viennent d'être mentionnés n'avaient pas leurs similaires au Musée du Berry.
(1) Antiq. du Centre, t. XXXI, p. 62.
(2) Le diamètre de la rondelle conservée à Saint-Germain mesure environ 30 millimètres.
(3) Le col de ces bouteilles manque.
4 OBJETS TROUVES
d) Une lampe en terre rougeâtre non vernissée, à anse, en partie brisée (pl. I, fig. 5).
Toutes ces poteries paraissent devoir être reportées au haut moyen âge. On sait que c'est au XIIe siècle seulement que l'on « parvint à composer, au moyen du plomb, une glaçure qui, appliquée sur la terre, en supprima la porosité ». (Guide du Musée céramique de Sèvres, par Papillon et Savreux, 1921, p. 14.)
e) Broc en terre vernissée.(pl. II, fig. 2). Le vernis présente des taches verdâtres qui décèlent l'emploi d'un sel de cuivre, et on observe tout autour du récipient des coulées brunes à l'oxyde de fer (1). Sous le fond, l'artisan a fait saillir trois portées en triangle équilatéral.
f) Bouteille en terre, dont la partie supérieure seule est vernissée (pl. I, fig. 6). Le vernis est ici simplement translucide. Cette forme n'était pas encore représentée au Musée du Berry.
g) Objet d'apparence bizarre au premier abord, parce que ce n'est qu'un débris (pl. I, fig. 7), mais qui doit être un pied de lampe, dont la capsule contenant l'huile et deux collerettes ont été brisées (2). Pour celte lampe, la tranche supérieure (fond de la capsule) est vernissée (glaçure transparente, comme ci-dessus).
C'est avec intention que nous ne donnons pas de précision sur les époques auxquelles peuvent être attribuées ces diverses poteries. L'histoire de la céramique non ornée est encore très obscure. Dans les musées, on voit fréquemment sur les étiquettes des indications
(1) Cette particularisé du vernissage peut être rapprochée île celle d'une bouteille trouvée près d'un tombeau en pierre dans la cour du château de Massay (Cher), et conservée au Musée d'Issoudun. Il semble qu'il y ait là un premier essai d'émail opaque, avec décor par pastillage.
(2) Voir au Musée du Berry, dans la vitrine n° 6, une lampe à deux collerettes, presque complète. Dans la fig. 7, les parties manquantes ont été restituées en pointillé, d'après ce dernier spécimen.
DANS LES FOUILLES DU CREDIT LYONNAIS 5
vagues, comme : XVe au XVIIe siècle. Le catalogue du Musée de Sèvres, au surplus, contient le texte suivant : « Le musée possède de nombreux échantillons de poterie en terre vernissée..., mais il n'a pas encore été possible de les classer avec certitude, par suite du manque de documents précis sur les dates de fabrication et sur les lieux d'origine » (1).
h) Le sommet d'une accolade gothique de porte, ornée d'une délicate feuille de chou frisé (fin XVe siècle). Ce morceau de sculpture a été trouvé parmi les cendres et tuileaux provenant d'un incendie important, à l'emplacement de la cour intérieure de la maison Devaut (anciennement 5, place Cujas).
I) Deux jetons à compter, en laiton.
Le premier (2) porte d'un côté l'écu carré aux quatre fleurs de lis, avec la légende :
VIVE LE BON ROY DE FRANCE
et, de l'autre, une galère avec la lettre G au grand mât, et la légende :
VOLGVE LA GALLEE DE FRANCE
Le second (3) porte d'un côté le même écu que ci-dessus, avec la légende :
GETTES ENTENDES AU COMPTE
et, de l'autre, une croix feuillue, évidée et arquée (4), cantonnée de quatre fleurs de lis, avec la légende :
GARDES VOUS DE MESCOMPTE
(1) Guide du Musée céramique de Sèvres, par Papillon et Savreux (Paris, in-8°, 1921), p. 35.
(2) FEUARDENT, Jetons et méreaux (in-8°, Paris), n° 11541e.
(3) Ibid., n° 1691.
(4) C'est, à peu de chose près, le revers du royal d'or de Jean le Bon (1358).
6 OBJETS TROUVÉS
Ces jetons sont d'origine tournaisienne (XIVe et XVe s.) (l). Ils sont bien connus ; leur image a été publiée, en particulier, pour tous les deux, dans le Figaro artistique du 9 juillet 1925 (p. 612), d'après les exemplaires du Cabinet de France, et, pour le deuxième seulement, dans l'Histoire monétaire et philologique du Berry, par Pierquin de Gembloux (pL. II, fig. 9) ; mais leur bon état de conservation incite à les signaler particulièrement.
j) Quatre douzains de l'époque de Louis XI : trois blancs au soleil (Hoffmann 19), dont un frappé à Tours et deux d'atelier incertain ; un blanc aux couronnelles (Hoffmann 15) frappé à Châlons ; ces pièces à l'état fruste, ou même en morceaux.
A) Un méreau du chapitre de Saint-Pierre-le-Puellier, à Bourges, avec le chiffre II. Ce méreau a été publié (2) dans le Bulletin du Comité diocésain d'histoire et d'archéologie (année 1867, p. 18, pl. II, n° 22) (3).
Epoque moderne.
a) Un réchaud à braise en terre cuite vernissée grise, de 0m105 de hauteur et de 0m10 de diamètre, de forme tronconique, avec quatre fenêtres latérales pour l'appel d'air. La voûte sphérique du réchaud est percée de quinze trous. La partie supérieure devait porter une collerette à bord supérieur horizontal permettant de faire chauffer un récipient; sur les flancs, en des points diamétralement opposés, on aperçoit les attaches d'une ou deux anses (pl. I, fig. 8).
(1) BLANCHET, Numismatique dit moyen âge et moderne (Paris, 1890), p. 405-411.
(2) Sans attribution d'origine à cette époque.
(3) Voir aussi Pierquin de Gembloux, Hist. mon. et philolog. du Berry, p. 153 et pl. IV, fig. 15.
DANS LES FOUILLES DU CRÉDIT LYONNAIS 7
L'identification ne saurait pas faire de doute à celui qui a examiné les collections du Musée céramique de Sèvres (vitrine n° 7, n° 6726; vitrine n° 11, n° 10232, et vitrine n° 17, n° 7441). Ce type de réchaud est aussi connu en Berry. (Voir Musée du Berry, vitrine n° 6.)
b) Fragment d'une assiette ou soucoupe en faïence décorée en camaïeu (tons bleus), dont les contours sont dessinés par un trait au manganèse. On y voit une servante portant des aliments fumants dans un récipient creux ; à senestre, un oiseau volant et le lever du soleil (pl. II, fig. 3). Il s'agit probablement d'un déjeuner du matin, dont nous avons une partie de la soucoupe. Il n'est pas téméraire d'attribuer cette faïence à la fabrique de Nevers (XVIIe siècle).
c) Un pied de verre conique très fin, de fabrication française, à l'imitation de ceux qui se fabriquaient à Venise au XVe siècle. On en trouve un semblable dans les vitrines du Musée céramique de Sèvres (n° 8807, vitrine 113a).
Ces types de verre semblent avoir eu beaucoup de succès dans le Centre de la France, au XVIe siècle. « Les travaux d'agrandissement de la cathédrale de Moulins, écrit R. de Quirielle (1), qui ont nécessité des fouilles sur l'emplacement des fossés du château, ont mis au jour une grande quantité de débris de verres à boire et de flacons provenant sans doute des fabriques vénitiennes. »
Le Bulletin de la Société d'émulation de l'Allier (t. V, p. 202 et suiv.) contient une notice de l'architecte moulinois Esmonnot, au sujet de ces découvertes, effectuées en 1854 et 1855. Une planche accompagne le
(1) Vieilles vues de Moulins (in-8°, Moulins, 1888).
8 OBJETS TROUVÉS
texte et donne la reconstitution ingénieuse des principaux types de ces verres.
Celui que nous possédons est semblable comme forme à celui qui a été dessiné par Esmonnot sous le n° 6 (pl. III du bulletin).
d) Un flacon en verre moulé, dont le col est brisé, mais que l'on peut attribuer au XVIIe siècle (verrerie d'Orléans) (pl. I, fig. 9). Pièces de comparaison : deux spécimens au Musée de Cluny, provenant du legs Dècle, un spécimen au Musée céramique de Sèvres (n° 4184). Un dessin de ce flacon par Gay a paru dans son Glossaire archéologique (p. 717, fig. E) ; il le date de 1660 environ.
A ce sujet, M. Banchereau, conservateur du Musée historique de l'Orléanais, a adressé à M. Chenu les renseignements suivants, dont nous ne saurions trop le remercier : « Beaucoup de musées exposent de ces bouteilles, qui se ressemblent toutes, et les attribuent à Orléans, sauf le Musée national suisse, où l'étiquette porte : « fabrication locale ». La forme ne varie pas, et il ne semble y avoir qu'une seule taille, ornée d'un côté de trois fleurs de lis, de l'autre de trois coeurs, avec, comme fermeture, un bouchon d'étain vissé. La tradition les donne à Bernard Perrot, un maître verrier qui obtint son premier privilège en 1662, des confirmations en 1668 et 1672, et travailla d'abord à Fay-aux-Loges, puis à Orléans avec une certaine célébrité. Garnier signale ces bouteilles dans son Histoire de la verrerie et de l'émaillerie, mais il est toujours difficile de connaître sur les produits de verre autre chose que ce que nous rapporte la tradition ; pourtant, l'attribution à Perrot de ces bouteilles n'a jamais été discutée. Bernard Perrot était neveu d'un des Conrade, et, en 1926, le Bulletin de la Société nivernaise a publié un article intéressant sur
DANS LES FOUILLES DU CRÉDIT LYONNAIS 9
Perrot, ses attaches nivernaises et ses démêlés avec les verriers parisiens.
« Le Musée d'Orléans possède de Perrot un médaillon coulé représentant le buste de Louis XIV et une boîte de pâte de verre, essai d'imitation du kaolin. »
e) Un douzain d'Henri IV (Hoff. 63), frappé à Bordeaux ; un faux douzain de Louis XIII (Hoff. 111); un liard de Louis XIV, frappé à Paris en 1697 (Hoff. 244).
En résumé, et bien que la valeur marchande des objets recueillis soit infime, notamment parce qu'ils sont presque tous à l'état de débris, il serait exagéré de prétendre que le résultat des fouilles est absolument nul. Sans doute, elles ont donné beaucoup moins qu'on était en droit de le supposer, compte tenu de l'emplacement et des faits antérieurement observés dans des fouilles de même importance et, comme celles-ci, dans le centre de notre vieille cité. Mais l'étude des poteries, en particulier, est une très modeste contribution à celle qui a été proposée en la présente année au 68e Congrès des Sociétés savantes (Archéologie du moyen âge, 38e question) : Etudier dans un centre déterminé les caractères et l'évolution de la poterie commune depuis l'époque mérovingienne jusqu'au XVIIe siècle. L'inventaire dressé pourra peut-être trouver son utilité, en attendant que des observations rigoureuses permettent de reconstituer un jour, comme cela a déjà été fait pour l'époque gallo-romaine et les fabrications de Lezoux et de Saint-Remy-en-Rollat (1), l'histoire de la céramique du moyen âge dans notre province.
Et la trouvaille de la monnaie gauloise précitée, bien qu'elle ne soit pas rare, méritait d'être notée. La des(1)
des(1) faisons nôtre ici une formule employée par le regretté Mater (Antiq. du Centre, t. XXXI, p. 24).
10 LES FOUILLES DU CRÉDIT LYONNAIS
cription, dans la collection des Mémoires des Antiquaires du Centre, d'au moins 600 pièces gauloises trouvées en Berry, ne la comprend pas ; c'est peut-être la première fois qu'elle est signalée dans notre pays, bien qu'issue d'un pays voisin.
L. BOURDIN et P. CHENU.
HISTOIRE
DES
CORPORATIONS CONFRÉRIES
D'ARTS ET MÉTIERS DE BOURGES
(Suite)
La Draperie.
(Suite)
TEINTURIERS (suite)
On attribuait en partie, suivant une tradition locale, l'excellence de cette teinture à la nature des eaux de l'Yévrette, celte eau étant réputée supérieure à celle de la rivière de Bièvre pour prêter aux couleurs l'éclat qui donnait tant de valeur aux laines des Gobelins. Cette prétention, que Toubeau rappelle et met en avant dans le mémoire qu'il rédigea sur le rétablissement du commerce à Bourges, est une de celles dont il faut laisser se bercer l'amour-propre des riverains de l'Yévrette, mais à laquelle il convient de n'ajouter qu'une foi restreinte.
Un fait qui n'est pas contestable, en tout cas, c'est que la teinture de Bourges a largement contribué à la faveur dont la draperie locale jouissait autrefois. Elle était si renommée que, avant l'époque où les foires de Bourges furent transportées à Lyon, les drapiers de cette dernière ville, qui faisaient un grand commerce avec la nôtre,
12 HISTOIRE DES CORPORATIONS ET CONFRÉRIES
avaient chez nous des facteurs de teinture, ainsi que nous l'apprend Chenu (p. 64). Nous retrouvons la même faveur persister en plein XVIe siècle. En 1531, les visiteurs de la draperie et teinture s'employèrent à empêcher des marchands du dehors, qui envoyaient à Bourges des draps de Troyes et du Poitou pour les faire teindre à la façon de notre pays, ce qui prouve la réputation de la teinturerie locale à cette époque (1).
Ce ne fut pas l'affaiblissement de celte précieuse qualité des eaux de l'Yévrette qui amena la fraude chez nos teinturiers, mais celui du commerce et le désir de récupérer des bénéfices qui ne se présentaient plus. Quand les grandes foires de Bourges lui eurent été enlevées par Charles VIII et que son commerce de draperie, en eut, par contre-coup, été considérablement diminué, les fabricants ne purent se l'aire à l'idée d'une pareille diminution dans leurs recettes; et pour combler le déficit, aussi bien que pour soutenir avantageusement, quant aux prix, la concurrence des fabriques extérieures, ils cherchèrent à réduire les dépenses de la façon : c'était le moyen d'atteindre plus vite la ruine à laquelle ils couraient. Au milieu du XVIe siècle, le mal en était venu au point qu'on crut devoir y opposer quelque obstacle. Ce fut alors que François Ier édicta les patentes du mois d'août 1540, que Chenu a cru devoir insérer dans son recueil, et dont les prescriptions sont invoquées dans l'ordonnance de la ville du 28 avril 1575, rapportée plus haut (2).
(1) Arch. de l'Hôtel de Ville, rcg. des comptes du receveur pour l'exercice 1530-1531, CC 391.
(2) Outre la publication faite par Chenu, elles lurent imprimées, au XVIe siècle, sans nom d'imprimeur, en une feuille petit in - 4° ; deux copies de ce document existent: l'une, dans les archives de l'Hôtel de Ville, fonds des arts et métiers, Illl 27 ; l'autre, aux Archives du Cher, fonds de l'abbaye Saint-Sulpice, arts et métiers, 1. 13, c. 4.
D'ARTS ET MÉTIERS DE BOURGES 13
Ces lettres commencent par déplorer la décadence de la fabrique de Bourges, qu'elles attribuent à la mauvaise foi des teinturiers, lesquels, au mépris des instructions, étaient « coustumiers de faire mauvaise et desloyalle teincture, mettant en icelles galles, copperoze, limaille et moullées, qui sont matières et drogues prohibées et deffendues audict estai... » En conséquence, elles interdisent à nouveau l'emploi des substances ci-dessus, surtout de la couperose pour la teinture en noir, aussi bien pour la draperie que pour la bonneterie et la chapellerie. Les draps teints en noir ne devront être mis en bouillon qu'après visite des experts, qui apposeront sur la pièce leur sceau près de celui de la ville, et recevront 2 deniers tournois par chaque sceau. L'article suivant, complété par l'ordonnance de 1575, porte que les draps guédés devront être bouillis en alun et garance et achevés de gaude. Il devra se conserver à l'Hôtel de Ville un échantillon de drap teint « en couleur de pers » comme modèle pour chaque maître dont les échantillons porteront les marques (1) Enfin, tous draps noirs teints hors de Bourges n'y seront tondus et pressés qu'après visite préalable, saut les noirs de Paris et de Rouen.
La sentence du 20 avril 1575 portait encore la recommandation suivante : « que toutes pièces de draps teinctz en rouge cramoisy, pourpre viollet, cramoisy tanné, cramoisy et gris argenté, seront scellées de petit plomb ainsy que les autres draps noirs, synon que lesdictes pièces finissent audessoubs de trois aulnes de longueur. »
(1) Une sentence de la mairie, du 29 mai 1613, enjoint à tous les teinturiers d'avoir à apporter à l'Hôtel de Ville, conformément aux règlements, un échantillon de teinture en guède, qui doit y demeurer pour servir de point de comparaison avec tous les draps qu'ils teindront à l'avenir (reg. des causes de l'Hôtel de Ville pour 1613, FF 8). On voit que les lettres de 1540 et les ordonnances qui les rappelaient avaient été oubliées, ce qui dut arriver plus d'une fois.
14 HISTOIRE DES CORPORATIONS ET CONFRÉRIES
C'est, à quelques mots près, la même prescription qu'en 1540. A cela une autre ordonnance de la ville, du 28 du même mois d'avril, ajoutait les recommandations suivantes, qui se lisent, comme les précédentes, dans le vieux registre des métiers de Bourges : apposition du petit sceau aux gris bâtards, ayant la chaîne guédée et garancée, et tout le tanné de racine sans molée. Les tannés brunets seront garances sur pied de guède, et assortis en guède si la garance y est insuffisante. Les draps de couleur, rouge, violette ou autre, ne pourront être teints en brézil ou orseille que sur bon pied de guède; les bleus non liserés ni scellés « auront guesde de neuf sols et audessus » ; les étoffes qui ne seront que conchellées (1) devront être d'abord mouillées et tondues. Aucun drap de trois aunes ne devra être bouilli et garance, s'il ne porte le petit plomb, et qu'après avoir subi l'épreuve de bon teint.
Comme complément de ces mesures,qui ne concernent que les teinturiers en draps, et qui furent renouvelées par une ordonnance de la mairie du 1er mars 1595 (2), citons les prescriptions relatives aux teinturiers en toiles et qui font l'objet d'une autre ordonnance du 27 novembre 1599. Ils sont, comme leurs confrères en draps, autorisés à teindre en soie, c'est à-dire en faux noir, les draps et serges, d'abord passés au pastel et à la garance, et à chaque fois scellés par la mairie, sous le sceau de laquelle « sera mis ung eschantillon de drap blanc » à chaque fois. L'apposition de chaque sceau coulait 3 deniers, que le teinturier devait payer lors de la visite, quitte à se faire rembourser par le propriétaire du drap.
(1) Le terme concheler ou conceler ne m'est connu que comme comportant la signification de « dissimuler, cacher, celer ». D'autre part, conchyle (coquille) s'est employé très anciennement pour exprimer l'écarlate.
(2) Arcli. de l'Hôtel de Ville, reg. des délibérations de 1592-1598, BB.
D'ARTS ET MÉTIERS DE BOURGES 15
On trouve plus d'une fois cette ordonnance mise à exécution ; c'est ainsi que, le 11 mai 1613, le teinturier Bergeron comparaissait devant le tribunal de l'Hôtel de Ville pour répondre de la façon dont il avait teint en noir un drap de dix aunes de long. La pièce, soumise aux jurés, fut déclarée avoir été teinte sans qu'elle eût été préalablement « tranchée en guesde » ; ce qu'on expérimenta en la faisant débouillir. De plus, ladite pièce n'étant pas marquée du petit plomb, le teinturier fut déclaré fautif et condamné comme tel (1).
Les mesures susindiquées furent complétées par ordonnance de la ville du 13 novembre 1613, qui enjoint aux teinturiers de tenir un registre et journal d'entrées des draps, serges et laines de toutes sortes qui leur seront donnés à teindre par leurs pratiques. Je ne pense pas que cette précaution ait été prise chez nous antérieurement à cette date.
Une autre ordonnance du 28 septembre 1622 sur les teintures, en confirmant les précédentes quant à l'obligation de trancher en guède tous draps, serges et étamets, étend cette obligation aux serges étroites jusqu'à la longueur de 5 aunes et au-dessus, en soumettant les serges étroites au plomb de guède, comme toute draperie teinte en noir (2).
L'ordonnance de 1599 appuie surtout sur la distinction entre teinturiers en draps et teinturiers en toile, en spécifiant bien les limites imposées entre les occupations des uns et des autres, et elle fit loi jusqu'à Colbert, ainsi que les autres monuments de la législation teinturière, qu'elle complétait, et que le ministre compléta notamment en ce qui concernait la marque et la visite.
(1) Arch. de l'Hôtel de Ville, reg. des sentences de la mairie pour 1613, FF 8.
(2) Ibid., reg. de 1622, FF 16.
16 HISTOIRE DES CORPORATIONS ET CONFRÉRIES
Ce ne fut qu'au XVIe siècle que les inspections furent sérieusement réglées. Durant tout le XVe, les visites furent l'affaire du « maître du luminaire », comme nous l'apprend l'ordonnance royale de 1456, et rien ne nous est parvenu qui nous permette de déterminer les conditions de leur exercice. Au siècle suivant, des inspecteurs ou visiteurs ad hoc sont institués. On les voit fonctionner en 1525, mais sans que rien paraisse encore bien arrêté quant à leur nombre et à leur mode de procéder (1).
Ce n'est que dans la seconde moitié du siècle qu'on trouve un maître juré visiteur régulièrement installé. Il doit faire la visite au moins une fois par semaine, et en présenter le rapport tous les samedis. Défense lui est faite expressément de travailler chez aucun de ses confrères, afin de garder plus d'indépendance pour ses appréciations (2).
Les lettres patentes de 1510 insistent particulièrement sur la nécessité de la visite, en prescrivant que l'ouvrage exécuté par le teinturier, soit dans la ville, soit dans les faubourgs, sera visité « par les visiteurs des dictz supplians (maire et échevins), sy bon leur semble, et autres tels personnaiges qu'ils voudront appeler avec eux. Et ceux qui seront treuvez coulpables en faulte pour n'avoir pas gardé le présent édict et faict l'ouvrage de leurdict mestier ainsy qu'il appartient,
(1) « A Jaques Jugnot et à ses compagnons maistres visiteurs des draps de ladicte ville, la somme de dix livres tournois, à eulx ordonnée par mesdicts sieurs pour les récompenser de leurs paines extraordinaires, pour avoir vacqué outre leur ordinaire après les tondeurs qui n'apportoient pas leurs draps taincts pour meetre la fleur de lys sur le petit sceau ; ensemble pour avoir reprins les taincturiers par plusieurs foiz des faulces teinctures qu'ils feraient ès draps, et mesmement aux noirs, parte que lesdicts taincturiers ne les balloient pas assez gueldés » (Comptes du receveur de l'Hôtel de Ville, reg. de l'exercice 1525-1520, CC 385).
(2) Voir la sentence de la mairie en date du 20 avril 1575, transcrite dans le registre des métiers.
D'ARTS ET MÉTIERS DE BOURGES 17
Voulons et nous plaist que la congnoissance en soit et demeure auxdicts supplians pour leur faire et parfaire leur procez diffinitif. »
Ce qui caractérise ce document, c'est surtout la confirmation du pouvoir accordé à la mairie sur les métiers et l'extension de l'autorité qu'elle avait déjà sur eux. L'article XIX des statuts de la draperie de 1443 se bornait à dire que l'amende imposée sur le teinturier délinquant se répartirait par quarts entre le roi, les jurés drapiers, la confrérie des teinturiers et celle de SainteAvoie. Du reste, la mairie ne pouvait condamner à l'amende que jusqu'à concurrence de 60 sols tournois. François Ier étendit largement les limites de cette juridiction ; non seulement le taux de l'amende est laissé à l'appréciation du tribunal de l'Hôtel de Ville, mais il peut aller jusqu'à la punition corporelle et à la privation du métier. « Et pour ce que par le privilège donné auxdicts supplians bourgeoys, manans et habitans de nostre dicte ville par nos prédécesseurs, par lequel ils ont jurisdiction sur le faict de la police de la dicte ville, ne leur est permis mulcter les délinquans en amende que jusques à la somme de LX sols (1), qui est et a toujours esté cause qu'ils n'ont peu corriger les abbus desdicts teincturiers et autres gens de leur mestier, d'autant que le proffict qu'ils faisoient à faire mauvaise teincture étoit sans comparaison plus grand que la peine du délict et condempnation d'amende des dicts LX sols. Pour ces causes et ad ce que les malversations et abbuz en tel cas qui concernent le bien de tout le pays, mesme de notre royaume, cessent, voulons et nous plaist que lesdicts supplians les puissent con(1)
con(1) patentes de Char les VIII sur l'organisation de la police municipale de Bourges, du mois d'avril 149I.
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dempner en amendes arbitraires, privation de leurs dicts mestier, et punicion corporelle, sy le cas le requiert » (1). Cette rigueur est caractéristique de l'extension prise de plus en plus par le pouvoir royal, même en ce qui concernait le gouvernement des métiers. On le retrouvera plus marqué, comme on doit sy attendre, sous Louis XIV, alors que son ministre, dans ses ordonnances drapières de 1669, ne manquera pas d'insister sur l'attribution de juridiction aux maire et échevins, « à l'exclusion de tous autres juges ». Plus lard encore, il est vrai, l'autorité se déplacera, et la juridiction du lieutenant général de police effacera celle de la mairie.
Mais les ordonnances de la ville sur la teinturerie s'accordent généralement à déclarer qu'elles restaient la plupart du temps sans effet. Le visiteur choisi par la ville était, nous le savons, un maître teinturier, qui, selon toute apparence, s'entendait avec ses confrères ; quand on s'en apercevait, on lui faisait rapporter le sac et la marque, instruments de ses fonctions, et on les transférait à un nouveau titulaire, qui répétait les agissements du premier.
En 1584 ou 1585, les maîtres teinturiers se coalisèrent pour maintenir le prix de teinture à un certain chiffre, et l'un d'eux, Michel Dorveau, ayant consenti à un abaissement dans ses prix, ils complotèrent d'arrêter son travail. N'y pouvant parvenir, ils se mirent à frauder dans leur travail, pour pouvoir soutenir la concurrence sans trop de dommage, et, afin d'échapper aux conséquences de leur façon de faire, deux ans plus tard, ils prenaient la résolution de ne plus subir les visites (2).
(1) CHENU, loc cit., p. 165 à 167.
(2) Voir l'enquête judiciaire ouverte à ce sujet en janvier 1588 (HH 27)
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Ce n'était pas pour relever la partie, qui, comme nous avons eu occasion de le dire, ainsi que toutes les professions se rattachant à la draperie, commençait à descendre la pente d'une décadence que ne parvenaient pas à arrêter le bon vouloir et les efforts de l'autorité. Lorsqu'on fut arrivé à Colbert, la réglementation prit un caractère plus sévère et plus minutieux que jamais. Nous savons à quelle ' débauche d'ordonnances et de règlements en ce genre se livra le ministre de Louis XIV. Un de ses premiers efforts se porta sur la séparation des teinturiers en plusieurs classes de grand et de petit teint. Mais l'importance de la grande ordonnance de 1669 sur la teinturerie mérite que nous entrions à son égard dans un examen détaillé en présentant un résumé de cet instrument de la législation industrielle.
Le recueil imprimé chez Toubeau nous offre trois règlements concernant la teinture. Le premier a pour titre : « Statuts, ordonnances et règlements que Sa Majesté veut estre observés par les marchands mes teinturiers en grand et bon teint des draps, serges et autres étoffes de laine de toutes les villes et bourgs de son royaume » (62 articles). Le titre du second est : « Statuts, ordonnances et règlements que S. M. veut estre observés par tous les mds mes teinturiers des villes et bourgs de son royaume travaillans en toutes sortes de teintures des soyes, laine et fil qui s'employent aux manufactures des draps d'or, d'argent, de soye, tapisseries et autres étoffes et ouvrages » (98 articles). Enfin, une instruction générale aux mairies pour l'exécution desdits règlements termine la série (1)..
(1) L'infatigable organisateur compléta le code de la teinturerie par une ordonnance qui parut en 1691, et qui fut une « instruction générale pour !a teinture des laines de toutes couleurs et pour la culture des drogues et ingrédiens qu'on y employé ». Comprenant 317 articles, c'était presque un traité sur la matière.
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Dans ces statuts, refaits sur un nouveau modèle, la visite n'est pas oubliée. Voici ce qu'on lit à l'article XXXVIII du premier : « Pour obliger d'avantage les me taincturiers du bon teint à faire leur devoir et perfectionner leurs teintures, les marchands drapiers commettront l'un d'entre eux (à commencer par le plus ancien qui aura passé en charge de garde) pour aller en visite chez lesdits mes teinturiers, même chez les jurés en charge, tous les jours de travail, pendant quinze jours, pour voir et examiner les ingrédiens dont ils composeront leurs teintures et les marchandises par eux teintes, et si elles seront de la même qualité d'échantillons mis au bureau de leur communauté ». La suite de l'article détaille ce qui concerne les marques, les plombs et les cas dans lesquels il devra en être fait usage.
On se sent là clans un monde nouveau, où la parole tombant de haut ne souffre pas le moindre manquement à ses ordres, et prend ses mesures en conséquence.
L'article II consacre la séparation des deux communautés de grand et petit teint, en interdisant au teinturier de bon teint de teindre en petit teint, et réciproquement au petit teint de teindre en grand teint, ni même en bleu, « attendu que le guesde ou pâtel n'est attribué qu'aux mes teinturiers de bon teint ». Les uns et les autres devront demeurer séparés. Le petit teint n'usera que de chaudières de cuivre, réservant les cuves pour ceux du grand teint.
Le second règlement complète la distinction établie entre les deux teintures.
« Lesdits mds mes teinturiers en soye, laine et fil de chacune ville, dit l'article premier, demeureront unis et ne feront qu'une seule et même communauté, à la charge néanmoins que les mes teinturiers en soye ne pourront teindre ny vendre que de la soye ; comme
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aussi les teinturiers en laine et fil ne pourront teindre ny débiler que de la laine ou du fil ou des étoffes de même qualité, à la réserve des étoffes marchandises qui auront esté déjà teintes, la liberté demeurant à tous mes teinturiers de teindre indifféremment toutes sortes d'étoffes neuves ou usées, tant de soye que de laine ou de fil. Et, en conséquence de ce, à l'avenir, ceux qui seront reçus mes teinturiers en soye, laine et fil ne seront tenus de faire chef-d'oeuvre que sur l'une desdites teintures de soye, de laine ou de fil, et sur celle des trois qu'ils choisiront et dont ils voudront travailler ; et quant aux mes de la communauté desd. teinturiers de soye, laine ou fil qui sont à présent et qui ont esté déjà reçus, ils seront tenus d'opter et de faire leurs déclarations sur le régître de la communauté en quelle des trois sortes de teintures ils voudront travailler, et ce dans trois mois du jour de la publication du présent règlement, à peine de trois cens livres d'amende contre chacun des contrevenans. Et, ladite option étant faite, ne pourront lesdits mes travailler en autre teinture qu'en celle qu'ils auront choisie sous les mêmes peines et confiscation des étoffes et marchandises, etc. »
L'article III du premier statut établit que, chaque année, on nommera à l'élection un juré-visiteur.
D'après l'article IV, comme types de teinture, on conservera, dans les bureaux des communautés des drapiers et teinturiers, douze doubles échantillons en draps de Valogne ou de Berry, teints en bonne teinture aux couleurs suivantes : noir de garance, minime, rouge de garance, couleur de prince, écarlate rouge, rose sèche, incarnai, colombin, rose, vergé, bleu turquin et violet. Plus quatre échantillons de ratine écarlate rouge, noir de garance, rouge cramoisi et couleur de pensée.
Les substances propres au grand teint et interdites au
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petit teint sont ainsi spécifiées à l'article V : pastel, guède, couperose, sumiac, galle, alépine, alun, gravelle, tartre, garance, gaude, cochenille, graine et pastel d'écarlate, arsenic, agaric, talmerital, bourre de chèvre, cendre, gravelée et indigo. Le petit teint, de son côté, pourra employer la gaude ; mais il ne sera permis à aucun teinturier de se servir de bois d'Inde, de campèche, brésil, bois jaune, fustel, tournesol, rancour, orseille et safran bâtard, sauf aux teinturiers de petit teint pour les gris mêlés ; et l'article VI joint à ces interdictions celle de la moulée des taillandiers et émouleurs, la limaille de fer ou de cuivre, et de vieux sommait ayant servi à passer les maroquins, comme durcissant trop les tissus.
Suit le dénombrement des étoffes à teindre en bon teint, parmi lesquelles les draps et serges de Berry et de Sologne.
Les articles qui suivent jusqu'à l'article XXX nous instruisent de l'emploi de chaque genre de teinture pour le grand teint. Quant au petit teint, il devra être appliqué spécialement aux frisons, tiretaines, petites sergettes à doublet, « et aux autres telles petites marchandises jusques à 40 sols l'aune en blanc », ainsi qu'aux doublures teintes en gris musc.
Article XXXIV : comme indice de bon teint, l'ouvrier devait laisser à l'extrémité de chaque pièce une rose de la grandeur d'un écu, de la couleur qui aura servi de pied et de fond à la teinture.
L'article XXXVII donne le procédé de vérification des bonnes ou des mauvaises teintures, expérimentées au moyen du débouilli.
Il y avait deux visiteurs-jurés, choisis, l'un parmi la draperie, l'autre dans la teinturerie, et qui opéraient séparément. La communauté possédait cinq coins ou
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estampilles, pour permettre au visiteur de marquer les plombs qu'il attachait aux pièces de diverses couleurs reconnues bon teint. Ces marques, où le nom de la ville était inscrit, portaient à l'exergue, chacune, l'une des cinq devises suivantes : guède pour passer en garence ; guède et garence pour noir ; bleu pour passer en noir ; gaude ; cramoisi. Le teinturier, de son côté, avait un coin à son nom, lequel, placé sous le plomb par le juré qui marquait avec l'autre coin, produisait le revers de la marque.
Pour que l'importation des lainages du dehors, en foires ou autrement, n'amenât pas de fausses teintures en ville, les marchandises foraines y étaient soumises à un entrepôt de trois jours, pendant lesquels elles devaient être visitées par les gardes de la draperie et le visiteur des teinturiers, et marquées par eux avant d'être livrées au marchand.
La seconde partie du règlement se préoccupe spécialement de l'organisation intime de la communauté teinturière.
Article XLIV : l'apprentissage chez le maître de bon teint était fixé à quatre années, qui devaient être suivies de trois autres de service comme compagnon (1). Chaque maître ne pouvait avoir plus de deux apprentis.
Le chef-d'oeuvre pour la maîtrise devait être fait en présence du juré en charge et de deux autres maîtres du métier, dans la chambre de la communauté ou dans la maison du juré. « Et sera composé, dit l'article L, par ledit aspirant à la maîtrise, de quatre balles de pâtel de Lauraguais ou autre de Languedoc, qui sera mis dans
(1) L'édit de 1757 sur la matière contient un article complémentaire de celuici, qui dispense l'aspirant à la maîtrise du petit teint de faire précéder le chefd'oeuvre des trois années de compagnonnage.
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une cuve pour le préparer, et en tirer la teinture de bleu que ledit pâtel produit, depuis la nuance la plus brune jusqu'à la plus claire, et l'appliquer sur des étoffes de draperie, et ce durant l'espace de six jours entiers et consécutifs, sans que ledit chef-d'oeuvre puisse durer plus longtemps. Et estant fait, vû, visité et reconnu bon par le juré en charge et deux anciens mes si tant y en a, l'aspirant sera reçu à ladite maîtrise et prêtera le serment par-devant le juge de police (1) ; aprez quoy, ses lettres de réception à ladite maîtrise luy seront délivrées en payant les droits accoutumés. » Les banquets et festins de réception fuient sévèrement prohibés.
La réception des fils de maîtres par-devant le juge de police avait lieu après une expérience de deux jours seulement et dans les mêmes conditions.
Les anciennes lettres de maîtrise furent supprimées, et les maîtres établis tenus de subir un nouvel examen. Toutefois, ce ne dut être qu'un article comminatoire, le statut, dans son préambule, ayant soin d'avertir que les maîtres en exercice continueraient à exercer leur art paisiblement, à la charge de s'inscrire « tant sur le régître des juges des lieux de leur demeure, qui ont droit de connoître de la police des arts et manufactures », que sur celui de leur communauté, dans le délai d'un mois.
Il en fut des veuves, filles et gendres de maîtres comme chez les drapiers.
Comme à ceux-ci, les boutiques et ateliers multiples étaient interdits aux teinturiers, ainsi que l'association avec d'autres qu'avec les maîtres du métier dans la ville.
Le teinturier, de quelque teint qu'il fût, était spé(1)
spé(1) n'était pas encore le lieutenant général de police, qui ne fut institué Bourges qu'en 1099.
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cialement autorisé, « suivant l'ancien usage », à étendre sur des perches, devant chez lui, les étoffes par lui teintes, à condition de ne pas dépasser la largeur de la moitié de la rue, et de ne pas les faire descendre plus près que trois toises du pavé. Voilà qui était bon dans les brûlantes journées d'été, mais, par les temps sombres et dans les rues étroites, cela, semble-t-il, pouvait présenter quelques inconvénients.
Les jurés en charge devaient s'assembler, pour traiter des affaires de la communauté, au moins tous les premiers lundis du mois. C'était eux qui convoquaient, dans la chambre même de la communauté, les assemblées des maîtres, tenus d'y assister au nombre de cinq pour le moins.
En cas de saisie de marchandise chez le drapier, le maître teinturier avait privilège sur les autres créanciers, au moins pour une durée de travail de deux années.
L'article LXII et dernier est le même que celui qui termine le statut de la draperie. Comme ce dernier, il recommande, au renouvellement de chaque année, une assemblée extraordinaire, tendant à constater l'état de la teinturerie dans la région, et à décider des amélioralions que l'expérience aura suggérées.
Quant au statut de la communauté des teinturiers en soie, laine et fil, dont nous avons reproduit déjà le premier article, il s'étend particulièrement pendant sa plus grande partie (de l'arlicle IV à l'arlicle LXXXIII) sur les procédés de teintures propres à cette communauté. Voici les dispositions du surplus brièvement résumées :
Les jurés de cette communauté étaient au nombre de quatre, deux de soie, un de laine, un de fil. Dans les villes dépourvues d'ateliers de teinture en soie, le nom-
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bre des jurés pour la laine était égal à ceux pour la teinture en fil.
Les jurés étaient soumis à la visite de deux maîtres du même corps, nommés à la pluralité des voix en même temps qu'eux.
Les visites générales étaient au nombre de quatre par an et chacune d'elles coûtait 10 sous aux visités.
Il était prescrit de faire teindre, tous les deux ans, et déposer au bureau de la communauté deux livres de soie de seize nuances variées, pour servir d'échantillons dans la vérification des teintures.
L'apprentissage et compagnonnage était fixé à six ans pour les teinturiers de bon teint et à quatre ans pour le petit teint. Cette dernière condition était la seule exigée des compagnons forains.
Chaque maître devait avoir une marque à son nom et à celui de la ville, dont il frappait le plomb qu'il attacherait à son ouvrage. L'empreinte en devait être déposée au bureau de la communauté et à celui du corps des marchands merciers.
Chaque maître devait tenir registre de son ouvrage et de sa marchandise.
Le chef-d'oeuvre, dit l'article XCII, « sera fait et composé, savoir : d'asseoir une cuve d'Inde ou fleurée, la bien user et tirer jusqu'à ce que ledit chef-d'oeuvre soit entièrement accomply ; ce qui se fera pendant cinq ou six jours au plus ». Le surplus des formalités comme dans le grand teint.
Pour les fils de maître, on se bornait à une expérience de deux jours de durée.
Les veuves de maître pouvaient continuer l'exercice du métier et finir l'apprentissage commencé, sans avoir le droit de prendre d'autres apprentis.
Ces statuts sont ceux qui ont le moins varié, si ce
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n'est lors de l'adjonction, à deux ou trois reprises, d'officiers royaux nommés pour la visite et le contrôle du travail, et dont la communauté dut racheter les offices. Les années 1691 et 1707 sont celles auxquelles peuvent être rapportées les modifications qu'eut alors à subir le règlement. Voici quels furent les principaux changements apportés par les lettres patentes de 1707. Les jurés purent recevoir six maîtres sans qualité. Les enfants nés avant la maîtrise de leurs pères ne furent plus tenus qu'à la seule expérience, comme les fils de maîtres. Les maîtres de Paris eurent droit à exercer dans toutes les villes du royaume sans être soumis à l'examen. La visite des jurés fut étendue à tous les lieux jusque-là privilégiés. Enfin, bien qu'il continuât d'être interdit à chaque maître d'avoir plus d'un ouvrier à la fois, cependant ils purent, dès lors, établir par bail notarié une calandre ou machine à lustre (1) dans une autre maison que la leur, à la charge de n'y passer que les ouvrages teints par eux (2).
Les ordonnances de 1669 ne s'occupent pas de la communauté du petit teint, qui restait en dehors de « la Manufacture ». Nous emprunterons à Savary des Brûlons le résumé du statut qui la réglementait.
L'apprentissage y était fixé à quatre ans, comme pour le grand teint, les apprentis pouvant se former indifféremment chez les maîtres de l'un et de l'autre teint. Quant au service du compagnonnage, il était fixé à trois années, qui s'écoulaient d'obligation chez un maître de petit teint.
Le chef-d'oeuvre consistait en quatre pièces, deux de draps et deux d'étoffes légères. L'une des deux premières
(1) La calandre était alors d'un emploi assez récent ; elle avait été introduite en France par les soins de Colbert.
(2) SAVARY DES BRULONS, Dict. univ. du commerce, art. TEINTURIER.
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pièces devait recevoir le pied de guède et de garance du teinturier de bon teint, et l'autre, seulement le pied de guède. Quant aux petites étoffes, teintes entièrement par l'aspirant, elles devaient l'être, « l'une en castor, l'autre en pain bis ».
Les fils de maîtres n'étaient tenus qu'à deux années d'apprentissage, et à autant pour le compagnonnage. Le chef-d'oeuvre, pour eux, se bornait à une pièce de drap noir et une d'étoffe légère, à leur choix. Cette exception de la moitié du chef-d'oeuvre était étendue aux compagnons qui épousaient des veuves de maîtres.
Enfin, outre les visites de leurs jurés, les teinturiers du petit teint étaient encore soumis à celles des jurés du grand teint.
TAILLEURS
Tout ce groupe d'industriels, que nous venons de voir façonner le tissu, le parer, le lustrer, le teindre, aboutit naturellement au tailleur, qui est le metteur en oeuvre du produit de leurs travaux successifs, celui qui l'amène à sa destination finale. Le métier du tailleur a toujours compté dans son sein plusieurs catégories. Dès la date la plus ancienne, on voit vivre côte à côte, d'abord, le chaucier ou chaussetier, le faiseur de chausses pour les deux sexes. Dans cet article, qui aujourd'hui appartient autant au bonnetier qu'au tailleur, sont compris les hauts et bas de chausses (braies ou culottes, caleçons et bas) et les chaussons ; puis, le couturier en robes, le véritable tailleur, à une époque où l'homme était ensoutané comme la femme. Il faut, d'ailleurs, comprendre que ce mot « robe » désignait tout autre vêtement que les chausses, c'est-à-dire tout ce qui se superposait pour couvrir le haut de corps en flottant, au besoin,
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jusqu'à terre. C'est en ce sens que la locution « robes et bagues sauves » a pu signifier : sauf les habits et les bijoux. Au XVIIe siècle, les robes d'autrefois s'étaient accourcies, chez les hommes, en habit et en pourpoint; de là, deux communautés : les tailleurs d'habits et les pourpointiers.
Le corps de la draperie, à Bourges comme à Paris, fut longtemps divisé en deux communautés : celle des drapiers proprement dits et celle des drapiers-chaussetiers. Chacune d'elles ne cessa de disputer à l'autre le droit de préséance. A Paris, cette rivalité prit fin en 1628 par la mesure qui les réunit en une seule communauté drapière.
Les mêmes difficultés se sont rencontrées dans notre histoire locale. Là aussi, simples drapiers et drapierschaussetiers se querellaient et disputaient au sujet de leurs prérogatives respectives. Dans une sentence du tribunal de la ville, en date du 29 avril 1623, rendue à l'occasion de la poursuite intentée par le procureur de la communauté des toiliers-chaussetiers (les deux métiers étaient alors réunis) contre le drapier Gippault, accusé d'avoir vendu des chausses, on voit ledit procureur s'appuyer sur l'article des statuts de la draperie de 1413 qui ne permet qu'aux chaussetiers-drapiers « de faire et vendre chausses neufves de drap neuf, sans y mettre aucun drap viel ». Or, Gippault n'était que drapier tissant et marchand ; la qualité de tailleur ne lui appartenant pas, il ne pouvait tailler des chausses. Mais le juge n'adopta pas ce système et décida qu'il devait être permis à tous marchands drapiers de faire et exposer en vente des chausses de drap et serge neuve (1).
(1) Archives de l'Hôtel de Ville, reg. de jurid. de la ville pour 1623, FF 17 L'article invoqué par les chaussetiers est le XXIe du statut de 1443, où il est dit : « Item, que les chaussetiers et drappiers vendront chausses neufves et drap sans y mettre toilles vieilles ou drap vieil, et ne se mesleront point de métier de cousturerie, sous peine de perdre le gaige (le prix) et sera donné pour Dieu. »
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Les chaussetiers ne se découragèrent pas; treize ans plus tard, on les voit revenir à la charge. Une autre sentence de la même juridiction, en date du 29 novembre 1636, autorise la confection des chausses en maisons par un drapier que ses adversaires accusent de n'être qu'un simple cardeur, incapable à tous égards d'exercer le métier, puisqu'il est dans la nécessité de faire couper les chausses par sa femme (1).
Le pourpoint était le vêtement qu'on appela successivement depuis habit et gilet. Ce fut presque toujours un vêtement de dessous. Au XVIe siècle, il était recouvert par le sayon, la casaque et le justaucorps, en attendant que le XVIIe empruntât la rhingrave aux Allemands, et le XVIIIe, la redingote (riding got) aux Anglais. Le pourpoint motivait l'existence du pourpointier, qui se querellait également avec le tailleur ; ils formaient à Paris deux communautés distinctes, qui furent fondues en une seule en 1655.
Les statuts de 1443 s'étaient chargés de distinguer le chaussetier du couturier, en définissant comme il suit les occupations de ce dernier. Article XXII : « Item, les cousturiers ne se mesleront tant seulement que de faire robes, chapperons, manteaux, pourpoins, jaquettes et vestures appartenans à homme et femme à tous ceux qui les en requerront, et faire pourpoins, robbes et chapperons bons et convenables de bon drap neuf profitable et tout prest, sans y avoir aucun drap vieil ne toille vieille... »
Ce qui est confirmé par les lettres de Louis XII du mois de février 1505, et il est, en outre, interdit à tout couturier et fripier de faire ni vendre chausse de drap neuf, sous peine d'une amende de 60 sols tournois. Ces
(1) Archives de l'Hôtel de Ville, reg. de 1636, FF 31.
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statuts déclaraient que les trois métiers de couturiers, chaussetiers et fripiers étaient dispariés, et qu'il fallait choisir l'un à l'exclusion des autres. Les chaussetiers formaient l'aristocratie du métier, les couturiers ne venaient qu'en seconde ligne. Il fallait, en effet, plus d'habileté pour couper et assembler des chausses collantes et destinées à marquer les formes, que de longues et amples robes, qui ne dessinaient rien, et dont la coupe, pareille à celle de nos robes de chambre, tolérait mieux la médiocrité. Quand les modes eurent changé et que la partie haute des chausses se détacha du bas, les tailleurs furent autorisés à y travailler ; les chaussetiers gardèrent alors la spécialité du bas diapé, tant que que le tricot ne vint pas leur enlever cette dernière ressource. Ce ne fut pas sans lutte que la ligne de démarcation s'établit nettement entre les deux corps rivaux ; jusqu'à la moitié du XVe siècle, il y eut confusion entre eux, et, faute d'un titre précisant les limites de leurs attributions respectives, les empiètements de l'un sur l'autre étaient continuels. Ce fut pour sauvegarder leur privilège de travail que les chaussetiers réclamèrent le règlement de 1443, qui mit à la raison leurs trop ambitieux confrères.
Mais les couturiers ne purent se résigner à l'abandon de leur prétention. Les visiteurs préposés à exercer sur eux leur surveillance les prenaient à chaque instant en défaut et les poursuites se multipliaient. Ils n'en avaient cure, se laissaient condamner et recommençaient. Les contraventions ne cessant pas, ils furent menacés de l'application de l'édit de François Ier sur la police de la ville, lequel autorisait, en pareil cas, l'incarcération.
Aussi, toute la dernière moitié du XVIe siècle fut occupée par les procès sans cesse renouvelés entre couturiers et chaussetiers, procès où la ville donnait ordinairement
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raison aux chaussetiers. Un des premiers arrêts prononcés par elle à ce sujet le fut par sentence du dernier de mai 1550, nonobstant laquelle, les visiteurs, le 28 mars 1552, saisissaient dans les boutiques de plusieurs couturiers des chausses de drap neuf et laites dans les conditions prohibées. Procès-verbal fut dressé et les délinquants poursuivis et condamnés. Mais, toujours incorrigibles, ils provoquèrent d'autres condamnations postérieures, et, notamment, celle contenue dans la sentence du 21 février 1561, confirmée en décembre 1563 par le présidial. Enfin, dans leur obstination à ne pas reconnaître les prétentions des chaussetiers, les couturiers se l'ont encore condamner par sentence du bailliage en date du 11 avril 1566, condamnation qui, par suite d'appel du condamné Lauverjat, fut confirmée par le Parlement le 27 avril 1568; puis, encore une fois, le 27 avril 1571.
Lors de la reconstitution des corporations après la chute de Turgot (1777), les toiliers-tailleurs, réunis aux fripiers, furent considérés comme agrégés au corps reconstitué des merciers-drapiers, comme à Paris, « sans que leurs successeurs, dit le livre de cette dernière communauté, puissent en prétendre droit par la suite, S. M. n'en ayant point créé de cet état dans son édit d'avril 1777 » (v. Police, reg. B 2378). La communauté des tailleurs porta spécialement le titre de « communauté des maîtres tailleurs, fripiers d'habits en neuf et vieux ».
Les couturiers arguaient en vain des lettres du 12 août 1564, par lesquelles Charles IX avait déclaré les métiers-de Bourges libres de toute jurande ; l'exception ne fut pas admise, et ils durent finir par se soumettre (1).
(I) Voir les pièces de ce procès dans le fonds des arts et métiers aux archives de l'Hôtel de Ville, HH 29.
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Il est toutefois permis de penser que ce ne fut pas sans quelques retours offensifs, et, bien que la trace ne nous en soit pas parvenue, il est probable que la paix attendit, pour se faire complètement, le siècle qui suivit, et qu'elle fut obtenue en grande partie grâce à une mesure qui réunit les deux factions hostiles. C'est en 1660 que de nouveaux statuts fondirent en une seule communauté les couturiers et les chaussetiers de Paris. La même mesure avait, semble-t-il, été prise à Bourges dès le commencement du siècle, car on lit dans le Recueil des privilèges de Chenu, dont l'apparition est de 1621, celte phrase mélancolique, qui le donnerait à penser : « Maintenant que la draperie a peu de cours, et trop les estats royaux (les fonctions officielles), il n'y a plus de chaussetiers, les cousturiers ont gaigné leur cause. Ils travaillent en tous ouvrages à l'usage de l'homme et de la femme » (p. 157).
Mais, déjà avant cette époque, nos tailleurs avaient eu à compter avec d'autres concurrents, car, comme nous le savons, dans les statuts de 1575, ils apparaissent déjà unis aux toiliers.
Le métier de tailleur fut de ceux qui, dans les temps modernes, comptèrent le personnel le plus considérable ; nous ignorons ce qu'il pouvait en être avant la dernière moitié du XVIe siècle, mais, en 1571, on évaluait à vingt-six le nombre des maîtres chaussetiers de Bourges, les couturiers restant sans doute en dehors de cette énumération. En 1619, la communauté des tailleurs unis aux toiliers ne comptait pas moins de cent maîtres, sur lesquels les procureurs de la communauté réclamaient (1), à cette date, le droit de prélever 24 sous, pour
(1 ) Requête du mois de février, dans le reg. des causes de juridiction de la ville, de 1619, FF 14.
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les 120 livres en provenant être employées à faire faire le bâton de la confrérie, avec deux anges portant chacun un chandelier, une boîte pour mettre ce bâton, et une tunique pour le valet de la confrérie.
Ce qui est vraiment surprenant, c'est de voir ce nombre atteindre le chiffre énorme de deux cent dix-neuf maîtres en 1675, à une époque de décadence pour le pays, et alors que les autres métiers languissent. Il semble qu'on doit attribuer ce fait à l'énergique impulsion donnée, quelques années avant, par Colbert à la draperie. Tout ce qui touchait aux tissus a dû s'en ressentir (1).
La communauté devait donc être relativement riche ; aussi était-elle de celles auxquelles on s'adressait volontiers quand il s'agissait d'un de ces cas où, sous des formes variées, on établissait des taxes multiples sur les corps de métiers. Elle eut sa part dans l'obligation, si souvent imposée par le fisc aux métiers, de racheter des offices ou des maîtrises extraordinaires, créés spécialement à fin de rachat. En 1709, elle rachetait ainsi, moyennant 470 livres, les deux offices d'auditeurs-examinateurs des comptes de la communauté, créés par édit de mars 1694 (2).
La communauté dut encore verser au Trésor, en 1728, 200 livres pour les droits de confirmation des maîtrises qui la composaient et qui avaient été créées à l'occasion du couronnement du jeune roi (3). Cette somme ne se confondit sans doute pas avec celle qu'elle dut encore payer comme droit de joyeux avènement. Pour pouvoir acquitter cette autre exaction, elle fut obligée de consti(1)
consti(1) les rôles des taxes mises sur les communautés d'arts et métiers do la ville, en 1675.
(2) Archives départementales, Bureau des finances de Bourges, C 836.
(3) Ibid., reg. des minutes du notaire Jean Berthin pour 1729.
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tuer, au profit de la communauté des vicaires de la cathédrale, 20 livres de rente annuelle au principal de 400 livres, et remboursable au denier vingt (1).
Dans un tableau non daté des maîtres tailleurs, toiliers et fripiers de la fin du siècle dernier (HH 29), je trouve porté à soixante-dix le nombre des maîtres de la communauté, y compris quatre femmes. Mais, sur cette liste, les noms sont numérotés 157 à 226, sans qu'il soit expliqué pourquoi les 156 premiers numéros n'y figurent pas. Je ne suppose pas toutefois qu'ils doivent être ajoutés aux autres comme complétant l'ensemble du personnel de celte communauté, qui ne devait pas être alors aussi considérable.
Comme on le voit, l'édit d'avril 1777, reconstitutif des communautés d'arts et métiers, avait rétabli celle des tailleurs en les réunissant aux fripiers. Nous en reparlerons en traitant de ces derniers. Mais nous ne croyons pas devoir omettre un dernier détail, qui complétera la physionomie que cette corporation nous a offerte depuis près de cinq siècles. Nous verrons toujours les tailleurs gênés par les règlements dans l'exercice de leur profession ; ils furent peut-être, avec les cordonniers et les bâtiers, parmi ceux qui, sous la République, éprouvèrent le plus rigoureusement les effets des réquisitions, alors que l'on s'ingéniait à habiller les volontaires des armées nationales. Nous pouvons citer à ce sujet un arrêté du district de Bourges, en date du 24 nivôse an II, qui ordonne au moins deux visites domiciliaires par décade chez les maîtres et ouvriers tailleurs, pour s'assurer qu'ils ne travaillent pas pour des particuliers, au lieu de faire des habits militaires,
(1) Archives départementales, communauté des vicaires de Saint-Etienne de Bourges, 1. des vicariats.
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avec ordre de confisquer au profit de la nation tous autres habillements que ceux-ci. C'est l'épisode extrême de l'histoire de la partie aux temps passés (1).
En 1510, le métier de tailleur n'était pas encore en jurande, puisque, à celte date, les maîtres chaussetiers de Bourges plaidaient au Parlement contre la ville, parce qu'ils « désiroient à faire jurer leur mestier contre et au préjudice de la chouse publicqtie de ladicte ville » (2).
J'ignore pourquoi l'administration se refusait au désir des tailleurs dans leur projet d'organisation, et en quoi ce groupement, qui était dans les moeurs du temps, pouvait porter préjudice au public. Ce n'était probablement pas par respect pour la concurrence que l'Hôtel de Ville agissait ainsi. En lotit cas, les chaussetiers, se voyant ainsi repoussés de ce côté, portèrent leur cause devant le bailli, dont ils obtinrent l'approbation, et qui condamna leurs adversaires à leur payer six livres un sou et trois deniers tournois de dommages et intérêts.
En tout cas, si la communauté fut établie à celte date, nous n'en connaissons pas la constitution, et les plus vieux statuts qui nous soient parvenus du métier sont ceux du 7 avril 1574, qui ont été insérés dans le registre des métiers. En voici les principales dispositions :
Après avoir réglé les devoirs religieux à remplir la veille et le jour de la fêle de la Trinité, patronne de la confrérie, et le lendemain, ainsi que chaque dimanche, et ce qui concernait le service funèbre des confrères décédés ; après avoir fixé à 67 sols tournois la cotisation annuelle de chaque membre pour les frais de confrérie, et spécialement à 30 sols tournois la part afférente
(1) Arch. de l'Hôtel de Ville, reg. des délibérations du Conseil de la commune (1793-1791).
(2) Ibid., pièces à 'appui des comptes de l'Hôtel, exercice 1512-1513, CC 673,
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au compagnon, il spécifie que ce dernier ne pourra être autorisé à lever boutique que sur attestation de sa capacité par trois maîtres du métier. Le droit pour l'apprenti fut fixé à une livre de cire neuve. Tout maître tombé accidentellement dans la misère dut avoir droit à un secours de la part de ses confrères, qui furent tenus de contribuer de 12 deniers tournois pour son service funèbre, en cas de mort. Le compagnon ne pouvait être reçu qu'après deux ans de travail chez un maître, depuis son apprentissage fini.
Ces statuts étaient insuffisants ; aussi, en l'année 1600, furent-ils complétés par un statut nouveau, que la ville promulgua le 4 mars, et qui contenait les dispositions suivantes. Et, tout d'abord, la situation s'était modifiée depuis 1574, car il est bon de dire que, dans l'intervalle, les toiliers s'étaient réunis aux tailleurs en une seule communauté. La réception à la maîtrise fut donc régularisée pour les compagnons de l'une et de l'autre profession, avec le serment prêté dans les règles et l'obligation du chef-d'oeuvre, plus un cautionnement fourni par l'ouvrier pour l'étoffe qu'il aurait pu gâter en faisant son essai. Le droit de confrérie pour le nouveau maître fut établi à raison d'un écu et d'une livre de cire, les fils de maîtres bénéficiant de la moitié, plus 7 sous 6 deniers pour le valet de la confrérie. Le compagnon qui n'aura pas rempli les conditions dont il était convenu avec le maître sera expulsé de la ville, au moins momentanément. Celui qui voudra travailler en chambre ou chez le bourgeois devra prêter serment d'obéissance aux statuts et, en outre, payer les mêmes droits de confrérie que s'il était maître. Tout compagnon venu du dehors ne pourra chercher de la besogne chez les maîtres que sous la conduite du valet de la confrérie, et sans l'intervention des autres compagnons. Il ne lui
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sera loisible de résider en ville plus de deux jours sans chercher de l'occupation. Tout compagnon engagé chez un maître ne pourra le quitter qu'après avoir intégralement rempli ses engagements. Il ne lui sera pas permis de refuser la besogne, sous peine d'expulsion pendant deux mois, et il y aura pour lui interdiction absolue du port d'armes. Il était d'ailleurs recommandé aux principaux de la communauté d'opérer des visites, les jours de marché, à l'étalage des revendeuses, pour se convaincre qu'elles ne menaient pas en vente des objets de toilette neufs, dérobés par les apprentis ou les compagnons. Les maîtres ne pouvaient avoir qu'un apprenti à la fois.
Enfin, deux ans seulement après la promulgation du statut de 1600, une nouvelle charte en vingtdeux articles vint ajouter de nouvelles conditions aux précédentes. Il y fut dit que deux procureurs et deux gardes jurés-visiteurs devaient administrer la communauté, faire visite tous les mois dans les ateliers, et, en cas de contravention ou de malfaçon de l'ouvrage, des dommages-intérêts étaient assignés au profit du client, ainsi qu'une amende de 3 livres au profit de la communauté. Le traitement des visiteurs était fixé à 2 sous par quartier, soit 8 sous pour l'année et par chaque maître. Défense aux ouvriers de travailler pour d'autres que pour les maîtres, sous peine d'amende et d'expulsion. Les maîtres seuls pouvaient aller ou envoyer travailler en maison. L'ouvrier ne pourra refuser de terminer un vêtement commencé par un autre ou par un maître, et ne devra prendre ni accepter en paiement aucune partie de l'étoffe appartenant au client. Il fut dit encore que quinze jours ne devaient pas s'écouler sans que le maître nouvellement reçu ouvrît sa boutique. Rien n'est ajouté quant aux détails du chef-d'oeuvre,
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sinon pour les fils de maîtres, qui ne pouvaient être obligés « à tracer bien et dûment à poil et à fil » plus de trois pièces. Interdiction aux maîtres de tenir plus d'une boutique ouverte à la fois. Leurs veuves, tant qu'elles ne se remariaient pas, pouvaient continuer le commerce. Enfin, l'article XVII traite avec détails de la situation du toilier dans la communauté et de l'étendue de son droit de travailler à la confection des habits.
Il paraît que, quand s'opéra la fusion des tailleurs avec les toiliers, tous les tailleurs n'adhérèrent pas à cette union et qu'il y en eut qui restèrent en dehors. Voici une anecdote qui l'indique suffisamment. Au commencement du XVIIe siècle, un maître tailleur du nom de Favan avait reçu commande d'un habillement couleur rose sèche. Les visiteurs du métier se présentèrent chez lui pour faire leur inspection, et, trouvant quelques défectuosités dans l'habit qu'il faisait, voulurent en opérer la saisie ; ce à quoi s'opposa Favan, qui prétendit que, en agissant ainsi, les visiteurs satisfaisaient leur rancune contre lui, parce qu'il ne faisait pas partie de la communauté. L'affaire fut portée à l'Hôtel de Ville, et, dans la sentence qui fut à cette occasion rendue le 3 juin 1620, il est dit : « aiant esgard que ledit Favan n'est de la communaulté, comme beaucoup d'autres maîtres habituez en cette ville, ordonnons qu'à la diligence du procureur des affaires de ladite ville tous les maistres qui ne sont de la communaulté seront tenus de s'assembler pour desduire les raisons pour lesquelles ils ne sont de la communaulté » (1). J'ignore quelles suites eut cette affaire.
L'article II du statut des tailleurs de robes, dans le lift)
lift) de l'Hôtel de Ville, registre des causes de la juridiction de l'Hôtel pour 1620, FF 15
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vre de Boileau, les autorise à tenir chez eux autant d'apprentis et de valets ou compagnons que bon leur semblera. Plus tard, là, comme à Bourges, celte faculté, en ce qui concerne l'apprenti, se restreignit 1res fort. Le nombre en fut fixé à un pour notre ville dans chaque atelier. Le sentiment qui dicta celte mesure, inspirée par les maîtres, fut la crainte d'une future concurrence. Aussi comprend-on que les statuts de 1574 soient muets à cet égard, et que ce ne soit que dans ceux de 1600 que la clause est inscrite. Elle édifie sur l'esprit de resserrement égoïste qui s'emparait de plus en plus de cet organisme des corporations industrielles.
En 1611, les procureurs de la communauté citent un des maîtres devant le tribunal du maire pour se voir interdire un de ses deux apprentis. L'inculpé s'excuse sur son ignorance de l'article des statuts invoqué par ses adversaires. Messieurs de l'Hôtel, pour concilier les prétentions divergentes, arrêtent qu'il sera cherché un nouveau maître en ville pour l'apprenti pourchassé, lequel, si aucun maître ne peut le recevoir, sera autorisé à continuer son apprentissage chez celui qui l'emploie (1).
Le sentiment de l'équité l'emportait sur la rigueur de la loi ; mais il n'en fut pas toujours de même, et les choses sont renversées dans le cas qui nous est présenté par un acte d'assemblée des maîtres tailleurs du 10 novembre 1624, où la communauté décide d'appeler au bailliage d'une sentence de la mairie rendue contre l'un d'eux, Hubert Leboeuf, coupable d'entretenir deux apprentis à la fois, et qui lui ordonnait d'en renvoyer un (2).
(1) Arch. de l'Hôtel de Ville, arrêt du 2 mars, dans le registre de 1611, FF 6.
(2) Archives du Cher, minutes du notaire F. Sauvignon, I. de 1623-1624.
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Un contrat d'apprentissage, fourni par la même source, fixe sa durée à neuf mois; mais c'est une exception, car, d'après les statuts, la longueur régulière était de deux ans.
Dans nos considérations préliminaires sur le compagnonnage, nous avons déjà eu l'occasion de dire un mot du compagnon tailleur. Il tenait une place à part parmi le monde du compagnonnage, et s'y présente avec une physionomie qui n'est pas toujours à son avantage. On le distinguait dans cette foule turbulente et déréglée d'ouvriers, toujours prêle au désordre et à la licence ; et, comme on peut le comprendre, une partie de cette mauvaise renommée rejaillissait sur l'apprenti. Il a, d'ailleurs, toujours pesé sur la mémoire du tailleur, dans le passé, une suspicion de déloyauté dans ses rapports avec le client, et celte particularité s'y retrouve également dans les relations de compagnon à maître. Aussi il y a lieu d'insister sur la sévérité des règlements du métier contre les compagnons, tant en ce qui concerne la déloyauté que l'esprit de rébellion. Le statut de 1622 est le plus caractéristique à cet égard. L'article VI, consacré aux précautions à prendre dans le sens indiqué, prévoit le cas où le compagnon laisserait son travail inachevé, celui où il gâterait ou volerait l'étoffe, où il refuserait de terminer un habit laissé inachevé par un autre. Ce dernier cas devait être à redouter, car il est sévèrement puni d'un exil de la ville pendant trois mois, sans compter l'amende d'une livre de cire neuve.
Quant au danger que les attroupements de ces turbulents ouvriers présentaient pour la tranquillité publique, il dut se produire chaque fois que des époques de désordres, comme la guerre de Cent ans, la Ligue, venaient bouleverser la société. Mais il se manifeste déjà bien antérieurement, et il n'est pas exagéré de dire que ce danger se présenta
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chez eux de tout temps. A l'avant-dernier article du titre des tailleurs-dans le livre de Boileau, les maîtres du métier, parmi les raisons qu'ils donnent pour être exemptés du guet, font valoir qu'ils ont chez eux « grant planté de meniée étrange », dont ils ne sauraient toujours répondre pendant leur absence, « que ils ne puent pas touz croire ne tous garder » (1).
Il y a un article spécial dans le statut de 1600, reproduit dans celui de 1622, et qui témoigne du souci que la police prenait des compagnons tailleurs au point de vue qui vient d'être signalé : « Il est deffendu, y lit-on, à tous compagnons et apprentils dudict mestier de porter aulcunes armes, soient d'espées, poignards, longs boys ou aultres, de jour ou de nuit. »
L'article suivant, qui complète le précédent, n'est pas moins significatif : « Et pour éviter aux larcins qui se pouroient faire par lesdicts compaignons, serviteurs et aprentils dudict mestier, il est permis ausdicts procureurs de la communaulté et aultres esluz par lesdicts maistres d'aller visiter chacun jour de marché et poirier les hardres que les revendresses portent au marché et exposent en vente pour congnoistre sy elles ont quelques besongnes neufves à revendre, comme passemens, soyes, boulons et aultres choses qui ne leur sont permis de vendre par nos ordonnances et qui sont suspectes de larcin ; et que s'il s'en trouve aulcuns, ils les saisiront et feront apporter en Maison de ville pour par nous en ordonner ainsy que de raison, pourveu que à ladicte visitacion ils soient assistez d'ung des officiers de ladicte ville. »
Toujours prêt à méfaire contre le bien public, l'ouvrier
(1) « Qu'ils ont chez eux un grand nombre d'étrangers, en qui ils ne sauraient avoir confiance et dont ils doivent se garantir. »
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tailleur ne devait pas respecter la tranquille harmonie du métier, soit par sa paresse et son indiscipline envers les maîtres, soit par l'esprit de persécution envers ses pareils, sollicités à mal faire. Peut-être l'organisation du compagnonnage favorisait-elle ces tendances. Aussi la mairie avait-elle fort à faire à répondre aux plaintes des maîtres et veillait-elle à ce qu'ils ne restassent pas oisifs. On peut citer de ses sentences des 7, 10 et 31 août 1613, qui enjoignent aux habitants de ne loger aucun garçon tailleur qu'il ne travaille chez un maître (1).
Les compagnons portaient en tout cet esprit de mutinerie et se donnaient volontiers le plaisir de braver les règlements qui leur imposaient des devoirs résultant de leur confraternité avec les autres membres du corps. On les voit, par exemple, refuser de s'associer, suivant l'usage, aux exercices religieux imposés à la confrérie.
En 1611, le procureur de la communauté avertissait la mairie que, bien qu'il eût pris soin, selon l'habitude, de faire prévenir par les valets de la confrérie les compagnons et apprentis de se trouver, le matin de la fête patronale, à son logis, pour y déjeuner et, ensuite, porter les pains bénits à la chapelle de l'église des Carmes, il n'avait pas été répondu à son appel, et que le service divin ne les avait vus assister ni la veille, ni le jour de la Sainte-Trinité. La ville, se réservant de poursuivre les délinquants, renouvela l'injonction d'avoir à exécuter strictement les statuts, sous peine, contre chaque délinquant, de 20 sous d'amende au profil de la confrérie (2).
(1) Beg. des causes de la jurid. de l'Hôtel pour 1613, FF 8.
(2) Ibid., sentence du 8 juin, dans le reg. de 1611, FF 6.
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Ils souffraient malaisément la concurrence de l'ouvrier venant du dehors et faisaient de chacun d'eux autant de contribuables forcés de leurs débauches. Ce fut pour prévenir et punir de tels désordres que le statut de 1600 avait prescrit que tout compagnon étranger, venant travailler à Bourges, devait s'adresser, non aux autres compagnons, mais au valet de la confrérie, qui le conduirait chez les maîtres. Il ne devait pas rester plus de deux jours inoccupé, et si, après ces deux jours de recherches, il ne trouvait pas à s'accueillir chez un maître, il devait s'établir en chambre, sous peine d'expulsion et d'amende. De même, au cas où un compagnon trouvant du travail le refusait, il devait être expulsé pour deux mois.
L'article que nous venons de signaler mérite d'être remarqué, car la profession de tailleur d'habits se trouve être de celles en petit nombre, s'il y en avait d'autres, où l'ouvrier était autorisé à travailler chez lui comme un maître.
Non seulement c'était à l'arrivée du compagnon en ville que l'embaucheur intervenait pour le faire placer, mais encore chaque fois qu'un maître tailleur avait besoin d'un compagnon pour un travail à exécuter, il employait son ministère, ce qui indiquerait que le nombre des ouvriers en chambre était assez grand pour qu'il y en eût toujours en réserve. Celui qui remplissait cette fonction d'embaucheur s'appelait le clerc du métier ou le syndic des garçons tailleurs.
Il arrivait néanmoins, maintes fois, que le compagnon, dédaignant, et pour cause, l'intervention de l'embaucheur, s'adressait aux bourgeois de la ville, pour être employé, soit qu'il fût nouveau venu, soit qu'il dédaignât le travail chez un maître; et c'est ce que la législation du métier ne permettait pas davantage. Le
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préambule des statuts de 1600 parle d'une sentence de la prévôté du 8 novembre 1580, « entre les maîtres tailleurs d'habits et plusieurs compaignons et serviteurs dudict mestier besongnans en chambre » ; sans entrer d'ailleurs dans plus de détails, peut-être s'agissait-il de quelque cas de ce genre.
Le compagnon, au surplus, d'après le statut de 1600, ne pouvait travailler chez le bourgeois sans avoir été assermenté à la mairie, après avoir fait preuve de capacité, et payé 15 sous et une livre de cire pour droit de confrérie, plus le même droit annuel que les maîtres, ce qui l'assimilait singulièrement à ceux-ci. Les mêmes conditions étaient exigées pour le tailleur travaillant en chambre. Mais les maîtres, ayant vu les effets de celte latitude, firent inscrire, à l'article V des statuts de 1622, l'interdiction à tout compagnon d'aller travailler ailleurs que chez un maître, à moins qu'il ne fût envoyé en ville par le maître lui-même. Quand ils étaient prévenus d'un délit de ce genre, les jurés avaient le droit de se transporter dans la maison où l'ouvrier travaillait, de saisir les habits en train, dont le prix de façon devait profiter à la communauté. Le délinquant, soumis à l'amende, devait, en outre, être expulsé de la ville.
C'est qu'on n'avait eu que trop d'occasions de constater des violations des règlements de police à cet endroit. Dès 1611, les maîtres adressaient à la ville une requête pour qu'elle eût à tenir la main à l'exécution des ordonnances enjoignant aux compagnons nouveaux arrivés de s'embaucher et de ne pas travailler directement pour le bourgeois. La ville, faisant droit à la plainte, par arrêt du 12 janvier, ordonna à ses sergents d'arrêter tous compagnons qu'ils trouveraient travaillant ailleurs que chez les maîtres et de les amener par-devant l'échevin du quartier, ou, en son absence, à un de ses collègues, pour
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être punis comme ils le méritaient (1). L'article V des statuts de 1622 ne fit donc que consacrer des dispositions plus anciennes.
Mais, quoi qu'on fît, on n'obtint jamais satisfaction complète à cet égard. Les écoliers surtout, dont la bourse était souvent légèrement garnie, employaient volontiers le compagnon, qui travaillait à des conditions plus douces que le maître. Les registres de la juridiction municipale sont pleins de décisions rendues contre des ouvriers récalcitrants. On les condamnait à 60 sous d'amende et à l'expulsion. Ils payaient et restaient, ne sortant guère par une des portes de la ville que pour rentrer par une autre.
Voici quelques exemples de ces poursuites. Le 13 mars 1618, la mairie condamne plusieurs compagnons, coupables d'aller travailler en ville. Il leur est enjoint de prendre des lettres de maîtrise et de faire chef-d'oeuvre, sinon de déguerpir. En même temps, les procureurs de la communauté sont itérativement autorisés à aller faire visite dans les maisons de bourgeois soupçonnés d'employer des compagnons et de les y faire assigner (2).
L'année suivante, un compagnon tailleur comparaît devant le même tribunal, parce qu'il a été trouvé travaillant chez un parcheminier. Il s'excuse, en disant qu'il ne demande pas mieux que de travailler pour les maîtres et qu'il l'a fait tant qu'il l'a pu, mais que, ceuxci n'ayant plus d'ouvrage à lui donner, il lui faut vivre en travaillant pour qui veut bien l'employer. La communauté, qui le poursuivait, répond par l'organe de son procureur que les statuts portent en termes exprès que,
(1) Reg. des causes de la jurid. de 'Hôtel pour 1611, FF 6.
(2) Ibid., reg. de 1618, FF 13.
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lorsqu'on ne pourra bailler besogne dans la ville à un compagnon, il en doit sortir. Or, les maîtres sont pour la plupart sans travail, et ont toutes les peines du monde à se tirer d'affaire ; on ne saurait en conséquence leur interdire le droit de refuser les ouvriers qui se présentent ou de renvoyer ceux qu'ils ont. La ville, par un sentiment d'équité louable, décida que l'inculpé irait trouver l'embaucheur pour qu'il l'aidât à chercher une place, et que, s'il ne parvenait pas à en trouver, il lui serait loisible de travailler en maisons. La communauté appela de cette décision (1).
Le fait que nous venons de signaler, joint au grand nombre des ouvriers tailleurs, aiderait à expliquer comment on les voit si souvent oisifs. Ce qui devait les porter à la débauche. Il ne faudrait pas croire, d'ailleurs, que les torts fussent toujours du côté du compagnon ; le patron n'était parfois que trop porté à abuser de l'autorité que la loi lui accordait sur lui. Nous pourrions citer, à l'appui, une sentence du 27 mai 1623, par laquelle la ville condamne à 40 sous d'amende, à vingt-quatre heures de prison, enfin à l'expulsion de la ville pendant trois mois, un compagnon, parce qu'il avait refusé de faire un habit sur la commande d'un maître. Les détails de cette affaire témoignent de la dureté déployée parfois contre les ouvriers. Lorsque ledit maître voulut avoir à sa disposition le compagnon, il l'envoya chercher par l'embaucheur. L'ouvrier auquel il présenta l'étoffe déclara qu'elle était insuffisante pour ce qu'on en voulait faire. Le tailleur, irrité, l'aurait alors maltraité et enfermé dans une chambre en attendant qu'il eût fait venir les jurés du métier pour décider de la difficulté (2).
(1) Reg. des causes de la jurid. de l'Hôtel, sentence du 19 novembre, dans le reg. de 1619, FF 14.
(2) Ibid., reg. de 1623, FF 17.
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Cette querelle entre maîtres et compagnons alla très loin ; il nous est parvenu le souvenir de quelques épisodes de cette lutte, quand elle prit un caractère plus général. En 1623, les maîtres tailleurs adressaient une plainte à la ville, dans laquelle ils exposent quelles difficultés ils éprouvent à se faire servir par leurs garçons, attendu que ceux-ci ne cessent de fréquenter en masse les cabarets, notamment celui de la Gallée, tenu par le pâtissier Pajot, où l'embaucheur est forcé d'aller les chercher, et, le plus souvent, s'entendant avec eux, feint de n'avoir pu les trouver ; qu'il en résulte que, surtout aux environs des fêtes, les ouvriers manquent; que, lorsque l'embaucheur est parvenu à les amener, ils cherchent mille prétextes pour refuser l'ouvrage, ou bien demandent qu'on leur délivre plus d'étoffe qu'il n'est nécessaire, pour aller en engager le surplus dans quelque cabaret. Celte plainte est, on le voit, la contrepartie de la défense invoquée par l'ouvrier dont nous venons de conter l'aventure. Elle motiva une ordonnance municipale du 27 mai 1623, défendant aux hôteliers et cabaretiers de recevoir chez eux les garçons tailleurs, de prendre d'eux aucune étoffe en paiement, et enjoignant aux garçons d'aller travailler chez les maîtres quand ils en seraient requis, de prendre l'étoffe qu'on leur donnerait, sous peine d'amende, prison, puis expulsion. Elle leur interdisait, en outre, de s'assembler plus de trois à la fois pour aller faire la bienvenue aux nouveaux arrivants (1).
Cette année 1623 est remarquable par les continuelles discussions qui éclataient entre maîtres et compagnons du métier. La révolte était dans l'air. Une coalition s'était formée parmi les ouvriers ; c'était une sorte de
(1) Reg. des causes de la jurid. de l'Hôtel pour 1623, FF 17.
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grève qui s'organisait. Les choses en vinrent au point qu'une partie des compagnons désertèrent la ville, et que, la fête patronale de la Trinité approchant, ceux qui restaient refusèrent de porter, comme c'était la coutume, le pain bénit à l'église des Carmes, prétendant que c'était l'affaire des apprentis. Il fallut qu'une sentence de la mairie du 10 juin les y contraignît.
Nous compléterons le délai! de cette affaire en parlant du retour des mêmes faits en 1630. Dans l'intervalle, les mêmes agissements s'étant renouvelés donnèrent lieu à une nouvelle sentence, du 27 juin 1626, défendant aux compagnons tailleurs de faire payer aucune bienvenue aux nouveaux arrivants, et aux cabaretiers d'encourager de pareils désordres en s'y prêtant par leur complaisance à fournir aux débauches des coupables (1).
Les condamnations n'y faisaient rien ; plus on allait, et plus le désordre s'accentuait ; les compagnons, guidés par des meneurs, ne désarmaient pas. Par le fait, la situation de 1623 n'avait cessé de se perpétuer, lorsque, sept ans plus tard, on voit les mêmes scènes, sous les mêmes instigations, se reproduire avec plus d'intensité. Les maîtres furent en corps se plaindre au prince de Condé, gouverneur de Berry, qui résidait à Bourges, et qui les renvoya au maire, qui était compétent pour connaître de l'affaire.
Les récriminations des plaignants étaient encore les mêmes. Ils reprochaient à Jeurs ouvriers la fréquentation des cabarets. La Petite Madelaine du faubourg Saint-Privé avait remplacé la Galée de la rue de la Poissonnerie; c'était là toute la, différence. Ils les accusaient de coalition contre eux, sous la direction d'un nommé Baudichon, qui avait été l'instigateur du désor(1)
désor(1) des causes de la jurid. de l'Hôtel pour 1630, FF 18.
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dre de 1623. C'était lui qui, nommé syndic des compagnons, c'est-à-dire embaucheur, avait persuadé à une trentaine d'entre eux de se retirer a Mehun, en emportant les fournitures confiées par les maîtres, sans doute en imitation de la sortie d'Egypte. L'autorité de ce meneur était si grande qu'il se faisait rendre compte par les autres compagnons de leur conduite, et, si celle-ci lui déplaisait, il n'hésitait pas à les faire sortir de la ville. Voici, à cet effet, comment il procédait. Chaque fois qu'un compagnon étranger entrait en ville, il était tenu, bon gré mal gré, de payer la bienvenue, dût-il vendre pour cela ses hardes. Si le clerc du métier cherchait à ramener les débauchés au travail en allant les chercher au cabaret ou au jeu de boules, il était battu. Puis c'étaient les conduites à faire à tous ceux qui partaient de la ville, à tous ceux qui passaient allant de Paris à Lyon. Cela rentrait dans les habitudes du compagnonnage, comme nous l'avons déjà fait observer. C'est ainsi qu'ils avaient mis en loi parmi eux ce principe, que si un compagnon, après avoir commencé un habit, l'abandonnait, aucun autre ne devait le continuer. C'était là une arme terrible contre les maîtres, et nous avons la preuve qu'ils s'en servaient à l'occasion.
La fin de la requête des maîtres tailleurs expose tout au long les dangers d'une pareille coalition : « Nous vous pouvons aussy assurer, Messieurs, disent-ils au maire et aux échevins, que la pluspart desdits garçons le détestent et ont regret d'y estre contraincts, recognoissant bien que c'est leur ruyne totalle; car ils vont par les villes pour veoir et apprendre leur mestier affin de se retirer en quelqu'une d'icelles ; et par le moyen des mauvais garniments qui se trouvent parmy eulx qui les pillent et desbaulchent, ils demeurent quelquefoys si
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nécessiteux que, au lieu de poursuyvre leur mestier ils sont contraincts de mandier ou quelquefoys faire pis. »
On voit si les mesures prises contre une pareille indiscipline l'étaient sans sujet. Pour parer aux inconvénients qui en résultaient, les maîtres demandaient qu'il fût interdit à aucun d'entre eux de recevoir chez lui un compagnon ayant subi une condamnation.
Nous savons ce qui s'était passé en 1623. Les compagnons reconnus coupables avaient été condamnés chacun à 10 sous parisis d'amende, et il leur avait été enjoint de retourner chez leurs maîtres, sous peine d'emprisonnement suivi d'expulsion de la ville. Ils s'étaient ri de celte décision comme des précédentes et avaient recommencé à se jouer des maîtres. et à vexer ceux qui refusaient de les suivre. C'est que l'autorité municipale inspirait peu de respect à ces vauriens, avec sa police insuffisante et ses faibles moyens de coercition. Cette fois, la mairie, pour répondre à la réclamation qui lui était faite, envoya quelques dizainiers avec un certain nombre de maîtres à la recherche de ceux qui lui étaient signalés comme les meneurs. Ils les rencontrèrent dans le faubourg de Saint-Sulpice et voulurent mettre la main sur eux, mais ils furent maltraités, et les principaux coupables, entre autres Baudichon et La Poudre, instigateurs du désordre, parvinrent à s'enfuir. Cela ne fit qu'accroître l'animosité entre les parties. Les maîtres se virent, à chaque instant, attaqués en pleine rue par les garçons en révolte, sous la direction dudit Baudichon, qui était rentré.
La ville édicta, à cette occasion, un nouveau règlement qui résumait toutes les dispositions antérieurement prises contre les compagnons tailleurs. Nous
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croyons, pour cette raison, devoir le reproduire intégralement :
« Règlement pour les compagnons tailleurs du 9 mars 1630 (1).
« Premièrement, suyvant et conformément aux sentences cy-devant rendues, est inhibé et deffendu aux garsons tailleurs d'habits de s'assembler ny de débaucher les uns les autres, soict pour bienvenue ou conduicle ;
« D'exiger beuvettes ny bienvenues des garsons qui arrivent en cette ville pour travailler, ny les empescher de travailler chez les maistres, de fréquenter les tavernes ny cabarets, soict ausdictes bienvenues, conduictes ou autrement, et de faire aucuns monopolles pour empescher lesdits garsons d'aller travailler chez les maistres.
« Il leur est inhibé de quitter le service qu'ils auront commencé en la maisons des maistres sans le consentement desdicts maistres, ou qu'ils n'ayent achevé le temps et la besongne qu'ils auront entrepris. « Il leur est enjoinct de servir fidellement, porter honneur et respect aux maistres et de faire la besongne et employer les estoffes qu'ils leur bailleront sans en demander plus qu'il n'en fault pour faire ladicte besongne, le tout à peyne d'estre expulsez de la ville, et de l'amande.
« Il est deffendu à tous les maistres, suivant l'article VIII de leurs statuts, de recevoir aucun garson qui travaille chez l'ung desdicts maistres qu'au préalable il ne se soit enquis dudict maistre s'il est content et satisfait dudict garson.
« Il est permis ausdicts maistres de se saisir des garsons qui feront quelque monopolle ou insolence pour
(1) Reg. des causes de la jurid. de l'Hôtel pour 1630, FF 18.
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en faire incontinent la plainte à messieurs les maire et eschevins ou l'ung d'eux.
« Il est inhibé et deffendu à tous cabaresfiers, et particulièrement à l'hoste de la Petite Magdelaine et du Phénix (1), de recevoir en leurs logis aulcuns desdicts garsons tailleurs, soit en compagnie ou en particulier.
« Tous les maistres, tant ceux de la communeaulté qu'autres, seront tenuz et obligez d'entretenir les statuts dudict mestier en tous leurs points, selon leur forme et teneur, et de ne prendre aulcun garson que des mains de l'embaucheur, auquel il est enjoinct de rechercher des garsons aux maîtres qui l'en requéreront sans fraude ny préférence. »
Ce que je viens de conter est un épisode de l'histoire du compagnonnage.
Mais le compagnon finissait aussi, parfois, par devenir maître à son tour ; alors, nécessairement, il changeait de camp. D'après les statuts de 1574, il suffisait au compagnon, même étranger, de deux années de compagnonnage, suivies d'une expertise, qui le fit reconconnaître capable par trois maîtres, pour qu'il fût reçu à la maîtrise. Il payait alors 30 sous tournois de droit de réception. De plus, il devait par an 7 sous 6 deniers pour les frais de la confrérie, sans compter une cotisation de chiffre indéterminé, perçue chaque lundi. Les compagnons devaient 3 deniers tournois. Le statut complémentaire de 1600 exige qu'à la réception du maître assistent les deux procureurs de la communauté avec deux maîtres choisis ad hoc. De plus, il faut que le maître nouvellement reçu fournisse une caution pour les malfaçons prévues dans son travail : les tailleurs, de 10 écus ; les toiliers, seulement de 3 écus 1/3, ou
(1) Auberge de la rue Bourbonnoux.
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10 livres; de plus, ils doivent, lors de la réception, un écu et une livre de cire pour droit de confrérie, et enfin 7 sous 6 deniers tournois pour le valet. Les fils de maîtres aussi bien que les maîtres eux-mêmes, mais, pour droit de réception, ceux-ci ne verseront que demiécu et demi-livre. L'obligation s'étend aux compagnons travaillant en chambre, pour ce qui est du droit de confrérie.
Le statut de 1622 exige, de la part du compagnon étranger, avant qu'il arrive à la maîtrise, un service préalable de deux ans dans un atelier de la ville, après qu'il aura justifié, bien entendu, d'un apprentissage dans les règles. Enfin, le chef-d'oeuvre était exigé de lui. Admis, il payait 20 sous à chaque juré qui en avait surveillé la confection, plus 4 livres de cire neuve de droit de confrérie, et fournissait une caution de 50 livres ; enfin, 16 sous au valet. Si, dans la quinzaine, il n'avait pas ouvert boutique, il était passible de 6 livres de cire neuve.
Les fils ou gendres de maîtres n'étaient tenus qu'à un droit de réception de 3 livres 15 sous, plus à 8 sous seulement pour le valet.
Quand l'aspirant devait procéder à la confection de son chef-d'oeuvre, il se trouvait en présence d'un programme quelquefois assez compliqué, et cela dépendait du caprice des jurés chargés de le fixer. Nous n'avons de renseignement précis sur ce sujet qu'au XVIIe siècle ; voici quelques détails sur cette époque, que nous pouvons reproduire d'après les documents du temps.
« Aujourdhuy, lit-on dans un titre de l'année 1615, est comparu en personne Gilbert Bergier, compagnon tailleur d'habits en ceste ville, assisté de Dabert, son procureur, lequel nous a remonstré que, pour parvenir à la maistrise dudit mestier, il avait cejourdhuy, en la
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présence de Sylvain Bremault et Mathias Depardieu, maistres jurez dudit mestier, faict et trassé une robbe de pallais et une soutane commune pour chef-d'oeuvre, requérant que lesdits maistres jurez ayent à faire déclaration s'ils trouvent ledit chef-d'oeuvre bien et deuement faict, et s'ils ont quelque chose à dire contre luy pour empescher qu'il soit receu maistre » (1).
Mais le détail de ce chef-d'oeuvre n'est rien comparé à celui du suivant, qui n'en est éloigné que de peu d'années, et sans que rien nous permette d'apprécier les motifs d'une si grande différence.
« Mémoire des pièces que Me Gilbert Massedorier et Me Nicolas Gaignepain, jurés des maîtres tailleurs d'habits de cette ville de Bourges, ont demandé pour chefd'oeuvre à Antoine Chéry.
« Premièrement, une robe de couleur de cinq quartiers de longueur par le devant. Ladite robe sera de deux étains, deux aunes de large. Ledit Chéry a demandé cinq aunes de ladite serge (2).
« Plus, une robe de chambre de ladite longueur et étoffe, pour laquelle il a demandé quatre aunes.
« Plus, une hongreline (3) de trois quartiers de longueur sur le devant. Pour ladite hongreline, a demandé deux aunes.
« Plus, emploiera trois aunes de ladite serge à faire un habit, savoir : pourpoint, chausse et bas de chausse.
« Plus, une soutane d'une aune, demi-tiers de longueur, de la susdite serge. Pour ladite soutane, a demandé trois aunes et un quart.
(1) Registre des causes de la juridiction de l'Hôtel de Ville, sentence du 13 mai 1615, FF 10.
(2) Il s'agit là d'une robe de palais pour un conseiller de cour, à grande manche et à collet droit.
(3) Espèce de houppelande.
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« Plus, tracera un manteau de trois quartiers et demi de longueur sur le devant. A aussi demandé trois aunes de ladite étoffe.
« Ledit chef-d'oeuvre lui a été dessiné par lesdits Massedorier et Gaignepain le XVIIe février mil six cens vingt. Signé : Nicolas Gaignepain et G. Massedorier » (1).
Il semble, du reste, que le chef-d'oeuvre se compliquât de plus en plus avec les années ; témoin cet autre, qui sera le dernier que nous citerons : une robe de conseiller à grande manche ; une soutane à la romaine ; une jupe à la polonaise ; une robe de chambre ; une hongreline ; une jupe volant ; une robe de procureur à col droit, et un capot d'élu (2).
Les différents statuts des tailleurs ne sont pas très précis sur le fait de savoir si les fils de maîtres pourront être reçus sans chef-d'oeuvre.
En 1612, Gédéon Nellin, fils d'un maître du métier, se présentait comme aspirant, entendant bien n'avoir à subir aucune épreuve, mais le procureur de la communauté se porta opposant en s'appuyant sur le statut de 1600, qui imposait, disait-il, le chefd'oeuvre aux fils de maîtres. Nellin fils contesta la véracité de cette allégation, et ajouta qu'on avait toujours reçu ses pareils sans formalité aucune, et qu'il désirait qu'il en fût de même pour lui. Une assemblée de maîtres fut provoquée pour éclaircir le fait. Tous les comparants furent de l'avis du procureur de la communauté, sauf un, qui déclara avoir vu les statuts qui dispensaient les fils de maîtres du chef-d'oeuvre. Ce témoignage suffit
(1) Registre des causes de l'Hôtel de Ville pour 1620, FF 15. (2) Acte de réception du compagnon de la Sarade, dans le registre de 1622, FF 16.
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pour faire gagner la cause à l'aspirant ; seulement, je me demande où étaient alors ces statuts pour qu'on n'y recourût pas fout de suite. En tout cas, ce que je puis dire, c'est que le statut de 1600, dans les termes où nous le possédons, ne fait aucune mention de la condition du chef-d'oeuvre pour les fils de maîtres.
La participation du toilier à la communauté des tailleurs lui donnait la faculté de se faire recevoir maître tailleur, à cette condition du chef-d'oeuvre, qui est ainsi réglé par l'article XII du statut de 1622 : un costume composé de pourpoint, chausses, bas de chausses et manteau, et du prix de 25 livres seulement, « pourveu qu'ils prennent leurs étoiles en leurs logis et boutiques, sauf et excepté le passement, soye et bouttons, qu'ils pourront prendre où ils pourront et debvront ».
Pour être reçu simple marchand toilier, il suffisait que l'aspirant fît attester à la mairie de sa capacité par les procureurs et jurés de la communauté.
Les obligations fraternelles des maîtres de ladite communauté les uns envers les autres ne différaient pas de ce qu'elles étaient ailleurs. Si « par fortune de maladie, vol, feu, larcin ou autre accident, disent les statuts, aucun maistre venoit à mandicité ou grand nécessité, les autres maistres doivent lui venir en aide, chacun suivant ses moyens » ; et, s'il mourait sans rien laisser, chacun devait contribuer jusqu'à concurrence de 12 deniers tournois aux frais de son enterrement.
Ce que nous avons dit en parlant du compagnon tailleur, quant à l'état de suspicion dans lequel il était tenu, donne un peu le ton de l'estime dont jouissaient en général les gens du métier, au point de vue commercial. Cette mauvaise réputation date de loin. Beroalde de Verville écrivait, il y a trois cents ans, dans son Moyen de parvenir : « S'il y avait en un sac un sergent,
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un meunier et un couturier, qui sortirait le premier? — Voire, voire, ce seroit un larron. » Ne nous étonnons donc pas que notre vieille coutume arme le client contre les méfaits possibles de l'ouvrier tailleur. « La coustume est telle que, quant aulcun baille sa besoigne chez aulcun ouvrier, comme sa robe chez le tondeur à tondre ou chez le cousturier à faire, et aussi des aultres choses, se il advient que l'ouvrier l'engaige et s'enfuye, celluy à qui sera la besoigne l'aura à son parfait par son serment en payant l'ouvrage loyalment » (1).
D'après le statut de 1443, tous les deux ans, trois ou quatre d'entre les maîtres chaussetiers, désignés par la ville en assemblée générale, durent aller en visite au domicile des couturiers et chaussetiers, pour voir si les tailleurs ne faisaient pas de chausses. De là, ils se rendaient chez les revendeurs de friperie, pour veiller à ce qu'ils ne missent pas en vente de drap neuf et ne fissent pas oeuvre de couture au préjudice des tailleurs et drapiers. En cas de contravention, les objets suspects étaient saisis, et les contrevenants cités devant la Chambre des marchands, condamnés par le maire aux amendes voulues.
Mais ce qui est moins dans nos habitudes actuelles, c'est que la justice intervenait en faveur du client, non pas seulement quand il était victime d'une fraude ou d'un vol dans la marchandise, mais même quand il se plaignait seulement de la malfaçon de la besogne. Cela tenait surtout à un usage du temps. Il est bien vrai que, dans la clientèle riche, l'habitude fut que le tailleur fournit, non seulement l'étoffe de l'habit, mais encore toutes les autres pièces du costume, jusqu'aux chapeaux
(1) LA THAIMASSIÈRE, Coût, toc, 2e part., p. 268.
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et aux chaussures. Mais, dans la bourgeoisie, qui souvent faisait fabriquer son drap de la laine de ses domaines, on fournissait l'étoffe au tailleur ; de là cette conséquence que, si l'habillement déplaisait, on n'en était pas quitte pour le laisser au tailleur pour compte. Il devait un dédommagement pour tout vêtement mestaillé.
D'après l'ancien règlement parisien du XVIIIe siècle, la maladresse du tailleur l'exposait, non seulement à dédommager le propriétaire de l'étoffe, mais encore à payer au roi une amende de 5 sous parisis, dont 2 deniers revenaient aux procureurs de la confrérie (1). Quant à l'ouvrier auteur du mal, il dédommageait le maître et la confrérie en amendes et en journées de travail gratuit (art. VI). Les mêmes procédés, bien qu'adoucis, se retrouvent chez nous au XVIIe siècle, la seule époque dont il nous soit resté des renseignements sur ce point. Voici quelques faits qu'il suffira de citer sans commentaire pour faire apprécier ce qui se passait en pareil cas.
En 1611, l'apothicaire Georges Decosse se plaignait à la police que l'habit que lui avait livré son tailleur était mal fait. Le tailleur réclama l'expertise, offrant de refaire l'habit si la décision de l'expert lui était défavorable, et le tribunal de l'Hôtel de Ville ordonna que l'habit lût représenté, pour être, séance tenante, examiné par les visiteurs du métier (2).
Quelques mois plus tôt, nous trouvons à la même source le compte rendu des deux jurés tailleurs appelés à examiner un manteau fait par un compagnon chez le bourgeois Alabat (3). « Nous ont dit que le manteau est
(1) Livre dès métiers de Boileau, art. 5 du tit. LVI.
(2) Reg. des causes de l'Hôtel de Ville, sentence du 2 avril 1611, FF 6. (3 Ibid., sentence du 22 février 1611.
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borlon (1) et que les petits chanteaux (2) sont en travers drap, et que, par conséquent, le manteau est gasté, et le fauldroit arondir, et pour cest effet en osier plus de quatre grands doigts, et qu'à cause de ce il y a domage d'ung quartier de drap duquel il est faict. »
L'année suivante, les procureurs de la communauté, faisant leur visite, trouvèrent chez leur confrère Cathelot un pourpoint et un manteau qu'il avait fait faire pour un gentilhomme écossais. Ces vêtements ayant été trouvés mal faits, et Cathelot ayant déclaré que c'était du fait de son compagnon, qui avait été tailler l'étoffe chez le marchand, ils furent tous deux cités à comparaître au tribunal de la ville, à l'audience du 24 septembre 1612. Audit jour, ils se présentèrent ainsi que le propriétaire des habits, qui s'en était revêtu. Séance tenante, les visiteurs, ayant examiné les objets, déclarèrent le pourpoint mal découpé, avec des pièces prises en travers du satin, et, de plus, mal cousu. Quant au manteau, il était mal doublé. Le tailleur fut condamné en conséquence ; injonction lui fut faite d'aller désormais lui-même tailler chez les marchands, et au compagnon de ne pas travailler ailleurs que dans une boutique de tailleur (3).
On peut voir encore, dans le même registre, à l'audience du 20 octobre suivant, la condamnation d'un autre tailleur pour deux pourpoints taillés par lui dans
(1) Barlong (ital., bislongo) signifiait proprement un carré long de forme défectueuse.
(2) « On appelle chanteau une pièce ronde d'un côté et en droite ligne de l'autre, qu'on applique à un manteau ou à une autre chose qu'on veut faire ronde. Quand les étoffes ne sont pas assez larges, on peut faire un manteau sans y ajouter des chanteaux. » (Dictionnaire île Trévoux, au mot CHANTEAU.)
(3) Reg. des causes de l'Hôtel de Ville pour 1612, FF 7.
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huit aunes de camelot, lesquels n'étaient pas cousus à droit poil, et pour chacun desquels il avait employé une aune d'étoffe de trop, chacun d'eux n'en devant prendre que trois.
En 1615, c'est le chirurgien Denin qui va se plaindre à la mairie que son tailleur lui a massacré deux pourpoints. Le visiteur-juré fait son rapport et déclare « que le collet de l'ung des deux pourpoingts, qui est de serge, est plus hault d'ung costé que d'autre d'environ d'espesseur de deux testons, les manches desdicts deux pourpoingts sont trop longues d'environ ung doigt chacune, et qu'aux costez l'ung desdicts pourpoingts se depèce, et est le gallon d'iceulx pourpoingts mal coupé en plusieurs endroicts, et y en fault mettre et coudre d'autre; et est la doubleure qui se met sur la chemise trop large, et se fronce audessus du collet en plusieurs endroicts, et fault refaire tout ce que dessus. » Ce qui est ordonné audit tailleur par une sentence du 10 juin de la même année (1).
Les statuts de 1622 fixent à deux le nombre des procureurs de la communauté, et au même nombre, les gardes-jurés et visiteurs du métier (art. I). Les visiteurs durent faire leurs descentes chez les maîtres, tous les mois, assistés d'un sergent, saisir les ouvrages défectueux et les apporter à la mairie, où ils seraient appréciés. En cas de défectuosité, le propriétaire de l'habit devait être indemnisé par l'ouvrier, condamné, en outre, à verser 3 livres à la caisse commune (art. II et III). Nous avons vu sous quelle forme ces prescriptions étaient exécutées au moment où le statut eh question allait être dressé.
(1) Reg. des causes de l'Hôtel de Ville pour 1615, FF 10.
82 HISTOIRE DES CORPORATIONS ET CONFRÉRIES
Ajoutons enfin que, d'après l'article IV, le traitement des jurés devait être servi à l'aide d'un versement, par chaque maître, de deux sols à chacun des quatre quartiers de l'année.
COUTURIERES, MODISTES, LINGERES
Il y eut de tout temps des tailleurs pour dames, et, même, les plus anciens détails qui nous soient parvenus sur le métier nous montrent le couturier habillant à la fois les deux sexes, sans qu'il soit question de la couturière, jouant le rôle qu'elle remplit de nos jours. On. sait que, depuis peu, nous en sommes, pour un certain monde, revenus à cette mode. Mais, en revanche, sinon dès lors, il y eut certainement plus tard des femmes travaillant de l'état de tailleur en maisons; c'est ce qu'on appelait les culottières, car elles avaient pour spécialité de « mettre les enfants en culottes », suivant l'expression consacrée. Il semble que ce rôle ait été jadis le partage des fripières. Toutefois, au XVIIe siècle, les tailleurs féminins, qui, je crois, étaient souvent des femmes ou des filles de tailleurs, faisaient partie de leur communauté, et, comme membres, payaient les droits de confrérie et celui d'apprentissage, qui était de deux livres de cire neuve. (Statuts de 1622, art. XX.)
A mesure que le progrès des temps amena la multiplicité toujours croissante des besoins, et, notamment, les complications de la toilette (j'entends surtout de la toilette féminine), il se forma, pour y répondre, des ouvrières plus naturellement préparées à s'entendre avec leur délicate clientèle.
Aux diverses catégories de professions qui confinent à l'art du tailleur, il convient donc de rattacher celles des femmes travaillant de l'aiguille, modistes, couturières,
D'ARTS ET MÉTIERS DE BOURGES 63.
lingères, et même brodeuses, bien que la maîtrise, dans ce dernier état, n'ait jamais été l'apanage que de l'homme, tandis qu'il n'en était pas ainsi parmi les autres (1).
Quoi que la chose ait d'étrange au premier abord, la spécialité de l'habillement pour femmes fut autrefois, comme je l'ai dit, réservée à l'ouvrier masculin, sans que l'ouvrière y mit la main autrement qu'à titre d'aide Suivant un usage renouvelé de nos jours, il y avait dans le métier des spécialistes pour dames et d'autres pour hommes. La chose, il faut le dire, était moins choquante, alors que les costumes ne distinguaient pas les sexes autant que de nos jours, chausses et robes étant communes à l'un et à l'autre.
La fabrication même du corps ou corsage était réservée à l'homme. Le corset n'entrait pas encore dans les attributions des modistes du dernier siècle, au moins dans nos provinces, et, à la veille de la Révolution, nous voyons des marchands s'intituler maîtres tailleurs de corps pour femmes (2).
On pourrait rattachera cette profession de tailleur pour
(1 ) Je parle, bien entendu, de ce que je connais pour la ville de Bourges n'ignorant pas que, dans le vieux Paris, la broderie était presque un privilège de femme, ainsi qu'on peut le voir dans les ordonnances relatives aux métiers de la capitale, que Depping a rassemblées comme complément du Livre des métiers de Boileau, tit. XVI.
(2) Archives départementales du Cher, fonds de la police, B 2575. — Il faut dire que le corps des XVIe et XVIIe siècles n'était pas tout à fait le corset du XVIIIe, en ce sens que celui-ci, comme aujourd'hui, fut un vêtement de dessous, tandis que le corps était apparent et tenait à la robe, dont il constituait l'étage supérieur, le corsage, comme nous disons maintenant, ce qui date de l'époque où, abandonnant l'ancienne « cotte hardie », on sépara le haut du bas de la robe, comme on le lit des chausses. Lors de cette séparation, le haut, l'ancien corps, devint le corset actuel, et le bas fut la jupe, ou le jupon quand une autre jupe la recouvrit. Le corps resta le privilège de certains tailleurs, mais ce fut les lingères-modistes qui inventèrent le vrai corset, allégé en partie de l'armature qui faisait du corps une cuirasse.
64 HISTOIRE DES CORPORATIONS ET CONFRÉRIES
femmes l'ancien gipponier, bien que le métier du juponneur se rapprochât davantage de celui du mercier. On lit dans les comptes de la trésorerie du duc Jean, pour l'année 1361, l'article suivant : « A Symonnet le jupponeur pour veluaul (velours) vermeil et las de coye (rubans de soie) achaté de luy pour garnir une espée que Monseignenr veult envoier à l'Empereur le XXVe. jour de jung [M]CCCLXI XXV s. t. »
On peut ranger près des précédents, au XVIe siècle, les faiseurs ou marchands de vertugades. Dans un rôle du temps je vois inscrit, parmi les habitants de la place Gordaine, Gilbert Roussier, vertugallier (1). La mode des vertugadins (au XVIIIe siècle, on aurait dit des paniers) ayant cessé vers 1630, le vertugadier disparut nécessairement avec elle, et il ne resta plus de cette spécialité que les ouvriers chargés d'habiller les vieilles personnes qui n'entendaient pas se plier aux modes nouvelles, trop étriquées à leur gré.
Tous ces petits métiers de fantaisie nous ont fait oublier nos tailleurs pour dames, qui faisaient naturellement partie de la communauté générale, mais leur spécialité les niellait parfois en querelle avec les tailleurs pour hommes, à cause de leurs intérêts communs. Les élections des dignitaires étaient notamment des sujets de disputes. C'est ainsi que, en l'an 1700, les tailleurs pour femmes se plaignaient qu'une cabale de leurs confrères avait fait choisir un de ceux-ci pour juré-visiteur, quand il eût dû être choisi parmi eux, et déclarèrent n'accepter celte nomination qu'à la condition qu'ils auraient leur tour l'année suivante (2).
(1) Rôle de la taxe imposée en 1503 sur la ville de Bourges pour l'entretien de la garde du gouverneur du Berry. Archives de l'Hôtel de Ville, CC 98.
(2) Archives départementales du Cher, minutes du notaire S. Jardin, 1. de 1700.
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Le tailleur pour femmes exerçait encore au milieu du même siècle; en 1748, on voit la communauté des tailleurs acheter une lettre de maîtrise de ce genre nouvellement créée, et l'attribuer, lors de sa réception, à un aspirant admis à faire partie de la corporation sous ce titre spécial.
Cependant, nous avons déjà dit que la femme n'était pas exclue de toute participation à la confection du costume, même pour hommes ; mais, à part la culottière, qui habillait les enfants, et la fripière, dont les statuts limitaient l'industrie à la restauration des chausses avariées, il reste à savoir quelle besogne était réservée à l'ouvrière en toilette. Leur rôle fut longtemps, semblet-il, fort restreint, mais ce qui ne pouvait manquer d'arriver se produisit, et, les changements de mode aidant, l'ouvrière accapara peu à peu la spécialité d'habiller les personnes de son sexe. Près du couturier il y eut la couturière.
La première mention qui en soit faite dans un document officiel se trouve renfermée dans l'article XX du statut de 1622, qui lui est consacré. En voici la teneur : « Pour le regard des femmes qui se meslent de travailler par les maisons bourgeoises de cette ville et en leurs maisons, et qui font des apprentisses, seront tenuz de payer les mesmes droicts de confrairie que les mes thailleurs d'habits. Ensemble seront tenuz à payer à ladicte confrairie pour leur apprentissage deux livres de cire neufve. » Nous avions déjà mentionné ce fait. Ces ouvrières paraissent, par cette disposition, rapprochées des maîtres tailleurs dans une mesure que nous avons cru pouvoir considérer comme une véritable association.
Il ne semble pas, au surplus, qu'il en eût été ainsi auparavant, car on voit, en 1623, les tailleurs, s'autorisant de cette clause, dont l'insertion dans les statuts était due
66 HISTOIRE DES CORPORATIONS ET CONFRÉRIES
à leur initiative, poursuivre les couturières afin de les contraindre à payer lesdits droits de confrérie, ce dont celles-ci se défendent, opposant qu'elles n'ont pas été appelées avec les maîtres à discuter les articles de leur statut. Le maire, devant lequel la cause fut portée, commit quatre couturiers pour examiner les statuts et faire rapport en conséquence (1).
A Paris, la situation était la même. L'organisation des couturières en métier juré ne remonte qu'à l'année 1675; auparavant, elles devaient dépendre de la communauté des tailleurs. Par le règlement établi pour elles à cette date, les costumes qui leur furent réservés, comme étant de leur compétence spéciale, étaient les robes de chambre,jupes, justes-au-corps, manteaux, hongrelines, camisoles, corps de jupes pour femmes et petits enfants, et de toute étoffe. Les corps et bas de robes restaient du domaine des tailleurs ad hoc (2).
Quant à ce qui concerne nos couturières de Bourges, j'ignore quel fut, pour le moment, le résultat de leur opposition aux prétentions des maîtres tailleurs, si désireux de se les associer : il semble toutefois qu'il n'ait pas été complètement favorable aux prétentions de ces derniers, puisque, au commencement du siècle suivant, ils plaidaient encore à ce sujet avec leurs indépendantes rivales.
Comme tout prend fin en ce inonde, la querelle se termina en 1750 par une transaction, aux termes de laquelle les couturières consentirent à faire désormais partie de la communauté des tailleurs d'habits, à la charge de verser chacune, par année et pour tous droits, 15 sous 6 deniers, le jour de la Trinité, et sous l'expresse condition qu'elles ne subiraient aucune visite de tailleurs, soit pour
(1) Sentence du 24 mai 1623, dans le reg. des causes de l'Hôtel, FF 17.
(2) SAVABY DES BRULONS, Dict. du commerce, au mot COUTURIERE.
D'ARTS ET MÉTIERS DE BOURGES 67
les ouvrages faits chez elles, soit pour ceux exécutés chez le client (1).
A peine ce procès venait de se clore que, cette même année, la communauté tailleuse dut contracter un emprunt de 300 livres, pour rembourser une avance faite par les nouvelles associées, qui avaient racheté de leurs deniers six lettres d'offices d'inspecteurs et de contrôleur dudit métier de couturière, créées nouvellement. On voit que l'annexion, si vivement souhaitée, n'apportait pas que des bénéfices à l'association (2).
Près de la couturière se place la lingère, dite alors couturière en linge. L'occupation des unes et des autres semblait être considérée comme une double face de la même profession. En tout cas, le sort de la lingère avait été, dans le passé, celui de la couturière. La lingerie, du temps de Jean de Garlande (XIIIe siècle), était en partie vendue et, par suite, confectionnée, par les hommes, ce que le vieux lexicographe réprouve comme un empiétement exercé sur les attributions de la femme.
Enfin, il faut comprendre dans le dénombrement des états exercés par les femmes, et pour les femmes, le plus féminin de tous, le métier de modiste. A vraiment parler, on ne peut pas dire absolument que le Moyen Age ait ignoré celte profession, puisqu'il y avait, dès le XIIIe siècle, des confréries de chapelières pour femmes. Toutefois, dans le sens où nous entendons aujourd'hui le mot modiste, celle-ci n'apparaît guère avant le XVIIIe siècle. A ce moment, elle semble se retrouver sous la double dénomination de mercière-lingère et de coiffeuse-marchande de modes, qu'on voit faire également partie du corps des marchands, où elles côtoyaient les
(1) Archives départementales du Cher, minutes du notaire Léclopé, l. de 1750
(2) Ibid., minutes du notaire Goury, 1. de 1750.
68 HISTOIRE DES CORPORATIONS ET CONFRÉRIES
drapiers-tailleurs. Elles ne doivent probablement pas être confondues avec les lingères proprement dites (1).
Il faut l'avouer, du reste, si le mot qui désigne la classe des modistes est moderne, c'est que la vogue qu'elle sut prendre l'est aussi. C'est surtout de la frivolité du XVIIIe siècle que naquit ce produit de la légèreté féminine, dont il fut l'expression avancée. Qui ne se souvient de Mlle Bertin, la modiste de la reine, à la veille de la Révolution, et à qui la moquerie publique donnait le titre sarcastique de ministre de la Mode? Ce fut sous ce « ministère » burlesque que la mode atteignit, pour les toilettes féminines, les dernières limites de l'extravagance.
C'était, d'ailleurs, alors comme toujours, la France qui donnait le ton de l'élégance au monde entier, et l'influence de ses modistes y était souveraine. Citons les lignes que lui consacre, dans son chapitre De la femme, l'auteur du livre Les artisans et les domestiques d'autrefois : « Au siècle dernier, les couturières, les marchandes de modes françaises étaient les plus renommées de l'Europe. Elles possédaient ce don indéfinissable et suprême qu'on appelle le goût. Nul ne s'entendait comme elles à chiffonner d'une manière heureuse un ruban, à placer une plume avec art. Il faut les voir dans ce dernier rôle; d'une mise simple, quoique non dépourvue d'élégance, la maîtresse plumassière et ses compagnes apprêtent des panaches sur des chapeaux ou garnissent une robe et son corsage de petites plumes, tandis que de grandes plumes de paon se dressent contre les murs et que de petits panaches se balancent sur des cordes fixées au-dessous du plafond » (2).
(1) Voir, dans le fonds de la lieutenance de police (Arch. du Cher, liasse de 1758-1760, B 2551), la réception de Marguerite Lefebvre, coiffeuse, dans le corps des marchands, après examen passé devant les grand-garde, gardes et anciens du corps.
(2) A. BABEAU, Les artisans..., p. 184.
D'ARTS ET METIERS DE BOURGES 69
Le dix-huitième des corps de métier rétabli après Tuigot fut celui des « marchandes de modes-plumassières ». En 1785, la nouvelle communauté des merciers-drapiers (ancien corps des marchands) requérait du lieutenant général de police qu'il voulût bien « renfermer Claudine Legros dans les droits qui lui sont attribués par sa quittance de finance et par sa sentence de réception comme faiseuse et marchande de modes plumassiére seulement; de lui faire défense de n'entreprendre en aucune manière sur le surplus de l'état et profession attribué aux marchands merciers et drapiers » (1).
La communauté ne s'était pas toujours montrée si sévère, au moins quand il s'agissait d'hommes, car, en 1778, fut reçu dans ledit corps des drapiers-merciers le sr Malardeau, « exerçant dans la mercerie et les modes » (2), mais sans doute comme marchand seulement et non fabricant d'objels de toilette. Jean de Garlande revenant au monde aurait pu renouveler sa plainte d'autrefois sur l'accaparement de l'industrie féminine par l'homme.
TISSERANDS
Le tissage de la toile marche de concert avec celui de la laine, et son plus ou moins d'importance marque, non moins que celui de l'autre, le degré de prospérité ou de civilisation d'une société. Nous savons que la communauté de nos tailleurs s'associa de bonne heure à celle des toiliers, classe d'ouvriers en tissus inférieure sans doute à celle des drapiers, mais non moins importante, car elle s'adressait à toutes les classes, et spécialement à la plus nombreuse, à la classe pauvre.
(1) Archives du Cher, fonds de la police, reg. de la nouvelle communauté des merciers-drapiers, B 2522.
(2) Ibid., reg. de la communauté des merciers-drapiers.
70 HISTOIRE DES CORPORATIONS ET CONFRÉRIES
Le Berry fut toujours renommé pour ses chanvres, aussi bien que pour ses lainages. C'était les deux seuls articles qui s'en exportassent au XVIIIe siècle (1). La toile et le colon furent pendant longtemps les seuls tissus dont se couvrit en France le peuple et la petite bourgeoisie; s'il en faut croire une statistique industrielle vieille de six cents ans, Paris en 1292 n'aurait compté que douze drapiers, tant fabricants que marchands (2). Evidemment, si le chiffre est complet, le nombre était bien limité de ceux qui, dans la première ville royale, se vêtaient de laine. Les dispositions du sol aux environs de Bourges à fournir de beau chanvre explique la faveur dont jouit de bonne heure dans la ville l'industrie qui le met en oeuvre. Les statuts de sa tisseranderie sont des plus anciens que nous possédions. On les doit au duc Jean.
A cette époque, le commerce du chanvre et de la toile était une des plus fortes ressources de son domaine, à cause des droits auxquels ces produits se trouvaient soumis. Le tableau nous en a été conservé par nos historiens. Voici ce qu'il présente au XIVe siècle :
« Quiconques vent chanvre à Bourges, il doibt du quarteron une obole parisis, et, se il n'en a que quatre den(1)
den(1) mémoire de l'Intendance de 1744 constate que la province, de ses quatre produits, blés, vins, laines et chanvres, n'exporte que les deux derniers, par le roulage, dans le Bourbonnais, l'Orléanais, le Lyonnais et la Champagne. L'appréciation des chanvres du Berry n'était vraisemblablement pas un fait récent et l'on sait pertinemment que leur renommée remontait à la période de la civilisation romaine. Nos ancêtres, au rapport de Pline, étaient les pourvoyeurs de la Gaule pour les tissus de fil. Bituriges vero Galliae unirersae filalexerunt. Ainsi s'exprime l'ancien encyclopédiste, qui nous apprend que c'était de nos contrées que les hardis marins de l'Armorique achetaient les toiles dont ils faisaient des ailes à leurs embarcations.
(2) H. GÉRARD, Paris sous Philippe le Bel, dans la collection des Documents inédits sur l'histoire de France.
D'ARTS ET MÉTIERS DE BOURGES 71
rées, il ne doibt riens, et en sont frans tuit li habitans de Bourges et ceaulx qui mettent en grenier.
« Quiconques achatte chanvre à crochet soit dedans ou dehors, il doibt un denier parisis pour la voye (le transport).
« Quiconques vent lin, il doit deux parisis, toutes les fois que il vent, par tiers à monseigneur le duc, à SaintSupplice et au voyer » (1).
Le lin n'est plus un produit qui compte aujourd'hui parmi ceux de notre agriculture. Il paraît qu'il n'en fut pas ainsi autrefois. Voici comment Catherinot s'exprime à ce sujet à la page 17 de son Patriarchat de Bourges : « Je réponds, quant au lin ou chanvre, que le Berry en produit de si excellent et en si grande abondance, et particulièrement à Sainte-Soulange, alias Saint-Martin-duCrot, de Curie, où la femelle passe le masle, que nous pourrions estre surnommez Bituriges Spartarii comme en Espagne Carthago Spartaria. Nos terres de Linières et de Nizerolles, alias Linerolles, Linariae et Linariolae, en tirent leur nom. Le Grand et Petit Mazières près Bourges, Maceratorium majus et minus, en ont esté nomez. Ce sont lieux propres à tremper, macérer, et, comme on dit, à assiguer, exaquare, le chanvre » (2).
A côté du chanvre et du lin, on peut mentionner le
(1) Voir, dans les Coutumes locales de La Thaumassière, p. 333 et 334, les Coutumes du duc de Ber y. Le chanvre faisait partie de celles dont le produit se partageait entre l'apanagiste et l'abbé de Saint-Sulpice ; le lin était classé parmi celles pour lesquelles le voyer ou vicomte de Bourges intervenait au partage.
(2) On nomme asségouers les trous remplis d'eau et destinés à faire rouir ou asséguer le chanvre. On a une ordonnance du grand-maître des Eaux et Forêts de Berry, qui autorise les habitants du quartier d'Auron, à la date du 28 août 1761, à faire rouir leurs chanvres dans la rivière de ce nom, depuis le pont jusqu'à 50 toises du moulin de la Grappe, les chanoines de Saint-Etienne, à qui appartenait le moulin, s'opposant, par mesure de salubrité, à ce que le rouissage se fit plus près de leur usine.
72 HISTOIRE DES CORPORATIONS ET CONFRÉRIES
coton comme matière textile, mais je ne crois pas devoir m'en préoccuper, en raison de ce qu'il n'a guère jamais fait dans nos contrées l'objet d'une industrie sérieuse. Il faut même arriver jusqu'aux approches de la Révolution pour voir l'essai d'une fabrique d'indiennes aux portes mêmes de Bourges; mais cette importation du dehors, contrariée par les événements, ne put prendre racines. Le toilier nous est déjà connu par ses rapports avec le tailleur ; ceux qu'il eut avec le drapier sont moins étroits, bien qu'ils fussent jadis plus grands qu'ils ne le sont devenus depuis, en ce sens que l'usage de mêler le chanvre à la laine était beaucoup plus répandu. L'étoffe dite poulangi ou droguet, sorte de tiretaine à trame de laine sur chaîne de fil, fut autrefois fort en vogue, non seulement parmi le peuple, mais aussi dans la bourgeoisie. Aujourd'hui, il n'y a plus que nos paysans qui en usent et qui le fabriquent. Cependant, on peut considérer comme se rallachant directement à cette industrie celle, toute moderne, du feutrage des draps, composés de laine et de coton.
Le poulangi « foulé au moulin ou au pied » est mentionné chez nous, au XVIe siècle, sur les rôles de l'imposition de la draperie foraine pour les années 1573 et suivantes, sans qu'il soit possible de dire quelle en était la provenance. On peut croire que l'étoffe se tissait à Bourges et se foulait au dehors.
Il y eut, au sujet de la fabrication de la même étoffe, discussion en l'année 1648 entre les drapiers drapants, autrement tisserands en draps, et les tisserands en toile. On était là sur la limite des deux parties. Les tisserands en toile prétendaient interdire aux fabricants de draps de faire aucune chaîne de fil dans leurs étoffes; les autres répondaient que le droguet « estoit étoffe qui fouloit, par conséquent draperie ». Le tribunal de la
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ville, dont le jugement fut invoqué, autorisa sagement la fabrique du droguet par l'une et l'autre communauté; de quoi les toiliers rappelèrent, mais sans doute vainement (1).
Avec les tailleurs, auxquels ils étaient associés, les toiliers devaient vivre sur un certain pied d'intimité; on peut se demander, par exemple, quels droits l'association leur procurait quant au partage de l'exercice de la profession. L'article XVII de leur commun statut de 1622 répond à cette question. Aux termes de cet article, le toilier ne fut autorisé à travailler comme tailleur qu'autant qu'il avait fait chef-d'oeuvre suffisant du métier, dans les mêmes conditions que le tailleur, et reçu tel en conséquence. Sans cela, il s'exposait à la confiscation du vêtement et à une amende de 6 livres. Toutefois, la participation à la confection du costume n'était pas absolument interdite au toilier, mais c'était seulement dans certaines limites. En effet, le même article ajoute, ainsi que nous avonsdéjàeu l'occasion de le rappeler : «Néantmoings, sera permis aux marchans thoiliers de faire un habit, sçavoir pourpoinct, chausses, bas de chausses et manteau de la valleur de 25 livres tournois seullement, pourveu qu'ils prennent les étoffes dans leur logis et bouticque, sauf et excepté le passement, soye et boutions, qu'ils pou iront prendre où ils voudront. «Voilà qui réduit singulièrement la prohibition.
Le toilier, après sa réunion au tailleur, fut donc, pour ainsi dire, tailleur du premier degré. Mais il faut remarquer que, près du toilier-tailleur, vivait le simple toilier, qui continua comme devant, sans avoir rien de commun avec le tailleur. Voici un exemple de ce que nous avan(1)
avan(1) du 24 juin de la communauté des tisserands en draps, dans les minutes du notaire A. Baudran, reg. de ladite communauté pour 1638-1650.
74 HISTOIRE DES CORPORATIONS ET CONFRÉRIES
cons. En 1612, un toilier du nom de Gatelier demanda à être reçu maître dans la partie. Dans sa demande, il ne fait aucune allusion au chef-d'oeuvre, ce qui s'explique parce qu'il réclame le droit d'être simplement marchand. Il se voit opposer par un certain Chauvet, chargé de la vente des lettres de maîtrise extraordinaire, créées à l'occasion de la naissance de la dernière fille du roi, qu'une de ces lettres pour le métier de tailleur-toilier n'a pas encore été prise et qu'il lui faut l'acheter pour parvenir à la maîtrise. Gatelier fit observer qu'il ne s'agissait pour lui que d'être simple marchand-toilier, et non maître toilier-tailleur. Et la ville, dont il invoqua l'autotorité, lui donna raison (1). Cet épisode de notre histoire nous autoriserait à penser qu'il y avait deux sortes de toiliers, les toiliers-marchands et les toiliers-tailleurs, et que c'étaient ces derniers seuls qui, associés aux tailleurs, bénéficiaient de cette association pour pouvoir exercer, même avec des restrictions, l'art de la coupe et de la couture du drap.
En tout cas, il y avait cette différence entre le tailleur et le toilier-tailleur, que celui-ci ne pouvait pas aller travailler en maisons. Dans un procès intenté l'année qui précéda celle de l'affaire Gatelier, en 1611, par la communauté des tailleurs à des compagnons toiliers qui avaient travaillé en ville, les demandeurs arguent que le sr Nolin, père d'un des inculpés, n'est pas maître tailleur, mais seulement toilier, ce qui lui interdit de travailler chez les particuliers. A quoi Nolin répond que son père est maître tailleur d'habits, et que, la même communauté comprenant tailleurs et toiliers, les uns et les autres peuvent façonner habits de toutes sortes. On riposte à
(1) Sentence du 28 mars, dans le reg. des causes de l'Hôtel de Ville pour 1612, FF 7.
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cette allégation que cela n'autorise pas les toiliers à aller travailler au dehors avec leurs enfants et leurs serviteurs ou compagnons; et les juges, adoptant ce système, enjoignirent à Nolin de s'abstenir de travailler dorénavant ailleurs que chez son père ou chez les maîtres tailleurs (1).
Dans une des audiences de l'année l616, se posa la question de savoir si c'était empiéter sur le métier de toilier que de fabriquer chemises, hauts de chausses et bas de chausses en toile. Deux pauvres ouvrières comparaissaient, sur la poursuite des procureurs de la communauté, comme accusées d'avoir attenté aux privilèges de l'état en fabriquant ces objets. La ville décida, plus encore, sans doute, en considération de l'état des inculpées qu'en s'attachant à la stricte exécution des statuts, et en affectant de n'y voir qu'une chose de peu de conséquence, qu'il leur serait permis de vendre (et, par conséquent, de faire) de ces menues besognes, de toile seulement, au marché du Poirier, parmi les revenderesses, aussi bien que par les rues, mais non en boutique ouverte (2).
Les toiliers finirent par perdre le privilège, qu'ils puisaient dans leur association avec les tailleurs, d'habiller les petites gens; leurs confrères de l'aiguille avaient sans doute fini par trouver la concurrence trop grande. En 1618, on voit encore un toilier reçu maître avec autorisation expresse de faire des habits, jusqu'à concurrence de 25 livres; mais, en 1632, il fut forcé de se faire recevoir maître tailleur pour pouvoir continuer cette fabrication, la même latitude n'existant plus alors (3).
Plus lard, les toiliers prirent leur revanche. Au mois
(1) Sentence du 27 avril, dans le reg. des causes de l'Hôtel de Ville de 1611, VF 6.
(2) Sentence du 27 août, dans le reg. de 1616, FF 11. — Voir paragraphe des ripiers-revendeurs.
(3) Sentence du 24 juin, dans le reg. de 1632, FF 20
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de février 1706, il se tint une réunion des maîtres toiliers seuls, à l'effet de s'entendre au sujet d'une protestation qu'il convenait de faire contre « aucuns maîtres tailleurs d'habits qui font les fonctions de marchands et maistres toilliers sans qu'ils ayent jamais faict aucun essai et se soient faict incorporer au corps desdits maistres et marchands toilliers, estant obligés de la faire aussy bien que lesdits maistres et marchands toilliers font s'ils veullent estre maistres tailleurs d'habits, qui font chefd'oeuvre et payent un droit à la communauté ».
Ils résolurent en conséquence de faire des poursuites pourqu'il fût désormais défendu aux dits maîtres tailleurs de « travailler et vendre en fait de toilerie, tant à boutique ouverte qu'aux foires et marchés » (1).
La querelle, après avoir été jusqu'en Parlement, se termina par un accommodement, dont les termes ne me sont pas connus. Sans doute, les tailleurs récalcitrants consentirent à entier dans la communauté, ou, s'ils y étaient déjà, à passer l'examen de toilier pour exercer le métier (2); moyennant quoi, la paix et l'harmonie continuèrent à régner entre les associés, tant bien que mal.
Car, il faut l'avouer, ce n'est pas le seul indice de tiraillements que nous ayons pu y constater, d'où l'on pourrait croire à quelque modification antérieure dans le lien qui unissait les deux parties. En effet, les maîtres toiliers avaient fini pour trouver, un jour, qu'ils étaient dupes de leur association avec les tailleurs. A les en croire, ces derniers, peu scrupuleux, dépensaient inuti(I)
inuti(I) de ladite assemblée, dans les minutes du notaire Silvain Jardin, de 1700.
(2) Ibrd., assemblées du mois d'août. Peut-être ces « aucuns mes tailleurs » étaient-ils de ceux dont nous avons eu occasion de parler au chapitre des tailleurs, et qui semblent s'être tenus à l'écart de la constitution en communauté des tailleurs-toiliers.
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lement les fonds de la communauté en procès ruineux contre les garçons tailleurs et autres ; et, abusant de ce qu'ils avaient la majorité dans les assemblées à cause de leur nombre, ils faisaient voter des dépenses auxquelles lesdits toiliers se trouvaient tenus de participer, sans y être réellement intéressés. Ils demandèrent donc à la mairie leur disjonction de la communauté des tailleurs, consentant à ce que le bâton de la confrérie restât à celle des deux qui y tiendrait le plus, à charge toutefois de dédommagement. Les tailleurs n'entendirent pas de cette oreille. Il est probable qu'il s'en était suivi un procès, dont les péripéties ne me sont pas connues, mais qui aurait eu pour résultat un désaccord entre les associés. Sans doute, la communauté subsista, mais peut-être futelle dès lors facultative, en ce sens qu'il n'aurait plus suffi d'être reçu maître dans l'une des deux commuuautés pour faire partie de l'autre (1).
Pour bien se rendre compte, après ce que nous venons d'exposer, de la véritable situation du toilier parmi les autres professions, il nous faut faire une distinction entre le marchand et le fabricant. Celui-ci était le tisserand en toile, ou en linge, comme on disait au Moyen Age ; quant à celui qui faisait seulement trafic à boutique ouverte des produits de la tisseranderie, celui-là même qui s associa à la communauté des tailleurs, il se séparait à son tour, au XIIIe siècle, en liniers, ou marchands de toile de lin, et en chanevaciers, ou marchands de chanevas (canevas), nom qu'on donnait alors à la toile de chanvre (2). Ce sont ces derniers qui, seuls, nous intéres(1)
intéres(1) pour cette dernière affaire, les minutes du notaire Lamoignon, 1. de 1634.
(2) Chanvre se dit encore aujourd'hui, en berrichon, cheneveu. Pour les statuts des liniers et des chanevaciers de Paris, voir le Livre des métiers de Boileau, tit. LVII et LIX.
78 HISTOIRE DES CORPORATIONS ET CONFRÉRIES
sent, le lin, comme nous l'avons dit, n'ayant pas chez nous d'histoire. Au surplus, la distinction que nous venons de rappeler, propre à une capitale comme Paris, pouvait fort bien ne pas être représentée dans une province.
Contrairement à ce qui a eu lieu pour les fabricants de toile de Paris, dont les statuts ne figurent pas dans le Livre des métiers de Boileau, Bourges possède ceux de sa communauté de tisserands en toile, à partir seulement, il est vrai, du XVe siècle.
Si l'on en croit les confirmations ultérieures de ces statuts, et, notamment celle de 1594 par Henri IV, ces statuts émaneraient originairement du duc Jean de Berry, ce qui s'accorde mal, d'ailleurs, avec ce fait que, au mois de décembre 1447, Charles VII aurait donné des statuts communs aux toiliers de Bourges et d'Issoudun, au témoignage de Brétigny, qui nous a conservé ces derniers (1).
Il faut donc admettre, sans qu'on voie bien pourquoi, que ces statuts servirent de règle commune aux deux villes pendant quelque temps et jusqu'à ce qu'en décembre 1452 Charles VII en accordât à Bourges de particuliers, qui fuient confirmés par Louis XII en avril 1505, par François Ier en mars 1537, et par Henri IV en août 1594.
Les modifications que subit à chaque confirmation la rédaction première n'apportèrent pas de très notables changements à l'économie de cette charte. Nous allons exposer en résumé ce que fut le statut de 1447.
Tout compagnon étranger pourra être admis à travailler en ville, et « après lever son mestier et avoir la franchise de ladite ville », sans qu'il soit fait mention de chefd'oeuvre, et à condition de verser seulement quatre livres tournois d'argent et quatre livres de cire pour la confré(1)
confré(1) des rois de France, t. XIII, p. 531-532.
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rie, sur quoi dix sous seront pris pour les frais du ban - quet de réception. Si le compagnon est de la ville, les quatre livres seront réduites à trois. Chaque maître n'aura, à la fois, qu'un apprenti, dont la durée de service sera de trois ans. L'apprenti paiera une livre de cire en entrant en apprentissage et autant à la fin. En cas de décès, il sera enterré comme un enfant de maître. Le maître, ou sa femme, à leur enterrement, auront le luminaire complet. Le fils de maître, pour s'établir, paiera cinq sous et deux livres de cire. L'ouvrier qui refusera de terminer une pièce commencée paiera cinq sous d'amende, à partager, par moitié, entre le roi et la confrérie. Même amende pour le maître qui débaucherait les ouvriers ou apprentis de ses confrères. Les articles IX, X et XI concernent le travail de l'atelier. Nul ne sera reçu maître s'il n'est de bonnes vie et moeurs, marié ou exprimant l'intention de l'être. Celui qui s'établirait contre le gré de ses confrères serait privé de son métier et condamné à 60 sous d'amende. Toute assemblée de maîtres, apprentis ou compagnons ne pourra se faire qu'avec l'autorisation de la justice et avec l'assistance d'un sergent royal. La confrérie (sous le vocable de sainte Arragonde) sera maintenue perpétuellement. Tous les ans, il sera élu par les maîtres tisserands, sous la direction des juges et officiers du roi, un maître visiteur du métier.
Dans le statut de 1452, qui, au lieu de seize articles, comme le précédent, en comprend quarante-trois, les conditions, bien plus complètes, comme il convient à une grande ville, comparée à une petite, sont également bien modifiées. En voici le résumé.
L'ouvrier étranger n'était reçu à travailler qu'après l'épreuve du chef-d'oeuvre. A sa réception, il payait 6 livres tournois et 6 livres pesant de cire neuve, dont 40 sous, pour le banquet; plus, quand il prêtait le serment, 5 sous
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tournois « pour le vin », 16 deniers parisis pour « le siège du maîstre dudict mestier », et 2 sous 6 deniers pour le sergent chargé de la convocation des maîtres, suivant les conditions du travail. Comme dans le statut d'Issoudun, l'ouvrier travaillera de Bonjon, c'est-à-dire d'après une mesure équivalant à peu près à l'aune. En cas de fraude dans l'emploi des matières tissées, la besogne sera mise en feu et l'ouvrier condamné à l'amende. La durée de la journée ne pourra être, toute l'année, que de 5 heures du matin à 8 heures du soir; à dépasser cette heure, on s'exposerait à l'amende, sauf dans le cas où l'ouvrage serait arrivé à un certain degré d'avancement. Le travail sera permis pendant les nuits des quatre grandes fêtes de l'année et de leurs octaves, si le maître du métier l'autorise. Toute visite dudit maître devra se faire en compagnie d'un sergent de ville. Le procureur de la communauté pourra visiter à la place dudit maître, sauf réserve de son droit, et en se faisant accompagner de deux confrères. Les articles X à XVI, sauf l'article XIII. règlent la mesure du grand et du petit large et la manière de faire les différentes toiles. Dans les huit jours qui suivront son entrée, le patron devra déclarer son nouvel apprenti au maître du métier. L'apprenti paiera, pour droit d'entrée, deux livres de cire neuve et, à chacune de ses quatre années d'apprentissage, 10 deniers tournois. En cas de décès, il aura l'enterrement d'un fils de maître. Chaque maître n'aura qu'un apprenti, sous peine de perdre sa maîtrise. Son temps achevé, l'apprenti pourra acquérir la franchise du métier en payant 5 sous tournois et 5 livres de cire, plus 5 sous pour le vin en prêtant serment. Il devra, en outre, faire un chef-d'oeuvre. Dans le cas où l'apprenti quitterait le service du maître avant le terme de son engagement, le maître ne pouvait en reprendre un autre qu'au bout de quatre ans. Le fils de maître était exempt
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du chef-d'oeuvre. Il payait, lors de sa réception, 60 sols tournois, 5 sous pour le vin, outre le droit du maître du métier et celui du sergent. S'il succédait à son père décédé, il payait seulement 5 sous. En cas d'infirmités du maître toilier le rendant incapable de travailler, il pouvait être remplacé par son fils, le reste de sa vie, avec l'approbation des confrères. Un ouvrage commencé, ou même « marchandé » chez un maître, ne pouvait être achevé ou fait chez un autre sans la permission du premier. Un ouvrier ne pouvait travailler pour deux maîtres à la fois, ni quitter son atelier sans prévenir le maître huit jours à l'avance. Il ne pouvait, sous peine d'amende, prendre de l'ouvrage à faire à son compte, ni aller rendre l'ouvrage, une fois fait, à la pratique qu'en compagnie du maître ou de sa femme. Le maître ne pouvait travailler hors de chez lui que dans l'atelier d'un confrère. Le client fournissait au tisserand la graisse et la farine pour « conroyer » la toile pendant le travail. Nulle pièce commencée ne pouvait être transportée, avant d'être terminée, hors de l'atelier sans l'autorisation du maître de la communauté. La veuve du maître pouvait continuer le métier. Celui qui restait deux ans sans payer ses droits de confrérie se voyait interdire tout travail jusqu'à ce qu'il se fût exécuté. En cas de retour après une absence de Bourges plus ou moins prolongée, il ne pouvait reprendre son travail sans avoir préalablement versé les droits arriérés. L'assistance aux convois des confrères décédés était d'obligation, sous peine d'amende, pour les maîtres et les maîtresses. Tout maître ou ouvrier devait verser 2 parisis au maître du métier à chaque fêle de Saint-Jean, et de même, pour tout ouvrier venant travailler du dehors. Le simple défaut, après assignation du maître du métier, entraînait l'amende de 4 parisis; le refus de comparaître, 16 parisis, et l'enquête, aussi 4 parisis. Tout maître
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devait être pourvu d'une verge ou mesure; sinon, ou en cas de vice de mesure, amende. Il était permis à tout ouvrier, en payant les droits, de s'établir dans la Septaine, sans être reçu maître, mais non dans la ville ni dans les faubourgs.
Tel est, en substance, cet ancien règlement. Il offre la plus grande similitude avec celui de Paris, antérieur de plus d'un siècle, mais aussi moins complet, et peut-être moins libéral. La seule modification que Louis XII lui fit subir en 1505 porte sur la diminution de largeur des pièces que le tisserand était autorisé à fabriquer. L'ancien bonjon, qui était en 1452 de la largeur d'une aune moins quatre doigts, avait fini, avec le temps, par paraître insuffisant aux maisons qui voulaient avoir de beau linge, aux gens d'Eglise, aux gentilshommes et aux riches bourgeois. Les tisserands réclamèrent et obtinrent que, outre le bonjon existant, ils pourraient travailler sur la proportion « d'une verge en roulx, trois pieds devant et trois pieds derrière, et cinq quartiers et demi d'aulne en roulx, trois par devant et trois derrière », en tenant les hauteurs plus grandes ou moindres à leur volonté. Mais, pour employer ces nouvelles mesures, il fallait toujours la permission du grand-maître du métier, sous peine de 4 sols parisis et d'une demi-livre de cire d'amende. François Ier et Henri IV se contentèrent de confirmer purement et simplement les statuts ainsi modifiés. Mais il en fut de ceux-ci comme de tous les autres, c'est-à-dire que ceux-là mêmes qui en étaient constitués les gardiens étaient les premiers à les violer. Il nous est parvenu silice point un bien curieux renseignement, dont nous allons parler avec quelques détails.
Ces violations du règlement avaient amené des réclamations. Enchérissant sur les rigueurs imposées au libre exercice du travail, et se mettant en opposition avec la
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lettre même des statuts, les maîtres, par exemple, s'entendaient pour empêcher par mille vexations qu'un artisan de la partie ne vînt s'établir du dehors. Il en résultait un défaut de concurrence qui leur permettait de maintenir la toile à haut prix et d'empêcher toute amélioration dans la fabrique. C'était au moment où François Ier venait de confirmer les statuts; saisissant l'occasion, et avant que l'approbation de l'autorité municipale vînt s'attacher aux patentes de confirmation, une requête des compagnons tisserands, adressée à l'Hôtel de Ville, demanda sa protection contre les exigences des maîtres, qui, disaient-ils, par une interprétation judaïque du texte des règlements et une coalition hostile, prétendaient leur imposer des conditions ayant pour but de les expulser de la ville, s'ils n'en voulaient supporter la dureté, en même temps qu'elles éloignaient les compagnons étrangers.
Leur premier grief était contre le grand-maître, qui passait quatre fois par an dans les boutiques demander « la grande'chandelle » : c'était un douzain qu'il en coûtait à chaque maître et à chaque compagnon; moyennant ce, il leur accordait à tous le droit de travailler de nuit (de 8 heures du soir à 5 heures du malin). Quiconque refusait de payer ce droit abusif et travailler de nuit, comme les autres, était passible d'une amende de 20 sous, que le grand-maître empochait.
Les statuts réclamaient de tout compagnon étranger un droit de 2 deniers; le grand-maître, de son autorité privée, exigeait un carolus ou un grand blanc, sans quoi il ne leur permettait pas de travailler; quant au maître qui aurait consenti à lui donner du travail, il aurait risqué de perdre sa maîtrise. Les compagnons se plaignaient encore d'être, contre tout droit, soumis à une rétribution d'un denier par semaine. Mais le plus grand
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excès se produisait lorsque le compagnon voulait arriver à la maîtrise; alors les exactions l'accablaient. L'aspirant avait à traiter, à diverses reprises, grand-maître, procureur de la communauté, maître du luminaire et bien d'autres encore. La dépense montait parfois à plus de 40 livres.
La mairie, dépositaire de ces plaintes, s'en fit l'interprète auprès du bailliage. On abusait d'un statut interprété d'une manière excessive : elle en réclama l'amélioration intégrale. On demandait premièrement que toutes les dépenses relatives à la réception fussent réduites à 40 sols tournois et une livre de cire, le tout au bénéfice de la seule confrérie, avec suppression de tous banquets et du serment imposé pour le maintien de ces coutumes ; secondement, que, en cas de contestation sur la validité du chef-d'oeuvre, le compagnon pût en appeler au bailli ; que les obligations de largeurs imposées à l'ouvrier, dans la fabrication de la toile, fussent effacées du règlement, et que la toile pût être fabriquée suivant la demande du client; quant à la prescription de l'article III, elle devait être modifiée en ce que la taxation, au lieu d'être imposée par les maîtres, le serait par autorité de justice Les articles IX à XVI des statuts devaient subir une pareille réforme, à peu d'exceptions près. Les heures de travail devaient être prolongées. Le but de cette fixation des heures, qui nous semble si arbitraire, s'explique par ce commentaire de l'article VI de la vieille ordonnance des tisserands de Paris : « Car l'on ne puet faire oevre à chandoile oudit mestier si bone ne loial corne cele qui est fète de la lumière du jour. » C'était donc une mesure prise dans l'intérêt de la bonne besogne, mais déjà, au XVIe siècle, on la trouvait exagérée.
On continuait en demandant l'abolition des visites,
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qui n'étaient que des motifs de vexations. Tout ce qui était relatif à l'apprentissage devait être rayé des statuts et remplacé par de nouvelles dispositions, en vertu desquelles l'apprentissage devait durer, au plus, un an et demi, et que le maître serait libre de prendre autant d'apprentis qu'il voudrait. Tout maître devenu incapable de travailler devait pouvoir se faire remplacer par un ouvrier capable. La veuve du maître devait pouvoir continuer son métier sans entraves. Enfin presque tous les derniers étaient abolis, et l'on proposait de déférer au juge royal, et non plus à la justice trop partiale des maîtres, les différends et les délits, notamment en ce qui concernait le contrôle des marques (1).
Telles étaient les réformes, empreintes d'un esprit vraiment libéral, que la mairie, expression à ce moment des volontés populaires, opposait à l'enregistrement des lettres de confirmation des statuts par François Ier. Elle faisait valoir, à l'appui de sa réclamation, que, si les statuts dont elle réclamait l'amélioration avaient été déjà confirmés, lus et publiés sans l'opposition du procureur du roi, cela tenait à ce qu'on n'avait jamais pris l'avis des intéressés.
Les réclamants ne reçurent sans doute pas tout de suite satisfaction, puisque les lettres de confirmation furent entérinées par sentence du bailli en date du 14 juin 1538 ; mais cette démarche de la ville n'en prend pas moins date au premier rang parmi, les tentatives qu'elle renouvela plus d'une fois pour corriger les abus et les excès, pour ainsi dire, inhérents à la constitution des métiers en corporations, qui, fatalement, tendaient toujours au monopole.
1) Voir, à ce sujet, le mémoire des officiers municipaux au bailli de Berry, dans les archives de l'Hôtel de Ville, fonds des arts et métiers, HH 28.
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La nouvelle confirmation des statuts, plus de trente ans après, par Henri IV, témoignera de nouveau qu'on était loin encore des temps où l'esprit de liberté devait l'emporter contre l'esprit d'organisation à outrance, dans cette république du travail que la monarchie, de plus en plus centralisatrice, tendait au contraire à pénétrer davantage du sentiment de la domination du maître; mais, par contre, le sentiment d'hostilité se faisait toujours plus grand dans la plèbe ouvrière contre le patron, le compagnonnage s'organisait, et, deux ans seulement après la confirmation de François Ier, des lettres patentest émanées du même prince, interdisaient toutes assemblées et confréries à tous les artisans qui se rattachaient au métier de la draperie, et notamment aux tisserands en draps et toiles (1).
Le patron de la confrérie des tisserands en toile était saint André. Les confrères avaient leur chapelle dans la cathédrale, où elle était placée sous le vocable de leur saint. Catherinot écrit dans Le Sanctuaire, du Berry (p. 3) : « On garde aussi dans Saint-Etienne un bras de saint André et, à cause de ce bras, les tixerans y ont leur confrérie. Tous les autres métiers y avoient aussi leur confrérie, comme ayant fait faire les vitres de l'église ; mais depuis l'établissement des religieux mandians à Bourges, les choses ont changé. » Si le témoignage de Catherinot mérite créance, les tisserands se distinguèrent parmi ceux qui restèrent fidèles à leur sanctuaire primitif, et les minutes du notaire A. Baudran, pour l'année 1635, nous apprennent que leurs réunions s'y tenaient « soubz terre », c'est-à-dire dans la crypte qui règne sous le choeur. La confrérie de Saint-André est, au surplus, de celles qui, suivant Catherinot, décorèrent de vitraux l'abside
(1) Lettres patentes de 1540, déjà citées.
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de Saint-Etienne. C'est elle qui a fourni la verrière dite du Samaritain, qui décore la troisième fenêtre à gauche Au bas est la signature des confrères, qui représente deux tisserands travaillant au métier (1).
Les statuts, suivant l'usage, faisaient une étroite obligation à tout membre de la confrérie d'assister au convoi des membres décédés, (art. XL du statut de 1452). Les conditions de la contribution de chacun d'eux à celte cérémonie n'étaient pas réglées avant l'année 1612. Voici à quelle occasion elles le furent. Le dimanche 24 juin audit an, à l'issue de leur messe, les tisserands se réunirent sur l'invitation de la mairie, pour déclarer si c'était la coutume dans leur communauté qu'au décès d'un des maîtres ou de sa femme, les confrères fussent tenus de fournir une livre de cire, lorsqu'il leur arriverait de n'y pas assister. Ils répondirent qu'il n'était pas à leur connaissance que cette formalité eût jamais été exigée, mais qu'ils la verraient très volontiers s'introduire dans leurs statuts. La mairie s'empressa de consacrer cette décision par une sentence du 27 du même mois (2).
Les tisserands marchaient, dans les grandes processions, avec les confrères de Sainte-Solange. Il y eut même, à ce sujet, un différend entre les deux confréries. C'était en 1717; ceux de Saint-André se plaignaient que, contrairement à leur droit acquis de tout temps de suivre la procession de la Fête-Dieu sur deux lignes tenant toute la largeur de la rue, depuis quelque temps les procureurs et confrères de Sainte-Solange prenaient la
(1) Voir le grand atlas des vitraux de Saint-Etienne par les PP. Martin et Cahier, pl. VI. Les auteurs du texte de cette publication ont, à mon avis, cherché mal à propos, dans un ornement insignifiant de cette verrière, une figure symbolique du métier des plumassiers ou paonniers, métier exercé par des femmes.
(2) Arch. de l'Hôtel de Ville, reg. des causes de la juridiction pour 1612, FF 7.
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droite et les reléguaient en une file de gauche (1). Je ne sais s'ils obtinrent satisfaction, sainte Solange à ce moment étant en grande faveur.
Le métier était dirigé par un grand-maître, qui tenait ses assises près de la Croix-de-Pierre, le vieux quartier de la draperie. Il prétendait, en vertu des statuts, être investi sur les membres de la communauté d'une juridiction indépendante de celle de la ville. J'ignore si ses fonctions étaient annuelles, ainsi que celles du procureur. Son traitement se composait, comme nous l'avons vu, des droits payés lors des réceptions des apprentis et des fils de maîtres, plus de 2 parisis, régulièrement versés, à la SaintJean, par tous les maîtres et les compagnons, sans même en excepter les ouvriers forains (statuts de 1452). On n'entend plus parler de cet officier, passé le XVIe siècle. Un seul apprenti pour chaque maître, telle était la règle. Au XVe siècle, la durée de l'apprentissage était de quatre ans. L'apprenti payait en entrant deux livres de cire neuve à la confrérie, plus 10 sols tournois chaque année. A sa mort, il avait l'enterrement d'un fils de maître. Si ces conditions persistèrent, la durée de l'apprentissage fut réduite; en 1644, elle était bornée à une seule année; mais, sans doute, il faut entendre que, dans les quatre années du XVe siècle, étaient comprises celles du compagnonnage.
Alors que l'apprentissage durait quatre ans, aussitôt qu'il était terminé, le jeune tisserand pouvait aspirer à la « franchise » du métier, en faisant chef-d'oeuvre et payant 5 sols tournois et 5 livres de cire pesant. Puis il prêtait serment au magistrat, et, à cette occasion-, régalait la confrérie, d'après un tarif fixé à 5 sols (statuts de 1452).
(1) Voir dans les minutes de Jean Berthin, année 1717, proces-verbal de l'assemblée des maîtres tenue à cet effet.
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Le chef-d'oeuvre, à cette époque, pouvait être en toile pleine ou en toile ouvrée. Dans le premier cas, le chefd'oeuvre devait être de dix-huit cent ; dans l'autre, « un chief-d'euvre de Venise de quatorze cens de longière ».
Au XVIIe siècle, il semble qu'on ait choisi le lin de préférence; en 1622, j'en vois un composé d'une pièce de toile de lin gris de cinq aunes; et ce n'est pas le seul (1).
J'emprunte à un documenl de l'année 1663 le tableau de ce qui se passait lors de la réception du chef-d'oeuvre de tisserand en toile.
« Furent présens Gaspard Luce, Jean Bonnet, Anthoine Blanchard, René Rellioud, visiteurs, Pierre Guillaumeau, Biaise Fouassié, Jean-Biaise Rétif, Guillaume Guillaumeau, Guillaume Rétif, Jean Belamy, Noël Buffet, Guillaume Villeneufve, Paul Legros, Jean Petit, Jean Allouzy, Esme Regnault, Jean Dumas, Claude Lurault, Henry Guillaume, Denys Rolland, Ursin Sellier, Jean Lecompte, Anthoine Petit, vallet : tous maîtres tixerants en thoille, demeurans en cette ville de Bourges, lesquels m'ont dit et déclaré qu'ils se sont transportés en la maison dudit Gaspard Luce, l'un desd. visiteurs, où ils ont veu et visité le chef-d'oeuvre encommancé faict par François Justin, compagnon tixerant aspirant à la mestrise. Lequel chefd'oeuvre tous lesd. mes cydessus nommez ont déclaré unanimement qu'il est fort bien fait, consentent et accordent qu'il soit parachevé pour estre ensuitte porté en la maison de ville de Bourges par Mrs pour à ceste fin ledict Justin estre rcceu me tixier en cette d. ville. Dont et de tout ce que dessus j'ay octroyé acte pour servir et valloir en temps et lieu ce que de raison. Carainsy promettant et obligeant et renonçant, etc., faict et passé à Bourges en l'estude du juré soussigné, après midyle dix-neufviesme jour d'avril
(1) Reg. des causes de la juridiction de l'Hôtel de Ville pour 1622, FF 16.
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mil six cent soixante et trois, en présence de Joseph Gaume, clerc, et Thoussaincts Gaillard, me cordonnier, demeurans à Bourges, tesmoins. Lesdictes parties ont dit ne sçavoir signer sauf le soussigné : Blanchard (1).
La simple toilerie n'était pas, comme la tisseranderie, un métier soumis à la formalité du chef-d'oeuvre, bien que le tailleur, confrère du toilier, y fût astreint. Le 22 février 1617, il y eut réception par la ville de Pierre Aubry, « quia soutenu debvoir estre receu marchand toillier sans estre abstrainct de prendre aucune lettre, d'autant que ledit mestier n'est tenu à aucun chef-d'oeuvre, et que les édits sur lesquels lesdits Cosson et Nerbin (les opposants) se fondent, ne parlent que de mestiers subjects à chefd'oeuvre » (2). Aubry l'emporta et des prétentions analogues à la sienne furent toujours admises, quand elles se présentèrent à cette époque.
On voit cependant, plus tard, le marchand toilier forcé de subir le chef-d'oeuvre. « Aujourd'hui, dit un titre de 1631, est comparu en personne Ligno Baudellin, compagnon toillier, assisté de Gallant, son procureur, lequel, en la présence des jurez et procureurs de la communauté des mes tailleurs d'habits et marchants toilliers de cette ville, nous a remonstré que, pour parvenir à estre receu maistre toillier, il a trassé ce qui luy a esté désigné, requis qu'il nous plaise le recevoir marchand toillier en celte ville tout ainsy que les aulres mes toilliers. » Le 6 septembre, même année, le compagnon François Boussac était reçu aux mêmes conditions (3).
On peut croire que cette exigence se bornait aux toiliers travaillant du métier de tailleur.
(1) Minutes du notaire Ph. Ragueau, reg. de 1658, f° 242.
(2) Reg. des causes de l'Hôtel de Ville pour 1617, FF 12.
(3) Sentence des 19 février et 6 septembre, dans le reg. de 1631, FF 19
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Le gendre du maître tisserand était tenu au chef-d'oeuvre. On voit, en 1635, les membres de la communauté s'opposer à ce que la ville reçût comme maître un compagnon qui épousait la fille d'un de leurs confrères, à moins qu'il ne se soumît à cette épreuve, les statuts n'admettant pas, comme d'autres, d'exemption en pareil cas (1).
Il en était autrement du fils de maître; d'après les statuts de 1452, il suffisait qu'à sa réception il s'acquittât de son droit de confrérie, de celui du grand-maître, de celui du sergent, et qu'il payât enfin 5 sous « pour le vin », en prêtant son serment. S'il succédait à son père décédé, il n'avait à verser que 5 sous à la caisse commune. Enfin, il pouvait remplacer son père pour le reste de sa vie, si ce dernier devenait incapable de travailler, sans avoir, de ce chef, aucun droit à payer ; mais, alors, jusqu'à la mort de son père, il n'était pas considéré comme régulièrement investi de la maîtrise, il n'était que suppléant.
Quant à la veuve du maître, nous savons qu'elle pouvait continuer le métier après sa mort avec l'aide de compagnons.
L'autorisation de travailler la nuit est à noter dans le métier, comme contraire à ce qui avait lieu d'ordinaire. Elle ne se lit pas dans le règlement de la tisseranderie parisienne, « car l'en ne puet, dit le Livre des métiers, faire oevre à chandoile ondit mestier si boine ne loial corne cele qui est faite de la lumière du jour ». Le statut de 1452 fixe la journée de 5 heures du matin à 8 heures du soir pendant toute l'année, avec tolérance de prolongation pour le cas spécial où l'ouvrage, dont on pressait la livraison, touchait à sa fin. Quant à la faculté du travail de nuit, accordée durant l'octave des quatre grandes fê(1)
fê(1) du notaire A. Baudran, reg. de 1635.
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tes, pour permettre à la population d'être plus proprement habillée à cette occasion, elle s'augmenta plus tard de quinze jours en sus, que le maître du métier accordait moyennant finance, ce qui évidemment ne s'introduisit que par abus, et put être ajouté aux griefs qui, à un moment, se firent jour contre le despotisme du grand-maître.
Quant à ce qui est des conditions du travail dans l'atelier du maître ou chez le bourgeois, nous les avons exposées antérieurement et n'y reviendrons pas.
En cas de malfaçon dans le travail, la marchandise saisie devait être brûlée et le tisserand puni d'une amende. Aussi les visites étaient-elles obligatoires. Elles étaient faites, d'abord, par le grand-maître, accompagné d'un sergent; mais il pouvait être suppléé par le procureur de la communauté, accompagné de deux des maîtres, à condition que le montant du droit de visite fût conservé au grand-maître. Plus tard, le nombre des visiteurs s'accrut, sans doute à la suite de la disparation de cet officier supérieur de la communauté, dont les fonctions paraissent avoir été supprimées au XVIe siècle. Le 7 avril 1607, une sentence de l'Hôtel de Ville condamnait à l'amende les quatre visiteurs tisserands pour abus dans l'exercice de leur ministère (1).
Vers 1700, alors que l'industrie locale traversait une période de marasme, celle des tisserands en toile paraît n'avoir pas été atteinte, car c'était peut-être leur communauté qui, après celle des drapiers, comptait le plus de membres. C'est ce que je crois pouvoir induire de la comparaison des rôles d'imposition des différents métiers à cette époque. Leur chiffre va jusqu'à trente membres imposés, tandis que celui des drapiers drapants s'élève à
(1) Archives de l'Hôtel de Ville, fonds des arts et métiers, HH 28.
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cinquante-deux, et que certaines autres communautés de méliers ne figurent que pour quatre ou cinq membres.
Le fait en question se trouverait confirmé par ce détail, que, en 1667, dans l'affaire de Paulmier, tisserand du faubourg Saint-Sulpice, dont nous reparlerons plus loin, on avait vu les maîtres tisserands de la ville se quereller avec lui au nombre de quarante ou cinquante, au dire des témoins de la dispute. Il est vrai que ses assaillants avaient, pour les aider dans leur attaque, le concours des dizainiers ou gardes de la ville (1).
La communauté lixière et toilière subit, comme les autres, l'effet des mesures édictées par Turgot. Lorsque, après sa chute, elle se reforma, ce fut sous le titre de Communauté des tisserands en draps, toile, soie, fil et coton. Mais il semble que, dans cette reconstitution, les toiliers n'aient pas été compris, car on lit dans le registre du corps des marchands-merciers-drapiers (2), sous la date de 1785, que, à cette époque, les toiliers n'avaient ni syndic ni adjoint, ce qui semblerait indiquer qu'ils étaient restés en dehors des corporations des tailleurs et des tisserands, et étrangers à l'organisation communautaire.
Je viens de faire incidemment allusion à une particularité qu'offrait la corporation des tisserands en toile, ainsi que plusieurs autres métiers de Bourges : c'est celle qui résultait de la situation faite aux membres du métier établis dans le faubourg Saint-Sulpice, à l'ombre des privilèges séculaires de l'abbaye de ce nom. Investi du droit de justice dans son détroit, nous savons quelle autorité ce droit conférait à l'abbé sur les gens de métier soumis à sa juridiction. Ce droit se trouva mis en cause quand le pouvoir intervint plus intimement dans l'existence des
(1) Archives de l'Hôtel de Ville, arts et métiers, HH 28, et Archives départementales, fonds de l'abbaye de Saint-Sulpice, arts et métiers, 1. 15, c. 8.
(2) Ibid., fonds de la lieutenance générale de police, B 2378,
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corporations de la ville. Toutefois, il nous faut arriver au XVIe siècle pour rencontrer la première trace d'une contestation à ce sujet. Il y eut, dès les premières années, procès entre l'abbé et les tisserands du faubourg, d'une part, et, de l'autre, la mairie et la communauté des tisserands de la ville, procès au cours duquel se débattit la question de l'extension du droit seigneurial de l'abbé sur les gens de son bourg, et de la sujétion de ces derniers, en tant que gens de métier, à l'autorité de la mairie, en possession de sa juridiction sur les corporations de la cité.
Mention d'une de ces contestations nous est parvenue. C'est d'abord un jugement par provision du bailli de Berry, en date du 16 mai 1511, qui, en condamnant la communauté des tisserands de Bourges à payer les frais du procès, enjoint à ceux du faubourg, mis en cause par leurs adversaires, de se conformer aux statuts du métier, « jusques à ce que par justice autrement en soit ordonné » (1).
Dans une enquête, faite clans le bourg l'année précédente, les déposants, au cours de l'instruction, avaient affirmé qu'il y avait eu, à leur connaissance, jusqu'à dix tisserands dans le faubourg, qui allaient chercher leurs commandes et leur fil dans la ville, où ils reportaient l'ouvrage terminé, sans qu'on y trouvât rien à redire. Il semble que ce soit cette même affaire qui, plus tard reprise ou poursuivie, se termina par une transaction du 16 août 1613. Aux termes de cet accord, la communauté des tisserands de la ville fut autorisée à faire la visite dans le faubourg, ou, comme on disait encore, dans le bourg. S'il y avait quelque défectuosité constatée, c'était l'abbé qui en jugeait. En cas d'amende, elle se partageait, le tiers à la
(1) Archives du Cher, fonds de l'abbaye de Saint-Sulpice, arts et métiers, l. 14, c. 7.
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communauté, les deux autres tiers aux religieux. Les tisserands du bourg pouvaient prendre ouvrage à faire dans la ville, aussi bien que les autres. Ils faisaient leur chefd'oeuvre chez eux, et payaient pour cela à l'abbé 13 sous un tiers. Quant aux droits de confrérie, ils étaient les mêmes pour tous; ce qui prouve que la confrérie était commune à tous (1).
L'abbé de Saint-Sulpice continua à user du droit d'accorder en son nom des lettres de maîtrise aux tisserands qui voudraient s'établir dans le faubourg, avec les garanties de capacité et la soumission aux visites des autres maîtres, plus obligation de redevance en faveur de la communauté. Cette convention fut homologuée par une décision de la mairie du 10 septembre 1544. Toutefois, elle se vit plus d'une fois attaquée dans sa principale clause, celle-là même qui conférait à l'abbé la nomination à la maîtrise, laquelle, en ville, appartenait à la mairie.
Ce fut, chose remarquable, de la communauté et non de la ville que vint l'opposition. Un fait de ce genre se passa en 1631. Sur la demande d'un compagnon du nom de Sabourin, l'abbé lui avait délivré des lettres de provision en ces termes : « Claude Fouchier, humble abbé de l'abbaye et monastaire de Sainct-Sulpice-lès-Bourges, à tous ceulx qui ces présentes lectres verront, salut : pour le bon et fidel rapport qui faict nous a esté de la personne de Luques Sabourin et de ses sens et suffisance, expériance et bonne dilligence en l'art et mestier de tixerant en toille, religion catholique, apostolique et romaine, pour ces causes et autres à ce nous mouvant, luy avons donné, conceddé et créé, donnons, conceddons et créons maistre tixerant en toille en audedans nostre bourg et justice du(1)
du(1) de l'Hôtel de Ville, fonds des arts et métiers, HII 28.
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dict Sainct-Sulpice pour en jouir tout ainsy que font les maistres tixerants de la ville de Bourges, et conformément à la transaction faicte entre nous et lesdicts maistres tixerants de la ville en payant par luy les droicts accoutumez. Mandons à nostre bailly dudict bourg et justice ou son lieutenant, qu'après attestation faicle par-devant luy comme ledict Sabourin est exper audict mestier, ils le fassent jouir et user de ladicte maistrise plainement et paisiblement; faisant cesser tous troubles à ce contraires. Donnéen nostre abbayece vingt-neuviesme apvril mil six cens trente et un, etc. »
Plus bas, est écrit : « Veu les présentes lectres de provision, la certiffication et attestation de l'expérience et capacité dudict Sabourin audict mestier du tixerand cyaltachées, je consens pour messieurs (les maire et éche - vins) qu'il soit reçu en iceluy mestier, en faisant le serment en tel cas requis et payant les droits accoustumés. Faict le 5me mai mil six cens trente et un. Signé Bruère » (1).
Cette nomination fut attaquée par les maîtres tisserands de la ville et maintenue par jugement du bailli du faubourg du 9 juillet suivant.
La mention de la condition de « suffisance et expérience » remplie par Sabourin indique qu'il avait subi l'examen préalable; mal en prit, une trentaine d'années plus tard, à un de ses confrères de vouloir se dispenser de cette obligation. Le 22 mai 1667, l'abbé accordait des lettres de provision à Sébastien Paulmier; malheureusement, celui-ci avait négligé l'épreuve du chef-d'oeuvre. La mairie, prévenue par les maîtres, décida que, faute d'avoir rempli cette formalité, il n'avait pas droit d'exer(1
d'exer(1 Arch. de l'Hôtel de Ville, arts et métiers, HII 28, et archives de l'abbaye de Saint-Sulpice, même fonds, l. 15, c. 5.
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cer, et, comme il avait installé ses métiers, elle lui ordonna de les abattre. Il y a tout lieu de croire qu'il ne se pressait nullement de se conformer à l'injonction; ce que voyant, les tisserands de la ville, accompagnés, ainsi que nous l'avons dit plus haut, du dizainier, formant en tout un groupe de quarante ou cinquante hommes, se chargèrent d'exécuter les ordres de la mairie, ce qu'ils firent en envahissant de haute lutte l'atelier de Paulmier, et, y saisissant métiers, toiles et droguets en oeuvre, les emportèrent à la ville.
Le 6 février 1668, le Parlement, devant lequel dette cause avait fini par arriver, sans se prononcer au prin - cipal, donna tort aux tisserands de Bourges, et enjoignit la restitution de tout ce qui avait été par eux enlevé (l).
J'ignore quelle suite eut l'affaire, mais il n'est pas douteux que, sur le fond, Paulmier dut se soumettre et passer par l'épreuve, s'il voulait éviter de nouvelles tracasseries.
LES CHANVREURS
Nous ne pouvons traiter des tisserands de fil sans mentionner les fréteurs, qui préparaient le chanvre, une fois teille, ainsi que les fileuses, qui, jusqu'à la veille du XVIIe siècle, le travaillèrent à la quenouille (2); mais, pour celles-ci, il nous suffira de les avoir nommées.
La première opération que subit le chanvre après le rouissage et le broyage, c'est celle de la carde, qui lui est donnée par un ouvrier, nommé indifféremment dans no(1)
no(1) de l'abbaye de Saint-Sulpice, même fonds, 1. 15, c. 7 à 10.
(2) L'invention du rouet à filer remonte à l'année 1530. On la doit à un habitant de Brunswick ; jusque-là, on n'avait filé qu'au fuseau, et, longtemps encore, ce procédé rudimentaire régna dans nos provinces, avant qu'on y adoptât l'invention d'outre-Rhin.
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tre pays ferteur ou chanvreur, et dont le vieux nom français est filassier (1).
Il y a trois cents ans, nos chanvreurs occupaient principalement, comme longtemps encore après, la rue SaintPrivé, au grand désagrément, paraît-il, des marchands du voisinage, qui se plaignaient du dommage que leur causait le travail du chanvre, par la trépidation qu'il communiquait aux alentours et la poussière qu'il répandait au dehors. Je pourrais citer, comme exemple de l'impatience avec laquelle on souffrait jadis ce voisinage, ce faitque, en 1611, un savetier louait sa boutique à un « ferteur », à la condition expresse qu'il n'y en broierait pas. Je me demande ce qu'il en voulait faire (2) !
Autre exemple : à la date du 15 juin de l'année suivante, on a les doléances de deux voisins du ferteur Ledoux, qui se plaignent, l'un, qu'en pilant et battant son chanvre, il inondait sa boutique de poussière et de « vilenies »; l'autre, qu'il faisait tourner le vin, conservé dans un cellier contigu à sa boutique. L'année suivante encore, des représentations du même genre, et pour le même motif, sont faites par des tondeurs de draps, et, chaque fois, le procureur de la ville donnant raison aux réclamants, le maire obligeait le chanvreur à transporter son domicile ailleurs. Voilà ce métier classé parmi les professions insalubres. Cela peut sembler plus singulier en un temps où il y avait, dans les rues étroites et mal entretenues, tant de causes d'inconvénients qui n'existent plus de nos jours.
Ce genre d'industriels formaient, au XVIIIe siècle, une
(1) Il ne faut pas confondre ce mot avec celui de filetier, nom des fabricants de filets, qui, à une certaine époque et dans certains pays, ont formé des communautés.
(2) Audience du 25 juin, dans le reg. des causes de la juridiction de l'Hôtel de Ville de 1611, FF 6.
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communauté sous le nom des « maîtres chanvreurs, filassiers et liniers », dont les statuts, édictés à une époque que nous ne connaissons pas, furent renouvelés en 1747. Ils avaient droit de vendre à boutique ouverte toute marchandise ressortissant à la partie.
La communauté, en 1700, comptait une cinquantaine de maîtres. Dans la seconde moitié du siècle, je ne les retrouve plus inscrits aux registres d'impositions des métiers. C'est qu'alors ils sont associés à une autre communauté, celle du cordier, dont nous allons traiter maintenant.
LES CORDIERS
Les titres du métier de cordier à Paris, durant le XIIIe siècle, mentionnent, comme manipulés par les ouvriers du métier, non seulement le chanvre et le lin, mais encore la soie, le poil de chèvre, les écorces. Nous n'avons ici qu'à nous occuper du cordier de chanvre.
Comme depuis, du moment qu'il nous apparaît à Bourges, le cordier installait son travail le long des remparts de la ville. Le 21 août 1529, la mairie passait un bail de neuf ans avec le nommé Tabourneau, cordier, pour l'acence du « lieu de paufilletz, le long des murs de ceste ville de Bourges, près la porte Sainct-Privé, à prandre depuis la chappelle Sainct-Julian jusques à la tour du pré Fichault », c'est-à-dire sur le rempart qui prit, au XVIIIe siècle, le nom de cours Beauvoir, pour 10 sols tournois par an, avec faculté pour la ville de reprendre cet emplacement, quand elle en aurait besoin. Un autre bail du même jour, fait en pareilles conditions, cède pour 20 livres, au cordier Huré, les paufiletz, « depuis la porte de Vauzelles jusques à la tour Caphin tirant vers la porte de Charlet ». Ces deux baux avaient été précédés d'un au-
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tre, contracté le 11 du même mois, en faveur du cordier Dauphin, et par lequel on lui accordait, aux mêmes conditions et prix, « l'aisance de pofilletz le long d'ung chemin par luy faict le long des murs de ladicte ville, à prendre depuys la porte Sainct-Sulpice jusques au bâtardeau des foussez de la ville près la Chappe », ce qui paraît indiquer les terrains situés entre le mur de ville et l'Yévrette. A la première réquisition, le fermier était tenu de remettre la place en l'état où il l'avait primitivement trouvée (1).
L'emplacement où le cordier tressait ses cordes, et que nous trouvons, à celle époque reculée, nommé paufilet, portait ordinairement le nom de filerie ou filoir. C'est sous ces dénominations que nous trouvons plus tard désignés ces ateliers. Ainsi, en 1554, la ville affermait, pour neuf ans, au cordier Guibelot, « ung fillouer de cordier estant le long des foussez de Vauzelles », ce qui doit indiquer l'emplacement actuel sous les murs, et non, comme précédemment, sur le rempart (2).
A cette époque, le prix de location était singulièrement réduit, car, cette même année, le fillouer de Bourbonnoux n'était affermé au cordier Taupin que pour la modique somme de 5 sols. Et encore, il paraît que cela paraissait parfois exagéré aux cordiers, qui allaient jusqu'à prétendre que la faculté de travailler gratis sous les murs de la ville était pour eux un droit qu'on ne devait pas leur refuser. Ainsi nous lisons, dans le registre de notes tenu par le secrétaire de la mairie, de 1574 à 1580, et sous la date du 13 décembre 1574, mention de la délibération suivante: « A esté advisé qu'il sera interdict à tous ceulx
(1) Archives de l'Hôtel Je Ville, pièces à l'appui des comptes de la ville (exercice 152-1539), CC 693.
(2) Ibid. (exercice 1553-1554, CC 718.
D'ARTS ET MÉTIERS DE BOURGES 101
qui tiennent des fillouers ès entours des murailles de la ville de plus y besongner synon qu'ils recongnoissent de la ville et en payent tribut » (1).
Un document plus ancien nous apprend que tous ceux qui, du dehors, amenaient cordes à vendre en ville, devaient le droit d'un denier au profit du vicomte (2).
Les plus vieux statuts de la corderie de Bourges ne nous sont pas parvenus. Le registre des métiers contient sur ce sujet une ordonnance de la mairie, du 14 juillet 1599, qui intéresse snrtout la confrérie. A cette date, le métier sortait d'une crise ; la ville avait été ravagée par une maladie contagieuse, qui avait réduit de moitié le personnel de la communauté, en sorte que l'association périclitait par la difficulté qu'elle éprouvait à couvrirles frais de la confrérie. Dans cette occurrence, les cordiers s'adressèrent à la mairie, l'invitant à renouveler les principaux points des anciens statuts. Telle lut l'origine de l'ordonnance en question, qui enjoint aux maîtres, sans plus de détails, d'observer scrupuleusement les anciens règlements édictés par la mairie « pour la fasson des ouvrages d'icelluy mestier », en se bornant d'ailleurs à déterminer pour l'avenir : 1° l'obligation, pour le maître qui prendra le bâton de la confrérie, de fournir cinq livres de cire neuve et d'offrirun pain bénit d'au moins 2 boisseaux de froment, et jusqu'à concurrence du prix de 40 sous, dont le surplus, en cas d'excès, serait payé par la communauté; 2° la célébration d'une messe de corps tous les dimanches, pour à quoi pourvoir, chaque maître à son tour devait verser à la caisse commune 2 sous 6 deniers; 3° la stricte obligation, pour tous les maîtres et les maîtresses, d'assister aux messes de la confrérie
(1) Archives de l'Hôtel de Ville, BB 9.
(2) CHENU, Recueil des antiquités et privilèges, p. 44.
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célébrées le jour et la veille de la Saint-Pierre, sous peine de l'amende d'un quarteron de cire.
Les derniers statuts, dressés en 1624, en neuf articles, sont très simples. A cette époque, les cordiers vivaient, de longue date, sous le régime d'une confrérie érigée dans l'église des Jacobins, sous le patronage de saint Paul. Les dispositions précédentes ne furent pas renouvelées. Il n'y est pas non plus spécifié de durée pour l'apprentissage, mais, seulement, l'obligation pour l'apprenti entrant de fournir trois livres de cire neuve pour la confrérie.
Les anciens cordiers de Paris avaient jugé cependant cet apprentissage comme assez important pour lui assigner une durée de quatre ans (1). Il est vrai que nos statutsimposent, outre l'apprentissage, deux années de compagnonnage, dont ceux de Paris ne parlent pas. Ainsi on peut citer le contrat de compagnonnage passé en qualité de cordier « et tambourinier », en 1478, entre Pasquet Leguay, compagnon bourbonnais, et son patron Pierre Forques. L'un et l'autre font de la corde et tambourinent à tour de rôle, gagnant leur vie à ce double métier. Dans ce contrat, la durée de l'engagement est de deux ans.
Le droit de confrérie pour le maître était de 8 livres d'argent et 4 livres de cire. Ce droit était réduit de moitié pour les fils de maîtres.
Les conditions de travail exigées sont de n'employer que de bon chanvre neuf, sans mélange d'étouppe et de « frétasses » (2).
(1) DEPPING, Le livre des métiers de Boileau, tit. Xlll, p. 41.
(2) Il n'y est pas question du travail à 'a lumière. Les anciens statuts des cordiers de Toulouse, qui datent du XVe siècle, défendaient le travail de nuit, non seulement pour l'excellence de la besogne, mais aussi « pour éviter les dangers d'incendie ». (A. DU BOURG, Coup d'ail hist. sur les corporations de Toulouse, p. 86.) Ne pas travailler de peur de mettre le feu à la maison, c'est le comble de la précaution !
D'ARTS ET MÉTIERS DE BOURGES 103
Quatre visites devaient être faites dans l'année chez les maîtres, à chacune desquelles ils devaient payer chacun 12 deniers.
La communauté, à l'époque où ces statuts furent promulgués, comprenait seize membres, dont les noms figurent en tête du procès-verbal de ce règlement. Ils n'étaient déjà qu'une quinzaine en 1599, mais nous savons que, avant la peste qui désola Bourges à cette époque, ils étaient plus de vingt-cinq.
La communauté était administrée par deux procureurs, élus de deux en deux ans. Elle eut à subir, comme presque tous les autres corps de métiers, la plaie des offices extraordinaires. En 1709, elle rachetait, moyennant 30 livres, les deux offices d'auditeurs-examinateurs des comptes de ladite communauté, créés par édit de mars 1694. Peut-être est-ce pour répondre à quelque nécessité du même genre que, forcés de recourir à l'emprunt, les maîtres cordiers-fréteurs constituaient en 1746 20 livres de rente au principal de 400 livres par-devant maître Gabard. La suppression de la communauté, sous le ministère de Turgot, motiva la liquidation de cette affaire, qui ne s'accomplit qu'en 1782 (1).
Comme nous l'avons vu, et à une date que nous ne saurions préciser, cordiers et fréteurs s'associèrent, sans doute par raison d'économie, car les uns et les autres continuèrent à êlre des gagne-petit, et les charges communes, si faibles fussent-elles, étaient lourdes à porter. C'est ce qui nous explique que nous ayons vu plus haut un cordier ajouter au métier, comme seconde corde à son arc, le métier de tambourineur. Sans compter que cette partie, comme bien d'autres, avait à lutter sur le marché contre la concurrence du dehors. Bien heureux
(1) Archives du Cher, fonds des notaires, minutes de G. Gaulmier (1783).
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si la communauté, comme je suis porté à le croire, n'avait pas à supporter la charge imposée par la coutume à la corderie de Paris, qui était tenue de fournir à l'exécuteur des hautes oeuvres toute la corde nécessaire à ses opérations. Il est vrai que cela lui valait l'exemption de certaines redevances.
Nous ne saurions parler du faiseur de cordes sans mentionner, au moins d'un mot, les fabricants de lacets et de cordon, ce qu'on nommait des laceurs, et qu'il faut distinguer des dorelotiers, fabricants de ganse et de galon, ou des rubaniers. Il est plus que probable que ces différents objets se fabriquaient à Bourges; malheureusement, aucun renseignement ne nous est parvenu sur cette fabrique et sur ceux qui l'exerçaient.
(A suivre.) HIPPOLYTE BOYER.
CADRAN SOLAIRE de l'Atelier de Construction de Bourges.
LE CADRAN SOLAIRE
DE
L'ATELIER DE CONSTRUCTION D'ARTILLERIE
DE BOURGES
Cadran de M. Antoine. — Dans la cour d'honneur de l'Atelier de Construction d'artillerie de Bourges, qui s'appelait autrefois Fonderie de canons, se trouve un cadran solaire, lequel a été construit un peu après la guerre de 1870, vers 1872, sur les plans dus à M. Antoine, alors garde d'artillerie, chargé de l'atelier d'ajustage et de la menuiserie de la Fonderie (1).
Ce cadran était primitivement placé dans la cour d'honneur, à l'intersection des voies principales; mais il gênait pour le passage des voitures et allait être dans l'ombre portée par les arbres d'un massif situé au sudouest. On le déplaça et il fut mis dans l'intérieur de la cour des ateliers de la Fonderie, entre les bâtiments Z et Z', derrière un bassin et devant le bâtiment (2) parallèle au boulevard Lahitolle.
(1) Le. titre de garde d'artillerie cerrespond à celui d'officier d'administration. M. Antoine eut né en 1821. Il devint garde principal d'artillerie en 1873 et fut retraité en 1875.
(2) Ce bâtiment porte un fronton, invisible maintenant du boulevard Lahitolle,
106 LE CADRAN SOLAIRE
A ce moment, après janvier 1888, on voulut rendre visible la direction nord-sud du cadran, et un repère fut placé contre le mur de soutènement de la grille qui sépare les deux cours de l'établissement.
Pendant la guerre de 1914, on eut besoin de construire un atelier entre les bâtiments Z et Z'. On remit alors le cadran dans la cour d'honneur, mais dans une pelouse d'un massif situé au nord, près du boulevard Lahitolle, où ce cadran ne gêne pas et n'est pas menacé par l'ombre des arbres. Un hangar ayant été édifié le long de la grille précitée, le repère n'est plus visible. D'ailleurs, il est maintenant inutile.
L'instrument a été ciselé (1) minutieusement et même en partie doré; mais, exposé aux intempéries depuis plus de cinquante ans, l'oxydalion a fait disparaître à peu près toute trace de dorure et les traits fins gravés sur la planchette P. Les oiseaux, d'ailleurs, peu conservateurs des objets d'art, ont pris ce cadran solaire pour un perchoir commode et l'ont sali de déjections.
Description. — Le cadran est tout en bronze. Il se compose d'un cercle de 200 mm. de rayon, ABEF, sur lequel une graduation en heures est nettement gravée. Les divisions se suivent de 2 en 2 minutes et forment une circonférence de 169 mm. de rayon. Un boulon central gêne pour mesurer ce rayon ; aussi avons-nous tourné la difficulté en mesurant les cordes hexagonales ou de quatre en quatre heures, en plusieurs endroits.
et dont la sculpture est dur à M. Dumoutet, habile sculpteur berrichon dont les oeuvres, répandues dans le département, se voient surtout à l'église Sainl-Bonnet de Bourges, à celle de Ncuvy-Saint-Sépulcre et au Musée du Berry.
1) L'atelier de ciselerie a été longtemps dirigé par M. Brulin, contremaître civil faisant fonctions de chef d'atelier.
DE L'ATELIER DE CONSTRUCTION 107
L'intervalle d'une division à l'autre est de 1m/m47480 sur la circonférence de 169 mm. de rayon (1).
Mobile autour des points E et F, et la circonférence BCA pouvant glisser dans la boite C, le cercle ABEF peut être mis parallèle à l'équateur, suivant la latitude du lieu où il est établi. Une graduation en degrés est inscrite sur le cercle ACB près de C. Elle sert à donner au plan ABEF le parallélisme avec l'équateur. Le cadran peut donc être installé en un endroit quelconque et réglé suivant la latitude.
Au-dessous de la boîte C, se trouve une lige qui peut être mise verticale au moyen de deux visées rectangulaires de fil à plomb. D'aijleurs, cette qualité n'est pas absolument nécessaire, la position du cercle ABEF parallèlement à l'équateur pouvant être vérifiée autrement. En G, le pied s'élargit et se compose d'un plateau cylindrique, très ornementé, de la base duquel partent des feuilles radiantes; au-dessous de ces feuilles, la tige pénètre dans le bouton de culasse d'un tronçon de vieux canon ciselé. Le plateau et la base de feuilles font actuellement un effet disgracieux. En l'absence de tout renseignement laissé par M. Antoine, on peut supposer que le cadran avait été conçu d'abord pour être placé sur un socle de pierre, dans lequel la tige devait être scellée, le cadran semblant reposer par le bord des feuilles sur ce dé. On se serait ensuite décidé pour un tronçon de canon, ce qui était indiqué par la nature de l'établissement lui-même.
La tige est probablement vissée dans le bouton de culasse. Autour de ce bouton, une frette, D, en bronze, porte, ciselée, l'inscription suivante :
Tempora si fuerint nubila, solus eris.
108 LE CADRAN SOLAIRE
Cette inscription est le second vers d'un distique :
Donec eris felix, multos numerabis amicos; Tempora si fuerint nubila, solus eris.
qu'Ovide, exilé et abandonné de ses amis, a inscrit dans une élégie (1) :
« Tant que tu seras heureux, tu compteras de nombreux amis; « Si le temps est sombre, tu seras seul. »
Le second vers s'applique bien à un cadran solaire, et nous pûmes le constater, car, le jour où l'on fit la photographie du cadran, le ciel se couvrant de nuages, le cadran ne marqua plus rien, et nous fûmes impuissant à faire les observations sur lesquelles nous avions compté, si le soleil eût continué à briller.
Du canon nous ne dirons rien : c'est un support élégant et bien de circonstance pour un cadran installé dans une fonderie de canons, mais c'est seulement un support (2).
(1) OVIDE, Tristium, I. Ier, élégie IX, vs 5 et 6 (écrite dans les cinq premières années de l'exil).
(2) M. Jadart, conservateur du musée et de la bibliothèque de Reims, a fait remarquer, en 1895, que les devises des cadrans solaires sont plus rares dans les légions du nord de la France que dans le midi et le centre. Il cite un certain nombre de devises observées dans les Ardennes, entre autres :
Si le soleil n'y luit, Il ne sert non plus de jour que de nuit (Lalobbe),
ce qui se rapproche de la devise du cadran de la Fonderie.
N'en perds aucune, dont le sens moral est accessible à tous (JADART, Revue hist. ardennitise, t. II, p. 33). Quant à la devise souvent employée :
Vulnerant omnes, Ultima necat,
elle est fausse, car les heures intermédiaires ne blessent pas, et si la dernière assiste à la mort du spectateur, elle n'en est pas la cause.
DE L'ATELIER DE CONSTRUCTION 109
Le cadran de la Fonderie est de la catégorie des Cadrans dits équinoxiaux, ou plutôt équatoriaux (1). Dans ces instruments, un plan, rendu parallèle à l'équateur (2), porte la graduation des heures, qui sont indiquées par l'ombre d'un style perpendiculaire à ce plan. Ce style est parallèle à l'axe du monde. Mais il faut observer que, pendant le printemps et l'été, le soleil est au-dessus de l'équateur, et au-dessous pendant l'automne et l'hiver. Il faut donc que le plan, parallèle à l'équateur, ait deux graduations et deux chiffraisons en sens contraire l'une de l'autre. Puis, aux équinoxes, le soleil parcourant l'équateur, il faut que les heures se lisent sur la tranche du plan.
Ici la solution est différente; elle est imitée des perfectionnements apportés aux cadrans solaires par l'abbé Guyoux en 1826, par M. Fléchet, qui prit un brevet en 1861, et par M. Mayette, commandant du génie, vers 1890.
Au-dessus du plan ABEF, se trouve une alidade, qui peut tourner autour du centre O de ce plan et qui porte à une extrémité, à une distance de 125 mm. du centre de rotation, une lentille L, destinée à projeter l'image du soleil sur la planchette P, située à l'autre extrémité, à la même dislance de 125 mm. du centre O. Cette lentille est au-dessus de la base de l'alidade, à 120 mm, Elle est bien dégagée et peut à toute époque de l'année recevoir le soleil et en projeter l'image sur la planchette. Celte lentille est mobile autour d'un axe parallèle au plan ABEF, de manière à pouvoir être toujours placée en face du soleil (3).
(1) Gnomonique : LIVET, capit. du génie, bibl. de l'artillerie à Bourges, C 4 (1839), p. 5, et BIGOURDAN, membre de l'Institut et du Bureau des longitudes (1922), p. 28.
(2) Il est bien entendu que la ligne 0-12 est une ligne de plus grande pente.
(3) Cet axe est supposé parallèle à l'équateur et perpendiculaire au plan qui contient l'axe optique de la lentille et l'index.
110 LE CADRAN SOLAIRE
La planchette porte une ligne droite et, par derrière, invisible sur la photographie, un index. Quand l'image du soleil est projetée par la lentille sur la ligne droite, l'index marque l'heure vraie du soleil; autrement dit, cette ligne droite est l'intersection du plan de la planchette avec celui qui passe par le centre optique de la lentille et est normal au cercle ABEF.
Celte heure vraie du soleil diffère de l'heure moyenne du lieu par ce que l'on appelle l'équation du temps (1). Celte équation du temps est variable, légèrement, non seulement d'un jour à l'autre, mais aussi d'une année à l'autre. Toutefois, elle ne peut dépasser 17 minutes.
Autrefois, l'Annuaire du Bureau des Longitudes portait, dans une colonne, en face de chaque jour de l'année, le temps moyen à midi vrai. Il était donc facile de calculer l'équation du temps. Nous verrons plus loin comment on peut obtenir maintenant ce renseignement.
Courbe en 8. — Donc, quand on projette l'image du soleil, supposé dans l'axe de la lentille, sur la ligne droite de la planchette du cadran de l'Atelier de Bourges, on lit, en regard de l'index, l'heure vraie du soleil; une courbe en 8, quelquefois, mais à tort, appelée lemniscate(2), est gravée sur la planchette P. Lorsque l'image du soleil est obtenue sur cette courbe, l'index doit marquer l'heure moyenne du lieu. Or, M. Antoine n'a laissé, ou du moins nous n'avons retrouvé aucune note sur la façon dont cette courbe en 8 a été tracée, et, de plus,
(1) On trouvera plus loin des explications sur l'équation du temps.
(2) MAYETTE, De la mesure du temps (1890). La lemniscate est définie géométriquement : c'est le lieu des points tels que le produit de leurs distances à deux points fixes est constant. Cette courbe a la forme d'un chiffre 8 couché ( oo ), les deux points fixes étant sur une horizontale. Elle a un centre de symétrie; la courbe en 8 des cadrans solaires n'en a pas, La forme seule est ressemblante.
DE L'ATELIER DE CONSTRUCTION 111
celte courbe, gravée très finement, est effacée en beaucoup d'endroits. La vérification de son exactitude est donc difficile à faire, mais nous avons cherché comment M. Antoine aurait dû la tracer.
Influence du déplacement de la lentille. — Soit AOLS (fig. 1 schématique) la direction du soleil, un jour que l'équation du temps est e minutes d'heures et positive. A est l'image du soleil donnée par la lentille L sur la ligne droite de la planchette. L'index marque l'heure vraie du soleil. Supposons l'alidade formée de deux parties indépendantes l'une de l'autre et pouvant tourner chacune séparément autour de O, et décomposons par la pensée le mouvement. Faisons marquer à l'index de l'alidade l'heure moyenne en B : l'alidade, ou du moins la portion qui porte l'index, aura tourné de l'angle a; l'image du soleil sera toujours en A (fig. 1 schématique), puisque la lentille n'a pas bougé. Faisons maintenant tourner la lentille de façon qu'elle soit dans le prolongement de BO. La lentille vient en L' (fig. 2 schématique) et l'image du soleil en C, SL'C étant une droite comprenant le centre du soleil et le centre optique de la lentille. Elle est parallèle à AO à cause de la distance du soleil, pratiquement infinie. Cela résulte de la théorie qui donne la position de l'image du soleil, quand le centre de celui-ci n'est pas sur l'axe de la lentille et s'en éloigne seulement de peu de degrés (1) (ici le déplacement du centre du soleil ne dépasse guère 4°). Cela résulte aussi de l'expérience, qui nous a montré que le déplacement de la lentille déplaçait en même temps l'image du soleil.
(1) Lettre du 13 février 1928, de M. Jaubertie, professeur de physique au lycée de garçons de Bourges.
112 LE CADRAN SOLAIRE
Supposons un observateur en O, la tête vers le zénith et regardant la lentille : si celle-ci a un mouvement lent la déplaçant vers la droite du spectateur, et si, pendant le mouvement de la lentille, l'observateur se retourne brusquement et, pour ne pas être gêné par le mouvement de la planchette, s'il substitue à cette planchette un écran fixe, il voit alors nettement l'image du soleil se déplaçant vers sa gauche.
C est donc un point de la courbe en 8 et l'on voit que BC est le double de AB, suivant l'arc. Mais l'angle a est très petit (4° au plus environ) et, pour cette dimension, les arc, tangente et sinus sont égaux, ou du moins leur différence est très faible. On voit, en outre, que la courbe en 8 doit être tracée de façon que la partie correspondant à l'équation du temps positive soit vers la gauche pour un observateur qui regarde la planchelle du point O, et la partie correspondant à l'équation négative vers la droite (1).
Calcul de la courbe en 8. — 1° Cas d'une planchette sphérique ou cylindrique. — Soit e minutes d'heures l'équation du temps; BA (2) a une longueur égale à :
soit e multiplié par la longueur d'une minute de temps
(1) Ce résultat était évident a priori.
(2) B est un point de l'intersection de la planchette et du plan normal à l'équateur, et passant par la lentille et l'index.
(3) On peut arriver à ce résultat en suivant une autre voie. En effet, c'est l'index
2 x 3,1416 x 169
de l'alidade qui est déplacé de em, soit de e ——— en millimètres,
1440
ce qui, au rayon de la planchette 125m/m, donne :
(4) Il fallait écrire la longueur des minutes à 125 millimètres de l'axe de rotation,
DE L'ATSUER DE CONSTRUCTION 113
Ce résultat n'est vrai que si la planchette est soit sphérique, de centre celui de la lentille, comme dans tes chronographes Fléchet, soit plutôt cylindrique, la longueur des ordonnées de la courbe en 8 étant faible. Dans les deux cas, l'index marque l'heure vraie du soleil quand l'image de celui-ci est sur l'intersection de la planchette et du plan, normal à l'équateur et passant par le centre optique de la lentille et l'index.
2° Cas d'une planchette plane. — Dans le cas d'une planchette plane, telle que MN (fig. 3), voyons ce que devient le point de la courbe en 8. La figure perspective montre le plan, de la lentille et de l'index, normal à l'Equateur. MN est la ligne droite d'une planchette plane comme celle du cadran de M. Antoine. LQ est un rayon solaire. Arrêté à C si la planchette est cylindrU que, il va jusqu'à Q si elle est plane. BM est l'intersection du plan de la lentille et de l'index, normal à l'équateur, avec une planchette cylindrique perpendiculaire au susdit plan; NQ est donc en réalité normal à NL; LM parallèle à l'équateur; NQ, BC parallèles et perpendiculaires à LN.
On a
la planchette étant à cette dislance de cet axe. Cela concorde d'ailleurs, à très peu près, avec t'écartement dos minutes ou plutôt des doubles minutes tel qu'il est indiqué page 107.
1,09 X 169 = 1,67 x 125 environ, la discordance étant moindre que. 0,01 de millimètres.
8
114 LE CADRAN SOLAIRE
soit e = 17m, maximum absolu, et D = 14°, déclinaison du jour où, en 1928, le maximum est atteint.
Ainsi donc, suivant que la planchette est plane comme dans le cadran de M. Antoine, ou cylindrique, l'ordonnée de la courbe en 8 est :
dont le double est 38,18 ou 37,08.
Les cadrans à lentille. — Or, la planchette du cadran Antoine a 59 mm. de largeur : elle peut donc contenir le point Q, lorsque l'on a l'équation du temps au maximum, et il serait possible que M. Antoine ait tenu compte du déplacement de l'image du soleil par celui de la lentille.
L'abbé Guyoux n'y a probablement pas fait attention.
Le commandant Mayette, qui a perfectionné les aménagements de l'abbé Guyoux pour les cadrans solaires, n'en parle pas et n'applique pas la correction susdite.
M. Bigourdan, membre de l'Institut et président du Bureau international de l'heure, qui, en 1922, a fait un traité de gnomonique, passe la question sous silence (1).
Quant à M. Fléchet, breveté en 1861 pour un chronomètre solaire, Tissandier (2), en 1875, s'exprime ainsi : « ... courbeen 8, construite par points, d'après la valeur
(1) Gnomonique, p. 33 et suiv
(2) La Nature (1875), p. 128.
DE L'ATELIER DE CONSTRUCTION 115
de l'équation du temps. » Il y a doute sur l'observation de la théorie précédente. Mais M. Mayette, qui cite Fléchet, ne dit rien sur le déplacement de la lentille.
Nous n'avons d'ailleurs pas vu le texte du brevet de Fléchet (1).
Ainsi donc, l'image du soleil étant sur là courbe en 8, l'index marque l'heure moyenne locale. Mais il faut prendre garde que l'image du soleil soit bien celle qui convient; à cet effet, il vaut mieux observer l'heure du soleil vraie sur la ligne droite de la planchette plane, déplacer l'alidade et amener l'image du soleil sur la courbe en 8. On a ainsi l'heure moyenne véritable et locale.
Il est plus simple, d'ailleurs, d'avoir une bonne montre, chose actuellement répandue (2).
Perfectionnements qui pourraient être apportés au cadran solaire de M. Antoine. — Une planchette plane ne peut pas, en tous ses points, être à la distance focale d'une lentille. Il faudrait remplacer la planchette, non, comme dans le chronographe de Fléchet par une surface sphérique, mais par une portion de cylindre circulaire ayant son axe passant par le centre optique de la lentille, parallèle au plan ABEF et perpendiculaire à celui qui contient le centre optique de la lenlille et la ligne droite de la planchette P.
(1) 8 avril 1861. Mais nous avons vu le certificat d'addition du 1er août 1861, dans lequel est la phrase suivante : « ... Je trace la courbe de l'équation du temps pour chaque jour de l'année, d'après l'Annuaire du Bureau des longitude et pour la distance focale de la lentille (LC). » Fléchet n'a donc pas tenu compte Ju déplacement de la lentille.
(2) Il faut encore étalonner cette montre de temps en temps. A ce sujet, si l'on n'a pas chez soi la T. S. F. et les signaux horaires de la Tour Eiffel, on peut utiliser une méridienne, avec l'équation du temps (observation du lieutt-colt Chenu).
116 LE CADRAN SOLAIRE
Image du soleil. — On sait que l'image du soleil, quand il se trouve sur l'axe d'une lentille de distance focale F, est un petit cercle dont le diamètre est :
Avec une planchette plane ou même cylindrique, on est toujours obligé d'apprécier le milieu de l'image et, quand le temps est brumeux, cette image peut ne pas être très nette.
Avec une planchette plane, la dislance de la lentille à la planchette va de B (quand la déclinaison est nulle) à Rv/l-Mg'D. Son maximum est donc R\/ 1 + tg 2 24° environ.
Si R=250m/m, le maximum est alors 250 x 1,095 = 273,75 environ.
M. Mayette, qui avait une distance de 500m/m de la lentille à la planchette, double par conséquent de celle du cadran de M. Antoine, avait adopté 530 comme distance focale de la lentille. On pourrait donc prendre ici 265. Mais, quoi que l'on fasse, la distance focale n'est convenable que pour une déclinaison donnée.
L'image du soleil serait alors un cercle de 0,0093 X265 = 2m/m 4645.
L'heure moyenne de Paris (1), l'heure légale, l'heure d'été ne diffèrent de l'heure moyenne locale que par des constantes. On peut donc remplacer l'index en pointe par un arc de cercle avec différents repères et l'on aura en même temps l'heure moyenne locale et toutes les heures précitées.
Mais, nous le répétons, il vaut mieux avoir une bonne
(1) Nous supposons le cadran solaire de M. Antoine installé ailleurs que sur le méridien de Paris
DE L'ATELIER DE CONSTRUCTION 117
montre, ce qui est aujourd'hui facile, et qui peut servir, si on n'oublie pas de la remonter, quand le cadran solaire est inutilisable (nuages, nuit, etc.).
Équation du temps. — L'équation du temps est la quantité dont il faut corriger l'heure vraie pour avoir l'heure moyenne locale.
Elle s'annule quatre fois dans l'année, actuellement le 14 avril, le 14 juin, le 1er septembre et le 24 décembre, Le capitaine Livet, qui a écrit en 1839 un traité de gnomonique (l), a donné de ce fait, d'après Biot (2), une démonstration de bon sens et exempte de formules, dont voici la conclusion ou, du moins, la partie importante de la conclusion : « En vertu de l'obliquité de l'écliptique, combinée avec le mouvement inégal du soleil, l'équation du temps devient nulle quatre fois dans l'année, savoir... Les époques de ces phénomènes varient avec la position du grand axe de l'orbite solaire... On conçoit que le déplacement progressif de ce grand axe [ 51" par an environ (3) ] doit changer peu à peu la valeur de l'équation du temps. »
M. Bigourdan, dans sa gnomonique de 1922, écrit : « La coïncidence du temps vrai et du temps moyen varie d'une année à l'autre, mais d'une fraction de jour seulement, et, tous les quatre ans, elles se retrouvent approximativement à la même heure de la même date pendant un grand nombre de périodes. »
Les jours solaires vrais sont réglés par le passage du soleil au méridien et, par suite, par son ascension droite. Or, cette ascension droite comprend la longitude moyenne du soleil et, en outre, deux suites de termes
(1) Bibl. de l'artillerie, n° 4 C.
(2) Astronomie physique.
(3) Annuaire du Bureau des longitudes (1927), p. 243.
118 LE CADRAN SOLAIRE
périodiques appelées, l'une équation du centre, l'autre réduction à l'équateur, plus une quantité variable due aux perturbations apportées à la marche du soleil (1) parla lune, la terre et les autres planètes.
En fait, nous avons comparé les valeurs, à certains jours, de l'équation du temps en 1840 (2), 1875 (3), 1890 (4), 1911 (5), 1915 (6), 1927 et 1928 (7). La moyenne des différences relevées atteint à peine 18 secondes d'heures et la plus grande ne dépasse pas 30 secondes.
Il est cependant légitime de se servir de la courbe en 8, admise comme vraie, pour une heure quelconque du jour, car l'équation du temps rejoint insensiblement la valeur correspondant au jour suivant.
Calcul de l'équation du temps. — Autrefois il était facile de calculer l'équation du temps. En effet, l'Annuaire du Bureau des longitudes donnait, pour chaque jour de l'année, le « temps moyen à midi vrai ». Actuellement, c'est un peu plus pénible. L'annuaire précité donne l'heure légale du passage du soleil au méridien de Paris. Or, l'heure légale est l'heure moyenne de Paris diminuée de 9m 21s. Il suffit donc de rétablir ces 9m21s pour avoir l'heure moyenne de Paris.
Ainsi, par exemple, au 1er janvier 1927, nous voyons que le soleil franchit le méridien de Paris à llh53m58s, temps légal. Ajoutons 9m21s :
(1) En réalité, c'est la terre qui parcourt l'écliptique; mais tout se passe comme si c'était le soleil.
(2) LIVET, op. cit.
(3) Cours d'astronomie de l'École Polytechnique (1875).
(4) MAYETTE, op. cit.
(5) Annuaire du Bureau des longitudes (1911).
(6) Ibid. (1915).
(7) Ibid. (1927 et 1928).
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3m 19s est l'équation du temps pour le jour considéré, et il est facile de faire le même calcul pour tous les jours de l'année.
Déclinaisons. - On peut faire le tracé de la courbe en 8 en partant des déclinaisons du soleil. Celle-ci est indiquée pour chaque jour de l'année par l' Annuaire du Bureau des longitudes, et M. Antoine semble avoir appliqué cette méthode, car la ligne droite du cadran de la Fonderie porte trace d'une graduation en déclinaisons. Cela facilite d'ailleurs les opérations.
Ainsi, prenons arbitrairement la déclinaison — 14°7', qui est celle du 31 octobre 1928. Le soleil franchissant le méridien de Paris au temps légal llh34m20s ce jour-là, l'équation du temps est donc — 16m19s = —16,33 environ, et le point C ou Q (fig. 3) est à la distance :
soit : 17m/m799 ou 18m/m 3300, suivant que la planchette du cadran est cylindrique ou plane, et cela, de l'intersection de la planchette et du plan normal à l'équateur et passant par le centre optique de la lentille et l'index.
Organes mal réglés. — Jusqu'ici nous avons supposé bien réglés les divers organes du cadran solaire; voyons maintenant l'influence de quelques-unes des erreurs de placement de certains accessoires, la lentille, par exemple. Celle-ci peut être plus ou moins rapprochée de la planchette, son axe optique peut avoir subi un déplacement d'amplitude b, parallèlement au plan de l'équateur, ou c perpendiculairement à ce plan. Le premier défaut affecte la grandeur de l'image du soleil, mais il faut toujours apprécier le milieu de cette image,
120 LE CADRAN SOLAIRE
surtout dans le cas d'une planchette plane. Le deuxième défaut se traduit par un déplacement, parallèle à l'équateur, du point C, égal à 250m/m x b (b étant très petit). Pour b = 0,01, le déplacement, qui est à retrancher ou à ajouter à la position de C (fig. 2 schématique), est égal à 2 m/m 5, soit à plus que 3 minutes, et cela est sensible; mais pour la lentille, cela correspond à 0m/m25 de différence de position entre les extrémités de l'axe de rotation. Il en est de même pour le troisième défaut; mais alors c'est un abaissement ou une élévation de 250m/m x c pour la position du point C sur la planchette, chose peut-être moins sensible à cause de la forme de la courbe en 8.
D'ailleurs, même avec un cadran dont les organes sont mal réglés, on peut construire la courbe en 8 directement et par des observations espacées de plusieurs jours; mais c'est long; il vaut bien mieux avoir une bonne montre.
Il faut surtout éviter les ballottements, car ce n'est pas toujours le même observateur qui consulte l'heure. Un observateur peut ne pas appuyer dans le même sens qu'un autre et ne pas lire la même heure que celui-ci.
Conclusions. — S'il est donc absurde, en principe, de baser une lecture sur une courbe variable, les variations de cette courbe sont, en réalité, très faibles, trop petites pour affecter son tracé et presque toutes périodiques. L'influence des perturbations et de la rotation du grand axe de l'écliplique, dont la direction varie de 51" d'arc par an, environ, est assez faible pour que les cadrans solaires soient démodés lorsque les erreurs de la courbe en 8 seront sensibles. L'usage d'une lentille est un perfectionnement et un procédé ingénieux, de plus d'exactitude, mais dangereux, car les erreurs de
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placement de cette lentille, difficiles à voir, se multiplient par 10 environ sur la planchette. Il y a d'autres perfectionnemenls qui pourraient être apportés aux cadrans solaires, si ceux-ci étaient encore utiles. Une précision très grande ne peut pas être escomptée, et l'on a la même précision, et à tout instant du jour et de la nuit, avec les montres actuelles; aussi les cadrans solaires sont-ils généralement abandonnés. Ils ne sont plus que des instruments historiques.
Tracé du méridien par l'observation de l'étoile polaire. — La page 96 de l'Annuaire du Bureau des longitudes pour 1928 donne le temps légal du passage de l'étoile polaire au méridien de Paris. On peut donc, au moyen d'un fil à plomb, mener un plan vertical comprenant le centre du cadran et la polaire, et marquer, par un trait ou un repaire, la trace du méridien sur le mur qui supporte la grille du boulevard de Lahitolle. On peul corriger l'heure légale de 15 secondes, pour tenir compte de ce que Bourges n'est pas tout à fait sur le méridien de Paris (14S9 à l'est).
Mais, si l'on ne connaît qu'approximativement l'heure légale, on peut, au moyen de la table de la page 97 et de la note inscrite au bas de la page, et en choisissant une date convenable, pointer sur la polaire à sa plus grande digression. La polaire étant éloignée du pôle, pour la latitude de Bourges, d'environ 1°35', il suffit de déplacer le point de repère de 0m 028 par mètre, à droite ou à gauche, suivant que l'on a choisi la digression occidentale ou orientale (0,28 si la distance au mur égale 10 m.).
Remarque. — Il faut bien se garder de confondre la courbe en 8 des cadrans Guyoux, Mayette, Fléchet, Antoine, avec celle qui accompagne la méridienne des
122 LE CADRAN SOLAIRE
cadrans solaires que l'on voit souvent. La première est un instrument de lecture, supposé exact, surtout si l'on ne demande pas une grande précision au cadran. La deuxième est transportée à vue et sans exactitude, à chaque heure, tracée ou non, que l'on veut lire. Elle n'est pas répétée, pour ne pas surcharger la figure.
CH. DE MECQUENEM.
DICTIONNAIRE TOPOGRAPHIQUE
DU DÉPARTEMENT DU CHER
PAR M. HIPPOLYTE BOYER REVU ET PUBLIÉ PAR M. ROBERT LATOUCHE
COMPTE RENDU — TABLEAUX RECTIFICATIFS
Lorsque la mort vint, le 26 mars 1897, terminer sa laborieuse carrière, notre toujours regretté Hippolyte Boyer laissait — dernier témoignage de sa vaste érudition et de sa puissance de travail — plusieurs oeuvres importantes qu'il n'avait pas eu la satisfaction de pouvoir mettre au jour (1).
La Société historique du Cher, dont il fut longtemps l'âme, tint à honneur de favoriser la réunion d'une partie au moins de ce précieux héritage au commun patrimoine des lettres, en donnant place dans ses Mémoires, d'abord de 1900 à 1902, à l'Histoire de la principauté souveraine de Boisbelle-Henrichemont, et depuis 1909, à l'Histoire des corporations et confréries
(1) Voir Hippolyte Boyer. Son «livre, par M. Daniel Mater, dans les Mémoires de la Société historique, année 1898, p. 261-295.
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d'arts et métiers de Bourges, dont la publication est aujourd'hui parvenue à la moitié des chapitres.
A côté de ces deux oeuvres magistrales figurait le manuscrit non moins considérable d'un Dictionnaire topographique du département du Cher. Ce travail rentrait heureusement, en principe, dans le plan de la Collection des documents inédits sur l'histoire de France, publiés aux frais du ministère de l'Instruction publique. Mais l'abondance de ses détails débordait le cadre spécial imposé ; et c'est sous la réserve d'élagages, opérés à regret, que le Comité des travaux historiques et scientifiques en fit décider l'impression. Commencée en 1908, sous la direction des délégués de ce comité, l'entreprise n'a pu être achevée qu'à la fin de l'année 1926 par M. Robert Latouche, docteur ès lettres, archiviste des Alpes-Maritimes, qui avait bien voulu se charger de la mise au point demandée.
Le volume, du format in-4°, sorti des presses de l'Imprimerie nationale, contient 367 pages de texte à deux colonnes indiquant environ 18.000 lieux-dits classés dans l'ordre alphabétique. Après avoir résumé, dans une courte préface, la carrière scientifique de l'auteur et relaté les circonstances de la publication, M. Lalouche a écrit une introduction de 23 pages, où l'on trouve, avec un aperçu des anciennes formations territoriales, les diverses circonscriptions judiciaires, financières et ecclésiastiques qui existaient en 1789, puis le tableau des divisions administratives pour la période contemporaine. Un index placé immédiatement avant le Dictionnaire mentionne les principales sources manuscrites et imprimées. Enfin, une table occupant 50 pages à trois colonnes, également due à M. Latouche, et contenant quelque 8.000 formes anciennes des noms, termine le volume,
DU DÉPARTEMENT DU CHER 125
En cet état, l'impression représente, sauf l'abrègement systématique des notices historiques des localités les plus importantes, l'essentiel de l'oeuvre de M. Hippolyte Boyer accrue de nomenclatures facilitant les recherches, mais, par contre, amputée de la presque totalité de l'Introduction originale.
Les érudits regretteront de ne pas avoir sous les yeux celte partie de l'ouvrage, où l'auteur a réuni d'amples notions préliminaires analogues à celles que M. L. Raynal a mises en tête de son Histoire du Berry. En effet, ces notions, remplissant 127 pages, concernent : la constitution physique et géologique du sol, l'hydrographie, le climat, les habitants, l'agriculture, l'industrie et le commerce; et, d'autre part, l'organisation ecclésiastique et féodale, le gouvernement militaire, le pouvoir judiciaire et les nombreuses juridictions spéciales, financières et administratives; puis l'énumération des bonnes villes, la statistique partielle, à diverses époques, des paroisses et circonscriptions ecclésiastiques, les divisions territoriales modernes; des observations sur le cadastre, base adoptée pour le Dictionnaire, ainsi que sur la formation et les variations orthographiques des noms de lieux, leurs modifications pendant la période révolutionnaire; enfin, la contenance des cultures et le mouvement de la population.
Ces premières différences constatées, il ne saurait être question de contrôler toute la masse des articles du Dictionnaire. On devine, sans peine, que des omissions ou des erreurs matérielles aient pu échapper (1). L'au(1)
L'au(1) sondage pour trois communes a fait apparaître les discordances suivantes par la comparaison du Dictionnaire avec les nomenclatures des lieux-dits d'après les dénombrements officiels de 1891 et 1921 (ceux de 1881 manquant aux Archives départementales) :
1° Menetou-Salon (arrond. de Bourges). Le Gué-du-Foudray (ou Foudret), domaine (4 habitants en 1891), relevé dans le manuscrit, marqué seulement comme
126 DICTIONNAIRE TOPOGRAPHIQUE
teur a relevé, outre les anciens lieux-dits qui ont laissé des traces historiques, ceux qui existaient lors du dénombrement de 1881, sans toutefois noter le chiffre des habitants. Les lacunes à l'impression paraissent, en général, porter sur des lieux-dits sans désignation particulière autre que celle de la commune, ou n'étant suivis que de références sommaires. Il n'eût pas été inutile, pour les lecteurs, de préciser la méthode présumée de ces omissions, qu'un passage de la préface fait seulement pressentir en expliquant que le Dictionnaire devait, en principe, ne comprendre que les lieux-dits habités (1).
L'éditeur aurait pu placer un avis analogue en tête de la table des principales formes anciennes des noms ;
ruisseau dans le volume. Les Beaunes, hameau, la Tuilerie, domaine, appartenant à Menetou-Salon, classés comme tels dans le manuscrit, attribués dans le volume à Menetou-Couture ;
2° Dun-sur-Auron (arrond. de Saint-Amand). Le Four-à-Chaux, hameau (30 habitants en 1891, 16 en 1921), relevé dans le manuscrit, omis dans le volume;
3° Oizon (arrond. de Sanceno). Les Chétifs-Bainons, Bel-Air, le MoulinBerthier, domaines (avec respectivement 5 et 3 habitants en 1891 et 1921), mêmes lacunes.
J'ai noté, en outre, pour ces trois communes, l'absence des lieux-dits suivants, tant dans le manuscrit que dans le volume : à Menetou-Salon, les QuatreRoutes (11 habitants en 1891, 4 en 1921); à Dun-sur-Auron, la Sanceronne (22 habitants en 1891, 19 en 1921); à Oizon, la Veziniere (8 habitants en 1891, 7 en 1921). Mais il conviendrait de vérifier si ces lieux-dits existaient en 1881, pour les compter dans les lacunes de l'ouvrage avec les éléments dont il a été composé.
(1) Le manuscrit contient au mot la Brosse 48 lieux-dits (dont 7 avec noms composés) ; le volume n'en renferme que 32 spécifiés : châteaux, villages, hameaux, domaines, locatures, plus un ruisseau ; 15 de ces 32 lieux-dits ont leur article abrégé; dans les 16 omis, 6 portent des références à d'anciens textes, et 2 sont habités.
Le nombre des articles sous la forme du pluriel les Brosses est de 58 dans le manuscrit et de 20 seulement dans le volume, dont 15 habités. Des 38 omis, 12 portent des renvois à d'anciens textes et 2 sont habités.
DU DEPARTEMENT DU CHER
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l'obligation où il était de ne pas donner à celle-ci une ampleur excessive l'a conduit à éliminer certaines variantes, dans la pensée, sans doute, qu'on les retrouverait assez facilement par analogie, ce qui n'est pas le cas pour toutes (1).
Mais une exactitude rigoureuse était nécessaire à l'égard des nomenclatures de l'Introduction, appelées à servir couramment et qui, en grande partie l'oeuvre personnelle de M. Latouche, présentaient d'assez grandes difficultés.
Avant d'en aborder l'examen, il convient de remarquer que M. Hipp. Boyer a eu le soin de noter, sous les articles mêmes du Dictionnaire, pour chaque unité territoriale, les circonscriptions dont elle dépendait en 1789 (bailliage, élection, archipréveré), la situation étant précisée au point de vue judiciaire par l'indication du ressort de la Coutume, et sous le rapport du culte, par la mention du vocable de l'église et de l'autorité qui conférait le bénéfice. Dans son introduction, il n'a pas donné le tableau par bailliages des paroisses et communautés d'habitants ; mais elles y sont récapitulées par ressorts de coutumes. Les circonscriptions financières (élections), quant à celles dont le siège était hors du département, ne comprennent que les localités réunies par emprises sur le Cher ; il a appliqué la même méthode aux archipréverés, et indiqué les suppressions successives de paroisses, avec le chiffre de celles du
(1) Par exemple, le lieu-dit Villa de Charpeignis, omis dans cette table, y aurait figuré aussi utilement que les sept graphies, dont cinq aux phonèmes français très voisins, relevées avec renvoi aux dénominations usuelles de Charpagne et Charpaigne, lieux-dits de Maisonnais et Bengy-sur-Craon, qui, avec leur similaire Charpeignes, de Méry-ès-Bois, non rappelé (les uns et les autres construits sur charpe, du latin carpinus, dit en Berry pour charme), groupent ensemble treize variantes sous trois articles du Dictionnaire,
128 DICTIONNAIRE TOPOGRAPHIQUE
diocèse entier à différentes époques. Quant aux divisions territoriales actuelles, la liste des communes y est complète, à partir des subdivisions (districts, cantons) auxquelles elles ont été rattachées de 1790 à l'an VIII, avec toutes les modifications survenues jusqu'en 1881.
Obligé de réduire étroitement cette introduction, l'éditeur a compensé en partie les suppressions de texte par une plus ample statistique, en groupant toutes les paroisses et communautés d'habitants des anciennes circonscriptions judiciaires, financières et ecclésiastiques ayant leur siège dans l'actuel département du Cher, ou qui, leur chef-lieu étant hors de ses limites, y avaient leur plus grand nombre d'unités territoriales. Pour les circonscriptions s'étendant davantage sur les départements voisins, il a restreint les listes aux seules localités du Cher. Dans les listes mixtes, les noms des localités à rapporter aux départements limitrophes ont été imprimés en italiques. Son classement des communes suivant les circonscriptions territoriales actuelles est analogue à celui de l'Introduction originale. En résumé, M. Latouche a particulièrement innové en donnant la composition d'ensemble des bailliages, élections et archipréverés, et en dressant une liste récapitulative des vocables religieux. Mais il est fâcheux que le classement des localités dans les tableaux des divisions judiciaires l'ait entraîné à supprimer l'indication du ressort des bailliages dans les articles du Dictionnaire ; cette indication était aussi utile, pour l'usage pratique du volume, que celle du ressort des coutumes, des élections et des archipréverés avec les vocables religieux, qu'il y a opportunément maintenus, malgré leur récapitulation dans son introduction.
Au reste, la confection de ces nomenclatures méthodiques était une tâche ingrate et compliquée, exigeant
DU DÉPARTEMENT DU CHER 129
des vérifications multiples à l'aide de pièces d'archives, de cartes et d'ouvrages dont la confrontation ne pouvait se faire bien que sur place. Il n'est pas étonnant qu'étranger au pays et travaillant de loin, M. Latouche ait été dérouté par certaines dénominations insuffisantes ou fautives, et par certaines confusions ou lacunes qu'on ne découvre pas toujours, à première vue, dans les travaux de ce genre déjà publiés.
Voici d'abord une série d'observations relatives à l'identification de plusieurs localités, que je crois bon de rassembler, par avance, afin d'alléger les tableaux rectificatifs qui suivront.
Berri-Villequiers, paroisse qui avait absorbé Montfaucon, nom remplacé ensuite par Villequiers, commune actuelle du canton de Baugy. Comptée par double emploi sous le nom de Berry seul ou de Berry-Villequiers avec Villequiers.
Bruère, jadis chef-lieu paroissial, n'était plus en 1789 qu'une chapelle simple ; le chef-lieu avait été transféré au village de la Celle, qui devint paroisse de la CelleBruère, canton de Saint-Amand, réduite récemment au nom de la Celle, par la distraction de Bruère rattaché à la commune d'Allichamps, même canton, devenue Bruère-Allichamps.
La Celle, nom ancien d'une paroisse autre que la précédente, écrit également, dans des pièces d'archives, la Celle-sous-Condé. Cette paroisse a été réunie au XIXe siècle à Condé, dit autrefois Condé-en-Lignières, et dénommée ainsi la Celle-Condé, du canton de Lignières. Le vocable de la Celle-sous-Condé était employé pour le distinguer de la paroisse de la Celle-Saint-Patrocle, également du diocèse de Bourges, aujourd'hui sous le nom simple de la Celle, canton de Marcillat, arrondissement de Montluçon (Allier).
130 DICTIONNAIRE TOPOGRAPHIQUE
La Celette, paroisse de l'élection de Saint-Amand et de l'archipréveré de Dun-le-Roi, dont le nom s'écrivait aussi la Cellette (par deux II), canton de Saulzais, confondue avec la localité de l'élection de Bourges, enclavée entre les élections de Saint-Amand et de La Châtre, dont le nom était et est encore ainsi orthographié, qui appartient au canton de Châtelus-Malvaleix, arrondissement de Boussac (Creuse), et qui n'était pas du diocèse de Bourges.
Farges, écrit sans appellation complémentaire, dans les nomenclatures des élections de Bourges et de SaintAmand, doit être distingué en Farges-en-Septaine, canton de Baugy, et Farges-Allichamps, canton de SaintAmand. Farges-Allichamps tire son nom du voisinage d'Allichamps, paroisse devenue Bruèrc-AUichamps (voir ci-dessus), dont Farges n'était qu'une succursale.
Saint-Palais. Deux paroisses de ce nom simple étaient dites autrefois, l'une en Septaine, l'autre en Berry. Elles faisaient partie toutes deux de l'élection de Bourges. Saini-Palais-en-Septaine se trouve dans le canton de Saint-Martin-d'Auxigny ; Saint-Paluis-en-Berry est du canton d'Huriel (Allier). Ce classement est interverti dans la nomenclature de l'Introduction.
Uzay (alias Luzay), nom complété par celui du village de Venon, qui avait cessé d'être paroisse au XVIe siècle et ne comptait plus que comme collecte : la paroisse d'Uzay et la collecte du Venon sont classées dans l'élection de Saint-Amand, avec, par erreur, la paroisse d'Urçay du canton de Cérilly (Allier), qui dépendait de l'archipréveré de Dun-le-Roi sans appartenir à la circonscription financière.
Charenton et Châteauneuf sont écrits, le premier sur Cher, au lieu du Cher, et le second inversement, du Cher au lieu de sur Cher. Cette confusion existe dans l'intro-
DU DÉPARTEMENT DU CHER 131
duction et est, pour Charenton, répétée dans les divers tableaux ainsi que dans les notices du Dictionnaire.
Un examen détaillé des nomenclatures va faire ressortir les rectifications particulières.
A. — DIVISIONS JUDICIAIRES
Pour établir la liste des localités par bailliages, l'éditeur paraît s'être spécialement servi de l'ouvrage de M. Armand Brette : Recueil de documents relatifs à la convocation des Etats généraux de 1789 (4 vol. avec atlas). Faite en vue de la rédaction des cahiers de doléances, cette convocation ne toucha probablement qu'une fois chaque unité territoriale, paroisse ou collecte; la liste de ces unités considérées ainsi au point de vue politique ne pouvait exactement concorder avec celle des paroisses et communautés composant les ressorts judiciaires, entre lesquels une trentaine étaient partagées. M. Latouche n'a mentionné dans les tableaux des bailliages que deux localités placées sous une double juridiction. Les nomenclatures insérées dans les Etrennes curieuses et utiles pour la province du Berry, de 1779 à 1789, détaillent ces partages apparemment selon les indications recueillies à l'époque auprès des services compétents. M. L. Raynal les a prises pour base de la statistique qui figure à la page 65 des préliminaires de son Histoire du Berry, et M. A. Frémont les a reproduites dans son ouvrage : Le Département du Cher (t. II, p. 78-81).
La carte de l'Etat-Major au 1/320.000e, sur laquelle M. Brette a tracé les divisions judiciaires, indique, à la limite ouest du Cher, la paroisse d'Orçay et le village de la Loge dépendant de celle de Theillay, et, en plein bailliage de Bourges, Achères et Rousseland, que l'au-
132 DICTIONNAIRE TOPOGRAPHIQUE
teur dit n'avoir pu classer. Or, les deux premiers lieuxdits, actuellement de Loir-et-Cher, se trouvaient en dehors de notre province ; Achères appartenait au bailliage enclavé d'Henrichemont et Rousseland est un village de la paroisse de Villabon qui ne formait point collecte.
Les anciennes paroisses de Cogny et Tendron sont, d'ailleurs, omises dans cette même carte.
En définitive, les circonscriptions judiciaires établies par M. Latouche comportent la mise au point ci-après :
1° Bailliage de Bourges.
OMISSIONS. — Valentigny, communauté d'habitants de la paroisse des Aix-d'Angillon ; les Verrières, seigneurie de là paroisse de Nérondes (nom écrit par erreur : Verrice, dans les anciennes listes) ; Chéry, ressortissant aussi à Issoudun ; Trouy, à Dun-le-Roi, et Sainte-Gemme, à Concressault.
PARTAGE DE JURIDICTION. — Paroisses classées dans le bailliage de Bourges, sans indication d'un autre ressort partiel : Baugy, Crosses, la Chapelle-Saint-Ursin, Levet, Saint-Just, Sainte-Lunaise et Vorly, qui ressortissaient également au bailliage de Dun-le-Roi ; Berry-Marmagne, Brinay, Marmagne et Saint-Eloy-de-Gy, à celui de Mehun, et Méry-ès-Bois, à celui de Concressault.
2° Bailliage d'Henrichemont.
OMISSION. — Boisbelle, communauté d'habitants restée distincte après le transfert du chef-lieu paroissial à Henrichemont.
3° Bailliage de Mehun-sur-Yèvre.
OMISSIONS. — Barmont et Crécy, paroisses réunies dans la suite à celle de Mehun ; Bouy (réunie plus tard
DU DÉPARTEMENT DU CHER 133
à Berry-Marmagne), Berry-Marmagne, Brinay, Marmagne et Saint-Eloy-de-Gy, ces quatre dernières du ressort également du bailliage de Bourges.
4° Bailliage de Concressault.
OMISSION. — Méry-ès-Bois, qui ressorlissait pour partie à Bourges.
PARTAGE DE JURIDICTION. — Sainte-Gemme, aussi du ressort de Bourges.
5° Bailliage de Dun-le-Roi.
OMISSIONS. — Beffes, Beauvoir (seigneurie de la paroisse de Villecelin), Cuzay-Sainte-Radegonde (paroisse réunie plus tard à Dun-le-Roi), Chanteloup (seigneurie de Contres), Condé-en-Lignières, la Celle[-Bruère], Marçais, Sainl-Christophe-le-Chaudry, Soulangis (village de Saint-Pierre-les-Etieux) et Vereaux (1). A ajouter, en outre, Saint-Maur, également du ressort de Châteauroux, et Vorly, de celui de Bourges.
IDENTIFICATION. — Soye, appellation à compléter : Soye-en-Septaine. La paroisse de la Chapelaude, inscrite sans être soulignée, comme faisant partie du Cher, est de l'Allier.
6° Bailliage d'Issoudun.
La nomenclature de l'Introduction présente de nombreuses lacunes ne pouvant guère s'expliquer que par la perte d'une série de fiches.
(1) Vercaux est classé au tableau de l'Introduction dans la sénéchaussée de Moulins. En fait, celte paroisse figure dans les anciennes li tes comme relevant exclusivement de Dim-le-Roi. Toutefois, elle formait deux collectes, l'une de l'élection de Bourges, l'autre de l'élection de Saint-Amand. Je n'ai pu vérifier si celte divisian correspondait à des services judiciaires distincts.
134 DICTIONNAIRE TOPOGRAPHIQUE
OMISSIONS. — Avexi, Coulon, Saint-Martin-de-Graçay et Saint-Phalier (paroisses réunies dans la suite à Graçay), Montgenoux (à Maisonnais), Saint-Jean-des-Chaumes (à Saint-Loup), Sainl-Martin-de-Court et Saint-Vincent-de-Gy (à Massay), Charost, Chezal-Benoit, la Celette, la Celle, Condé-en-Lignières, Dampierre-en-Graçay, DameSainte (auj. Saugy), Genouilly, Graçay, Lunery, Mareuil, Massay, Nohant-en-Graçay, Nozières, Plou, Poisieux, Primelles, Saint- Ambroix, Sainl-Oûtrille-en-Gracay, Saint-Georges-sur-la-Prée, Saint-Hilaire-de-Court, SaintLoup-des-Chaumes, Saint-Pierre-lès-Bois et Touchay. A ajouter : paroisses dont la juridiction était partagée, Chéry, avec Bourges ; Préveranges, avec Châteauroux, et Sainl-Julien-le-Pauvre. aussi du ressort de Dunle-Roi.
Paroisse classée dans la nomenclature sans réserve : Beddes, qui ressortissait également à Châteauroux.
7° Bailliage de Châteauroux.
OMISSIONS. — Maisonnais et Saint-Maur qui était aussi du ressort de Dun-le-Roi.
PARTAGE DE JURIDICTION non mentionné pour Beddes et Préveranges avec Issoudun. La nomenclature comprend la paroisse de Saint-Pierre-tes-Bois, qui, d'après les anciennes listes, ne ressortissait qu'au bailliage d'Issoudun et qui est portée comme telle sur la liste complémentaire précédente (1).
(1) D'après les mêmes listes, la paroisse d'Ineuil, exactement classée à l'Introduction dans la nomenclature du bailliage, de Dun-le-Roi, devrait également figurer dans celle du bailliage de Châteauroux. Mais, à défaut d'indication spéciale sur ces listes, je ne puis décider s'il y a double emploi ou, au contraire, insuffisance de désignation, quant aux juridictions.
DU DÉPARTEMENT DU CHER 135
8° Sénéchaussée de Moulins.
OMISSIONS.— Charenton-du-Cher, Saint-Amand-Montrond.
PARTAGE DE JURIDICTION non mentionné : pour Bannegon et Neuilly-en-Dun (ou Neuilly-en-Saint-Amand), également du ressort de Dun-le-Roi. Classée dans cette même nomenclature, la paroisse de Saint-Maur, d'après les anciennes listes, ressortissait aux bailliages de Dunle-Roi et de Châteauroux, où elle est ci-dessus inscrite avec ce partage de juridiction.
IDENTIFICATION. — Soye, pour Soye-l'Eglise, réunie plus tard à Saint-Georges-de-Poisieux.
B. — RESSORTS DES COUTUMES
La récapitulation des paroisses qui suivaient, soit exclusivement la Coutume du Berry ou celle de Lorris, soit concurremment la première pour les rotures et la seconde pour les fiefs, n'a pas été faite dans l'Introduction. Son usage eût facilité la vérification des circonscriptions judiciaires, bien qu'en principe les ressorts des Coutumes fussent différents. Mais elle exigeait une mise au point particulièrement difficile.
En conférant, d'une part, l'ouvrage de M. E. Chénon précité et les Usages locaux codifiés, et, d'autre part, les articles du Dictionnaire, un premier examen permet de constater les omissions et discordances suivantes :
OMISSIONS. — Augy-sur-Aubois Bannay, Bué, Fargesen-Septaine, Saint-Bouize et Vinon, qui étaient régis par la Coutume de Lorris.
DISCORDANCES. — Le Dictionnaire porte comme exclusivement du ressort de la Coutume du Berry les paroisses
136 DICTIONNAIRE TOPOGRAPHIQUE
de Couy, Jussy-le-Chaudrier, Ivoy-le-Pré et Ménétréol-surSauldre, que M. Chénon rattache à Lorris. Inversement, le Dictionnaire place sous Lorris Cogny, que le même auteur classe dans le ressort de la Coutume du Berry.
Le Dictionnaire indique comme appartenant aux deux ressorts les paroisses de Rians, Saint-Satur, Saligny-leVif, Sancerre, Veaugues et Villabon, qui, d'après M. Chénon, étaient exclusivement soumises à la Coutume de Lorris.
Si l'on entreprenait d'établir une liste complète de cette nature, avec toute la précision possible, le travail devrait naturellement s'étendre aux ressorts des Coutumes du Nivernais et du Bourbonnais, dont les limites étaient enchevêtrées avec celles des Coutumes du Berry et de Lorris.
C, — DIVISIONS FINANCIÈRES
La carte de la généralité de Bourges, dressée par Jaillot en 1707, comprend la paroisse de Limeux dans l'élection d'Issoudun, et y rattache celle de Blet enclavée entre les élections de Bourges et de Saint-Amand. Un arrêt du Conseil d'Etat du 22 novembre 1723 (Arch. du Cher, C 1072) a réuni la première à l'élection de Bourges. Une décision semblable a dû intervenir pour Blet, qui figure aussi parmi les collectes de Bourges dans les tableaux dressés par les greffes de la généralité. Les états de population des paroisses, centralisés par élections, permettent également de vérifier les listes de l'Introduction (1).
(1) Archives du Cher : Tableaux des collecteurs d'impôts, C 353 et 621 ; états de population des paroisses de 1782 à 1788, avec lacunes dans quelques-uns, C 140, 141, 141, 145,162, 103, 165. Voir également les listes annexées par M. de Girardot au Mémoire sur la généralité du Berry de l'intendant Dev de Séraucourt (Annuaire du Berry, 1844, 3e partie).
DU DÉPARTEMENT DU CHER 137
1° Election de Bourges.
OMISSIONS. — La Cellette, paroisse de la Creuse (voir p. 130), le Subdray et Vereaux, paroisse divisée en deux collectes, l'autre à l'élection de Saint-Amand.
DOUBLES EMPLOIS. — Asnières et Gardefort, lieux-dits d'une même paroisse avec chef-lieu à Gardefort, et formant une seule collecte; Laverdines et Saint-Silvaindes-Averdines, paroisse unique du nom de Laverdines, auquel le vocable religieux a été accolé.
IDENTIFICATIONS. — Regny, collecte de la commune d'Azy, canton de Sancergues, nom orthographié à tort Reigny, paroisse du canton de Châteaumeillant, de l'élection de Saint-Amand ; Saint-Palais-en-Septaine et Saint-Palais-en-Berry intervertis pour le lien départemental (voir p. 130).
2° Election de la Charité.
OMISSION. — Saint-Martin-des-Champs (1).
3° Election d'Issoudun.
OMISSIONS. — Méreau, écrit vulgairement Mériou, et Dampierre-en-Lignières (2).
IDENTIFICATION. — La paroisse de Condé-en-Bommiers, inscrite sans être soulignée comme appartenant au Cher, dépend de l'Indre.
(1) Les états de population susvisés comprennent, sous le timbre de cette élection, dénombrés à part, les lieux-dits le Manet ou le Manay et Menestreau : le. premier est un village dépendant de la commune d'Elréchy, et le second de celle de Boullerel ; ils ne figurent pas dans les tableaux des collectes.
(2) La paroisse de Saint-Phalier est comprise dans les états de population sous le timbre de cette élection, alors que l'Introduction la classe à l'élection do Romorantin, suivant la carte de Jaillot.
138 DICTIONNAIRE TOPOGRAPHIQUE
4° Election de Saint-Amand.
OMISSIONS. — Saint-Christophe-le-Chaudry, SaintPierre-le-Bost (Creuse) et Vallenay.
RADIATIONS. — Saint-Christophe-en-Bazelle (Indre), dépendant de l'élection d'Issoudun ; Saint-Pierre-les-Bois, aussi de l'élection d'Issoudun ; Urçay, de la généralité du Bourbonnais (voir p. 130).
DOURLE EMPLOI. — Bruère avec la Celle-Bruère (voir p. 129).
IDENTIFICATIONS. —La Celette, soulignée à tort comme étant de la Creuse (voir p. 130); le Vieux-Château, faubourg de Saint-Amand (Cher), collecte soulignée également à tort ; Nouziers, par corruption de Nozières, même rectification ; Saint-Silvain-de-Balerot, pour Bas-Ie-Roc, et Sainl-Silvain-sous-Toulx, à souligner comme étant de la Creuse.
D. DIVISIONS ECCLÉSIASTIQUES
Le Pouillé du diocèse de Bourges de 1772 a été publié par M. le chanoine Mingasson (Bourges, 1916). Les Etrennes curieuses et utiles pour la province du Berry de 1783 renferment une liste des paroisses conforme à ce pouillé, sauf deux ou trois modifications. Ces deux sources devaient servir à contrôler et à récapituler les indications des articles du Dictionnaire relatives aux circonscriptions ecclésiastiques et expressément rapportées à l'époque de 1789.
En se référant au Pouillé reconstitué par M. de Font-Réaulx (en cours de publication), à l'aide des ouvrages de J. Chenu et du P. Labbe datant du XVIIe siècle, l'éditeur semble n'avoir pas tenu compte des
DU DÉPARTEMENT DU CHER 139
changements survenus dans l'intervalle de plus d'un siècle. Ce pouillé était à utiliser pour l'histoire de la formation du diocèse, de même que le Compte d'un subside fourni par le diocèse, du XIVe siècle, publié par M. l'abbé de Laugardière (Antiq. du Centre, XXXIIIe vol.), et que le Stylus de 1499, annexé par M. le chanoine Mingasson au pouillé de 1772.
Quoi qu'il en soit de la méthode, la vérification des nomenclatures par archipréverés jointes à l'Introduction donne lieu aux rectifications suivantes :
1° Archipréveré de Bourges.
OMISSIONS. — Achères, le Subdray.
IDENTIFICATION. — Thinay, titre paroissial à remplacer par celui de Barmont, où il était transféré dès la fin du xviie siècle.
2° Archipréveré de Château neuf-sur-Cher.
OMISSION. — Tonchay.
IDENTIFICATION. — La Celle-Condé, écrit pour la Celle, Condé étant classé comme paroisse distincte (voir p. 129).
On ne sait quelle est la paroisse de Saint-Martin, comptée dans cet archipréveré, sans appellation complémentaire. Elle ne peut être Saint-Martin-de-Graçay, paroisse distincte de Notre-Dame-de-Graçay, faisant partie comme elle de l'archipréveré de Graçay, ainsi que Saint-Martin-de-Court.
3° Archipréveré de Montfaucon.
RADIATIONS. — Fontenay, paroisse réunie à celle de Nérondes en 1755 ; Sanceaux, village de Cornusse, dont l'église fut ruinée au XVIIIe siècle.
140 DICTIONNAIRE TOPOGRAPHIQUE
IDENTIFICATION. — Berry, paroisse classée pour BerryVillequiers (voir p. 129).
4° Archipréveré de Charenton-du-Cher.
OMISSION. — Saint-Pierre-les-Etieux.
IDENTIFICATION. — La nomenclature donne à Charenton-du-Cher deux paroisses, Saint-Martin et NotreDame. Il n'y avait, en réalité, qu'une paroisse sous le vocable de Saint-Martin. Le titre de Notre-Dame concernait la chapelle de l'abbaye.
5° Archipréveré de Dun-sur-Auron.
DOURLE EMPLOI. — Le Venon, paroisse supprimée, comptée avec celle d'Uzay-le-Venon (voir p. 130).
6° Archipréveré de la Châtre.
OMISSIONS. — Reigny, Rezay.
IDENTIFICATION. — Le nom du Châtelet doit être substitué à celui de Puyferrand, nom de l'abbaye, dont l'église n'était point paroissiale.
7° Archipréveré d'Huriel.
OMISSION. — Culan.
RADIATION. — Prahas, village de Culan dont le titre paroissial était supprimé au XVIIIe siècle.
8° Archipréveré de Sancerre.
OMISSIONS. — Les Aix-d'Angillon, Saint-Bouize, SaintSatur, Sancergnes, Subligny, Thauvenay, Thou, Veaugues, Verdigny, Vinon.
DU DÉPARTEMENT DU CHER 141
9e Archipréveré de la Chapelle-d'Angillon.
IDENTIFICATION. — Boisbelle, titre paroissial passé à Henrichemoni.
E. — VOCABLES DES ÉGLISES
La nomenclature des vocables religieux a été dressée par l'éditeur suivant les indications contenues dans les articles du Dictionnaire. Un collationnement partiel de ces indications avec celles du pouillé de 1772 a fait apparaître les discordances ci-après :
Églises Selon le Pouillé Selon le Dictionnaire
Arpheuilles : dédiée à saint Pierre, saint Martin.
Augy-sur-Aubois : — saint Lusor, saint Lazare.
Châteauneuf-sur-Cher : — saint Pierre, saint Oûtrille.
Henrichemont : — saint Sauveur, saint Laurent.
Ids-Saint-Roch : — saint Roch, saint Martin.
Outre celte dernière paroisse (de l'archipréveré de Châteauneuf et du canton actuel du Châtelet), l'ancien diocèse comprenait la paroisse d'Ids-Saint-Martin (nom qu'on trouve aussi écrit Idz et Hids), de l'actuel département de l'Allier, qui faisait partie de l'archipréveré de Montluçon. Evidemment, l'une a été confondue ici avec l'autre. L'éditeur, de son côté, a omis de relever l'église de Jars sous le vocable de saint Aignan, et de citer celui des saint Gervais et saint Protais pour l'église de Crésançay, également oubliée.
Il y aurait intérêt à compléter ce collationnement et à vérifier si les différences s'expliqueraient, soit par des substitutions, soit par des attributions secondaires dues à des circonstances particulières.
142 DICTIONNAIRE TOPOGRAPHIQUE
F. — FORMATION DU DÉPARTEMENT (1)
Le tableau des districts inséré dans l'Introduction est donné comme conforme à l'Etat général des départements, districts, cantons et communes publié d'après les procès-verbaux de la Convention, par le ministère de l'Intérieur, en l'an II. Mais M. Latouche parait avoir eu sous les yeux un exemplaire de cet ouvrage composé de feuilles d'épreuves non corrigées. Ces feuilles avaient été envoyées aux administrations de déparlement pour revision ; les Archives du Cher (L 172) en possèdent plusieurs, dont le double de celle qui concerne le district de Vierzon portant seule des rectifications ; l'on peut voir sur les autres des nomenclatures également erronées, en les rapprochant des publications définitives concordantes ; ce sont, dans l'ensemble, de véritables chasses-croisés.
1° District de Bourges.
Canton de Levet.
OMISSIONS. — Lapan, Lissay, Lochy, Plaimpied, SainteLunaise, Senneçay et Vorly.
Canton de Murmagne.
RADIATIONS. — Les sept communes ci-dessus. OMISSIONS. — Sainte-Thoreite et Saint-Eloy-de-Gy.
Canton de Villequiers.
RADIATIONS. — Les deux dernières communes ci-dessus. OMISSIONS. — Lajaye-Livron, Laverdines, Saligny-leVifet Villabon.
(1) L'Introduction (p XII) rappelle que trois commisaires ont été chargés, en 1790, d'organiser les circonscriptions administratives du Cher : Dumont, Gassot de Deffens et de Beauxplains, en écrivant, par erreur, ce dernier nom : Beauphains.
DU DÉPARTEMENT DU CHER 143
Canton de Savigny-en-Septaine.
RADIATIONS. — Les quatre dernières communes cidessus.
2° District de Saint-Amand.
Canton de Châtaeuneuf-sur-Cher. OMISSIONS. — Serruelles et Venesmes.
Canton de la Celle-Bruère.
RADIATIONS. — Les deux communes ci-dessus. OMISSIONS. — Orcenais, Vallenay et Uzay-le-Venon.
Canton de Saulzais-le-Potier
RADIATIONS. — Les trois dernières communes ci-dessus (1).
8° District de Sancerre.
Canton de Jars et Nancré.
OMISSION. — Sens-Beaujeu, commune non classée : elle devint en l'an II chef-lieu de ce canton dont elle faisait partie. — Dans le même canton, le nom de la commune de Boucard (auj. le Noyer) a été écrit par erreur Blomard.
4° District de Vierzon.
Canton de Mehun.
OMISSION. — Saint-Laurent.
Canton de Lurg.
OMISSION. — Quincy.
(1.) Dans la nomenclature du canton actuel de Lignières (ancien district de Saint-Amand), la mention de la réunion des deux communes de la Celle et de Condé est à préciser : le territoire de Condé a été, en fait, partagé entre les communes de la Celle, Ligniéres et Monllouis.
144 DICTIONNAIRE TOPOGRAPHIQUE
Canton de Neuvy-sur-Barangeon.
RADIATIONS. — Saint-Hilaire-de-Court, Saint-Martinde-Court, Saini-Vincent-de-Gy, Thénioux et Vignouxsur-Barangeon.
Canton de Vierzon-Village.
OMISSIONS. — Les cinq dernières communes ci-dessus et Méry-sur-Cher, non classée.
RADIATIONS. — Quincy, appartenant au canton de Lury, et Saint-Laurent, au canton de Mehun.
G. - NOMS RÉVOLUTIONNAIRES DES COMMUNES
La liste de ces noms a été dressée par M. Boyer ; sa suppression dans l'Introduction peut être regrettée, car l'ouvrage de M. Figuières, d'un caractère général, auquel l'éditeur renvoie, n'est pas dans toutes les mains. Ces changements de noms des localités sont d'ailleurs intéressants à rappeler comme révélateurs de l'état des esprits dans notre région. Des recherches aux registres des délibérations des corps municipaux et dans les préambules des actes de l'état civil, permettraient peutêtre d'étendre la récapitulation suivante, que j'ai cherché à mettre au point.
Châteaumeillant : Tell-le-Grand. Châteauneuf-surCher : Montagne-sur-Cher. Le Chàtelet : Libre-Feuille. Condé : Libre-Puy. Culan : Arnon-Libre. Dun-le-Roi : Dun-sur-Auron. Henrichemont : Mont-Libre Ids-SaintRoch : Ids-sur-Arnon. Neuvy-deux-Clochers : Neuvy-surFontaine. Saint-Amand-Montrond : Libre-Val. SaintBaudel : Beau-Libre. Saint-Christophe-le-Chaudry : Chaudry. Saint-Doulchard : Unité-sur-Yèvre. Saint-Georges-de-Poisieux : Mont-Val. Saint-Georges-sur-la-Prée :
DU DÉPARTEMENT DU CHER 145
Montagne (et Egalité)-sur-la-Prée. Saint-Germain-du-Puy: Montagne-du-Puy. Saint-Germain-sur-1'Aubois : la Canonnière. Saint-Hilaire-de-Court : Port Dessous. SaintHilaire-en-Lignières : Véve-sur-Arnon. Saint-Jeanvrin : Bord. Saint-Laurent-sur-Barangeon : Laurent-lès-Bois. Saint-Loup-des-Chaumes : les Chaumes-Bel-Air. SaintMartin-de-Court : Court. Saint-Maur : Long-Bord. SaintOûtrille : l'Egalité. Saint-Phalier : la Liberté. SaintPierre-lès-Etieux : Beau-Val. Saint-Pierre-lès-Bois : Bois. Saint-Priest : Font-Libre. Saint-Saturnin : Bombardon. Saint-Vincent-de-Gy : Gy. Saint-Vitte : Fleuriel-surQuenne (Queugne).
Une critique objective d'une partie de ces dénominations serait curieuse à plusieurs points de vue.
Des détails de ce long compte rendu, bon nombre sembleraient trop minutieux, si l'on ne savait combien il importe, surtout dans une géographie locale, que chaque mot, dépourvu d'un contexte qui l'éclairerait, ait sa vraie figure et qu'il soit en outre à sa vraie place pour attester sa valeur historique. Malgré les quelques imperfections dont l'édition d'une oeuvre aussi considérable ne pouvait pas être exemple, nous devons être reconnaissants à l'éditeur du dévouement et du soin qu'il a apportés à sa difficile entreprise. En terminant, il nous reste à nous joindre à lui pour rendre hommage au savant auteur, qui pendant vingt ans de sa carrière officielle chargée de labeurs a, par surcroît, rédigé et coordonné, avec une conscience admirable et une infatigable ardeur, les notes sans nombre dont il a formé un instrument de travail des plus précieux pour ies érudits de la région.
EMILE TURPIN.
19
NOTES DE NUMISMATIQUE
ET
DE SIGILLOGRAPHIE
NOTE N° 1
Il est d'usage, dans maintes sociétés d'histoire et d'archéologie locale, de mentionner, au fur et à mesure de leur apparition, les monnaies plus ou moins rares, les sceaux-matrices retrouvés, intéressant le pays auquel elles appartiennent. Il me semble que la Société historique manquerait à son devoir si, dans la mesure de ses moyens, elle ne prenait sa part dans ce genre de publications ; elle a, d'ailleurs, dans son passé, des exemples dignes d'être suivis, donnés par Mater, par Moreau, par l'abbé Caillaud et par M. Soyer. De là, la division de la présente note en deux chapitres : a) numismatique ; b) sigillographie.
I. Numismatique (1).
1° Avant de parler du denier de Vierzon, qui doit faire l'objet principal de ma communication, je relaterai une trouvaille de grands bronzes romains à Ennordres (can(1)
(can(1) petit nombre de monnaies recueillies en 1927 daus les fouilles du Crédit Lyonnais, à Bourges, place Cujas, a été énuméré dans la note spéciale relative à ces fouilles.
NOTES DE NUMISMATIQUE ET DÉ SIGILLOGRAPHIE 14^
ton de La Chapelle-d'Angillon), non loin de la route nationale, à l'est du village. Cette découverte, bien qu'ancienne, est restée inédite.
M. Bourdin, notre secrétaire adjoint, en a recueilli une douzaine, qu'il m'a communiquée. J'ai noté :
Marc-Aurèle (161-180), 2 ex. (dont Cohen 933) ; Faustine jeune, 1 ex. ; Lucius Verus, 2 ex. (dont Cohen 27) ; Lucille, 1 ex. ;
Alexandre Sévère (222-235), 1 ex. (Cohen 503), de beaucoup le mieux conservé.
Les cinq autres pièces étaient frustes.
Il s'agit, en somme, de monnaies de la fin du IIe siècle et du commencement du IIIe siècle. Date probable de l'enfouissement : milieu du IIIe siècle.
Le fait m'a paru intéressant à noter, au moment où l'Institut a entrepris la publication de la carte de la Gaule romaine. On y trouve la confirmation du fait déjà connu par la découverte de substructions, de poteries et d'urnes en verre, qu'Ennordres et ses environs ont été habités à l'époque romaine (1).
2° Je mentionnerai encore la trouvaille faite à Riec, dans le Finistère, en 1924, d'un denier peu commun de Robert d'Artois, seigneur de Mehun, de 1298 à 1332. C'est celui qui porte le n° 2021 dans l'ouvrage classique de Poey d'Avant sur les monnaies féodales françaises (fig. 1). Je n'insiste pas sur sa description ; je vous demande de noter toutefois le rapprochement à établir entre le type du revers (trois tours crénelées au-dessus
(1) B. DE KERSERS, Stat. mon. du Cher, III, p. 13, et Mém. de la Soc. hist. du Cher, année 1876, p. XXVI.
148 NOTES DE NUMISMATIQUE
du châtel tournois) et le type d'un sceau du chapitre de Mehun publié par Mater, d'après une empreinte conservée aux Archives nationales (Antiq. du Centre, XXXIII, p. 400).
Ce dépôt de Riec a été étudié avec beaucoup de soin dans le Courrier numismatique (1) de novembre 1925 (n° 9) par le docteur Macé, de Guingamp, numismate averti, membre de la Société de Numismatique, à laquelle il fait de fréquentes communications, et qui en a placé l'enfouissement à la date de 1341 ou 1342. Le trésor de Sierck en Lorraine, jadis décrit par Gariel, enfoui vers 1328, contenait aussi un certain nombre de ces deniers de Robert d'Artois.
Ces mentions montrent en passant que, si, pour l'attribution des monnaies, il est bon de se déterminer d'après la localité dans laquelle elles ont été trouvées, l'argument qu'on peut en déduire n'est pas péremptoire.
3° Le denier de Vierzon, dont j'ai maintenant à parler, porte le numéro 2031 dans l'ouvrage de Poey d'Avant ; il peut être décrit ainsi qu'il suit :
+ DOMINA ALBA croix. R/ + V-IRS-ION-E (2) écu ogival. Sur un écartelé, rameau portant feuilles et fruits (fig. 2).
Il a fait jadis l'objet de multiples controverses. Trouvé pour la première fois, à petit nombre d'exemplaires — cinq ou six, je crois — près de Redon, en Bretagne, vers l'année 1855, mélangé à plusieurs milliers de deniers de Jean 1er le Roux, duc de Bretagne de 1237 à 1286, il fut d'abord attribué à diverses princesses étrangères à Vier(1)
Vier(1) de H. Rolland (Paris, in-8°).
(2) Traduction de la légende « Blanche, dame de Vierzon ».
ET DE SIGILLOGRAPHIE 149
zon ou ayant vécu à une autre époque (1), puis finalement à une certaine Jeanne de Vierzon, car on lisait DOMINA AIN A pour DOMINA JOANA (2). La question n'avait pas fait un pas vingt-deux ans plus tard, quand parut le premier fascicule du livre de Caron (3).
« L'histoire de Vierzon, dit Mater (4), visant le denier présenté, fournissait cependant facilement la solution du problème. Après la mort de Guillaume II (5), sa veuve, Blanche de Joigny, ayant eu la jouissance de la seigneurie pendant la minorité de son fils Hervé III, frappa monnaie en qualité de tutrice ou de bailliste. Blanche de Joigny, suivant l'exemple de son époux (6), alla chercher en Bretagne un type monétaire et adopta celui de l'écu de Dreux de Jean Ier. »
A la même époque, Buhot de Kersers était complètement d'accord avec Mater : « Cette attribution paraît absolument certaine, disait-il (7), et nous ne pouvons concevoir pourquoi on a cherché à attribuer ce denier à Jeanne de Brabant. » Finalement, dans son supplément, Caron, reportant d'ailleurs à tort à M. de Toulgoët l'honneur d'une découverte qui revenait à Mater, se rangea à l'opinion de nos numismates berruyers.
Ainsi, depuis 1884, la question paraît vidée ; je ne serais pas revenu sur ce sujet, si l'affaire ne venait, en quelque sorte, de rebondir.
(1) POEY D'AVANT, op. cit., à l'art. 2031.
(2) FILLON, Catalogue de la collection Rousseau (in-8°, Paris,1860),p. l6 et 200.
(3) CARON, Monnaies féodales françaises (in-4°, Paris, 1882), p. 95. (4) DE TOULGOET, Histoire de Vierzon (in-80, Paris, 1884), p. 175.
(5) Guillaume II fut seigneur de Vierzon de 1235 à 1251.
(6) Mater expose antérieurement, dans le même chapitre sur les monnaies de Vierzon, que les deniers à la croix ancrée de Guillaume II sont imités des deniers bretons semblables. L'assertion est, par ailleurs, contestable, car la Bretagne ne fut pas seule à avoir la croix ancrée pour type de ses deniers.
(7) Antiq. du Centre, Xe vol. (1882), p. 302.
150 NOTES DE NUMISMATIQUE
En effet, j'ai appris par le docteur Macé, dont je parlais tout à l'heure, que le denier en question venait d'être trouvé à nouveau, au nombre de quatre exemplaires, dans un dépôt de 1.200 deniers féodaux, enfoui dans les Côtes-du-Nord, entre 1246 et 1253. Ces exemplaires étaient mélangés à un gros tas de deniers de Jean Ier de Bretagne, de deniers anonymes du Mans, de Thibaut IV de Champagne (Provins), etc.
L'étude de cette trouvaille doit paraître dans le Courrier numismatique de H. Rolland, mais n'a pas encore été publiée au moment où ces lignes sont écrites.
Mon correspondant, faisant état, d'une part, de la similitude des deniers de Blanche de Joigny et de Jean Ier le Roux (1), et de la réunion, deux fois constatée au moins, de ces pièces dans une même trouvaille ; d'autre part, de ce fait historique, que la femme de Jean Ier, duc de Bretagne, fille de Thibault IV, comte de Champagne, et d'Agnès de Beaujeu, s'appelait Blanche, demande s'il ne faudrait pas attribuer — contrairement à l'opinion de Buhot de Kersers et de Mater — à cette Blanche de Bretagne le denier si longtemps resté mystérieux.
Aux arguments que l'on pourrait déduire de la nouvelle trouvaille pour ébranler des convictions anciennes, je vais répondre en apportant, à mon tour, un renseignement nouveau. « On a ignoré jusqu'ici, dit M. E. Hubert (2), que la femme de Guillaume II de Vierzon, Blanche de Joigny, avait été précédemment mariée à Guillaume II de Chauvigny, seigneur de Châteauroux,
(1) POEY D'AVANT, n° 356. Il vise principalement la similitude de disposition des légendes au revers (voir fig. 2 et 4) :
B RIT AN1 E V 1RS ION E
(2) Note sur les seigneurs de Vienon, dans Antiq. du Centre, vol. "XLI (1923), p. 234.
ET DE SIGILLOGRAPHIE 151
mort en 1235. » Or, je remarque que le denier 2031 de Blanche de Joigny se rapproche au moins autant du dernier des deniers battus (fig. 3) par ce Guillaume de Chauvigny (1) que de celui de Jean Ier le Roux (fig. 4). La répartition des lettres dans les légendes du revers est très peu différente : la différence provient uniquement de l'accostement de quatre lettres à l'écu au lieu de trois :
D CAST RADU 1
V 1RS ION E
et la forme de l'écu ogival, et non presque triangulaire (2) comme celui du duc de Bretagne, est la même. De plus, le denier de Vierzon porte les armes de la maison : Pécartelé, qui était le blason de la maison de Vierzon depuis 1147 au moins (3).
Il n'est donc pas nécessaire de supposer, comme Mater, que Blanche de Joigny a été chercher son modèle en Bretagne — ce qui pouvait étayer dans une certaine mesure l'hypothèse du docteur Macé — mais simplement — et là est l'argument nouveau — qu'elle a reproduit un type de son premier mari. Nous ne sortons pas du Berry.
Car il ne faudrait pas dire que Guillaume II de Chauvigny imitait lui-même le duc de Bretagne. Guillaume Il de Chauvigny, étant mort en 1235, n'a pu imiter Jean Ier, qui n'est devenu duc de Bretagne que deux ans après.
On pensera peut-être que je néglige les circonstances
(1) POEY D'AVANT, n° 1964.
(2) L'écu en forme de triangle équilatéral est postérieur à l'écu ogival. — DEMAY, Le costume de guerre d'après les sceaux (in-8°, Paris, 1875), p. 29.
(3) DE TOULGOET, op. cit., p. 94-95. — Le rameau figuré sur l'écartelé paraît une réminiscence de la fleur des deniers anonymes de Vierzon au XIIe siècle.
152 NOTES DE NUMISMATIQUE
de la dernière trouvaille : non. J'en vois deux principales :
a) L'époque probable de l'enfouissement : 1246 à 1253;
b) La réunion des deniers de Blanche et des deniers de Jean Ier.
a) En ce qui concerne la date de l'enfouissement, je rappelle que Guillaume II de Vierzon partit pour la croisade en 1248; il est dans la logique de penser que Blanche, restée seule à Vierzon, appelée à la gestion de la seigneurie de son enfant mineur, fil battre monnaie à son nom dès cette année. On voit que cette date correspond bien à celle du dépôt précité : aucune objection n'est à soulever de ce chef.
b) La question de la réunion des deniers de Blanche de Vierzon et de Jean Ier, notée deux fois en Bretagne, reste plus troublante. Mais Tausserat (1) a déjà fait une réponse à l'objection qu'on en pourrait tirer : « Cette réunion, dit-il, est facile à expliquer par le mariage d'Henri de Sully, qui devint comte de Dreux à la suite de son alliance avec Aenor de Saint-Waléry (2). »
J'ajouterai que la pièce est très rare. Mater en citait trois exemplaires dans les collections Charvet, de Penguern et Ch. de Laugardière. Je sais par le docteur Macé que les deux premiers provenaient de la trouvaille de Redon ; je ne puis affirmer que le dernier provenait du Berry, bien que l'ancien président des Antiquaires du
(1) TAUSSERAT, Vierxon et ses environs, p. 114 et suiv. du tirage à part.
(2) La belle-mère de Blanche de Joigny, Marie de Dampierre, avait épousé en deuxièmes noces Henri de Sully, qui à ce titre devint seigneur de Vierzon. Ce dernier, devenu veuf à son tour, épousa la veuve du comte de Dreux, tutrice du jeune comte Jean 1er. Tausserat veut évidemment dire qu'il y eut des relations certaines entre 1a Bretagne et le pays de Vierzon, à la suite du remariage d'Henri de Sully.
ET DE SIGILLOGRAPHIE 153Centre
153Centre connu pour s'approvisionner surtout en Berry (il y a eu des exceptions à cette règle). Notre confrère R. Gauchery en possède un que son oncle avait acheté à Paris. En fin de compte, je n'ai aucune certitude qu'on ait jamais trouvé cette pièce en Berry; je ne cherche donc pas à éluder une partie de l'objection faite par mon correspondant à l'attribution généralement admise. Mais, en définitive, d'une part, ainsi que je l'ai rappelé ci-dessus, l'argument n'est pas péremptoire ; d'autre part, il n'est pas absolument surprenant que la pièce n'ait pas été rencontrée dans notre sol, compte tenu de sa rareté, et de cette constatation que les trouvailles de deniers féodaux du milieu du XIIIe siècle, époque de tranquillité pour la province (1), sont peu communes.
En résumé, je pense qu'il faut, avant tout, tirer de la pièce tout ce qu'elle peut donner : Blanche, dame de Vierzon, avec un type et une légende rappelant ceux de Guillaume II de Chauvigny (1203-1235), et celle nuance que l'écu porte les armes de la maison de Vierzon. Or, nous connaissons une Blanche, dame de Vierzon, veuve de Guillaume II de Chauvigny, pouvant avoir frappé monnaie à partir de 1248; nous ne connaissons pas de seigneur de Bretagne ou de Champagne suzerains de Vierzon à la même époque. La conclusion paraît s'imposer maintenant. Pour qu'il en fût autrement, il faudrait que les historiens de la Bretagne pussent montrer la souveraineté de Jean Ier ou de sa femme à Vierzon (2).
Cette discussion est un peu aride, mais il m'a semblé utile, en ce moment, de donner d'autres arguments que
(1) RAYNAL, Histoire du Berry, t. Il, p. 213.
(2) Jusqu'au xit- siècle, Vierzon avait relevé du comte de Blois; mais, au temps d'Hervé H (1196-1218), Vierzon relevait d'Issoudun, et plus tard le seigneur de Mehun succéda au seigneur d'Issoudun; au xnr siècle, aucune trace de la suzeraineté des seigneurs de Champagne ou de Bretagne (Raynal et Toulgoët).
154 NOTES DE NUMISMATIQUE
ceux donnés jadis par Mater, qui peut-être n'étaient pas tous décisifs, pour arriver à la même conclusion que lui. Cela a permis d'évoquer en même temps, d'une manière palpable, - et là est l'intérêt des éludes de numismatique, qui sont si proches des éludes historiques proprement dites, — un souvenir glorieux, celui où les seigneurs de notre pays, abandonnant tous leurs biens, délaissant leurs femmes et leurs enfants, accompagnaient le roi saint Louis dans ses campagnes pour la défense de la foi, et, suivant l'expression de l'époque, accomplissaient l'oeuvre de Dieu.
IL Sigillographie.
1° Observations relatives à quelques sceaux-matrices conservés au Musée du Berry.
a) On lit, dans le Bulletin du Comité diocésain d'histoire et d'archéologie (1), l'article ci-après, que je crois devoir reproduire in extenso, parce qu'il fera l'objet de ma critique :
« M. Buhot de Kersers a reçu en communication de M. Lamblin un sceau en cuivre trouvé dans l'ancien cimetière de Saint-Martin-des-Champs, qui était un prieuré de la collégiale de Sancergues. Ce sceau offre les caractères du XIIIe ou du XIVe siècle. On y lit : VERGO X... R PRO JALONIS. Le champ est occupé par une effigie de femme, au-dessous de laquelle on lit : 10A, qui paraît être le commencement de IOANNA, mais ce ne peut être Jeanne de Valois. Ce mot doit se rapporter au mot VERGO, mis ici pour VIRGO. Quant au mot JALONIS, on peut supposer qu'il peut être le nom de
(1) Séance du 20 mars 1808, p. 91.
ET DE SIGILLOGRAPHIE 155
Jalognes, autre localité du Sancerrois, qui pouvait dépendre de la collégiale de Sancergues.
« S. G. examine l'empreinte et le sceau, et lit aisément IOA pour IOANNA, VERGO pour VIRGO, X pour CHRISTI, ORA PRO JALONIS.
« Reste à savoir si Jalonis veut dire Jalognes. »
Et un peu plus loin (1), au sujet de la matrice de sceau en question : « M. de Kersers fait remarquer qu'on pourrait lire aussi bien ALONIS (Allogny) que Jalonis (Jalognes). »
De 1868 à 1895, époque de la publication du t. VII de la Statistique monumentale, cette matrice fut un peu oubliée. Dans le Ier volume de la 4e série de nos Mémoires (1884), Mater, décrivant un certain nombre de matrices de sceaux se rattachant au Berry, la passa sous silence. A l'article Jalognes, de Kersers se borna, dans la Statistique (2), à rappeler son existence, en accompagnant cette mention d'une appréciation fort prudente : « A la paroisse de Jalognes, écrit-il, était joint un prieuré. A ce prieuré se rapporte peut-être un sceau assez médiocrement gravé et paraissant du XIIIe siècle, trouvé dans le cimetière de Saint-Martin-des-Champs, près Sancergues. Dans le champ, on distingue une effigie de femme, au-dessous de laquelle sont les lettres IOA. La légende, assez confuse, paraît être : VERGO X... R PRO JALONIS. Cette attribution est fort douteuse. »
De Kersers ne fit pas connaître à ce moment ce qu'était devenue la matrice de sceau qui m'occupe. Il l'ignorait évidemment. Ce qui est certain, c'est qu'elle passa dans le cabinet de M. Planchon. Ce dernier en fit don au Musée, où elle est placée dans la vitrine n° 32. Mater
(1) Bullet. du Comité diocésain d'histoire et d'archéologie, p. 93.
(2) Tome VII, p. 18.
156 NOTES DE NUMISMATIQUE
l'inscrivit sous le n°B 3043 sur le registre des entrées, et la désigna comme suit :
« Matrice de sceau ogival VERGO X ER' ARRONALI. La Vierge entre deux personnages, et au-dessous : IOH'. H=57mm, L = 32mm. »
La lecture de Mater, beaucoup moins inexacte que celle du Comité diocésain, doit cependant être rectifiée ainsi qu'il suit : VERGO X ER' ARRONALON1 (voir fig. 5).
En outre, l'interprétation du type est fausse. Il s'agit visiblement d'une représentation de sainte Apolline et de son supplice. Deux bourreaux, vêtus d'un simple jupon, arrachent avec de longues tenailles les dents de la vierge. Celle-ci, d'un âge déjà avancé (1), nimbée, coiffée d'un voile, a les mains jointes devant la poitrine. Au-dessus de sa tête, une couronne, symbole du martyre. Dans le champ, deux étoiles.
En prenant les lettres une à une, dans l'ordre où elles se présentent, la fin de la légende est inintelligible. Toutefois, il n'est pas défendu de supposer que le graveur, peu familiarisé avec le nom latin de la sainte, et gêné, comme toujours, par la nécessité de graver la légende à l'envers, a écrit ARRONALONI pour APOLLONIA (2), et que la légende doit être lue : VIRGO X ER' APOLLONIA. « J'étais la vierge du Christ Apolline. »
Sainte Apolline était une des saintes particulièrement
vénérées au Moyen Age. Elle figure souvent dans les
livres d'heures, à l'article des suffrages des saints, priè(1)
priè(1) aetatis virginem, d'après les Acta sanctorum, t. Il, p. 278.
(2) Ce sont presque les mêmes lettres, mais dans un ordre différent. Je dois cette suggestion à M. Blanchet, membre de l'Institut. Les erreurs de gravure de légende sont connues : on en a signalé une ici même, sur une cloche de Méry-èsBois (séance du 24 nov. 1922). On peut encore rappeler l'irrégularité do légende d'un mérel en laiton de la Saiule-Chapelle de Bourges, notée au vol. XXXïV des Mém. de la Soc. des Antiq. du Centre, p. 355.
ET DE SIGILLOGRAPHIE 157
res récitées après vêpres ou laudes en l'honneur des saints (1). A dire vrai, je ne connais pas d'édifice ecclésiastique en Berry placé sous son patronage, mais ce qui prouve que son culte était pratiqué dans notre pays, c'est que son suffrage se rencontre dans un livre d'heures à l'usage de Bourges conservé à la Bibliothèque nationale ( ms. lat. 1427).
Nous sommes loin de l'histoire de Jalognes; mais nous avons au moins une légende en accord avec le type. Pour confirmer l'interprétation donnée, je me bornerai à rappeler que les scènes de martyre sont assez fréquentes dans les sceaux ecclésiastiques du Moyen Age. On en trouve plusieurs exemples dans l'inventaire des collections Schlumberger et Blanchet (2) : la matrice qui contient la représentation du supplice de saint Eleuthère (3) a la particularité de désigner à la fois le saint évêque et le chanoine qui la possédait. C'est un peu comme pour le sceau-matrice de Bourges : nous y trouvons le nom de la martyre et le nom du possesseur : IOH' pour Iohannes ou Iohanna.
Nous remarquons à l'arrière un appendice tréflé et ajouré en forme de trilobe; l'écriture est en capitales romaines mêlées d'onciales. Je suis porté à l'attribuer au XIIIe siècle. La netteté des coups de burin, l'origine du sceau-matrice sont des raisons sérieuses pour ajouter foi à son authenticité.
b) On ne saurait en dire autant d'une autre matrice conservée au même Musée (même vitrine, sans numéro sur la matrice). La mollesse des contours du type, la
(1) LF.ROQUAIS, Les livres d'heures manuscrits de la Bibliothèque nationale, t. I, p. XXII.
(2) In-4», Paris, 1914.
(3) N° 340. PI. XV, n° 12.
158 NOTES DE NUMISMATIQUE
trace de coups de lime sur la tranche paraissent assez démonstratifs. M. A. Blanchet, dont les conseils éclairés ne me font jamais défaut, a confirmé, après examen de ladite matrice, cette manière de voir. La légende porte :
+ S JOHIS TROUSSEVACHE CAN CENOM
« Sceau de Jean Troussevache, chanoine du Mans. » La matrice originale en cuivre jaune a été trouvée en 1849, au pont Saint-Michel à Paris. Elle a été décrite dans le Journal des travaux publics du 5 septembre 1850 et dans la Revue archéologique, et publiée avec reproduction dans le Recueil des travaux de la Société de Sphragistique de Paris, à la page 180 du tome IV. Si j'en crois un renseignement aimablement fourni par M. H. Roquet, membre de la Société historique et archéologique du Maine, à Yvré-le-Pôlin (Sarthe), la matrice en question a fait partie de la collection Hucher (1) et se trouve aujourd'hui au Musée archéologique du Mans.
On sait que la Société de Sphragistique avait entrepris de donner la reproduction en métal des matrices ou des empreintes de sceaux qui lui seraient communiquées (2). Il ne faut donc pas être surpris s'il se rencontre de par le monde des matrices pouvant être confondues avec les matrices originales. Et ce point est important à rappeler, car il permet d'éviter des erreurs d'attribution.
La question de l'authenticité des matrices de sceaux est d'ailleurs des plus délicates, et on ne saurait trop porter son attention sur elle.
(1) Catalogne de la collection de sceaux-matrices de M. E. Hucher (Paris, 1863, in-8°), n° 5. Sceau ogival de Jehan Troussevache, chanoine du Mans. Dans le champ, saint Pierre et saint Paul; sous tes pieds de ces apôtres, un écu triangulaire chargé d'une croix... Dimensions : 40 millim. sur 24.
(2) Bulletin de la Société, t.I, p. II.
ET DE SIGILLOGRAPHIE 159
Ainsi, les Antiquaires du Centre ont publié en 1878, dans leur volume VII, page 321, une matrice de sceau de l'abbaye du mont Saint-Eloy, déjà publiée dans les mémoires de la Société précitée (tome Ier, p. 72). Toutefois, en décrivant la matrice possédée par la Société de Sphragistique, Bertrand écrivait : Au revers existe un anneau à longue queue, placé perpendiculairement. Ce qui s'explique bien, puisqu'on sait que les sceaux-matrices étaient enchaînés aux contre-sceaux, ou quelquefois pendus au cou. Au contraire, de Kersers, parlant du sceau de la collection Jacquemet, a noté : Au dos du cuivre est une nervure qui se termine sous la tête par une saillie demi-circulaire pleine. Cette seule indication suffit pour mettre en doute l'authenticité de la dernière matrice. C'est la matrice publiée par la Société de Sphragistique, au contraire, qui a dû se retrouver à la vente Charvet, en 1883 (n° 804).
Ainsi encore, la Revue du Berry et du Centre, en 1912, a publié (1) un sceau-matrice de l'abbaye de Saint-Satur dont j'ai eu entre les mains une empreinte, mais dont j'ai cherché en vain à voir l'original, bien qu'il fût, paraît-il, conservé dans la région. Les circonstances de la trouvaille de cette matrice sont un peu trop merveilleuses pour qu'une enquête relative à son authenticité ne soit pas désirable.
c) Tandis que nous nous occupons de sceaux-matrices de la collection du Musée du Berry, qu'il me soit permis d'ajouter un renseignement à ceux qui ont été donnés par notre confrère et ami M. Ponroy, au sujet d'une matrice provenant de la collection Ch. de Laugardière.
(1) Histoire de l'abbaye de Saint-Satur, d'après le manuscrit de dom Desmaisons, p. 61 du tir. à part.
160 NOTES DE NUMISMATIQUE
C'est le sceau décrit sous le n°4 dans le vol. XXXVIII des Antiq. du Centre, p. 274, avec la légende :
S MAGRI R DE VELC1A
C'est très vraisemblablement le sceau d'un membre de la famille de Veausse, famille du Berry (1 ) : observation qui augmente l'intérêt qu'il y a pour le Musée à le posséder.
2° Sceaux-matrices relatifs au département du Cher peu connus on non encore publiés.
Cette revue de divers sceaux de provenance locale, ou se rattachant à l'histoire du Berry. me conduit enfin à relater :
1° Dans le recueil que j'ai cité, la publication d'un sceau du chapelain de Vencsmes (2), qui a été ignoré de l'auteur de la monographie de celte localilé (3);
2° Dans les Mémoires de la Société des Antiquaires de l'Ouest (4), la description du sceau de René de Blet, prieur de Notre-Dame-de Salles, à la fin du XVe siècle. Il figure sous le n° 82 dans l'inventaire dressé par Barbier. On ne peut donc pas dire non plus qu'il est inédit, mais sa publication me paraît avoir ici passé tout à fait inaperçue.
(1) Voir un acte de Charles VII, analysé par M. Soyer (Mém. de la Soc. hist. du Cher, 1898, p. 189), et encore : Arch. du Cher, chap. du Château, 250, f° 8; DE KERSERS, Stat. mon., V, 308.
(2) Becueil des trav. de la Soc. de Sphragistique. de Paris, t. IV, p. 305. Il est à remarquer que l'auteur de cette publication, de Soultrait, avait déduit du type de la matrice que l'église de Venesme devait être sous le vocable de saint Pierre : hypothèse parfaitement justifiée, car il en est bien ainsi. (Voir B. de Kersers, Stat. mon. du Cher, t. III, p. 321.)
(3) Bulletin mensuel Soc. hist. du Cher n° 112, vol. Mémoires, 1918-19.
(4) Tome III de la 2e série, année 1880.
ET DE SIGILLOGRAPHIE 161
Il ne convient pas de refaire la description donnée dans les Mémoires précités (1) ; il est préférable de donner une image de la matrice en question, d'après une bonne empreinte qui m'a été procurée avec beaucoup d'obligeance par M. F. Eygun (fig. 6).
Je me contenterai de remarquer que la famille de Blet (je mettrais plus volontiers deux mots qu'un seul, comme le fait Barbier, qui ne connaissait pas parfaitement le nobiliaire du Berry) est très anciennement connue dans ce pays; aux références données par M. de Maransange, dans son dictionnaire, au mot de Blet, on peut ajouter celles de Buhot de Kersers dans la Statistique monumentale du Cher (t. II, p. 353), à l'article Mazières, près Bourges. Les de Blet étaient, en effet, seigneurs de Mazières, et, aux Archives départementales, j'ai trouvé mention de notre prieur dans deux actes différents :
a) Dans un acte de vente du 22 avril 1499, après Pâques, de la quarte partie du dixme de Reigny aux vénérables prieur et chapitre de Noire-Dame-de-Salles (« maistre Regne (sic) de Blet présent »);
b) Dans un acte du 4 novembre 1511, par lequel les chanoines de Salles donnent à René de Blet, seigneur de Mazières et prieur de ladite église, quittance de la somme de cent livres tournois, pour l'amortissement d'une rente due sur le lieu de Mazières (2).
Voilà donc notre sceau parfaitement situé au point de vue historique, ce qui est assez rare pour les sceauxmatrices. En ce qui concerne l'histoire de l'art, il rentre dans une catégorie très connue depuis le XIVe siècle,
(1) Mém. de la Soc. des Anliq. de l'Ouest, 2e série, t. III (1880), p. 373.
(2) D'après l'article du Gallia christiana cité dans l'inventaire de Barbier, René de Blet était encore prieur de la collégiale en 1513.
11
162 NOTES DE NUMISMATIQUE ET DE SILLOGRAPHIÉ
celle dont le type porte, à la partie supérieure, la Vierge et l'Enfant dans un motif d'architecture, à la partie inférieure, les armes du possesseur du sceau, avec ou sans l'image d'un priant. La gravure est d'ailleurs élégante et comparable à celle des bons exemplaires de la même époque.
P. CHENU.
hig. 1 Denier de Mehun
Fig. S Denier de Vierzon
Fig. 3 Denier de Déols
Fig. 4 Denier de Bretagne
Fig. 5 Sceau-matrice trouvé à St-Martin-des-Champs.
Fig. 6 Sceau-matrice de K. de Blet, prieur de N.D.-de-Sales.
L'INSCRIPTION NUMERALE
DE LA
SAINTE-CHAPELLE DE BOURGES
Verba volant, scripta manent, dit un antique adage, que suivit le duc Jean de Berry lorsqu'il commémora, par deux lignes inscrites sur la paroi intérieure de la Sainte-Chapelle de son palais de Bourges, l'achèvement de l'édifice, sa riche dotation et sa consécration. Il n'y manque que la date, remplacée par l'indication de « la présente année » : c'est-à-dire, et nul ne s'y est mépris, qu'il faut la tirer de l'inscription, rédigée sous forme de chronogramme.
Le monument fut, comme on sait, rasé jusqu'aux fondements, et l'épigraphe n'a pas survécu à sa ruine. Elle nous est rapportée par cinq auteurs qui furent en situation de la voir en place : Chaumeau, Chenu, La Thaumassière, les rédacteurs du Gallia christiana et René Béchereau, le chroniqueur vierzonnais. Combien, en réalité, l'ont lue? Un petit nombre, assurément, et sans se soucier beaucoup de nous en transmettre la teneur exacte. Il nous faut donc, à travers leurs discordances de transcription et d'interprétation, discerner le texte authentique, puis découvrir la date qu'il recèle.
164 L'INSCRIPTION NUMÉRALE
Ce travail ne pouvait s'exercer fructueusement en partant des textes imprimés, où la critique ne portait que sur des caractères intrinsèques; mais la divulgation des Mémoires sur Vierzon et autres villes du Berry a fourni à cetle étude un nouvel élément, avec un document que nous pouvons regarder, d'après ses caractères extrinsèques, comme un fac-similé exact de l'original.
L'auteur n'avait pas manqué de citer l'inscription au cours de sa chronique (1), mais, se ravisant, il inséra dans son manuscrit une double page supplémentaire où elle est libellée en caractères gothiques, avec cetle mention : « L'on a coppié ces vers sur pareils qui sont à lad. chappelle. » C'est nous affirmer la rigoureuse conformité de la copie au texte; allons plus loin : le chroniqueur s'intéressait à la paléographie, comme le montrent les essais marquant le début de son ouvrage, en particulier le tracé, asssz fidèlement exécuté, des lettres sculptées qui ornent encore une poutre de l'église de Vierzon; l'inscription de Bourges complétait sa documentation par l'apport d'un alphabet homogène presque entier, comme il le remarque en ces termes : « Toutes les lettres de l'alphabet sont employées dans les deux vers cy-dessus, sauf les G, H et F »; nous ne pouvons douter qu'il n'en ait pris un dessin aussi exact que possible.
Autrement, il faudrait supposer qu'il ail constitué de toutes pièces sa planche avec des lettres d'emprunt, hypothèse que dément l'examen du manuscrit : Béchereau, n'étant pas né calligraphe, n'aurait su tracer par luimême les délicates fioritures ornant les lettres principales, d'ailleurs toutes différentes des élégants paraphes où excellaient les maîtres écrivains de son temps.
(1) Avec .une inexactitude : At remplace Et au début du second vers.
DE LA SAINTE-CHAPELLE DE BOURGES 165
Il est même possible qu'il ait pris un calque de l'inscription, pour simplifier sa tâche de dessinateur consciencieux, mais novice, et dans ce cas nous en aurions le fac-similé en vraie grandeur : ce qui porterait à le croire, c'est que le format du papier s'est trouvé trop restreint pour recevoir en entier la première ligne, dont le t final se trouve reporté en interligne (1), alors qu'une légère réduction de l'échelle permettait d'éviter cet inconvénient. L'argument a sa valeur, sans être péremptoire. En ce cas, l'inscription ne pouvait être fort apparente, tant ses dimensions étaient exiguës : 0m23 ou 8,5 pouces pour la longueur de la ligne et 0m009 ou 4 lignes pour le corps du caractère. Il en est de même dans mainte épitaphe contemporaine, et la lecture n'en est pas facilitée : on peut s'expliquer ainsi le peu de souci qu'ont eu les transcripteurs de confronter leur leçon au monument lui-même.
Tout nous porte donc à considérer comme seul authentique et conforme à l'original — y compris les abréviations qu'il contient, suivant l'usage constant du Moyen Age, et qui ne sont pas sans importance au point de vue de l'interprétation numérale — le texte de Béchereau, ainsi libellé :
Nous en donnerons d'abord la traduction suivante :
Le duc de Berry m'a construite et dotée
Et le prélat vigilant m'a consacrée cette année
où nous faisons rimer les deux lignes pour reproduire semblable particularité du texte latin, encore hésitant
(1) On ne trouvera pas trace de cette défectuosité sur la reproduction que nous avons donnée dans les Mém. de la Soc. hist., 4« série, 36= vol., p. 75 : elle a été redressée pour rendre à l'inscription son véritable aspect.
166 L'INSCRIPTION NUMÉRALE
t
entre les moyens d'expression de l'antiquité et ceux des temps modernes. Tandis que le quatrain latin inscrit par le même donateur sur le timbre de l'horloge de la cathédrale de Bourges est rédigé en vers de dix syllabes à rimes croisées, l'inscription de la Sainle-Chapelle offre au lecteur deux hexamètres rimes, et non, comme on pouvait l'attendre, un distique formé d'un hexamètre suivi d'un pentamètre. D'ailleurs, à l'examen, ces vers se révèlent de médiocre facture; ils peuvent être ainsi scandés :
Mê cfûx cônstrûxîl Bïtûrïcùs âtquë dôtâvit Et pra'esfil âttêndêns ânnô pra'esêntë sâcrâvit.
Us possèdent donc chacun les six pieds requis, mais, dans le premier vers, le quatrième et le cinquième pied sont défectueux, ainsi que le premier dans le second vers. Celui-ci serait, il est vrai, redressé par une correction très simple : en plaçant et après praesul, on obtiendrait le dactyle cherché. Pourquoi n'en est-il pas ainsi? Peut-être, par une considération esthétique, s'il a plu à l'auteur, ou même au graveur, d'équilibrer ses lignes en les faisant débuter par deux mots qu'appareillent leur brièveté et la forme de la lettre initiale, au lieu de la disgracieuse abréviation psul. Chenu et ses continuateurs ont cru pouvoir corriger la faute de prosodie par la transposition de mots que nous avons indiquée, en quoi ils sonty sorlis de leur rôle de transcripteurs; aussi réserverons-nous notre confiance à la leçon de Chaumeau el de Béchereau, où elle est conservée.
Abordons enfin l'interprétation du chronogramme. Pour se conformer aux règles qui gouvernent cette sorle de jeu d'esprit, il y a lieu d'isoler les lettres possédant une valeur numérale dans la numération romaine; on peut alors, soit lire directement le chiffre constitué par
DE LA SAINTE-CHAPELLE DE BOURGES 167
la série de lettres : c'est le chronogramme naturel; soit faire la somme de leurs valeurs respectives : c'est le chronogramme additionné. On verra que la solution de celui qui nous occupé a été cherchée dans l'une et l'aulre voie. Ajoutons, pour être complet, qu'il est double, puisqu'il contient tant l'indication de la date que la désignation des événements auxquels elle s'applique; qu'il est, selon La Thaumassière et Béchereau, accompagné d'un cryptogramme, puisqu'on y retrouve les lettres composant le nom de l'archevêque consécrateur (1).
Nous aurons aussi à rechercher s'il est exact ou libre, en d'autres termes, si l'on doit utiliser toutes les lettres à valeur numérale ou exercer un choix entre, elles.
En effet, si l'on tente le déchiffrement, soit en juxtaposant, soit en additionnant les lettres à valeur numérale d'après les notions actuellement usitées dans la numération romaine, le résultat s'écarte, a priori, de l'époque où Jean de Berry édifia la Sainte-Chapelle. Dans ces conditions, n'est-il pas à propos de faire appel à l'histoire pour apprendre en quel temps s'accomplit le fait en question?
A défaut d'un procès-verbal de la cérémonie de consécration, nous possédons l'acte de confirmation des privilèges et donations, daté in palacio nostro praedicto die resurrectionis Domini n., mensis aprilis anno Domini millesimo quadringintesimo quinto (2).
Cette mention concorde avec celle du recueil historique le plus autorisé en pareille matière : c'est le manuscrit du XVIe siècle intitulé Catalogus reverendissimorum antistitum insignis ecclesiae Bituricensis (3), attribué à
(1) Aimeri ou Emeri. On trouvera dans le présent volume une étude sur les cryptogrammes contenus dans l'inscription.
(2) Arch. du Cher, fonds de la Sainte-Chapelle, copie ancimne de l'original Texte reproduit dans Gallia christ., t. II, Instrumenta, col. 28.
(3) Bibl. munic, de Bourges, n° 233.
168 L'INSCRIPTION NUMÉRALE
dom Benoît Vernier, bénédictin de l'abbaye de SaintSulpice (1), qui donne en ces termes, dans la notice relative à l'archevêque Aimery (1391-1409), la date de l'installation du chapitre : In solemni die Paschae, 13 kalendas maii, anno Domini 1405. Le 13 des calendes de mai, correspondant au 19 avril, est bien, d'après L'art de vérifier les dates, le jour où tomba la fêle de Pâques en 1405, mais, d'autre pari, l'installation du chapitre et la consécration de l'édifice paraissent avoir donné lieu à deux cérémonies distinctes. Le Gallia christiana les mentionne, l'une le jour de Pâques et l'autre le lendemain, soit l'installation le 19 et la consécration le 20 avril, ce qui n'est pas incompatible avec les textes cidessus. Chenu donne également pour la consécration la date du 12 des calendes de mai, ou 20 avril 1405. Au contraire, La Thaumassière, suivi par les auteurs modernes, donne la date du 18 avril, qui ne semble pas justifiée (2).
Pour tirer du cryptogramme la date de 1405, Jean Chenu (3) établit le calcul suivant. La valeur de la lettre D peut être éliminée, son emploi dans la numération n'étant pas universellement admis (4). Restent
(1) Ouvrage reproduit en abrégé par Jean Chenu, Stylus jurisdiclionis ecclesiusticae archiepiscopalis (Bourges, 1603); el in extenso par Labbe, Patriarchium Bituricense (1657).
(2) Si nous croyons devenir apporter de telles précisions à la détermination de cette date, c'est que l'auteur d'une publication récente s'est attaché avec insistance à propager l'erreur de Chaumeau et de Nicolay, qui ont indiqué l'année 1375.
(3) Historia brevis RR. ecclesiae Bituricensis archiepiscoporum qui ab anno Christi CCLII ad unnum MVIIII sederunt, p. 124.
(1) L'emploi de celle lettre parait s'être généralisé au XVIe siècle; précédemment, le nombre 500, qui n'existait pas dans les millésimes des années, n'exigeait pas de signe représentatif. On trouvera des exemples de chronogrammes où le D est mis de coté dans Mém. des Antiq. du Centre, t. XLIII, Rapport du secrétaire; et Soc. nationale des Antiq. de France, Bulletin (1927), p. 161.
DE LA SAINTE-CHAPELLE DE BOURGES 169
donc à utiliser les lettres suivantes, qu'il marque par des majuscules, sans d'ailleurs nous dire qu'aucun signe particulier les ait distinguées dans l'original :
Me dVX ConstrVXIt bltVrlCVs atqVe dotaVIt. PraesVL et attendens anno praesente saCraVIt.
Il constate alors, non sans surprise, que le total de leurs valeurs respectives, 1000 + 5 + 10 + 100 + 5+10 '+1 + 1+5 + 1 +100+ 5 + 5 + 5+1+5+50+100 + 5 + 1 = 1415, n'est pas le millésime cherché. Laissant au lecteur le soin de choisir entre la date de l'histoire et celle du chronogramme, il le prévient seulement que celle-ci tomberait sous le pontificat de l'archevêque Guillaume de Boisratier et qu'il préfère s'en tenir à l'autorité du bénédictin qu'il vient de citer. Nous regrettons pour lui qu'il n'ait pas eu, devant cette difficulté, recours à l'original, qui lui en eût fourni la solution immédiate : les deux V qui reculent fâcheusement de dix ans la date de la cérémonie sont éliminés par les abréviations d'atque et de Bituricus, en sorte que l'addition de toutes les lettres dont la valeur numérale était alors utilisée conduit au résultat exact. Sans l'erreur matérielle due à la transcription de l'historien, la question était définitivement réglée, dans le sens du chronogramme exact et additionné.
La Thaumassière, avec sa négligence habituelle, se contente du libellé de l'inscription, emprunté à son prédécesseur (1), puis il énonce la date du 18 avril 1405, sans même faire mention du désaccord.
(I) Livre II, ch. x. Les lettres numérales sont fort inexactement indiquées : l'M initial est omis, ce qui fausserait le résultat au delà de toute mesure; l'E de atque est inutilement noté.
170 L'INSCRIPTION NUMÉRALE
Les auteurs du Gallia christiana reproduisent le texte de Chenu jusque dans sa disposition typographique (1), mais cherchent à l'interpréter comme un chronogramme naturel (2) :
Me duCs Construxit bitVriCus atque dotavit Praesul et attendens anno praesente saCravit
donne, à la lecture, MCCVCC ou 1405. Mais un recours à l'original eût suffi pour écarter cetle solution du problème, car l'archaïsme ducs, pour dux, n'y est pas employé; de plus, c'est user d'une liberté excessive dans le choix des lettres à valeur numérale que d'en rejeter seize sur vingt et une, pour arriver encore à supposer un C imaginaire.
A travers cette série de travaux de seconde main, nous arrivons au texte de Béchereau, le seul érudit qui, depuis Chaumeau, semble avoir pris la peine de consulter le monument. Son choix de lettres à valeur numérale, différent de ses prédécesseurs, n'est pas indiqué par des majuscules, mais par de petites croix. « Chacune des lettres marquées au-dessus par une croix se compte pour autant qu'elle vaut en chiffre romain. » Mais il omet de nous indiquer si les croix figuraient dans l'inscription, ou si elles sont son oeuvre. Sur la planche, elles sont tracées d'une autre encre et avec une négligence contrastant avec le fini des lettres, ce qui permettrait de les attribuer au chroniqueur vierzonnais. S'il est possible, comme nous l'avons montré en corrigeant
(1) Le petit format de Chenu n'a pas permis de transcrire chaque vers sur une seule ligne : ce rejet est reproduit dans le Gallia, où il ne s'imposait pas.
(2) Gallia christiana, t. Il, col. 85. Ici le chronogramme naturel ne diffère pas d'un chronogramme additionné, puisqu'il ne contient aucune lettre à valeur soustractivo. Nous voulons seulement dire qu'il est restreint an minimum de lettres nécessaires pour inscrire la date, toujours en négligeant le D
DE LA SAINTE-CHAPELLE DE BOURGES 171
l'interprétation de Jean Chenu, d'interpréter le chronogramme par l'addition de toutes les lettres à valeur numérale utilisables, il n'y avait pas lieu, en effet, de donner au lecteur la solution du problème pour lui enlever le mérite de la recherche.
Béchereau n'a pas cru pouvoir, après Chenu, procéder par élimination de la lettre D. C'est, au contraire, l'M initial qu'il néglige, peut-être à titre de majuscule mise de ce fait hors série. Sa valeur se retrouve dans les deux D du premier vers, mais il subsiste en trop un D, dans le second vers. C'est donc en considérant comme libre le chronogramme qu'il obtient, non sans quelque arbitraire, le total qu'il cherchait :
500 + 5+10 + 100 + 5 + 10 + 1 + 1 + 5 + 1 + 100 + 500 + 5 + 1 + 5 + 50 + 100 + 5 + 1 = 1405.
Deux historiens modernes, Labouvrie et Raynal, travaillant sur les données de Chenu et de La Thaumassière, ont cherché à redresser leur erreur. Le premier y parvient en diminuant de dix la valeur du C de conslruxit, sous prétexte qu'il est précédé de l'X de dux :
1000 + 5 + 10 + (100 - 10) + 5 + 10 + 1 + 1 + 5 + 1 + 100 + 5+5 + 5 + 1+5 + 50+100+5 + 1 = 1405. Mais cette introduction d'un élément de chronogramme naturel à travers un chronogramme additionné paraît complètement illogique. Raynal est moins heureux encore : il élimine seulement la lettre I, pour aboutir au total de 1410. De plus, induit en erreur par l'équivoque du Gallia.christiana, qui signale par des majuscules les lettres numérales à utiliser, il parle « d'une date formée au moyen de certaines lettres d'une dimension plus forte que les autres » ; nous avons vu qu'il n'en est point ainsi dans l'original, où les lettres distinguées par des ornements n'ont pas de rapport avec le chronogramme.
172 L'INSCRIPTION NUMÉRALE
Une étude aussi longue s'imposait-elle sur un sujet si bref? Elle se justifie, semble-t-il, par la négligence des auteurs qui l'avaient précédemment abordé, et nous apprend avec quelle attention nous devons transcrire et examiner le moindre texte, pour dispenser les générations futures de reprendre perpétuellement les travaux de leurs devanciers, fussent-ils couverts par l'autorité de noms illustres.
P. DES CHAUMES.
LE CRYPTOGRAMME
DE LA
SAINTE-CHAPELLE
Le chronogramme que contient l'inscription de la Sainte-Chapelle vient d'être étudié par M. des Chaumes, à propos d'un passage où Béchereau l'interprète (1). Mais l'érudit vierzonnais donne sans s'y arrêter, sans doute d'après une tradition qu'il n'a pas pris la peine de contrôler, une autre indication que je n'ai rencontrée nulle part ailleurs.
(1) Mém. Soc. hist., t. 36, p. 75, note a, in fine. — M. des Chaumes a cité les autres auteurs antérieurs à 1757 qui donnent ce fameux texte : Chaumeau, Chenu, La Thaumassière et le bénédictin anonyme du Gallia chrisliana. J'ajoute un sixième témoignage, celui du chanoine Barbier, de Mézières-en-Brenne, dans sa Chronologie manuscrite du calendrier, où j'ai copié jadis (p. 250) le texte suivant :
« Cette Sainte-Chapelle fut dédiée et consacrée à Dieu sous le titre de SaintSauveur, par Pierre Aimery, 85° archevêque de Bourges, le lundi lendemain de Pâques de l'an 1405, en présence du duc Jean, de l'archevêque de Toulouse, de l'archevêque d'Aix, de l'évêque du Puy-en-Velay et des abbés de Saint-Sulpice et de Saint-Ambrois de la ville de Bourges. C'étoit en mémoire de cette dédicace que l'on voyoit ces vers numéraux écrits en gothique sur le mur septentrional de cette église :
« Me dVX ConstiVXIt bltVrlCVs atqVe dotaVIt « PraesVL et attendens anno praesente saCraVIt. »
174 LE CRYPTOGRAMME
Après avoir reproduit les deux vers célèbres :
Me dux construxit Bituricus atque dotavit, Et praesul attendeus anno praesente sacravit,
il dit que « le nom de l'arch. Emery... se trouve parmy les lettres qui composent ces deux vers ». Vérification faite, il est exact qu'en retenant et en combinant les lettres imprimées ci-dessous en caractères majuscules, on a : Petrus Aimericus patriarca Bituricus, « Pierre Aimery (1), patriarche de Bourges » :
"ME dVx ConSTRVxIT BITVRICuS AtquE dotAvIt. Et PRAeSVl Attendens auno PRaesente saCKavIt.
Nous sommes donc en face d'un cryptogramme. Et comme dans l'inscription il est question non seulement de l'archevêque consécrateur, mais d'abord du duc fondateur, j'ai pensé que le nom de ce dernier pouvait y être aussi caché. On l'y trouve, en effet, accompagné de ses titres (autres que celui de duc de Berry, déjà exprimé en clair) : Ioannes Valesius, par, dux Arvernie, comes Pictavie, « Jean de Valois, pair, duc d'Auvergne, comte de Poitou ».
ME DVX COnStRVxIt bITVRICVS AtqVE dOtAvIt. Et PRAESuL AttENdENS ANno Praesente sacravIt.
Mais ce n'est pas tout. On peut lire aussi : 1° le nom du roi Charles VI : Dominus Carolus sextus Dei providentia rex; 2° les noms de famille et d'élection du pape d'Avignon Benoît XIII (Pierre de Luna) : Benedictus tertius decimus (de Luna) sanctus Avenione papa; et 3° le nom de son légat, le cardinal Pierre de Tolède, qui
(1) Que Raynal (II, p. 444) appelle Jean, sans doute par une inadvertance due à ce qu'il vient de mentionner son prédécesseur, Jean de Rochecbouart.
DE LA SAINTE-CHAPELLE 175
assistait à la consécration : Peints Toletanus Sanctae Sedis Romanae nunlius.
(1°) ME DVX CONSTRVXIT bltVRIcVS AtquE DOtAvIt. Et PRaESuL atteNDenS annO praesente sacravit.
(2°) ME DVx CoNSTRVxIT BITViICVS ATqVE DOtAVIt.
Et PrAESuL AttENDENS ANNo PraESente saCravit.
(3°) ME DVx CoNSTRVxIT bITVRicuS AtquE dOTAviT. Et PrAESuL AtteNdeNS ANNo praESente Sacravit.
On a encore le quantième de la dédicace, lundi de Pâques 20 avril, vicesima dies aprilis, sequens Pasca (ou vicesima aprilis, secunda Pasca).
ME DVx ConStRVxIt bIturICuS AtQuE dptAvIt. Et PrAESuL AtteNdenS anno PraeSente SacravIt.
Enfin, le fait que les deux vers de l'inscription sont mis dans la bouche de l'édifice personnifié m'a conduit à y rechercher son nom, et j'ai pu lire : Aedes sacra Sanctissimo Salvatori dicata, «Sainte-Chapelle du Très Saint-Sauveur».
ME DVx ConStRuxIT bITuRICuS ATquE DOtAvIt. Et prAeSuL AtteNdenS AnnO prAeSente SACrAvit.
Je ne pense pas que cette multiplicité de sens soit fortuite, mais bien qu'elle marque une rare ingéniosité dans l'esprit de l'auteur, qui ne l'a pas obtenue sans difficultés, car dans les soixante-quinze lettres de son texte les caractères de l'alphabet sont ainsi répartis :
8A 3D 1 L 30 5R 8 V 1B 9E 1M 2P 6S 2X 3C 51 6N 1Q 11 T
Il y a donc absence de trois lettres (F, G, H) et présence unique de quatre autres (B, L, M, Q), presque
176 LE CRYPTOGRAMME DE LA SAINTE-CHAPELLE
toutes usuelles. Si l'on peut dire que les combinaisons de soixante-quinze lettres sont — sinon infinies ou simplement indéfinies — du moins très nombreuses, c'est à condition d'envisager ces lettres comme interchangeables. Au contraire, le nombre en est singulièrement restreint quand on doit se plier aux rapports précis où les groupent d'abord la morphologie et la syntaxe d'une langue donnée, ensuite la nécessité d'un sens suivi et applicable à un événement déterminé. Ainsi il était impossible, par exemple, d'introduire avec ses deux l le mot capella, qui a dû être remplacé par un synonyme, ou encore de faire lire Petrus archiepiscopus (la lettre P n'étant que deux fois disponible).
Sans attacher trop d'importance à de tels jeux d'esprit, on peut, en s'y prêtant, pénétrer davantage la mentalité de cet étonnant XVe siècle, si rude et si raffiné, époque d'une décadence pleine de promesses de renouveau.
MAURICE DE LAUGARDIÈRE.
LE FRANC-ALLEU DU PEZEAU
ET
SON INFEODATION AU COMTE DE SANCERRE
L'ancienne terre du Pezeau, actuellement dans le patrimoine de la famille de Vogué, avait été acquise le 16 décembre 1677 par Jacques Perrinet (1). Ce personnage était l'un des fils de David Perrinet, lieutenant des ville et comté de Sancerre, qui exerçait ses fonctions lors du second siège de Sancerre en 1621 et mourut en 1640. La famille Perrinet s'était constitué dans le Sancerrois une grande fortune.
En 1741, le petit-fils de Jacques Perrinet, David-Pierre, écuyer, conseiller, secrétaire du roi et de ses financés, demeurant à Paris, était possesseur de ladite terre, qui présentait la particularité curieuse de constituer un franc-alleu.
Cette situation, indiquée dans l'acte qui va suivre, appelle quelques explications.
On sait que le terme de franc-alleu désignait l'héritage
(1) Buhot de Kersers (Hist. et stalist. mon, t. V, p. 12) reporte par erreur cette acquisition au XVIIIe siècle, en la mettant au nom de Pierre Perrinet, auquel il donne la qualité de receveur des finances de Flandre, Hainaut et Artois, qui était celle de David Perrinet, deuxième du nom, père de David-Pierre. (Voir la notice généalogique ci-après.)
12
178 LE FRANC-ALLEU DU PEZEAU
libre de toute dépendance et exempt de toute redevance féodale ; il échappait même aux charges et impositions foncières, et il ne fut astreint qu'au droit de mutation du centième denier à partir de 1704.
Toutefois, pour être considéré comme noble, le francalleu devait avoir justice annexée, censive ou fief dépendant et mouvant de lui (1).
On ignore si le Pezeau remplissait la première de ces conditions en exerçant une juridiction subalterne dans la haute justice du comté de Sancerre, à laquelle il était soumis. D'autre part, on n'est point fixé sur l'origine des cens qu'il possédait et qui étaient peut-être de nature roturière, comme les rentes comprises dans leur même vague énumération, au lieu de provenir de concessions impliquant la seigneurie directe féodale. A la vérité, le château, apparemment construit ou rebâti au XVe siècle, avec ses tours, fossés et pont-levis, avait toutes les marques d'une maison noble, et cette présomption se renforçait de la qualité de seigneur prise par ses possesseurs dans divers actes privés remontant jusqu'à cette époque.
En résumé, la situation du Pezeau, sous le double rapport envisagé, était incertaine : la condition de franc-alleu, alors fortement battue en brèche par les jurisconsultes, pouvait lui être contestée en même temps que le caractère noble de sa censive particulière. Ces motifs expliqueraient l'abandon que Perrinet parut faire de privilèges d'ordinaire jalousement défendus et son désir de rentrer dans la hiérarchie féodale, en
(1) Voir La Thaumassière, Coutumes générales, t. IV et V; Coutumes locales, chap. XLII, et Le franc-alleu de la province de Berry; — Renauldon, Traité historique et pratique des droits seigneuriaux, liv. II, chap. II; — E. Chénon, Histoire des alleux en France ; — Arch. de la ville de Bourges, CC 92, Mémoire sur l'allodiation du Berry (14 novembre 1724),
ET SON INPÉODATION AU COMTÉ DE SANCERRE 179
admettant lui-même l'hypothèse d'une inféodation antérieure dont les traces avaient été perdues. Ce ne devait pas être sans profits, d'ailleurs, car, en se soumettant aux devoirs de la vassalité, il allait gagner, outre l'attribution des droits attachés aux terres nobles, des rectififications d'enclave aboutissant à un remembrement de sa propriété.
Telle paraît pouvoir s'interpréter la demande de David-Pierre Perrinet, à laquelle Mme Louise-Elisabeth de Bourbon-Condé, veuve de Pierre-Louis-Armand de Bourbon prince de Conty, comtesse de Sancerre, répondit favorablement en accordant, par un acte dressé en la prévôté de Paris, le 5 mai 1741, l'érection en plein fief de la terre et château du Pezeau et de la plus grande partie de ses dépendances, y compris les terres voisines et contiguës, tels qu'ils peuvent appartenir à seigneur de fief dans l'étendue du comté de Sancerre, avec droits de censive, de retenue de voirie, de chasse, de colombier et de garenne, et de tous autres droits utiles et honorifiques.
La comtesse de Sancerre cédait, en même temps, à Pierre Perrinet six boisselées de terres enclavées dans la circonscription du Pezeau, et les rentes foncières établies sur un certain nombre d'héritages particuliers inscrits au terrier du comté, le tout représentant une rente totale annuelle de 28 boisseaux de froment, 12 boisseaux d'avoine, que le concessionnaire s'engageait à servir à son suzerain, envers lequel il était désormais chargé de rendre l'hommage et de fournir le dénombrement de son fief dans les cas prévus, c'est-à-dire à chaque mutation par succession, par vente ou autrement.
D'après la Coutume de Lorris, l'acte de soumission du vassal au suzerain devait être jadis accompli tête nue,
180 LE FRANC-ALLEU DU PEZEAU
la ceinture défaite et les mains jointes, que le suzerain pressait dans les siennes ; plus tard, on négligea le détail de la ceinture, et on se contenta de la dextre, placée dans celle du seigneur. Suivant la Coutume générale du Berry, le vassal devait seulement se présenter au suzerain, le chapeau à la main, et, en cas d'absence, baiser le verrou de la principale porte du manoir en faisant constater par instrument public sa démarche.
A remarquer, d'ailleurs, que la comtesse de Sancerre maintenait, en principe, son privilège de haute justice et conservait ainsi les profits des déshérences, des épaves, des confiscations et amendes, etc., sauf ceux de chasse, colombier et garenne, qu'elle avait expressément concédés.
Il n'est pas question dans l'acte d'autres droits de seigneurie, comme ceux des corvées et des banalités, qui, outre les cens, étaient peut-être déjà inhérents à la terre du Pezeau.
Les droits frappant les mutations des propriétés enclavées dans le franc-alleu et cédées au fief étaient abandonnés par le suzerain. Quant aux droits honorifiques, également concédés, rappelons qu'ils consistaient en certaines préséances dans les cérémonies du culte, la réception des comptes des fabriques des églises, la tutelle des assemblées d'habitants, etc.
Par un second acte passé le 24 juillet 1743, devant le prévôt de Paris (1), Mme la princesse de Conty rattachait au fief du Pezeau, tel qu'il avait été constitué le 5avril 1741, les cens chargeant tout un ensemble d'héritages voisins et contigus, également assis dans la paroisse de Boulleret, et cédait de plus à Pierre Perrinet neuf autres boisselées de terre dépendant du domaine du comté de Sancerre.
(1) Archives du Cher, B 3416.
ET SON INFÉODATION AU COMTÉ DE SANCERRE 181
L'acte comportait, en outre, une addition de parties de rentes foncières sur les héritages désignés ou omis dans la première concession.
Ces rectifications, avec les cens supplémentairement réunis et la condition de l'abandon d'une nouvelle partie du domaine du comté, portaient à 40 boisseaux de froment et 15 boisseaux d'avoine le montant de la seconde rente foncière ainsi constituée.
Pierre Perrinet fit dans l'acte même les soumissions prescrites par la Coutume, pour compléter l'hommage déjà porté par lui au bailli du comté de Sancerre, le 30 mai 1741, en conséquence de l'érection du fief.
En définitive, par la double inféodation accomplie, la châtelaine de Sancerre acquérait, pour sa terre, un supplément d'honneur, comme l'explique l'acte primitif, déclarant « que les plus grandes seigneuries étaient décorées par le nombre de leurs mouvances ».
Dans le domaine utile, elle conservait le profit réel des revenus fonciers des portions de son domaine dont elle abandonnait la propriété, et les rentes en nature assises à son nom sur les héritages compris dans l'arrondissement du fief du Pezeau; enfin, l'ensemble de ce fief était désormais grevé des droits inhérents à sa constitution au profit du seigneur dominant, auxquels elle n'avait pas expressément renoncé, notamment ceux de justice et du cinquième du prix de vente à chaque aliénation globale.
De son côté, le concessionnaire y gagnait accroissement de fonds par la suppression des 15 boisselées d'enclaves, d'où devait résulter une plus grande facilité pour l'exploitation de l'ensemble de la propriété; et s'il ne percevait que pour en faire la remise au suzerain les rentes foncières dues par les héritages particuliers frappés de la directe qui lui étaient cédés, du moins, c'est à
182 LE FRANC-ALLEU DU PEZEAU
lui que revenaient les droits relatifs aux mutations de ces mêmes héritages; enfin, les droits entiers de chasse' de colombier et de garenne se trouvaient attachés au fief. Ce court tableau de la hiérarchisation féodale d'une des terres importantes du Sancerrois, dont on peut comparer les anciennes et les nouvelles limites, m'a semblé pouvoir offrir quelque intérêt, en rappelant une catégorie des bénéfices et des charges qui subsistaient encore de l'ancien démembrement de l'autorité royale entre les mains des seigneurs et qui, moins de cinquante ans après, allaient disparaître dans la refonte de l'organisme social accomplie par la Révolution.
NOTICE GENEALOGIQUE
La famille Perrinet était originaire du Berry et du Bourbonnais. Voici les renseignements qu'il m'a été possible de recueillir sur la branche sancerroise, en puisant aux sources suivantes :
1° Histoire de la ville de Sancerre, par le curé Poupard, Paris, 1777, liv. II, ch. I; — 2° Arch. du Cher, C 349, E 882, 3 E1036 ; - 3° Arch. du Loiret, B 2103 ; — 4° Bulletin paroissial du Noyer, années 1902 à 1904; —5° Annuaire du Berry, année 1845, contenant un catalogue des minutes notariales de l'arrondissement de Sancerre; — 6° Armorial général de France pour la généralité de Bourges, d'après le manuscrit de d'Hozier, avec une introduction par M. des Gozis, dans les Mém. de la Soc. des Antiq. du Centre, t. XII; — 7° Armorial des bibliophiles, par Guigard, Paris, 1890, t. II ; — 8° Dictionnaire des familles no-
ET SON INFÉODATION AU COMTÉ DE SANCERRE 183
bles du Berry, par M. de Maransange, Bourges, 1927; — 9° Annonces berruyères, année 1838, n°s 13, 20, 27 décembre, par Chevalier de Saint-Amand (Bibl. municip., By 68).
On trouve un premier Perrinet François, son fils Guillaume, décédé le 28 octobre 1594, âgé de soixantehuit ans, et Etienne, l'un des fils de ce dernier, exerçant successivement, jusqu'en 1604, l'office de procureur fiscal des ducs de Nevers, à Saint-Amand-Montrond.
David Perrinet, deuxième enfant de Guillaume, s'établit à Sancerre en 1616, lorsque la seigneurie de SaintAmand eut passé, avec d'autres du Berry, de la maison de Gonzague à la maison de Bourbon. Il possédait la terre de Beauregard. Avocat au Parlement, il signa, en 1621, en qualité d'échevin, la capitulation, de Sancerre au prince de Condé, gouverneur du Berry; celui-ci le nomma en 1627 lieutenant général et bailli de Sancerre, fonctions qu'il exerça jusqu'en 1632. Il est l'auteur d'un ouvrage intitulé Ravissement de l'âme, dont Poupard vante le fond et la forme. Il mourut en 1640, laissant une postérité nombreuse.
Certains de ses descendants se distinguent entre eux par des noms de terres qui ne permettent pas pour tous de suivre exactement la filiation, ou de déterminer le degré de parenté; on voit des Perrinet de Vallières (domaine de Sury-ès-Bois), de la T.our de Vièvre ou Vèvre (domaine de Neuvy-deux-Clochers), de Lassay (fief de Vinon), d'Orual, de la Tête-Noire (?), d'Essauges et de la Serrée (ou la Sarrée, d'Herry?).
En 1697, Jean Perrinet, conseiller du roi, receveur du grenier à sel de Sancerre, figure à l'armorial manuscrit de d'Hozier, avec un écu d'azur à un serpent d'argent surmonté d'une colombe de même.
En 1698, Claude Perrinet, probablement frère du pré-
184 LE FRANC-ALLEU DU PEZEAU
cèdent, également conseiller du roi, grenetier du grenier à sel de Sancerre, est inscrit au même armoriai avec un blason analogue, où la pièce principale est dite une couleuvre d'argent en pal.
Jean Perrinet de Vallières exerce comme notaire à Crézancy, de 1695 à 1737, date de son décès. C'est apparemment ce Jean Perrinet qui, étant dit natif de Veaugues et âgé de vingt-cinq ans, signe le 6 novembre 1685, sur les registres de la paroisse de Saint-Onstrillet, un acte d'abjuration de l'hérésie de Calvin. Son fils Jean, sieur de Vallières, est procureur fiscal de 1705 à 1709, à la Tour de Neuvy-deux-Clochers, puis se livre au commerce à Créz,ancy, de 1710 à 1727. C'est probablement lui qui signe en 1712 un acte de baptême au registre paroissial de Sury-ès-Bois.
Jean-Charles Perrinet d'Orval, arrière-petit-fils de David Perrinet, né à Sancerre en 1707, fut capitoul de Toulouse et est l'auteur de plusieurs traités sur la poudre à canon et les feux d'artifices, il eut un fils, N., conseiller au Grand Conseil.
En 1720, Etienne Perrinet, fermier général et conseiller du roi, achète la terre de Boucard (près du Noyer) et, en 1739, celle de la Tour de Vèvre.
La terre du Pezeau est, dès avant 1722, dans les mains d'un Perrinet. Une enquête judiciaire fait, à cette date, se réunir au Pezeau une partie de la famille; ce sont, outre la veuve de Perrinet N., sieur du Pezeau, laquelle ajoute à son nom celui de Pontderive, ses beaux-frères : 1° Perrinet de Vèvre (probablement proche parent de Perrinet de Vallières, de Neuvy-deux-Clochers), domicilié à Corbigny ; 2° Perrinet de la Tête-Noire, marchand à Sancerre; 3° Perrinet de la Serrée, et un frère, Perrinet N., marchands à Paris. En 1734, David Perrinet, père de David Pierre Perri-
ET SON INFÉODATION AU COMTÉ DE SANCERRE 186
net, est conseiller, secrétaire du roi, seigneur du Pezeau, Coursin et autres lieux, receveur des finances de Flandre, Hainaut et Artois, marié avec Jacqueline-Louise Perrinet, fille d'Etienne Perrinet ci-dessus (?), dame des terres de Jars, Boucard, Nancray, La Tour de Vèvre, Neuvy-deuxClochers et Vauvredon ; armes : Coupé au 1, d'azur à une colombe d'argent, becquée et membrée de gueules, tenant en son bec un rameau d'olivier de sinople; au 2, d'or à une couleuvre ondoyante en fasce d'azur. Marie-Louise, fille de David-Pierre Perrinet, épousa en 1754 le marquis de Langeron, à qui elle porta le Pezeau.
Un Jean Perrinet est, en 1742, avocat au Parlement et procureur fiscal à Sancerre.
En 1765, Louis-François Perrinet de Vallières, procureur fiscal, lieutenant de milice dans le balaillon de Châteauroux, demeure à Sancerre.
En 1773, son frère, Etienne Perrinet de Lassay (alias Eliot), paroisse de Vinon, est procureur fiscal du comté.
Pierre-Paul Perrinet de la Tour, marié à Marie-Marguerite Perrinet, possédait en 1764 la maison qui fut vendue en 1817, pour l'établissement de l'hospice de Sancerre, par leur fille Marie-Damaris Perrinet de la Tour, épouse de Valentin Brazier.
Vers 1780, un Perrinet d'Essauges est propriétaire de la terre de Thauvenay.
Le 27 novembre 1781, Me Etienne Perrinet de la Tour, avocat en Parlement et officier du grenier à sel de Sancerre, fils de feu Perrinet de la Tour, officier militaire de la Compagnie des Indes, et de dame Marguerite Perrinet d'Orval, épousa à Sancerre demoiselle Suzanne-SophieIrène Devismes d'Aubigny, fille de Me Charles-François Devismes d'Aubigny, ancien inspecteur des salines de Lorraine, et de dame Jeanne-Sophie Perrinet d'Orval.
186 LE FRANC-ALLEU DU PEZEAU
ANNEXE I
ACTE D'INFÉODATION DE LA TERRE DU PEZEAU DU 5 MAI 1741 AVEC ACCROISSEMENT PROVENANT DU COMTÉ DE SANCERRE ET CESSION DE DROITS SUR DIVERS HÉRITAGES ENCLAVÉS.
(Archives du Cher, B 3410.)
Par-devant les conseillers du roy, notaires au Chatellet de Paris soussignés, fut présente très haute, très puissante et très excellente princesse Madame LouiseElisabeth de Bourbon-Condé, princesse du sang, dame et comtesse de Sancerre, veuve de très haut, très puissant et très excellent prince Monseigneur Louis-Armand de Bourbon, prince de Conty, prince du sang, demeurant à Paris, en son hôlel, rue Saint-Dominique, paroisse Saint-Sulpice, laquelle, ayant égard à la très humble requeste contenue au mémoire présenté à S. A. S. par David-Pierre Perrinet, écuyer, conseiller secrettaire du roy, maison, couronne de France et de ses finances, demeurant à Paris, rue Neuve-SaintAugustin, paroisse Saint-Roch, par lequel il expose qu'il est propriétaire à titre de licitation entre les cohéritiers de feu Jacques Perrinet du Pezeau, son giand-père, de la terre du Pezeau scituée dans la paroisse de Boulleret, justice du comté de Sancerre, consistant en un château, tours, fossés et pont-levis, avec trois grosses fermes ou métayries et les héritages en dépendants, plusieurs cens et rentes et ainsi que tout se poursuit et comporte, conformément au décret intervenu au proffit dud. Jacques Perrinet, par sentence des requestes de l'hôtel, du seize
ET SON INFÉODATION AU COMTÉ DE SANCERRE 187
décembre 1677 et 1er janvier 1678, que ses aulteurs ayant anciennement possédé cette terre en franc aleu, ou ayant par succession de temps laissé périr toutes les traces de son inféodation, ce qui se présume de la structure du château qui a conservé toutes les marques d'une maison noble, il supplie S. A. S. d'ériger en plein fief sous un même corps de fief appelle du nom du Pezeau et mouvant du comté de Sancerre pour luy, ses héritiers ou ayants cause avec concession des droits de censive, de retenue, de voyrie, de chasse, de colombier et de garenne, et de tous autres droits utils, et honorifiques, tels qu'ils peuvent appartenir à seigneur de fief dans l'étendue du comté de Sancerre, régis par la coutume de Loris, la terre et château du Pezeau, et la plus grande partie de ses dépendances avec les terres voysinnes et contiguës assises dans lad. paroisse de Boulleret suivant l'arondissement dont les limites sont expliquées cy-après, à la charge par led. sieur Perrinet, ses héritiers ou ayant cause de tous droits seigneuriaux et devoirs féodaux envers S. A. S. et ses successeurs comtes de Sancerre, et de payer par chaqu'une année à S. A. S., au jour et tems indiqué, le montant des rentes tant en argent qu'en grains, de la mesure et qualité quelles sont dues au comté de Sancerre par quelques héritages enclavés dans le susdit arrondissement, desquelles rentes cession sera faitte par S. A. S. audit sieur Perrinet pour par luy en faire la perception annuelle et en détail de ceux possédant les héritages qui y sont sujets;
Lequel mémoire S. A. S. ayant fait examiner en son conseil et considérant que l'inféodation demandée tend à l'augmentation sur laditte terre du Pezeau, et que les plus grandes seigneuries sont décorées par le nombre des mouvances, S.A. S. voullant traiter favorablement ledit sieur Perrinet, a par ces présentes érigé et érige en
188 LE FRANC-ALLEU DU PEZEAU
plein fief sous un mesme corps et fief du nom du Pezeau pour led. sieur Perrinet, a ce présent et acceptant, ses héritiers ou ayants cause, la terre et château du Pezeau et les héritages en dépendants avec tous les biens et héritages voisins et contigus assis dans la paroisse de Boulleret, justice du comté de Sancerre, qui sont compris dans l'arrondissement dont les bornes et limites invariables suivent,
Sçavoir:
Premièrement. A commencer du bord de la rivière de Loire à l'endroit appelle la vallée Odret où vient finir la justice de Buranlure, el qui f'ait la séparation de lad. justice d'avec celle du comté de Sancerre, un peu au-dessous la vieille chevrette;
2° De lad. vallée Odret, en suivante et laissant à gauche lad. justice de Buranlure jusqu'à l'entrée du chemin allant du village des Fouchards au village de Mabillois appelé le chemin des Rateries où traverse le chemin de Cosne à Savigny qui fait la séparation de lad. justice de Buranlure d'avec celle du comté de Sancerre;
3° En suivant led. chemin des Rateries jusqu'au carroy des Rateries où traverse le chemin tendant de Cosne au château du Rezay;
4° Dudict carroy des Rateries en prenant led. chemin de Cosne au Rezay, et suivant iceluy jusques à un carroy où est une croix appellée la croix du Gravereau et où traverse le chemin allant du village de Gravereau au bourg de Boulleret;
5° Continuant led. chemin de Cosne au Rezay jusques un autre carroy, où est une croix appellée la croix aux Seguins et où traverse un autre chemin tendant du bourg de Boulleret aud. village du Gravereau appellé le chemin de la Montagne aux Dions;
6° Entrant dans led. chemin de la Montagne aux Dions
ET SON INFÉODATION AU COMTÉ DE SANCERRE 189
en passant par le carroy de la Montagne aux Dions en descendant led. chemin en tournant jusques au village du Gravereau où traverse le chemin de Saint-Brisson ;
7° Prenant led. chemin de Saint-Brisson du costé du septentrion et le suivant le long de la coste jusques au chemin descendant du village de Mabillois au village de Menetreau ;
8° Suivant led. chemin qui descend au village de Menestreau traversant led. village jusques au grand chemin allant de Sancerre à Léré ;
9° Traversant led. chemin de Sancerre à Léré en entrant dans un petit chemin qui va au carroy de Moussereau en détournant à main droite ;
10° Dud carroy de Moussereau suivant led. chemin jusques à un autre chemin allant de Vièvre à la croix de Sort;
11° Traversant led. chemin allant de Vièvre à la croix de Sort, suivre un chemin tombant dans les Usages allant de Champfleury à Sort ;
12° Traversant led. chemin appelle les Usages de Champfleury, suivre un chemin appelléla rue de Cavignon jusques à un chemin allant du Gravereau au village de Rognon ;
13° Dud. chemin de Gravereau à Rognon suivre un autre chemin tombant dans celuy de Sort à Cosne ;
14° Tournant à droite, suivre led. chemin de Sort à Cosne jusques à la rivière de Loire;
15° Suivre ensuite laditte rivière en traversant le petit ruisseau qui descend du moullin de Buranlure jusques au premier endroit cy-dessus marqué, faisant la séparation de la justice du comté de Sancerre d'avec celle de Buranlure un peu au-dessous de la vieille chevrette.
Sur tout lequel territoire ainsy circonscrit et limitté pour compter la censive du fiaf du Pezeau et sur tous les
190 LE FRANC-ALLEU DU PEZEAU
héritages de quelque nature qu'ils soient y contenues, S. A. S. a par ces présentes quitté, ceddé et perpétuellement transporté audit sieur Perrinet, ce acceptant pour luy, ses héritiers et ayant cause, tous les cens portants proffits de lots et ventes, accordements déffauts, etc., qu'elle a et peut prétendre surtout ce territoire, à cause de son comté de Sancerre conformément à la coutume de Loris, et l'usage particulier dudit comté, ensemble le droit de retenue deshéritages qui seront vendus dans l'enceinte dudit fief, pour estre led. droit de retenue exercé par ledit sieur Perrinet, ses héritiers ou ayants cause, au lieu et place de S. A. S. tout ainsy qu'elle l'exerce ou a droit de l'exercer conformément à ladite coutume; pour du tout jouir par led. sieur Perrinet, sesd. hoirs ou ayants cause à compter du jour et feste de Saint-Martin d'hyvert dernier; cèdde pareillement et transporte S. A. S. aud. sieur Perrinet, ce acceptant pour luy, ses héritiers ou ayants cause, tout droit de voyrie, et tout droit de chasse dans toute l'étendue dud. fief avec faculté d'y établir gardes qui porteront bandollières aux armes du seigneur dud. fief du Pezeau, et lesquels presteront néanmoins serinent en la justice du comté de Sancerre, ainsy que les droits de colombier et de garenne, pour jouir par led sieur Perrinet, ses héritiers ou ayants cause de tous les droits cy-dessus céddés, tout ainsy que S. A. S. en jouit ou a droit d'en jouir à cause de son comté de Sancerre. Et comme dans le susdit arrondissement composant la censive du fief du Pezeau se trouvent enclavées six boisselées ou environ de terre labourable situées au finage de la terre aux Planches, autrement la fosse Bonnin, lesquelles jouxtent d'un long du midy aux terres des Beauvois, des Rezard, de Pierre et Estienne Brion et autres, d'autre long à Louis Pion, François Videux, Jean et Pierre Boictard, Pierre Brion et autres, d'un
ET SON INFÉODATION AU COMTÉ DE SANCERRE 191
bout du levant un chemin qui vat de Sort à Cosne, d'au - tre bout à Fiacre Fouchard et autres, lesquelles six boissellées ou environ de terre sont du domaine du comté de Sancerre, S. A. S. a par les présentes quitté, céddé, transporté et abandonné au sieur Perrinet, ce acceptant, ces six boisselées de terre pour par luy, ses héritiers ou ayants cause en jouir en toute propriété comme de chose à luy appartenante, à la charge d'un boisseau et demy de froment, mesure de Sancerre, ainsy qu'il sera dit cy-après, par led. sieur Perrinet constitue par les présentes au proffit de S. A. S. acceptant pour elle et ses successeurs comtes de Sancerre, a été convenu en outre que, comme suivant l'extrait de la liève ou terrier du comte de Sancerre fournis par les offices de S. A. S., lequel extrait, après avoir été signé, paraphé par S. A. S. et par led. sieur Perrinet en présence des notaires soussignés, est demeurée annexée à la minute des présentes, il est dû chaque année à S. A. S. par les particuliers y dénommés plusieurs rentes montantes ensemble à vingt-deux boisseaux et quatre onzièmes parties de boisseau de froment, et cinq boisseaux d'avoine mesure de Sancerre, deux boisseaux de froment, et sept boisseaux d'avoine mesure de Léré, deux poules et 41 6s 8d en argent, dont sont chargés les héritages énoncés aud. extrait. S. A. S. en fait par ces présentes toute cession et transport aud. sieur Perrinet pour luy, ses héritiers ou ayants cause en jouir au lieu et place de S. A. S. et d'en faire payer annuellement par les détempteurs des héritages qui y sont sujets, S. A. S. le subrogeant pour cet effet en tous ses droits, actions et privilèges et hypothèques pour raison desd.
rentes au moyen duquel transport et cession et pour
tenir lieu à S. A. S. des susdittes rentes, led. sieur Perrinet a par les présentes constitué au proffit de S. A. S. et de ses successeurs comtes de Sancerre une rente fon-
192 LE FRANC-ALLEU DU PEZEAU
cière et perpétuelle de vingt-six boisseaux et demy de froment, et douze boisseaux d'avoine mesure de Sancerre, de laquelle rente conjointement avec cellecy-dessus d'un boisseau et demi de froment pour le délaissement des six susd. boissellées de terre led. sieur Perrinet passera reconnaissance au terrier du comté de Sancerre en une seule et mesme rente foncière, perpétuelle et non racheptable, montante au total à vingt-huit boisseaux de froment, et douze boisseaux d'avoine, le tout mesure de Sancerre du poids d'environ trente-trois à trente-quatre livres, payable au jour et feste de Saint-Martin d'hyvert de chaque année, et portable au chef-lieu de comté de Sancerre en lad. ville de Sancerre, au payement de laquelle rente il affecte la totallité du Pezeau
Jouiront led. sieur, Perrinet, ses héritiers ou ayants cause sur toute l'étendue du territoire compris dans les limites cy-dessus et qui composera le fief et seigneurie du Pezeau, de tous les droits cy-dessus cédés, et de tous autres droits utiles ou honorifiques générallement quelsconques, tels qu'ils peuvent appartenir à seigneur de fief dans l'étendue du comté de Sancerre regis par lad. coutume de Loris et usage particulier dud. comté, à la charge par led. sieur Perrinet, ses héritiers ou ayants cause, de tenir lad. terre, fief, et seigneurie du Pezeau en tous les droits à luy cy-dessus ceddés, ainsy que les rentes cy-dessus transportées;
Ensemble celles dont led. sieur Perrinet jouissait cydevant dans l'étendue dud. fief, mouvant en plein fief du comté de Sancerre, et à la charge des foy et hommage, aveu et dénombrement et de tous autres droits, et proffits seigneuriaux et devoirs féodaux qui seront dus à S. A. S. et a ses successeurs comtes de Sancerre, à cause dud. fief du Pezeau, suivant la coutume de Loris et l'usage particulier dud. comté
ET SON INFÉODATION AU COMTÉ DE SANCERRE 193
Fait et passé à Paris, en l'hôtel de S. A. S. susd.,
le cinquième avril 1741 avant midy et ont signé la minute des présentes, dont il sera dellivré deux grosses en forme exécutoire, l'une pour S.A. S. et l'autre pour led. sieur Perrinet, ainsy qu'il est dit en lad. minute des présentes demeurée à Brourd, l'un des notaire soussignés.
ANNEXE II
ACTE DU 20 JUILLET 1743 PORTANT ACCROISSEMENT DU FIEF DU PEZEAU, CESSION DE DROITS PAR LA COMTESSE DE SANCERRE SUR DIVERS HÉRITAGES CONTIGUS AVEC CONCESSION DE
TERRITOIRE.
(Archives du Cher, B 3416.)
ANALYSE
Par devant Mes Antoine Hochette et Louis Brovod, notaires au Châtelet de Paris, la princesse Louise-Elisabeth de Bourbon-Condé, comtesse de Sancerre, veuve du prince de Conty, concède à David-Pierre Perrinet, seigneur du Pezeau, demeurant à Paris, rue Neuve-Saint-Augustin, paroisse de Saint-Roch :
1° Tous droits de fief sur des biens et héritages voisins et contigus au territoire inféodé le 5 mai 1741;
2° Neuf boisselées de terre « du finage de la terre aux Planches, dépendant du comté de Sancerre, et enclavées dans le nouvel arrondissement ». Cette dernière concession est faite pour que le sieur Perrinet jouisse en toute propriété de ces neuf boisselées.
L'accroissement du fief est ainsi délimité :
1° De la croix aux Séguins, suivant un chemin jusqu'au village de Mabilois ;
13
194 LE FRANC-ALLEU DU PEZEAU
2° De ce village, à un autre chemin jusqu'à la croix de Charpignon ;
3° De là par le chemin dit « la rue Noire », en traversant le chemin de Saint-Brisson pour aboutir au grand chemin de Sancerre à Léré;
4° En suivant ce chemin jusqu'à celui qui sépare les terres des Rauches de celles du Vernot ;
5° Par ce dernier chemin la limite rejoint celui qui va du village de Sort au carroy Simion ;
6° De ce point elle atteint le chemin dit « la roue de la Route » jusqu'au grand chemin de Cosne à Léré;
7° Elle traverse ce grand chemin pour arriver à la rue du Petit-Lac jusqu'à une voie qui s'étend entre les terres du comté de Sancerre et celles du chapitre de Léré ;
8° La limite est fixée ensuite par le chemin de Sardat au Grand-Saulloy ;
9° Elle traverse le grand chemin suivant la rivière des Fatières, séparative des terres du comté d'avec celles du Jarrier, puis elle suit le chemin qui sépare les terres du chapitre de Léré et celles du comté formant le lot du Gravereau et le lot du Bois, pour aboutir à la Loire;
10° Enfin elle suit la rivière jusqu'à l'endroit appelé les Planches
Par suite de la cession réunie au fief du Pezeau, neuf bornes posées suivant le procès-verbal du 13 juin 1741, depuis la terre des Planches jusqu'à la croix aux Séguins, sont devenues inutiles, et il a été décidé qu'elles seraient levées et qu'il sera procédé à un nouveau bornage où il en sera besoin.
E. GODON.
BULLETINS MENSUELS
(EXTRAITS DES PROCÈS-VERBAUX)
Séance du 28 Juillet 1927.
PRÉSIDENCE DU COLONEL DE MECQUENEM, PRÉSIDENT
— Après avoir donné connaissance de la correspondance et des ouvrages reçus, le Président retrace la vie toute de labeur de M. Hervet, né à Bourges, le 2 juillet 1851, et que la mort surprit le 13 juillet 1927; il venait donc d'entrer dans sa soixante-dix-septième année.
Président de la Chambre de Commerce de Bourges et de la XIXe Région économique, autrefois professeur de législation et d'économie politique à l'École normale d'instituteurs, il fut admis au barreau de Bourges. D'une très grande aptitude aux affaires, il remplit des tâches considérables et dirigea des oeuvres nombreuses. Sa participation était acquise à toutes les questions qui reflétaient le caractère de la province et l'âme de la cité. M. Hervet a toujours, pendant plus de trente ans, témoigné de l'intérêt à nos travaux.
Aussi le président a-t-il exprimé à Mme Hervet l'hommage de la Société historique pour la mémoire d'un confrère dont la disparition lui a causé d'unanimes regrets et l'expression attristée d'une bien respectueuse sympathie.
— Le lieutenant-colonel Chenu mentionne, d'après le Courrier numismatique de novembre 1925 (n° 9), la découverte à Riec, dans le Finistère, d'un denier (P. A. 2021) peu commun de Robert d'Artois, seigneur de Mehun, et, d'après une correspondance particulière, dans les Côtes-du-Nord, d'un
denier (P. A. 2031) attribué par Mater à Blanche de Joigny, femme de Guillaume II, seigneur de Vierzon (de Toulgoët, Histoire de Merzon, 1884, p. 175). Cette dernière attribution ayant paru contestable aux numismatistes bretons, M. Chenu reprend la question et estime que la femme de Guillaume II n'a fait qu'imiter un denier de son premier mari, Guillaume II de Chauvigny (P. A. 1964). Il répond aux objections que l'on pourrait tirer des circonstances de la dernière trouvaille et conclut que l'attribution de Mater doit être maintenue.
Passant à la sigillographie, le même membre fait circuler une empreinte du sceau du chapitre de Saint-Satur, d'après une matrice trouvée, paraît-il, en ce lieu, il y a soixante-dix ans environ (Pierre, Histoire de l'abbaye de Saint-Satur, d'après le manuscrit de dom Desmaisons, p. 61). Il demande une enquête complémentaire au sujet de l'authenticité de ce sceau.
La communication prend fin sur la présentation d'une autre empreinte d'un sceau-matrice de René de Blet, prieur de Notre-Dame-de-Salles, seigneur de Mazières près Bourges, à la fin du xve siècle (Musée de la Soc. des Ant. de l'Ouest, n° 82). Tandis que la gravure du sceau du chapitre de SaintSatur (XIIe siècle) est barbare, celle du sceau de René de Blet est élégante et comparable à celle des bons exemplaires de cette époque.
— Il est donné lecture de la suite du travail de M. H. Boyer.
Tailleurs. — Le métier de tailleur comprenait les chaussetiers et les couturiers en robes. Des difficultés se sont élevées quant aux prérogatives de ces deux catégories. Des jugements sont cités. Les statuts de 1443, confirmés par Louis XII en 1505, avaient distingué les chaussetiers des couturiers, qui ne venaient qu'en deuxième ligne.
De 26 maîtres chaussetiers en 1571, la communauté était de 219 en 1675, aussi la communauté était riche. En 1709 elle rachetait pour 470 livres les deux offices d'auditeurs-examinateurs des comptes de la communauté créés eh 1694.
En 1728, elle versa au trésor 200 livres pour le droit de maîtrise.
En 1510, le métier de tailleur n'était pas en jurande; les plus vieux statuts datent de 1574. Ils furent complétés en 1600 par l'obligation d'un chef-d'oeuvre ; puis, des visites furent imposées en 1602; il y avait un apprenti par atelier.
Les compagnons étaient turbulents et en 1622 on édicta
des règles contre les malfaçons de ceux-ci, et, pour les surveiller, les maîtres demandent à être dispensés du guet. En 1600-1622 la police défend aux compagnons de porter des armes, car ils avaient un esprit de mutinerie; ils étaient autorisés à travailler chez eux, mais il y eut des abus et plusieurs faits furent poursuivis.
(Bull, mensuel n° 197, Octobre 1927.)
Séance du 27 Octobre 1927.
PRÉSIDENCE DU COLONEL DE MECQUENEM, PRÉSIDENT .
— Le président dépose sur le bureau : 1° le programme du 61e Congrès des Sociétés savantes de Paris et des départements, qui s'ouvrira à Lille, le mardi 10 avril 1928, à 2 heures. Les diverses Compagnies de chemins de fer accorderont aux congressistes qui auront à effectuer, pour se rendre à Lille, un parcours simple d'au moins cinquante kilomètres, ou qui paieront pour ce trajet minimum, des billets donnant droit au transport à tarif réduit;
2° Des notes de M. Faucon sur l'histoire d'Issoudun et le travail de M. Pelloille sur l'histoire du Châtelet-en-Berry. Les auteurs de ces deux ouvrages, qui seront mis à la bibliothèque de la Société, ont été remerciés.
— Présentation est faite de quatre nouveaux membres titulaires.
— Mme Th. Larchevêque communique des extraits de l'ouvrage de MM. Pignard et Péguet (Hist. ill. des départ. : Yonne), relatifs à l'ancienne seigneurie de Piffonds. Celte seigneurie appartint à Jacques Coeur en même temps que celle de Saint-Fargeau ; elle n'est pas indiquée dans l'énumération habituelle des biens confisqués sur l'Argentier. Le château porte encore aujourd'hui son nom ; la construction paraît remonter au XIIIe siècle.
Aux archives de la même localité, on a relevé la naissance
(janvier 1641) de Nicolas, fils de Charles Briçonnet, seigneur de Piffonds (1638-1699), marié à Marie, fille de Jules Gassot de Deffens, issu de Jacques Gassot, maire de Bourges de 1566 à 1570. Charles Briçonnet est qualifié de seigneur de Meusnières dans les alliances de la famille Gassot (La Thaum., liv. XII, Nobiliaire ; P. Riffé, Généal., dans Antiq. du Centre, IIIe vol.).
— Le lieutenant-colonel Chenu lit et traduit un diplôme de bachelier en droit, appartenant à notre confrère M. Baron, écrit en latin, et délivré, le 12 novembre 1586, à JeanJacques Jaupitrej par les docteurs régents alors en exercice à Bourges : Cujas, Mercier et Ragueau.
M. Chenu complète sa communication en rappelant les principales oeuvres de Mercier et de Ragueau, et en donnant quelques détails biographiques sur J.-J. Jaupitre, qui devint conseiller au bailliage, épousa Jeanne Gassol en 1593, et mourut en 1605, au retour d'un voyage à Toulouse, comme échevin, dans le but d'attirer à l'Université de Bourges un célèbre docteur Cadatt Cabot, que la Ville désirait mettre à la tête de son école.
Quelques précisions sont ensuite données sur la délivrance du grade de bachelier et les rétributions qu'elle entraînait pour les maîtres.
Les Archives départementales ne conservent que des copies de diplômes (art. D). Un autre original de diplôme de bachelier, octroyé par l'Université de Bourges en 1610, est mentionné par le catalogue du musée de Châteauroux (n° 1090).
— Le commandant Bourdin soumet à l'examen de la Société les objets trouvés dans les fouilles faites pour les fondations du nouvel établissement du Crédit Lyonnais.
Il range ces objets, au nombre de onze, en cinq catégories, suivant qu'ils relèvent de l'art du potier, de la céramique, de la cryalurgie, de la numismatique et de la sculpture.
Après les avoir décrits, il insiste sur ceux qui présentent un plus grand intérêt ; il affirme ensuite que tous ces objets ont été rencontrés dans les terrains de l'époque quaternaire, dont l'épaisseur varie de 4 à 6 mètres et qui constitue l'étage surmontant la roche calcaire fissurée du jurassique.
L'un de ces objets, un petit pied de verre soufflé, d'une finesse remarquable, semble, d'après M. Ponroy, remonter à l'époque de l'occupation romaine.
(Bull, mensuel n° 198, Novembre 1927.)
Séance du 24 Novembre 1927.
PRÉSIDENCE DU COLONEL DE MECQUENEM, PRÉSIDENT
— Le président a la pénible mission de faire part à la Société du décès de M. de Maransange et de celui de M. Groll. Dans une courte notice, il évoque la personnalité de M. de Maransange qui fit partie de la Société pendant plus de vingthuit ans, et a donné à sa bibliothèque l'Armorial des familles du Berry.
— M. Croll, docteur en droit, receveur d'enregistrement à Sancerre, membre de la Société depuis 1925, fut l'auteur de diverses communications.
Le président a adressé les condoléances de la Société aux deux familles.
— M. de Mecquenem signale, suivant le général Taverna, qu'il y aurait intérêt à étudier les levées militaires de 1791 à l'an II (archives de la Révolution).
— M. Daniel Mornet vient de faire don à la Société de son ouvrage Histoire de la littérature française,pendant la période s'étendant entre 1870 et 1925. De vifs remerciements sont adressés à l'auteur.
— Enfin le président signale quelques articles de La Dépêche du Berry, relatifs à l'abbaye de Vierzon et à l'importation des dindons en France; un rapport de M. Gandilhon sur les archives départementales en 1927, contenant l'histoire de l'abbaye de Saint-Ambroix; le Bulletin delà Société des Antiquaires de la Seine-Inférieure, au sujet de succursales du couvent de l'Annonciade de Bourges ayant existé à Rouen et à Fécamp, de 1644 à 1663 (p. 145).
— M. E. Turpin lit un compte rendu détaillé du Dictionnaire topographique du département du Cher, par M. Hipp. Boyer, paru en 1906. Le résumé de cette communication sera inséré au prochain bulletin.
— Sont élus membres titulaires : Mme Roche (Gustave), de Châteauvert, par Mehun, présentée par MM. Vernade et Beaubois; M. Carolus Faucon, commissaire priseur à Issoudun, présenté par MM. Godon et Turpin; M. Robet, greffier de la justice de paix à Sancoins, présenté par MM. de Mecquenem et Gandilhon; M. Roger, instituteur à Chambon, présenté par MM. Gandilhon et Pelloile.
— D'après M. Ponroy, l'objet le plus important parmi ceux présentés par M. Bourdin en provenance des fouilles du Crédit Lyonnais à Bourges, pour les remettre au Musée du Berry, est un petit fourneau en terre cuite considéré par deux antiquaires comme devant être un monument funéraire (brûle-parfums).
(Bull, mensuel n° 199, Décembre 1927.)
Séance du 29 Décembre 1927.
PRÉSIDENCE DU COLONEL DE MECQUENEM, PRÉSIDENT
M. le président donne lecture d'une note additionnelle de M. Ameline, se rapportant à une communication faite par lui, au mois de janvier 1925, sur le Hurepois du Val de Loire, placé par divers auteurs anciens sur la rive de la Loire opposée à celle du Berry.
Il signale dans cette note l'existence de deux actes dans lesquels figure l'appellation de Hurepois appliquée à la région de Briare.
— M. P. Dubois de La Sablonière présente un diplôme de licencié en droit et un diplôme de bachelier ès arts daté de 1773, comportant l'un et l'autre deux sceaux; état de conservation parfaite.
— M. Chenu fait connaître, d'après un renseignement à lui fourni par M. A. Blanchet, membre de l'Institut, que l'inscription apposée, en 1736, sur la façade ouest de l'hôtel JacquesCoeur, au-dessus du perron construit à cette époque (Hazé, Notices pittoresques, p. 21, et Bourges municipal, suppl. de février 1904), a été rédigée par l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, sur la demande du prince de Chalais.
Le baron de Girardot a fait connaître (Les artistes de Bourges, p. 81) que l'inscription en question avait été placée par le nommé Jean, peintre.
M. Chenu rend compte ensuite des découvertes qui viennent d'être faites à l'hôtel Jacques-Coeur par M. R. Gauchery, architecte des monuments historiques. En enlevant le papier de tenture de l'ancien cabinet du premier président (tour du Trésor, 1er étage), notre confrère a mis au jour des peintures à l'huile en camaïeu, cachées par une couche de badigeon, présentant malheureusement de nombreuses lacunes. Ce sont des paysages, des scènes champêtres (rondes, danses), un arc de triomphe, un défilé d'hommes armés de l'époque de Louis XIV, etc. Un panneau ovale au-dessus de la porte laisse deviner des armoiries. On y a reconnu celles de G. Lelarge, sr de Vilaine, de Ragueau et de Delard, maire et échevins de la ville en 1686.
Les peintures paraissent évoquer le souvenir des grandes fêtes données à Bourges en septembre 1686, à l'occasion de la naissance du duc de Berry. M. Chenu cite des textes extraits des archives municipales (CC 759) qui apprennent qu'à la fin de l'année 1686 la petite chambre du Conseil, vraisemblablement celle dont il s'agit, fut recouverte de peinture, et que celle-ci fut payée 78 livres, le 30 janvier 1687, au sieur Longuet, peintre.
Revenant sur une phrase du procès-verbal de la dernière séance, le même confrère fait observer qu'il y a sans doute quelques renseignements à recueillir dans l'ensemble des objets trouvés lors des fouilles du Crédit Lyonnais, au point de vue de l'évolution de l'art industriel. Il rapproche, en particulier, un jeton en os présenté par M. Bourdin d'un jeton similaire recueilli jadis dans la villa romaine de Thizay (Ant. du Centre, t. V) et — à une autre extrémité de la période historique — un débris de flacon en verre d'un objet identique, mais complet, existant au Musée de Cluny, XVIIe siècle (Verrerie d'Orléans, legs Dède).
— Dans la dernière séance, M. E. Turpin a rendu compte du Dictionnaire topographique du département du Cher par M. Hipp. Boyer, paru en 1926 (Imprimerie nationale, in-4°, XXVIII-420 pages), dont le manuscrit est déposé aux Archives départementales.
Sa communication, ici résumée, constate que cet ouvrage, une des productions considérables que notre savant compatriote ne put mettre au jour, rentrait, en principe, dans la collection des Documents inédits publiés par le Ministère de l'Instruction publique. Mais son plan trop vaste devait être ramené aux proportions admises pour les travaux similaires.
Chargé en 1908 de cette adaptation, M. Robert Latouche, docteur ès lettres, archiviste des Alpes-Maritimes, a ainsi expliqué, dans sa préface, la suppression de presque tous les développements historiques des articles du Dictionnaire. De plus, la longue introduction originale (conçue dans le sens des Notions préliminaires de l'Histoire du Berry de L. Raynal) se trouve réduite à quelques pages auxquelles M. Latouche a ajouté les tableaux des anciennes circonscriptions judiciaires, financières et ecclésiastiques, la liste des vocables religieux des églises, et les divisions administratives formées depuis 1789.
Ces nomenclatures, difficiles à établir même sur place, n'ont pu, dressées de loin, être exemptes de certaines confusions et lacunes. Quant au corps important du Dictionnaire, les ventilations largement opérées selon une méthode qu'on eût souhaitée plus précise, ont ménagé tout l'essentiel. Une table très ample des formes anciennes des noms facilite beaucoup les recherches.
En résumé, M. R. Latouche a droit à notre reconnaissance pour la tâche ardue qu'il a remplie, dans des conditions peu favorables, avec un soin persévérant et un dévouement désintéressé. Nous nous associons d'ailleurs à l'hommage qu'il a rendu à la mémoire de l'auteur, lequel, pendant vingt années d'une carrière officielle chargée de labeurs, a, par surcroît, rédigé et coordonné — témoignage d'une conscience admirable et d'une infatigable ardeur — la masse de notes extraites de pièces sans nombre formant un instrument de travail précieux pour les érudits de la région.
— De son côté, M. de Fumichon signale de nombreuses lacunes dans les lieux-dits du même Dictionnaire et demande si on ne pourrait pas faire appel à une subvention officielle
et ensuite à une cotisation extraordinaire parmi les membres de la Société historique et de celle des Antiquaires du Centre pour imprimer un nouveau volume contenant toutes les omissions forcées du travail de M. Latouche.
Ces propositions semblent intéressantes, mais après examen elles sont rejetées, d'autant plus que le travail de M. Boyer est, aux Archives départementales, à la disposition des personnes qui voudraient le consulter.
(Bull, mensuel n' 200, Janvier 1928.)
Assemblée générale du 26 Janvier 1928.
PRÉSIDENCE DU COLONEL DE MECQUENEM, PRÉSIDENT
Présentation est faite par M. le président de deux nouveaux membres titulaires.
Il sera voté sur leur admission au cours de la prochaine séance.
— Les félicitations de la Société sont adressées à :
M. le marquis de Vogué, nommé grand'croix de l'ordre du Nil comme président du Conseil d'administration du canal de Suez ;
M. Laurehçon, chevalier de la Légion d'honneur comme publiciste.
Le président regrette, d'être, par une indisposition passagère, dans l'impossibilité d'écrire pour adresser à ces deux confrères ses félicitations personnelles.
— L'Assemblée générale approuve les comptes de l'année 1927, et le projet de budget pour l'année 1928. En 1927, l'excédent des recettes sur les dépenses s'est élevé à 1.223 fr. 96. Dans le projet de budget de 1928, les recettes et les dépenses s'équilibrent.
Des félicitations sont votées à M. le trésorier pour son excellente gestion.
— Il est procédé à la nomination des membres du bureau
pour 1928. M. le président fait préalablement observer que le secrétaire général n'est pas soumis à l'élection, et que M. Pillet a demandé à être relevé de ses fonctions.
Le scrutin donne les résultats suivants : président : M. le colonel de Mecquenem; vice-présidents : MM. le chanoine Vilaire et Gandilhon ; secrétaires adjoints : MM. Gauchery et Bourdin ; trésorier: M. A. Baron; bibliothécaire-archiviste: M. des Chaumes; Comité de publication : MM. Ponroy, Turpin, le colonel Chenu.
— Il est donné lecture par M. le chanoine Vilaire de la suite du mémoire de M. H. Boyer sur l'Histoire des corporations et confréries d'arts et métiers de Bourges.
Les tailleurs ne fusionnèrent pas tous avec les toiliers, mais l'Hôtel de Ville de Bourges ordonna, le 3 juin 1620, que les tailleurs qui ne seraient pas de la communauté devraient faire valoir leurs raisons.
Les tailleurs ne pouvaient avoir qu'un apprenti. En 1611, on poursuivit un tailleur qui avait deux apprentis : il dut renvoyer l'un deux.
Les compagnons tailleurs étaient turbulents et profitaient des époques de désordre public, guerre de Cent ans, la Ligue, etc.
Les statuts de 1600 leur défendaient de porter des armes, soit de jour, soit de nuit.
Les compagnons tailleurs se faisaient remarquer par leur paresse et leur indiscipline envers leurs maîtres; ils bravaient les règlements qui leur imposaient des devoirs. Ils souffraient malaisément la concurrence de l'ouvrier venant du dehors.
Le compagnon ne pouvait travailler chez le bourgeois sans avoir été assermenté à la mairie., après avoir fait preuve de capacité et payé les droits de confrérie. Les écoliers employaient volontiers les compagnons qui travaillaient à plus douces conditions que les maîtres.
En 1623, de continuelles discussions éclatèrent entre maîtres et compagnons; une sorte de grève s'organisa. Sept ans après, les maîtres portèrent leurs plaintes au prince de Condé, qui les renvoya au maire, lequel était compétent dans l'affaire.
Les maîtres prétendaient que les compagnons fréquentaient les cabarets; si l'un deux avait commencé un habit, puis l'abandonnait, aucun autre ne pouvait le continuer.
D'après les maîtres, la plupart des garçons détestaient cet usage et reconnaissaient qu'il leur faisait tort. La ville édicta un nouveau règlement.
(Bull, mensuel n° 201, Février 1928.)
Séance du 23 Février 1928.
PRÉSIDENCE DU COLONEL DE MECQUENEM, PRÉSIDENT
M. Baron, trésorier, fait connaître qu'il possède un compte courant postal, n° 359.30 Paris; on peut régler ses cotisations en lui adressant un mandat-carte s'élevant à 15 francs (ou 15 fr. 75 si l'on veut recevoir la quittance).
— M. le président expose qu'il a reçu les bulletins de la Société des Antiquaires du Centre qui manquaient à la collection et le dernier paru.
En déposant sur le bureau les journaux locaux reçus, il signale les numéros de La Dépêche du Berry : 1° du 2 février, donnant une notice sur Mlle Marie-Reine Garnier, reçue au doctorat es lettres; 2° du 4 février, donnant une note- sur la découverte d'une pièce de monnaie; 3° du 8 février, avec une notice sur La Charité-sur-Loire.
— La Société a reçu un ouvrage de M. l'abbé Sautereau Athanase, curé de Tintury, sur l'histoire de cette paroisse et des paroisses voisines. Des remerciements ont été adressés à l'auteur.
— Sont élus membres titulaires : M. R. de Maransange, château de la Vieille-Forêt, au Chàtelet-en Berry, présenté par MM. Turpin et Pelloile; M. Jouslin, instituteur titulaire à Bourges (Auron), présenté par MM. Gandilhon et Lasseur.
— M. le président donne lecture d'une note sur le cadran solaire existant dans la cour d'honneur de l'Atelier de Construction d'artillerie, à Bourges (anciennement, Fonderie de canons). Ce cadran a été établi vers 1872, par M. Antoine,
garde d'artillerie, né en 1821, promu principal en 1873. et mis à la retraite en 1875 (voir la description, bulletin n° 195).
Il insiste sur le tracé de la courbe en 8 et sur l'équation du temps. Le lieutenant-colonel Chenu demande quelques explications, qui seront données dans une prochaine séance.
M. le président donne à chacun des membres présents une gravure réprésentant le cadran objet de la note susindiquée.
— M. Ponroy communique le testament d'un M. Claude Alabat, qui fut conseiller et secrétaire du roi et de ses finances. Ce testament est du 11 décembre 1661 (paroisse Saint-Ursin). Le testateur a dû mourir entre le 14 et le 20 décembre. Il était seigneur de La Chabottière et portait « de gueules à trois sonnettes d'or ». Un de ses parents, Jacques-Antoine, fut l'auteur d'un Armoriai du Berry manuscrit.
Ce testament comportait trois legs intéressant la ville de Bourges, notamment un à l'Hôtel-Dieu, de deux mille livres. Il fut déposé chez Me Jacques Archambault, notaire, rue NotreDame-du-Fourchaud.
— M. le président donne ensuite lecture du mémoire de M. H. Boyer sur l'Histoire des corporations et confréries d'arts et métiers de Bourges, tailleurs (suite), et en particulier du règlement du 9 mars 1630.
Le compagnon finissait parfois par devenir maître. Il changeait alors d'idées et se montrait implacable vis-à-vis des compagnons étrangers. La réception des maîtres avait lieu en présence de deux procureurs de la communauté et de deux maîtres. Les nouveaux maîtres fournissaient une caution de 10 écus pour les malfaçons, outre les droits de confrérie.
Le statut de 1622 exigea un service de deux ans en sus de l'apprentissage régulier, ainsi qu'un chef-d'oeuvre dont le programme était fixé. Les fils de maîtres n'étaient tenus qu'à un droit de réception et de valet. Le chef-d'oeuvre se complique d'année en année. Les statuts ne sont pas précis sur le chef-d'oeuvre des fils de maîtres.
Les marchands toiliers pouvaient être reçus maîtres tailleurs sur un certificat de capacité attesté, par les procureurs et jurés de la communauté.
Les gens de métier étaient peu prisés au point de vue commercial. D'après les statuts de 1443, la visite devait se faire tous les deux ans. La justice intervenait en faveur du
client, même pour malfaçon. Plusieurs cas de condamnation sont cités.
Les statuts de 1622 fixent à deux le nombre des procureurs de la communauté.
(Bull, mensuel n° 202, Mars 1928.)
Séance du 29 Mars 1928.
PRÉSIDENCE DE M. A. GANDILHON, VICE-PRÉSIDENT
M. Girault, directeur d'école en retraite, demeurant à Bourges, au Moulon, est élu membre titulaire de la Société, sur présentation de MM des Chaumes et Godon.
— M. l'abbé Al. Delaunay, curé de la paroisse du SacréCoeur, met à la disposition des membres de la Société historique, pour faciliter leurs études, les nombreux documents qu'il a recueillis sur la paroisse de Saint-Eloy-de-Gy.
— M. Gandilhon donne lecture d'une lettre de M. Lacueille, lui faisant part de la découverte, en octobre 1926, à Jarnay, commune de Chéry, d'un sarcophage, que M. Lacueille croit être de l'époque mérovingienne. Ce monument, qui a été détruit, ne portait aucun ornement. Il avait 2 mètres de longueur. Sa largeur intérieure était, à la tète, de 0m 48 et, aux pieds, de 0m20. Il renfermait les ossements d'un corps de 2 mètres environ, et était orienté est-ouest.
— M. A. Baron présente une sentence du bailliage de Bourges, en date du 4 août 1651, qui fait partie de ses collections.
Jean-Jacques du Faur, seigneur de Courcelle, agissant au nom et comme ayant la garde noble d'Elisabeth, sa fille, née de défunte Marie de Charudieu, son épouse, dame de SaintGeorges-sous-Moulon et Asnières, poursuivait l'abbé Laurent Ballet, curé de Saint-Michel-de-Volangis, et lui réclamait des dommages et intérêts pour avoir troublé ses fermiers dans son droit de planter un jeu de quilles le jour des assemblées dans les paroisses de Saint-Georges, Saint-Michel, Soulangis, Pigny et Quantilly.
L'exploit du demandeur avait passé sous silence des circonstances particulières, que le défendeur ne manqua point d'alléguer à sa décharge, sans dénier en principe le droit invoqué : le jeu avait été exercé dans le cimetière même de Saint-Michel, sans doute contigu à l'église, et des querelles et batleries étaient survenues qui avaient troublé la célébration du service divin.
Peut-être le cimetière était-il traversé par une allée donnant accès de la voie publique à l'église. Cela ne pouvait excuser l'oubli de la décence envers les morts. On peut s'étonner que le seigneur du lieu ail apporté sa garantie à l'action de fermiers sans scrupules à cet égard. Au reste, le juge, tout en maintenant le demandeur dans le principe de son droit, confirma en même temps l'interdiction du jeu de quilles, dans le lieu même des inhumations et pendant le temps du service divin, qu'il était généralement défendu de troubler, et renvoya le prêtre des fins de la plainte sans dépens.
— M. Chenu fait les plus expresses réserves sur quelquesunes des assertions contenues dans un journal local (Dépêche du 2 mars 1928) au sujet de l'évolution de notre cité.
1° L'enceinte gallo-romaine, qui n'enserrait pas du tout la ville, puisque celle-ci la débordait de toutes parts, fut si peu détruite par les invasions du Ve siècle qu'à une certaine époque on leur en attribua l'origine (voir Kersers, Stat. mon. du Cher, II, 63). Si cette opinion est aujourd'hui abandonnée, tout au moins on doit reconnaître que l'enceinte en question a subsisté presque entièrement jusqu'à nos jours (voir Boyer, Les enceintes de Bourges, 1889, p. 3).
2» Il n'y eut jamais de « bourg Bonnoux », mais, sur le che min de Moulins, un faubourg de Bourbonnoux, ce derniermot étant une corruption de Bourbonnois. Pour être renseigné sur ce point, il suffit de consulter le plan de Nicolay (Description générale du pais et duché de Berry, 1567, publié à Châteauroux en 1883) et le titre de notre plus ancien rôle de taxes (Archives municipales, CC 4).
Le même confrère rend compte de la découverte d'une stèle anépigraphe, en mauvais état, dans le chantier de M. Métivier, au coin de la rue de Brives et de la rue NicolasLeblanc, emplacement déjà connu d'un cimetière gallo-romain, et complète la description d'une autre stèle récem-
ment donnée au Musée (Bull, de ta Soc. des Ant. du Centre, n° 2, de février 1928) par la mention que le nom de SILVINVS, qui y figure, a déjà été rencontré sur une stèle trouvée dans le jardin de M. Philosa (Ant. du- Centre, t. XXVII, p. 189).
Enfin M. Chenu, notant la découverte d'une monnaie d'argent dans des travaux de fouille près de l'ancien château de Vierzon (Dépêche du 18 février 1928), fait remarquer que cette monnaie ne saurait être à l'effigie de François II, comme il est dit dans l'article relatant la trouvaille, le monnayage d'Henri II ayant été continué pendant le règne de François II et même le début de celui de Charles IX.
— M. Gandilhon communique une expédition conservée aux Archives du Cherchasse 95 des Titres incendiés) d'un contrat de mariage passé, à Bourges, le 18 juillet 1732, pardevant les notaires Ragueau et Renauldon, entre Gilbert Berthon, maître tailleur d'habits, demeurant paroisse SaintMédard, et Catherine Jardin, fille de Jean Jardin, maître boulanger, et d'Anne Vallée, demeurant paroisse SaintPierre-le-Marché. Ce document présente cette particularité curieuse d'être accompagné, au verso du dernier feuillet, d'un écu ou projet d'écu qui peut ainsi se blasonner : êcarlelé aux 1 et 4 d'une paire de ciseaux de tailleur, aux 2 et 3 d'une pelle à enfourner posée en pat, surmontée d'une gueule de four et accompagnée au 2 de 6 pains, au 3 de 10 pains. Ainsi se trouve démontré une fois de plus que le blason, sous l'ancien régime, était un signe de la profession plutôt que de la noblesse.
(Bull, mensuel n° 203, Avril 1928.)
Séance du 26 Avril 1928.
PRÉSIDENCE DE M. LE CHANOINE VILAIRE, VICE-PRÉSIDENT
M. le président signale, parmi les publications reçues, une étude de M. Th. Chartier dans le Bulletin de la Société des sciences historiques et naturelles de l' Yonne (année 1926, p. 67),
U
relative à la campagne de César contre les Bituriges. Il s'agit de l'identification de Vellaunodunum, premier oppidum que le conquérant réduisit sur sa route en partant d'Agendicum (Sens). L'auteur discute l'opinion de M. Jacques Soyer, qui s'est prononcé pour l'identification avec le Grand ou le Petit Villon (Loiret), placé sur le trajet direct de Sens au pays des Carnutes. M. Chartier propose, au contraire, Toucy (Yonne), localité répondant aux exigences de la critique militaire et qui se trouve sur l'itinéraire que César suivit, d'après les Commentaires, en se dirigeant d'abord vers le pays des Boïens, clients des Eduens, ses alliés, occupant la région du confluent de la Loire et de l'Allier, où ils possédaient l'oppidum de Gorgobina ou Gortona.
— M. Henri Hervet, banquier à Bourges, présenté par MM. Ponroy et Baron, est élu membre titulaire.
— M. le docteur Déribéré- Desgardes a versé 300 francs pour le rachat de ses cotisations. Il est remercié de ce témoignage d'intérêt envers la Société.
— Complétant la notice de M. Maurice Supplisson parue dans nos Mémoires (année 1910, p. 41 et suiv.), M. Pillet communique la copie d'un document qu'il a découvert aux Archives départementales (Z 770), précisant la date et les circonstances de la destruction de l'un des deux canons donnés en 1794 à ta ville de Sancerre. L'éclatement se produisit à la dernière salve tirée du rempart pendant la fête publique du 6 décembre 1812 Il n'y eut heureusement point d'accident mortel : les quatre servants, renversés à vingt pas par la commotion, furent assez maltraités, mais sans blessures apparentes. Ces indications sont consignées dans le rapport du maire au sous-préfet sur la fête célébrée, y est-il dit, à la fois pour l'anniversaire du couronnement de l'Empereur et celui de la bataille d'Austerlitz, instituée telle pour le premier dimanche de décembre par un décret du 19 février 1806, qui fixait en même temps au 15 août la double fête de la naissance de Napoléon et de l'époque du Concordat. Il est à remarquer que les instructions du Gouvernement relatives à la cérémonie en question avaient passé sous silence la commémoration d'Austerlitz, que la personnalité de l'impératrice-régente Marie-Louise rendait sans doute inopportune.
M. Pillet termine sa communication par les réflexions que
suggère naturellement le contrasté entre « l'allégresse parfaite » et le « banquet splendide » dont parlait le maire, et la désastreuse retraite de Russie, avec toutes ses souffrances qui étaient encore ignorées de la masse du peuple.
— M. le lieutenant-colonel Chenu fait connaître qu'il a représenté la Société au Congrès des Sociétés savantes tenu à Lille du 10 au 14 avril. Il rend compte sommairement des séances auxquelles il a assisté et signale comme tarticulièrement intéressante une communication de M. Beaucamp sur la polychromie dans les monuments funéraires des Flandres et du Hainaut au moyen âge.
— M. Gandilhon lit une lettre de M.Roger Roux, conseiller à la Cour d'appel de Besançon, au sujet du conventionnel Jacques Pelletier. Il sollicite de ses confrères une série de renseignements à communiquer à l'intéressé en dehors de la notice biographique publiée dans nos Mémoires de 1915-1916 par M. Turpin.
— M. le président donne alors lecture d'un chapitre de l'Histoire des corporations à Bourges, par M. Hipp. Boyer, traitant des couturiers et couturières, modistes-plumassières, lingères et tisserands.
(Bull, mensuel n° 204, Mai 1928.)
Séance du 31 Mai 1928.
PRÉSIDENCE DE M. LE CHANOINE VILAIRE, VICE-PRÉSIDENT
La Société vient de perdre deux de ses membres titulaires, dont M. le président rappelle le souvenir en ces termes :
M. Eugène Baudet était né à Bourges en 1864. Après ses études à l'ancienne Institution Sainte-Marie, il avait suivi les traces paternelles, en embrassant la carrière commerciale, qu'il exerça pendant plus de trente ans. Sur la fin, il donna libre cours à ses goûts intellectuels et devint un fervent bibliophile et amateur d'art. La Société historique lui ouvrit
ses rangs en 1912. Il continua depuis à rechercher et à collectionner toutes les oeuvres se rattachant au Berry, et s'affirmait ainsi comme l'un des gardiens qui, dans un rôle volontairement modeste, savent conserver pour l'avenir les vestiges du passé que l'ignorance ou l'indifférence laissent souvent disperser et anéantir. Il est décédé subitement le 29 avril, emportant tous nos regrets.
En même temps que la mémoire de ce dévoue confrère, saluons celle de M. Adolphe Supplisson, qui vient de disparaître en pleine force. Né à Sancerre en 1883, élève de la nouvelle Institution Sainte-Marie, il avait poursuivi sa formation à Paris, à l'École des Hautes Etudes, dont il joignait le diplôme au titre de docteur en droit. Sa conduite glorieuse pendant la guerre et ses blessures achevaient en lui l'homme que l'on appréciait dans tous les milieux. Il était venu en 1921 continuer ici la tradition du regretté Maurice Supplisson, son oncle, dont il avait recueilli les archives. Il se proposait, avec le temps, d'en extraire tout ce qui pouvait enrichir l'histoire de son pays natal, auquel il était profondément attaché. Son activité et son dévouement sans bornes s'employaient aux oeuvres économiques locales dont il était l'animateur, et lui avaient acquis la sympathie et la reconnaissance générale de ses concitoyens. Par son intelligence, son savoir et sa situation personnelle, il était appelé à rendre" encore d'inappréciables services. Lui aussi vient de nous être ravi subitement le 26 mai et sa perte est très vivement ressentie.
— M. Charles Cabillaud, receveur-percepteur à Paris, auteur d'un ouvrage intéressant, Le. Berry anecdotique et historique, est élu membre titulaire de la Société, sur la présentation de MM. Maudry et Mellct.
— M. E. Turpin rappelle que naguère, dans la presse locale, on reprenait le voeu de voir revivre à Bourges l'ancienne procession de la Pucelle, du dimanche d'après l'Ascension, jour où, en 1429, Orléans assiégé par les Anglais fut sauvé.
Le Parlement a choisi l'anniversaire de ce dimanche, deuxième de mai, pour instituer (loi du 10 juillet 1920) une fête nationale du patriotisme sous le vocable de l'héroïne, en même temps qu'il décidait l'érection à Rouen d'un monument devant porter l'inscription : « A Jeanne d'Arc, le Peuple français reconnaissant », — la fête liturgique de la sainte,
canonisée peu auparavant (23 mai 1920), puis proclamée patronne de la France (bref du 2 mars 1922), se célébrant le 30 mai, date du martyre.
La commémoration exceptionnelle, dans notre cité, des hauts faits de l'admirable bergère, avec les honneurs civils et militaires réunis aux pompes du culte, comme à Orléans, consacrerait de nouveau le souvenir du concours du Berry à la préparation de ses campagnes victorieuses. On a répété qu'il s'agissait d'une solennité établie par Charles VII. M. Turpin ne s'arrête à cet argument protocolaire que pour constater que l'acte allégué ne se trouve point dans la. collection des ordonnances, bien qu'on y rencontre la sentence ecclésiastique de réhabilitation du 7 juillet 1456, terminée par l'ordre d'une procession expiatoire immédiate à Rouen.
On connaît la lettre de Charles VII, datée du surlendemain de la délivrance d'Orléans, où il exhorte l'une de ses bonnes villes à des processions d'actions de grâces. Bourges a pu. recevoir une missive de ce genre, non impérative et ne visant pas une mesure permanente. L'incendie des archives de la ville en 1487 nous réduit à cette hypothèse. En fait, l'institution paraît n'avoir été notée jadis comme d'origine royale que dans de simples nomenclatures, résumant plus ou moins fidèlement une tradition. Tels sont les articles des règlements municipaux des 6 juillet 1661 et 13 mai 1748 sur l'assistance du corps de ville aux processions générales dont les énoncés sommaires concordent avec ceux des rituels du diocèse.
— M. le président lit la suite de l'histoire de la corporation des tisserands, par M. H. Boyer. Importante par le nombre de ses membres, régie par des statuts souvent remaniés, mouvementée dans sa vie, elle a laissé d'elle un riche souvenir dans une des verrières de l'abside de notre cathédrale.
(Bull, mensuel n° 205, Juin 1928.)
Séance du 28 Juin 1928.
PRÉSIDENCE DE M. LE CHANOINE VILAIRE, VICE-PRÉSIDENT
Des remerciements sont adressés à M. Drifford, membre correspondant, qui a fait don à la Société : 1° d'un exemplaire de l'ouvrage intitulé Meillant sous Louis XII, par le général duc de Mortemart; 2° de deux affiches relatives à la vente du pain à Bourges, au début du xix« siècle.
— M Gandilhon donne lecture d'une lettre de M. G. Estournet, membre de la Société archéologique du Gâtinais, lui faisant savoir qu'il vient de publier dans les Annales du Gâtinais un article sur la famille de saint Guillaume, arche, vêque de Bourges, et qu'il donnera prochainement un supplément sur la pierre tombale de Guy du Donjon, sr de Trézan, où ce dernier fut inhumé dans l'église qu'il avait dédiée à son frère saint Guillaume. L'église a été démolie et la pierre a été reléguée contre un mur du cimetière de Malesherbes. La pierre reproduit saint Guillaume et son frère Guy, effrayé de comparaître devant le Souverain Juge; le prélat lui répond : Me duce, ne timeas, mecum tutus eris.
— Mlle Garnier, docteur es lettres, à Bourges, présentée par MM. Turpin et Bourdin, est élue membre titulaire.
— Présentation est faite d'un nouveau membre titulaire. Il sera voté sur son admission au cours de la prochaine séance.
— M. E. Turpin communique, pour leur réunion aux pièces concernant le conventionnel Jacques Pelletier déposées aux Archives départementales, les extraits des registres paroissiaux de Ligniéres que feu le chanoine A. Granger lui avait fournis et qui constituent la généalogie de la famille, de 1600 à 1790. La revision de ces extraits permet de rectifier une erreur de date qui s'est glissée dans la notice biographique sur ce personnage, à laquelle renvoie le bulletin mensuel n» 204 : le ï,-r juillet 1749 y est indiqué, p. 181, pour sa naissance, au lieu du lk juillet, date exactement relevée à la page suivante, en note.
— Comme suite aux considérations exposées dans la dernière séance, relativement aux processions de Jeanne d'Arc à Bourges et à Orléans, M. E. Turpin signale l'analogie des fêtes de Jeanne Hachette qui viennent d'avoir lieu à Beauvais; plus de 20.000 personnes ont assisté, aux défilés des cortèges traditionnels, l'un religieux, l'autre officiel, suivis d'un cortège historique. A l'origine de ces fêtes sont des lettres de Louis XI datées de juin 1473, instituant expressément une procession annuelle et perpétuelle en mémoire de l'héroïsme déployé par les femmes, qui, « en très grant audace, mirent la main à la besoingne à l'imitation des hommes », pour la défense de la ville assiégée par les Bourguignons, ce qui leur valut le privilège de prendre rang immédiatement après le clergé et de précéder les hommes dans la cérémonie.
L'insertion de ces lettres dans le recueil des Ordonnances souligne l'absence déjà constatée d'un texte de même nature sur notre procession de la Pucelle4 sans diminuer la valeur des motifs qu'on peut invoquer pour le rétablissement de la solennité.
Au surplus, pareille lacune existe à l'égard d'une autre ancienne procession générale de Bourges ayant également une origine politique : celle du 12 août, qui s'est célébrée jusqu'au xvme siècle, en souvenir de la reprise de la Normandie aux Anglais par le connétable de Richemont, l'un des compagnons de gloire de Jeanne d'Arc, qui avait été gouverneur du Berry de 1424 à 1426. La bataille de Formigny, gagnée par lui et suivie de la reddition des places normandes, eut lieu le 15 avril 1450. Les dates contradictoires d'août 1449 et 18 septembre 1447, données dans diverses nomenclatures comme celles de l'institution de la procession par Charles VII, ne sauraient donc, de toute manière, être retenues.
— M. des Chaumes développe des observations intéressantes sur « l'inscription numérale de la Sainte-Chapelle de Bourges ». Son travail est renvoyé au Comité de publication pour insertion dans les Mémoires de la Société.
(Bull, mensuel n° 206, Juillet 1928.)
Séance du 19 Juillet 1928.
PRÉSIDENCE DE M. LE CHANOINE VILAIRE, VICE-PRÉSIDENT
L'Assemblée adresse ses félicitations à M. le Dr Audouard, membre titulaire, à l'occasion de sa promotion au grade de médecin commandant de réserve.
— M. Raoul Toscan, bibliothécaire adjoint de la ville de Nevers, est élu membre titulaire, sur la présentation de MM. le colonel de Mecquenem et E. Turpin.
Deux nouvelles candidatures au même titre sont annoncées; le vote sur les admissions aura lieu à la prochaine séance.
— Des remerciements sont adressés : 1° à M. Toscan, pour l'hommage d'un exemplaire de sa curieuse relation de l'Extraordinaire et tragique aventure du marchand de complaintes Jean Gondraud, dit Papard, l'assassin de Saint-Martin-enPuisaye; 2« à Mmes Dervieu, pour la collection de dix-sept brochures de feu M. le lieutenant-colonel Dervieu contenant de savantes éludes sur l'histoire des arts industriels, et offertes à la Société par l'intermédiaire de M. H. Ponroy.
— M. le lieutenant-colonel Chenu examine une série de monnaies romaines des n° et IIIC siècles recueillies jadis à Ennordres par M. Bourdin, dont un grand bronze d'Alexandre Sévère dans un bel état de conservation.
Il présente ensuite quelques observations sur divers sceaux-matrices conservés au Musée du Berry (vitrine n° 32). Reprenaut notamment l'interprétation de celui qui provient de l'ancien cimetière de Saint-Martin-des-Champs, et qui a été décrit dans le Bulletin du Comité diocésain d'histoire et d'archéologie (l" trimestre 1868), M. Chenu démontre que ce sceau, à légende incorrecte, porte le type de sainte Apolline et ne saurait se rapporter soit à Jalognes, soit à Allogny.
Ces observations sont renvoyées au Comité de publication pour insertion dans les Mémoires, avec la communication du morne ordre résumée dans notre Bulletin mensuel n° 197.
— M. Turpin lit, en y joignant ses réflexions, une relation extraite des Archives municipales (BB24), concernant les fêles données à Bourges, le 18 septembre 1729, à l'occasion de la naissance du dauphin.
Les réjouissances publiques durèrent plus de huit jours. Certaines particularités sont intéressantes à relever : tir de canons placés sur la tour de l'Hôtel de Ville (Jacques-Coeur); décharges de mousqueterie par une escorte de deux cents miliciens dans la cour de l'édifice et au siège des autres autorités principales; fontaines de vin jaillissant de tuyaux de fer-blanc adaptés aux fûts qu'on avait montés à l'étage supérieur; feu de joie allumé par le maire et les échevins après qu'ils en eurent fait trois fois le tour, munis de flambeaux reçus des mains des sergents, etc.
La partie la plus curieuse de cette relation est celle du festin auquel prirent part les trente-deux conseillers, les chefs de compagnies, les officiers du régiment de Du Cheyla (ci-devant Conti), en garnison à Bourges, et les officiers de la milice bourgeoise. Deux tables d'ensemble soixante-quinze couverts furent dressées avec quatre buffets dans la grande salle haute de l'Hôtel de Ville; le menu se composait de près de deux cents plats répartis en trois services et accompagnés de plus de cinquante corbeilles de fruits ; on récapitule une véritable profusion de pièces de boucherie, oiseaux de basse-cour, gibier de toute sorte, et les étiquettes des mets dénotent un art culinaire raffiné chez l'ordonnateur, qui appartenait à la maison dij duc d'Orléans.
Pendant le festin et le bal qui suivit, un nombreux orchestre de la ville, formé de violons, de basses et d'autres instruments, alternait avec les timbales, trompettes et hautbois de la musique militaire. Les fêtes se prolongèrent par un grand feu d'artifice, auquel les Bénédictins travaillèrent pendant trois semaines.
(Bull, mensuel n° 207, Octobre 1928.)
Séance du 25 Octobre 1928.
PRÉSIDENCE DE M. LE COLONEL DE MECQUENEM, PRÉSIDENT
Mme Baudet Eugène, à Bourges, et M. Callon Georges, inspecteur général des Ponts et Chaussées, en retraite, à La Recluse, Billom (Puy-de-Dôme), sont élus membres titulaires.
— M. le président expose les inconvénients résultant de la rédaction de l'article VII des statuts, mais, sur l'observation que les vice-présidents sont prêts à assurer le service de président, celui-ci renonce à poursuivre la question.
— M. Gandilhon rend compte de sa mission d'examen de documents remis à la Société par M. Drifford.
Ce sont des lettres de propriété échelonnées entre 1582 et 1784. Us concernent principalement les terres de Meillant et de Saint-Amand-Montrond et leurs environs. Leur intérêt réside surtout dans les renseignements qu'ils peuvent fournir pour l'histoire de plusieurs familles du Berry. Les familles ou personnages qui y sont cités sont Joseph Bequas, sieur de Bort; Etienne Cerf, marchand à Bourges, et Laurent Dufaud, notaire au duché de Nivernais ; Jacques de Foliot, sieur d'Hautefeuille, receveur des terres d'Orval; Pierre Geoffrenet des Rodais, élu en l'élection de Saint-Amand; Michel Grangeron, greffier en chef de l'élection de Saint-Amand; Louis Lelarge, procureur fiscal des terres de Cliàteauneuf ; noble François de L'Hospital; Charles de Lingendre, écuyer, sieur de Baullerat; Antoine Moulynat, maître maréchal à Saint-Amand.
Ces documents seront versés aux Archives départementales.
— Au cours de fouilles qu'il a entréprises pour la construction d'un immeuble, à l'angle de la rue Moyenne et de la rue du Guichet, M. Bobert Gauchery a découvert les vestiges d'un édifice, vraisemblablement gallo-romain, dont il ignore la destination. II a pu dégager un mur, à peu près parallèle à la rue Moyenne, dont le sommet se trouve à environ 2m50 au dessous du niveau du trottoir. La partie supérieure de ce mur est recouverte par une dalle de 0m70 de largeur, sur laquelle reposent deux tambours de colonnes distants l'un de l'autre de 15 mètres. Dans une direction perpendiculaire, et à 7 mètres, un socle surmonté par une dalle a été également mis à jour. M. Robert Gauchery présente un plan et des photographies à l'appui de ses très intéressantes explications.
Comme suite aux observations de M. R. Gauchery, le lieutenant-colonel Chenu rend compte de la présence de nombreux débris de poterie gallo-romaine, assez communs d'ailleurs, rencontrés au cours des fouilles, à 3 mètres environ de profondeur. Il en présente quelques-uns : débris d'o//ae en terre noire ou grise, notamment od'une olla à décors inci-
sés de même technique que celle rencontrée en 1909 par notre confrère F. Roger dans la rue Mazagran (Antiq. du Centre, t XXXII, p. 11); goulot de lagena, etc. Il montre en même temps un moyen bronze d'Auguste au revers de l'autel de Lyon (Cohen 237) provenant des mêmes déblais. Enfin, il appelle l'attention sur un bec de vase « à bec ponté » ou pegau, de même origine. Ce vase enterre rougeâtre pourrait être de la fin de l'époque gallo-romaine, comme ceux qui figurent sous les numéros 4 el 5 de la planche I de la Note LX sur le Bas-Berry, par E. Chénon (ibid., t. XLI, p. 5).
— M. Gandilhon signale que M. Lambert, régisseur de la terre de Châteauneuf-sur Cher, faisant exécuter à Châteauneuf, dans un bras du Cher, des travaux de terrassement, a mis à jour, sur une longueur de 5m75 et sur une hauteur de 0m78, un barrage constitué par des pierres de grand appareil, liées entre elles par un ciment rosé très résistant. A 16 mètres nord-est de cette construction, qui semble bien remonter à l'époque gallo-romaine, et parallèlement à elle, ont été découvertes les fondations d'une construction analogue. On peut se demander, par suite, si le bras du Cher, qui forme avec le premier barrage un angle de 42°, n'avait pas autrefois une direction différente de celle d'aujourd'hui et ne passait pas entre les deux barrages.
Auprès de ces constructions, dont M. Gandilhon fait passer des photographies, a été trouvée une clef en fer qu'il convient d'attribuer au XIIF siècle.
La Société prie M. Gandilhon de transmettre ses remerciements à M. Lambert pour son intéressante communication.
— M. Gandilhon entretient ensuite la Société d'un souterrain aimablement signalé par M. Feignon, curé-doyen de Sancergues. Situé aux Deux-Lions, commune de Saint-Martindes-Champs, ce sous-terrain se trouve à lm80au-dessous du niveau du sol. On y accède par une allée en pente douce se terminant par un escalier de six marches. Lorsqu'on est arrivé au bas de l'escalier, on se trouve dans une nef voûtée de plein cintre, mesurant 5m58 de longueur, 2"'30de largeur et 2m35 de hauteur. Sur cette nef s'ouvrent, à l'extrémité, sur les faces latérales, ainsi que de chaque côté de l'escalier, neuf logettes également voûtées de plein cintre et qui toutes ont même profondeur(lm90), même largeur(1™30), même hauteur(lro55). La voûte de la nef ainsi que celle des logettes ne sont pas
appareillées, mais formées de pierres plates. Les pieds-droits des logettes, au contraire, sont en moyen appareil, mais on ne remarque aucune sculpture aux impostes, qui ne sont pas même chanfreinées. Il est difficile, dans ces conditions, d'assigner une date à cette construction. Si l'on observe que les joints de maçonnerie offrent peu d'épaisseur, on ne sera pas tenté de lui attribuer une haute antiquité. Quant à sa destination, elle est aussi fort difficile à déterminer. Il est presque certain que ce n'est pas une crypte. Peut-être faut-il y voir un magasin d'approvisionnement ou une sorte de cellier.
[Bull, mensuel n° 208, Novembre 1928.)
Séance du 27 Novembre 1928.
PRÉSIDENCE DE M. LE COLONEL DE MECQUENEM, PRÉSIDENT
MM. P. Dubois de La Sablonière et des Chaumes ont reçu respectivement la médaille d'or et la médaille de bronze de la Prévoyance sociale. Des félicitations leur sont adressées.
— M. Camille Labesse, percepteur hors classe, à Bourges, présenté par MM. Pillet et Turpin, est élu membre titulaire.
— Dépôt d'ouvrages : Discours prononcés aux obsèques de M. Albert Hervet, réunis en plaquette, avec portrait, par les soins de la Chambre de Commerce de Bourges; — Le Nivernais et ses poètes vivants, des éditions de la Revue du Centre, intéressante étude par M. Raoul Toscan, qui en fait hommage à la Société. Est également offert par M. le comte de Maupas, au nom de la veuve de l'auteur, un important ouvrage intitulé : Recherches sur la famille Lévesque de Saint-Maixent et ses alliances, par Ernest Lévesque, 2 volumes avec un supplément (1901-1907).
De vifs remerciements sont adressés aux auteurs et donateurs.
— Dans l'Histoire de la ville d'Issoire par A. Longy (1890), qu'il a signalée au cours de la séance précédente, M. le président a constaté que la date de la naissance de Mgr Bohier est bien celle qu'il a lui-même indiquée par déduction (Mém.
de la Soc. hist., t. XXXIII, p. 6); mais l'auteur n'explique pas comment il l'a déterminée. Cet ouvrage renferme aussi plusieurs erreurs touchant la généalogie de la famille Bohier.
— Il a été, dans la même séance, donné lecture de la suite de l'Histoire des corporations de Bourges, par M. Hipp. Boyer. Le chapitre s'applique aux cordiers de chanvre, qui travaillaient le long des murs de la ville et gagnaient un salaire modique. Ils furent réduits de moitié en 1599. Les apprentis ne devenaient maîtres qu'au bout de quatre ans, comme à Paris. Les cordiers étaient soumis aux visites et administrés par deux procureurs.
— M. le lieutenant-colonel Chenu relate l'existence, sur le côté ouest de la cour du garage Fortin, 109, rue d'Auron, d'une inscription sur pierre du XVIIIe siècle, présentant quelques épaufrures. Il semble toutefois qu'elle peut être restituée
comme il suit :
1754
LON IOVE ICI
ARGENT CON
TANT. POINT
DE CRESDIT
Elle évoque vraisemblablement le souvenir d'un tripot ou d'un jeu de paume, situé au même emplacement ou dansle voisinage.
— M. E. Turpin présente quelques observations au sujet de la création de la place Berry, à Bourges, et des mesures qui en ont suivi l'établissement. Cette communication sera complétée et résumée dans la prochaine séance.
— Communication est donnée par M. le président du mémoire de M. Callon sur le mouvement de la population dans le Cher, de 1821 à 1920. Un résumé instructif groupe les résultats par périodes. En particulier, la natalité est devenue faible; c'est, on le conçoit, une situation grave. Cette statistique très complète est renvoyée au Comité de publication.
— La distribution des jetons de présence reste, pour raison budgétaire, suspendue par application de l'article 16 du règlement; mais, comme il a été déjà décidé, un exemplaire en bronze sera remis, à titre de souvenir, aux nouveaux membres venant prendre séance pour la première fois.
(Bull, mensuel n° 209, Décembre 1928.)
Séance du 27 Décembre 1928.
PRÉSIDENCE DE M. LE COLONEL DE MECQUENEM, PRÉSIDENT
La Société adresse ses félicitations à M. Joseph Mornet, promu lieutenant-colonel du génie, à la direction de Vincennes.
— M. le chanoine Vilaire signale l'apparition du premier volume du Journal de l'abbé de Véri (Paris, Taillandier). La biographie de ce personnage a été esquissée dans nos bulletins mensuels (nos 64 et 162). On sait les fonctions qu'il a remplies en Berry dans la seconde moitié du XVIIIe siècle; elles donnent un intérêt particulier à ses souvenirs, qui ont une grande valeur historique. Nous souhaitons que la publication entreprise par son arrière-petit-neveu, M. le baron Jehan de Witte, puisse être continuée. En attendant, notons ici la date exacte de sa naissance, 16 octobre 1724, et celle de son décès, 28 août 1799, au lieu d'avril 1724 et de 1802, relevés précédemment sur des indications non contrôlées.
— Le 4 décembre courant, une délégation de notre Bureau est allée complimenter M. A. Mornet, trésorier honoraire, à l'occasion du 60e anniversaire de son affiliation. Ce cycle, rarement accompli dans les sociétés savantes, l'est ici pour la première fois. Heureuse d'une circonstance aussi exceptionnelle, la délégation a chaleureusement félicité le vaillant octogénaire de sa fidèle collaboration aux travaux de la Compagnie et rendu un spécial hommage de reconnaissance au dévouement qu'il ne cessa d'apporter à la gestion de nos finances pendant près de cinquante ans. Le souhait de voir longtemps encore notre vénéré doyen à son rang d'honneur était accompagné d'un livre offert en souvenir de cette commémoration. M. Mornet, très touché des témoignages de sympathie dont la délégation s'est faite l'interprète, l'a priée d'agréer, pour elle et tous les absents, ses plus sincères remerciements confraternels.
M. le président, empêché de sortir par son état de santé, avait adressé à M. Mornet une lettre particulière pour s'associer à la démarche de la délégation du Bureau.
— Reprenant la question de l'établissement de la placé Berry, à Bourges, M. E. Turpin fait connaître que l'inscription tommémorative de 1736, dont M. le lieutenant-colonel Chenu a expliqué l'origine (Bull. mens. n° 200), se trouve consignée au registre des délibérations de l'Hôtel de Ville de l'époque (Arch. mun., BB 24), mais transcrite d'une manière qui, au point de vue chronologique, peut prêtera confusion. Le texte forme le corps d'une éphéméride datée du 26 janvier 1736, suivie de six autres concernant des mesures complémentaires d'exécution qui s'échelonnent jusqu'au 20 avril, avec référence implicite au millésime de la première.
Ainsi libellées, ces mentions se rapporteraient aux quatre premiers mois de 1736. Mais leur série est précédée de textes portant la date de décembre 1736, et la chronologie est, à leur suite, reprise au 27 mai 1737 pour se continuer jusqu'au 31 décembre de cette même année.
La concordance de leur millésime commun avec celui de l'inscription pourrait les faire considérer comme exactement datées et tardivement intercalées dans le registre, pour réparer un oubli. L'explication ne saurait cependant être admise. En effet, le prince de Chalais, énoncé dans le texte commémoratif comme contemporain de l'événement, ne fut nommé qu'au mois d'octobre 1736 gouverneur du Berry, en remplacement du marquis d'Arpajon, décédé; la preuve en est fournie par le registre même précité, où figurent, à leur rang chronologique, une lettre de la municipalité du 14 octobre complimentant le nouveau titulaire, et le remerciement de celui-ci daté du 21. C'est d'ailleurs en rappelant un acte qui venait de le nommer gouverneur et lieutenant général du duché de Berry, que des lettres de provision du 16 novembre 1736, dont l'original a été communiqué naguère par M. A. Dumonteil (Bull. mens. n° 55), constituèrent JeanCharles Talleyrand de Périgord de Chalais « capitaine gouverneur de la ville et tour de Bourges » pour « commander aux habitans et gens de guerre » et faire vivre les premiers « en bonne union et concorde les uns avec les autres » et les seconds « en bonne discipline et police ». Contrairement à une première indication, les deux charges cumulées ont ainsi fait l'objet de décisions distinctes, — les termes de celle cidessus analysée corroborant implicitement la date récente de l'attribution du gouvernement provincial, qu'il convient ici de bien déterminer.
On peut conclure que, pour dater la première des éphémérides en question (qui ne sont pas de l'écriture du scribe ordinaire), une plume non habituée au changement de l'année a repris par inadvertance le chiffre de 1736 en l'appliquant au 16 janvier 1737. Les travaux de transformation en place publique du petit jardin privé du palais Jacques-Coeur, établi sur le fossé de l'enceinte gallo-romaine, ont été exécutés vers la fin de 1736 ; le passage voûté aboutissant par un escalier à ce jardin a été, simultanément, livré à la circulation, afin de faciliter les communications avec les services municipaux installés dans le palais. Mais c'est seulement le 16 février 1737 (et non 1736, comme on l'a écrit) qu'eut lieu l'ouverture du marché aux volailles, transféré de la place insuffisante de la Croix-de-Pierre (aujourd'hui : De-LaBarre), après sa réglementation par une ordonnance de police du 4 du même mois, publiée le 9, le nom de Berry ayant été donné à la place le 31 janvier, en même temps qu'on apposait l'inscription en lettres dorées sur la grosse tour du palais.
L'abolition des titres monarchiques et nobiliaires, que cette inscription rappelait, devait la faire supprimer à l'époque révolutionnaire. Selon Hazé, elle aurait été effacée sauf la date et remplacée par le litre : Hôtel de Ville ; ce serait le cartouche ainsi modifié que l'on distingue comme plaque indicatrice au-dessus du perron du passage voûté, sur la façade ouest de l'édifice dessinée en 1736 et formant la planche 31 des Notices pittoresques, plaque enlevée en 1858 lors du transfert de la mairie rue de la Monnaie.
— Des travaux de restauration à la couverture du beffroi de Mehun-sur-Yèvre ont permis à M. Robert Gauchery d'étudier une curieuse cloche jusqu'à ce jour inédite.
Cette cloche a été fondue en 1394 pour servir de timbre d'horloge. Une inscription en capitales gothiques entoure le cerveau sur une seule ligne ; la lecture suivante en est proposée :
ILLUSTRISSIMUS PRINCEPS JOHANNES FILIUS REGIS FRANCIE DUX BITUR. ET ALVERNIE ME FIERI INSTITUIT AD NOTIFICANDUM HORAS DIEI ET NOCTIS. ANNO DOMINI M° CCC° IX° IIII°.
Trois fleurs de lis en exergue terminent cette inscription. Sur une deuxième ligne est le nom probable du fondeur ; Henry Groissano.
On ne connaissait que deux cloches restées des libéralités du duc de Berry : le timbre de l'horloge de la cathédrale de Bourges et la cloche de Notre-Dame d'Etampes (V. Mém. de la Soc. hist., année 1914). La cloche de Mehun en est une troisième que son accès impossible avait empêché de signaler.
Il est assez remarquable que ces trois cloches sont des timbres d'horloge. L'inscription de celle de Mehun est à rapprocher de celle de Poitiers, qui fut détruite en 1804.
(Bull, mensuel n° 210, Janvier 1929.)
Séance du 31 Janvier 1929.
PRÉSIDENCE DE M. LE COLONEL DE MECQUENEM, PRÉSIDENT
M. le président fait part à l'assemblée du décès de M. Baron, trésorier de la Société, et retrace en termes émus sa carrière. Né à Parthenay en 1864, Auguste-Alexandre Baron se tourna vers le commerce après l'accomplissement de son service militaire, et vint, peu après, se fixer à Bourges, où il se créa rapidement une situation en relief. Son expérience des affaires jointe à une haute probité le firent attacher au Tribunal de commerce à titre de syndic. Homme de progrès, très sympathique et d'un dévouement désintéressé, il fonda de 1900 à 1904 et dirigea longtemps ensuite plusieurs associations mutualistes devenues prospères.
M. Baron prêta son concours à diverses oeuvres économiques et prit activement part aux manifestations régionalistes. Pour l'ensemble de ses services civils, il reçut la rosette d'officier de l'instruction publique et la médaille d'or de la mutualité. Nous savions aussi particulièrement son goût des choses d'art, ses soins pour enrichir sa bibliothèque de vieux manuscrits et d'ouvrages intéressant le Berry, et pour se constituer une importante collection d'autographes. Entré dans notre Compagnie en 1924, il était des plus assidus à nos réunions, et nous présenta un premier essai historique ; il avait, depuis peu, assumé la charge de trésorier et la rem15
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plissait avec zèle. Toutes ces qualités justifient les regret que nous éprouvons de la perte de ce parfait confrère et que M. le président exprime en assurant sa famille de nos vives sympathies.
— Des félicitations sont adressées à M. Aupet, instituteur honoraire, nommé officier d'académie; à M. Magdelénat, récemment promu au grade d'officier de la Légion d'honneur, comme chef de bataillon de réserve du génie.
— L'assemblée générale approuve les comptes de l'année 1928 et le projet de budget pour l'année 1929. En 1928, l'excédent de recettes (5.365 fr. 63) sur les dépenses (4.089 fr. 20) s'est élevé à 1.276 fr. 43. Dans le projet de budget de 1929, l'excédent de recettes (4.966 fr. 43) sur les dépenses (4.877 fr. 33) s'élève à 89 fr. 10.
Il est procédé à la nomination des membres du bureau pour 1929.
Le scrutin donne les résultats suivants : président : M. le lieutenant-colonel Chenu; vice-présidents : MM. Gandilhon et le chanoine Vilaire ; secrétaires adjoints : MM. R. Gauchery et Bourdin ; trésorier : M. C. Labesse ; bibliothécaire-archiviste : M. des Chaumes ; Comité de publication : MM. Ponroy, Turpin, Dubois de La Sablonière.
M. le colonel de Mecquenem, président sortant, est nommé membre honoraire du bureau par acclamation.
— Le Comité du Vocabulaire berrichon, placé sous les auspices de la Société historique et objet d'une note insérée au bulletin mensuel n° 187 (oct. 1926), vient de se reconstituer. Le nouveau président, notre confrère M. l'abbé Adrien Millet, membre de la Société de linguistique de Paris, a obtenu, sur le rapport de M. Antoine Thomas, une subvention de 4.000 fr. de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres. Lecture est donnée de la circulaire par laquelle il fait appel à la collaboration de tous ceux qui s'intéressent à notre vieux langage, pour compléter, avec toute la précision désirable, les renseignements déjà fournis à l'ancien Comité, et aider le nouveau à établir les règles de la phonétique et de la grammaire berrichonnes et un lexique usuel avec un atlas de cartes des sons et mots jugés caractéristiques.
Des questionnaires, accompagnés d'instructions sur la méthode à suivre en vue de recueillir, à cet effet, les témoigna-
ges écrits, et surtout les témoignages oraux et vivants des indigènes ayant conservé ou connaissant de naissance le patois local, seront adressés aux personnes qui voudront bien accepter le rôle de correspondant du Comité. Les adhésions seront adressées à M. Alf. Gandilhon, l'un des viceprésidents du Comité, au bureau des Archives départementales du Cher.
(Bull, mensuel n° 211, Février 1929.)
Séance du 28 Février 1929.
PRÉSIDENCE DE M. LE LIEUTENANT-COLONEL CHENU Président.
Le président remercie la Société de la marque de confiance qui lui a été donnée par le fait de son élection ; il profite de la circonstance pour exprimer quelques vues personnelles sur le recrutement et, la tenue des séances de la Compagnie. Il fait appel, en particulier, à l'aide de tous les concitoyens instruits susceptibles d'augmenter le nombre des auteurs de mémoires, et pense que les communications gagneraient à être variées et exposées avec une certaine animation. Il termine en marquant notre gratitude à l'égard du président sortant, en raison du zèle qu'il a déployé pendant les trois années écoulées.
— La Société regrette vivement la perte du Dr DéribéréDesgardes, membre titulaire depuis 1908, décédé subitement le 17 février dernier, à l'âge de quarante-huit ans. Ce dernier avait présenté diverses communications d'ordre historique, dont nos bulletins mensuels, depuis 1909, portent la trace. Indépendamment de mémoires de botanique lus à la Société botanique des Deux-Sèvres et à la Société botanique de France, il avait publié plusieurs notes dans la Revue du Berry (sur la construction d'un bâtiment de Saint-Sulpice de Bourges; principaux pouillés du diocèse de Bourges; abjurations protestantes à Argenton) et fait paraître quelques
observations dans les bulletins de la Société des Antiquaires du Centre et de la Société d'émulation du Bourbonnais. Il avait enfin entrepris un Catalogue des ouvrages manuscrits relatifs au Berry existant dans les divers dépôts publics des départements. Sa sympathie à notre égard n'était pas douteuse : il l'avait prouvée récemment par le rachat de ses cotisations.
— Des félicitations sont adressées à M. Arsène Mellot, ancien instituteur, nommé officier d'Académie.
CORRESPONDANCE. — Demande d'abonnement à la Revue du Centre, présentée par le directeur de cette revue, M. Henri Chomet, et accompagnée de l'envoi d'un numéro spécimen. Il est donné satisfaction à cette demande.
PUBLICATIONS REÇUES. — a) Echange. — Bulletin des Antiquaires du Centre, n°s 1 et 2 : note de M. M. de Laugardière sur l'inscription funéraire de Jean Béguin.
Dépêche du Berry, mois de février 1929 : article de M. Raoul Toscan sur Fanchy.
Mémoires des Antiquaires de France (1924-27) : article de M. Jean Hubert, sur le bréviaire parisien jadis donné à la bibliothèque de Chàteauroux par M. Bourdillon.
Bulletin trimestriel (1928, 1er et 2e trim.) et Mém. (t. XLII1) des Antiquaires de Picardie.
Bulletin de la Société d'émulation du Bourbonnais, année 1928 : note de M. F. Milton sur G. de Marcillat, peintre verrier, né à La Châtre en Berry.
Proceedings of the American philosophical Society (Philadelphia), 1928, n° 3.
b) Dons. — Notice sur E. Chénon, par M. D. Boisdon ; Le testament de Pierre de Chazeray, par M. de Fumichon. Des remerciements sont adressés à ces deux confrères.
ADMISSION DE NOUVEAUX MEMBRES. — M. le chanoine Armand Tulard, 11, rue Joyeuse, à Bourges, présenté par MM. Vilaire et Augé, est élu membre titulaire. Deux autres nouveaux membres titulaires sont présentés ; le vote sur leur admission aura lieu dans la prochaine séance.
COMMUNICATIONS. — M. MARTIN donne lecture d'un mémoire relatif à quelques plantes trouvées dans les camps améri-
cains du Berry. Ces camps sont ceux de Beauvoir près Mehun, de Foëcy, de Montierchaume près Châteauroux.
En même temps, il présente des spécimens des espèces les plus intéressantes. Une trentaine de plantes rares ou très rares en Berry y ont été observées. Ce qui est plus extraordinaire, c'est d'avoir trouvé là huit espèces non encore signalées comme appartenant à la flore du Cher. Ce sont : Trifolium retupinatum L. — Trijolium Michelianum Savi. — Astragalus onobrychis L. — Potenlilla inclinata Vill. — Stenactis annua Nées. — Ambrosia artemisiaefolia L. — Allium angulosum L. et Sisyrinchium Bermndianum L. Cette dernière est certainement la plus curieuse. C'est une Iridacée originaire des îles Bermudes ; elle a des fleurs bleu ciel extrêmement délicates, se fermant au soleil.
Quelques-unes de ces plantes : Stenactis, Ambrosia, Sisyrinchium, ont fort probablement pour origine des graines amenées en France par des transports américains ; l'Astragalus et le Potentilla sont des plantes de montagnes; quant aux autres, Trifolium, Allium, etc., elles ont déjà été observées dans des départements peu éloignés du nôtre.
Il sera intéressant de constater quelles espèces, parmi celles signalées ci-dessus, ont persisté, trouvant chez nous un sol, un climat, un habitat favorables à leur développement.
— Comme suite à l'étude de M. des Chaumes sur l'inscription numérale de la Sainte-Chapelle (Bulletin n° 206), M. M. DE LAUGARDIÈRE rapproche cette dernière d'une inscription parisienne similaire (Bull. Antiq. de France de 1927, p. 161), et déchiffre divers cryptogrammes contenus dans la première. La note de M. de Laugardière est renvoyée au Comité de publication.
— M. le lieutenant-colonel CHENU mentionne, d'après le Bulletin archéologique de 1911 (p. 257), l'existence au XVIe siècle d'un fondeur de cloches originaire de la Lorraine, appelé Croissant (Claude); il est vraisemblable qu'il était de la même famille que le personnage dont le nom est inscrit sur la cloche de Mehun, décrite par M. R. Gauchery dans notre bulletin mensuel n° 210.
— Il fait ensuite circuler le dessin d'une pierre armoriée (h = 0m125, 1 = 0m 11) provenant de la démolition de la maison portant le n° 6 de la place Montaigne, où elle était insérée dans une arcade. L'écu, du XVIe siècle, porte des traces
de peinture. Toutes réserves sont faites cependant sur les véritables couleurs des émaux du blason : de gueules au chevron d'or, accompagné en chef de deux roses, et, en pointe, d'une larme du même. Ces armoiries n'ont pas été identifiées. La pierre appartient à M. Gautier, entrepreneur.
QUESTIONS DIVERSES. — M. des Chaumes demande que la Société historique manifeste, dans l'enquête en cours à la mairie au sujet du projet d'embellissement de la ville de Bourges, son désir de voir disjoindre du projet précité la question du dégagement de la cathédrale. Il en est ainsi décidé, et le président se rendra à cet effet auprès du commissaire enquêteur.
(Bull, mensuel n° 212, Mars 1929.)
Séance du 28 Mars 1929.
PRÉSIDENCE DE M. LE LIEUTENANT-COLONEL CHENU Président.
En ouvrant la séance, M. le président prononce les paroles suivantes :
« La mort frappe avec force dans nos rangs, et n'épargne pas les meilleurs. A peine fermée la tombe du docteur Déribéré-Desgardes, voici un autre travailleur qui succombe, le véritable animateur de notre Société, l'érudit modeste et désintéressé que fut Emile Turpin. Il est décédé le 21 mars dernier, après une très courte maladie, à l'âge de soixantedix-sept ans.
« Mon état de santé ne m'a pas permis de lui rendre, au jour de ses obsèques, le suprême hommage. Qu'il me soit donné au moins de rappeler dans cette enceinte ce qu'il fut.
« Enfant du Sancerrois, il entra de bonne heure dans l'administration préfectorale, où il gravit tous les échelons de la hiérarchie, y accomplissant ponctuellement tous les devoirs de sa charge. Quand la guerre mondiale éclata, alors
qu'il était à la retraite, ses anciens supérieurs ne firent pas en vain appel à son aide, et il apporta à nouveau à l'administration, pendant toute la durée de la crise, qui n'épargna pas, hélas! ses affections privées, tout le concours qu'on attendait de lui.
« Mais, heureusement pour nous, ses fonctions publiques ne le prirent pas tout entier. Membre titulaire de notre Société dès l'année 1885, il était devenu le vice-doyen de notre Compagnie. Il ne nous donna d'abord que des poésies, dont les unes ne manquent pas de charme et de fraîcheur (relisez la ballade d'avril), et dont les autres sont animées d'un sentiment patriotique élevé ; puis, à partir de 1903, et d'une manière ininterrompue, jusqu'à son décès, il écrivit des études historiques, linguistiques et archéologiques relatives à notre pays, toutes caractérisées par une forte documentation et le souci de ne laisser dans l'ombre aucun point du sujet traité.
« Je n'établirai pas aujourd'hui la liste détaillée des oeuvres de ce genre publiées par notre confrère, soit dans nos mémoires, soit dans nos bulletins. Il suffit de rappeler qu'il s'y fit particulièrement connaître par deux travaux importants sur Les vignes et les vins du Berry et sur Les mesures à grains de notre province. Depuis une quinzaine d'années, il faisait aussi partie, comme associé libre, de la Société des Antiquaires du Centre, à laquelle il adressa quelques communications Ses études furent remarquées par le Comité des travaux historiques, qui le nomma son correspondant, et auquel il présenta une note sur une page des mémoires de Commines. Vous deviez, à votre tour, manifester votre admiration pour la valeur de ces labeurs, et l'appeler à vous présider à trois reprises; et vous étiez si satisfaits de le voir à votre tête que, lors du dernier renouvellement où il fut élu, il fallut un peu faire violence à sa bonne volonté. Il accepta, donnant ainsi le témoignage d'une belle marque de dévouement qui porta ses fruits, tant par la reconnaissance d'utilité publique de notre Société, qu'il poursuivit avec ténacité, que par l'accroissement du nombre des adhérents, qu'il savait recruter avec beaucoup d'habileté.
« C'est qu'on ne saurait trop le répéter : Emile Turpin adorait notre Société, à laquelle il consacra un mémoire susceptible de la mettre en valeur à l'égard du public, et nous ne pouvons que lui être profondément reconnaissants de cet amour. Notre ancien président ne se contentait pas de payer
de sa personne pour donner de l'animation à nos séances; il provoquait les recherches de ses confrères, et leur venait en aide avec la plus grande complaisance, en mettant à leur disposition la multiplicité de ses connaissances et les trésors de sa vaste bibliothèque.
« Vous voyez combien est grand le vide que sa disparition cause parmi nous. Et ce n'est pas sans une certaine appréhension que, pour la présidence, je me sens manquer à l'avenir des conseils de sa vieille expérience et des avis amicaux dus à sa bienveillance. Pourquoi faut-il, hélas ! que la mort impitoyable soit venue si brutalement, si soudainement, interrompre le cours de jours aussi respectés, et aussi chers à tous ceux de nous qui l'approchaient?
« Conservons, Messieurs, pieusement la mémoire de cet homme, dont la vie, toute de dignité, de devoir, d'abnégation, mérite de servir de modèle à ses successeurs. Ayons le courage, comme lui, de raviver la flamme du flambeau de la science dès qu'elle paraît s'affaiblir; suivant l'expression même d'une de ses poésies,
Marchons vers le but sans repos, Sous les tempêtes passagères,
et exprimons à sa famille toute la sincère affliction que nous cause une perte aussi déplorable. Puisse l'unanimité de nos regrets, image de la haute estime dans laquelle nous tenions tous notre confrère, être un adoucissement à sa douleur ! »
Ces paroles reçoivent l'approbation des membres présents.
CORRESPONDANCE. — M. R. Toscan demande s'il a été publié une étude sur Macé, de La Charité-sur-Loire (Raynal, II, 354). Aucune réponse positive n'a pu être donnée immédiatement.
ADMISSION DE NOUVEAUX MEMBRES. — M. Louis Baron, directeur d'assurances, 37, rue des Arènes, et M. Maurice de Bengy-Puyvallée, archiviste-paléographe, 2, rue Coursarlon, à Bourges, présentés respectivement par MM. Chenu et Turpin, Gandilhon et de Laugardière, sont élus membres titulaires.
COMMUNICATIONS. — M. P. DUBOIS DE LA SABLONIÈRE lit un mémoire sur Une élection dans le Cher sous la Restauration
(1824), suivi d'une note biographique sur les députés élus. Ce mémoire est renvoyé au Comité de publication.
— M. GANDILHON attire l'attention de la Société sur la forme des fonts baptismaux de l'église d'Argenvières, desquels il y a peut-être lieu de rapprocher, dit-il, ceux qui ont été signalés par Buhot de Kersers à Jouy et à Chassy. Ces fonts baptismaux d'Argenvières se composent de deux cuvettes circulaires; ceux de Jouy, d'une cuvette principale circulaire et d'une cuvette secondaire de forme carrée; enfin, ceux de Chassy, de trois trous rectangulaires. Buhot de Kersers, qui les a décrits et en donne une reproduction (cf. Statist. mon. du Cher, VI, 260 et pl. I, fig. 1 ; VII, 157 et pl. I, fig. 7 et 8; I, 215 et pl. XII, fig. 5), n'indique pas le motif pour lequel ils comprennent plusieurs cavités alors qu'habituellement les fonts baptismaux n'en comptent qu'une seule. Un texte du XVIe siècle, commenté récemment par R. de Lasteyrie (Archilect. relig. en France à l'époque goth., t. II, p. 504), fournit l'explication. Anciennement, comme les enfants étaient présentés nus au baptême, on évitait, grâce à une seconde cuvette, s'ils venaient à émettre un peu d'eau, qu'elle se mêlât à l'eau du baptême.
Plus tard, le clergé ayant combattu l'usage de déshabiller les enfants et l'habitude ayant prévalu au XVIIe siècle de les laisser enveloppés dans leurs langes, ces cuvettes devinrent inutiles et passèrent de mode. La forme des fonts baptismaux d'Argenvières est d'autant plus curieuse qu'ils ont été fabriqués, comme l'indique leur date de 1685, à une époque où, si l'on s'en rapporte au Manuel sacerdotal d'André Fremiot, archevêque de Bourges, paru en 1616 (p. 12), l'on avait cessé depuis longtemps de présenter au baptême les enfants dévêtus.
— M. R. GAUCHERY présente la photographie d'une cheminée du XVIe siècle, avec écusson martelé (supports : deux femmes à la chevelure tombante), existant dans l'école maternelle (1, rue Mirebeau) qui est sur le point de disparaître, et le croquis du puits aux armes des Mercier, encore subsistant dans l'enclos de Tivoli. Cet enclos est actuellement livré au service des Domaines.
QUESTION POSÉE. — M. des Chaumes signale l'existence d'un manuscrit appartenant à M. J. Pierre, président de la
Société académique du Centre, qui donne le tracé de divers cadrans solaires construits pour la latitude de Bourges, et en particulier de celui qui correspond à la division du jour en vingt heures, d'après le système décimal de division du temps adopté par la Convention le 5 octobre 1793. Ce travail porte la date du 15 ventôse an VII (5 mars 1799). Le cadran en question fut-il réalisé et pourrait-on en citer un exemplaire existant dans la région de Bourges?
PUBLICATIONS REÇUES. — Bulletin de la Société des Antiquaires de l'Ouest (1928, 4e trim.).
(Bull, mensuel n° 213, Avril 1929.)
Séance du 25 Avril 1929.
PRÉSIDENCE DE M. LE LIEUTENANT-COLONEL CHENU Président.
CORRESPONDANCE. — Mlle E. Turpin a écrit deux lettres, dont l'une personnelle au président, en remerciement du souvenir que la Société a donné à la mémoire de son père, et des paroles prononcées lors de la dernière séance.
ADMISSION D'UN NOUVEAU MEMBRE. — M. Lucien Rollin, clerc de notaire, 9, avenue Jean-Jaurès, à Saint-Amand-Montrond, présenté par MM. Godon et Villetard, est élu membre titulaire.
COMMUNICATIONS. — M. le lieutenant-colonel CHENU donne lecture d'une intéressante étude sur les Fouilles de l'immeuble Aubrun, rue Moyenne, et sur Quelques galeries souterraines de Bourges.
Cette étude peut être résumée ainsi qu'il suit :
Les fouilles effectuées en 1928, à l'emplacement de l'immeuble Aubrun rue Moyenne, ont donné, en ce qui concerne les objets mobiliers retrouvés, d'assez maigres résultats.
Il n'y a guère à signaler que des fûts de colonnes brisés, probablement d'époque romaine; trois ou quatre monnaies
(grands bronzes) de la même époque ; un mortier en pierre semblable à celui qui a été recueilli par M. Ponroy à Quincy et est conservé chez ce dernier; quelques rares poteries, dont un lumignon à pointe assez curieux, destiné à être piqué en terre ou dans une matière molle, et qui est soumis à l'examen de la Société.
Par contre, au point de vue substructions, les traces relevées d'anciens travaux ont été assez nombreuses. Dans le coin sud-ouest de la fouille, à 3 ou 4 mètres de profondeur, on a rencontré des pans de mur d'époque romaine, puis, à 9 mètres environ de profondeur, des galeries, d'un type fort répandu à Bourges. Le plan, levé par les soins de M. Pascault, architecte, en est présenté. Ce sont des galeries voûtées de 2 mètres en moyenne de hauteur, renforcées de temps en temps par des arcs doubleaux, et sur lesquelles se greffent, généralement à angle droit, d'autres courtes galeries.
Ces galeries rencontrent deux puits, sur lesquels elles prennent jour par l'intermédiaire de petites fenêtres; on note dans l'une d'elles une niche de 0m65 de côté, qui présente l'aspect d'une sorte de placard.
M. Chenu rapproche ces galeries d'autres galeries découvertes antérieurement à Bourges, et dont il fait circuler les levés : galeries du Comptoir d'Escompte et de l'Hôtel des Postes, non maçonnées, et ayant l'aspect de galeries de carrière; galeries de la maison qui porte le numéro 6 de la place Etienne-Dolet ou de l'immeuble qui est situé au fond de la rue de l'Equerre, dont seulement l'accès aux galeries hon maçonnées a été voûté (voir étude de Thiollet, dans le compte rendu du Congrès archéologique de 1849); enfin, galeries reconnues par M. Paul Gauchery sous les maisons qui portent les n°s 21 et 23 de la rue du Commerce et sous l'hôtel Jacques Coeur (Mém. Antiq. du Centre, XXXVII, p. 233, et XXXVIII, p. 173), et galeries dites de Saint-Guillaume, relevées en 1864 par Bourdaloue, entre l'ancien archevêché et l'escalier dit de Saint-Guillaume, ces dernières de construction tout à fait semblable à celles de l'immeuble Aubrun.
M. Chenu rappelle ce qui a été écrit sur ce type de galeries. Deux théories ont été exposées. Pour les uns (MM. de Kersers, des Méloizes, Ad. Blanchet), il s'agit de carrières, dont certaines remontent à l'époque gauloise, et qui ont été consolidées, améliorées progressivement, et transformées en refuges et en magasins. Pour M. P. Gauchery, ces galeries ont dû
être faites, dès l'origine, pour servir de refuges ou de magasins, la matière extraite (tuf) n'ayant pas valu le prix du travail employé à l'extraire.
Sans oser prendre parti d'une manière ferme sur la question, M. Chenu pense que l'opinion de M. Gauchery est encore très défendable. Il rapporte d'ailleurs qu'aucun document écrit n'a fait connaître l'emploi de ces galeries, et qu'en l'absence d'objets mobiliers retrouvés, c'est seulement de l'étude du mode de construction de ces divers souterrains que l'on peut tirer des conclusions, plus ou moins hypothétiques, sur leur origine et leur but.
— M. Robert GAUCHERY a reçu de M. Gauthier, entrepreneur,
entrepreneur, pierre sculptée dont le dessin, reproduit ci-contre, a été présenté dans la séance du 28 février dernier. M. R. Gauchery se propose de la donner au Musée du Berry.
PUBLICATIONS REÇUES. — Revue de Sainlonge et d'Aunis (XLIIIe vol., 5e et 6- liv.).
Mémoires de la Société académique de l'Aube (t. XCI, année 1928) : lettre du commandant
Quenedey, sur les maisons anciennes en bois de Troyes, tout à fait applicable aux maisons similaires de Bourges.
Société nivernaise (années 1928 et 1927, 2e fasc).
Revue des éludes historiques (janv.-mars 1929).
Mémoires de la Commission des antiquités de la Côte-d'Or (oct.-déc. 1926).
Bulletin de la Société des lettres, sciences et arts de la Corrèze (janv.-mars 1929) : mémoire de notre confrère Callon sur les variations de la population pendant la période 1820-1921.
Revue du Centre (janv.-févr. 1929).
Dépêche du Berry : articles de R. Toscan sur Macé, curé de Sancoins, et sur Enrielh (Lemeuthe), poète de Baugy.
(Bull, mensuel n° 214, Mai 1929.)
TABLE DES MATIÈRES
PAGES
Liste générale des Membres de la Société V
Liste des Sociétés correspondantes XV
Objets trouvés dans les fouilles du Crédit Lyonnais, place Cujas, à Bourges, par MM. L. BOURDIN et P. CHENU (2 gravures) 1
Histoire des corporations et confréries d'arts et métiers
de Bourges (suite), par M. Hippolyte BOYER . ... 11
Le cadran solaire de l'Atelier de Construction d'artillerie de Bourges, par M. Charles de MECQUENEM (2 gravures) 105
Dictionnaire topographique du département du Cher, par M. Hippolyte Boyer; revu et publié par M. Robert Latouche. — Compte rendu, tableaux rectificatifs, par M. Emile TURPIN 123
Notes de numismatique et de sigillographie. — Note
n° 1, par M. P. CHENU (1 gravure). . 146
L'inscription numérale de la Sainte-Chapelle de Bourges, par M. P. DES CHAUMES 163
Le cryptogramme de la Sainte-Chapelle, par M. Maurice
DE LAUGARDIÈRE 173
Le franc-alleu du Pezeau et son inféodation au comté
de Sancerre, par M. E. GODON (1 gravure) 177
Bulletins mensuels de la Société, séances du 28 juillet 1927 (n° 197) au 25 avril 1929 (n° 214) 195
BOURGES, IMP. DUSSER ET LARCHEVÊQUE