N° 3
BULLETIN
OFFICIEL
DU MINISTÈRE DE LOTTÉRIEUR,
SOMMAIRE.
LOIS.
LAVOIRS ET BAINS PUBLICS. — Création d'établissements modèles. (Loi " des 22 novembre, 7 décembre 1850 et 5 février 1851.)........... 86
ÉTAT CIVIL. — Loi concernant les individus nés en France d'étrangers. qui eux-mêmes y sont nés, et les enfants des étrangers naturalisés; (22, 29 janvier et 7 février 1851.)..... .....87
APPRENTISSAGE — Loi relative aux contrats, (22 janvier, 3 et 22 février; 1851.).................... ........ 88
DÉCRETS DU PRÉSIDENT DE LA REPUBLIQUE. :
NOMINATION DE PRÉFETS.... ,....... 521
DE SOUS-PREFETS. ... 95
— SE CONSEILLERS DE PRÉFECTURE . 94
CIRCULAIRES ET INSTRUCTIONS.
GARDES NATIONALES. — Loi transitoire 1 sur la prorogation des pouvoirs des officiers de la garde nationale. (Cire. n° 6, du 29 mars 1851.)... ... 95
JURISPRUDENCE.
ENFANTS TROUVÉS. — Domicile de secours... ........... ..96
DÉCISIONS ADMINISTRATIVES.
FRANCHISE DE CORRESPONDANCE. — Instruction primaire. -Service vicinal 106
TÉLÉGRAPHIE ÉLECTRIQUE PRIVÉE .—Correspondance. 107
DOCUMENTS DIVERS.
RÉGIME FINANCIER des départements et des communes ... ..... 108
BIBLIOTHÈQUES ADMINISTRATIVES. . 117
ANNEXES,..
BAINS ET LAVOIRS PUBLICS; — Exécution de la loi du 5 février 1851 (Circ. du ministre de l'agriculture et du commerce, du 26 février, 1851.) 118
INSTRUCTION PRIMAIRE. — Dispense du service militaire. (Cire, du , .. ministre de la guerre, du 24 janvier 1851.)...... ...... 121
INSTRUCTION PRIMAIRE. — Sur le même sujet. (Circ.du ministre de l'instruction publique et des cultes, du 18 décembre 1850.) 123
BULL. INT. 1851. 7
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LOIS,
LOI RELATIVE A LA CRÉATION D'ÉTABLISSEMENTS MODÈLES DE BAINS ET LAVOIRS PUBLICS (1).
(22 novembre, 7 décembre 1850 et 3 février 1851.)
Art. 1er. 11 est ouvert au ministre de l'agriculture et du commercé, sur l'exercice 1851, un crédit extraordinaire de six cent mille francs (600,000 fr.) pour encourager, dans les communes qui en feront la demande, la création d'établissements modèles pour bains et lavoirs publics gratuits ou à prix réduits.
Art. 2. Les communes qui voudront obtenir une subvention de l'Etat devront, 1° prendre l'engagement de pourvoir, jusqu'à concurrence des deux tiers au moins, au montant de la dépense totale ; 2° soumettre préalablement au ministre de l'agriculture et du commerce les plans et devis des établissements qu'elles se proposent de Gréer, ainsi que les tarifs, tant pour les bains que pour les lavoirs.
Le ministre statuera sur les demandes, et déterminera la quotité et la forme de la subvention, après avoir pris l'avis d'une commission gratuite nommée par lui.
Chaque commune ne pourra recevoir de subvention que pour un établissement, et chaque subvention ne pourra excéder vingt mille francs (20,000 fr.)
Art. 3. Les dispositions de la présente loi seront applicables, sur l'avis conforme du conseil municipal, aux bureaux de bienfaisance et autres établissements reconnus comme établissements d'utilité publique qui satisferaient aux conditions énoncées dans lès articles précédents.
Art. 4. Au commencement de l'année 1852, le ministre du commerce publiera un compte rendu de l'exécution de la présente loi et de la répartition du crédit ou de la partie du crédit dont l'emploi aura été décidé dans le courant de l'année 1851.
(1) Projet de loi et exposé des motifs présentés à l'Assemblée législative par M. Dumas, ministre de l'agriculture et du commerce, dans la séance du 1er juin 1850. — Rapport présenté par M. de Melun, séance du 11 juillet suivant. — Discussion et adoption, séances des 22 novembre, 7 décembre 1850 et 5 février 1851.
Le but et les détails d'exécution de cette loi sont exposés dans une circulaire de M. le ministre de l'agriculture et du commerce qui est insérée ci-après, page 118.
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LOI CONCERNANT LES INDIVIDUS NES EN FRANCE D ETRANGERS QUI EUXMÊMES Y SONT NES, ET LÉS ENFANTS DÈS ÉTRANGERS NATURALISES (1).
(22, 29 janvier et 7 février 1851.)
L'ASSEMBLÉE NATIONALE A ADOPTÉ LA LOI dont la teneur suit:
Art. 1er. Est Français tout individu né en France d'un étranger qui lui-même y est né, à moins que, dans l'année qui suivra l'époque de sa majorité, telle qu'elle est fixée par la loi française, il ne réclame la qualité d'étranger par une déclaration faite, soit devant l'autorité municipale du lieu de sa résidence, soit devant les agents diplomatiques ou consulaires accrédités en France par le gouvernement étranger.
Art. 2. L'article 9 du Code civil est applicable aux enfants de
(I) Proposition d'initiative parlementaire présentée par MM. Rauiin et Benoît Champy, à l'Assemblée législative, le 28 décembre 1849 ; — Rapports présentés par MM. du Coëtlosquet et Benoît Champy, séances des 9 janvier et 50 décembre 1850. - Discussion et adoption, les 22, 29 janvier et 7 février 1851.
Dérogeant au principe de notre ancien droit public, suivant lequel la qualité de Français était attachée au fait seul de la naissance sur le territoire français, le Gode civil (art. 9) ne confère cette qualité à l'enfant né en France d'un étranger qu'autant qu'il la réclame dans l'année de sa majorité en déclarant son intention d'y fixer son domicile (a). De graves abus pouvaient avoir lieu à la faveur de cette disposition. La plupart des fils d'étrangers nés en France, pour se soustraire aux charges qui pèsent sur les nationaux et particulièrement à celle du recrutement, s'abstenaient de faire la déclaration prescrite par l'article 9 du Code civil, ou, si par erreur ils étaient portés sur la liste du contingent cantonal et désignés par le sort, ils se bornaient alors à réclamer la qualité d'étrangers. Des individus prenant généralement leur part dans les affouages et dans les pâtis communaux, jouissant des droits civils, quelquefois même des droits politiques les plus importants, pouvaient ainsi passer pour Français ou pour étrangers suivant leur convenance. Il importait donc de régulariser la condition des étrangers en France. La loi du 7 février ne détruit pas l'article 9 du Code civil, mais elle se coordonne avec ses dispositions et avec celles de la loi du 22 mars 1849, de la manière suivante :
1° Tout individu né en France d'un étranger pourra devenir Français, en réclamant cette qualité dans l'année qui suivra l'époque de sa majorité (art. 9 du Code civil).
2° Si le terme fatal ci-dessus prescrit est expiré sans qu'il ait fait sa réclamation, il pourra néanmoins ia faire s toute époque de sa vie, pourvu qu'il ait satisfait à la loi du recrutement, qu'il serve ou qu'il ait servi sous les drapeaux français ( loi du 22 mars 1849).
5° S'il est né en France d'un étranger qui lui même y serait né, il sera Français de plein droit, à moins qu'il ne fasse une déclaration contraire, dans l'année qui suit l'époque de sa majorité, soit devant l'autorité municipale du lieu de sa résidence, soit devant l'agent diplomatique ou consulaire de son pays (loi actuelle).
4° Enfin , si l'étranger est né en pays étranger, d'un père qui aura obtenu sa naturalisation, il pourra user du bénéfice de l'article 9 du Code civil, soit à sa majorité, soit dans l'année, à compter de la date des lettres de naturalisation, s'il a dépassé l'époque fixée par l'article 9 du Code civil , avant que la naturalisation ait été concédée (loi actuelle).
(a) Une première modification a été apportée à cet article par la loi du 22 mars 1849. (Voir Io Bulletin officiel du ministère de l'intérieur, de 1849, page 114.)
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l'étranger naturalisé, quoique.nés en pays étranger, s'ils étaient mineurs lors de la naturalisation.
A l'égard des enfants nés en France ou à l'étranger, qui étaient majeurs à, cette même époque, l'article 9 du Code civil leur est applicable dans l'année qui suivra celle de ladite naturalisation.
LOI RELATIVE AUX CONTRATS D'APPRENTISSAGE (1).
(22 janvier, 5 et 22 février 1851.) L'ASSEMBLÉE NATIONALE A ADOPTÉ LA LOI dont la teneur suit :
TITRE Ier. — DU CONTRAT D'APPRENTISSAGE. SECTION Ire. — DE LA NATURE ET DE LA FORME DU CONTRAT.
Art. 1er. Le contrat d'apprentissage est celui par lequel un fabricant, un chef d'atelier ou un ouvrier s'oblige à enseigner la pratique de sa profession à une autre personne, qui s'oblige, en retour, à travailler pour lui; le tout à des conditions et pendant un temps convenus.
(1) Projet de loi et exposé des motifs présentés par M. le ministre de l'agriculture et du commerce, le 4 mars 1850. — Rapport présenté par M. Callet, séance du 26 décembre suivant. — Discussion et adoption, séances des 22 janvier, 3 et 22 février 1851.
Les dispositions de cette loi n'impliquent pas l'intervention administrative, sauf en ce qui concerne 1° le pouvoir que l'article 7 donne au préfet de lever, sur l'avis du maire, l'incapacité de recevoir des apprentis, qui résulte d'une condamnation ; 2° les attributions conférées par l'article 9 au préfet quant à la durée du travail et au travail de nuit. Mais comme cet acte législatif réglemente une des questions les plus usuelles et les plus importantes qui se rattachent à la pratique du travail, on a jugé utile de le publier dans le Bulletin officiel du ministère de l'intérieur.
Les seules règles qui existaient précédemment au sujet des contrats d'apprentissage avaient été posées par la loi du 22 germinal an XI. Elle donnait au juge la faculté de briser, dans certains cas, le contrat d'apprentissage ; elle protégeait la liberté de l'apprenti contre des exigences lyranniques, et la probité du maître contre la mauvaise foi de l'apprenti. Mais ces dispositions utiles avaient besoin d'être complétées.
» La loi du 22 février 1851, qui a été précédée de nombreux travaux préparatoires, a eu pour but principal, tout en modifiant les règles anciennes, en vue de les rendre plus facilement exécutoires, d'apporter dans la pratique du contrat d'apprentissage une plus grande moralité et de donner à la famille de l'apprenti aussi bien qu'à l'apprenti lui-même des garanties plus sérieuses. Après avoir énoncé les principales obligations du maître, elle les a résumées toutes dans une seule expression en lui ordonnant de se conduire envers l'apprenti en bon père de famille. Elle reproduit les dispositions déjà inscrites dans la loi du 22 mars 1841 sur le travail des enfants et réserve à ceux-ci un certain temps pour l'instruction primaire et religieuse. Enfin, tout en conservant aux conseils de prud'hommes le droit qui leur appartient d'interpréter les contrats d'apprentissage et de statuer sur toutes les questions d'intérêt qui peuvent s'élever entre les parties, elle réserve au tribunal de police la connaissance des contraventions à plusieurs de ses prescriptions. Cette juridiction pénale est une des principales innovations de la loi,
(Note de l éditeur,)
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Art. 2. Le contrat d'apprentissage est fait par acte public ou par acte sous seing privé.
Il peut aussi être fait verbalement ; mais la preuve testimoniale n'en est reçue que conformément au titre du Code civil des Contrais ou des Obligations conventionnelles en général.
Les notaires, les secrétaires des conseils de prud'hommes et les greffiers de justice de paix peuvent recevoir l'acte d'apprentissage.
Cet acte est soumis pour l'enregistrement au droit fixe d'un franc, lors même qu'il contiendrait des obligations de sommes ou valeurs mobilières, ou des quittances.
Les honoraires dus aux officiers publics sont fixés à deux
ancs.
Art. 3. L'acte d'apprentissage contiendra :
1° Les nom, prénoms, âge, profession et domicile du maître ;
2° Les nom, prénoms, âge et domicile de l'apprenti;
3° Les noms, prénoms, professions et domicile de ses père et mère, de son tuteur, ou de la personne autorisée par les parents, et, à leur défaut, par le juge de paix ;
4°. La date et la durée du contrat ;
5° Les conditions de logement, de nourriture, de prix, et toutes autres arrêtées entre les parties.
II devra être signé par le maître et par les représentants de l'apprenti.
SECTION IL — DES CONDITIONS DU CONTRAT.
Art. 4. Nul ne peut recevoir des apprentis mineurs, s'il n'est âgé de vingt et un ans au moins. Art. 5. Aucun maître, s'il est célibataire ou en état de veuvage, ne peut loger, comme apprenties, des jeunes filles mineures.
Art. 6. Sont incapables de recevoir des apprentis :
Les individus qui ont subi une condamnation pour crime ;
Ceux qui ont été condamnés pour attentat aux moeurs;
Ceux qui ont été condamnés à plus de trois mois d'emprisonnement pour les délits prévus par les articles 388, 401, 405, 406, 407, 408, 423 du Code pénal.
Art. 7. L'incapacité résultant de l'article 6 pourra être levée par le préfet, sur l'avis du maire, quand le condamné, après l'expiration de sa peine, aura résidé pendant trois ans dans la même commune.
A Paris, les incapacités seront levées par le préfet de police»
SECTION III. —DEVOIRS DES MAITRES ET DES APPRENTIS.
Art. 8. Le maître doit se conduire envers l'apprenti en bon père de famille, surveiller sa conduite et ses moeurs, soit dans la maison, soit au dehors, et avertir ses parents ou leurs repré-
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sentants des fautes graves qu'il pourrait commettre ou des penchants vicieux qu'il pourrait manifester.
Il doit aussi les prévenir, sans retard, en cas de maladie, d'absence, ou de tout fait de nature à motiver leur intervention.
Il n'emploiera l'apprenti, sauf conventions contraires, qu'aux travaux et services qui se rattachent à l'exercice de sa profession. Il ne l'emploiera jamais à ceux qui seraient insalubres ou au-dessus de ses forces.
Art. 9. La durée du travail effectif des apprentis âgés de moins de quatorze ans ne pourra dépasser dix heures par jour.
Pour les apprentis âgés de quatorze à seize ans, elle ne pourra dépasser douze heures.
Aucun travail de nuit ne peut être imposé aux apprentis âgés de moins de seize ans.
Est considéré comme travail de nuit tout travail fait entre neuf heures du soir et cinq heures du matin.
Les dimanches et jours de fêtes reconnues ou légales, les apprentis, dans aucun cas, ne peuvent être tenus, vis-à-vis de leur maître, à aucun travail de leur profession.
Dans le cas où l'apprenti serait obligé, par suite des conventions ou conformément à l'usage, de ranger l'atelier aux jours ci-dessus marqués, ce travail ne pourra se prolonger au delà de dix heures du matin.
Il ne pourra être dérogé aux dispositions contenues dans les trois premiers paragraphes du présent article que par un arrêté rendu par le préfet, sur l'avis du maire.
Art. 10. Si l'apprenti âgé de moins de seize ans ne sait pas lire, écrire et compter, ou s'il n'a pas encore terminé sa première éducation religieuse, le maître est tenu de lui laisser prendre, sur la journée de travail, le temps et la liberté nécessaires pour son instruction.
Néanmoins, ce temps ne pourra pas excéder deux heures par jour.
Art. 11. L'apprenti doit à son maître fidélité, obéissance et respect ; il doit l'aider, par son travail, dans la mesure de son aptitude et de ses forces.
Il est tenu de remplacer, à la fin de l'apprentissage, le temps qu'il n'a pu employer par suite de maladie ou d'absence ayant duré plus de quinze jours.
Art. 12. Le maître doit enseigner à l'apprenti, progressivement et complètement, l'art, le métier ou la profession spéciale qui fait l'objet du contrat.
Il lui délivrera, à la fin de l'apprentissage, un congé d'acquit, ou certificat constatant l'exécution du contrat.
Art. 13. Tout fabricant, chef d'atelier ou ouvrier, convaincu d'avoir détourné un apprenti de chez son maître, pour l'employer en qualité d'apprenti ou d'ouvrier, pourra être passible de tout ou partie de l'indemnité à prononcer au profit du maître abandonné.
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SECTION IV. —DE LA RÉSOLUTION DU CONTRAT.
Art. 14. Les deux premiers mois de l'apprentissage sont considérés comme un temps d'essai pendant lequel le contrat peut être annulé par la seule volonté de l'une des parties. Dans ce cas, aucune indemnité ne sera allouée à l'une ou à l'autre partie, à moins de conventions expresses. . _
Art. 15. Le contrat d'apprentissage sera résolu de plein droit,
1° Par la mort du maître pu de l'apprenti ;
2° Si l'apprenti ou le maître est appelé au service militaire ;
3° Si le maître ou l'apprenti vient à être frappé d'une des condamnations prévues en l'article 6 de la présente loi ;
4° Pour les filles mineures, dans le, cas de décès de l'épouse du maître, ou de toute autre femme de la famille qui dirigeait la maison à l'époque du contrat.
Art. 16. Le contrat peut être résolu sur la demande des parties ou de l'une d'elles,
1° Dans le cas où l'une des parties manquerait aux stipulations du contrat ;
2° Pour cause d'infraction grave ou habituelle aux; prescriptions de la présente loi ;
3° Dans le cas d'inconduite habituelle de la part de l'apprenti ;
4° Si le maître transporte sa résidence dans une autre commune que celle qu'il habitait lors de la convention ;
Néanmoins, la demande en résolution de contrat fondée sur ce motif ne sera recevâble que pendant trois mois, à compter du jour où le maître aura changé de résidence;
5° Si le maître ou l'apprenti encourait une condamnation emportant un emprisonnement de plus d'un mois;
6° Dans le cas où l'apprenti viendrait à contracter mariage.
Art. 17. Si le temps convenu pour la durée de l'apprentissage dépasse le maximum de la durée consacré par les usagés locaux, ce temps peut être réduit pu le contrat résolu.
TITRE II. — DE LA COMPÉTENCE.
Art. 18. Toute demande à fin d'exécution ou de résolution de contrat sera jugée par le conseil des prud'hommes dont le maître est justiciable, et, à défaut, par le juge de paix du canton.
Les réclamations qui pourraient être dirigées contre les tiers, en vertu dé l'article 13 de là présente loi, seront portées devant le conseil des prud'hommes ou devant le juge de paix du lieu de leur domicile.
Art. 19. Dans les divers cas de résolution prévus en la section IV du titre 1er, les indemnités ou les restitutions qui pourraient être dues à l'une ou à l'autre des parties, seront, à défaut de stipulations expresses, réglées par le conseil des prud'hommes,
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ou par le juge de paix dans les cantons qui ne ressortissent point à la juridiction d'un conseil de prud'hommes.
Art. 20. Toute contravention aux articles 4, 5, 6, 9 et 10 de la présente loi sera poursuivie devant le tribunal de police et punie d'une amende de cinq à quinze francs.
Pour les contraventions aux articles 4, 5, 9 et 10, le tribunal de police pourra, dans le cas de récidive, prononcer, outre l'amende, un emprisonnement d'un à cinq jours.
En cas de récidive, la contravention à l'article 6 sera poursuivie devant les tribunaux correctionnels, et punie d'un emprisonnement de quinze jours à trois mois, sans préjudice d'une amende, qui pourra s'élever de cinquante francs à trois cents francs.
Art. 21. Les dispositions de l'article 463 du Code pénal sont applicables aux faits prévus par la présente loi.
Art. 22. Sont abrogés les articles 9, 10 et 11 de la loi du 22 germinal an XI.
DÉCRETS DU PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE.
NOMINATION DE PRÉFETS,
Par décret du Président de la République, en date du 7 mars 1851,
MM. Besson, préfet de la Haute-Garonne, est nommé préfet du Nord ; De Maupas, préfet de l'Allier, est nommé préfet de la HauteGaronne, en remplacement de M. Besson, nommé préfet du
Nord ; . De Charnailles, sous-préfet de Boulogne, est nommé préfet de l'Allier, en remplacement de M. de Maupas, nommé préfet de
la Haufe-Garonne ; Pierre Leroy, préfet de Saône-et-Loire. est nommé préfet des
Deux-Sèvres, en remplacement de M. J. deBry; J. de Bry est nommé préfet de la Côte-d'Or, en remplacement
de M. Pages ; Pages est nommé préfet d'Ille-et-Vilaine, en remplacement de
M. Caffarelli ; Caffarelli est nommé préfet de la Haute-Marne, en remplacement
de M. Combe-Sieyès ; Combe-Sieyès est nommé préfet du Pas-de-Calais, en remplacement de M. Fresneau, appelé à d'autres fonctions ; .De Sainte-Croix,, préfet de la Dordogne, est nommé préfet de
Saône-et-Loire, en remplacement de M. Pierre Leroy, nommé
préfet des Deux-Sèvres ; De Calvimont, sous-préfet de Bergerac, est nommé préfet de la
Dordogne, en remplacement de M. de Sainte-Croix, nommé
préfet de Saône-et-Loire ; Piétri, préfet de l'Ariége, est nommé préfet du Doubs, en remplacement de M. Pardeilhan-Mézin ; Pardeilhan-Mezin est nommé préfet de Tarn-et-Garonne, en remplacement de M. Taillefer;
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MM. Taillefer est nommé préfet du Tarn,en remplacement de M. Bart, appelé à d'autres fonctions ;
De Ségur, auditeur au conseil d'Etat, est nommé préfet de l'Ariége, en remplacement de M. Piétri, nommé préfet du Doubs ;
Dunoyer, secrétaire général du département des Bouches-duRhône. est nommé préfet des Hautes-Alpes, en remplacement de M. Giraud-Teulon, appelé à d'autres fonctions ;
Bret, ancien préfet, est nommé préfet de la Loire, en remplacement de M. Jules Rousset, appelé à.d'autres fonctions ;
De Vidaillan, ancien préfet, est nommé préfet de la Haute-Loire, en remplacement de M. Dubois, appelé à d'autres fonctions ;
Gustave de Romans est nommé préfet du Var, en remplacement de M. de Frossard, appelé à d'autres fonctions ;
Lenglè, sous-préfet de Valenciennes, est nommé préfet de la Meuse, en remplacement de M. Sylvain Blot, appelé à d'autres fonctions ;
De Vincent, préfet du Jura, est nommé préfet de Seine-et-Marne, en remplacement de M. Touret, appelé à d'autres fonctions ;
Becquey, sous-préfet de Saint-Etienne, est nommé préfet du Jura, en remplacement de M. de Vincent.
Par décret du président de la République, en date du 12 mars 1851, MM. De Lapeyrouse, préfet de l'Ain, est nommé préfet du département de la Haute-Marne, en remplacement de M. Caffarelli, démissionnaire ; Chanal, ancien préfet, est nommé préfet de l'Ain, en remplacement
de M. de Lapeyrouse, nommé préfet de la Haute-Marne. De Sainte-Croix est nommé préfet des Deux-Sèvres, en remplacement de M. Pierre Leroy, qui reste préfet de Saône et-Loire.
Par décret du président de la République, en date du 4 avril 1851, Ont été rapportés deux décrets précédents des 7 et 12 mars, en ce qu'ils appelaient M. Piétri, préfet de l'Ariége, à la préfecture du Doubs ; M. de Ségur, à la préfecture de l'Ariége ; et M. de Lapeyrouse, préfet de l'Ain, à la préfecture de la Hante-Marne.
MM. Piétri a été maintenu dans les fonctions de préfet de l'Ariége ;
De Ségur a été nommé préfet du département de la Haute-Marne en remplacement de M. Combes-Sieyès;
De Lapeyrouse a été nommé préfet du département du Doubs, en remplacement de M. Pardeilban-Mézin.
NOMINATION DE SOUS-PREFETS.
Par décret rendu sur la proposition du ministre de l'intérieur, le 27 mars 185!, le président de la République a nommé :
Sous-préfet de l'arrondissement de Briançon (Hautes-Alpes), M. Pernet, sous-préfet de Montreuil, en remplacement de M. Vincent ;
Sous-préfet de l'arrondissement de Montreuil (Pas-de-Calais), M. Devaux, sous-préfet de Pithiviers, en remplacement de M. Pernet, appelé à la sous-préfecture de Briançon ;
Sous-préfet de l'arrondissement de Pithiviers (Loiret), M. Delacroix, sous-préfet de Gien, en remplacement de M. Devaux; appelé à la souspréfecture de Montreuil ; Souspréfet de l'arrondissement de Gien (Loiret), M. Sully-Brunet,
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sous-préfet de Cosne, en remplacement de M. Delacroix, appelé à la sous-préfecture de Pithiviers ;
Sous-préfet de l'arrondissement de Cosne (Nièvre), M. Léon Lambert, sous-préfet de Sisteron, en remplacement de M. SuIIy-Brunet, appelé à la sous-préfecture de Gien ;
Sous-préfet de l'arrondissement de Sisteron (Basses-Alpes), M. Bauchart, conseiller de préfecture de l'Aisne, en remplacement de M. Léon Lambert, appelé à la sous-préfecture de Cosne ;
Sous-préfet de l'arrondissement de Bergerac (Dordogne), M. Castaing, sous-préfet de Nontron, en remplacement de M. de Calvimont, appelé à la préfecture de ce département ;
Sous préfet de l'arrondissement de Nontron (Dordogne), M. Rivaud, conseiller de préfecture, secrétaire général de la Charente, en remplacement de M. Castaing, appelé à la sous-préfecture de Bergerac ;
Sous-préfet de l'arrondissement de Saint-Etienne (Loire), M. de Chambrun, sous-préfet de Toulon, en remplacement de M. Becquey, appelé à la préfecture du Jura ;
Sous-préfet de l'arrondissement de Toulon (Var), M. de Eisa, membre du conseil général de la Haute-Saône, et ancien maire de Vesoul, en remplacement de M. de Chambrun, appelé à la sous-préfecture de SaintEtienne;
Sous-préfet de l'arrondissement de Valenciennes (Nord), M. Larreguy, sous-préfet de Thiers, en remplacement de M. Lenglé, appelé à la préfecture de la Meuse ;
Sous-préfet de l'arrondissement de Thiers (Puy-de-Dôme), M. Courtet, sous-préfet de Neufchâtel, en remplacement de M. Larreguy, appelé à la sous-préfecture de Valenciennes ;
Sous-préfet de l'arrondissement de Neufchâtel (Seine-Inférieure ), M. d'Arnoux, sous-préfet de Gannat, en remplacement de M. Courtet, appelé à la sous-préfecture de Thiers ;
Sous-préfet de l'arrondissement de Gannat (Allier), M. Chandonné, sous -préfet de Castellane, en remplacement de M. d'Arnoux, appelé à la sous-préfecture de Neufchâtel ;
Sous-préfet de l'arrondissement de Castellane (Basses-Alpes), M. Servatius, conseiller de préfecture de Saône-et-Loire, en remplacement de M. Chandonné, appelé à la sous-préfecture de Gannat ;
Sous-préfet de l'arrondissement de Boulogne (Pas-de-Calais), M. Sorbier de Pougnadoresse, sous-préfet de Bagoères, en remplacement de M. de Chamailles, appelé à la préfecture de l'Allier ;
Sous-préfet de l'arrondissement de Bagnères (Hautes-Pyrénées), M. Durantkon, sous-préfet de Tonnerre, en remplacement de M. Sorbier de Pougnadoresse , appelé à la sous-préfecture de Boulogne ;
Sous-préfet de l'arrondissement de Tonnerre (Yonne), M. Delmas, ancien sous-préfet, en remplacement de M Duranthon, appelé à la souspréfecture de Bagnères;
Sous-préfet de l'arrondissement de Prades (Pyrénées - Orientales) , M. Noyon, conseiller de préfecture du Var, en remplacement de M. de Porto, appelé à d'autres fonctions ;
Sous-préfet, de l'arrondissement d'Apt (Vaucluse), M. Bareau, ancien sous-préfet, en remplacement de M. Grave , appelé à d'autres fonctions.
NOMINATION DE CONSEILLERS DE PRÉFECTURE.
— Par autre décret du même jour, le président de la République a, sur la proposition du ministre de l'intérieur, nommé :
Membre du conseil de préfecture du département des Bouches-du*
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Rhône, M. Victor Fournier, ancien conseiller de préfecture, en remplacement de M. Dunoyer, appelé à la préfecture des Hautes-Alpes ;
Membre du conseil de préfecture du département de l'Aisne, M. Julien Lefebvre, avocat, en remplacement de M. Bauchart, appelé à la souspréfecture de Sisteron ;
Membre du conseil de préfecture du département de l'Ariége, M. Julien Vidal, ancien chef de.division à la préfecture de ce département, en remplacement de M Bernard Font, décédé ;
Membre du conseil de préfecture de la Charente, M. Mourot, avocat à Pau, en remplacement de M. Rïvaud, appelé à la sous-préfecture de Nontron ;
Membre du conseil de préfecture du département du Finistère, M. de Rergrist, chef de bureau à la préfecture de la Mayenne, en remplacement de M. Lestiboudois, démissionnaire ;
Membre du conseil de préfecture du département de Saône-et-Loire, M. Seugnot, avocat, secrétaire-particulier du préfet du Pas-de-Calais, en remplacement de M. Servatius, appelé à la sous-préfecture de Castellane ;
Membre du conseil de préfecture du département du Var, M. Reybaud, ancien chef de bureau à la préfecture de ce département, en remplacement de M. Noyon, appelé à la sous-préfecture de Prades.
— Par arrêtés du même jour, le ministre de l'intérieur a délégué à M. Fournier, conseiller de préfecture des Bouches-du-Rhône, et_ à M. angles, conseiller de préfecture du Var, les fonctions de secrétaire général que remplissaient MM. Dunoyer et Noyon, dans leurs départements respectifs.
CIRCULAIRES ET INSTRUCTIONS.
CIRCULAIRE N° 6. 1re Division. — 3e Bureau. — Gardes nationales.
Loi transitoire sur la prorogation des pouvoirs des officiers de la garde nationale.
Paris, le 29 mars 1851.
MONSIEUR LE PRÉFET, l'élection générale, des officiers de la garde nationale ayant eu lieu le 5 avril 1848, la période triennale établie par la loi pour la durée de leurs pouvoirs devait expirer le 5 du mois d'avril prochain.
L'Assemblée nationale étant saisie d'unprojet de loi destiné à modifier l'organisation de la garde nationale ; et la loi nouvelle devant, aussitôt après sa promulgation, nécessiter des élections générales., il y aurait eu de graves difficultés à faire, le 5 avril, des élections qu'il aurait fallu recommencer deux ou trois mois après.
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En conséquence, le Gouvernement et l'Assemblée ont été d'accord pour attendre la promulgation de la loi prochaine, et pour prolonger jusque-là les pouvoirs des officiers en exercice.
Le Gouvernement avait pensé qu'il suffisait, pour cette prolongation, du principe constamment appliqué jusqu'ici, en vertu duquel les autorités et fonctionnaires en général conservent leurs fonctions jusqu'à leur remplacement, principe rappelé et formellement consacré par l'article 113 de la Constitution.
Mais l'Assemblée nationale a été d'avis que, pour prévenir les doutes et les hésitations auxquels l'application de ce principe à la circonstance actuelle aurait pu donner lieu, une loi spéciale était nécessaire. C'est le but de la loi rendue le 15 mars, et dont je vous envoie ci-joint le texte.
Veuillez, je vous prie, la porter à la connaissance de MM. les sous-préfets et maires de votre département et leur prescrire de lui donner la plus grande publicité.
Recevez, etc.
Le Minisire de l'intérieur,
VAISSE.
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS.
L'ASSEMBLÉE NATIONALE a adopté d'urgence la loi dont la teneur suit :
ART. 1er.
Il est sursis aux élections, soit générales, soit partielles de la garde nationale, jusqu'à la promulgation de la loi organique présentée à l'Assemblée nationale le 29 juillet 1850.
ART. 2.
Jusqu'à la même époque, les officiers, sous-officiers et caporaux, actuellement en fonctions, sont maintenus dans leurs grades.
Délibéré en séance publique, à Paris, le 15 mars 1851.
JURISPRUDENCE ADMINISTRATIVE.
Domicile de secours des enfants trouvés (1).
Le domicile de secours a été institué en France par le titre V de la loi du 24 vendémiaire an il. Il y est défini ainsi qu'il suit :
« Art. 1er. Le domicile de secours est le lieu où l'homme nécessiteux « a droit aux secours publics.
(1) L'article qui suit est un exposé de la législation actuelle sur le domicile de secours des enfants confiés à la charité publique, et il donne, en substance, la solution des affaires
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« Art. 2. Le lieu de la naissance est le lieu naturel du domicile de « secours.
« Art. 3. Le lieu de la naissance pour les enfants est le domicile habi« tuel de la mère au moment où ils sont nés.
« Art. 4. Pour acquérir le domicile desecours, il faut un séjour, d'un. « an dans une commune.
« Art. 5. Le séjour ne comptera, pour l'avenir, que du jour de l'in« scription au greffe de la municipalité.
a
« Art. 7. Jusqu'à vingt et un ans, tout citoyen pourra réclamer, sans « formalité, le droit de domicile de secours dans le lieu de sa naissance.
« Art. 8. Après l'âge de vingt et un ans, il sera astreint à un séjour de « six mois, avant d'obtenir le droit de domicile, et à se conformer aux « formes prescrites aux articles 4, 5 et 6.
"
« Art. 12. On sera censé conserver son dernier domicile, tant que le « délai exigé pour le nouveau ne sera pas échu, pourvu qu'on.ait été « exact à se faire inscrire au greffe de la nouvelle municipalité. «
« Art. 14. Ceux qui auront resté deux ans dans la même commune, « en louant leurs services à un ou plusieurs particuliers, obtiendront le « même droit. »
De nombreux débats, touchant le service des Enfants trouvés, se sont élevés entre des départements sur l'application des règles posées par cette loi.
La dépense des enfants trouvés, abandonnés ou orphelins pauvres, étant, aux termes des lois et règlements sur la matière, une dépense obligatoire pour les départements, il était d'une haute importance que le domicile de secours de ces infortunés fût fixé d'une manière bien précise,. afin qu'un département ne pût s'exonérer, au détriment d'un autre, des. obligations qui lui sont propres.
Les instructions demandées par les préfets ont porté principalement ::
1° Sur le lieu de naissance de l'enfant ;
2° Sur ce qu'il faut entendre par domicile habituel de la mère ;
3° Sur la conservation du domicile de secours des mineurs jusqu'à leur majorité ;
4° Sur le domicile de secours des enfants de militaires ;
5° Sur le domicile de secours des enfants de condamnés ;
6° Sur le domicile de secours des enfants étrangers à la France.
Voici quelles ont été les réponses de l'autorité ministérielle, et quelle a été l'interprétation donnée aux dispositions législatives ci-dessus rapportées.
dans lesquelles, par suite de divergence dans l'interprétation de la loi, ces questions de. domicile se sont présentées devant l'autorité centrale. Elles n'ont pris naissance que depuis quelques années, car ce n'est guères qu'à partir de 1842 qu'on a commencé à rechercher, dans certains départements, l'origine des enfants, et que les préfets ont dû réclamer de leurs collègues la reprise des enfants étrangers à ces départements et le remboursement de la dépense à laquelle ils avaient donne lieu. On peut penser que les mesures prises par l'administration centrale, pendant les dix dernières années, en vue de diminuer le nombre des admissions d'enfants, ont pu contribuer à faire surgir celte question du domicile de secours.: — Ce résumé, dont la rédaction, est, due à M. Follet, employé à la division de l'administration départementale, à été composé sur la demande de la commission des enfants trouvés pour être inséré, à la suite dé'sës procès-verbaux publiés l'année dernière par les soins du ministère de l'intérieur, (Imp. nat., (2 vol. in-4°.—Au moment où l'on prépare.une nouvelle loi sur les enfants trouvés, il était utile d'exposer, comme point de départ ou terme de comparaison, l'état de choses existant aujourd'hui, relativement à une Partie importante de ce service.
(Note de l'éditeur.)
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Principes généraux.
Il faut tout d'abord se bien pénétrer de l'esprit de la loi, et l'on voit que le but du législateur a (été la répression de la mendicité et du vagabondage.
L'article 1er du titre V de la loi de vendémiaire reconnaissait à tou indigent le droit aux secours publics; mais ce droit a disparu avec l'ordre de choses qui l'avait créé, et, d'obligatoires qu'ils étaient pour l'administration, ces secours sont devenus facultatifs selon l'état des ressources des communes ou des départements.
Les indigents n'ont plus aujourd'hui un droit aux secours, mais seulement une aptitude à les recevoir.
Mais il en est tout autrement en ce qui concerne les enfants trouvés, les enfants abandonnés et les orphelins pauvres. Le décret de 1811 a fait de la dépense des mois de nourrices et de pensions, au moins jusqu'à concurrence de quatre millions, une charge obligatoire de l'Etat. La loi de finances du 25 mars 1817, en transférant cette dépense du budget de l'Etat à la première section des budgets départementaux, lui a maintenu son caractère de dépense obligatoire ; les lois départementale et municipale et les diverses lois annuelles de finances ont conservé cet état de choses (1). Les enfants trouvés, abandonnés et orphelins pauvres ont donc encore aujourd'hui, comme ils l'avaient sous l'empire de la loi du 24 vendémiaire au II , un véritable droit aux secours publics.
Maintenant, dans quel département ce droit doit-il être exercé, ou, en d'autres termes, quel est le département qui doit les secourir ?
En lisant le texte ci-dessus, on voit que le domicile de secours peut s'acquérir de deux manières : par le fait de la naissance d'abord, par la résidence d'une année ensuite.
Pour les enfants, ce droit est au lieu de la naissance; mais la loi du 24 vendémiaire répute lieu de la naissance des enfants, le domicile habituel de la mère au moment où ils sont nés.
Il suit de là que, dans le système de la loi, le lieu de la naissance pour les enfants n'est pas toujours celui où ils sont réellement nés, puisque ce lieu, selon l'article 3, n'est qu'au domicile habituel de la mère. C'est là une prévoyance du législateur, qui n'a pas voulu que le hasard seul du fait de l'accouchement de la mère dans une localité, à laquelle, du reste, aucun lien, aucun intérêt ne la rattachent, puisse devenir pour cette localité une charge onéreuse et durable.
Cette fixation du lieu de la naissance, pour les enfants, au domicile habituel de la mère, est d'une bauie importance, surtout en ce qui concerne les enfants abandonnés.
On entend par enfants abandonnés, ceux qui, nés de pères et de mères connus, et d'abord élevés par eux, ou par d'autres personnes, à leur décharge, en sont délaissés sans qu'on sache ce que les pères et mères sont devenus, ou sans qu'on puisse recourir à eux.
Le plus souvent ces enfants sont abandonnés dans un lieu éloigné de
(1) La dépense des enfants trouvés est faite au moyen :
1° Du produit des amendes de police correctionnelle ;
2° Du contingent des communes ;
3° De l'allocation départementale au sous chapitre X de la 1re section du budget.
Le contingent communal étant réparti d'une manière générale entre les communes, et sans égard au nombre d'enfants qui peuvent leur appartenir, il importe peu, pour ce service, qu'un enfant ait son domicile de secours dans l'une ou dans l'autre communs d' une même préfecture : aussi les contestations ne s'élêvent-elles qu'entre les départements.
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la résidence ordinaire de leurs parents, où confiés aux soins d'une nourrice, qui, après les avoir longtemps gardés à sa charge, les abandonne à son tour à la charité publique ; plus souvent encore les parents mènent une vie nomade misérable, et la mère abandonne son enfant au lieu où elle le met au monde.
On comprend, dès lors, combien il est intéressant pour les départements qui possèdent de grands centres de population, qui attirent chez eux quantité d'aventuriers et de gens sans aveu, de ne pas garder à leur charge les frais occasionnés par, ces enfants qui, sans, cette distinction faite par la loi, du domicile habituel de là mère, seraient pour eux un énorme surcroit de dépenses.
Mais que faut-il entendre par ces mots : domicile habituel ?
Domicile habituel de la mère.
Il est à penser que le législateur n'a pas compris par là le domicile de secours.
En effet, ainsi qu'il a été dit plus haut, le domicile de secours reste au lieu de la naissance tant qu'on ne l'a pas acquis ailleurs. Or, il est souvent arrivé qu'une femme habitant une commune depuis près d'une année, mais n'y ayant point encore acquis le. domicile de secours, y a mis au monde un enfant et l'a abandonné. Serait-il juste que cet Enfant fût mis à la charge du département du lieu de la naissance de la mère, lorsque celié-ci l'a quitté depuis longtemps et à successivement parcouru plusieurs localités, sans jamais se fixer une année entière dans aucune ?
On peut répondre : Non.
L'interprétation la plus équitable à donner à cette expression paraît devoir être la résidence ordinaire et actuelle de la mère, abstraction faite de la question de savoir si cette résidence a eu lès caractères et la durée nécessaires pour faire acquérir à cette dernière le domicile de secours.
II faut, pour décider cette question, consulter les faits et les circonstances de chaque espèce : il y a lieu de se diriger d'après des présomptions analogues à celles que l'on suit, en droit civil, pour décider si, de la part d'un individu qui n'a pas fait de déclaration de changement de domicile, il y a eu translation de son domicile d'un lieu dans un autre.
On doit souvent s'éclairer sur l'intention qu'avait une femme en recherchant ce qu'elle est devenue après son accouchement.
Ainsi, une fille enceinte peut venir à Paris pour une affaire, pour un temps limité ; elle peut y venir aussi dans le but de cacher sa grossesse, de faire ses couches, et avec l'intention de retourner après dans son pays;
Dans ce cas, si elle accouche à Paris, on ne peut pas dire que cette ville est sa résidence habituelle, et que son enfant y a le domicile de secours, quoique Paris soit le lieu où cet enfant est né, et son lieu de naissance devant la loi civile.
Mais, si elle y vient dans le but de cacher sa grossesse et de s'y fixer après ses couches, ce qui doit résulter de son premier établissement, de ses occupations et des faits postérieurs à sa délivrance, Paris sera son lieu de domicile habituel, et son enfant y aura droit au domicile de secours.
Tout peut donc se réduire à une question d'intention.
La durée du séjour avant l'accouchement ne doit pas seule faire décider la question.
Cette interprétation rentre tout à fait dans l'esprit de la loi, qui, en imposant à chaque circonscription territoriale l'obligation d'assister ses pauvres, ne permet pas que cette obligation soit déplacée arbitrairement, en raison de circonstances fortuites ou accidentelles.
On peut affirmer que telle a été la volonté du législateur; sans cela, en
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effet, il eût dit : Le lieu de naissance pour les enfants est le domicile de secours de la mère, au moment où ils sont nés.
Domicile de secours des mineurs.
Il résulte également de la saine interprétation des articles 2, 3, 7, 8 et 12 que le mineur est frappé d'une incapacité absolue pour acquérir ce droit dans un autre lieu que celui de la naissance, puisque le domicile résultant du fait de la naissance se conserve de droit jusqu'à 21 ans, et ne se perd que, lorsqu'après cet âge, on en a acquis ailleurs un nouveau, quelque long d'ailleurs que soit le temps depuis lequel on a quitté la commune où le mineur avait antérieurement ce domicile.
Mais, si une fille mineure est enceinte et met au monde un enfant, cet enfant aura son domicile de secours au lieu où sa mère avait son domicile habituel. Ce dernier est, ainsi qu'on l'a vu, tout différent du domicile de secours. On ne doit pas non plus, dans ce cas, avoir égard au domicile civil des parents de la mère. Le domicile habituel est un domicile de fait ; le mineur peut donc le posséder dans un autre endroit que son domicile de secours, et son enfant aura, conséquemmenr, ce domicile là où la mère avait sa résidence habituelle. (Seine et Côte-d'Or, Enfant Guilliers, Seine et-Loire-Inférieure, Enfant Mathieu.)
Le domicile de secours est un droit personnel qui ne se transmet pas.
Le domicile de secours est entièrement distinct du domicile civil avec lequel il faut bien se garder de le confondre. C'est un droit personnel entièrement inhérent à l'individu, et qui ne se transmet, ni entre époux, ni des ascendants aux descendants ; d'où il suit : que les ascendants, le mari, la femme et les enfants peuvent avoir chacun un domicile de secours différent, selon les circonstances d'âge et de durée de séjour de chacun d'eux.
La femme mariée peut donc avoir, si elle ne réside pas au même lieu que son mari, ou tant qu'elle n'a pas résidé avec lui une année entière dans la même localité, un domicile de secours autre que celui de ce dernier ; c'est ce qui explique la définition de la loi dans ces mots « est le domicile habituel de la mère. »
Il suit des explications ci-dessus que le mineur conserve son droit de domicile de secours au lieu de sa naissance, ou mieux au lieu du domicile habituel de sa mère au moment où il est né, pendant tout le temps de sa minorité, et qu'il ne peut l'acquérir ailleurs.
Il ne suit pas plus le domicile de secours de son père, de sa mère, d'un aïeul ou d'un parent quelconque, que celui de son tuteur, s'il est orphelin, par suite de ce qui a été dit que ce domicile est un droit personnel qui ne se transmet pas, même entre proches.
Enfants de domestiques.
Pour acquérir le domicile de secours autrement que par la naissance, il faut un séjour consécutif d'un an dans une commune. Sous l'empire de la loi de vendémiaire an n, ce séjour ne comptait qu'à partir du moment de l'inscription au greffe de la municipalité, mais cette dernière formalité a disparu avec l'ordre de choses qui l'avait établie.
Il en est de même de la condition faite aux gens à gages, d'une résidence consécutive de deux années dans une commune, pour y acquérir le domicile de secours.
Pour les enfants de domestiques, confiés à la charité publique, comme pour les autres enfants abandonnés, le lieu de naissance est au domicile
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habituel de la mère au moment où ils sont nés, et ce domicile habituel s'établit au moyen du même principe qu'à l'égard de toute autre perssonne.
Le séjour d'un an doit être l'effet de la libre volonté.
En ordonnant l'inscription au greffe de la municipalité, le législateur avait voulu surtout réprimer le vagabondage; il voulait que le Séjour eut un caractère sérieux et stable et qu'il fût bien l'expression de la volonté des citoyens, Dans l'esprit de la loi, le séjour exigé ne parait: devoir être autre chose que le fait d'une résidence réelle, qui soumettant virtuellement le domicilié aux charges locales, l'affilié, en retour, à la famille communale.
Mais il faut que ce séjour soit l'effet de la libre détermination du domicilié, qu'il emporte l'idee d'une sorte d'établissement dans la commune. Aussi, quoique l'inscription au greffe de la Municipalité ne soit plus utile, celui néanmoins qui a résidé dans une localité sans avoir la libre volonté d'y résider, tel que le militaire, le condamné, etc., ne peut acquérir dans cette localité le droit au domicile de secours. quand bien même il y résiderait plus d'une année ; et c'est encore là un des motifs qui frappent d'incapacité le mineur, pour acquérir un domicile dé secours autre que celui provenant du fait de sa naissance pendant tout le temps de sa minorité, puisque, d'après le Code civil, le mineur est inhabile à agir par lui-même, et est considéré comme n'ayant pas sa libre détermination.
On a vu par ce qui précède que le domicile de secours des enfants est au lieu du domicile habituel de la mère, au moment où ils sont nés, et que ce domicile se conserve, de droit, jusqu'à l'âge de 21 ans, sans aucune formalité ni conteste.
Cette interprétation de la loi a été consacrée par un grand nombre de décisions.
Uue s.eule décision contraire aux principes ci-dessus exposés en matière de domicile de secours des enfants trouves, a été prise par M.le ministre de l'intérieur le 24 octobre 1839.
L'enfant Eutton, né à Paris, avait perdu ses parents ; sa mère étant décédée à Paris en 1834, et son père à Dijon en 1838, cet enfant fût mis, comme orphelin pauvre, à la charge du département delà Côte-d'Qr.La décision rendue portait : que le lieu de la naissance est, il est vrai, le lieu naturel du domicile de secours, d'après l'article 2 du titre V de la loi de vendémiaire an II, niais que, pour que le domicile de secours soit toujours au lieu de la naissance, il faut qu'on n'ait pas acquis ce domir cile dans un autre lieu ; que Button père,, ayant acquis par un séjour de cinq ans, ce domicile à Dijon, où il est, mort à l'hôpital et dans la plus grande indigence, son fils doit tomber à la charge du département de la Côte-d'Or.
Cette décision, qui est la première rendue sur cette matière, n'a point été consacrée par les décisions suivantes : on. peut donc la considérer comme de peu d'importance.
Il reste maintenant à rappeler la jurisprudence suivie en matière de domicile de secours, pour les enfants de militaires, les enfants de condamnés et les enfants étrangers à la France.
Enfants de militaires.
Le militaire n'ayant pas la libre détermination de résider dans une
localité plutôt que dans une autre, pendant tout le temps qu'il est au
service, ne peut, tant qu'il est sous les drapeaux, acquérir le domicile
dé secours dans une commune, y résidât il même plusieurs années.
BULL. INT. 1851. S
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Il conserve, pendant toute la durée de son service, celui qu'il possédait avant son entrée au corps.
On ne doit comprendre dans celte définition que le militaire proprement dit. Il y aurait peut-être lieu à une solution différente, s'il s'agissait d'ungendarme, d'un douanier ou d'un garde d'artillerie, qui, quoique enrégimentés, ont cependant une résidence ordinaire plus fixe, et sont presque tous mariés.
Dans une question récente, à propos du service des aliénés, il a été décidé, sur l'avis de M. le ministre de la guerre, que les cantinières ne pouvaient, tant qu'elles remplissaient ce posté, acquérir non plus ce domicile.
En effet, les conditions d'existence dans l'armée, des blanchisseuses vivandières ou cantinières, ont été réglées par l'ordonnance, du 14 avril 1832.
Suivant cette ordonnance, nulle femme ne peut être admise comme blanchisseuse vivandière, si elle n'est légitimement mariée à un militaire en activité de service ; la nomination est faite par le colonel, et le nombre en est limité par bataillon, escadron ou batterie.
Elles sont tenues, en toutes circonstances, de suivre leur corps dans les marches ; elles ont droit au logement et aux prestations en nature ; enfin, leur condition ne diffère de celle du soldat que par l'absence de la solde.
Par suite, les blanchisseuses vivandières font partie intégrante des cadres du régiment où elles servent, et elles ne rentrent dans leur libre arbitre, quant au choix de leur domicile, qu'en donnant leur démission.
D'après toutes ces considérations, il est hors de doute, et il a été décidé (15 septembre 1849) que les blanchisseuses vivandières ne peuvent acquérir le domicile de secours dans une localité que par une année de séjour dans cette localité, à compter de l'époque où elles ont cessé d'appartenir à l'armée.
Mais il est d'autres femmes encore qui suivent les régiments dans leurs différentes garnisons, sans pour cela appartenir à ces corps : ce sont les femmes légitimes de militaires, ou celles qui, sans être mariées, vivent avec eux.
Ces dernières, elles mêmes, en suivant les régiments dans les différentes villes où ils sont appelés à se rendre, peuvent acquérir, dans ces différentes localités, le droit au domicile de secours, si elles y résident le temps nécessaire, car le choix qu'elles font de ces différentes résidences est une suite de leur volonté.
Elles sont réputées également y avoir leur domicile habituel, quand même elles n'y résideraient qu'un temps assez court pour ne pas leur permettre d'y acquérir le droit au domicile de secours. Elles ont, en effet, dans ces différentes villes, leurs habitudes; c'est là, s'il est permis de se servir de cette expression, qu'elles exercent leur triste industrie.
Les enfants qu'elles peuvent mettre au monde dans ces différentes localités y acquièrent donc droit au domicile de secours, car leurs mères y ont leur domicile habituel.
Cette jurisprudence a été consacrée par un grand nombre de décisions.
Aucune décision n'a encore été rendue à propos d'enfants de vivandières. Cependant, on peut présumer qu'il ne serait point statué dans le même sens que ci-dessus, si cette question se présentait.
En effet, quoique le domicile, habituel soit chose tout à fait distincte du domicile de secours, et que la durée du séjour ne doive pas entrer, comme fait principal, en ligne de compte dans les considérations qui font décider si une femme avait, dans tel ou tel autre endroit, son domicile habitue), il fapt néanmoins que l'individu qui veut être considéré comme ayant ce domicile dans une commune, ait choisi cette résidence plutôt qu'une autre, et dans un intérêt quelconque.
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Ce fait, enfin, s'établit, ainsi qu'il a été dit déjà, par des présomptions analogues à celles du domicile de secours, sauf la durée de temps nécessaire pour acquérir ce dernier droit. On ne pourrait donc pas dire qu'une cantiniere a son domicile habituel au lieu où elle tient garnison, car elle n'a pas fait choix de la localité où elle habite : cette résidence lui a été imposée par ordre supérieur, en raison des fonctions qu'elle remplit.
Par suite, son enfant ne pourrait acquérir le domicile de secours au lieu de garnison où elle le met au monde, mais bien là où sa mère avait son domicile habituel avant d'entrer au service.
Enfants de condamnes.
Une circulaire du 25 Janvier 1841, émanée de la division de comptabilité générale du ministère de l'intérieur, avait statué, ainsi qu'il suit, pour le payement de la dépense des enfants decondamnés.
« Les enfants de condamnés qui, par suite de la détention de leurs " parents, se trouveraient sans moyens d'existence, sont à la charge des « fonds alloués pour les dépenses des enfants abandonnés du départe« ment chef-lieu de la maison centrale de détention lorsque ces enfants « sont nés dans cette maison, et à celle du département auquel ils ap« partiennent, si leur naissance est antérieure à la détention de leur « mère. On fait observer que ce département doit toujours être celui " dans lequel le jugement de condamnation a été rendit.
Pas plus que le militaire en garnison, ou l'aliéné à l'hospice, le condamné en prison ne peut acquérir, dans la localité où est situé cet établissement, le domicile de secours; car ce séjour n'a pas les caractères qui, dans l'intention de la loi du 24 vendémiaire an II, fondent le domicile de secours.
Quoiqu'elle y réside, une femme condamnée ne peut pas non plus être réputée avoir son domicile habituel dans la localité où est située la prison où elle subît sa peine.
Les enfants nés dans une maison centrale ne doivent pas, conséquemment, être élevés aux frais du département dans lequel est située cette maison centrale, soit pendant la détention de leurs mères, soit après l'expiration de la condamnation de ces dernières, s'il est reconnu, au moment de leur mise en liberté, qu'elles sont dans l'impossibilité de prendre soin de leurs enfants.
Les femmes condamnées n'ayant point leur domicile habituel, ains que ce domicile est entendu par la loi, dans la prison où elles sont enfermées, elles sont regardées comme ayant conservé le domicile habituel qu'elles avaient avant leur captivité, et c'est au département où, antérieurement à leur condamnation, les femmes dont il s'agit avaient ce domicile, à faire élever les enfants de ces femmes nés dans une maison centrale, conformément aux dispositions de l'article 3 de la loi du
24 vendémiaire.
Les instructions contenues dans la circulaire ci-dessus rapportée, du
25 janvier 1841, ne sauraient prévaloir contre les dispositions précises de la loi précitée sur le domicile de secours, et elles ont été, d'ailleurs, infirmées par les décisions subséquentes. Le ministère a toujours décidé (bureau des enfants trouvés) que la dépense d'un enfant né dans une maison centrale était à la charge du département où la mère avait son domicile habituelavant sa condamnation.
Quant aux enfants de détenus nés avant la condamnation de leurs
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mères, lés décisions dé l'administration centrale ne distinguent point entré Eux et ceux nés pendant la détention. Aux uns comme aux autre's s'appliquent les dispositions de l'article 3 du titre V de la loi de vendémiaire;
Cependant, si le lieu de la naissance des enfants nés avant la détention nte peut être retrouvé, ils sont réputés avoir leur domicile de secours ,là où ils résidaient au moment de la condamnation de leurs patents.
Enfants d'étrangers
L'étranger, malgré sa résidence dans une commune de France, ne fait pas partie de la famille communale. Quand il est secouru dans un hospice, c'est grâce à l'esprit de charité qui distingue le pays. Mais il ne peut acquérir en France lé domicile de secours. Cette doctrine a été consacrée par de nombreuses décisions.
L'enfant d'étrangers n'est, pas plus que ses parents, apte à acquérir en France le domicile de secours.
Cependant beaucoup de femmes ou filles enceintes, de pays étrangers viennent souvent en France pour faire leurs couches et y abandonner leurs enfants. Ces faits se présentent surtout dans les départements de la frontière.
Comme la dépense occasionnée par ces enfants ne pouvait rester à la charge des départements dans lesquels ils étaient abandonnés, des demandes ont été adressées, par l'entremise du ministère des affaires étrangères, aux gouvernements des pays auxquels ils appartiennent, afin d'obtenir d'abord le rapatriement de ces enfants, puis le remboursement des dépenses auxquelles leur séjour en France a donné lieu.
Quelques-unes de ces demandes en rapatriement ont été favorablement accueillies ; quant au remboursement des dépenses occasionnées par ces jeunes infortunés, il a été répondu par le gouvernement sarde que ce gouvernement n'exigeant pas le remboursement des frais occasionnés par le séjour des étrangers indigents dans les hospices sardes, il ne se croit pas tenu de pourvoir au payement des frais d'entretien de ses sujets.dans les hospices étrangers. Tout ce que le gouvernement sarde croit pouvoir et devoir faire est d'agir auprès des familles dont les membres ont été recueillis dans las hospices étrangers, pour les engager à payer la dépense réclamée pour cet objet.
Enfants de Français nés ou Abandonnés à l'étranger.
Il est arrivé aussi que des Français résidant A l'étranger y ont abandonné leurs enfants, et que les gouvernements des pays où ces abandons ont eu lieu ont demandé leur rapatriement en France et le remboursement de leurs dépenses.
On s'est conformé aux prescriptions de la loi de vendémiaire toutes les fois Que le domicile habituel de la mère en France, avant son départ pour l'étranger, a été retrouvé,; mais, lorsqu'il a été impossible à l'Administration de lui attribuer une résidence habituelle, par suite de la vie nomade que menait cette femme,, ou parce que sa trace en France était perdue, l'autorité centrale a reconnu que les enfants de Français nés àjrétranger ont leur domicile de secours au lieu de naissance de la mère.
Les frais de rapatriement en France ont été supportés, tantôt par le budget de l'Etat, tantôt par les départements auxquels les enfants appartenaient.
Domicile de secours lorsque le domicile habituel do la mèi« ne peut #ra retrouvé.
Il reste à dire de quelle manière on a décidé la question du domicile
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de secours pour les enfants confiés à la charité publique, lorsque le domicile habituel de la mère ne peut être retrouvée
Lé domicile d secours dés enfants est, dans ce cas, au lieu réel de leur naissance, conformément à l'article 2, rédigé en ces termes : a Le lieu « de la naissance est le lieu naturel du domicile de secours, » et c'est aux départements dans lesquels sont nés ces enfants qu'il appartient d'acquitter leurs dépenses.
Il est de principe général que, lorsqu'un enfant a été confié à la charité publique, si le département dans lequel il a été abandonné prétend qu'il n'a droit au domicile de secours dans aucune des communes de son ressort, et qu'au contraire il appartient à un autre département, il est de principe, dis-je, que le département dans lequel l'enfant a été abandonné garde ce jeune malheureux à sa charge jusqu'à ce que son domicile de secours réel soit retrouvé ; il est, dans ce dernier cas, remboursé de ses avances.
On à statué aussi que, lorsque le domicile de secours d'un individu quelconque à la charge de la charité publique est en litige, c'est ledépartement à la charge duquel se trouvé actuellement l'indigent qui doit faire toutes les recherches nécessaires pour trouver le lieu véritable où il a droit au domicile de secours.
Droit de recherche du domicile de secours.
Le préfet du département de Loir-et-Cher ayait, à propos d'une demande en remboursement de dépenses qui lui était adressée par le préfet de là Seine pour des enfants appartenant à des filles-mères de son département, qui avaient été déposés dans les hospices de Paris, et la reprise de ces infortunés, posé la question suivante :
Savoir : si c'était bien là le cas de l'application de la loi du 24 vendémiaire, et si les règles relatives au domicile de secours ne devaient pas céder devant le principe, bien autrement important, de la clandestinité du tour.
Il lui a été répondu que, indépendamment de la loi toujours en vigueur sur le domicile de secours, les lois de finances qui ont fait de la dépense du service des enfants trouvés une charge départementale paraissent avoir pleinement conféré à chaque département le droit de repousser les enfants qui lui sont étrangères;
Que, quant au secret absolu qu'il regardait comme inhérent à l'existence dès tours, ce secret ne paraissait nullement avoir été admis par le décret du 19 janvier 1811, puisque l'article 23 de ce décret menace de l'application des lois pénales non-seulement les personnes qui se font une industrie des expositions, mais même celles qui ne font qu'accidentellement usage du tour; que, si donc le secret n'a pas été admis sous l'empire du décret impérial précité, il ne saurait, à plus forte raison, l'être aujourd'hui, que la surveillance ou que la suppression des tours est reconnue être sans influence sur le chiffre des infanticides, et que la seule considération qui protégeait l'existence de ces tours se trouve ainsi détruite. (Décision du 4 janvier 1847.)
Enfants trouvés atteints d'aliénation mentale. — Frais d'entretien.
A propos de l'enfant trouvé Baptiste-Jean, atteint d'aliénation mentale, M. le ministre de l'intérieur a décidé que la dépense d'un enfant trouvé devenu aliéné n'est pas à la charge de l'hospice où il a été recueilli.
En effet, aux termes de l'article 20 du décret du 19 janvier 1811, les hospices dépositaires sont tenus de recueillir les enfants qui, par suite d'infirmités, ou par toute autre cause, ne peuvent être placés à la cam-
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pagne ; mais cette obligation ne s'applique qu'aux enfants qui peuvent être gardés dans l'intérieur de ces hospices, et qui, pour la plupart, sont à même, par leurs travaux, de les indemniser d'une partie de la dépense à laquelle ils donnent lieu.
Mais, lorsqu'un enfant, au lieu de demeurer dans l'hospice, se trouve dans le cas d'être transféré dans un des établissements spéciaux que la loi a créés pour le traitement de l'aliénation mentale, il doit y être entretenu au moyen de ressources consacrées aux aliénés indigents, c'est-àdire aux frais du budget départemental et de la commune où il a son domicile de secours, si cette commune vient à être connue. (Décision du 28 août 1848.)
Il a été décidé également :
1° Que, à l'égard des frères et soeurs, orphelins pauvres ou enfants abandonnés, quel que soit leur domicile de secours, il n'y a pas lieu de les séparer, et qu'ils doivent être recueillis par le même établissement hospitalier.
L'effet de cette diversité de domicile de secours doit être borné à ce qui concerne la répartition de la dépense des enfants entre les départements ou établissements hospitaliers appelés à la supporter. Quant aux enfants , ils doivent, autant que possible, demeurer réunis, et les administrations départementales et de bienfaisance doivent combiner leurs efforts afin de maintenir ces enfants dans les mêmes localités. (Instructions générales.)
2° Que la dépense relative à l'accouchement des femmes enceintes est une dépense purement hospitalière, et que, du moment où l'hospice d'une commune croit pouvoir se dispenser de les recevoir, c'est une obligation pour lui de supporter la dépense à laquelle donnent lieu celles de ces femmes qu'il est nécessaire de faire admettre chez les sagesfemmes. La dépense seule des enfants est une charge départementale obligatoire. (Décision du 25 février 1849.)
DÉGISIONS ADMINISTRATIVES.
FRANCHISE DE CORRESPONDANCE POUR LE SERVICE DE L INSTRUCTION
PRIMAIRE.
La loi du 15 mars 1850 ayant introduit de nombreux changements dans l'organisation administrative de l'enseignement et créé des rapports nouveaux entre plusieurs classes de fonctionnaires, il était nécessaire d'étendre les dispositions de l'ordonnance du 17 novembre 1844 sur les franchises.
Aux termes d'une décision de M. le ministre des finances en date du 20 décembre 1850 , les maires sont autorisés à correspondre en franchise avec les délégués cantonaux et communaux.
Une seconde décision, à la date du 20 janvier suivant, accorde également la franchise à la correspondance des préfets et des sous-préfets, avec les délégués cantonaux et communaux.
Ces concessions de franchise sont réciproques et la correspondance de ces fonctionnaires ne pourra circuler que sous bandes.
FRANCHISE DE LA CORRESPONDANCE POUR LE SERVICE VICINAL.
En vertu d'une décision du 23 janvier 1851, les agents voyers, dans le
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département du Gers, chargés du service des chemins vicinaux, ayant été commissionnés sous le titre de conducteurs voyers, sont autorisés à formuler leur contre-seing de la manière suivante : « Le conducteur des
ponts et chaussées de faisant fonction d'agent voyer. » La même
dénomination devra leur être donnée sur toutes les lettres qui leur seront adressées concernant ce service (1).
TÉLÉGRAPHIE ÉLECTRIQUE PRIVÉE.
A partir du 1er mars, la correspondance télégraphique privée est établie entre Paris et les villes de Rouen, Amiens, Arras, Lille, Calais, Valenciennes , Dunkerque, Châlons-sur-Marne, Orléans, Blois, Tours, Angers, Bourges, Nevers et Châteauroux.
Les bureaux télégraphiques sont ouverts tous les jours, y compris les fêtes et dimanches, du 1er avril à la fin de septembre, de sept heures du matin à neuf heures du soir ; du 1er octobre à la fin de mars, de huit heures du malin à neuf heures du soir.
Toute personne qui voudra faire usage de la correspondance télégraphique devra d'abord faire constater son identité. L'identité de la signature sera certifiée par un visa des préfets, sous-préfets, maires et commissaires de police ; elle pourra l'être encore en matière civile par le visa du président du tribunal de première instance, des juges de paix, et par tous les notaires ; en matière commerciale, par le visa du président et des juges du tribunal de commerce, par les agents de change, les courtiers d'assurances et de commerce.
Tonte personne domiciliée dans la commune où est situé le bureau télégraphique, et dont la signature' aura été certifiée par l'un des magistrats ou des officiers ministériels cités dans le paragraphe précédent, aura la faculté d'apposer sa signature sur un registre à souche déposé au bureau télégraphique, et, après vérification faite de l'identité du signataire, le feuillet contenant le double de la signature et détaché de la souche lui sera remis pour qu'il puisse le joindre à toute dépêche qu'il voudrait expédier. La présentation du feuillet et la conformité des signatures sur la dépêche, le feuillet et le registre à souche formeront la constatation de l'identité.
L'identité pourra enfin être établie par des pièces telles que passeports, actes de naissance, actes de notoriété, jugements et autres actes et papiers dont la réunion prouverait l'identité de la personne qui les posséderait. La dépêche déposée sera transmise en entier sur un registre à souche ; au bas de la dépêche on ajoutera le nom et l'adresse du signataire et le nom et l'adressé de la personne qui l'aura apportée, le nombre de mots que la dépêche contient, la ville pour laquelle elle est destinée, et la somme perçue. On fera signer le tout par l'expéditeur ou son mandataire, à qui il sera délivré une quittance avec talon de la somme qu'il aura déboursée.
Il sera tenu dans chaque bureau télégraphique un rôle des dépêches d'après l'ordre de leur dépôt, et chacune d'elles sera expédiée dans chaque bureau, selon le rang qu'elle occupera sur le rôle.
Les dépêches reçues seront timbrées du sceau de l'administration et signées du directeur du télégraphe. Elles seront remises immédiatement à un messager chargé de les porter aux adresses indiquées, A chaque dé(1)
dé(1) même disposition est sans doute applicable aux autres départements où les agents voyers auraient été commissionnés sous des titres divers.
(Note de l'éditeur.)
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pêche sera joint un reçu qui devra être signé, soit de la personne à qui la dépêche est adressée, soit d'une personne attachée à son service ou à sa famille. Aucune rétribution n'est due au porteur de la dépêche. A Paris, les dépêches à expédier devront être remises à l'administration des lignes télégraphiques, rue de Grenelle-Saint-Germain, n° 103.
TARIF.
Distance. De 1 à 20 mots
kil. f. e.
De Paris à Rouen .: 140 4 68
— au Havre 229 5 76
— à Amiens.. r 147.5 4 80
— à Ârras.... 215 5 61
— â Lille 274.2 6 36
— à Calais 377.7 7 56
— à Valenciennes 277 6 36
— à Dunkerque 356.2 7 32
— à Orléans 122 4 56
— à Blois 181 5 28
- à Tours. 237 5 88
— à Angers 355 7 20
— à Bourges 234 5 88
— à Nevers 303 6 72
— à Châteauroux 265 6 24
— à Châlons-sur-Marne 172 5 16
DOCUMENTS DIVERS.
RÉGIME FINANCIER DES DÉPARTEMENTS ET DES COMMUNES (1).
Les lois rendues en 1789 et 1790 conféraient à des assemblées électives des communes et des départements toutes les attributions administra(1)
administra(1) Darey, ancien sous-secrétaire d'Etal au ministère de l'intérieur, a fait le rapport de la commission instituée par le décret du 30 mars 1850, pour apprécier la situation financière des départements et dés communes et indiquer, s'il y avait lieu, les moyens administratifs ou financiers a l'aide desquels il fût possible de s'opposer à I extension des dépensés locales et de les ramener à un chiffre mieux approprie à l'état des forces contributives du pays. Ce rapport se compose de deux parties principales. j
Là première décrit les phases successives qu'a parcourues depuis 1789 jusqu au temps actuel l'administration des départements el des communes, constate leur situation financière à diverses époques et montre, à l'aide de chiffres puisés aux sources officielles, l'influence qu'ont exercée les faits politiques sur le mouvement progressif des dépenses et des charges imposées aux localités.
La seconde partie du rapport continue à poursuivre la recherche des causes qui on déterminé l'accroissement successif des centimes locaux, et l'étude des moyens qui seraient propres à mettre dans un rapport plus exact les charges des contribuables avec les ressources dont ils peuvent disposer.
« Malgré les laborieuses investigations de la commission, dit le rapporteur, elle no se dissimule pas que les solutions proposées par elle ne doivent exercer sur la situation financière dés départements et des communes qu'une influence indirecte et secondaire. Elle est arrivée a une conviction qui frappe ordinairement les hommes pratiques quand ils «Étûuiéfil notre système administratif pour y introduire des améliorations,.c'est que ce système, établi et coordonne depuis cinquante ans par des travaux successifs, par l'ex-
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tives d'intérêt général et local, et les confondaient, sans prévoyance, entre des conseils et des directoires chargés respectivement de délibérer et d'agir dans une complète indépendance du Gouvernement.
La Constitution de 1791, ne corrigea pas le vice fondamental de cette première organisation, en accordant à l'autorité souveraine le droit insuffisant d'annuler les actes illégaux , et de suspendre, dans les cas extrêmes , les fonctions trop illimitées de ces mandataires de l'intérêt local.
La Constitution de 1795, sans modifier sensiblement le nouveau régime des municipalités, substitua une administration départementalle de cinq membres, modelée sur le directoire exécutif de cette époque, à la première assemblée de département, et fit ainsi succéder à la combinaison antérieure un pouvoir local aussi défectueux et plus arbitraire.
Le système communal et départemental de la France, fondé le 17 février 1 800 (28 pluviôse an VIII, est une des plus belles créations de l'homme de génie qui n'a pas seulement vaincu les différents peuples de l'Europe, mais qui, par la reconstruction de l'édifice social, a dompté leur plus redoutable ennemie, l'anarchie révolutionnaire. La dépendance hiérarchique de toutes les autorités publiques, fortement rattachées au pouvoir supérieur, et l'uniformité méthodique de la nouvelle administration locale, succédant à l'incohérence du morcellement provincial et à l'imperfection du régime provisoire essayé par les lois de 1789 et 1795 , ont constitué définitivement cette puissante unité nationale, qui est devenue la meilleure base de l'ordre, de la force et de la grandeur de notre patrie.
Un seul ministre, celui de l'intérieur, fut à cette époque chargé de faire mouvoir, avec promptitude et régularité, tous les rouages de ce mé canisme habile, qui s'étendit bientôt à plusieurs conquêtes de l'empire et qui embrassait, à son origine, un grand nombre d'attributions corrélatives dont une partie a été subséquemment divisée entre les trois nouveaux ministères des travaux publics , de l'instruction publique et des cultes, de l'agriculture et du commerce.
La commune était assujettie à l'impulsion supérieure de ce premier mandataire du pouvoir central, par ,un maire et par un conseil municipal soumis au choix du souverain ; le département la recevait plus immédiatement encore par un préfet assisté d'un conseil spécial du contentieux et d'un conseil général, qui tenaient tous, comme lui, leurs fonctions subordonnées de la nomination de l'empereur.
Le caractère individuel de personne civile placée sous la tutelle du Gouvernement avait été conservé à la commune, tandis que le département ne représentait qu'une division territoriale et administrative de l'État. La première de ces deux subdivisions organiques de l'empire avait des propriétés et des revenus particuliers indépendants du trésor et du domaine public; l'autre ne pouvait puiser ses ressources que dans la caisse générale des contributions directes.
Le budget de la commune, voté par l'autorité locale, mais toujours présenté à l'approbation et au contrôle de l'administration supérieure avant
périence, de nos assemblées et de nos hommes d'État, peut comporter d'utiles amendements, mais qu'il résiste à toute réforme radicale et profonde, A ce point de vue, la commission a proposé toutes les mesures réalisables que lui a suggérées l'étude attentive des faits. Son travail pourra ne pas répondre aux pensées de ceux qui supposaient de larges modifications praticables et nécessaires; mais il satisfera, elle l'espère du inoins, les esprits sages et prudents qui n'oublient pas que, surtout en matière de finances, toute expérience hasardée est périlleuse, et toute referme brusque plus dommageable qu'utile. »
On a pensé qu'il y aurait intérêt à reproduire dans le Bulletin Officiel un extrait de ce travail présentant l'exposé historique du système financier des départements et dès communes.
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et après son exécution, s'alimentait par les recettes propres à chaque municipalité, par des droits spéciaux légalement autorisés, par des taxes d'octroi sagement limitées au conseil d'État, par cinq centimes additionnels compris dans les contributions directes de la loi annuelle de finances, et enfin par des impositions extraordinaires soumises à la sanction du pouvoir central. Tous les besoins étaient réglés et assurés par des crédits assujettis à l'autorisation préalable du conseil municipal, du préfet, du ministre ou même du souverain.
Les voies et moyens du budget départemental ne se composaient que de centimes additionnels à ces mêmes contributions directes et se répartissaient de la manière suivante :
2 centimes fixes, 10 centimes variables, 4 centimes facultatifs, (nombre indéterminé) extraordinaires.
Les fonds du premier chapitre entraient dans le budget de l'État et s'appliquaient aux dépenses fixes d'intérêt général ci-après : Frais du personnel des préfectures, des maisons centrales de détention, des bâtiments des cours d'appel, des établissements thermaux et sanitaires ; ceux du second chapitre concernaient les loyers et mobiliers des préfectures, les prisons, le casernement de la gendarmerie, les menus frais des tribunaux, les constructions et réparations d'églises, les enfants trouvés, la mendicité, les routes, les encouragements et secours.
Les ressources du troisième chapitre, dont la création était subordonnée au vote des conseils généraux, étaient spécialement applicables à tous les objets d'utilité départementale non prévus ou insuffisamment dotés dans les deux chapitres précédents.
Les centimes et les dépenses extraordinaires étaient autorisés par des lois particulières.
Enfin, quelques produits éventuels se réunissaient aux recettes précédentes et complétaient les ressources affectées aux services spéciaux des départements placés en dehors du budget de l'empire, quoique leurs dépenses eussent presque toutes pour objet les intérêts généraux de la France.
Cette considération avait même conduit le Gouvernement à centraliser au trésor un fonds commun ou de réserve de deux centimes, prélevé sur les ressources destinées aux dépenses variables, afin de les répartir, d'après ses appréciations directes, entre les départements dont les besoins ordinaires dépasseraient les recettes spéciales.
On voit, par l'analyse précédente, que la direction des intérêts locaux était exclusivement placée dans la main du ministre de l'intérieur, qui n'avait que des auxiliaires commis par le choix de l'empereur à tous les emplois de la commune et du département, et qui n'était responsable de sa haute mission qu'envers le souverain dont il l'avait reçue.
L'action administrative émanait alors tout entière de cette inflexible volonté, qui était devenue la loi suprême du pays. Aucun effort, aucun sacrifice n'était détourné du but général marqué par la politique de cette époque. Chaque service spécial était maintenu dans la limite qui lui avait été fixée; le trésor impérial se réservait à lui seul les ressources extraordinaires de la matière imposable et ne permettait, ni au tarif des octrois, ni aux rôles des contributions locales, de tarir les sources de ces impôts. Les revenus des communes supportaient même des prélèvements fréquents et considérables en exécution de décisions souveraines qui les affectaient arbitrairement à des besoins généraux non prévus par le budget de l'État : déplorables expédients qui ont provoqué les dissimulations de recettes et les abus des caisses occultes.
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Sous l'influence d'un semblable régime, le service départemental a été renfermé dans les proportions suivantes
2 centimes fixes - 4 millions.
10 variables..... 20
2 — Idem, fonds commun.. .... ....... 4
4 — facultatifs 8
Nombre indéterminé. — Extraordinaires 6
Produits éventuels (recouvrements autorisés par les
préfets) ,.'. 8
Ensemble 50
Les produits éventuels se composaient alors de recouvrements de_ toute nature autorisés et employés par les préfets, presque à l'insu du ministre de l'intérieur. La liquidation de cette ancienne comptabilité, à peu près occulte, quoique ses résultats fussent mentionnés dans les écritures des receveurs généraux, a réprimé des détournements et des emplois de fonds abusifs, a restitué au trésor, aux budgets des communes, aux cotisations municipales et au service régulier des départements, tous les deniers locaux qui leur appartenaient, et a rendu ces ressources complémentaires, longtemps dissimulées, à leur destination légale, en les plaçant, en 1823, sous les nouveaux contrôles de la comptabilité publique.
Les communes, appauvries par les exigences de la guerre et par des prélèvements extraordinaires sans cesse renouvelés sur des revenus insuffisants, étaient découragées de toute entreprise d'utilité locale, et se bornaient à percevoir les produits décroissants de leurs budgets ordinaires. Leurs populations et leurs forces contributives, constamment épuisées par l'entretien des armées, ne pouvaient plus supporter que les cinq centimes additionnels affectés aux nécessités les plus impérieuses de l'existence municipale, pendant que les octrois des villes descendaient chaque jour à des proportions plus réduites.
Les améliorations apportées aux formes de leurs écritures et aux procédés de leur service par les décrets des 3 janvier 1810 et 27 février 1811, qui ont placé la gestion de leurs receveurs sous la surveillance du ministre du trésor et sous la juridiction de la Cour des comptes, en ouvrant aussi la caisse de service au dépôt de leurs ressources disponibles, n'ont eu d'autre effet que de mettre encore plus en évidence l'épuisement des caisses municipales, et de constater que le placement de leurs fonds libres au trésor n'avait jamais dépassé la somme de 8 millions.
Telle était la situation des départements et des communes pendant le cours des quatorze années qui se sont écoulées depuis la loi de l'an VIII jusqu'au 1er avril 1814.
Au début de cette nouvelle ère politique, la double invasion étrangère, fatal retour du sort des combats, a continué d'imposer à la France , en les aggravant encore dans toutes ses communes, les charges des longues guerres de l'empire.
C'est seulement à dater de la libération complète de son territoire, obtenue en quelques années par plusieurs milliards de sacrifices extraordinaires, demandés aux contributions directes, au sol forestier et à la puissance nouvelle du crédit public, que la vie du pays s'est partout ranimée sous la féconde influence de la paix et des institutions fondées en 1814.
Aucune importante modification ne fut apportée, pendant cette seconde période politique et financière, au système organique des départements et des communes. Les travaux préparatoires qui ont été présentés dans ce but en 1821 et en 1829 à la législature n'ont pas été suivis d'une sanction définitive.
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Cependant le respect de tous les droits, qui a été la première base de la confiance publique si rapidement raffermie par l'administration de cette époque, a favorisé l'intervention plus sérieuse des conseils municipaux et départementaux dans la surveillance des services délégués aux autorités locales.
Déjà même plusieurs conseils, généraux, entraînés par le progrès du libre examen et de l'indépendance récemment accordée à leur contrôle , avaient revendiqué pour leurs départements le droit de posséder des propriétés mobilières et immobilières, ainsi que les intérêts de leurs ressources disponibles temporairement déposées au trésor. Mais le conseil d'État, fidèle interprète de la loi de l'an vin , a fait prévaloir, par deux avis des 20 novembre 1818 et 15 octobre 1819 , les véritables principes de la matière, en déclarant que les départements forment seulement des divisions territoriales tracées pour les besoins de l'administration et ne composent pas des associations distinctes, ni des corps ou agrégations aptes à posséder au même titre que les communes ou les établissements publics ou particuliers ; enfin, que la jouissance de la faible portion des fonds départementaux qui restait éventuellement disponible, dans les caisses de l'État, produisait une indemnité très-insuffisante des frais supportés par les comptables du trésor pour l'exécution de leurs services.
Dès le commencement du régime de probité financière , de publicité et de contrôle extérieur qui a fondé l'ordre et le crédit du gouvernement constitutionnel inauguré en 1814, on s'empressa de mettre en évidence et de faire rentrer, dans les budgets généraux et dans les comptes des ministres, toutes les recettes et toutes les dépenses des départements qui en avaient été retirées par un système de réticence et de compensaiioirde fonds spéciaux et généraux dont le résultat était de dissimuler plus de 300 millions de charges publiques soustraites au vote législatif par de simples prétermissions, ou par des déductions inaperçues sur le produit brut des impôts.
Ce nouveau gouvernement, représentatif de tous les intérêts, a fécondé jusqu'en 1830 les sources de la richesse publique et porté dès lors les revenus applicables aux divers services des départements aux sommes ici-après :
6 4/10 centimes fixes 12 millions.
7 6/10 variables. 14
5 fonds communs 9
6 facultatifs 13
5 extraordinaires , 5
Produits éventuels (cadastre) 3
TOTAL 56
Les mêmes principes politiques et financiers ont produit les mêmes améliorations dans la situation des communes.
La loi du 20 mars 1813, qui avait ordonné la consolidation forcée, en rentes inscrites sur le grand-livre de la dette publique , du capital approximatif de toutes les propriétés immobilières des communes, a été immédiatement rapportée. L'ordonnance du 23 avril 1833 à fait profiter ces comptabilités spéciales de tous les perfectionnements introduits dans les formes et dans les justifications des recettes et des dépenses de l'État ; celle du 8 août 1821 a diminué les exigences précédentes de la centralisation administrative du ministère de l'intérieur; celle du 19 novembre 1826, complétée par l'article 67 de la loi du 18 juillet 1837, a couvert les actes de la gestion dès caisses municipales de la surveillance et de la responsabilité des receveurs des financés; enfin, l'aisance nouvelle ré-
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pandue dans les différentes régions de la France par le retour du travail, de l'ordre et de la fidélité à remplir tous les engagements contractés , à élevé les fonds disponibles déposes au trésor par la prospérité dès communes et des établissements publics à plus de 120 millions. Leurs impositions extraordinaires votées par des conseils locaux, désormais affranchis de toute contrainte, ont suivi la progression croissante des autresbranches du revenu municipal et sont en même temps parvenues à là somme de 9,165,537 francs.
Là révolution de 1830 n'a pas longtemps ralenti le développement qu'une administration réparatrice venait de donner, au sein d'une paix laborieuse et fertile, à tous les germes de la richesse nationale ; mais elle a provoqué l'impatience du pays à jouir, sans plus attendre , de toutes les libertés promises par la charte de 1814 et à compléter ses institutions politiques en les entourant de plus fortes garanties. Aussi la législature a-t-elle repris immédiatement les projets préparés en 1821 et en 1829 et s'ést-elle empressée de consacrer, par tes lois des 21 mars 1831, 22 juin 1833 et 20 avril 1834; l'élection directe des conseils des départements, dès arrondissements et des communes.
On comprend toute l'autorité que ces assemblées locales ont dû puiser- 1 à l'avenir dans la nouvelle origine de leurs fonctions, en se rappelant que leurs membres, choisis par l'opinion dominante, étaient ordinairement appelés à représenter la France dans là Chambre des députés , et voyaient s'ouvrir devant eux un accès plus facile à tous les emplois publics.
Cependant, si l'indépendance de ces conseils électifs fut alors définitivement constituée, les ministres et leurs délégués dans les préfectures ont conservé tout entières la direction et la responsabilité de l'administration dés départements et continué d'ordonnancer remploi de leurs ressourcés spéciales sur des crédits législatifs annuellement ouverts par les lois de finances. Lès différents chapitres de ce grand service sont donc restés soumis, comme les autres recettes et dépensés de l'État ; à toutes les garanties du budget.
L'intérêt de l'ordre et de l'économie, ainsi que le caractère et le but d'utilité générale des services départementaux, avait en outré rendu la gestion financière de leurs ressources spéciales tout à fait inséparable dé' celle des autres deniers publics perçus et employés par les préposés du trésor.
Mais un concours plus actif, une surveillâricè plus vigilante des représentants élus par les populations, et dont le zèle était stimulé par la publicité donnée aux délibérations dés conseils généraux , ont exercé dès lors une influencé plus impérieuse et plus pénétrante dans tous les actes de l'autorité administrative.
Là loi du 10 mai 1838, sur les attributions dés conseils généraux et des conseils d'arrondissement, a consacré une innovation contraire aux principes antérieurs, qui montre encore la tendance générale des esprits à s'affranchir des restrictions précédemment imposées aux services locaux. Afin d'accorder une sanction définitive à plusieurs exceptions jusqu'alors tolérées et de laisser aux départements la possession de quelques immeubles d'une faible importance (1) qui semblaient leur appartenir par un long usage, ses divers articles leur ont concédé, pour la première fois, un droit de posséder, d'échanger et d'acquérir dont l'application doit être sagement limitée pour conserver leur véritable caractère à ces subdivisions administratives de l'État, et pour ne pas briser,;_en fragments séparés, la cohésion nationale de toutes les parties organiques du gouvernement de la France.
(1) Lesrevenus de ces immeubles ne s'élévaient pas à 10,000 francs.
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Cette loi a définitivement laissé à la charge des fonds généraux du budget les dépenses fixes et communes des départements. Ses dispositions, plus précises que celles de la législation précédente, ont en même temps établi une nouvelle classification des dépenses du service départemental, en les désignant désormais sous les quatre dénominations de dépenses ordinaires ou obligatoires, dépensés facultatives, extraordinaires et spéciales. Les divers articles de la première catégorie sont formellement spécifiés par le texte même de cette loi ; ceux de la seconde avaient un caractère trop éventuel pour être définis autrement que par leur désignation générique de dépenses d'utilité départementale.
Les voies et moyens de ces deux premières sections se composent des centimes additionnels qui leur sont affectés par le budget annuel de l'État, des centimes facultatifs votés par les conseils généraux, de produits éventuels de toute nature, et de subventions municipales et particulières.
Deux fonds communs plus largement dotés que sous le régime précédent ont été réservés sur les centimes attribués à l'une et à l'autre subdivision de cet important service pour être répartis par le Gouvernement, à titre de secours, entre les départements qui justifieraient de l'insuffisance de leurs ressources après avoir épuisé tous les produits qui leur sont légalement affectés.
Le nouvel appât de ces subventions conditionnelles a généralement excité dans les conseils généraux l'émulation de mériter, par des entrerprises et par des sacrifices plus considérables, une meilleure part de la distribution des fonds communs.
On a même quelquefois réussi à les obtenir par des transpositions abusives des charges de la seconde section dans la première, soit en présentant des travaux neufs sous l'apparence de frais d'entretien, soit en classant des chemins de grande communication parmi les routes départementales , soit enfin par toute autre combinaison plus ou moins contraire au texte formel de l'article 15 de la loi du 10 mai 1838, qui interdit tout empiétement des dépenses facultatives sur le service ordinaire.
Le développement imprimé aux charges ordinaires des départements a imposé au Gouvernement, dès 1839 , la nécessité de prélever chaque année, jusqu'en 1849, sur les fonds généraux du budget, des subsides supplémentaires montant ensemble à 9,400,000 francs pour rétablir l'équilibre qui venait de se rompre entre les ressources et les besoins de ce service spécial, et d'élever aussi, d'exercice en exercice, le crédit du fonds commun de la somme de 9 millions à celle de près de 15 millions demandés par le budget de 1651, savoir :
Dépenses ordinaires 13,699,000f ) 14,873,200f
Dépenses facultatives 1,174,200 14,873.200f
Cependant la loi de finances de ce dernier exercice a tenté d'opposer un expédient temporaire à l'usurpation du service départemental sur les fonds généraux de l'Etat, en élevant, à titre d'essai, le maximum des centimes facultatifs de 5 à 7 6/10.
La même loi supprime le second fonds commun précédemment attribué aux dépenses facultatives. Enfin, son article 1er, en dégrevant le pays, à dater de 1851, des 17 centimes généraux de l'impôt foncier rendra plus évidente la ligne de démarcation qui sépare les charges locales des besoins du trésor, et ne permettra plus, même aux yeux les moins exercés, de confondre dans l'examen des budgets, des comptes, des rôles ou des avertissements, le principal des contributions directes applicable aux nécessités de l'Etat avec les centimes additionnels presque entièrement réservés aux exigences des services locaux.
On doit surtout attribuer l'accroissement continu des dépenses dépàr-
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tementales à l'impatience du pays de jouir des améliorations espérées d'une prospérité générale qui promettait à tous les peuples le développement de leur fortune et de leur civilisation. Telle est aussi la cause principale de la progression non interrompue des centimes extraordinaires votés par les conseils généraux et autorisés par la législature, sur plusieurs exercices à la fois, pour accomplir, avec le prompt achèvement de la voie publique, des oeuvres d'intérêt général qui ont fécondé les revenus publics, enrichi la France tout entière et glorifié sa longue paix par d'utiles monuments presque toujours empreints de la grandeur nationale, mais qui ont en même temps aggravé d'une surcharge de 22 millions le poids antérieur des contributions directes, tandis que les emprunts contractés à longs termes par les autorités locales, depuis 1833 jusqu'en 1849, grevaient encore les départements d'une dette flottante de 59 millions sur lesquels 23 millions restaient à rembourser au l'r janvier 1850.
Enfin, c'est également à la faveur d'une prospérité progressive, qui s'étendait à toutes les régions du territoire par la facilité croissante des communications, que s'est successivement introduit et constitué, dans le budget annuel, un certain nombre de nouveaux services spéciaux créés par les voeux des départements, en vertu des lois des 28 juin 1833 et 21 mai 1836, qui ont ouvert des crédits législatifs et des sources de produits locaux à différents chapitres de dépenses ajoutés aux attributions des ministères.
On peut d'ailleurs apprécier par un seul résultat toute l'importance de. l'augmentation graduelle des charges départementales depuis 1830 jusqu'en 1851, en reconnaissant que ce service spécial a réclamé un supplément de recette de près de 40 millions, puisés chaque année dans la source trop facile à s'ouvrir de l'impôt direct.
Les revenus et les dépenses de cette branche principale de l'administration publique se résument comme il suit dans leurs voies et moyens :
10 4/10 cent, ordinaires (1re section.) 20,352,800f
7 cent, ordinaires (fonds commun) 13,699,000
7 cent. 6/10 facultatifs (2° section) 14,886,530
Produits éventuels (lre et 2e section). 1,680,000
Subventions municipales et particulières 800,000
Centimes extraordinaires (3* section) 20,250,000
Emprunts , 4,000,000
Centimes spéciaux 12,085,000
Contingents communaux 11,000,000
Centimes spéciaux et extraordinaires et produits éventuels pour l'instruction primaire.. 4,986,000 Centimes cadastraux 300,000
TOTAL 104,039,330f (1)
Dans l'administration des communes comme dans celle des départements, les mêmes causes ont dû produire les mêmes effets. Le principe électif de l'autorité municipale et l'élévation soutenue des revenus publics ont provoqué le même entraînement des nouveaux conseils à de nombreuses entreprises d'utilité locale qui ont imposé des sacrifices considérables à la population des villes et des campagnes.
La loi du 18 juillet 1837, sur les attributions municipales, a maintenu la plupart des dispositions antérieures, en dégageant encore davantage
(1) Indépendamment de ce total, le budget général de l'Etal contient des crédits s'élevant à 16,757,000 francs, et applicables à des dépenses fixes, qui étaient autrefois à la charge du budget départemental,
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le maire et le conseil de là commune de la dépendance trop, étroite de l'administration supérieure, mais sans rompre toutefois le lien d'ordre public qui doit toujours, les rattacher l'un et l'autre à la surveillance et souvent même à l'action directe du Gouvernement. Les besoins de ce service ont été divisés en dépenses obligatoires, facultatives et spéciales ; les ressources ont été classées en produits ordinaires et en recettes extraordinaires.
La loi de finances de l'exercice 1851 fixe à 10 le maximum des centimes applicables aux dépenses obligatoires, et ne permet plus de les porter au delà de ce nombre, si ce n'est pour des dettes résultant de condamnations judiciaires qui pourraient les élever jusqu'à la limité de 20. centimes.
Les chemins vicinaux, l'instruction primaire, l'insuffisance accidentelle des fonds applicables aux dépenses obligatoires ont accru, dans une proportion considérable, les charges et les impositions communales extraordinaires, ainsi que les cotisations de toute nature. Les centimes affectés sur l'exercice 1851 à l'instruction primaire ne peuvent être votés que jusqu'à concurrence de 3 par les conseils municipaux et de 2 par les conseils généraux. Ceux qui sont destinés, à titre de subvention, à la dépense des chemins vicinaux sont fixés à 5.
Les taxes d'octroi se sont élevées sur presque toutes les matières et ont souvent dépassé le maximum qui leur avait été fixé pour les boissons spiritueuses, déjà frappées par les droits de l'Etat.
Des travaux de luxe et d'utilité publique, imprudemment multipliés et souvent précipités par un pouvoir local trop ambitieux de renommée, ont, en outre, grevé l'avenir des grandes cités, et même celui des villes moins opulentes, par des emprunts successivement contractés jusqu'en 1846 pour un capital de 122,686,971 francs (y compris 64,000,000 pour la ville de Paris). Ceux qui restaient à rembourser au 1er janvier de la même année s'élevaient à 76,764,606 francs, sur lesquels la capitale seule était débitrice de 30,555,929 francs.
Les impositions extraordinaires supportées à la même époque par les finances municipales étaient de 60,039,994 francs; cette situation s'est considérablement aggravée depuis la révolution de 1848. Les seuls engagements contractés par la ville de Paris ont été portés, au 1er janvier 1851, à la somme de 96,989,285 francs 75 centimes. Les autres charges extraordinaires de toutes les parties de la France ont suivi la même progression.
Nous ajouterons enfin, pour compléter ce tableau, que le développement des ressources de toute nature des communes a élevé le montant de leurs fonds disponibles placés au trésor, à l'époque du 1er janvier 1848, à 133,000,000 francs.
Nous nous bornons à présenter ici le résumé de ces différentes recettes, qui présente les derniers résultats recueillis par les soins du ministre de l'intérieur pour l'exercice 1846, savoir :
RECETTES ORDINAIRES.
Cinq centimes additionnels aux contributions directes.. 9,662,379f Impositions annuelles pour couvrir l'insuffisance des revenus ordinaires 56,086,498
Produit brut des octrois (dont 34,204,659 fr. pour Paris seulement). 84,421,434
A reporter...... 150,170,311
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Report. ..' 150,170,311
Droits de location (4,212,115 fr. pour Paris seulement)... 14,758,778
Fermage des biens (1,289,403 fr. idem )... 11,019,203
Coupes de bois... 5,618,141
Taxes affouagères 11,221,384
Rentes sur l'Etat 3,157,023
Rentes sur particuliers 720,005
Intérêts des fonds placés au trésor 3,297,660
Taxes diverses (3,222,829 fr. pour Paris seulement) 6,308,751
Produits éventuels 21,548,545
Attributions sur les patentes 2,814,108
RECETTES EXTRAORDINAIRES.
Ventes d'immeubles 9,732,523
Coupes de bois 12,623,559
Impositions extraordinaires 9,413,618
Dons et legs 2,693,026
Emprunts 6,293,520
Produits éventuels et remboursements de capitaux 67,339,575
TOTAL 338,729,730f
On a dû reconnaître, par les détails qui précèdent, que les institutions locales de la France ont été constamment modelées sur les formes organiques de son gouvernement ; qu'elles ont été, dans tous les temps, reconstituées à leur image, qu'elles sont encore, comme les autres autorités publiques, soumises à l'entraînement des circonstances et aux exigences de l'opinion générale ; enfin, qu'elles ont été pénétrées, à toutes les époques, de l'esprit politique des pouvoirs successifs de l'ancienne monarchie, de la première république, de l'Empire et des deux régimes constitutionnels de 1814 et de 1830.
BIBLIOTHÈQUES ADMINISTRATIVES.
SÉANCES ET TRAVAUX DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES MORALES ET POLITIQUES. Compte rendu par M. VERGÉ, sous la direction de M. MIGNET, secrétaire perpétuel de l'académie, paraissant par livraisons mensuelles.
Le ministre de l'intérieur signale à MM. les préfets, sous préfets et maires cet excellent recueil comme pouvant être utilement placé dans les bibliothèques administratives.
Certifié conforme aux originaux.
Paris, le 15 avril 1851. Le Chef de la première division du ministère de l'intérieur,
DUPUY, BULL. INT. 1851. 9
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ANNEXES
nu
BULLETIN OFFICIEL DU MINISTÈRE DE L'INTÉRIEUR.
MINISTERE DE L'AGRICULTURE ET DU COMMERCE
CIRCULAIRE.
Bains et lavoirs publics. — Exécution de la loi du 5 février 1851.
Paris, le 26 février 1851.
MONSIEUR LE PRÉFET, un crédit extraordinaire de 600,000 francs est mis, par la loi du 3 février dernier, à la disposition de mon ministère pour encourager la création d'établissements modèles de bains et lavoirs publics, gratuits ou à prix réduits.
Celte loi est une nouvelle preuve de la sollicitude du Gouvernement en faveur des classes laborieuses; aussi, suis-je assuré à l'avance de l'empressement que vous mettrez à inviter les communes, les bureaux de bienfaisance ou autres établissements reconnus comme établissements d'utilité publique, à satisfaire aux conditions de la loi pour obtenir une part du crédit de 600,000 francs.
Il importe de donner à la loi nouvelle la plus grande publicité possible. Je vous recommande donc de prendre immédiatement les mesures nécessaires à cet effet : je vous engage à ne point vous borner à la faire insérer dans le recueil des actes administratifs de votre préfecture ; je désire que vous la fassiez publier par voie d'affiche, surtout dans les grands centres de population. Vous devrez vous appliquer, d'ailleurs, à bien faire comprendre aux autorités locales l'esprit dans lequel elle a été conçue, le but important qu'il s'agit d'atteindre et les moyens à l'aide desquels on y est déjà parvenu dans un pays voisin.
Pour vous faciliter cette tâche, j'ai l'honneur de vous adresser, avec un exemplaire de la loi, un volume (1) dans lequel mon prédécesseur, M. Dumas, a fait recueillir les documents les plus importants que l'administration possède sur celte matière ; vous y trouverez l'exposé des motifs de la loi, et ce document vous mettra à même de vous pénétrer des considérations de divers ordres qui en recommandent l'objet à la sollicitude de tous les gens de bien. Il y a toutefois, dans cet exposé, un point qui a cessé d'être d'accord avec l'esprit de la loi votée. Dans la pensée
(1) Le titre de ce volume est : Bains et lavoirs publics; commission instituée par ordre de M. le Président de la République. Paris, Gide et Baudry, éditeurs, 1850 ; 1 vol. in-4°, avec planches.
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du Gouvernement, la création d'établissements modèles de tains et lavoirs ne devait avoir lieu que dans les villes les plus populeuses. L'Assemblée nationale n'a pas partagé cette manière de voir; elle a voulu que les plus petites communes pussent être appelées à participer à la subvention que la loi permet d'accorder, si elles consentaient à s'imposer les sacrifices nécessaires.
Vous ne devrez donc pas vous borner à signaler aux autorités des grandes villes les bienfaits que la loi a pour but de procurer aux populations ; il doit demeurer bien entendu que les communes rurales, comme les communes urbaines, peuvent se mettre sur les rangs et présenter leurs projets.
Le volume que je vous transmets contient, en outre, les principaux rapports qui ont été présentés à la commission que mon prédécesseur avait instituée, au mois de novembre 1849, par ordre de M. le Président de la République, pour étudier les moyens de doter notre pays d'établissements de bains et lavoirs pouvant rivaliser avec ceux que possède la Grande-Bretagne. Il renferme également les rapports parvenus à mon administralion sur les établissements fondés en Angleterre, ainsi que les plans des principaux d'entre eux. Ces différents documents vous permettront de fournir aux autorités locales et aux architectes chargés de l'étude des projets des éclaircissements d'une grande utilité, notamment sur les tarifs, les dispositions les plus convenables à adopter pour les constructions, l'établissement des appareils d'essorage et de séchage, les mesures de police intérieure, etc., etc.
La loi a indiqué les formalités particulières que les communes qui voudront obtenir une subvention de l'État auront à remplir ; elles devront :
1° Prendre l'engagement de pourvoir, jusqu'à concurrence des deux tiers au moins, au montant de la dépense totale;
2° Soumettre préalablement au ministre de l'agriculture et. du commerce les plans et devis des établissements qu'elles se proposent de créer, ainsi que les tarifs, tant pour les bains que pour les lavoirs.
La commune devra justifier, d'ailleurs, par la production de son budget, qu'elle est dans une situation financière qui ne lui permet pas de se charger de la totalité de la dépense ; il conviendra, de plus, que le conseil d'hygiène publique et de salubrité de l'arrondissement soit toujours appelé à donner son avis sur les projets présentés.
C'est seulement lorsque ces formalités essentielles auront été remplies qu'il me sera possible de prendre l'avis de la commission que je suis tenu de consulter, aux termes de la loi, avant de statuer sur les demandes et de déterminer la quotité et la forme de la subvention unique que la même commune pourra recevoir, et qui ne pourra excéder 20,000 francs.
Vous pouvez être assuré, Monsieur le Préfet, que je ferai tout ce qui sera en mon pouvoir pour que, en ce qui me concerne, les
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demandes soient examinées avec la plus grande diligence; mais, bien que mon ministère soit chargé de la distribution du crédit, il ne sera pas le seul, dans bien des cas, à concourir à l'exécution de la loi. Les communes devant faire les deux tiers au moins de la dépense, les demandes de subventions pourront se rattacher souvent à des projets qui se compliqueront de questions d'emprunts, d'acquisitions de terrains et autres analogues, et l'intervention du ministre de l'intérieur, celle même du conseil d'Etat, pourront devenir indispensables. Il conviendra, néanmoins, que mon département reçoive d'abord toutes les pièces de l'instruction , sauf à renvoyer au ministère de l'intérieur celles qui le concerneraient, lorsqu'il aura été statué sur la valeur des projets et l'opportunité d'accorder une subvention. Je me réserve de demander à mon collègue , M. Vaïsse, de vouloir bien faire examiner d'urgence toutes les affaires communales qui se rattacheront à la création d'établissements modèles de bains et lavoirs. Je vous recommande de veiller de votre côté, Monsieur le Préfet, avec une attention toute particulière, à ce que les demandes que vous aurez à me transmettre soient instruites d'une manière complète , sur tous les points sur lesquels l'administration centrale aura à prendre une décision.
Parmi les communes où la création d'un établissement modèle de bains et lavoirs publics présentera un caractère particulier d'utilité, il pourra s'en trouver qui ne seront pas en état de s'imposer les sacrifices nécessaires pour avoir droit à une subvention. La loi a prévu cette éventualité, en admettant les bureaux de bienfaisance et autres établissements reconnus comme établissements zed'utilité publique à participer aux bénéfices de ses rdispositions, aux mêmes conditions que les communes elles-mêmes, pourvu que le conseil municipal y donne son consentement. (J'écris à M. le ministre de l'intérieur pour appeler son attention sur celte disposition, et pour lui demander de vouloir bien transmettre, en ce qui le concerne, les instructions qui pourraient en faciliter l'exécution.
La disposition que je viens de rappeler ne préjudicie en rien, d'ailleurs, au droit que possèdent les communes de concéder, pour un temps plus ou moins long , à une compagnie particulière formée soit dans un but industriel, soit dans un but de pure bienfaisance et au moyen de dons volontaires, la création des établissements dont il s'agit, comme elle pourrait le faire pour rétablissement d'une halle ou d'un abattoir ; et, dans ce cas, les communes pourront seconder de plusieurs manières l'action de l'industrie privée ou des associations charitables, tantôt par des concessions d'eau gratuites, tantôt en fournissant les terrains sur lesquels les bains et lavoirs seraient construits, ou en ajoutant une subvention à celle qui serait accordée par l'État, ou bien encore par la garantie d'un minimum d'intérêt.
Dans les villes industrielles, il sera bon de rechercher quel parti on pourrait tirer des eaux de condensation provenant des
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machines à vapeur. Vous verrez, par un des documents contenus dans le recueil que je vous envoie, comment un ingénieur habile, soutenu par les seuls efforts de la charité privée, a su mettre à profit ces eaux de condensation pour créer, dans la ville de Rouen, un établissement qui a déjà rendu d'importants services à une partie de la classe pauvre de cette cité populeuse. C'est un exemple que vous ne devrez pas manquer de signaler à l'attention des autorités des communes où il pourrait être imité, et je ne doute pas que les chefs d'industrie ne se montrent partout disposés à faciliter de tout leur pouvoir la réalisation des vues bienfaisantes de la loi.
Sur tous les points où cela pourra vous paraître utile, n'hésitez pas à créer des commissions locales pour provoquer des souscriptions et s'associer ainsi à l'intervention du Gouvernement et aux sacrifices des communes. Vous n'ignorez pas que, lorsqu'un appel est fait par l'autorité ou par des associations charitables, dans l'intérêt d'une création utile, cet appel est presque toujours entendu. Ne craignez donc pas de recourir à tous les dévouements; le concours de la bienfaisance et de la charité, lorsqu'il s'agit de réaliser une pensée profondément philanthropique, ne saurait vous manquer.
Je termine, Monsieur le Préfet, en vous recommandant de me tenir exactement informé de la suite que vous aurez donnée à ces instructions. Je vous promets, de mon côté, d'accorder une attention suivie aux communications et aux demandes que vous auriez à m'adresser. Il importe, en effet, de ne pas perdre de vue que mon département ne peut disposer du crédit dont il s'agit que pendant l'année 1851.
Agréez, etc.
Le Ministre de l'agriculture et du commerce, Signé SCHNEIDER.
MINISTÈRE DE LA GUERRE.
CIRCULAIRE.
Dispense du service militaire.
Paris, le 24 janvier 1851.
L'article 79 de la loi du 15 mars 1850 sur l'enseignement, en créant, pour les jeunes gens qui réclament comme membres de l'instruction publique la dispense du service militaire, de nouvelles obligations, a complètement modifié, pour ce qui les concerne, les dispositions de l'article 14 de la loi du 21 mars 1832.
Cet article est ainsi conçu :
" Les instituteurs adjoints des écoles publiques , les jeunes « gens qui se préparent à l'enseignement primaire public, dans « les écoles désignées à cet effet ; les membres ou novices des asso" dations religieuses vouées à l'enseignement et autorisées par la « loi, ou reconnues comme établissements d'utilité publique ; les
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« élèves de l'école normale supérieure, les maîtres d'études, ré« gents et professeurs des collèges et lycées, sont dispensés du « service militaire, s'ils ont, avant l'époque fixée pour le tirage, " contracté, devant le recteur, l'engagement de se vouer, pen" dant dix ans, à l'enseignement public, et s'ils réalisent cet enga« gement. »
Ainsi, comme par le passé, le droit à la dispense n'est acquis qu'à ceux qui, antérieurement à l'époque fixée pour le tirage au sort, ont contracté l'engagement de se vouer à l'enseignement public, avec celte différence, toutefois, qu'au lieu d'être contracté devant le conseil de l'Université (§ numéroté 4° de l'article 14 de la loi du 21 mars 1832), l'engagement doit l'être désormais devant le recteur de l'académie départementale.
Vous remarquerez, en outre, que le cercle des diverses catégories de jeunes gens, auxquels l'engagement ouvre le droit à la dispense, a été notablement élargi. Mais la modification la plus importante, celle sur laquelle j'appelle plus particulièrement votre attention, consiste dans la durée de l'engagement exigé et dans les conséquences qu'entraîne sa non-réalisation.
La loi du 21 mars 1832 n'avait pas fixé la durée de l'engagement et le dispensé universitaire, lorsqu'il abandonnait la carrière de l'enseignement avant la libération de sa classe , n'était tenu d'accomplir que le temps de service qui restait à faire à cette classe au moment même de sa renonciation.
L'article 79 de la loi du 15 mars 1850 fixe, au contraire , à dix ans, la durée de l'engagement, et ne dispense du service militaire qu'à la condition expresse que les jeunes gens réaliseront cet engagement; c'est-à-dire que celui qui, ayant obtenu la dispense comme s'étant voué à l'enseignement public, cessera , pour quelque cause que ce soit, de suivre cette carrière avant d'avoir rempli en totalité son engagement décennal, sera déchu de tout droit à la dispense, et sera tenu, à partir de la cessation de ses études ou fonctions, d'accomplir, sans déduction aucune , les sept années de service militaire exigées par la loi sur le recrutement.
Il est essentiel que ces dispositions soient portées à la connaissance des familles et reçoivent à cet effet la plus complète publicité.
M. le Ministre de l'instruction publique et des cultes m'a communiqué une circulaire que, de son côté, il a adressée aux recteurs des académies départementales et dont il a envoyé un exemplaire à chacun de MM. les préfets.
Il importe que celte circulaire soit également connue des autorités militaires, et j'ai cru devoir l'annexer à la présente. Les instructions spéciales et détaillées qu'elle contient, combinées avec celles qui précèdent, suffiront sans doute pour prévenir toute espèce de difficulté dans l'application des nouvelles règles prescrites par la loi du 15 mars 1850.
Recevez, etc.
Le Minisire de la guerre, Signé REGNAUD DE SAINT-JEAN-D'ANGELY.
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MINISTERE DE L'INSTRUCTION PUBLIQUE
ET DES CULTES.
CIRCULAIRE.
Instruction pour l'exécution de l'article 79 de la loi du 15 mars 1850.
Paris, le 18 décembre 1850.
MONSIEUR LE RECTEUR, l'article 79 de la loi du 15 mars 1850 vous a conféré une attribution toute nouvelle qu'il importe de définir avec précision, et dont l'exercice doit être entouré de quelques précautions de nature à couvrir votre responsabilité.
C'est désormais devant vous que les jeunes gens qui voudront être dispensés du service militaire devront contracter l'engagement de se vouer pendant dix ans à l'enseignement public. Vous remarquerez que la loi a fait l'énumération complète des différentes catégories de jeunes gens qu'elle a entendu dispenser du service militaire, à la condition d'un engagement de dix ans dans l'enseignement public. Il n'est permis ni d'étendre ni de restreindre cette énumération.
Vous aurez donc à vérifier d'abord si le jeune homme qui se présente devant vous pour contracter un engagement décennal appartient à une des catégories légales, c'est à-dire s'il est instituteur adjoint d'une école publique ; — s'il se prépare à l'enseignement primaire public dans une école désignée à cet effet; — s'il est membre ou novice d'une association religieuse vouée à l'enseignement ou autorisée par la loi et reconnue comme établissement d'utilité publique ; — s'il est élève de l'école normale supérieure ; — s'il est maître d'études, régent ou professeur d'un collège ou d'un lycée.
Pour qu'un instituteur adjoint soit légalement revêtu de ce titre, il faut : 1° s'il est laïc, qu'il ait été nommé par l'instituteur communal et agréé par le recteur; s'il appartient à une association religieuse, qu'il ait été nommé par le supérieur de ladite association (§ 3 de l'art. 34); 2° qu'il touche un traitement, soit de la commune, soit par toute autre voie certainement connue.
Les élèves-maîtres ne peuvent se prévaloir de celte qualité que s'ils appartiennent à une école normale primaire départementale, ou à un établissement d'instruction primaire désigné par le conseil académique. (§ 1er de l'art. 35.)
Vous n'admettrez à contracter l'engagement décennal que les membres des associations religieuses autorisées par la loi ou reconnues comme établissements d'utilité publique. Vous aurez donc à vérifier si ces associations ont, en effet, le caractère que la loi leur attribue, et si elles se renferment dans les conditions de leurs statuts.
Les élèves de l'école normale supérieure, les maîtres d'études,
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régents et professeurs des collèges et lycées produiront l'arrêté ministériel qui leur aura conféré ces diverses qualités.
Les uns et les autres prouveront, par des certificats émanés de leurs chefs ou supérieurs, et dûment légalisés, qu'ils se trouvent réellement dans la position prévue par la loi, au moment où ils demandent à contracter l'engagement décennal.
Cet engagement devra être, à peine de nullité, rédigé sur papier timbré, et conformément à la formule ci-jointe ; il portera la mention expresse de l'autorisation des parents ou tuteurs; les signatures en seront légalisées. Il ne pourra être contracté qu'avant l'époque du tirage. (Art. 79 de la loi.)
L'engagement décennal n'ayant de valeur légale que s'il a été contracté devant vous, vous aurez à délivrer aux requérants un acte d'acceptation dont ils devront justifier devant le conseil de révision de leur département pour obtenir la dispense du service militaire. L'acte d'acceptation contiendra la mention des pièces produites à l'appui, lesquelles resteront déposées dans les archives de l'Académie, pour servir à toutes vérifications ultérieures, les nom, prénoms, date , lieu de naissance, qualité du dispensé ; il sera rédigé conformément à la formule ci-jointe.
Immédiatement après l'époque fixée pour le tirage, alors qu'aucun engagement décennal ne peut plus être accepté, vous m'adresserez l'état nominatif des jeunes gens qui auront contracté devant vous ledit engagement. Cet état, dressé en deux tableaux distincts, l'un pour l'enseignement primaire, l'autre pour l'enseignement secondaire, contiendra les noms, prénoms, date, lieu de naissance, qualités des dispensés.
Chaque année, dans la première quinzaine de juillet, le préfet du département, auquel j'adresse des instructions à cet effet, vous transmettra la liste des dispensés de votre ressort. Vous vérifierez avec le plus grand soin s'ils continuent à remplir les conditions de leur engagement, et vous ferez connaître au préfet ceux qui l'auraient rompu avant l'expiration des dix années, la loi (art. 79) déclarant en termes formels qu'ils ne sont définitivement libérés du service militaire que s'ils réalisent l'engagement décennal.
Je vous invite de la manière la plus instante à vous conformer exactement aux indications contenues dans la présente circulaire. Les conseils de révision ont pour devoir de n'admettre, qu'après les plus scrupuleuses investigations, les dispenses du service militaire ; et si l'acte d'acceptation de l'engagement décennal contracté entre vos mains, en vue du service de l'instruction publique, présentait quelques irrégularités ou n'était pas rédigé dans la forme prescrite, les dispensés, malgré leur évidente bonne foi, pourraient être exposés à être envoyés sous les drapeaux.
Recevez, etc.
Le Minisire de l'instruction publique et des cultes, Signé F. DE PARIEU.
Paris, imprimerie de Paul Dupont, rue Grenelle-Saint-Honore, n° 45,