BULLETIN ARCHÉOLOGIQUE ET HISTORIQUE
DE LA
SOCIÉTÉ ARCHÉOLOGIQUE
BULLETIN
ARCHÉOLOGIQUE
ET HISTORIQUE
DE
LA SOCIÉTÉ ARCHEOLOGIQUE
DE
TARN-ET-GARONNE RECONNUE D'UTILITÉ PUBLIQUE LE 13 AOUT 1884.
TOME XXI. — ANNÉE 1893.
MONTAUBAN, IMP. ET LITH. FORESTIÉ, RUE DU VIEUX-PALAIS, 23.
1893.
SOCIÉTÉ ARCHÉOLOGIQUE
DE
T .A. N - E T - G .A. R O N N E
Membres du bureau.
MM.
Chanoine F. POTTIER, ||, Président
MlLA DE CABARIEU, 0. ^, I. f#,
Vice-Président.
Edouard FORESTIÊ, Secrétaire général.
Auguste BUSCON, Trésorier.
MM. Henri DE FRANCE, Archiviste. L. LAPIERRE, Archiv.-adjoint.
Conseil d'Administration. DUMAS DE RAULY, ||, archiviste. DE CAPELLA, 0. *&.
Paul DE FONTENILLES, ||, t%l.
Membres honoraires-nés.
M. le Ministre de l'Instruction publique.
M. le Général de division.
M. le Préfet du département.
Mgr l'Évêque de Montauban. M. le Maire de Montauban. M. l'Inspecteur d'académie.
Membres honoraires.
MM.
AUDO (Mgr Z.), archevêque d'Amadia (Kurdistan).
BARBIER DE MONTAULT (Mgr Xr.), C. tgt, 0. tgi, prélat de S. S. : Poitiers.
DELISLE (Léopold), C. ^, I. |#, administrateur général de la bibliothèque Nationale, Paris.
MM.
LASTEYRIE (comte Robert de), ^, 1.1|, membre de l'Institut.
LEWAL (général), G. O. ^, ancien ministre de la guerre: Paris.
MAZADE (Charles de), ^, de l'Académie française : Paris.
Membres fondateurs et titulaires
Résidant à Montauban.
ALIBERT (docteur), <u, membre de l'Académie des sciences, belleslettres et arts de Tarn-et-Garonne, médecin en chef de l'Hospice.
AMADE (Albert d'), ^, capitaine au 11e de ligne.
ANGLADE (Gabriel), peintre et aquafortiste.
BELLEGARDE (de), ^, commandant d'état-major.
BÈS DE BERC (Eugène), juge d'instruction.
BOUIC (A), ancien magistrat.
BOUÏS (Achille), directeur du Musée de Montauban.
BOYSSON (général de), 0. ^, commandant la 17e brigade de cavalerie.
6 LISTE DES MEMBRES
BUSCON (Auguste), avocat, membre de l'Académie des sciences, belles-lettres et arts de Tarn-et-Garonne.
CALHIAT (Henri), chanoine honoraire, aumônier du Lycée, missionnaire apostolique, docteur en Théologie et en Droit Canon, de l'Académie des Arcades.
CAMINEL (de Bonafous de), ^, commandant du 17e escadron du train des équipages.
CAPELLA (de), O. ^, inspecteur général des ponts et chaussées; membre de l'Académie des sciences, belles-lettres et arts de Tarn-et-Garonne.
CARRIEU (Hippolyte), docteur en droit.
CASABON (Théodore de), violoniste-compositeur.
CARTAULT (Ludovic), tjt, O. igt, ancien conseiller de préfecture.
CÉLARIÉ (Gaston), peintre d'histoire.
CHARROY, lieutenant au 10e dragons.
CLAVERIE (Jules), ^, ancien officier de marine.
CONTENSOU (l'Abbé Alexandre), maître de chapelle de la Cathédrale.
COSTE, O. ^, C. >Ji, I. ||, médecin principal en retraite.
COUGOUREUX, docteur-médecin, membre de l'Académie des sciences, belles-lettres et arts de Tarn-et-Garonne.
COUSTOU-COYSEVOX (Gabriel de), O. tgi, ancien sous-préfet.
DARDENNE (Henri), ^, trésorier général.
D'ARAN (Auguste), avocat.
DAUSSARGUES (Achille), agent-voyer en chef.
DAUX (l'Abbé Camille), missionnaire apostolique.
DELBREIL (Henri), ancien sénateur de Tarn-et-Garonne.
DELMAS-DEBIA (Edmond), anc. conseiller général, anc. sous-préfet.
DUBOIS-GODIN (Gaston).
DUCHAUSSOY, ^, commandant au 20e de ligne.
DUMAS DE RAULY, ||, archiviste du département, membre de l'Académie des sciences, belles-lettres et arts de Tarn-et-Garonne.
DUPONT, capitaine au 10e dragons.
FAUBIN, directeur au Grand Séminaire.
FAVRÉAUX, ^, capitaine au 11e de ligne.
FOREL (Henri), ^, lieutenant-colonel de l'armée territoriale.
FORESTIÉ NEVEU, ancien conservateur honoraire des archives municipales, membre de l'Académie des sciences, belles-lettres et arts de Tarn-et-Garonne.
FORESTIÉ (Edouard), correspondant du ministère des Beaux-Arts ; membre de l'Académie des sciences, belles-lettres et arts de Tarnet-Garonne, lauréat de l'Institut.
DE LA SOCIETE. 7
FOURMENT (Paul), chanoine honoraire, curé de Léojac-Montauban. FRANCE (Henry de), membre de l'Académie des sciences, belleslettres et arts de Tarn-et-Garonne. GARDELLE (Léopold), ancien architecte de la ville.
GARRISSON (Gustave), y, sénateur de Tarn-et-Garonne, membre de l'Acad. des sciences, belles-lettres et arts deT.-et-G., anc. maire.
GIRAUDON, avoué licencié.
GIRONDE (comte Léopold de), ancien conseiller général.
GRANAL (Pierre de), avocat.
GUIRONDET (Louis), avocat, ancien bâtonnier de l'ordre, ancien juge de paix; membre de la Société des sciences, belles-lettres et arts de l'Aveyron.
LA BERNARDIE (P. de), direct, de l'Enregistrement et des Domaines.
LA BORDE, président du Tribunal civil.
LAPIERRE (Louis), avocat.
LAVITRY (Étienne-Louis), notaire.
LEENHARDT, prof, de sciences naturelles à la Faculté, membre de l'Académie des sciences, belles-lettres et arts de Tarn-et-Garonne.
LIMAYRAC (Philippe), chanoine honoraire, curé de Saint-Jacques.
MÉRIC DE BELLEFON (Aloys de), ancien magistrat.
MAUROU, architecte de la ville.
MILA DE CABARIEU, O. %, I. |f, ancien préfet, membre de l'Académie des sciences, belles-lettres et arts de Tarn-et-Garonne.
MORETTE (Chanoine), supérieur du Petit Séminaire.
MOULINET DE GRANÈS-LAVAUR (du), avoué.
OLIVIER, tgi, architecte diocésain honoraire, membre de l'Académie des sciences, belles-lettres et arts de Tarn-et-Garonne.
POTTIER (Fernand), ||, chanoine honoraire, correspondant du ministère de l'instruction publique, inspecteur de la Société française d'archéologie, professeur d'archéologie au Grand Séminaire.
PONS (Stanislas), artiste peintre, professeur de dessin.
POUSSY (Pierre), ^, capitaine en retraite.
PRAX (René), notaire, docteur en droit.
QUILHOT (Aubin), docteur en Théologie et en Droit Canon, directeur au Grand Séminaire.
REY-LESCURE (Antonin), y, membre de plusieurs Sociétés savantes.
RIVIÈRES (baron Edmond de), secrétaire de la Société archéologique du Midi, inspecteur divisionnaire de la Société française d'archéologie.
SAINT-FÉLIX (J. de CASSAIGNEAU de), conseiller d'arrondissement.
SCORBIAC (baron Bruno de) : château de Verlhaguet,
8 LISTE DES MEMBRES
SÉMÉZIES (Marcel), secrétaire général de l'Académie des sciences, belles-lettres et arts de Tarn-et-Garonne.
SÉVERAC (Jean de), avocat, maire de Saint-Étienne-de-Tulmont.
SICARD (Eusèbe), directeur du Bulletin catholique, curé de SaintJoseph.
SOULIÉ (E), ||, vicaire-général honoraire, chanoine, membre de l'Académie des sciences, belles-lettres et arts de Tarn-et-Garonne.
STOUMPF (l'Abbé), directeur au Grand Séminaire.
TACHARD (docteur), ^, médecin principal.
TEISSIÉ-SOLIER (Pierre), avocat, maire de Finhan.
VEZINS (comte Élie de Levezou de), château de Chambord.
VÈNE (Maurice).
VILLARET (de), ^, tgi, capitaine d'état-major.
WALLON (Edouard), O. tgi, membre de la Société Ramond.
Résidant hors de Montauban.
ARNAULT (Louis), ^, professeur à la Faculté de droit de Toulouse, mainteneur des Jeux Floraux, ancien député, conseiller général : Labastide-de-Penne, par Puylaroque, et Toulouse.
BARBOT (vicomte Lionel de) : Verdun.
BASTIÉ (Eugène), peintre et sculpteur: Castelsarrasin.
BEAUQUESNE (baron H. de), ^, ancien officier : Merles et Toulouse.
BÉLAY, juge de paix: Reyniès.
BELBÈZE (R. P. Daniel) : Moissac.
BERNARD (Firmin de), avoué : Castelsarrasin.
BESSÈRES (Emile), ^, maire de Castelmayran.
BOÉ, docteur : Castelsarrasin.
Bosc (Paul) : Saint-Antonin.
Boscus (Louis) : Caussade.
BOUYSSOU (l'abbé), curé de Dunes.
CAMMAS (Paul), avocat : Moissac.
CAPELA (Louis) : Castelsarrasin.
CARRÈRE DE MAYNARD (Paul) : château de Bailard, par Grenade.
CLERGEAUD, avocat, ancien magistrat : Saint-Hubert, par Moissac.
COSTE (Arthur de) : château d'Andas, par Castelsagrat.
DELBRU, chanoine honoraire, aumônier de l'orphelinat Bellissen, Montbeton.
DUGUÉ (Z) : Moissac.
FAUR (Prosper du) : Larrazet.
FONTANIÉ (Paul), docteur en droit : Castelsarrasin et Toulouse.
DE LA SOCIÉTÉ. 9
FONTENILLES (Paul de), igt, ||, inspecteur général de la Société française d'archéologie: château des Auriols, par Villemur.
FRAYSSINET (Jules) : Beaumont-de-Lomagne.
GALABERT (Firmin), curé d'Aucamville.
GANAY (colonel, comte de), ^, commandant la brigade de Lunéville.
LABORDE (Antonin), ancien conseiller général : Beaumont de Lomagne et Toulouse.
LABRUYÈRE (Etienne), capitaine au 28e dragons : Paris.
LAFITTE (Paul), docteur : Verdun.
LA HITTE (vicomte Maurice de) : Montech.
LATREILLE (Robert), notaire, maire de Lafrançaise.
LURY (Augustin), chanoine honoraire, docteur en Théologie : Paris et Lamagistère.
MARVEILLE (de) : château de Mauvers, par Verdun.
MAURY, curé de Finhan.
MINORET (René), ancien officier : château de Roujos, près Beaumont.
MIS (Victor), ancien magistrat : Escalquens.
MARINIER (commandant), O. ^ : Arcachon.
MOING (Ernest): Golfech.
MOMMÉJA (Jules), ||: Monteils, par Caussade.
MONBRISON (Georges de), membre de la Société française d'archéologie : château de Saint-Roch, par Auvillar.
MONTRATIER-PARAZOLS (comte Paul de): au château de la Baronnie, par Lafrançaise.
OULÈS (l'abbé), curé de Saint-Martin de Belcassé.
PETIT (Paul), médecin-major : Toulouse.
RÉBOUIS (Emile), |g, archiv. paléographe : Valence-d'Agen et Paris.
REBOULET (Armand) : Grenade.
Rous (Germain), propriétaire : Feneyrols et Montauban.
RUBLE (baron Alphonse de), I. |f, membre du Comité des Sociétés savantes : château de Ruble, par Beaumont, et Paris.
SAINT-MARTIN (Charles de), membre de la Société archéologique du Midi : Verdun et Toulouse.
SALERS, avocat : Moissac.
SOUBIES (Albert), I. |g : Beaumont-de-Lomagne et Paris.
SOUBIES (Henri) : château de Manaud, près de Beaumont.
TAILLEFER, curé de Cazillac, par Lauzerte, membre de la Société des Études du Lot.
Membres correspondants.
AZÉMAR, avocat, ancien magistrat : Dourgne (Tarn) et Toulouse.
10 LISTE DES MEMBRES
BACALERIE, curé de Villeneuve-les-Bouloc (Haute-Garonne).
BALANDIER, ingénieur des ponts et chaussées : Béziers.
BAUDON DE MONY, élève de l'école des Chartes : Paris.
BELLEUD (Eugène de Saint-Jean de) : Castelnau de Montratier (Lot).
BERG (Emmanuel de), docteur en droit : Clermont-Ferrand.
BERCHON, ^, ancien président de l'Académie : Bordeaux.
BLADÉ, II, correspondant de l'Institut : Agen.
BONIE, ^, président de la Société archéologique : Bordeaux.
BOUET (Max), avocat : Saïgon (Cochinchine).
BOURBON (Georges), ||, archiviste du département de l'Eure: Évreux.
BOUTELOU (Emmanuel), O. tgi, directeur des Beaux-Arts : Séville.
BOYER (Germain), docteur en droit: Béziers.
BRAQUEHAYE, II, membre de la Société archéologique de Bordeaux.
CABALLERO INFANTES, O. tgj, de l'Académie de Séville.
CABIÉ (Edmond), ||, de l'École des Chartes : Roqueserrière (HauteGaronne).
CAPELLA (Arthur de), correspondant de l'Académie des sciences, belles-lettres et arts : Puylaurens.
CARSALADE DU PONT (de), ||, chanoine honoraire, secrétaire-général de la Société historique de Gascogne : Auch.
CARTAILAHC (Emile), ^, t^j,|f, directeur des Matériaux pour l'Histoire de l'Homme : Toulouse.
CATTANEO (Raffaele), tgi, architecte : Venise.
CAYROU (Joseph) : La Brède.
CAZAURAN (chanoine honoraire), profess. au Grand Séminaire : Auch.
CÉLESTE, ff, bibliothécaire: Bordeaux.
CHAUDRUC DE CRAZANNES (Henri), O. ^, intendant militaire: Paris.
CHEVALIER (Ulysse), ^, f|, chanoine, correspondant de l'Institut.
CONTRERAS (Raphaël), directeur de l'Alhambra : Grenade.
COUGET (Alphonse), ancien magistrat, vice-président de la Société
des Études de Comminges : Saint-Gaudens. COURTOIS (Raymond de), membre de la Société Niçoise des sciences :
château d'Avesne, par Alais (Gard). COUTURE (Léonce), ||, doyen de la Faculté catholique de Toulouse. CROLLALANZA (Goffredi), i>£i, secrétaire de l'Académie héraldique
italienne : Pise. DARIO (commandant Victor), O. ^ : Toulouse. DESCMET(Commandeur), C. tgi, memb. de plusieurs Académies : Rome. DIEULAFOY (Madame Jane), ^, ||, lauréat de l'Institut : Paris. DIEULAFOY (Marcel), ^, |f, lauréat de l'Institut, ingén. en chef: Paris.
DE LA SOCIÉTÉ. 11
DOUAIS (chanoine honoraire), ||, de l'Acad. des sciences : Toulouse.
DOUBLE (Lucien), homme de lettres : Paris.
DUBOR (Georges de), ||, de plusieurs Sociétés savantes : Paris.
DUBOURG (dom), bénédictin : Solesmes.
DUSAN (général Alphonse), C. ^ : Toulouse.
EVANS, président de la Société des antiquaires : Londres.
EGRIER (Oswald) : Blidah (Algérie).
FABREGAS DOMINGO (Jose) : Terragone (Espagne).
FERRAND, curé de Baurech (Gironde).
FLORENT (Gonzague), chanoine, curé de Conques.
FORT (l'abbé Edmond), archiviste du diocèse d'Albi.
FOURNIER, ^, commandant d'état-major: Tours.
FROMENT (dom), bénédictin : Ligugé.
GALLET, chanoine, présid. de la Commiss. archéologique : Versailles.
GESTOSO Y PEREZ, O. *gi, professeur a l'Académie des arts : Séville.
GRAULE (Henri), membre de la Société archéologique du Midi, curé
de Lescure (Tarn). HAZARD, ^, ancien directeur de la maison centrale : Cadillac. HAUTREUX, ^, membre de l'Académie : Bordeaux. JONQUIÈRE(vic. deTaffanel de la), O. ^, col. du 23e dragons : Sedan. JUMEL (Albert) : Amiens.
LAHONDÈS (de), président de la Société archéologique du Midi de la France : Toulouse.
LALANDE (P), membre de la Société française d'archéologie : Brive.
LARRIEU, de plusieurs Académies, curé de Montbardon (Gers).
LASSALLE (Xavier de), ancien secrétaire-général de la préfecture de Tarn-et-Garonne : Agen.
LASSUS (baron de), président de la Société des Études de Comminges : Montréjeau.
LATIL (dom Augustin de), bénédictin au Mont-Cassin.
LAURIÈRE (Jules de), %$, I. <§|, secrétaire-général de la Société française d'archéologie : Paris.
LAVAL, |f, membre de l'Académie de Vaucluse, médecin-major : Montélimart.
LAUSUN (Philippe), membre de la Société des sciences : Agen.
LAVAUR DE SAINTE-FORTUNADE (Le vicomte de), ^, C. t^i, conseiller d'ambassade : Rome.
MAGEN (Ad.), I. ||, secrét.-gén. de la Société des sciences : Agen. MAIRE (Albert), bibliothécaire de l'Université : Paris. MALAFOSSE (Joseph de), de la Société archéologique du Midi de la France : Toulouse.
12 LISTE DES MEMBRES DE LA SOCIÉTÉ.
MALARTIC (comte Gabriel de Maurès de) : Paris.
MÉNEVAL (baron de), ^, C. tg:, ifc, consul de 1re classe : Florence.
MENSIGNAC (de), || : Bordeaux.
MOLETTE DE MORANGIÈS (Victor de), conservateur des hypothèques : Compiègne.
MONTESQUIEU (baron Charles de Secondat de) : château de La Brède.
MOULENQ (François), président du Tribunal civil : Castres.
NOGUIER, ||, président de la Société archéologique de Béziers.
ONGAGNA (le chevalier), ^ éditeur : Venise.
PAFOURU, archiviste départemental : Rennes.
PASQUIER, archiviste du département de l'Ariège : Pamiers.
PÉRON, O. ^, intendant militaire : Bourges.
PIGANEAU (E), || : Saint-Emilion et Bordeaux.
PUIG, O. ^, commandant de recrutement : Toulouse.
QUÉVILLON (Fernand), ^, ||, chef de bataillon : Boulogne-sur-Seine.
RAMEL (Fernand de), ^, avocat au Conseil d'État, député : Paris.
RENCOGNE (Pierre Babinet de) : Angoulême.
RICHEMOND (de), ||, archiviste du département : La Rochelle.
ROSSIGNOL (Élie), inspecteur de la Société française d'archéologie : Montans (Tarn).
RUMEAU (B.), directeur d'école municipale : Toulouse.
RUPIN (Ernest), 1.1|, président de la Société scientifique et archéologique de Brive.
SABATTIER (baron Marcel de), château de Doat: Eause.
SAINT-BON (le comte Gustave de) : Annecy.
SCHALL (l'Abbé Jules) : château de Gudones (Ariège).
TAMISEY DE LARROQUE, ^, 1.1|, correspondant de l'Institut : Gontaud (Lot-et-Garonne).
THIERRY-POUX (O.), Çfè, conserv. de la Bibliothèque nationale : Paris.
THOLIN, I.1|, archiviste du département : Agen.
TIERNY (Paul), archiviste du Gers : Auch.
TRUTAT (Eugène), I.1|, membre de la Société archéologique du Midi de la France, conservateur du Muséum : Toulouse.
VERNEILH (baron Jules de), inspecteur de la Société française d'archéologie : Périgueux.
VIVIÈS (Paul de), château de Tauriac (Tarn).
VILLENEUVE (Paul), avocat : Nérac.
VILLENEUVE (Léonce de), chancelier de Tévêché de Monaco.
VIVIE (Aurélien), ^, de l'Académie de Bordeaux.
La Société archéologique de Tarn-et-Garonne a publié depuis sa fondation vingt volumes de Bulletin.
Par cette suite de travaux, poursuivis sans défaillance, elle croit avoir accompli une oeuvre utile ; plus que jamais, elle a le désir de la continuer.
Une période d'un quart de siècle ne s'écoule pas, pour une Compagnie nombreuse, sans un tribut, toujours douloureux, payé à la tombe.
Plusieurs de nos collaborateurs des premières années ne sont plus là.
Leur nom reste justement estimé parmi ceux des savants qui ont le plus contribué à l'honneur du département, et notre Société est fîère de les avoir comptés dans ses rangs, de mêler aux leurs ses états de service. Au nombre de ceux qui ont été le plus souvent sur la brèche, il convient de nommer MM. Devais, Louis Buscon, Jouglar, LagrèzeFossat, Mignot, Em. Soleville, Moulenq, Taupiac, général Séatelli.
A ces hommes d'une haute valeur nous devions un nouvel hommage ; il se joint à l'expression de regrets vivement ressentis.
Grâce à Dieu, toutefois, si de semblables érudits ne sont pas remplacés, du moins les vides sont comblés, et de nouvelles ardeurs sont venues soutenir le courage des vétérans ; la Société archéologique n'a jamais compté un plus grand 1893. 2.
nombre de membres, et son activité est bien loin d'être ralentie.
En célébrant ses Noces d'argent, il y a deux ans, elle a retrouvé, ce semble, une jeunesse nouvelle.
Sous de semblables auspices commence le XXIe volume du Bulletin archéologique ; il différera peu de ses devanciers quant au fond et à la forme.
Le progrès de la phototypie l'aidera cependant à faire mieux comme illustration, et une rapide Chronique enregistrera les faits, qui, pour le Tarn-et-Garonne, touchent à l'histoire, à l'art, à la littérature, aux monuments. Ces faits sont généralement signalés par les journaux quotidiens, mais, dans leurs colonnes fugitives, ils ne demeurent pas assez sous la main des compulseurs d'Annales.
Une Bibliographie, très succinte, remplira le même rôle vis-à-vis des ouvrages publiés, soit par nos confrères, soit par nos compatriotes, ou encore par tout autre auteur, si ces ouvrages doivent fournir des éléments utiles à nos recherches.
De la sorte, nous l'espérons, le Bulletin archéologique et historique en parvenant à sa majorité, loin de défaillir, fournira un intérêt plus vivant, et atteindra à un plus grand nombre de lecteurs.
Sic nos Deus adjuvet.
F. P.
STATUE DE L'UN DES FRONTONS D'ÉGINE
HERCULE BANDANT SON ARC
QUELQUES MOTS
SUR
LA STATUAIRE GRECQUE
A PROPOS
DES MARBRES D'ÉGINE
PAR
M. le Comte Léopold DE GIRONDE..
MEMBRE DE LA SOCIÉTÉ.
Pouvais-je, dans un voyage en Bavière, passer indifférent devant les célèbres marbres d'Egine, recueillis à Munich depuis 1812, époque de leur découverte, et qui ont fait la réputation de la Glyptothèque de cette ville? Ils invitent à étudier la plastique grecque, en remontant aux origines, à en suivre pas à pas la transformation et les progrès, depuis les âges où statuaires et coroplastes luttaient sans trêve contre la nature revèche, jusqu'au jour où le ciseau vainqueur des Phidias, des Scopas et des Praxitèle fit resplendir en elle la pure beauté.
Cette histoire est une succession d'incessantes trouvailles qui aujourd'hui nous semblent de peu d'importance; pourtant
16 QUELQUES MOTS SUR LA STATUAIRE GRECQUE,
chacune d'elles représente l'effort anonyme de toute une génération. Un' pareil sujet demanderait de longues et patientes études. Qu'il me suffise, en notant ce que j'ai curieusement examiné au musée de Munich, de jeter un rapide coup-d'oeil sur l'art grec, et de présenter ici, sous forme d'une esquisse, ce que j'appellerai ma bonne fortune archéologique.
Avec les superbes sculptures d'OIympie, d'un faire un peu rude encore, mais large et plein de vie, nous assistons à l'éclosion d'une esthétique nouvelle que l'école d'Athènes bientôt perfectionnera. Dans les créations d'Egine, rien de l'esprit de liberté qui souffle sur le continent grec, après les guerres persiques : Pausanias le constate, les Eginètes, sans doute en leur qualité d'insulaires, ont des traditions bien à eux, et ces traditions sont un peu étroites. Ce n'est pas, comme à Olympie et au Théséion d'Athènes, le Parthénon en préparation, c'est plutôt le dernier mot d'un genre qui va finir; l'on sent qu'il ne se transformera pas.
Il n'en est pas moins intéressant de s'arrêter devant ces restes d'un temple jadis en honneur, et de reconnaître les progrès dont sa sculpture est l'expression.
L'art de la statuaire grecque, au Ve siècle, a paru s'épanouir rapidement dans toute sa splendeur, comme un bourgeon qui éclate; pourtant, quel temps n'a-t-il pas fallu pour préparer et élaborer cet épanouissement !
Si nous remontons au VIIe siècle avant Jésus-Christ, nous voyons le Péloponèse et les Iles, sous la domination dorienne, ne produire que des fétiches rudimentaires, d'après des modèles venus d'Egypte, alors que l'art égyptien était lui-même en complète décadence: c'est l'époque du tronc d'arbre, de la galette, aussitôt suivie de la gaîne; puis, par une hardiesse plus grande, on arrive à plaquer des bras le long du corps humain; puis, tandis que l'un
A PROPOS DES MARBRES D'ÉGINE. 17
des deux bras reste collé au corps, l'autre, replié, tient un objet symbolique, colombe ou fleur; et ce fut là pendant longtemps une attitude classique.
C'est par le contact avec la civilisation de l'Orient, dont les Phéniciens furent comme les courtiers, que la Grèce sortit de la nuit artistique : mais elle ne tarda pas à s'affranchir complètement de cette influence et à se déployer dans ce style archaïque, qui n'est autre chose que le génie hellénique se cherchant et se trouvant, conquérant enfin son originalité, après avoir rejeté loin de lui l'inspiration étrangère. A ce moment nous assistons à la transformation des visages dans la statuaire en pierre et dans sa fidèle suivante, la petite figurine de terre-cuite. Partout, aux yeux bridés, allongés encore par une double ligne horizontale, à la manière de l'Orient, a succédé le type grec primitif, caractérisé par des yeux bien ouverts, formant un peu le triangle, par un menton fort, avec fossette, et un nez fort continuant la ligne du front. L'Egypte avait appris aux Grecs à faire un geste, un seul : bientôt Dédale, ou plutôt une pléiade de sculpteurs inconnus englobés sous ce nom, donne aux statues, avec le mouvement, une telle apparence de vie, qu'on est obligé, raconte une délicieuse légende, de les attacher, de peur qu'elles ne courent, d'elles-mêmes, par les chemins. Voilà que la chevelure, à son tour, fait un effort pour s'assouplir. Déjà a percé depuis longtemps ce sourire ionien, qu'on a appelé aussi éginétique, ce sourire qui relève, un peu mécaniquement, les coins de la bouche, mais d'où commence à découler l'expression, ce sourire qui joue un rôle immense, à cette époque, celui de nous rendre bienveillante la divinité, jusquelà imperturbable, et de l'humaniser. Enfin, la Grèce substituera aux yeux vides de ses statues les yeux clos — ou miclos; c'est l'entrée en scène de la paupière, élément de vérité, qui donnera au regard ce qui lui manquait, l'expression.
48 QUELQUES MOTS SUR LA STATUAIRE GRECQUE,
Toutes ces particularités, nous les trouvons, à des degrés différents, dans les marbres d'Egine, qui ne sont autre chose qu'un archaïsme tel qu'on pouvait l'attendre du Ve siècle à son début. Tous ces traits primitifs du génie grec, que Phidias refondra et ressuscitera à nouveau dans une facture large et dans un esprit de liberté, ils sont encore là, sous nos yeux ; nous allons les passer en revue.
Bien qu'elles se rattachent directement à la tradition dorienne, les sculptures de ce temple ne représentent plus, comme autrefois, des scènes de centauromachie, ni les traditionnelles luttes athlétiques : ce sont des épisodes guerriers empruntés aux récits d'Homère et inspirés par les récentes victoires remportées sur les Perses. Les vaisseaux des Éginètes, réunis à ceux des Athéniens, avaient battu les barbares à Salamine; il était naturel que leur temple (il est supposé dater de 478 avant Jésus-Christ) célébrât les hauts faits des Eacides, leurs ancêtres, au siège de Troie, et, à travers ces hauts faits, leurs propres victoires. La divinité, qui préside à tous les actes privés et publics de la vie des Grecs, assiste au combat, sous les traits de Minerve. La déesse est raide; c'est sans doute la raideur de la fatalité : avay/./, ; on dirait un fantôme évoqué de l'Olympe. Sa présence électrise les hommes, avivant en eux cette mâle énergie propre à la race dorienne, cette énergie qui, par la suite, expliquera l'héroïsme d'un Léonidas.
La comparaison entre les deux frontons du temple fait ressortir d'une manière fort inattendue la rapidité du développement de l'art grec. Le style du fronton occidental, le seul que le hasard des fouilles ait fait revivre dans son ensemble, se trouve être beaucoup plus ancien. Comment expliquer un contraste aussi marqué? La façade du temple, suivant la coutume observée clans l'antiquité, regardait l'Orient. Est-il admissible que le fronton opposé à l'Orient, opposé par conséquent à la façade, ait été exécuté le premier,
A PROPOS DES MARBRES D'EGINE. 19
longtemps avant l'autre? Evidemment non. Le groupe occidental a dû être l'oeuvre d'un vieux praticien, habile, mais muré dans les traditions du passé, tandis que le groupe oriental a dû avoir pour auteur un artiste jeune, tout gagné aux principes de la nouvelle école qui nous amène à Phidias.
Le fronton oriental, dont la supériorité s'affirme par une plus grande liberté du ciseau et une certaine expression intellectuelle, retrace un épisode guerrier dont le sens n'a pu être bien précisé. L'opinion la plus accréditée est qu'il s'agit ici de la lutte d'Hercule et de Télamon contre Laomédon. (Iliade, d'Homère.) L'événement qui acheva la ruine du temple, cyclone humain déchaîné par Alaric, ou tremblement de terre, dut mettre les groupes en pleine déroute. On n'a pu les rétablir. Munich ne possède, de ce fronton, que des fragments, et quelques sujets isolés 1, dont je mets les photographies sous vos yeux. Je n'en veux citer que deux.
C'est, avant tout, Hercule qui s'arc-boute et bande son arc (fig. 54) ; son corps est beau ; l'aplomb en est admirable ; le guerrier porte un casque collant, dont la partie antérieure représente une tête de lion ; son torse est serré dans une mince cotte d'armes, sur laquelle est posée une cuirasse d'étoffe raide se terminant, dans le bas, par de larges bandes de cuir. Le vêtement, simple, est d'une grande vérité. C'est de beaucoup, à mon avis, de toutes les figures des frontons d'Égine, la plus élégante, celle qui a le plus de physionomie, si l'on peut appliquer ce mot au seul galbe. On reste frappé d'admiration devant l'aisance de mouvements de cette robuste et souple jeunesse. Le dessin de la bouche et des yeux est tout à fait conforme à la nature, et ce qu'il y a de très particulier, c'est la
Voir les photographies qui portent les nos 54, 55, 57, 58.
20 QUELQUES MOTS SUR LA STATUAIRE GRECQUE,
tension d'esprit que l'on sent dans toute la personne du héros troyen. C'est fini ; l'archaïsme a fait son temps ; cette figure ne lui appartient plus.
La figure 58 représente un homme nu. Malgré la douceur du climat de la Grèce, on a quelque peine à se figurer ces nudités émaillant un champ de bataille. On sait que Phidias n'a sculpté qu'une seule fois une figure entièrement nue; on la voyait sur un bas-relief du Jupiter Olympien. Elle est nue... Comment ne l'eût-elle pas été? c'est une Vénus sortant de l'onde! Mais Phidias a eu au service de son génie la draperie, cet art, plein de séductions, dont il a centuplé les ressources. Les sculpteurs des époques antérieures, plus désemparés, ont craint un écueil : la froideur; ils ont voulu rompre à l'avance une impression possible de monotonie; leur but, il y a toute raison de le croire, en associant aux personnages vêtus les personnages nus, a été d'introduire dans leur oeuvre un élément de variété ; c'est un compromis passé entre la réalité et l'art. Ici, il semble que nous n'ayons pas affaire à un guerrier. Si l'on en juge par les fonctions qu'il exerce, c'est une sorte d'infirmier militaire, moins la tenue. Voyez!... il se penche vers un blessé pour le saisir, et l'emporter dans ses longs bras, loin du champ de combat!... Son corps d'infirmier est d'une beauté commune; le sourire stéréotypé, un peu benêt, de l'inexpérience archaïque flotte encore sur les lèvres; une chevelure aux boucles conventionnelles garnit régulièrement son front; roulée en deux tresses autour de sa nuque, elle laisse apparaître, en dessous, de tout petits cheveux courts. M'appuyant sur l'opinion de J.-M. Wagner 1, je ne pense pas que sa tête, cette tête placée au-dessus d'un corps complètement nu, ait jamais porté bonnet ou casque.
Le savant allemand qui, par ordre de Louis 1er, fit l'acquisition des marbres en 1812.
A PROPOS DES MARBRES D'EGINE. 21
Ne riez pas!... la remarque a une grande importance : de ce que cette tête a toujours été découverte, il faudra conclure que sur la partie unie du crâne, des cheveux plats ont dû être figurés à l'aide de la peinture, ce qui s'accorde parfaitement avec l'idée d'une polychromie générale dont je vous entretiendrai tout à l'heure.
Dans le fronton occidental 1, l'anatomie des sujets est parfaitement rendue; la musculature, les gestes, les poses sont très vrais. L'étude est poussée au point, qu'on distingue les veines des mains et des bras. Les proportions du corps ne sont cependant pas toujours irréprochables et des traits d'archaïsme se laissent surprendre un peu partout, dans ces yeux, à fleur de tête, avec relèvement de l'angle extérieur, dans ce nez dont la ligne prolonge la ligne du front (fig. 65), dans ce menton trop lourd (fig. 59 et 60). Quant à l'expression de ces visages, elle se réduit à bien peu de chose : à beaucoup de finesse et un peu de fadeur sur la face du beau Paris (fig. 66), à une imperceptible moue pour indiquer la douleur chez le blessé n° 94... Pardonnezmoi, je suis vraiment confus de m'exprimer ainsi en parlant d'un héros... d'Achille peut-être!
Aucun lien n'unit entre eux les différents acteurs de cette scène; ce sont des guerriers juxtaposés, qui, dans des attitudes exactes et bien déterminées, semblent combattre autour de leurs blessés et de leurs morts; en réalité, ils sont figés, ils ne combattent pas. On ne voit pas dans ce tableau la fougue et la dépense de vie que suppose une mêlée, ou même un simple engagement. Pris à part, les visages sont des masques uniformes. Ce qui triomphe dans cet art, c'est le culte de la forme humaine pour elle-même; l'expression est absente. L'oeuvre d'Égine ne fait pas faire à l'esthétique
Voir les trois photographies qui représentent l'ensemble du fronton; à leur défaut, les plâtres de l'école des Beaux-Arts.
22 QUELQUES MOTS SUR LA STATUAIRE GRECQUE,
un grand pas en avant, elle marque plutôt la fin d'une ancienne manière dont il a été tiré tout le parti possible.
" Viens, Ajax, ô bien-aimé, courons nous battre pour le cadavre de Patrocle ! » (Iliade, ch. XVII).
Tel est le sujet du groupe. Ici, Patrocle n'est pas mort, il n'est que blessé, et Minerve, comme vous le voyez, se tient debout près de lui, bien de face, le bouclier dans la main gauche, dans la droite une lance inclinée. Je réviendrai tout à l'heure sur cette instructive figure. C'est la partie culminante du fronton : en cet endroit le groupe était plus étoffé qu'il ne l'est aujourd'hui; l'aspect général était plus riche et plus varié. Une figure occupant une position analogue à celle du n° 58 du fronton oriental devait se trouver à la tête de Patrocle. Au reste, dans l'arrangement actuel, dont les photographies vous donnent l'idée exacte, les guerriers se trouvent campés au petit bonheur de la restitution 1. Il est certain, en tous cas, qu'ils étaient beaucoup plus serrés dans le champ du fronton qu'ils ne le sont sur leur base moderne.
Je ne m'attarderai pas à vous faire le compte des petits trous que vous voyez pratiqués, un peu partout, et qui servaient à fixer, par des incrustations de marbre ou de métal, les armes et accessoires de tenue des combattants. Je me hasarderai moins encore à vous présenter des guerriers dont un catalogue, peut-être trop obligeant, a bien voulu me faire faire la connaissance : Ajax, me dit-on ! (n° 61) ; le bouillant Achille (n° 64), c'est bien lui, décidément, très éteint ici, et pour cause! Du côté des Troyens, un problématique Énée (n° 65), et le très authentique Paris, dont le joli visage dénonce l'incognito (n° 66), etc., etc. Mais ce que je vous ferai observer avec plus de complaiLes
complaiLes statues découvertes en 1811, gisaient, brisées en morceaux, autour du temple d'Athéné; elles durent, avant tout, subir une restauration; Thorwaldsen l'exécuta merveilleusement.
STATUE DE L'UN DES FRONTONS D'ÉGINE
A PROPOS DES MARBRES D'ÉGINE. 23
sance, c'est la ligne onduleuse, c'est le galbe harmonieux de ces sculptures servant de diadème à un temple. Une critique est permise pourtant : l'art architectonique n'impose, ni ces attitudes absolument similaires, ni ce parallélisme rigoureux. A cette symétrie trop apparente va bientôt succéder la symétrie cachée de l'école d'Athènes : Phidias, car il faut toujours en revenir à lui, comme au summum de l'art, non seulement liera et enchaînera entre elles ses figures, mais encore établira dans l'ensemble de sa décoration une pondération, un équilibre, destinés à remplacer très heureusement l'ancienne et servile symétrie.
En art, qu'il s'agisse d'une oeuvre sculptée ou d'une oeuvre peinte, d'un fronton, d'une statue ou d'un tableau, la symétrie doit exister, mais, pour ainsi dire, virtuellement.
Un mot maintenant de notre Minerve, le plus important des personnages du groupe : La déesse, d'un style encore un peu primitif, à en juger par tous les détails doriens épars sur sa massive personne (le visage carré, qui indique la ténacité, la poitrine épaisse et proéminente, en sont les traits saillants), porte une égide qui, selon toute apparence, avait dû être peinte en écailles ; on ne lui voit aucune couture; un simple trou semble avoir laissé passer la tête. Au centre se trouvait fixée une Gorgone de métal. Sur la tête, un casque aux ornements de métal peints, dans lequel, comme il convient, la chevelure était emprisonnée. Des boucles d'oreilles également en métal constituaient la seule parure de la déesse. Mais ce qui fait presque tout son mérite, à nos yeux, c'est la façon dont elle est drapée. Une part à peu près nulle étant faite à la draperie, dans cette scène guerrière, c'est à Minerve seule qu'on peut demander comment les Eginètes l'entendaient, à cette époque.
Dès que l'art de la draperie, en Grèce, prit quelque importance, il revêtit la forme dorienne. L'étoffe lourde,
24 QUELQUES MOTS SUR LA STATUAIRE GRECQUE,
consistante, dans les premiers âges, ne dessina pas le corps humain. Le petit pli de cette étoffe sur une poitrine de femme, en accusant les contours, fut un événement heureux; il fallut des siècles pour y atteindre. Un plissage vertical, régulier, comme cannelé, rappela longtemps la colonne dorique. Ces cannelures profondes, nous les retrouvons dans la Minerve « au collier » du Louvre, réminiscence de celle du Parthénon. Phidias, dans sa première manière, les avait encore conservées parce qu'elles donnaient à son oeuvre un aspect, non pas seulement sculptural, mais architectural. Quand la grande nouveauté, la draperie mouillée vient à se faire jour, enveloppant de grâce les figures de la frise des Panathénées, déesses et femmes tout ensemble, nous la voyons jouer un rôle dans le personnage; sa souplesse laisse transparaître les formes de la vie ; elle participe à cette vie; ses lignes fines et multipliées se brisent, se confondent et pour ainsi dire frisent sur le corps.
Il est piquant de constater, dans ces draperies adorablement belles, un certain maniérisme de détail, dû peut-être à la main de quelque élève: il se manifeste par le froissement des étoffes; celles-ci ont comme des remous, et ressemblent à ces petits tourbillons d'écume qui se forment au sommet des vagues marines, exagérations de métier sur lesquelles Pline a porté ce jugement : « tenuitate subtilior. »
Au sortir de cette époque sans rivale, nous nous acheminons progressivement vers le nu féminin. Les statues d'hommes, en ces temps-là, étaient vêtues de tuniques flottantes, et les femmes, par l'effet de ces fines étoffes collantes, tendaient de plus en plus vers la nudité. Arrivée à la Vénus de Milo, c'est-à-dire à la fin de la première moitié du IVe siècle, la draperie glissera jusqu'à la ceinture, pour aboutir, soixante-dix ou quatre-vingts ans après Phidias, au nu absolu, dans l'école de Praxitèle.
J'en reviens à présent à notre Minerve du fronton occi-
A PROPOS DES MARBRES D'ÉGINE. 25
dental : il émane d'elle, comme un rayonnement; elle est là, au centre de l'action, plantée droit comme un drapeau. Si son rôle n'exige pas la grâce, il exige la noblesse, et elle l'a. Sa longue tunique, d'une étoffe fine, mais de forme sévère, son peplos, fixé sur l'épaule droite et retombant en plis rigides sur le côté, conviennent bien à son caractère de déesse guerrière ; la sobriété de cette draperie n'est même pas exempte d'une certaine élégance. Dans les derniers siècles de l'antiquité grecque, le vêtement consistait en une pièce d'étoffe, et la manière de le porter pouvait être noble, élégante, harmonieuse, à des degrés différents. Au XIXe siècle, si vous avez un mauvais tailleur, fussiezvous un Adonis, malheur à vous ! Dans l'antiquité, « c'est le moine qui fait l'habit; » d'un geste, l'homme imprime son caractère au vêtement. Eh bien, la Minerve d'Egine n'en est pas encore à ce point où la draperie ajoute au caractère de la personne. Les plis de la tunique et du peplos sont encore tout systématiques..; pourtant dans ces plis une grâce commence à naître : la draperie dorienne le cède à la draperie ionienne, et nous avons devant nous le type de transition qui précède immédiatement la venue de Phidias.
Les Grecs peignaient-ils leurs sculptures? La science contemporaine a répondu : « oui. » Le dernier mot qui ait été dit sur ce sujet est d'un Américain, M. Robinson . Fort de tous les documents connus jusqu'à ce jour, il précise et, autant qu'il est possible, éclaire la question.
C'est en France qu'elle fut, pour la première fois, agitée, cette question de la polychromie de la statuaire grecque.
Cette Étude a paru, l'année dernière, dans une Revue anglaise : The Century Magazine.
26 QUELQUES MOTS SUR LA STATUAIRE GRECQUE,
Nous sommes des pionniers, et d'autres pays, plus patients dans les recherches, nous dépassent... Aujourd'hui voilà notre découverte qui nous revient, après avoir fait le tour du monde.
Nous savons qu'il a été d'usage chez les Grecs, et plus tard chez les Romains, de peindre les statues et les reliefs en marbre ; que chez eux la peinture n'a pas été réservée aux seuls détails et accessoires, mais a couvert toutes les surfaces. Il n'y a d'exception possible que pour un certain marbre coloré, aux teintes choisies, dont étaient faites les figures des frontons du Parthénon; je veux parler de ce marbre pentélique dont L. de Ronchaud, dans Phidias, sa vie et ses ouvrages, dit : « Ce beau marbre transparent, aux tons chauds, devait imiter la chair, à la façon de l'ivoire dans les statues chryséléphantines. »
Le Parthénon lui-même était revêtu de couleurs qui, par leurs harmonieuses dispositions, faisaient valoir ses sculptures, et si la polychromie des édifices de date antérieure est moins bien établie, on sait cependant que les murailles des temples recevaient une polissure, opération par laquelle, avec des matières grasses et des linges, on donnait une patine à leurs marbres. Mais ne nous écartons pas de la sculpture : nous savons que les peintures dont elle était l'objet ne consistaient pas en estompages plus ou moins adoucis, mais en applicages de couleurs d'un ton très franc-.
Cette polychromie accentuée serait volontiers, à notre époque, traitée de violente et d'excessive : on ne saurait la mettre en doute; les textes et les monuments en font foi.
Plutarque parle quelque part de ces grands acteurs tragiques, lesquels « sont comme les enduiseurs de cire qui dorent et mettent la couleur. » Platon, dans ses écrits, a fait allusion aux statues qu'on peint, donnant, dit-il, aux
A PROPOS DES MARBRES D'ÉGINE. 27
yeux, comme à chaque partie du corps, la couleur qui leur convient. Pline enfin, parlant du célèbre peintre Nicias, cite l'éloge que fait de lui Praxitèle, au sujet de sa façon d'enduire les marbres.
Voilà pour les textes.
Les métopes du temple d'Olympie, — je ne remonte pas au-delà du Ve siècle, — ont été trouvées avec quelques vestiges de couleur, bien faibles, à la vérité.
Le temps a détruit toute trace de coloration sur ce qui nous reste de fragments du Parthénon ; mais, d'une part, les objets en métaux de couleur, bronze, or et argent, dont ces fragments étaient ornés, ne se seraient pas harmonisés avec la froideur du marbre; d'autre part, tels gestes de certaines statues des frontons ont une direction, une obliquité, un raccourci, qui ne peut avoir son effet complet et juste qu'avec la peinture.
Sur la frise du mausolée d'Halicarnasse, monument du IVe siècle, on voyait, disent les auteurs du temps, des chairs d'un rouge sombre (quelle réminiscence de l'Egypte!...), des draperies vermillon, des tons bleus et d'autres couleurs.
Une Aphrodite peinte, de l'époque hellénistique, a été découverte à Pompéï.
Enfin l'époque romaine, elle aussi, a apporté sa pierre, ou plutôt son marbre à l'édifice de la polychromie : le Vatican possède une statue d'Auguste qui porte encore les traces de la peinture dont elle fut enduite.
Voilà pour les monuments.
Nous pouvons le dire avec une entière certitude, la statuaire grecque a été peinte dès l'origine et jusqu'à la fin. Les motifs de sculpture les plus frustes et les plus primitifs ont été, dans leurs parties les plus importantes, comme soulignés par la peinture ; tous les antiques que l'on voit en notre riche musée du Louvre étaient peints, eux si blancs aujourd'hui... pourtant une ombre de peinture se devine
28 QUELQUES MOTS SUR LA STATUAIRE GRECQUE,
encore sur certaines chevelures ; l'Aphrodite du VIe siècle, qui, d'un geste expressif, se comprime les seins de ses deux mains, était peinte, tout comme cette divine Vénus de Milo que l'Europe nous envie.
Je le répète, cette polychromie hardie nous a fait peur. On a cherché, sous prétexte d'harmonie, à en atténuer la prétendue dureté; on a voulu, au bleu substituer du mauve, au rouge, du rose ou du lilas, en un mot cantonner l'art grec dans les tons fades et doucereux, ou dans les demiteintes ; mais la vérité archéologique proteste contre de telles timidités. La tradition grecque est fille de la tradition égyptienne, et les ancêtres des statues grecques sont ces statues d'Hâtor et de Sèti Ier, dont on peut admirer au Louvre les tons, à la fois soutenus et concordants. Chez les unes, comme chez les autres, la coloration était franche et lumineuse.
Une seconde question naturellement se pose : En Grèce, la couleur imitait-elle la nature? — Oui et non... l'imitation, en tous cas, devait être fort indirecte.
Le portrait de l'homme, l'imitation exacte de la nature par le paysage peint, sont choses toutes modernes. Les anciens ne puisaient dans la nature que des inspirations générales, qu'ils traduisaient ensuite par le style, et par ce qu'on a défini dans ces derniers temps d'un mot très heureux... l'eurhytmie. Ils imitaient la nature, de loin, dans une sorte de généralisation conventionnelle; leurs couleurs, franches et vives, devaient s'harmoniser à ravir avec ses tons chauds et avec sa netteté. Dans les frontons du temple d'Égine ils l'imitaient, par ce fait que leur coloration donnait du relief et de la profondeur à ces personnages figurés qu'on voyait se détacher, en plein ciel, dans l'air léger et la pure lumière de Grèce ; l'expression de la vie en était augmentée en eux : n'est-ce pas la meilleure manière de se rapprocher de la nature?
A PROPOS DES MARBRES D' EGINE. 29
A cette coloration venait s'ajouter l'effet complémentaire de tous les accessoires en métal, brides, lances, armures, casques, sandales, panaches même, et de tous les objets symboliques. Rien de ces teintes nuancées, où se complaisent trop souvent nos mièvreries, mais des tons vifs, aux oppositions calculées, éclatant sur les surfaces unies, dans les ornements, jusque dans les plis et le sinus des étoffes.
Pour ne pas faire fausse route et juger sainement un ensemble aussi étranger à nos moeurs, il ne suffit pas, en vérité, d'avoir le sens des choses d'art, il faut se faire l'esprit antique.
En somme, car une conclusion s'impose, les sculptures du temple d'Egine exilées à Munich, décolorées sous l'action de l'air, privées de leur piédestal naturel, forcent encore l'admiration par leur ampleur décorative, par leur précision, qui rappelle le travail du bronze, et par de remarquables qualités d'observation; mais elles ont de la sécheresse et une certaine maigreur. Ce qui en fait le plus grand intérêt, c'est qu'elles marquent, ainsi que je l'ai dit plus haut, dans leur perfection relative, la dernière étape de l'archaïsme; c'est enfin que l'art hellénique, en elles, est arrivé à s'affranchir de tout mythe et de toute formule officielle. Déjà, au travers de la légende homérique, je vois des personnages, conçus dans un esprit réaliste, prenant part à des scènes de la vie réelle; c'est la modernisation qui commence. Le Ve siècle n'aura pas achevé sa course, que le type divin, l'idéal constant des artistes grecs, se sera transformé, perdant sa noblesse conventionnelle et revêtant ces formes familières que les terres-cuites de Tanagre, reflet de la grande statuaire, nous ont montrées sous un aspect si séduisant. Cependant cette familiarité même est un indice : les dieux s'en vont! Aux esprits de la terre, du ciel et des eaux, personnifiés par la mythologie antique, a succédé un
30 QUELQUES MOTS SUR LA STATUAIRE GRECQUE.
petit nombre de divinités sensuelles; le sens religieux, émoussé peu à peu, les idoles vermoulues s'effondrent... le christianisme est proche.
La nation grecque, dans son enfance, a été à l'école de l'Orient ; à son tour, elle a engendré notre civilisation occidentale. Les Grecs, on l'a dit, sont les premiers des modernes.
POÊLE EN FONTE D'ORIGINE FLAMANDE
POÊLE EN FONTE D'ORIGINE FLAMANDE
LES
PLAQUES DE FOYER
Lecture faite à la Société archéologique le 2 novembre 1892,
PAR
M. le Baron DE RIVIÈRES,
Membre de la Société.
(Suite et fin .)
IV.
Chiffres, Emblêmes, Légendes.
Dans cette série il n'y a guère qu'une douzaine de plaques, indépendamment de celles répandues dans le Dauphiné, provenant de la fonderie de la Chartreuse de Durbon. La plus belle comme netteté est probablement celle de l'hôtel de Gorsse, à Albi. ornée d'L couronnés.
Dans l'ancien château de Bezannes, 1er canton de Reims (Marne), une plaque porte ce texte et cette date : Induam vos arma lucis, 1564 2.
(Envoi de M. Jadart.)
Voir le Bulletin archéologique de 1892, t. XX, p. 286.
2 Paraphrase du texte : Induamur arma lucis; Saint-Paul, ad Rom., XXII, v. 12,
32 LES PLAQUES DE FOYER.
Plaque terminée dans le haut en pignon aigu. Bordure formée d'une sorte de chaîne en relief. Dans le champ, une étoile à huit rayons, formée aussi par des anneaux de chaîne comme la bordure 1. A droite un N, à gauche un A formés de même.
Cette plaque, qui doit dater du XVIe siècle, est aujourd'hui conservée au Musée de Montauban et placée dans la salle dite du Prince-Noir, au foyer de la cheminée, qui provient elle-même du collège de Saint-Nicolas-de-Pélegry, aujourd'hui démoli.
Grande plaque de cheminée du temps d'Henri IV, aux chiffres et attributs du roi. — Provient de la Charité-sur-Loire (Nièvre). (Catalogue du musée de Cluny, 1892, n° 3,236.)
Plaque avec lettre H brochant sur 2 caducées en sautoir, le tout dans un cartouche. Commencement du XVIIe siècle.
(Musée Carnavalet.)
Au musée du Louvre on voit une plaque provenant du château de Villeroy. Elle date du règne de Louis XIII, et est ornée au centre d'un H brochant sur un trophée formé d'un sceptre, d'une main de justice et d'une épée.
(L'Art pour tous, 15 décembre 1868.)
Au musée de Cluny on voit une plaque provenant aussi du château de Villeroy. Elle paraît dater de l'époque de Louis XIII, et est ornée au centre d'un cartouche portant un H accompagné d'une massue et de deux caducées.
(L'Art pour tous, 15 décembre 1868.)
Plaque hexagone. Au centre une grosse fleur de lys et au-dessus un soleil, la fleur de lys entourée de deux palmes liées par un ruban, terminées par deux soucis. XVIIe siècle.
(Moissac, collection du P. Daniel.)
Plaque sur le champ de laquelle se trouve une croix formée de huit L accolés deux par deux, cantonnés d'une fleur de lys et
Voir dans les Gaufriers du Musée d'Orléans, pag. Il, par Mgr Barbier de Montault, l'explication de cette chaîne et de cette étoile à huit rayons, nommée Sceau de Salomon.
PLAQUES DU MUSÉE DE MONTAUBAN.
LES PLAQUES DE FOYER. 33
surmontés d'une couronne royale fleurdelysée. Entre les couronnes, la devise XRS • VINC ■ REGN • IMP (Christus vincit, regnat, imperat). Doit dater du temps de Louis XIV. Belle plaque d'une grande pureté de fonte.
(Albi, hôtel de Gorsse, place du Bouge.)
Plaque à pan coupé portant les chiffres
+ M
I H S MA
IH S
ainsi disposés.
(Musée Carnavalet.)
La plaque en fonte du foyer du château de Loppy-sur-Loison (Meuse), propriété de M. le marquis d'Imécourt, figure deux mains qui se croisent au-dessus d'une ancre et qui étreignent deux coeurs enflammés. Au-dessus d'elles plane l'Esprit saint et se déroule la devise un peu prétentieuse : HOC FAC ET VIVES 1. L'allégorie est alambiquée, elle signifie tout simplement l'union de deux époux sous la protection de la Religion, qui, en effet, leur assure la vie future en laquelle ils espèrent; la flamme du foyer motive celle du coeur. M. Léon Germain a démontré que les plaques avaient ordinairement un sens mystique qu'il n'est pas toujours facile de saisir.
(Mgr Barbier de Montault, Journal de la Société d'archéologie lorraine, mars 1889.)
Grande plaque de fonte. Deux pelles de boulanger en sautoir, une oie et divers pains. Inscription : PVGR ■ FLMY. — Même provenance que la plaque 114 du musée de Moulins.
(Musée de Moulins, catalogue, n° 120.)
La chartreuse de Durbon (Hautes-Alpes), détruite à la Révolution, possédait au XVIIIe siècle une fonderie établie dans la ferme de Rionfroid par les Chartreux. On rencontre assez communément dans les Alpes des plaques de cheminée qui en proviennent. Elles portent une date et les inscriptions : FERRVM DVRBONIS.
Luc, X, v. 18.
1893. 3.
34 LES PLAQUES DE FOYER.
— INSIGNIA DOMVS DVRBONIS. — DVRA BONIS SED VTILIS, etc., autour d'une croix. Cette dernière légende était devenue la devise des Chartreux de Durbon.
(Répertoire archéologique du département des HautesAlpes, par J. Roman; Paris, 1888, Imprimerie nationale, in-4°, pag. 97.)
Plaque représentant Louis XVI signant la Constitution, figurée par une tablette que lui présente la Renommée. Au bas on lit : LOUIS XVI SIGNANT LA CONSTITUTION.
(Musée Carnavalet.)
V. Sujets divers.
Cette série se compose de cinquante-deux plaques. Elles sont assez variées, et la plus remarquable paraît être celle celle figurant Charles Ier? à l'hôtel de Gorsse, déjà mentionnée, à Albi.
L'Art pour tous, dans son numéro du 15 janvier 1861, a donné le dessin d'une cheminée royale par Philibert de l'Orme 1. La plaque de cette cheminée est unie, mais découpée dans le haut et terminée en forme de fer de lance.
Plaque terminée en forme de fronton. Dans le champ, un seigneur à cheval tient une épée haute. Il est précédé d'un page portant son bouclier et suivi d'un autre personnage; ils sont tous vêtus comme au commencement du XVIe siècle. Une inscription peu lisible règne sur le bord ; je n'ai pu bien lire que le mot VIRTUTEM. (Musée de la Porte-de-Hal, XVIe siècle.)
(Dictionnaire de l'Ameublement, par Henry Havard, tom. II, pag. 808; Paris, Quentin, in-4°.)
Charles Ier? revêtu d'une armure, le collier d'un ordre sur la poitrine. Il tient un trident de la main droite. A ses pieds sont des
1 Né à Lyon vers 1518, mort à Paris en 1577.
LES PLAQUES DE FOYER. 35
chevaux marins nageant sur des ondes. Au-dessus de la tête du roi, un génie tient une conque marine. A sa gauche vole une Renommée tenant une trompette, à laquelle est suspendu un étendard portant une inscription. XVIIe siècle.
(Albi, hôtel de Gorsse, place du Bouge.)
Grande plaque cintrée en anse de panier, formée de lames de fer placées l'une sur l'autre, comme des lames de persienne, et rivées par de gros clous à tête ronde. Dans le haut une grande fleur de lys brochante; dans le bas de la plaque une sorte d'accolade. Provient du château du Bosc (Aveyron), et est maintenant placée dans l'hôtel de Toulouse-Lautrec, à Albi. Date du XVIIe siècle.
Dans la maison Mila de Cabarieu, plaque de grande dimension, formée de douze lames de fer retombant l'une sur l'autre comme des lames d'ardoise. Ces lames sont sans ornements, celle du haut accrochée au mur par deux anneaux de fer.
(Montauban, Tarn-et-Garonne.)
Plaque avec écusson rappelant un peu, par sa forme, les écussons allemands. C'est une sorte de cartouche. Dans le champ une rosace affectant la forme d'une roue sans jantes. Doit dater du XVIIe siècle. Plaque cintrée dans le haut.
(Narbonne, maison Ingrand, rue Saint-Eutrope.)
Femme assise sur une digue de branchages tenant un chapeau au bout d'une pique. Devant elle, le lion néerlandais et au-dessus la devise PRO PATRIA. Plaque cintrée, bordure de rinceaux. XVIIe siècle.
(Albi, rue Saint-Clair, hôtel de Rivières.)
Une répétition de cette plaque se voit à Toulouse, rue Pargaminières, hôtel Lagaillarde.
Autre répétition de cette plaque, photographiée par Cl. Sipière 1 et mentionnée dans le Bulletin de la Société archéologique du Midi, année 1885, pag. 23. On y lit la date 1644.
Membre de la Société archéologique du Midi.
36 LES PLAQUES DE FOYER.
Petite plaque brisée. Le champ portait un lion couché ayant un enfant sur son dos. Au-dessous la date 1697 et les lettres NVD, et au-dessous une inscription dévorée par le feu. On y distingue seulement DEP .... AMS. Une bordure de fruits contourne la plaque, qui semble hollandaise.
(Albi, hôtel de Toulouse-Lautrec.)
Grande plaque provenant d'une maison démolie en 1888 rue de Rémusat, à Toulouse. On y voit une femme nue assise sur un char, la tête couronnée d'épis de blé. De la main droite elle tient une grappe de raisin. Au-dessus est le mot TERRA. La plaque est cintrée et terminée par une coquille entre deux dauphins.
Autre petite plaque. Au milieu, dans un médaillon suspendu par un ruban, un perroquet becquetant des fruits. Coquille et dauphin dans le haut. Cette plaque est semblable à celle qui se trouve dans une chambre au château de Rivières. Même provenance que la précédente. Hauteur, 0 m. 57 c.; largeur, 0 m. 38 c.
A la description ci-dessus, nous joignons le cliché photographique de cette plaque, fait par un jeune aspirant de marine. (Voir pl. I.)
Autre plaque. Au centre un pommier chargé de fruits. A droite un seigneur debout, costumé comme au temps de Louis XIII, grand chapeau à plume, grande collerette, longs cheveux, justaucorps et bottes à chaudron. De la main droite, passée derrière le dos, il tient la garde de son épée, que retient un baudrier passé en sautoir; de la gauche, il tient un bâton. A gauche de l'arbre une dame, aussi debout, porte de la main droite une rose et de la gauche un éventail. Ses cheveux sont relevés; elle a au cou un collier de perles; un fichu négligemment noué lui couvre la poitrine. Le corsage est séparé de la jupe à plis droits; des dentelles garnissent le bas des manches. La plaque est cintrée et ornée dans le haut de dauphins et d'un globe. Hauteur, 0 m. 74 c. ; 0 m. 54 c.
Autre plaque. Berger et bergère assis, un agneau couché, arbres et feuillages. En haut coquille et dauphin. Plaque assez détériorée. Même provenance.
PLAQUE DE FOYER
COLLECTION DU BARON DE RIVIÈRES
LES PLAQUES DE FOYER. 37
Ces quatre plaques, de même provenance, sont aujourd'hui dans la collection du baron de Rivières, au château de Rivières.
Berger jouant de la flûte, un chien à ses côtés; pampres et feuillages autour, plaque cintrée.
(La Bastiole (Tarn-et-Garonne.)
Plaque avec rosace dans le champ. XVIIe siècle. (Précédemment maison Bray, à Albi.)
(Château de Rivières (Tarn.)
Plaque cintrée. Dans le champ un caducée et des cornes d'abondance, le tout dans un très élégant cartouche genre Bérain.
(Musée Carnavalet.)
Petite plaque cintrée; dauphin et coquille pour couronnement; bordure de rinceaux. Dans le champ, une femme debout dans un jardin, tenant dans ses mains un long bâton incliné. XVIIe siècle.
(Albi, hôtel de Toulouse-Lautrec.)
Enfant jonglant avec des boules. Dans le fond, paysage hollandais. Bordure de rinceaux et amortissement formé d'une coquille entre deux dauphins. Fin du XVIIe siècle. Très petite plaque. (Toulouse, Marbrerie toulousaine, S. Doat.)
— Une répétition de cette plaque est à Albi, hôtel de Gorsse, place du Bouge.
Plaque cintrée avec dauphin et coquille, et bordure de feuillages à droite et à gauche. Dans le champ, une bergère debout tenant sa houlette; moutons à ses côtés, à droite et à gauche. Époque Louis XIV.
(Albi, maison Amiel, rue Neuve-Sainte-Cécile.)
Jeune femme tenant de la main droite un vase de fleurs et de la gauche un bouquet, de tulipes, lys, anémones. A sa droite, un enfant tient un trident, qu'il enfonce dans la gueule d'un dauphin.
38 LES PLAQUES DE FOYER.
La femme a à ses pieds un vase de fleurs très élégant. En haut on lit : FRVHLING (printemps). Plaque cintrée, probablement de fabrique hollandaise. XVIIe siècle.
(Albi, maison Blonde!.)
Jeune femme vêtue, coiffée d'un grand chapeau, se promenant dans un jardin, tenant d'une main une serpette et de l'autre (la gauche) prenant des roses dans un vase. Au-dessous la devise flamande FRVHLING. Petite plaque cintrée, coquille et dauphin. XVIIIe siècle.
(Albi, rue Saint-Clair, hôtel de Rivières. — Château de Fourquevaux (Haute-Garonne). — Château de Rivières (Tarn.)
Plaque où l'on voit le soleil qui répand ses rayons sur la campagne, où s'agitent des bergers. En légende le mot allemand : FRVHLING (printemps).
(Maison rue de la Croix, à Saint-Maixent (Deux-Sèvres.)
Plaque cintrée avec bordure de fleurs et de fruits et encadrement de perles ; dans le champ un vase de fleurs. Fin du XVIIe siècle.
(Albi, rue Saint-Clair, hôtel de Rivières.)
Plaque cintrée avec coquille et dauphins et bordure de perles. Dans le champ une femme debout, drapée, tenant de la main droite un panier plein de fleurs. A droite et à gauche des torchères formant pilastres.
(Albi, maison de Mlle Cécile Boyer.)
Plaque avec lyre et trompette. Dans le haut un soleil.
(Musée Carnavalet.)
Petite plaque sur le champ de laquelle on voit des fleurs et des feuillages. Le haut de la plaque cintré. XVIIe siècle.
(Narbonne, maison Ingrand précitée.)
Plaque sur laquelle est figuré un brûle-parfum. Le haut est
LES PLAQUES DE FOYER. 39
cintré et terminé par une boule accostée de deux salamandres; sur les montants sont des trophées. Fin Louis XIV.
(Vue, il y a quelques années, à Moissac, chez Ratier, marchand de curiosités.)
Petite plaque où l'on voit une femme aux longs cheveux, nue, un voile enflé par le vent déployé au-dessus de sa tête. De la main droite levée elle tient des chaînes qui pendent. Ses pieds sont sur une boule ailée portée sur des vagues. Plaque cintrée; bordure de rinceaux ; dauphins aux deux côtés du cintre. XVIIe siècle.
(Toulouse, place Sainte-Scarbes, 5.)
Une plaque cintrée avec dauphins et coquille, et bordure de feuillages et de fruits. Dans le champ, femme debout, tenant un oiseau sur le poing droit ; la femme a les cheveux flottants.
(Château de Sieurac (Tarn.)
Plaque de cheminée cintrée avec dauphin dans le haut et coquille, et bordure de fleurs et de fruits. Dans le champ un personnage assis, vêtu à l'antique, demi-nu, ailé, ayant de longs cheveux. Sujet empâté de suie, peu visible.
(Maison Méjan, à Narbonne.)
Petite plaque cintrée avec dauphin et coquille. Dans le champ un jeune homme vêtu à la mode du XVIIe siècle, l'épée au côté. L'enfant joue au bilboquet. Collection du baron de Rivières (provenance inconnue). Nous avons vu une plaque semblable à la Marbrerie toulousaine, à Toulouse.
Plaque à une cheminée dessinée dans le Nouveau livre des cheminées, par D. Marot, page 43 (style XVIIe siècle). Cette plaque est unie, sauf la partie supérieure, qui est terminée par une sorte de coquille et accompagnée de guirlandes.
(L'Art pour tous, 30 juillet 1863.)
Plaque sur laquelle on voit une femme la main droite levée, la main gauche tenant une branche d'olivier. Au-dessous le mot PAX, en bas la date 1723. Plaque cintrée, le cintre orné de rinceaux; sur les côtés un cordon de fruits posés par groupes de trois. Au
40 LES PLAQUES DE FOYER.
bas de la plaque : VRE DE (provenance inconnue). Vue chez
un marchand de bric-à-brac, à Toulouse.
Plaque avec personnage (une femme couronne en tête) tenant de la main droite un vase ou un panier. Bordure de feuilles d'acanthe. Dauphin dans le couronnement. XVIIe siècle.
(Albi, maison Ramond, serrurier.)
Jeune fille debout tenant un râteau. Des fleurs et des feuilles sont à côté d'elle. XVIIIe siècle.
(Narbonne, maison Ingrand précitée.)
Plaque cintrée. Dans le champ un chasseur tenant un oiseau d'une main, attaché par un cordon, et ayant une arme de l'autre main. XVIIIe siècle.
(Albi, rue Saint-Clair, hôtel de Rivières.)
Petite plaque. Génie ailé accroupi tenant un chien. A côté, le Temps, sous la figure d'un homme à genoux, barbu, ailé, tenant sa faux. Fronton-arrondi, orné de rinceaux. Plaque assez fruste; époque Louis XVI. — Provient d'une maison démolie récemment à Toulouse.
(Collection du baron de Rivières.)
Jeune fille assise sur des rochers; elle a la tête coiffée d'un chapeau. A côté d'elle, un jeune homme debout gesticule et étend le bras vers elle. Plaque cintrée. Une guirlande de laurier entoure les deux personnages. Époque Louis XVI.
(Salon au château de Rivières (Tarn.)
Berger nu jouant de la flûte, la tête couronnée de feuillages. Encadrement du temps de Louis XVI.
(Place Saint-Sernin, 7, Toulouse.)
Femme assise caressant un Amour debout devant elle. Plaque cintrée. Fronton arrondi au-dessus du sujet, orné de rinceaux. Fin Louis XVI.
(Albi, maison Blondel.)
LES PLAQUES DE FOYER. 41
Petite plaque carrée représentant deux forgerons battant le fer sur une enclume; derrière l'un d'eux un soufflet de forge. Époque incertaine.
(Narbonne, maison Ingrand, rue Saint-Eutrope.)
Plaque cintrée. Dans le champ deux colombes qui se regardent. Au-dessus une guirlande de fleurs. Dans le haut un fleuron. Époque Louis XVI.
(Maison du Sacré-Coeur de Perpignan, dans une salle-basse.)
Petite plaque cintrée. Le champ occupé par des épées et autres attributs guerriers. Époque de la Révolution française.
(Musée Carnavalet.)
Plaque de l'époque du ler Empire. Dans le champ femme vêtue, assise, vue de profil. Un Amour lui présente un vase.
(Château de Sieurac, Tarn).
Plaque du temps du 1er Empire. Dans le champ, qui est circulaire, avec bordure d'étoiles, deux colombes se becquetant. Audessus une guirlande suspendue accompagnée de rubans de perles. A droite et à gauche, pilastres portant chacun une torche. Fronton arrondi chargé d'un arc et d'une flèche. Le médaillon, circulaire, est accompagné de quatre papillons (un à chaque angle). — Provient d'une maison démolie â Toulouse.
(Collection du baron de Rivières.)
Plaque très simple terminée par un fronton triangulaire. Dans le champ une lyre. Époque du 1er Empire.
(Château de Lasbordes, près Albi (Tarn.)
Plaque style 1er Empire. Dans le champ un guerrier, casque en tète, revêtu d'un haubert, tenant une épée des deux mains, la pointe à terre. Bordure de feuillages.
(Au presbytère de Salles-d'Aude (Aude.)
Petite plaque. Trois personnages : femme assise, homme et femme debout se tenant par la main. Bordure de laurier. Époque
42 LES PLAQUES DE FOYER.
Ier Empire. — Provient d'une maison démolie récemment rue de Rémusat, à Toulouse.
(Collection du baron de Rivières.)
Telles sont les quelques plaques dont nous avons relevé les sujets. Ils sont nombreux, variés. C'est une mine féconde pour qui voudra en poursuivre l'étude. Nous avons même eu la chance de trouver une matrice de plaque. Elle est en bois de chêne, le dessin est naturellement en creux. Au centre une fleur de lys, divers ornements, une bordure de feuillages. Dans le haut deux lions rampants affrontés. Le XVIIe siècle a vu graver cette matrice, qui provient du château de Fénelon, en Périgord, et figure aujourd'hui dans la collection maintes fois citée du R. P. Daniel, à Moissac.
NOTA. — Nous donnons dans ce numéro dos planches qui n'ont pu figurer dans le dernier fascicule. Elles se rapportent au poêle ou aux plaques cités t. XX, p. 290, 295 et 303.
ERRATA du ler article, p. 294: provimus, lisez: proximus.
A PROPOS DE L'EXCURSION EN COMMINGES.
LES
MONUMENTS DU BERCEAU ET DE LA TOMBE
DE
SAINT EXUPERE D'ARREAU EN COMMINGES
PAR
M- L'ABBÉ E.-J. BACALERIE,
Curé au diocèse do Toulouse ,
MEMBRE CORRESPONDANT 1.
Pendant notre intéressante excursion dans le Comminges, quelques-uns de nos savants confrères ont fait revivre les principaux personnages qui ont illustré ce pittoresque pays. Une figure bien sympathique nous est apparue, c'est celle du bien regretté Louis de Fiancette, baron d'Agos. Parler de ce modeste savant, c'était justice et reconnaissance. Comme Jean de Mauléon, lui aussi aurait pu prendre pour devise, appliquée à son cher pays : Omnis amor tecum. Qu'il aurait été heureux de quitter pour un instant sa solitude de Tibiran pour venir fraterniser avec nous dans la même pensée et les mêmes affections !
1 Nous ne saurions oublier que jusqu'en 1317 une partie considérable du diocèse actuel de Montauban appartenait à celui de Toulouse.
44 LES MONUMENTS DU BERCEAU ET DE LA TOMBE
Sous ses auspices, je veux évoquer une des plus belles figures du Comminges. Il l'aimait tant ! Elle a été complètement oubliée par nos conférenciers ; et pourtant, quel ardent patriote ! quel illustre pontife ! On a nommé Exupère d'Arreau, évêque de Toulouse.
Le Comminges a eu de tout temps une grande dévotion pour « Monsieur saint Exupère, grand homme de bien. " (De l'origine du païs de Comminges et des peuples d'icelui.) C'est une de ses plus pures gloires; il possède son berceau. A Saint-Bertrand il avait sa chapelle ; l'autel a été renversé, seul un tableau de médiocre facture a été conservé.
Nous ne voulons pas tracer ici la biographie du saint évêque. Inutile de rappeler le gracieux prodige de l'aiguillade fleurie, par lequel le ciel, ratifiant le choix des hommes, l'appela à l'épiscopat. Nous ne nous arrêterons pas à son immense charité qui lui fit vendre les vases sacrés pour soulager la misère de son peuple. Laissons encore de côté ses luttes héroïques contre Vigilance, contre les Vandales, ses efforts pour la formation de son clergé. Rappelons seulement que le premier temple monumental élevé à Toulouse au Dieu des chrétiens, lui dut son éclat et sa magnificence ; enfin, que ce fut à sa demande qu'Innocent Ier écrivit un des documents qui jette le plus grand jour sur la discipline ecclésiastique de cette époque pleine d'obscurités, et néanmoins grande de toutes les grandeurs. Passant donc au-dessus de tout l'intérêt que pourraient offrir des détails biographiques, d'un bond nous allons du berceau à la tombe. Arreau et Blagnac vont, pour un instant, fixer notre attention. Nous signalons seulement les monuments que ces deux localités ont consacrés à la mémoire du grand évêque.
A Arreau, ancien chef-lieu de la vallée d'Aure, siège d'un archiprêtré dans le diocèse de Comminges, sur les bords tumultueux de la Neste du Louron, s'élève une cha-
DE SAINT EXUPÈRE D'ARREAU EN COMMINGES. 45
pelle votive qui nous rappelle le berceau de notre saint. Le baron d'Agos nous en fera les honneurs ; pénétrons dans son enceinte.
Ce n'est pas par hyperbole que l'ancien bréviaire de Comminges a qualifié cette église de magnifica, non ignobile templum. Elle paraît être du XVe ou du XVIe siècle. Sa porte, précieux vestige d'un temple primitif, serait du Xe ou XIe. Elle est à une seule baie, accompagnée de six colonnes et surmontée d'un tympan orné du monogramme du Christ. Au sommet du P croisé est une tête humaine, et à l'extrémité des branches de l'X un aigle à double tête ; à l'extrémité opposée de cette branche, une étoile. Ce tympan est encadré de tores à plein cintre, à damier et à torsades entremêlées de perles. Ils reposent, à droite, sur des chapiteaux à entrelacs, et à gauche sur des chapiteaux historiés. Comme nous l'avons remarqué à Saint-Bertrand, le premier de ceux-ci représente un damné, probablement l'avare, ses péchés enfermés dans un sac suspendu à son cou ; il est à moitié englouti dans l'enfer, symbolisé par une gueule de monstre : ses bras disparaissent de même dans la gueule de deux serpents, qui enlacent de leurs replis deux autres damnés, aux pieds d'oie. Le second chapiteau nous montre d'un côté un personnage tenant de la main droite une croix en forme de T : il porte sur sa poitrine un animal quelconque, et de ses pieds semble fouler un monstre ; de l'autre, un personnage à la coiffure très aplatie, aux vêtements longs, la main gauche sur la poitrine, et l'autre semblant tenir une verge fleurie. On a cru voir dans le premier personnage saint Jean, patron des Templiers, dont Arreau relevait; dans le second, saint Exupère, patron de l'église.
La porte, poursuit notre guide, donne entrée dans un porche, au fond duquel est enfermé dans une tour demicirculaire l'escalier qui conduit au clocher. Celui-ci, d'abord carré, devient bientôt octogonal pour se terminer en flèche.
46 LES MONUMENTS DU BERCEAU ET DE LA TOMBE
A chacune de ses faces il est percé de fenêtres à trois baies cintrées, reposant sur des colonnettes. Des colonnes engagées reçoivent les nervures croisées de la voûte du porche. En guise de chapiteaux elles portent des têtes grossièrement fouillées. Par un grand arc ogival on a accès dans la nef, dont nous sommes séparés par une grille en fer du XIVe siècle, en fort bon état, soutenue par des pilastres ornés de découpures dans le goût de la Renaissance.
En entrant dans l'église, à gauche, nous apercevons un bassin, creusé dans un contrefort du clocher, destiné à recevoir l'huile offerte par les Espagnols.
L'édifice, à une seule nef, est à trois travées. La pierre et le marbre en font seuls les frais. La voûte est sillonnée de nervures qui s'entrecroisent avec élégance et se multiplient au-dessus du chevet à pans coupés. La nef est éclairée d'un seul côté par quatre fenêtres trilobées et par un oculus à trois doucines ouvert sur le chevet. A gauche, ouvrant sur la nef par un arc ogival, est une petite chapelle à voûte d'arêtes. Sur le mur du chevet le XVIIIe siècle a plaqué un rétable en bois orné de deux belles colonnes torses. La statue de saint Exupère en occupe le centre : d'un côté sainte Barbe, de l'autre un Pape. Aux clefs de voûte sont sculptés quelques écussons. C'est d'abord celui de la seconde maison de Labarthe-Fumel d'Armagnac : Ecartelé de lions et de flammes. Ce sont les armes de la vallée d'Aure : D'or au levrier rampant de gueules, à l'orle de sable; c'est celui de Jean de Mauléon : De gueules au lion d'or; puis l'écu de France plusieurs fois répété ; enfin, un écu portant une croix avec les monogrammes I. H. S. — M. A., et la date 1545. De même qu'à Saint-Bertrand, les clefs de voûte étaient, avant la restauration de 1857, accompagnées de gueules d'animaux, dans lesquelles les nervures semblaient s'engouffrer. Les chapiteaux qui reçoivent ces nervures sont historiés, mais d'un travail grossier, sans intérêt.
DE SAINT, EXUPÈRE D'ARREAU EN COMMINGES. 47
A l'extérieur, cette belle église est flanquée de contreforts droits, à un ou deux retraits et terminés en bâtière. Elle était desservie, avant la Révolution, par un chapelain ou vicaire, et jouissait d'un dîmaire, comme on le voit dans le Censuale beneficiorum du diocèse de Comminges de 1387.
A côté de l'église, contre le porche, est une maison du XVIe siècle, comme on en voit encore quelqu'une à Arreau. Construite sur l'emplacement même et avec les mêmes matériaux que la maison paternelle de notre Saint, elle porte son nom. Avec les monogrammes I. S. D. M. — I. H. S. — M. A., elle nous donne la date 1554. Portes, fenêtres, murs, toiture, tout est de cette époque. A l'intérieur, dans une vaste salle bien délabrée, une grande cheminée à montants et manteau de marbre, porte au milieu un buste d'évêque bénissant. Celle qui lui correspond, à l'étage supérieur, offre trois écussons vides et la date 1555.
L'église paroissiale d'Arreau, sous le vocable de NotreDame de l'Assomption, possède un reliquaire plus remarquable par sa matière que par sa forme. Il a échappé à la convoitise des pillards de 1793. Il est en argent rehaussé de pierreries, et a la forme d'un bras. Il paraît être du XVIe siècle, et renferme quelques ossements de saint Exupère.
Quittons la riante vallée d'Aure, descendons dans la plaine et suivons le cours majestueux du fleuve aquitain. Saluons en passant la ville des Tectosages, et arrêtons-nous à quelques kilomètres de ses murs. Nous sommes à Blagnac. Son nom l'indique, c'est une cité gallo-romaine. Le peupleroi y a laissé de nombreuses traces ; il se plut à l'embellir de ses riches villas. Ce fut dans cette localité que, au début du Ve siècle, Exupère de Toulouse vint finir ses jours. Une modeste chapelle veille sur son tombeau.
Moins heureuse que sa soeur d'Arreau, l'église de SaintExupère de Blagnac ne fut pas à l'abri des outrages des
48 LES MONUMENTS DU BERCEAU ET DE LA TOMBE
sans-culottes terroristes. Elle porte sur ses pauvres murs en pisé des cicatrices que le temps n'est pas parvenu à effacer. Dans une certaine étendue, retrouvés autour d'elle, des marbres antiques, des monuments funéraires, des urnes, des ossuaires font supposer là une vaste et somptueuse nécropole.
La porte, qui s'ouvre en ogive, est toute simple, sans colonnes ni voussures. C'est tout ce qui reste de l'oratoire qui a précédé celui-ci. Sur les murs sont appendus quelques tableaux de forme, de dimensions et de mérite divers.
Arrêtons-nous un instant devant un portrait en pied, grandeur naturelle, d'une femme du peuple, bienfaitrice de la chapelle. Remarquons son costume, d'un pittoresque si modeste et si gracieux, porté à Blagnac jusques dans ces dernières années.
Sur le flanc nord de l'église, par un arc surbaissé, s'ouvre une chapelle, véritable écrin iconographique et archéologique.
La voûte, formée d'arcs croisés, de tiercerons et de liernes, n'offre rien de remarquable. Les écussons de ses clefs ont disparu sous le marteau des iconoclastes de la Terreur. Les chapiteaux historiés qui portent l'arc-doubleau ne sont guère qu'à 1 m. 60 c. du sol. Rien de particulier à y signaler, pas plus que sur les culots qui reçoivent la tombée des nervures. Tout l'intérêt se concentre sur de très belles et très curieuses peintures à fresque, qui s'étendent sur le mur occidental et septentrionnal. Elles sont du XVe siècle,
Dans un travail plus étendu, en les étudiant dans leur détail, nous rechercherons et leur date précise et le nom de celui qui en fut l'inspirateur. Qu'il nous suffise de dire qu'en s'éloignant de celles que nous avons admirées à Cazeaux, elles se rapprochent davantage de celles de la chapelle Sainte-Croix à Sainte-Cécile d'Albi, sans toutefois en avoir l'ampleur et la richesse.
Elles reproduisent, en dix tableaux parfaitement coordon-
DE SAINT EXUPÈRE D'ARREAU EN COMMINGES. 49
nés, la poétique légende du Saint à qui elles sont consacrées. Elles sont remarquables par le détail des costumes de l'époque contemporaine à leur exécution. La couleur du Ve siècle a été, en effet, sacrifiée au désir d'imiter ce qui au XVe siècle se passait sous les yeux de l'artiste. Qu'avec leur prétendu anachronisme on leur reproche l'irrégularité du dessin, même le raide des poses, jamais nos artistes modernes n'arriveront à produire les émotions que font naître les oeuvres de leurs naïfs devanciers. On relève sur elles des retouches plus zélées qu'intelligentes. Les diverses restaurations qu'elles ont eu à subir n'ont servi qu'à dénaturer leur caractère, peut-être à accélérer leur ruine. Leurs jours sont d'ailleurs comptés.
Ces tableaux se divisent en deux rangées superposées. La première comprend la vie de saint Exupère, la seconde nous offre les scènes qui rappellent sa mort et son culte. En caractères de l'époque, chaque tableau est expliqué par une inscription mise au bas. Plusieurs de ceux qui ont tenté de les décrire n'en ont pas saisi l'enchaînement logique, et cependant il est si clair ! On va en juger.
Le premier tableau de la première série porte en légende : LA LETION FVT FAITE. (L'élection fut faite.) Au point de vue du droit canonique c'est un des mieux réussis. Comme au tombeau d'Hugues de Châtillon, à Saint-Bertrand, nous remarquons ici, de même que dans le tableau suivant et dans le dernier, des chanoines revêtus de l'aumussé ou de dominos. Le second tableau est le plus poétique. Il porte : LE BENGER QVERE AL CAPT. (On vint le chercher au champ ) C'est la délégation de Toulouse qui vient notifier à Exupère, laboureur, son élection. Le Saint, au visage inspiré, tient dans ses mains l'aiguillade fleurie. Le troisième: S. SVPERI FVT FEIT ARSEBESQUE, suite logique des précédents, représente la cérémonie du sacre. Dans les deux derniers ce sont les travaux du Pon1893.
Pon1893.
50 LES MONUMENTS DU BERCEAU ET DE LA TOMBE
tife ; d'abord ses luttes victorieuses : GARDET THOLOSA DE PERI. Les barbares assiégeant Toulouse sont mis en fuite par la puissace surnaturelle d'Exupère, armé seulement de l'aspergillum. L'iconographie sacrée s'est emparée de cette scène. L'aspersoir est devenu la principale caractéristique de notre Saint. A la suite, le dernier tableau nous montre sa charité sans bornes : S. SVPERI FASIO RECEBRE LE POBLE. (Saint Exupère faisait communier le peuple.)
Le premier tableau de la seconde série nous présente le Saint à son lit de mort : S. SVPERI MOVRIT. Ici, les inscriptions ne sont plus authentiques. Détruites par l'humidité salpétreuse des murs, elles ont été rétablies d'après le sujet du tableau, peut-être de mémoire. Je les donne pour ce qu'elles valent. Le second est consacré à sa sépulture : LE METERN EN TERRO. Le troisième nous rappelle la translation de son corps à Toulouse : LE POTERN A TOLOSA. Le quatrième nous montre l'éclat de son culte : PREGAON S. SVPERI. Enfin, le dernier enregistre les grâces obtenues par son intercession : LE FOC FVT ESTEINT P. S. SVPERI. Le tout surmonté d'une délicieuse petite statue de l'époque.
On le voit, ces tableaux forment un ensemble harmonieux, une biographie, sinon complète, du moins fermée, à laquelle on n'a rien à ajouter. C'est une hymne, une brillante couronne déposée autour du tombeau du saint évêque, tombeau vénéré de siècle en siècle sous l'autel adossé au mur du levant de cette chapelle.
Malheureusement, sur des données trop hypothétiques, et dont nous espérons démontrer le peu de valeur, des travaux exécutés en 1887 ont profondément modifié l'état des lieux. Sans trop de souci du sens logique et chronologique, des tableaux nouveaux qui font revivre celui dont on vénère les reliques sur les autels, ont été ajoutés aux
DE SAINT EXUPÈRE D'ARREAU EN COMMINGES. 51
anciens ; du mur du levant, l'autel transporté sur le mur nord a perdu son orientation ; la chapelle a été mise en contrebas, et, ce qui est le plus pénible à constater, dans ce bouleversement, la véritable place du tombeau du Saint a été sacrifiée ; un vil escalier pour descendre clans la chapelle a été élevé sur son emplacement.
De même qu'à Valcabrère et à Saint-Bertrand, nous aurions eu ici à formuler un voeu bien légitime. Espérons que, dans ce qu'elles ont d'essentiel, les dispositions primitives seront un jour rétablies. Jamais nous n'avons mieux compris ces paroles de Montalembert : « Avec les meilleures intentions du monde on ne restaure jamais rien, surtout de nos jours, sans préalablement détruire beaucoup. » Quand donc y aura-t-il, dans chaque diocèse, une Commission artistique et archéologique, sans laquelle, les témoins de la tradition entendus, on ne pourra rien entreprendre contre nos vieux monuments ?
Les dessins ci-joints ne peuvent donner qu'une très faible idée de ceux de la chapelle de Saint-Exupère à Blagnac. Les sujets sont à peine ébauchés, quelques détails ont été négligés. Tout au plus indiquent-ils la disposition des tableaux originaux.
LE
BUREAU DES TRÉSORIERS DE FRANCE DE MONTAUBAN
1635-1790. 1,
PAR
M. DE MILA DE CABARIEU,
VICE-PRÉSIDENT DE LA SOCIÉTÉ.
CHAPITRE IL Septembre 1635 à Décembre 1636.
Le Bureau des finances de Montauban avait bien été constitué par les commissaires royaux députés à cet effet, et, avant leur retour à Paris, son fonctionnement régulier avait été assuré, ainsi que nous l'avons fait connaître, mais il restait à pourvoir à un grand nombre d'offices dépendant de ce bureau, et il s'écoula un long temps avant qu'ils eussent tous trouvé des titulaires, c'est-à-dire des acquéreurs. Pendant les derniers mois de l'année 1635 il ne fut procédé qu'à l'installation d'un seul nouveau fonctionnaire.
Le 26 novembre, Me Le Bossu, l'un des trésoriers de France déjà en exercice, reçut Me Christophe de Chabannes, nommé par lettres-patentes en date du 5 juin, trésorier des ponts et chaussées. C'était un office héréditaire, du prix de
1 Voir le bulletin archéologique, t. XIX, p. 57; t. XX, p. 101.
LE BUREAU DES TRÉSORIERS DE FRANCE. 53
6,000 livres, sans compter le droit de marc d'or, aux gages annnels de 500 livres. « Ledit de Chabannes avait été reçu audit office en la Chambre des comptes de Paris, le 24 octobre. Ses gages, ajoute Me Le Bossu dans le procès-verbal de son installation, seront passés et alloués en leurs estats et comptes par Nosseigneurs et frères Nosseigneurs des comptes à Paris, que nous prions de ce faire, à la charge que ledit de Chabannes, auparavant de s'immiscer en l'exercice dudit office, sera tenu de bailler cautions duement certifiées par devant nous, pour la somme de 6,000 livres, à quoi nous les avons réglées, et d'eslire domicile en la présente ville. »
Dans le courant de l'année 1636 quatre nouveaux trésoriers de France vinrent successivement siéger à côté de Mes Nicolas de Lespinette et Le Bossu. Ce fut, d'abord, Me Claude Bourdereuil, qui fut installé le 8 janvier 1636. Ses provisions étaient pourtant du 15 mai 1635, mais il n'avait été reçu à la Chambre des comptes à Paris que le 26 octobre, après avoir prêté serment entre les mains du garde des sceaux Séguier. Il n'avait aucune hâte de venir prendre possession d'un emploi qui l'éloignait de la capitale et le confinait dans une province reculée. C'est sans doute le même motif qui retarda la venue de ses trois collègues, nommés en même temps que lui.
Le premier arrivé fut Me Dominique Ollivier, dont l'installation est du 11 mars 1636. Sa réception à la Chambre des comptes de Paris était du 26 février de la même année, et sa prestation de serment devant le garde des sceaux, du 26 décembre précédent.
Les deux autres vinrent prendre leur place au Bureau de Montauban, l'un, Me Léonard Secousse, le 27 septembre 1636, l'autre, Me Girard dé Grazelery, le 26 novembre suivant. Toutefois, comme leur nomination remontait à plus
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d'un an, ils eurent, tous les deux, besoin de nouvelles lettres-patentes pour les relever de la surannation des précédentes. Ils avaient, d'ailleurs, ce qu'il ne sera plus nécessaire de répéter à l'avenir, prêté serment entre les mains du Garde des sceaux et été reçus à la Chambre des comptes à Paris.
Avant la fin de la même année 1636, le 15 décembre, Me Armand Dupérier, avocat à Toulouse, était installé en qualité d'avocat du roi au Bureau des finances de Montauban. Il avait été nommé, lui aussi, le 15 mai 1635, et avait dû, par conséquent, solliciter et obtenir des lettres de relief en date du 29 août 1636, avant d'être reçu à la Chambre des comptes de Paris. Le prix de son office avait été de 20,000 livres.
Tandis que le Bureau des finances de Montauban se complétait ainsi, en partie du moins, la rentrée des impôts s'effectuait difficilement. Aussi un arrêt du Conseil d'État du 30 janvier 1636 dut prescrire des mesures sévères pour activer cette rentrée. Nous en reproduisons les principales dispositions.
Me Gabriel de Guénégaud, trésorier de l'épargne, avait représenté au roi que quelques diligences qu'il eût pu faire contre les trésoriers de l'extraordinaire des guerres, receveurs généraux des finances et receveurs des ponts et chaussées, « même par emprisonnement d'aucuns d'eux, » en vertu des états de recouvrement qui leur avaient été baillés pour faire porter à l'épargne les deniers de leurs recouvrements de l'année dernière 1635, Sa Majesté demeurait encore privée du secours de grandes et notables sommes qu'elle en attendait. Pour se disculper, les comptables en retard alléguaient que les sommes qui leur étaient réclamées ne leur avaient pas été jusqu'à ce moment versées par les receveurs
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particuliers, et ceux-ci, à leur tour, prétendaient ne les avoir pas reçues des collecteurs des paroisses, qui disaient eux-mêmes n'avoir pu les lever. Pour faire cesser un aussi fâcheux état de choses et bien établir les responsabilités, il devenait indispensable de recourir à quelque moyen extraordinaire, et il y fut pourvu par un arrêt du conseil du 30 janvier 1636, dont un extrait suit :
« ... Le roi voulant être éclairé de la vérité des retardements qui lui ont été signalés, a ordonné et ordonne que le sieur de Guénégaud continuera incessamment ses diligences par les voies ordinaires aux affaires de Sa Majesté, et que, par les trésoriers de France, en chacune Généralité, et par les élus de chaque élection, chacun en ce qui les regarde, il sera arrêté état du maniement des receveurs généraux et des receveurs particuliers pour l'année 1635, afin, par la comparaison desdits états, de voir ce qui reste à lever des deniers de ladite année, et les divertissements qui en pourraient avoir été faits, et, sur le tout, être pourvu par Sa Majesté contre ceux qui se trouveront coupables desdits divertissements.
« Ordonne, en outre, Sa Majesté, auxdits Trésoriers de France et élus, de clore la main aux coupables, qui seront en demeure de payement, de s'assurer de leurs personnes et effets, et de commettre à la levée des deniers à leur charge, etc. Les Trésoriers de France et les élus, faute d'exécuter de point en point le présent arrêt, seront ajournés à comparoir en personne au Conseil, et, dès à présent, demeurent responsables en leurs propres et privés noms des restes à recouvrer, au payement desquels ils seront contraints par les voies ordinaires aux affaires de Sa Majesté, par saisie de leurs gages, etc.
Il est, enfin, enjoint au sieur de Guénégaud d'envoyer promptement des commis dans chaque Généralité « pour faire les diligences contenues dans l'arrêt du Conseil, prendre
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et recevoir tous les deniers qui se trouveront ès recettes particulières et générales, et iceux faire voiturer incessamment à l'épargne, nonobstant toute saisie, opposition ou appellation. »
Le jour même où l'arrêt était rendu, des lettres-patentes désignaient pour suppléer le sieur de Guénégaud, en sa qualité de trésorier de l'épargne, dans les Généralités de Limoges et de Montauban, l'un de ses commis, le sieur François de Verthamont, sieur de Puylambert. « Nous vous avons commis et député, commettons et députons par ces présentes, y est-il dit, pour, assisté d'un huissier ou sergent, tel que vous voudrez emmener avec vous, exécuter le contenu de l'arrêt précité. »
La mission du sieur de Verthamont dans la Généralité de Montauban ne paraît avoir rencontré aucun obstacle, et il n'en est plus fait mention.
Tout ce qui concernait le domaine royal, était, nous n'avons pas besoin de le rappeler, dans les attributions des Trésoriers de France. C'est à ce titre que nous trouvons, en septembre 1635, l'enregistrement du bail fait par le Roi à Gilles Marchais, de la ferme du domaine, tant ordinaire qu'usurpé, des Généralités de Montpellier et de Toulouse, ressort de la Cour du Parlement dudit lieu, y compris le pays du Quercy, « à commencer du 1er janvier 1635, pour 50,000 livres par chacun an, payables de six mois en six mois. » Sur la représentation du Bureau des finances de Montauban, intervint, le 19 mars 1635, un arrêt du Conseil d'Etat portant attribution à ce Bureau des difficultés qui pourraient provenir de l'exécution dudit bail relativement au pays du Quercy. Dans un précédent bail consenti à Simon de Villanier, était excepté, et cette exception fut maintenue pour Gilles Marchais, ce qui constituait le domaine dit de la reine Marguerite. Il fut affermé séparément à Pierre Goutte.
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Il n'est pas sans intérêt de faire connaître, ce qui rentrait également dans les attributions des Bureaux des finances, les impositions votées et autorisées pour diverses communautés de la Généralité de Montauban avec les motifs et les causes de ces impositions. On y trouve parfois de précieuses indications pour l'histoire du pays.
Par un arrêt du Conseil d'Etat du 17 janvier 1635 et des lettres-patentes délivrées en exécution de cet arrêt, une imposition de 6,924 1 6 s 6 d avait été autorisée sur tous les habitants contribuables aux tailles de la ville de Marcillac en Rouergue.
Cette imposition avait été demandée par lesdits habitants pour solder les emprunts qui avaient été faits de plusieurs particuliers, « pour subvenir aux urgentes affaires de ladite communauté, provenues à cause des guerres, maladies contagieuses et autres nécessités de ladite ville, suivant la vérification qui avait été faite desdites dettes par le Président de l'élection du comté de Rodez, commissaire à ce député. »
Les Trésoriers de France de la Généralité de Bordeaux avaient été chargés de faire établir l'imposition dont il s'agit, mais le Bureau des finances de Montauban ayant été subtitué à celui de la capitale de la Guyenne, ce fut par un mandement signé Le Bossu, en date du 14 novembre 1635, qu'elle fut établie pour être perçue conjointement avec les deniers de Sa Majesté. Il y est dit, toutefois, que les Consuls de Marcillac ne pourront toucher et payer ladite somme qu'après que les deniers de Sa Majesté auront été payés et acquittés, et ce « à peine de la vie, et sur même peine, inhibitions et défenses sont faites d'imposer autres sommes que celles ci-dessus. »
Le 1er décembre 1635 le même Trésorier de France rend une autre Ordonnance, en conformité de lettres-patentes
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du roi en date du 9 mai 1635, pour assurer une imposition de 300 livres en faveur de Me Bernard Darribat, conseiller élu et trésorier du domaine royal au pays de Rouergue, pour pareille somme qui lui était due. Cette imposition, qui fut recouvrée sur les habitants et contribuables du haut Rouergue, avait été votée par les Etats et députés du pays de Rouergue, « en présence et assistance du sieur Evêque de Rodez, président desdits États. »
Un autre Mandement signé Le Bossu et Bourdereuil, prescrit, à la date du 18 janvier 1636, aux Présidents des élections du haut et bas Rouergue et comté de Rodez, d'avoir à imposer la somme de 2,500 livres sur les contribuables desdites élections, pour être employées à rembourser . au receveur des tailles et taillon du pays de Rouergue la dépense par lui supportée pour la démolition et rasement des fortifications de la ville de Saint-Sever, qu'il avait fait faire suivant l'Ordonnance de M. le prince de Condé du 20 mai 1628. Depuis cette époque cette affaire n'avait pu recevoir aucune solution, et ce malgré un arrêt du Conseil d'État du 30 janvier 1630, et des lettres royales du 24 février de la même année, adressées par S. M. « à son amé et féal Conseiller en son Conseil d'État et surintendant de ses finances, le sieur marquis d'Effiat. » Le décès dudit marquis et d'autres empêchements n'ayant pas permis de donner suite aux précédentes prescriptions, de nouvelles lettres-patentes furent signées au mois de décembre 1633, mais ne reçurent leur exécution que trois ans plus tard.
La réquisition de guerre dont il est ici question, et d'autres du même genre, dont nous parlerons ci-après, et qui, les unes et les autres, donnèrent lieu à diverses impositions, dont le recouvrement dut être assuré par le Bureau des
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finances de Montauban, avaient été prescrites par le prince de Condé dans les circonstances suivantes.
Le duc de Rohan, chef des huguenots, après s'être fait déférer le généralat dans une assemblée des cercles du Bas-Languedoc et des Cévennes, avait, en 1627, soulevé le comté de Foix, et, en 1628, les protestants du Quercy et du Rouergue. Le cardinal de Richelieu, ne se fiant pas au duc de Montmorency, gouverneur du Languedoc, mais ne voulant pas pourtant le pousser à bout, avait proposé au Roi d'envoyer dans le Midi le prince de Condé, beaufrère de Montmorency, pour prendre le commandement des troupes à opposer aux rebelles. Toutefois, malgré la supériorité de leurs forces, ni Condé, ni Montmorency n'eurent de succès définitif. Réalmont, en Albigeois, fut bien pris, ainsi que Lacaune, dans le diocèse de Vabres, mais SaintAffrique résista, de même que Viane. Pour venger ce dernier échec, Condé attaqua et détruisit une méchante bicoque, ainsi s'expriment les auteurs de l'Histoire de Languedoc, appelée Saint-Sever, dont la garnison put même s'évader avant l'entrée des troupes royales.
Le syndic des Pères Cordeliers du couvent de la ville de Nogaro, en Armagnac, avait fait remarquer au Roi « que ayant été ledit couvent pillé, brûlé et tout à fait ruiné durant les mouvements qui ont eu lieu dans le royaume depuis l'an 1562, il a travaillé et travaille incessamment à la réparation d'iceluy, et n'ayant moyen d'y parvenir que par des dons, aumônes et libéralités publiques ou particulières, il avait représenté ses nécessités en l'assemblée et convocation des États du bas pays d'Armagnac, tenus dans ladite ville, et par deux délibérations, dont l'une et la dernière est cy-attachée, ledit pays lui aurait fait don de la somme de 300 livres à l'effet de ladite réparation, à la charge de poursuivre les lettres d'assiette en tel cas requises et néces-
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saires. » Sur le vu de cette requête interviennent des lettrespatentes en date de septembre 1635, qui invitent les Trésoriers de France de Montauban à faire imposer et recouvrer ladite somme.
D'autres lettres-patentes de la même année portent que le sieur Anthoine Lasserre, habitant de la ville d'Entraigues, a représenté au Roi, en son Conseil, que par sentence donnée par les officiers de l'élection de Rodez, Me Jacques Sicard, syndic de ladite Comté, a été condamné à lui payer la somme de 1,261l 6 s pour certains voyages, frais et dépens par lui faits et exposés aux poursuites de certains procès pour les affaires dudit pays de Rouergue, tant au privé que grand conseil et ailleurs ; que ledit Lasserre, comme il appert de ladite sentence, a été invité à se pourvoir devant S. M. pour obtenir des lettres d'assiette, et vu qu'en attendant qu'il y ait moyen de poursuivre l'entière exécution de ladite sentence, il a demandé de lui accorder « pour ung cependant et sur et tant moins de la condamnation, une lettre d'assiette pour la somme de 300 livres, tant seulement icelles requérant humblement. » A ces causes, lesdites lettres-patentes mandent qu'il soit procédé au répartement de ladite somme de 300 livres sur tous les contribuables de ladite élection.
Les consuls, syndics et habitants de la ville de SaintNicolas, dans la sénéchaussée de Toulouse, avaient présenté au Roi une requête tendant à ce que, pour les causes y énoncées, il plut à S. M. ordonner que le sieur de La Valette-Cornusson, évêque de Vabres et abbé de SaintPierre de Moissac, pris en cette dernière qualité, et ceux qu'il appartiendra, seraient assignés au Conseil pour voir ordonner qu'il ferait délaissement à S. M. des justices haute, moyenne et basse, et droits seigneuriaux de ladite ville de Saint-Nicolas, moyennant le remboursement de la somme
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de 2,063 1 12 s que les suppliants offrent faire payer pour être icelles justices et seigneuries réunies au domaine de S. M., sans pouvoir en être distraites à l'avenir pour quelque cause que ce soit.
Cette requête était accompagnée de lettres et titres concernant la vente faite par feu Jourdain de Terride aux abbés, religieux et couvent de Moissac, de la justice et des droits en dépendant pour le prix desdites 2,068 1 et 12 s, comme étant ledit de Terride fondé au droit du don qui lui en aurait été fait par le roi Philippe-le-Bel en l'an M.CCC.XLV.
Les suppliants basaient, d'ailleurs, leur requête sur l'Ordonnance du Roi de l'an 1629, par laquelle S. M. avait déclaré vouloir et entendre que si quelques personnes, communautés ou particuliers, désiraient faire le rachat de quelques terres aliénées de son domaine, à condition de les remettre libres entre ses mains, elles y seraient reçues en son Conseil.
Il y a lieu de remarquer que cette Ordonnance, due sans doute au cardinal de Richelieu, dont on retrouve ici l'esprit vraiment politique et de haute sagesse, fut rarement appliquée. Au lieu de rachats, sous les successeurs de Louis XIII, on rencontre plutôt de nouvelles aliénations. Toutes les fois que des besoins pressants d'argent se faisaient sentir, l'État pour remédier à la pénurie du trésor n'hésita pas, entre autres moyens, à abandonner à de simples particuliers pour un temps indéfini et pour une somme relativement peu élevée, tous ses droits sur des communautés qui n'avaient jamais relevé que de la couronne. Nous en avons un frappant exemple en ce qui concerne la ville de Saint-Antonin, qui se refusa énergiquement, sous Louis XV, à se soumettre à une aliénation de cette nature, et qui finit par triompher.
Louis-le-Gros, suivant les conseils de l'abbé Suger, son premier ministre, avait favorisé l'émancipation des communes. Ses successeurs cherchèrent également à restreindre
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l'omnipotence des seigneurs, à étendre leur protection sur tous leurs sujets, et c'est ainsi que s'était établie et accrue la popularité de la monarchie. Il n'y a pas de doute que cette popularité avait considérablement diminuée au commencement du XVIIIe siècle, et que rien ne fut fait pour la reconquérir jusqu'au moment où éclata la Révolution de 1789.
Les Trésoriers de France de Montauban, pour en revenir à la pétition des habitants de Saint-Nicolas, furent chargés, par une Commission royale du 14 février 1636, de donner à ce sujet leur avis motivé, et ils confièrent à l'un d'eux, le sieur d'Olivier, la mission de se transporter sur les lieux « pour informer et dresser procès-verbal de l'état et dénombrement du domaine dont le rachat était proposé, et en même temps de son revenu. » D'après les renseignements que recueillit leur collègue, ces magistrats exprimèrent l'avis que les pétitionnaires devaient être admis à rembourser au sieur évêque de Vabres, la somme par eux offerte « pour la justice et les droits seigneuriaux dont jouissait ce prélat dans leur ville, en qualité d'abbé de Moissac, être réunis au domaine du roi et pour toujours. »
Le 11 avril 1636, au même bureau des finances, était enregistré un arrêt du Conseil d'État du 7 octobre 1634, jusques-là resté inexécuté, portant que la somme de 3,000 livres payables par les trois marches du pays de Rouergue 1, serait imposée sur les contribuables desdites marches, pour récompenser (indemniser) les consuls et habitants de la ville de Vabres des grandes pertes qu'ils avaient souffertes pour le logement du sieur prince de Condé avec partie de l'armée de S. M., au mois de juin 1628, en ladite ville, lors du
1 Le Rouergue comprenait trois divisions : la basse Marche, capitale Villefranche ; le comté de Rouergue, dont la capitale, Rodez, l'était aussi de la province, et la haute Marche, capitale Milhau.
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siège de Saint-Affrique, et les dépenses effectives qu'ils avaient faites à cette occasion, conformément à l'Ordonnance du sieur Prince de Condé et du sieur de Nesmond, lors intendant de la justice en ladite armée, qui avait liquidé Iesdites dépenses et pertes le 2 décembre 1628. Comme il est rappelé plus haut, les troupes royales avaient inutilement assiégé SaintAffrique occupé par les protestants et avaient dû se retirer.
Précédemment, la même année, Mes Le Bossu et Bourdereuil avaient prescrit, ainsi qu'ils y avaient été invités, l'établissement d'une imposition de 7,816 1 14s sur les contribuables aux tailles du pays de Rouergue, pour solder la dépense faite par les consuls de Saint-Sernin, pour avoir, en 1628, nourri, entretenu, pansé et mèdicamenté les blessés de l'armée de Saint-Affrique, commandée par le prince de Condé, suivant le mandement dudit prince et les ordonnances du sieur de Nesmond, maître des requêtes et intendant de justice en ladite, armée, et, en outre, pour avoir logé en 1629 sept compagnies du comte de Carrica ou Carita, suivant les ordres du Roi. C'était par une ordonnance du 6 juin 1628 que le sieur de Nesmond avait enjoint auxdits consuls de recevoir les blessés et malades qui leur seraient menés du camp et armée de devant Saint-Affrique, et de pourvoir à leur nourriture, médicaments et traitement, à peine de désobéissance. L'état de la dépense avait été arrêté à 3,679 livres, le 28 avril 1629, par le sieur de Calmels, conseiller au Parlement de Toulouse, commissaire à ce député. D'un autre côté, c'était une lettre de cachet de S. M., du 15 juillet 1629, qui avait ordonné de recevoir en garnison sept compagnies du régiment du comte de Carita, et enjoint de faire administrer aux soldats d'icelles les vivres et commodités nécessaires. Ladite lettre de cachet était accompagnée de l'attache du comte de Noailles, gouverneur du pays de Rouergue, du 27 du même mois de
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juillet, enjoignant de se conformer aux ordres du Roi. L'état de la dépense avait été clos et arrêté le 6 juillet 1630 par les officiers du haut pays de Rouergue à 4,147 livres, et lesdits officiers avaient condamné le syndic dudit pays à procurer à la ville de Saint-Sernin le payement de ce qui leur était dû, en se pourvoyant par-devant S. M., pour obtenir les arrêts et lettres-patentes. Ce qui avait été fait.
Nous citerons encore un fait relatif aux troubles et aux événements militaires, occasionnés, à peu près à la même époque, par les prises d'armes des protestants dans une autre partie de la Généralité de Montauban.
« En l'an 1625, est-il dit dans une requête adressée au Roi par le syndic et les consuls de la ville de Castillon, au comté de Comminges, S. M. avait envoyé au pays de Languedoc une armée, conduite et commandée par le feu maréchal de Thémines, lequel ayant assiégé la ville du Mas-d'Azil, ordonna par son ordonnance du 27 septembre 1625 que la ville de Castillon fournirait et mettrait èsmains du commissaire des vivres la quantité de quinze cents setiers de blé froment, laquelle taxe ayant été trouvée excessive fut réduite à cinq cents setiers, et depuis, en l'an 1627, S. M. ayant envoyé une autre armée au pays de Languedoc, conduite par le prince.de Condé, ce prince, par ses Mandements du 22 janvier et du 23 février 1628, ordonna que le diocèse de Couzerans entretiendrait sept semaines la compagnie de chevaux-légers du sieur Cabbisson (sans doute Calvisson), logée en la ville de SaintYbars, à laquelle dépense les habitants dudit Castillon ont contribué. Entre temps, les rebelles s'étant rendus en l'obéissance du Roi, S. M. aurait commis et député le sieur La Fon, conseiller au Parlement de Toulouse, et le sieur de Voisins, pour faire la démolition des fortification des villes du Mas-d'Azil, Mazères et Carlât, à laquelle dépense les
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réclamants ont contribué pour 969 livres, somme arrêtée par lesdits commissaires, pour être imposée et rejetée sur le pays de Comminges. La somme totale payée par les habitants de Castillon s'élevait à 5,142 livres, savoir: 1,496 livres pour les cinq cents setiers de blé, 2,677 livres pour le prince de Condé, et le surplus pour les démolitions. Un arrêt du Conseil d'État du 19 mars 1633 reconnut le bien fondé de ces réclamations, et ordonna qu'en 1634 la somme de 5,142 livres serait imposée sur les contribuables aux tailles du pays de Comminges, pour les deniers en provenant être payés au délégué du syndic et des consuls de Castillon. Cette décision n'ayant pas été exécutée, les Trésoriers du Bureau de Montauban imposèrent la somme dont il s'agit, par ordonnance du 10 octobre 1636, ensemble 85 livres pour frais d'expédition et sceau des lettres-patentes, « pourvu, est-il ajouté suivant la formule ordinaire, que les deniers du Roi n'en soient ni retardés, ni diminués. »
Les faits de guerre dont il est question dans la réclamation de la ville de Castillon, sont de 1625 et 1628.
Les premiers se produisirent à la suite d'un soulèvement des protestants, qui se plaignaient de l'occupation de Montpellier par les troupes royales, et de la non démolition du fort Louis, près de La Rochelle, contrairement, disaientils, aux promesses qui leur avaient été faites. Les Réformés avaient eu, en 1625, comme plus tard, en 1628, pour chef suprême et généralissime, le duc dé Rohan, secondé avec une rare vigueur par sa femme, fille du grand Sully. Il tenait la campagne entre l'Ariège, le Tarn et les Cévennes, et le maréchal de Thémines fut envoyé pour le combattre, mais sans succès bien marqués. Ce maréchal assiégea inutilement le Mas-d'Azil du 11 septembre au 18 octobre. La campagne entreprise, trois ans plus tard, par les troupes commandées par le prince de Condé, et dont nous avons déjà parlé, fut suivie dans le même pays de résultats plus 1893. 5.
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avantageux, et amena la soumission des révoltés et le démantèlement de leurs places fortes.
D'après ce qui se passa soit dans le Rouergue, soit dans le pays de Comminges, ainsi que nous venons de le voir, il y a lieu de remarquer, ce qui est un signe caractéristique des temps, mais sans être un acte de justice, c'est que les frais de la guerre étaient mis à la charge de tous les contribuables, sans distinction, des contrées où les troubles s'étaient produits. Ces contrées, après avoir été plus ou moins dévastées par les troupes des deux partis, avaient à supporter, en outre, une aggravation d'impôts. Il devait s'ensuivre une ruine complète.
Nous trouvons, d'un autre côté, dans les documents relatifs à Castillon, un renseignement intéressant au sujet de la valeur du blé, de 1625 à 1630. Cinq cents setiers de blé furent payés aux habitants de cette ville environ 1,500 livres, ce qui porte à 3 livres le prix du setier. Le setier contenait un peu plus d'un hectolitre, mais ne paraît pas avoir été connu dans l'Agenais, où le sac, qui était l'équivalent du setier, était la mesure de capacité. L'un de nos confrères, M. Moing; de Golfech, m'a donné à ce sujet une note pleine d'érudition. D'après cette note, le prix du blé n'aurait pas beaucoup varié pendant le XVIIe siècle, du moins dans notre pays. Le sac ou le setier valut, en 1676, 41 10 s. En 1689, 3 1 10 s. Ce dernier prix se rapprochait de celui de 1625 à 1630. Au XVIIIe siècle une hausse considérable se produisit, sans doute en raison de la plus-value de l'or et de l'argent, et la moyenne du sac s'élève dans notre pays à 11 livres environ.
Pour bien faire connaître les diverses attributions des Trésoriers de France nous citerons encore un fait.
Le sieur de Burges, capitaine dans le régiment du comte de Serres, avait demandé, « en considération des services
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par lui rendus ès-camps et armées de Guyenne, » de faire construire et bâtir deux petits moulins à la porte de la ville d'Auvillar, et de se servir à cet effet de l'eau de la fontaine qui descend de cette ville à la rivière de Garonne, par un petit ruisseau appelé de Maupels, et de faire deux réservoirs pour conserver l'eau des pluies, l'un à la porte de la fontaine, l'autre près du chemin qui est entre ladite ville et le couvent des religieux de Saint-Dominique.
Afin de pouvoir apprécier le bien fondé de cette demande, les Trésoriers de France de Montauban, en leur qualité de juges du domaine du Roi, furent chargés, par arrêt du Conseil, de faire une enquête. Cette enquête fut faite par Me de Lespinette. Ce magistrat, par son rapport du 2 août 1636, donna un avis favorable et proposa d'autoriser la construction des deux moulins, moyennant « que ledit sieur de Burges payerait ès-mains du trésorier du domaine royal, 3 livres de rente annuelle pour chaque moulin, et qu'il indemniserait, en cas de réclamation, les propriétaires qui pourraient souffrir des constructions projetées. Le sieur de Burges devait, en outre, ajoutait le Trésorier enquêteur, faire au Roi tel hommage qu'il plairait à S. M. ordonner.
Nous avons relaté au commencement du présent chapitre les nominations qui sont venues, sinon compléter, du moins continuer l'organisation du Bureau des finances de Montauban jusqu'à la fin de l'année 1636. Nous avons ensuite indiqué les principaux actes de l'administration de ce Bureau pendant la même période. Il nous reste pour suivre le programme que nous avons adopté, à donner, pour le même laps de temps, un résumé des provisions de quelques-uns des offices ou charges attribués à des habitants de notre pays avec la date de leur enregistrement.
Le 27 octobre 1635 furent entérinées les provisions, en date du 13 février de la même année, de l'office de Pré-
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sident au Présidial de Cahors, accordé à Me Géraud Le Franc, docteur, ès-droit. Cet office avait été payé 11,200 livres et 108 livres pour le droit de marc d'or. Les gages y attachés étaient de 800 livres.
Des lettres-patentes déjà enregistrées au Parlement de Toulouse, comme les précédentes, furent également entérinées au Bureau des finances de Montauban, portant nomination de Me Pierre de Boissy en qualité de procureur du Roi en la sénéchaussée et siège présidial de Cahors, en remplacement de Me Charles de Boissy, son père, moyennant la somme de 750 livres, versée au trésorier des parties casuelles, pour la résignation de cet office.
Le 12 décembre 1635 Me Le Bossu dressait procès-verbal de la réception du sieur Ancelot Charpentier, en l'office de premier huissier garde-meubles au Bureau des finances de Montauban, dont les provisions étaient en date, à ChâteauThierry, de juin 1635, scellées de cire verte, en lacs de soie rouge et verte. Finance 3,000 livres, marc d'or 42 livres, gages annuels 300 livres.
Le 11 janvier 1636, entérinement de lettres-patentes, scellées, le 5 août précédent, du grand sceau de cire jaune, par lesquelles S. M. a donné et octroyé à Jean
archer de la maréchaussée d'Armagnac, Comminges, RivièreVerdou, Bigorre et Haute-Guyenne, de pouvoir exploiter par tout le royaume, et mettre à exécution tous arrêts, sentences, jugements, contrats, obligations et généralement tous autres actes de justice civile et criminelle de quelques juges qu'ils soient émanés, tout ainsi que les huissiers sergents à cheval du Châtelet de Paris.
Le 11 février 1636 le sieur de Villeneufve se présentait devant les Trésoriers de France de Montauban pour faire enregistrer des lettres-patentes le concernant. Elles commencent comme suit : " Aujourd'hui 24 du mois d'août 1628, le Roi étant à Surgères, en considération des services du
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sieur de Villeneufve, avocat au Parlement de Toulouse, et pour lui donner moyen de continuer, lui a accordé et fait don de l'office de son conseiller et avocat au siège de Montauban, vacant par la rébellion du sieur de Rieupeyroux, à présent possesseur d'iceluy, Sa Majesté ayant commandé toutes lettres et provisions, pour ce nécessaires, lui en être expédiées en vertu du présent brevet, qu'elle a voulu signer de sa main et faire contresigner par moi Conseiller Secrétaire d'État et de ses commandements. Louis, signé, et plus bas Phélippeaux. « Les lettres-patentes délivrées en vertu dudit brevet sont datées du 27 septembre 1628. Il y est dit : « Donné au camp devant La Rochelle. »
Le 18 février 1636 étaient enregistrées des lettres-patentes du 13 janvier de l'année précédente, nommant Pierre Pol de Faure, écuyer, aux fonctions de capitaine châtelain de la ville, châtellenie et château de Caylus. Le sieur de Faure avait prêté le serment dont il était tenu, entre les mains de Mgr d'Aligre, chancelier de France et de Navarre, le 24 janvier 1636, en remplacement de son père, Vital de Faure, écuyer. Cet enregistrement était nécessaire, comme nous l'avons déjà dit, pour que ledit Faure fils pût jouir des gages de 33 1 7 s, revenant à la somme de 100 livres, lesquels gages devaient lui être payés « en chacun an, en quatre termes et en la manière accoutumée. »
Le dernier février 1636, entérinement des provisions de M. Dominique Fort, conseiller élu en l'élection de Montauban. Son office avait été payé 6,300 livres et 54 livres pour le droit de marc d'or, aux gages de 450 livres et de 75 livres pour droit de chevauchée et autres droits,
Le sieur Isaac Du Maine, seigneur du Bourg, de Lacourt et de Malherbe, avait été pourvu le 12 mars 1636 de l'état et charge de capitaine et gouverneur de la ville et juridiction de Moissac, vacant par la démission de Pierre Dauga, mousquetaire à cheval de la garde du Roi. Les lettres-
70 LE BUREAU DES TRÉSORIERS DE FRANCE
patentes délivrées au sieur Du Maine spécifient qu'il est nommé « en considération de ses services et sur l'assurance qu'a S. M. de son affection et fidélité, valeur et expérience au fait des armes. »
Le sieur Du Maine ou plutôt Du Bourg, nom sous lequel il était plus habituellement désigné, ne pouvant, toutefois, en raison de ses infirmités, se rendre « par devers le Chancelier de France pour prêter le serment qu'il était tenu de faire pour raison de sa charge, » Pierre Séguier chargea, par. commission du 10 mai 1636, Jean de Bertier, seigneur de Montrave, premier président du Parlement de Toulouse, de recevoir ce serment, ce qui fut fait le 18 août 1636. Le lendemain, 19 août, les lettres-patentes données à SaintGermain, et portant nomination du sieur Du Bourg, furent enregistrées au Bureau des finances de Montauban, afin de jouir des gages et des droits dont avaient joui ses prédécesseurs, le sieur de Marcillac et le sieur Dauga. Ces lettres-patentes portaient l'attache du duc d'Épernon, gouverneur et lieutenant-général pour le Roi en Guyenne, du 6 juillet.
Les registres où sont consignés les décisions et les divers actes des Trésoriers de France de la Généralité de Montauban, et qui sont conservés aux archives de la préfecture de Tarn-et-Garonne, comme nous l'avons déjà fait connaître, ne sont pas complets. A partir de la fin de 1636, il existe une lacune regrettable jusqu'en 1663, et dans un prochain chapitre c'est depuis cette époque seulement que nous reprendrons notre travail. Nous croyons, en tout cas, lui avoir donné jusqu'ici un développement suffisant pour faire bien connaître et les débuts et les attributions du Bureau des finances de notre ville.
BIBLIOGRAPHIE.
M. Tamizey de Larroque vient de publier le tome III et dernier des Lettres de Peiresc aux frères Dupuy. (Coll. des documents inédits.) Ces lettres vont de 1634 à 1637; comme les précédentes, elles présentent un grand intérêt pour l'histoire. Un index des mots et des locutions termine le volume, ainsi qu'une table des noms de lieux et de personnes.
— On doit à M. Cibiel une restauration aussi intelligente que luxueuse de l'abbaye cistercienne de Loc-Dieu (Aveyron). Il vient de compléter l'oeuvre en publiant, avec l'aide de M. Lempereur, archiviste de l'Aveyron, des Documents sur l'ancienne Abbaye de Loc-Dieu. L'acte le plus ancien est daté de 1124; il contient une donation faite par Audouin de Parizot à N.-D. de Loc-Dieu, fondée le 21 mars 1123. Le dernier acte est l'acte de vente â M. Cibiel père, le 26 mars 1812, du domaine et des bâtiments conventuels acquis comme biens nationaux par les sieurs Savignac et Roux.
— La Société de l'Histoire de France vient de faire paraître les cinquième et sixième volumes de l'Histoire universelle d'Agrippa d'Aubigné, publiés par notre confrère le baron A. de Ruble. Les faits vont de 1575 à 1585.
— Le Bulletin du 15 janvier 1893 de la Société de l'Histoire du Protestantisme français contient de M. Ch. Garrisson : Les Préludes de la Révocation à Montauban (4659-1661). Une Plainte des Huguenots à Montauban en 1668.
— Annales du Midi (1893, janvier). De M. le chanoine Douais : Les Guerres de Religion en Languedoc, d'après les papiers du
72 BIBLIOGRAPHIE.
baron de Fourquevaux (suite). M. S. Brissaud : La Charte des Coutumes d'Escazeaux; l'auteur signale d'autres variantes au texte publié par M. P. du Faur dans le Bulletin de la Société archéologique de Tarn-et-Garonne.
— La Révolution française. Douarche : La Justice à Agen pendant la Révolution.
— Paul de Viau, capitaine huguenot et père du poète Théophile (1621-1629). Biographie écrite par un de ses descendants, M. Ch. Garrisson. Paris, 1892; grand in-8° de 26 pages. Ce personnage était un des lieutenants du duc de la Force; il a pris part aux guerres religieuses du Languedoc et de la Guyenne.
— Revue de Gascogne. (Dec. 1872). Le Vêtement populaire du Bas-Armagnac, par M. Ducruc, curé-doyen de Cazaubon. — La Vie de Château en Gascogne au XIVe siècle, par le chanoine de Carsalade du Pont. — (Janvier 1873). Carreaux en faïence décorée. Il est fait mention des carreaux d'origine persanne qui décoraient la façade de l'hôtel-de-ville de Saint-Antonin. — (Février). Vieux Noëls français et patois, par M. l'abbé Breuils. — Mlle de Cambefort et le Roi de Navarre, fait rectifié à l'honneur d'Henri IV, par le baron de Ruble. — (Mars). Ménage d'un Gentilhomme gascon au XVIe siècle, par le chanoine de Carsalade du Pont.
— Revue de la Saintonge et de l'Aunis. (Janvier 1893). Le Buyard huguenot, François de Lanoue, par Henri Hauser. Compte-rendu par Denys d'Aussy. — (Mars). Le Culte de Saint Eutrope, par Louis Audiat. (L'évêque martyr de Saintes vénéré dans le Tarn-et-Garonne, à Montricoux, à Sérignac, à Lauzerte, etc.).
— La Guillouné, étude sur le Noël populaire en Gascogne, en France et à l'étranger, par M. L. Saint-Martin. A Auch, chez l'auteur, rue Victor-Hugo, 16 (1 franc; par la poste, 1 fr. 50). Cet érudit travail a été communiqué par l'auteur à la séance publique donnée en mars 1892, à Montauban, à l'occasion de la visite de nos confrères de Gascogne.
BIBLIOGRAPHIE. 73
— Bulletin de la Société des Etudes littéraires, scientifiques et artistiques du Lot (tome XVII, 1892). — (2e fascicule, page 73). Aliénation de Biens ecclésiastiques dans le Diocèse de Cahors en 4576, par l'abbé Taillefer, curé de Cazillac. — (3e fascicule, page 205). Documents inédits sur Hugues IV de Cardaillac, marié en 1347 avec une petite nièce du pape Jean XXII, par. M. Edouard Forestié.
— Décharge des canons, armes et munitions de guerre du château de Foix en faveur du sieur de Rieuclas (1672), par le chanoine Pottier, dans le Bulletin périodique de la Société ariégeoise. (4e vol., n° 8.)
— Marcel Sérizolles (Semezies) : Sur la Mandoline (poésies, 1876-1886). Paris, Ollendorf, 1892.
— Jane Dieulafoy : Volontaire, 1792-1793 (roman historique). Paris, Armand Colin et Cie.
— Du chanoine Henry Calhiat : Louise Traversa : Un Ange, Le Regina Coeli à Naples. J. Godenne, éditeur à Liège (Belgique). Brochure elzévirienne de 72 pages, 1892.
La Mère Thouret, fondatrice des Soeurs de la Charité, sous la protection de saint Vincent de Paul : Histoire de sa Vie et de ses OEuvres. Un volume in-8° elzévirien de 587 pages. Imprimerie du Vatican, Rome, 1892.
Petit Manuel des Pèlerins à Notre-Dame de Lourdes. Brochure de 104 pages. Imprimerie Ed. Forestié, Montauban, 1892.
CHRONIQUE.
Notre compatriote M. Louis Cabanes a obteun, en janvier, une seconde médaille au Concours de l'École des Beaux-Arts de Paris. — Quelques jours après, ce même artiste obtenait une première médaille. Enfin, le Gouvernement lui a acheté le portrait de Mme Chevreul.
— MM. Delpérié, statuaire, et Gibert, architecte, ont exposé la maquette du monument destiné à perpétuer la mémoire des soldats de Tarn-et-Garonne morts en 1870-71. Le projet se compose d'une tour carrée, autour de laquelle des soldats de diverses armes sont placés dans des attitudes remarquables d'expression et de sentiment.
— M. Louis Oury, de Montauban, a été reçu élève à l'École nationale des Beaux-Arts (section de sculpture).
— Le Ministre de l'Instruction publique a accordé un crédit de 11,500 pour la part de l'État sur les 40,000 francs nécessaires aux réparations urgentes à faire à l'église Saint-Pierre de Moissac.
— Un nouveau deuil vient de frapper notre Société : M. Charles de Mazade, de l'Académie française, membre de la Société archéologique, est mort le 27 avril 1893.
Petit-fils du conventionnel Mazade-Percin, l'académicien qui vient de mourir était né à Castelsarrasin en 1820. Il vint à Paris en 1841 et débuta dans la littérature par la publication d'un volume de vers, les Odes, et collabora à la Presse et à la Revue de Paris. En 1846 il entra à la Revue des Deux-Mondes, qu'il n'a pas quittée depuis, et dont il était le chroniqueur politique.
Citons parmi ses oeuvres principales : l'Espagne moderne, les Révolutions de l'Espagne contemporaine, l'Italie et les Italiens, la Pologne contemporaine, Deux femmes de la Révolution, Lamartine, etc.
PROCÈS-VERBAUX DES SEANCES.
Séance du 7 décembre 1892.
Présidence de M. le chanoine POTTIER,
Présents : MM le chanoine Pottier, président; de Mila de Cabarieu, vice-président ; Edouard Forestié, secrétaire-général; chanoine Calhiat, Forestié père, Pons, de Saint-Félix, Azémar, abbé Contensou, docteur Coste, de France, capitaine de Villaret, Semezies, Dumas de Rauly, Maurou, Lavitry, de La Bernardie : Paul Fontanié, secrétaire.
MM. le comte de Gironde, Lapierre, Prax, excusés par lettres.
Le procès-verbal de la dernière séance est lu et adoptéM.
adoptéM. Président, en termes émus et tout particulièrement affectueux, fait l'éloge de M. le général Séatelli et de M. l'intendant d'Amade. On trouvera les paroles prononcées au sujet du général dans le précédent Bulletin. Voici en quels termes il parle de M. d'Amade :
« Depuis la mort du regretté général, voici, Messieurs, une autre tombe ouverte, encore pour un homme de l'armée et de la science, l'un des nôtres depuis bien des années. Lundi soir nous recevions de Toulouse un télégramme nous annonçant la mort presque subite de notre confrère, M. l'intendant d'Amade. Celui-là nous appartenait par le berceau de sa famille, placé dans notre Gascogne, et devenue depuis des années montalbanaise ; l'attachement aux ancêtres, l'amour du sol natal, des liens étroits avec notre Compagnie, l'ont suivi dans ses lointaines garnisons, et si l'érudit a écrit un livre de valeur sur les ordres civils et militaires, un monument a été également élevé par lui pour rappeler le passé de ses pères : Pro aris et focis.
76 PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES.
« Il avait raison, Messieurs, car il. mérita la plus estimée de ses décorations ; il appartenait à un foyer plein d'honneur, et l'autel, auquel il resta toujours fidèle, était l'autel chrétien.
« Son nom, nous ne saurions l'oublier, restera vivant parmi nous; il est porté par un fils qu'il nous présenta lui-même, et ce fut sa meilleure contribution à notre oeuvre, qu'il aimait tant. Ce soir vous deviez entendre une lecture du capitaine d'Amade ; elle s'est changée en une douloureuse communication, à laquelle je répondrai par le témoignage de notre profonde sympathie. »
M. l'abbé Contensou donne lecture d'un rapport très complet, ayant trait à l'ouvrage sur Wagner, dont M. Soubies a fait don à la Société archéologique. Les éloges décernés par notre confrère au travail de M. Soubies sont d'autant plus flatteurs, qu'ils sont signés d'un nom autorisé dans la critique musicale.
M. le Président annonce en ces termes une découverte de monnaies faite à Moissac :
« Sur le coteau de Coste-Vieille, près de la route de Lauzerte, et aux portes de Moissac, un propriétaire a trouvé, vers la fin de 1892, en creusant les fondations d'un four, une cachette renfermant environ 500 monnaies d'argent du XIe siècle ; elles étaient mêlées à des débris de verre et de poterie, à 1 m. 80 c. de profondeur, où une cachette de 0,80 centimètres de largeur paraît avoir été creusée en cet endroit. Les pièces, en partie encore adhérentes l'une à l'autre, avaient dû être déposées en rouleau dans un vase de terre de couleur grise.
« Il se pourrait que ce petit trésor eût été caché lorsque Vivien, vicomte de Lomagne, attaqua la ville à la tête de ses troupes, et la brûla vers 1090, ou, plus probablement, vers la fin du XIe siècle, lorsque Hunaud vint de Layrac pour livrer Moissac au pillage et à l'incendie.
« Vers 1186 la ville fut prise par les Anglais, mais peut-on aller aussi loin pour fixer une date à l'enfouissement de ce trésor, qui ne renferme pas une seule pièce postérieure au XIe siècle.
« On compte, en effet. 330 deniers de Centulle, comte de Béarn. Est-ce Centulle IV, de 1012-1058, il le semble. On connaît cinq comtes de ce nom, dont les monnaies diffèrent peu.
CENTULLO COMES, au centre une croix cantonnée de besans ; au revers : PAX ; au centre et en exergue : ONOR FORCAS. Ces mots indiquent, selon Du Cange, une seigneurie, un château.
PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES. 77
Forcas ou Morlas était, en effet, la maison seigneuriale des comtes de Béarn.
« 175 oboles même effigies. Ces pièces sont très communes. Une seule pièce, beaucoup plus rare, appartient au comte de Carcassonne, Roger; au centre P. A.
M. Edouard Forestié, secrétaire-général, lit une communication de M. Jeanroy, professeur à la Faculté des lettres, relative à une explication du mot noalha, qui signifie paresse, dans les peintures de Pervillac.
M. Fontanié lit un chapitre de la Monographie de Dunes, concernant la confrérie de Saint-Eutrope, de Dunes (1610-1764). Cette Monographie, très complète, est due à la patiente et savante collaboration de notre confrère, M. Bouyssou, curé de Dunes, et M. Stéphane Strowki, élève de l'Ecole normale supérieure.
M. le Secrétaire général Edouard Forestié présente un rapport sur les travaux de l'année. Il donne, en commençant, un souvenir plein de respectueuse sympathie et de confraternelle gratitude à MM. Moulenq, Soleville, de Saint-Jean de Belleud, général Séatelli et d'Amade, enlevés trop tôt à notre Société, qui leur doit une partie de sa considération, à la prospérité et au renom de laquelle ils avaient apporté le concours de leur érudition et de leur dévouement. Cet inventaire complet a rappelé à la Société la prospérité croissante dont elle donne chaque jour de nouveaux témoignages, et elle a applaudi à cet éloquent résumé des travaux et des richesses dont elle a le droit d'être fière.
L'ordre du jour appelle l'élection d'un membre du Conseil d'administration en remplacement du général Séatelli. M. Paul de Fontenilles est élu.
La Société procède ensuite au renouvellement des membres sortants du bureau. M. le chanoine Pottier, président; M. de Mila de Cabarieu, vice-président, et M. de Capella sont réélus pour 3 ans.
M. Azémar présente à la Société des monnaies romaines et gauloises trouvées à Vieille-Toulouse, ainsi que des monnaies de Gordien et de Claude, provenant de Cazères.
M. de Casabon, dont la candidature ayant été proposée par M. le Président et M. Edouard Forestié; M. G. Dubois-Godin, présenté par M. le Président et M. de Saint-Félix, sont élus membres de la Société à l'unanimité. M. Dardenne, trésorier général, présenté par MM. le chanoine Pottier et de Mila de Cabarieu ; M. Paul Bosc,
78 PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES.
par MM. Edouard Forestié et abbé Contensou, sont également élus membres de la Société archéologique.
A l'unanimité aussi, la Société décerne le titre de membre correspondant à M. Xavier de Cardailhac, avocat à Tarbes, inspecteur de la Société française d'archéologie, et à M. Alfred Jeanroy, professeur à la Faculté des lettres de Toulouse. La séance est levée à 10 heures 1/2.
Le Secrétaire,
Paul FONTANIÉ.
Séance du 4 janvier- 1893.
Présidence de M. le chanoine POTTIER,
Présents: MM. le chanoine Pottier, président; de Mila de Cabarieu, vice-président; Pouillot, inspecteur d'académie; Dardenne, Moulenq, lieutenant Charroy, Pons, Bouïs, Semezies, de France, Dumas de Rauly, Rey-Lescure, Prax, Casabon, Lapierre, Lavitry, Buscon, capitaine Dupont, colonel Forel, chanoine Calhiat; Fontanié, secrétaire,
Excusés : MM. Paul de Fontenilles, Edouard Forestié, général de Boysson et comte de Gironde.
M. le Président souhaite la bienvenue à MM. F. Moulenq, Dardenne, trésorier général, et de Casabon, violoniste-compositeur. Ces Messieurs répondent dans les termes les mieux sentis.
Lecture est donnée de lettres de remerciements de MM. Jeanroy et de Cardailhac, nommés membres correspondants à la précédente séance.
M. le Président annonce l'apparition d'un Album publié sous les auspices de la Société archéologique du Midi de la France, et reproduisant les monuments anciens du Sud-Ouest. Des phototypies accompagneront le texte de cette publication, qui paraît appelée au succès, et ne coûtera d'ailleurs que 10 francs par an.
PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES. 79
Il communique à la Société le 3e fascicule des « Sceaux gascons, » reproduisant les sceaux de Bernard Assalit, marchand de Montauban (1358) ; d'Aymeric de Dieupentale, moine du Mas-Grenier ; d'Antoine de Lomagne, baron de Terride, etc.
M. le commandant Puig a bien voulu communiquer un poème patois manuscrit, qui porte ce titre : Napoleoun à Mountalba, 1808, B. C. M. On lit au verso de la première page l'envoi suivant :
Ouffrissi à l'amie de la rimo Un pichou tros de moun trabal; Si lou troubabo coumo cal, Per el sera pas anounimo. Aoütromen, souy... estre... un tal. B. G. M. 1845.
M. de France, qui donne lecture de cette curieuse peinture de Montauban, lors de la venue de Napoléon Ier dans nos murs, croit que les trois initiales dénoncent l'anonyme, qui serait Baptiste Constans-Manas. Ce même sujet, qui a si heureusement inspiré notre confrère, le chanoine Calhiat, au mois de mai dernier, lors de la visite que nous fit la Société historique de Gascogne, est ici traité d'une façon spirituelle et badine; on y retrouve le langage de nos pères dans le premier tiers de ce siècle.
M. le Président présente une boucle de soulier en étain, de la fin du règne de Louis XVI ; elle est carrée aux extrémités, ornée d'un câble peu accusé, entre grènetis et filets. On lit, à l'envers, en caractères saillants, le nom du fabricant Montalbanais :
GAILLAN A MONTAUBAN A LA MONGOLFIER.
Son intérêt se retrouve également dans la désignation que lui donnait la mode du temps.
M. de Mila de Cabarieu continue la lecture de sa très intéressante Étude sur les Trésoriers de France à Montauban, 1635 à 1636.
M. le Président communique une partie du Répertoire des Sources historiques du Moyen-Age, de M. le chanoine U. Chevalier, « ouvrage très appréciable, » a dit M. Léopold Delisle, et, d'après Léon Gauthier, « le plus étonnant et le plus prodigieux travail de bibliographie qu'il lui eût été donné de lire ou de consulter. »
80 PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES.
Le Comité de patronage pour l'érection d'un monument à M. de Quatrefages, sollicite une souscription de la Société. Celle-ci regrette que son budget, trop restreint, ne lui permette pas de s'unir autrement que par des voeux à l'hommage rendu à un grand savant.
M. le Président indique une inscription très originale, gravée sur un cadran solaire dans une cour d'hôtel, à l'Isle-Jourdain. Un soleil énorme est peint sur ce cadran, on lit :
JAM DEDIT UMBRAM NOTAM SOLVE VIATOR ABI 1764.
M. l'inspecteur Pouillot présente un rapport oral sur l'histoire du 9e de ligne, en garnison à Agen. Ce travail excellent est dû à M. le commandant Puig, dont la candidature est posée.
M. le commandant Puig est élu membre correspondant à Toulouse, où l'appellent, au grand regret de la Compagnie, ses fonctions de commandant de recrutement.
MM. le docteur Tachard, le président La Borde et Maurice Vène sont nommés à l'unanimité membres titulaires ; la première présentée par MM. de France et le docteur Alibert ; la seconde, par M. le Président et M. de Mila de Cabarieu ; la troisième, par MM. de France et Edouard Forestié.
La séance est levée à 10 heures 1/2.
Le Secrétaire.
Paul FONTANIÉ.
PAREMENT D'AUTEL DE L'EVÊCHÉ DE MONTAUBAN
LE
PAREMENT D'AUTEL
DE
L'EVÊCHÉ DE MONTAUBAN
PAR
MGR X. BARBIER DE MONTAULT,
Membre de la Société.
En France, nous avons la prétention de faire, en fait de rite, du romain pur ; malheureusement, il ne ressemble pas toujours à celui de Rome, dont il s'écarte sur plus d'un point. D'où vient cela? De ce que l'on ne sait pas voir, quand on voyage, qu'on n'a pas suffisamment étudié le passé et peutêtre surtout parce qu'on raisonne et discute les principes.
Ainsi, le parement d'autel, qui fut toujours strictement obligatoire, n'existe presque nulle part parmi nous. Je ne dis pas cela pour Montauban, qui cherche de toutes façons à se mettre à la règle et à s'uniformiser aux usages romains. Ce m'est donc avec une véritable satisfaction que je félicite notre zélé Président du soin qu'il a pris de garnir d'un parement d'étoffe l'autel de la chapelle épiscopale et ceux de la cathédrale et de la communauté des Soeurs de Nevers, qu'il dirige. Cet exemple intelligent a trouvé dans le diocèse des imitateurs.
1893. 6.
82 LE PAREMENT D' AUTEL DE L ÉVECHE DE MONTAUBAN.
Avec son goût exquis pour la liturgie et l'archéologie, M. le chanoine Pottier a compris que l'autel a besoin d'un complément, que le Liber pontificalis appelle un vêtement, parce que autrefois la garniture enveloppait l'autel entier, et que nous nommons actuellement parement, parce que, depuis que les autels ont été adossés à la muraille, elle ne décore plus que la partie antérieure, ce qui a motivé l'expression française devant d'autel.
L'autel symbolisant le Christ, le parement signifie sa robe de gloire et de triomphe, car il est désormais ressuscité et règne aux cieux. Si le prêtre est habillé richement, pourquoi le Sauveur serait-il seul dépouillé ? On n'a pas réfléchi que ce dépouillement a lui-même sa signification très précise, et est limité par la liturgie à un seul jour dans l'année, le Vendredi-Saint, en souvenir de la Passion. En sorte que, pour satisfaire notre manière de voir personnelle, en opposition formelle avec celle de l'Eglise, nous n'hésitons pas à tenir l'autel en permanence avec l'aspect de la tristesse et de la désolation. Mais, en revanche, que de bouquets et autres superfluités de papier !
La rubrique exige le parement, qui, régulièrement, devrait présenter la couleur du jour, afin qu'il y ait harmonie entre les ornements du prêtre et ceux du choeur. L'Eglise, qui sait s'accommoder à toutes les exigences, autorise une restriction, en vue des fabriques moins fortunées. Elle n'impose donc que le parement, sans se préoccuper alors de sa couleur, concession qui montre que, tout en cédant sur le détail, elle entend maintenir strictement le principe.
Au Moyen-Age et à la Renaissance le parement fut généralement en étoffe de soie ou de laine, parfois aussi en toile et en tapisserie. Cependant on en rencontre en métal et en bois peint. Le tissu avait la couleur voulue, et si la toile n'était pas employée avec sa teinte native, qui est le blanc, on la plongeait dans un bain qui lui donnait la nuance désirée.
LE PAREMENT D'AUTEL DE L'EVÊCHÉ DE MONTAUBAN. 83
Le bois et la toile teinte sont deux matières économiques, qui ont l'avantage de pouvoir durer longtemps. Le métal, argent, argent doré, était affecté aux solennités. En France, on est revenu à ces parements métalliques ; mais, comme on n'a pas la précaution de les recouvrir en temps ordinaire, il s'ensuit que l'autel est toute l'année en fête. Personne ne s'en choque, tant le sens liturgique manque à un grand nombre !
La tapisserie, sans être rare, indiquait une église riche, pouvant faire une dépense notable. Comme le métal, elle n'avait pas de couleur propre, car toutes les nuances s'y mariaient habilement, et le fond lui-même, bien souvent, ne se distinguait pas par une couleur dominante.
Un curieux spécimen de parement en tapisserie se voit à l'évêché de Montauban 1, où M. le chanoine Pottier me l'a signalé, avec prière d'en dire un mot pour mettre en relief son double mérite technique et iconographique. Je le ferai volontiers ; mais, élargisssant le cadre, je rechercherai les similaires, à la fois dans les textes d'inventaires et les monuments subsistants. Un travail de cette nature n'est vraiment intéressant qu'autant qu'il est complet et écrit en vue de l'intérêt général, sans se confiner dans les bornes étroites d'une seule localité, d'autant plus que cette question spéciale est ici traitée pour la première fois.
I.
Une excellente phototypie, tirée sur un cliché photographique très net, de notre confrère, M. le commandant
Ce parement, ainsi que l'autel et son retable, a été acheté vers 1872 à M. Baldayrou, marchand d'antiquités à Toulouse, qui prétendait l'avoir acquis d'un château.
84 LE PAREMENT D'AUTEL DE L'ÉVÉCHÉ DE MONTAUBAN.
Duchaussoy, abrégera ma description, et permettra de la contrôler sur tous les points.
La tapisserie forme une bande, large de 0 m. 92 c, haute de 0 m. 38 c, c'est-à-dire longue et étroite, ce qu'on nommait vulgairement une frise. Ses dimensions indiquent déjà la destination, qui est de parer un autel. Mais, comme le parement était très souvent double, un pour le haut et l'autre pour le bas 1, et que parfois ils se ressem«
ressem« (l'évêque d'Auxerre de Gualdrico 918-933), alterum pallium diaprasini coloris et nominis cum hirundinibus, in quo frigium opus ab Herifrido prius factum ex auro, supra aram altaris resplendet diebus festis. »
« Item, une chapelle inde, c'est assavoir un chazuble..., ij paremens d'autel de satin inde. — Item, j chazuble, ij paremens d'autel... de drap d'or blanc. — Item, un chazuble... et deux paremens d'autel noirs. » (Inv. de Guill. de Lestrange, arch. de Rouen, 1389.)
« Item, sunt duo panni cerici de auro operati simul conjuncti, quos dedit nobilissima domina domina de Berry, qui ponuntur rétro majus altare pro paramento in festis annalibus. Item, quedam capella nigra panni de damasco pro mortuis, munita... duobus pannis pro paramento altaris ante et rétro. « (Inventaire de la cathédrale de Poitiers, 1.406.)
« Deux grans paremens d'autier, d'un mesme drap (que la chasuble, drap d'or sur velours cramoisi), doublez de bougrain pers, donnez par ledit roy Loys (Louis XI, en I467), qui servent aus grans testes. » (Inventaire de la cathédrale du Mans, XVe siècle.)
" Paremens d'autel, de semblable drap aux dittes chappes, l'un pour le devant, l'autre pour le haut. — Item, deux paremens d'ostail (ostade) noire, doblé de boguerant perce, servant chacun jour aux affaires (offices) aux grand halté (autel). » (Inventaire de la cathédrale d'Auxerre, 1531.)
« Ung drap d'or rouge, avec ung crucifix au milieu..., pour mettre devant la table d'aultol. — Ung aultre drap d'or rouge..., à pendre devant l'autel en bas. — Une claire toille, ouvrée de brancaiges de fil d'or..., pour mettre sur l'autel aux bons jours. — Ung drap de demye ostade rouge, semé de plusieurs fleurs de soie, qui pend journellement devant l'aullelen bas. — Ung drap de de velours bleu viollet..., à mettre contre la table d'autel. — Ung drap de soie viollet..., pour mettre devant la table d'aultel es doubles de quaresme. — Ung drap pour pendre devant l'autel en bas, de damas blancq. — Ung drap
velours noir pour mettre devant la table d'autel. Ung autre drap
pareil, à mettre devant l'autel en bas. » (Inventaire de la collégiale de SainlOmer, 1557, nos 90, 91, 98, 104, 107, 115, 117, 118.)
« Deux paremens d'autel de velours noir, croisés chacun d'une moire d'argent, autour desquels est un galon d'argent. — Une chapelle de velours noir, donnée par Monseigneur Séguier, consistante en deux parements de velours noir, croisés chacun d'une grande croix de satin blanc; au parement
LE PAREMENT D'AUTEL DE L'EVÊCHÉ DE MONTAUBAN. 85
blaient, je ne saurais dire si nous sommes en présence d'un devant d'autel ou d'un retable, que le prêtre avait devant lui en célébrant. La chapelle Sixtine a conservé la tradition des deux parements ; seulement, celui que le MoyenAge appelait plus généralement dossier 1, s'est fait tableau, et, diminué en largeur, il s'est surtout accru en hauteur, à l'imitation des toiles qui rehaussent les grands retables de pierre ou de bois imaginés par le XVIIe siècle, visant toujours à l'effet 2.
Le sujet donne, lui aussi, un renseignement précis sur l'affectation spéciale de cette tapisserie, car son iconographie est absolument topique. Elle se réfère, en effet, à l'ordre de Saint-Dominique, et peut faire supposer la provenance d'une église de Frères Prêcheurs; mais, suivant des similaires, je préfère y voir le don particulier d'une confrérie du Rosaire à la chapelle où elle a son siège 3. Peut-être même, n'était-ce, comme ailleurs, qu'un simple autel dans une église paroissiale ou régulière. C'était une des règles constamment admises, une des conditions imposées par le diplôme d'érection : l'autel de la confrérie devait se distinguer des autres par un tableau représentant la Vierge du Rosaire 4. De la sorte, elle montrait aux yeux de tous
d'en haut est une crépine de soye noire et blanche. — Deux parements d'autel de damas blanc, croisés do moire d'or ciselée de velours rouge et galonnés d'or fin. » (Inventaire de la cathédrale d'Auxerre, 1726, nos 52, 53.)
X. Barbier de Montault, OEuvres complètes, t. I, p. 18.
- X. Barbier de Montault, OEuvres complètes, t. II, p. 44.
3 Parmi les objets détaillés dans différents inventaires du mobilier de la chapelle du Rosaire, nous citerons plusieurs parements d'autel, « dont un de « salin blanc, avec le rosaire on broderie, » et un autre « plus beau, brodé avec « figures relevées. » (R. P. Ducoudray, Etude historique sur le Rosaire, p. 80.)
'' « Volumus autem et omnino observari jubemus quod in von. icone dictae capellae quindecim nostrae Kedemptionis sacra mysteria pingantur nec non pro hujusce concessionis consentanea recognitione in eadem icône divi Patris nostri Dominici, ejusdem Rosarii primarii auctoris, imago vencranda, flexis genibus de manu Deiparae Virginis coronas orarias accipientis, similiter pingatur. » (Ducoudray, p. 134.)
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les fidèles que si cet autel lui appartenait en propre, elle en assumait aussi toutes les charges, l'entretien permanent et l'ornementation en vue de l'office divin et des réunions pieuses des confrères 1.
La date résulte du style, très accentué. Les costumes principalement reportent à la première moitié du XVIIe siècle et plus particulièrement au règne de Louis XIII. Il y eut à cette époque comme un renouveau dans l'efflorescence de la dévotion dominicaine à l'occasion du siège de La Rochelle; les textes et les tableaux subsistants en fournissent la preuve.
Le carton vaut mieux que la tapisserie, qui est un peu terne : elle manque de gaieté, ses couleurs étant plutôt de convention que conformes à la nature. C'est de l'industrie courante et non de l'art. Sans doute on y relève plus d'une incorrection dans des mains disproportionnées et des figures exagérées, mais je m'empresse de reconnaître que certaines physionomies ont du mouvement, de la vie et même de la grâce. Somme toute, l'oeuvre se tient bien au-dessus de la médiocrité, ordinaire en ce genre ; elle plaît, et pour la bien juger, il faut se placer à distance, comme pour toutes les tapisseries, dont le trait trop fort nécessite un recul : il en serait tout autrement si c'était de la broderie.
On me demandera certainement où fut tissée cette longue bande historiée. Je ne sache pas qu'on y ait constaté ni marque, ni signature de tapissier, car la lisière a été coupée, m'assure-t-on. Quoi qu'il en soit, je n'hésiterais guère, à cause du peintre qui y a apposé ses initiales, à l'attribuer
« Après avoir constaté que l'autel destiné au Rosaire était pourvu de tous les objets nécessaires au culte, et orné du tableau traditionnel, le Père prédicateur procédait à l'érection de la confrérie, Cette cérémonie avait lieu, ordinairement, à la messe solennelle. Elle comprenait d'abord le sermon imposé par le général des Frères Prêcheurs, la publication des pièces officielles, la désignation de l'autel du Rosaire et celle des autels à visiter pour gagner les indulgences attachées à cette visite en faveur des confrères, enfin la nomination du directeur, des marguilliers et des procureurs. » (Ducoudray, p. 136.)
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à la « fabrique de Paris, " comme on disait jadis, plutôt qu'aux ateliers d'Aubusson, qui soignaient moins leurs produits, et qui eurent tant de vogue auprès de la bourgeoisie, parce qu'ils étaient plus économiques.
Le vocable de la confrérie exigeait que le tableau représentât ou l'institution du Rosaire ou la Vierge, que les Litanies de Lorette invoquent sous ce titre spécial : Regina sacratissimi Rosarii. Or, il en est résulté pour l'iconographie un double courant, l'un romain, l'autre français; le curieux ici, c'est qu'ils sont fondus ensemble dans une remarquable unité.
A la cathédrale de Poitiers, l'autel de la paroisse est décoré d'un retable monumental, que la Révolution a arraché à l'église des Jacobins. Le tableau central est une bonne toile du XVIIe siècle : Saint Dominique y distribue lui-même le rosaire à tous les ordres de la société ', agenouillés autour de lui. Voilà le type français, emprunté à la Vierge dite de Bon Secours, comme à Nancy, qui étend son vaste manteau sur tous les fidèles indistinctement.
L'iconographie romaine a son prototype, oeuvre d'art incomparable, dans le tableau de Sassoferrato, à l'église cardinalice de Sainte-Sabine, sur le mont Aventin, desservie par les Dominicains. La distribution se fait par la Vierge et l'Enfant Jésus à saint Dominique et à sainte Catherine de Sienne, auxquels est spécialement confié le soin de propager la dévotion du Rosaire 2 ; les quinze mystères que
1 « Le zèle des Frères Prêcheurs répand la confrérie du Rosaire dans le monde entier; les fidèles travaillent avec enthousiasme, les rois eux-mêmes prennent place dans ses rangs, les évêques en favorisent de tout leur pouvoir la diffusion ; enfin, les papes l'enrichissent des trésors de l'Église avec une libéralité inouïe, comme le prouvent les 140 bulles ou brefs donnés par eux, d'Urbain IV à Léon XIII, et le catalogue authentique des indulgences. » (Ducoudray, p. 17.)
2 « Plusieurs procès-verbaux, parmi ceux que nous avons pu recueillir, exigent que sainte Catherine de Sienne soit représentée dans te tableau du
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fait méditer sa récitation lui forment comme une couronne par autant de médaillons empruntés à la vie du Christ et à celle de sa mère '.
J'ai constaté l'idée romaine dans un bas-relief de l'église Saint-Nicolas de Neufchâteau (Vosges), qui n'est plus en place sur un autel 2, et dont la Lorraine-artiste parle en
Rosaire, « sans autres figures de saincts ou sainctes qu'en l'aby de sainct « Dominique. » (Ducoudray, p. 134.)
« Le Rosaire est une pratique de piété qui consiste à réciter en l'honneur de la très Sainte Vierge, mère de Dieu, cent cinquante fois la Salutation angèlique, distribuée en quinze dizaines, dont chacune est précédée de l'Oraison dominicale, et se termine par la doxologie ou Gloria Patri. A chaque dizaine correspond un des principaux mystères de la Rédemption, que l'on doit méditer pieusement; la prière mentale vient ainsi animer la prière vocale et la compléter. Ces mystères se divisent en trois séries. La première série comprend les mystères joyeux: l'Annonciation, la Visitation, la Naissance de Jésus à Bethléem, sa Présentation au temple, son Recouvrement au milieu des docteurs. La seconde série se compose des mystères douloureux : l'Agonie de Notre-Seigneur, sa Flagellation, son Couronnement d'épines, le Portement de la croix, le Crucifiement. A la dernière série correspondent les mystères glorieux: la Résurrection, l'Ascension, la Descente du Saint-Esprit sur les Apôtres, la Mort et l'Assomption de la Bienheureuse Vierge et son Couronnement dans le ciel. » (Ducoudray, p. 1.)
Le P. Riols, directeur du Rosaire à Paris, écrivait en 1755 : « On inscrit leurs (des confrères) noms do baptême et de famille sur le registre... On bénit ensuite leur chapelet. Pour ce qui est des livrets du Rosaire (pour la méditation des mystères...) nous en avons ici de deux espèces, mais ce qu'il y a de plus parfait en ce genre, c'est l'abrégé de la dévotion du Rosaire par M. l'abbé Bellet, de l'Académie de Montauban... On est bien aise, pour favoriser l'accroissement de la confrérie, de vous donner des livrets au prix de l'impresssion. » (Ducoudray, p. 85.)
2 « La confrérie avait son mobilier spécial, dont la garde était confiée à une personne de mérite. On considérait comme un honneur le titre et les fonctions de sacristine du Rosaire. A la mort de la pieuse personne chargée du soin de la chapelle, une religieuse, désignée par le Prieur, dressait un inventaire des objets appartenant à la confrérie. Les fidèles se montraient généreux pour tout ce qui avait trait à l'ornementation de son autel et de la partie de l'église qui lui était réservée. » (Ducoudray, p. 80.)
« Les procureurs ont à administrer les biens temporels de la confrérie, à recueillir les aumônes, à payer à qui de droit les honoraires dûs pour le service religieux, à pourvoir à l'ornementation de l'église et de l'autel du Rosaire... Il entre encore dans leurs fonctions de veiller à ce que les fêtes,
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ces termes, ce qui prouve que l'auteur de l'article n'en a pas compris l'exacte signification : « Dans la première chapelle à gauche... se trouvent, appliqués au mur, deux retables en pierre sculptée, d'une grande finesse et d'un très beau style. Le premier, surmonté d'une grande couronne ducale, contient quatorze bas-reliefs très finement ciselés, représentant les principaux épisodes de la vie de Jésus. Au centre, une grande composition figure la Vierge, dans une gloire de séraphins, donnant un rosaire à un saint et à une sainte en habits religieux. Au fond se voit un monastère avec tous les détails de ses bâtiments, qui nous paraît être l'abbaye de Mureau. Des plaques de marbre noir s'intercalent entre les bas-reliefs et en font valoir le fini... Ces deux monuments paraissent dater du commencement du XVIIe siècle, et nous croyons qu'ils proviennent de l'abbaye de Mureau. » (1893, p. 205.)
Ceci établi, voyons comment on a procédé à Montauban. Saint Dominique cesse d'être le personnage principal, mais on garde tout son entourage ; la Reine du Rosaire fait ellemême la distribution, à saint Dominique et a sainte Catherine d'abord, puis à tous les fidèles. Toutefois, le tableau n'est pas complet, il y manque l'ensemble des mystères, qui continue la même pensée. Une seconde tenture devient alors nécessaire et elle formerait le retable, la première étant réservée pour le devant d'autel. On peut fort bien supposer une série de médaillons ou de tableautins carrés, suivant le type des tableaux à compartiments, ou encore, autour d'une crucifixion, le groupement circulaire des mystères, qui existe également à la cathédrale de Poitiers.
Le fond de la tapisserie est architecture ou plutôt maçonné, en terme de blason. Une grande muraille, régulièunniversaires,
régulièunniversaires, de la confrérie soient annoncés à temps et célébrés avec toute la pompe possible. » (Ducoudray, p. 142.)
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rement appareillée, avec corniche moulurée, se développe derrière le trône; aux extrémités, deux arcades ouvrent sur la campagne, plantée d'arbres et garnie de maisons. Ou c'est un mur de ville, avec son enceinte continue, entrecoupée de portes, ce qui signifie que la ville entière s'est vouée à la Vierge du Rosaire; ou, opinion plus probable, c'est l'intérieur d'un grand édifice, d'un palais, d'où résulterait une intention symbolique. Marie a été proclamée par les Pères le palais qu'a habité le Roi des cieux, et la liturgie dit d'elle, avec saint Fortunat, dans l'hymne O gloriosa Domina, du petit Office :
« Tu Régis alti janua
« Et aula lucis fulgida :
« Vitam datam per Virginem,
« Gentes redemptoe, plaudite. »
La Vierge est donc, non-seulement le palais du grand Roi, mais aussi la salle éclatante de lumière où trône le roi des rois et le seigneur des seigneurs ; c'est lui qui donne la vie et c'est lui que les nations doivent acclamer, car il les a rachetées en prenant un corps dans le sein de la Vierge Marie.
Voici une noble entrée en matière, toute à l'avantage de l'artiste, qui a su envisager son sujet d'une façon adéquate. Il l'a divisé en quatre parties : le trône, les saints, les confrères et les consoeurs, avec tact et méthode, de manière à éviter toute confusion.
L'attention se porte d'abord sur le groupe central, qui
On a appliqué à la Vierge ce texte scriptural : « Sapientia aedificavit sibi domum, » que saint Bernard commente ainsi dans son 52e sermon : » Sapientia, quae Dei erat et Deus erat, de sinu Patris ad nos veniens, aedificavit sibi domum, ipsam scilicet matrem suam, Virginem Mariam. »
Voir sur le Palais virginal des vitraux do Couches (Eure), datés de 1553 , les Annales archéologiques, t. XXIV, p. 42, et la Summa aurea du chanoine Bourassé, au mot palatium, XIII, 1,024.
LE PAREMENT D'AUTEL DE L'ÉVÈCHÉ DE MONTAUBAN. 91
est la partie principale de la composition. L'idée qui s'en dégage est celle de la royauté et de la souveraineté. Aucune de ses caractéristiques n'a été omise : dais, couronne, trône, ministres, cour et clients.
Le trône est un cube massif, dont le siège est mouluré au rebord. Les veines qui le traversent indiquent le marbre, c'est-à-dire une matière de choix, si belle par elle-même qu'on ne juge pas nécessaire de la recouvrir d'étoffe. Il est accompagné d'un dossier frangé et surmonté d'un dais ou plutôt abrité par un pavillon en forme de tente '. La tente, tabernaculum, convient bien à celui qui n'a fait que camper sur la terre, et d'après la symbolique traditionnelle, elle n'est autre que l'heureuse mère qui a offert au Fils de Dieu un refuge dans son sein : « Ecce tabernaculum Dei cum hominibus 2. » Cette tente est circulaire, de manière à envelopper complètement le groupe qui y prend place, et qui en occupe toute la hauteur ; elle se termine par un pavillon, dont la partie inférieure se découpe en lambrequins galonnés, qu'agrémente une série de houppes pendantes. Les courtines sont relevées à droite et à gauche par des augelots voltigeant, aux pieds nus et à la longue tunique, qui représentent ici la cour céleste, l'Église appelant Marie reine et maîtresse des anges, « Regina angelorum, domina angelorum. »
La Vierge est assise en majesté, les pieds chaussés, suivant les principes de l'iconographie. Reine, elle porte au front une couronne gemmée et perlée. Son voile descend sur ses épaules, protégées par un ample manteau, agrafé sur la poitrine, et qui recouvre en partie sa robe, ceinte
Une tente analogue est figurée sur une tapisserie flamande du XVIIe siècle, reproduite par Guiffrey, Histoire de la tapisserie, p. 273.
2 Summa aurea, XIII, 1,032, au mot tabernaculum. — « Tabernaculum gloriae, de quo speciosus prodiit sponsus. » (S. Maximus Taurinen.) — « Tabernaculum Dei. » (S, Petr. Damianus.)
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à la taille. Sa tête rayonne, comme celle de son fils, qui se tient debout sur son genou droit : l'enfant, pieds nus, est vêtu d'une tunique flottante, et sa main gauche tient le monde crucifère, parce qu'il l'a créé et racheté. L'un et l'autre ont à la main un chapelet pour l'offrir à l'Ordre chargé de propager cette dévotion.
Les Saints dominicains sont représentés par le fondateur et la première religieuse canonisée : à cette place ils tiennent lieu de l'ordre entier, car ils en sont comme la fleur. Par un oubli de l'artiste, ils n'ont pas le nimbe de la sainteté qui leur compète: je lui reprocherais même de les avoir agenouillés, Benoît XIV repoussant cette posture, qui est celle de la terre et non du ciel, où ils jouissent de la béatitude éternelle, mais il aura pour excuse qu'on l'a fait avant lui.
Saint Dominique est à droite, la place d'honneur, avec le costume de l'Ordre : tunique et scapulaire blancs, chape noire. A l'encontre de ses disciples, il est barbu, et sa tête, emprisonnée dans le capuchon remonté, semble inculte avec sa chevelure non peignée. Le chien couché devant lui, et tenant une torche allumée dans sa gueule, est son attribut ordinaire 1.
Sainte Catherine de Sienne lui fait vis-à-vis, à gauche. Habillée de noir et de blanc, elle se distingue, non-seulement par son costume propre de religieuse, mais aussi par le lis fleuri, qui rappelle sa virginité, et le livre, qui fait allusion à son amour de la méditation et de la prière -.
Sur le plat de ce livre on lit les initiales A C, qui ne peuvent se référer au nom de sainte Catherine, puisque celui de saint Dominique, qui aurait eu la même raison d'être, est omis, mais bien à celui du peintre du carton. Or, à
1 X. Barbier de Montault, Traité d'iconographie chrétienne, t. II, p. 312.
2 Ibid., p. 310. Le P. Cahier ne lui assigne pas le livre dans ses Caractéristiques des Saints.
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cette époque, « les modèles d'un certain nombre de tapisseries » furent fournies à la manufacture de Paris par « les peintres ordinaires du Roi, » et parmi eux M. Guiffrey signale « Antoine Caron 1. »
Les fidèles sont répartis de chaque côté du trône en deux groupes, les hommes à droite et les femmes à gauche, tous agenouillés et priant.
Le premier groupe comprend sept personnes, qui se succèdent ainsi : Un pape en rochet 2, chapé et tiaré 3 ; un cardinal, coiffé de son chapeau rouge, et son col blanc rabattu sur sa mosette ; un évêque, chape et mitré (mitre précieuse, à orfrois en titre et en cercle) ; un ecclésiastique, en surplis plissé, avec une courte dentelle, au col et aux manchettes de linge blanc, portant toute sa barbe comme le pape et l'évêque, tandis que le cardinal a le menton rasé; un franciscain, avec son costume grossier et sa couronne de cheveux; une tête, qui s'aperçoit à peine au second plan, et enfin, un autre personnage barbu, qu'à sa tonsure on peut prendre pour un moine.
Le groupe des femmes est plus restreint, car il ne comporte que cinq personnes, dont une autre dominicaine, derrière sainte Catherine. La reine, couronne fermée en tête, attire les regards par son riche costume, à devant et manches brodés, manchettes à dentelle, collier à médaillon au cou et collerette en fine guipure dressée en éventail. Des dames qui la suivent, deux ont des manches à crevés,
1 Page 287. Il n'y a pas à songer aux initiales d'Alexandre de Comans, parce qu'il les enlace et les met « dans la lisière latérale. » (Guiffrey, p. 302303.) — « Il faut attendre le règne de Louis XIII pour rencontrer quelques détails sur le prix de ces tapisseries provinciales, avec quelques noms de fabricants. » (Guiffrey, p. 259.)
2 C'est une faute iconographique, car le pape porte l'aube sur le rochet et sous la chape.
3 La tiare a trois couronnes, et s'amortit en fleuron, ce qui est une exception pour l'époque.
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une un col montant et l'autre une fraise tuyautée; ses cheveux sont crêpés et ornés d'un large ruban.
La société se trouverait au complet s'il n'y manquait le roi, que la reine appelle en regard, et si au clergé séculier et régulier s'adjoignaient le guerrier et l'ouvrier, l'homme de la noblesse et celui du peuple. L'idée n'est donc pas celle-là, mais bien d'une fraternité. Les clients de la Vierge sont les confrères et consoeurs admis, sans distinction de rang ni de sexe, dans la confrérie du Rosaire, à laquelle prennent part toutes les classes, principalement les plus élevées.
L'Enfant Jésus remet le chapelet, non à saint Dominique, qui le tient déjà entre les mains, mais au pape, parce que c'est le Souverain-Pontife qui l'approuvera, le bénira et l'enrichira d'indulgences. Le chapelet devient, en même temps l'insigne de l'ordre des Frères Prêcheurs ; aussi sainte Catherine le porte-t-elle suspendu à sa ceinture au côté gauche.
Tous les confrères et consoeurs, les yeux levés vers leur patronne, récitent le chapelet à deux choeurs, alternativement 1 . Leurs mains sont jointes et tendues, égrenant les Ave. Il y a deux manières de le tenir ou de le recevoir. La Vierge et l'Enfant Jésus le présentent par la croix, car
« C'était en 1630. Un des plus terribles fléaux... s'appesantit sur le nord de l'Italie. Bologne, en particulier, était décimée par la peste. Pleine de confiance dans la Vierge du Rosaire, que le P. Timothéo exaltait de sa voix émue du haut de la chaire, la ville s'engagea par voeu... Le mal contagieux ne tarda pas à cesser ses ravages, et, tandis qu'afin d'en prévenir le retour, toute réunion publique était interdite, le peuple bolonais fit une exception à cette loi pour la récitation du Rosaire. Deux choeurs immenses de voix psalmodiaient la prière de Marie dans l'église des Frères Prêcheurs, et ce bruit, cadencé comme la plainte de la mer sur le rivage, se prolongeait au dehors à travers les flots pressés d'une foule que l'enceinte de l'édifice ne pouvait contenir. » (Ducoudray, p. 28.)
« La récitation publique du Rosaire n'a été prescrite, pour la première fois, que par le Chapitre général de 1629. » (Ducoudray, p. 11.)
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l'exercice commence en se signant avec cette même croix '; ailleurs, la croix pend en bas, ce qui dénote que l'exercice est à son milieu.
Le chapelet est uniforme pour tous : c'est bien un chapelet de cinq dizaines et non un rosaire, qui en comporte quinze ; d'ailleurs, le rosaire se fractionne en trois chapelets, et le chapelet forme ainsi un tiers du rosaire. Les grains varient de couleur, claire ou sombre, suivant la matière. Enfilés, ils sont rapprochés les uns des autres ; mais, de distance en distance, un grain plus gros désigne les Pater. Ce chapelet est rond, aussi les Italiens l'ont-ils appelé une couronne mystique, corona. En Italie, il se termine par une médaille; en France, la croix a prévalu depuis longtemps ; ici, cette croix, sans crucifix, est pattée et à branches égales.
Le parement de Montauban offre donc un intérêt tout particulier au double point de vue de la confrérie du Rosaire 2 et de la forme spéciale du chapelet. De plus, la présence de la reine Anne d'Autriche lui assigne un caractère historique. Comme elle est seule, on peut supposer alors le roi mort, et son veuvage nous descendrait, en conséquence, postérieurement à l'an 1643. Il importe d'élucider ce point par une citation :
« Dans la lutte armée de la France catholique contre les protestants, la confrérie du Rosaire joua un rôle important et décisif. Louis XIII, voulant porter un dernier coup aux
1 « La méthode indiquée pour la récitation du chapelet (imprimée en 1619) nous apprend comment on disait cette prière au XVIIe siècle: «... Estant « à l'église ou en son oratoire, avant que commencer sa prière, et ainsi « humilié devant Dieu, faut se signer avec la croix du chapelet, adorer la " la très sainte et auguste Trinité, luy présentant par la main de la Vierge « Marie trois Pater et Ave, adjoustant une fois le Credo. » (Ducoudray, p. 92.)
2 « Dès le XIIIe siècle nous trouvons établies dans les églises des Frères Prêcheurs de plusieurs villes d'Italie de pieuses Congrégations, qui ne pouvaient être que la Confrérie même du Rosaire. » (Ducoudray, p. 5.)
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huguenots, résolut de se rendre maître de La Rochelle, place importante, dont ils avaient fait le boulevard du calvinisme. Se rendant compte des difficultés presque insurmontables qu'offrait une telle entreprise, le pieux monarque mit son armée sous la protection de la Sainte-Vierge. Il écrivit à la reine-mère, lui recommandant de faire réciter à Paris des prières publiques pour la prospérité de ses armes. Marie de Médicis, ayant reçu les ordres du roi, son fils, fit appeler le R. P. Carré, prieur du couvent des Dominicains de la rue Saint-Honoré. Après lui avoir déclaré qu'elle avait choisi leur église pour y faire, en l'honneur de la SainteVierge, les prières que le roi demandait, elle exprima sa volonté qu'on y récitât publiquement le rosaire. En même temps, la reine députa un de ses aumôniers à Mgr l'Archevêque de Paris, afin qu'il ordonnât aux curés de là capitale d'avertir leurs paroissiens que, le 20 du mois de mai (1627), on commencerait à réciter le saint Rosaire dans l'église des Frères Prêcheurs pour la conservation du roi et la prospérité de ses armes. Cet appel fut accueilli avec beaucoup d'empressement et de faveur par une foule incroyable de peuple. La reine-mère, la reine régente, le duc d'Orléans, les cardinaux de Bérulle et de La Rochefoucaud, assistaient fidèlement à la récitation du Rosaire, ainsi que plusieurs autres prélats. L'archevêque de Paris, Jean-François de Gondy, voulut lui-même lire à haute voix les sujets et les élévations de chaque mystère.
« Louis XIII ayant appris la ferveur avec laquelle on récitait le Rosaire à Paris, fit pratiquer la même dévotion dans l'armée. Sa Majesté en chargea le P. Louvet et les autres Pères dominicains qui l'avaient suivi à ce siège fameux... Ces religieux, si dévoués au culte de Marie, distribuèrent, en cette occasion, plus de quinze mille chapelets... Les prières furent continuées jusqu'à reddition de la ville. L'armée victorieuse témoigna, par des acclamations
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solennelles que la dévotion du Rosaire avait largement contribué à la prise de la place... Pour perpétuer le souvenir de cet événement glorieux, le roi fit élever au sein de la capitale l'église de Notre-Dame des Victoires.
« Par cet acte, Louis XIII affirma une fois de plus la dévotion de la Maison de France à l'égard du Rosaire. Anne d'Autriche partageait les pieux sentiments de son royal époux... Elle manifesta encore sa piété en créant une Société, dont les membres s'obligeaient à suivre toutes les cérémonies, les offices et les processions de la Confrérie, et à réciter le Rosaire pour appeler les bénédictions de la Très Sainte-Vierge sur la famille royale et sur la France. Cette Société, connue sous le nom d'Ordre du Cordon céleste, fut confirmée par un décret du roi en date du 18 novembre 1645 et par un bref d'Innocent X du 7 novembre 1650 1 . »
II.
Cette étude ne serait pas complète si elle se limitait au seul parement de Montauban. Il faut rechercher maintenant ses similaires. Or, l'analogie peut porter sur deux points : le sujet et la matière.
Le thème iconographique du Rosaire fut une rareté pour les devants d'autel, car le P. Ducoudray (p. 80) n'en cite qu'un seul, au couvent des Jacobins d'Angers.
Il n'en est pas de même pour la tapisserie, qui, quoique beaucoup moins communément employée que la soie, est mentionnée par un certain nombre de textes, dont j'ai pris la peine de faire le relevé.
1 Ducoudray, p. 21-25.
1893. 7.
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En 1396, le tapissier Jacques Dourdin, associé de Nicolas Bataille, livra à Philippe-le-Hardi, duc de Bourgogne, « une table d'autel 1, ouvrée d'or et de soie, sortie du même atelier de (Paris), qui représentait l'Histoire des Trois Rois, c'est-à-dire les Mages 2. »
« Jean Julien (tapissier d'Arras) livre, en 1403 (au duc de Bourgogne) un Crucifiement de Notice-Seigneur, pour servir de table d'autel, au prix de 150 francs d'or 3. »
« Paramentum altaris de tapisseria, cum tumulo et Resurrectione Dominica, coloris viridis. » (Inv. de la Sainte-Chapelle de Chambéry, 1483, n° 88.)
« En 1494 furent payées « 262 livres 10 sols » à Jehan de Guistelle, marchand, pour une pièce de tapisserie « à façon d'une table d'autel, ouvraige de haulte lisse à hystoire de Nostre Dame, sur or et soie, » destinée au château d'Amboise. (Chevalier, Histoire de Chenonceaux, p. 129.)
« M. de Boislisle a publié dans les Archives de la maison de Nicolay, et d'après ce volume, tiré à si petit nombre qu'il est comme inconnu, M. Jules Guiffrey a, dans son travail si nouveau sur l'histoire de la tapisserie française, republié très justement une pièce qui est pour nous bien intéressante. C'est un marché par lequel Allardin de Souyn — peut-être originaire de Souain, près Sainte-Ménehould en Champagne — s'engage à faire pour Jean de Nicolay, celui qui commence la suite ininterrompue des premiers Présidents de la Chambre des Comptes de ce nom, deux parements d'autel, de trois quartiers et demi de haut sur deux aunes de longueur. Ce n'est pas notre parement d'autel (de la cathédrale de Sens), mais Allardin de Souyn est qualifié « maistre-tapissier de haulte lisse, demeurant à Paris à l'ostel de Monseigneur l'Archevêque de Sens. » La pièce étant datée du 17 juin 1507, il s'ensuit
1 Table se prend dans le sens de parement, que ce soit une pièce d'orfèvrerie ou une étoffe: « Dominus rex habuit de Ecclesia Rothomagensi, tempore ducatus sui (1151-1153), XXXII marc, auri de tabula que solebat poni ante altare. » (Inv. de la cath. de Rouen.) — « Item, une table d'autel, toute trouée, à y mages. » (Compte de Geoffr, de Fleuri, 1317.)
2 Guiffrey, p. 37.
3 Guiffrey, p. 43.
LE PAREMENT D'AUTEL DE L'EVÊCHÉ DE MONTAUBAN. 99
qu'il s'agit de Jean de Salazar, qui occupa le siège de Sens 44 ans, de 1475 à 1519. » (Gazette des Beaux-Arts, t. XXI, 2° pér., p. 258.) « Item, une pièce de tappicerye, servant à parement d'authier, où sont les trois roys. » (Inv. du château de Tailleboury, 1528, n° 340.)
« Signalons le nom de Jacques Colpaert (tapissier d'Audenarde), qui vend en 1536 une tapisserie d'autel, c'est-à-dire une pièce sortant un peu du genre imposé par l'habitude aux métiers d'Audenarde. » (Guiffrey, p. 208.)
« Plus, ung devant d'autel, là où la demonstrance du Sainct Suaire faicte en tapisseries. » (Inv. de la Sainte-Chapelle de Chambéry, 1542.)
Dans la visite de la cathédrale de Saint-Bertrand de Comminges, en 1627, l'évéque constate, « a la chapelle Saint-Jean, » que l'autel a un « devant de tapisserie, dans lequel est représentée l'Annonciation. » (OEuvres complètes, t. V, p. 513.)
« Sur les modèles du Poussin a régné jusqu'ici une certaine incertitude. Cependant le passage de Félibien, qui les concerne, est des plus catégoriques. Dès son arrivée à Paris, dit l'historien des maisons royales — cette arrivée date du mois de mars 1641 — « il « se mit. à travailler à la Cène, destinée à l'autel de la chapelle « de Saint-Germain. » (Guiffrey, p. 292.)
III.
Les parements en tapisserie, qui ont survécu dans les trésors d'églises, ne sont pas absolument rares. Je vais signaler ceux que m'ont fait rencontrer mes voyages et mes lectures.
« Des sept devants d'autel conservés au trésor..., cinq sont de belle tapisserie, dont deux byzantines... Les deux tapisseries byzan-
100 LE PAREMENT D'AUTEL DE L'EVÊCHÉ DE MONTAUBAN.
tines sont très remarquables. La première offre le cadavre du Christ sur une estrade : deux anges, tenant une lance au bout de laquelle on voit brodé un chérubin hexaptère, adorant le corps sacré ; le champ est encadré dans une belle bande, ornée de dix disques, chacun avec une croix à huit pointes, et à ses angles, dans des trigones mixtilignes, on voit les emblèmes des évangélistes.
« L'autre tapisserie représente les archanges Michel et Gabriel, portant le nartex, et avec leur nom et leur titre en grec; le dessin n'en est rien moins que beau. En bas on lit, brodée en soie jaune et en six lignes, une inscription grecque, dont je me borne à donner la traduction littérale : « La foi dévouée, que j'ai nourrie dans les « foyers intérieurs de mon coeur pour les princes ignés des ordres « évangéliques, cette foi je veux aussi la manifester par des actions; « c'est pourquoi je commande ce péplum tissu d'or, en me pros« ternant à leurs pieds, pour les avoir alliés et protecteurs contre « les intrigues rusées des démons. Moi, Constantin, des princes « Comnènes, Sébastocrator, nommé Ange, proche parent du roi de « l'Ausonie. » Vers l'angle inférieur, à droite, il y a en broderie un bonnet 1, orné de petites fleurs blanches, et une lame de sabre. » (Pasini, Guide de la basilique Saint-Marc, à Venise, p. 281283.)
Havard, dans La Tapisserie, p. 77, reproduit un « devant d'autel en tapisserie » du XV 0 siècle, qui est au Musée de Cluny. Sous quatre frontons, trilobés et fleuronnés, se développent quatre scènes de la vie de saint Jean, évangéliste ; des anges, tenant des cierges ou priant, et issant de nuages, garnissent les écoinçons. Les sujets se lisent ainsi de gauche à droite : prédication, messe, cène où saint Jean repose sur la poitrine du Sauveur, comparution devant Donatien qui lui fait boire le poison.
Le même auteur, dans le même ouvrage, p. 193, donne une gravure « l'Adoration des Mages, tapisserie de Felletin, extrême fin du XVe siècle, musée d'art et d'industrie de Lyon. » Le sol est chargé de fleurs. La Vierge, adossée à une ruine, présente l'Enfant Jésus, nu, au plus vieux mage qui s'agenouille ; saint Joseph est par derrière. Le second s'avance en se découvrant, et le troisième est un nègre, qu'accompagne un chameau.
1 Insigne impérial.
LE PAREMENT D'AUTEL DE L'EVÊCHÉ DE MONTAUBAN. 101
Le Musée des Gobelins possède un parement du XVe siècle, tissé en Flandre, et représentant l'Adoration des Mages. Aux extrémités, comme dans les gravures des livres d'heures incunables, sont figurés les prophètes qui ont annoncé la première manifestation du Fils de Dieu. Balaam montre l'étoile de Jacob : " Orietur Stella ex Jacob et consurget virga de Israhel. Balaam. » David prédit que les rois de l'Orient apporteront des présents: « Reges Tharsis et insulae mimera offerent, reges Arabum et Saba dona adducent. DD ps. V. »
Le dôme de Milan garde avec un soin jaloux un parement en tapisserie de Flandre, qui date de la fin du XVe siècle, et dont la laine est agrémentée de fils d'or et de soie. On ne s'en sert que les vendredis de Carême, parce que son iconographie le consacre spécialement à la Passion. Les cinq scènes représentées sont, outre le donateur, le chemin du Calvaire et la rencontre de la Véronique, le portement de croix, la crucifixion, la déposition de la croix et la résurrection.
« Le Musée de South Kensington, à Londres, vient d'ajouter à ses riches collections une tapisserie fort remarquable, qui paraît avoir été faite à Anvers ou à Bruges vers 1510. C'est un travail de laine, de soie et d'or, dont le motif principal représente la Vierge et l'Enfant Jésus, auprès desquels sont des Saints prosternés et d'autres debout. La dimension de cette pièce est de 6 pieds 6 pouces, sur 5 pieds, ce qui la fait considérer comme un ornement d'autel. La noblesse du style et la perfection du dessin permettent de supposer que c'est la reproduction fidèle d'une oeuvre de Mabuse, Jean Gossaërt, ce que l'expression absolument individuelle de chacun de ces visages, où règne la vie, semble confirmer. » (Reçue de l'Art chrétien, 1890, p. 532.)
Il existe dans le trésor de la cathédrale de Sens deux parements d'autel en tapisserie, que M. Anatole de Montaiglon a décrits ainsi :
« Au centre, la Vierge, dont le voile, la robe et le manteau sont bleus, est agenouillée derrière le cadavre du Christ, étendu à terre sur un linceul, dont saint Jean et la Madeleine, tous deux en manteau rouge, tiennent les extrémités. A dextre, saint Michel, en armure multicolore et en manteau, et, à senestre, saint Etienne.
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avec une pierre sur la tète. Quatre angelots tiennent derrière la scène, pour lui servir de fond, un rideau d'étoffe à ramages en cinq lès, qui tombe jusqu'à terre et ne laisse voir de paysage qu'à droite et à gauche. En haut l'inscription, tirée du second verset du psaume CXXXVI: IN SALICIBVS IN MEDIO EJUS SUSPENDIMUS ORGANA NOSTRA. Dans une double bordure en hauteur se répète trois fois de. chaque côté l'inscription : CINIS ES — MEMENTO, au-dessus et au-dessous de deux lettres, sous lesquelles deux emblèmes qui se complètent l'un par l'autre, et se font souvent pendant, un miroir rond et une tête de mort...
« Le second parement d'autel est une Adoration des Mages... Au centre, la Vierge, en robe rouge et en manteau bleu, assise sur un trône. A sa gauche, deux des rois Mages, l'un plus simple et debout, l'autre agenouillé, très richement vêtu, tenant de la main gauche un chapeau rouge, et dont le badelaire, à fourreau vert, est suspendu à une grande chaîne passée en bandoulière, offrent chacun un vase ; derrière eux un homme à gros ventre et deux soldats. A gauche un donateur agenouillé, tête nue, à longue barbe ; à ses pieds, son chapeau bleu, entouré d'une couronne fleurdelisée. Derrière lui, un jeune homme debout, très élégamment habillé, en manteau bleu et à chausses vertes, a aussi une fleur de lis sur son chapeau ; il semble écarter de la Vierge le roi noir Jaspar, à demi agenouillé derrière lui. La bordure, qui est d'une seule pièce cousue à la tapisserie, offre les armes d'un cardinal de Bourbon : De France, au bâton de gueules posé en bande sur le tout, surmonté du chapeau cardinalice, dont les fiocchi ont vingt houppes sur six rangs, et de la croix métropolitaine posée en pal. Dans les deux montants latéraux se voit un dextrochère à manipule, tenant une épée à lame ondoyante, entourée de scintilles de feu, qui est accompagnée des lettres CHS, et de la devise bien connue N'ESPOIR NE PEUR. Le cardinal de Bourbon, archevêque de Sens de 1535 à 1557, s'appelait Louis, ce qui ne convient pas aux trois lettres. Celles-ci, qui paraissent d'abord être IHS, — et l'on a bien pu vouloir côtoyer la ressemblance avec le monogramme IHESUS, — sont bien CHS, qui donne Charles... En tout cas, elle est du commencement du XVIe siècle et de goût flamand, surtout dans les tètes et par la manière de faire paraître des visages à une petite fenêtre. L'enfant nu est très laid ; mais les têtes du jeune homme et de la Vierge sont dignes de la tapisserie dont nous allons parler,
LE PAREMENT D'AUTEL DE L'ÉVECHÉ DE MONTAUBAN. 103
et certaines autres parties sont tout à fait dans le même esprit : ainsi le vêtement chargé de pierreries et la robe bleue à reflets du gros homme de droite. » (Gazette des Beaux-Arts, t. XXI, 2e période, p. 253-255.)
Écoutons maintenant sur le même sujet M. Guiffrey :
« Une description rendrait mal les beautés des pièces conservées dans le trésor de Sens ; la reproduction en couleur publiée par M. Gaussen, dans le Portefeuille archéologique de la Champagne, n'en donne qu'une faible idée, et le lecteur ne saurait les juger sur les gravures réduites, placées ici pour rappeler seulement le sujet et la composition 1... La plus importante par son étendue et sa richesse, celle qui a été reproduite par M. Gaussen, a pour sujet le Couronnement de la Vierge, accompagné de deux scènes secondaires, où paraissent Esther et Assuérus, Bethsabée et Salomon. La partie supérieure a été coupée pour donner à toute la bande la même hauteur. Elle affectait autrefois la forme d'un rétable, avec un milieu dépassant les deux côtés, et servait sans doute à la décoration d'un des principaux autels de la cathédrale. Les deux autres pièces étaient probablement employées comme devant d'autel ou antependium.
« Notons en passant que l'application de la tapisserie à la décoration de l'autel se généralise partout au XVIe siècle ; beaucoup de ces tableaux, traités avec une extrême délicatesse, du tissu le plus fin, ont dû à leur taille exiguë et peut-être aussi à leur valeur excep1
excep1 Guiffrey donne en gravures, p. 133 : l'Adoration des Mages, dont les bandes latérales reproduisent, en haut et en bas, l'écusson cardinalice de la maison de Bourbon, et, au milieu, le dextrochère armé ; p. 134, le Couronnement de Bethsabée, et p. 135, celui d'Esther. Si M. de Montaiglon n'a pas réussi à justifier la présence du monogramme CHS, c'est qu'il n'a pas suffisamment cherché dans la généalogie des Bourbons, qui lui offrait pourtant le cardinal Charles de Bourbon, lequel mourut en 1488, Ce même chiffre se voit sculpté à sa chapelle, accolée au sud de la cathédrale de Lyon, dont il fut archevêque : Il y alterne avec la devise ESPÉRANCE, brodée sur la ceinture des chevaliers de l'ordre de Notre-Dame de Bourbon, et le dextrochère, issant d'un nuage, dont l'épée flamboie et lance des éclairs. M. Bégule a donné trois gravures sur bois représentant la devise, le nom et l'emblème du cardinal de Bourbon dans sa Monographie de la cathédrale de Lyon, p. 8384. La question de provenance, de date et d'attribution est donc désormais tranchée, et le parement en tapisserie, aujourd'hui déposé dans le trésor de la cathédrale de Sens, fut primitivement offert à celle de Lyon.
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tionuel le, d'échapper au vandalisme des ignorants ou des iconoclastes. « Il n'y a pas d'incertitude sur la date des précieuses tapisseries de Sens. Elles appartiennent à l'art du commencement du XVIe siècle. Comme le siège archiépiscopal a été précisément occupé à cette époque, c'est-à-dire de 1475 à 1519, par un prélat des plus magnifiques, qui a laissé dans son église de nombreuses traces de sa munificence, il est très vraisemblable que nos trois tapisseries furent exécutées sur l'ordre de l'archevêque Tristan de Salazar. Faut-il aller plus loin et admettre que ces pièces hors ligne sont l'oeuvre d'un maître tapissier nommé Allardin de Souyn, peut-être originaire de Souain, près de Sainte-Ménehould en Champagne, habitant à Paris l'hôtel même de l'archevêque de Sens, et passant, en 1507, un marché avec Jehan Nicolay pour l'exécution de petits ouvrages de tapisserie, identiques à ceux qui viennent d'être . décrits ? A vrai dire, la preuve formelle, décisive, de cette attribution fait défaut. Cependant il serait bien extraordinaire que l'archevêque eût hébergé dans son palais un tapissier habile sans mettre ses talents à contribution. Il y a donc de sérieuses présomptions pour qu'Allardin de Souyn soit l'auteur d'une ou plusieurs des tapisseries de Sens. » (Guiffrey, p. 134-136.)
Voilà donc, pour la seule cathédrale de Sens, quatre parements en tapisserie, ce qui prouve combien ce genre d'ornements était en vogue à la fin du XVe siècle et au commencement du XVIe. On y remarque les armes, les emblèmes, les devises, l'effigie même du donateur, ce qui permet de dater le parement, en dehors des données archéologiques. Le sujet lui-même indique la destination. Ainsi il est évident que l'Adoration des Mages devait être affectée aux grandes solennités, fêtes de Notre-Seigneur et de la Vierge, mais plus particulièrement au temps de Noël. La Compassion de la Vierge ou plutôt la déposition de la croix, qui fait allusion au temps de la Passion surtout, convient particulièrement aux offices de la Semainte Sainte : l'entourage accentue encore cette destination, car on y voit des têtes de morts, et on y lit, ce qui est non moins significatif, que la douleur empêche de faire résonner les instru-
LE PAREMENT D'AUTEL DE L'ÉVÊCHÉ DE MONTAUBAN. 105
ments, que l'on sait silencieux aux jours où l'Église remémore la Passion douloureuse et le trépas du Sauveur.
A la chapelle Sixtine, pendant la Semaine Sainte, le devant d'autel est, par exception, en tapisserie, et il représente le Christ étendu mort sur le sol. J'en déduis ces deux conclusions, que confirment les observations précédentes. La tapisserie est adoptée de préférence pour les temps de pénitence et de grand deuil, parce qu'elle est en laine, matière moins riche que la soie, employée aux parements des solennités. Puis son iconographie se conforme à l'idée de deuil, et ses sujets sont alors empruntés à la Passion et à la mort du Sauveur.
J'ai décrit longuement, dans la Revue de- l'Art chrétien, t. XXXII, p. 410-412, un devant d'autel, datant de la première moitié du XVIe siècle, qui est maintenant à Poitiers chez M. Louis Lecointre. Sa longueur est de 2 m. 20 c, sur une hauteur de 0 m. 70 c. Le sujet est double: la vigne et le pressoir mystiques, avec l'effigie du donateur.
« Je ne saurais omettre de parler ici des parements de tapisserie tissés de laine, de soie et parfois d'or et d'argent. Cet usage de fabriquer des antipendium en tapisserie s'est conservé jusqu'à la Révolution; j'en connais un certain nombre des XVe et XVIe siècles, et un du temps de Louis XVI. Le frontal avec sa frange de couleur est quelquefois tissé sur le parement même. Un des plus beaux qui soit parvenu jusqu'à nous est assurément celui de M. le curé de l'Isle-Adam : j'en citerai aussi deux qui figuraient à l'Exposition de Lille, l'un de la fin du XVe siècle et l'autre de 4535, représentant une Pieta entre saint Hubert et saint Biaise. » (De Farcy, Mélanges de décorations religieuses, p. 50.)
M. le chanoine Van Drival dit de ce dernier parement : « Du même siècle (XVe) est l'antipendium, en tapisserie d'Arras, de M. le président Quenson, de Saint-Omer. Il est d'une finesse et d'un éclat extraordinaire. Le sujet principal est une Pieta délicieusement traitée. A droite et à gauche sont deux saints debout : saint Hubert et saint Blaise. Cotte pièce de tapisserie est une admirable oeuvre d'art. » (L'Exposition, de Lille, p. 22.)
106 LE PAREMENT D'AUTEL DE L'EVÊCHÉ DE MONTAUBAN.
Le même auteur continue : « L''antipendium, tapisserie de M. l'abbé Dehaisnes, est aussi des plus remarquables et du XVe siècle. Il porte l'inscription : Ex dono Magistri Nicolai Bourgois Tornacensis. On y voit Jésus couché dans sa crèche entourée d'une gloire et adoré par la Sainte Vierge, saint Joseph et les anges à genoux. Le donateur, vêtu de blanc, la crosse appuyée sur l'épaule, est aussi à genoux. C'est une scène pleine d'une ravissante piété ..
« M. Favier, de Douai, nous a donné trois antipendia... Le troisième est une tapisserie offrant un sujet délicieux : Jésus servi par les anges, au milieu d'une sorte de Paradis terrestre...
« Enfin, le plus récent de nos devants d'autels est une tapisserie des Gobelins... appartenant à la métropole de Cambrai. Elle représente la Sainte-Vierge et l'Enfant Jésus recevant les hommages des anges. » (Ibid., p. 22, 24, 25.)
« Des trois tapisseries modernes, offrandes des doges pour l'autel de Saint-Marc, la première, don de Marin Grimani, porte l'inscription suivante : Marinus Grimanus Venetiarum dux, MDXCV ; la deuxième n'a que la date M. D. L. XXI, qui suffit pour déceler le nom du donateur, Alvise Mocenigo I ; la troisième, plus riche, mais moins conservée que les précédentes, est anépigraphe et sans armoiries, et par conséquent on ignore le nom du doge qui l'a donnée : c'est un travail postérieur au XVIe siècle. A vrai dire, il se peut qu'elle ne fût pas un devant d'autel, puisqu'elle est trop haute 1. » (Pasini, p. 284..)
Enfin, en 1838, la manufacture des Gobelins fit un « devant d'autel, d'après Laurent. » (Guiffrey, p. 475.)
1 On a pu alors en faire un retable.
NOTA. — Les couleurs du parement d'autel de l'évêché de Montauban no sont pas éclatantes. Los tentures du trône sont verts, le lambrequin jaune. Les anges qui relèvent les courtines sont vêtus de tuniques rouges et jaunes. La robe de la Vierge est rose, le manteau qui forme voile sous la couronne est bleu. L'Enfant Jésus porto une tunique gris-mauve. La robe à trahie de la Reine est rouge nuancée de jaune. Les dames do sa suite sont vêtues do bleu claire de jaune et de rouge éteint. Dans le bas une bordure d'un jaune vert termine la tapisserie; peut-on la regarder comme une indication de fabrique ou un simple cadre? Celles des extrémités ont été coupées.
LES
SARCOPHAGES CHRÉTIENS DE PERGES
LETTRE A M. DE MÉRIC DE BELLEFON, membre de la Société archéologique,
PAR
M. JULES MOMMÉJA,
MEMBRE DE LA SOCIÉTÉ.
MONSIEUR ET CHER CONFRÈRE,
Vous avez bien voulu me charger de relever et d'étudier les sculptures antiques que vous avez découvertes à Perges au commencement de l'année dernière. L'éloignement et la multiplicité des occupations m'ont longtemps empêché de mettre à profit votre désintéressement si courtois et si méritoire. Aujourd'hui je suis enfin en état de vous faire connaître les résultats de mon enquête sur ces précieux débris, et je suis très heureux de pouvoir vous dire, sans autre préambule, que l'importance de votre découverte est encore supérieure à tout ce qu'un premier examen nous avait fait supposer.
108 LES SARCOPHAGES CHRÉTIENS DE PERGES.
I.
Le hameau de Perges 1 est placé à droite de la route nationale de Montauban à Cahors, sur le flanc du coteau formant col, au-dessous de Montalzat, sur la ligne de faîte qui sépare les vallées tributaires du Lembous de celle du ruisseau de Dourre. Il est dominé par des escarpements rocheux, abritant une double grotte peu profonde, modifiée dans sa forme par la main de l'homme, abritant un limpide bassin, dans lequel une charmante petite fontaine déverse son eau goutte à goutte avec la régularité d'une clepsydre 2. Aux flancs de ces rochers serpentent d'étroits sentiers, protégés par de rustiques parapets, dans la construction desquels sont entrés des débris de tous les âges, entre autres une colonne en pierre du XVe siècle, et deux meules de moulin à bras, dont je ne voudrais pas garantir l'origine gallo-romaine.
Même en ne tenant aucun compte de la preuve formelle donnée par les sculptures dont je vais parler, cette origine est, tout le prouve, celle du hameau lui-même. En effet, les débris remontant à cette époque : tuiles à rebords, monnaies impériales, poteries, abondent dans les champs voisins ; en outre, M. le chanoine Pottier, au cours d'un de ces féconds voyages d'exploration archéologique dont il est coutumier, recueillit, il 3^ a une vingtaine d'années, à Perges même, un prefericule, type céramique, caractéristique des plus anciennes sépultures de la région. Ajoutons enfin que la voie romaine d'Albi à Cahors passait dans le village même, comme il résulte des recherches de M. Devals, et
1 Commune de Montalzat, canton de Montpezat.
2 Il y avait à Perges une église dédiée à saint Jean-Baptiste.
LES SARCOPHAGES CHRÉTIENS DE PERGES. 109
qu'une borne milliaire est signalée, non loin de là, dans un titre du 26 novembre 1284 1.
Et pourtant, malgré cette antique origine, nous ne savons presque rien de l'histoire de ce village. Centre important jusqu'au VIIIe ou IXe siècle, rien ne reste plus de lui au Moyen-Age qu'une toute petite église, placée sous le vocable de saint Jean-Baptiste, dont au XIVe siècle Gaillard de Castanède, Arnaud de La Tour et Pons de Perges cédèrent les dîmes au cardinal Des Prez2, mais dont on ne trouve plus aucun vestige, et qui avait probablement disparu avant les guerres de religion.
IL
Où l'histoire s'arrête, l'archéologie entre en scène, et quand les documents sont muets les pierres parlent, souvent même avec une éloquence sans égale. C'est le cas pour les débris si mutilés que vous avez eu l'honneur de tirer de l'oubli, Monsieur.
Ces débris sont dispersés dans les divers immeubles appartenant à M. Bro, qui, pour en assurer la conservation, les a soigneusement fait encastrer dans le mur de sa maison. C'est une justice qu'il faut d'autant moins hésiter à lui rendre, que l'intelligence dont il fait preuve est plus rare dans nos populations rurales.
Le groupe le plus important est placé sur la façade de la maison de M. Bro, à une hauteur telle, qu'il est fort difficile de le dessiner d'en bas, et qu'une échelle est indispensable pour l'étudier de près.
1 Devais. Les voies romaines du département de Tarn-et-Garonne, Recueil de l'Académie des sciences, belles-lettres et arts de Tarn-et-Garonne, 1869, p, 47.
2 François Moulenq, Documents historiques sur le Tarn-et-Garonne, t. II, p. 292.
110 LES SARCOPHAGES CHRÉTIENS DE PERGES.
A première vue il semble qu'on a devant les yeux un bas-relief incohérent, où l'on ne distingue qu'un personnage au torse démesuré, reposant sur de toutes petites jambes. Un peu d'attention suffit pour réduire ces apparences fantastiques, et pour faire découvrir dans cet ensemble quatre fragments différents, deux en marbre grisâtre et deux autres dont la teinte se rapproche du jaune.
Occupons-nous d'abord du plus considérable. Il mesure environ 0 m. 60 c. de longueur et 0 m. 18 c. de hauteur dans sa partie la mieux conservée. Il est divisé en compartiments inégaux par des troncs d'arbres, dont le sculpteur a représenté le léger évasement au noeud vital, avec un double sillon figurant l'origine des racines. Entre ces troncs d'arbre étaient placés des personnages malheureusement disparus, mais dont la partie inférieure subsiste encore. C'en est assez pour permettre l'identification certaine de la plupart d'entre eux, grâce aux travaux classiques des de Rossi, des R. P. Garrucci et des Le Blant. En allant de gauche à droite nous trouvons d'abord deux corbeilles légèrement évasées par en haut, avec un pied couronné d'un double tore, autour duquel les brins d'osier sont simplement enroulés au lieu d'être clisses comme ils le sont sur tout le reste. Elles faisaient partie d'une représentation de la multiplication des pains, nul doute n'est possible à cet égard. C'est un des sujets les plus fréquemment reproduits par les sculpteurs chrétiens du IVe et du Ve siècle. Il semble toutefois qu'il soit moins commun sur les marbres de l'école aquitanique que sur ceux de Rome et de la Provence. Je n'en trouve d'autre exemple pour cette région que sur un des fragments d'Agen (Le Blant, 111), sur le sarcophage d'Auch (Le Blant, 115), sur deux sarcophages de Toulouse (Le Blant, 119 et 159), sur celui de Narbonne (Le Blant, 176), et enfin sur quatre sarcophages de Clermont, depuis longtemps détruits, et dont on ne possède que d'informes reproduc-
LES SARCOPHAGES CHRÉTIENS DE PERGES. 111
tions, dessinées jadis par les antiquaires Chaduc et Tersan (Le Blant, 75, 77, 78, 79). Encore faut-il noter que ces derniers marbres, d'après Le Blant, étaient d'origine provençale 1. La scène de la multiplication des pains ne figurant que sur neuf des soixante-dix-huit sarcophages connus de l'école aquitanique, l'on est en droit de dire que cette rareté constitue un des caractères particuliers de cette école.
A la suite des corbeilles viennent, sur notre marbre, les deux jambes nnes d'un personnage vu de face, ayant de chaque côté des masses assez confuses, vues d'en bas, mais qui, considérées de plus près, on sent autre chose que les protomes de deux lions, dont les tètes assez largement travaillées, révêlent une main très exercée. Pas d'hésitation possible devant cette scène, c'est Daniel dans la fosse aux lions, tel qu'il apparaît sur un si grand nombre de sculptures et de fresques des premiers temps de l'art chrétien.
Pour la figure placée entre les arbres du dernier compartiment, l'identification n'est pas aussi aisée de tant s'en faut. C'est la moitié inférieure du corps d'un homme, vêtu d'une courte tunique ne couvrant que le genou et serrée par une ceinture. A côté s'élève un objet, gros bâton ou tronc d'arbre, légèrement ondulé et d'un diamètre de moitié plus petit que le tronc d'arbre auprès duquel il est placé, et qui termine le compartiment de ce côté. A première vue nous avions supposé que c'était un pasteur appuyé sur sa houlette, comme on en trouve sur les sarcophages de Loudun (Le Blant, 95), d'Auch (Le Blant, 116), de Toulouse (Le Blant, 135), ou bien le génie du repos éternel, tel qu'il figure sur les sarcophages de la région, et plus particulièrement sur le couvercle de celui de Saint-Caprais d'Agen (Le Blant, 110), le seul où nous le trouvions revêtu d'un
1 Les chiffres placés après le nom de M. Le Blant, sont les numéros d'ordre des monuments décrits dans Les Sarcophages chrétiens de la Gaule.
112 LES SARCOPHAGES CHRÉTIENS DE PERGES.
colobium, comme sur notre marbre de Perges. Il m'a fallu, après un nouvel examen, reconnaître que la supposition était inacceptable, parce que tous ces personnages s'appuyent sur leus bâton ou sur leur flambeau, tandis que celui de Perges se dirige manifestement à l'opposé du prétendu bâton. Le champ reste donc libre aux hypothèses ; la seule qui me paraisse expliquer tous les faits, c'est Jonas debout sous la cucurbita. Mais il n'est pas, à ma connaissance, de représentation antique où ce prophète ne figure pas nu,
Si quid habea melius impertire nobis.
Si ce personnage nous occasionne un véritable tourment d'archéologue aux abois, en revanche il nous fournit de précieuses indications sur la hauteur originelle du bas-relief. La partie qui en reste ayant 0 m. 16 c. de hauteur, et représentant très exactement la moitié du personnage, celui-ci mesurait donc 0 m. 32 c, de hauteur. En ajoutant deux à trois centimètres pour l'encadrement existant dans le bas, et en laissant dans le haut un espace suffisant pour le branchage des arbres, et pour l'encadrement supérieur, nous obtenons un total approximatif de 0 m. 40 c, ce qui est à peu près la largeur normale des frises des couvercles de sarcophages connus.
A cette même frise appartenait le fragment qui provient du mur de Raynal, la nature du marbre, la dimension des personnages et la présence des arbres dont nous avons signalé les troncs sur le morceau précédent, le prouveraient surabondamment quand bien même on n'aurait pas le témoignage formel de M. Bro, qui a vu le bas-relief intact, et en a gardé un souvenir très précis.
Sur ce fragment sont figurés deux personnages imberbes, vêtus du pallium et tendant la main l'un vers l'autre. Une malencontreuse cassure les partage malheureusement à la
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hauteur de l'avant-bras. Malgré la confusion inévitable qui en résulte, l'on ne saurait errer beaucoup en reconnaissant dans cette scène la remise des clefs. La crosse de l'une d'elles apparaît, ce nous semble, en arrière de la main du Christ qui la remet à saint Pierre, tandis que celui-ci étend un pan de son vêtement pour la recevoir. Les deux arbres ne présentent rien de particulier, ni oiseau sur les branches, ni serpent, ni escargot sur leur tronc. Nous ne voyons guère à relever que l'abus qu'a fait le sculpteur du trépan, dont les trous n'ont pas été suffisamment dissimulés, preuve certaine d'une assez basse époque 1.
A droite du Christ apparaît une aile baissée et l'extrémité d'une draperie flottante. Ce sont les derniers vestiges de l'un de ces deux génies ailés, empruntés à l'art païen, qui supportent sur les sarcophages chrétiens la tessère destinée à recevoir l'inscription funèbre 2.
La longueur ordinaire des sarcophages étant de 1 m. 20 c.; nous estimons à la moitié la partie conservée de notre frise, et étant donné ce que l'on sait des habitudes constantes des sculpteurs, il est relativement aisé de se faire une idée exacte du monument tout entier. Au milieu figurait la tessère, avec ou sans inscription, accostée de deux génies nus, ailés, un long manteau flottant sur leurs épaules. Le reste du bas-relief était divisée en parties inégales par des arbres, dont les branches en se réunissant presque vers le milieu, encadraient les scènes sculptées. De ces scènes, nous en connaissons toujours trois d'une façon certaine : à droite, Daniel dans la fosse aux lions, et la multiplication des pains; à gauche, la remise des clefs. Nous ignorons totalement quels étaient les autres sujets représentés, mais, en nous reportant à d'autres monuments nous pouvons admettre sans
1 Le Blant. Sarcophages chrétiens d'Arles, Introduction, passim.
2 Le Blant. Sarcophages chrétiens de la Gaule, Introduction, p. IV et suiv.
1893. 8.
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trop de témérité, qu'à la remise des clefs correspondait le reniement de saint Pierre, que la multiplication des pains avait pour pendant le miracle des noces de Cana, et que symétriquement a Daniel se trouvaient Adam et Eve. Enfin, si notre conjecture est vrai sur le personnage énigmatique, dans lequel nous reconnaissons Jonas sous la cucurbita, à l'autre extrémité devait se trouver le prophète englouti par le monstre.
Quand au grand bas-relief du sarcophage il gît encore dans le tertre non fouillé du polyandre de Perges, mais grâce à un fragment très caractéristique, quoique bien mutilé, nous pouvons nous faire une idée assez nette de l'un de ses côtés. Ce fragment représente un torse viril, coupé à la hauteur des hanches et privé de la tête, ainsi que de la main droite. Le personnage auquel appartenait ce misérable tronçon était vêtu d'une courte tunique à grands plis boufant sur la ceinture ; un manteau, noué sur l'épaule droite, entourait le haut de son buste et flottait par derrière, à la façon du plaid écossais. Il tenait à deux mains, presque horizontalement, un épieu sur lequel on voit distinctement encore la griffe d'un fauve s'appuyer pour dévier le coup. A tous ces caractères on ne peut manquer de reconnaître le chasseur combattant un lion ou un sanglier, le belluaire chrétien, qui figure si fréquemment, parfois en compagnie des Dioscures, sur les sarcophages de l'école aquitanique 1.
III.
A côté des fragments de ce sarcophage si bien caractérisé, s'en trouvent deux autres très différents de matière et de style. Le marbre en est blanc, tirant légèrement sur
1 Le Blant. Loc. cit., Introduction, p. XIII.
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le jaune, tandis que la matière du précédent sarcophage est en marbre un peu grossier, dont la couleur est légèrement grisâtre. Sur le premier fragment apparaît une colonnette, ou plutôt, un pilastre plat avec cannelures à côtes, c'està-dire séparées par des listels, et en partie rudentées. A côté de ce pilastre est un flot de draperie avec une main tenant un volumen. C'est la portion comprise entre les genoux et la ceinture du corps d'une figure revêtue d'un pallium. De l'autre côté du pilastre, des arrachements et des cassures font deviner la présence d'un personnage analogue. Le dernier fragment, encore plus mutilé, représente également une partie d'un personnage revêtu du même costume. Nous sommes donc en présence des restes d'un nouveau sarcophage, dont le bas-relief présentait une série de personnages, largement drapés, placés debout sous des arcades supportées par des pilastres cannelés. Ce type, qui est celui du Christ entre les Apôtres, est fréquent sur les tombes antiques de toutes les époques ; mais à son peu de relief, à l'emploi de pilastres au lieu de colonnes, et à l'obliquité du pilastre l, il est difficile de méconnaître le style particulier aux sarcophages du Sud-Ouest. Nous pouvons le comparer à celui, dit de Saint-Amans, à Rodez (Le Blant, 89), et à celui, dit de la Reine Pédauque, à La Dalbade de Toulouse (Le Blant, 155),
IV.
Ainsi donc il y lieu d'ajouter d'ores et déjà deux sarcophages nouveaux à la liste si peu nombreuse de ces monuments. L'on en compte environ quatre-vingts pour la région du Sud-Ouest et deux cent quatre-vingt-quinze pour
1 Ces pilastres sont identiques à ceux du sarcophage de Moissac (Le Blant, 147, pi. XXXVI, 1).
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toute la France, en faisant entrer dans le nombre tous les fragments connus et toutes les anciennes descriptions de monuments détruits, laissées par les antiquaires des trois derniers siècles, du grave Peyresc, au trop léger Beaumeny. L'importance d'une découverte, qui donne d'un seul coup deux spécimens nouveaux, est donc très grande pour l'étude de ces monuments considérés en général; mais plus considérable encore est cette importance, si nous ne nous attachons qu'au seul point de vue régional. Dans son livre si remarquable, Les Sarcophages chrétiens de la Gaule, M. Le Blant n'a pu signaler, après le R. P. Garrucci, que trois sarcophages chrétiens pour le Quercy 1: celui de Moissac et les deux de Cahors, dont notre éminent confrère et ami, M. Paul de Fontenilles, a été assez heureux pour retrouver les traces. La découverte de Perges double presque ce nombre, et, de plus, nous révèle l'existence d'une cité chrétienne importante aux IVe et Ve siècles, dans l'antique forêt de Dourre.
Sur ce centre, nous l'avons dit, l'histoire paraît muette, et la tradition elle-même n'a conservé que le nom de cémenteri, au lieu d'où sont sortis les sarcophages, et celui de gléiajé à un champ adjacent. C'est bien peu. Mais les monuments parlent éloquemment, et je ne grossirai pas mal à propos ce Mémoire, en développant avec complaisance tout ce que l'induction serait en droit de tirer de leur découverte. Malgré l'incontestable attrait qui s'attache à cet exercice poético-archéologique, nous le laissons à ceux. qui aiment moins les monuments pour eux-mêmes, que pour les fantômes merveilleux que leur vue sait si bien évoquer.
Le Blant. Les Sarcophages chrétiens de la Gaule, p. 12I, 70. 71. — Garrucci, Storia dell'art Chriastiano, tome V, p. 118, pl. CCCLXXX, n° 2, p. 133, pl. CCCI.XXXVIII. — Paul de Fontenilles. Recherches sur deux tombeaux antiques, Tours, 1879.
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V.
Les marbres que nous venons d'étudier ne sont pas les seuls qui se trouvent à Perges. Il y en a trois autres encore : deux, pour lesquels nous renverrons toute appréciation jusqu'à plus ample informé, et un troisième, qui, quoique n'ayant rien de commun avec un sarcophage, en est devenu un par destination, pourrait-on dire.
Lorsque M. Bro entreprit les travaux de nivellement pour établir le sol de sa maison et de son jardin, il mit au jour, en outre des marbres dont nous avons parlé, plusieurs sarcophages en grés, simples caisses funèbres à couvercle en toit à double pente, comme on en a tant trouvé dans la région. Des praefericules y étaient toujours placés à côté des ossements. Parmi les nombreuses tombes de ce polyandre s'en trouva une tout à fait remarquable. Le fond et les grands côtés étaient constitués par des tuiles à rebords, intactes 1, et le côté le plus petit par un fragment de table de marbre ornementé, qui est actuellement encastré dans le mur de soutènement du jardin de M. Bro. Ses dimensions exactes sont de 0 m. 45 c. sur 0 m. 31 ; l'un des côtés manque, et la table a dû être cassée un peu au-dessous de son centre de figure, si l'on en juge d'après la disposition des ornements. Ceux-ci consistent en une grande rosace formée par un rang de perles, alternativement rondes et fusiformes, encadré par deux listels concentriques. Le motif central de cette rosace était formé par la combinaison de plusieurs tiercefeuilles autour d'un ombilic dont il ne reste plus de traces. Des rinceaux avec palmettes grossières encadrent le
1 Ce genre de sépulture n'est pas rare dans la région montalbanaise; voir Devals: Rapport fait à la Société archéologique en juillet 1869, Bulletin archéologique, t. Ier, p. 277, etc.
118 LES SARCOPHAGES CHRÉTIENS DE PERGES.
bas de cette rosace, et un large listel devait entourer le tout 1. Cette ornementation, fort grossière, quoique très décorative, a été obtenue par un travail analogue à celui de la gravure en relief, et présente éminemment ce caractère « de cloisonné, » que M. de Caumont signale comme caractéristique de la sculpture mérovingienne 2. Les parties saillantes, toutes à un niveau uniforme, sont seules polies et terminées, tandis que la surface des refouillements est restée presque brute ; preuve évidente qu'elles devaient être cachées sous un mortier coloré, destiné à servir de fond aux figures. Tous ces caractères se retrouvent sur les tables ornementales de SaintIrénée de Lyon, de Saint-Seurin de Bordeaux, du Baptistère Saint-Jean à Poitiers, etc. 3.
Rien, d'ailleurs, dans notre marbre n'indique qu'il ait pu faire partie d'un sarcophage. C'est donc simplement un reste de la décoration extérieure d'un édifice important, très probablement l'église du lieu. Celle-ci aura été détruite d'assez bonne heure par une horde de barbares du Nord : Mérovingiens ou Carlovingiens, et. après la catastrophe quelque survivant aura pieusement employé ce débris à orner le dernier asile d'un défunt qui lui était cher.
VI.
Comme conclusion de ce trop long exposé, nous sommes inéluctablement conduits à reconnaître que du IVe au VIIIe siècle, tout au moins, il a existé à Perges un centre important d'habitations, une communauté chrétienne, riche et prospère d'abord, possédant une église décorée luxueusement,
1 Cette ornementation est fort semblable à celle du sarcophage d'Angoulème, (Le Blant, 102, pl. XXIV, fig. 3.)
2 De Caumont. Architecture religieuse, p. 21. — W. Lubke, Essai d'histoire de l'Art, trad. Koëlla, libraire do l'Art, t. Ier, p. 293.
3 De Caumont, Architecture religieuse, p. 21,22, 23 et suiv. — Le R. P. De La Croix, Bulletin, du Comité des travaux historiques, 1886, p. 204.
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et un polyandre, où, a côté de rustiques coffres funèbres en grès, se trouvaient de riches sarcophages en marbre sculpté, transportés à grands frais des ateliers toulousains. Après le VIe siècle toute cette prospérité disparut dans l'effroyable tourmente qui se déchaîna sur le Midi. La ville fut pillée et l'église détruite. Cependant les habitants ne furent pas tous exterminés. Ils continuèrent quelque temps à vivre sur l'emplacement de leur cité dévastée, et ils firent servir les restes de la décoration de leur église à la sépulture de leurs morts.
La série des déductions pourrait s'étendre longuement encore : mieux vaut l'arrêter ici. Nous n'avons pas d'ailleurs épuisé la collection des pierres sculptées de cette station si intéressante, et tout nous porte à croire que dans une prochaine campagne nous pourrons recueillir une moisson tout aussi abondante que celle qui précède. Les monuments s'expliquent l'un par l'autre et les faits se prêtent un mutuel appui ; l'histoire d'ailleurs n'est peut-être pas aussi muette que nous pouvons le croire, de sorte que tout nous permet d'espérer un supplément de lumières sur les vicissitudes du hameau de Perges, et, mieux encore, d'importants documents sur les premiers temps du christianisme en Quercy.
VII.
Tels sont, Monsieur et cher Confrère, les précieux résultats de votre importante et féconde découverte. Elle a enrichi l'archéologie chrétienne de faits nouveaux et d'une importance réelle. Il n'est que juste de vous en rapporter tout l'honneur, ce que je suis très heureux de pouvoir faire ici, en vous priant d'agréer l'expression de mes sentiments confraternels et dévoués.
De Monteils, ce 1er novembre 1892.
LA
SOCIETE ARCHEOLOGIQUE DE TARN-ET-GARONNE
AU
CONGRÈS DE LA SORBONNE EN 1893
Le Congrès annuel des Sociétés savantes de Paris et de la province s'est ouvert, le 4 avril 1893, au grand amphithéâtre de la nouvelle Sorbonne. Une foule nombreuse de délégués et d'invités, parmi lesquels figurait l'élite des personnalités littéraires, scientifiques et artistiques, se pressait dans l'amphithéâtre.
La séance s'est ouverte sous la présidence de M. Le Blant, membre de l'Institut, directeur honoraire de l'Ecole française de Rome, assisté de MM. Léopold Delisle, Gaston Paris, Alexandre Bertrand, membres de l'Institut, et de M. Raoul de Saint-Arroman.
Au début de la séance, M. Le Blant a prononcé une allocution très applaudie. Après avoir souhaité la bienvenue aux délégués de Paris et de la province, au nom du Comité des travaux historiques et scientifiques, ce savant a caractérisé en quelques mots l'esprit du Congrès et a fait ressortir l'importance des résultats acquis.
LA SOCIÉTÉ ARCHÉOLOGIQUE A LA SORBONNE. 121
Après la lecture de l'arrêté ministériel constituant les bureaux du Congrès, M. Le Blant a levé la séance, en invitant les différentes sections à se rendre dans leurs salles respectives.
Suivant l'ordre de leurs travaux, les délégués ont été répartis en diverses sections.
Séance du 4 avril (soir). Section. d'Histoire et de Philologie.
La séance du 4 avril (soir) est présidée par M. Léopold Delisle, assisté de MM. Servois et Havet, ayant pour assesseurs MM. Réveillont, chanoine Pottier et Edouard Forestié.
M. le chanoine Galhiat, aumônier du Lycée, cite un usage encore en vigueur dans la paroisse de Saint-Pierre, de Moissac, à l'occasion de la procession des Rogations. Chaque fidèle se munit d'un bâton blanc, béni par l'archiprètre avant la cérémonie. Il suit ainsi la procession, s'en sert pour marcher au cours de cette promenade qui dure plusieurs heures, et, à son retour, le plante dans son jardin, parce qu'il y voit un préservatif contre les maléfices et surtout contre la foudre.
Cet usage, dit M. le chanoine Calhiat, remonte aux anciens moines Bénédictins qui, pour faire la procession des Rogations, prenaient un bâton, soit pour faire l'ascension de la colline au bas de laquelle est bâtie la ville de Moissac, soit pour écarter les animaux malfaisants.
M. le chanoine Calhiat rappelle aussi que l'usage suivant existe encore à Montricoux (Tarn-et-Garonne) : dans cette localité, les fidèles font la procession des Rogations à jeun, à cause du jeune qui était autrefois de rigueur le jour de
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cette cérémonie, mais les enfants ne manquent jamais d'emporter avec eux, pour les manger en route, le premier jour du fromage, le second des oeufs durs, le troisième jour de l'ail frais.
M. l'abbé Galabert donne lecture d'un mémoire sur les désastres causés par la guerre à la fin du XIVe siècle dans le pays de Verdun-sur-Garonne. Les bourgeois fortifièrent leurs villes dès que les bandes anglaises envahirent la judicature de Verdun : les villages, suivant l'impulsion donnée, obtinrent la permission de construire des fortifications.'Après le traité de Brétigny, les bandes, se trouvant sans solde, se mirent à piller. Les paysans se retirèrent alors à l'abri des remparts de leurs villages ; mais comme ils étaient trop pauvres pour construire un réduit, ils abandonnèrent leurs hameaux qui furent brûlés. Pour ne pas mourir de faim, les villageois traitèrent avec les compagnies. Au moyen d'un pati ou suffertas (convention), ils obtinrent plus tard leur pardon, moyennant finances, le plus souvent.
M. le chanoine Pottier annonce qu'il a publié, en 1890, l'état des coutumes connues dans le département de Tarnet-Garonne : 78 chartes pouvaient donc être comptées à l'actif du département: 29 avaient été publiées, les autres étaient inédites. Aujourd'hui, 82 chartes sont connues : 50 publiées, dont la liste est donnée, et 37 textes inédits sont conservés, soit dans les dépôts publics, soit dans les archives particulières. Les autres textes sont dispersés dans les archives de la Haute-Garonne, du Tarn-et-Garonne et de la Société archéologique du Midi.
M. le chanoine Pottier, répondant à la 7e question : Rechercher à quelle époque les idiomes vulgaires se sont substitués au latin, donne l'avis de plusieurs membres de la Société archéologique. C'est en vertu de l'édit de 1541. Les comptes municipaux de Moissac sont écrits en français dès 1527 ; les actes des notaires vers 1530.
LA SOCIÉTÉ ARCHÉOLOGIQUE A LA SORBONNE. 123
M. Edouard Forestié donne lecture au Congrès d'un texte roman de « pati » ou convention entre Pierre Arnaud de Béarn, capitaine et châtelain de Lourdes en 1370, et Jean II d'Armagnac. Il ressort de cet intéressant travail que le châtelain doit communiquer l'état nominatif des hommes pillards de sa compagnie. Il n'est plus responsable des actes de ses soldats; qui changent de situation après avoir averti le parti adverse. Les pillards de Lourdes s'engagent à respecter les terres d'Armagnac.
M. de Mila de Cabarieu, vice-président de la Société, avait envoyé un travail sur le Bureau des Trésoriers de France à Montauban.
Séance du 5 avril (matin). Section d'Histoire et de Philologie.
M. Edouard Forestié, secrétaire-général de la Société archéologique de Tarn-et-Garonne, en réponse à la 6e question, présente une analyse de la charte de coutumes du lieu de Montagnac, près Mauvezin (Gers).
Ce document a été découvert par M. Edouard Forestié dans les archives de M. de Montesquiou ; il présente un intérêt particulier, en ce sens que c'est un « bail à bastir, » ou plutôt la charte des privilèges que les seigneurs de Montagnac Ayceline de Lastours et ses fils concédèrent à tous ceux qui, en 1260, voulurent venir former la nouvelle bastide. Chaque citoyen recevait un terrain pour bâtir, un autre pour un jardin, un troisième pour un pré, et un autre pour cultiver la vigne ; enfin, toutes terres qui pourront être défrichées et ensemencées, le tout sous des redevances minimes, consistant en quelques deniers « d'oubliés et d'acaptes, » ou d'une portion minime de la récolte.
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Les seigneurs concédaient, en outre, le droit de pacage, de four, de bergerie et de porcherie. Deux consuls administreront la communauté avec deux conseillers et un juge; ils auront la garde des portes et la nomination du forgeron communal. La liberté la plus complète est laissée aux habitants quant à la vente de leurs biens et à leur propre indépendance. Les droits de justice sont à peu près les mêmes que dans les coutumes similaires.
L'acte dont M. Edouard Forestié donne le résumé est un vidimus en parchemin, contemporain de l'original ; néanmoins, il ne porte pas la date, mais il est authentiqué par des signatures ou plutôt des signets très originaux, tracés par les témoins de l'acte. On y retrouve des emblèmes pseudo-héraldiques, des instruments agricoles, un peigne de tisserand, des ciseaux, etc.
M. Edouard Forestié, dans une courte notice, montre que le lieu de Montagnac fut bientôt après l'objet d'une réclamation du couvent de Grandselve, et qu'à la suite de cette discussion eut lieu un partage entre les abbés de Grandselve et de Gimont d'une part, et les seigneurs de Montagnac, qui régla les droits de chaque partie.
La seigneurie de Montagnac passa des Lastours aux Polastron et aux Cardaillac-Lomné, qui la possédaient à la Révolution. La bastide n'eut jamais qu'une très minime importance.
M. Em. Forestié neveu, de la Société archéologique de Tarn-et-Garonne, signale une plaquette imprimée à Montauban en 1596, ayant pour titre : Guillelmi Cornelii, jurisconsulti, epistolaris. Cette plaquette contient une épître de Guillaume Corneille, relative à un de ses ancêtres, Mossen Cornelli, médecin, venu depuis quelques années, avant 1507, à Montauban. « Ce Corneille était issu d'une famille noble de Rouen. » Il fut nommé consul à Montauban en 1509, puis alla à Cahors. Ses enfants occupèrent diverses posi-
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tions élevées: l'un fut professeur de médecine à l'Université de Cahors.
M. Em. Forestié donne plusieurs renseignements sur cette branche de la famille des Corneille, qui rentra à Montauban, où elle était encore après 1613; elle pouvait être un rameau détaché, au commencement du XVIe siècle, de la lignée qui a produit l'auteur du Cid.
Section d'Archéologie.
M. le chanoine Pottier, président de la Société archéologique de Tarn-et-Garonne, lit une note sur divers objets d'orfèvrerie conservés dans les petites églises de campagne du diocèse de Montauban. Il insiste, en particulier, sur les débris de l'ancien trésor de Grandselve, dont plusieurs pièces ont été conservées. L'église de Bouillac possède les plus belles ; elles ont déjà été signalées dans une session antérieure du Congrès. Une autre pièce de même origine est également conservée par une église rurale : c'est un reliquaire en forme de tableau pentagonal, monté sur un pied et surmonté d'une croix, malheureusement refaite. La face principale est ornée de deux arcades en plein cintre. Sa surface est couverte de filigranes, de cabochons et de pierres gravées. Le revers est couvert d'une longue inscription donnant le nom des saints dont les reliques sont insérées dans le reliquaire. Le tout est du commencement du XIIIe siècle.
M. le chanoine Pottier lit ensuite une notice sur des mosaïques antiques découvertes dans le département de Tarnet-Garonne, à Léojac, à Saint-Romain et en maints autres endroits qu'il cite. Celles qu'il a trouvées dans cette dernière localité sont les plus belles. Elles forment des compartiments géométriques. Mais ce qui ajoute beaucoup à leur intérêt, c'est que l'un des compartiments contient une inscription. Au centre on lit très distinctement le nom CONCVLCANVS;
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au pourtour l'inscription est difficile à restituer, mais les mots COLORIBVS PINXIT, que l'on y peut déchiffrer, permettent de penser que c'est le nom même du fabricant de la mosaïque.
Séance du 5 avril (soir). Section d'Archéologie.
M. le chanoine Pottier, lit au nom de M. Momméja, une notice sur les sacophages chrétiens du Quercy. On n'avait signalé jusqu'ici que trois sarcophages dans la région de Cahors, et l'on pouvait s'étonner de la pénurie d'une province qui a été un centre chrétien très actif. L'auteur étudie tout d'abord les tombeaux disparus, à l'aide de descriptions rédigées par quelques témoins de leur destruction, et notamment par Guillaume Lacoste. On conserve un beau sarcophage au musée de Cahors. A Mondoumerc il existait un sarcophage dont les parois étaient ornées de personnages. A Perges, dans le canton de Montpezat, des fouilles pratiquées dans un ancien cimetière ont fait découvrir des fragments de sarcophages représentant des scènes de chasse et la remise des clefs à saint Pierre. Ces débris, signalés par M. de Bellefon, ont été recueillis par un cultivateur qui les a fait incruster dans les murs de sa maison. Les bas-reliefs chrétiens de Perges étaient accompagnés d'autres fragments de sculptures en marbre blanc, qui prouvent l'existence d'une station gallo-romaine importante à cet endroit. Le sarcophage bien connu de Moissac n'était pas seul de son genre dans la ville. M. Momméja signale un tombeau à arcade qui se trouvait anciennement dans un jardin, et un fragment découvert par M. le chanoine Pottier dans la cour du Petit Séminaire de Moissac, ce qui porte à douze le nombre des
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sarcophages chrétiens du Quercy, dont on peut retrouver la trace. M. de Lasteyrie, ajoute M. Pottier — et il peut confirmer la chose puisqu'il est présent — a reconnu, lors d'une visite qu'il fit à Moissac en 1891 avec la Société archéologique de Tarn-et-Garonne, que les grandes figures de marbre qui ornent les faces intérieures de deux piédroits qui supportent la voûte abritant le fameux porche de Moissac, ont été sculptées dans des couvercles de sarcophage en forme de toit à double rempant.
Séance du 6 avril (soir). Section d'Histoire et de Philologie.
M. Charles Brun, délégué de la Société le « Félibrige latin » de Montpellier, lit une communication sur les troubadours à la Cour des seigneurs de Montpellier au XIIe et au commencement du XIIIe siècle.
Quand arriva la décadence irrémédiable de la poésie méridionale, Montpellier fut un des derniers centres qui résistèrent. Et l'on peut noter ce fait que presque chaque siècle y compte un ou deux glorieux représentants de la tradition littéraire, depuis les troubadours de 1280 jusqu'à leurs modestes héritiers, les félibres d'aujourd'hui.
M. Léopold Delisle signale à M. Brun les travaux de M. Edouard Forestié sur un troubadour du Montalbanais, Cavalier Lunel, de Montech, dont la biographie a pu être reconstituée par les renseignements que fournit le registre des frères Bonis et des registres de notaires du XIVe siècle.
Section d'Archéologie.
M. Maxe Werly présente au Congrès une règle de fondeur de cloches datée de 1710, qui porte gravés en creux des
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figures d'apôtres et d'autres emblêmes. Cette règle servait à fabriquer des moules en cire destinés à orner les cloches de figurines en relief.
M. le chanoine Pottier signale plusieurs règles de fondeurs analogues, conservées à Montauban, et un moule en brique du XIIIe siècle, ayant peut-être servi au même usage, et découvert par M. Du Faur dans les ruines de la grange Lescout, dépendante de l'abbaye de Grandselve.
M. Léon Maître, archiviste de la Loire-Inférieure, fait une communication sur un petit monastère des environs de Nantes, consacré à Saint-Front de Périgueux.
M. le chanoine Pottier fait remarquer que le culte de saint Front était fort répandu : bon nombre d'églises ont eu des autels dédiés à saint Front. Il y en avait un notamment à Moissac, et, fait curieux, l'église de cette abbaye était couverte d'une série de coupoles, comme la célèbre église périgourdine.
M. C. Eulart, ancien membre de l'Ecole de Rome, présente un mémoire sur l'Architecture des Cisterciens en Scandinavie.
Dans les pays du Nord, de même qu'en Allemagne et en Italie, ces religieux paraissent avoir été les premiers importateurs du style gothique.
Dans l'île de Gotland, l'abbaye de Roma est détruite, mais les nombreuses églises rurales qui l'environnaient conservent des traces de l'architecture bourguignonne importée par les Cisterciens.
M. le chanoine Pottier a été frappé du fait signalé par M. Eulart, que dans l'île de Gotland beaucoup d'églises sont à deux nefs. Il demande si ce plan s'explique par quelque raison analogue à celle qui a fait adopter cette disposition dans certaines églises de Dominicains : celles de Paris, de Toulouse, d'Agen, et celle d'Auch, ajoute M. de Carsalade ; une nef servait de choeur aux religieux, l'autre
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était destinée aux fidèles. L'église de Verdun-sur-Garonne offre semblable disposition, — peut-être afin de réserver une nef à l'Assemblée des États de Rivière-Verdun.
M. Eulart n'avait pas songé à cette disposition: il suppose que ce sont plutôt des raisons de construction et d'économie.
M. le chanoine Pottier lit une notice sur les peintures qui décorent l'église de Pervillac (Tarn-et-Garonne), dont il a été parlé dans le Bulletin, et dont la découverte lui avait été signalée par M. Cammas. Malheureusement, des travaux récents ont quelque peu endommagé ces peintures. Sous prétexte de restaurer l'église, on en a fait disparaître une partie en construisant une voûte.
M. le chanoine Pottier demande l'intervention du Ministère pour la restauration, possible encore, de ces peintures.
Des démarches ont déjà été faites dans ce sens au Ministère des Beaux-Arts.
M. Charles Normand fait remarquer, à l'occasion de cette communication, que la Commission des monuments historiques ne s'occupe pas avec assez d'ardeur de sauvegarder les restes comme ceux qui viennent d'être signalés : il regrette aussi les restaurations excessives qu'elle fait faire dans certains monuments.
M. de Lasteyrie demande la permission, quoique ce ne soit pas à l'ordre du jour, de défendre la Commission des monuments historiques. Jadis elle a pu faire ou laisser faire des restaurations excessives, à une époque où on ne savait pas encore comment il fallait traiter les vieux monuments. Mais aujourd'hui elle apporte la plus grande réserve dans tous ses travaux. On lui reproche de négliger un grand nombre de monuments curieux ; mais comment veut-on qu'avec son maigre budget et les trois inspecteurs généraux dont elle dispose, elle puisse veiller d'une façon efficace sur les centaines de monuments actuellement classés ? C'est aux 1893. 9.
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membres des Sociétés archéologiques de province qu'il appartient de se faire les collaborateurs bénévoles de la Commission, en lui signalant les édifices qui périclitent, en lui faisant connaître les découvertes nouvelles, en lui envoyant la liste des objets de tout genre qui offrent un intérêt au point de vue historique ou archéologique, et qu'il convient de mettre sous la sauvegarde de la loi de 1887. La Commission accueillera toujours avec reconnaissance toutes les communications de ce genre, et saura montrer le prix qu'elle y attache.
M. Edouard Forestié analyse un inventaire' du château de Montbeton, près Montauban, dressé par un notaire de cette ville en 1496. Ce château appartenait aux seigneurs de la maison de Saint-Etienne, qui le tenaient des Grimoard. De l'analyse qui accompagne le texte de ce précieux inventaire, écrit en langue vulgaire, résulte l'impression que le château de Montbeton avait été meublé à la nouvelle mode dans certaines de ses parties. On trouve, en effet, la mention de nombreux revêtements de murs en lambris de menuiserie ouvrée ; le nombre et la qualité des meubles sont bien supérieurs à ce que l'on constate dans les intérieurs du XIVe siècle. Les lits sont recouverts de tapisseries et de courtines brodées et frangées. On remarque surtout une grande quantité de châles ou tapisseries armoriées « Am las armas de la dita mayson. »
Cet inventaire présente, en outre, un intérêt à cause des détails précieux sur les vêtements, la lingerie, la batterie de cuisine, et les moyens de défense du château, son arsenal, en un mot, qui se composait d'un fauconneau, d'un pétard, d'une couleuvrine et de plusieurs arquebuses, d'arbalètes et de quelques armures. La bibliothèque comprenait quelques livres de médecine, l'Histoire de Troie, les Evangiles, Mèlusine, Fier-à-Bras et d'autres romans.
Cet inventaire, établi avec un très grand luxe de détails,
LA SOCIÉTÉ ARCHÉOLOGIQUE A LA SORBONNE. 131
est une contribution précieuse à l'histoire de la vie privée au XVe siècle en province.
M. Edouard Forestié fait une seconde communication, dans laquelle il résume ses dernières recherches dans les registres de notaires et les archives pour l'étude de la vie privée de nos pères au XIVe siècle. Il a relevé de nombreux et curieux inventaires clans les minutes de divers tabellions de sa région.
Dans le nombre de ces inventaires, certains ont un intérêt tout particulier, notamment celui des meubles d'un prêtre de Montech, arrêté et livré au bras séculier pour avoir, dans un moment de colère, tué un clerc d'un coup de hache. Il y a là des détails curieux, notamment des livres de chant, un rebec et deux guitares, sans compter les quelques livres qui composaient la bibliothèque du chapelain.
M. Edouard Forestié, dans sa lecture, montre les intérieurs des maisons de cultivateurs, d'artisans, de bourgeois, de prêtres et de religieux. Cette méthode de groupement des documents originaux est la meilleure, et on peut puiser très exactement dans ces pages la vérité sur l'état social des diverses classes de la société au Moyen-Age. Il esc certain, dit M. Edouard Forestié, que les intérieurs de cette époque ne présentaient pas le confortable et le luxe de nos maisons; mais, avant de juger une époque, il faut se reporter aux idées qui avaient cours, et ne pas se figurer que nos pères du XIVe siècle avaient les besoins plus ou moins factices que nous nous sommes créés.
M. le chanoine Calhiat communique quelques observations sur le culte des roches et des fontaines. Il signale les superstitions des bonnes femmes des environs de Montricoux, qui continuent aujourd'hui encore des pratiques que les hagiographes des plus anciens temps du Moyen-Age mentionnent déjà.
132 LA SOCIÉTÉ ARCHÉOLOGIQUE A LA SORBONNE.
M. le chanoine Pottier a répondu verbalement à cette question : « Signaler les caractères qui distinguent l'architecture romane dans une partie du Tarn-et-Garonne (Quercy, Agenais, Rouergue). »
Le même délégué a énuméré et fait connaître un certain nombre d'objets d'origine étrangère, conservés au Musée de l'Hôtel-de-Ville de Montauban.
Section des Sciences.
M. Rey-Lescure, de la Société archéologique de Tarnet-Garonne, inscrit pour une communication relative à des Recherches géologiques sur les bords de l'ancien golfe du Sud-Ouest, la restreint et la précise à la suite de l'importante communication de M. Martel sur les puits, avens, grottes et cours d'eau souterrains des pays calcaires, aux faits suivants, qui rattachent entre eux les axes des cours d'eau superficiels ou souterrains récents et ceux des failles et alignements des puits antérieurs.
En effet, les nombreuses exploitations des poches et fissures à phosphates de chaux, argiles, sables et hydroxydes de fer (limonites) dans les calcaires jurassiques du Lot et de Tarn-et- Garonne ont démontré des faits d'alignement et d'orientation successifs des lignes de fractures, d'affaissements synclinaux, de failles et de lignes de rivages marins, lacustres ou fluvio-lacustres.
C'est ainsi que, sur sa carte géologique et hydrologique de Tarn-et-Garonne, publiée en 1877 et 1878 avec le concours bienveillant du ministère des travaux publics, M. Rey-Lescure avait figuré dans le premier coude de l'Aveyron, entre Bruniquel, Penne et Cazals (Tarn-et-Garonne et Tarn), l'orientation des failles N.-N.-O. et de leurs perpendiculaires ou fractures O.-S.-O., ou sous des angles de 120 ou de 60 degrés.
LA SOCIÉTÉ ARCHÉOLOGIQUE A LA SORBONNE. 133
Dans des excursions récentes le long des Pyrénées, beaucoup plus tourmentées, comme on sait, par des faits d'orientation et de dépôts connexes le long des rivages tertiaires des lacs principaux du Sud-Ouest, des faits analogues se sont produits.
Au point de vue oro-hydrographique, il est très intéressant de signaler les cassures et directrices d'érosion qui se sont produites sous des angles de 120 degrés et ont déterminé des sortes de réseaux hexagonaux, notamment pour la Garonne et pour l'Adour et pour leurs affluents, qui, plus généralement dirigés sous des angles de 60 ou de 30 degrés, constituent ce régulier et si remarquable rayonnement en forme d'éventail du cône sous-pyrénéen.
Section des Beaux-Arts.
La communication de M. Jules Momméja, correspondant du Comité, à Montauban, a pour titre : Le peintre-décorateur Jean Valette-Penot. C'est une monographie de peintre provincial que M. Momméja présente à la section. Les événements de la vie de Valette-Penot ne manquent pas de variété, ce qui permet à l'auteur d'écrire plus d'une page humoristique sur son modèle.
Le voyage à Paris a été pour les membres de la Société archéologique l'occasion de très intéressantes excursions et de fructueux pèlerinages artistiques. Les musées et les monuments de la capitale ont été visités par eux avec un vif intérêt.
Durant leur séjour à Paris, nos archéologues ont reçu partout le meilleur accueil, et ils ont eu même la bonne
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fortune de retrouver un coin de la petite patrie et une très cordiale hospitalité chez des compatriotes,, membres de la Société, qui ont tenu à les recevoir. C'est ainsi que M. A. Soubies, le distingué écrivain, qui occupe, à Paris, dans le monde littéraire, une très belle situation, comme critique d'art musical, réunissait, le samedi matin 8 avril, les Tarnet-Garonnais à sa table.
Dans un toast charmant, prononcé au dessert et dit avec un atticisme tout particulier et une affabilité délicate, M. Albert Soubies a adressé à ses confrères les souhaits les plus aimables de bienvenue et a bu à la prospérité de cette Compagnie, si vivante, si expansive, et dont les travaux sont si remarqués. M. le chanoine Pottier a répondu avec cette exquise finesse dont il a. le secret, et a remercié, au nom de ses confrères, Mme et M. Albert Soubies de leur accueil.
Le lundi matin 10 avril, Mme et M. Dieulafoy, les célèbres explorateurs de la Susiane, ont également reçu leurs confrères de Montauban dans le somptueux hôtel de l'impasse Conti, qui fut habité par Mme de Genlis, et dans l'après-midi, par une faveur spéciale, ils ont fait les honneurs de leurs splendides découvertes installées dans les salles du Louvre. Nos compatriotes, sous la direction de Mme et M. Dieulafoy, ont parcouru toutes les étapes de cette magnifique, autant que périlleuse, expédition, qui a doté la France de merveilleux vestiges des palais Assyriens. Ils ont admiré ces céramiques gigantesques, ces chapiteaux colossaux, ces trouvailles précieuses, qui ont permis aux explorateurs de faire revivre le passé de ces contrées orientales.
Une pareille bonne fortune a été fort appréciée de nos archéologues, qui ont témoigné à Mme et M. Dieulafoy toute leur reconnaissance.
Comment les portes du palais du Louvre, fermées ce jourlà au public, ne se seraient-elles point ouvertes bien grandes, M. Kaempffen, l'éminent directeur des Musées nationaux,
LA SOCIÉTÉ ARCHÉOLOGIQUE A LA SORBONNE. 135
qui avait été au nombre des convives chez Mme Dieulafoy, a bien voulu être lui-même le guide au milieu des richesses qui lui sont confiées. Puis, M. le comte Paul Durieu, l'un des conservateurs, faisait visiter les principales salles de peinture et de sculpture, mettant en relief les plus remarquables parmi les trésors de la galerie d'Apollon. Nul ne possède mieux que M. Durieu l'histoire de l'ancienne demeure de nos rois et ne connaît mieux l'origine et la valeur des merveilles qu'elle contient. Aussi était-ce grande satisfaction de l'écouter.
Les heures de cette journée mémorable ont été trop rapides.
La Société a encore été fêtée les dimanche 9 et lundi 10 chez MM. Henri Soubies et Paul Carrère de Maynard, qui ont été heureux de réunir de nouveau leurs confrères autour de leur table largement hospitalière. Dans ces réceptions nos compatriotes se retrouvaient avec bonheur pour entendre d'aimables paroles sorties autant du coeur que de l'esprit de leurs hôtes, d'applaudir d'excellente musique, d'écouter des poésies.
La reconnaissance a été grande chez les membres privilégiés de ces confraternelles réunions.
Le mardi 11 avril a été consacré à la visite de la basilique de Saint-Denis et des admirables collections du duc d'Aumale, à Chantilly. Les quatre oeuvres d'Ingres : La Stratonice, Vénus anadyomène, Ingres à 20 ans et un portrait de femme ont été fort admirés au milieu de tant d'autres chefs-d'oeuvre.
Mercredi 12 avril nos archéologues ont visité, sous la direction de la Société archéologique de Loir-et-Cher, la basilique de Chartres, cette merveille de l'art ogival.
Quelques-uns parmi les membres de la Société ont pu remplir une autre partie du programme, qui consistait à
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LA SOCIETE ARCHEOLOGIQUE A LA SORBONNE.
profiter du voyage de rentrée pour visiter Limoges, son beau Musée de céramique et ses superbes églises.
Ainsi se sont terminées ces « Manoeuvres de printemps » de la Société archéologique de Montauban, qui a donné une fois de plus, grâce à l'heureuse impulsion de son Président et à l'esprit de confraternité de tous ses membres, la mesure de sa vitalité et de son initiative.
UNE .
VISITE AU CHATEAU DE CHANTILLY
PAR
M. G. IDE DUBOR
MEMBRE DE LA SOCIÉTÉ.
La Société archéologique de Montauban, à l'étroit dans son domaine, cependant étendu, que baignent le Tarn et la Garonne, est venue, cette année, planter bravement son drapeau au coeur même de la France : à Paris. Je dis bien le drapeau, car tout invisible qu'il soit, il n'existe pas moins pour nous tous.
S'il apparaissait, au milieu de nous, en tissus de pourpre ou de soie, nous y verrions briller, en lettres d'or, à côté de nos glorieuses devises, les noms des sciences que nous aimons et au service desquelles nous délassons nos esprits: archéologie, histoire, beaux-arts, poésie même — et, audessous, les noms de ceux qui, après avoir voué leur vie à ces nobles combats de l'intelligence, se reposent aujourd'hui dans la paix de l'au-delà.
Mais ce drapeau n'a pas besoin d'être présent à nos yeux pour nous rappeler des souvenirs inoubliables et des noms aimés.
Et voilà pourquoi, nous, membres séparés du siège central de la Société archéologique par les destinées de la vie,
138 UNE VISITE AU CHATEAU DE CHANTILLY.
nous avons été heureux de retrouver des confrères, plus que cela, des amis qui nous sont chers, et au milieu desquels nous avons vécu.
De toutes les excursions entreprises par la Société archéologique de Tarn-et-Garonne, pendant son séjour à Paris, la plus intéressante peut-être était celle de Chantilly ; c'était pour tous — même pour ceux qui habitent la capitale — une nouveauté.
Donc, le mardi 26 avril 1893, plus de 40 archéologues 1 partaient, en deux fournées, pour Chantilly, sous la conduite de notre toujours dévoué et infatigable président, M. le chanoine Pottier. Les uns — les vaillants — faisaient une pointe à Saint-Denis, pour y saluer les tombeaux de nos rois ; les autres prenaient le train de midi, sous les chaudes caresses d'un soleil d'avril — qui ressemblait fort à un soleil de juillet — mais tous se retrouvaient bientôt à l'entrée du parc de Chantilly.
M. le comte A. de Gontaut-Biron étant notre guide, tout d'abord les écuries attirent nos regards, à juste titre, car elles sont vraiment grandioses, avec l'immense coupole centrale et la longue série des stalles, où peuvent contenir à l'aise 170 chevaux.
Et je m'explique fort bien l'erreur de Paul Ier, lors de sa réception à Chantilly. Le futur tzar voyageait alors sous le nom de comte du Nord, et n'avait pas encore ceint la lourde couronne, sous le poids de laquelle son faible esprit devait succomber plus tard ! Dans son voyage en France il voulut voir le palais de Condé. Louis-Joseph de Bourbon, possesseur alors du château, lui offrit à dîner sous la grande coupole des écuries, magnifiquement ornée et séparée des
1 Les rangs do la Société s'étaient grossis de plusieurs membres ou délégués présents à Paris. Citons: MM. le comte de Marsy, Enlard, Gauthier, archiviste du Doubs; de Garsalade du Pont, Philippe Lauzun, commandant Quévillon, Rebouis père, Emile Rebouis, Paul Trutat. etc.
UNE VISITE AU CHATEAU DE CHANTILLY. 139
deux ailes par d'immenses draperies. Et comme le futur souverain s'extasiait sur la beauté de la salle, le maître de céans lui demanda où il croyait être. « Mais, dit le comte du Nord, dans le plus beau salon de votre palais. »
Aussitôt, sur un signe du maître, les immenses draperies s'écartèrent et laissèrent apercevoir les chevaux alignés dans leurs stalles.
En sortant des écuries se dresse devant nos yeux la masse élégante du châtelet et des nouveaux bâtiments. Et en traversant la pelouse, qui conduit au palais, les souvenirs des splendeurs passées s'éveillent en notre esprit.
Trois hommes ont laissé de leur passage à Chantilly une marque indestructible ! Non-seulement parce qu'ils y ont élevé des monuments de pierre, qui semblent défier le temps, mais surtout parce qu'ils ont fait de grandes et nobles choses !
Le premier, le connétable Anne de Montmorency, fut le véritable créateur de Chantilly. Il transforma les parties anciennes du château, et fit bâtir par Jean Bullant l'élégante construction à laquelle on donne le nom de châtelet; fit créer les bosquets et les parterres, et émerveilla CharlesQuint, qui, traversant la France, put dire au Connétable que son palais rivalisait avec les plus belles habitations royales.
Laissons s'écouler quelques années et arrivons à l'apogée de la gloire de Chantilly. Le vainqueur de Rocroy a pris possession du palais des Montmorency. Sa jeune gloire et son luxe princier y attirent une véritable Cour. Les familiers de l'hôtel de Rambouillet sont ses hôtes ordinaires. M||e de Scudéry le chante sous les traits du grand Cyrus. Mlle du Vigean se meurt d'amour pour lui, et s'enferme dans un cloître pour ne pas succomber à sa passion.
Mais la Fronde éclate et de tristes années s'écoulent, pendant lesquelles le grand Condé oublie ce qu'il doit à son
140 UNE VISITE AU CHATEAU DE CHANTILLY.
souverain. Passons vite sur cette époque de sa vie. L'heure du repentir est venue. Le prince a fait sa soumission. Louis XIV lui a pardonné, et le grand Condé reprend possession du domaine des Montmorency.
Des embellissements redonnent au palais une splendeur nouvelle, Le Nôtre est appelé ! Il transforme la terrasse, crée le vaste parterre qui semble une résurrection de Versailles, et trace les belles allées du parc. L'oeuvre est à point pour recevoir la visite du grand Roi. Louis XIV vient voir son cousin, mais son arrivée est marquée par la mort de Vatel, racontée dans une page célèbre de Mme de Sêvigné.
Le grand Condé reste, jusque dans ses dernières années, le protecteur des lettres ; Racine, Boileau, La Bruyère, Bossuet viennent le voir souvent, et les jardins de Le Nôtre retentissent des hautes discussions d'art et de littérature entre ces grands esprits. Tels, sans doute, Aristote et ses disciples dans les jardins d'Académus !
Parfois les discussions s'échauffent. Le prince, qui n'aime pas les contradicteurs, s'emporte un jour vivement contre Boileau ; mais le satirique l'arrête : « Désormais, Monseigneur, lui dit-il spirituellement, je serai toujours de votre avis quand vous aurez tort. » Et Condé, trop grand esprit pour se fâcher de cette boutade, de sourire et de se taire.
Laissons passer près de deux siècles, tout pleins de vicissitudes pour Chantilly. La Révolution abat le château, et ne respecte que l'oeuvre de Bullant.
Heureusement Chantilly retrouve dans Monseigneur le duc d'Aumale le cligne successeur des Condé. En 1875, M. Daumet commence, par ses ordres, la reconstruction des bâtiments qui formaient autrefois le château, les relie au châtelet, et édifie un palais harmonieux dans son ensemble et remarquable clans ses détails.
Le duc d'Aumale, dont le goût artistique est si vif, a
UNE VISITE AU CHATEAU DE CHANTILLY. 141
rempli le musée de ses admirables collections et a fait don à l'Institut de France de ces inestimables trésors, renfermés dans l'écrin superbe qui s'appelle : le palais de Chantilly. Désormais pas une de ces merveilles ne quittera la France, et le nom du prince restera attaché à cet acte de royale générosité.
S'il fallait les énumérer, un volume y suffirait à peine. Comment, après quelques heures rapides, où l'oeil ébloui ne sait où se fixer, comment donner une idée de cette succession ininterrompue de chefs-d'oeuvre de tous les temps et de toutes les écoles, où se coudoient les anciens et les modernes dans une sélection de haut goût?
Cinq salles contiennent les tableaux, dessins, estampes et les curiosités artistiques de Chantilly. Parmi les maîtres anciens voici de Clouet, La reine Marguerite de Navarre ; deux Poussin : Le Massacre des Innocents et Thésée retrouvant le corps de son père ; d'Annibal Carrache : Le Songe de Vénus; deux Raphaël: Les Trois grâces, de 0,20 c. de hauteur, payé 600,000 francs, et La Vierge d'Orléans, 150,000 francs. Puis voici des tableaux des primitifs, qui retrouvent aujourd'hui les faveurs d'une certaine école, et dont les lignes pures et simples évoquent les souvenirs des peintures de Chavannes : Le Saint-Jean Baptiste, d'Andrea del Castagno ; Le Couronnement de la Vierge, de Lorenzo di Nicolo, dont le Louvre ne possède rien; Esther et Assuérus, de Filippi ; un dyptique de Memmling acheté 250,000 fr., et bien d'autres encore.
L'Ecole moderne n'est pas moins riche en chefs-d'oeuvre. Nommerons-nous Les Cuirassiers de 1805, de Meissonnier ; Le Combat sur une voie ferrée, de A. de Neuville ; La Stratonice, d'Ingres ; Les Pascari, de Delacroix ; L'Assassinat du duc de Guise, de P. Delaroche ; Les Souvenirs d'Orient, de Decamps...
Baudry, le grand artiste, qui est peut-être le plus près-
142 UNE VISITE AU CHATEAU DE CHANTILLY.
tigieux peintre contemporain, a laissé sur le plafond de la tour du Nord sa dernière oeuvre, où se retrouvent ses belles qualités de facture : L'Enlèvement de Psyché.
Une des plus récentes acquisitions du duc d'Aumale a été cette merveilleuse suite de miniatures exécutées par Jean Fouquet, pour illustrer le livre d'Heures d'Etienne Chevalier ; miniatures pleines de grâce naïve, de charme et d'expression. Quarante d'entr'elles sont aujourd'hui en la possession de l'illustre prince, et offertes à l'admiration du public, dans le sanctuaire tendu de velours bleu, qui contient la Vierge d'Orléans et les Trois Grâces de Raphaël.
Parmi les curiosités artistiques qui peuplent cette royale demeure, je ne veux pas omettre La Minerve, de Phidias ; La Jeanne d'Arc, de Chapu ; une mosaïque de Pompéï, les vitraux de la galerie de Psyché provenant du château d'Écouen, et peints d'après les cartons de Raphaël; les tapisseries des Gobelins reproduissant la série des chasses de l'empereur Maximilien.
Saluons, en passant, le trophée de Rocroy, qui rappelle une des plus belles pages de notre histoire, et après avoir jeté un regard de regret sur tous ces chefs-d'oeuvre que nous quittons sitôt, et sur la bibliothèque, qui contient tant d'ouvrages de haute valeur, mais dont nous aurons occasion, je l'espère, de parler une autre fois, terminons notre promenade en jetant un coup-d'oeil à la chapelle, où se trouvent de beaux vitraux, des boiseries délicatement travaillées, et qui contient le cippe, où reposent les coeurs des princes de la maison de Condé.
A défaut du duc d'Aumale, absent au moment de notre visite, mais qui avait bien voulu nous ouvrir toutes grandes les portes de sa demeure, les membres de la Société archéologique ont eu pour les guider à Chantilly un des secrétaires du prince, M. Maçon. Avec une parfaite compétence et une
UNE VISITE AU CHATEAU DE CHANTILLY.
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infatigable amabilité, il nous a fait les honneurs de ces collections sans rivales.
Nous terminerons cette revue, trop rapide, de notre visite à Chantilly, en formant le voeu de nous retrouver de nouveau tous réunis dans la capitale l'an prochain, et de voir ensemble les richesses artistiques qu'elle possède ! Paris est le centre de réunion de tous les esprits distingués des deux mondes; les membres de la Société archéologique de Montauban y ont leur place toute marquée.
EXCURSION
PHOTOGRAPHIQUE ET ARCHÉOLOGIQUE
DU 2 MAI 1893
PAR
M. J. POUILLOT,
MEMBRE DE LA SOCIÉTÉ.
Le 2 mai, la Société archéologique était conviée à une promenade organisée par la Commission de photographie, et qui avait pour objectif la pointe orientale du département, à la jonction des trois pays du Rouergue, de l'Albigeois et du Quercy. D'après la lettre de notre infatigable Président, qui veut décidément pour notre Compagnie la devise fameuse « Excelsior, » l'excursion devait être attrayante par « les sites charmants non moins que par la valeur des édifices à visiter. » L'attraction était grande, en effet, à en juger par le nota qui terminait l'appel ; cette fois, nous allions prendre Pech-Rodil, qui depuis longtemps déjà « restait à conquérir. » D'autre part, la Commission de photographie avait certainement besoin d'être escortée, d'être bien encadrée ; enfin, le temps promettait d'être superbe. Nombreuses arrivèrent les adhésions, même pour le premier départ, qui devait avoir lieu presque au chant du coq.
Donc, à 5 heures, par une belle et fraîche matinée,
EXCURSION PHOTOGRAPHIQUE ET ARCHÉOLOGIQUE. 145
nous étions réunis une quinzaine 1, à la gare de Villenouvelle — peu habituée à une pareille affluence — pour nous joindre à nos confrères de Villebourbon, qui arrivaient par le train de Lexos, porteurs de l'itinéraire de route et de reproductions photographiques de la carte du pays à explorer. Nous avions à prendre du renfort à SaintAntonin et à Lexos 2. Un second détachement 3, j'allais dire l'arrière-garde, — Daudet l'appellerait « un gros des Messieurs de la Société archéologique, » — devait venir nous retrouver par le train de 8 heures 45, à temps pour participer à l'action décisive.
Nous saluons au passage Saint-Étienne-de-Tulmont, Nègrepelisse, perdus dans la verdure; Montricoux, à découvert, en pleine lumière sous les feux du soleil levant, avec ses fortifications, son donjon et le beau clocher octogonal de son église du XIVe siècle 4. Puis nous pénétrons dans les gorges de l'Aveyron. Nous sommes sur la rive gauche de cette rivière, aux eaux limpides et tranquilles, qui serpente en mille détours, tantôt au bas de pentes boisées escarpées, tantôt au pied de hautes murailles de rochers à pic. Jusqu'à Saint-Antonin nous parcourons une suite non interrompue de paysages charmants : çà et là, de profondes vallées latérales viennent déboucher dans la vallée principale ; des rochers massifs, isolés de toutes parts, et souvent d'une grande hauteur, se dressent, placés en équilibre sur d'étroites bases ; des grottes s'ouvrent dans la montagne. Des sites pittoresques, souvent grandioses, quelquefois sauvages, appa1
appa1 Bouïs, Buscon, Delmas-Debia, Delpérié, Desbans, commandant Duchaussoy, Dumas de Bauly, de France, Lapierre, Maurou, chanoine Pottier, Pouiliot, Prax, docteur Tachard, Armand Véne, Vielles.
2 MM. Paul Bosc, Germain Bous et l'abbé Galabert.
3 MM. de Méric de Bollefon, de La Bernardie, Bouïe, chanoine Fourment, Lavitry, capitaine Poussy, Ratier, enseigne de vaisseau; do Beyniès.
1 Le clocher, postérieur à l'église, est de 1549.
1893. 10.
146 EXCURSION PHOTOGRAPHIQUE ET ARCHÉOLOGIQUE.
raissent brusquement à nos yeux. C'est d'abord le château de Bruniquel, véritable nid d'aigle placé sur un promontoire élevé, surplombant de près de 150 mètres les eaux de l'Aveyron, et immédiatement au-dessous les abris sous roche bien connus des touristes ; plus loin c'est une brèche gigantesque, énorme cassure aux rives abruptes, par laquelle nous découvrons la jolie vallée de la Vère. Sur la rive droite, en face des forges, les fameuses grottes de l'âge du renne. Au-delà de Bruniquel c'est le défilé de La Madeleine, avec ses grottes dans la falaise et ses rochers escarpés simulant de loin des remparts et des tours. C'est ensuite un cirque, au milieu duquel se dressent, sur un rocher taillé à pic, les ruines imposantes du château de Penne, dans le département du Tarn. Puis, entre de hautes falaises de calcaire aux parois verticales, qui emprisonnent l'Aveyron, nous franchissons un second défilé plus étroit, qui s'élargit en un nouveau cirque au niveau de Cazals, pour se continuer en une gorge sauvage entre les rochers aux chaudes couleurs de Brousse et de Bone; plusieurs fois la voie ferrée en coupe les éperons par des souterrains. Au-dessous du hameau de Brousse, les assises calcaires forment des corniches superposées sur lesquelles se développe une puissante végétation. Au-dessus de la presqu'île de Bone, un rocher très élevé, à peine large de 10 mètres, et la grotte du Capucin, que l'on vient visiter de Saint-Antonin. Au point où l'Aveyron change brusquement de direction, trouvant sa route barrée par une montagne à pic, et au milieu des eaux impétueuses, le roc Tremoulaïre, énorme rocher en équilibre sur un étroit support. Enfin, sur la rive gauche, une haute et blanche montagne, forme un escarpement de 250 mètres sur une longueur de plusieurs kilomètres, c'est le roc d'Anglars, tandis que, sur la rive droite, la montagne n'offre plus que des croupes arrondies. Ici, l'Aveyron quitte ses belles gorges jusqu'à Lexos; nous sommes en face du riant
EXCURSION PHOTOGRAPHIQUE ET ARCHÉOLOGIQUE. 147
vallon que baigne la Bonnette, et nous arrivons à SaintAntonin.
A 7 heures, nous débarquons à Lexos, et, sans perdre de temps, des voitures nous emportent vers Milhars.
Milhars, qui doit son nom (Miliacum) à une des bornes miliaires que les Romains parsemaient sur leurs routes, est un chef-lieu de commune du département du Tarn. Il est situé à 2 kilomètres environ de Lexos, non loin de la voie ferrée de Capdenac à Toulouse, à l'extrémité orientale et sur les pentes d'un petit plateau rocailleux assez élevé, que contournent les eaux limpides du Cérou, petite rivière qui se jette dans l'Aveyron en face de Lexos. Notre confrère, M. le baron de Rivières, secrétaire de la Société archéologique du Midi, et deux de ses compatriotes, MM. Bouniol et Éd. Guyot, viennent nous y rejoindre.
Nous visitons d'abord l'église, sur le bord de la route. C'est un monument de la fin du XVe siècle, à quatre travées, à chevet droit, voûte à arêtes d'ogive à nervures prismatiques, avec arcs-doubleaux reposant sur des colonnes sans chapiteaux et à base peu développée ; deux bas-côtés, formés en partie par la démolition des murs de séparation des chapelles ; au milieu de la nef pend un lustre original en bronze, de 1 m. 60 c. environ de hauteur, à six branches et à quatre couronnes de girandoles de diamètre décroissant de la base au sommet. Il figure le martyre de saint Sébastien ; en haut se trouve la statue de la Vierge entourée de rayons et tenant l'enfant Jésus ; le Saint, attaché à un tronc d'arbre, forme l'axe ; six personnages, portés par la couronne inférieure des girandoles, lui lancent des flèches. Ce beau lustre provient, dit-on, de la chapelle du château. Les photographes prennent position, braquent leurs objectifs sur le lustre, mis à portée par la complaisance de M. le Curé, et un instant après nous montons au vieux château par les rues étroites et tortueuses du village.
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Le château est placé dans une admirable position, à l'extrémité du coteau. Il domine la vallée, et des deux côtés il est défendu par des ravins profonds. Au-dessous de lui, en amphithéâtre sur le penchant du mamelon, s'étagent, noircies par le temps et serrées, les maisons du village, autrefois renfermées dans une enceinte. Une porte de cette enceinte est encore debout, flanquée d'une tour ronde; à l'intérieur, creusée dans la pierre au-dessus du cintre, une petite niche abrita jadis une madone. Sur la gauche se trouve l'entrée du château. Cet édifice datait du XVe siècle ; il a été reconstruit au XVIIe siècle ; il est bâti entièrement en pierres de taille. De l'ancien château il ne reste que quelques tours démantelées, et des machicoulis couronnent encore quelques pans de mur du côté de la route. Le propriétaire actuel, M. Romiguière, qui en poursuit la restauration, nous en fait les honneurs avec une bonne grâce parfaite.
Par une imposante porte — de construction écrasante pour le reste de la façade — dont les panneaux en bois sculpté présentent à la partie supérieure deux rosaces finement fouillées, nous pénétrons dans un vaste vestibule. Nous marchons sur une mosaïque en damier faite de minces cailloux roulés, disposés de manière à figurer deux C entrelacés ; ce sont les initiales du nom de la famille de Cessac de Cazilhac, autrefois propriétaire du château. Un escalier monumental, sur voûtes d'arêtes aux quartiers tournants, conduit à l'étage. Sa belle rampe massive, formée de blocs de pierre percés à jour, présente également une série de C entrelacés, aux courbes harmonieuses et d'un travail remarquable. Au plafond de la cage est un caisson formé par une vasque ovale concave. Tout est grand et soigné dans cette construction : les vastes cheminées en pierre de la Renaissance et du XVIIe siècle, avec leurs entablements à décoration simple, mais d'un bel effet, les portes massives aux panneaux sculptés fort bien
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conservés, les plafonds élevés, à solives apparentes reposent sur des poutres énormes ; deux planches portant des peintures grotesques avec la date 1599, et qui devaient servir de revêtements latéraux aux poutres, attendent une destination. Que d'aliments pour les plaques de nos photographes !
De la terrasse, entourée d'une balustrade en pierre, la vue s'étend au loin sur les collines boisées qui bordent la vallée de l'Aveyron, dont on aperçoit déjà la vaste èchancrure. Sous la terrasse, une pièce voûtée qui servait de chapelle, et dans laquelle est déposé un chiffre de Jésus et Marie, du XVe siècle, provenant de Saint-Antonin. A l'extérieur, en bas, nous relevons gravée sur une pierre d'angle, avec les attributs de sa profession et la date 1631, la signature de l'entrepreneur qui a reconstruit le château :
P. ORADOV 1631
M. MACO(N) DE THOL(OSE)
Mais il est 10 heures, les photographes ont fini leurs opérations, et notre programme est loin d'être terminé. Aussi, malgré les instances du propriétaire qui voudrait nous retenir plus longtemps au milieu de ses richesses, nous faire admirer ses magnifiques caves voûtées, nous redescendons, bien à regret, il est vrai, et nous reprenons le chemin de Lexos, en l'invitant à se joindre à nous.
Nos huit voitures, en longue file, de loin semblables au joyeux cortège d'une noce de village, nous ramènent clans le département de Tarn-et-Garonne, dont nous ne sortirons plus. Nous débouchons bientôt dans une riante vallée, délicieuse de verdure et de fraîcheur, et nous remontons le cours de l'Aveyron, sur la rive droite, par une route charmante qui longe une belle prairie. A notre droite la rivière coule au
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pied d'une haute montagne, dont la pente rapide est couverte de chênes jusqu'au sommet. On se croirait transporté dans un petit coin de la Suisse. Nous dépassons les hameaux de la Jalberterie et de Lacaze ; puis, de l'autre côté de l'Aveyron, se dressent des rochers à pic, et à quelques centaines de mètres plus loin, sur le flanc du coteau, apparaît dans les arbres le village ancien de Ratayrens, petit chef-lieu de commune du Tarn (27 habitants), avec son moulin en bas. Une halte de quelques minutes nous permet de visiter rapidement la petite église de Saint-Grégoire de Tortusson, dont le vénérable pasteur, qui est notre guide depuis le commencement de l'excursion, est tout heureux de pouvoir nous faire lui-même les honneurs. La voûte est en berceau surhaussé et l'église possède deux petites chapelles en croix avec la nef, dont l'une, celle de gauche, était la chapelle des seigneurs de Pech-Rodil. Comme particularités, deux pierres tombales, l'une à l'entrée, l'autre devant le choeur, portant une croix latine pattée, avec le nom de Jésus, IHS, gravé sur la hampe.
Nos voitures nous déposent enfin à l'entrée du chemin qui mène à Pech-Rodil, et descendent remiser au hameau de Sucaillac. Nous traversons Tortusson, où nous remarquons, servant d'appuis à un linteau de porte, deux petits chapiteaux corinthiens, qui viennent du château, et accusent le même soin que ceux qui décorent le château de Milhars. Nous montons encore, et bientôt apparaissent à nos yeux trois pans de muraille et un fragment d'escalier : ce sont les ruines du château de Pech-Rodil 1.
Le château de Pech-Rodil, tour et enceinte du XIVe siècle, reconstruit en partie au commencement du XVIIe siècle, est contemporain de Milhars. D'après les étymologistes, son nom vient, Pech, de lieu élevé, et Rodil, de rongé (par
1 La porte d'entrée a été transportée au château de Cornusson.
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l'Aveyron), pour les uns, ou de moulin (voisin du moulin qui est en bas) pour les autres. Il est situé sur l'emplacement d'un oppidum, sur une sorte de falaise élevée, à l'extrémité d'un promontoire formé par la boucle de l'Aveyron qui renferme Saint-Grégoire, Tortusson et Sucaillac ; cette position, au sommet d'une élévation naturelle aux abords difficiles, devait en faire un retranchement inexpugnable. De ce point de vue magnifique — j'en appelle aux photographes — on découvre un vaste panorama. La vallée de l'Aveyron s'étend devant nous ; au milieu des peupliers qui accompagnent la rivière dans son cours, les deux villages du Riol (rivuli), sur la rive gauche, dans la plaine ; le clocher de Varen (la Garenne), sur la rive droite ; la voie ferrée de Lexos à Capdenac, dans le lointain, et plus loin encore, en avant, sur le flanc du coteau, en haut duquel se montre le hameau de Lez, les châteaux de Belpech et de Puech-Mignon.
Mais voici qu'apparaissent nos confrères qui sont partis de Montauban par le train de 8 h. 45. Nous les saluons joyeusement. Puis, au milieu des ruines, tous ensemble, face au soleil, et bannissant toute crainte, nous offrons nos poitrines aux objectifs des photographes, et à travers les sainfoins, par une pente rapide qui n'effraie aucun excursionniste, nous dévalons sur la rive de l'Aveyron.
Nous sommes arrivés au lieu du rassemblement, au moulin qui dépendait du château, et qui en porte le nom. Le service de l'intendance nous y avait précédés, conformément aux instructions de M. le curé de Saint-Grégoire, et les préparatifs du « déjeuner frugal » — ce sont les termes même du programme — étaient à peu près terminés.
Là, une nouvelle surprise nous était réservée. Le « toit du moulin » — je continue à citer — eût difficilement abrité les quarante excursionnistes qui attendaient le « déjeuner frugal ». promis; mais, en face du moulin, au milieu de l'Aveyron, une île s'élevait, qui se prêtait à merveille à un
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déjeuner champêtre : verdure, ombrage, fraîcheur, rien n'y manquait. C'est là, que, sur un tapis de gazon, le couvert se trouvait mis. Deux barques nous y transportent. La traversée se fait sans encombre, malgré la bande de récifs que recèle le fond de la rivière, et, à 11 heures 1/2, heure militaire, nous livrons un terrible assaut au « déjeuner frugal. » Faut-il en décrire le menu? Je ne le ferai pas, de peur de faire naître des regrets trop cuisants chez ceux de nos confrères qui n'ont pu se joindre à nous. Mais il restera gravé dans notre souvenir, de même que restera gravé dans le coeur de tous ceux qui ont pu en apprécier le bel ordonnancement, le sentiment de reconnaissance envers le promoteur et les organisateurs de cet essai de mobilisation archéologique.
Et maintenant, mes chers confrères, en m'excusant d'avoir, moi profane, retenu si longtemps votre attention, je vous prierai de vous joindre à moi pour demander à M. Dumas de Rauly de vouloir bien faire le compte-rendu de la seconde partie de cette mémorable expédition, depuis l'heure des toasts jusqu'à notre retour à Montauban.
QUELQUES MOTS
SUR
VAREN, MILHARS ET PECHROUDIL
PAR
M. Ch. DUMAS DE RAULY »,
MEMBRE DE LA SOCIÉTÉ.
MESSIEURS,
Il m'avait semblé que je pourrais vous dire quelques mots sur Milhars, Pechroudil, Varen, que nous venons de voir ou que nous verrons dans cette belle journée que Dieu nous donne — 2 mai 1893 — jour faste, durant lequel, libres et gais, nous avons parcouru des paysages embaumés par l'aubépine en fleur. Nous courons admirer les ruines du passé, et la vivace nature nous pénètre à chaque pas et nous crie par les mille voix des oiseaux agitant les ramées, des insectes bourdonnants, des fleurs qui s'animent : « Les « institutions changent, les châteaux féodaux s'écroulent ; « tu passes toi-même, fugitif comme l'onde, et moi seule « suis éternelle. »
1 Cette lecture devait être faite au repas champêtre de l'excursion. Elle fut lue le lendemain en séance de la Société. De là sa forme.
154 QUELQUES MOTS SUR VAREN, MILHARS ET PECHRODIL.
On pourrait vous rappeler ici bien des faits sur les lieux que nous avons visités ; mais pourquoi ne pas vous dire tout de suite que ce que je vous raconterais se trouve dans ce livre, d'immense érudition, que légua à son pays le savant François Moulenq.
Ce livre me désespère. Quand je crois avoir découvert un fait historique, je m'aperçois que Moulenq l'avait déjà cité ; on peut cependant parfois ajouter une note nouvelle à cet amas de renseignements qu'il avait recueillis et qu'il nous a transmis sous une forme un peu rude et décourageante pour sa lecture. Mais toutes les fois qu'on voudra écrire ou parler sur notre histoire locale il faudra rendre hommage à ce vaste savoir. Je pense, Messieurs, que vous vous associez de tout coeur à celui que je suis heureux de lui rendre.
Je suis, au sujet de Varen et de Milhars, un peu plus à mon aise que pour d'autres localités : M. Moulenq en a peu parlé.
Or, j'ai analysé les quelques livres consulaires conservés à la mairie de Varen, et, si vous le permettez, nous les suivrons ensemble :
Registre des délibérations municipales commencé en 1599. Etant consuls, Jean Parra, Jean Rigourd, Antoine Frespuech et Jean Catala.
Le 1er février 1600 étaient assemblés les sages hommes Charles Cambon, Jean Régis, François Berthoumieu et Aymar Rouquié, consuls de l'année, assistés des principaux habitants de Varen, parmi lesquels M. Jean Dumas, chanoine du noble chapitre, tous les chefs de maison ayant été sommés par le trompette de ville, aux carrefours accoutumés, de se trouver à la séance; et là fut remontré que feu M. le duc de Joyeuse, avec son armée et canons, vint en ces quartiers et prinst naguère les places de Laguépie et Verfeil, voisines dudit Varen, de contraire parti, leur faisant la guerre;
QUELQUES MOTS SUR VAREN, MILHARS ET PECHRODIL. 1 55
que pour l'entretien de cette armée les habitants du lieu de Varen entrèrent en dépense l'an 1595, laquelle dépense fut avancée en partie par Pierre de Rousset, écuyer, et fut reconnue monter à 500 écus par les États du Rouergue ; que la communauté de Varen se déclara débitrice dudit Rousset pour 180 écus, devant Parra, notaire.
Les consuls ajoutèrent encore que ce dernier avait cédé sa créance, et que M. d'Alzonne, conseiller au Parlement, commissaire-vérificateur des dettes des communautés, avait déclaré cette cession nulle, n'ayant pas été précédée de la délibération requise ; qu'il y avait donc lieu de délibérer et de régulariser cette situation. Et ils firent part au Conseil, en même temps, d'une réclamation du sieur de Maritan, receveur des tailles, réclamant le reliquat de celles de l'an 1594.
En 1604, étant consuls Me Guillaume Dumas, notaire ; Raymond Cambes, Jean Ardourel et Pierre Carendier, il fut fait compte par eux de 5 sols rodanois payés à l'hôpital de Varen, de 18 deniers caorcens, rente due à la maison commune, et de 25 sols de Rodez, payés en rente amiable au monastère pour l'entretien d'une lampe clans la collégiale.
En 1608, le 26 janvier, opposition faite à la cession d'une dette sur la communauté par noble Pierre de Gros, seigneur de Perroudil, à Me Jean de Sabatier, docteur-avocat au Présidial du Rouergue.
12 août 1628, MM. Jean Rosiès, sacristain du chapitre; Jean Dumas, François Parra, syndics ; Brenguier Ricard, Pierre Parre, Etienne d'Albusquier, Pierre de Gameville, Paul de Gros, chanoines ; Pierre Dumas et Pierre Cathala, prébendiers, étaient réunis avec les habitants de la ville, et délibéraient, suivant la coutume immémoriale, de faire dire une messe en l'honneur de la Vierge et de saint Roch, et de faire une procession, rappelant qu'une messe avait
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jadis été fondée durant une maladie contagieuse. On décida de continuer cette cérémonie, la ville se trouvant dans le même danger, et qu'une rente de 3 livres serait établie et payée annuellement aux marguillers, dont serait fait acte public à MM. les Chanoines.
Le volume recommence de l'autre côté : Comptes consulaires de 1595. A noter une quittance donnée aux consuls de diverses sommes par Jean Dugès, marchand, emprisonné pendant 95 jours, à Sauveterre, à la poursuite de demoiselle Hélène Montaigne, veuve de feu Barsac, de Valhourles, créancière de la communauté.
1614. Le compte de l'année porte : 72 livres pour les chaperons et gages des consuls, 12 livres pour cire à l'occasion de la fête des Ténèbres et de celle de la Fête-Dieu, 6 livres payées au sacristain du chapitre, suivant la coutume, et 5 livres 10 sols pour la célébration de la Saint-Jean, 8 sols sont employés pour un gros câble pour le pont-levis et 2 deniers de graisse de mouton pour l'oindre.
La réparation faite à la muraille de ville, auprès du château, coûta 14 pipes de chaux et 5 semals de mortier à 20 sols pièce. Celles faites aux gabions de Ginettere et du Matelot montèrent à 7 livres 19 sols.
Ce compte relate que le 28 décembre 1612 vinrent devers la Mouline 30 ou 35 hommes, tant de pied que de cheval, droit à la porte de la ville pour la surprendre. Les consuls en portèrent plainte au sénéchal de Rouergue ; l'envoi de l'exprès coûta 1 livre 3 sols.
La même année Guillaume Dumas, notaire et premier consul, fut dépêché aux États, convoqués en la ville de Rodez pour le 3 février 1612. Son voyage revint à 13 livres.
Année 1622. On constate que le 10 juin les consuls d'Arnac prévinrent Varen que les gens de guerre de Saint-Antonin étaient sur le point d'attaquer Arnac ou Varen ; frais du voyage et de la collation du messager, 2 sols 3 deniers.
QUELQUES MOTS SUR VAREN, MILHARS ET PECHRODIL 157
Le 22 juin autre avis des consuls d'Arnac, portant qu'ils avaient reçu lettre de Me Philippi, de Fenayrols, mandant que Fenayrols, Varen et Arnac seraient attaqués le soir dudit jour.
Le 23 juin fut arrêté par M. de Perroudil, consul, que M. Bertrand Parra irait trouver M. le comte (de Cornusson) à Rodez, et, l'ayant trouvé, lui baillerait la lettre dudit sieur de Perroudil, et le prierait de sa part d'accepter ledit Varen pour le garder de ses forces à la mieux, ce que ledit comte aurait promis de faire; auquel dit Parra, pour son voyage, fut baillé 6 livres 8 sols.
26 août, même année. Sur la nuit les consuls d'Arnac donnèrent avis comme quoi ceux de Saint-Antonin forçaient ceux de Fenayrols, priant la communauté dudit Varen les assister et mander à ceux de Najac de faire pareille assistance.
Le compte porte: Achat d'un verrouil pour la porte du Ravelin, devant la tour, 15 sols. — Dépense de 7 sols pour la collation offerte à MM. de Mouscardon, de Rabastens, de Rousset et autres gentilshommes de Caylus, allant trouver M. de Rohan. — Logement d'une compagnie du seigneur comte (de Cornusson). — Jean Dumas est chargé de l'aller trouver à Montauban pour obtenir le délogement de ladite compagnie; ledit sieur Dumas tardant à revenir, il fut envoyé une lettre du seigneur d'Auberocque, lieutenant du seigneur comte, pour hâter son retour. Ce voyage coûta 12 livres.
Le 25 septembre M. de Cornusson passa à Varen avec sa compagnie, venant de l'Albigeois ; les consuls, sur l'avis de M. de Perroudil, lui donnèrent collation; coût 30 sols.
Le 27 octobre audit an, les consuls de Caylus demandèrent par lettre si l'on voulait entendre à la paix du labourage traitée entre le sieur de Cas et M. de Villayer, gouverneur de Saint-Antonin. — 96 livres furent employées
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à se racheter du logement que M. de Merville voulait faire à Varen de ses troupes.
1626. Sabios, consul, fait écrire à M. de Castelnouvel, père de M. de Varen (le doyen), pour avoir parement des 40 livres que celui-ci accordait à la communauté.
Les événements diminuent d'intérêt ; le livre tenu par lacunes se termine en 1664.
Nous trouvons dans ces archives un cadastre du taillable et mandement d'Arnac de 1651. Il nous fait connaître les institutions religieuses établies en ce lieu, les personnes notables y tenant terres. Ainsi, fol. 34, M. de Cessac de Cazillac, demoiselle Jeanne de Reynaldy, femme de noble Bernard de Durieu, sieur de Caynac; fol. 105, les prêtres obituaires d'Arnac ; fol. 106, les co-seigneurs d'Arnac tenant une maison dans le Fort, qui dépend de la chapellenie de Picques, tenue par M. Pierre Parra, recteur du Carrendier; fol. 108, M. Jean d'Albusquier, prieur d'Arnac ; Antoine de Baldit, docteur-avocat; fol. 111, M. Vincent Besse, avocat du Roy en l'élection ; fol. 112, la chapellenie de Toulze, M. de Mouscardon ; fol. 117, M° Antoine Molinier, notaire d'Arnac, et Bernard, son frère, prêtre, famille qui au commencement de ce siècle a fourni un évêque constitionnel à Tarbes ; Me Pierre Besse, notaire de Vabres ; fol. 124, la chapellenie de Piques-Majoural tenue par M. le Prieur, et celle de Lagarde possédée par M. Jean Ferrières.
Le cadastre de Varen, de la même époque, nous fait connaître son doyen, fol. 33. Messire Jean de La ValetteCornusson, seigneur-abbé de Beaulieu, doyen de Varen, tient en cette qualité un château, basse-cour et église dudit lieu, four et pâtus, le devès et pré Saint-Sierge, nobles de tailles et de rentes. MM. Pierre d'Audibertières, praticien ; Pierre Dumas, prêtre, et M. de Perroudil sont les principaux tenanciers.
QUELQUES MOTS SUR VAREN, MILHARS ET PECHRODIL. 159
Vous avez vu, Messieurs, ce matin, Milhars, cette antique demeure, grandiose, à laquelle des réparations considérables, faites au XVIIe siècle, donnèrent un aspect à la fois puissant et harmonieux, et en rapport avec la haute situation des comtes de Cessac, ses seigneurs. Depuis vinrent de tristes jours. École presque abandonnée par la commune, son fier château a subi après les injures du temps celles des hommes.
L'avant-dernier propriétaire les lui a prodiguées, détruisant inutilement des parties à conserver, son donjon du XIVe siècle, coiffant une tourelle d'une odieuse toiture d'ardoise. Aujourd'hui nous faisons des voeux pour que M. Roumiguières, qui nous a si cordialement reçus, y continue la réparation intelligente qu'il a entreprise, mais nous désirerions qu'il soit plus sobre de couleurs.
Vous y avez admiré de très belles chaminées, des portes, modèles de menuiserie, etc. Un mot d'histoire seulement. Au XIIIe siècle, Milhars était au Roi de France, successeur des comtes de Toulouse.
En 1284 Eustache de Beaumarchais céda ce château à Géraud de Cazaubon, ainsi que Fenayrols.
En 1323 la seigneurie était aux Castelnau ; son histoire se confond avec celle de Fenayrols, et peut se suivre dans Moulenq, t. II.
En 1666 François de Cazillac, vicomte de Cessac, occupait Milhars. Vous avez vu ses armes à l'orle de 12 besans et les 2 C entrelacés sur le fonds.
En 1788 le seigneur était Messire de Rey de Saint-Géry, conseiller au Parlement de Toulouse, et la justice était administrée en son nom par M. Antoine Gaugiran. (Archives de Varen, CC 12.) Vous avez peut-être visité sa maison. J'y ai trouvé un vieillard préparant la nourriture des animaux, dont l'Enfant prodigue, aux jours de ses malheurs, dévorait la pâtée, en face de moulures Louis XV du meilleur
160 QUELQUES MOTS SUR VAREN, MILHARS ET PECHRODIL.
goût, et sous une fort belle rosace qui décorait le plafond de la chambre.
Milhars était un bourg important, il y avait un notaire. Cet office a été uni à celui de Varen, qui possède les deux pièces suivantes qui le concernent :
1° Commission de notaire à Milhars pour M° Jean Borguet, donnée par Marie, infante de Portugal, dame des sénéchaussées d'Agenais, Rouergue, et de quatre jugeries de Rieux, Rivière-Verdun et Albigeois, fille unique, seule héritière de la feue dame Reine, douairière de France. Signé MARIA (4 mars 1565).
2° Autre commission de notaire audit lieu pour Me François André, successeur de Bourguet (sic), accordée par dame Marguerite, reine de France et de Navarre, duchesse de Valois, Étampes ; comtesse d'Agenais, Condomois, Lauraguais, Rouergue, Auvergne ; dame d'Usson et des quatre jugeries, etc. Donnée à Usson, le 26 octobre 1599. Sceau aux armes de France et de Navarre.
Les archives de Varen ont encore conservé un autre document intéressant : ce sont les Lettres-patentes de Louis XIII, concernant les marchés de Varen, institués pour chaque mercredi, et quatre foires à tenir les 17 janvier, 2e et 3e jour après Pâques, le 4 octobre et le 30 novembre, foire rapportée depuis au 1er décembre.
Le sceau royal a disparu. Il était sur lacs de soie rouge et verte, reliés par une médaille en plomb. Ces Lettres furent données en mai 1636 dans la demeure des Condé, que vous visitiez naguère à Chantilly.
Vous avez promené vos pas dans ces lieux où Louis XIII avait accordé ces privilèges à Varen, quinze ans après son échec devant les murs et la puissante énergie de Montauban. Je suis heureux de signaler ce fait précisément un jour de foire de Varen.
Encore un dernier mot. Nous avons vu le mur croulant,
QUELQUES MOTS SUR VAREN, MILHARS ET PECHRODIL. 161
dernier reste de Perroudil. C'était un des plus vieux repaires féodaux de la Basse-Marche du Rouergue. Depuis sept siècles au moins ce manoir était la demeure d'une race dont la distinction et l'éclat furent rarement en rapport avec l'antiquité du lignage. Il est, en effet, prouvé que la famille de Gros descendait de celui qu'Yzarn, vicomte de SaintAntonin, qualifie dans un acte de 1176 : « Notre cher cousin " le comte Gros. »
Les seigneurs de Perroudil appartenaient donc à la maison souveraine des comtes de Toulouse. Il en reste encore dans des positions modestes, et naguère s'éteignait, en ce château alors encore debout, un homme d'esprit de cette lignée, rédacteur à la Gazette du Languedoc. Il n'a laissé qu'une fille, dont la destinée contraste avec celles de ses nobles et lointaines aïeules. Elle épousa un forgeron de Tonnac. Un prélat montalbanais 1, tristement célèbre, avait, dit-on, fait graver sur son anneau épiscopal ces mots, que Mlle de Perroudil avait, comme lui, mis en pratique :
Omnia vincit amor Et nos cedimus amori.
Quelle distance entre les Cours de Toulouse et de SaintAntonin et la boutique du forgeron ! Sic transit gloria mundi.
Les dernières alliances des Gros furent Monestié, Lautrec, Durieu, famille honorée des trois fleurs de France ; La Burgade de Belmont et de Genton de Villefranche.
Ces seigneurs avaient à Saint-Antonin une habitation, où j'ai vu, il y a quelques années, les débris d'une cheminée style Renaissance, très remarquable. Ce travail était un revêtement de plâtre largement traité : fleurons, feuillages,
1 Jean de Lettes, mort baron d'Aubonne à Genève,
1893. 11.
162 QUELQUES MOTS SUR VAREN, MILHARS ET PECHRODIL.
écusson supporté par deux anges comme pour les maisons d'origine souveraine, rien n'y manquait. Un jour le propriétaire abattit tout cela avec la hachette du plâtrier, et jeta ces débris de la Renaissance aux fossés de la ville, les anges seuls restèrent dans un coin du galetas, et l'écusson fut sauvé par un artisan, qui le transporta chez lui.
BIBLIOGRAPHIE.
Deux Livres de Raison de l'Agenais, suivi d'extraits d'autres registres domestiques, par M. TAMISEY DE LARROQUE.
Notre infatigable confrère, M. Tamisey de Larroque, vient d'ajouter un nouveau volume à la liste sans fin de ses productions.
Vous en connaissez tous un grand nombre, et vous avez constaté la variété des travaux de ce savant correspondant de l'Institut, la sûreté de ses investigations, le charme de tous ses écrits, où la finesse des pensées et du style, même dans les choses les plus simples est encore rehaussée par l'originalité des sujets.
Le volume qui m'a été adressé dernièrement en double exemplaire, dont l'un devait être remis à notre Société, a pour titre : Deux Livres de Raison de l'Agenais, suivi d'extraits d'autres registres domestiques.
L'avertissement de cet ouvrage vous dirait sous la plume du maître, bien mieux que par la mienne, l'importance des deux livres publiés. Vous lirez et cette charmante préface et les deux livres de raison, mais je veux en quelques mots vous y signaler ce qui m'a particulièrement frappé, non pas que je veuille vous détourner de cette lecture, je suis trop l'ami de mes confrères pour les priver d'un aussi bon morceau; mais je désire payer un juste tribut d'éloge à celui qui ne cesse de nous faire connaître cette histoire provinciale, à laquelle il a consacré sa vie.
Le Livre de Raison de la famille Boisvert (1650-1816), débute par une généalogie aux termes archaïques, rapidement conduite d'ailleurs, et écrite par celui qui le premier commença le livre.
Cette généalogie nous met dès l'abord dans le milieu dont les actes suivront. C'est une de ces solides familles de bourgeoisie composée de notaires, avocats, juges des petites justices, race de
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très bonne distraction, comme dit l'auteur, bourgeoisie séculaire déjà et non celle de nos jours, où trop souvent une fortune obtenue par des moyens variés et pas toujours respectables, porte au sommet de la société, et de la vanité des gens qui n'ont pas encore achevé de faire disparaître les comptes de la boutique du grand-père.
Chaque génération présente de nombreux enfants, beaucoup vont servir le roi en ses armées, et l'on sait que le règne de Louis XIV absorba beaucoup de soldats ; l'un de ces Boisvert commença à servir à 13 ans au régiment de M. d'Épernon, et mourut enseigne de très bonne heure.
Que d'enseignements en peu de lignes. Ces familles vigoureuses où la vie déborde, ces enfants élevés avec les faibles ressources des notariats ou des petits emplois locaux, à comparer avec nos familles malthuséennes, avec les enfants gâtés par tous les parents : ces jeunes gens fortement trempés, qui supportent les rigueurs du métier des armes à un âge où ceux d'aujourd'hui passent encore pour des enfants.
Autre enseignement de ce Livre de Raison au milieu de tant d'autres. C'est que l'armée de l'ancien régime n'est pas seulement conduite par la noblesse, et que la bourgeoisie qui a fourni des milliers d'officiers, que par suite il est inexact de répéter que dans l'ancien régime il fallait être noble pour être officier, alors qu'il n'est pas un livre de la nature de celui-ci qui ne démente cette assertion.
Il faut qu'on le sache, en fait de notions sur l'ancien régime : armée, noblesse, magistrature, nous sommes en général ignorants au dernier degré. Ce n'est qu'à partir de 1786 que le maréchal de Sègur fit décider que pour être sous-lieutenant il faudrait prouver 100 ans de noblesse.
Je ne signalerai dans ce volume que ce qui peut intéresser notre région.
Je lis au folio 13 que le sieur Boisvert fut caution pour un sieur Jacques Dumas de l'afferme du domaine de Marmande, appartenant à la feue reine Marguerite de Valois.
Ce Dumas est dit habitant de Lunel en Gascogne. Je trouve étrange qu'un bourgeois d'une localité près de Montpellier afferme la terre de Marmande, sa surveillance ne pouvait être qu'illusoire, tandis qu'un Dumas, de Lunel, près Lafrançaise, à deux pas des Barthes, qui est déjà en Languedoc, pouvait avec fruit affermer ce
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domaine. Je ne relève point ce nom de Dumas parce que c'est le mien, mais parce qu'il serait curieux de savoir s'il y eut, en effet, une famille Dumas en ce lieu. La déroute de Joyeuse à Villemur, qui fut aussi celle de la Ligue, fut précipitée par un mouvement du capitaine Dumas, de Lunel. Ce fut un événement très important pour le Midi ; il sera curieux de voir si ce lieu de Lunel n'aurait pas fourni cet agent obscur de la Providence, ce qui ne me parait pas improbable, plusieurs capitaines de ce nom ayant commandé à peu près à la même époque le fort royal de Montalzat.
Au folio 27 Boisvert parle de son fils, Antoine, qui, en 1689, au mois de mars, vint rejoindre M. de Crillon, mestre de camp de cavalerie à Montauban, pour aller en Allemagne avec M. de Bezous.
Avec quelle piété l'auteur du Mémoire mentionne sur son livre la disparition des êtres qui lui ont été chers. Livres précieux pour les familles que ces livres de raisons ; beaux souvenirs attestant le respect des anciens pour leurs auteurs, les espérances pieuses que leur laisse la mort après elle.
Il y a de tout en ces volumes, même des remèdes plus ou moins sûrs contre le mal qui répand la terreur, la peste, si vous voulez que je l'appelle par son nom. (Voir folio 24.)
On peut égayer les sujets les plus sérieux, une fine note de la page 27 nous en est une preuve.
Le deuxième Livre de Raison nous transporte dans un autre milieu. Il émane d'un gentilhomme de moyenne noblesse provinciale, et part aussi de 1650. Il est à mes yeux plus intéressant, il y a plus de vie, l'auteur s'agite davantage, et les personnes signalées appartiennent souvent à l'histoire.
M. de Laroque a, du reste, appuyé son Mémoire de notes sans nombre qui précisent tous les personnages cités, ainsi que les lieux, avec cette sûreté de généalogiste consommé, tel que devait l'ami de la comtesse de Raymond. D'ailleurs, M. Tamizey, malgré son immense érudition ne s'imagine pas que toutes ces notions il les a trouvées seul. Dans sa préface il remercie avec des épithètes flatteuses ceux qui lui ont fourni des détails, et ceux qu'il a pu omettre en ces lignes trouvent leur tour de remerciement et de louanges dans les notes des pages de son livre. (V. folio 33.)
A cette page je constate deux faits à noter: aux enterrements les amis du mort le portaient eux-mêmes. Voyez au folio 42 la sépulture de M. de Combobelle; puis vient le décès de M. de Bechon,
166 BIBLIOGRAPHIE.
de Caussade, tué en duel. Les duels font fureur. Le Livre de Raison en mentionne plusieurs : folio 54, mort du marquis de Rochefort ; folio 55, mort du sieur Dangereux, de Castelgaillard.
Une des personnes qui reviennent souvent dans ce livre, est la marquise de Flamarens. Marie-Françoise Le Hardy de la Trousse, née en 1618, morte en 1703, épouse de Jean de Grossolles, tué à la journée du faubourg Saint-Antoine, à Paris (2 septembre 1652). Je relève le nom de cette grande dame parce que Flamarens est aux portes de ce département, et que les Grossolles nous appartiennent.
L'année 1652 fut difficile pour l'Agenais, c'est la Fronde et les régiments royaux et ceux des princes, désolant le pays; Villeneuvesur-Lot est assiégé. Là se trouve le régiment de Champagne, où servirent tant de Montalbanais. Le comte d'Harcourt leva le siège le 9 avril 1652.
L'auteur cite aussi le siège de Saint-Pastour, pris, dit-il, par M. Duplessis-Bellièvre le vendredi 27 septembre
Mais tous ces détails ne sont pas à citer, ils sont à lire dans l'ouvrage de M. Tamisey.
Nous trouvons, folio 57. des détails sur les exactions des décimateurs au sujet de la dîme.
Je ne dirai rien des extraits des Livres de Raison de la dame Boucharel. Ils peuvent intéresser les églises du culte réformé de l'Agenais, à cause des ministres et anciens qui sont nommés. Mêmes sentiments religieux que chez les catholiques : « Que Dieu, dit l'auteur du Mémoire, conserve mon petit-fils nouveau-né, et le réserve au nombre des siens. »
Le Livre de Raison de Bertrand Nogueres commence aussi au nom de Dieu, comme le précédent ; il marque surtout la valeur des objets, céréales, marchandises. C'est un simple journal de dépenses.
A partir du folio 87 M. de Larroque récapitule les livres publiés ou à publier, mais qui lui ont été signalés, et en donne une idée, indiquant les lieux et date de publication. La liste est par lettre alphabétique; nous relevons ceux qui concernent nos familles quercynoles : Dadine de Hauteserre, qui a donné le professeur de droit de Toulouse, l'historien de l'Aquitaine (folio 90); Berthomieu Dumas (folio 93), famille de notaires de Saint-Jory; Carsalade du Pont (folio 96), Dumas de Lacaze, de Nègrepelisse (folio 101); Dumas de Rauly, de Bruniquel (folio 102) ; Escayrac de Lauture (folio 103), La Brunie, de Martel (folio 112) : Lacabane, de Figeac (folio 112) ;
BIBLIOGRAPHIE. 167
Martel, de Montauban (folio 118); de Mourgues (folio 120), de Reversat (folio 128), Thuet, de Caussade (folio 137).
L'ouvrage se termine par un appendice donnant l'analyse de plusieurs Livres de Raison. J'indiquerai seulement la pièce XIII, communication de M. l'abbé Taillefer, au sujet des archives de Lauture.
En somme, volume de 200 pages très curieux, nourri, on pourrait dire gorgé de faits intéressants, de notes précieuses élucidant toute chose, frère cadet d'une bien nombreuse famille, mais bien digne de tous ses aînés.
Ch. DUMAS DE RAULY.
NOTES
POUR
SERVIR A L'HISTOIRE DU DEPARTEMENT.
Deux Lettres de Louis XIII au comte de Noailles, ambassadeur de France à Rome.
On connaît les circonstances qui donnèrent lieu à ces deux lettres.
C'était après la paix rendue à Montauban par l'Edit de Nîmes, 1629. Les protestants devaient rendre aux catholiques les temples et les biens, meubles et immeubles dont ils s'étaient emparés pendant les guerres religieuses. Richelieu avait reçu l'ordre de rester dans le Languedoc pour surveiller l'exécution du traité.
Grâce à son influence, l'évêque Anne de Murviel put rentrer dans sa ville épiscopale, ainsi que plusieurs ordres religieux. Mais les protestants ne voyaient qu'avec peine le rétablissement du culte catholique. Ils étaient particulièrement irrités de ce que diverses administrations leur échappaient pour passer aux mains des catholiques. Dans une élection de consuls faite en 1632, et oit on n'avait nommé que des réformés, ils virent cette élection cassée comme irrégulière, et furent contraints d'accepter trois consuls catholiques sur six. En même temps le conseil général, renouvelé
NOTES POUR SERVIR A L'HISTOIRE DU DÉPARTEMENT. 169
comme le consulat, reçut 45 membres catholiques, ainsi que l'un des syndics.
Les protestants étaient bien obligés de se soumettre aux décisions du Parlement de Toulouse, et â la volonté toute puissante des représentants du Roi à Montauban, mais ils ne le faisaient que lentement et ne perdaient pas une occasion d'attaquer de nouveau les catholiques.
Fatigué de ces résistances, Richelieu avait voulu que l'évêque de Montauban, Anne de Murviel, se montrât plus énergique et n'employât pas les seules armes de la prière pour convertir les huguenots. Ne pouvant espérer de changer l'esprit conciliant du prélat, il essaya d'abord de lui persuader de se démettre de ses fonctions. Anne de Murviel résista, et Richelieu se décida alors à lui faire donner un coadjuteur, qui fut Pierre de Bertier.
C'est à la nomination de ce coadjuteur que se rapportent les deux lettres que je viens vous lire. Elles ont été trouvées à la Bibliothèque nationale (manuscrits latins, n° 17,027, f° 150 et 151), par mon ami Dom Dubourg, un chercheur avisé et infatigable. Elles sont toutes les deux adressées par le roy Louis XIII au comte de Noailles, ambassadeur de France à Rome, et datées de Saint-Germain-en-Laye le 9 janvier 1634. — L'une a pour but de faire agréer par le Pape la démission de Mgr Anne de Murviel, évêque de Montauban, « attendu son âge valétudinaire, » et la nomination à la coadjutorerie avec future succession de M. Pierre de Bertier, prêtre du diocèse de Toulouse, docteur en théologie et abbé de Restauré. — L'autre, ordonne à l'ambassadeur de faire agréer par le Pape une pension retenue par l'Evêque démissionnaire, Anne de Murviel, sur les revenus de l'évêché de Montauban en faveur de son neveu M. Jehan Louis de Murviel, clerc du diocèse de Béziers.
170 NOTES POUR SERVIR A L'HISTOIRE DU DÉPARTEMENT.
Lettre du Roi au comte de Noailles pour lui ordonner de faire agréer par le Pape la démission de Mgr Anne de Murviel, évêque de Montauban, « attendu son âge valétudinaire, » et la nomination à la coadjutorerie, avec future succession de M. Pierre de Bertier, prêtre du diocèse de Toulouse, docteur en théologie et abbé de Restauré. — Saint-Germain-en-Laye, 9 janvier 1634:
Mons. le comte de Noailles vous présenterez à nostre Saint Père le Pappe la lettre que je lui escris suivant laquelle vous employerez et ferez tant envers Sa Sainteté, qu'attendu l'âge valetudinaire de Messire Anne de Murviel, evesque de Montauban, qui luy oste le pouvoir de vacquer à la visite de son diocèse, lequel estant infecté de l'hérésie a besoin d'une plus grande sollicitude, tant pour l'édification des catholicques que pour la réduction des héréticques, le bon plaisir de sadicte Sainteté soit à ma nomination et priere avoir agréable d'admettre les résignations et actes irrévocables en forme de coadjutorerie et future succession audit evesché qu'en a faicte ledit sieur Evesque en faveur et au profit de Messire Pierre de Bertier, prebstre du diocèse de Thoulouse, docteur en théologie de la Faculté de Paris et maison de Sorbonne, abbé de Restoré, confirmez par le sieur Gaspar, baron de Murviel, nepveu dudit sieur Evesque, suivant le pouvoir a luy donné par la dernière desdites procurations, et ayant esgard qu'il ne se peut faire meilleur choix que de la personne dudit sieur de Bertier, des mérites duquel j'ay particulière cognoissance, et sçay qu'il s'acquittera très dignement des fonctions spirituelles de ladite coadjutorerie, et vacquera soigneusement es choses episcopales, auxquelles sont obligez les coadjuteurs par les saincts decrets et constitutions canoniques, luy en faisant à cette fin expédier toutes bulles, dispenses et provisions apostoliques nécessaires, conformément aux procurations et memoires qui vous en seront baillez et vous me ferez service bien agréable. Sur ce, je prie Dieu, Monsieur le comte de Noailles, vous tenir en sa saincte garde.
Escript à Saint-Germain-en-Laye, le 9e jour de janvier 1634.
Signé : Louis.
Et plus bas : DE LOMÉNIE.
Et au dos : Escript a Monsieur le comte de Noailles, chevalier de mes ordres et mon ambassadeur ordinaire â Rome.
NOTES POUR SERVIR A L'HISTOIRE DU DÉPARTEMENT. 171
Du même au même. Pour faire agréer par le Pape une pension retenue par l'Evêque démissionnaire, Anne de Murviel, sur les revenus de l'Evêché de Montauban, en faveur de son neveu, Messire Jehan-Louis de Murviel, clerc du diocèse de Béziers. — Même date:
Mons. le comte de Noailles vous aurez veu par la lettre que je vous ay cejourd'hui escrite comme le sieur Evesque de Montauban a resigné son Evesché par forme de coadjutorerie et future succession en faveur et au profit de Messire Pierre de Bertier, prestre du diocese de Thoulouse, docteur en théologie de la Faculté de Paris et maison de Sorbonne, abbé de Restoré, lequel j'ay cejourd'huy nommé à Nostre Saint-Père le Pappe pour en estre pourveu. Mais d'autant que par la derniere des procurations que ledit sieur Evesque a passées à cet effect, il reserve la somme de 4,500 livres de pension pour Messire Jehan-Louis de Murviel, clerc du diocese de Beziers, son nepveu, à prendre chascun an. sa vie durant, après la mort d'icelluy sieur Evesque, sur les fruits et revenus du susdit Evesché. J'escris a Sa Sainteté la lettre que vous lui présenterez suivant laquelle vous emploierez et ferez en telle sorte qu'Elle agrée la création et esmologation de lad. pension conformement à la susd. procuration et au consentement dud. sieur de Bertier, affin qu'il en soit expédié toutes les bulles, dispenses et provisions apostoliques nécessaires, à la charge toutesfois que led. Me JehanLouis de Murviel vivra clericalement et se fera pourvoir aux ordres sacrez lorsqu'il aura atteint l'âge porté par lesd. décrets et non aultrement. Sur ce je prie Dieu, Mons. le comte de Noailles, vous tenir en sa saincte garde.
Escript à Saint-Germain-en-Laye, le 9e jour de janvier 1634 ■.
Signé : Louis.
Et plus bas : DE LOMÉNIE.
Et au dos : Escript à Monsieur le comte de Noailles, chevalier de mes ordres et mon ambassadeur ordinaire à Rome.
Le Pape ne ratifia pas immédiatement la nomination faite par le Roi. La bulle gui nommait Pierre de Bertier évêque d'Utique et coadjuteur de Montauban, ne fut publiée que le 6 avril 1636.
172 NOTES POUR SERVIR A L'HISTOIRE DU DÉPARTEMENT.
Le même manuscrit, 17,027, fonds latin de la Bibliothèque Nationale, contient les notes suivantes sur Pierre de Bertier et Anne de Murviel :
De Saint-Germain, le 13 janvier 1634. — Le 9, le Roy donna le brevet de coadjuteur en l'Evesché de Montauban au sieur Bertier, docteur de Sorbonne, qui voit par là recompensée la première place qu'il eust de sa licence.
De Paris, le 19 mars 1639. — Le sieur Bertier venu à la Cour pour la députation des Estats de Languedoc, fit serment de fidélité entre les mains de S. M. pour l'Evesché de Montauban.
De Paris, le 9 avril 1639. — Le 4 de ce mois, le sieur Bertier, evesque de Montauban (sic); le comte de Bioule, les sieurs de Jonquières et de la Mamie, sindic général, députez de Languedoc, vinrent haranguer leurs Majestez à Saint-Germain, l'Evesque portant la parole. (Folio 149, manuscrit latin, 17,027.)
De Montauban, le 17 septembre 1652. — Messire Anne de Murviel, evesque et seigneur de cette ville, doyen des evesques de France, et depuis 51 ans dans les fonctions episcopales, mourut ici le 8e de ce mois, au 5e accez de fièvre double tierce, en la 84e année de son âge, ayant laissé pour digne successeur le sieur Bertier, evesque d'Utique, qui estoit depuis fort longtemps son coadjuteur. (Item., fol. 152.)
L'abbé A. QUILHOT.
PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES.
Séance du 1er mars 1893.
Présidence de M. le chanoine POTTIER.,
Présents: MM. le chanoine Pottier, président; Edouard Forestié, secrétaire général ; général de Boysson, Dumas de Rauly, docteur Tachard, de Séverac, Forestié père, Lavitry, Dubois-Godin. Pons, capitaine Favréaux, capitaine Poussy, commandant Duchaussoy, de Bellefon. de La Bernardie, chanoine Calhiat, Bouïc, Rey-Lescure; Buscon, secrétaire.
Relativement à la lecture du procès-verbal, MM. Dubois-Godin et le capitaine Favréaux estiment que les vents régnant à de grandes hauteurs sur les montagnes empêchent les neiges de s'accumuler sur les plateaux. L'arche de Noé n'a donc pu être enfermée dans les glaces à la hauteur indiquée, lors de la discussien du mois dernier.
MM. Élie de Vezins et Stoumpff, élus membres résidants, remercient par lettre, et s'excusent de ne pouvoir assister à la séance de ce jour.
MM. de Mila de Cabarieu, Pouillot, de Fontenilles et Claverie se font également excuser.
M. le Président énumère les envois, mémoires et manuscrits adressés à la Société depuis la dernière réunion.
OEuvres de Dom Piolin, moine de Solesmes, adressées par Dom Dubourg.
Notice sur le général Séatelli, par le commandant Forel.
174 PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES.
Traduction de la Charte des Coutumes de Cazes-Mondenard (3 mai 1246), par l'abbé Taillefer, curé de Cazillac (manuscrit).
Quelques cloches de l'Albigeois, par M. le baron de Rivières.
Le parement d'autel de l'évêché de Montauban, par Mgr Barbier de Montault, travail inédit destiné au Bulletin.
La Société française de photographie, présidée par M. Janssen, accepte l'échange du Bulletin.
La Société de Saint-Jean et la Revue bénédictine de Maredsous (Belgique) acceptent l'échange du Bulletin.
M. de Borredon envoie de Saint-Cloud la note suivante, relative au traitement du sénéchal de Périgord et de Quercy. Cette note se rattache à une communication faite par M. de Borredon à la Société du Périgord, et relatée dans un de nos procès-verbaux :
« Petrocoriensis CCXCIX°. — Seneschallus ibi et in Caturco, per annum Ve 1. hic capit et in Caturco, et XXVIIJ° totidem et tamen habet emolumentum sigilli régis de dono, quod valet, ut dicitur, VIIJe 1.
« Caturcum. — Seneschallus ibi et Petragorensis capit in Petragoria per annum VJe1.
« (Jules Viard, Gages des offices royaux vers 1329, dans le Bulletin de l'Ecole des Chartes, 1892, p. 238.) »
M. le chanoine Pottier rappelle qu'une délégation de la Société, composée de MM. Edouard Forestié, docteur Alibert, commandant Duchaussoy et lieutenant Charroy, a visité les découvertes faites à Saint-Michel des Lials ; on a retrouvé des briques à rebord et des fragments de poteries et de marbre blanc, le tout de l'époque galloromaine. Un puits de 10 mètres de profondeur a été visité par M. le chanoine Pottier; ce puits est bâti en moëllons et en madriers de châtaigners, dont un fragment se trouve sur le bureau de la Société. On a également retrouvé des tuiles qui entraient dans la confection des toitures : Tegula et imbrex.
M. de Bellefon a signalé une découverte de monnaies féodales à Soussis, canton de Montaigu. Sur la demande de M. le Président, M. Frayssinet, agent-voyer, a fourni des détails sur les circonstances dans lesquelles elles ont été trouvées : sous une roche qu'on venait de faire sauter à la mine. La plupart de ces monnaies ont été frappées à Cahors par Guillaume de Cardaillac, évêque de cette ville. L'une d'elles, remarque M. Edouard Forestié, porte : HUGO COMES (Hugues, comte de Rodez).
PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES. 175
M. le chanoine Pottier rappelle la part prise par la Société aux travaux du Congrès de la Sorbonne, et l'accueil si plein de la plus exquise cordialité et de la plus large hospitalité, qui a été fait à leurs compatriotes et confrères de Tarn-et-Garonne par Mme Dieulafoy et MM. Dieulafoy, Albert Soubies, Henri Soubies et Paul Carrère de Maynard.
Les collections du Louvre ont été visitées sous la direction de MM. Kaempffen, directeur des Musées nationaux ; de M. et Mme Dieulafoy, de M. le comte Paul Durieu, conservateur du Louvre, qui ont fait les honneurs de ces collections avec une complaisance et une grâce exceptionnelles. Des remerciements sont votés à ces guides aimables par la Société, et M. le comte Durieu est nommé membre correspondant par acclamation. Une délégation de la Société archéologique d'Eure-et-Loir a reçu, à Chartres, les excursionnistes de Tarn-et-Garonne avec la plus cordiale courtoisie. Un déjeuner offert par nos confrères de Chartres a réuni les membres des deux. Sociétés.
M. Rey-Lescure rend compte de la visite de la Société et de son impression personnelle aux collections de Suse, dont les honneurs ont été faits par M. et Mme Dieulafoy. M. Rey-Lescure a été frappé de la ressemblance des types grecs et asiatiques. L'art grec est revenu 400 ans environ avant Jésus-Christ, vers les civilisations primitives d'où il était sorti ; il n'est pas à ce moment arrivé à son apogée; mais l'on constate déjà un mouvement marqué vers la perfection. Le profil grec se retrouve sur les types des negritos, découverts à Suse ; c'est ce qui explique la beauté des statues et des bas-reliefs assyriens.
M. Edouard Forestié rend compte verbalement de l'excursion à Saint-Denis et à Chantilly. Il énumère les travaux communiqués au Congrès de la Sorbonne par les membres de la Société. (Voir plus haut le compte-rendu du Congrès.)
M. Dumas de Rauly, au nom de M. Tamisey de Larroque, dépose sur le bureau de la Société une étude sur Deux livres de raison de l'Agenais, dont il présente le compte-rendu. Le premier est le livre de raison de la famille de Boisvert (1650-1816, le second celui de la famille de Lidou, sieur de Savignac (1650-1664). M. Dumas de Rauly signale l'importance de ces documents, mais surtout les annotations dont les a enrichis M. Tamisey de Larroque.
M. de Jean de Séverac lit un rapport de M. Mourgues, instituteur
176 PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES.
à Saint-Etienne-de-Tulinont, sur des tombes des premiers siècles chrétiens découvertes à Castelnau-de-Montratier. Une médaille de bronze est accordée à l'auteur de ce rapport.
M. Bouïc rend compte du dernier ouvrage de M. Albert Soubies : 47 ans à l'Opéra.
M. le commandant Duchaussoy présente une couverture de Coran, peinte sur cuir, et représentant un accouchement et un repas de noce. Cet objet est très ancien et a été fabriqué à Téhéran.
Il leur compare un étui de miroir, d'un travail moderne, bien inférieur.
M. le chanoine Pottier communique a la Société l'invitation de la Commission de photographie, qui se propose de visiter sur les bords de l'Aveyron : Milhars, Pechrodil, Varen. Après entente préalable, la date du 2 mai est fixée pour cette promenade
M. le Président rappelle à nouveau la grâce parfaite avec laquelle MM. Henri et Albert Soubies ont reçu, à Paris, la Société archéologique. Dans cette occasion, M. Eugène Soubies, leur père, a sollicité l'honneur de faire, en même temps que ses fils, partie de notre Compagnie. Ce désir est ratifié par un vote unanime.
MM. le général de Boysson et de Fontenilles présentent la candidature de M. le lieutenant vicomte de La Besse.
M. le chanoine Pottier offre à la Société un Mémoire publié pour MM. de Sauveterre à l'occasion d'un procès.
La séance est levée à 10 heures 1/2.
Le Secrétaire, A. BUSCON.
JEAN DE CORNEILLE
DE ROUEN
DOCTEUR - MÉDECIN ET PROFESSEUR A MONTAUBAN AU COMMENCEMENT DU XVIe SIÈCLE '.
NOTES BIOGRAPHIQUES
PAR
M. ÉM. FORESTIÉ NEVEU,
MEMBRE DE LA SOCIÉTÉ.
Dans le cadastre de Montauban dressé en 1507, Mossen Johan Cornelli, doctor en medicina, est inscrit au f° 114 comme habitant une maison située à la gâche (quartier) de Montmurat, et possédant une bordette (petite propriété) et un hort (jardin), le tout imposé pour v livres.
Cette indication n'avait jamais excité notre curiosité, lorsque l'un de nos amis, qui sait combien nous intéresse l'histoire de l'imprimerie Montalbanaise, nous céda quatre pièces 2 sorties des presses de nos typographes. L'une d'elles,
1 Cette Notice a été lue au Congrès de la Sorbonne, dans la session de 1893.
2 Voici les titres de ces pièces rarissimes, imprimées avec les beaux caractères , les têtes de page et les vignettes à combinaison de Denis Haultin : 1° Arrest de la Covr de Parlement contre Jean Chastel..., pour le parricide
1893. 12.
178 JEAN DE CORNEILLE, DE ROUEN,
où le 1er feuillet réservé pour le titre est resté en blanc, mais dont les caractères et les vignettes prouvaient la commune origine avec celles qui portaient le nom de Montauban et celui de l'imprimeur Denis Haultin, attira notre attention plus particulièrement, car on lit sur le titre de départ, en tête de la page ayant le folio 3 :
GVILHELMI CORNELII IVRISCONS. EPISTOLARIS
lïpoçÇtoVYlfflç, AD CINERES IOAN. CORNELII
Aui paterni, Parentalium vice.
Dès les premières lignes de cette épitre dèdicatoire, l'espoir nous vint que ce Corneille pouvait avoir quelques liens de parenté avec le grand poète normand, né en 1606 aussi à Rouen, car elle débute ainsi :
« Ex nobili stirpe prognalus Rhotomagi Neustrioe vrbi celeberrimoe, tu quidem, loannes Gorneli, avus mihi, etc. "
Voici la traduction littérale de cette épître, écrite en latin emphatique, par Guillaume de Corneille, à la mémoire de son aïeul, le Mossen lohan Corneli, médecin et professeur de philosophie, qui possédait déjà en 1507 des immeubles â Montauban, où probablement il était venu depuis quelques années.
« Issu d'une famille noble de Rouen, ville célèbre de Neustrie, toi, Jean Corneille, mou très cher aïeul, professant la doctrine
par luy attenté sur la personne du Roy. — Montauban, par Denis Haultin, 1595, petit in-4° de 7 pages, caractère romain, corps 12.
2° Tardai Asellae Testamentvm, recenter conditum et in lucem editum Francisco Quoësio Thallorensi auctore. — 1595, même format, 10 pages, contenant 89 distiques latins, imprimés en caractère italique.
3° Gvilhelmi Cornelii ivriscons. Epistolaris... ad cineres Ioan. Cornelii avi paterni, Parentalium vice. — Montauban, 1596, même format, 15 pages, dont les 2 premières réservées pour le titre qui n'a pas été imprimé.
4° Epistola loannis Gardesii, Montalbanensis, ad Petrum Charronicum, Parisiensem. — Montalbani excudebat Dionisius Haultinus, typogra., 1597, même format, 33 pages. A la suite de cette épitre, il y a des épigrammes en latin, par Jean Griffolet, Pierre Philippe, Théodore Oliveri et Paul Charles.
MÉDECIN ET PROFESSEUR A MONTAUBAN. 179
excellente de la philosophie, ainsi que l'art de la médecine de. l'illustre Hippocrate, tu es d'abord venu comme étranger dans la cité de Montauban, renommée pour la salubrité du lieu et pour le nombre des hommes notables qui y viennent. Là, tu as été élu au premier rang du consulat, aux applaudissements unanimes et au grand avantage de la chose publique ; et cela, l'année de la Nativité du Sauveur, M. D. IX (1509).
« De là, émigrant dans la cité de Cahors avee toute ta famille, tu t'y es fait une situation avantageuse. Dans cette ville, où tu es longtemps demeuré, vivant fort honnêtement, tu as payé ta dette à la nature en passant de la vie à la mort, non sans enfants légitimes et sans postérité, car tu laissais trois fils nés à Montauban et une fille qui a vu le jour à Cahors,
« Le plus jeune, Antoine, pendant qu'il se livrait avec ardeur â l'étude des Lettres, fut atteint, étant adolescent, par une maladie contagieuse, dont, hélas, il mourût misérablement.
« Ton second fils, Jean Corneille, qui fut mon père bien-aimé, jouit d'une bonne santé, fut un jurisconsulte très savant, un très éloquent orateur, soit dit sans envie, même en le comparant aux meilleurs. Il quitta Cahors, laissant librement tout son patrimoine à son frère ainé, Hugues. Il était désireux de revoir Montauban, la patrie de son père. C'est avec une grande générosité qu'il agit, ne voulant rien réclamer à son frère de ce qui lui était naturellement dû, estimant beaucoup plus pieux de respecter avec patience les volontés de son père, que de recourir à la justice.
« Cet oncle paternel, en enseignant la médecine, et en exerçant sa profession comme tu l'avais fait, obtint ton grade et ta succession. Au Collège très florissant de Cahors adjoint à l'Académie (Université), il fut docteur et recteur, comme tu l'avais été toimême, et passa sa vie heureusement...
«... Mon oncle Hugues mourut sans enfants, laissant à sa seconde femme ce qui légitimement aurait dû être rendu à la famille ; et cette virago, oubliant vite son mari, en prit un second dépourvu de tout mérite, auquel elle donna ses biens. Justement irrité, Jean, mon père, attaqua le testament, mais pendant que se mouvait le procès, il mourut de chagrin au milieu des troubles religieux de l'année M. D. LX.
« Mais moi, seul fils et adolescent, fuyant les procès, je renonçai à suivre les phases de cette affaire; toutefois, je cherchai à sauver
180 JEAN DE CORNEILLE, DE ROUEN,
de l'oubli les thèses et les oeuvres savantes que tu avais produites, et qui étaient retenues par des mains étrangères. Ces monuments littéraires m'étant rendus, j'ai mis fin au procès ; j'ai cherché, mon vénérable aïeul, à faire revivre ta mémoire... en livrant tes oeuvres à l'impression et en les répandant dans le public... : Il la typis mandare, atque in vulgus edere.
Le petit-fils de Jean de Corneille espérait, dit-il, que de la lecture des oeuvres de son aïeul résulterait un grand avantage pour tous ceux qui cultivent les arts, et également pour lui et pour ses enfants : Gnoeus, Publius et Marcus, ces descendants de Corneille Scipion ; enfin, pour tous ceux qui seraient issus de cette famille, dont ils apprendront ainsi l'éclat et la considération méritée.
Cette épître est datée de Montauban, des calendes de janvier 1596.
Il ne paraît pas que les projets de publication des oeuvres de Jean de Corneille aient été réalisés, car jusqu'ici aucun des écrits que son petit-fils annonce vouloir confier aux presses n'a été signalé. Et même son nom et ceux de ses fils ne sont point cités dans l' Histoire de l'Université de Cahors, écrite en 1876 par MM. Baudel et Malinowski, ni dans l'Histoire de l'Académie protestante de Montauban, par M. Michel Nicolas 1.
En ce moment, on publie l'histoire des anciennes Universités de France, et celle de Cahors est déjà imprimée ; mais cette grande publication s'arrête à l'année 1500. Cependant l'auteur a l'intention de la compléter jusqu'à la Révolution ; peut-être alors y trouverons-nous le nom de Corneille. Notre communication à la Sorbonne appellerat-elle l'attention de l'historien des anciennes Universités, ou de quelque bibliophile cornélien ? Nous l'espérons.
1 M. Devais n'a pas inscrit, dans le « Tableau des régents des écoles publiques de Montauban, depuis l'an 1474 jusqu'en 1579, » le nom de Jean de Corneille, qui dut y professer la philosophie ; du reste il n'a indiqué aucun régent pour la longue période de 1476 à 1524.
MÉDECIN ET PROFESSEUR A MONTAUBAN. 181
D'après la nouvelle Histoire du Quercy, de G. Lacoste, t. IV, p. 119, vers la fin de l'année 1558, le sénéchal Séguier fit venir à Cahors, pour l'éducation de ses enfants, un diacre du nom de Corneille, qui avait été admis au ministère par Calvin lui-même à Genève. Et Théodore de Bèze dit que ce diacre, dont il n'indique pas le prénom, fit les prières aux Réformés pendant le carême de 1561, en l'absence du ministre. C'est là le seul souvenir de la famille Corneille à Cahors que nous ayons recueilli dans les historiens de cette ville et du Quercy.
Guillaume de Corneille fut consul à Montauban en 1574, puis plusieurs fois syndic de cette ville, de 1579 à 1595.
Le 4 août 1570, les habitants de Montauban ayant délibéré de demander à Sa Majesté l'autorisation d'ériger un Collège, le lendemain une députation, composée de Guillaume Le Clerc, premier consul, et de Guillaume de Corneille, syndic de la ville, se rendit au château de Piquecos, où résidait l'èvêque Henry Des Prez, pour lui communiquer cette délibération. Ce prélat consentit à l'exécution de ce projet ; mais en 1579 il dut s'y opposer, parce que les catholiques et le clergé n'étaient pas en sûreté dans sa ville épiscopale, et que l'enseignement devait être sous la direction des réformés. Cependant les consuls, en vertu des Lettres-patentes de 1579, signées par Henri III, passèrent outre, et en l'année 1580 le Collège fut définitivement organisé.
Lorsque Louis Rabier, imprimeur à Montauban, demanda, en 1582, sur les conseils du Roi de Navarre, à emporter en Bearn une partie de son matériel, malgré le traité passé avec la ville, maître Guillaume de Corneille, syndic, s'opposa énergiquement à cette autorisation, avec les surintendants de l'imprimerie, mais elle fut imposée aux Consuls.
182 JEAN DE CORNEILLE, DE ROUEN,
L'intéressante plaquette dont nous signalons l'existence aux bibliophiles et aux biographes normands, contient des pièces de vers latins et grecs', qui occupent les pages 7 à 15. Ces pièces sont toutes signées, notamment par Robert Constantin 2, qui, après avoir professé le grec et étudié la médecine à Caen, où il était né vers 1530, se réfugia en 1571 à Montauban, dont la Réforme était maîtresse; l'année suivante il s'y maria avec Peyronne Imbert, et occupa une chaire de nos écoles publiques ; plus tard, il fut principal du Collège, et en même temps enseigna le grec à l'Académie protestante créée en 1598. A sa mort (27 décembre 1605) il laissa à ses deux filles des propriétés qu'il possédait depuis longtemps dans sa patrie adoptive, tandis que les historiographes le font mourir en Allemagne et dans la misère.
Les vers du célèbre helléniste normand, auteur du premier lexique grec-latin, sont consacrés à la louange de la famille de Corneille, dont ils prédisent le brillant avenir ; il y a aussi une épigramme sur la naissance des trois enfants issus du troisième mariage de Guillaume de Corneille: l'un d'eux,
1 Ces pièces de vers ont pour titres:
Page 7 : De Kamilia Corneliorum Elogium... Robertus Constantinus faciebat.
Page 8: Lauretum Familiae Corneliorum... Roberti Constantini Carmen.
Page 9 : Lauretum Cornelianum M. Clerici I. C. Doctiss.
Page II : D. Guill. Cornelio, in prosperum sui Gnoëi natalium, epigramma... Augustinus Cabana composuit ; suivi de 6 vers grecs du mémo auteur.
Page 12 : De ortu publii Cornelii Nasicae, Guilhelmi Cornelii filii ; signé Robertus Constantinus.
Page 14: Pnedictio Constantini.
Page 15: De P. G. Scipio. Africano et Guill. Cornelio Coss. Procrcatis, diversis temporibus et locis. Epigram. Per Alexim Le François Mantuanum.
2 Voir la biographie do Robert Constantin dans l'Histoire de l'Académie protestante de Montauban. M. Michel Nicolas y cite plusieurs ouvrages du savant helléniste, imprimés à Lyon et à Genève; mais aucun n'est sorti des presses montalbauaises.
MÉDECIN ET PROFESSEUR A MONTAUBAN. 183
Publius, se maria au temple de Montauban en mai 1613, avec dame Anne Prévost. Il était docteur en médecine, comme son grand-père et son aïeul.
Nous n'avons pas retrouvé le nom des Corneille dans la liste des consuls de Montauban pendant le XVIIe et le XVIIIe siècle: aussi nous supposons que cette famille quitta notre ville à l'époque du siège de 1621 ou à la révocation de l'édit de Nantes, et alla se fixer au chef-lieu du canton de Montpezat-de-Quercy (Tarn-et-Garonne), où habite un modeste et honorable propriétaire du nom de Corneille. Un de ses fils, après avoir terminé ses études à Montauban, prend ses inscriptions à l'école de médecine de Toulouse, afin de suivre la carrière dans laquelle quelques-uns de ses ascendants se distinguèrent, et dont le souvenir est conservé par la tradition.
En attendant l'envoi des papiers recherchés à Montpezat et ceux que M. Dumas de Rauly espère retrouver en classant les archives départementales, nous avons signalé notre plaquette à M. Léopold Delisle, le savant administrateur général de la Bibliothèque nationale, qui s'intéresse vivement à tous les écrivains originaires de sa chère Normandie ; nous l'avons également communiquée à M. F. Bouquet, professeur honoraire du lycée Corneille de Rouen, qui en 1888 avait publié des pièces sur les Points obscurs sur la vie de Pierre Corneille. Ce très érudit cornéliste nous a répondu :
« Je ne connais pas une généalogie complète de la famille Corneille. La moins incomplète est celle de M. Marty-Laveaux, dans son édition des Oeuvres de Pierre Corneille, publiée par Hachette.
« Pour Thomas, frère de Pierre, M. l'abbé Bourrienne, professeur d'histoire à l'Institution Sainte-Marie de Caen, a été plus complet. (Revue catholique de Normandie, Caen, 1891.)
« Mais pour Pierre, les pièces justificatives jointes à mes Points
184 JEAN DE CORNEILLE, DE ROUEN,
obscurs sur la vie de Pierre Corneille (Hachette, 1888), prouvent qu'il y a bien des lacunes dans toutes les généalogies publiées.
« La date la plus éloignée qui constate la présence de la famille de Pierre Corneille à Rouen est un arrêt du 16 avril 1542, rendu par le Parlement de Normandie. Mais comme le nom de Corneille était fort commun en Normandie, il se trouve des actes de tabellionnage en 1492, 1494 et 1524, sans qu'il soit possible de rattacher ces individus à la famille du poète.
« La généalogie ne fait pas mention de la branche venue à Montauban vers la fin du XVe siècle. — Ce fait n'a été mentionné nulle part. Les prénoms de Jean et de Guillaume se trouvent bien en Normandie dans la famille de Pierre, mais c'est en 1578 pour Jean et après 1570 pour Guillaume.
« Mais, si Jean Corneille, ex nobili stirpe prognatus Rhotomagi Neustrioe, ne se rattache pas à la famille du grand poète, il pourrait se rattacher à la famille noble qui avait nom Corneille de Beauregard, famille rouennaise, sans être parente de Pierre Corneille. »
Nous ignorons si la famille des Corneille de Beauregard existe encore, ou si, comme on le croit, celle de l'illustre poète normand a disparu.
Après la lettre de M. Bouquet, il est téméraire d'espérer combler les lacunes signalées par cet ancien professeur dans la généalogie des Corneille; et cependant on sait que naguère la découverte d'un autographe de l'auteur du Cid, daté de 1653, et contenant le dénombrement de terres fort importantes qu'il possédait au Val de la Haye, près de Rouen, a mis fin à la légende qui représentait Pierre Corneille forcé de recourir àun savetier pour faire réparer sa chaussure avant de se présenter devant Louis XIV. Il faut donc compter un peu, et même beaucoup, sur le hasard, qui réserve de belles surprises aux chercheurs que rien ne décourage.
NOBILIAIRE
DU
CANTON DE SAINT-ANTONINl
PAR
M. L. GUIRONDET,
MEMBRE DE LA SOCIÉTÉ.
DE LA VALETTE-PARISOT
Sixième fîrunelie.
DE LA VALETTE-CORNUSSON,
seigneurs de Boismenou, d'Algouse, de Lestang, de Monteils, de La Rouquette, barons, puis marquis de Cornusson.
ARMES, ainsi qu'elles furent blasonnées dans l'Etat de l'Europe, composé par les MM. de Sainte-Marthe en 1680, et suivant une thèse de droit dédiée au marquis de Cornusson par son frère : Ecartelé aux 1 et 4 de gueules au gerfaut d'argent, la patte dextre levée, qui est de La Valette-Parisot ; parti de gueules au lion d'or armé et lampasse d'argent, qui est de Morlhon-Sanvensac ; aux 2 et 3 d'azur à trois fasces crénelées de 3 pièces et demie d'or chacune, la dernière fermée au milieu d'une porte ronde
1 Voir Bulletin archéologique de 1838, p. 221; de 1889, p. 98, 179; de 1892, p. 36 et 231.
1893. 13.
4186 N0RILIA1RE DE SAINT-ANTONIN.
de sable, le tout maçonné de même, qui est de MuratLestang ; écussonné d'un casque timbré d'une couronne de marquis d'or ; Cimier : Une épée nue d'argent garnie d'or, la pointe en haut avec une croix de Malte à 8 pointes d'argent, brodée d'un filet d'or, posée sur le milieu de la lame de l'épée, surmontée de la devise de la religion de Saint-Jean de Jérusalem : Pro fide ; Supports: Un gerfaut d'argent à droite, un lion d'or armé et lampassé d'argent à gauche.
Suivant Cabantous (Armorial du Rouergue), et de Barrau (Doc. hist. et généal.), les armes seraient : Ecartelé au 1 échiqueté d'or et de gueules, chaque carreau du second émail chargé d'une tour d'or, qui est de Poitiers ancien ; au 2a de gueules, à la croix vidée, cléchée et pommetée d'or, qui est de Toulouse ; au 3e de gueules, au léopard lionné d'or, qui est de Rodez ; au 4e de gueules à la croix ancrée d'or, qui est de Saint-Antonin ; sur le tout parti au 1er de gueules au gerfaut d'argent ayant la patte dextre levée, qui est de Valette ; au 2e de gueules au lion d'or armé et lampassé d'argent, qui est de Morlhon ; l'écu posé sur la grande croix de l'ordre de Saint-Jean de Jérusalem, environné d'un manteau de gueules fourré d'hermine et sommé d'une couronne de marquis ; Supports : Deux griffons au naturel, couronnés d'or, ayant chacun un collier de perles au cou, suspendant une croisette d'or et soutenant deux bannières : celle de dextre sur le tout de Vécu, celle de senestre de gueules à une croix de Malte d'argent ; Cimier : Un destrochère tenant un poignard et portant un bouclier ecartelé de Castille et de Léon ; Devise : Plus quam valor Valetta valet ; Cri de guerre : Non oes, sed fides.
Nous pensons que les premières armes sont les vraies. La branche de La Valette-Cornusson est la plus illustre et la plus célèbre de toutes les autres de la famille La Valette-Parisot. Elle se forma par Guilhot de La Valette, dont l'article suit :
LA FAMILLE DE LA VALETTE. 187
I. — GUILHOT DE LA VALETTE-PARISOT, 1er du nom, chevalier, seigneur de Cornusson et de Boismenou, connu sous le nom de Guillaume de Parisot dans les guerres d'Italie, sous Charles VIII et Louis XII, servit glorieusement avec Pons de Labro, son frère aîné, dans la compagnie de 100 hommes d'armes, commandée par le maréchal de Rieux.
Suivant un rôle de monstre de 1485 il était homme d'armes de la Compagnie d'ordonnance du comte de Clermont, seigneur de Beaujeu, puis duc de Bourbon, composée des seigneurs des plus illustres maisons de France.
D'après un acte du 11 janvier 1500 il eut pour ses droits légitimaires la seigneurie de Boismenou et la métairie noble de Roquanières, située al Colombie, paroisse de Saint-Pierre de La Vernède, et sur laquelle fut plus tard bâti le château de Cornusson.
Il devint gentilhomme de la chambre du Roi. Guilhot épousa en 1487 Jeanne de Castres, fille de Jean de Castres, seigneur de Saint-Bauzeille en Albigeois, et de Miracle de Gozon-Mélac, et non de Catherine de Balaguier, comme l'avance de Barrau 1, qui commet une autre erreur en l'appelant Catherine, tandis que son prénom était Matheline.
Il testa en 1513 ; mais il décéda longtemps après, et non en 1513, comme le dit encore de Barrau. En effet, le 11 décembre 1521, Guilhot et Jeanne de Castres, sa femme, débiteurs de Jean de Castres, leur beau-frère et frère, lui donnèrent en paiement, pour n'en jouir que jusqu'à son décès, la métairie de Pailhairols, près de Caylus de Bonette, qu'avait eue Jeanne de noble Louis de Montagne.
1 Matheline de Montsalès était la grand'mère de Jeanne de Castres. Elle avait épousé en 1435 Bernard de Castres. Cela résulte d'une reconnaissance par Bernard à son beau-frère, Jean de Balaguier, le 4 février 1435, de la somme de 1,000 fiorins d'or, pour les robes nuptiales de Matheline. — De la maison de Castres est sorti Jean de Castres, évêque de Carcassonne en 1455, mort en 1475.
188 NOBILIAIRE DE SAINT-ANTONIN.
Du mariage de Guilhot avec Jeanne de Castres furent procréés :
1° Guilhot de La Valette-Parisot II, qui suit ;
2° Jean de La Valette-Parisot, qui devint grand maître de l'ordre de Saint-Jean de Jérusalem, le 21 août 1557, et qui se rendit célèbre par la défense de Malte contre les Turcs, en 1565. Il fonda la cité dite de Valette, et mourut à Malte le 21 août 1568 ;
3° Guillaume de La Valette, prieur de Saint-Saturnin de Saint-Projet en 1523, époque où il résigna son bénéfice à François de La Valette, son frère, alors âgé de 13 ans 1 ;
4° François de La Valette-Parisot, qui, en 1532, se qualifiait prieur de Saint-Vincent en Agenais dans une procuration faite à Cornusson le 8 novembre. Il prenait en 1542 la qualité de prieur de Lombers en Albigeois, et en 1548 celle de chanoine de Saint-Antonin et de recteur de SaintDenys de Lombers. Il fut nommé évêque de Vabres en Rouergue par Charles IX, et assista au Concile de Trente. François sécularisa le chapitre de Vabres. Il mourut le 18 mai 1585 au château de Saint-Izaire, et fut inhumé dans l'église paroissiale de ce lieu. Le grand maître de La Valette, à qui Pie IV avait offert le chapeau de cardinal, qu'il refusa, pria le Pape de le donner à son frère. François. Mais sa demande ne put arriver à temps ; Pie IV décéda d'une manière presque subite le 9 décembre 14652;
5" Antoinette de La Valette, qui se maria, en 1533, avec Raymond de Gibry, de Caussade, capitaine de la ville de Caylus;
6° Béatrix de La Valette,qui épousa Hugues d'Hébrard ou d'Hébrail, seigneur de Carmaux en Albigeois.
1 De Barrau le fait à tort prieur do Saint-Antonin.
2 Questo suo spaccio giungero o arrivare non potè a tiempo... Il Papa quasi improvisamente se ne mori in Roma a novi de decembre 1565. — Bosio, Dell' istoria della sacra religione, t. III, p. 720.
LA FAMILLE DE LA VALETTE. 189
IL — GUILHOT DE LA VALETTE-PARISOT, 2e du nom, baron de Cornusson, seigneur de Boismenou, d'Algouse et autres lieux, contracta mariage le 11 juin 1535, par acte de Bernard Ranacle, notaire à Saint-Antonin, avec Antoinette de Nogaret, fille de François de Nogaret-Lavalette, seigneur de Granhague, d'une branche puînée de la maison des ducs d'Epernon et de La Valette, et de Béatrix de Puybusque.
Devant aller au service du roi, il fit, le 1er octobre 1548, son testament, reçu par Me Ramond, notaire à Parisot.
Dans le feu des premières guerres de religion, il devint gouverneur du pays de Rouergue, dont plusieurs villes et bourgs furent préservés par lui de tomber au pouvoir des calvinistes. Le maréchal de Montluc, dans ses Commentaires, dit, à la louange de Guilhot, qu'il fit tête avec ses enfants aux huguenots du Quercy et surtout à ceux du Rouergue. Il se distingua si bien dans les armes, que le Roi le créa chevalier de l'ordre de Saint-Michel.
Il décéda le 5 mai 1561, âgé de 75 ans, et fut enterré, comme il l'avait prescrit dans son testament, dans l'église de Saint-Pierre de La Vernède, dite de Cornusson, au tombeau de son père.
De son mariage naquirent :
1° François, dont l'article suit ;
2° Henri de La Valette, reçu chevalier de Saint-Jean de Jérusalem en 1554, commandeur de La Selve, et tué en 1565, pendant le siège de Malte, au fort Saint-Michel 1;
3° Raymond de La Valette, tué au siège de La Rochelle en 1573 ;
4° Barthélemy do La Valette, seigneur del Bousquet, mort sans enfants ;
5° Jean de La Valette, reçu chevalier de Malte en 1554;
1 Bosio, ouvrage cité, p. 610.
190 NOBILIAIRE DE SAINT-ANTONIN.
il se qualifiait, en 1560, commandeur de la Cavalerie en Rouergue ;
6° Bégot de La Valette, mort assez jeune sans avoir été marié ;
7° Bernard de La Valette, qui fut capitaine de 200 arquebusiers pour la défense du pays de Rouergue contre les huguenots, et nommé par Henri III gouverneur du pays d'Albigeois. Il mourut sans alliance ;
8° Isabeau de La Valette, religieuse au couvent de SaintPantaléon de Toulouse ;
93 Antoinette, qui épousa Antoine d'Estrades, seigneur de Floirac en Quercy 1 ;
10° Jeanne de La Valette, qui se maria avec Jean Andrieu, seigneur de Fonlongues en Quercy ;
11° Gabrielle de La Valette, alliée à Jean IV de La Valelte, seigneur de Parisot et de Grammont.
III. — FRANÇOIS DE LA VALETTE, 1er du nom, chevalier, baron de Cornusson, seigneur de Boismenou et autres lieux, co-seigneur de Parisot, naquit au château de Parisot, le 28 mai 1536. Il fut capitaine de 50 hommes d'armes, conseiller aux conseils du Roi, gentilhomme ordinaire de sa chambre, sénéchal et gouverneur de Toulouse et d'Albigeois, lieutenant du roi en Guyenne, député aux Etats généraux en 1576 par la noblesse de sa sénéchaussée.
En 1559 il fit le voyage de Malte pour y féliciter le grand maître Jean de La Valette, son oncle, de sa dignité militaire à laquelle venaient de l'élever et son mérite et sa noblesse.
Jean, reconnaissant la courageuse ardeur de son neveu, lui confia le commandement des galères de la religion, avec
1 A cette famille d'Estrades appartenaient Raoul d'Estrades, maréchal de France en 1240, Jean d'Estrades, seigueur et évêque de Condom, et Geoffroy d'Estrades, maréchal de France en 1575, mort en 1025.
LA FAMILLE DE LA VALETTE. 191
lesquelles Guilhot combattit hardiment en diverses rencontres contre les ennemis de la foi.
De retour de Malte il servit Charles IX dans l'armée du Piémont en 1560.
En 1563, suivant acte du 21 juin, il contracta mariage avec Gabrielle de Murat-Lestang, fille de Germain de Murat, seigneur de Lestang, Monteils, La Rouquette et Floirac, et de Jeanne de Lauzières La Capelle.
Lors du siège de Malte en 1565, il amena au grand maître, son oncle, un secours de 40 gentilshommes, ses plus proches parents ou ses amis, parmi lesquels Jean de La Valette, seigneur de Grammont ; Robert de La Valette, seigneur de Labro ; Louis de Brueil, seigneur de Cas.
Après la levée du siège, Guilhot revint en France. Il fut' porte-enseigne dans la compagnie de François de Sennectère, et se distingua en 1569 à la bataille de Moncontour. A la suite de cette journée on lui donna une compagnie de 50 hommes des ordonnances.
Le 1er mai 1574 il représenta le comte de Rodez aux Etats de Rouergue, qu'il présida.
En 1575 Henri III le pourvut de la charge de gouverneur et de sénéchal de Toulouse et d'Albigeois, et lui confia le commandement de ses armées dans la sénéchaussée de Toulouse. Le 31 décembre 1583, il le créa chevalier de l'ordre du Saint-Esprit.
Guilhot, ayant attaqué en plein hiver la place de Salvagnac en Albigeois, fut atteint d'une fausse pleurésie, dont il mourut le 16 décembre 1587, neuf jours après sa rentrée à Toulouse et douze jours après la reddition de la place. Il avait testé en 1585, le 12 mai. De son mariage furent procréés : 1° Jean, dont l'article suit;
2° François, abbé commendataire de Moissac, nommé par Henri IV, en 1600, à l'évêché de Vabres, Il fut député du
192 NOBILIAIRE DE SAINT-ANTONIN.
clergé de la sénéchaussée de Rouergue aux Etats généraux, tenus à Paris en 1614, et à l'assemblée du clergé en 1615. Il finit ses jours au château de Cornusson en 1622, et fut enterré dans l'église paroissiale de ce lieu 1 ;
3° Autre Jean de La Valette, reçu chevalier de Malte en 1588. II devint prieur de La Daurade et abbé de Beaulieu en Rouergue. En 1603 il se démit de l'abbaye en faveur de son neveu, Jean de La Valette, et obtint, le 24 février de cette même année, du grand maître de Malte, Alof de Vignacourt, une bulle d'exemption du droit de passage pour tous ceux portant le nom et les armes du grand maître Jean de La Valette, et pour les descendants de cette maison en ligne directe et masculine ;
4° Un troisième, Jean de La Valette, auteur de la branche des seigneurs marquis de La Valette-Chabriol en Vivarais ;
5° Jeanne de La Valette, mariée à Raymond de Pins, seigneur de Pins ;
6° Gabrielle de La Valette, femme de Simon du Gros de Bérail, seigneur de Planèzes.
IV. — JEAN DE LA VALETTE-PARISOT, co-seigneur de Parisot, baron de Cornusson, seigneur de Monteils, de Lestang, de La Rouquette, de Floirac, de Boismenou et autres lieux, capitaine de 50 hommes d'armes, sénéchal et gouverneur de Toulouse après la mort de son père, fut député par la noblesse de Toulouse aux Etats généraux, assemblés â Blois en 1588.
En 1587 il épousa Ursule de Loubens de Verdalle, nièce de Hugues de Loubens de Verdalle, grand maître de l'ordre de Malte, et fille de Jacques de Loubens, baron de Verdalle, chevalier des ordres du roi, et de Marguerite de Prades,
1 La construction du chàteau de Cornusson fut commencée par François 1er évoque de Vabres, et continuée par François II, aussi évêque de Vabres.
LA FAMILLE DE LA VALETTE. 193
dame de Pérignon. Il fut tué en 1622 dans un combat sous Tonneins en Agenais.
Jean avait testé le 20 janvier de cette même année. De son marioge il eut :
1e Timoléon de La Valette, mort jeune sans alliance ;
2° François II, dont l'article suit;
3° Autre François de La Valette, abbé commendataire de Moissac en 1610, qui obtint la sécularisation de cette abbaye ; il assista à l'assemblée du clergé en 1615, fut sacré évêque de Philadelphie en 1618, et devint évêque de Vabres à la mort de son oncle, dont il était coadjuteur. Il présida à une Assemblée des Etats de Rouergue, tenue à Villefranche en 1636, et à celle du clergé de France tenue à Melun en 1644. Il mourut à Vabres le 20 novembre de la même année, et fut enterré dans son église cathédrale ;
4° Autre Jean de La Valette, reçu chevalier de Malte au prieuré de Toulouse en 1606;
5° Autre Jean de La Valette, abbé commendataire de l'abbaye de Beaulieu après la mort de son oncle, prieur de Parisot et de Floirac, doyen de Varen en 1652, qui acquit les terre et baronnie de Varayre de Jean-Samuel de BrunetCastelpers, vicomte de Panat.
Il décéda en 1673 1. Le testament clos qu'il avait fait les 10 et 14 février 1671, fut ouvert le 15 avril 1673, et enregistré au greffe de la sénéchaussée de Villefranche.
A la mort de son frère François, évêque de Vabres, il avait été nommé à révèché de ce nom, si l'on en croit une attestation, délivrée le 20 décembre 1644, par Jean de Senezergues, archidiacre-majeur et autres, des vie, moeurs, savoir, famille de Jean de La Valette, abbé de Beaulieu.
1 C'est à tort que les Animadversiones du Gallia, de Barrau. et M. Moulenq le font vivre en I692.
194 NOBILIAIRE DE SAINT-ANTONIN.
Mais la nomination resta sans effet, puisque le successeur de François fut Isaac Habert, docteur en Sorbonne.
6° Jeanne de La Valette, mariée, en 1612, avec Nicolas de Bouysset de La Salle, seigneur de Camburat en Quercy;
7° Gabrielle de La Valette, qui s'unit en 1613 à Claude Murât de Lestang, seigneur de Pomayrols ;
8° Marie, femme de Charles d'Arjac-Morlhon, baron de Sanvensa ;
9° Marguerite, épouse en premières noces de François de Geniez, seigneur d'Orgueil et de Langle ; en secondes noces de René de Faramond, baron de Jocqueviel ;
10° Marie-Anne, alliée à Hector de La Capelle, seigneur de Cas, près Caylus.
V. — FRANÇOIS DE LA VALETTE, 2e du nom, chevalier, baron de Cornusson, marquis de La Valette, seigneur de Monteils, de La Rouquette, de Parisot, de Floirac, de Boismenou, de Lestang, de Varayre et autres lieux, capitaine de 50 hommes d'armes d'ordonnance, maréchal de camp, fut un des seigneurs qui se firent le plus remarquer par leur éclat au magnifique carrousel donné par le duc de Ventadour, à Toulouse, pendant l'hiver de 1624.
« Il était sénéchal de Périgord, lorsqu'il leva, par com« mission du 14 juillet 1632, un régiment d'infanterie de « son nom (Cornusson), qu'il commanda le 1er septembre au « combat de Castelnaudary, où le duc de Montmorency « fut fait prisonnier. Le régiment du baron de Cornusson « avait été licencié après la campagne. Ce seigneur le « rétablit, le 17 décembre 1634, le commanda en Guyenne « en 1635 et 1636, à la reprise des îles Sainte-Marguerite « et Saint-Honorat en 1637, à l'armée d'Italie en 1638. « Son régiment fut licencié alors 1. »
" 1 De Barrau, Doc. Iiist. et généal., t. II, p. 395.
LA FAMILLE DE LA VALETTE. 195
Louis XIII, pour le récompenser de ses bons services, lui donna un régiment de 12 compagnies au drapeau blanc.
Il devint sénéchal de Toulouse et du pays d'Albigeois, et fut créé maréchal de camp par brevet du 5 juin 1649.
Il se maria trois fois : 1° Il épousa, par contrat du 25 novembre 1625, Hélène d'Astarac de Marestaing, fille de Benjamin d'Astarac, baron de Marestaing, seigneur de Fontrailles, et de Marguerite de Montesquiou de La Devèze ; il n'eut pas d'enfants de cette alliance ; 2° Par contrat du 29 novembre 1629, Françoise de Clary, fille de François de Clary, premier président au Parlement de Toulouse, et de Gabrielle de Guerrier ; de ce second mariage vint une fille unique, Gabrielle de La Valette-Cornusson, alliée en premières noces â Louis-Gaspard de Fontanges, marquis d'Auberoque, qui mourut sans lignée, et en secondes noces à René de La Garde, baron de Saignes, d'où vint MarieAnne de La Garde de Saignes, fille unique, mariée à Joseph de Vignes, marquis de Puylaroque.
François de La Valette eut à se plaindre de Françoise de Clary, la fit enfermer dans l'abbaye de Prouille en Périgord, et se remaria, par contrat du 11 août 1643, avec Antoinette d'Escorailles, veuve de Pierre-Claude de Saint-Martial, baron de Drugeac, et fille de François d'Escorailles, seigneur de Roumégoux en Auvergne, et de Marguerite de Barriac.
Françoise de Clary s'étant évadée de l'abbaye de Prouille, alla rejoindre son mari à Paris. Mais François de La Valette refusa de la recevoir. Elle y mourut de chagrin en 1666.
Antoinette d'Escorailles, qui vivait dans la bonne foi, dès qu'elle eut connaissance de la mauvaise conduite de son époux, se sépara de lui volontairement, et se retira à son château de Roumégoux, où elle finit ses jours.
« François fit son testament en faveur de Jean de La « Valette, abbé de Beaulieu, son frère, par lequel il légua
196 NOBILIAIRE DE SAINT-ANTONIN.
« une légitime telle que de droit à sa fille, mariée au comte « de La Garde de Saignes, et ne parla point des deux fils « adultérins qu'il avait eu d'Antoinette d'Escorailles 1. » Ces deux fils sont :
A. - Jean, qualifié improprement marquis de La Valette, qui fut sénéchal de Toulouse et du pays d'Albigeois, capitaine-châtelain de Buzet, de Puycelcy, de Montousse et de Turies. Il épousa vers 1675 Magdeleine de Riquet, fille de Pierre-Paul de Riquet, baron de Bonrepos, président au Parlement de Toulouse, et do Suzanne de Doujat. Ce mariage ayant été dissous, Magdeleine de Riquet se remaria, le 25 avril 1678, avec Jacques de Barthélemy de Grammont, baron de Lanta. Jean de La Valette abandonna ses biens moyennant une pension annuelle et viagère, à son frère puîné, Jean-Baptiste, qui lui résigna son prieuré de Parisol, dont le revenu était assez considérable, et entra dans le sacerdoce. Mgr Joseph de Carbon de Montpezat l'ordonna prêtre le 26 mars 1678, dans la chapelle de son palais archiépiscopal. Jean se retira au séminaire de Saint-Magloire, à Paris, où il décéda on 1698.
B. — Jean-Baptiste, appelé l'abbé de Cornusson, parce qu'il avait été destiné à l'état ecclésiastique, devint, par la démission de son frère Jean, du 26 octobre 1676, sénéchal de Toulouse et d'Albigeois, capitaine-châtelain de Buzet, de Puycelcy, de Montousse et de Turies. Il vendit la charge de sénéchal en 1682 à Louis de Crussol d'Uzès, comte d'Amboise, au marquis de Puylaroque les droits qu'il avait sur les châteaux et les seigneuries de Cornusson et de Parisot, au prix de 90,000 livres. Le 11 juin 1708 il passa à Villefranche un acte de fiançailles avec Jeanne du Rieu, fille de Jean du Rieu, seigneur de Caymar, juge-mage et lieutenant-général de la sénéchaussée de Rouergue.
1 De Barrau, ouvrage cité, p. 396.
LA FAMILLE DE LA VALETTE. 197
Par acte du 25 septembre suivant il rompit ce mariage et se. retira au château de Monteils. Souffrant d'un défaut de respiration, il fixa sa résidence à Villefranche-de-Rouergue, où il mourut le 25 avril 1725, après avoir, par testament du 15 février de la même année, disposé de ses biens en faveur du chevalier Guyon de Barriac, son parent maternel.
Armes de Jeanne de Castres, femme de Guilhot de La Valette-Cornusson, 1er du nom :
D'azur, au château carré et crénelé d'argent, donjonnê d'une petite tour carrée et crénelée de même; le donjon couvert en pointe, le tout maçonné de sable et fermé de gueules, à la bordure d'or chargée de 8 rocs d'échiquier de gueules.
Armes d'Antoinette de Nogaret, femme de Guilhot de La Valette-Cornusson, 2e du nom :
L'argent à l'arbre de noyer de sinople, planté sur un terrain de même, à la bordure de gueules pour brisure.
Armes de Gabrielle de Murat-de-Lestang, femme de François de La Valette-Cornusson, 1er du nom :
D'azur à trois fasces crénelées de 3 pièces et demie chacune, la dernière ayant une porte ronde au milieu, fermée de sable, le tout maçonné de même, qui est de Murat de Lestang ; ecartelé de gueules à 3 fleurs de lis d'or mises 2 et 1, posées chacune sur un roc d'échiquier d'argent, qui est de La Romiguière.
Armes d'Ursule de Loubens de Verdalle, femme de Jean de La Valette-Cornusson :
De gueules au lion rampant d'or.
Armes d'Hélène d'Astarac de Marestaing, lre femme de François de La Valette-Cornusson, 2e du nom :
198 NOBILIAIRE DE SAINT-ANTONIN.
Ecartelé d'or et de gueules par Vécu en bannière.
Armes de Françoise de Clary, 2a femme de François de La Valette-Cornusson, 2e du nom :
D'argent à l'aigle êployée de sable, regardant un soleil d'or posé sur un chef d'azur.
Armes d'Antoinette d'Escorailles, 3e femme de François de La Valette-Cornusson : D'azur à 3 bandes d'or.
Septième Branche.
DE LA VALETTE-POJADE,
seigneurs de La Pojade, de Viescamps et autres lieux.
ARMES : Les mêmes que celles des La Valette-Labro ; elles subirent une modification au commencement du XVIIIe siècle ; elles furent alors écartelées de celles de Lapanouse : Burelé d'or et d'argent de 10 pièces.
I. — JOACHIM DE LA VALETTE, troisième fils de Bernard de La Valette-Parisot, 2e du nom, et de Gaillarde de MorIhon, dame de Boismenou, forma la branche des seigneurs de La Pojade et de Viescamps. Il contracta mariage le 24 mai 1499 avec Catherine Del Périé, dame de La Pojade, fille de Gabriel Del Périé, écuyer, seigneur de La Pojade, près de Labastide-Marsault en Quercy, et de Marguerite d'Aspremont.
De son mariage il eut deux fils :
1° Antoine, qui suit ;
2° Bernard, chevalier de Rhodes, qui mourut â Malte, de contagion, au mois de mars 1551. Il s'était embarqué
LA FAMILLE DE LA VALETTE. 199
à Marseille avec Gabriel d'Aramon, envoyé par la Cour de. France à Constantinople.
II. — ANTOINE DE LA VALETTE-PARISOT, seigneur de La Pojade, qui vivait en 1533, suivant un acte du 15 décembre de la même année, fut capitaine d'une compagnie de 100 hommes d'armes, établie par Charles IX pour la garde du pays de Rouergue contre les huguenots.
Il s'allia, le 25 janvier 1527, avec Catherine de La Peyrière, fille de Pierre de La Peyrière, écuyer, seigneur de La Bastide d'Antéjac, juridiction de Réalville, et d'Isabeau de Cant-Belmont 1.
De cette alliance naquirent :
1° Antoine de La Valette, gentilhomme de la Chambre du roi, lequel mourut sans enfants;
2e Bernardin de La Valette, seigneur del Colombie et de Copadel, gouverneur pour le roi en la baronnie de Calmont-d'Olt ; il n'eut qu'une fille, Barbe, qui épousa Pierre de Bessuéjouls, seigneur de Bessuéjouls et de Gabriac, le 25 avril 1573 ;
3° Bérenger, dont l'article suit ;
4° Marguerite, mariée en 1573, par contrat du 10 novembre, avec Marc de Puybérail, écuyer, seigneur de Puybérail en Rouergue.
Antoine mourut en 1568.
III. — BÉRENGER DE LA VALETTE, seigneur de La Pojade et autres lieux, assista au siège de Malte en 1565, et servit longtemps dans les armées de Charles IX.
Après la mort d'Antoine, son frère, il eut les biens de sa famille, et se maria en 1571, par contrat du 11 novembre, avec Catherine de Châteauneuf-Boisse, fille de Gaillard
1 De la maison de Cant est sorti Bernard de Cant, évêque d'Evreux et Nonce apostolique.
200 NOBILIAIRE DE SAINT-ANTONIN.
de Chàteauneuf, chevalier, seigneur de Boisse, et de Jeanne de Bérenger de Montmouton.
Il eut pour enfants :
1° Jean de La Valette, qui suit ;
2° Fulcran de La Valette, qui après avoir dignement servi pendant longues années, mourut à Delfen (Hollande), le 12 janvier 1622 ;
3° Jeanne de La Valette, épouse de Flotard de La RoqueBouillac, chevalier, seigneur dudit lieu ;
4° Marie de La Valette, qui épousa Jean-Jacques de Lauzières-Thémines, co-seigneur de Belfort en Quercy.
IV. — JEAN DE LA VALETTE-PARISOT. 1er du nom, écuyer, seigneur de La Pojade, de Boisse et. autres lieux, s'unit le 4 octobre 1599 à Isabeau de La Panouse, dame de Viescamps, d'une maison très ancienne de Rouergue, qui depuis plus d'un siècle s'était établie à Viescamps en Auvergne, fille de Guyon de La Panouse, chevalier, seigneur de Viescamps, Pern et Cruèjols, et de Françoise de Beaumont de La Batut en Périgord.
De cette union furent procréés :
1° Pierre de La Valette-Parisot, qui se maria, en 1634, avec Susanne de Peyronenc, fille de Bertrand de Peyronenc, chevalier, seigneur de Saint-Chamarand en Quercy, et de Françoise de Bourbon-Malause de Lavedan. Il mourut à Troyes, en 1635, au retour du ban sans laisser de postérité ;
2° Autre Pierre de La Valette, qui fut prieur de SaintIlide, près Aurillac, et qui décéda en 1679 ;
3° Autre Pierre de La Valette, qui suit ;
4° Marc-Antoinette de La Valette, qui fut tué au service ;
5° Marie de La Valette, qui épousa Claude de Dourdan, seigneur de Cuernègre en Rouergue ;
6° Isabeau, qui mourut sans alliances;
LA FAMILLE DE LA VALETTE. 201
7° Françoise de La Valette, qui se maria avec Claude de Lastic, seigneur de Fournel en Auvergne, de la noble maison de Lastic, de laquelle était issu Jean de Lastic, grand maître de Rhodes.
V. — PIERRE DE LA VALETTE, 1er du nom, écuyer, seigneur de La Pojade, de Viescamps, de Boisse et autres lieux, servit longtemps dans les armées sous les ordres du maréchal de Schomberg et de M. le Prince en Roussillon. Il fut capitaine de chevau-légers en 1650 dans le régiment du comte de Noailles, et contracta mariage en 1641, le 24 janvier, avec Rose de Pestels, fille de Claude de Pestels, chevalier, seigneur de La Chapelle, des Plats-Bordez et de La Gardelle, et de Françoise de Chalon, dame de La Chapelle.
De cette alliance vinrent :
1° Pierre de la Valette, 2e du nom, qui suit;
2° Jacques qui, après avoir été longtemps au service du roi, devint prieur de Saint-Ilide, et finit ses jours prêtre à Versailles ;
3° Autre Jacques, capitaine d'infanterie dans les milices, tué au siège de Saluces ;
4° Louise, femme du seigneur de Leybros en Auvergne ;
5° Françoise, qui fut alliée avec Pierre du Bois, seigneur de Vals en Auvergne.
Pierre de La Valette testa et mourut en 1679.
VI. — PIERRE DE LA VALETTE, 2e du nom, écuyer, seigneur de La Pojade, de Viescamps, de Pern, de Boisse et autres lieux, se maria en 1676, par acte du 10 juin, avec Magdeleine-Gabrielle de La Garde-Saignes, d'une ancienne maison originaire du château de Maleville en Rouergue, fille de René de La Garde, chevalier, seigneur-baron de
1893. 14.
202 NOBILIAIRE DE SAINT-ANTONIN.
Saignes, Parlan et Palaret en Auvergne, et d'Antoinette de Fontanges-d'Auberoque.
De ce mariage sont issus :
1° Louis de La Valette, qui suit;
2° Jacques de La Valette, qui servait dans les chevaulégers en 1725 ;
3° Jean de La Valette, qui était dans la compagnie des mousquetaires du roi en 1705, et dans les mousquetaires gris en 1725 ;
4° Jean-Jacques de La Valette, prieur de Saint-Ilide et commandeur de l'hôpital, près Aurillac ;
5° Rose ;
6° Henriette.
Pierre de La Valette testa le 10 juillet 1708, et mourut la même année.
VIL — Louis DE LA VALETTE-PARISOT, écuyer, seigneur de Viescamps, Pern et autres lieux, qui servit deux ans en Italie ; il était lieutenant dans le régiment de Perche en 1705. Après être resté longtemps capitaine d'infanterie, il épousa, en 1714, Françoise de Bonhore, fille de Charles Dardé de Bonhore, seigneur de Falgayrac, d'une ancienne maison de robe d'Aurillac, et de Marie de Bernat, d'une ancienne maison d'Auvergne.
De cette alliance sont venus :
1° Jean-Baptiste de La Valette ;
2° Marie;
3° Autre Marie ;
4° Henriette-Gasparde.
La branche de La Valette-Pojade s'est éteinte à la fin du dernier siècle.
Armes de Catherine Del Périé, femme de Joachim de La Valette :
LA FAMILLE DE LA VALETTE. 203
D'argent, à un arbre de poirier arraché de sinople, fruité d'or, accompagné de 4 croissants de gueules, un en chef, l'autre en pointe les deux autres en flanc.
Armes de Catherine de La Peyriêre, femme d'Antoine de La Valette :
D'argent, à 3 pals de gueules, au chef d'azur chargé de 3 étoiles d'or, qui est d'Antéjac ; parti d'azur à une grande muraille crénelée et postichée en rond au milieu d'argent, sommée et donjonnêe de 3 petites tours crénelées de même, le tout maçonné de sable, qui est de la Peyriêre ; soutenu de gueules à 3 fasces d'or, qui est de Rochebaron et Carit.
Armes de Catherine de Châteauneuf-Boisse, femme de Bérenger de La Valette :
De gueules au château d'or, donjonné de 3 petites tours de même, le tout maçonné de sable, qui est de CastelnauBretenoux en Quercy ; ecartelé d'azur au lion d'argent, qui est de Calmont-d'Olt en Rouergue.
Armes d'Isabeau de La Panouse, femme de La Valette : Burelé d'or et d'azur de 10 pièces.
Armes de Rose de Pestels, femme de Pierre de La Valette, 1er du nom :
D'argent, à la bande de gueules, accosté de 6 sautoirs alésés de même 3 en chef et 1 en pointe.
Armes de Gabrielle de La Garde-Saignes, femme de Pierre de La Valette, 2e du nom :
D'azur, à l'épée d'argent, la poignée d'or, posée en bande, la pointe mise en bas.
Armes de Françoise de Bonhore, femme de Louis de La Valette :
201
NOBILIAIRE DE SAINT-ANTONIN.
D'azur à 3 épis de blé d'or, grains de sinople, liés ensemble par un croissant de gueules.
ERRATA. — Dans le n° du 3e trimestre 1892, article Nobiliaire du canton de Saint-Antonin, p. 233, au lieu de; servit avec destination, lisez: servit avec distinction.
Page 240, au lieu de: Lauriosque, lisez: Lauricesque.
Page 241, au lieu de: l° Jean-Baptiste, doyen du Chapitre de Montpezat, il faut :
1° Jean-Baptiste, qui suit;
2° Charles-Louis de La Valette-Parisot, doyen du Chapitre de Montpezat.
ÉTUDE
SUR LES
DEUILS DOMESTIQUES A MONTRICOUX
(TARN-ET-GARONNE)
PAR
M. le Chanoine Henry CALHIAT,
Membre de la Société.
Les érudits et les liseurs*saventqu'à l'époque où nous sommes, le Folk-lore ou l'étude comparée des coutumes anciennes et des littératures populaires devient de plus en plus à la mode.
Aujourd'hui, le Folk-Iore a ses Revues , ses Annuaires, ses Congrès. Il s'intéresse tour à tour dans ses publications aux mythes et aux traditions, aux croyances et aux superstitions, aux contes et aux chansons qui sont les reliques du passé, et certains archéologues trouvent dans cette étude un intérêt qui n'est pas sans charme et sans poésie. En la faisant ils savourent mieux la pensée du poète :
« La brise des vieux joncs est pleine d'harmonie. » Or, j'ai rencontré pour ma part, à Montricoux 1, quelques
1 Observons que quelques-unes de ces coutumes se retrouvent ailleurs, et notamment dans le Quercy.
206 ÉTUDE SUR LES DEUILS DOMESTIQUES A M0NTRIC0UX.
coutumes assez curieuses, qui s'observent pendant la période des deuils domestiques, et j'en fais l'objet de la communication que voici.
Ces coutumes se pratiquent, ou au sein de la famille, ou au milieu des champs, et constituent deux petits tableaux que je vous demande la permission de vous montrer.
I.
Voici le premier. D'abord, au sein de la famille, dès que la mort est entrée dans la maison, on s'empresse de mettre un crêpe sur les glaces et d'arrêter les pendules. Les hommes se font un devoir d'enlever à leur montre, la chaîne plus ou moins brillante qui la soutient, pour ne la reprendre qu'après la neuvaine ; celle-ci dût-elle ne se faire que trente jours après. Les femmes, de leur côté, enlèvent les ornements qu'elles portent au cou, aux oreilles, aux doigts, aux cheveux: comme chaînes, pendeloques, anneaux, épingles. Pendant la même période, les époux ne cohabitent pas ensemble ; le père dort avec le fils, la mère avec la fille. Dans certaines maisons on cloue une chouette sur la porte d'entrée, et l'oiseau funèbre reste-là jusqu'à ce qu'il soit desséché par le temps. Rappelle-t-il la mort ou l'immortalité? Je me le suis demandé. Il fait penser à la mort, parce qu'il vit d'ordinaire dans la nuit, qui est l'image de la mort ; mais il peut aussi peut-être réveiller l'idée de l'immortalité, parce qu'il est doué d'une pénétration particulière au milieu des ténèbres, et qu'il voit en quelque sorte l'avenir.
Les autres coutumes que je viens de mentionner signifient la tristesse que la mort apporte dans la famille, ou
ÉTUDE SUR LES DEUILS DOMESTIQUES A MONTRICOUX. 207
bien symbolisent la suspension de la vie. — C'est là surtout ce que veut dire la pendule arrêtée.
On sait que lorsque Louis XIV mourut â Versailles, on arrêta aussitôt, suivant un usage pratiqué à la Cour, la pendule qui avait eu l'honneur de lui mesurer ses heures, et qu'on la voit encore de nos jours dans la chambre où il rendit le dernier soupir, toujours arrêtée à l'heure historique.
Or, au mois d'avril dernier, visitant le château célèbre, j'ai demandé à voir la fameuse pendule. Le guide galonné qui m'accompagnait m'en montra une sur la cheminée de la chambre du grand roi, mais ne comprit rien à l'histoire que je lui racontais. En revanche, il me montra dans une chambre voisine, une autre pendule qui a marqué la mort ou la chute de la royauté, et qu'on arrêta également quand Louis XVI fut arraché, par la Révolution, au palais des rois de France. C'était celle que le malheureux souverain avait dans son appartement.
J'ai compris ce jour-là qu'on pourrait faire une Monographie très intéressante sur les pendules qui ont marqué la naissance, la mort ou les heures décisives des grands hommes : rois, empereurs, conquérants, écrivains, orateurs ou poètes. J'ouvre là une perspective devant les amateurs de recherches.
Mais je reviens à mes moutons, et voici mon second tableau.
IL
Les signes de deuil ne se manifestent pas seulement dans la vie de famille, on les retrouve encore dans la vie des champs. On sait que pour les campagnards la terre est une
208 ÉTUDE SUR LES DEUILS DOMESTIQUES A MONTRICOUX.
mère, et que les animaux sont des serviteurs. Dès le jour de la mort, on enlève aux vaches leurs clochettes et aux chevaux leurs grelots. Les laboureurs, les moissonneurs, les vignerons, qui aiment tant à chanter au milieu de leurs divers travaux, restent muets une année entière. Ils ne reprennent leurs chansons que lorsque a été fait à l'église le service religieux qu'on appelle le bout de l'an.
Les cultivateurs privent leurs boeufs et leurs vaches, qui sont les compagnes de leurs labeurs, de ce voile en forme de moustiquaire qu'ils nomment le mouscal, et qui sert à chasser les mouches, et ils le remplacent par un bandeau noir pour un temps déterminé. Dans la garrigue, c'est-àdire dans la forêt voisine, où viennent paître journellement de nombreux troupeaux de brebis, les pâtres ne manquent jamais d'entourer d'un crêpe le cou du bélier.
Autour des métairies on couvre également d'un voile funèbre les ruches d'abeilles.
Chacune de ces coutumes, — j'allais dire de ces cérémonies, — a un symbolisme facilement saisissable : quand la mort frappé un homme, qui, par son activité, donnait dans les champs le mouvement et la vie aux choses et aux animaux, elle met en quelque sorte du noir partout, et tous les êtres qui relevaient d'une façon quelconque de cet homme qui n'est plus, doivent le pleurer à leur manière. Ajoutons, pour terminer ce deuxième tableau, que si du jour de la mort à celui de la neuvaine la vie est pour ainsi dire suspendue, elle ne peut cependant être arrêtée comme une pendule, et ces jours-là il faut vivre et manger comme les autres. Mais, d'après une tradition connue et pratiquée ailleurs, en pareille circonstance, on ne mange que des haricots et du fromage. Dans certaines maisons, et c'est presque un luxe, on se permet la morue. On croirait outrager la mémoire du mort si on mangeait de la viande, soit au jour de l'enterrement, soit au jour de la neuvaine. Dans
ÉTUDE SUR LES DEUILS DOMESTIQUES A MONTRICOUX. 209
ces deux cas-là l'abstinence est rigoureusement observée comme pour les Quatre-Temps et les Vigiles 1.
En revanche, on songe à procurer une succulente nourriture aux abeilles, et pour la neuvaine on leur sert un plat de riz, qu'on laisse devant leur ruche. D'où vient cet usage? Je ne saurais le dire. Est-ce un souvenir éloigné des mets que les anciens déposaient autrefois, et que certains peuples sauvages déposent encore aujourd'hui sur la tombe de leurs morts ? Ou bien, nos bons paysans veulent-ils par là consoler les pauvres avettes du deuil forcé dont elles ont porté les insignes durant neuf jours? Décide qui pourra. Quoi qu'il en soit, la coutume est touchante et mérite d'être signalée.
III.
Nous pourrions nous poser la même question pour tous les usages que nous venons de raconter. Et pour l'archéologue, l'intérêt de cette étude ne consiste pas seulement à les découvrir, il consiste surtout â en chercher l'orîgine dans les traditions des peuples disparus de la scène du monde ou vivant encore sur le globe terrestre :
« Félix qui potuit rerum cognoscere causas!!! »
Il y a comme une sorte de parenté entre les coutumes qui existaient déjà au sein des Sociétés anciennes et celles qui sont encore en vigueur au sein des Sociétés contemporaines. L'humanité est une grande famille, et elle se transmet de siècle en siècle un héritage d'idées et de prin'
prin' certaines régions du département, où l'abstinence est également observée, beaucoup proscrivent la fourchette, ces jours-là, et mangent les haricots avec les doigts.
210 ÉTUDE SUR LES DEUILS DOMESTIQUES A MONTRICOUX.
cipes qui se modifient suivant les milieux, mais qui se ressemblent souvent par quelque côté.
C'est ainsi qu'en glanant dans l'histoire, je rencontre des usages qui rappellent un peu ceux que je viens de décrire ; ils se présentent en quelque sorte tout seuls dans ma mémoire et sous ma plume. Les Athéniens en deuil laissaient croître leurs cheveux; les femmes, au contraire, les rasaient. A Athènes, un décret du Sénat défendit, un jour, aux femmes de porter des épingles et de conserver leur chevelure dans le deuil.
A la mort de leur général, Masistius, les Perses coupèrent les crins de leurs chevaux. Alexandre ordonna le même indice de tristesse à la mort d'Ephestion. A Rome, quand l'armée passa sous les fourches caudines, les anneaux d'or, les vêtements de pourpre, les laticlaves disparurent pour quelque temps.
En Corée, le deuil d'un père dure trois ans. Les époux ne peuvent cohabiter ensemble, et les enfants nés dans la période du deuil sont déclarés illégitimes. En Chine, la même coutume est observée.
En Algérie, on n'allume pas de feu dans la maison mortuaire pendant huit jours ; les femmes se couvrent d'un voile noir, et les hommes restent un mois sans se raser.
En France, autrefois, les deuils de Cour étaient réglés par un cérémonial particulier. Dans les grands deuils, les princes et les seigneurs drapaient leurs carrosses et leurs chaises à porteurs. Au petit deuil, les hommes reprenaient l'épée et les boucles d'argent, les dames, les diamants et la soie.
Bon nombre de nos églises ont conservé encore trace des litres ou ceintures funèbres, peintes sur les murs tant à l'intérieur qu'à l'extérieur, pour la mort du seigneur patron et des seigneurs haut-justiciers.
De nos jours, quelques familles titrées ont conservé l'an-
ÉTUDE SUR LES DEUILS DOMESTIQUES A MONTRICOUX. 21 1
cien usage de tendre en noir les appartements, les meubles, les glaces, les tableaux, les lustres, le lit et les pendules.
Les militaires mettent un crêpe au bras et â l'épée, dont la poignée est bronzée.
Enfin, nous savons tous que les princes et les riches donnent aux officiers de leur maison et à leurs domestiques des habillements noirs après la mort d'un parent.
Si maintenant, nous voulons rapprocher ces différents usages nationaux ou locaux de ceux de Montricoux, nous sommes amenés à une conclusion toute naturelle : c'est qu'à tous les degrés de l'échelle sociale et dans tous les pays du monde, les traditions consacrées par les deuils domestiques s'identifient et se perpétuent, pour reproduire les mêmes pensées et symboliser les mêmes sentiments.
C'est une preuve nouvelle que l'histoire se répète sans cesse, et que l'humanité se copie toujours.
LES
EXCURSIONS D'AVRIL
DE LA
Société archéologique de Tarn-et-Garonne
(Suite.)
En avril 1893 la Société, après Chantilly, visitait, à l'occasion de son voyage à Paris, Saint-Denis et Chartres. A son très grand regret elle se voit dans l'impossibilité de publier in extenso les excellents rapports dus à la plume exercée et à l'érudition de M. Philippe Lauzun et du commandant Quévillon. Tout au moins de nombreuses citations permettront d'apprécier des travaux que chacun gagnerait à connaître, et dont la Société a été heureuse d'entendre la lecture.
L'obligation de devoir consacrer en notre Bulletin la plus large place aux études locales impose dans cette circonstance un vrai sacrifice.
UNE VISITE A L'ÉGLISE ABBATIALE DE SAINT-DENIS
Visiter, en une heure, l'ancienne église abbatiale de Saint-Denis, en parcourir tous les dédales, et ne laisser de côté aucun des innombrables chefs-d'oeuvre, qui en font
LES EXCURSIONS D'AVRIL DE LA SOCIÉTÉ ARCHÉOLOGIQUE. 213
un monument unique en France, c'est là un de ces tours de force dont est familière la vaillante phalange d'archéo - logues, commandée par M. le chanoine Pottier. Mais vouloir en quelques lignes, comme nous l'a demandé notre chef, en donner une description fidèle, pour aussi courte qu'elle soit, sans oublier de noter les impressions diverses éprouvées par chacun.de nous, c'est faire preuve d'une audacieuse témérité, que rien, croyons-nous, ne saurait excuser, si ce n'est le sentiment de discipline auquel il nous faut obéir, et aussi le plaisir que nous éprouvons d'éviter peut-être ainsi à un autre de nos collègues, quel qu'il soit cependant plus autorisé que nous, cette tâche suffisamment ardue. Exécutonsnous donc, puisqu'il le faut, de bonne grâce, et tâchons d'apporter le plus d'exactitude possible dans le compterendu, très sommaire, de notre intéressante excursion '.
Que dire, d'abord, de l'histoire de Saint-Denis qui n'ait été déjà écrit ? Nul n'ignore, en effet, que cette église remonte au Ve siècle, du jour où sainte Geneviève, voulant perpétuer à jamais le souvenir du martyre de saint Denis et de ses deux compagnons, le prêtre Rustique et le diacre Eleuthère, subi sur les hauteurs de Montmartre, fit rebâtir dans la plaine, où avaient été déposés leurs corps, l'humble chapelle élevée par la piété des premiers chrétiens.
Reconstruite par Dagobert Ier, qui fonda l'abbaye, l'église de Saint-Denis fut modifiée du tout au tout par les premiers rois carlovingiens et leur successeur Charlemagne, puis entièrement dévastée par les Normands à la fin du IXe siècle. Ce fut au grand abbé Suger, ministre de Louis VII que revint tout l'honneur de la rêédification de la basilique, dans la forme et les dimensions que nous lui voyons encore aujourd'hui.
1 Parmi les archéologues de marque, étrangers à notre Société, il convient de citer MM. Enlart, architecte; Gautié, archiviste du Doubs, etc.
214 LES EXCURSIONS D'AVRIL
Détériorée par la foudre peu de temps après, menaçant ruine dans quelques-unes de ses parties, l'oeuvre de l'abbé Suger fut remaniée dans la seconde moitié du XIIIe siècle, et elle conserva, depuis ce moment, l'aspect général qu'elle possède encore. L'ancienne flèche de bois fut remplacée par une pyramide de pierre, le transept et la nef centrale furent terminés, et de nouvelles chapelles vinrent s'ajouter aux anciennes.
Ce ne fut qu'au XVIe siècle toutefois que fut édifiée par Philibert de l'Orme, dans la partie nord de l'abside, la splendide chapelle, dite des Valois; et encore ce merveilleux spécimen de l'architecture et de la sculpture françaises à la Renaissance a-t-il été enlevé par décision royale vers le milieu du siècle dernier. C'était le commencement de la fin.
La Révolution a terminé l'oeuvre de destruction. On n'ignore pas, en effet, pour la plus grande honte de notre pays, quelles profanations subirent, en 1793, les sépultures de nos plus grands rois, et dans quel état de dévastation et de délabrement fut mise l'église de Saint-Denis?
Il fallut l'autorité toute puissante du premier Empereur pour sauver ce beau monument d'une ruine à peu près complète ; ce fut grâce au décret du 19 février 1806. Ce décret ordonna que cette église servirait de nouveau de lieu de sépulture à la dynastie impériale, créa un Chapitre spécial pour la desservir, et destina trois de ses chapelles à recevoir les monuments restants élevés à la mémoire des anciens Rois. L'antique abbaye fut réouverte au culte catholique, et elle nous est restée, à la suite des restaurations modernes, et notamment de celle si intelligente de Violletle-Duc, dans l'état où nous avons pu l'admirer ces derniers jours.
Les trois belles portes, à plein cintre, de la façade occidentale, sont ce qui reste de plus remarquable de l'oeuvre de l'abbé Suger. Quoique mutilées en partie par la Révo-
DE LA SOCIÉTÉ ARCHÉOLOGIQUE. 215
lution, elles se dressent imposantes et majestueuses, accusant tous les caractères de la meilleure époque romane.
Pourquoi faut-il que le temps ne nous permette pas d'étudier à notre aise tout le pourtour de l'église et d'admirer, au-dessus des portes, une rose transformée en cadran d'horloge ; plus haut , un parapet crénelé, dernier débris des anciennes fortifications du XIVe siècle ; la porte si remarquable du croisillon nord qui fait le pendant de celle, encore plus curieuse, du croisillon sud, mutilée malheureusement au dernier siècle, et qui, d'après Viollet-le-Duc, « était, comme sculpture, une oeuvre incomparable, où jamais la pierre n'avait encore été traitée avec autant d'habileté 1. »
Notons, enfin, les vastes bâtiments de l'ancienne abbaye, sur le côté sud, rebâtis en grande partie au siècle dernier, et que Napoléon utilisa si généreusement en y créant la célèbre maison d'éducation des filles des membres de la Légion-d'honneur.
Si l'oeil de l'archéologue reste toujours étonné devant la légèreté, l'élégance, la hardiesse poussée quelquefois jusqu'à la folie, comme à Amiens, à Strasbourg, à Cologne ou à Reims, de ces merveilleuses cathédrales du Moyen-Age, quels ne doivent pas être ses sentiments, toujours empreints d'un pieux respect, lorsqu'il pénètre ensuite dans leurs sombres et majestueuses nefs, et qu'elles évoquent en lui, comme à Saint-Denis, les souvenirs de ces cérémonies solennelles et imposantes des obsèques royales, où, â la lueur de mille cierges,, était poussé une dernière fois par tous les hauts dignitaires de la couronne le vieux cri de la monarchie française : Le Roi est mort ! Vive le Roi !
Depuis que les restaurations si bien entendues de Violletle-Duc ont corrigé les essais timides et souvent maladroits de ses prédécesseurs, depuis surtout qu'ont été effacées les
1 Dictionnaire d'architecture, t. VII, p. 427.
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traces du vandalisme révolutionnaire, la grande nef de SaintDenis, son transept, son abside, ses chapelles latérales où s'élèvent, comme de blancs fantômes, toute une nuée de tombeaux marmoréens, frappent vivement l'imagination des visiteurs, et donnent à la vieille basilique royale un aspect d'incomparable grandeur.
Le plan est cruciforme. Trois nefs parallèles se prolongent jusqu'au transept. Les premières travées du côté occidental remontent à l'époque de l'abbé Suger, et forment un porche intérieur, dont la sévérité contraste avec la légèreté des huit travées suivantes de la nef, où les colonnes, les chapiteaux des piliers, les nervures toriques, les clefs de voûte, etc., accusent tous les caractères de la seconde moitié, du XIIIe siècle.
Immédiatement après le transept, le chevet dans son entier est exhaussé d'un assez grand nombre de marches au-dessus du niveau des trois nefs. Il se termine par sept chapelles rayonnantes, qui s'arrondissent en demi cercle, et dans lesquelles se trouvent les plus remarquables tombeaux. On y accède par quatre escaliers de pierre qui montent ainsi au sanctuaire, au-dessous duquel est creusée la célèbre crypte.
Pressés par le temps, c'est vers ces mausolées, dont quelques-uns sont de purs chefs-d'oeuvre, que nous nous sommes pour ainsi dire précipités, désireux d'en contempler les fines et ravissantes sculptures !
Ces sarcophages, nul ne l'ignore, sont vides. Les cendres de tous les rois de France furent jetées au vent, en 1793, par ordre de la Convention. En moins de trois jours, du 6 au 8 août, plus de cinquante de ces monuments furent démolis ! Les cercueils de plomb et les mausolées de métal furent aussitôt fondus. Quant à ceux de marbre et de pierre, ils allaient être impitoyablement brisés eux aussi, lorsque Alexandre Lenoir, dont on ne saurait trop reconnaître le
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courage et le dévouement, n'hésita pas à les réclamer à l'Assemblée, pour le Musée des Monuments français. Sa demande fut accueillie, et c'est ainsi que furent conservés ces admirables spécimens de sculpture funéraire de tous les âges, et qu'après bien des péripéties ils furent réintégrés, autant que possible, à leur place primitive.
M. Ph. Lauzun indique et décrit les tombeaux qui nous ont le plus frappés, depuis ceux de Clovis Ier, de Childebert, de Dagobert...
Au croisillon nord s'offre à nos yeux éblouis le merveilleux cénotaphe de Louis XII et d'Anne de Bretagne, exécuté à Tours par Jean Juste, sculpteur ordinaire du Roi...
Sur le tombeau proprement dit, où reposent sur un lit funèbre les corps du Roi et de la Reine — celui de Louis XII, d'un réalisme à rendre jalouse notre époque — se dresse un riche édifice percé de douze arcades, au-dessus desquelles s'élève une plateforme surmontée des statues agenouillées des deux souverains. Bas-reliefs et statues complètent l'ornementation.
Vient le magnifique tombeau d'Henri II et de Catherine de Médicis, chef-d'oeuvre de Germain Pilon, monument du même genre, aux angles desquels les Vertus cardinales montent la garde.
Finissons par le croisillon méridional, où se dresse dans toute sa majestueuse beauté le chef-d'oeuvre des chefsd'oeuvre, le tombeau de François Ier et de sa femme, Claude de France, dû au ciseau des sculpteurs et au talent des architectes les plus renommés de la Renaissance : Philibert de l'Orme, Jean Goujon, Germain Pilon et la brillante troupe de leurs élèves...
Il nous faut dire adieu à cette précieuse collection, unique au monde; non cependant sans avoir cherché, mais vaine1893. 15.
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ment, à découvrir le tombeau de notre vaillant compatriote, le sire Arnaud-Guilhem de Barbazan, enterré, en récompense de ses services, par ordre de Charles VII, dans la basilique de Saint-Denis. Qu'est devenu ce pieux souvenir? Hélas! il a disparu, avec tant d'autres, dans la tourmente révolutionnaire, le mausolée et la statue s'étant trouvés en bronze, et, de ce fait, ayant été fondus par l'autorité supérieure. Singulière destinée que celle de ce valeureux gascon, de ce Chevalier sans reproches ! Comme si son existence, si bien remplie cependant, et tout entière consacré à la défense nationale, n'avait pas suffi à illustrer sa mémoire, il a fallu que plus de trois siècles après sa mort, son effigie ait été transformée en un canon ou en un boulet, contribuant, suprême effort patriotique, â repousser encore l'invasion étrangère sur les champs de bataille de notre frontière du Nord-Est.
Faut-il parler encore de la célèbre verrière, dans laquelle on voit des griffons au milieu de médaillons carrés ? De ces sortes de vitraux, du commencement du XIIe siècle, composés d'ornements très sobres et par conséquent fort clairs d'aspect, il ne restait que ceux de Saint-Denis. Et encore, « cet exemple, dit, -Viollet-le-Duc, est-il tellement défiguré par des restaurations grossières, qu'on ne peut le considérer comme complet. » Tous les autres vitraux sont modernes, « faibles de couleur et pauvres de dessin. »
Reste la crypte, dernier débris d'une construction du XIe siècle, creusée sous le sanctuaire, et où nous ne pouvons nous dispenser d'aller saluer, au passage, et à travers deux étroites ouvertures percées dans le pourtour entièrement muré, les restes vénérés de Louis XVIII, le seul de tous les rois de France qui repose actuellement à Saint-Denis. Tout près, deux cercueils renferment bien encore « ce que la terre du cimetière de la Madeleine n'avait pas détruit des restes de Louis XVI et de Marie-Antoinette. » Mais
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ces restes, paraît-il, sont insignifiants. Mmes Victoire et Adelaïde, et le duc de Berry, complètent, seuls, cette série, bien clairsemée, des anciens Bourbons de France.
L'église de Saint-Denis ne pourra-t-elle donc jamais conserver les reliques qui lui sont confiées ? Son trésor, si riche autrefois en ornements de toutes sortes et de tous les âges, vient de subir le sort des sépultures royales. On sait, en effet, que, tout récemment, d'audacieux malfaiteurs sont venus dérober les principales pièces d'orfèvrerie et d'argenterie qu'il renfermait. Il ne reste plus que quelques objets modernes, peu dignes d'être cités ici. Signalons, toutefois, parmi les anciens : un curieux rétable en cuivre du XII 8 siècle, provenant d'une église de Coblentz ; un crucifix en cuivre et argent, du XIVe siècle ; un bas-relief en vermeil, représentant l'Adoration des Bergers; et enfin, des châsses fort belles, données par Louis XVIII, renfermant quelques reliques des trois martyrs, patrons de l'antique abbaye.
L'heure est passée. Il faut, sans perdre une minute, regagner l'embarcadère, et prendre notre vol vers Chantilly, où nous attendent, dans la grandiose demeure des Condé, les merveilles accumulées par leur noble et opulent successeur.
Philippe LAUZUN.
UNE JOURNÉE A CHARTRES.
Le mercredi, 12 avril 1893, au matin, par un soleil de printemps exceptionnel, à décourager les agriculteurs et viticulteurs, mais bien fait pour réjouir les touristes, les membres de la Société archéologique, réunis à Paris à l'occasion du 31e Congrès des Sociétés savantes à la Sorbonne, se rendaient à la gare Montparnasse pour y prendre le train de Chartres,
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sous la conduite de leur cher et dévoué Président ; ils y arrivaient, mais pas tous ! C'était la dernière étape, le dernier effort; déjà les fatigues des jours précédents, l'absorption fiévreuse de la capitale, le souci des affaires avaient retenu à Paris ou rappelé vers Montauban plusieurs de nos confrères, et notre Compagnie se trouvait assez réduite. Elle avait en revanche la bonne fortune de voir se joindre à elle M. le comte de Marsy, le savant directeur de la Société française d'archéologie.
Nous trouvons à la gare de Chartres le plus aimable accueil auprès des membres de la Société archéologique d'Eure-et-Loir, accourus au-devant de nous : MM. Merlet, président, et son fils, secrétaire-adjoint; Bellier de la Chavignerie, vice-président; Amblard, secrétaire; Escoffier, secrétaire-adjoint; le chanoine Clerval, supérieur du Petit Séminaire ; enfin, MM. Buisson et Tachot.
Après les saluts et présentations d'usage, nous nous dirigeons vers la cathédrale, bâtie sur le point culminant de la ville, et que l'on découvre des plaines de la Beauce, à des distances considérables, comme un phare dans l'Océan.
A notre arrivée devant le porche nous sommes rejoints par Mgr Lagrange, qui vient avec la plus aimable simplicité nous souhaiter la bienvenue clans son domaine.
L'ENSEMBLE.
Nous embrassons dans son ensemble imposant et sévère ce splendide monument, dont la masse dominant toute la contrée, s'appuie sur de puissants contreforts, allégés par les arcs-boutants ; puis ses tours inachevées aux deux bras de la croix et au chevet de son abside gracieuse, et ses porches, si riches de sculptures; enfin, ses clochers élancés qui lui donnent la grâce et la légèreté, clochers légendaires, qui ont fait dire « qu'avec les clochers de Chartres, le
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portail de Reims, la nef d'Amiens et le choeur de Beauvais » on formerait une cathédrale parfaite. »
« Si l'on trouve ailleurs des parties plus belles, a écrit Visconti, on ne trouve nulle part un si bel ensemble ! »
HISTORIQUE.
Notre-Dame de Chartres ! Ce nom fait tressaillir l'âme du pèlerin et de l'artiste; car il évoque l'image de la plus antique des Madones et de l'un des plus beaux sanctuaires de la chrétienté.
Selon d'anciennes traditions, cette cathédrale fut bâtie au-dessus d'une grotte, dans laquelle les Druides avaient érigé une statue en bois à la « Vierge qui devait enfanter, Virgini Pariturae. » Saint Savinien et saint Potentien, envoyés par saint Pierre, y avaient prêché l'Évangile aux Carnutes, et bâti une modeste église, détruite bientôt par Quirinus, gouverneur d'Autricum pour l'empereur Claude. Ces premiers apôtres n'avaient pas eu de peine à convertir au Fils ces peuples qui honoraient déjà la Mère. Quirinus, effrayé du nombre des néophytes, ordonna de les massacrer et n'épargna même pas sa propre fille, sainte Modeste. Il fît jeter les corps des martyrs au fond d'un puits, creusé dans la grotte sacrée et appelé pour ce fait le « Puits des Saints Forts. » Un nouveau temple, édifié lors de la paix de l'Église, fut brûlé par les Normands en 856.
En 1020, l'évêque saint Fulbert, aidé du concours du roi de France, Robert, et du roi de Danemark, Canut le Grand, jeta les fondements de la Basilique actuelle, dont les cryptes furent achevées en moins de deux ans; puis en 1115 furent posées les fondations des deux clochers. Celui du sud était à peine achevé qu'un incendie détruisit l'édifice en 1194, ne laissant subsister que les cryptes et les clochers.
Encouragé par ses diocésains et par le cardinal Mélior,
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légat du pape Cèlestin III, l'évêque de Chartres, Regnault de Mouçon, entreprit aussitôt la reconstruction de la Basilique. Elle avança rapidement, grâce â ces associations d'hommes, récemment fondées à Chartres (1145), et naïvement appelées les « logeurs du bon Dieu, » grâce aussi au zèle extraordinaire de la population, qui, toute entière, hommes, femmes et enfants, s'attelait aux chariots chargés de pierres, les tiraient en chantant des cantiques, et s'infligeant de rudes pénitences. C'était un siècle de foi !
Aussi la cathédrale put être consacrée en 1260, en présence de saint Louis et de toute la famille royale.
C'est le chef-d'oeuvre que nous avons devant les yeux et dont nous allons admirer les détails en commençant par la façade principale ou portail royal (occidental).
BALADE PRINCIPALE.
Cette façade se compose, entre les deux tours, d'un triple portail du XIIe siècle, que surmontent trois fenêtres, surmontées elles-mêmes d'une admirable rose du XIIIe siècle, puis d'une balustrade ajourée, d'une galerie ornée de seize statues de rois, et d'un pignon, dont le gable renferme dans une niche une statue de la Vierge Mère entre deux anges porteurs de flambeaux. Au sommet de l'angle est la figure du « Christ bénissant. »
Le portail royal est orné de 719 statues ou statuettes, dont l'expression et le cachet artistique et religieux rappellent celles de la cathédrale du Mans.
Le clocher vieux à droite, le clocher neuf à gauche, ont des bases assez semblables, remontant à 1145. Le porche était primitivement en saillie sur ces bases.
Le clocher vieux, haut de 106 m. 50 c, est de l'aveu des archéologues et des architectes l'une des oeuvres les plus admirables de l'architecture française.
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Le clocher neuf, haut de 115 m. 17 c, a été repris eu 1506 et terminé en 1514 dans le style flamboyant. Cette oeuvre admirable est due à Jean Texier, dit Jean de Beauce.
L'INTERIEUR.
Nous pénétrons dans l'intérieur de la cathédrale. L'âme est ravie par la majesté, l'ampleur et l'harmonie de l'ensemble, qui appartient à cette belle époque du XIII" siècle !
Elle a 130 m. 86 c. de longueur, 63 m. 30 c. de largeur au transept ; c'est la plus large qui existe. Les voûtes atteignent 37 m. 25 c. de hauteur et reposent sur 52 piliers.
La nef centrale a deux bas-côtés, et le choeur un double déambulatoire sur lequel s'ouvrent sept chapelles rayonnantes.
Le triforium n'a que de simples ogives soutenues par des colonnettes.
Les vitraux sont une des merveilles de cette cathédrale. « Sa-peinture sur verre, écrit M. l'abbé Bulteau, garnit 125 grandes fenêtres, 3 roses immenses, 35 roses moyennes et 12 petites roses. Presque toute cette peinture date du XIIIe siècle ; toutefois on compte 6 fenêtres et 2 roses en verre du XVIe. Il y a aussi trois grandes fenêtres peintes au XIIe siècle, placées sous la grande rose occidentale (entre les 2 clochers); c'est d'elles que Lassus a dit: « Chartres possède trois magnifiques verrières qui font pâlir tous les vitraux dont le XIIIe siècle a enrichi cette magnifique cathédrale. »
Nous remarquons le dallage de la nef qui a conservé son labyrinthe, formé de onze bandes de pierre blanche avec intervalles en pierre bleue de Senlis. C'est ce que les Chartrains appellent « la lieue de Chartres, » parce qu'on fait une lieue en le parcourant, prétendent-ils (on ne fait en réalité que 294 mètres, ce n'est qu'une légère gasconnade !)
A droite, le buffet d'orgues, qui est dans la sixième travée
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de la nef, date de l'époque de transition du style ogival au style de la Renaissance.
A gauche, à l'entrée du collatéral nord du choeur, est une statue en bois peint et doré de la fin du XVe siècle, placée sur l'une des colonnes de l'ancien jubé. C'est la célèbre Notre-Dame du Pilier, qui nous rappelle cette autre Nuestra Senora del Pilar, que nous vénérions à Saragosse il y a un an et demi.
HE CHOEUR
Le choeur, un des plus vastes qu'il y ait en France, est surtout remarquable par une des plus belles clôtures en pierre sculptée que l'on puisse voir. Dans la partie supérieure, sous des dais sculptés, quarante groupes, composés de statues presque aussi grandes que nature, représentent les principaux faits de la vie de Jésus-Christ et de sa Mère.
Commencées en 1514 par Jean de Beauce, après l'achèvement du clocher neuf, ces sculptures ne furent terminées qu'au XVIIIe siècle. Toutefois, c'est à Jean Soulas, maître imagier de Paris, que sont dus les quatre premiers groupes.
Sous Louis XVI des bas-reliefs en marbre de Carrare, oeuvre de Brideau, sculpteur du roi, ont servi de dossiers aux stalles; le maître-autel est de la même main et de la même école néo-grecque.
DE VOIDE DE NOTRE-DAME.
Le trésor, autrefois l'un des plus riches et des plus célèbres de la chrétienté, était renfermé dans une armoire pratiquée dans le mur du sanctuaire, derrière l'autel. Aujourd'hui il se compose presque uniquement d'un reliquaire moderne en bronze doré, enrichi de pierreries et de médaillons peints sur émail, et renfermant la « Santa Camisia, tunica Beatae
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Marioe Virginis, » c'est-à-dire la « chemisette » ou tunique ou voile. Elle se compose de deux morceaux de soie blanche écrue, enveloppés en partie dans une étoffe plus légère, plus claire, remarquable par quelques ornements byzantins, et que l'on croit avoir été un voile de l'impératrice Irène. Ce fut cette dernière qui fit don de la relique à l'empereur Charlemagne ; en 876 Charles-le-Chauve l'offrit à l'église de Chartres, « comme au centre du culte de vénération et d'amour rendu à Marie dans tout l'Occident. » Chartres en fit son palladium : « Carnutum tutela. »
M. le commandant Quévillon rappelle ici comment l'histoire de la ville de Chartres est semée d'évènements où le culte de NotreDame se manifeste d'une manière éclatante : déroute des Normands en 911, des Huguenots en 1568, au « Pré des reculés, » par l'intercession de la Sainte Vierge.
Mais c'est surtout dans la crypte que nous retrouverons le plus ancien témoignage de ce culte, puisqu'il est même antérieur à la naissance du Messie.
Cette crypte, construite, ainsi que nous l'avons dit, par saint Fulbert, au XIe siècle, est la plus vaste qui soit en France; elle mesure 110 mètres de longueur ou 220 mètres de circuit, sur une largeur moyenne de 5 à 6 mètres, et s'étend sous les collatéraux de la nef et du choeur...
Quatre autres galeries plus étroites, construites après l'incendie de 1194, régnent sous les bas-côtés du transept.
Sept entrées facilitent l'accès.
Parmi les douze chapelles, plusieurs, de la fin du XI° siècle, rappellent par leurs voûtes, aux robustes nervures carrées, le parti adopté pour les voûtes du narthex et du clocher de Moissac, premier essai de ce que seront les voûtes ogivales.
Nous arrivons enfin à la partie capitale de la crypte : la chapelle de Notre-Dame-sous-Terre.
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En franchissant le seuil de ce souterrain, qui semble nous conduire dans les profondeurs de notre histoire, on se sent pénétré par les mystérieuses ténèbres qui le remplissent, par la grandeur et la multitude des souvenirs qui s'y rattachent, par le mysticisme intense qui s'en dégage. En avançant peu à peu à la lueur sépulcrale des 100 lampes suspendues à ses voûtes devant l'autel, on croit revoir les druides avec les bardes et les guerriers gaulois venant dans la grotte sacrée honorer « la Vierge qui doit enfanter ; » puis, après eux, les saints Apôtres, les saints Savinien, Potentien, Altin, Eodald et leurs néophytes, martyrisés et jetés au fond du puits des saints Forts, â côté de la Vierge; puis cette longue suite de générations accablées par le malheur des temps, l'invasion des Barbares, celle des Normands, les guerres féodales, la guerre toujours!... avec l'incendie, la famine, les fléaux de toutes sortes, et venant dans ce lieu implorer protection et justice, reprendre courage et confiance ; puis, tout le long de l'histoire, ce défilé de princes et pasteurs des peuples, qui viennent faire l'hommage de leur couronne à Notre-Dame-sous-Terre.
Suivant plusieurs écrivains, la statue primitive de la Vierge druidique est celle qui fut. brûlée en 1773 sur la place du Cloître Notre-Dame, au sud de la cathédrale. La statue actuelle, qui en est la reproduction, date de 1857.
Nous terminons notre visite à la cathédrale par un coupd'oeil sur l'extérieur ; les façades nord et sud, ou porches du transept. C'est là surtout que les architectes et imagiers du XIIIe siècle ont déployé toute leur habileté et toutes les ressources de leur merveilleuse imagination. « Ces porches, écrit Viollet-le-Duc, suffiraient à immortaliser plusieurs générations. »
L'auteur en donne ici la description fidèle :
Les 4 et 5 juin 1836, un violent incendie, dù â l'imprudence
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de deux ouvriers plombiers, dévora en 5 heures la magnifique charpente de la cathédrale, appelée la Forêt.
Les beffrois des deux clochers, remarquables par l'art et l'élégance de leur construction, furent également consumés, et les cloches fondues. La charpente détruite a été remplacée par une charpente en fer et en fonte, et le toit de plomb par une couverture de cuivre.
... Interea fugit irreparabile tempus! Mais si le temps est irréparable, assure le poète, nos forces ne le sont pas, et la Société archéologique d'Eure-et-Loir, qui a prévu toutes les délicatesses de l'hospitalité, nous convie à une agape fraternelle, où Chartrains et Montalbanais ont vite supprimé les distances géographiques.
Au dessert, notre Président, qui possède à un si haut degré l'art de porter un toast plein de grâce et d'à-propos, se fait notre inimitable interprète auprès de nos amis de Chartres, et tient à cimenter dès ce jour les relations entre les deux Sociétés soeurs.
M. de Marsy, à son tour, dans un séduisant langage, nous convie tous au 60e Congrès de la Société française d'archéologie, qui doit s'ouvrir le mardi 27 juin à Abbeville, et rayonner sur tous les environs : Eu, le Tréport, Saint-Valéry, Saint-Riquier, et se terminer par une excursion en Angleterre, à Douvres, Cantorbéry, Rochester, Maldstone, Battle Abbey et Hastings.
M. le Président Merlet, dans une allocution pleine de cordialité, nous exprime les sentiments de confraternité de sa Société envers la nôtre, et regrette, en raison de son âge, de ne pouvoir personnellement répondre aux invitations qui l'appellent à Montauban d'une part, à Abbeville et en Angleterre de l'autre.
MAISONS ANCIENNES. Après déjeuner nous parcourons la ville de Chartres, et nous
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LES EXCURSIONS D AVRIL
remarquons : rue du Grand Cerf la grande maison Renaissance de Claude Huvé...; puis à l'augle du cloître Notre-Dame, une belle maison du XIIIe siècle, récemment restaurée; rue de la Poële percée, 25, une maison à pignon, ancienne auberge.
L'ancien hôtel de Montescot, qui date de 1614, renferme le musée de peinture et sculpture, fort bien organisé et riche de belles toiles, de curieux objets d'art, parmi lesquels une armure de Philippe-leBel et le pourpoint ou gambeson de son fils, Charles, offert à NotreDame de Chartres après la bataille de Mons-en-Puelle (1307), des bas-reliefs en albâtre, provenant de Nogent-le-Roi et de SaintCheron, sortis des mêmes ateliers que ceux do Montpezat et du château de Bruniquel.
Enfin, la splendide collection de tapisseries flamandes du XVIe siècle nous retient longtemps sous le charme...; plusieurs viennent du château de Rambouillet. Les belles tapisseries Louis XV de la salle de mariage ornaient autrefois les stalles des chanoines de la cathédrale.
A côté du Musée, la Bibliothèque communale possède 52,000 volumes et 900 manuscrits.
EGLISE SAINT-PIERRE.
Nous rendons ensuite visite â l'église paroissiale de SaintPierre, ancienne église abbatiale de Saint-Père-en-Vallée, de l'ordre de Saint-Benoît.
Edifiée en 940, brûlée en 1134, reconstruite de 1150 à 1165, achevée et agrandie au XIIIe siècle, cette église a trois nefs sans transept, se termine par une abside à cinq chapelles rayonnantes.
Les merveilles de Saint-Pierre, ce sont ses vitraux des XIIIe, XIVe et XVe siècles, bien qu'ils aient souffert.
Nos savants guides nous expliquent comment Chartres a été si riche sous ce rapport, en nous rappelant que cette ville était naguère un centre célèbre de fabrication de vitraux. On en a retrouvé à la cathédrale de Clerrnont-Ferrand qui proviennent de Chartres.
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Dans la chapelle absidale sont conservés, rareté inappréciable, douze émaux, représentant les douze apôtres, de Léonard Limousin, exécutés de 1545 à 1547 pour le château d'Anet.
PORTE GUILLAUME.
En sortant de l'église Saint-Pierre nous visitons la porte Guillaume, au bord de l'Eure, magnifique spécimen de l'architecture militaire du XIVe siècle, la seule des sept portes de Chartres qui soit restée debout. Elle se compose d'une porte ogivale percée dans un épais massif, flanqué aux angles extérieurs de demi-tours rondes à créneaux et à machicoulis. Un double fossé la précède. Aux environs de cette porte on peut encore retrouver quelques vestiges des anciennes murailles d'enceinte, construites en silex.
MAISON DU SAUMON.
En passant nous voyons une maison en bois du XVe siècle, sur laquelle on distingue un saumon, et, pour lui faire pendant, « une truie qui file. »
A L'ÉVÊCHÉ.
Avant de quitter Chartres nous nous rendons à l'évêché, situé au nord et près de la cathédrale, pour y saluer Mgr Lagrange, et le remercier de son gracieux accueil.
Comme on vantait devant lui la magnifique cathédrale d'Orléans (où Monseigneur était naguère vicaire-général), tout en attribuant la supériorité à celle de Chartres, Monseigneur, avec un sourire plein de finesse, répondit : « Ce sont des comparaisons toujours délicates â établir, je les admire toutes deux, et quand on m'en parle je suis prêt à dire comme Henri IV, qui après avoir entendu dans un procès
230 LES EXCURSIONS D'AVRIL DE LA SOCIÉTÉ ARCHÉOLOGIQUE.
épineux l'avocat d'une des parties, s'écria: « Eh! ventrebleu, il a raison; » puis, ayant entendu l'avocat de la partie adverse, il ne put s'empêcher d'ajouter : « Eh ! ventre-saintgris, il n'a pas tort ! »
L'évêché, bâti en briques, entouré de jardins, est un sévère et beau logis du XVIIe siècle, construit en partie aux frais de Madame de Maintenon.
De l'èvêché nous regagnons directement la gare, regrettant que les heures passent si vite en la docte et aimable compagnie de la Société archéologique d'Eure-et-Loir, emportant d'elle et de la ville de Chartres, de sa cathédrale surtout, un inoubliable souvenir, avec l'espoir de le raviver souvent.
Commandant QUÉVILLON.
NOTES
POUR
SERVIR A L'HISTOIRE DU DEPARTEMENT.
ARCHIVES DE LA SOCIETE.
Notre collègue, M. le docteur Boé, a fait don aux archives de la Société archéologique d'une liasse de titres et documents, et d'un manuscrit relié provenant de la succession de notre regretté collègue, M. d'Arnoux de Brossard.
La liasse contient des quittances de rentes,, des échanges de terrain intéressant quelques familles de la région, les abbayes de Grandselve et de Belleperche.
Le manuscrit, relié en portefeuille avec impression de fers, n'est pas à proprement parler un livre de raison : les quelques notes éparses dans les feuillets ne donnent que des renseignements très incomplets sur la famille de Brossard ; il est composé en grande partie de nombreux actes de ventes, d'achats et d'échanges fait par François de Brossard, qui y est qualifié de marchand, demeurant au Pouget, juridiction d'Ussel en Quercy l.
1 On lit à la suite de l'inscription de plusieurs naissances et baptêmes des enfants de François de Brossard, et sur la même page que l'indication de la plantation d'une vigne :
« L'an mil six cens vingt et ung (année du siège de Montauban) et le quinsiesme jour du mois de avril, je François Brossard suis parti de la ville
232 NOTES POUR SERVIR A L'HISTOIRE DO DÉPARTEMENT.
Toutefois, deux documents du manuscrit nous paraissent devoir être signalés, non qu'ils se rattachent à l'histoire de notre région, mais parce qu'ils nous font connaître deux seigneurs d'Ussel à deux époques différentes.
Le premier de ces documents est un arrentement en date du 20 novembre 1474, entre les habitants d'Ussel et Aymeric de Péligry, seigneur du lieu et aussi du Vigan.
Le deuxième est une sentence rendue en 1600 contre les habitants d'Ussel, parmi lesquels François de Brossard, en faveur de Christophe Ebrard de Saint-Sulpice, qui en avait alors la seigneurie à la suite du mariage d'Anne de Péligry avec Antoine Ebrard de Saint-Sulpice. Cette sentence est suivie d'un accord entre les parties.
Un commencement de généalogie par François de Brossard nous apprend que l'an 1484 Jean de Brossard, natif de Moulins en Bourbonnais, vint au pays du Quercy, qu'il fit sa première résidence au lieu de Montfaucon, et qu'il contracta mariage, le 20 janvier 1491, avec Hélie Delpech, fille de Jean Delpech et nièce de Antoine Delpech, prêtre. Duquel mariage furent procréés cinq enfants.
Je laisse ici la plume à notre cher Président, parent de la famille de Brossard, pour compléter le livre de raison commencé par un Brossard, et continué par son petit-fils, qui fut membre fondateur de la Société.
A la fin du volume relié se trouve un dessin â la plume, teinté de jaune, dont nous donnons le fac-simile: c'est probablement l'oeuvre du scribe chargé de faire la transcription des actes sur le registre.
Ce dessin, d'une conception charmante par sa naïveté
de Caors. et allô à la ville de Moissac, à laquelle je vis notre roy Louis treizième et la raine sa femme, ayant y celui fait une entrée par la porte sainte Catherine, ou estoit escrit sur ladite porte : Mon magis armis quant fidelitate constituatur imperis.
Et, quelques jours après suis allé voir l'armée et siège de Montauban.
(Celte note avait déjà été signalée à la Société il y a quelques années.)
NOTES POUR SERVIR A L'HISTOIRE DU DÉPARTEMENT. 233
mais d'une exécution plus que ruclimentaire, représente saint Roch porteur du bourdon du pèlerin, ayant à sa droite un chien, qui a un pain a la gueule, et à gauche un ange aux ailes déployées. Debout devant le grand Saint, il le guérit d'une façon miraculeuse par l'apposition des mains sur la plaie de sa cuisse.
Pourquoi notre artiste a-t-il donné la préférence à saint Roch pour exercer son talent ! Était-ce son patron ou bien a-t-il voulu faire acte de foi envers le Saint, dont le culte très populaire dans les campagnes du Rouergue et du Quercy, s'affirme le jour de la fête par la bénédiction des animaux de labour pour les préserver de la peste? A Cahors, c'est également jour de réjouissances pour les habitants du plus vieux quartier de la cité, les badernes.
Quoi qu'il en soit, notre scribe artiste, persuadé d'avoir produit un chef-d'oeuvre, manque cependant de modestie, témoins les quelques lignes tracées au bas de son dessin :
Qui jetera ses yeux envieux [dessus Mais traits, pour me reprendre Je le prie de se tère ou prendre [la Plume en main et fère mieux
LAFAIGE.
Saint Roch, d'une famille noble et riche, naquit vers la fin du XIIIe siècle, à Montpellier, où l'on voit encore l'hôtel qui porte son nom.
A sa 20e année, ayant perdu son père et sa mère il s'en fut à Rome en pèlerinage ; il s'employa dans plusieurs villes affligées de la peste à soigner les malades, surtout à Rome, où il passa 3 ans. S'en retournant de la capitale du monde chrétien, il s'arrêta à Plaisance, où sévissait la maladie contagieuse, en fut frappé lui-même et contraint de quitter la ville. Un chien lui apportait du pain et un ange le guérit par un miracle.
1893. 16.
234 NOTES POUR SERVIR A L'HISTOIRE DU DÉPARTEMENT.
Il revient à Montpellier, où il mourut le 16 août 1327 : c'est le miracle de sa guérison que le dessinateur, dont j'ai parlé, a voulu rendre, et que, non moins que la sculpture, la peinture sur verre, sur bois et sur toile s'est plu à reproduire souvent.
Capitaine POUSSY.
Ordonnance établissant les quartiers d'hiver du régiment
de Saint-Luc.
Le document que nous allons faire connaître se rapporte à la guerre de Guyenne, au temps de la Fronde.
Cette campagne, qui durait depuis la fin de septembre 1651, ne se termina qu'a la fin de juillet 1653, « par la réduction de Bourdeaux dans l'obéyssance de son Roy. » Ainsi parle le colonel Baltazar dans ses Mémoires.
En 1652, ce même colonel, « met ses troupes en quartier d'hiver, et fait contribuer, pour leur subsistance, les Landes jusques à Dax, mesmes les fauxbourgs de Saint-Sever et du Mont-de-Marsan. »
L'année suivante, juin 1653, le duc de Candalle, ne prévoyant pas encore la possibilité d'une paix prochaine, songe, lui aussi, à fournir à son armée « logis et ressources, » pour l'hiver qui va suivre.
Tandis que le chevalier d'Aubeterre guerroyait pour lui et prenait Saint-Justin, il dicta, à Agen, l'ordonnance qui fixait à dix compagnies « nouvellement restablies » du régiment de Saint-Luc leur quartier d'hiver à Lagarde 1, en Quercy, et imposait, à cet effet, diverses communautés pour une somme de vingt mille livres.
L'ordonnance, communiquée à l'intendant des finances,
1 Aujourd'hui Puylagarde, canton de Caylus (Tarn-et-Garonne).
NOTES POUR SERVIR A I.'HISTOIRE DU DÉPARTEMENT. 235
fut insinuée et duement collationnée par Fauré, notaire royal de Montauban, et copie en fut délivrée aux parties intéressées. Celle que nous avons est tirée des archives du château de Lauture (série III, B). Elle nous paraît incomplète, car le total des sommes comprises dans ce rôle d'impositions donne le chiffre de 19,890 livres; d'où omission probable d'une communauté taxée cent dix livres.
Ce document nous semble indiquer un des modes de ravitaillement des troupes en campagne, et, par le tableau comparatif des cotisations, peut servir à classer, selon leur importance respective, les communautés mentionnées.
Nous ferons observer toutefois que « Lauture-CazillacTissac-Canhac » exprime plus qu'une seule communauté. Cazillac et une fraction de Tissac, comprise sous le nom de Tissac-Rivière, formaient la communauté de Lauture. Canhac dépendait de Lamothe-Navarrenque, ainsi que toute la partie de Tissac située à gauche du Lembous. Le reste de la paroisse de Tissac relevait de la juridiction de Mon- - denard.
Nous ajouterons que noble Mathurin d'Escayrac, écuyer, alors seigneur-baron de Lauture, avait déjà servi sous le duc d'Épernon, et pris part au siège du château Trompette, octobre 1649. Sa lettre de convocation est datée de Cadillac, le 11 septembre.
Le 27 février 1652, il ajoute une suscription à son testament clos, « ou les guerres qui sont en ce pays de Querci et le danger qu'on court de servir. » En effet, il faisait partie, à ce moment-là, de l'armée commandée par Henri de Lorraine, comte d'Harcourt. Il répondit, sans doute, à ce qu'on attendait « d'une personne de sa naissance et de son courage 1, » car, le 27 mars suivant, le comte d'Harcourt, pour lui témoigner sa reconnaissance, met en la protection
1 Extrait de la lettre du duc d'Epernon en 1649.
230 NOTES POUR SERVIR A L'HlSTOIRE DU DÉPARTEMENT.
et sauvegarde du roy, et en la sienne particulière, les terres
de Cazillac, Tissac et Cougournac, dépendant de Lauture. »
Ces lettres sont datées du camp de Mongraves, et signées
Henri de Lorraine, comte d'Harcourt, et plus bas, « par
Monseigneur, » Martin.
Les localités mentionnées appartiennent aux départements
du Lot, du Tarn-et-Garonne, de l'Aveyron et du Tarn, mais
surtout aux deux premiers ; c'est pourquoi nous offrons ce
travail à la Société archéologique de Tarn-et-Garonne. Nous
avons rajeuni en note le nom de quelques localités, trop
différent aujourd'hui.
L'abbé B. TAILLEFER.
Ordonnance faite par le duc de Candalle pour le paiement de la somme de 20,000 livres à dix compagnies du régiment de Saint-Luc. (Quartier d'hiver.)
Le duc de Candalle, pair et colonel-général de France, gouverneur et lieutenant-général pour le Roy en son pays de Bourgonhe, Boysse, haut et bas Auvergne, général des armées de Sa Majesté en Guyenne et provinces voysines.
Il est ordonné aux consuls et habitants de Lagarde 1 de Quercy, de recevoir et loger dix compagnies d'infanterie du régiment de Saint-Luc, cy-devant réduites dudit régiment, et despuis restablies par Sa Majesté, de payer conjointement aux officiers et soldatz d'icelles avec les consulz et habitans des lieux cy-après nommez, la somme de vingt mille livres pour leur quartier d'hiver de la présente année, à raison de deux, mille livres par compagnie, sçavoir :
Par les dits consuls et habitans de Lagarde, la somme de sept cens dix livres.
Vianololes et Menc, mil trois cens septante livres.
Puylaroque, quatre cens septante livres.
Saint-Grat 2, trois cens soixante livres.
Elbes 3, quatre cens livres.
1 Puylagarde, canton de Caylus (Tarn-Pt-Garonne). 2 Aveyron. 3 Aveyron.
NOTES POUR SERVIR A L'HISTOIRE DU DÉPARTEMENT. 237
Promilhanes 1, quatre cens vingt livres.
Camparnau, deux cens septante livres.
Lamothe, huit cens livres.
Mouilhac, deux cens huictante livres.
Aussac, deux cens soixante livres.
Saint-Romas, huit cens huictante livres.
Saint-Maurisse, pareille somme de deux cens huictante livres.
Calvinhac 2, deux cens huictante livres.
Lauture, Cazilhac, Tissac et Canhac, mil deux cens cinquante livres.
Saint-Paul, Saint-Hubert et la Chapellette, mille cinquante livres.
Martissan, trois cens livres.
Saint-Nicolas, mil huit cens livres.
Fontanes 3, cinq cens cinquante livres.
Piquecos et la terre de Cos, neuf cens cinquante livres.
Feneirols et Cargoale 4', quatre cens cinquante livres.
Sept Fonds et Saint-Cirguet, quatre cens cinquante livres.
Loubéjac, deux cens huictante livres.
Gévinhargues, cent huictante livres.
Léribosc, cent cinquante livres.
Mirabel, trois cens cinquante livres.
Carrandié, cent cinquante livres.
Calerunne, quatre cens cinquante livres.
Mouilhac, deux cens cinquante livres.
Gazais, six cens cinquante livres.
Saint-Bergondg 5, pareille somme de six cens cinquante livres.
Laboufie 6, quatre cens cinquante livres.
Concotz 7', quatre cens livres.
Vayssac, trois cens livres.
Puygaillard, trois cens livres.
Lot, canton de Limogne. 3 Lot, canton de Limogne.
2 Lot, canton de Lalbenque.
4 Cargoale, section de la commune de Fenayrols, canton de Saint-Antonin. 8 Aujourd'hui Saint-Vergondin, prés Penne du Tarn.
6 Commune de Saint-Paul de Labouffie, canton de Castelnau (Lot).
7 Canton de Limogne (Lot).
238 NOTES POUR SERVIR A L'HISTOIRE DU DÉPARTEMENT.
Laramière 1, trois cens cinquante livres.
Saint-Nazari, cent livres.
Vazarac, cent livres.
Lagarde, cent livres.
La Crabete, cent livres.
Montescot, cent livres.
Camarês 2, cent livres.
Belmontet, cent cinquante livres.
Gandoulès, cent livres.
Auty, cent livres.
Boysse 3, quatre cens cinquante livres.
Revenant les dites sommes ensemble à celle de vingt mille livres, au payement de laquelle ils seront contraints par logement effectif desdites compagnies, ausquelles seront fournis les vivres et fourrages nécessaires jusques à l'entier payement de ladite somme, et de laquelle il leur sera tenu compte sur ce qu'ils doibvent de reste de leurs tailles des années dernières et de la présente 1653, en cas d'insuffisance rapportant la présente ordonnance et quittance du commandement au bas sur ce suffisant, et le tout conformément aux ordres que nous en avons nouvellement recettes de Sa Majesté.
Fait à Agen, ce dixième jour de juin mil six cens cinquante-trois. Signé, le duc de Candalle, et, plus bas, par Monseigneur, Souchet.
Extrait tiré de l'original de ladite Ordonnance exhibée et retirée par Monsieur Robert, cappitaine au régiment de M. de Saint-Luc, deuement collationné par moy, notaire royal de la ville de Monban soubsigné, avec ledit sieur Robert, cappitaine, qui a retiré le dit original. A. Montauban, le vingt sixième juin mil six cens cinquante trois. Robert, signé, Fauré, aussy signé.
Le Symantaire de l'église de Saint-Anthoine, près Valence.
Aux pages 320 et 321 du t. III de ses Documents historiques, M. F. Moulenq reproduit le texte d'un document
1 Canton de Limogne (Lot).
2 Village dépendant du canton et de la commune do Castolnau-deMontratier (Lot).
3 Aveyron,
NOTES POUR SERVIR A L'HISTOIRE DU DÉPARTEMENT. 239
du 5 février 1608, duquel il résulte qu'une terre située à Saint-Anthoine, paroisse de Castels, confrontait au « symantaire de l'église de Saint-Anthoine, » et que ce « symantaire » occupait l'emplacement exploré il y a 35 ans environ, dépendant de la métairie de Droilhet, et qu'on appelle aujourd'hui Pièce de la Croix, à cause d'une croix édifiée au croisement de quatre chemins.
Cette pièce de terre est ma propriété, j'ai eu l'occasion de fouiller pour en extraire du gravier : je puis donc apporter sur ce point particulier des renseignements qui ne manquent par d'intérêt.
Et d'abord il n'est pas possible que cette terre, malgré les ossements nombreux qu'elle contient, ait été jamais un lieu de sépulture, une « symantaire » ou cimetière, dans le sens attaché généralement à ce mot.
En effet, c'est à peine s'il y a une couche arable, de 0,60c. environ. Au-dessous de cette terre-meuble, se trouve une profonde, très profonde couche dé gravier, très compacte, assez semblable à du pudding. Jamais la pioche d'un fossoyeur ne l'eût pénétrée verticalement. Le travail, dans tous les cas, eût été si pénible, qu'il ne semble pas possible d'admettre qu'on eût été justement choisir ce lieu pour enterrer les morts, quand tout à côté il ne manquait pas d'autres emplacements plus pratiques.
De plus, dans la couche arable on ne retrouve aucune trace d'ossements. Si c'eût été un lieu de sépulture, un cimetière, on en retrouverait certainement. Enfin, sur toute l'étendue, de la pièce de terre, et elle a 45 ares 55 centiares, on trouve des ossements dans la couche de gravier. Il n'est pas possible d'admettre un cimetière de cette étendue. La petite église de Saint-Anthoine n'était pas assez importante pour cela. Ce n'est qu'un gisement d'ossements, un charnier — si l'on veut — et ce serait peut-être également dans ce sens général qu'il conviendrait d'entendre le mot
240 NOTES POUR SERVIR A L'HISTOIRE DU DÉPARTEMENT.
« Symantaire. » S'il n'était aussitôt suivi de ceux de « l'église de Saint-Anthoine, » qui indiquent bien qu'il s'agit, dans l'acte de 1608, du cimetière paroissial, attenant la petite église de Saint-Anthoine.
Où était alors ce cimetière?
Un renseignement que le hasard m'a fait retrouver, m'a permis de le déterminer.
Au moment de la confection du cadastre, mon bisaïeul était déjà devenu acquéreur des biens ayant appartenu au fîeusatier Guilhem Drouihet, le même que Rodier Talbère était propriétaire de ceux ayant appartenu à Amanieu Ducros. Les deux métairies portent encore le nom de ces deux fieusatiers, et l'on dit toujours à Drouilhet et à Ducros, ce qui corrobore la théorie que j'ai écrite dans mon travail sur Golfech, à propos des lieux-dits, à savoir, que ceux-ci tirent le plus (souvent leurs noms des fieusatiers qui les ont habités.
En prenant, copie de la matrice cadastrale pour une réclamation, mon bisaïeul ajoutait entre parenthèses au-dessous de la désignation matricielle d'une pièce de terre (SaintAnthoine). Mon attention fut attirée par cette annotation; j'ai été voir au cadastre de Valence, et j'ai pu constater en effet :
1° Que sous le numéro 381 de la section A, mon bisaïeul, ayant droit de Drouilhet, possédait une pièce de terre bordant le chemin public de Cornillas à Castels ;
2° Que de l'autre côté du chemin, qui restait par conséquent « entremy, » Rodier Talbère, ayant droit de Ducros, possédait également une assez forte contenance de terre.
C'était donc là que se trouvaient situés, et le cimetière et l'église de Saint-Anthoine, disparus de nos jours.
Mais alors qu'est-ce que le charnier de la pièce de la Croix ?
Ainsi que cela a été dit plus haut, les ossements gisent
NOTES POUR SERVIR A L'HISTOIRE DU DÉPARTEMENT. 241
dans une couche profonde de gravier, très compacte, audessus de laquelle se trouve une couche arable de 0,60 c. environ qui en est totalement dépourvue.
Ces ossements : des crânes, des tibias, des péronées, des fémurs se retrouvent à côté d'ossements d'animaux de très grande taille, dans tous les cas infiniment plus gros que ceux de l'homme, et à différentes profondeurs. On y a trouvé des objets en bronze, et, personnellement, une fibule ou une boucle en bronze, que je tiens à la disposition de la Société archéologique. Au milieu, et inextricablement enchevêtrés, sans ordre, révélant l'intervention de l'homme, deux sarcophages en pierre ; une épée, que l'on a prétendue sarrazine, et qui a été vendue à un riche collectionneur d'Agen.
Comment expliquer ce chaos, ce fouillis, au milieu d'une couche de gravier qui certainement n'a jamais été remuée?
Je ne le puis, qu'en attribuant le fait aux eaux. Tous ces ossements auront été roulés là avec les cailloux, et à la longue une couche arable se sera déposée sur ce banc de gravier.
La question serait très importante à élucider.
E. MOING.
1893. 16*.
CHRONIQUE
ARCHEOLOGIE MUSICALE.
Veteres revocavit artes, telle est la devise et tel le but de notre Société : aussi ne pouvait-elle, à ce double titre, se désintéresser des auditions de Citant grégorien réformé qui ont été inaugurées dans notre cathédrale par son très distingué maître de chapelle, M. l'abbé Gontensou, notre savant confrère en archéologie musicale, le jour de la dernière fête de Sainte-Cécile, et qui se sont continuées depuis, en diverses circonstances, avec un succès toujours croissant.
Le régal a été complet pour les archéologues un brin dilettanti ou pour les dilettanti tant soit peu archéologues. Pour ceux de nos confrères qui n'ont pu suivre cette incursion musicale dans le domaine du passé, nous voulons dire quelques mots de cette belle et intéressante restitution.
En cette fin de siècle, où, sans en vouloir trop médire et sans se faire à tous les points de vue, Laudator temporis acti, l'on peut dire pourtant que la musique, suivant la pente de toutes choses, prend de jour en jour des allures plus tourmentées, plus névrosées : c'est une tentative vraiment heureuse et bien inspirée que celle de nous avoir fait entendre les chants de l'Église sous leur forme primitive, débarrassés toutefois des langes du déchant, par trop incorrect pour nos oreilles habituées à toutes les délicatesses de l'harmonie moderne. Quel art, plus que la musique, s'est peu à peu éloigné de sa destination première, chanter la divinité ou les héros.
Cette audition a donc été pour nous comme une rosée rafraîchissante et pleine de saveur.
Si dès le IVe siècle, saint Ambroise fixa les bases du chant liturgique par l'institution du plain-chant, il faut arriver à la fin du
CHRONIQUE. 243
VIe siècle et à saint Grégoire le Grand pour trouver dans son complet épanouissement le beau style sacré connu sous le nom de Chant grégorien, et qui depuis lors n'a cessé de subir de fâcheuses altérations.
La Messe des Anges que nous avons entendue n'est pas très ancienne, et elle est bien postérieure au temps de saint Grégoire; cependant elle n'en a pas moins très franchement le caractère des 5e et 6e modes grégoriens, dans l'échelle desquels elle est écrite, et elle est bien empreinte du double sentiment qui les caractérisent, c'est-à-dire la joie et la piété. Elle a été, par les soins si compétents de M. l'abbé Contensou, rythmée et nuancée suivant les principes de l'antique tradition, et harmonisée pour trois voix égales et deux soprani, avec orchestre dans la couleur du XIIIe siècle, et composé de flûtes, hautbois, orgue, altos, violoncelles et contrebasses ; ces derniers instruments étaient à cette époque connus et en usage sous les noms de Rubèbe, Rebec, Monocorde, Dicorde, Gigues, etc. Cette orchestration discrète et recueillie, qui laissait toujours les voix à découvert, n'a pas peu contribué à conserver à l'oeuvre la note mystérieuse et pleine de grâce qui la distingue : elle est à la fois des plus simples et des plus savoureuses, chaque instrument n'intervenant qu'à propos et avec une sobriété qui produit d'autant plus d'effet.
Quant à la mélodie elle-même, la ligne peut paraître un peu monotone, mais quelle pureté et quelle puissance d'expression, atteignant souvent au sublime par sa sérénité divine. Voilà bien la musique sacrée, musique singulièrement belle et, majestueuse en sa simplicité, où l'on sent l'inspiration et l'accent de la foi.
Au point de vue esthétique il serait intéressant d'étudier en détail l'heureux emploi que l'Église savait faire à cette époque des éléments vocaux, qui étaient à sa disposition, et avec quel art elle fesait intervenir dans ses chants populaires tantôt les voix angéliques des enfants, tantôt les accents plus mâles des hommes, arrivant ainsi à une variété et une grandeur incomparable d'expression. L'audition de la fête de Sainte-Cécile nous a donné une idée du rôle que remplissait les chants dans les assemblées chrétiennes du MoyenAge.
L'interprétation a été excellente de tout point, chose surprenante, car la plupart des exécutants étaient restés jusque-là étrangers à ce genre de musique, qui offre de très grandes difflcul-
244 CHRONIQUE.
tés d'interprétation à raison de son rythme libre et dégagé, et de l'absence de la mesure arithmétique de la musique moderne.
Bien belle, et même, disons-le, plus belle et plus noble (est-ce parce qu'elle est beaucoup plus ancienne que la Messe des Anges?) cette séquence Hoec est clara dies, trié d'un manuscrit du XIIIe siècle, qui a été chantée à l'offertoire. Nous avions déjà eu un avant-goût de cette pièce, par l'excellente audition qui nous en avait été donnée par la Maîtrise à la messe des Noces d'argent de la Société orchéologique, en juin 1891; cette fois les voix nombreuses qui l'ont interprétée et les timbres variés de l'orchestre accompagnateur lui ont donné une saveur nouvelle, et nous l'ont fait apprécier bien davantage encore.
Merci donc, au nom de la Société, à notre érudit confrère pour avoir soulevé avec tant de bonheur un coin du voile qui recouvre des horizons si peu connus, et de nous avoir donné un écho fidèle de la musique religieuse du Moyen-Age.
Il ne nous reste qu'à formuler le voeu de voir la Maîtrise de la Cathédrale marcher de plus en plus dans la voie où elle s'est si heureusement engagée.
A. BOUIC.
PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES.
Séance du ler février 1893.
Présidence de M. le chanoine POTTIER,
Présents : MM. le chanoine Pottier, président ; de Mila de Cabarieu, vice-président ; Edouard Forestié, secrétaire général ; de Fontenilles, de France, Dumas de Rauly, Bouïc, Forestié père, chanoine Limayrac, Pouillot, Dardenne, chanoine Calhiat, docteur Tachard, chanoine Fourment, capitaine de Villaret, Pons, de La Bernardie, de Gironde, Clavorie, docteur Coste, capitaine Poussy, Lavitry, capitaine Favréaux, de Séverac, Foutanié, curé Maury, Bouïs, abbé Quilhot, commandant Duchaussoy; A. Buscon, secrétaire.
En l'absence du secrétaire, le procès-verbal de la dernière séance ne peut être lu.
Les candidatures de MM. le commandant Duchaussoy, chanoine Morette et Bès de Berc, juge d'instruction, sont adoptées à l'unanimité.
M. le Président souhaite la bienvenue à M. le commandant Duchaussoy, qui, informé de sa nomination, vient d'entrer en seance; il rappelle les mérites scientifiques et artistiques de notre nouveau confrère.
M. le commandant Duchaussoy remercie la Société d'avoir bien voulu l'admettre au nombre de ses membres.
M. le Président La Borde, élu membre titulaire, remercie par lettre de sa nomination, et exprime ses regrets de ne pouvoir assister à la séance de ce jour.
246 PROCÈS-VERRAUX DES SÉANCES.
M. le vicomte Perrot de Chazelles, secrétaire de Mgr le duc d'Aumale, a répondu à M. le Président que l'historien des Condé serait charmé de recevoir la délégation de la Société au château de Chantilly.
M. le Président indique que le Conseil administratif, dans sa séance du jour, a manifesté le désir de constituer d'une façon permanente la Commission de photographie, qui, au moment des fêtes du 25e anniversaire, avait rendu de si précieux services à la Société. M. de Bellefon, son ancien Président, est naturellement indiqué pour en prendre de nouveau la direction, en s'adjoignant tous les amateurs de cet art appelé à rendre tant de services.
La Revue de l'Art chrétien contient un article de M. Ernest Rupin, concernant Durand, abbé de Moissac, à propos de la sculpture du cloître qui figure ce célèbre personnage.
M. le comte de Gironde lit une étude sur la statuaire grecque à propos des marbres d'Égine, conservés à Munich. Dans une dissertation pleine de traits originaux et d'aperçus nouveaux, notre érudit confrère apprécie en véritable dilettanti ces premières productions d'un art qui a donné des oeuvres si parfaites.
Écoutée avec un vif intérêt et une attention soutenue, cette lecture donne lieu à une discussion animée, sur la question, soulevée par M. le chanoine Pottier, de savoir si les Grecs avaient l'habitude de peindre leurs statues.
M. de Fontenilles répond affirmativement, et se base sur plusieurs statues de ce genre existant dans les musées de Rome.
M. Claverie croit que les statues grecques restaient habituellement blanches. On les peignaient exceptionnellement pour éviter la monotomie et pour permettre aux statues placées à une certaine hauteur de mieux ressortir sur un fond mat.
M. de Fontenilles croit que les statues étaient colorées afin de mieux faire illusion. On sculptait et on peignait pour se rapprocher davantage de la nature. Il existe plusieurs statues peintes qui n'étaient pas destinées à être placées à de grandes hauteurs.
M. le capitaine de Villaret rappelle qu'un grand nombre de statues d'empereurs et d'impératrices placées dans les appartements étaient peintes.
D'autres, ajoute M. le Président, étaient en marbre de diverses couleurs.
M. Edouard Forestié signale le De Sign is de Cicéron, dans lequel
PROCÈS-VERRAUX DES SÉANCES. 247
il est question de statues peintes. La description d'un amour, attribué à Praxitèle, est identique pour la forme à une statue possédée par le Musée de Montauban.
M. l'abbé Galabert envoie un Mémoire destiné au Congrès de la Sorbonne, et ayant pour titre : « Les désastres causés par la guerre de Cent Ans au pays de Verdun-sur-Garonne, à la fin du XIVe siècle. » Il en est donné lecture.
M. l'abbé Quilhot analyse deux lettres de Louis XIII au comte de Noailles, notre ambassadeur à Rome, copiées à la Bibliothèque nationale par notre confrère Dom Dubourg. Écrites en 1629, ces deux lettres sont relatives à la démission de Anne de Murviel, évêque de Montauban, et à la nomination de son coadjuteur, Pierre de Bertier.
La séance est levée à 10 heures 1/2.
Le Secrétaire, Auguste BUSCON.
248 PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES.
Séance du 1er mars 1893 1.
Présidence de M. le chanoine POTTIER,
Présents : MM. le chanoine Pottier, président; de Mila de Cabarieu, vice-président ; Edouard Forestié; secrétaire général; docteur Alibert, Anglade, de La Bernardie, de Bellefon, Bouïc, général de Boysson, chanoine Calhiat, Claverie, Dumas de Rauly, commandant Duchaussoy, de Fontenilles, colonel Forel, Lavitry, Guirondet, chanoine Limayrac, Pons, Pouillot, capitaine Poussy, docteur Tachard, Semezies, Forestié père, capitaine do Villaret, Prax; A. Buscon, secrétaire.
M. Cammas, avocat à Moissac, qui a apporté un zèle extrême à la découverte des peintures de Pervillac, accuse réception et remercie de sa nomination comme membre titulaire.
M. Taillefer annonce qu'il a transcrit en entier les Coutume; de Lauzerte sur le texte original, malheureusement incomplet, qui est conservé à la mairie de Lauzerte.
M. le Président énumère les communications envoyées par les membres de la Société à la Sorbonne.
Il annonce la nouvelle de la découverte de substructions romaifaite à Liais, canton de Monclar, au lieu dit la Gleyo-Viello; une Commission se rendra sur les lieux.
Mlle Rous fait don à la Société de documents manuscrits relatifs à Fenayrols.
M. Moing, s'excusant de ne pouvoir assister à la séance, envoie la transcription faite par lui de plusieurs analyses de Chartes de Coutumes faites sur un ancien inventaire de l'abbaye de Belleperche. A ce sujet, le Président donne l'état actuel des textes connus, publiés ou inédits.
M. Taillefer, curé de Cazillac, communique un accord intervenu
1 La séance publiée par erreur avec cette date dans le dernier Bulletin, est colle d'avril, qui fut retardée au 19, à cause des vacances de Pâques.
PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES. 249
le 28 novembre 1289, entre les Consuls de Sauveterre (canton de Lauzerte) et les seigneurs des environs. Cette pièce avait été signalée, mais incomplètement. Elle est conservée dans les archives du marquis d'Escayrac, au château de Lauture.
M. Claverie donne lecture de lettres pleines d'intérêt d'Alex, de Parizot, le dessinateur et peintre bien connu, dont les oeuvres ont plusieurs fois figuré dans les Expositions de la Société. Ces lettres ont trait à la réunion de Vizille en 1783, et au séjour en Russie de ce peintre. Elle; sont accompagnées d'érudits et spirituels commentaires dus à M, Claverie,. héritier par sa femme d'une partie des oeuvres de Parizot.
M. le capitaine de Villaret donne lecture d'une étude de M. l'abbé Galabert, curé d'Aucamville, sur la vie privée dans le canton de Verdun au XVIe siècle. Ce travail très nourri est appuyé sur des documents inédits.
M. l'abbé Galabert a également communiqué le dessin d'une plaque de foyer du XVIIe siècle, conservée dans sa maison paternelle : La Coutrilhade, près Lexos. Cette plaque est formée d'un parallélogramme surmonté d'un fronton arqué. On lit dans la partie arquée : PRO PATRIA, puis HQLLANDIA. Dans le champ : écluse et estacade clayonnée soutenant les polders de Hollande. Par derrière : un personnage avec le chapeau du gueux, armé d'une pique à la main, précédé d'un lion rampant, tenant sept flèches, symbole de sept provinces unies.
MM. de Mila de Cabarieu et Calhiat, à propos de l'atteinte dont est menacée par l'Académie l'orthographe française, soulèvent une discussion, et trouvent parmi les membres de l'Assemblée des défenseurs à outrance, qui se rangent à leur avis en protestant contre les modifications. La question sera reprise.
La séance est levée à 10 heures 1/2.
Le Secrétaire,
Auguste BUSCON.
250 PROCÈS-VERRAUX DES SÉANCES.
Séance du 3 mai 1893.
Présidence de M. le chanoine POTTIER,
Présents : MM. le chanoine Pottier, président; Pouillot, Dumas de Rauly, de La Bernardie, docteur Tachard, de France, capitaine Poussy, Lapierre, docteur Coste, de Séverac, Dubois-Godin, de La Besse, Leenhardt, commandant Duchaussoy, de Bellefon, Guirondet, Forestié père, Lavitry, chanoine Calhiat ; A. Buscon, secrétaire.
Le procès-verbal de la dernière séance est lu et adopté.
M. le Président dépouille la correspondance :
M. Eugène Soubies, élu membre titulaire, remercie par lettre la Société, et renouvelle l'invitation faite par lui à Paris pour une visite à Beaumont-de-Lomagne à la fin d'août ; il se réserve le plaisir de recevoir ses confrères, qu'il espère voir nombreux dans sa maison de Beaumont. La journée se terminerait par une halte au château de Manaud, chez son fils, M. Henri Soubies. L'accueil fait chez ce dernier et chez son frère, M. Albert Soubies, à Paris, lors du Congrès de la Sorbonne, est encore présent à l'esprit de chacun.
La Société accepte avec reconnaissance la gracieuse invitation de M. Eugène Soubies, et charge son Président de l'en remercier.
M. le Président souhaite la bienvenue à M. le lieutenant de La Besse, élu membre titulaire et présent à la réunion.
M. le comte de Marsy, directeur de la Société française d'archéologie, invite la Société à prendre part au Congrès d'Abbeville, qui aura lieu du 27 juin au 4 juillet, et qui se terminera par une excursion dans le sud de l'Angleterre.
M. le Président témoigne des regrets qu'inspire à la Compagnie ls départ do M. La Borde, président du Tribunal civil, nommé chef de cabinet du Ministre de la justice. La haute situation faite à notre confrère répond à ses hautes capacités, mais éloigne de nous un membre depuis trop peu de temps des nôtres.
PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES. . 251
M. le Président dépose sur le bureau le VIIIe volume des oeuvres si importantes de Mgr Barbier de Montault.
La Revue de l'Art contient un article de notre confrère, M. Momméja, sur l'art du blason et ses applications artistiques.
M. le général de Boysson s'excuse de ne pouvoir assister à la séance.
M. le chanoine Pottier signale la mort récente de M. Charles de Mazade, membre honoraire de la Société. Le savant académicien qui aimait le Midi, et conservait le culte du pays natal, s'intéressait vivement à tous nos travaux.
Des remerciements sont votés à M. le curé de Saint-Grégoire, pour le zèle et la complaisance apportés dans l'organisation de l'excursion photographique à Pechrodil et à Varen.
M. le Président constate l'analogie existant entre les peintures de Pervillac et celles de Sainte-Foy de Pujols (Lot-et-Garonne), que viennent de faire connaître MM. Magea et Tholin dans le Recueil de la Société des sciences et arts d'Agen. Il s'exprime en ces termes :
« MM. Magen et Tholin ont fait connaître des peintures découvertes dans l'église de Sainte-Foy de Pujols (Lot-et-Garonne). Ces peintures du XVe siècle, comme celles de Pervillac, offrent une grande analogie avec celles-ci, surtout comme procédé, et malheureusement il y a similitude aussi pour le mauvais état et les détériorations causés par l'apposition, au siècle dernier, d'une litre seigneuriale. »
« Voici ce qu'en disent nos confrères d'Agen :
« Exécutées à la détrempe, les peintures ont été appliquées sur un fond de lait de chaux. La gamme de leurs couleurs est peu étendue : le brun rougeâtre, le jaune pâle, les teintes diverses du noir au gris léger ont suffi à l'exécution de tous les détails, depuis la carnation et le vêtement des personnages jusqu'aux dessins d'appareil et aux motifs, assez rares, empruntés à la Flore. Le jaune foncé ou le gris sombre ont servi à tracer les rinceaux de remplissage, aussi bien que les lignes épaisses qui accusent avec énergie, même avec dureté, le dessin des figures. »
« Toutefois, si les peintures de Sainte-Foy accusent une ressemblance comme facture, je dois dire que la com position parait très différente; à Pujols nous restons dans une donnée plus calme, plus hiératique. »
252 PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES
M. Moing, de Golfech, envoie une note sur un Symantaire renfermant des ossements d'hommes, d'animaux et des débris d'armes, mêlés à une couche de gravier, à Saint-Autoine, près Valence.
M. Taillefer, curé de Cazillac, donne des extraits d'un Mémoire dressé en 1653 par la famille de Courréjols. relatif à des frais de funérailles, tarifs de sépultures et bouts de l'an.
A ce sujet, M. Jean de Séverac signale quelques-uns des usages relatifs aux sépultures, et conservés dans nos campagnes, tels que se laver les mains avant de se mettre à table, repas maigres, prières après le repas, etc.
M. Pouillot, inspecteur d'académie, rend compte de l'excursion effectuée la veille et entièrement réussie. Quarante membres ont visité le château et l'église de Milhars, les ruines du château de Pechrodil (XIVe et XVe siècles), les hameaux de Tortusson et de Succaillac, qui conservent d'anciennes et curieuses maisons. La course s'est terminée par l'étude de l'église romane do Varen, du château et des fortifications de cette ville et du château de Belpech. Grâce à un soleil splendide, les photographes ont pu enrichir la collection de la Société de nombreux clichés. — Ce compte-rendu est lui-même une photographie exacte et délicate de la première partie de la journée.
M. Dumas de Rauly complète ce rapport en communiquant d'importants documents historiques inédits se rapportant aux lieux visités, et notamment des extraits du registre des délibérations consulaires de la commune de Varen (1595-1664).
Mgr Barbier de Montault, comme complément de l'étude de M. le baron de Rivières sur les « Plaques de foyer, » adresse un travail sur une matrice de plaque de cheminée du XVIIe siècle, conservée à l'ancienne abbaye des Châtelliers (Deux-Sèvres). Il est lu des extraits de ce Mémoire, qui traite un sujet nouveau. Place lui sera donnée dans le Bulletin.
La séance est levée à 10 heures 1/2.
Le Secrétaire,
Auguste BUSCON.
PRÉLATS
ORIGINAIRES DU TARN-ET-GARONNE
PAR
MM. ÉM. FORESTIÉ NEVEU et l'abbé GALABERT,
MEMBRES DE LA SOCIÉTÉ.
Le présent travail est le fruit de longues et patientes recherches: dresser la liste des prélats originaires de notre département n'était pas chose facile, attendu que les anciens auteurs et chroniqueurs n'avaient pas cure de signaler le lieu de naissance, si ce n'est d'une manière souvent approximative ; la difficulté s'augmentait de ce que notre département, étant formé de diverses provinces, n'a pas d'histoire proprement dite.
Cette difficulté ne nous a cependant pas arrêtés, et nous avons cru bon de livrer au public une oeuvre que nous savons avoir des lacunes, peut-être même des erreurs : en effet, nous ne prétendons pas établir la liste définitive de tous les ecclésiastiques de notre pays qui ont porté la houlette pastorale ; mais nous espérons que cette publication imparfaite attirera l'attention des érudits et provoquera des additions ou des rectifications.
1893. 17.
254 PRÉLATS ORIGINAIRES DU TARN-ET-GARONNE.
On remarquera que sous les papes d'Avignon notre pays fournit un plus grand nombre de prélats qu'aux autres époques. « Dans un séjour que Clément V fît à Lyon, en 1305, il fit, une promotion de dix cardinaux, ce qui donna la majorité dans le Sacré-Collège, non pas précisément aux cardinaux français, mais aux gascons '. » Jean XXII suivit cet exemple : il n'eut garde d'oublier ses parents et amis ; il éleva sur les sièges épiscopaux un grand nombre de compatriotes ; mais, comme les évêchés et les abbayes du pays furent souvent donnés à des étrangers, les personnages de la province occupèrent, non sans distinction, des postes au loin : aussi est-il difficile de retrouver leurs traces ec leurs origines 2.
Nous n'avons pas employé l'ordre chronologique, mais l'ordre alphabétique qui facilitent les recherches, parce que toutes les notices ne sont pas encore complètes. Quand, au feu de la discussion et après les remarques des érudits, aura jailli la lumière, et que les lacunes et les doutes auront disparu, alors il sera temps de dresser la liste selon les deux ordres.
Il ne faut pas s'étonner de l'appellation toute civile de prélats originaires du Tarn-et-Garonne : dire évêques nés dans le diocèse de Montauban eût été prêter à l'équivoque, attendu que la circonscription diocésaine, qui date de 1808, époque de la création du département, n'est pas la même que celle qu'avait établie en 1317 le pape Jean XXII, laquelle a été agrandie aux dépens des diocèses voisins, en même temps qu'elle perdait plusieurs paroisses restées
1 Renan, Histoire littéraire de la France, t. XXVII, cité dans l'Histoire de Languedoc, éd. Privat, t. IX, p. 286.
2 Bien que Jacques Fournier, de Saverdun, pape sous le nom de Benoit XII, ait fui tout ce qui sentait l'ombre du népotisme, il y eut sous son pontificat nombre de prélats ariégeois; sous Clément VI et Innocent VI, les postes éminents furent occupés par des Limousins.
PRÉLATS ORIGINAIRES DU TARN-ET-GARONNE. 255
sous l'administration des archevêques de Toulouse et d'Albi.
En effet, le diocèse de Rodez a fourni au nôtre le canton de Saint-Antonin tout entier, plus les paroisses d'Espinas, Mordagne, Caudesaygues, Saint-Martin d'Espiémont, Félines et Saint-Peyronis 1. Au diocèse de Cahors ont été empruntés les cantons de Caylus, Nègrepelisse, Monclar, Caussade, Montpezat, Molières, Lafrançaise, Lauzerte, Moissac, Bourgde-Visa.
Les cantons de Montaigu, Valence ont été pris au diocèse d'Agen ; celui d'Auvillar, moins Espalais, qui relevait du diocèse de Cahors, a été pris au diocèse de Condom.
Le canton de Lavit et une portion de celui de SaintNicolas faisaient partie du diocèse d'Auch.
Les cantons de Castelsarrasin, Grisolles, Montech, Villebrumier, la moitié de celui de Saint-Nicolas, celui de Verdun presque tout entier étaient compris dans le diocèse de Toulouse, avec le canton de Beaumont, qui a pris la paroisse de Maubec au diocèse de Lombez.
En reprenant au diocèse de Toulouse la paroisse d'Orgueil, on lui céda celles de Villemur, Le Born, Mirepoix, Bondigoux et Layrac ; on délaissa de même au diocèse d'Albi les paroisses de Roquemaure, Mézens, Grazac, Montgaillard, Beauvais, Montvalen, Saint-Urcisse et Montdurausse, qui toutes faisaient partie du diocèse créé par Jean XXII.
Nous avons cru devoir adjoindre à notre liste quelques personnages, dont l'origine ne saurait être fixée d'une manière très précise : saint Atnaranthe, évêque d'Albi, qui vivait après l'an 700; saint Paterne, évêque d'Auch, et Géraud, archevêque de Braga, qui tous les trois avaient été moines de Moissac ; à l'époque reculée où vivaient ces personnages, particulièrement les deux premiers, il est à
1 Ces paroisses relevaient du Rouergue au spirituel et du Quercy au temporel, ainsi que nous en avons trouvé la preuve dans une foule de minutes notariées.
256 PRÉLATS ORIGINAIRES DU TARN-ET-GARONNE.
peu près impossible de découvrir le lieu de leur naissance: si donc nous ne les revendiquions, ils seraient nullius.
Enfin, sans y ajouter le nom du pape Urbain V, qui appartenait à la famille de Grimoard en Gévaudan, nous ne pouvons manquer de remarquer que cette puissante famille était originaire de Castelsarrasin, où elle est mentionnée déjà en 1271 1, et qu'elle quitta notre pays bientôt après.
Le nombre total de nos prélats, rangés sous un numéro d'ordre, dépasse le chiffre de quatre-vingts 2. Nous commençons par ceux qui furent ornés de la pourpre cardinalice : ils sont au nombre de dix ; il y en aurait même un onzième, si nous étions sûrs que Jean de La Valette-Parisot, grand maître de l'ordre de Malte, eût été promu à cette dignité.
1 Lafaille, Annales de la ville de Toulouse, t. I, p. 22, Saisimenlum.
- Nous ne recherchions pas les évêques qui ont administré le diocèse, ni ceux qui y ont eu des bénéfices.
CARDINAUX. 257
CARDINAUX.
Jean de Caraman,
frère d'Arnaud, vicomte de Cararnan ou de Carmain, seigneur de Tulmont, fut créé, le 12 décembre 1350 1, cardinal du titre de Saint-Georges in Velabro, par Clément VI.
Arnaud Duèze, dit de Carmain, était fils de Pierre Duèze, frère de Jean XXII ; il est qualifié seigneur de Tulmont et des châteaux de Puylagarde et de Montricoux, dans un acte du 30 mai 1316, par lequel les habitants de ce dernier lieu engagèrent les revenus communaux de La Devèze et du port de Montricoux, en paiement de la rançon de leur seigneur, fait prisonnier à la bataille d'Auberoche 2.
Ce cardinal mourut de la peste, à Avignon, le, 1er août 1367 3.
Bernard de Gastanet,
cardinal, était archidiacre de Narbonne lorsque le 7 mars 1276 il fut nommé évêque d'Albi ; en 1308 il accepta par dévouement l'évêché du Puy4. L'Histoire de Languedoc le fait naître d'une grande famille de Montpellier; M. Guirondet, s'appuyant sur une histoire du couvent des Frères Prêcheurs de Toulouse, composée par Percin, et imprimée
1 F. Moulenq, Documents historiques sur le Tarn-et-Garonne, t.1, p. 177.
2 Ib., t, II, p. 306, et Cathala-Coture, Histoire du Quercy, t. III, p. 167.
3 Aubery, Histoire générale des Cardinaux, t. Ier, p. 508, art. Ian de Carmain. Cet auteur fait notre prélat petit-neveu du pape Jean XXI, lisez Jean XXII, d'après la liste des papes de L'Annuaire pontifical.
4 Baluze, Vitae Paparum Avenionen.. t. I, col. 718. Nous devons communication des notes extraites de Baluze, à l'obligeance de Dom Dubourg. à Solesmes.
258 PRÉLATS ORIGINAIRES DU TARN-ET-GARONNE.
en 1693, le fait grand-oncle de Réale de Faudoas, qui épousa Pierre d'Armagnac le 27 août 1377. Réale de Faudoas avait pour mère Luce de Castanet, qui était fille de Géraud, seigneur de Castanet en Rouergue, et Géraud était le neveu de Bernard. Cette famille possédait les seigneuries de Castanet et Cambayrac, au canton de Saint-Antonin.
Il existe une obligation pécuniaire consentie à des marchands génois, sous la garantie' d'Alfonse, frère de saint Louis, en 1250, par divers chevaliers du Rouergue, parmi lesquels N. de Castanet 1 ; ce qui est une présomption en faveur de l'opinion qui fait Bernard de Castanet d'origine rouergate et non montpellériaine.
C'est ce prélat qui jeta les fondements de la magnifique cathédrale Sainte-Cécile d'Albi, le 15 août 1282. Chargé par Philippe-le-Bel de presser la canonisation de son aïeul, Louis IX, il mérita, par son zèle et sa prudence, le chapeau de cardinal-évèque de Porto, qu'il reçut du pape Jean XXII le 6 décembre 1316 ; il ne jouit pas longtemps de l'éminente dignité à laquelle il était parvenu par quarante années d'apostolat : il mourut le 14 août 1317 2.
Raymond de Goth,
neveu du pape Clément V, fils d'Arnaud Garsie de Goth, vicomte de Lomagne et d'Auvillar, et de Miramonde de Mauléon, fut créé cardinal-diacre du titre de Sainte-Mariela-Neuve, en décembre 1305, à Lyon 3. Le 25 avril 1320 il
1 M. Guirondet nous parait s'appuyer sur les manuscrits du généalogiste Cabrol, de Villefranche de Rouergue, Bulletin arch., t. V, p. 189, 198.
2 Aubery, Histoire générale des Cardinaux, t. Ier, p. 415, article Bernard du Chastenier.
3 Aubery, dans son Histoire générale des Cardinaux, t. Ier, p. 401, le fait natif de Villandraut, près de Bordeaux ; nous n'y contredisons pas, mais nous revendiquons ce prélat à cause de la seigneurie de la Lomagne et d'Auvillar.
CARDINAUX. 259
assista au Consistoire tenu à Avignon, où le pape Clément V prorogea, pour une quinzaine, l'affaire des accusations portées contre la mémoire du pape Boniface VIII ; il mourut à Avignon le 26 juin 1310, et fut enterré dans l'église SaintÉtienne d'Agen.
Le bel ouvrage, Sceaux gascons du Moyen-Age 1, donne un sceau, où sous un dais gothique on voit la Sainte Vierge assise, tenant l'Enfant Jésus sur ses genoux, avec la légende:
+ S. RA[MVNDI D]IACONI [CAR]DINA[LIS].
Nous ne revendiquons point Bertrand de Goth, archevêque de Bordeaux, pape sous le nom de Clément V, ni son oncle, Bertrand de Goth, élu évêque d'Agen en 1292, transféré à Langres en 1306, car la famille était alors dans le Bordelais, et n'avait pas encore été gratifiée de la Lomagne; cependant Cathala-Coture, dans le Mémoire historique de la Généralité de Montauban, range Clément V parmi les prélats originaires du pays.
Pierre Des Prez,
évêque de Riez, 1318-1319, archevêque cl'Aix, 1319-1320, cardinal-prêtre de Sainte-Pudentienne, au titre du Pasteur, puis évêque de Palestrina, élu le 25 mai 1323, vice-chancelier de l'Eglise romaine, avait été délégué en 1320, par le pape Jean XXII, avec Gaucelin de Jean pour réformer les statuts de l'Université de Toulouse 2.
En 1336 le pape Benoît XII choisit Pierre Des Prez pour donner, avec d'autres cardinaux, de nouvelles règles aux Frères Mineurs. Clément VI l'envoya avec un autre légat,
1 Sceaux gascons du Moyen-Age, publiés par la Société historique de Gascogne, 1re partie, p. 2.
2 Baluze dit, p. 418, que Jean Des Prez, qui fut délégué pour statuer sur les privilèges de l'Université de Toulouse, avait probablement enseigné lo droit civil dans cette ville. D'après le même historien, il aurait été d'abord prévôt du chapitre de Clermont.
260 PRÉLATS ORIGINAIRES DU TARN-ET-GARONNE.
en 1342, pour négocier la paix entre les rois de France et d'Angleterre, mais il ne put obtenir qu'une trêve de quatre années. Enfin, Innocent VI le nomma, en 1355, arbitre entre l'abbé de Cluny et l'abbé de Saint-Seine.
Le cardinal Pierre Des Prez était de la famille seigneuriale de Montpezat, et fonda la collégiale de ce lieu ; il mourut de la peste, à Avignon, le 13 mars 1361; le 16 mai suivant il fut enseveli à Montpezat, dans l'église qu'il avait fondée, et où l'on voit son tombeau, que surmonte sa statue en marbre 1 ; il avait aussi fait bâtir à Avignon l'église du collège Saint-Pierre, auquel il légua quelques rentes pour les écoliers pauvres 2.
Le testament de ce prince de l'Eglise, fait à Avignon le 14 novembre 1360, et dont la Société archéologique possède une copie 3, est plein de legs en faveur des couvents d'Avignon, de Cahors, de Toulouse et du chapitre de Montpezat, où il dota deux nouveaux chapelains, qui devaient desservir le dimanche l'église de Saint-Cyr. Le cardinal légua encore dix lits garnis à l'hôpital de Montpezat, un beau calice à l'église de La Magdeleine, 30 florins à celle de Saint-Maffre de Bruniquel; il légua diverses sommes aux cathédrales de Riez et d'Aix, 40 florins d'or à l'église de Sainte-Potentienne à Rome, 100 à celle de Palestrina, 100 à celle d'Evora, dont il était archidiacre, etc. Ses lits furent attribués aux hôpitaux de Villeneuve et d'Avignon.
Son testament nomme Raymond Des Prez, archidiacre de Rivière, Jean Des Prez, fils de Géraud et frère de Raymond, à qui il légua tous ses livres de droit; Marguerite, soeur
2 Dumas de Rauly, Inventaire des archives de Tarn-et-Garonne, G. 791. et Moulonq, Doc. hist , t. I, p. 396.
2 Aubery, Histoire des Cardinaux, t. Ier, p. 130, article Pierre Du Pré.
3 Cette copie, donnée par M.Pagan, membre do la Société, provenait de Léon Godefroy, chanoine de Montpezat, correspondant des frères SainteMarthe pour le Gallia christ., cl frère de l'historiographe du même nom.
CARDINAUX. 261
des précédents ; Marguerite, fille de Pierre-Raymond. Il constitua héritier universel Raymond-Arnaud Des Prez, son petit-neveu, seigneur de Montpezat, avec substitution de Raymond et Jean, ses frères.
Ses exécuteurs testamentaires furent les cardinaux Raymond, du titre de Sainte-Croix : Hélie, du titre de SaintÉtienne, avec Élie de Talayran et Jean de Caraman ou Carmain, cardinaux, ses compatriotes, dont il est question dans notre travail. Ceux-ci avaient le droit de se faire remplacer par Geoffroy de Vayrols, évêque de Carcassonne, que nous retrouverons plus loin ; Pierre, évêque de Castres, Guillaume de Gourdon, prévôt de Carpentras, familier et compatriote du prélat; Raymond de Sainte-Gemme, doyen et plus tard évêque de Castres, et enfin Raymond de Gazelles, chanoine de Marseille.
Nous trouverons aussi plusieurs évêques de la même famille que ce cardinal.
Gaucelin de Jean,
promu cardinal-prêtre du titre des saints Marcelin et Pierre le 17 décembre 1316, et cardinal-évêque d'Albano en 1327, vice-chancelier de l'Église romaine et grand pénitencier, était fils de Marguerite d'Euze ou Duèze, soeur du pape Jean XXII 1 ; celui-ci le nomma en 1334, avec Pierre Des Prez, cardinal-évêque de Palestrina, commissaire-général pour réformer l'Université de Toulouse. Les statuts que dressèrent ces deux prélats défendaient les spectacles et les banquets aux étudiants qui prenaient leurs gracies ; le prix des repas, ordinairement très élevé en cette occasion, fut fixé à 15 livres tournois ; ils défendaient encore aux étudiants de tenir des enfants sur les fonts baptismaux ; les professeurs,
1 Gallia christiana, t. VI, p. 698 ; Mahul, t. V, p. 447; Hist. de Languedoc, t. IX, p. 473.
262 PRELATS ORIGINAIRES DU TARN-ET-GARONNE.
les licenciés et les bacheliers devaient porter des chapes rondes, à manches, et la barrette.
En 1317 il fut chargé, avec le cardinal Luc de Fiesque, d'une laborieuse ambassade en Angleterre et en Ecosse. A son retour il fut envoyé pour moyenner la paix entre Philippe le Long et Robert, comte de Flandre, et il y réussit.
Gaucelin de Jean fut désigné en 1326, avec Bertrand de Montfavens et Arnaud de Pellegrue, cardinaux, pour examiner une accusation portée contre certains Frères Mineurs à Issoudun, diocèse de Bourges 1.
D'après Baluze, qui l'appelle Gaucelm, il était archidiacre de Carpentras en 1337, et mourut le 3 août 1348.
Le Chapitre provincial des Frères Prêcheurs, tenu à Saint-Girons le 8 septembre 1321, ordonna à chaque prêtre de célébrer une messe pour Bertrand de Pouget, cardinallégat, et Gaucelin de Jean, cardinal-prêtre; de même les Chapitres de 1322 et 1323, tenus à Agen et à Morlas 2. Gaucelin de Jean serait donc mort en 1321; or, d'après nous, il eût été réformateur à Toulouse en 1334 ; nous ne savons d'où provient l'erreur, qui, d'ailleurs, n'est pas essentielle.
Aubery, dans son Histoire des Cardinaux, t. Ier, p. 417, à l'article Ganzelin de Cahors, fait mourir ce prélat à Avignon en 1348 seulement, et lui donne le cardinal Talleyran pour successeur sur le siège d'Albano, en la même année, bien que Onuphrius et Ciaconius le disent mort en 1337.
En parlant plus loin de plusieurs évêques du même nom, nous montrerons que le cardinal appartenait, comme eux, à la famille des seigneurs de Saint-Projet.
1 Baluze, au bas de la colonne 724, donne en gravure les armes do ce prélat dans son sceau.
2 Ch. Douais, professeur à l'Institut catholique de Toulouse, Les Frères Prêcheurs en Gascogne.
CARDINAUX. 263
Bertrand de Montfavens,
chanoine de Lyon, fut nommé, en novembre 1316, cardinal au titre de Sainte-Marie in Aquino, par Jean XXII, dont il avait été précepteur domestique 1. Benoît X l'envoya pour traiter de la paix entre Philippe VI, roi de France, et Edouard III, roi d'Angleterre ; cette négociation n'aboutit pas. A son retour à Avignon il fît construire une grande maison, in Monte Faventio, hors les murs de cette ville, pour y établir les chanoines réguliers Augustins. Il mourut le ler décembre 1343 à Avignon, et fut enterré devant le grand autel de l'église de Bonrepos, dite de Monte Faventio, qu'il avait fait bâtir 2.
Mantua Patavinus l'appelle un homme d'une science éminente, un excellent jurisconsulte. Albericus a Risato dit qu'il enseigna le droit civil à l'Université de Montpellier.
Or, en 1357 les parents de ce cardinal, Faur et Bertrand de Montfavens, qui étaient seigneurs de Gandoulès, avaient cédé les dîmes de cette paroisse à Pierre Des Prez. cardinal 3. Nous n'ignorons pas que M. Limayrac, dans son Histoire d'une baronnie et d'une commune du Quercy, fait naître ce prélat à Castelnau-de-Montratier; mais, suivant une coutume qui suffisait aux anciens chroniqueurs, et qui ne nous satisfait pas, il a désigné le chef-lieu à la place du lieu inférieur et peu connu.
Aubery, dans son Histoire des Cardinaux, t. Ier, p. 423, article Bertrand de Mont-Favence, donne l'épitaphe de ce cardinal : Hic jacet Bertrandus de Monte-Faventio de Castro novo Ratherii...; cela n'empêche pas que ce prélat nous appartient à cause de la seigneurie de Gandoulès.
1 Abbé Lavaissière, Projet de nobiliaire de la Haute-Guienne,
2 Baluze, Vitae Pap. Avenion., t. I; Frizon, Gallia purpurata.
3 Moulenq, Doc. hist., t, I, p. 397.
264 PRÉLATS ORIGINAIRES DU TARN-ET-GARONNE.
Arnaud de Pellegrue
était, en 1304, archiprètre de Saint-Bertrand de Comminges et vicaire-général de Bertrand de Goth 1, son parent, qui devint pape sous le nom de Clément V ; ce dernier le créa, le 15 décembre 1305, évêque de Sabine, archevêque d'Arles 2, cardinal-diacre au titre de Sainte-Marie au Portique; il était à Poitiers en 1307-1308 avec Clément V, qu'il accompagna à Avignon.
Les Bolonais le choisirent pour protecteur ; les Franciscains et les Clarisses furent aussi placés sous sa protection.
D'après Baluze, au conclave qui suivit la mort de Clément V, il fut question d'élire Arnaud de Pellegrue : les cardinaux gascons le désiraient 3.
Envoyé en Italie pour défendre les droits du Saint-Siège, contre la république de Venise qui s'était emparée de Ferrare, il défit les Vénitiens, qui perdirent plus de 6,000 hommes. Il fut délégué pour couronner à Rome l'empereur d'Allemagne, Henri VII, le 29 juin 1312.
Ce prélat mourut en août 13314 ; il appartenait à la famille des Pellegrue, qui furent seigneurs de Montagudet, du XIVe siècle à la Révolution ; et même Cathala-Coture prétend (à tort, il est vrai) que le mari de Comtesse d'Aspremont était père dudit cardinal: or, le mariage de Raymond-Arnaud d'Aspremont, père de Comtesse, eut lieu le 30 août 1365 5.
1 P. Longueval, llisl. de l'Église gallicane, t. XVI,p. 304, et Pouillé transcrit par M. Garrabet à Saint-Bertrand de Comminges.
2 Ludovic Lalanne ne cite pas ce prélat dans la liste des archevêques d'Arles.
s Baluze, t I, p. 608, 642. 648.
4 Moréri, Grand Dictionnaire historique, t. V, p. 107.
3 Moulenq, Doc. hist... t. IV, p, 266, qui cite Ilist. généalog. de la maison de Faudoas, p. 36.
CARDINAUX. 265
Arnaud-Sylvestre de Pellegrue, en faisant son hommage au roi, le 15 janvier 1777, déclara n'avoir plus que la seigneurie directe de Montagudet, la haute juridiction appartenant au roi 1.
Le cardinal avait fondé dans la cathédrale de Chartres la 18e chapellenie, sous le vocable de Saint-Jacques et SaintChristophe, plus connue sous le nom de Pellegrue 2.
Élie de Talayran-Périgord,
né vers 1301, était fils d'Élie, comte de Périgord et de Caussade par Philippe de Lomagne, sa femme 3. Nommé évêque de Limoges le 10 octobre 1324, d'Auxerre en 1328, et d'Albano le 4 novembre 1341, il fut élevé à la dignité de cardinal au titre de Saint-Pierre-ès-liens, le vendredi des Quatre-Temps de la Pentecôte 1331. Il était prieur de Bioule, et il unit ce prieuré à la chartreuse de Vauclair ; mais comme l'évêque de Cahors en était le patron, il lui donna par testament, à lui et à son chapitre, 1,000 florins d'or à titre d'indemnité' 1.
Aubery, dans son Histoire des Cardinaux, t. Ier, p. 449, le dit fils d'Elie « et de la comtesse de Brunezinde. » Il devint évêque d'Auxerre en 1328 quand Pierre de Mortemar, titulaire de ce siège, fut élevé au cardinalat.
Envoyé par Innocent VI en France, pour réconcilier le roi Jean avec Charles, roi de Navarre , il ne put réussir dans cette négociation, et s'entremit inutilement entre le prince de Galles et le roi Jean, pour obtenir, la veille de la bataille, une trêve qui aurait épargné à la France le
1 Moulenq, Doc. hist., t. III, p. 267, 249, 341 et seqq.
2 Aubery, Histoire des Cardinaux, t. Ier, p. 398, art. Arnaud de Pellagruë fait ce cardinal natif de Bordeaux.
3 Moulenq, Doc. hist., t. II, p. 207 et 255; Baluze, t. I, col. 770-782, 989.
4 Lacoste, Hist. du Quercy, t. III, p. 65 ; Biographies Michaud et Didot.
266 PRÉLATS ORIGINAIRES DU TARN-ET-GARONNE.
désastre de Poitiers. Etant passé en Angleterre, il parvint néanmoins à procurer une trêve de deux ans entre les belligérants.
De retour â Avignon, il fut désigné comme légat dans le projet de croisade, que le défaut de concorde des princes fît avorter.
Il mourut en 1364 à Avignon, où il fut enterré; il avait fondé la chapelle Saint-Antoine dans la cathédrale de Périgueux, et à l'Université de Toulouse le collège qui porta son nom, près de Saint-Sernin.
Pierre Textoris ou Le Teissier,
natif de Saint-Antonin, fut créé cardinal-prêtre en 1320 1; il eut d'abord pour titre l'église de Saint-Etienne in Coelio monte, puis celle de Saint-Laurent in Lucinâ : c'est pourquoi il fonda sous ce dernier vocable, dans l'église de SaintAntonin, à la collation de ses héritiers laïques, une chapellenie dite la prebendieyra' 1.
Le pape Jean XXII l'envoya, avec Guillaume Méchin, évêque de Troyes, et Etienne, abbé de Saint-Maximin, comme légat en Sicile, en 1317 ; la même année il le nomma aussi commissaire contre les magiciens, avec Pierre Des Prez, savant juriste, futur cardinal, dont nous avons déjà parlé, et le chevalier Pierre Duchemin 3 ; en 1318 il lui confia la direction d'une enquête sur les faits reprochés à frère Bernard Délicieux par le tribunal de l'Inquisition 4.
A la prière de Jean XXII il écrivit en 1322 un Traité
1 Bulletin archéologique de Tarn-et-Garonne, t. IV, p. 95; voir un article de M. Guirondet, qui fait mourir ce cardinal en 1327 ; Baluze, t. 1, col. 749.
2 Minutes de Me N..,, notaire de Caylus, déposées par M. l'abbé Galabert aux Archives départementales.
3 Darras-Bareille, Histoire de l'Église, t. XXX, p. 223, 237.
4 Hist. de Languedoc, éd. Privat, t. IX, p. 392.
CARDINAUX. 267
contre l'opinion de certains Franciscains, touchant la pauvreté évangélique ; enfin, sur l'ordre du même Pape, il commanda en 1328 aux doyens des chapitres de Villandraut et d'Uzeste de payer au prieur de Saint-Pierre-des-Cuisines et aux moines de Moissac, qui étudiaient à l'Université de Toulouse, une ancienne pension de 80 livres tournois qu'ils percevaient sur le prieuré de Cintegabelle.
Le cardinal Le Teissier mourut à Avignon le 22 mars 1321 l ; il avait été prieur du monastère de Saint-Antonin et abbé de Saint-Sernin de Toulouse : en mourant il fonda dans sa paroisse natale un hôpital, qui fut brûlé en 1575 par les Calvinistes 2.
Pour la biographie de ce prélat, voir Cathala-Coture, I, p. 76 ; Bulletin archéologique de Tarn-et-Garonne, 1876, p. 95 ; Histoire de l'Église de Rouergue, p. 690; Histoire des Cardinaux, t Ier, p. 432, où Aubery, après avoir mis, par une erreur commune à d'autres, Saint-Antonin dans la province de Quercy, dit que Jean XXI (lisez Jean XXII), donna à ce prélat le titre de vice-chancelier ; enfin il fait mourir ce cardinal à Avignon en 1327.
Renaud de Valette.
Jourdain Ier de Valette, qui prit part à la Croisade de Philippe-Auguste en 1190, puis à la bataille de Muret, où il sauva Roger de Foix, épousa Philippis, fille de ce prince, en 1214.
Renaud ou Réginald, quatrième enfant de ce mariage, prit l'habit religieux à l'abbaye de Locdieu, fut élu abbé de Beaulieu en Limousin en 1239.
Renaud assista en 1245 au Concile de Lyon, présidé par
1 Hist. de Languedoc, éd. Privat, t. IX, p. 371, et t. IV, note 102; Baluze, t. I, p. 749, dit que ce cardinal mourut en 1330.
2 Bosc, Mémoires sur le Bouergue, t. III, p. 76.
268 PRÉLATS ORIGINAIRES DU TARN-ET-GARONNE.
Innocent IV ; il s'y fit remarquer par son savoir et par son dévouement à la cause pontificale ; quand le pape quitta Lyon, il le suivit, et fut nommé abbé de Silvanigra en Sicile. En récompense de son dévouement au Saint-Siège, Alexandre IV lui donna le chapeau de cardinal.
Il était né au castrum aujourd'hui disparu de Bone, près de Saint-Antonin, castrum vallatum, linguâ cellicâ Valleta dictum, d'après d'anciens titres ; il mourut le 4 des ides de mars 1260.
Il aurait porté : De gueules au gerfaut d'argent ayant la patte dextre levée 1, qui sont toutefois les armes de la seconde maison de Valette, à laquelle appartient le personnage suivant.
Aubery, dans son Histoire des Cardinaux, ne mentionne point ce cardinal; toutefois l'Histoire de l'Eglise de Rouergue le met dans la liste des prélats originaires du pays.
Jean de La Valette-Parisot.
Aubery, l'auteur de l'Histoire des cardinaux, t. V, p. 681, en un long article, range parmi les cardinaux douteux, « Jean de La Valette dit Parisot 2, chevalier de Malte de la langue de Provence, et né dans la province de Quercy 3. »
Après avoir, en divers temps, exercé les fonctions de général de l'Ordre, de bailli de l'île de Laugo, de grand
1 Bull, archéol., t. VI, p. 245, art. Renaud de Valette, cardinal, par M. E. Guirondet, qui a pris ces détails dans le généalogiste Cabrol.
2 D'après M. Guirondet (Bulletin archéologique de Tam-et-Garonne, 1893, p. 188) Jean de La Valette-Parizot était fils de Guilhot de La ValetteCornusson et de Jeanne de Castres, et frère de François Ier, évêque de Vabres, dont nous donnerons la notice. Les La Valette-Gornusson appartenaient à la sixième branche des La Valette-Parisot.
3 Parizot était en Rouergue, mais situé à l'extrémité de cette province et limitrophe du Quercy; c'est ce qui a fait l'illusion de plus d'un historien. Parizol est l'orthographe actuelle fautive, car l'appellation était jadis Castelletum Parisius, du nom de la famille de Paris, qui avait eu la seigneurie du lieu.
CARDINAUX. 269
commandeur, de grand prieur de Saint-Gilles et lieutenant général du grand maître de La Sengle, Jean de La Valette succéda enfin à celui-ci le 21 août 1557, et mourut justement à pareil jour, au bout de 11 ans. Il se signala particulièrement en la défense de l'île de Malte (1565), contre les efforts du sultan Solyman, qui plus de 40 ans auparavant avait pris celle de Rhodes. Si bien que des historiens ont écrit que Pie IV le voulut créer cardinal pour reconnaître ses grands et insignes services. « Le Pape voulut encore, remarque l'auteur de l'Histoire de Malte, honorer le grand maître d'un chapeau de cardinal, et le luy manda dire par un courrier exprès ; mais le grand maître l'en remercia, et s'excusa de cela, et supplia Sa Sainteté de conférer cet honneur à l'évêque de Vabres, son frère. Mais le Pape, avant de pourvoir à cela, passa à une meilleure vie le 9 septembre 1565. »
Aubery cite un long extrait de l' Histoire de Malte, dans lequel l'auteur rapporte les derniers efforts de la piété et du courage que Jean de La Valette fit paraître à sa mort (21 août 1563), et une partie de son éloge. « On fit ses obsèques avec tous les honneurs, cérémonies et magnificences qu'il fut possible ; son corps fut posé en la chapelle Notre-Dame de Filerme, dans l'église de Saint-Laurent, en attendant de le porter, comme il l'avait ordonné, à la cité Valette, » qu'il avait fondée.
1893. 18.
270 PRÉLATS ORIGINAIRES DU TARN-ET-GARONNE.
ARCHEVÊQUES ET ÉVÊQUES.
Saint Amarand,
évêque d'Albi, vers l'an 700, ayant gouverné l'abbaye de Moissac après saint Paterne (718), fut mis sur le siège d'Albi avant que les Sarrazins vinssent dans les Gaules 1. Aymeri de Peyrac, les auteurs de la Bibliothèque sacrée et Lagrèze-Fossat, après eux, en ajoutant que cet abbé fut élu évêque d'Albi, l'ont confondu avec saint Amaranthe, évêque de la même ville au IIIe siècle.
Pons d'Antéjac,
évêque de Cahors de 1235 à 1236, était de la famille des seigneurs de Saint-Vincent d'Antéjac, près de Caussade 2; il était chanoine-sacriste de la cathédrale de Cahors quand il fut appelé à succéder à Guillaume de Cardaillac ; il introduisit dans sa ville épiscopale les religieux de SaintDominique, et mourut le 13 des calendes de mai (18 avril) 1236.
Son frère, Barthélémy, archidiacre de la cathédrale, constitua une rente pour un anniversaire fondé à son intention. Le corps de cet évêque fut déposé dans la chapelle Saint-Pierre de la cathédrale de Cahors, et son effigie, de
1 G allia chrisliana, t. I, col. G.
2 Moulenq, Doc. hisl., t. 1, p. 230, et Ayma et Lacroix, Histoire desévêques de Cahors, t. I, p. 327, 333. Les registres de Bonis, marchand montalbanais, publiés par M. Ed. Forestié, mentionnent Bertrand d'Antéjac, seigneur d'Almont, et Ozil d'Antéjac, vers 1345.
ARCHEVÊQUES ET ÉVÊQUES. 271
pierre, se voyait sous la table de l'autel; son tombeau, fouillé par les protestants, a été mutilé par la négligence des ouvriers en 1877 1.
Raymond d'Aspremont de Roquecor,
premier évêque de Sarlat, était de la maison noble de Roquecor en Agenais 2, aujourd'hui dans le département de Tarn-et-Garonne ; il siégea de 1318 à 1324 ; il descendait d'Izarn d'Aspremont et de Géraude de Durfort, sa femme, qui en 1259 donnèrent des coutumes aux habitants de Clermont-Dessus ; la part de la seigneurie de Clermont, transportée des Durfort aux Aspremont avant 1259, était encore possédée en 1464 par Jean de Pellegrue, dit d'Aspremont, seigneur de Roquecor par substitution.
Raymond, appelé Raymond-Bernard d'Aspremont de Roquecor par les nouveaux éditeurs de l'Histoire de Languedoc 3 et par le G allia christiana 4, aurait été d'abord, d'après les premiers, moine de La Chaise-Dieu, et, d'après le dernier ouvrage, moine de Moissac, prieur de la Daurade en 1297, abbé de Gaillac de 1300 à 1318, évêque de Sarlat en 1318, transféré à Saint-Pons de Thomières le 24 décembre 1324, mort à Saint-Pons le 15 septembre 1345. Il répara la cathédrale, et réduisit à cinquante, pour manque de revenus, le nombre des chanoines ; il unit à la mense épiscopale le prieuré d'Issigeac.
Ses armoiries étaient : De gueules à la bande d'or.
Voici les principales dates de son pontificat :
2 juillet 1318, Provisio episcopatus ecclesioe Sarlatensis.
1 Ayma et Lacroix, Histoire des évêques de Cahors; Lacoste, Hist. du Quercy, et Cathala-Coture, Mémoire inédit sur la Généralité de Montauban.
3 Chronique de Tarde, art. d'Aspremont, p. 91, 95, 97, 100, 244, 246.
3 Histoire de Languedoc, éd. Privât, t. IV. Catalogue des abbés de Sarlat.
4 Gallia christiana, t. 1, col. 52. Abbates Galliaci.
272 PRÉLATS ORIGINAIRES DU TARN-ET-GARONNE.
2 juillet 1318, Bulle 1. — 7 août 1319, autre bulle pour la cathédrale de Sarlat.
13 janvier 1323, Edouard II, roi d'Angleterre, demande des subsides à l'évêque de Sarlat.
24 novembre 1324, Bulle de la nomination à l'évêché de Saint-Pons.
Aton,
archevêque d'Arles de 1115 à 1126, assista le 8 juillet 1119 au concile de Toulouse présidé par Calixte III ; il était né au château de Bruniquel, et était frère de Pierre Aton, vicomte de Bruniquel et de Monclar 2.
Raymond Aton,
abbé de Saint-Sernin de Toulouse, que, du temps de Dom Vaissette, l'on croyait de la maison de Verdale, et que ses nouveaux éditeurs rattachent à la famille de Cardaillac 3, qui donna le voile aux chanoinesses de Saint-Sernin, fut en 1317 le premier évêque de Mirepoix ; il précéda dans l'abbaye de Saint-Sernin Pierre Textoris, de Saint-Antonin en Rouergue, créé cardinal en 1320; il assista en 1307 à l'élévation des reliques de Saint-Antoine dans l'abbaye de Lézat ; il mourut en 1325, et légua au chapitre de son église la seigneurie de Saint-Martin de Lende et d'autres lieux situés dans le même territoire 4
Raymond Aton était d'une ancienne famille noble de
1 Chronique de Tarde, p. 91.
2 Guillaume Lacoste, Hist. générale du Quercy, publiée par MM. Combarieu et Cangardel, t. II, p. 21.
3 Histoire de Languedoc, éd. Privat, t. IV, note 102, p. 520, et note 80, p. 310.
4 Histoire de Languedoc, éd. Privât, t. IV, note 80, p. 316. — Lalanne, Dictionnaire historique de la France, fait ce prélat évêque de Mirepoix de mars 1318 à 1325.
ARCHEVÊQUES ET EVÊQUES. 273
Caylus 1, qui avait donné probablement dans l'hérésie des Albigeois, car elle avait usurpé les dîmes de Saint- Pierre de Bournac (aujourd'hui Lasalle-Bournac), annexe de SaintSymphorien ; elle possédait la seigneurie de Lasalle-Bournac, pour laquelle, elle faisait au roi la moitié d'un homme d'armes en 1259 2.
Le nom de Raymond revient souvent dans les titres de la famille Caylucienne, porté par plusieurs de ses membres.
Un Raymond Aton était archiprêtre de Beaumont en 1280 3, et peut-être le même que notre prélat.
Alfonse, comte de Poitiers et de Toulouse, avait en 1259, à Caussade, donné à Raymond At, ou Athon, ou Aton, chevalier, et à Pons, son frère, les murs et les fossés de la ville entre le portale novum et la porte de l'église de Caylus, et la rue Droite, pour 80 livres tournois, sous l'acapte d'une paire d'éperons dorés. Les consuls de Caylus leur disputaient cette possession en 1271 ; or, les frères Aton prouvèrent que cette concession n'était que le renouvellement d'une restitution à eux faite, en août 1226, par Raymond, comte de Toulouse, duc de Narbonne, marquis de Provence. En 1345 les consuls de Caylus transigèrent avec Pons Aton, damoiseau, pour le bois de Roumégous ; dans cette transaction intervinrent aimablement les nobles et religieux seigneurs Pierre de Caraygue, chanoine de l'église de Rodez, et Raymond Aton, chanoine de l'église d'Aix 4. En 1393 autre Raymond Athon, damoiseau, reconnaît une certaine somme à Raynier d'Arribat 5.
1 Les nouveaux éditeurs de l'Histoire de Languedoc, au t. VIII, font habitants de Caylus d'Aveyron les Aton de notre Caylus; les preuves du présent article leur donnent tort.
2 Moulenq, Doc. hist., t. I, art. La Salle-Bournac.
3 Bult. archéol. du Midi, 90, n° 4, p. 91.
4 Archives de M. le comte Auguste de Levezou de Vesins, à Caylus,
5 Minutes d'Arnaud de Trillia, notaire de Caylus, déposées par M. l'abbé Galabert aux Archives départementales.
274 PRÉLATS ORIGINAIRES DU TARN-ET-GARONNE.
Nous accordons facilement que ces preuves n'apportent pas l'évidence; mais dire que la répétition du nom de Raymond n'est que le fait d'une rencontre fortuite, serait montrer beaucoup d'exigence; on peut évidemment trouver des Aton ailleurs qu'à Caylus, mais si l'on veut bien remarquer que Caylus n'est qu'à deux lieues de Puylagarde, dont les Duèze furent seigneurs, on ne s'étonnera pas que le pape Jean XXII, qui avait un faible pour ses compatriotes, ait distingué un Caylucien.
Géraud de Barasc,
évêque de Cahors , de 1237 à 1250, succéda à Pons d'Antéjac.
Lacroix 1 et le Gallia christiana 2 le rattachent à la famille des Barasc, seigneurs de Béduer dans le Haut-Quercy ; ce qui n'empêche pas cette famille d'avoir fourni des seigneurs à Bruniquel. Au mois de mai 1273, Bertrand, dit Barasc, successeur des vicomtes de Bruniquel, octroya des coutumes aux habitants de Nègrepelisse 3. Réginald, vicomte de Bruniquel, succéda, vers 1310, à Guillaume, dit Barasc, son père 4. Le 31 avril 1380 Jean de Barasc, procureur de Bernard de Carit, évêque d'Évreux, prit possession des dîmes de La Vaysse, Trasbot et Pradelle, en les paroisses de Puylagarde et de Parizot 8. Enfin, au dernier siècle, les Barasc étaient seigneurs du Pouget, en la paroisse de Villevayre, arrondissement de Villefranche d'Aveyron 6.
1 Ayma et La Croix, Histoire des évêques de Cahors, t. I, p. 330.
2 Gallia christiana, 1.1, p. 31.
3 Moulenq, Doc. hist., t. I, p. 176. 4 Moulenq, Doc. hist., t. I, p. 164
5 Cartulaire de la chapollenie de Notre-Dame de Grâce, de Puylaroque, en la possession de notre confrère, M. Boscus.
6 Dèzes, notaire à Milhars en Albigeois, aujourd'hui en l'étude de Varen.
ARCHEVÊQUES ET ÉVÊQUES. 275
Le 27 décembre 1466 noble frère Antoine Barasc, religieux du monastère de Saint-Sauveur de Figeac, fait des lauzimes à Caylus au nom de noble Jean de Metge '.
On lit encore dans Lacroix 2, que Ratier de Caussade fit hommage à l'évêque Géraud de Barasc pour la baronnie de Caussade et la vicomté de Monclar, une partie de ces seigneuries lui venant de son oncle, R. de Caussade.
En 1234 Géraud fit une ligue pour la défense de la religion contre les hérétiques; en 1247 il eut un différend avec les consuls de Cahors, au sujet de la juridiction temporelle ; le pape Innocent IV commit l'abbé de La Garde-Dieu pour le citer à comparaître devant son tribunal à ce sujet. Il dut lui donner gain de cause, car le dimanche de Loetare 1248 il excommunia les consuls à cause des abus de pouvoir et intrusion qu'ils avaient commis.
Il assista Raymond VII, comte de Toulouse, à ses derniers moments.
Il mourut le 5 des ides de mai 1250.
Nous noterons ici que Raymond de Bar, évêque de Montauban, de 1405 à 1424, aurait appartenu, d'après les Documents historiques sur le Tarn-et-Garonne, t. I, p. 24, et d'après l'Histoire de l'Église de Montauban, t. I, 3e fascicule, p. 14, à la famille des seigneurs de Meauzac ; mais il est prouvé maintenant que ce prélat est originaire de Tulle ; on peut lire au Bulletin archéologique de Tarn-etGaronne, t. XI, p. 73, un acte par lequel ce prélat cède à Jean de Grégoire, son neveu, sa maison de Tulle, sa métairie de Bar, et ses biens, meubles et immeubles, en Limousin 3.
1 Forton de Pais, notaire à Caylus, minutes aux Archives départementales
2 Ayma et La Croix, Histoire des évêques de Cahors, t. I, p. 332.
8 L'histoire nous montre un prélat du nom de Pierre de Bar, évéque-cardinal de Saint-Marcel, légat en Espagne, mort à Péronne; il était né à Bar sur Aube, et il en avait pris le surnom. — Lieutaud, Histoire des Portraits, p. 5,
276 PRÉLATS ORIGINAIRES DU TARN-ET-GARONNE.
Pilfort de Belfort.
Nous signalerons, bien que son élection n'ait pas été confirmée par le Pape, Pilfort de Belfort, prieur de Campredon, 7 juillet 1322, prieur-mage de Saint-Théodard, à Montauban, 21 octobre 1348 : successivement abbé d'Ilebarbe, 29 juillet 1352; abbé du Mas-d'Azil en 1355, élu évêque de Montauban par le chapitre de cette église après la mort de Guillaume de Cardaillac, 1355 ; il était de la famille des seigneurs de Belfort, Lalbenque, Puylaroque, et sa mère était de la maison d'Amanieu, des seigneurs de Corbarieu ; il mourut en 1359 1.
Pierre de Bérald,
« évêque d'Agde, était natif du Quercy, et avait succédé en 1342 à Guillaume Hunaud de Lantar. Arnaud Alberti, neveu du pape Innocent VI, succéda à Pierre de Bérail, mort le 22 février 1354. » Ainsi dit l'édition Privat de l'Histoire de Languedoc, t. IX, p, 633 2. Or, la famille de Bérail, Bérailh ou Bérald (Beraldus) avait deux branches, dont l'une, établie en Albigeois, posséda la seigneurie de Cessac et celle de Milhars, et s'éteignit au XVIIe siècle 3. L'autre branche s'allia aux D'Euze, et possédait une maison et divers cens à Puylaroque, dans la rue qui portait son
1 Ed. Forestié, Bull, archéol., t. IX, p. 48, article: Trois prélats de la maison de Belfort.
2 Nous ferons remarquer que les mêmes nouveaux éditeurs, t. IX, p. 633, font succéder le même Arnaud Alberti à Gilbert de Jean, sur le siège de Carcassonne, en la même année 1354; cette erreur ne fait rien à notre cause.
3 Le duc d'Anjou, lieutenant pour le roi en Languedoc, retint en 1368 Arnaud de Bérail, seigneur de Cessac, qu'il établit capitaine de Najac, avec 29 autres écuyers. (Histoire de Languedoc, t. IX, éd. Privat.) — Cette branche s'éteignit dans la famille des Cazillac de Cessac, qui furent seigneurs de Milhars, ainsi que, du reste, le dit Lalanne. — Ses armoiries étaient : un lion rampant, party d'un autre lion de même. (Sceaux gascons, t. II, p. 223.)
ARCHEVÊQUES ET ÉVÉQUES. 277
nom. Noble Olivier de Bérald, époux de noble Grie de Belfort, frère de Jean de Bérald, co-seigneur de Vaylatz, bachelier ès-lois, fut exécuteur testamentaire de Bernard de Carit, évêque d'Évreux, en 1389 1. Les Bérald étaient seigneurs de Jamblusse, de La Roque de Loze, de Paulhac, près de Verfeil en Rouergue, en 1368; ils possédaient une maison à Puylaroque, de grands biens à Caylus, et y habitaient : en effet, le cadastre de 1392 mentionne les biens que Jean de Bérald tenait de Jean et Bertrand de Palhayrols, ses oncles, et pour lesquels il fut allivré à 285 livres ; ayant obtenu, le 20 juin, des lettres du conseil de Languedoc attestant qu'il possédait ces biens noblement, et qu'il servait le roi en armes et chevaux, il fut exempté de toutes tailles 2. On trouve plusieurs membres de cette famille prieurs-mages du monastère de Saint-Antonin ; un autre, du nom de Pons, est qualifié, en 1395, correcteur des lettres apostoliques ; dès 1386 Marques de Bérald est seigneur de Paulhac, près de Verfeil, en Rouergue, et de Saint-Jean de Rives en Albigeois; et en 1395 les habitants de ces lieux consentent des reconnaissances à noble Guillaume de Bérald, prieur de Saint-Maffre de Bruniquel 3. En voilà plus qu'il ne faut de preuves pour établir que Pierre de Bérald, évêque d'Agde, appartient à notre département. D'après Lud. Lalanne il occupa le siège d'Agde du 26 juin 1342 au 18 mars 1354.
Pierre de Bonald ou Bonalot, d'après Lud. Lalanne, p. 1634, évêque de Sarlat de 1446 à 1461, avait été regardé par M. l'abbé Galabert comme originaire de Caylus, sur la foi d'un acte notarié, qui constituait ce prélat arbitre dans une cause caylucienne, avec Pierre de Trilhia, aussi évêque
1 Cartulaire de la chapellenie de Notre-Dame de Grâce, déjà cité.
2 Minutes d'Arnaud de Trilhia, notaire de Caylus, déposées par M. l'abbé Galabert aux Archives départementales.
3 Idem.
1893. 19.
278 PRÉLATS ORIGINAIRES DU TARN-ET-GARONNE.
de Caylus. (L'Instruction à Caylus dans la seconde moitié du XV siècle, par l'abbé Galabert, au Bulletin archéologique de Tarn-et-Garonne, t. X, p. 148) ; mais les Chroniques de Jean Tarde, Paris, Oudieu, 1887, démontrent que cet évêque appartenait à une famille bourgeoise de Montignac, en Périgord, du nom de Roffignac.
D'après L. Lalanne, Jean III de Bonal, dont nous ignorons l'origine, fut évêque de Bazas, 1486-1503.
Étienne-Jean-François Borderies,
évêque de Versailles du 29 mars 1827 au 4 août 1832, date de sa mort, était né à Montauban 1 le 24 janvier 1764. Il termina au collège Sainte-Barbe ses études classiques, qu'il avait commencées dans sa ville natale 2. Après avoir refusé de prêter le serment constitutionnel, il chercha un refuge dans les Pays-Bas, puis en Allemagne. Rentré de bonne heure en France, il remplit les fonctions de prêtre catholique à la Sainte-Chapelle, avec Lalande, son ami et compatriote. Quand, en 1802, celui-ci fut nommé curé de SaintThomas d'Aquin, Borderies le suivit dans cette paroisse, et y fit un cours de catéchisme qui lui attira un brillant auditoire. Il prêcha à la Cour le Carême do 1817, et il unit en cette prédication une véritable éloquence à une grande piété, non moins qu'à une brillante imagination. Ayant accompagné à Rome Mgr de Quélen, il reçut des éloges de la bouche de Léon XII ; quelques années plus tard le roi Charles X venait l'enlever à la cure de Saint-Denis,
1 D'après un portrait dessiné par Carrière et lithographie par Delaunois, Mgr Borderies, mort à Versailles le 4 août 1832, serait né à Saint-Geniès le 24 avril 1761. C'est une erreur: son acte de baptême est inscrit sur les registres de l'église Saint-Jacques de Montauban à la date du 24 janvier 1764. Il était (ils de sieur François Borderies, commis à l'inspection des manufactures du Rouergue.
2 Journal de la Généralité de Montauban, 1777. (Collection Forestié.)
ARCHEVÊQUES ET ÉVÊQUES. 279
pour le faire monter sur le siège épiscopal de Versailles. A cette époque, où le retour aux idées romaines ne s'était pas encore opéré parmi nous, cet évêque donna à son diocèse un missel, un catéchisme et un bréviaire ; il composa même quelques hymnes. En 1830 il fut nommé premier aumônier de la Dauphine, sans avoir sollicité cet honneur 1. En 1833 ses OEuvres furent publiées à Paris, en 4 vol. in-12 et in-8°, chez Potey, libraire.
Pierre de Bruniquel,
évêque de Neustadt. Ainsi nommé à cause du bourg où il naquit 2. Ce prélat appartenait à l'ordre des Ermites de Saint-Augustin ; il passait pour l'un des hommes de son temps qui possédaient le mieux l'Ecriture-Sainte. Il composa une histoire de l'Ancien et du Nouveau Testament: Incipit liber super istoriis Novi ac Veteris Testamenti, juxta ordinem alphabeti. edilus per fratrem P. de Bruniquello, ordinis Heremitarum ; tel est le titre du manuscrit que l'on voit à la bibliothèque de Toulouse. Dès les premières lignes il se titre episcopus Civitatis nove, et dédie son ouvrage au cardinal Bérenger de Frédol, évêque de Tusculum. Ce dernier ayant occupé le siège cardinalice de ce nom de 1309 à 1323, nous voyons que P. de Bruniquel ne vécut pas au XVe siècle, comme le disent Moréri, t. IV, et Trithème, dans son De scriptoribus ecclesiasticis 3; Fabricius (édition de Florence, I, 265), fait vivre cet évêque vers 1330, et au t. V, 236, il le place, avec Ughelli, entre 1311 et 1328 4.
1 Firmin Didot frères, Nouvelle biographie, t. VI, col. 688,
2 Francklin, dans son Dictionnaire des noms propres et des auteurs du Moyen-Age, Paris, Didot, le fait naître à Bruniquel (Tarn-et-Garonne),attendu qu'on ne connaît pas d'autre localité de ce nom, et fixe sa mort vers 1400.
3 Édition de 1497, in-4°, à Paris.
4 Gams, Séries episcoporum, p. xxx.
280
PRELATS ORIGINAIRES DU TARN-ET-GARONNE.
On connaît plusieurs villes du nom de Neustadt, notamment Neustadt en Bavière, qui a une population de plus de 6,000 habitants, et une église catholique ; et Neustadt (Vienerisch), ville d'Autriche, au-dessous de l'Ems, chef-lieu du district de ce nom, à 45 kilomètres de Vienne, fondée en 1192, et ayant une population de 13,000 habitants.
(A suivre.)
MATRICE DE PLAQUE DE CHEMINÉE AU XVII SIÈCLE
UNE
MATRICE DE PLAQUE DE CHEMINÉE
AU XVI]> SIECLE
PAR
Mgr X. BARBIER DE MONTAULT,
MEMBRE DE LA SOCIETE.
M. le baron de Rivières, émule en cela de M. Léon Germain, a publié une étude, aussi intéressante que complète, sur les plaques de cheminée 1 que l'on retrouve encore en grand nombre dans les châteaux et les maisons bourgeoises. Ces deux archéologues ont, avec beaucoup de compétence, fait connaître leur iconographie spéciale, mais ils n'ont pas poussé plus loin leurs investigations si profitables à la science. Un côté de la question reste inexploré, celui de la fabrication. Je voudrais en toucher un mot, de façon à combler en partie cette lacune, en produisant un monument qui présente quelque intérêt à ce point de vue, et qu'il m'appartient de décrire, puisqu'il me doit le retour à la lumière.
J'ai à insister à la fois sur son sujet et sa destination. La planche ci-jointe rendra plus facile à saisir ma démons1
démons1 plaques de foyer, dans le Bulletin de la Société archéologique de Tarn-et-Garonne, 1892-1893.
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tration, que je tiens à faire claire et brève, plus scientifique par le fond que par la forme.
I.
Parmi les objets qui attirent le plus l'attention des visiteurs au Musée archéologique que j'ai constitué dans l'ancienne abbaye des Châtelliers (Deux-Sèvres), se trouve un panneau sculpté, classé sous le numéro 176 1.
Je l'ai découvert dans un corridor, la face tournée contre le mur et dissimulé par des débris de boiseries ouvragées. Il était de mon devoir de le remettre en honneur. Pour cela j'ai fait trois choses, qui me semblaient indispensables : tout d'abord je l'ai accroché au trumeau de la cheminée du grand salon, où il est bien en évidence ; puis, j'en ai demandé la photographie à M. Rsbuchon, qui le donne dans une vue du salon, insérée dans ses Paysages et monuments du Poitou, et à M. Maurice Lévesque, de Sàint-Maixent, qui l'a fait figurer dans son bel Album de l'abbaye des Châtelliers, et à qui j'emprunte mon cliché; enfin, je l'ai expédié en 1890 à l'Exposition rétrospective de Tours, où il eut le numéro 380 2.
Ce panneau, sculpté en plein bois, représente, sous une forme allégorique assez ingénieuse, les bienfaits du roi-soleil. La main qui l'a façonné était à la hauteur de la pensée qui l'a conçu. Malheureusement une couche épaisse de peinture, d'un ton cru, a été ajoutée postérieurement, peutêtre pour aviver la coloration primitive: non-seulement elle empâte les reliefs, mais elle a même l'inconvénient de
1 Inventaire archéologique de l'abbaye des Châtelliers, Saint-Maixent, 1891, p. 53,
2 Catalogue des objets exposés, p. 37.
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supprimer les inscriptions qui donnaient la clef du sujet. Un nettoyage général s'impose ; je n'ai pas osé le tenter, dans la crainte de ne pas réussir complètement. Un praticien expérimenté peut seul l'entreprendre, car il ne court aucun risque, étant sûr de lui et du résultat.
Les dimensions sont : un mètre dix centimètres pour la hauteur et quatre-vingts centimètres pour la largeur. Ces proportions sont bien équilibrées; en somme, le tableau est rectangulaire, mais son fronton l'allonge d'un tiers environ, ce qui lui vaut plus d'élégance.
Le cadre mouluré est sobre et ne nuit pas au sujet qu'il renferme. Toutefois, il est agrémenté, en haut, d'un fronton cintré, que l'on rencontre aussi sur les plaques de cheminée du même temps, et, aux angles 1, de fleurs de lis feuillagées 2, un peu trop courtes pour leur développement exagéré. Ici elles forment un attribut topique et non banal, puisqu'elles renseignent de prime abord sur la nature du sujet traité, qui est royal.
Le tympan du fronton est occupé par un soleil, qui darde des rayons serrés, alternativement droits, triangulaires et flamboyants, pour exprimer la lumière qui éclaire, la chaleur qui vivifie et la flamme qui embrase 3. La tête est jeune,
1 « Un grand coffre carré en long, avec des fleurs de lis aux coins. — Un bureau de marqueterie..., aux coins est une fleur de lis. — Une table ou bureau..., aux coins une fleur de lis. » (Inv. de Louis XIV, t. II, n°s 31, 535, 540.)
2 « Une paire de chenets d'argent, dont le corps est en forme de vase à l'antique-.., au-dessous une (leur de lis à la Florentine. » (Inv. de Louis XIV, 1663, n° 783.)
3 Sans sortir des Châtelliers on peut voir l'éloge du soleil sur des jetons de Louis XIV :
Écu de France : HOC • SYDeRE • LILIA ■ FLORENT.
Grenadier: DAT • FRVCTVS DAT • QVE • CORONAS.
Globe du monde (IC6I): MAGNO CONSILIO.
Nuages et montagnes (I6G4) : AVDAX • IRE VIAS.
Nuages dissipés (1678): NEC • OBSCVRANT ■ NEC • MORANTVR.
Sur le buste de Louis XIV, sculpté par Varin, le soleil brille au milieu
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imberbe et belle, comme l'Apollon de l'antiquité 1; son regard est fixe et pénétrant, et sa chevelure ondulée et flottante.
Au-dessus se développe une banderole, où on devait lire l'une des deux fières devises de Louis XIV : NEC PLVRIBVS IMPAR 2, SVFFICIT ORBI. Le roi, comme le soleil, suffit à l'univers, et il peut éclairer plusieurs mondes. C'est solennel, emphatique et d'une superbe étonnante.
Plus bas, deux angelots, nus comme c'était la mode, renouvelée de l'antique; disons mieux, deux génies ailés et voltigeant, soutiennent une couronne de marguerites, qui sont les fleurs du souvenir 3. Celui de droite a dans une main un porte-crayon 4, pour signifier le dessin ; en effet, il est semblable à celui de nos dessinateurs, avec une double
de la poitrine : sa face est entourée de rayons alternativement triangulaires et ondulés, ses cheveux flottent au vent.
« Un autre pistolet..., il y a une devise d'un soleil dont les rayons frappent sur un écu d'un trophée d'armes avec ce mot : Ex réverbératione sptendidior. » (Inv. de Louis XIV, 1663.)
1 Sur la médaille de l'Académie française, Louis XIV est appelé A pollo Palatinus, en 1672.
« Un tapis fonds brun.., au milieu duquel est une teste d'Apollon en soleil. » (Inv. de Louis XIV, I663, Tapis, n° 197.)
« Un grandissime cabinet, appelé le cabinet d'Apollon, au-dessus duquel est représenté le Roy sous la forme d'Apollon, qui conduit quatre chevaux. » {Inv. de Louis XIV, t. II, p. 149.)
2 Médailles de 1663 et 1667.
« Un bassin ovalle..., ciselé... sur les bords, des armes, des chiffres et la devise de Sa Majesté. » (Inv. de Louis XIV, 1663, n° 87.)
Sur le revers d'une médaille en bronze, fondue par Bortinet, en 1671, audessous du « soleil dardant ses rayons, » « un génie ailé et volanl tient une longue banderole agitée par le vent et deux fois repliée sur elle-même. Sur le premier pli on lit: REX VRBS, et sur le second SOLIVM VNVS VNA VNVM. » (Porée, Fr. Bertinet, p. 8.) Il n'y a qu'un roi, Louis XIV ; qu'une ville, Paris ; qu'un trône, celui de France : l'épigraphe est intelligible si l'on rapproche ainsi les mots séparés : Rex unus, urbs una, solium unum.
3 « Un grandissime miroir..., la couronne portée par deux petits anges. » (Inv, de Louis XIV, 1663, Miroirs, n° 123.)
4 Bulletin de la Société archéologique du Limousin, t. XXXV, p. 506.
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pince aux extrémités ; celui de gauche — la gauche du tableau, qui est la droite du spectateur — porte une plume d'oie, taillée pour écrire : elle exprime la calligraphie. L'éloge du grand roi doit donc se faire à la fois par l'art et la littérature, par l'iconographie et l'histoire.
Devant eux passe, mais sans déguiser leur virilité trop apparente, genius et angélus étant du masculin, une large banderole. On regrette son mutisme: peut-être, en grattant, retrouverait-on la légende qu'elle contenait, dans le but certainement d'expliquer la mise en scène qui va suivre et qui est un peu compliquée 1.
Au centre du tableau apparaît la Minerve antique 3, dans tout l'attrait de la jeunesse et de la beauté. Coiffée d'un casque à panache ombrageant 3, elle est vêtue d'une robe longue, ceinte à la taille, qui laisse ses bras découverts, afin de la montrer chaste et prête à l'action. De la droite, elle présente une sphère armillaire, montée sur un pied ; c'est là qu'est réellement son vaste domaine, comme le disait l'exergue : Suffîcit orbi. Sa gauche levée fait le geste de la parole, en se dirigeant vers le ciel, car elle enseigne et révèle la source féconde de son inspiration. Assise en reine sur un trône fort simple, exhaussé de trois marches, elle a les pieds nus, comme il convient à une déesse, d'après la tradition. Elle pose son pied gauche sur le globe terrestre, dont elle prend ainsi possession.
1 Je ne répugnerais pas, d'après un analogue du même temps, à inscrire que cette couronne est une récompense céleste : DONEC E COELO DESCENDAT (Bulletin de la Commission archéologique de Narbonne, 1893, p. 304).
2 Sur la médaille relative aux manufactures royales, en 1669, a été gravée Minerve, avec cette légende : Mineroa locuplelatrix. Arles instauraloe. Minerve et la Justice se donnent la main, sur une médaille de 1704 : Docirina et equilas.
3 " Pallas, assise, grande au naturel, le corps de porphire, posé sur un pied de mesme, la teste armée d'un casque, bras et pieds nus, le tout de bronze doré. » (Inv. de Louis XIV, 1663.)
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Adossée à un navire, puisqu'elle règne aussi sur la mer, elle est entourée de trophées qui la proclament partout victorieuse, triomphant des éléments qu'elle dompte et des hommes qu'elle soumet à sa domination universelle. D'un côté, une trompette, des lances, un carquois plein de flèches, un canon, un bouclier et des drapeaux rappellent la guerre, tandis qu'un miroir qui réfléchit et un flambeau qui éclaire ou brûle, symbolisent la justice. A gauche, un gouvernail, un caducée et un compas figurent le commerce, l'art et l'industrie 1 ; la musique est désignée par une contrebasse et un tambourin 2.
En bas, sur les marches du trône, deux autres génies 3, aux ailes éployées, ont pour attributs, l'un une palette et des pinceaux, l'autre un ciseau et un maillet, qu'il manie d'un mouvement aussi énergique que naturel, pour sculpter une tête d'homme barbue, dieu ou héros.
Enfin, au-dessous de Minerve sont apposées les armoiries du donateur, qui se blasonnent : D'azur, à trois ècussons d'or, posés 2 et 1. L'écu, découpé en accolade et appuyé sur un compas ouvert, est enveloppé de lambrequins, accessoires ordinaires du casque qui fait ici défaut.
La signification précise de cette sculpture sur bois se devine aisément : Le roi-soleil a fait éclorer sous ses rayons bienfaisants la Sagesse 4, qui se manifeste dans le monde
1 « Un tapis fonds brun, représentant les Sciences et les Arts, sur lequel il y a un grand compartiment fonds bleu, chargé dans le milieu d'une teste d'Apollon, environnée de sphères, cornets, compas et autres instrumens de mathémathiques et arts libéraux et mécaniques. » (Inv. de Louis XIV, 1663, Tapis, n° 229.)
2 « Une tenture de tapisserie.... un trophée d'instruments de musique et autres arts. » (Inv. de Louis XIV, 1663.)
3 « Deux grands vases d'argent pour mettre des orangers..., ciselez sur le corps des Arts libéraux, signifiez par de petits enfans. » (Inv. de Louis XIV, 1663, n° 674.)
'' Vallet, « graveur du Roy, rue Saint-Jacques, » à Paris, «au buste de Louis XIV, » a publié en 1713 le Palatium n Sapientioe. La Sagesse assise
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par la science (astronomie, guerre, marine) ; l'art (peinture, sculpture, architecture, musique), et l'industrie (commerce et métiers) 1. Aussi le ciel envoie-t-il des anges pour décerner à celui qui l'a si bien méritée la couronne de l'immortalité.
Ce thème émane d'un flatteur, inconnu jusqu'ici 2 ; du moins il faut avouer que le compliment est gracieusement tourné et ingénieusement conçu : par ce côté, il tranche sur la banalité et la médiocrité de ses similaires 3.
tient un sceptre de la main gauche, parce qu'elle est la reine du monde, et de la droite montre le soleil qui l'éclairé. La devise est Lux mentium. Là encore le soleil est le grand roi, dont l'image formait l'enseigne du graveur.
1 Plusieurs médailles furent frappées pour perpétuer le souvenir de l'initiative de Louis XIV:
Gratifications aux gens de lettres (1666), Bonoe arles remuneraloe.
Les ports de Cette et de Rochefort (1666).
Établissement de l'Académie des sciences (1666), Natures invesligandoe et perfic. artib.
La chambre de Justice (I666), Peculatores bonis mulelati.
L'Observatoire (1067), Turris siderum speculatoria.
L'Académie de peinture et de sculpture (1667).
La Marine (1670), Res navalis instaurata.
L'Académie d'architecture (1671).
La gloire du roi, Qua palet immensi machina coeli.
A l'Exposition de Tours, le tableau des Châtelliers fut qualifié : « La glorification du Roi-Soleil. »
2 On se plaisait à avoir chez soi l'image du grand roi : « Grand tableau de Louis XIV à cheval. » (Inv, de Dorieu, 1758.)
3 Les mêmes faits produisent les mêmes résultats, et souvent la manière de les exprimer est identique. Ainsi, il est curieux de rapprocher du tableau de Louis XIV une gravure relative à Napoléon, et qui est conservée aux Châtelliers. Une note manuscrite que j'ai exhumée des papiers do famille, constate qu'elle a été exécutée en 1811, et que deux épreuves « avant la lettre » furent achetées, au prix de « vingt francs » chacune, pour « la L .•. des amis de l'humanité à l'O .-. de Saint-Maixent. » Le prospectus de l'éditeur est libellé de la sorte :
« Gravure allégorique, représentant le portrait très ressemblant de Sa Majesté impériale et royale, sous l'emblème du soleil, par Dabos, peintre, rue de Richelieu, n° 32, gravée par Tardieu, — La tête de l'empereur est environnée d'un disque radieux. Ce disque passe sous l'arc-en-ciel, où se forme le nom de Marie-Louise, et auprès brille une constellation, où parait celui du
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IL
Voilà une première énigme résolue, mais il en reste doux autres dont la solution n'est plus aussi facile, à savoir la provenance du tableau et le nom du donateur. Faute de documents certains, nous devrons recourir aux hypothèses et aux probabilités.
Le tableau est actuellement aux Châtelliers, et M. Garran de Balzan n'a pas appris de son père qui l'y avait apporté. Il s'y trouve donc d'ancienne date, sans cependant qu'on puisse affirmer qu'il faisait partie du mobilier des Cisterciens, parfois un peu laïque et mondain, par exemple au salon. Notre-Dame des Châtelliers était une abbaye royale: aussi a-t-elle prodigué partout les fleurs de lis, aux ferrures de ses portes et de ses meubles, à la plaque de foyer du grand salon et jusque sur la girouette de son campanile et l'épi de son pignon 1. Elle avait le culte de Louis XIV, sous qui elle reconstruisit l'église et le monastère. Ses goûts pour l'art du bois sont attestés par les débris subsistants
roi do Rome; au-dessous du soleil, on voit le globe terrestre et la partie occupée par l'Empire français, éclairée par les rayons de l'astre qui le vivifie ; au haut du tableau sont les armes réunies d'Autriche et de France, entrelacées de myrtes et de lauriers. — Cette gravure, qui aura 18 pouces de haut sur 14 de large, est proposée par souscription. »
Si la gravure n'est qu'une répétition de la pensée-mère du tableau, elle lui est également inférieure, et de beaucoup, à tous les points de vue : idée, composition et exécution. Une fois de plus, l'art du grand siècle l'emporte sur celui de l'Empire, qui fut terne et froid.
On peut appliquer ici les vers faits par du Bellay pour louer l'amiral de Bonnivet :
Les Cieux eu ont l'esprit et les Arts la mémoire, Les soldats le regret et le Monde la gloire,
1 Inv. arch., n°s1, 10.
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de menuiserie et de boiserie, fort nombreux encore 1. L'église possédait des panneaux historiés, dont j'ai eu la chance de sauver quelques spécimens. Mais, en présence des armoiries, il n'y a pas lieu d'hésiter: les Cisterciens eussent certainement mis au bas du tableau leur écusson propre, tel qu'il est gravé sur leur sceau 2.
Offrirons-nous le panneau à l'abbaye bénédictine de SaintMaixent? Les mêmes raisons militent en sa faveur, et, de plus, son portail fait l'éloge intempestif de Louis XIV 3, maintes fois représenté sous la forme du soleil rayonnant, comme on le voit sur la chaire et le jubé 4. Mais le même obstacle se dresse à cette attribution, qui pourtant peut se localiser ainsi.
Les Garran de Balzan sont originaires de Saint-Maixent, où ils ont exercé des charges publiques. Or, Saint-Maixent n'est distant que de deux lieues des Châtelliers. Ce sont donc les Garra-n de Balzan qui ont trouvé à Saint-Maixent le panneau sculpté, et l'ont transporté dans leur propriété des Châtelliers. La chose ne s'explique pas autrement, et de la sorte elle est toute naturelle.
Saint-Maixent fut en possession, aux XVIIe et XVIIIe siècles, sous les règnes de Louis XIV et de Louis XV, d'une école de sculpture , qui vaudrait la peine qu'on écrivît sa monographie, en mettant en regard les pièces d'archives 5 publiées par M. Alfred Richard, et les monuments, qui n'ont été encore ni recherchés ni groupés. Sa
1 Inv. arch., p. 50 et suiv.
2 Inv. arch., n° 61.
3 TRIVMPHANTE LVDOVICO XIIII ET MARIA THERESIA AVSTRI ACA AVGVSTA PACE RESTITVTA,
L'inscription date de 1660. Elle est rapportée, p. 47, dans les Inscriptions de la ville de Saint-Maixent, par Louis Lévesque, Saint-Maixent, 1892.
4 Inv. arch., p. 56, note 2.
« Archiv. hist. du Poitou, Cartul. de Saint-Maixent.
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raison d'être dérive des besoins multiples, créés tout ensemble par la rénovation des deux abbayes voisines, et le luxe qui s'introduisait aussi bien dans les maisons bourgeoises que dans les châteaux : or, celles-là ne manquent pas dans cette petite ville, si riche encore en tapisseries, et ceux-ci sont disséminés aux environs. Saint-Maixent fut donc un centre sculptural ', un foyer artistique, et j'estime que le tableau des Châtelliers est une oeuvre Saint-Maixentaise.
III.
Sans doute elle n'est pas de premier ordre, ni même de second. Peut-être en certaines parties est-elle moins soignée, moins perfectionnée que ses similaires ; cependant, les tètes sont mieux traitées que le reste, et la physionomie est intentionnellement expressive. Cette négligence accidentelle doit avoir sa raison d'être, et je crois la saisir dans la destination même du tableau. Un bas-relief en bois n'était guère accepté dans un salon, où on lui préférait d'ordinaire une glace ou une toile peinte ; il y avait les deux à l'abbaye des Châtelliers 3. Les dimensions du tableau, sa forme particulière à fronton cintré et le sujet me suggèrent qu'il a été fait, non avec l'intention arrêtée de l'exposer quelque part, mais de s'en servir pour autre chose. Ce doit être le modèle d'une de ces plaques de fer, si communes alors, pour les foyers de -cheminée:! : le relief est plus fort
1 Inv. arch., n° 340.
2 Inv. arch., n°s 140, 141, 193.
3 On lit dans les Comptes des bâtiments du roi sous le règne de Louis XIV, par Guiffrey, t. I : « 4 novembre 1666, à Philippes Gaffier, sculpteur(Philippe Caffleri), à-compte des modèles de contre-coeur de cheminée, qu'il fait pour le Louvre, 200 livres. » (col. 71.) — « 17 may 1669, au sieur Houzeau, pour son payement des modelles descontre-coeur de cheminées et autres ouvrages
UNE MATRICE DE PLAQUE DE CHEMINEE AU XVIIe SIECLE. 291
que d'habitude, sans cependant qu'il y ait trop lieu ù'en être surpris, si l'on voulait une oeuvre magistrale. Notre tableau est la matrice 1 sur laquelle a été prise l'empreinte pour le moule où fut coulée la fonte. En cherchant bien, peut-être rencontrera-t-on la plaque elle-même dans un château aux environs de Saint-Alaixent.
Le Poitou, essentiellement conservateur, rend mon attribution encore plus plausible par la comparaison avec d'autres matrices, dont il est parlé en ces termes dans les Bulletins de la Société des Antiquaires de l'Ouest, 2e série, t. V, p. 328, 366 : « Un don, d'un très haut intérêt, consiste en trois panneaux de bois sculptés : 1° L'un, de style Louis XIV, représente l'écu de France, surmonté de la couronne (elle a été enlevée, mais les traces en sont visibles); l'écu a comme supports deux anges qui tiennent la couronne royale, et le tout est bordé d'un encadrement en feuilles de laurier parfaitement conservé. 2° Le second, de même style, représente un adolescent, tenant du bras droit une massue, en signe de force, et du bras gauche une palme ; au-dessus de sa tête se voit une couronne. Ce personnage a un pied sur une hydre à' trois têtes, et à sa droite se voit un ange tenant à la main droite une trompette antique. Au bas de ce sujet se lit l'inscription : LA VERTV HEROIQVE. 3" Le troisième, de
qu'il a faits, 322 livres. » (col. 921.)— « 2 septembre 1668, audit Regnauldin (sculpteur), pour les modèles de doux contre-coeurs de bronze qui ont esté faits pour Saint-Germain, 300 livres. » (col. 343.) — » ler avril 1673, audit Caffiers, pour trois modelles en bois do contre-coeurs de cheminées pour les appartemens de Versailles, 410 1. 5 s. (col. 614). — « 26 décembre 1683, à Caffieri, sculpteur, pour trois modèles de contre-coeurs de bois pour le grand commun de Versailles, 155 livres. » (Ibid., t. II, col. 351.)
Ces contre-coeurs de cheminées se fondaient en Champagne : « 23 mars 1687. Au sieur de Suzemont, maistre de forge en Champagne, pour trente grands contre-coeurs..., 3,952 1. 17 s. 9 d. « (Ibid., t. II, col. 1151.)
Le modèle des Châtelliers rentre par ses dimensions dans la catégorie des « grands contre-coeurs de cheminée. » (Ibid., t. I, col. 769, 770.)
1 Mon idée a été acceptée par M. Léon Palustre, dont le nom fait autorité.
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la bonne époque de Louis XIV, représente un berger, assis et appuyé sur un bâton en face de sa maisonnette, près de laquelle se trouve un arbre ; le tout est enchâssé dans un cadre du meilleur goût et parfaitement exécuté.
« M. Gaillard de la Dionnerie fait passer sous les yeux de ses collègues les trois panneaux, sculptés sur bois, qui ont été offerts à la Société par M. le sénateur de Beauchamp. Il fait remarquer que ce sont des modèles de plaques de cheminée. Ils ont dû servir à faire les moules en sable clans lesquels on coulait la fonte. Le plus ancien de ces panneaux paraît remonter au règne de Louis XIV, et les deux autres à celui de Louis XVI. L'un de ceux-ci, orné des armes de France, supportées par deux anges, a dû servir à une époque plus récente, car on remarque bien distinctement encore les traces des fleurs de lis et de la couronne qui ont été maladroitement enlevées.
« M. de Chasteigner appuie cette opinion, qui est, du reste, adoptée par les membres présents. »
IV.
L'êcusson ne renseigne pas sur la famille. Je dirai seulement que je l'ai relevé dans le département des DeuxSèvres sur le manteau d'une cheminée, dans la gentilhommière de La Chapelle, près Sainte-Soline, à la fin du XVe siècle. Tôt ou tard, le nom qui fuit actuellement reparaîtra. J'en conclus que le donateur n'était pas étranger à la contrée.
L'êcusson se distingue encore par deux particularités : il n'est pas d'un noble, mais d'un artiste. Le blason n'est pas un indice de noblesse, les bourgeois l'avaient également adopté comme signe distinctif, même avec des couronnes
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usurpées 1. Ici, il n'y a même pas le casque, qui est pour ainsi dire traditionnel: les seuls lambrequins ont été maintenus, pour l'effet, plutôt que par vaniteuse parade. Au fond, ils sont là absolument déplacés, puisqu'ils manquent de leur point de départ essentiel, le casque, dont ils sont le complément et l'ornement. Un noble de race n'eût certainement pas omis le heaume, pour s'en tenir aux accessoires.
De plus, ce compas, sur lequel s'appuie l'écu, me semble tout à fait insolite. Il est largement ouvert, ce qui dénote l'action. A cette place se mettent les insignes de la dignité 1. Il a donc une signification certaine, et comme le compas est l'attribut ordinaire de l'architecte 2, je verrais ici le blason d'un maître en l'art de construire 3. Le tableau tout entier proclame son goût pour les arts, mais l'écu seul spécifierait sa profession.
Enfin, les trois écussons me paraissent le complément logique du tableau lui-même, qu'on y voie : soit l'art, la science et l' industrie, soit les arts par excellence : architecture, peinture et sculpture. Ils ont donc ici la valeur de symboles, tout comme sur la pierre tombale du peintre Philippe Gilquin, décédé en 1672. Le Bulletin monumental, 1893, p. 43, a reproduit le marbre noir, découpé en losange,
1 X. Barbier de Montault, OEuvrcs complètes, t. IV, p. 137. M. Boutaric écrivait dans la Revue des Sociétés savantes, 5e série, t. IV, p. 33. en rendant compte des Mémoires de la Société d'émulation du Doubs, t. III, 1867: « Les armoiries sont-elles l'apanage exclusif de la noblesse? A cette question M. le colonel fédéral répond non, en invoquant ce qui se passait dans l'ancien canton de Vaud; il conclut à l'existence dans les autres pays du droit des bourgeois d'avoir des armoiries... Il a raison. Pour s'en convaincre, on n'a qu'à consulter l'inventaire des sceaux des Archives nationales, par notre savant collègue, M. Douët d'Arcq. »
1 Ménestrier, La nouvelle méthode raisonnée du blason. Lyon, 1761, p. 211212.
2 OEuvres complètes, t. II, p. 77; Annal, arch., t. XXVI, p. 254.
3 « Une-figure de femme toute nue, assise avec une règle, une esquaire et un compas, représentant l'Architecture, haulte de 13 pouces. » (Inv. de Louis XIV, 1663.)
1893. 20.
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qui existe à Vandy, dans les Ardennes. Or, au-dessous de l'épitaphe, on remarque les armoiries du défunt, qui se blasonnent : De... à trois écussons de..., 2 et 1 et une fleur de lis en abîme. Le rapprochement est curieux, sinon concluant, et le peintre du XVIIe siècle, qui n'avait pas d'armoiries propres, s'en est créé en conformité avec son état et ses goûts.
V.
En faisant de cette donnée générale l'application personnelle, géographique et chronologique, l'hésitation n'est guère possible. Un nom vient aussitôt sous ma plume, celui d'un compatriote, Le Duc de Toscane, architecte célèbre en Poitou, précisément sous le règne du grand roi l. Mais c'est surtout à Saint-Maixent qu'il s'illustra ; il y reçut même la sépulture, dans l'église reconstruite en majeure partie sous sa direction. Les abbayes, peu lointaines, de Celles et des Châtelliers, font aussi appel à sa science et à son expérience 2. On le réclame encore à Poitiers. La coïncidence est donc frappante : son séjour prolongé à Saint-Maixent fournit très probablement la solution cherchée.
Cette manifestation iconographique fût-elle purement platonique ou quelque peu intéressée? Je ne saurais le dire. L'enthousiasme d'un artiste l'explique, mais la reconnaissance envers un bienfaiteur qui l'aurait pensionné, est une raison déterminante bien plus puissante. Ceci est affaire à son biographe.
Quand sa pensée de gratitude, soit pour des services per4
per4 arch., p. 107, note 1.
2 Les trois écussons pourraient donc figurer symboliquement les trois églises abbatiales de Saint-Maixent, des Châtelliers et de Celles, qui forment comme son blason d'architecte.
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sonnels, soit pour la faveur accordée aux arts d'une façon si éclatante, eut pris une forme concrète, il dut songer à l'emploi qu'il ferait de la plaque. Très probablement il travailla à son profit : l'êcusson atteste un but exclusivement personnel. La plaque, selon toute probabilité, fut destinée à orner son logis, et plus particulièrement le salon où il recevait, et pouvait en faire parade, ou l'atelier dans lequel il se livrait à l'étude avec une activité dévorante.
La plus ancienne plaque que je connaisse est au château de Marconnay (Deux-Sèvres). Armoriée, elle remonte au XVe siècle. On la fondit sur place, comme on faisait pour les cloches. Il en fut de même pour celle que j'assigne à Le Duc de Toscane : trouvée à Saint-Maixent, elle a dû y être fondue.
VI.
Pour être plus sûr de ne pas errer, j'ai soumis mes conjectures à M. Louis Lèvesque, en le priant de vouloir bien les documenter. Voici textuellement sa réponse en date du 2 mars 1893 :
« MONSEIGNEUR,
« Je ne possède malheureusement aucun document inédit sur François Le Duc. Je ne connais sur ce constructeur de l'église de Saint-Maixent que ce que tout le monde sait. Il a travaillé certainement à la reconstruction de l'église (Voir pour détails la publication d'Alfred Richard : Chartes et documents pour servir à l'histoire de l'abbaye de Saint-Maixent ; Archives historiques du Poitou, t. XVIII, p. 376, 432, 438.) Vous y verrez que François Le Duc, et après lui son fils Pierre, furent, non-seulement architectes, mais surtout et plus encore entrepreneurs de travaux. Un plan leur avait été imposé d'avance, qu'ils ne suivirent pas entièrerement, d'où nombreux procès.
« Dès lors, comme constructeurs de bâtiments aussi considérables, ils durent avoir fatalement une installation à Saint-Maixent:
296 UNE MATRICE DE PLAQUE DE CHEMINÉE AU .XVIIe SIÈCLE.
maison, ateliers et peut-être domicile. Où était-elle cette installation? Je l'ignore absolument, et n'ai aucune donnée pour la retrouver.
« D'ailleurs, il ne pouvait y séjourner continuellement, puisqu'il avait entrepris ailleurs d'autres travaux, entr'autres l'église de Celles ; mais il y avait évidemment un chantier à partir de l'an 1670, époque à laquelle commencèrent les travaux de l'abbaye.
« Donc, il passa une partie de son existence à Saint-Maixent. Y mourut-il? La Fontenelle de Vaudoré, à la suite du Journal de Michel Le Riche, p. 524, dit que Le Duc fut enterré en 1698 dans la grande église qu'il avait restaurée. M. Alfred Richard (ouvrage cité, p. 376) confirme le fait, et ajoute qu'il fut enterré dans le côté gauche de Péglise.
« Sur quel, document s'appuie M. Richard? Je ne saurais le dire. J'avais pensé à consulter les registres paroissiaux, et ce matin je me suis transporté à la Mairie. Il n'est nullement fait mention, en l'année 1698, de Le Duc. Peut-être n'est-il pas mort à Saint-Maixent, et y aura-t-il été transporté plus tard? Néanmoins, le renseignement donné par M. Richard est trop précis pour qu'il ait lancé cette allégation à la légère.
« Arrivons aux armoiries. Je ne connais pas celles de François Le Duc. En avait-il? L'Armoriai général du Poitou, par d'Hozier, recueil officiel dressé en vertu de l'édit de 1696, publié dernièrement chez Clouzot, attribue les armes suivantes à Pierre, fils de François :
« Le Duc, Pierre, architecte à Poitiers l : De sinople, à un duc d'argent.
« Je sais bien que ledit Armoriai est fortement sujet à caution, et que ce duc d'argent a tout l'air d'un blason de fantaisie. Mais si François avait eu des armoiries réelles, je ne vois pas pourquoi son fils, qui était à la fois successeur de ses travaux, n'eût pas tenu à conserver et à faire enregistrer ces armes paternelles. J'inclinerai donc à penser que les Le Duc n'ont pas été en possession d'armoiries de famille, et qu'il est douteux que François s'en soit fabriqué pour son usage personnel 2.
1 Ceci prouve que Pierre Le Duc avait un domicile à Poitiers, tout en ayant un chantier important à Saint-Maixent.
2 François Le Duc n'a pas d'armes de famille, c'est évident; mais il a pu s'en constituer de personnelles, qui ne sont pas passées à son fils. D'Hozier
UNE MATRICE DE PLAQUE DE CHEMINÉE AU XVIIe SIÈCLE. 297
« J'opinerai volontiers à conclure, après vous, que ce morceau de sculpture peut parfaitement être une matrice pour plaque de cheminée. Peut-être a-t-elle été fabriquée par un artiste travaillant sous la direction de Le Duc? Quoi qu'il en soit, je chercherai à Saint-Maixent. »
M. Lévesque ajoutait ultérieurement, à ma demande, ce supplément d'informations :
« Eu ce qui concerne Le Duc, son surnom de Toscane 1 avait fait supposer qu'il devait être Italien ; mais il est certain qu'il était Normand, originaire de la ville de Caudebec. Peut-être voyagea-til en Italie ? Peut-être ce surnom n'est-il qu'une plaisanterie d'atelier? N'y aurait-il pas là quelque allusion maligne, relative à l'ordre toscan qu'il semblait, si je ne me trompe, préférer en architecture ?
« Tout cela est difficile à préciser actuellement, que l'on a si peu de détails sur l'existence de Le Duc.
« Je ne connais aucune biographie sur ce personnage qui puisse faire connaître sa vie et ses travaux d'une façon un peu complète 2. Dès lors, toutes les suppositions sont admissibles. »
ne les a pas connues; aussi en a-t-il fabriqué, comme presque toujours, de parlantes, en jouant sur le nom. Ou bien le juge d'armes ne recevant pas de renseignements précis à cet égard, en a-t-il imaginé, de façon à ne pas perdre le produit de la taxe royale, ce qu'il a fait ailleurs. Ses méfaits en ce genre sont innombrables. M. Révérend du Mesnil place cette observation en tète de son Armoriai du Fore: (L'ancien Fores, t. VI, p. 157): « Outre le blasonnement des armoiries, on y (les registres de d'Hozier) trouve l'indication des personnes ou communautés qui les firent enregistrer, ou au nom desquelles elles furent inscrites par les commis du juge d'armes de France. Ces registres contiennent un certain nombre d'erreurs dans les noms...: nous indiquerons, autant que possible, les armoiries forgées en vue d'amener, malgré l'abstention des intéressés, les droits de paiement do 20 livres ou de 40 livres fixés pour les individus ou les communautés. » — Cf. Cyprien Pérathon, Histoire d'Aubusson, p. 135.
1 Ce surnom a varié jusqu'à trois fois: Toscan, dit Toscane, de Toscane.
2 La seule qu'on invoque généralement est celle qu'a publiée Benjamin Fillon.
298 UNE MATRICE DE PLAQUE DE CHEMINÉE AU XVIIe SIÈCLE.
VIL
Mais, me dira-t-on, comment se fait-il qu'on ait gardé une matrice devenue inutile? Pourquoi le bois est-il colorié? Le Poitou lui-même va nous répondre. A Saint-Maixent et aux Châtelliers le bois sculpté ne fut ni verni ni peint : l'ouvrier lui laissa sa couleur naturelle ; les inventaires du temps ont une expression, à la capucine, pour désigner ce genre de travail. La matrice avait été salie par le moulage, qui devait fournir le bon en creux. Une coloration ingénieusement distribuée répara l'avarie, et dès lors le bois sculpté put être transformé en tableau.
M. Alfred Richard a signalé à la Société des Antiquaires de l'Ouest une plaque dont on a tout ensemble la matrice et la fonte. Le cas est identique par un côté : il le sera complètement quand on aura retrouvé la plaque de fer tirée de la matrice des Châtelliers.
Je conclus que le tableau que j'ai remis en lumière a un double intérêt archéologique : d'abord, à cause de son iconographie spéciale, type unique peut-être du compliment allégorique monumenté ; puis, à cause du personnage auquel je crois pouvoir le restituer, et qui lui assure une valeur pour ainsi dire historique. C'est une page de plus, qu'il importait de ne pas omettre, pour l'histoire de l'art local.
NOTES
POUR
SERVIR A L'HISTOIRE DU DEPARTEMENT.
Un compétiteur de Géraud Faydit, évêque de Montauban.
Deux jours après la mort de Raymond de Bar, évêque de Montauban, Pierre Dalvin (Dolvin ou Talvin), homme de peu de valeur, quoique bachelier ès-décrets et prieurmage 1, fut élu par le chapitre le 25 mars 1424.
Cassant cette élection pour motif d'indignité, le pape nomma Géraud 2 Faydit, docteur in utroque jure, originaire de Muret, qui prit possession par procureur le 9 juillet, sans aucune contestation. Mais les vicaires-généraux ayant voulu réformer certains abus, le 1er octobre le prieur-mage jugea l'occasion favorable pour faire revivre ses prétentions, et profitant d'une ordonnance royale qui défendait de demander à Rome la confirmation dos élections, il s'adressa au métropolitain. Le Parlement fut saisi, malgré des lettres royaux qui lui défendaient de s'entremettre, les officiers du
A cotte date Dalvin n'était pas hors ville, comme l'a entendu M. l'abbé Daux, et il ne s'étaitpas démisde ses fonctions; un acte de Doat, t. LXXXX, p, 137, du 5 mai 1421, nous montre le prieur-mage donnant à A. de Frégier des lettres de vicaire.
2 Les pièces du procès l'appellent Guiraud ; il ne faut donc pas l'appeler Gérard, comme le dit l'Histoire de l'Église de Montauban.
300 NOTES POUR SERVIR A L'HiSTOIRE DU DÉPARTEMENT.
rei s'emparèrent de la maison épiscopale, mais forts de leur droit, les gens de l'évéque abattirent les pennonceaux fleurdelysés.
Cité devant le Parlement de Toulouse, le 4 novembre, le procureur de l'êvêque montra que les ordonnances de l'Église gallicane n'étaient nullement lésées, puisque Dalvin et le chapitre avaient renoncé à leur droit en ne faisant pas opposition à la prise de possession; il prouva que les moines électeurs, libres de demander la confirmation de leur élu au pape ou au métropolitain, s'étant adressés au pape, n'avaient pas d'autres recours, et, comme les droits de dévolution et de réserve étaient odieux en France, il rappela que le pape n'avait cassé l'élection que pour motif d'indignité.
La défense de Dalvin n'offrit rien de remarquable que de prétendues machinations et intrigues ourdies à Rome, par des membres discordants du Chapitre et par Barthélémy Picon, ancien officier. Quant au procureur royal, il prétendit que le consentement donné à la prise de possession était nul, attendu que le roi voulait que la confirmation fût demandée au métropolitain seulement, et aussi parce que la bulle du pape ne mentionnait pas l'indignité du prieur-mage, mais l'irrégularité de l'élection (non... débite facta).
L'avocat épiscopal répondit le 28 novembre, que même à s'en tenir aux ordonnances, le Chapitre n'était pas obligé de faire l'élection, ni l'élu tenu d'accepter; que le pape pouvait toujours la confirmer, surtout s'il en était requis par les électeurs et l'élu, et qu'il n'avait pas moins le droit d'annuler l'élection quand elle portait sur un indigne. Les allégations mensongères de Dalvin touchant les intrigues ourdies auprès du Cardinal de Venise, examinateur de l'élection, furent facilement réfutées, en montrant que les prétendus intrigants étaient les protégés du cardinal d'Ostie, non du précédent.
Quant à la seconde élection que proposait le procureur
NOTES POUR SERVIR A L'HISTOIRE DU DÉPARTEMENT. 301
pour mettre fin à la compétition, l'avocat de l'évêque répliqua que l'adversaire n'entendait pas à ce moyen, puisqu'il regardait la première élection comme valable, et que son client avait le droit d'appeler à Rome, s'il se trouvait lésé par le métropolitain.
Le procureur royal reprit en disant que Dalvin ne pouvait renoncer à son droit, mais que, si l'élection était nulle, le droit, d'élection revenait au Chapitre, tout au moins au métropolitain ; sur ces prétentions on ne peut plus abusives, Dalvin demanda qu'il fût fait commandement au métropolitain de procéder, mais la Cour, avant dire droit, prescrivit une enquête avec mémoire à l'appui.
. Le registre du Parlement 1 ne fait pas connaître la suite de cette affaire. Géraud garda son évêché jusqu'au 3 février 1426, où il fut appelé par le pape au siège de Couserans. Quant à Pierre Dalvin, qui, élu une première fois par le Chapitre en 1405, avait été rejeté par le métropolitain et par Benoît XIII, il mourut sans doute peu après, déçu dans ses projets ambitieux, plus qu'octogénaire et affligé d'une plaie incurable à la jambe.
L'Abbé GALABERT.
Note sur la famille de Pechrodil.
A la séance du mois de juin, M. Dumas de Rauly, rendant compte d'une excursion à Varen et au château de Pechrodil, a fourni sur Varen des détails pleins d'intérêt pour l'histoire locale, et puisés dans les livres consulaires de cette commune.
1 Archives de la Haute-Garonne, Registre du Parlement cédé par M. A. Du Bourg, aujourd'hui Dom Du Bourg, à Ligugé.
302 NOTES POUR SERVIR A L'HISTOIRE DU DÉPARTEMENT.
Ces détails, ce me semble, doivent trouver leur place dans le Bulletin archéologique.
Puis, dans un style un peu humoristique, il a parlé du château de Pechrodil et du dernier descendant de la famille de ce nom ; il le prénommait Alphonse.
Je relevai l'erreur, en donnant le prénom de Victor.
M. Dumas tint bon, se fondant sur ce que dans la famille il y avait deux Alphonse.
L'argument ne me paraissait pas sans réplique, car dans une même famille tous n'ont pas le même prénom.
Le dernier des Gros de Pechrodil était prénommé Victor.
Cela résulte du palmarès du collège de Villefranche, où il fit de brillantes études, et des oeuvres qu'il a laissées ; car, non-seulement il a collaboré à la Gazette de France, mais encore, sous le titre : Études épiques et dramatiqves, il a traduit en vers les chants les plus célèbres d'Homère, de Virgile, du Camoëns et du Tasse ; composé aussi en vers une tragédie héroïque : Le dernier roi d'Athènes ; un poème: Naissance et exposition de Moïse, et diverses odes, et toujours avec le nom de Victor de Pechrodil.
Les Gros de Pechrodil descendaient-ils des vicomtes de Saint-Antonin ?
L'acte de partage de la vicomte entre Isarn, GuillaumeJourdain et Pierre, en date du 2 août 1153, eut lieu, d'après le conseil de Raymond, évêque de Toulouse, et de Pierre Gros, leur cousin.
Il y avait donc parenté.
Mais ce ne pouvait être que du côté des femmes, soit que le père de Pierre Gros eût épousé une fille d'Isarn Ier ou une fille de Frotard, père d'Archambaud, donzel du Cusoul.
On ne peut rien affirmer là-dessus, les documents faisant défaut.
Quoi qu'il en soit, les Gros de Puechrodil, s'ils descen-
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daient des vicomtes, n'auraient pas manqué de conserver, avec une brisure, les armes de ces vicomtes. Or, il n'en est rien.
Les Gros de Puechrodil portaient : De gueules, au lambel à trois pendants d'argent.
Ils étaient seigneurs de Puechrodil, de Las Peyrouses, etc., etc. — Ils furent maintenus dans leur noblesse le 10 mars 1699 par M. Le Pelletier.
Les documents me manquent pour faire une généalogie de cette famille.
Je ne puis fournir que quelques renseignements. D'après un inventaire dressé, le 17 octobre 1622 et jours suivants, par Etienne Cabrol, notaire royal à Villefranche, des meubles délaissés par un Gros de Puechrodil ; on voit que le défunt s'appelait Pierre de Gros de Puechrodil, et sa femme, Claire d'Ax.
Sur le rôle de la noblesse de 1668 figure Alphonse de Gros, seigneur de Puechrodil.
Jean-Baptiste de Gros, seigneur de Pechrodil (Puechrodil est modifié), et Alphonse de Gros, seigneur de Lez et de Saint-Caprais, votent à Villefranche pour les Etats-Généraux en 1789.
Jean-Baptiste de Gros avait épousé une demoiselle de Genton de Villefranche, famille du Tarn, dont la soeur se maria avec Victor de Pomairol, qui fnt parrain de Victor de Pechrodil, fils de Jean-Baptiste de Gros.
L. GUIRONDET.
La tombe de Roufïio, capitaine huguenot.
Auprès de Monteils, entre la grande route de Puylaroque et un chemin de service qui n'a pas de désignation
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spéciale, s'étend la plaine de Las Places, où des restes confus de toutes les époques gisent en si grand nombre, que les paysans affirment qu'une ville s'y élevait jadis. Une gravière ouverte l'année dernière y a fait découvrir, parmi de nombreuses sépultures régulières d'un âge incertain, de belles tuiles, avec des briques à rebords admirablement conservées et de dimensions peu communes. Quelques années avant, à 150 mètres de ce point, on mit au jour plusieurs sarcophages en grès, à couvercle en dos d'âne, qui sont certainement antérieurs au Xe siècle. Mais la découverte la plus intéressante est celle qui fut faite il y a déjà longtemps dans une gravière abandonnée depuis peu. Cette découverte impressionna vivement les habitants de Monteils, et ils n'en parlent pas sans une certaine émotion, à l'heure qu'il est, bien que plus de vingt années les en séparent. Non loin du petit chemin de service dont j'ai parlé, on trouva, à une faible profondeur, dans le banc de gravier, une large tranchée, dans laquelle gisaient vingt-deux squelettes pressés les uns contre les autres, et entremêlant même les ossements desséchés, comme si les cadavres avaient été entassés là au plus vite, avec le peu de précautions et de respect dont on usait pour des vaincus.
Détail important, tous les crânes présentaient de belles dentitions, dénotant des hommes dans la force de l'âge.
Evidemment s'étaient-là les victimes de quelque combat; nulle autre hypothèse ne saurait expliquer les caractères particuliers de cette inhumation collective.
D'ailleurs, aucun objet caractéristique ne se trouvait avec ces squelettes, à l'exception d'une trentaine de monnaies. Je les ai soigneusement examinées ; ce sont toutes des deniers et des demi-deniers de Louis XIII, au type jeune des premières années du règne.
Dans le temps qui s'écoula entre le siège de Montauban et la pacification définitive du Bas-Quercy, plusieurs combats
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furent livrés entre Caussade et Septfonds, mais ce sont tous des engagements sans importance que les historiens relatent à peine, et il serait absolument impossible de deviner celui qui a couché ces vingt-deux squelettes dans la gravière de Las Places, si nous n'avions à notre disposition les mémoires de Jacques Thuet.
Heureusement, le pieux juge de Réalville est assez explicite. « M. de Monferran, dit-il, estant allé visiter sa maison, revint à Montpezat, le 25 dudit mois de février 1629. Six jours auparavant la cavalerie de M. d'Épernon, assistée des garnisons de Belfort et Septfonds, tuarent vingt-deux hommes de Caussade, près Monteils, venant de la guerre. Le capitaine Rouffio, de Nègrepelisse, y fut tué entr'autres. » On ne peut guère désirer une indication plus précise. Pour nous, sans aucune ombre de doute, les vingt-deux squelettes de Las Places sont ceux des vingt-deux Caussadais tués par les cavaliers du duc d'Epernon. Si grand que soit le hasard, il ne produit guère des pareilles coïncidences de lieu, de temps et de nombre.
Parmi ces misérables restes, déposés aujourd'hui dans le cimetière de Monteils, se trouvent donc ceux d'un homme qui a joué un certain rôle dans les luttes épiques des premières années du XVIIe siècle, le capitaine Rouffio, qui commandait le détachement caussadais. Son nom paraît fréquemment dans l'histoire de ces temps déplorables, mais, il faut bien le dire, toujours en seconde ligne, après celui des Dupuy, des Reyniès, des Montbriin, des Saint-Michel, et de tous ces valeureux partisans qui tinrent si longtemps en échec les généraux de Louis XIII.
Voici quelques renseignements sur lui, puisés pour la plupart dans les ouvrages de Le Bret et de Cathala-Coture.
En juillet 1621 le capitaine Rouffio était au nombre des braves qui reprirent le vieux fort anglais de Corbarieu sur le duc de Mayenne. Le comte d'Orval lui en confia momen-
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tanément la garde avec une partie de la compagnie de Reyniès,
Peu de temps après, on lui fit parvenir des renforts.commandés par un intrigant, le capitaine Lacaze, qui « jaloux de commander seul, dit Le Bret, le renvoya sous prétexte que sa présence était nécessaire à Montauban. » Mais Lacaze était moins brave que jaloux : aussi le lendemain même il s'enfuyait de Corbarieu, sur le simple avis que Mayenne songeait à l'attaquer.
La place ne fut cependant pas perdue, car le 12 août suivant, Rouffio sen emparait de nouveau, et ne l'abandonnait que pour courir à la défense de Montauban, investi par Louis XIII.
Il fut l'un des trente-un capitaines qui organisèrent cette prodigieuse résistance; mais son rôle fut assez effacé dans cette lutte de tous les instants, qui lui coûta son fils, tué au premier rang, sur la brèche ouverte par de Bassompierre, à la corne de Montmurat (23 septembre).
Dans la suite, Rouffio se montra toujours au premier rang des fauteurs de désordre qui tentèrent d'éterniser la guerre. Il contribua puissamment au coup d'Etat, par lequel, le 3 mai 1625, le commandement de Montauban fut entre les mains de Montbrun, et il fut spécialement préposé à la garde de Villebourbon, avec Feutrier et Laurac. Deux ans plus tard, quand Saint-Michel se fut emparé à son tour du pouvoir, Rouffio devint capitaine de ses gardes, avec La Peyrère, que ses rêveries sur les Préadamites n'empêchaient pas d'être un vaillant soldat.
Dès lors nous trouvons notre capitaine Rouffio dans toutes les escarmouches qui se livrent dans le pays montalbanais. Tantôt, avec La Peyrère et de Viaud, le propre frère du célèbre Théophile, il tient tête au duc d'Épernon ; tantôt, avec Massonnié, il pousse une pointe jusqu'à Montricoux, d'où il chasse la compagnie de Montastruc (22 juin 1628).
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Plus tard, enfin, nous le retrouvons à Caussade, où on l'avait expédié avec le major de Valada pour réparer les fortifications. Et telle étaient la bonne réputation de ces deux vieux traîneurs de rapières, que leurs corréligionnaires d'humeur paisible, comme Jacques Thuet, s'enfuient à la seule nouvelle de leur venue. Resta-t-il à Caussade jusqu'à sa mort? Nous l'ignorons, car nous n'avons pas su découvrir d'autres renseignements sur son compte, jusqu'à la note laconique que nous avons reproduite plus haut, et qui clôt pour l'éternité la série de ses belliqueuses chevauchées à travers le Bas-Quercy.
Paix à ses cendres ! comme tous ses rudes compagnons d'armes, il a bien gagné pour ses vieux os fatigués, l'égalitaire lit d'argile dans lequel la pioche d'un terrassier l'a momentanément troublé.
Jules MOMMÉJA.
Une lettre des consuls de Toulouse à ceux de Nohic au sujet des canons qu'ils leur avaient prêtés.
Notre confrère, M. Azémar, qui a l'heureux privilège de recueillir des documents et des objets intéressants pour l'intérêt de sa province, a bien voulu nous communiquer une pièce relative aux derniers événements de la Ligue dans notre région.
Après la mort d'Henri III, les Ligueurs du Midi, sous le commandement successif des trois Joyeuse, occupèrent une partie de nos contrées, avec Toulouse pour centre.
D'autre part, le parti huguenot, devenu celui des royalistes, avec Henri de Navarre pour chef, tenait Montauban et une partie du Quercy.
De là, la nécessité pour les Toulousains de soutenir les communautés voisines de Montauban restées fidèles aux
308 NOTES POUR SERVIR A L'HISTOIRE DU DÉPARTEMENT.
Ligueurs. C'est ainsi que les consuls de cette ville prêtèrent à ceux de Nohic, localité située sur le bord du Tarn, entre Montauban et Villemur, des canons pour se défendre contre les incursions des Montalbanais.
Pourquoi les gens de Nohic ne voulaient-ils pas rendre les canons ? Il est possible que la mort de Joyeuse, battu à Villemur, où il se noya le 19 octobre 1592, fut beaucoup dans leur résistance aux réclamations des Toulousains.
Nous ignorons ce qui advint plus tard de cette artillerie.
Éd. FORESTIÉ.
Voici la lettre :
MESSIEURS,
Vous scavés comme la ville vous presta les deux courtaulx avec deux cens bouletz et certaine quantité de pouldre. Nous en avons obtenu arrest sur la remise d'iceulx contre vous autres, ensemble contraincte par corps pour vous contraindre obeyr audit arrest. Il y a fort loung temps de cella. Touteffois, nous fiant aulx promesses que vous aultres fesiez à notre scindic nous ne vous avons pas fait presser. Maintenant que nous voyons que ne tenez aulcung compte de nous faire raison, avons volleu faire ce mot pour vous semondre des belles promesses que vous avez tousjours faictes de nous remetre nous pièces et de nous paier les munitions, aultrement nous serons contraincts à nostre grand regret de poursuivre l'exécution dudit arrest, et nous seroict que despens et a nous fasciner. Pour a quoy obvier nous nous assurons que vous tairez telle dilligence à nous contenter, que en brief nous n'aurions occasion de vous rien demander, quoy attendant nous vous demeurerons, Messieurs, vos bons amis et voisins,
Les Capitouls de Thoulouse, DE RAHOU, DUMAS, CASAGNES, CARRIÈRE, capitouls.
De Thoulouse, 11 janvier 1593.
GUIDE ARCHÉOLOGIQUE
DE
L'excursion en Périgotd et en Quezcy
Du 25 au 30 Septembre 1893.
« A l'itinéraire pittoresque que vous avez tracé on reconnaît le périgourdin pur sang-, qui tient à faire valoir son pays comme il lui fait honneur. »
Ces lignes étaient adressées, ces jours passés, au général de Boysson par M. de Tarde, historien et archéologue de raee, et lui aussi périgourdin.
L'itinéraire, le voici sans phrases.
Le côté admiratif est réservé à chacun ; l'honneur en revient à celui qui l'a conçu en maître et, aidé de ses frères, nous guidera au milieu de cette « aspre nature, » riante aussi et riche des beautés de l'art.
M. de Roumejoux nous écrivait : « Je suis tout à votre disposition, mais auriez-vous besoin de moi, ayant à votre service la savante armée des Boysson. » Il nous sera permis de souhaiter de voir se joindre à elle le distingué Président de la Société archéologique du Périgord et aussi plusieurs autres de ses Confrères.
310
Le Périgord a été habité dès les temps préhistoriques. Après la tribu gauloise des Pétrocoriens et la domination romaine, vinrent les Wisigoths, les ducs d'Aquitaine, le comte Taillefer et les Talleyrand. Le comté, donné aux Anglais par le mariage d'Éléonore avec Henri Plantagenet, combattit longtemqs, pour son indépendance. Tour à tour à la France et à l'Angleterre, il fut définitivement acquis à la couronne en 1454.
Mais que de luttes encore sous la Réforme et sous la Fronde.
Saint-Front avait christianisé cette région, illustrée depuis par Sulpice Sévère, Bertrand de Born, Biron, Montaigne, de la Boëtie, Tarde, Brantôme, Fénelon, Christophe de Beaumont, les Maleville, Maine de Biran, etc.
Montauban. 10 septembre 1893.
L'avant-veille du départ 36 membres de la Société étaient inscrits pour prendre part à l'excursion, — des défaillances se sont produites à la dernière heure, — et le nombre a été considérablement réduit. Voici la liste des non défaillants, auxquels il convient de joindre 6 membres de la Société archéologique du Périgord, qui nous faisaient les honneurs de leur beau pays: MM. de Bellefon, de Bernard, général de Boysson, colonel Paul do Boysson, Richard de Boysson, Henri de Boysson, Jean de Boysson, Buscon, Louis Capéla, docteur Constans, Carrèrede Maynard, commandant Duchaussoy, Dugué, de Fontenilles, de France, chanoine Kourment, Carreau, l'abbé Laborie, de Lassalle, Etienne de Monbrison, l'abbé Oulès, chanoine Pottier, capitaine Poussy, Mathieu de Reyniès, Rupin, de Roumégoux, docteur Tachard, de Tarde.
MM. Carrère de Maynard et Maurice Garreau ont été chargés de rendre compte de l'excursion. Leurs rapports, aussi sommaires que possible, seront donnés dans le prochain numéro.
PREMIÈRE JOURNÉE
Lundi 25 Septembre 1893
SOUILLAG
L faut traverser le Quercy pour gagner
Souillac, situé tout à l'extrémité. Cette ville a été formée autour d'un monastère, — doyenné d'abord, comme notre Varen, puis abbaye, — fondé par Hugues de Saint-Céré, abbé d'Aurillac. L'église appartient au style appelé romano-byzantin et que nous nous plaisons à nommer aquitanique. Sa nef est surmontée de trois coupoles sur pendentifs ; le chevet absidal a cinq chapelles ; les transepts sont voûtés en berceau.
Elle nous montre, par plus d'un côté, ce qu'était l'église de Saint-Pierre de Moissac, consacrée en 1063. Les mêmes analogies se retrouvent dans l'ornementation : tympan intérieur du portail, belle page iconographique ; pieds-droits avec prophètes debout ;
piliers où « les animaux se mordent et se nattent, » mélanges de la sculpture de Toulouse et de l'école limousine, au- dire de Viollet-le-Duc, rappelant aussi l'Orient.
Cette visite est forcément abrégée. La vallée de la Dordogne s'ouvre devant nous, et avant de prendre gîte à Sarlat, après Calviac, autrefois abbaye de Calabre, dont il reste une tour, voici :
Sainte-Mondane, église romane et, au-dessus, grotte dans laquelle se retira sainte Mondane, mère de saint Sacerdos, évêque de Limoges, martyrisée par les Sarrasins en 722.
PieD-droit de la porte.
312
Clialeau de t'ônolon.
Château de Férielon. Appartient à M. le marquis de
Maleville et paraît, au milieu du
XVe siècle, avoir succédé à
un château plus ancien.
Restauré de nos jours
avec une parfaite entente,
entente, y voit la
chambre où naquit
l'illustre archevêque
archevêque Cambrai
(6 août 1651). En
passant, le Cll&-
teau de Groléjac,
Groléjac, contient de belles tapisseries données par
Louis XIV àson valet de chambre Bontemps.
Paluel, construit au XVe siècle, auprès d'un
donjon carré antérieur,et remis
en état par M. le prince de Croy.
Château de Paluel.
DEUXIEME JOURNEE
Mardi 26 Septembre 1893
SARLAT
Comme à Souillac, le point de départ est une abbaye. Serait-elle de Clovis, et peuton
peuton que Charlemagne la restaura ? Le fait est qu'au Xe siècle une ville existait autour d'elle, et que Jean XXII, en 1317, en fit un évêché. Les relations furent nombreuses entre les moines de Moissac et ceux de Sarlat. Arnaud de Bourret avait donné à ces derniers un alleu sur lequel fut bâti notre village de saint Sardos (1122). La Cathédrale, qui renferme les reliques de Saint-Sardos ou Sacerdos, ancien édifice roman, apparent encore dans la tour et au chevet, repris en 1504 par l'évêque Armand
de Biron; les voûtes du choeur furent refaites de 1682 à 1686. Sur la façade on remarque des statues antérieures au XIe siècle.
Dans l'ancien cimetière, voisin de la Cathédrale, s'élève le curieux monument appelé généralement Lanterne des Morts, et qui a servi de chapelle funéraire, sorte de tour du XIIe siècle, coupée par un bandeau, avec couverture de forme ovoïde.
De l'église paroissiale de Sainte-Marie, commencée en 1365, il reste la façade et une partie de la nef; son clocher date de 1479 ; elle avait été consacrée en 1507. Chapelle des Récollets de 1617.
Chapelle funéraire.
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Le palais épiscopal, reconstruit en partie, en 1460, à l'étage inférieur, fut continué au premier par Nicolas de Gaddi, nommé en 1533 évêque de Sarlat. Les dernières restaurations sont de 1775.
Commarque. — Après la première visite de Sarlat, des voitures nous conduiront, à travers vallées et coteaux, aux ruines imposantes du château de Commarque sauvées par le prince de Croy. Donjon du XIVe siècle, surmonté de la tour du guet, élevée de sept à huit mètres audessus de la plate-forme.
En face de cette forteresse, le château de Laussel (XVe siècle), qui appartint à la branche puînée de Commarque. Ces deux
châteaux commandaient la solitaire vallée de la Beüne.
Sur les rives à la fois fécondes et pittoresques de la Vézère, «laRoche
Saint-Christophe
s'élève à une hauteur qui paraît prodigieuse. Cette roche a près de cinq cents mètres de longueur, et dans la contrée, de tous les rochers qui ont servi à l'habitation de l'homme, c'est celui qui frappe le plus par ses dimensions et le nombre incalculable de maisons, si l'on peut désigner ainsi les excavations que la main
Laussel,
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de l'homme a appropriées à son usage. Un escalier étroit, taillé dans le roc, conduit des habitations inférieures à une galerie taillée environ à mi-hauteur. » (A. de Roumejoux.)
La Roche-Saint-Christophe a été un prieuré et une paroisse jusqu'au milieu du siècle dernier. Un acte en fait mention en 1187. Le fort, qui dominait, a été détruit en 1588.
TROISIÈME JOURNÉE
Mercredi 27 Septembre 1893
SARLAT
Sarlat a conservé des restes de ses remparts, élevés vers 1340,et,ennombre considérable, des maisons anciennes. Il convient de citer : l'hôtel de Brons, autrefois de Jean de Vienne, (XVIe siècle) ; il possède une cheminée comme celles des châteaux de Montai, de Terride, du Claud, portant l'hallali d'un cerf;
— maison renaissance de la Boétie ; — ancien hôtel-de-ville (XVIIe), belles grilles en fer forgé ; — le présidial ; — aux fenêtres du XIVe on retrouve ces anneaux de fer, à destination peu définie, si répandus dans notre Quercy.
A 11 heures 1/2, en route pour Carsac, vieille église et beau site sur la Dordogne
Dordogne château de Saint-Rome ; — Monfort, ancienne forteresse,
Hôtel de Plamout (XIVe siècle).
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— Cénac, ancien prieuré dépendant de l'abbaye de Moissac : beaux restes de l'église romane à une seule nef, transept et triple abside richement ornementée 1. Vivant fit démolir le prieuré en 1589 ; la nef n'existe plus.
Domine-Haute. — Un château fortement assis à l'extrémité d'un plateau, pris en 1214 par Simon de Montfort, vit s'élever en 1280, sur le même plateau, une bastide qui reçut ses franchises de Philippe le Hardi. Le roi la fit enceindre de murailles,
et le côté accessible fut défendu par d'importants ouvrages dont les dispositions rappellent celles d'Aigues-Mortes : porte dont les tours sont appareillées en bossages ; deux salles souterraines sont placées au-dessous du corps de garde. A l'Hôtel-de-Ville, un heurtoir, une mesure en cuivre aux armes de Domme. Église de 1622. Maisons du XIVe siècle. La ville de Domme battit monnaie. Elle fut prise par Vivant le 25 octobre 1588.
Le beau château de Giversac, au comte de Gérard, demandera un arrêt ; celui du Griffoul, à un ami, le colonel des Hautschamps, nous retiendra un instant par une cordiale hospitalité.
l'orle de Domine.
1 Sous 'abbatiat d'Ansquitil, de 1085 à 1115, l'abbaye de Moissac acquit le prieuré de Cénac, alors dans le diocèse de Périgueux. Aimery de Peyrac, qui le visita en 1397, en qualité d'abbé de Moissac, nous apprend dans sa Chronique, qu'Ansquitil avait fait sculpter sur la porte des léopards qui rappelaient les lions de celle de Moissac; il ajoute que l'on admirait dans l'église « un très pieux et très dévot crucifix, fait avec tant d'art qu'on l'aurait cru plutôt une oeuvre miraculeuse de Dieu que celle des hommes. Aucune expression ne pourrait suffire à la louer. »
Le prieuré fut annexé après la sécularisation à la mense capilulaire de Moissac, en 1631, en vertu d'une cession du sous-chantre de l'abbaye qui était prieur.
QUATRIÈME JOURNÉE
Jeudi 28 Septembre 1893
La Roque-Gageac. — Entre un rocher de quatre-vingts mètres d'élévation, qui se présente de front, des remparts, et la Dordogne s'étagaient les habitations et l'église de ce bourg fortifié. Aux XIIIe, XIVe et XVe siècles, il eut sa part dans les fastes du Sarladais, possédant un château seigneurial des évêques de Sarlat et un fort, agglomération de cinq maisons-fortes distinctes.
Un érudit, qui a cherché avec amour et savoir à restituer « l'ancien visage de sa chère patrie. » M. G. de Tarde, neveu du célèbre chanoine et historien de ce nom, veut bien nous attendre à l'entrée de ce lieu « reclus et sauvagement beau, » dit un poète du XVIe siècle; avec lui nous verrons et saurons.
Au-delà, et sur la hauteur, les ruines grandioses du château de Castelnaud, où plusieurs époques se confondent, du XIIIe au XVIe siècle, avec les souvenirs des Caumont-la-Force.
Le château de Fayrac, de la fin de la période ogivale, garde une chapelle de même époque, des objets d'art ?et un tombeau de pèlerin du XIIIe siècle ; il appartient à un homme de goût et d'art, M. le baron de la Tombelle.
Le château féodal de Beynac, dans une étonnante situation
sur de hauts rochers, domine la Dordogne. A moitié hauteur,
Château de Beynac.
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on remarque un bâtiment du XIIIe siècle, ancienne salle de Justice. L'enceinte et l'ensemble de la forteresse sont conservés. Le plan offre un carré irrégulier, dont les angles ont été prolongés à gauche du préau. Le donjon, rectangulaire, crénelé et flanqué d'une tourelle carrée, se relie par une courtine à mâchicoulis à une haute tour et au bastion méridional, que flanquent, aux angles, des tourelles à encorbellement, couvertes de calottes ou coupoles ogivales. Cette façade a le caractère du XIVe siècle.
La façade, qui regarde la Dordogne, est du XIIIe et du XIVe siècle, à l'exception des fenêtres, refaites au XVIe, et de la tourelle à calotte de pierre. Malgré des aménagements intérieurs du XVIIe siècle, le plan primitif n'est pas altéré. La salle dite des États, voûtée en berceau ogival (63 pieds de long sur 25 de large), est du XIIIe. Belle cheminée de la Renaissance; peintures de l'époque gothique dans une petite salle voisine. On y voit les armes des barons de Beynac, d'or à quatre fasces de gueules. La maison de Beynac s'est éteinte dans celle de Beaumont, au commencement du siècle dernier. Le château appartient aujourd'hui à M. le comte de Beaumont, marquis de Beynac.
Non loin est le château de la Roque, où naquit le grand archevêque de Paris Christophe de Beaumont en 1703.
Château de Fages, XIIe et XVIe siècles.
Saint-Cyprien a pour origine un monastère fondé par SaintC}'prien d'Auvergne dans les premières années du VIe siècle. Devenu, en 1676, prieuré de l'ordre des Augustins, dépendant de Saint-Sernin de Toulouse, ses bâtiments sont affectés aujourd'hui à un. dépôt de tabac ; l'église est un édifice ogival à nef unique avec chapelles latérales, repris à plusieurs époques. Quelques chapiteaux romans et une tour carrée considérable remontent au XIIe siècle, les voûtes de la nef détruites par les Réformés, ont été rétablies en 1685. — A voir : de belles boiseries sculptées dans les chapelles.
CINQUIÈME JOURNÉE
Vendredi 29 Septembre 1893
Cadouin. — Abbaye célèbre fondée en 1113; on y conserve encore l'un des suaires de N. S. J.-C, celui qui couvrait la tête, sudarium capitis.
L'église, consacrée en n 54, est de plan cruciforme, avec des bas-côtés et coupole sur pendentifs à la croisée ; la voûte des nefs est en berceau sur arcsdoubleaux ogivaux.
Le cul-de-four de l'abside principale a reçu, au XVIe siècle, des peintures malheureusement restaurées.
Dans la sacristie actuelle, débris d'un tombeau du XVIe.
Le cloître de Cadouin a été justement célébré par M. de Montalembert.
Montalembert. croit pouvoir l'attribuer à la fin du XVe et au commencement du XVIe.
Après les belles clôtures à traceries gothiques, les voûtes à liernes et tiercerons, les clefs
pendantes sculptées avec art, on remarque le trône de l'abbé et une charmante peinture du XVe siècle. Il faut citer, parmi des sculptures, pleine de vie et de vérité, le lai d'Aristote et son pendant, beaucoup plus rare, le lai de Virgile, avertissement salutaire contre les séductions féminines.
Nous aurons à Cadouin la faveur d'une ostension du SaintSuaire.
Saint-Avit-Sénieur. — Distant de sept kilomètres de Cadouin, il y sera fait une courte visite dans la matinée.
Cadouin.
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Neuf paroisses sont, dans le diocèse de Périgueux, placées sous le vocable de saint Avit. Celle-ci, son nom l'indique, paraît être la plus ancienne. Consacrée en 1124 l'église appartenait à des religieux ; ses murs élevés avec série d'arcatures, en dedans et en dehors, ont dû porter d'abord des charpentes apparentes, puis de robustes piliers intérieurs ont été bâtis à environ 12 mètres les uns des autres pour recevoir des coupoles suivant l'inspiration qui aux XIe et XIIe siècles en éleva un si grand nombre en Périgord. Ces coupoles se seraient-elles écroulées bientôt après leur construction ? il est plus que probable qu'elles n'ont jamais existé, et il est certain que des voûtes domicales plantagenets, avec arcs diagonaux à triple tores, sont en place attestant les efforts tentés vers un art nouveau, l'art ogival.
Une partie de la salle capitulaire, à six travées, avec voûtes d'arête, a résisté aux ravages des temps et des hommes.
Il faut remarquer de curieuses stalles de la fin du XVe siècle dans le choeur, et dans les voûtes des peintures décoratives de la même époque.
Cahors. — Un arrêt de trois heures à Cahors permettra de voir avant la nuit les peintures de la coupole de la Cathédrale, restaurées avec habileté par M. Guéyda, et de comparer cet important monument à ses similaires du Périgord. Le pont de Valentré (XIVe siècle), les restes des remparts et des Cadurques, et quelques vieilles maisons pourront être entrevus durant ce rapide séjour.
Notre savant confrère M. Paul de Fontenilles, qui nous fit les honneurs de Cahors avec une si grande compétence en 1884, sera encore là pour nous guider.
Fernand POTTIER.
NOTA. — Plusieurs de nos illustrations, dues au talent de notre confrère M. Anglade, sont inspirées des dessins de MM. de Verneilh et de Monteil.
PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES.
Séance du. 7 juin. 1893.
Présidence de M. le chanoine POTTIER,
Présents: MM. le chanoine Pottier, président ; Edouard Forestié, secrétaire général; général de Boysson, Bès de Berc, Pons, commandant Duchaussoy, Pouillot, de La Bernardie, docteur Goste, capitaine Poussy, Lavitry, docteur Tachard, Em Forestié, Dumas de Rauly, Momméja, de France, chanoine Calhiat, de Fontenilles, capitaine de Villaret, abbé Quilhot, chanoine Soulié, abbé Stoumpf, de Bellefon ; Buscon, secrétaire.
Le procès-verbal de la dernière séance est lu et approuvé.
M. le chanoine Pottier souhaite la bienvenue à M. Bès de Berc, président dit tribunal, et à M. l'abbé Stoumpf, professeur au Grand Séminaire, nommés membres titulaires, et présents à la réunion. Ces Messieurs répondent dans les termes les plus aimables.
M. le docteur Tachard, au nom de la Commission de photographie, signale une découverte de M. Pons, permettant de fixer la couleur dans les épreuves photographiques. Les expériences fuites ont donné un résultat très satisfaisant, dont la Société est rendue juge.
MM. de Mila de Cabarieu et le lieutenant de La Besse s'excusent, par lettre, de ne pouvoir assister à la réunion.
M. l'abbé Taillefer, curé de Cazillac, envoie une note curieuse au sujet de l'ornementation funèbre faite le 4 février 1590 dans
322 PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES.
l'église de Luzech en Quercy, à l'occasion du décès de Jacques de Luzech. Cet acte, contenant des indications intéressantes, sera publié dans le Bulletin.
M. le Président montre un plat genre Palissy, appartenant a Mme Champès, et provenant du château de Gaillouste, près SaintJean de Cornac (Moissac). Plusieurs membres estiment que ce plat n'est pas un véritable Palissy, mais seulement de l'école de ce célèbre céramiste.
M. le chanoine Pottier signale la découverte d'une série de monnaie faite dans une motte de terre au Clapier, près CastelnauMontratier : 11 pièces appartenant à M. Iean Boulzaguet cadet, sont déposées sur le bureau de la Société. On y remarque un tournois Louis IX, 4 bourgeois et des tournois de Philippe-Ie-Bel (XIIIe siècle).
M. de La Bernardie a reçu de M. de Saint-Venant, inspecteur des forêts à Uzès, les dessins de plusieurs vases en terre. Ce dernier demande si ces vases, appelés dans le Gard des pégaux, ne sont pas semblables aux proefericula trouvés dans le département. Il est répondu affirmativement.
M. Momméja estime que ces sortes de vases sont d'origine grecque. Il fait même dériver le mot cadurcum de X«5OT (vaisseau destiné à contenir les liquides).
Une vive discussion s'engage à ce sujet entre MM. de France, chanoine Soulié et Momméja. M. de Fontenilles croit qu'il convient de réagir contre la tendance actuelle qui veut retrouver des origines grecques en tout et partout. Les Gaulois avaient, un art national, tout en usant de procédés identiques à ceux des peuples voisins, les Grecs ou les étrangers. Mais il ne serait pas exact de dire que les Grecs rayonnant partout avec leurs colonies, ce peuple unique a posé son empreinte, a marqué son influence sur la civilisation de tous les autres peuples.
M. le capitaine de Villaret, nonobstant cette thèse, fait remarquer qu'il a vu en Afrique et au Japon des silex taillés, des objets préhistoriques semblables en tous points à ceux trouvés en Gaule ; d'où il faut conclure que les mêmes besoins ont donné naissance aux mêmes objets dans des pays différents. M. le Président dépose sur le bureau :
1° Le compte-rendu, par M. le capitaine Poussy, des documents offerts à la Société par M. le docteur Boé ;
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2° Le rapport de M. Philippe Lauzun : Une visite à l'église abbatiale de Saint-Denis, 10 avril 1893 ;
3° Celui de M. G. de Dubor : Une visite au château de Chantilly, 16 avril 1893.
(Lecture est donnée en partie de ces divers travaux.)
4° Une étude de M. l'abbé Bouyssière, élève au Grand Séminaire: Essai de Monographie de Verfeil-sur-Seye. Ce travail, contenant des recherches personnelles, est digne d'encouragement. Une médaille de bronze est accordée à l'auteur.
M. le capitaine de Villaret résume le rapport de M. le commandant Quévillon : Une journée à Chartres, 12 avril 1893.
M. le capitaine Poussy, ayant trouvé dans les documents soumis à son examen le mot badernes, demande l'explication exacte de cette expression.
M. P. de Fontenilles explique qu'à Cahors on désigne ainsi les anciennes maisons pourvues de greniers ouverts, de vieux galetas.
M. le chanoine Calhiat dépose sur le bureau un exemplaire de la Revue des traditions populaires, et demande l'échange avec le Bulletin. Il prie ses confrères de vouloir bien lui faire connaître les usages, traditions et coutumes du pays en vue d'une étude spéciale qu'il compte entreprendre.
M. Momméja donne lecture d'un travail de M. Boscus sur les Comptes et registres de la famille Lacombe, notaires à Caussade.
Sont élus membres résidants : M. Etienne de Scorbiac, présenté par MM. de Bellefon et le chanoine Pottier, et M. l'abbé Mathieu de Reyniès, présenté par MM. le chanoine .Pottier et Bès de Berc.
La séance est levée à 10 heures 1/2.
Le Secrétaire,
AUGUSTE BUSCON.
1893. 22.
324 PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES.
Séance du 4 juillet 1893.
Présidence de M. le chanoine POTTIER.
Présents : MM. le chanoine Pottier, président ; Anglade, général de Boysson, chanoine Calhiat, Claverie, Guirondet, Pons, capitaine Poussy, abbé de Reyniès, chanoine Soulié.
M. Lavitry remplit les fonctions de secrétaire.
Correspondance : M. le Président lit des lettres de MM. Etienne de Scorbiac et abbé Mathieu de Reyniès, accusant réception de leur nomination, et remerciant la Société.
M. le Président est heureux de souhaiter la bienvenue à M. l'abbé de Reyniés ; il fera revivre parmi nous le souvenir précieux et le nom honoré de son père, le marquis de Reyniès, qui fut l'un des membres estimés de notre Compagnie. Notre nouveau confrère a bien voulu communiquer les Coutumes de Reyniès, dont copie a été prise pour les archives.
La Société de topographie, par l'organe de son Président, demande une souscription pour le monument qui doit être élevé à la mémoire de Cassini de Thury ; la Société regrette vivement que ses ressources ne lui permettent pas de répondre d'une façon effective.
La Société française d'archéologie va faire une excursion dans le sud de l'Angleterre, dont le programme, plein d'attrait, est communiqué.
M. le baron de Lassus a eu besoin de renseignements sur l'intendant Le Gendre, pour des études spéciales entreprises sur la Guerre de Succession dans la partie des frontières pyrénéennes qui touchent au pays de Comminges. Il a échangé des lettres avec le Président pour savoir ce que possèdent les archives départementales, et il fournit à cette occasion l'indication des sources où il a pu puiser: Archives historiques du ministère de la guerre, archives des affaires étrangères, fonds conservé dans sa maison, de 1690 à 1760, cinq subdélégués de l'intendance de Montauban, et à partir
PROCÈS-VERBAUX DÈS SÉANCES. 325
de 1717 de l'intendance d'Auch et Béarn, s'étant succédé dans sa famille.
Lettre de M. Couget, vice-président de la Société des Etudes de Comminges, envoyant le programme d'une excursion de la Société dans le pays commingeois.
Mgr Barbier de Montault signale de très belles crosses en émaux de Limoges à l'Exposition archéologique d'Angoulème.
M. Momméja a pu, au mois d'avril dernier, en compagnie de M. l'abbé Laborie, dans le Frau du Bretou (Montricoux), constater, soit directement, soit par le témoignage de gens du pays, l'existence de cinq dolmens.
M. Albert Soubies, dont l'Almanach des spectacles vient de recevoir un prix de 500 francs de l'Académie française, a eu la généreuse pensée d'en offrir le cinquième à notre Société, après avoir réservé la grosse part pour les pauvres. De chaleureux remerciements sont votés à notre confrère, coutumier des couronnes de l'Institut.
M. Frayssinet, agent-voyer du canton de Montaigu, envoie un plan et une coupe du château de Coyssel. Une médaille de bronze lui est votée.
M. le baron A. de Ruble veut bien offrir de compléter autant qu'il lui sera possible la collection de ses oeuvres.
Livres offerts : de M. de Carsalade Du Pont : Le baron de Castelbajac ; de M. Cartaillac : Bibliographie de l'Aveyron; de Mgr Barbier de Montault : Tome VIII de ses oeuvres complètes.
Remerciements aux donateurs.
La Société archéologique du Périgord vient de perdre son Président, M. Hardy. Il avait correspondu avec notre Compagnie à l'occasion de la visite à Biron. Des compliments de condoléances seront adressés.
Lettre de M. le Ministre de l'instruction publique annonçant le Congrès des Sociétés savantes, et dont le programme est envoyé pour 1894. Les communications devront être adressées avant le 1er février.
M. Garrigues, héritier de M. Taupiac, a fait don d'un certain nombre de documents manuscrits, parmi lesquels on remarque la somme des biens possédés par les gens de mainmorte, en 1723, et les cahiers des bénéficiers du diocèse de Montauban, rédigés en 1791.
326 PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES.
M. Guirondet lit quelques notes sur les Pechrodil; il redresse le prénom d'Alphonse attribué au dernier seigneur de ce nom par M. Dumas de Rauly ; le prénom est Victor.
M. le chanoine Calhiat communique une étude sur les deuils domestiques à Montricoux. (Voir le Bulletin précédent.)
M. le Président étudie le costume des paysans de Gascogne d'après des testaments et des inventaires du commencement du XVIIIe siècle.
Voici quelques citations :
4720. Inventaire de Dumayne, laboureur de Faudoas.
Effets de sa veuve.
Un coffre en ladite salle qui ont dit estre coffre nuptial de ladite Damier, et y avoir dedans un garniment d'an de toille blanche. — Cinq chemises.
Deux toilles de teste, toille de maison, neufves.
Plus deux de toille de marchant.
Plus trois collets, toille de marchant, uzés.
Plus quatre coiffures, toille marchant.
Plus cinq coiffures, toille de maison.
Une nape en ouvrage, neufve.
Un mouchoir de toille fine.
Un habit de raze minime, avec un cotillon.
Antre cotillon de raze bleu.
Une brassière de couton.
Un cotillon de toille blanche.
Un entablier de toille.
Une brassière de cadis et un cotillon de raze.
Une empanière de paille.
Dans une caisse usée, fermé à clef:
Un habit de raze noire demi uzé.
Autre habit minime avec deux cotillons minimes.
Autre cotillon de cadis avec un courna de raze.
Autre cotillon de raze verte.
Un habit de toille blanche.
Quatre coiffures, toille de marchant.
Douze coiffures, toille de maison.
Onze chemises à l'usage de femme.
PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES. 327
Vêtements de feu Dumayne, dans une caisse de chêne de longueur de sept pans :
Un juste-corps et veste de cadis.
Une chemisette de sargue.
Autre juste-corps vieux, de cadis.
Une culotte de cadis.
Une culotte de cadis.
Une paire bas de laine.
Un chapeau.
Deux paires souliers.
Sept chemises uzées, une autre neul've à coudre.
Sur un autre inventaire de 1725 figure en plus :
Une vieille cape.
La séance est levée à 10 heures 1/2.
Le Secrétaire par intérim,
LAVITRY.
Nos confrères nous en voudraient si nous omettions de consigner dans le Bulletin un incident heureux, qui a été accueilli par tous les membres de la Société avec une joie sans mélange. Nous voulons parler de cette séance mémorable, du 15 juillet, dans laquelle nous fêtions — chez notre Président — la décoration du vénéré chanoine Limayrac, curé de Saint-Jacques.
Avec quel sentiment unanime de vénération affectueuse nous nous associâmes aux paroles si cordiales, si touchantes, par lesquelles M. le Président se faisait notre éloquent interprète :
« MONSIEUR LE CHANOINE, HONORÉ CONFRÈRE,
« Pendant un demi-siècle de vie sacerdotale vous avez amassé sur votre tète sympathie et respect.
« Bien des fois la preuve vous en a été fournie ; un jour elle devait éclater, avouez-le: cela s'est fait le 18 juin dernier d'une façon incomparable.
328 PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES.
« Cet éclat, toutefois, n'a pu surprendre que vous; il témoignait si bien des sentiments de vos amis, c'est-à-dire de tous.
« Ce fut un torrent d'enthousiasme, sinon dévastateur, du moins irrésistible.
« Irrésistible, comment eût-il pu ne pas l'être? il roulait dans ses flots : reconnaissance et affection, inspirées par la douceur et l'indulgence, l'abnégation et la charité : une digue, en pareil cas, est-elle possible, quand pour la former il n'y a que des obligés ou des admirateurs ?
« Quoi, d'ailleurs, de plus rayonnant, de mieux fait pour attirer que la bonté devenue la charité?
« Il fut beau de voir, un dimanche matin, la Cité en fête, et insuffisante pour les fidèles la vieille église de Saint-Jacques, nuptialement parée; nos annales le rediront avec fierté.
« En ce moment je ne prétends pas écrire la page d'hier, simplement tracer quelques lignes sur la page d'aujourd'hui.
« Aujourd'hui, Messieurs, l'État s'est dit, à la demande des premières autorités départementales, à la voix dominante du peuple : il convient d'honorer cet homme de bien, ce prêtre vénérable, cette intelligence élevée.
« Au surplus, il est de race, sa génération a été représentée par six Limayrac, fils d'une ancienne famille du Quercy ; cinq appartenaient déjà à l'ordre de la Légion-d'honneur, le sixième, homme d'Église, prendra rang comme chevalier parmi des frères, soldats ou lettrés, et un cousin érudit ; ce dernier fut également des nôtres, Messieurs, il vous en souvient.
« Monsieur le Curé, vos confrères de la Société archéologique ont assisté émus à vos Noces d'or ; ils sont reconnaissants au Pontife qui était là, à l'orateur qui vous a loué avec une parfaite délicatesse ; ils ont pris part aux manifestations de la foule ; ils applaudissent ce soir à la distinction qui vous vient.
« C'est un honneur et une joie pour moi de vous le dire en leur nom.
« Vous êtes un des ouvriers de la première heure dans le champ confié au zèle de notre Compagnie, et si les travaux de votre ministère vous ont empêché de creuser, autant que nous l'eussions voulu, le sillon académique, nul n'ignora jamais parmi nous ce qu'est votre parole vive, alerte, cultivée comme votre esprit, généreux comme votre coeur.
PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES. 329.
« Nous saluons tout cela, nous nous inclinons avec respect et affection devant le prêtre, l'ami, le confrère, le chevalier de la Légion-d'honneur. »
Le nouveau chevalier répondit avec son coeur de prêtre et d'apôtre, avec sa bonté douce, son affabilité si simple ; et ces quelques mots d'une âme heureuse de se sentir unaninement aimée, firent briller plus d'une larme au coin de nos paupières.
Deux généraux étaient-là pour lui donner l'accolade : le général Vincendon, commandant la 33e division, et le général de Boysson, commandant la brigade de cavalerie. Tous deux furent heureux de témoigner au vénéré chanoine leurs sentiments affectueux et cordiaux.
Notre poète attitré, le chanoine Calhiat, célébra en des vers pleins d'émotion « cet heureux jour, » et des applaudissements unanimes soulignèrent les délicates pensées de ce petit poème du coeur.
Cette réunion laissera de doux souvenirs à tous ceux qui y ont assisté. Éd. FORESTIÉ.
330 PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES.
Séance du 5 août 1893.
Présidence de M. le chanoine POTTIER..
Présents : MM. le chanoine Pottier, président ; de Mila de Cabarieu, vice-président; Edouard Forestié, secrétaire général; de Bellefon, de La Bernardie, chanoine Calhiat, Dumas de Rauly, commandant Duchaussoy, Paul Fontanié, de Fontenilles, Lavitry, chanoine Fourment, Pons, Rey-Lescure, docteur Tachard ; Buscon, secrétaire.
Le procès-verbal de la dernière séance est lu et adopté.
Avant de passer à l'ordre du jour, M. le Président rappelle avec quelle vive satisfaction la Société a appris la nomination comme chevalier de la Légion d'honneur de M. le chanoine Limayrac. Il a été heureux de constater avec quel empressement ses confrères se sont groupés autour du nouveau chevalier lorsque la croix lui a été remise.
Le même honneur a été accordé à M. La Borde, ancien président du Tribunal civil, membre de la Société, aujourd'hui chef de cabinet du Ministre de la justice. Des félicitations lui seront adressées, ainsi qu'à M. le général de Ganay.
M. de Sévérac, nommé membre du Conseil général pour le canton de Nègrepelisse, saura, dans le Conseil départemental, se faire le défeuseur des intérêts archéologiques.
A plusieurs reprises M. Eugène Soubies a bien voulu engager notre Compagnie à se rendre à Beaumont-de-Lomagne, où il serait heureux de la recevoir. Cet agréable projet pourra recevoir sa réalisation à la fin du mois. Au mois de septembre la Société fera ses « Manoeuvres d'automne » dans le Périgord noir. Le programme sera adressé prochainement, arrêté de concert avec le général de Boysson.
Un voyage en Belgique et sur les bords du Rhin est à l'étude ; il se ferait pendant les vacances de 1894.
Lettre du Ministère de l'instruction publique annonçant l'envoi des procès-verbaux des réunions du Comité historique des monuments antérieurs à 1848.
PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES. 331
Demande d'échange de diverses publications.
M. Rumeau, directeur de l'école Saint-Sylve, à Toulouse, membre correspondant, offre l'Inventaire des archives de Grenade-surGaronne, publié par lui. M. Dumas de Rauly en rendra compte à la prochaine séance.
Divers documents manuscrits sont offerts à la Société par M. le chanoine Pottier, parmi lesquels : Création par l'Assemblée nationale d'un quatrième poste de juge de paix à Montauban en 1791, pièce originale signée Petion, Rolland, Charles Cochon, etc., datée du 12 mars. Lettres testimoniales des études théologiques faites à Paris de 1779 à 1783 par Jean Chaudruc de Trélissac, mort évêque de Montauban. Notice historique sur la bibliothèque de la Faculté de théologie protestante, par M. Ducos, bibliothécaire.
M. le chanoine Soulié, d'après la Revue des langues romanes, rend compte, avec une rare érudition, d'un voyage fait en France par le Tasse, en 1571. Le grand poète italien se trouvait dans la suite du cardinal d'Esté.
M. de Fontenilles passe en revue les articles publiés par les religieux bénédictins de Maredsom, dans leur Revue. — On est heureux de voir les travaux de leurs devanciers repris avec une aussi grandeur vigueur par la nouvelle colonie des moines établis en Belgique. La publication qui leur sert d'organe offre le plus grand intérêt.
M. Edouard Forestié, au nom de M. Goulard, notaire à Puylaroque, décrit un sceau découvert par ce dernier: S. IOHAN MONLAVR, dans le champ une montagne à trois coupeaux surmontée d'un laurier, et accosté de deux forces ou ciseaux d'un tondeur de draps, fonction du propriétaire du sceau.
M. le chanoine Calhiat soulève une discussion à propos de la réforme de l'orthographe. M. de Mila de Cabarieu communique à ce sujet le fruit d'études faites récemment par lui. La majorité des membres présents sont pour le maintien de l'orthographe actuelle.
M. le Président annonce que les statues en terre cuite du parc Belvèze, attribuées à Ingres père, enlevées en partie, vont malheureusement être mises en vente.
La séance est levée à 10 heures 1/2.
Le Secrétaire, AUGUSTE BUSCON.
332 PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES.
Séance du 8 novembre 1893.
Présidence de M. le chanoine POTTIER.
Présents : MM. le chanoine Pottier, président; Edouard Forestié, secrétaire-général ; Bès de Berc, général de Boysson, Paul de Fontenilles, Bouïc, commandant Duchaussoy, abbé de Reyniès, capitaine de Villaret, Maurou, de Bellefon, chanoine Calhiat, de La Bernardie, chanoine Soulié, docteur Tachard, capitaine Poussy, Lavitry, Carrieu, Dumas de Rauly, Claverie, Forestié père, Bouïs, Anglade, lieutenant de La Besse; A. Buscon, secrétaire.
Le procès-verbal de la dernière séance est lu et adopté.
M. le capitaine Poussy annonce que la porte de la maison Séguy, qui vient de changer de propriétaire, sera conservée ; la peinture du XVIIIe siècle qu'elle porte sera cédée au Musée.
M. le président Pottier exprime, au retour des vacances, ses souhaits de bienvenue aux membres présents. Il rappelle que l'excursion d'automne, en Périgord, a été réussie de tous points, grâce à l'obligeance, à l'activité, au zèle d'organisation de MM. le général de Boysson et de ses frères, MM. Jean et Richard. Des souvenirs et des remerciements sont également donnés à MM. de Tarde, colonel Des Hautschamps, baron de Verneilh, marquis de Malleville, de Rouméjous, comte de Gérard, baron de La Tombelle, qui nous ont aimablement et savamment reçus.
MM. le baron de Rivières, commandant Roques, Mila de Cabarieu, Paul Fontanié s'excusent par lettres de ne pouvoir assister à la réunion.
M. le baron de Ruble fait hommage des ouvrages qui manquaient à la collection des archives : Traité de Cateau-Cambraisis, Mémoires inédits de Michel de la Huguerie, Le colloque de Poissy, Les Commentaires de Montluc, François de Montmorency.
M. le chanoine Pottier annonce la mort de M. Adolphe Magen, savant agenais d'un grand mérite et aimable confrère, qui envoyait à la Société toutes ses publications, et avait pris part à deux de
PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES. 333
nos excursions ; c'est une grande perte pour les lettres et les sciences.
MM. les commandants Quévillon et Fournier ont été promus lieutenant-colonels ; la Société, par l'organe de son Président, se réjouit de leurs nominations et leur adresse ses félicitations.
M. Bès de Berc demande à la Société d'organiser une excursion en Auvergne pour visiter Riom, Clermont et Aurillac. Son fils, M. Emmanuel de Berc, membre correspondant, qui habite Clermont, serait heureux de recevoir ses confrères, et de leur faire les honneurs de son pays. Cette attrayante invitation est acceptée eu principe et reconnaissance vis-à-vis de M. E. Bès de Berc.
M. le chanoine Pottier signale les fouilles exécutées à SaintPierre de Dalmayrac, près Lauzerte, sous la direction de M. le curé Cibers, pour retrouver le tombeau d'un évêque enseveli dans l'église de cette localité, et dont la statue sépulcrale est encore visible. M. le Président qui possédait un estampage fait par M. le chanoine Calhiat, il y a 30 ans, l'a dessinée depuis et a relevé l'inscription.
M. l'abbé Galabert, curé d'Aucamville, envoie une note sur un compétiteur de Roger de Faydit, évêque de Montauban.
M. Robert Latreille adresse à la Société une étude sur LapeyrouseBénas, dont il est lu une partie. Cette étude sera publiée.
M. l'abbé Taillefer envoie une note sur un accord intervenu entre les consuls de Sauveterre et les seigneurs des environs en 1289. Le texte accompagne cette communication.
On a trouvé près Monclar quatre écus de 6 livres de Louis XV et Louis XVI très bien conservés, et qui sont déposés sur le bureau.
Le dernier volume des Actes de l'Académie de Bordeaux contient un aimable compte-rendu des Noces d'argent de notre Société, par M. l'abbé Ferrand, délégué de l'Académie.
Plusieurs volumes ont été offerts à la Société :
Bayreuth, par le comte L. de Gironde; Les Lamouroux, étude sur une famille agenaise, par M. Ph. Lauzun; Toast porté à la Société- archéologique dans son voyage à Paris, par M. Albert Soubies; Un atelier périgourdin pour les fers à hostie, par Mgr Barbier de Montault ; Les reclus de Toulouse sous la Terreur, renfermant des détails sur plusieurs familles montalbanaises, par le baron de Bouglon ; Histoire du 10e dragons, par M. le lieutenant d'Ollone.
334 PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES.
M. le chanoine Soulié rend compte d'une étude sur Meissonnier, par M. Larroumet, dans laquelle se trouvent des appréciations sur Ingres et les dessins renfermés dans le Musée de Montauban.
M. Bouïc rend compte d'un nouveau volume de notre confrère, M. A. Soubies : Précis de l'histoire de la musique russe.
M. le capitaine de Villaret, dans la Revue de l'association pyrénéenne, signale un travail de M. de Malafosse sur le voyage de Goldnitz en France, et son passage à Montauban.
MM. Forestié père et abbé Galabert envoient une étude sur les prélats originaires de Tarn-et-Garonne, qui sera insérée au Bulletin.
M. de Bellefon, au nom de la section de photographie, rend compte de l'excursion du Périgord, des travaux exécutés et des difficultés heureusement surmontées.
M. le Président Pottier a acheté à Moissac une collection de photographies des chapiteaux du cloître, faites par M. Noulet, qu'il dépose dans les archives de la Société.
L'album des monuments de l'art ancien du Midi de la France a paru : le premier fascicule est aussi attrayant par le fond que par la forme ; le second fascicule contiendra une étude sur Moissac, due à la plume de notre Président.
M. l'abbé Galabert a rendu aux archives plusieurs dossiers, cotés et analysés par lui, et l'inventaire complet des archives de Fenayrols. Des remerciements sont votés à notre savant confrère.
M. le docteur Tachard signale les premiers statuts des chirurgiens de Paris, publiés par la Société de chirurgie et médecine de cette ville en 1379.
Il lit quelques articles de ces ordonnances et statues de la confrairie Saint-Côme et Saint-Damien, et attire l'attention sur les suivants :
I.
« Ils ordonnèrent, affirmèrent et jurèrent sur les sainctes parolles de Dieu devant l'offlcial de Paris, qui pour ce temps vivait, a tenir bien et loyaument et justement a tousiours, mais sans faillir les ordonnances qui s'ensuivent. »
Dans les additions faites en l'an 1471, on trouve au paragraphe
XXXVII. « Item, de rechef ordonnèrent lesditz maistres, pour les diffi-
PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES. 335
cultez qui sont survenues touchant l'article faisant mention du voyaige de Luzarches, que ung chacun maistre qui sera défaillant daller audit voyaige de Luzaréhes, il paiera pour le deffault la somme de 12 sols parisis. Nonobstant que la femme dudict maistre défaillant y soise, elle paiera autant comme ung des maistres, et ne sera ledict maistre, son mary, défaillant en quelque manière excuse qu'il ne paie ladicte somme de 12 sois parisis. Et se aucun desdits maistres mayne sa femme seulement avec luy, ledict maistre et sa femme ne paieront que pour une teste. Faict l'an dessusdit par les maistres qui sont de présents, c'est assavoir Denis Oudault, etc., le jour du retour de Luzarches, après les comptes fais et paraphés. (A. 19.) »
La conclusion à tirer de cette communication pour notre Compagnie, c'est le devoir d'exiger le dépôt fait à l'avance d'une certaine somme pour les membres qui se proposent de participer aux excursions. Ce sera remédier à des inconvénients qui se sont plusieurs fois présentés dans nos voyages.
Il est donné lecture du rapport de M. Carrère de Maynard sur les deux premières journées de l'excursion de Périgord : Souillac, Paluel, Fénelon, Sarlat, Commarque et le Roc Saint-Christophe.
Sont élus membres titulaires :
M. le général Lacoste de Lisle, présenté par MM. le chanoine Pottier et général de Boysson.
M. Georges Dubois-Godin, présenté par MM. de Cabarieu et Prax.
M. Emile Tayac, présenté par MM. l'abbé Quilhot et Edouard Forestié.
M. Léo Boistel, présenté par MM. Lapierre et chanoine Calhiat.
M. E. de Monbrison, présenté par MM. de Fontenilles et chanoine Pottier.
M. de Marigny, présenté par MM. le chanoine Pottier et Edouard Forestié.
Sont ensuite nommés membres correspondants : MM. Jean et Richard de Boysson, de Rouméjoux, de Tarde, comte de Naurois.
Le comte de Marsy, directeur de la Société française d'archéologie, est élu membre honoraire.
M. Edouard Forestié lit une étude sur quatre sceaux de sa collection : Sceaux de marchands et du prieur de Villemade. Ce travail sera inséré au Bulletin.
M. Edouard Forestié demande que Mgr l'Évêque de Montauban
336 PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES.
veuille bien recommander aux prêtres de son diocèse de rechercher, dans les registres paroissiaux, les faits importants qui s'y trouvent relatés, afin d'être signalés et publiés le cas échéant.
M. le chanoine Pottier lit une lettre de M. Berchon, secrétairegénéral de la Société archéologique de Bordeaux, qui rassemble des notes historiques et iconographiques sur Clément V (Bertrand de Goth).
M. le Secrétaire-général prend la parole pour formuler un voeu, au nom de tous ses confrères, qui désirent vivement que M. le chanoine Pottier, en des causeries ou des conférences, leur fasse un cours archéologique.
M. le Président accepte en principe cette proposition, qui lui permettra de retrouver plus souvent ses confrères et d'étendre ainsi la vie familiale de notre Société. La première réunion est fixée au dernier mercredi de novembre. Il ajoute que ce qu'il compte faire l'a été déjà par plusieurs de nos confrères, qui ont fait connaître à notre Compagnie le résultat de remarquables études. Il compte qu'il en sera de même à l'avenir. De la sorte, l'enseignemene pourra être confraternellement donné ou reçu par chacun.
La séance est levée à 10 heures 1/2.
Le Secrétaire,
AUGUSTE BUSCON.
PLANCHES.
HORS TEXTE.
Peges,
1.2. — Los marbres d'Égine 15, 22
3. — Plaques de cheminées du Musée de Montauban 32
4. — Plaque du château de Rivières 35
5. — Le Parement d'autel de l'évêché de Montauban 81
6. — Les Sarcophages chrétiens de Perges 112
7. — Saint Roch . 233
8. — Une Matrice de plaque de cheminée au XVIIe siècle. 280
Table par ordre des Matières.
Pages.
Liste des Membres de la Société 5
Quelques mots sur la statuaire grecque à propos des marbres
d'Égine, par le comte Léopold de Gironde 15
Les Plaques de foyer (Suite et fin). — Lecture faite à la
Société archéologique le 2 novembre 1892, par M. le baron
de Rivières 31
Les monuments du berceau et de la tombe de Saint-Exupère
d'Arreau en Comminges, par M. l'abbé E.-J. Bacalerie... 43 Le Bureau des Trésoriers de France (1635-1790), par M. de
Mila de Cabarieu (Suite) 52
Bibliographie 71
Chronique .. 74
Procès-verbaux des séances de décembre 1892 et janvier
1893 75
Le Parement d'autel de l'évèché de Montauban, par Mgr X.
Barbier de Montault 81
Les Sarcophages chrétiens de Perges. — Lettre à M. de
Méric de Bellefon, membre de la Société archéologique,
par M. Jules Momméja 107
La Société archéologique de Tarn-et-Garonne au Congrès de
la Sorbonne en 1893. — Visite à Saint-Denis, Chartres
et Limoges 120
Une visite au château de Chantilly, par M. G. de Dubor... 137 Excursion photographique et archéologique du 2 mai 1893,
par M. J. Pouillot 144
Quelques mots sur Varen, Milhars et Pechroudil, par M. Ch.
Dumas de Rauly 153
Bibliographie. — Deux Livres de Raison de l'Agenais,
suivi d'extraits d'autres registres domestiques, de M.
Tamisey de Larroque, par M. Ch. Dumas de Rauly 163
TABLE PAR ORDRE DES MATIÈRES. 339
Pages.
Notes pour servir à l'histoire du département. — Deux lettres de Louis XIII au comte de Noailles, ambassadeur de France à Rome, par M. l'abbé Aubin Quilhot... 168
Procès-verbal de la séance de mars 1893 173
Jean de Corneille, de Rouen, docteur-médecin et professeur à Montauban. — Notes biographiques, par M. Em. Forestié Neveu 177
Nobiliaire du canton de Saint-Antonin, par M. L. Guirondet. 185
Etude sur les Deuils domestiques à Montricoux (Tarn-etGaronne), par M. le chanoine Henry Calhiat 205
Les Excursions d'avril de la Société archéologique de Tarnet-Garonne (Suite). — Une visite à l'église abbatiale de Saint-Denis, par M. Philippe Lauzun. — Une journée à Chartres, par M. le commandant Quévillon 212, 219
Notes pour servir à l'histoire du département. — Archives de la Société (Les d'Arnoux de Brossard), par M. le capitaine Poussy. — Ordonnance établissant les quartiers d'hiver du régiment de Saint-Luc, par M. l'abbé B. Taillefer. — Le Symantaire de l'église de SaintAnthoine, près Valence, par M. Ernest Moing, 231, 234, 238
Chronique. — Archéologie musicale, par M. A. Bouïc.... 242
Procès-verbaux des séances des mois de février, mars et mai 1893 245, 248, 258
Prélats originaires du Tarn-et-Garonne par MM. Émérand Forestié Neveu et l'abbé Galabert 253
Une Matrice de plaque de cheminée au XVIIe siècle, par Mgr X. Barbier de Montault 281
Notes pour servir à l'histoire du département. — Un compétiteur de Géraud Faydit, évêque de Montauban, par M. l'abbé Galabert. — Note sur la famille de Pechrodil, par M. L. Guirondet. — La tombe de Rouffio, capitaine huguenot, par M. Jules Momméja. — Une lettre des consuls de Toulouse à ceux de Nohic au sujet des canons qu'ils leur avaient prêtés, par M. Edouard Forestié 299
Guide archéologique de l'excursion en Périgord et en Quercy du 25 au 30 septembre 1893, par M. le chanoine Pottier.. 309 1893. 23.
340 TABLE PAR ORDRE DES MATIÈRES.
Pages»
Procès-verbaux des séances des mois de juin, juillet, août
et novembre 1893 321, 324, 330, 332
Planches hors texte contenues dans le volume 337
Table par ordre des Matières 338
Table par ordre Alphabétique 341
Table par ordre Alphabétique.
Pages.
Archéologie musicale, par M. A. Bouïc. 242
Archives de Grenade-sur-Garonne, par M. B. Rumeau 331
Arnoux de Brossard (Les d'), par M. le capitaine Poussy... 221
Arreau (Église d'), chef-lieu de la vallée d'Aure 44
Baderne (explication du mot), par M. de Fontenilles 323
Bibliographie. — Lettres de Peiresc aux frères Dupuy, par M. Tamisey de Larroque. — Documents sur l'ancienne abbaye de Loc-Dieu, par MM. Cibiel et Lempereur.
— Histoire universelle d'Agrippa d'Aubigné, par le baron A. de Ruble. — Les guerres de religion en Languedoc, par M. le chanoine Douais. — La justice à Agen pendant la Révolution, par M. Douarche. — Paul de Viau, capitaine huguenot, par M. Ch. Garrisson. — Le vêtement populaire, par M. le curé Ducruc.
— Vieux Noëls français et patois, par M. l'abbé Breuil.
— Mlle Cambefort et le roi de Navarre, par le baron A. de Ruble. — Le culte de saint Eutrope, par M. Louis Audiat. — Le Guillouné, étude sur le Noël populaire en Gascogne, par M. L. de Saint-Martin. — Documents inédits sur Hugues IV de Cardaillac, marié avec une nièce du pape Jean XXII, par M. Edouard Forestié. — Décharge des canons, armes et munitions de guerre du château de Foix en 1672, par M. le chanoine Pottier. — Sur la mandoline, poésies par M. Marcel Sérizolles (Semeziès). — Volontaire, roman historique, par Mme Jane Dieulafoy. — Louise Traversa, la mère Thouret, le petit Manuel des Pèlerins
a Notre-Dame de Lourdes, par M. le chanoine Calhiat. 71
Blagnac (Église de) et ses peintures à fresque 47
Brochures et livres offerts à la Société. — Sources hist. du Moyen-Age, par M. le chanoine U. Chevallier. — OEuvres de Dom Piolin, moine de Solesmes. — Quelques cloches de l'Albigeois, par le baron de Rivières. — Notice sur le général Séatelli, par M. le commandant Forel. —
342 TABLE PAR ORDRE ALPHABÉTIQUE.
Pages.
Deux livres de Raison de l'Agenais, par M. Tamisey de Larroque. — 47 ans à l'Opéra, par M. Albert Soubies.. 175 Le baron de Castelbajac, par M. de Carsalade du Pont. — Bibliographie de l'Aveyron, par Mgr Barbier de
Montault 325
Divers ouvrages du baron de Ruble, 332. — Beyruth, par le comte de Gironde. — Les Amouroux, famille agenaise, par M. Ph. de Lauzun. — Toast à la Société archéologique, par M. Albert Soubies. — Un atelier périgourdin pour les fers à hosties, par Mgr Barbier do Montault. — Les Reclus de Toulouse pendant la Terreur, par le baron de Bouglon. — Histoire du
11e dragons, par M. le lieutenant d'Olonne 333
Boucle de soulier, gravée à Montauban, par Gallian 79
Bureau des Trésoriers de France de Montauban (1635-1790)
(Suite), par M. de Mila de Cabarieu 52
Cadran solaire à Lisle-en Jourdain 80
Caractères de l'architecture romane dans une partie du Tarnet-Garonne 132
Causeries ou Conférences archéologiques demandées à M. le
chanoine Pottier 336
Cavalier Lunel, de Montech, troubadour, signalé par M. Éd.
Forestié 127
Caylus (le capitaine châtelain de la ville de) 69
Chantilly (Visite au château de) 137
Chapiteaux du cloître de Moissac (Photographies des), collection faite par M. Noulet, achetée par la Société 334
Chartes de Coutumes de Montaguac, près Mauvezin (1260),
communication à la Sorbonne par M. Edouard Forestié.. 121 Chartes de Coutumes connues dans le Tarn-et-Garonne, communication à la Sorbonne par M. le chanoine Pottier. 122, 245 Chartres (Une journée à), par M. le commandant Quévillon. 219 Chronique. — M. Louis Cabanes, sculpteur. — M. Delpérié, statuaire. — M. Louis Oury, élève à l'école des BeauxArts. — M. Charles de Mazade, de l'Académie française.
Réparations de l'église Saint-Pierre de Moissac 74
Clément V (Bertrand de Goth). — Recherches historiques
sur ce pape, par M. Berchon 336
Comité historique des monuments antérieurs à 1818....... 330
TABLE PAR ORDRE ALPHABÉTIQUE. 343
Pages.
Commission de photographie 246, 334
Comptes et registres de la famille Lacombe, notaires, à Caussade, par M. Boscus. 323
Congrès de la Sorbonne en 1894. — Circulaire ministérielle. 325
Conseil général. — Nomination de M. de Sévérac 330
Constantin (Robert), célèbre helléniste, professeur au collège
et à l'Académie de Montauban (1571-1605) 182
Conventions entre le capitaine châtelain de Lourdes avec Jean II d'Armagnac, communication de M. Edouard
Forestié à la Sorbonne 123
Corneille (Jean de), de Rouen, docteur-médecin et professeur à Montauban, au XVIe siècle. — Notes biographiques, par M. Ém. Forestié Neveu 124, 177
Corneille (Guillaume), consul à Montauban au XVIe siècle, et
généalogie de Pierre de Corneille 181
Costume des paysans de Gascogne au XVIIIe siècle, d'après les testaments et les inventaires. — Étude par M. le président Pottier. — Inventaire de Dumayne, de Faudoas 326
Coutumes de Reyniès (copie des), donnée à la Société par
M. l'abbé de Reyniès 324
Crosses épiscopales avec émaux de Limoges 325
Culte des roches et des fontaines, communication à la Sorbonne par M. le chanoine Calhiat 131
Dalvin, Dolvin ou Tolvin (Pierre), élu évêque de Montauban par le Chapitre le 25 mars 1424 , 299
Décoration de M. le chanoine Limayrac. — Allocution du
Président de la Société 327
Découverte de deniers et oboles de Centulle, comte de Béarn,
à Coste-Vieille, près Moissac, et prise de cette ville 76
Diocèse de Montauban en 1317 et en 1808 (Modifications du). 254
Documents offerts par M, le docteur Boé 322
Documents manuscrits donnés par M. le chanoine Pottier.. 331 Documents manuscrits offerts par M. Louis Garrigues, héritier
héritier M. Louis Taupiac 325
Dolmens signalés dans le Frau de Bretou (Montricoux) 325
Don à la Société par M. Albert Soubies du cinquième du prix de 500 francs que lui a décerné l'Académie française,
pour,son Almanach des spectacles. 304
Durand, abbé de Moissac (Article sur), par M. Ernest Rupin. 246 1893. 23*.
344 TABLE PAR ORDRE ALPHABÉTIQUE.
Pages.
Églises a coupoles et à deux nefs ; communication de M. le
chanoine Pottier 128
Élections de membres de la Société archéologique :
MM. de Casabon, Gaston Dubois-Godin, Dardenne, trésorier général. 77
MM. Paul Bosc, Xavier de Cardaillac, Alfred Jeanroy, le commandant Puig, le docteur Tachard, le président
La Borde, Maurice Vène 80
MM. Cammas, le lieutenant de La Besse 176
MM. le commandant Duchaussoy, le chanoine Morette,
le président Bès de Berc 244
MM. Élie de Vesins, l'abbé Stoumpff. 272
MM. Etienne de Scorbiac, l'abbé de Reyniès. ....... 323
MM. le général Lacoste de Lisle, Georges Dubois-Godin, Emile Tayac, Léo Boistel, E. de Monbrison, J. de
Marigny 335
MM. Jean et Richard de Boysson, de Rouméjoux, de Tarde, vicomte de Naurois, correspondants......... 355
Le comte de Marsy, honoraire 335
Éloges du général Séatelli et de l'intendant d'Amade, par
M. le chanoine Pottier 76
Épernon (22 huguenots de Caussade tués par le capitaine d'). 303 Étude sur les Deuils domestiques à Montricoux (Tarn-etGaronne), par M. le chanoine Henry Calhiat 205
Étude sur Meissonnier, contenant des notes sur Ingres et ses dessins conservés au Musée de Montauban, par M. Larroumet ; compte-rendu par M. le chanoine Soulié.......... 333
Excursions d'avril de la Société archéologique de Tarn-etet-Garonne (Suite). — Une visite à l'église abbatiale de Saint-Denis, par M. Philippe Lauzun. — Une journée à
Chartres, par M. le commandant Quévillon 212, 219
Excursion de la Société en Périgord. — Rapport sur les deux premières journées, par M. Carrère de Maynard. 332, 335
Excursion en Auvergne proposée par M. Bès de Berc 333
Excursion de la Société française d'archéologie dans le sud
de l'Angleterre 324
Excursion de la Société des Études de Comminges . 325
Excursion photographique et archéologique du 2 mai 1893, par M. J. Pouillot — Travaux exécutés (Compte-rendu
TABLE PAR ORDRE ALPHABÉTIQUE 345
Pages.
par M. de Bellefon . 144, 334
Éxupère (église de Saint-) à Arreau en Comminges 43
Faydit (Géraud), nommé évêque de Montauban 299, 333
Fenayrols (Documents sur), donnés par Mlle Rous 248
Fouilles à Saint-Pierre de Dalmayrac, près Lauzerte, pour
rechercher la tambe d'un évêque 333
Guerre (La) à la fin du XIVe siècle dans le pays de Verdun,
communication de M. l'abbé Galabert ..... 122
Guide archéologique de l'excursion en Périgord et en Quercy, du 25 au 30 septembre 1893 : (Souillac, 311; château de Fénelon, 312 ; Sarlat, 313; La Roque-Gageac, 317; Cadouin,
319 ; Cahors, 320) 303
Inventaire du château de Montbeton et vie privée au XIVe siècle, d'après les archives et les registres des notaires,
communication de M. Edouard Forestié 130
Joyeuse, noyé dans le Tarn, à Villemur 387
Lapeyrouse-Bénac (Étude sur), par M. Robert Latreilhe 333
La Valette-Cornusson (Les) et les La Valette-Pojade. 185, 198 Le Duc de Toscane, architecte célèbre du Poitou. ... ..... 294
Le Gendre, intendant de la Généralité de Montauban (Communication sur), par le baron de Lassns 324
Légion d'honneur : Nomination de MM. le chanoine Limayrac, le président La Borde et le général de Ganay 330
Lettre des consuls de Toulouse réclamant les canons et les
munitions prêtés aux consuls de Nohic 307
Liste des Membres de la Société 5
Limoges (Visite au Musée de céramique de) 136
Livres (Deux) de Raison de l'Agenais, suivis d'extraits d'autres registres domestiques, de M. Tamisey de Larroque,
par M. Ch. Dumas de Rauly 163
Magen (Adolphe), correspondant, d'Agen. — Son décès.... 332 Manoeuvre d'automne dans le Périgord noir (Projet de). ... 330 Matrice (Une) de plaque de cheminée au XVIIe siècle, par
Mgr Barbier de Montault. 281
Milhars (Quelques mots sur). 153
Monnaies romaines et gauloises trouvées à Vieille-Toulouse
et à Cazères 77
Monnaies romaines et gauloises trouvées à Soussis (Montaigu) 174
346 TABLE PAR ORDRE ALPHABÉTIQUE.
Pages.
Monnaies françaises du XIIIe siècle trouvées près Castelnaude-Montratier
Castelnaude-Montratier
Monnaies de Louis XV et de Louis XVI 333
Monographie de Verfeil-sur-Seye, par M. l'abbé Bouyssière. 323 Monographie de Dunes, par M. le curé Bouyssou et M. S.
Strowsky (Extrait relatif à Saint-Eutrope) 323
Monuments de l'Art ancien dans le Midi 334
Monuments du berceau et de la tombe de Saint-Exupère
d'Arreau en Comminges, par M. l'abbé E.-J. Bacalerie... 43 Musée du Louvre (Visite de la Société archéologique au), sous la direction de Mme et M. Dieulafoy pour les collections assyriennes, et du comte Paul Durieu, l'un des conservateurs, pour les salles de sculpture et de peinture. 134
Musée de Montauban : Plaque de foyer 32
Id. — Objets d'origine étrangère qui s'y trouvent, communication de M. le chanoine Pottier à la Sorbonne.. 132 Napoleoun à Mountalba, 1808. Poème manuscrit signé B. C. M., attribué à Baptiste Constans-Manas (ce poème est de
Bagel-Cal vet-Martignac) 79
Noalha (explication dn mot), signifiant paresse, donnée par
M. Jeanroy 77
Nobiliaire du canton de Saint-Antonin (Les La Valette-Cornusson
Valette-Cornusson les La Valette-Pojade), par M. L. Guirondet... 185 Notes pour servir à l'histoire du département :
Deux lettres de Louis XIII au comte de Noailles, ambassadeur de France à Rome, relatives à la coadjutorerie
de Mgr de Murviel, par M. l'abbé Aubin Quilhot 168
Les d'Arnoux de Brossard, par M. le capitaine Poussy. 231 Ordonnance établissant les quartiers d'hiver du régiment de Saint-Luc, par M. l'abbé B. Taillefer 234
Le Symautaire de l'église de Saint-Anthoine, près Valence, par M. Ernest Moing 238
Compétiteur (Un) de Gérard Faydit, évêque de Montauban, par M. l'abbé Galabert 299
Note sur la famille de Pechrodil, par M. L. Guirondet... 301 Tombe de Rouffio, capitaine huguenot, par M. J. Momméja 303 Une lettre des consuls de Toulouse à ceux de Nohic au sujet des canons qu'ils leur avaient prêtés, par M. Éd. Forestié 307
TABLE PAR ORDRE ALPHABÉTIQUE. 347
Pages.
Orfèvrerie (Objets d'), conservés dans les églises de Tarn-etGaronne, et mosaïques découvertes dans ce département, communication à la Sorbonne par M. le chanoine Pottier.. 125 Ornementation funèbre faite à Luzech le 4 février 1590.... 321
Orthographe française (Projet de réforme de l') 331
Parement (Le) d'autel de Pévêché de Montauban, par Mgr X.
Barbier de Montault 81.
Parizot (Alexandre de), peintre et dessinateur ; ses lettres ;
communication par M. Claverie 249
Pechrodil (Quelques mots sur), et note sur la famille. 153, 301
Peinture des statues grecques 17, 246
Peinture du XVIIIe siècle sur une porte de maison, rue du
Moustier 332
Peintures de l'église de Pervillac, communication de M. le
chanoine Pottier. 129
Photographie. — Découverte de M. Pons, permettant de
fixer les couleurs 321
Plan et coupe du château de Coyssel 325
Plat genre Palissy, provenant du château de Gailhouste. .. 322 Plaque matrice de cheminée au XVIIe siècle, par Mgr X.
Barbier de Montault 271
Plaques de foyer (Les) (Suite et fin). — Lecture faite a la
Société archéologique par M. le baron de Rivières 31
Plaque de foyer au Musée de Montauban 32
Plaque de foyer à la Coutrilhade, près Lexos. 249
Précis de l'histoire de la musique russe, par M. A. Soubies.. 334 Prélats originaires du Tarn-et-Garonne, par MM. Emérand Forestié neveu et l'abbé Galabert (1re partie) 253
Cardinaux.
Jean de Caraman 257
Bernard de Castanet 257
Raymond de Goth 258
Pierre Des Prez 259
Gaucelin de Jean 261
Bertrand de Montfavent 263
Arnaud de Pellegrue 264
Élie de Talleyrand-Périgord.. 205
Pierre Textoris 266
Renaud do Valette 267
Jean de La Valette-Parizot. 268
Archevêques et Évêques.
Saint-Amarand 270
Pons d'Antéjac 270
Rd d'Aspremond de Roquecor. 271
Aton 272
Raymond Aton 272
Géraud de Barasc 274
Pilfort de Belfort 276
Pierre de Bérald 276
Étienne-Jean-François Borderies 278
Pierre de Bruniquel 279
Promotion des commandants Quévillon et Fournier........ 333
348 TABLE PAR ORDRE ALPHABÉTIQUE.
Pages.
Procès-verbaux des séances
Quelques mots sur la statuaire grecque à propos des marbres
d'Egine, par le comte Léopold de Gironde 15
Quelques mots sur Varen, Milhars et Pechrodil, par M. Ch.
Dumas de Rauly 153
Rapport sar les travaux dé la Société pendant l'année 1892,
par M. Edouard Forestié 77
Réception des membres de la Société par MM. Albert Soubies, Henri Soubies, Paul Carrère de Maynard, Mme et M. Dieulafoy
Dieulafoy
Recherches géologiques sur les bords de l'ancien golfe du SudOuest, communication à la Sorbonne par M. Rey-Lescure. 132 Régiment de Saint-Luc (Quartiers d'hiver du), par M. l'abbé
Taillefer 234
Règles de fondeur, communication de M. le chanoine Pottier. 128 Registres paroissiaux. —Prière à Mgr l'Evêque de Montauban de recommander à MM. les Curés de rechercher dans
ces registres les faits intéressants 335
Renouvellement du Bureau de la Société 77
Revue des Bénédictins de Maredson (Belgique) ; travaux de
ces religieux, par M. de Fontenilles 331
Revue des traditions populaires ... 323
Rogations (La procession des) à Moissac, communication à
la Sorbonne par M. le chanoine Calhiat 121
Rosaire (Pratique du) ; Abrégé de cette dévotion, par l'abbé
Bellet, Montauban, 1754. « le plus parfait livre de ce genre. » 89 Rouffio (Le capitaine) pendant et après le siège de Montauban, 303
Saint-Affrique (Dépenses pour le siège de) 63
Saint-Denis (Visite à l'abbaye de), par M. Philippe Lauzun.... 212 Saint-Nicolas (Justice haute, basse et moyenne de) délaissée
au Roy 60, 62
Saint-Sever (Démolition des fortifications de) 58
Sainte-Foy (Peintures de l'église de) 251
Sarcophages chrétiens de Perges, commune de Montalzat,
par M. Jules Momméja. 107
Sauveterre (Accord du seigneur de) avec les seigneurs voisins 333 Sceau de Iohan de Monlaur, à M. Goulard, notaire de
Puylaroque. Description par M. Edouard Forestié 331
Sceaux gascons (Publication des) 79
TABLE PAR ORDRE ALPHABÉTIQUE. 349
Pages.
Sceaux de la collection Pottier, par M. Edouard Forestié.. 335 Société archéologique de Tarn-et-Garonae au Congrès de la-Sorbonne en 1893 (La). — Visite à Saint-Denis, Chartres
et Limoges 120
Société archéologique chez Mme et M. Albert Soubies 134
Statues du parc Belvèze, par Ingres père. —Mise en vente. 331 Statuts (Premiers) des chirurgiens de Paris, analysés par
M. le docteur Tachard 334
Substructions romaines à Saint-Michel-des-Lials (Monclar).. 248 Symantaire (Le) de l'église de Saint-Antoine, près Valence,
par M. Ernest Moing 238
Tombes des premiers siècles chrétiens à Castelnau-Montratier 176 Tombe du capitaine Rouffio et de 22 huguenots, près de
Monteils, par M. Jules Momméja 303
Trésoriers de France à Montauban (Le Bureau des)....... 52
Valada (Le major de) répare les fortifications de Caussade.. 307 Valette-Penot (Biographie de), peintre, par M. Momméja... 133
Varen (Quelques mots sur) 153
Vases trouvés à Uzès, connus sous le nom de Pegaux dans le Gard et de Proefericula dans nos contrées. — Discussion sur l'origine des vases de ce genre 322
Vie privée (La) dans le canton de Verdun au XVIe siècle, par
M. l'abbé Galabert 249
Visite au château de Chantilly, par M. G. de Dubor 137
Voyage de Goldnitz en France et son passage à Montauban ;
analyse par M. le capitaine de Villaret 334
Voyage du Tasse en France, en 1571, d'après la Revue des Langues romanes ; compte-rendu par M. le chanoine
Soulié 331
Voyage en Belgique et sur les bords du Rhin 330
Wagner, par M. Albert Soubies; compte-rendu par M. l'abbé Contensou 76
BULLETIN
ARCHÉOLOGIQUE
ET HISTORIQUE
DE
LA SOCIÉTÉ ARCHEOLOGIQUE
DE
TARN-ET-GARONNE
RECONNUE D'UTILITÉ PUBLIQUE LE 13 AOUT 1884.
TOME XXI. — ANNÉE 1893.
MONTAUBAN, IMP. ET LITH. FORESTIÉ, RUE DU VIEUX-PALAIS, 23.
1893.
SOMMAIRE.
N° du Premier Trimestre.
Pages. Liste des Membres de la Société 5
Quelques mots sur la statuaire grecque à propos des marbre d'Égine, par M. le comte Léopold DE GIRONDE. 15
Les Plaques de foyer (Suite et fin). —. Lecture faite à la Société archéologique le 2 novembre 1892, par M. le baron DE RIVIÈRES. . 31
Les Monuments du berceau et de la tombe de Saint Exupère d'Arreau en Comminges, par M. l'abbé E. -J. BACALERIE 43
Le Bureau des Trésoriers de France 1635-1790, par M. DE MILA DE GABARIEU 52
Bibliographie. 71
Chronique 74
Procès-verbaux des séances de décembre 1892, et janvier
1893 75
PLANCHES
Deux planches représentant un Poèle en fonte du XVIIe siècle appartenant à M. de France, doivent trouver leur place dans le 4e trimestre 1892.
1.-2. — Les marbres d'Égine.
3. — Plaques de cheminées du Musée de Montauban.
4. — Plaque du château de Rivières.
Les planches qui devaient accompagner l'article de M. Bacalerie seront données dans le prochain trimestre.
EXTRAIT DES STATUTS ET RÈGLEMENTS.
La Société se compose d'un nombre illimité de Membres honoraires, titulaires et correspondants.
Les Membres titulaires sont ceux qui ont un domicile dans le département ou l'ayant habité lors de leur nomination, désirent conserver ce titre. Ils paient une cotisation annuelle de 15 francs et un droit de diplôme de 5 francs. En échange ils reçoivent toutes les publications de la Société.
Les Membres correspondants sont tenus au même droit de diplôme; ils doivent être abonnés au Bulletin archéologique, et cela moyennant Y francs par an.
Pour être admis dans la Société il faut être présenté par deux Membres titulaires. Cette présentation est examinée par le Conseil d'administration, qui propose à la plus prochaine séance l'admission du Candidat. Il devra réunir les deux tiers des suffrages exprimés.
Toute présentation sera accompagnée d'une preuve par écrit donnant le consentement de la personne présentée.
Les réunions mensuelles ont lieu le premier mercredi de chaque mois, à 8 heures du soir, au siège de la Société, rue du Moustier, 59. Il n'y a point de séance en septembre ni en octobre.
La Société publie un Bulletin trimestriel : volume d'environ 400 pages, format grand in-8°, avec planches et gravures, dont l'abonnement, en dehors de ses Membres, est de 7 fr. 50.
AVIS.
Le présent fascicule commence le 21e volume du Bulletin. Cette publication paraît chaque trimestre d'une manière régulière par fascicules.
La Société recevra avec reconnaissance les mémoires et communications qui, par leur sujet, pourraient trouver place dans le Bulletin.
LE BULLETIN ARCHÉOLOGIQUE
paraît une fois par trimestre. Chaque fascicule est composé de plusieurs feuilles grand in-8° ; des gravures ou des planches accompagnent le texte.
Les quatre fascicules de l'année forment un volume avec tables.
Les tomes I à XX du Bulletin sont en vente au siége de la Société, faubourg du Moustier, 59, à Montauban.
FRANCE 7 francs 50 c. ÉTRANGER 9 francs.
LE FASCICULE, 2FR. — 2 FR. 50 CENT. PAR LA POSTE.
EN VENTE
Au siège de la Société, rue du Moustier, 59,
MONTAUBAN
LES NOCES D'ARGENT
DE LA
SOCIÉTÉ ARCHÉOLOGIQUE DE TARN-ET-GARONNE COMPTES-RENDUS ET PROGRAMMES
Un beau volume grand in-8°, avec planches et gravures. PRIX : 2 fr. 50 c.
Les Membres de la Société pourront se procurer ce volume au prix de 2 francs.
BULLETIN
ARCHÉOLOGIQUE
ET HISTORIQUE
DE
LA SOCIÉTÉ ARCHÉOLOGIQUE
DE
TARN-ET-GARONNE RECONNUE D'UTILITÉ PUBLIQUE. LE 13 AOUT 1884.
TOME XXI. — ANNÉE 1803. (2me Trimestre).
MONTAUBAN,
IMP. ET LITH. FORESTIÉ, RUE DU VIEUX-PALAIS, 23
1893.
SOMMAIRE.
N° du Deuxième Trimestre.
Pages
Le Parement d'autel de l'évêché de Montauban, par Mgr X. BARBIER DE MONTAULT 81
Les Sarcophages chrétiens de Perges. — Lettre à M. de Méric de Belle fon, membre de la Société archéologique, par M. Jules MOMMÉJA. 107
La Société archéologique de Tarn-et-Garonne au Congrès de la Sorbonne en 1893. — Visite à SaintDenis, Chartres et Limoges 120
Une Visite au château de Chantilly, par M. G. DE DUBOR 137
Excursion photographique et archéologique du 2 mai 1893, par M. J. POUILLOT 144
Quelques mots sur Varen, Milhars et Pechroudil, par M. Ch. DUMAS DE RAULY 153
Bibliographie. — Deux Livres de Raison de l'Agenais, suivi d'extraits d'autres registres domestiques, de M. Tamisey de Larroque, par M. Ch. DUMAS DE RAULY. 163
Notes pour servir à l'histoire du département. — Deux lettres de Louis XIII au comte de Noailles, ambassadeur de France à Rome, par M. l'abbé Aubin QUILHOT 168
Procès-verbal de la séance de mars 1893 173
PLANCHES
4. — Le Parement d'Autel de l'évêché de Montauban.
5. — Les Sarcophages chrétiens de Perges.
EXTRAIT DES STATUTS ET REGLEMENTS.
La Société se compose d'un nombre illimité de Membres honoraires, titulaires et correspondants.
Les Membres titulaires sont ceux qui ont un domicile dans le département ou l'ayant habité lors de leur nomination, désirent conserver ce titre. Ils paient une cotisation annuelle de 15 francs et un droit de diplôme de 5 francs. En échange ils reçoivent toutes les publications de la Société.
Les Membres correspondants, sont tenus au même droit de diplôme ; ils doivent être abonnés au Bulletin archéologique, et cela moyennant 7 francs par an.
Pour être admis dans la Société il faut être présenté par deux Membres titulaires. Cette présentation est examinée par le Conseil d'administration, qui propose à la plus prochaine séance l'admission du Candidat. Il devra réunir les deux tiers des suffrages exprimés.
Toute présentation sera accompagnée d'une preuve par écrit donnant le consentement de la personne présentée.
Les réunions mensuelles ont lieu le premier mercredi de chaque mois, à 8 heures du soir, au siège de la Société, rue du Moustier, 59. Il n'y a point de séance en septembre ni en octobre.
La Société publie un Bulletin trimestriel : volume d'environ 400 pages, format grand in-8°, avec planches et gravures, dont l'abonnement, en dehors de ses Membres, est de 7 fr. 50.
AVIS.
Le présent fascicule continue le 21e volume du Bulletin. Cette publication paraît chaque trimestre d'une manière régulière par fascicules.
La Société recevra avec reconnaissance les mémoires et communications qui, par leur sujet, pourraient trouver place dans le Bulletin.
LE BULLETIN ARCHÉOLOGIQUE
paraît une fois par trimestre. Chaque fascicule est composé de plusieurs feuilles grand in-8° ; des gravures ou des planches accompagnent le texte.
Les quatre fascicules de l'année forment un volume avec tables.
Les tomes I à XX du Bulletin sont en vente au siége de la Société, faubourg du Moustier, 59, à Montauban. '
FRANCE 7 francs 50 c. ÉTRANGER 9 francs.
LE FASCICULE, 2 FR. — 2 FR. 50 CENT. PAR LA POSTE.
EN VENTE
Au siège de la Société, rue du Moustier, 59,
MONTAUBAN
LES NOCES D'ARGENT
DE LA
SOCIÉTÉ ARCHÉOLOGIQUE DE TARN-ET-GARONNE
COMPTES-RENDUS ET PROGRAMMES
Un beau volume grand in-8°, avec planches et gravures. PRIX: 2 fr. 50 c.
Les Membres de la Société pourront se procurer ce volume au prix de 2 francs.
BULLETIN
ARCHEOLOGIQUE
ET HISTORIQUE
DE
LA SOCIÉTÉ ARCHÉOLOGIQUE
DE
TARN-ET-GARONNE RECONNUE D'UTILITÉ PUBLIQUE LE 13 AOUT 1884.
TOME XXI. — ANNÉE 1893. (3me Trimestre).
MONTAUBAN,
IMP. ET LITH. FORESTIÉ, RUE DU VIEUX-PALAIS, 23.
1893.
N° du Troisième Trimestre.
Pages, Jean de Corneille, de Rouen, docteur-médecin et professeur à Montauban. — Notes biographiques, par M. Em.
FORESTIÉ Neveu 177
Nobiliaire du canton de Saint-Antonin, par M. L. GUIRONDET 185
Étude sur les Deuils domestiques à Montricoux (Tarnet-Garonne), par M. le chanoine Henry Calhiat 205
Les Excursions d'avril de la Société archéologique de Tarn-et-Garonne (Suite). — Une visite à l'église abbatiale de Saint-Denis, par M. Philippe LAUZUN. — Une journée à Chartres, par M. le commandant QUÉVILLON 212, 219
Notes pour servir à l'histoire du département. — Archives de la Société (Les d'Arnoux de Brassard), par M. le capitaine POUSSY. — Ordonnance établissant les quartiers d'hiver dit régiment de Saint-Luc, par M. l'abbé B. TAILLEFER. — Le Symantaire de l'église de Saint-Anthoine, prés Valence, par M. Ernest MOING. 231, 234, 238
Chronique. — Archéologie musicale, par M. A. BOUIC. 242
Procès-verbaux des séances des mois de février, mars et mai 1893..... 245, 248, 250
PLANCHES
6. — Saint Roch.
EXTRAIT DES STATUTS ET RÈGLEMENTS.
La Société se compose d'un nombre illimité de Membres honoraires, titulaires et correspondants.
Les Membres titulaires sont ceux qui ont un domicile dans le département ou l'ayant habité lors de leur nomination, désirent conserver ce titre. Ils paient une cotisation annuelle de 15 francs et un droit de diplôme de 5 francs. En échange ils reçoivent toutes les publications de la Société.
Les Membres correspondants sont tenus au même droit de diplôme ; ils doivent être abonnés au Bulletin archéologique, et cela moyennant Y francs par an.
Pour être admis dans la Société il faut être présenté par deux Membres titulaires. Cette présentation est examinée par le Conseil d'administration, qui propose à la plus prochaine séance l'admission du Candidat. Il devra réunir les deux tiers des suffrages exprimés.
Toute présentation sera accompagnée d'une preuve par écrit donnant le consentement de la personne présentée.
Les réunions mensuelles ont lieu le premier mercredi de chaque mois, à 8 heures du soir, au siège de la Société, rue du Moustier, 59. Il n'y a point de séance en septembre ni en octobre.
La Société publie un Bulletin trimestriel : volume d'environ 400 pages, format grand in-8°, avec planches et gravures, dont l'abonnement, en dehors de ses Membres, est de 7 fr. 50.
AVIS.
Le présent fascicule continue le 21e volume du Bulletin. Cette publication paraît chaque trimestre d'une manière régulière par fascicules.
La Société recevra avec reconnaissance les mémoires et communications qui, par leur sujet, pourraient trouver place dans le Bulletin.
LE BULLETIN ARCHÉOLOGIQUE
paraît une fois par trimestre. Chaque fascicule est composé de plusieurs feuilles grand in-8° ; des gravures ou des planches accompagnent le texte.
Les quatre fascicules de l'année forment un volume avec tables.
Les tomes I à XX du Bulletin sont en vente au siège de la Société, faubourg du Moustier, 59, à Montauban.
FRANCE 7 francs 50 c. ÉTRANGER 9 francs.
LE FASCICULE, 2 FR. — 2 FR. 50 CENT. PAR LA POSTE.
EN VENTE
Au siège de la Société, rue du Moustier, 59,
MONTAUBAN
LES NOCES D'ARGENT
DE LA
SOCIÉTÉ ARCHÉOLOGIQUE DE TARN-ET-GARONNE COMPTES-RENDUS ET PROGRAMMES
Un beau volume grand in-8°, avec planches et gravures. PRIX : 2 fr. 50 c.
Les Membres de la Société pourront se procurer ce volume au prix de 2 francs.
BULLETIN
ET HISTORIQUE
DE
LA SOCIÉTÉ ARCHÉOLOGIQUE
DE
TARN-ET-GARONNE
RECONNUE D'UTILITÉ PUBLIQUE LE 13 AOUT 1884.
TOME XXI. — ANNÉE 1893. (4me Trimestre).
MONTAUBAN, IMP. ET LITH. FORESTIÉ, RUE DU VIEUX-PALAIS, 23.
1893.
SOMMAIRE.
N° du Quatrième Trimestre.
Pages. Prélats originaires du Tarn-et-Garonne, par MM. Émérand FORESTIÉ Neveu et l'abbé GALABERT 253
Une Matrice de plaque de cheminée au XVIIe siècle, par Mgr X. BARBIER DE MONTAULT 281
Notes pour servir à l'histoire du département. — Un
compétiteur de Géraud Faydit, évêque de Montauban, par M. l'abbé GALABERT. — Note sur la famille de Pechrodil, par M. L. GUIRONDET. — La tombe de Rouffîo, capitaine huguenot, par M. Jules MOMMÉJA. — Une lettre des consuls de Toulouse à ceux de Nohic au sujet des canons qu'ils leur avaient prêtés, par M. Edouard FORESTIÉ 299
Guide archéologique de l'excursion en Périgord et en Quercy du 25 au 30 septembre 1893, par M. le chanoine POTTIER... 309
Procès-verbaux des séances des mois de juin, juillet, août et novembre 1893 321, 324, 330, 332
Planches hors texte contenues dans le volume 337
Table par ordre des Matières 338
Table par ordre Alphabétique 341
PLANCHES
8. — Une Matrice de plaque de cheminée au XVIIe siècle.
EXTRAIT DES STATUTS ET RÈGLEMENTS.
La Société se compose d'un nombre illimité de Membres honoraires, titulaires et correspondants.
Les Membres titulaires sont ceux qui ont un domicile dans le département ou l'ayant habité lors de leur nomination, désirent conserver ce titre. Ils paient une cotisation annuelle de 15 francs et un droit de diplôme de 5 francs. En échange ils reçoivent toutes les publications de la Société.
Les Membres correspondants sont tenus au même droit de diplôme ; ils doivent être abonnés au Bulletin archéologique, et cela moyennant 7 francs par an.
Pour être admis dans la Société il faut être présenté par deux Membres titulaires. Cette présentation est examinée par le Conseil d'administration, qui propose à la plus prochaine séance l'admission du Candidat. Il devra réunir les deux tiers des suffrages exprimés.
Toute présentation sera accompagnée d'une preuve par écrit donnant le consentement de la personne présentée.
Les réunions mensuelles ont lieu le premier mercredi de chaque mois, à 8 heures du soir, au siège de la Société, rue du Moustier, 59. Il n'y a point de séance en septembre ni en octobre.
La Société publie un Bulletin trimestriel: volume d'environ 400 pages, format grand in-8°, avec planches et gravures, dont l'abonnement, en dehors de ses Membres, est de 7 fr. 50.
AVIS.
Le présent fascicule termine le 21e volume du Bulletin. Cette publication paraît chaque trimestre d'une manière régulière par fascicules.
La Société recevra avec reconnaissance les mémoires et communications qui, par leur sujet, pourraient trouver place dans le Bulletin.
LE BULLETIN ARCHÉOLOGIQUE
paraît une fois par trimestre. Chaque fascicule est composé de plusieurs feuilles grand in-8° ; des gravures ou des planches accompagnent le texte.
Les quatre fascicules de l'année forment un volume avec tables.
Les tomes I à XXI du Bulletin sont en vente au siége de la Société, faubourg du Moustier, 59, à Montauban.
FRANCE...... 7 francs 50 c. ÉTRANGER.......... 9 francs.
LE FASCICULE, 2 FR. — 2 FR. 50 CENT. PAR LA POSTE.
EN VENTE
Au siège de la Société, rue du Moustier, 59,
MONTAUBAN
LES NOCES D'ARGENT
DE LA
SOCIÉTÉ ARCHÉOLOGIQUE DE TARN-ET-GARONNE
COMPTES-RENDUS ET PROGRAMMES
Un beau volume grand in-8°, avec planches et gravures. PRIX : 2 te. 50 c.
Les Membres de la Société pourront se procurer ce volume au pris de 2 francs.