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Titre : Le Monde artiste : théâtre, musique, beaux-arts, littérature

Éditeur : [s.n.] (Paris)

Date d'édition : 1896-12-06

Contributeur : Lemoine, Achille (1813-1895). Directeur de publication

Contributeur : Gourdon de Genouillac, Henri (1826-1898). Directeur de publication

Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32818188p

Notice du catalogue : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/cb32818188p/date

Type : texte

Type : publication en série imprimée

Langue : français

Format : Nombre total de vues : 19764

Description : 06 décembre 1896

Description : 1896/12/06 (A36,N49).

Description : Collection numérique : Arts de la marionnette

Droits : Consultable en ligne

Droits : Public domain

Identifiant : ark:/12148/bpt6k5469962m

Source : Bibliothèque nationale de France, département Littérature et art, Z-1096

Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France

Date de mise en ligne : 18/12/2008

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LE

MONDE ARTISE

illustré

MUSIQUE — THÉATRE — BEAUX-ARTS

36e Année

PUBLICATION HEBDOMADAIRE

BUREAUX DU JOURNAL

24, rue des Capucines, 24.

Les abonnements sont, en outre, reçus à la LIBRAIRIE NOUVELLE

15, Boulevard des Italiens, 13.

N° 49 Dimanche 6 Décembre 1896

SOMMAIRE

NOS GRAVURES

La Semaine Théâtrale

I. Chronique Musicale.

par TIC-TAC

II. Chronique Dramatique.

par EDMOND STOULLIG.

Spectacles de la semaine

Province et Étranger

NOTES ET INFORMATIONS

LES LIVRES par. CH. MALHERBE.

Courrier de la semaine.

Nécrologie

Courrier de la Mode.

par BERTHE DE PRÉSILLY.

ILLUSTRATION

Dessin de A. GEORGES-SAUVAGE

Abonnements

UN AN SIX MOIS

Paris 20 fr. 12 fr.

Départements. . 24 » 14 » Etranger ... 27 » 17 »

Les Abonnements d'un an sont intégralement remboursés en Morceaux de Musique (piano ou chant) à choisir dans le Catalogue adressé franco à toute personne qui en fera la demande.

Le Numéro : 50 Centimes


770 LE MONDE ARTISTE


36e Année. — N° 49

Dimanche 6 Décembre 1896

LE MONDE ARTISTE

GAITÉ. — La Poupée, opéra-comique en quatre actes et cinq tableaux, de M. Maurice Ordonneau.

Musique de M. Edmond Audran

I. Deuxième tableau : Une Gavotte par Mlle Mariette Sully. — II. Cinquième tableau : La Poupée au Couvent.

Alesia (Mlle Sully), Lancelot (M. Paul Fugère), le Père Maximin (M. Lucien Noël).

Dessin de M. A. Georges-Sauvage.


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LE MONDE ARTISTE

AVIS. — Nos abonnés recevront avec le présent numéro : LA CHANSON DU POIGNARD, extraite du « Capitaine Fracasse », pièce en vers de M. Emile Bergerat.

Nos Gravures

M. Audran et un homme heureux. Les uns prétendent que sa veine vient de ce qu'il abandonne toujours ses droits d'auteur dans les théâtres de Paris, se contentant des bénéfices que lui valent les représentations de ses pièces en province et à l'étranger, d'autres croient que depuis la Mascotte il est prédestiné. Quoi qu'il en soit, ce compositeur aimable réussit où d'autres échoueraient certainement, car, après les Pantins de Violette, la Poupée de Nuremberg, les Contes d'Hoffmann et Coppelia c'était risquer gros que de donner encore une pièce à automates.

Pourtant voici la Poupée en route pour la centième en ce théâtre de la Gaîté où la luxueuse mise en scène est un élément de succès lors de chaque création nouvelle. Notre dévoué collaborateur, M. A. Georges-Sauvage a réuni en une jolie page les principaux interprètes de la pièce, à la tête desquels il faut citer la talentueuse Mariette Sully, délicieuse ingénue.

LA SEMAINE THÉATRALE

1.- CHRONIQUE MUSICALE

Opéra. — Lundi. Sigurd; mercredi, Don Juan ; vendredi, Samson et Dalila, la Maladetta ; samedi, Don Juan.

Opéra-Comique. — Dimanche, le Pré aux Clercs ; lundi, Carmen; mardi, jeudi, samedi, Don Juan; mercredi, Lakmé; vendredi, Mireille, la Femme de Claude.

[Jeudi dernier. La scène se passe au fine o'clock de Mme des Oseraies. Jeman, l'auteur des Chansons rossardes, et son ami Lanoire, compositeur des BeauxGestes, sont invités en compagnie de Princip, le roi de la mode, et de Mlle Tardif, dont la jeunesse un peu mûre n'entend pas désarmer. On cause théâtre.]

Mme DES OSERAIES (à Jeman). — Vous étiez à l'Opéra-Comique, hier soir?

JEMAN. — Parbleu! qui n'était là pour entendre le rossignol prodigue ?

LANOIRE. — Oh ! prodigue !

PRINCIP. — Ne soyez pas méchant, mon petit Lanoire. Van Zandt...

JEMAN. —C'est une bonne marque de réglisse.

Mme DES OSERAIES. — Laissez donc parler Princip. Son opinion m'est chère.

PRINCIP. — A dire vrai, j'ai trouvé que les sons filés étaient remarquables.

Mlle TARDIF. — Certes. Le timbre est toujours limpide.

LANOIRE. — Ce n'est pas comme la prononciation !

Mme DES OSERAIES. — Vous êtes difficile.

JEMAN. — Que voulez-vous ? Nous ne sommes pas polyglottes.

Mlle TARDIF. — Elle parle mal ?

LANOIRE. — Des fois. En 1884, par exemple...

PRINCIP. — Comment le savez-vous?

JEMAN. — Les journaux en ont dit de belles, alors...

Mme DES OSERAIES. — Vous lisiez déjà les journaux?

LANOIRE. — Evidemment, puisque nous étions au collège.

PRINCIP. — N'empêche que Mlle Van Zandt vient d'avoir une bonne presse. On cherche à lui faire oublier les rigueurs d'antan.

Mlle TARDIF. — On a bien raison. Cette toute jeune artiste fut calomniée, c'est certain.

Mme DES OSERAIES. — Moi, je la trouve originale.

JEMAN. — Pas plus que les minstrels anglais, pourtant '?

LANOIRE. — Surtout quand elle chante le Barbier.

PRINCIP. — Vous causez là comme des écervelés. Les médecins vous diront que lors de la soirée orageuse qui ne nous rajeunit guère...

Mlle TARDIF. — Parlez pour vous.

PRINCIP (avec un sourire compatissant). — La célèbre chanteuse avait été frappée d'amnésie.

JEMAN. — Les médecins inventent des mots...

LANOIRE. — Afin de ne plus appeler un chat, un chat.

Mme DES OSERAIES. — Ils ont raison. A tout péché miséricorde.

Mlle TARDIF. — Elle avait donc péché ?

PRINCIP. — C'est une façon de parler. On est dur pour les artistes !...(Un silence.)

LANOIRE. — J'aurais facilement parié qu'elle ne reviendrait jamais...

JEMAN. — Pas moi. Qui a bu boira, dit le proverbe.

Mme DES OSERAIES. — Vous êtes par trop cruel,monsieur le chansonnier.

Mlle TARDIF. — Une femme qui ne boit que du lait!

LANOIRE. — Ça la change.

JEMAN. —Elle ne sera plus frappée... comme l'était son Champagne.

PRINCIP. — Vous tenez aux légendes... C'est de votre âge.

(On sonne. Mademoiselle Van Zandt paraît.)

Mlle VAN ZANDT (à madame des Oseraies). — Ma chère amie... en passant... cinq minutes.

PRINCIP. — Mademoiselle, permettez à un de vos ancien admirateurs de saluer en vous une artiste éternellement exquise.

Mlle TARDIF. — Nous serons heureux de vous applaudir encore ! (A Lanoire et Jeman.) N'est-ce pas, messieurs?

LANOIRE. — Sur les sommets du diapason, vous êtes admirable mademoiselle !

JEMAN. — Et j'oserai dire que vous avez évoqué délicieusement un passé qui nous est cher !


LE MONDE ARTISTE

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Mlle VAN ZANDT. — Mademoiselle, messieurs, de grâce!...

Mme DES OSERAIES. — Laissez donc, chère amie, c'est toute justice... Un doigt de thé?...

Mlle VAN ZANDT. — Volontiers, sans crème!...

[Madame des Oseraies sert du thé. Chacun continue à s'extasier sur les mérites incomparables de l'ancienne transfuge, et l'on se passe des petits fours. ]

TIC-TAC.

CHRONIQUE DRAMATIQUE

Comédie-Française. — Dimanche, Cabotins ; lundi, mardi, jeudi, samedi, On ne badine pas avec l'amour ; mercredi, Montjoye; jeudi (matinée), Charles VII chez ses grands vassaux; vendredi, Hamlet.

Odéon. — Dimanche, le Fils naturel; lundi, vendredi (abonnement), le Fils naturel; mardi, premiére représentation, le Danger, les Yeux clos, la Révolte; mercredi, représentation à prix réduits, Andromaque,

le Malade imaginaire; jeudi, matinée, l'Apollonide, conférence par M. Jules Lemaitre; le soir, le Danger, les Yeux clos, la Révolte; samedi, le Danger, les Yeux clos, la Révolte.

Renaissance. — Lorenzaccio, drame en cinq actes et un épilogue, d'Alfred de Musset, mis à la scène par M. Armand d'Artois, musique de M. Paul Puget. (Première représentation le jeudi 3 décembre.)

Bouffes-Parisiens. — Monsieur Lohengrin, opérette en trois actes, de M. Fabrice Carré, musique de M. Edmond Audran. (Première représentation le lundi 30 novembre.)

Notes sans portées, par l'Ouvreuse du Cirque d'Eté (Willy), avec illustrations de José Engel. (Ernest Flammarion, éditeur.)

Comment Mlle Wanda de Boncza, qui passe pour intelligente, a-t-elle choisi elle-même, comme rôle de début à la Comédie-Française, celui de la noble Camille qui lui convenait si peu ? Extrêmement jolie sous la robe blanche de religieuse — où ressortait son éclatante beauté brune, et où se profilait, sous le voile, son visage de juive polonaise au nez busqué, jolie encore, quoique terriblement maigre, en sa robe décolletée du dernier acte, Mlle de Boncza, d'abord hantée par la peur, puis troublée par un sot incident de coiffure, nous a donné une Camille mélodramatique qui n'était pas cela du tout, oh! mais pas du tout... On l'a poliment accueillie, comme toujours, et même rappelée deux fois. Mais j'imagine qu'elle est trop fine pour se tromper sur ces applaudissements de commande, et si elle avait entendu les réflexions des couloirs!...

Avez-vous souvenance d'une jolie plaquette que publia naguère le Figaro illustré sous la signature du japonisant Félix Régamey et sous le titre les Yeux fermés ? M. Régamey voulait en tirer une pantomime destinée au Cercle funambulesque, alors prospère. M. Michel Carré, qui fut un instant président de ce Cercle, eut l'idée d'en faire une comédie en vers, et la fit en effet ; notre honorable confrère Paul Perret, lecteur de la Comédie-Française, la rouva charmante, et sur son rapport essentiellement favorable, elle fut présentée au comité. M. Michel Carré revint tout exprès de Cabourg, son

habituelle villégiature, pour la lui lire, et... se la voir refuser. Légèrement dépité, il était retourné à la mer, quand il apprit de son ami Régamey que la pièce était reçue à l'Odéon, et qu'il lui fallait, encore une fois, revenir de Cabourg pour en diriger lui-même les répétitions — au lieu et place d'Antoine, un peu prompt à se dérober. M. Michel Carré s'acquitta de sa tâche avec un soin tout paternel et une indiscutable compétence. Et dans un joli décor de forêt dessiné par Régamey et peint par Ménessier, où les longs bambous nous laissent apercevoir, dans le fond, la moderne Tokio aux cheminées fumantes des laborieuses usines, il nous a présenté ces Yeux clos, auxquels le comité de la Comédie-Française, reprochait une « philosophie trop amère ».

C'est la lutte de la science et de la poésie. Aveugle, la petite Japonaise 0 Hana voit tout « en beau » par les récits de son cher amant, le poète Saïto. Pourquoi faut-il qu'un vieux savant passe par là pour ouvrir ses yeux à la lumière du jour, et lui faire voir tout en laid ? A quoi bon la science ? Saïto implore la déesse qui rendra ses illusions à 0 Hana en la faisant, de nouveau, redevenir aveugle. Vous comprenez l'apologue ; M. Michel Carré l'a conté en d'aimables vers, et la piécette est vraiment jolie.

Les Yeux clos sont congrument interprétés par MM. Monteux et Silbot, le poète et le docteur de la légende, et par Mlle Chapelas, qui se sert avec grâce de cette guitare japonaise, appelée samisen, d'où elle est censée tirer les sons, heureusement mariés, de la flûte et du violon : M. Charles Malherbe a écrit, pour les Yeux clos, une discrète mais originale musique de scène.

Que dire maintenant du Danger, de M. Arnault, dont la première représentation fut si fortement cahotée? La pièce était-elle trop subtile pour être comprise par un public non préparé par une conférence? Si nous reconnaissons ses qualités d' «écriture » et si nous mettons à part deux ou trois scènes — telle, au second acte, la fine déclaration de Morannes à Hélène — nous devons avouer que toute cette quintessence est aussi peu théâtrale que possible et plaindre les malheureux artistes chargés de défendre une cause perdue d'avance. Honneur donc à M. Léon Noël, excellent sous les traits du docteur Boisset, le mari d'Hélène, maîtresse platonique du beau de Morannes ; à Mlle Thomsen qui fut, à la Renaissance, l'exquise Figurante de M. de Curel. Et tous nos compliments à Mlle Mylo-d'Arcylle, jeune première bien disante découverte, dit-on, par l'ancien directeur du Théâtre-Libre : rendons à Antoine ce qui appartient à Antoine.

La soirée odéonesque, plutôt sévère, se terminait heureusement, avec Villiers de l'Isle-Adam, par la Révolte (ici la lutte de la prose et de la poésie) où Mme Segond - Weber a obtenu, de concert avec M. Gémier, un très vif et très légitime succès.

Ah ! que René Maizeroy a donc « justement » répondu à un de nos jeunes confrères, venus pour l'interviewer à propos de Musset et de son Lorenzaccio.

« Lorenzaccio, a-t-il dit, mélodrame incohérent et rouge, où parfois cependant jaillissent du fatras des


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LE MONDE ARTISTE

tirades comme de magnifiques lueurs d'incendie, sorte A'Hamlet obscur et décousu qui fait songer à Bouchardy bien plus qu'à Shakespeare... Que l'on est décu en lisant cette suite de scènes, ce soi-disant chef-d'oeuvre inconnu que nos aînés réclamèrent avec un entêtement assez inexplicable et qu'ils essayèrent d'imposer tant de fois à la Comédie et à l'Odéon ! Et n'eût-il pas mieux valu reprendre le drame admirable et angoissant de Sardou, cette Haine évoquant l'Italie endeuillée , sanglante , farouche des Guelfes et des Gibelins qui, au milieu des clameurs de tuerie, des psalmodies sacrées, des prières d'épouvante, renferme une des scènes de passion, de pitié les plus belles qui soient, aussi bien dans le théâtre antique que dans le théâtre moderne ? »

Sarah Bernhardt reparaissant, sous le costume masculin, dans une oeuvre d'Alfred de Musset : c'était en tout cas, une stimulante et délicate surprise. Ne sait-on pas que la très éclatante popularité de Mme Sarah Bernhardt date d'un rôle à travestissement qu'elle joua à l'Odéon dans le Passant de François Coppée. Vous vous rappelez le petit trouvère faisant vibrer de sa voix d'or les vers du poète ; vous vous souvenez aussi de la silhouette tant artistique de la comédienne, lorsqu'elle apparaissait avec des frissons de cigale, la mandoline sur l'épaule attachée, et les flots de cheveux ondulés tombant du toquet autour du visage aux lignes sculpturales.

Depuis lors — quoiqu'on prétende que succès oblige — Sarah n'aurait plus, à notre souvenir, jamais rejoué de travesti, jamais quitté les vêtements de femme, dont elle excelle à draper les longs plis et les ondulations pittoresques. Pourquoi cette abstention ? Nous en ignorons la cause; mais elle n'était pas le résultat d'un voeu définitif puisque, à la Renaissance, la grande tragédienne a reparu sous le costume masculin dans le Lorenzaccio de Musset, aussi habillement « adapté » que possible par M. Armand d'Artois.

Oui, certes, elle a fait là une superbe création ; mais, ayons la franchise de l'avouer, en dépit du feu sacré qui l'anime, la magicienne qu'est Sarah Bernhardt n'est malheureusement point parvenue à donner l'apparence d'une oeuvre à ce mélodrame obscur et incohérent... Aussi a-t-on pris d'avance la sage précaution d'annoncer que les lendemains de Lorenzaccio seraient faits par la Dame aux Camélias, interrompue en plein succès...

Qu'est-ce, aux Bouffes, que Monsieur Lohengrin? Une parodie gaie et spirituelle, parisienne et, boulevardière » du célèbre opéra de Wagner. Le « chevalier du cygne » est personnifié par un aimable canotier qui vient tirer d'un cruel embarras Mlle Cécile Blandin, gentille cocotte aux prises avec une nuée] de créanciers. Ceux-ci ont été ameutés par l'agent secret de la police d'Asnières (tout le monde le connaît, d'ailleurs) qui a conçu le projet de l'épouser. La belle Cécile ne comblera ses voeux que contrainte et forcée, alors qu'elle aura découvert

— fatale curiosité! le véritable nom [Rothschild : — sans parenté, du reste, avec le richissime banquier

— de l'amant qui vient la voir deux fois par semaine, jusqu'à ce qu'il se soit reconcilié avec sa femme légitime, petit glaçon subitement dégelé.

La pièce de M. Fabrice Carré a de la bonne humeur et nous a plu par l'espièglerie de son observation. Peut-être le musicien — M. Audran for ever ! — eût-il pu pasticher avec plus d'ironie le chef-d'oeuvre applaudi de tous : ne lui en veuillons pas trop d'avoir tiré de son propre fond les couplets, comme ceux de la Rose et les duos de la Vengeance et du Baiser qui ont valu à Mlle Deval, si adroite et si charmante, à M. Lamy, tout à fait drôle en son amusante composition de l'agent secret, et au débutant, M. Dambrine, qui a de l'élégance et un joli timbre de voix, les très grands succès de la soirée.

Si M. Samuel, comme le public des Variétés, a lieu de regretter l'aimable Fleur de Noblesse qu'était Mlle Germaine Gallois, M. Grisier doit se frotter les mains de l'avoir gardée pour lui confier le rôle de Cécile Blandin, qui va si bien à sa triomphante beauté. Le professeur Billemotte — que personnifie avec tant de naturel l'excellent Hittemans — assure qu'il en fera quelque chose : nous affirmons que d'ores et déjà Mlle Germaine Gallois est « arrivée » : le jeu est intelligent ; la voix est jolie ; que voulezvous de plus? Citons encore l'entrain de Mme Maurel, en mère d'actrice, et n'oublions pas la silhouette du secrétaire japonais, qu'a si plaisamment mise en relief M. Jeannin, « l'homme de la montagne », de Miss Helyett.

Jamais la place ne me fut plus parcimonieusement mesurée, et cependant, pour rien au monde, je ne voudrais remettre encore à huitaine le plaisir d'annoncer ici l'heureuse venue à terme du dernier né de l'ami Willy : Notes sans portées. Sans portées, c'est possible; mais non, certes, sans portée, car elles sont diablement substantielles et vont plus loin qu'on ne pense, ces toujours amusantes et souvent étincelantes Lettres de l'Ouvreuse du Cirque d'été.

Toutes, nous les relûmes, et bien qu'elles datent aujourd'hui de six mois ou même d'un an, nous en goutâmes, plus encore que la première fois, le ragoût pimenté.

Joignons que le volume (édité chez Flammarion) est heureusement illustré par José Engel, dont nous admirions dernièrement, à la Bodinière, la très intéressante exposition. Et c'est merveille de voir avec quelle verve le jeune artiste a croqué : Méphistophiélès-Berlioz que se disputent Colonne et Lamoureux ; Vincent d'Indy « tête de mort » tournant les pages de Chevillard dit « le meilleur des gendres » ; Paul Vidal battant la mesure à ses musiciens des concerts — ô le profil grec de Colleuille dans le coin de la page ! — Van Dyck, à la face de poupard chantant chez le Patron ; Mme Auguez de Montaland (la Gosse) roucoulant chez Edouard; la belle Mme Roger Miclos, broyant l'ivoire aux ChampsElysées ; notre excellent collaborateur Fernand Le Borne (déjà chevalier de la légion d'honneur!) écoutant Rheingold au Châtelet; Alfred Bruneau dirigeant son Requiem à l'Opéra ; — sans oublier quelques habitués du Cirque d'été, parmi lesquels nous reconnaissons l'aimable éditeur Durand, voisin de la troublante Mme Héglon ; le lieutenant Henry Gauthier-Villars (il a bien les moustaches d'un capitaine) et la toute charmante Mme Willy elle-même, douce esthète... EDMOND STOULLIG.


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Autres spectacles de la semaine :

Porte-Saint-Martin : Don César de Bazan. — Gaîté : la Poupée. — Châtelet : la Biche au bois. — Gymnase : la Villa Gaby. — Ambigu : les Deux Gosses. — Vaudeville : le Partage. — Nouveautés : les Erreurs du mariage. — Folies-Dramatiques : Rivoli. — Variétés : L'OEil crevé. — Palais-Royal : le Dindon. — Déjazet : le Lapin. — Cluny : le Papa du Francine. — Théâtre de la République : Lucile Desmoulins. — AthénéeComique : la Course aux jupons. — Nouveau-Cirque : Paris-Pékin.

Théâtres de quartier. — MONTMARTRE : les Pirates de la Savane. — BELLEVILLE : la Cambrioleuse. — BOUFFESDU-NORD : Jeanne d'Arc. — BATIGNOLLES : Roger la Honte. — MONCEY : la Dette du crime. — LES TERNES : Un fil à la patte. — LES GOBELINS : les Deux orphelines.

— MONTPARNASSE : Vingt ans après. — GRENELLE : le Bossu.

Palais de Glace (Champs-Elysées), patinage sur vraie glace, tous les jours de 9 heures du matin à minuit.

Matinées du dimanche 6 décembre 1896 :

Comédie-Française, les Fourberies de Scapin, le Gendre de M. Poirier. — Odéon, le Capitaine Fracasse.

Renaissance, Gymnase, Palais-Royal, Variétés, Gaîté, Porte-Saint-Martin, Ambigu, Nouveautés, Cluny, Athénée-Comique, Eldorado, Folies-Dramatiques, ThéâtreBlanc, Théâtre-Moncey, Théâtre-Pompadour, Déjazet, mêmes spectacles que le soir.

Concerts du dimanche 6 décembre 1896 :

Champs-Elysées (Concerts Lamoureux). — Sixième concert de l'abonnement (série B). — Ouverture d'Iphigénie en Aulide (Gluck). Symphonie héroïque (Beethoven.

— Prélude, première et troisième scène du premier acte de la Valkyrie (R. Wagner) ; version française de M. A. Ernst. Sieglinde : Mme Chrétien-Vaguet ; Siegmund : M. Engel. —Chevauchée des Valkyries (Wagner).

Châtelet. — (Concerts Colonne). — Sixième concert de l'abonnement. — Cinquentenaire de la Damnation de Faust, d'Hector Berlioz.

LETTRES ET BEAUX-ARTS

— Académie française.

La séance était présidée par M. Legouvé, directeur, assisté de M. le vicomte de Vogüé, chancelier, et de M. Gaston Boissier, secrétaire perpétuel.

Ont été offerts en hommages :

La Jeunesse de Léon XIII, d'aprés la correspondance de famille, par Boyer d'Agen.

Mémoires et comptes rendus de la Société royale du Canada, 1895.

Notes d'étymologie française: origine germanique d'une série de mots à initiale B, par P. Regnault.

Asnaih, fille de Potifera, tragédie, étude biblique par L.-P. Blossere.

L'Académie a prononcé la déclaration de vacance du fauteuil de Challemel-Lacour.

MM. Sully Prudhomme, de Bornier, Sorel, Brunetière ont été désignés pour faire partie de la commission de lecture du discours de réception de M. Anatole France et de celui de M. Gréard chargé de lui répondre. La commission se réunira, le jeudi 17 décembre, et la réception solennelle du nouvel académicien aura lieu huit jours plus tard, le jeudi 24 décembre.

— Le monument du peintre militaire Charlet, dû au sculpteur Alexandre Charpentier, est aujourd'hui presque terminé.

Il a été placé en face de l'ancienne gare de Sceaux, aux environs du Lion de Belfort, dans un square nouvellement créé.

Le sculpteur met, sur place, la dernière main à son oeuvre, afin de mieux juger de l'effet qu'elle produira en plein air.

PROVINCE

Bordeaux. — Les concerts classiques de la Société Sainte-Cécile ont fait, dimanche dernier, une brillante réouverture.

Le programme très indicatif de cette première séance comprenait : la Symphonie pastorale de Beethoven, des fragments de la Suite en si mineur de Bach, l'Ouverture du Roi d'Ys de Lalo, la Marche héroïque de SaintSaëns et Antar, le curieux poème symphonique de Reinsky-Korsakow.

Le remarquable orchestre a obtenu son succès accoutumé, et M. Gabriel-Marie, qui le dirige comme les années précédentes, avec une superbe maestria, a été accueilli à son arrivée au pupitre par une ovation aussi chaleureuse que spontanée.

On nous promet, au cours de la session, l'Alceste de Gluck et la Vie du Poète, de G. Charpentier.

Comme on le voit, la Société Sainte-Cécile maintient sa glorieuse réputation. B.

Lyon. — Grand-Théâtre. — Les représentations de Mlle Bourgeois (de l'Opéra), ont continué avec les Huguenots et la Juive, et ces deux auditions n'ont guère modifié ma première impression. Certes oui, le soprano de Mlle Bourgeois est éclatant, vibrant, tonitruant, même : mais il n'a pas cette variété des teintes qui fait le charme d'une voix. Le grave est sonore, mais comme tout cela est heurté, haché. Le chant, comme le jeu de l'artiste, tout est en soubresauts. Tout est dramatisé à l'excès. C'est dommage, avec un peu de style, une moins grande préoccupation de l'effet, Mlle Bourgeois avec la voix encore indomptée qu'elle possède pourrait être une de nos meilleures falcons du jour. Mais qui aura la franchise de lui dire ses défauts et toutes les corrections qu'elle pourrait apporter dans l'interprétation de ses rôles ?

Si j'insiste à ce point sur Mlle Bourgeois, c'est que cette artiste vient de l'Opéra et qu'en province on se fait une telle opinion de notre Académie Nationale de musique, que je ne voudrais pas qu'elle pût, une seule fois, lui être défavorable.

Demain, premières représentations de Proserpine, drame lyrique en quatre actes, de Saint-Saëns et de Javotte, ballet nouveau en trois tableaux, également de M. Saint-Saëns qui dirigera lui-même l'exécution do son ballet. A. CONDAMINE.

Marseille. — Grand-Théâtre. — La reprise de Roméo et Juliette est décidément le grand succès de la saison, grâce à la brillante interprétation dont nous avons parlé. M. Affre et Mme Bréjean-Gravière, habilement secondés par Mlle Dumaine et MM. Boudouresque, Boulogne et toute la troupe. Les deux artistes parisiens doivent chanter Lucie de Lammermoor.

Dans Mignon, nous avons entendu notre nouveau second ténor léger, M. Devaux, qui a chanté au pied levé le rôle de Wilhem Meister. Ce jeune artiste s'est acquitté de sa tâche avec une grande crânerie, et sa jolie voix lui a valu des applaudissements unanimes. Mlle Dumaine, MM. David, Boudouresque, se font apprécier dans les opéras du répertoire, notamment Carmen et Faust, avec Mlle Tanésy, une superbe Marguerite.

Théâtres de genre. — Disparu et Durand et Durand, ont tenu l'affiche la quinzaine dernière aux Variétés. Grâce à M. Dailly et à l'excellente troupe de M. E. Simon, le public a suivi avec plaisir ces représentations. Jeudi, reprise de Dora, avec le concours de M. Pierre Berton.

Le public marseillais déserte de plus en plus notre vieux Théâtre du Gymnase où la direction ne lui offre plus que la caricature des opérettes qui firent le succès


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LE MONDE ARTISTE

de ce théâtre, notamment la Fille du Tambour-Major et le Jour et la Nuit. Mlle Van-Nheim seule, une jeune artiste de brillant avenir, trouve grâce devant le public qui l'applaudit comme elle le mérite. Nous préférons passer sous silence les autres artistes et la façon dont sont montées les pièces.

L'Alcazar lyrique tient un grand succès avec les 28 jours de Champignolette. E. GRAPH.

Nantes. — Après trois débuts remarquables dans Robert, la Juive et Hilda, de Sigurd, Mlle Thérèse Clément a été reçue à l'unanimité. Cette jeune artiste me semble, de plus en plus, appelée à un très bel avenir. Sa voix, d'un volume remarquable,_ d'une homogénéité parfaite, ses remarquables qualités de musicienne, son intelligence scénique, ont surtout brillé dans le rôle d'Hilda que l'on avait jusqu'ici, à Nantes, confié,faute de mieux, à une chanteuse légère. Mlle Martini chantait Brünehild. Le succès de cette admirable artiste n'a pas été moins grand que dans Lohengrin. Elle a chanté le réveil de la Walkyrie d'une divine façon et a été acclamée après les duos du 3e et du 4e acte comme jamais chanteuse ne le fut ici. Le nouveau ténor M. Mestre, après avoir heureusement terminé ses débuts dans la Juive, a chanté Sigurd avec succès. Sa voix, au timbre pénétrant et chaud, a été très appréciée dans l'air : Hilda, vierge au pâle sourire, et dans celui du 4e acte. C'est plus qu'un succès, c'est un triomphe qu'a remporté M. Bouxmann dans le rôle d'Hagen. Il a magistralement chanté la légende de la Walkyrie. Nous avons apprécié, une fois de plus, dans Gunther, la très belle voix de baryton de M. Séveilhac, mais nous sommes forcé de constater aussi le peu de cas que cet artiste fait des critiques qui lui sont faites. Au point de vue du style, de la compréhension du personnage, il n'y a, chez lui aucun progrès. M. Rosseel a chanté avec assez de goût le rôle du grand prêtre. Mme Villa a été très médiocre dans Uta. Encore une artiste qui se contente de la richesse de son organe ! ! En résumé cette reprises de Sigurd a été superbe. Salle archicomble.

Lohengrin, qu'on n'avait pas joué depuis un mois, a reparu sur l'affiche, à la grande joie des admirateurs de Mlle Martini, une Elsa incomparable. L'exquise cantatrice trouve, je crois, son triomple dans l'oeuvre de Wagner. Elle chante Elsa avec un charme incomparable, et elle joue ce rôle en tragédienne accomplie. Mlle Martini ne serait certes pas déplacée à Bayreuth. C'est M. Paranque qui interprètait Lohengrin. Nous avons entendu, à Nantes, ce rôle chanté avec plus de voix, mais jamais avec autant de style.M, Paranque a délicieusement dit les adieux au cygne et a été très applaudi après le récit du Graal. Dans le duo d'amour il a partagé, très justement, le triomphe de Mlle Martini. Quelques jours auparavant, M. Paranque avait par complaisance chanté Léopold de la Juive. Il s'est tiré de cette épreuve avec un réel talent.

Une nouvelle chanteuse d'opérette, Mlle Gilberte Andrée, n'a pas plu et a résilié. La chanteuse légère Mlle Rhaijane, a été refusée. Les répétitions de Salammbô sont activement poussées.

ETIENNE DESTRANGES.

Nice. — Grand-Théâtre de l'Opéra. — Le 26 novembre, ouverture avec les Huguenots, pour les débuts de MM. Scaremberg, Boussa, Laporte, Berriel et de Mmes Talexis, Emlin et Aline Rose. Le Tannhäuser et la Favorite passeront après l'oeuvre de Meyerbeer.

Casino Municipal. — Les représentations de notre seconde scène ont commencé avec la Petite Mariée et le Petit Faust. Le succès des nouveaux artistes de M. Tessier s'est nettement dessiné : Mmes Sauvaget et Clary ont produit la meilleure impression. Il est vrai que ces deux chanteuses de talent avaient pour partenaires

partenaires agréable ténor, M. Leduc, un baryton à l'organe bien timbré, M. Tricot, et enfin les désopilants comiques J. Roches et Georges.

Le rôle de Rose Friquet des Dragons de Villars a rencontré une excellente interprète chez Mlle Fierand, Son jeu, notamment, a beaucoup plu. MM. Tricot (Belamy) et Leduc (Sylvain) ont également obtenu de fort nombreux applaudissements.

Au premier jour : le Petit Duc, la Cigale et la Fourmi, etc. EMILE CARRÉ.

Rennes. — Patrie, l'opéra écrit par Paladilhe sur la pièce de Sardou, vient de faire son apparition sur notre scène.

L'interprétation a été de tous point satisfaisante. M. Van-Laër, bien que paralysé par un léger enrouement, a su faire de la grande figure du comte de Rysoor une création digne de son talent. Notre fort ténor, M. Durand, a prêté au personnage de Karloo toutes les ressources de sa voix généreuse et puissante, et M. Sélin, ténor léger, a interprété le marquis de la Trémoille avec une distinction de jeu et une habileté de chanteur qui lui a fait bisser l'exquis Madrigal du troisième tableau.

Le jeune baryton Lacan, dans le sonneur Jonas, M. Darthès, basse noble, dans le duc d'Albe, et M. Marihaud, basse chantante, dans Noircarmes, ont eu leur part de succès.

Je vous avais annoncé la résiliation de Mme Bonjean, falcon, et son remplacement par Mlle Dalzen ; celle-ci n'a pas fait chez nous un plus long séjour qu'à Nantes, et c'est Mlle Brussac, notre falcon de la saison dernière, qui lui succédé à la satisfaction générale.

Mlle Brussac a fait sa rentrée dans Patrie, où son rôle de Dolorès lui permet de déployer à l'aise ses grandes qualités dramatiques. Son succès a été parfaitement légitime. A côté d'elle, Mlle Vitaux chantait Rafaële et y a fait plaisir.

Le ballet, délicieux comme musique, a été un des clous de la soirée. Notre danseuse étoile, Mlle Alice Frassi, y déploie de pures merveilles de vigueur, de brio et de souplesse. Nous ne saurions trop savoir gré à M. Poyard de nous procurer l'occasion d'applaudir un talent si original. Compliments aussi au maître de ballet, M. Ambrosiny, et à Mme Ambrosiny danseuse demi caractère.

L'orchestre a été digne de sa réputation ; c'est tout dire. Les choeurs, numériquement trop faibles, ont fait ce qu'ils ont pu. La mise en scène, à part le dernier acte un peu vide, a été, comme je l'ai dit plus haut, très convenable, et notre costumier M. Faucheux avait suffisamment fait les choses.

Enfin, pour terminer, félicitons chaleureusement M. Tapponnier, notre distingué chef d'orchestre, de la part prépondérante qu'il a prise au succès de Patrie, dont il a conduit les études avec un sens artistique parfait, un dévouement infatigable, et une rapidité indispensable en province, où il faut faire bien et vite.

H. MAZIÈRES.

Rouen. — Théâtre des Arts. — Nous avons enfin un fort ténor, M. Casset, qui a réuni tous les suffrages. A l'encontre de son prédécesseur, il a plus de talent que de moyens, mais à Rouen, on fait passer ceci après cela. La plus belle voix du monde ne saurait plaire, dépensée au hasard du coup de gosier. On veut des « chanteurs » et non des décrocheurs de lustres. M. Casset est un chanteur et on ne le chicanera point sur l'étendue de son organe.

C'est dans Sigurd que le nouveau fort ténor a terminé ses épreuves. La belle oeuvre de Reyer, qui n'avait pas été reprise depuis sa création sous la direction Bussac, a rencontré le plus chaleureux accueil. Elle est d'ailleurs présentée par une interprétation de


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bonne homogénéité. Mme Bossy est la Brunehilde idéale; Mlle Frandaz, une très intelligente Hilda; MM, Decléry, Vallier et Cobalet, de belle allure dans leurs rôles respectifs. Une mise en scène soignée et une exécution orchestrale attentive ont ajouté encore à la satisfaction du public.

A signaler les excellentes représentations de Manon données avec le concours de Mme Merguiller, fêtée sans réserves par des salles combles, ainsi que M. Degenne notre ténor.

Il ne reste plus, présentement, qu'à pourvoir à l'emploi de chanteuse légère d'opéra comique. Quand ce sera chose faite, la direction pourra, avec confiance, aborder son programme de nouveautés et de reprises importantes. G. DUGUÉ.

ETRANGER

Berlin. — OPÉRA. — Dimanche, Benvenuto Cellini ; lundi, Tannhäuser ; mardi, les Joyeuses commères de Windsor; mercredi, Hänsel et Gretel; jeudi, les Maîtres Chanteurs; vendredi, le Grillon du foyer; samedi, Benvenuto Cellini.

SCHAUSPIELHAUS. — Dimanche, le Comte de Castannar; lundi, les Journalistes ; mardi Faust ; mercredi, le Monde où l'on s'ennuie; jeudi, la Fiancée de Messine; vendredi, 1812 ; samedi, Abu Seid.

DEUTSCHES-THEATER. — Dimanche, Morituri ; lundi, Freiwild, mardi, l'Assomption de Hannele; mercredi, vendredi, la Cloche brisée.

LESSING-THEATER. — Dimanche, lundi, mercredi, vendredi, le Soir; mardi, Madame Sans-Gêne; jeudi, samedi, l'Eve d'or.

BERLINER-THEATER. — Dimanche, lundi, le Roi Henri; mardi, vendredi, l'Empereur Henri; mercredi, jeudi, samedi, Renaissance.

Bruxelles. — Un peu pour la musique de SaintSaëns, beaucoup pour la gorge et pour les bras de Mlle Harding, la foule s'était portée, cette semaine, à la Monnaie — où l'on donnait, en grande première, Phryné.

A ce que l'on colporte, l'ouvrage — qui semble en effet la gageure d'un compositeur d'infiniment de ressources — aurait été le simple jeu d'un homme de talent qui s'amuse à n'avoir plus que de l'esprit.

Envisagée de la sorte, Phryné devient une chose hellénique de facture curieuse, et dont certaines pages ont une trivialité qui n'est pas sans saveur. Faut-il dire qu'on y retrouve, néanmoins, quelques-unes de ces qualités qu'on n'aliène pas et que le maître accuse dans son écriture, dans son instrumentation complexes. Il serait assez puéril de découvrir encore l'invocation et le trio qui dominent la tonalité générale de la partition. Mais cela suffit-il à assurer la vitalité d'une oeuvre lyrique? Respectueusement, je me permettrai d'en douter.

N'ayant pas Mlle Sanderson sous la main, la direction a confié le rôle de Phryné à une artiste qui nous est venue précédée d'une réputation de statue. Statue qui chante, et d'une voix, sinon particulièrement timbrée ou étendue, du moins assez douce pour valoir mieux que les protestations vagues qui se sont mêlées aux bravos réglementaires de la chute du rideau.

M. Gilibert — naturellement — était de la distribution. Il ne l'a pas plus relevée qu'amoindrie, se bornant à être quelconque, avec des intentions. M. Isouard et Mlle Milcamp ne nuisaient certes pas à l'ensemble, qu'il n'était pas en leur pouvoir de rendre moins incolore.

Le succès a été légèrement contestable... Mais « en attendant Fervaal » il fallait bien, n'est-ce pas, monter quelque chose.

Les théâtres ne sont pas dans le marasme, d'ailleurs, et voici que les Galeries viennent de porter la mise en scène à des hauteurs inconnues. Bruxelles féerique, la revue de M. Georges Garnier, ne se contente pas d'être une fantaisie amusante, fertile en charges d'hommes du jour : c'est encore une pièce à spectacle, où ne manquent ni l'esprit de terroir, ni les décors pittoresques ou rutilants, ni les costumes suggestifs de coupe ou chatoyants de couleur. Au milieu de cette gaieté,de ces teintes, de ces ors, une blanche commère — Mlle Tylda Raphaelle — sème la malice de ses yeux spirituels, et une bonne divette — Mlle Demoulin — met l'entrain de sa voix hardie et de sa beauté piquante.

Une primesautière artiste, et qu'on n'a pas remplacée depuis qu'elle quitta l'Alcazar, — Mme Léonie Laporte

— prête à l'auteur la collaboration de sa verve humoriste et de sa personnalité vivante.

Le compère, c'est M. Lagairie — un transfuge des Folies-Dramatiques, je pense, où il joua sous le nom de Martin — ténor sans pose, comique de goût, et qui conduit la revue avec une spontanéité d'à-propos qui enlève toute monotonie aux inévitables lieux communs inhérents au genre. Bruxelles féerique est riche, du reste, en couplets bien venus et en scènes où M. De Wit pastiche le plus joyeusement du monde des types locaux, où M. Jacque dessine avec une fidélité rare quelques silhouettes populaires, et où M. Poudrier répand autour de lui toute la drôlerie naturelle de son tempérament.

Le tableau final — les arènes — avec l'éblouissant cortège des jeux romains, termine le spectacle par une apothéose. Et le public n'est jamais mieux pris que par les yeux. TYBALT.

P.-S. — La grande presse bruxelloise et, parmi les quotidiens, le Soir — qui fait autorité en matière d'art

— consacre, d'après les journaux allemands, des articles plus qu'élogieux à Mme Ada Adiny, dont la triomphale apparition dans le rôle d'Iseult, à Munich, trouve un écho sympathique, peut-on dire, dans toute la critique européenne.

Le fait, unique peut-être, m'a paru assez curieux pour être signalé. T.

Gand. — Grand-Théâtre. — Il ne se passe guère de saison qu'on ne reprenne ici Guillaume Tell : c'est la règle, et M. de la Fuente n'a eu garde de l'enfreindre ; ne nous plaignons pas trop, pourtant, puisque ce vénérable reste d'un art qui tombe de plus en plus en discrédit nous a été très congrument rendu par MM. Henri Fonteix (Arnold), Carroul (Guillaume), Jean Maas (Walter), Dons (Gesler), Garrigues (Ruoldi), Mmes Duch (Mathilde), Armeliny-Moreau (Gemmy),etc.; succès surtout pour le fameux trio du second acte, pour la scène de la pomme et la tyrolienne dansée par Mlles Cabrini, Casalegno et Czerny. Les infatigables artistes de grand opéra ont encore servi à leurs non moins infatigables auditeurs la reprise plus attrayante d'Aïda, où se retrouve le Verdi du bon cru; par malheur, on a commis une erreur de distribution, tout en exposant Mlle Emma Stanley à un gros danger, en lui confiant — un peu arbitrairement sans doute — le rôle du soprano évidemment trop lourd pour ses jeunes épaules ; la courageuse petite femme a cependant dénoté, en cette périlleuse aventure, une étude patiente et un travail consciencieux ; et si cela ne supplée pas à tout, cela impose du moins l'estime et la sympathie. Mme Kériva s'est, dès la seconde, chargée du rôle d'Aïda et lui a restitué sans peine sa physionomie propre, vocale et physique.

M. Henri Fonteix n'est certes jamais mauvais chanteur, mais dans le rôle de Radamès, il n'a pas donné, au point de vue du son, tout ce qu'il aurait fallu, les deux basses, MM. Jean Maas et Henri Dons, ont fort bien personnifié Ramfis et le roi, et Mme Armeliny-


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Moreau a lancé avec justesse, dans la coulisse, la phrase de la grande prêtresse ; mais le public a marqué une faveur toute particulière à Mlle Elvéda Boyer et à M. Carroul, ce que justifiait, du reste, leur superbe incarnation des personnages d'Amneris et d'Amonasro.

La revue du répertoire d'opéra comique s'est continuée par Roméo et Juliette et la Fille du Régiment : on a pris plaisir à voir revivre les tragiques aventures dès amants de Vérone, gracieusement et artistiquement représentés par M. Paul Gautier et Mlle Anna Grégia.

M. Carroul a donné à Capulet une grande noblesse d'expression ; M. Jean Maas a officié en frère Laurent avec une ampleur et une dignité toutes sacerdotales ; M. Vérard a chanté avec esprit et légèreté la ballade de la reine Mab ; M. Carbonnal a fait un impétueux Tybalt; Mme Armeliny-Moreau un page irréprochable, et Mme Chatillon une nourrice satisfaisante.

Grâce à une interprétation excellente de la part de MM. Garrigues (Tonio), Vérard (Sulpice) et Donval (Hortentius), et bien que Mlle Marthe Djella n'ait pas la voix nécessaire pour le rôle de Marie, la Fille du Regiment a fait, tambour battant, sur les planches de nos tréteaux, une rentrée applaudie.

Miss Helyett nous a également honorés d'une nouvelle visite, cordialement accueillie d'ailleurs ; Mme de la Fuente croque avec une gentillesse malicieuse la figurine de la jeune américaine ; M. René Gamy observe, dans le rôle de James, un imperturbable flegme du plus plaisant effet ; en baryton bon comédien, M. Vérard tient fort agréablement le rôle du peintre amoureux ; M. Garrigues, en Puycardas, gasconne avec drôlerie ; Mme Armeliny-Moreau est une pétillante Manuela et Mme Chatillon a des façons amusantes en belle-mère espagnole; reste le pasteur de M. Donval, qui serait tout à fait nature si l'artiste prenait la peine de baragouiner à l'anglaise.

La chorégraphie a fait l'appoint de la quinzaine avec un divertissement nouveau intitulé les Marins, qui a paru divertir follement le gros public ; pour notre part, nous l'avons trouvé passablement vulgaire, et rentrant plutôt dans le domaine des parades foraines ; Mlles Cabrini et Casalegno y ont pourtant fait apprécier à nouveau leur danse gracieuse, pleine de charme et d'imprévu.

Théâtre Minard. — La carte de nos plaisirs dramatiquee vient de s'augmenter de la Tour de Nesle, du Flibustier, de l'Abandonnée, des Ménages parisiens et du Baiser.

Il ne faut plus guère espérer intéresser les nouvelles générations au drame célèbre et démodé de Dumas père, et l'on pourrait le laisser désormais enfoui dans l'armoire aux vieilles défroques. Le Flibustier de Richepin, l'Abandonnée de Coppée et le Baiser de Banville sont d'un genre plus délicat et plus distingué, et restent d'excellents morceaux de littérature théâtrale ; quant aux Ménages parisiens, ce n'est pas du meilleur Valabrègue, mais c'est du Valabrègue tout de même.

M. et Mme Esquier-Wilson impriment — le premier aux rôles de Buridan et de Legoëz, la seconde à ceux de Janick et de Louise — tout le relief de leur talent si dramatique.

Parmi les autres artistes en cause, Mmes Dézessart et Dubreuil, MM. O'Kermans, Michelain, Caylet et de Gislain continuent à s'acquitter avec beaucoup de soin, sinon avec une grande souplesse, des divers rôles qui leur incombent; mais pour les nouveaux venus qui ont débuté ces jours derniers — MM. Renault, Nordet, Besombes, Dugard et Mme Besombes — nous les attendons dans d'autres pièces pour être plus complètement fixé sur leurs qualités et leurs mérites. GÉBÉ.

Koenigsberg. — Mme Adiny poursuit en Allemagne sa tournée triomphale. Elle vient de chanter ici la Traviata avec un succès sans précédent. Le chroniqueur

chroniqueur la Koenigsberger-Hartungsche Zeichnung, après avoir constaté en termes lyriques la beauté plastique de l'artiste et l'élégance de ses toilettes, ajoute :

« En ces dernières années, nous nous souvenons particulièrement de deux Traviatas qui sont venues en représentations ici : Pauline Elsässer et Francisquine Prevosti. La jolie Elsässer était, comme toujours, trop " enfant » ; la laide Prevosti exprimait avec force et passion toutes les tristesses d'un coeur brisé ; mais la vraie, la complète, l'absolue Violetta, il nous a été donné pour la première fois de la voir physiquement et artistiquement réalisée en la personne de Mme Adiny.

Car cette héroïne qui représente toute la magie du « fauve amour » doit être une charmeuse : elle doit savoir non seulement tousser et mourir, mais aussi et surtout vivre. Mme Adiny l'a compris. Oh'! ce sourire plein de lumière et de promesses, avec lequel, dans le premier acte, Ada-Violetta répond aux hommages d'Alfred ! comme il trahit une connaissance des choses du coeur, qui relève de l'art pur !

Mme Adiny d'ailleurs, ne se contente pas de jouer ; elle chante, et d'une façon remarquable. Elle est comme une alouette, dont la force croît à mesure qu'elle s'élève, et l'on peut ajouter qu'une cantatrice menant de front dans son répertoire Iseult et Violetta, constitue par la souplesse même de son talent, une véritable rareté. E. Kr.

Vienne. — OPÉRA. — Dimanche, Hänsel et Gretel; lundi, jeudi, le Chevalier d'Harmenthal; mardi, Mignon; mercredi, Aïda ; vendredi, la Flûte enchantée; samedi, Hänsel et Gretel.

HOF-BURGTHEATER.—Dimanche, les Athéniens; lundi, vendredi, le Fils du Calife; mardi, Monsieur le ministre; mercredi, Die Karlsschüler; jeudi, Morituri; samedi, les Athéniens.

DEUTSCHES-VOLKSTHEATER.— Dimanche, l'Eve d'or; lundi, le Docteur Klaus; mardi, la Mère; mercredi, vendredi, l'Eve d'or; jeudi, la Juive de Tolède; samedi, Monsieur l'Abbé.

RAIMUND-THEATER. — Dimanche, mardi, vendredi, Eulenspiegel; lundi, le Paysan millionnaire; mercredi, les Caprices de la Fortune ; jeudi, Une fine bouche ; samedi, l'Estime géaérale.

NOTES ET INFORMATIONS

— A l'Opéra.

Vendredi dernier, M. Alvarez a repris Samson et Dalila qu'il n'avait pas interprété depuis deux ans. Son succès a été très grand.

Les répétitions en scène de Messidor vont commencer prochainement. La direction compte donner l'ouvrage de M. Alfred Bruneau au mois de janvier.

Un des rôles, destiné d'abord à M. Vaguet, a été modifié pour être chanté par M. Renaud.

Les autres rôles seront tenus par M. DeschampsJehin, Mlle Berthet, MM. Alvarez, Delmas et Notté.

Voici les recettes encaissées à l'Opéra pendant le mois qui vient de s'écouler :

2. Sigurd 14.011

4. Don Juan 21.150

6. Hellé 13.075

7. Don Juan 17.876

9. Tannhäuser 16.029


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11. Don Juan 20.492

13. Faust 20.677

14. Don Juan 17.013

16. Don Juan 16.354

18. La Favorite 15.913

20. Don Juan 20.760

21. Tannhäuser 13.850

23. Faust 17.151

25. Don Juan 17.405

27. Don Juan 17.160

28. La Favorite 13.009

30. Sigurd 14.224

L'Opéra a donc joué 17 fois dans le courant de novembre l896 et encaissé 288,149 francs, ce qui donne le chiffre de 16,949 francs par représentation.

Pendant le mois correspondant de l'année 1895, l'Opéra avait joué 17 fois et encaissé 291,530 francs, ce qui donnait une moyenne de 17,148 francs par représentation.

— A l'Opéra-Comique.

Devant une salle bondée où Américains et Anglais dominaient, Mlle Van Zandt vient de faire sa rentrée après treize ans d'absence non moins regrettable que forcée.

On se souvient des événements fâcheux qui la mirent dans l'obligation de quitter la salle Favart. A la vérité, je ne compris jamais cette rigueur excessive d'un public qui, la veille, béatement idolâtre, se montra tout à coup d'une sévérité d'autant plus ridicule, et pour un motif futile, brisa l'idole qu'il avait jusqu'alors adorée avec un enthousiasme que certains trouvaient cependant quelque peu exagéré.

Mlle Van Zandt, disaient ces derniers, qui étaient peut être des sages, ne méritait « ni cet excès d'honneur, ni cette indignité ».

Etoile? beaucoup s'accordaient à lui donner ce titre, et je ne sais pas pourquoi l'opinion de ses admirateurs ne serait plus la même à l'heure présente. En effet, Mlle Van Zandt n'a-t-elle pas comme naguère sa charmante voix d'enfant, au médium fragile et faible, mais à l'aigu cristallin? sa prononciation exotique n'est-elle plus ce qu'elle était, son jeu s'est-il transformé, son « style » — si dans l'occurrence il est permis d'employer ce terme — n'est-il pas celui auquel la plupart trouvaient autrefois tant de séduction?... Du reste les applaudissements qui la saluèrent pendant la représentation de Lakmé furent nombreux.

Tout est donc pour le mieux, et si tout le monde n'est pas unanime à célébrer sans réserves la gloire de la sympathique artiste, je suis persuadé que chacun se réjouira de voir enfin réparée l'injustice de jadis.

On a fait fête à M. Jérôme qui, pour la première fois, chantait le rôle de Gerald qu'avait créé, d'inoubliable façon, ce ténor merveilleux qu'on appelait Talazac.

M.Jérôme a eu des moments parfaits, et son succès fut complet.

J'ai dit, l'an dernier, lors des représentations de Lakmé, combien M. Mondaut méritait l'accueil qu'il avait rencontré dans le rôle de Nilakanta. Il a retrouvé les mêmes applaudissements, notamment dans les couplets pompiers du second acte.

Mlle Leclerc n'a droit qu'à des éloges, de même que Mlle Pierron.

J'en dirai autant de l'orchestre de M. Danbe et des choeurs de M. Carré. F. L. B.

A enregistrer la brillante rentrée de Mlle Charlotte Wins dans Carmen.

Mlle Arnold, nouvellement engagée, fera son premier début par le rôle de Lalla-Roukh, dans LallaRoukh, le chef-d'oeuvre de M. Félicien David, que l'on répète en ce moment, avec M. Mouliérat dans le rôle de Noureddin, Mlle Chevalier dans celui de Myrza, et M. Belhomme dans celui de Baskir.

— A la Comédie-Française.

On a repris les répétitions d'Un Bel Enterrement, d'Ed. Pailleron, dont la première aura lieu à la matinée des Artistes dramatiques.

Il y aura très probablement deux répétitions générales : une à la Comédie-Française et l'autre au Châtelet.

Dans un prochain comité, M. Pierre Barbier lira Un lys, drame en cinq actes et en vers. Si cette pièce est reçue, les principaux rôles sont destinés à M. Silvain, à Mmes Pierson et Reichenberg.

Mme Bartet vient d'être cruellement éprouvée par la mort de son fils, un jeune aspirant de marine, pour qui l'avenir s'ouvrait des plus brillants.

Entré à l'Ecole navale en 1891, le jeune Bartet, né à Paris, le 3 juillet 1873, était aspirant de première classe depuis le 5 octobre 1894. Son port d'attache était Toulon. C'est de cette ville qu'on l'avait ramené il y a un mois à peine, pour le soumettre à une consultation de médecins et à un traitement énergique auprès de sa mère, affolée par cette cruelle séparation.

— Tableau synoptique.

JOURS PARIS VIENNE BERLIN

Dimanche.. — Hänsel et Benvenuto

Gretel. Cellini.

Lundi Sigurd. Le Chevalier Tannhäuser.

d'Harmenthal.

Mardi — Mignon. Les Joyeuses

Commères de Windsor.

Mercredi... Don Juan. Aïda. Hänsel et

Gretel.

Jeudi — Le Chevalier Les Maîtres

d'Harmenthal. chanteurs Vendredi .. Samson et

Dalila, La Flûte Le Grillon du

La Maladetta. enchantée. foyer.

Samedi Don Juan. Ilänsel et Benvenuto

Gretel. Cellini.

— Dans les théâtres de langue allemande.

Berlin est tout aux concerts. Concerts symphoniques créés à la plus grande gloire de tel ou tel compositeur.

Quand un musicien sort un peu de l'ordinaire, il réunit quelques admirateurs et quelques financiers, et ils les prie d'exploiter sa personnalité. L'affaire est acceptée généralement, et voilà une Société de


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plus formée à l'instar de la grande Société Richard Wagner —toutes proportions matérielles et morales gardées, bien entendu.

C'est ainsi que Berlin a maintenant la Société Hugo Wolf, et qu'il aura demain celle de M. Makler, un chef d'orchestre devenu symphoniste ultra-progressiste.

M. Makler vise à «épater» ses contemporains. Nul n'a poussé plus loin la dissonance et la bizarrerie. Il vient de donner un Poème symphonique, où il y a néanmoins, ça et là,beaucoup de talent. La 1re partie est intitulée : Ce que me racontent les fleurs de la prairie ; la 2me, Marche de l'Eté et cortège de Bacchus ; la 3me, Ce que l'homme me raconte, et la 4me, enfin, Ce que me raconte l'Amour.

A l'Opéra, M. Weingartner a monté le Benvenuto Cellini de Berlioz. L'instrumentation si brillante, si colorée, si expressive dumaître français a décidé du succès de l'ouvrage, auquel le publie a fait un chaleureux accueil. L'exécution est magnifique, et contribue largement aux applaudissements.

En même temps que Benvenuto Cellini, on a repris le Barbier de Séville pour Mme Sembrich, une Rosine légèrement fanée qui accomplit ce joli tour de force de faire paraître caduc le chef d'oeuvre de Rossini.

Dresde a eu, dans la salle de l'Exposition, une belle audition des Béatitudes de Franck. Le baryton Messchaert a fait sonner sa belle voix, et on l'a acclamé. Le côté des femmes a été faible avec Mmes Bettaque et Staudigl.

Au théâtre, le Démon de Rubinstein a trouvé deux excellents interprètes dans Mlle Bossenberger et M. Perron.

Aux environs de Munich, le prince Louis Ferdinand a fait organiser un concert dans le château de Nymphenburg. Au programme, des oeuvres de M. Sachsenhauser qui accompagnait lui-même. Musique aimable; succès aimable.

A Leipzig et à Koenigsberg, le triomphe de Mme Adiny a pris les proportions d'un gros événement théâtral. La belle tragédienne lyrique a accompli, il est vrai, un tour de force peu commun en personnifiant à deux soirs de distance, Iseult et la Traviatia; et les journaux sont remplis d'articles dithyrambiques sur le prodigieux effet produit par Mme Adiny dans ces héroïnes si différentes, dans cette synthèse de l'amour à des époques si éloignées.

Un des plus vieux musiciens allemands, M. Léopold Alexander, premier violon de l'orchestre municipal de Dusseldorf, vient de célébrer le 60e anniversaire de son entrée à l'orchestre de cette ville.

En 1831, il avait fait, à Londres, la connaissance de Mendelssohn ; et quand le grand compositeur accepta, en. 1833, les fonctions de chef d'orchestre à l'Opéra de Dusseldorf, il appela M. Léopold Alexander au pupitre.

Un faiseur de voix.

« J'ai trouvé la vie facile un peu partout, disait dernièrement à un interviewer M. Plançon, l'artiste renommé, mais je n'oublierai jamais que je suis redevable de tous mes succès à mon excellent professeur M. Sbriglia, et je suis heureux de pouvoir exprimer ma gratitude en toute occasion, à cet éminent musicien. »

Un tel compliment n'est point banal lorsqu'il vient

d'un chanteur d'aussi grand mérite. Mais M. Plançon n'est pas le seul qui se considère comme redevable d'une éternelle gratitude envers le célèbre professeur italien.

Mme Ada Adiny, dont la triomphale tournée en Allemagne consacre une fois de plus son merveilleux talent de tragédienne lyrique, est une élève du renommé professeur de même que les frères de Reszké, Joséphine de Reszké, leur soeur, qui mourut à Varsovie dans toute la force de son art et qui était baronne de Kronenberg ; Mlles Sibyl Sanderson, Stella Brazzi, Phoebe Strakosch, etc., sauf pourtant Mlle Louise Clara Kellogg qui n'a jamais, comme le prétend un journal de Philadelphie, appris les secrets du chant à l'école de M. Sbriglia.

L'artiste, à qui les plus grands chanteurs modernes doivent leurs qualités dominantes, eut lui-même une brillante carrière comme ténor, tant en Europe qu'aux Etats-Unis, et il est certain qu'il demeurera comme le plus extraordinaire faiseur de voix de notre époque.

— Un beau programme.

Si la Suisse n'est pas un pays de grande production artistique, c'est un pays du moins qui s'intéresse à tout ce qui se fait en Europe, tant comme art que comme sciences.

Nous le prouvons, en citant le répertoire que le théâtre de Berne vient d'arrêter pour cet hiver.

Après avoir donné Hänsel et Gretel et les Enfants du roi, d'Humperdinck; la Croisade des dames, de Schubert ; l'Orphée, de Gluck ; la Mégère apprivoisée, d'Hermann Goetz ; l'Evangeliste, de Kienzl ; Hans Sachs et Faust, de Lortzing et le Lili-Tsee, de Curti, la direction donnera un Cycle historique vraiment intéressant. La musique française sera représentée par le Devin du village, de J.-Jacques Rousseau, le Billet de loterie, de Nicolo et le Châlet, d'Adam; l'école italienne, par la Serva Padrona, de Pergolèse; le Cantatrici villani, de Fioravanti et le Zanetto, de Mascagni ; enfin l'Allemagne, par Abou-Hassan, de Weber et la Répétition d'opéra, de Lortzing.

Beaucoup de villes françaises pourraient certes envier un programme d'un intérêt aussi soutenu.

— A l'Opéra de Buenos-Ayres.

Le théâtre de l'Opéra que l'on inaugurera l'an prochain est un magnifique monument en construction depuis cinq ans déjà. Plusieurs journaux américains ont annoncé dernièrement que la direction artistique de ce théâtre serait confiée par l'imprésario Ferrari au célèbre ténor Tamagno. Le chanteur italien courrait de moitié tous les risques de l'exploitation. A ce compte-là et malgré l'engagement de Mme Melba, nous craignons fort que M. Tamagno ne réalise jamais dans cette entreprise les 5,000 francs qu'il gagne d'habitude à chacune de ses représentations !

— Lettres de Schumann.

Dans la Nouvelle Presse de Vienne, réminent docteur Hanslick vient de publier une série inédite de lettres de Robert Shumann. Ces lettres sont datées de la maison de santé d'Endewich près de Bonn, où fut interné le musicien après s'être jeté du haut d'un pont dans le Rhin, à Dusseldorf. Elles nous apprennent peu de faits nouveaux, mais nous


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montrent que malgré son état maladif, Schumann avait gardé une grande part de ses facultés intellectuelles. Il lui était permis de correspondre avec sa femme et ses amis Joachim et Brahms, à qui les lettres dont il est ici question sont toutes adressées : il pouvait faire de la musique et même s'occuper de composition. Le seul côté intéressant de ces lettres, c'est de nous le montrer profondément affectueux pour sa femme, ses enfants et ses amis, préoccupé de musique autant qu'en ses jours de pleine raison, et si peu différent de lui-même qu'on soupçonnerait difficilement chez lui une maladie mentale. Dans une de ces lettres, il fait allusion à une oeuvre dont l'histoire, fort singulière, n'a été jusqu'ici connue que des familiers de Schumann.

Une nuit de février 1854, Schumann se leva tout à coup et demanda de la lumière, disant que Franz Schubert venait de lui envoyer un thème qu'il lui fallait écrire à l'instant. Il commença aussitôt à composer des variations sur ce thème en mi bémol mineur. C'est tandis qu'il travaillait à la cinquième variation qu'il sortit précipitamment et alla se jeter dans le Rhin. Retiré du fleuve, son premier soin fut de se rasseoir à sa table de travail et de continuer la variation comme si rien ne s'était passé.

Ces variations n'ont jamais été imprimées; seul, le thème a pris place dans le « Supplément » des oeuvres complètes de Schumann

LES LIVRES

- Musique et calvitie.

Nous avons dit, l'an dernier, d'après un journal américain, que certains instruments de musique avaient une influence néfaste sur le cuir chevelu.

Voici ce que dit à ce propos le Journal d'hygiène:

Un statisticien anglais, dans des études spécieuses auxquelles il vient de se livrer sur le cuir chevelu, est arrivé à établir que la proportion des individus chauves est de 11 p. 100 pour les professions libérales en général, exception faite, toutefois, des médecins qui atteindraient la moyenne extrême de 30 sur ces praticiens.

Les seuls qui pourraient lutter avantageusement avec eux pour le record de la calvitie sont les compositeurs de musique, chez lesquels elle est assez fréquente. Les instrumentistes, plus particulièrement, subiraient sa fatale influence : si les instruments à corde préviennent et arrêtent la chute des cheveux, ceux en cuivre, par contre, exercent sur le cuir chevelu une action fatale. Le violoncelle, la harpe, la contrebasse ont des effets philocomes certains ; le hautbois, la clarinette et la flûte ont une influence très atténuée. Quant au piano, il constitue à lui seul le summum de la conservation; les chevelures mérovingiennes de nombre de nos pianistes en constituent la preuve inéluctable.

Les cuivres, eux, sont déplorables pour les gens qui tiennent à leurs cheveux ; le cornet à piston et le cor d'harmonie agissent avec sûreté et rapidité ; le trombone constitue l'instrument néfaste par excellence: en cinq ans il transforme un crâne d'Absalon en bille de billard.

Pourquoi le trombone devient-il le propagandiste de l'alopécie, tandis que le piano se pose en conservateur du système capillaire? Le statisticien anglais ne nous le dit pas, et c'est fort regrettable. Il n'en reste pas moins inéluctablement vrai, comme le constate M. Joseph de Pietra-Santa, que l'on peut s'assurer de ces données démographiques en inspectant, le soir, au théâtre, les crânes des musiciens de l'orchestre.

La Damnation de Faust. Essai historique et critique sur l'oeuvre de Berlioz, par J.-G. PROD'HOMME. — Paris, bibliothèque de l'Association.

Au moment où vient de se rouvrir, à Paris, la saison des concerts, il semble oppportun de signaler l'apparition d'un livre consacré à une oeuvre qu'on entendra deux fois plutôt qu'une, une oeuvre qui s'impose à l'admiration de tous et qui sera longtemps encore pour le public une source de jouissances, pour les connaisseurs un sujet d'études : la Damnation de Faust. Cette partition célèbre est comme le pivot autour duquel se meuvent les concerts du Châtelet; M. Edouard Colonne ne s'en lasse pas plus que ses auditeurs, et cent exécutions n'en ont pas épuisé le succès triomphal. C'est que Berlioz a mis là une part, et non la moindre, de son génie. Dans ce cadre qui plaisait à son romantisme inquiet et fiévreux, il a jeté les mélodies les plus diverses, tantôt douces et pénétrantes, tantôt larges et fortes, musique expressive et pittoresque, habilement contrastée, riche de sève intense et de couleur personnelle.

Cette opinion, M. J.-G. Prod'homme ne s'est pas contenté de l'avoir, ainsi que tout le monde; il en a tiré, si je puis m'exprimer de la sorte, une application pratique. Il s'est dit que les travaux de Berlioz pouvaient, comme ceux de Wagner, être l'objet de commentaires historiques, littéraires et musicaux; et, poussé par une noble ambition, il a entrepris de faire pour la maître français ce que Wolzogen, Kufferath, Ernst, et tant d'autres, avaient fait pour le maître allemand. Il a composé un «Essai historique et critique » comprenant plusieurs chapitres qui indiquent les grandes divisions du livre et en fixent le plan, savoir : la genèse de la Damnation, le livret, la partition, l'opinion des critiques.

Pour la partie historique, l'auteur a puisé aux meilleures sources. En particulier, les études si suggestives de M. Edmond Hippeau, et le beau livre de M. Adolphe Jullien lui ont donné des indications précises dont il a tiré bon parti pour nous renseigner exactement.

Texte et musique sont étudiés avec un soin minutieux, et fournissent la matière de nombreuses citations « notées » qui permettent de suivre l'oeuvre, pour ains dire, pas a pas.

Quant aux jugements portés suivant les temps et suivant les pays, ils forment tout un dossier, souvent triste et parfois comique, mais toujours utile a consulter. M. Edouard Hanslick, le célèbre critique viennois, y retrouvera, par exemple, son opinion de la première heure, qui n'est point pour lui faire décerner un brevet d'infaillibilité.

Enfin, tout ce qui se rapporte à la Damnation de Faust, soit à sa composition, soit aux diverses exécutions dont elle a été l'objet, se trouve réuni dans ce volume qui est bien, ainsi que l'a voulu son auteur, un « guide » à travers Berlioz, et qui, par son format commode, devient un livre non seulement de chevet, mais de poche.

M. Prod'homme nous avertit que cette monographie ouvre une série qui sera continuée sous ce titre : le Cycle Berlioz, et comprendra tous les grands ouvrages du maître. Ce premier volume est de nature à faire désirer les autres et à justifier l'excellence du projet. Et maintenant à tous les auditeurs qui se précipitent au Châtelet pour applaudir la Damnation de Faust, je serai tenté de crier désormais, suivant une formule connue : « Ne voyagez pas... non! n'allez pas au concert sans le Guide Prod'homme! » Si seulement la moitié d'entre eux veut bien suivre un tel conseil, voila un petit livre qui atteindra vite sa deuxième édition. CH. MALHERBE.


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COURRIER DE LA SEMAINE

— Après de soigneuses recherches, les experts viennois viennent de déclarer que les deux marches autographes de Beethoven découvertes récemment à Troppau, ne sont pas inédites comme on l'avait prétendu d'abord.

Le grand maître allemand avait écrit l'une de ces marches en 1809, et l'autre peu de temps après. Il les modifia toutes deux par trois fois, ainsi qu'on peut se rendre compte par les éditions Artaria. Schlesinger et Breitkopf et Haertel.

Les experts viennois ne croient point qu'il existe encore des oeuvres inédites de Beethoven.

— La « journée Sara Bernhardt » est, comme nous l'avons dit, fixée au mercredi 9 décembre.

Rappelons les lignes générales du programme : à midi, déjeuner au Grand Hôtel. A l'issue du déjeuner, M. Victorien Sardou, président du comité, portera un toast et, sans nul autre discours, l'orchestre et les choeurs, sous la direction de M. Edouard Colonne, feront entendre l'Hymne Sarah Bernhardt, paroles d'Armand Silvestre, musique de Gabriel Pierné.

A trois heures, au théâtre de la Renaissance, Mme Sarah Bernhardt jouera le second acte de Phèdre et le quatrième acte de Rome vaincue, de M. Parodi. Puis les poètes, dont nous avons déjà cité les noms, lui diront sur la scène les vers composés en son honneur.

Comme costume pour la " journée " on a choisi l'habit noir avec la cravate noire, parce que déjeuner et représentation ont lieu aux lumières.

La médaille de M. Roty ne sera terminée qu'après la fête.

Le Livre d'or sera distribué au théâtre de la Renaissance pendant les entr'actes de la représentation. Il sera illustré par MM. Benjamin Constant, CarolusDuran, Gervex, Granié, La Gandara, Rochegrosse, Mucha et Mlle Abbéma. La maison Braun est chargé de la reproduction des dessins et l'éditeur Chamerot de l'exécution typographique.

Les menus seront dessinés spécialement par Jules Chéret, Mucha et Mlle Abbéma, gravés par Devambez, Georges Petit et l'imprimerie Chaix.

Les cartes d'invitation composées de coupons correspondant aux diverses parties de la fête seront contenues dans une élégante garniture de cuir bleu. Les souscripteurs pourront venir les retirer de deux heures à sept heures jusqu'au lundi 7 décembre, au local du comité, 29, boulevard des Italiens, à l'entresol. Chaque invitation sera remise en échange du récépissé de la souscription.

Ajoutons que le comité d'organisation, connaissant les sympathies de Mme Sarah Bernhardt pour les étudiants, a mis à la disposition de ceux-ci vingt places pour la matinée du 9 décembre. Dix de ces places sont réservées aux membres de l'Association générale des étudiants ; les dix autres seront distribuées par l'entremise du comité de l'association aux étudiants qui n'en font point partie.

— La Compagnie dramatique française, qui, sous la direction de M. Burguet, doit donner une série de représentations au Portugal, vient de débuter à Lisbonne, au théâtre Amélia, par le Prince d'Aurec de M. Lavedan. La pièce a fait une vive impression sur le public, qui n'a pas ménagé ses applaudissements aux interprètes, parmi lesquels se trouvent Mmes Marguerite Rolland, Renée de Pontry, MM. Burguet, Hirch, Gérard, etc.

— M. Ginisty s'est adjoint, pour le seconder dans

l'administration de l'Odéon, notre confrère Georges Bourdon.

Les signatures qui ont consacré cette nomination et ont en même temps assuré d'une manière complète la situation matérielle de l'Odéon.

Dans la combinaison nouvelle, le soin de la mise en scène est particulièrement confié à M. Georges Bourdon, qui a déjà fait ses preuves comme président du cercle dramatique des « Escholiers ».

— Mme Blanche Marchesi, de retour de Londres, où d'après le dire de toute la presse anglaise, son succès a fait vraiment sensation dans les concerts populaires, a donné le samedi 5 décembre, à 9 heures du soir, sa première séance à la Bodinière. L'éminente cantatrice interpréta les Contes mystiques de M. Stéphan Bordèse, mis en musique par nos plus célèbres compositeurs. La conférence faite par notre éminent confrère Henry Fouquier, ne fut pas un des moindres attraits de ces intéressantes soirées.

— La pièce en quatre actes que MM. Martial Teneo et Alex. Trebitsch viennent de terminer pour un de nos grands théâtres, prend comme titre définitif : l'Ornière.

— L'audition de musique de chambre que nous avions annoncée dans un de nos précédents numéros comme devant avoir lieu jeudi 19 novembre, à l'Institut nationale des jeunes aveugles, a été donnée devant une salle élégante et comble.

MM. Gensse, Dantot, Blazy, Rottembourg et Barrier ont merveilleusement exécuté le quintette en la avec clarinette de Mozart.

La ravissante sonate pour piano et violoncelle de M. Camille Dunezat a été chaleureusement applaudie; d'ailleurs elle le mérite bien.

La prochaine audition aura probablement lieu, dans le courant de février prochain, à la salle Erard.

Nous ne manquerons pas d'en faire connaître la date exacte.

— On mettra à l'adjudication, le 7 décembre, les « Propriétés littéraires, manuscrits et droits à traités ", do notre regretté confrère Camille de Roddaz, décédé récemment.

Parmi les pièces représentées : la Nuit de Noël, à l'Ambigu ; la Fiancée en loterie, aux Folies-Dramatiques.

Parmi celles qui restes inachevées, le Carillon, l'An 2000, Timour, les Enseignes enchantées, Dédé, Maîtresse riche et l'Etoile, ballet dont la musique est de Wormser, que l'on répète en ce moment à l'Opéra.

— M. Ginisty va instituer au second Théâtre-Français, et cela pour donner satisfaction aux poètes dont les oeuvres ne pourraient, pour une raison quelconque, être interprétées, des matinées de lecture, où les auteurs nouveaux liront eux-mêmes leurs pièces en public, avec intermèdes de déclamation par les artistes de l'Odéon.

C'est le poète P.-N. Roinard qui inaugurera cette série de matinées, par la lecture de sa pièce en quatre actes : les Miroirs.

— Le livret en deux actes sur lequel M. Samuel Rousseau (prix de Rome) écrira une partition pour l'Opéra sera de MM. Montorgueil et Gheusi.

— Charmante matinée chez Mlle A. Ducasse, dont les élèves ont interprété avec beaucoup de goût un programme composé des oeuvres de Henri Maréchal. Des fraguements de Deïdamie, Calendal, la Taverne des Trabans, des choeurs, des mélodies, parmi lesquelles la Relique d'amour bissée, ont été chaleureusement applaudis par l'élégant auditoire qui se pressait chez l'aimable artiste.


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— Quelques mois seulement après la vingt-sixième édition de Acteurs et Actrices de Paris, la vingt-septième édition vient de paraître.

Le succès constant de cette publication, qui ne fait pourtant pas grand tapage, s'explique : le placement des tirages successifs est assuré d'avance par une clientèle composée en grande partie des artistes, du Tout-Paris et du cosmopolite qui, avant de voir nos pièces en vogue ou après les avoir vues, désire des informations sur les interprètes. Et puis, chaque nouvelle édition met à jour un recueil qui fourmille de renseignements authentiques et de détails curieux. De plus, Adrien Laroque (Emile Abraham), quand il parle d'une étoile — ou même d'un comédien obscur encore, mais sur lequel il croit découvrir une promesse de talent — ne se borne pas à une brève notice biographique, il se livre à des commentaires et à des appréciations et conte des anecdotes, il évoque des souvenirs... il intéresse.

Et en prenant à la Librairie Nouvelle un exemplaire de la vingt-septième édition, on s'inscrit pour la vingthuitième.

— M. Guiraud vient de faire paraître, chez l'éditeur Bardoux, Petit Roman, suite pour piano, violon et violoncelle, chant solo et choeurs.

Vient de paraître :

— Chez Choudens, la partition de Don Juan, édition conforme à la représentation de l'Opéra-Comique, avec les récits de Mozart.

— Chez Durand et fils, la partition de Javotte, le nouveau ballet de M. Saint-Saëns, qui doit être représenté simultanément à Bruxelles et à Lyon.

— Chez Enoch et Cie, la partition le Drac, de MM. P. et L. Hillemacher, dont la première représentation a eu lieu récemment à Carlsruhe.

ARGUS DE LA PRESSE

FONDÉ EN 1879

L'Argus de la Presse fournit aux artistes, littérateurs, savants, hommes politiques, tout ce qui paraît sur leur compte dans les journaux et revues du monde entier.

L'Argus de la Presse est le collaborateur indiqué de tous ceux qui préparent un ouvrage, étudient une question, s'occupent de statistique, etc., etc.

S'adresser aux bureaux de l'Argus, 14, rue Drouot, Paris. — Téléphone.

L'Argus lit 5,000 journaux par jour.

NECROLOGIE

— Le fameux ténor Campanini est mort dans sa villa de Vigatto. Il était né à Parme en 1845, et après avoir fréquenté pendant trois ans l'école de musique de cette ville, il était devenu l'élève du célèbre professeur Lamperti. Doué d'une fort belle voix, il devint un excellent chanteur et un acteur remarquable. Il débuta à Odessa dans le Trovatore avec succès, et bientôt il parcourut l'Europe et l'Amérique au bruit des applaudissements. Campanini chanta le premier en Italie Lohengrin (à la Scala de Milan). Il se fit un renom dans Faust, Carmen, Don Juan, Lucie de Lammermoor, Mefistofele, les Huguenots, Ruy Blas. A New York, on l'appelait le ténor idéal. Campanini laisse une fortune considérable. Il était très bon et dépensait beaucoup en oeuvres de bienfaisance.

— Un artiste, aussi modeste que distingué, LouisJoseph-Marie Mas, vient de mourir à Paris. Il fut pendant longtemps membre de la Société des concerts du Conservatoire, et fit partie du fameux quatuor Maurin, Chevillard, Mas et Sabatier, dont il était le dernier survivant. M. Mas était âgé de soixante-quinze ans.

COURRIER DE LA MODE

Le violet, — et tous les tons qui en dérivent, — fait décidément concurrence au vert.

En drap violine, voici un costume qui mérite d'être signalé :

La jupe est ronde, coupée à la mode du jour, c'est-àdire sans exagération d'ampleur et garnie à peu près à mi-hauteur, d' une large bande de castor.

Le corsage en drap, bien ajusté, semble être découpé en pointes, grâce à un ornement de satin partant de la ceinture et remontant en languettes pointues pour former éventail autour du buste.

Ouvert légèrement, devant, sur un intérieur en mousseline de soie claire, ce corsage est orné, autour du col et de l'ouverture, d'une petite bande de fourrure assortie à celle de la jupe. Le même ornement se retrouve au bord des manches qui rappelle la garniture de satin du corsage.

Une jaquette assortie avec col, parements et bordure de fourrure, complète l'ensemble de ce costume charmant de simplicité et de distinction, surtout si le chapeau qui l'accompagne reste dans les mêmes tons sobres.

Cette robe est d'autant plus élégante que la soie dont elle est doublée est plus ou moins claire. Pour les vêtements, les doublures en satin sont plus moelleuses et plus jolies que les doublures en faille et en taffetas.

On a beau réclamer, beau se plaindre, les femmes continuent à porter d'incommensurables chapeaux. Lorsque ces derniers ne sont pas larges comme de grandes ombrelles, ils sont hauts comme des pyramides. De toute façon, ils sont gênants pour les voisins des élégantes assises aux fauteuils d'orchestre et aux fauteuils de balcon. Et j'aimerais à voir se former une ligue contre la coiffure des femmes au théâtre. Pourquoi ne pas exiger d'elles, comme des hommes, de rester tête nue ou avec un simple rien dans les cheveux? Cela me paraîtrait tout aumoins logique.

Dans les loges, encore, quand chacune d'elles est louée par une seule famille, que l'on agisse à sa guise, n'importe ! chacun est maître chez soi ; mais quand on est plusieurs locataires pour la même loge, je voudrais exiger pour les femmes la même obligation de n'être pas coiffées.

Si tous les directeurs de théâtres s'entendaient pour cela, la chose irait toute seule, et le pli ne serait pas - long à prendre. Je crois que tout le monde en serait ravi, les belles empanachées comme les autres.

Parler de théâtre me fait songer aux fards, sans lesquels une artiste ne peut affronter le feu de la rampe. Je rappelle à mes aimables lectrices ceux que la Parfumerie Ninon, 31, rue du Quatre-Septembre, a spécialement créés pour la lumière électrique. Celle-ci décomposant les couleurs, les fards ordinaires ne peuvent être utilisés avec ce mode d'éclairage.

BERTHE DE PRÉSILLY.

CONSEILS. — L'exemple de Ninon de Lenclos est assurément à suivre, puisque, jusqu'à plus de quatre-vingts ans, elle arriva à conserver la fraîcheur et l'éclat de la jeunesse. Or, son secret fut l'emploi d'une eau de toilette sans égale, aujourd'hui connue sous le nom de la Véritable eau de Ninon. Toutes les femmes aujourd'hui peuvent s'en procurer à la Parfumerie Ninon, 31, rue du Quatre-Septembre, d'où les flacons de 6 fr. et 10 fr. sont expédiés franco contre mandats de 6 fr. 50 et 10 fr. 50.

Beaucoup s'étonnent de la surprenante métamorphose du râtelier de la petite H. Appelée à chanter à la dernière exposition du Palais de l'Industrie, la gentille divette, — très pratique à ses heures, — y remarqua le succès des dentifrices antiseptiques américains Dhawaladont, seuls, de tous les produits similaires, honorés d'une médaille à cette exposition. Elle les adopta, et voilà le mystère expliqué. Faites de même, vous vous en féliciterez.

B. DE P.

Le Gérant, A. MARETHEUX.


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Paris. — Imprimerie de la Cour d'appel, L. MARETHEUX, directeur, 1, rue Cassette.