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Titre : Bulletin de la Société préhistorique de France

Auteur : Société préhistorique française. Auteur du texte

Éditeur : Institut de bibliographie (Paris)

Éditeur : Société préhistorique de France (Paris)

Date d'édition : 1922-02-23

Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34349302z

Notice du catalogue : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/cb34349302z/date

Type : texte

Type : publication en série imprimée

Langue : français

Format : Nombre total de vues : 24793

Description : 23 février 1922

Description : 1922/02/23 (T19,N2).

Droits : Consultable en ligne

Droits : Public domain

Identifiant : ark:/12148/bpt6k5478234v

Source : Bibliothèque nationale de France, département Collections numérisées, 2008-226719

Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France

Date de mise en ligne : 01/12/2010

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T. XIX.

N° 2.

1922

BULLETIN

DE LA

Société Préhistorique

FRANÇAISE

Fondée le i 7 Janvier 1904, son» le nom de SOCIÉTÉ PRÉHISTORIQUE DE FRANCE. Reconnue d'Utilité publique par Décret du 28 Juillet 1910.

SIÈGE SOCIAL : 250, rue Saint-Jacques, PARIS-V.

Secrétariat Général : 12, avenue de Paris, Versailles (Seine-et-Oise)

Téléph. 457. Versailles. — Compte-Chèque postal, Paris, 143-58

f Trésorier : 50, rue des Ruisseaux, Meudon (Seine-et-Oise). Compte-Chèque postal,

(' 406-44, Paris.

Sommaire. — Procès-verbal. — Obsèques de M. Emile Rivière. — Membres nouveaux. — Présentations et Communications. — Notes, Discussions et Mémoires de MM. M. Baudouin, L. Coutil, E.-C. Flora^ce, Capitaine Oetobon, L. Franehet.

Une erreur des plus regrettables a fait imprimer le nom de M. DESAILLY parmi ceux des Vice-Présidents pour {922, au lieu du nom de M. Louis GIRATJX, régulièrement élu, comme le constate d'ailleurs le Procès-verbal de la séance du 26 Janvier [Voir page 33, 5e ligne).

Par suite, nos Collègues sont priés de vouloir bien rectifier la composition du Bureau parue page 8 du Bulletin, N° 1 de Janvier. Au suplus, nous la reproduisons ci-après :

CONSEIL D'ADMINISTRATION POUR L'ANNÉE 1922

I. — Bureau (1).

Président : MM. P. de GIVENCHY.

Vice-Présidents : Louis GIRATJX.

— DE SAINT-PÉRIER.

— FLORANCE. Secrétaire général : J. BOSSAVY. Secrétaire : t Cil. GÉNEAU. Trésorier : Maurice GILLET.

IL — Membres du Conseil,

1° Membres de Droit.

M. J.-A. LE BEL, ancien Président (1919), Président d'honneur.

M. A. VIRÉ, ancien Président (1920).

M. PAGÈS-ALLARY, Président sortant (1921).

(1) Il n'y a pas eu d'Élections pour 1915, 1916, 1917, 1918, ni 1919.

SOCIÉTÉ PRÉHISTORIQUE FRANÇAISE 4"


£0 SOCIÉTÉ pRÈttistoRtQtiK FRANÇAISE

2° Membres élus.

MM. LÉON COUTIL, Ancien Président (Eure).

G. FOUJTJ, Vice-Président de la Société d'Excursions scientifiques (Paris). \ <-, '-DESAILLY (Paris).

"" 'i "Dr A. -GTJÉBHARD, ancien Président (Alpes-Maritimes), Président d'honneur. ADRIEN DE MORTILLET, Président d'honneur (Paris).

III. — Présidents d'Honneur.

MM. LE BEL. — HENRI MARTIN. — ADRIEN DE MORTILLET. — Dr A. GTJÉBHARD.

SÉANCE DU 23 FEVRIER 1922.

Présidence de M. de GIVENCHY, Président.

PROCÈS-VERBAL DE LA SÉANCE.

Séance ouverte à 16 h. 15, Salle V. Procès-verbal précédent lu et approuvé.

M. LE PRÉSIDENT souhaite la bienvenue à MM. FLORANCE et BASSET. Il félicite ensuite M. Max HERVÉ, reçu docteur en médecine.

M. DE GIVENCHY rend compte des obsèques de M. Emile RIVIÈRE ; au cimetière Montparnasse fut prononcé le discours suivant :

Obsèques «le M. Emile RIVIÈRE le 28 Janvier 1922.

Messieurs,

C'est un bien cruel devoir pour un Président, nommé depuis 15 jours seulement, d'avoir, dès son entrée en fonctions, à rendre les derniers hommages à son Président-Fondateur, devoir rendu plus pénible encore quand on a eu l'honneur, comme moi, d'être compté parmi les amis de M-. RIVIÈRE.


SOCIÉTÉ PRÉHISTORIQUE FRANÇAISE M

C'est, en effet, M. Emile RIVIÈRE qui a fondé, à la fin de 1903, la Société Préhistorique de France (devenue depuis sa reconnaissance d'Utilité publique, la Société Préhistorique Française) et dont il fut le premier Président pendant l'année 1904. C'est pourquoi nous tenons aujourd'hui à apporter nos condoléances émues à la famille de notre regretté et éminent collègue, et à lui dire combien nous partageons sa douleur, qui est la même que la nôtre.

M. Emile-Valère RIVIÈRE DE PRÉCOURT, est né le 22 avril 1835; fils de médecin, il fit aussi ses études médicales. C'est vers 1870 qu'il commença à s'adonner à l'Archéologie Préhistorique ; et aujourd'hui il quitte ce monde dans sa 87e année, laissant, avec un magnifique bagage archéologique et scientifique, un nom inoubliable dans les annales de la Préhistoire.

La Célébrité lui vint d'un seul coup, et la Célébrité le garda 40 ans, après son admirable découverte de l'Homme Fossile dit « de Menton », découverte faite le 26 Mars 1872, dans les Grottes de Baoussé-Roussé. C'est ce squelette que l'on admire depuis longtemps dans les vitrines de notre muséum d'Histoire Naturelle.

Cette découverte qui eut un très grand retentissement à l'époque, fut suivie de plusieurs autres, aussi importantes, notamment celle de deux squelettes d'enfant qu'Emile RIVIÈRE découvrit dans les mêmes grottes le 7 Juillet 1875. '

Les Anthropologistes et les Préhistoriens s'accordent maintenant pour classer à la fin du Paléolithique ces restes si précieux de nos primitifs ancêtres, dont la découverte a fait le plus grand honneur à notre éminent collègue.

Depuis celle époque, et pendant une quarantaine d'années, ses découvertes, ses fouilles, ses publications de toutes sortes, ses nombreux travaux ne cessèrent de se suivre sans arrêt. Lauréat de l'Institut, plusieurs fois chargé de missions importantes, il fut toujours un travailleur infatigable. Je signalerai seulement, pour me cantonner dans la Préhistoire, son travail et sa découverte relatifs aux « Parois gravées et peintes de la Grotte de la Mouthe (Dordogne) et sa découverte en 1905 d'un nouveau squelette de l'Epoque Moustérienne dans un abri sous roche du Moustier de Peyzac (Dordogne).

Il a également étudié le moyen âge et aussi le vieux Paris qui le passionnait et qui n'avait pas de secrets pour lui.

Dans ces dernières années, M. Emile RIVIÈRE avait bien voulu m'honorer de son amitié et j'en étais très fier. Partageant ses idées et ses sentiments, j'aimais à m'instruire auprès de lui et à profiter de ses conseils. >

La Société Préhistorique Française, toute entière, se joint à moi pour saluer respeclueusement ici une dernière fois la dépouille de celui que nous avons eu l'honneur d'avoir à notre tête, de celui qui nous a fon-


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dés, et qui fut un des grands archéologues et préhistoriens de notre temps. Nous n'oublierons jamais le savant et aimable collègue, Emile Rivière DE PRÉCOURT, que nous pleurons aujourd'hui.

La Société, Préhistorique Française était représentée par MM. CHAPELET, Louis GIRAUX, LANGLASSÉ, VIRÉ.

Rhodania. — Le Congrès annuel aura lieu à Nîmes, du 23 au 26 avril. M. DE SAINT-PÉRIER y représentera la S. P. F. Des excursions sont projetées à Arles, aux hypogées de Corves, du Castellier, à la grotte de la Salpêtrière, au Pont du Gard.

Bulletin. — Un n° 8 de 32 pages est annoncé ; il est offert par M. COUTIL, à qui M. LE PRÉSIDENT offre nos remerciements.

Laboratoire et Bibliothèque. — M. LE BEL y a fait installer l'électricité à ses frais, pour permettre d'y venir travailler en toute saison et dans la soirée. M. LE PRÉSIDENT remercie notre Président d'honneur de cette nouvelle générosité, et engage nos Collègues à profiter de cette très heureuse amélioration, pour venir plus nombreux mettre en oeuvre ce que nous possédons.

Don, Cotisations. — M. DUCOURTIOUX verse 20 francs pour contribuer aux frais du Bulletin.

Mmes DE PANGE et DE LUPPÉ portent leur cotisation à 30 francs.

Correspondance. — Lettre de M. Philibert LALANDE, remerciant des félicitations qui lui ont été adressées pour sa Légion d'honneur.

Membres nouveaux.

Ont été proclamés membres de la S. P. F. :

MM. CHEVAU, Licencié en Droit, Adjoint des Affaires indigènes au Contrôle civil, El-Boroudj (Maroc). [L 1 BÉJOT. —J. BOSSAVY].

GATIER (P.), Artiste-Peintre, 75, rue du Maréchal-Foch, Parmain (S.-et-O.). [J. BOSSAVY. —P. DE GIVENCHY].

BASSET, Instituteur, 177. rue Jeanne-d'Arc prolongée, Paris-XIII.

[COM'CAZENAVE-GENEAU].

Institut d'Antiquités Rhénanes, Palais du Rhin^ Strasbourg (HautRhin).

Distinction. — M. R. FORRER, notre éminent confrère de Strasbourg, vient de recevoir la rosette de l'Instruction publique. Nous l'en félicitons tout cordialement.

EBons et Envois. /. — Bibliothèque. — PIERRE PARIS. — Promenades archéolo-


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giqùes en Espagne. 2 vol. in-8°, br. 283 et 306, pp. 67 et 54 pi.

— Paris, E. Lerieux, 1910 et 1921. ' [Don de M. SCHLEICHER],

— HENRY PAIRFIELD OSBORN. — L'origine et l'Evolution de la Vie.

— Edition française avec préface et notes, par FÉLIX SARTIAUX, in-8°, 304 pp , 126 fig. [Don de M. SCHLEICHER].

— G. COLOMB — L'énigme d'Alésia, un vol. in-8°, br.,,284p., 15 fig. ou plans. A. Colin, éd., Paris, 1921.

[Don de M. SCHLEICHER].

//. — Musée. — M. DE PANIAGUA offre une belle lance avec pointe en obsidienne de la Nouvelle-Guinée, croit-il. M. de Mortillet pense qu'elle vient des Iles de l'Amirauté.

— M. STUER fait don d'une hache en bronze de forme singulière. Bien que depuis une centaine d'années, dans la collection qui a fourni l'épée fausse précédemment offerte, cette hache est également fausse, et sans doute encore de provenance italienne.

Présentations et Commniiicationg.

■ M. Bossavy fait connaître que des travaux de construction ont fait découvrir à Brunoy des tombeaux mérovingiens. Quelques ossements en assez mauvais état ont seuls été recueillis ; point d'objets.

Des trouvailles analogues ont déjà été faites dans cette localité. M. E. RIVIÈRE en a rendu compte dans les volumes du Congrès de l'A. F. A. S.

M. Florance présente une pièce énigmatique provenant de la collection du Dr Hû de Pont-Levoy ; elle appartient maintenant au Musée de Blois. C'est une pierre taillée en crochet.

— M. Courty parle de ses fouilles de Saint-Prest, dans la terrasse moyenne de l'Eure ; ce sont des limons appelés terre franche ; on les mélange avec de la paille hachée pour faire des constructions en pisé. Sous 2 mètres de limons, il y a des graviers avec poches de sables extrêmement fins ; sous 8 mètres de ces alluvions quaternaires, se trouvent des sables blancs renfermant des os de rhinocéros, éléphants, cerfs, élan, etc. Ces sables ont 18 mètres d'épaisseur; on y a trouvé des silex roulés, des silex avec retouches intentionnelles ou ayant subi l'action du feu. Les dépôts pliocènes les plus anciens ont glissé et se sont mélangés au quaternaire. Dans ces alluvions, M. Courty a trouvé un galet avec des stries qu'il considère comme glaciaires ; cet avis est confirmé par Lagotala. M. Courty donne des détails sur les diverses couches géologiques de la région et sur les terrasses de l'Eure.

M. RAMOND ne croit pas aux galets striés par les glaciers dans la région parisienne ; des glissements peuvent produire des stries ; il


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cite les grès striés de Belgrand. M. DESAILLY cite les stries produites par les failles. MM. LE, BEL, ROYER et de SAINT-PÉHIER prennent aussi part à la discussion.

— M. Coutil présente une hache en bronze intermédiaire entre la hache à bord droit et la hache à talon ; elle a une patine remarquable.

— M. Desailly parle d'un mégalithe du Nord, dressé par les Allemands pendant la guerre à Vendégies-sur-Ecaillon, près de Valenciennes. Cette table de pseudo-dolmen a été transformée en menhir. Une inscription allemande qui constatait cette restauration (?) a été grattée. On n'a trouvé aucune trace des supports signalés par le Dr Bombard. C'est un bloc de grès landénien dont la face exposée au Nord a été dressée et presque polie ; il y a des cupules et empreintes pédiformes de 33 cm. En 1800, on signalait 50 pierres semblables qui ont été débitées ; celle-ci ayant un caractère sacré a été conservée ; la légende veut que ce soit là que l'on trouvait les bébés. Elle est au centre d'une Station néolithique. M. DESAILLY y a trouvé une hache polie et des éclats. Il montre un plan et de nombreuses photos.

NOTES, DISCUSSIONS ET MÉMOIRES

I.a Cachette de Haches plates de l'Ile Lemaire5 dans la I^oii-e, à Mantes.

PAR LE D' N Marcel BAUDOUIN (Croix-de-Vie, V.).

Dans l'île Lemaire, à Nantes, c'est-à-dire au milieu de la Loire, on a trouvé récemment un dépôt de Haches plates, en CUIVRE pur, des plus intéressants.

En effet, il y avait là deux haches plates, du type occidental classique, comparables à celles de la Vendée; une hache non préparée, sortant du moule et couverte de vacuoles; et enfin une hache du type herminetle, non terminée également, d'un modèle inconnu jusqu'à présent.

L'aspect des deux pièces frustes est très remarquable et fort instructif. Il prouve qu'on moulait ces haches dans des moules univalves, en schiste ou en terre, très peu profonds.

La densité de ces quatre objets ne semblait pas indiquer du Cuivre pur; mais l'analyse spectrale ayant pu être faite, on peut affirmer que Yéiain manque (1).

(1) Cf. Marcel BAUDOUIN. — C. R. Ac. des Se, Par., 7 nov. 1921.


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Le dépôt de l'Ile Lemaire a été voulu ; mais il est impossible de dire s'il s'agit d'une Cachette due à une coutume cultuelle ou à un marchand.

Il constitue une transition entre la civilisation du Cuivre de Vendée et de la véritable Bretagne, où le Bronze est beaucoup plus important; il relie les trouvailles de Port-Saint-Père et de SaintPère-en-Retz avec les découvertes de la Prairie de Mauves et du Jardin des Plantes de Nantes (Age du Bronze).

Les pièces elles-mêmes fournissent des données inédites sur la technologie à l'Age du Cuivre (fusion du métal; moulage; martelage, etc.). Elles corroborent mes hypothèses sur les origines du Cuivre en Vendée (2) et sur l'importance de cette métallurgie dans cette région de la France, la plus riche connue au point de vue Haches plates.

Pierres à légendes du département de l'Eure.

La pierre tournante du Fresnay, près le Tronquay ; la Pierre Cordée de Saint-Paul-sur-Risle ; la Pierre de Saint Agapit à Plasnes; la pierre de Saint Mards, à Saint-Mards-sur-Risle (Eure).

PAR

L. COUTIL (Saint-Pierre-du-Vauvray (Eure).

Malgré toutes nos recherches, lors de la publication de notre Inventaire des monuments mégalithiques de l'Eure, publié en 1895, et auquel nous avions quelques retouches à apporter, nous avons omis de signaler la Pierre tournante du Fresnay, hameau du Tronquay, située à la limite des départements de l'Eure et de la SeineInférieure, au bord et à 10 mètres de la forêt de Lyons, à environ 700 mètres du hameau du Fresnay et de la maison forestière : c'est un bloc énorme de grès plat en dessus, de forme un peu triangulaire, mesurant 4 mètres de longueur sur 3m50 de largeur, et au moins 2 mètres d'épaisseur, car la fouille qui a été faite autour l'a dégagé seulement de cette épaisseur, principalement au Sud. A une trentaine de mètres à l'Est, la même personne peu experte en préhistoire a dégagé un autre bloc de grès qui, celui-là, ne porte aucun nom, et est cependant presque aussi gros. Malgré le poids énorme 'de la Pierre tournante, une légende lui attribue le pouvoir de tourner sur elle-même la nuit de Noël. Le bloc se trouve à 50 mètres d'une mare très grande et très profonde et à 100 mètres de la Butte aux Anglais, motte de 25 mètres de diamètre entourée d'un fossé peu profond, d'environ 8 mètres de large.

(2) Les Haches plates de Vendée. — Par., Mem. S. P. F., 1911.

1


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La même personne qui a dégagé la Pierre tournante a pratiqué une tranchée au Nord, partant du fond du fossé et se dirigeant vers l'intérieur de la butte, déjà très excavée par une fouille plus ancienne. ' Cette tranchée permet de voir que la butte est formée d'argile à silex.

La pierre cordée de Saint-Paul-sur-Risle. — Cette pierre est signalée aussi sur Campigny; à 300 mètres des ruines de la chapelle de Sainl-Wulfranc, elle se trouve le long du chemin de la Longue Vallée remontant vers Campigny; à 150 mètres plus loin, en face du moulin de Gruchet, existe un autre chemin ayant la même direction. Au haut de la côte, on voit à gauche dans le coteau boisé'un énorme bloc erratique nommé la.Pierre Cardet ou Cordée; le dessus est plat, au-dessus se voient deux grands trous, creusés de main d'homme, par des naïfs qui y ont cherché des trésors gardés par de prétendus lutins et des dames blanches. Les fouilles qu'on y aurait tenté la nuit, auraient été rebouchées le lendemain. M Canel, puis M. Carrey, qui ont attiré l'attention sur cette pierre me paraissent avoir exagéré son importance, surtout le dernier.

Plasnes. — Dans le bois de Plasries on voit la pierre de Saint Agapit que l'on nomme aussi saint Accroupi ; les pèlerins y amènent les enfants qui ne marchent pas assez vite, ils y apportenl des offrandes.

Saint-Mards-sur-Risle. — Les pèlerins qui venaient se haigner aux sources allaient s'agenouiller, prier et se frotter les jambes sur la pierre dite de saint Mards, située près d'un petit pont et d'un ancien château.

Pitres. — Nous ne citons pas les autres pierres à légendes qui sont vénérées et que nous avons décrites, telles que la Pierre de Saint Martin à Pitres, qui se trouvait jusqu'en 1856 dans les champs, au lieudit les Pendants, à côté d'une cave gallo-romaine que nous avons explorée en 1899 ; les gens de la région croient voir dans les nombreuses cavités l'empreinte des pieds de saint Martin et des pieds de son cheval; ils se frottaient dessus et y déposaient des pièces d'argent, si bien que le curé de la paroisse voulut y mettre un tronc pour recueillir les offrandes. Le propriétaire poussé par des fortes têtes de la localité enleva sa pierre et l'installa au bord de la rue, devant sa maison, avec un banc pour les pèlerins et un tronc, où ils déposent leurs offrandes après avoir attaché aux arbres voisins des rubans blancs de coton. Une personne d'une commune voisine atteinte du cancer des buveurs et aussi de dépression mentale est allée tout récemment faire ses dévotions à la pierre, avant qu'on ne l'interne dans une maison d'aliénés. Il y a des personnes simples d'esprit qui s'y rendent aussi. Nous avons d'ailleurs rappelé ces pratiques superstitieuses dans noire notice sur la chapelle Saint-Eloi de Nassandres ; étude sur le culte des pierres, des sources et des arbres.


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Les Effets de la dernière phase glaciaire

(Wurmïenne) ,,

dans le Centre de la France et notamment en Loir-et-Cher.

PAR

E.-C. FLORANCE, à Blois,

Président de la Société d'Histoire naturelle de Loir-et-Cber.

On a noté et décrit minutieusement toutes les stations et tous les gisements préhistoriques découverts, en France et à l'étranger, de la période du Quaternaire supérieur ; mais il me semble qu'on n'a ,pas beaucoup approfondi les eiïets de la phase glaciaire et post-glaciaire qui s'est écoulée pendant la majeure partie de cette période. On ne paraît pas s'être demandé pourquoi, en dehors des stations du Sud-ouest, du Sud de la France, d'Arcy-sur-Cure et Solutré, où le Renne était si abondant, on ne trouvait qu'un si petit nombre de stations et si peu importantes, en général, dans tout le reste du pays et même à l'étranger. On ne paraît pas avoir cherché à connaître les motifs qui ont amené l'Homme de l'Age du Renne, pendant cette période seulement, à se servir d'un outillage en os, en corne, ou en ivoire, malgré son habileté à travailler le silex pendant l'époque solutréenne. On n'a pas fait suffisamment ressortir, il me semble, les grandes transformations, les grandes perturbations apportées par le froid, par la glaciation dans nos pays, en dehors des endroits où se sont formés d'immenses glaciers. On espérait sans doute encore la découverte de nouvelles stations ; mais ces stations étaient limitées par le nombre des grottes pouvant être occupées, et il est probable qu'on en découvrira peu maintenant.

Mon Etude sur l'Archéologie préhistorique et protohistôrique en Loir-et-Cher et l'Inventaire général, que j'ai dressé, des objets préhistoriques qui ont été trouvés dans ce département, m'ont permis de constater des faits, dont j'ai recherché les causes, qui m'ont paru avoir une importance plus que locale. Ce sont les résultats de mon Etude que je viens présenter : mes Collègues préhistoriens ou géologues et soumettre à leur appréciation.

On me critiquera peut-être de vouloir généraliser des résultats locaux, mais je suis persuadé que les mêmes causes ont produit les mêmes effets dans une grande partie de notre pays. En tout cas, je vais faire connaître les résultats de mon Inventaire pour le Loir-etCher, et cela permettra, sans doute, de mieux comprendre les déductions et les conclusions auxquelles j'ai «té conduit par mes travaux.


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Voici donc les chiffres totaux des Instruments, armes ou objets préhistoriques trouvés en Loir-et-Cher et existant dans les collections particulières ou les Musées publics du département, et en dehors, que j'ai pu noter. Je ne crois pas qu'il y en ait beaucoup qui aient échappé à mes investigations ; de même on fera certainement d'autres découvertes, mais je crois que cela ne changera pas beaucoup les proportions, savoir :

Quaternaire inférieur. — Epoque Chelléenne, 330 objets, 1 station (petite), 25 localités.

Quaternaire inférieur. — Epoque Acheuléenne, 1.111 objets,

3 stations, 53 localités.

Quaternaire moyen. — Epoque Moustérienne, 11.479 objets,

4 stations, 53 localités.

Quaternaire supérieur. — Epoque Aurignacienne, 850 objets, 2 stations, 9 localités.

Quaternaire supérieur. — Epoque Solutréenne, 7 objets, 6 localités.

Quaternaire supérieur. — Epoque Magdalénienne, 478 objets, 26 localités.

Période paléolithique. —Total: 14.255 pièces. {

Pour que la comparaison soit complète, voici les totaux des objets trouvés pour la période Néolithique, savoir :

Epoque Campignienne 13.600 objets.

— Robenhausienne.... 18.415 —

Total 32.015 pièces.

Ce qui forme un total de 46.270 pièces de roches diverses, plus un poinçon et deux pointes de flèches en os.

La comparaison des chiffres constatés pour la période du Quaternaire supérieur avec ceux du Quaternaire moyen, comme avec ceux delà période Néolithique,conduit naturellement à se poser les questions suivantes : Comment se fait-il que l'Homme ait si peu habité le Loir-et-Cher, qu'il y ait laissé si peu de vestiges, pendant le Quaternaire supérieur? étant donnés les chiffres assez importants constatés pendant la période précédente et pendant la suivante. Pourquoi aussi n'y trouve-t-on pas de traces du Renne ? alors que pendant le Quaternaire supérieur, appelé aussi l'Age du Renne, cet animal est si abondant dans le Sud, le Sud-ouest et par exception ailleurs, l'Yonne et Saône-et-Loire, par exemple. Pourquoi ne trouve-t-on en France de traces importantes de l'Homme, que dans les grottes et abris naturels de ces régions ?

Je ne vois qu'une réponse possible à ces questions, c'est que le reste du pays était inhabitable, aussi bien pour les animaux arctiques que pour l'Homme, et c'est que le climat forçait l'Homme à


SOCIÉTÉ PRÉHISTORIQUE FRANÇAISE 59

se réfugier, à se terrer où il pouvait, dans les grottes et cavernes du Sud-ouest et du midi de la France principalement. Les objets trouvés en Loir-et-Cher et dans le centre de la France ne sont que des traces de passage ou de stationnement pendant les alternatives du climat, lui permettant de sortir quelque peu, d'aller d'un endroit à l'autre, et chasser.

Evidemment il n'y a que les tribus qui ont pu se mettre à l'abri de cette manière, dans les grottes, qui sont restées, les autres ont dû émigrer très loin, vers le Sud, ainsi que tous les animaux, car le froid a dû prendre progressivement et n'a pas dû apparaître tout d'un coup, non plus que le Renne. Pendant que les glaciers de montagnes prenaient des proportions colossales que devenaient donc notre Plateau Central et le Centre même de la France?

Le Renne est descendu jusqu'au 43e degré de latitude, c'est-àdire jusque dans l'Ariège, mais on ne trouve pas de ses restes, de ses ossements en Loir-et-Cher, ni dans les départements environnants. La faune du midi était devenue celle des toundras, autant dire du Nord de la Sibérie, que devait donc être la nôtre ? Il semble qu'il n'y avait plus de faune du tout en Loir-et-Cher, pas plus que sur les glaciers ; c'est donc que notre pays était couvert de neige et de glace, comme d'un épais et immense manteau.

Pourquoi donc, pendant l'Age du Renne, a-t-on, dans les stations méridionales, cessé d'employer le silex ? alors que sa taille était devenue si parfaite à l'époque Solutréenne, là où on pouvait encore se procurer le silex ou en avoir quelques réserves, et qu'on n'a plus employé que l'os, l'ivoire et la corne. C'est toujours à cause du climat ; c'est que, même dans le midi, la neige et la glace empêchaient l'Homme de se procurer le silex et qu'il avait à sa disposition, bien plus facilement, les ossements des animaux qu'il chassait pour vivre. S'il en était ainsi dans le Midi, qu'était-ce donc en Loir-etCher? S'il en était ainsi pendant le Post glaciaire, qu'était-ce pendant la glaciation ?

Ce doit être également la rigueur du climat, empêchant ou restreignant beaucoup la vie au grand air, qui a rendu artistes les Troglodytes ; ils ont, comme tous les prisonniers, dans tous les temps, occupé leurs loisirs forcés à l'ornementation de leurs cavernes, par des peintures, des gravures et»des sculptures, ainsi qu'à la gravure et la sculpture de leurs armes ou instruments en os, ou autres matières dures. A la longue, ils sont devenus habiles et de véritables artistes. Ils ont pu avoir des idées particulières pour le choix de leurs représentations, je le crois volontiers, mais c'est la claustration qui leur a donné l'idée et le goût de l'art glyptique. Aussi, on peut remarquer que lorsque la température adoucie leur permit de reprendre la vie au grand air, la vie errante, ce goût disparut avec l'art glyptique.


60 SOCIÉTÉ PRÉHISTORIQUE FRANÇAISE

Mais l'habileté dans la taille du silex, pour ces tribus, avait été perdue par suite de l'absence de pratique, et c'est ainsi que j'explique la régression de la taille du silex, sa grossièreté au début de l'époque Campignienne, qui, en Loir-en-Cher, succéda directement à l'époque Magdalénienne.

Comment, autrement que par le raisonnement, prouver que le climat ait été aussi rigoureux dans le centre de la France, au point de le couvrir pendant longtemps d'un manteau-de neige et de glace, rendant le pays inhabitable aux animaux qui ne pouvaient y vivre et à l'homme qui n'y trouvait plus d'animaux pour sa subsistance ? C'est assez difficile pour moi, car je ne suis qu'un médiocre géologue, et si les effets superficiels que j'ai remarqués depuis longtemps, sans les étudier spécialement, ne croyant pas avoir à les signaler, ne doivent pas être attribués aux glaciations, ou plutôt à la fonte d'énormes chutes de neige, il ne faut pas trop me le reprocher, allant essayer quand même de trouver des faits probants.

En Loir-et-Cher, surtout, je connais beaucoup de vallées courtes, larges, avec beaucoup de pente parfois, que les géologues appellent des vallées mortes; elles n'ont pas été creusées par un ruisseau, parce qu'elles sont trop larges au fond et qu'on n'y trouve pas de traces de sources; elles n'ont pas été formées par les eaux pluviales non plus, pour le même motif de largeur du fond. J'attribue la formation de ces vallées, qui suivent la pente naturelle et se dirigent toujours sur une rivière, à l'action de la fonte, lente d'abord et souvent très rapide ensuite, de l'épaisse couche de neige et de glace recouvrant notre pays pendant les diverses phases glaciaires. J'ai vu les grandes inondations de la Loire, causées par la fonte de neiges et par des pluies exceptionnelles ou par les deux ensemble, et je pense que ce devait être bien peu de chose en comparaison de ce qui a dû se passer pendant et après une phase glaciaire. Il me semble qu'il n'y a qu'une cause semblable qui ait pu produire ces vallées courtes larges d'ouverture et au fond souvent très profond, formées fréquemment de plus petites en éventail. Je ne citerai ici aucune de ces vallées qui sont nombreuses un peu partout, quoique j'en connaisse une aux environs de Blois, qui paraît en rapport avec une terrasse d'alluvions anciennes dans la vallée voisine, où coule la rivière de la Cisse, à Averdon; ces deux vallées présentent aussi les mêmes dénudations de rochers énormes sur leurs bords dominant de 15 à 20 mètres leur fond très large.

Je ne saurais me prononcer catégoriquement pour l'époque du creusement des grandes vallées ainsi que de la formation des fleuves et des grandes rivières, dont la hauteur d'eau actuelle est si peu en rapport avec la largeur de la vallée et la hauteur des coteaux, je n'ai pas assez étudié la question. Si beaucoup de géologues les font


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remonter à l'époque tertiaire d'autres ; ne les datent que du commencement de l'ère quaternaire, et alors de la première glaciation, celle de Gùnz. Je serais plutôt de l'avis de ces derniers, tout au moins pour les vallées mortes et pour beaucoup de plissements de terrains. Je ne saurais entrer ici dans des développements qui pourraient être par trop longs.

Avec la dénudatipn de gros rochers sur des coteaux élevés, je puis signaler celle d'un certain nombre de blocs énormes dénudés complètement dans la plaine, les uns encore en place, d'autres déplacés à plus ou moins de distance de leur lieu d'origine. Certains ont été pris pour des dolmens et ont des légendes. Même, à ce sujet, je puis dire, en passant, que je crois que la plupart des dolmens du Loir-etCher, et aussi d'ailleurs, ont été constitués avec ces blocs dénudés pendant ou à la suite des phases glaciaires, notamment par la dernière, qui a complété l'oeuvre de destruction ou de transformation des précédentes Les néolithiques qui ne connaissaient pas les métaux ne pouvaient extraire du sol les blocs censidcrables qui leur ont servi pour leurs monuments mégalithiques ; ils les ont vus sur le sol à leur portée, et c'est ce qui leur a donné l'idée de s'en servir. Quand ils n'ont plus trouvé de gros blocs, ils n'ont plus construit que de petits dolmens, ensuite des cistes.

Je puis citer comme étant de même origine, trouvés sur le sol également, et parfois signalés comme pierres erratiques, d'assez gros blocs siliceux, poudingues ou brèches, qui, autrefois, servaient de boute-roues dans beaucoup de villages, pour protéger les murs et les maisons contre le passage des voitures ; j'en connais encore-en Beauce et en Sologne.

J'ai aussi un fait local à signaler, auquel j'attribue les mêmes causes que pour les vallées courtes et les rochers dénudés, c'est l'existence en Sologne d'un certain nombre de plantes de montagnes, dont la présence ne s'observe généralement que dans des régions élevées, notamment Y Arnica montana et l'Ajuga pyramidalis. Cette dernière plante est particulièrement " intéressante, dit M. Adrien Franchet, dans sa belle Flore de Loir-et-Cher (1), car cette espèce n'a pas été trouvée ailleurs, en France, qu'à une altitude considérable : dans les Pyrénées et dans le Dauphiné, où elle ne descend pas au-dessous de 1200 mètres, et dans le massif de l'Auvergne, où elle ne-se rencontre que sur les hauts sommets.

« On est, dit-il, jusqu'à un certain point, autorisé à croire que la « présence en Sologne de. ces deux plantes remonte à l'époque « géologique où le sol superficiel de cette région a été constitué de

(1) Adrien FRANCBET. — Flore de Loir-et-Cher. Avant-propos. Distribution des plantes, pp. XXXIV et XXXV. Blois, 1785. L. Contant, librairie éditeurs, 163, rue Denis-Papin.


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« débris de roches d'Auvergne, amenés par l'un des grands courants « venant du sud et dont les traces se montrent sur plusieurs « points. » M. A. Franchet était non seulement un remarquable botaniste, il était aussi un bon géologue.

Quant à moi je suis persuadé que la présence de ces deux plantes et de plusieurs autres en Sologne est un reliquat, un souvenir pour nous de la dernière phase glaciaire; c'est un témoignage de son influence climalérique en Loir-et-Cher, au même titre que les faits géologiques que je cite plus haut.

Quoiqu'il en soit, il m'a paru intéressant, pour les préhistoriens comme pour les géologues, de porter à leur connaissance des idées qui, je crois, n'ont pas eucore été émises et qui peuvent avoir quelque importance pour la Préhistoire, si elles sont admises, en éclairant d'un nouveau jour, une phase pénible de l'enfance de l'Humanité.

E.-C. FLORANCE.

Discussion. — M. Armand VIRÉ prend la parole en ces termes :

M. Florance est un travailleur consciencieux et infatigable. Ses longues recherches nous ont apporté une foule de connaissances aussi variées que précieuses sur la région du Loir-et-Cher, il est le modèle des savants locaux, et hautement apprécié ici. C'est en même temps un aimable, homme et je, lui ai voué une amitié toute particulière.

C'est dire dans quel esprit de cordialité et de sympathie je me permets de relever certains points discutables de la note d'ailleurs pleine d'intérêt qu'il nous donne aujourd'hui.

Glaciation ou fusion des neiges. — Pour expliquer l'origine des vallées sèches de sa région, M. Florance invoque la glaciation ou la fusion rapide des neiges.

A notre connaissance aucune trace de stries glaciaires n'a été relevée sur les parois de ces vallées, ni sur les gros blocs que l'on trouve parfois dans les bas-fonds. Aucune trace de moraines n'a non plus été constatée. Les limites des grands glaciers quaternaires sont d'ailleurs connues, et n'atteignent pas, même de très loin, ces régions.

Le mode de formation de ces vallées sèches est beaucoup plus simple, et surtout plus général.

Le sous-sol du Loir-et-Cher est en majorité calcaire, et par conséquent extrêmement fissuré.

Les eaux de pluie en imprègnent les cassures, comme elles feraient des vacuoles d'une éponge. Avant le creusement des vallées, une fois le sous-sol complètement imbibé, l'eau ruisselait à la surface ; puis elle profitait des moindres déclivités pour s'y rassembler en ruisselets, qui peu à peu creusèrent un ravin, puis un vallon. A ce moment le ruisseau partait de la tête même de la vallée.


SOCIÉTÉ PRÉHISTORIQUE FRANÇAISE 63

A mesure que ce lit superficiel se creusait, les fissures du plateau, érodées, corrodées souterrainement par les eaux chargées d'acide carbonique qui parcouraient leur intérieur, s'élargirent et s'approfondirent et elles vinrent vider leurs eaux, non plus à la tête de la vallée, mais dans son thalweg, en un point bas.

Ce phénomène s'accentuant, et les eaux intérieures s'abaissant de plus en plus dans le plateau, vinrent sortir de plus en plus bas, de plus en plus loin du début de la vallée, jusqu'au jour où de véritables cavernes étant formées, toute l'eau des pluies actuelles s'écoula en sous-sol jusqu'à la grande vallée voisine, à un niveau inférieur à celui du vallon considéré.

Ceci n'est point une simple vue théorique, car dans le Loir-etCher lui-même, nous avons des exemples de pareils conduits souterrains qui soutirent les eaux superficielles. Nous en avons nousmême exploré un, en compagnie de notre ami André Piédallu, à Morée (Loir-et-Cher) en 1909, conduit qui s'étend sous un réseau de minuscules ravins desséchés, aboutissant à la vallée du Loir (1).

Le fait est encore mieux illustré dans d'autres régions calcaires où on le saisit sur le vif.

Par exemple dans le Lot, la rivière d'Ouysse naît dans une région siliceuse où elle forme, sur une dizaine de kilomètres, une rivière et une vallée normales. Mais arrivée au contact des calcaires des Causses, à Theminettes, elle se perd brusquement sous terre par toute une série de gouffres et de cavernes et disparaît totalement aux regards pendant plus de 20 kilomètres. Elle ne revient au jour, abaissée de près de 200 mètres qu'après avoir rencontré des couches moins perméables.

Mais entre le point où elle disparaît, et celui où elle recommence à couler, on peut suivre pas à pas son ancienne vallée aérienne, étroite, rocheuse, et offrant d'une façon frappante une silhouette comparable à celles deplusieurs vallées sèches du Loir-et-Cher.

Ici nous avons encore sous les yeux l'outil qui a jadis sculpté cette vallée maintenant desséchée, et cet outil, c'est la rivière ellemême encore en fonction tantôt sur terre, tantôt sous terre.

Nous pourrions citer nombre d'autres exemples en nombre d'autres régions [grotte de Trépail (Marne), explorée par E. A. Martel, vallée du Lunain (Seine-et-Marne) etc., etc.] et nous sommes convaincu que nos vallées sèches du centre procèdent de la même technique, et que leur siccité actuelle provient uniquement de l'enfouissement progressif des eaux qui les ont jadis creusées. -

Question du silex. — A l'âge du Renne on n'a point cessé de tailler

(1) Armand VIKÉ et André PIEDALUJ. — Grotte de la Bosse, à Morée (Loir-etCberJ. C. R. Acad. des Sciences, 3 mai 1909.— ID. Bull. Muséum d'Histoire natif relie, 1909, n° 4, p. 202.


61 SOCIÉTÉ PRÉHISTORIQUE FRANÇAISE

le silex. Tous les gisements du Midi en sont remplis et dans les stations des régions calcaires où les moindres débris osseux se sont conservés, les silex travaillés sont de 7, 8 ou 10 fois supérieurs en nombre aux outils en os, ivoire ou Bois de Renne (La Madeleine, Bruniquel, Lacave, etc.).

Bien mieux dans les régions siliceuses du Plateau central (Corrèze, etc.), le terrain ne renfermant pas de phosphate de chaux, les os ont disparu, et les silex seuls ont survécu ; on les y ramasse par milliers. *

La taille des silex est d'ailleurs restée très habile, et si l'on considère les pointes à dos rabattu, certains grattoirs, etc., on constate que l'homme magdalénien avait conservé dans le travail du silex toute l'habileté de ses prédécesseurs.

Les faits signalés par M. Florance paraissent donc nous révéler un faciès tout local du Magdalénien et constituent une contribution intéressante à l'étude de celte époque dans la contrée.

Raison de la rareté des stations magdaléniennes dans le centre de la France. ■— M. Florance dit avec juste raison que la vie au grand air fut, à certaines époques, difficile, sinon même impossible. C'est à notre avis cette remarque judicieuse qui doit donner la clef de l'état de choses observé en Loir-et-Cher. Gela est si vrai que dans des pays de faible relief, relativement voisins de ce département, et qui lui sont tout à fait analogues pour le climat, par exemple les environs de Fontainebleau, les vallées du Loing et du Lunain et leurs abords, on trouve des stations magdaléniennes là où il y a quelque abri un peu ample, quelque cavité sous les roches (Croc Marin, Beauregard, etc.) et qu'on n'en trouve plus là où ce genre d'abri fait défaut.

En ces derniers points on passe, comme aux environs de Blois, du Moustérien au Campinien ou au Néolithique.

M. Florance. — A mon grand regret, à la dernière heure, je me suis trouvé empêché d'assister à l'Assemblée générale du 22 Décembre, de la Société Préhistorique Française, ce qui m'a privé du plaisir de revoir beaucoup de charmants confrères et amis, ainsi que d assister au dîner G. de Mortillet, auquel j'aurais été heureux de prendre part. Je n'ai donc pu présenter moi-même ma communication et par conséquent il ne m'a pas été possible de participer à la discussion qui suivit. Mais mon excellent ami, M. Armand Viré, qui a pris la plus grande part à cette discussion de la manière la plus courtoise, a eu l'amabilité de me donner connaissance de ses objections à mes idées, très discutables parce qu'elles n'ont pas encore - été émises, donc pas encore admises. Je l'en remercie sincèrement cac cela va me permettre d'y répondre, ce que j'aurais pu faire


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d'avance, pensant bien que ces objections me seraient présentées ; mais de la discussion jaillit la lumière, dit-on. Voici ce que j'aurais répo'ndu : ,

' 1" Glaciation ou fusion des neiges- — Au sujet des effets delà glaciation dans le centre de la France, M. Viré fait remarquer qu'on n'a jamais constaté aucune trace de' stries_glaciaires sur les parois de ces vallées, ni sur les gros blocs que l'on trouve parfois dans les basfonds. J'insiste d'abord sur le' fait que les gros blocs auxquels je fais allusion sont surtout ceux des plaines ou de la crête des coteaux. C'est parfaitement exact qu'on n'a pas encore constaté dé stries glaciaires sur ces blocs ni sur les parois des vallées et c'est bien possible qu'on n'en trouve jamais. C'est très vrai aussi que les limites des grands glaciers connus sont éloignées des régions dont je parle, mais ce que j'ai constaté ce ne sont pas les traces de glaciers de montagnes, marchant comme un fleuve, striant les rochers, emportant tout sur leur passage et laissant des moraines comme preuve de leur importance et de leur force. Ce que je veux démontrer, c'est que cette glaciation de plaine que je cherche à prouver par des vallées courtes et sèches a été causée par d'énormes chutes de pluie's transformées en neige par le froid, que les pluies et la neige ne sont pas tombées uniquement sur lès montagnes, et que dans les plaines où la neige s'est accumulée, en couches moins épaisses évidemment que sur les montagnes, mais en quantité beaucoup plus grande comme étendue, il a dû se foi-mer un véritable et épais manteau de glace, qui ne peut être comparé à un glacier de montagne pour la marche et les érosions. Ce que je veux faire ressortir c'est le rôle capital qu'a dû jouer dans la plaine la grande abondance des précipitations atmosphériques.

M- de Lapparent a dit que la phase glaciaire fut une période pluviaire et avant tout une période de neiges intenses.

Alors ce que je voudrais faire comprendre autrement que par le raisonnement, c'est l'effet produit par la fonte lente souvent et parfois très rapide de l'immense manteau de neige, effet.qui ne s'est pas produit qu'une fois par phase glaciaire, mais quia dû se produire chaque année à la saison plus chaude et pendant des milliers d'années. Ces effets, je ne les attribue pas à une seule phase glaciaire, mais bien aux quatre grandes phases reconnues pour la période quaternaire, la dernière ayant parachevé les effets des précédentes. Puis, ce n'est pas à l'action directe de la glace que j'attribue ces effets dans nos plaines, mais à sa fusion à la fonte plus ou moins rapide de la neige et de la glace, à des débâcles périodiques plus ou moins longues.

M. Armand Viré est non seulement un savant et un spécialiste en fait de rivières souterraines et de cavernes, il est aussi un sourcier,


66 SOCIÉTÉ PRÉHISTORIQUE FRANÇAISE

spécialité scientifique qu'on rencontre peu fréquemment. Il a donc donné une parfaite explication de la formation des sources, des rivières souterraines et des cavernes par les pluies de la période actuelle. Cette théorie, je la connais depuis longtemps, hélas! je ne cherche point à la détruire, au contraire, mais il ne faut pas faire abstraction des phases glaciaires, qui ont rempli le rôle principal dans l'action, et qui ont plus agi dans ce sens que les périodes normales. Pour arriver à la formation si considérable des rivières et des grottes souterraines, dont M.'Viré nous donne de si frappants exemples, jusqu'en Loir-et-Cher, on peut admettre aussi que les grandes précipitations atmosphériques qui se sont produites pendant les phases glaciaires y ont été pour quelque chose. L'action lente des pluies actuelles, considérée comme insignifiante par certains géologues, en comparaison avec le passé, n'aurait pas suffi pour occasionner les ravinements que je cite, pas plus que le creusement des cavernes dans lesquelles l'action des eaux courantes est si visible ; de même que les eaux des rivières actuelles ne seraient pas capables d'apporter une masse aussi considérable que les alluvions anciennes. II a fallu des afflux énormes d'eau, comme ceux provenant de la fonte de grandes masses-de neiges et cela souvent répété, pour rendre possible la création des immenses réservoirs souterrains qui alimentent nos rivières et nos sources, le creusement des vallées courtes, sèches ou mortes, pour le transport d'aussi grandes alluvions provenant d'érosions et de la dénudation du sol, sous le manteau de neige et de glace, pour mettre à jour et même déplacer de gros blocs de rochers.

2° Question du silex. — J'avoue que j'ai dépassé ma pensée en disant qu'on avait abandonné complètement la taille du silex pour se servir d'os, de corne ou d'ivoire, car je connais la quantité des silex taillés qui ont été recueillis. J'ai voulu surtout faire ressortir que c'était la difficulté de se procurer le silex par suite de la glace ou de la neige qui avait dû être la cause principale, sinon la seule, ayant donné l'idée aux Troglodytes de se servir des matières osseuses, dont jusque là ils n'avaient su que faire et c'est si bien cela qu'une fois le froid passé on a abandonné l'os pour revenir tout à fait au silex.

3° Raison de la rareté des stations magdaléniennes dans le centre de la France. — Sur ce point, bien d'accord avec M. Viré, je ferai seulement remarquer que les grottes abris constatées dans les environs de Fontainebleau, dans les vallées du Loing et du Lunain, n'ont pu constituer que des stations provisoires et de peu d'importance. Certes, pour aller dans le midi, où il pouvait trouver sa" nourriture, le Renne a dû passer par le nord e,t le centre, mais il n'a pas dû s'y arrêter longtemps pour les mêmes motifs qu'en Loir-et-Cher; sans le Renne l'homme ne pouvait vivre alors.


SOCIÉTÉ PRÉHISTORIQUE FRANÇAISE 67

Il ne me reste plus qu'à féliciter notre aimable ex-Président de sa courtoisie en matière de discussion. On peut différer plus ou moins de manière de voir et n'en être pas moins bons amis, même en science, où il y a souvent plus d'hypothèses que de certitudes.

E. C. FLQRANCE.

« La Question Tardenoisienne » .

Questions de terminologie générale.

PAB

Le Capitaine OCTOBON, Béziers (Hérault).

Tranehets. — La lecture des mémoires des auteurs rend malaisé tout essai de synthèse des gisements. Des confusions regrettables viennent de la différence de terminologie employée. De nombreux gisements sont signalés avec des burins ou des tranehets. Il est indispensable, pour permettre de s'entendre, d'appeler toujours les mêmes objets par les mêmes noms; un burin n'est pas seulement une lame ayant servi ou pu servir au même usage que le burin et tout éclat tranchant ayant servi ou pu servir au même usage que le tranchet n'est pas pour cela un tranchet.

Pour ces deux pièces surtout, la question est d'importance, car, dans l'horizon mésolithique, on admet généralement que la présence d'un burin typique vieillit un gisement, et que la présence d'un tranchet typique le rajeunit. Il y a deux burins; le burin à « coup du burin » et le burin banal. Il y a deux tranehets ; le tranchet à « coup du tranchet » et le tranchet banal. On connaît assez les premiers par les études du paléolithique pour que je n'insiste pas. Je me permets en revanche d'étudier d'une façon plus détaillée les seconds.

Le tranchet apparaît au tardenoisien. Je n'en connais pas d'exemples antérieurs. Nous le rencontrons sous la forme d'un fragment de lame trapézoïdal (Fig. 1 et 4) ou triangulaire (Fig. 3 et 7), sans autre retouche à l'origine que celle de la taille des côtés qui le limitent. Les trois types principaux apparaissent en plus ou moins grand nombre dans les gisements classiques du Tardenois. Ils ne sont reconnaissables que par l'usure spéciale de leur côté tranchant. Toutes les flèches à tranchant « transversal » ont pu servir de tranchet, mais on ne peut pas les appeler de véritables tranehets. La différenciation de l'outil spécial par l'amincissement du pédoncule retaillé sur une face se devine déjà, bien qu'assez rarement, dans le tardenoisien classique (1 ig 6). Ce n'est que plus tard, dans les gisements beaucoup plus évolués (peut-être même contemporains du néolithique à haches polies) que ce petit outil devient


68 SOCIÉTÉ PRÉHISTORIQUE FRANÇAISE

tout à fait un tranchet- caractéristique (Fig. 8 et 9). Aucun, à ma connaissance tout au moins, n'a jamais été rencontré dans un atelier pur. Cette amélioration de l'ancienne forme triangulaire vers une finalité différente et nouvelle a peut-être pour cause l'imitation de types nouveaux apportés par des industries étrangères.

En effet : 1° L'outil vient toujours d'une lame fragmentée dont un des bords sert de tranchant, ce qui entraîne généralement son allure microlithique et prouve la continuité de la méthode industrielle tardenoisienne ;

2° L'outil est taillé sur les faces ou, tout au moins, sur l'une, mais d'après la méthode « en écailles », taille néolithique qui apparaît en même temps sur les autres pièces de l'outillage; cela prouve la connaissance d'une technique nouvelle;

3° L'outil est généralement pédoncule où affecte la forme d'une petite hachette. Ces deux formes de tranchet, les seules que l'on puisse faire dériver de la technique tardenoisienne, ne sont jamais à tranchant poli, viennent toujours d'une lame et leur partie utilisable est le biseau formé par les deux faces d'éclatement de cette dernière (Fig. 4 et 8).

Ils sont en cela différents des tranehets néolithiques presque toujours façonnés sur les bords, les faces, le pédoncule et très souvent sur le tranchant- Les belles séries du camp Barbet, pourtant assez près des dimensions microlithiques, sont tout à fait convaincantes; les séries du camp de Catenoy sont dans le même cas. Je ne m'étendrai pas. sur les gros tranehets, le doute ne pouvant exister à leur

(Grandeur naturelle. — Cap. OGTOBON del).


SOCIÉTÉ PRÉHISTORIQUE FRANÇAISE 69

sujet. Il-en- est de même' des petits tranehets si curieux des industries si mal connues des Landes, que nous étudierons plus tard. ~ Mais il faut éviter l'écueil qui consiste à vouloir trouver quand même dans un gisement ce qui n'y est pas. La forme seule ne suffit pas pour classer une pièce, les traces d'utilisation trop souvent négligées sont pour ainsi dire le véritable critérium.

Ainsi, si le type 1 est un tranchet, le type 2, qui lui ressemble comme un frère, n'est cependant que son cousin ; il a servi comme « rabot » à la façon des anciens grattoirs carénés. L'utilisation d'une pièce par percussion de haut en bas fait sauter des écaillures sur les deux faces du tranchant; ici les éclats ont été enlevés dans le sens de la flèche. La pièce n° 2 n'est donc pas un tranchet.

Il est évidemment des cas où la destination est difficile à saisir, et l'on ne peut pousser la méthode jusqu'à l'absurde, mais son application suffit à écarter 80 % des hypothèses erronées.

Elle permet aussi de différencier des pièces qui ont la même allure générale, mais-ont servi à des usages très différents. Exemple, la pièce 5 n'est pas un tranchet, mais un perçoir en A, et la pièce 6, usée comme tranchet, a été réutilisée comme perçoir en A. Tous les silex microlithiques sont dans le même cas. Parce qu'ils ornaient des bambous dans l'Inde, on ne peut pas plus généraliser l'hypothèse de Thomas Wilson qu'on ne peut accepter comme unique celle de Pierpont Morgan qui n'y voit que des outils de tatouage ou de chirurgie; M. Siret les a signalés, en effet, comme ayant servi à débiter et à orner les fragments d'oeufs d'autruche. Non seulement il faut admettre complètement le principe de M. A. de Mortillet et de Brownes que des formes variées doivent correspondre à des usages divers, mais encore il faut l'étendre et dire que des formes - identiques ont souvent servi à des usages très différents. L'examen attentif de milliers de ces microlithes d'origine très diverse nous a prouvé maintes fois que l'usage du trapèze et du triangle varie beaucoup.

Les principaux usages de celles des pièces que nous avons examinées peuvent se résumer ainsi :

Utilisation du tranchant pour couper (petites écaillures dans les

deux sens et ébréchures ayant peu modifié la ligne droite) (Fig. 1).

- Utilisation du tranchant pour gratter (Ecaillures n'intéressant que

le tranchant et prenant parfois l'importance de petites encoches)

m(Fig.; 2). . .

Utilisation d'une des. pointes pour percer (pointes "brisées et retaillées, pointes affinées, ayant des écaillures en sens inverse prouvant l'action de « tourner » (Fig. 5 et 6).

On connaît leur usage comme tranehets (trouvailles de pièces emmanchées) et comme flèches (trouvailles en place dans des os),


70 SOCIÉTÉ PRÉHISTORIQUE FRANÇAISE

Il faut ajouter leur emploi comme petits burins à inciser et à graver des fragments de coquillages et des perles en rondelles d'oeufs d'autruche (outils et objets en cours de fabrication découverts ensemble par M. Siret).

Il paraît donc très dangereux à la fois et très problématique de classer des pièces de ce genre, quand elles n'ont pas servi, d'après l'usage auquel on aurait pu les destiner. A défaut de figures très détaillées, ce qui devient de plus en plus rare, la lecture du texte peut alors amener à de regrettables confusions ceux qui, voulant faire des travaux d'ensemble, n'ont que le texte des auteurs pour se guider.

Il paraît donc nécessaire d'admettre des formes typiques et de désigner les pièces, dans les mémoires, d'après leur forme plutôt que d'après leur emploi éventuel. Rien n'empêche d'ailleurs de compléter par une petite notice la désignation de chaque pièce quand une particularité quelconque rend cela nécessaire.

Je propose donc d' « appeler » tranehets du « type tardenoisien » ceux qui, microlithiques, sont tirés d'une lame, et dont le tranchant est toujours formé par la rencontre d'une face d'éclatement de cette lame avec la face dorsale. Ces pièces ont rarement une ébauche de pédoncule ou d'emmanchure obtenue par l'amincissement de la partie supérieure.

Les autres tranehets, du type campignien, viennent de petites masses de silex retaillées à cet usage ou d'éclats de débilage aménagés. Leur tranchant est tantôt créé avant la spécialisation de l'outil, tantôt obtenu spécialement par l'enlèvement d'un éclat oblique par un « coup du tranchet » d'après une technique rappelant celle du « coup du burin ».

Sur l'origine du mot « Bronze » «

PAB

M. L. FRANCHET (Asnières, Seine).

L'origine du mot bronze, celui-ci désignant exclusivement l'alliage du cuivre et de l'étain, a fait l'objet, depuis plusieurs siècles, de nombreuses recherches.

Du Cange, dans son Glossarium publié en 1678, cite les mots bronzium et bronzinum (1) tirés d'une chronique latine du début du xve siècle.

(1) Du CATÏOE. — Glossarium ad scriptorès mediee et in firmes laiinitatis, 3 Vol, in-fol. Paris, 1678. . <


SOCIÉTÉ PRÉHISTORIQUE FRANÇAISE 71

Muratori les puisa à la même source lorsqu'il les indiqua dans ses Rerum Italicarum scriptores (1).

C'est fort probablement d'après cette même chronique que le mathématicien italien Vanuccio Biringuccio fit usage des mêmes expressions lorsqu'il publia en 1540, sa célèbre Pirotecnia qui eut sa première édition française en 1556, par Jacques Vincent (2).

Le mot bronze était donc déjà connu au début du xve siècle et à partir du xvie son emploi est généralisé. Les italiens l'appelaient bronzo, les espagnols, bronce.

Nous arrivons à Marcellin Berthelot qui est le savant ayant le mieux étudié les origines de la chimie et qui, pour l'usage du mot bronze n'a pu remonter au delà du xie siècle comme nous le verrons tout à l'heure (3). Malgré toutes ses recherches il n'a pu élucider la question de l'origine du mot, origine qui reste encore un problème.

Les grecs désignaient le bronze sous le nom de xaXxdç, mais cette appellation était usitée aussi bien pour le cuivre que pour ses différents alliages et non pas seulement pour celui du cuivre et de l'étain.

Divers auteurs ont recherché si le mot bronze avait pour origine la couleur de l'alliage ou bien le nom d'un lieu de fabrication.

Muratori se basant sur la couleur brune a voulu faire dériver bronze de brunizzo ou bruniccio. Du Cange a proposé bruntus, nom d'une couleur citée par jElfricus, au Xe siècle; Diez a proposé brunst qui signifie en allemand, incandescence et bronza, charbon incandescent, en Vénitien.

Au sujet d'une origine étymologique tirée d'un nom de lieu, on pourrait la déduire d'un renseignement donné par Pline qui dans son Histoire naturelle, liv. XXXIII, chap. IX, signale l'airain de Brindes, oes Brundusinum. Il s'exprime ainsi : « Spécule optima apud majores fuerant Brundusina stanno et sere mixtis » (Chez les anciens, les meilleurs miroirs étaient ceux de Brundusium faits d'un mélange d'étain et de cuivre).

Il est probable qu'une fabrique de miroirs en bronze, établie à Brindes, possédait la formule d'un alliage susceptible d'acquérir un poli remarquable.

(1) MORATORI. — Sérum Italicarum scriptores proscipui ab anno 500 ad 1500, 29 vol. in fol. Milan, 1723-1751.

(2) BlRINSUCCIO. — Pirotecnia, nella quale si traita non solo dclla diversità délie rumere, ma anco di quanto si ricerca alla pratiqua di esse, e che s'appartiere all'arie delta fusione o getto de' metalli. In-4° Venise, 1540.

(3) BERTHELOT. — Les origines de la Chimie, In-8°, Paris, 1885. Collection des anciens alchimistes grecs, In-4°, 3 vol., Paris, 1887-1888. Introduction à l'étude de ta Chimie des anciens et du moyen âge, ^-4°, Paris,

1889.


(2 SOCIÉTÉ PRÉHISTORIQUE FRANÇAISE

Quant au mot'latin ses qui désignait aussi bien le cuivre que ses alliages, il donna naissance à seramen, airain-, qui lui-même .ne s'appliquait pas exclusivement au bronze, mais aussi à ses alliages.

Berthelot, dans sa Collection des anciens alchimistes grecs, cite un texte dont voici le titre :

Ei GÉÀstç 7toiV]at toouputaç xai ToXouça7rb j3poVT7)<jîou, TZOUI OUTW;.

« Si tu veux fabriquer des formes en creux et en relief avec du bronze, opère comme il suit. » _

Le mot ppovTrjat'ou que nous voyons dans le titre, désigne sans aucun doute possible, le bronze, car Je texte renferme la phrase suivante :

H 61 (juYxÉpaui; Tou (ipovT7)<riou stmv ouTtoç'îou xu7rptou Xîxpa a', xacarrepou xaOapou f 6'.

- « Quant à l'alliage du bronze, on le fait ainsi : rouille de cuivre de Chypre, une livre, étain pur, deux onces ».

Les Grecs appelaient rouille de cuivre les sels de cuivre qu'ils obtenaient artificiellement : carbonate, oxychlorure, sulfate ou^acétate. Le mélange du sel cuivrique avec l'étain était soumis au feu, évidemment en présence d'un agent réducteur, puisqu'on, n'employait pas le cuivre métallique, état auquel devaient être préalablement amenés les sels.

Le manuscrit grec, qui appartient à la bibliothèque de SaintMarc, à Venise, est du xie siècle, date la plus haute, par conséquent, à laquelle on constate avec certitude l'emploi du mot bronze. Ce manuscrit n'est qu'un fragment d'un ouvrage beaucoup plus considérable d'alchimie byzantine qui, d'après Berthelot, dont on ne saurait suspecter l'excessive prudence, remonterait au xe ou même au vine siècle de notre ère.

En résumé, le mot bronze désignant explicitement l'alliage du cuivre et de 1 etain était employé au xie siècle, mais il ne paraît pas douteux que cette dénomination remonte certainement à une époque plus ancienne.

RÉUNIONS. — Sans autre avis, les réunions ont lieu tous les mois, sauf pendant les vacances, le quatrième .Jeudi, a 16 heures, à la Sorbonne, Amphithéâtre M., Entrée, 46s rue Saint-Jacques.

Une réunion intime a lieu le- deuxième jeudi de chaque mois, sauf juillet, août et septembre, à 15 heures au Laboratoire, 250, rue Saint-Jacques. "

J. BOSSAVY, Gérant. — Le Mans, Imp. CH. MONNOYER, 1922