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Titre : Bulletin de la Société archéologique de l'Orléanais

Auteur : Société archéologique et historique de l'Orléanais. Auteur du texte

Éditeur : (Orléans)

Date d'édition : 1859

Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34422791k

Notice du catalogue : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/cb34422791k/date

Type : texte

Type : publication en série imprimée

Langue : français

Langue : Français

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Description : 1859

Description : 1859 (T3,N32).

Description : Collection numérique : Fonds régional : Centre-Val de Loire

Droits : Consultable en ligne

Droits : Public domain

Identifiant : ark:/12148/bpt6k5544962r

Source : Bibliothèque nationale de France, département Collections numérisées, 2009-616

Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France

Date de mise en ligne : 17/01/2011

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BULLETINS

DE LA

SOCIÉTÉ ARCHÉOLOGIQUE

DE L'ORLÉANAIS.



BULLETINS

DE LA

SOCIÉTÉ ARCHÉOLOGIQUE

DE L'ORLÉANAIS.

TOME TROISIEME.

Nos 32 A 39. — 1859-1861.

A ORLEANS,

DE L'IMPRIMERIE DE GEORGES JACOB,

RUE BOURGOGNE, 220.

1862



BULLETIN

DE LA

SOCIÉTÉ ARCHÉOLOGIQUE DE L'ORLÉANAIS.

N° 32.

PREMIER TRIMESTRE DE 1859.

Séance du vendredi 14 janvier 1859.

Présidence de M. DUPUIS, président.

Lecture est donnée d'une lettre circulaire adressée à M. le Président de la Société par M. le Ministre de l'instruction publique, qui manifeste le désir d'être tenu au courant, non seulement de toutes les découvertes, de toutes les fondations, de tous les faits qui intéressent, au point de vue de la science, le département, mais encore de recevoir les procès-verbaux des séances toutes les fois qu'ils contiendraient quelques indications utiles. Le Bulletin trimestriel de la Société renfermant tous les renseignements que réclame M. le Ministre, et ce Bulletin étant envoyé régulièrement et en double exemplaire au Ministre de l'instruction publique, la Société décide qu'il n'y a pas lieu de faire un envoi différent pour remplir l'intention de M. le Ministre.

— Lecture est donnée d'une lettre de M. Méthivier, curé d'Olivet, qui exprime le désir de voir la ville d'Orléans réunir dans une bibliothèque spéciale tous les ouvrages des auteurs Orléanais, et qui demande à la Société s'il lui conviendrait d'adopter ce projet et de le proposer à l'administration municipale. Une commission est

BULLETIN N° 32. 1


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nommée pour examiner la question de savoir s'il y a lieu de donner suite à la pensée émise par M. l'abbé Méthivier. Celte commission se compose de MM. G. Baguenault, Loiseleur, Bimbenet, Desnoyers, de Molandon.

— M. le Président donne communication à la Société du compte de M. le Trésorier pour l'année 1858.

— La Société procède au renouvellement partiel du bureau et des commissions des publications et du musée pour l'année 1859. Les membres sortants sont: M. Dupuis, président; M. de Buzonnière, vice-président; M. Cosson, membre de la commission des publications; M. Desnoyers, membre de la commission du musée, rééligible.

Sont nommés : président, M. de Buzonnière ; vice-président, M. Mantellier; membre de la commission des publications, M. Collin ; membre de la commission du musée, M. Desnoyers.

— M. G. Baguenault lit, au nom de la commission des publications, un rapport sur un mémoire de M. Pillon et un mémoire de M. de Langalerie, l'un et l'autre relatifs à une excursion dans l'arrondissement de Montargis et à une visite faite aux fouilles de Montbouy. M. le rapporteur conclut à l'insertion de ces deux mémoires au Bulletin. La Société adopte ces conclusions.

Mémoire de M. E. PILLON.

EXCURSION A. MONTBOUY.

« Voici, Messieurs, le récit d'une excursion qui pour moi vaut un voyage. Commencée le matin, terminée le soir, elle m'a procuré tout une journée de bonheur et d'étonnement ; on va bien loin pour trouver moins. J'avoue même que je nourris le désir archéologique de renouveler l'entreprise, et je dois le déclarer loyalement à notre honorable président, qui voulut bien à la fois être mon cicérone et mon hôte. Ah ! Messieurs, qu'un brave antiquaire a bien mérité de nos jours, lorsqu'il est parti de chez lui à petits pas et est parvenu à faire en un ou deux mois de vacances le tour de son département ! Les petits voyages ne se réduisant plus, comme les


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grands, à de longues glissades, offrent seuls le bonheur de rêver en cheminant. Le neuf et l'imprévu sont au bord du sentier, rarement à côté de la route. Mais, hélas ! qu'il est difficile d'organiser un petit voyage! Ainsi, pour aller de Gien à Montbouy, et répondre à l'invitation, je dirai plus, à la sommation de notre excellent ami M. Dupuis, il nous a fallu compter sur un phaéton de mauvais aspect et qui n'a pas tardé à manquer de ressorts dans la traversée, confier sa destinée à un vieux cheval de hussard, vétéran de Crimée réformé, couronné, mal récompensé et boitant héroïquement au départ ; mais l'aigreur du vent, le froid de la matinée et l'habitude du malheur ont ranimé, soutenu le noble animal. Il n'a pas tardé à partir comme un trait, pour nous épargner la vue de ce morne plateau qui sépare comme un mur le bassin de la Loire de celui de la Seine, et laisse couler sur ses flancs la Langelle et le Vernisson. Quand un séjour d'une demi-heure à l'auberge solitaire des Bézards eut réparé ses forces, on eût dit que l'ancien de Crimée chargeait avec son escadron : nous descendions au galop les basses vallées de Châtillon ; la tour fuyait comme un fantôme; à peine ai-je eu le temps de jeter un coup d'oeil sur cette oeuvre gigantesque du moyen âge. Disons en passant qu'il faut se garder de sourire lorsque certains habitants du lieu vous montrent au haut de cette tour de cent pieds la tribune où César haranguait ses troupes. (C'est une défense avancée soutenue par des machicoulis.) Quels poumons, quelles oreilles, chez ces Romains! Enfin, nous découvrons les groupes d'ormes centenaires qui décorent les hauteurs de Montbouy : en moins de deux heures nous avons parcouru neuf lieues, et nous voilà rendus à la porte de la demeure gallo-romaine de notre président. C'est alors, Messieurs, qu'au coin d'un foyer réjouissant, une hospitalité prévenante nous a remis en main et une à une toutes les pièces d'un musée qui vient de naître : des vases, des ex-voto romains, des Vénus Genitrix, de bonnes petites déesses qui nourrissent un ou deux enfants suspendus à leur sein, et que les ouvriers apportent avec respect en les prenant pour des Sainte-Vierge; des anneaux, des bracelets, des ornements de tout genre , des fragments d'inscription et de petits ustensiles intimes. Il y a là de quoi dessiner pendant un mois, et sans se reposer encore. Une série de médailles vient appuyer de son


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témoignage les documents de la curieuse instruction archéologique qu'on fait passer sous nos yeux. Hors des appartements, c'est bien autre chose : on a rangé sur le bord des fenêtres, comme sur des consoles, des amas de clous antiques, de crochets, de ferrements de toute espèce, des débris de panneaux, des tronçons de colonnes, des chapiteaux, des filières à demi-rongées par le feu, jusqu'à de petites plaques de stuc encore revêtues de peinture. En face du bâtiment moderne, envahi par ces débris antiques, figurent toutes les grosses pièces du procès: les pierres sculptées, les tuiles, les objets massifs, et surtout la belle et large mosaïque extraite du canal. Enfin, Messieurs, pour achever d'un trait celle vue d'ensemble, je vous dirai que la grande avenue de Montbouy, qui certainement a plus d'un demi-kilomètre de longueur, enfouit dans ses ornières les tessons de briques et de tuiles à rebords, et va se convertir en voie romaine.

« Mais nos heures sont comptées ; nous n'avons malheureusement qu'une journée d'octobre à consacrer à Montbouy : il y a tout à voir, et la nuit vient si vite ! Aussi, pendant que nos chasseurs s'arment de leurs fusils et vont battre le bois, je prends le bras de M. Dupuis, et nous allons visiter le bourg et l'église. Elle dut être une très-remarquable oeuvre du XIIe au XIIIe siècle, à en juger par son portail mutilé. C'est à peu près tout ce qui a survécu à la dévastation la plus complète. Certes, il ne faut pas un grand effort d'esprit pour comprendre que Châtillon dut être un très-mauvais voisinage pour les établissements religieux de Montbouy; l'art catholique ne pouvait s'y maintenir debout à deux pas d'un des plus actifs foyers du protestantisme. Tout fut rasé, en effet, jusqu'à la base des colonnes et presque à hauteur de lièvre, suivant l'énergique langage du temps.

« On a depuis rebâti l'église nouvelle sur ces fondements, et on y a laissé végéter à l'aise ces ogives disgracieuses du XVIIe siècle, dont le type est une porte de grange. Il y a dans le choeur des colonnes grêles , sans style. Les réparateurs du portail ont cru bien faire en remplaçant les fûts si élégants et si purs du XIIIe siècle par des piliers cerclés d'anneaux, comme on en voit tant aux anciens hôtels de Venise et de Florence ; le tout est terminé par des feuillages grecs, et, chose bizarre ! c'est peut-être moins laid que ça ne devrait l'être.


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Mais ce qui échappe à l'analyse, c'est une suite de cadres jalonnant le Chemin de la croix; jamais je n'avais vu de rouges si rouges, de bleus si bleus, des jaunes et des verts d'une violence pareille. Comme le soleil venait encore en augmenter l'éclat, j'ai dit tout bas à M. Dupuis : « Allons-nous en. » Pendant que nous longions les murs de l'église, nous avons remarqué une petite porte très-jolie, très-intacte, et dont la conservation étonne: elle aura été sauvée en disparaissant sous un monceau de démolitions. Elle n'est pas, du reste, antérieure à Louis XII. En passant derrière le chevet de l'église, et en se rapprochant du Loing , on aperçoit les fragments d'un aqueduc romain dont nous suivrons plus tard le trajet en pleine campagne. On doit surtout reprocher au vandalisme des guerres de religion la destruction d'une petite chapelle qui dépendait d'une commanderie de Saint-Lazare. A en juger par ses ouvrages souterrains, aujourd'hui transformés en cellier, elle devait être une fort jolie oeuvre de la fin du XIVe siècle. Le manoir du commandeur est encore debout à la droite du chemin de Montbouy; sa silhouette grise se dessinait même alors en vigueur sur un des plus beaux nuages d'automne. Trois corps de bâtiment se groupent auprès d'une tourelle, et comme on a bouché toutes les ouvertures par respect pour la loi des portes et fenêtres, cette masure a l'air d'un vieil aveugle. Chaque détail est entièrement dépourvu de style ; on croit y sentir la roture et le vilain, et pourtant l'ensemble prend un caractère de distinction : c'est grimaçant, mais fier, et surtout amusant; cela donne envie d'entrer. Rien n'est plus facile, car si tout est maçonné vers le nord, tout reste ouvert au midi. On s'engage par un huis surbaissé dans l'escalier à vis de la tourelle ; on trouve un tas de blé à droite et la chambre du baron à gauche. Comme il n'y avait rien à prendre dans l'appartement de M. le commandeur, on a tout laissé ; c'est primitif, pur sang, et il n'y a pas de retouches. On n'a point enlevé les siéges, parce qu'ils sont taillés dans la pierre au bas des fenêtres et dans la cheminée. Cette partie essentielle et monumentale de l'époque féodale est ici lourde et bâtarde : le manteau est sans profil ; les colonnes ont été taillées à coups de massue. Oui, la cheminée du commandeur est laide de simplicité; j'ose croire pourtant qu'elle ne fumait pas : les solives du plafond l'attestent, et d'ailleurs, on le conçoit


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facilement en examinant les clôtures. On comprend de suite qu'en les établissant on a pensé aux voleurs sans doute, mais au vent, jamais. Le commandeur fermait sa petite fenêtre au moyen de deux volets de chêne qu'il poussait à droite et à gauche contre une colonnelle octogone divisant la croisée en deux moitiés. Dans la pierre de cette colonnette on avait ménagé vers le centre une sorte de petite console percée d'un trou ; une longue broche fixée au volet gauche glissait horizontalement dans ce trou, et en le dépassant de sept à huit pouces elle arrêtait le volet droit. J'ai dessiné, comme naïve et curieuse, cette fermeture du bon vieux temps à l'usage des chevaliers de Saint-Lazare.

« Quant à la porte, elle n'a jamais eu de serrure ; mais on pouvait la clore en dedans au moyen d'un solide verrou qu'un ressort de sûreté rendait inébranlable. Pourtant, Messieurs, le rude hôte de ce manoir avait son luxe à lui; mais il ne le déployait que sur son plafond , je veux dire sur les quatre poutres de chêne et le ratelier de solives qui le soutiennent. Tout cela est peint et décoré. N'allez pas croire qu'on ait employé dans l'ornementation ni le blanc d'oeuf, ni la colle, ni la chaux, encore moins l'huile; non, Messieurs, c'est une aquarelle ! On a détrempé dans de l'eau quelques couleurs grossières et peint trois fois le même blason sur chaque poutre, sautoir d'or sur champ de gueules, chef d'azur, etc., ce qui répète douze fois ces armoiries dans une seule pièce. Quant aux solives, elles sont revêtues de guillochages, d'arabesques, de points et de virgules tracées à la pointe du balai enduit d'une liqueur noire. Je tenais beaucoup, Messieurs, à vous esquisser ce foyer de suzeraineté monacale et guerrière. L'ennui dut souvent habiter ces lieux quand la Terre-Sainte fut à jamais perdue et que la chevalerie de Saint-Lazare n'eut plus d'infidèles à combattre et de Templiers à haïr. La chasse, les chiens, les oiseaux gentils charmaient parfois les loisirs du vieux chevalier ; il n'avait d'ailleurs que sa cour à traverser pour contempler son vasselage, pour s'agenouiller dans sa chapelle, et même pour aller se faire porter en terre au sépulcre des commandeurs. En creusant un chemin, on a rois à nu les auges de pierre où reposent les hôtes de ce triste manoir. Elles n'ont point de couvercle et sont rangées les unes au-


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dessus des autres, comme les sarcophages des catacombes. Avant de passer dans la terre classique et romaine où M. Dupuis poursuit ses belles découvertes, indiquons aux peintres qui passeront à Montbouy un curieux escalier de la Renaissance, terminé par un joli palier en forme de tribune : il y a là le sujet d'un charmant petit tableau. On trouve en haut, chez une pauvre veuve qui a eu des malheurs et qui les raconte, un délicieux pilier de bois sculpté, tourné en manière de roi d'échecs, couvert d'écailles et d'ornements parfaitement ménagés.

« Mais il est temps d'aller à Rome. Oublions le moyen âge ; suivons la grande avenue du parc ; marchons dans la direction du canal, et arrêtons-nous devant ces excavations profondes pratiquées par les ouvriers de M. Dupuis. Elles dégagent un aqueduc romain encore revêtu des pierres plates qui le couvraient dans toute son étendue. Nous en avons déjà observé un tronçon à Montbouy même, et près de la rivière : on voit que pendant un long trajet il traverse cette plaine où la charrue déterre tant de monnaies antiques, qu'on l'appelle dans le pays le champ des médailles. Derrière l'aqueduc et sur le coteau qui mène au canal, on heurte à chaque pas des fondations, des pans de murs, des masses de pierres amoncelées. C'est le sol tout entier d'une ville détruite, et partout on reconnaît la maçonnerie romaine. Une ferme de M. Dupuis n'a pas d'autres fondements que ces débris. Sur la berge même du canal, et dans la direction de l'ouest, on voit une espèce d'avancée, un bloc de pierre accompagné de longs pans de murs antiques qui se profilent le long du chemin de halage, et que la tradition désignait sous le nom de bains romains. C'est ce qui décida M. Dupuis à commencer ses fouilles; il les pratiqua sous les eaux mêmes du canal et en relira cette belle pièce de mosaïque que nous avions admirée chez lui.

« Mais ce n'est rien en comparaison de ce qu'il a trouvé, de ce qu'il trouve et trouvera sans nul doute sur la rive opposée. Figurez-vous une presqu'île bordée par le canal d'une part, le Loing de l'autre, et un large dégorgeoir ménagé pour les eaux. Le sol était planté d'arbres pleins de vigueur, de peupliers, d'aunes, de saules, et comme partagé par de longues bandes de gazon qui s'étendaient en parallèles géométriques. M. Dupuis donna ordre de les suivre mé-


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thodiquement, de les découvrir à mesure, et jugez de son étonnement lorsqu'on parvint à mettre à nu un gigantesque rectangle bordé de talus, et dont le périmètre est accidenté par des redans carrés comme par des bastions, lorsqu'il découvrit des emmarchements, des portes, et un véritable portique, entrée monumentale et digne d'un colossal édifice. Ce rectangle lui-même en contient deux autres dont l'un est encore inexploité, mais dont le second enferme une enceinte hexagone dont le milieu présente un bassin rond alimenté par une source, et où l'on descend par une suite de degrés circulaires dont les rangées inférieures sont admirablement conservées, et qui semblent posées d'hier. A droite, à gauche, en tous lieux, on retrouve les stucs peints qui couvraient les murs ; on relire à chaque instant du milieu des décombres des masses de fer ouvragé, des ustensiles, des filières et des poutres à demi-consumées, et qui prouvent que l'édifice entier s'est écroulé sous un incendie. Malgré les soins et les précautions indiquées, la pioche des ouvriers brise malheureusement une foule d'objets de toute nature et de figurines enfouies dans le bassin ou sur le bord des talus. On a retiré sous nos yeux un petit buste d'enfant parfaitement intact, et soutenu par son piédouche. Nous avions vainement, dans la matinée , tâché de reconstituer un buste semblable à l'aide de ses débris. Le bassin rond communique au moyen d'une rigole destinée à absorber le trop plein de ses eaux et se dirigeant vers un petit édifice voisin de la grande enceinte, mais d'une orientation différente. Ce monument, construit en forme de carré long, et flanqué de colonnettes, a tout à fait l'aspect d'un temple destiné à abriter les eaux d'une seconde piscine à laquelle on descendait par une suite de degrés. Un grand nombre de pans de murs encore debout dessinent une suite de compartiments dont il est difficile de comprendre la destination. Comme il était entièrement rempli d'eau à l'instant où nous l'avons visité, nous avons beaucoup regretté de me pas voir les marches qui bordent une sorte de promenoir ou galerie extérieure. Les colonnes sont toutes formées de tronçons ou rondelles de quelques centimètres de hauteur ; et comme certains curieux en emportent ce qu'ils peuvent, je crains bien qu'avant peu on n'ait enlevé une grande partie de cette ornementation si curieuse, en dépit des précautions, fossés et bar-


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ricades de M. Dupuis. Je reviens sur ce caractère de temple antique qui saisit au premier coup-d'oeil; plus on réfléchit, et plus on est porté à y reconnaître un lieu consacré. Les mêmes ex-voto qu'on trouve dans le bassin rond abondent dans le temple. Comment expliquer cette multitude d'offrandes, jetées dans un bain public? Il est probable que ces thermes possédaient une vertu surnaturelle, qu'ils étaient placés sous l'invocation de quelque divinité tutélaire, et qu'enfin on venait y présenter des voeux et des dons. Toutes les statuettes que j'ai trouvées dans la collection, déjà si riche, de M. Dupuis, reproduisent souvent les mêmes types et sont moulées en deux pièces que l'on rejoignait l'une à l'autre. Leur long séjour dans l'eau ne les a point altérées; toutes paraissent composées d'une pâte argileuse et blanchâtre. Un grand nombre de monnaies de cuivre se recueillent au fond de ces bassins, et elles sont si parfaitement conservées, qu'on les dirait frappées d'hier ; leur séjour dans la vase leur a même communiqué un ton doré. On n'en avait pas encore rencontré une seule postérieure au règne d'Antonin. La maçonnerie de tout cet édifice est magnifique ; les revêtements extérieurs sont tous formés de pierres choisies avec soin et taillées à quatre pans égaux. C'est le petit appareil qui a été employé dans l'oeuvre du grand bâtiment des bains et dans ce que nous prenons pour un temple. Je dois vous déclarer, Messieurs, que la vue de ce vaste champ de découvertes m'a plongé dans un étonnement dont je ne suis pas revenu, et qui dépasse de beaucoup tout ce que je m'attendais à trouver en me rendant à Montbouy. C'est l'Herculanum du Loiret.

« Que vous dirai-je maintenant de ce cirque imposant qui s'élève sur la pente du coteau voisin, à l'ombre d'une futaie de chênes, et d'où l'oeil du spectateur voit fuir les horizons de la vallée du Loing? Ce cirque pouvait contenir trois mille spectateurs au moins ; ses gradins sont encore indiqués sur le sol incliné ; son arène semble fraîchement nivelée. La truelle du maçon a entouré chaque petite pierre de quatre traits fins de cet admirable ciment romain que les siècles respectent. Les murs n'ont pas fléchi, et dans l'immense ovale de l'enceinte, on voit encore debout les rampes, les portes et même une de ces retraites qui servaient d'asile aux belluaires. Au


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sommet de l'hémicycle, on retrouve encore les trous où l'on fixait le velarium. En un mot, tout est plein de jeunesse encore, et l'on pourrait y donner demain une fête. El nous allons chercher au loin des ruines et des souvenirs ! Et il faut qu'on nous dise que nous avons à quelques lieues le cirque de Chenevières! Je ne connais à ce monument si grandiose qu'un seul ennemi : c'est un chêne gigantesque, qui s'est planté à son sommet et qui agit comme un coin sous la main du temps. Mais ses branches s'étendent si loin, sa masse de verdure est si belle, ses vieilles rides s'harmonisent si bien avec l'oeuvre de Rome , qu'il ne faudrait pas avoir le moindre sentiment de l'art pour le mutiler ou l'abattre.

« Maintenant, Messieurs, demandons-nous quelles scènes de dévastation ont passé sur cette ville détruite, quelles guerres, quelles invasions ont incendié ces édifices. Le champ des médailles, la piscine elle-même, nous produiront sans doute quelques muets témoins qui viendront aider nos conjectures. Le règne d'Antonin était celui de la paix du monde. Verus et Marc-Aurèle continuèrent dignement son oeuvre, et un bouleversement pareil ne semble pas dater de leur époque. Nous sommes loin des Bagaudes, des Vandales et des Huns. Le cirque lui-même est désigné dans un vieux plan sous le nom bizarre de redoute des Sarrazins. Attendons, et ne nous livrons pas aux systèmes.

« Les magnifiques travaux de M. Dupuis auront avant peu fixé l'attention des amis de l'art et de la science; de nouvelles richesses archéologiques auront comblé ses voeux, et grâce à lui, les raretés de Montbouy y attireront à jamais les touristes et les érudits. »

Mémoire de M. C. DE LANGALERIE.

EXCURSION DANS L'ARRONDISSEMENT DE MONTARGIS.

« Une promenade à Montargis et dans une partie de son arrondissement m'ayant fourni l'occasion d'examiner quelques monuments ou objets dignes d'être remarqués, je me fais un devoir de vous en soumettre un rapport, n'ayant d'autre intention que celle de constater l'état des lieux que j'ai visités et d'éveiller dans vos coeurs le besoin de voir de vos propres yeux ce qui a été pour moi-même une cause de plaisir, d'étonnement ou d'admiration.


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« Si quelques-uns de nos collègues avaient pu, comme moi, répondre à l'invitation de notre digne Président, au lieu d'une nomenclature sèche et rapide, vous auriez aujourd'hui des descriptions attrayantes, des études sérieuses, des vues exactes et des dessins exécutés avec talent, qui, en venant en aide à la pensée, vous donneraient une idée plus parfaite des choses et y ajouteraient un attrait que la parole sera toujours insuffisante à reproduire. Et certes, leur part eût été belle, car lorsqu'on a vu l'amphithéâtre de Chenevière, le pont de Dordives, qu'on a étudié les ruines de Craon à Montbouy, celles de Triguerre, qu'on a visité Châtillon, Fontaine-Jean, Saint-Maurice, Châteaurenard, Ferrières, Le Metz-le-Maréchal et Château-Landon, sans compter Montargis lui-même, il est impossible de ne pas trouver une ample moisson d'études charmantes et variées.

« Le fardeau, trop lourd pour un seul, fût devenu une tâche facile pour quelques-uns; néanmoins, j'essaierai de vous faire un résumé aussi fidèle que je le pourrai. Les monuments modernes et ceux du moyen âge formeront la première partie de ces communications; ceux de l'antiquité seront l'objet d'un travail secondaire. Je commence par le chef-lieu.

« Tout a été dit sur Montargis, sur son origine, son histoire et sur ses souvenirs légendaires, sur ses coutumes et sur les personnages célèbres qui y ont pris naissance. Depuis le XIe siècle, époque où les sires de Courtenay en étaient seigneurs, on sait que celte ville passa successivement du domaine de nos rois dans l'apanage de Renée de France et de sa fille Anne d'Est, en 1570, redevint propriété de l'État en 1612, et depuis la première moitié du XVIIe siècle, jusqu'en 1789, fit partie des duchés d'Orléans, formés depuis Louis XIII.

« Son château, qui a été fréquenté par plusieurs de nos souverains et habité par d'illustres princesses, fut, jusqu'au commencement de ce siècle, temps de la fièvre des démolitions, une demeure forte et redoutable. Il n'en reste plus qu'une porte d'entrée et un pavillon assis sur une terrasse qui domine la ville.

« Celle-ci, entourée de muraillles que baignent de tous côtés des canaux et des rivières, offre l'aspect et l'animation des villes les plus riantes. Montargis a des tourelles et quelques maisons remarqua-


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bles, dont une, du XVIe siècle, appartient à M. Rollet. Son église, dont l'extérieur montre plusieurs pilastres soutenant les arcs-boutants, ornés de niches et de colonnettes dans le style de la Renaissance, est de deux époques bien tranchées. Intérieurement, le choeur, attribué à Ducerceau, est entouré de parties latérales fort étroites et éclairé par d'immenses fenêtres à plusieurs meneaux jetant une abondante lumière, que l'on voudrait voir tempérée par des verrières artistement peintes. Ce choeur est entouré de colonnes démesurément élevées et sans chapiteaux, tandis que le reste de l'église, c'est-à-dire ce qui forme la nef, se compose d'une partie plus ancienne et plus basse, mais d'un style plus simple et plus harmonieux. On voit dans les chapelles plusieurs tableaux dignes d'être cités; à droite du choeur se trouve une Madeleine pénitente à laquelle un ange apporte un crucifix. Cette peinture, attribuée aux Carrache, se fait remarquer par les qualités les plus essentielles, et l'on ne peut guère douter de sa haute origine, puisque c'est un présent que le Souverain Pontife Pie IX a fait à cette chapelle. Dans une autre on voit un Saint Jérôme que nous pensons appartenir à l'école espagnole, et qui a toute la fierté magistrale d'un artiste de celle nation. Une Descente de croix, celle qui est placée dans la partie droite de l'église, et non la grande, qui encombre une chapelle de gauche, paraît être une production de l'école des Sadeler et nous a paru fort curieuse, de même que le tableau primitif qui représente une Nativité ou Adoration des rois.

« Enfin, un tableau moderne de Gleyre, le Départ des apôtres, dont la gravure a popularisé le sujet, est appendu dans une autre chapelle et compose un des ornements les plus précieux de cet édifice, que l'on a le projet, nous a-t-on dit, d'agrandir et de compléter.

« Au travers de la ville, des rivières servent à faire mouvoir plusieurs moulins ou usines. Le Vernisson, le Loing et le canal sont autant de cours d'eau qui baignent les murs des habitations particulières. De nombreuses tanneries, avec leurs galeries de bois et leurs lavoirs appuyés sur pilotis, forment, dans des perspectives faciles, les aspects les plus pittoresques, et, pour peu que le soleil y jette la couleur, deviennent de ravissants tableaux que l'artiste doit fixer


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avec bonheur sur sa toile. Je recommande particulièrement à nos collègues une vue du Vernisson, prise du pont qui traverse la rue faisant face au château.

« Le côté nord de la ville est séparé, par le canal, d'une belle promenade appelée le Paly, dans laquelle un bâtiment presque neuf renferme une salle de spectacle et un musée.

« Ce musée, créé il y a peu d'années par MM. de Girardot et Ballot, et confié à l'intelligente et active surveillance d'administrateurs dévoués, s'enrichit chaque jour de dons faits par les amis des arts, dons si nombreux que le besoin d'un plus vaste local se fait déjà sentir pour la conservation des collections qui y sont déposées : tableaux, dessins, gravures, plans en relief, curiosités, médailles, sculptures, bas-reliefs, ivoires, bronzes, antiquités égyptiennes et romaines, histoire naturelle, poterie émaillée, porcelaines, émaux, tout est là, dans un espace restreint, étiqueté, et attendant le jour où une main prudente et habile pourra en faire le transport dans la nouvelle demeure que lui prépare l'administration, grâce à la munificence de M. Durzy.

« Le souvenir de Girodet, le grand pointre à qui Montargis a donné le jour, se rencontre a l'entrée de l'une des salles. Comme un juste et légitime hommage fait à son génie, sa palette et ses pinceaux sont déposés sur une table où sa main, modelée en plâtre, est arrêtée au pied de sa puissante figure, sculptée en marbre par M. de Triqueti. Rien n'est beau et saisissant comme le profil de ce visage, dont les traits semblent animés par le feu d'une intelligence d'élite. Deux magnifiques dessins de ce maître accompagnent un de ses tableaux de concours, et complètent le panneau qui lui est consacré. En outre, son portrait, peint à la cire par Carpentier, en 1853, est placé vis-à-vis.

« Le sujet capital de la galerie de tableaux est, sans contredit, un Saint Jérôme peint par Zurbaran, et donné par Mme la duchesse de Dalmatie. Il serait inutile de faire l'éloge de ce chef-d'oeuvre ; nous constatons simplement sa haute valeur artistique, comme pour féliciter la ville et faire l'éloge du nom de celle qui lui en a fait hommage. — On y voit encore un sujet de petite grandeur peint par Jouvenet, traité en manière d'esquisse, mais avec une vigueur de


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touche extraordinaire : c'est Jésus guérissant les malades. Celte toile, qui a un pendant moins remarquable, porte le n° 58.

« Non loin de ce tableau, on voit un pastel de Boucher, portant le n° 2.

« Près de ce dernier est une peinture primitive italienne, remplie d'intérêt (ayant le n° 10) ; c'est le portrait d'une femme auteur ou poète, qui lient un livre sur lequel elle paraît vouloir écrire. Le livre, l'ameublement, le costume, tout rappelle l'époque du XVe siècle; toutefois, la peinture, quoique pleine de suavité, est conçue dans un ton de couleur plus élevé que celle de Léonard de Vinci, dont elle rappelle un peu l'esprit et le style. Je croîs cette oeuvre fort précieuse du commencement du XVIe siècle ; le cadre, également du temps, est décoré de petits ornements foliés, dessinés en or sur fond noir. C'est un panneau de chevalet.

« Le n° 57 de la collection, dans un cadre ovale, est une toile française du XVIIIe siècle, parfaitement peinte, dans le ton le plus clair elle plus brillant. Elle représente un cavalier cuirassé, coiffé d'un feutre à larges bords, avec panaches, en reconnaissance dans un poste avancé, s'entretenant avec une vedette à cheval et un homme à pied, genre de sujets qu'affectionnait Casanova ; mais il nous est impossible de reconnaître ce maître dans celte peinture si fraîche et si légère de ton.

« Les nos 22 et 23, de petite dimension, sont des sujets peints par Mlle Rosa Bonheur, et représentent un chien et une tête de brebis.

« Le n° 16 offre un enfant, un amour ou un génie, peint d'une manière assez fière, et rappelle une facture tout italienne.

« On voit encore une tête de jeûne Savoyarde, dessinée par Antigna, et un paysage (Vue de Sologne) de Francis Blin, donné par M. Sully-Brunet. Deux aquarelles de notre collègue, M. Chouppe, s'y trouvent réunies avec un paysage de M. Pensée:

« Il me reste à parler d'une toile de dimension moyenne, placée dans un jour peu favorable, mais qui mérite une mention particulière : c'est un grand paysage, que j'attribue à Guillaume Nieulant, peintre d'Anvers, du commencement du XVIIe siècle, élève de Roland Savery et de Paul Brill, qu'il avait eus pour maîtres pendant trois ans à Rome. Cette peinture, de sa première manière, est naïve


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comme paysage, mais fort précieuse par les figures qui s'y trouvent. On voit, sur le premier plan, un jeune cavalier et une dame richement vêtus qui s'entretiennent debout dans une promenade. Ces figures, parfaitement dessinées et d'une grande élégance, donnent, par leur costume et l'esprit avec lequel elles sont rendues, une haute idée du talent de ce maître. Ce sujet porte le n° 62.

« Une momie d'Egypte, dans son vêtement de bandelettes et dans sa boîte, s'y voit à côté de divers sujets modelés, dans une salle du rez-de-chaussée, où se trouvent aussi des minéraux, des gravures et des dessins. Un rétable d'autel, sculpté en bois, style du XVIe siècle, se fait remarquer par la simplicité avec laquelle on a placé saint Jean couché sur la poitrine de son maître.

« Dans une vitrine de la salle du haut, il y a quelques sculptures d'ivoire. Un petit groupe ancien, représentant saint Michel terrassant le démon, parfaitement mouvementé, est d'un travail vigoureux et bien accentué. Des médailles et de petits objets antiques, ustensiles de bronze, remplissent ce meuble.

« Quelques poteries de Nevers et pièces de vaisselle commune, mais curieuses, avec inscriptions et sujets facétieux, sont placées sur des étagères. Une terra grise émaillée en bleu, aux écussons de France, forme un petit vase extrêmement curieux.

« Deux émaux, que je crois de Laudin (des saints en prière), sont encadrés dans leurs bordures anciennes. Quelques portraits, dont un de femme fort joli et portant le n° 55 ; les trois généraux Gudin, puis la Mort de Madame de Maintenon, peinture moderne, et le tableau donné par l'Empereur, représentant un acte de dévouement du curé d'Oussoy pendant le choléra, complètent avec quelques autres peintures les richesses variées de celte galerie naissante, dont le patriotisme montargois assure d'avance le brillant avenir.

« Je ne dois pas oublier, dans la curiosité, une veste verte de dessous en soie brochée, que l'on croit avoir appartenu à Molière, portant le n° 35 et donnée par M. Ménestrier; puis une représentation en relief, faite avec du carton, de l'ancien château de Montargis, tel qu'il était autrefois.

« Avant de quitter cette ville aux moeurs affubles, aux allures vives et passionnées qui lui donnent une physionomie toute méri-


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dionale, demandons-lui encore une fois un souvenir pour le monument de la Croix-aux-Anglais, et une cérémonie religieuse qui rappelle que le 5 septembre 1427 fut un jour de triomphe pour ses habitants et pour toute la France.

« Montargis est depuis peu de temps en possession d'un morceau d'ornementation architecturale fort curieux, dont je ne puis me dispenser de parler : c'est une partie de la façade d'une maison historique que la ville de Lorris possédait autrefois et que l'on voit aujourd'hui déposée provisoirement sous un hangar de l'hôtel de la Mairie. Comment un monument d'une richesse pareille et d'une telle importance est-il venu, de Lorris, se mettre à la disposition d'une localité voisine? C'est ce que nous ne tenons pas à savoir. Toutefois est-il que cinq arcades, qui ornaient la façade de la maison des Templiers, à Lorris, et qui sont de la plus curieuse et de la plus belle architecture du XIe siècle, se voient dans cet endroit et n'attendent que la fin des travaux de la nouvelle demeure destinée aux objets d'art, pour aller y prendre place. »

LORRIS.

« Mais puisque Lorris, dont les coutumes étaient les plus anciennes du royaume, et qui donna le jour à un des auteurs du Roman de la Rose, ne tient plus à sa maison des Templiers, qu'on lui conserve au moins son église avec sa belle porte romane. L'intérieur de ce monument est complet ; ses voûtes, sans nervures saillantes, sent élevées et en plein cintre; son choeur est fermé par un mur droit percé de trois fenêtres, dont le symbole est connu ; son architecture, en un mot, est simple et imposante.

« L'orgue, placé sous la voûte, du côté droit de la nef, est entouré d'une galerie richement sculptée en bois, soutenue par une console de même, terminée en cul-de-lampe, avec pendentifs d'une physionomie toute particulière d'élégance et de simplicité. »

CHATILLON-SUR-LOING.

« Le château de Châtillon-sur-Loing, tout le monde peut le savoir, depuis l'intéressante communication qui nous a été faite, il y a trois ou quatre ans, par le savant M. Becquerel, appartenait à la maison


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de Coligny depuis 1437, et sa transmission à la maison de Luxembourg vient d'Angélique-Élisabeth de Montmorency, douairière de Gaspard IV de Coligny, dernier de la branche aînée, tué à l'attaque de Charenton, en 1649. Celle terre avait été laissée en propre pour ses reprises à ladite Angélique. En 1695, elle en fit don à son neveu, Paul-Sigismond de Montmorency-Luxembourg, comte de Lusse. En 1663, la terre de Châtillon avait été érigée en duchépairie, sous le nom de Coligny, et en 1696, elle fut de nouveau maintenue au même rang en faveur des Luxembourg; aujourd'hui, elle est habitée par le dernier des membres de cette illustre famille. « Après tant de splendeurs passées, l'ancien château ne conserve que sa vieille tour entourée d'immenses terrasses, reposant sur les anciennes fortifications. Cette tour ou donjon, d'un aspect imposant, appuyée sur des fondations de 5 mètres d'épaisseur, est construite en grand appareil et présente de loin une masse presque ronde ; cependant, seize pans reliés de deux en deux par des contreforts, ayant la forme de colonnes, en découpent le revêtement. Celte forteresse, souvenir vivant d'une époque de guerres terribles et sanglantes, semble protéger de son ombre les restes de l'amiral qu'une main amie a rassemblés près de ses murs (1). Un poste d'observation se trouve construit en saillie presque à son sommet; dans le pays on l'appelle la chaire de César, dénomination que sa forme robuste et hardie semble justifier aux yeux du vulgaire. Toutefois, celte espèce de loge couverte, en usage dans la construction des forteresses du XIIe, du XIIIe et du XIVe siècle, est reliée au mur par une console formée de deux énormes boudins de pierre, et donne jour de tous côtés sur la campagne. Aucune trace d'ornement n'existe dans celte tour, si ce n'est une seule figure grimaçante, du côté du nord, sur un des chapiteaux qui couronnent les contreforts. Dans l'intérieur, à la hauteur du sol, un pilier de 2 mètres d'épaisseur va, s'épanouissant à une hauteur de 5 mètres environ, soutenir tout seul une voûte qui supportait autrefois le premier étage, lequel n'avait aucune communication apparente avec le bas ; un escalier moderne en bois de toute pièce conduit à une crevasse faite

(1) Voir à la fin de l'article.

BULLETIN N° 32. 2


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dans cette voûte pour arriver audit étage. Celui-ci était séparé de l'étage supérieur par une seconde voûte unie, appuyée, non pas sur un nouveau pilier, mais sur les parois de la tour elle-même. Une rosace ouverte dans le milieu forme le passage unique par lequel on y aboutissait ; de telle sorte que quand les défenseurs de la tour étaient montés dans la partie la plus élevée, au moyen d'une échelle ou d'une corde, on retirait l'échelle ou la corde, on fermait l'ouverture, et l'on était chez soi. Mais là ne se bornaient pas les moyens d'échapper aux assaillants, car de nombreuses caves et souterrains, que l'on voit encore, étaient pratiqués sous le château et communiquaient au loin dans la campagne. Nous avons pu voir et fouiller dans un des corridors du donjon la cachette où furent trouvés et malheureusement enlevés les papiers de famille que l'on y avait déposés au moment de la révolution. Ce vol a été raconté par l'honorable M. Becquerel. Le caveau sépulcral de la famille se voit encore dans un des parterres qui remplacent les anciens bâtiments. On dit qu'une chapelle, puis un temple protestant, ont existé sur cet emplacement, qui est au sud et à une cinquantaine de mètres du donjon.

« C'est sur la terrasse et au-dessus de l'orangerie, formant le côté sud de l'ancien manoir, que se trouve placée la nouvelle habitation de M. le duc de Luxembourg. Partagée en deux par une ancienne porte dont on a fait un vestibule, la demeure nouvelle, construite avec goût, orientée du levant au couchant, se trouve placée en travers de la grande terrasse, qui forme une magnifique promenade. De cet endroit on jouit d'une vue charmante ; on aperçoit la ville avec sa tour de Vauvert, qu'habitent les esprits, puis la rivière du Loing, qui coule autour des murs et baigne d'immenses potagers. Au-dessous sont les serres et l'orangerie, vers lesquelles on descend par un escalier rapide qui fut autrefois monté par Condé, à cheval, dans une circonstance où ce chef de l'armée huguenote se vit obligé de gagner lestement le château. L'orangerie domine elle-même le vallon, que borde une seconde terrasse, et c'est sur celle-ci que se trouve un puits monumental d'une construction riche, mais un peu lourde, surmonté d'un dôme sur lequel on voit un aigle portant un dièdre en pierre, qui mesurait le temps à toutes les heures du jour. Une galerie de tableaux, surtout de portraits,


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occupe le bâtiment qui se trouve auprès de la. première porte d'entrée, proche les maisons de la ville. On y voit les portraits de plusieurs rois : Louis XVI, Louis XVIII et Charles X, hommages des souverains eux-mêmes offerts à M. le duc de Luxembourg. Un portrait d'après nature de la reine Marie-Antoinette s'y fait remarquer autant par la beauté des traits, l'expression du regard, que par la finesse de la peinture et l'arrangement du costume ; les portraits de trois Montmorency du temps, armés de toutes pièces ; un portrait du maréchal de Luxembourg, à cheval ; ceux des trois Mancini, nièces de Mazarin. Le portrait de l'amiral Tromp, et celui d'un amiral français de la famille complètent, avec quelques autres toiles, ce petit musée, dans lequel les souvenirs d'un autre temps se trouvent encore reproduits de diverses façons. Les portraits de M. le duc, ancien capitaine des gardes-du-corps, et de Mme la duchesse de Luxembourg, née de Loyauté, se voient dans une des salles de leur habitation nouvelle. On nous a montré une table ronde, appelée la table des connétables, en bois d'ébène orné de cuivre, sur laquelle se trouvent encastrés les portraits des Montmorency qui ont occupé cette charge, peints sur porcelaine et provenant de la manufacture de Sèvres. C'est encore le cadeau d'un souverain, fait à M. le duc de Luxembourg, qui l'a placé dans sa galerie de peinture.

« Le digne curé-doyen de Châtillon, chez lequel nous avions trouve le plus aimable accueil, nous conduisit dans son église, ancienne collégiale, où nous remarquâmes quelques toiles curieuses et des panneaux ornementés provenant de l'ancien château (1 ). Une partie de ces panneaux est placée aujourd'hui dans la sacristie : ces sujets, de même que les peintures de la chapelle du duc, appartiennent au XVIIe siècle par la facture, le costume et l'esprit. Nous n'avons véritablement remarqué que les vases de fleurs et de fruits placés dans ladite chapelle et exécutés avec plus de soin par un pinceau de maître appartenant à la même époque. Quant au tableau de Vignon qui orne le maître-autel, c'est une de ces toiles dont le maître lui-même, s'il revoyait son oeuvre, déplorerait, j'en suis sûr, la manière lâchée, incorrecte et blafarde. Le clocher, séparé

(4) Bulletin, t. II, p. 390 et 438.


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de l'église, est placé sur une ancienne tour de la ville, et, par une circonstance qui dépend peut-être de l'inclinaison de la charpente, sa flèche, recouverte en ardoise, semble, vue de devant la porte de l'église, pencher légèrement à gauche.

« Les restes de l'amiral Coligny, que l'on a rassemblés, il y a quelques années, sous un marbre, près de la tour du château, après avoir été déposés à Châtillon, dans le tombeau de la famille, furent, en 1786, demandés par M. le marquis de Montesquiou-Fézensac. Ce seigneur, admirateur passionné sans doute de l'illustre capitaine, les ayant obtenus du duc de Luxembourg, les plaça dans un mausolée de marbre noir, élevé près de son château de Maupertuis, à peu de distance de Coulommiers, en Brie (aujourd'hui département de Seine-et-Marne).

« D'après M. Becquerel, ce fut en 1790 que les cendres de l'amiral furent de nouveau extraites de ce monument.

« Sans infirmer en rien le récit de notre respectable collègue, je vais vous raconter le fait suivant, qui se lie au souvenir de ces restes et du monument élevé en leur honneur à Maupertuis :

« En 1797 ou 1798, un jeune homme de quatorze ans, dont l'oncle paternel était le valet de chambre de M. de Montesquiou, quitta Paris, où il était commis en librairie, pour venir passer au château de Maupertuis, avec son oncle, les premiers jours de l'année. Reçu par les gens de la maison, on lui fit faire une promenade dans les jardins et visiter tout ce qu'il y avait de curieux. Devant le château se trouvait une île où on le conduisit au moyen d'un batelet. Au milieu de cette île on lui montra l'endroit où le mausolée de l'amiral avait été élevé. On n'y voyait plus de sarcophage, mais seulement la chambre où il avait été élevé, qui ne renfermait alors que dès décombres, au milieu desquels on apercevait quelques morceaux de marbre noir veiné de bleu. Mais il remarqua sur le sol les os brisés d'un squelette ; il les toucha et demanda si c'étaient les os de Coligny. La personne qui l'accompagnait lui ayant affirmé que c'était bien les restes de l'amiral, il se retira, sans que l'envie lui vînt, comme un enfant insouciant qu'il était, de recueillir un morceau de ces dépouilles fameuses.

« Vers 1810, une personne qui était au service de M. Eugène de


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Montesquiou étant allée le voir à Paris où, grâce à la protection des mêmes Montesquiou, il continuait fructueusement son commerce de livres, lui donna une boîte dans laquelle, sous le portrait gravé de Coligny, se trouve attachée une partie assez importante d'un os de jointure de l'amiral, puis un plus petit reste, qui est également fixé dans ladite boîte en manière de relique.

« J'ai vu celte boîte, et c'est le jeune homme de 1798, aujourd'hui vieillard, dont la mémoire est aussi fidèle qu'au premier temps de sa vie, qui m'a rapporté le fait dont je viens de vous entretenir. »

SAINT-MAURICE.

« Vers la limite du département du Loiret, et sur le chemin qui conduit de Châtillon-sur-Loing à Fontaine-Jean, on voit un petit village situé sur une pente qui domine la vallée de l'Aveyron : c'est Saint-Maurice. On y trouve une église qui date du XIe siècle, comme il est facile de le vérifier par sa principale porte à plein cintre, ornementé en zigzag. Parmi les objets conservés dans le trésor de cette modeste église, on montre deux anciennes bannières brodées, aux effigies de deux cavaliers, saint Maurice et saint Georges, montés sur des chevaux impossibles, et deux petites statuettes en pied représentant les mêmes saints, fort curieuses et fort naïves. Ces deux guerrriers portent une lance et sont recouverts de leurs armures, dans le style du XVe siècle. L'un et l'autre sont en cuivre jadis doré. Si tous ces objets ne sont pas remarquables au point de vue de l'art, ce sont au moins de très-précieuses reliques, qui attestent la vénération professée autrefois dans le pays pour ces deux personnages.

« Nous y avons vu également l'enveloppe en métal du coeur de la dernière des Courtenay. Celte enveloppe vide est couverte d'une longue inscription gravée en creux qui en atteste la destination et qui établit que cette femme, de la maison royale des Courtenay, et morte en 1768, était princesse de Beaufremont.

« Une maison de bois, d'une apparence assez modeste, malgré l'escalier couvert et formant tour carrée qui en précède l'entrée, sert aujourd'hui de maison d'école pour les jeunes garçons du village. Elle fut cependant autrefois visitée par un homme de génie.


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La soeur du grand Corneille a habité cette demeure, et l'on voit encore sur les anciens registres de paroisse le nom de l'illustre poète, qu'il a tracé lui-même à l'occasion d'un acte de naissance. Celle soeur de Corneille légua sa maison, ainsi que le jardin qui en dépendait, à la paroisse de Saint-Maurice, à la condition d'en faire une école pour la jeunesse. Ce voeu a été accompli: la maison tient encore; mais le souvenir de la bienfaitrice durera plus longtemps que ses pauvres murailles.

« Sur le haut du coteau et derrière le bourg, on trouve une immense démolition. Ce sont les ruines du château de l'Enfernal-d'enHaut, grande et ancienne seigneurie qui appartenait, au XVe siècle, à la maison de Bracque. Mais où trouver aujourd'hui sur ces murailles déchiquetées l'écu d'azur à la gerbe d'or que portaient les anciens seigneurs de cette demeure? La mine et la pioche, qui en ont fait sauter tous les revêtements, semblent annoncer une terrible revanche dans le goût de ces exécutions que firent les soldats de Richelieu sur les dernières forteresses de la féodalité.

« D'après dom Morin, il existait à Saint-Maurice un autre château appelé l'Enfernal-d'en-Bas, qui avait appartenu à Jacques Coeur, et qui avait été bâti par un Regnault de l'Enfernal, chevalier dont le tombeau en pierre se voyait autrefois dans l'église dudit lieu. Nous n'avons vu aucune trace de ces deux monuments.

« L'Enfernal-d'en-Haut appartient aujourd'hui à M. le duc de Luxembourg.

« Dans le bourg, on voit de tous côtés de belles pierres travaillées, telles que chapiteaux d'une seule pièce, dont un sert de piédouche à une croix placée au coin d'une maison de la route; fûts de colonnes, moulures, etc., qui annoncent le voisinage d'une grande ruine où tout le monde va chercher des matériaux.

« Cette riche carrière n'est autre que l'abbaye de Fontaine-Jean. »

FONTAINE-JEAN.

« Ce nom réveille le souvenir d'une ancienne abbaye de l'ordre de Citeaux, de fondation royale, et bâtie en 1124 par les libéralités de Pierre de Courtenay, qui y fit de grands biens, dit dom-Morin, avant, que d'aller dans la Terre-Sainte.


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« Les corps de plusieurs membres de cette famille reposaient dans le sanctuaire de l'église de cette abbaye. Mais que reste-t-il aujourd'hui de ces riches édifices? Une magnifique église des XIIe et XIIIe siècles, dont on ne voit plus que quelques vestiges disparaissant de jour en jour sous le marteau des acheteurs de pierres. Oui, Messieurs, ces vénérables débris sont vendus pièce à pièce. Une partie du choeur tient encore du côté gauche, pour montrer l'élégance et la richesse de ce monument, dont les arêtes en pierre d'une voûte des bas-côtés se croisent encore dans le vide, laissant voir quelques restes de briques dont était formée cette même voûte. Deux belles arcades, surmontées de deux étages où l'on voit encore extérieurement des colonnes de même style, sont soutenues par des pans d'une pureté de lignes admirable. Mais, hélas ! dans quelque temps il n'y aura plus qu'un sol fouillé où l'on ira vainement chercher la place qu'occupaient les tombeaux des Courtenay, dont les cercueils de plomb ont été longtemps dans un grenier et vendus probablement aux chaudronniers de la contrée.

« A la place des bâtiments de l'ancienne abbaye, on voit une habitation moderne, dans laquelle il nous a été permis d'admirer de belles tapisseries de Beauvais provenant, nous a-t-on dit, de l'ancien château de Châtillon.

« Ces tapisseries, qui appartiennent au XVIIe siècle, sont malheureusement sacrifiées aux exiguïtés d'un salon trop petit pour elles. Sur un champ fleurdelisé, on voit, soutenues par des génies, les armes de France et de Navarre ; de riches bordures sont ornées d'écussons dont-il ne nous a pas été possible de détailler les pièces. Peut-être sont-ce les armes de la maison de Luxembourg, qui sont d'argent au lion de gueules armé, couronné et lampassé d'or, la queue fourchue nouée en sautoir ; ou bien celles des Montmorency, modernes, qui sont d'or à la croix de gueules, cantonnées de seize aliénons d'azur, quatre en chaque canton. »

FERRIÈRES.

« Les bâtiments de la célèbre abbaye de Ferrières, de l'ordre de Saint-Benoît, dont l'histoire a été écrite en 1846 par notre collègue M. l'abbé de Torquat, présentent à l'oeil du visiteur une masse impo-


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sante à qui les incendies du XVe siècle, les démolitions de 1793 et les restaurations modernes n'ont pu encore enlever leur caractère primitif.

« La chapelle de Bethléem , dont la fondation remonte au temps des premiers apôtres du Sénonais, saint Savinien et saint Potentien, est un bâtiment de modeste apparence et d'une construction relativement moderne. Son clocher, tombé en 1839, fut remplacé par un campanile, au moyen de dons faits par les fidèles.

« Le tombeau de dom Morin, l'auteur de l'Histoire du Gâtinais, mort en 1628, se trouve au pied d'un autel qui est à gauche, non loin du sanctuaire. Au fond de l'église et près de la tribune, on remarque un tableau dont le motif semble se rattacher au souvenir de l'édification de l'église de Saint-Pierre, et qui paraît être fait au commencement du XVIIe siècle. On voit un grand dignitaire, portant les insignes de l'ordre du Saint-Esprit, en habit ecclésiastique, et dont les traits du visage rappellent un peu ceux d'Henri IV, à genoux au milieu des premiers ermites de ce lieu. Dans le lointain est un édifice nouvellement élevé. Cet édifice, quoiqu'inexactement reproduit, peut bien être en effet Saint-Pierre, construit tout près de Bethléem.

« Le devant de celte nouvelle basilique, qui remonte au XIIe siècle, est d'une architecture fort remarquable. Trois portes et une grande baie au-dessus, qu'on a nouvellement fermée à moitié par une cloison, ornent la façade qui donne sur le couchant, et qui domine la chapelle de Bethléem.

« Le portail de gauche, qu'on appelai! la porte papale, offre, dans le chapiteau d'une de ses colonnes, un sujet historique que la tradition place à Ferrières : c'est le roi Pépin tuant un lion dans le cirque.

« Le grand portail offre également, dans un chapiteau de gauche, l'image de musiciens et bateleurs, dont le vieux souvenir n'est pas étranger à l'histoire des fêtes populaires qui se donnaient autrefois en ce lieu.

« L'intérieur de l'édifice se compose d'une nef unique, ornée dans la partie gauche de colonnes tantôt grosses, tantôt petites, placées à une assez grande distance les unes des autres. Les petites


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sont ornées d'un anneau dans le milieu, comme celles qui se trouvent à la porte principale. Le caractère particulier de cet ornement nous a frappé, car nous ne l'avons vu que dans celte église et dans le portail de celle de Montbouy.

« Au bout de celte nef et au milieu du transept, s'élève un beau sanctuaire de forme ronde, entouré de huit colonnes en pierre supportant une voûte à arêtes, dont l'aspect est particulièrement imposant. On monte à ce sanctuaire par cinq grandes marches qui élèvent le sol de cette partie de plus d'un mètre. Derrière ce sanctuaire se trouve le choeur, au milieu duquel on voit le tombeau de Louis de Blanchefort. Ce tombeau, malheureusement mutilé, est d'un travail de sculpture admirable. Sa forme rectangulaire, de deux mètres de longueur environ, sur un mètre de largeur, est ornée, sur les pans et dans sa hauteur, de niches sculptées avec coquilles, au-dessus desquelles règne une guirlande formant encadrement et soutenue par des anges placés dans les tympans.

« Dans ces niches, d'une finesse de détail ravissante, on voit de charmantes statuettes mutilées. Du côté droit, on y avait placé, avec leurs attributs, les vertus morales : la Force, la Prudence, la Justice et la Tempérance; du côté gauche, les trois vertus théologales : la Foi, l'Espérance et la Charité ; puis l'image du grand saint Benoît. En tête, sur le côté qui fait face à l'abside, se trouve sculpté en ronde-bosse, comme dans les parties que je viens de décrire et avec le même entourage, un écusson à fond usé sur lequel on voit deux léopards rampants. Une inscription latine se distingue encore, et on peut y lire la date du 26 février 1505. Du côté opposé, on aperçoit un ange tenant un écu indéchiffrable, au-dessus duquel est sculptée une chauve-souris aux ailes déployées. Sur le tombeau devait reposer autrefois la statue du vénérable personnage à qui l'abbaye a dû une partie de sa splendeur.

« Cinq belles verrières du XVIe siècle, placées dans le fond de l'abside, éclairent magnifiquement ce choeur, entouré de stalles en bois. Restaurées avec habileté, il y a cinq ou six ans, par des artistes de Paris, ces verrières peuvent être regardées comme le plus bel ornement de celle église. La première à droite représente la légende de saint Aldric; la seconde, celle de saint Christophe. Le sujet du


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milieu est la Passion de Notre-Seigneur, en neuf tableaux, avec les armes de l'abbaye dans le haut, qui sont les clés de saint Pierre en sautoir. La quatrième est remplie par la vie de saint Pierre et son martyre. La cinquième et la dernière, à gauche, montre, dans une dimension de sujet plus grande et moins belle de style que les autres, la vie de la Sainte-Vierge.

« Dans une chapelle, à gauche du sanctuaire, on voit une statue ancienne de saint Pierre, en habits pontificaux , avec la tiare sur la tête. C'est sous le sol de celle chapelle que furent découvertes les sépultures de Louis III et de Carloman.

« Dans celle partie, et à quelques centimètres de profondeur, fut trouvé, il y a peu d'années, le corps d'un homme estropié, enterré le visage contre terre, ce qui donna lieu, parmi les anciens du pays, à la recherche d'un fait de sinistre mémoire que nous a raconté le digne curé de Ferrières. Non loin de là, on voit la pierre qui recouvre Jehan Robineau, Bénédictin, mort en 1628.

« Dans la sacristie, on nous a montré le portrait d'un ancien religieux fort bien peint et trois reliquaires de formes anciennes, dont un, monté sur quatre tiges, est orné d'une statuette de saint Christophe, portant le petit Jésus sur son épaule, fort joliment sculpté en cuivre.

« Le réfectoire de l'abbaye, qui porte le caractère du style du XVe siècle, est une des parties les plus curieuses et les plus belles de cette ancienne demeure. Une voûte, dont les clés sont ornées d'écussons sculptés et variés, se trouve soutenue par de sveltes colonnes qui en partagent la largeur en deux nefs égales. Une ancienne chaire, sculptée aussi dans la pierre, se voit en partie dans un des côtés. Deux portes de la même époque, dont une rapportée à l'entrée du parterre qui occupe la place de l'ancien cloître ; et une autre, au passage qui conduit du cloître à la droite de l'église, sont remarquables de sculpture.

« Le logement de l'abbé visiteur, qui n'est que du commencement du XVIIe siècle, domine les anciens fossés de la ville, précisément à l'endroit où la tradition place l'amphithéâtre ou le cirque qui fut témoin du fait attribué à Pépin.

« La chapelle de sainte Elisabeth et le tombeau de saint Aldric,


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comme le dit M. de Torquat, sont placés en dehors de l'église et louchent à l'abside, vers le sud-est.

« Une ancienne chapelle, dédiée à sainte Apolline, aujourd'hui abandonnée, domine une jolie croix de pierre placée au milieu du carrefour qui se trouve au-dessous de l'ancienne terrasse ou promenoir des moines.

« Enfin, une autre chapelle qu'on appelle Saint-Lazare, probablement voisine autrefois d'une léproserie, est placée à l'entrée de la gorge conduisant de la grande route de Montargis au bassin de la Clairy, qui coule au travers des anciens jardins de l'abbaye de Ferrières. Cette chapelle paraît fort ancienne; mais nous n'avons pu la visiter. »

CHATEAU DE METZ-LE-MARÉCHAL.

« Au-dessus du chemin qu'on appelle encore, dans le pays, chemin de César, celui qui conduit au vieux pont, à 200 mètres du département de Seine-et Marne et à deux kilomètres à droite du village de Dordives, on voit au milieu d'une garenne, et sur une légère hauteur, un ancien château fort, de l'aspect le plus pittoresque. Il a appartenu à la comtesse Ruau, laquelle possédait Egreville-la-Ville, et aujourd'hui cette curieuse habitation est occupée par un cultivateur du nom de Louvet.

« Cette forteresse, construite en petit appareil fort bien conservé; entourée de larges fossés garnis du côté du sud de leur contrescarpe, munie d'une bonne muraille avec quatre tours placées aux quatre coins, et d'un donjon de forme ronde, n'est abordable que du côté du nord. On y pénètre par une jolie porte flanquée de deux tourelles qui commandaient un pont-levis.

« Celle curieuse construction, qui doit appartenir au XIIe ou au XIIIe siècle, rappelle un peu par sa disposition, mais dans des proportions plus modestes, le château de Vincennes, dont il a l'aspect moins grandiose, quoique tout aussi seigneurial.

« Nous ne pouvons rien dire de son histoire : elle nous est inconnue ; mais si les artistes veulent prendre, en fait de châteaux moyen âge, ce que les plus charmants modèles du genre peuvent leur montrer, ils n'ont qu'à visiter ce curieux manoir.


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« Une grande cour, de forme équilatérale, bornée par les fortifications qui l'entourent complètement, renferme du côté de l'ouest le donjon ouvert et abandonné, mais d'un fort bel aspect, puis une antique demeure du côté du sud, qui sert aujourd'hui de bâtiment d'exploitation, et auquel se trouve adossée une terrasse ou palier d'escalier soutenu par une arcade.

« Quant à la demeure de M. Louvet, elle est plus moderne que les autres constructions, et se trouve appuyée contre la muraille du côté de l'est, à la suite d'une sorte de grange ancienne.

« Les pigeons et les autres habitués de la ferme se sont emparé du donjon, et sur le pavé de celte cour, de paisibles animaux remplacent aujourd'hui les coursiers bardés de fer que l'on exerçait jadis au combat sur ses dalles abandonnées.

« En dehors des fossés, et à une centaine de pas du château, du côté de l'ouest, on voit une chapelle qui porte le nom de Chapelle du Château. Ce petit édifice, dans lequel on disait, le 15 août de chaque année, une messe qui était suivie d'une fête de nuit, laquelle fête a motivé depuis quelque temps, nous a-t-on dit, l'abandon de toute cérémonie religieuse, est extérieurement très-simple; cependant, il est pourvu, dans la partie qui regarde le château, et qui forme l'abside, de deux éperons qui en soutiennent les murs latéraux, et d'une porte d'entrée dans la partie qui fait face à l'orient. « Au-dessus de cette porte, on voit un écusson grossièrement gravé sur la pierre, et qui porte sur un champ uni, coupé et endenté sur les bords, trois étoiles en chef. Un timbre grillé de profil et orné de lambrequins surmonte ces armes, qui devaient appartenir à l'un des anciens seigneurs de Metz-le-Maréchal. »

CHATEAU-RENARD.

« Château-Renard, anciennement une des dix châtellenies qui composaient le duché d'Orléans, est placé sur les bords de la rivière de l'Ouanne, et tire son nom et son origine d'un vieux château situé sur le coteau qui le domine, et qui fut construit, vers le milieu du Xe siècle, par Regnard-le-Vieux, comte de Sens.

« Pierre de France, à qui Renaud, seigneur de Courtenay, avait donné sa fille en mariage, reçut de Louis-le-Gros, son père,


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en 1037, les trois seigneuries de Courtenay, Montargis et ChâteauRenard. Il prit le nom et les armes de la première.

« Détruit au commencement du XIIIe siècle, le vieux donjon de Château-Renard fut reconstruit par Robert, comte de Joigny, qui le fit agrandir et entourer de fortes murailles, dont il reste encore quelques parties. En 1264, Pernelle de Courtenay, dame du lieu, ayant épousé Henri, baron de Sully, celle seigneurie passa dans cette maison, puis ensuite dans celle de la Trémoille, par l'alliance de la petite-fille de Henri de Sully avec un seigneur de la Trémoille, famille à laquelle elle a appartenu jusqu'à la fin du XVIe siècle. A celte époque, elle entra, par la volonté du roi Charles IX et comme je l'ai dit plus haut, dans l'apanage du duché d'Orléans.

« On voit au milieu de ces ruines, qui datent de la fin des guerres de religion, une porte d'entrée assez bien conservée, située à l'ouest du fort, et commandée par deux tours massives démantelées, dont celle de droite s'appuie sur une courtine qui règne encore sur le même côté. Au bout de cette courtine est une tour qui plonge sur la ville, dans laquelle on montre le cabinet de travail de l'historien Anquelil, qui fut, comme on sait, prieur de Château-Renard, en 1759.

« Une église, et c'est aujourd'hui l'église paroissiale, se trouve bâtie au milieu du fort. Elle n'a rien de remarquable; mais tout près de ses vieilles murailles on jouit d'une vue magnifique sur la vallée de l'Ouanne.

« Cependant Château-Renard n'est pas seulement remarquable par son vieux fort ruiné. Une autre construction importante, assise au milieu des eaux qui baignent la vallée, se voit à la sortie du faubourg du sud : c'est le château de M. le comte Pelletier des Forts. Bâtie en briques et en pierre, cette habitation, entourée de larges fossés, au milieu d'un parc immense planté des plus beaux arbres, se présente avec une physionomie toute seigneuriale ; c'est un beau type d'architecture du commencement du XVIIe siècle. Il ne nous a pas été possible de le visiter.

« Une maison de bois du XVe siècle, ornementée dans le goût du temps, attire le regard de l'archéologue qui traverse la place du Marché, Cette demeure, occupée par un commerçant, a été moder-


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nisée dans le bas, et son rez-de-chaussée se trouve défiguré par une devanture de magasin d'une transparence plus utile qu'agréable. »

TRIGUERRE.

« Reçu dans l'hospitalière demeure de M. Petit, membre du conseil général, il nous a été possible de visiter les travaux de déblaiement entrepris par ses soins et par ceux de M. Guiot, curé de Triguerre.

« M. Dupuis vous a déjà entretenus, Messieurs, des découvertes étonnantes faites par ces intelligents et doctes explorateurs. Un théâtre dont on ne voit que les fondations, et de construction romaine, montre ses plans à terre sur la pente du coteau et à l'ouest du village. A quelques centaines de mètres plus bas, dans la direction du sud-ouest relativement au théâtre, les infatigables éclaireurs de ces ruines ont fait mettre à découvert une quantité de substructions, dont un plan sera postérieurement offert à la Société.

« Le plus important de ces vestiges, qui ne s'élèvent généralement pas au-dessus du sol, est une. enceinte carrée, dont l'épaisseur des murs annonce une masse particulière. Était-ce un temple? Était-ce une tour? Était-ce un établissement de bains? Le voisinage de la rivière de l'Ouanne, qui coule à quelques mètres plus bas, semblerait donner quelque vraisemblance à cette dernière opinion. Toutefois, rien encore ne peut la fixer d'une manière définitive.

« Ce qu'il y a de certain, c'est l'importance de l'établissement antique au milieu duquel on a trouvé une grande quantité de sculptures en pierre. Il serait curieux sans doute de rattacher ce lieu à une des stations portées sur les anciens itinéraires ; mais que l'on n'oublie pas que beaucoup de chemins, que des villes même d'une plus grande importance encore, et d'une antiquité incontestable, n'ont jamais été indiqués sur les cartes les plus accréditées. Ces exemples sont communs à toutes les provinces.

« Nous devons encore à l'obligeance de M. Petit le parcours d'une ancienne voie, au nord du village de Triguerre, que de très-grandes présomptions et que l'aspect des matériaux dont elle est formée nous font attribuer à un travail romain. Qu'y aurait-il d'ailleurs


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d'étonnant qu'un chemin servît aux communications de la colonie avec une des villes du voisinage, telle qu'Agendicum, dont il semble prendre la direction ?

« Dans la maison appelée le Château, qui était l'ancienne demeure de l'intendant des dames Bénédictines, religieuses de Montargis qui possédaient une grande partie du pays de Triguerre, nous avons pu voir deux tombes en pierre, trouvées, il y a quelques années, derrrière celle habitation. Une promesse faite par le propriétaire actuel nous donne lieu d'espérer que de prochaines fouilles feront découvrir de nouvelles tombes, et que les objets qui pourraient s'y rencontrer feront un jour partie, de nos collections.

« L'église de Triguerre a une porte de syle roman et une tour fort curieusement ornée de petites ouvertures également romanes. Le tabernacle de son maître-autel est un chef-d'oeuvre de sculpture. Quelques inscriptions et têtes bizarres se rencontrent sur ses murs. Enfin, une peinture curieuse sur toile, représentant saint Louis prosterné devant les reliques de la Sainte-Chapelle, fait partie de ses ornements. Ce tableau, peint au XVIIe siècle, offre une particularité historique qu'il est bon de remarquer : c'est que les vases et reliquaires qui s'y trouvent représentés offrent une image fidèle des objets précieux qui se trouvaient réellement dans la chapelle (1). Tout porte à croire que cette forme, qui rappelle bien le goût et le style du temps du saint roi, a été copiée sur les objets mêmes dont on ignore aujourd'hui la destinée. Celui de ces reliquaires qui ren(1)

ren(1) une gravure du XVIIe siècle, qui se trouve dans la collection du musée de la ville d'Orléans, la grande châsse de la Sainte-Chapelle renfermait : 1° la couronne d'épines de Notre-Seigneur Jésus-Christ ; 2° un morceau de la vraie croix ; 3° le fer de la lance ; 4° le manteau de pourpre ; 5° une partie du roseau ; 6° l'éponge ; 7° les menottes ; 8° la croix de victoire; 9° du sang de Notre-Seigneur ; 10° du sang miraculeux sorti d'une image de Notre-Seigneur, frappée par un infidèle; 11° les drapeaux de son enfance; 12° le linge dont il se servit au lavement des pieds ; 13° du lait de la Sainte-Vierge ; 14° de ses cheveux ; 15° de son voile; 16° le haut du chef de saint Jean-Baptiste ; 17° une partie du saint suaire ; 18° une sainte face; 19° un morceau de la pierre du sépulcre, et 20° la verge de Moïse.


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ferme la couronne d'épines a une forme byzantine qui rappelle les anciens vases sacrés de cette époque. Il est supporté par un pied et une tige ornés de joyaux, et surmonté d'une couronne royale en or et en pierres fines de diverses couleurs, qui termine une arcature à jour, au travers de laquelle on aperçoit la relique précieuse.

« Une lettre autographe de saint François de Sales, une croix sculptée en argent et quelques autres objets précieux, composent le trésor de cette intéressante église. »

DORDIVES-LE-PONT.

« Au-delà de Ferrières et sur la route, de Nemours, on rencontre un petit village placé sur l'embranchement d'une ancienne voie romaine, celle de Genabum à Agedincum (d'Orléans à Sens). En tournant à gauche et suivant ladite voie, on arrive à un pont qui en faisait partie et qui traverse la rivière du Loing. Ce pont, dont on trouve la description dans l'ouvrage de M. Jollois, est une des plus charmantes et intéressantes ruines qui se puissent voir.

« Appuyé d'une part sur la chaussée qui le rattachait au coteau, chaussée traversée aujourd'hui par le canal, il vient, en formant un coude dont l'angle regarde le sud, se rattacher, par des débris encore fort importants, à la rive opposée, qui baigne d'immenses pâturages. Sept arches sont encore debout, deux séparées des autres par une chaussée qui les reliait entre elles. Elles sont à plein cintre et construites avec ce délicieux appareil régulier, qui suffirait à lui seul pour prouver leur origine.

« On peut voir encore, comme le dit M. Jollois, au bout de la chaussée, du côté du canal, au-dessus de la première voûte, les ornières formées par le passage des chars.

« Ce pont servait encore à une époque assez moderne, car on assure que c'est au temps des guerres du XVIe siècle que, dans un intérêt de défense, un des chefs de parti le fit miner et sauter en partie.

« La voie qui y conduit depuis Dordives est parfaitement conservée, et l'on voit sur tout son parcours des rognons de silex agglomérés qui en formaient la base, et qui sont assez communs dans le pays. »


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BAINS DE CRAON, A MONTBOUY.

« Si nous ne vous parlons pas du cirque de Chenevière, c'est que de savants hommes l'ont déjà fait connaître depuis longtemps. Le comte de Caylus, l'abbé Le Boeuf, et après eux M. Jollois, dans les Antiquités du Loiret, sont entrés, sur ce remarquable monument, dans des détails tellement précis et nombreux, qu'il serait inutile et presque ridicule, après eux, d'en entreprendre la description. Qu'il me suffise de vous dire que dans sa forme, dans sa situation et dans son état de conservation, il n'y a guère en France, ni même en Italie, un ensemble, comme amphithéâtre romain, plus complet et plus curieux que Chenevière.

« L'Aquis Segeste de M. Jollois et de M. Dupuis commence à Chenevière et finit aux bains de Craon, c'est-à-dire qu'elle devait occuper l'espace compris entre le coteau auquel est adossé l'amphithéâtre et les rives du Loing, formant coude à un kilomètre et demi environ, dans la direction du sud-est.

« Tout porte à croire que c'est là, en grande partie, le sol qu'occupait la station romaine. Des substructions nombreuses, des restes de canaux, d'anciens puits et un nombre prodigieux de médailles ont été découverts à différentes époques, et ces dernières en si grand nombre, que l'on a donné à ces terres le nom de champ des médailles.

« Après la description que vous a faite l'heureux possesseur de l'établissement de Craon et le détail si curieux que vous donnait il y a quelques jours M. Pillon sur les travaux et les découvertes faites par M. Dupuis, il serait superflu de vous entretenir de la villa romaine dont nous avons vu les étonnantes merveilles. Qu'il me soit permis cependant de vous en dire quelques mots et de vous faire part de la surprise et de la joie que j'ai éprouvée en présence de ces restes, si admirablement conservés dans leur ensemble.

« En se reportant au plan donné à l'appui du travail que vous

connaissez, le petit bâtiment carré compris sous le n° 19, dont on

achevait de fouiller le bassin le 4 octobre dernier, nous a paru être

une piscine. Nous avons pu compter, en effet, les six marches d'escalier

d'escalier y conduisaient du côté de l'ouest, et qui avaient chacune

BULLETIN N° 30. 3


30 centimètres d'élévation. Le bassin, de 22 pieds de longueur sur 15 de large, est entouré d'un promenoir dallé en grandes pierres, dont les restes de murs, en petit appareil, sont encore recouverts de ciment dans l'intérieur. Le mur est orné extérieurement de petites colonnes engagées de 25 centimètres de largeur, en manière de contreforts.

« Déjà, au fond du bassin, et sous une couche épaisse de terrains humides, on avait trouvé plusieurs statuettes en terre blanche, des médailles', des tuiles à rebords, des ferrures de portes, des crochets en fer, de grands clous, etc., et tout annonçait que de nouvelles el importantes découvertes seraient faites sur d'autres points de l'établissement. Celte attente n'a pas été trompée, et vous avez pu admirer comme nous ces menus objets de bronze, cette inscription sur marbre que l'on parviendra peut-être à compléter un jour, et qui serait d'un si grand secours pour expliquer ce qui reste encore une énigme, à savoir: la destination des différentes parties de ce monument, et surtout cet édifice de forme octogone compris sous les numéros 15, 16 et 17.

« Enfin, vous avez été surpris de la conservation et de la fraîcheur de ce buste de jeune Faune, découvert également dans le même lieu. C'est un charmant spécimen du fétichisme de nos anciens maîtres, qui faisaient de si grandes choses avec des idées si petites.

« Espérons que les dieux seront favorables au nouveau propriétaire de la villa, et que bientôt, grâce à des efforts intelligents et à des sacrifices faits avec une persévérance qui ne nous étonne plus, nous verrons sortir de terre une habitation tout aussi complète dans ses détails que les établissements les plus curieux de Pompéi. »

CHATEAU-LANDON.

« Avant de quitter la plaine de Dordives, sur la route de Nemours, avant de s'arracher à ce délicieux chemin, uni comme une glace, bordé de grands arbres formant un magnifique berceau, comme serait l'avenue d'une demeure enchantée, on aperçoit à gauche, au milieu des bouquets de bois et de la prairie qu'arrose le Loing, une ligne blanche coupée par de nombreuses sections,


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mais s'avançant à travers tous les obstacles-, et, comme le dirait notre spirituel collègue, châtelain de l'Ardoise, se faisant pressentir comme l'implacable guerre du niveau contre tout ce qui s'élève, comme le chemin de fer qui dévore les forêts. En effet, le chemin de Paris à Nevers trace déjà un énorme sillon au milieu de cette belle vallée, et ce n'est pas sans quelque difficulté que l'on dépasse un des nombreux chantiers de l'entreprise pour gagner les belles papeteries d'Egreville, situées sur la rivière, au pied d'un coteau qui nous sépare de Château-Landon.

« Après avoir franchi ce coteau par un chemin rapide et pierreux, et jeté un regard d'admiration sur le pays ravissant que vous venez de traverser, vous voyez poindre à l'horizon le clocher de Château-Landon. A la sortie d'un petit village tout dépenaillé, vous approchez des carrières si renommées de celle contrée par une route droite, pierreuse, exhaussée, sentant la voie romaine, et qui vous conduit, si vous ne prenez à gauche à une petite dislance, au milieu d'un chaos ou d'un labyrinthe de chemins, de sentiers, de trous et de fondrières dont vous ne pouvez sortir qu'à grande peine. C'est ce qui nous est arrivé. Nous venions de sortir des limites du département, et peut-être était-ce un avertissement ou une punition, que nous méritaient notre témérité et notre empiètement archéologique sur le département de Seine-et-Marne.

« Un historien de Château-Landon, M. Poitevin, vous a peut-être déjà fait connaître l'origine de celle ancienne capitale du Gâtinais, où résidaient les comtes de ce nom, et qui a été prévôté royale du bailliage de Sens, puis de Nemours. Puisqu'il faut une esquisse, je vais vous la donner de souvenir, en y mêlant quelques traits sur son histoire.

« Château-Landon possédait quatre églises paroissiales, NotreDame, Sainte-Croix, Saint-Thugal et Saint-Séverin. Saint-Séverin était, en outre, une célèbre abbaye. Il se trouvait quatre abbayes dans son voisinage, outre Saint-Séverin : Saint-André, Cercanceaux, Ponfrault et Néionville. On y voyait plusieurs places publiques, un hôtel des monnaies, propriété des Juifs au moyen âge, et la ville renfermait encore eu 1552 trois mille feux. De nombreuses fortifications protégeaient son enceinte,, et la rue dite de la Ville-


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Forte était fermée par de formidables remparts et des portes monstrueuses.

« Hugues de Puizet, comte de Chartres, excommunié par l'archevêque de Sens et condamné à Melun, fut enfermé pendant deux ans dans la citadelle de Château-Landon, sous Louis-le-Gros. Plusieurs de nos anciens rois y firent quelques séjours. Enfin, le duc d'Orléans, père de Louis-Philippe, fut le dernier seigneur de cette ville. Aujourd'hui, Château-Landon, modeste commune du canton de Nemours, n'est plus qu'une charmante ruine que visite quelquefois le paysagiste ou l'archéologue. On y voit les restes d'une construction flanquée d'une belle tour ronde et appuyée sur des contreforts d'une puissance extraordinaire, à l'est d'un coteau qui domine une vallée où coule la rivière du Fusain. Ce château fort faisait partie de l'abbaye de Saint-Séverin. Nous y avons visité d'immenses pièces basses à deux étages superposés, recouvertes de voûtes en pierre, et dans lesquelles nous avons pu voir un ancien réfectoire des moines, puis une salle dite du Jugement, qui ne montrent plus, l'une et l'autre, que des murailles complètement nues. On nous a conduit dans les éternelles oubliettes, qui ne sont autre chose que les lieux d'aisance des gens, de service ou des prisonniers, si l'on lient à ce qu'il y eut une prison ; puis on nous a montré avec effroi un trou rempli de décombres, et dans lequel une ouverture semble indiquer un ancien passage qui conduisait à des souterrains. Dans une cour transformée en jardin et plantée d'arbres, on trouve les restes de l'ancienne église, dont les arêtes de voûte existent encore du côté du nord. Des pierres sculptées se voient' çà et là. Dans un coin est un chapiteau de colonne du XIIe siècle, et d'un seul morceau. Plus loin, sur un escalier conduisant à la porte des grandes pièces du bas, nous avons examiné, gravé sur la pierre, un écusson ovale surmonté d'une crosse et d'une mitre à droite et à gauche. Le fond uni présente un chevron dentelé accompagné de trois croissants, deux et un. Ce sont probablement les armes d'un abbé; mais, en l'absence de marques qui puissent faire reconnaître les métaux, il serait difficile de désigner le nom du dignitaire.

« L'abbaye de Saint-Séverin faisait remonter son origine au


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VIe siècle. Le vénérable personnage qui en devint le patron avait guéri Clovis de la fièvre, et c'est à sa prière qu'un grand nombre de prisonniers de Paris obtinrent leur liberté. Childebert, sur l'ordre que son père lui en avait laissé en mourant, fil bâtir une magnifique église à l'endroit où saint Séverin avait rendu son âme à Dieu, le 11 février 506 : ce fut auprès de Château-Landon.

« Sigebert, roi de Metz, frère de Chilpéric, y fit bâtir à son tour une superbe abbaye qui prit le nom du saint, augmenta les biens dont Childebert avait doté l'église, et y adjoignit de riches revenus. Sous Charlemagne, les Saxons incendièrent une partie de celle église; mais ce prince les ayant expulsés du royaume, fit revenir une partie des religieux qui en avaient été éloignés. Louis VII leur donna, en 1157, un moulin appelé le moulin des Ponts-Percés. Jusqu'au XIIe siècle, l'abbaye fut desservie par des chanoines séculiers, et le même roi, en 1139, y substitua des chanoines réguliers et accorda à Jean Vère, sixième abbé de celte maison, le prieuré de Saint-Sauveur.

« Les Anglais brûlèrent Château-Landon en 1426, au moment où ils se reliraient du siége de Montargis. Le peuple se réfugia dans l'abbaye et par imprudence y initie feu. Un grand corps de logis fut consumé et, qui pis est, l'abbaye tout entière devint la proie de l'ennemi. Les Anglais s'y fortifièrent, ainsi que dans la citadelle de la ville forte, et y restèrent jusqu'en 1437, époque où ils en furent chassés. En 1468, ils s'en rendirent maîtres de nouveau et brûlèrent tout. Jacques d'Aubusson fit relever à grands frais les murailles ; mais en 1656, le chevalier de Boulay, appelé le grand larron du Gâtinais, y commit des rapines; le prince de Condé, à son tour, en 1567, y conduisit une bande de huguenots allemands, et Château-Landon, de même que l'abbaye de Saint-Séverin, furent livrés au pillage. Les reîtres y commirent toutes sortes de crimes, et firent souffrir le martyre au chantre de Saint-Séverin, Raoul de Lamothe, vieillard de quatre-vingts ans, et à un jeune diacre, nommé Henri Caillat.

« Après la mort de Jacques d'Aubusson, l'abbaye, qui resta toujours sous la juridiction des évêques de Sens, lesquels donnaient permission et commission pour l'élection des abbés ou prieurs, vit à


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la fin du XVe siècle l'hérésie entrer par sa grande porte. Ce fut Préjent de Mouthiers, fils du seigneur de Courtempierre, gouverneur de Château-Landon depuis 1541, qui, non content de tenir des assemblées de calvinistes dans son abbatiale, alla jusqu'à Montargis, où résidait, vers 1560, la duchesse de Ferrare, fille de Louis XII, et sema ses erreurs dans la cour de celle princesse, déjà si bien disposée à protéger les idées nouvelles. M. de Bellegarde visita SaintSéverin et y confirma l'élection du prieur claustral, premier abbé commandataire, en remplacement de Jacques d'Aubusson.

« Celui-ci avait introduit dans l'abbaye des réformes qui furent adoptées par un grand nombre d'autres maisons. Son union avec celle de Saint-Victor, à Paris, et celle des chanoines réguliers, date de 1624 et de 1636.

« Le chevalier de Boulay reparut avec sa bande et enleva trois religieux, dont il fallut payer la rançon avec l'argent des châsses de l'abbaye. En 1569, époque où l'abbaye renfermait un grand nombre de moines, elle fut de nouveau pillée par le grand larron du Gâtinais ; en 1587, par les protestants allemands, malgré les efforts du brave Lamour, et en 1589 par un partisan de Henri IV, un huguenot nommé Tignonville, qui y commit des atrocités. L'abbé de l'Hôpital résigna cette abbaye, vers 1607, à l'aumônier du roi, Charles Fougère, et le père Dupont en fut prieur jusqu'en 1627.

« Depuis, elle fut supprimée, comme tant d'autres, à l'époque de la révolution.

« Cet antique monument, qui fit partie de l'apanage des anciens rois, sert aujourd'hui de demeure à une honorable famille, chez laquelle nous avons trouvé une affabilité toute gracieuse.

« Plus loin, une vieille tour carrée, entourée d'anciennes constructions et recouverte d'une pyramide en pierre, domine la vallée du Larry ; ce sont les ruines de Saint-Thugal. Ce saint qui, en 903, avait remplacé saint Etienne, ancien patron de l'église, a été et est encore en grande vénération à Château-Landon ; de tout temps sa fêle a été chômée dans le pays. Mais, depuis 1641, on ne dit plus la messe dans l'antique sanctuaire ; il a été démoli depuis longtemps.

« Quant à l'ancienne paroisse de Sainte-Croix, qui fut une cha-


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pelle jusqu'en 1641, et qui, en 1662, devint par concession le lieu de sépulture de la famille de Chancepoix, il n'en reste plus vestige comme monument consacré, et l'on voit à la place qu'occupait ce lieu de prières et de repos un simple magasin ou café.

« Après avoir Suivi une rue fort propre, anciennement fermée par une porte dont les défenses se composent encore d'un mur de plus de trois mètres d'épaisseur et de forts à moitié ruinés, on arrive à une grande place, au-delà de laquelle se voit une tour qui apparaît pleine d'élégance et de grandeur. Le ton chaud de la pierre rehausse d'une manière inattendue les élégantes colonnes qui se groupent dans ses nombreuses ouvertures. C'est le clocher de NotreDame, bâti en 1450. Il est posé, chose remarquable, sur une des chapelles absidales de celle église, la seule paroisse qui existe aujourd'hui. L'église elle-même, établie sur une demi-lune, porte les caractères d'une architecture plus ancienne que celle de sa tour, et est terminée, du côté de son sanctuaire, par trois chapelles en cul de four, dont deux, celles des côtés, sont en retrait sur celle du milieu. Des ouvertures, ornées de colonnes, et à cintres ornementés dans le goût du XIIe siècle, en décorent le pourtour. Deux grandes portes latérales s'ouvrent de chaque côté des chapelles, qui sont voûtées en pierre, de môme que le sanctuaire. Quant au reste de l'église, tout est incomplet. Une bizarrerie qui paraît inexplicable, si l'on n'admet pas que le terrain sur lequel s'élevait l'édifice était circonscrit dans des conditions telles qu'il fût impossible de l'agrandir, c'est que le mur qui forme les parois de la nef du côté du levant, au lieu de se terminer à angle droit sur le côté de la principale porte, vient, en mourant dans un angle obtus, se joindre à cette partie, tout en étant garni de colonnes préparées pour soutenir les voûtes. Malheureusement ces voûtes n'existent pas; car il eût été curieux de voir comment l'architecte aurait pu rejoindre le haut du temple sans perdre son harmonie et compromettre sa solidité. Les murs primitifs eux-mêmes sont inachevés, et la pauvre église, par ici, ne fait pas honneur à son clocher, si majestueux et si riche. Mais revenons du côté des chapelles : celle de gauche est ornée de quatre panneaux sculptés en bois, provenant de l'abbaye de SaintSéverin, fort remarquables de dessin, d'élégance, de simplicité et de


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travail. C'est la légende du saint, tracée sur le bois par la main d'un artiste de la fin du XVIIe siècle. Entre celte chapelle et celle du grand autel, se trouve une plaque scellée dans le mur sur laquelle on lit en lettres gothiques : « N...., patriarche d'Antioche, évesque « de Poictiers, et depuis archevesque de Rheims, exécuteur testa« mentaire de Simon Samedi (dit Bontemps), en son vivant servi« leur et maistre-d'hostel du dit monseigneur et natif de cette pa« roisse, a donné, pour faire le clocher de céans, la somme de « 355 livres 10 sols tournois. — Priez Dieu pour lui. Amen. 1450. » « Une plaque de marbre noir se voit au pied des marches du grand autel ; on y lit en caractères romains fort bien creusés : Hic depositoe sunt reliquioe reverendorum patrum Rudulphi de Lamothes. sacerdotis, et Henrici Caillat, diaconi, hujus Ecclesioe canonicorum regularium. qui mori legentes, potiusquam fidem catholicam ejurare, pro ea martyres, hic occisi sunt ab hoereticis calvinistis, variis tormentis, cruciati. — Anno 1567.

« Ce sont les restes des deux martyrs dont je vous ai parlé plus haut.

« L'église fut incendiée, en 1668, par le feu du ciel, et c'est peut-être à celle circonstance que l'on doit attribuer l'incertitude architecturale des murs de sa nef désolée.

« Le portail qui se trouve dans la partie extérieure du bas de l'édifice, du côté de l'ouest, et qui devait former la principale entrée, est de même style que les fenêtres du pourtour de l'abside.

« Mais c'est assez vous en dire sur une ville qui n'est à nous que par adoption. Il est temps de rentrer sur nos terres et de cesser un récit qui, peut-être, a fatigué votre bienveillante attention. Cependant, je ne puis le faire sans saluer en passant une imposante ruine que l'on voit à peu de distance de Château-Landon, sur la route de Montargis : c'est l'ancien clocher de l'abbaye de Saint-André, de l'ordre de Cluny, qui fut possédée par l'évêque de Grasse, Godeau, de poétique et savante mémoire. »

— M. Dupuis rend compte dans les termes suivants des recherches qu'il a faites sur les fers à cheval trouvés près de Patay :

« A l'une de nos dernières séances, notre collègue, M. l'abbé


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Maître, curé de Coinces, nous remit, avec plusieurs objets destinés au musée archéologique, trois fers de cheval qu'il avait trouvés dans le lieu de sa paroisse signalé comme ayant été, en 1428, le champ de la bataille de Palay. Dans sa pensée, ces fers étaient anglais.

« De renseignements pris auprès de personnes compétentes, il résulte que l'appréciation de M. Maître est exacte en partie: de ces trois fers, en effet, deux sont de fabrication anglaise; le troisième est français.

« Les fers anglais, encore aujourd'hui, se distinguent des fers français par une rainure, une dépression qui règne d'un bout à l'autre sur la face extérieure du fer. La surface n'en est pas plaie, mais se relève sur les deux bords, laissant ainsi une dépression au milieu.

« Dans deux de ces fers, cette dépression est sensible. « Outre le trou qui traverse le fer et laisse passer le corps du clou, il existe dans ces deux fers un avant-trou bien plus large, s'étendant en longueur, et destiné à recevoir la tête du clou, qui s'y noie et s'y cache. Une do ces têtes existe encore dans chacun des fers et est en rapport de dimension avec celle cavité, carré long qui est destiné à la recevoir. C'est encore un des caractères de la ferrure anglaise actuelle, où la tête du clou est noyée dans l'épaisseur du fer, au lieu d'ètre saillante en pointe de diamant, comme les nôtres.

« Le premier porte six trous, le second huit. Le crampon est fortement relevé.

« Ces deux fers, le plus petit surtout, bien que forgés avec moins de soin que les fers anglais actuels, sont néanmoins travaillés avec finesse et d'une manière supérieure à celle du troisième. « Celui-ci porte les caractères d'un fer français : il n'a pas de rainure en dehors; les crampons sont relevés avec moins de soin. Le fer est moins finement forgé. La tête des clous est celle d'un clou ordinaire; elle saille sur la surface du fer de toute sa grosseur, et aucune partie n'est noyée dans le trou.

« Ces trois fers, du reste, sont de petite dimension et annoncent qu'ils ont servi à des chevaux dont les sabots étaient petits et la jambe délicate.


— 42 —

« En résumé, deux de ces fers sont anglais. Leur état de vétusté, leur forme, prouvent qu'ils remontent à une assez grande antiquité; et, trouvés sur le lieu qu'on s'accorde à reconnaître comme étant celui de la victoire de Jeanne d'Arc, tout fait présumer qu'ils remontent à cette époque, et à ce titre le présent de notre collègue offre de l'intérêt et de la valeur. »

— M. Dupuis, au nom de la commission des publications, lit un rapport sur une note de M. Pelletier, note annexée à des lettres de noblesse accordées par Charles VII à Jean Daneau, qui fit Talbot prisonnier à la bataille de Patay, et dont la famille est orléanaise. Ces lettres, précédées de la note de M. Pelletier, seront imprimées dans le volume des Mémoires, conformément aux conclusions de M. Dupuis, adoptées par la Société.

— M. Cosson, au nom de la commission des publications, lit un rapport sur une note de M. de Torquat, relative à l'église de SaintSainson, et conclut à l'insertion au Bulletin. La Société adopte cette conclusion.

NOTICE DE M. DE TORQUAT SUR L'ANCIENNE ÉGLISE DE SAINT-SULPICE ET UNE SUBSTRUCTION VOISINE.

« Sur le terrain occupé aujourd'hui partie par la maison n° 33, et partie par le trottoir et la chaussée de la rue Jeanne-d'Arc, entre les rues Neuve et Sainte-Catherine, s'élevait, il n'y a pas encore un siècle, une église presque toute romane, défigurée par des constructions de la fin du XVIe siècle. Elle portait le vocable de Saint-Sulpice, évêque de Bourges. Son origine, antérieure au Xe siècle, n'est pas déterminée par les chroniqueurs. Bâtie en dehors des murs de la première enceinte, elle faisait partie du municipium connu sous le nom d'Avenum, et est désignée dans une charte du comte et marquis Hugues-le-Grand, comme posita in suburbio urbis. Elle occupait le centre d'un cloître appelé le Vieux-Martroi, et qui fut longtemps la place publique, le marché au blé d'Orléans. Elle servait à une paroisse composée de quatre-vingt-neuf maisons, réparties dans les rues Neuve, de la Grenouillère, aux Ours (1), de la Gueule,

(1) Appelée aussi aux Os et aux Oies.


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Plisson, Estrille-Sac, Barillerie, la ruelle et le cloître Saint-Sulpice.

« Au Xe siècle, époque de terreur générale, Hugues-ie-Grand donne aux chanoines de Saint-Samson, avec d'autres héritages, l'église de Saint-Sulpice: « Quoniam, dit-il, fines soeculorum deve« nerunt, et unicuique convenit christiano ita proesentis seculi cursum « perficere ut dum temporalibus bonis fruitur, summo ac vigilante « studio caveat ne oeternis subdatur penis. » Et il ajoute que ce qu'il donne au bienheureux confesseur du Christ, saint Samson, il le tien! de l'héritage paternel, ce qui rappelle l'abus au moyen duquel les laïques puissants avaient été précédemment mis en possession des biens ecclésiastiques.

« Plus lard, Saint-Sulpice fut annexé à Saint-Maclou.

« Pendant les guerres de la deuxième moitié du XVle siècle, l'église de Saint-Sulpice subit le sort de tous les édifices religieux d'Orléans et fut ravagée par les prolestants.

« Après le rétablissement de la paix, le sieur de Lignerolle, procureur du roi au Châtelet d'Orléans, considérant qu'il existait six églises dans l'espace compris entre le Martroi et le musée actuel, à peu près sur une seule ligne, proposa de fondre en une seule paroisse les habitants de Saint-Maclou et de Saint-Sulpice, et de leur construire une seule église sur l'emplacement d'un jeu de paume, afin d'établir devant la façade de l'hôtel-de-ville une large place ; mais, dit l'historien Lemaire, « la coutume des Aurelianois, qui est « de ne rien innover, fit remettre les choses au premier état', ce qui « est une faute irréparable. »

« En 1769, la paroisse de Saint-Sulpice fut supprimée et réunie au prieuré de Saint-Samson. Neuf ans après, l'église fut louée à un négociant qui la convertit en magasin, et enfin, vers 1795, elle fut complètement démolie.

« Des souvenirs historiques se rattachent à cette église, ou plutôt encore au Vieux-Martroi, sur lequel elle était située. Léon de Nangis a prétendu que les complices des femmes adultères des enfants de Philippe-le-Bel avaient été écorchés vifs sur la place Saint-Sulpice; mais je crois qu'il se trompe, car il paraît certain que Philippe et Gauthier de Launay ou d'Aunoy, ne furent point suppliciés à Orléans.


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« Mais en 1411, un échafaud se dressait sur la place Saint-Sulpice. Autour se rangeaient l'archevêque de Sens, les évêques de sa province ecclésiastique, des prélats, des docteurs. Puis un homme était amené sur l'échafaud: c'était le héraut envoyé par le duc de Bourgogne, meurtrier du duc d'Orléans, pour accréditer l'opinion émise par Jean-sans-Peur, que la mort de Louis Ier avait été juste et légitime, et que la bulle d'excommunication lancée par Urbain V contre les fauteurs de troubles en France regardait le prince assassiné.

« L'assemblée d'Orléans déclara le contraire et tourna contre le duc de Bourgogne la sentence d'excommunication. Celle déclaration fut lue sur la place publique, en présence du héraut et de tous les prélats, au son des cloches, et après avoir éteint les cierges dans toutes les églises.

« L'emplacement de l'église Saint-Sulpice avait été oublié ou à peu près, lorsque, pendant la construction do la rue Jeanne-d'Arc, on retrouva un des piliers qui lui avaient appartenu, au lieu même occupé aujourd'hui par la maison n° 33, entre la rue Neuve et la rue SainteCatherine.

« Dernièrement, le propriétaire des deux maisons portant les n° 31 et 33, dans la rue Jeanne-d'Arc, M. le comte de Vélard, crut avoir trouvé des constructions souterraines ayant fait partie de l'église Saint-Sulpice.

« Il voulut bien me communiquer sa pensée, et mercredi 24 novembre, je me rendis avec lui dans la cour de la maison n° 31, occupée autrefois par l'auberge du Rable.

« Nous descendîmes environ soixante marches, Une porte ogivale nous donna entrée dans un souterrain au milieu duquel un pilier de forme polygone sert d'appui à des arcs doubleaux qui vont aboutir sur huit autres piliers engagés plus ou moins dans un mur construit en moellons, et forment quatre compartiments distincts, sans forme bien arrêtée et d'un diamètre qui varie de 3m 40 à 3m 80. Tous les arceaux et les piliers sont en pierre de taille, mais sans sculptures.

« La voûte de chaque compartiment, construite en mortier, en moellons et en bois, sans aucun art, repose sur deux arcs doubleaux croisés de 30 centimètres dé largeur, et s'élève à 2m 50


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du sol actuel, exhaussé d'environ 50 centimètres par des remblais.

« Une arcade cintrée sépare chaque division. Le plus simple examen démontre que cette construction, qui paraît appartenir au XIIe siècle, n'est autre chose qu'une de ces caves comme nos pères en ont construit dans presque tous les quartiers d'Orléans, et si l'on en doutait, une ouïe, un retrait taillé dans le roc, un puits creusé plus récemment et deux étages de cave placés au-dessus, le prouveraient suffisamment.

« Il faut reconnaître que si les Orléanais, comme le dit Lemaire, se sont montrés fidèles à la tradition, c'est bien un peu dans le grand soin qu'ils ont donné aux dépôts de leurs vins renommés. »

— M. Mantellier donne, dans les termes qui suivent, la description d'un lot de médailles trouvées sur la commune de Vannes, et données en communication à la Société par M. Imbault :

« Le 6 novembre 1858, des ouvriers occupés à extraire de la terre à briques dans la propriété des Chesneaux, commune de Vannes (Loiret), près d'un étang où, suivant une tradition locale, un trésor aurait été caché, ont découvert, à 33 centimètres au-dessous du sol, soixante-dix pièces de monnaies en plusieurs rouleaux juxta-posés.

« Ces soixante-dix pièces, recueillies par M. Duveau, propriétaire de la terre des Chesneaux, ont été confiées à notre collègue, M. Imbault, qui me les a communiquées, en me priant, de la part de M. Duveau, de les classer et de les cataloguer. J'en ai en conséquence dressé le catalogue, que j'ai l'honneur de soumettre à la Société.

« Les soixante-dix pièces recueillies se divisent en :

Monnaies d'or ...... 24

— d'argent . . . 46

70

Monnaies françaises. ... 53 — étrangères . . .17

70

Monnaies du XVe siècle. . . 3

— du XVIe siècle . . 42

— du XVIIe siècle . . 25

70


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Monnaies françaises.

Charles VI. Or. Écu 1

Charles VII. Or. Écu 1

Charles VIII. Or. Écu-sol 1

François Ier. Or. Écu-sol 1

— Or. Écu-sol. Croix alezée embrassée de treize

anneaux, avec feuilles d'ache aux pointes. ......... 1

— Or. Écu-sol. Dauphiné 1

Henri II. Argent. Teston. M (Toulouse) sous la tête. —

K (Bordeaux) sous l'écu, 1559 . . 1

Charles IX. Or. Écu-sol. Limoges, 1565 1

— Argent. Teston. XPS. VINCIT. XPS. REGNAT. XPS.

IMPERAT. Bayonne 1

— Argent. Teston. Toulouse, 1567 1

— Argent. Teston. Bretagne, 1570 1

— Argent. Teston. Rouen, 1570 , 1

Henri III. Or. Écu-sol. Angers, 1578 ..... 1

— Or. Écu-sol. Paris, 1586, 1587.

Argent-. Teston. Toulouse, 1576 1

— Argent. Franc. Lettre monétaire effacée ; sous le

buste: 1581 1

— Argent. Franc. Rouen, 1584 1

— Argent. Demi-franc. Fraise. Rouen, 1575 . . 1

— Argent. Demi-franc Toulouse, 1581. . . . 1

— Argent. Demi-franc. Lettre monétaire effacée,

1587 1

— Argent. Demi-franc. Bretagne, date effacée. . 1

— Argent. Quart d'écu. Tours, 1582 .... 1

— Argent. Quarts d'écu. Sainte-Menehould, 1586,

1589 2

Charles X. Argent. Quarts d'écu. Sainte-Mehehould, 1590,

1594, 1595 3

Henri IV. Argent. Quarts d'écu. Écu parti au 1er de France,

au 2e de Navarre, 1595, 1603, 1605. 3

— Argent. Quarts d'écu. Écu parti au 1er de France,

au 2e coupé de Navarre et de Béarn,

1596, 1604, 1605, 1608, 1609 . . 5


— 47 —

Henri IV. Argent. Quarts d'écu. Ecu aux armes de France.

Sainte-Menehould, 1598,1599,1608. 3

— Argent. Quart d'écu. Bayonne, 1602. ... 1

— Argent. Quart d'écu. Angers, 1604 .... 1

— Argent. Quarts d'écu. La Rochelle, 1606, date

effacée.. 2

— Argent. Quart d'écu. Saint-Pourçain, 1607. . 1

— Argent. Quart d'écu. Bretagne, 1608 ... 1

— Argent. Quart d'écu. Limoges, 1607. . . . 1

— Argent. Quarts d'écu. Lettre monétaire effacée,

1600, 1602, 1605, 1608. ... 6

Louis XIII. Argent. Quart d'écu. Saint-Lô, 1612. . . . 1 TOTAL des monnaies françaises. . . 53

Monnaies étrangères.

ESPAGNE.

Ferdinand & Isabelle. Or. Ducat à deux têtes. S entre les

deux têtes ..... 1

— Or. Double ducat à deux têtes. S entre

entre deux tètes, étoile audessus 1

— Or. Double ducal à deux têtes S entre

entre deux têtes, au-dessus croisette formée de cinq points 1

— Or. Double ducat à deux têtes. C enIre

enIre deux têtes ... 1

— Or. Quadruple ducal à deux têtes. 1 Philippe Ier. Or,. Ducat à deux têtes, DUCATVS

ORDIS TRANVA HISP 1

Charles-Quint, Philippe II. Or. Pistole 1

PORTUGAL.

Jean III. Or. Doubles millerès. ZELATOR FIDEI VSQVE AD MORTEM.

MORTEM. 2

Sébastien. Or. Millerès. IN HOC SIGNO VINCES ..... 4


— 48 —

ZÉLANDE.

Ordo Zelandia. Argent. Pièces à l'aigle, SI. DEVS. NOBIS. QVIS.

CONTRA. NOS. 1602 2

ANGLETERRE.

Jacques 1er. Or. Jacobus. HENRICVS. ROSAS. REGNA. IACOBUS. . 1

DOMBES.

Henri. Argent. Teston. 1607 . . 1

TOTAL des monnaies étrangères. . . . 17

« Les remarques à faire sur cette trouvaillle sont :

« 1° Que la pièce la plus moderne portant le millésime 1612, l'enfouissement a eu lieu dans les premières années du règne de Louis XIII;

« 2° Que sur les vingt-quatre monnaies d'or, dix seulement sont françaises et quatorze étrangères, ce qui montre qu'au commencement du XVIIe siècle les monnaies d'or de fabrication étrangère circulant dans l'Orléanais, y étaient en proportion plus considérable que les monnaies d'or de fabrication française;

« 3° Que sur quarante-six monnaies d'argent, trois seulement étaient de fabrication étrangère et quarante-trois de fabrication française, ce qui montre que la monnaie d'argent en circulation dans l'Orléanais se composait en très-grande partie de monnaies françaises. »

Séance du vendredi 28 janvier 1959.

Présidence de M. DE BUZONNIÈRE, président.

Les membres du bureau nommés à la précédente séance sont installés.

— Sur la proposition de M. de Buzonnière, des remercîments sont volés à M. Dupuis, président depuis 1856.


— 49 —

— Lecture est donnée du programme des délégués des sociétés savantes. MM. Dupuis, de Buzonnière et G. Baguenault se proposent d'assister à ce congrès. La Société demande à ces messieurs de vouloir bien la représenter.

— Lecture est donnée d'une lettre de M. de Montifault, faisant savoir à la Société qu'il lient à sa disposition des documents sur les noms et les armoiries des seigneurs de l'Orléanais qui, après avoir pris part aux guerres de la succession, se sont établis en Bretagne. M. le Président se mettra en rapport avec M. de Montifault à ce sujet.

— M. le Président donne à la Société communication du budget pour 1859.

— M. Bimbenet commence la lecture d'un mémoire sur la justice de Notre-Dame-des-Forges.

Séance du vendredi 11 février 1859.

Présidence de M. DE BUZONNIÈRE, président.

M. Mantellier fait connaître à la Société l'acquisition que le musée de la ville vient de faire d'une tapisserie du XVe siècle, représentant l'entrée de Jeanne d'Arc à Chinon. M. le marquis d'Azeglio, possesseur de celte tapisserie curieuse, la cède au prix de 600 fr., somme qu'il offre à M. le Maire pour les pauvres d'Orléans.

— M. Mantellier entretient la Société de l'opportunité qu'il y aurait de faire une démarche auprès de M. Chevrier, propriétaire de la salle des thèses de l'ancienne université d'Orléans, dans le but de conserver cet intéressant monument. La Société prie M. Mantellier d'entretenir M. Chevrier de celte affaire.

— M. Lemolt-Phalary fait savoir à la Société qu'il a appris la découverte d'une portion de mosaïque gallo-romaine à Saint-Père,

BULLETIN N° 32. 4


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vis-à-vis Sully, à l'endroit où s'opèrent les déblais que nécessitent les travaux de la culée du pont, sur la Loire. M. Rocher s'engage à écrire à ce sujet à l'entrepreneur des travaux.

— M. Dupuis dépose sur le bureau l'inventaire de toutes les pièces relatives à la chapelle de Saint-Jacques, inventaire rédigé par M. G. Petau Ce travail est renvoyé à la commission des publications.

— M. Dupuis, au nom de la commission des publications, fait un rapport sur le mémoire de M. Bimbenet sur le fief de Bondaroy. Conformément aux conclusions de la commission, ce mémoire doit être, en notable partie, inséré au Bulletin.

ÉTUDES DU DROIT FÉODAL DANS LE GATINAIS, A L'OCCASION DE RECHERCHES SUR LE FIEF DE BONDAROY (PRÈS LA VILLE DE PITHIVIERS).

PITHIVIERS).

« Au cours de l'année 1776, le conseil de M. le duc d'Orléans réclama contre le seigneur de Bondaroy la directe au profit du prince apanagiste; il réveillait ainsi une prétention manifestée déjà en l'année 1676, à laquelle il semble n'avoir pas été donné de suite.

« M. de Fougeroux, alors propriétaire de cette seigneurie, résista à celte action ; il disait relever nuement et directement du roi.

« Il se fondait sur une longue possession, et sur un acte d'échange intervenu entre Philippe-le-Bel et le sieur Hugues de Bouville, seigneur de Milly (bourg situé à l'extrémité du Gâtinais, dans l'Ilede-France, entre Étampes et Fontainebleau, aujourd'hui chef-lieu de canton, à la limite des départements de Seine-et-Oise et de Seine-et-Marne), par lequel le roi aurait aliéné au profit de celuici la terre de Bondaroy, dont le nouveau propriétaire aurait, de son côté, cédé au roi plusieurs droits seigneuriaux, domaniaux et de directe, à prendre et assis sur certains territoires désignés dans cet acte ; aliénation qui, de la part du roi, aurait compris la justice haute, moyenne et basse, sans autre réserve que celle de souveraineté et de ressort (c'est-à-dire que le seigneur de Bondaroy relevait directement du roi, et que les appels de la justice de ce seigneur étaient directement portés au parlement de Paris).


— 51 —

« Cet acte n'était pas représenté par M. de Fougeroux ; mais son existence, attestée par une note marginale portée sur un registre mémorial de la chambre des comptes, n'était pas absolument niée par le conseil du prince apanagiste, qui voulait faire cesser le doute que cette absence de représentation laissait subsister, en mettant le propriétaire du fief en demeure de l'opérer.

« Le seigneur de Bondaroy parvint à retrouver cet acte d'échange, remontant au mois de juillet de l'année 1303. Il le produisit et y joignit: 1° une sentence du garde de la prévôté de Paris, rendue le 22 septembre 1477, entérinant des lettres royaux accordées à Paris, le troisième jour de mai de la même année ; 2° des lettres du roi Louis XII, données à Blois au mois de décembre 1509, confirmatives des lettres royaux données à Amboise par le roi Louis XI, au mois de juillet 1470, confirmatives elles-mêmes d'une charte accordée par Philippe-Auguste aux habitants de La Chapelle-la-Reine et des lieux dépendants de ce bailliage en l'année 1186; 3° une, analyse de nombreux actes établissant la propriété et la mouvance de la terre et de la justice de Bondaroy; et enfin une longue suite d'actes de foi et hommage.

« Ce sont ces documents, rapprochés des coutumes de La Chapelle-la-Reine, et celles de Boiscommun et de Lorris, qui, par leur importance, ont paru dignes d'être examinés comme établissant la situation féodale, non seulement du fief de Bondaroy, mais encore celle du pays au milieu duquel il est situé.

« Le premier de ces titres est l'échange de 1303. Il est nécessaire d'en faire connaître la teneur, comme étant un précieux renseignement sur l'état de la propriété et sur les rapports sociaux des vilains et manants, ou habitants des campagnes et des bourgs, avec leurs seigneurs au XIVe siècle."

« Il est ainsi conçu (1) :

« Philippe, par la grâce de Dieu roi des Français, savoir faisons « à tous présents et à venir que : comme notre amé et féal Hugues

(1) Philippus Dei gratia Francorum rex, notum facimus universis tam presentibus quam futuris quod cum dileclus el fidelis Hugo de Bouvilla, dominus Miliaci, miles et cambellanus noster, res infra scriptas jure heredi-


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« de Bouville, seigneur de Milly, homme d'armes et notre cham« bellan, tient et possède pacifiquement à titre d'héritage et de dois: maine les choses ci-après désignées, savoir : dans les ville et terri« toire de Montereau-Faut-Yonne, la huitième partie du péage avec « les menues coutumes; item la moitié de deux moulins au dit lieu; « item la moitié de l'eau depuis et au-dessus les îles de feu Joubert « Pellot jusqu'au fossé de la dame Hozanne; item le menu cens, « avec les lods et ventes ; item la part du hallage ; item les maisons « au même lieu ; item dix-huit septiers de bled moitié froment et « moitié orge ; item cinq arpents de terre labourable ; item un ar« pent de vignes ; item quatre arpents de pré ; item une petite île; « item la justice et seigneurie dudit lieu ; item quatre fiefs et sa part

Mis et dominii tenet et pacifice possidet, videlicet in villa et territorio de Monstolio in furco Yonne, octavam partem pedagii... cum minutis coustumis; item medietatem duorum molindinorum ibidem; item medietatem aquoe à desuper insulis defuncti Jouberti Pellot, usque ad fossalum domnoe Hozannoe ; item minutum censum cum laudibus et vindis ; item partem suam halagii ; item domos suas ibidem; item decem et octo septeria bladi medietate frumenti et medictate hordei ; item quinque arpenta terroe arabilis ; item unum arpentum vineoe ; item quatuor arpenta prati ; item parvam insulam ; item justitiam et do minium ibidem; item quatuor feoda et partem suam pedagii aquoe quoe proemissa ordinantur pro feodis et eleemosynis in blado et denariis estimantur ad quindecim libras quindecim solidos et septem denarios turonences annuatim; item apud Pontessuper-Yonnam

Pontessuper-Yonnam suam pedagii tam per aquam quam per terram; item vigenli quatuor sexteria frumenti ad mensuram Senonensem super molendinis de pontibus ; item piscariam aquoe ibidem ; item (en blanc) ; item partem suam de furnis ibidem; hem partem suam de stallis ad carnes et ad panem ; item partem suam minagii ibidem; item partem suam de hominibus lalliabilibus; item census et sequentius cum quinque bichelis avenoe; item laudes et vendas dicti census ; item tres minas hordei et tria arpenta terroe arabilis quoe pradicta ordinantur pro eleemosyna de una mina frumenti et de una mina hordei debitis ecclesioe de pontibus annualim; item apud moretum partem suam pedagii de Morelo lam per

aquam quam per terram; item et quatuor feoda ibidem quoe, omnia in universo apreciantur ad trecentas quadraginta libras septem solidos et duos denarios cum obolo turonenci redditus. Prefatusque Hugo proemissa et singula nobis per modum permuta-


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« du péage par eau ; tous lesquels biens sont chargés pour fiefs et « aumônes tant en bled qu'en deniers, et sont estimés quinze livres « quinze sous sept deniers tournois de rente ; item à Pont-sur« Yonne, sa part de péage tant par eau que par terre; item vingt« quatre septiers de froment, mesure de Sens, à prendre sur les « moulins desdits ponts ; item la pêche dudit lieu ; item (en blanc) ; « item sa part des fours du dit lieu ; item sa part des étaux à vendre « viande et pain ; item sa part du minage du dit lieu; item sa part « des hommes taillables ; item les cens et redevances, avec cinq « bichets d'avoine ; item les lods et ventes du dit cens (c'est-à-dire « dans l'étendue du dit cens) ; item trois mines d'orge et trois ar« pents de terre labourable ; tous lesquels biens sont chargés d'une « mine de froment et d'une mine d'orge, dues pour aumône, « par chacun an à l'église des Ponts ; item à Moret, sa part du péage

tionis seu escambii tradidit assignavit et penitus transtulit in nos pro nobis et successoribus nostris tenenda de celero et pacifice possidenda.

Nos eidem Hugoni res infra scripturas duximus pro se et heredibus ac successoribus suis in recompensationem proemissorum tradendas, assignandas et etiam in ipsum penitus transferendas videlicet villas de Capella Reginoe de Bucellis, de Blecouvilla, de Magduno juxta Capellam, de Gaullevilla, de Villaribus et de Bucellis cum pertinentiis et earumdem justiliam allam et bassam ac dominium in cisdem ; item blada et advenas de granchia villoe de Capella et locorum proedictorum, cum onere eleemosynarum perpetuo et ad vitam super his debitarum ; item stramen dictoe granchioe ; item obleas debilas in locis proedictis lam in denariis quam advena ïn crastino Nativitatis nati Domini, annuatim ; item census dictarum Vlllarum Capelloe et Gaullevilloe; item dictos census et terrarum villarum ipsarum quas tenent ad champardum ; item partem nostram pedigii dictoe villoe de Capella; item furnum ipsius villoe; item census de Bondar roy ; item census de Villaribus cum onere eleemosynarum perpetua super his debilarum, priori de Villaribus, Petro de Gaucheron armigero et heredibus defuncti Theobaldi de Corbelio ; item laudes et vendas dicti census ; item census de Bucellis; item vendas dicti census; item feodum quod castellanus de Briart tenet in castelliania de Gressibus; item octo retro feoda de feodo ipso mouventia ; item feodum quod dominus Limeriis tenet à nobis in villa Boscomenardi à pertinentiis ; item taras quoe tenentur à nobis apud Escherias et apud Rogemont ; item feodum quod Margarita, relicta defuncti Joannis de Bure tenet à nobis in villa Bos-


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« du dit lieu tant par eau que par terre ; item quatre fiefs, au même

« lieu ; tous lesquels biens sont estimés au total 340 livres 7 sous

« 2 deniers et 6 oboles tournois de rente.

« Lequel Hugues nous a cédé tous les biens ci-dessus à titre de « permutation ou d'échange, et nous en a abandonné la toute pro« priété à nous et pour nous et nos successeurs', et les tenir et pos« séder pacifiquement, exclusivement à tout autre.

« Et nous, en contre-échange de tout ce que dessus, nous avons « cédé au dit Hugues et lui avons abandonné la pleine propriété des « choses ci-après nommées, tant pour lui que pour ses hoirs et « ayant cause; c'est à savoir les bourgs de La Chapelle-la-Reine, « de Boisse (aujourd'hui Soisy-aux-Cailles), de Béclonville (Besson« ville), de Meung, proche La Chapelle, de Gaulleville, de Villiers « et de Bucy (Buceau), et toutes leurs dépendances, avec la haute et « basse justice et la seigneurie des dits lieux; item les blés et avoines « de la grange de la ville de La Chapelle, et des lieux susdits, à la « charge perpétuelle et à vie des aumônes dont elles sont tenues; item « les fourrages de la dite grange ; item les oblations (oublies) dues « ès dits lieux tant en deniers qu'en avoine, le lendemain de la Na« tivité de Notre-Seigneur ; item le cens des dites villes de La Cha« pelle et de Gaulleville, et des terres qui sont tenues à champart ; « item notre part du péage de la dite ville de La Chapelle ; item le

comenardi et pertinentiis ; item terras quoe tenentur apud de Soisi-superEssonam scolam in franco-alodio ; item et partem quam habebamus in alta justitia dictoe villoe, quoe proemissa in universo apreciantur ad quadragintas vigenti septem libras tres solidos octo denarios et obolum turonense redditus, quoe res homini eidem Hugoni à nobis traditoe valorem seu estimationem rerum nobis ab ipso traditarum in octoginta sex libras sexdecim solidos et sex denarios turonenses redditus. Sic excedunt prout apreciationem continetur quorum rerum predictarum per Petrum de Diciaco nostrum Trecensem baillivum de mandato nostro factas et nobis relatas fideliter est inventum ; item et in decem libris turonencibus redditus quas nobis debebat per quod cidem datum tradidimus in villa de Scalla sicut in litteris inde confectisplenius continetur, actum est inter nos et conventum quod dictoe octoginta sex decim libroe sex decim solidi et sex denarii turonenses nobis et successoribus nostris super rebus proedictis traditis à nobis annuatim debebantur et nostro Senonensi baillivo pro


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« four du dit lieu ; item le cens de Bondaroy ; item le cens de Villiers, « à charge des aumônes dues à perpétuité sur les dits biens au prieur « de Villiers, à Pierre de Gaucheron, homme d'armes, et aux héri« tiers de feu Thibault de Corbeil ; item les lods et ventes du dit cens « (dans l'étendue du dit cens); item les cens de Buci (Buceau) ; item « les ventes du dit cens (dans l'étendue du dit cens) ; item le' fief « appartenant au châtelain de Briare (voir la carte, village situé « entre Villereau et Dimancheville, dans la châtellenie des Grès, de « Gressibus) ; item huit arrière-fiefs mouvants du dit fief; item le fief « que tient de nous le sieur de Limiers dans le bourg de Bois-Me« nars (1), et toutes ses dépendances; item les terres qui sont tenues « à Acheres (Escherias) et à Rougemont ; item le fief que lient de nous « Marguerite, veuve de feu Jean de Bure, au bourg de Bois-Menars, « avec toutes ses dépendances ; item les terres qui sont tenues à « Soisy-sur-Essone (Scolam Essonam) en franc-aleu ; item la part « que nous avions dans le dit bourg ; tout ce qui est ci-dessus dési« gné est estimé en total 427 livres 3 sous 8 deniers et 6 oboles « tournois de revenu annuel.

« Et ainsi tout ce que nous avons accordé au dit Hugues excède « la valeur de tout ce qu'il nous a cédé de 86 livres 16 sous 6 de« niers tournois de revenu annuel, ainsi qu'il est contenu dans l'apnobis

l'apnobis in poecunia numerata donec hujus modi redditum in thesauro nostro seu bursa nostra, aut feodis vel redditibus à nobis moventibus emerit vel aliter invenerit et illum nobis competenter assederit de quo contentari non immerito debemus, cujus modi assignatione et assessione redditus nobis facta proedictoe res à nobis proefato Hugoni traditoe sic de hujus modi redditu erga nos et successores nostros exoneratoe, deinceps erunt et penitus absolutoe tenendoe si quidem à nobis existunt ad illud idem homagium in sui augmentum feodi quod à nobis tenet idem Hugo pro terra sua Miliaci absque nobo homagio nobis propter hoc faciendo cum omni domanio et jure, ac omni alla et bassa justitia in rébus ipsis sicut habebamus antea in eisdem, salvo jure nostro, in superioritate et resorto duntaxat et quovis alieno. Quod ut firmum et stabile perseveret presentibus litteris nostrum fecimus apponi sigillum, actum apud Vicennas anno Domini millesimo trecentesimo tertio mense julio

(1) Le bois de la Fontaine. Menare, ducere, Menars; scaturigo, fons; source, fontaine.


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« préciation qui en a été faite de notre ordre par Pierre de Dici, « notre bailly de Troyes, suivant le rapport qui nous en a été fait « fidellement ; et en outre, de 10 livres tournois de rente qu'il nous « devait sur le bourg d'Eschelles, et que nous lui avons pareille« ment abandonné, ainsi qu'il appert plus à plein dans les lettres « faites à ce sujet.

« Sur quoi a été convenu entre nous que les dits 86 livres 16 sous « 6 deniers tournois, nous appartiendront et à nos successeurs, à « prendre chaque année sur tous les biens à lui cédés, et seront « payés en notre nom et à notre bailli de Sens, jusqu'à ce qu'il « achète ou acquierre autrement un pareil revenu sur notre trésor « ou notre cassette ou dans nos fiefs ou autres redevances mouvants « de nous et qu'il nous en ail fait la cession de manière que nous « en devions être satisfait ; par l'assignation et cession duquel revenu « les biens par nous cédés au dit Hugues demeureront déchargés de « la dite rente tant envers nous qu'envers nus successeurs, car nous « ne lui cédons les dits biens qu'à la charge du même hommage « et pour l'accroissement de son fief qu'il tient de nous pour sa terre « de Milly, sans néanmoins être tenu de nous faire un nouvel hom« mage pour raison de ce que dessus, avec tout le domaine, et « toute justice haute et basse, telle que nous l'avions sur les mêmes « biens , sauf notre droit de souveraineté et de ressort seulement, « et sauf le droit d'autrui ; et afin que ce soit chose stable et perpé« tuelle, nous avons fait mettre le sceau à ces présentes.

« Fait à Vincennes, l'an de Notre-Seigneur 1303, au mois de « juillet. »

« Le second de ces actes est la sentence du garde de la prévôté de Paris, du 22 septembre 1477, qui par suite de lettres royaux prescrivant une information sur la demande du sieur Loys Martinet de la Taille, sieur de Bondaroy, ayant pour objet d'être maintenu dans son droit de justice, le lui reconnaît et l'y maintient.

« On remarque dans les lettres royaux le passage suivant :

« Reçue avons l'humble supplication de notre cher et bien amé « Martinet de la Taille, écuyer, seigneur de Bondaroy, contenant en« tre autres choses que pour exercer celle justice il a en la dite châ-


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« tellenie bailly, prévôt, sergents, et autres officiers qui ont connu « et connaissent de tous cas criminels et civils, quand les cas s'y « sont offerts et offrent, et dont les appellations ressortissent nue« ment et sans moyen (c'est-à-dire omisso medio, sans justice inter« médiaire), en notre cour de Parlement; et pour exercer le fait « de haute justice et exécuter criminels, quand les cas s'y sont of« ferts, il y soulait y avoir enseignes patibulaires, lesquelles y ont « été vues et par pourriture ou autrement (les paysans abattaient sou« vent les fourches patibulaires et les potences) sont tombées à terre ; « et pour ce nous a remontré le dit suppliant qu'il lui est besoin « pour les cas qui peuvent advenir, à fins et limites de la dite sei« gneurie et justice, y faire dresser et mettre sus justice patibulaire, « laquelle chose y celui suppliant n'oserait faire ne aussi faire re« dresser et mettre sus les justices patibulaires qui sont ainsi chues « et tombées sans notre congé et licence, et lui donner provision de « ce faire dont il nous a requis. »

« Et dans la sentence :

« Et le prévôt de Paris, après que par certaine information faite « par notre amé Jean Tertereau, examinateur du Châtelet de Paris, « il lui est et aussi aux avocats et procureur du roi apparu tant par « litres, aveux et pancartes, qu'autrement par la commune voix des « gens du pays, qu'en la dite terre et châtellenie de Bondaroy, le « dit écuyer a tous droits de justice haute,' moyenne et basse, aussi « droits de péage, marché, rivière, pêcherie, tabellionage et four à « ban, y celle terre avec le lieu de Faronville tenue et mouvante du « roi, à cause de sa couronne, en entérinant les dites lettres royaux « et obtempérant à y celles, permet au dit écuyer de pouvoir jouir « de tous et chacun des droits ci-dessus déclarés, sans préjudice de « ceux du roi, à savoir :

« Depuis un lieu séant sur la rivière du dit Bondaroy, appelé le « Gué-aux-Dames les Pluviers jusqu'à l'Oliveau du Moulin du Mon« ceau-Saint-Benoist ; puis du dit Oliveau en montant contre mont « le chemin tendant du dit Oliveau au dit Bondaroy, jusques à un « carrefour qui sépare les deux chemins dont l'un tend à Sainte« Martin-le-Seul et l'autre à Étouy , puis du dit carrefour droit par


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« entre Baudrevilliers et un petit carrefour qui sépare en deux le « chemin de Pluviers, par derrière le dit Bondaroy , dont l'un tend « à Étouy, l'autre à Moncelard , jusqu'au grand chemin qui va à la « dite Mesivière, appelé le chemin de Saint-Mathurin, et outre le « dit chemin, jusqu'à une vallée qui est entre la dite Mesivière et les « petits Essarts, la dite vallée comprinse de part et d'autre jusqu'à « un petit sentier qui va de Bondaroy à Chesne, et jusqu'au chemin « qui tend do Pluviers à Mancharville au bout du dit sentier, en « fendant droit par entre ce chemin qui va du dit Pluviers à Ba« moulu et Mirevillette, jusques à la vallée d'entre les vignes de « Saint-Aignan et le val Saint-Jean, suivant le chemin qui tend « de Pluviers au dit Gué-aux-Dames, le moulin d'Annemont, à « la dite Mesivière compris et enclavé dans la dite seigneurie de « haute justice ; le tout contenant une lieue de circuit ou en« viron. »

« Cet acte était très-important pour le sieur de Bondaroy ; il contenait du moins l'interprétation de l'échange de 1303. Et cet échange en avait besoin : le roi donnait au sieur de Milly le bourg de La Chapelle-la-Reine et bien d'autres domaines qui tous pouvaient avoir justice ; il lui donnait cette justice et se réservait le ressort ; mais il se pouvait que l'on contestât cette concession et cette réserve pour les terres qui n'avaient pas encore de justice au moment de l'échange. Or la terre de Bondaroy n'avait, en 1303, ni châtel, ni justice ; on la qualifie de cens de Bondaroy, et par cela seul on détermine sa qualité de terre roturière, ces seules terres pouvant être frappées de cens.

« Il semble que quand même, de 1303 à 1477, il se serait élevé sur cette terre un châtel, une trop grande extension ait été donnée par le propriétaire du cens de Bondaroy à l'échange de 1303 ; et cependant il est certain que le seigneur de cette censive l'a transformée en seigneurie et qu'il est parvenu à la mélanger et à la confondre avec toutes les parties des seigneuries données par le roi pour lesquelles le droit de ressort avait été réservé.

« Le propriétaire de Bondaroy, en effet, a rendu foi et hommage au roi pour celte terre, en vertu de ce mélange et de celte confusion ; et le roi l'a d'autant plus facilement reçu qu'il augmentait


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ainsi son propre domaine au détriment des glands fendataires dont il pouvait alors redouter la puissance.

« Il y avait donc, avant la production de la sentence du garde de la prévôté de Paris de 1477, dans l'acte d'échange de 1303, le germe d'une discussion, en vertu de la distinction à faire, dans toutes les parties de ce contrat, entre les terres nobles et les terres roturières, entre celles tenues en fief et celles tenues en roture par le cens, exclusif de la justice, tandis que le fief avait le droit de justice pour conséquence nécessaire.

« Aussi le sieur de Bondaroy crut-il nécessaire de produire d'autres pièces qui, sans avoir un trait direct à l'échange de 1303, puisque l'une d'elles lui est antérieure et la seconde postérieure de plus d'un siècle, et que toutes les deux ne s'appliquent qu'au bourg de La Chapelle-la-Reine, lui paraissaient cependant s'appliquer à toutes les parties de l'échange de 1303, comme ayant été dans le domaine du roi et l'objet de ses réserves contenues dans ce contrat.

« Ces pièces sont la charte de la coutume de la Chapelle-la-Reine, de 1186, et les lettres royaux de 1490, approuvées par le roi, au mois de novembre 1509, suivant ses lettres données dans la ville de Blois.

« On ne transcrira pas ici le premier de ces documents, qui se trouve dans tous les recueils destinés à conserver ces actes importants sur lesquels repose', en grande partie, l'histoire nationale ; l'analyse à laquelle on se livrera bientôt de celte charte, et la comparaison qui en sera faite avec les coutumes de Boiscommun et de Lorris remplaceront d'ailleurs la reproduction du texte. On ne s'arrêtera qu'à la date de la charte de 1187; elle est conçue en ces termes : Actum Vitriaci in Legio, anno incarnati Verbi millesimo centesimo octogesimo. Ces mots : Vitriaci in Legio ont donné lieu à une confusion de lieux qu'il était nécessaire de faire cesser.

« Les collectionneurs de chartes, Brequigny, de Pastoret, de la Thaumassière, en rapportant cette date, disent : Vitriaci in regio Palatio, et suppriment les mots in legio. C'est seulement dans la copie collationnée déposée dans les archives de la cour impériale d'Orléans qu'ils se rencontrent et qu'ils sont traduits par Vitry-en-


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Laye (1); il faut en conclure que son texte a été altéré dans cette partie comme dans quelques autres par les officiers chargés d'en dresser la copie collationnée, altérations signalées par plusieurs des collectionneurs, et que ce n'est pas à Vitry-en-Laye, mais à Vitry-auxLoges, bourg du Gâtinais, que cet acte a été donné par le roi, ce qui est démontré par ces mots : Vitriaci in regio Palatio, ainsi que l'a démontré M. Quicherat, dans sa notice du Lieu où mourut Henri Ier et dans celle intitulée Histoire de Vitry-aux-Loges. contenues dans le deuxième volume des Annales de la Société archéologique de l'Orléanais (2).

« On ne rapportera pas non plus des lettres royaux de 1490 et et de 1509, qui n'ont d'autre but que de confirmer les manants et habitants du bourg et du territoire de la Chapelle-la-Reine dans les priviléges résultant de la charte de 1186 ; on doit se borner ici à rechercher la pensée qui a engagé le sieur de Bondaroy à les invoquer comme justification de son droit.

« Cette pensée trouve son inspiration dans deux phrases empruntées l'une à la charte de 1186, l'autre à l'échange de 1303.

« La première est ainsi conçue : ce Philippe.... sachent tous pré« sents et à venir que le roi Louis notre père, de digne mémoire, « a accordé aux habitants de La Chapelle et des villes dépendantes « de ce bailliage les mêmes coutumes que le roi Louis, de pieuse « mémoire, son père et notre ayeul, leur avait accordées lorsqu'il fit ce édifier la ville et les autres villes dépendantes du dit bailliage; il « leur accorda donc et ordonna que tous les habitants de La Cha« pelle-la-Reine et lieux dépendants de ce bailliage seraient libres et ce exempts de toute coutume du Gâtinais, de tout enlèvement, taille,

(1) Le copiste avait d'abord mis: in Legio. On voit qu'il a corrigé et fait de l'o un a.

(2) Il résulte des recherches de M. Quicherat que l'affixe aux Loges se mettait au singulier dans les anciennes traductions, et que ce n'est que par suite de l'usage introduit sans doute lorsqu'un bourg composé de misérables habitations s'est formé autour du palais que le roi s'était construit à ce Vitry, que l'affixe au Loge a pris les signes indiquant le pluriel, circonstance qui explique comment te mot Legio a pu cependant rester réuni à Vitry désigné par les mots: aux Loges.


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« exaction et subvention. Quiconque viendra demeurer en la dite « ville, s'il n'est coupable de meurtre, larcin, homicide, trahison, « ou de rapt, aura le corps et les biens saufs, tant qu'il voudra « y rester par la permission du roi ou du prévôt de la justice. Res « eorum et corpore tula et salva erunt quandiu per regem vel preposi« tum justitioe stare voluerint. »

« Ici il est manifeste que La Chapelle-la-Reine et son territoire sont dans la justice du roi, puisqu'ils sont dans son domaine, et que quand même la charte ne l'aurait pas dit dans ce passage comme dans plusieurs autres, celte proposition serait incontestable.

« La seconde, empruntée à l'échange de 1303, est ainsi conçue:

« Nous ne lui cédons les biens susdits qu'à la charge du même « hommage et pour l'accroissement de son fief qu'il tient de nous « pour sa terre de Milly, sans néanmoins être tenu de nous faire un « nouvel hommage pour raison de ce que dessus, avec tout le « domaine et toute justice haute et basse, telle que nous l'avions « sur les mêmes biens, et omni alta et bassa justitia in rebus ipsis, « sicut habebamus antea in iisdem ; sauf notre droit de souveraineté « et de ressort seulement, salvo jure nostro superioritate et resorto ce duntaxat. »,

« Le sieur de Bondaroy a vu dans le rapprochement des passages de ces deux actes un véritable transport à son profit, par le roi, de tous les droits appartenant à ce dernier, sous la seule réserve de la souveraineté et du ressort constituant, celui-ci surtout, une prérogative dont l'exercice plaçait le propriétaire de Bonduroy dans le rang le plus élevé de l'institution féodale.

« Le conseil du duc d'Orléans n'accepta pas cette défense : il lui opposait les principes du droit public alors en vigueur en matière de réserve de souveraineté et de ressort. On regrette de ne pouvoir reproduire ici la savante discussion à laquelle le conseil du prince apanagiste s'est livré en cette circonstance ; mais les limites qui nous sont imposées nous contraignent de ne pas insister sur ces détails, cependant d'un grand intérêt. Nous n'ajouterons qu'un mot: c'est que le point de la difficulté ne paraît pas avoir été abordé par les jurisconsultes qui ont rédigé le mémoire produit au nom de M. le


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duc d'Orléans ; il suffisait, ce semble, d'établir que la justice haute, moyenne et basse, avec réserve du ressort, ne concernait dans la pensée de l'acte de 1303 que les terres possédant justice et non les terres roturières, et qu'on ne pouvait y faire participer les terres tenues en roture, telles que le cens de Bondaroy.

« Mais le conseil du prince apanagiste céda devant une longue possession, et surtout, sans doute, par la considération du peu d'importance que l'exercice de la directe avait dès cette époque (1776), et l'action qu'il se préparait à diriger contre le sieur de Bondaroy fut abandonnée.

« Cette terre doit donc être considérée comme un grand fief, malgré son peu d'étendue, et comme ayant joui des droits nobiliaires et féodaux les plus considérables depuis l'année 1303 jusqu'à l'année 1790, c'est-à-dire pendant près de cinq siècles.

« Il nous a paru qu'une notice destinée à faire connaître nonseulement l'existence, mais encore l'origine, l'accroissement et les priviléges d'un grand fief renfermé dans une circonférence n'atteignant pas la valeur d'une lieue, n'était pas sans intérêt ; qu'il y avait dans celte étude un des éléments les plus instructifs de la constitution féodale, et que quand même on n'en tirerait que cet avantage, elle devait trouver sa place dans le recueil destiné à conserver les souvenirs historiques de la province à laquelle ce fief appartenait.

ce Mais cet avantage n'est pas le seul, et les recherches concernant la terre censuelle de Bondaroy, devenue le fief indépendant sauf la réserve de la souveraineté et du ressort de la part du roi contractant avec le nouveau propriétaire comme un simple échangiste, nous permet d'agrandir notre cadre et de signaler le travail social auquel, dès le XIIe siècle, les rois se livraient pour s'affranchir de la tyrannie féodale, qui pesait sur eux-mêmes comme sur les populations, en favorisant dès cette époque l'affranchissement de celles-ci, non seulement dans leurs domaines, tant qu'ils en restaient propriétaires, mais encore dans la partie de ces domaines qu'ils aliénaient à quelque litre que ce soit.

« Le sieur de Bondaroy qui, dans l'origine, semble n'avoir pas compris la conséquence que devait avoir la charte de La Chapellela-Reine étendue, par une interprétation manifestement forcée, à


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tous les domaines entrés dans l'échange de 1303, et qui n'a cédé, en assimilant les terres censuelles aux terres nobles, qu'au désir de ne relever que du roi et d'être justicier ressortissant du Parlement (omisso medio), s'est associé aux vues bienfaisantes ou politiques du prince et a fait une contestation dont le résultat a été de répandre sur toutes les parties du Gâtinais les dispositions de la coutume, non seulement du bourg de La Chapelle-la-Reine, mais encore celles des coutumes de Boiscommun et de Lorris.

« Ces trois actes du pouvoir souverain sont en effet tellement identiques, qu'on peut les considérer, à quelques mesures près, comme n'en formant qu'une. Nous sommes donc conduits, par les actes du seigneur de Bondaroy, à poser cette proposition et à la justifier.

« Elle ressort, ainsi que sa justification, du rapprochement de ces trois coutumes, ou plutôt de ces deux coutumes, celle de La Chapelle-la-Reine et celle de Boiscommun, cette dernière ne faisant qu'un avec la coutume de Lorris.

« Nous ne reproduirons pas ici le texte de l'une et de l'autre, qui se rencontre dans toutes les grandes collections de ces documents historiques, et particulièrement dans celle de Secousse ; et d'ailleurs la comparaison des dispositions de chacune d'elles les fera suffisamment connaître, et satisfera au seul but que nous proposons d'atteindre.

« Nous nous bornerons à faire remarquer qu'elles sont antérieures à leur propre date (1186), le roi Philippe-Auguste déclarant qu'il ne fait que ratifier les actes de ses prédécesseurs (son père et son aïeul, Louis VII et Louis VI, dit le Gros), et qu'ainsi, du XIIe au XVIe siècle, les rois ont donné la plus énergique impulsion à l'affaiblissement de la constitution féodale.

« La charte de La Chapelle-la-Reine affranchit ses habitants de toutes coutumes du Gâtinais, et par ce mot, on doit entendre les redevances et impôts auxquels celle contrée était soumise; et en effet le texte ajoute : de tout enlèvement, taille, exaction et subvention.

« Cette charte fait cesser cet état de choses, comme l'avaient fait les coutumes de Boiscommun et de Lorris, qui réduisent le droit de corvée pour le roi à un seul jour, employé à conduire son vin à Or-


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léans, et le bois de sa cuisine, et cela aux seuls propriétaires de charrettes ; qui fixent le cens à six deniers, par une disposition générale applicable à tous les cas, et enfin qui abolissent le droit de forage ou d'afforage, ou droit de vin, de la récolte du roi. (Art, 1er et 2 de la coutume de Boiscommun.)

« La coutume de La Chapelle-la-Reine constitue celte ville en un lieu d'asile où pouvaient se réfugier ceux qui auraient été injustement poursuivis, ou qui auraient eu à redouter un traitement trop sévère après une mauvaise action commise, n'en exceptant que le vol, le meurtre, l'homicide, la trahison et le rapt ; et en cela elle est plus large que les coutumes de Boiscommun et de Lorris, puisqu'elle étend ce privilége au-delà des limites du territoire de la ville de La Chapelle, sous le sauf-conduit du roi, tandis que ces coutumes ne contiennent ces dispositions que par voies indirectes et sujettes à interprétation. (Voir les articles 5, 6, 7 et 18 de ces coutumes.)

« Elle modère, dans une proportion considérable, les amendes ou compositions perçues pour les crimes ou forfaits commis partout ailleurs que sur son territoire, et dans la même proportion que celle prévue par l'article 7 de la coutume de Boiscommun et de Lorris, savoir: l'amende de 60 sous à 5, celle de 5 sous à 12 deniers, et à celle dernière somme celle encourue pour les menus délits.

« Enfin, et sur ce point, allant au-delà des dispositions des coutumes de Lorris et de Boiscommun, elle réduit le droit émolumentaire du prévôt, pour la requête qui lui était présentée au début de toute instance, à 4 deniers.

« Elle réduit l'obligation de suivre le roi en guerre, ou dans ses voyages, à une seule journée; c'est-à-dire qu'elle le rend à peu près illusoire, et en cela elle est conforme aux dispositions de l'article 3 des coutumes de Boiscommun et de Lorris.

« Elle va jusqu'à abandonner les droits du roi au serment de la partie recherchée en justice pour leur avoir porté atteinte, ainsi que l'avait fait l'art. 32 de ces coutumes.

« Par une exception peu favorable à l'idée que l'on doit se faire de la haute position du magistrat de la cité, elle maintient les coutumes du Gâtinais à son égard, et dit qu'il ne jouira des priviléges


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accordés par la charte qu'au moment où, cessant ses fonctions, il doit rentrer dans la vie privée , disposition que l'on ne remarque pas dans les coutumes de Lorris et de Boiscommun. Elle maintient les droits de lods et ventes, mais réduit à 6 deniers ceux accordés aux sergents pour la vente des maisons, droits transformés en une quantité de vin payable à Noël, ces ventes alors, où le notariat n'était pas régulièrement constitué (il ne l'a été qu'en 1319), ayant toujours lieu à la criée ; disposition d'une, autre nature, et moins favorable que celle contenue en l'art. 17 de la coutume de Lorris, qui permet au vendeur, après la vente et le paiement des lods et ventes, de sortir de la ville, c'est-à-dire de la directe du roi, à moins que celui qui a vendu ses biens et payé le droit dû en ce cas n'ait commis quelque crime dans la ville ; d'où l'on doit conclure que si le crime avait été commis hors de ses murs ou de son territoire, la disposition de la coutume n'était pas applicable.

« La coutume du pain et du vin est réduite à la valeur d'un denier, c'est-à-dire celle perçue sur les objets de consommation entrés à l'intérieur de la ville, et le droit d'avoine, sans doute payé au seigneur en vertu de la coutume ancienne, modifiée par la nouvelle, et qui donnait le droit de bourgeoisie dit d'aveinage, disposition qui n'a pas trouvé place dans la coutume de Boiscommun et de Lorris, est maintenu.

« Elle assure, ainsi que ces coutumes le faisaient dans leur article 18, la prescription de toute servitude, par une résidence d'an et jour dans la ville.

« Elle contient l'abolition du droit de garde gardienne, en cas de poursuite pour réparation d'un crime ou d'un délit : aucun des habitants n'ira plaider hors la ville : Pro submonitione extra villam nullus habitantium ibit ad placitandum.

« La coutume de Boiscommun étendait celte disposition au roi lui-même : Et nullus eorum ad Boscum. cum Domino rege placitaturus exeat, dit son article 8 ; celte coutume, dans son art. 31, allait jusqu'à enlever ce privilége de garde gardienne à l'abbaye de SaintBenoit, pour maintenir dans la justice du roi les habitants de Boiscommun, dont la demeure se trouvait dans la seigneurie de celte abbaye, s'étendant, dit-on, jusqu'à une partie du territoire de celle BULLETIN N° 32. 5


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ville, sauf les cas où une contestation se serait élevée sur le paiement du cens ou de la dîme, nisi pro gerba vel pro censu suo fore fecerit.

« La coutume de La Chapelle-la-Reine détruit le ban de moisson, comme celle de Boiscommun avait détruit le ban de vin ou le banvin, au moins en partie, puisqu'il le réduisait aux récoltes du roi et qu'il le supprimait à l'égard de tous les autres tenanciers; et par là, elle décrète la liberté de la propriété, et l'affranchit de deux droits dont l'un était exorbitant alors, et dont l'autre l'aurait été dans tous les temps. Le ban de moisson donnait lieu à un réglement du prévôt, qui pouvait attendre qu'on lui présentât requête, afin d'obtenir la publication du ban, et par conséquent lui donnait droit à un émolument et en donnait un au sergent qui le publiait, ainsi qu'il a été réglé plus lard par l'édit du mois d'avril 1595, sur les publications à l'issue de la messe par les sergents et notaires ; le droit, avant cet édit, ainsi que cela est attesté par l'article 22 de la coutume de Boiscommun, se résolvait en une mine de froment: Qui terram colat cum aratro, plusquam unam minam sigilinis, omnibus de Boscom. servienti'ms, consuetudinem prebeat, cum messis erit.

« Le ban de vin consistait dans la prohibition, pour les habitants de la seigneurie, de vendre leur vin pendant le temps que devait durer la vente faite, par le seigneur, du vin de sa récolte. « Celle vente avait lieu en détail, à pot et sans assiette, c'est-àdire à emporter et sans consommation sur place ; la durée du ban de vin, droit exorbitant et ruineux pour les propriétaires autres que le seigneur, était d'un mois, et de six semaines dans certaines coutumes.

« Les coutumes de Boiscommun et de Lorris ne contiennent pas de dispositions sur le ban de moisson. Ces différences pouvaient, dans un pays soumis aux mêmes usages, amener une sorte d'égalité entre ses différentes parties, suivant la nature des produits. Il est probable que le domaine royal possédait moins de vignes dans le territoire de La Chapelle, et qu'il y possédait plus de blé , tandis qu'au contraire il possédait plus de vignes dans le territoire de Boiscommun, qui est encore un vignoble assez important, et moins de terres à blé, et qu'ainsi la nécessité de statuer sur le ban de vin ne


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se faisait pas sentir pour le territoire de La Chapelle-la-Reine, de même que la nécessité de l'affranchissement du ban de moisson ne se faisait pas sentir pour le territoire de Boiscommun.

« Ces deux charles concédaient donc des droits égaux aux deux territoires, celui de La Chapelle-la-Reine et celui de Boiscommun et de Lorris (1).

« Tels sont les rapports qui existaient entre les trois coutumes ; on doit définir ici, pour compléter ce rapprochement, entre autres droits et usages auxquels l'établissement féodal a donné lieu dans la province de l'Orléanais, ceux qui suivent :

« 1° L'enlèvement, la taille, l'exaction, la subvention.

ce Par le mot enlèvement, on doit entendre exclusivement le droit d'enlever les meubles et immeubles saisis, alors même que la partie poursuivie aurait offert caution , ou lorsque l'accusé d'un crime ne se présentait pas; dans ce cas, on prenait note de ses meubles et immeubles, opération qui était appelée saisie et annotation do, biens (Laurière), et ils entraient dans le fisc du seigneur, s'ils n'étaient réclamés dans l'année par leur propriétaire. Celte mise sous le sequestre pouvait aussi et surtout avoir lieu par suite de saisie féodale : le seigneur mettait en sa main, non seulement les meubles, les fruits, mais encore les terres, le gazon et l'héritage ; le signe de celle prise de possession était de mettre l'huis hors les gonds, ou des barreaux aux huis et fenêtres, et brandonner les fruits. Ce droit était consacré par beaucoup de coutumes, et particulièrement par celles d'Orléans et de Montargis, l'une dans son art. 104, l'autre dans l'art. 2 du titre II.

« D'autres seigneurs prénaient possession en tuant le feu de la maison ; ils pouvaient aussi réaliser cet acte en faisant fumer la cheminée, ouvrir et fermer les huis, entrer dans l'héritage, en sortir et y cueillir des fruits.

« L'exaction consistait dans l'exigence, sans contrôle et sans tarif, de la part des officiers de la justice, baillis, prévôts et sénéchaux, des émoluments et épices qui pouvaient leur être dus.

(1) Et nullus Boscom. vineum cum edicto vendat EXCEPTO REGE qui proprium vinum in celario suo cum edicto vendal.


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« La subvention était la perception d'une somme d'argent pour subvenir aux besoins extraordinaires, vrais ou supposés, du seigneur.

« 2° Le droit d'expédition ou de guerre, que la coutume de Boiscommun rend par ces mots : expeditio et equitatio, consistait à suivre le seigneur dans ses expéditions et chevauchées, c'est-à-dire dans quelques-unes de ses entreprises contre ses voisins, ou quelquefois sur les routes, contre les passants.

« 3° Le droit de coutume était un droit perçu au moment de la livraison faite à un habitant, par chaque bête à quatre pieds, nourrie dans l'enceinte du fief; il est réduit par celle de La Chapelle à un pain où un denier, et maintenu pour l'avoine, sans qu'on fixe la quantité de mesures à laquelle il s'élevait.

« 4° Le droit de servitude , ou la qualité de serf, était dès cette époque très-variable et divisé en un assez grand nombre de catégories : il y avait des serfs taillables et corvéables, des serfs mainmortables, ceux-ci se divisant en main-mortables en tous biens, meubles et immeubles, les autres en biens meubles seulement. Il y avait aussi les serfs abonnés, c'est-à-dire jusqu'à concurrence d'une certaine somme ; les serfs coutumiers, qui avaient une taille à trois termes, argent, avoine et géline, ou payable en animaux de la famille des gallinacées, et connus sous le nom de gallicagium, gallinagium ou gallinage.

« 5° Le droit de garde gardienne, consistant à désigner une justice devant laquelle on pouvait, lorsqu'on était porteur de lettres de celle nature, appeler le défendeur devant la partie du domicile du demandeur.

« 6° Le droit de vin, payable aux sergents, était, selon la coutume d'Orléans et de Montargis d'une jalée ou de 16 deniers parisis pour franc de la somme moyennant laquelle on achetait un héritage censuel.

« 7° Le ban de moisson, ou bandie, était la défense de moissonner avant l'époque fixée par le seigneur. « Cet usage, appliqué à la vendange, a survécu au droit féodal, mais comme mesure de simple police municipale ; la jurisprudence des tribunaux dans ces derniers temps n'a pas peu contribué, en le déclarant illégal, à le faire tomber en désuétude.


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« Ce sont ces droits que la charte de 1186 modifie ou détruit complètement.

« Ceux que la commune de Boiscommun a modifiés ou détruits sont compris dans l'énumération suivante :

« 1° Le cens, divisé en un grand nombre de catégories, et réduit par la coutume au paiement annuel d'un droit en argent, fixé à la modique somme de 12 deniers ; il n'y avait donc plus, comme par le passé, de chef cens, de double cens, de cher cens ; il était réduit, par son peu d'importance et son uniformité, à n'être plus que le signe sensible de la vassalité et du caractère roturier de la terre.

ce 2° Le tonlieu, impôt qui se payait pour toutes les denrées qu'on achetait à la foire ; la coutume l'abolit et ne maintient que le droit suivant.

« 3° Droit de minage, ou de mesurage de blé ; il se donnait à ferme, et correspondait au droit de hallage.

« 4° Droit de forage, d'afforage ou de jallage, ou de jalée ; il était perçu pour chaque pièce de vin vendue en gros ou en détail (1).

(1) M. de Vassal, dans sa notice intitulée : Coutumes fiscales d'Orléans à la fin du XIIIe siècle, mentionne le droit de jaloie, nommé aussi droit de pertuisage ou de forage, dont il est le synonyme ; et alors, dit-il, c'est un droit perçu au profil du seigneur, soit justicier, soit féodal, sur chaque poinçon de vin, mis en perce ou foré. Le pertuisage, que nous signalons, ajoute-t-il, se levait seulement à Orléans, durant les foires, non sur les habitants, mais sur les consommateurs étrangers.

Ce rapprochement entre le pertuisage et le forage ou l'afforage, la limitalion de la perception de ce droit aux consommateurs étrangers admis, change le véritable sens du mol forage, tel qu'il semble ressortir de la coutume de Boiscommun, et tel qu'il a été entendu dans les différentes gloses des coutumes, et particulièrement de celles de Boiscommun et de Lorris. On lit en effet à l'article 2 : Nullus hominum de parochia Boscum, tonleium, nec aliquam consuetudinem reddal de nutritura sua. Et plus loin : Minagium reddal, et de vino suo, quod de vineis suis habuerit foragium nunquam reddal.

ici, le droit de forage n'est pas dû par le consommateur étranger; il est dû par le propriétaire, qui demeure affranchi de cette coutume. Les écrivains qui ont traité du droit féodal ont donc pu dire, avec raison, de cette


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« 5° Le péage, droit perçu comme subvention pour l'entretien des roules et des ponts, que l'on entretenait très-mal ; il n'était dû que par les marchands. Le seigneur avait un double intérêt à l'existence de ce droit : celui de compenser les dépenses qu'il était obligé de faire pour la réparation des voies de communication, et de connaître la quantité des bestiaux et marchandises transportés d'une seigneurie à une autre ; il ne s'appliquait qu'aux choses et non aux personnes. La coutume de Boiscommun l'abolit.

« 6° Droit de clameur ; c'est celui que l'on payait au prévôt, en clamant, en réclamant, en demandant justice, en un mot en lui présentant requête.

« 7° Le droit d'oblation, d'oublie, d'obliage, correspondant à peu près à celui de la taille (1).

redevance, qu'elle était perçue par chaque pièce de vin vendue, et en détail.

Il suit de ce que ceux-ci ont dit, rapproché de ce que nous apprend M. de Vassal, que ce droit de forage avait deux acceptions : la première, comprenant la récolte du propriétaire de vignes qui, au moment de la vente, devait payer le droit de forage, perçu originairement en nature, dans une proportion variable, suivant les coutumes et les lieux, plus tard transformé en un droit payable en argent, en un mot, applicable à la propriété; la seconde, comprenant la vente à la foire et dans les tavernes, et se résumant en un droit de consommation.

(1) Jus obliarum. C'est un droit que les vassaux doivent payer à leurs seigneurs, à un certain jour marqué : il est appelé droit d' oublie dans l'art. 40 du chapitre II de la coutume de Montargis, et droit d'oubliage, dans l'art. 40 de celle de Blois. (Note de l'art. 10 des lettres accordées à la ville de Villefranche, en Périgord ; Secousse, p. 205, tome III.)

Oublie, obliage exprimait une redevance annuelle de la terre sujette; Laurière le définit : un droit que les vassaux devaient payer à leur seigneur à un certain jour marqué; il renvoie à une définition dans un des volumes suivants, où les lettres que lui-même rapporte et commente semblent présenter, cependant, une seconde signification ou une signification plus étendue. Censibus obliis laudaminiis (lods et ventes). (Recueil de Pastoret, préface du volume XVIII, p. 33.)

Ni l'un ni l'autre ne précise donc ce que c'était que ce droit, ni n'en détermine la valeur et le mode de paiement.

Ducange dit : Oblioe proeterea dictoe oblatarum seu panum tenuissimo-


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« 8° Édit de vin, ban de vin, banvin ; prohibition pour tout habitant de vendre le vin de sa récolte pendant la durée du ban de vin, publié par le seigneur.

« 9° Crédit, droit de crédit, délai accordé par la coutume au seigneur, pour le paiement du prix des objets de consommation par lui achetés ; mais le seigneur devait donner caution ; le roi lui-même, en celle qualité, n'était pas exempt de cette obligation.

« Ce délai durait quinze jours pleins; le roi le réduit à huit jours, à l'expiration desquels le créancier pouvait vendre le gage.

« 10° Gages de bataille, vadia duelli. Le duel judiciaire existait encore dans la province de l'Orléanais, au moment où la coutume de Boiscommun était octroyée.

« 11° Hommes de la loi, homines legitimi, étaient ceux qui avaient le droit de se battre en champ clos.

« 12° Otages du combat (obsides) ; ceux des vaincus, si le combat avait eu lieu sans la permission du prévôt, payaient 112 deniers d'amende. De là le proverbe : Comme en la coutume de Lorris, où les battus paient l'amende.

« 13° La corvée, labor, vel opus corporis, travail, ouvrage du corps ; ce droit était dû au seigneur par les vassaux, à cause de leurs personnes ou des héritages qui en étaient grevés.

« Il n'était pas dû seulement par les vilains, quoi qu'on en ait dit; il se payait par les bourgeois, et par les nobles eux-mêmes.

« Les premiers travaillaient de corps, eux et leurs animaux.

« Les seconds payaient, comme représentation de la corvée, le droit appelé de jurée ou de bourgeoisie.

« Les troisièmes, en allant en guerre avec leurs seigneurs.

« C'est ainsi que la coutume de Bretagne, dans son article 92,

rum proestationes, quoe certis diebus fiebant dominis à vassalis et subditis, quoe postea in tenum et pusillam pecunioe quantitatem evaserunt.

Celle redevance, qui a changé de nature dans le mode de son paiement, n'en était pas moins proportionnelle., en ce sens que, comme la taille, elle était due au prorata des biens et revenus de ceux qui la devaient, et que, payable en argent, elle a pu, avec le temps, être confondue avec la taille elle-même et rangée dans celte catégorie de droits féodaux, ainsi que l'ont fait plusieurs écrivains, et notamment Laurière.


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dit: « Noble homme n'est tenu faire à son seigneur viles corvées en « personne ; mais il est tenu, pour sa terre noble, de lui aider aux « armes, et autres aydes de noblesse ; et s'il possède terres rotu« rières, dont soit dues viles corvées, sera tenu de bailler homme « pour le faire. »

« 14° Droit de procuration ; le seigneur employant les hommes à la corvée était tenu de les nourrir.

« On appelait cela avoir procuration, habere procurationem ; le seigneur donnait, procurait la ration, la nourriture; dans la coutume de Boiscommun, le roi, en réduisant le droit de corvée au transport des vins de la récolte de l'année à Orléans, et au bois pour sa cuisine , se réserve la faculté de ne pas nourrir ses vassaux : nec à nobis habebunt procurationem.

« 15° Libre et quitte, liber et quittus, franc-bourgeois, affranchi quitte du droit en argent ou en nature, comme par exemple en avoine, ce qui faisait donner aux bourgeois soumis à celle redevance la qualification de bourgeois d'aveinage.

« 16° Droit du crieur public aux mariages; les bans de mariage s'annonçaient, comme tous les autres bans, par un crieur; cela s'appelait, dans quelques coutumes, crier au ban.

« Le crieur s'appelait proeco, crieur de vin , qui vinum venale proclamat.

« 17° Guet, droit de guet, pendant la première nuit des noces.

« Celui qui avait celle mission, dont le but n'est pas nécessaire à mentionner ici, était appelé excubitor. Il lui était dû un droit que la coutume de Boiscommun abolit.

« 18° Portatores, porteurs de pains; officiers subalternes qui devaient porter le pain aux fours banaux, pour en constater le nombre ; on leur payait un droit aboli par la coutume de Boiscommun.

« 19° Droit de gerbes, gerbagium ou garbagium. Ce droit devait correspondre à la dîme.

« Tous ces droits et usages, les principaux qui fussent en pratique dans la province de l'Orléanais, ont été ainsi modifiés et affaiblis, et même en partie abolis par les coutumes qui ont régi le Gâtinais ; et comme le seigneur de Bondaroy les invoquait pour constater l'affranchissement de sa terre et les immunités dont elle jouissait, de


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même il a semblé qu'on ne s'éloignait pas du but de celte notice, en faisant connaître le véritable état de la plus riche partie de la province, sous le régime féodal, dès le XIIe siècle. »

— M. Loiseleur lit une note sur le chanoine Hubert et sur ses ouvrages, notamment sur les manuscrits dont la bibliothèque de la ville vient de faire l'acquisition. Celte note est renvoyée à la commission des publications.

— M. Dupuis propose une visite aux ruines de la Cour-Dieu. Celte excursion présente un grand intérêt, et la Société décide qu'elle aura lieu aussitôt que la saison le permettra.

Séance du vendredi 18 février 1959.

Présidence de M. DE BUZONNIÈRE, président.

M. Cosson entretient la Société de la découverte récente faite à Chevilly, au hameau de Landeglou, de huit tombes. D'après leur conformation et certains restes de sculpture, on peut attribuer ces sarcophages à l'époque du XIe ou du XIIe siècle.

— M. G. Baguenault, au nom de la commission des publications, fait un rapport verbal sur une notice de M. Loiseleur relative aux ouvrages du chanoine Hubert, recueillis à la bibliothèque de la ville, et conclut à l'insertion de celte notice au Bulletin.

MANUSCRITS DU CHANOINE HUBERT ACQUIS PAR LA BIBLIOTHÈQUE D'ORLÉANS. NOTE SUR HUBERT ET SUR SES ÉCRITS.

« La ville d'Orléans vient d'acheter pour sa bibliothèque plusieurs manuscrits du chanoine Hubert. Quelques mots sur l'auteur et sur ses écrits mettront à même d'apprécier l'importance de celle acquisition.

« Hubert a fait connaître son origine, et il a tracé le portrait de ses parents et de ses amis dans un petit écrit intitulé: Iconismus amicorum. dont la bibliothèque d'Orléans possède une copie. De


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son côté, le laborieux Bénédictin dom Gérou, dans sa Bibliothèque des auteurs Orléanais, nous a laissé quelques notes manuscrites sur Hubert et sur ses écrits.

« Ces deux documents nous apprennent que Robert Hubert naquit dans notre ville vers 1620, d'une vieille famille orléanaise. Son père était avocat du roi au bailliage et eût désiré lui transmettre sa charge. Il lui fit donc étudier le droit dans l'université d'Orléans. Le jeune Hubert montra peu de goût pour celte élude; il en convient lui-même dans l'Iconismus. Parlant de François Florent, l'un de ses professeurs, il avoue n'avoir pas suffisamment profité de ses leçons : Apud quem fui auditor. sed non satis assiduus.

« Ce François Florent, qu'Hubert appelle la gloire de l'université d'Orléans, a publié, entre autres ouvrages de droit canonique, un traité, ou plutôt neuf traités sur les neuf premiers litres des décrétales de Grégoire IX. Au nombre des manuscrits qui viennent d'être achetés par la bibliothèque d'Orléans se trouve un volume in-4° qui paraît écrit de la main d'Hubert, et qui confient des additions et des corrections préparées par Florent pour cet ouvrage. Une partie de ces additions et corrections paraît avoir été fondue ou ajoutée en marge dans l'édition des oeuvres complètes de François Florent donnée par Doujat en 1679. On trouve à la fin de ce manuscrit des notes probablement inédites, écrites par Hubert, mais rédigées par Florent, et qui sont des additions ou rectifications préparées par ce dernier pour la grande bibliothèque de droit canonique de Christophe Justel.

« Hubert se dégoûta vite du droit civil et tourna ses vues du côté de la théologie. Un penchant irrésistible l'entraînait vers la vie ecclésiastique et les études qu'elle nécessite. Son frère aîné venait d'entrer chez les Feuillants. Cet exemple paraît avoir fait une vive impression sur l'esprit du jeune Hubert. Le 15 juin 1631, il reçut la tonsure des mains de M. de Nets, évêque d'Orléans. Dans l'usage ordinaire, la tonsure ne se confère pas avant l'âge de quatorze ans. On est donc fondé à croire, ou qu'une vocation extraordinaire détermina l'évêque d'Orléans à faire en faveur d'Hubert une exception à la règle, ou que dom Gérou s'est trompé eh fixant la naissance de notre auteur à l'année 1620. Quoi qu'il en soit, Hubert,


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une fois pourvu de ce premier degré de la cléricature, se rendit de suite à Paris, où il passa plusieurs années entièrement occupé des études ecclésiastiques. C'est là qu'il contracta les nombreuses liaisons qu'il a fait connaître dans son Iconismus. Il connut intimement les hommes de cette époque les plus distingués par leur érudition : Ménage, Sainte-Marthe, Le Laboureur, Catherinot, La Monnoye, Vion d'Hérouval, dom Luc d'Achery. Il fut même; s'il faut en croire dom Gérou, l'ami de Ducange et de Mabillon.

« De telles amitiés sont un gage de haute valeur personnelle. Celle d'Hubert fut vile appréciée de ses supérieurs. De retour à Orléans, il fut pourvu d'un canonicat de l'église de Saint-Aignan. Sa connaissance approfondie des matières théologiques étendit bientôt sa réputation. Il brillait surtout dans la controverse sur des points de doctrine religieuse. Les principaux membres du clergé Orléanais s'y livraient alors avec ardeur, stimulés par la présence d'habiles ministres calvinistes. C'est de cette époque, sans doute, que datent deux ouvrages manuscrits d'Hubert, que la bibliothèque vient d'acquérir :

« Le triomphe de l'Eglise sur les portes de l'Enfer, petit volume in-4°, qui comprend l'histoire des schismes, depuis le pontificat du pape Corneille jusqu'à celui de Nicolas V ;

« Observations chronologiques, historiques et critiques sur les Canons des Apôtres et des conciles généraux et particuliers, jusqu'à l'an 890, 2 volumes in-4°.

« Ces travaux, qui ont aujourd'hui perdu beaucoup de leur intérêt, furent alors très-remarqués et valurent à Hubert l'estime do son évêque, Mgr du Cambout de Coislin, et celle des membres les plus éminents du clergé Orléanais. Ses supérieurs et ses confrères lui donnèrent, en 1681, une preuve de la confiance que leur inspirait son mérite : ils le députèrent, comme représentant de l'église d'Orléans, à l'assemblée provinciale de la métropole. Il était alors, depuis longtemps déjà, chantre de l'église Saint-Aignan, et il s'appliquait, dans les loisirs que lui laissaient ses autres éludes, à approfondir l'origine et les annales de celte vieille collégiale.

« Son principal travail sur cet objet, car il en a laissé d'autres, restés manuscrits, a été publié en 1661 à Orléans, chez Gilles


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Hotot. L'auteur a joint à cette Histoire de l'église de Saint-Aignan les preuves et pièces justificatives, ce qui était alors une nouveauté. Il a, de plus, relevé l'aridité de son sujet au moyen de plusieurs dissertations historiques, ce afin, dit-il à son lecteur, d'ôter le dégoût « que vous pourriez avoir de telles antiquailles. »

« En 1682, Hubert publia chez Jean Boyer, imprimeur Orléanais, un Tiaité de la Noblesse, livre que les ouvrages du père Menestrier, de La Curne de Sainte-Palaye et de Larroque ont fait oublier, et qui n'avait rien de neuf, même à celte époque où l'on possédait déjà les traités de La Colombière, de Symphorien Champier et de Thierriat.

« Ces deux ouvrages imprimés indiquent quelles furent, en dehors de la théologie, les études favorites d'Hubert. Il s'occupa jusqu'à sa mort d'écrire l'histoire de l'Orléanais et d'en recueillir les matériaux. Cette histoire, il entendait l'éclairer par la connaisssance approfondie des familles nobles et de leurs généalogies, et par les documents originaux empruntés en grande partie aux églises du diocèse.

« C'est ainsi qu'il recueillit les généalogies de neuf cent cinquante familles d'origine orléanaise, ou tenant par un lien quelconque à l'ancien Orléanais. Ce vaste recueil, où les sources, malheureusement, sont trop rarement indiquées, et où il n'est pas très-difficile de relever des erreurs, inséparables du reste d'un travail de cette nature, n'en sera pas moins d'un immense secours pour quiconque voudra étudier à fond l'histoire de noire province. Les huit volumes in-4° qui le composent, d'abord divisés entre les familles Bailly de Montarant et Humery de la Boissière, avaient fini par être réunis dans les mains de celte dernière famille. C'est d'elle que la bibliothèque vient de les acquérir, grâce au concours éclairé de M. le maire d'Orléans et du conseil de surveillance de cet établissement.

« C'est encore dans le but que nous venons d'indiquer qu'Hubert recueillit une grande quantité de chartes, extraits de cartulaires et documents historiques de toute nature. Plusieurs lui avaient été communiqués par Vion d'Hérouval, son ami ; un grand nombre étaient tirés des églises de notre diocèse et des trésors publics. Ce recueil formait huit volumes in-4°. Une petite notice sur Hubert, rédigée par M. Vergnaud-Romagnési, d'après dom Gérou, et par


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lui déposée à la bibliothèque, fait connaître qu'en 1848 trois de ces volumes étaient en la possession d'un médecin de Beaugency. Nous avons des raisons de croire, d'après une note insérée au Bulletin du Bouquiniste, que ces trois volumes sont aujourd'hui en la possession de M. Vergnaud lui-même (1).

« Armé de tous ces documents, Hubert commença d'écrire l'histoire de l'Orléanais. Il avait annoncé ce projet à la page 84 de son Traité de la Noblesse, où, citant les catalogues des nobles Orléanais compris au cartulaire de Philippe-Auguste, il disait. : « Je donnerai « ces catalogues plus au long dans l'histoire du pays orléannois, « dans lesquels plusieurs gentilshommes de celle province trouve« ront les origines de leurs maisons »

« L'ouvrage d'Hubert forme deux volumes in-4°. Le premier a été, en 1817, légué à la bibliothèque par l'abbé Pataud, et l'on a cru jusqu'à ce jour que ce premier volume était tout ce qu'Hubert avait écrit de son Histoire de l'Orléanais. Il n'en forme que la moitié. Au nombre des manuscrits cédés par la famille de la Boissière à la bibliothèque, se trouve une liasse composée de trente-deux cahiers. Nous avons eu la joie de constater que ces cahiers forment la suite et le complément de l'histoire d'Hubert.

Le premier volume, légué par l'abbé Palaud, se compose seulement de six livres, qui traitent :

« Le premier, des rois et ducs d'Orléans ; « Le second, du Châtelet d'Orléans et des châtellenies qui en relevaient ;

(1) Bulletin du Bouquiniste, p. 25, numéro du 15 janvier 1859.

Les renseignements sur la vie d'Hubert, contenus dans la notice dont nous parlons, sont entièrement empruntés à dom Gérou. Quant aux ouvrages d'Hubert dont celte notice contient rénumération, M. Vergnaud s'est trompé en supposant que le manuscrit n° 436 de la bibliothèque était le tome II du recueil de chartes dont il vient d'être question, et il n'a pas aperçu que les notes appartenant à M. de la Boissière formaient le tome II de l'Histoire de l'Orléanais, dont ce n° 436 forme le tome 1er. Mais il a fait un travail utile en donnant les titres de plusieurs cahiers, de l'écriture d'Hubert, épars en diverses mains, et c'est ainsi que nous avons pu constater ce qui manque dans le second volume de l'Histoire de l'Orléanais.


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« Le troisième, des évêques d'Orléans ;

« Le quatrième, des revenus temporels de l'évêché d'Orléans et des baronnies, terres et seigneuries qui en relevaient ;

« Le cinquième, des conciles tenus à Orléans ;

« Et le sixième des églises, monastères, prieurés et ordres ecclésiastiques de l'Orléanais.

« Les cahiers qui viennent d'être achetés contiennent les livres VII à XII de celte histoire :

« Le septième livre traite de l'université d'Orléans ;

« Le huitième, des gouverneurs de la ville et des intendants de justice, ou missi Dominici;

« Le neuvième, des divers établissements de justice et de police dans noire ville : comtes, vicomtes d'Orléans, prévôts, baillis, conseillers au présidial ; du bureau des trésoriers-généraux et de la chambre de la Monnaie.

« Le livre X est relatif au peuple d'Orléans et à ses moeurs, à l'administration de ses maires et échevins, et à la biographie de quelques personnes illustres de l'Orléanais.

« Le livre XI a pour titre : Histoire généalogique des châtellenies royales et autres, dépendantes du duché d'Orléans.

« Enfin, le livre Xll traite des tombeaux et des armoiries des gens nobles et autres personnes de condition relevée de la ville, province et généralité d'Orléans.

« Ce peu de mots suffit pour restituer au plan suivi par Hubert sa physionomie et son unité, et pour montrer qu'il embrassait à peu près tout ce qui intéresse l'histoire de notre province.

« Il manque malheureusement neuf cahiers du livre XI. Ils étaient relatifs principalement à la châtelleenie de Beaugency et à diverses terres en relevant. Ils traitaient, de plus, de Bonneval, du château du Puiset, en Beauce, et des cinq grandes baronnies du PercheGouet, qui dépendaient du bailliage d'Orléans. Si ces cahiers existent encore, comme nous le croyons, espérons que l'appel que nous faisons ici sera entendu et que leur détenteur voudra permettre à la bibliothèque publique d'Orléans de compléter l'oeuvre d'Hubert, en lui offrant ces cahiers ou en lui permettant d'en prendre copie.

« Hubert fut le contemporain de deux des premiers historiens d'Or-


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léans, de Lemaire et de Symphorien Guyon ; il était même lié avec ce dernier. Nous conjecturons qu'il dut écrire son histoire vers 1680, car il y cite le catalogue de la bibliothèque de l'école germanique, imprimé à Orléans en 1678. A celle époque, Lemaire et Guyon étaient morts. Il profita donc des travaux de ses deux devanciers et évita quelques-uns de leurs défauts. Parlant de Lemaire, au chapitre II du livre X de son histoire : ce Il n'y a rien, dit-il, à désirer « en lui qu'une meilleure forme et à retrancher beaucoup de choses « communes, qui n'on fait qu'enfler son ouvrage et qui n'ont au« cun rapport à l'histoire d'Orléans. » Il n'a ni la prolixité du trop crédule curé de Saint-Victor, qui fait fonder Orléans par le fils de Japhet, ni l'obscurité et les divagations de Lemaire, pour qui Orléans tire son nom de deux génies : le soleil et l'or. Ce n'est pas à dire pour cela qu'Hubert soit un grand historien, encore moins un écrivain. La critique historique, la discussion des sources lui font défaut, à plus forte raison l'esprit de système et de généralisation, l'art d'enchaîner les faits et d'en faire sortir un enseignement. Celle manière élevée de comprendre l'histoire, déjà entrevue par Mézeray, naissait à peine alors sous la plume de Bossuet et n'avait point pénétré en province. Il serait injuste de reprocher à Hubert des défauts qui sont communs à presque tous les historiens de son époque. Son ouvrage, comme ceux de Lemaire et de Guyon, est moins une histoire d'Orléans, histoire qui reste encore à faire, qu'un recueil de documents coordonnés; mais à ce titre, et comme source de renseignements, il sera du secours le plus précieux, et il sera impossible désormais de traiter un point quelconque" de nos annales sans le consulter.

« Hubert mourut à Orléans, le 22 juin 1694. Outre les ouvrages que cette notice a rappelés, il laissa, à sa mort, des notes manuscrites sur quelques points d'histoire locale et sur les origines de plusieurs établissements religieux , notes éparses aujourd'hui en diverses mains, et trois ouvrages également manuscrits.

« Le premier est un martyrologe de l'église Saint-Aignan. Il a été donné à la bibliothèque d'Orléans par M. Landré du Rochay.

« Les deux autres ont appartenu à Jousse; on ignore ce qu'ils sont devenus. L'un est intitulé :


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« Vita Sanctorum quorumdam ad Aureliam spectantium collectoe à D. R. Hubert, 3 volumes in-4°.

ce L'autre a pour titre : Manuscripti codices ex promptuariis sancti Maximini, ab eodem collecti.

« Ces trois manuscrits latins formaient en tout cinq volumes Dom Gérou émet l'opinion qu'ils ont pu faire partie du recueil de chartes et documents en huit volumes formé par Hubert. Trois de ces huit volumes sont, comme on l'a vu plus haut, entre les mains d'un amateur de noire ville. Si l'opinion de Dom Gérou est fondée, sept volumes de ce recueil et quelques notes éparses seraient les seuls manuscrits d'Hubert qui manquassent encore aujourd'hui à la bibliothèque d'Orléans. »

Séance du vendredi 11 mars 1859.

Présidence de M. DE BUZONNIÈRE, président.

M. lmbault fait connaître à la Société que l'entrepreneur des travaux du pont de Sully a pu constater positivement l'existence d'une mosaïque gallo-romaine sur la rive droite de la Loire, près de SaintPère.

— Une commission a été chargée d'examiner la proposition tendant à demander à l'administration municipale d'Orléans la formalion, à la bibliothèque de la ville, d'une collection de livres Orléanais. M. Baguenault lit un rapport au nom de cette commission. La Société en adopte les conclusions, et décide que le rapport de M. G. Baguenault et le voeu qu'elle forme de voir cet utile projet se réaliser seront transmis à M. le Maire, et le rapport inséré au prochain Bulletin.

RAPPORT SUR LE PROJET D'UNE BIBLIOTHÈQUE ORLÉANAISE.

« Monsieur l'abbé Méthivier, curé-doyen d'Olivet, a adressé, sous la date du 12 janvier dernier, au président de notre Société, une lettre par laquelle il demande si ce que la Société archéologique


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de l'Orléanais fait avec tant de zèle et de succès pour les antiquités, pour les vieilles constructions, pour les médailles, pour tout ce qui porte trace d'art ou de vieux souvenirs, recueillant avec religion les moindres vestiges laissés sur notre sol par nos ancêtres, ne peut pas être fait également pour les productions intellectuelles de nos devanciers , et il émet la proposition de recueillir dans une pièce particulière de la bibliothèque publique tous les ouvrages des auteurs Orléanais.

« Cette idée, Messieurs, est tellement naturelle qu'elle était dans la pensée de plusieurs d'entre nous, qui l'avaient déjà manifestée. Elle a donc trouvé dans le sein de la Société archéologique, non seulement un écho, mais un terrain tout préparé pour la recevoir et la faire fructifier.

« Organe de la commission chargée, de l'étudier, permettez-moi de lui donner quelques nouveaux développements, et de l'examiner dans ses avantages, dans ses conséquences, dans son exécution.

« Cette pensée, disons-le d'abord, rentre parfaitement dans l'esprit et les attributions de la Société archéologique : l'archéologie n'est que le culte du passé, la religion des souvenirs ; le culte du passé ne repose pas seulement sur des oeuvres mortes, sur des monuments matériels, mais aussi sur les oeuvres de l'intelligence.

« Au moment où chaque département est appelé à faire l'inventaire de ses richesses, pourquoi et sous quel prétexte négligerait-on d'y comprendre les travaux de l'esprit? Est-ce parce que nos bibliothèques contiennent l'ensemble des connaissances humaines, et en particulier les chefs-d'oeuvre de notre nation? Mais chaque province n'a-t-elle pas sa physionomie propre? Les écrits qu'elle produit ne sont-ils pas un reflet de ses moeurs et de ses usages? Il est vrai qu'aujourd'hui la facilité des communications tend à effacer toutes les nuances ; mais notre passé est entièrement à nous, et nous devons tenir à le posséder et à le conserver.

« Les produits intellectuels d'une contrée ont ce rapport avec ses produits naturels qu'ils conservent un certain goût de terroir qui leur est propre ; il y a, dans les locutions, dans les idiomes, dans l'esprit même, quelque chose de caractéristique et qu'on ne trouve que là.

BULLETIN N° 52. 6


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« Ne soyons point de ceux qui méprisent les littératures de province ; elles portent souvent un cachet dont l'empreinte est plus nette que ce type effacé et banal qu'on est convenu d'admirer dans les centres de civilisation prétendue.

« Et d'ailleurs, les circonstances qui ont fait naître tels ouvrages tiennent souvent à l'histoire même de la localité, et ils ne sont compris que dans le pays même où ils ont été produits. Dans une bibliothèque générale, nous vivons, il est vrai, avec un monde plus savant, mais étranger à nos moeurs et à nos habitudes ; dans une bibliothèque orléanaise, nous vivrons avec nos compatriotes, nos ancêtres, nos amis; avec ceux dont nous voyons encore la demeure dans nos rues, les portraits dans nos maisons; avec ceux que nos pères ou nos aïeux ont connu, et dont ils nous ont souvent raconté les entretiens et les actes.

« On ne peut nier, certes, que notre déparlement n'ait donné le jour à des auteurs distingués dans tous les genres, et c'est entrer dans les redites que de citer :

« Dans la jurisprudence : les l'yrrhus d'Angleberme, les Pierre de l'Estoile, les Bobert, les Fournier, Lhuillier, Delalande, Prévôt de la Jaunes, Jousse, Polluer, etc. ;

« Dans la poésie : Jehan de Meung, Guillaume de Lorris, Jean et Jacques de la Taille, Audebert, Louis Alleaume, Nicolas Guyet, Raoul Bouthrais, de Cailly, Desmahis, etc. ;

" Parmi les historiens : Ch. Lassausaye, Lemaire, Michel Levassor, Symphorien Guyon, Gedoin, Foncemagne, Polluche ;

" Parmi les théologiens, les savants et les gens de lettres: Gentien Ilervet, Denis Petau, le père Pacory, l'abbé Mérault, Hautefeuille, Duhamel-Dumonceau, Poisson, Themiseul de SaintHyacinthe, etc. ;

« Dans la médecine : Guillaume Chrétien, Jehan Landré, Jacques Guillemeau, Arnault de Nobleville, Antoine Petit, etc.;

" Dans les arts : Androuet-Ducerceau, Masson, Girodet, etc.

« Et combien d'autres auteurs que nous ne nommons pas, qui sont oubliés et perdus dans les masses, et qui ne demandent qu'à être remis en évidence pour regagner l'estime à laquelle ils ont droit !


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" Je dis donc que la pensée de réunir en un local particulier tous les livres Orléanais est une pensée morale et patriotique : c'est un hommage rendu à nos ancêtres, à nos concitoyens ; c'est un témoignage de reconnaissance du pays envers ceux qui l'ont illustré par leur intelligence, qui l'ont éclairé de leurs lumières, qui l'ont orné de leur talent.

ce C'est une pensée éminemment conservatrice.

" Beaucoup de vieux ouvrages Orléanais sont aujourd'hui perdus ou fort difficiles à retrouver. Quelques-uns, tirés à peu d'exemplaires, n'étaient autrefois destinés qu'à des amis ; conservés avec soin par leurs premiers possesseurs, ils ont passé à des héritiers qui n'y attachaient pas la même importance: il a suffi peut-être qu'ils fussent recouverts d'un simple parchemin ou d'une modeste reliure en veau brun, pour être dédaignés (ce qui est trop souvent, hélas ! le sort du mérite mal vêtu). Ils ont passé des rayons du cabinet à la poussière du grenier ou à l'échoppe du revendeur, où ils se sont maculés ou perdus. Aujourd'hui, acquis et rassemblés par les soins de la ville, ils seront mieux vus, mieux connus, mieux appréciés, et leur existence et leur intégrité seront assurées.

ce C'est en outre une pensée féconde, en ce que la noble hospitalité accordée aux oeuvres orléanaises devra stimuler l'ardeur et le zèle de ceux que leur penchant ou leurs loisirs amèneraient à écrire ; ils mettront de l'amour-propre à ne point se trouver déplacés en si honorable compagnie; et s'ils veulent travailler sur l'histoire de notre province, ils trouveront sous la main tous les éléments nécessaires à leurs études.

ce Ils nous suffit donc, je crois, d'établir que celte pensée est bonne et généreuse, pour avoir la persuasion qu'elle sera accueillie par notre administration municipale, surtout si nous lui faisons voir que l'exécution en est facile.

" De quoi sera formée celte bibliothèque?

ce Nous voudrions y admettre :

« 1° Les livres composés par des Orléanais et dans la partie de l'ancienne province, qui forme aujourd'hui le département du Loiret; par Orléanais, nous entendons non seulement ceux qui sont nés dans la ville et le département, mais tous ceux qui, y


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ayant longtemps séjourné, sont Orléanais d'adoption, sinon de naissance ;

« 2° Les livres sortis des presses orléanaises ;

« 3° Les livres qui traitent exclusivement d'Orléans et de son histoire ;

ce 4° Enfin, tous les ouvrages consacrés à Jeanne d'Arc et au siége d'Orléans de 1429.

« Deux choses avant tout sont nécessaires :

« Le local ;

« Les ouvrages qui doivent y prendre place.

" Pour le local, il est essentiel qu'il atlienne à la bibliothèque publique et qu'il en fasse partie; nous laisserons à M. le Maire le soin d'y pourvoir, et nous ne doutons pas qu'il n'y parvienne facilement.

« Quant aux livres et à la dépense qu'entraînera leur acquisition, notre bibliothèque possède déjà une partie des livres Orléanais. Il est vrai qu'il lui en manque un assez grand nombre; mais on pourra faire appel à la générosité et au patriotisme de nos concitoyens collectionneurs, et nous pensons que cet appel sera entendu. Beaucoup de personnes peuvent avoir des exemplaires doubles, d'autres des livres isolés dont elles se dessaisiraient en faveur de la ville. Notre musée de tableaux et notre musée archéologique se sont formés en grande partie de cette manière : le passé répond de l'avenir.

« Pour certains livres plus rares qu'on ne saurait obtenir par ce moyen, on pourrait saisir des occasions, profiter de quelques ventes publiques, et les réunir ainsi peu à peu, en affectant à leur acquisition une légère allocation spéciale que, nous en avons la confiance, l'administration ne refuserait pas.

« La dépense ne sera donc que graduelle et peu considérable.

« Il ne nous reste plus qu'à réfuter quelques objections qui ont été faites à ce projet.

« On a dit d'abord que les livres Orléanais qu'on enlèverait à la bibliothèque générale pour les déposer dans un cénacle séparé, laisseraient des vides sur les rayons, et nuiraient au classement et à l'ordre méthodique de l'ensemble.

« Parmi les livres Orléanais que possède la bibliothèque, il y a


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d'abord un certain nombre d'exemplaires doubles, dont l'enlèvement ne changera rien à l'ordre méthodique; d'une autre part, dans les dons qui seront faits, il se trouvera sûrement beaucoup de livres qui feront, avec ceux qu'on possède, ce qu'on appelle double emploi. Plusieurs autres ouvrages qu'on aurait seuls sont communs et à bon marché, et, avec le temps, les deux bibliothèques deviendront parfaitement complètes.

" On a dit encore, en s'étayant d'une phrase de Gab. Peignot, qu'une bibliothèque publique ne devait pas chercher à faire de collections : il est bien évident que celle pensée de Peignot ne s'applique qu'à des monographies ou à des spécialités typographiques, telles que les collections d'EIzevirs, par exemple, qui ne sont d'aucun intérêt pour je public, et qu'il faut laisser faire aux curieux et amateurs, et non à une collection comme celle dont il s'agit ici, qui renfermera tous les genres, et sera une sorte de monument littéraire départemental.

ce Enfin, on a allégué que cette bibliothèque orléanaise, réduite à peu de volumes, ne donnerait aux étrangers qu'une faible idée de nos produits intellectuels.

" Nous pouvons affirmer d'abord que le nombre des volumes ne laissera pas que d'être considérable, et que les auteurs que nous avons cités répondent du mérite de la collection ; mais, en supposant que ce mérite soit moindre, et qu'un étranger (et je puis le comprendre) n'ait pas la même vénération que nous pour les oeuvres de nos compatriotes, il rendra justice au moins au sentiment qui les a rassemblés.

« D'ailleurs, la bibliothèque ne doit pas s'arrêter là, mais s'augmenter de tous les ouvrages qui seront faits encore. Plût à Dieu qu'on eût commencé celte collection au mement où il n'y avait que très-peu de livres ! Au moins l'aurions-nous dès aujourd'hui bien complète.

" Quelque grande que nous paraisse la salle qui nous sera donnée, soyez persuadés qu'il viendra un jour où elle sera trop petite, car nous ne la réclamons pas seulement pour le passé, mais encore pour les oeuvres de l'avenir. Les administrations futures sauront y aviser.


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« Sans doute, Messieurs, les détails de l'exécution laisseront quelque incertitude dans la désignation des livres : dans toutes les bibliothèques, il y a des ouvrages qui sont, si je puis m'exprimer ainsi, sur les frontières de deux catégories. Toutes les questions qui s'élèveraient à cet égard seront laissées à l'appréciation éclairée du bibliothécaire et du conseil de surveillance.

« Nous avons l'espoir que cet exposé, que nous avons cherché à rendre le plus concis possible, lèvera toutes les difficultés qui s'opposeraient à l'exécution du projet en question et à l'ouverture d'un local qui deviendrait l'asile, le dépôt et le sanctuaire des lettres orléanaises.

« En conséquence, la commission, s'associant à l'idée de M. l'abbé Méthivier, vous propose de demander à M. le Maire :

" Qu'un local spécial soit affecté, dans les dépendances de la bibliothèque publique, aux auteurs Orléanais;

" Qu'il soit tenu un registre particulier, qui contiendra le nom de tous les donateurs de livres, ou que ce nom soit inscrit sur la garde des ouvrages offerts ;

" Enfin, que tous les auteurs Orléanais soient invités à déposera la bibliothèque deux exemplaires de leurs productions nouvelles. »

Séance du vendredi 25 mars 1859.

Présidence de M. DE BUZONNIÈRE, président.

Lecture est donnée d'une lettre de M. le Président de la Société archéologique de Maine-et-Loire, qui demande l'échange de ses publications avec celles de la Sociéfé. Cette demande est accueillie.

— M. Desnoyers fait don à la Société d'un lot considérable de pièces manuscrites sur parchemin, dont plusieurs remontent à une époque fort reculée. La Société vote des remercîments à M. Desnoyers.

— 51. Dupuis lit une notice sur le reste des murs romains mis à découvert par les démolitions successives qui ont été faites par les


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ordres de l'administration municipale, dans le but d'agrandir le marché du Châtelet.

L'intérêt que présentent ces derniers vestiges de l'enceinte romaine d'Orléans détermine la Société à ordonner l'insertion de la notice de M. Dupuis au prochain Bulletin.

RESTE DES MURAILLES DE L'ENCEINTE ROMAINE D'ORLÉANS ; PORTE DE CETTE ENCEINTE.

« La démolition de la Prévôté et des maisons qui l'avoisinaient, opérée dans le but d'agrandir le Vieux-Marché, dégage complètement un mur qui faisait partie de l'enceinte romaine d'Orléans. C'est, avec la base de la tour Blanche et des substructions qui se trouvent dans quelques-unes de nos caves, tout ce qui reste des vieilles murailles d'Aurélien. On ne sait pas au juste à quelle époque de son règne cet empereur rebâtit les murs de Genabum, détruits par César, et donna son nom à la ville qu'il relevait ainsi de ses ruines; mais comme il ne régna que cinq ans, de 270 à 275, le mur dont nous parlons a pour le moins 1580 ans d'existence. C'est, sans aucun doute, l'antiquité la plus respectable que nous possédions. Il se rattache à quelques-unes des époques importantes de notre histoire : il a vu le siége d'Odoacre et les combats de Chilpéric, survécu aux ravages des Normands et résisté aux attaques d'Attila. A ce titre encore, il doit nous être précieux.

ce A ces diverses périodes de son existence, notre ville, en effet, n'avait d'autres remparts que les murailles d'Aurélien. Celle enceinte, on le sait, formait un carré presque parfait: elle partait du pont, qui se trouvait en face de la rue actuelle des Hôtelleries, suivait le cours de la Loire jusqu'au lieu où, depuis, a été la TourNeuve, remontait vers le nord jusqu'à l'Évêché, de là gagnait vers l'ouest l'emplacement du collége, puis, suivant la direction de la rue des Hôtelleries, redescendait à la Loire, laissant le pont, selon l'usage gaulois, en dehors de la ville. Ces murailles avaient quatre portes : à l'est, la porte Bourgogne; au nord, la porte Parisis; à l'ouest, la porte Dunoise, à la rencontre actuelle des rues Faverie et des Hôtelleries; enfin, à l'ouest encore, et près de l'angle sud, la porte du Pont, ou, plus tard, du Châtelet.


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« Il n'avait pas été possible d'ouvrir une porte au midi, la Loire s'avançant jusqu'aux remparts, dont elle battait le pied (une seule issue bâtarde, la poterne Chesneau, y avait été pratiquée), et afin d'avoir près du pont une issue pour les voitures, il avait bien fallu la prendre dans la muraille occidentale. On l'avait placée le plus près possible de la Loire.

" Elle existe encore dans le pan de mur dont nous parlons et en est la partie la plus apparente.

" Ce mur, comme tout le côté ouest de l'enceinte d'Aurélien, fut englobé dans l'intérieur de la ville lorsque, vers 1300, elle reçut l'adjonction du bourg d'Avenum. Les maisons de la rue des Hôtelleries vinrent s'appuyer sur sa face occidentale, et la face de l'est fut plus tard renfermée par la Prévôté et la prison qui en dépendait.

" Caché ainsi à tous les yeux, à l'abri des outrages et des réparations, ce fragment des antiques remparts a pu se conserver à peu près intact.

« Des crépis, des plâtras qui le revêtent à plusieurs endroits, des traces d'application de toiture, des trous où des poutres se sont appuyées, indiquent qu'à diverses époques il a fait partie d'habitations.

« Ce qui surtout attire et mérite l'attention, ce sont les portes qui se présentent d'abord à la vue. II en existe deux, placées côte à côte, et séparées par un massif de pierres de taille de 2m 20. L'une, selon l'usage ancien, servait à l'entrée, l'autre à la sortie. Celle de droite a 2m 90 d'ouverture; celle de gauche, 2m 80. Depuis le sol actuel jusqu'à la naissance de leur cintre, elles ont 3m 30. Le cintre a environ 1m 40 de hauteur. Le sol paraît avoir été remblayé.

" Entre ces deux portes, à la hauteur de la naissance des cintres, se trouve une ouverture également cintrée, sorte de petite fenêtre ayant 85 centimètres de largeur à sa naissance.

« Ce système d'entrée, ainsi composé de deux issues, était appuyé à droite et à gauche par un mur faisant retour vers l'intérieur de la ville, et qui lui servait, soit d'éperon et d'appui, soit de décoration. Les restes s'en voient encore, à droite surtout, où ses arra-


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chements sont sensibles jusqu'à la plus grande hauteur de la muraille.

« Tout ce système faisait, du côté de la ville, saillie sur le mur d'enceinte, dont le renfoncement est plus considérable à droite qu'à gauche.

« A droite, ce mur est appuyé sur un talus dans lequel et audessus duquel sont des assises de grandes briques mêlées à des assises de pierres qui révèlent la construction romaine. Tout ce qui s'élève au-dessus paraît être de construction moderne.

ce Quant au mur gauche, bien qu'altéré par des bâtisses modernes, il est romain, sans nul doute, dans toute son étendue. Des échoppes qui lui sont adossées ne permettent pas d'étudier sa base; mais quatre ouvertures à plein cintre, qui s'y trouvent placées à une assez grande élévation, le prouvent d'une manière certaine. L'une, assez rapprochée des portes et à la hauteur de leurs cintres, est une porte de petite dimension dont les montants et la voûte sont en pierres plates; les trois dernières, placées à une égale distance les unes des autres et à 6 mètres environ du sol, sont formées, voûte et montants, de larges briques rouges; elles sont en grande partie, comme tout le reste, revêtues d'un épais mortier. De petites briques, posées à plat au-dessus du cintre, forment une espèce d'encadrement assez élégant.

" Quel pouvait être l'usage d'ouvertures ainsi placées au milieu d'un mur d'enceinte? et cette porte de ville était-elle précédée d'un système de défense qui avait permis de placer là, intérieurement, une habitation? C'est ce que se demandait avec moi notre collègue, M. lmbault, qui avait bien voulu, dans celle visite, m'aider de ses avis. Quelques indices lui firent penser que dans l'intérieur de cette construction, qui semblait être d'une grande épaisseur, pouvait se trouver quelque retraite disposée pour la défense. Nous nous rendîmes donc dans les maisons de la rue des Hôtelleries qui lui sont adossées, — ce sont celles qui portent les numéros 24, 20, 28 et 30, — et là, grâce à l'obligeance toute gracieuse des habitants, nous pûmes nous convaincre dé la vérité de nos suppositions. Du grenier d'une de ces maisons, une ouverture percée dans la muraille donne issue et permet de descendre dans un couloir ménagé


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dans l'épaisseur de la maçonnerie. Ce couloir a 1 mètre de large. Ce que nous avons pu en parcourir s'étend au-dessus des deux portes. Un trou pratiqué à l'est, au-dessus de la porte droite, laisse pénétrer le jour et permet à l'oeil de plonger sur le marché. Un escalier dont les marches sont détruites existait dans ce chemin couvert : il a cela de remarquable que la voûte, qui s'élève en suivant la même pente que l'escalier, n'est pas continue, mais formée d'arceaux en pierres de taille qui s'étagent successivement. On avait ainsi, en quelque sorte, un escalier au-dessus de la tête aussi bien que sous les pieds. Celte disposition peu commune a quelque chose d'élégant et de saisissant dans son aspect : elle annonce une certaine recherche d'architecture. Nous n'avons pu faire, au milieu des décombres, que quelques pas dans ce couloir. Un mur moderne le ferme à une distance qui semble correspondre aux limites de la maison où nous nous trouvions, et il est presque entièrement caché par des gravois amoncelés. Dans cet espace existent deux enfoncements carrés pris dans l'épaisseur du mur extérieur, et se terminant par une fente perpendiculaire qui permettait de lancer des flèches, ou plus probablement de surveiller ce qui se passait au dehors. L'appareil de leur construction, où la brique se mêle aux» pierres, ne laisse aucun doute sur leur origine romaine. Il y a grande apparence que ce couloir se prolonge dans la longueur des maisons voisines, probablement jusqu'à l'extrémité de la muraille' et au niveau des trois grandes ouvertures cintrées de briques qui se voient dans la paroi est. Il ne paraît pas que le mur des autres maisons ait jamais été crevé de manière à donner au droit d'elles issue dans ce passage, et il y a lieu de croire qu'ignoré de leurs propriétaires., il est resté inexploré.

ce A l'endroit que nous avons visité, la partie est du mur a 95 centimètres, la partie ouest 85 centimètres, le couloir 1 mètre, ce qui donne à la totalité une épaisseur de 2m 90.

" Édifiés à cet égard, nous avons examiné de nouveau l'aspect extérieur du mur, et cherché à reconnaître quel avait pu être l'usage de la petite porte la plus voisine des deux grandes issues. Par sa position, en effet, elle est placée au-dessous du couloir que nous venions de visiter. Nous avons alors remarqué qu'à partir de la


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base de cette ouverture se trouve un petit ressaut qui se prolonge dans toute l'étendue de la muraille, un peu au-dessus de l'endroit où finit le toit des barraques. Ce ressaut marque-t-il l'endroit où s'appuyait une charpente, ou bien n'était-ce pas à cette hauteur que régnait un boulevard en terre qui permetlait de longer le mur et d'arriver à celte poterne? Cette ouverture ne donne-t-elle pas entrée à un couloir inférieur d'un étage à celui que nous avons visité, et qui rendait plus nombreuses et plus faciles les communications? Ce qui peut rendre probable l'existence d'un boulevard, c'est que le ressaut de la muraille gauche se trouve à la même élévation qu'un massif de terre rapportée existant à droite, sur le prolongement duquel sont bâties les halles, massif qui paraît s'être avancé autrefois jusqu'aux deux grandes portes. Pour résoudre ces doutes, il est besoin d'une étude plus sérieuse du monument.

« Près de la porte droite, en examinant plus attentivement les substructions qui la touchent, nous avons reconnu d'une manière certaine la base arrondie d'une tour qui avait tout son périmètre en dehors de la ville. Un plan du bourg d'Avenum, que possède la bibliothèque publique, et sur lequel est figurée la première enceinte, montre en effet celte porte accompagnée de deux tours.

" Tel est ce reste d'antiquité, tout à fait national et vraiment précieux pour nous. Mon intention, en vous en parlant aujourd'hui, n'est pas de vous le faire connaître d'une manière complète ; il y eût fallu plus de temps et de recherches. Je n'ai d'autre but, en ce moment, que d'appeler votre attention sur ce noble débris, de vous en faire sentir toute l'importance, et de vous engager à l'étudier comme il le mérite.

" Il est utile, ce me semble, que nos concitoyens soient avertis de celle bonne fortune, qui a déjà, nous le savons, attiré les regards de quelques savants étrangers (1), et que la sollicitude

(1) Dernièrement, au congrès des délégués des Sociétés savantes, M. de Caumont m'a demandé de communiquer à l'assemblée tous les détails que je pouvais avoir sur celle découverte, qui lui semblait intéresser la science au plus haut point ; il n'hésitait pas à dire que ce mur, d'après ce qui lui avait été rapporté, était l'antiquité la plus intéressante qu'Orléans possédât.


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de notre administration municipale soit éveillée sur ce point. Elle a donné la preuve que ce qui intéresse les arts ne lui est pas indifférent, et qu'elle attache quelque prix à ce qu'Orléans cesse d'être cité au nombre des villes qui ne font nul cas des curiosités qu'elles renferment, et ne prennent aucun souci de leur entretien. Il faut ici, provisoirement du moins, et pour ce qui regarde la simple conservation, peu de choses et peu de frais : un déblai qui découvre les oeuvres vives du mur : un décrépissage qui, surveillé avec intelligence, révèle complètement ce qui existe de l'appareil antique ; une, recherche plus détaillée et plus autorisée que nous n'avons pu la faire de la structure intérieure de cette forteresse ; puis enfin et surtout, une barrière qui mette ces portes antiques à l'abri des dégradations et les préserve de toute approche inconvenante.

« Voilà le motif et l'intérêt de ma communication. Je la recommande à toute votre affection pour ce qui regarde notre ville, à tout le soin que vous apportez à ce qui touche les arts et la science. C'est ainsi que nous remplirons notre mission et mettrons l'administration à même de remplir la sienne. »

— Sur la proposition de M. le Président, la Société réunit en une seule commission plusieurs commissions différentes chargées de visiter divers monuments récemment restaurés. Cette commission nouvelle reçoit la mission de visiter toutes les restaurations terminées ou en voie d'exécution. Elle se compose de MM. Clouet, Cosson, Dupuis, Imbault, Mantellier, de Torquat, de Vassal.

— M. Desnoyers lit un rapport que lui a remis M. de la Tour, membre titulaire non résidant, sur des fouilles faites dans les environs de Pithiviers. Ce rapport est renvoyé à la commission des publications.

— M. Bimbenet termine la lecture de son mémoire sur la Justice de Notre-Dame-des-Forges. Ce mémoire est renvoyé à la commission des publications.

— M. le Président annonce à la Société la mort de M. Dubessey,


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ancien préfet du Loiret et membre honoraire de la Société. La Société ordonne que l'expression de ses regrets sera mentionnée au procès-verbal.

MEMBRES ADMIS AU COURS DU PREMIER TRIMESTRE DE 1859.

Membres honoraires.

M. DE CAUMONT, M. LÉOPOLD DELISLE, M. DE LONGPERRIER, M. QUICHERAT.

Titulaire non résidant. M. DE LA TOUR, à Pithiviers.

Membre correspondant étranger. M. le marquis D'AZEGLIO.

Ouvrages offerts à la Société an cours du premier trimestre de 1859.

I. — PAR LES SOCIÉTÉS SAVANTES.

Amiens. — Bulletins de la Société des Antiquaires de Picardie, t. VI, 1856-57-58.


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Bourg. — Journal d'Agriculture, Sciences, Lettres et Arts de l'Ain, février et mars 1859.

Bruxelles. — Revue de la numismatique belge, 2e série, t. III.

Châlons. — Mémoire de la Société d'Agriculture, Commerce, etc , 1858.

Clermont. — Annales scientifiques, littéraires et industrielles de l'Auvergne, 1857.

Dijon. — Mémoires de la Commission des Antiquités du département de la Côte-d'Or. t. V, 2e livraison, 1858-59.

Limoges. — Bulletin de la Société archéologique et historique du Limousin, t. VIII.

Moulins. — L'Art en province (Revue du Centre), 2e et 3e livraisons.

Namur. — Annales de la Société archéologique, t. V, 4e livraison.

— Rapport sur la situation de la Société archéologique de Namur en 1858.

Paris. — Bulletin de la Société de l'Histoire de France, 1. Procès-verbaux.

— Bulletin de la Société impériale des Antiquaires de France, 1858, 3e trimestre.

Paris. — Congrès archéologique de France, séances générales tenues à Mende, à Valence et à Grenoble, en 1857.

Sens. — Bulletin de la Société archéologique de Sens, 1851.

Tours. — Mémoires de la Société archéologique de Touraine, t. V.

Valenciennes. — Revue agricole, industrielle et littéraire, 10e année, n°s 5 et 6.

II. — HOMMAGE DES AUTEURS.

M. R. Chalon : — Quelques jetons inédits.

M. l'abbé Corblet. — Essai historique et liturgique sur les ciboires, etc.

M. d'Otreppe de Bouvette. — Fouilles, recherches dans la province de Liége.


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M. de la Saussaye. — Premier chapitre d'une Histoire littéraire de Lyon.

— Le Château de Chambord, 8e édition, Lyon, 1859.

M. Vergnaud-Romagnési. — Tapisserie de Jeanne d'Arc, 6 pages in-8°.

N. B. — La nomenclature des objets offerts à la Société dans le cours du premier trimestre de 1869 sera insérée au prochain Bulletin.

ORLÉANS, IMPRIMERIE D'A. JACOB, RUE DE BOURGOGNE, 220.