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Titre : Le demi-monde sous le second empire : souvenirs d'un sybarite / Zed

Auteur : Zed (1839-1918). Auteur du texte

Éditeur : E. Kolb (Paris)

Date d'édition : 1892

Sujet : France -- 1852-1870 (Second Empire)

Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34087440m

Type : monographie imprimée

Langue : français

Format : 1 vol. (VI-298 p.) : portr. ; in-18

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Description : Contient une table des matières

Droits : Consultable en ligne

Droits : Public domain

Identifiant : ark:/12148/bpt6k551981

Source : Bibliothèque nationale de France, département Philosophie, histoire, sciences de l'homme, 8-Li2-110

Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France

Date de mise en ligne : 15/10/2007

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LE DEMI-MONDE

SOUSJ.E

SECOND EMPIRE


DU MÊME AUTEUR J

LA BOOtËTË PAn!S!Etft)E.

MONDES PAR!8tEN9.

PAMa'BK9 ET PARISIENNES EN D69HABtt.t.6. LA 0!MNM) VM DE PARtS.

LA PAtUBtENNE AU M)NT DE VUE DE t-'AMOUR. mcONVBMANCBS SCOtAtES.


ZB D

m~MI-MONDE

SOUSt,H

SECOND EMPIRE SOUVENIRS D'UN SYBARITE

PARIS

ERNEST KOLB, ÉDITEUR a, ROB SAtNT-JOBBPM, 8

TcM <)rotb réservés



Le titre le dit, n'ost-ce pas? C'est tOMi'o noh'o jeunesse.

BeaM~OMra envolds, temps trop vite deouM, où l'on joMMsaït infiniment plus do la Mïe QM'at<joM)'d'~Mï;ï! auaï~ a Paris, moins de ooHdgïOMa &!aaJs et moine de jeunes uïeî!~u'ds. Monde ajawaM disparu, /bntwc8 dont le moule est &)'Md et dont coux qui ne !es ont point connues ?!e ao font qu'une ïtMpar/aïte ïdde. Ce monde, jo l'ai vu; ~'at vdcu de sa vie ëtoM)'dMsaHte. Ces /b~wes, je les ai adtMM'doa dans touto leur sp!o~deM)' et toute leur gloire. J'OM ai ~M'dd le souvenir et j'at essa~d d'en


~cef les traits aveo autant do simplicitd e< de ~MMqMojf!ossî&!e;)'!on de plus.

Mon Kwe est sa)Mpt'<~e~oM. M'a d'autre tMdr~e que la NtMcdt'îM et l'exactitude. Bs<-c8 sM~sant pour me pernteMre d'esp~'er qu'il sera accueilli auao la mdme bM~uetHa~ce et la tMdme /aueMr que mes p~cdde~~a ouvrages? Au !oc~eM)' de ydpoMdro.


j LKS GRANDES COURTISANES



t.cs grandes cocottes doa années do corruption. – !.o stUt'n d'Adèle Courtois. InHuonco d'une eon6ration d'honmoi) a !a modo snr toa grandes oourtisonoB do t'6pof)))o. Leura procodos avec !o eoxo httd. Aphorisme rotnpH d'astuco do l'uno d'entre tUpa. – GmU(~ Uarucoi. –tnftMonco d'un collior do pprtca sur un ttndiant~ Uaruect et tea militaires. Une revue faotaistato an ca'"p de Chutons. Nuits orageuses. – Lo Mum6ro ia~ do t'avenue des Champs-.Etyaoea.

Plus des trois quarts uca d~nt~ n~ndca da co)')'Mp~o!t 60 sont 6oout6s joyousomont. Noua sommes on ploln dans lo tourbillon du luxo, do plaisir et do francho gMieto qui nous omporto, danaunocourso foUo ot enivranto, ~oMun inconnu que nous voyons en rose. Lo présent nous enchante, l'avenir semble nous sourire. Paris est adieux, cl~gant, pimpant, rafnne, animé. Paris s'amuse à tire-larigot. Chez cos dames do la haute bicherie, les fêtes succèdent


aux fetoa; las nuits agitées et capiteuses, aux soupers étourdissants et endiablés.

Au coin du boulevard des Capucines où tous les grands magasins, étincelants do lumières, sont ouverts jusqu'à minuit et do la rue Caumartin, au premier étage d'une belle maison bâtie en rotonde, brillent, tous les soirs, les vastes fenêtres d'un appartement dont on devine, du dehors, la somptueuse recherche et l'arrangement do bon goût.

C'est 1~ que trône, on souveraine de la modo et do la vie a outrance, une superbe créature qui s'est illustrée dans la galanterie, qui n'est doja plus de la première jeunesse et qui s'appelle -–saluer messieurs – Adèle Courtois.

C'est là quo so donnent rendez-vous et que se réunissent, entourées de leurs cavaliers ordinairos, autant dire de toute la jeunesse dorée, les dix ou douze courtisanes de marque qui mettent Paris sens dessus dessous, tiennent le haut du pave de la bamboche aristocratique, mènent un train do princesses et attellent successivement à leur char tous les viveurs de dictinction, tous les richards des deux hémisphères, tous les jeunes soigneurs di pWmo ca!'<o!fo qui brûlent la chandelle par les doux bouts.

C'est là que viennent causer et papoter, quo viennent, en toilettes délirantes et dans une atmosphère d'opoponax, tendre aussMoursulots Constance Rézuche, Juliette Beau, Anna Délion,


Giulia Barucci, Lucile Mangin, Adèle Romy, Esther Duparo, Catinotto, Marguerite DoUongo, Emma Vally, Soubise, et quelques autres do moindre importance.

Un joli lot do femmes, je vous en réponds, et un lot do rudement jolies femmes, qui n'engendrent pas la mélancolie, par-dessus le marche Ce qu'oUessont gaies, co qu'elles sont amusantes, ce .qu'eUcs sont excitantes et desit'ablos, co qu'elles ont envie do rit'e, do plaire, do mordre a la pomme a pleines dents est impossible à déoire.

Chez elles, pas la moindre préoccupation do l'avenir, pas l'ombre d'envie de se fuira des rentes, d'épargner pour leurs vieux jours. Elles n'y pensent même pas. Elles croquent des fortunes aans y prendre garde, elles gaspillent, avec désinvolture et insouciance, l'or qu'on leur jette a pleines mains et, on véritable et grandes courtisanes qu'elles sont, la dôcho no les effraie ni no les abat. La médiocrité seule, l'existence bourgeoise leur ferait horreur.

Ce sont des joueuses, et do belles joueuses, tenant le coup jusqu'au bout et no songeant point au lendemain. Elles feront sajutcr la banque ou elles recommenceront la lutte par les premiers échelons. Elles risqueront toujours le tout pour le tout,s'arretant par-ci, par .là pour fairel'ccole buiasonniere, pour satisfaire leurs fantaisies et leurs caprices. Elles mourront, peut-être, de la poitrine


a l'hôpital, ou ellos seront Ouvreuses do loges & l'Opéra mais tant qu'oltos auront des charmes ot do la saute, elles n'abdiqueront point, elles se refuseront 6norgiquomont à accepter ta dôoh6anco.

Libros d'allures et do propos, libertines, gaudriolou~os, dôvorgondoos mémo, si l'on veut, a l'occasion, friponnea dans le tôte-a-tcto, oiios lu sont assm omont, ot do 1~ plus complote, do 1:~ plus voluptueuse fac-on du monde. Muia, ii côtù do cola, uno certaine distinction naturelle dans loa manières, un je uo sais quoi do bonne compagnie ayant jctô son bonnet par-dessus les moulins sans tombor dans le vulgaire et la grossièreté, une culture intellectuelle souvent au-dessus do l'ordinaire, uno intuition très vivo do l'élégance et du t'atfinemont, do la valeur intrinsèque et do l'agrément personne!–indopondantsdo la valeur l' vénale –dos messiours a qui elles ont aQaire, les font ressortir comme dos typos originaux, dos individualités f) partauMiôloignôosdolanilo publique quo do la femme du monde dans !o mouvement et leur impriment un cachot particulier.

Co cachot elles Ip doivent, on grande partie, il la génération d'hommes éminemment spirituels, distinguos, d'une oxquiso politesse et d'une incomparable olôganco, avec lesquels olloa ont débute, prosperU, batifol6 et dont la fréquentation habituollo les a initiées, sans qu'oUoss'en doutent,


& bien des nuances, a façonne leur esprit et tmc6, jusque un certain point, h direction do tours idoo.

Los frotteu'anta aveu dt'a cavaliers tola quoloa M.y, les M.yon, los Guy do La T.r du P.), les Chapes do M.ay, etc., qui ont fait, à Paris, la pluio et le beau temps et gouverne la modo sans oontroio, qui, dana leurs pluabruyantos ft'pdainoa, n'ont jamaia perdu do vuo rimpoooabio con'oction et la hauteur aristooratiquc, poussée, parfois, jusqu'à l'impertinence (que l'on aait avoh' ~e un dca traits caract~riaHqnea do leur dandysme) a fortement agi aur los moins jeunes do la Lande, qui conservent toute l'inHuence, donnent lo a leur milieu et maintiennent la tradition parmi les nonvcliea.

Si bien, qu'aux yeux do ooa cabrioiousoa, qui sortent plus souvent du faubourg Antoine que do la cuisse (!o Jupiter, on n'a. ùa prosligo que si on appartient a !a crômo, on n'est apprécié ot bien traite que si on fait partie do cotte centaine, tout au plus, do soignoura do mirinquo onooluro qui tiennent seuls le haut du pavé et éclipsent, au point do lo faire rent) c'r sous terre, tout ce qui n'est pas do leur essence.

Ce n'est pas que ces dames, qui ont besoin d'argent pour entretenir un luxe qui dépasse tout ce que l'on peut rêver et pour na point laisser périclitor lo chic'qui contribue a leur grande renommée, dédaignent do rançonnera


merci les rastaquouères opulents et les marchands de porc salé enrichis dans la charcuterie. Il faut même leur rendre cette justice qu'elles le font sur une vaste échelle et sans le moindre scrupule. Seulement, elles n'affichent jamais cette catégorie d'amants sérieux. Elles ne les voient qu'en tête-à-tête, en catimini, aux heures du travail et ne les admettent point à leurs petites fêtes, où ils seraient, d'ailleurs, fort empêtrés de se rencontrer avec de beaux messieurs qui leur tourneraient carrément le dos. Ellesprofessent cette opinion remplie d'astuce que c'est en arborant le dessus du panier du sexe laid qu'on aguiche le gogo, et elles se montrent partout escortées par les cocodès en renom pour allumer et prendre les tompins piastreux. Un de mes amis a été, pendant deux ans, l'amant de Barucci, chez laquelle il passait la plupart de ses nuits, en retour d'une loge, d'un dîner et d'un bijou de temps à autre, sans savoir qu'elle avait alors pour protecteur attitré un vieux monsieur qu'il rencontrait tous les jours au cercle. Elle n'y faisait jampis la plus petite allusion et mon ami ne l'a pas trouvé une seule fois en travers de son chemin. 1 Voyez-vous, dit-elle sans cesse, avec son uir bon enfant et son inimitable accent italien, vous autres, vous ne nous donnez pas beaucoup d'argent, mais vous nous en rapportez plus que vous ne pensez. Et pouis, vous êtes gentils,


amoureux, écrases, la tête sur l'oreiller; et on s'amoMse au moins avec vous

Une singulière et captivante nlle, au surplus, que cette Giulia Barucci, qui nous est venue d'Italie un beau matin et qui, de suite, a conquis un dos premiers rangs, si ce n'est le premier, dans le monde galant un parfait modèle de courtisane romaine, qui respire le sensualisme et la volupté par tous les pores, unique dans son genre et qui restera comme la personnification, comme la plus complète expression de la grande cocotte de son époque.

Qu'on se figure une brune plantureuse aux traits réguliers rehaussés par un teint mat et qu'encadre une luxuriante chevelure d'un noir d'ébène. Avec cela, de grands yeux noirs, à la foh pénétrants, durs par instants, et langoureux, des narines ouvertes et frémissantes comme celles d'un cheval de race, une bouche lascive, une poitrine bombée, une gorge haut plantée et vigoureuse, un corps moulé, de la tête aux pieds, comme une antique, une taille élancée, une stature au-dessus de la moyenne, un port de reine.

Je souis la Vénous de Milo 1 Jé souis la première p. dé Paris s'écrie-t.elle, a tout bout de champ, dans son jargon, qui, à vrai dire, la dépare un peu; de mêmo que sa voix forte, au timbre sonore et dur des organes méridionaux.


Dos bijoux, elle on n'a satiété pour plus d'un miUionaco qu'on assure. Ha sont renfermes dans un coffre qu'elle montre volontiers à ses proforos, éblouis et fascines par tant do splendeurs et dans lequel elle no serre quo rarement le collier do porlos estimé deux cent mille francs, la collier ht.s<ort<])MC, quo ron voit tous les soirs sur ses b)anchcs6pau!os.

Coiui.Ia, elle ne s'en soparo gu6re oUo te porto, pour ainsi dh'o, jour et nuit, comme uno armuro do combat ot eltolo mot sous son travorain lorsque sonno l'hcuro du berger.

On prétend qu'un soir, 6garôo, après minuit, dans un modeste rox-do-chaussée du quartier Latin, où l'avait conduite une toquado pour un étudiant, dont ta jeunesse et les avantages phy. siquos l'avaient séduite et oh clio était aUoo, comme toujours, paréo do son inséparable collier, quand le pauvre garçon la vit la dégrafer négligemment et le fourrer a sa place habituollo, il tut tellement abasourdi, tellement trouble, tellemont préoccupé do sentir sous sa teto un tour do cou do cotte importance, quo, malgra sa vervo amoureuse, il resta court. et. fut ignominiousement congédie lo lendemain avec tous les honneurs dus h sa timidité.

C'est qu'elle o?t passionnée à l'excès, cotte Aspasio, passionnée pour do bon, et que, n'aimant pas a uaner dans la ruelle, elle méprise les nonvaleurs. Et quelle puissante organisation! 1 quelle


fertilité d'imagination quoi tompôramon). d'acier 1 quotio prodigieuse activité t.

Tous les six mois, au moins, sans négliger tes choses ossentiellos, sans perdra do vue lo aotide, o!Io est empoignée et aubjuguoo, a on avotr lu tôte a l'onvora, par un amour violent, farouche, oxaUô, parfa!tomont exclusif et parfaitomont ain" cure, jusqu'au moment où il oat rompiacô par un nnh'o non moins oxciuaif et non moins ainoero. Tous io~ jolis gnrçona do Paria un peu en vue, tous los hommes à bonnes fortunes du ./oo~o}/ et du Petit-Club y ont successivement passe, T~ua ont été plus ou moins longtompa idolMros, selon leurs mérites et tous – détail caractcriatiquo sont restés les amis do cotte admirable ma!tf0sao. Co qui a, surtout, le lIon de l'aUiro!* ot de la charmer, la bonne Giulia, o'oat le pantalon rougo, porta, il est vrai, par la fille fleur doa ôlegants et dos jeunes gens quo H'arrachont les beautés faciles do tous les mondes. Depuis los ôtincelauts guides do la garde, qui ouvrent la maroho, jusqu'aux magnifiques cont.gardos, qui la forment, on passant par les coquets lanciers, tout ce qu'il y a d'officiers remarques et lances, tout oo qui mono la grande vio et courtise les balles, a denlô dans son. boudoir et fil6 A ses pieds comme Hercule aux pieds d'Omphale.

Ses amours persistants sont dos épopéos. Elle suit pas & pas son objet avec une jalousie de tigrosso, surveillant l'emploi do son tompa et no


lui laissant pas une heure de liberté. Elle quitte tout pour aller le voir & Melun ou a Compiègne et passe plusieurs jours de suite dans sa garçonnière. Elle va jusqu'à se faufiler, entre chien et loup, dans la chambre de service de l'ofncier commandé d'escorte aux Tuileries et, comme un beau soir ollo s'y est oublioo jusqu'au lever du l'aurore, il faut recourir aux autorités pour la faire sortir. Lo bruit do l'aventure arrive jusqu'à l'Empereur, qui on rit beaucoup, du reste.

Une autre fois, elle débarque, & l'improvidto, au camp do CMIons avec sa soeur.

Le maire du Mourmoion, qui, a l'aspect do ces deux damns, on toilettes ébouriffantes, suivies de doux femmes de chambre et d'incommensurables colis, ne doute pas un seul instant qu'il ait t affaire a des cotillons de haute distinction, les loge chez lui et les entoure do toutes sortes do prévenances respectueuses, les traitant, jusqu'à la On, comme doux jeunes mariées.

Le plus joli do l'histoire est que les grands chefs, complices volontaires de la méprise, ont fait jouer la musique pour elles et leur ont permis d'inspecter le camp, ravi de cette aubaine, comme on pense. On en a parle longtemps a l'Ecote Militaire.

On a beaucoup parlé aussi, depuis, d'un épisode assez piquantdo l'existence amoureuse de Barucci. Il parait qu'un jour, étant la maîtresse d'uu seïnillantècuyer do l'empereur, fort épris d'elle, elle


titparhaaard la connaissance d'un sous-lioutt)nant, ami particulier do son amoureux on pied, qui lui donna, sur.lo'champ, fortement dans l'œil. Lo soir môme, il couronnait lu nammo do sa conquête ça no traînait pas avoc oiio, – no soupçonnant point, bien entendu, sos rotations avec son camarade.

Mais, lorsqu'il los apprit doux jours apr6s, bourrelé do scrupules et do remords, et n'ayant, tl'ailleurs, nullement l'iutontion do s'éterniser dans les bras do la Barucci, il mit on avant les devoirs do l'amitié ot s'empara do co prutoxopour essayer do filer. C'était compter sans son hôte. Giulia, carrément pincée et inassouvie, rugissait comme une Honno; les nuits se passuiout moitiu & des opanchomenta fous, moitiô & dos scènes dramatiques, pendant lesquelles la suporbo fillo, les cheveux épars, presque nue, ao dressait sur son séant et s'écriait avec un accent tonibio et comique tout ensemble « Non, tou ne m'atmcs pas cowtMdj'd )!'nïme/ canaillo (M JV. (c'était l'amant trompô qu'ello voulait dôaignor par la). J~ md uon~dt'aï dd loui

Oe ne fut qu'au bout de quinze jours de cet exercice violent que l'heureux mortel, trop aimé, parvint & se dérober par une fuite savante aux recherches desosperôos do sa Dulcinoo. Le malheur est que, sur les entrefaites, le premier occupant ayant tout découvert, avait, lui aussi, pris la poudre d'escampette. De sorte que la pauvre


0!nHa resta f'ntro deux i~mmoa ot !o doa par to'm–codent cUono g.u'tta ranounon!a!'un ni ''t l'autro.

On asauro que l'anocdoto, racontoo dans tes ptus grands dôtaita, por un o!mn)bo!!nn indiscret, a t'itnj~r.Ht'ico, t'B cnortot~nont tunnsùo. Tuut-t'fn'is fnshiunnbio, tout co (jni compto dan~ ht Rociôtô, commit. !n f4 do t'Avenuo dos C)))unpa.Ktyaô<'s,!oc6!ùbt'oapp)tt'tomûnhtoGiu!in, oh oHt) no donno pna quo des rondcx-voua d'amouf ot oit oHQ t'o<;oit chmdosHnoniont, )\ aoa momonts pordu. do puissante poraonnagos qui lui t'ôvolont duasect'ots gardes avofi uno sct'upu!cusottisCK'tion, (jui cito rond des services quelquefois hca impot'tnnta ot qui no ct'nignont pas do a'nth'ofSL'y )\ dio dans !ca ch'conatnnccs dônoatos. n vu, eut npptu'tumcnt, dos doh't'ioahoutouMa tcHea fpta coUca on lo duc do G.. t-0.8ao n pt-i~ !tt nmin dans ta sac !o trichom' da ptofosaion Cn!i<))d<)! ]t n vu nuss! do ~(~))doa o< honoos/ea <~))tos du nioH!om' cru nn'ivot' myatot'ieusomont dxna htgrnndo chtunbro & couohor, nu lit monuments), tout. garni dovalonotonnea, dana!~ houdoh' eftpttonnô cncotnbt'6 p!n' un funtuatiquo jou do divana, et s'y tivrct' a dos p)n Uos carfôcs abmcndtdjmntos, sam jatmda avoir 6m trahk'a par cono a qui cites s'utaiont. continua.

Htt'ango ernatut'o, n))3~i 86t'!ouao, aussi honn<)to, auaai sure, sous cortaina rapporta, qn'6corvoido, naïvctnont cyniquo et franchomont dôvor-


gond6o sous d'autres, ot four laqueUc t'onthousit~smo mnscuUn est tôt, qn'cijo inspire & des diplomate; )\ dos noceurs il tous crins, des madrigaux connno colui-ci

Tes bijoux, CiuUa, sont n'ni'nont tnn~t)in()))08. Jls sont plus j'rdcionx quotout )'ot' 'tu t'th'ou.

Mais jo h'oHvo un défaut ces .i"y'u)x )nns")Uf'a C'est do cuchor los t't'.ts et ')o v )i~r ton €<").

H''h)û tt'nmuu)', hc'fmt~ttont ot) est htotfUfp,

Qxo) co)!it't' vaut toi) con noxibtu ot ~'adfnx? Qm;I <*st lu bracotot qui vaut tes t't'as d'aXxUn' ? Qm't ttintnnot outjnntnia)')!et!tt do tes t'ooux yf~t ? A') ftoot t'cs)')ondiss!)))t qu'i'nporto mttti.ntmno? 'r A'tom luxe no pout nco'ottro t~ ))oat)t6.

T(t ) plus ~t-an<t ot'oonnnt, Giu)tn, e't'st t )i-)n~no, 1-'t ri!' ) m t'ont'uHit o ''n)))e ta )))<<!«*



n

L'existence des e''andes coehttce. Lcut? totttttes lours ('qutpngcs leur train do mataon. At!t'to Courtois. –Curieux (nh'ctipn. Los protecteurs sérieux o~ la M).tante jeunesse. Les ntoanvontnraa d'u)) amant sérieux. – RiuOa t~rucot et tes mauonoB tt)Upnnca. – CoorUeanM et raataquouoras.

Lu vie habituelle dos dix ou douze grandes cocottes qui tenaient le sceptre de la galanterie élégante, pendant les dix dernières années do l'Empire, était aussi agitée, aussi bruyante, aussi dôvorunto que somptueuse et dissipatrice. Personne no regardait alors A la dépense, et la cocotte bourgeoise et justo.mUiou, a prix réduits, appartement mesquin mais d'un confortable relatif, très rare d'uillours, no faisait pas ses frais. Apres les étoiles de 1~ haute prostitution, on tombait presque sans transition la grisotto et lui fille publique do bas étage, ce qui réduisait i6 un petit nombre les demi-mondaines on circula-


tion et en voguo dans le ct:<n dos viveurs de race qui s'appehuont, on co tomps-I~, dos cocons. Los grandes courtisanes connues avaient dono, a flics son!c5, toute la clicntùto do choix, monopo!isaient!e succès, confisquaient tout l'argent des prodiguer et Uicu sait. s'il y en avait –formaient uoc caslo ebiouiss.mto quoique subordonnée, et avaient un train qui éclipsait celui des femmes du monde to~ ptus lancées, dont eUt's étaient, cependant, scpareos, toujours et parton, par une murailto infranchis~aMu.

Leur ioturieur, fastueux et rcchorcho, était aus~i (tes ptus cossus ut avait, généralement, très Krand air. Tout y était hn'gj, a pruf~ion, gaspiitu en mémo tûmpt: que, dans tus détails les pius intimes, los plus imporceptibtes, !o rafnnûment, lit coquetterie et la !uxuM débordaient. Tcut y somMait. tn'rango et pr6p:n\') on vuo des hommes, a la fois suporhtttvomont aristocratiques ot dompauromont épicuriens, qui devaient on etro les hôtes nocturnes.

Los toilettes do boudoir, los dûshahiitoa gahnns, les dessons nnousti!h)nt.s, les foui!)ia do dontoilos, do soio ot do batiste, to luxe do Jingo etd'accossoiros vous donner ta chair do pouto 1. Je renonce il les décrire.

Toute cette artiih'rio, tous ces piments, tous ces assaisonnements exquis, vuiga<is6s depuis, étaient, .a cette 6poquo, l'apanago exclusif do ces dt'nioiseUcs, qui les avaient, invontoa, qui les


poussaient jusqu'au dénier degré do !a porfoc.~on, qui en jouaient avec uno scioucc, avec un ortdo !a misa en sc-'jno admirables, et its par.maaient d'autant plus précieux, d'autant plus des!. raMes, d'autant plus charmants, quo los fommca do la société, utëtno les plus cchovol~oa, n'en avaient cncot'o qu'uno trop vague et trop lointaine notion.

Toutca tca grandes cocottes couruo-~ ot bip)) poaôpa s'habiHaient ehox Worti), !o poutm'ifn' io plus on voguo d'alors, t'arbitro dos 6)6Hancf)S fômininos, !o maitt'o souvonun. capricioux et despote do l'ajustement dca plus ~t'andcs dames. Et, chose remarquable, ces irrcguiieros apportaient, on gôn~ra!, dans tour paruro uno aohr!6t6 do bon gcut, uno affectation do aimpticitô qui, tout en hissant uno marge onormo aux ornementa luxeux ot aux fantaisies coutouaog, no !our imprimait pas moins, dans ronscmh!e, un air do distinction et do tenue )\ tromper !os p!us physionomistes sur tour position sociato. Leurs équipages étaient splondidos, supôriou' romont tonus, d'une correction et d'un chic parfaits et rivatisaiont, au bois do!!ou!ogno,avoc coux dos duchesses et des ambassadrices. EUea avaient, pour h plupart, do grands coupes et dos cntocbcs a huit ressorts avec doux hommes sur lo &iogo, scton lu modo du temps, et oUos n'auraient paru, au po's~, a aucun prix en vulgaire Victoria.


La .grande calèche, bleu fonce à rechampis rouges, de Barucol la calèche jaune do Caroline Hasso, attelée do deux demi-sang etoH'es et irréprochables co!io, plus sombre, mais non moins belle d'Adèle Courtois colles do Constance, do Lucilo Mangin, d'Esthor Duparc, d'Auna Dation, do Cora Poarl, do Soubiso, do Crenisse, d'Adèle Rômy, do Juliette Beau, etc. paient une grande allure et étaient toujours reconnues et signalées à distance par los c~bwett de haut bord.

Au total, le train do maison de chacune do ces momentanées de marque est, a peu de chose près, identique et semble calqué sur celui d'Adôio Courtois, qui en eat, en quelque sorte, le résumé et le type immuable.

C'est, d'ailleurs, la séduction et le charme on personne que cette beauté aux cheveux châtains, au visage régulier et doux, a la taille souple et bien prise, nu corps modèle avec do unes et pa.triciennea attaches.

Elle a infiniment de grâce et d'nmabititô, un trôa bon ton sans quo le diable y perde rien des manières agréables et comme il faut, des mines câlines et engageantes sans être eRron. tocs. Bref, au premier abord, elle a plutôt l'air d'une bourgeoise opulente et sentimentale que d'une professionnelle do l'amour.

Ce qui la distingue de ses congénères, ce qui lui donne une physionomie particulière et origi-


nalo, c'est son interminable liaison avec un richissime baron étranger, diplomate connu do tout Paris, dontles chevaux et le phaéton sont légendaires, qui la couvre d'or et do bons procédés et avec lequel elle vit presque maritalement, jusqu'à la fin.

Une autre do ses particularités, un avantage que lui envient toutes les femmes, c'est sa prodigieuse conservation. Comme Ninon de Lonc!os, a qui elle peut être comparée sous plus d'un rapport, elle garde longtemps, indoilniment, sa beauté et son attrait, et nous l'avons vue, plusieurs années après la guon'e, tourner la tête et faire faire des folies a un brillant gentilhomme, mort depuis, qui ne passait pas précisément pour un natf.

Aujourd'hui, quoique surpronante encore do verdeur, elle a définitivement renoncé a Satan, a ses pompes et a ses œuvres. A la suite d'un profond chagrin, elle s'est retirôo sous sa tente et s'est consacrée avec une ardeur de néophyte a des oeuvres de charitô qu'une fortune considérable lui permet do mener a bien.

Elle a pris son nouveau rôle au sérieux, avec une candeur amusante, et no parait plus se souvenir qu'elle n'a pas toujours été un modèle d'austérité. En quoi, entre parenthèses, elle a bien mérité du sexe mâle.

On raconte que, dernièrement, elle rencontre un ancien ami do la période joyeuse. On s'aborde,


on cause, ou évoque.le passé. Puis, tout naturellement, on on vient à parler des disparues, de celles qui ont sombré dans la bagarre. L'ami prononce, dans la conversation, le nom d'une camarade qu'on lui a dit être dans la misère Ah dit-elle, pauvre femme 1 Savez-vous où elle demeure? Je veux absolument aller la voir et lui venir en aide.

Non, répond l'autre, mais je puis le savoir et je vous en informerai. A quelle adresse faut-il vous écrire ? 2

Avec un accent pudibond et convaincu – Oh 11. je no suis plus avec le baron). C'est comique et c'est adorable. L'ami n'a pu s'empocher d'on rire et, pourtant, maigre lui, il était sur le point de s'attendrir. Pourquoi pas, après tout?.

Très aristocrates, je l'ai déjà dit, les grandes cocottes du second Empire. Elles n'avaient guère qu'un amant sérieux à la fois, fortement calé, ayant les reins assez solides pour assurer le bienêtre et la tranquillité de la maison, et elles dédaignaient les petites carottes. Les associations en syndicat, où une demi-douzaine de pontes apportent chacun sa cotisation et recueillent une part corrrespondante de. bénéfices, leur étaient inconnues.

Le protecteur une fois trouvé et. il y avait queue au bureau do location elles faisaient crânement, sans marchander, la part du devoir,


et ne songeaient plus, en dehors do cola, qu'à s'amuser.

S'amuser, cela voulait dire avoir autant de caprices, autant d'amants de cœur, choisisparmi les jeunes gens en vedette que l'envie leur en prenait, et faire franchement, au grand jour, la noce avec eux; ce qui coûtait aux susdits amants do cœur, qui étaient censés être aimés pour leurs beaux yeux, une petite moyenne (te cent louis par mois.

Mais. par exemple, toutes les chatteries, toutes les avances, tous les égards, étaient pour eux. Ces dames se les arrachaient, les traitaient en camarades, pour qui on n'a rien do cache ni de résolve, s'emballaient mémo volontiers, jusqu'A en être follement toquées, leur prodiguaient toutes leurs bonnes grâces et leur donnaient, en realite, presque toujours la préférence sur lo commanditaire principal, ordinairement obscur et sans relief dans le monde.

Celui-là avait ses heures marquées, ses droits fixes, qui ne dépassaient pas, dans la plupart dcs cas, la porto du gynécée, et il n'était ni élégant ni habile d'en faire parade. On lui donnait ses aises, une discrétion suillsante, une certaine déférence, la satisfaction intime de s'imaginer qu'il possédait la maîtresse de tel ou tel grand seigneur en vogue– tandis que c'était le grand seigneur qui le bernait avec sa belle une fidélité relative, qui consistait à ne pas le tromper


avec un collaborateur de sou espèce, et de l'amour. pour son argent. Moyennant quoi, on se considérait comme quitte envers lui, on le regar.dait d'assez haut et on no lui permettait point de se montrer par trop exigeant.

Parfois, il arrivait qu'un amant de cœur par destination, plus riche, plus libre ou plus naïf que les autres, avait la velléité de prendre une femme a son rang et de devenir, a son tour, amant sérieux il s'en trouva, dans les grands clubs, trois ou quatre exemples célèbres, dont le nom est au bout de ma plume et qu'il est inutile de citer, tant on les a encore présents a la mémoire.

Alors, sans doute, le rôle avait plus de prestige (t de brillant, souvent môme il était tenu avec éclat et se colorait d'un je ne sais quoi de magnifique et d'élégamment insensé, de grandiosement vicieux qui ne manquait ni do chic ni d'originalité témoin le feu duc de G.t-C.sso et ses tapageuses aventures.

Mais, à la longue, il retombait, si ce n'est pour la forme, au moins pour le fond, ù son niveau. Las premiers sujets, les !eado~'N do la grande vie qui le jouaient, subissant la loi commune, finissaient par être, en définitive, traités par-dessous la jambe, ni plus ni moins quo do vieux barbons et outrageusement coiffés, & leur nez et & leur barbe, par leurs compagnons de plaisir. La seule différence était qu'ils prenaient la chose gaiment,


la trouvant toute naturelle et qu'ils avaient le bon esprit d'en rire.

Je me souviens qu'un jour do printemps do l'an do grâce i86. toute la bande joyeuse du club le plus fashionabio do Paris, celle qui donnait le ton et gouvernait despotiquement dans les régions du monde où l'on s'amuse, s'en alla aux courses de Versailles.

Un gentloman, pourri do chic, affolé d'éléganco, occupe du soir au matin a dissiper son très modeste patrimoine, avec un imperturbable sérieux, non exempt d'une pointe ridicule, avait cru devoir, pour faire sensation, emmener la blonde jouvencelle sans préjugés qu'il entretenait à grands frais à cotte seule fin d'impressionner la galerie et de consacrer sa réputation de parfait viveur.

Par malheur, il y avait dans la ville du RoiSoleil un régiment de cuirassiers et, dans ce régiment, trois membres du club en question, ayant la moustache frisée, le diable au corps, un succès énorme auprès' des femmes et connaissant inti-. moment, non seulement leur collègue, le grand viveur, mais encore et surtout sa délirante maitresse.

Donc, à la descente du train, le couple se jette dans les bras de nos cuirassiers, venus, naturellement, pour attendre leurs amis parisiens. Échange de poignées de main, amabilités et, comme par hasard, proposition de faire monter la


tourterelle en voiture pour la conduire sur le <M!'y.

Bref, on moins do temps qu'il n'on faut pour !o dire, on s'en empare, sans l'ombra do rosiatanco on l'cntraino sur un terrain plus voisin do Cythèro que do la société d'encouragement pour l'amôlioration do lu race chevaline, pendant quo l'onrag~ sportsman, paré d'un habit marron & houtona d'or – l'uniforme doja dômodo des membres du Jockoy-Olub a la fondation se pavane gravement dana loa tribunoa, et. on no la rond son propriùtairo qu'à la nuit tombante, au moment môme du départ.

La façon dont les grandes cocottes do nos jaunes années entendaient l'existence et dont elles organisaient leur genre do vie, leurs procèdes, leurs moyens d'action vis-a-vin dos malos, selon leur catégorie et leurs aptitudes, leur pro.curaient, jusqu'à un certain degré, l'indépendance, a laquolio elles tenaient étonnamment et qui leur permettait, lo cas ëchant, do montrer une certaine hauteur, do rembarrer et do remettre a leur place, avec des airs do duchesses, les goujats trop familiers dont les procèdes leur déplaisaient.

Il est certain qu'eUos n'acceptaient pas loaliberalitesdu premier venu et choisissaient, dans une mesure, les bonshommes a qui elles accordaient l'insigne faveur do se ruiner a leur service la seule forme de rétribution qu'elles Crussent com-


patiMoavoc tour dignitô. tenant a rocovoir vin~tcinq loui~ d'un amant do cmur ou d'occasion, oitcs no s'en souciaient nuih'mont, n'en ayant aucun besoin et no voûtant pas so gah'audor pour si pou.

Barucci vous los t'~t jt'tos a la ngm'o auMi no so risquait-on point il h'a lui on'rh'. Quand on n'am'ait ~u a\'CR eno quo dos t'apporta ~p)n))))<n's, si on vouiait lui faire pjaiair, on n'avait qu'à lui apporter nno piccc d'~totïu pour ses madones d'Italie, qn'c'Hc hat'iiiait, itaLituoDcmont, avec sa dôfroquo.

Chez uttc, un jour par scmainf était, rigonrcusc!no:'t rûserv~ a !a fan)i!)e, composëo d'une sœur cadottc, marchant asscx pënininmpnt sur h's traces do son ain~c, et d'un frut\ cocher, si jo no mo trompo ()o mari (''tait rMto au dcht dos monts). Dans cos réunions intima, !o frùro fit !a fmur se pa) hg.ncnt !o moitieur do co qui avait cossô do plaire – tout battant noxf to plus sonvont–a!a!jc!to (!iu!ia<'t)c resto, ompaqueto sôanco tonanto, était oxpudio aux s tintes vierges do Toscane. Est-co assez caractcristiquo? 2 Une particularité trus curiouso do toutes ces grandes ribaudes parisionnos, c'est !our peu de goût pour Icsot rangers eUeur mépris absolu du rastaquouôre.Eilos on usaient et en aburiaicntpour remplir leur escarcolto ot cties en exprimaient, sanapitio, jusqu'à la dernioro pistoto, estimant qu'ils étaient faits pour cela, tes regardant, rie très


bonne foi, comme une simple mine & exploiter, niais no consentant, sous aucun prétexte, & do rares exceptions près, & los assimiler a des Français do bonne souche.

L'idée no tour aérait jamais venue, d'ailiours, do jauger un homme uniquement d'après sa forluno et do croire qu'il était chic parce qu'il avait beaucoup d'argent. En quoi elles diuoraiont ossentiellement do celles d'aujourd'hui.


III

t.a .iouruëo do ces dn)no9. – Une piquante roncontro a lit t.ibrairia Nouvelle. Les grandes couftisanoa à t'avonoo do la MoHo Piquet. tJn catavaos~'ni) otiiitairo. –FOtcs à tout casser. Histoire d'un cotood (DnfMnt;rio et d'uno pt'ooossion pou orthodoxe. – Uno bollo famiUe. Kather Huparo. Son opinion sur los vivoma. Constanco H~uoho. Marguerite tto)tong6. ComtMO quoi io hasard fait quotquofoia bion toa chosaa. – Liaison do )a bello Margot avec romporour. – Catinotlo. – Une paire do ohovaux a bon maroh6. –Moutados d'un droto do corps.

La journée do ces dames commençait fort tard. Les gens de loisirs et do plaisir vivaient beaucoup la nuit, dans co temps-là, et los grandes nba~don~os, no regagnant guoro d'itabitudo leur alcôve qu'entre quatre et cinq heures du matin, aucune d'elles no songoait a ouvrir loa yeux et a sortir de son lit avant midi ou nno heure.

Mais, a partir do cet instant, quelle existence bien remplie t Quelle exubérance de sôvo 1 Quelle


uovro <!o convoitises Quelle multiplicité, quelle variété d'occupations frivoles ot do distractions absorbantes! C'est tout justo si Faprôs-mid! était assez longue pour en venir à bout ot si elles parvenaient, dans eo tourbiiton insonsé, dans t'ctto course folio ot échoveief, no laissant do p!«co tti pom' lit rcncxion ni pom' los sontbt'os préoccupations, a en nnir nsspx tôt pour endosser, avec to soin voulu, rotincolanto toilotto du soir. Toitotto do diner chezuno camaradoou nu cabaret on joyeuse compagnie, oit otios arrivaient, d'ordinaire, en rotard d'une bonne houro. Au saut du lit c'était, d'abord, la manicuro, !cs soins intimes avec tout leur nrsona!, rarriveo do la lingoro ou do !a marchande a la toi!etto et !e papotage avec iceUo, la visite du bijoutier, les poulots a expédier dans toutes les directions, les affaires sérieuses. Tout cola pronait jusquo vers quatre boures ou quatre heures et demie. Alors, oUos so faisaient pimpantes, ëbouriffantcs, irrosistijjics, montaient on voiture et, après une coutto apparition ou avant une longue promenade nu Bois, scion la saison, s'en aHaiont qui chez lit couturière qui a un rondpx-voua clandestin et inavoué, destine a boucher un trou a ht luno ou & payer uno grosso note rc~tco en sounrance qui avonuo do lit Motto-Piquo), chp}! MM. les officiers de la garde imperiato; non sana avoir fait une pointe au boulevard dos Italiens, pour entrer, en passant, & ln Librairie Nouvelle


ot y causer avec AchiUo dos romans nouveaux. U était rare que, dans ce club on miniature, où ao réunissait journonomont uno petite phnlango d'hommes do lettres, d'autours dramatiqnoa et do gons d'esprit, on no rencontrât pas, entre cinq et sept, quatre ou cinq do ces incomparabie;! croqueuses do pommes, qui no doda~naiont, a tom's momonts perdus, ni la Uttoraturo ni les !itt6ratom's.

Jo mo sonvions qu'un jour, j'y trouvai la Darucci, accompagnoa d'nno amio, fort bot)o personne, ma foi, a qui o!io mo prùsonta incontinent ou fuisont suivre mon nom do ma quantô d'ofncicr, ot jo vois encore Fair soionnol ot convaincu do ccno.ci mo toisant acec attention et mo disant aussitôt, du ton do quotqu'un qui s'y connaît

–-Ah! 1 Monsieur ost ofuciort Kt dans quoUo at mo ).

J'ni, malhourousemont, oubtio !o nom do cotto charmante fommo ot Achiiio, a qui jo l'ai domnndo, tout on se rappelant parfaitement to fait, n'a jamais pu s'en souvenir non plus. C'est ennuyeux ot surprenant, car jo no connais pas d'homme dans Paris plus universel, plus au cou. rant do toutes choses, ayant nno mémoire plus sûro ot plus fournie que ce virtuose do ia librairie, dont la notoriété est établie, l'amabitito proverbiale, ot qui restera comme un type très particulier et très intéressant do notre époquo,


L'avenue do h Motte-Piquet, sous le second Empiro, moins bâtie, moins habitée, plus isolée que do nos jours, était le quartier élégant des officiers do la garde, à qui il était formellement prescrit de se loger dans un rayon détermine et limité aux abords do l'École Militaire.

Il y avait 1~ une série d'appartements et de maisonnettes, quelques-unes avec jardin, exclusivement occupes par la garnison, dent l'onsemble était fort gai et souvent fort anime. C'était comme un grand caravansérail' militaire, une sorte do cite ayant un cachet spécial et une couleur locale dos plus curieuses. On n'y voyait guère que dos uniformes ses habitants y étaient complètement chez eux, auraient pu s'y promener en robe de chambre et se transportaient continuellement les uns chez les autres, voisinant de porte en porte avec une extrême facilité, parfois, dans les tenues les plus rudimentaires. Do temps à autre, on y faisait une fête & tout casser et un vacarme qui n'eût point été de mise dans l'intérieur de Paris. Certains soirs, lorsque les plus fashionables de la bande étaient de semaine et ne pouvaient, par conséquent, s'éloigner, on risquait, en pénétrant, au hasard, dans un logement, do trouver l'escalier en ébullition et illumine a ~tot'~o, le palier encombre d'une façon plutôt bruyante, la maison tout entière envahie par des couples épanouis qui manquaient totalement d'austérité.


Je n'oublierai jamais la mine indignée et oOtuôo d'un bravo colonel d'infanterie, tout frais émoulu do sa province, qui, rentrant paisible.ment chez lui, so heurta a un embarras occasionne par six nymphes montant gravement les marches do l'escalier, a la queue lou-Iou, dans le plus simple appareil et avec une bougio aUumoo. devinez où, si vous l'osez. Ce qui n'empêchait pas le service do se faire exactement, scrupuleusement môme, la discipline d'être inflexible et beaucoup plus rigourouse qu'on no l'imagine. Car, dans ce temps-là, soit dit on passant, on savait mener do front le devoir et le plaisir.

Souvent, au sortir du pansage, on apercevait, au beau milieu de l'avenue, arrêté devant un logis de modeste apparence, un somptueux oqui. page facilement reconnaissable ù ses couloura. C'était celui d'Esthor Duparc, de Constance Rt'xuche, do Catinctto, do Marguerite HoUongô, do Lucile Mangin, qui, avec Barucci, otaientles visiteuses les plus assidues do ce! messieurs do la garde.

Esther Dupm'c, I'ain6o do cinq sœurs, toutes vouées a la gulantorie et la porlo. sans contredit, de cette belle famille qui marchait noromont sur les brisées do celle qui s'est illustrée d'une manière analogue sous Louis XV le Bien-Aimé, était une superbe et délicieuse créature, pleine do charme, d'élégance, de race et do distinction.


Grande, mince, élancée, fausse maigre, la taille bien priso, les chevaux châtains, los yeux langoureux et oxprossifs, !o visage fin et régulier, los pieds et les mains aristocratiques, o!lo avait, on outre, une ravissante tournure et dos allures do duchesse qui en imposaient.

Dans l'intimité et le tete-a-tôte, nuUo u'otait plus aimnbio, plus attrayante, plus chatte et plus câlina qu'flio. Pour ses amants sérieux, qu'eUo avait soin do choisir parmi los ptus ca!ôa,sans s'art'otor au rang ni a la naissance, oUe était p!eino d'égards et d'attentions, et, tout en no leur gardant pas. une ndelite doprennùro classe – il s'en faUait o!!o s'appliquait A mônnger, vis-a.vis d'eux, loa convenances, ù les bien traiter, a no point los tourner on ridicule, a leur laisser ignorer, autant que possible, ses fro.daines, a maintenir, par lu, la tranquillité et lit Hôcurito do son foyer, à se garder a carreau do ce c~te.

Et cela elle le faisait autant par inclination, par bon naturel, par une certaine élévation do sentiments, que par caJcul el par rouerie, bien qu'elle fût aussi Une, aussi adt-oite, aussi dissimulée, il l'occasion, qu'il est poasiMo a une jolia femme do l'otro.

Pour ses caprices, la fleur des pois do ce qu'il y avait do plus briDant et do plus remarque par l'extérieur, lo chic, la bonne graco et la séduction, elle était remplie d'abandon, do passion


tendre, do procèdes doiioats, do douceur, do tact, d'indulgence ot elle so comportait avec eux on véritable grande dnmo, leur restant attacha mémo après la rupture et continuant à avoir pour eux, en toutes circonstances, des profôronoos, dos gentillesses, des coquetteries amicales tout A fait captivantes, dont on lui savait lo plus grand gf6.

Aussi, lorsqu'elle fut atteinte do la terrible maladie de poitrine, qui devait l'emporter, comme la pauvre Barucci, on pleine jeunesse et que, minée, amaigrie, aQ'aiblio, détruite, elle dut, deux ou trois ans avant de mourir, se retirer do la circulation ot vivro presque on recluse, conserva-t-ollo dos amis dévoués qui continuèrent & l'entourer et lui restèrent adclea jusqu'à la un:

Voyez-vous, mon cher, me disait-oUo mélancoliquement mais sans amertume, quelques mois avant le fatal dénouement, c'ost quand on est arriver où j'en suis que l'on jugo les hommes. Los bons sont rares. La plupart, dos qu'on no leur inspire plus do dësh's et qu'on no p')ut satisfaire leurs vicos, nous lâchent impitoyablement t et cyniquement avec autant d'entrain qu'ils en mettaient auparavant a se trainer platement & nos pieds. Oh la vilaine race

Tout autre était sa contemporaine ot sa rivale Constance Hozucho. Grande aussi celle-là, belle, bion tournoo, désirable, exH'aoi'dinai"ementi oie"


gante, bourreau d'argent, tapageuse en évidence, ambitieuse et ne reculant devant rien pour plumer son pigeon jusqu'à l'épiderme. Vicieuse, capiteuse et troublante pour les sens mais sans esprit, d'une intelligence plus que médiocre, au point qu'ayant été un instant au théâtre, elle n'avait pu y rester et, en dépit de ses liaisons retentissantes, assez vulgaire au fond. Elle avait une sceur, plus maligne qu'elle, qui lui servait de femme de charge, tenait sa maison, faisait tout, brassait tout, dirigeait tout et veillait a ses intérêts, lesquels, grâce à cette éminence grise de la haute bicherie, prospérèrent pendant longtemps.

Parmi les habituées de l'avenue de la MottePiquet, une des plus modestes, des moins opulentes, des moins haut cotée?, mais non des moins jolies et des moins agréables, était Marguerite Bellengé, Margot, comme on l'appelait au régiment.

Qui eût dit, à ce moment-là, que cette bonne, réjouie et insouciante fille" bohème à l'excès, prodigue de ses charmes au delà de tout, noceuse, terre-à-terre et ayant un langage plutôt imagé, était appelée à de hautes destinées et deviendraitun jour la favorite d'une tête couronnée, n'eût certainement rencontré que des incrédules. Rien ne la préparait à cette dignité, à laquelle, à coup sûr, elle était elle-même bien loin de songer. De taille au-dessous de la moyenne,


MARGUERITE BELLENUH


mince, nuetto, presque maigre, blonde, fine, très jolie, avec de beaux yeux éloquents et une physionomie singulièrement expressive, elle n'avait pas de branche et faisait. de prime abord, pou d'effet, ressemblant davantage a une grisette très soignée et très pomponnée qu'à une cocotte a la mode.

Le fait est que, malgré ses relations huppées, malgré le milieu où elle vivait et son incontestable agrément personnel, elle restait relativement dans l'ombre, était même assez discutée et n'avait qu'une demi-réussite, allant do l'un à l'autre, tantôt dans le luxe, tantôt dans la dèche et ne paraissant point se préoccuper du lendemain.

Lorsque, un beau jour, la fortune vint & elle sous la forme inattendue de l'empereur des Français!

C'était a Saint-Cloud, au printemps de l'année 186. Comment la belle Margot, Margot la rigoleuse, se trouvait-elle seule, a pied, aussi loin du boulevard? C'est un mystère qu'elle n'a jamais révélé ot que l'on n'a pu jusqu'à présent éclaircir.

Toujours est-il que, surprise subitement par un orage épouvantable, elle se blottit sous un arbre du parc.

Elle y était a peine depuis cinq minutes, qu'elle voit tout & coup déboucher, dans son irréprochable phaéton, à la livrée vert et or, Napo.


leon III, rentrant de sa promenade habituelle. Elle s'incline respectueusement. Le souverain, apercevant une jeune et jolie femme dans cette posture et dans uu, mouillée, transie, decon.nte, sourit, sai la couverture qu'il avait sur les genoux, la lui jette et passe son chemin. Rentrée chez ollo sous la protection de la pr6cieuso pelure, Margot se met a rcnechir il l'aventure et se demande ce qu'il faut faire. Doit-elle renvoyer la couverture? No pas la renvoyer? Elle est affreusement perplexe et toute une semaine se passe ainsi dana l'indécision et le trouble. Soudain, otio a une inspiration, une inspiration géniale, sa résolution est prise. Le lendemain matin, l'aide do camp de service entre chez l'empereur, et lui dit qu'une jeune femme est là, refusant de donner son nom et demandant, avec acharnement, a être reçue qu'on lui a repondu que c'était impossible, mais qu'elle insiste, prétendant qu'elle a -quelque chose a remettre, en main propre, a Sa Majesté et qu'elle ne a'on ira pas sans avoir rempli sa mission.

Napoléon III, fort intrigue au début, semble renechir une minute. Il questionne son aide do camp et se fait tracer, par le menu, le portrait do l'audacieuse inconnue qui, on l'a dovine, n'est autre que Marguerite Bellongô rapportant ellemême le plaid impérial. Puis, après un silence <– Eh bien, dit-il, qu'on la fasse entrer 1


On saitic reste. · Toutefois, on s'est fortement mépris, dans le public, sur le rôle joue par cotte inon'ensive maitresse. On a voulu en faire unpMontospan, co que no comportaient ni sa situation, ni ses moyens, ni ses goûta et ce qui n'entrait nullement dans les vues do son soigneur et maître.

La vérité est qu'elle l'amusait par ses propos canailles, par son incroyablo liberté do langage qu'elle r'jtonmnt, le distrayait et lo sortait un peu do son atmosphère gourmée et ceromoniou&e en lui parlant comme personne n'ont ose lui parler qu'elle lui plaisait par sa gontiiloaso.sa bonne humour et sa constante soumission. Mais d'influence, cllo n'en out jamaia d'aucune espèce et, qui plus est, no chercha jamais à on avoir. Et!o regrettait souvent son obscurité passée, sa liberté, ses frasques, son oxistonco en l'an', et rien no lui faisait autant do plaisir que do rencontrer dos camarades do co temps-là ot do leur rappeler les vieux souvenirs.

Je l'ai retrouvée plusieurs années après la guerre, retirée, mariée, oubliée, dans l'aisance sans être riche, toujours aimable, bonne enfant, souriante, et je ne me doutais guère, on la quittant, qu'elle mourrait prochainement et quo je venais do lui parler pour la dernière fois. La mort a fauché aussi, après de cruelles souffrances, la douce Catinette, un joli modèle do ni grande, ni petite, aux cheveux ch&-


tains, au regard tondre, et. langoureux; faite au moule, subjuguée par les fortes carrures et les 1oios naturalistes, sentimentale également à ses heures.

Caractère d'ange, nature apathique et tranquille, facile à vivre, d'un commerce agréable, le cmur sur la main, intelligente, sans bruit et sans prétentions, confortablement, élégamment, mais simplement instaure telle était Calinette. Très répandue, très populaire, très aimée de toutes ses concurrentes, adorée de l'armée française, elle distribuait ses faveurs, sans trop se faire prier, sans calculer trop méticuleusement a l'avance ce qui lui en reviendrait, aux civils et aux militaires, plus allègrement aux militaires qu'aux civils.

Sa longue liaison avec un brave et brillant officier, qui se fit héroïquement tuer a Magenta, fit un certain bruit, à cause de son dénouement tragique; et les regrets sincères qu'elle en éprouva, le souvenir touchant qu'elle garda de son ami mort, mirent en lumière son bon naturel.

EUo était si excellente fille qu'on lui faisait parfois, sans qu'elle songeât à s'en fâcher, des farces un peu raides. C'est ainsi, qu'un jour, un loustic, avec lequel elle s'était oubliée, sans trop savoir pourquoi ni comment, lui ayant promis une paire de chevaux, lui envoya, dans la huitaine. une ravissante petite voiture d'enfant


do chez Giroux, attelée do deux minuscules chevaux do bois.

Un type bizarre et amusant que le luustie ou question Un vrai gamin do Paris, parlant l'argot du faubourg Antoine, et égare, par je no sais quel concours de circonstances, dans un dos régiments les mieux composes do la cavalerie do la garde.

Débraillé, sans gêne et fort risqué dans ses sorties, assurément, mais bon vivant, plein d'entrain, de verve gauloise et de saillies a l'emportepièce. Ses camarades les mieux nés, les plus musqués, le recherchaient, on ranblaient et il était do toutes ics parties. On l'introduisait mémo, de temps à autre, on petit comité, dans le noble faubourg, ou il petrinait les douairières, qui le regardaient comme un phénomène. A un diner, dans la famille très collet-monté d'nn de ses frères d'armes, ayant vidé son verre et s'apercevant que lo maître d'hôtel verso plus souvent à boire au maitro de la maison qu'a lui Mon ami, dit-il gravement, on s'adressant au correct et solennel serviteur, quand vous menez votre maître à l'abreuvoir, prenez-moi en main, si ça ne vous fait rien.

On voit d'ici les têtes des convives et la stupeur du premier moment. Le plus simple était de se mettre franchement à rire et c'est ce qu'on fit do très bonne grâce.



IV

t.oa aoh'ûoa d hivor da ces dtunos. – !.o spootaoto. Uno )uno do )))iot dans uno avant-scûoo. –Contnont on sa fait cxputsor d'une loge. Aprf)3 minuit. t<o St'fOt~ ~0 ftu onfû anglais, – L'no od'tUsq: fans pt'6ju~6s. H:'ncst. Los hubitn~es du 6!)'ot!'< ~C. Anna UAtion. K))o doono son nom h un plat do pommos (!o terro. -– Cora Poar). – Comptftbint6 on partie tdpto. K~oupMoH. –Un mot sanglant d'une camarade.

La soirée des grandes cocottes n'était pas moins Mon remplie que leur journée. Elle commençait, généralement, par le spectacle, et se terminait au Café Anglais. Quelques étoiles dos plus en vue avaient une baignoire à l'Opéra et aux Italiens, un jour par semaine, et y allaient on grande toilette, couvertes do magnifiques bijoux, mais sans aucun fracas, avec la dignité et la tenue do véritables femmes du monde; seules, cela va sans dire, ou accompagnées d'une amie et recevant, ces soirs-la, dans leur logo, le des" sus du panier do leurs adorateurs ordinaires, do


l'air grave et imposant d'ambassadrices en exercice. Si on se rattrapait à la sortie, par exemple, je vous le laisse a penser!

Les autres, avec leurs amoureux présents, passés et futurs, se répandaient dans les petits théâtres, fréquentes alors assidûment par les eiegants, qui y régnaient sans partage et où l'on était sûr, pour pou que l'on fût lancé dans la grande vie, de rencontrer vingt personnes do connaissance. Elles y occupaient habituellement les avant-scènes, d'un prix, il faut le dire, très abordable – on les avait pour trente francs – et s'y livraient, sans contrainte, en compagnie do toute une bande joyeuse, a des ébats d'une franche gaieté, parfois même d'une expansion et d'un sans-gène un peu bruyants.

Le plus souvent, le public, très bon enfant, très bien disposé pour les viveurs de marque et leurs compagnes, très accoutumé à leur voir faire la loi, très en veine de rire, s'amusait franchement de cette aimable désinvolture et se mêlait, a l'occasion, au boucan avec un entrain et une verve drolatiques qui n'avaient rien d'hostile; au contraire.

Je me souviens, qu'un soir, aux Variétés, un mien ami, qui venait d'entrer dans la lune de miel avec une très jolie nllo et qui avait le diable au corps, l'embrassait carrément sur lo devant de la loge toutes les cinq minutes. Au bout d'une demi-heure de ce manège, la salle s'en aperçut


et se mit à crier comme un seul homme « Assez I assez! assez 1. » Sur quoi, !o coupable se lova, salua gravement les spectateurs et se rassit au milieu d'un tonnerre d'applaudissements. Une autre fois, c'était au Chatoiot, où l'on jouait je no sais plus quelle féerie un jeune soigneur, très connu et légèrement ému par un superflu de vin de Champagne, était dans l'avantscèno la plus rapprochée des coulisses, avec quelques copains et trois beautés plutôt tapageuses, qui attiraient fortement l'attention da la galène. S'étant aperçu que les feux follets qui passaient et repassaient constamment a portée do son bras étaient suspendus à des nls do fer, notre homme, poursuivi par une do ces idées fixes, machinales et irrésistibles dos pochards, se mit a les accrocher avec sa canne & bec do corbin et a les attirer dans la loge il mesure qu'ils paraissaient. Hilarité du parterre, exclamations, apostrophes, tumulte indescriptible, suspension de la représentation et, finalement, intervention du commissaire de police, ceint de son écharpe, qui veut emmener le perturbateur au poste. Celui-ci se débat, pérore, blague le commissaire et parle à la foule, qui s'insurge, prend sa défense et. force l'ofticier de paix, plus disposé lui-même à rire qu'a se fâcher, à le laisser tranquille.

Il y avait, pourtant, des cas et des endroits où la masse de l'auditoire se montrait moins accom-


modanto et où les raffines avaient maille & partir avec elle. Mais nous n'en étions pas à une ha~arro près, et nous trouvions môme assez drôle do nous y exposer, sachant bien qu'il n'en résulterait rion d'irréparable.

Ainsi, un beau soir quo nous avions ou, un (!o moa amis intimes et moi, après un dinor on ville, la singulière id6o docond'nt'o al'Odeon, en habit ot cravate blanche, doux h6t')n'os do la plus belle eau, paréos comme dos chasses, nous pensâmes (ont simplement être roués de coups.

NatureUomont, nous n'écoutions pas la pièce c'était, je crois, du Racine et nous causions haut dans la logo absolument comme choi! nous. Le pub!io do l'ot'oheatro et du balcon, entièrement composé d'étudiants du quartier Latin, commence & nous chuter nous ripostons, nous nous prenons do bec avec les plus rapproches on nous menace, noua menaçons. Bref, la'salle entièro so love, vocifère on nous montrant le poing et se prépare a ao ruer sur nous pendant l'entr'acto.

Heureusement, le rideau venait seulement do achever. Nous prenons nos femmes, nos manteaux et nous n)ons vora ie boulevard, joyeux, frétillants, triomphants et ravis d'avoir une aven. turc à raconter. Il n'était que temps 1. Après le théâtre, les couples les plus brillants et les plus a la mode se réunissaient au Café Anglais, dans un vaste cabinet retenu & poste uxe par la


coterie prépondérante ot qui s'appelait, qui s'appe!lo encore, jo crois, le G?ra~ SoMO. L& arri' vaient successivomont, dans Io courant da l'arriero-soiree, accompagnes ou seuls, selon los jours et les busards do la bamboche ou du bacoa< rat, tout co qu'il y avait dans Paris da jeunes soigneurs bien posën, faisant la noce avec chic. On y était complôtomont cbox soi, pour ainsi diro on famillo, sans la moindre promiacuitô trivialo, gênante ou ennuyeuse, sans s'exposer jamais a coudoyer do3~o~p!)M ou des inconnus, avec des femmes choisies, en nombre restreint, que l'on aimait, quo l'on avait aimeos ou que l'on aimerait, que l'on; traitait en camarades et qui, n'ayant, vis-a-vis des habitues, aucun besoin do jouer la comédie, aucune arriero-ponsôo do levago obligatoire, se montraient naturelles, enjouées, bonnos nilos, trôs chattes, trôs capiteusos, très lascives aussi par instants et d'un entrain vertiginoux.

Aussi menait-on joyeuse vie dans ce G)'a~ Seize, illuminé jusqu'au matin ot sur lequel les bourgeois attardes jetaient, en passant sur le boulevard, un regard do stupéfaction et do convoitise. Le piano, qui était devenu un chaudron il force de bouteilles d'oau-do-vio et do curaçao qu'on avait jetées dedans – divertissement pou spirituel peut-être, mais qui indiquo lo diapason auquel on était monté alternait avec les con* veraetions et les potins, les traits d'esprit, los


propos légers, les. entrelacements plus que familiers, les apartés folichons.

De temps à autre, une de ces dames, ordinairement une débutante, laissait errer ses mains potelées sur tes touches d'ivoire et jouait. invariablement, les Cloches du monastère, le morceau de prédilection, le cheval de bataille agaçant et monotone de toutes les pensionnaires et de toutes les dégrafées, ce qui soulevait des hurlements dans l'assistance.

On soupait assez sobrement, en général le beau sexe ne poussant pas Il la consommation chacun pour soi, d~une façon recherchée, en sybarites; mais on buvait force champagne et, sur le coup de deux heures du matin, les imaginations étaient, d'habitude, prodigieusement échauffées.

C'est alors que disparaissaient, souvent sans être remarqués, les amoureux pressés ou surveillés et qu'ils faisaient, dans les cabinets voisins, des fugues qui n'avaient rien de platonique.

A ce moment psychologique, l'abandon était complet. On assistait quelquefois à des scènes épiques, à des dialogues fantastiques, à des petites comédies d'un naturalisme abracadabrant. J'ai vu, une nuit, une odalisque sans préjugés, qui menait un train phénoménal, qui ne comptait plus ses conquêtes et qui les traitait volontiers, dans la lune rousse, de Turc à More, arriver avec


ses deux amants attelés de front, dont l'un, comme toujours, était préféré. Puis, celui-ci, qui avait dix-huit ans, ayant dû partir pour rentrer dans sa famille, se rapprocher de l'autre, & qui elle n'avait pas, jusque-là, adresse la parole et lui dire froidement

Tu sais qu'il me faut vingt mille francs pour demain soir!

A quoi le malheureux avait répliqué tristement

– Je ne les ai pas; mais j9 les trouverai, tu peux y compter.

EUe se roula, d'un air ennuyé et écœure, en sa présence sur le canapé en grommelant entre ses dents, mais de façon à être entendue

– C'est tout de môme dur d'être obligée de. se donner à un animal comme celui'Ià pour de l'argent!

A la porto du cabaret, au bas do l'cscaliot, dans la rue, se tenait Isabelle, la bouquetière du Jockey-Club, dans son costume professionnel, aux couleurs du gagnant du Derby de l'année précédente. On lui disait un mot en entrant, on la lutinait un brin quand on était de bonne humeur et on lui commandait des fleurs pour le lendemain. Ah 1 elle en a su long, Isabelle, et elle pourrait écrire des mémoires intéressants! Sans parler de tout l'or qui est entré dans ses poches et qui, malheureusement, n'y est pas resté.


A peine avait-on gravi les marches du premier eta~-o et ponëtrait-on dans le péristyle, qu'on était reçu pnr Ernest, le fameux Ernest, le seul, l'inimitable, lu correct et fashionable Ernest, la perle des maîtres d'hôtel.

Ernest, qui y a-t-il au seize?

– Personne encore, monsieur.

– Comment personne?

-– Je veux dire que ces Dawes et ces MossMM~ no sont pas encore arriva. Il n'y a que M. doX. avec les deux petites dames do l'autre soir. Monsieur sait de qui je veux parler.

– Madame B. a-t-eUo dine ici ce soir? – Je no sais pas, monsieur.

– Vous n'avez pas vu madame C. P. et le baron do B.?

Je n'ai vu personne, monsieur.

Une figure quo cet Ernest, un typo unique et disparu, un parfait modèle de tenue, do serviabilitô respectueuse et distinguée, do discrétion et do Hncsse; rappelant, par bien des côtés, les intondants do l'ancien régime, a la fois familier. et déférents, cérémonieux et sceptiques. Grand, bellâtre, bien tourne, aux épaules carrées, a la physionomie impassible, il l'air doux et prétentieux, il connaissait a fond tous ses clients, toutes ses clientes surtout, pénétrait, sans so déranger et par état, dans les profondeurs do leur vie privée, savait par cœur toutes leurs intrigues, toutes leurs histoires, [tous leurs ennuis


et jouait, ou somme, un assez grand rôle dans les coulisses de la galanterie et do ta haute noce. On prétendait qu'il avait pas mal do bonnes fortunes et que quelquos-uues dos déesses qui trônaient dans son olympe lui octroyaient, il leurs moments perdus, gracieusement leurs faveurs. Je n'en serais point surprix.

Il était, on tout cas, leur confident, parfois !eur conseiller et il on est plus d'une & qui il a rendu do très réels services. I! se trouvait jusqu'à drs femmes du monde qui lui témoignaient une connanco nattcuso ot avaient recours t1 ses bons oMces. La superbe comtesso C.O, qui révolutionna pour un temps la cour et la vi!)o, babit; pendant des mois, un petit appartement au-dessus du Café Anglais et no voulut être servie que par Ernest, qui était devenu son factotum.

Parmi les habituées du Grand Scïze, il on est quatre ou cinq qui y étaient particulièrement assidues, qui on avaient fait, on quelque sorte, leur salon et leur club et qui méritent une mention spéciale.

Outre celles dont j'ai déjà parlù, toiles que Uarucci, Catinetto, etc. on y rencontrait, d'abord, de fondation, Anna Délion, une splendide, opulente et excellento.fillo, qui non seulement y venait le soir, mais y dinait encore a peu prés tous les jours et avait de longues conférences avec Ernest, d'où sont sorties los pommes de .<en'a yl~a, mets succulent et depuis très


recherche, pour lequel Ducléré, propriétaire du Café Anglais, n'hésita pas à faire un appareil spécial, aujourd'hui en possession de M. Ronoul, le sympathique libraire du boulevard Montmartre. On l'avait surnommée Marie-Antoinette, cette bonne Anna, à cause de la ressemblance frappante de son profil avec celui de la Reine. Belle a miracle, elle l'était assurément; grande, brune, bien campée, d'un léger embonpoint qui stimulait le désir, une peau mate d'une blancheur ëcla.tante, de beaux yeux lascifs, de jolies mains, do jolis pieds, une expression nonchalante et créole pleine de charme et de séduction.

Ce qui l'avait mise en évidence c'était sa liaison connue et aMchëe avec une altesse impériale d'une haute valeur et d'un grand relief, qui en fut fort amoureux, bien que les facultés intellectuelles de son objet fussent terriblement loin do répondre aux siennes.

Elle eut un luxe foudroyant, une vogue inouïe, autant d'amis presque que d'amants et elle mourut ruinée, dénuée de tout, dans un petit appartement de la rue Taitbout, auquel quelques meubles somptueux, épaves navrantes de son ancienne sp!ehdeur, donnaient un aspect luxe et misère qui serrait le cœur.

Un autre pilier du cabinet infernal c'était l'inexplicable Cora Pearl (en langage vulgaire Emma Chruch). J'avoue humblement que c'est là un succès que je n'ai jamais compris, qu'il faut


bien constater, puisqu'il a existé, mais que rien ne justifie. Pour moi, ello fait tache dans le groupe etincela~t, rafMnô et aristocratique, a tout prendre, des femmes galantes do son époque, dont elle différait absolument sous tous les rapports. Ce fut une individualité à part, un spécimen d'uno autre race, un phénomène bizarre et étonnant. Et c'est, peut-être, ce qui explique sa notoriété, ce qui a été cause do son prestige. Anglaise de naissance, de caractère et d'allures, elle avait la tête d'une ouvrière de la Cité, ni bien ni mal, des cheveux d'un blond ardent, presque rouge, un accent vulgaire et insupportable, un voix rauque, des manières excessivement canailles et un ton de valet d'écurie. Mais elle montait fort bien & cheval et ses admirateurs assuraient qu'elle était faite au moule, que son corps était une merveille. Je conviens qu'il y avait du vrai dans cette opinion car 11 m'a été donné de l'apercevoir, comme les camarades, dans le costume d'Eve avant le péché, ce qu'elle affectionnait et ce qui était souvent une façon a elle de se mettre en robe de chambre pour recevoir ses visites.

Cora menait ses amants a la cravache et ne se gênait guère pour les apostropher en public par les propos les plus violents et les plus désobligeants. Elle ne les ménageait en rien et pour rien et leur rendait la vie très dure. A telle enseigne qu'un des premiers celui peut-être


qu'elle a le moins brimé qui avait quinze ans a peine révolus, lui dit un jour, écœure Toi, tu auras servi à mo dégoûter des femmes Ce qui n'empêche pas qu'elle a tralné derrière son char des princes du sang, dont l'un – un futur roi, s'il vous plait lui fit présent d'un collier do perles d'un prix phénoménal; des grands seigneurs du plus haut rang, dos jeunes gens très courus, des hommes de valeur de tout acabit –quel attrait caché, quel philtre secrot pouvait-elle bien avoir? qu'elle a mené, pendant vingt ans, un train a dépenser cinquante mille francs par mois; qu'elle a ou des bijoux, des toilettes, des équipages a nul autre pareils, qu'elle a ahuri et ébouriffé Paris.

C'était unbourroau d'argentot, pourtant, on prévoyante fille d'Albion qu'elle était, elle avait do l'ordro, beaucoup d'ordre. Nous avons découvert un jour chez elle un registre mirobolant, divisé en troiscolonnes. Dans l'une étaient inscrits les noms de ses clients, des noms connus ot amis pour la plupart, dans l'autre, et en regard do chacun d'eux, ladato de leur. séjour; dans la troisième. la somme versée par le pèlerin pour prix de l'hos. pitalité reçue. Trois noms seulement ne portaient que la mention de la date; la case de la recette était restée en blanc. J'ai comme un soupçon que ces trois joyeux farceurs ont eu, par la suite, du H! à retordre.

Il y avait même. Dieu me pardonne, dans


le fatal registre, une colonne d'observations. Pas aimables pour tout le monde, les observations 1. En 1866, sur le conseil d'amis trop enthousiastes, elle s'avisa do débuter aux Bounes dans le rôle de l'Amour, d'Or~~o fn<~ cn/crs. Le 27 janvier, la salle était comble. Tout Paris s'était donné rendoz-vous a cette prewtôt'o la curiositô était vivement suroxcitùo. Ello parut presque nue, constellée do diamants et eut, d'abord, un certain succès plastique. Mais lorsqu'elle se mit a chanter « Je suis A'onpï(7o~ » avec accompagnement de gestes inénarrables, les sifflots éclatèrent do toutes parts et elle dut renoncer a co genre d'exercice.

Ce fut son Waterloo. A partir do ce moment, malgré do nouveaux et retentissants exploits amoureux, mnlgr6 la passion fullo qu'eDo inspira il un bravo garçon qui essaya de se tuer pour elle, malgré l'expulsion qui s'ensuivit, malgré lit réclame, elle alla toujours on déclinant et finit par tomber dans le discrédit et le ridicule. On no la voyait plus que, de temps a autre, fardée, maquillée, mal attifée, ressemblant à une vieille caricature enluminéo. Ce qui lui attira un jour, en guise d'oraison funèbre, de la part de son ancienne amie Emilie Williams, avec qui elle s'était brouillée, cette épigrammo sanglante Va donc, vieux clown 1

Pou après, elle disparaissait radicalement de la circulation.



v

Apparition d'une nouvelle couohe do viveurs. Lo Stœ de la Maison Dorée. Sa physionomie. – Origine do l'oxpression pose)' tin ff~< Les habituées du Sf.c. Carolino Le'csaier. Cellarins et Labordo. – Carotino Haase. Admirable trait de dévouement :do Cora Pearl. – Chez Markowski.I.<)!e< de JtfM<6o!H'Me<. Réception? naturalistes. Le faux sourd ou le beau sexe mystifié. Bats costumes aux .F~'cs P<'OMHC/)Ma).MabiHo. Les étoites du cancan. – t.o cbatenu des Fleura. Le bal MoreL

Dans les trois dernières années de l'Empire, le Grand Seize avait beaucoup perdu de sa vogue et était a peu près complètement délaisse. La brillante génération des coco~a, des viveurs de la grande période, s'était considérablement émiettée. Les uns, fatigues du demimonde, qui n'avait plus -de secrets pour eux, s'étaient réfugiés dans le vrai, où l'on s'amusait plus que jamais les autres s'étaient mariés i quelques-uns, bêlas! 1 et non des moins endia-


blés, étaient morts sur la brèche. Une couche nouvelle do jeunes seigneurs, très ardonts, très élégants eux aussi, apparaissait à la surface et se juxtaposait à l'ancienne.

Mais, la cohésion, l'ensemble, l'unité, commençaient a disparaitre et il y eut comme une cassure, comme un court temps d'arrêt, pondant loquelle groupement changea, les vieilles habitudes se modifièrent légèrement.

Une coterie, formée do ce qu'il y avait de plus sc~ec< et de plus fringant parmi les jeunes et de plus résistant, de plus opiniâtre, do plus épicurien, parmi leurs devanciers, établit son quartier général nocturne au cabinet numéro six do la Maison Dor~e et y continua, avec des variantes, les traditions du Gra)~ <Sa:.?o.

Moins animé, moins suivi, moins homogène et moins intime que son ascendant du Café Anglais, le Six do la maison d'Or était, pourtant, le rendez-vous de l'élite masculine des coryphées de la grande vie, auxquels s'adjoignaient déjà insensiblement quelques individualités sympathiques et bien choisies d'une catégorie jusquela mo~ns haut perchée et moins en évidence. Les étoiles de la galanterie, les grandes cocottes, n'y venaient point, comme chez Ernest, d'une façon assidue et régulière. Elles n'y paraissaient que de loin en loin, par occasion et presque toujours sous la conduite et la protection de leura amoureux on titre.


Trois ou quatre femmes, encore assez ouaceos, cherchant & percer, d'un niveau moyen, d'une espèce qui germait à peine, telles que ~ado~O!"ssHo PuyJc.Ct'Jc)/, ?nndowo!se~e BoM~o do Gom~o et une ou deux autres formaient le noyau de ce cénacle, en somme assez ouvert. Pour le reste, c'était au petit bonheur, au hasard de la maraude tantôt exquis, tantôt moins bien; le plus souvent d'un panache extraordinaire. L'institution se démocratisait.

On allait et on venait continuellement, on y passait on sortant du bal ou en s'y rendant. Cola ressemblait une lanterne magique étourdissanté que surveillait le Hdcio Joseph, un maître d'hôtel fùto, actif et ompressé, qui était à Ernest co que M. de Moltke est a Napoléon, et dont les tableaux se renouvelaient plusieurs fois dans l'arriôro-soiroo.

Tous les potins, toutes les anecdotes, toutes les nouvelles a sensation y afQuaiont. On y bavardait, on y faisait dos mots, on s'y querellait aussi volontiers on y soupait sans desemparer, on y. courtisait ces dames sans la moindre retenue. Mais dire qu'on s'y amusait follement serait peut-dtre exagéré. La décadence common.çait il poindre.

C'est, cependant, là qu'a pris naissance le lapin, le fameux lapin, qui a fait fortune depuis etdontle high-life du temps présent, qui le mot inconsciemment à toutes les sauces, ignore,


sans doute, l'origine. Un jeune coureur de ma connaissance en fut l'inventeur et voici comment Ayant obtenu les faveurs d'une momentanée et néglige de lui en témoigner sa reconnaissance par un envoi solide, il eut l'idée géniale, après une chasse aux environs de Paris, do lui expédier, dans une bourriche, un superbe lapin, soigneusement empaqueté. Le soir, à la Maison d'Or, tout fier de son exploit, il dit à ses amis – Ah vous savez, une telle, à qui je n'avais rien donné Je lui ai posd un lapin. Et il raconta l'histoire. Elle eut un succès fou. L'exemple fut suivi et l'expression adoptée par un petit clan de fashionablos qui furent longtemps seuls & l'employer et a la comprendre. Puis, faute d'avoir été brevetée, elle tomba dans le domaine public, se généralisa, prit un sens plus étendu et, aujourd'hui, il est bien peu de femmes du monde, même les plus naïves et les plus bégueules, je n'irai pas jusqu'à dire qui l'emploient, mais qui ne sachent parfaitement ce qu'elle signine. Que celle qui est absolument sûre de l'ignorer me jette la première pierre. Au premier rang des irrégulières de haute marque, qui fréquentaient, & bâtons rompus et dûment chaperonnées, le Six do la Maison d'Or, il faut placer Caroline Letessier, une grande, belle, intelligente et séduisante nlle, aux traits réguliers et fins, à la tournure tout particulièrement distinguée.


CORA PEARL


Elle avait débuté, à Turin, au théâtre français, sous les auspices d'un aimable diplomate et, bien qu'étant à cette époque un peu grêle, un peu mince, un peu fluette, elle avait eu, dans la capitale du Piémont, un très grand succès d'esprit et de beauté. Je la vois encore en débardeur, à un bal masqué du théâtre Meynadier, assise sur la balustrade d'une loge, interpellant à tort et à travers les arrivants et égayant la petite fête, assez terne du reste, par sa verve intarissable. Admise, avec Honorine et Émilie Keller, aux soupers intimes du prince de Carignan, elle était très courtisée par les jeunes gens du corps diplomatique et de l'aristocratie turinoise, très élégante déjà et, relativement, calée. On l'appelait, alors, familièrement Bibi je n'ai jamais trop su pourquoi.

Débarquée à Paris quelques années plus tard, remplumée, potelée, embellie, en plein épanouie.sement, elle fut bien vite remarquée, à la mode, cataloguée parmi les plus chic et les plus étincelantes. Elle eut des triomphes enviables, à ses pieds des cavaliers accomplis et très demandés elle alluma des passions violentes, dont une, quoique entrecoupée d'émotions, sujette à des soubresauts, témoigna d'une constance peu commune et ne contribua pas médiocrement à sa vogue et à son prestige.

Son règne fut éclatant, mais de courte durée. Elle passa comme un météore, disparut un beau


matin sans tambour ni trompette, et j'ignore ce qu'elle est devenue.

Deux fois par semaine environ, au lieu d'aller au spectacle, les grandes cocottes et leurs attentifs ordinaires se transportaient tout tranquillement, après un diner plus ou moins prolongé, tantôt chez Cellarius, tantôt chez Laborde. Ces deux industriels tenaient, l'un dans le passage de l'Opéra, l'autre dans une des rues voisines du boulevard, un cours do danse qui, dans la journée, était suivi par des jeunes nlles comme jl faut, par des femmes do qualité, par d'honnêtes bourgeois et qui, dans la soirée, certains soirs détermines surtout, devenait la propriété, le centre do réunion des demi-mondaines de haute vol6e.

Une salle basse de plafond, ornée de quelques glaces, entourée do divans d'une simplicité plus que bourgeoise et pouvant contenir au maximum une vingtaine de personnes, un éclairage rudimentaire, tel était le local de Cellarius et de Laborde.

On y passait, généralement, une heure ou deux ces dames, en toilette de ville d'une simplicité voulue. On y dansait modérément, correctement et décemment mais on y flirtait à bouche que veux-tu. On y voyait poindre, de temps à autre, des minois inconnus, des silhouettes juvéniles un peu intimidées. C'étaient des nouvelles, des premiers rôles du lendemain, qui, d'habi-


tude, commençaient par se produira sur cotto scène restreinte et y risquaient leurs premiers pas.

Un soir, il m'en souvient comme si c'était hier, j'aviso, en arrivant chez Cellarius, une splendide créature a l'épaisse chevelure dorée, aux formes plantureuses grande, belle personne, rieuse, avenante, resplendissante do fraîcheur, de jeunesse et do luxure. J'ai nommé Caroline IIassô.

Elle était vêtue d'une robe foncée, assez fruste, lui allant mal et contrastant singulièrement avec le.- ajustements irréprochables d'élégance do ses voisines. Une do ses manchettes veuve de bouton –j'ai retenu ce détail semblait indiquer qu'elle ne nageait point dans l'opulence. Et, malgré cela, malgré un accent alsacien on ne peut plus prononce, ello était ravissante et désirable. Je ne me rassasiais pas de la regarder, do l'admirer et, a part moi, je me disais: « En voilà une qui fera son chemin »

Un mois après, en effet, on la voyait au Bois, nonchalamment étendue dans une calèche jaune, admirablement tenue mise a ravir, respirant le contentement, la prospérité, le luxe cossu ot attirant tous les regards. La chance avait voulu qu'elle rencontrât Taniel, lequel s'était vigoureusement épris de ses charmes, l'avait noucbôo sur un lit de roses, de diamants et de billets de banque et ne paraissait nullement se préparer, à IÍ'- -»..


cette époque, au genre de célébrité qu'il a eu depuis.

Il l'avait mise do suite sur un très grand pied, au niveau des plus luxueuses et des plus en vue, et je ne sache pas qu'a partir du jour où on l'a juchée sur ce piédestal, elle en soit jamais descendue, même accidentellement. Elle a marché de conquête en conquête et a passablement fait parler d'elle. Son appartement de la rue de Pon. thieu, où elle habitait la même maison que Cora Pcarl, a été témoin de drames intimes très émouvants et, finalement, il a brûlé. Le hasard m'avait fait passer par là au moment de Fincendie. J'entre dans la cour pour voir ce qui se passe, et qu'est-ce que j'aperçois? Cora à la fenêtre, en chemise, criant de toutes ses forces à ses hommes d'écurie « Le premier qui porte un seau d'eau chez la v.e d'en haut je le f. à la porte! »

Ces objurgations charitables n'empêchèrent point, fort heureusement, le feu d'être éteint, et la belle Caroline d'en sortir saine et sauve. Si bien qu'à l'heure qu'il est, elle habite, je crois, le Midi très heureuse, très gaie, très entrain et étonnamment bien conservée, à ce qu'on assure. Les soirs où l'on était occupé et en veine de faire la fête, on envahissait en nombre le bal Mar. kowski, situé rue Cadet. Celui-là était un bastringue ordinaire, comme Valentino, fréquenté habituellement par le menu fretin, mais d'un


ordre un peu plus relevé que ses pareils; plus élégant, mieux tenu, moins cohue et où il n'était pas rare qu'on fit la rencontre de quelques dames cocottes do la plus haute distinction. Il y en avait d'aucunes qui adoraient y aller & l'improviste et y faire l'école buissonniere.

Beaucoup de bals privés aussi chez ces dames, d'un luxe merveilleux, d'un entrain fou et d'une saveur rare. Pendant toute une période, qui dura trois hivers, l'une des plus opulentes et des plus répandues, qui habitait l'avenue des ChampsElysées, offrit à ses amis des deux sexes des réceptions périodiques d'une originalité fantastique et d'un charme inédit. Sa maison, toujours ouverte, s'appelait, entre initiés, l'/t<Me! de Ra)M.bouillet.

Hommes et femmes n'y étaient admis que sur la constatation de. leur nudité, dépouillée de voile et de tout artifice: costume de rigueur, consigne inexorable ne souffrant aucune exception. C'est assez dire le ton qui y régnait et les folies auxquelles se livraient les invités, que l'absence complète de feuille de vigne rendait, naturellement, très communicatifs. Il n'est pas de farces, de gaudrioles, de gamineries, de mystifications que les boute-en-train de la bande n'inventassent sans discontinuer. C'était un fou rire perpétuel, une bacchanale abracadabrante. Un de ces joyeux compères, entre autres, avait imaginé un truc des plus amusants.

A


H se faisait passer pour sourd auprès du sexe ennemi, qui, d'abord un pou défiant, unissait par donner, tête l'ais-'éo, dans lo panneau. On avait beau le soumettre aux éprouves les plus terribles et les plus décisives, lui casser, au moment où il s'y attendait le moin: dos piles d'assiettes sons le nez, essayer de le pincer en flagrant. délit de supercherie rien no réussissait. Il restait impassib!e et ne bronchait jamais. Si bien que son inurmité était chose acquise et consacrée.

Il en résultait que les belles petites ne se gênaient point pour échanger ingénument et paisiblement leurs confidences devant lui Ah tu peux parler, va! Il n'entend rien. Pauvre sourd A son âge c'est triste tout do même 1

Elles conversations féminines, les confidences sur le sexe mille, les secrets d'alcôve de se donner un libre cours et do s'étendre avec complaisance.

On juge do tout ce que le faux sourd entendait, de tout ce qu'il avait ensuite à raconter aux camarades et do l'explosion do fureur qui l'accueillit lorsqu'il avoua, froidement, un beau jour, que sa surdité était simulée, que même il avait l'oreille très Une. Les femmes voulaient le lapider. Elles l'accablèrent de reproches et d'in'vectives sur le moment; mais ne lui gardèrent pas rancune longtemps. C'était trop bien joue.


Par surcroît, la saison d'hiver demi-mondaine se terminait, généralement, trùa brillamment par un ou deux bals masques organises aux 7<M Pt'oue~çan~, où la tradition et la routine voulaient que les élégants donnassent toutes leurs fêtes.

Ces bals, très pou nombreux, puisqu'ils n'étaient composés que do la coterie formée et exclusive dea viveurs omeritos, superlativement chic et do la fleur do lit haute bicherio, avaient un ça. ractere intime d'un fashionable suprême et d'un grand attrait.

Tout le monde y était déguise les femmes, toutes voiles dehors, aussi paréos, aussi pimpantes qu'il était en leur pouvoir les hommes, en costumes bizarres, burlesques et amusants, souvent très réussis et très artistiques, toujours drôlos etsans prétentions. Celui qui aurait entrepris de faire des effets do torse eût été honni et conspuô. Il serait tombe dans le ridicule et no s'en serait jamais relevé.

Comme on était entre gens du môme monde, entre amis, sans un intrus, sans un gêneur, la pose était entièrement bannie do ces réunions, la fantaisie régnait sur toute la ligne et on s'y esbaudissait a qui mieux mieux en pleine liberté. On y dansait un cancan cchevele, que plusieurs d'entre nous exécutaient avec un talent des plus remarquables, et on rentrait chez soi, a neuf -heures du matin, défrise, les vêtements en dé-


sordre, dans un état de surexcitation et de trouble cérébral à consterner et ahurir, à leur petit lever, les honnêtes familles.

A l'apparition du printemps, Mabille et le Châ. teau des Fleurs ouvraient leurs portes à deux battants et devenaient alternativement – un soir l'un, un soir l'autre – le point de concentration de l'aristocratie demi-mondaine.

Mabille avait le pompon. Un joli jardin, très soigné, pas trop grand, commodément agencé d'un abord facile, puisqu'il était situé avenue Montaigne, et d'une incomparable animation voila l'endroit. Avec cela, des célébrités chorégraphiques très intéressantes et assez relovées, si on les compare à celles qui leur ont succédé des conversations bruyantes, des éclats de rire, des épisodes comiques, des toilettes resplendissantes.

Devant le grand hall couvert, où l'on dansait les jours d'orage, dans le coin se~eet et réservé, l'escadron volant des grandes cocottes, en masse compacte et ne bougeant guère que pour faire une courte promenade au bras d'un étourdissant cocons.

Autour de l'orchestre, Rigolboche, Alice la Provençale et les autres, avec leurs cavaliers, dansant le cancan, le vrai cancan, le cancan classique, spirituel, sobre, lascif et etfrontô sans être vulgaire, bien parisien et qui n'avait rien de commun, entre parenthèses, avec la gymnas-


tique outrée, disgracieuse et nans rogio aucune qu'on lui a substituée aujourd'hui.

La reine du chahut était Rigolboche, une personnalité très curieuse, très originale, qui a ou son heure de grande vogue, qui a fait époque dans les annales do la vie galante et avec laquelle s'est éteinte une variété de demoiselles qu'elle incarnait.

Elle était ft-anchement laide, avait une tête de morte, une voix de rogomme, un parler d'un réalisme enrayant, mais énormément d'esprit, une verve intarissable et un corps d'une rarissime perfection de formes. Elle menait grand train, possédait des diamants mirobolants, prenait ses amants dans le clan le plus en évidence et marchait de pair avec les horizontales de grande envergure quitte à s'oublier par-ci, par-la dans le ruisseau, par entrainement ou nécessité professionnels. Rien de la Goulue ni de Grille d'J~o~. Quant au Château des F~eMra, qui s'élevait aux Champs-Elysées, vers l'emplacement occupé actuellement par le quartier Marbeuf, c'était la reproduction estompée et affaiblie de Mabille. Il a disparu le premier.

J'allais oublier le bal More!, un bal populaire, une fête foraine, à cinquante centimes d'entrée, pour les ~s, les petites ouvrières, les cuisinières, les cochers, et qui avait lieu le 15 août, à l'abri d'une tente improvisée, sur l'esplanade des Invalides. Il était de tradition constante que


les patriciennes do la galanterie, restées à Paris, s'y rendissent en ~risettes, escortées do leurs sigisboos les plus fidèles et los plus allants. Elles n'auraient manque, a aucun prix, cette bonne aubaine et s'amusaient, cette nuit-là, comme des ecoliôres en vacances.

J'imagine quo la haute noce fin de siècle mépriserait profondément un sport aussi primitif!


V!

Les demi-castors. Une coterie de demi-castors. Madame Musard. Ses débuts. Une maison très gaie. – Equipage improvisé. – L'entrevue do Hado. Do l'influence d'un paquet d'actions sur une existence. –Luoy de KauUa. – Un magasin de modes, à Saint-Pétersbourg. Vieux ministre et femme remuante. – Anna Mikaens.

On sait ce que c'est que les domi-castor& des amphibies, moitiô femmes du monde et'moitié cocottes; ayant des premières l'étiquette et les prétentions des autres, les mœurs légères, la nature. les procédés et. l'absence do préjugés. Pendant les belles années du second empire, il on existait, outre les isolées, une petite bande très compacte, très répandue, très lancée, composée d'une demi-douzaine de femmes, séduisantes, spirituelles, rouées, vivant dans une étroite intimité, formant coterie, courant perpe<tuellement les aventures, allant au bal' de -l'Opéra, aux redoutes d'Arsène Houssaye, par-


tout où il y avait de la coquetterie à dépenser et des hommes a entortiller, et ayant conservé, malgré cela, quelques liens avec la société à laquelle elles appartenaient par leur naissance et leur situation.

Elles avaient jeté leur bonnet par-dessus les moulins, changeaient d'amant comme de toilette, menaient une vie do polichinelle, faisaient une fête échevelée, intriguaient sans désemparer, et étaient connues de tous les viveurs, qui les fréquentaient en catimini et se livraient, parfois, en leur compagnie, à des débordements inimaginables.

On écrirait des volumes sur les parties unes inventées par ces dames, qui étaient douées d'une imagination extraordinaire, qui possédaient, dans un quartier lointain, une Tour de JVea!e où il se passait des scènes dignes des Romaines de la décadence, et qui n'avaient pas de rivales dans l'art de stimuler le désir, de perfectionner l'amour charnel.

Ma. 9, comme elles gardaient certains ménageB&aï!ts, comme elles se rattachaient, qui a une Emilie, qui a un milieu leur permettant de sauver, jusqu'à un certain point, les apparences comme elles. vivaient, pour la plupart, dans un intérieur respectable et continuaient, aux yeux du public, à faire partie du vrai monde, je n'ai point à m'en occuper ici.

Ce dont je veux parler, c'est des demi-mon-


daines célèbres ayant partagé les triomphes bruyants, l'existence nettement tranchée des grandes cocottes, avec lesquelles on Jes a souvent confondues et qui, soit par un mariage avoué et affiché, présent ou passé, soit par la supériorité de leur origine, de leur éducation et de leur niveau, forment une caste à part et doivent être rangées dans la catégorie des demicastors.

Do ce nombre, et en toute première ligne, est la fameuse madame Musard, qui a tant défrayé la chronique et qui a émerveillé Paris du luxe et de la perfection de ses équipages.

Une brume épaisse couvre ses débuts. Sa patrie était l'Amérique, où elle végétait dans la médiocrité, lorsqu'un beau jour, le hasard, le besoin de chercher fortune aussi peut-être, firent débar.quer dans la ville qu'elle habitait le Ris du renommé chef d'orchestre parisien.

Elle était jolie, très intelligente, s'assimilait tout avec une surprenante facilité, quoique d'une extraction plus que bourgeoise parlait couramment le français et sentait en elle de vagues aspirations à élargir son horizon. Monsieur Musard la voit, s'en éprend, comme de juste, follement, lui fait la cour et l'épouse.

Peu après, elle vient, avec son mari, à Paris, qui devait être le théâtre de sa prodigieuse carrière et s'installe, d'abord, modestement dans un petit appartement de la rue de Marignan.


Bien pauvrette, bien mesquine, cette première installation Le clinquant et le prétentieux s'y mêlent a la débine et au désordre tout y respire la gêne en même temps que l'ambition et l'osten.tation. Ce qui n'empêche pas, à ce qu'on assure, la belle locataire de recevoir de fréquentes visites masculines, de compter, dès le principe, de nombreux succès, et de s'amuser, sans marchander, aussi souvent que l'occasion s'en présente. La maison est d'une gaieté fantastique. Elle a, du reste, de quoi être gaie, car elle renferme trois ou quatre logements de garçon occupés par des jeunes seigneurs très à la mode, très en train, très enlevés, figurant au premier plan du Tout-Paris aristocratique et fashionable et ne demandant qu'à. se donner du bon temps. On pense si l'on rit, si' l'on festoie, si l'on s'agite, si l'on se retrouve aux bons endroits dans ce cara.vansérail de noceurs triés sur le volet, et si les relations de bon voisinage qui s'établissent entre eux et la débutante contribuent à la mettre en lumière et à la lancer.

Rien ne peut donner une idée de la physionomie pimpante et animée de l'immeuble privilégié de la rue de Marignan. C'était uno fête perpétuelle, un sabbat inin~rrompu, une suite d'épisodes scabreux sans cesse renouvelés. Mais le plus piquant de l'affaire, c'est que ce premier domicile de madame Musard et l'entourage qu'il lui procura, sans le moindre effort de sa part,


eurent sur sa destinée une influence considérable, peut-être même décisive et voici de quelle façon:

Une après-midi de printemps et sur le coup de deux heures, un des fringants ge~eMOM de la maison, qui occupait le rez-de-chaussée et qui achevait sa toilette pour sortir en cabriolet, voit tout à coup s'arrêter devant sa fenêtre un équipage criard aussi prétentieux que de mauvais goût, mal attelé, mal tenu et traîné par deux chevaux assez médiocres. Fort surpris de l'apparition inattendue de ce singulier carrosse, qui semblait tombé des nues, il l'examinait avec curiosité et faisait à part lui les réflexions les plus désobligeantes sur son propriétaire, lorsqu'il entend frapper discrètement à sa porte Peut-on, entrer? murmure une petite voix câline.

Certainement, répond le gentleman, qui a reconnu le timbre argentin de la jolie Américaine, sa voisine.

Et, sans plus tarder, il se précipite sur le verrou et introduit la visiteuse

C'est moi, dit celle-ci en s'installant dans un fauteuil avec une désinvolture parfaite moi, qui viens vous demander un conseil d'ami que vous ne me refuserez pas.

Vous savez bien que je n'ai rien à vous refuser.

– Eh bien, voilà vousvoyez cette voiture qui


stationne dans la rue? c'est la mienne. Je suis très novice en matière d'élégance hippique et je voudrais avoir votre avis sur l'attelage en possession duquel je suis entrée depuis ce matin et dont je vais me servir tout à l'heure pour la première fois. Regardez-le et dites-moi très franchement si vous le trouvez bien ou, dans le cas contraire, ce qu'il y aurait à y changer. Ma foi, j'avoue que vous m'embarrassez singulièrement. Je manque de la compétence voulue pour vous renseigner avec autorité. Mais, attendez donc. (se frappant le front comme quelqu'un à qui il vient une inspiration subite) j'ai un ami, qui demeure tout près d'ici et qui pourra vous guider plus sûrement que qui que ce so~t dans l'installation de votre équipage. Je cours chez lui et je vous l'amène.

Parfait allez vite je vous attends.

Et voilà notre homme qui vole chez l'ami en question, lequel n'était autre que le fameux comte G.y de L. T.r d. P.n, la fleur des dandys, l'arbitre incontesté du chic et de l'élégance, et l'un des deux ou trois cavaliers qui, ayant atteint leur apogée sous le règne de LouisPhilippe, continuaient à occuper Paris de leur étincelante personnalité.

Selon son habitude il était couché, car il ne se levait qu'entre cinq et six heures pour aller diner à huit au café Anglais, où chaque soir on le voyait trôner à une table réservée, lavant, l'une


après l'autre, de ses mains patriciennes et avec un imperturbable sérieux, les pièces de vaisselle et d'argenterie dont il se servait pour manger. C'est dire que l'ambassadeur extraordinaire de madame Musard ne fut pas sans éprouver d'abord quelques diffleultés dans l'accomplissement de sa mission. Il eut tomes les peines du monde à sa faire écouter et à arracher le comte à son sybaritisme invétéré. Mais l'éloquence et l'amitié, sans doute aussi la perspective entrevue d'être agréable à une jolie femme, triomphèrent de la paresse et firent si bien que M. de L. T.r d. P.n consentit à s'habiller à la hâte e. à suivre son ami.

On arrive bras dessus, bras dessous, chez ce dernier, où l'on se souvient qu'était restée la néophyte. On fait connaissance, on échange rapidement quelques compliments. Après quoi le comte, ayant jeté un coup d'oeil de connaisseur sur l'étonnante calèche soumise à son appréciation et esquissé un imperceptible sourire, prononce négligemment la sentence

– Mon Dieu, madame, il y a beaucoup à reprendre et à retoucher dans tout cela. Mais je n'ai pas sous la main ce qu'il faut pour exécuter, séance tenante, les modifications indispensables. Si vous voulez, demain, faites venir ici, à quatre heures, deux ou trois ouvriers carrossiers, avec leurs outils, de la peinture, des accessoires de rechange, et autant d'ouvriers selliers, je ferai


moi-môme une exception en votre faveur je me lèverai à trois heures et, en ma présence, d'après mes indications, tout sera mis au point en très peu de temps.

L'offre est acceptée, cela va sans dire, avec empressement, et le lendemain, à l'heure convenue, le grand écuyer improvisé, à la tète de son personnel technique, procède à la réfection complète de l'équipage de la beUe Yankee.

Il taille impitoyablement dans les harnais, supprime des cuivres, enlève un morceau de cuir par-ci, en rajoute un autre par-là; fait passer une couche de noir sur les parties trop voyantes du carrosse, rechampir le train avec des couleurs appropriées à l'onsemble, donner le coup de non et la touche élégante à tout. Si bien qu'en moins de trois heures il a mis sur pied un équipage très convenable, ayant bon air et qui, sans atteindre encore la perfection, – il s'en fallait, devait être le précurseur de ceux qui épatèrent ensuite les populations.

Ceux-là ne vinrent que pas mal plus tard, avec la fortune, avec l'opulence, qui tomba du ciel de la manière la plus inattendue et la plus romanesque.

Ce fut un voyage ù Bade, déplacement fort & la mode en ce temps-là, qui changea la face des choses et nt couler le Pactole aux pieds do madame Musard.

Elle rencontra dans ce lieu de délices le roi de


Hollande, qui fut subjugué par ses charmes et qui, ne sachant comment lui manifester son tendre attachement, lui fit présent d'un gros paquet d'actions de je ne sais plus quelle mine américaine grevée d'un procès douteux et d'un avenir plus qu'aléatoire.

Rentrée H Paris avec ce mince trésor, elle cherche a en tirer parti, éprouve d'abord de grandes difficultés et finit par mettre la main sur un homme d'affaires qui consent à se charger du procès sous la condition, en cas de gain, de partager les bénéfices avec sa cliente.

L'affaire est gagnëo les actions royales acquièrent une valeur phénoménale et l'heureuse propriétaire de ces titres, qui ne s'attendait pas a une pareille aubaine, devient tout a coup colossalement riche.

Elle s'installe dans un somptueux hôtel, avenue d'Iena, achète un beau château aux environs du Havre, loue une loge à l'Opéra– au deuxième rang entre les colonnes, –mené un train d'enfer, reçoit la cour et la ville, et vit complètement en femme du monde, en compagnie de son époux qui fait les honneurs do sa maison et ne la quitte pas plus que son ombre.

Mais co par quoi elle se signale surtout, c'est parla magnificence, le luxe et le bon goût de ses équipages, qui font sensation et comptent désormais parmi les plus beaux et les plus irréprochables de Paris. Elle a une Daumont qui marche de


pair avec celle de l'impératrice, et, pour cocher, un personnage, le fameux Charités, qui a appartenu à lord Pembroke et qu'elle a adroitement soustrait au comte de L.e, son nouveau maître. Splendeur féerique, ressemblant plus à un conte des Mille e< M~o Nuits qu'à une histoire vraie du dix-neuvième siècle, mais éphémère et que l'infortunée devait, a la fin de son existence, cruellement expier.

Un jour, en ploine prospérité, jeune encore, entourée d'hommages, en chassant dans sa propriété, toujours en fête et remplie d'invités, ello reçoit un plomh dans l'coil, qui la défigure entièrement.

Par la suite, le mal empirant, elle devient presque aveugle, évite de se montrer en public, fuit le monde et le mouvement, se retire dans son foyer, et demeure isolée et ignorée, au milieu de ses richesses et de ses objets d'art dont elle ne jouissait plus, hélas! jusque sa mort. Un autre type bien curieux, bien séduisant et bien amusant, une variété de la môme espèce qui se détache très distinctement du groupe et qui a fait un certain bruit dans Landerneau, c'est Lucy de Kaulla.

Née dans une famille riche et considérée d'outre-Rhin, elle épouse très jeune un homme de mérite, qui, à lasuite d'une aventure bruyante, ne tarde pns à lui rendre sa liberté, et elle vient


à Paris où elle se jette à corps perdu dans la vie galante.

D'une taille au-dessous dela moyenne, mince, presque maigre, les cheveux châtains, les yeux superbes, la physionomie étonnamment vive, mobile et intelligente, elle est piquante sans être régulièrement jolie et possède au suprême degré ce qu'on appelle la beauté du diable, mais d'un diable très câlin, très doucereux, très comme il faut, très parfumé, et d'autant plus suggestif et dangereux qu'il cache ses griffes suus l'enveloppe la plus aimable et la plus attirante qu'on puisse rêver.

Parfaitement bien élevée, grande dame dans ses façons, autant qu'on peut l'être, pétillante d'esprit, de verve et de malice, elle excelle à tenir le sexe laid sous le charme de sa conversation et a lui mettre le bandeau de l'amour sur les yeux. Faculté dont elle abuse toutes les fois que son intérêt l'exige, étant rouée et habile comme on ne l'est pas et sans scrupule aucun, mais dont elle aime à se servir pour se montrer franchement aimante, voluptueuse et bonne enfant quand la question d'argent n'est pas en jeu. Des conquêtes elle en a fait à gogo, cédant sans trop se faire prier, au hasard des circonstances, espérant toujours trouver le merle blanc qui s'emballera dans les grands prix et a'attar. dant volontiers, chemin faisant, & des distractions sans résultat.


Ce qui s'ensuit est facile à deviner. Elle tombe dans la dèche la plus noire et, harcelée par ses créanciers, se décide, uu beau matin, à partir pour Pétersbourg, qu'elle estime, non sans raison, devoir être propice à la réalisation de ses rêves.

Là elle monte, pour la frime, un grand magasin do modes, à la porte duquel font queue toutes les élégantes de la capitale moscovite et tient, en réalité, un salon politico-mondain, que frequontent tous les hauts dignitaires, influents et cossus du gouvernement. Elle acquiert une véritable puissance, intrigue en grand, manœuvre avec une rare ilnesse, affiche des caprices pendant que, secrètement, elle enguirlande et plume les gens sérieux, fait fortune en trois ou quatre ans, et revient à Paris où elle s'établit fastueusement. On sait le reste. Elle ensorcelle un ministre de guerre, vaillant soldat, mais vieux galantin un peu naïf avec les femmes, le compromet dans dos tripotages de fournitures et est obligée de quitter la France, sous l'inculpation d espionnage ce que je ne crois pas qu'elle ait jamais mérité. Roublarde, remuante, intrigante, peutêtre mais espionne, allons donc!

Pas plus, à mon avis, que sa compatriote Anna Mikaëlis, sur qui n'a plané, à aucun moment, le moindre soupçon et qui n'a laissé parmi nous que de doux souvenirs.

Adorable et enivrarte créature aussi celle-là


avec sa chevelure d'un blond doré, ses yeux d'une douceur angélique, sa tête de vierge de Raphaël, sa taille svelte et élancée et sa tournure éminemment aristocratique.

On lui aurait donné le bon Dieu sans confession et elle avait le diahle au corps. Romanesque, impressionnable comme une Allemande qu'elle était, elle se toquait facilement et se detoquait avec la même facilité se prodiguant, se livrant, tant que durait le coup de soleil, et redevenant froide et impassible âpres. Modeste et bourgeoise dans ses aspirations, son genre do vie et ses revenus, elle sut maintenir, malgré tout, une solide et longue liaison avec un grand seigneur, a qui elle ne demandait, en retour do sa constance, qu'un peu de confortable et de liberté. Au total, à l'intelligence près – une attrayante personne, une beauté très savoureuse et une excollonto camarade.



VII

Silhouettes de demi.mondaines. Lucile Mangin. Une villa a la Matma:son, Adôto R6my. – Histoire d'une escarpolette et d'un jardinier. Juliette Beau. Un roman qui Nnit Mon. Rosalie L6on Un dénouement doublement tragtquo Soubise.

LUCtM! MANOÏN

Une des étoiles les plus apparentes du demi.monde sous le second Empire; la quatrième ou la cinquième par ordre de grandeur et d'impor. tance.

Elle faisait partie de la coterie éblouissante en tête de laquelle était Adèle Courtois, dont elle fut et dont elle est restée l'amie intime et elle brillait au premier rang du Tout-Paris galant des premières représentations, du Bois, du café Anglais, de Mabillo, dos bals de l'Opéra. Sans être d'une beauté classique et absolument irréprochable de régularité, Lucile était ce que


l'on est convenu d'appeler une belle personne. Un visage agréable, de jolis yeux, des cheveux châtains, une taille élancée, une tournure admirable, un air de grandeur répandu sur toute sa persunne, beaucoup de race et de branche, la rendaient singulièrement attrayante, en dépit d'un peu de sécheresse dans la physionomie, d'un je ne sais quoi do froid dans l'expression, et faisaient que, nulle part, – même à côté de femmes plus belles et plus troublantes qu'elle, – sa personnalité ne passait inaperçue. Ajoutez à cela une élégance parfaite, un grand luxe, de beaux bijoux, des équipages d'une impeccable correction, de l'amabilité, du savoirfaire ù en revendre, de charmantes façons, du vice a l'occasion, de quoi satisfaire les plus gourmands, et vous aurez le secret de ses succès retentissants et ininterrompus.

Elle en eut & foison, des plus enviables, et, chose remarquable, & partir du jour où elle parvint au sommet de l'échelle, jamais elle n'en redescendit un seul échelon; à aucun moment de sa brillante carrière, elle ne connut la gêne et ne. subit une éclipse. La prospérité la suivit jusqu'à la fin.

Non qu'il n'y eût en elle des cotés bohèmes et des écarts de fantaisie. Elle aimait, de temps à autre, à s'oJTrir, a huis clos, en toilette rudimentaire et les coudes sur la table, de petits repas débraillés, dont une tranche de cervelas et une


bouteille de gyajtd château bleu faisaient tous les frais. Elle ne dédaignait pas non plus les fugues capricieuses et sans apprêt & l'avenue do La Motte-Piquet.

Mais par contre, elle avait du goût pour la bonne compagnie, et, si elle se compromettait sérieusement avec l'armée française, qui était loin de la laisser insensible, elle s'arrangeait, généralement, pour que le jeune ofucicr do son choix fût un homme du monde accompli, fashionable, bien épaulé, prodigue et. calé. Aussi a-t-ello amassé unmagotqui lui permetdo vivre, jusqu'à la fin de ses jours, dans une honnête aisance.

Lorsque vous passerez par Ruei!, on allant à la 6~'eHOM~t'e, vous verrez, non loin do ce qui fut autrefois la Malmaison, un ravissant ~o~o enfoui dans un nid de verdure. Hegardex-Ie bien. C'est là que respire, paisiblement, en compagnie d'une myriade de riants souvenirs et de quelques Mêles amis, toujours séduisante 6t accueillante, à ce qu'on assure, une dos plus glorieuses épaves de la vieille pa~e, la célèbre Lucile Mangin. ADELE nËMY

Une blonde, celle-là, avec une chevelure étonnante, épaisse,, soyeuse, à reflets chatoyants et qui, dénouée, la couvrait tout entière,. traînant môme de plus de dix centimètres par terre.


Jolieacroquer grande, –eDesi'ètaient presque toutss, les hétaïres de ce temps-là, bien faite, douce, rieuse, câline, intelligente comme un singe, originale et amusante, elle avaitune tenue d'ambassadrice, des manières exquises, un ton irréprochable et cachait, sous ces dehors innocents, un tempérament de feu, une imagination absolument dévergondée, une dépravation d'esprit et de sens qui, dans le teto-à-téte, se donnaient libre carrière sans aucun frein, sans le moindre scrupule ajoutant du piquant, du capiteux et de l'imprévu a ses charmes, la rendant désirable, attachante, ensorcelante au suprême degré. Quand on l'avait connue et aimée, quand on avait mordu à la pomme, c'était uni on ne pouvait plus la quitter.

Aussi bien avait-elle un penchant prononcé pour le collage, pour l'existence pot-au-feu, et préférait-elle les longues liaisons aux caprices et aux changements perpétuels, prétendant qu'ils étaient faits pour les gloutons, pour les natures grossières, et que seules l'habitude, la répétition, la connaissance approfondie des facultés, de la virtuosité, du système et des manies réciproques permettaient de creuser le sujet à la profondeur voulue et de savourer le plaisir en gourmets. A l'encontre de cet aphorisme, plein d'astuce, de Rsmélais Cha~ge~e~t d'~er&a~e réjouit !es 6œM/s.

Donc, malgré son élégance rafunéo, malgré


le luxe dont elle était entourée et l'argent qu'elle dépensait à pleines mains, autant et plus encore pour son intérieur et sa personne, soignée jusqu'à l'exagération, que pour la pompe extérieure, son train de vie était plutôt bourgeois et tranquille. Elle jouait à la femme mariée, se montrait peu en public et, très admirée de ceux qui la connaissaient, faisait, somme toute, moins parler d'elle que la plupart de ses rivales en beautô et on galanterie.

Ne pas croire, cependant, qu'elle eût l'hum eur sombre, l'amour triste et les allures compassées plus que de raison. Il s'en fallait du tout au tout, et personne, au contraire, dans le particulier, dans le cercle étroit où il lui plaisait de se renfermer par sybaritisme, n'était plus libre, plus gamine, plus sans-gène, plus risquée.

Les épisodes inconvenants, scabreux ou drolatiques abondent dans son histoire, et, pour les citer, je n'aurais que l'embarras du choix. Elle eut, entre autres, une amusante aventure qui me revient a la mémoire et que je vais essayer de raconter

C'était en pleine floraison des bejles années de con'Mp<M)!t, du temps, si mes souvenirs sont exacts, où elle avait pour amant un sémillant maitre des requêtes au Conseil d'État.

Comme elle adorait le calme et la douce indolence des champs, elle avait loué, pour l'été, aux environs de Senlis, une coquette maison de cam-


pagno, entourée d'un jardin planté de grands arbres, où elle niait le parfait amour avec son objet. Or, au bout du jardin, tout auprès de la haie touSue quile separaitde lapropriéta voisine, se trouvait une escarpolette accrochée a deux marronniers.

Un matin, Iabriseetaitfraîche,le soleil radieux, l'atmosphère embaumée, les oiseaux chantaient dans le bocage et le couple amoureux s'était levé de meilleure heure que de coutume. Si bien que, pendant que madame achevait sa toilette, monsieur, pour tuer le temps, se balançait mollement surijescarpoletteen attendant sa dulcinée. Elle arrive, au bout d'un instant, pimpante, animée, folâtre, excitée par les senteurs printa. nieres, l'œil enflammé, le teint repose, dans un délicieux déshabillé transparent et lascif que rendait encore plus sensuel l'absence presque totale do dessous, et, apercevant son Roméo lentement bercé par un mouvement rythmé, voluptueux, dd~â vu, une idée diabolique lui traverse l'esprit.

Sans hésiter, sansrenechir, elle s'élance sur. la balançoire et, ma foi, l'occasion, l'herbe tendre oUacadencé aidant. elle oublie, avec délices, dans un rêve céleste, – le plus enivrant et Je plus complet, parait-il, qu'elle ait jamais fait, les fatales convenances.

Par malheur, derrière la haie, la haie traîtresse que l'on croyait impénétrable et dont on


ne s'était pas assezd6Q6, une prunelle indiscrète, –ceUo du jardinier d'à côté, avait tout vu, tout détaillé, tout dégusté. Le témoin importun iut bavard, l'affaire s'ébruita dans le pays, et les pauvres tourtereaux, dévoiles, montrés au doigt, durent déménager lestement, à la cloche do bois. JULIETTE BEAU

Juliette la Marseillaise, comme on l'appeloit, nous vi~ de la Canebière, & dix-huit ans à peine révolus, s'imposa des son arrivée a Paris et y tourna de suite toutes les tôtes.

Un vrai bouton de rose que cette blonde enfant du Midi, jolie à faire succomber saint Antoine on personne, mince, distinguée, un peu naïve, avec une peau d'une blancheur éclatante, un teint invraisemblable deput'otéotde fraîcheur, dénués attaches, un petit corps bien proportionné, suivi dans toutes ses parties et d'une porfection de formes vraiment extraordinaires. Je me souviens que, tout nouvellement débarquée, dans une soirée interlope où on l'avait amenée et où tous les hommes, frappés de sa jeunesse et de sa beauté vierge de cosmétiques. s'empressaient autour d'elle avec curiosité et admiration, elle acceptait les compliments de très bonne grâce, sans fausse modestie et sans chercher a dissimuler qu'elle était ravie de plaire.


Elle eut môme, & un certain moment, un mouvement charmant dans sa simplicité, qui acheva de lui conquérir tous les suffrages. Comme on venait de s'extasier sur la splendeur do sa gorge, qu'un decollotage bien compris faisait plus que de laisser soupçonner, elle dësemprisonna, avec le plus grand calme, ses deux seins ronds et potelés et, les présentant à la galerie, elle dit le plus tranquillement du monde « Est-ce moulé; ça! » C'était moulé, en effet, et joliment moulé encore. La réponse des spectateurs ne se fit pas attendre ce fut un tonnerre d'applaudissements. La vie galante de Juliette Beau fut un roman, ce qui est peu fréquent dans la partie, et un roman qui Unit bien, ce qui est rare partout. Après avoir essayé du théâtre et joué dans Dap/WM o~ C~od, d'Offenbach, elle quitta la st'ono, marcha de triomphes en triomphes, éblouit le demi-monde et le monde entier do son opulence et fut très vite accaparée par un noble étranger, d'une race illustre, immensément piastreux, qui en devint fou, vécut avec elle marita. lement, lui donna, d'abord, les plus beaux diamants de Paris, des diamants célèbres, connus et enviés de toutes les femmes, et finit par lui don- ner son nom, qui ne valait pa~ moins que sa fortune. t'

A partir de ce jour-là, la belle Juliette, comme les peuples heureux et les femmes honnêtes, n'eut pas d'histoire. Elle se renferma dans son


rôle d'épouse légitime, qu'elle prit au sérieux comme si elle l'avait joué de toute éternité, fut irréprochable, sérieuse et disparut du monde où l'on s'amuse.

On ne la voit plus dans les avant-scènes des petits théâtres, où la lorgnette était accoutumée à la chercher et où son absence fait réellement un grand vide pour tous ceux qui ont connu le bon vieux temps.

ROSALÏË LÉON

Encore une qui, après avoir été l'une des roines do la grande vie et de la phalange domimondaine, après avoir éclabousse le Paris vivour de son luxe et de ses conquêtes, s'est ensevelie dans un mariage princier! 1

Jolie, elle l'était à coup sur, avec ses cheveux d'un blond presque roux, son regard doux et voluptueux tout ù la fois, son profil fin et régu. lier, sa taille svelte et cambrée, cette avenante nllo bretonne débarquée un beau matin de son village sous la protection de je ne sais plus quel acteur, qui la ramona d'une tourn&o do province. Mais ce qu'elle avait surtout, ce qui lui imprimait un cachet spécial et la distinguait de ses pareilles, c'était une surprenante distinction, un usage du monde pour ainsi dire inno, une intuition des belles manières et des formes do la bonne compagnie qui frappaient à première vue,


que l'on remarquait davantage dès qu'on avait causé cinq minutes avec elle, et qui eut très certainement une influence énorme sur sa destinée.

Il est certain qu'elle avait bien plus l'air d'une petite marquise, piquante, romanesque et un brin licencieuse, comme celles du dix-huitième siècle, quo d'une cocotte dans la circulation. Donc rien d'étonnant a ce qu'elle n'y restât pas longtemps. 1

Môme dans les premières années, où oUe voltigeait, comme les camarades, sans parvenir a se nxor, môme avant de rencontrer celui qui devait l'associer a son existence, elle avait un genre de vie et des allures un pou a part. Point bégueule, il est vrai, tros naturelle et très bonne enfant avec les femmes do son milieu, qu'elle frequontnit sans affectation ni pruderie lorsque l'occasion s'en prosentait et dont e!!e était très aimée mais déjà rôservée, ayant son quant ti soi, cherchant a s'isoler et visant tout doucement & l'individualité.

Il allait de soi quo, du moment où elle trouverait sa moitié de poiro, où el!o serait casée selon ses rêves, l'évolution serait complote. L'aimable et séduisant prince étranger, beau comme l'antique, riche comme Crésus, que aa bonne étoile mit sur son chemin, n'eut pas do peine a en faire une compagne digne de Im ello y était toute préparée.


Insensiblement, elle rompit avec ses anciennes relations, devint une femme du monde dans toute l'acception du terme, donna dos dîners select dans un hôtel somptueux, dont eno faisait les honneurs avec infiniment do grâce et do tact, se consacra tout entière a son seigneur et maître, qui, du reste, la comblait et s'en fit toHomont adorer, lui devint si indispensable, qu'après quelquos années do cette intimité aussi étroite que possible, il se démit do ses fonctions diplomatiquos et posa sur sa jolie tdto une couronne do princesse.

Pourquoi, arrivée au port, on possession d'un bonheur et d'une situation inosp6ros, au liou d'en jouir paisiblement, so mit-oUo a abuser do l'ethcr au point qu'eue on mourut a la nom' do i'ago? Jo l'ignore.

L'ennui l'a-t-il gagnée? A-t-oHo éprouvé, sur !o tard, !a nostatgio do l'indépendance et dos unions libres? Mystère!

Lui, il ont un désespoir affreux. Il aUa s'enfermer dans to grand château qu'il avait fait construire pour cite au beau milieu do cotte Bretagne d'où o!!o était sortie humble, pauvre et obscure et, pou do temps après, il rendit son amo à Dieu.

Dites donc, après cola, que los concoptiona des romanciers sont purement du domaine do h fiction 1


KMMA VALLY

Elle appartenait à la crème de la cocotterio, marchant de pair avec les plus huppées et les plus en vue, ne leur cédant en rien pour le luxe, pour le naQa, pour la beauté et, néanmoins, elle no dépassait pas la médiocrité, en ce sens qu'elle n'était que peu recherchée et peu goûtée par les grands dispensateurs de la célébrité et de la vogue, et qu'une sorte de discrédit pesait sur elle. Ce n'est pas que le charme et le montant lui manquassent; loin de là. Sa jolie nguro, unie à des formes potelées et plantureuses a l'orientale, avec une physionomie lascive et un air canaille et dépravé tout à fait émoustillant, excitaient môme le désir et la rendaient, & un certain point de vue, très convoitable. Mais, malgré cela, elle n'était pas toujours complètement appétissante. Une teinte do fatigue, de satiété et de débauche interlope, répandue sur son visage, lui nuisait énormément.

Et puis, des bruits fâcheux couraient sur son compte. On l'accusait de trop fréquenter les rastaquouôros et les nègres du Grand Hôtel sans les passer sufnsamment au crible. On lui reprochait, à tort ou à raison, d'être démesurément intéressée. Et comme.en réalité, elle se montrait très positive, comme elle faisait pou de frais pour le sexe ennemi, ne marivaudait sous aucun prétexte


et décourageait, par son attitude, le lapin par trop outrecuidant, le clan des cocod~s de marque, des noceurs à la mode, lui tenait rigueur et n'avait pour elle qu'une inclination modérée. De quoi elle se souciait comme d'une guigne et se dédommageait amplement en faisant les beaux jours des étrangers, qui la prisaient très haut et ne lui marchandaient ni l'or ni l'admiration.

Paris, on le conçoit, ne la captivait point outre mesure et, après s'y être maintenue longtemps sur un pied très honorable, elle a uni, & son déclin, par s'établir dans un grande ville de pro. vince, où elle a eu un incontestable succès et où elle s'est fait une situation exceptionnellement brillante.

SOUjMSK

Aucun lien de parente avec le maréchal de ce nom. Beaucoup d'intelligence, d'esprit, de bagout, de méchanceté et, tout ensemble, d'affabilitô et de savoir-vivre.

Do grande taille, très au-dessus de lu moyenne, peut-être morne un peu trop; élancée, le buste bien pris, la tête agréable, le regard assassin, la tournure d'un modèle élégant et aristocratique, le port majestueux, elle aurait pu passer pour belle sans la manie qu'elle avait de se p<~nd~p comme un pastel et do s'enluminer les joues do


carmin d'une façon désobligeante au possible; ce qui la vieillissait à plaisir et l'avait fait gratifier du surnom irrévérencieux de V~MMs du f~)'e Lac~aMo.

Les jeunes gonsaSectaient fort injustement -de la considérer comme hors d'âge, et le débutant qui aurait eu un béguin pour elle n'eût affiché sa flamme qu'au détriment de son prestige et do sa réputation.

J'avoue, quant à moi, au risque do me compromettre, qu'elle ne me déplaisait nullement. On l'eût prise pour une princesse russe, et lorsque, plus mûre, elle est allée a Saint-Pétersbourg, qui a, comme on sait, la vertu do donner une nouvelle jeunesse aux impures, la vogue qu'elle y a eue a démontré quo, sans être Slave, elle se rapprochait de la race par plus d'un côté sympathique et suggestif.

Depuis la guerre, on no l'a guère aperçue qu'a Monte-Carlo, où je l'ai rencontrée, il y a quelques années, toujours fringante, majestueuse et. badigeonnée.


VIII

Autres silhouettes do demi.mondaines. Marguerite do Jarny. – Un duot amoureux. Pautino d'Ansovitto. Un pari phonomonat. ~mitio Williams, Jeanne h FoHe. Amour et poignard. Les tribulations d'un nanoû. Une soirôo infornalo. Crénisso. – Des armes parlantes. S)utte!s. Los doux Drako.– Unu maison fantastique. – L'aiguiHeuso. Gioja. –Jeanne Dosroohas. Conversation intimo do doux Losbiennes en cabinet parUcu~er. Cortès. Lu Baronne d'Ange. – Mo!der. Charlotte Mortier.

MAHOUEm'fË DE JARNY

Une blonde, grassouillette, ni grande ni petite, bien proportionnée, très jolie, très at'iranto. très enjôleuse. Mélange bizarre et excitant do distinction innée dans le langage et les façons et de corruption intense dans la physionomie et les procédés.

D'origine patricienne, née et élevée dans la bonne compagnie, elle avait conservé de son éducation première quelque chose des formes


extérieures et des délicatesses de savoir-vivre do la grande dame, que l'on retrouvait, par-ci par-là, dans des nuances, dans des défaits, au milieu du huaaer-aller et des aventures fort peu voilées d'une existence plus qu'agitée.

Spirituelle comme un démon et méchante comme la gale, eUe avait, parfois, un air d'impertinence hautaine, qu'accentuait une jolie petilo bouche aux lèvres minces et pincées, et vous décochait prestement des coups de dent qui, d'ordinaire, emportaient le morceau. Ce qui ne contribuait pas, comme on l'imagine, à lui cr6(:r dos sympathies et des amitiés. Les femmes. en général, la détestaient. Les hommes l'admiraient et la désiraient, mais la redoutaient; car oUe passait pour avoir le caractère dimcile, uno nature impérieuse et vindicative, et pour se rebiffer, avec la dernière violence, contre le Mchage et les attentions – pécuniaires ou autres insumsantes.

Et, pourtant, quand ça lui disait, quand elle voulait être gentille, aimable et agréable; quand, par hasard, elle avait une toquade, nulle n'était plus bonne enfant, plus séduisante, plus franchement et simplement passionnée, plus facile a vivre et de meilleure composition.

La première fois que je la vis c'était, il m'en souvient, dans l'escalier d'un restaurant à !a mode. Comme je descendais do voiture pour rejoindre des camarades qui soupaient dans un


cabinet du premier étage, je piquai, à ma grande stupéfaction, dans un groupe bruyant et remuant formé par deux femmes extraordinairement élégantes qui étaient e~ train de se crêper le clilgnon, sans souci des passants.

L'une de ces deux femmes, je l'appris depuis, était Marguerite de Jarny, et l'autre, son amie, Pauline d'AngeviIIo. Fort intéressé par ce spectacle, pas banal du tout, je me risquai à m'interposer entre les deux farouches beautés dechaineos dans un combat à outrance, i'œil enflammé, le visage bouleverse, les cheveux on désordre, la toilette fripée et ayant, non sans peine, réussi à les calmer, elles me contèrent, sans détour aucun, le sujet de leur querelle.

Il s'agissait tout simplement d'un jeune soigneur, très élégant et très couru, qui leur avait a l'une et à l'autre donné dans I'œil, dont elles convoitaient toutes deux la possession et qu'elles avaient fini par tirer à la courte-paille. Or, le aort ayant été favorable. à la belle Marguerite, elle avait refusé de se soumettre au jugement prononcé par le hasard et avait provoqué sa rivale au moment même où elle se préparait jouir paisiblement de sa victoire. Est-ce asssez dixhuitième siècle!

L'épilogue de ce petit drame galant fut, naturellement, ce qu'il devait être. L'heureux coquin que l'on s'était si chaudement dispute, d'abord un peu désappointé parce qu'il avait un faible


secret pour la vaincue, fit contre mauvaise fortune bon cœur et se résigna de très bonne grâce à commencer par celle que le sort désignait à ses assiduités, pendant que l'autre, cela va sans dire, l'accablait de son mépris. Puis, après un délai convenable et un certain nombre de nuits consciencieusement remplies, il alla, le scélérat, tout tranquillement se jeter aux pieds de l'odalisque momentanément délaissée et fut accueilli avec ivresse.

De telle sorte qu'en définitive il n'y eut point de jalouse, et que le roman se dénoua à la satisfaction des deux vaillantes lutteuses, à la grande joie aussi du plus heureux des trois.

Malgré ses fougueux caprices, sa fantaisie à perte de vue et son penchant irrésistible pour lès plaisirs faciles, Marguerite de Jarny eut une liaison longue et avouée, qui résista a tout et qui, somme toute, domina sa carrière de demimondaine.

Acl.uellement, rangée, elle a dit adieu à Paris, a repris son nom de famille et vit en province, avec des allures de matrone; retirée, simple, sérieuse et considérée. Si vous l'avez rencontrée, vous ne vous êtes certainement pas douté que vous étiez en présence d'une des courtisanes de marque qui, jadis, ont le plus fait parler d'elles.


PAULINE D AN8EVILLE

Une Vénus noire, au teint bruni, à la chevelure aile de corbeau, grande, élancée, bien découplée au regard profond et éloquent. Une fausse Barucci, sans la race, sans la flamme; sans le fluide magnétique et imposant, sans les triomphes et le prestige.

Très élégante, néanmoins, très opulente, très chic, ayant des équipages luxueux et impeccables, un train de maison des plus fashionables, et n'étant pas arrivée, malgré tout cola, il la grande célébrité.

Peut-être manquait-elle d'entregent et d'initiative, préoccupée, surtout, qu'elle était d'avoir la paix et do jouir tranquillement des bonnes choses de l'existence. La douceur et la cordialité, jointes à une pointe de bizarrerie et d'ëtrangeté, étaient, à la surface, les traits caractéristiques de sa nature.

Mais, au fond, ce qui la dominait, ce qui l'obsédait, ce qui l'absorbait, c'était le côté matériel de l'amour; en quoi elle était servie à souhait par un tempérament de chatte en pâmoison et par la virtuosité rafSnée qu'elle apportait dans l'exécution des exercices intimes. Elle avait des appétits insatiables et des capacités à l'avenant, des désirs terribles et des ressources incalculables.

Sa grande prétention, son idée fixe, était


qu'aucun homme, si elle le voulait, ne pouvait résister à ses avances, et qu'elle se faisait fort, si elle s'en donnait la peine, de transporter au sep. tieme ciel un gardien du sérail en personne. Prétention justinee, d'ailleurs, mais sujette, parfois, à des déceptions, comme on va le voir. Un soir, après diner, un mien ami, réputé pour ses aventures et pour sa trempe vigoureuse, mis, par elle, au défi de garder son sang.froid dans le voisinage de ses charmes et agace de ses fanfaronnades, lui fit le pari do vingt-cinq louis, tenu avec une imperturbable assurance, qu'il passerait une heure entière avec elle, entre deux draps, sans. éprouver d'émotion visible; lui permettant, bien entendu, d'employer tous les moyens de séduction naturels et surnaturels, et s'engageant formellement à ne pas leur opposer de résistance.

Rendez.vous fut pris à jour nxe, et la coterie convoquée dans la pièce voisine de celle où devait avoir lieu le duel. Si l'on fut exact, je vous le laisse a penser. Une heure un quart durant, la sirène déploya toutes ses facultés, mit en œuvre tous ses sortilèges, appela à la rescousse toute sa verve des grandes circonstances et, nnalement. épuisée de fatigue, énervée, tremblante, blême de rage et d'humiliation, fut obligée do s'avouer battue et de confesser, devant la galerie assemblée et ébahie, qu'elle avait perdu son pari. Elle ne pardonna jamais à mon ami.


Deux ou trois ans plus tard, la pauvre fille, excellente et sympathique créature s'il on fut, atteinte de folie, do la folie érotique qui ne pardonne pas, était enfermée dans un hospice d'aliénés où, après des accès horribles de fureur obscène et de cruelles souffrances, ello mourait oubliée et regrettée seulement d'un petit nombre de ndeles.

HM!UK WU.HAMS

Si vous avez assisté, l'an dernier, a la messe de onze heures à Saint.Augustin, vous y avez certainement rencontre et remarque une femme d'un certain âge. bien conservée, simplement et modestement vêtue, traversant, les yeux baissés, un énorme livre d'heures a la main, dans l'attitude du recueillement le plus absolu et avec une régularité de chronomètre, la nef de droite de l'église, pour aller s'agenouiller à l'écart, loin do la foule et des regards.

Cette femme, a l'apparence bourgeoise, au maintien rigide, visiblement préoccupée de passer inaperçue et de fuir les visages de connaissance, c'était Emilie Williams, surnommée ~o Phoque; une personnalité saillante du monde galant de la grande époque, un premier rôle d'un genre à part, une physionomie originale et intéressante qui a occupé une place considérable dans les coulisses du demi-monde.


Son sobriquet lui venait de sa ressemblance vague avec le doux et intelligont animal auquel il était emprunté. C'est assez dire qu'elle n'était point jolie et que, malgré un corps fait au moule, ses avantages physiques n'eussent probablement pas suffi pour la mettre en évidence.

Mais quelle intelligence quelle instruction \ari6o, fort au-dessus do son sexe et do sa condition Quoi caprit endiablé Quelle agréable causeuse et, surtout, quelle nnosso et quel savoirfaire i

Elle &îs: nn outre, trcs bonne flllo, scrviablo et complaisante comme on no l'est pas, extrêmemont facile a vivre et toujours disposée a rire, a s'amuser, a entreprendre une partie do plaisir, a égayer la compagnie.

Aussi fut-elle l'amie et la confidonto de la plupart des hetan-cs do marque de son temps gravitant dans leur orbite, consolant les affligées, consoilluni los inexpérimentées, tirant d'aO'airo, par son babilotù, collos qui s'étaient fourrées dans le pétrin, raccommodant les ménages brouillés. Sorte d'Ëminonco grise des reines de la galanterie, dont elle faisait mouvoir, a son grô, toutes les ficelles plus souvent qu'elles no le croyaient et à l'ombre desquelles, sans bruit, sans embarras, exerçant un pouvoir occulte, elle tirait adroitement son épingle du jeu.

Si bien qu'elle eut sus adorateurs et ses succès tout comme les camarades, qu'elle évita la


funeste panne, se fit une belle position ot put rentrer dans la vie pt'ivôo sans appréhension pour ses vieux jours. Aucune horizontale n'a 6t6 entourée de plus do sympathies et n'a laissé do meilleurs souvenirs.

H y a dM mois qu'on ne la voit plus a SaintAugustin. EUe a quitte son domicile sans laisser d'adresse. Sorait-dIIo dans un monastère do Clarisses ?. Mystère Respectons son ~co~<f).

JEANNH LA FOLLK

Jo l'appelle à dessein par son nom do guerre ot je tais le véritable, qui est celui d'une famillo respectable car elle fut une dos rares do l'époque dont je parle qui n'éprouvèrent pas le besoin d'on changer on se lançant dans la fournaise. Je dirai seulement qu'elle était la sœur d'une cantatrice célèbre, qu'elle ôtait née, comme tous les siens, avec dos dons artistiques merveilleux, qu'elle jouait du piano à ravir, improvisait avec une étonnante facilité, composait, a ses heures, d'une façon très piquante, et qu'on tout, son éducation avait été dos plus soignées.

Comment, étant donné ce point de départ et cotte organisation, on otait.ollo arrivée à jeter son bonnet par-dessus les moulins et a se livrer & une sorio de cascades quo le moindre de ses soucis était de dissimuler et qui ont largement


défrayé la chronique scandaleuse de ses belles années? il

C'est bien simple. Son imagination était demesurôment ardente, sa tôte oxaltëo jusqu'à la folie, son esprit vagabond et chercheur, son sang bouillant, ses nerfs continuellement tondus comme des cordes à violon, sa soif do jouissances et d'émotions inunio, et, avec toutes les qualités de l'esprit et du cœur, ollo n'élit bâtie ni pour résister aux premiers entraînements, ni pour s'arrêter, une fois partie, sur la ponte dos fredaines.

I~tait-oUo jolie? Pas précisément. Mais séduisante, mais voluptueuse mais enveloppante, ensorceleuse, amoureuse, accaparouso, excitante, assurément oui. Do plus, extraordinairoment collante. Jamais pareil crampon n'a circulé sur lo <M)'y/ 1

Passionnée, elle l'était a coup aùr mais surtout du cerveau; nevreusoment, sur un modo agité, saccade, fatigant, haletant. Il lui venait des toquades comme des envies do danser. Elle so montait la tête, s'échauffait, se jouait inconsciemment la comédie a elle-même et finissait par entrer dans le rôle au point do croire sérieusement quo c'était arrivé, faisant alors des scônoa do jalousie qui allaient jusque la violence et à l'insanité, no reculant ni devant los voles de fait, ni devant les tentatives, plus ou moins sincères, de suicide.


Sos préférences étaient pour los militaires. Ello avait été jetée au milieu do la garde impériale ot naviguait habituellement dans ses oaux. Plusieurs brillants omciors so partagèrent succossivcment, ou simultanément (jo no sais plus) aos faveurs. L'histoiro do aos rotations avec eux est uno incroyable ot amusante odyssée, – pas pour ces infortunes, j'en convions, qui ont passé par toutos los horreurs réservées aux amanta trop aimés, mais pour lo spoctatour philosophe ot do-'intéroasé.

A l'un, elle asséna, dans un transport amouroux, un vigoureux coup do poignard, qui, heureusement, n'eut pas do suites très graves. A un autre, e!to flt la mauvaise plaisantorio do foindro do s'empoisonner on avalant une si forte doso do !audanum quo l'empoisonnement était impossible. Un troisième, plus adoré que tous Joa autres, crut qu'il no parviendrait jamais a so marier. Allait-il chez sa uancéo, après avoir omployô dos ruses do sauvage pour échapper a sa survoiihmco? U la trouvait plontéo devant !a porto, éplorée, monacanto, !o forçant ù rebrousser chemin. S'habittait-it pour dlnor cimx sa future botto-mére? Ë!!o tombait comme une bomba, lui arrachait sa cravate blanche, lui chiffonnait sa chemise, lui cachait son chapeau ot ses gants et lui faisait manquer l'invitation.

Quant & briser dos verres avec ses doigta, dans les cabinets do restaurant, et à en avaler les mor-


coaux, au risque do se tuer, c'étaient des distractions courantes et dos manifestations de tendresse quotidiennes. Je passe sous silence les crises de nerfs. Défiance maladive drame d'amour permanent.

Par moments, elle était comme hallucinée i elle perdait complètement l'équilibre, no se rendait plus compte do rien et se livrait à do vrais actes do folio. Comme un certain jour d'hiver, par exemple, ou ayant commoneô la soirée aux ~a)'!d<('a, lo plus prostnquomont du monde, olie la unit, sans préméditation, d'une façon plutôt pimentée.

Co soir.Ia, son chéri, qui était sur les donts, lui avait persuade quo les fonds étaient bas, la fatigue excessive, qu'il fallait songer un peu au repos pour lui, au solide pour ollo, et il s'en croyait débarrasse. Il ne prévoyait pas, lo malheureux, la tuile qui allait lui tomber sur la tête Flânant sur le boulevard, avec une bande de copains, il entre innocemment au thcatro des VaWdMs. llorreur la première chose qu'il voit, c'est son objet, sur le devant d'une baignoire, entre doux rastaquoucres. Signes désespères, agitation extravagante do l'objet, auxquels l'amoureux en vacances, rassure par la présente dos deux bonshommes en chocolat. affecte do no prêter aucune attention.

Il se croit a l'abri du danger, prend des airs narquois et pousse l'outrecuidance jusqu'à s'en


aller, à la sortie, on compagnie do ses amis, dons un de ces ponsionnats de jeunes personnes complaisantes quo la soUicitudo dos pouvoirs publics toiôro pour la tranquillité dos ménages et le bunhour dos célibataires.

A poino y était-il arrive, savourant avec deiiccs son indépendance, qu'un vacarme épouvantable so fait entendre dans lo corridor

Madame, rondox-moi mon amant 1 Il est ici je le sais. Ma fortune, mes bijoux, tout oi-.t a vous mais rondox-Ic-moi 1 Il mo !o faut – Fichez-nous ta paix. JI n'y a pas d'amants ici; il n'y a quo dos clients. Allons 1 dûtattM, ou j'envoie chercher la police.

Et le bruit augmente, la résistance s'accontuo. On l'a deviné, c'était la doueo Jeanne qui, ayant ou des soupçons, pout-ôtro un rensfigno" mont, avait brutalement Iach6 ses cavaliers exotiques et avait suivi à la piste, cachôo dans un uacro, son beau séducteur.

Il fallut se décider à sortir et a se montrer. Un intime se dévoue, essuie Jo fou et reçoit un maitro coup de parapluie sur le dos. Lo coupable, qui vient en sorre-nle, tout penaud, est empoigne par la nymphe avec autorité, jot6 dans la voiture comme un paquet do linge sale, et. fouette cocher dans h direction dos Champs-Elysées. Trajet pénible. La lionne rugit, ocumo, se jette sur sa proie et joue des Rrinbs !o sang ruissouo. La victime hurle ot so début une troupe do


gamins court derrière le flacro en criant « Au voleur & l'assassin »

Enfin, on arriva; on rentre au bercail. La furie. assouvit sa rage. Le calme renaît. On s'endort tout a la réconciliation et a la volupté, pour recommencer le lendemain. Et'dire qu'il y avait dos messieurs qui aimaient ça 1

CttKNtSSK

Une grande brune importée do Belgique, très boUo niln, très bien tournée, très élégante, très monotone et très insignifiante.

Kilo avait un visage régulier, do beaux cheveux, do beaux grands yeux sans expression, une tenue correcte, des équipages corrects, une physionomie correcte, une conversation correcte jusqu'à l'ennui et une existence terne, que son luxe et son opulence no parvenaient pas a faire sortir do la teinte grisâtre et désespérante d'uniformité dont ollo était enveloppée.

C'est à propos d'elle qu'un spirituel et mordant journaliste avait invente cotte expression irrévérencieuse et pittoresque, bien que par trop sévère pour ses compatriotes « Belgo comme une oio. » Ce qui prouve que sa réputation d'esprit n'était point a la hauteur do colle que lui avaient value ses charmes physiques, et qu'ollo passait, on gênerai, pour ôtrc plus ruti"mto, plus femme d'alcôve, quo pétillante et amusante.


On lui prêtait, & tort ou & raison, une fou!o do naïvetés, de mots frisant la niaiserie, d'ing6nui.tés saugrenues, d'aventures ridicules, et les bonnes petites camarades, aiguisant leur verve sur son dos, avaient fini par lui attribuer généreusement toutes les bêtises et toutes les mystifications qui couraient les ruelles.

C'est ainsi que l'on racontait, entre autres anecdotes sujettes & caution, qu'un jour, ayant entendu citer les armes parlantes do ia Guimard, elle se mit en tôto d'avoir les siennes et n'eut plus do cosse qu'elle n'y fût parvenue. Obsédée par cette idée nxc, elle alla trouver un homme do lettres do ses amis et le supplia do lui composer un chinée et une devise de son choix. Celui-ci, qui était un farceur et qui avait envie do rire un brin, accepta sans se faire prier, la mission et, un beau matin, il arriva triomphalement chez elle, apportant sous son bras une magistrale feuille de papier bristol où s'étalait, dossiné & l'encre de couleur, un gigantesque Q majuscule entoure d'une jarretière d'or. dans laquelle on lisait cette phrase latine pleine d'enseignement; 7Mt!ô/br<MHa.

Il parait, – toujours d'après la chronique, –qu'elle fut enchantée de ces armoiries; qu'elle les montraït & tout le monde avec une fierté non dissimulée. Los mauvaises langues protondaient qu'elle n'avait compris ni les mots de la devise ni l'allégorie du blason.


Excellente personne, malgré tout, aimable pour ses amoureux, y allant bon jeu bon argent, no faisant pas d'esbrouffe, no cherchant point la petite bote, rendant la vie facile et douce à son entourage.

Sh TTELS

Anglaise comme Oora Pearl mais aussi jolie, aussi Hno, aussi distinguée, aussi montante, que Cora l'était peu.

Elle avait les cheveux blonds, d'un blond naturel, les yeux Mou foncé, le teint éclatant, les traits d'une admirable pureté, la taille svelte, le galbe aristocratique un vrai koopsaoke. Et quel chic Quelle élégance! quelle grâce à cheval Quel grand air et quelle originalité de bon aloi dans la tenue do ses équipages 1. Lorsqu'elle paraissait, avenue de Vïmpératrico, conduisant elle-même deux incomparables chevaux de sang aux allures étincolantes et suivie de deux piqueurs a cheval en livrée du style le plus pur et le plus irréprochable, trottant derrière la voiture, tous les regards sa tournaient de son côté et il n'y en avait plus que pour elle. C'était un genre à part, rappelant Londres et Hyde-Park quelque chose de déluré et d'ultra8c!cc< tout à la fois, qui vous électrisait et vous donnait des idées folâtres. On so surprenait à admirer et a vibrer malgré soi.


La une fleur des cocodès, le dessus du panier des fashionables do haute marque était à ses pieds et, pendant le temps relativement court qu'elle passa à Paris, elle eut du succès a n'en savoir que faire. Les grands mamamouchis de la galanterie, les cavaliers les plus haut placés par la fortune et le relief mondain étaient seuls admis à ae disputer ses faveurs la menu fretin no l'approchait pas.

Elle brilla de la sorte deux ou trois ans, sans voir un instant son étoile pulir, son prestige diminuer. Puis elle disparut comme elle était venue, et on n'en entendit plus parler.

Quelqu'un m'a affirmé l'avoir aperçue, récemment, devant le comptoir d'un bar de chemin de fer, sur la ligne de Cantorbëry, très épaissie, très fanée, mais très reconnaissable et ayant conservé, maigre les ravages du temps, un certain éclat pale reflet de sa splendeur d'autnn. LES DEUX DRAKE

Deux charmantes créatures, deux soeurs inséparables, d'un type très différent, se faisant valoir réciproquement par le contraste; l'une et l'autre prodigieusement intelligentes, spirituelles, mouvementées, capiteuses, enlevantes, voluptueuses et madrées.

Je ne crois pas quejamaif courtisane ait mieux compris que ces deux réjouies, insouciantes,


bohèmes et tout ensemble élégantes et rafQnées, la vie galante et les amours faciles. Aucune, à coup sûr, n'a eu plus d'originalité, plus de génie inventif pour le plaisir, plus d'art dans sa mise en scène.

L'ainee, Marie, une brune engageant, plutôt belle de corps que jolie de Ëgure, était une nature dbuce et portée à la sentimentalité, dont l'apparence calme et les façons tranquilles cachaient des passions ardentes et des trésors de lasciveté intime.

Juliette, au contraire, blonde, fraîche, blanche et rose, avec un léger embonpoint, l'œU ardent, les narines ouvertes, exubérante, en dehors, gaie, provocante, toujours prête à batifoler et a rire, respirait la sensualité et la luxure, et vous avait un regard, des mouvements, des mots, d'un réalisme musqué, d'une dépravation subtile et élégante, qui étaient pleins de promesses. Je me suis laissé dire qu'elle les tenait toutes, et au delà, et que, dans la pénombre du boudoir, ses moyens de séduction, son talent professionnel dépassait ce qu'il est possible de rêver; qu~ils allaient même au-devant des aspirations de l'imagination la plus fertile et la plus vagabonde. A première vue, elle écrasait un peu sa sueur aînée et détournait l'attention à son profit. Mais, en approfondissant, en les cultivant toutes deux, on découvrait très vite qu'elles formaient un couple délicieux, et on finissait par ne plus les


concevoir, par ne plus les désirer et les courtiser l'une sans l'autre.

Elles s'en rendaient si bien compte, d'ailleurs, qu'elles ne se quittaient, pour ainsi dire, ni jour ni nuit habitant ensemble, se promenant ensemble, allant au spectacle ensemble, faisant leurs farces ensemble; donnant, en toutes choses, l'éditant et rare exemple d'une étroite union, d'une association sans nuages.

Leur appartement était une véritable curiosité; une merveille de recherche, d'ingéniosité, d'entente savante de sa destination et du cadre approprié a l'amour sensuel. Machiné comme un décor de féerie, divisé, comme chez les dentistes, en une suite de cabinets indépendants les uns des autres dissimulés derrière des draperies et au milieu desquels il était impossible à un profane de se reconnaitre et de se débrouiller, trois ou quatre visiteurs pouvaient s'y trouver en même temps sans être exposés à se rencontrer ni à se voir.

Une soubrette futée, admirablement dressée et d'une habileté sans égale, était préposée à la garde de ce labyrinthe et chargée de régler la marche du service, d'empêcher tout choc fâcheux, toute collision intempestive. Nous l'avions surnommée l'aiguilleuset

Afin de mieux faire ressortir la blancheur de la peau et les formes exquises de ces dames, qui se montraient, à juste titre, très neres de ces »


avantages que la nature leur avait prodigues avec usure, tous les meubles étaient recouverts do satin noir. Les draps de lit eux-mêmes étaient en satin noir aussi.

Partout, dans tous les coins et recoins, des divans bas, des coussins innombrables, des chaises longues de formes fantastiques, des sièges suggestifs et varies agences judicieusement pour toutes les situations, pour toutes les combinai.sons et placés aux bons endroits.

Enun, – détail piquant, raffinement inouï de sybaritisme, un réduit caché et superlativement prosaïque, où l'on est peu habitué à trouver du luxe et de la coquetterie, tout capitonné de soie bleue et mystérieusement éclairé par une lampe discrète.

Un séjour enchanteur que cet appartement, où l'on s'amusait, parfois, à la folie, où l'on passait des heures délirantes, sans être dérangé, sans crainte, grâce au talent pyramidal de l'aiguilleuse, d'être surpris par une apparition inattendue et arrêté, mal à propos, dans ses épanchements.

Un jour, cependant, la surveillance du farou.che cerbère fut en défaut. Avait-il des peines de cœur, des préoccupations personnelles L'avaiton corrompu? On ne l'a jamais su.

Toujours est-il qu'au moment le plus pathétique d'une petite fête des plus abandonnées et des plus réussies, l'impeccable aiguilleuse eut une


distraction. Elle oublia le ~-Mc, se trompa do porte et laissa pénétrer dans le sanctuaire l'amant en titre de l'une dos deux tourterelles. Un duel s'ensuivit, une rupture aussi et, naturellement, l'infortunée camériste fut impitoyablement mise a!a porte. Le bruit courait quo ses maitresses n'avaient jamais pu, depuis, Ini trouver de remplaçante de sa force.

La pauvre Juliette est morte depuis longtemps, regrettée de tous ceux qui l'avaient. connue. Quant a sa sœur, qui lui avait survécu, j'ignore où'olle se trouve et môme si elle est encore do ce monde.

OïMA

J'ai rarement vu un plus beau modèle do femme que celui de cette Italienne arrivée à Paris dans les toutes dernières années de l'Empire.

La tôte était petite, les traits délicats, les yeux ravissants de coupe et d'expression; les cheveux du plus pur blond Titlen la nuance classique; la peau blanche et transparente comme celle des Russes et des Suédoises. Avec cela, une taille élancée et une tournure pleine de grâce et de distinction; une nature simple et sans prétentions un caractère enjoué., un charme pénétrant qui vous donnaient la chair de poule et,


tout do suite, une envie immodéré do lui faire des propositions deshonnëtes.

Munie des plus chaudes recommandations auprès d'un personnage influent de la cour des Tuileries, ello fut très rapidement lancée dans !a coterie du cM<caM qui faisait lu pluie et le beau temps, et par conséquent très en vue. On assurait que l'empereur en personne on avait ou !a primeur et qu'il en était fort ôpris.

C'ost assez dire que lit vogue et le succès no se nrent pas attendre; qu'elle devint presque instantanément la lionne du jour, et que, pendant quelque temps, on s'occupa d'eilo d'une façon absolumont exceptionnelle. On s'en occupa môme si bien que, la jalousie des concurrentes aidant, la malignité publique lui attribua une mésaventure fameuse arrivée au bal de l'Opéra à un gentilhomme étranger très connu et très apprécia des belles.

Elle on était parfaitement innocente, ainai que la suite l'a prouve. L'erreur fut constatée, l'opinion éclairée et le revirement qui eut lieu en sa faveur couronna son triomphe.

Elle marchu, dès lors, de conquêtes en conquêtes reçut les hommages lea plus flatteurs, eut des liaisons d'un chic suprême, un train de vie d'une grande opulence et sa place brillamment marquée au premier rang de l'élite de la haute courtisanorio.

Aujourd'hui, jeune encore, toujours captivante


et fringante, elle est installée dans io Midi, et aussi admirée, aussi entourée qu'aux plus beaux jours de son éblouissante jeunesse.

JKANNK !'KS!tOC)!t:S

Cello-ia a été fauch6o a la nour do l'âge et semblait on avoir Io pressentiment, tant ollo so hâtait de brùlor l'existonco par les doux bouts ot do mettre fiévrousement le temps a profit. C'était une élève do Saint-Denis, s'il vous plait, d'apparence candide et réservée. avec des façons do pensionnaire, un petit air effaroucha, des cheveux blonds, des yeux bleus, un corps frôle et un visage souffreteux; jolie au possible, au demeurant.

On l'aurait prise pour une ingénue, et ollo avait la rage dans le sang, comme une poitrinaire qu'elle était, la pauvre fille. Névrosée, hystérique, toujours inassouvie, sous son enveloppe de madone oite mettait sur les dents les imprudents qui, se nant a ses dehors anodins, s'aventuraient dans sa chambre à coucher sans être suffisamment sûrs d'eux-mêmes, avec de trop faibles munitions.

J'ai vu de très vigoureux gaillards sortir d'un entretien nocturne avec elle complètement épuisés. Il leur avait fallu tenir le dé do la conversation toute la séance, sans points ni virgules ot sans qu'on leur permît de respirer. Si bien qu'ollo


était signalée aux amateurs et qua l'on ne badinait plus guère avec elle qu'à titre do curiosité et d'exception en guise de dynamomètre et de tête do Turc, pour essayer ses forces et se donner la satisfaction pou commune d'un tôto-a-tete avec un phénomène.

Tout lui était bon, a l'aimable enfant, pour procurer dos alimenta à an dévorante ardeur, ot ollo no laissait passer aucune occasion do se donner do l'exercice. Le culto de Sapho lui-mamo. on ce tomps.Ia moins en honneur qu'il l'heure présente, no lui répugnait à aucun degré. Un soir qu'un do mes amis et moi nous lui avions donné rendez-vous dans un cabinet particulier do la Maison-Dorée, où il était convenu qu'alla amènerait une camarade, nous los trouvâmes, on arrivant, toutes les deux fort pou vêtues et dans une posture qui ne laissait planer aucun doute sur leur genre de conversation. Je dois avouer que notre entrée no les troubla que médiocrement, et qu'ayant eu l'extrême jeunesse do noua indigner de cette manière de tromper l'ennui en attendant l'heure du berger, on tomba des nuoa et on trouva que nous nous plaignions de ce que la mariée était trop belle. Moins d'un an après, Jeanne Dosrochos succombait et la phtisie et à la gymnastique doser.donnée qui en avait été le corollaire. Elle n'était, tout au plus, qu'a son vingt-cinquième printemps 1


<:oa'rts

E!!o avait ou, do son vivant, pour amie intimo, la brune Certes, unoAndaiouso do la plus boiln eau, aux yeux vcioutôs d'un noir do jais, à !a gorge opulente, A la forto carrure, qui, oiio aussi, jetait fou ot flammos, mais prdsontait a la dosttuction inunifnont plus do rësistanco (juo sa h'agito compagne.

Cortùa nous était venue du <ra los mon~savcc l'aureule d'une histoire d'amour comme il n'en arrive qu'on Espagne. Co qu'on racontait était a faire frémir, et cola suffisait pour emouaHitor tes joyeux viveurs et lui amener force chaiands. A Paris, pourtant, o!to n'eut rion do tragique ni de saillant. Franchement bohème, !o cœur sur la main, los privautés faciles, les sons 6voil!6s, dte aimait & faire !o bonheur do son prochain on général et cultivait on particulier tes garnisons des environs do la villo lumière.

LA UAMUNNM D'ANHH

Ceux qui n'ont vu que la dernière manioro de la célèbre baronne, alors qu'oUo promenait aux Champs-Ëlysôos, dans son légendaire cabriolet a pompe, les restes hideux et décrépits d'une oxfommo, ne se sont pas doutés que, dans sa jeunesse, la proxénète luxueusement installée dans


l'hôtel bariolé et d'un goût criard do la rue Saint-Georges avait été une virtuose d'amour d'une incomparable originalité, une dilettante do la prostitution tout a fait digne d'intérêt, un de cos types curieux, remarquables, uniques, qui fout époque dans les annales do la galanterie. C'ost, cependant, la pure vente. Je l'ai connue jolie, élégante, pimpante et richomontontretonuo. Elle possédait, dans ce temps-là, une très belle habitation a proximité du bois de Boulogne, où, do sept heures du soir au lendemain a midi, elle vivait le plus sagement du monde on compagnie d'un amant sérieux qui la croyait d'une fidélité de caniche. Puis, tous les jours à une heure, montre en main, elle montait dans un magnifique équipage et se rendait a un petit appartemont qu'elle avait loué dans un quartier central pour y recevoir, ni plus ni moins qu'un chirurgien ou un avoué, une nombreuse clientèle, acceptant la plus modesto offrande, opérant au besoin pour rien, pour l'art. Après quoi, l'heure réglementaire sonnée et le laboratoire fermé, elle remontait en carrosse et allait reprendre la vie de famille.

Est-ce assez grand et assez beau ?.

MOLDER

Singulier amalgame que celui de cette grande et belle fille, aux cheveux rouge carotte, a la


ta!o souple, aux mouvements félins, au corps plantureux ot bien campé.

Eue avait uno nature ardente, un besoin d'opanchomont extraordinaire, une incroyable facilité à répondre au premier appel sensuel d'un soupirant; un fond pouvant se soutenir quaranto-huit heures do suite sans débrider, comme elle le Ht, un jour, avec un beau gentilhomme très sollicite par toutes ses rivales et, après l'extase, après la folio, soudain o!io reprenait t possession d'oilo-mômo et réclamait, avec une énergique aprotô, le prix d'une complaisance quo plus d'un avait pris pour une toquade désintéressée.

Sans équipages, sans train do maison, sans autre luxe que celui de la toilette, elle a allume dos passions extravagantes et troublé bien dos cervelles celle, entre autres, d'un jeune soigneur appartenant à notre bonne noblesse du Midi, qui a fini par se la brûler à son intention.

cnAMt.oïTE MHnnt:n

Pas moyen do passer sou s silence cette aimable toquée, qui, pour n'avoir point ugurô au tout premier rang, n'en a pas moins côtoyé, par intervalles, les régions les plus lumineuses. Bruno, le ncx un pou crochu et surmonte d'une paire de très beaux yeux, uno bouche assez grande, découvrant deux rangées de dents


blanches, très irrégulièrement plantées, elle était fort ng!t6o et fort drôle; avait, parfois, desamanta du chic !o plus irrëprochuMo, dos aventures abracadabrantes qui n'arrivaient qu'à elle et des prises de bec impayables avec les huissiers, ses ennemis personnels.

En somme une amusante et aimable fille, très connue, très on l'air et d'un bohème achevé.


IX

Los amants do ces dames. – Los hommes à la modo du second Empire. Los Coco<Ms ot los Cocotdcttca. Lo duodoG.t-C.o. – La Garda tmp6na!o. ttapports do oosMosstoura avoe cpa Damos. –Lo~ amants sCrioux. Los autres, cabotins ot hommes d'm'gcnt.

Ils avaient un ner chic et, sans faire tort aux viveurs do ce tomps-ci, on pout dire hardiment que les hommes à !a modo du second empire, d'une superbe race, d'une grande aUure et d'un type disparu, ont été – pour ce siècle du moins les derniers représentants de la trad~ionnolio et véritable ôïôganco française.

Cela tient, sans doute, en partie, à Jours personnalités, aux qualités et aux défauts qu'ils avaient reçus en partage, a la distinction et au charme de leurs manières, & la tournure do leur esprit, à l'éclat et au prestige que la plupart d'entre eux savaient donner jusqu'à leurs folies, Mais, il faut bien le reconnaître, une des prin-


cipales raisons do leur incontestable supériorité mondaine sur la génération qui les a suivis, c'est, la composition et l'organisation do la société dans laquelle ils vivaient; c'est la physionomie du monde parisien d'alors, qui n'était pas, a beaucoup près, ce qu'elle est devenue depuis. Ils étaient, il cette époque, une centaine pas plus – membres dos doux ou trois clubs fashionables triés sur le volet, hors desquels il n'y avait point do salut, qui donnaient le ton à Paris et dictaient la loi au high-life.

Ils formaient une franc-maçonnerie exclusive, solidaire et fermée, dans laquelle l'argent ne comptait que pour ce qu'il vaut et qui, respectueusement contemplée & distance par les <ompMN, si opulents et si piastreux qu'ils pussent être, avait le monopole exclusif de la haute vie. Ce qui les distinguait de la foule, c'était leur éducation, le milieu auquel ils appartenaient, les procédés éminemment aristocratiques qu'ils apportaient en toutes choses, la prodigalité de grands seigneurs par laquelle ils se faisaient remarquer et l'art do l'individualisme dans lequel ils excellaient.

Etre un homme à la mode, dans ce temps-là, impliquait une somme de dons personnels, une réunion do conditions très difficilement réalisables et dont le point de départ indispensable était d'être né, ou d'avoir très jeune conquis sa place, dans la classe en évidence et en relief, qui seule


donnait l'impulsion, qui rognait sans partage sur la cour et la ville! 1

Le nombre do ceux qui se trouvaient on passe de prétendre aux dignités de l'élégance et du bel air était donc fort restreint plus restreint encore, celui des privilégiés qui y arrivaient. Mais, en rovancho, le sceptre, une fois entre leurs mains, no leur était disputé par aucun parvonu nul épicier enrichi ou boursicotier arrivé no songeait à les égaler. Leur autorité était incontestée, leur pouvoir absolu, leur empire & l'abri de l'invasion des intrus, protégé contre tout contact impur, contre toute promiscuité gênante. Il en résultait, pour eux, une entière liberté, un gans-gene presque complet, une assurance et une initiative leur permettant de diriger la mode sans opposition et sans contrôle, de faire la pluie et le beau temps, laissant le champ libre a toutes les originalités, voire a toutes les excentricités, qui, par lofait seul qu'elles émanaient d'eux, devenaient aussitôt des élégances; de s'aulcher, le cas échéant, sans la moindre retenue, avec des horizontales, de les lancer, de leur donner la vogue rien qu'en les honorant do leurs assiduités et de leurs préférences.

Co mépris relatif des fatales convenances, qui, chez des hommes d'une parfaite distinction, ne manquait ni de cachot ni d'une certaine grandeur, était d'autant plus aisé que les jeunes gens ne commençaient, généralement, à aller da~s le


monde qu'après avoir jeté leur gourme et fait leurs farces pendant cinq ou six ans au moins. Ils en étaient, cela leur suffisait, sachant qu'ils y rentreraient de droit quand il leur plairait, et ils n'en prenaient que ce qu'ils voulaient, jusqu'au moment où, plus rassis, stylés à point, aptes à distinguer entre les plaisirs et à distribuer avec discernement leurs loisirs, ils se consacraient plus volontiers aux femmes de la société, qui ne savaient pas mauvais gré à ces de~oïse!!es d'avoir essuyé les plâtres à leur intention, et qui avaient le bon goût de préférer des cavaliers tout dressés, connaissant la vie et les méandres de la passion, à de candides jouven.ceaux à peine sortis de nourrice.

Ce fut le duc de G.t-C.sse~ le plus en vue et le plus étincelant des viveurs d'alors, qui inventa pour deux ou trois de ses intimes le nom de cocodès, donné ensuite, par extension, à tous les fashionables de haute volée de la belle période. D'où l'expression de cocodettes employée pour désigner les beautés en renom, ayant une cour de cocodès formant, avec eux, la coterie prépondérante et qui n'était nullement un dérivatif de cocotte, comme certains bourgeois du temps présent se le figurent.

Parmi les cocodè&, dépensant en folies leur activité, jetant par les fenêtres l'argent qu'ils avaient et souvent celui qu'ils n'avaient pas, la plupart étaient des oisifs. Mais il s'en trouvait un


grand nombre et non des moins saillants –dans les rangs de la cavalerie de la garde impé.riale, qui, tenant toujours garnison à Paris et aux environs et n'ayant, de par le règlement, pour officiers subalternes que des célibataires, était composée d'une façon exceptionnellement brillante.

Quantité de jeunes gens bien nés – y compris ceux qui appartenaient à des familles de farouches légitimistes – ardents, pimpants, jolis garçons, plus ou moins riches ou par eux-mêmes ou en espérances, aimant le luxe et la dépense, y faisaient un stage de quelques années et se mêlaient, pendant leur séjour dans ce corps d'élite, à la crème du beau monde parisien.

Réunissant les avantages d'une position sociale hors de pair et la séduction de l'uniforme, ils attiraient, pour peu qu'ils fussent bien tournés et agréables de leur personne, l'attention du beau sexe; ils accaparaient toutes les bonnes fortunes et étaient la coqueluche des grandes demi-mondaines.

C'est donc dans ce clan que se recrutaient une grande partie des seigneurs de mirifique renommée galante et que se rencontraient les lovelaces faisant le plus de ravages dans le cœur des hé.taïres de marque. Ce qui n'empêchait à aucun degré, du reste, la majorité d'entre eux- et ceci est à noter de songer à leur carrière et de parvenir, par la suite, aux plus hautes destinées.


Les façons des cocons avec les cocottes ëtaient, & la fois, familières et aimables. Ils ne leur donnaient point ce à quoi elles n'avaient pas droit et H quoi, au surplus, elles n'imaginaient pas de prétendre; mais ils ne leur refusaient aucun des égards, aucune des attentions, aucun des bons procèdes que l'on doit à toute femme, uniquement parce qu'elle est femme.

Certes, ils ne les traitaient point en grandes dames et ils les prenaient rarement au sérieux. Mais ils n'apportaient, dans leurs rapports avec elles, ni trivialité ni grossièreté, et, s'ils ne les couvraient pus toujours d'or, ils se seraient fait scrupule, en général. de les tromper sur leur situation de fortune, de faire naître on elles, à cet égard, un espoir chimérique; dépensant, en tout cas, sans compter, les amusant, los promenant, les entourant, les comblant de fêtes, de parties, de diners, de soupers iins, de loges au théâtre, les couvrant de bijoux.

Peu de cocodès étaient, pour ces dames, des amants vraiment sérieux, quoiqu'il y en eût, cependant, je l'ai déjà dit. Le système ingénieux de la commandite et des syndicats amoureux n'étant point encore & l'ordre du jour, l'emploi d'amant sérieux exigeait une bourse mieux garnie que ne l'est ordinairement celle des tout jeunes gens de la bonne compagnie et, le plus souvent, il était tenu par des nababs obscurs, restant dans la coulisse.


LES AMANTS SERIEUX

Les amants sérieux des grandes courtisanes pouvaient être classés en trois catégories et se résumaient en trois types distincts qui représentaient, à des détails près, l'honorable corporation le bourgeois opulent, le sportsman pourri do chic et le boyard – il existait encore dos boyards – jetant, sous forme do roubles, do la poudre aux yeux dos biches parisiennes. Le bourgeois, le plus cossu et le plus résistant des trois, possédait un sac énorme péniblement amassé par son père dans les produits chimiques ou les bonnets de coton. Entre deux âges, sans prétentions à l'élégance et au relief, froidement positif et pratique, il ne rêvait ni de notoriété ni de panache et cherchait seulement, non sans une pointe de malice narquoise, a se donner tranquillement, à coups de billets do banque, les mêmes jouissances – du moins il le croyait que ces esbrouffeurs d'aristocrates.

Paillard honteux, parfois horriblement amoureux & sa manière, gonCé de vanité au fond, farci de préjugés mesquins, rongé d'envie, il ne jetait son dévolu que sur les étoiles de première grandeur découvertes et cotées par les pontifes du bon ton. II en prenait une par désœuvrement et par jalousie, lui restait fldèle par amourpropre et par avarice, payait son luxe par dôpra-


vation et par peur d'être banque a la porto, et no se montrait jamais en public avec elle pour éviter d'être écrasé sous 1.. -omphante supériorité des cocod~N en vogue

Il so considérait cou.me le plus malin des deux et ne voulait, a aucun prix, passer pour un jobard. Le bourgeois frôlait les hommes à la mode au bois, aux courses, chez le restaurateur, les connaissait, en était connu, échangeait avec eux, à l'occasion, un salut cérémonieux de sa part, dis.cret et protecteur de la leur, mais no les fréquentait. pas et n'était jamais admis a leurs réunions. Il se savait minotaurisé par eux, comme dirait Balzac, à l'heure et, a. la nuit, et n'en avait nul souci, trouvant la chose toute naturelle, s'en estimant, jusqu'à un certain point, honoré et jubilant mémo intérieurement de voir ces ?ncMïO!t)'s donnor do la valeur et du prestige à l'objet do luxe qui lui coûtait si cher.

Son rêve constant et favori, caressé avec délices, était de mettre, un jour ou l'autre, la main sur une marquise dans la débine, afin de prendre cyniquement sa revanche et d'humilier la noblesse. 11 poursuivait cet idéal sans relâche et sans succès, la vénalité des femmes du monde étant alors chose & peu près inconnue, et se résignait, en attendant, a être traité de Turc a More parles impures.

Le sportsman pourri de chic était le roi des amants sérieux.


C'était, à tous égards, un fort grand soigneur, quelque chose comme Lauxun ou Fronsao, modernisé et opérant dans le demi-monde. En possession d'un grand nom et d'un beau titre bien authentique, jeune, riche, prodigue jusqu'à la folie, excessivement élégant avec une note personnelle très accentuée, il était débraillé, bohème, noceur et tout ensemble do bonne compagnie portant on lui une distinction native, un grand air, qui se dégageaient do toute sa personne et porçaient à travers ses allures d'un sans-façon presque trivial, d'une familiarité qui, pour être un peu hautaino, n'on paraissait pas moins, do prime abord, assez choquante.

Vous l'eussiez transporté dos clubs, du turf et des cabinets particuliers qui absorbaient sa dévorante existence dans un salon ultra.sci'cc~ du vrai monde, qu'il n'y aurait point été déplacé une minute, et qu'immédiatement on l'eût t'o.marqué pour l'aisance patricienne do ses façons, pour la distinction et le tact exquis do son maintien. Dans les rares apparitions do ce genre qu'il lui arrivait défaire, it enlovait d'emblée tous les suffrages et hypnotisait les matrones du ~'a<îM. Mais il dédaignait ces satisfactions trop platoniques pour son scepticisme gouailleur et pour son vertigineux entrain, et leur préférait do beaucoup les victoires faciles et plus substantielles ayant une maîtresse on titre, la plus capiteuse et la plus lancée du moment, pour laquelle il faisait


toutes les extravagances et toutes les folies imaginables, avec laquelle il dévorait allègrement et magnifiquement sa fortune.

Ce qui ne l'empêchai), pas, entre temps, do jeter le mouchoir aux belles petites qui se trouvaient sur son chemin et qui ne lui marchandaient point leurs bonnes grâces, dans l'espoir do le nxor~ot de bénéficier de ses largesses. Il traitait volontiers les cocottes comme dea femmes du monde et celles-ci comme des Slles, s'attaquant, de temps à autre, aux plus dévergondées, brusquant le dénouement et les menant a la baguette. On l'entendit un soir, à travers une cloison, après une conversation criminelle avec une duchesse du meilleur cru, la houspiller plus que cavalièrement et lui dire, entre autres choses: « On t'en f.ichera dos éponges do soixante francs pour te laver le. cou a. Séduisant, au total, entraînant, éblouissant, tantôt amant sérieux et tantôt amant de cœur, il brillait dans ces deux rôles et y avait une égale réussite.

Le boyard, comme son nom l'indique, arrivait en~droite ligne des bords de la Néva. Il se disait plus Parisien qu'un Parisien du faubourg Montmartre et il l'était effectivement par l'esprit, par le luxe, par le raffinement, par le genre d'existence.

Roulant sur l'or, beau comme l'antique, supérieurement doué, il se croyait tout permis, met-


tait les pieds sur la cheminée, n'avait rion de caché pour sos maîtresses pas môme les soins hygiéniques réclamés par la nature et, sous prétexte qu'il les payait très cher, les traitait comme de simples serfs, ce qu'eues n'acceptaient qu'on rechignant.

Elles s'on dédommageaient en l'humiliant dans 1 tete-a-tëto, en le détestant cordialement malgré tout ce qu'il avait pour plaire et on parlant do lui d'un ton méprisant aussitôt qu'il avait le dos tourné. Les courtisanes do ce temps-là subissaient los exotiques, mais elles ne se plaisaient qu'avec les Français, a qui elles étaient toujours disposées à faire des concessions.

LES AUTHES

Les amants de fantaisie do ces dames étaient les plus nombreux. Il y en avait une infinité et une étonnante variété car la fâcheuse uniformité, mère de l'ennui, n'existait point dans le beau monde d'alors, où chacun conservait son individualité.

Il y avait le sentimental, aimé pour lui-môme, qui croyait que c'était arrivé, se laissait ompaumer par un crampon, filait avec lui le parfait amour, l'adorait comme il eût fait d'une rosière et nourrissait la douce illusion de lui rendre sa virginité.

Celui-là était un bellâtre, poétique, naïf et court d'entendement, qui donnait le meilleur de


son âme sans s'apercevoir qu'on ne le prena it exactement que pour la force de son biceps et la carrure de ses épaules.

Triste, rêveur, taciturne et bon, il se tenait à l'écart de la bamboche et des fêtes bruyantes, s'efforçait d'isoler l'objet aimé, croquait le marmot sous sa fenêtre dos nuits entières lorsque la douco enfant éprouvait le besoin do varier ses divertissements, se lamentait piteusement pour une infidélité et, nnalemont, poussait des cris de paon quand, de guerre lasso, on le remerciait. Puis, le don Juan, le mangeur de cœurs, joli garçon, élégant, bien tourné, vicieux et voluptueux jusqu'à la racine des cheveux, enjôleur, ensorceleur, entreprenant etinsouciant: l'homme à femmes dans toute la force du terme. Il n'avait qu'à se baisser pour on prendre. Elles lui faisaient los avances les moins dissimulées. Elles se l'arrachaient littéralement et il les subjuguait toutes les unes après les autres. si ce n'est à la fois.

Très gai compagnon, excellent camarade, amoureux exceptionnel, il avait, dans les alcôves, une réputation solidement établie, tant il savait faire vibrer la corde sensible. Elles l'idolâtraient d'autant mieux, elles couraient d'autant plus après lui qu'il ne s'attardait point dans do longues liaisons et qu'il avait soin de s'en aller avant qu'on no le mit à la porte, de quitter les tourterelles encore frémissantes et inassouvies.


La faiblesse du don Juan, qui cependant était rempli d'esprit, était do s'imaginer qu'il no tenait qu'a lui d'êtro aimé indéfiniment et que, si la constance eût été dans sa nature, jamais une femme no l'aurait lâche. On n'est pas parfait Il y avait l'amant a la bonne franquette, qui poussait sa pointe sans prétentions et qui, sans en avoir l'air, s'en fourrait jusque-là. Le financier mondain do la haute banque, jeune, viveur et répandu, qui casquait dans les grands prix et se croyait chéri pour se.: beaux yeux.

Enfin, les artistes et môme les acrobatos, dont les abandonnées les plus huppées no faisaient point fi a leurs moments pordus. Fauro.Nicolini, Capoul et jusqu'à Léotard, sur son trapèze, on ont su quelque chose.

Je me souviens qu'un jour, étant arrivé a l'improvisto chez une jeune beauté fort courue, qui m'hon'orait do ses bonnes grâces, je la trouvai lisant un poulet au bas duquel se pavanait la signature d'un acteur en renom et qui était ainsi conçu

« Comment faire pour te voir? Hier soir, je t'ai aperçue aux Vand~s; mais tu n'as pas daigné jeter les yeux sur moi. J'étais modestement assis aux fauteuils d'orchestre pondant que tu te prélassais dans une avant-scène avec ton homme d'argent. »

L'homme d'a~ey~, c'était moi. Pas de commentaires, n'est-ce pas?.



LES ACTRICES



x

Les Actrices. – Les Théâtres de genre sous le second Empire. Un trio d'enchanteresses. Blanche Pierson. La bagarre du Cotillon. M. de Morny et les manifestants. Un duc porté en triomphe par la foule. Un vieux gentilhomme au violon. -– Invention géniale d'un jeune seigneur pour payer ses dettes. Céline Montaland. Les inconvénients du massage. Leonido Leblano. Sa conversion et son apostolat. Léonide Leblano au consoil de guerre.

Notez bien que ce n'est point de la critique théâtrale que j'entends faire ici. Je n'ai nullement la coupable intention de pontifier ni de me livrer a des considérations soporifiques sur les qualités professionnelles des artistes de mon jeune temps; moins encore de mettre en lumière les plus signalées et les plus en vogue au point de vue do l'art et du talent.

Je veux tout simplement parler de la pléiade de jeunes et jolies personnes qui appartenaient, à la fois, au théâtre et au demi-monde, qui furent


plus & la mode en tant que femmes que comme actrices – bien que d'aucunes aient parcouru une brillante carrière et dont les charmes personnels, rehaussés par l'éclat et par le prestige de la rampe, ont laissé aux hommes de ma génération d'ineffaçables souvenirs.

Les théâtres de genre, sous le second Empire, étaient assidûment fréquentés par les viveurs de marque. Les avant-scènes, les baignoires, les fauteuils d'orchestre y étaient habituellement, et en grande majorité, occupés par la crème des fashionables. C'étaient des sortes de succursales des deux ou trois clubs en renom, où l'on avait coutume de se retrouver presque chaque soir, dont on connaissait tous les ètres et qui emprun. taient à la présence et à la prépondérance des jeunes seigneurs du high-life une grande partie de leur cachet d'incomparable élégance et de leur succès.

Les membres de la coterie masculine qui formaient le public dirigeant, pour ne pas dire omnipotent, avaient, pour la plupart, de nombreuses accointances avec la scène en la personne de ces demoiselles, qui tenaient grand compte de leurs suffrages, s'efforçaient de leur plaire et jouaient souvent beaucoup plus pour eux tout seuls que pour le reste. des spectateurs. On échangeait continuellement des sourires, des petits signes d'intelligence, quelquefois des mots piquants et des plaisanteries à haute voix.


Au point qu'il m'est arrivé de voir des comédiennes s'arrêter court au milieu d'une tirade sur une exclamation partie du premier rang des fauteuils et être prises d'un tel fou rire qu'il leur fallait un bon moment avant de pouvoir continuer. C'étaient alors des bravos, des trépignements, des explosions de gaieté inénarrables. Il s'établissait ainsi, entre le public et les interprètes, un courant sympathique, une communication intime et incessante qui stimulaient la verve de ces derniers, provoquaient l'enthousiasme du premier et donnaient aux représentations un entrain extraordinaire, une physionomie, tout ensemble mondaine et débraillée, impossible à décrire.

L'art dramatique ou lyrique, la gloire, la postérité, étaient, en général, le cadet des soucis des jeunes beautés qui montaientsur les planches des petits théâtres et, si elles avaient du mérite, des dons innés, des capacités acquises ce qui n'était point rare – elles les déployaient sans apprêt, sans prétentions aucunes, presque sans s'en douter.

Ce qui leurimportait, ce qu'elles recherchaient, ce qui les préoccupait, avant tout, c'était la grâce, c'était la séduction, c'était la toilette, c'étaient l'admiration et les applaudissements des beaux messieurs des avant-scènes, c'étaient les triomphes amoureux.

Aussi celles qui se lançaient dans la galanterie


tenaient-elles la tête du mouvement et occupaient-elles, dans la corporation, une situation privilégiée, avec un attrait tout particulier et une nuance caractérisée de correction et do tenue, qui, sans que le diable y perdit rien, les rendaient singulièrement affriolantes, suggestives et désirables.

Je passe sous silence les belles petites, alors en très grand nombre, figurantes ou rôles insignifiants, dont le seul but, la seule ambition, était d'exhiber leurs formes plantureuses devant un parterre en délire et qui, pourtant, méritent une mention, non seulement parce que leurs maillots étaient bien remplis, mais encore parce qu'elles restaient au théâtre, même après qu'elles étaient casées, mctno après fortune faite, ce qui ne se voit plus do nos jours.

En l'an de grâce et do prospérité 1861, au début de la phase la plus étincelante durégimo impérial et des spectacles parisiens, trois comédiennes, trois femmes accomplies et délicieuses, a l'éclosion de lcurpreslige et de leur rayonnantebeauté, apparaissaient au premier plan et se disputaient les hommages du sexe laid. C'étaient Blanche Pierson, Céline Montaland et Leonide Leblanc. Ce trio d'enchanteresses, d'un type diffèrent, mais toutes trois si parfaitement jolies et captivantes que le berger Paris en personne en 'eût été terriblement embarrassé, personnifiait toute une époque enrubannée, pomponnée, musquée,


sentant la poudre & la Maréchale, faite de splendeurs, d'enivrements et de plaisirs ininterrompus.

Elles formaient un groupe charmant et épanoui qui se détachait d'une façon lumineuse de l'ensemble du tableau et qui vous laissait une impression indestructible. Je la retrouve vivante dans mon esprit, cette impression, et je no puis évoquer lo souvenir de l'une d'elles, sans qu'immédiatement les deux autres me reviennent Ma mémoire.

Pierson et Montaland – morte, heias t récemment – sont entrées, dans la maturit'' de l'âge, à la Comédie Fra~çaïse. Léonide Leblanc, qui a failli en forcer les portes la première, est restée sur le seuil je n'ai jamais bien compris pourquoi.

BLANCHE PIERSON

Qui ne l'a pas connue, cette charmeuse, d'ms la fleur épanouie de ses dix-huit printemps, ne sait pas ce que peut être la grâce, unie a la jeunesse, à la fraîcheur, & l'éclat, à laperfection dos lignes et à la finesse des traits.

Naturellement blonde, d'un blond calme et agréable aux reBets châtains, avec de beaux yeux langoureux et doux, à la fois honnêtes et suggestifs avec le plus joli visage, le teint le plus éblouissant, la physionomie la plus avenante et


la plus attractive, illuminée par le plus ravissant sourire qu'il soit possible de rêver, elle avait un corps charmant, des formes exquises, accentuées par un léger embonpoint, qu'elle a perdu depuis, -une taille élégante etsouple,desfaçons de grande dame, qui, dans l'intimité, se transformaient en adorables câlineries, un timbre de voix caressant, harmonieux et enjôleur qui vous pénétrait et vous remuait jusqu'aux moelles, et un fluide enivrant, une odor di femmina se dégageant de toute sa personne, qui achevait do la rendre séduisante, empoignante et désirable autant que femme l'ait jamais été.

Avec cela, un caractère aimable et enjoué, une rare égalité d'humeur; un langage naturellement châtié, sans recherche ni pédanterie, mais dans lequel ne perçait, & aucun moment, ni une trivialité ni un gros mot; une extrême simplicité allant jusqu'à l'abandon et, à l'occasion, jusqu'à la lasciveté, mais toujours sur un ton de bonne compagnie et de parfaite distinction; une nature fine et délicate, raffinée au delà de tout, plus sensuelle, au fond, qu'elle n'en avait l'air, faite pour l'amour et l'intimité plus encore que pour les succès bruyants, ayant des replis félins, des coins de tendresse presque enfantine, dans lesquels se cachaient des griffes roses prêtes & sortir quand elle le voulait. Pour ses amis et ses amoureux préférés, toujours souriante, bonne enfant, disposée à leur être agréable, pleine de cqndescen-


dance, de petites prévenances et de gentillesse. C'est assez dire qu'il lui avait suffi de paraître sur la scène du Vaudeville pour tourner la tête à tous les hommes et le financier opulent et en vedette qui fut assez heureux pour décrocher la timbale avait une rude concurrence à soutenir en la personne des plus fringants cavaliers et des mondains les plus à la mode de ce temps-là. Tous étaient à ses pieds et s'enthousiasmaient pour ses charmes. L'admiration qu'elle excitait dans le camp des cocodès provoqua môme une aventure retentissante, qui a fait époque et dont elle fut l'héroïne. Voici ce qui arriva

La direction du théâtre du Vaudeville, situé alors place de la Bourse et, généralement, voué aux fours dramatiques, avait monté une pièce intitulée Lo Cotillon, dans laquelle Blanche Pierson devait danser seule quelques mesures de valse.

Or, ce solo chorégraphique ennuyait prodigieusement la jolie comédienne, qui, n'ayant pu obtenir du directeur et de l'auteur de le supprimer, entra dans une sainte fureur, se plaignit à ses admirateurs, leur monta la tète et leur Et partager, sans peine, son mécontentement. Tant et si bien que ces messieurs, épousant la querelle de leur Divinité, montèrent une cabale formidable et résolurent d'empêcher la représentation.

Le soir de la première du Cotillon, la plupart t


des fauteuils d'orchestre étaient occupés par les conjurés. Le Jockoy.Club au grand complot, le duc de G.t-0.sse en tête le tout-Paris fashionable et viveur; les adorateurs habituels de Piorson se trouvaient là efforvesconts et résolus, prêts à prendre l'offensive au premier signal. A peine le rideau était-il levé que, de tous les rangs des fauteuils, éclata, comme un coup de tonnerre, le plus indescriptible boucan qu'il soit possible d'imaginer. On voulait faire taire les acteurs, cesser le spectacle, Il tout prix, faire tomber la pi<ce. Et, comme il y avait des opposants en assez grand nombre, on se prit de bec furiousement, on se jota des petits bancs à la tête, on échangea des horions, voire des coups do cassetôto le sang' coula et il y eut une ou deux blessures assez sérieuses.

La police, cela va sans dire, intervint, trop tard, selon sa coutume, opéra des arrestations, At les meneurs, la fine fleur des élégants, le dessus du panier des c!nbmen, furent conduits au poste, en habit noir et le gardénia a la boutonnière, comme de simples vagabonds. Quant a la comédie elle fut brusquement interrompue et, après un essai infructueux le lendemain, à tout jamais enterrée.

Sur ces entrefaites, on était venu prévenir de ce qui se passait M. de Morny, qui se trouvait au Joc~e~y, installé à cette époque au coin du boulevard et de la rue de Grammont – et qui,


do suite, ut donner l'ordre de relâcher les manifestants un à un ot sans bruit,, do manière h ne pas attirer l'attention des badauds.

Mais la foule s'était assemblée devant le poste de police et, lorsque G.t-C.sse, le plus connu de la bande, en sortit, elle s'empara de lui, le porta en triomphe jusqu'au club et, arrivée là, lui fit une ovation. Cet incident lui avait donne une sorte de popularité, les étudiants du quartier Latin lui firent demander s'il voulait qu'ils organisassent une démonstration contre le gouvernement et, le printemps suivant, en traversant le faubourg Saint-Antoine pour aller aux courses de Vinconnos, il fut acclamé par le populaire.

Dans la bagarre, il y eut des épisodes d'un haut comique, des détails on no peut plus amusants. Je n'en citerai qu'un qui vaut son pesant d'or

Un camarade a moi, grand casseur d'assiettes, grand coureur do steep!e-c~aaea et de guilledou, très haut coté sur le <M)' qui était a la tête de deux ou trois cent mille francs de dettes, dont il commençait à se trouver fort empôh'é, apprend, dans la soirée, que son père, vieil Harpagon colossalement riche, arrêté par hasard, .au milieu des tapageurs, n'a pas encore été élargi et qu'il gémit sur la paille humide des cachots. Il songe à aller le réclamer. Soudain, une pensée diabolique lui traverse l'esprit. L'occasion est unique


pourquoi n'essayerait-il pas de la mettre à profit? Et, froidement, il envoie dire à l'auteur de ses jours, par un ami complaisant, que s'il veut être rendu à la liberté, il faut qu'il s'engage, préalablement, à solder le passif de son cher fils 1 Pris au dépourvu, terrifié par la perspective de coucher au violon, le vieux richard, très radouci, promet tout ce qu'on veut et s'en tire, le lendemain, par une transaction, en payant la moitié de la petite note. C'était toujours ça de gagné.

CÉLINE MONTALAND

Une brune classique, avec une peau de blonde d'une blancheur éclatante. Des cheveux aile de corbeau, & bandeaux plats, des yeux brillants comme dos diamants noirs; une petite bouche, un peu pincée, meublée de perles; une taille cambrée, pleine de désinvolture; dos épaules admirables, bien que légèrement empâtées un pied invraisemblable de perfection; des attaches d'une remarquable finesse telle était Céline Montaland, vraie Manola andalouse, piquante, plantureuse, accomplie, parlant aux sens et provoquant le désir sitôt qu'on l'apercevait. Excellente fille, au cœur d'or, aimante, aSabte, généreuse, sans fiel ni rancune, avec un esprit enjoué, rempli de naturel et de bonhomie, elle était aussi universellement aimée qu'ad-


mirée et il serait difficile de dire si les hommage~ dont elle était entourée s'adressaient plutôt à sa beauté qu'à sa nature, la plus sympathique, la plus attachante que l'on pût rêver.

Ajoutez a ce portrait une somme de dons rares et étonnamment variés qui, dès son enfance, lui avaient permis de jouer la comédie, de chanter, de danser même, alternativement, avec une stupôQante facilité et un réel talent, et vous aurez une idée do l'engouement exceptionnel dont elle était l'objet, dos triomphes qui l'accueillirent à l'aurore do sa carrière de femme. La première fois que je l'ai vue c'était a la PoWe-Sa~-Ma~Mt, où, toute jeune encore, elle dansait, dans le Pied de Mouton, avec uno grâce et une maesMa incomparables, un entraînant boléro.

Paréo d'un étincelant costume espagnol, à la jupe courte, qui découvrait la plus jolie jambe du monde, maniant les castagnettes avec un art consommé, en vraie ballerine de h'a !os moM~N, belle comme on ne l'est pas, souple, ondoyante, gracieuse, captivante au suprême degré, elle électrisait littéralement toute la salle et chacune de ses entrées en scène était saluée par des salves d'applaudissements qui n'en unissaient pas. Je n'ai jamais pu la revoir depuis sans me la représenter sous cet aspect.

Elle était, à ce moment-là, en liaison avec un seigneur moscovite des plus répandus a Paris et


des plus goguelus, qui contribua, certes, & sa célébrité, mais qui passait pour manquer' de poésie et pour ne pas la traiter, tous les jours, avec les égards et la galanterie qu'elle aurait mérites. Les anecdotes que l'on racontait, à ce sujet, d'un naturalisme si brutal que je n'ose les répéter, défrayaient la chronique des clubs et nous donnaient à tous l'envie de servir d'instruments de vengeance à l'adorable créature, qui, heureusement pour eUe, a eu, par la suite, des dédommagements.

Mais une petite aventure que l'on peut rappeler, par exemple, et qui est des plus drôles, c'est le procès que la bonne Oeiine eut avec un masseur à qui elle avait confié le soin de la débarrasser de l'embonpoint qui commençait a l'envahir – heureux coquin! – et qui n'avait, parait-il, tenu qu'imparfaitement ses engagements.

Dans ces dernières années, elle avait occupé au théâtre des emplois importants, dont la jeune génération a gardé le souvenir. Elle était devenue pensionnaire de la Comédie /'<'aMçaîae et mère de famille exemplaire. Puis, à l'apogée du succès, elle s'est laissé mourir, sincèrement regrettée de tous ceux qui l'avaient approchée. LÉONIDE LEBLANC

Au physique, une dos femmes les plus complètes, peut-être la plus complète de son temps.


Le plus joli minois, la tête la plus parfaitement régulière et séduisante, le regard le plus délicieux, la physionomie la plus expressive et attrayante que j'aie jamais vus, sur un corps modelé, ni trop grand, ni trop petit, ni trop gras, ni trop maigre, fait au tour de la plante des pieds, qu'elle avait très petits, & la racine des cheveux, qu'elle avait superbes. La volupté en chair et en os, avec une tournure do marquise du dix-huitième siècle, une démarche pimpante, des mouvements serpentins et moelleux vous donner la chair do poule.

Au moral, le caprice et la fantaisie porsonnifiés, Le cœur sur la main, l'imagination ardente et passionnée, l'esprit vif et original, avec une pointe de naïveté juvénile dans la forme, qui lui donnait une saveur particulière. Insouciante, bohème a ses heures, aimant le plaisir et la petite fête, jetant l'or a pleines mains, lorsqu'elle en avait, et ne sacrifiant, pour le conserver, ni une toquade, ni une distraction, ni, à plus forte raison, une affection; s'amusant sans désemparer et ne manquant pas de talent.

Trop jolie, trop capiteuse, trop élégante, trop lancée, pour consacrer, dans sa première jeunesse, beaucoup do temps a son art, faisant des ravages effrayants daus les rangs du sexe male, elle était entraînée par le tourbillon. Oe ne fut que plus tard, lorsqu'elle eut la. bonne fortune d'attacher a son char un prince de sang royal,


-v._

que le goût lui vint du travail et de la prévoyance et qu'elle devint, du même coup, une artiste sérieuse et une femme définitivement calée.

Rendons-lui cette justice qu'elle avait conscience de l'honneur qui lui était échu. Pendant la lune de miel, après la guerre, elle conseillait volontiers à ses amis. de l'Empire tombés en disgrâce de se faire orldanistes comme si ces choses-là pouvaiont s'apprendre quand on n'a pas été pris tout petit!

Il n'y a encore que ça de bon dans ce moment-ci, disait-elle de son petit air mutin et sérieux tout à la fois.

Et c'était plus vrai qu'elle ne pensait. Les pontifes de la secte ne lui ont pas toujours tenu compte de cette ferveur et, l'an dernier, à la répétition générale de la Revue jouée dans un grand cercle parisien, comme elle s'était carrément approchée de son ancien protecteur et qu'elle avait causé un instant avec lui, il s'est trouvé des puritains pour crier au scandale Quelle inconvenance compromettre ainsi monseigneur! s'écriaient ces hommes vertueux, à cheval sur la morale et l'étiquette.

Monseigneur en avait vu bien d'autres et je gagerais que la rencontre a été loin de lui déplaire. Excès de zèle! a murmuré la galerie sceptique. En tout cas, beaucoup de bruit pour peu de chose.


Que n'aurait-on pas dû dire, alors, de l'adorable répartie de la spirituelle et malicieuse actrice à une femme du monde un peu pimbêche qui, à l'une des audiences du procès Bazaine, voulait, à toute force, lui p rendre sa place, sous prétexte que c'était la sienne et qu'elle lui avait été donnée par le Président du Conseil de guerre en personne?

–C'est trop fort! s'écriait la dame qui était montée sur ses grands chevaux. On n'a pas idée d'une pareille audace! Je dine ce soir chez Monseigneur et je me plaindrai à lui de cet affront. Ca ne se passera pas comme ça! Ah! vous dinez chez Monseigneur! répond tranquillement Léonide, en toisant sa rivale d'un joli regard impertinent, eh bien! 1 moi, j'y soupe 1.



XI

Comédiennes. Athalie Manvoy. Une mère d'actrice révolutionnaire. Judith Féreira Chef d'orchestre séducteur. – Emilie Keller. A Turin. Prince et comédiennes. Martine. Léontine Massin. Un mot de Théodore Barrière. Hortenae Neveu.- Desclée.

ATBAUE MANVOY

Une petite ngurine de Saxe aux cheveux châ-tains, à l'œil vif et émerillonné, à la taille mignonne et bien cambrée, aux allures étourdies et.un peu brusques; jolie à croquer avec sa frimousse espiègle et finement ciselée; toute jeune, tout épanouie, pleine d'entrain, de brio, de coquetterie et de roublardise.

Intelligente aupossible, amusante, provocante, enjôleuse, douée d'un surprenant esprit de répartie, assaisonné, par moments, d'un pe u d'aigreur et de méchanceté; mais futée et fin de siècle avant le temps, elle entendait n'aliéner son capital qu'à bon escient. Et, si elle batifolait allé-


grement avec les jeunes soigneurs à la mode, qui tous lui faisaient une cour assidue, elle s'en tenait aux bagatelles de la porte et se réservait pour quelque chose de plus sérieux.

Dans les coulisses du Vaudeville, où elle avait beaucoup de succès, elle était constamment entourée par la crème du Jockey-Club et du Cercle de la rue Royale, qui, attirée par ses agaceries, son charme piquant et l'originalité de son caractère, rôdait autour de sa crinoline dans l'espoir, longtemps déçu, de lui voir faire un choix ou de profiter d'un instant d'abandon. Ce ne fut que plus tard qu'elle daigna jeter le mouchoir au plus riche de ses admirateurs, sympathique oentleman qui eut le privilège de la séduire et de la Sxer.

Jamais je n'oublierai ces soirées passées dans les coulisses du Vaudeville autour d'Athalie Manvoy et où un petit clan de camarades, gais, exubérants, endiablés, comme on l'est & vingtcinq ans, se livrait, sans arrêter, a toutes les farces et à toutes les gamineries imaginables. Il se passait là des scènes comiques à vous désopiler la rate et auxquelles la mère de l'étoile naissante, une véritable mère d'actrice, veillant sur son trésor avec une jalousie farouche, donnait un fumet très particulier.

Cette bonne dame, qui avait vécu, disait-on, dans l'intimité d'Armand Marrast et qui était im.bue de toutes les doctrines des vieilles barbes de


48, affectait une haine profonde pour la noblesse, – la noblesse pauvre apparemment. Elle avait pris à tic l'un des attentifs de sa. fille, garçon de beaucoup d'esprit qui, justement, ne portait pas un nom aristocratique, mais qu'elle soupçonnait, non sans raison peut-être, d'avoir dos intentions d'une pureté douteuse, et elle ne laissait pas échapper une occasion de lui marquer son hostilité.

Un soir qu'il avait lutiné plus que de coutume sa chère enfant et qu'il avait mémo essayé, si je ne me trompe, de joindre le geste à la parole, elle se planta devant lui et, le regardant bien en face d'un air menaçant et tragico-bouffon

Je ne veux pas que ma nlle serve de jouet à l'aristocratie, entendez-vous, monsieur 1. Une autre fois, à la suite de je ne sais plus quelle plaisanterie que venait de lui faire le nn loustic, elle s'écria devant tout le monde Oh! ce M. X. je l'exècre Quand il montera sur l'échafaud, je louerai une fenêtre pour le voir passer.

A quoi M. X. se retournant vers la petite et lui adressant son plus gracieux sourire, répondit Mademoiselle, je suis trop poli pour répondre à madame votre mère mais je vous prie de lui dire, de ma part, que je m'asseois dessus! Et c'était comme cela perpétuellement, a jet continu. Sans compter les épisodes, les petites histoires, les bouderies, les querelles, les riva-


lités résultant du flirt intense et furieusement mouvementé de la bande joyeuse avec la jolie comédienne.

Athalie Manvoy ne s'éternisa pas au théâtre elle ne fit presque qu'y passer. Tout à coup, on ne la vit plus, on n'entendit plus parler d'elle et, un beau jour, on apprit qu'elle avait quitté ce monde.

JUDITH FEREIRA

Une ravissante Juive, aux yeux et aux cheveux noirs, au teint coloré, à l'ovale antique, aux traits d'une finesse et d'une régularité très remarquables.

Elle réalisait le type complet de sa race dans ce qu'elle a de plus pur et de plus attirant; avec un corps de grandeur moyenne admirablement proportionne, un regard humide des plus capiteux, une voix juste et agréable, un jeu brillant et animé un enjouement rempli de coquetterie et de luxure raffinée, mélange a une indicible expression de candeur, qui faisait une impression étrange et ajoutait a la séduction répandue sur toute sa personne.

Engagée au théâtre des Variétés, où elle était l'idole du public et le clou de toute bonne représentation, elle paraissait sur la scène toujours étincelante de diamants et souvent en costume


court, montrant une jambe idéale. Prodigue do sourires et d'oeillades, superlativement ôlégante. elle avait un succès fou au théâtre et il la ville, ne passait pas, tant s'en faut, pour rester insensible aux hommages, et ne semblait nullement être sur la route qui conduit au mariage. Lorsque, soudainement, les habitués des fauteuils, dont les lorgnettes étaient constamment braquées sur elle, remarquèrent certains regards et certains signes d'intelligence échangés avec le chef d'orchestre, jeune maëstro bien tourné et flambant.

Ils crurent d'abord à une étourderie ou a des rapports de bonne camaraderie. Mais le manège s'accentuant et se renouvelant avec autant de persistance que de régularité, ils ne tardèrent pas a découvrir qu'il s'agissait bel et bien d'une intrigue.

Peu & peu, le bruit se répandit que la belle Judith était sérieusement éprise de l'Holophorne de l'archet. Chaque soir, à partir de ce ~momentlà, les spectateurs suivaient, non sans curiosité et sans intérêt, le développement du roman qui se déroulait sous leurs yeux et s'y intéressaient au moins autant qu'au spectacle véritable. On ne parlait plus d'autre chose pendant les entr'actes on en potinait, a la sortie, dans les clubs.

Et quand on apprit le dénouement, quand on sut que Judith Fereira épousait pour de bon,


par-devant monsieur le maire, son objet, ce fut un événement.

La pauvre petite femme ne survécut pas longtemps à son changement d'existence, dont on assurait, pourtant, qu'elle était très éloignée de se repentir, et, peu do mois après son entrée en ménage, encore dans tout l'éclat de la jeunesse, de la beauté et du triomphe, elle mourut. Combien se sont envolées parmi ces riantes apparitions qui ont charmé notre jeunesse 1. EMILIE KELLER

Elle a fait ses premières armes a Turin, au Théâtre-Français, en compagnie de Caroline Letessier, entourée d'une petite cour de diplomates et d'officiers, et terminé sa carrière artistique en Russie, non comme actrice, mais comme directrice d'une troupe de province. Et, dansl'intervalle de ces deux dates, qui marquent l'aurore et le déclin de son régne, quelle existence mouvementée 1 Quelle agitation, quelle fièvre 1 Quelles alternatives de hauts et de bas 1 Quels succès à Paris, où elle brille un instant à l'égal des plus célèbres, et quels brusques retours de fortune! Quelle énergie déployée et quelles victoires remportées sur le destin 1

Brune châtain, pimpante, sémillante, le regard vif et intelligent, le minois chiffonné, la démarche élégante et décidue, avec un petit mouvement de


hanches des plus émoustillants qui faisait mer. veilleusement ressortir la souplesse et la perfection de sa taille; blanche, potelée, faite à souhait, vrai type de soubrette classique, elle était on ne peut plus jolie et séduisante, en dépit d'une petite cicatrice qui lui balafrait légèrement la joue et qui, bien qu'assez apparente, ne déparait nullement sa physionomie.

Nature un peu bohème, cabotine dans l'âme, elle avait le cœur très tondre, la belle Emilie, et elle sacrifiait, sans marchander, son intérêt a ses sentiments ou à ses plaisirs; adorant les beaux hommes, surtout lorsqu'ils étaient en uniforme ;'aimant la petite fête, les bons vivants, les gais compagnons, les amoureux entraînants et passionnés, les tempéraments de flamme, et apportant, dans les relations de galanterie ou de pure camaraderie, un esprit alerte et bien parisien, beaucoup d'entrain, de bonne humeur, de gaminerie, de charme.

Comédienne amusante, maîtresse exquise, amie ûdèle, elle jouait d'une façon fort agréable, chantait très joliment le couplet, plaisait à première vue et attachait dès qu'on était entré dans son intimité. Signe particulier: ne se brouillait jamaia avec ses amants lorsqu'ils avaient cessé de plaire, et restaitgenéralementavec eux dans des rapports de tendre amitié.

A Turin, pendant les premières années de son exubérante jeunesse, elle avait fait la pluie et le


beau temps; et, bien qu'elle eût alors un train de vie des plus simples et des plus modestes, une situation pécuniaire souvent voisine de la gêne, dos toilettes sans prétention, la fine fleur des cavaliers se disputait ses bonnes grâces. Elle était le boute-en-train, et un peu aussi l'enfant terrible, do la coterie endiablée de jolies actrices françaises et de jeunes seigneurs pipmontais qui se réunissait habituellement chez Honorine, la favorite en titre du vieux prince de Carignan pas pour y réciter les litanies de ia Vierge, comme bien on pense. On y soupait presque tous les soirs après le spectacle et on s'y livrait à des ébats qui n'avaient rien de solennel ni de gourmé. Oh non.

On y passait des heures charmantes, et plus d'une fois les murs du coquet appartement furent témoins de petites aventures très plaisantes. Il y en eut même une ou deux qui firent un certain bruit à la cour et à la ville, et dont on parla jusque dans les salons les plus collets-montés de la capitale la plus intraitable sur les convenances des cinq parties du monde.

Une nuit, entre autres, au moment le plus animé et le plus abandonné du festin, celui où les convives, rendus expansifs par de copieuses libations, commençaient a se montrer d'une effrayante sincérité, la maltresse de la maison, debout et le verre en main, achevait a peine de s'écrier, sur un ton emphatique « A la santé de


mon vieil imbécile » que l'Altesse royale, objet de ce toast irrespectueux, entrait comme une bombe,sans s'être faitannoncor, et s'arrêtait court sur le seuil de la salle à manger, en'arô, courroucé et amusé, tout ensemble, de ce qui s'offrait a sa vue!

On juge du coup de théâtre. La statue du Commandeur, apparaissant soudain dans une ombrasure de porte, aurait produit, & coup sûr, une impression moins terrifiante sur la folâtre compagnie. Tous restèrent cloués, méduses, immobiles, hébétés. La pauvre Honorine, horriblement troublée, tremblante, décontenancée, no savait où se fourrer et ne trouvait pas un mot a dire. Seule Emilie Kellor ne perdit point la tramontane et, s'avançant résolument vers le prince Monseigneur, vous arrivez à point 1 Nous venions, précisément, de boire a votre santé. L'histoire, naturellement, fut racontée, et elle ne fit qu'accroître la notoriété et le relief de son héroïne.

Toutefois, son ère de splendeur et de prospérité ne devait réellement se dessiner qu'à son retour à Paris dans le courant do 1863, si j'ai bonne mémoire.

Elle débuta, cette année-la, aux Fc!ï~ds, dans les Danses nationales, en jupe courte ce qui lui allait à ravir, et ne tarda pas à être très en faveur auprès de la fraction privilégiée du public qui faisait ou défaisait les réputations féminines.


Quelques mois après, elle possédait une calèche & huit ressorts, des chevaux splendides, des meubles mirinques, des bijoux à faire envie au shah de Perse, et elle était cataloguée en très bonne place parmi les demi-mondaines de haute marque. Elle joue alors au Palais-Royal et triomphe sur toute la ligne.

Cinq ans plus tard, on la retrouve en Algérie, vivant tranquillement et bourgeoisement avec un brave, élégant et richissime officier de cavalerie, cousin de l'empereur.

Puis, quand survient l'année terrible, qui rompt sa liaison, ayant dédaigne, comme la cigale, d'épargner pour la morte-saison, elle s'expatrie, va à Pétersbourg, y a du succès, s'y crée des appuis et devient directrice du théâtre d'Odessa. L'aB'airepéricHto; elle se démène, elle se débat, elle remonte sur l'eau et finit par surnager.

Je l'ai rencontrée récemment sur le boulevard des Italiens, un pou engraissée, mais toujours jolie, ma foi, et aussi souriante, aussi aimable, aussi bonne fille qu'aux plus beaux jours de l'ancien temps.

MARTÏNE

La perle du Palais-Royal, Brune, au teint frais, très jolie, très bien faite, produisant, à la scène, un effet phénoménal plastiquement, une


HOUTENSE SCHKHtDKH


des femmes les plus excitantes que l'on puisse imaginer.

Sa chevelure était si abondante ot si longue qu'elle aurait pu s'en faire un manteau. Elle en était très Gère et la dénouait, dans l'intimité, sans qu'on eût besoin de l'en prier beaucoup. D'apparence un peu froide, du reste; nature réfléchie et calculatrice, peu portée a l'emballement, elle préférait le solide au clinquant, savait choisir parmi ses adorateurs, les menait, si l'on en croit la chronique, par un petit chemin qui n'était pas toujours semé de roses; et, bien qu'elle eût pour le moins autant de succès à la ville qu'au théâtre, manifestait un goût prononcé pour l'existence tranquille et retirée, n'affichait guère ses fredaines, se contentait, extérieurement, d'un train assez modeste, se mettait, relativement, fort peu en évidence et faisait plus de besogne que de bruit.

LÉONTINE MASSÏN

Il suïnt de la nommer pour évoquer une foulu de souvenirs charmants et agréables. Ce fut un modèle achevé de comédienne amusante et bien douée, et de femme capiteuse et élégante. De beaux grands yeux très expressifs; une bouche sensuelle et délicieuse de fratcheur, quoique un peu grande; une peau merveilleuse, des cheveux du plus pur blond vénitien, une jolie


taille, une gorge à point une structure de blonde grasse, singulièrement appétissante; une grâce parfaite, un sourire emperlé, qui éclairait la scène; une voix sympathique, timbrée d'argent, formaient un ensemble admirable et la rendaient diaboliquement désirable.

Elle avait un geût exquis et renommé pour la toilette. Toutes ses robes et tous ses costumes de théâtre faisaient sensation; on les acclamait. Gaie, rieuse, ensoleillée, bonne camarade, indépendante, inexacte, toujours en retard pour les répétitions et pour les représentations, elle exerçait sur les directeurs et sur les auteurs un ascendant magique et les menait gentiment par le bout du nez.

Etonnamment précoce à tous égards, elle s'était échappée de pension à treize ans et demi pour devenir pensionnaire d'un théâtre de Constantinople, où elle se ut, pour son coup d'essai, un très respectable magot.

De retour en France, elle s'engage au PalaisRoyal, y figure, d'abord, dans une des pièces à femmes et y joue ensuite le rôle d'une des demoiselles des Jocrisses de F~wonr. Puis, Montigny et l'influence d'un prince la font entrer au Gt/w~ase. Après quoi, elle passe au Vaudeville, où son succès d'artiste et de demi-mondaine se dessine.

Pendant le siège de Paris, voulant, comme la plupart des jeunes femmes d'alors, se montrer


patriote, elle trouve moyen de s'enrôler, en qualité de vivandière, dans la Garde nationale la vraie.

Tantôt dans l'opulence et tantôt dans une misère noire, passant, sans transition, du grand seigneur au cabotin, elle avait la manie de jouer à la femme mariée et s'occupait des détails les plus minutieux de son intérieur avec une conviction comique.

Un jour, surprise par Barrière dans l'exercice de ses fonctions, le plumeau & la main, elle s'écrie on l'apercevant « – Suis-je assez femme de ménage, hein? »

Et l'autre, qui était brutal, lui répond « Pas encore, mais ça viendra. »

En dernier lieu, – qui ne s'en souvient ? –elle avait créé à l'Ambigu, avec un talent supérieur, le rôle de Nana, dans lequel elle exerçait. un irrésistible empire de drôlesse. Puis, atteinte d'une terrible maladie, au moment même où tout semblait lui sourire, complètement paralysée pendant de longs mois, elle disparut, il y a cinq ou six ans déjà, depuis un certain temps, oubliée de ce public parisien qui brise si facilement ses idoles quand elles ne lui servent plus à rien. HORTENSE NEVEU

C'était une bien jolie et bien attrayante personne que cette vraie brune au teint mat, aux


yeux flamboyants, aux cheveux noirs à reflets bleuâtres, qui avait une vogue insensée sur les planches du Palais.Royal et autre part.

Point bégueule, aimable, insinuante, légèrementbohème, adorant les soupers et labamboche, et ayant, par surcroit, quelque talent.

Elle était très courue et très appréciée des cocodès dans le mouvement, et participait à toutes les fêtes, grandes et petites, de son temps. Ce qui ne l'empêchait nullement, au surplus, d'être assidue à son théâtre et de remplir ponctuellement les obligations de sa profession. Elle jouait, de temps à autre, & Compiègne, et fut même la dernière comédienne qui, en 1869, dans la Consigne est de ronfler, parut sur un théâtre de la cuur. On racontait, à ce propos, que, pendant une répétition, elle avait ôtô surprise par la souveraine à l'instant où un chambellan trop enflammé, et qu'elle s'efforçait en vain de calmer, se trouvait a ses genoux dans une attitude des moins correctes. Je n'ai pas vérifié l'exactitude de l'anecdote.

DESCLËE

Cette grande artiste, qui a émerveillé Paris, Londres et l'Italie, sa mère adoptivo qui, après s'être révélée dans jf~'o~/roM, a incarné la PWttcesse Geôles et Fe~wo de Claude, et a qui est échu le suprême honneur d'un éloge funèbre


prononcé sur sa tombe par Alexandre Dumas, avait eu des commencements pénibles et difficiles. Il y eut un moment où, après avoir débuté à dix-neuf ans au Gymnase en 1855 sans aucun succès, elle s'était échouée au Variétés dans une revue intitulée Sans queue ni tête, dans laquelle elle figurai en jupon court à pailiettes. Elle était, alors, en liaison avec un officier sans fortune et habitait, au cinquième étage, un taudis, avec un piano d'occasion, des fleurs et des oiseaux pour tout ornement.

Après quoi, elle disparaît pendant quatre ans, menant une vie agitée, se débattant comme une désespérée contre l'adversité et la gêne. Parisienne de Paris, née dans la rue de l'Ancienne-Comédie et appartenant à une famille de bonne bourgeoisie, dont le chef était un avocat distingué, ami du Père Enfantin, elle avait reçu une éducation complète et obtenu le prix de comédie au Conservatoire.

Jolie, elle no l'était pas, assurément. Mais quelle étincelle jaillissait de ses yeux étranges 1 Quelle distinction innée, quelle originalité et quelle race Et, lorsque façonnée, moralement, par Dumas, affinée par la culture intellectuelle et par l'éducation artistique, elle s'éleva à une grande hauteur, quels n'ont pas été le relief et le cachot do sa personnalité, la fascination de son talent, qui ne ressemblait & aucun autre? Pas do comédienne plus accomplie, plua enva*


hissante, plus émotionnante, ni de femme plus empoignante.

En <87i, déjà mourante, elle joue, comme Molière, pour sauver le théâtre pendant la Commune. Puis, en 1873, elle va à Londres et meurt à Paris en i874.


XII

L'opérette. Offonbach et Hervé. Hortense Sohneidor. -jtf~ ~N!6oc&p. La Belle N~~te. La Ct-an~e Duchesse. Souper Impérial. Triste fin d'un amoureux précoce. Lise Tautin. Eimiro Paurctte. Une Pt-emM'-f à sensation. Les trois Venus. Btan.che d'Antigny. Le petit P~Mt. Los soupers de la rue Lord.Byron. Candide jouvenceau.

<

Les dix dernières années du second Empire ont vu, successivement, l'éclosion, le développement, l'apogée et la vogue extraordinaire de l'opérette genre nouveau, superlativement léger, croustilleux et frondeur, né d'une civilisation ultra-raffinée, merveilleusement adaptt) ù la société parisienne du temps et auquel le talent particulier, la verve musicale, la fécondité, je dirais presque le génie d'Ouonbach, qui on fut l'inventeur, donnèrent une splendeur et une attraction incomparables.

OrpMc aux en/'era, aux BoM~os; lu Mo ~dMno, ~M'00-~0M0, la CraM~e-DMc~esaa, aux


VaWd~s; la Vie parisienne, au Palais-Royal, eurent un immense succès auprès du public fashionable et attirèrent, sans interruption, tous les brillants viveurs du ~<ï/*e.

On allait là plusieurs fois par semaine, comme à l'Opéra et aux Italiens; souvent, plusieurs soirs de suite. On savait la pièce par cœur et on entretenait des rapports suivis avec les étoiles de la troupe, pour la plupart fort en évidence, fort lancées et fort a la mode.

J'ai connu un amateur qui avait assisté, sans un jour d'intervalle, & quarante-cinq représentations d'Orphde. Vous pensez bien que ce n'était pas pour enfiler des perles qu'il se livrait à cet exercice!

Après Offenbach, ce fut le tour du compositeur Hervé, qui, avec l'Œ~ o'e~d et le Petit Faust, dans lesquels il jouait lui-même, à merveille, un rôle important, nt courir tout Paris aux D~asseweH~s-C'ow~ues, où l'on applaudit aussi, à outrance, la Fille de madame Angot, de Lecoq. Hortense Schneider, Tautin, Blanche d'Antigny, Xulnm Bouuay et quelques autres occupaient les principaux emplois et tenaient le premier rang dans l'opérette. Elles étaient entourées d'un essaim de jolies et séduisantes personnes, dont l'histoire, comme la leur, est une suite do triomphes retentissants, inscrits en cayactoros ineNaçaMes dans les fastes du théâtre et de la haute galanterie.


HORTENSE SCHNEIDER

La reine de l'opérette; la diva de prédilection d'Offenbach, qui créa la plus grande partie des rôles marquants de ses œuvres et pour qui ces rôles étaient crées, qui se les appropria, qui les incarna, qui leur donna une saveur unique, un relief énorme, un chic inouï et fit les trois quarts de leur succès. Le type le plus complet, le plus réussi, le plus captivant de la chanteuse et de l'actrice dans cette manière spéciale de la musique bouffe, qui demande des dons à part et qui ne se confond avec aucune autre.

Elle avait tout: la beauté, la grâce, le charme, l'entrain, l'originalité, la voix, le jeu de physionomie, la coquetterie, le goût, le geste et jusque des intonations à elle, des petites mines à la fois prodigieusement canailles et éminemment distinguées, dont elle possédait le secret; je ne sais quelle sensualité de bonne compagnie qui s'échappait de tout son être et qui vous ensorcelait.

Blonde, fraiche, grassouillette, même un pou forte, avec les plus belles épaules et la plus jolie jambe du monde, elle était remarquable par la finesse de son profil au nez petit et légèrement aquilin, aux lèvres minces et bien dessinées, au menton pointu s'avançant imperceptiblement sur la bouche, dont il était très rapproché.


Ajoutez à cela un ravissant sourire, gai, spirituel, malicieux; des yeux adorables, sans être très grands, un regard étonnamment expressif, et vous comprendrez l'impression qu'une telle femme devait faire sur les mates do son époque. Une imperfection, cependant. Elle avait un pouce absolument défectueux. Mais elle le dissimulait avec tant d'art et de soin, elle savait si bien manœuvrer, elle se servait de ses mains avec une telle dextérité, quo, même dans le tôte.a-teto lo plus relâché, il était presque impos.sible de s'en apercevoir.

Et la gaieté épanouie, la verve friponne, la vivacité d'esprit, la sève juvénile do cette superbe créature, vrai Rubens descendu de son cadre, respirant la vigueur, la santé, la francité volupté Personne, dans un souper, n'apportait plus d'animation, de mouvement, d'agrément. Elle ensoleillait toutes les réunions où ello se trouvait. Elle en était l'âme et y rayonnait d'un éclat sans rival.

Très habile, au fond, très prévoyante, très po.sitivo, no faisant fi ni du luxe. ni de l'argent, ni du bien-être, s'entendant a merveille a prendre les alouettes au miroir et les pigeons & la glu, elle possédait, en revanche, au suprême degré, l'art do so montrer insouciante, rieuse, bonne enfant; et, comme ollo no demandait pas mieux quo do faire marcher do front les distractions et les atfairoa sérieuses, aos amoureux, pour peu


qu'ils eussent une valeur quelconque, n'avaient, en générai, qu'a se louer do ses procèdes. Aucun, que je sache, n'a garde do ses relations avec elle un souvenir amer, et, quant aux rares voinards pour qui elle a daigné avoir une toquade véritable, c'est un culte enthousiaste qu'ils ont tou. jours professé à son endroit.

La célébrité d'Hortense Schneider date des Memo~'es de Mtmt ~amboc/to, pièce amusante,. moitié vaudeville et moitié opérette, qui, en 1861 ou 1862, faisait fureur au Pa~M-~o?~. Elle était, à ce moment-là, on liaison ouverte avec le duc de G.t-C.sso, qui on paraissait fort épris, se livrait, en son honneur, & toutes les folies imaginables et l'avait lancée d'emblée dans la grande vie. Ce lien no se rompit que trois ou quatre ans après, par la mort du duc, qu'elle assista et entoura constamment do ses soins pendant les derniers mois de la cruelle maladie de poitrine à laquelle il a succombe en pleine jeunesse.

L'apparition do la ~c!<o JMeno sur la scène des Va)'!<~s et le succès foudroyant qu'elle eut dans le rôle d'Ilélône la mirent sur le pavois, et. elle .commença a devenir la lionne du jour. On l'applaudissait frénétiquement sur les planches et on l'admirait au Bois, so promenant triomphalement dans la calèche a rechampis rougoa qu'ollo n'a jamais quittée depuis et au tond de laquelle on lu voyait encore, il y a une dizaine


d'années, un peu épaissie, un peu déformée, mais toujours belle, souriante, appétissante. Toutefois, ce ne fut que dans la Gt'a~de-DMchesse de 6M)'o!steîK qu'elle déploya tous ses moyenn, qu'elle atteignit au faîte de son taleut et de son inexprimable séduction. La pelisse sur l'épaule, le talpack de hussard sur l'oreille et la cravache à la main, elle était délicieusement suggestive et entraînante. Rien ne peut rendre l'effet magnétique qu'elle produisait sur la salle. Et, lorsque, avec un brio plein de cranerie et de sous-entendus galants, elle chantait J'aimo les militaires,

J'aime.

c'était du fanatisme, de l'ivresse, du délire. Le plus piquant est qu'elle passait a ce moment-la pour les aimer réellement, les militaires. On lui prêtait, à tort ou a raison, une double intrigue avec deux flambants officiers du môme régiment, appartenant tous deux à la crème du monde élégant et dont l'un, à ce qu'on assurait, lui avait fait présent de la magniQque parure d'émeraudes qui ornait son costume. Ce qui est certain c'est qu'elle avait à ses pieds la fleur des cavaliers parisiens. Jeunes soigneurs, hauts et puissants personnages, boyards opulents, financiers mondains, tous so disputaient ses bonnes grâces.


ROSH MMCHAMPS


En 1867, au cours de l'Exposition université qui nous valut la visite de tant de souverains étrangers, on disait qu'un empereur, entoure, bon droit, d'un immense prestige, avait télégraphié de sa capitale qu'on eut à lui retenir, pour le soir même de son arrivée à Paris, une loge à la û~'an~e-DMC~esM et un souper intime avec la princesse de Gôrolstein. On disait. bien d'autres choses encore. On colportait, à son sujet, de si fantastiques anecdotes que les bonnes petites camarades, jalouses de son auréole, en avaient fortement conçu de l'humeur

Mais, c'est le passage des Prîncos, que cette femmel s'était écriée la plus venimeuse d'entre eltes.

Barbe-Bleue ne fit que conQrmor sa notoriété et son triomphe. Partout où eUe paraissait, elle cueillait les lauriers à pleines mains. Elle inspirait des passions violentes, et, ne faisant rien comme tout le monde, elle eut des aventures tout a fait extraordinaires.

La plus retentissante fut l'odyssée de ses amours avec un tout jeune homme, portant un nom aristocratique illustre et qui devint si ôperdument amoureux d'elle qu'il adopta un enfant dont il ne pouvait matériellement pas passer pour être le père, – adoption que la famille du jouvenceau fit, par la suite, casser, du reste. Le pauvre garçon ne tarda guère a'mourir poitrinaire. comme C.sse, complètement ruiné et do


la façon la plus triste qui se prisse imaginer. Après la guerre, la belle Hortense, qui avait eu le rare bon sens de quitter le théâtre avant l'heure des déceptions, voulut essayer du mariage. Mais expérience ne lui réussit point et la rupture suivit de près la lune de miel.

Aujourd'hui, elle habite bourgeoisement la banlieue, où elle vit très retirée, dans le calme et l'aisance, ne venant que bien rarement, et sans être remarquée, dans ce Paris qu'elle a jadis révolutionné. II y a des années que je ne l'ai aperçue.

LISE TAUTIN

L'Eurydice d'Orphde aux Enfers, à la création de cette premicre œuvre a sensation d'Offenbach.

Pas absolument jolie, avec son visage chiffonné, son petit nez retroussé, ses cheveux châtains, ses yeux un peu ternes mais du chien à en revendre, un air polisson des plus émoustillants, une tournure pleine de grâce et de désinvolture, un corps bien proportionné et d'une rarissime perfection de formes. Au total, une femme charmante et prodigieusement désirable. Sa voix était bien timbrée, fort étendue, fort souple, et son talent, dans la mesure où il était appelé à s'exercer, indiscutable. En scène, elle brûlait les planches et vous avait une flamme, un


diable-au-corps, une mimique, tour a tour comique et lascive, d'un effet irrésistible.

Impossible do décrire avec quelle vigueur, quel feu, quelle ardeur entraînante elle chantait le rondeau de la un du dernier acte: « Evohé! Bacchusestroi.)) et les bravos forcenés qui éclataient aux fauteuils d'orchestre lorsque, on jupon très court, découvrant le plus délicieux des mollets, elle dansait un cancan echovelé, pimenté de tout l'abandon, de toutes les poses libertines, de toute la science chorégraphique des ballerines professionnelles de Mabille et du Chateau.desFleurs.

Mais, par un bizarre contraste, cette actrice étincelante, qui semblait créée pour les voluptés folles et élégantes: pour les plaisirs iintamurresques et qui n'éveillait, au théâtre, que des idées folichonnes, avait, dans la vie, l'aspect et les allures d'une petite bourgeoise réservée et tranquille.

Elle vivait modestement, dans un intérieur des plus simples, dépensant peu, mise comme une grisette, ne se mêlant jamais à la haute noce et presque toujours collée maritalement avec des inconnus qui la tenaient très serré et qu'elle n'aurait voulu quitter a aucun prix.

.Assez sensuelle, d'ailleurs, très sentimentale et très romanesque, elle ne détestait point les petites fugues clandestines et les coups de canif dans le contrat donnés à la dérobée.


C'était la meilleure fille du monde, une des natures les plus aimables et les plus attachantes que j'aie rencontrées. Elle aurait certainement grandi en réputation et fait beaucoup plus parler d'elle si la mort n'était venue la frapper prômaturément aux environs de la trentaine. KLM!RH PA~HMLLE

La plus séduisante et la plus courue de cet escadron de jolies QUos qui, dans Ot'p~de atw En/era, caracolaient autour de Tautih. Sans être ce qui peut s'appeler une grande beauté, elle avait du galbe, de l'attrait, des détails exquis, à peine voilés par la tunique plus qu'ecourteo de Cupidon, qu'elle représentait avec innniment de bonne grâce et d'enjouement; curant, entre autres choses, à l'admiration des spectateurs, une jambe déliée, nerveuse, & la Diane chasseresse, qu'elle exhibait avec une complaisance marquée, et qui faisait rêver les jolis messieurs assis à l'orchestre.

Parmi ses nombreux adorateurs, quelques-uns lui reprochaient de manquer de feu sacré et de se laisser aller a~ dos distractions blessantes pendant qu'on lui contait fleurette et qu'on s'abandonnait tout entier à l'ivresse d'un doux rendezvous. Ce dont elle se défendait, très drôlement, en disant qu'elle savait être autrement quand ça


lui plaisait et que tout dépendait do l'intérêt que lui inspirait son interlocuteur.

Je dois à la vérité do confesser que bien qu'elle fût souvent fantasque et inégale, plus d'un do ses amoureux se louait d'elle sans réserve et lui r econnaissait, après expérience faite, toutes les qualités.

Il y en eut môme, dans !o nombre, qui lui trouvèrent de tels mérites et s'y attachèrent si fortement, qu'ils en perdirent la boussole. Témoin ce jeune oûicier, homme & bonnes fortunes s'il en fut et devenu depuis un père de l'Église, qui, le soir d'une première représentation où elle remplissait un rôle a effet, no trouva rien de mieux, pour lui assurer un succès foudroyant, que de louer la salie entière des BoM~oN et do la garnir de ses amis.

L'équipée ne plut que médiocrement aux augustes parents de ce parfait amant, et ih prontôrent de la circonstance pour l'envoyer rénéchir en Algérie aux inconvénients de courtiser des actrices et de prendre trop de soin de leur renommée.

Quant & la sémillante Elmire, elle continua la série de ses exploits. Elle fit encore pas mai de bruit dans Landerneau; elle enchaîna, pour une longue période, un gentleman dos plus distingués et des plus goûtés. Puis, tout a coup. elle disparut et j'ai complètement perdu sa trace.


LES TROIS YEN US

Les trois Vénus–d'Onde aM.)cEn/b)'s, s'entend les trois femmes inoubliables qui, à la création do l'œuvre, représentèrent, l'une après l'autre, la déesse de la Beauté et des Amours. M ~ëchat, qui créa le Tûlo; Garnior, qui larompinça au bout de très pou do temps, et Rose Deschnmps, qui forma la marche.

La première était une perfection, de la tôto aux pieds; une véritable statue grecque, sans un défaut, sans une irrégularité, belle comme on no l'est pas, mais manquant d'animation et d'expression un pou trop inerte, un pou trop matériene, un pou trop païenne pour des yeux parisiens du dix-neuvième siècle.

La seconde, d'un type analogue, quoique moins parfait; artistiquement belle aussi, avec un corps splendido, une chevelure rousse, un teint éclatant de blancheur, était plus moderne et plus mouvementée. Elle exhalait un pénétrant parfum de volupté et vous avait un œil plein de promesses, que l'on assurait n'être point trompeuses. A peu près nue, n'ayant rien de cache pour le public, idolâtre do ses charmes, elle excitait, chaque soir, los plus coupables convoitises et se faisait applaudir à outrance par la simple production do sa personne.

La troisième enfin Rose Deschamps


moins pratiquement belle que tes doux autres, moins moulée, moins complète au point de vue de la ligne, était plus mignonne, plus élancée, plus jolie, dans l'acception mondaine du mot. Elle avait une figure fine et aristocratique, aux traits arrondis et délicats, d'uno admirable fraîcheur et un petit air Pompadouron nepout plus insinuant. Comment, par quoi hasard étrange, tout cola a-t-il suffi pour la conduire, dans les dernières années do l'Empire, à la Comédie-Française ? 2 C'est ce qu'il faudrait demander à un parent do l'Empereur, bien connu sur la place, qui passait pour ne pas lui être indiffèrent.

Je me borne, moi, & constater qu'elle a été une des femmes les plus appétissantes et les plus recherchées de sa génération.

OKRVAtS

Une assez jolie personne châtain clair, avec une toute petite tête, un nez à la Roxelane, une physionomie et des façons do gamin une taille svelte, très bien prise des membres grêles, mais parfaitement modelés, comme ceux des fausses maigres dos toilettes mirobolantes, doa équipages à l'avenant et des conquêtes on. quantité respectable.

Elle jouait Cupidon, dans Orphée aux E~/brs, après Paureilo, & laquelle olle avait succédé sans la faire oublier, à mon avis, et se distinguait


surtout, dans cet emploi, par des gestes et des phrases de gavroche et par sa manière de faim un pied do nez à Jupiter. Jamais potache en rébellion contre le pion qui vient de le mottro en retenue n'a fait une grimace plus expressive etplus eapieglement bouffonne.

Somme toute, grande courtisane plutôt qu'actrice. Plus de chic que de talent.

BLANCHE 1)'ANTIGNY

La Marguerite du Petit FaM8<, composé pour elle par Hervé.

C'était une belle, bonne, blonde, réjouie et plantureuse fllle, aux yeux bleu saphir, à la chair couleur de lait, toujours en gaieté et en santé.

Grasse, fraîche, épanouie, de complexion un peu forte et un pou massive, elle avait un buste superbe, une gorge opulente, modelée et arrogante, qui contrastaient légèrement avec la partie inférieure de son corps, relativement grêle. Au total, ragoûtante au possible et ne manquant que d'une seule chose, qui s'appelle la distinction. En revanche, beaucoup do physionomie, de vivacité, de feu, et une expression de sensualité joviale et bon enfant que soulignait d'une façon piquante une bizarre et agréable irrégularité dans la bouche.


Toujours de belle humeur, active, alerte, disposée à s'amuser, ayant sans cesse le mot pour rire et le propos grivois, portée à la gaudriole et à la bamboche, prodigieusement élégante avec cela, dépensant sans compter, faisant du bruit, de l'e~et et des victimes, olle fut, un moment, une des reines et une dos joies de Paria. Quand elle commença à être remarquée, elle arrivait de Russie, ou un très grand personnage, à qui elle avait tourne la tôto, no lui refusait absolument rien. EUc se promenait alors au bois avec un curieux attelage russu et dos trotteurs do l'Ukraine, conduits par un moujik en blouso de soie, qui attiraient tous les regards, et ello no faisait que de courtes apparitions parmi nous. A peine était-elle signalée et courtisée, qu'oHo repartait pour Saint-Pétersbourg, rappelée par son sultan.

Mais, un beau matin, soit que l'amoureux mos.covite se fût blasé, soit qu'ollo eût la nostalgie du boulevard, au lieu de regagner les bords de la Néva, elle entra au Pa~Mo~af, par la grace do Nestor R(.qucplan no fit qu'y passer et, se montrant, tout à coup, dans C/u~dWc, vôtuo d'une soyeuse peau de mouton blanche, qui ne voilait guère plus sa nudité que ne l'eût fait une simple feuiUodovigno, o)Ie séduisit, d'emblée, le public. Puis après, lorsque vint le Pe<!< FaMN<, dans ce rôle si original de Marguerite, qu'elle avait inspiré, et dans lequel elle était tour à tour d'une


candeur naïve et d'une effronterie des plus comiques; qui faisait valoir mervoiUeusemant toutes ses qualités, tous ses charmes et jusqu'à ses défauts oux-mômos, elle conquit définitive. ment la faveur du brillant monde parisien et eut un très grand succès.

Les hommes à la mode, les jeunes soigneurs los plus courus, les nababs los plus etincolanta, les parvenus les plus cossus lui faisaient une cour acharnée et rivalisaient à son égard de gônôrdsitô et do passion.

Elle se laissait aller au courant avec entrain et insouciance, ayant dos collages retentissants ot des distractions pimentées affectant un goût très vif. une préférence marquée pour les viveurs du vrai monde, amusants et spirituels; étant, avec eux, franche, accommodante, excellente camarade et traitant les <otMpîM8, dont elle avait horreur, par-dessous la jambe–même lorsqu'ils étaient des pontea sérieux. Elle avait le talent de les faire casquor, – et dans les grands prix en.core, – tout en se moquant d'eux sans ménagements.

Rien de plus drôle, de plus animé, do plus sin gulior, do plus charmant que les soupers qui avaient lieu, chaque aoiraprôs le spectacle, dans son petit hôtel de la rue Lord-Byron.

On trouvait là pelo-môlo, et y venant de fondation, sans être invités, la crème dos cocodea, tous intimement liés avec la maîtresse do la


maison, ayant leurs aises, leur franc porter, so considérant comme chez eux, et quelques adorateurs timides d'un milieu moins relevé, quelquos jouvenceaux inconnus s'essayant a ta haute noce, qui servaient gônôt'alomont do tetos do Turc à ces messieurs du Jockey-Club et a leur persifleuse amie.

li y on avait doux, entre autres, que l'on ~mystinaitaptaisir, et qui fuisaieut !o bonheur do la colorie. Je mo souviens de l'ontrôo du plus candide des doux, lequel, entre parenthèses, s'était déjà fendu d'une parure de diamants et d'uno paire de chevaux do vingt mille franc3. ot jo n'oublierai jamais son ahurissement.

– Baron, lui avait dit Blanche, demain jo vous ferai faire la connaissance dos jounoa gons les plus superlativement c~!<8 do Paris. Il faut quo vous vous formiez aux baUos manières et quo vous sachiez ce que c'est que la véritable distinction.

Or, les autres, qui étaient prévenus et qui, d'ailleurs, quoique do fort bonne compagnie, avaient, chez les demi-mondaines, la plaisantorio plutôt grasse, eurent une tenue et tinrent un langage à scandaliser un régiment do matelots. Je vois encore la teto du bonhomme. C'était a se rouler!

Et comment finit cotte rieuse incorrigible, cette splondidocrôature.quo nous avions connue et admirée exubérante do vio et de fraîcheur? Au


retour d'un voyage au Caire, à peine débarquée Grand-Hôtel, elle y mourut, sans avoir ou !e temps de défaire ses malles, défigurée, dit-on, par la petite vérole. Pauvre Blanche


XIII

Vat'ghoi.–Xutma Bouffar. -A la cravache.–Lasseny. –Anecdote réatiato. Silly. Dulval. –PaoiaMtuio.Histoire d'un portefeuille et d'un rastaquouôro. Thé.rësa. – Gabrielle EUuint. – Suzanne Ltgier. Isabelle la bouquoti&ro.

VANOHEL

On ne peut prononcer ie nom de Blanche d'AnUgny et évoquer Je souvenir du Petit FaMs< sans se représenter, en même temps, le délicieux Mep/tMfo qu'était Vanghel.

Je ne crois pas que le travesti ait jamais été porté avec plus de grâce et de désinvolture que par cette jolie personne, dont le maillot coJIant dessinait une paire de jambes comme on en voit rarement sur la scène et ailleurs, et qui joignait à un visage régulier et expressif la tournure la plus agréable et ~a plus dégagée que l'on puisse imaginer.

Sa voix et son talent étaient & la hauteur de ses


avantages physiques ot ollo c!ianta!t les couplota dos S~ao~s avec uno finosso, un sontimont, un art doa nuances clifilcilos A oxprimor.

Qu'oitoptut inHnimont, qu'oUo contribuât, dans une largo mcsut'c, ~u t'oliof ot la voguo uu rôlo <;u'cHonv)utcr66, qn'oUo fut lorgnéo et convoltëo pm' la plupart dos spoctatours du soxo tn~lo, c'est indist'.utahto, ut jo n'hùsito pas & m'en porter gtn'unt.

Mais soa conquêtes tunourousos rostôront dans t'unun'o, sa vio privôu no fut point obruitôo, et, on do!t0t'8 du thoatro, on no savait pus grand'choso do sos faits ot gostos, Quotqucs on-dit, tout uu plus encore sans uno rooUo cortitudo. Tout porto il croire, copondant, qu'elle n'a pas dû sochor sur piod.

ZtJI.MA DOUFI-'An

Buroquo oonnno son nom, naervoiHausetnent douoo, ohttntouso d'un certain merito, actrice initnitabh), MôduiNantcsans ôtro jolio; mahmgo bizarro dt ënnnotnmont comique de foUctum et d~sôrioux, do tomme ga.t<mto et d'artiste consciencieuse.

S& 8iHu)uotto un minois singuHôroment ~voiUo, un petit air polisson, do beaux yeux, un noz rotroussô, une bouche ôtmngoot voluptueuse, un menton do galoche, un visage largo et lôgôretncntaplati. Puis, do belles formoagmasouiltottos,


un mollet étonnant, des hanches proéminentes et, en costume écourté, un. arrière-main prodigieusement développe, so reliant vigoureusement t aux. parties supérieures des jambes non moins volumineuses.

Sous cette enveloppe, un esprit pétillant, un tempérament ardent, une nature à la fois fotsrde et pondérée, et un caractère difficile qui lui faisait bien des ennemis.

Après avoir débuté, à quatre ans, dans un drame militaire au théâtre de Marseille, elle joue à Cologne, ensuite à Bruxelles et recueille partout des applaudissements enthousiastes. Ce n'était rien, pourtant, en comparaison de ceux qu: l'attendaient à Paris où, engagée aux Nou/~M, elle se révéla dans Lischen et F?':sc/:e~, d'Offenbach.qui consacra sa réputation. Il fallait voir avec quelles gentilles petites mines et quel irréprochable accent germanique elle chantait Petits balais, etc.

8i bien qu'on la crut Alsacienne, alors qu'elle était du Midi.

Sur ce premier succès, elle entre au Pa<a<sRoyal et crée le rôle de Gabrielle dans la Vie partsïenne, ce qui la met tout à fait en évidence et la classe en bon rang parmi les femmes de théâtre les plus à la modo. Clubmen, artistes, princes exotiques deviennent ses esclaves, et on


raconte que les flegmatiques sont soumis au régime de la cravache, ce dont ils ne se plaignent pas davantage que ne se plaignait JeanJacques Rousseau de recevoir le fouet des blanches mains do madame doWarens.

Elle réparait, après la guerre, dans cette grosse farce, moitié féerie et moitié opéra, qui s'appelle !a Roi Carotte, en resplendissant costume persan, et y brille une fois encore pour s'éclipser ensuite et ne surgir de nouveau que comme directrice.

Un détail curieux, c'est qu'elle faillit chanter CayweM. C'est pour elle que Bizet, Meilhac et Halèvy l'avaient écrit. Puis, au dernier moment, Meilhac na voulut pas qu'elle jouât, sous prétexte qu'il était impossible que Zulma reçût un coup de couteau. Oh 1 ces auteurs dramatiques LAS9KNY

Encore une qui a compris et pratiqué l'alliance russe bien avant qu'elle ne fut à l'ordre du jour. Elle était grande, elle était rousse, elle était belle et empoignante sans être irréprochablement jolie. Avec dos traits accentués et sans grande régularité, elle avait une peau extraordinaire de transparence et de blancheur, de fort beaux yeux bleus, dont elto se servait à souhait; une taille admirable, un corps de marbre, et de la branche! Et du chien! Etdu bagout! Et


un vocabulaire pittoresque! à voua Manquer le feu dans l'organisme.

Aussi, à peine avait-elle débuté dans les cafù:concerts en renom qu'etio eut une nuée d'admirateurs des plus mirobolants, un train de maison à tout casser, des toiletter d'un luxe inouï et une situation de demi-mondaine hors do pair. Hn moins de quatre ans, elle trouva moyen do mettre deux ou trois gentilshommes de choix absolument sur la paille.

C'est qu'elle s'entendait à merveille à vider la bourse d'un amoureux et cela sansle faire crier, en l'amusant, en l'enguirlandant, en lui donnant toutes sortes de distractions; en lui procurant, sans marchander, des jouissances et dos satisfactions incessantes, dont elle était d'autant plu~ prodigue que, les partageant do très bonne fui, elles ne lui coûtaient guère.

Son caractère aimable et onjouo, son esprit naturel, trivial, mais gouailleur, incisif et souvent très fin, comme celui des gamins do Paris, lui étaient d'un grand secours dans ses relations galantes et lui donnaient un charme très parti.culier.

Née dans les faubourgs, de parents apparte.nant à la classe populaire, elle avait gardé, au milieu de sa splendeur, quoique chose de son origine. A chaque instant, le bout de l'oreillo passait. Qn citait d'elle des saillies et des boutades renversantes on colportait sur son compte


de petites histoires incroyables. En voici une qui mérite d'être contée

Un dimanche d'été, par une choeur torride, elle était allée à Asniéres passer la journée on farniHe. A une heure, au moment où, en complet déshabillé, elle ao prépare à faire la sieste, un ami de la maison accourt tout essoufflé et annonce que l'un do ses frères a disparu depuis la voille et qu'on est fort inquiet sur son sort. – Ah mon Dieu, ce pauvre garçon s'écrie Lasseny. Vite, qu'on aille a sa recherche et qu'on tache de le retrouver.

Et voila tous les voisins en campagne, prenant le chemin do Paria, se dispersant dans toutes les directions et se précipitant a la poursuite du malheureux jeune homme.

Pendant ce temps, la tendre sœur, très émue, très anxieuse et ruisselante do sueur, s'accoude a la fenêtre et interroge l'horizon. Trois heures s'écoulent et personne ne vient. Enfin, un des messagers, la flguro décomposée, débouche au coin d'un carrefour

– Eh bien? lui crie la bollo du plus loin qu'ollo l'aperçoit, tout en s'épongeant le front avec son mouchoir.

Eh bien! il est à la Morgue

– L'animal: A-t-il de la chance d'avoir un robinet d'eau froide sur la g.e! t

Se Mon e ~ct'o.

L'année terrible étant survenue, Lasseny part


pour Saint-Pétersbourg, où elle provoque un enthousiasme qui tient du délire, accumule los triomphas, acquiert une popularité sans précédents et enchaîne un haut fonctionnaire, homme du monde accompli, riche, prodigue et magninquo, par dos lions si tendres et si indissolubles que la mort seule a pu les rompre.

Do retour a Paris, elle entre au théâtre et aborde 1'opôrotto dans JJd!oîso et /lbd<<n'd'. Etie s'installe somptueusement ptaco Vendôme, acôt~ du corde des Mh'Htons, où ello continue a otre courue et entourée, et jotto une dorniôre lueur par l'incendie qui éclate dans son appartement et qui détruit tout so:i mobilier.

· AMÉhtK LATOUH

C'en était une qui no chantait pas et bien lui en prenait, car elle avait une voix do crécelle. Mais elle figurait avec avantage dans les piûoos & femmes, où elle montrait tout co qu'elle avait, et c'était beaucoup.

C'était joli aussi, convenons-on i très joli môme, quoique légèrement flasque.

Naturellement brune, ello se teignait do la couleur a la modo et avait quelque chose dos pastels de son homonyme. Au surplus, elle ne brillait ni par l'animation do la physionomie, ni par la vivacité et la profondeur de l'esprit. Pas


trop non plus par l'ardeur des sens et le roma nesquo des sentiments, à en croire les initiés, Son vrai nom était Juliette Lieutet; sa première profession, Manclusseuse. Ce qui ne l'a pas empêchée d'attacher t1 son char de fringants diplomates et de jouer un certain rôle dans io monde galant. Certains demeios qu'elle eut avec sa femme do chambre ont fait grand bruit et lui ont valu un genre spécial de célébrité.

StLMf

C'était une fort bollo fillo, un peu masculine, un peu noire, a la voix rude, aux mouvements brusques et saccades mais ayant de grands yeux profonds et brillants comme des oaoarbouclos, quoiqu'un brin a fleur do tôto un regard impératif et hypnotisant qui vous clouait sur place ¡ un esprit mordant et prodigieusement gai tout ensemble; une impétuosité saisissante; un je no sais quoi de passionne et do volontaire qui semblait devoir vous condamner & un roie puremont passif. En un mot, une do ces femmes créées et mises au monde pour aller au fond d~s choses et épuiser jusqu'à la moelle les blonds timides et sans défense.

Le point culminant de sa carrière théâtrale a été la Belle JJdMne. Elle y jouait, avec une verve et un art remarquables, le personnage d'Oresto, fils d'Agamemnon. Tout, jusqu'à ses formes


d'adolescent bien MU, contribuait A lui donner l'apparence d'un très joli garçon, ot la façon dont elle Interprétait le rôle, son galbe spirituel et amusant de petit crevé de l'ancienne Grèce, fa!. raient d'olle un des clou8 de ces roproaontationa qui nous ont tant attirés.

A la ville, olle était courue et courait aussi assez volontiers. Son triomphe était le bal do l'Opéra. Elle s'y montrait très aaalduo et excellait à Intriguer la ilour dos cavaliers do la haute vin. Plus d'un a été la victime dos mystifications qu'elle se plaisait à Imaginer, ot aucun no lui on gardait rancunu, tant ollo y apportait do bonne grâce et do nnesso. Les habitués do la !o~o ïM/br?M<0 on savaient long sur co chapitre. !))!LVAÏ.

Silly avait une sœur qui no lui ressemblait on rien, si ce n'est qu'elle était très brune comme elle, et qui jouait les fées dans les féeries do la Por<e-~aïM<-Mat'<w ot du CMfe!e<. Cette aoour répondait au nom de Dolval.

Grande comme un tambour-major et admirablement faite malgré cola, très plastique, très en chair, très voluptueuse, très belle, cllo avait une physionomie placide et sans expression qui no paraissait révéler qu'une Intelligence des plus ordinaires.

Le maillot et le nu, roloves par une ornemon-


tation savante, avaient été élevés par elle à h hauteur d'une institution. Jamais on n'a rien vu do plus éblouissant et de plus tranquillement impudique. On aurait dit un taMoau obscène, comme on en voit aux vitrines des marchands interlopes. Mais avec quel luxe d'etones, avec quoi raffinement do détails, avec quoi goût et quelle entente de la corruption élégante t. C'a été !o dernier cri de l'exhibition dos formes féminines sur une scène et c'ost reste le type du pseudo-costume' pour pièces a femmes. Combien do sujets peuvent .!o supporter La est la question et, malheureusement pour les spectateurs, bien dos fées do comédie no sont pas d'un fini aussi irréprochable que la grande protresse du genre.

A l'instar do toutes les femmes immenses, Dolval était douco comme un agneau. Elle était mémo ai douce que ses amoureux, disait-on, la battaient comme plâtre sans qu'elle opposât la moindre résistance.

Un jour, l'un d'eux, qui était tout petit et qui lui ardvait tout juste à la naissance des appas, jaloux comme un jaguar, lui administra, à propos d'une inconséquence quelconque, car elle était Mole, –unomaitrosso volée. Ce qui divertit coloBsalemont les camarades et ne modifia nullemont ses sentiments pour cet Othello on miniature. Toujours la loi des contrastes 1.


PAOLA MA!UË

Quand j'aurai dit de celle-là qu'elle réalisait aussi complètement que possible !o typo do la Fille do Madame ~M00<, dont elle no devait, pourtant, créer le rôle qu'aprôa la guorro, jo l'aurai dépeinte presque entièrement.

Imposable do ressembler davantage, physiquement et moralement, h femme (telle qu'on se la flgure) qu'eUo était dcstinco a rcpt'osontor dans l'opérette de Lecoq, que no le faisait coHo jolie boulotte, blanche et roso, d'un entrain diabolique, d'un toupet provocant, piquante, musquée et talon rouge, en mémo temps quo canaille et populacierc.

Savoix était justo et agréable, et son instinct musical très aufOsant.

Elle jouissait do la réputation, meritoo ou usurpée, do mener la vie assez dure aux messieurs qui s'éprenaient de ses charmes et d'être intraitable sur la question nnanciero. On faisait, a ce propos, une foule do cancans on contait force anecdotes, parmi lesquelles la plus caractéristique est la suivante, dont je no garantis pas I* authenticité et quo jo no donne que sous bônofico d'inventaire

Un rastaquouero, fraîchement dt'baUe, la voit au théâtre, s'en toque et éprouve le besoin, très


nature!, de faire plus ample connaissance avec o)]o. On s'abouche, par intermédiaire, comme il est d'usage en pareil cas; on convient d'un prix ta bagatelle do doux cents louis et d'une heure pour le surlendemain.

Au jour dit, te rasta arrive, tout émoustillé, chez la dame de ses pensées, qu'il trouve sous les armes, c'ost-a-dire étendue sur sa chaise longue dans une posture dos plua abandonnéos et, on loyal et galant chevalier qu'il ost, il commence par déposer sur la chominoo un portefeuille renfermant les quatre mille francs atiputôs. On cause, on /o, on échange des agaceries. Une heure so passe et lo visiteur, toujours aimable, devient do moins on moins entreprenant ce qui ne laisse pas que d'étonner considétablement son interlocutrice. Enfin, soit que son caprice se fut dissipé pendant l'entretien, soit qu'il eut fait dos reuoxions philosophiques sur la forte somme qui allait, pour si peu, sortir de sou escarcelle, il se lève, prend congé et s'en va, –sans avoir usé de son droit.

.Mais a peina a-t-il franchi la porte qu'il s'aperçoit que le fatal portefeuille est resté dans l'appartemont, et, incontinent, il écrit un gantil billot pour le réclamer. Quelle candeur f

Désoléo, lui répond la belle par lo retour du porteur, je suis actrice et vous aanroz qu'au théâtre on no rond jamais l'argent quand le rideau est levé.


BLANCHK D'ANTtONY


Qui est-ce qui fit son ~e:? etc. etc. (Comme dans la chanson.)

'JHËHËSA

Elle a personnifié un genre et une époque. Elle a été la première et la plus étincolante dos chanteuses de café-concert; dépassée certainement, depuis, dans ce qu'elle avait do vulgaire et de choquant; point égalée, àcoup sur, dans son originalité et son talent.

Franchement laide, mais nullement déplaisante, aven une expression triviale dans la physionomie, tempérée par un regard d'une oxcessive intelligence; artiste jusqu'au bout des doigts, elle était en possession d'une voix superbe, très étendue et très sonore, la modulait avec autant de goût que de méthode et mettait des facultés du premier ordre au service d'un art inférieur dont elle avait le génie, mais dont elle ne pouvait sortir, quoi qu'on en ait dit, sans se diminuer.

La preuve en est dans l'échec relatif qu'elle a subi lorsque, tardivement, elle a eu l'idée de se faire entendre sur une grande scène. Qu'on se souvienne de son apparition dans la Chatte Manche. et, pourtant, ses débuts avaient été assez chauffés 1 Les salons et les clubs ne lui avaient pas marchandé leur concerna enthousiaste 1 Rien, par contre, ne peut donner une idée du


chic, de la verve entraînante, de la chaleur communicative, de la science consommée avec lesquels elle disait ses chansons et de l'impression qu'elle produisait, alors, sur le public. Elle chantait la Femme à &a)'&e .avec autant de nnesse, de nuances, de soin que si c'eût été une romance de Oounod, et, bien qu'elle fût, dans sa diction, aussi licencieuse et aussi débraillée que son répertoire, elle était toujours acclamée par l'auditoire le plus bégueule.

Les hôtels aristocratiques se l'arrachaient littéralement, et l'engouement devint tel qu'un certain nombre de grandes dames, enhardies par l'exemple d'une spirituelle et un peu excentrique ambassadrice, allèrent jusqu'à l'admettre dans leur intimité.

On chuchotait méchamment, dans les milieux bourgeois et prudhommesques, sur ces relations hétéroclites. On prétendait que les plus embal.lées parmi les admiratrices de Thérésa ne se g énaient pas pour la tutoyer, et on partait de là pour se livrer à toutes sortes de suppositions qu'à Lesbos on eût trouvées très naturelles. Le P aris de ce temps-là n'était point encore familiarisé avec une certaine catégorie dejeuxinnocents. Au surplus, tout cela, je n'en doute pas un seul instant, n'était que de la pure médisance. La seule chose certaine c'est la vogue indescriptible et le grand attrait de la Malibran du caféoôncert. Au risque de me faire lapider par les


puritains, je confesse que, pour ma part, je l'ai souvent regrettée.

GABRIELLE BLLUÏNt

Une très belle et très excitante créature, aussi remarquée autour du lac que dans les théâtres s de genre; élégante entre les élégantes, tournant toutes les têtes, aimant avec une égale ardeur les soupers fins et son métier de cantatrice, et n'attachant pas ses levrettes avec des boudins. Témoin son amusante aventure avec un amoureux on délire qui lui offrait trente mille francs pour ne pas partir pour le Brésil, où elle venait de contracter un engagement, et à qui elle demanda un million.

Elle ne l'eut point, cela va sans dire, et alla au Brésil, à la grande joie des Brésiliens et pour le plus grand profit de sa fortune, qui s'y arron dit considérablement.

Retirée dans un magnifique château des environs de Paris, avec un train princier, elle y faisait, il y a quelques années encore, beaucoup parler d'elle, et par ses largesses aux pauvres, et par son bonapartisme intransigeant et fanatique, en vertu duquel elle célébrait le i5 août avec tant de pompe, d'ostentation et de fracas qu'elle en avait, parfois, maille à partir avec les autorités locales.


SUZANNE LAOIER

Rien de l'opérette. Et, si je crayonne sa silhouette à cette place, c'est qu'elle m'est, surtout, restée dans l'esprit par sa manière exquise de dire la chansonnette ce qu'elle faisait très volontiers, entre amis, se mettant d'elte-meme au piano, sans prétentions, et attaquant à bâtons rompus, entre une plaisanterie et un sourire, le plus désopilant et le plus Bnement libertin des répertoires légers.

Nature charmante, d'ailleurs, aimable etattrac. tivo s'il en fut; bonne, dévouée, aimante, extraord inairement désintéressée la grisette d'autrefois, doublée d'une artiste et d'une femme d'infiniment d'esprit. Parfaitement jolie, avec cela, quoique envahie de très bonne heure par l'embonpoint.

De ses reparties, de ses mots, souvent empreints d'un naturalisme étonnant, il y aurait de quoi remplir un volume. Je n'en connais pas de plus drôle que sa sortie à un jeune cacodès qui lui faisait une cour acharnée

Comme, dans le feu de ses déclarations, il se livrait à des attouchements prématurés sur sa gorge, d'une opulence très remarquable, elle l'écarta d'un geste vif, en disant:

– A bas les pattes! tu les caresseras quand tu m'aimeras assez pour croire qu'ils sont fermes.


ISABELLE LA BOUQtJHTt&nE

La fleuriste patentée et assermentée (tu Jock-Club, tutoyée par tous ces messieurs, conndente née de leurs fredaines, intermédiaire discrète et indispensable de leurs rapports avec les demi-mondaines.

On la voyait, le jour, dans le vestibule du club, où elle avait une nicbu enrubannée, ou dins l'enceinte du pesage; le soir, a l'entrée dos petits théâtres et à la porte du café Anglais, toujours en costume do cantiniero civile, aux couleurs du gagnant du Derby. Elle faisait partie de la haute vie et semblait inféodée a la galanterie musquée et fashionable.

Pourquoi, un beau matin, los membres de la Société d'encouragement l'ont-ils congédiée sans lui donner de remplaçante? Mystère' tou. jours est-il que depuis longtemps le Joc/<pt/ n'a plus de bouquetière, et que la pauvre Isabelle, forcée d'ouvrir boutique dans une des rues qui avoisinentle boulevard, est, actuellement, réduite Il une condition assez précaire.



LES COULISSES UE L'OPÉRA



xrv

Les coulisses do l'Opéra. – t.o foyer tto la ttaxao. – t.oa habitn<!a dos coulisses. – Ludovic H<U<!vy. Mosdatnca los mères. – La sortlo dos artistes. Un cot)p6 ot'hni. nol. Cos domot8a!te9 du oor~s do ballet.

Dire aujourd'hui que les coulisses do l'Opéra, dana le bon temps do la rue Le Pelotior et du couloir bas et étroit qui conduisait au foyer do la danse, avaient la physionomie d'un salon de bonne compagnie et étaient le rondez-voua dos hommes les plus élégants de Paris, est s'exposer a passer pour un fumiste qui veut en faire accroire o aux jeunes.

Rien n'est plus vrai, pourtant, car les abonnés seuls y avaient accès, s'y étaient installés en souverains maîtres et n'admettaient point la promis. cuité avec des intrus. Or les abonnés de cotte epoquo-ta c'étaient, pour la plupart, dos membres du Jockey-Ciub, triés sur le volet, formant une coterie rigoureusement fermée, tenant entre


leurs mains lo sort dos arUstos et des directeurs, décidant jusqu'à un certain point de leur choix, – surtout en ce qui concernait le ballet, alora beaucoup plus important et plus apprécié que de nos jours, – et les jugeant sans appel. Tout au plus voyait-on figurer a côté d'eux quelques célébrités artistiques otlitterairos,ayant conquis leurs grandes entrées dans le monde faahionable. Encore étaient-elles assox effacées et sans influence sur le caractère a ia fois intime et éminemment aristocratique do l'endroit. On y sentait la sélection et le privilège dans toute leur beauté, et chacun do ceux qui s'y trouvaient semblait pénétré de son importance.

Il faut dire que le rattachement dos théâtres subventionnes a la Maison de l'Empereur, dont ils faisaient partie, contribuait A maintenir cet état de choses et donnait à l'ensemble }o no sais quel air do grandeur et d'étiquette plein do charme et d'agrément.

Le foyer do la danse, qui n'avait ni los proportions ni lo luxe clinquant do l'actuel, qui était même démesurément exigu et bourgeois, so prétait davantage a la causerie et au /ït)'<. Les abonnés y passaiont la plus grande partie do la soiréo, entourés do ces domoisellos du corps de ballet qui ne se seraient permis sous aucun prétexte do rester dans leurs loges, papotaient, le chapeau à la main, se racontaient _les nouvelles du jour, rendaient des décrets sur les modes du


lendemain et, corrects, parfumer, tir~ a quatre épingles, avec des façons hautaines et irrôpro.chables jusqu'à l'impertinence, adressaient une cour discrète aux étoiles !os plus lumineuses. Coup d'coil d'un brillant. d'un élégant, d'un mouvementé, d'un capiteux, dont rien ne peut donner une idée et qui m'est resté grave dans la mémoire comme un rêve délicieux.

éparpilles dans lcs petits coins, tes tout jeunes gens, les néophytes, un peu intimidés par !o voisinage et l'assurance des anciens, faisant dca agaceries aux petites, s'essayant à leur parier d'amour, tachant de les emmener souper, gaminant, inventant dos farces, se livrant, à demivoix, a des conversations légères, à dos rires coutenus. qui n'en étaient que plus stimulants, et faisant gaiement leur apprentissage de protec" tours reconnus.

Et puis, dans !o corridor, les mères, les excellentes mères, à qui l'entrée du foyer était interdite et qui veillaient, a distance respectueuse, sur leur progéniture, tout on racontant doa histoires soporinqucs et en s'épanchant, avec une solennelle prolixité, dans le cœur des désœuvrés ou des curieux qui trouvaient bon de les cultiver et do capter leur confiance.

Quelques originaux en faisaient une spécialité et offectaient de préférer leur société à celle do leurs fllles. De ce nombre était Ludovic Halevy, habitué très assidu des coulisses, qui no causait


jamais qu'avec les mûres. Et, comme on s'étonnait de cette bizarrerie et qu'on lui en demandait le pourquoi

-Mais je vous assure que je m'amuse beaucoup, disait-il. Je m'instruis, surtout.

11 préparait Madame C'fn'dtMa!, !e sournois 1 Un ce qui me concerne, sans pousser l'abnégation jusqu'à me consacrer exclusivement a ces vieux débris, j'avoue quo je m'en approchais, de temps à autre, avec plaisir, et qu'il ne m'était point désagréable, pourvu que cela no durât pas trop longtemps, de les faire jaser un pou. J'ai cueilli, par-ci par-là, do la sorte, quelques perles rares a collectionner précieusement. Jugez-en plutôt Un soir do Pt'op~e<o, pondant que ces trois raseurs d'anabaptistes étaient on train de débiter, sur le ton monotone que vous savez, leur interminable boniment, je m'étais mis à bavarder avec madame B. qui avait trois filles, et des plus jolies, – dans le corps de ballet de l'Opéra. Elle en était très fière, comme de juste, et me faisait leur éloge avec un orgueil maternel que je comprenais d'autant mieux que la cadette me donnait furieusement dans l'œil.

– Ab! je puis bien dire, monsieur, exclame, en manière do péroraison, cette femme de sens pratique, que j'ai de la satisfaction avec mes enfants. Sur mes quatre filles, il n'y on a qu'une qui ait mal tourné.

Vraiment, madame 1 Et qu'a-t,ello donc fait? f


hASSHNY


No m'en parlez pas. (Avec un soMp~) Elle s'est mariée!

Et je n'en unirais pas si jo voulais citer ici toutes les pensées profondes que j'ai saisies au vol dans mes rapides colloques avec mesdames )M~)'M.

Leur bienveillance n'était, d'ailleurs, nulloumenta dédaigner pour qui recherchait les bonnes grâces des débutantes. Un tëte-a.téte un pou prolongé n'était possible qu'avec leur assentiment ou, tout au moins, leur neutralité. On les rencontrait, à chaque pas, dans les coulisses, attentives et défiantes, se faufilant. en tiers dans les apartés et, ce qui était plus gravo. on les retrouvait après le spectacle, & la sortie des artistes, en rangs serres, sp prêtant mutuellement. main-forte, guettant leurs tourterelles et s'apprêtant à les soustraire, au besoin, aux entreprises des adorateurs trop impétueux.

Bien curieuse et bien gaie, cette sortie des artistes, par un boyau resserré et enfumé, à peine éclairé, encombré par une foule bruyante, bourdonnante, grouillante do vieilles commères ornées d'un cabas, d'habits noirs et de figurants depenaiHës!

Il se passait la des scènes épiques, des discussions entre mères et filles, dans lesquelles intervenaient, parfois, de jeunes seigneurs des plus haut cotés, à faire pâmer un président d~ la Chambre des notaires.


J'ai vu des jouvencelles s'en aller triomphalement au bras d'un adorateur, après avoir parlementé un bon quart d'heure avec m'man. J'en ai vu d'autres s'éclipser subrepticement derrière le dos de leur duègne et la laisser le bec dans l'eau, en proie à une agitation épileptique. D'autres, enfln, filer carrément à son nez et à sa barbe, et recevoir une bordée d'injures à intimider un portefaix.

Et les dessous des liaisons connues, les petites comédies intimes à trois personnages, les révélations savoureuses et inattendues! Cela seul valait la peine d'être vu et observé. J'en ai constata une série de bien réjouissantes.

Ne serait-ce que le cas de cet élégant sur le retour, très bien posé et très prépondérant dans les coulisses, qui, ayant pour maîtresse en titre une des ballerines les plus affriolantes, croyait de sa dignité de ne pasaller l'attendre à la sortie, comme le commun des mortels, et se contentait de lui envoyer son coupé, pendant qu'il rentrait a pied de son côté.

Grave imprudence, car, pendant des années, son, doux objet, qui ne redoutait point la variété, trouva tout naturel de laissermonter dans le susdit coupé tantôt l'un, tantôt l'autre de ses admirateurs éventuels, et de se faire reconduire au pas, d'une façon totalement dépourvue d'austérité. Tout un clan de joyeux viveurs y a passé par ce véhicule historique qui, à la Cn, était connu


de la crème des jeunes c~n&we~ jusque dans ses détails les plus particuliers ) Tous les trois mois, son propriétaire était obligé d'en faire changer les coussins. et, fort surpris de les voir se fatiguer si vite, il s'en prenait a son carrossier, qui n'en pouvait mais, le pauvre homme. CES DEMOISELLES DU CORPS DE BALLET Elles étaient, au moins, uno vingtaine, plus belles, plus pimpantes, plus gracieuses, plus moulées les unes que les autres.

Sans parlerdes premières danseuses importées, généralement, de l'étranger, engagées seulement pour une ou plusieurs saisons et ne faisant pas positivement partie du corps de ballet de l'Opéra de Paris, il suffit de rappeler des noms comme ceux de Laure Fonta, Troisvallets, Louise et Eugénie Fiocre, Marquet, Montaubry, StoïkoS*, Schlosser, Mérante, Pauline Mercier, Riquoy, Hérivaux, les deux Brache, les deux VoUer, les deux Malot, les deux Parent, etc. etc. pour indiquer la composition de cette superbe légion de jeunes et jolies personnes, sur lesquelles toutes les jumelles des abonnés étaient braquées et auxquelles s'adressaient incessamment leurs assiduités.

Impossible de rien imaginer de plus séduisant,


de plus vivant, de plus émoustillant, ensemble et séparément, que ces femmes-là. Indépendamment de leur beauté intrinsèque, elles avaient un cachet professionnel, une originalité de tournure, un art de plaire, une tenue à la fois libre et réservée, provenant de l'habitude de fréquenter les hommes du monde, qui les classaient dans une catégorie à part, et leur donnaient un attrait spécial, difficile à dépeindre.

Nées et élevées dans le sérail, imbues des traditions de la corporation, elles professaient l'amour de leur métier et le respect de l'abonné. Ayant conscience de leur prestige et des obligations qui en dérivaient, elles ne songeaient même pas à choisir un protecteur en dehors df messieurs les habitués.

Et si, d'aventure, leur vertu, au premier appel des sens, venait a succomber incognito dans la bagarre, d'une façon vulgaire et inavouable, coia ne comptait pas. Jamais, au grand jamais, elles n'en faisaient officiellement le sacrifice qu'en faveur d'un cavalier bien posé et ayant ses grandes entrées dans les coulisses.

~Aussi descendaient-elles au foyer avec une régularité et une ponctualité rigoureuses, tenant à y arriver en même temps que leur seigneur et maître ou leurs attentifs, et considérant comme un devoir d'en faire les honneurs à ces Wtessieurs.

Elles y produisaient leurs costumes nouveaux


avant de paraître devant le public et prenaient, avec déférence, l'avis des pontifes sur l'ajustement de leur toilette et sur l'exécution d'un pas uu d'une pirouette causant, tout en faisant dos exercices à la barre d'appui, minaudant, coque)ant. recevant les hommages du tiers et du quart avec des airs do princesses 'uaintonant leur situation présente, préparant adroitement l'avenir, et nuançant toujours leurs amabilités et leurs discours d'après le rang, le relief et l'importance do leur interlocuteur.

L'Opéra était, pour elles, – mêmo pour les plus dissipées et les plus lancées dans la galanterie, une sorte de temple où elles se figuraient remplir un sacerdoce et ou, pou ou prou, elles ofnciaient avec un sérieux quelquefois bouffon pour qui connaissait le fond du sac. Mais, étant données les idées qui avaient cours dans le monde viveur et élégant du temps, c'était là une condition indispensable de leur succès et je dois dire que. malgré tout, ce brin de pose inoffensive et do naïve mise en scène n'avait rien de déplaisant, au contraire.

D'autant plus que, dans la vie ordinaire, une fois hors du théâtre, le naturel revenait au galop et que, souvent, le contraste n'en était que plus amusant. A tel point que d'avoir pour maîtresse une danseuse de l'Opéra passait pour le superlatif de l'épicurisme et du bon genre. N'en avait pas qui voulait; et, outre qu'il fallait pour


cela appartenir à la fleur des pois, on était encore tenu de s'assujettir à mille exigences et considérations. Ces demoisp' étaient le faubourg Saint-Germain, le <a~ du demi-monde.


XV

Messieurs les abonnes. Le mot do la un do l'un d'entre eux. – Les toges du Jookoy.Ctubotdo t'Union. -– Los débuts do ChristtnoNitsson.–Croquis doquotquos pontifes do rabonnomout. Lu nuit du coup d'Htat. Lo o tan do la jeunesse dorée. Enlèvement do doux scaura. Sisgo et capitulation.

Messieurs les abonnés étaient, en fait do spectacle et de galanterie, des spécialistes, considérant l'Ope~ comme une succursale du club, lui consacrant assidûment leurs soirées, s'intéressant tout ce qui s'y passait, connaissant dans les plus infimes détails tout ce qui avait rapport à la direction, surveillant l'organisation et l'exécution du ballet, croyant de très bonne foi que rien n'aurait pu marcher sans eux, n'imaginant pas enfin qu'un homme d'un certain monde pût décemment prendre une maîtresse en titre en dehors de l'honorable corporation des danseuses a ssermentées de l'Académie impériale de musique et de danse.


Un peu exclusifs naturellement, un peu pontifes, se donnant des airs de connaisseurs, l'étant quelquefois attachant une importance capitale à la conservation des traditions, aux particularités techniques, a l'accomplissement des devoirs professionnels do ces demoiselles pensant continuellement a toutes ces choses, eu parlant sans cesse et finissant par s'identifier si bien à l'existence théâtrale do leurs dulcinées que cela devenait, pour eux, comme une seconde nature. On racontait, a ce propos, qu'un gentilhomme 'tes plus répandus et dos plus connus dans les coulisses, étant à l'agonie, et ne pouvant déjà plus articuler une parole, avait soudain repris un atome de forces et murmuré, comme dans un songe, à la sœur de charité qui le veillait: « N'oublie pas que tu danses ce soir. » Anecdote typique, qui ne surpritpersonneet qui aurait paru vraisemblable alors morne qu~o son authenticité eût pu être contestée.

Les abonnés do~ loges avaient, en général, la suprématie sur ceux des fauteuils d'orchestre. C'était parmi les premiers que se trouvaient la plupart des protecteurs sérieux des anges du foyer. de la danse, et les habitués influents auprès du directeur.

Neuf loges, ni plus ni moins, étaient à cette époque-la exclusivement occupées par des hommes huit par des membres du Jockey-Club et une par des membres de l'Union. Les quatre


avant-scènes du deuxième rang, trois du rezde-chaussée et une grande baignoire à gaucho, avaient pour titulaires dos seigneurs abonnés du Joche~ et formaient une masse compacte, une sorte de tribune réservée, qui avait un aspect tout spécial, une importance considérable dans la salle et sur la scène, et dont tous ceux qui on faisaient partie étaient connus comme le loup blanc du public ordinaire de l'Opéra. La loge d o l'Union était au premier rang droite, seule do son espèce et confondue avec toutes les autroa, – habituellement, d'ailleurs, beaucoup moins fréquentée et moins remplie que colles du cercle do la rue Scribe, alors le plus fashionable de Paris.

Il est superflu d'ajouter que ces neuf loges masculines décidaient du succès ou de l'insuccès, non seulement des ballets mais des opéras nouveaux, et tenaient entre leurs mains le sort des débutantes. Je me souviens que Christine Ni Isson, qui avait pourtant fait ses preuves au ThéâtreLyrique, où elle avait eu des triomphos éclatants, lorsqu'elle entra a la rue Le Peletier pour y créer Haw!!e<, redoutait énormément, pour la p)'eyKtére.le verdict de ces juges sévères et sans appel et qu'elle se préoccupait plus que de tout le reste de s'assurer leur bienveillance. Elle y réussit entièrement, au delà même, peut-être, de ses espérances, et devint, dès son entrée en scène, l'idole des grands dispensateurs de la


renommée et de la vogue; ce dont elle se montra très tiattee et particulièrement reconnaissante.

Quant aux danseuses, on peut dire qu'elles ne dansaient guère que pour les avant-scènes du club et qu'elles n'attachaient réellement de prix qu'à leurs suffrages, qui, du reste, entraînaient ceux du gros public.

Rien de curieux etd'amusantaobsorvor comme la gravite et l'élégance inexprimables avec leaq uellea ces Mtcss!CM)'s nuançaient leurs applaudissements, les distribuant avec une oxtrômo réserve, méthodiquement, au moment voulu, et les saluts empreints, & la fois, de coquetterie, de déférence et d'aimable familiarité, que ces demoiselles leur adressaient en retour. Elles les traitaient on véritables souverains et n'auraient ou garde do manquer à l'étiquette consacrée en no commençant et ne finissant pas invariablement leurs remerciements aux spectateurs par une révérence soulignée et absolument distincte à droite et a gauche, très intentionnellement et très visiblement dirigée vers les logos où trônaiont les habitués des coulisses.

Elles contenaient la crème du Mg~ life, la fleur des pois des c~M&meM, ces rangées d'habits, noirs qui imposaient a la vile multitude. Plus d'une individualité marquante et plus d'un personnage ayant joué un grand rôle politique y ont flgurd. Des bommes distingués dans toutes les


branches et ayant parcouru une brillante carrière, il y en avait à foison.

Pendant un temps, un des abonnés les plus assidus à fréquenter les coulisses et i1 faire sa cour aux étoiles chorégraphiques fut le duc de Morny. Il était lié avec Nestor Roqueplan, un des directeurs qui ont eu le plus de relief et d'autorité, et il faisait, on compagnie dequelques amis, la pluie et le beau temps au foyer de la danse. Lu nuit du coup d'État, si j'ai bonne mémoire, il y passa la première partie do sa soirée et se rendit ensuite au Jockey-Club, dans le salon du sport, où il resta, sans sourciller, it bavarder ot & plaisanter de choses indifférentes, jusque une heure avancée. Le lendemain matin, Paris se réveillait avec un gouvernement tout confectionne, marchant déjà comme sur dos roulottes. Heureuse génération 1

L'ami et le compagnon de plaisir du duc, –qui n'était alors que comte, le vicomte P. D.U, réalisait, dans son aristocratique personnalité, le type accompli du viveur de bonne compagnie et du parfait abonné de l'Opéra. Son esprit fin, son irréprochable correction, ses façons exquises, sa naïve etimperturbablefatuite, corrigée par une extrême amabilité et une constante bonhomie, sa fastueuse prodigalité lui avaient valu les bonnes grâces et la haute considération des ballerines grandes et petites, ïi daignait laisser descendre sur elles toutes, et


indistinctement, sa haute protection, jouissait auprès des rats et des marcheuses d'un immense prestige, lour apparaissait comme un astre lumineux tombe d'un nuage, et se promenait dans les coulisses do l'air d'un sultan qui visite so n harem,

Il tutoyait, cola va sans dire, tout le menu frotin et prenait, par-ci par-là, le menton aux plus jolies en leur adressant, familièrement et sur un ton distrait, un compliment ou une invite. Si bien qu'il fiuissait par croire qu'il les avait toutes plus ou moins honorées do ses faveurs

– Petite, lui arrivait-il de dire souvent négligemment a l'une ou l'autre de ces jeunes beautés qui so prosternait en tremblant devant lui, est-ce que noua n'avons pas déjà. soupô ensemble Il me semble bien que oui.

–Mais non, monsieur D.U. Jamais.

–Tu crois?.

Mais j'ensuis sûre, monsieur D.u.

Eh bien, ce sera pour un de ces jours. Et le comte de M.on, ce joueur endurci, ce dissipateur incorrigible, ce coureur de ruelles infatigable jusque dans sa verte vieillesse Celui.là était unmelauge intéressant do grand seigneur et de bohème, à l'esprit caustique etimpertinent, aux manières àlafoissuperlativement élégantes et étonnamment triviales par instants tantôt aSable et insinuant, tantôt morose et cassant. Il avait toujours une liaison sérieuse et affichée avec un


sujet ou un demi-sujet du corps de ballet, –une, entre autres, fit grand bruit, et vivait, en dehors des heures, d'ailleurs nombreuses, passées au club, les cartes en main, dans l'atmosphère de popote et de semi-cabotinage des nymphes de l'Opéra et de leurs augustes familles; étant au courant de tous les potins, de toutes los intrigues, de toutes les tempêtes dans un verre d'eau qui surgissaient perpétuellement au milieu do ce petit monde très a part, et ne dédaignant point, a l'occasion, de s'y immiscer, do prendre parti dans un son-; ou dans l'autre, d'exercer môme une pression pour faire pencher la balance du côté de ses préférences et surtout de ses préférées. En revanche, le comte d'A.on, un modèle do correction, de bonne tenue et d'affabilité, se tenait assez a l'écart et conservait une attitude de dignité froide qui aurait pu passer pour de l'indifférence si, notoirement, il n'avait été l'amoureux en titre des étoiles les plus en vue. Plusieurs, et des plus haut cotées, eurent successivement la chance de l'atteler a leur char pendant une période assez longue, et sa réputation de galanterie était si bien établie, sa générosité et les agréments de sa personne si indiscutés, ses procédés délicats avec les femmes si appréciés, que la succession do la favorite était briguée longtemps a l'avance et qu'il n'y eut, dans son existence amoureuse, presque jamais d'interrègne.


Ou le voyait tous les soirs dans sa loge, touj ours tit'6 ù quatre épingles, arrivant a l'heure r églementaire, ni trop tôt ni trop tard, puis descendant dans les coulisses au moment psychologique et entrant au foyer, ganté de frais, son chapeau à la main, pour y faire sa cour a sou objet et adresser la parole, à tour do rôle, à chacune de ces demoiselles, avec la même gravite, la m~me réserve et la même distinction, pleine de désinvolture, que s'il eût été dans un salon du faubourg Saint-Germain. Je n'ai jamais rencontré de cavalier plus complet et plus séduisant, d'homme du monde plus achevé, do c~bwe~ de relations plus agréables.

Mais l'abonné par excellence, le dilettante le plus passionne, le plus régulier et le plus connaisseur, l'habitue le plus ponctuel do l'avantscène dont il connaissait à fond tous les détours, c'était M. J. De.re.

Il avait fait une étude approfondie de toutes les questions se rattachant à l'Opéra et particulièrement à l'art plus savant et plus compliqué qu'on ne croit – de la danse. Il en savait l'histoire sur le bout du doigt, en possédait toutes les traditions et en aurait remontré sur ce chapitre aux directeurs les plus malins. Aussi fut-il, en quelque sorte, l'éminence grise de tous ceux qui, pendant trente ans, se sont succédé dans ces fonctions et qui n'auraient eu garde de négliger ses avis et ses appréciations, généralement mar-


qués au bon coin, en quoi ils avaient parfaitement raison.

L'Opéra était le plaisir favori, je dirai presque la passion dominante, de ce délicat et de ce sybarite. Il ne manquait pas une représentation, vivait dans les coulisses comme dans un domaine lui appartenant, appelait tous les machinistes par leur nom, donnait des conseils fort écoutés aux danseuses, faisait les honneurs du foyer aux princes du sang et aux grands personnages étrangers, non sans une pointe do solennité, – et s'instituait le sévère gardien des règles strictes de l'étiquette, du maintien, des bons principes en matière de chorégraphie et d'ordonnancement des ballets. Son grand chagrin était d'en prévoir la décadence.

C'est assez dire que le beau sexe avait d'autant plus d'attrait pour lui qu'il se présentait sous la forme affriolante et suggestive d'une danseuse de l'école classique et du genre noble, telle que lo vieil Opéra les formait. Ses habitudes et ses goûts, assez méthodiques et exclusifs en même temps que d'une suprême élégance, ne lui permettaient guère, au surplus, de se disperser, et je ne crois pas qu'a partir d'un certain âge il ait choisi ses maîtresses ailleurs que dans la pépinière alimentée par les soins pieux de mesdames Cardinal. Il en avait de ravissantes, & commencer par une superbe créature, très admirée, très courue, pas tous les jours commode et qui devait, par la suite,


faire un certain tapage dans Landerneau. Somme toute, un amateur de théâtre très nn, très original et très intéressant que M. J. De.re. Avec cela, charmant causeur, inépuisable conteur, ayant beaucoup vu, beaucoup lu, beaucoup retenu la mémoire bondée d'anecdotes et de souvenirs, la conversation émaillée de traits d'esprit. Un spécimen rare de bonne éducation, de courtoisie et d'aimable bienveillance. Ce n'est pas pour dire, mais il n'en pleut pas, à l'heure qu'il est, de cette race-là dans les coulisses furieusement démocratisées, – convenez-en, messieurs, deI'AcadémieMa~ona!e demusique?. A côté de ces premiers rôles et marchant sur leurs brisées s'avançait le clan de la jeunesse dorée, des brillants cocodès, moins casés, moins sédentaires, moins limités, dans leurs distractions, au seul Opéra, voltigeant de fleur en neur, faisant une cour acharnée et éphémère à toutes ces demoiselles, et ne s'attardant que par exception à un collage bien senti de quelques mois. Ils étaient là une dizaine, parmi les plus étincelants et les plus recherchés de Paris, qui avaient un entrain endiablé, un toupet d'enfer, un charme réel, et qui profitaient de tous ces avantages pour pratiquer, sans discontinuer, des coupes sombres dans la vertu et la ndenté, plus ou moins sujettes à caution, d'une notable partie des plantureuses almées du ballet subventionné.


Il y avait un joli et fashionable mondain, d'origine étrangère, gai compagnon, pourri de chic, qui était la coqueluche de toutes les femmes et, chose rare en pareil cas, l'ami de tous les hommes.

Il y avait un prince Charmant qui s'arrêtait rarement aux bagatelles de la porte et qui, plus tard, devint un homme politique et un philanthrope présidant à de grandes œuvres de charité un gentilhomme de race. très répandu et très goûte dans la coterie la plus select et la plus à la mode du vrai monde, rempli d'esprit et du meilleur, et dont les distractions étaient aussi légendaires que le nez, ce qui ne l'empêchait pas, –au contraire, d'avoir le plus grand succès auprès du beau sexe de tout acabit; un diplomate d'avenir, chaud comme braise, ayant plus d'intelligence et d'entregent que de charme physique, qui fut, après la guerre, ambassadeur auprès d'une très grande puissance européenne; un marin des plus entreprenants et des plus séduisants, dont les bonnes fortunes ne se comptaient pas et qui emportait d'assaut, avec sa verve gouailleuse et son extérieur empoignant, des citadelles réputées inexpugnables; un prince décoratif d'une haute allure et d'une grande originalité un baron belge, si Parisien, qu'après nos revers il s'est fait naturaliser Français; un ofRcier de cavalerie d'une julie tournure, d'une incontestable élégance, qui avait une belle fortune, pas-


sait pour avoir de l'esprit et effeuillait volontiers la marguerite avec la brune et la blonde partout où il en voyait le joint; que sais-je encore?. C'était, dans cette bande-là, une fête et des parties incessantes, un perpétuel branle-bas. A la sortie des artistes, dans le coin noir du passage, ces sacripants étaient la terreur des mères.

J'ai souvenance qu'un soir, un de mes amis et moi, nous en avions littéralement enlevé deux, – les deux sœurs, – que nous avions emmenées en nacre, ne sachant où les conduire, à la barrière du Trône. Mon ami courtisait la cadette, qui était encore sage et qui est devenue depuis une célébrité. Elle doit se rappeler cette équipée. Quel voyage mouvementé, grand Dieu! L'ingénue résistait avec une énergie sauvage aux avances de son séducteur et, lorsque celui-ci, exaspéré, la laissait à ses réflexions en lui disant dédaigneusement « Ce n'est pas pour ce soir ? Non. Eh bien, je vais te lâcher en plein boulevard », elle fondait en larmes. Ça a duré deux mois, cette cérémonie! Après quoi, comme de juste, la place a capitulé.

Rien n'était comique souvent et rempli d'imprévu comme les aventures que l'on avait avec les débutantes de l'Opéra, non encore stylées. Leurs naïvetés bourgeoises et leurs étonnements de pensionnaires étaient amusants au possible. Je vois encore d'ici une des plus capiteuses, à


peine éclose à la lumière do la rampe, que j'avais invitée, un matin, à déjeuner dans ma garçonnière et qui se retournait cérémonieusement pour remercier le valet de chambre a chaque plat qu'il lui servait. On lui passait do Fentrccôto: « – Merci monsieur » des pommes de terre » Merci, monsieur. Et ainsi do suite jusqu'à la Sn du repas. Je pensai en mourir de rire et je n'ai jamais pu la rencontrer sans avoir une prodigieuse envie de me tordre. Les camarades, à qui j'avais conté l'histore, l'avaient surnommée a Merci, monsieur. » Elle a bien fait ~on chemin depuis, la petite, et je douce qu'elle ait continue à être aussi polie pour les domestiques.

Outre les personnages dont j'ai tracé plus haut la silhouette, on rencontrait encore presque tous les ~oirs, dans les coulisses, le prince de M.a, aide de camp de l'empereur, membre très actif du Jockey-Clut'; le comte A de B.is, le comte de P.vès, M. de L. B.ere, M. de P.au. le vicomteH.z.C.ede,M.Ed.A.re,M.G.d'H.on, le marquis de C.x. M, de Saint-L.er. M. Ch. B. et bien d'autres dont les noms m'échappent en ce moment. La plupart des survivants, parmi ces derniers, continuent a avoir leur loge a l'Opéra et a y aller assez régulièrement; mais ils ne font plus que de rarissimes apparitions au foyer de la danse. Ils s'y sentent par trop dépaysés.



XV t

Portraits à la plume, Emma Livry. Laure t'*on<a. –MontineBeauprand. Carabin. – StothofT. – <to-' 1 rando. Pauline Mercior. Santaviito. – Montaubt'y.Mëranto. Schtosser. Riquoy. Marconnay.

EMMA LIVRY

Qui s'en souvient, à l'heure actuelle, de cette charmante fille, pleine de grâce et de talent, dont la fin prématurée etextraordinairement tragique nt une profonde impression sur tous tes habituée de l'Opéra?

C'était l'opposé de la danseuse, telle que se la représentent, en général, les profanes et telle que la rêvent les amateurs sensuels de cette catégorie des femmes; mais, en même temps, c'était l'image de la danse dans tout ce qu'elle a de fin, de souple, d'ondoyant, d'élégant, de délicat, d'aérien et, disons-le, de distingué. Grande, trop grande, d'une maigreur excessive, avec un visage en lame de couteau


qu'accentuait un nez des plus proéminents et qu'animaient do très beaux yeux, elle avait une telle légèreté dans les mouvements, une telle désinvolture dans les gestes, un tel charme dans les allures, une telle élasticité dans la taille, une telle coquetterie pudique dans l'expression que, des qu'elle dansait un pas, on oubliait ses imperfections physiques et on était captivé. On aurait dit une sylphide apparaissant tout à coup sur la scène et prête à s'envoler dans l'espace au premier souffle. Ajoutez a cela qu'il y avait dans sa vie privée et dans sa situation des cotes particulièrement intéressants, et vous aurez une idée des sympathies dont elle était l'objet do la part du public habituel de l'Opéra.

Mais un beau soir, en pleine jeunesse, la pauvre Emma s'étant trop approchée de la rampe, le feu prit à ses jupons de mousseline et elle mourut quelques jours après, d'une façon touchante et après d'atroces souffrances, des suites de ses blessures. Ce fut un vrai deuil parmi les abonnés.

w

` LAURË FONTA

De son vrai nom, Laure Poinet. Une belle personne, grande, mince, distinguée, au regard doux et -modeste, aux cheveux châtains; d'une tournure un peu bourgeoise, d'un aspect un peu froid.


A la ville, simple et réservée, ayant les manières et l'existence d'une femme du monde très pot-au-feu vivant maritalement et sagement avec un sympathique gentilhomme qu'elle a entouré de ses soins et de son affection jusqu'à sa mort. Très aimable, très bienveillante, très causante, mottant une certaine affectation à n'avoir que des conversations sérieuses et à se donner un petit vernis inoffensif do bas-bleu artistique.

Au théâtre, fanatique de son art, qu'elle prenait très au sérieux; danseuse correcte, impeccable, mais peu entrainante, scrupuleuse observatrice.des principes et de la tradition, sachant son rôle sur le bout du doigt, le jouant avec talent et précision, excellant dans le genre noble et les variations classiques. Au total, plus de force que de grâce et plus de science que d'inspiration. Elle se livrait avec acharnement à l'étude des danses anciennes, qui convenaient à merveille à ses goûts et a son tempérament, et était parvenue, à force de travail, à ôtro si ferrée sur la matière, que seule elle était en mesure do. danser n'importe quel pas de n'importe quelle époque. Elle se souvenait, avec une étonnante justesse, de toutes les ugures qu'elle avait dansées ou vu danser et cette précieuse qualité lui donna, un jour, l'occasion de rendre un grand service à la direction de l'Opéra.

On allait reprendre HercM!a~Mm, dont le di-


vertissement avait été créé par elle. Les anciens pas étant perdus comme de coutume, on s'occupait déjà d'en composer de nouveaux, lorsque Laure Fonta s'offrit à régler Je ballet tel qu'il était a son origino; ce qui fut acceplé, comme on pense, et parfaitement exécuté.. ·

Je l'ai vue, quelques années après, a une fête organisée par le comte d'0.d, interprétant les danses du dix-huitième siècle, encadrées dans une petite merveille de pièce du spirituel auteur du Coucha)' de la waWde et des Hasards de l'es.ca)'po!e«e, et je dois dire que c'était on ne peut plus réussi.

Aujourd'hui, mademoiselle Fonta, complètement retirée de la scène, partage ses loisirs entre le professorat et la publication d'un grand ouvrage sur la danse.

t.ËONTïNE BEAU8RA'<D

Elle n'était pas jolie, tant s'en faut, et, M elle était bien proportionnée dans sa taille au-dessous de la moyenne, ses formes étaient trop grêles et trop anguleuses pour le maillot. Mais quelle agilité, quelles pointes d'acier, quelle aisance, quelle grâce parfaite, et surtout quel rythme irréprochable 1

C'est qu'on n'est pas impunément élevé de Taglioni, et mademoiselle Beaugrand, formée par


la célèbre ballerine, avait merveilleusement pro.fité de ses leçons.

Avec cela, on s'accordait à lui trouver beau" coup d'esprit, un cœur d'or, une nature sedmsante, un attrait piquant dans la physionomie. Si bien que, malgré un extérieur relativement ingrat, elle eut dos succès autant que les plus belles, attacha à son char des seigneurs dont les hommages étaient des plus recherches et fit un excellent mariage.

CAHABtN

Celle-là, de mon temps, commençait déjà à être dans les anciennes. C'était une belle brune, aux traits accentués, très intelligente, très futée, très répandue et qui, au point de vue do la danse, n'avait rien de remarquable.

Sa spécialité était de donner des soirées, où l'on rencontrait la fleur des pois des demoiselles du corps de ballet et des hommes & la mode de l'époque. Elle recevait merveilleusement et avait t un salon superlativement coté dans la crème du demi-monde. Il était de rigueur, pour les débutants de la haute vie, d'y être introduit, et le fréquenter assidûment était un excellent et agréable moyen de cultiver les relations ébauchées dans les coulisses, voire de faire de nouvelles connaissances et de découvrir des beautés inédites.


L'élément masculin des soirées de Carabin était, du reste, d'une rigoureuse sélection. STOÏKOFF

Surnommée le Niagara, devinez pourquoi?. Elle était Russe, du moins elle le disait et ou le croyait, n'ayant aucun intérêt & en douter. En tout. cas, elle avait bien le type moscovite, dans sa forme plantureuse et un peu vulgaire –il y on a une autre qui est tout le contraire. C'était, a tout prendre, une superbe créature que cette fille du Nord, avec do magnifiques yeux remplis de luxure, une abondante chevelure châtain très foncé, un torse sculptural, une jambe moulée et une physionomie assez flasque et a~sez insignifiante.

Elle ne brillait ni par l'entrain, <n par l'esprit, ni par le chic; ne dansait ni bien ni mal, plutôt mal que bien, d'un air de souveraine indifférence, et ressemblait a une odalisque du sultan de Zanzibar.

Malgré cela, ou peut-être à cause de cela, elle triomphait, sur toute la ligne, dans le clan des abonnés de haute volée. Elle fit des conquêtes éclatantes et eut des liaisons très honorables qui durèrent môme fort longtemps. Sans compter les escapades accessoires, que les petites camarades comparaient méchamment, et sans doute injustement, aux étoiles du firmament.


Signes particuliers Stoïkoîf s'était cassé la jambe en tombant tout de son long je ne sais où, et n'avait pas, pour cela, interrompu trop longtemps le cours de ses exploits. Elle aimait bien sa mère et ne la quittait jamais. jamais. Impossible d'aller la voir sans passer par un entretien avec cette inséparable et peu attrayante compagne.

MOHANDO

Une Italienne pur sang, brune aile de corbeau, jolie, bien campée, appétissante; mais un peu monotone et abusant de la peinture.

Prodigieusement sentimentale, romanesque comme toutes celles de sa race, s'attachant comme le lierre, tres popotte, très tranquille, très douce. A uni par se marier, dans son pays natal, selon son coeur.

PAUMKE NEnCHSR

Blonde, boulotte, solidement bâtie, jolie comme un coeur, avec un visage souriant et bon enfant qui semblait dire qu'elle n'avait rien a refuser à ses amis.

Elle était pleine d'animation et de gaieté, ne dansait pas plus mal qu'une autre et savait mieux que beaucoup d'autres se faire aimer. Un des princes de l'abonnement et des coulisses, celui


peut-être qui avait aux yeux de ces demoiselles le plus grand prestige et dont j'ai déjà eu occasion de parler, l'honora, pendant plusieurs années, de sa bienveillance particulière et lui donna beaucoup de relief.

Je la vois encore, dans le Marché des h~cce~is, – un ballet incomparable, au milieu do l'escadron étincelantdes plus ravissantes créatures qu'il soit possible d'imaginer, je la vois encore se trémoussant, riant toujours, échangeant des œillades avec les avunt-seônes et éclairant de sa figure épanouie et singulièrement espiègle toute la salle.

SANLAV!LLE

Pas une téte classique assurément, mais un corps, mais une tournure, mais une démarche adorables et la plu~ belle paire de jambes qu'il m'ait jamais été donné de contempler.

Elle dansait fort convenablement, sans prétention et sans brio, faisait volontiers des frais pour les habitués, avait un caractère d'ange et était énormément courtisée par les plus brillants cavaliers de la jeune bande, pour lesquels elle manifestait une prédilection marquée et dont quelques-uns passaient pour abuser, parfois, de ses bonnes dispositions à leur endroit.

A un moment donné, Sanlaviile devint une piocheuse, s'éprit sérieusement de son métier et


fut, de sa génération, celle qui resta le plus longtemps & l'Opéra, où elle occupe encore, je crois, un emploi assez important.

Admirablement conservée, toujours agile et bien faite, elle s'était attachée, dans ces dernières années, à un gentilhomme-artiste bien connu, à qui elle prodignait l'affection la plus tondre, la plus dévouée, la plus désintéressée, et qui est mort chez elle subitement, au moment où l'on s'y attendait le moins. On assure qu'elle en est inconsolable.

MONTAUBHY

Tout simplement une des plus belles personnes, et des plus complètes, et des plus indiscutables, de la tête aux pieds, qui aient jamais paru sur les planches d'un théâtre.

Rousse comme la Vénus antique, les traits fins et réguliers, le nez droit. la bouche petite, la nuque bien dégagée, le teint éclatant de blancheur, elle avait un torse étonnant de modelage et de capiteuse harmonie, des jambes a faire rêver, depuis la hanche jusqu'à l'orteil, et tout le reste à l'avenant. La beauté plastique dans toute sa perfection, beauté un peu froide peut-être, froide comme sa danse, dont elle paraissait, du reste, médiocrement se soucier, comme son abord, qui cachait pourtant une grande bonté,


une extrême courtoisie et, sous une apparente frivolité, un fond très sérieux.

Avec ses formes sculpturales et sa cambrure unique, elle brillait surtout dans les rôles travestis. Je ne crois pas que jamais, ni avant ni après elle, personne ait porte d'une façon aussi délicieuse le costume de ligueur dans le ballet des Huguenots.

J'ai gardé le souvenir d'une soirée où, au foyer de la danse, avant d'entrer en scène, elle m'avait prié de lui rattacher une courroie de sa cuirasse qui s'était défaite. J'en avais la chair de poule. On savait, généralement, peu de chose de la vie privée de Montaubry. Sans être poseuse ni pimbêche, elle n'aimait point à faire parler d'elle et mettait un certain soin à ne pas donner prise aux potins de coulisses. Il était clair qu'elle devait avoir, en dehors du tourbillon de l'existence à grandes guides, des chaînes solidement rivées. Sapristi, comme je comprends qu'après l'avoir enchaînée, on n'éprouvât pas le besoin de lui donner la clef des champs

Depuis plusieurs années déjà, elle a disparu du corps de ballet de l'Opéra, au grand désespoir des quelques fidèles de l'ancien temps. Je l'ai rencontrée naguère dans un pensionnat des environs de Paris, très simplement vêtue, apportant, dans un sac à ouvrage, comme une bonne petite bourgeoise, des friandises à un gentil gamin, qui l'embrassait à bouche que veux-tu toujours


belle et séduisante, ma foi la taille seule avait légèrement épaissi.

MÉRANTE

Enfant de l'Opéra, fille du maître de ballet dont le nom est. resté attaché à une série de créations chorégraphiques du répertoire, et une fort jolie personne, par-dessus le marché. Elle avait du talent, de la grâce, du maintien, une façon très chaste de danser et une charmante tournure. Son seul défaut, défaut capital et dont elle n'a jamais pu se corriger, était d'avoir les genoux légèrement en dedans, à co que prétendaient les purs. J'avoue que, si on ne me l'avait pas dit, je ne m'en serais point aperçu. SCHLOSSER

La volupté et la sensualité incarnées. Avec une tête blonde idéale, des yeux d'une éloquence troublante, une bouche respirant la luxure et appelant le baiser, le corps le plus délicieux, le plus diaboliquement excitant des cinq parties du monde. Oh! la belle et empoignante créature 1. Trop empoignante peut-être, car on lui demandait beaucoup et elle ne savait pas refuser grand'chose de ce qu'on lui demandait. Elle se laissait volontiers aller à l'impression du moment et ne ménageait ni ses forces ni sa santé, aimant


le plaisir pour le plaisir, faisant la fête sans arrêter et s'inquiétant fort peu du lendemain une Manon Lescaut dont tous les des Grieux n'étaient pas chevaliers, tant s'en fallait.

Aussi fut-elle fanée, vieillie, détruite avant le temps puis, tout à coup, gravement malade. Elle dut se retirer dans un petit cottage de Nogent, où allaient la visiter quelques fidèles, parmi lesquels le plus assidu était un célèbre vicomte, son ancien amant elle y mourut peu après la guerre, dans une médiocrité voisine de la misère.

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Plus tard, elle s'est appelée Righetti, trouvant le nom de Riquoy trop prosaïque. Mais, il l'époque dont je parle, elle ne songeait nullement à donner le change sur sa nationalité et se contentait de la désinence française de son nom, qui ne l'empêchait aucunement, d'ailleurs, d'avoir le plus grand succès.

Elle en avait d'autant plus, d'un certain genre et auprès de certaines personnes, qu'elle réalisait le type complet de la Parisienne. Un joli petit nez retrousse, une figure chiffonnée et friponne, un galbe élégant et plein de chic, une taille élan.cee, des jambes dont le modelé, les proportions le fini, la forme à la fois déliée et opulente étaient passés en proverbe tout cela faisait


d'Edile Riquoy une femme séduisante et une danseuse très agréable à lorgner.

Dans les coulisses, elle comptait parmi les plus entourées les plus courtisées, mais passait auprès des abonnés pour être un brin prétentieuse et guindée.

A la ville, elle était très élégante, infiniment plus que ses camarades, en général, et affectait de faire bande à part, d'avoir une personnalité distincte de sa profession, qu'oHo semblait regarder comme très au-dessous de son mérite et de son charme.

Somme toute, une bonne personne, très aimable, très désirable, et une danseuse sans feu sacré, plus attrayante au repos qu'en mouvement.

MARCONNAY

Nous l'appelions fleur de distinction, à cause de ses manières aristocratiques, de son cachet de petite marquise, de ses allures réservées; comme si elle pressentait les hautes destinées auxquelles elle était appelée!

Plus jolie, plus flne, plus distinguée, plus charmeuse qu'elle, on ne pouvait pas l'être, à coup sûr. Mais, quoiqu'elle ne manquât pas précisément de talent, rien ne lui convenait moins que les pirouettes et l'attitude d'une ballerine. La couronne fermée lui sied infiniment mieux.



XVII

Eugénie Fiocre. Opulence et littérature. – Louise Fiooro Les trois Mousquetaires. Marquet. Un incident au bal de l'Opéra. Hérivaux. Un dtnor champêtre à Fontainebleau. Le mot do la fin. Trois va!iets. –Franoine Collier. Pillevois. Histoire d'un ministre et d'une ingénue.

EUOËNIN FJOORE

La cadette des deux sœurs et la moins régulière de traits, mais la plus séduisante, la plus remarquée, la plus connue, la plus élégante et celle qui a parcouru la plus brillante carrière. Rien de classique dans les lignes du visage, tant s'en faut un minois de grisette, un nez en trompette, dont les narines ouvertes regardent les nues, de jolis yeux doux et fripons tout ensemble et une petite tête courte et ronde, qui, si elle n'est point dépourvue de race, manque totalement de majesté. Mais, avec cela, quelle tournure quel chic, quelle prestance, quel corps


admirable, quelle nnesse d'attaches, quel ravissant ensemble, quelle femme profondément excitante et suggestive, comme on dirait de nos jours quel type incomparable de danseuse, à la science près!

Ce qu'elle a fait tourner de têtes, jeunes et vieilles; ce qu'elle a eu d'abonnés & ses pieds, de beaux messieurs qui ont fait, ou voulu faire, des folies pour elle, est phénoménal. Personne ne s'inquiétait de savoir si elle dansait bien ou mal on la regardait, c'était assez on admirait jusqu'au petit mouvement de bélier embarrassé dans des broussailles,–rien moins qu'artistique, pourtant, qui accompagnait automatiquement chacune de ses cabrioles et on en aurait voulu au directeur assez mal avisé pour ne pas la mettre en relief. C'est pourquoi elle eut très vite des rôles en évidence et Snit par en remplir de relativement très importants.

A ses débuts, Eugénie Fiocre, d'une nature très une, très primesautière, assez sentimentale aussi et d'une distinction innée dans les sentiments et les goûts, se laissa tout simplement guider par sa fantaisie et sacrina moins qu'aucune de ses camarades a la froide raison et au calcul. Pleine de jeunesse et de gatté, elle s'amusait a la bonne franquette avec une aimable insouciance, tout en ayant de la tenue et en ne donnant point dans les plaisirs bruyants.

Puis, à un certain moment de son existence,


remarquée et protégée par un nabab de la haute finance, qui passait jusque-là pour n'être que médiocrement accessible aux entraînements romanesques, elle devint tout à coup extraordinairement sérieuse, quelque peu maniérée et énormément riche. Le côté précieux et réservé de son individualité prit le dessus; elle s'isola, no parla plus a personne, affecta de ne plus se mêler, dans les coulisses, aux vulgaires ballerines et posa pour la grande artiste. On ne l'apercevait plus que de loin en loin, toujours ù l'écart, un livre d'histoire ou de philosophie à la main, paraissant absorbée dans une profonde méditation. En maillot couleur chair et en tenue de danse, ça ne manquait pas d'originalité 1

Ou la vit de moins en moins. Enfin, plus du tout, et on apprit un jour qu'elle avait acheté une terre en province et qu'elle l'habitait la plus grande partie de l'année. Il ne lui restait plus qu'à se marier elle se maria. Aujourd'hui, elle a repris son indépendance et, les soirs d'hiver, elle vient assidûment à l'Opéra où, du fond d'une baignoire, toujours encombrée de visiteurs, elle peut constater, avec un légitime orgueil, que les nouvelles couches auront du mai a la faire oublier.


LOUISE FIOCRK

8œur ainôe d'Eugénie et tout l'opposé de celleci au physique et au moral. La plus jolie tête du monde, la plus régulière, la plus délicate, la plus suave sur un petit corps trapu, de formes luxuriantes, moulées et appétissantes, mais trop court, trop charnu et un peu trop bâti en Hercule. Son mollet, du plus pur modèle dans son raccourci, était d'une grosseur exceptionnelle son teint, d'une blancheur et d'un éclat éblouissants; son regard, d'une indescriptible douceur comme, du reste, son caractère. Pas la moindre velléité aristocratique; pas d'aspirations au luxe et & l'élégance; pas de raffinement dans l'imagination. Un coeur aimant et naïf, dont elle était parfois victime des goûts modestes et terre à terre; une insouciance a toute épreuve et une sorte de passivité nonchalante dans l'organisme, qui n'excluait ni le sentiment, ni la passion. Au total, une charmante fille, réjouie, aimable, facile à vivre, s'amusant de tout, se contentant de tout, ne posant pour rien et se faisant adorer de tous ceux qui l'approchaient.

J'ai connu le temps où elle était serrée de près par trois jeunes cocoeMs des plus en évidence, qui la courtisaient avec acharnement et qui, tous trois d'une jalousie féroce, se cachaient les uns ~_='7


des autres au moyen de ruses, percées a jour, d'une drôlerie sans pareille. Sa grande préoccupation & olle était alors do ne leur faire de peine ni aux uns ni aux autres. Ei!o y réussit si complètement que tout so termina en gaieté et que les rivaux se mirent d'accord, un beau jour, pour déserter simultanément le champ de bataille. Les détails de l'histoire seraient curieux a raconter mais je mo suis promis d'être discret. N6e pour ôh'e bourgeoisement honnête, dans un intérieur paisible, Louise Fiocre devait fatalement finir par verser dans le conjungo. Elle s'éprit sérieusement d'un jeune ténor de son théâtre, d'un extérieur fort agréable et d'un talent au-dessus de la moyenne, l'épousa et ne roparut plus sur les planches.

MARQUE'

On l'appelait communément la grande Marquet et jamais qualificatif ne fut plus a sa place que celui dont les abonnés avaient coutume do faire précéder son nom.

Deux centimètres de moins, et cette femme gigantesque eût été parfaitement belle. Malgré tout, elle était attrayante, imposante surtout et d'un galbe qui sortait de l'ordinaire, qui forçait l'attention, qui faisait impression. Il faut dire qu'en dépit de sa taille de tambour-major, elle était admirablement proportionnée, faite a ravir,


avec un beau visage, manquant toutefois d'animation. Impossible de la voir sans être captivé par la ligne, par l'opulence et la rare perfection des formes on oubliait presque ses dimensions peu féminines; on la contemplait comme un beau monument. Mais on n'avait que médiocrement envie de lui faire des chatteries; on se sentait écrasé on avait peur. on éprouvait la sensation du magnétisme libidineux qui vous laisse un fond de rancune et de méchanceté, en même temps qu'il vous fait courir par tous les membres un étrange frisson de volupté.

Personne, cependant, n'avait la réputation d'être plus calme, plus foncièrement bonne, plus agréable compagne que Marquet. Seulement, chose bizarre pour une grande femme, elle avait, par instants et soudainement, des emportements passagers d'une extrême violence et, disait-on, la main très leste. Tout ce que je sais c'est que je l'ai vue, une nuit, au bal de l'Opéra, administrer une maîtresse gifle à son amoureux qui, d'ailleurs, ne l'avait pas volée.

Le physique de Marquet l'avait cantonnée de très bonne heure dans les rôles masculins, qui lui seyaient merveilleusement; en costume de toréador, par exemple, elle était vraiment superbe. Les dernières années, elle ne dansait plus du tout et se bornait à occuper, dans les grands ballets, les emplois où il n'y avait qu'à mimer. Elle y était encore très admirée et, par son appa-


rence, par sa façon magistrale de porter la toilette, leur donnait une importance que d'habitude ils n'ont pas.

HÉRIVAUX

D'une noble race de courtisanes de la grande école, dont l'aînée était l'inoubliable Esther Duparc, avec laquelle elle avait une lointaine ressemblance.

Grande, svelte, distinguée un profil ravissant, des cheveux châtains et des yeux légèrement de travers, ce qui donnait a sa physionomie une expression bizarre mais pleine d'attrait et d'originalité.

Sa taille était superbe, ses hanches dignes d'une Andalouse, ses jambes d'un modèle unique et son pied d'une petitesse qui eût été ridicule sans une netteté et une perfection de contours qui en faisaient un véritable objet d'art. Hérivaux était un type resté légendaire à l'Opéra. Très libre dans ses allures, point bégueule, forte en gueule, comme madame Angot, elle pimentait son incontestable beauté et son charme plastique d'un esprit endiablé et d'une forte dose d'excentricité. Elle aimait les beaux hommes et ne s'en cachait point; et, si elle ne détestait pas absolument les civils, elle adorait les militaires à la condition, toutefois, qu'ils ne fussent ni des gringalets ni des imbé-


elles, doux catégories de mâles qu'elle enveloppait d'un égal mépris.

Son vocabulaire était d'un imagé et, parfois, d'un naturalisme inimitables. Pour la verve et les réparties, elle aurait rendu des points à un gamin de Paris. Rien ni personne ne l'intimidait. Elle disait leur fait aux uns et aux autres, adorateurs musqués et gens de théâtre, avec un incroyable sans-gêne, et le nombre d'amendes qu'elle a encourues, pour contraventions aux règlements, et pour avoir vertement envoyé promener le régisseur, est incalculable.

Le mouvement perpétuel, au demeurant; toujours en l'air et en agitation, distribuant des malices et des horions à droite et à gauche, môme au milieu des épanchements les plus intimes; incorrigible rieuse, rigoleuse impénitente, attachant par son naturel, par son caractère enjoué, par sa grâce féline, par le capiteux et le sensuel qui se dégageait de sa personne quand elle le voulait, et énervant par la manie du bruit, par la rage de la gambade et du trémoussement fébrile. Où elle était dans son élément, où elle se gaudissait comme le poisson dans l'eau et brillait d'un très vif éclat, c'était en nombreuse compagnie, dans les réunions d'hommes où elle don. nait un libre cours à ses saillies et se laissait aller, sans façon, à tout l'imprévu et à tout le brio de son tempérament. Aucune femme, à mon avis, parmi celles que j'ai connues, n'était, en


pareil cas, plus amusante, plus entraînante, plus agréable.

Je me souviens d'un certain dîner donne a Fontainebleau, dans un jardin, sous une tonte, par mon meilleur ami, à la crème du JockeyClub, le jour de l'ouverture des courses, et où la belle Hérivaux, seule do son sexe, au milieu do trente cavaliers fort délurés et assez intimidants, leur tint tête a tous, prenant le dé de la conversation, apostrophant de la façon la plus comique ceux qu'elle ne connaissait pas, blaguant le tiers et le quart. Elle y fut étourdissante.

A la fin, du premier jusqu'au dernier, ils étaient hypnotisés, émoustillés et plus ou moins coiffés de cette jolie torpille en chair et en os. C'est qu'elle avait du chien, la mâtine Et du fluide 1. et du montant 1. et de !'m~a~ue/ Après trente ans qui ont passé par la-dessus, je ne puis y penser sans un petit frémissement de luxure. Je l'ai rencontrée l'an dernier, encore jolie, Dieu me pardonne, bien que démesurément engraissée et arrondie. Et savez-vous ce qu'elle m'a dit, cette gouailleuse impitoyable ? 2 – Mon cher, j'hésitais à vous reconnaître. Je ne vous trouvais pas. assez décati. Car, entre nous, tous ceux de notre époque. ce sont des ruines qu'il faudrait raser, comme celles des Tuileries, pour l'embellissement de Paris.


TROISVALLETS

Une jolie brune, au teint mat, à l'épaisse crinière, qui, avec Simon, Rousseau et Thibert, formait un quatuor des plus réussis.

Sur le même plan, il faut placer Anna Rust, un petit phénomène, très bonne musicienne et d'une vertu si farouche, que « les machinistes euxmêmes se montraient polis envers elle ». FRANCINE CELLIER

Trop comme il faut pour faire des ronds de jambes en jupe courte et pour porter le prosaïque chausson; elle rêvait déjà, cette aimable Francine, de jouer la comédie et de briller dans un cadre moins indigne de son rang. En attendant, elle cultivait modestement Fatï"tié d'un très grand et très puissant baron et écrivait des lettres fort spirituelles aux journaux pour s'excuser d'être expropriée tous les six mois. Finalement, elle entra au Gymnase où, le soir de son début, le quatrain suivant courait dans la salle Du premier rang au dernier

De l'orchestre, on se démène

Pour voir l'effet que Cellier

De plus près fait de la scène.


PILLEVOIS

Le marquis de M. assurait qu'elle prenait Pic de la Mirandole pour une montagne de Suisse, l'Édit de Nantes pour une grande dame anglaise, et que, à quelqu'un qui lui parlait de Garibaldi, elle avait répondu

Est-ce qu'il est du Jockey, ce monsieur? Les bonnes petites camarades lui mettaient volontiers sur le dos toutes les naïvetés et toutes les histoires invraisemblables en circulation. Il y en avait une, entre autres, d'une nature un peu scabreuse, que l'on se chuchotait à l'oreille et qu'on lui attribuait, je crois, très gratuitement.

On racontait qu'à l'origine de sa carrière, s'étant fourvoyée chez un ministre, qui l'avait attirée dans son cabinet sous le fallacieux pré" texte de je ne sais plus quelle faveur à accorder à un membre de sa famille, et se défendant à outrance contre les entreprises amoureuses de l'Excellence, devenue tout à coup très audacieuse, elle s'était trouvée acculée contre le bureau et avait mis en branle, avec. le prolongement de son échine, tout le clavier électrique, au grand complet, qui correspondait avec les différents services du ministère. Aussitôt, par quatre portes placées aux quatre coins de la pièce, entraient gravement quatre chefs de divi-


sion. Tableau Terriaée, ne comprenant rien à ce qui se passait, l'ingénue crut qu'il s'agissait d'un enlèvement elle eut une peur atroce, prit ses jambes à son cou et s'enfuit sans crier gare, laissant la ministre se débrouiller avec ses subordonnes.


XVtH

Laurent. Lise Parent. Adèle Parent. Un déjeuner au" ministère d'Etat. Matât. – Amour et revolver. –Coffres-forts trop bien fermés. Villeroy. – Blanche Alexandre. Coralie et Matvma Bracho. Aventure de cinq vierges dt d'un break de réglment. Les Volter. Pllatte, Baratte, Lamy. Ce que sont devenues toutes ces étoiles. Plus de fermiers généraux.

LAURENT

Châtain foncé, de beaux yeux, de jolis traits, bien faite, séduisante et bonne enfant danaant bien, mimant avec un certain talent, mais ayant' un je ne sais quoi de terne et d'effacé qui l'empêcha toujours d'atteindre la vogue qu'elle eût méritée. Elle ne savait pas se faire valoir et, pour l'apprécier, il fallait être un fureteur, un connaisseur, approfondissant les choses et ne s'arrêtant pas a la surface.

Ses rivales l'accusaient do cabotiner et de manifester des goûts peu relevés ce qui ne l'em-


pochait pas d'avoir, dans le high-life le plus select, des admirateurs enthousiastes et des amis dévoués.

LISE PARENT

Un des piliers du corps de ballet. Pilier est le mot, car elle avait une paire de jambes, fort belles et fort bien faites, du reste, bâties à chaux et à sable et-dont le haut surtout présentait un développement et une consistance absolument remarquables.

Très grande, très élancée, malgré les dimensions plus que plantureuses de. son assiette et du prolongement d'icelle, elle avait une toute petite tête aux cheveux châtains, au nez en bec de corbin, se rapprochant avec complaisance d'un menton pointu ce qui lui donnait un peu la physionomie d'une perruche.

Tout compte fait, une très belle personne, très décorative, très désirable, dansant avec entrain et avec art, si ce n'est avec énormément de grâce, particulièrement les pas de caractère. Le bodéro était son fort. Elle avait une branche énorme et occupait, en somme, une place prépondérante sur la scène, où elle était très remarquée par les habitués, que son absence eût déconcertés. Aussi se montrait-elle des plus assidues n toutes les représentations pas de divertissement où elle ne fût plus ou moins en évidence.


Au foyer, toujours la première arrivée, elle avait un cercle de brillants abonnés, qui l'entouraient, la courtisaient, lui faisaient cortège et avec lesquels elle ne se privait nullement d'un flirt bien senti, quand le cœur lui en disait. Elle formait un centre autour duquel on se groupait, et comptait au premier rang de celles que les pontifes des coulisses honoraient de leur bienveillance et de leurs attentions toutes spéciales. Il n'en était pas un, parmi les inuuents, ou seulement parmi les bien posés, avec qui elle ne fût en relations et qui ne vint, dans le courant de la soirée, papillonner autour d'elle.

Très affable, très abordable, très accommodante, n'exigeant pas l'impossible et ne tenant pas outre mesure à la profondeur et à la constance des sentiments, pourvu qu'ils fussent sincères et agréables, elle avait beaucoup d'amis et ne se brouillait avec aucun. A son départ de l'Opéra, qui n'eut lieu que plusieurs années après la guerre, on lui confia une classe, a la tête de laquelle, à ce que je crois, elle est encore a l'heure qu'il est.

ADÈLE PARENT

Sœur cadette de Lise et plus réellement jolie qu'elle, à ne prendre que les traits du visage. Mais moins belle comme ensemble, ayant moins


de race, de montant, et produisant, à première vue, moins d'effet.

Complète, dans son genre, néanmoins, séduisante, courtisée, dansant bien, ayant attiré, dès ses débuts, l'attention do la fine fleur des olub.~on et, malgré tout, n'étant pas .très en évidence. J'ai eu la bonne fortune de la connaître touto jeune et do déjeuner, dans ce temps-là, en sa compagnie, au. ministère d'Etat (c'est comme j'ai l'honneur de vous le dire !), où ello m'ost apparue, pour la première fois, sous les traits d'une ingénue d'une timidité réjouissante. Je me suis laissé dire qu'elle s'était rattrapée depuis. MALOT

Le plus beau brin de fille qu'il soit possible de rêver. Jolie a croquer, ni grande ni petite, – do la taille voulue, ni trop grasse ni trop maigre, avec une ravissante tournure, un regard expressif à déniaiser Chérubin lui-même; un esprit vif. original et amusant un entrain de tous les diables, une prodigieuse envie de s'amuser et un mépris très caractérisé do la pruderie et des préJugés.

C'était plus qu'il n'en fallait pour en faire la coqueluche des hommes a la modo. Jeunes et vieux briguaient ses sourires, et il faut lui rendre


cette justice que, si elle ne les refusait pas tonjours aux seconds, elle préférait de beaucoup les accorder aux premiers.

Constante et capricieuse, tout à la fois, elle eut des liaisons sérieuses et durables, sillonnées de nombreuses bourrasques et, si l'on on croit la chronique, quelques toquades ne manquant ni d'imprévu ni de charme. A tort ou a raison, on racontait sur son compte une foule do petites histoires assez pimentées, et ses faits et gestes, vrais ou supposés, défrayaient souvent les potins de la coterie superlativement élégante qui donnait le ton aux coulisses do l'Opéra. Point de malveillance, du reste, a son endroit. Toute la jeunesse l'adorait. On lui savait gré de no pas poser, quoique jolie et très courue, et on appréciait son bon caractère, empreint d'une camaraderie câline et d'un aimable sans-façon. Qu'est-ce qui a pris a cet amour de femme, faite pour l'indépendance et le théâtre, de vouloir a son tour tater du mariage?. C'est difncilo a démêler. Toujours est-il qu'un beau jour, sans que rien l'eût préparéo a co genre d'exercice, elle épousa, on justes noces, un ingénieur et que, de cette union, il est résulté un drame à coups de revolver, sur les marches do la Bourse, qui a fait grand bruit a son heure. Dans ces dernières années, elle a vécu avec un industriel, inventeur d'un système de fermeture de coffres, qui, & ce qu'on assure, a négligé de faire fortune. Il avait


trouvé le moyen de fermer les caisses, pas celui de les ouvrir à son profit.

Malot avait une sœur, qui répondait au pittoresque sobriquet de Zaxa, ballerine aussi et moins bien qu'elle à tous égards plus frôle, plus petite, plus obscure, gentille, cependant, que j'ui perdue de vue depuis douze ou quinze ans et que l'on m'a assuré être passée de vie à trépas. VILLEROY

Une superbe blonde, avec de grands yeux bleus énamourés et rêveurs; une des perles du corps de ballet.

Je ne sais si elle descendait, en ligne directe, du maréchal de Villeroy. Ce qui est certain, c'est qu'elle avait droit a la particule, en dépit d'une maman à lunettes, à cabas pt a châle fatigué, qui représentait le type complet de madame Cardinal – Halévy a dû s'en inspirer.

Dans tout l'éclat de sa jeunesse et de son suc. cès, Louise Villeroy eut l'heureuse chance d'inspirer un attachement sérieux à l'un des plus célèbres et des plus opulents financiers de l'époque. Il lui St une situation des plus brillantes et l'installa dans très joli petit hôtel de la rue de Prony, dont l'ameublement, plus coquet encore que somptueux, et les objets d'art répandus à profusion, révélaient le goût exquis de son généreux ami.


Après la mort de celui-ci, libre et riche, elle flt un excellent mariage, convenable sous tous les rapports, en épousant un légiste étranger qui, do son côté, lui a apporté do beaux revenus. C'est ce qui s'appelle être née sous une bonne étoile BLANCHE ALEXANDRE

Grande, belle, bonne, intelligente; des yeux splendides, des cheveux châtain clair, un port de duchesse; appartenant à une famille aisée de la petite bourgeoisie.

A peine au sortir de l'adolescence, elle eut un succès fou auprès de la jeunesse dorée et ne tarda pas à s'emparer du cœur du nls d'un haut baron de la nnance bien connu, aimable et sympathique gentleman, très lancé et très goûte dans le monde fashionable, à qui elle consacra, dès lors, son existence, au grand désappointement de ses innombrables adorateurs.

De cette liaison, exceptionnellement heureuse et sans nuages, naquit une fille dûment reconnue par son père, dont la séduisante ballerine, qui fut jadis Blanche Alexandre, porte aujourd'hui très dignement le nom.

Très entendue en affaires, elle a pressenti en temps opportun l'avenir des terrains de la plaine Monceau et a su réaliser une belle fortune, dont fait partie un délicieux petit hôtel qu'elle a fait construire aux alentours du parc


Monceau, – non loin de aon ancienne camarade Villeroy, – et qu'elle habite depuis plusieurs années.

CORAME BRAME

La benjamine d'une tribu sémite des plus curieuses et des plus intéressantes.

Adorablement jolie, bien qu'un pou trop petite. une, modelée, grassouillette, la peau d'une blancheur de lait, le teint d'une fraîcheur admirable, la chevelure d'une abondance et d'une sôve inouïes respirant la jeunesse et la santé, gamine comme on ne l'est pas; plaisante, ragoûtante autant qu'on peut l'être.

Enfant do la balle, élevée il l'Opéra, elle y était comme chez elle, familière avec tous les habitués, qui l'avaient vu grandir et se former, dansait fort agréablement et n'aurait eu qu'à jeter le mouchoir aux plus huppés pour qu'ils ~empressassent de le ramasser.

Mais longtemps d'une sagesse inquiétante, décidée a no pas disperser son capital a tous les vents des amourettes d'occasion, elle n'eut guère que des triomphes platoniques et ne quitta offllcieltemont le célibat que le jour où elle rencontra, subjugua et enchaîna pour de bon un riche seigneur de sa race, His a!ne d'un ministre fameux, qui, tout de suite, lui donna un hôtel (aux environs de la place Malhesherbes), des


équipages, des bijoux, des rentes sur l'État, lui fit abandonner le théâtre et ne la quitta plus jusqu'à sa mort.

Emportée elle-même, dans toute la force de l'âge, il y a, si je ne me trompe, tout au plus deux ou trois ans, elle a laissé à. sa fille, très bien mariée, un respectable magot.

Des trois sœurs de Coralie Bracho, il en est une, Malvina, très jolie, très séduisante, très bien douée également, qui, après avoir débuté comme danseuse a l'Opéra, où elle n'avait fait que passer, était devonno comédienne d'un cortain mérite.

Spirituelle, originale, aimable, causante et extraordinairement capiteuse à ses heures, elle faisait beaucoup do conquêtes et s'arrêtait presque toujours, avec un rare discernement a colles qui présentaient plus d'avantages réunis, mêlant l'utile & l'agréable et n'ayant que dos amoureux de choix. Tant et si bien, qu'après se l'être cou. lée assez douce, oUo s'est fait une position des plus enviables.

En dernier lieu, elle nous a révélé un talent pour !a sculpture que nous no lui connaissions point et qui est loin d'être ordinaire. Quelquesunes de ses œuvres ont uno réelle valeur artistique et un charme incontestable. La preuve on est qu'elle a. reçu tout récemment les palmes académiques.

Quels gais souvenirs elles me rappellent, ces


deux sœurs! Pendant tout un été, celui de 186. elles venaient chaque dimanche à Fontainebleau, accompagnées d'une autre sœur, qui était comme leur mère,– dans le commerce des vieilles nippes, et tantôt de l'une, tantôt de l'autre de leurs jeunes camarades de l'Opéra. Un dimanche, je m'en souviens, elles étaient dix. Tout ce petit monde descendait carrément chez un mien ami, ofncier dans un régiment de la garde impériale, et s'amusait franchement, étourdiment, bruyamment, comme l'eussent fait d'innocentes pensionnaires. On se promenait en forêt dans le break du régiment, on dinait sur l'herbe, on gambadait, on jacassait, on racontait des gaudrioles; et le piquant de l'affaire, c'est que, sauf quelques bagatelles de la porte, dérobées au pied levé derrière un arbre, il ne se passait rien, mais absolument rien de. décolleté. La plupart de cos demoiselles, non majeures, étant encore censées rendre des points à Jeanne d'Arc pour la virginité, elles se surveillaient mutuellement, nous surveillaient et nous inspiraient une peur bloue de nous embarquer dans de trop graves complications. D'ailleurs, ça nous changeait, oh! oui et, rien que pour la rar6.é du fait, ça nous divertissait follement. On se quittait bons amis, en se donnant rendez-vous à huitaine, et on rentrait chacun chez soi, très satisfait, sans le moindre poids sur la conscience, sans l'ombre d'un souci dans le cœur.


Un jour, pourtant, cela faillit se gâter. Après le départ de la petite bande, le colonel de mon ami, excellent homme, rien moins que rigide, monte comme une soupe au lait par des vieilles bigotes de la ville, manda son subordonne et, moitié plaisantant, moitié fâché, l'admonesta, dans toutes les règles, de promener publiquement, dans la voiture destinée à madame la colonelle et aux autres légitimes du corps d'oMciers, « un pensionnat de jeunes personnes, probablement peu recommandables.» Puis il était en train de terminer sa harangue en infligeant au criminel quatre jours d'arrêt, lorsque le susdit, d'un air contrit, se mit à répliquer

Mon colonel, ça tombe bien mal Pour une fois que je promène des. vestales, ce qui n'est pas dans mes habitudes, je suis réprimande. Ça ne m'arrivera plus.

Sur quoi, le brave colonel, pris d'une formidable envie de rire, se fit expliquer le phénomène par le menu, parut s'intéresser vivement au récit de mon ami, tout en ne se montrant que médiocrement convaincu, et, séance tenante, leva aes arrêts.

Seulement, il conta l'histoire à tout le corps d'offloiers. Et ce que le pauvre garçon, qui avait une réputation bien établie de coureur, fut blagué! Ce qu'on lui monta de scies sur la pureté de ses mœurs et sur les accidents qui avaient dû lui arriver pour en être réduit à une


pareille extrémité 1. Je renonce à le narrer. Le plus drôle est que personne, au fond, ne croyait un traître mot de ce qui était cependant la pure vérité.

LES DEUX VOLTER

Deux très jolies brunes, très demandées, trùs en vue, très & la mode pendant un temps et que je n'ai jamais pu distinguer l'une de l'autre. Elles me faisaient l'eH'et de ces ~sëp~'aMes que les camelots vendent par paires sur un petit bâton et qui, séparément, n'ont pas de raison d'être et ne signifient rien.

Charmantes, du reste, toutes deux, élégantes, attrayantes, avenantes, et des admirateurs à remuer à la pelle! 1

MI.ATTË – BARATTE LAMY

« Le nez de Pilatte, disait un vieil abonné, rappelle ces triangles qui sont plantés au milieu d'un cadran solaire. » En tout cas, elle était maigre comme un cent de clous; bonne aile, mais danseuse d'une médiocrité reconnuet quoiqu'elle fit partie des quadrilles en vedette. Une autre maigre, c'était Lamy. On prétendait que sa maigreur n'avait d'autre cause que son avarice passée en proverbe, et on la soupçonnait


de placer son déjeuner et la moitié de son dîner à la caisse d'épargne.

Quant à Baratte, n elle seule elle eut égayé le foyer. C'était la verve, l'esprit et la méchanceté incarnés. Elle faillit être brûlée pendant une répétition, comme Emma Livry. Le feu avait pris à ses jupes, et sans M. do Saint-Georgos, qui s'élança et parvint à étouffer l'incendie naissant, elle aurait certainement succombé.

Telles étaient les plus apparentes, les plus lumineuses d'entre les étoiles fixes qui brillaient au firmament chorégraphique de la rue Le Peletier.

En voyant ce qu'elles sont devenues après leur disparition totale, comment elles ont fini, ce qui saute aux yeux, c'est l'énorme proportion de celles qui, selon la sublime expression de la mère B. ont mal tourné, c'est-à-dire qui se sont mariées. Et, si bizarre que cela paraisse de prime abord, rien n'est plus naturel et plus logique.

Même a l'époque essentiellement folâtre du plein éclat des beautés dont je viens de crayonner les traits, la vie d'une danseuse était, en effet, infiniment moins échevelée que ne le supposent les candides bourgeois. Les classes, les répétitions) les représentations absorbaient la plus grande partie de leurs journées et de leurs soirées. La galanterie ne pouvait donc être que l'accessoire


et prenait nécessairement, dans la plupart des cas, une forme raisonnable et terre a terre. La fatigue physique des occupations regulicres et obligatoires exclut la noce et la débauche bruyante; la ballerine est fatalement la plus rangée, la plus tranquille dos demi-mondaines; par état, elle aspire au repos et aime son intérieur. Quoi do moins étonnant, alors, que le couronnemont matrimonial de sa carrière?

Que les épiciers austères en prennent leur parti, les grandioses folios, les orgies sardanapalesques, les insolences de luxe des demoiselles du corps de ballet ne sont plus qu'une légende surannée, comme tant d'autres, et qu'il faut laisser au temps de la Guimard, de Mademoiselle Duthé et des fermiers généraux, morts et enterrés.


U1UI.A BARRUCCt


LES DESSOUS DE LA GALANTERIE


XIX

Mondci'-vou!) do nobioa oompaRntoa. Pi'oxënûUsotO ail do 9)60)0. Cn ({onro d'industrie aon8 ta Moaod t~npiro. Pfoxf)))htna du mondo 6)6~~))~ !.om'a rapportH nvoot'honot'ah)oc)iûn~)o. L'n)nom' cr6dit. t.f) plat (lu jour. t.n mësavontm'o d') onolo Mritngo. –Lospatrto)onnoaducoHrtagogatfmt.–Duuxc6Mbritù8.

Impossible dû oloro la sario do cas souvenirs sansdonnorun aperçu dolafaçondonts'oxoroait, sous to socond Emph'o, lo mûtior do la porsonno A qui to poôtc Ovide allait domandor un phi!tro pour so fah'o nimot' do Finfidoto Corinno et sans oaquisaor au moins la physionomie dos dessous do h gahntot'io, fort din'oronts alors do co qu'ils sont aujourd'hui, où, a vrai dira, il n'y a plus do dessous, – tout sc passant au grand jour ot sans la moindre vergogne.

Lo sujet est délicat. Je tacherai do l'ofMouror ot


de couvrir d'une gaze protectrice, mais transparente, les tableaux par trop réalistes.

De nos jours, comme chacun le sait. on supprime volontiers les fictions; on est pratique, on va droit au but. Les hommes, qui n'ont plus guère d'illusions, même au début de leur carrière amoureuse, trouvent inutile de perdre un temps précieux, et puéril d'employer des détours et des circonlocutions pour obtenir des faveurs qui, au bout du compte, s'achètent & beaux deniers comptants. D'autre part, les dégrafées, qui n'ont plus rien il perdre à lever le masque, se sont demandé pourquoi elles négligeraient les petits ruisseaux qui font les grandes rivières on so privant, sans nécessite, des ressources quotidiennes et commodes queleuronrontles maisons do rendez-vous. De la un premier résultat: la multiplicationa l'infini do cosinstitutions dobionfaisanco pour tous los goûts, pour toutes les bourses et sous toutes les formes. A l'heure qu'il est, il faut renoncer à les compter. De plus, un grand nombre, un très grand nombre d'horizontales, poussant la logique jusqu'au bout, se sont dit qu'il était parfaitement niais d'abandonner à des intermédiaires, parasites et en dehors do la corporation, une notable partie do leurs petits bônônces et elles ont trouve plus simple, plus naturel, plus lucratif aussi do se rendre réciproquement les services intimes qu'on ne demandait autrefois qu'aux vénérables


matrones de la carrière, devenues impropres au rôle actif, le système de la mutualité appliqué il l'amour vénal

Elles se sont donc mises, en pleine jeunesse, eu pleine beauté, à cumuler les deux emplois, ce que les joyeux viveurs de notre époque ont fortement encourage, – et à présentera ceux de leurs amoureux à qui elles avaient cessé do plaire de belles amies avec lesquelles, naturellement, elles partagent la recette. C'est plus malin que do rendre l'argent.

De tout cela, il est advenu quoloproxénôtiamo est partout, que le régime do la libre concurrenco a supplanté celui du monopole et que la noble profession de marchande de plaisir a singulièrement perdu de son importance et de son originalité.

Il n'en était pas de môme il y a vingt-cinq ans. Les grandes courtisanes étaient tellement en évidence, tellement haut perchées, qu'elles n'avaient besoin de personne pour nouer des relations. Elles faisaient, d'ailleurs, n des petits profits et, sauf dans quelques cas très rares, où il s'agissait, une fois par hasard, d'extorquer, sans se galvauder, la forte somme à un rastaquouéro de passage, elles considéraient comme très au-dessous d'elles de négocier avec des entremetteuses.

De leur côté, les jeunes seigneurs a la mode préféraient, en général, faire leurs affaires eux-


mêmes et auraient considéré comme une sorte de déchéance et d'humiliation de recourir habi' tuellemont des moyens regardas comme peu Oattours pour rameur-propre. Ils no trouvaient môme pas oa amusant. En principe, il était admis, dans le monde élégant, que, lorsqu'on n'était ni vieux, ni contrefait, ni repoussant, ni tenu, pour une raison quelconque, adissimuler outre mesure ses fredaines, on ne devait songer, sous aucun prétexte, a prendre une voie aussi dépourvue do charme et d'imprévu pour arriver a une femme, quelle qu'oUo fût. w

11 ao rencontrait, pourtant, quelques précuraoura on avance d'une génération, qui sautaient a pieds joints par-dossua ces préjugea et qui, affichant carrément leur prédilection pour les procédés brutaux, érigeaient on système l'emploi d'une messagère officieuse. Mais on les citait comme dos exceptions ot ils scandalisaient prodigieusement les raffinés, a choval sur les princinosdo la galanterie élégante et du bel air. Un soir, au club, j'ai assisté a l'entretien do l'un d'entre eux, presque imberbe, avec un vieux beau qui le questionnait sur aosamoura, et je vois encore la stupéfaction indignée de oo dernier. Lojeunohommoso répandait on descriptions enthousiastes sur une artiste lyrique en vodottn, qui avait la réputation d'être, jusqu'alors, invulnérable, ot assurait, dans un langage passionné, qu'il en était opordument épris.


Et qu'avez'vous fait, lui dit l'autre, pour lui manifester votre sentiment?

Je lui ai envoyé. uno prooureuae.ïl eat vrai que cola n'a servi ft rien.

Le questionneur n'en revenait pas at racontait l'anecdote a ses amis comme la chose la plus inouïe qu'il fût possible d'imaginer.

Restait donc, pour alimenter la clientèle masculine dos proxénètes, un clan assez restreint d'étrangers, de vieux richards paillards, honteux, réduits à se servir do ce moyen clandestin et persuasif, et de personnages dont le rang et la situation, exigeant l'ombre et le mystère, excluaient, du même coup, une longue cour et des démarches personnelles de nature t1 trop faire jaser les badauda.

Aussi, n'y on avait-il, relativement, que fort pou, de ces marieuses de la main gaucho une douzaine, peut-être, – de présentables pour los gêna propres, s'entend, – toutes connues, étiquetées, protégées, solidement établies et se partageant en doux grandes catégories, ayant chacune son caractère et son fonctionnement. Il y avait, d'abord, celle du commun dos mortels, résumant lo type parfait de l'entremetteuse do la haute ot no recevant qu'une compagnie triée sur lo volet.

Elle avait toujours doublé lo cap de la soixantaine et, ayant longtemps exercé pour son propre compte, connaiaaaitparle menu toutes les finossos


et toutes les subtilités de la par~e. Obséquieuse et prévenante envers ces messieurs, serviable et affable envers ces dames, elle savait par cœur ou devinait les goûts, les manies, les vices, les exigences, la fortune, la générosité ou l'avarice des premiers; les ressources, les aptitudes, les be.soins des secondes.

Logée, invariablement, a un entresol ou à un premier étage d'unquartier voisin des boulevards, dans un appartement de très médiocre grandeur, et avec un mobilier qui, bien que confortable, paraîtrait mesquin et bourgeois do nos jours, elle avait une silhouetta d'ouvreuse de loges, un accoutrement vieillot et négligé, et une dégaine épique qui l'eût fait reconnaître entre mille. Horriblement industrieuse et madrée, la pourvoyeuse ordinaire du monde select cumulait sa profession officielle avec celles de marchande a la toilette et de prêteuse à la petite semaine; vendant à crédit des costumes, des dentelles et des bijoux aux débutantes, voire aux grandes hétaïres momentanément dans la débine; avançant a l'occasion la forte somme, avec accompagnement de quincaillerie et de lézards empaillés, à ses clients enrayés dans leurs voluptueux ébats par une culotte au baccarat.

A deux ou trois privilégies même, des plus calés et des plus productifs, elle fournissait de la marchandise vivante, de la chair à plaisir payable à long terme et ouvrait un compte, qui n'était


soldé parfois qn'au bout d'un an ou doux; les poussant ainsi à la consommation et n'oubliant pas, dans ce cas, de grossir dans une juste proportion le chiffre de l'addition.

J'en ai connu un qui était arrivé à avoir une note do vingt-cinq mille francs chez sa pourvoyeuse attitrée!

Les habitués arrivaient chez la surintendante de leurs menus plaisirs à toute heure du jour et de la nuit, ordinairement pour un rendez-vous convenu d'avance avec une personne désignée, amenée, à grand renfort de diplomatie et de démarches de la part de l'astucieuse négociatrice et débarquant de son côte, à l'heure dite, pour dis. paraître aussitôt après l'entretien.

Ni ces messieurs ni ces dames ne venaient au hasard de la fourchette et ne flânaient dans la maison. La maîtresse du logis, au demeurant, eut trouvé indigne de son mérite et de la considération dont elle était entourée de réunir dans ses salons des péronnelles sans conséquence, se respectant assez peu pour courir la chance d'une rencontre problématique et d'offrir à ses augustes clients des objets d'occasion. Elle se flattait de ne travailler que sur commande.

Souvent, néanmoins, elle avait auprès d'elle un en-cas, composé d'une ou deux intimes sans grand relief, qui étaient temporairement ses obligées et qu'elle retenait en prévision de la visite inopinée d'un consommateur pressé, arrivant


tout chaud, tout bouillant, de la campagne ou de la chasse. On appelait, ça le plat du jow. Un do mes amis me racontait, à ce propos, qu'une après-midi, s'étant, fourvoyé chez la plus renommée dos proxénètes de l'époque, au moment où, après un duo bien senti, il se disposait à s'en aller, il entendit dans la pièce voisine une voix, qu'il reconnut aussitôt pour être celle de son vieil oncle à héritage, criant très haut, discutant avec une animation extraordinaire et tremblant de colère

Non, non, disait la voix, c'est dégoûtant On ne fait pas do ces choses.Ia. Que tu la donnes quand on te la demande, passe encore mais, sacrebleu, je ne veux pas que tu la f. dans le plat du jour!

L'autre variété de commissionnaire d'amour, c'était l'officieuse, grande cocotte sur le retour, pas complètement retraitée toutefois, riche, intrigante, avec de puissants appuis, tenant maison ouverte; ou femme du monde déclassée, parvenue à l'âge où on ne peut plus opérer ~oi-méme et profitant de ses relations pour se créer un entourage agréable et lucratif.

Celle-là ne tenait point boutique ouverte. Elle procédait en amateur, sous le manteau de la cheminée, sans avoir l'air d'y toucher, sous couleur d'avoir un salon, de réunir des hommes d'esprit et des personnalités influen-


tes. Elle ne daignait s'occuper que des toutes grosses affaires et no prêtait guère son ministère qu'à des princes du sang, à des ministres, à des grands financiers hors de pair, qui tous l'honoraient ouvertement de leur amitié et de leur confiance.

Son truc était bien simple il consistait à mettre en rapports, par des diners, des réceptions, des réunions intimes, la crème des femmes légères, le dessus du panier de la galanterie féminine avec ses invités du sexe laid, à dresser secrètement toutes les batteries, à intervenir adroitement au moment psychologique et à devenir ensuite la confidente des deux parties.

On n'en comptait que deux ou trois, tout au plus, de ces patriciennes du courtage d'amour. Deux surtout eurent une renommée extraordinaire et parvinrent à une grande célébrité.

L'une, une horizontale de haute marque, prodigieusement adroite, remplie d'esprit et de méchanceté, mêlée à toutes les intrigues et à toutes les aventures clandestines de son temps, intimement liée avec quantité de gros bonnets du gouvernement, faisait beaucoup parler d'elle et était redoutée comme la peste. L'autre, légitimement mariée et portant un nom connu, conservant encore de beaux restes après avoir été superbe, intelligente, captivante,


aimable, s'agitait plus modestement et faisait 1 moins de bruit.

Toutes deux étaient en étroite intimité et on relations suivies ayo& un~très proche parent du souverain. f < i


TAULE ALPHABÉTfQUH

DES NOMS CITES DANS LH VOhUMH

Me!)ongo (Marguot'Ho), H, 33, 36,37,38,30.

Mat't!of(ChfM'!o<te),iaS. MfMt.iOO.

Bouffar (Zuhna), i70, <0i. Hmcha (CoraHc), 210, st70. Mfacho (Malvina) 2t0, 271, 272.

C

Cotzado, i4.

Capout, i3)).

Carabin, 241.

Carignan (princo do), Ut, 100.

CaUnotto,<ï,83,3t),m. Co!<afius,02.

Coi)icr(Fi'anc!no), 2 ;o. Cliarlies, 80.

A

Achtito.St.

.A!oxan(h'o (B!aneho), 200. Alice la Provençale, 08. Ango (baronne d'), ~a3.

Angevitto (Pautino d'), <0i, 103.

AnUgoy (U!ancho d'), i76, i88,180,100,iOt.

B

Harat~, 878.

Mafucci (G!u!ia). 8, 8, 0, 10, it, i2,<3,<4, <S,20,27, 3i,33,Si,M3.

MoaM(Ju!iotto),4,20,Ot. lleaugrand (Ltonttne). 240, 241.


Chrueh (Emma), ?.

Constance, 20.

C<M't6a, ~3.

Coartois(Addo),4,20,2i. 22,8S.

Ct'oni60,20.

D

t)6)ton (Anes), 4,20, K). Dolval, a0t.

Rcschampa 'ttoso), ~RG. ncadctt.na.n:

Do8MchostJcanno),i2t,i3~. Draho(JnHotto),iiH, in. t)raho(Ma~o),~5,iM,')t7 Duc!<t'e.H2.

Dnpuro (E9t))er), 20, :<3, a4.0N.2M.

B

E)tu!n! (Gnbt'tot)o), 207. HrMat,t}0,Bi,<}8.

P

FaMt'o.~O.

t''ero!ra (Judtth), <02, 103. Fiocro(Eu6&n!o),2!!t, 2M. Ftoet-o (Louise), 8<0, 2~H, 2M.

l-'ont& (Lnuro), 9t0,298,2~.). MO.

&

t}afnter,t80.

Corvuta, 187.

(Hojo.mt.MO.

Gouluo, 60.

Cfitto d'Kgout, (!9.

H

Hatôvy (Ludovic), i00, 3ttt. 208.

HM9& (Cat'o~no), 20, 0: n<h'tvaux, 2i0,2M, 2?i8, 2~0. Hot'v6, t70. t8H.

Hon8aayo(AM6no), 7t.

Ï

Isobolle, 4t), 209.

J

Jarny (Marguorito tto), )M. \.400, iOt, i0a.

Jeanno t-'oUo, i07, iOH, i00,ii0,m.

Joaopb.S').

K

Kau)!a (Lneto do), 80.8t. Sa. Kc)tor <M)ni)!o), Ot, ttX, M8, MO,107.

Kottor (ttonodno), Ot. «iO, 107.

T.

Lnbordo, M.

)[.e8!r (Suiianno), 808.

)Lnmy,374.

t.asscMy, 100, 497, <!)!<.

hatour (A<n&o), <09.

t.Mt'cnt, 303.


Lcbtanc (L&ontdc), tttt, i47, Mi,<SS.

Loooq, <?<

).6on (HoaaXe), M).

MotantJS)).

Letessiot- (Cot'o)ino), ))0, «X. Lioutot (Juttotte), 300.

t.fvt'y ((':m))ia), 237, 238, a?a. M[

Mn)ot,~)X,20(t,2<t7.

Mt)ngin(Luc!)o),tt,~0,:<:<, 8S.8(!,S7.

Manvoy (Atha)io), <HO. )GO, )Ht.

Matconnny.i}~.

Mar~ohnt.iRU.

Mario (Pno)n),S03.

Mat-quct, 3))), 8M!, 8Ht!. Man'ast (Armand), tOO. Martfno.iMS.

Mas9in(L<ion))no),Mf),t70, i7t.

Methac.iOO.

Moranto,2))),a47.

Morc!ot'(Pau)tno\at<)',ai3, 8i4.

Miha6Xi)(Anna).

Motttct',1M,i2?t.

Montatan<t(Co'<no) HU.H7, iMa,<!t:<.

Montaubry, 8)M, 843,2~). Monttgny, 170.

Mot'ando.ZO.

Morny (duc do;, ifiO, ~37.

Muam-d (M'), 73, 7t, 7!t, 7U. 77,7t),7!t,M.

N

Napo)(!on t)t, a7, :)3.

Novou (Hot'tonso), t7t.

Nicoti))i,~U.

Nitason (Cht'iatjne), a~!<. 0

ntïonhaeh, t' t7!t, <70,177. P

Pnt-ent (A'tûto), 3<);i, i!f)«. Pat'ont ()Jao), 3))), 2U<, ~t~. Paut'otto (Hhnh'o), i8i, i87.

t'cnt-) (Cot'a). 20, li2, f}:t, ttt, ti:},M,H4.

t'on))'t'oho()ot'tt),80.

t'iot-son (tttancho), i40, i47, H8,).

Pt)atto,274.

Pi))ovo!s, ~Ut.

Potnot (Lnmo), ~t8.

n

nony (A'M)o;, H, ~0, 87. Xonou), M.

ttcxuctto (Constonco), 4, !)3. HtshoKt, 8M.

ttigo)))oeho,08,M!t.

Iliquoy, 8<)), ~iH, ~0.


Ko(~toptamNcBtor), <M), & Ilousseau, SCO.

Hmit(Anna),2t!0

a

Snint-Georges lM. do\ ~S. S<ui)M))to,2H.

Schtossot', 8«t, Rt7, a<H. SehnctdorfHortenso), nx, n7.iw,n)t.tao,i8t,<M. shtttots, m.

S}(ty, SOO.

Sjmon.autt.

Soubiao,H,20,<t7.

Sto~koff,i!t0,a~. ,,1

T

't'ng)tM)},8tO.

'fauttn, t70, <M, <m.

ThoMaa, a<M.

't'htbort, 200.

Tto!swa!tota,atn,2Mt.

V

Vany(t':tnmn),t},<

Vnnghe!, iMt.

Vi))oroy,2(tM.

Vottcr,8t0,!t!74.

W

Wtttiams (En)t)tc), {i!t, KM, <on.

Wcn'th,<{).

Z

Xniia, SUS.


TABLE HKS MATURES

<.M('nM!)'Mf'omn')BAm!s

1

t.03 Rt'andoa cocottes dos anoOoa do con'HpUon. Lo aaton d'Aftûto Com'tota. !nf)nonoo d'nno {[An~'aHon d'hommes & tft modo sur tea gmnftos cont'ttaanoa do t'ôpofmo. t.cofB jo'ncM~f) avoo !o B0)f0)ft)<). '– Apho. )bmo romp)) <)'n9tt)eo tta t'nno tt'ontro ottsa. ah)))ft HarHco). – tnftoonco d'un colller tto pft)o9 sur un Otn. dinnt. Hafucct et les mtUtRh'ea. – Uno m~uo famatatsto nu camp do Ct~tona. –. Nnha orn{!0"so9. Le t)Hn)<!)o <8< rto l'nvonuo dea Champ-t-H~saca. :) Il

t.'exhtonco des ffrandcf) cocottes. tours to!)otta< )o))~ Oimp))BCB;)om' trotn do mataon. A()&to Conrto~. –Curtoux cntroOon. LoB ~rotcotom'a s~t'io'm ot la br)). tM~tojoHncMO. !.Mm6sMcntuM)) d'un amant B6f!o))!<.(«mh Uayacci ot les madonos tta))onnc9. CMrtte[mceotfa9tnf)uot)6ro9. n


)H

i.a Journée do ccs dafnea. Uno piquante t'encontro & la Ltbt'ah'to NouvoOo. – Lca grandes conrHaaocs~ t'avonuo ))o )a Mono-Dquet. Un caravans);MH mOttaho. –Mt09 à tout caBact'. – Histoho d'un cotooo) d'infanterie et (t'nne ptoocasto~ pou ortho~oxo. – Uno botto fumtOo. Hsttxu' ttnparo. Son opinion sut' los ~tvom'9. Con9tanco K~ucho. Mat'gxo'tto Ho)to))g6. Commo qnot )o hasan) fait qnotquufuia bien los choses. t.tatsot) do )a )jo))o Mfu'got f~oo t amporout'. CaUnotto. Uno patt'o do chovaux à bon mtucM. – Coutados d'un drôle f!o corps tV

t.oa soh'<09 (t't)tvot' do eee damoa. Lo epoctaoto. – Uoo tuno do m)c) dans une avant'scono. Commont on M faH osputMr d'unotogo. Apros mtnuH.– LoGffttttt M au cnH Ans!)". –' tJ')0 oda)<Mj')0 eanB pt~Jng~. !ruo<t. –Los habitua du <;)'n)«< M. Anna DOton. Ht)Q danno eon nom à un plat do pommoa do t0t'ro. –Co-a roar). f:Qn)p)ahH)tô en pnn)o ttipto. A<o)tt~tfott.'–Uomoteanjttantd'nnacanmMdo. V

Appa<'it)o)) d'une noHwo))o coucha do v)ve"ra. Lo -S<.9 do )a. Maison no~o. – Sa phyetonomto. – Ot'tf~no do t'oxpMsston i {tox))' «tt lapin. – t.o9 ))obttncc9 dn~M. –CatoXno !.QMMiOt'. Co))Mh)9 et t-abordo. CatoHno Haaso. Admh'abto tratt do dowouemant do Corn. Poar!. – ChM Mat-howeht. A'A«<'t do ~f)tH&oN<Mft. ROeep.ttons oaturatietce. – t<o faux eoutt! on to hcan eoxo mytHtH. Bats costuma aux /'M' ft'ot'o'fotf.B. –RtfibUto. i.cs <!to))M du <ncM. – Lo et~teau dea Ftcuo. Lo b~ M<Mû).


V)

Los dcmi-caBtOt't'. Uoo cotcrio do dont-eastore. Madame Mnaard. Ses dfbnte. – Une maison très (;a)o. – Kqn)pago improo!f!ô. L'cnhavuo do Batte. –Uu )'i))t)ucnM d'un paquet d'nctiona sur une existonco. – Lucy do Kaotta. – Un masas))) do mudox à Saint' t'dtCMbom'g. Vfoux tn)ni6)ro et hmmo tomuaoto. Anna Miha~ T I V)t

Silhouettca do dotxt-mojhtntt'o~.–LxcXo MtU))!)". Une villa à la Matmateon. Ad&)oM<!my. –Miatuho d'uno csM'()o)otto et d'un Jacdh))cr. Jt)))otto noa)). U)) romnn qot ttnit tjicn. Upsatto Mon. Un dAnonomott dou)))o<ncnt ha~tfjuo. Soubho. H' vnt

Auh'ca 8))))OuottCt) du demt.ntOttdatnca. Mat-nupt'ho do Jomy. – Un dxot an)0)))Ct)x. –i'an)t))0 d'A'~o~tt)o. -–Un pari pMnomOna). HmtHo Wi)))a)na. –Jeaono la FoHo. Amour et potHnant. Les hUottattono d'un Oaocû. – Uno Mh'<!o tnfurnato.CxintMo. ~cs artNea partantes. – Shittets. – Lcs deux Dtaho. Uua mn!eonfanta6))qno. –L'AtgutUouBe. –CHoJa. –Joanno DeeroettOB. –' Convortatto)) txttmo da tt''u<{ LoBbtoonos <')! cablnot particulier. Coft&a. La Baronne d'Ango. Motdo)-. Chat-totto Hortfo' "f) <X

t.69 amants de ces damM.t.c~ hommex A la modo du eccondHmph'o. Les MeofM~ at )ct <'oco(!<'«M. –t<o duo do M,t-C. o. –t.aOat'do j!mp6t'!a)o.ïtappono do cos ntMBtem'a avoc ces dames. Loa amante eOHot't. –' Laa ouH'09 cabotine et hommee d'amont. '37


t.ne <fTn)f):a

X

Les Actrices. – Los '~hfAtres do genre sous ta pecooft Kmpho. Un trio d'enchanteresses. Dtancho Ptorson. – La bagarre du Co««o)t. M. do Morny et tos manifestants. – Un duo porto en tHompho par la tonto. Un ~toux nentithommo un violon. invention gcntato d'un jouno eoipnour pour eo Mro payer Bos dctMe. C6t:no Montatand. – t.oa inconvénionts du maitMcre. Loontdo Lebtuno. Sa conversion et son apostolat. Lcontdo t.nbianc au consoil do suorro. tt~ Xt

('(.moyennes.– Athatto Mun<oy. Une m6ro d'actrieo )<;vo!t)Hon)M<ro. -.Judith Mrotra. Chefd'orchestro B~tuctour. RmUto Ko))er. A Tnrh). Princo et eontidtonnca. Marttnc. Monnno MaMtn. Un mot do Thj'odoro Barfiaro. ttortcnap Novou. DeaoMo. i' \n

t.'oporotto. on'onhach et t!eno. Hortenso SchneMor. ~t'n<< ~)t))&('<;Ae. t-a ~a /?<< La R)'<tn~.~t)c/)MM. – Souper ~)~)~<i~a). Triato On d'un nmonroux précoce. – Meo Tanttn. – Hnnh-a Paurene. –Uno t)MM)<caBcn9aHon.–Los trois Vonn9. Btaucho d'Anttgny. – Lo ~<« Y''<t"f<. t.C9 soupers do ta ruo Lot'tt-B~ron. Conutdo jouvonoaau. XtH

Yonaho). Kntma BounUr. A ta CMvaoho. Lassony. Anecdote ~aHeto. 8)))y. Motva). Pao)a Martû Htstotro d'un portofau!t)o et d'un ~aataquouora. Thor~a. – Oabricno EnuiR'.SManno Lagtor. –lsabotio !a Bouftuottora.


).E9 <'OU).)88B9 PE t.'OP<n*

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Les coulisses do FOptra. – ï<o foyer do ta danso. Les habhu6s dos coulisses. – Lndovto Hato~y. – Mesdames les mores. La sortto dos arttatcs -– Un coupé criminel. –Cea domotatttos dacorpBdo ba))ot. 2t!i XV

Mosaieura tea fUMnnfa. La mot do la th* do l'un d'ontro eux. t.C9 logos du Jofhoy-Oub et do t'Union. t'es d0hut9 do Cht'ieUno NXsso)). C)'ûf)u))' do quelques pon.ttfus do t'aboonemont. – Lu nuit do conp d'Htnt. – Lo otnn do !ajonnceso dorcf. Ht))ovcmpnt do deux emurs.St~o et ea()))n)ntton. M'* XVt

Portrait à la ptumo. Emnm t.tv)y. Lauro t-'onta. –Monttnt) Boaxgt'and. CM'nbh). Sto~hoff Mo'fnndo.–Pan))no Mcrctor. –San)~t))o.Montaubty. MOramo. – aoh'osaer. Rtquoy. Marconnay. a3Tf xvn

EnR~nto Ffooro. – 0))utonoo et HttOMtoro. f.o"'so Ftocro. Lea trois Mûmquotatres. Marquet. Un tnctdont an hat do l'0pdra. – Hartvanx. Uft dtner l' ehampetro fi Fontatnobteau. Lo mot do la On. Trots<t))ot~. – Ft'anc!))o Ce)))or. Pt)!ovo)9. – nhtotro d'on mtntatro ot d'una tngonuo. SM XVtH

Lauront. – Dso Parant. Adeto Parent. – Un dAJounor an n))n!at&ro d'Etat. Matot.Amour ot twotwnr. –Cpffrcs-forta trop bton fcrm<!3. \'t)tcroy. H)anoho Atoxandro. – Corallo et Matvtna Bfacho. Aventura do cinq vierges et d'un breuh dor<'g!mo"t.– les Vottor. P))aHo, Baratto, Lamy. Co que sont dovcnuES toutes eo9<!to)to9. – Ptnade form)or9 sonëraux. 203


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Kondez.vous da nobtes compagnies. – Proxénétisme H)) do Bi&cto. Co gcttro d'induau'ie sous to second Empire. Proxénètes du monda eteëant. Leurs rapports avec t'honoraMo e!iont6)e. L'amour & ot'Mit. Le plat du jouf. La m6sa\enturo d'an ono)o a htrttago. Les patriciennes du courtage gâtant. Deux cate''ritos. 279

TAnm At.P)tAn~TtQUt: !)Ka N05t9 CU-tS, !)AN~'b.R VOLUME. 389 t~ r .-J


JUDITH FEKK!RA