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Titre : Bulletin / Union Faulconnier, société historique de Dunkerque

Auteur : Union Faulconnier (Dunkerque, Nord). Auteur du texte

Éditeur : (Dunkerque)

Date d'édition : 1930

Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb343772662

Notice du catalogue : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/cb343772662/date

Type : texte

Type : publication en série imprimée

Langue : français

Langue : Français

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Description : 1930

Description : 1930 (T27,FASC111)- (T27,FASC115).

Description : Collection numérique : Fonds régional : Nord-Pas-de-Calais

Droits : Consultable en ligne

Droits : Public domain

Identifiant : ark:/12148/bpt6k55450760

Source : Bibliothèque nationale de France, département Philosophie, histoire, sciences de l'homme, 8-LC21-170

Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France

Date de mise en ligne : 03/01/2011

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SOCIÉTÉ

Historique et Archéologique DE DUNKERQUE ET DE LA FLANDRE MARITIME

FONDEE LE 3 AVRIL 1895

BULLETIN

Tome XXV — Fascicules III à 115

1930

DUNKERQUE

Imprimerie du NORD MARITIME, 30 et 32, Place Jean Bart


AVIS

Le Bulletin de la Société ne paraît plus en fascicules isolés, mais sous forme de volumes qui seront annuels et deviendront semestriels dès que les circonstances le permettront.

Les Auteurs des mémoires insérés dans le Bulletin recevront gratuitement quinze exemplaires tirés à part, mais seulement sur leur demande expresse.

Ceux qui en désireraient un plus grand nombre à leurs Irais sont priés de l'indiquer sur leur manuscrit.

La Société n'est pas responsable des opinions émises par les auteurs dont les travaux sont insérés dans le Bulletin. Elle se réserve les droits de traduction et de reproduction.


SOCIÉTÉ

Historique et Archéologique DE DUNKERQUE ET DE LÀ FLANDRE MARITIME

FONDÉE LE 3 AVRIL, 1895

BULLETIN

Tome XXVII — Fascicules 111 à 115

1930

DUNKERQUE Imprimerie du NORD MARITIME, 30 et 32, Place Jean Bart



BULLETIN

DE

L'UNION FÂULCONNIER





Le Beffroi de Bergues et l'ancien Hôtel de Ville

Les archéologues ne sont pas d'accord sur l'âge du beffroi de Bergues. Les uns font remonter sa construction à la fin du XIVe Siècle (1), .après l'incendie de 1383 ; d'autres admettent une date plus rapprochée de nous (2), le XVe et même le XVIe.

Essayons d'apporter quelques précisions sur le sujet, en faisant appel à la fois aux données historiques, cartographiques et artistiques". Nous savons qu'en septembre 1383, la ville de Bergues fut prise et incendiée par les Français, après avoir été pillée par les Anglais.

Le roi Charles IV y entra le lundi 7 Septembre et y fit mettre le feu. Un témoin oculaire, Thomas de Bergues, religieux du monastère de Saint-Winoc a écrit une relation, dont quelques lignes nous ont été conservées par l'annaliste Meyer. L'abbaye de Saint-Winoc, l'église Saint-Pierre et le cloître des Dominicains furent seuls préservés de la destruction; le reste fut anéanti.

Il est certain que le beffroi et la maison de ville (Stadthuys) furent reconstruits assitôt. Une cloche inaugurée en 1782 porte une inscription en flamand, dont voici la traduction : « Mon nom est cloche de Ban ; tel. était aussi le nom de ma mère âgée de 222 ans, et de ma grand'mère âgée de 177 ans ». La mère datait donc de l'année 1383 (3).

(1) Mgr Dehaisnes, Le Nord monumental (1897), et Notices .descriptives sur les monuments, historiques conservés dans le déportement du Nord, (Lille 1894), p. 65.

(2) Enlart. —Manuel d'Archéologie, t. H,, p. 313-314 ; Contenein, Art. au T. II du Bulletin de la Commission historique du Nord ; Fernand Beaucamp. — La Flandre et l'Artois, Recueil de documents sur l'architecture civile (1923) p. 1 et pl.

(3) Les archives de Bergues possèdent une quittance datée du 22 avril 1391 de la somme de 1500 livres pour fourniture de la cloche suspendue au Beffroi (D D. liasse 128-68 de l'inventaire imprimé).


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Ce sont ces mentions qui ont décidé Dehaisnes à indiquer la date de 1383 comme étant probablement celle de la construction du Beffroi. Mais son choix entre les années 1383 et 1560 est arbitraire, et en se basant sur cette inscription, il n'existe pas plus de raisons pour assigner au Beffroi la date de 1383 que celle de 1560.

À cette dernière date, Bergues se relevait à peine de ses ruines. Pendant la campagne de 1558, elle avait été de nouveau mise à sac et incendiée. Les troupes françaises, après avoir repris Calais (janvier 1558) aux Anglais, avaient marché sur Dunkerque qui n'avait pas tardé à capituler (juillet 1558) (1). Voici d'après le chroniqueur Brésin, qui était probablement un des religieux de l'abbaye de Watten, ce qui se passe à Bergues.

« Sitôt que les habitans de la ville de Berghes-Saint-Winoc entendirent la prinse de Dunguerque (2), quy n'est distante que de deux petites lieues, ilz chargèrent tant comme ils peurent de leur bien, tant par eaue comme par terre, et se retirèrent à Ypres, Saint-Aumer, Cassel et autres divers lieux ou païs de Flandres, habandonïtans leur ville, quy demeura encores bien garnie de tous biens, à raison que ne leur avait esté possible tout charger.

« Cy tôt après entrèrent en icelle ville quelque nombre de Flamens, levez d'alentour de Casel, pour garder caste place, lesquels le lundi IIIIeme jour dudit mois (3), voyant 40 ou 50 chevaux français voltiger alentour de la ville du costé de Dunquerque, ilz pillèrent et prindreut tout ce qu'ilz peurent emporter, et, habandonnans la place, ilz se retirèrent d'icelle par la porte vers Honscotte et vers Gassel, au moïen de quoy, sitôt que les Français en approchèrent, ils entrèrent dans la ville sans quelque résistance et pillèrent ce quy estoit demeuré, trouvans encore plusieurs céliers plains de bures, fromages et semblables victuailles.

« Et lendemain Veme dudit mois, environ deux heures après midy, brusllèrent quasy de tout icelle Ville, avec les églises de Saint-Martin et de Saint-Pierre, et le monastère de SaintWignoc, et lors firent courses jusques à Honscoote, quy est un gros bourgage en forme de bonne ville, lequel estoit du tout habandonné du peuple, mais n'y firent aucun arrest ny pillage, craindant les embuscades des Flamens, ainsi retournèrent audit lieu de Berghes, puis en leur camp près Dunquerque ».

La VLAAMSCHE KRONYK et deux chroniques de Bergues, dont l'une est en flamand, nous apprennent que, outre l'abbaye de Saint-Winoc et les églises paroissiales, tout

(1) Dr Lemaire. — Histoire de Dwnherque, p. 91.

(2) Par le Maréchal de Termes.

(3) De Juillet.


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fut brûlé et ruiné : cloîtres, hôpital, Landshuys ou maison de la châtellenie, maisons particulières à l'exception de dix sept seulement (1).

La maison de ville, le Stadthuys, qui était au pied du Beffroi et qui comprenait notamment la chambre échevinale, la cuisine avec son argenterie, le comptoir secret, où se trouvait une'armoire renfermant les privilèges de la ville, eut le même sort. Si l'on en croit l'auteur anonyme de la CHEONYCKE VAN BERGEN ST-WINNOCK que cite M. l'Abbé Harrau (2), « tous les documents et registres, tant de la châtellenie que de la ville, furent brûlés en 1558 avec les bureaux, à l'exception des registres des orphelins de Bergues, qui étaient en haut de la maison de ville, dans une petite chambrette, qui avec la tour resta- non endommagée par l'incendie ». Ainsi, d'après ce texte, le Beffroi aurait été préservé. Mais l'auteur de cette chronique — peut être un religieux capucin de Bergues — ne la rédigea qu'entre les années 1627 et 1647, c'est-à-dire 69 ans au moins après les événements. Il a pu se tromper sur ce point, comme il se trompe quand il avance que les documents des archives furent brûlés. Lors de la menace d'un siège, ils furent rethés du comptoir de l'Hôtel de Ville et envoyés à Bruges où. ils restèrent juqu'en 1559 (3). Ils sont actuellement conservés dans le dépôt des archives communales. Aussi ne faut-il pas faire grand cas du renseignement que donne cette chronique.

Il n'en est pas de même pour un document -officiel de l'année 1558. A la fin de cette année, le Magistrat de Bergues demanda au Gouvernement de Bruxelles l'autorisation de vendre trois terrains, où se trouvaient des édifices incendiés, pour employer les deniers provenant de cette vente à la restauration et à la reconstruction des portes complètement ruinées, et des édifices, tels que les écoles, la maison de ville, le Beffroi. Le Bureau

(1) Vlaamsche Kronyk, édition Piot, dans son édition des Chroniques de Brabant et de Flandres (1879), p. 321.

Voir aussi : Bulletin du Comité flamand de France, tome IV, p. 140, et Mémoires de la Société dunkerquoise, t. VIII, p. 358. , (2) Abbé Harrau. — Histoire- de Bergues 1906, T. I, p. 62.

(3) D'après les notes de Vernimmen de Vinckhof, qui uous ont été aimablement communiquées par M. l'Abbé De Croocq, auquel nous adressons tous nos remerciements.


des finances accéda à cette demande le 37 janvier 1559 (1)

Il est donc certain que le Beffroi fut atteint par l'incendie comme les autres édifices, niais on ignore quelle fut la gravité des dégâts. Lés Archives de Bergues possèdent divers projets pour la reconstruction du Landshuys et du Stadthuys (2), et un dessin .à la plume, daté .de 1559, donnant au recto le plan en élévation, et au verso le plan horizontal d'un campanile pour le Beffroi. (3) Il ne s'agit pas d'ailleurs du campanile que nous connaissons.

Vers la même époque, le Magistrat se préoccupe de laquestion des cloches et du. carillon. (4) D'après le compte de l'année 1560, la grande cloche du ban fut refondue par Me Jean Handebert avec onze petites cloChes.

Nous possédons les plans des villes des Pays-Bas, levés entre 1550 et 1565 par Jacques de Deventer. Son plan de Bergues donne l'aspect de la ville ayant le sac de 1558, fort probablement. Nous constatons que le Beffroi se présente avec ses éehauguettes, comme aujourd'hui, mais il se termine par une flèche pyramidale et non par un campanile.

Il est donc probable que toute la partie supérieure du Beffroi fut en 1558, la proie des flammes, et que l'on remplaça la flèche qui le surmontait par un campanile.

Nous serions fixés à ce sujet, si la DESCRIPTION 1 DE TOUS LES PAYS-BAS par Guichardin était pourvue d'une planche pour Bergues; mais il n'en existe pas, car à l'époque où parut l'édition d'Anvers, en italien, la ville de Bergues était en pleine reconstitution. (5)

Toujours est-il que le Beffroi ne prit son aspect actuel qu'en l'année 1627. C'est, eneffet, à cette époque que

(1) Arch. Bergues, DD. liasse 128 (68 de l'inventaire imprimé)

(2) Ibidem, DD. liasse 129 (69 de l'inventaire 'imprime).

(3) Archives de Bergues, DD. liasse 128.

(4) Ibidem, DD. liasse 128 et notes de Vernimmen.

(5) Edition en italien, '(Anvers 1567) ; édition en français (Anvers 1568). Dans cette dernière on lit à la page 305 : ce Bergues aussi (comme Dunkerque) tomba l'année mesme de 1558 en très grand désarroy ; car ayant esté prinse par lesdits français; elle .fut saccagée et misérablement' bruslée, et détruite. Néanmoins à présent se va restaurant de bonne sorte " Dans d'édition de 1582, p. 383, on lit « ...à présenton la rebastit èt répare en grande diligence et avec extrêmegaillardise ».


Projet de Campanile 1559 (dessin à la plume)

Arch. Bergues DD. liasse 128


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l'on construisit la lanterne en bois, couverte d'ardoises, et surmontée d'un lion 'doré, ainsi que la plate-forme en plomb. Le tout coûta la somme de 26.792 livres, 15 sols. La même année fut posée par Me Jean Blanpain, de Samt-Omér, une nouvelle horloge avec sonnerie. (1)

Le plan de Jacques de La Fontaine, qui se trouve dans les ouvrages de Blaeu et de Sanderus, nous montre le Beffroi avec le couronnement bulbeux-que nous lui connaissons.

En somme, il apparaît nettement que le Beffroi de Bergues a subi au cours des âges plusieurs remaniements et. modifications. Les renseignements . ci-dessus puisés dans les documents historiques et inconographiques, sont de plus confirmés par un examen des formes et de l'appareillage du monument.

Au sujet des formes, on constate qu'il n'existe pas d'unité absolue dans le caractère des parties de la Tour. Alors que lés parties- inférieures accusent un style nettement vertical, composé d'arcatures et de remplages nombreux et étroits, aux formes sèches, les parties supérieures présentent .un système de remplages beaucoup plus larges. Les tourelles, de forme octogonale, et de proportion un peu lourde, reposent sur des souches moulurées épaisses et compliquées qui paraissent d'un style gothique tardif. Enfin, le couronnement des échauguettes, au-dessus de la frise et du glacis mouluré qui la surplombe, semble avoir été construit après coup, pour recevoir les quatre clochetons bulbeux placés aux angles du Beffroi. Là encore le style s'abâtardit, et les éléments gothiques : profils, tracé des arcs brisés, mouluration, semblent de la dernière époque gothique en Flandre, c'est-à-dire du XVIIe Siècle.

Si l'on examine avec soin l'appareillage de la Tour, de la base au faîte, on constate que dans la partie inférieure jusqu'au 4e cordon mouluré, il présente un aspect fortement usé.

Dans la partie qui suit, jusqu'à la base des échau(1)

échau(1) de l'année 1628, d'après les notes de Vernimmen.

La somme de 26.792 livres n'a pas dû être dépensée uniquement pour la plate-forme et la lanterne on bois. Ce chiffre paraît trop élevé pour que dans les travaux n'ait pas figuré la maçonnerie de la partie la plus élevée du Beffroi, sur-tout si l'on tient compte qu'il s'agit d'un appareil de briques fabriquées sur place et non de pierres, dont le transport aurait été coûteux.


A. Befroy.

B. Prison de police.

D. Corps de garde.

E. Corps de garde de l'Officier.

F. Boucherie.

G. Magasin de l'Artillerie.

H. Allaiet Escalier du Befroy.

Escalier des Orfèvres et Jeaugeurs.

K. I.aterine.

L, Galerie.

C. Escalier de l'Artillerie.

Plan au Rez-de-Chaussée d'un nouveau Magasin projeté à construire pour Boucherie, Artillerie, Orfèvre et Jeaugeurs.

Arch. II 219- (1787). — (Les parties hachurées sont teintées en rouge sur l'original).-


guettes, l'appareillage se fait plus clair,, et les lits de brique sont nettement visibles. Plus on approche des parties supérieures, plus l'appareillage offre un aspect régulier et relativement neuf. Enfin, dans la partie placée' immédiatement au-dessus de la .frise, l'aspect de l'appareillage se modifie, encore sensiblement.

De ces variations de forme, d'aspect et de' conservation, nous peu sons-, pouvoir tirer les déductions suivantes-, qui sont en concordance avec ce que nous apprennent les textes historiques : Dans sa partie inférieure, le Beffroi de Bergues peut remonter à un XIVe Siècle avancé ou au XVe Siècle, si l'on tient compte des retards du style gothique en Flandre. Dans sa partie moyenne, le Beffroi serait du XVe Siècle, dans sa partie comprenant les 4 tourelles, du XVIe Siècle et dans la partie au-dessus de la frise moulurée (couronnement octogonal et balustrade) .du XVIIe, vers 1627, époque où l'on érigea le couronnement bulbeux.

Les-anciens beffrois de Bailleul, Comihes, Armentières,. Arras présentent, aux XVIe et XVIIe Siècles.encore, des caractères gothiques et des éléments de décor analogues à ceux du Beffroi de Bergues. On peut aussi trouver; des termes de comparaison dans les tours de Wormhoudt,, Esquelbecq, Hondschoote, etc..

Quant aux bâtiments qui sont à la base du beffroi et qui font pour ainsi dire corps avec lui, ils ne datent' que de la fin de l'ancien régime.

Après l'union entre l'administration, de" la ville et celle de la châtellenie .et la construction de l'hôtel de ville de 1664, l'ancien Stadthuys servit à divers usages corps de garde, boucherie, cabaret, écurie, et au premier étage, chambre des Orfèvres.

A la veille de la Révolution, l'inspecteur aux ouvrages de la ville constatait que le tout était en fort mauvais état. Les bâtiments qui subsistent aujourd'hui furent construits d'après le projet ci-contre qui est daté de. 1787.

Telles sont les vicissitudes par où ont passé, au cours des âgés, le Beffroi et l'ancien Hôtel de Ville de Bergues.

A. de SAINT-LEGER.

Président

F. BEAUCAMP. Secrétaire

de la Commission Historique du Nord.




Escalier, Rue Faulconnier, 13



MAISONS ANCIENNES

d'Influence Française à Dunkerque

Par M. j. MOREL

Architecte D. P. L. G.

Des voix plus autorisées que la mienne vous ont fait connaître notre style local des époques du Moyen-Age et de la Renaissance, dont les vestiges sont malheureusement peu nombreux: deux ou trois portes, quelques pignons, ceux-là même que l'histoire de Dunkerque de M. Henri Durin a si heureusement reproduits.

Je voudrais aujourd'hui m'en tenant au 17e et au 18e Siècle, vous parler de maisons anciennes où l'influence française se fait nettement sentir.

Le rattachement de Dunkerque à la France est une grande date de notre histoire docale ; elle change les destinées de notre pays pour qui elle marque le, début d'un magnifique essor. Dès que la ville lui appartient, Louis XIV; qui comprend tout le parti qu'on en peut tirer, charge Louvois, Vauban et Colbert d'organiser sa nouvelle acquisition.

De grands travaux de fortifications sont entrepris : eu 1679 on démolit la vieille enceinte devenue inutile, en 1690 on lotit notre actuelle basse-ville, et la conséquence qu'il nous faut aujourd'hui- retenir de ces deux dates, c'est que, disposant de plus de place pour construire les maisons on abandonne le pignon.

De grands bâtiments embellissent notre ville : On édifie en 1684 sur les plans de Vauban, les spacieuses casernes'dont deux servent .encore aujourd'hui et dont vous n'avez pas été sans remarquer l'harmonieuse ampleur : l'Intendance Militaire de la rue du Sud, de même caractère mais plus riche, et l'Hôtel de la Marine, place Jeanne d'Arc, où travailleront deux sculpteurs. du


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Roi, Philippe Caffiéri et son fils, maîtres sculpteurs de la Marine.

Dès lors, pour Dunkerque comme pour le reste de la France, le roi et sa cour lancent la mode que l'on suivra dans tout et aussi dans les constructions.

A partir de cette époque, l'influence française est très nette dans le caractère des maisons qui reproduiront toujours, mais avec un certain retard, les styles aimés à Versailles.

L'architecture des bâtiments militâmes élevés par Vauban sert de modèle aux façades à pilastres que vous connaissez tous.

Le goût en durera longtemps de ces demeures à l'aspect solide et bien établi. Les plus belles sont de style Louis XVI telle la maison portant le N° 12, rue Dupouy et cette autre, 10, rue Carnot, dont vous vous rappelez certainement encore les beaux chapiteaux à guirlandes de feuillage, malheureusement ruinés par le temps.

Nombreuses sont aussi les petites maisons Louis XV, dont la façade est plate, la corniche en briques finement moulurée, les fenêtres soulignées d'un chambranle de briques, et ornées d'une clé souvent fort, belle, enfin la porte, large, avec un encadrement de pierres au profil mouvementé et surmonté d'un curieux fronton en forme de chapeau de gendarme qui décèle peut-être, dans notre pays de marins, une influence chinoise.

On aimera longtemps aussi ces façades dont la mode persistera encore sous Louis XVI, témoin la maison du Dr Villette, rue du'Sud, fort belle d'ailleurs, et qui possède encore des menuiseries de grand caractère.

Du même type mais témoignant d'un souci de composition, plus riches et plus grandes aussi sont les plus belles de nos vieilles façades.

Vous n'avez peut-être pas remarqué, tant sa décrépitude est grande, une très gracieuse maison à balcon de fer forgé, bâtie en basse-ville, le nouveau quartier français d'alors, et qui porte actuellement le N° 33 de la Bue de la Paix.

Mais certainement vous connaissez l'Hôtel des Douanes et la maison de M. Hovelt, 9, Rue Faulconnier, et aussi le Château de Toornegat,'bâti en 1701 à Saint-Pol, par Pierre-Charles Thiéry, frère du Curé de Saint-Eloi


et Entrepreneur des Travaux du Roi. Ce Château, deToornegat s'appelle maintenant la Campagne Marchand.

Telles aussi .sont les maisons que je veux particulièrement vous décrire aujourd'hui :

Celle de M. d'Arras, 13, Rue Faulconnier.

Celle de M. Duriez, Eue de l'Eglise.

Et enfin celle de M. le Baron de Warenghien, Rue Emmery.

La maison qu'habite M. d'Arras fut bâtie aux environs de 1748 par Jean-Etienne de Closal, lieutenant général du Siège royal des Traites et négociant à Dunkerque, époux de Madame Anne-Marie Arnaut-Jeanty sur l'emplacement de deux maisons qu'ils avaient acquises et démolies et où se trouvait, précédemment, l'ancien hôpital Saint-Julien dont la Tour fut conservée. Puis la maison fut vendue parleurs enfants à M. Charles Casteleyn, négociant à Dunkerque, par acte du 7 Juin 1768 pour la somme de 50.000 livres.

Le fils de ce Casteleyn la revendit à M.- Pierre Hecquet-Vanrapenbeusch pour 34.000 francs par acte-du 21 Juin 1836. Et M.Benjamin Hecquet,.son descendant, la vendit à M. d'Arras père, en 1896.

Il est à signaler que cette maison ne trouvant pas d'acquéreur en 1798 on essaya de la monnayer au moyen d'une tontine. La lecture du prospectus de réclame pour le lancement de cette tontine vous donnera d'abord une idée des moyens alors en usage, mais surtout une description de la maison et de ses richesses intérieures malheureusement disparues aujourd'hui. (1)

Toutes ces belles décorations ont disparu, brocantées, sans doute. Seule reste une admirable rampe d'escalier dont voici une photographie. Vous remarquerez outre la beauté de cet ouvrage, le plan qui lui est bien spécial. Dans un espace rectangulaire, la cage intérieure de l'escalier est elliptique, d'une .ellipse très allongée,, ce qui donne une grande aisance à la montée.

La Tour décrite au prospectus subsiste encore, isolée; dans la cour, elle est bien antérieure à l'édifice, puisqu'elle faisait partie de l'Hôpital Saint-Julien de 1452. J'espère pouvoir vous en montrer un jour une photogrâphie ou un dessin.

La façade sur la rue Faulconnier est restée intacte

(1) Voir ce prospectus à la fin.


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sauf quelques moulures qui ont été malencontreusement modifiées et les petits bois des fenêtres du rez-de-chaussée, supprimés. Cette façade est d'ordonnance symétrique, elle est de briques peintes comme la plupart d'ici et s'ouvre par mie large porte encadrée de pierre. Elle se rattache donc tout à fait au type signalé plus haut. Les fenêtres sont d'une largeur exceptionnelle et il y a lieu surtout de louer la grande aisance des motifs et leur bonne corrélation. Une chose qui étonne, c'est le décor, disproportionné d'ailleurs du frontispice seulement orné d'un motif de pierre provenant de l'ancien hôpital et représentant Saint-Julien dans sa barque faisant passer l'eau à deux voyageurs.

Bâtie en 1748 sous le règne de Louis XV, cette maison a pourtant certaines parties d'inspiration plus ancienne. Ainsi le panneautage de la porte rappelle, d'une façon frappante, ceux qui s'exécutaient au début du règne de Louis XIV.

Toute cette porte, qui est admirable, est montée de ferronneries curieuses, tel le grand fléau de sûreté qui la barre intérieurement en épousant tous les profils du bois.

D'inspiration antérieure à la construction est aussi le vase qui couronne le fronton car il s'apparente nettement à ceux qui surmontent les pilastres du Château de Vaux-le-Vicomte. Ces remarques ne visent pas à diminuer le mérite de cette façade, qui bien au contraire y gagne peut-être en vie, en naturel et en bonhômmie, ce qui ajoute beaucoup de charme à son ampleur, à son aisance de bon a loi.

La maison qu'occupe actuellement M. Duriez, rue de l'Eglise, est la plus récente des trois habitations qui nous occupent aujourd'hui. C'est le 8 Août 1783 que Messieurs les Administrateurs du Bureau de la Régie du Collège de Dunkerque, qui a remplacé les « ci-devant soi-disant Jésuites » décident, « vu son état de caducité qui rend très urgent de la faire démolir et reconstruire à nouveau, — ce qui entraînerait une dépense minimum de 50.000 livres " de vendre par adjudication une maison occupée par un marchand-épicier et sise rue de l'Eglise à l'emplacement de l'actuelle habitation de M. Duriez. Le Conseil décide d'ajouter 10 toises de terrain pour rendre la propriété carrée et régulière.


Rue Clemenceau, 46



Escalier, rue Clemenceau, 46



Salon, Rue Clemenceau, 46



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Les procès-verbaux de mise à prix, de réception d'enchère et d'adjudication ont été conservés et il y parait le nom de Thiéry, membre du Conseil du Collège et premier échevin, entrepreneur des Travaux du roi, celuilà même qui, deux ans plus tôt, avait fait construire le Château de Toornegat. C'est M. Jean-Baptiste Kenny qui sur enchère de 52.000 livres devient adjudicataire de la maison dont la propriété lui est confirmée par lettre patente du roi Louis XVI scellée du grand sceau de l'Etat.

Bientôt le nouveau propriétaire donne congé à Pareyt, l'épicier, car il désire faire démolir l'immeuble pour construire à nouveau. M. Kenny meurt en 1788. Son fils unique, Jean-Louis Bonaventure, qui sera baron et maire sous l'Empire, hérite de la maison. ,11 établit, l'année suivante, un relevé des mémoires qui porte le montant de la propriété y compris le terrain à 184.899 livres. Les dépenses se répartissent comme suit :

Payé : aux Maçons et plafonneurs .... L. 32.384.15

Charpentiers-menuisiers ... 22.659.

, Serruriers et forgerons .... 6.698.16

Plombiers et couvreurs .... 4.954.-10

Sculpteurs et peintres .... 5,340,

Marbriers et taill. de pierre 10.141.

Vitriers et scieurs de long .. 1.000.

Divers suivant mémoires .. 46.723.

Pour achat de terrain 55.000.

184.899.31

A la mort du baron de Kenny en 1822, son fils hérite à son tour de la maison qu'il vendra le 14 Avril 1838 à M. Morel-Agie.

La maison de M. Duriez, rue de l'Eglise, bien que nous n'ayons pas trouvé trace du maître de l'oeuvre, témoigne d'un souci de composition évidemment plus grand qu'à l' ordinaire. Et il n'est peut-être pas inutile de remarquer qmelle fut bâtie à peu près dans le même temps où s'élevait, d'après les plans del'architecte Louis, le nouveau péristyle de l'Eglise Saint-Elôi. Il n'est pas exagéré de dire qu'il existe un certain parentage, tout au moins dans le détail, entre cette façade et celle de l'Ecole Militaire de Paris.


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Entièrement bâtie en pierres de taille, chose rare dans notre pays, elle s'impose par la sévérité de ses lignes et sa recherche de correction. Elle évite pourtant la froideur par l'abondance de ses sculptures. On y peut objecter que certaines d'entre elles, et surtout les guirlandes, sont un peu hors de proportion, trop fortes et inscrites dans un défoncement trop marqué. La fenêtre du premier étage, au-dessus de la porte, est" tout-à-fait séduisante et il semble qu'elle ait une curieuse ressemblance dans le couronnement avec celui du pavillon de musique de Trianon.

Plus favorisée que la maison de M. d'Arras, celle-ci a gardé toute sa décoration intérieure. Le salon est remarquable et cette photographie ne donne qu'une faible idée de la beauté de son ornementation. Lambrissé jusqu'au plafond, il est orné de deux très belles consoles, surmontées d'une glace, que couronnent des sujets allégoriques en bois sculpté. Avec les dessus de porte faits de même façon, ils symbolisent les Arts : la musique, la peinture, la sculpture et la gravure. Le travail en est excellent, et l'échelle parfaitement coordonnée. La cheminée, est intéressante quoique d'une composition moins sûre. Même haut lambris dans la salle-à-manger, mais plus simple et une cheminée tout-à-fait belle qui rappelle les ordonnances de Delafosse. La cheminée du bureau, celle de la chambre du premier, au-dessus de la salle à manger, sont.dans le même esprit.

Cette maison, qui est la plus récente de celles dont nous parlons, marque déjà le souci moderne dé tirer tout le parti possible du terrain. Pour ménager une entrée cochère facile, le vestibule et la cage d'escalier se sont trouvés reserrés. Il en faut louer davantage l'aménagement, car, néanmoins l'escalier est facile et très beau. Plus qu'ailleurs peut-être s'y marque le goût français. La pureté de composition de la rampe, l'exquise souplesse du départ font penser aux oeuvres du grand architecte Louis.

L'étage marque le souci de confort et d'intimité qui prévalait déjà sous Louis XVI. Les pièces, nombreuses et plus petites qu'au siècle précédent, ne se commandent plus. Elles sont ornées et meublées 'd'une façon charmante. La plus grande chambre à coucher sur rue possède une décoration très composée et de grande


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richesse, où l'on pourrait peut-être reprocher aux colonnes d'être un peu lourdes pour l'entablement qu'elles soutiennent.

Par contre, l'une des chambres sur cour possède une alcôve d'une grande finesse. Deux fort jolies gaines, à la mouluration très savante et pleine de goût se terminent par deux souples consoles qui ménagent harmonieusement la transition au plafond.

La chose la plus curieuse sinon la plus belle qui soit dans cette maison est certainement une grande salle du deuxième étage qui prend toute la longueur de la façade. Le baron de Kenny, maire sous l'Empire, à l'occasion de la visite de Napoléon 1er l'avait fait hâtivement installer. Toute la composition est réglée par la proportion de cette galerie qui est arrêtée à ses deux extrémités par des cheminées semblables qui se' font face. D'un ordre Paladio arrangé au goût du jour elles sont ornées, de glaces jusqu'au sol et donnent beaucoup de dimension à ce grand salon, où, à plus vrai dire, à cette esquisse de grand salon.

En marge de cette décoration française, il y a lieu de citer comme une oeuvre de tout premier ordre en son genre, un grand panneau de carreaux de faïence de Delft au manganèse, ornant la cuisine et représentant un combat naval. Par son ampleur, par sa facture d'un dessin plein et nourri il rappelle celui qui est actuellement au musée. Dans cette maison aussi existe une tourelle ayant vue sur la mer.

Tant en façade que dans la décoration intérieure, l'influence française est, dans cette maison, de toute évidence. D'une composition homogène, très volontaire, la façade, un peu à l'étroit peut-être, par rapport bien entendu aux compositions de l'époque fait tout de même regretter que les nécessités du plan en aient rompu la symétrie.

La porte est comme celle de la maison de M. de Warenghien et la chaire de Saint-Eloi, de cesculpteur ardennais connu par ses travaux à l'église Ste-Geneviève de Paris, et qui fut, dit-le Baron du Teil, patronné par Louis-Philippe Titeux. La même personnalité de sentiments se retrouve dans ces trois oeuvres où le goût très français quant à la composition s'allie à. une manière


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plus épaisse, plus rude que celle qui était alors employée à Paris.

Sans documents historiques sur la maison sise au 20 de la rue Emmery et appartenant à M. le Baron de Warenghien, — il vous en donnera sans doute lui-même la primeur (1) nous nous, contenterons d'admirer ensemble dans la façade que vous connaissez,la très belle porte, soeur de celle que nous venons de décrire. Fort bien adaptée à l'échelle plus grande du bâtiment elle est. d'une composition plus monumentale mais garde les mêmes qualités d'exécution et d'esprit.

Le reste de la façade, fort noble, n'a rien de bien particulier et témoigne, d'une façon évidente de transformations successives.

A l'intérieur existe une très belle cage d'escalier dont le relevé dans son aride précision ne donne qu'une idée inexacte de l'impression qu'on en a. Montant sans effort et amplement, arrêté par une rampe de fer forgé d'un travail précieux et net, sans épaisseur inutile, il donne accès à une grande galerie.

Un escalier secondaire mène à l'étage supérieur où se reproduit cette même galerie surplombant la cage vide alors du grand escalier. L'aspect en est inattendu, presque théâtral.

Les boiseries des salons sont fort belles, et de curieuses espagnolettes de fer au dessin remarquable se retrouvent en plusieurs endroits de la maison, qui, comme les deux précédentes est tout imprégnée de tradition française.

Après avoir remercié Messieurs d'Arras, Duriez et le Dr Lemaire pour toute d'obligeance qu'ils ont mise à m'éclairer, je ne saurais mieux faire pour terminer que de vous rappeler la conclusion de M. le baron du Teil à son Introduction de l'Art français à Dunkerque et SaintOrner.

" C'est ainsi que la France, dit-il, après l'acquisition de Dunkerque et la prise de Saint-Omer, en entreprit la conquête artistique, facilitée d'ailleurs par le déclin, l'on pourrait même dire la décadence, de l'école flamande, sensible dès la fin du XVIT Siècle. Et la Flandre annexée — je ne dis pas vaincue — ne put prendre sur la France la même revanche que la Grèce sur Rome. Il

(1) Voir Bull. Un. Faulconnier 1928, p. 258 à 262.


Rue Emmery, 22



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est une troisième victoire littéraire celle-là, qu'il convient de mettre à notre actif.

Et il serait bien curieux d'étudier comment la langue flamande recula devant nous, après nous avoir longtemps été opposée comme une barrière fragile par les Espagnols. Il y eut de ce côté, sur notre frontière, un mouvement linguistique de flux et de reflux ».

PROSPECTUS

par forme de TONTINE d'une très belle et grande

MAISON

BIEN PATRIMONIAL située eu la Commune de DUNKERQUE

Rue du Musceum N° 221, (ci-devant Saint-Julien ou des Pénitentes) tenant del'est aux héritiers de feu Citoyen D-EBONTB, du midi, par derrière, aux Citoyens MAILLOT et DENTS, d'ouest au Citoyen COUPE, et du nord faisant face à ladite rue.

Cette maison, qui est au centre de la Ville, proche du Port, de la Bourse et de la. Maison Commune, très solidement bâtie, a cinquante pieds de façade, front à rue et contient cent soixante-une toisas de terrein, formant un quarré long, réunit - toutes les commodités nécessaires tant pour le Commerce, pour lequel elle a été bâtie, que pour la Fabrique du Tabac, Manufacture, Auberge, ete, consistante

SAVOIR :

En deux caves sous le Corps-de-logis sur le devant dont une avec séparation en maçonnerie, ayant 20 pieds et demi de large avec deux entrées sur la rue, l'autre 18 pieds et demi de large avec entrée dans la cour, toutes deux ayant 50 pieds de long, sur 10 de hauteur par voûte ; une porte cochère de treize pieds et demi de hauteur, sur 10 pieds de largeur, avec une allée de 43 pieds et demi de longueur.

Deux belles salles sur le devant ayant chacune 21 pieds de long, sur plus de 19 de large, et 13 pieds de hauteur sous plafond, dont une avec lambris à hauteur d'appui cheminée, avec revêtement et foyer en marbre d'Italie, l'autre avec lambris jusqu'au plafond, cheminée et foyer de marbre, et cinq tableaux dessus de porte et cheminée.

Un cabinet tenant à une des Salles de devant ayant 19 pieds


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et demi de long sur 10 de large et 13 de hauteur, avec lambris jusqu'au plancher, bas buffet de Bibliothèque, cheminée et foyer de marbre et deux tableaux de dessus de cheminée.

Un grand Escalier de 10 pieds de large, avec une rampe de fer, travaillée et ouvragée, qui va jusqu'au grenier, ayant un vestibule en avant et un au premier, ce dernier de 22 pieds et demi de long sur 10 de large.

Au dessous dudit Escalier une petit cabinet ou Office,, avec armoire et ses bords.

Une grande salle à manger de 19 pieds et demi de long sur 19 pieds de large et 13 dé hauteur plafonnée et lambrissée jusqu'à hauteur d'appui avec sa, cheminée et foyer en marbre, deux bas buffets, trois tableaux dont un au-dessus de la cheminée.

Un vestibule pavé en grands carreaux de marbre blanc d'Italie, avec un second Escalier jusqu'au Grenier, ledit vestibule de 11 pieds de long sur. 8 de large, et où se trouvent sous ledit Escalier deux armoires avec leurs bords et porte-manteaux.

Une seconde salle à manger lambrisssée jusqu'au plancher, de 13 pieds de long sur 15 pieds de large et 10 pieds de haut sous plancher, avec sa cheminée, foyer et fontaine en marbre deux doubles buffets ; une glace au-dessus de la cheminée, et deux tableaux dessus de porte et un dessus de cheminée.

Urne grande cuisine de 13 pieds de long sur 15 de large, plafonnée avec un buffet, cheminée de pierre et un potager avec quatre fournaux.

Deux offices de 6 pieds de large chacune, sur ensemble 15 pieds de long, avec leurs bords et chacune un caveau lesdits deux offices pllafonnées, et ainsi que la cuisine, carrelées jusqu'au plafond, de même que les deux escaliers et leurs vestibules d'en haut et d'en bas à hauteur d'appui en carreaux d'Hollande.

Deux chambres hautes donnant sur le devant de la grandeur des deux Salles d'en bas, plafonnées, ayant cheminée et foyer de marbre, armoire et cinq tableaux dessus de porte et armoire.

Un cabinet entre les deux chambres qui précèdent, donnant également sur la rue, ayant 11 pieds et demi de long sur 10 pieds de large plafonnéUne

plafonnéUne haute au-dessus du Cabinet d'en bas, et étant de la même grandeur, avec lambris à hauteur d'appui, tableau dessus de cheminée.

Une autre chambre haute de plus de 19 pieds carrés, étant au-dessus de la grande salle à manger plafonnée, avec sa cheminée et foyer de marbre, une grande armoire et lambris à hauteur d'appui.

Une autre chambre haute plafonnée, de 13 pieds sur 15, avec deux tableaux, dessus de porte et cheminée, avec armoire.

Une autre idem de 13 pieds sur 20, et demi, avec deux armoires, cheminée de marbre et un tableau au-dessus.

Une chambre au second, de 15 pieds de long sur 10 de large, plafonnée avec une armoire et alcôve.

Un cabinet à côté, de 10 pieds de long sur 4 et demi de large.

Un grand grenier à mansarde de 49 pieds de long sur 43 et demi de large, au-dessus du bâtiment de devant.


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Un autre grenier à mansarde de 35 pieds de long sur 13 de large au dessus du petit bâtiment.

Deux caves au-dessous dudit bâtiment dont une de ménage avec ses caveaux.

Une autre grande cave en dessous des magasins, Ecurie, etc : de 52 pieds de long, sur la même largeur et d'une auteur proportionnée.

Une écurie pour 4 chevaux.

Une chambre de garçon.

Une grande cour avec spacieuses citernes et latrines, un puits et deux pompes.

Une lavanderie, ayant 18 pieds de long sur 6 de large, dans laquelle se trouve une cheminée et une grande chaudière de cuivre maçonnée.

Une seconde cour de derrière.

Une tour bien élevée ayant vue sur la Mer et la Campagne, dont l'escalier sert pour monter aux magasins (démolis maintenant).

Tous lesdits bâtiments, magasins et tourelle couverts en ardoises sont garnis de leurs goutières et buses en plomb.

CONDITIONS

1° Cette MAISON, dont en 1787, on a offert 130.000 livres en écus, a été estimé par les experts, le 17 frimaire dernier (7 Décembre 1797) (v. st.) pour opérer un partage de Communauté, à la somme de 73.424 livres à laquelle ajoutant les frais de timbre, enregistrement, contrat, etc., (qui regardent ordinairement l'Acquéreur) ainsi que plusieurs objets non - compris dans l'inventaire qui précède, qui se trouvent tenir dans ladite maison, que l'on y laissera pour sa convenance, et dont la note détaillé se trouve déposé chez le Notaire ci-après nommé, ainsi que les titres de la dite maison la font porter par les vendeurs, pour ladite TONTINE, à la somme de 80.000 francs écus divisés en 160 actions de 500 francs chacune, qui se paieront dans le mois de la souscription.

2° Les Actionnaires pourront disposer de ladite maison et la louer par l'entremise du régisseur ci-après nommé, au profit commun à compter du 14 Thermidor prochain 1er Août 1798 (V. ST.). .

3° Au fur et à mesure du décès des personnes sur les têtes desquelles les Actions auront été placée®, les portions de loyer appartenantes aux Actions des décédés seront réversibles et profiteront à celles des survivants, à due proportion et ainsi successivement jusqu'à la dernière qui demeurera propriétaire incommutable de la Maison.

4° Comme l'immeuble, qui fait l'objet de cette Tontine, ne peut s'administrer par une tierce personne, les exposants ont provisoirement fait le choix du Citoyen DUFLO, notaire en la Commune de Dunkerque, rue du Moulin N° 140, dont la probité et la solidité sont connues, (chez qui la souscription est ouverte) lequel à consenti à se charger de la gestion et partage des loyers entre les Actionnaires à la rétribution de 3 pour cent déclarant, cependant les Exposans laisser aux Actionnaires la faculté de faire choix d'une autre personne.'


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5° Il est néanmoins entendu (et c'est une condition que les Exposans ont cru devoir présenter aux actionnaires, afin de les maintenir en Union) que tout ce qui sera Arrêté et délibéré pour l'Administration du bien commun, n'aura force qu'alors que les trois quarts en sommes des Actionnaires y auront concourru.

6° Les Actions se paieront dans le mois de la souscription en écus, ès-mains dudit notaire DUFLO, chez lequel on déposera en même temps les actes de naissance de ceux ou de celles sur les têtes desquels on aura jugé convenable de les -placer.

NOTA. — S'il arrivoit que dams trois" mois de la. date de ce prospectus les 160 actions n'étoient pas remplies, les Signataires pourront retirer tours mises des mains du Citoyen DUFLO, dépositaire.

AVANTAGES que présente cette TONTINE

Presque toutes les Tontines qui ont eu lieu jusqu'à ce jour, tant que par les Gouvernements que par les Particuliers, n'avoient, pour la plupart, d'autre hypothèque, que sur les fonds des Actionnaires, qui se troivoient quelquefois détournés par des circonstances malheureuses ou impérieuses ; ou, quand ils étoient à la veille de jouir de l'accroissement tout, d'un coup frustrés par la fixation d'une réduction à un intérêt modique sans ultérieur accroissement, et les derniers vivans n'avoient qu'un très foible avantage en raison de celui qu'ils avoient droit d'espérer.

Celle-ci bien différente, en offrant dès le premier instant un bon intérêt de la mise, et ne laissant pas la crainte des inconvéniens dont il vient d'être parlé, assure aux actionnaires, outre un revenu conséquent, en un petit nombre d'années, pour une modique mise de 500 francs, au dernier vivant le montant de toutes les mises en la propriété d'une grande et belle maison.

C'est aux chefs de famille surtout qu'elle offre le plus grand avantage soit qu'ils soient chargés de beaucoup d'enfants ou qu'ils en aient un ou deux, puisqu'on plaçant une action sur la tête de chacun, ils sont presque certains qu'il y en aurait qui jouiront, lorsqu'ils deviendront en âge, d'un revenu impartant, en raison de leur mise et qui peut de beaucoup l'exéder.

Dunkerque, le 1er Pluviôse, An 6, ou 20 Janvier 1798.

NOTA. — On estime que la sus-dite maison pourra être louée environ 4.000 francs.


Vieux Papiers Vieilles Maisons Dunkèrquoises

Par le Docteur T. REUMAUX

La Ville de Dunkerque était jadis une ville plus maritime qu'aujourd'hui, ce qui semble un peu paradoxal. Il y a pourtant du vrai. Bien que le trafic n'ait point baissé, au contraire, l'aspect de Dunkerque a beaucoup changé, d'une part à cause de son développement industriel, de l'autre par la diminution de son pittoresque.

J'ai assisté, moi-même, à cette transformation; bien que notre ville ait grandi sans cesse, je la trouve aujourd'hui moins propre et moins gaie que dans mon enfance, et ce n'est point parce que je vieillis, car je trouve Bruges toujours aussi bien et plus gai qu'autrefois.

Ce qui a contribué beaucoup à l'enlaidissement et à la malpropreté de notre cité, c'est l'installation dans l'enceinte des fortifications de cet immense établissement métallurgique, les Chantiers de France.

Ceux de ma génération ont connu la belle et agréable route qui, en suivant le port, allait directement au bout de la jetée. C'était la promenade favorite des Dunkerquois qui se rendaient ainsi facilement aux estacades, respirer l'air pur et salin du large, tout en contemplant l'entrée et la sortie des navires ; c'était un plaisir et une distraction pour les vieux comme pour les jeunes.

Je fus un des rares conseillers municipaux de l'époque qui s'opposèrent, au point de vue esthétique, hygiénique et social, à l'installation de cette usine métallurgique entre Dunkerque et la station balnéaire de Malo-lesBains.

Un de nos plus éminents ingénieurs était du même avis, il aurait voulu que l'on établisse à l'ouest du port, toutes les usinés et ateliers de construction, du côté de Saint-Pol, le long et à l'extrémité des darses. On aurait


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trouvé là des logements pour les ouvriers et des terrains pour .bâtir des maisons et ce milieu aurait été plus à la convenance de la population ouvrière. A l'est du port, disait-il, pas d'usines afin de conserver à la station balnéaire Dunkerque-Malo, un air pur et salubre, exempt de poussières et de fumées industrielles.

Nous prêchions dans le désert, la politique s'en étant mêlée, le crime était en marche et rien ne l'arrêta.

Ce vaste terrain, qui s'étend laxue Turenne aux remparts, borné à l'ouest par le port et à l'est par le square Turenne, était tout indiqué pour y bâtir des maisons de luxe et des villas.

En continuation du quai des Américains, on aurait pu tracer un vaste boulevard s'étendant jusqu'à la mer et longeant les fortifications, qui aurait abouti à la rue des Vieux Remparts prolongée jusqu'à la Porte des Dunes.

Quel changement pour ce quartier et quelle salubrité, quelle propreté et quelle gaîté pour Dunkerque !

Dans ce beau terrain, que voit-on maintenant, ?

Des usines métalllurgiques, des cheminées qui répandent au loin leurs fumées et leurs poussières, des écuries, des garages d'autos des dépôts de chiffons.

Des sans-logis y ont construit des cabanes qui sont des foyers d'épidémie et des dangers permanents d'incendie.

Tout ce quartier est d'une mal propreté repoussante.

En dernier lieu, et où est le comble, on vient de construire dès baraquements pour y loger quelques centaines d'ouvriers métallurgiques Polonais.

L'été venu, après le travail qui se termine à 5 heures du soir, ces étrangers iront se promener sur la digue et sur les bords de la mer, ce sera très agréable pour eux, mais moins gai pour les habitués de la station balnéaire de Malo-les-Bains. Mais que de choses que l'on a maudites et à quoi l'on finit par se résigner.

Fermons les yeux et restons en ville. J'aime les vieilles cités qui conservent leur physionomie primitive et nous présentent l'image du passé.

Les villes modernes ne peuvent dire que l'histoire du jour; les vieilles villes racontent l'histoire de l'ancien temps, les moeurs et les traditions de nos aïeux.

Le sol de la ville de Dunkerque est saturé d'histoire, ses vieilles rues et places sont hantées par une multitude de. fantômes, pour qui connaît le secret de les évoquer.


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Une promenade dans nos rues et places est aussi profitable à l'esprit qu'un voyage autour du monde.

Vous connaissez la place du Théâtre, elle est inscrite sous cette dénomination à la nomenclature, des voies de Dunkerque.

Je ne pense pas qu'un Dunkerquois en quête pour sa famille de distractions dominicales, ait jamais émis cette proposition saugrenue ; mes enfants, on va bien s'amuser aujourd'hui, on va voir la place du Théâtre.

L'habitude, c'est évident, nous a blasé et nous croyons connaître nos places parce que leur apparence familiale nous est familière, mais nous négligeons, faute de temps et de savoir, tout ce qu'elles pourraient nous apprendre.

Jadis, à l'extrémité de la rue Saint-Gilles, qui est le berceau de notre ville, se' trouvait le chemin des remparts qui se prolongeait jusqu'à la rue des Vieux Quartiers.

Les vieilles fortifications, devenues inutiles, furent démolies en 1679.

La suppression des vieux remparts permit de prolonger les rues ; une place spacieuse fut établie, la place Dauphine, aujourd'hui place du Théâtre.

Comme beaucoup de rues et de places de notre ville, elle changea plusieurs fois de nom; un régime nouveau, c'est dans l'ordre et par définition, ordonne le changement d'un certain nombre de rues et de places. La rue Saint-Gïlles, sous la révolution, se transforma en rue du Bonnet-Rouge et la place Dauphine, en place de l'Egalité.

Quand, le 15 Août 1806, le buste de Jean Bart, sculpté par Lernot, fut placé en cet endroit, elle prit le nom de place Jean Bart.

Le Théâtre actuel fut inauguré en 1845, à la même époque, la statue en pied, par David d'Angers.fut installée place Royale ; en 1848, la place Royale prit le nom de Place Jean-Bart, et la place Jean-Bart où se trouvait le théâtre fut dénommée place du Théâtre.

Le buste de Jean Bart par Lemot, fut placé au musée où il se trouve encore aujourd'hui.

Très rapidement, des maisons furent construites tout autour de cette place, aujourd'hui elle sont au nombre de dix, non compris le musée et l'hôpital militaire; parmi ces maisons on distingue cinq cabarets, en plus du buffet du Théâtre.


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Parmi les nombreux phénomènes dont on est frappé aujourd'hui, l'un des plus saillants est l'augmentation du nombre des débits de boisson.

A la fin du second empire, il y avait à Dunkerque environ cent cabarets, aujourd'hui il y en a près de 1500 pour une population de 40.000 habitants, soit un pour six habitants et un pour six électeurs.

•Une des plus funestes lois qui ait été promulguée depuis la fondation de la république, c'est celle de 1876, sur la liberté des débits de boissons.

Depuis cette époque, il n'y a pas un médecin qui n'ait constaté le nombre croissant de maladies occasionnées par les boissons alcooliques.

Rien n'est plus dangereux que de s'habituer aux excitants de quelque nature qu'ils soient. On finit par ne plus pouvoir accomplir l'acte le plus simple sans ce coup de fouet, et par souffrir d'un ennui profond, sitôt que la sensibilité épuisée ne reçoit plus de nous une nouvelle secousse. Qui a bu, boira, dît le proverbe. Ce mal c'est celui de notre temps. Malgré moi l'augmentation du nombre des bars m'inquiète.

A la partie ouest de la place du Théâtre se trouve l'Hôpital Militaire.

C'est en 1672 que fut construit cet établissement; c'était alors l'Hôpital Royal, il occupait un vaste terrain situé entre la rue' Saint-Gilles et la rue des Vieux Quartiers.

Le percement de la rue d'Anjou (rue Jean-Bart) le sépara en deux tronçons, sa partie sud fut incorporée à l'Hôpital civil en 1802.

Les Frères Augustin s déservirent l'Hôpital Militaire jusqu'à la fin du XVIIIe Siècle. Cet établissement régi par un entrepreneur était placé sous la haute direction d'un commissaire des guerres.

Il avait un état-major très complet : médecins, chirurgiens, aide-majors et sous-aides-majors, élèves aidemajors et cinq apothicaires.

Il faut dire qu'à cette époque, les malades et blessés étaient beaucoup plus nombreux qu'aujourd'hui ; actuellement la garnison est dix fois inférieure à ce qu'elle était sous Louis XIV.

Depuis 5 ans, l'Hôpital miltaire est désaffecté, il n'y a plus guère que quatre à cinq malades en traitement; il n'existe plus qu'à l'état provisoire, mais mal-


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heureusement en France le provisoire dure généralement longtemps.

Avant 1860, se trouvait à l'est de la place une très belle maison, entourée "d'un vaste jardin. Cette propriété appartenait à 'Benjamin Morel, ancien député de Dunkerque.

Elle avait été bâtie sur l'emplacement de l'ancien Couvent des Bénédictines anglaises, incendié en 1795.

Cette propriété fut mise en adjudication après le décès de Benjamin Morel.

La ville de Dunkerque en fit l'acquisition pour le prix de 200.000 francs. On y installa le Musée et la Bibliothèque. Le musée, qui est un des plus beaux musées de province, s'étant trouvé à l'étroit, fut considérablement agrandi en 1911. Ai-je besoin de vous rappeler l'incendie de sa bibliothèque ? Ce fut un véritable désastre pour beaucoup de Dunkerquois qui avaient l'habitude de s'y rendre, mais principalement pour les membres de l'Union Faulconnier qui s'y réunissaient tous les mois et y trouvaient un vaste champ de recherches.

En dehors des livres d'histoires locales, il y avait là de vieux manuscrits, du elzévirs ,des incunables et beaucoup de livres rares.

Un vieux manuscrit vous touche' cent fois plus qu'une édition originale. On est volontiers fétichiste. Le goût de la relique est un sentiment profondément humain'. Il n'y a qu'à consulter les mères pour savoir ce qu'elles en pensent.

La plus ancienne maison de la place du Théâtre, dont la construction remonte au dix-septième et dixhuitième siècle, si ce n'est pas au- seizième, est celle qui porte aujourd'hui le N° 1.

Jadis et aussi loin qu'on puisse remonter, les maisons .' N° 1 et N° 3 ne formaient qu'un seul immeuble. L'une et l'autre ont toujours appartenu au même propriétaire.- Elles étaient dénommées : Maison St-Christophe. Les divers propriétaires lui ont fait subir de profondes modifications.

De la maison primitive, il ne reste guère que les caves qui sont très vastes et solidement bâties. Les murs ont quarante centimètres d'épaisseur et les voûtes sont d'une solidité à toute épreuve. Ces caves, qui ont près de trois mètres de profondeur s'étendent non seule-


ment sous la maison, mais encore sous une partie de la cour. Elles sont au nombre de sept, cinq sous la maison et deux sous la cour.

Les premiers titres de propriété sont écrits en langue flamande, alors que la ville de Dunkerque était BOUS la domination espagnole.

En 1662, Louis XXV racheta Dunkerque à Charles II roi d'Angleterre, six millions.

A cette époque la maison St-Christophe était occupée par le sieur Van de Veene, marchands de Tabacs.

En 1698, cette propriété faisait face à la place Dauphine, au midi à la maison dite la Saint-Martin, qui formait le coin de la rue Saint-Gilles, à l'occident à la Brasserie des R.P. Carmes et.ou nord du jardin des sus-dits Carmes; de plus, il y avait deux chambres au dessus de la porte coehère et de. l'allée des Carmes qui aboutissait à la place Dauphine.

A cette époque, elle fut mise en vente et achetée par le sieur M. Bondu, maître-boulanger. La corporation des boulangers était puissante à la fin du règne de Louis XIV et pour en faire partie, il fallait faire preuve de grandes capacités.

Tous des lundis, M. Bondu se rendait à Bergues pour acheter le blé qu'il faisait moudre dans un moulin à vent qu'il possédait, en dehors de la Porte de Meuport à l'endroit où se trouve anjourd'hui, le Square Jacobsen.

Quand il n'y avait pas de vent, il portait son blé au moulin à eau, qui se trouvait à l'extrémité est de la rue Saint-Jean.

En 1740, au décès de son mari, la maison St-.Christophe fut occupée pendant quelques années par sa-veuve et au décès de dette dernière, elle fut partagée en deux parties ; les deux demoiselles Bondu en restaient propriétaires. Les deux-tiers étaient loués à un marchand de tabacs et l'autre tiers à un tonnelier.

Le 15 prairial, an XII Ignace L. Quandalle en devint propriétaire et après lui sa veuve et ses enfants : Benoît Quandalle, commis négociant ; Jean-Louis Quandalle, maître en pharmacie et Mlle Marie Quandalle.

Le 4 août 1806, les maisons N° 1 et N° 3 furent achetées par -le sieur Winoc Versmée, marchand-charcutier, et de nouveau ne formèrent qu'une seule et même maison.


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Le sieur Versmée qui, tout en étant charcutier, était en même temps armateur à la pêche à la morue, se trouvant à l'étroit, fit en 1828 l'acquisition d'un bâtiment usagé, servant autrefois' de brasserie à l'usage des ci-devant religieux Carmes, tenant du Nord au jardin des dits carmes et de l'ouest à la propriété du Sieur Wissmée.

Ce bâtiment appartenait au vendeur, seul et unique héritier de Joseph Biscays, son père, lequel avait fait l'acquisition du Couvent des Carmes et de ses dépendances le huit thermidor, an IV, 26 juillet 1796,

Les R.P. Carmes étaient venus s'installer à Dunkerque en 1653, d'abord en basse-ville d'où ils furent expropriés en 1672, à la suite de l'établissement de nouvelles fortifications.

Une ordonnance royale, ayant supprimé' les Gildes militaires ; les Arbalétriers de Saint-Georges furent obligés de se dissoudre et de vendre leur propriété.

Les Carmes l'achetèrent pour le prix de 10.000 livres.

Cette propriété était très vaste, la maison était en ruine, mais il y avait un jardin de plus de mille toises carrées.

C'est dans cette maison que se trouvait le fameux tableau de Porbus, le martyre de Saint-Georges. Ce tableau fut acheté par la ville et placé dans l'Eglise' Saint-Eloi. Il se trouve aujourd'hui au musée.

Ces religieux, pour s'agrandir, achetèrent encore quelques maisons a voisinantes, ils y installèrent leur brasserie.

Quand ce Couvent fut devenu bien national, Joseph Biscays l'acheta pour la somme de cent-trois mille francs dont cent mille francs payables en assignats et trois mille francs en or.

Mais comme le citoyen Biscays était un sans-culotte notoire, on lui laissa de longs délais.

Le prix de. cette vente ne fut définitivement soldé à la caisse du receveur départemental que le 24 mars 1809, la somme de 9.000 francs

On rapporte que pour faire preuve de son civisme, le citoyen Biscays invitait à dîner quelques sans-culottes, tous les ans, le 21 janvier, anniversaire de mort de Louis XVI, et Ton mangeait une tête de cochon en souvenir du tyran.

Le sieur Versmée possédait alors un vaste immeuble,


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avec une sortie par derrière, donnant dans une impasse qui aboutissait à la rue Saint-Gilles.

En ce temps-là la vie n'était pas une entreprise aussi farouche et aussi ardue qu'aujourd'hui, néanmoins, les années 1839 et 1840, ayant été désastreuses pour la pêche d'Islande, le sieur Versmée se vit obligé de déposer son bilan en 1843 et fut déclaré en faillite.

La maison Saint-Christophe fut de nouveau mise en adjudication à la fin de 1843.

Le notaire Ph. Beck; pour la fane valoir, faisait observer que l'une des caves était mitoyenne avec la citerne qui se trouvait dans le jardin des anciens Carmes. Cette citerne appartient à la ville et, moyennant une redevance annuelle de 30 francs, on pouvait, au moyen d'un uyau, y puiser de l'eau à volonté.

Il y avait aussi, dans la cour, un caniveau qui conduirait directement les eaux sales à l'égout.

Elle pouvait donc, faisait observer un notaire, convenu* soit à un armateur, soit à un marchand de vin. Elle fut adjugée à François Dumolin, armateur et marchand de sel.

Ce nouveau propriétaire était d'une nature peu généreuse et d'une parcimonie rare. Lé peuple disait de lui qu'il n'attachait pas ses chiens avec des saucisses... Il avait du reste, dit-on, trouvé un moyen assez ingénieux pour faire rapidement fortune.

Le sel, qui servait pour l'empacquage des' morues, ne payait pas de droits de douane.

F. Dumolin plaçait au fond d'une barrique une morue, la recouvrait de 150 kilos de sel et vendait le tout comme morue salée.

Au bout d'un temps assez long, la douane eut vent de l'affaire et dans l'atelier de repaquage, plaça un surveillant et l'armateur se vit obligé de loger dans chaque barrique un minimum de cent morues de taille moyenne.

F. Dumolin mourut en 1869, laissant à son fils unique, Ernest, une fortune assez considérable.

A père économe, fils prodigue, dit le proverbe.

A peine installé dans la maison patronale Ernest Dumolin lui fit subir de profondes modifications, elle fut surélevée d'un étage et de nouveau partagéeen deux parties, celle qui porte aujourd'hui le N° 3, servit de logement à sa mère et lui-même occupa le N° 1.

Une porte coehère.en pierres de Soignies fut construi-


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te et dans le magasin du fond, il installa une écurie pour deux chevaux et une remise pouvant loger cinq ou six voitures.

Vaniteux à l'extrême, entouré de flatteurs et d'aigrefins, ignorant que pour faire un métier, il faut l'avoir appris, il construisit à Hondschoote une filature de lin ; deux ans après, il la transforma en cartonnerie. Moins de cinq ans après la mort de son père, toute sa fortune était engloutie.

Pourquoi faut-il toujours que ce soit l'orgueil qui perde les hommes ! En 1875, la maison Saint-Christophe fut mise en adjudication et achetée par le banquier Alfred Petyt, qui était un des principaux créanciers d'Ernest Dumolin. C'est de son nouveau propriétaire que sa demeure reçut, dans sa décoration intérieure, une partie du cachet qu'elle a conservée.

A. Petyt ne l'habita que peu de temps, en 1881, après la mort de son père, il s'installa dans la maison de Banque, rue Emmery.

C'est alors que j'en fis l'acquisition et après en avoir fait subir quelques modifications, je m'y installai définitivement en 1882. Je ne l'ai plus quittée depuis.

A l'époque de la grande guerre, pendant les bombardements, je fus obligé, pendant plus de deux années, de me loger dans les caves, avec mon personnel. Grâce au chauffage central ces caves étaient bien chauffées et par suite sèches. Un grand nombre de personnes du voisinage vinrent s'y réfugier.

Je reçus dernièrement la visite d'un brave curé de campagne, qui pendant la guerre avait rempli, à l'hôpital militaire les fonctions de sergent infirmier.

Bien des fois, pendant les bombardements il était venu se mettre à l'abri dans mes caves.

Je lui montrai, sur une carte les différents endroits des chutes de bombes, en lui faisant remarquer qu'à cinq reprise différentes des obus et torpilles étaient tombés à moins de 15 mètres de ma demeure et que cinq fois toutes les vitres de ma maison avaient été brisées par la déflagration de l'air, mais que par un bonheur providentiel, ma maison avait été préservée.

Cela ne m'étonne nullement, me répondit-il, vous étiez sous la protection de St-Christophe, il vous a porté bonheur.



HISTOIRE D'UNE MAISON

Le N° 75, rue Emmery

Par le Dr L. LEMAIRE

L'intéressante communication que nous a faite à la dernière séance notre Président honoraire sur la place du Théâtre et en particulier l'histoire de la maison qu'il occupe, m'engage à vous présenter aujourd'hui celle d'un autre immeuble situé dans le même quartier. Grâce à l'amabilité de Mlle Bonpain j'ai pu avoir en

communication les titres de propriété de sa maison paternelle rue Emmery 75 dont je vais vous dire l'histoire en l'élaguant toutefois-des détails oiseux qui encombrent les actes des tabellions et de leur jargon notarial com,

com, à plaisir sans doute, dans le but de le rendre incompréhensible au bon public.

En 1679, la démolition des anciennes fortications édifiées en 1406, qui suivaient l'axe de la rue des Vieux Remparts permit d'utiliser de vastes terrains' vagues, situés entre ces vieilles murailles, et la nouvelle ligne de fortifications reconstruites sur les fondations de celles que les espagnols avaient élevées en 1640 et que nous pouvons grosso modo délimiter aujourd'hui en suivant l'extérieur de la Caserne Guillerninot, pour traverser, selon son axe, la Place Calonne.

Dans ces terrains ne se trouvaient alors que de rares constructions. Les états de logement pour 1676 nous montrent, en effet, quelques maisons avoisinant le Couvent des Dames Anglaises, formant l'ébauche de la rue qui menait à la Porte de Nieuport — actuellement rue Benjamin Morel. Dans' l'une d'elles habitait un tavernier nommé Josse Gomme. Il s'aboucha avec un autre bourgeois nommé Pierre Sarels et tous deux firent l'acquisition du terrain sur lequel ils édifièrent la maison dont nous allons suivre l'histoire et qui porte


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aujourd'hui le N° 75 de la rue Emmery. Terrain et constrûction furent payés par moitié par les deux acquéreurs.

Pierre Sarels mourut le 21 avril 1688. Cette date nous permet de conclure que le nouvel immeuble fut construit entre 1680 et 1688. -A cet époque où le terrain ne coûtait pas cher, on pouvait se payer le luxe d'élever de spacieuses maisons. Le corps principal, de logis n'a pas été modifié depuis l'origine. Son plan correspond parfaitement à celui d'autres immeubles élevés au cours de ces années tel par exemple celui qui est situé au 22 de la même rue : deux salons en façade, grande salle à manger derrière le salon de gauche, allée carrossable à droite et au centre un vestibule avec l'escalier. La cuisine en arrière. Belle maison de style français qui ne pouvait pas être à l'usage de commerce.

Pierre Sarels, fils d'Antoine, étant décédé comme nous,l'avons vu en 1688, laissant trois enfants mineurs : Judocus Jacobus, Anne Catherine et. Marie Françoise, sa femme Anne-Marie Cantin (fille de la yeuve CantinMarin qui habitait au Marché aux Verdures) fut obligée selon l'usage de présenter un inventaire des biens délaissés par son mari par devant la garde orpheline.

Dans cet inventaire figure la moitié de la maison quiy est ainsi définie : Située au Zuyd de là Place Dauphine, aboutissant d'Oost (Est) à d'héritage de Pierre Roose, du Nord à Philippe Buissen et de West (Ouest) à Henri Verbeke.

Ce qui nous montre que l'espace compris entre la rue et la place Dauphine, aujourd'hui place, du Théâtre n'était pas encore bâti.

Cet inventaire nous apprend de plus que Josse Gomme, propriétaire de l'autre moitié de la maison était déjà décédé et que sa veuve Barbe Kieken était remariée à Nicolas Cellier.

Enfin ,il nous fait .savoir que le terrain était grevé d'une rente de 1200 livres, capital au profit de l'abbesse et des religieuses conceptionnistes, dont le Couvent se trouvait -rue des Soeurs Blanches. C'était là une de ces libéralités que le' Roi avait coutume de faire aux communautés religieuses pour leur assurer des revenus.

Comme Josse Gomme avait lui aussi laissé des enfants mineurs, sa femme Barbe Kieken,- épouse de Nicolas


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Cellier fut obligée, à son tour, de produire l'inventaire devant la Garde Orpheline : Ce qui fut fait le 20 Juillet 1697.

Dans cette pièce, la maison est encore désignée comme se trouvant au Sud de la place Dauphine. Si au Nord elle tient encore à la propriété de Philippe Buissen, par contre les occupants des immeubles voisins sont changés a l'Est, elle aboutit à l'héritage de Maître Louis Langhetée, et à l'Ouest à la veuve et héritiers de Pierre de Witte.

Nicolas Cellier, pour son compte personnel n'y prétend que pour un quart, l'autre quart revenant aux enfants de Josse Gomme, en vertu de la coutume de Bruges qui est la loi municipale de cette ville.

Et nous verrons, par la suite cette propriété d'abord divisée par moitié, ensuite en quarts et en huitièmes, finir par être morcelée en trente cinquièmes, et je vous ferai grâce de cette division compliquée.

Troisième inventaire, le 21 Juillet 1709. Il s'agit de nouveau de la branche Sarels : Cette fois Marie Cantin, veuve de Pierre Sarels, remariée à Josse Lanssen, maître tonnelier, est décédée.

Josse Lanssen prétend pour la raison que nous venons de voir à la propriété du quart de la maison, l'autre quart revenant aux enfants. Cette fois la maison est indiquée comme située « rué du Moulin — ci-devant place Dauphine " ce qui nous prouve que d'autres maisons avaient été construites de l'autre côté de la rue. Celle-ci n'avait pas reçu de dénomination officielle on lui donnait le nom de la rue du Moulin qu'elle prolongeait. Enfin la rente dont elle était grevée avait été remboursée aux religieuses.

Les propriétaires ne l'habitaient pas. Nous ignorons le nom des premiers locataires et tout ce que nous savons c'est qu'en 1720, elle était occupée par un sieur François Gauche.'

Jeanne Huys, veuve d'un des enfants de Josse Gomme, pour éteindre une dette demande en 1720 l'autorisation de vendre la moitié des 3/8 de la part qui lui appartenait, à Nicolas Cellier. Sa requête à la Garde Orpheline nous apprend que la maison se trouve située alors rue du Bastion, qu'elle tient d'Orient au sieur Jean-Jacques Varlet, ci-devant Langhetée, de West à ' celle du sieur Dezerable et du Nord à Gaspard Bàrt.


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Ce nom de rue du Bastion est incomplet. Il faut lire rué du Bastion Dauphin. On avait, en effet, donné de nouvelles dénominations aux rues qui prolongeaient la rue du Moulin, et la rue ancienne de Nieuport (rue du Collège) . La première, s'appelait rue du Bastion Dauphin, la seconde rue d'Enghien. En l'absence de numérotation on tenait à ne pas avoir des rues trop longues,. Alors seules des enseignes désignaient les maisons et il était plus commode pour s'y retrouver de ne pas avoir de rues trop prolongées.

Gaspard Bart, frère de Jean Bart, plus jeune que lui de treize ans, s'était enrichi dans la course et avait fait construire plusieurs maisons dans le nouveau quartier. Il avait racheté la maison de Philippe Buissen, l' avait démolie et avait élevé celle qui porte aujourd'hui le N° 24 de la rue des Vieux Remparts.

En 1720, la maison dont nous suivons l'histoire était louée au Chevalier de Zuydcoote ou Soutcoote qui l'occupa jusqu'en 1724.

Mais par ^contrat de vente du 15 avril 1723, les héritiers de la branche Sarels avaient cédé leur part pour 5.200 livres à Jacques Collaert, marchand de vin.

D'un autre côté, Nicolas Cellier, devenu veuf s'était remarié à Marie Demeester. Ils n'avaient pas d'enfants. Marie Demeester, devenue veuve, avait fait, le 26 Septembre 1733, une donation entre vifs à une nièce nommée Pétronille Rondeels, veuve de Guillaume Vré, avocat, tous leurs biens, appartenant à la dernière survivante. Ce fut ainsi que Pétronille Rondeels devint propriétaire de la moitié de la maison provenant de la branche Gomme.

De nouveau- l'immeuble appartient par moitié de deux personnes seulement Jacques Collaert et Pétronille Rondels, veuve Vré..

En 1737, nous voyons par un acte qu'elle est occupée par le sieur Day anglais.

Ce n'est pas un inconnu pour nous.

Nous en sommes alors à la triste période où le port de Dunkerque anéanti ou presque, par le traité d'Utrecht, cherche à se relever de ses ruines. Mais le Gouvernement britannique y a placé un commissaire àdemeure, que les autorités sont obligées de supporter et dont la mission consiste à surveiller la stricte exécution


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du traité, et empêcher le relèvement du port. S'il fallait satisfaire les politiciens qui faisaient grand bruit à la Chambre des communes dès qu'on y prononçait le nom de Dunkerque, par contre, il y avait à considérer l'intérêt commercial du peuple britannique; Et les commerçants anglais avaient tout intérêt à von: le port de Dunkerque se relever. Aussi certains commissaires s'acquittèrent-ils assez mollement de leur tâche, fermant les yeux sur bien dès points tant qu'on ne les rappelait pas à l'ordre. Le commissaire Lascelles, s'en étant retourné en Angleterre avait laissé comme successeur à Dunkerque son neveu Day qui avait loué pour 500 livres par an, pour trois années commencées, le ler août 1736, la maison qui nous intéresse. Il mourut à Dunkerque en 1740 probablement dans cette maison.

Mais sur ces entrefaites elle était passée entre les mains d'un propriétaire unique qui s'appelait Dagobert Issaurat Montfort, et voici comment :

Jacques Collaert, propriétaire par moitié, étant décédé, sa veuve Anne-Marie Coquél s'était remariée à Joseph Fossy Janssen, chirurgien juré et pensionné de la ville.

Or, Jacques Collaert était le père de Madame Issanrat Montfort. Dagobert Issaurat Montfort racheta à sa bellemère la part qui lui appartenait. Par un autre acte, il racheta l'autre moitié de l'immeuble à Pétronille Rondeels, si bien que pour la première fois, la maison tomba en une seule main.

Probablement après la mort du commissaire anglais Day, il vint l'habiter avec sa nombreuse famille.

Dagobert Issaurat Montfort était négociant, et ancien secrétaire de la Chambre de Commerce. Nous ne connaissons pas ses origines.Il avait épousé Marie-Françoise Collaert qui lui avait donné huit enfants : l'aîné Jean-Baptiste Ignace Dagobert Issaurat Montfort épousa Marie Weins, fille de l'imprimeur, d'où il eut deux filles dont la seconde Jeanne-Sophie épousa Pierre-Marie Denys — qui signa DENYS-MONTFORT. NOUS entreprendrons un jour de vous raconter la carrière de cet homme, quelque peu extraordinaire qui fut négociant, marchand de tabac, naturaliste, auteur de plusieurs ouvrages qui furent estimés dans leur temps, devint membre du Comité révolutionnaire, aide géologue au Museum, naturaliste en chef de S.M. le Roi de Hollande pour les Indes Orientales, etc. et qui mourut à Paris en 1821.


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Des autres enfants, aucun n'a eu de carrière marquante.

Dagobert Issaurat Montfort armait de compte à demi avec d'autres négociants des frégates, qui commerçaient avec les Iles et des senaux ou chaloupes qui faisaient la pêche au poisson frais.

Quand il mourut en Janvier 1758 dans cette maison, 22 jours après sa femme, il n'était'plus secrétaire de la Chambre de Commerce. Son fils aîné l'y avait remplacé. Les enfants habitèrent peu de temps la maison.

Le 21 Avril 1769, ils la louèrent à Etienne Poisson des Londes, écuyer, Chevalier de St-Louis, LieutenantColonel d'Infanterie, ingénieur ordinaire du Roi en chef, et commissaire du Roi à Dunkerque, pour le prix principal de 950 livres de loyer par an.

Le bail était consenti pour une durée de 3, 6 ou 9 ans, commencé le 1er Août 1769 et il était stipulé dans l'acte « que si le dit preneur était rappelé par ordre supérieur et était obligé de quitter cette ville avant expiration du présent bail, il s'engageait à payer une indemnité de sis. mois de loyer en sus de ceux qu'il devait.

Poisson des Londes venait de Philippeville. Ce fut lui qui eut l'idée de condenser en un manuscrit, un résumé de l'Histoire de Faulconnier. Il en fit exécuter un premier en 1770 — ce manuscrit original donné par M. Léopold Lebleu à la Bibliothèque Communale a subi le sort de toutes les richesses qui y étaient accumulées. D'autres manuscrits suivirent; Diot, adjoint du génie, les recopia, en ajoutant quelques planches ou des mémoires détaillés à la fin si bien que ces manuscrits dus à Poisson des Londes — attribués on ne sait pourquoi à Frazer, commissaire anglais — s'appellent pour la plupart Manuscrit Diot.

Poisson des Londes que nous retrouvons en 1767-68, vénérable de la loge l'Amitié et Fraternité ne fit qu'un court séjour à Dunkerque (1).

En tout cas, le 26 août 1771, il cédait son bail à Maître Leys, avocat au Parlement pour en jouir à partir du 1er du présent mois d'août.

Leys voulut se rendre acquéreur de la maison :

(1) Nous le retrouvons plus tard à Lille où il fait partie de la Société des Philalèthes. '


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Le 3 décembre de cette même année, il fit faire une expertise par Heyndricks Naninck, maître charpentier et Pierre Naninck maître maçon qui fixèrent la valeur de l'immeuble à 18.607 livres, somme qui fut payée aux héritiers Issaurat Montfort entre qui elle fut répartie par trente cinquièmes.

A ce moment comme voisin Maître Leys avait à l'est François Robert Verhulst, médecin docteur de la faculté de Montpellier par derrière le sieur Grandjean qui y avait remplacé les héritiers de Gaspard Bart.

Me Leys était marié à Jeanne Françoise Chamonin,

Ils occupèrent la maison assez.longtemps et s'y trouvalent sous la Révolution — quand la rue perdit son nom de rue du Bastion Dauphin pour s'appeler rue de Sparte.

Selon une tradition, ils donnèrent asile pendant la terreur à un prêtre réfractaire qui y célébrait la messe dans une chambre du second étage. Une cachette disposée pour s'y abriter en cas de besoin existe encore, ainsi que la pierre d'autel qui a été scellée dans la muraille. (1)

Les époux Leys Chamonin étant décédés sans laisser d'enfants, la maison revint aux frères et soeurs de la défunte : Madame Veuve Louis Debaecque-Chamonin, Pierre-François Chamonin et Madame Joseph Debaecque-Chamonin.

Ils voulurent sortir d'indivision en1806: l'immeuble fut attribué pour 20.000 francs valeur livres à Madame Louis Debaecque-Chamonin qui, lé 1er décembre 1806, le vendit au Sieur De Buyser Jean-Louis, Maire et Directeur des Moëres françaises, qui demeurait à Dunkerque, rue de la Vérité — c'est-à-dire rue Clemenceau.

Le nom de de Buyser est indissolublement hé à celui de la Commune des Moëres qu'il contribua, en fin de compte, à dessécher et qu'il réussit à préserver de l'inondation en 1815.

J.-L. de Buyser mourut en 1847 et sa veuve le suivit de près dans sa tombe.

L'une de ses filles, Mme Vandercolme-De Buyser

(1) Le 16 nivôse, an 6 l'Administration étant informée que le citoyen Leys possède chez lui des ornements sacerdotaux provenant de la paroisse ainsi que la bibliothèque du presbytère, en ordonne le dépôt au greffe de la ville.

Reg. aux délib. de l'Adm. municipal, D3, registre 5.


hérita de la maison et la vendit à un cousin de son mari, Jean Vandercolme qui l'habita jusqu'aux environs. de 1873.

Après le décès de Jean Vandercolme, la maison retomba en possession d'une des petites filles de De Buyser, Madame Bonpain-Vandercolme.

Après le décès de cette dernière, la maison fut reprise par son plus jeune fils notre collègue R: Bonpain qui l'occupe aujourd'hui.

« Notre ville est pavée d'histoire » nous disait le Dr Reumaux. En compulsant de simples titres de propriété, que de souvenirs on peut-évoquer ! Depuis longtemps, depuis son origine, notre société avait inscrit à son programme l'histoire des rues de Dunkerque. Certes on ne peut pas la reprendre en faisant l'histoire de chaque maison, mais en s'attachant à certaines d'entre elles, en rappelant simplement leurs diverses destinations on pourrait arriver à un travail de reconstitution des plus intéressants et pour cela, nous venons d'en donner la preuve, les documents ne manquent pas.


UNE PROMENADE .

dans les Rues de Dunkerque il y a Cent ans

Par le Dr L. DEWÈVRE

En 1827 fut dressé un plan de Dunkerque par Derudder et Duhern. Ce plan, grâce aux points de repère fournis par le port, les canaux, les places publiques nous permet de nous représenter ce qu'était Dunkerque IL Y A CENT ANS, à cette époque. Nous y ferons une excursion qui aura pour point de départ la porte de Saint-iPol.

Cette porte s'appelait alors la barrière de Tornegaet Chameau de Petite-Synthe) et se trouvait à 300 mètres au Nord de son emplacement actuel.

Dès qu'on l'avait franchie, on suivait, au travers de terrains marécageux, le chemin de la barrière de Tornegaet qui traversait. l'Ile Jeanty pour aboutir à l'endroit où se trouvent actuellement les bureaux de la grande vitesse.

A gauche de ce chemin on voyait deux moulins et à droite un corps de garde, corps de garde du Tornegaet que beaucoup de dunkerquois actuels ont connu.

Un peu plus loin existait un autre moulin. Grâce aux travaux de l'ingénieur Jeanty ce quartier était devenu habitable et s'appelait déjà, île Jeanty, nom qui avait remplacé celui des « petits jardins ».

Il y avait en effet là quelques maisons et une trentaine de jardins.

Sur l'emplacement des bureaux de la grande vitesse existait un cabaret ayant pour enseigne « Au petit jardin », cabaret célèbre par ses gloriettes et tourelles et. qui était très fréquenté par les dunkerquois.

Le canal de Mardyck se réunissait au canal de Bourbourg et tous deux au canal de Bergues.

Entre les canaux de Bergues et de Bourbourg se trouvaient au bord de l'eau, quatre rangées d'arbres. Ce quartier s'appelait le Mail et la rue du Jeu de Mail actuelle en est un souvenir. En quittant le cabaret du


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« Petit jardin .», on passait au travers de terrains vagues à droite et à gauche (quartiers actuels de la-gare) et on parvenait aux extrémités du bassin de; la marine et de l'arrière port.

Ce dernier n'avait pas un contour- régulier et poussait à l'est deux prolongements qui encadraient l'entrée de la rue des Bassins.

Ces prolongements étaient les vestiges des anfractuosités de l'ancienne crique de Synthe qui avait constitué le bassin de l'arrière-port.

Lorsqu'on avait dépassé le fond de ces bassins, on arrivait à un pont qui conduisait à la rue du Parc, jusqu'au marché au blé (place Jeanne d'Are).

La place de la République, qui venait ensuite, s'appelait place Louis XVIX1. Là ,où se trouve le. Palais de Justice existait la place du « Marché aux pommes ». Les rues du Lion d'Or, Thiers et Dampierre existaient déjà — la première portait le nom actuel. La rue Thiers s'appelait rue des « Magasins aux fourrages ». La rue Dampierre s'appelait rue d'Empire. Les rues Thiers et du Lion d'Or se terminaient en cul de sac au canal de Bergues.

Le long de ce canal, où se trouvent aujourd'hui la Sous-Préfecture et l'établissement de bains existaient des magasins militaires.

Il n'y avait pas de'pont à l'extrémité de la rue Thiers, pas davantage près de l'établissement, des bains.

Ce quartier, occupé par des magasins, était donc des plus déserts, c'était le rendez-vous des amoureux, troublés sans doute bien souvent par des malandrins qui dévalisaient les magasins — d'où le nom de reck aux voleurs donné à ce quartier.

Pour passer en basse-ville il fallait descendre, le Quai au Bois, qui s'appelait Quai du Duc de Bordeaux, puis traverser le petit pont qui s'appelait Pont du Duc de Bordeaux. Ce 'pont conduisait à un terrain vague ou paissaient des chèvres et où l'on faisait sécher le linga. Il s'étendait entre la rue de Paris actuelle et le canaL C'est sur ce terrain que forent bâtis la Direction des Douanes et l'Eglise Saint-Martin.

Où se trouve la Direction des Douanes existait un corps de .garde. Un moulin se trouvait à l'extrémité de la rue.Saint-Bernard. Les" rues actuelles de la basse-ville.


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existaient déjà. Sur l'emplacement de l'Abattoir se trouvait un cimetière, les rues de la Paix et du Cimetière (rue actuelle de l'Abattoir) y conduisaient. La rue de la Verrerie tirait son nom d'une verrerie sur l'emplacement de l'usine Marchand. La rue Vauban du célèbre général du génie qui avait tracé les rues de la hasse-ville.

On revenait en ville par le Pont Royal et la rue Royale, gui conduisaient à la place Louis XVHI.

La rue de la Ferronnerie s'appelait rue du Quai de Furnes.

Les rues Marengo., Caumartin, Soùbise, Beaumont, Séchelles, Nationale étaient celles d'aujourd'hui.

La salle Saint-Cécile s'appelait salle des concerts. En traversant la place Louis XVIII, on se trouvait à l'entrée de la rue Neuve et d'Angoulême, (rue des Capucins) .

En suivant la rue d'Angoulême, on arrive à la rue de la Tour d'Auvergne (rue David d'Angers). A gauche où s'établirent ensuite les religieuses du Louvencourt, l'Hôtel de Flandre, c'est là le point de départ de toutes les diligences.

La. place Jean Bart s'appelle Grande-Place. Aucune statue ne s'y trouve.

Le café des Arcades est un corps de garde dont les arcades existent encore.

En haut une horloge, à droite un large couloir conduisant aux latrines qui se trouvent dans la rue du Loup "(vieux quartiers). Une demi-lune sert d'aération aux latrines. Les voisins se plaignent des" odeurs qui s'en dégagent. Le cabaret attenant a pour enseigne « A la double rose ». La rue Thévenet s'appelle rue des Prêtres. Après la rue Ployer, l'a rue du Loup s'appelle rue du Magasin à poudre, sur la plaine (esplanade) devant la maison du N° 5 se trouvaient des jardins. Sur l'emplacement de l'hôtel des postes se trouve l'hôpital.

Revenons jusque sur la grande place. La rue des Bassins (Amiral Ronarch) s'appelle rue de la Vierge, après la rue Neuve, rue de Bergues.

Le péristyle de Saint-Eloi s'avance de six mètres vers la tour. Entre la rue du Loup et la place (Café du Morien) la citerne et la pompe militaire à deux grands bras de fer. Les soldats et quelques civils autorisés viennent y puiser de l'eau.


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Les deux premières maisons de la rue de l'Eglise situées en face, font une saillie de cinq mètres. Entre ces deux saillies l'entrée de la rue dé l'Eglise est des plus étroites.

La rue de la Marine s'appelle rue de Berry. La rue Dupouy s'appelait rue de l'Ancienne Poste. Il s'agissait de la poste à chevaux et non du bureau qui y a précédé le bureau actuel. La rue Sainte-Barbe, à partir de la rue Rover, s'appelait rue de la Reine.

Lorsqu'on arrivait de la rue Dupouy, à la rue du Sud, on rencontrait la rue Castagnier qui s'appelait alors place de la Cantine aux vins.

Du pavillon des chefs à la caserne, des magasins militaires — derrière une petite rue aujourd'hui disparue — rue du quartier des chasseurs. ,

Nous pouvons suivre la rue de l'Abreuvoir et arrivons place Jean Bart (place du Théâtre actuel). Le théâtre est à la scierie Dubuisson. La place Calonne s'appelle place du Théâtre. La rue de l'Est était la fameuse rue des bons enfants (maisons publiques). La rue de l'Arsenal était la rue du Levant. La sous-préfecture se trouve rue du Jeu de Paume (école du commerce) alors rue de l'Arsenal. La rue longeant la caserne du havre s'appelait rue du Bastion.

Nous voici à l'extrémité de la rue des Vieux Remparts. Derrière, la prison actuelle se trouve la rue de la Petite-Chapelle.

Une seconde rue parallèle à la rue de la Petite-Chapelle se trouvait derrière la prison. C'était la rue des Bains. Il ne faudrait pas' croire qu'elle était ainsi nommée parce qu'elle conduisait aux bains de mer. C'était tout simplement parce qu'il s'y trouvait un établissement de bains.

La rue Caraqt est fermée par une grille qui se trouve aujourd'hui à l'abattoir, d'où son nom de rue de la Grille. Une fonderie s'y trouve.

Nous débouchons sur le port : à deux pas se trouvent les remparts qu'on traverse sous une voûte, au-dessus une plateforme dallée, qu'on appelle lé Belvédère.

En passant au coin de la rue des Arbres, nous apercevons, à gauche, après la ruelle Saint-Pierre, le Tribunal de Commerce. De l'autre côté du port le quartier de la Citadelle, ne possède que deux rues : Saint-François et du Gouvernement;


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Le port est clôturé par un mur le long duquel s'étend la rue de Hollande. Entre lui et le quai se' trouve la rue du port.

Le marché aux anguilles se trouve à l'entrée de la rue du Quai. Entre ce marché et le marché aux volailles, une rue porte le nom de Buchtguinée. Adossé au mur du port, à hauteur du marché aux volailles, la maison des poids publics et à côté un parc d'huîtres et de homards.

Descendons la rue de l'Eglise. La prison est derrière la mairie.

Le Tribunal occupe l'immeuble actuel de la Bourse. Là rue Emmery s'appelle rue du Moulin. La rue Faulconnier s'appelle rue Saint-Julien, à cause de l'hôpital de ce nom qui s'y trouvait. Rue des Soeurs Blanches se trouve l'établissement des bains.

Sur l'emplacement de la halle se trouve le petit marché aux poissons. La rue de la Panne s'appelle la Petite Rue de Hollande.

Par la rue de Bergues, nous arrivons à l'arrière port, puis au chemin de la porte du Tornegat où nous nous retrouvons à notre point de départ, ayant fait le tour de la ville.



Une Famille notabe de Dnnkerque au XVIIIe Siècle

Nôtes généalogiques sur les Thiéry

ARMES : D'azur au cygne d'or surmonté de trois étoiles rangées d'argent ; au chef de gueules, chargé de deux .bandes du second. (Cf. Plusieurs Ex-Libris du XVIIP Siècle).

I. — JOSEPH THIERY, entrepreneur des travaux du Roy et négociant à Dunkerque, né à Givet-N otre-Dame, évêché de Liège (acl. Givet dans les Ardennes) vers 1687. décédé à Dunkerque, le 27 Août 1738, y épousa (sous le nom Theiry) le 10 Août 1717 Jeanne-Alexandrine HEMERIECK, née à Dunkerque, le 4 Juin 1693 parrain François Joires, ancien bourgmaitre ; mar-raine Alexandrine Vanderhaghe, veuve de Pierre de Bryer, en son vivant bourgmaître), décédée à Dunkerque, le 28 Mai 1757. Elle était fille d'Adrien, qui fut Doyen de « La Noble confrérie de Madame Ste-Barbe », et de Jeanne RYCX, (veuve de François Pilliet), mariés à Dunkerque, le 12 Février 1692 (Témoins : Nicolas Taverne, Jean Rycx, etc.).

Du mariage Thiéry-H émerieck naquirent huit enfants qui suivent :

(1) JEANNE-THERESE-PETRONILLE, née à Dunkerque, le 24 Mai 1718, y décédée le 4 Mai 1787, y alliée le 6 Février 1738 à Pierre-Benoît DE BAECQTUE, négociant, conseiller de la Chambre de Commerce, né à Bergues, le 16 Juillet 1710, fils de Jean-BaptisteBenoît, échevin de la ville et châtellenie de Bergues, et de Catherine-Dorothée LAMBRECHT (familles connue

de nos jours sous le nom de Coudekerque-Lambrecht) D'où nombreuse postérité encore représentée à Dunkerque. (Familles Lemaire, Dumont, Bonpain,'Chaveron, Lefebvre, de Lesdain, etc.)

(2) (PIERRE)-JOSEPH, qui suit : II.

(3) (LOUIS)-ADRIEN, qui suivra : II bis.


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(4) PIERRE, négociant, né à Dunkerque, le 26 Février 1724, y allié le 10 juillet -1755 à Agnès-Magdelaine BENEZET, née à Dunkerque, le 20 Janvier 1736, y décédée le 22 Avril 1806, fille' de Jean-Jacques, conseiller de la Chambre de Commerce, et de Charlotte-Isabelle PICQUET.

(5) MARIE-JOSÉPHINE, née à Dunkerque, le 23 Mai 1726, alliée en premières noces à Dunkerque, le 22 Août 1747,à Jean-François MARGADÉ, conseiller pensionnaire de Dunkerque, né en cette ville, le 30 Mai 1710, fils de Jean-Jacques et de Pétronille FRANCHOIS dont postérité, et en secondes noces à Dunkerque, le 27'Décembre 1761, à Athanase MASSELIN, né vers 1732.

(S) BERTRAND, licencié en théologie dé l'Université de Douai, nommé curé de l'Eglise Baint-Eloi à Dunkerque en Février 1767, né à Dunkerque, le 27 Octobre 1727, y décédé le 16 Avril 1786.

(7) MARIE-ANXE-ALETAND'KINE, née à Dunkerque, le 16 Juin 1729, y décédée le 22 Messidor an III, alliée dans cette ville le 30 Août 1756, à Pierre-Charles BEXARD, négociant, conseiller de la Chambre de Commerce, né vers 1724.

(8) CHARLES-PIERRE, Seigneur d'Oostcocove,, Pairie de Recques Garnegate, Willebrorde, Bonaventure et autres lieux (dans les toutes dernières années du XVIII 6 Siècle), entrepreneur des Travaux du Roi, bourgmaître, puis maire de Dunkerque, né en cette ville, le 26 Juin 1730, y décédé le 2 Nivôse an VIII, allié à Dunkerque le 14 Mai 1759, à Thérèse-Adélaïde-Robertine DE BONTÉ, née à Dunkerque, le 11 Octobre 1741, fille de Jacques.

Jacques. seigneur de Recques,Polincove, Garnegate et autres lieux (il portait à cette date d'autre noms de seigneuries), bourgmaître - et maire de Dunkerque et de Laurence-Jacqueline-Brigitte COPPEKS. ; Dont trois enfants :

a) LAURENCE-JOSEPHINE-ADELAIDE, née à Dunkerque, le -30 Avril 1761.

. b) CAROLINE-ADELAIDE-SOPHIE, née à Dunkerque, le 4 Novembre 1768, décédée à Guines, le 29 Octobre 1821, alliée à Dunkerque, le 24 Novembre 1790, à Louis-MarieDaniel, vicomte DE GTJIZELIN (de Guiselin, par jug. Dunk. du 9 Août 1824), ex-page de la Grande Ecurie


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du Roi, ex-officier aux dragons de la Reine, Chevalier de Saint-Louis, Officier de la Légion d'honneur, né à Guines, vers 1765, mort à Dunkerque, le 9 Janvier 1841, fils de Daniel-Marie, Sgr. de Grande-Maison, capitaine d'infanterie, et de Suzanne-Claudine LENOIR. Dont nombreuse postérité.

c) ANNE-THERESE-LOLTISE, née à Dunkerque, le 14 Octobre 1769.

II. — (PIERRÉ)-JOSEPH THIERY, entrepreneur des travaux du Roy, échevin de Dunkerque, né en cette ville, le 20 Avril 1720, y épousa, le 18 Décembre 1747, Marïe-Magdelaine-Françoise PEELLAERT, née à Dunkerque, le 15 Janvier 1726, y décédée, le 30 Juillet 1786, fille de Robert, bourgmaître de Dunkerque. et de Marie TUGGHE, dont dix enfants

(1) ROBERT-ALEXANDRE, né à Dunkerque, le 3 Octobre 1748, décédé à Morbecque le .... Septembre, 1792.

(2) LOUIS-MARIE, négociant, né à Dunkerque, le 28 Octobre 1749, décédé à Bruxelles, le 3 Décembre 1810, allié à Dunkerque, le 8 Novembre 1774, à Marie-JeanneJacqueline DROUILLARD, née à Dunkerque, le 11 Août 1748, fille de Jacques-Pierre-Antoine, négociant et échevin de Dunkerque, orig. de Calais, et de Marie-AnneAgnesse (sic) OMAER.

Dont sept enfants :

a) MARIE-JEANNE-JOSEPHINE, née à Dunkerque,.le, 18 Novembre 1775, y décédée le 3 Novembre 1804.

b) MARIE-MAGDELAINE-CATHERINE-ANTOINETTE, née à

Dunkerque, le 21 Novembre 1776, alliée à Dunkerque le 28 Vendémiaire, à Louis-Bertrand-Joseph OLIVIER, débitant de tabac, né à Dunkerque, le 26 Mai 1771, y décédé le 10 Février 1848, fils de Louis-Sébastien, avocat, et de Marie-Catherine-Thérèse MEURIN.

e) MARIE-LOUISE-EMELIE, née à Dunkerque, le 18 Février 1778.

d) LOUIS-JOSEPH, né à Dunkerque, le 1er Mars 1779.

e) MARIE-FRANCOISE-CHARLOTTE, née à Dunkerque, le 12 Juin 1780, y décédée le 24 Mars 1829, alliée à Dunkerque le 28 Germinal an X à Benjamin-Pierre-Joseph WOESTYN, débitant de tabac, né en cette ville, le


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23 Mars 1781. fils de feus Jean-Benjamin et de MarieThérèse-Pétronille HOOGHEERE.

f) LOUIS-HIPPOLYTE-DESIRE-BENOIT, né à Dunkerque, le 2 Avril 1782.

g) SOPHIE, née à-Dunkerque, le 18 Novembre 1784.

(3) (PIERRE)-AMAND, négociant, né à Dunkerque, le 27 Avril 1751, y allié le 11 Janvier 1774 à Marie-AnneAnastasie-Joseph TULLY, née à Dunkerque, le 31 Mars 1756, fille de Florent-Guillaume, écuyer, échevin de Dunkerque, ancien officier au régiment de Dillon, médecin extraordinaire du Roi d'Angleterre, etc.. orig. de Lincks (Irlande), et de Marie-Magdelaine.LEMOINE

Dont deux enfants :

a) MARIE-MAGDELAINE, née à Dunkerque, le 18 Février 1775, alliée à Lille, le 3 Messidor, an II, à Jean-Pierre LABBÉ, né à Louvignies, commissaire à l'administration de l'habillement de l'armée, fils de Pierre et de Thérèse CATILLON.

b) MELANIE-MAGDELAINE-FLORENCE, née à Dunkerque, le 3 Septembre 1778, décédée à Viroflay, le 27 Mars 1803, alliée à Lille, le 21 Germinal an VI, à MariePierre-François-de-Paul DULIEGE, payeur général de la 2° division militaire, fils de Pierre-Louis et de Marie DINCOUR.

(4) MAGDELAINE-JEANNE-LOUISE, née à Dunkerque, le 26 Juin 1752, y décédée le 10 Février 1833, alliée dans cette même ville, le 15 Décembre 1772, à Louis-Benoît HOVELT, ex-lieutenant général au baillage de SaintOmer, conseiller-pensionnaire de Dunkerque, commissaire central du Gouvernement pour le département du Nord, né à Dunkerque, le 8 Août 1742, décédé à Douai, le 4 Nivôse an VIII, fils de François-Benoît, négociant, échevin de Dunkerque, et de Marie-Anne-Joseph.

MEURISSE DE St-HlLAIRE.

Dont postérité. (Familles Hovelt et Huret).

(5) MARIE-JOSEPH, née à Dunkerque, le 10 Avril 1754. décédée à Paris, le 4 Mars 1827, alliée à Dunkerque le 15 Juin 1773 à Jean-ierre-Edmond ARCHDEACON, négociant; né à Dunkerque, le 30 Novembre 1750, mort à Paris, le 29 Juillet 1830, fils d'Edmond et de JeanneLaurence MARCADÉ.

D'où postérité représentée à Paris avec distinction.


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(6) JOSÉPHINE-LOUISE, née à Dunkerque, le,12 Février 1757,alliée a Dunkerque, le 2 Juin 1778, à Joseph-Edmond CONNELLY, né à Dunkerque, le 21 Mars 1751, fils d'Edmond, né près de Lismore (Irlande) et de Marie ROCHE.

D'où postérité très bien représentée à Paris.

(7) CHARLES-ALEXANDRE, négociant, entrepreneur des travaux du Roy, consul de Hollande, capitaine de la Garde Nationale de Dunkerque, né en cette ville, le 3 Février 1758, y décédé le 16 Juillet 1824, y allié le 20 Juillet 1784, après contrat du 19 devant Duflo, not., à Marie-Magdelaine-Geneviève-Laurence DEVINCK; née à Dunkerque le 24 Juillet 1769, fille de FrançoisLaurent; négociant, commissaire de la Marine et du Commerce de la Nation hollandaise, et de LaurencePétronille FREDERYCK.

Dont:

a) - MARIE-MAGDELAINE-LAURENCE-GENEVIEVE-CHARLOTTE-THERESE, née à Dunkerque, le 2 Avril 1788,- alliée à Fleury BOURCKOLTZ, propriétaire à Paris. Dont postérité.

b) N...; né et décédé à Dunkerque,.le 10 Mai 1801.

c) CLÉMENCE-CHARLOTTE, née à Dunkerque, le 16 Mars 1808.

(8) BENOIT-ALEXANDRE, négociant, né à Dunkerque, le 21 Juillet 1759, alllié dans cette ville: en premières noces le 10 Février 1874, à Marie-Claire-Jacqueline DENTS, née à Dunkerque, le 25 Février 1763, fille d'Etienne-Daniel, ingénieur, constructeur de la Marine, et de Marie-Françoise ROORICK; en secondes noces, le 26 Septembre 1786, après contrat du 23 devant Duflo, not., à Marie-Angélique-Joséphine THIÉRY, sa cousinegermaine.

De ce second mariage sont issus :

a) LOUIS-ADRIEN-JOSEPH, né à Dunkerque, le 17 Décembre 1788.

b) VIRGINIE, née à Dunkerque, le 27 Janvier 1794.

c) GASPARD-JOSEPH, né à Dunkerque, le 28 Avril 1795.

d) AUGUSTE-CHARLES, né à Dunkerque, le 10 Septembre 1796, y décédé le 11 Ventôse an VII


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e) THEODORE-HENRY, né à Dunkerque, le 10 Novembre 1797.

f) MARIE-AUGUSTINE, née à Dunkerque, le 24 Février

1799, alliée à Guy-Anne, DELAMOTTE-BERTIN. D'où un fils.

g) PALMIRE-ALMANDA, née à Dunkerque, le 21 Janvier

1800, y décédée le 8 Avril 1804.

h) ALICIA-EMMA, née à Dunkerque, le 29 Août 1801, .ép. de N... BROQUET.

i) ADOLPHE-EDMOND, né à Dunkerque, le 12 Février 1806.

j) D'autres enfants parmi lesquels, BENOIT-CHARLESMARIE.

(9) THERESE-CHARLOTTE-CONSTANCE, née à Dunkerque, le 10 Août 1764, alliée dans cette ville, le 5 Février 1787, après contrat du 31 Janvier devant Duflo, not., à François-Laurent (Laurent-François par jug. Dk. du 12 Fructidor an II) DEVINCK, nég., commissaire des. EtatsGénéraux de Hollande, puis banquier à Paris, né à Dunkerque, le 30 janvier 1743, décédé le 22 Décembre 1818 (veuf de Laurence-Pétronille FREDERYCK), remarié le 28 Juillet 1796, à Julie-Madeleine ARCHDEACON, née le 3 Septembre 1777, décodée à Paris, le 1er Avril 1858, fille de Jean-Pierre-Edmond et de Marie-Joseph THIÉRY.

Du dernier lit : François DEVINCK, chocolatier, président de la Chambre de Commerce de Paris, etc..

,(10) AGNES-SOPHIE-EMELIE, née.à Dunkerque, le 27 Février 1769, y décédée le 24 Décembre 1790. alliée dans cette ville, le 25 Novembre 1788, à « Messire » . Gaspard-Sébastien GAMBA DE QUESTINGHEM, écuyer, négociant, né à Dunkerque, le 26 Octobre 1762, décédé en 1831, remarié à Adrienne-Anne-Sophie Thiéry, fils de « Messire » Pierre-Jean Gamba, écuyer, seigneur de Questinghem, conseiller de la Chambre de commerce de Dunkerque, et de feue Françoise-Suzanne MOLLIEN (orig. de Calais).

II bis."— (LOUIS)-ADRIEN THIERY, entrepreneur des travaux du Roy, échevin de Dunkerque, né en cette ville le 14 Mars 1722, y décédé le 6 Septembre 1777, épousa: en premières noces Jeanne-Catherine CHARLEZ ; en secondes noces, à Dunkerque, le 11 Avril 1763, Cathe-


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rine-Thérèse-Angélique DEVINCK, née à Dunkerque, le 3 Août 1735, fille de Jean-François, ancien avocat en Parlement et ancien échevin de Dunkerque et de Thérèse Jacqueline COLPAERT ; en troisièmes noces, à Dunkerque, le 22 Juin 1770, Marie-Angélique-Victoire (Alias : Angélique-Vicloire-Jeanne) VERN1MMEN, née à Dunkerque, le 4 Mars 1734, y décédée le 20 Avril 1788, fille de Louis, Sgr. de Soetenay, ancien bourgmaître de Dunkerque, et de Jeanne DEVINCK.

Dont :

(1) MARIE-LOUISE-ADÉLAIDE, née à Dunkerque, le 24 Février 1764, alliée dans cette ville, le 10 Janvier-1787, après contrat du 9 devant Duflo, not., à François-RégisBenjamin DEVINCK, veuf de Marie-ThérèseFrançoise (Alias : Marie-Jeanne) FONTEYNE, né à Dunkerque, le 1er Mars 1761, mort à Paris, le 20 Mars 1803, avocat en Parlement, député du Nord au Conseil des Cinq-Cents, puis député de l'Escaut, choisi par le Sénat conservateur pour représenter le Département du Nord au corps législatif, fils de Laurent et de Marie-Jeanne-Philippine MEYNNE.

(2) MARIE-ANGÉLIQUE-JOSÉPHINE, née à Dunkerque, le 9 Janvier 1765, épouse de Benoît-Alexandre THIERY, son cousin-germain

(3) LOUIS-BERTRAND, négociant, né à Dunkerque, le 23 Novembre 1765, allié à Hardinghen (Pas-de-Calais) à Augustine-Danotine-Joséphine-Thérèse BRUNET.

Dont 5 enfants :

a) PRIMIDI-PLUVIOSE, prénoms changés contre celui d'ALFREDE (sic) par jug. Dk. du 6 Juin 1807, né à Dunkerque, le 30 janvier 1794, officier de la Légion d'honneur le 24 Août 1838, chef d'escadron le 30 Juillet 1839, officier d'ordonnance du Roi, lieutenant-colonel le 17 Septembre 1842, aide de camp du duc de Montpensier, colonel en 1845, enfin maréchal de camp (général

de brigade).

b) GORALTE, née à Dunkerque, le 27 Avril 1795, décédée à Paris, le 29 Janvier 1882, alliée à Naples, le 30 Mars 1813 à Joseph-Amédée TAVERNE DE TERSUD, écuyer, baptisé à La Madeleine- lez-Lfflle, le 19 Décem-


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bre 1777, mort en 1837, capitaine au régiment' des chevau-légers de la garde du Roi des Deux-Siciles, lieutenant-colonel de cavalerie, chevalier de Saint-Louis, fils de Jean-Nicolas, écuyer, seigneur de Tersud,. capitaine au régiment de la Marine et de Agathe-Amélie-Joseph DE MADRÉ. . .

c) EMILE, né à Dunkerque, le 2 Octobre 1799, y décédé le 29 Germinal an IX.

d) ADOLPHE-EDMOND, né à Dunkerque, le 3 Février 1802.

e) JULES-VICTOR, né à Dunkerque, le 30 Janvier 1806.

(4) ADRIENNE-ANNE-SOPHIE, née à Dunkerque; le 6 Novembre 1766, y décédée le 1er Novembre 1802, alliée dans cette même ville le 26 Juillet 1791 à GaspardSébastien GAMBA, veuf d'Agnès-Sophie-Emélie Thiéry.

(5) HENRY-JACQUES-MARTE, négociant, Consul de Suède, né à Dunkerque, le 13 Janvier 1768, décédé au château de Biré (près la Flèche), le 18 Septembre 1838, allié à Dunkerque, le 11 Octobre 1791, suiv. contrat devant Duflo, not., à Jeanne-Louise-Geneviève-Laurence (Alias Jeanne-Geneviève) DEVINCK, née à Dunkerque le 2 Septembre 1774, y décédée le 27 Janvier 1828, fille de François-Laurent et de Laurence-Pétronille FREDERYCK.

Dont huit enfants :

a) ADELE-IjAURENCE née à Dunkerque, le 21 Septembre 1792, y décédée le 26 Ventôse An VII

b) THERESE-EMELIE, née à Dunkerque, le 24 Septembre 1793, y décédée le 24 Brumaire An III.

c) HENRY, né à Dunkerque, le 24 Juin 1795.

d) THEODOR, né à Dunkerque, le 14 Janvier 1797, y décédé le 27 Pluviose An X.

e) AUGUSTE, né à Dunkerque, le 11 Août 1799, négociant, Consul de Suède et de Norvège, Chevalier de l'Ordre de Gustave Wasa, administrateur de la succursale de la Banque de France, allié par contrat du 3 Mai 1830 devant Beck, not., à Dunkerque, à ClémenceLouise

ClémenceLouise née à Dunkerque, le 10 Avril 1808, y décédée le 14 Août 1869, fille de Joseph-Pierre-Désiré et de Françoise-Jacqueline DOWLIN.


f) ERNESTE (sic), né à Dunkerque, le 1er Janvier 1810, décédé à Saint-Omer, le 4 Mai 1892, directeur des postes, allié à Aimée-Aldegonde-Augustine CAVROIS, née vers 1825, décédée à Saint-Omer le 23 Novembre 1885.

Dont:

aa) AIMEE-DELPHINE, alliée à Louis-Adolphe PIERRON, receveur particulier des finances, né vers 1846, décédé à Wimereux, le 8 Mai 1911.

Dont postérité.

bb)HENRI-ERNEST, né vers 1852, décédée à Lille, le 16 Février 1882. ' '

g) ELISE-CLÉMENCE, alliée en premières noces à N ... MEURICE; en secondes noces à Adolphe-Michel-Louis LEROUX DE LA JONCKHAIRE.

h) CALIXTE-EUGENIE, alliée à Jules-Eélix-Amand RISCHMANN.

(6) SOPHIE-CATHERINE-CAROLINE, née à Dunkerque, le 20 Mars 1769,épouse de Michel-Jean SIMONS.

b) Du troisième mariage de Louis-Adrien Thiéry avec Mlle Vernimmen; sont issus :

(1) JEAN-HIPPOLYTE, né à Dunkerque, le 5 Mars 1772.

(2) ATHANASE-HONORE, brasseur à Watten (Nord), ne. à Dunkerque, le 12 Août 1775, décédé à Bergues, allié à Hechteren, près Peer (Meuse-Inférieure) à MarieLouise-Dorothé LEROY, fille de François-Joseph et de Marie-Jeanne VERNIMMEN.

Dont :

a) MARTE-LOUISE-CLARA, née à Dunkerque, le 12 Janvier 1801, y décédée le 28 Mai 1820.

b) CLÉMENCE-MARIE, née à Dunkerque, le 6 Février 1802.

c) FLORE-HENRIETTE-VICTOIRE, née à Dunkerque, le 24 Ventôse An XI, alliée à Dunkerque, le 15 Janvier

1827, à Charles-Louis (ou Louis-Marie-Constant) GASTRIQUE, « fils de notaire » fils de Célestin-Joseph, notaire à Dunkerque, et d'Anne-Marie-Jeanne FIQUOIS.

Non rattachés : Jean-Marie Thiéry, marié à N... dont: l° Emile; 2° Anaïs-Célestine-Sophie.

(Cf. testament de Jacques-Edmond Archdeacon).

LUCIEN-A. DE LESDAIN.



Formation des Milices en 1743

à Dunkerque et dans les Communes voisines

Par le Dr L. DEWEVRE

Notre région ayant été, depuis bientôt deux cents ans, le théâtre presque continuel d'hostilités, les habitants accueillirent avec dés transports de joie, la signature du traité de Vienne qui mettait fin à la guerre de Pologne.

On était convaincu qu'on allait enfin avoir une paix durable quand la mort de l'Empereur Charles VI, amena une nouvelle guerre, dite de la succession d'Autriche.

La France allait avoir à faire face aux ennemis en de nombreux endroits et comme les soldats allaient manquer pour nous défendre et que l'entrée en scène de l'Angleterre ne paraissait pas faire le moindre doute, on décida de créer avec les habitants, des bataillons locaux.

Voici d'après un document que nous avons trouvé aux archives de Bergues (EE N° 10) les contingents qu'eurent à fournir les différentes paroisses. Ces chiffres sont intéressants parce qu'ils nous renseignent sur l'importance de chacune d'elles à cette époque.

Juillet 1743. — ORDONNANCE DU ROI pour former 7 bataillons de 600 hommes chacun tant de la bourgeoisie de la Ville de Dunkerque que des habitants de son territoire et de quelques autres lieux qui Vavoisinent, dépendant des châtellenies de Bergues, de Bourbourg et de la ville de Gravelines sous le nom de troupes Dunkerquoises pour servir à la défense de la dite ville de Dunkerque, à la garde des dunes et de la côte, depuis , Gravelines jusqu'aux limites de la frontière.

Sa Majesté connaissant le zèle et la fidélité de ses sujets de la Flandre Maritime et particulièrement de sa fidèle ville de Dunkerque, dont les habitants ont donné des preuves éclatantes en toute occasion et se sont signalés par tant d'actions distinguées de bravoure et d'intré-


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pidité sur mer, et désirant témoigner sa satisfaction de leur bonne volonté et affection à son service dont ils viennent de donner de nouvelles preuves en demandant d'être armés pour la défense de la ville et de la côte de la mer. sa Majesté, agréant leur zèle, a résolu de former7 bataillons de 600 hommes chacun tant de la bourgeoisie de la dite ville de Dunkerque que des habitants de son territoire et de quelques autres lieux qui l'avoisinent dépendant des Châtellenies de Bergues, de Bourbourg et. de la ville de Gravelines sous le nom de troupes Dunker-' quoises.

Les Officiers ont autorisés à porter un uniforme.' Leurs habits seront de drap bleu de Roi, boutons d'argent sur bois et le chapeau brodé d'argent. Sa Majesté, ne donnera point d'habillement à ces troupes ; elles peuvent se fournir de sarros de toile bleue de roi. Sa Majesté leur donnera un drapeau, des fusils, des épées, des baïonnettes, des ceinturons, des cartouches, banderoles de fusil, caisse de tambours avec leurs colliers et baguettes.

Les tambours battront la marche de la province.

Les capitaines choisiront parmi les 100 hommes qui composeront leurs compagnies les sergent et caporaux.

Ces troupes ne marcheront ni ne feront aucun service que par les ordres du Commandant pour le service du roi.

Les sergents jouiront d'un sol et les caporaux, fusiliers et tambours de 6 deniers chacun par jour destinés pour l'entretien de leur linge et chaussures qui leur seront payés avec leur solde.

ETAT-MAJOR :

Colonel : le Bourgmestre de Dunkerque.

Lieutenant-Colonel : le Ier Echevin.

Les 4 bataillons de la ville de Dunkerque se composaient d'un colonel, d'un lieutenant-colonel, de 2 majors, de 4 aides-majors, de 24 capitaines, de 24 lieutenants, de 24 enseignes ou lieutenants en second, total : 79 officiers.

Effectif : 2.400 hommes.

Ier BATAILLON. — Le Ier Bataillon avait son quartier d'assemblée à Leffrinckoucke formé par la ville de Bergués.


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Iere COMPAGNIE

Dunkerque, Branche de Leffrinckoucke 16 h. Partie de la Branche de Coudekerque y

compris Rosendaël 14 »

Branche de Leffrinckoucke ... 20 »

Branche de Coudekerque ...,. 50 »

Total 100 hommes

2me Cie: .Zuydcoote 3me Cie : Ghyvelde 4me Cie : Téteghem 5me Cie : Coudekerque 6me Cie: Armboutscappel.

2me BATAILLON

Iere COMPAGNIE

Quartier d'assemblée : Grand Mardyck, formé par la Ville de Dunkerque.

Le Grand Mardyck 50 hommes

Partie de Grande-Sainte 32

Partie de Petite-Sainte 18

Total 100 hommes

2me COMPAGNIE, de Grande-Sainte

Partie de la Grande-Sainte 100 hommes

3me COMPAGNIE, de Petite-Sainte

Partie de la Petite-Sainte 57 hommes

Partie de Tornegat 2

Partie de Spycker 41

Total 100 hommes

4me COMPAGNIE, de Fort-Mardyck

Partie de Spycker —— 49

Les environs de Bourbourg 51

6me COMPAGNIE, Loon

Village de Loon 100 hommes

3me BATAILLON. — Le 3me Bataillon a son quartier d'assemblée à Loon près de Gravelines, formé par la ville de Bourbourg.


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Ire COMPAGNIE Partie de Loon ....... 100 hommes

2me COMPAGNIE

Partie des environs de Bourbourg .... 100 hommes

3me COMPAGNIE, de Bourbourg Partie de la ville de Bourbourg 100 hommes

4me COMPAGNIE, de Craywick

Craywick ... . 40 hommes

Partie de Loon 35

Partie de la ville de Bourbourg ....... 10

Saint-Nicolas ..., : 15

5me COMPAGNIE, Saint-Georges

Saint-Georges 60 hommes

Partie de Bourbourg ,.. 15

Partie des environs de Bourbourg .... 25

6me COMPAGNIE, de Gravelines

Les huttes de Gravelines 80 hommes

Les huttes de Fort-Philippe . . 20

Récapitulation des 3 bataillons de la Campagne :

Capitaines . 18

Lieutenants - ... 18

Lieutenants en second 18

Aides-majors 3

Total 57 Officiers

Total des 3 bataillons de la Campagne : 1800 hommes Récapitulation générale :

Off. des 4 bataillons de la Ville de Dunkerque : 79 Off. des 3 bataillons de la campagne : - 57 Total des 4 bataillons de Dunkerque : 2.400 hommes Total des 3 bataillons de la campagne : 1.800 hommes

Fait à Versailles, le 16 Juillet 1743. Comme il fallait 100 hommes par compagnie, on fut


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obligé, pour compléter l'insuffisance du contingent d'une commune d'emprunter à la commune voisine la quantité d'hommes nécessaire.

Il faut savoir aussi que l'honneur de porter les armes n'appartenait pas aux ouvriers.

C'est ainsi que le contingent de Grande-Synthe est trop nombreux et doit céder 32 hommes à la première" compagnie de Mardyck.

Il faut dire que ce contingent de 32 hommes et celui de Petite- Synthe de 18, représentent les contingents du hameau des pêcheurs (plus tard commune de FortMardyck) qui était séparé en deux parties par la rue de l'Amirauté, l'une appartenant à Grande-Synthe, l'autre à Petite-Synthe, ce qui fait en somme 50 hommes pour ce hameau.

Le contingent du hameau de Tornegat (Saint-Polsur-Mer) est de deux hommes, ce qui est loin d'être en rapport avec sa population et ce qui nous montre que la population à cette époque était surtout ouvrière.

Chose curieuse, la 4e Compagnie, celle de FortMardyck et qui devait s'y réunir, ne renferme pas un homme de Fort-Mardyck, mais des hommes de Spycker et des environs de Bourbourg.

Il est bien difficile de connaître les raisons d'un pareil chassé-croisé, mais ceci n'ôte rien à l'intérêt du document. (1)

(1) Sur la formation des milices en 1748 voir :

Ordonnance du Bailli de Givry, publiée par M. Durin. Bull.

Un. Faulconnier 1906 et Manuscrit de J.L. le Tellier, Union

Faulconnier 1927.



Revendications de la Ville de Bergues

en 1718

- - sur le Port de Petite-Synthe- - -

(Canal de Mardyck)

Par le Dr. L. DEWÈVRE

Personne ne pourrait croire aujourd'hui que la ville de Bergues voulut autrefois être port de mer et supplanter Dunkerque. Quand cette dernière ville eut ses fortifications démolies et son port comblé, conformément au traité d'Utrecht en 1713, la ville de Bergues trouva le moment opportun de revendiquer sa succession. Elle avait participé pour 60.000 dans les dépenses de creusement du nouveau canal et comptait bien ne pas avoir fait une dépense, sans profit pour elle.

Elle savait qu'il était dans les projets de Louis XIV de construire une nouvelle ville à Petite-Synthe et elle ne voulait pas voir renaître là sa rivale de toujours. Aussi imagina-t-elle d'envoyer un placet au roi pour lui demander l'autorisation de recevoir, dans ses murs-, sans qu'ils aient à rompre charge, tes navires arrivant au nouveau port.

Pour donner plus, de poids à sa requête et faire croire qu'elle était l'expression des voeux unanimes de l'a population, elle la fit contresigner par toutes les personnes de sa châtellenie.

Quel intérêt, en effet, pouvaient avoir des paroisses comme Ghyvelde, Leffrinckoucke, Spycker à la création d'un port de mer à Bergues ? Leffrinckoucke comptant 28 habitants 1; Cappelle-Cappelle (Cappelle-laGrande) 77 comme nous l'avons relevé sur un état de dénombrement de ces paroisses (archives de Bergues. — Série BB — 47).

La ville de Bergues appuyait ses prétentions sur ce fait qu'elle était un centre de production agricole, qu'elle était reliée par des canaux avec Furnes, SaintOmer et Aire, qu'elle avait participé pour 60,000 livres


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au creusement du port de Petite-Synthe, que ses droits comme port de mer avaient été reconnus en 1627 par l'Infante Isabelle, qui lui avait donné mission, d'armer en guerre douze bâtiments et avait fixé à Bergues en 1624 le siège dé l'Amirauté,

Chose extraordinaire, malgré les protestations de Petite-Synthe, de Dunkerque, de la Chambre de Commerce, Bergues réussit à faire adopter, tout au moins en principe, ses fantastiques prétentions.

Nous allons le démontrer par les deux lettres suivantes, encore inédites, qui se trouvent aux archives de Bergues (série DD — 36 ancien 49) et qui lui furent adressées en réponse de sa requête le 8 et 9 Juillet 1715. L'une est écrite par M. Desmaret, contrôleur général à M. l'Intendant de la. Flandre Occidentale; l'autre par M. Pelletier, Intendant général des fortifications.

Lettre de M. DESMARÈT, Contrôleur général, à M. l'Intendant de la Flandre occidentale.

Marly, le 8 Juillet 1715. MONSIEUR,

Sur le compte que j'ai rendu au Roi du placet des habitants de la Ville et châtellenie de Bergues, par lequel ils demandentla permission de faire remonter leurs bâtiments par les deux passages des écluses de Mardyck jusqu'à Bergues sans être obligés de rompre charge ni de payer les droits qui pourraient être établis par la suite, auxquels les habitants de Dunkerque n'auraient point été sujets à la réserve des droits ordinaires des fermes. Sa Majesté n'a fait sur votre avis aucune difficulté de leur accorder cette permission, son intention étant de protéger le Commerce de cette ville en tout ce qui se pourra. Et elle m'a, chargé de vous en informer afin que vous vous y conformiez.

Je suis, Monsieur, votre très humble et très affectueux serviteur.

DESMARET, Contrôleur Général.

Paris, le 9 Juillet-1715.

J'ai rendu compte au Roi, Monsieur, du placet des magistrats de Bergues au sujet du petit passage de l'écluse de Mardyck et de l'élargissement du Pont Rouge. J'ai aussi rendu compte à Sa Majesté de votre avis auquel elle a jugé à propos de se conformer, bien entendu que l'éclusier que la châtellenie de Bergues établira à cette écluse ne fera rien sans vos ordres et sans ceux de l'Ingénieur-Directeur ou de l'ingénieur en Chef. Quant au pont rouge, cela ne paraît point pressé, lorsque l'on


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jugera à propos d'y travailler, vous pourrez faire fournir des bois de la démolition de Dunkerque dont la ville et la châtellenie de Bergues payeront la main-d'oeuvre. Je ne sais s'il ne serait pas à propos de construire ce pont de manière qu'il pût s'ouvrir par le milieu pour la facilité du passage des vaisseaux

_ marchands, nous en parlerons s'il vous plaît avant votre départ. Je suis, Monsieur, votre très humble et obéissant serviteur.

PELLETIER, Intendant des Fortifications. Passage libre à l'Ecluse de Mardyck et élargissement du Pont Rouge.

En dehors du fait brutal de l'assentiment donné par Louis XIV, il faut dégager de ces deux lettres, quelques points intéresants.

La Ville de Bergues avait prévu avec raison que l'entretien en état de flottaison du canal de Petite-Synthe, dit de Mardyck et de celui de Bergues, entraînerait de lourdes dépenses et qu'elle aurait sans doute ou à les supporter ou à y contribuer. Aussi avait-elle demandé au roi d'être exonérée de tous les droits qui pourraient, à ce titré, être établis par la suite. Nous voyons par la lettre' du contrôleur DESMARET que la ville de Bergues avait obtenu gain de cause sous ce rapport.

Elle fut moins heureuse pour sa demande relative à l'élargissement de l'écluse du Pont Rouge. Cet élargissement est bien accordé et se fera même sans grands frais pour la ville de Bergues, puisqu'elle sera autorisée à se servir des matériaux de démolition de Dunkerque, mais cet agrandissement est remis à une date ultérieure. Ce n'était ni la première, ni la dernière fois que la ville de Bergues faisait effort pour devenir port de mer.

Lorsqu'en 1658 Dunkerque se trouva sous la domination anglaise, la ville de Bergues qui était restée espagnole, revendiqua le droit de recevoir les navires arrivant à Dunkerque et appuya sa demande d'abord sur un arrêt de la cour de Bruxelles de 1634 qui avait ordonné l'élargissement de l'écluse de Bergues; pour faciliter le passage des navires et ensuite sur de nombreuses attestations d'habitants ou d'anciens habitants, certifiant que depuis mémoire d'homme, la ville de Bergues recevait des navires.

Une de ces attestations fut communiquée en Juillet 1863, au Comité flamand, par M. Pieters de Schaerbeke,


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Il s'agissait d'une déposition faite le 22 Août 1677, devant les échevins d'Ostende, par un habitant qui avait séjourne à Dunkerque de 1632 à 1648 et certifiait avoir vu, pendant cette période, de nombreux navires remonter directement à Bergues. Cette lettre fut communiquée à M. de Laroière qui, à cette occasion, fit paraître dans le bulletin du Comité flamand (tome III —1865) un article sur l'ancienneté de Bergues comme port de mer !

M. de Laroière invoquait une charte de Charles Quint de 1525, où' il était dit que les autorités de Bergues, Saint-Omer et Dunkerque s'étaient réunies pour rédiger une plainte, au sujet de l'Administration des wateringues qui ne conservait pas dans le canal de Bergues un niveau d'eau suffisant pour la navigation.

Cette charte rappelait qu'une plainte semblable avait déjà été formulée en 1300.

Charles Quint ordonna que le clou qui devait marquer le niveau maximum de l'eau dans le canal fut replacé à l'écluse de Bergues.

Nous avons lu cette charte et n'y avons rien trouvé démontrant qu'il s'agissait des navires venant de la mer. Il est donc permis de croire qu'il s'agissait simplement de bélandres.

Ce qui est certain en tout cas c'est que le 23 mars 1763 (Abbé Harrau) deux navires remontèrent de Dunkerque à Bergues, sans rompre charge, la PELAGIE ET L'ETOILE DU MATIN. Bergues ne paraît pas avoir jamais reçu d'autres navires. Elle avait encore une fois profité en 1745 de la réfection de l'écluse du pont-rouge pour poursuivre la réalisation de son rêve maritime. Elle avait offert de participer pour les 2/5 à la dépense s'élevant à 500.000 livres, à condition que l'écluse eut 14 pieds, pour faciliter le passage des navires qu'elle espérait toujours recevoir. Comme son ambition n'était pas encore, satisfaite elle avait même obtenu une largeur de 22 pieds.

La ville,de Bergues ne jouit pas longtemps de ses sacrifices et une ordonnance de l'Intendant, parue le 1er Août 1788, interdit définitivement toute communication de Bergues avec la mer.

En résumé, nous voyons que la ville de Bergues avait profité de toutes les occasions pour revendiquer le droit d'être port de mer: Prise de Dunkerque par les Fran-


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çais. construction du port de Petite-Synthe, reconstruction de l'écluse du pont-rouge, ne craignant pas de dépenser chaque fois des centaines de livres pour s'assurer cette prérogative.

Ce qui nous intéresse ici c'est la tentative qu'elle fit pour remplacer le port de Dunkerque en 1715 et se substituer à celui de Petite-Synthe.

La lutte fut vive pendant plusieurs années, mais, Louis XIV étant mort, le régent qui avait accepté de démolir la grande écluse de Petite-Synthe, ne voulut à aucun prix s'attirer de nouveaux démêlés avec les Anglais en autorisant la création d'un port de mer à Bergues.

L'Administration des Ponts et Chaussées était d'ailleurs tout à fait hostile à pareil projet et invoqua la nécessité de se servir des eaux du canal de Bergues pour les chasses dans le port.

Quand ces chasses avaient lieu et que l'eau de mer venait remplir le canal de Bergues, c'était alors à tous les cultivateurs riverains de protester, parce qu'ils manquaient d'eau pour leurs bestiaux.

Ce sont ces deux grandes raisons qui ont toujours empêché la ville de Bergues de voir aboutir ses projets.

D'ailleurs, le port de Dunkerque ayant été ouvert de nouveau, et le chenal de Petite-Synthe abandonné à l'ensablement, la ville de Bergues ne tarda pas à retrouver devant elle un adversaire puissant et bien décidé. Il est permis de croire que si LouisXIV n'était pas mort, si le port de Dunkerque était resté comblé et que si les écluses de Petite-Synthe étaient restées intactes, le nouveau port n'eut été que le vestibule du port de Bergues qui serait' devenu une grande ville maritime.

Ce qui plaide en faveur de cette hypothèse c'est un plan qui se trouve aux archives de la marine et qui a été reproduit par M. Durin (2° Volume — N° 4). Nous voyons sur ce plan qu'un large canal fait suite en ligne droite au canal venant de la mer et passant au port de Petite-Synthe. Il prend naissance au Pont du Curé, c'est-à-dire à l'angle du grand canal, se dirige directement sur le canal de Bourbourg, un peu en deçà de la ferme des moines de Bruges, se dirige obliquement ensuite vers le watergand le Landgracht et enfin, dans sa troisième et dernière partie perpendiculairement au canal de Bergues ou il débouche, à moitié chemin entre les forts Louis et Français.


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Il est manifeste que ce canal avait pour but de réunir, s'il avait été réalisé, la ville de Bergues directement à la mer, au grand détriment de Petite-Synthe. Le canal allant du Pont du Curé au fond du fond du port de Dunkerque n'aurait plus servi en ce cas que de bassin de réserve ou de bassin de chasse pour les eaux.

La ville de Bergues qui a toujours été très jalouse de Dunkerque, l'était encore plus à cette époque de PetiteSynthe qui semblait appelée à un grand avenir maritime.

N'ayant pu concurrencer sérieusement Dunkerque, elle avait espéré avoir plus facilement raison du port naissant de Petite-Synthe et arriver à se l'annexer comme nous venons de le voir.


UNE GRAVE MALADIE

contractée par Louis XIV à Petite-Synthe en 1 658

Par le Dr DEWEVRE

Dans la Chronique médicale du 1er Juillet 1916, notre' distingué confrère le Dr. Lemaire fit paraître un article,

sur « LA MALADIE DE LOUIS XIV, APRES LA BATAILLE DES

DUNES EN 1658 »

Il avait puisé des renseignements à ce sujet dans « le JOURNAL DE LA SANTE DU ROI LOUIS XIV ", rédigé par Valot, d'Aquin et Fagon, médecins du roi.

Nous allons compléter le remarquable travail du Dr Lemaire, écrit au front pendant la guerre, par des documents que nous avons puisés à une autre source, la correspondance de Mazarin qui se trouve aux manuscrits de la Bibliothèque Nationale.

Ces lettres écrites au jour le jour par Mazarin et adressées presque toutes, à Turenne, nous ont paru plus vivantes, plus exactes, plus riches de détails, que le journal de Valot. On a l'impression en le lisant que ce médecin ne dit pas tout, et qu'il veut surtout se donner un beau rôle, en affirmant qu'il avait prévu la. maladie du roi. mais" que ses avis n'avaient pas été écoutés. C'est à Petite-Synthe, c'est-à-dire au Fort-Mardyck qui en dépendait, que Louis XIV contracta sa maladie. Ce fort était des plus insalubres. Le roi y avait fait un long séjour en Mai et y revint le 23 Juin, au moment de la capitulation de Dunkerque.

Dès le lendemain de son entrée officielle à Dunkerque, c'est-à-dire le 26 Juin, le jeune roi éprouve des troubles digestifs; la langue est sale, l'appétit disparu, le ventre ballonné, l'état général mauvais, la fièvre continuelle.


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Mazarin croit que cet état est le résultat de la fatigue, et propose, au roi de venu: se reposer au fort de Petite-Synthe.

Le repos ne suffit pas à améliorer la situation qui s'aggrave à tel point qu'on décide de repartir à Calais, le 2 Juillet.

A partir de cette date Mazarin écrit tous les jours à l'un et à l'autre, pour rendre compte de l'état de santé du roi.

Nous reproduisons ici cette intéressante correspondance, nous réservant de discuter en terminant le diagnostic de la maladie dont Louis XIV fut. atteint à Petite-Synthe.

La saignée était de cette époque des plus usitées dans une foule de maladies. Le roi avait déjà été saigné deux fois avant de quitter le fort de Mardyck.

Le 3 Juillet, Mazarin écrit de Calais que le roi a encore été saigné la nuit précédente.

Le 4 Juillet, il écrit qu'on a fait venir les médecins Guéneau et Daquin de Paris. Le 5, il écrit à Lockart, gouverneur de Dunkerque que cela va mal « le mal du roy continue avec une grande force. Les redoublements sont fréquents, et il a paru des TACHES qui étant rouges sont de la meilleure qualité ». LA FIÈVRE EST CONTINUE.

Pas de lettre de Mazarin le 6 Juillet, mais Valot nous dit que ce jour là, le roi respire difficilement. Il note le 7 que « les tressaillements, lès transports furieux, les mouvements convulsifs donnèrent beaucoup d'alarmes, mais particulièrement la STUPEUR du cerveau et l'assoupissement ».

Le même jour, Mazarin écrit à Turenne : « Cela va mal, je nai pas la force de traiter en détail cette matière ». Ce qui confirme ce que dit Vallot de cette terrible journée du 7 où les symptômes observés étaient, en effet, des plus graves.

Voici une plus longue lettre du 8 Juillet, à Turenne : « J'ai dit, ce matin, à M. le Tellier de vous envoyer quelqu 'un pour vous donner advis de l'estat de la maladie du Roy.

Je ne doute pas qu'il ne l'ay faict, estant fort à propos, que vous soyez tous les jours informé de ce qui se passera sur un sujet de cette importance, mais comme mon devoir m'attache à estre continuellement dans la


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Chambre du Roy, ou avec la Reyne, et que je voys que le Roy est bien ayse que je suis là,il m'est impossible de vous écrire si souvent que je voudrais bien et comme je vous ay dict M. le Tellier ou moy le ferons tous les jours.

J'ai esté en grande inquiétude depuis hyer soir jusqu'aujourd'huy midy car le Roy a esté fort mal. Le redoublement a esté furieux et a duré longtemps. Les rêveries ont été presque continuelles et lorsque sa Majesté reposait c'étoit plustost un assoupissement qu'un sommeil. Enfin la douleur estait universelle, et chacun, croyant que le roy prendroit plus de force, voyait que tous les remèdes et toutes les saignées n'avaient rien opéré, mais les médecins qui sont au nombre de six (en estant venu un d'Abbevîlle qui est en grande réputation et Guéneau et d'Aquin de Paris) après une longue consultation ont fait encore tirer du sang du pied du Roy, et lui ont donné à deux heures après-midy, une tisane la xatique avec du vin émétique ce qui l'a fait aller quatorze ou quinze fois à la selle et vomir deux fois copieusement, de manière que le cerveau soit fort desgagé.

La fiebvre a beaucoup diminué, et le redoublement qui le devait prendre à trois heures, ne l'a pris qu'à dix et sans aucune violence. Les mines sont belles, en un mot les médecins disent unanimement qu'ils n'eussent pas osé attendre un si bon effect de la médecine qu'il luy ont,donné, qu'il se porte beaucoup mieux, qu'il y a plus à espérer qu'à craindre, et le Docteur Guenaud, celui qui s'avance le moins à donner de" bonnes espérances, m'a dit, il y a une heure, qu'il y avait tout sujet d'espérer, ce sont ses propres mots. Je crois qu'ils lui donneront encore demain matin du vin émétique et je puis vous due qu'il sera bien assisté mais quoyque ces médecins disent et qu'en effect le roy ait beaucoup de force, le mal est si grand et a des circonstances si fâcheuses que j'appréhende fort l'événement ».

Le courrier de Mazarin n'ayant pu partir à l'heure prévue, Mazarin ajoute encore quelques détails à sa lettre « Le roy se porte beaucoup mieux et à un tel point que les médecins disent qu'il ne reste presque plus rien à craindre.

Les resveries sont cessées et au lieu des assoupisse-


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ments de Sa Majesté a reposé depuis dix heures du soir, jusqu'à présent en diverses reprises cinq heures, et le remède qui l'avait fait aller quatorze ou quinze fois a opéré encore six autres fois, estant sorti de son corps des matières si eschauffées et corrompues, qu'il estait impossible de résister à la puanteur.

Enfin Sa Majesté est tranquille et beaucoup plus forte qu'elle n'était au commencement de son mal. Peut-être nous aurons quelque alarme pour le redoublement qu'on attend ce soir mais on espère avec raison qu'il ne sera pas fort ? »

Le lendemain 9 Juillet, Mazarin écrit à Colbert et il est toujours si inquiet de l'état de santé du roi, qu'il lui parle bien plus de ses gardes-robes que des affaires de la France.

« Nous respirons et avons des espérances que Dieu sortira le Roy de cette fâcheuse maladie, mais quoyque le meilleurement (amélioration) soit notable et que le roy soit en une tranquillité toute extraordinaire il faut attendre ce qui arrivera du redoublement de ce soir, lequel, à ce que les médecins disent décidera de tout ; mais comme la plus grande grande partie du poison que Sa Majesté avait dans le corps, où il s'était croppy depuis longemps est sortie, il y a apparence que le redoublement sera moindre que celuy de l'autre son, qui nous avait donné tant de peine ; et en ce cas les médecins disent que Sa Majesté sera hors de danger ».

Le lendemain 10 Juillet, à 8 heures du matin, nouvelle lettre de Mazarin à Colbert :

« Ce que je dois ajouter à présent, c'est que le roy a eu son redoublement, mais non pas avec les violences, les inquiétudes et les accidents de l'autre.

Sa fiebvre et sa chaleur sont beaucoup diminuées. Les forces sont grandes, Sa Majesté se levant d'ellemême pour boue. Elle s'est éveillée ce matin sans aucune rêverie, parlant de tout avec très bon sens, et après avoir tremblé et disputé, jusqu'au bout pour ne plus prendre une médecine qu'on lui a présentée, qomme elle est accoutumée de faire en santé, lui ayant esté dit qu'il y alloit de sa vie.

Elle a pris sa résolution et l'a avalée en trois ou quatre reprises.


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Elle a commandé aux médecins que s'il en fallait prendre d'autres et qu'elle refuserait de le faire, ils la liassent s'il étoit nécessaire, et la luy fissent prendre de force.

Dans cette purgation il n'y a pas de vin émétique et on ne doute point qu'elle ne lui fasse le plus grand bien.

Enfin les médecins sont satisfaits de l'estat où est le roy présentement, voyant que les remèdes font leur effect et que le mal diminue notablement, mais ils n'espèrent pas que Sa Majesté puisse estre quitte de la fiebvre avant le vingt et un, ce jour étant le douze.

Calais 10 Juillet, 3 Heures après-midi.

« Sa Majesté est tout à faict hors de danger et quoyqu'il paraisse assez visiblement qu'il n'y a' plus rien à craindre, il y a néanmoins du plaisir à voir que tous les médecins en respondent unanimement, après avoir vu les effects prodigieux qua faicts la dernière purgation qu'on luy a donnée ce matin, qu'il l'a faict aller pour le moins quinze fois à la selle.

Calais, 11 Juillet, 11 Heures du matin.

« Le roy se porte de bien en mieux, la fiebvre estant beaucoup diminuée, quoyqu'elle soit encore CONTINUE. Il a encore de temps en temps quelque inquiétude (agitation) en se resveillant et il resve un peu, mais tout cela devoit estre. Sa Majesté a été saignée ce matin pour la huitième fois, après avoir pris un remède, et pour faire voir à quel point ses forces se sont conservées, vous scaurez que Sa Majesté vient de passer d'un lit à un autre, de son pied sans avoir esté presque aydée. Demain qui est le 14e jour (de la maladie) elle se reposera et le jour après sera purgée.

Le remède de hier le fit aller dix huit fois et ainsi on eut la meilleure seureté pour la guérison du Roi ».

A Colbert — Calais, 12 Juillet 1658.

« Les médecins voyant qu'un petit remède, qu'ils avaient faict donner au roy l'avaient faict aller à la cour huit fois, et rendre des matières aussi mauvaises que les autres, ils prirent résolution sur le champ de lui donner une médecine semblable à la dernière, laquelle


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a faict merveille à tel point que Sa Majesté a reposé huit heures depuis, sans inquiétude et elle n'a pas eu de redoublement quoyque c'estoit le mauvais jour, ainsi nous espérons que la fiebvre le quittera tout à faict dans deux jours et que nonobstant tant de saignées et de remèdes Sa Majesté recouvrera bientôt ses forces et sera en estat de partir d'icy, sans doute, là semaine prochaine.

Dès le 13 Juillet, Mazarin cesse d'écrire. Le roi va mieux et se rétablit d'une façon si lapide, qu'il peut quitter Calais le" 22 et qu'à la fin du mois, il chasse déjà la perdrix dans la forêt de Compiégne.

Cette correspondance de Mazarin est des plus intéressantes et la maladie de Louis XIV est en quelque sorte prise sur le vif, de jour en jour.

Un premier fait qui s 'en détache, c'est que la maladie contractée par le roi à Petite-Synthe fut des plus graves et le mit a deux doigts de la mort.

Le second fait, c'est que les traitements étant restés impuissants, le roi paraît avoir été sauvé par l'administration de l'émétique.

Quant aux symptômes signalés par Mazarin, ils méritent de retenir notre attention. Au début, pendant une semaine, courbature générale, puis la fièvre est continue mais redouble certains jours. Des tâches rouges apparaissent. Le malade est dans un' état de stupeur. Il n'urine plus. Son coeur fonctionne très mal. Les médecins ont fixé à 21 jours la durée probable de la fièvre.

Retenons ces observations de Mazarin et complétonsles, par ce que nous dit le médecin Valot, d'après le Docteur Lemaire.

Le roi est courbaturé depuis quelques jours, mais le 29 Juin, il va encore de Petite-Synthe à Bergues.

C'est au retour de ce voyage que la fièvre devient manifeste.

Il faut noter que le 20 Juin déjà, le roi a perdu l'appétit. Valot a constaté un grand état de fatigue et conseille « une saignée, ayant reconnu un changement notable à son pouls et à ses urines ».

La maladie semble donc bien, d'après Valot, avoir commencé vers le 20 Juin.

Quand le roi très fatigué, arrive à Calais le lundi


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1er Juillet, à onze heures du son, Valot est si inquiet qu'il ne le laisse pas se reposer et lui prescrit lavement et saignée.

Le pouls est déjà très mauvais, fort irrégulier et les extrémités sont froides. Valot nous parle comme Mazarin de redoublements de fièvre.

Le 4 Juillet, la situation s'est considérablement aggravée. « Le roi présenta, nous dit Valot, des mouvements convulsifs et de l'enflure. Quoique la fièvre fut pourprée il ne paraissait encore aucune tâche sur le corps ».

Valot nous dit que vers la fin du cinquième jour, il

constata l'apparition de taches rouges. A quelle date

faut-il placer ce cinquième jour ? Il s'agit sans doute du

cinquième jour de juillet et non du cinquième jour de la

maladie.

Ecoutons ce que nous dit Valet : « Je remarquais sur la fin du cinquième jour des tâches rouges, violettes et noirâtre sur la poitrine, le bras droit, sur la main et sur les lombes — qui disparurent le lendemain à la réserve de celles du dos et des fesses.

Ensuite de ces éruptions, les redoublements furent plus terribles. La soif a été grande, la gorge enflammée, la langue très épaisse et noire. Le roi étant dans ce grand abattement et sans aucune connaissance, laissant couler involontairement dans le lit ses urines et ses excréments, son corps a été bouffi comme s'il avait été piqué d'un scorpion ou s'il avait été empoisonné. Ses extrémités devinrent froides avec une moiteur sur les parties hautes ».

Ce même jour,' note encore Valot, la respiration est devenue très difficile et il fallut recourir à des vesicatoires, ce qu'aucun médecin ne ferait aujourd'hui en pareil cas.

Dès le lendemain, la situation est encore aggravée et dans la nuit du 7 au 8 l'état du roi paraît désespéré.

« Les tressaillements, dit Valot, les transports furieux, les mouvements convulsifs donnèrent beaucoup d'alarmes mais particulièrement la stupeur du cerveau et l'assoupissement. »

C'est alors que le médecin Dussausoy d'Amiens est appelé en consultation. Il était connu par l'usage qu'il faisait d'un nouveau remède, Témétique.

A en croire Reveillé Parise, il ne prescrivait même


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plus que cela. Le nouveau traitement fut essayé, malgré l'état très grave du roi. Le lendemain 9 Juillet, le malade était mieux et cette amélioration ne fit que s'accentuer. Le samedi 13, nous dit Valot, " Sa Majesté demeura sans fièvre et délivrée de tous les symptômes, à la réserve d'une faiblesse qui était si grande et extraordinaire qu'elle me donnait de l'épouvante ». Comme nous le disions précédemment la correspondance de Mazarin s'arrête à cette date, niais fort heureusement le journal de Valot va nous apprendre comment se termina la maladie.

Le 18, nous dit Vallot commença une crise urinaire intense. « Le roi rendit, en vingt quatre heures, seize grands verres d'urine, alors qu'il ne buvait que trois verres en tout, la nuit et la journée de sa tisane ordinaire. Cette décharge dura neuf jours de la même force, et fut tellement avantageuse qu'elle acheva la guérison de Sa Majesté, sans aucun incident et sans aucune rechute ».

Sur beaucoup de points les dépositions de Mazarin et de Valot sont concordantes. La fièvre est continue, mais s'accompagne de redoublements. Des taches rouges se produisent sur la peau. Le roi est dans un état de stupeur profonde.

Valot ne nous parle guère des effets de l'émétique alors que Mazarin les décrit dans tous leurs détails. Mazarin nous dit que les médecins ont fixé la durée de la maladie à 21 jours, Valot ne nous en parle pas.

Mazarin ne nous parle pas d'enflure, Valot nous dit au contraire que cette enflure est importante et généralisée.

C'est par Valot que nous apprenons le mauvais fonctionnement du coeur, produisant de la gêne respiratoire et le refroidissement des extrêmités.

C'est par lui également que nous apprenons la débacle urinaire qui termine la maladie. Dans cette description deux choses sont intéressantes au point de vue médical, le TRAITEMENT et le DIAGNOSTIC.

TRAITEMENT. — Le principal traitement fut celui de l'époque : les purgations et les saignées. Mais il y a ici quelque chose de nouveau c'est l'emploi de Témétique. Il existait alors une querelle continuelle entre les médecins au sujet de ce médicament. Ses partisans et ses ennemis luttaient avec un acharnement tel, que le public lui-


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même finit par s'y intéresser, et qu'il y eut alors une question « EMETIQUE », comme il y eut une question Dreyfus.

Ce fut le médecin d'Abbeville, partisan de l'émétique qui fit triompher ses idées et adopter le remède pour le Roi.

Guy Patin, qui était le grand ennemi de l' émétique ne voulut pas approuver la chose et il le déclare nettement dans une lettre adressée à Falconnet, le 24 Novembre et que nous avons trouvée à la Nationale. Il n'y va pas par quatre chemins, dénonce l'émétique comme un poison redoutable, et se réjouit que le Roi « MALGRÉ CELA NE SOIT PAS MORT ».

C'est néanmoins l'émétique qui a gagné son procès malgré la Faculté comme le constate la « Gazette de France ».

« Sur les deux heures de l'après-midi, ils. firent prendre à Sa Majesté le vin émétique dont l'effet fut si merveilleux qu'elle passa la nuit avec assez de tranquillité et se trouva le lendemain presque entièrement dégagée, comme ils le jugèrent par le redoublement de la nuit suivante qui fut beaucoup moindre que les précédents ».

L'émétique eut, dès lors, une vogue considérable pour tomber aujourd'hui presque dans l'oubli.

DIAGNOSTIC. — Quel est maintenant le diagnostic de la maladie contractée par Louis XIV à Petite-Synthe ?

Notre confrère, le Docteur Lemaire croit à une fièvre paludéenne tierce et attribue les redoublements dont il est parlé à la crise palustre.

« Pour de multiples raisons, nous dit-il, nous sommes amené à conclure à une fièvre paludéenne à forme typhomalarique » Voici ses raisons : Evolution trop courte pour qu'il fut permis de s'arrêter à l'idée d'une fièvre typhoïde, d'un typhus ou d'une néphrite aigue ». Voici maintenant son argument principal-: « Le Pays (PetiteSynthe) était depuis longtemps un foyer de paludisme et la mortalité y était effrayante ».

Nous croyons comme notre éminent confrère qu'il s'agit bien de la typho-nialarieime, mais nous estimons que l'élément principal, foncier en quelque sorte fut l'élément typhique.

Sans les redoublements nous poserions tous en raison de la continuité de la fièvre, de l'état de stupeur, de la


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langue noire, des soubresauts de tendons de l'apparition de taches rouges, de l'évolution en 21 jours prévue par les médecins, comme l'écrit Mazarin, le diagnostic de fièvre typhoïde ataxo-adynamique à forme rénale. Le roi a, en effet, une enflure généralisée ou anasarque qui nous montre un rein bloqué et un état des plus graves.

C'est bien là tout l'aspect clinique d'un typhoïde, peut-être même d'un typhus.

N'oublions pas que le roi avait déjà eu la variole et que son coeur et son rein n'étaient pas encore sans doute en parfait état, d'où la gravité extrême de la maladie.

Nous savons tous qu'en pays paludéen, les associations de microbes pathogènes sont fréquentes, que les fièvres palustres ont souvent l'aspect de typhoïde et les typhoïdes, l'aspect de pièvres palustres.

Bien évidemment les redoublements dont il est parlé correspondent bien à l'accès palustre, mais nulle part, dès les premiers jours, il n'est fait mention de stade de sueur.

Ajoutons que le roi ne présenta plus jamais d'accès palustre, ce qui en pareil cas serait une véritable exception à la règle.

Nous croyons donc qu'il s'agissait d'une typhoïde grave, à forme palustre pour mieux dire d'une typho-malarique, comme l'a diagnostiqué le Docteur Lernaire.

Les médecins de l'époque ne pouvaient faire la part de l'un et de l'autre. Notre embarras serait moins grand aujourd'hui et l'analyse du sang nous apprendrait tout d esuite si c'est l'agent de la typhoïde ou du paludisme qui est en jeu.


UN PARISIEN DE BERGUES

CHARLES NARRE Y

Auteur Dramatique et Co-Directeur de l'Odéon et de l'Opéra

Par M. Albert BRIL

Bergues, la pittoresque petite cité flamande, fortifiée par Vauban et mêlée à tant de guerres dont la région a

été le théâtre, peut, à juste titre, être fière de son gothique beffroi, tapissé de ses arcatures trilobées, couronné de ses échauguettes et de son magnifique dôme. Ses monuments, son église Saint-Martin, avec la remarquable

remarquable de Saint-Winoe et les toiles de Janssens, Jean de Reyn et Robert Van Oucke ; son ancien mont de piété, curieux édifice Renaissance ; son hôtel de Ville, reconstruit sur les plans d'une ancienne construction espagnole en 1665, son musée avec les tableaux de Van Dyck, Ribeira, P. Bril, etc. ; la bibliothèque ; les ruines de l'Abbaye offrent au touriste de" multiples attractions. Mais la cité de Saint-Winoc compte aussi d'illustres personnages : le marin Pierre de Hau, contemporain

contemporain émule de Pierre J. Bart; les jurisconsultes Van Rie, Van Zégerseappelle, Bouchette; dans les Arts: le peintre d'histoire Verlinde; les sculpteurs, Van Bouchorst, Jean-Louis et Karl Elschoecht, Pèene et dans les lettres : Drogon, Germain, Diacre, Van Gossin, Despautère; Volcart, Ytzweirts, Audevoet, Coen, Le Dent, Juvenal, DeDoùs, De La Fontaine, Olivier, Perduccius. etc..

Bergues a donné le jour également à un auteur dramatique, Charles Narrey, qui eut son heure de gloire à Paris, au siècle dernier, et qui marqua avec un certain éclat son passage sur deux de nos principales scènes françaises: l'Odéon et l'Opéra.

Né à Bergues, le 10 Août 1818, Charles Narrey était le fils d'un Officier de la Grande Armée. Il débuta dans les lettres en 1847 par un roman intitulé : « Deux heures de mystère » que suivirent successivement : « A l'hôtel Chantereine », « Les amours faciles s, " L'Edu-


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cation d'Achille», « Albert Durer à Venise et dans les Pays-Bas », et quantité d'autres oeuvres où l'humour s'unit à l'esprit.

Chacun de ses livres fut accueilli par la critique avec une faveur marquée. L'auteur avait, de l'esprit et son style abondant et clair était vivement goûté.

Il a écrit pour divers théâtres, outre cette fine et spirituelle comédie : « Comme elles sont toutes », un certain nombre de pièces, entr'autres : « Le passé et l'avenir » en un acte; « Les Notables de l'endroit », en trois actes, représentés à l'Odéon en 1847 ; « Van Dyck à Londres », « La Dame de Trèfle », « Les Fantaisies de Milord », « Le Moulin ténébreux », opéracomique en un acte (1870) ; « Les marionnettes de Justin », comédie en deux actes (1873).

Il donna encore avec succès, aux Variétés : « Les tribulations d'une actrice », en collaboration avec Michel, en 1857, et l'année suivante, « Feue Brigitte » avec Lemonnier; puis, « Trottman le touriste », pièce en trois actes, avec Lopez (12 Novembre 1860) ; « La Bohême d'Argent », avec T. de Langeac, cinq actes (1862) et « Le Capitaine Amadis », comédie en un acte (1865). Les derniers jeunes gens (1868) ; Le Temple du Célibat (1870): Le Bal du Diable (1874) ; Ce que peut l'amour (1878) ; La Dame aux griffes roses (1879).

L'auteur, dramatique ne le cède en rien au romancier; nous n'en voulons pour preuve que cette charmante et spirituelle comédie : « Comme elles sont toutes ».

Comment donc sont toutes les femmes? M. Charles Narrey se charge de nous l'apprendre dans une charmante comédie remplie de mouvement, de gaieté et d'esprit, qui restera un digne pendant des CURIEUSES. Est-ce une comédie? Oui et une comédie charmante, lestement enlevée dans une ou deux scènes. C'est un croquis, une de ces silhouettes du monde parisien nettement découpées sur le vif.

Peu s'en faut que Dona Sylvia, la charmante péruvienne et la princesse Nadèje de Tzerniloff ne prennent leur pistolets et n'aillent sur le terrain pour se disputer à main armée le beau Maurice de Trany, mais voyez le malheur-, si une balle malencontreuse atteignait une de ces têtes charmantes, ou si la fumée de l'arme noircissait ces beaux visages, où si le feu de la capsule brûlait un


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■ seul de ces cheveux d'or des deux belles rivales. Le mieux est de tirer au sort à qui abandonnera la victoire et se jettera dans le Lanh, quand le hasard aura fait une victime. — Thons ! Tirons ! Bah ! Quelle folie ! L'amour est dans le sacrifice. — Moi j'abandonne ma loge à l'Opéra. — Moi, ma beauté. — Moi la mienne. — Le voilà justement qui arrive au galop et descend de cheval. Quelle élégance ! Quelle grâce ! Comme il passe la jambe droite ! Comme il tient la jambe gauche ! Il monte l'escalier, et sur ce mot Maurice de Trany arrive en scène et patatras ! Voici que le beau Trany fait un faux pas et s'étale par terre, son chapeau d'un côté et sa canne de l'autre, et les femmes de rire, mais aux.larmes, de ce rire inextinguible que fait naître le ridicule.

Là-dessus, Maurice qui est un garçon d'esprit, Maurice se relève. — Mesdames, hier, je. suis tombé par accident, une jeune fille, qui m'aimait, a pleuré à ma chute, aujourd'hui je me jette exprès par terre et vous riez, bien le bonjour, je donne mon coeur à qui pleure quand' je tombe. Là-dessus, j'ai l'honneur de vous saluer. Et il sort.

« Vous venez ce soir au bal? — J'y vais. Je serai en bleu. — Je serai en rose. Ainsi sont toutes celles qui sont ainsi, car M. Narrey n'a pas eu, je pense, l'intention de généraliser son titre sans cela il aurait dû connaître l'histoire suivante qui est vraie : Une jeune fille de dixsept ans se promenait au bord d'un lac avec un jeune' ■homme d'une vingtaine d'années qui l'aimait éperdûment. On était à la fin d'octobre, par un de ces premiers jours froids de l'automne. n caprice passe par la tête de la jeune fille :

— Si vous vous jetez dans le lac, je vous embrasserai. Elle achevait à peine sa phrase que le jeune homme s'était précipité dans l'eau, d'où il sortait grelottant et demandant le prix convenu.

— Non, vous êtes trop bête.

Ainsi ne sont-elles pas toutes ?

Un petit acte très gai de notre berguois est la comédie en un acte qu'il a écrite, en collaboration avec Abraham Dreyfus : CHEZ ELLE.

En voici le canevas :

Frédéric, premier violon de la République de Nicaragua est revenu à Paris, après un long séjour en Améri-


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que. La fantaisie lui a pris, de revivre en imagination quelques jours de son passé parisien. Un billet de cent francs lui a concilié la bienveillance de son ancienne concierge et le voilà installé dans l'appartement autrefois habité par lui, ou certaine personne qui depuis... mais alors. Ah ! qu'elle était charmante alors ! Frédéric a gardé de ce temps là un délicieux souvenu. Mais tandis qu'il s'apprête à s'y abandonner tout entier, la porte s'ouvre, une jeune dame entre, c'est la locataire de l'appartement, elle devait partir pour là campagne, je ne sais quoi la ramène et Frédéric lui raconte son histoire. Elle ne se fâche pas bien fort, et lui raconte la sienne. Son mari s'est embarqué, il y a deux ans pour l'Amérique, et elle l'attend et « ne sait quand reviendra ». Peu à peu

Frédéric songe moins au passé et.... s'éprend de la jeune femme qui ne le trouve pas désagréable, et tout s'arrange

pour le mieux, car Geneviève était veuve sans le savoir et Frédéric a dans sa poche des papiers qui ne laissent aucun doute à cet égard.

Avec Meilhac, il a donné au Gymnase, le 20 Avril 1878, LA CIGARETTE, pièce gaie et spirituelle, dont l'idée est vraiment plaisante :

Régina, une jeune veuve d'Amérique a trente millions, ce qui la rend bien malheureuse, car elle se figure que tous les prétendants à sa main veillent l' épouser pour sa fortune. De tout son coeur Régina donnerait sa jolie main à Maurice de Preuil, s'il la lui demandait et qu'elle fût sûre de son désintéressement. Mais hélas ! Maurice ne la lui demandera pas, et il partira sans lui avouer qu'il l'aime, parce qu'il est pauvre. Il faudrait donc que Régina lui déclarât qu'elle l'aime et souhaite d'être sa femme. Mais les convenances !... Heureusement Régina a une amie javanaise et cette amie, qui se nomme Téhérita, a des cigarettes d'une vertu merveilleuse : elles forcent les gens qui les fument à dire la vérité en dépit d'eux-mêmes. Régina fume une de ces merveilleuses cigarettes, et ce qu'elle n'osait pas due s'échappa tout naturellement de ses lèvres roses. Mais voilà quel deux amoureux évincés déclarent qu'ils ont substitué aux cigarettes de Téhérita des cigarettes ordinaires, ce n'est donc pas de moins du monde une cigarette magique qu'a fumée Régina. Maurice n'en est que plus ravi de l'aveu


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de la jeune veuve et Régina n'aura plus sujet de maudire ses trente millions.

Sous une apparence plus légère, on trouvera plus d'art et de vérité dans la bagatele que M. Narrey, intitulé : « Ce que l'on dit pendant une contredanse » ou -ans son petit volume de nouvelles : « Le Quatrième Larron ».

Le premier est une fantaisie en dialogue très lestement tournée et où le talent d'observation morale ne fait pas défaut. Les nouvelles sont peut être aussi légères de fond que de forme, mais on ne peut pas demander à toutes les fantaisies de laisser se dégager d'elles les leçons utiles, lorsque la condition même du genre est de se passer de conclusion ou dé la dissimuler.

L'écrivain se doublait aussi d'un bon administrateur théâtral ; notre compatriote a été associé, comme directeur-adjoint, à Alphonse Royer dans l' administration de l'Odéon de 1853 à 1856. C'était l'époque de Laferrière, Ligier, Brésil, Randoux; MMmes Araldi, Grassau, Pauline Grange, Bérengère, etc... .avec ces pièces à succès : « Guzman le brave de Méry », « Mauprat », de Georges Sand; « La Conscience », de Dumas; « Que dira le monde », de Serret, etc..

Il fut également co-directeur de notre Académie Nationale de Musique, de 1856 à 1862, période marquée par les « Vêpres Siciliennes », de Verdi; le ballet du « Corsaire », d'Adam, dans lequel luttaient deux étoiles de la danse la Rosati et Mme Ferrari ; «Le Trouvère », de Verdi ; « La Magicienne », d'Halévy; « Herculanum » de Félicien David ; « Tannhauser » de R. Wagner; « Le Papillon », d'Offenbach et « La Reine de Saba », de Gounod.

Roger et Mario, sur leur déclin; Gueymard, Faure, Obin, Bonnehée; MMmes Viardot Alboni, Sophie Cruvelli, Tedesco, Miolhan-Carvalho, Nilsson et Marie Sass, pour l'Opéra ; Saint-Léon, Méranti, MMlles Cerrito, Rosati, Ferroris, Marie Vemon, Fioretti, pour la danse, ont surtout brillé à cette époque où le luxe des décorations et de mise en scène n'avait jamais été poussé plus loin et où les ballets eurent souvent sur les opéras une prépondérance assez marquée.

Charles Narrey aimait vraiment l'humour, mais sans banalité. Sa dernière oeuvre : « Le Voyage autour du Dictionnaire » est un recueil de définitions où se mon-


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trent à chaque ligne la valeur du délicat écrivain, le charme de coeur et l'esprit de l'homme exquis que fut Charles Narrey. L'auteur y a renfermé toute la philosophie de son aimable et souriante existence, cette existence durant laquelle il se fit tant d'amis, entr'autres Henri Meilhac et Alexandre Dumas, fils, dont il était le familier. j

Ce « Voyage autour du Dictionnaire » (1892), dont la plupart des définitions ont passé et se retrouvent encore parfois aux nouvelles à la main des journaux, est des plus divertissants à parcouru.

La politique, la magistrature, les sciences, les arts et les lettres, tout y passe en croquis joyeux, plus ou moins réussis, sans doute souvent malicieux, parfois cinglants et acérés, dépassant même le but, mais presque toujours drôles, malgré tout.

Citons au hasard quelques extraits typiques. Narrey définit le « Ministère " : Point de mire de l'opposition, place attaquée par ceux qui voudraient l'occuper. Depuis quelque temps le poste est moins envié. On préfère un bureau de tabac, c'est plus sûr.

Voici quelques définitions touchant à la politique :

« Citoyen » : Un homme que l'on cherche depuis longtemps et qu'on désespère de trouver jamais.

« Démocrate » : Aristocrate de l'Avenir.

Il définit « l'imbécile » : un sot qui croit avoir de l'esprit.

« Légende " : Mensonge souvent plus vrai que l'histoire !

« Impérieux », le défaut des maîtres qui étaient faits pour être domestiques.

« Impertinence », l' orgueil des parvenus.

« Importance », la grandeur des sots.

La « livrée » un habit de couleur que les maîtres font endosser à' leurs domestiques pour éviter la confusion.

Narrey appelle « malades » vous et moi. Tous ceux qui croient se bien porter et tous ceux qui croient être malades.

L'esprit boulevardier s'y retrouve à chaque ligne, surtout dans les articles concernant le théâtre, les femmes et qui sont les plus nombreux. Je n'oserais pas dire qu'ils sont les plus justes. Qu'on en juge.


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Commençons par la définition même de la femme :

« Créature raisonnable qui cherche toujours à paraître ne l'être pas. Esclave autrefois, aujourd'hui maîtresse absolue du monde entier. Je ris dans ma barbe toutes les fois que j'entends l'Eglise ou la loi recommander à un monsieur de protéger sa femme. Pauvre bonhomme, va !

. Ouvrons une parenthèse pour faire remarquer que Narrey n'est pas plus tendre pour l'homme qu'il définit « un animal venimeux sans plumes . Il a deux pieds de plus que le serpent qui n'en a pas et deux de moins que le chien enragé qui en a quatre. Quelques conteurs fantaisistes prétendent qu'il est raisonnable, ils devraient ajouter : Quand il ne peut plus être fou »

« Adam » est le premier Georges Dandin connu.

Je devrais « gazer » bien des termes; si, comme le prétend Narrey : « Quand un conteur dit : — Je vais gazer, attendez-vous à quelque gravelure effroyable et apprêtez-vous à rougir ».

Peu de mots vont jusqu'à la gravelure même; mais il définit la « machine à coudre » d'une façon vraiment un peu osée.

Plus joyeuses sont les définitions de « Bretelles »:

« Bandes en cuir ou en tricot de soie que monsieur met sur ses épaules pour soutenir les culottes que madame porte ».

« L'Actrice » est une bonne fille qui bien souvent serait une honnête fille si les toilettes ne coûtaient pas si cher.

« Opérette », musique de la cadence et de la décadence.

« L'Ouvreuse des loges », une madame Putiphar à qui nous laissons tous notre paletot sans être des Joseph.

« Paradis » — Pourquoi a-t-on donné ce nom à la plus mauvaise place d'un théâtre ? C'est sans doute parce que les pauvres diables qui étouffent là-haut, s'amusent comme des bienheureux.

« Joli garçon » : Joujou, petit Dunkerque, objet d'étagère qui plait mais qui inspire rarement une grande passion. Pourquoi ? Est-ce parce que les femmes sentent que celui qu'on appelle un joli garçon n'aimera jamais passionnément que lui-même ! Peut-être.


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Narrey nous donne aussi l'origine de l'expression

« Remporter sa veste ». Au théâtre du Vaudeville de la Place de la Bourse, on jouait les «Etoiles », une pièce nouvelle. A un certain moment, un jeune berger otait sa veste, la plaçait sur un tertre de gazon et invitait sa bergère à s'asseoir dessus. Le public qui ne comprit pas ou qui comprit trop ce qu'il voulait faire, se fâcha et demanda le rideau. Le berger prit sa veste et la remporta tranquillement.

« Ophicléide » : Un bugle qui beugle comme un buffle,

« Ut de poitrine » : Un cri fort désagréable qui ferait fuir s'il n'était pas établi qu'il est très beau, parce qu'il est très rare.

« Chipie » : La dame du premier pour la dame du second, et' ainsi de suite jusqu'aux mansardes.

« Circé » : Fille du jour et de la nuit, célèbre magicienne qui changeait les hommes en compagnons de Saint-Antoine, au moyen de certaine liqueur qu'elle leur faisait boire. Nos modernes Circés n'ont pas besoin de liqueur pour arriver au même résultat.

« Corset » : Petit garde-meuble où une femme ne peut mettre que les siens. Quelquefois un simple parachute.

« Enigme » : La tête de la femme.

« Dédain » : Injure que les hommes pardonnent rarement, et les femmes jamais.

« Dégoût » : Ce que la femme éprouve pour celui qu'elle a aimé lorsqu'elle le rencontre avec une nouvelle maîtresse qui manque de distinction.

NOTA. — Elle manque toujours de distinction, la nouvelle maîtresse.

Comme on le voit, c'est toujours le fameux « trio » qui était pourtant déjà bien usé au théâtre à l'époque où parut l'ouvrage.

Voulez-vous encore quelques citations ?

« Non » : Quand une femme sourit en vous disant « non », c'est « oui ».

« Obéir » : La femme obéit volontiers à son mari parce qu'elle ne lui permet pas d'avoir une autre volonté que la sienne.


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« Obscénités » : Autrefois les hommes en rougissaient, aujourd'hui les femmes les écoutent en souriant. Est-ce un progrès ?

« Oui » : Mot que les femmes ne disent jamais, mais qu'elles laissent deviner par ceux qui savent les comprendre.

« Polichinelle » : Jouet favori des enfants. Les hommes ont- aussi leurs polichinelles, les bosses seules différent.

« Réputation » : Les femmes en général ne sont pas prodigues, ni même généreuses. Il n'y a qu'un bien précieux qu'elles gaspillent facilement, c'est leur réputation.

« Respect » : Une chose que les femmes aiment en public et qu'elles détestent en particulier.

« Tactique » : Marche qu'on suit, moyen dont on se sert pour réussir. La tactique d'un général d'armée ne ressemble en rien à celle d'une femme.

Exemple : Madame veut aller à Cabourg, Monsieur rentre.

— Où irons-nous cet été,mon ami ? dit-elle, on m'assure que Paramé sera très à la mode et qu'il n'y aura pas un chat à Cabourg.

Le lendemain, Monsieur loue un cottage à Cabourg. C'est simple comme Peau d'Ane.

« L'avoué » est un chat qui accorde les différends entre les souris en attendant qu'il les mange.

« L'Avocat » : Un homme indifférent qui devient passionné et pathétique à volonté et à l'heure, dont le talent consiste dans une question d'adultère par exemple, à faire prendre le parti de la femme coupable contre le mari trompé et dans une question d'assassinat à faire oublier la victime pour arracher des larmes sur l'assassin.

« Interrogatoire » : Suite de questions captieuses par lesquelles un juge arrive presque toujours à embrouiller la question.

« Garde-Champêtre » : Sa Majesté la Loi dans sa plus simple expression.

« La loi » : Une barrière qui arrête les petits et que les grands franchissent à pieds joints.

« Magistrat » : Loi parlante dont les oracles ne sont pas infaillibles.


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« Notaire » : Habit noir et cravate blanche qui renferment quelquefois un homme.

« Plaideur » : Un particulier qui se donne beaucoup de mal pour faire la fortune des hommes de loi.

Il définit le Français : un homme spirituel et léger. Il serait individuellement capable des plus grandes choses s'il était aussi persévérant qu'il est courageux, mais malheureusement sa persévérance manque un peu d'haleine.

« Anglomanie » : Manie qu'ont les français d'imiter les. anglais dont ils se moquent.

« Dépravation » : Ce mot désigne l'état des moeurs de la France quand c'est un étranger qui parle.

« Divan » : Conseil du Grand Turc sur lequel il s'asseoit toutes les fois qu'on lui parle de payer l'intérêt de sa dette.

« Humour » : La gaieté des Anglais qui ne rient pas comme nous ■— à propos de tout et à propos de rien — mais qui rient bien quand ils se donnent la peine de rire.

« Patrie » : Lieu où un fonctionnaire touche ses appointements.

« Patriote » : Un homme qui immole son intérêt personnel sur l'autel du pays (vieux style). Lisez « Merle Blanc ».

« Nation » : Tous les habitants d'un pays. Ils passent généralement leur vie à se disputer et même à se battre entre eux. Mais ils sont tous d'accord dès qu'il s'agit de défendre contre l'étranger ce qu'ils attaquaient la veille.

Si l'on ne craignait d'être taxé de trop de sévérité critiqué, on pourrait appliquer au « Voyage autour du, Dictionnaire » la définition que l'auteur lui-même donne au nom « mélanges » : « Capharnaum où se trouvaient autrefois des vers, de la prose, des lettres, des anecdotes, les vieux mots remis à neuf — enfin plus de mauvaises choses que de bonnes. L'auteur qui publierait, aujourd'hui un livre intitulé « Mélanges » aurait l'air de revenir de l'Abbaye-aux-Bois ou de Pontoise.

Il est difficile de faire une classification complète de. ces définitions piquantes et imprévues.

Les définitions les plus curieuses s'y succèdent avec une pointe de philosophie vraiment étonnante comme


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dans cette définition du mot « ami » : un homme qui partage notre bonne et mauvaise fortune — la bonne surtout.

L'esprit parisien du boulevard déteint sur la plupart. Narrey définit sa Kermesse « Fêtes Flamandes pleines d'entrain, de gaieté et d'esprit de bon aloi... dans les tableaux de David Téniers ».

Ailleurs pourtant, il déclare la Province : « une pépinière où on élève les parisiens de l' avenu ».

Promu Chevalier de la Légion d'Honneur au mois d'Avril 1870 et Officier de l'Instruction publique, le 14 Juillet 1881, Charles Narrey est mort à Paris, le 29 Novembre 1892.

M. Gustave Toudouze, vice-président du Comité de la Société des Gens de Lettres, au nom de la Société des Gens de Lettres, prononça le discours suivant :

Messieurs,

En me confiant le douloureux honneur de venir faire à Charles Narrey nos suprêmes adieux, la Société des Gens de Lettres a songé surtout à affirmer une fois de plus, par la vois de l'un de nous, notre confraternité toujours vivace, toujours en éveil, et que la mort elle-même ne saurait rompre ; elle a voulu que l'on sache que, membres égaux d'une même famille, nous sommes toujours unis dans l'adversité comme dans le bonheur, dans le deuil comme dans la joie, et que la disparition d'un de ces parents de Lettres jette le même voile de crêpe sur nos fronts, déchire nos coeurs de la même blessure.

Elle ne savait pas que, par une sorte de hasard mélancolique et touchant, celui qu'elle chargeait de parler en son nom. sur cette tombe était uni au disparu par des liens plus étroits, plus intimes, que ceux qui nous attachent d'habitude et nous rapprochent les uns des autres. En effet, ce n'est pas seulement un confrère de Lettres, qui salue aujourd'hui le confrère à jamais endormi, c'est aussi le filleul de lettres qui apporte à son parrain l'hommage de sa piété reconnaissante et de sa profonde douleur.

Lorsque, en 1874, je me suis présenté à la Société des Gens de Lettres, ce fût notre célèbre écrivain, notre maître, Alexandre Dumas fils qui, en me faisant le grand honneur de me servir de premier parrain, m'offrit lui-même comme second parrain, son ami, son infime, celui dont la pensée et le nom étaient le plus près de lui, Charles Narrey.

Cette fidèle et illustre amitié, celle non moins vive et tout aussi continue de cet autre maître, Henri Meilhac, suffiraient à elles-seules à nous faire deviner la valeur, du délicat écrivain, le charme de coeur et d'esprit de l'homme exquis que fût Charles Narrey, si nous n'avions pour conserver son souvenir parmi nous, si nous ne possédions, pour l'estimer, l'aimer et le regretter, les oeuvres charmantes et spirituelles qu'il a produites, les


romans, les nouvelles, les variétés, les pièces de théâtre, legs précieux, destiné à perpétuer son nom parmi nous.

Né le 10 Août 1818, à Bergues, dans le Nord, Charles Narrey était le fils d'un officier de la Grande Armée ; de son père, Capitaine de lanciers, il tenait certainement cette taille mince, droite et élevée. Cette allure fière et distinguée, cette très caractéristique silhouette d'Officier de Cavalerie, qui, soulignées encore par le ruban rouge noué à la boutonnière et les moustaches toujours cirées, le faisaient remarquer partout où il se trouvait et attiraient sur lui les regards.

Il avait débuté en 1847 dans les Lettres par un roman intitulé : Deux heures de mystère, que devaient suivre successivement A l'hôtel Chantereine, Les Amours faciles, L'Education d'Achille, Albert Durer à Venise et dans les Pays-Bas, et quantité d'autres oeuvres, où l'humour s'unissait à l'esprit et à la passion de l'Art; mais ses préférences furent pour le,théâtre, où il obtint ses plus grands succès , et il poussa ce goût si loin que, à deux reprises différentes, il fut Co-directeur de l'Odéon de 1853 à 1856 et Co-directeur de l'Opéra de 1856 à 1862:

Chevalier de l'Ordre de la Légion d'honneur du mois d'Août 1870, Officier de l'Instruction Publique du 14 Juillet 1881, Charles Narrey, au moment où il succombait si inopinément, s'occupait de ciseler des pensées dont il voulait faire un recueil et qui renfermaient toute la philosophie de son aimable et souriante existence, cette existence durant laquelle il sut ne se faire que des amis.

Il laissera de lui la, mémoire d'un des plue galants hommes de lettres que nous ayons connus, des meilleurs coeurs que nous ayons aimés, et c'est avec la plus sincère émotion, avec la plus attendrie gratitude, que je lui offre, en fleurs du dernier souvenir, l'hommage respectueux de nos regrets, le pieux tribut de nos larmes.

Ce bel éloge du talent de l'écrivain et des qualités personnelles de l'homme privé prouvent que Charles Narrey, fin observateur et penseur spirituel, mérite de vivre dans la mémoire de ses Concitoyens.


La... Vieille

FRANC -MAÇON N ERIE

Dunkerquoise

LA TRINITÉ — L'ORDRE DU TEMPLE

Par le Dr L. LEMAIRE


INTRODUCTION

L'Histoire de la Franc-Maçonnerie à Dunkerque présente, au point de vue local, un intérêt tout particulier. Il est de tradition, en effet, et nous discuterons cette

question, que la Franc-Maçonnerie fut introduite en France par Dunkerque où se fonda la première loge en 1721. En second lieu, cette histoire nous permet de saisir sur le vif, les modifications de l'esprit public, dans notre ville, depuis l'ancien régime jusqu'à nos jours, car les loges — avec leur multiplicité, par la qualité de leurs

adhérents, parmi lesquels nous retrouvons les politiciens en vue, à différentes époques, exercèrent une influence indéniable sur la politique locale. Mais pour écrire une histoire sérieuse, une condition

est requise avant tout. Il faut réunir un ensemble de documents authentiques, sous peine de devoir se contenter d'hypothèses hasardées, ou de tomber dans la fantaisie. Malheureusement, dans le cas présent, c'est cette base solide qui nous manque le plus. Une des caractéristiques

primordiales de la Franc-Maçonnerie, est d'être une Société secrète, qui garde jalousement ses archives et ne les communique pas aux profanes. Ce ne sont que des hasards heureux qui permettent d'en avoir connaissance.' Ce fut ainsi que Raymond de Bertrand, profitant de la Liquidation de la loge L'AMITIÉ ET FRATERNITÉ en 1849 put compulser ses archives et en écrire l'histoire (1), Après lui, lé regretté Henri Lemattre publia sur la Franc-Maçonnerie à Dunkerque, un petit travail dont il fit paraître deux éditions (2),. S'il a utilisé surtout le mémoire de R. de Bertrand pour la loge mère, il a eu le mérite de nous faire connaître quelques-unes des autres

loges qui gravitèrent autour d'elle.

Un certain nombre de documents restés inédits, tels que les papiers laissés par C. Thélu, le manuscrit de Thurninger conservé à la bibliothèque de' Caen, d'autres pièces exhumées des fonds des Archives Nationales ou

(1) R.de Bertrand. — Monographie de la rue David d'Angers. Mém. Soc. Dunkerquoise ,tome VI 1858), p. 262 à 287.

(2) Henri Lemattre. — La Franc-Maçonnerie à Dunkerque. Bull. Union Faulconnier 1901, p. 275 à 305 avec planches. 2e édition Dunkerque, Imprimerie du Commerce 1910, 62 pages et planches.


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départementales, plusieurs ouvrages de publication récente dont on trouvera l'indication dans les notes, nous ont permis de redresser pas mal d'erreurs et de compléter, dans une certaine mesure, les travaux de nos devanciers.

Nous n'avons pas cependant là prétention de donner, aujourd'hui une histoire de Franc-Maçonnerie dunkerquoise.

Notre ambition est plus modeste. Nous présentons simplement une suite de notes, sur son origine, son évolution, sur la loge la Trinité, et l'Ordre du Temple créé chez celle-ci en 1819.

D'autres travaux, espérons-le, viendront plus tard les rectifier ou les compléter jusqu'au jour où une histoire complète pourra être écrite.

Ce n'est que par étapes qu'il est possible de progresser dans un sujet aussi délicat à traiter. N'avons-nous pas trouvé cette phrase sous la plume d'un maçon notoire : « Le quel côté que l'on envisage l'Histoire de la FrancMaçonnerie, on la trouve toujours couverte d'un voile qui rend ses traits difficiles à reconnaître » ? (1)

La Franc-Maçonnerie a ses partisans, et ses adversaires. Toute publication à son sujet a le don de mécontenter à la fois les uns et les autres : Ceux-ci estimant qu'on ne la dénigre pas assez, ceux-là qu'on ne la couvre pas suffisamment de fleurs... On ne peut que juger très mal une institution qui a évolué, lorsqu'on ne connaît pas son passé. Nous plaçant uniquement sur le terrain historique, nous nous contenterons d'exposer les faits tout simplement, laissant à chacun le soin de les commenter. Il sera ainsi possible à nos lecteurs de se faire une idée assez nette cette Société et de suivre l'évolution de. la Maçonnerie dunkerquoise au cours des deux derniers siècles. (2)

(1) Histoire de la Franc-Maçonnerie par Edouard Bobriek, Professeur à l'Université de Zurich. Tract. Lenz.

Lausanne, impr. Ducloux 1841, p. XX.

(2) Je tiens à remercier ici particulièrement M. Henri Courteault, Directeur des Archives Nationales, M. le Lieutenants Colonel Herlaut, du Ministère de la Guerre ; M. Piétresson de Saint-Aubin, Archiviste du Nord qui m'ont aimablement communiqué les dossiers reposant dans leurs dépôts ; et MM. Louis Bouly de Lesdain et H. Durin de Dunkerque qui ont mis à ma disposition les diplômes et autres documents faisant partie de leurs collections.


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Les Précurseurs

De tous temps, et sous toutes les latitudes, il exista des Sociétés secrètes: les unes réunissant les adeptes de sectes mystiques, d'autres créées dans un but purement politique, certaines fondées par des chercheurs à la poursuite d'un idéal, et constituant des, milieux d'étude, les dernières enfin, organisées par des aventuriers, imposteurs, illuminés ou faux prophètes, recrutant leur clientèle parmi les naïfs dont ils exploitaient la crédulité, ou parmi des amateurs de merveilleux assoiffés d'irréel.

De toutes ces associations, une seule compte un passé de deux siècles, au moins, en France, et a survécu à plusieurs régimes. C'est la Franc-Maçonnerie. Jadis considérée comme d'origine très ancienne, puisque certains ont voulu faire remonter ses origines à Adam, luimême (1) à Misraïm, fils de Cham (2) à Salomom à Zoroastre, ou encore ont cru voir dans ses rites la continuation des mystères d'Isis (3); ou ont prétendu la rattacher à l'ordre du Temple ou à d'autres sectes moyennageuses, elle nous apparaît plus prosaïquement d'après les recherches plus récentes, comme venue, simplement d'Angleterre et importée en France au début du XVIIIe Siècle.

Nous ne pouvons pas nous appesantir ici sur les réunions de cercles ou cafés qui firent son lit à Paris. Mais il nous faut rechercher si, dans le Nord, d'autres sociétés fermées ne la précédèrent pas, ou préparèrent son implantation dans la région. (4)

Voir :

(1) Anderson. The constitutions of the Free-Masons... London 1723.

(2) Marc Bédarride. — L'ordre maçonnique, de Misraïm. Paris 1843.

(3) André Lenoir. — La Franche-Maçonnerie-rendue à sa véritable origine, Paris 1814.

Guillemain de Saint-Victor. — Origine de la Maçonnerie Adonhiramite (à Hélyopolis 1787).

(4)On a signalé dans diverses provinces l'existence de sociétés à tendances maçonniques dès le début du XVIIIe Siècle par exemple, le vigoureux ordre des Flûteurs, et l'ordre de la Félicité cités par N. Deschamps dans le Bas-Vivarais.


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La SOCIÉTÉ DE MÉDUSE, introduite à Dunkerque, à la fin du XVIIIe Siècle est la seule dont l'existence nous paraît certaine.

Qu'était-ce que MÉDUSE ? A ceux qui voudraient se renseigner complètement sur cette institution, je ne puis que conseiller la lecture de l'intéressant mémoire" écrit par Emile Mancel, sur le Commissaire de Marine, Jacques Vergier, qui en était Grand Prieur, en même temps que. Chancelier (1).

Elle avait été fondée à Marseille (d'autres disent à Toulon), par des officiefs de marine en. 1683 ou 1684. Elle fut en honneur dans différents ports de mer et bientôt tous les officiers de l'armée navale en firent partie..

Vergier, qui y avait été affilié depuis longtemps, songea à établir à Lunkerque cet ordre de chevalerie bachique vers 1697.Il choisit comme, local le Petit Château; attenant, au Leughenaer.

Un Grand-Maître était; reconnu comme chef suprême: de l'ordre. Un prieur se trouvait à la. tête; de chaque province. De plus on comptait un grand guidon de l'ordre et d'autres fonctionnaires tels que grand musicien, protecteur, cellerier, etc.

Les frères portaient chacun un nom : Vergier avait adopté celui de frère judicieux ; les autres s ' appelaient frère ardent; bienfaisant, sincère, distingué, etc. Les dames étaient admises dans la Société : On les désignait sous le nom de Soeur ardente, apétissante, bonne à tout, judicieuse, gracieuse, taupe à. tout, aimable; parfaite, brillante, etc.

Les Chevaliers se visitaient souvent d'une ville à l'autre, et s'assemblaient pourtenir leurs chapitres, devant, une table bien garnie.

Mancel a reproduit les réglements et statuts de l'ordre; et a publié, d'après un opuscule, conservé à la Bibliothèque Nationale (2) le cérémonial pour la réception; d'un Frère de Méduse, toutes pièces qui rappellent

(1) Emile Mancel. — Jacques Vergier (1655-1720) Union Faulconnier 1903.

(2) Bibl. Nat. Y2 12.347. — Les agréables divertissemens de la table ou les Règlemens de l'illustre Société des Frères et Soeurs de l'Ordre de Méduse, à Lyon chez André Laurens MDCCXII,


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d'une manière frappante les rites adoptés dans les cérémonies maçonniques. Aussi ne faut-il pas s'étonner de voir cet ordre considéré comme tel par certains auteurs du XVIIIe Siècle (1).

MÉDUSE disparut de Dunkerque en 1714 en même temps que la Marine Royale, qui se vit alors forcée de quitter le port comblé en vertu du traité d'Utrecht.

Dans le milieu maritime dunkerquois, le terrain avait donc été préparé de longue date pour la fondation de Sociétés de ce genre. Le marin débarquant dans un port, après une. campagne longue et dure, se trouvant sans' famille, sans foyer, ne devait-il pas être heureux de pouvoir rencontrer un milieu dans lequel, il se trouvait aussitôt chez lui ?

Si l'existence de MÉDUSE à Dunkerque dans les premières années du XVIIIe Siècle est incontestable, bien plus problématique est celle d'une autre société qui aurait été fondée dans le Nord à la même époque. Et ceci, nous ne le donnons que sous les plus expresses réserves. Il s'agit de la SOCIÉTÉ DU PALLADIUM qui aurait été présidée par Fénelon.

M. Lesueur — qui la considère comme légendaire — s'exprime ainsi à son sujet : (2)

« La loge du rite écossais philosophique de Douai possédait, assure-t-on, les cahiers manuscrits de cette association, dont les frères s'appelaient ADELPHES et les soeurs Compagnes de Pénélope . On n'exigeait d'elles que les grâces de l'esprit et la langue italienne qui est celle de l'amour (3).

« C'est le 20 Mai 1687 que Fénelon aurait fondé cet ordre gouverné par un Souverain Conseil de la Sagesse, que composait sept membres de grade le plus élevé, ou Compagnons d'Ulysse. A sa réception, la néophyte reçoit le nom d'Anacharsis ; il est livré à deux adelphes

(1) " L'Ordre des Francs-Maçons trahi et le secret des Mopses révélé " Amsterdam 1778, in-8° ou encore : " Le Secret des Francs-Maçons » par les frères Van Duren, éditions 1742-1744 et 1745.

(2) Emile Lesueur. — La Franc Maçonnerie Artésienne au XVIIIe Siècle.

Thèse Doct. Lettres Alger. — Paris Leroux, éditeur 1914, page 34.

(3) Citation tirée de « l'Histoire de la Fondation du Grand Orient " par Thory (Paris 1805), page 209.


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qui lui apprennent dans un dialogue rimé que le PALLADTUM a été ravi et que l'on va l'admettre à la gloire et.au péril de sa conquête.Il prête le serment de fidélité sur le bouclier de Minerve et, à travers les tombeaux des sept sages de la Grèce il entreprend un voyage sous la conduite de Diomède. Ces statuts qui contiennent soixante-et-un articles se terminent par le visa de Fénelon, le plus petit des sages...

« Les loges de Douai ont, de nos jours, perdu jusqu'au souvenir du fameux Palladium ».

Fénelon aurait été, de plus, affilié dès 1699 à l'Ordre du Temple, ordre mystérieux dont le Grand Maître portait le titre de Grand Prieur d'Allemagne et qui vraisemblablement procédait de l'obédience de la Chevalerie Teutônique. (1)

Tout ceci demande confirmation. M. Albert Lantoine, qui est particulièrement bien documenté, déclare que, l'Ordre du Palladium ne fut fondé en France qu'en 1737 — par conséquent bien après la mort de FénéIon. (2) Aussi reste-t-il sceptique « Fénelon écrit-il, n'est plus, là pour protester contre l'usage un peu audacieux de son nom...La considération dont les Encyclopédistes et les Francs-Maçons ne cesseront d'entourer sa mémoire nous fournissent en passant une note intéressante sur la réputation d'indépendance et de tolérance qu'avait laissée l'auteur de Télémaque ». (3)

(1) Grégoire. — Histoire des sectes religieuses (2e édition 1828, p. 401-404). — L'Evêque Grégoire cite parmi les Templiers

Templiers Fénelon reçu en 1699, Massillon en 1703, etc. etc. Nous verrons plus loin les relations qui s'établirent par la suite entre l'Ordre du Temple et la Franc-Maçonnerie.

En 1837, de Potter a soutenu également que Fénelon s'était fait recevoir Chevalier du Temple.

(2) Alb. Lantoine — Article Franc-Maçonnerie dans : l'Histoire la Vie et les Moeurs... publication dirigée par John Grand Carteret, tome IV, Paris 1928, p. 16. (M. Albert Lantoine est bibliothécaire de la Grande Loge de France).

(3) Lesueur, loc.cit. p. 233 écrit par exemple : « Vers 1733, l'influence de Fénelon commence à se faire sentir dans les loges de la région. Si nous en croyons Ramsay la Parfaite Union lie Valenciennes fondée par la G.L. d'Angleterre, le 1er Juillet de cette année devait son nom à celui-ci ». Cet auteur montre par par des citations que « c'est encore dans Télémaque que les Francs-Maçons artésiens apprendront à pratiquer la bienfaisance,à respecter les règles qu'ils se sont données, à garder un secret, à dédaigner les travaux manuels, .etc.. »


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Nous considérons tout cela comme une. simple.' curiosite.Mais si nous avons relevé ici cetteimputation inattendue à l'égard de Fénelon, c'est pour nous; amener à une simple:remarque.

L'illustre archevêque de Cambrai avait converti au catholicisme le « baron Ramsay ", plus connu sous le nom de Chevalier, Ramsay; parceque le Régent l'avait fait Chevalier de l'Ordre de Saint-Lazare. Cet ECOSSALs vivement préoecupé de la solution de certaines questions religieiises, s'était mis en relation avec des théologiens notoires pour sortir du doute absolu dans lequel il était, tombé. Telle avait été l'origine de ses rapports avec Fénelon,

Ramsay devint plus tard précepteur des fils de Jacques Stuart réfugié à Rome. Nous verrons plus loin, le rôle prépondérant qu'il joua dans là. propagation et la transformation de la Maçonnerie, en France; Franc-Maçonnerie, écossaise, dont son élève Charles-Edouard devint plus tard Grand Maître.

En partant de ces données historiques, ou me peut s'empêcher d'établir ce rapprochement. Quelle influence Fénelon exerça-t-il sur Ramsay ? Fut-ce le Cygne de Cambrai — que ses idées avancées avaient fait reléguer dans son Archevêché; qui lui suggéra l'idée de s'intéresser activement à la propagation de sociétés secrètes— que son initiative devait transformer de fond en;comble? Peut-être. Un auteur n'a-t-il pas écrit récemment : « Ramsay ne fut pas un simple incident, dans la vie de Fénelon. L'influence de Fénelon sur l'esprit de Ramsay est indéniable surtout, pour la spéculation. Mais celui-ci n'a pas tardé à prendre: sa.revanche. Le « TRAITE DE L'EXISTENCE DE DIEU » en témoigne. » ()7

(1) De Compigny des Bordes. — Les Entretiens de Cambrai. — Fénelon et le Chevalier de Ramsay.-

Vald, Rasmussen, édit. Paris 1929.—in 4° —p. 30


11

Dunkerque, berceau de la Franc-Maçonnerie

en France

« La Free-Masonry, était un produit spécifiquement britannique. L'esprit conservateur des Anglais, et leur goût pour les associations volontaires, avait maintenu en vie jusqu'au commencement du XVIIIe Siècle; la FRATERNITY OF FREEMASONS, ou confrérie générale des tailleurs de pierre, qui englobait les confréries locales ». (1)

Cette phrase que nous avons intentionnellement placée en tête de ce chapitre, résume la doctrine généralement acceptée, qui explique l' origine- de la Maçonnerieanglaise. Reste à savon, si réellement cette liaison entre les anciennes corporations et les associations maçonniques existant en Angleterre au début du XVIIIe Sèicle peut être établie. Mais ce n'est pas ici le lieu de discuter cette question.

Ces anciennes corporations « Gilds of Krafts » reconnaissaient comme plus ancien règlement la « Constitution d'York qui datait de 926 (2). Bientôt des personnes étrangères à la profession s'y étaient fait recevoir comme; membres honoraires', sous le titre de Maçons Acceptés. Sous le régime orangiste, elles avaient fini par prendre la suprématie sur lès vrais maçons professionnels. Ces constructeurs d'un nouveau genre avaient conservé comme symboles les instruments et termes de métier des anciennes gildes. Ils se réunissaient en généN.B.

généN.B. Nous nous sommes vu obligé, pour faciliter l'impression de ce travail, de supprimer les trois points symboliques qui se répètent trop souvent dans les citations et nous les avons remplacés par un seul point dans lès mots tels que F.., (frère), G.-. O... (Grand Orient), G., M.. (Grand Maître) etc. etc.

(1) R. Le Forestier. — L'Occultisme et la Franc-Maçonnerie écossaise.

Paris, Perrin.1928, p. 146.

(2) Histoire de la Franc-Maçonnerie-—Son idée fondamentale et sa constitution, par E. Bobrik; professeur, à l'Université de Zurich (1838).

Traduction Lenz. —Lausanne,,. impr. Ducloux 1841.


ral dans des locaux dépendant d'une auberge, auxquels ils donnaient le nom de loges. En 1717, quatre loges de Londres, désireuses de se donner de l'importance dans leur comté, avaient fondé la Grande Loge de Londres. Jean Théophile Desaguliers en fut le premier GrandMaître. George Payne lui succéda en 1718. Désaguliers reprit la grande-maîtrise l'année suivante. Enfin, en 1721, Jean, duc de Montaigu [ou Montagu] fut élu grand maître à son tour.

« Ce fut alors que la réputation de la Maçonnerie se répandit de tous côtés. Des personnes de premier rang désiraient d'être initiées, et le Grand Maître fut obligé de constituer de nouvelles loges. Il était difficile, écritl'auteur de l'article de l'Encyclopédie (1) que ce nouvel empressement des Anglais ne s'étendit jusqu'à nous. (2)

Le duc Jean de Montaigu l'introduisit en France en créant la pemière loge à Dunkerque. (3)

Quelle circonstance l'amena en cette ville ? Il est assez difficile de se prononcer sur ce point.

Dunkerque se trouvait en relations étroites depuis longtemps avec la nation anglaise et ces rapports — estil besoin de le rappeler — n'avaient rien de bien amical.

(1) Encyclopédie Diderot-d'Alembert. « Article : FrancsMaçons, composé, écrit l'auteur, d'après un ouvrage anglais imprimé en 1767 par ordre de la G.L. d'Angleterre et qui a. pour titre, : « The Constitutions of the antient and honorable fraternity of frée and accepted masons ».

(2) On retrouve à l'origine des Sociétés de Compagnonnage, en France (Les Enfants de Salomon, les Enfants du Père Soubise, les Enfants de Maitre Jacques, les Loups garoux, etc.), des rites analogues aux rites maçonniques. L'équerre et le compas sont les attributs de tout le compagnonnage qui constitua une vraie « franc maçonnerie professionnelle ». D'après leurs livres ils prétendaient remonter à Salomon, à Maître Jacques et au père Soubise qui furent des compagnons d'Hiram.

Voir en particulier : Agricol Perdiguier — Le livre du Compagnonnage. (Paris, Pagnerre 1841). Cet ouvrage est précédé de lettres élogieuses de Chateaubriand, Lamartine; Lamennais et Béranger !

(3) La loge La Constance d'Arras a prétendu être la plus ancienne de France. Elle aurait été fondée le 15 avril 1687 par le Comte de Pembroke, grand visiteur de la grande Loge de Londres : C'est une pure fable : La Grande Loge de Londres, nous l'avons vu, ne fut fondée qu'en 1717. Jusqu'à cette époque, il n'y avait aucune organisation de la maçonnerie, les loges vivaient dans l'isolement.


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L'occupation de la place par une garnison anglaise en 1712, avait été la condition sine qua non d'une suspension d'armes qui devait aboutir au Traité d'Utrecht.

Jusqu'en 1715, les troupes du Roi d'Angleterre — 2.900 hommes environ — y avaient tenu garnison, collaborant à la démolition des ouvrages maritimes et des fortifications ; elles avaient entretenu des rapports comtois avec les fonctionnaires et la population dunkerquoise. (1)

A la suite de la rupture du batardeau qui barrait le vieux port, en 1720, le commerce s'était un peu relevé, et si les Anglais avaient fermé les yeux sur cet incident, c'est qu'ils étaient les premiers intéressés à voir leurs navires fréquenter le port. Bref toutes relations n'étaient pas rompues en 1721...

Aussi pouvons-nous admettre ce qu'on appelle « la Tradition Dunkerquoise » de l'introduction de la maçonnerie en France par le Port de Dunkerque.

Cette opinion s'appuie sur les arguments suivants :

Nous la trouvons d'abord mentionnée formellement dans'une publication officielle de la plus vieille loge de Dunkerque, l'AMITIE ET FRATERNITÉ (2).

Il y est écrit :

« D'après une notice extraite des anciens livres d'architecture de l'atelier, le 13 Octobre 1721, le très noble prince Jean, duc de Montagu, Grand Maître de LA LOGE DE LONDRES constitue la loge de l'Amitié et Fraternité. ■ Or, de Dunkerque, présidée par le Vénérable F. Romalet ». Raymond de Bertrand qui après la liquidation judiciaire de cette loge en 1819, a pu compulser ses archives, et écrire son histoire (3), s'exprime en termes à peu près identiques.

(1) Voir : Colonel Herlaut. — L'Occupation de Dunkerque par les troupes Anglaises en 1712.

Union Faulconnier 1925.

(2)- Annuaire maçonnique de la R.L. de Saint-Jean d'Ecosse à PO. de Dunkerque, sous le titre distinctif de l'Amitié et Fraternité. — Année 1815.

De l'imprimerie du F. Vanwormhoudt, imprimeur du Roi à Dunkerque, 62 pages.

(3) Raymond de Bertrand. — Monographie de la rue David d'Angers. — Loge Maçonnique de l'Amitié et Fraternité. (Mém. Soc.Dunk., tome VI — page 262).

Dans une Biographie du Dr Thibault,ancien vénérable, publiée


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Un autre argument nous paraît avoir plus de portée encore :

La loge possédait un superbe manuscrit du TRESOR.DE: SAPIENCE de Brunetto Latini (1).

Ce manuscrit lui avait été donné par Jean de Montagu.

En effet, au bas du premier feuillet oh pouvait y lire' « à Monsgr de Montagu ».

M. Pierre Turpin a eu le mérite de nous éclairer sur la signification de ce don princier (2)

Il a attiré notre attention sur les. enluminures représentant, en grand, costume, des chevaliers de S t-Jean de Jérusalem —ordre auquel les maçons; anglais avaient la prétention: de se rattacher ainsi qu'à celui du Temple: comme nous le verrons plus loin.

« Ce manuscrit, écrit M. Turpin, paraît avoir joué dans la création de l'atelier le rôle important des papiers de famille dans certains mariages aristocratiques; Lantoine qui, dans son histoire de la Franc Maçonnerie Française, nous donne une documentation;généralement sérieuse, fait quelque part allusion à des manuscrits découverts au XVIIIe Siècle, qui auraient rattaché; la Franc-Maçonnerie à ses origines anciennes. C'est ce qu'il appelle les: Constitutions gothiques. Le document qui nous occupe est peut-être le plus important de. ce genre, et de très bonne foi, les maçons du XVIIIe Siècle ont considéré le Trésor, de ce bon notaire, de Brunet comme un livre des arcanes d'outre mer ou l'évangile de la loi nouvelle ».

en 1860-1861 dans le même, recueil, R. de Bertrand écrit en note» page 414 :

« Ces renseignements comme ceux qui suivent ont été puisés en majeure partie dans les Archives de l'ancienne loge maçonnique de l'Amitié et Fraternité... »

(1) J. L'Hérmite.- — Le Joyau de la Bibliothèque de Dunkerque. Un Manuscrit du Trésor de Brunetto Latini. (Mém. Soc. Dunk., t. XL, p. 154-162).

Ce manuscrit vendu à la. déconfiture de la Loge en 1849, avait été racheté par L. Taverne, ancien vénérable, et donné par lui à la Bibliothèque communale de Dunkerque, sous la condition expresse qu'il n'en sortit jamais. Il fut comme toutes les richesses de ce dépôt, victime de l'incendie du 23 Avril 1929.

(2). P. Turpin. — Le Manuscrit Maçonnique duTrésor de Dunkerque.,

(Septentrion — Revue des Marches du Nord., Juillet Août 1929),avec une planche reproduisant le feuillet liminaire.


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Et comme Montagu, Grand Maître de la Grande Loge de Londres en 1721, part en 1722 aux Antilles pour plusieurs années, (1) force nous est d'adopter cette date de 1721 comme année de la fondation de la première loge Dunkerquoise.

Qu'-était-ce que cette loge ? Probablement une loge réservée exclusivement aux seuls Anglais se trouvant en résidence à Dunkerque.

Les moms de Romalet — et de la Bretaigne que nous retrouverons plus loin ne sont pas des noms de familles dunkerquoises.

On n'y connaît que les trois degrés primitifs dits symboliques d'apprenti compagnon et maître. Les Anglais s'y trouvent entre compatriotes:

M. Turpin semble être dans la note juste lorsqu'il écrit :

« La Loge de Dunkerque.. apparaît comme un établissement étranger à l'usage d'étrangers, quelque chose comme " LA MAISON DU MARIN » ou « L'HOTEL DES TRANSATLANTIQUES ». On y parle un certain « sabir » rituel et bachique où les militaires retrouvent les termes d'artillerie ; on y accueille d'ailleurs comme Montesquieu, les « Persans » de tous les pays du monde ; des formules religieuses élastiques permettent de se rencontrer sans heurt en venant des credos les plus divers, car toute théologie est à la loge aussi interdite, que de nos jours dans les cercles le sont les conversations politiques et religieuses ».

Ajoutons cette remarque : De nos jours, les Anglais ont, à Dunkerque, leur loge maçonnique, officiellement installée au « War Mémorial » et qui n'a aucun rapport avec les autres loges dunkerquoises.

Cette importation d'une Société de ce genre par les milieux maritimes paraît très naturelle et nous pouvons en fournir d'autres exemples.

N'avons-nous pas déjà cité la SOCIÉTÉ DE MEDUSE qui fut florissante à Dunkerque du début du XVIIIe Siècle ?

Nous savons que plus tard, le corsaire dunkerquois Thurot étant venu, vers 1760 à Elfsborg [en Suède à" l'entrée du port de Gothembourg], y introduisit des rites

(1) Dict. of national biography

Il avait été réélu en 1722 mais avait dû se retirer devant une opposition qui présentait contre lui le duc de Wharton.


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d'une société maçonnique qui fut appelé COLDIN. Un des initiés fut le lieutenant Bjornberg, appartenant à la garnison, Il devint par la suite Grand Vénérable du Coldin pour la Suède. Il fut tué en Finlande pendant la guerre contre les Russes. (1)

Nous pourrions rappeler qu'il y eut dans d'autres ports de France, des loges exclusivement maritimes : la Loge L'OCÉAN FRANÇAIS, celle de l'AMENITE du Havre, etc.(2), et qu'enfin les marins dunkerquois, calaisiens ou boulbnnais prisonniers sur les pontons anglais au cours des guerres du premier empire, y fondèrent de petites loges, dans un but qu'il est facile de deviner.

Tout ceci montre combien la Franc-Maçonnerie avait pénétré dans les moeurs maritimes dès le XVIIIe Siècle, et vient renforcer la thèse que nous soutenons.

*

Cette tradition, de la fondation à Dunkerque de là première loge maçonnique sur le continent, était restée assez vivace eh cette ville, puisque ceux qui, en 1891, reconstituèrent cette loge-mère dissoute en 1849, firent composer des assiettes portant les deux dates 1721 et 1891, qui représentaient à leurs yeux celles de la fondation et de la reconstitution de leur atelier.

De nombreux auteurs ont accepté la même date : « En France, là première loge fut établie à Dunkerque par des Anglais écrit Rambaud, et. notre premier Grand-Maître fut un anglais, Lord Derwent-Waters. La première loge de Paris date de 1725. » (3)

Si la grande encyclopédie du XIXe Siècle est moins affirmative quand elle dit : « Elle fut importée en France, PEUT-ÊTRE en 1721, en tout cas en 1725 », par contre le grand dictionnaire Larousse dans un article émanant évidemment d'une personnalité bien au courant de l'histoire de l'ordre, déclare formellement :

(1) Communication du Capitaine Rosensvard, vice-gouverneur de la forteresse. d'Elfshorg à M. P.J. Charliat qui a eu l'amabilité de m'en faire part (Janvier 1930).

(2) A l'exposition des médailles maritimes à la Monnaie de Paris en 1930 figuraient trois jetons de ces loges de marins.

(3) A. Rambaud. — Histoire de la civilisation française. — Paris Colin 1906, t. II, p. 569.


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" Elle traverse la Manche et fonde A DUNKERQUE LA PREMIERE LOGE continentale en 1721 ». Nous pourrions multiplier ces citations : Ce n'était certainement pas dans les Archives de l'ancienne loge que ces auteurs avaient puisé cette indication. Ils avaient dû s'appuyer sur une autre documentation sur laquelle ils ne se sont pas appesantis. Cette thèse n'a cependant pas été admise par tous.

Selon Gustave Bord par exemple, « il faut mettre au rang des légendes l'ancienneté attribuée à cette loge qui ne repose sur aucun document sérieux ». Lesueur (1) hésite à se prononcer. Après avoir reconnu que la loge de Dunkerque était « Tune des premières loges maçonniques nées sur notre sol » (p. 68) il émet quelques doutes sur son ancienneté, en raison de l'absence de titres constitutifs. Mais il ajoute ce correctif : « Il ne s'en suit pas nécessairement qu'elle ait été constituée postérieurement à 1741. Cette date paraît même assez vraisemblable. Remarquons, en effet, que Dunkerque avait lors de la dernière guerre, lancé plus de 1500 Corsaires contre les Anglais, d'où au traité d'Utreeht, l'acharnement de ces derniers pour faire combler le port, et après la paix pour veiller à l'exécution de ce travail ; A CET EFFET IL DUT SE FORMER DANS

CETTE VILLE UNE PETITE COLONIE, D'ANGLAIS ; QU'ILS AIENT.VOULU S'UNIR PLUS ETROITEMENT DANS UNE LOGE EXCLUSIVEMENT OUVERTE A LEURS NATIONAUX, COMME ILS LE FIRENT PLUS TARD A BORDEAUX, QUOI DE PLUS NATUREL ? »

C'est nous qui soulignons ce passage. En adoptant cette manière de voir, Lesueur ne fait que confirmer ce que nous avons dit plus haut. Nous devons faire remarquer toutefois que le traité d'Utrecht étant de 1713, il est bien plus rationne] d'adopter la fondation de,la loge anglaise en 1721, que d'en fixer la naissance en 1741.

M. Albert Lantoine, tout d'abord, « refuse d'accorder à l' AMITIÉ ET FRATERNITÉ, ces titres d'ancienneté que d'aucuns lui accordent généralement » (2): Il cite l'opus(1)

l'opus(1) Lesueur. — La Franc-Maçonnerie Artésienne. — Thèse lettres Alger 1919. — Paris G. Leroux 1914, p. 260.

(2) Albert Lantoine. — Histoire de la Franc-Maçonnerie française.

Paris, Nourry éditeur, 2e édition 1927, page 57.


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cule de M. Henri Lemattre qui dit-il ne fournit aucune preuve de cette allégation. Si M. Lemattre n'a pas indiqué ses sources, de notre côté nous croyons avoir fourni des arguments assez probants en faveur de notre thèse.

Dans, une publication plus récente (1) le même auteur, après avoir montré qu'une pièce officielle prouvait l'existence d'une loge à Paris en 1732,.écrivait : « Avait-elle passé plus tôt le détroit d'une façon beaucoup plus télébreuse ? C'est possible et des présomptions, sinon des preuves militent en faveur de cette opinion. Mais le moment n'est pas encore venu de les exposer ». Enfin, dans son dernier ouvrage, M. Lantoine semble ébranlé par les arguments qui ont été produits en faveur de " la prétention qu'arbore toujours la loge AMITIÉ ET FRATERNITÉ de Dunkerque d'avoir été la première loge française ». (2)

« On doit, dit-il, honnêtement se demander si, par hasard la légende cette fois ne s'accorderait pas avec l'Histoire. »

Après Henri Lemattre, c'est Charles Detré qui la considère comme créée par les stuardistes le 13 Octobre 1721 (3), c'est Ernest d'Hauterive qui ne met pas en doute la priorité de la loge dunkerquoise (4), c'est Emile Peter (5) , puis Clavel (6) qui considère aussi la fondation de la loge de Dunkerque en 1721 comme' historiquement prouvée...

Et l'auteur termine ainsi : « Comme l'on dit « C'est une légende qui court ». Mais qui sait si un érudit ne peut la retenir comme une hypothèse vraisemblable,

(1) Albert Lantoine. — Article Franc-Maçonnerie dans : L'Histoire, la Vie et les Moeurs, publication dirigée par John Grand Carteret, tome IV, p. 9. — Paris 1928.

(2) Alb. Lantoine. — La Franc-Maçonnerie écossaise en France..

1 vol. gr. in-8°. — Paris, Emile Nourry, 1930, p. 74.

(3) Charles Detré (Teder). — Les apologistes du crime. — Paris, éditions de l'Humanité nouvelle, 1902, in-8°.

(4) Ernest d'Hauterive. — Le merveilleux au XVIIIe Siècle. Paris, s.d, in-18, p. 95.

(5) Emile Peter. — L'Egalité sociale ou les Jésuites et les Francs-Maçons dans le gouvernement des peuples. — Paris 1893, in-18, p. 120.

(6) Clavel. — Histoire pittoresque de la Franc-Maçonnerie, loc. cit. p. 108.


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quand d'autres faits de même nature se sont trouvés déjà corroborer sa thèse ? »

Pour notre compte, nous admettons donc jusqu'à preuve du contraire, l'existence d'une LOGE ANGLAISE à Dun= kerque dès 1721.

Mais bientôt la situation change.

L'ANNUAIRE que nous avons cité nous indique que :

" En 5732 [1732] sous la présidence du Ven. Fr. de la Bretaigne, Lord Dorvent-Waters, Grand Maître de la Grande Loge de France (1) confirma les Patentes constitutives accordées par le très noble Prince Jean, duc de Montagu, et les travaux de la L. continuèrent de fleurir sous ses auspices jusqu'en 5741 ». (2)

Cette fois, les loges françaises entrent en scène.

En effet, ceci nul ne le conteste : « Vers l'année 1725 (c'est l'Encyclopédie qui parle) Mylord DerventWaters, (3) le Chevalier Maskeleyn, (4) M. d'Héguerty et quelques autres anglais établirent une loge à Paris, rue des Boucheries, chez Hure, traiteur anglais ». Dans cette phrase le mot « anglais » est pris dans son sens le plus général, car il s'agissait de Jacobites écossais, et même Mandais installés à Paris.

Dépossédé eh 1688 par Guillaume d'Orange, le roi Jacques II s'était réfugié en France. Louis XIV lui avait affecté le château de Saint-Germain en Laye où il tenait une petite cour. Ses partisans avaient reçu le nom de JACOBITES.

Ils avaient importé leurs traditions, leur institutions et parmi elles la Franc-Maçonnerie, qu'ils avaient d'ailleurs particulièrement rattachée à l'Ordre de Saint-André d'Ecosse ou du Chardon. On a la preuve écrit M. Lan(1)

Lan(1) terme de Grande Loge de France peut prêter à confusion, voir la note plus loin à son sujet.

(2) La Franc-Maçonnerie avait daté son ère de 4000 ans avant J.C. c'est-à-dire de la création du monde d'aprés le comput d'Usserius admis alors en Angleterre.

(3) Charles Radeliffe, lord Derwentwater, était fils d'Edward Radcliffe qui aurait épousé une fille naturelle de Charles II et de la célèbre actrice Mary Davies? Jacobite notoire, il commit l'imprudence de rentrer en Angleterre et y fut décapité, le, 19 décembre 1746.

(4) En réalité le Chevalier James-Hector-Macléan. L'auteur a écrit ce nom comme on le prononçait.


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toine qu'il existait au moins une loge régimentaire à Saint-Germain, dès 1688.. Jacques II étant décédé en 1701, son fils Jacques II — le Chevalier de Saint-Georges — ne renonce pas à l'espoir de remonter sur le trône. Ses partisans se groupent nous l'avons vu, en une loge à Paris en 1725. ■— Ces réunions ont un certain succès ; d'autres se créent et ce n'est pas ici le lieu d'étudier leur développement.

Finalement on voit dans la Maçonnerie un moyen puissant d'aider au rétablissement du régime. Quoi de plus simple que d'appliquer ses légendes à l'Histoire d'Angleterre? Hiram le maître assassiné c'est Charles Ier ; ses sujets sont les enfants de la veuve ; le Supérieur inconnu,.c'est le Prétendant...

Le Rite écossais se. constitue avec ses hauts grades.

On a voulu attribuer à Harnsay cette importation de la Maçonnerie écossaise en France; Le fait paraît controuvé d'après les recherches les plus récentes.

Le disciple de Fénelon joua cependant un rôle décisif et exerça sur l'avenir de la Maçonnerie une influence énorme en créant les hauts grades ,dont il peut, suivant l'expression de M. Le Forestier, être considéré comme le père spirituel (1).

Raimsay, a-t-on écrit, fut le promoteur des degrés supérieurs et par là le mauvais génie de la Franc-Maçonnerie, qui ne s'est jamais débarrassée de cette superfétation. C'est lui qui accrédita la légende qui fait sortir la Franc-Maçonnerie des Croisades et la solidarisa avec les Ordres de Saint-Jean et de Malte ». (2)

Ces grades chevaleresques, il les' avait inventés « dans un but politique, comme moyen puissant d'intéresser les Seigneurs français à la cause des Stuarts ».

Il s'appuyait, a-t-on dit encore, sur une base solide : la vanité humaine. On comprend facilement que le vulgaire titre de compagnon ou même de maître, paraissait

(1) Le Forestier. — L'Occultisme et la Franc-Maçonnerie écossaise, p. 219.

Voir en particulier le Chapitre IV : Le Discours de Ramsay. Le nom d'Ordre donné à la Société, fut vraisemblablement suggéré par ce fameux discours. Ce fut lui qui attira l'attention sur une loge établie dès 1286 à Kilwinnen, et qui plus tard, sous le nom d'Heredom de Kilwinning exploita ces hauts grades écossais.

(2) Grande Encyclopédie du XIXe Siècle,


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moins flatteur et moins désirable que celui de Commandeur du Temple ou de Chevalier de l'Aurore. » (1)

M. Lantoine ne va pas aussi loin. Il admet que « Ramsay n'a pas créé lés hauts grades... il les a légitimés en faisant remonter la Franc-Maçonnerie aux Croisades et en exaltant son pays d'origine « l'Ecosse ». (2)

Voilà donc deux rites, l'un anglais, l'autre écossais, constitués face à face. Vont-ils se heurter ? Pas le moins du monde. On en a la preuve par ce qui se passa à Paris où l'on vit « la logeJacobite qu'abritait à Paris la duchesse de Portsmouth, ancienne maîtresse de Charles II, et mère du duc de Lermox, installée officiellement le 12 août 1735 dans son château d'Aubigny par Lord Weymouth, alors' Grand-Maître de la Grande Loge d'Angleterre ». (3)

Il en fut de même à Dunkerque.

Peu à peu, l'élément « écossais » s'infiltra dans la loge anglaise. Aussi ne faut-il pas s'étonner de voir lord Derwent-Waters confirmer les Patentes accordées en 1721 par le Duc Jean de Montaigu. Il faut s'en étonner d'autant moins que, cette ville était devenue un foyer jacobite. C'était dans son port que Jacques III s'était embarqué en Décembre 1715 pour une malheureuse équipée. C'était de là que devait partir en 1744 l'expédition organisée pour rétablir son fils aîné Charles Edouard sur le trône de ses pères. (4).

D'ailleurs, d'Héguerty armait en course pour son propre compte et il eut avec les marins dunkerquois plus d'un contact prolongé.

(1) F. d'Alméras. — Cagliostro. — La Franc-Maçonnerie et l'Occultisme au XVIIIe Siècle.

Paris 1904, p. 82.

(2) A. Lantoine. — La Franc-Maçonnerie écossaise. — Paris, Nourry 1930, p. 53.

M. Lantoine a reproduit in-extenso, p. 18 et suiv. le Discours de Ramsay.

(3) A. Lantoine. — La Franc-Maçonnerie écossaise, p. 62.

M. Le Forestier écrit : " A Paris, en 1735, la loge d'Aubigny, fondée rue de Bussy avait tenu sa première séance sous la présidence du duc de Richmond, ancien Grand Maître de la Loge d'Angleterre (de 1724 à 1725) assisté de Desanguliers, ancien Grand Maître (loc. cit, p. 159) ; Desaguliers protestant notoire était attaché à la maison de Hanovre.

(4) Voir J. Colin. — Dunkerque et les Jacobites (1743-1744). Paris R, Chapelot 1901, in-8°, 187 p,


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Charles-Edouard, dont Ramsay avait été le précepteur, dans un chapitre général tenu, le 24 Septembre 1745, au Château d'Holyrood près d'Edimbourg fut promu Grand-Maître de la Franc-Maçonnerie écossaise et créé, le même jour, Chevalier Templier (Knight Templar). Depuis plusieurs aimées il s'était fait initier par Ramsay aux MYSTERES DE L'ART ROYAL, et avait appris de lui tout le parti qu'il pouvait tirer de cette institution.

Et nous voyons maintenant la Maçonnerie dunkerquoise prendre une allure nouvelle. C'est la Maçonnerie écossaise avec son infinité de grades : (1) sept d'abord pour arriver bientôt à vingt-cinq, et enfin à trente-trois, grades portant des titres les plus pompeux, auxquels on accédait par des cérémonies d'initiation agrémentées d'un grand luxe de décors où se créaient des Chevaliers et Princes pourvus d'une noblesse fictive : « l'Ecossisme comme on l'a appelé est le nom générique des Maçonneries à hauts grades qui se prétendent supérieurs à la Maçonnerie symbolique et entretiennent dans la Franc-Maçonnerie la vanité, l'inégalité, les préjugés, les erreurs et les fausses doctrines ». (2)

On voit donc que tout en admettant la date dé 1721 pour la fondation de la première loge dunkerquoise, nous nous séparons toutefois de ceux qui, comme d'Hauterive admettent qu'elle fut installée par les Jacobites anglais dans un but politique, et que nous tenons pour plus exacte l'opinion de Clavel qui attribua sa création à la grande loge de Londres : Ce ne fut que secondairement qu'elle tomba dans l'Ecossisme.

Nous comprenons maintenant pourquoi on s'est refusé à reconnaître la loge l'AMITIÉ ET FRATERNITÉ de Dunkerque, comme la plus ancienne de France. (3)

(1) Citons au hasard les grades de : Sublime Chevalier élu, Royal Arche, Chevalier d'Orient, Prince de Jérusalem, Grand Pontife on Sublime Ecossais, Patriarche Noachite, Prince du Liban, Grand Chef du Tabernacle, Chevalier du Serpent d'Airain, Chevalier du Soleil, Elu Chevalier Kadosch, Sublime Prince du Royal Secret (32e). '

Dans le rite de Misraïm on compta jusqu'à 90 grades.

(2) Grand Dict. Larousse. — Article : Ecossisme.

(3) Une estampe extraite de l'Histoire des Religions par J.F. Bernard (1728-1743) représente l'état de la Grande Loge d'Angleterre vers 1738, 129 ateliers y sont figurés parmi lesquels une loge à Paris (Au Louis d'Argent) et une à Valenciennes.,

M Lantoine qui a reproduit cette gravure, la. considère com-


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C'est que primitivement elle était exclusivement anglaise, reconnue seulement par la Grande Loge de Londres.

Plus tard quand se créa à Paris la Grande Logé avec son noyau de Jacobites, — qui ne tardèrent pas à s'infiltrer dans la loge de Dunkerque, les maçons parisiens" ne pouvaient pas reconnaître à cette loge, n'émanant pas de la leur, une origine plus ancienne que celle dont ils se prévalaient.

Cependant en 1741 « le Duc d'Antin parvint à la Grande Maîtrise et reconnut la régularité de la Loge I'AMITIÉ ET FRATERNITÉ en confirmant également son titre et ses prérogatives de Loge primitive ou première, cr éée dans le Département maritime de la Flandre française, pays conquis et reconquis, avec pouvoirs d'inspecter toutes les autres Loges dans l'étendue du dit département ». (1) Ce bref du duc d'Antin portait la date du troisième jour du troisième mois 5741, c'est-à-dire du 3 Juillet 1741.

Si nous suivons nos auteurs, nous trouvons :

1°) Que le Souverain Chapitre des Rose-Croix, fondé le 1er Novembre 1743, reçut confirmation par lettres capitulaires du Grand Orient ,signées du duc de Crussol.

2°) Que le duc de Luxembourg, à la sollicitation' du Vénérable F. Martin trésorier de l'extraordinaire des guerres, confirma les lettres patentes accordées le Tr Mars 1756. Dans ces patentes, la date ,du 3 Juillet 1741 de la constitution RÉGULIÈRE de la loge était rappelée et confirmée.

Ajoutons que la Loge « AMITIÉ ET FRATERNITÉ » publia dans son Annuaire, le tableau des Vénérables de « la R.M.L. Écossaise et Chapitrale de l'Amitié et Fraternité depuis le 3 juillet 1741, et qu'enfin ce titre de « Mère Loge » ne lui a jadis pas été contesté.

Or,il advint qu'en 1790,le Grand Orient voulant adopter un Statut uniforme pour toutes les Loges de France,

me une pièce officielle prouvant que la maçonnerie avait alors passé le détroit. Evidemment, Dunkerque n'y figure pas : Ce n'est pas une preuve à l'encontre de notre théorie : Comme nous venons de l'expliquer, la loge passée à l'Ecossisme ne dépendait plus en 1738 de la Grande Loge d'Angleterre. (1) Annuaire maçonnique,., 1815, cite plus haut,


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exigea d'elles, sous peine d'être considérées comme irrégulières, qu'elles se fissent délivrer de nouvelles patentes.

Dans une lettre adressée au Grand Orient, le 18 Décembre 1780, en vue de se conformer à cette formalité, les dirigeants de la loge, déclarèrent qu'ils travaillaient ■régulièrement depuis 24 ans — C'est-à-dire depuis 1756, date à laquelle ils s'étaient mis sous le régime de la Grande Loge de France (1). Dans leur esprit, cela signifiait tout simplement que leurs travaux n'avaient pas été interrompus depuis cette époque, niais cela n'impliquait nullement que leur loge n'existait pas antérieurement. Or, dans les nouvelles constitutions qui leur furent délivrées, cette date fut seule retenue.

Plus tard, ils s'aperçurent de la bévue qu'ils avaient commise en s'exprimant en des termes aussi peu explicites. Ils cherchèrent à la réparer.

Le Règlement de la Loge — imprimé chez Vanwormhoudt en 1810 commence par cette phrase :

ARTICLE PREMIER : « La Loge de l'Amitié et Fraternité, constituée par le G.O. de France en 5743 — (c'està-dire en 1743)... etc. » Ils affirmaient ainsi son existence avant 1756.

A partir de 1815, les membres de La Loge prétendirent à juste raison, faire remonter sa fondation à 1741. C'est ce millésime que portait la vignette ornant leur papier' à lettres. Une correspondance fut entretenue dans ce but avec le Grand Orient de 1815 à 1820. (2)

Dans l'Annuaire de 1815, ils annoncent (page 4) une notice historique sur la constitution primitive de cette loge en 1741.

Malheureusement, l'Annuaire de 1816, dans laquelle elle devait paraître n'a jamais été publié..:

Quoiqu'il en soit, le 20 Juin 1841, la Loge l'Amitié et Fraternité célébra solennellement le centenaire' de sa fondation.

(1) « La Grande Loge de Paris — primitivement anglaise — décida en 1756, de prendre à l'avenir le nom de Grande Loge de France, rompant ainsi les faibles liens qui la rattachaient encore à son centre administratif ».

Lesueur. — La Franc-Maçonnerie Artésienne, p. 63.

(2) Arch. du Grand-Orient. (Correspondance 1815-182-0) cité par Lesueur, p. 260,


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Le fait de ne pas avoir pu produire les Lettres Patentes primitives, ni celles qui furent accordées ensuite par le Duc d'Antin est évidemment très regrettable. Or nous savons qu'avant de mourir l'abbé Henry, vicaire à l'Eglise Saint-Eloi, qui avait été vénérable du 20 juin 1774 au 14 juin 1775, et avait ensuite conservé les fonctions de premier surveillant, avait brûlé les constitutions du chapitre dont il avait été le Très Sage. Cette destruction est affirmée par une lettre écrite le 24 mars 1785 au Grand Orient. (1).

L'acte de l'Abbé Henry nous prive ainsi de la preuve irréfutable de ce que nous avançons.

De tout ce qui précède, il nous est permis de conclure :

1°) Qu'une première loge fondée par les Anglais à Dunkerque en 1721, dépendant uniquement de la grande loge d'Angleterre, fut vraisemblablement la première loge maçonnique civile, installée en France. (2)

(1) Arch. de G.O. — Cité par Lesueur (Fr. Mac. Artés. p. 15) et R. de Bertrand, loc. cit, p. 265 « Les Archives de la Loge qu'il avait chez lui, disparurent. On les rechercha vainement à sa mort ».

(2) Après avoir montré l'origine britannique de la FrancMaçonnerie, nous ne pouvons nous défendre d'établir une comparaison avec une antré institution britannique et qui nous a été récemment importée en France. Le parallélisme est flagrant, et nous prouve à l'évidence qu'à travers les siècles, la mentalité d'un peuple ne se modifie guère.

Il s'agit du Scoutisme et du Louvetisme créés par Baden Powell, ex-général pendant la guerre du Transvaal, et qui après de timides tentatives isolées furent officiellement organisés en France en 1920.

Le Scoutisme se défend dé toute visée politique et même d'être une société de préparation militaire. Il ne tend qu'à l'éducation civique.

Son organisation est calquée sur celle de la Maçonnerie : On y

retrouve les différents degrés : novices, aspirants, scouts, chevaliers et même des Louveteaux. Ils obéissent à. des chefs, et à une Cour d'honneur ; on n'y est admis qu'après certaines épreuves

et après une promesse ou serment scout. Ils jurent d'être fidèles à la loi scout. Chaque grade a ses insignes et ses devises : L'insigne du scout est la Croix de Jérusalem « celle que Godefroi de Bouillon portait sur son blason » — avec le trèfle qui rappelle

la Trinité et est le symbole de la triple promesse. Comme les Templiers ou les Rose-Croix, cette croix potencée de Jérusalem

orne leur signature.

Ils ont aussi leurs gestes, rituels, leurs mots do passe, leur jargon, leurs chants. Comme les maçons qui avec leurs épées.


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2°) Qu'à cette loge succéda une loge écossaise — Jacobite si l'on veut — fondée en 1732, qui se mit sous la dépendance de la Grande Loge de Paris en 1741, et se fit ■reconnaître en 1756 par la Grande Loge de France,- quand celle-ci fut constituée.

Ce fut donc à Dunkerque que la. Franc-Maçonnerie, institution d'origine britannique, prit pied sur le sol français. Nous n'avons pas voulu prouver autre chose;

forment la voûte d'acier, les scouts avec leurs.batons entrecroisés

font l'arche trioniphale. Les Manuels de Scoutisme cherchent à inculquer chez eux

l'idée qu'ils sont les héritiers des Chevaliers du Moyen-Age, tout comme les maçons se rattachent aux Chevaliers de Jérusalem.

Pour développer cet esprit, on les aiguille vers le mystérieux.

Ne lit-on pas dans « Le Livre des Chefs de Meute » par Vera Barclay, Akela leader : « Le Scoutisme comme le Louvetisme

doivent la plus grande part de leur succès à ce goût si merveilleux qui existe à l'état latent chez tous les enfants, et Baden

Powell a voulu en tirer, profit... Si vous êtes affamé de grandeur

de mystère, de vraie poésie, lisez le merveilleux prologue où

Saint-Jean raconte comment Dieu s'est fait homme ». Le Scoutisme, association internationale, n'en est encore qu'à

ses débuts. Mais que lui réserve l'avenir s'il s'engage dans cette

voie ?


III

L'Evolution de la Maçonnerie dunkerquoise

Nous sommes en plein XVIIIe Siècle.

La Franc-Maçonnerie a fait, en France, de grands progrès. Cependant, jusqu'en 1760, une seule loge est installée à Dunkerque, c'est la loge de Saint-Jean d'Ecosse, sous le titre distinctif de l' Amitié et Fraternité que reconnaît et confirme le Grand Orient de France, le premier jour du premier mois 1756.

Elle constitue alors un cercle riche et bien fréquenté. Selon une définition donnée au XVIIIe Siècle, « le Maçon est un honnête homme, qui exerce les préceptes de l'humanité envers tous et par un devoir particulier, envers les frères auxquels il s'est lié par un secret qu'il ne peut révéler. » On y procédait aux réceptions suivant le rite écossais, et chaque année, il y avait deux banquets obligatoires : celui de la Saint-Jean d'hiver en Janvier, et l'autre à la fête de Saint-Jean de Jérusalem, patron de l'ordre. (1)

En raison de ses pratiques rituelles, elle était, suivant une expression d'un auteur récent « quelque peu ridicule mais respectable ». Aussi toutes les notabilités tenaient elles à en faire partie. On rencontrait dans son atelier des fonctionnaires royaux, riches bourgeois, gros négociants. Par contre les artisans n'y étaient pas admis.

Nous relevons au hasard les noms de : Martin, trésorier de l'Extraordinaire des guerres, vénérable en 1756, Et. Poisson Deslondes, ingénieur des fortifications, vénérable en 1767 et 1768 ; des membres de l'échevinage ou de la Chambre de Commerce comme : Vanhove, Devynck, Salles, Mauel, Grégoire, Desticker, de Fontenay,

(1) Remarquons ici une fois pour toutes, la confusion" voulue ou non, entre les différents Saint-Jean — invoqués comme patrons de l'ordre : soit Saint-Jean l'Evangéliste, dont l'Evangile figurait sur la table du vénérable — soit Saint-Jean Baptiste — soit Saint-Jean surnommé le charitable, patron des Chevaliers de Saint-Jean de Jérusalem dont la fête se célèbre en janvier.

Les loges dunkerquoises du rite Johannite n'étaient pas très fixées sur leur patron.


— 114 —

Thiéry, Bagge, Deschamps, etc. et parmi le clergé, l'abbé Henry, vicaire de l'Eglise Saint-Eloi, vénérable en 1774. (1)

Car la Maçonnerie était alors royaliste et catholique militante. Au décès d'un membre de la loge, il était de règle de faire célébrer une messe solennelle soit dans l'Eglise des Carmes, soit dans celle des Minimes, cérémonie à laquelle les francs-maçons assistaient en habit noir et gants blancs.

Mais à la fin du siècle, l'esprit de l'Encyclopédie, avec ses tendances réformatrices s'était infiltré partout, aussi bien dans la noblesse que dans le clergé et la bourgeoisie. L'Encyclopédie elle-même n'était-elle pas d'inspiration maçonnique et Ramsay dans son discours de 1737 n'avait il pas écrit : « Tout maçon doit contribuer par sa protection ou son travail à un vaste ouvrage auquel nul académie ne peut suffire », ouvrage qu'il intitulait : DICTIONNAIRE UNIVERSEL DES ARTS LIBERAUX ET DES SCIENCES UTILES. Il ajoutait : « On a déjà commencé l'ouvrage à Londres [la Cyclopaedia de Chambers 1728], mais par la réunion de nos confrères on pourra le porter à sa perfection ». (2) Son voeu était donc satisfait. Si Diderot ne fut pas maçon, aux dires d'A. Lantoine, si d'Alembert, secrétaire perpétuel de l'Académie fut invité par un arrêté pris par elle, à ne pas se faire recevoir dans les loges, l'oeuvre n'en était pas moins accomplie,et son influence devait être prépondérante. La Loge l'AMITIÉ ET FRATERNITÉ était un milieu fermé; n'y entrait pas qui voulait.

Les petits bourgeois, le parti que l'on appela plus tard le Tiers Etat, voulurent avoir aussi leurs lieux de réunion.

(1) L'Abbé Henry, né à Dunkerque, le 21 Décembre 1721, vicaire de l'Eglise Saint-Eloi fut vénérable de la Loge du 20 Juin 1774 au 14 Juin 1775. Il conserva ensuite les fonctions de surveillant jusqu'à son décès qui survint le 30 août 1782. La Bulle In Eminenti de Clément XII (1738) était restée lettre morte.

(2) « Ramsay a eu l'idée de faire de cette société' qui se plaisait surtout aux réunions gastronomiques et à des amusements symboliques destinés beaucoup plus à impressionner le néophyte qu'à l'instruire, une sorte d'Académie, et où on aiderait par la diffusion écrite et verbale, des connaissances à l'émancipation de l'individu, et conséquemment à l'élaboration de la. Grande Oeuvre humanitaire : la fraternité des. Peuples. »

A. Lantoine, La F.M. écossaise, p. 46,


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pour y discuter les grands problèmes à l'ordre du jour. Ne pouvant pas se faire admettre dans la loge mère, il leur en fallut créer de nouvelles.

On vit alors apparaître toute une floraison d'ateliers dont la plupart n'eurent qu'une existence éphémère Nous pouvons citer :

LA LOGE SAINT-JEAN DE JÉRUSALEM fondée en 1760 par la Grande Loge. Son premier vénérable fut le f. Salles. Elle était encore en activité en 1779.

LA LOGE SAINT-JEAN DE LA MODESTIE constituée en 1762 en faveur du Vénérable Devynck, existait encore •quinze ans plus tard. Elle aurait eu en 1766 pour Grand Inspecteur et Vénérable le f. Passerai de Montleduc. (1)

Ce n'était pas inquiétude que l'AMITIÉ ET FRATERNITÉ voyait se fonder à côté d'elle ces établissements rivaux, car elle craignait des abus et surtout redoutait de voir l'institution dégénérer en se démocratisant.

« Le Grand Orient questionnait souvent à ce. sujet l'Amitié et Fraternité. voici quelques-unes de ses réponses consignées dans ses archives :

« Il y a ici une Confrérie de Saint-Georges où se trouvent des maçons irréguliers. Ceux-ci ont reçu tous leurs confrères dans un jour (1781) ». (2)

Ceci nous est confirmé par une lettre adressée le 15 février 1786 au Grand Orient par les membres de l'ancienne Confrérie des Chevaliers de l'Arbalète, demandant de légitimer les travaux maçonniques auxquels ils se livrent, depuis quelques années dans le local de leursociété. Ils avaient pris le titre de Loge de Saint-Georges. Parmi les signataires figuraient Destouchés, Froye, Lemaire, Pol, Salomé, Thévenet, Wills (ou Weins) et Woestyn. (3)

Cette lettre était motivée par une défense expresse qu'avait faite, le 26 Janvier 1786, l'Amitié et Fraternité, à ses membres de fréquenter cette loge irrégulière sous peine d'exclusion.

Autres réponses relevées par R. de Bertrand :

« Des individus se disant maçons tiennent des assem(1)

assem(1) Bord. — La Franc-Maçonnerie en France, p. 426.

(2) Arch. du Grand Orient de France, lettre du 15 juin du deuxième mois 5785, citée par Lesueur.

(3) B. de Bertrand, Loc. cit. p. 267.


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blées dans des cabarets et reçoivent tous ceux qui se présentent, jusqu'à des garçons perruquiers et des jeunes gens qui sont encore de tendre jeunesse. (1781) « Nous avons été forcés d'exclure plusieurs de nos confrères parce qu'ils ont formé en ville des Assemblées sous le titre de francs-maçons. Ils reçoivent des gens de la dernière extraction et pour un vil prix.

« Dans toutes ces' prétendues loges, on continue à recevoir les premiers venus... (1783)

Une loge s'est établie sous le titre de LA VERTU, ayant pour Président un sieur Papgay, tailleur d'habits... » écrit la loge l'Amitié et Fraternité en 1784. En réalité la fondation de cette nouvelle loge datait de plusieurs années, de 1775 peut-être, de 1781 certainement. Elle devait être régularisée plus tard.

Enfin l'Amitié et Fraternité fait opposition en 1784 à ce qu'une autre loge qui s'est fondée sous le vocable de LA TRINITÉ soit reconnue par le Grand Orient. Il n'y avait qu'un, malentendu, comme nous le verrons plus loin à propos de l'histoire de cette loge qui fut effectivement installée par trois délégués de l'Amitié et Fraternité.

A la fin de 1789 s'installe une dernière loge composée uniquement, d'éléments étrangers : « En 1790 plusieurs réfugiés Hollandais supplièrent le vénérable frère Emmery d'intercéder pour eux, près du Grand Orient afin' qu'ils pussent se constituer en association à Dunkerque. La recommandation eut plein succès, et trois membres, députés par l'Amitié et Fraternité, installèrent, le 7 Avril, la nouvelle Loge sous le titre distinctif des. VRAIS BATAVES en lui remettant ses constitutions fondamentales ». (1)

A côté des loges civiles existaient des loges militaires. Ce' n'étaient pas à proprement parler des loges dunkerquoises : En ce temps là les régiments changaient fréquemment de garnison. Ils arrivaient avec leurs loges constituées qui se mettaient en relations avec celles du pays.

Nous connaissons

L'UNION FRATERNELLE, qui avait été constituée par la Grande Loge à l'Orient du Régiment de Royal Rous(1)

Rous(1) de Bertrand, loc.cit. p. 269.


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sillon, le 21 Mai 1765 et avait été régularisée par le Grand Orient le 16 novembre suivant. Ce régiment se trouvait à Dunkerque de 1774 à 1776, qu'il quitta pour Hesdin.

LES VRAIS AMIS DE LA GLOIRE à l'Orient du 75e régiment d'Infanterie légère.

LA PARFAITE UNION, de l'Orient du Régiment de Flandre, qui avait quitté Saint-Omer pour Dunkerque en 1784.

L'INTIMITE à l'Orient du régiment d'Orléans d'Infanterie, à Dunkerque en Août 1780.

La MODESTE à l'Orient du Régiment de ColonelGénéral, qui arriva en notre ville, le 25 avril 1790.

Colonel-Général était un corps d'élite placé sous le commandement immédiat du Prince de Condé. Ses officiers étaient d'ardents royalistes. Le sceau de la loge — conservé au Musée de Dunkerque — portait les armes fleurdelysées de la maison de Condé — ce qui nous montre quel esprit animait la maçonnerie militaire à cette époque.'

Cette liste est certainement incomplète. On en trouverait d'autres dans l'histoire des divers régiments qui se succédèrent à Dunkerque à la fin du XV II Ie Siècle.

Mais bientôt nous allons constater une évolution dans l'esprit de ces associations.

Dès 1790, se forme à Dunkerque un Club : la « SOCIÉTÉ DES AMIS DE LA CONSTITUTION », qui s'affilie aussitôt à celui de Paris. Parmi ses fondateurs,.nous retrouvons les membres les plus influents des loges. En

(1) " La plupart des patriotes avaient fait leur apprentissage dans les loges maçonniques, très, répandues et très populaires avant 1789. Il est naturel qu'on retrouve dans les fêtes civiques des empreintes maçonniques.

Proviennent des loges les attributs de la liberté comme le niveau, l'équerre, les mains entrelacées, l'oeil qui apparaît au milieu d'un soleil encadré d'un triangle. Les patriotes s'appellent entre eux frères et amis ». (A. Mathiez. — Le Patriotisme et la Révolution dans l'Histoire, la Vie et les Moeurs, etc.. publication dirigée par J. Grand Carteret).

Gustave Gautherot qui appartient à un camp adverse, fait la même constatation.

(La Démocratie révolutionnaire. — Paris Beauehesne 1912, p. 157).


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particulier, nous relevons dans la liste des présidents mensuels les noms de Emmery, Thibault, Arm. Foissey, Thélu, etc.

Dès lors les loges sont moins fréquentées. Elles auraient fait double emploi avec ces. Assemblées très sui= vies, dans lesquelles se discutaient les grands problèmes à l'ordre du jour. Le Club remplace donc automatiquement la loge-, et son influence se fait sentir dans toutes les classes de la Société, même dans l'armée.

« La Franc-Maçonnerie travaillait hors de ses Temples à la régénération et au bien général de l'Humanité. » (1)

Le Régiment COLONEL GENERAL, devenu Régiment d'Infanterie N° 1, s'était mis en rapport avec le Club. Les soldats, faisant preuve des idées les plus avancées, lui avaient notamment adressé un discours, et ils avaient fait imprimer une adresse à l'Evêque Constitutionnel Primat.

Quand éclata comme un coup de foudre la nouvelle de la fuite de Louis XVI et de son arrestation à Varennes, trente huit de ses officiers restés ardents royalistes passèrent la frontière dans la nuit du 24 Juin 1791 pour aller rejoindre l'armée des Princes, emportant avec eux les cornettes et drapeaux du régiment. Emmery réussit à calmer l'indignation de la troupe en lui remettant solennellement le drapeau tricolore de la Garde Nationale. (2) Le mobilier de la petite loge régimentaire « LA MODESTE » fut mis sous sequestre et vendu aux enchères.

Les événements se précipitèrent. « Le moment d'une décomposition arriva. Plusieurs membres [de la loge l'Amitié et Fraternité] quittèrent la ville ; quelquesuns donnèrent leur démission. Le zèle des autres se ralentit et il vint un jour où peu d'entre eux se rendissent aux assemblées du Temple.

La position n'était plus tenable, et dans une séance extraordinaire, au mois de Novembre 1791, le vénérable [Dr Thibault] désespéré, déclara qu'il se verrait forcé

(1) L. Amiable. — Discours au Congrès maçonnique international de Paris, du 16 Juillet 1889.

(2) Voir Dr L. Lemaire. — J.-J. Emmery, maire de Dunkerque, chapitre IV : L'Affaire du Régiment Colonel Général.

(Bull. Union Faulconuier 1925).


de fermer la Loge si l'on ne pouvait recruter de nouveaux membres et déployer plus de zèle. Les prévisons se réalisèrent : la dernière assemblée eut heu le 19 Avril 1792, et le 16 Juin les Ateliers de l'Amitié et Fraternité, qui se tenaient rue Nationale. 33 [aujourd'hui N° 10] depuis le 1er Mars 1787, étaient clos par les officiers dignitaires sans l'intervention de l'autorité ».(1) C'est pourquoi une lacune existe dans le TABLEAU DES VÉNÉRABLES de la Loge ; et on y trouve à la place de leurs noms la mention suivante : « Pendant les six années de la tourmente révolutionnaire les travaux de la L. ont été suspendus ».

Les raisons données.par R. de Bertrand qui voit dans le manque de zèle, et la démission de plusieurs membres l'explication de la fermeture de la loge, ne sont pas suffisantes pour expliquer ce long sommeil. Il convient de rappeler que la Société des Amis de la Constitution, devenue Société des Amis de la République était allée en se démocratisant de plus en plus, ce qui avait abouti à la transformer en Société Populaire. Alors les hommes modérés, qui avaient embrassé avec enthousiasme les idées nouvelles, qui devaient réformer et régénérer un édifice vermoulu, s'étaient vus peu à peu réléguer au second plan, par les démagogues qui régnaient en maîtres à la Société. Destitués, menacés, arrêtés, dirigés sur les prisons de Lille ou d'Arras, ils n'avaient plus qu'un parti à prendre : se faire ignorer. Ce n'était pas le moment d'attirer sur eux l'attention par des réunions qui auraient vite été considérées comme suspectes. Ils laissèrent passer l'ouragan. (1)

Seule la loge « LES VRAIS BATAVES » subsiste quelque temps encore. Le 21 Mars 1792, ses membres demandent au G.O. que leur atelier soit déclaré « ambu(1)

ambu(1) de Bertrand, loc. cit., p. 270.

La dernière pièce adressée par l'Amitié et Fraternité au

Grand Orient est du 23 Avril 1792. (Lettre du 23e jour du 6e mois 5792).

(2) Ce fut là un fait général Sur 629 loges inscrites en 1789 au Grand Orient, 18 seulement restèrent en activité de 1792 à 1796 (Jouaust).


— 120 — lant » car des temps meilleurs étant revenus, ils désirent le transporter dans leur patrie ». (1)

Ils ne quittent cependant pas Dunkerque. Nous publions plus loin une chanson composée en 1793 par un des leurs pour stimuler l'ardeur de ses concitoyens quand la ville se voit menacée d'un siège. (2)

Finalement, la loge disparait à son tour — car les réfugiés se sont dispersés ou ont regagné leur pays. Cette dissolution ne se fit toutefois qu'à la fin de 1794, car nous connaissons un diplôme délivré en cette année.

Mais toute action trop vive, amène une réaction équivalente. Le 9 Thermidor mit fin au régime de la Terreur.

Le 25 Juillet 1797, le Conseil des Cinq Cents décréta la suppression des Clubs.

Le moment était venu pour les Loges, de sortir de leur sommeil.

Le 10 Septembre 1797, l'AMITIÉ ET FRATERNITÉ tint sa première réunion dans son ancien local, rue de la Grosse Carotte (1). Le Docteur Thibault, vénérable, as(1)

as(1) La liberté rendue a tant de nations, les armes de la République française pénétrans jusqu'au dernier asile des tirans, et enfin la promesse sacrée do cette généreuse nation de vouloir aider tous les peuples à se rendre libres, s'ils en montrent seulement le désir ; toutes ces considérations T.T. C.C. F.F., font revivre notre espérance que nous planterons aussi bientôt, après un exil de plus de cinq ans, l'arbre de la Liberté dans le centre de notre patrie ; mais puisque ce temps s'approche, il est de notre devoir de penser à ce qui concerne le bien de notre R.L. à l'époque de notre prochain départ.

Le zèle pour l'Art Royal, la concorde et la. fraternité ont fait une liaison si étroite parmi les membres de notre Loge, que nous désirerions le plus ardemment de continuer dans notre patrie nos travaux, de' la même manière que nous avons pratiqués ici ».

(Aroh. du G. O. Lettre du 21e jour, 1er mois 5792, citée par Lesueur. — Livres d'Architecture de la Loge la, Fidélité d'Hesdin. Thèse Alger 1919, page 416).

(2) Imprimé chez Van Schelle et Cie. Ce Van Schelle, réfugié hollandais avait obtenu, le 2 Août 1790, l'autorisation royale d'installer une imprimerie à Dunkerque. Ses productions s'arrêtent en l'an IV.

(3) Lesueur donne une autre date : « Les travaux sont repris solennellement" le 4 Messidor, An VII. De nombreux frères se pressent au seuil du Temple mystérieux ; l'un des plus zélés est Charles Godefroy de Beaumont, grand Vicaire d'Arras ».

On donnait alors à la rue Nationale, le nom de rue de la Grosse Carotte à cause del'enseigne de Maillot, fabricant dé tabac.


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sisté d'Armand Foissey et d'Antoine Deschamps surveillant, ouvrit la séance par un discours sur l'Amour dé la Patrie, l'attachement au Gouvernement, le respect aux lois et l'obéissance aux autorités. Puis, chacundes membres présents, sur l'invitation du président, prêta serment; de fidélité à. la République « avec toute' la décence convenable ».

On était alors au lendemain du 18 fructidor (4 Septembre). Un coup d'état tenté pour enrayer le mouvément qui s'esquissait vers la droite, avait fait triompher la République d'une nouvelle Conspiration. Il convenait en ce moment de faire preuve de civisme. Les maçons dunkerquois affirmèrent leur, républicanisme en prêtant entre eux ce serment qui ne leur était pas demandé (1).

Quelques jours, après, la TRINITÉ ouvrit aussi ses portes. Le 13 Décembre, elle envoya à titre de bonne confraternité une députation de ses membres à l'AMITIÉ ET FRATERNITÉ.

De nouveau, les loges furent très fréquentées. (2)

Pendant quelques années, à la fin de chaque réunion, le Vénérable fermait la Loge après avoir juré : HAINE A

LA ROYAUTE ET A L'ANARCHIE, FIDELITE ET ATTACHEMENT

INVIOLABLES A LA REPUBLIQUE. Formule qui fut prononcée pour la dernière fois le 19 Janvier 1799...

Le Directoire, pour pourvoir à sa sécurité, s'était vu obligé de recourir à des mesures de police très sévères. Les Sociétés étaient étroitement surveillées. Certaines d'entre elles avaient été interdites ou dissoutes.

Les loges pouvaient craindre de voir fermer leurs locaux. Mais un arrêté du Ministre de la Police générale, du 7 Vendémiaire, an VII (28 Septembre 1798) autorisa leur existence que ne prohibait aucune loi, sous la réserve qu'elles resteraient sous la surveillance de lapolice qui aurait toujours le droit de pénétrer dans l'enceinte de leurs temples. Le Vénérable Thibault communiqua cet arrêté à la

(1). Le Clergé fut obligé de prêter, les 11 et 12 Septembre 1797 devant la, municipalité assemblée le serinent de « Haine à la Royauté et à l'Anarchie, attachement et fidélité à la République et à la constitution de l'an III ».

(2) R. de Bertrand cite parmi les membres de l'Amitié et Fraternité les de St-Laurent, de Fontenay, Tacquet, Grégorie, Power, Vanhée, Coffyn, négociants , les généraux Lebley et Bisson, le juge de paix Vandercruce, des officiers de marine, etc.


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séance du 21 Décembre 1798. Conformément à la loi, il envoya à l'Administration municipale une déclaration qui fut lue à son assemblée du 19 Nivôse an VII (8 Janvier 1799). Deux jours après, la Loge la TRINITÉ se pliait à la même formalité. (1)

Le 18 Brumaire, la Constitution de l'an III était renversée. Un Consulat provisoire prenait en mains le pouvoir exécutif.

Des trois Consuls, Bonaparte apparaissait bientôt « comme le génie tutélaire qui veillait sur les" destinées de la France ». C'était du moins en ces termes que le glorifiait un des francs-maçons les plus en vue, J.J. Emmery, Maire de Dunkerque, à la fête du 14 Juillet 1800.

C'était Bonaparte qui devait apporter cette paix tant désirée. Bientôt, elle fut conclue avec l'Autriche. Les régiments qui venaient de s'illustrer en Allemagne rentrèrent en France. La célèbre 46e demi-brigade provenant de la colonne infernale commandée par Moreau, et qui rapportait avec elle le coeur du f. La Tour d'Auvergne, vint tenir garnison à Dunkerque, où elle arriva le 28 Mai 1801.

Le Colonel Lanchantin, les chefs de Bataillon et plusieurs capitaines du régiment se firent admettre à la Loge Amitié et Fraternité.

Quand parvint la nouvelle de la signature des préliminaires de la Paix entre la France et l'Angleterre, en Octobre 1801, les membres de cette Loge dans la séance du 23 Vendémiaire an 10, rendirent de solennelles actions de grâces au premier consul et décidèrent de célébrer cet heureux événement par une fête qui fut fixée au 20 Brumaire, « deux jours après celle célébrée parla commune entière, afin que les membres de.la Loge qui font partie des autorités civiles et militaires puissent y assister sans manquer à leurs devoirs. (2) Au jour fixé, dans le temple décoré de guirlandes,de fleurs

(1) Archives municip. Dunkerque. Registre aux délibérations de la Municipalité.

D3 registre 7, folios 8 et 20 Verso.

Thibault annonçait que la réunion des francs-maçons se ferait ordinairement les décadis dans leur local rue Nationale.

(2) Fête de la Paix, célébrée à l'O. de Dunkerque en la R.L. de l'Amitié et Fraternité, première et plus ancienne L. de la ci-devant Flandre Maritime, le 11e jour du 9e M., l'an 5801,


et de branches de laurier et d'olivier, au milieu de vapeurs odoriférantes, tous les frères formant la voûté d'acier, une délégation apporta processionnellement les portraits du Premier Consul et du Roi de Prusse Frédéric, protecteur et défenseur des maçons. Des discours célébrèrent « celui qui nous a retirés du déchirement de l'anarchie et du despotisme directorial, qui a mis fin aux tourments révolutionnaires, qui a retenu avec sa main triomphante le vaste Emipre prêt à s'écrouler de toutes parts, qui enfin par des victoires éclatantes, a procuré à son pays la Paix avec les Puissances qui avaient juré sa perte » On célébra tes vertus, du héros que le vénérable « animé d'un saint zèle » n'hésita pas à qualifier de Premier homme du monde et de Dieu, tutélaire de la France... »

On ne s'étonnera pas après cela, de voir la Maçonnerie devenir franchement impérialiste. Napoléon avait d'ailleurs su habilement l'assujettir à' ses desseins afin de trouver en elle un point d'appui. Les dignitaires de l'Empire, se firent tous affilier à l'ordre dont l'archi-, chancelier Cambacérés était grand maître. Certains membres du clergé même, n'hésitèrent pas à s'y enrôler.:.. Ainsi, voyons-nous un grand vicaire d'Arras, Charles. Godefroy de Beaumont, Bose-Croix, être élu en 1802, membre honoraire de L'Amitié et Fraternité de Dunkerque.

Les membres de cette loge « considérant que la'' Maçonnerie comme toutes les institutions fondées sur des bases respectables, ne peut prospérer qu'en s'imposant des lois qui déterminent d'une manière précise et invariable les devoirs et les obligations que chaque membre de la grande famille a à remplir » après avoir, mûrement examiner et discuté au cours de trois séances les divers règlements anciens conservés dans les archives, se donnent, le 29 Octobre 1810, un nouveau réglement qui ne contient pas moins de de 249 articles. (1)

st. hyr : 20 Brumaire, an 10 de la République Française im- , primé chez le F. Vanwormhoudt, membre de la dite L., (30 p. in-8°).. Voir en annexe un extrait de cette plaquette.

(1) Règlement particuliers de la R.L. l'Amitié et Fraternité à l'O. de Dunkerque 15810, de l'imprimerie du F : Vanwormkoudt, rue Neuve, N° 10, à Dunkerque, 70 pages, in-8°. Ce réglement est signé de : Bretocq, vénérable ; Power.


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Déjà,l'année précédente la TRINITÉ s'était trouvé un nouveau local dans l'ancien Couvent des Conceptionnistes. (1) La. loge mère se devait de trouver pour ses affiliés un local en rapport avec l'importance qu'elle ne cessait d'acquérir.

Le 27 avril 1811, le vénérable Bretocq acquit en son nom une maison située dans la rue de la Tour d'Auvergne qui venait de s'ouvrir. Une salle de danse attenante fut démolie, de nouvelles constructions furent édifiées" sur les plans de Bretocq, et la loge devenue propriétaire installa ses six ateliers dans le nouvel immeuble. Ce fut l'occasion d'une fête splendide à laquelle prirent part plusieurs sommités maçonniques. (2)

Le Vénérable Bretocq, puis Emmery, et après lui de nouveau Bretocq en 1814, font de la loge mère' de" Flandre, un lieu de réunion très bien fréquenté, qu'ils s' efforcent constamment d'améliorer, et dans lequel les étrangers sont reçus de la façon la plus cordiale. (3)

Mais l'étoile de Napoléon pâlit peu à peu. Le pays subit l'invasion et aspire à'un changement, de régime.

Aussi, dès la chute de l'Empire, les deux-loges dunkerquoises, suivant le mouvement, se rallient-elles aux; Bourbons !

La composition de la loge l'Amitié et Fraternité nous est connue, grâce à un ANNUAIRE publié par elle, et imprimé par le F. Vanwormhoudt, imprimeur du Roi à Dunkerque.

Maurin et Deschamps, vénérables honoraires ; Vanwormhoudt _ et Papgay, 1er et 2e surveillants ; Depaeuw, orateur ; Thorel, secrétaire ; Duchastelle, 1er expert ; Casteleyn, aîné, garde des sceaux et archives.

(1) Voir plus loin l'Histoire de la Loge de La Trinité et le Procès-Verbal de son installation dans ce Couvent.

(2) Aujourd'hui rue David d'Angers.

Cet immeuble, d'abord numéroté 2, puis 20 bis, porte actuellement le N° 32.

(Vente le 27 avril 1811 devant Me Demeyer, notaire à Dunkerque)

(3) Le 11 Novembre 1813, la direction du théâtre annonçait la représentation d'une pièce en trois actes intitulée « Les Francs-Maçons ». Des membres de la loge ayant eu connaissance du livret protestèrent contre cette parodie de leurs cérémonies et réussirent à empêcher que la pièce ne fut jouée intégralement. Le public qui s'attendait à des révélations sensationnelles fut déçu de ses espérances.


— 125 — La loge comprend sept ateliers différents: (1)

1) LA LOGE SYMBOLIQUE,

2) LE SOUVERAIN CHAPITRE DE R + DU RITE FRANÇAIS reconnu et confirmé par le G.O. de France par lettres capitulaires signées du duc de Crussol.

Ce chapitre avait reçu de plus des Capitulaires qui lui avaient été accordées par le suprême et souverain chapitre du G.O. de Bouillon.

Ce bref portait les signatures des Princes de RohanRohan, Rohan-Guemenée, Rohan duc de Montbazon.

La devise de la loge : « Spe.fide etcharitate lumen meruere » y était rapportée entourée des deux inscriptions :

Durat cum sanguine virtus avorum Arceatur profanum vulgus.

Il portait le sceau ; Godfridus Dei Gratia Dux Bullomensis protector.

Le Grand Orient de Bouillon, fondé par le.duc de ce nom, parent de Charles-Edouard, représentaiten France la loge d'Edinbourg, Il avait multiplié ses démarches •vers 1786 pour amener les loges de l'Artois sous son obédience. Seule l'Amitié et Fraternité lui avait confié le soin de réorganiser son chapitre et lui avait demandé de régulariser ses travaux.

3) LE CHAPITRE DE L'HEREDOM DE KILWINNING. (2) Le Souverain Chapitre Régulier du Grand et Sublime Ordre de H.D.M. de Kilwinning s'était constitué à Dunkerque par acte de la Grande Loge provinciale de Rouen du 10 Janvier 1809, avec l'autorisation de la loge métropolitaine d'Edimbourg (2).

(1) « Annuaire Maçonnique de la. R.L. de Saint-Jean d'Ecosse à l'O. de Dunkerque, sous le titre distinctif de l'Amitié et Fraternité. Année 1815.

De l'Impr. de F, Vanwormhoudt, imprimeur du Roi à Dunkerque, in-12, 62 pages.

(2) Annuaire p. 40 ; R. de Bertrand, loc. cit. p.277. D'après Lesueur (Livres d'architecture de la loge d'Hesdin,

p. 411). L'Abbé Henry aurait été l'un des principaux officiers du chapitre d'Heredom de Kilwinning, créé à cette époque •dans la loge. Le fait nous parait impossible, car ce ne fut qu'en 1785 ou 1786 que Mathéus fit une propagande active en laveur

de ce chapitre, qui ne fut installé à Rouen qu'en 1788, par con-


126

4) Le Chapitre des G.G. A.A.

Fondé le 29 Septembre 1812 par Bretocq, divisé luimême en trois temples particuliers.

5) Le Souverain Tribunal des G.G. J.J. J.J. C.G. (C'est-à-dire des Grands Inspecteurs, Inquisiteurs,

Commandeurs) du rite écossais philosophique, attaché à la R.L. en vertu de l'acte constitutif émané du Souverain Tribunal chef d'ordre en France, en date du 23 Juillet 1803. (1)

6) Le Couvent philosophique. Fondé par Bretocq, le 14 Février 1814.

7) Le Consistoire et Chapitre des P.P. I.I.

Le Vénérable était alors Bretocq aîné, ingénieur de la Marine. Il dépensa une grande activité pour mettre la loge dans une situation prospère et indépendante. (2)

Nous ne pouvons pas reproduire ici cette liste trop complexe : Parmi les Chevaliers Rose-Croix figurent Emmery, Power, adjoint au maire, de Guizelin, chef de Légion; Maurin, Thorel, Desticker, négociants-; Frappas, docteur en médecine ; Zandyck, chirurgien ; Dehen, capitaine de frégate; de Kerguern, aspirant de marine; J.-B. de Queux de Saint-Hilaire...

Au nombre des membres absents nous relevons : le capitaine de vaisseau Leduc ; Olivier, juge au Tribunal ; Rault de la Hurie, lieutenant de vaisseau et parmi les membres honoraires : Charles de Beaumont, grand vicaire à Arras; le maréchal de camp Lebley; Delalande, inspecteur de l'Enregistrement à Douai, etc.

Le quatre Trémiot, Belliard, Crispin, Clabaut, Woets, Poisson, Martin, La Duc et Manaud constituent l'harmonie que dirige Frémiot aîné.

séquent postérieurement au décès de l'Abbé Henry. Tout au plus pourrait-on admettre qu'il en fit partie à titre individuel alors que ce chapitre n'était pas installé dans la loge.

(1) Ce rite écossais philosophique fondé par le Docteur Boileau, vers 1777 comprenait en France, un tribunal chef d'ordre et sept tribunaux suffragants : à Douai, Puylaurens, Toulouse, Angers, Dunkerque, Anvers et Bruxelles.

(A. Lantoine. — Hist. de la F.M., p. 210).

(2) Bretocq quitta Dunkerque, en mai 1816 pour prendre à Rochefort le poste de sous-directeur des constructions navales. Il acheta de ses propres deniers un terrain contigu à celui

de la loge pour y faire les agrandisseiments nécessaires.


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Cette brève énumération justifie l'appréciation émise par Raymond de Bertrand :

" Tous, les frères étaient des hommes de condition qui se traitaient avec politesse, se comprenaient non seulement dans un même sentiment de bienfaisance et d'affection pour le prochain, mais par l'éducation et l'instruction, par les mêmes habitudes et les mêmes fréquentations dans le monde. C'était une vraie école d'urbanité, une académie, où chacun des membres apportait sa part d'intelligence et de bon vouloir.

On y organisait des fêtes charmantes, des bals où régnait la plus haute convenance, des concerts où l'on entendait les artistes en renom de la ville, qui étaient maîtres, compagnons, ou apprentis francs-maçons, nommés frères de l'Harmonie. » (1)

En moins de mots Grégoire, ancien évêque de Blois, membre de l'Institut, disait la même chose :

« On ne voit plus guère actuellement dans la FrancMaçonnerie, qu'une association qui au goût pour l'amusement, associe quelques actes de bienfaisance. » (2)

Sous la Restauration, les maçons dunkerquois sont ardents royalistes et catholiques pratiquants. Il' nous suffira pour le prouver de donner les quelques exemples suivants :

Le 18 Juin 1816, la TRINITE inaugure dans son temple le buste du bon roi Louis XVIII. Elle célèbre, le 18 août suivant la fête de Saint-Jean-Baptiste, précurseur du Messie qui fut un modèle parfait de toutes les vertus ». Nous aurons l'occasion plus loin de revenir sur ces cérémonies.

L'AMITIÉ ET FRATERNITE fait plus encore. Les annonces suivantes publiées dans les journaux locaux n'ont pas besoin d'être commentées.

" La loge maçonnique l'Amitié et Fraternité de Dunkerque a, fait célébrer, le 25 Février 1820, une messe funèbre en l'honneur de Mgr le duc de Berry. Une société nombreuse, muette d'inquiétude et de douleur, donnait à cette cérémonie un aspect triste et imposant. M. le Chevalier de Taverne, président, a retracé, avec une touchante éloquence, l'objet de la réunion et la cause du deuil national de la France ; M. LétendartDelavoie, orateur, a prononcé l'oraison funèbre du Prince et

(1) R. de Bertrand, loc. cit. p. 282.

(2) Grégoire. — Histoire des Sectes I, p. 403.


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le respectable M. Emmery, ancien maire de la ville, que la reconnaissance des administrés a surnommé le père de Dunkerque a voulu aussi malgré son âge et ses infirmités, paraître dans la salle et mêler sa douleur à celle des deux frères précités, mais son émotion était trop vive et son chagrin trop cuisant : les larmes ont empêché qu'il achevât son discours. M. de Taverne a dû le prononcer pour lui (1). »

« A dater de samedi prochain, 26 août 1820, et chaque samedi suivant, jusqu'à l'époque ta nt désirée par tous les Français, la Société Maçonnique sous le nom de l'Amitié et Fraternité en, cette ville, fera célébrer dans. l'Eglise paroissiale de SaintJean-Baptiste, à 11 heures 30, une messe pour l'heureuse délivrance de S.A.R. Madame la Duchesse de Berry et la naissance d'un prince. Les membres de la loge invitent leurs concitoyens à assister à cette manifestation religieuse ». (2)

« Les membres composant la Société Maçonnique connue sous le titre distinctif de l'Amitié et Fraternité, rue de la Tour d'Auvergne, ont l'honneur de prévenir leurs concitoyens

que jeudi 5 du mois d'Octobre prochain, à' 11 heures, ils feront célébrer en l'Eglise paroissiale Saint-Eloi, une messe solennelle en actions de Grâce du double bienfait que le Ciel vient de répan dre sur la France en lui donnant un héritier au trône de

Saint-Louis et de Henri IV, et dont la présence par la joie qu'elle inspire, adoucira, s'il est possible, le malheur de son auguste mère., modèle de toutes les vertus... » (3)

A ce moment des tentatives furent pratiquées pour introduire un rite nouveau dans la franc-maçonnerie dunkerquoise. Vers la fin de l'Empire, les frères Bedarride, dont l'un s'affublait de la qualité « d'ex-inspecteux des services réunis des armées » avaient fondé le rit© de Misraïm qui ne comprenait pas moins de quatre-vingtdix grades ! Bédarride s'intitulait : Supérieur Grand

(1) La Dunkerquoise, du 4 mars 1820.

(2) Feuilles d'Annonces du 26 août 1820.

(3) La Dunkerquoise du 8 Octobre 1820.

Dans le tableau des officiers et membres du Suprême Conseil du 33e degré du. rite écossais ancien et accepté pour la. France, réorganisé en 1821 figurent comme :

Porte étendard : Le Courte Guilleminot, Lieutenant général au corps royal d'Etat Major, etc.

Inspecteur général : Le Comte Verhuel, Pair de France, vice-amiral, Grand Croix de la Légion d'Honneur, etc.

Les insignes maçonniques, de,Guilleminot sont conservés au Musée de Dunkerque.

Nous relevons dans cette liste les noms du duc Decaze, des Comtes de Ségur, de Fernig, de Lacépède, Monthion, du Maréchal Mortier, etc.

Elle a été publiée par A. Lantoine. — La F.M. Ecossaise, p. 260,


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Conseil de l'Ordre pour la France. Il avait réussi à enrôler dans cet ordre dont il prétendait faire remonter les origines à Misraïm, fils de Cham, des Pairs de France, des généraux et officiers supérieurs de l'ex-armée impériale. (1)

En 1822, le Grand' Orient l'avait dénoncé, comme composé d'hommes dangereux compromettant la Sûreté de l'Etat et l'honneur des citoyens paisibles, etc. etc. Le Gouvernement s'était ému. Le Ministère de l'Intérieur invita le Préfet du Nord, à perquisitionner chez deux fonctionnaires affiliés à l'ordre de Misraïm : Valois, officier des douanes à Dunkerque, et Daguin, receveur principal des douanes à Cassel. (2)

Les sous-préfets de Dunkerque et d'Hazebrouek firent aussitôt procéder chacun dans son ressort aux saisies ordonnées.

Valois vint témoigner au sous-préfet Deschodt, de toute la peine qu'il éprouvait, d'avoir été soupçonné de professer des doctrines contraires à l'ordre établi par le gouvernement, et lui donna sa parole, que jamais il n'avait aidé d'aucune façon Bédarride à introduire les rites de Misraïm soit dans les loges de Dunkerque, soit ailleurs. (3)

Il avoua toutefois que Bedarride s'était présenté chez lui ainsi qu'à la Loge l'Amitié et Fraternité, pour proposer à ses membres de s'affilier à l'Association de Misraïm : Il suffisait de verser entre ses mains une somme de 36 francs pour l'expédition d'un brevet.

Mais déjà la Loge avait été prévenue par le Grand Orient, des démarches qui allaient être tentées auprès d'elle, pour y introduire les rites défendus. Aussi tous les frères avaient-ils rejeté ses propositions, ainsi qu'il résultait d'un extrait dés délibérations de la Loge.

Valois assura d'ailleurs au sous-préfet qu'il existait à Dunkerque d'autres associations que celles qui étaient reconnues par le Grand Orient. Sans doute visait-il l'Ordre du Temple dont nous aurons à parler plus loin.

(1) Tableau des Membres de l'Ordre de Misraïm 1822, Paris, impr. Constant Chantpie, rue Sainte-A nne, 8 p. in-12.

(2) Lettre du Directeur de la Police Franchet-Desperey, au Préfet du Nord, Comte Murat, 1er Octobre 1822, Arch. Dép. Nord .M. 135/60.

(3) Lettre du sous préfet de Dunkerque au Préfet du Nord, 12 Octobre 1822. Arch. Nord, même dossier.


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D'après d'autres dépositions, Bedarride paraissait surtout être venu dans la région, beaucoup plus dans l'espoir de, se procurer de l'argent que pour propager ses doctrines. (1)

En tout cas ses démarches furent vaines et l'on n'entendit plus parler de l'Ordre de Misraïm à Dunkerque.

La Loge LA VERTU qui était restée en sommeil depuis la Révolution, renaît de ses cendres en 1821. Elle s'installe en 1823 dans le local laissé libre en 1811 par l'Amitié et Fraternité, rue Nationale, qu'achètent pour elle, le 11 Janvier 1823, pour la somme de 1800 francs, au Sieur Hippolyte de Saint-Laurent, le vénérable Villiers, marchand chapelier, assisté d'Evrard, marchand épicier et de Langlois, marchand, autorisés à cet effet.

Peu après — en 1826, se créa une nouvelle loge: LA TRINITÉ UNITAIRE, issue d'une scission au sein de la Trinité. Elle n'eut qu'une durée éphémère.

Ainsi à la fin du règne de Charles X quatre loges régulières : l'AMITIE ET FRATERNITÉ, la TRINITÉ, la VERTU et la TRINITÉ UNITAIRE existaient à Dunkerque: (2)

Mais alors, les Sociétés Secrètes sont tenues en suspicion : aussi aspirent-elles à un changement de régime. Il ne faut donc pas s'étonner de les voir saluer avec enthousiasme la Révolution de 1830.

Le 14 Septembre 1830, les cinq loges du rite Johannite (reconnaissant Saint-Jean pour patron) à savoir les quatre, loges de Dunkerque et la CORDIALITÉ de Bergues se réunissent fraternellement dans le local de l'Amitié et Fraternité « pour célébrer en famille les glorieuses

(1) Lettre: du sous-préfet d'Hazebrouck, du 9 Octobre 1822, relatant le résultat des perquisitions faites chez Daguin ; lettre du commissaire central de Lille. Celui-ci qualifie Bédarride Michel âgé de 41 ans, de commis voyageur.

Archives du Nord, même dossier, M. 135/60.

(2) Il convient de relever que certains francs-maçons faisaient partie de plusieurs loges à la fois. Nous en avons la preuve par les diplômes que nous avons pu étudier. Nous pouvons citer les exemples suivants : C. Thélu, faisant partie de la Trinité et de la Vertu, le Docteur Meneboo également ; le Docteur Bobilier appartenait à l'Amitié et Fraternité et à la Vertu, Quenet-Blary à la Trinité et à la Vertu ; le peintre A. Desmit (1812-1885) appartint à trois loges — comme nombre de nos concitoyens, qui font partie de. plusieurs cercles,


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journées' de Juillet et saluer l'avènement du Roi-citoyen »...

Quatre-vingt-onze frères sont présents, le F. Bouvart, vénérable de la Loge L'Amitié et Fraternité, préside, assisté des F.F. Jolly, Delaetre, Hennuyer et Gay, vénérables des autres loges.

Nombreux discours, dans lesquels on se réjouit de voir cesser l'odieux despotisme que la Franc-Maçonnerie supportait im patiemment, et on célèbre les glorieux évènements « qui se sont déroulés au cours de cette Révolution aussi heureuse qu'inespérée... » l'Orateur salue le Prince que le malheur n'a jamais abattu : « Tu peux, dit-il, gouverner en République, toi qui as su l'établir dans ta maison." » « J'ai prononcé, dit-il plus loin, le nom de République : que ce mot ne vous effraie pas mes F.F. C'est un de ces fantômes dont il suffit de s'approcher pour cesser de les craindre » et il justifie l'emploi de cette expression par une citation d'Odilon Barrot : « La République est là où est la chose publique, là où la loi est respectée »

Le passage suivant du discours du f. Daugis, Directeur des postes,' mérite d'être relevé : « Au milieu d'événemens si honorables pour la France, qui pourrait méconnaître l'influence des enseignements dont notre ordre a mytérieusement conservé la tradition à travers des siècles d'asservissement et de barbarie ? N'étaient-ils pas tous nos F.F. ou du moins dignes de l'être, ceux qui ont scellé de. leur sang l'édifice de nos libertés ? » C'était dévoiler clairement le rôle de la Franc-Maçonnerie dans la genèse de la Révolution de Juillet.

Au banquet qui suivit, le premier toast fut porté à S.M; Louis-Philippe et à la Reine son auguste épouse.' « Ce toast est accueilli par un enthousiasme difficile à décrire. Les F.F. négligeant la régularité maçonnique, pour se livrer aux sentiments qui les transportent, oublient un instant d'observer l'ordre habituel. Mais bientôt, étonnés de s'être, abandonnés momentanément aux impressions qui les dominaient, ils reprennent le maintien convenable aux E. de la V.L. (1)

(1) L.L... de Dunkerque et de Bergues. Procès-verbal de la fête maçonnique et patriotique célébrée à l'O. de Dunkerque, le 14e jour du 9e M. Lun. 5830.

O... de Dunkerque, impr. de Veuve Weins, rue Nationale, N° 10, in-8°, 32 pages. ....


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La Loge avait fait preuve d'initiative.

En effet, ce ne fut que le 2 Octobre, que le Grand Orient de France envoya à ses Loges une circulaire leur prescrivant de prendre part à la fête nationale et maçonnique, fixée au 16 suivant par le Maréchal duc de Tarante, Grand Maître adjoint, « pour célébrer les mémorables journées de Juillet et l'heureux avénement du Roi citoyen ».

Ces jours de liesse devaient avoir de sombres lendemains.

C'est d'abord, la TRINITÉ UNITAIRE qui disparaît en 1832, se,trouvant dans l'impossibilité de subsister— faiblesse de constitution.

La création de Sociétés nouvelles, cercles ou associations de bienfaisance, cause un préjudice sérieux à l'Amitié et fraternité. Sa situation financière devient mauvaise. Coup sur coup, elle fait prendre quatre hypothèques sur ses biens... C'est en vain que pour relever un peu son prestige, son vénérable Léon de Prié, conducteur des Ponts-et-Chaussées, reprenant une idée émise antérieurement, par le Baron Coppens, propose la création d'une école d'adultes — projet qui est réalisé le 1er Mai 1845 avec.le concours de la Trinité et de la Vertu. Les frères se désintéressent de plus en plus des affaires de la Loge.

De Prié quitte la ville en 1846 laissant ses finances dans le plus triste état. Le trésorier Nicolas Dagneau, à l'Assemblée Générale du 31 Octobre 1846 accuse un passif de 27.049 francs. Dans l'actif il ne rélève que 2,747 frs 50 de cotisations dues par 59 membres — y compris celles du dernier semestre de l'année — et de cette somme il n'escompte pouvoir faire rentrer que 1.500 francs: .(1)

Il cherche à stimuler le bon vouloir des frères, afin de pouvoir' payer, les intérêts des hypothèques (1405 frs 30) « ce qui permettrait de faire cesser les poursuites exercées contre la loge d'une manière, blessante pour sa dignité "

« Puisse., écrit-il, cet appel à leur amour maçonnique ne point demeurer stérile, car ces F.F. auraient à regret(1)

regret(1) la L. de l'Amitié et Fraternité, par, le F... Dagneau, visiteur.

3 p. in-4° Typogr. d'Edm. Bertau.


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ter plus tard d'avoir prononcé eux-mêmes l'arrêt de mort de l'atelier qui de temps immémoriales (sic) a fait la gloire de la Maçonnerie- ! "

Vox clamans in deserto... Devant l'incapacité du' vénérable en exercice — un officier ministériel qui ne sait pas.gérer ses propres affaires — on fait appel au Docteur Bobilier, membre de la loge La Vertu, qui accepte la présidence. Malgré son zèle il ne peut pas remonter le courant. Des poursuites sont exercées et l'immeuble est vendu le 31 Juillet 1847 à la barre du tribunal (1).

L'AMITIÉ ET FRATERNITÉ terminait ainsi lamentablement sa brillante existence.

LA TRINITE dont les ressources commençaient' également à diminuer, s'était vue forcer de quitter, en 1831, son local de la rue des Soeurs-Blanches dont le propriétaire voulait porter le loyer de 400 à 600 francs. Elle était allée se loger plus modestement, rue Caumartin N° 4,

LA VERTU subsistait tant bien que mal. De même que la Trinité elle se trouva profondément atteinte par la crise qui devait amener l'effondrement du régime constitutionnel.

Quand un comité créé en vue de l'organisation d'une fête de charité en 1847, pour parer à l'effroyable misère, qui sévissait sur la population ouvrière, sollicita le concours de toutes les sociétés de la ville, elle dut se résigner à envoyer un subside de 40 francs, déclarant qu'il lui était impossible de donner davantage.

La chute du régime en 1848, amena des perturbations profondes dans les deux Loges.

Parmi leurs adeptes, certains restaient fidèles aux anciens principes, d'autres embrassaient avec ardeur les idées nouvelles. La République ne leur apparaissaient plus « comme un de ces fantômes dont il suffisait d'approcher pour cesser de les craindre » ainsi que l'avait déclaré en 1830 l'orateur aux applaudissements des représentants des quatre loges dunkerquoises.

(1) Le mobilier mis en réserve fut vendu à la clef de justice le 4 Avril 1849 par. le commissaire priseur Naghel. Ce fut à cette vente que Taverne ex-vénérable, racheta le Manuscrit de Brunetto latini. (Voir aux annexes,l'affiche de la vente).


Ne voyons-nous pas figurer parmi les collaborateurs de « LA VIGIE » Journal d'opposition et d'émancipation populaire, plusieurs maçons des plus notoires, de Dunkerque : J.J. Carrier, Daugis, Pol, Philippe, etc.

Les autres ne voulaient pas les suivre dans cette voie. Et cefut bien pis, quand Vanwormhoudt ayant cédé son imprimerie au f. Edmond Bertau, celui-ci « enrôla son Journal « Le Commerce de Dunkerque » dans les rangs du parti radical le plus avancé » (l'expression est de J. J. Carlier) et après 1849 « il l'entraîna selon le même auteur, dans les voies du socialisme le plus effréné ». (1)

C'était la division. D'ailleurs en 1849, le Grand Orient avait cru devoir faire oublier, son enthousiasme républicain de 1848 et donner des gages au parti de l'Ordre que la Maçonnerie inquiétait déjà ». (2) Les deux loges perdent beaucoup dé leurs adeptes.

Seuls les fréquentent des petits bourgeois ou des artisans que les cérémonies rituelles et surtout les titres pompeux intéressent encore.

Quant aux membres de l' AMITIÉ ET FRATERNITÉ disparue, ils ne s'y font pas inscrire — ne voulant pas déchoir — Mais le besoin d'association est si prononcé qu'ils ne peuvent plus supporter l'isolement. Comme l'avaient fait en 1785 les Philalèthes lillois (3), ils se groupent en une société qui offrira à ses membres plus qu'un sujet de distraction de bienfaisance et de secours réciproque, mais qui tendra vers un but plus actif et plus scientifique. Et nous voyons l'état-major de la loge disparue former le noyau de la Société Dunkerquoise fondée en 1850 (4). Ce ne fut certes pas le hasard qui présida à la composition du Sceau qui figure en tête de ses publications et sur lequel on distingué, le maillet, l'étoile flamboyante, la sphère, l'équerre, le compas et et le niveau, tous emblêmes maçonniques, qu'avaient voulu conserver les membres de la nouvelle Société.

(1) J.J. Carlier. — Histoire des journaux, etc... publiés à Dunkerque de l'origine jusqu'en 1868. Bull. Un. Faulconnier, t. I, p. 341 à 407.

(2) Grand Diet. Larousse, Article : Franc-Maçonnerie.

(3) A. de Saint-Léger : Revue du Nord 1920. p. 319.

(4) Citons : Aug. Everhaert, les Docteurs Meneboo et Bobilier, Constant Thélu, Pérot, Jules Conseil, B. de Bertrand, Dagneau, Desmit, J.J. Carlier, etc.


Les difficultés qui s'accumulent engagent les membres de la Vertu et de la Trinité à se réunir en une seule loge.

En 1858, elle se fusionnent, la Trinité apportant sa caisse et son mobilier, la Vertu fournissant son local de' la rue Nationale.

Cette fusion fut sanctionnée pas le Grand Orient qui, le 15 Mars 1859, délivra à la nouvelle loge une constitution sous le titre de VERTU ET TRINITÉ RÉUNIES.

Mais des discussions irritantes ne tardèrent pas à se produire au sein de la Société. Toute une procédure maçonnique fut suivie contre certains membres de la loge. Des suspensions et radiations furent prononcées. L'autorité administrative se vit obligée d'intervenir : les réunions de la loge furent interdites.

Suspendue par le Grand Maître de la Maçonnerie, le 8 mai 1860, la loge fut rayée le 3 Septembre suivant de la correspondance du Grand Orient, et son titre abrogé. Le 10 Janvier 1861, le Grand Orient sur la demande de Peeters et de six autres maçons constitua une nouvelle loge sous le titre distinctif : ORDRE ET TRAVAIL.

Alors, Peeters et consorts, dignitaires de cette loge, essayèrent d'entrer en possession de l'immeuble de la rue Nationale. Mais l'ancien vénérable de LA VERTU, Simon Quenet-Blary, marchand de bois, soutint avec d'autres anciens membres de LA VERTU, qu'ils étaient propriétaires de la maison régulièrement achetée par leurs prédécesseurs en 1823. Procès-verbaux de constatation, action en référé devant le Tribunal civil, appel à la Cour de Douai se succèdent. Enfin le Tribunal civil ordonna la liquidation de l'immeuble qui adjugé 6.650 frs à un sieur Poirier, mannelier, somme qui fut partagée entre les ayant-droits, ainsi que nous aurons l'occasion de le détailler plus loin.

La TRINITÉ ET VERTU RÉUNIES, une fois liquidée, les membres de l'ancienne Loge LA VERTU se regroupèrent et allèrent installer leur atelier au N° 6 de la rue de la Ferronnerie.

En 1876, elle avait quitté ce local pour reprendre celui de l'Amitié et Fraternité, rue David d'Angers. (1)

(1) En 1876, la Vertu avait pour vénérable, Pol, négociant et comme orateur Everkaert.

En 1877, Quenet-Blary devint vénérable. Il présida, long-


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Elle y resta jusqu'en 1900.

Entre temps, des divisions s'étaient créées dans la parti républicain. Un certain nombre de membres de la VERTE avaient versé dans le Boulangisme. Non seulement ils faisaient partie du comité électoral du fameuse général, mais même quelques uns d'entre eux n'avaient pas hésité à paraître à ses côtés lors d'une tournée sensationnelle à Dunkerque.

Les autres, qui considéraient Boulanger comme constituant un, danger pour la République ne pouvaient pas approuver cette attitude. Le Dr Desmons, médecin. major au 110e, affilié à la Franc-Maçonnerie depuis 1871, réussit alors à faire renaître de ses cendres l'ancienne loge l'AMITIÉ et la FRATERNITÉ.

Elle fut constituée par le Suprême Conseil, le 15 Novembre 1891 sous le N° 313. Les officiers élus le 9 décembre 1891 furent installés le 18 suivant. Le nouveau vénérable Desmons avait réussi à recruter 120 adhérents. (1)

Elle se logea d'abord rue de l'Abreuvoir N° 1 ; elle occupa ensuite de 1903 à 1910 le premier étage du N° 17 de la Place de République, partageant ce local avec la VERTU qui avait alors pris comme titre VERTU ET TRAVAIL. De 1911 à 1928 elle émigra au N° 5 de la rue de l'Esplanade qu'elle quitta enfin pour le N° 13 du quai de la Citadelle.

« La Franc-Maçonnerie, est-il écrit dans la GrandeEncyclopédie du XIXe Siècle, est actuellement la force la plus solidement organisée du parti démocratique. Tout en s'abstenant à l'intérieur des loges des discussions politiques, elle y est par la force des choses engagée,.et contribue à former les cadres du parti républicain ». Ces lignes ont été écrites vers 1894, au temps où on opposait

temps aux destinées de cette loge. Il mourut le 23 février 1891 âgé de 88 ans à"la fin d'un banquet de la loge. — Son diplôme de S.P. Rose Croix daté de 1842, est déposé au Musée de Dunkerque. Nous verrons plus loin qu'il faisait ■ également partie des Templiers .

(1) La liste complète en fut publiée par Le Lillois, journal hebdomadaire, 25 Sept. 1892.

Le Docteur Desmons, récemment décédé à Hazebrouck; fut" Grand Maître de la Grande Loge de France en 1918-1919 et souverain Grand Commandeur Honoraire du 15 Septembre 1926 au 18 Juillet 1929.


— 137 — les conservateurs aux républicains. Elles sont encore vraies à l'heure actuelle si l'on remplace, le mot de républicain par celui de républicain avancé.

Radicale et Radicale-Socialiste, telle est la tendance actuelle de la Maçonnerie dunkerquoise dont nous avons esquissé l'évolution, et indiqué les tendances' sous les différents régimes. Selon l'expression de Alb. Lantoine, à la Maçonnerie religieuse a succédé la Maçonnerie sans Dieu, le Grand Orient ayant supprimé en 1877 l'obligation portée en tête de ses réglements, de la croyance en l'existence, de Dieu, et ayant effacé de toutes ses pièces officielles la formule « A" la Gloire du Grand Architecte de l'Univers », formule que, par tradition, conserve cependant la Grande Loge de France constituée en 1896. (1)

Cependant, un certain nombre de maçons, refusant de suivre le Grand Orient dans cette voie et voulant pratiquer le vieux rite rectifié, crèrent une obédience nouvelle sous le titre de «Grande Loge nationale indépendante et régulière. » (2)

Reconnue, officiellement en 1913 par la Grande Loge d'Angleterre elle n'a jusqu'ici établi que de rares ateliers en France : C'est avec elle seule qu'est en relations la Loge Anglaise, installée à Dunkerque dans les locaux du War Mémorial, et fréquentée seulement par des sujets Britanniques. Là, comme dans les vieilles Loges, sur l'autel du vénérable, se trouve toujours la Bible ouverte au premier Chapitre de l'Evangile selon SaintJean.

(1) A. Lantoine. — Histoire de la Franc-Maçonnerie française, p. 337, " De la Maçonnerie religieuse à la Maçonnerie sans Dieu ». La suppression du Grand Architecte, (2) Alb. Lantoine, loc. cit. p. 418.


— 138 — ANNEXES DE LA IIIe PARTIE

I

CHANSON

DES CITOYENNES DUNKERQUOISES

Dédié à l'illustre Loge LES VRAIES BATAVES à Dunkerque, par un de ses membres

Braves Dunkerquois

Défendez vos droits ! Défendez la ville aussi nos vies (bis) Vous serez vainqueurs. Vous aurez l'honneur De bien mériter de la Patrie (bis).

Si l'on veille bien

L'Ennemi en vain

Tâchera Héros ! de vous surprendre (bis)

Si chacun de vous

Fait le choix si doux

De mourir plutôt que de se rendre (bis)

Défendez nos droits !

Défendez nos Lois !

Repoussez les fers de l'Esclavage (bis)

Rendez nuls les plans

De ces vils Tiran s

Qui n'aspirent qu'au vol, qu'au carnage (bis)-

Marchez donc au feu.

Le feu n'est qu'un jeu

Pour vous qui volez à la victoire (bis)

Vous Héros ! serez

Bientôt couronnés

Par notre beau sexe, notre gloire (bis)

Que notre Nation

Chante ce chanson,

Que vous exposiez pour nous la vie (bis)

Que les Dunkerquois,

En battants les Rois,

Ont bien mérités de la Patrie (bis)

Dunkerque, de l'Imprimerie de Van SCHELLE et Comp.

Une page in-8 sans date, — Collection de M. H. Durin.


— 139 — ANNEXE 2

Fête de la Paix 1801 — Décoration de la Loge

« Enfin, cet heureux jour arrivé, le ciel pur et serein paraît prendre part à l'allégresse des Membres de cet B... L... et partager leur satisfaction.

Les F.F. s'étant rendus à l'attelier à l'heure indiquée, le Temple était agréablement décoré de guirlandes de fleurs et de branches de laurier et d'olivier. A l'entrée de la L... entre les deux colonnes de bronze, étaient placés en sautoir les pavillons Français et Anglais, attachés ensemble par un lien artistement arrangé sur lequel on lisait ces mots : UNIS A JAMAIS.

Quatre-vingt-une lumières maçonniquement placées sur des candélabres, éclairoient l'enceinte du temple; ces candélabres étoient simétriquement attachés à des pilastres de l'ordre corinthien, jumelles et cannelés qui en ornoient les quatre côtés.. Le marbre blanc des dits pilastres contrastoit agréablement avec les dorures que l'art y avoit ménagées à propos, ainsi qu'avec le fond d'azur des paneaux, surmontés d'une corniche" à l'antique, à laqu'elle est suspendue une houppe dentelée à franges d'or, emblême de l'ensemble et de,l'Union fraternelle. L'Etoile mistique et flamboyante brilloit au centre du firmament au dessus de l'Orient : Un peu plus bas; de chaque côté de l'Autel, les deux grands luminaires connus des Maçons et augmentoient l'éclat des 81 lumières mistérieuses.

De deux grands vases métalliques d'une rare beauté, placés sur chaque angle du sanctuaire, s'élevaient des flammes odoriférantes, les parfums qui s'en exhaloient, alloient répandre dans toute l'enceinte, cette douce suavité qui plaît aux sens et dont certains Maçons savent apprécier la valeur dans la pureté de leurs holocaustes. Les allégories maçonniques gravées et ciselées dans le corps de chaque vase, offraient symboliquement aux regards de tous les Frères, les mistères de leurs grades respectifs, et enrichissoient la beauté de la substance métallique. La planche à tracer présentoit un ensemble simétrique et proportionné au grand nombre de F.F. qui devoient s'y placer... La partie de l'Orient formant le sanctuaire étoit élevée sur une estrade semi-circulaire et était destinée aux Maçons haut gradés.

Le centre de cette Estrade étoit magnifiquement orné d'un transparent très éclairé, sur lequel on lisoit ces mots : AU DIEU TUTELAIRE DE LA FRANCE, surmontés d'une Couronne de laurier, entrelacée d'oliviers.

La voute azurée de la L. parsemée d'Etoiles et portant au milieu le nom sacré du G.A. de ll'U... dans une gloire de feu, recevoit l'éclat de toutes les lumières réunies et resplendissoit majestueusement sur toute la planche à tracer comme sur le pavé mosaïque.

Tout étant ainsi disposé, les F.F. entrent dans le Temple,


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suivant leurs grades et ancienneté, et vont se ranger dans le plus respectueux silence, aux places qui leur étoient nominativement assignées. Chaque colonne forme deux rangs de Maçons : l'Orient seul, élevé sur l'Estrade, n'est occupé que par un rang de Frères que leur dignité y appeloit.

Bientôt une grande harmonie se fait entendre et fixe l'attention de tous les F. F... On frappe à la porte de la première salle : Le vestibule s'ouvre, et le Tuileur vient annoncer que neuf Frères de la L... formant une Députation complette, et portant les augustes Portraits du Premier Consul de France et de feu F... Frédéric, Roi de Prusse, demandent l'entrée du Temple.

Aussitôt tous les F... F... debout, glaive en main, et décorés de leurs attributs, marquent le plus profond respect, mêlé d'allégresse et de reconnaissance.

Le Ve,.. donne l'ordre de former la voûte d'acier, dans le

nombre maçonnique le plus complet : les portes du Temple

s'ouvrent : La musique fait entendre l'air chéri : Où peut-on

être mieux qu'au sein de sa famille... et les deux respectables

portraits sont offerte à l'admiration de la L. assemblée.

L'encens brûle, les flammes et les parfums se raniment, et les maillets d'Orient et d'Occident exécutent la batterie maçonnique, pour rendre par cet ensemble, tous les honneurs dûs par la gratitude et le dévouement.

Un moment de silence succède à cet enthousiasme (sic) du coeur. Le G. M. ouvre les travaux avec toutes les formalités requises, les applaudissemens suivent et sont terminés par le triple VIVAT ».

Le f. Trésorier, orateur de la Députation prononce un discours ; l'Orateur Titulaire lui répond ; le Vénérable parle enfin. Le Gr.M. honoraire chante des couplets ; le f. Orateur adjoint s'adresse aux nouveaux initiés. Au banquet qui suit, un Maître chante trois strophes susr les bienfaits de la Paix, on boit à la santé du T.C.F. Moreau, général en chef ; un capitaine de la, 46e demi-brigade déclame une ode à la mémoire du brave F... Latour-d' Auvergne. Après une quête pour les indigents; la cérémonie se termine par le chant d'un Hymne à la Paix.


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ANNEXE 3

Vente par autorité de Justice

On fait savoir que mercredi prochain, quatre avril 1849, onze heures du matin, sur la place Jean Bart à Dunkerque, à l'endroit dit Clé de Justice, il sera procédé par le Ministère de commissaire priseur, à la vente publique aux enchères d'une partie, de meubles et objets mobiliers saisis exécutés suivant procès-verbaux du ministère de l'huissier soussigné, en date des 20 mai 1846, quinze et seize février 1849, enregistrés et consistant en :

Dix tentures et dix draperies en laine rouge avec franges blanches, deux candélabres, un grand aigle en bois sculpté et peint, deux épées, un glaive, une médaille en argent, un grand portrait à l'huile représentant un roi d'Angleterre, onze autres portraits à l'huile plus petits, tous avec encadrements dorés, coussins, tabourets, tables, une partie d'ornements et attributs maçonniques et autres objets.

Cette vente se fera au comptant et en francs.

Fait et rédigé à Dunkerque, ce 30 Mars 1849.

L'Huissier poursuivant : (Signé) : DUMONT.

(La Dunkerquoise, 3 Avril 1849).



La Loge « La Trinité »

La loge LA TRINITE fut créée à Dunkerque en 1784. A

cette époque « la très ancienne loge, mère L'AMITIÉ ET LA FRATERNITÉ brillait de tout son éclat. Elle réunissait en son sein l'élite de la population. Jalouse de conserver sa suprématie, elle restait très fermée et n'acceptait en son sein que des gens de bonne compagnie. La sévérité de son recrutement avait incité des citadins d'un rang social moins élevé à créer un certain nombre de petites loges, qu'elle regardait d'un assez mauvais oeil, loges qui, nous l'avons vu, ne furent pas reconnues ou n'eurent qu'une existence éphémère. En 1784, un certain nombre de bourgeois et d'artisans de la ville, « contre la probité desquels il n'y avait rien à dire » écrit R. de Bertrand, résolurent d'en fonder une nouvelle dans laquelle ils se trouveraient dans le milieu qui leur convenait : Ils lui donnèrent le nom de LA TRINITÉ. Le 11 Février 1784, trois frères visiteurs de la nouvelle loge se présentèrent à l'AMITIÉ ET FRATERNITÉ qui leur refusa l'entrée de son local, sous prétexte

prétexte leur admission était contraire aux Statuts et Règlements du Grand Orient. Les membres de la Trinité étaient cependant de bonne foi : Ils agissaient en vertu d'un mandat du Grand Orient qui avait néglige de prévenir la Loge Mère. Il s'agissait de régulariser la situation : La Trinité sollicita sa Constitution par lettre adressée le 5 Avril au Grand Orient. Elle l'obtint, le

8 Juillet suivant, et I'AMTIE ET FRATERNITÉ en fut aussitôt avisée officiellement. Dès lors toutes les difficultés se trouvèrent aplanies. Le 4 Août, les frères : Bagge,

courtier maritime, vénérable de I'AMITIE ET FRATERNITÉ, J.A. Deschamps, négociant en vins, ancien vénérable' et J.L. Verhulst, propriétaire, premier surveillant dé cette loge, spécialement mandatés par le Grand Orient, procédèrent à l'installation de la TRINITÉ, dont le vénérable fut le f. Croiset.

A partir de ce jour, les relations des deux loges se firent de plus en plus intimes, et elles vécurent en. très

bonne intelligence,


ٳ— 144 —

Le F. François Croiset, natif de Champenoux en Lorraine, âgé dé. trente quatre ans, ne conserva pas longtemps la présidence. En 1788, il était ex-vénérable, et son successeur avec les officiers dignitaires lui délivrèrent un bref constatant sa qualité de maçon régulier.

Ce diplôme est intéressant à plus d'un titre. Le parchemin porte et tête et au milieu "une vignette gravée par Thérèse Brochery.

Sceau en cire rouge de la Trinité (1786)

Un cercle surmonte de l'étoile à cinq branches, et entouré d'attributs maçonnique porte l'inscription LOGE DE LA TRINITE A L'ORIENT DE DUNKERQUE. Dans le champ, l'oeil de Jehovah, au milieu d'un triangle sort dé nuages d'où émergent les têtes des sept sages. Les rayons lumineux projettent leur lumière sur les armes de Dunkerque et la mer, sur laquelle flottent de légers bâtiments.

Tout le reste est manuscrit. On en trouvera plus loin le texte complet. L'orthographe nous permet de juger du degré d'instruction du secrétaire Joseph Morel, que Ton avait sans doute choisi parmi les plus lettrés de


145 —

l' atelier. Enfin cette pièce porte les signatures du vénérable Ph. Ducamp. V. B. S.R.C.P.S. et des dignitaires Pierre Ryekewaert,. B. Dedrye, Lesieu, Th. Robin, Ferd. Brément et du Chevalier Bart. (1)

Le Sceau, dont nous donnons ici la reproduction, porte les armes des d'Orléans, dans un écusson qu'entourent les habituels attributs maçonniques.

La présence de ces armoiries sur ce sceau de la loge s'explique aisément. On verra, en effet, par le texte du diplôme, que celui-ci était délivré au nom du Grand Architecte de l'Univers et sous les auspices du duc de Chartres, Grand Maître de toutes les Loges régulières de, France — qui bientôt sera plus connu sous le nom de Philippe-Egalité.

Pendant quelques années, la Loge mena une existence tranquille, sans faire parler d'elle, recueillant, de nouveaux adhérents dans la petite bourgeoisie, les artisans, la marine marchande, etc.

Arriva la Révolution. Pendant la tourmente, ses

membres se dispersèrent comme ceux des autres loges,

après, avoir fait disparaître par mesure de sécurité, les

Lettres Patentes sur lesquelles figuraient les noms de

Princes et ci-devant Seigneurs.

Elle sortit de son sommeil en 1797. Le 10 Septembre, l'AMITIÉ ET FRATERNITE avait repris ses travaux. Le 13 suivant, la TRINITÉ lui envoya à titre de confraternité, une députation de ses membres.

Ainsi que nous l'avons dit précédemment, sous le Directoire, les sociétés étaient étroitement surveillées par la police. Un moment, les loges avaient craint de se voir obligées de fermer leurs portes : Aucun texte de loi n'autorisait ni,n'interdisait leur existence. Aussi le Ministre de la Police générale les avait-il autorisées à continuer leurs réunions, à condition toutefois que la police pourrait y avoir accès.

Elles furent cependant tenues à une déclaration : LA

(1) Ce Chevalier Bart, ne peut être que Pierre-Marie Bart, né a Dunkerque, le 30 Mai 1758.

Probablement le secrétaire Joseph Morel est-il le fils du premier mariage de sa femme Marie-Dorothée Vandenbussche, née en 1743 qui avait épousé en premières noces Jean Morél, négociant.

Par erreur, Lesueur indique Pierre Bart comme né a Dunkerque en 1763 « gentilhomme rentier ».


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TRINITÉ se soumit à cette formalité ainsi qu'il résulte de l'extrait suivant du registre aux délibérations de la. municipalité de Dunkerque.

« Le 25 Nivôse an 7, le Commissaire du Directoire exécutif, donne lecture à l'Administration municipale assemblée, d'une déclaration des citoyens Butté et Stuerbrbck, portant que leur réunion connue sous la dénomination de francs-maçons se ferait régulièrement tous les décadis dans un appartement chez le sieur J.-A. Morel, rue de la Fraternité, Section A, N° 137 » (1) c'est-à-dire rue Saint-Jean. '

En faisant leurs réunions, les décadis, les francsmaçons se conformaient à l'arrêté du 14 Germinal (3 Avril 1798) qui ordonnait de reporter à ce jour de repos toutes les fêtes, spectacles ou réunions-— ceci dans le but de faire oublier le Dimanche et de forcer le public, à adopter le calendrier républicain. Nous n'avons pas pu trouver de liste complète des membres de la TRINITÉ à cette époque. Il nous a été possible de relever un certain nombre de noms sur d'anciens diplômes : Rares sont ceux pouvant être rapportés à une famille dunkerquoise : Ceci ne nous étonne pas, car on y retrouve pas mal de petits fonctionnaires, des militaires, des commis' d'administration de la guerre ou de la marine, des capitaines de navire, tous d'origine étrangère à la localité. Et parmi les autres commerçants, artisans, etc., aucun d'eux n'a rempli un rôle important dans l'Histoire de la Cité. C'est l'AMITIÉ ET FRATERNITE qui accapare tous les personnages marquants.

La Trinité était une loge symbolique, du,rite écossais reconnaissant pour patron,Saint-Jean-Baptiste.

La réformée écossaise admettait des grades plus élevés, que les trois grades classiques apprenti, compagnon et maître, grades parés des titres les plus pompeux de prince, souverain, chevalier, etc. « ce qui fit fleurir, en même temps avec un bouquet disparate de légendes, tout un parterre de décorations de rubans, de colliers

(1) Archives Communales Dunkerque. — Registre aux délibérations de la Municipalité. D 3/7,f 20 (Janvier 1799).


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dont se parèrent à l' envi de hauts officiers d'autant plus entichés de leurs grades qu'ils ne l'es tenaient que d'euxmêmes ». (1)

Dans la collection d'Alexandre Bonvarlet, figurait un ensemble de petits manuscrits au nombre de 24, dont certains étaient datés de 1798 à 1808, contenant chacun le rituel de réception à un des grades. Sans doute la série était-elle, incomplète, puisque nous trouvons parmi les frères composant la loge La TRINITÉ certains membres pourvus des grades de 32e et 33e.

La réception à chacun de ces grades était réglée suivant un cérémonial strictement observé. Pour chacun d'eux la loge était pourvue d'une décoration particulière sur laquelle nous ne pouvons pas insister ici. (2)

En 1809, la loge qui avait quitté son local provisoire de la rue Saint-Jean, pour s'installer,rue des. Pierres, trouva un immeuble plus spacieux pour ses réunions. C'était l'ancien couvent des Soeurs Blanches ou Conceptionnistes que nous avons connu dans la rue de ce nom. Quelle singulière fortune eut cet établissement, après le départ des religieuses en 1792 ! (3) La TRINITÉ s'y installa en 1809. Nous possédons le

(1) Gaston Martin. — La Fr. Maç. française, etc., p. 13.

(2) Un diplôme de la Trinité, daté de 1807, conservé au Musée porte les signatures de Butté, vénérable, et des f.f. Villiers, Demaret, Woutermartens, Laperelle, Dedrye, Cara, Clément et Dobrecourt.

Ce diplôme (ainsi d'ailleurs que d'autres diplômes portant les dates de 1810 et 1817), provient de l'atelier d'un graveur parisien et n'a pas été composé spécialement pour là Trinité. Cette loge les uilisait pour les premiers grades. Pour les grades supérieurs, elle conservait comme le verrons plus loin à propos du temple, le diplôme sur parchemin entièrement manuscrit, orné seulement de la vignette gravée par Thérèse Brochery.

(3) Le Couvent fut vendu, par lots, le 12 Messidor, an IV (30 Juin 1796) ; Louis Debaecque, négociant, l'un des acquéreurs, racheta les parts de ses co-propriétaires, le 21 floréal, an VI.

Les héritiers vendirent l'immeuble à Lardé, entrepreneur, le 24 mars 1809. Dutoit père, le racheta le 23 Juillet 1829 alors que la Trinité l'occupait encore. Après le départ de celle-ci, Dutoit y installa un établissement de bains et un musée d'histoire naturelle'. La chapelle servit ensuite de temple au rite anglican et peu après aux protestants français (1842). Elle fut ensuite occupée par les religieuses du Louvencourt et enfin par celles de la Sainte-Union qui y tinrent des maisons d'instruction pour jeunes filles jusqu'à la loi de séparation. La Chapelle fut alors démolie.


procès-verbal de l'inauguration de la Loge qui eut lieu le 19e jour du 9e mois de l'année maçonnique 5809.

Un frère très zélé, Benjamin Thurninger. ingénieur militaire en garnison à Dunkerque, nommé orateur de la Loge, avait pris soin de réunir dans un manuscrit ses discours qu'il considérait sans doute comme des chefs d'oeuvre d'éloquence, et d'y relater tout ce qui intéressait la loge. Aussi sommes-nous bien renseigné sur ce qui s'y passa de 1809 à 1816, grâce à ce manuscrit qui fait maintenant partie des collections de la Bibliothèque Communale de Caen où il porte la cote 209. (1)

Nous en avons extrait le procès-verbal que nous reproduisons in-extenso à la fin de ce chapitre.

Le vénérable alors en exercice, était le F. Verbrugghe, garde du génie qui avait succédé au F. Butté, vénérable en 1807. Il fut semble-t-il un président modèle. Les f.f. voulant reconnaître par une manifestation tangible, les services qu'il avait rendus à la loge-, inaugurèrent le 11e jour du 12e mois 1809 son portrait dans le nouveau local.

Le F. Quignon aîné, avait composé à cette occasion une pièce de vers qui fut jugée digne de l'impression.

Sous le portrait on avait placé le quatrain suivant :

Pourquoi sans craindre les censeurs, As-tu recoure à la peinture, Tés traits, Verbrugghe dans nos coeurs, Etaient gravés d'après nature.

Le poème de Quignon comprenait quatre couplets avec le refrain :

Chantons, chantons à l'unisson,

Verbrugghe est la lumière, Qui guide chaque frère, Dans la carrière des maçons. (2)

(1) L'existence de ce manuscrit nous avait été signalée par une note publiée dans la Revue du Nord (1926, p. 236). Nous avons obtenu qu'il nous soit comm uniqué et en avons exstrait les détails que renferment les pages ci-après.

(2) Ms. Thurninger, p. 16.

et : "'Souvenir de l'Inauguration du portrait du R.F. JeanBaptiste Verbrugghe, Vén. de la R. Ch. de la Trinité, à l'O. de Dunkerque.

Séance du 11e jour du 12e mois de l'an de la V.L. 5809 ». in-f° placard sur deux colonnes, probablement imprime chez Vanwormhoudt.


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En 1815, la TRINITÉ se donne un nouveau règlement « fait et arrêté le 21e jour du 4e mois de l'an de la V.L. 5815, en style vulgaire, 21 Juin 1815 ».

Il ne contient pas moins de 75 pages du manuscrit. Nous n'y voyons rien de bien saillant à relever. Ce règlement rappelle celui de toute société et ressemble beaucoup à celui que fit imprimer en 1810 l'AMITIÉ ET FRATERNITÉ.

Il porte les signatures des dignitaires et des membres de la loge ce qui nous indique sa composition à cette époque :

Depondt, VÉNÉRABLE ; Ed. Forcade et Bouvart, SURVEILLANTS; Will, ORATEUR et Meurillon, SECRÉTAIRE. Les autres sont : Granara, Laperelle, Baillet, Leys, Jacques Lemaïre, Verbrugghe, Benj. Thurninger, Michel, Delorières; Jacques Dewindt (1), Hess (2), Gailliot (3), Dumez et Doisy.

Sceau 1810-1817

Ce fut en 1815 que Thurninger fut nommé orateur.

Il nous a laissé ses discours pour la réception d'apprenti du frère Hees de Dewindt, et de Galliot en 1815, pour la réception au grade de maîtres bleus de Michel, Hess et Dewindt , et d'autres allocutions qu'il prononça soit aux banquets, soit à la réception des nouveaux dignitaires en 1816, etc.

(1) Capitaine de navire, reçu apprenti en 1815 (Ms Thurninger, f° 130).

(2) Militaire retraité, reçu apprenti en 1815 (id. f° 113) Hess, Dewindt et Michel furent reçus maîtres bleus en 1816 (3) Galliot fut reçu apprenti en 1815 (id. f° 154).


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Quelques échantillons de sa prose nous suffiront : Voici d'abord la péroraison de son discours au banquet de 1816 :

« O Divine Maçonnerie, délice des bons coeurs, continue d'être notre appui en ce monde. Tu descendis du ciel sur la terre pour nous consoler dans nos calammités. Le Grand Architecte de l'Univers s'oppose seul à toutes les peines que tes fils peuvent avoir parmi les profanes... »

Plus importante fut l'homélie qu'il prononça à la triple occasion de la réception du profane Galliot, du banquet du dimanche de la Violette, et de la visite du f.. Bretocq, ingénieur en chef du Génie maritime, vénérable de la Loge l'AMITIÉ ET FRATERNITÉ, qui lors de son départ de Dunkerque, vint faire ses adieux, accompagné d'une députation de trois autres frères.

Le 17 Juin 1816 eut lieu l'installation des nouveaux dignitaires.

Le même vénérable fut réélu pour la troisième fois, avec Laperelle et Forcade comme surveillants. ; Bouvart, secrétaire ; Doisy, trésorier.; Moerman, expert et aumônier. Les autres fonctions étaient remplis par Granara, Baillet, Le Bailly, Meurillon, Oreel Herbart et Bossart.

Dans le discours, qu'il prononça à cette occasion, l'orateur disait :

» Je ne terminerai point ma tâche sans vous rappeler avant de nous séparer que ce beau jour qui consacre une cérémonie touchante et remarquable de la F... M... est mémorable encore par l'inauguration du buste de Sa Majesté Louis XVIII dont le Vénérable Depondt vient de faire don à la loge. Grâces vous soient rendues, vén... Depondt pour le présent, précieux que nous tenons de votre générosité... »

Pour ce buste l'Orateur avait composé le quatrain suivant :

Il est enfin monté sur le Trône de France.

Autant par ses vertus que par droit de naissance, L'Agé qui détruit tout, vingt-cinq ans de malheur, Ont altéré ses traits, mais non changé son coeur.

Cette séance, d'installation des nouveaux dignitaires, et de l'inauguration du buste du roi dans la salle des banquets prenait une signification partieulière du fait qu'elle, avait lieu le jour anniversaire de la bataille de Waterloo, et le jour même du mariage de Mgr le duc de Berry avec la princesse Caroline de Sicile.


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C'est pourquoi dans sa harangue, le f. Thurninger disait :

" Et toi souverain arbitre des mondes, source inépuisable et suprême de tous les liens spirituels et temporels, gloire te soit rendue... Veille sur les hautes destinées des deux illustres époux de sang royal pour lesquels aujourd'hui à l'Orient de Paris, les flambeaux de l'hyménée ont été allumés sur l'autel de la religion ».

Ce discours autant que le suivant nous montre bien l'esprit qui animait alors les membres de la loge la Trinité.

Lors de la fête de Saint-Jean-Baptiste, patron de l'ordre maçonnique (1), célébrée dans cette Loge le 18e jour du 6e mois 5816 (ère vulgaire 18 août 1816), l'orateur montra quelle avait été l'activité de l'atelier : Depuis un an on avait compté huit initiations au. grade d'apprenti, huit à celui de compagnon, sept à celui de maître bleu et huit de maître parfait.

On avait eu à déplorer le décès du f. Verbrugghe père, garde de première classe du corps royal du génie, maçon depuis 28 ans, décédé dix mois auparavant. On avait noté les nouvelles affiliations du f. Villiers, élu illustrissime, et du f. Menetret venant de Roye.

Le f. Depont, trésorier, avait surveillé d'une manière toute particulière la gestion des métaux.

Après avoir rappelé les attaches de la loge à celle de l'Amitié et Fraternité, et à quatorze loges affiliées, l'orateur cherchait à dégager la signification de la fête :

" Les maçons, disait-il, choisirent pour leur patron SaintJean-Baptiste, c'est qu'ils doivent avoir constamment sous les yeux un modèle parfait de toutes les vertus. Or, de tous les chrétiens qui ont travaillé à répandre la foi évangélique, SaintJean-Baptiste qui était le précurseur du Messie, fut distingué lé plus, par sa sagesse, par la vocation expresse que Dieu lui adressa pour préparer les voies au Christ par les connaissances transcendantes qu'il reçut du Saint-Esprit, par son zèle infatigable et soutenu à baptiser tous ceux qui venaient à lui... »

Royaliste et religieux, tel était bien le caractère de l'institution. Il est regrettable que le Manuscrit de Thurninger n'ait pas été continué car il nous aurait permis de suivre l'évolution progressive, suivant les idées du mo(1)

mo(1) avons relevé plus haut la confusion entré les différents Saints-Jean.


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ment que transforma peu à peu le caractère primitif de la maçonnerie dunkerquoise.

Ce caractère religieux, nous le retrouvons dans l'ORDRE DU TEMPLE qui fut installé en 1819 dans la TRINITÉ. Le chapitre spécial que nous lui consacrons nous dispense d'en dire davantage en cette place. Malheureusement la bonne entente ne règna pas toujours entre les membres de la loge.

En 1826, un schisme éclata à la suite d'un procès entre les frères Jolly et de Bertrand.

Nous retrouverons Jolly plus loin dans l'histoire des Templiers. Quant à de Bertrand (Pierre-Jean-Romain), né à Marconne le 28 février 1775, officier d'artillerie en garnison à Dunkerque, il faisait partie dé la loge depuis 1810.

De quelle nature était ce procès ? Il est bien probable que nous ne le saurons jamais. Les registres du Tribunal civil contenant les jugements antérieurs à 1845 avaient été déposés à la Bibliothèque Communale. Ils ont été consumés lors de l'incendie de celle-ci en 1929.

Ce schisme amena la création d'une nouvelle Loge « LA TRINITÉ UNITAIRE qui n'eut qu'une existence éphémère. (1)

Les membres de la TRINITÉ qui avaient inauguré avec émotion le buste de Louis XVIII dans leur temple, applaudirent quinze ans après à la chute de Charles X.

Quand il fut décidé de célébrer les glorieuses journées de Juillet, et l'avènement du Roi citoyen, les quatre loges de Dunkerque et celle de Bergues, se réunirent

(1) Le procès-verbal de la. fête maçonnique et patriotique célébrée à Dunkerque, le 14e jour du 9e mois 5830, mentionne les membres suivants de la Trinité Unitaire qui prirent part à cette cérémonie :

Hennuyer, Laperelle (ancien vénérable de la Trinité), P. Lefebvre, Kelly, Fatôme, Deryckx, C. Lefebvre, Vincent, Thill, Deryck, Lemonnier, H. Pol, Valembrouck, Pol aîné, Conseil, Gauvin, Boutté, Langlois et Malo.

Guillaume Gaspard Malo, né à Dunkerque, le 2 Décembre 1770, y décédé le 15 Avril 1835, avait tenté en 1810 de sauver le navire anglais l'Elisabeth. « La Loge Franc-Maçonnique La Trinité dont il était membre n'attendit pas que toutes tes félicitations fussent parvenues à leur honorable frère pour lui adresser les siennes, sur le courage et le bel exemple d'humanité dont tout le monde avait été témoin » (R. de Bertrand : Le Naufrage de l'Elisabeth. —Mém. Soc' Dunk, VIII, p, 364).


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en une fête maçonnique et patriotique, le. 14 Septembre. 1830. Le Vénérable de I'AMITIE ET FRATERNITÉ, présidait, assisté de ceux des autres loges.

LA TRINITÉ était représentée par les frères Jolly, Baffron, Plantefebve, Coffyn, Villiers, Belliard,. Decocq et Angellier.

« Le R.F. Jolly V.. de la L. LA TRINITÉ prononce un discours où respirent les sentimens les plus mac... et la morale la plus sublime ; il forme l'espérance de voir bientôt un prince auguste devenir le protecteur spécial de la Franc-Maçonnerie, en acceptant le titre de G.M. de l'Ordre. Il termine par des voeux pour la prospérité d'un règne qui promet à la patrie un chef vraiment digne de lui commander.

Ce rnorc. d'Archit.. qui fait autant d'honneur aux talens du R..-. F., qu'à son patriotisme est couronné par une batterie mac.. » (1)

Au banquet qui suivit le F. Jolly porta un toast au Grand Maître adjoint, au Grand Orient, aux Grands dignitaires de l'Ordre et du suprême Conseil des Rites, ainsi qu'à tous les vénérables des loges régulières.

Les autres burent à la santé du très illustre frère Lafayette, commandant général des Gardes Nationales de France, vétérans de la liberté et de la maçonnerie; aux héros de la Grande Semaine et au prompt rétablissement des blessés, au maintien de la Charte qui, sous un Roi honnête homme sera toujours une vérité... »

Le règne de Louis-Philippe devait cependant être marqué d'une pierre noire dans la vie des loges dunkerquoises.

M. Lemattre, qui n'indique malheureusement pas ses sources, nous décrit ainsi la situation de LA TRINITÉ à cette époque :

« Jusqu'en 1830, LA TRINITÉ eut une existence heureuse et exempte de soucis. Mais à partir de cette époque sa prospérité fut constamment en décroissance. Les ressources indispensables à sa vitalité, commençant à tarir, elle dut faire face à de nouvelles exigences, créées par une augmentation de loyer, qui, de 400 francs, fut porté à 600 francs.

Les dons obligatoires au Grand Orient, et au Suprême Conseil, les frais généraux et les mécomptes sur les rentrées grevaient lourdement le modeste budget de la loge,


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qui n'était alimenté que par le produit de la cotisation s'élevant à 1 fr. 50 par mois, 18 francs par an, les droits de réception pour les apprentis fixés à 25 francs, la vente des diplômes (dont le prix de revient coûtait 2 francs) livrés au prix de 5 francs ; la réception des trois grades à la fois, était côtée à 77 francs, les truelles en argent., cédées sans bénéfice, étaient vendues 4 francs.

A ces (éléments de recettes, on ajoutait le maigre produit des amendes. On se montrait très tolérant sur l'application du tarif des pénalités qui provoquait souvent de vives récriminations » (1)

Le 13 Juillet 1829, Lardé, entrepreneur, propriétaire depuis 1809 de l'ancien couvent des Soeurs Blanches avait vendu cet immeuble à M. Dutoit père.. Celui-ci avait l'intention d'y installer une maison de bains et un muséum d'histoire naturelle.

LA TRINITÉ se voit forcée de quitter son local dont le loyer comme nous venons de le voir était devenu trop lourd pour son budget.

En 1831, elle émigré dans un immeuble plus modeste situé au N°8 de la rue Caumartin. Seules quelques rares maisons étaient alors construites aux deux extrémités de cette rue, qui n'était bordée que de jardins et de terrains vagues'. Cet isolement à l'extrémité de la ville convenait bien à une société qui ne demandait qu'à s'envelopper dans le mystère. Les chevaliers templiers prennent en 1832 l'initiative de donner à, leurs salles une décoration particulièrement soignée afin de faire impression sur leurs confrères et de recruter de nouvelles adhésions.

Ses relations avec les autres loges continuent d'être cordiales:

En 1845, par exemple, elle prête son concours à l'Amitié et Fraternité pour la création d'une école d'adultes. Alors la plus vieille loge dunkerquoise sombre malgré tous les efforts de quelques-uns de ses affiliés.

La TRINITÉ reste seule avec la VERTU. En 1852, elle possède trois ateliers, ainsi que nous l'apprend un diplôme délivré alors par le Grand Orient à Constant Thélu, promu au sublime degré de Prince du Royal secret, 32e du rite « écossais».

(1) H. Lemattre. — Loc. cit. 2e éd., p, 36,


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Son vénérable est alors Toussain Peeters, marchand tailleur.

Une liste des membres de. la loge nous montre qu'elle comprenait 46 adhérents : Peeters 33e, six membres élevés au 32e grade, un au 30e, 6 Rose-Croix, seize maîtres, deux compagnons, et quatorze apprentis. Effectif insuffisant pour parer aux difficultés du moment. Le chiffre élevé d'apprentis nous prouve toutefois qu'on avait cherché à recruter de nouveaux adeptes.

Mais toutes les tentatives restèrent vaines. Pour pouvoir subsister, il fallait envisager un dernier moyen : la fusion avec la loge LA VERTU.

A la demande de la TRINITÉ, cette loge qui se débattait également au milieu de difficultés financières, consentit à se réunir avec elle. Le Grand Orient délivra, le 15 Mars 1859, à la nouvelle loge, ainsi formée, une constitution sous le titre : « VERTU ET TRINITÉ REUnies ».

Comme condition de la fusion, la TRINITÉ apportait à la VERTU son mobilier et sa caisse. La loge unique avait désormais comme local celui de la VERTU que cette dernière avait acquis en 1823, rue Nationale N° 33 (actuellement N° 10).

Hélas ! le calme ne régna pas longtemps dans la nouvelle organisation. Des discussions mitantes ne tardèrent pas à se produire au sein de la Société. Dans l'impossibilité d'apaiser ces querelles intestines, on fut obligé d'en référer au Grand Orient.

Par un décret rendu par le Grand Maître en son conseil en date du 8 Mai 1860, la loge VERTU ET TRINITÉ RÉUNIES fut provisoirement suspendue.

Un jugement maçonnique du 2 Septembre suivant réintégra certains membres et en condamna, d'autres à l'exclusion ou à la suspension. Le 5 Septembre, le Grand-Maître décréta que la loge TRINITÉ ET VERTU réunies, était désormais rayée de la correspondance du Grand Orient de France et que son titre était abrogé.

De ce fait, il n'existait plus aucune organisation maçonnique à Dunkerque.

Les officiers de la loge sont en mars 1852 : Peeters, vénérable, 32e et Chevalier Templier ; 1er surveillant Maerleyn 32e, 2e surveillant ; Joland Caroillet B. + ; orateur Plancque 32e, et secrétaire Const. Thélu 30e et Chevalier Templier.


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..Certains maçons zélés tenaient cependant à pouvoir se réunir en loge.

A la demande de Peeters, ancien vénérable de la Trinité et de six autres frères habitant Dunkerque, le Grand Orient constitua une nouvelle loge sous le titre distinctif : ORDRE ET TRAVAIL.

Forts de cette autorisation, Peeters, Maerleyn, Villiers, Gérard et Chivot prétendirent entrer en possession du local de la loge dissoute.

Mais les anciens membres de la VERTU ne l'entendait pas ainsi. La maison leur appartenait en propre, déclaraient-ils, et ils refusaient de la céder.

Alors commença la lutte à coups de papier timbré.

Des procès-verbaux des 9 et 16 décembre 1861 constatèrent la résistance des anciens membres de la VERTU.

Par exploit du 7 Janvier 1862, Peeters et consorts sommèrent les anciens de la VERTU, dont Quenet-Blary, marchand de bois était le chef, de les mettre en posses- - sion de tous les biens, meubles et immeubles que possédait la loge à laquelle prétendaient-ils, ils avaient succédé.

Un référé du 10 Février 1862 donna raison à Peeters. Quenet-Blary alla aussitôt en appel et la Cour de Douai confirma l'ordonnance régulière en la forme, en attendant le jugement définitif du Tribunal de Dunkerque.

Celui-ci se prononça, le 2 Mai 1862 et déclara que les membres actuels de la loge ORDRE ET TRAVAIL n'avaient en cette qualité aucun droit sur la propriété de la maison et du mobilier de la Vertu, et en ordonna la liquidation au profit des membres de la VERTU ET TRINITÉ REUNIES, inscrits à la date du 11 Janvier 1861, y compris ceux que le Jugement maçonnique du 2 Septembre 1860 avait réintégrés.

Le mobilier fut vendu, le 10 Novembre 1862 par le commissaire priseur Tellier. Cette vente produisit 1.617 francs — ce qui, tous frais déduits, donna 1222 .frs 70.

La maison mise en vente, le 15 novembre 1862 fut adjugée à David Jean Poirier mannelier et à sa femme pour 6.650 francs, ce qui, avec les intérêts de droit donna 6.760 francs.

Me Delval, notaire, avait été commis pour procéder à la liquidation., Il devait partager l'actif entre les mem-


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bres de l'ancienne loge VERTU ET TRINITÉ, inscrits au tableau à la date du 11 Janvier 1861.

Or ce tableau n'existait pas. Il fut obligé de reprendre en l'absence de toute autre, la liste qui avait été envoyée au Grand Orient, le 29 Avril 1860 — ce qui faisait 32 membres dont fut exclu Janssoone, ébéniste, qui avait démissionné. Il y ajouta sept noms non repris sur ce tableau qui faisaient partie de la loge à l'époque de sa dissolution. Ces sept derniers n'étaient autres que Peeters et Consorts : ce qui faisait au total 38 têtes. Tout le monde s'accorda sur cette base et chacun reçut 159 fr. 18 centimes dont il donna quittance au notaire.

Ainsi finit la TRINITÉ.


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ANNEXES DE LA IVe PARTIE

Diplôme délivré par la Loge « La Trinité »

en 1786 ( 1)

Au Nom du Grand harchitecte de Lunivers Sources De toute perfections et sous les ospice Du S. G. M Le Duc de Chavire prince Du Sang Gr .-. M .■. De toute les L. Régulière.,De france. Et son Suptitu Generalles Desqueles nous avons plaint et antier pouvoir.

Nous sousigné Vénérable, Officier Dignitaire et Membre de la R.. L .. de Saint-Jean de Jérusalem, sous le

(1) Ce diplôme sur parchemin mesure 45 cm de largeur sur 31 de hauteur, Il porte en baut et en son milieu la vignette


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tire distintif de la Trinité à l'Orient de Dunkerque, Reconnaisons Le très Cher Frère François Croizet, natif de Champenoux en Loraine, Jurédiction de Nancy, âge de trante et huit ans, fondateur et instituteur de notre respectable L IZZ1, a été reconnu premier vénérable de notre dite Régulière au Grand O. de f. sous les grades A. C. M. P: E. R. C. +. I. K. & & & et présantement Ex Vble s'étant toujours comporté selon l'art royal avec Justice et équité, son absance de cette ville de Dunkerque l'oblige de requérir le présent sertificat qui a été demandé et acordé en L. régulièrement asamblé connaissant son absance — C'est pourquoi nous luy avons délivré le présant certificat afin que tous les hommes répandu sur les deux hémisphère le reconnaisse pour vray et zaillé Maçon Régulier afin qu'il puisse jouir et participé aux traveaux de vos respectable L. et mérite votre connaissance et secours en cas de besoin offrant les mêmes réciproque à toutes les C. F. qui les présanterons sous mêmes titre et conditions pour éviter toute surprise. — Déclarons et atestons sur notre honneur que le T. C. F. a signé avec nous sous le Celle de notre R. L. pour luy servir et valoir ainsy que Raison. Fait et délibéray à notre O. R. le quatrième jour du troisième mois cinq mille sept cent quatrevint sis assisté de notre Secrétaire qui a contresigné avec nous.

timbré et celles par Moy

garde timbre

et seaux, de la R. L.

ferd. fr. Brement

ph.Du Camp V..B..S.R.C..P.S. Pre Ryckewaert P..S.. Le Chier Bart O..B.C..

B. Dedrye S..S..

Lesieu S.P.F.C. (Sceau)

Th. Robin..

S..P..C..T..L..

Par Mandemand de la L..R.. Joseph Morel p.L.T.

gravée par Thérèse Brochery dont nous donnons la reproduction. Dans une boîte en fer blanc est appendu le sceau décrit et figuré plus haut.

Il fait partie des collections de M, Henri Durin qui nous l'a oligeamment communiqué.


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ANNEXE 2

Installation de la Loge " La Trinité "

dans le ci-devant Couvent des Conceptionnistes Or. de Dunkerque qui a été changé en temple Mr. et inauguré le 19e jour dit 9e mois de l'an de la V, L. 5809 (25 ans et 2 mois après la primitive installation de cette L. sous le titre susdit par les fff.. de la r. l. de l' Amitié-Fraternité du même Or.)

Vén. le f. J-Bte Verbrugghe. 1er Surv. le f. François Laperelle. 2e Surv. le' f. Thomas Vandenheede.

Le travail se fait dans une salle voisine du temple et préparée provisoirement

LE VEN. F. 1er Surv., Etes-vous Maçon?

LE 1er SURV. Vle, mes ff. me reconnaissent pour tel LE VEN. F.. 1er. Quel est le premier devoir des

Surv. en L ? LE 1er SURV. C'est de s'assurer si la 1. est couverte

intérieurement et extérieurement, Vén. LE VEN. Faites-vous en assurer f. 1er Surveillant.

LE 1er SURV. f. 2e Surv., faites voir par le f. couvreur

si la CD est couverte intérieurement et

extérieurement.

Sur l'invitation du 2e Surveillant, le f. couv. va visiter les portes

LE Couvr. F., 2e Surv. la iZD est couverte intérieurement

intérieurement extérieurement.

LE 2e SURV. F. 1er Surv. la GZi est couverte intérieurement et extérieurement.

LE VEN. Debout et à l'ord. mes fff.

Il frappe, tous les fff. sont debout et à l'Ord.

LE VEN. FF. 1er et 2e Surv. quel est le 2e devoir

des surveillants en loge ?


— l6l —

LE 1er SURV. Vén. c'est de voir si tous les ff. sont à l'ordre.

Les deux surv. observent sur leur colonne respective.

LE 2e SURV. . F. 1er Surveillant, les fff. sur la colonne du N. sont à l'ord.

LE 1er SURV. Vén., les fff. sur les deux colonnes sont à l'ordre. LE VEN. Très bien mes fff. Ils le sont de même

à l'Or. F. 1er Surv. à quelle heure les app. ouvrent-ils leurs travaux ?

LE 1er SURV. A midi, Vén.

LE VEN. Quelle heure est-il, 1er Surv. ?

LE 1er SURV. Midi, Vén.

LE VEN. Puisqu'il est midi et que c'est l'heure à

laquelle nous devons ouvrir nos travaux, ff. 1er et 2e Surv. invitez les fff. de l'une et l'autre colonne à se joindre à moi pour ouvrir les travaux de la t. r. 1. de la TRINITÉ à l'Or, de Dunkerque au grade d'app.

LE 1er SURV. Mes tt. cc. ff. de la colonne N., le Vén. nous invite à se joindre à, lui pour ouvrir les travaux d'app. de la t.r.l. de la TRINITÉ.

LE 2e SURV. Mes tt. cc. ff. de la Colonne du N., le Vén. vous invite etc.

Le Vén. frappe, le 1er Surv. répète, le 2e Surv. répète.

Tous les fff. le font aussi et font ensemble la batterie et le 1er Vivat.

LE VEN. Les travaux de la t.r.l. de la Trinité

sont ouverts. Prenez vos places respectives mes t.cf.

T.c.f. secr. voulez-vous faire lecture de la planche tracée de nos derniers travaux ?

Le Secr. fait une inclination..

LE VEN. ff. 1er et 2e Surv., invitez les c.c. fff.

sur les deux colonnes à prêter attention à la lecture de la planche sur nos derniers

derniers


— 162 —

LE 1ER SURV. Mes ff. de la colonne du M. veuillez

prêter attention... etc. et f. 2e Surv..

invitez les f. sur votre colonne à en

faire autant. LE 2e SURV. Mes ff. de la colonne du N. Je vous

invite, de la part du Vén., à prêter

attention... etc.

Le Secrétaire fait la lecture. — Le Vénérable prend ensuite la parole.

LE VEN. Mes cc, ff., Vous avez entendu la lecture

lecture la planche de nos derniers travaux. Si quelque fr. a quelque chose à observer, je lui donne la parole.

Les 2 Surv. observent sur les deux colonnes et personne ne réclame.

LE 2e SURV. Personne n'observe f... 1er Surv.

LE 1er SURV. Personne n'observe sur les deux colonnes, vén.

LE VEN. Applaudissons mes ff. à la rédaction

du Procès-Verbal.

On se tient debout, et l'on fait ensemble la batterie. Le Secr, fait la batterie seul en réponse.

LE VEN. Mes ff. par deux scrutins unanimes

vous avez acquiescé qu'il serait admis parmi nous le profane N. M. et pour être initié à nos mystères.

S'il n'y a point de nouvelles contraires, je vous invite à le témoigner par votre consentement en la manière accoutumée.

Tous les fff. tendent la main en signe d'acquiescement. Le Vén. applaudit ensuite avec tous les fff.

LE VEN. Mes fff, la planche contient aussi l'article

l'article l'inauguration du nouveau local pour l'habiter, conformément aux statuts de notre v. ordre, et l'ériger en temple m.. Nous allons inviter tous les fff. vis à prendre séance parmi nous chacun dans leur grade respectif. FF. 1er et 2e Surv. annoncez aux ff. m. dés


— 163 —

cérémonies de voyager dans la chambre

des pas perdus,de demander aux tt. cc. ff. vis. leurs planches et diplômes, qu'ensuite les ff. m. des cérémonies les rapportent en L. Invitez donc le f. tuil à leur donner l'extroduction du temple.

LE 1er SURV. 1er F. M. des cérémonies, vous êtes invité par le Vén. à vouloir bien voyager dans la chambre des pas perdus pour demander aux tt. cc. off. ff. vis. leurs planches et diplômes que vous rapporterez en 1. F. 2° Surv. invitez le 2e f.m. des cérémonies à en fane autant et la f. . tuil. à donner l'extroduction du temple aux f.m. des cérémonies.

LE 2e SURV. 2e f. des cérémonies, veuillez suivre te f. 1er M. des Cérémonies et vous, f. tuil, donnez leur l'extroduction du temple.

Cet ordre s'exécute. Les M. des Cérémonies rentrent et se placent entre les 2 colonnes. Le temple est fermé.

LE 2e SURV. . Les ff. m. des cer. sont entre les deux colonnes, f. 1er, la porte du temple est fermée et nous sommes à l'abri des profanes.

LE 1er SURV. Vén. les ff. m. des Cer. etc.

LE VEN. f. 1er m. de cer, approchez au pied du

trône pour y déposer les pierres précieuses que vous avez recueillies avec le f. 2° M. des Cér.

Le 1er M. des Cer. avance, dépose sur l'Autel les pièces demandées et se remet à sa place.

LE VEN. Mes tt.cc.ff. Voici les planches et les

diplômes des ill ff. vis de différents Orients. F. Secr. veuillez en faire lecture et commencer par les l. les plus jeunes.

Cela fait, le Vén. fait donner l' entrée aux députés de chaque L... l'u ne après l'autre. Ils se placent à leurs places respectives, les discours de part et d'autre, sont prononcés.

LE VEN. Mes tt. cc. f.., dans votre dernière séan-


—164 —

ce vous avez décidé d'une voix unanime de prendre possession du nouveau local et d'en faire l'inauguration et de l'ériger en temple M. Procédons mes ff. à cette auguste cérémonie. FF. 1er et 2e Surv., invitez les six plus jeunes ff. à prendre les corbeilles préparées, et à parsemer de fleurs le chemin que les vrais M. prennent pour gagner la porte du local qu'ils doivent habiter.

Les ff. 1er et 2e Surv. répètent chacun à leur tour.

Les six plus jeunes fff. se lèvent et prennent, le premier la corbeille avec les fleurs blanches ; la deuxième avec les fleurs bleues et le troisième avec les rouges ; Ils les sèment en se suivant jusqu'à le porte du nouveau local. De retour, chacun à leur place, le Vén., se tient debout, toute l'assemblée de même ; il ôte ses décorations, les met sur le bras gauche, toute l'assemblée le suit sur deux colonnes. Le Vén. descend du trône, va jusqu'aux deux surv. Le f. orat. et le surv. ensuite tous les fff, chacun dans leur grade formant deux colonnes. La musique joue une marche. Ainsi cela va jusques à la porte du nouveau local. Tout le monde dans le plus grand silence et tenant chacun leur glaive en main.

Le Vén. frappa à la porte du local. L'ex-vén. et les ff. experts qui sont en dedans de ce local répondent. Le Vén. frappe une deuxième fois, L'ex-vén. ouvre un coin de la porte, et après avoir vu, la referme brusquement. Le Vén. frappe une troisième fois. L'ex-vén. ouvre la porte et dit :

L'EX-VEN. Qui êtes-vous ? Que demandez-vous ?

LE VEN. Je suis le maître qui cherche la lumière.

L'ex-vén. et les deux exp. ouvrent les deux ventaux. La salle est dans la plus grande obscurité. Aussitôt que la porte est ouverte ,le f. terrible entre et dit d'une voix forte et tonnante.

LE E. TERR. Eloignez-vous profanes ; que votre, présence ne trouble pas la paix qui doit régner en ce lieu, où les enfans de la v. 1.

vont désormais établir leurs travaux.

Le Vén. entre dans la salle avec les 2 surv. et ils s'arrêtent à l'occident.Tous les ff. se rangent sur les deux colonnes. Le f. exp. présente au Vén l'eau lustrale pour se purifier.

LE 1er EXP. Le premier voeu que nous devons former t. c. f. en entrant dans ce temple


— 165 —

auguste est celui que les t. c. f. qui l'ont élevé à l'a Gloire du G.A. de l'Un., lui soient agréables ; que ce jour à jamais mémorable soit l'époque de notre bonheur et de notre régénération, et que les m. qui viendront y travailler avec nous, soient pénétrés comme nous des sentimens fraternels dé reconnaissance, d'union et d'une paix inaltérable.

Cette convocation finie, le Vén. se purifie par l'eau. Le 1er Exp. présente au Vén. le feu qu'il frappe. Il fait jaillir ce nouveau feu dans une terrine remplie d'esprit de vin.

LE VEN. . Je vais ,mes t. c. f. invoquer le Créateur

Créateur obtenir' une étincelle de ce feu sacré" qui doit éclairer et purifier le temple que ses enfants ont élevé à la gloire du G.A. Nous n'y voulons pratiquer que les vertus, perpétuer nos principes et notre morale sublime, donner l'exemple du bien, faire chérir l'humanité, maîtriser nos passions et devenir dignes du maître de la nature, par les bonnes qualités qui sont l'apanage essentiel de l'homme de bien, nous serons ■ distingués des autres hommes. Espérons donc mes, t.cf. que mes voeuxet le votres seront exaucés.

Le Vén. et les 2 Surv. font le voyage autour du temple. Arrivés à l'O. au pied de l'autel il allume les 3 étoiles et le flambeau.

LE VEN. Que ces flambeaux mystérieux soyent

l'emblême de l'étoile miraculeuse qui conduisit autrefois un peuple de ff. dans les ténèbres de la nuit et qui leur indiqua

indiqua résidait la lum. ; qu'elle éclaire

également tout profane qui viendra dans ce temple pour la recevoir ; que ce

profane y reconnaisse la grandeur et la

noblesse' de nos travaux et en même


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tems ce qu'il doit au G.A. de l'Un, et à ses fff.

Le Vén. et les 2 Surv. font le 2e voyage autour du temple. Arrivés à la place du 1er Surv. celui-ci allume une étoile et le flambeau.

LE 1er SURV. Que ce feu sacré purifie nos coeurs, nos âmes ; que la lum. céleste nous éclaire et que tous nos travaux soient agréables au G.A. de l'Un.

Le Vén. et les 2 Surv. font le 3e voyage auteur du temple ; Arrivés à la place du 2e Surv., celui-ci allume une étoile et le flambeau.

LE 2e SURV. Que ce triangle d'étoiles symboliques du soleil qui nous éclaire, allume dans nos coeurs le feu sacré ; qu'il nous comble du vrai bonheur.

Le Vén. se purifie en passant ses mains sur le feu qui est à l'Occ. il se rend à l'autel des parfums, il y jette de l'encens à la G. du G.A. de l'Un. Les deux M. de cerem. et le f. orateur font les trois invocations suivantes :

LA Ire A LA STATUE DU SILENCE A L'OR.

L'ORATEUR : « La discrétion est la vertu essentielle d'un m. Elle doit accompagner toutes les autres. Que le silence si nécessaire à nos travaux, nous suive hors du temple et que ces murs révèlent plutôt que nous aux profanes nos mystères et notre bonheur.

" Souvent, disait un sage, je me suis repenti d'avoir parlé, jamais de m'être tu ».

LA 2e A LA STATUE DE LA SAGESSE AU M.

LE 1er M. DE CEREM. : « Tous nos efforts doivent tendre à la découverte de la vérité. C'est à l'aide de la sagesse que l'on y parvient ; que rien ne nous arrête ; avançons sans crainte dans le chemin qui y conduit ; Que dans la postérité


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nos fff. trouvent ici paix, harmonie, cordialité.

LA 3e A LA STATUE DE LA BIENFESANCE (sic) AU N.

LE 2e m. : La bienfésance est une de nos premières obligations ; que chacune dé nos séances nous la rappelle ; en la pratiquant nous émoussons le trait de la calomnie que lance le vulgaire ignorant. Que dans l'adversité nos fff. trouvent ici assistance, dévouement et consolation.

Après ces trots invocations l'étoile mystérieuse se montre dans tout son éclat.

Le Vénérable se tourne vers l'Or.

LE VEN. Reçois o. G.A. de l'Un., reçois l'hommage

l'hommage ta rendent les enfans de la t.r.l. de Saint-Jean, sous le titre distinctif de la TRINITÉ ; que son premier titre ne soit jamais méconnu, que nos travaux, sous tes auspices soient pour la plus grande gloire et pour la prospérité de la F. M. conserve nous tes faveurs, et que chaque f. trouve dans ce jour la réunion de toutes les vertus, source du vrai bonheur.

La L. est éclairée dans tout son brillant. Le Vén. se décore, les ff. l'imitent. Le Vén. monte à l'Autel, prend deux maillets, en présente un au 1er Surv. et un, au 2e Surv.

LE VEN. Reprenez mes t.cf. 1er et 2e Surv. les

maillets qui vous appartiennent, l'usage distingué que vous en avez fait jusqu'à présent nous assure le bonheur et la. prospérité de cet atelier.

Les 1er et 2e Surv. sont conduits à leur place respective par les 2 m. des Cerem ; Ensuite on place les fff. visiteurs à leur place respective à l'Orient et sur les deux colonnes. Tout étant arrangé le Vén. fait l'ouverture de la L. S. d'apprenti, ensuite il dit.

LE VEN. Pour couronner cette auguste cérmonie,

il nous reste encore la formalité la plus essentielle à remplir. C'est celle de pro-


— 168 —

clamer l'inauguration du .temple ; En conséquence ff. 1er et 2e Surv., invitez tous les t.cf. dans tous leurs grades et qualités de se joindre à moi pour applaudir à cette proclamation par un triple vivat. LE 1er SURV. F. 2e Surv. mes t. c. f., dans tous vos grades et qualités, je vous invite de la part du Vén. à vouloir bien vous joindre à lui pour applaudir à la proclamation.

LE 2e SURV Mes t. c. f. dans tous vos grades et qualités

qualités êtes invités, etc.

LE VEN. TOUS les ff. debout et à l'ordre.

Le Vén. frappe, le 1er Surv. répète, le 2e aussi.

LE VEN. Le temple est inauguré. Désormais la

ttt. rrr. de la t. r-. 1. de Saint-Jean, sous

le titre distinctif de la Trinité peuvent y tenir leurs séances..

Il fait la triple batterie, et tous les fff. le suivent en disant : VIVANT, VIVANT, VIVANT.

LE VEN. NOUS voilà maintenant régulièrement

réunis dans cet auguste temple pour y continuer les travaux maçonniques. On voudra savoir d'avance quelle branche sera l'objet principal de nos soins, la voici :

En résumant tout ce que les t.cf. les plus anciens et les plus instruits ont dit jusqu'ici sur l'art royal, le tout se réduit à ce que dans les anciens temps, la maçonnerie était l'unique foyer.où se concentraient tous les rayons de lumière. Comme les lumières entre les mains d'un homme immoral sont une arme, dangereuse, les anciens' maîtres fesaient passer Iles aspirans par des épreuves longues, dures, pénibles, tant pour le corps que pour l'esprit, pour s'assurer de sa façon de penser avant de l'admettre à l'initiation.

l'initiation. quelque temps on a fait à

l'exemple de la France, dans presque

tous les pays, des établissements d'ins-


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traction publique pour tout ce qui concerne les arts et les sciences; mais il a plu au G.A. de l'Un, d'abandonner aux seuls m. ce qu'il y a de plus noble pour une âme digne d'approcher de la divini-. té, c'est la culture des moeurs et l'extension de la bienfésance.

Après cette péroraison dut Vén., le Secr. fait la lecture du procès-verbal, on applaudit la rédaction, on suspend le travail et on ouvre le travail de la l. de table. (1)

(1) Bibliothèque Communale de Caen. Ms 195 (pages 1 à 17).

Intitulé : Planche à tracer appartenant au f. Thurninger du Havre contenant : 1° Une copie du P.V. de l'inauguration ou Installation de la L. de la Trinité dans le ci-devant Couvent -des Conceptionnistes Or. de Dunkerque en 1809. 2°) Une copie du règlement particulier de la L. symbolique de la Trinité. 3°) Diverses pièces d'architecture composés par le sus-dit f. à l'occasion des réceptions et fêtes de. l'ordre. 4°) Procès-verbaux d'élections etc. Commencé à Dunkerque, le 1er mois de l'an de la V. L. 5816 et le 1er jour.

B. THURNINGER du Havre. Ingr. Mre E.L. ILL.


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ANNEXE 3

Tribunal Civil de Dunkerque

Jugement du 2 Mai 1862 (1)

Considérant que la propriété des biens s'acquiert et se transmet par succession, par donation entre vifs et testamentaire, et par l'effet des obligations ; qu'elle ne peut se perdre que par l'effet d'une convention ou par la prescription ;

Considérant que les demandeurs fondent leurs prétentions à la propriété exclusive de la Maison rue Nationale N° 10 sur leur qualité de membres de la loge maçonnique instituée à Dunkerque par le Grand Orient de France, le 11 Janvier 1860 sous le titre distinctif Ordre et Travail ; qu'ils soutiennent que la franc-maçonnerie'française est une société civile, constitutive d'un être moral capable de posséder un domaine commun et de recueillir par transmission la propriété des meubles et immeubles ayant appartenu à une loge supprimée ;

Considérant que d'après l'art. 1832 du C. Nap. et l'opinion unanime des Jurisconsultes, la communauté d'intérêts ne constitue pas tin être moral, une société civile qu'autant que l'Association a pour objet une entreprise de laquelle doive résulter un bénéfice à partager, que ce bénéfice probable est donc de l'essence du contrat de société ;

Considérant que les associations qui ne peuvent offrir aucun bénéfice à partager, comme celles qui ont pour objet le plaisir, l'étude des sciences ou la culture des lettres, ou bien comme celles ayant pour but la philanthropie et la bienveillance, par exemple, les Sociétés de secours mutuels, auxquelles on assimile généralement la franc-maçonnerie, ne constituent pas des sociétés civiles mais sont seulement de simples communautés d'intérêts ;

Considérant que les statuts de la franc-maçonnerie française ne contiennent aucune disposition qui crée un domaine commun appartenant à l'ordre ; que seulement il considère comme tel l'hôtel où siège le .Grand Orient à'P.aris, rue Cadet, parce qu'il a été acheté spécialement pour la maçonnerie française en son nom ;

Que les statuts n'attribuent même pas un droit égal de copropriété sur. cet hôtel à toutes les loges de France, puisqu'ils disposent qu'après la libération entière de la dette contractée pour l'achat de cet immeuble, il sera délivré à titre d'action, à chaque atelier, selon les sommes qu'il aura versées, des reconnaissances de propriété, de sorte que ceux qui, sous lie nom desquels l'hôtel a été acquis n'auront d'autres droits que ceux de leur souscription personnelle ;

(1) Jurisprudence de la Cour de Douai 1863, pages 341 et suiv.


171

Considérant que l'autorité du Grand Orient sur les loges de se correspondance et sur les initiés, est purement spirituelle ; qu'elle ne peut s'étendre au delà de cette sphère et ne peut apporter aucun dérogation aux règles du droit civil ;

Considérant qu'une loge maçonnique n'est qu'une réunion d'un certain nombre d'initiés, sous un titre distinctif, constituée par le Grand Orient et comme telle autorisée par le Gouvernement ; que sauf le lien commun d'obédience envers le Grand Orient, les loges sont parfaitement indépendantes les unes en-" vers les autres ; que chacune d'elles constitue une communauté distincte et réparée ; que cela est tellement vrai qu'elles ne peuvent se fusionner qu'avec la permission du Grand Orient ;

Qu'il résulte de là que plusieurs loges peuvent exister dans la même ville, avec des intérêts particuliers ; que c'est ainsi qu'on voit des loges propriétaires du local de leurs séances, et d'autres qui ne sont que locataires ; que quelques-unes possèdent un riche mobilier et d'autres un mobilier plus modeste ;

Que ces immeubles et ces mobiliers, acquis avec le produit des- droits d'initiation et le montant des cotisations, plus ou moins élevés selon le nombre des membres de chaque loge, sontla propriété exclusive de chaque loge ;

Considérant que les statuts de l'ordre maçonnique ne donnent pas et ne pourraient donner au Grand Orient le droit de disposer de ces immeubles et de ces mobiliers en sa faveur, ni en celle d'une loge quelconque, au préjudice de la loge qui les a payés de' ces deniers ;

Que le Grand Orient ne peut, à titre de retour, recueillir les propriétés immobilières et mobilières des loges qui ont cessé volontairement de fonctionner ou qu'il a supprimées par son autorité ;

Qu'il ne peut non plus, à titre de peine, enlever à ses loges supprimées les biens qui leur appartiennent pour les transmettre à une antre loge, car cette pénalité serait une véritable confiscation bannie par notre législation ;

Considérant que le Grand Orient n'a jamais élevé ces prétentions exagérées ; que cela est si vrai qu'en cas d'abrogation d'une loge prononcée par lui, il se contente d'ordonner que la loge supprimée lui adressera immédiatement les lettres de constitution, les registres diplômes, les sceaux et les timbres à son usage ; mais que c'est là une mesure prise en vertu d'un pouvoir spirituel qu'il exerce, ayant pour objet de protéger le mystère dont la franc-maçonnerie cherche à s'entourer ;

Considérant en fait, qu'à l'époque de 1823, il existait à Dunkerque deux loges, l'une constiture sous le titre La Vertu et l'autre constituée sous le titre La Trinité ;

Considérant que suivant acte passé devant Me Vaillant notaire à Dunkerque, le 11 Janvier 1823, un sieur Saint-Laurent a vendu au profit de la loge La Vertu, ce acceptant pour les membres actuels et futurs de 'cette loge, par le vénérable M. Villiers, marchand chapelier, M. Evrard, marchand épicier, et M. Langlois, marchand plombier, tous trois autorisés à cet effet, une maison sise à Dunkerque, rue de l'Ancienne Comédie, aujourd'hui rue Nationale N° 10, et ce moyennant 1800 frs dont 900 frs payés comptant et pour les 900 frs restant, les acquéreurs au dit nom promettent et obligent leurs frères de là ditç


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loge, solidairement entre eux, de les payer en deux termes égaux de 450 frs chacun dans le courant de six années avec intérêts à 5 pour 100 l'an, exigibles chaque année ;

Que sur la demande de la loge Trinité, il s'opéra une réunion entre cette loge et celle la Vertu, fusion sanctionnée suivant les statuts par le Graoïd Orient qui délivra à cette nouvelle loge, le 15 mars 1859, une nouvelle constitution sous le titre Vertu et Trinité réunies ; que comme condition de la fusion, la loge de la Trinité apporta à lia loge Vertu et Trinité réunies, a été provisoirement suspendue ;

Que le 3 Septembre même année, le grand maître en son conseil a ordonné que la loge Vertu et Trinité réunies à l'Orient de Dunkerque, .est rayée de la correspondance du Grand Orient de France, et son titre abrogé ;

Que le 10 Janvier 1861, le Grand Orient de France, sur la demande de Peeters et six autres maçons habitant Duinkerque, a constitué dans cette ville une nouvelle loge sous le titre distinctif Ordre et Travail.

Que par exploit du 7 Janvier 1862, Peeters Maerteyn, VilMers, Lenoir, Gérard et Chivot, vénérable et membres de la nouvelle loge ORDRE ET TRAVAIL, ont 'traduit devant ce Tribunal 23 membres de la loge la VERTU ET TRINITE REUNIES, pour, attendu entre autres motifs, que depuis l'abrogation de son titre en date du 3 septembre 1861, oette loge a été constituée par le Grand'Orient, sous le titre d'Ordre et Travail, et que cette deuxième loge, ainsi, reconstituée, est propriétaire de tous les biens, .meubles et immeubles, qu'avait la loge à laquelle elle a succédé ; que les membres de la loge Ordre et Travail sont seuls propriétaires de la maison rue Nationale N° 10, du mobilier qui la garnit, à l'exclusion de tous autres et spéciallement des membres exclus de l'ordre maçonnique ;

Voir dire que la dite maison et le mobilier qui la garnit sont la propriété des demandeurs et de tous les autres membres de la loge Ordre et Travail :

Considérant que d'après les principes ci-dessus posés, la suppression de la loge Vertu et Trinité réunies, n'a. pu avoir pour effet de transmettre à la nouvelle loge Ordre et Travail constitué en 1861, la propriété de la, maison acquise en 1823, par et pour la loge la Vertu ni du mobilier placé dans cette maison par la loge la Vertu et ensuite par la Trinité, parce que, premièrement, il n'y a eu aucune cession de la part des membres de la loge Vertu et Trinité réunies, et secondement, parce que le Grand Orient n'avait pas la puissance de substituer une loge dans ce droit de propriété qui appartenait à une autre loge ;

Que l'abrogation, de la loge Vertu et Trinité réunies, non plus que l'exclusion de quelques-uns de ses membres de la communion maçonnique, n'ont pas fait perdre aux .membres de cette loge te droit indivis qu'ils avaient dans la maison dont s'agit, ni dans le mobilier qui la garnissait, parce que le tout n'avait pas été acquis au nom et pour l'ordre de la franc-maçonnerie, mais pour les frères actuels de la loge Vertu ;

Que la loge Venu et Trinité réunies n'a pas seulement perdu son titre,-mais qu'elle,a été supprimée,


- 173 - -

Que la loge Ordre et Travail n'est pas la continuation de la loge Vertu et Trinité réunies, mais qu'elle est une création, puisqu'il lui a été accordé une nouvelle constitution ; que la loge Ordre et Travail est une institution qui ne se rattache en rien à la loge supprimée ; qu'elle ne peut dès lors, prétendre succéder à ses biens ;

Qu'aucune disposition du droit civil ou maçonnique ne justifie une pareille prétention ;

Que c'est donc à tort que les demandeurs et tous autres membres actifs de la loge Ordre et Travail soutiennent avoir été subrogés aux droits de propriété de la maison- rue Nationale N° 10 et du mobilier qui la garnit ; .

En ce qui touche les" conclusions subsidiaires abandonnées pâlies demandeurs et reprisas reconventionnellement par les .défendeurs ;

Considérant que les défendeurs trouvant en cause, même au nombre des demandeurs, tous les membres de la loge Vertu et Trinité réunies, au moment de la suppression, peuvent, pour éviter un circuit- d'actions, demander contre tous ses membres la liquidation et le partage de la Société qui a existé entre eux y

En ce qui touche les conclusions des parties de Me Monteuuis tendantes à faire condamner les demandes en 2.000 frs de dommages-intérêts ; :

Considérant que les parties de Me Monteuuis ne seraient fondées en cette demande qu'autant que les demandeurs ne restitueraient pas tous les objets mobiliers dans lesquels" ils ont été envoyés en possession provisoire ; qu'il suffit donc de les réserver dans tous leurs droits à cet égard ;

Par ces motifs, le Tribunal, jugeant en premier ressort et en matière ordinaire, dit que les membres actuels de la loge Ordre et Travail n'ont en cette seule qualité aucun droit dans la propriété de la maison rue Nationale N° 10, ni dans le mobilier qui la garnissait au moment de la suppression de la .loge Vertu et Trinité réunies ; dit que cette maison et le mobilier sont la propriété exclusive et indivise des membres actifs de la loge Vertu et Trinité réunies, inscrits au tableau à à la date de 11 janvier 1861, y compris ceux que le jugement maçonnique du 2 septembre 1861, à réintégrés, et ceux que le même jugement condamne à l'exclusion et à la suspension.

En conséquence, déclare les demandeurs non recevables et mal fondés dans "leurs demandes fins et conclusions ; les en déboute et les condamne aux dépens envers toutes les parties, même en ceux réservés par l'ordonnance de référé du 10 février dernier ;

Ordonne qu'à défaut par les anciens membres de la loge Vertu et- Trinité réunies, tels qu'ils viennent d'être désignés, de s'entendre sur le-mode de liquidation, il sera à la poursuite et diligence des parties de Me Monteuuis, procédé à la dite liquidation par le ministère de Me Delval, notaire à Dunkerque, et pour y parvenir, à la vente par licitation de la maison rue Nationale N° 10, sur la mise à prix de 500 frs et à la vente du mobilier commun par le ministère de Tellier, commissaire priseur ;


— 174 — '

Pour, après l'acquit des dettes, être le restant, si restant il y a, partagé par égale portion entre tous les intéressés qui n'avaient pas donné leur démission avant le 11 janvier 1861 ou qui, depuis, n'ont pas renoncé à leurs droits ;

Dit que* les frais de cette liquidation seront prélevés sur le produit .des ventes ou mis à la charge des adjudicataires.

Nomme M. Delye, commissaire aux opérations de liquidation et de licitation. Réserve les parties de Me Monteuuis, à se pourvoir par la suite en dommages-intérêts si elles s'y croient fondées'.

Du 2 Mai 1862. — Trib. Oiv. de Dunkerque. — Présid. M. Delye, juge faisant fonct. de présid. — Ministère publie : M. Armand, subst. — Avoc. : MMes Emile Flamant du barreau de Douai) et Bogaert de Dunkerque. — Avoués : MMes Carpentier, Monteuuis, Lebleu et Liem.


V

L'Ordre du Temple à Dunkerque au' XIXme Siècle

Constant Thélu, chirurgien (1) à Dunkerque, où il était né en 1796 où il mourut en 1863, après avoir rempli une carrière honorable, auteur de quelques travaux infé-. ressauts sur le passé de sa ville natale (2) « avait laissé, dit son biographe, J.J. Carlier, un mémoire étendu sur la Milice du Temple, et sur les propriétés de l'Ordre des Templiers, dans le pays flamand de France ». (3)

A, priori, cette phrase ne dit pas grand chose' à un esprit non averti. Mais pour qui sait que C. Thélu, comme Carlier, appartenait aux loges dunkerquoises, elle prend une signification particulière.

La Milice du Temple avait été, en effet, installée en 1819, dans la loge la Trinité, et Thélu avait été créé Chevalier Templier en 1849. Son mémoire .ne nous est pas parvenu.. Mais nous avons eu la bonne fortune d'entrer en possession de plusieurs petits manuscrits de sa composition, restés inédits,, et de quelques pièces qu'il avait sans doute recueillies en vue de la rédaction de ce travail.

Nous avons pu les compléter grâce à un dossier conservé aux Arcliives Nationales, dans le volumineux fonds de l'Ordre du Temple remis à ce grand dépôt par le Dr Vernois» un des derniers Chevaliers Templiers parisiens. Avec ces documents nous pouvons esquisser l'histoire de la Maison du Temple à Dunkerque.

L'Ordre militaire des Templiers avait été fondé en 1118, pour la protection de la Terre Sainte, et de l'exer(1)

l'exer(1) était le titre que l'on octroyait alors aux officiers de santé. , .

> (2) Promenades archéologiques .dans la ville de Dunkerque. (Soc. Dunk. 1858-59, t. VI).

Notes sur le Carillon et les Cloches de la Tour de Dunkerque. (Ann. Coin. Flann., t. II). — Noms de Baptême chez les Flamands de France (id. t. IIII). Des représentation théâtrales chez les Flamands de France (Bull. Com. FI. t. I)

(3) J.J. Carlier. — Notive nécrologique sur C. Thélu. (Bull, ' Dora. Flam, .t. III 1863.


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cice du culte des chrétiens contre les infidèles. Ses Chevaliers étaient devenus en Europe de grands _ propriétaires terriens, possédant fermes et chapitres en Prance, en Espagne et en Allemagne. Philippe le Bel, trouvant cette puissance dangereuse pour sa couronne, voulut s'en débarrasser, et sous prétexte d'une inculpation d'hérésie, s'empara de leurs biens et fit périr sur le bûcher le grand maître, Jacques de Molay, en même temps que 53 de ses chevaliers. Ceci se passait en 1314.

On pouvait croire l'Ordre supprimé à tout jamais.

.Cependant, un jour se répandit, la. légende suivante : L'existence de l'Ordre n'avait jamais été interrompue, car des Chevaliers réfugiés dans les montagnes d'Ecosse avaient ' continué ses traditions. Et on trouva cette explication : Jacques de Molay, prévoyant la catastrophe- finale, aurait investi de ses pouvoirs, un certain Jean-Marc Larménius qui fut reconnu Grand-Maître à son décès. Cet hypothétique Larménius aurait publié une « Charte de Transmission » qu'auraient signée dans là suite des temps tous ses successeurs» parmi lesquels figurait Du Guesclin ! On vit alors reparaître des Templiers un peu partout.

Sans chercher à établir ici, quelles relations il put avoir avec la chevalerie Teutonique ou les autres ordres institués en Allemagne et en Angleterre, contentonsnous de jeter un regard sur l'ordre du Temple qui aurait eu son siège à Paris depuis le début du XVIIIe Siècle.

Philippe , d'Orléans, en aurait été Grand-Maître en 1705, et sous son Magistère en 1706 auraient été rédigés les statuts constituant la règle de l'Ordre.

Bientôt, on en arriva à établir facilement un rapport entre la survivance de l'Ordre en'Ecosse et l'origine de la Eranc-Maçonnerie. On trouva des points de rapprochement entre ces deux institutions. Bamsay contribua à établir la confusion : N'était-il pas tout naturel de rapprocher les maçons du Temple de Salomon, et les Chevaliers du Temple de Jérusalem ? et de présenter l'assassinat d'Hiram comme un symbole rappelant l'exécution de Jacques Molay, les trois assassins n'étant autres que Philippe Le Bel, roi de France, le Pape, et Noffodei le dénonciateur ?

Après Ramsay, les inventeurs de hauts grades, acceptèrent arec enthousiasme la légende templière :


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L'Ordre du Temple se confondit avec la Franc-Maçonnerie. La loge « LE CENTRE DES AMIS » prétendit que le rite templier avait été établi en France dès 1688, et qu'elle n'avait fait que recueillir sa succession. Hundt (dont on fit un baron) qui s'était documenté en Erance, introduisit en Allemagne I'ORDRE DE LA STRICTE OBSERVANCE. Il l'organisa, créant neuf provinces reconnaissant à leur tête la grande loge directoriale de Brunswick. Il participa à Paris à la fondation de la loge de Clermqnt qui réorganisa l'Ordre du Temple en Erance. Le Prince de Bourbon Conti. et le duc de Cossé-Brissac en furent les Grands Maîtres. Elle s'agrégea à là. province française de la Stricte Observance. (1)

Mais un Convent tenu à Willemstadt en 1782 rejeta . officiellement l'ascendance templière de la Maçonnerie.

Après Cossé-Brissac) il ne fut plus nommé de GrandMaître. 'Arriva la B. évolution. .L'Ordre se dispersa.

Sous l'ancien régime il n'en avait "pas été question dans les loges dunkerquoises.

Il était réservé à la loge LA TRINITÉ, de voir s'installer dans son atelier au début du XIXe Siècle, une Commanderie de Templiers.

K En l'An de Grâce 1800, de la fondation de l'ordre, le 900e et de sa restauration le 121e » le Prince Emmanuel du Mont Liban, Illustre, Eminent Grand Maître de l'Ordre, avait, fait part aux Princes Trinitaires de Palestine, Grands-Maîtres de l'Orient et de l'Art Royal, Commandeurs, Grands Officiers de l'Illustre et Souverain Ordre des Chevaliers religieux hospitaliers et militaires du Temple Saint de Jérusalem, des Kadoshs de l'Etroite Observance... de la nécessité où il se trouvait, pour la Gloire de Dieu et le bien général de se mettre en voyage, et de parcourir les deux hémisphères pour y ' visiter les forteresses, en construire de nouvelles, etc.

(1) Ce terme de stricte observance qui indiquait qu'une discipline militaire régnait dans l'Association, s'opposait à la Late Observance des Anglais qu'ils considéraient comme une maçonnerie dégénérée.

Voir : K. Le' Forestier : Les Illuminés de Bavière. (Thèse Doct.. Lett. Paris 1915, p. 157 et suiv.)


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etc. en un mot pour recruter de nouveaux adeptes et faire de la propagande active en faveur de l'Ordre.

Aussi le chapitre général approuvant sa détermination lui avait-il. délivré un bref, afin de lui permettre de se faire reconnaître et bien accueillir par les frères qu'il allait visiter. (1)

Qu'était-ce que ce Prince Emmanuel du Mont Liban ? Quel personnage énigmatique se cachait sous ce nom de religion, quelle association représentait-il ?

L'ordre dont il se disait Grand Maître, reconnaissait •— d'après ce bref — la constitution fixée par les privilèges accordés détruis 121 ans par le feu roi Jacques VI d'Ecosse et 1er d'Angleterre.

Il ne pouvait donc pas s'agir de l'Ordre des Templiers Modernes qui n'était pas encore réorganisé à Paris, sur les bases que nous indiquerons plus loin, et qui reconnaissait pouf charte constitutive, les statuts élaborés en 1706, sous le Magistère du duc d'Orléans. Ce bref lui avait cependant bien été délivré à Paris, sous le 20e degré de longitude et 48e degré 50 minutes 10 secondes de latitude. — Ce qui nous prouve qu'ils adoptaient par principe le méridien de l'Ile de Eer (2) conformément à une bulle papale de 1494.

Il s'agissait donc d'une autre obédience, vraisemblablement d'origine étrangère. Elle se rattachait à la stricte observance dont elle avait adopté les rites pour la réception des chevaliers. (3)

On pourrait être tenté de reconnaître en elle une branche d'un secte anglaise puisqu'elle se prévalait d'une charte de Jacques 1er d'Angleterre. Mais il faut se rappeler que la stricte observance fondée par de Hundt en Allemagne prétendait se rattacher à l'Ordre du Temple, par des chevaliers réfugiés en Ecosse, et que la maçonnerie écossaise avait pénétré en Allemagne où s'était élaborée la légende templière, et que de là elle-s'était implantée - en t Erance.

Nous n'avons pas pu pousser plus loin nos investigations sur ce sujet d'ailleurs embrouillé comme à plaisir. Vraisemblablement s'agissait-il de cette maçonnerie par.

(1) Voir plus loin : Document. I.

(2) La plus occidentale des Iles Canaries.

(3) Comparer le rituel que nous publions plus loin à la description donnée par Le Forestier, loc. cit. p. 172.


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ticulière intitulée « Les Chevaliers du Temple » qui avait existé un peu avant la Révolution et qui,,à partir du Directoire avait repris force et vigueur (1) Deux hiéroglyphes dont l'un représente sans douté une tour surmontée d'un petit oriflamme, et l'autre rappelle un signe du zodiaque, figurent sur toutes les pièces émanant de cet ordre, sur les diplômes et les insignes (2) avec la devise : PRO DEO ET PATRIA. 'Il nous a été impossible

impossible démêler le signification de ces signes que les Templiers dunkerquois conservèrent jusqu'à leur extinc. tion.

En Janvier 1819, le Prince Emmanuel du Mont Liban, se trouve à Dunkerque, où il-a fixé pour quelque temps sa résidence. Le Chapitre de la Respectable Loge LA TRINITÉ « lui a donné des marques multiples de zèle et d'attachement à sa personne » ;.aussi pour donner aux

(1) Alb. Lantoine. ■— Sist. de la Franc-Maçonnerie française, p. 192.

(2) Ils figurent notamment sur la Croix de Templier dont nous donnons la reproduction.

Croix de Templier ayant appartenu à C Thélu (Musée de Dunkerque)


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Chevaliers qui la composent, une preuve authentique de son affection, érige-t-il, en vertu de son autorité de Grand-Maître, le Chapitre de cette Loge « en cornmanderie, sous le titre de la TRINITÉ avec prérogations préhéminenoes (sic) et honneurs attachés au chef-lieu d'ordre ». se réservant, déclâre-t-il dans le bref qu'il lui délivre, son administration pendant la durée de sa présence à Dunkerque. (1)

Sceau des Templiers Dunkerquois (2)

Les Chevaliers devaient prêter serment sur le livre des Constitutions et suivre fidèlement et strictement la règle de l'Ordre telle qu'elle fut approuvée par le feu roi Jacques VI "d'Ecosse et 1er d'Angleterre. La première réception eut lieu le 5 mars suivant.

Chaque chevalier prit un nom de religion et fut pourvu d'une fonction au Chapitre.

C'étaient : J.-B. Ménétret Jean d'Emmails, Grand Inspecteur, vice-président du Tribunal. Louis Joly .... Baoul de Joppé, Grand Inspecteur, Grand"

Chancelier. Moorman Jean Joseph du Jourdain, Grand Inspecteur, Grand Trésorier.

(1) Voir plus loin : Document II.

(2) Ce sceau qui est fixé sur les copies des documents I et II et sur les diplôme® que nous reproduisons plus loin fût donc utilisé jusqu'en 1850 et probablement jusqu'à la dissolution du couvent.


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Lapereile Didiee d'Ascalon, Grand Inspecteur, membre

du Tribunal.

Leys J.J Jacques de Bethléem id.

Degrave ...... Isidore de JRama id.

Baillet J.J. . Richard d'Héraclée id.

Villers Philippe de Céderon id.

- Un diplôme délivré en 1817 par la loge la Trinité nous apprend que J.-B. Ménétret, alors âgé de 42 ans, natif d'Auxonne (Côte d'Or) s'était vu conférer, le 1er août 1817 par cette loge le grade de Souverain Prince, Chevalier de Rose Croix. (1) D'après les signatures portées sur cette pièce, Lapereile était alors vénérable de la Loge; Moorman, premier surveillant; de Grave, deuxième surveillant ; Leys, hospitalier; Jolly, garde des Sceaux, et Baillet trésorier. Villiers y figure- aussi comme R.C.M.C.

C'était donc presque tous les dignitaires de la Trinité qui s'étaient faits recevoir Chevaliers Templiers,.

Jolly, mérite mie mention spéciale.

Jolly, Louis-Erançois ; fils de Jolly, Louis-Erançois et de Catherine Gaudry, était né à Boulogne-sur-Mer le 18 mai 1784. Il était en cette ville employé de l'administration des fourrages, lorsqu'il s'y'maria en 1812 à Marie-Françoise-Victoire Delaporte, née en cette ville le 13 Décembre 1785. De cette union naquirent : à Boulogne-sur-Mer le 19 août 1813, Jolly Louis-Victor, et le 5 octobre 1815 Louise-Victoire qui mourut à Dunkerque en 1914.

Jolly Louis-Erançois, que nous retrouverons plus loin sous le nom de Jolly père, quitta Boulogne le 12 Septembre 1815 pour venir habiter à Dunkerque où il fut -préposé au chauffage militaire de la place, puis négociant,, domicilié rue du Lion d'Or. Il mourut à Dunker- ' que en 185L (2)

Son fils Louis-Victor, commissaire-adjoint de. la ma(1)

ma(1) aimablement communiqué par M. H. Durin. D'après une mfention portée au dos, Ménétret fut admis, le

31 août 1817 au sublime grade de Chevalier K.S. dit Chevalier Ob. du Temple ou de l'Homme Saint.

(2) Remarquons que Jolly père prit comme nom de religion celui de Raoul de Joppé qui était celui du Grand Chancelier de l'Ordre, et que plus tard, son fils s'appela Emmanuel du Mont Liban, en souvenir du Grand Maître qui avait installé les Templiers à Dunkerque.


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rine, chevalier de la Légion d'Honneur, époux de V. Drosier, mourut à Dunkerque en 1870. Il était le père de Louis Jolly, publiciste, né à Dunkerque en 1865.

D'après une note de ,C. Thélu, le f, Villiers « fut le premier qui fut reçu par le Général Eox, et qui aida le général à recevoir les sept frères ci-dessus. Ce fut lui qui prépara, la salle et les objets nécessaires à la réception».

Cette petite note nous apporte un renseignement précieux. Ce fut le Général Fox qui procéda à la réception des nouveaux chevaliers.

Qu'était-ce que ce Fox ?

Parmi les quelques noms des membres de la Loge LA TRINITÉ, relevés par M. Lesueur, se trouve mentionné Fox Edouard-Frédéric, GENERAL, affilié en 1799. Première indication. (1)

Or, dans les répertoires du Ministère de la Guerre, il n'existe pas de Général français de ce nom. (2) Tout simplement par un abus facile à comprendre, on donnait ce titre à l'ADJUDANT GÉNÉRAL, CHEF PE BRIGADE Fox, dont la carrière fut assez mouvementée.

Fox Nicolas-Frédéric (et non Edouard-Frédéric), né à Forbach, le 6 décembre 17,55, entra au service de la marine comme novice, le 7 janvier 1770. Après avoir fait les campagnes de 1778'à 1782 en Amérique, il fut réformé en 1783, et nommé officier du port du Havre, le 6 décem. bre 1785. Réformé en 1790, il est gendarme à Grenoble de novembre 1790 à juillet 1791. Adjoint aux adjudants généraux de l'Armée du Midi, le 15 Juillet 1792, il est promu Chef de Bataillon, adjudant général à l'armée des Alpes, le 24 juillet 1793. Suspendu le 27 Brumaire, an 2, il est réintégré et confirmé dans son grade, le 15 germinal an 3, et enfin promu chef de brigade, adjudant général le 25 prairial an 3. L'épisode le plus saillant de sa carrière fut le suivant : Fox se trouvait à la séance de la Convention lors des événements de Prairial, an 3. Le Président n'étant plus maître de l'Assemblée houleuse', l'interpella, le fit nommer commandant provisoire de la

(1) Lesueur. —Livres d'Architecture de la loge d'Hesdin. Th. Alger 1919, 'p, 415.

(2) Ce renseignement, ainsi que tout le curriculum vitae qui suit m'ont été fournis aimablement par le Lieutenant-Colonel Berlaut.


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force armée de Paris, et lui prescrivit de faire évacuer les tribunes, ordre qu'il fit exécuter à coups dé fouet.. (1) '

Un peu plus tard, Boissy d'Anglas se sentant débordé signa rapidement un ordre pour faire avancer de nouvelles forces, et le remit à Fox qui sortit pour le faire exécuter.

Bientôt des émeutiers vinrent présenter au président, au bout d'une- pique, la tête du député Eeraud qu'ils venaient d'assassiner. Boissy d'Anglas prit cette tête sanglante pour celle de Fox. Il se sentit perdu. Alors d'un geste large il se découvrit et salua les restes de cette victime du devoir. Les- plus furieux reculèrent frappés de stupeur devant cet acte héroïque ! L'erreur commise par Boissy d'Anglas lui avait .sauvé la vie...

Le 28 Ventôse,- an 5, Fox fut admis au traitement de réforme. Que devint-il alors ? Le 12 Ventôse an 6, il se trouve à Dunkerque et y réside sans interruption au moins jusqu'en Messidor an 7.

C'est ce que nous apprennent un certificat de résidence qu'il adresse au Ministre le 16 pluviôse an 7, et deux lettres datées de Dunkerque.

Nous le retrouvons ensuite à Paris en Nivôse an 8 et en thermidor, toujours sans emploi militaire (1er semestre 1800).

Enfin, le 1er Brumaire an 9, il est nommé Chef de Bataillon de la 4e brigade de vétérans. Il commande' ses bataillons de" vétérans à Toulon jusqu'en Février l815. (2) A partir de cette date, nous perdons sa trace comme-militaire ; aucun document postérieur n'existant dans son dossier aux Archives administratives de la Guerre. Que devint-il sous la Restauration ? Sans douté fut-il réformé de nouveau, ou mis en demi-solde. En tout cas, aucune pièce n'indique dans la série F 7 des Archives Nationales qu'il ait été sous là surveillance de la police après la chute de l'Empire.

Telle fut la carrière assez mouvementée de ce singulier personnage. .Les renseignements -qui précèdent, ca(1)

ca(1) — La Réaction thermidorienne. (Paris Ami. Colin 1929, p. 246.

Voir les détails dans Le Moniteur.

(2) Commandant la 5e Brigade de vétérans, le 1er Septembre 1808, commandant le 10e Bataillon, de vétérans du 6 juillet 1810 au 1er janvier 1815 à Toulon. (Lettre de Fox au Ministre de la Guerre datée de Toulon, le 12 février 1815).


-184drent

-184drent avec ce que nous pouvions déduire A PRIORI des documents que nous avons mentionnés plus haut, et nous permettent de conclure avec certitude que le Prince du Mont Liban n'était autre que l'Adjudant Général Eox.

En effet, réformé en l'an 5, il vient se fixer à Dunkerque en l'an 6 et se fait alors affilier à la TRINITÉ. Il ,quitte cette ville pour Paris où il se trouve en 1800 sans emploi militaire.

C'est alors qu'il se fait donner, vraisemblablement par la Loge des Chevaliers du Temple la mission de visiter les différentes loges affiliées, ou d'en créer de nouvelles. Mais peu après réintégré- dans son emploi, il ne peut pas effectuer ses tournées de propagande. Et ce n'est guère qu'après sa réforme définitive après la chute de l'Empire qu'il peut s'occuper de recruter de nouveaux adeptes ou de créer des filiales à l'institution dont il est le Grand Maître. Alors, il revient à Dunkerque, s'y fixe pour un certain temps et crée en 1819 le Convent des Templiers dans la Loge qui l'a si bien accueilli en 1798.

Le fondateur de l'Ordre du Temple dunkerquois nous est donc connu, et ce petit point d'histoire étant fixé, nous pouvons reprendre la suite de notre exposé.

Les nouveaux Chevaliers s'empressèrent de recevoir, les 23 Avril et 4 Mai suivants trois frères servants ; C.J. G. Gourtel, Neselof et Bouvart. Le 20 mai furent admis en la même qualité : Granara, Garni er et Oreel. Le même jour Le Bailly fut "reçu Chevalier sous le nom de Jean de Damas, et promu aussitôt au grade de Grand Inspecteur, Maître dé Cérémonies du Tribunal. '

Enfin, le 26 mai, Délabre fut admis comme servant d'armes, si bien qu'en peu de temps l'Ordre compta neuf chevaliers et sept servants, chiffre nécessaire pour former un convent, effectif suffisant pour procéder aux cérémonies dont nous donnerons plus loin une idée. (1)

Au cours des années suivantes, de nouveaux chevaliers furent créés. L'état que nous publions plus loin en donne la liste complète. Aussi, au début de 1833 pouvait-on relever trente nominations depuis l'origine. On en trouvera plus loin la liste complète.

(1) Rappelons qu'en 1831 la loge- fut obligée de quitter son local de l'ancien Couvent des Soeurs Blanches pour se loger plus modestement rue Caumartim


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Mais alors des divisions s'étaient produites dans la loge, ainsi que nous l'avons exposé précédemment. On avait déploré un certain nombre de démissions ; aussi les Chevaliers Templiers ne s'y trouvaient-ils plus qu'en très petite nombre.

Il fallait infuser une nouvelle vitalité à l'institution qui périclitait, et pour cela, donner plus de valeur au grade de Chevalier.

Très vraisemblablement, l'Ordre dont le Prince du Mont Liban ALIAS FOX, était le Grand Maître s'était éteint.

Les Templiers dunkerquois se trouvaient dans un pénible isolement. Il leur apparut que le meilleur moyen de susciter de nouvelles candidatures était de se rattacher à un autre ordre de Templiers parisiens.

Jolly, seul survivant des initiés du premier jour, Deubeugny reçu en 1822, (1) Plantefebve en 1826 prirent cette initiative. Peut être étai.ent-ils à cette heure les seuls Templiers dunkerquois?

Il existait, en effet, à Paris, une organisation reconnue en quelque sorte officiellement, qui prétendait avoir recueilli l'héritage de l'ordre dont Jacques de Molay était le Grand Maître au XIVe Siècle.

En quelques mots voici son histoire.

Cet Ordre de Néo-Templiers, ou Templiers modernes s'était reformé sous le Directoire avec les débris de l'Ordre dispersé sous la Révolution.

Bernard-Raymond Fabré-Palaprat et le Docteur Ledru s'étaient .attachés à le réorganiser.

lie 4 novembre 1804, le Couvent Général u'ils avaient réuni avait nommé Grand Maître Fabré Palaprat a conformément aux statuts de 1706.

Pour prendre un point d'appui solide ils avaient fondé une loge maçonnique sous le vocable des CHEVALIERS ,DE LA CROIS, à laquelle le Grand Orient avait accordé des Constitutions le 23 décembre' 1805. Le duc de Choiseul, certains comtes et marquis s'y étaient fait affilier.

En 1806 des circulaires répandues partout avait annoncé que l'ordre renaissait à la lumière.

Le' 28 Mars 1808, une cérémonie imposante avait été

(1) Debeugny Charles, né a Arras en 1774, épicier, avait été affilié en 1812 à la Trinité.


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célébrée en l'église Saint-Paul-Saint-Antoine. Dans la nef toute tendue de blanc et décorée de la croix rouge de l'ordre, avait été dressé le cénotaphe de Jacques de Molay et de ses Chevaliers envoyés au bûcher par Philippe le Bel.

Le Chanoine Clouet, du chapitre Métropolitain de Notre-Dame, revêtu du costume imposé aux chevaliers ecclésiastiques, avait, après une absoute solennelle, prononcé l'oraison funèbre de Molay, tandis que plusieurs bataillons d'infanterie placés au dehors de l'église rendaient les honneurs militaires aux illustres défunts. « Les journaux de cette époque ont consacré le souvenir de l'étonnement et de l'impression que causa dans Paris ctete démonstration publique. » (1)

L'année suivante, les cours et juridictions avaient été établis dans les diverses langues ou provinces de l'Ordre.

Seul, le gouvernement despotique du Grand-Maître avait entravé son développement et amené un schisme qui ne fut apaisé qu'en 1827 par l'abdication du nouveau Grand Maître Le Peletier d'Aunay, en faveur de Fabré Palaprat qui avait repris le pouvoir, le 27 mars 1827.

Cet ordre moderne du Temple était bien différent de celui auquel les membres de la Trinité s'étaient affiliés en 1819.

Leur organisation, leurs rites, les devises, noms de religion, alphabet, calendrier, armoiries, les titres qu'ils se donnaient, tout différait. (2)

Aussi ce ne fut pas sans quelques hésitations que les Templiers.dunkerquois s'adressèrent au Grand Maître de l'Ordre à Paris pour lui demander leur affiliation à son ordre.

Ils lui écrivirent que la Commariderie de Dunkerque vivait depuis un certain "temps dans un isolement total ignorant qu'il y eût en France un Grand Maître de l'Ordre dont le siège était à Paris. (3)

Ceci était bien étonnant car les Templiers modernes,

(1) Maillard de Chanubure. — Règles et Statuts secrets des Templiers. (Paris Brockaus 1840, in-8°, p. 539).,

(2) Aux Archives Nationales, sous la cote AB SIX, les cartons 125 à 158 renferment tous les dossiers relatifs aux Templiers modernes, donnés par le Dr Vemois.

(3) Lettre non datée, dossier AB XIX 146. Convent de Dunkerque.


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comme on les appelait, avaient donné la plus grande publicité à leurs manifestations complaisamment rapportées dans les journaux, en particulier dans LE GLOBE qui était un organe alors assez répandu. Passons.

Après de multiples recherches — écrivent Jolly, Plàntefebve et Debeugny, au Grand Maître, Souverain Pontife et Patriarche — ils sont arrivés à connaître son adresse et manifestent le désir de s'unir à lui. Ils s'engagent à lui rester fidèlement attachés, et à payer chacun un tribut annuel de... cinq francs par an...

Pour justifier de la constitution régulière de leur Commanderie, ils envoient les copies" du bref délivré à la Trinité en 1819 par le Prince du Mont Liban, ainsi que du brevet que leur a présenté celui-ci, pour justifier sa mission. (1)

L'affaire traîne en longueur. Besuchet, Prince du Convent, dans une lettre adressée « à M. le Ministre, secrétaire-magistrat » lui rappelle que le dossier de Dunkerque déposé depuis longtemps chez le Grand Maître est resté en souffrance. Les dunkerquois attendent vainement l'expédition de leur affaire. Il avait été cependant convenu qu'on leur accorderait l'érection d'un convent régulier en leurs personnes et dignités, et qu'on leur expédierait les diplômes de chevalier sous condition du paiement de" leur prix, etc. etc. (2)

Valleray, Grand' Précepteur, annonce à Jolly, le 29 mai, que l'érection d'un couvent a été décidée. Le 8 Juin suivant, Jolly de remercie-de cette bonne nouvelle car « c'est là tout leur désir de rentrer dans la vie commune ». Malheureusement ils ne sont pas en nombre suffisant pour constituer un convent. Mais il ne désespère pas d'y arriver prochainement. Pour arriver à une prompte solution ils sollicitent une réduction du prix des diplômes de 40 à 25 francs jusqu'à ce qu'ils aient pu recruter un nombre suffisant d'adhérents pour atteindre Je nombre de seize. Ces frais élevés semblent constituer un obstacle, car « l'achat d'un costume pèse beaucoup sur les récipiendaires... » Jolly exprime cependant un regret : « Les Chevaliers voient avec peine qu'ayant été établis en commanderie, il y a plus de

(1) Ce sont ces copies conservées dans ce dossier que nous reproduisons plus loin.

(2) Même dossier, pièce 23, lettre non datée.


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quatorze ans que nous devenions Convent ; ils été (sic) satisfaits de conserver leur premier titre et qu'on leur est (resic) maintenu moyennant d'une modification de prix. » (1))

Le Grand Précepteur répond que la réduction est accordée, et lui donne les explications suivantes qui nous renseignent sur l'organisation de l'Ordre et son hiérarchie :

« Quant au regret que vous me témoignez de voir que vous deveniez Convent, après avoir été établis en commnderie, nous n'avons jamais eu l'idée de vous faire descendre. Toutes les maisons de l'Ordre quelles qu'elles soient s'appellent couvents. Il n'y en a pas et ne peut y en avoir de constituées sous un autre nom, à commencer par celle du Chef-lieu de l'Ordre. Mais le Convent est établi dans une commanderie dont un Chevalier est titulaire. La Commanderie est elle-même établie dans un bailliage, et le bailliage dans un Grand Prieuré, le Grand Prieuré dans une Grande Préceptorie, et celleci dans une Lieutenance Générale. Ainsi en prenant pour point de départ le Convent de Dunkerque, nous avons :

Convent de Dunkerque, établi dans la Commanderie de DunDnnkerque (Titulaire : M. Jolly).

Commanderie de Dunkerque établie dans le Bailliage de Flandre. (Titulaire non-nommé).

Bailla ge de Flandre dans le Grand Prieuré de France.

(Titulaire : M. Adet, ancien Ambassadeur).

Grand Prieuré de France dans la Grande Préceptorie SudEurope. (Titulaire : M. Valleray).

Grande Préceptorie de Sud-Europe dans la Lieutenance Générale d'Europe. (Titulaire : M; de Saint-Aubin).

Votre Convent prendra le nom de Premier Convent de la Commanderie de Dunkerque. Tout ceci est amplement expliqué dans le Manuel des Chevaliers dont chaque membre doit se pourvoir et dont le prix est de 3 frs, un fort volume de 400 pages... »

Il espère que ces explications le satisfairont, et l'engage à venir à Paris, car le dimanche 20 juin on célébrera une commémoration funèbre publique, en l'hon-

l'hon- dossier, pièce 19. Jolly au Grand Précepteur.' Au dos : 'Monsieur Valleray, Docteur en droit, rue Monsieur le Prince N° 2, à Paris.


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neur des frères décédés, et le jeudi suivant aura lieu là réunion conventuelle ordinaire. Il pourra aussi, en moins d'une semaine « suivre une cérémonie religieuse et une cérémonie équestre » (1)

Jolly, qui avait proposé de se rendre à Paris pour régler cette affaire, émet le regret dans une lettre du 10 Août, de n'avoir pas pu se déplacer, et surtout se plaint que la transmission des diplômes ne puisse pas se faire par correspondance. (2)

En Mars 1834 il se voit de nouveau obligé de remettre son voyage à plus tard. Il demande, qu'en attendant on prépare les diplômes, et propose l'envoi de 200 francs coût de ces brevets, ainsi, que des lettres d'établissement du Convent .et de l'investiture de sa commanderiez

Il ne peut cependant proposer que six chevaliers qui sont : -

Louis Jolly, né le 18 mai 1784 à Boulogne-sur-Mer, de la religion catholique, fils de François Jolly,et de Catherine Gaudry.

Ch. Alex. Joseph Debeugny, fils de Ch. Philippe Debeugny et Agnès Canap, né le 17 septembre 1774 à Arras (Catholique). . Louis .Victor 'Jolly, fils de Louis et de Marie F,r. Victoire Delaporte, né le 19 août 1813 à Boulogne, de la religion catholique.

J.B. Aimé Plantefebve (-Catholique), fils de N... né le 17 février 1798 à Dunkerque.

- Benj. Félix Vranken, catholique, fils de Gille Vranken et Pétronille Marie-Marotte, né le 11 juin 1805 à Dunkerque. - Jos Delaporte, catholique, fils de.... et Louis Foumier, né, à Boulogne.

Il espère cependant pouvoir arriver au nombre de

seize. (3)

Ces propositions sont acceptées. Paris réclame les

Armes des Chevaliers, qui mettent beaucoup de len(1)

len(1) dossier, pièce 20. — Paris 17 Juin 1833. — Le Grand Précepteur, chargé de la Secrétairerie Générale à M. le Commandeur Jolly.

, (2) Pièce 18. Jolly au Grand Précepetur Valleray. — Dunkerque 10 août 1833.

(3) Pièce 16. Jolly au Grand Précepteur, 18 mars 1834.

Lettre signée : Le Commandeur Raoul de Joppé, né Louis Jolly, négociant rue du Lion d'Or, à Dunkerque.

En. marge il est écrit : Répondu le 21, pour lui annoncer que les propositions acceptées, et lui demander les. armes des chevaliers. — Lettre de rappel du 30 avril 1834.


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teur à former les dessins de ces armoiries, ainsi que l'annonce Jolly le 12 Mai. Il peut au moins, ce jour là annoncer deux recrues de marque : Le Baron Coppens et le Comte d'Halluin, (1) ainsi qu'un troisième candidat nommé Gay.

Il est heureux d'enregistrer que les mesures prises par le Gouvernement relativement aux Associations ne frappent pas l'ordre.

Enfin, le 6 Juin, Valleray lui déclare que toutes les difficultés sont aplanies. Il n'attend plus que l'arrivée de Jolly à Paris.

Le Décret d'institution du Convent de Dunkerque a été rendu le 22 Sivan (29 Mai 1834). (2)

On second décret du même jour a nommé Jolly, commandeur de Dunkerque et prieur du Convent. Il pourra garder le prieuré-tant que cela lui sera'agréable, cette fonction étant inférieure au bénéfice de Commandeur.

Jolly pourra recevoir provisoirement Chevaliers du Temple, les six candidats dont les diplômes sont prêts.

Le 10 Juillet, ,Jolly annonce qu'il a procédé à la réception, et envoie le Procès-Verbal suivant :

Ordre du Temple — Premier Convent de Dunkerque. Extrait de la Séance du 10 Juillet 1834

Le F. Jolly, prieur du Convent de Dunkerque ,ayant réuni les Chevalière dans le local ordinaire de ses séances, leur donne connaissance d'une lettre du T. R. F. Narcisse du SudEurope, Grand Précepteur de l'Ordre et Ministre de la Secrétairerie Magistrale.

D'après l'invitation expresse qui lui est faite, il reçoit provisoirement Chevalier du Temple, sous lia réserve ultérieure de leur voeu de profession et de la signature de ce voeu conformément à la Loi, les frères déjà reçus aux dates ci-après :

(1) de Preudhomme d'Hailly, Comte d'Halluin (Frédéric-Auguste-Désiré) né à Cassel, le 19 décembre 1778. Il avait été initié à la loge la Trinité en 1821.

(2) Voir plus loin : Document 3, le texte complet de ce décret.

Tjn décret de la Commission executive du 19 mars 1837, avait réformé le calendrier embolismique du Temple. Le 1er nisan 719 correspondait au 6 avril 1837, le 1er sivan au 6 mai, le 1er tab au 4 juin, etc.

{Maillard de Chambuie, loc. cit. p. 549)


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Dates des premières réceptions

f. Debeugny, le 28 avril 1832.

f. Jolly, fils, le 17 février 1833.

f. Vranken, le 17 février 1833.

f. Delaporte, le 27 mai 1833.

f. Baron Ooppens, le 16 juillet 1833.

Le F. Jolly, Commandeur, a été reçu le 5 Mars 1819. De tout quoi, j'ai signé le présent procès-verbal, dont expédition conforme à la minute.

Dunkerque les jour, mois et an que dessus.

(Signé) : Le Cominr Jolly. (1)

Les Chevaliers reconnus par Paris ne sont qu'au nombre de six.

Cependant, bien d'autres avaient été reçus à Dunkerque en ces dernières années. Le Tableau que nous publions plus loin en donne la liste complète : Nous en comptons 37 admis de 1819 à Juillet 1833.

Par contre de 1833 à 1838 il n'est procédé à aucune, réception.

C'est qu'on ne s'entendait pas très bien dans le Convent de Dunkerque. D'après une note de Thélu, le frère Villiers s'était opposé à la réception du f. Vranken et s'était retiré. Voilà une défection que. nous pouvons enregistrer d'une façon certaine. D'autres avaient dû imiter son exemple car Thélu note qu'en 1850, on comptait vingt démissions sur soixante membres de l'ordre reçus depuis 1819.

Sans doute, nombre de ceux qui restaient, préféraient conserver les anciens rites sous lesquels ils avaient été reçus et continuer la tradition instaurée par le Prince du Mont Liban. Ils se considéraient comme faisant partie d'une commanderie régulièrement constituée, et ne voulaient pas' passer par les exigences des templiers parisiens. Certains n'avaient cédé qu'après de longues hésitations, témoin le Comte d'Halluin, reçu en 1822 sous le nom de Jean du Mont-Ararat qui n'accepta de passer aux Templiers parisiens qu'en 1834.

Jollv se décide enfin à se rendre à Paris à la fin de Septembre 1834. (2)

(1) Même dossier, pièce 11.

(2) Même dossier, pièce 10.


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Il y reçoit la consécration, rapporte les diplômes et à son retour à Dunkerque, procède à la réception définitive des Chevaliers.

Il écrit à Valleray, le 15 décembre : « Les frères dont nous avons emporté les diplômes sont consacrés. Leur voeu est signé de leur sang. Nous avons aussi dans des enveloppes' une mèche de leurs cheveux. Ces objets vous seront envoyés sous peu. » Il ajoute :

« Quant aux calomnies déversées sur l'ordre nous en faisons mépris et nous savons à quoi nous en tenir ». Ce qui nous prouve que la situation était pour le moins difficile.

Désormais les Chevaliers ne négligeront rien pour recruter de nouveaux frères. Mais ils n'accepteront que des personnes choisies qui devront solliciter leur affiliation. « Notre temple, ajoute-t-il, reçoit les décorations nécessaires, et dans quelque temps sa vue en inspirera ". (1)

Pendant quatre ans la situation semble se stabiliser. -

Aucun nouveau chevalier n'est reçu.

La correspondance avec la secrétairerie du Magistère, est interrompue. IL semble qu'une crise sévit sur l'Or-. dre.

Une lettre écrite à Jolly, le 25 décembre 1838 lui apprend-qu'un remaniement général se prépare. Les travaux du convent s'avancent. Le temps est venu de faire disparaître des codes templiers tout ce qu'ils renfermaient d'absolutisme, et il a été décrété souverainement que l'Ordre serait régi par les statuts de 1706 modifiés toutefois suivant les moeurs et besoins de notre époque. Le Magistère, composé d'un Grand Maître et de quatre Lieutenants généraux inamovibles sera ainsi que le Grand Précepteur nommé à l'élection. (2)

Le 20 Janvier 1840, les Chevaliers Templiers de Dunkerque, réunis dans le lieu ordinaire de leurs séances, ayant pris connaissance des nouveaux statuts de l'Ordre, votés et décrétés dans le Convent général de 1838-39, de leur propre volonté prêtèrent le serment de les suivre et de s'y conformer.

(1) Même dossier, pièce 9.

(2) Même dossier, pièce 8".


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Le Convent général dans sa séance du 26 Sivan 721 (8 Juin 1839) avait rendu un décret qu'avait promulgué le régent (1). Nous en extrayons les articles suivants qui nous montrent quel esprit animait alors les Néo-Templiers :

ARTICLE 1er. — L'Ordre du Temple est une institution chrétienne . et chevaleresque, religieuse, hospitalière et tolérante. Sa morale est celle des Saints-Evangiles, base de toute vérité. Le Grand Maître et le Primat de l'Ordre,ne peuvent être choisis que parmi les chevaliers qui pro. fessent la religion catholique, apostolique et romaine.

ARTICLE 3. — L'élévation aux honneurs de la, Chevalerie est le complément de l'initiation donnée par l'Ordre.

ARTICLE 6. — La Chevalerie supposant la noblesse, l'ordre reconnaît comme noble tout homme de bonne éducation vivant honorablement ou exerçant une profession libérale. (2)

Au cours de leur séance du 20 janvier 1940, les Tem' pliers dunkerquois désignèrent à l'unanimité comme député le Commandeur de Valestivaud.

En transmettant ces votes, Jolly envoyait une liste des dignitaires nommés le même jour pour remplir certains emplois vacants. La voici :

ORDRE DU TEMPLE Commanderie de Dunkerqae

A la plus grande gloire de Diëu.-

1er CONVENT

Extrait du Registre des Séances, le 20 Janvier 1840

Il est décidé de pourvoir à plusieurs places vacantes.

Les scrutins désignent :

Le S. Prieur f. Cary (inconnu)

Chancelier Delaporte

. Chapelain Jolly fils

Conservateur Everaert (inconnu)

L'Hospitalier Vranken

(1) Le Grand Maître Bernard-Raymond Fabré Palaprat, étant décédé à Pau; le 18 février 1838, une Commission executive avait été nommée le 18 mai, ayant à sa tête comme régent Charles Fortuné de Moreton et Chabrillan.

Le nouveau Grand Maître qui fut élu ensuite, Guill. Sydney Smith mourut à Paris, le 26 mai 1840.

(2) Décret signé par le Ministre de.l'ordre, Grand-Précepteur F. Jean de Nord-Amérique (Maillard de Chambure, loc. cit. p. 130). . .


194 —

(1) Même dossier, pièce 6.

(2) Voir plus loin : Document 4... la copie de ce diplôme.

(3) Même dossier, pièce 3, 26 Avril 1841,

Trésorier Maerleyn (inconnu)

Mre des Cérémonies Piedfort (inconnu)

Secrétaire Angellier (inconnu)

Les Chevaliers nommés acceptent et sont proclamés,

EXTRAIT POUR ETES VERSE DANS LES BUREAUX DU MAGISTÈRE.

(Signé) : Louis de Dunkerque, Jolly. (1)

Cette mention « INCONNU " portée à l'encre rouge sur la pièce, nous prouve que de nouvelles réceptions de Chevaliers avaient été faites à Dunkerque sans que la Grande Maîtrise en eût été informée. La Commanderie deDunkerque, cherchait donc — malgré les efforts de Jolly à s'affranchir complètement de la tutelle de Paris.

La situation fut toutefois régularisée par la suite, puisque ces Chevaliers reçurent leur diplôme de Paris et que le Diplôme de Dunkerque préparé pour Cary resta entre les mains de Jolly. (2)

Ce dernier écrit, en effet, le 26 Avril 1841 « au Ministre- Grand Sénéchal, secrétaire Magistral et Député du Convent de Dunkerque, M. Alexis de Lapeyrouse de Va. lestivaud, rue de Malte, 16, à Paris », qu'il a bien reçu les diplômes, et que tous les Chevaliers s'applaudissent de voir qu'il n'y a plus qu'un seul gnon où seront désormais réunis tous ceux qui composent l'Ordre. Grâces soient rendues aux médiateurs. L'adhésion des Dunkerquois est complète" ; tous acceptent ces sages mesures ». (3) Deux fractions de l'Ordre s'étaient donc fusionnées.

Un long silence... Jolly s'en excuse auprès de A. Raoul, Grand Croix de l'Ordre, ministre chargé de la Grande Sénéchaussée. Ce silence n'est dû qu'à des absences fréquentes qui ont pu lui faire croire que les dunkerquois avaient oublié qu'ils étaient Chevaliers Templiers: Cette lettre vient lui prouver le contraire et lui donne l'état actuel du Convent de Dunkerque :

« Les frères présents sont Jolly père, Jolly fils, Delaporte, Maerleyn, Carry, Moleux, Angellier, Coppyn, Vandeveene, Peeters, Loréton, Boo, Fillion et Mangin. Les huit derniers sont sans diplôme et désireraient bien


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en avoir. Quelques autres, non porteurs de diplômes, viendraient aussi dans notre Convent, s'ils ne craignaient que le prix n'en fût trop élevé "

Il est à présumer qu'à partir de ce moment, toutes les relations furent rompues avec Paris, car l'état dressé plus tard par Thélu nous prouve qu'un certain nombre de ces derniers frères tels que Peeters, Boo, Vandeveene, n'eurent qu'un diplôme de Dunkerque. Ces diplômes avaient été' lithographies par Brasseur. Nous donnons plus loin le texte de celui qui fut délivré à Thélu, reçu le 26 mai 1849. On y remarque en tête les deux signes que nous avons signalés plus haut, signes qui figuraient su]- les brefs produits par le Prince du Mont Liban. Les 'Templier dunkerquois les avaient donc conservés jusqu'à la fin.

Au 20 Janvier 1850, d'après une statistique .dressée par Thélu (1) on comptait depuis la fondation de l'Ordre en 1819 :

Morts .23

Démissionnaires 20

Membres actifs 13

Servants 2

Jolly père mourut en mars 1851. (2)

Après lui, l'institution ne pouvait que décliner.

Jusqu'en 1854, à notre connaissance, le Convent de

Dunkerque procéda encore à la réception de quelques

Templiers.

(1) Au dos de cette pièce,, une note" de Thélu indique comme faisant partie des Templiers de Paris :

M. de. Chabrillant, rue Ville Lévêque.

M. Du chêne.

M. Noce, conservateur de la Bibliothèque Nationale qui a chez lui une Bibliothèque maçonnique qui est d'une très grande valeur.

M. Ragon, chez M. Bastide (fondateur des Trinosophes).

M. Petit, général commandant les Invalides.

M. le Baron Rodschild (sic) rue Lafitte 15.

M. James (sans doute James Rothschild).

(2) Jolly, agent comptable du chauffage militaire décédé rue du Lion d'Or, le 12 mars 1851, âgé de 76 ans. Signèrent l'acte de décès : Joseph-Michel-Gabriel Herpreek, marchand de drap, âgé de 49 ans, cousin du défunt, et Charles-Louis Peeters, maître tailleur âgé de 46 ans. (Etat-Civil de Dunkerque)..


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A la fin de cette année, le nombre des Chevaliers depuis la fondation en 1819 se montait à 66. (1)

Nous avons exposé dans un chapitre précédent les difficultés dans lesquelles se débattaient alors les loges dunkerquoises.

En 1858, la VERTU et la TRINITÉ furent obligés de se fusionner.

. C'est à cette date ultime, que nous pouvons donc fixer la désagrégation du Convent des Templiers.

Quand, à leur tour, la VERTU ET TRINITÉ RÉUNIES, furent obligées de liquider, parmi les trente-huit frères figurant sur les états qui furent alors produits, nous n'en trouvons plus que quatre qui- pouvaient se prévaloir du titre de Chevalier Templier.

Peeters Toussaint, 33e, maître tailleur, qui était alors allé se fixer à Paris.

Hergoux Louis, coiffeur et marchand de nouveautés, dont le magasin se trouvait à l'angle de la rue de "l'Eglise et' de la rue de la Maurienne.

Florent Désiré, peintre et photographe.

Quenet-Blary Simon, marchand de bois, qui fut plus tard vénérable de la Vertu et mourut comme nous l'avons vu à un âge avancé en 1891.

Il fut vraisemblablement le dernier survivant des Templiers dunkerquois.

Au cours dé ce demi siècle d'existence, les Templiers ne se livrèrent à Dunkerque à aucune manifestation extérieure.

La population- soupçonnait-elle, même leur existence ? Il est permis d'en douter. Quelles questions capitales furent agitées à l'intérieur de leur Convent ? Nous l'ignorons. Mais nous connaissons tout au moins lès cérémonies auxquelles ils se livraient pour l'ouverture de leur chapitre ou la réception d'un nouveau Chevalier, grâce à un petit manuscrit, laissé par l'un d'eux, et que nous reproduisons ci-après in-extenso.

Et quand nous nous figurons, le coiffeur du coin, et le tailleur d'en face, drapés d'une robe blanche, revêtue elle-même d'un grand manteau de même couleur orné de

(1) Voir plus loin : Document 6, le Tableau dressé par Thélu, des Chevaliers reçus dé 1819 à 1854.


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la croix rouge, le front ceint de laurier, éperonnés, l'épée au côté, l'anneau de religion au doigt, procédant à leurs, cérémonies. avec un sérieux imperturbable ■— car ils étaient convaincus de la grandeur de leur mission — nous ne.pouvons pas nous empêcher de sourire.

Si Jolly père, qui semble avoir été le membre le plus actif, le grand animateur du Temple dunkerquois, déclare dans une de ses lettres mépriser les calomnies qui sont déversées sur l'Ordre, sans doute visait-il les sarcasmes que devaient leur décocher les maçons des autres loges, qui regardaient d'un mauvais oeil ces cérémonies qui pouvaient jeter le ridicule sur leur institution. Les maçons sérieux, déploraient, écrit Albert Lantoine a les inventions de ces rêveurs et de ces roués qui, fondant des obédiences nouvelles décoraient leurs adeptes des titres les plus abracadrabrants et extrêmement flatteurs. Contrairement au royaume des Cieux, il y avait trop d'élus dans le Temple de Salomon ». (1)

Aussi nous comprenons ces amères réflexions de l'un d'eux :

« La. Franc-Maçonnerie est issue des Croisades, disent les partisans de Grades Chevaleresques...- à merveille pour ceux que la vanité pousse à se faire affubler d'une tunique, d'un casque et d'un titre de CHEVALIER D'ORIENT, CHEVALIER DE. PALESTINE, PRINCE DE JÉRUSALEM, CHEVALIER DU SAINT-SÉPULCRE, etc., etc.,, et des médailles, des croix', des broderies à bon marché !

Quel malheur que l'on soit obligé de ramasser tout cela dans un portefeuille en sortant du Temple, et que l'on n'en puisse étaler le moindre fragment sur les boulevards. O faiseurs de grades, auteurs d'instructions prétendues historiques, charlatans de maçonnerie, à qui prétendez-vous faire croire que de gentils hommes au Moyen-Age, au temps où la noblesse était le' premier ' corps social, ont inventé un apprentissage, un compagnonnage, et une maîtrise avec un tablier, un compas, une équerre, une truelle et un levier ? Car il faut bien débuter par là avant de devenir Chevalier où Prince 1 » (2)

(1) .A. Lantoine. —'- Article Franc-Maçonnerie, in L'Histoire, la Vie et les Moeurs, etc.. Cite plus haut, p. 16.

(2) Grand Dictionnaire Larousse.. — Article Franc-Maçonnerie.


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Nous trouvons toutefois, sinon excuse, du moins une explication aux agissements de nos Templiers.

Au temps où leur Convent était le plus florissant, le ROMANTISME battait son plein. "Et ne' l' a-t-on pas défini « un mouvement mystique, procédant du besoin de Finfini, et répondant à un effort inconscient du XIXe Siècle pour créer la morale de l'avenir » ? (1)

Il nous faut tenir compte de cette ambiance, de l'influence que pouvait exercer la littérature du moment, avec ses romans à la Walter Scott-, sur l'imagination d'orgueilleux ou de naïfs, qui se laissèrent entraîner dans des entreprises plus ou moins chevaleresques, en se croyant appelés à de hautes destinées. -

« La Franc-Maçonnerie disait un jour le mathématicien Lagrange à l'Abbé Grégoire, est une religion avortée ». P. Le Forestier qui cite cette phrase, la fait suivre du commentaire suivant : « Comme les autres systèmes religieux, elle s'adresse au sentiment et à l'imagination. Comme eux encore elle prétend conférer à ses fidèles une dignité particulière et les marquer d'un signe indélébile. Elle vise à régner la souveraine sur leur esprit et leur coeur, à leur donner une règle de vie. Elle les réunit à dates fixes pour qu'ils se livrent ensemble à des pratiques de dévotion et qu'ils puisent dans ces réunions un nouveau zèle pour appliquer dans le monde les principes qui leur ont- été enseignés dans le Temple ». (2) Sous cet angle nous comprenons mieux- qu'ils se soient adonnés à des cérémonies.ou des exhibitions-que l'on a qualifiées de CARNAVALESQUES (3) ,

Si M. Albert Lantoine leur a appliqué ce qualifiatif, M. Le Forestier ne s'est pas montré plus indulgent à leur égard

« La Franc-Maçonnerie des hauts grades avec ses bourgeois déguisés en chevaliers juifs, ses croisés hono(1)

hono(1) Joussam. — Les sentiments et l'intelligence. — Bibl. philos, scientifique 1930.

' (2) R. le Forestier. — Les plus secrets mystères des hauts grades... Thèse complémentaire, Lettres, Paris 1915.

(3) « Cette société maçonnique qui. vit le jour au début du XIXe Siècle, et en occupe toute la première moitié de ses prétentions et exhibitions' carnavalesques... » a écrit M. Albert Lantoine dans son Histoire de la Franc Maçonnerie, 2e édition, p. 276.


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raires, ses souverains de comédie, ses alchimistes et ses théurges d'opérette, est la plus chatoyante et la plus burlesque des mascardes. » (1)

Les pages suivantes dans lesquelles nos lecteurs trouveront un spécimen des cérémonies pratiquées chez les Templiers dunkerquois, leur permettront de juger si les appréciations de ces deux auteurs est justifiée.

(1) R. Le Forestier. — Les plus secrets mystères des hauts grades de la Maçonnerie. — Th. Lettres Fac. Paris 1914, p. 55.


Réception de Templier Profès 1852. An 734 de l'Ordre( 1)

Formule de Convocation pour les Templiers

Magnanime Chevalier,

D'après l'ordre exprès de notre éminent Grand Maître, je vous convoque en armes pour le chapitre général, le Samedi vingt-cinq du mois de Septembre 1852, à 6 heures du' soir.

Le Beffroy de la Grande Tour sonnera pendant un quart d'heure, après quoi les ponts seront levés et vous ne serez plus admis.

Mes sentiments pour vous, vous sont connus.

LE GRAND CONNÉTABLE. (2)

(1) Reproduction intégrale d'un manuscrit laissé par Constant Thélu.

(2) Thélu avait conservé la convocation qui lui avait été envoyée pour sa réception et celle du f. Harsvard. Elle est conçue suivant la même formule ; seule la date est ehangée (le jeudi vingt-quatre du mois de mai 1849 à sept heures du soir.

Signé : Pour le Grand Connétable : Jolly.

Elle porte le sceau suivant :

Il est vraisemblable que ces convocations manuscrites n'étaient adressées qu'aux seuls récipiendaires. Nous possédons, ©n effet, quelques formulés imprimées ainsi rédigées :

La Trinité 0. de Dunkerque

L.-. Fr. et Ecoss. Chap. et Consist.

Le Chap. des Templiers s'assemblera le 19 d'Octobre m. 1850 à 7 heures ,du soir pour réception du F. Quenet et du F Burden. Le V. M. vous prie de vous y trouver muni de vos A. Votre affectionné F.- Le Secrétaire Le papier plié en forme de triangle était scellé à la cire et portait au dos le nom du destinataire.


— 201 — Ouverture du Chapitre de l'Ordre du Temple

Le Grand Maître arrivé dans la salle d'armes, et tous les chevaliers rassemblés, chacun se.revêtira de son habit, le porte oriflame marchera devant avec deux Chevaliers à ses côtés, ayant l'épée haute. Les Chevaliers marcheront deux à deux sans armes et par rang d'ancienneté, les plus anciens les derniers ; ensuite le Grand Connétable, l'épée haute tout seul, les Grands Officiers ensuite, suivant leur rang et deux à deux, et le Grand Maître le dernier.

Les servans d'armes entreront par la salle d'entrée et formeront la haye, l'épée au côté et la pique à la main. Chacun prendra sa place ainsi qu'il suit :

Le Grand Maître au trône.

Le Grand Connétable au rang de droite.

Le Grand Prieur au rang de gauche.

Le Grand Hospitalier au rang de droite.

Le Grand Chancelier à une table devant le Grand Maître, au bas de l'estrade avec un chevalier secrétaire d'office.

Le Grand Trésorier au rang de gauche.

Le Porte Oriflamme au milieu de la salle avec son enseigne.

Le Gouverneur de la Tour à côté de la porte en dedans.

Les servans d'armes feront la garde en dedans et en dehors.

Tous étant placés dans le plus grand silence.

Le Grand Maître dira :

« Magnanimes Chevaliers, Gouverneur de la Tour, avez-vous fait vos reconnaissances, et la forteresse estelle en sûreté du côté de l'ennemi ? » Le Gouverneur répondra :

« J'ai connaissance que l'ennemi s'éloigne et qu'il demande une trêve. Les gardes sont posées, la forteresse est en sûreté et je vais en remettre les clefs à notre illustre et puissant connétable ».

Le Grand Maître dit :

« Assurez-vous si tous les membres de cette assemblée sont de l'ordre religieux et militaire du Temple de Jérusalem ».


202 —

Le Gouverneur de la Tour fait le tour. Les ■ Chevaliers montrent leur s anneaux. Les servants, la lance de la main gauche, ont la droite sur le coeur. Il répond :

« Ils le sont, Altesse Eminentissime ».

Ensuite, le Grand Maître dit :

« Notre Aide soit du Seigneur qui a fait le ciel et la terre ».

Tous répondent :

« Amen ». Le Grand Maître dit :

« O Dieu bénis cette assemblée et répans sur chaqun de nous les lumières de la sagesse, qui éclaire et vivifie ». Tous répondent :

« Amen ».

Le Grand Maître dit après cinq minutes de recueillement :

« Célébrons l'Eternel de tout notre coeur dans la compagnie des hommes justes et magnifions son Saint Nom dans l'Assemblée de ceux qu'il a conduits dans la voie du Salut ».

Tous répondent :

« Que le nom de l'Eternel soit béni dès maintenant et à toujours ». .

Le Grand Maître dit :

« O Dieu, souviens-toi de ton assemblée que tu as acquise d'ancienneté et dirige la dans les sentiers de la Justice ».

Tous répondent :

« Amen ».

Le Grand Maître dit :

« Seigneur, avance ton bras sur les mazures de perpétuelle durée, l'ennemi a tout gâté au lieu Saint ».

Tous répondent :

« Surgat Dominus et fugiant inimici ante faciem Domini ». le Grand Maître dit :

« Tes adversaires ont blasphémé au milieu de tes temples, ils ont mis leurs enseignes pour enseigne ».


- — 203 —

Tous répondent :

" Surgat Dominus et fugiant inimici ante faciem Domini ».

Le Grand Maître dit :

« Et chacun d'eux se faisant voir coupant de leurs haches les bois-entrelacés ».

Tous répondent :

" Surgat Dominus et fugiant inimici ante faciem Domini ».

Le Grand Maître dit :

« Et maintenant avec, des cognées et des marteaux ils brisent ensemble ses entaillures ».

Tous répondent :

" Surgat Dominus et fugiant inimici ante faciem Domini ».

Le Grand Maître dit :

« Ils ont mis le feu à tes sanctuaires, et ont profané le Pavillon dédié à la Sainteté en s'abattant par terre ».

Tous répondent :

« Surgat Dominus etc....

Le Grand Maître dit :

« Ils ont dit en leurs coeurs : Saccageons les tous ensemble, ils ont brûlé tous les temples du Dieu fort sur la terre ».

Tous répondent :

«Surgat Dominus etc..

Le Grand Maître dit :

" O Seigneur, jusqu'à quand l'adversaire te couvrirat-il d'opprobre et méprisera-t-il ton nom à jamais ?

Tous répondent :

« Surgat Dominus etc..

Le Grand Maître dit :

" Ne retires pas ta main droite de dessus tes serviteurs, et ne nous range pas parmi les ouvriers d'iniquité, car tu es notre roi de toute antiquité et nous prenons plaisir à tes statuts »


— 204 —

Tous répondent :

« Surgat Dominus etc..

Le Grand Maître dit :

« Car nous n'habiterons pas avec l'ennemi, qui a blasphémé contre toi, et nous ne romprons -pas le pain avec les insensés qui ont- outragé ton Saint nom.

Tous répondent ;

« Surgat Dominus etc..

Le Grand Maître dit :

« Souviens-toi de tes serviteurs, et ne permets pas que l'ennemi ait l'avantage sur l'Assemblée de tes élus ».

Tous répondent :

« Surgat Dominus etc..

Le Grand Maître dit :

« Bénit soit le nom de l'Eternel qui nous a préservé du crime et' nous a mis en sûreté contre l'ennemi ».

Tous répondent :

« Amen. Amen,».

Après ce psaume, le Chancelier fait des propositions qui ont été remises sur la table. Elles sont discutées s'il y a lieu en chapitre. Autrement, le Grand-Maître nom,me des officiers à qui il donne commission d'aller les discuter dans la salle d'armes et d'en venir rapporter le résultat.

Si c'est une proposition de Candidat, il, charge le Grand Hospitalier de prendre les renseignemens nécessaires sur les articles exigés dans l'Ordre. Ensuite du compte qu'il rend, on demande l'avis des Chevaliers pour un servant d'armes, et l'avis des Grands, Officiers et des deux plus anciens Chevaliers pour un profès. Si un Chevalier profès demandoit un Conseil privé, le Grand Maître ordonnerait aux servans d'aller dans la salle d'entrée jusqu'à ce qu'ils soient rappelés, car dans aucun cas, des servans ne doivent assister aux conseils privés.

S'il y a réception de servans d'armes ou de Chevalier profès, on y procède.


— 203. — Réception d'un Chevalier Profès

Lorsqu'un Commandeur ou un Chevalier profès demandera l'avancement d'un de ses servans d'armes, c'est-à-dire la consécration à l'Ordre, il le fera toujours par une requête commençant par ces' mots :

" Notre aide soit au Seigneur qui a fait le ciel et la terre. Amen ».'

A Son Altesse Emmentissime, Notre Seigneur le Grand Maître de l'illustre et souverain Ordre Militaire et hospitalier du Temple de Jérusalem.

Monseigneur,

« Sur la satisfaction que nous avons éprouvée de la conduite précise et régulière du f... notre écuyer, de son exactitude, à remplir ses devoirs, et fidélité à ses voeux et à l'Ordre dont nous sommes garants, nous vous supplions de vouloir bien l'admettre" aux grands voeux par sa consécration de la profession comme une récompense de ses services et un encouragement au bien et à l'édifi-. cation de l'ordre.

Sur ce, nous prions le Tout-Puissant de combler votre Eminence de ses grâces ». ,

(Signer).

Le Grand Maître écrit au bas :

Soit communiqué au Conseil privé.

Cette requête est-remisé au Grand Chancelier, qui après le Chapitre prie le Grand Connétable d'assembler le Conseil privé qui est composé des Grands Officiers et des deux plus anciens chevaliers profès qui délibéreront sur la demande et écriront à la suite de la requête : - « Nous CONSENTONS » et signeront, observant toujours, de ne signer que le nom de Religion ; alors le Chevalier écrira au Chevalier proposant pour le prévenir que son servant a obtenu les suffrages de l'Ordre, et le prier de_ le préparer par de pieuses exhortations à recevoir la consécration qui doit le lier à jamais à une association sainte et composée d'hommes résolus à le protéger et défendre jusqu'à la mort s'il reste fidèle à ses voeux, et de le punir sévèrement s'il s'en écartait, et lui indiquera le jouidé la prochaine tenue du .chapitre où la consécration du


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candidat aura lieu. Pendant cet intervalle, celui-ci se préparera, et se pourvoira des choses exigées en pareil cas.

Le jour arrivé, le chapitre s'assemblera de la manière indiquée, et après le psaume, le chancelier profès présentera le candidat qu'il ira chercher dans la salle d'armes, le présentera aux pieds du Grand Maître qui le bé-. nira et lui donnera sa main à baiser. Ensuite, it le relèvera, et le Grand Maître lui fera un discours pathétique sur la grâce que l'Ordre lui fait, lui inspirera des sentiments de piété et de charité qui doivent l'animer, et ensuite le fera conduire par le Grand Hospitalier à un prie Dieu où. it se mettra à genou.

Ce prie Dieu doit être placé au bas .du Temple, en avant de la porte d'entrée et devant le Tabernacle.

Au haut de l'Estrade, il y aura une table couverte d'un drap blanc avec une croix rouge, où seront placés, le calice du vin et du pain coupé par .morceaux, l'assiette qui contiendra du coton et sa bague, un billet avec le nom qu'il aura pris, la Boête à l'Huile Sainte, une épée avec son ceinturon, deux éperons et le sautoire (sic) de l'Ordre avec la croix, un bassin avec une équerre, et une serviette dessus, et le livre du rituel de l'Ordre, sur un pupitre.

Le Grand Maître descendra du trône avec le Grand Connétable, le Grand Prieur, le Grand Hospitalier, le Grand Chancelier. Le Grand Prieur ouvrira le Rituel, et Je tiendra ouvert à côté du Grand Maître, à. l'article des

professions.

Alors le Grand Maître dira :

« Notre aide soit du'Seigneur s. Les"quatre Officiers répondront :

« Amen ». Le Grand Maître dira :

« Que le nom du Seigneur soit béni. Ils répondront :

« Amen ». .

Le Grand Maître dira :

« Que la Paix soit avec vous ».


— 207 —

Ils répondront; :

« Amen ». Le Grand Maître, dira :

« Prions mes frères.

« O Dieu tout puissant, qui nous a créés pour l'adorer « et te servir, répans sur nous tes bénédictions saintes, " et qui par ta grâce efficace, fais brûler nos âmes de « cette charité ardente que tu nous recommandes les uns « envers les autres, afin qu'après avoir été agréables « dans cette vie, nous obtenions la récompense que tu " as promis à tes Elus dans l'autre. Amen ». Le Grand Maître continue :

" Prions mes frères.

« Esprit céleste, O Dieu éternel et Tout Puissant, qui nous a réunis pour ta plus grande gloire, nous évertuer à une sainte perfection 1, et à l'édification de nos frères, inspire nous les sentimens d'amour, de fidélité et de courage que tu demandes aux soldats qui combattent sous ta bannière et particulièrement notre cher frère... ici présent, afin que pénétré de la sainteté de l'engagement qu'il va former, il ne cesse pas dans tous les cours de sa" vie sur la terre de te glorifier et travailler à l'avancement de la foie (sic) et à la propagation des oeuvres de la charité dont tu as fait le" premier précepte aux hommes qui se dévouent à ton service et au bonheur de leurs frères.

« Amen.

« Daigne, O Dieu tout puissant, répandre ta bénédiction sainte sur ces signes matériels, de notre dévouement à ton service afin que le nouveau soldat que nous allons offrir à ta gloire ait toujours présent à la mémoire qu'il n'est dans ce monde que pour combattre les vices, soutenir et protéger la vertu, et enfin obtenir la couronne d'honneur dont tu ceins le front de tes élus. Amen ».

Alors le Grand Maître retournera au trône, et les Grands Officiers ci-dessus dénommés iront chercher le candidat, et l'amè fieront au pied de l'estrade où il se. mettra à genoute, les deux mains croisées sur la poitrine, en s'inclinant profondément. Son Chevalier restera debout à côté de lui. Le Grand Maître lui dira :

« Loyal Chevalier que demandez-vous ? »

Le Candidat répondra :

« Seigneur, la grâce de me lier à l'illustre Ordre dont


- 208 —

vous êtes après Dieu le digne chef, et combattre sous sa bannière tant qu'il plaira au Seigneur me conserver la vie ».

Le Grand Maître lui dira :

« N'avez-vous rien trouvé dans les cours de votre noviciat, qui ait répugné à votre esprit et avez-vous toujours rempli avec humilité et obéissance les devons qu'on a exigés dé votre zèle ? »

Le Candidat répondra :

« Seigneur, les devoirs qu'on a exigés de moi, sont trop honorables pour une belle âme et un coeur pieux pour ne pas exciter à la vertu et au désir de contribuer d'une manière efficace à la Gloire de Dieu et au bonheur de nos semblables. J'ai mis tout mon zèle à les remplir avec exactitude et je n'ai jamais éprouvé une si grande satisfaction intérieure que depuis que je nie suis voué à la défense de la foi et au soulagement des malheureux, et je prie Dieu de me soutenir dans cette résolution ».

Le Grand Maître , :

« Etes-vous bien résolu de sacrifier vos plus chères affections mondaines à la fidélité que l'ordre exige de vous, pour sa gloire et sa prospérité? »

Le Candidat :

« Oui Seigneur ».

Le Grand Maître :

« Renoncez-vous à tous les avantages des grandeurs de ce monde pour les reporter uniquement à la Gloire de Dieu, au bonheur de vos frères ? »

Le Candidat :

« Oui Seigneur ».

Le Grand Maître :

« Etes-vous bien décidé à entrer dans une associationsainte où tout est commun comme religieux, militaire et défendre votre patrie et l'Ordre de tous les moyens que la Providence vous a donnés ? »

Le Candidat :

" Oui Seigneur »,


- 509 —

Le Grand Maître :

« Connaissez-vous les cinq bases sur lesquelles l'institution de l'Ordre est fondée ? » Le Candidat :

« Oui Seigneur, ce sont la Foi, la Charité, le Courage, la Fidélité et la Discrétion ». Le Grand Maître :

« Serez-vous capable d'observer le secret qu'on exige de vous ? »

Le Candidat :

« Oui Seigneur, au péril de ma vie ».

Le Grand Maître :

" Promettez-vous de défendre l'Ordre de tout votre courage' et de servir vos frères dans la maladie ou dans l'infortune de tous vos moyens ? » Le Candidat :

« Je le promets Seigneur ». Le Grand Maître :

« Promettez-vous de menez une vie exemplaire de vertu, de charité, et de sobriété, de protéger le faible, la veuve et l'orphelin, de soulager les malades et les blessés, de pourvoir à leurs besoins avec les secours que vous confiera l'Ordre et de les répandre avec fidélité et intégrité ? »

Le Candidat :

« Je le promets Seigneur ».

Le Grand Maître :

« Promettez-vous foi et hommage au Grand,Maître, représentant de l'Ordre, Discrétion et Fidélité à la Société dans laquelle vous allez être admis, et appui à tous vos frères ? » Le Grand Maître :

« Je le promets Seigneur ».

Le Grand Maître :

« Promettez-vous de défendre de tout votre pouvoir la réputation de l'Ordre et de vos frères, et de vivre en union sainte et sociale avec eux, et de leur rendre tous les services que vous aurez droit d'exiger d'eux ? »


— 210 -

Le Candidat :

« Je le promets » Le Grand Maître :

« L'assurance que vous nous donnez de votre vocation nous comble de joie, vos désirs seront satisfaits, et nous allons procéder à votre consécration ».

Le Grand Maître :

« Notre Aide est au Seigneur qui a fait le ciel et la terre ».

Les quatre Officiers répondent :

« Amen ». Lie Grand Maître lui coupe une mèche de cheveux et dit :

" Beçois Seigneur, ce sacrifice d'humilité et d'obéissance, et fortifie ton serviteur dans le chemin de la foy. Les quatre Officiers répondent :

« Amen ».

Le Grand Maître prenant la boète à l'huile sainte lui en met légèrement sur la tête en disant :

« Défenseur de la foi, recevez cette onction sainte comme un baume salutaire qui doit vous préserver des blessures du vice, vous conférer la vertu des pieux hospitaliers, et"vous rendre inviolable aux attaques du crime ; Vous vous appélerez dorénavant : [on donne ici le nom de religion] ». Les quatre Officiers répondent :

« Amen ». Le Grand Maître :

« Mon frère, revêtez-vous de cette robe, que sa blancheur vous rappelle sans cesse la pureté et la candeur qui doivent régner dans vos actions, l'innocence de vos moeurs devant Dieu et votre prochain ; ne la souillez jamais du crime et conservez sa couleur sans tâche afin de donner un plus grand éclat à ses bonnes oeuvres ». Les quatre Officiers répondent :

« Amen ». Le Grand Maître :

«Je vous revêts de ce manteau, la couleur de sa croix, couleur de feu, vous rappélera l'ardente charité dont vous devez brûler pour vos semblables ; Elle est aussi


— 211 —

l'emblème de la Noblesse que vous acquérez en devenant membre de notre Illustre et Saint-Ordre. Bappelez-vous que si l'oriflamme nous était enlevé par l'ennemi, il doit vous servir pour vous ralier aux Chevaliers de l'Ordre et vous exciter mutuellement au courage et aux vertus que vous avez promis de professer ». Les quatre Officiers répondent :

"Amen ». '

Le Grand Maître tenant l'Epée dans ses mains :

« Mon frère, recevez cette épée. Elle est le signe de ' l'honneur et du courage que vous devez mettre à défendre Dieu' et la Patrie et à venger les outrages faits à l'Ordre dans la personne de vos frères, à protéger l'innocence et la faiblesse et à repousser le crime et l'opression ».

Les quatre Officiers répondent :

« Amen " .

Le Grand Maître lui en donne un coup sur chaque épaule, la, lui ceint, et le candidat lui baise la main. Ensuite le Grand Maître lui présente les deux éperons en lui disant ;

« Grand Connétable, chaussez ces éperons de notre frère. Ils sont l'attribut de sa dignité de Chevalier de l'Ordre religieux et militaire dû Temple de Jérusalem.

« Rappelez-vous mon-frère, de ne jamais rien faire qui puisse vous dégrader de cette noble qualité, et qu'ils soyent toujours le signe qui doit vous rappeler que vous devez sans relâche avancer dans le chemin de la perfection," et mettre en fuite le vice qui est notre ennemi commun ».

Les quatre Officiers répondent :

« Amen ».

On fait apporter l'orifldme au\ trône.

' VOEUX :

Le Grand Maître :

a Mon frère, dites avec moi : »

Le Candidat :

« Seigneur, écoute ma voix, et que mes voeux parviennent jusqu'à toi.


— 212

« A la Gloire de Dieu tout puissant, Eminent Seigneur, et vous Chevaliers Eminens.

« Je promets et fait voeux de m'unir, dès à présent, et pour toujours à l'ordre des frères Chevaliers du Temple institue pour la défense de la foi et le soulagement de m'es semblables. Je promets fidélité et" soumission à la règle qu'il prescrit pour l'observer avec zèle et exactitude. Je jure fidélité à la patrie, et obéissance au Grand Maître qui gouverne l'Ordre en Erance, je voue ma personne et mes biens à la. défense de la religion de mon pays et au soulagement de mes frères. Je promets d'honorer mes supérieurs et leur obéir et de garder fidèlement et au péril 'de ma vie le secret de l'existence de l'Ordre et de tout ce qui y est relatif, tant qu'il le jugera convenable, et"m'en rapporte au surplus à mes promesses précédentes. Amen ».

Le Grand-Maître le décore du Cordon et. de la Croix, tous les Chevaliers présents crient :

« VIVE DIEU ET SAINT AMOUB ».

Alors le Grand-Maître fait tenir le poêle de l'Ordre sur la tête du Candidat, va chercher l'assiette au est l'anneau de religion et la couronne de laurier, il lui pose la couronne sur la tête en lui disant :

« Vous avez mérité cette couronne d'honneur. Continuez à servir Dieu, la vertu et votre Patrie, pour mériter celle d'une gloire plus solide qui vous attend ».

. Ensuite il prend l'anneau et le lui met au troisième doigt de la main droite en disant :

« Mon frère, recevez cet anneau que vous né devez jamais quitter ; il vous lie à l'Ordre illustre des Chevaliers du Temple d'une manière sainte et indissoluble .; qu'il vous rappelle sans cesse la' fidélité que vous lui avez jurée, et les promesses que vous avez faites d'être fidel (sic) observateur de la .règle. Il vous fera connaître dans les dangers et ralliera auprès de vous dans le péril les Chevaliers "vos frères qui tous vous doivent secours et protection ».

« Sur ce, je vous bénis au nom de Dieu Tout Puissant et le prie de vous combler de ses grâces, et vous constitue CHEVALIER, PROFES de l'Illustre Ordre des Chevaliers du Temple, surnommé KADOSH de'l'étroite observance ».


— 213 —

Le Grand Maître fait le signe en portant ses deux mains sur' la poitrine et les avance la main ouverte, la paulme en dehors embrasse le candidat en disant :

« A Thanna thos Eleyson ». Le Candidat répond :

« La Paix du Seigneur soit avec vous ». Le Candidat placé sur son siège, le Grand Maître dit :

« Magnanimes Chevaliers, vous êtes priés "de reconnaître pour toujours le frère pour Chevalier

profès de notre Ordre, et remplirez à son égard les observations prescrites par vos voeux ».

Le Chancelier prononce un discours sur la circonstance, et l'excellence de l'Ordre, après quoi le Grand Maître se rend auprès de la table où le Gouverneur lui présente le bassin, le Grand Hospitalier la serviette, et un servant prend l'éguière et lui verse de l'eau sur les mains ; après s'être essuyé il étend les deux mains sur le vin en disant :

« Mes frères louons Dieu ». Tous répondent :

« Amen ». , Alors le Grand Maître dit :

« Seigneur, daigne bénir ces substances .pour servir â la Communion mystique de tes serviteurs réunis en communauté pour louer ton Saint Nom, être l'emblème de l'Union de nos coeurs et de nos volontés, et le signe sensible de notre charité mutuelle. Amen ».

Après cette courte prière, le Grand Maître donne à chacun un morceau de pain en disant à chaque chevalier :

« Mon frère, prenez et mangez cette substance nourrissante en signe mystique d'union fraternelle, de communauté d'affection et de charité, et rendez grâce à Dieu au milieu de ce temple ». Quand tous ont mangés du pain, il prend le Calice et dit :

« Mes frères, prenez ce calice et buvez ce qu'il contient ; c'est le cordial mystérieux qui doit .vous rappeler le courage qui vous anime, pour sortir de la faiblesse où languit le commun des hommes et nous fortifier contre l'ennemi des vertus que nous professons, rendez grâces à Dieu au milieu de son temple ».

On observera que chaque chevalier baisera la main du Grand Maître, en recevant le pain et le calice, en signe de reconnaissance et d'hommage pour le Chef de l'Ordre,


- 214 -

Les Chevaliers profès et les Officiers seuls, 'prenderont le Galice à la main, les servans ne doivent pas y toucher, et le Grand Prieur leur présentera à boire en disant ce qui est écrit plus haut. Après la Communion, ou après les repas conventuels, le Grand Maître remonte au trône et dit :

« Louons Dieu mes frères ».

Tous répondent :

« Amen ». Après quoi on commencera ainsi :

« Célébrons l'Eternel, car il est bon, et sa gratuité est grande par dessus toute chose ».

Tous répondent ensemble :

« Car il nous a rassasiés de ses biens et nous a fortifiés d'une boisson de sagesse ».

Le Grand Maître :

«-Célébrons donc l'Eternel, car il est bon et sa gratitude est grande par dessus de toutes choses ».

Tous ensemble :

" Seigneur, tu es béni, et ton nom est saint par dessus toutes les puissances des cieux et de la terre » Le Grand Maître :

« Que rendrons-nous à l'Eternel pour ses bienfaits sur nous, et quel hommage offrirons-nous à Sa Sainteté .?

Tous ensemble :

« Nous prendrons la Coupe de louanges et nous lui offrirons des sacrifices d'actions de grâce en invoquant le nom de Sa Sainteté ».

Le Grand Maître :

« Louons donc l'Eternel, car il est bon, et sa gratitude est grande par dessus toutes choses »:

Tous ensemble :

« Amen. Amen ». -

A la fin de ce psaume, s'il n'y a rien à proposer, le Grand Maître se lèvera et fera la clôture en disant :

CLOTURE

« Notre aide soit au nom du Seigneur qui a,fait le Ciel et la Terre ».


— 218 —

Tous répondent :

« Amen ». Le Grand Maître dit :

« Que le nom du Seigneur soit bénit ». Tous répondent :

« Amen ».

Après quoi il donne le baiser de paix au Grand prieur qui va le donner à un Chevalier qui le rend à son-voisin, ainsi de suite. l

Le Chevalier de service vient le prendre lui-même du Grand , Maître pour le donner aux servans d'armes, qui se le transmettent de l'un à l'autre. Ensuite le Grand Maître étend les mains sur l'Assemblée en disant :

« O Dieu, répands tes bénédictions célestes sur cette assemblée, afin que toutes nos actions soient pour ta plus grande gloire et, notre édification mutuelle.

« Allez en paix et n'oubliez pas nos frères dans l'infortune ».

Il fait le signe d'accueil et de charité et tous se retirent dans le même ordre, qu'on est venu, excepté qu'alors le Grand Maître marche le premier.

En s'en allant, chacun met, selon ses facultés, dans le tronc qui est attaché d'une manière fixe au seuil de la porte d'entrée.


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ANNEXES

Document 1

Nous Princes Trinitaires de Palestine, Grands Maîtres de l'Orient et de l'Art Boyal, Commandeurs, Grands Officiers de l'Illustre et Souverain Ordre des Chevaliers religieux Hospitaliers et Militaires du Temple Saint de Jérusalem, des Kadosks de l'étroite observance, à tous nos frères éclairés dans,nos mystères, qui verront ces présentes, Salut et Paix du Seigneur par les signes les plus sublimes.

Savoir faisons que ce jour d'hui, le chapitre général assemblé dans la salle du Tabernacle, le Prince EMANUEL DU MONT LIBAN, Eminent G.M. de l'Ordre en * * *', y étant, il nous a fait part de la nécessité où il était pour la Gloire de Dieu, et le bien général, de se mettre en voyage et parcourir les deux hémisphères pour y visiter nos forteresses, en construire de nouvelles où il le jugera convenable, faire de nouvelles alliances pour nous renforcer contre l'ennemi, porter- secours et consolations à nos frères, réunir et ramener ceux qui ont été égarés après les combats, traiter de la rançon de nos guerriers retenus en captivité, régler les escortes des pèlerins, et enfin réparer complètement et donner de nouveaux embellissements à tous les Temples et Hospices qui appartiennent à l'Ordre, et suivent nos constitutions fixées par les privilèges à nous accordés par le feu Boi Jacques VI d'Ecosse et Ier d'Angleterre de glorieuse mémoire, qui depuis 121 ans sont retirées des ruines où elles avaient été ensevelies, A CES CAUSES, le Chapitre général prenant en considération les motifs qui nécessitent ce voyage, a décidé qu'il serait fait à notre Eminent Seigneur et Souverain G.M. l'hommage d'un don de Foi, d'Espérance et de Charité, tiré du trésor de l'Ordre et qu'il lui sera donné pour escorte la force, la puissance et la sagesse qui ne doivent pas le quitter. En conséquence nous prions tous nos frères d'en faire dp même à- l'égard des Chevaliers qui viendront de leur part, munis des attributs de leur souveraineté et illustre caractère.


— 217 —

En foi de quoi, nous avons signé les présentes, et nous y avons fait apposer le sceau de l' Ordre par notre très prudent garde des sceaux.

Donné en * de sous les 20e degrés de longitude et les 48e degrés 50 minutes, 10 secondes de latitude, Fan de grâce 1800 de la fondation de l'Ordre le 900e et de sa restauration le 121e.

Signé * * * Signé * Signé * * Pour Copie Conforme :

Le Gd Connétable,

PLANTEFEBRE

Le Gd Commandeur, JOLLY

Le Gd Chancelier,

DEBEUGNY

(Sceaux de l'Ordre et du Chancelier)

Le signe remplace des caractères hiérglyphiques que nousne pouvons pas reproduire. i

Arch. Nationales A.B. XIX 14.6, Convent de Dunkerque.

15


— 218 -

A la plus grandt gloire de Dieu

et à la perfection de toutes les vertus et subhmes sciences

Frère Emmanuel du Mont Liban,

par la divine providence Prince de Palestine, Grand Maître en * de l'illustre et antique ordre des Chevaliers trinitaires, militaires et hospitaliers du Temple de Jérusalem, Grand Maître Inspecteur de l'art royal en tous ses degrés.

A tous les grands Dignitaires, Administrateurs Commandeurs et Chevaliers composent les chapitres de ** suivant nos constitutions et régies.

Salut par les liens de notre amour paternel.

SAVOIR FAISONS que voulant donner aux chevaliers composant le chapitre de la Bespectable Loge de la Trinité établie à Dunkerque, lieu de notre résidence actuelle, une preuve authentique de notre affection pour les marques multipliées qu'ils nous ont données, de leur zèle et dé leur attachement à notre personne, A CES CAUSES., en vertu de notre autorité et de notre dignité de Grand Maître, chef souverain de l'ordre en * et de l'avis de nos très chers et affectionnés frères composant notre conseil privé, avons érigé, comme nous érigeons par 'ces présentes à perpétuité, le dit Chapitre en Commanderie, sous le titre de la TRINITÉ, avec les prérogatives-, préhéminence et honneurs attachés au chef lieu d'ordre, ou chapitre métropolitain, à cause de notre résidence au dit Dunkerque, nous réservant son administration pendant la durée de notre présence, le tout après nous être assuré de leurs vertus religieuses et sociales, ainsi que de leur attachement et de leur fidélité à la patrie, et après avoir prêté serment sur le livre des constitutions de suivre fidèlement et strictement la.règle de F Ordre, telle qu'elle fut approuvée par le feu roi Jacques VI d'Ecosse et 1er d'Angleterre, de glorieuse mémoire, de n'y admettre que des personnes ayant les qualités requises, après noviciat et épreuves suffisantes, et

À.N. A.B. XIX 146, 24 pièces Convent de Dunkerque.


- 219 —

toutefois munies de leur approbation expresse, pour y procéder dans la forme établie, et non autrement, car tels sont nos voeux invariables.

En foi de quoi nous avons signé ces présentes scellées du grand sceau et contresignées par notre cher et prudent Grand Chancelier de l'Ordre. Donné au palais de la Grande Maîtrise de * au 20° degré 2 minutes 23 secondes de longitude et 51e degré 2 minutes 4 secondes de latitude, le 1er Janvier de Fan de grâce mil huit cent dix neuf, de notre élection la 18e et de la restauration de l'Ordre la 139e.

(Signé) : Le Grand Maître Clief souv. de l'ordre (Emmanuel du Mont Liban).

Scellé et enregistré à la Chancellerie (Raoul et Joppé)

Pour copie conforme restée entre nos mains.

Le Gd Connétable, PLANTEFEBRE

le Gd Commandeur.

JOLLY

Le Gd Chancelier,

DEBEUGNY

Sceaux de l'Ordre et du Grand Chancelier..


—220 — Document 3

Ordre du Temple

Ad Majorent Dei Gloriam

BERNARDUS RAYMUNDUS -

DEI GRATTA ET FRATRUM -SUFFRAGIIS

MILITIAE TEMPLI SUPREMUS MAGISTER

S.P.ET P.

OMNIBUS HAS PRAESENTES VISURIS TEL ÀUDITURIS

SALUTEM SALUTEM SALUTEM

Notum sit omnibus, quorum interest, quod ad Templi D.N.J.C. Militiae Sa.nctae'tutelam, Salutem et perpetuam illxistrationem, relatione auditâ curiae nostrae praeceptorialis patente articulo 39 statutorum.

Ex Certâ Scientia Nostra, de que Patriarcbalis nostrae autoritatis et Magistralis nostrae potestatis plenitudine.

In Commendariâ Dunkercana Conventum, sub titulo primi Conventus provincialis commendariae Dunkercanae, in urbe dicta Dunkercae instituerimus, et his praesentibus litteris institutum teneamus, Praefata in aeternum vigeat Conventus Dunkercani institutio in pateant hisce "praesentibus litteris contraria ab auctoritate Patriarchali et potestate Magistrali decretia. Amen.

Sint praesentes institutionis litterae Magistrales ab ordinis Ministro, Magistrali secretario, expeditae, ab ordinis Ministro, Magno Cancellario Magistrali Sigillo obsignatae et ab ordinis Ministro, Magno Senescallo, in Senescalliae tabulas relatae.

Daturn Parisiis in aulâ nostra Magistrali die vige sima secunda Lunae Sivan (1), anno ordinis septin(1)

septin(1) décret de la Commission executive, du 19 mars 1837 avait réformé le calendrier embolismique du Temple et donnait la concordance suivante avec l'ère grégorienne.

1er nisan (719) 6 avril 1837. — 1er sivan 6 mai — 1er tab 4 juin. — 1er tammuz 4 juillet. — 1er aab 2 août. — 1er élul 1er septembre. — 1er tischri 30 septembre. — 1er niarschevan 30 octobre. —,1er cisleu 29 novembre. — 1er tebeth 29 décembre. — 1er schebeth 27 janvier 1838. — 1er adar 25 février (Maillard de Chambure, loc. cit., p. 549).


— 221 -

gentesimo decimo sexto, anno Magisterii nostri que Patriarohatus trigesimo die vigesimâ nonâ mensis Maii, anno D.N.J.G. . Millésime octingentesimo trigesimo quarto.

Sub chirographi nostri Munimento.

Signaium * f. Bcmardus Haymundus

De Mandato sùae Eminentissimae Celsitudinis.

Sunimus Praeceptor, Minister Ordinis Secretarii Magistralis vices-gerens,

Signatum * f * Narcissus Sud-Europaeus

In magna Cancellaria visum et obsignatnm die 24 lunae Sivan anno 716.

Minister Ordinis Magnus Caneéllarius. Signatum * f * Martinus Mazarenci?

In magnae Senescalliae tabulas relatum,- die supra dicta.

Minister ordinis, Magnus Senescallius. Signatum * f * Arisiides Verdunensïs

Pro exemplare *" / ' Narcissus Sud-Europaeus. (2)

Arch. Nat. pièce 14 A B SIX — 146.


222 —

Document 4

Diplôme de Templier

Ordre du Temple

Convent 'de Dunkerque

Nous Commandeur et Chevaliers Templiers composant le Convent de Dunkerque,

Voulant donner à notre Cher et Loyal Ecuyer, servant d'armes, frère Thomas Colin, une preuve éclatante de notre estime et de la satisfaction que nous avons éprouvée de son zèle dans les travaux et progrès de l'ordre, de sa piété, de son courage et de sa charité dans la vie civile, et de sa loyauté envers le gouvernement de l'état.

A ces causes, de l'avis de notre Conseil, l'avons promu et élevé, comme par ces présentes le promouvons et élevons à la di nité de Chevalier Templier, pour en cette qualité jouir de toutes'les prérogatives, honneurs et distinctions y attachées, après avoir reçu l'onction sainte' et prononcé le serment requis par nos constitutions.

Si, donnons en Mandement à nos magnanimes frères de l'ordre des Templiers, qu'ils aient à reconnaître Le Noble frère Thomas Colin pour tel, de lui rendre tous les honneurs et donner tous les secours auxquels ils sont tenus par leurs voeux et obligations. En foi de quoi nous avons signé ces présentes auxquelles nous avons fait apposer notre grand sceau.

Donné au Convent de Dunkerque, 'le 12e Jour de Novembre de l'An de 1840 de N.S.J.C., 722e de l'Ordre.

LE PRIEUR ET COMMANDEUR : JOLLY

JOLLY Fils Chanr

L. MAERLEYN

B VRANKEN Pr. COPPYN

Ce diplôme est calligraphié sur une double feuille de parchemin qui porte en haut et au milieu une vignette gravée par Thérèse Brochery. variante de celle que nous avons donnée plus haut, mais qui ne porte pas les armes de Dunkerque. Sur la


— 223 — Document 5

Diplôme de Templier de C. Thélu

Ne Varietur

Thelu.

Armoiries surmontées

d'une banderolle portant l'inscription :

Supremus Equitum Crucis in valle Ecclesiae Dunkercanae Conventus

AD MAJOREM DEI"GLORIAM

SUPREMUS EQUITUM CRUCIS CONVENTUS

SINGULIS HAS LITTERAS VISURIS FRATRIBUS

SALUTEM; SALUTEM; SALUTEM.

Nos Magnus Magister, singularis, praeses consilii Equitum Templi, sub titulo equitum Christi, distincto Cogniti, in hujusce concilii dignitatura presentia, omnium consensu, sacro, concilio ad sublimiorem gradurn proveximus fratrem THELU CONSTANTIUM NATUM IN DUNKERCA 28 JANUARII 1796, Virum amenitate simulae

-sevèritate morum, zélo inter architectes templi sapientiae dicati, erga patriam pietate, électissimum, nostris

initiavimus sacris, constituimus perpétuo supremum templi ordinis equitum, sub nomme JÉRUSALEM TANGREDE,

TANGREDE, causis, himc signo ordinis décoravimus

decérneiites ut a présente die usque ad obitum, nunquam illud a se distrahat, seque cum illo post mortem sepeliri Jubeat, volentes jus proecipuum gradui affirm'aturn super totum orbem ferrarum exercere, quo se"

se" ferat, prebeant illi fratres dulces amicias, illi praestent, in inopia rerurn, suppetias alacres, penetrabile solutium in ™oeroribus, m periculis valentissimum

partie gauche figure la nomination de Colin comme Grand Inspecteur du Souverain Tribunal de la Trinité, sur la partie droite sa nomination de Templier reproduite ci-dessus.

(1) Ce diplôme.en parchemin mesurant 48 cm. de hauteur sur 38 de largeur a été lithographie par Brasseur à Dunkerque. Le texte est disposé sur deux colonnes, le latin à gauche, le français eu regard. Sous ce texte se trouvent à gauche le sceau de l'ordre reproduit plus haut, retenu par un ruban moiré de couleur rouge avec liserés blancs, et à droite les armes du nouveau Chevalier finement enluminées. (Musée de Dunkerque).


224

adjnmentum, subsidium forte in praeliis, in inhnicos deffensionem, ultimum étiam, nam illis ille quantum poterit, omnia quoeque eoncordia fratrmn et statua crdinis fratribus imperant cmn amoris declaratione, salvis attamen'patriae legibus, principis que decretis, ferre et referre conobitur.

In qua fi de his nomen nostrum, nostra manu, subscripsimus suumque jussu nostro initiatus eques sua manu subscripsit in margine.

Daturu templo galliae in Dunkercana, ad O ' grad. 2 m. 23 s longitudinis et 51 a grad. 2 m. 4 s latitudinis.

Anno gratiae 1849 et diae 24 mensis Maii et fundationis ordinis 732.

Teste Français

Nous Grand Maître, président particulier du Conseil des Chevaliers du Temple connus sous la dénomination distincte des Chevaliers du Christ, en présence des dignitaires de ce Concile, et du consentement de tous, nous avons élevé au sublime grade de Chevalier, LE F. THELU CONSTANT, NE A DUNKERQUE, LE 28 JANVIER 1796, homme d'une grande douceur, d'une intégrité de moeurs, des plus zélés des ouvriers du Temple, d'une sagesse distinguée, d'amour pour sa patrie. Nous l'avons constitué à nos sacrés mystères de l'ordre du Temple et sacré Chevalier sous le nom de TANCREDE DE JÉRUSALEM. A ces causes, nous l'avons, décoré des signes de l'ordre, pour que dès ce jour jusqu'à sa mort, il ne les quitte jamais, et ordonne de les enterrer avec lui, voulant qu'il soit confirmé dans la pureté de son grade et le conserver dans tout l'univers : que tous ses frères lui portent la plus tendre amitié, qu'ils lui donnent de puissants secours dans les affaires difficiles, consolation dans ses chagrins, qu'ils sèchent ses larmes, qu'ils lui soient d'un grand secours dans les dangers, qu'ils le défendent contre les ennemis, autant qu'il pourrait le fane pour eux, enfin de pratiquer toutes les oeuvres que la Concorde des frères et les statuts de l'ordre l'ordonnent, cependant en observant les lois

Les mots soulignés sont écrits à la main.


— 225 -

de sa patrie, ainsi que ses décrets et de ne se servir d'armes que s'il était attaqué par les armes.

En foi de quoi, nous avons signé ces présentes de notre main et de bonne volonté, et à notre réquisition, le chevalier nouvellement initié a signé en marge et de sa.propre main.

Donné au Temple de Erance, à Dunkerque, au 20e degré 2 m. 23 m. de longitude et 51e degré 2.m. 4 s. de latitude l'an de grâce 1849 le 24e jour du mois de Mai et de la fondation de l'ordre l'an 732.

LE GRAND MAÎTRE JOLLY.

LE GRAND CONNÉTABLE PEETERS.

SCELLE ET ENREGISTRE PAR

Nous GRAND CHANCELLIER

JOLLY Fils.

LE GRAND PRIEUR L. MAERLEYN.

LE GRAND HOSPITALIER BOO.

PEEBOT.

SCELLE


Tableau des F. F. nommés Chevaliers Profès ou Servans d'Armes depuis l'année 70 r de l'Ordre et la 40° de Restauration

DATES D'ADMISSION

AU GRADE DE NOMS DE EMPLOIS QU'ILS

OBSERVATIONS

Servans Chevaliers OCCUPENT AU CHAPITRE

d'Armes Proies Famllle Religion

1 Menetret J.-B. Jean d'Eramaüs. Grand inspecteur, vice- Mort

président du Tribunal.

2 Jolly Louis. Raoul de Joppé. Grand inspecteur, Grand A son diplôme de Paris, et un fait à la

Chancellier. main par Salles. Mort (Février 1851).

3 Moorman Jean. , Joseph du Jourdain. Grand inspecteur, Grand Mort.

Trésorier.

4 Laparelle. Didier d'Ascalon. Grand inspecteur, membre A eu un Bref fait à la main par Salles.

du Tribunal. Mort.

5 1819 Leys Jean Jacques. Jacques de Bethléem. id. Mort. s'

6 Degrave. Isidor de Rama. id. Mort.

7 Baillet,J. J. J. Richard d'Héraclée. . id. Mort.

8 Villiers. Philippe de Céderon. . Le F. Villiers est le premier qui a été

reçu par le général Fox et qui a aidé le

général à recevoir les 7 frères ci-dessus,

et qui a préparé la salle et les objets né1819

né1819 à la réception.

23 Avril Courtet C.J. Georges A un bref avec texte latin.

id. Néselof. Mort.

1 Mai Bouvait. Mort.

9 20 Mai Le Bailly. Jean de Damas. -Grand Inspecteur, Maître Mort.

de Cérémonies du. Tribunal.


Granara. Mort.

20 Mai Garnier. Mort.

Oreel. Mort.

26 Mai Délabre. Mort le 5 Avril 1846.

10 (Fichaux J. M. Isidor de Siloé. A un bref par Salles. Mort à Marseille.

11 1820 Courte! Nicolas de Damas.

12 12 Févr. Bouvard. Antoine de l'Euphrate

13 Délabre. Yves de Sion. Mort le 5 Avril 1846.

27 Mai Butte.

14 (Granara. Charles de Damas. Grand inspecteur, membre Mort.

27 Mai . du Tribunal.

15 (Garnier. Paul de Joppé. id. Mort.

16 1822 Debeugny. Remont du Mont Lyban. A eu son diplôme de Paris et un en

28 Avril latin. (Mort 23 Décembre 1834).

17 id. (Amiscel Louis C. A un bref avec texte latin.

18 7 Août Verstraete. Isidor du Jourdain. Mort. 19, id. d'Alluin (le Comte) Jean du Mont Ararat. Mort.

20 id. Morel. Paul de Jérusalem. Habitant de Saint-Thomas, Isles de la

Martinique (Mort).

21 id. Marnas. Philippe de Damas. A eu un bref avec texte latin. 1824 Flavigny.

4 Juillet Gonon Fr. Auror. A eu un bref en latin, remplacé par un à

la main par Herpeeck (Mort).

22 7 Juillet Flavigny. Arsème d'Emaus.- Mort.

23 id Gonon. Calixte de Gétulie.

1825 Gonon, père. Mort.

24 ,12 Janv. Gonon Jean Pierre. Antoine de Gétulie. ; A en un bref de la main d'Herpreck. Meneboo.

1826 , Plantefebre. Tous les quatre, membres actifs de la

19 Mars Degachères. respectable Loge de la Vertu .

Bels.

25 2 Avril Meneboo. Louis de Sétulie. 14 Mai Everaert. Mort.


la DATES D'ADMISSION

AU GRADE DE NOMS DE EMPLOIS QU'ILS

OBSERVATIONS

Servans Chevaliers OCCUPENT AU CHAPITRE

3 d'Armes Proies Famille Religion

14 Mai Nicolson. ' Mort.

26 14 Mai Plantefevre. Jean d'Arménie. A un bref avec texte latin parti en Mars

1846.

127, id Degachères. Ferdinand de Sinaï.

28, id. Nicholson. Jacques d'Ebron. Mort.

29 1828 Evraert. paul du Mont Carmel. -Mort.

30 Bels. Yves de Sarona.

Le même jour '

31 Chevalier Clarke Henry. Henry du Jourdain. 23 Janv. Profès

32 id. Clarke Hyde. Hyde du Jourdain.

133 15 Juillet id. Jolly Louis, fils. Emmanuel du Mont Laban. A son diplôme de Paris et Dunkerque.

34 id. id. Vranken Benjamin. Frederick de Bélhulie Le f. Villiers s'est opposé à la réception du f. Vranken et s'est retiré.

35 16 Juillet id. Coppens Laurent Lt Aristide de Césarée A son diplôme de Paris (Mort), (le Baron)

36 id. , id. Gay Antoine Louis. Antoine Renault d'Epphraïm.

37 5 Juillet id. Delaporte J. M. Edme d'Ascalon. A son diplôme de Paris.

43 1840 , id. Angellier P. J.

(I) 12 Nov.

44 id. id. Coppyn Pierre. Bertrand de Jabulon. Mort.

45 id. id. Maerleyn L. P. C. Constant de Cana. A son diplôme de Paris et Dunkerque.»

46 id. id. Colin Thomas.

(1) Dans cette liste les numéros sont ainsi intervertis.


38 1838 le même jour Cary Pierre Charles. A son diplôme de Paris. 16 Dec. Chevalier

Profès;

39 id. Moleux Fr. Jules id.

40 id.. PiedfortT. Pli. Achille id.

41 id. Benzebeck Ch. Bien Aimé. , id.

42 id. Lalande Auguste. id.

47 1847 id. Pecters Tous. Const Unit. Edme .d'Ascalon A son diplôme de Dunkerque.

48 3 Juin ■ id. Vandcweene Pierre. Pierre de Béthulie. Mort Janvier 1849.

49 Monborne Charles. Charles de Cananéens A son diplôme de Dunkerque. 50 Boo Omer. Casimir de Genesouth id.

51 Raffron Joseph.' . Michaecl des Ameleuts Mort.

52 ' Plancque fr. Henry. Bernard de Nephtalie A son diplôme de Dunkerque.

53 1849 id. Harward Charles. Charles d'Emaüs. id. 24 Mai

54 Thélu Constant. Tancrède de Jérusalem id.

55 2 Juillet id. Arbout Jules. Jules de Lille. Mort en Février 1851.

2 Dec.

56 id. Florent. A son diplôme de Dunkerque.

57 March. Jean d'Accaron. '

58 "15 Dec. id. Thomas Henry (anglais) , Cap. du Citty of Rotterdam.

59 1850 id. Quenet Simon. Simonis de Jaffa. A son diplôme de Dunkerque. 19 0ctob.

60 id. id. Burden William. Williams de Jaffa. id.

Ingénieur des Chemins de fer Anglais".

61 1852 id. Bardin.

62 25 Sept. id. Joland Henry.

63 id. id. I oréton.

64 1854 id. Fouterein. Joseph de Palestine, A son diplôme de Dunkerque.

28 May (Cousu ucteur de navires)

65 id. id. Hergoux. Ambroise de Bétheléem ' id.

(Marchand de nouveautés)

66 id. id. Wateraere. Louis de Jérusalem.

(Commis courtier)


TABLE DES MATIÈRES

Pages

Introduction 90

I. — Les Précurseurs -, 92

II. — Dunkerque, berceau de la FrancMaçonnerie

FrancMaçonnerie France 97

III. — L'Evolution de la Maçonnerie Dunkerquoise

Dunkerquoise

Annexes : 1. Chanson des Citoyennes Dunkerquoises

Dunkerquoises i38

2. Fête de la Paix 1801 139

3. Vente du mobilier de la Logé 1849. 141

IV. — La Loge " La Trinité 143

Annexes : 1. Diplôme de 1786 158

2. Installation de la-Loge en 1809... 160

3. Jugement du Tribunal Civil 1862.. 170

V. — L'Ordre du Temple.' 175

Rituel pour la réception d'un Chevalier.. 200

Annexes : 1. Pouvoir donné au Prince du Mont

Liban 216

2. Constitution de la Commanderie.... 218

3. Affiliation aux Templiers Parisiens. 220

4. Diplôme de Templier 1840 222

5. Diplôme de Templier 1849 220

6. Tableau des Membres (1819-1854 )j. 226


Notes sur les Navires Pêcheurs à Dunkerque

.Par M. Henri du RIN

Les différentes sortes de Bateaux pratiquant la Pêche vers 1730

La pêche en mer se faisait à Dunkerque avec trois sortes de bateaux, non compris les riverains qui, depuis Gravélines jusqu'aux limites de la Flandre, tendaient diverses sortes de filets.

_Les -premiers se nommaient : Corvettes; c'était le plus grand'nombre et de plus d'importance; et la seule sorte de bateaux qui fasse la pêche au hareng pour laquelle elle était du reste presque destinée.

Les seconds étaient appelés Mardyckois, parce qu'ils se retiraient ordinairement dans le canal de Mardyck; ils avaient des équipages dont la demeure se trouvait dans les environs, bien que ces bateaux appartinssent tous aux « marchands " de Dunkerque.

Les troisièmes n'étaient que de grosses chaloupes appelées Bcuyties; elles fréquentaient le vieux port et appartenaient également aux Dunkerquois.

Les Corvettes

Description des Corvettes armées spécialement pour la Pêche au Hareng

Les corvettes étaient 'des bateaux de 24 à 30 tonneaux dont la construction était la plus propre à tenir la mer en tout temps. Bons voiliers, ils étaient faits expressément" pour la pêche au hareng qui commençait, sur cette côte, an premier octobre pour finir aux premiers jours de Décembre. soit_deux mois au plus.


— 232 —

En général, les corvettes n'allaient pas à la pêche au delà de dix-huit lieues (une lieue marine: 5.555 mètres) soit à une centaine de kilomètres du port. , Quelques-unes cependant partaient chaque année au commencement de septembre, à la rencontre du hareng à la côte anglaise, aux environs de Yarmouth..

Valeur du bateau armé

Chaque bateau, équipé pour la pêche ..au hareng coûtait, y compris deux rechanges de filets; environ neuf mille cinq cents livres. A cette somme, il fallait ajouter la valeur des tonnes et du sel, les bois et loyer des « coresses » (ou magasins), les gages de l'équipage, le vin, l'eau de vie, etc., ce qui élevait "le montant à la fin 'de la pêche à environ treize, mille cinq cents livres.

Equipage. — Ses gages

L'équipa.ge consistait en sept hommes, plus un demihomme (novice)- et un garçon- (mousse).

Les plu s grands avaient dix hommes.

Les gages étaient fixés de vingt à vingt-deux livres par semaine pour chaque-homme.

Le maître avait les mêmes gages que. ses hommes mais il recevait, en plus, un chapeau de cinquante à soixante livres que lui donnait son armateur, selon que la pêche avait été plus ou moins favorable.

Les équipages procédaient, un mois d'avance, au radoub de la corvette et chez l'armateur à l'ajustement des filets, et ce, sans rémunération aucune, sauf à la fin de la journée un gobelet ou deux de vin avec 'du pain et du fromage.

Deux à trois jours avant le départ, on donnait chez l'armateur un grand repas à l'équipage. Les hommes y amenaient leurs femmes et leurs enfants. C'était grande fête, ils y dansaient toute la nuit et y faisaient réveillon — ce qu'on appelait « arroser les filets ».

Quelquefois pour éviter cette cohue, l'armateur leur octroyait, une vingtaine de pots (40 litres) de vin et soixante-quinze à cent-vingt livres soit douze à quinze livres par tête.


On peut s'imaginer la frairie à laquelle se { livrait l'équipage qui préférait nn repas plantureux au partage de l'argent qui devait cependant leur être bien nécessaire.

Les quantités rapportées

Quand ils n'avaient pas le malheur d'avoir leurs filets coupés, soit trop souvent par des bâtiments qui passaient ou par d'autres pêcheurs qui le faisaient par méchanceté, les pêcheurs prenaient 'dans leur voyage vingt-cinq à quarante lats de harengs. Certains en péchaient jusque soixante-cinq et soixante-dix lasts. (Un Iast équivaut à 12 tonnes). Mais depuis quelques années par la multiplicité des pêcheurs, assurait-on, par la' facilité de pêcher en temps de paix, le produit ne s'élevait guère, en moyenne à plus de trente lasts.

Préparation du Hareng ■

Chaque corvette emportait du sel et de 50 à 80 tonnes vides. au moyen 'desquelles la grande moitié des harengs vidés pouvait être mise à bord en caque ou baril avec du sel ; -ce travail se faisait' dans la journée de la pêche.

Grâce à cette opération le hareng blanc de Dunkerque était aussi bon et aussi estimé que celui des Hollandais qui avaient autrefois la préférence des' acheteurs, parce que précédemment tout le hareng péché sur nos côtes était simplement mis en grenier ou en câle dans les bateaux. Il était ensuite porté à, terre dans des paniers pour y -être salé et mis en tonnes chez l'armateur.

Bien que tout cela se fit 15, 18 ou 20 heures au plus après la pêche, en raison des ordonnances sévères 'de ne plus caquer après minuit de la première journée, ce poisson tant de fois remué et maté, ne pouvait être mis en parallèle avec celui des Hollandais, salé et mis eh tonnes à la mer, comme le font actuellement nos pêcheurs.

Il faut dire que la raison pour laquelle nos pêcheurs ne salaient" pas leur pqisson à la mer, était qu'en ces temps ordinaires de guerre, le sel aurait rendu les corvettes de bonne prise pour les corsaires ; sans sel à bord, ils étaient considérés comme pêcheurs au poisson frais.'


Un certain nombre de harengs était encore mis en tonnes à terre ; on réservait pour cela les plus frais, quand ceux-ci n'étaient pas vendus auxchasse-marées, mais cette quantité était toujours minime et ne s'élevait pas au dixième de sa pêche.

Vente aux Chasse-Marée

Quand les vents favorables permettaient d'apporter la pêche en 8 ou 15 heures, un quart de leur pêche se vendait frais aux- chasse-marées qui l'achetaient au « beut », soit par 400 au prix de 5 à 10 livres le « beut », selon ce que la pêche avait donné. Le chiffre s'élevait parfois à 10 et même 15 livres quand c'était du poisson en primeur ; les chasse-marées le transportaient aussitôt aux endroits de consommation, à Dunkerque ou aux environs, le tout payé argent comptant à la satisfaction des armateurs.

Secondes catégories de Harengs

Le hareng, non mis en tonnes, poudré seulement de .sel, et celui non vendu était mis à la « coresse » pour en faire du hareng soret. Celui-ci n'avait pas la perfection de l'autre.

Il valait 7 livres 10 sols par tonne contenant 1.010 harengs. Le hareng gai ou vide était mis au rebut; il était mis en tonne et vendu pour tel. Il en était de même des harengs, un peu écorchés, sans tête ou trop gros, ces derniers ne conservant pas. On les vendait au cent, soit au nombre.

Importance de la Flottille

Pendant la dernière guerre et même dans les premières années de la paix, le nombre de corvettes pêcheuses ne s'élevait pas à plus de 12 ou 15.

Ce nombre s'augmenta peu à peu et enfin, par suite de la facilité du vieux port, devenu pour elles praticable 'depuis 1726, trente corvettes furent armées.

En 1733, il y en eut 33, plus trois corvettes sur les chantiers. En 1741, leur nombre s'éleva à 41).

La bonne réputation des produits dunkerquois laissait entrevoir un chiffre encore plus considérable, surtout $ Jl devenait possible d'empêcher l'introduction en frau-


— 233 — .

de et par des marques contrefaites le long des frontières, des harengs de Nieuport où une Compagnie, fondée pour la pêche, s'efforçait par tous les moyens d'introduire en Erance leur poisson, malgré les arrêts divers qui s'y opposaient. Il en était du reste de même, des produits anglais.

Tout le hareng péché appartenait aux propriétaires des corvettes, qui avaient à -leur charge tous les filets et supportaient toutes les avaries.

Les pêcheurs de Boulogne, Cayeux, Tréport, Dieppeet autres endroits allaient à la part, entrant dans l'achat de filets, dans les avaries et frais, les propriétaires leur fournissant l'argent à la grosse, avec grand bénéfice/ pour leur quote-part requis pour l'équipement des bâteaux, tandis que les armateurs de Dunkerque étaient en grande avance des dépenses, et non sans risques.

Occupations des pêcheurs en dehors de la Harengaison

Les pêcheurs de Dunkerque n'ayant pas, de père en fils, fait d'autre métier, les armateurs se voyaient pour la plupart, dans l'obligation de les entretenir jusqu'à la harengaison.

Pour leur permettre de vivre,' ils leur abandonnaient leurs corvettes pendant neuf mois, pour aller à la pêche du poisson frais, n'ayant pour eux que la part d'un homme soit 'un septième ou un huitième du produit rapporté et deux sols par livre de la vente ; pour compenser l'avance de leur argent et la, garantie des dettes.

Du dix au 15 Décembre, au retour de la campagne (lu hareng jusqu'à la fin d'avril, les pêcheurs allaient, pour la plupart à la pêche au nord, soit de 15 à 30 lieues du port pour y capturer des- cabillauds ou morues fraîches, des aigrefins, des raies, des ellebeuts.

Cette pêche .se faisait avec des lignes amorcées que les pêcheurs fournissaient.

L'emploi d'un filet était autorisé en rade. Depuis la fin d'avril jusqu'en septembre la pêche se faisait à la 'ligne à 5 ou 6 lieues du port produisant, suivant les saisons, des raies, limandes soles, limandes, merlans." Les pêcheurs n'osaient aller- plus loin pour la conservation de leurs produits.


- - 236 -

Le maître du bateau ou capitaine avait ordinairement un chapeau de 30 livres pour toute la pêche de l'année.-

Les Dommages

Tout dommage au bateau, perte de voile, ancres à câble hors la harengaison, devait se prélever sur le produit de la pêche. Mais la misère des pêcheurs faisait que souvent, il n'y avait point de reprises sur eux.

Pèche à la Morue

Quelques corvettes s'en ' furent jusqu'au nord de l'Ecosse pour pêcher le hareng pèc, c'est-à-dire faiblement salé, mais cette pêche dut être abandonnée en raison dé la concurrence des Hollandais.

Par contre trois d'entr'elles furent envoyés en 1730 à la, pêche à la morue à Hitlande (ou cinq "selon le Règlement de la Chambre de Commerce). La réussite de cette opération fit armer l'année suivante quatre corvettes et deux dogres de 50 à 60 tonneaux. On se plaisait à espérer pouvoir en alimenter tout le pays, la Flandre française, l'Artois et une partie'de la Picardie éliminant ainsi les produits de la Hollande, surtout si l'on pouvait empêcher toute importation frauduleuse, des morues de Nieuport qui ne pouvaient entrer en France .qu'en payant 36 livres par tonneau' ou 12 livres du cent, tandis que les morues pêchées par les Hollandais n'étaient soumises qu'à un droit d'entrée de 5 livres. La morue de la pêche réellement faite par les Dunkerquois était, par une grâce du Roi, exempte de tout droit d'entrée en France.

Deux ou trois corvettes n'ayant /pu compléter leur ' équipage en 1730, furent employées au transport des harengs aux ports de France et revinrent chargées de vin, d'eau de vie et de sel.

Les bateaux Mardyckois en 1730

Les bateaux mardyckois étaient au nombre de treize appartenant à des maisons de Dunkerque. Ils étaient 'd'environ 6 à 8 tonneaux et pouvaient coûter avec leurs agrès et apparaux, ancres et cables, environ dix-huit cent livres.


— 237 —

Ces bateaux faisaient' la pêche au dehors de la rade à 5 ou 6 lieues au large et le long des bancs, au moyen de filets, dits hameaux*, dont les mailles étaient de sept pouces au carré suivant l'ordonnance, « pendant près de neuf mois de l'année », la saison d'hiver étant trop rude.

Ils avaient ordinairement un équipage 'de sept hommes qui fournissaient leurs filets et se pourvoyaient des voies nécessaires, laissant au propriétaire une part et demie des produits du poisson et un sol par livre jusqu'à l'amortissement complet du bateau...

Après quoi le maître ou capitaine avait la moitié de cette part et demie accordée à l'armateur ; celui-ci n'avait plus, dès lors, que trois quarts de part.

Ces bateaux faisaient ordinairement une pêche abondante de turbots, barbues, soles, esturgeons, limandessoles (plaies), vives, raies et d'autres poissons de qualité inférieure". '

Ils attiraient particulièrement les chasse-marées, même étrangers qui, à la faveur de quelques poissons rares, arrivaient aisément à vendre les plus ordinaires.

Notons que les treize bateaux, à l'exclusion de tous ceux des côtes de France, avaient la liberté d'employer des filets, liberté qui n'était laissée qu'à un ou deux bâtaux de Dieppe qui péchaient pour la provision du Roi.

Les Scuyties

Les autres bateaux pêcheurs dits scuyties n'étaient que des chaloupes non pontées qui pouvaient coûter 600 livres.

Dès que le temps le permettait, ces petits bateaux, montés par 5 hommes, allaient presque tous les jours à la rame ou à la voile pêcher à la ligne au dehors de la rade. Us rapportaient des playes, limandes, merlans, raies et autres poissons communs.

-Ils étaient au nombre de six, mais deux d'entr'eux venaient d'être jetés à la cote et brisés avec perte- d'une" partie de l'équipage (1730).


Le Canal de Mardyck — Ses dangers

Liste des bateaux qui s'y sont perdus Reconstitution du vieux Port

Le Roy ayant ordonné eu 1713 le comblement du port de Dunkerque, les ingénieurs firent briser les deux jetées de bois de charpente de l'est et de l'ouest du chenal un batardeau qui fut enlevé le 31 décembre 1720 en moins d'un quart d'heure par une tempête extraordinaire. _

Le pays courrut risque d'être submergé -et pour l'en préserver l'on forma des batardeaux à l'embouchure des canaux de Bergues et de la Moëre qui bornèrent les eaux de la mer étendues dans les parties les plus reculées du vieux port 'de la même manière qu'elles s'y étendaient avant le comblement.

La quantité et la pesanteur de ces eaux ayant commencé à entraîner en Partie le sable dont-le vieux port était rempli et la, variaton qui arrive ordinairement aux bancs par le flux et le reflux continuel de la mer, achevèrent d'y former une rigole mal assurée à la vérité mais moins périlleuses que le chenal de Mardyck où il s'est perdu une quantité de navires.

Les choses en cet- état, les bourgeois de Dunkerque dès l'année 1726 pour que l'avantage de la nature et de la, tempête ne leur devient inutile, portèrent quelques pêcheurs et autres gens de mer à ramasser volontairement les pierres et briques des fortifications détruites pour former une petite digue afin d'entretenir par ce moyen l'eau qui y entrait et empêcher l'accroissement des blancs de' sable.

Cette digue de trois pieds de hauteur formée de briquailles sans mortier ni liaison, risquait d'être renversée dans les temps de tempête. Et pour indiquer la situation et l'entrée il fut construit et établi douze poteaux qui servaient de signalement aux pêcheurs batielents de . pêche car cette dernière branche était alors l'unique ressource des Dunkerquois. La rigole s'étant un peu approfondie il est entré des bâtiments tirant dix pieds après les avoir alégés en rade et réduits à neuf pieds. Cette entrée s'opéra dans les vives eaux ou au moment de la pleine lune,.


— 239 —

Le 2 Juin 1728

Il y avait dans le chenal du vieux port 45 corvettes

pêcheuses, 3 navires du port qui avaient hazardés d'y

entrer et quelques autres parques et petits bâtiments de

30 à 50, tonneaux dont la plupart Anglais et Hollandais.

En mars 1730

Deux bâtiments sont arrivés dans la même rigole, l'un de 50 tonneaux venant d'Angleterre chargé de charbon et l'autre de 70 tonneaux venant de Bordeaux chargé de vin.

Le 21 Novembre 1731

Il est sorti du vieux port une petite frégate de 160 tonneaux nommé le « Cheval Marin » commandé par le capitaine Michel Cosyn, appartenant à M. Dehau de Bergues destiné pour Saint-Domingue avec permission du Ministre de la Marine, M. le Comte de Maurepas de faire échelle à Cadix.

.Ce navire'prit la majeure partie de son chargement en rade.

Depuis cette époque, les Dunkerquois à force d'efforts ont ranimé la navigation et le commerce.


- 240 —

État des Vaisseaux qui ont échoué et naufragé

tant en entrant qu'en sortant du nouveau Canal de Mardyck

depuis l'année 1715 jusqu'au 7 Juillet 1727

LIEUX NOMS LEUR

NOMS

D' OU ILS SONT DES MAITRES CHARGEMENT

—'

Le Saint-Jean Londres Maghée 8 tx- lège

Le St-Jacques Lille-Dieu N. Bonneau 35 Sel

Le St-Pierre Calais N. Hardoin 10 filets et

ustensiles de pêche

L'Isabelle Bordeaux E La Couture 30 Fin et

eau-de-vie La Charmante

Cornelis Amsterdam A. Meyer 130 vin

Le Saint-Jean et Elisabetih la Wertouf J. Barker 60 charbon de

terre et plomb Le St-Jacques Dunkerque Jacob Nosten 18 graines La Piternelle Dunkerque Pierre Baele 25 bled Le Ozar de Moseorie Dunkerque David Coppens 15 saumon,

fromage, sucré

L'Hirondelle/ Calais R... Cleyne 18 vin et

eau-de-vie L'Anne Marie Dunkerque M. Ronckaer 110 vin L'Etoile Dunkerque P.-H. Stap 100 bled

La' Marite-Thérèse Rouen G. Poitou 44 ballots

Le St-François Rotterdam M.Vanderplats 120 . vin et

eau-de-vie La Ste-Anne Dunkerque M.Timmerman 70 vin et

vinaigre La St-Jacques Dunkerque C. Nottebaert 90 eau-de-vie La Droite St-Vallery O. Dlaere 50 graine de lin

La, Marie-Anne Dunkerque A. Bataille 35 lège

La Princesse

d'Orange Cherbourg J. Guilbert 10 grains

La Demoiselle

Clémentia Amsterdam L. Spaniaert 144 huile et

raisins L'Ypkigénie Londres J. Betton 100 sel

La Ville de Montpelier F. Olivier 100 plomb et

planches Le St-Jacques Dieppe J. Cauchy 50 tabac

La Perche

dorée Hollande G. Ratier 80 merceries

d'Hollande


— 241 —

LIEUX . NOMS LEUR

NOMS

D' OU ILS SONT DES MAITRES CHARGEMENT

Le St-François Dieppe J. Cauchy 50tx- bled

Le Saint-Jean Dunkerque Joannes Aînée 20 Harangs

Le Millon Marseille Louis Boyer 200 beurre

d'Islande La RenéeFrançoise

RenéeFrançoise N. Pollet 30 lège

Le Blesinaton Lemeriok R. Holland 50 poutres et

planches Le N.-Dame

du bon Voyage Conquest N. Jestin 30 sel

La Bonne

Espérance Christiansan N. Nosholm 110 planches Le Saint-Jean Boulogne J. Delpierre 20 pavés

La Ste-Groix Conquest Ch Lecont 40 sel

Le Trois

Frères Mackan L. Ames 70 vin et

eau-de-vie Le St-Pierre Carsick P. Tessier 55 vins et

prunes Le Saint

Dominique Bayonne A. Cassenave 80 vin et

eau-de-vie La Marie-Jeanne Lille-Dieu S. David 28 sel

Le Charles II Dunkerque Jacob Castier 80 vin et prunes Le François Pornic J. Dosset 60 sel


EXTRAIT

DES

ACTES DE LA SOCIÉTÉ

PROCES-VERBAUX DES SEANCES DE 1930,

SEANCE DU 26 JANVIER 1930

En ouvrant la séance, le président salue la. mémoire de M, L. Sapelier, maire de Bergues, conseiller général, membre de la Société et envoie à sa famille l'expression de nos condoléances émues.

Il est heureux de féliciter ensuite M. Albert Bril, vétéran de la presse locale, dans laquelle il est entré en 1889 et qui vient de recevoir, du Ministère du Travail, une médaille d'honneur. Il rappelle les services rendus à' la Société par M. Bril, qui lui ai donné nombre d'intéressantes publications.

Conformément aux statuts, il est procédé au renouvellement du bureau. L'ancien bureau est réinvesti pour l'année 1930. Par suite de l'incendie de la bibliothèque il faudra songer à trouver un local pour abriter les archives ..et la bibliothèque de la société : un bibliothécaire nouveau est désigné.

Le président présente la candidature de M. Jean Robert, homme de lettres à Samt-Omer, qui est admise à l'unanimité.

Présentations :

M. H. Durin présente plusieurs belles épreuves photographiques de l'ancienne écluse de Mardyck, (dite à tort écluse Jean Baxt), dont le classement comme monument historique est en instance.

Le docteur Lemaire fait circuler plusieurs billets de mort de 1797 à 1799. Ces pièces sont de petit format et nous montrent cette particularité qu'en 1797, en l'an S et 9 les enterrements se faisaient à cinq ou six heures du soir, dès le lendemain du décès et qu'une messe de requiem était célébrée le surlendemain, « dans l'élise ci-devant paroissiale ». Cet usage semble avoir pris fin à l'époque du Concordat.

Communications .:

M. H. BURIN. — La péclic à Dunkerqne en 1730 (publié dans le présent volume).

M. Albert BRIL. — Un Berguois à l'Odéon et a l'Opéra (publiée dans ce volume).


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La communication du docteur Lemaire sur les Bart est remise à la prochaine séance. L'auteur est en correspondance avec un descendant de la famille Bart habitant dans le Bordelais qui établit sa filiation avec Agnès-Marie Bart -et prouve que certains des soi-disant descendants de Jean Bart dans le' Sarladais ne sont que des descendants «d'adoption » et ne. peuvent se prétendre les héritiers du grand marin.

SEANCE DU 16 FEVRIER 1930

En ouvrant la, séance, le président adresse un adieu ému à la mémoire -de M. Magd, lieutenant de vaisseau en retraite, officier chef de pilotage à Dunkerque, décédé depuis la dernière séance.

Il relève dans la correspondance, des circulaires de la Société Bunkerquoise, qui ouvre, en 1930, un concours pour le Prix Emile Bouchet et de la Société d'Emulation de Cambrai, qui ouvre également un concours d'histoire, doté d'un prix de 300 frs pour un travail relatif au Cambrésis.

Il donne lecture d'une lettre intéressante de laquelle il résulte que le corsaire Thurot introduisit en Suède, vers 1760. la Franc-Maçonnerie sous le nom de Société Coldin. Un des initiés, le lieutenant Bjornberg, de la garnison dé Gothemborg, devint par la suite grand vénérable de Coldin pour la Suède. Il fut tué en • Finlande pendant la guerre contre les Russes. Il conviendrait d'élucider la signification de ce nom de Coldin qui semble bien d'origine écossaise.

M. Lembrouck, architecte à Dunkerque, est ensuite nommé à l'unanimité membre de la Société.

Communications :

M. le DE REUMAUX. . — Vieilles Maisons (publiée dans le présent volume).

M. H. DURINS — Une mésaventure de l'Ingénieur en Ohef Barbot.

Le Port de Dunkerque dut beaucoup à l'ingénieur en -chef Barbot, esprit judicieux, très cultivé, qui fut longtemps chargé de la direction supérieure des travaux du littoral de la Mer du Nord et de la Manche. Ce fut lui notamment qui construisit l'écluse de la Cunette et le sas octogone, l'écluse du Bassin de la Marins et le Quai de la Citadelle. Or, il s'était servi de vieux canons comme pilots d'amarre. Certains mauvais esprits insinuèrent qu'il avait utilisé des canons encore susceptibles de services. Il fut obligé de demander, pour sauver sa tête, que l'on procédât à des épreuves' de ces pièces qui ne résistèrent pas. On continua à utiliser les vieux canons pour cet usage. On peut en voir encore quelques-uns, quai de la Citadelle. On en coula ensuite d'autres ayant seulement la forme de canons pleins et .'enfin de champignons peu élevés et inclinés, qui .constituent le type actuellement adopté.

M. le DE LEMAIRE. — Le Dernier des Bart (sera publiée •dans le prochain volume).


— 244 — SEANCE DU 23 MARS 1930

La séance est ouverte dans une des salles de l'Hôtel de Ville.

Le Procès-Verbal de la dernière séance était adopté,- MM. M. Lano et Jacob sont élus à l'unanimité membres de la Société. L'ordre du jour étant chargé, il est passé immédiatement à la lecture des communications :

Communications :

M. le DU DEWEVRE. — Revendications de la Ville de Bergves en 1715 sur le port de Petite-Synihe (publiée dans le présent volume).

M. le DR LEMAIRE. —Histoire d'une maison (publiée dans ce volume).

La Vieille Maçonnerie dunkerquoise (publiée dans ce volume)

SEANCE DU 27 AVRIL 1930

La séance mensuelle de la Société a été tenue dans une des salles de l'Hôtel de Ville. En ouvrant la séance le Président a le regret" d'annoncer le décès d'un des membres de la Société, M. Henri Ley, propriétaire à Rosendaël, vice-président de l'Union Coloniale, et titulaire des médailles du Tonkin, Chine et Annam ; il exprime à sa famille tous les regrets que nous cause la disparition de ce sociétaire qui ne comptait que des amis.

Après le dépouillement de la correspondance il met aux voix la candidature do M. Louis Blanckaert, Docteur en Droit qui est adoptée à l'unanimité.

L'Épitaphe de Jean Bart

Avant de passer à la lecture des communications le Docteur Lemaire annonce que l'Epitaphe de Jean Bart qui se trouvait près de la porte de la Sacristie de l'Eglise Saint-Eloi, vient d'être déplacée et placée suivant les instructions données par M. l'Inspecteur général Ratier sur le côté gauche du choeurs vis-à-vis de l'endroit où ont été réinhumés les restes de notre héros, emplacement indiqué dans le sol par une grande dalle de marbre blanc portant seulement son nom et les dates de 1650 - 1702.

En déplaçant cette épithaphe, qui est d'une très belle facture,, on a retrouvé la signature du sculpteur dans la partie de la pierre qui était encastrée dans la muraille. Jusqu'ici l'auteur était resté inconnu, et on avait cru que cette épitaphe était l'oeuvre d'un sculpteur nommé Van Bronchorst, qui était l'auteur de celle de Franjois-Cornil Bart.

Or sur le champ, on trouve en lettres droites de 15 millimètres de hauteur les mots CAFFIERI -FECIT,


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Cette pierre fut donc sculptée par l'un des Caffieri. Il est regrettable qu' ele prénom ne s'y trouve pas, car il y eut toute une lignée de Caffieri à partir de Philippe, que Mazarin fit venir de Rouie, et que Colbert envoya à Dunkerque pour sculpter les ornernents des vaisseaux. Philippe Caffieri y séjourna de 1689 à 1714. Son fils François-Charles lui succéda le 14 avril 1714 et y demeura lui-même jusqu'au 26 Juillet 1717.

Caffieri avait notamment fait un projet pour la porte monumentale du Pare de la Marine ; il avait exécuté un banc de Communion pour la Chapelle du Saint-Sacrement de l'Eglise Saint-Eloi et des confessionnaux, pour l'Eglise Saint-Jean-Baptiste, (Recollets), en sus des boiseries et des consoles pour l'Hôtel de l'intendance Maritime.

Or. cette épitaphe porte non seulement l'inscription funéraire de Jean Bart, mais aussi celle de sa femme Marie Tugghe, décédée en 1719, c'est-à-dire après le départ de FrançoisCharles Caffieri.

L'hypothèse la plus probable est que cette pierre avait été exécutée par Philippe Caffieri pour Jean Bart et qu'il y avait en même temps gravé l'inscription de sa femme, en laissant en blanc la date de son décès ; car no n'aurait pas attendu la mort de Mme Bart pour placer dans l'Eglise une inscription à la mémoire du célèbre marin.

La date du décès de Marie Tugghe est gravée en chiffres d'une autre facture que ceux de l'inscription de Jean Bart. C'est là une preuve en faveur de notre hypothèse. Aussi pouvons-nous admettre que Philippe .Caffieri, sculpteur de la Marine, exécuta son oeuvre dès, le décès de Jean Bart, commandant la Marine à Dunkerque.

Communications : '

M. le DE DEWEVRE. — La Formation des Milices en 1743 à Dunkerque et dans les communes voisines (publiée dans le présent volume).

M. le DE LEMAIRE. — L'Ordre dit, Temple à Dunkerque (publiée dans le présent volume).

A la fin de la séance les membres présents posent les bases d'une excursion pour le Lundi de la Ducasse. Cette question mise à l'étude, sera décidée d'une façon définitive à la réunion fixée au 3e Dimanche de Mai.

SEANCE DU 25 MAI 1930

En ouvrant la séance le Président adresse ses félicitations à M. Emile Cornaert, professeur au Lycée Condorcet, membre de la Société qui vient de soutenir brillamment en Sorbonne ses deux thèses de Doctorat ès-lettres sur des sujets d'histoire locale qui intéressent particulièrement notre région : Elles sont intitulées l'une : Un centre industriel d'autrefois ; la draperie sagetterie d'Hondschoote ; l'autre - Une industrie urbaine des XIVe au XVIIe Siècles : l'industrie des laines à Bergues, M.


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Victor Dufour, licencié en droit est élu à l'unanimité Membre de la Société.

Le Président annonce que le Bulletin de 1929 est presque terminé. Il formiera un valume de plus de 450 pages. Il espère pouvoir le livrer aux Membres de la Société dans un bref délai.

Avant de passer à l'ordre du jour, le Président rappelle à l'occasion des fêtes célébrées à Alger, en Commémoration du Centenaire de la. Conquête de l' Algérie que ce fut un dunkerquois qui le premier planta le drapeau français sur le sol de l'Algérie. ,

Le 14 Juin 1830 à quatre heures du matin, l'escadre de débarquement était prête, ayant à son bord la première division de l'armée.

A quatre heures trente elle atteignit les brisants. Des fusées et dies cbus furent lancés contre les replis de terrain qui pouvaient cacher une embuscade, puis les marins prirent pied sur le soi, sous le feu des batteries ennemies qui d'ailleurs eurent peu d'effet. A six heures, la deuxième division prit pied sur ils sol algérien. Deux marins se précipitèrent entre les boulets. : Sion. chef de la grande hune de la frégate la « Thétis » et François Brunon matelot de première classe de la Surveillante. Au pas de course ils allèrent planter le drapeau français sur la Tour de Torre-Chica. Frédéric Sion était très populaire à Dunkerque où il était né le 27 février 1808 et où termina sa carrière comme maître de natation.

A la suite de son exploit l'Amiral Duperré avait ôté de sa propre poitrine la Croix de la Légion d'Honneur et en avait décoré Sion, qui reçut son brevet de la Chancellerie le 14 Octobre suivant et ne voulut jamais porter, d'autre crois: que celle que lui avait donnée l'Amiral. C'était là un souvenir qu'il convenait de rappeler au moment où la France entière a les yeux tournés vers le soi algérien, souvenir qui n'a, pas été évoqué dans les nombreuses publications parues en ces temps derniers.

Communications :

M. le DR DEWEVRE. — Histoire Religieuse de Petite-Synth e sous la Révolution (sera publiée dans le prochain volume).

M. le DR LEMAIRE. — La. Vieille Maçonnerie dunkerquoise : La Loge « La Trinité » (publiée dans ce volume)'

Excursion

Le principe d'une excursion est adopté et la date en est fixée au 14 Juillet. Dans ce but une réunion aura, lieu en juin, au cours de laquelle seront prises toutes dispositions utiles.

SEANCE DU 19 OCTOBRE 1930

La séance est ouverte à 10 heures 30, dans une des salles de l'Hôtel de Ville, sous la présidence de M. le Docteur Lemaire.

Dans la correspondance, le. Président relève une lettre de M, D Tack, qui annonce pour le mois d'août prochain une


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exposition de tableaux gravures, dessins, etc.. concernant Cassel et ses vieux moulins. Cette exposition se fera vraisemblablement dans les salons du Casino de la Terrasse et des conférences gratuites auront lieu tous les samedis.

L'assemblée félicite M. Tack de son initiative et promet son concours à cette exposition.

L'ordre du jour .appelle la nomination de nouveaux membres. Sont élus à l'unanimité MM. Coutelier à Paris, le Dr Vandaele à Bergues ; Lafra à Dunkerque et Jean D'uriau à Paris.

Le trésorier lit ensuite un rapport sur les finances de la Société et ses conclusions sont acceptées à l'unanimité des inem bres présent.

Le Dr Lemaire présente un diplôme de chevalier .templier, délivré en 1840 à un de ses membres par la Loge « La Trinité ». Ce diplôme sur parchemin portant le sceau de l'ordre du Temple est orné d'une vignette gravée par Thérèse Brochery.

Il annonce que l'Ecluse de Mardyck a été classée connue monument historique par arrêté ministériel. M. Liébaut, président du Syndicat d'Initiative de Saint-Pol-sur-Mer a eu l'heureuse idée d'y apposer une plaque pour indiquer aux étrangers l'histoire de ces ruines. Cette plaque, sera placée bien en vue sur le parapet afin l'attirer l'attention. Une inscription dont le texte a été agréé par la Commission historique rappellera brièvement l'histoire de cette écluse qui faillit être la cause d'un conflit avec l'Angleterre, au début du XVIIIe Siècle.

Le Président estime qu'il y aurait également lieu d'indiquer aux nombreux étrangers qui fréquentent notre station d'été le lieu où se déroula la bataille des Dunes, qui enleva définitivement Dunkerque à l'Espagne. M. Mouraux, président du Syndicat d'Initiative de Malo-les-Bains est désigné pour s'occuper de cette question. Il accepte cette mission dont il nous rendra compte dans une prochaine séance.

Le Docteur Dewèvre a relevé au cours des travaux exécutés Place Vauban devant la Manutention militaire les restes d'une voûte. Il s'agit évidemment du siphon qui permettait à l'ancienne cunette arrivant en ville par la rue Saint-Bernard, de passer sous le canal de jonction, pour se diriger ensuite suivant la rue Marengo.

Enfin, le président a relevé parmi les publications récentes un ouvrage intitulé " Le Libertin de Délft», paru clans les Editions du Trianon. L'auteur qui s'appelle Herbert Maurice Van der Spleen — ce qui n'est sans doute qu'un pseudonyme — serait originaire des environs de Dunkerque. Il serait né sous Louis-Philippe et mourut à trente ans de folie furieuse à Delft en Hollande. Il serait intéressant de préciser ses origines et de savoir s'il s'agit réellement d'un poète originaire de la Flandre Maritime.

Communications :

M. le DE DEWEVRE. — Histoire religieuse de Petite-Synthe sous la Révolution (fin) (sera publiée dans le prochain volume.

M. le DR LEMAIRE, — La Réouverture de l'Eglise SaintEloi,


— 248 — La réouverture de l'Eglise Saint-Eloi

Son passé. — Sa reconstitution Transformation de l'Église Saint-Éloi en 4783 1784

Peu d'églises ont subi autant de transformations radicales que l'église Saint-Eloi.

Le public dunkerquois, par tradition, répète qu'elle communiquait jadis avec le beffroi, dont elle fut séparée à une certaine époque que beaucoup de nos concitoyens seraient incapables de préciser. La persistance de cette tadition s'explique très facilement : En visitant l'édifice on se rend rapidement compte que l'église est trop large pour sa longueur. 40 mètres sur (.0). De là à conclure qu'elle a été tronquée, il n'y a qu'un pas. La conclusion semble s'imposer.

Ainsi présentée, cette notion n'est pas exacte. S'il y a un fond de vrai, il) est faux de. dire que l'église telle que nous la connaissons, s'étendait jadis jusqu'à la Tour.

En rappelant brièvement son histoire, nous remettrons facilement les choses au point.

Pour remplacer une église trop exiguë,qui était située probablement sur l'emplacement de l'Hôpital Militaire nos ancètres résolurent d'en construire une nouvelle, sur l'emplacement d'un ancien hospice Saint-Jean, qui tombait en ruines.

En 1450, ils commencèrent à établir le soubassement du beffroi et l'année suivante commencèrent les fondations d'une église y attenant.

Cette église construite en briques, en forme de croix latine, possédait trois nefs. On y pénétrait par la porte qui existe encore sous le beffroi : Dans la maçonnerie de celui-ci on voit le départ des nefs latérales qui le flanquaient.

Cette église fut détruite en partie lors du siège de 1558.

Quelques années plus tard, on décida de la reconstruire, mais sur un plan plus vaste. Le choeur fut reculé jusqu'à l'endroit où il se trouve actuellement, ce qui donnait des proportions plus majestueuses à l'édifice.

Mais — sans doute faute de fonds — on n'en put continuer la construction jusqu'au beffroi. On s'arrêta au transept de l'ancienne église.

L'église nouvelle qui correspondait à la superficie, de celle que nous pouvons admirer aujourd'hui, possédait trois nefs qui étaient entourées de quinze chapelles. Le style- adopté- fut le gothique tertiaire ou flamboyant. La mouluration des arcs à arêtes tranchantes se prolonge le long des piliers, sans interruption jusqu'à la base. Le pourtour du sanctuaire était clos par une balustrade do marbre. Le choeur était clos et séparé de la nef par un Jubé.

La partie de l'ancienne église de 1452 qui la reliait au Beffroi, ne. servit plus au culte. On l'utilisa comme salle pour la société de rhétorique ; plus tard, comme local pour les catéchismes et enfin comme magasin de la ville.


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Plus tard, -— lorsque les fortifications de 1406 disparurent et que l'on créa la. Place royale (aujourd'hui : place Jean Bart),. on perfora d'une voûte, l'ancienne église pour faire communiquer la rue de l'Eglise avec le nouveau quartier.

Bientôt, cette partie de l'ancienne église, non entretenue, perdit sa toiture et tomba en ruines. °

Nous arrivons avec cette, disposition à la. fin du XVIIIe Siècle. Dunkerque n'avait alors pour toute église paroissiale que cette église Saint-Eloi qui était devenue insuffisante pour les besoins de la, population.

En 1782, le Magistrat fit appel à l'architecte Louis qui élabora un plan de transformation de l'édifice : avant tout il chercha à gagner de la place pour le public et voici ce qu'ilproposa : On ferait sauter les cloisons séparant les chapelles latérales, de façon, à ouvrir deux nouvelles nefs ; le choeur serait amputé d'un entre-colonnement : le maître autel, qui. prenait trop de place devrait être, démoli, un nouvel autel serait édifié plus en arrière dans le sanctuaire. Celui-ci serait surélevé, et les balustres qui l'entouraient seraient remplacées par des grilles de façon à ce que l'officiant puisse être aperçu de tous les assistants. Enfin, la partie de l'ancienne église inutilisée serait rasée et transformée en place publique ; un péristyle grec serait édifié pour garnir la façade.

Ce projet fut accepté. Ce fut à l'occasion de son exécution, qu'en 1783 et 1784, on procéda, à l'exhumation de nombreux corps inhumés dans l'église. Ajoutons qu'il fut nécessaire d'édifier de nouvelles colonnes, dans la partie qui correspondait au transept de l'ancienne église (au niveau des orgues actuelles). On les distingue parfaitement aujourd'liui des autres colonnes plus anciennes de deux siècles.

Mais le plus original de la transformation imaginée par Louis fut le recul des murs latériaux jusqu'à l'extrême-limite des contreforts : Faisant disparaître les chapelles latérales, il avait eu l'idée d'accoler les autels au mur de côté : afin qu'ils ne fissent pas saillie dans la nef, il recula tout simplement celui-ci, ce qui permit de gagner .en largeur, un peu plus d'un mètre de chaque côté.

Or, à cette époque, de petites maisons avaient été édifiées : tout le long de la rue des Vieux Quartiers entre les contreforts. Elles possédaient chacune une cave qui s'étendait jusqu'au mur de l'église. On les respecta en se contentant de placer un sommier sur lequel s'appuyait le nouveau mur. C'est ce qui . explique les décharges que l'on aperçoit par places dans la maçonnerie. Comme conséquence, l'extrémité de ces caves se trouvait sous l'église. Ajoutons que ce nouveau mur fut cons- . truit avec d'anciens matériaux : on y voit des briques du XVe Siècle, ce qui peut tromper un archéologue non averti.

Voilà dans ses grandes lignes l'histoire de la construction' de l'Eglise Saint-Eloi.

Le péristyle édifié en 1784 ne devait pas subsister plus d'un siècle. Construit en pierre trop tendre qui s'effrita rapidement, il menaçait ruine au bout d'un siècle : Des accidents étaient à craindre. Sa démolition fut décidée et effectuée en 1883. Pendant plusieurs années, il ne. resta qu'un grand mur


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du plus disgracieux effet. Enfin, sous la Municipalité Gustave Lemaire, fut élevée la. façade actuelle sur le plan de l'architecte dunkerquois Van Moé.

Le 22 juin 1915, deux obus tirés par une pièce à longue portée éventrèrent les voûtes séculaires, et sapèrent une des colonnes de la nef collatérale de droite jusqu'à sa base. L'église fut aussitôt fermée au public, vidée de ses richesses. Pour soutenir la nef principale, il fut nécessaire d'édifier un grand mur qui isola .des collatérales de droite, réduites à l'état de ruines.

L'Eglise, dont j avais sollicité en vain le. classement comme monument histoique en 1913 — proposition que l'administration avait rejetée, car elle prévoyait de trop grosses dépenses -pour la mettre en état — fut classée par arrêté ministériel du 31 octobre 1916, alors qu'elle se trouvait grandement endommagée !

Il incombait, dès lors, à l'Administration des Beaux Arts de pouvoir à sa reconstruction.

Tout édifice classé tombe en effet sous un régime particulier. Le proriétaire — en l'espèce la Ville de Dunkerque depuis la loi de 1901 — ne peut plus entreprendre de sa propre autorité les travaux de réparations nécessaires. L'Administration des Beaux-Arts est seule qualifiée, non seulement pour les entreprendre mais même pour les lui imposer. Ceci constitue parfois une gêne pour le propriétaire qui ne se sent plus maître de son immeuble, mais par contre, il y trouve un avantage puisque l'Etat prend la plus grande partie de la dépense à sa charge. Comme conséquence, l'édifice est classé « jusqu'à la dernière brique » le propriétaire ou celui qui en a la jouissance ne peut y apporter aucune modification sans l'assentiment de ,l'Administration compétente. Excellente mesure de protection, que l'on cherche à étendre de plus en plus pour sauvegarder les souvenirs historiques et empêcher les déprédations ou actes de vandalisme exécutés par certains curés dont nous avons pu relater récemment de nombreux exemples.

Ce n'est pas le moment de revenir sur les causes qui ont retardé la restauration de notre église Saint-Eloi. Aujourd'hui, d'oeuvre est achevée. Entre les mains de M. Neuville, architecte départemental, et sous la haute direction de M. l'Inspecteur Général Rattier, le gros oeuvre s'est silencieusement continué sans relâche. Les voûtes ont été reconstruites de part et d'autre de la grande nef. Le toit a été réfectionné, couvert, l'église carrelée à nouveau. Peu à peu les échafaudages qui la garnissaient entièrement -ont disparu l'un après l'autre et le grand mur de soutien a été abattu.

Au cours de ces travaux, on s'est astreint à conserver à l'édifice son caractère primitif. L'église Saint-Eloi en a grandement bénéficié. Il faudrait un long rapport pour exposer en détail tout ce qui y fut effectué. Je ne m'astreindrai ici qu'à attirer l'attention sur certains points particuliers présentant un intérêt historique.

Tous nos concitoyens ont gardé le souvenir des recherches effectuées, en vue de retrouver les restes de Jean Bart. Aujourd'hui, une dalle de marbre blanc indique dans le sanc-


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tuaire l'emplacement exact de sa sépulture. Elle porte ces simples mots : Jean Bart 1650-1702. Son épitaphe murale malencontreusement placée jadis près de la sacristie a été accolée sur le bas côté vis-à-vis de la sépulture. Cette, belle pièce, sculptée a été exécutée par Philippe Caffieri, sculpteur de la Marine, dont la signature a ,été retrouvée sur le champ de ce marbre. A côté de In sépulture de Jean Bart une simple inscription dans le dallage rappelle celle de la petite comtesse de Lomont, qui servit de point de repère pour la veekercfae; de la sépulture de notre héros.

Cornil Bart, Vice-Amiral de France fut inhumé dans la chapelle Saint-Georges. Sa pierre tombale retrouvée sous le dallage en 1850 avait été placée provisoirement contre lie mur du péristyle. A la démolition de celui-ci, on l'avait reléguée sous la Tour. Emile Mancel avait demandé et obtenu du Conseil municipal sa réintégration dans l'Eglise. C'est aujourd'hui ' chose faite et cette dalle qui porte l'inscription latine suivante : « Monumentuan praenobilis familiae F.C Bart filli Joanniis quondam regiae classi praefeeti », c'est-à-dire monument' de la très noble famille de V.O. Bart, fils de Jean, jadis chef d'Escadre », indique maintenant l'emplacement de sa sépulture.

En face, l'épitaphe murale en marbre blanc due au sculpteur Van Brouckhorst relate les titre du fils du célèbre marin. C'est pour rappeller aux générations futures, l'usage ancien à Dunkerque de placer d'une part une pierre tombale r— dont les lettres s'usent par le frottement, et une épitaphe murale — que l'Administration a bien voulu consentir à placer cette pierre dans le dallage. Car il est de règle de relever les pierres tombales et de les accoler à la muraille. C'est ce qui fut fait pour trois pierres qui furent retrouvées : l'une en espagnol, la seconde celle du bourgmestre Van Eelen, en flamaud, sont venues compléter la série de celles qui se trouvaient déjà planées contre le grand mur de la façade : Elles rappelleront les divers régimes auxquels fut soumise la ville de Dunkerque. Une troisième, brisée, a pu être reconstituée et placée près de la sacristie. C'est celle du bourgmestre Marcadé. Une dernière enfin — celle de la famille Douequer de T' Serreloefs était malheureusement réduite en miettes et inutilisable.

Les objets mobiliers, classés comme souvenirs historiques ont tous été sauvegardés :

C'est d'abord le tronc pour le rachat des captifs qui a repris sa place près de la chapelle des âmes ; ensuite les épitaphes de Jean et de Cornil Bart que je viens de signaler — classées par arrêté de 1906.

Des trois tableaux classés deux sont intacts et seront exposés. :

Le Martvr des Quatre couronnés, chef-d'oeuvre de Jean de Reyn. d'un beau coloris ; Saint-Roch soignant les Pestiférés, du même auteur ; L'adoration des Bergers, de Gaspard de Crayer a perdu son cadre et doit être rentoilé.

Ceci nous amène à parler des tableaux qui ornaient l'église. On peut être étonné du nombre des toiles qui.s'y trouvaient ; l'étonnement augmente quand on sait que plusieurs


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autres, jadis exposées à Saint-Eloi, se trouvent maintenant au Musée par suite de cessions effectuées à différentes époques par le Conseil de fabrique à la ville : Citons, par exemple, le grand tryptique de Pourbus : le Martyr de Saint-Georges et le tryptique de Jean de Reyn : représentant Saint-Alexandre délivré par les Anges. Cest qu'autrefois les cloisons séparant les diverses chapelles démolies aujourd'hui, offraient une surface murale considérable, et permettaient d'exposer de nombreuses oeuvres d'art dans l'édifice. Ces cloisons ayant disparu, il ne reste plus comme surface disponible que le mur du portail et deux panneaux' l'un près de la sacristie, l'autre symétrique au premier près de la porte de la rue des Vieux Quartiers. Jadis, peur parer à ce manque de place, (certains tableaux étaient, paraît-il, accrochés aux piliers. Mais on juge de l'effet disgracieux que pouvait offrir cette disposition. Aussi avait-on pris le" parti de le reléguer pour la plupart derrière les autels ou ailleurs.

Il y a parmi la trentaine de tableaux que nous avons relevés, nombre d'oeuvres intéressantes d'artistes locaux : Jean de Reyn, qui nous a donné une copie du mariage de la Vierge de Rubens et plusieurs saints en grandeur naturelle : Sainte Cécile Saint Gévard, Saint Denis, Saint Nicolas, Saint Pierre, etc.. d'Elias, de Gérard Seghers, Mignot, Cornil de Vos, Houthorst, etc.. On ne pourra en exposer que quelques-unes parmi lesquelles il convient de relever la Cène, d'Otto-Venius — panneau en instance de classement, qui ornait le rétable de" l'ancien autel démoli, en 1783 — et qui se trouve placé au dessus du banc des chaisières. Les autres ont besoin d'une sérieuse restauration qui ne pourra être entreprise que lorsqu'on disposera de crédits suffisants.

Même observation pour les vitraux. Ceux des cinq chapelles absidiales sont en partie conservés: Il s'est passé là un phénomène curieux. Le vitrail central de chaque chapelle a cédé sous la pression des gaz, les deux vitraux latéraux ont résisté. Tout s'est passé comme s'il y avait eu un centre de déflagration, au milieu de la nef. Par malheur, le plias beau, d'entre eux, le Vitrail de la Charité, de Didron, qui se trouvait dans l'axe du choeur est de ceux qui ont le plus souffert. Serait-il possible de le reconstituer ? Provisoirement du verre blanc teinté au vernis remplacera ceux qui (manquent.

Quant à ceux qui ornaient les façades latérales et représentaient la vie de Saint-Eloi — il n'en reste rien. Il est à souhaiter qu'on établisse un plan d'ensemble, pour la reconstitution de ces vitraux un à un — en choisissant des sujets d'histoire locale rappelant par exemple l'histoire de l'église ou l'histoire religieuse de la ville, ce qui serait beaucoup plus rationnel que d'y figurer la. vie de Saint-Eloi — qui n'a jamais pu visiter Dunkerque dont le territoire se trouvait submergé par les eaux, lorsque ce saint évangélisa la Flandre.

Espérons que nous pourrons voir restaurer ces bons tableaux et ces vitraux qui donneront grande allure à notre Eglise Saint-Eloi.

Après ces desiderata, exprimons quelques regrets. On a. reconstitué hélas ! à gros frais, la grotte de Lourdes... l'expo-


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sition de ces matériaux de démolition qui figurent des rochers, dans une église gothique faitun effet lamentable que déplorent

les amateurs d'art. Passons.

Lui faisant vis-à-vis, existait une Pieta, bonne, composition en terre cuite, oeuvre de Schmidt., Elle fut pulvérisée par le

bombardement. Quelle oeuvre d'art la remplacera ? Sera-ce un Michel-Ange ou une Sainte-Thérèse de l'Enfant Jésus sortant des boutiques de la rue Saint-Sulpice ? A cet édifice aux lignes sobres, les fioritures, dorures, statues, aux couleurs criardes ne

conviennent pas.

On a complètement électrifié l'église. Les appliques au gaz, ulacées assez bas sur les colonnes, ont disparu. Les globes électriques ne forment pas de saillie. Pourvus de lampes de 200 bougies, ils" éclairent parfaitement les voûtes et donnent un éclairage d'un très heureux effet.

Les orgues elles-mêmes sont mues à l'électricité — tout en conservant l'ancien mécanisme de soufflerie à main, en cas de panne.

Le maître-autel a été complètement réfectionné : le marbre repoli, le tabernacle et les ornements de bois sculpté redorés par l'artiste consciencieux qu'est Paul Roussel. Les grilles du choeur, les lustres dorés aussi à nouveau. Aux autels des chapelle, il ne manque pas un fleuron. La chaire a, été complètement réparée, toute les boiseries de l'église remises à neuf. Les plus petits détails ont été soignés. Il n'est pas jusqu'à la sacristie qui ait été complètement transformée avec un mobilier neuf. On ne saurait que féliciter l'architecte de l'oeuvre accomplie et on peut dire — et personne ne contredira, cette assertion — qu'au jour de la réouverture, elle se trouvera en meilleur état qu'elle ne se trouvait au début de 1914.

Dr LEMAIRE.

SEANCE DU 28 DECEMBRE 1931

Après lecture de la Correspondance, il est procédé à l'élection de plusieurs nouveaux membres de la Société. Sont admis à l'unanimité Mlle Alice Decoutter et MM. Auguste Duflos, André Duflos, Marcel Dewèvre, le Dr Paris d'Arras, Me Paraientier, avocat ; MM. Jean Lemaire, Paul, Bérode, Mine L. Cortier, M. l'Abbé Rubben, M. Emile Grunez et M. le Baron A. de La Grange, sénateur du Nord.

Communications :

M. Le Dr DEWEVRE. — Les cliques de Synthe. Le Dr Dewèvre lit la première partie de cet important travail qui sera, publié dans le prochain volume de notre Bulletin.

Le Dr LEMAIRE. — Le Calvaire du Cimetière de Dunkerque Son inauguration.

Le Docteur Lemaire lit une plaquette devenue rare, racon-


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tant la cérémonie d'inauguration du calvaire de notre vieux cimetière, le 14 septembre 1823.

Au bout d'un siècle la croix de fer forgé rongée par l'humidité a été renversée par un ouragan. Elle fut alors remplacée par une simple croix de bois, et l'ensemble conserva la même silhouette qu'en 1823. Il est. question actuellement de faire disparaître ce monument, dont la simplicité est plus éloquente qu'un groupe de trois personnages surplombant un caveau qui doit être creusé à grands frais pour recevoir les corps des curés dont les tombes se sont effondrées : Les vieux dunkerquois regretteront cette transformation.

M. LECLTJSB. — Encore un mot sur le Coew dé La Tour .d'Auvergne.

M. Eugène Lécuse complète le travail qu'il a fait paraître en 1914, dans le Tome XVII ,du Bulletin de la Société, par les détails inédits suivants :

" Permettez-moi de vous rappeler en peu de mots que le coeur du premier grenadier de France, porté par un grenadier de la 46e demi-brigade, accompagnait ce régiment lorsqu'il vint, en 1801, tenir garnison à Dunkerque après un glorieux séjour en Allemagne : Simplement ensaché, sur le champ de bataille, en une boîte de plomb, il fut, en grande solennité, enfermé à Dunkerque dans une urne d'argent ciselée par l'orfèvre dunkerquois Le Gaigneur. Au départ de Duiikerque, cette relique tout comme le drapeau, suivit le Régiment dans ses garnisons successives. On eut l'intention de le déposer ensuite à Paris dans le Temple de la Gloire, mais, on se contenta, en 1809 de le remettre au Grand Chancelier de lia Légion d'Honneur. Plus tard, en 1817, le Coeur fut rendu à la famille du Héros, ce qui donna lieu à de multiples et longs procès entre descendants.

En 1904, enfin, offert à l'Etat, par l'héritier qui le possédait, le Coeur de la Tour d'Auvergne fut déposé, en grande pompe, en présence du Président Loubet, dans un des caveaux , des Gouverneurs, en l'Hôtel des Invalides. Ainsi que me l'écrivit alors M. le Général, Directeur du Musée de l'Armée, on aurait désiré le placer définitivement dans une des Chapelles de l'Eglise du Dôme ; La chapelle Saint-Grégoire. La guerre survint sans que ce projet eût été réalisé, il fuit repris après lies hostilités et finalement exécuté très récemment : Le 6 juin 1929, en effet, le Coeur du 1er Grenadier, en son vase d'argent, oeuvre de l'artiste Dunkerquois, fut placé dans la Chapelle Saint-Grégoire qui fait face à celle où repose l'illustre Maréchal Foch : Une Cie du 46e R.I. avec le Colonel, le Drapeau et la, Musique rendirent les honneurs. Au cours de cette cérémonie, on fit l'appel traditionnel de la Tour d'Auvergne, un Officier répondit, suivant la même tradition : Mort au Champ d'Honneur. Le récit de cette translation parut dans tous les journaux. Plusieurs reproduisirent un fac-similé., de l'urne et en donnèrent la description, l'un d'eux, organe régional!, intitula son article : Le Coeur de la Tour d'Auvergne, soldat Dunkerquois aux Invalides.

J'ai pensé qu'il convenait de mentionner cette translation,


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Plus d'un parmi nous, de passage à Paris, tiendra, sans doute, après avoir rendu hommage au grand Soldat Soderne, à s'incliner un court, instant devant le coeur d'un autre grand capitaine auquel se rattache si intimement notre, petite histoire locale.

Par ailleurs, au cours des minutieuses recherches auxquelles se livre patiemment notre Président, sur la Franc-Maçonnerie, M. le Docteur Lemaire découvrit récemment une plaquette relatant avec tous ses rites maçonniques, une fête de la Paix célébrée à Dunkerque, le 20 Brumaire, an 10 en la R. :L : de l'Amitié et Fraternité, première et plus ancienne L : de la ci-devant Flandre Maritime.

Après le banquet qui suivit cette fête, et, lorsqu'on eut porté la santé de Bonaparte, du F:. Frédéric II, en son vivant, Roi de Prusse et du T:.C:.F:. Moreau, Général en Chef d'armée, -membre de la T:.R:.L:. de la Parfaite Union, à l'O :. de Rennes,- en porta, un toast à la mémoire du Brave F:. La Tour d'Auvergne, premier grenadier de France, mort au champ d'honneur à la bataille de Neubourg, dans la 46e demi-brigade:

" A cette commémoration — je cite textuellement. — tous les coeurs subitement, contristés, écoutent avec vénération l'ode funèbre qui suit et qui est chantée par un compagnon nouvellement initié, capitaine du même Corps ». Cette ode, que j'ai reproduite jadis fut chantée avec quelques légères variantes au cours de plusieurs fêtes publiques à Dunkerque durant le séjour de la 46e demi-brigade : D'après les archives locales, elle était l'oeuvre du sergent Voisin de la, Garde Nationale, on voit, qu'en réalité, elle fut composée par un officier maçon : Comme nous le savons, beaucoup d'Officiers des garnisons, entraient alors dans les Loges par désoeuvrement ou par affinité.

" Ces paroles, continue l'auteur, aussi majestueuses que lugubres, chantées du ton le plus attendrissant et accompagnées d'une musique analogue à l'objet, font naître dans l'âme de tous les F:, la vive émotion que commande le regret dû à la valeur et à la vertu ».

La patrie reconnaissante sent, comme nous, le tribut légitime qu'elle doit aux braves guerriers dont la perte éternise nos regrets.


TABLE DES MATIÈRES

Pages

A. DE SAINT-LÉGER ET F.. BEAUCAMP. — LE BEFFROI DE

BERGUES ET L'ANCIEN HÔTEL DE VILLE .. 1

J. MOREL. — MAISONS ANCIENNES D'INFLUENCE FRANÇAISE A

DUNKERQUE 9

Dr REUMAUX. — VIEUY PAPIERS, VIEILLES MAISONS DUNKERQUOISES

DUNKERQUOISES

Dr LEMAIRE. — HISTOIRE D'UNE MAISON 31

LUCIEN BOULY DE LESDAIN. — UNE FAMILLE NOTABLE DE

DUNKERQUE AU XIIIe SIÈCLE (LES THIÉRY). 45

Dr DEWÈVRE. — FORMATION DES MILICES EN 1743 A DUNKERQUE 55

Dr DEWÈVRE. — REVENDICATIONS DE LA VILLE DE BERGUES

EN 1715 SUR LE PORT DE PETITE-SYNTHE. . 61

Dr DEWÈVRE. — UNE GRAVE MALADIE CONTRACTÉE PAR

LOUIS XIV A PETITE-SYNTHE EN 1658 67

ALBERT BRIL. — CHARLES NARREY, AUTEUR DRAMATIQUE.. . 77

Dr LEMAIRE. — LA VIEILLE FRANC-MAÇONNERIE DUNKERQUOISE

DUNKERQUOISE

H. DU RIN. — NOTES SUR LES NAVIRES PÊCHEURS A DUNKER. , QUE VERS 1790 231

H. DU RIN. LE CANAL DE MARDYCK. — SES DANGERS 238

EXTRAIT DES ACTES DE LA SOCIÉTÉ : 243

H. DU RIN. — UNE MÉSAVENTURE DE L'INGÉNIEUR BARBOT. . 244

Dr LEMAIRE. — LÉPITAPHE DE JEAN BART 245

Dr LEMAIRE. — LA RÉOUVERTURE DE L'ÉGLISE SAINT-ÉLOI. .. 249

E. LECLUSE. — ENCORE UN MOT SUR LE COEUR DE LA TOUR

D'AUVERGNE 255



MM. les Sociétaires qui changent de domicile, sont instamment priés -d'envoyer leur nouvelle adresse à M. le Secrétaire Général, rue Benjamin-Morel, 2, à Dunkerque.