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Titre : Bulletin de la Société scientifique historique et archéologique de la Corrèze
Auteur : Société scientifique, historique et archéologique de la Corrèze. Auteur du texte
Éditeur : Société scientifique, historique et archéologique de la Corrèze (Brive)
Date d'édition : 1914-01-01
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb344265167
Notice du catalogue : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/cb344265167/date
Type : texte
Type : publication en série imprimée
Langue : français
Format : Nombre total de vues : 33810
Description : 01 janvier 1914
Description : 1914/01/01 (T36)-1914/06/30.
Description : Collection numérique : Fonds régional : Limousin
Droits : Consultable en ligne
Droits : Public domain
Identifiant : ark:/12148/bpt6k5457651w
Source : Bibliothèque nationale de France, département Collections numérisées, 2008-89252
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 17/01/2011
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BULLETIN
DE LA
SOCIÉTÉ SCIENTIFIQUE, HISTORIQUE
ET
ARCHÉOLOGIQUE
DE
LA CORRÈZE
SIEGE A BRIVE. Reconnue d'utilité publique (Décret du 30 novembre 1888)
TOME TRENTE-SIXIEME
AVEC PLANCHES ET FIGURES DANS LE TEXTE,
1" et 2»' LIVRAISONS
BRIVE
ROCHE, IMPRIMEUR DE LA SOCIÉTÉ Janvier-Mars Avril-Jui
TABLE DES MATIERES
DE LA lre et 2me LIVRAISONS
TEXTE
Pages
.. Liste des Membres de la Société f>
2. Souvenirs de la Bataille de Noisseville ou de Servigny-les-Sainte-Barbe,
Servigny-les-Sainte-Barbe, M. le colonel VERMEIL DE CONCHARD 17
3. Causes géologiques du tassement de versant
à Noailhac, par M. J. Watelin 29
4. Les Annales de Larche en Bas-Limousin, par le
Docteur RAOUL LAFFON 33
5. Antoine de Chabannes (1408-1488), sa Famille et
ses Souvenirs, à Dammartin-en-Goële, par
M. NOEL-CADET 53
6. Études sur les divers Ateliers monétaires connus
de la Basse-Lemovicensis, par M. J.-B. FINCK.. 85
7. Documents sur la Baronnie de Castelnau-de-Bretenoux,
Castelnau-de-Bretenoux, M. le vicomte DE LAVAUR DE SAINTEFORTUNADE
SAINTEFORTUNADE
8. Glanes bas-limousines, par M. J.-B. CHAMPEVAL. .. 137
9. Les Sculpteurs et Peintres du Bas-Limousin, par
M. VICTOR FOROT 159
10. Procès-verbaux des séances de la Société, par
MM. ED. GAILLOT et VERMEIL DE GONCHARD 197
GRAVURES
Plan de la bataille de Noisseville, p. 18. — Armoiries d'Antoine de Chabannes, p. 33. — Portrait d'Antoine de Chabannes, p. 81.
BULLETIN
DE LA
SOCIÉTÉ SCIENTIFIQUE, HISTORIQUE
ET
ARCHÉOLOGIQUE
DE
LA CORRÈZE
BULLETIN
DE LA
SOCIÉTÉ SCIENTIFIQUE, HISTORIQUE
ET
ARCHÉOLOGIQUE
DE
LA CORRÈZE
SIEGE A BRIVE
Reconnue d'utilité publique (Décret du 30 novembre 1888)
TOME TRENTE-SIXIEME
AVEC PLANCHES ET FIGURES DANS LE TEXTE
1" LIVRAISON
BRIVE
ROCHE, IMPRIMEUR DE LA SOCIÉTÉ Janvier-Mars 1914.
LISTE
DES MEMBRES DE LÀ SOCIÉTÉ
BUREAU
Président : M. PH. LALANDE, I. P. H, à Brive.
Vice-Présidents :
M. LUDOVIC DE VALON, à Brive.
M. A. BOUYSSONIE, Directeur de l'École Bossuet, à La Cabane de Cublac.
Secrétaire général : M. le Colonel VERMEIL DE CONCHARD, 0. *, à Brive.
Trésorier : M. J.-B. GOURDAL, Pharmacien, à Brive.
Bibliothécaires :
M. JULIEN LALANDE, à Brive.
M. le Docteur GRILLÈRE, à Brive.
Membres du Bureau :
M. LOUIS BONNAY, Architecte, Inspecteur des Monuments
historiques, à Brive. M. le Dr DUBOUSQUET-LABORDERIE, I. P. Q, à Brive. M. Louis MIGINIAC, Avocat, à Brive. M. JULIEN VALAT, à Souillac.
- 6 —
Membres Bienfaiteurs
f ERNEST RUPIN (1909). '
f GASTON GODIN DE LÉPINAY (1911).
Membres Fondateurs et Titulaires
MM.
ALBE (l'abbé), A. Q, secrétaire de l'Évêché, à Cahors.
ARGUEYROLLES (l'abbé), curé de Saint-Sernin, à Brive.
ASHER (A.), libraire, 13, Unter den Linden, à Berlin W.
BAR (Joseph-Louis DE), propriétaire, à Argentat.
BARDON (l'abbé), vicaire à Allassac (Corrèze).
BARTHÉLÉMY (Edmond), 0. I. P.. pharmacien, rue Gambetta, à Brive.
BELLEFON (Aloïs DE MÉRIC DE), ancien magistrat, 3, rue de l'Hôtel-de-Ville, à Monlauban (Tarn-et-Garonne).
BENOÎT DU SARLON, agent d'affaires, rue Berlrand-de-Born, à Brive.
BESSE (le R. P. dom Martial), religieux bénédictin, directeur de la Revue Mubillon, à Chevretogne, par Leignon, province de Namur (Belgique).
BLANC (Augustin), négociant, rue Toulzac, à Brive.
BLOMAC (Mme la baronne DE), à Salon-la-Tour.
BLOMAC (M. le baron DE), à Salon-la-Tour.
BONNAY (Louis), archilecle: place Ghampanatier, à Brive.
BORIE (l'abbé), vicaire, à Objat.
Bos (Antoine), £;-, maire de Brive, président de la Société de Géographie commerciale, à Brive.
BOSREDON (Mme Mathilde DE LAMBERTERIE DE), au château de la Fauconnie, par Terrasson (Dordogne).
BOUYSSONIE (le chanoine A.), licencié en philosophie, directeur de l'École Bossuet, à La Cabane, par Cublac (Corrèze).
BOUYSSONIE (l'abbé J.), licencié ès-sciences, professeur à l'École Bossuet, par Cublac (Corrèze).
BOYSSON (Richard DE), à Sarlal.
MM.
BRETON DE LA LEYSSONIE, Î^, commandant en retraite, boulevard Brune, à Brive.
BRIVE (Bibliothèque de la ville de).
BROusse (l'abbé), curé à Estivaux (Corrèze).
BRUGÈRE (Eugène), à Saint-Ybard, par Uzerche (Corrèze).
BUFFET (Paul), 13, rue Cassette, à Paris, et à La Borie, près Brive.
CADET (Noël), 14, rue d'Orléans, à Saint-Cloud (Seineet-Oise).
CARS (le duc DES), 43, rue de Bellechasse, à Paris, et château de Sourches, par Cernay-Champagne (Sarthe).
CASSAGNADE (Ernest), avocat à la Cour, professeur de droit à l'École des Beaux-Arts, 14, quai d'Orléans, Paris.
CELOR (F.), I. P. Q, organiste et maître de chapelle, professeur aux Écoles de la ville de Paris, 49, rue Gay-Lussac, à Paris.
CHAMPEVAL (Jean-Baptiste), avocat, au château de Viers, par Corrèze.
CHAUVERON (Audoin DE), président honoraire, boulevard de la République, à Brive.
COLLÈGE DE BRIVE (M. J.-J. REDIER, I. P. ||, Principal du).
CONCHARD (VERMEIL DE), 0. ^, colonel en retraite, à Brive.
CONSEIL GÉNÉRAL DE LA CORRÈZE (Bureaux de l'Archiviste de la Préfecture, à Tulle).
CORBIER (le baron Luc DE), au château de Saint-MartinSepert, par Lubersac.
COSNAC (le comte Élie DE), château du Pin, à Salon-la-Tour.
COUSSIEU'(docteur Henri), boulevard Carnot, à Brive.
DECOUX-LAGOUTTE (Edouard), A. &Jt, ancien magistrat, 31, rue de Bordeaux, à Périgueux.
DELMOND (P.), I. P. ^|, instituteur, à Allassac (Corrèze).
DOUCET (J.), 19, rue Sponlini, à Paris.
DOUSSAUD (Marc), ancien député, à Lubersac (Corrèze).
DUBOUSQUET-LABORDERIE (Louis), I. P. Q, docteur-médecin, à Saint-Germain, près Brive.
- 8 —
MM.
DUCOURTIEUX (Paul), I. P. Q, libraire-éditeur, 7, rue des Arènes, à Limoges.
DUMAS (André), avocat, à Brive.
DUTHEILLET DE LAMOTHE, à Caramija, par Lubersac, et 102, rue des Palais, Schaerbeck, Bruxelles..
ÉCHAMEL (abbé Marius), vicaire, à Voutezac.
ESCANDE, A. 4|, ingénieur, à Brive.
ESCHAPASSE (Emile), notaire, à Brive.
FAGE (René), I. P. Ç|, avocat, 80, rue Lauriston, à Paris.
FIEYRE (Johannès), I. P. &£, ancien maire de Brive, professeur au Collège.
FOLTZER (Georges), négociant, à Brive.
FOROT (Victor), I. P. $$, t%, ingénieur civil, au Bourrelou, près Tulle.
FOURNET (Pierre), A. ^, architecte, à Brive.
FROIDEFOND, A. €J, sculpteur, route de Beynat, à Brive.
GAILLOT (Edouard), 23, rue de Corrèze, à Brive.
GASPERI (Raphaël), I. P. ^, artiste peintre, Conservateur du Musée Ernest-Rupin, à Brive.
GENÈS (MUe Marguerite), A. p, 16, rue Majour, à Brive.
GIROU (l'abbé Etienne), curé de Hommes, canton de Châleaula-Vallière (Indre-et-Loire).
GOURDAL (J.-B.)., pharmacien, à Brive.
GRILLÈRE (docteur), rue Sôgéral-Verninac, à Brive.
GUY (l'abbé), vicaire à Saint-Ouen (Haute-Vienne).
HAUTECLOQUE (DE), ^, commandant en retraite, avenue de Bordeaux.
HERBETTE (Maurice), ^-, ministre plénipotentiaire, 130, faubourg Saint-Honoré, à Paris.
JOUVENEL (Henry DE), ^, rédacteur en chef du Malin, directeur honoraire de ministère, 57, rue Cortambert, à Paris, et château de Castel-Novel, près Varetz.
LABESSE (le comte DE), au château deChabrignac, par Juillac (Corrèze).
LABROUSSE (docteur François), conseiller général de Donzenac, à Brive.
MM.
LACAZE, chalet Ingres, à Montauban.
LAFARGE (Aimé), notaire honoraire, à Lagraulière (Corrèze).
LAFFONT (Marc), I. P. ||, docteur-médecin, lauréat de la
Faculté de médecine de Paris, 32, avenue des ChampsElysées, à Paris. LAFFON (Raoul), I. P. ff, docteur en médecine, à SaintCernin-de-Larche.
SaintCernin-de-Larche. (Élie), pharmacien, à Brive. LAGORSSE (docteur), boulevard du Palais, à Brive. LALANDE (Julien), 10, rue de Corrèze, à Brive. LALANDE (Léon), docteur en droit, 4, rue Regnard, à Paris,
et à Brive. LALANDE (Philibert), I. P. &$, receveur des Hospices, à Brive. LAMASE (comLe Martial DE), 39, rue de Suresnes, à Paris. LAMAZE (Raymond DE), notaire, à Brive. LAPIERRE (Gabriel), directeur des Eaux du Mont-Dore,
8, boulevard Poissonnière, à Paris. LASTEYRIE (Charles DE), ancien inspecteur des Finances,
professeur à l'École des sciences morales et politiques,
'6, rue de Solférino, à Paris, et au château de Grammont,
près Brive. LASTEYRIE (le comte Robert DE), 0. $*, I. P. Qjk, membre de
l'Institut, professeur honoraire d'archéologie à l'École
des Chartes, ancien député de la Corrèze, au Saillant
d'AUassac. LAVIALLE (Jean-Baptiste-Ernest), 0. $, I. P. ||, instituteur,
à Arnac-Pompadour (Corrèze). LEJEUNE (l'abbé), vicaire à Uzerclie. LESPÉRUT (Mme), à La Barboutie, commune de Malemort. LESPINAS (Edmond), avocat, ancien magistrat, boulevard de
Vésone, à Périgueux. LIMOGES (Bibliothèque de la ville de) (Haute-Vienne). MALLET, 1er adjoint au maire, négociant, à Brive. •MARESTAING (Paul), professeur à l'Institut Catholique de
Paris, 17, boulevard Flandrin, à Paris (XVIe), et château
du Griffolet, près Brive,
— 10 —
MM. MARQUESSAC (le vicomte René DE), chalet Vista Bella Brancolar,
Brancolar, Nice (Alpes-Maritimes). MARTEL (Edouard-Alfred), >&, A. f|, membre du Club Alpin
français, 23, rue d'Aumale, à Paris. MAS (Alfred), boulevard du Palais, à Brive. MASSÉNAT-DÉROCHE (André), 240 bis, boulevard Saint-Germain, à Paris. MARSALÈS. Qjji ingénieur, à Brive. MAYNARD (le baron Marc DE), au château de Chaussenège,
par Gressenssac (Lot). MAZOT (Robert), médecin major de 2e classe au 126e de ligne,
à Brive. MICHEL, directeur de la Société Générale, à Brive. MIGINIAC (Louis), avocat, à Brive. MIREMONT, A. ^, buffetier, à Brive. MONJAUZE (Henri), A. ^, villa des Gaulies, à Brive. MORÉLY (Léopold), docteur-médecin, à Argentat (Corrèze). MOURET (Georges), §:-, ingénieur en chef des ponts et chaussées, 29, rue Borgnis-Desbordes, à Versailles. NOAILLES (le comte Alexis DE), château de Noailles (Corrèze). NUSSAC (Louis de CLARIX DE), A. ^, §, sous-bibliothécaire
au Muséum, 13, rue Linné, à Paris. PERRIER (Edmond), C. $*, I. P. ^|, membre de l'Institut,
directeur du Muséum, 57, rue Cuvier, à Paris. PEYRAFORT, avoué, à Brive. PIQUÉ (docteur), 0. ^, chirurgien des hôpitaux de Paris,
chirurgien en chef des Asiles d'aliénés de la Seine, 81, rue
Saint-Lazare, à Paris. PLANTADIS (Johannès), I. P. ^, rédacteur au Ministère du
Commerce, secrétaire-général de la Ruche Corrézienne,
81, rue Boursault, à Paris. Poix, chirurgien-dentiste, boulevard du Palais, à Brive. POULBRIÈRE (l'abbé), chanoine honoraire, inspecteur de la
Société Française d'Archéologie, à Beaulieu (Corrèze). RAYNAL (Jean), I. P, |§, pharmacien de l'hôpital Dubois,
à Brive.
— 11 —
MM.
REGNAULT, directeur de la Banque de France, à'Brive.
ROCHE, imprimeur, à Brive.
ROFFIGNAC (Mme la comtesse DE), à Castel-Fadèze, par Périgueux.
ROQUE (Antoine), banquier, à Brive.
ROUSSEL (Léon), 22, rue Nicole, à Paris.
RUPIN (Me veuve Ernest), à Brive.
SAGET (DE), capitaine au 108e, villa des Magnolias, avenue de l'a Gare, à Bergerac.
SAINTE-FORTUNADE (comte Albert DE LAVAUR DE), au château de Sainte-Fortunade (Corrèze).
SAINTE-FORTUNADE (vicomte A. DE LAVAUR DE), 87, rue Jean Soula, à Bordeaux.
SAINT-GERMAIN (Mme Louis DE), place de la Liberté, à Brive.
SALVANDY (Mme la comtesse DE), 18, rue Cassette, à Paris, et au Teinchurier, près Brive.
SEGOL (Antony), propriétaire, à Beaulieu.
SOULHIÉ (Louis), notaire, à Vayrac (Lot).
SOULIÉ (Antoine), A. ||, directeur de l'École communale de dessin, à Tulle.
SOULLIER (l'abbé Martial), secrétaire-général de l'Évêché et chanoine de la Cathédrale, à Tulle.
STÉCHERT (G. E.) et C'% libraire, rue de Condé, à Paris.
THOMAS, avocat, ancien maire, Brive.
TRESPEUCH (Jean), instituteur-adjoint, à Vigeois.
USSEL (le vicomte Jean D'), ancien inspecteur des Eaux et Forêts, 2, rue Bavard, à Paris, et à Neuvic-d'Ussel (Corrèze).
USSEL (le baron Paul D'), 6, rue de l'Alboni, à Paris.
VACHAL (Philippe), ancien secrétaire-général de Préfecture, à Argentat (Corrèze).
VALAT (Julien), château de Laforge, par Souillac (Lot).
VALÉRY (Louis), négociant, rue Toulzac.
VALON (Ludovic DE), chef de section au chemin de fer d'Orléans, à Brive.
VERLHAC (J.-F.), négociant, Grand'Place,
— 12 —
MM.
VEYRINES (Mme), 41, rue Claude-Aernard, à Paris.
VIGNER (Paul), avoué, à Brive.
VIRÉ (Armand), I. P. ||, docteur ès-sciences, directeur du Laboratoire de Biologie souterraine au Muséum d'Histoire naturelle, rue Lagarde, à Paris, et à La Cave (Lot).
SOCIETES CORRESPONDANTES
ÉCHANGE DE PUBLICATIONS
Allier Société d'Émulation du Bourbonnais, à Moulins.
Bouches-du-Rhône Bibliothèque de l'Université d'Aix-en-Provence.
Cantal Revue de la Haute-Auvergne, à Aurillac.
C/ia)'e?iie
Société Archéologique et Historique de la Charente, à Angoulème.
Cha'rente-Inférieure
Société Archéologique de l'Aunis et Saintonge, à SaintJean-d'Angély.
Cher
Société des Antiquaires du Centre, à Bourges.
Corrèze Société des Lettres. Sciences et Arts, à Tulle.
Côte-d'Or Commission des Antiquités de la Côte-d'Or, à Dijon,
— 13 —
Creuse
Société des Sciences Naturelles et Archéologiques de la Creuse, à Guéret.
Dordogne
Société Historique et Archéologique du Périgord, à Périgueux.
Eure
Société d'Agriculture, Sciences, Arts et Belles-Lettres de l'Eure, à Évreux.
Eure-et-Loir
Société Archéologique d'Eure-et-Loir, à Chartres. Société Dunoise, à Châteaudun.
Garonne (Haute-)
Académie des Sciences, Inscriptions et Belles Lettres, Hôtel
d'Assezat et Clémence Isaure, à Toulouse. Société d'Histoire naturelle, 28, rue Saint-Rome, à Toulouse. Société Archéologique du Midi de la France, hôtel d'Assezat,
à Toulouse. Société de Géographie, rue Lakanal (ancienne Faculté des
Sciences), à Toulouse.
Hérault Société des Langues romanes, à Montpellier.
Landes Société de Borda, à Dax.
Loire-Inférieure
Société Archéologique de Nantes et de la Loire-Inférieure,
à Nantes. Société des Sciences naturelles de l'Ouest de la France
Secrétariat-général au Muséum de Nantes).
Lowet Société Archéologique et Historique de l'Orléanais, à Orléans.
— u
Lot
Société des Études Littéraires, Scientifiques et Artistiques du département du Lot, à Cahors.
Meurthe et-Moselle
Société de Géographie de l'Est, 44, rue de Cronstadt, à Nancy.
Pas-de-Calais
Académie des Sciences, Lettres et Arts d'Arras.
Puy-de-Dôme
Académie des Sciences, Lettres et Arts, à la Bibliothèque. Clermont-Ferrand.
Rhône
Société Littéraire, Historique et Archéologique de Lyon.
Secrétaire-général : M. le Président, G, rue de l'Hôpital,
à Lyon. Société Gerson, Historique et Archéologique, 2, montée de
Fourvière, à Lyon.
Saône (Haute ) Société d'Agriculture, Sciences et Arts de Vesoul.
Sarlhe Société Archéologique du Maine, au Mans.
Seine
Société Nationale des Antiquaires de France (Palais du ■ Louvre), à Paris.
Académie des Inscriptions et Belles-Lettres (Palais de l'Institut), à Paris.
Société Nationale d'Agriculture de France, 18, rue de Bellechasse, à Paris.
Annales du Musée Guimet, 30, avenue du Trocadéro, à Paris.
L'Ami des Monuments. Directeur : M. Charles Normand, 98, rue de Miromesnil, à Paris.
- 15 —
Revue des Éludes Historiques. Picard, éditeur, 82, rue
Bonaparte, à Paris. Société Française d'Archéologie (Bulletin Monumental).
Directeur : M. Lefèvre-Pontalis, 13, rue de Phalsbourg,
à Paris. Groupe d'Études Limousines (Le Limousin). Secrétariat :
13, rue Linné, à Paris.
Somme
Société des Antiquaires de la Picardie, à Amiens. Secrétaire perpétuel : 6, rue Glorielte.
Tarn-et Garonne Société Archéologique du Tarnet-Garonne, à Montauban.
Vienne Société des Antiquaires de l'Ouest, à Poitiers.
Vienne (Haute-)
Société Archéologique et Historique du Limousin, à Limoges.
Société Archéologique de Bellac (Le Dolmen-Club).
Archives départementales de la Haute Vienne (Bureaux de la Préfecture), à Limoges.
Revue Scientifique du Limousin, à Limoges.
Société des Amis, Sciences et Arts, à Rochechouart.
- 16 - SOCIÉTÉS ÉTRANGÈRES
Angleterre
Société des Antiquaires de Londres : Burlington house Piccadilly. W. Londres.
Belgique
Société d'Archéologie de Bruxelles. Secrétaire-général :
11, rue Ravenstein, à Bruxelles. Société des Bollandistes. Boulevard Militaire, 775, à
Bruxelles. Revue Bénédictine de l'abbaye de Maredsous. Revue Mabillon, Abbaye de Ligugé, à Chevretogne, par
Leignan.
Suède
Académie Royale des Belles-Lettres, d'Histoire et des Antiquités de Stockholm.
Etas-Unis de l'Amérique du Nord
Sunlhsoman Institution, à Washington. D. C. Bureau des Échanges Internationaux (Ministère de l'Instruction Publique), à Paris.
SOUVENIRS
DE
LA BATAILLE DE NOISSEVILLE
OU DE
■SERVIGNY-LES-SÀINTE-BARBE
(.31 août-1cr septembre 1870)
Un comité franco-lorrain a commémoré, il y a quatre ans, par l'érection solennelle d'an monument près du village annexé de Noisseville, la bataille de Noisseville ou de Servigny-lès-Sainte-Barbe et les autres combats livrés en 1870 sur la rive droite de la Moselle. Ce monument français n'est cependant pas le seul : il y a encore celui de Borny, celui de Saint-Julien, élevés indistinctement à tous les soldats français tués à l'est de Metz. Du côté des Allemands, ils sont plus nombreux encore : en dehors de celui de Noisseville érigé à la mémoire du 1er corps prussien, on trouve les monuments de Sainte-Barbe, du 1er régiment de grenadiers à Vrémy, du 41e régiment d'infanterie à Poix, du 1er bataillon de chasseurs, du 4e régiment de grenadiers, des 76e et
T. XXXVI. 1-2
— 18 -
73e d'infanterie à Lauvallières et Montoy, du 7e bataillon de chasseurs, des 13e, 15e et 55e d'infanterie près de Colombey, du 45e à Coincy, sans compter un grand nombre de tombes particulières ou collectives. Ces sépultures rappellent le courage et l'acharnement des combattants.
Les grandes batailles de Rezon ville-Gravelotte et de Saint-Privat-la-Montagne, l'importance stratégique de ces deux journées et l'énormité des pertes subies ont quelque peu détourné l'attention des autres opérations de la campagne de Metz. Cependant rien n'est encore décidé après le 18 août. L'armée sait qu'elle a vaincu tactiquement à Borny et à Gravelotte., elle sait qu'elle aurait dû vaincre à Saint-Privat, si Bazaine
— 19 -
avait fait donner la garde : de jour en jour plus brave et plus aguerrie, elle ne demande qu'à combattre.
Pour donner satisfaction aux troupes fatiguées de leur inaction et aussi pour obéir aux ordres de l'Empereur, qui le pressait de marcher pour se joindre à Mac-Mahon, le maréchal Bazaine porte l'armée sur le plateau de Sainte-Barbe. Depuis le matin (31 août), les troupes sont sur leurs positions de combat; cependant l'action ne commence qu'à 4 heures de l'après-midi.
A la droite française, la brigade Lapasset s'empare de Coincy ; le 3e corps au centre, soutenu par le 2e en réserve, enlève Noisseville et Servigny; à gauche, le 6e corps ne peut s'emparer de Failly. Les Prussiens profitent de la nuit pour réoccuper Servigny, et le général de Manteuffel, qui a supporté le premier effort des Français avec trois divisions, recommence la lutte au point du jour avec de nombreux renforts. A 10 heures, le 3e corps est obligé d'évacuer Noisseville canonné par une batterie de 114 pièces; à sa droite, la division Fauvart-Bastoul abandonne le village de Flanville. Ce mouvement se propage et à 6 heures la retraite est achevée.
Cette bataille, commencée si tard le premier jour et terminée si tôt le lendemain, dirigée avec mollesse et indécision, n'en coûte pas moins trois mille cinq cents hommes aux Français. Elle donne à penser que Bazaine a déjà renoncé à quitter Metz et à rompre la ligne d'investissement de l'ennemi.
Les journées du 31 août et du 1er septembre sous Metz, correspondant à celles de Sedan, marquent le
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moment psychologique de la défense : opération manquée, après laquelle, malgré quelques brillants retours offensifs, il n'était guère possible de conserver l'espoir d'un succès définitif.
D'après la Bévue d'Histoire rédigée à l'état-major de l'armée (section historique), avril 1914, commentant les « Leçons de guerre » (Kriegslehren) du maréchal de Moltke, « l'initiative des chefs allemands et la résistance opiniâtre des troupes de Manteuffel parèrent au danger d'autant plus aisément, que l'attention de nos adversaires avait été depuis longtemps éveillée par les hésitations du commandant de l'armée de Lorraine ».
La bataille de Noisseville fut, aux yeux du chef d'état-major général de l'armée allemande, une manoeuvre de parade plutôt qu'une tentative sérieuse de rompre l'investissement de Metz. « Comment qualifier, déclare-t-il, un acte qui prétend au bénéfice de la surprise et qui se dévoile dès 6 heures du matin, se déroule toute une journée et commence à 4 heures du soir?... On perdit un temps précieux pour la traversée de la Moselle; la rivière devait être franchie de nuit et la bataille aurait dû débuter par une attaque tentée par surprise et au point du jour. »
Le général Palat, dans sa récente étude historique, Bazaine et nos désastres en 1870, professe la même opinion : « Il n'est pas possible, dit-il, après avoir étudié le rôle de Bazaine pendant les deux journées de Noisseville, d'admettre qu'il ait eu réellement le désir de quitter Metz... Tout porte à croire que, dans son esprit, la bataille de Noisseville n'est qu'une
— 21 -
manifestation théâtrale destinée à calmer les impatiences de l'armée. »
L'armée de Metz était rentrée dans ses camps. Bien que réduite à 150,000 combattants, elle conservait intactes sa valeur et sa discipline. Mais bientôt, affaiblie de plus en plus par les fatigues, le mauvais temps, la faim, les privations de toute espèce, cette armée, trahie en quelque sorte par un chef ambitieux qui était en pourparlers avec les Prussiens, était condamnée à disparaître. C'est ainsi que, par une capitulation signée le 27 octobre, elle fut livrée à l'ennemi étonné et comme honteux d'un succès si peu glorieux pour ses armes : événement inouï et à jamais déplorable !
Il ne semblera pas, sans doute, hors de propos après quarante-quatre ans, de faire paraître un extrait des Souvenirs inédits d'un officier de la célèbre brigade mixte Lapasset, relatif à la bataille de Noisseville. .
L'auteur des Souvenirs, qui a vu et observé, nous fait connaître particulièrement ce qui s'est passé à la droite de la ligne de bataille et la prise du village de Coincy; mais il relate également deux faits de la plus haute importance :
1° Les paroles prononcées par le maréchal Le Boeuf avant la bataille, qui corroborent ce que l'on sait aujourd'hui des relations entre l'Empereur et le maréchal de Mac-Mahon d'un côté et, de l'autre, le maréchal Bazaine;
— 22 -
2° La retraite voulue et non forcée de la division Fauvart-Bastoul, sur laquelle on a tant discuté, à laquelle Bazaine, dans son procès devant le Conseil de guerre, a attribué le mauvais résultat de l'engagement et qui, en réalité, a déterminé la rupture du combat.
Ces souvenirs de campagne sont donc, en même temps, des documents d'une certaine valeur historique.
EXTRAIT
DES
Souvenirs inédits d'un officier de ia Brigade Lapasset
Bataille de Noisseville (31 août et 1er septembre) Prise du village de Coincy
Le 31 août, la brigade mixte Lapasset (1) était campée sur le chemin de fer de Metz à Sarrebrûck, à l'est de Montigny, en avant du village du Sablon, de la manière suivante : Le 84e régiment d'infanterie (2) à droite, ayant derrière lui le 3e lanciers; à gauche le 97e ; enfin la 2e compagnie du 14e bataillon
(1) La brigade mixte du général Lapasset appartenait au 5' corps de l'armée du Rhin; restée à Sarreguemines le 6 août, elle avait fait, après le combat de Spicheren, l'arriëre-garde du 2* corps, (général Frossard) jusqu'à Metz et était restée rattachée à ce corps d'armée.
(2) Le 84' régiment créé en 1684 sous le nom de Quercy, dénommé R0ha.1i avant la Révolution, reçut le surnom d'Incomparable après Marengo et celui de Un contre dix après le combat de Gra.etz,
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de chasseurs et la 7e batterie du 2e régiment d'artillerie monté, dans la petite redoute du Sablon.
La veille au soir, le lieutenant-colonel Charmes, commandant par intérim le 84e, avait réuni les officiers de son régiment, pour leur annoncer qu'il fallait se tenir prêt à lever le camp le lendemain.
Le réveil eut lieu à 4 heures du matin; il faisait assez frais : on se chauffait avec plaisir. La brigade se mit en marche, en passant par Montigny et le chemin de ceinture de Metz. Après avoir tourné à droite sur la route de Sarrelouis, on s'arrêta près de la ferme de Bellecroix, située à 4 kilomètres environ de la ville.
Nous étions à peu près sur le champ de bataille de Borny : à notre droite s'étendaient des terres labourées jusqu'au village et au bois de ce nom, qui bornaient notre horizon de ce côté; à gauche, le terrain s'abaissait par une pente assez douce et se relevait ensuite jusqu'à Saint-Julien, Grimont et Sainte-Barbe, la vue ne dépassant pas le chemin qui relie ces localités. Placé au nord de la grand'route, près de la ferme de Bellecroix, j'examinais tout à mon aise le terrain du champ de bataille. Du côté de Borny, se massaient les dragons de la division de Clérambault qui, avec nous, formaient l'extrême droite. Mais, à la grande masse de. troupes qui débouchaient dans le vallon et déjà gravissaient les pentes, pour prendre leurs positions, il était aisé de deviner que le fort de la lutte allait porter sur les villages de Noisseville et de Servigny-lès-Sainte-Barbe. Une vive fusillade ne tarda pas à éclater en avant de nous ; il était près de huit
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heures du matin. On repliait les avant-postes de l'ennemi à Lauvallières et à la Planchette. Quelques prisonniers, des blessés arrivèrent bientôt; puis le feu cessa.
Allait-on faire comme le 26 août où' l'on était venu faire tuer des hommes, pour rentrer ensuite à Metz sous prétexte de mauvais temps? Il faisait beau : le soldat était plein d'ardeur, l'ennemi surpris. Malgré ces avantages, on attendit, couché dans les terres labourées, jusqu'à quatre heures de l'après-midi.
Cependant, vers trois heures et demie, les commandants de corps d'armée et des généraux de division s'étaient réunis à la ferme Bellecroix, pour tenir conseil. La foule des officiers d'état-major, les portefanion, les cavaliers d'escorte, quelques curieux regardaient comme moi sur la route, en attendant le résultat des délibérations. Je vis arriver le général Ghangarnier(l), tout blanc et cassé, mais souriant et imposant le respect; il fallait l'aider à descendre de cheval et à se mettre en selle. Les généraux sortirent enfin de la grange, et le maréchal Le Boeuf s'adressant à ceux qui étaient, autour de lui : « Mes amis, dit-il à haute voix, nous avons reçu de bonnes nouvelles de l'Empereur; nous allons travailler pour nous joindre à Mac-Mahon. »
Là-dessus, chacun partit rejoindre vivement sa place. La brigade Lapasset, traversant la route, se porta d'abord vers la droite dans les champs de Borny.
(1) 11 avait été autorisé à servir à l'armée, mais sans commandement défini. Il se conduisit vaillamment dans cette bataille.
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L'artillerie, les chasseurs à pied continuèrent vers Golombey. La division de Glérambault se dirigea vers le petit rideau d'arbres qui se trouvait devant nous : c'était un beau spectacle, aux derniers rayons du soleil qui faisait étinceler les casques, de voir ces cavaliers manoeuvrer dans la campagne et disparaître derrière les couverts. On marchait rapidement, comme si on avait hâte de rattraper le temps perdu.
Le 1er bataillon du 84e, sous les ordres du commandant Dufourc-d'Antist, s'arrêta un instant dans le petit bois nord de Colombey, remonta la pente opposée du ravin et se trouva bientôt sur le terrain découvert en face de Coincy. Le commandant ayant poussé son cheval pour reconnaître la position, envoya deux compagnies en tirailleurs, pour attaquer à droite les jardins et les haies; puis, après avoir adressé quelques paroles énergiques à son bataillon, il nous porta vigoureusement contre le village. Les balles commencèrent alors à siffler; quelques hommes furent blessés. On s'arrêta un moment et l'on fit coucher la troupe. Le village et les tranchées, sous l'effort combiné des tirailleurs du 84e et de pelotons de dragons à pied, avaient été évacués par les Prussiens (1). On repartit .et l'on entra dans Coincy. Une troisième compagnie du bataillon fut envoyée poursuivre l'attaque; les autres restèrent avec le drapeau. Le village, d'abord désert, commençait à se ranimer : les habitants sortaient des caves ; des femmes venaient nous parler, nous prendre les mains, heureuses en se croyant délivrées des Prussiens. Cependant, on rap(1)
rap(1) 45" régiment prussien,
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portait des blessés. Des cris affreux attirèrent notre attention : ils étaient poussés par le capitaine Lagarde. Cet officier avait été, toute la journée, gai et plein de confiance; une balle venait de l'atteindre sous l'oeil gauche et était allée se loger vers l'oreille. Il souffrait horriblement : on le pansa sur l'heure, mais il mourut quelques jours après à l'ambulance de Montigny, encombrée de blessés.
La nuit était venue; l'ennemi avait été repoussé. Il fut décidé, néanmoins, qu'il fallait évacuer le village et revenir bivouaquer à 2 kilomètres en arrière et derrière le petit bois dont il a déjà été parlé (1). Il était 10 heures : le feu avait cessé; il reprit un moment avec violence à notre gauche, puis s'éteignit à son tour. La terre était humide et légèrement, détrempée; la nuit était froide : j'en passai la première moitié à veiller, ainsi qu'un homme par escouade; le capitaine me remplaça. Je pris alors un peu de repos, étendu par terre sur une toile de tente.
A 4 heures du matin (1er septembre), il fallut se reporter en avant et réoccuper Coincy. Il était temps, car les Prussiens se préparaient à y revenir. Notre compagnie, portée en première ligne, se déploya en tirailleurs en arrivant sur le terrain de la veille. Par une conversion, nous l'amenâmes à la crête du plateau, au sud de Coincy. Les autres compagnies du bataillon arrivèrent à leur tour : la nôtre appuya alors au village et se plaça derrière un mur entourant des vignes. Celle qui avait pris notre place ouvrit le feu
(1) Le petit bois nord du fameux ravin de Colombey, appelé depuis par les Prussiens Y Allée des Morts,
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contre les tirailleurs ennemis qui s'étaient rapprochés et paraissaient avoir dessein de nous tourner. Cette petite fusillade se développa et nous occupa jusque vers 10 heures; nous ne vîmes plus alors que quelques cavaliers sur les hauteurs en arrière et des éclaireurs d'infanterie.
Un feu terrible d'infanterie éclatait au centre. Toute la nuit, des renforts étaient arrivés aux Prussiens qui nous accablaient de projectiles. On distinguait parfaitement une longue ligne d'artillerie allemande à la lumière des coups. Un épais brouillard rouge-brun s'étendait de ce côté du ciel ; une foule de petits nuages blancs marquaient les points d'éclatement des projectiles dans l'air. De notre côté la situation s'était peu modifiée, quand, vers 11 heures, je vis avec étonnement, à notre gauche, sur les pentes du terrain entre la route de Sarrebrùck et le village de Coincy, la division Fauvart-Bastoul battre en retraite par échelons de bataillon et dans le plus bel ordre', comme à la manoeuvre. Ce mouvement n'était guère inquiété que par quelques coups de canon tirés par une batterie prussienne placée entre la route de Sarrebrùck et Flanville et près de cette route.
Une heure après, nous battions en retraite à notre tour vers notre petit bois. J'étais resté en arrière avec mon peloton déployé,.le dernier du côté de l'ennemi. Les obus de la même batterie nous suivirent dans notre marche, et plusieurs, me rasant la tête, vinrent s'enterrer à quelques pas de moi : heureusement, la terre étant humide, ils n'éclataient pas. Le bataillon resta seul derrière le bois de Golombev
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jusqu'à 5 heures du soir. Déjà les batteries prussiennes, accompagnant la retraite de nos troupes, avaient dépassé la Planchette, quand nous reçûmes l'ordre de nous replier à notre tour par les bois de Borny. Cette opération, rendue délicate par la proximité des Prussiens, s'opéra sans être inquiétée.
La brigade Lapasset avait été chargée de couvritla retraite de notre aile droite : elle exécuta ce mouvement avec un ordre admirable, très lentement et par échelons. Arrivée sous la protection du fort Queuleu, elle se reforma en colonne et revint prendre son campement au Sablon.
Colonel VERMEIL DE CONCHARD.
CAUSES GÉOLOGIQUES
DU
TASSEMENT DE VERSANT il HOAILHAG
Le tassement de terrain qui s'est produit cette année près de Noailhac avait commencé en 1913, il n'affectait alors qu'une bande de terre assez étroite au-dessous de l'embranchement de la route de Brive à Meyssac. Cette année, il a pris une extension plus grande, et l'on a pu craindre un moment que le bourg de Noailhac ne fût atteint.
Les terrains qui ont été entraînés dans le tassement et qui composent la plus grande partie du coteau qui domine Noailhac, appartiennent à la catégorie des grès de Grammont(l) formés en ce lieu de bancs d'argiles et de grès intercalés. Ils sont stratigraphiquement surmontés par les grès de Meyssac dont les éboulis recouvrent les pentes du coteau.
De plus la faille de Meyssac mettant en contact les terrains calcaires du lias et les grès permiens, que nous venons de désigner, passe au nord de Noailhac, ce bourg étant construit lui-même en partie sur le calcaire.
(1) Classification de M. Mouret.
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Disons enfin, pour compléter la description des lieux, que descendant du massif de la Ramière, un ruisseau qui se dirige dans la vallée de Turenne, traverse les grès de Grammont dans lesquels il a facilement creusé un ravin assez profond, et recoupe la faille de Meyssac au-dessous de Noailhac.
Or, ce qui semble avoir le plus frappé les nombreuses personnes qui sont venues voir le glissement, ce sont les dénivellations qui se sont produites audessus de la route de Brive à Meyssac. Elles se présentent suivant trois ressauts principaux formant des entaillements variant de 10 à 20 mètres. Les grès rouges de Meyssac éboulés, qui formaient la surface du terrain, ont été entraînés dans le glissement; au contraire les grès gris de Grammont apparaissent en coupe vive. Ceci est très net par l'aspect seul des teintes différentes de ces terrains.
Quelque saisissants que puissent être ces phénomènes, ils ne sont que la conséquence du tassement dont il faut chercher la cause à la base du coteau.
C'est en effet le ruisseau, qui vient de la montagne, qui a érodé la base du coteau, et a provoqué la descente des terrains composés d'éléments hétérogènes et en partie mal stratifiés.
L'érosion régressive de ce ruisseau, après avoir entaillé la bordure calcaire, a profondément entamé les grès tendres qui lui font suite, et, à mesure que les thalwegs s'écartaient les terrains du coteau manquaient de soutien à leur base.
Il a donc suffi que le travail du ruisseau grossi par les pluies fût plus intense, et que les terrains eux-
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mêmes fussent humidifiés pour provoquer tout le tassement.
Sur la rive gauche du ruisseau, un tassement plus faible avait commencé également à se produire, mais il a été enrayé par celui de la rive droite; il est intéressant de le signaler parce que, malgré des dimensions différentes, ces deux phénomènes identiques résultent évidemment de la même cause, c'est-à-dire de l'érosion du ruisseau qui les sépare.
Les dénivellations verticales constatées à la partie supérieure de l'éboulement, ne sont donc que la conséquence du déplacement de la hase du coteau. Par suite du rapprochement des thalwegs, le cours d'eau a été surélevé et notablement déplacé, ce qui indique encore l'importance de la poussée en ce point.
L'orientation des lignes de fractures du glissement est en général N.-E.-S.-O., à peu près semblable à celle du cours du ruisseau, relation qui confirme notre explication. De plus, tandis que le plongement des couches de grès de Grammont est de 10 degrés Est en ce-point, le glissement s'est fait sensiblement dans une direction perpendiculaire; on ne peut donc pas penser que les terrains ont glissé suivant leur plan de stratification uniquement parce qu'ils étaient détrempés, et il est indispensable, puisque l'on ne peut envisager ce glissement que comme superficiel et localisé, d'admettre un tassement de versant provoqué par l'érosion du ruisseau.
Comme conclusion pratique, le mieux serait, à notre avis, pour éviter le retour de tels accidents,
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de canaliser le ruisseau, car son cours s'étant surélevé, l'érosion, selon des lois physiques bien connues, n'en sera que plus active, et d'ici quelques années les mêmes faits se reproduiraient, d'autant plus que les eaux pourraient, en recoupant la faille de Meyssac, creuser une excavation souterraine dans le calcaire, et y entraîner les terrains gréseux qui sont en contact avec lui.
J. WATELIN,
Licencié ès-sciences, Membre de la Société géologique de France.
LES
Annales de Larche
EN BAS-LIMOUSIN
Jusqu'à la Eévolution
. CHAPITRE HUITIEME Le Prieuré de Larche — Les Prieurs et leurs revenus
Les prieurés ont une origine fort ancienne et doivent en général leur formation à des religieux de divers ordres, qui, possédant au loin de leurs monastères des terres ou des fermes, y envoyaient un certain nombre d'entre eux pour les administrer. Le chef de ceux-ci portait le nom de prieur et la maison qu'ils habitaient, avec la chapelle en dépendant qu'ils desservaient, s'appela le prieuré. Certains prieurs demeurèrent seuls dans ces résidences, dont ils jouirent les revenus comme de véritables bénéfices, officiant dans leurs chapelles, dans lesquelles ils donnèrent accès non seulement à leurs domestiques ou gens de la ferme, mais aussi à tous les habitants de leur voisinage. Peu à peu ces chapelles devinrent des centres paroissiaux et les évêques leur ayant ajouté les dîmes et revenus d'autres paroisses voisines, ces prieurés se transformèrent en de vrais bénéfices, qui, sous le nom de prieurés-cures, restèrent sous l'autorité des évêques qui en nommaient les titulaires. C'est ce qui a dû se produire pour celui de Larche, dont les curés étaient en effet à la nomination de l'évêque(l). Cependant, Nadaud(2) indique comme patrons collateurs, ou ayant droit de nommer au bénéfice du prieuré de Larche, le prieur d'Aureil (3),
(i) Pouillè de l'Archev. de Bourges, édition de 1748.
(2) Pouillé historique du Diocèse de Limoges, publié par l'abbé Leclerc, p. 712.
(3) Commune du canton sud de Limoges, où existait un prieuré de l'ordre de Saint-Augustin. — Voir le Cartulaire d'Aureil, publié par M. de Senneville, in Bull, de la Soc. arch. de Limoges, t. XLVIII.
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en 1531 ; l'évêque de Limoges, en 1613; le prieur de Brive, en 1613, 1694, .1703. 1718 et .1743. Il donne aussi Larche comme une annexe de Cousages et dit que les décimes ou impositions du prieuré étaient fixes à"261 livres.
Les moines de l'abbaye de Dalon, aujourd'hui en ruines, dans la commune de Sainte-Trie, canton d'Ecxideuil (Dordogne), fondée en 1114 par Géraud de Sales, qui en fut le premier abbé, possédaient à Larche et dans ses environs immédiats des terres assez étendues, sans compter le bac et le moulin. Ils étaient en effet propriétaires, sur le territoire de la paroisse de Lafeuillade. du tènement des Treilles, que leur avait donné, en 1167, Raymond, vicomte de Turenne, du champ de Dalon ou champ Dalon, qui porte encore ce nom et du lieu de Laceille ou Lasseille (de Cella ou Lacella), appellation indiquant bien le siège d'une ferme de couvent et de ses dépendances. Ils avaient encore la terre de Bédenas, que leur avaient cédée Umbert de Lapoite et Pierre Jaubert. Ils en étaient encore possesseurs de la dîme au XVIII 6 siècle, et les prieurs de Larche se substituaient à eux en qualité de fermiers moyennant une faible redevance. .
C'est ainsi que, le 26 août 1728. pardevant le notaire Maury, comparaît « dom Gabriel Lamotte, sous prieur, sindic et scellerier de la communauté de Dalon, habitant de lad. communauté de Dalon, faisant tant pour luy que pour lad. communauté lequel de son bon gré et volonté a affermé comme il afferme par les présentes à Me Antoine Lescure prieur de la put ville icy pnt stipulant et acceptant scavoir Est la dime apartenant à lad. communauté du village de Bedenas pnle paroisse, ainsi et comme ses prédécesseurs l'ont jouie pour le prix et somme de dix livres annuellement pour le tems et espasse de neuf années complètes et révolues, lad. somme de dix livres payable à la tous s 15 annuellement, a de plus led. sr dom Lamotte en sa qualité susde affermé aud. sr Lescure, prieur susd. pour lesdes neuf années la disme du cham de Dalon situé dans la paroisse de Lafeuillade annexe dud. Larche pour le prix et somme de trois livres annuellement Icelle somme payable au- mesme jour
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que dessus promettant led sr de Lamotte en la qualité qu'il agit de faire jouir led. sr Lescure pendant le susd. tems moyenant lesd. sommes commencent lad. afferme la présente année et finira après lesd. neuf années neuf prises et neuf cueillettes » (1).
II est donc fort possible que les moines de Dalon aient d'abord délégué à Larche un des leurs pour surveiller et administrer leur domaine, qu'ils auraient ensuite délaissé en faveur d'un prieur et que ce soit là l'origine du prieuré; en tant que bénéfice ecclésiastique, auquel furent ensuite adjointes comme annexes, les paroisses de Lafeuillade et de Saint-Cernin. Il est même probable que cette dernière fut le premier centre paroissial, ainsi que l'admet M. Poulbrière (2) en se basant sur diverses raisons que j'ai déjà é'numérées dans les Annales de Saint Cernin-de-Larche [%).
L'ancienneté comparative des églises, qui donne la priorité à celle de Saint-Cernin remontant au xne siècle, et le chiffre respectif des populations, indiquent clairement que la paroisse de Saint-Cernin était beaucoup plus importante que celle de Larche; elle n'est même, encore aujourd'hui, inférieure à celle-ci que d'une centaine d'unités, provenant du développement de la seule petite ville de Larche. Aussi mentionne-t-on, en 1763, un chiffre de 200 communiants pour Larche, alors qu'il en est compté 550 pour SaintCernin.
Cet écart provient uniquement de la différence d'étendue qui existait entre les deux paroisses, celle de Larche étant réduite aux dépendances de son prieuré, où ne se trouvait guère que l'agglomération de la localité; tandis que celle de Saint-Cernin comprenait, avant la Révolution, non seulement le territoire de la commune actuelle et les villages
(1) Étude Beaudenon de Lamaze, de Larche.
(2) Dict. hist. et arch. des Paroisses du Diocèse de Tulle, in Semaine Religieuse de Tulle, n" 33, 1905, p. 520 et suiv.
(3) Docteur R. Laffon, Les Annales de Saint-Cernin-de-Larche en Bas-Limousin, p. 71 et suiv. (Ducourtieux et Goût, édit., Limoges).
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de Chazat, de Dautrementet de Boissières, avec les hameaux des Granges, de Lafarge et de l'Escure-Haute, qui en font encore partie, mais encore les villages de Rignac et de Peyrefumade, avec les hameaux de Coux et d'Yssalot, qui en ont été détachés en 1790. Le village de Puyjubert lui-même n'appartenait pas à la paroisse de Larche, dans la seconde moitié du xvie siècle, si l'on s'en rapporte à un document de cette époque (1588), portant provisions pour Claude Naute « du prieuré de Puy-Jubert, pa.oisse de Saint-Cernin-deLarche » (1).
Clément-Simon (2) nous apprend aussi que, dans la seconde moitié du xve siècle, Saint-Cernin était une « petite et pauvre paroisse, en laquelle était le bourg de Larche et le château ». Il n'est pas question non plus de la paroisse de Larche parmi celles de sa châtellenie, à cette époque, d'où M. Poulbrière (3) conclut qu'il y a forte présomption pour que la paroisse de Larche ne fut fondée qu'au temps du prieur François de Beaupoil, sinon comme prieuré, du moins comme cure, peut être par simple transmission, vers la fin du xve siècle. Cependant, ajoute t-il en note, un sommaire manuscrit des archives du Vatican, relatif au Limousin, confirme pour le xive siècle l'union des églises paroissiales de Saint-Sernin, de Larche et même pour partie de Lafeuillade, qui est en Périgord, aux limites de Larche. Nos deux cures limousines relevaient des chanoines de Saint-Martin de Brive ; mais Jean XXII, en dispensant d'une irrégularité le titulaire établi sur leur présentation par l'évêché de Limoges, Pierre du Laurent, chanoine lui-même de Brive, parle une première fois des deux églises à charge d'âmes, de Archa Sancti Saturnini ac de Folhata pro jiarle, et une seconde fois, ecclesiarum curatorum Sancti-Saturnini et de Archa et pro parte de Folhata, donnant ainsi la priorité tantôt à Larche, tantôt à Saint-Cernin.
(1) Arch. départementales de la Corrèze, G, 106.
(2) La Vicomte de Limoges.
(3) Loc. cit.
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Le titulaire, qu'il nomme à la seconde fois, mais en simple expectative, est un autre chanoine de Brive, Bernard de Maleguise, lequel doit remplacer Pierre du Laurent, pourvu d'un autre bénéfice au diocèse de Pampelune, en Espagne; toutefois, soit déception, soit refus, soit retour, du Laurent meurt curé de Larche et Clément VI, qui s'était réservé la nomination aux bénéfices, lui donne vers 1350 pour successeur Aimeric Dupuy.
Le plus ancien titulaire du prieuré que l'on connaisse ensuite, est François de Beaupoil, fils de Julien de Beaupoil, chevalier et chambellan ou premier écuyer de Charles VII et de Galiène Helles, fille elle-même de Golfier Helles, seigneur de Villac et de Puyseguin et de Jeanne de Roffignac. Saint-Allais(l) donne même à François de Beaupoil le titre de fondateur du prieuré de Larche ; mais il s'agit probablement du bâtiment destiné à l'habitation des prieurs et qui sert encore, de nos jours,-de presbytère. Aussi pourrait-on lui attribuer avec raison l'inscription que l'on remarque sur le portail :
IE . TE . TROUVAY . DE . TERRE IE . TE . LARRAY . DE . PIERRE
et que M. de Merlhac explique en disant que ce prieur « ne trouva pour presbytère qu'un exécrable taudis, bâti en bois et en torchis; il le fit reconstruire en pierre, et pour perpétuer les souvenirs de cette magnificence, il plaça sur la porte du nouveau presbytère cette inscription ». Peut-être même n'y avait-il aucune habitation et le bénéfice ne se
(1) Victor de Saint-Allais, généalogiste, né à Langres en 1773, mort en 1842. Ses principaux ouvrages sont : Histoire générale des ordres de chevalerie (1811); Tablettes chronologiques de l'Europe (1812); Histoire généalogique des Maisons souveraines de l'Europe (1812); Nobiliaire universel de France (1814-1820); Dictionnaire de la Noblesse (1819); Armoriai de France (1817); nouvelle édition de L'Art de vérifier les dates, commencée en 1819, continuée par Fortia d'Urban.
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composait-il que de terres, auxquelles ce prieur bien pourvu ajouta le bâtiment (1)?
François de Beaupoil avait en effet de gros revenus. Il était, d'après Nadaud(2), « curé de Perpezac-le-Blanc et de Saint-Nazaire, prieur de Larche et de Saint-Chastrier et testa le 21 septembre 1516 », date de sa mort. Il était en outre protonotaire apostolique.
Après lui, on trouve Germain de Beaupoil de SaintAulaire, fils de Jean II de Beaupoil (3), seigneur de SaintAulaire, de Tarnâc, Mansac, La Grènerie, chevalier et maître d'hôtel de François Ier, qui fut blessé et fait prisonnier à Pavie en 1525. et de Marguerite de Bourdeilles, fille de François, seigneur et baron de Bourdeilles et d'Hilaire du Fou, et tante du célèbre Pierre de Bourdeilles, seigneur de Brantôme (4).
Germain de Beaupoil de Saint-Aulaire, aussi protonotaire apostolique, fut « prieur-curé de Larche, curé de Tarnâc en 1554 et de Perpezac-le-Blanc en 1562. Il faisait d'abondantes aumônes et tenait son église en fort bon état » nous dit Nadaud. Possesseur de la terre de Mansac, il la laissa en héritage à son neveu et filleul, Germain de Saint(1)
Saint(1) au sujet de cette inscription : Recherches historiques et morales sur Brive-la-Gaillarde et sa banlieue vers le Pèrigord, par M. de Merlhac.
In Bull, de la Soc. scient., hisl. et arch. de Brive : Inscription du XVI' siècle à Larche, par André Dumas, t. IV, p. 695; — Quelques réflexions a propos de l'inscription du XVIe siècle à Larche, par l'abbé Loubignac, t. V, p. 299; — Inscription à Larche; note philologique, par l'abbé Poulbrière, t..V, p. 399; — Un dernier mol sur l'inscription de Larche, par le même, t. V, p. 743.
(2) Nobiliaire, l, 175.
(3) Dit aussi le capitaine de Masseret, parce qu'il eut le commandement de cette place. Maître des eaux et forêts du comté d'Auvergne, il fit son testament à Saint-Aulaire le 2 novembre'1540.
(4) Ké à Bourdeilles en Pèrigord en 1540, mort en 1614, auteur de la Vie des hommes illustres et grands capitaines français; de la Vie des grands capitaines étrangers; de la Vie des dames illustres et Vie des dames galantes.
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Aulaire, fils de son frère aîné, François de Saint-Aulaire et de Françoise de Volvire de Ruffec, qui était lui-même devenu prieur de Notre-Dame de Beyne, au diocèse de Gahors et vendit Mansac au duc de Noailles pour pourvoir ses nombreux frères et soeurs.
Le titre du bénéfice du prieuré semble ensuite reposer sur Saint-Cernin, d'après certains documents qui montrent au moins l'union intime des deux églises et peut-être même sont une preuve de plus de la priorité de la paroisse de Saint-Cernin, dans laquelle se trouvait le prieuré de Larche.
. Jean Muzac, de l'ordre de Saint-Augustin, était prieur et curé de Saint-Sernin-de-Larche « prior curatus et perpetuus commendatorius Sancti Saturnini de Archia, ordinis Sancti Augustini Lemovicensis diocesis » (1), lorsque, par lettres apostoliques en date du 12 octobre 1579, Jehan Versanaux, clerc, habitant au village de Montéricourt, paroisse de Mialet, en Pèrigord, aussi de l'ordre de Saint-Augustin, fut nommé à son tour prieur et curé de Saint-Cernin-deLarche. Jean Muzac résigna donc son bénéfice en sa faveur, « in favorem venerabilis viri magistri Johannis Versanaux Petragoricensis diocesis » et Jehan Versanaux en prit pos-" session le 20 mars 1580. Quelques jours plus Lard, le 1er avril 1580, son procureur, Me Ramond Bonet, faisait enregistrer chez un notaire de Brive les lettres de provisions délivrées par le vicaire général de l'évêque de Limoges (2).
Antoine de Vaur ou du Vaur, prêtre du diocèse de Tulle et prieur-curé de Saint-Sernin-de-Larche, par l'intermédiaire du né Pierre Laroche jeune, procureur au siège présidial de Brive, fit enregistrer, le 25 août 1605, ses lettres de provisions pardevant le notaire royal, de Valière. « Ledit de Vaur a sommé ledit Veyssière, sergent royal, faire commandement à messire Jean d'Eyrenc prêtre icy présent le vouloir mettre en la réaile actuelle et corporelle pocession du dit prioré et cure de S' Sernin de Larche et
(1) Arch. départementales de la Corrèze, G, 99. (2j Arch. départementales de la Corrèze, G, 99.
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de ses annexes aussy fruictz, profntz, revenus et esmolumans qui en deppandent, et à deffault de ce faire ledit de Vaur a protesté contre ledit Veyssière et d'Eyrenc de tous dépens, dommaiges et interestz (1). »
Jehan Boudet lui avait succédé en 1611 et passait à cette époque le contrat d'affermé suivant, des revenus de son bénéfice : « Aux faux bourgs de Magninie de Limoges, maison et logis où pand par Enseigne l'aigle d'argent, après mydy a esté présant vénérable maistre Jehan Boudet prestre, curé de la cure et prioré de la paroisse Sainct-Cernin de Larche au Bas Limousin, habitant de la ville de Pierrebuffière présant senechaulcée, lequel de son bon gré et liberalle volonté, pour luy, les siens à l'advenir, a affermé comme par ces présentes afferme à maistre Jehan Jaubert, notaire royal, habitant du village de Boyssières, paroisse dudict S1 Sernin de Larche, tant en son nom propre et privé, que comme ayant charge et procuration expresse de faire ladite afferme, de Mrc françois de Leymarie, notaire dudit lieu de S' Sernin et Estienne Duron, maitre talheur dud. lieu, comme a monstre de procuration, signée de Leymarie, constituant susdit et Mourons présant et Verchat notaire et tabellion royal, en datte du 25e du présent mois de juillet 1611, l'original de la quelle est [ ] es mains de
moy, notaire soubssigné qui l'ai fait signer aux dicts Boudet et Jaubert, contractantz, afin qu'il ne fust mys en double, pour en estre expédié coppie quand requis serait, et pour M" Jehan Marniac praticien de Bourdeaux, absantz, et bien que ledit Marniac ne soit nommé en ladite procuration; et auxquelz Leymarie, Duron et Marniac toutes foys et quantes par cas d'abondant, ledict Jaubert a promis faire rattifier et payer de tous despans, dommages et interetz, sçavoir est tous et chascuns les fruitz, profictz, revenus et emolumentz, naissantz et croissantz en ladicte cure et prioré dudict S'Sernin de Larche, annexes et dépandances dicelluy,
(1) Arch. départementales de la Corrèze, G, 99,
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audicl sieur prieur apartenant, consistant en bledz, vins, filasses et aultres revenus et ce pour troys années qui ont commencé à courir au jour et feste de la S1 Jehan Baptiste dernier passé et finissant à mesme jour lesdites troys années finies et révolues et ce pour et moienant le prix et somme de mil livres tournois (1) une chascune année faisant pour lesd. trois ans la somme de 3,000 livres, de laquelle somme led. Jaubert, faisant comme dessus, a payé et balhé comptant réellement et deffaict au dict Boudet en doubles ducatz, pistoles et pistoletz d'or, pièces de 21s 4d, ducatons, pièces de seize sols d'argent, la somme de 1,500' tournois escus et espesses à ladite somme bien comptée à valeur, dont ledict sieur Boudet c'est contenté et en a quicté lesditz Jaubert, Leymarie, Duron et Marniac, promis acquiter envers tous, jamais ne leur en rien demander et pour les-1,500! tournois restantz de ladite présente afferme, iceux fermiers seront tenus, comme ledit Jaubert a promis, payer et porter aud. sieur prieur audict Pierrebuffière, ou à ceux qui monstreront avoyr de lui charge à cens affermé qui sera au jour et feste de noel prochain en ung an que l'on contera 1612 par tous termes et oultre ce les ditz fermiers seront tenus de paier et acquiter led. sieur prieur des décimes tant ordinaires qu'extraordinaires qui seront imposés durant lesd. 3 ans de la présante afferme sur lad. cure et prieuré, comme aussi led. tieur prieur sera tenu d'acquitter lesd. fermiers de tous arreyrages qui pourraient estre dulz et austres charges et impositions.jusques audit jour de S' Jehan dernier. Seront tenus aussy lesd. fermiers faire faire le service divin aux esglizes dud. Larche et S' Sernin avec leur annexe de la Feulhade et paier les pensions annuelles aux prebstres etçvicquaires qui feront les services in divinis suivant la cqustume, comme aussy faire -l'aulmosne acoustumée en Iadicte afferme ; est aussy comprinse la maison par entier
(1) D'après le vicomte G. d'Avenel (Histoire économique de la Propriété), la livre tournois valait, à Gette époque, 2 fr. 39 de notre monnaie, ce qui faisait un prix d'affermé annuel de 2,390 francs,
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audict sieur prieur appartenante dans ledict lieu de Larche, appelée le prieuré joignant l'eglize et fleuve de Vezère avec ses dépendances pour en jouir pendant ledit temps et a promis ledict sieur Boudet l'en randre jouissant de leur afferme et a [ ] aux cas fortuits que de droit;
et ce que dessus ont promis tenir à peine d'amandes, renonçant, jurant, obligeant, etc. et par et pour lesdits fermiers au paiement et solvit desdicts .1,500 livres restant, le tems expiré, à deffault dïcelluy par emprisonnement dé leurs personnes, en prison cloze l'une voye ne cessant pour l'aultre voulu estre compellé et soubmis au présent juge royal ou autre. »
« Faict en présence de maistre Léonard greffier de l'aumoynerie Saint-Martial dud. Limoges et François Boudet [ • ■] témoins a ce requis et apellés ce septième
jour du mois de juillet 1611 (1). »
Comme le démontre ce contrat d'affermé, les prieurs de Larche, jusqu'à cette époque, n'étaient pas résidants du prieuré. Ils remplissaient ailleurs d'autres fonctions, tout en recevant le bénéfice du prieuré, qui n'était pas d'ailleurs à dédaigner, et, durant, ce temps, les églises en dépendant étaient desservies par des prêtres qui étaient, comme on disait alors, à la portion congrue, payés par les fermiers et portaient le titre de vicaires. Dans le cas présent, le prieur habitait à Pierrebuffière (2) et la paroisse de Larche était desservie par le vicaire Jehan Dupe3rron, qui en a rédigé les divers actes de catholicité (3).
Le prieur suivant, Barthélémy Degoalard, paraît bien être le premier qui ait fait du prieuré sa résidence habituelle et ait rempli à Larche ses fonctions paroissiales, tout en conservant, auprès de lui un vicaire pour l'assister. Je n'ai pu découvrir la date exacte de son entrée en jouissance
(1) Arch. Marchant, de Bernou.
(2) Aujourd'hui chef-lieu dé canton de la Haute-Vienne, sur Briance, à 20 kilomètres sud-est de Limoges.
(3) Arch, municipales de Larche.
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du prieuré; mais il est certain qu'il l'habitait dès 1630 et qu'il en affermait les revenus par le contrat ci dessous :
« Faict dans la ville de Larche au bas limousin et dans le prioré dudict lieu après midy le quinziesme jour du mois de juin mil six cens trente régnant Louys Roy et pard 1 moy notre royal soubs signé prl les tesmoings bas nonmés personnell 4 constitué Me Barthélémy de Golard pbr et prieur du prioré dudict Larche et Saint Sernin lequel de son gré et franc voulloir a assansé et affermé par ses pntes afferme et assanse pour trois années prochaines complettes et revollues qui commanceront à courir la presanle année et finiront à semblable jour lesd. trois années et trois prinzes complettes et revollues à Anthoine Lafferme lieu* du prevost de Rouergue Pierre de Gouzon Me chirurgien dudict Larche sire Jehan Beauregard bourgeois de Pazayac et Pierre Golfier me tailheur aussi habitant dudict Larche icy prts et acceptant est à scavoir tous et chascungs les fruits promis revenus et esmolumens appartenans et deppendans dudict prioré annexes et deppendances d'icelluy sans y faire par led. sr prieur aulcune rezervation ny retantion sinon les rezervations clauzes "et conditions cy après suivantes premier' s'est par exprès rezervé ledict sieur prieur une sixiesme partye de la pte afferme pour en faire à son plaisir et vollonlé en par luy supportant ung sixiesme de lade afferme et charges seront tenus lesd. fermiers dessus nommés de payer pandant lesd. trois années toutes les décimes et charges qui seront impozées etcottizées sur led. prioré comme de mesme de payer au vicquaire de Saint-Sernin annuell' pandant led. temps la somme de cent livres au vicquaire de Larche deux charges (1) froment deux charges seigle vin six charges et au vicquaire de Lafeuillade une charge froment une charge seigle et deux charges vin, item le pasthon aux pbtres ies quatre festes annuelles suivant la coustume antienne et aux peauvres quatre charges de febves ou seigle qui sera employé à la coustume et de plus d'entretenir les cordes des
(1) La charge valait 142 litres.
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cloches et de laquelle afferme en appartiendra ausd. Beauregard et Golfier un sixiee d'icelle afferme et ausd. Lafferme et Gouzon le restant qui est de six parties les quatre et a esté faicte lad. afferme par led. sieur prieur ausd. ci dessus hommes et aux susdictes conditions pour et moyenant la somme de mille livres pour une chascune desd. trois années payable lesd. mille livres la moytié au jour et feste de la Sainct Jehan prochain l'aultre moytié au jour et feste de noel aussi prochain et ainsin consécutivement les autres années suivantes mesme et semblable somme de mille livres aux susd. jours et festes de la sainct Jehan et noel après ensuivant et sy a promis led. sr prieur ausd. fermiers de les faire jouyr de lad. afferme et à leur demeure aux cas fortuits que de droit et mesme leur bailher et fournir des greniers de la maison priorale et cuvbes qui sont aud. prioré et pour asseurance du payement de lad. afferme et charges susd. lesd. Lafferme et Gouzon se sont obligés sollider 1 l'ung pour l'aultre et le meilheur pour le tout renonceans au au beneffice de division et discution concernant, seulement de six parties les quatre de lad. présant afferme et six parties les quatre aussi desd. charges comme aussy desd. Beauregard et Golfier se sont aussy obligés sollider* l'ung pour l'aultre et le meilheur pour le tout renonceant aux susd. renonciations division et discution pour lad. sixièe partie de lad. afferme et sixiè" partie desdictes charges et l'entretenement de tout le contenu en ses présantes lesd. parties respectivem 1 chascung en ce qui luy touche ont obligé et hipotequé tous leurs biens, de Veyssier not" tabellion royal (1). »
En 1644, le prieur Degoalard eut un différend assez sérieux avec Jacques Marchant du Pouch au sujet de la sépulture d'un parent de ce dernier, très probablement de François Pouch, avocat en parlement, qui appartenait à la religion réformée, et frère de Jean-Jacques du Pouch, docteur en -médecine et catholique, dont Jacques Marchant était le filleul et l'héritier de sa fortune et de son nom.
(1) Arch, Marchant, de Bernou,
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Il voulut sans doute réunir les deux frères dans le même tombeau, qu'il se disposait à construire dans le cimetière et qu'il fit même commencer. Mais le prieur s'y opposa vivement et fit citer Jacques Marchant devant le juge de Larche, Jehan Barbier ; car, dit-il, « il n'y a pas d'apparence que l'on permette tels ediffices et bastimans qui ne peuvent estre que les objez de l'hérézie et qui donnerait subject de les desmolir comme Ion a faict des temples de faux dieux ». Il demande donc que « le bastiment ja commencé soist desmoly avecq despans domaiges interez et lamande pour la fasson de faire et de plus conclud ledist sieur prieur qu'ils ayent à hoster toutes les marques de sépulture dudict endroict avecq les ossemans de corps de ceux qui y ont esté ensevelis, déclairant ou il ny serait pas faict justice de ses concluzions quil seura les desnoncer au seigneur Evesque de Limoges ».
La solution du conflit n'est pas indiquée dans les documents que j'ai pu consulter; mais il est bien probable que le prieur eut gain de cause, d'autant plus que le procureur d'office, Jehan Duron, s'était joint à lui pour poursuivre l'affaire. En tous cas, il peut être intéressant de reproduire ici les curieux arguments invoqués par ce prêtre par l'intermédiaire de M" Paleyrie, son procureur :
« Ledict sr prieur pour finalle responce au prétandu dire dud. Marchant de Pouch dict en persistant que sil a bien prins la peyne de lire le troizièe article de l'édit de Nantes il y trouvera sa pierre d'usurpement et son intention sera d'aultan moing suyvye que ce quy est porté aud. édit peut estre observé en ceste rencontre. »
« Parait que les loix changent le plus souvent et la viscitude des choses apportant de la nécessité elle faict passer au-dessus des constitutions les plus autanticques. »
« Même que cest ung fondz que les religionaires doibvent avoir à eux pour en faire ung semitière et non pas qu'il soict usurpé comme celuy-cy sur le patrimoyne de l'esglize immuable et inaliénable de sa nature et quy ne peult pas souffrir aulcune condition quelle puyssance souveraine quy
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puysse intervenir en semblable ocurance, l'empire estant divisé quoyque l'on appelle le pape le dieu du siècle la décision de ceste differance ayant esté faicle par la bouche de dieu qu'il falait rendre à dieu ce quy estaict à dieu et à Cezar ce quy estait à Cezar. »
« L'aprobation des seigneurs du. lieu que l'on cest imaginer ne pouvant servir de rien ilz sont trop religieux pour les vouloir combalre et cest les offancer que de vouloir doubler leur zelle et celui dud. sr prieur estant bien ardant mais non pas excecif à ce point là qu'il ne soict acompagné de la raison ; icelle faicl la pollice des estais et entretien la tranquillité publique; au terme des sentiments de l'empereur Theodose et mesme de s' Augustin par eux allégué quy voullant donner un expédiant pour porter les impressions de la guerre civille, se resoult à croyre qu'il fault par la voye de la douceur arracher la croyance, quon la prinze avecq le laict et non pas par celle de la forsse et cest ainsin qu'il s'entend quand il parle de la tollerance des sectes contraires à notre religion; en quoy led. Marchant se trompe et donne les mains puysqu'il advouhe que cest une secte et par conséquent une chose de laquelle il fault prévenir le progrès et résister à l'advancement dicelle. »
« Et parait, que les bastimentz ne soyent pas le motif de la religion, néanmoingtz estant eslevés et pour lhonneur de Dieu et des saints il y a de quoy se persuader que ce sont des temples parce que notre coeur doibt estre la retraite des inspirations et des mouvements que nous avons pour la religion et les payens mesmes, comme Pitagore, appelle les temples le sénat des dieux, saint. Hierosme celluy des pères et enfin sy Ion permettait quon ellevast ses preclostures en formes de chapelle en faveur des religionaires, ce serait advouer leur sénat et leur sinode et mettre la cause publique en danger par la retraicte des personnes de ceste secte (1). »
Le prieur Degoalard est encore mentionné sur les re(1)
re(1) Marchant, de Bernou.
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gistres de catholicité de la paroisse de Larche en 1660 ; cependant les actes ne sont pas tous signés par lui, mais par ses divers vicaires : Estienne Bru, en 1654; D.ebrun, du 24 décembre 1660 au 19 juillet 1061 ; Gorssac du 1er juillet 1661 au 30 avril 1663; Frouyou, du 1er juillet 1663 au 4 décembre 1664. Les registres manquent depuis celle dernière date jusqu'au 17 janvier 1673, et l'on ne saurait dire exactement jusqu'à quelle époque Degoalard exerça ses fonctions (1).
En tous cas, Jacques Cailar, docteur en théologie, lui avait déjà succédé en 1666, et c'est avec la qualité de prieurcuré de Larche qu'il comparaît dans un contrat d'obligation que je reproduis ici, parce qu'il va nous renseigner sur son pays d'origine et sur sa famille :
«L'an mil six cent soixante six et le cinquième jour du mois de juin après midy en la ville d'Aurillac, maison de Messire Jean de Noailles abbé commandataire de l'abbaye de Valetle et prieur des prieurés de roffiac et saint-angel ont esté presans et constitués en leurs personnes discrète personne Mr Jacques Cailar phre docteur en théologie prieur et curé de Larche en bas limousin y demeurant, noble homme Mr Jacques Cailar son frère advocat au baillaige et siège présidial de lad. ville et damoizelle Anne de Frégeac veufve de noble homme Mr François Cailar vivant conseiller du roy et receveur des décimes au diocèse de Saint Flour étant dud. Aurillac, lesquels de leur bon gré et volonté solidairement sans division ny discution a quoy ont renoncé et ont confessé debvoir aud. seigneur.de Noailles abbé commandataire de lad. abbaye de Valette, estant de présent aud. Aurillac présant et acceptant la somme de quatre mille deux cens livres par vray et amiable prest et lesd. Cailar frères et damoizelle de Frégeac leur belle-soeur ont dit avoir prize et réellement receue dud. seigneur de Noailles en bonnes espèces d'or et d'argent à leur contantement et à ce moyen lesd. sieurs Cailar et damoizelle de Frégeac soli(1)
soli(1) municipales de Larche.
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dairement comme dessus, ont promis payer lad. somme de quatre mille deux cens livres aud. seigneur abbé de Valette, scavoir la somme de douze cent livres à la feste Sainct Michel prochain, mille livres un an après à mesme jour, pareille somme un autre an après et les mille livres restans un aultre an après à mesme et samblable jour et feste Sainct Michel à peine ce quoy faire lesd. sieurs Cailar et damoizelle de Frégeac solidairement comme dessus ont obligé tous et chascuns leurs biens mesme par arrest et emprisonnement de leurs personnes (1). »
La belle-soeur des Cailar, Anne de Frégeac, épousa en secondes noces Gabriel de Gaye, sieur de Planche, conseiller au présidial dé Brive, et c'est lui qui paya les différents termes de cette obligation, ainsi qu'il résulte d'une quittance générale qui lui fut délivrée à Aurillac, le 12 juin 1681. Jacques Cailar, le prieur de Larche, avait dû se brouiller avec sa belle-soeur, car il adressa, le 8 janvier 1675, une supplique au sénéchal du Limousin à Brive pour demander la permission de faire mettre à exécution un exécutoire obtenu de l'officialité de Brive, le même jour, « contre damoiselle Anne de Frégeac femme à Guabriel Gaye sr de planche de la somme de seize livres seize sols d'espèces ■<>, ce qui lui fut d'ailleurs accordé (2).
Un aulre membre de la famille du prieur, très probablement sa soeur, était établie dans-les environs'de Larche, car Ton trouve une Marguerite Cailar, âgée de 70 ans, femme à feu François Dautrement, de Dautrement, décédée le 15 avril 1683 et enterrée dans l'église de Saint-Cernin, où son mari avait été aussi inhumé le 31 décembre 1676 (3).
C'est, sans doute, en se rendant au village de Dautrement, que Jacques Cailar, qui devait être d'un caractère bien irascible, se rendit coupable de voies de fait, qui l'amenèrent devant l'officialité de Brive. On trouve, en effet, à la date
(1) Arch. Marchant, de Bernou.
(2) Arch. Marchant, de Bernou.
(3) Arch. municipales de Saint-Cernin.
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du 28 septembre 1672, qu'il y eut comparition et plainte « pardevant Dominique Latreille prestre licencié en droit et officiai vice-gérant de monsieur l'official de Limoges institué à Brive pour le bas-limousin » de Marguerite Saige, femme à François Coudert, habitant du-lieu de Chazat, paroisse de Saint-Cernin, assistée d'Estienne Geouffre, son procureur , qui se plaint qu'étant sise au-devant de sa maison, Mr Jacques Cailar, prestre prieur de Larche et ses annexes Saint-Cernin et Lafeuillade, tout en colère, l'aurait traitée de coquine et ayant un gros bâton en ses mains, lui en aurait donné des coups, dont les effets sont constatés par un certificat de Barthélémy Laroche, chirurgien juré, commis du premier médecin du Roy pour les visites et rapports. Cette femme portait une « contussion avec echymose et enflure sur le cubitus de son bras gauche estant de la grandeur de quatre travers doigtz tant en longueur que largeur sur laquelle contussion y aurais mis un emplâtre ad contussiones, plus une autre contussion sur l'omoplate avec echymose partie senestre de la grandeur d'un denier ou j'esdme que les susdites contussions ont été causées par quelque instrument obtus et pesant comme serait baston ou avec instrument semblable et du depuis elle ne serait venue pour se faire panser si ce n'est un homme qui est venu de sa part demander mon raport pour mettre au greffe ce que j'ay fait et asseure moyenant mon serment à tous juges que tout ce dessus contient vérité à Brive ce sixième octobre mil six cent soixante douze » (I).
Les dépositions de plusieurs témoins de Chazat sont aussi produites dans le libellé de la plainte, reçue par Lapeyrie, greffier. Aussi, fut-il délivre, le 8 octobre, un ordre de comparition de Jacques Cailar. Il eut été intéressant de pouvoir connaître les débats et la fin de cette affaire.
Le 1er août 1677, par contrat reçu à Larche par Maury, Jacques Cailar « de son bon gré et amiable volonté a affermé et asseuré comme par ces présentes asseure et afferme pour
(1) Arch. Marchant, de Bernou. T. XXXVI.
— SOle temps et terme de troys années troys prinses et culhettes complétées et révolues à commanser d'huy finiront à mesme jour au bout desd. troys ans à Anthoyne Murât clerc mousnier habittant au moulin de Terasson en pèrigord présant et aceptant scavoir est le dixme du vin des quartiers de pomiers et de Laroche pare dud. S' Sernin de Larche tout ainsy et de mesme que les précédants fermiers ont accoustumé d'en jouyr et ce moyenant le prix et somme de cent une livre tournoys(l) pour chascun desd. troys ans lequel Murât sera tenu comme s'est obligé par les pntes payer aud. sieur Cailar prieur pnt et aceptant à chasque jour de feste de noel pandant lesd. troys ans a payne de tout despans domaiges et intérêts et commanssera le premier pacte au jour de noel prochain et ainsi mesme somme de cent une livre conséqutivement à chaque jour de noel jusques à fin d'affermé à mesmes paynes et la pnte afferme non compris huict livres tournoys d'une soubs afferme des vignes de Baugou deppandant du quartier de Laroche pour la-pnt année et prochayne seulement et par ce que led Murât la jouira avecq le surplus desd. dixmes la dernière et troysième année il payera aud. sieur prieur pour tous lesd. dixmes la somme de cent neuf livres au susd. jour de noel de lad. dernière année aux susd. paynes » (2).
Malliard. prieur de Larche. n'a laissé d'autres traces de son passage que les actes de catholicité qu'il a signés du 5 juin 1704 au 14 juin 1705 (3). Il n'a donc occupé ses fonctions que durant une année.
Il devait être certainement de la famille de Malliard, de Brive et un des frères de Pierre de Malliard, conseiller en la sénéchaussée et siège présidial de Brive, décédé le 2 novembre 1693, à l'âge de 73 ans (4). Ce Pierre de Mal(1)
Mal(1) cette époque, la livre tournois valait 1 fr. 48 de notre monnaie (vicomte 0. d'Avenel, /oc. cit.).
(2) Archives personnelles.
(3) Arch. municipales de Larche.
(4) Registres mortuaires de la paroisse Saint-Martin.
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liard avait deux frères, Léonard et Estienne, prêtres et chanoines de Saint-Martin de Brive et il est fort probable que le prieur de Larche était l'un des deux.
Du 14 juin au 28 novembre 1705, le prieuré de Larche paraît être resté sans titulaire et les fonctions en furent remplies par Dubousquet de Lavech, prêtre, docteur en théologie, de Terrasson, dont on retrouve la signature au bas de tous les actes des registres paroissiaux durant cet intervalle de cinq mois et demi(l).
Pierre de Lachièze, docteur en théologie, fut alors désigné comme prieur de Larche et resta en fondions de novembre 1705 à juin 1718.
Il devait faire rentrer avec soin les produits de son bénéfice et ne reculait pas devant les frais de justice pour faire exécuter ses débiteurs récalcitrants. C'est ainsi que « l'an mille sept cens sept et le troisième du mois de septembre après midi certiffie Henri Gillet huissier audiancier en la sénéchaussée et siège présidial de la ville de Brive et y habitant immatriculé aux greffes desd. sièges que requérant Me Pierre de Lachièze prêtre prieur au lieu de Larche et ses annexes de Saint Sernin et Lafeuillade habitant au lieu dud. Larche me suis exprès et à cheval transporté aud. lieu de Larche et domicilie de Jean Faure dit Jean Lac-lave Me charpentier habitant dud. lieu de Larche auquel j'ai donné assignation à comparaître huitaine après la datte des présentes pardevant vous Monsieur le sénéchal du Limousin ou messieurs votre lieutenant général au siège sénéchal de la ville de Brive et ce aux fins de voir représenter qui quoique le sr requérant soit en droit et possession de percevoir et lever la dime dans toute l'étendue de la paroisse dud. Larche et de ses annexes sur le pied de l'unzain, néanmoins et au préjudice de ce le susd. Jean Faure aurait retenu et refusé de payer aux fermiers du sr requérant la disme des fruits décimaux que led. ajourné a recueillis la pnt année dans un champ qui est joignant la
(1) Arch. municipales de Larche.
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maison dud. ajourné consistant lesd. fruits en soixante six gerbes de froment et cent dix poignées de chanvre de la fleur qui est cause que led. sr requérant conclut que led. ajourné soit condamné de lui payer la quantité de six gerbes froment et la quantité de dix poignées de chanvre de la fleur de dime due au sr requérant sur la présente récolle et en outre se voir condemner à payer au sr requérant la somme de quatre livres du conté fait suivant l'areté signé dud. ajourné qu'il viendra avenir si non sera tenu pour aviser le tout avec dépens et afin que led. ajourné n'en prétende cause d'ignorance je lui ai baillé coppie de mon pnt exploit qui sera conlrerollé et déclaré que Mr Jean Martin procureur ez sièges royaux de la ville de Brive occupera pour le sr requérant en la maison duquel il fait élection de domicilie pour l'efel des présentes fait par moy parlant à sa personne » (1).
Je possède bien de ce prieur six quittances de 1708 à 1713, délivrées à divers fermiers des dîmes du grand quartier, du quartier du Coustal et de celui de Fournet; mais ce sont des reçus partiels qui ne peuvent fournir aucune précision sur les revenns de son bénéfice. Il y en a cependant un, du 30 août 1716, « de la somme de trois livres pour douze messes », qui nous fait ressortir le prix de chacune d'elles à cinq sols.
Les dépendances immédiates du prieuré furent un peu agrandies par lui et, par acte reçu Maury le 20 juin 1716, il acheta, avec Pierre Barutel sr de Lacoste, d'Antoine Eymerie, praticien à Larche « un petit jardin et eyrial de pierre qu'il a sis et situé dans led. lieu de Larche de contenance d'une picotinée et demy ou envir. Icelluy en son entier confronte avecq le fleuve de Vézôre maison et jardin des héritiers de feu François Veyssière avecq le ehasteau du seigneur duc de Noailles "chemin entre deux et avecq le jardin dud. sr Lacoste » (2).
(A suivre.) Dr RAOUL LAFFON.
(1J Arch. Marchant, de Bernou.
(2) Étude Beaudenon de Lamaze, de Larche.
ANTOINE DE CHABANNES
(■1408-1488;
DEUXIEME PARTIE
Vie d'Antoine de Chabannes, comte de Dammartin
ARMOIRIES D'ANTOINE DE CHABANNES
Ainsi que nous l'apprend la généalogie succincte que nous venons de rapporter, la branche des comtes de Dammartin eut. pour auteur Antoine de Chabannes.
Nous allons résumer d'une façon que nous nous efforcerons de rendre aussi claire que possible, la vie glorieuse de cet illustre seigneur féodal du xve siècle.
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Pour la composition de ce modeste travail, nous avons puisé la plus grande partie des documents qui nous ont servi, dans l'important ouvrage sur l'Histoire de la Maison de Chabannes, que son auteur distingué, M. le comte Henri de Chabannes, a bien voulu, pour cet objet, mettre à notre disposition.
ANTOINE DE CHABANNES, troisième fils de Robert de Chabannes, seigneur de Charlus-le-Pailloux,- et d'Hélis ou Alix de Bort de Pierrefitte, naquit en 1408, dans la paroisse de Saint-Exupéry près d'Ussel, ainsi que le constate un acte donné à Dammartin le 21 janvier 1452, concernant la fondation par Antoine de Chabannes, comte de Dammartin, de l'Hôlel-Dieu de Saint-Fargeau, dans lequel acte il estdit : « que le dict seigneur (comte de Dammartin) a esté « baptisé et a reçu sa foy et chrestienté es fons de mondict « seigneur Sainct-Biaise en son esglise de Sainct Spiry « (Saint Exupéry) ou pays de Limousin, dont il est natif. »
Dès son plus jeune âge, Antoine fréquenta assidûment les hôtes du célèbre château de Madic (près Bort) où les jeunes gens nobles d'Auvergne et du Limousin allaient, apprendre les bonnes manières et s'initier « aux principes des armes et à la galanterie »(1). Suivant la coutume alors en usage à l'égard des enfants de son rang, il fut placé, jeune encore comme page auprès du vicomte de Ventadour son parent, puis auprès d'Etienne de Vignolles, seigneur de La Hire, et devint ensuite page de Charles Ier, duc de Bourbon, jusqu'en 1426.
En juillet 1423, à l'âge de 15 ans, il prit part à la bataille de Cravant où il vit périr à ses côtés, son frère aîné Hugues II de Chabannes. Le 17 août de l'année suivante, il se trouva à la bataille de Verneuil où l'armée française fut mise en déroute.
Chabannes qui avait refusé de fuir, combattit jusqu'au moment où, fait prisonnier, il fut conduit devant le général
(1) Notes de M, le comte de Selve de Sarran,
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anglais, duc de Bedfort. Ce dernier, frappé de sa jeunesse et de sa belle conduite, le renvoya avec force éloges à son frère Jacques Ier.
Comme quelques-uns de ses compagnons le blâmaient de n'avoir pas eu recours à la fuite, il répondit : « Ceux de qui « j'ai l'honneur de porter le nom ne savaient pas fuir; c'est « chose que je ne veux point apprendre, ni commencer ma « vie par là. »
En 1428, il voulut secourir Orléans que défendait son frère Jacques Ier, mais" il en fut empêché par une troupe d'Anglais qui gardait la route. Fait prisonnier au château de Dourdan, il parvint à s'échapper en compagnie de Simon Morhier, prévôt de Paris, qui y était aussi détenu.
Antoine de Chabannes rassembla de nouvelles troupes, plus belles que les précédentes, avec lesquelles il rejoignit l'armée de Jeanne d'Arc (1429).
Cette même année, en compagnie de Jean V, duc d'Alenç.on, et d'Artus de Bretagne, connétable de Richemont, il •vint mettre le siège devant la ville de Gergeau, en Orléanais, qui fut emportée d'assaut le 22 mai. Chabannes y pénétra le premier et fit prisonniers une soixantaine d'Anglais et le comte de Suffolk dont il tira une forte rançon. Le 18 juin suivant il commandait l'avant-garde de l'armée au combat de Patay en Beauce où, avec La Hire et Saintrailles, il contribua particulièrement au gain de la bataille par sa prudence et sa valeur. Il y eut 400 Anglais tués et une centaine de prisonniers. Antoine accompagna ensuite les troupes royales en Champagne.
Au printemps de 1430, en compagnie de son frère Jacques I" et de Saintrailles, il alla coopérer à la levée du siège de Compiègne dont les assiégés, faute de vivres, étaient sur le point de se rendre à Philippe, duc de Bourgogne.
En quittant Compiègne, Antoine de Chabannes se rendit avec Saintrailles, Boussac et Valpergnes, au siège de Précysur-Oise défendu par le bâtard de Chevreux (août-sept. 1430), qu'il contraignit à se rendre. A. son retour il s'empara du
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château de Chantilly où, les. Anglais y ayant laissé une grande quantité de munitions et de vivres, il y trouva un beau butin.
Ce fut à cette époque qu'Antoine de Chabannes commença à acquérir cette réputation de grand capitaine qui devint si brillante par la suite. Charles VII, auquel Chabannes rendit de réels services par son activité et sa bravoure, l'avait en haute estime ; il l'envoya, au mois de mars 1431, pourvoir à la défense de Troyes. Pendant l'été de cette même année il fît partie de l'expédition dirigée contre Doullens dont la place était commandée par le seigneur d'Humières qui, averti, avait eu le temps de se tenir sur ses gardes. Celte expédition échoua, mais Chabannes ne devait pas tarder à se venger. En effet, l'année suivante (1432), il défendit la ville et le château de Creil où il prit le seigneur d'Humières et le bâtard de Saint- Pol qui lui payèrent une rançon de 50,000 livres.
Au mois de septembre 1433, Antoine de Chabannes, La Hire et d'autres capitaines parcoururent l'Artois où ils durent lutter péniblement contre Jean de Luxembourg, comte de Ligny, rude adversaire redouté par ses accès de fureur. Ils firent néanmoins un grand nombre de prisonniers qu'ils emmenèrent, à Beauvais.
En 1435, Chabannes se trouva à la prise du pont de Meulan, dans l'Ile-de-France, et se rendit ensuite avec le bâtard d'Orléans, d'autres chevaliers et 4,000 combattants au siège de la ville de Saint-Denis. Antoine contribua à la prise de cette ville où l'armée anglaise subit de nombreuses pertes. De là il envahit, la Champagne au mois de novembre. Le mois suivant, à l'appel du connétable de Richemont, il vint prendre part à la campagne du pays de Caux. Il avait rassemblé toutes ses troupes à Dieppe et la veille de Noël il était devant Fécamp. Cette campagne se termina en mars 1436; Chabannes dut licencier ses troupes « par faute de vivres », puis s'en vint à Etampes retrouver le connétable de Richemont.
Le 12 novembre de cette même année 1436, Antoine de
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Chabannes accompagna Charles VII lors de son entrée à Paris, après dix ans d'absence. Antoine, dans tout l'éclat de la force et de la jeunesse (il n'avait que 28 ans), fixait tous les regards par la somptuosité de sa tenue.
A cette époque, malheureusement entraîné par l'esprit batailleur de son temps, Antoine de Chabannes ne tarda pas à se lancer dans les entreprises aventureuses, quel qu'en fut le genre de célébrité. Le traité d'Arras, signé en 1435, entre Charles Vit et Philippe le Bon, avait mécontenté plusieurs chefs de compagnies qui résolurent de continuer la guerre pour leur propre compte, donnant pour excuse à leurs déprédations qu'ils ne désolaient, que les lieux sujets à la domination anglaise. Leurs compagnies, par leurs excès, méritèrent bientôt le nom d'Écorc/ietn's. Antoine vint se mettre à leur tête en 1437 et parcourut le Cambrôsis et le Hainaut. Vers le milieu d'avril 1439, il se dirigea avec sa banle vers l'Auxois dans le comté de Bourgogne; le 10 mai suivant, il fut signalé dans le bailliage de Montcenis en Charolais et, quelques jours après, il vint camper dans les environs de Paray-le-Monial et sur la rivière d'Arroux.
Là s'arrêta pour Antoine de Chabannes cette période agitée, peu digne en sorte du reste de sa vie ; mais il faut lui rendre cette justice, c'est que toutes ses courses furent toujours dirigées en pays ennemis. Les Bourguignons, à cette époque, ne se considéraient point comme Français, et combattirent longtemps sous la même bannière que les Anglais; ils étaient même, pour lors, regardés comme les adversaires jurés de la France et du roi.
C'est la raison que donna Chabannes à Charles VII lorsqu'il, revint à la cour en 1440. Le roi s'étant avisé un jour de le traiter de capitaine d'écorcheurs, il lui répondit avec une rude franchise : « Sire, je n'ai jamais écorché que vos « ennemis, et il me semble que leur peau vous a fait plus « de profit qu'à moi. »
Heureusement pour lui et pour sa réputation militaire, on doit voir une excuse à ces excès dans les moeurs du temps, et il sut, quant à lui, racheter dans la suite ces
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fautes de jeunesse par la conduite et les vertus d'un véritable homme de bien et d'un bon capitaine.
Après avoir quitté ses bandes d'aventuriers, Antoine de Chabannes se rendit auprès de son frère à Creil, et ne combattit plus que pour le service direct du roi. Il alla rejoindre le connétable de Richemont au siège de Meaux, commencé le 20 mai 1439. C'est quelques mois plus tard, le 20 septembre suivant, qu'il épousa Marguerite de Nanteuil. comtesse de Dammartin.
Quelques semaines après son mariage, Antoine, toujours sous le harnois, s'unit à nouveau au connétable de Richemont pour aller sous les murs d'Avranches combattre les Anglais (décembre 1439). En janvier 1440, Charles VII le nomma gouverneur de Dreux.
Cette même année 1440, Antoine de Chabannes s'unit à La Hire, Amadoc de Vignolles frère de celui-ci, et quelques autres capitaines pour aller en Normandie ravitailler la ville de Louviers; ayant trouvé cette place complètement désemparée, ils la refortifièrent..
Chabannes envahit ensuite le Vermandois, le Cambrésis et le Hainaut pour la seconde fois (avril-mai 1441). De juin 1442 à janvier 1443, il fit la campagne de Guyenne avec le dauphin. Le 17 février suivant, il était signalé au Puy, marchant sur les frontières de Bourgogne à la tête de 8,000 chevaux. Cette même année, avec une armée composée de 1,600 combattants, il accompagna le dauphin devant Dieppe assiégé par Talbot depuis le mois de novembre 1442. Cette troupe arriva en vue de la ville vers le milieu d'août 1443, et à la fin du même mois elle avait contraint les Anglais à se retirer. Antoine contribua pour sa part puissamment à ce succès ; voyant dans un assaut ses soldats prêts à reculer, il met pied à terre, se plaça à leur tête et les ramena au combat. Deux fois dans la mêlée, il avait été renversé, mais grâce à sa valeur, la place était en son pouvoir.
En 1444, Charles Ville nomma son conseiller, et l'emmena avec lui au siège de Metz. Peu de temps après, il le désigna
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pour faire partie de l'expédition dirigée contre les Suisses par le dauphin. Chabannes marcha sur Bâle, où avec peu de monde il défit un gros bataillon de l'armée ennemie.-
En avril 1445, Charles VII se voyant en pleine paix, en profita pour licencier tous ses gens d'armes, sauf cependant les compagnies des princes ; parmi celles-ci se trouvaient les cent lances de Charles Ier de Bourbon, dont le frère du comte de. Dammartin, Jacques Ier de Chabannes, eut le commandement. Antoine ne pouvait se consoler de perdre sa propre compagnie, il s'en plaignit au Roi et celui-ci, en récompense de ses services, lui offrit alors une pension de 600 livres que Dammartin refusa fièrement pour rester au service du dauphin.
En avril 1446, Antoine de Chabannes se rendit auprès du dauphin au château de Ghinon. Le prince lui fit bon accueil et, après avoir renvoyé tous ceux qui l'entouraient, il commença par entretenir son visiteur de toutes sortes de confidences ; puis il lui donna mission de se rendre en Savoie ■ pour traiter quelques affaires en son nom avec Louis Ier, duc de Savoie. Aussitôt de retour, Dammartin alla retrouver le dauphin ; c'est à ce moment que ce prince commençait à conspirer contre son père. Il confia secrètement ses desseins à Antoine de Chabannes, mais s'aperçut bien vite que celui-ci recevait froidement ses confidences, et il commença à se méfier de lui. A partir de ce moment, le dauphin cessa d'adresser la parole à Antoine et de lui faire bon visage.
Sur les conseils de son frère Jacques Ier de Chabannes, qui avait une grande influence sur lui, Antoine résolut de tout déclarer au Roi. Une pareille nouvelle jeta Charles VII dans les plus terribles alarmes; le 27 septembre 1446, il fit dresser acte de la déposition d'Antoine de Chabannes dans la ville de Candes (près Chinon), et ayant fait appeler son fils, il lui reprocha vivement sa conduite. Le dauphin nia la conspiration et traita Chabannes d'imposteur; celui ci offrit la preuve par un combat régulier contre tout seigneur de la cour, mais personne n'osa se mesurer avec lui. Le roi déclara alors à son fils qu'il le bannissait pour quatre mois
— 60de son royaume, et lui donna l'ordre de partir sur-le-champ en Dauphiné. Le dauphin se retira, l'esprit chargé d'idées de vengeance.
Charles VII resta persuadé, malgré les dénégations de son fils, qu'Antoine de Chabannes n'avait dit que la vérité ; il le retint à son service, l'affectionna désormais beaucoup, et lui communiqua ses affaires les plus secrètes et les plus importantes.
Le 5 février 1447, nous voyons le comte de Dammartin assister, aux côtés du roi, à une joute en champ clos entre Louis de Bueil et un écuyer anglais, nommé Jean Châlons, qui l'avait défié. Louis de Bueil fut blessé mortellement, et mourut, le soir même.
En 1449, Antoine de Chabannes suivit Charles VII dans la campagne de Normandie (août-novembre) ; il l'accompagna au mois d'août dans ses entrées à Évreux et à Louviers et assista, le 9 octobre, à la prise de Rouen. Le 10 novembre suivant, le roi fit son entrée solennelle dans cette ville, escorté d'un grand nombre de chevaliers parmi lesquels le comte de Dammartin alors « grand-pannetier de France », charge dont il fut investi le 18 novembre 1447 et devenue vacante par la mort de Jacques, seigneur de Chatillon. En février 1450, Charles VII ayant révoqué les commissions de grand-pannetier, grand-bouteiller et. autres, pour soulager son peuple, Antoine n'eut pas à exercer longtemps sa charge, il en conserva seulement le titre. Nommé « bailli d'ôpée » de Troyes, en Champagne, le 8 septembre 1450, il reçut don du roi de tout profit pendant deux ans du scel de ce bailliage. Au commencement de 1451, Charles VII l'envoya en Guyenne combattre les Anglais ; il s'empara du château de Blanquefort près Bordeaux.
De mars à juin 1451 Chabannes suivit la cour, et le 20 mai, l'année suivante, Charles VII le nomma sénéchal de Carcassonne et de Béziers.
Au mois de juillet 1451, Jacques-Coeur ayant été arrêté et enfermé au château de Lusignan, il fut confié par Char-
— elles VII à Antoine de Chabannes, chargé à la fois de le garder et de pourvoir à sa nourriture.
Les biens du condamné ayant été confisqués, Charles VII, après avoir prélevé sur eux la somme de 100,000 francs pour subvenir aux dépenses de la guerre de Guyenne, distribua tout le resté autour de lui. Antoine de Chabannes reçut pour sa part les trois lots suivants :
1° Les terres, château et seigneuries de Saint-Fargeau, de Lavau, de la Couldre, de Perreuse, de Champignelles, de Mézilles, de Villeneuve-les Genêts et leurs dépendances.
2° Les terres de Saint-Maurice-sur-Aveyron, de Melleroy, de la Frênaie, de Fonlenelles et leurs dépendances.
3° La baronnie de Toury avec les appartenances et dépendances.
Ces terres comprenaient presque tout le pays connu sous le nom de Puysaye, consistant en plus de vingt paroisses.
En 1453, à la requête du procureur, du roi, la vente par adjudication de toutes les propriétés confisquées sur JacquesCoeur fut décidée ; en conséquence, les terres nommées plus haut, données au comte de Dammartin, furent mises aux enchères le 5 avril. Pendant près de deux ans il y eut plusieurs surenchères. L'adjudication définitive eut lieu les 30 et 31 janvier 1455, au profit d'Antoine de Chabannes, pour le prix de 20,000 écus d'or (cette somme correspond à 2,200,000 francs de notre monnaie actuelle).
Antoine de Chabannes, définitivement possesseur des terres que Charles VII lui avait primitivement données, en fit foi et hommage à ce prince l'année suivante (1456).
Lorsque Chabannes quitta la Guyenne en 1451, les Anglais voyant qu'il n'y avait plus personne pour leur résister, assiégèrent de nouveau Bordeaux et reprirent le château de Blanquefort, mais il fut reconquis en 1453 par le comte de Dammartin que le roi avait renvoyé en Guyenne.
Le château de Blanquefort, qui venait d'être occupé par les Anglais pendant 160 ans, avait appartenu autrefois aux aïeux de Marguerite de Nanteuil, comtesse de Dammartin, femme d'Antoine de Chabannes. En se mariant elle avait
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donc apporté â Antoine ses droits sur Blanquefort, mais comme les titres en étaient perdus, celui-ci dut présenter une requête à Charles VII qui lui accorda la jouissance pleine et entière, par lettres royales du 17 juin 1451 et confirmées le 1er avril 1454.
En 1453 mourut en Guyenne son frère aîné Jacques Ier de Chabannes ; cette perte fut vivement sentie par le comte de Dammartin-. Au mois d'octobre de cette même année, Antoine reçut de Charles VII le commandement de la compagnie de .100 lances de son frère, et hérita en même temps de la querelle de ce dernier avec Jean de Bueil au sujet du gain de la bataille de Castillon que s'attribuaient ces deux seigneurs ; un rapprochement ne tarda du reste pas à s'opérer entre eux contre le dauphin.
Charles VII ayant appris que Jean V, comte d'Armagnac, traitait secrètement avec les Anglais, chargea Antoine, dont la faveur allait toujours croissant, de se rendre en Rouergue avec mission spéciale d'arrêter le comte d'Armagnac et sa soeur Isabelle, partout où il pourrait les saisir. A la fin de 1454, le comte de Dammartin, à la tête d'une armée de 24,000 hommes, entra en Rouergue et Armagnac où il ne tarda pas à se rendre maître des domaines et seigneuries de Jean V.
Antoine avait rempli sa mission rapidement, et en récompense de ce succès, Charles VII lui fit don de la plupart des places qu'il avait conquises en Rouergue.
A son retour le comte de Dammartin avait été envoyé à Lyon, en septembre 1455, avec mission de surveiller les agissements du dauphin qui semblait vouloir alors se mettre en complète rébellion contre son père. A ce moment, en effet, le dauphin s'arrogeait tous les droits royaux dans le Dauphiné, et exigeait, du duc de Savoie, son beau-père, des hommages que ce dernier lui refusa du reste. Comme il levait des troupes, le roi crut, avec assez de fondement, que c'était pour lui résister.
Charles VII demanda à son fils de venir reprendre à la cour la place que sa naissance lui assignait. Le dauphin
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répondit que tant que son père n'éloignerait pas le comte de Dammartin et d'autres seigneurs qu'il lui désigna comme ses ennemis personnels, il ne pouvait se rendre à ses désirs sans risquer sa liberté. Cette obstination piqua le roi : « Mes ennemis, s'écria-t-il, se fient à ma parole, et main« tenant mon fils ne s'y fie pas. »
Antoine revint vers le roi, auquel il assura que le duc de Savoie ayant refusé les exigeances du dauphin, toutes les tentatives de ce dernier avaient échoué.
Enfin, en 1456, une fois tranquille du côté de la Savoie, Charles VII se décida à châtier son fils; il nomma à cet effet le comte de Dammartin lieutenant général, et l'envoya en Dauphiné avec mission de s'emparer de la personne du prince à quelque prix que ce fût, et de l'amener à Lyon où lui-même allait bientôt se rendre. .
Dammartin s'empressa d'exécuter l'ordre du roi. Sans perdre un instant il prit avec lui une simple avant-garde pour ne pas effrayer le dauphin et tenta de s'en emparer par la ruse. Mais le prince, averti par Arthur de Montauban et Jean d'Aygie, seigneur de Lescun, maréchal du Dauphiné, ses émissaires secrets, et n'ayant plus de confiance dans ses troupes pas plus que dans sa maison, ne vit que la fuite pour se sauver; il se décida à ce moyen, et se remit entre les mains de Beaumont, maréchal de Bourgogne, qui le conduisit à Bruxelles où le duc de Bourgogne vint le retrouver.
Chabannes avait poursuivi le fugitif jusqu'à Saint-Claude et l'eut certainement rattrapé sans la présence du prince d'Orange et du maréchal de Bourgogne qui facilitèrent sa fuite.
Au mois d'août 1456, Antoine de Chabannes revint en Dauphiné où il réduisit Grenoble et tout le pays sous l'obéissance du roi.
Enfin, au mois de juillet 1460, on tint conseil chez le duc du Maine, à Villefranche-en-Berry, sur les moyens à employer pour forcer le duc de Bourgogne à livrer le dauphin à son père ; le comte de Dammartin y proposa et fit
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même admettre des résolutions extrêmes, mais elles ne furent pas mises à exécution, le roi n'y voulant point consentir. Le dauphin resta donc auprès du duc de Bourgogne.
Certains seigneurs, notamment le comte du Maine et le célèbre Dunois, jaloux de la faveur du comte de Dammartin, avaient essayé plusieurs fois de lui nuire près du roi sans pouvoir y parvenir. Mais alors, le dauphin, qui portait à Antoine de Chabannes « une merveilleuse haine » et cherchait, tous les moyens de se venger de lui, s'adressa à Antoinette de Maignelais qui, bien que maîtresse de Charles VII, renseignait secrètement le dauphin sur tout ce qui se passait à la cour. Ce dernier lui écrivit donc de Genappe le 30 août 1460, avec intention et de sa propre main, une lettre destinée à être lue par le roi : « J'ai eu « des lettres du comte de Dammartin que je feins de haïr, « y disait-il. Je vous prie, dites-lui qu'il me serve toujours « bien en forme et manière qu'il m'a toujours écrit par « cy devant, je penserai sur les matières de quoi il m'a « écrit, et bientôt il aura de mes nouvelles. »
Cette lettre fut livrée au comte du Maine, l'ennemi déclaré de Dammartin. Ce prince la fit voir à Charles VII : « Je ne puis croire, dit le roi, que le comte de Dammartin « me veuille faire quelque lâche tour. » Enfin, pressé par le comte du Maine, Charles VII finit par exiler à SaintFargeau le comte de Dammartin, « bien, lui dit-il en lui « donnant l'ordre de quitter la cour, que je ne crois rien « de mauvais de vous, mais jusqu'à ce que je sois éclairci « sur la vérité. »
Cependant, le roi qui, de son côté avait, même parmi les secrétaires de son fils, des affidés qui lui rapportaient fidèlement ce qui se passait dans l'intimité du dauphin, fut bientôt assuré que le comte de Dammartin n'avait point écrit au prince. Il envoya aussitôt un ordre à Chabannes de revenir promptement auprès de lui.
Le comte de Dammartin revint à la cour, à Mehun-surYèvre-, en juillet 1461, quelque temps avant la mort de Charles VIL
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Le roi ayant été averti par un officier, dont la foi ne lui était pas suspecte, que le dauphin voulait le faire empoisonner, refusait toute nourriture. Depuis huit jours il n'avait rien mangé lorsque Chabannes lui présenta un coulis : « Goûtez, sire, lui dit-il, je prends sur ma vie qu'il n'y « a chose qui ne soit bonne. » — « Comte, lui dit le roi, je « ne me méfie pas de vous. » Mais lorsqu'il en voulut prendre, les conduits étaient tellement rétrécis qu'il ne put rien avaler; il mourut le mercredi 22 juillet 1461.
Louis XI, monté sur le trône, avait trop de sujets d'inimitié personnelle contre Antoine de Chabannes, pour que sa disgrâce ne fût pas aussi éclatante qu'avait été sa faveur précédente ; ce prince n'avait point oublié que Dammartin l'avait accusé de conspiration contre son père, ou plutôt avait mis à jour ses projets de révolte; que de plus, il l'avait poursuivi en Dauphiné dans le but de s'emparer de sa personne. En outre, il était poussé dans sa vengeance par un des favoris, ennemi juré d'Antoine, Charles de Melun, qui convoitait la fortune du comte de Dammartin.
En présence de haines aussi ouvertes, Antoine de Chabannes pensa d'abord à se sauver et à quitter le royaume pour éviter la fureur du roi. Il avait rassemblé à Mehun ses gens et serviteurs et leur demanda de le suivre, mais ceux ci, de même que ses hommes d'armes, sentant la disgrâce imminente du comte et ne voulant point se mettre en danger, refusèrent. Cependant un gentilhomme de ses serviteurs, nommé Voyault d'Imouville, lui resta fidèle. Il l'envoya discrètement à Avesnes, où se trouvait la cour du nouveau roi Louis XI, avec mission de remettre quelques lettres à des seigneurs qu'il croyait toujours ses amis. Pendant ce temps, le comte de Dammartin s'était retiré dans son château de Saint-Fargeau où Voyault vint l'y retrouver et lui fit part que l'accueil qu'il avait reçu de ses anciens amis ne lui était pas favorable.
Antoine, accompagné de son neveu Robert de Balzac, partit secrètement pour le château de Charlus, en Limousin, T. xxxvi. 1 — 5
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qui était alors la possession de son autre neveu, Gilbert de Chabannes, 2e fils de Jacques Ier.
Le 5 septembre 1461, le roi ordonna à son procureurgénéral de poursuivre le comte de Dammartin; celui-ci fut assigné le 4 octobre suivant, à comparaître devant la cour du Parlement pour répondre « de certains grands cas et « crimes » dont il était accusé, mais Antoine n'eut garde de se présenter; ses biens furent saisis et ses deux filles aînées, Jacqueline et Jeanne, mineures, étaient mises sous la protection et tutelle de Charles de Melun et conduites, par ordre du roi, au château de Dammartin avec leur mère.
Antoine de Chabannes avait quitté le château de Charlus et était retiré en Allemagne ou caché dans le royaume.
Louis XI s'était rendu à Bordeaux en avril 1462 pour négocier le mariage de Madeleine de France avec Gaston de Foix. Antoine, impatient de se justifier, suivit secrètement la cour dans cette ville, et à la faveur de Jean d'Armagnac et de Charles de Bort, il fut introduit en présence de Louis XI le 16 avril 1462. Antoine se jeta à ses pieds et le supplia-qu'il le laissât vivre en son royaume. Le roi fut fort surpris de son audace ; il ne le fit pas arrêter mais lui dit qu'il le bannissait, pour toujours de son royaume. Comme le comte de Dammartin lui représentait qu'il n'avait pas seulement de quoi sortir de France, le roi lui fit remettre 120 écus d'or; il donna sur-le-champ l'ordre à des gendarmes de le conduire jusqu'aux frontières d'Allemagne et mit sa tête à prix pour une somme de 1,500 écus au cas où il rentrerait en France.
Le procès commencé contre le comte de Dammartin fut, malgré son exil, continué par ordre du roi. Le Parlement déclara que si le comte ne comparaissait pas en personne le 8 octobre 1462 devant le tribunal, il serait jugé définitivement et condamné par défaut.
Antoine, recevant celte nouvelle en Allemagne, ne voulut point donner à ses ennemis la satisfaction de le voir condamner par contumace.
Le comte de Dammartin vint donc à la fin de juillet se
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constituer prisonnier entre les mains du bailli de Maçon. Il fut alors dirigé sur Paris, où il fut enfermé à la Conciergerie du Palais dès son arrivée, le 8 août 1462. Onze jours après, Charles de Melun le fit transférer à la grosse tour du Louvre. Ce fut dans cette prison qu'Antoine resta tandis que se déroulait son procès.
Pendant ce temps, Charles de Melun, gouverneur de Paris, ne perdait aucune occasion de ruiner dans l'esprit des juges et du roi, son ennemi dont il pouvait espérer les biens confisqués.
Déjà, Charles de Melun, nouvellement nommé administrateur des biens du comte de Dammartin, accompagné de son frère le seigneur de Nantouillet, avait enlevé tous les meubles, armes, argenterie, tapisseries, etc., appartenant à Antoine, tant à Dammartin, Saint-Fargeau, Blanquefort, Bourges, qu'en Auvergne et dans l'hôtel de Beautreillis à Paris. Les papiers inventoriés qui se trouvaient dans ces divers endroits, furent également saisis.
Non content d'avoir ainsi disposé de tous les biens du comte de Dammartin, Charles de Melun mit toute son ardeur à le faire condamner, sollicitant les juges de la part du roi et tâchant de sonder leurs sentiments ; son animosité trouva un écho chez les enfants de Jacques-Coeur qui, profitant des dispositions de Louis XI à abaisser tout ce que son père avait élevé, et élever tout ce que son père avait abaissé, avaient sollicité la révision du procès de leur père dont Antoine de Chabannes avait été l'un des juges, et demandaient en leur faveur la restitution des biens de Jacques-Coeur acquis jadis par le comte de Dammartin. Mais Louis XI, n'ayant pas trouvé de quoi faire réformer le jugement, ne voulut pas « abolir » la sentence portée contre Jacques-Coeur par Charles VIL
Par contre, le roi poursuivait sa vengeance contre Antoine de Chabannes. Le 26 février 1463, la cour du Parlement, à la requête du procureur du roi, avait ordonné l'interrogatoire du comte de Dammartin. Appelé à comparaître devant le Parlement, celui-ci y fut défendu le 20 août 1463
par Jean Vigier, son neveu, le futur évêque de Lavaur. Le comte de Dammartin eut la douleur de se voir condamner à la peine de mort comme coupable de lèse-majesté, en raison du rapport fait par lui à Candes, en 1446, au roi Charles VII contre la personne du dauphin. Mais l'arrêt ajoutait que le roi. préférant « miséricorde à justice », commuait cette peine en un bannissement perpétuel dans l'île de Rhodes, où il finirait ses jours.
Comme on le voit, l'arrêt du jugement contenait à la fois la condamnation à mort et la commutation de peine que seul le roi pouvait prononcer.
« Il est facile de s'apercevoir, dit Villaret, que Louis « craignait de se couvrir de honte par le supplice de Cha« bannes, et qu'il ne cherchait qu'à sauver sa gloire. » Il est probable que le roi, sachant bien que la déposition faite en 1446 par Antoine de Chabannes à Charles VII. était juste, n'eut pas le front de faire mourir un homme de telle valeur pour avoir dit la vérité.
Malgré l'arrêt rendu, le comte de Dammartin resta en France; Louis XI ayant réfléchi le fit enfermer à la Bastille. Tous ses biens furent confisqués. Une grande partie fut pour Charles de Melun qui reçut le comté de Dammartin, duquel relevaient ses terres de Nantouillet, de Mitry et de Villiers sur-Morin, ainsi que l'hôtel Beautreillis à Paris, plus 2,000 écus.
Geoffroy-Coeur, fils de Jacques-Coeur, reçut les terres de Puisaye, dans lesquelles était comprise la belle seigneurie de Saint-Fargeau, la baronnie de Toucy, et la maison du comte de Dammartin à Bourges.
Jean de Montespedon, dit Waste, seigneur de Beauvoir et de Beaupréau, bailli de Rouen, reçut la baronnie de Rochefort et la terre d'Aurière en Auvergne, que le comte de Dammartin avait achetées 10,000 écus du seigneur de Bueil, comte de Sancerre.
Enfin, Antoine de Châteauneuf, seigneur du Lau, grandsénéchal de Guienne, reçut la seigneurie de Blanquefort en Guienne.
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La comtesse de Dammartin fut chassée du château de Saint Fargeau où elle se trouvait alors avec son fils Jean, âgé d'environ 18 mois. Elle se rendit à Dammartin où elle se vit repoussée du château par Charles de Melun, qui venait de s'y installer.
La chronique a conservé le souvenir d'un brave cultivateur, ancien fermier du comte de Chabannes, nommé Antoine Lefort, qui recueillit en secret la comtesse de Dammartin et son jeune enfant. Par sa fidélité, ce digne serviteur sauva ses nobles maîtres des tortures de la faim.
Pendant ce temps, Antoine, toujours prisonnier à la Bastille, voyait les mois s'écouler sans apporter de changement à sa situation, lorsqu'au commencement de 1465 il apprit la-forniationMe la Ligue du Bien Public. Cette nouvelle lui suggéra l'idée de s'évader, d'autant qu'on lui laissait alors une certaine liberté. De son côté la comtesse de Dammartin cherchait tous les moyens possibles de sauver son mari, ne comptant plus sur la clémence du roi.
Guinot Vigier, son frère, surnommé le bâtard Vigier, neveux du comte de Dammartin, et le valet de chambre du comte, nommé Jehan de Harmes, résolurent de le faire évader. Ils se rendirent auprès d'Antoine à la Bastille pour l'informer de leurs projets ; celui-ci fit alors appeler son fidèle Voyault d'Imouville qui, comme on le sait, n'avait pas voulu l'abandonner comme ses autres serviteurs. Ils se concertèrent secrètement et cherchèrent ensemble le moyen le plus efficace pour l'évasion.
Voyault finit par découvrir, dans un passage, une fenêtre non grillée qui donnait sur les fossés ; il la montra au comte : « Monseigneur, lui dit-il, Dieu est pour vous. » Il fut aussitôt décidé que c'était par là que l'on tenterait la fuite.
Le bâtard Vigier se rendit à Reims pour y faire faire le cordage nécessaire à l'évasion. Il revint ensuite à Paris avec la corde, qui mesurait 33 toises de long; il la roula autour de son corps, par-dessus sa chemise, et se présenta à la porte de la Bastille, chargé d'un chevreuil et de six
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lapins, pour en dissimuler le volume. La corde fut aussitôt cachée jusqu'au moment voulu.
Enfin, le 28 février 1465, Guinot Vigier, le bâtard et Jehan de Harmes, vinrent trouver le comte dans sa prison et-fixèrent avec lui les derniers détails.
L'entreprise fut décidée pour la nuit du 1er au 2 mars.
Au signal convenu, tout ayant été bien préparé, Jehan de Harmes, resté près du comte, jeta par la fenêtre l'extrémité de la corde qui fut recueillie dans un bateau par Voyault et le bâtard Vigier. Le comte de Dammartin, un bâton entre les jambes pour ralentir la descente, se laissa alors glisser le long de la corde et eut bientôt atteint le bateau; puis Jehan de Harmes le suivit.
Les fugitifs gagnèrent aussitôt un endroit convenu du voisinage, où les attendait Guinot Vigier avec des chevaux. Ils piquèrent droit et rapidement, par le pont de Charenton, traversèrent Corbeil et ne s'arrêtèrent qu'au Vaudoué (1) pour se restaurer.
Le lendemain, le comte de Dammartin et ses fidèles compagnons arrivèrent à Léré(2), où ils firent la rencontre des courriers des princes organisateurs de la Ligue du Bien Public. Tous ces gens furent « fort joyeux » d'avoir rencontré sur leur route le comte de Dammartin, ne doutant point, des services qu'il allait rendre à la cause du duc de Berry et des princes ; ils s'attachèrent pour le moment à sa suite, prêts à lui venir en aide. Le comte de Dammartin était désormais sauvé.
Peu après, Antoine de Chabannes se rendit à Sancerre. Cette ville appartenait alors à Jean V de Bueil ; ami d'Antoine, ce seigneur se disposait comme lui à tenir le parti du duc de Berry, étant fort mécontent de ce que le roi lui avait enlevé sa charge d'amiral en 1461, pour la donner au seigneur de Montauban.
De Sancerre, Antoine se dirigea vers le château de Saint(1)
Saint(1) de la Chapelle-la-Reine, arrondissement de Fontainebleau (Seine-et-Marne).
(2) Chef-lieu de canton, arrondissement de Sancerre (Cher).
Fargeau qui, comme on l'a vu plus haut, lui avait été confisqué et donné à Geoffroy-Coeur. Chabannes ne tarda pas à s'emparer de celui-ci et se trouva ainsi rentrer en possession de la ville et du château de Saint-Fargeau, ainsi que du château de Saint-Maurice son ancienne propriété.
Il se rendit ensuite à Moulins retrouver le frère du roi, Charles duc de Berry, et Jean II dit le Bon. Pendant ce temps Geoffroy-Coeur était conduit, par les gens de Chabannes, à Ainay(l) où il devait rester prisonnier, mais il parvint à s'évader.
Les princes de la Ligue voyaient avec joie le comte de Dammartin entrer dans leur parti et l'avaient reçu à Moulins avec de grandes marques de considération, tandis que Louis XI, sachant de son côté quel rude ennemi il allait trouver devant lui, ne cessait de déplorer sa fuite de la Bastille. Il avait même été si irrité à la nouvelle de l'évasion du comte de Dammartin, qu'il fit emprisonner les officiers qui commandaient à la Bastille et en chassa tous les soldats après les avoir cassés.
A la tête de la coalition étaient les ducs de Berry, de Calabre, de Bourbon, de Bretagne et de Nemours, le comte de Charolais (Charles le Téméraire), les comtes de Dunois et d'Armagnac, le maréchal de Lohéac, etc. Dès son arrivée à Moulins, le comte de Dammartin avait reçu du duc de Bourbon la lieutenance de sa compagnie de gens d'armes et la charge de capitaine-gouverneur de la ville de Moulins où se trouvait alors ce prince. Son premier soin, en souvenir de sa récente captivité, fut de faire abattre les bois et charpentes des potences de la ville, voulant sans doute montrer par là qu'il avait plus d'indulgence pour les criminels , que le roi n'en avait témoignée à l'égard d'un innocent.
Le 18 mars 1465, Antoine de Chabannes s'empara de la
(1) Ancien château-fort, canton de Cerilly, arrondissement de Montluçon (Allier).
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ville de Bourges, puis revint à Moulins pour défendre la ville que le roi, disait-on, allait assiéger.
Comme on le voit, le comte de Dammartin n'était pas plutôt hors de prison que déjà, fort de sa grande expérience et de son habileté dans la guerre, il faisait parler de lui ; en outre, l'animosité qu'il ressentait en pensant aux souffrances qu'il venait d'endurer, était bien faite pour l'exciter dans sa vengeance.
Le roi vint devant Moulins; les assiégés, ne pouvant tenir, s'en échappèrent et vinrent, le 19 juin, s'enfermer dans Riom ; mais, là encore, Louis XI les y poursuivit.
Le 23 juin 1465, tandis que le duc de Nemours et le comte d'Armagnac traitaient, avec le roi, et que le duc de Bourbonretournait à Moulins, Antoine de Chabannes rejoignait les ducs de Berry et de Bretagne et les suivait sous les murs de Paris, bien décidé à lutter jusqu'au bout.
Pendant ce temps, le comte de Charolais entrait en France et se dirigeait sur Paris. Passant, par Dammartin, Nantouillet et Villemonble, il avait recueilli sur sa route le jeune Jean de Chabannes, fils du comte de Dammartin, âgé alors d'environ 3 ans, et sa soeur Jeanne qu'il rendit à leur père à Saint-Maur-les-Fossés, quand celui-ci y arriva plus tard en compagnie du duc de Berry.
Le 10 septembre 1465, le parti du roi et celui des princes décidèrent de nommer des ambassadeurs pour traiter d'un arrangement. Le résultat de ces négociations n'aboutit point pour le moment, mais le 27 septembre suivant les ambassadeurs des deux partis se réunirent à nouveau. Antoine de Chabannes, qui était parmi les ambassadeurs du parti des princes, prit fidèlement les intérêts du duc de Berry et profita de l'occasion des négociations qui allaient s'ouvrir pour pousser ce prince à demander au roi son frère, en sus de son apanage, le duché de Normandie. Le roi, contraint de céder pour avoir la paix, le lui abandonna, mais pour le lui reprendre l'année suivante.
A ce moment déjà il semblait que Louis XI, connaissant
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la valeur du comte de Dammartin, cherchait à se faire pardonner ses injustices à son endroit et à se l'attacher.
Les deux traités de Conflans et de Saint Maur-les-Fossés, signés les 5 et 29 octobre 1465, mirent fin à la guerre. Les princes, fidèles au serment prêté, exigèrent que le comte de Dammartin fût nominativement compris dans le traité ; en conséquence, un article spécial des lettres.patentes données à Paris le 27 octobre, porta qu'en vertu du traité conclu, pour le bien de la paix et à la requête des seigneurs princes du sang, Louis XI rétablissait le comte de- Dammartin et Marguerite de Nanteuil, sa femme, dans la possession de tous leurs biens, châteaux, places, droits, revenus, terres et seigneuries. Quatre jours après, le comte de Dammartin rendait hommage au roi pour ses terres qu'il reprenait sur les seigneurs de Melun, de Ghâteauneuf, de Montespedon et sur Geoffroy-Coeur.
En somme, Louis XI ne remettait ainsi ses biens au comte de Dammartin que parce qu'il ne pouvait s'empêcher de lui rendre justice intérieurement; mais il ne le recevait pas encore en grâce complètement, étant retenu par la honte de se rétracter.
Après la guerre du Bien public, Antoine était resté d'abord au service du nouveau duc de Normandie, mais n'ayant pu s'accorder avec ce prince il quitta son service et s'attacha à François II, duc de Bretagne.
Pendant ce temps, Robert de Balzac, neveu du comte de Dammartin, faisait tous ses efforts près de Louis XI pour obtenir de ce prince la rentrée en grâce complète de son oncle. Le roi, profitant d'un accord conclu à Bayeux le 22 décembre 1465, entre le duc de Bretagne et ses envoyés, l'amiral de Montauban et le maréchal Rouhault, acquiesça à la demande de Balzac, et le comte de Dammartin, quittant le duc de Bretagne qui n'avait plus besoin de ses services, vint trouver Louis XI à Orléans où la réconciliation eut lieu. Le roi le nomma son chambellan et gouverneur d'Auvergne, puis lui confia le commandement de cent lances, enlevé à Charles de Melun,
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Sans plus tarder, Louis XI envoya le comte de Dammartin en Normandie; celui ci, après s'être emparé d'Honfleur, revint trouver le roi à Caen (23 décembre 1465).
En janvier 1466, Antoine accompagna Louis XI en Normandie où ce prince, à la tête d'une forte armée, se rendit bientôt maître de Vernon, d'Évreux, de Gisors, de Gournay, de Louviers et investit Pont-de-L'Arche.
Le 8 janvier 1466, pendant le séjour de Louis XI et du comte de Dammartin à Pont-de-L'Arche, le roi exprima à Antoine de Chabannes le désir de posséder la terre et seigneurie de Blanquefort, en Guienne, que Charles VII lui avait fait restituer récemment. Un accord intervint entre eux quatre jours après, et le comte de Dammartin, en échange de Blanquefort, recevait les terres et seigneuries de Crécy, Gournay, et les fiefs de Chantilly, de Montépilloy et d'Ève-sous-Dammartin; ces fiefs se réunissaient à son comté de Dammartin. En outre Louis XI lui fit don, le 22 octobre 1466, de la seigneurie de Moret-en-Gâtinois.
A cette époque, commencement, de 1466, le comte de Dammartin était rentré définitivement à la cour, où le roi lui avait fait, dit Duplessis, « une très bonne réception », l'assurant « qu'il ne l'abandonnerait jamais et qu'il était « marri de ce qui s'était passé », puis « qu'il croyait avoir « fait ce jour-là un plus grand gain en assurant à son serc vice le comte de Dammartin, que s'il eût gagné six « batailles sur ses ennemis ».
Comme on le voit, Louis XI avouait hautement ses torts. Il rendit dès lors à Chabannes toute sa confiance, le combla de faveurs et l'admit au nombre de ses plus intimes conseillers. Il l'emploiera désormais dans toutes les affaires où sa tortueuse diplomatie aura besoin du concours d'une bonne épée et d'une grande expérience.
Le roi lui accorda tout d'abord, le 9 avril 1466, une pension de 6,000 livres, et bientôt après lui donna les capitaineries de Honneur, Harfleur, Montivilliers et ChâteauGaillard.
Le 19 octobre 1466. Louis XI lui accorde une nouvelle
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pension de 9,000 livres, qu'il augmente de 3,000 autres livres le 5 décembre 1472.
Enfin, le 23 février 1467, Louis XI donnait à Antoine de Chabannes la charge de grand-maître de France qu'il enlevait à Charles de Melun qui fut, comme on le sait, l'un des principaux auteurs de la condamnation du comte de Dammartin en 1463.
Le 6 avril 1467, Antoine était nommé gouverneur et lieutenant-général pour le roi en Champagne ; Louis XI lui confiait de plus le commandement général de quatre compagnies d'ordonnance de cent lances chacune, et de 4,000 francs-archers.
A cette époque le comte de Dammartin, avec une armée de 6,000 hommes, alla secourir les Liégeois menacés par le duc de Bourgogne. Par malheur, il n'y avait pas de peuple plus difficile à gouverner et entendant si mal la raison que ces gens de Liège; ils conduisaient toutes leurs affaires avec désordre et imprudence, et dérangeaient sans cesse les mesures que Louis XI voulait prendre en leur faveur. Aucune entente ne se faisait, et cependant Dammartin voyant l'armée de Bourgogne s'augmenter chaque jour, demandait à Louis XI des renforts et des instructions, le pressant, mais en vain, de lui faire savoir si son intention était de se saisir de quelques villes, tandis qu'il en était encore temps.
Dès ce moment, le comte de Dammartin ne figure plus dans les négociations touchant les affaires de Liège ; elles furent remises par Louis XI aux soins du connétable de Saint-Pol, puis du cardinal La Balue.
Quelque temps après, Louis XI envoya Chabannes avec ses troupes sur la frontière des Pyrénées pour appuyer en Espagne les opérations de Jean, duc de Calabre, qui luttait alors contre Jean II, roi de Catalogne.
Au mois de décembre 1467, Antoine se trouvait avec la cour au Mans. Ce même mois il fut envoyé en Bretagne en compagnie du légat du pape, pour des négociations de paix avec le duc Charles, frère du roi. Le comte de Dammartin
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s'en acquitta dignement et fit décider, au grand contentement de Louis XI, l'Assemblée des États-Généraux à Tours pour le 6 avril 1468.
A ce moment Antoine, profitant de la faveur dont il jouissait auprès du roi, chercha à faire casser l'arrêt de condamnation rendu contre lui en 1463. Louis XI se rendit à son désir, et après toutes les procédures faites par les officiers du roi en sa cour de Parlement, l'affaire fut terminée à la gloire d'Antoine de Chabannes et à son entière satisfaction, par un arrêt rendu le 13 août 1468, annulant celui de 1463. « Les services importants que le comte de Dammartin rendit ' « dans la suite, et la confiance que le roi lui témoigna jus« qu'à sa mort, dit Villaret, prouvèrent encore mieux son « innocence que le jugement qui le réhabilita, »
Pendant ce temps, son ancien accusateur, Charles de Melun, seigneur de Nantouillet, tombé en disgrâce à la suite de la guerre du Bien Public, était enfermé à ChâteauGaillard, puis il fut condamné à mort et décapité au PetitAndely le 20 août 1468. Après sa mort ses biens furent donnés à Antoine de Chabannes ; mais celui-ci, touché dé compassion pour les enfants du condamné, eut la générosité de leur en remettre la plus grande partie.
Le 19 août 1468, le roi écrivait, à Antoine pour lui recommander les maréchaux de Lohéac et Rouhault qui devaient réunir leurs troupes aux siennes.
Après une trêve de six mois, les hostilités allaient reprendre entre Louis XI.et Charles le Téméraire, au sujet des Liégeois. Malgré les sages conseils du comte de Dammartin, qui engageait le roi à ne pas se rendre à Péronne, celui-ci partit pour cette ville le 8 octobre 1468 et ne tarda pas à tomber entre les mains du duc de Bourgogne qui le fit prisonnier. Pendant ce temps, l'armée de Louis XI était restée à Noyon sous le commandement du comte de Dammartin.
Le duc fit alors signer au roi la paix de Péronne et l'obligea de signer un ordre à Chabannes de licencier ses troupes, Mais le comte de Dammartin ne fut pas dupe d'une
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ruse aussi grossière. Son roi ne pouvait commettre l'imprudence de se séparer de son armée et de rester ainsi sans défense, dans le moment même où il était à la merci de son redoutable adversaire. L'ordre ne pouvait avoir été signé que sous la pression de la menace. La décision du comte de Dammartin fut rapidement prise. Il fit aussitôt répondre au duc : « Je ne reçois d'ordre de mon roi que lorsqu'il est « libre. Dites au duc de Bourgogne que je considère tout « ce qui s'est passé à l'égard de Sa Majesté comme une « trahison et que s'il retient le roi plus longtemps pri« sonnier, il y a encore en France un assez grand nombre « de chevaliers et de gens d'honneur pour lui faire payer « cher sa détention. »
Si le duc de Bourgogne fut surpris de cette fière réponse, il ne dut pas en être de même de Louis XI. Celui-ci connaissait trop bien Chabannes, pour croire qu'il se serait mépris sur les secrètes intentions de son roi, et nous pouvons penser, qu'en signant l'ordre qui devait assurer sa perte, le fin matois souriait déjà à la déconvenue de son puissant rival. Charles le Téméraire était peut-être plus brave que Louis XI sur le champ de bataille, mais sur le terrain de la diplomatie, il n'était pas de taille à lutter avec un pareil maître.
Le comte de Dammartin resta dans l'expectative durant les deux semaines de l'absence du roi, prêt à marcher selon les circonstances, et à son retour, Louis XI trouvant son armée en parfait état, lui témoigna sa reconnaissance pour sa belle conduite.
Au commencement de 1469, l'autorité du roi n'était plus reconnue dans les provinces voisines de la Garonne. Louis XI, résolu à remédier à cet état de choses, chargea le comte de Dammartin de se rendre sur les lieux. Le 26 avril, celui-ci, à la tête d'une forte armée, part pour la Guienne. Arrivé à Rodez il fait prêter serment de fidélité aux principaux habitants, puis il se rend à Toulouse où il promulgue, lé 16 mai, divers règlements sur la discipline militaire, défendant entr'aulres à tous nobles de servir, sans sa permission.
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Le 28 juin, les habitants de Chaudesaigues (près SaintFlour), prêtèrent serment de fidélité au roi après avoir obtenu du comte de Dammartin la confirmation de leurs anciens privilèges.
Au mois de juillet, Antoine de Chabannes avait fini de soumettre le Rouergue, et les désordres étant réprimés, il s'en revint à la cour rappelé par le roi.
Pendant ces opérations, Louis XI ayant donné en apanage, à son frère Charles de France, le duché de Guienne, Antoine fut chargé par le roi de recevoir le serment du nouveau duc de Guienne; il se rendit à Saintes où le 19 août, dans le palais épiscopal, Charles de France, assisté de Gilbert de Chabannes son conseiller et chambellan, prêta serment entre les mains du comte de Dammartin, sur la croix de Saint Lô, de servir le roi envers et contre tous. Le nouveau duc de Guienne avait exigé lui-même que cette croix de Saint-Lô, relique miraculeuse gardée à Angers, fût le gage de sa réconciliation avec son frère, car c'était le seul serment que le roi respectait, étant prévenu que ceux qui se parjuraient après un serment fait sur elle, mouraient dans l'année.
Le 18 septembre 1469, à Coulanges-les-Réaux, le comte de Dammartin signe avec le roi et plusieurs seigneurs, les lettres de patentes relatives à l'apanage du duc de Guienne; Antoine fut chargé d'assurer dans celle province l'exécution des traités conclus entre le roi et son frère.
Le mois suivant, le comte de Dammartin fut dirigé, avec une forte armée, vers le comté d'Armagnac, avec mission de s'emparer de Jean V, comte d'Armagnac, et du duc de Nemours accusés de rébellion envers le roi.
En effet le comte d'Armagnac, bien qu'ayant reçu du roi 10,000 livres pour congédier ses gens d'armes, avait retenu ses troupes et s'en servait pour désoler le Languedoc ; de plus il continuait à entretenir des intelligences avec les Anglais.
Jean V réunit ses meilleures troupes à Lectoure et à Rodez et tint lui-même la campagne; mais bientôt, se
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voyant hors d'état de tenir tête à Chabannes, il chercha à surprendre sa bonne foi en lui envoyant le seigneur de Barbazan et quelques autres, qui devaient essayer de faire croire au comte de Dammartin qu'ils venaient de la part du roi lui annoncer que Sa Majesté avait changé d'avis et ne voulait plus que la guerre continuât en Guienne. Antoine de Chabannes, tout en semblant les croire, n'en continua pas moins les hostilités et ne tarda pas à s'emparer de la ville de Lectoure tandis que le comte d'Armagnac s'était enfui et retiré à Fonlarabie, dans les terres du roi de Cas tille.
Chabannes s'empara ensuite de Rodelle, Sévérac et Cabrespine et se saisit alors de toutes les terres du comte d'Armagnac. A ce moment le duc de Nemours, Jacques d'Armagnac, cousin de Jean V, engagea le comte de Dammartin à intercéder en sa faveur auprès du roi ; il se montra prêt à tout pour recouvrer les bonnes grâces de Louis XI. Celui-ci, sur la recommandation de Chabannes, pardonna au duc de Nemours qui fut reçu en grâce à SaintFlour le 17 janvier 1470.
Pendant son séjour en Armagnac. Antoine de Chabannes avait appris du roi, par lettre du 26 octobre 1469, sa nomination comme un des quinze premiers chevaliers du nouvel ordre de Saint-Michel (1).
Au commencement de mai 1470, Antoine revint trouver Louis XI à Amboise et, fin juin suivant, le roi l'envoya avec le seigneur de Crussol à Nantes, pour des négociations de paix avec le duc de Bretagne.
En novembre 1470, les terres du comte d'Armagnac furent partagées par Louis XI entre ceux des officiers qui l'avaient le mieux servi ; le comte de Dammartin reçut pour sa part la baronnie de Bénaven, les terres et seigneuries de Montezic, Alpuech, Lacalm, Sévérac, Cabrespine, et le château Laguiole en Rouergue.
(1) Cet ordre fut créé par Louis XI le 1" août 1469, au château d'Amboise.
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Depuis quelque temps, les hostilités menaçaient d'éclater entre Louis XI et le duc de Bourgogne. Déjà le 31 août 1470, au retour d'un pèlerinage fait au Mont-St-Michel, Louis XI avait écrit. d'Avranches au comte de Dammartin pour lui faire part des ravages commis par les Bourguignons à l'embouchure de la Seine. Ce même mois, Louis XI avait signé avec les cantons suisses un traité de confédération contre le duc de Bourgogne, et le 4 octobre 1470, le roi mandait le comte de Dammartin, afin de concerter avec lui les mesures à prendre dans les circonstances présentes.
Louis XI cherchait, toujours à revenir sur le traité de Péronne et à se venger du duc de Bourgogne ; il convoqua les États-Généraux à Tours, le comte de Dammartin y assista, ainsi qu'à l'Assemblée des Notables tenue à Amboise le 3 décembre 1470. Il y fut résolu que Charles le Téméraire serait assigné à comparaître en personne devant le Parlement, et ce résultat obtenu, Louis XI ayant ce qu'il désirait, congédia ses États et n'en convoqua plus pendant le reste de son règne.
Le 8 décembre 1470 le roi se prépara à la guerre, et il nomma le comte de Dammartin son lieutenant-général en Beauvoisie et en Picardie, avec tout pouvoir de traiter et de donner grâce en son nom. Les hostilités commencèrent aussitôt et, le 15 décembre, Antoine de Chabannes contribua à la prise de Saint-Quentin par le connétable de Saint-Pol.
Louis XL sûr de la supériorité de ses troupes, ne s'appliqua plus qu'à maintenir l'union entre le connétable et le comte de Dammartin qui les commandaient en Picardie; il résolut donc de s'approcher de la frontière pour veiller sur la conduite de l'un et de l'autre.
Chabannes marcha d'abord sur Roye qui se rendit aussitôt, puis s'empara de Montdidier et peu après de la ville d'Amiens. Pendant ce temps Louis XI s'était rendu à Compiègne, attendant les événements. A la nouvelle de la reddition d'Amiens, il fut « fort joyeux » et félicita hautement le comte de Dammartin à qui revenait tout l'honneur de cette campagne.
- si -
Quant au duc de Bourgogne, quelque temps avant cette reddition d'Amiens et en réponse aux lettres de sommation faites à cette ville par le comte de Dammartin, il avait écrit à ce capitaine une longue lettre de reproches datée de son
château d'Hesdin, le 16 janvier 1471. Il y rappelle la triste situation dans laquelle le comte de Dammartin se trouvait au moment de la guerre du Bien Public, la protection et les secours qu'il avait alors reçus des princes ligués; il lui reproche ensuite les basses manoeuvres auxquelles il n'a pas T. xxxv i. 1 - c
PORTRAIT D'ANTOINE DE CHABANNES
(Extrait de Barante : Histoire des Ducs de Bourgogne, tome VIII, p. 335.) Communiqué par M. le comte H. de Chabannes.
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honte de se prêter pour corrompre d'honnêtes citoyens ; enfin il réclame la foi des traités de Conflans et de Péronne, foi sacrée, disait-il, pour des hommes.d'honneur et si lâchement violée à son égard.
Le duc ignorait, à qui il s'adressait. Dammartin, outragé, ne put réprimer sa colère; il fit parvenir immédiatement à ce prince la réponse suivante : « A Monsieur de Bour« gogne. Très haut et puissant prince, j'ai reçu la lettre « que vous m'avez écrite : elle a été dictée, sans doute, dans « votre conseil, et par de très grands clercs, gens beaucoup « plus habiles que moi dans l'art d'écrire des lettres, car « je ne vécus jamais du métier de la plume.
« Très haut et puissant prince, vous me rappelez l'état « malheureux où je me trouvais au temps de la guerre que « vous nommez du Bien Public et que j'appelle, moi, du « Mal Public. Vous n'ignorez pas qu'il ne tint pas à moi « que je ne servisse alors le Roi, comme mon état et ma « naissance m'y obligeaient; des ennemis et des envieux « m'avaient noirci dans son esprit; mais j'ai triomphé de « leur malice, et mon innocence a été mise dans tout son « jour. Au reste, bien vous prit que je fusse alors dans la « disgrâce, car si je me fusse trouvé dans l'armée royale, « vous ne vous seriez pas tiré si heureusement d'une si folle « entreprise, particulièrement à la journée de Montlhéry.
« Très haut et puissant prince, vous semblez dans vos « lettres me traiter d'enchanteur ; je ne connus jamais cet « art, mais si j'ai quelquefois désiré de le mettre en pra« tique, ce fut lorsque le Roi, contre mon avis, se rendit « à Péronne, où il fut si lâchement trahi. Ayant fait plu« sieurs efforts inutiles pour le détourner de ce fatal voyage, « je parvins du moins à l'arracher de vos mains en refusant - « de congédier l'armée qu'il m'avait confiée; on m'accorda « alors publiquement la louange d'avoir sauvé la France, et « il ne vous resta que l'éternel opprobre qui suit la trahison.
« Très haut et puissant prince, si je vous écris quelque « chose qui vous déplaise et que vous vouliez vous venger « de moi, espérez qu'avant la fin de la guerre, vous me
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a trouverez si près de vous qu'il vous sera aisé de juger « si je vous trouve bien redoutable. »
Au reçu de cette lettre, le duc de Bourgogne entra dans une grande fureur, et il fut d'autant plus alarmé des rapides progrès de ce capitaine, qu'il ne se trouvait pas encore en force de lui résister. Cependant, après avoir tenu quelque temps l'armée royale en suspens, ce prince résolut de tenter de recouvrer Amiens. Cette ville était défendue par une forte armée sous les ordres du connétable de Saint-Pol, du comte de Dammartin et de l'amiral de Bourbon.
Les engagements qui eurent lieu entre les deux armées devenaient de jour en jour plus fréquents et plus vifs, et tournaient du reste à l'avantage des Français. Une fois cependant, Antoine de Chabannes étant sorti de la ville, fut cerné par l'ennemi et sur le point d'être pris; mais grâce à son intelligence et à sa ruse il parvint à se sauver et rentra dans Amiens.
Enfin, après deux mois de guerre par escarmouches, tant par suite du peu d'espoir que pouvaient avoir les Bourguignons d'entrer d'assaut dans la ville, que par suite de la disette qui devint bientôt aussi grande chez les assiégeants que chez les assiégés, les deux partis finirent par.se lasser et, d'un commun accord, une suspension d'armes fut conclue pour trois mois, le 4 avril 1471.
Cette même année 1471, le comte de Dammartin arma chevalier Charles de Bort, seigneur de Pierrefitte, son parent, qui avait fait ses armes auprès de lui.
Au mois de septembre, Antoine se trouvait avec la cour à Montils lès-Tours. A. cette époque, Louis XI, dont la reconnaissance à l'égard du comte de Dammartin était alors immense, promettait à celui-ci la somme de 4,000 écus qu'il lui envoyait, peu après en récompense de ses services.
Sur ces entrefaites, Antoine de Chabannes fut encore chargé de s'occuper du comte d'Armagnac. Le duc de Guienne, de retour dans son duché, s'était brouillé avec le roi son frère, et le comte d'Armagnac, condamné à mort par contumace, vint se jeter entre ses bras pour chercher
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à recouvrer ses terres confisquées par Louis XI en 1470, lors de l'envahissement de son comté par le comte de Dammartin.
H. NOEL-CADET. (A suivre.)
ÉTUDES
SUR LES
DIVERS ATELIERS MONÉTAIRES CONNUS DE LA BASSE-LEM07ICEKSIS (Bas-Limousin)
depuis les Gaulois jusqu'à l'avènement de Carolingiens en 752
PÉRIODE GALLO-ROMAINE
De 50 avant J.-C. à l'an kl6 après.
Les monnaies romaines doivent être considérées sous un rapport important. La puissance des Romains ayant envahi successivement la presque totalité du monde connu des anciens, ils durent avoir un système monétaire immense. Le nombre des monnaies du peuple romain, frappées à leurs propres types, est tellement considérable qu'il égale à lui seul le nombre des monnaies émises par tous les autres peuples ensemble ; malheureusement, on ignore presque complètement le lieu où furent frappées ces prodigieuses quantités d'espèces monétaires aux coins romains. On ne possède aucun document relatif à ce sujet, et ces espèces monétaires ne portent aucune indication ou inscription de cité ou d'atelier. C'est une question qui, jusqu'à ce jour, n'a pas encore été suffisamment étudiée ; pour notre compte nous ne l'entreprendrons pas.
Sous l'Empire, la puissance romaine s'étendit de plus en plus; elle envahit de nouvelles contrées. Les monnaies romaines se répandirent successivement partout en remplacement de celles des indigènes. Sous Octave, 27 avant J.-C, 14 après et sous ses successeurs, les monnaies romaines semblent avoir été frappées à Rome, sinon toutes du moins presque en totalité. Avec le temps, l'étendue du territoire de l'empire, toujours croissante, et sa stabilité, durent conduire les Romains à établir dans quelques provinces éloignées de Rome, des ateliers monétaires pour la fabrication des monnaies semblables à celles émises à Rome. D'un autre
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côté, les soulèvements de divers personnages s'emparant du pouvoir, durent amener aussi des émissions de monnaies frappées hors de Rome.
Plus tard, lorsque l'empire se trouva divisé volontairement entre plusieurs maîtres, on est porté à croire que les divers Augustes et les divers Césars firent frapper leurs monnaies dans les provinces qu'il reçurent en partage.
Lorsque Constantin Ier le Grand (306-337), en l'an 329, eut transféré le siège de l'empire à Byzance, appellation primitive de Constantinople. les monnaies des empereurs d'Orient furent frappées dans cette ville et peut-être dans quelques autres cités de l'Orient.
Le système général de la détermination des ateliers où furent frappées les monnaies impériales romaines, demanderait d'être traité avec des détails beaucoup plus étendus; mais nous sommes forcé, faute d'espace et de documents certains, d'indiquer seulement les faits principaux offrant quelques certitudes. On peut établir :
1° Que les monnaies des premiers temps de l'empire furent fabriquées à Rome, sauf un petit nombre d'exceptions.
2° Que plus tard, quelques monnaies d'empereurs romains reconnus à Rome, furent probablement frappées hors de Rome. A cet égard, on a peu de renseignements; mais des monnaies de bas-empire portent des indications de quelques cités où ces monnaies ont été frappées, telles que Aquila, Arles, Lyon, Milan, Ravennes et Serdica.
3° Que les premières monnaies de quelques empereurs, proclamés d'abord dans les provinces, et reconnus ensuite à Rome, furent frappées dans la province où ils prirent la pourpre. Tacite (1) nous apprend que Vespasien (69-78), proclamé empereur à Antioche, ville de la Syrie, fit fabriquer des monnaies d'or et d'argent à son effigie dans celte ville, avant d'avoir été reconnu par le sénat, romain.
4° Que les monnaies de quelques personnages qui s'emparèrent du pouvoir de provinces, et qui furent ensuite
(1) Histoire, lib. II, cap. 82,
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reconnus et confirmés dans leur autorité par les empereurs maîtres de Rome, sans pouvoir venir à Rome y commander, furent frappées, partie dans les provinces où ces personnages étaient maîtres, et partie à Rome. Témoins les monnaies de Cl. Albin (193-194),
5° Que les monnaies des empereurs et des Césars qui régnèrent simultanément, d'un commun accord, sur les diverses parties de l'empire qu'ils s'étaient attribuées en partage, furent probablement frappées simultanément dans Rome et dans les provinces où régnait chaque empereur ou César.
6° Que, lors de la translation du siège de l'empire romain à Byzance, les monnaies des empereurs furent frappées dans cette ville ; ce fait est prouvé par les nombreuses monnaies portant pour les légendes, les expressions : CON, CONS, CONST, COMOB, CONOB, KONSTAN, etc.
7° Que dans la division de la puissance romaine, en empire d'Orient et en empire d'Occident, chaque empire fit frapper ses monnaies dans les contrées où il régnait : à Constantinople et à Rome.
8" Que dans le bas empire d'Orient, les monnaies furent frappées à Constantinople et dans d'autres villes d'Orient, dont l'indication sur quelques pièces, telles que : CVRIQVE, HERACLIE, DVPONT, NICOMEDIE, SIRMIVM.
9° Que, lors de la translation de l'empire grec en Asie, après la prise de Constantinople par les croisés, les monnaies des empereurs grecs furent fabriquées à Nicée en Béthynie.
En Occident, la cité Nemausus, Nîmes, eut d'abord ses monnaies autohomes en or, en argent et en bronze; les unes avec des légendes en caractères grecs et les autres avec des légendes en caractères latins. Ces dernières durent commencer au temps de Jules-César. Le monnayage de bronze prit un grand développement après l'an 15 avant J.-C. On distingue trois séries : de 36 à 27 ans avant J.-C, celles avec la tête nue d'Octave ; de 27 à 15 ans avant J.-C, celles avec la tète d'Octave portant la couronne civique ; enfin, celles
après l'an 15 avant J.-C.,: avec la tète laurée d'Octave et accompagnée des lettres : P. P., pater patria?, père de la patrie, titre accordé par le sénat romain.
La cité Arelatum, Arles, jadis très considérable, est l'une des plus anciennes de la Gaule, son nom viendrait d'un vaste autel où l'on sacrifiait à Dieu, en expiation des crimes commis par ses peuples, trois enfants conduits sur un char orné de fleurs: C'est de cet autel, appelé Ara-lata, que la cité Arelatum a pris le nom. L'opinion vulgaire donne à la cité d'Arelatum une origine commune avec celle de Massilia, Marseille ; mais des savants prétendent qu'elle est plus ancienne que cette dernière et en attribue aux Gaulois : Salii, les Salyes, et avait des rois longtemps avant que les Romains pénétrassent dans les Gaules en l'an 125 avant J.-C.
En l'an 58 avant J.-C, la cité d'Arelatum fut conquise par les Romains; Jules-César y fonda une colonie romaine, dont il subsiste de nos jours de nombreuses traces de sa splendeur. Constantin Ier (306-337) voulut qu'elle fût appelée Constantina. Elle était la seconde cité de la Gaule, et jouissait de grandes prérogatives. En 390, elle devint du coup métropole et capitale de cinq provinces, par la translation qu'y fit Valentinien (375-390) du siège du préfet, prétoire des Gaules, qui jusqu'alors avait existé à Trêves. Elle fut le siège d'un procurator-monetss sous la domination romaine. Arelatum possédait un Hôtel des Monnaies, qui fonctionnait encore à la chute de l'empire d'Occident, en 476.
Les espèces qu'on y frappait portaient, à l'exergue, le différent du nom de la cité, précédé ou suivi de la lettre indicative du numéro de l'officine d'où la pièce de monnaie sortait : P. prima (ofplcina): S. secundoe; T. terlia; Q. quarta (officina). Dans la première période du monnayage, de 311 à 337, le différent, fut ARL ou AR., mais plus souvent ARL; de 345 à 480, c'est le différent AR qui figure seul au revers des espèces monétaires.
Il est à remarquer que le différent AR ou ARL a été invariablement gravé à l'exergue jusqu'en 407, époque de l'avènement de Constantin III (407-411); à partir de 407,
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le différent AR a été employé seul, soit à l'exergue soit dans le champ. En 411, on voit toujours ce différent placé dans le champ, fréquemment accostant la figure symbolique du revers.
On retrouve ces mêmes différents au revers et dans le champ des monnaies de la fin du vi£ siècle ou commencement du viie.
En 512, Théodoric-le-Grand, roi des Ostrogoths (472-526), y établit le siège de la Préfecture comme capitale de ses États. A la chute des Wisigoths, en 507, Arelatum tomba sous la domination des Franks.
La colonie de Lugdunum, Lyon, fondée en l'an 40 avant J.-C, émit des as portant le nom de Jules-César et d'Auguste, ainsi que des petits bronzes au type du taureau avec son nom de Copia, qui durèrent jusqu'à la dédicace de l'autel de Rome et d'Auguste, que ce dernier créa et éleva en l'an 10 de J.-C. (1). A. cette époque, ils furent remplacés par une monnaie de bronze frappée en grande quantité représentant l'autel, qui dura jusqu'au règne de Néron (54-68). Cette monnaie fut grossièrement imitée par les Gaulois.
Vienna, Vienne, colonia deducta, fondée vers l'an 46 avant J.-C. Peu de temps après les colons furent chassés par les Allobrogi, Allobroges, et se réfugièrent au confluent de la Saône et du Rhône. Vers l'an 42 avant J.-C, Vienna, colonie romaine et favorisée par Octave, elle émit jusqu'à l'an 10 des bronzes aux effigies de Jules-César, d'Auguste et d'Agrippine. Sous Dioclétien (285-313), elle donna son nom à la Viennensis, Viennaise, qui fut alors détachée de la Narbonensis. Les Burgondes en firent leur capitale en 432; les Franks la prirent en 534; les Lombards en 558; les Sarrzins en 737; Charles II le Chauve (840-877) l'assiégea en 871 et s'en empara. Elle redevint la capitale de la Bour(1)
Bour(1) autel est un magnifique temple élevé par Auguste. Aujourd'hui on admire encore quelques restes de ce temple dans une église située à l'extrémité méridionale de la ville,
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gogne en 879 ; après la réunion des deux Bourgognes, elle perdit son rang qu'Arles lui ravit.
Sur les autres colonies, ne possédant aucune notion, nous cesserons là notre étude sur les colonies latines pour continuer celle des ateliers monétaires, momentanément sus-- pendue.
Les Armoricains avaient un monnayage particulier en or, en argent, et en bronze, avec un type facile à reconnaître. Ces pièces ne portant aucune légende, ne peuvent être localisées qu'en étudiant, les différents symboles de la péninsule bretonne. Ce monnayage, de date peu reculée, possède des espèces en or de très bon style : le cheval androcephale y joue un rôle imqortant.
Les villes qui avaient obtenu de Rome le titre de municipium. ville municipale, avaient le droit de monnayage. La République romaine ne donna à personne le droit de frapper monnaie. De même, elle ne permit jamais d'y placer l'effigie d'aucune personne vivante. Quelques hommes reçurent cet honneur, seulement après leur mort, avec l'autorisation du Sénat. Les triumvirs, chargés de la fabrication des monnaies, obtinrent quelquefois de pouvoir rendre hommage à des personnes illustres de leurs familles. JulesCésar fut le premier qui obtint du Sénat, ce suprême honneur, de son vivant. Cet exemple, une fois donné, devint un droit pour tous les successeurs du pouvoir.
L'attachement des villes et des provinces à leurs privilèges et à l'existence des charges dont étaient pourvus les chefs et même les employés et les ouvriers de ces divers ateliers monétaires, expliquent l'établissement d'un nombre considérable d'ateliers monétaires pour la fabrication des monnaies et le maintien d'un système de fabrication monétaire aussi mal entendu.
SYSTÈME MONÉTAIRE GALLO-ROMAIN
Dans la période gallo romaine, on comprendra toutes les monnaies royales et impériales, tant gauloises que romaines,
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qui ont eu cours sur le territoire gaulois pendant la conquête et la domination romaines. Ces monnaies seront classées par ordre de.règnes et dans chaque règne par ordre chronologique, et autant que faire se pourra, par ordre de.nature minéralogique : or. electrum, argent, potin ou billon et cuivre ou bronze.
Les Romains, vers l'an 125 avant J.-C, se jetèrent une première fois dans la Gaule et s'établirent dans la vallée du Rhône; ils fondèrent les villes : Aquaî-Sentioe, Aix, en 122 avant J.-C, et Narbo-Martius, Narbonne, en 118 avant J.-C, et constituèrent ainsi un'e province dans le sud-est de la Gaule qui fut appelée province romaine.
En 58 avant J.-C, Jules-César entreprit la conquête de la Gaule ; pendant neuf ans, de 58 à 50, il franchit chaque année les Alpes, soumettant tour à tour les Helvelii, les Belges, les Vénéti, les Morini, les Carnuti, les Eburoni. les Nervii, les Tréveri et les Sénoni. En 53, la Gaule, paraissant pacifiée, Jules-César rentra en Italie ; son départ provoqua une insurrection. Un Arverni, dont le nom est ignoré, mais qui fut appelé Vercingétorix, investi du commandement suprême, se mit à la tête de l'insurrection. Jules César franchit les Cévennes, livre plusieurs combats avec des succès divers ; mais la grande victoire qu'il remporta à Alésia, la prise de cette ville et la capture de Vercingétorix mettent fin définitivement à la guerre des masses. Cette conquête accomplie, le vainqueur introduisit peu à peu dans la Gaule, les lois, les usages, les mesures, les poids et les monnaies de son peuple ; ces monnaies eurent cours jusqu'au xe siècle après J.-C
Pendant la période romaine les monnaies gallo-grecques durent avoir cours dans les Gaules, concurremment avec les monnaies romaines, jusqu'au renversement définitif du culte druidique. Les monnaies gallo-grecques paraissent avoir vécu encore longtemps conjointement avec les romaines.
Après l'établissement des Romains dans la Provence, en l'an 125 avant J.-C, les denarii de la République romaine, introduits en Gaule, servirent de modèles plus ou moins
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fidèles aux Gaulois. Ce penchant d'imitation portait parfois les Gaulois à graver sur leurs bronzes des types qui ne figuraient que sur les monnaies d'argent des Romains.
Le système monétaire des Romains, au moment de la conquête, se composait de trois sortes de monnaies de natures différentes : les monnaies d'or, les monnaies d'argent et celles de cuivre ou de bronze. Chaque nature de monnaie avait son unité principale. Toutes ces monnaies de natures différentes découlaient de l'unité principale de la monnaie d'argent, qui était le denarius, le denier. Ce denarius, lors de la conquête des Romains, était à la taille (1) de 84 à la libraromana, qui pesait alors 288 scripuli, soit 324 grammes, pesait donc 3,43 scripuli, soit 3,857 grammes, qu'il a conservée jusqu'à la fin de la République romaine ; il vaudrait aujourd'hui 82,13 centimes de notre monnaie.
MONNAIES D'OR
Jules-César, 54-44 avant J.-C, à son arrivée au pouvoir, créa et frappa un aureus, qui fut porté à la taille de 40 à l'a libra romana, pesant donc 7,2 scripuli, soit 8,100 grammes et à la valeur de 25 dénarii d'argent. Ce qui met le rapport de l'or à l'argent de 1 à 11,9. De ceci on conclut que la libra romana d'or, sachant que celle d'argent valait 69 francs, comme on le verra, est de 821,30 francs; ce qui porte notre kilogramme à 2,566,30 francs. L'aureus vaudrait donc 20,53 francs, sachant que le denarius vaut 82,13 centimes de notre monnaie.
La monnaie d'or, malgré les différentes variations de la monnaie d'argent, de l'an 117 à 284, conserva jusqu'au temps de Constantin pr (306-337). son degré de pureté; seul son poids baissa un peu, mais moins, en proportion, que l'argent. L'aureus fut successivement de 42, de 43 et de 44 à la libra et pèserait successivement 7,704, 7,535, 7,363 et
(1) La taille est, comme on l'a vu, le nombre de pièces tirées de J'unité de poids.
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vaudrait respectivement 19,39, 18,49 et 17,89 francs de notre monnaie.
De Jules-César, 54 ans avant J.-C, à Sévère Alexandre (222-235), il n'y eut qu'une monnaie effective d'or : l'aureus; mais à partir de cet empereur, il fut créé et frappé deux autres pièces d'or appelées se?russis et ftemissis, valant respectivement la moitié et le tiers de l'aureus.
Cette monnaie dura jusqu'à Constantin Ier le Grand (306-337).
Constantin I" voulant opérer la fusion des systèmes monétaires grec et romain, le denarius d'argent étant déjà devenu égal à la petite drachme attique, abandonna l'aureus d'or pour créer et frapper des pièces à la taille de 72 à la libra romana, au poids de 4 scripuli, soit 4,500 grammes, poids égal à celui de la grande drachme attique. Ces pièces furent appelées solidi, dont on a fait, dans la suite, le sol d'abord et le soû ensuite. Le solidus, qui se divisait, comme l'aureus, en 2 semissis ou semis, et en 3 tremissis outriens, valait toujours le 5me de la libra romana d'argent, 69 francs, soit 13,80 francs de notre monnaie. Ce qui mettait le rapport de l'or à l'argent de 1 à 14,4.
Ce solidus d'or de 72 à la libra romana, équivalait aussi, comme on le verra plus loin, à 5,760 denarii de cuivre ; 10 de ces denarii valaient un demi-follis de cuivre, et le solidus d'or 288 follis.
Constance II (350-361) fixa la valeur du solidus, qui avait été fixée à la 5me partie de la libra romana d'argent par Constantin Ier, définitivement à 24 siliquoe(i) d'argent, et le tremissis à 8 siliquoe; quant au semissis, il fut démonétisé. Malgré la nouvelle fixation des solidus d'or, la valeur des pièces d'or n'a pas changé, seule la base a changé ; le solidus de Constantin Ier et celui de Constance II valurent l'un et l'autre 13,80 francs de notre monnaie.
Ces dernières monnaies d'or existèrent jusqu'à la fin de
(i) La siliquoe est une monnaie d'argent qui vaut 0,57,5 francs (voir plus loin).
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l'empire d'Occident, en 476. Et même les rois franks en frappèrent encore pendant quelque temps, comme on le verra plus loin.
MONNAIES D'ARGENT
Livius Drusus, 91 ans avant J.-C, conserva le système monétaire d'argent, qu'il trouva à son avènement; mais il mit dans ses monnaies d'argent un huitième de cuivre, ce qui mit le titre de ses monnaies d'argent au taux de 10 deniers 12 grains de fin, ce qui les met à notre titre décimal de 875 millièmes ou 0,875.
Lorsque Jules-César fut arrivé au pouvoir, il frappa en argent fin des denarii à la même taille qu'auparavant de 84 à la libra romana, pesant donc 3,43 scripuli, soit 3,857 grammes d'argent. Le denarius se divisait, comme auparavant, en 2 quinarii et en 4 sestertii. Sa valeur était de 16 as de cuivre ; elle équivaudrait à 82,13 centimes de notre monnaie ; les quinarii et les sestertii en proportion.
Octave-Auguste, 27 ans avant J.C., 14 ans après, abaissa le poids du denarius. qui était alors de 84 à la libra romana, et le mit à la taille de 89 1/2, pour qu'il fût du poids de la drachme asiatique, qui pesait alors 3,22 scripuli, soit 3,620 grammes. Sa valeur était toujours de 16 as de cuivre; mais en notre monnaie actuelle, elle ne vaudrait plus que 77,09 centimes.
Sous ce règne les monnaies d'argent deviennent rares, par suite de l'altération du poids.
Néron (54-68) fit le denarius d'argent égal à la petite drachme attique, qui était alors de 96 à la libra romana. Ce denarius pesait alors 5 scripuli, soit 3,375 grammes, équivalant toujours à 16 as de cuivre, ne valut plus que 71 centimes 87 de notre monnaie.
Sous Domitien (81-96), le denarius ne valut plus que 70 centimes.
A partir du règne d'Hadrien (117-138), la monnaie d'argent reçut de l'alliage en quantités variables. Le titre des monnaies d'argent fut donc graduellement altéré.
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Sous Septime Sévère (193-211), l'alliage y entrait déjà pour la moitié. Le titre fut donc de 6 deniers, soit 500 millièmes ou 0,500 de fin. A ce titre le denarius d'argent, qui équivalait toujours à 16 as de cuivre, ne valut plus que 59 centimes; ses divisionnaires en proportion.
Caracalla, son fils (211-217), suivit les mêmes errements, et de plus, il établit des pièces d'argent d'un diamètre un peu plus grand, tout en conservant le même poids.
Alexandre Sévère (222-235) continua la même fraule.
Sous Gallien (259-268), l'alliage entrait pour les deux tiers dans les monnaies d'argent, le titre de ces monnaies fut donc de 4 deniers, soit 333 1/3 millièmes de fin! A ce titre le denarius, équivalant toujours 16 as, ne valut plus que 24,53 centimes de notre monnaie.
Vers le règne de Posthume (257-267), tyran de la Gaule, la monnaie d'argent disparut entièrement et fut remplacée par de la monnaie saucie, c'est-à-dire une monnaie de cuivre recouverte d'une légère feuille d'argent. Elle devint même de plus en plus rare pendant l'espace de 73 ans (211-284).
Depuis Claude II (268-270), on ne trouve plus de monnaies de billon ; le titre de l'argent ayant été successivement abaissé ; les monnaies qui remplacèrent celles de ce métal se trouvèrent, sous ce règne, être de cuivre saucé. Les frottements et le temps ont fait disparaître sur presque toutes ces pièces cette couverte, qui ne s'aperçoit plus que sur celles d'une grande conservation.
Les pièce de monnaie de ce règne et des suivants, jusqu'à Dioclétien (284-305), qui ont été publiées comme de billon, n'étaient que du cuivre saucé. Celles des mêmes règnes, émises comme étant d'argent, seraient fausses, d'après M. Hennin.
Dioclétien (284-305; restaura la monnaie d'argent fin, qui ne cessa d'augmenter sans altération, sauf quelques exceptions, dans les temps du bas-empire. Il remplaça le denarius d'argent par la centionale de 96 à la libra romana, pesant donc 3 scripuli, soit 3,375 grammes, valant toujours
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16 as de cuivre et 73,58 centimes de notre monnaie. La centionale, qui n'était autre chose que l'ancien denarius, se divisait en 2 quinarii et en 4 sestertii.
Constantin Ier le Grand (306-337) acheva d'opérer la fusion des systèmes monétaires grec et romain ; la centionale de Dioclétien fut, par Constantin [er, remplacée par la milliarense, milliaresion, ou nouveau denarius d'argent de 60 à la libra romana, et dont la valeur était la 60e partie de la libra romana d'argent, qui valait 69 francs de notre monnaie, ou le 12e du solidus d'or. Cette milliarense fut aussi appelée argenteus. Il créa aussi la siliqua et la demi siliqua, qui étaient la moitié et le quart de l'argenteus ; mais ces deux dernières pièces ne furent frappées et émises que sous Constance II.
Les monnaies d'argent de Constantin Ier furent en usage jusqu'après la chute de l'empire d'Occident, en 476. Après la chute de l'empire d'Occident, les Franks continuèrent à frapper les monnaies d'argent créées par Constantin I". C'est ainsi.que les Franks mérovingiens eurent l'argenteus, qui équivalait à 1,15 de notre monnaie, et la siliqua et la demisiliqua, en proportion.
MONNAIES- DE BRONZE OU DE CUIVRE
On rencontre souvent, en Gaule, soit en creusant la terre, soit dans les ruines et dans les localités éloignées d'établissements romains, des dépôts quelquefois assez considérables de petits bronzes, dont la fabrication est plus ou moins barbare, et dont les revers sont variés. Cela vient de ce que des ateliers monétaires mobiles suivaient les corps d'armée des Romains et frappaient monnaie dans les campagnes et se servaient de coins fragiles qu'ils remplaçaient souvent.
A la conquête des Gaules, Jules-César y apporte le système monétaire des bronzes, c'est-à-dire les as ou libella?, les sembellaî et les leruncii-, frappés à Narbo, qui furent vulgairement appelés grands bronzes, moyens bronzes et petits bronzes. Ce système dura jusqu'à Gallien (260-268) ;
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alors ces modules commencèrent à être respectivement réduits, et avec le temps ils se confondirent à un tel point qu'il est quelqufois difficile de déterminer le module auquel certaines pièces doivent être affectées et par là d'en fixer la valeur.
As, unité monétaire, as libratis pesant une livre, soit 288 scripuli, 324 grammes; théoriquement les as auraient dû peser 12 unciae; mais, en fait et dès l'origine, chaque as. ne pesait guère qu'environ 11 uncise, soit en moyenne 297 grammes, ce qui rompait, l'harmonie entre les monnaies et les poids. L'as se divisait en fractions duodécimales, dont quelques-unes seulement étaient monnayées : semis, triens, quadrans, sextans et uncioe. Sa valeur était d'environ 24 centimes de notre monnaie. Mais avec le temps, l'as fut progressivement réduit. A mesure que l'argent devenait plus commun, l'écart entre sa valeur et celle du cuivre rouge diminuait. Au temps de Jules-César, la valeur de l'as n'était plus que de 5 centimes de notre monnaie. Cette monnaie subsista jusqu'à la fusion définitive des deux systèmes monétaires grec et romain.
Constantin Ier (306-337) créa et frappa un autre as de cuivre ; sa valeur fut la moitié de son nouveau denier d'argent ou argenleus, ou la 24"™ partie de son silidus d'or, il équivalait donc à la siliqua d'argent. Cet as se divisait en 48 petits as appelés assarii, dont 4 formaient le tetrassarius (1). Il équivalait à 57,50 centimes de notre monnaie et ses divisionnaires en proportion.
D'après un autre auteur, dont le nom est resté ignoré, l'as de cuivre se divisait encore en 12 follis, en 24 demifollis et en 240 denarii de cuivre.
Cette monnaie de bronze resta en usage jusqu'à la fin de l'empire d'Occident en 476.
(1) Saigez, Traité de Métrologie ancienne p. 77.
T. XXXVI. 1-7
PERIODE FRANQUE
De kl G à 152.
Nous sommes arrivés à la chute de l'empire d'Occident, en 476. A ce moment commence le deuxième âge du monde : le moyen âge. Nous allons donc étudier les monnaies du moyen âge en étudiant celles des Franks (1).
Cinq siècles après la conquête de Jules-César, l'empire romain, depuis longtemps ébranlé, est devenu la proie des peuples : les Hérules, sortis de la Germanie en 476 ; mais son système monétaire et ses monnaies lui survécurent encore pendant plusieurs siècles.
Les premières monnaies mérovingiennes furent, des solidi et des triensis d'or ; ce n'est que plus tard que survinrent, les monnaies d'argent d'abord, et ensuite les monnaies de cuivre ou de bronze.
Avant les monnaies mérovingiennes, on trouve deux séries de monnaies d'or. Les pièces de la première série, assez communes, furent frappées par des chefs franks, qui vinrent, vers l'an 428 de J.-C, envahir le nord de la Gaule, et par la suite, s'avancèrent peu à peu vers le centre. Les Gaulois, qui étaient alors opprimés et écrasés d'impôts par les Romains, regardèrent l'arrivée des Franks comme une délivrance. Les légendes de ces monnaies étaient inintelligibles; les types portaient une tête diadémée au droit, et au revers, une victoire ailée tenant une croix et une couronne.
Les secondes, peu communes, appartiendraient aux Wisi(I)
Wisi(I) éviter à l'avenir tout quiproquo entre les mots : Francs, peuple, et le mot : franc, unité monétaire, le mot : Francs, peuple, s'écrira par un k : Franks.
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goths, possesseurs des provinces méridionales de la Gaule vers l'an 418. Sur ces monnaies la même tête est souvent représentée sur les deux faces; sur l'une des faces était le nom du roi, et sur l'autre le nom de la ville ou de l'atelier monétaire où la pièce de monnaie a été frappée. On rencontre aussi, dans le même cas, des monnaies d'or frappées par les premiers rois franks.
Le nombre des espèces monétaires de la première race est très grand; mais il paraît qu'on n'a pas encore pu les classer convenablement.
A partir de ce moment, les monnaies n'ont plus ce caractère changeant qu'avaient les anciennes de prendre pour un rien divers revers ; c'est ainsi que le règne d'Hadrien I", 15me empereur romain (117-138), pour ne citer qu'un exemple, ne compte pas moins de 2,500 revers monétaires différents, qui se répartissent en 1,600 pièces. Les monnaies du moyen âge sont généralement fixées pour une longue période d'années, dans des types de convention qui ne changeaient guère ; à rencontre de ce qui se passait dans l'ancien temps, les mêmes emblèmes et les mêmes légendes se perpétuent aussi longtemps que dure un règne politique ; on modifie seulement le millésime et les signes monétaires tels que lettres, symboles du graveur et du directeur et les marques d'émission. Ces caractères de fixité commencent déjà à se constater sous les Mérovingiens; ils devinrent la règle à partir de la seconde race, en même temps que disparaissait la frappe des monnaies d'or.
Quant au monnayage de la Gaule franque, il est difficile de savoir comment il s'effectuait ; il n'y a pas eu, à proprement parler, sur cette matière, de système conçu et édicté par l'administration mérovingienne ; non seulement on ne connaît pas une seule loi, un seul décret émané des rois franks, qui ail réglé le fait des monnaies, ou même dont on puisse induire l'existence de disposision de cette nature.
Disons d'abord que les espèces de celte époque portaient en grande partie, en légende ou dans le champ, soit les initiales ou les monogrammes, soit en entier les noms de cilés,
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qualifiés de noms géographiques ( 1). Ces initiales ou monogrammes, qui ne sont que les différents des ateliers monétaires, qui sont nombreux, se composent de 1, de 2, de 3 et même de 4dettres. Il est certain que le meilleur et le plus solide élément pour l'attribution des monnaies mérovingiennes réside dans les différents et dans les noms géographiques qui sont gravés dans l'un des champs des espèces monétaires, principalement dans celui du revers, quelquefois dans le droit et dans le revers d'une même pièce de monnaie.
J.-B. FINCK. (A suivre.)
(1) Ces noms sont qualifiés de noms géographiques, parce que les initiales ou les monogrammes gravés dans le champ d'une espèce monétaire, comme les noms entiers en légendes, indiquent les cités ou les provinces où les espèces monétaires ont été frappées et sont appliquées. Quoique ça il ne faut pas confondre ces initiales avec certaines lettres exprimant la valeur de la monnaie et certaines lettres numérales très faciles à reconnaître et quelques autres cas, assez rares, qui sont aussi gravés dans le champ des espèces.
DOCUMENTS
SUR LA
BARONNIE DE CASTELNAU
IDE BRETENOUX
II
Mariage de Pierre de Clermont-Lodève de Castelnau et de Marguerite de Turenne
Ce mariage ne consacrait pas la première alliance entre les maisons de Turenne et de Castelnau-Bretenoux : deux unions antérieures avaient déjà rapproché par les liens du sang les familles illustres qui, au cours des âges, possédèrent ces deux puissants donjons. La première avait eu lieu, vers le milieu du xuc siècle, entre un Turenne de la seconde race, un Turenne-Gomborn, et une Castelnau de la maison primitive. Alors, c'était une Castelnau qui était entrée à Turenne. Ait xvie siècle, deux filles de Turenne vinrent à Castelnau. A cette date, la maison primitive de Castelnau s'était depuis longtemps éteinte, substituée par celle de Caylus, originaire du Rouergue et de haut baronnage également. De même, à Turenne, après les Comborn et les Cornnringes, la maison de la Tour d'Oliergues, issue des comtes d'Auvergne, avait succédé à la famille de Beaufort. Les généalogistes relatent donc trois alliances entre les vicomtes de Turenne et les seigneurs de Castelnau; s'il y en eut d'autres, dans le recul des temps féodaux, aucune
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mention n'en a été conservée. Cette étude a la troisième pour objet; mais, bien que n'apportant de documents inédits que pour celle-ci, nous jetterons, d'abord, un coup d'oeil rétrospectif sur les deux unions qui l'avaient précédée, l'une trois siècles et demi plus tôt, l'autre à moins de quinze ans d'intervalle.
Raymond II de Turenne-Gomborn, qui avait succédé, en 1143, à son père Boson II, épousa Hélis de Castelnau-Bretenoux, fille de Bernard Pr. Elle était veuve, dit JusteL de N... de Gordon (1). Qui était ce N... de Gordon? On peut, en tout cas, affirmer qu'il appartenait, à la famille de Gourdon au sujet de laquelle MM. Gombarieu et Cangardel ont publié un travail très documenté (2), mais sans y nommer le premier mari d'Hélis. Nous savons, toutefois, par eux que la maison de Gourdon n'était pas étrangère à Turenne, si, vers la même date, une tante de Raymond II, Anne de Turenne, avait vraiment épousé Aymeric de Gourdon (3). Justel, de son côté, mais sans en donner l'explication, assure que Fortanier et Géraud de Gourdon étaient les frères utérins de Raymond II de Turenne (4).
Raymond II prit part à la troisième croisade; on pense qu'il fut tué au siège de Saint-Jean-d'Acre. Hélis de Castelnau lui avait donné deux fils : Raymond, qui continua la lignée, et Boson. La Chronique de Vigeois nous apprend que le premier fut « blessé à la tête et
(1) Histoire de la Maison de Turenne, livre I, p. 37.
(2) Gourdon et ses seigneurs du Xe au XIV siècle', par MM. L. Combarieu et F. Cangardel. — Gordon, ancienne orthographe.
(3) MM. Combarieu et Cangardel estiment que cette donnée, dont Justel ne parle pas, ne peut être acceptée que sous toutes réserves.
(4) Histoire de la Maison de Turenne, par Justel, livre I, p. 3G.
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que le second périt dans les flammes pendant qu'il était en otage chez les ennemis ». Hélis ne parait avoir été heureuse ni comme épouse ni comme mère. Son mariage, d'ailleurs, loin d'avoir assuré une période de bonne harmonie entre la vicomte de Turenne et la seigneurie de Castelnau, que leur voisinage suffisait à rendre rivales, occasionna entre elles des discordes armées dont cette région du Haut-Quercy et du Bas-Limousin eut longtemps à souffrir. Jusquelà, en effet, les seigneurs de Castelnau-Bretenoux étaient placés sous la suzeraineté du comte de Toulouse dont l'éloignement relatif leur laissait une sorte d'indépendance. Or, au mois d'octobre 1184(1), le comte de Toulouse céda à perpétuité à Raymond II, mari d'Hélis, « tout ce que (2) Bernard, le père de celle-ci, possédait à Castelnau ». Bernard ne pouvait se soumettre sans résistance à cette déchéance qui le rendait vassal d'un seigneur moins considérable que le premier et qui, de plus, était son gendre. Il essaya de l'éviter en faisant hommage de sa terre au roi de France (3). Ce fut en vain. Il dut finalement se reconnaître vassal du vicomte de Turenne. Mais le fils de Bernard recommença la lutte. Matfred II de Castelnau, frère d'Hélis, à la suite d'arbitrages renouvelés,, se soumit à son tour : en 1219, il fut forcé de reconnaître qu'il était sous la suzeraineté de Turenne et, en 1221, que la terre de Castelnau était « vendable »
(1) Extrait des titres de la Maison de Turenne, par Justel. Preuves du livre I", p. 36.
(2) Ibidem. — Omne dominium quod Bernardus de Castronovo, pater vicecomitissoe uxoris lux, possidel in Castronovo, etc.
(3) Ibid,
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au vicomte (1). Il est vraisemblable, toutefois, que ces liens de vassalité se relâchèrent peu à peu ou que des empiétements successifs du vassal en atténuèrent au moins les effets. La tradition populaire, qui s'est maintenue dans la région, aurait ainsi quelque raison d'affirmer que la suzeraineté de Turenne sur Castelnau était réduite à son expression la plus simple.
Quoi qu'il en soit, les deuils successifs éprouvés par Hélis de Castelnau et dont l'histoire incomplète de ces temps troublés n'a peut-être pas retenu tout le côté dramatique, les luttes fratricides qui résultèrent de son mariage et la diminution de la maison d'où elle était sortie, ne furent pas — il est permis de le supposer — sans exercer une influence décisive sur sa résolution de finir ses jours dans un cloître. Elle choisit Obasine comme lieu de retraite. Nous en avons la preuve dans un titre de ce monastère,, cité par Justel (2) et daté de 1209. Raymond III y confirme devant l'abbé Géraud le don d'un manse qu'il a fait à l'abbaye, à l'occasion de la venue à Obasine de sa mère Hélis, vicomtesse de Turenne, « qui y était attirée par la grâce religieuse et qui devait y rester ». C'est à Goyroux sans doute que se termina la vie d'Hélis de Castelnau(3).
Cette première alliance avec la maison de Turenne avait coûté trop cher aux seigneurs de Castelnau pour leur inspirer à l'égard de leur nouveau suzerain
(1) Ces deux actes, extraits des titres de la Maison de Turenne, se trouvent dans les Preuves du livre Ier de l'ouvrage précité de Justel, pp. 39-40 et pp. 42-43.
(2) Justel, Preuves, p. 37.
(3) La liste des abbesses de Coyroux, donnée par Marvaud dans son Histoire du Bas-Limousin, ne commence qu'à l'année 14}2.
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d'autres sentiments que ceux de la méfiance et de l'hostilité. Sous les yeux jaloux du vassal qui, dans les brumes de l'horizon, l'entrevoyait du haut des tours de Castelnau, le donjon de Turenne s'était encore élevé. Pour ce motif peut-être, les temps féodaux s'écouleront sans qu'aucune nouvelle union soit célébrée entre les deux maisons : il faut franchir trois siècles et demi, et attendre plusieurs changements de races pour que de nouveau elles se donnent la main. Nous arrivons ainsi au xvic siècle ou plutôt à la dernière année du xve.
Le 31 janvier 1499, en présence du comte de Ventadour, d'Antoine de la Tour, seigneur d'Oliergues, de messire Jean de Pompadour, de messire Antoine de Bonneval, gouverneur et sénéchal du Limousin, de révérends pères messires Jacques de Castelnau, protonotaire du saint-siège, abbé d'Issoudun et de la Colombe, de Guy de Castelnau, aussi protonotaire, abbé de Bonneval et de Maurs, et d'Àstorg de Cardaillac, seigneur de la Gapelle-Marival, Françoise de la Tour, fille d'Agne de la Tour, et d'Anne de Beaufort, en leur vivant vicomte et vicomtesse de Turenne, épousait Jacques de Castelnau, seigneur de Jaloignes, fils aîné de Jehan II de Caylus de Castelnau, baron de Castelnau-Bretenoux, de Calmont et de SaintSantin, et de feu Marie de Guiant, sa femme (1). Gilles de la Tour, protonotaire du saint-siège, abbé de Vigeois, remplaçait au contrat les père et mère décédés de Françoise de la Tour.
(1) Preuves du livre VI de YHistoire de la Maison d'Auvergne, par Justel, pp. 229, 230, Justel se borne à la citation des noms rapportés?
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Nous avons vu, au cours d'une étude antérieure (1), que Françoise de la Tour avait apporté à Jacques de Caylus de Castelnau, par son contrat de mariage, treize mille cinq cents livres tournois, ainsi que les châtellenies de Gagnac et de Bétaille. Nous avons consigné dans le même travail les données que nous possédions au sujet de Jacques de Castelnau et de Françoise de la Tour. Nous n'y reviendrons pas, et nous aborderons tout de suite la troisième alliance entre les maisons de Turenne et de Castelnau.
Les documents que nous avons et qui concernent l'union de Pierre de Clermont et de Marguerite de la Tour (2) sont au nombre de trois. Le premier, écrit en français et commençant par ces mots : « S'ensuivent les pactes et conventions, » etc., est cité mot à mot au cours du second, dont le reste du texte, comme le texte du troisième, est en latin. Justel, dans son Histoire de la Maison d'Auvergne (3), se borne à faire mention des dates et des apports dotaux et à nommer les personnages qui, à la fin de notre premier document seulement, ont approuvé par leur signature les conventions matrimoniales dont il s'agit. Etienne Baluze ne s'y arrête pas non plus. On nous a fait observer que la publication intégrale de ces trois documents se justifiait, d'elle-même par l'intérêt des indications détaillées qui s'en dégagent ou des
ci-dessus. Il ne donne pas les aiticles mêmes du contrat de mariage. 11 dit seulement, à la page 195, que B'rançoise de la Tour avait eu en dot les châtellenies de Gagnac et de Bétaille.
(1) Documents sur la baronnie de Castelnau de Bretenoux. Testament de Jacques de Castelnau, p. S.
(2) Voir aux Pièces justificatives.
(3) Justel, livre VI de l'Histoire de la Maison d'Auvergne, p. 197, et Preuves du même livre, p. 235.
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événements qui s'y rattachent et par l'importance du rôle joué soit dans notre histoire générale, soit dans l'histoire régionale, par les deux grandes maisons qui y sont en cause : Turenne et Castelnau.
Le premier de ces actes, daté du 20 février 1514 — celui qui est rédigé en français — fut passé entre quatre personnages : le cardinal de Clermont et son frère Pierre de Clermont, d'une part; Gilles de la Tour, abbé de l'Isle et de Vigeois, et son frère Antoine vicomte de Turenne, de l'autre. A ces quatre contractants, deux autres personnages se sont joints pour apposer avec eux leur signature à la fin de l'acte : Gui de Castelnau, évêque de Périgueux, et un autre Castelnau. Ces six signatures autographes sont suivies d'une septième : celle de Desbarres qui a sans doute rédigé ces accords et qui nous fait du moins savoir qu'ils ont été conclus en sa présence. Les deux autres documents, datés du 21 mai de la même année, écrits en latin, sauf l'intercalation mentionnée plus haut, portent seulement la signature des notaires, mais non celle de Desbarres.
Avant d'analyser ces trois pièces, il nous semble opportun, pour en faciliter le sens et pour en atténuer jusqu'à un certain point l'aridité, d'identifier, quant à leur origine et en rappelant quelques-uns des faits de leur vie, les six personnages, déjà bien connus cependant, que nous venons de nommer. Nous suivrons l'ordre dans lequel ils ont signé le premier de ces documents, c'est-à-dire en maintenant la préséance donnée aux hommes « d'église ».
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François-Guillaume de Clermont-Lodève, appelé quelquefois François de Castelnau (1 ), ailleurs François de Guilhem (2), descendait en ligne masculine de la maison dé Caylus de Castelnau-Bretenoux et, en ligne féminine, de la maison de Guilhem de Clermont. Son père Tristan était le troisième fils de Pons II de Caylus, seigneur de Castelnau-Bretenoux. Pons II avait épousé sa cousinegertfaine (3) Antoinette de Clermont-Lodève, soeur et héritière de Raymond de Guilhem de Clermont-Lodève, dernier descendant mâle de celte vieille race. La mère de FrançoisGuillaume était Catherine d'Amboise, soeur du cardinal Georges d'Amboise, qui fut ministre du roi Louis XII, et fille de Pierre d'Amboise, seigneur de Chaumont, chambellan de Charles VII et de Louis XI et ambassadeur à Rome.
Retenons bien cette parenté maternelle : elle dut faciliter la marche rapide et brillante de François-Guillaume vers les sommets de la hiérarchie ecclésiastique. A l'âge de vingtdeux ans, nous le voyons archidiacre de Narbonne. A la fin de l'année 1501, une première dispense du pape Alexandre VI lui permet d'être nommé évêque de Saint-Pons, et une seconde, le 22 juin de l'année suivante, archevêque de Narbonne, après la mort de Pierre d'Abzac, principal commissaire du roi aux États tenus à Montpellier en 1500. Le
(1) Baluze, Histoire généalogique de la Maison d'Auvergne, t. I, p. 405. — Paul Lacroix (Bibliophile Jacob), Louis XII et Anne de Bretagne, pp. 334, 362, 476.
(2) Notamment dans sa nomination, en 1521, d'abbé commendataire de Villemagne - l'Argentière, citée par la Gallia Chrisliana, t. I, p. 1002, édition 1870,
(3) Pons Ier de Caylus de Castelnau, le premier Caylus qui fût seigneur de Castelnau, avait épousé Bourguine de Clermont-Lodève, fille de Déodat et d'Hélène de Gourdon. Le frère de Bourguine, Barthélémy, dit Tristan, eut, de sa femme Catherine de Baux-Ursin-Conversan, Raymand de Guilhem décédé sans enfants en 1432, et Antoinette de Guijhem, femme de Pons II de Caylus de Castelnau. — Cf. de Barrau, t. 1, et YHisloire générale du Languedoc (passim).
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chapitre de Narbonne avait élu François-Guillaume à cet archevêché avant qu'il eût été promu à la prêtrise (1).
Sur ces entrefaites, le cardinal Julien Lante de la Rovère, qui avait toujours manifesté une grande amitié pour Georges d'Amboise, montait, en 1503, sur le trône pontifical avec le nom de Jules II. La même année, au mois de novembre, François-Guillaume de Clermont était investi de la pourpre cardinalice, au titre de Saint-Étienne-au-Mont-Coelius (2). Quatre ans après, il cédait l'archevêché de Narbonne à Guillaume Briçonnet(3), et il était transféré à l'archevêché d'Auch.
La même année, c'est-à-dire en 1507 (4), voulant faire servir à sa politique la faveur dont le cardinal de Clermont paraissait jouir à la cour pontificale, et sans doute aussi sous l'instigation de Georges d'Amboise, Louis XII nomma François-Guillaume son ambassadeur à Rome. C'était moins une mission d'apparat que de confiance. L'alliance française avec le Vatican ne reposait pas sur des bases assez solides pour être à l'abri des épreuves. Elle était, en tout cas, fortement battue en brèche par tous les ennemis de la France. Se faisant leur écho, voici en quels termes dénués d'aménité un Suisse de langue allemande, Jacob Burckhardt, juge la politique de Venise, de Jules II et de Louis XII à celte époque : « La haine de toute l'Italie contre les Vénitiens
(1) Histoire générale du Languedoc, par dom Devic et dom Vayssète, p. 169, t. XI.
(2) Gallia Christiana, t. 1, édition 1870, p. 1001. — Aubéry, dans son Histoire générale des Cardinaux, 1645, t. III, p. 83, dit que ce fut au titre de Saint-Adrien. La Gallia Christiana s'est peut-être trompée ; car, d'après un vieux sceau mentionné dans l'Histoire populaire de Clermont-i Hérault, par M. Fleury-Geniez (Montpellier, 1885), François-Guillaume aurait été cardinal au titre de Saint-Adrien,
(3) Guillaume Briçonnet, cardinal, évéque de Saint-Malo et de Nîmes, abbé de Saint-Germain-des-Prés, de Saint-Nicolas d'Angers et de Grandmont, quitta, en 1507, l'archevêché de Reims pour celui de Narbonne {Histoire générale du Languedoc).
(4) Grand Dictionnaire de Moréri, t. III, p. 904.
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« conquérants s'était incarnée dans la personne du Pape. « Aussi ferma-t-il les yeux sur l'entrée des étrangers dans « la péninsule. Pour ce qui concernait la politique suivie « par le cardinal d'Amboise et son maître à l'égard de « l'Italie, Venise aurait dû depuis longtemps reconnaître et « redouter leur sottise et leur méchanceté (1). » Sans nous arrêter à ces considérations dont la malveillance rétrospective s'explique d'elle-même, suivons François-Guillaume de Clermont dans la voie nouvelle qui lui était tracée. Sa situation personnelle allait être délicate : à la fois ambassadeur du roi de France et cardinal de l'Église romaine, il ne pouvait, s'adaptant aux exigences de l'heure, se dépouiller à loisir de l'une de ces qualités pour donner à l'autre toute sa force.
Il fut chargé, tout d'abord, d'un message important. « Le pape Jules II, » dit Aubéry, dans son Histoire générale des Cardinaux, « ayant résolu de réduire la ville de Bologne, « que tenait pour -lors le sieur Jean Bentivoglio, sous « l'obéissance du saint-siège, envoya prier Louis XII de lui « permettre d'employer à cette entreprise les troupes que « Sa Majesté avait dans le Milanais, et de vouloir à sa « commodité passer les monts, afin de conférer ensembleci ment de quelques affaires d'importance, qui regardaient « le repos et la sécurité de leurs États. Sur quoi, le caret dinal de Clermont ayant reçu commandement de passer « promptement en'Italie et d'aller porter lui-même la « réponse de Sa Majesté, il se mit aussitôt en chemin et « n'apporta pas moins de diligence que de fidélité en l'exéK cution de ses ordres ». A en croire Guichardin (2), cette réponse, favorable en principe aux vues du Pape, était en réalité dilatoire. D'après lui, Louis XII « exhortait Jules II
(1) La Civilisation en Italie au temps de la Renaissance, par Jacob Burckhardt, remanié (mars 1877) à Berlin, par M. L. Geiger; traduction de M. Schmitt, t. I, p. 88.
(2) Histoire d'Italie de l'année ld92 à l'année 1532, par Francesco Guicciardini, avec notice biographique par J.-A.-C. Buchon,
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« à différer son expédition et lui représentait que, la pru« dence exigeant qu'on ne laissât pas le duché de Milan « sans défense dans la conjoncture présente où l'Empereur « 'remuait, il n'avait pu lui envoyer de troupes ». Mais Jean d'Auton (1), historiographe de Louis XII, présente les choses sous un aspect différent et les classe, dans sa Chronique, comme s'étant passées, non en 1507, mais l'année précédente.
On ne voyageait pas facilement, au xvie siècle. En Italie, comme ailleurs, à la même époque, les communications étaient difficiles et peu sûres. Deux siècles environ plus tard, le président de Brosses (2) nous fera encore entendre ses doléances à ce sujet. Il n'y a donc pas lieu de s'étonner si les voyageurs s'accordaient un peu de repos après de pénibles étapes. François-Guillaume de Clermont lui-même ne négligeait pas de se donner en route quelques distractions de grand seigneur. Nous en relevons la preuve dans la Chronique de Jean d'Auton. L'historiographe de Louis XII nous confie, en effet, que le cardinal s'arrêta à Pavie « où estoit lors messire Charles d'Amboise, lieutenant du roy » et parent des Clermont-Lodève. « Et la furent deux jours à courir les cerfs dedans le parc de Pavie (3), où prindrent ung grant cerf. » Le parc de Pavie ! mots qui rendent un son lugubre dans notre histoire nationale. François-Guillaume de Clermont et Charles d'Amboise ne pouvaient prévoir qu'en ce
(1) Jean d'Auton, chroniqueur et poète français, né vers 14G6fl527. Il appartint à l'ordre de Saint-Benoit. Historiographe de Louis XII dans ses expéditions en Italie. Abbé d'Angle en Poitou et prieur de Clermont-Lodève. Son oeuvre principale est la Chronique de Louis XII, depuis 1499 jusqu'en 1508. Nouvelle Biographie universelle, FirminDidot, t. III, col. 789.)
(2) Lettres d'Italie, par Charles de Brosses, premier président au parlement de Bourgogne, écrites en 1739. Voir notamment lettreXXHI, du 3 octobre 1739.
(3) Le parc de chasse de Pavie avait été créé par les Viseonti, ducs de Milan. Voir dans Valenline de Milan, par M. Emile Celles, la description de ce parc pp. 34, 35.
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même lieu, moins de vingt ans plus tard, François Ie', le successeur de Louis XII, y subirait une terrible défaite. C'était là aussi, et dans le même désastre, que le fils unique de Charles d'Amboise (1) devait mourir.
De Pavie, l'envoyé du roi de France et son escorte prirent la direction de Bologne. Bentivoglio, poursuit Jean d'Auton, ne savait pas encore « que le Pape eust demandé secours a au roy (contre lui) et que le roy le luy eust promis ». S'il en avait été informé, son accueil eût été probablement moins cordial : ne se doutant de rien, il le reçut à bras ouverts. Ayant appris que le cardinal approchait de Bologne, Bentivoglio « envoya devant luy ses enfans, bien accompaignez « de gens d'armes, montez et armez, et leurs chevaulx bien « bardez, lesquels marchèrent au devant dudit cardinal troys « milles hors Boulongne, où mirent pié à terre pour luy « faire la révérence. Ce faict, remontèrent et marchèrent « tous ensemble vers la ville, où, à ung mille près, se trouva « messire Jehan Bentivolle, accompaigné de gens d'armes à « toute puissance, lequel voulait descendre pour faire la « révérence audit cardinal, ce que (le cardinal) ne voulut, « mais s'entrembrassèrent tout à cheval » (2). Bentivoglio le fit entrer à Bologne « où il le desfraya dedans son palais avecques tout son train pour le disner ». Mais François-Guillaume estima sans doute que ces effusions de coeur
(1) Charles d'Amboise, seigneur de Chaumont, neveu du cardinal d'Amboise, était l'un des « cent gentilhommes de l'hostel du roy Charles VIII, en 1492-1493 ». Sous Louis XII, il fut ci grand-maistre de France et lieutenant-général au duché de Milan ». Il avait épousé la seconde fille de l'amiral de Graville, dont la fille aînée était mariée avec Jacques de Vendôme, vidame de Chartres, prince de Chabanais. (Observations ou Preuves qui suivent l'Histoire de Charles VIII, par Guillaume de Jaligny, etc., p. 162). Marie de Balsac, femme de l'amiral de Graville, appartenait à une famille alliée à la maison de Castelnau-Bretenoux (voir ibid.).
(2) Chroniques de Louis XII, par Jean d'Auton, édition publiée par la Société de l'Histoire de France, par M. de Maulde de la Clavière, t. IV, pp. 66, 67
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cadraient mal avec la mission dont il était chargé, et il pensa aussi peut-être qu'il serait imprudent de prolonger une scène où l'astuce italienne, ordinairement si soupçonneuse, avait cette fois manqué de perspicacité. Il se remit donc en route pour Rome le jour même. En arrivant à Florence, il apprit que Jules II, entraîné par son humeur batailleuse, avait quitté le Vatican « pour s'en venir à Boulougne à toute « grosse armée et qu'il tenait le chemin de la Marque « d'Ancone » (1). Pour le rejoindre, le cardinal de Clermont continua son voyage vers Pérouse, terre de l'Église, « et « passa oultre deux milles loing, où trouva le pape avec « grand nombre de cardinaux et gens d'armes » (2).
Nous avons vu plus haut que, d'après Guichardin, la réponse de Louis XII à la demande de secours que le Pape lui avait adressée avait pour but de gagner du temps. S'il en eût été ainsi, Jules II aurait manifesté son mécontentement. Jean d'Auton nous dit, au contraire, qu'en apprenant le message dont François-Guillaume de Clermont était chargé pour lui, « le Pape fut moult joyeux et flst très « bonne chère au dit cardinal et le festya très honnorable« ment... » (3). Ceci se passait au mois de septembre 1506; et Jean .d'Auton ajoute (4) que Charles d'Amboise (c'était le mois suivant) avait déjà reçu l'ordre de marcher avec ses troupes sur Bologne. Benlivoglio surpris, prévoyant qu'il ne pouvait résister, et redoutant surtout de tomber entre les mains de Jules II (5), proposa à Charles d'Amboise de se rendre à lui-même et de lui livrer Bologne. Le lieutenantgénéral de Louis XII, après s'être assuré du consentement du Pape, accepta cette transaction. Bentivoglio fut donc conduit, à Milan sous la sauvegarde du roi de France. Mais les Bolonais s'étant révoltés, le siège de la ville commença. Le Pape, qui était resté en arrièie avec ses troupes, ne
(1) La Marche d'Ancone, Jean d'Auton, p.
(2) Ibid.
(3) Chronique, t. IV, p. GS.
(4) Ibid., p. 69.
(5) Ibid., p. 72.
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comprenait pas ces opérations de guerre contre une ville dont les clés avaient été livrées, et il craignait une prise d'assaut qui exposait Bologne au pillage. Jules II envoya alors François-Guillaume de Clermont vers Charles d'Amboise pour le prier d'arrêter les hostilités. Trois jours après, le Pape faisait son entrée dans Bologne avec le lieutenantgénéral de Louis XII et les deux armées (1).
Le cardinal de Clermont fixa bientôt sa résidence à Rome, en qualité de « protecteur des affaires de France », dit Aubery (2), en qualité d' « orateur pour ledit seigneur » (Louis XII), dit Jean d'Auton (3). Il s'y montra, d'après l'auteur de l'Histoire générale des Cardinaux, « extrême« ment soigneux de publier avec adresse jusqu'aux moindres « avantages que Louis XII remportait sur les étrangers ou « sur ses sujets rebelles et de ménager ainsi toutes les occa« sions qui pouvaient conserver à Sa Majesté le haut point « de réputation que sa valeur lui avait acquis en Italie ». N'est-ce pas, sous une forme un peu naïve, un bel éloge rendu au zèle et au patriotisme du « protecteur des affaires de France » ? Et pourtant un peu plus de réserve aurait peut-être mieux servi les intérêts qui lui étaient confiés. Un revirement dans la politique pontificale se préparait déjà. Jules II, qui allait sans tarder prononcer son célèbre :- « Hors d'Italie, les barbares ! » (4) — si le mot n'est pas apocryphe — et qui, dans le recul de l'histoire, semble par cette exclamation avoir inauguré, après Jean Galeas Visconti, la politique de l'unité de la péninsule, comme on en a fait souvent la remarque, n'était probablement pas satisfait de cette attitude si française de 1' « orateur » de
(1) Nous regrettons de ne pouvoir faire de plus larges citations des Chroniques de Jean d'Auton. 11 avait une situation officielle à la cour de Louis XII, et ses récits empruntent à cette qualité une autorité incontestable.
(2) Ouvrage déjà cité.
(3) Chronique, t. IV, p. 227.
(4) n Fuori d'Ilalia, i barbari ! » Les barbares étaient tous les étran» gers.
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Louis XII. Dans cet état esprit, les succès mêmes de ses alliés excitaient sa susceptibilité ombrageuse. Ainsi, un jour (avril 1507) le cardinal de Clermont, ayant reçu l'avis de la reddition de Gênes assiégé par les Français, conduisit devant le Pape le courrier qui en avait apporté la nouvelle et lui montra la dépêche du roi aux termes de laquelle cette ville venait de se soumettre à la France. Jules II pâlit et s'écria : « Io non lo credo, » je ne le crois pas (1). Le cardinal s'inclina probablement devant cette boutade, que la dignité de François-Guillaume se résigna difficilement peutêtre à accepter sans réplique.
La Ligue de Cambrai parut devoir resserrer les liens d'amitié qui unissaient, encore la cour pontificale et la cour de France ; mais cette alliance atteignit bientôt le but que Jules II poursuivait : l'abaissement de Venise, non la ruine de cette république. En 1510, le cardinal d'Amboise mourait (2). Le Pape allait passer dans le camp de nos ennemis : en 1511, avec l'Angleterre, l'Empire, l'Espagne et les Suisses, il formait contre nous la coalition qui s'est attribué le nom de Sainte-Ligue.
Entre ces deux dates, le cardinal de Clermont. fut rappelé par Louis XII, « à qui on avait rapporté que le zèle qu'il « avait pour Sa Majesté le faisait agir souvent avec un peu « trop d'aigreur et de violence » (3). Mais le Pape, craignant peut-être qu'il conseillât au roi, dès qu'il serait auprès de lui, quelque résolution plus énergique que celles déjà adoptées ou qu'il dévoilât, ses intrigues, refusa de le laisser partir. Cet acte d'arbitraire ne suffit pas à calmer l'irritation du pontife. Quelques jours après, François-Guillaume était
(1) Aubéry, Histoire générale des Cardinaux, .'tean d'Auton, Chroniques.
(2) Le cardinal d'Amboise avait joué un si grand rôle, même dans l'ensemble des affaires ecclésiastiques, qu'en apprenant sa mort, Jules II, dit Guizot, écrivain protestant, il est vrai, se serait écrié : « Enfin, je suis le seul pape » [Histoire de France racontée à mes petits enfants, par Guizot).
(3) Aubéry.
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allé à la chasse aux environs de Rome. Jules II, croyant ou feignant de croire « que c'était un stratagème pour partir « secrètement pour la France, le fist appréhender et enfer« mer au château Saint-Ange » (l).'Le fait est confirmé par Guichardin qui précisé en disant qu'il eut lieu le jour de la Saint-Pierre (29 juin). L'historien italien ajoute que la permission de rentrer en France était en même temps refusée aux autres cardinaux français. Combien de jours FrançoisGuillaume fut-il soumis à ce régime de rigueur, généralement réservé aux crimes d'État? Nous l'ignorons. En tout cas, le sacré collège intervint en sa faveur. « On lui donna « alors le Vatican pour prison, à condition qu'il n'en sor« tirait pas jusqu'à, ce que tous les prélats et officiers ecclé<t siastiques qui avaient été faits prisonniers à la prise de « Bologne (2) auraient été relâchés par Sa Majesté [ LouisXII], « et qu'il pourrait alors se promener librement, dans Rome, « avec ordre néantmoins de n'en partir point sans congé, « sous peine de quarante mille ducats d'amende (3). » L'autorisation de rentrer en France lui fut bientôt accordée, sous la condition expresse qu'il n'adhérerait pas au conciliabule de" Pise, ce simulacre de concile qui, de Pise, fut plus tard transféré à Milan et au moyen duquel Louis XII essaya de fomenter une révolte, pour ne pas dire un schisme contre Jules II devenu son ennemi. Non seulement le cardinal de Clermont prit « avec beaucoup de sincérité et de candeur », nous dit Aubéry, l'engagement qui lui était demandé; mais il signa même l'acte qui convoquait à Rome, pour l'année 1512, un concile régulier (4) destiné à condamner solennellement la tentative de Pise. dont le premier effet avait été de faire mettre le royaume de France en interdit.
(1) Ibidem et Guichardin.
(2) En mai 1511, Bologne — que nous avons vue précédemment rentrer sous l'obéissance de la papauté, grâce à l'intervention de la France — avait été prise par les troupes de Louis XII sur l'armée du Pape et des Vénitiens et remise, à la même date, à la famille Bentivoglio. Mémoires de Fleuranges, chap. XXVI,
(3) Aubéry.
(4) Gallia Christiana,
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Les mauvais jours qui avaient assombri la fin de sa mission à Rome « ne l'empêchèrent pas, nous assure Aubéry, « d'y retourner depuis pour assister à l'élection de quelques « papes ». Car de nombreuses années de vie lui étaient encore réservées, et il devait voir, entre 1513 et 1534, quatre papes se succéder après Jules II. La faveur n'avait pas tardé, d'ailleurs, à lui revenir, puisqu'en 1514 même, l'année qui suivit la mort de Lante de la Rovère et la seconde depuis l'avènement de Léon X, nous le retrouvons légat à Avignon, où sa soeur Marie de Clermont était abbesse du monastère de Sainte-Claire (1). C'est là et en cette qualité qu'au mois de novembre 1517, il reçut magnifiquement, le cardinal d'Aragon, au cours d'un voyage dont le chanoine Antonio de Beatis, secrétaire de ce petit-fils de rois de Naples, nous a conservé les intéressants souvenirs dans une relation récemment traduite en français (2).
Nous nous bornerons à signaler en passant les conflits de juridiction qu'il eut à soutenir, de 1519 à 1523, avec Alain d'Albret, comte d'Armagnac (3). Dans un autre ordre d'idées, on sait, en outre, qu'il donna une grande impulsion aux travaux qui allaient parachever l'admirable cathédrale d'Auch : les verrières de ce monument et le choeur auraient notamment été exécutés par ses ordres et en partie à ses frais(4). Avignon lui doit aussi quelques-unes des constructions élevées autour du palais pontifical (5). Le goût du beau était sans doute dans les traditions de la Maison d'Amboise, à laquelle le cardinal de Clermont se rattachait, nous l'avons vu, du côté maternel ; car c'est Louis d'Amboise qui fit édifier le choeur de la cathédrale d'Alby dont il fut archevêque (6).
(1) Histoire populaire de Clermont-l'Hèraull, par M. A. P. FleuryGeniez. Montpellier, 1885.
(2) Voyage du cardinal d'Aragon en Allemagne, Belgique, France, etc, par dom Antonio de Beatis (1517-1518), traduit de l'italien d'après un manuscrit du xvi* siècle, par Mme Madeleine Havard. de la Montagne, pp. 223 et 231.
(3) (4) (5) Aubéry, Gallia Christiana, et dom Beaunier, (6) Dom Beaunier, t, I, p. 23.
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Doyen du sacré collège, François-Guillaume de Clermont mourut à Avignon en 1540, et il y fut inhumé dans l'église des Célestins. Nous avons énuméré une partie seulement des dignités ecclésiastiques dont il fut revêtu. Une seule lui fit défaut : celle à laquelle son protecteur le cardinal Georges d'Amboise avait aspiré et qui, à une autre époque, aurait pu lni échoir à lui-même sans qu'il l'eût briguée. Mais les temps des papes français étaient révolus (1).
Le second signataire des conventions matrimoniales dont nous.nous occupons est Gilles de la Tour, oncle de Marguerite, qualifié dans cet acte (2) de protonolaire du saint siège, abbé de l'Isle et de Vigeois. Il était le second fils d'Agne de la Tour, 4e du nom, et d'Anne de Beaufort, qui firent ensemble leur testament, le 4 mars 1479 (3), au château de Montvalent, en Quercy. Dans ce testament, Gilles de la Tour est désigné comme protonotaire du "saint siège, curé de Saint Christophe de Montvalent, prieur de Saint-Géry et élu prieur de Brive. Baluze (4) nous apprend qu'il était déjà à la même date chanoine de Rodez. Il lui était légué deux cents livres tournois de revenu par an « pour soy entretenir « aux estudes jusqu'à ce qu'il eust mille livres en béné« fices ».
Nous n'avons pas à parler de l'abbaye bien connue de Vigeois (5). La région où se trouvait celle de l'Isle est peutIl)
peutIl) fortune laissée par le cardinal de Clermont était considérable, malgré les-travaux que son zèle pieux lui fit entreprendre de ses deniers. On en voit notamment une preuve dans une transaction passée au château de Canet, diocèse de Lodève, le 7 février 1574, entre Guy de Castelnau de Clermont, son petit-neveu, et Geoffroy de Caumont. Il est dit dans ce document que le cardinal avait laissé pour plus de cent mille écus de bagues, joyaux et argent monnayé (Arch. dép. de l'Aveyron, E, 664).
(2) Voir aux Pièces justificatives.
(3) Justel, Preuves du livre VI de l'Histoire de la Maison d'Auvergne, et Baluze, Hisl. de la Maison d'Auvergne.
(4) Baluze, Hist. de la Maison d'Auvergne, t. I, p. 405.
(5) Vigeois — Vosiencis ou Vosium. Abbaye de Bénédictins; cheflieu de canton du département de la Corrèze, arrond. de Brive,
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être moins nettement déterminée. Le Recueil des Abbayes de France, de dom Beaunier (1), fait mention de plusieurs monastères de ce nom, notamment de celui de iTsle-Chauvet, sur la côte de Bretagne, dont un membre de la famille de Turenne-d'Aynac fut abbé commendataire vers 1726(2). Quant à l'abbaye de l'Isle dont Gilles de la Tour eut la commende, c'était celle de l'Tsle-en-Médoc, dans le diocèse de Bordeaux. Il en était abbé dès 1502 : le 6 février de cette année, il figure, en effet, en cette qualité dans une reconnaissance concernant ce monastère (3). Il existe en outre, aux archives de la Gironde, trois terriers portant des reconnaissances en faveur de Gilles de la Tour, « abbé commendataire et administrateur perpétuel » de l'abbaye (4).
Saint-Pierre de-1'Isle était un très ancien monastère de l'ordre des Augustins (5). Son nom doit, paraît-il, être attribué à la position qu'il occupait dans le pays de Médoc qu'entourent de deux côtés, l'Océan et la Garonne. Il était situé dans la paroisse d'Ordonnac (6).
(1) Recueil historique, chronologique et lopographique des archevêchés, évêchés, etc.
(2) Dom Beaunier. Primitivement abbaye de Bénédictins, fut ensuite occupée par les Camaldules.
(3) Variétés Bordelaises, par l'abbé Baurein, 1784, t. II, p. 105.
(4) Archives de la Gironde, série 3 E, n" 12462-12463. Desmons, notaire en Médoc, 1510-1513; registre en latin et gascon. Autre registre, même notaire, 1512-1515- Autre registre de Gombault, notaire, 1536.
(5) Il existait déjà avant 1079, comme le prouve une lettre écrite cette année-là par le pape Grégoire VII à Fulcard, prévôt de l'Isleen-Médoc [Encyclopédie théologique. Dictionnaire des abbayes et monastères, par l'abbé Migue, col. 390. — Gallia Christiana, t. II, col. 885).
M. de Saint-Sauveur, évêque de Bazas, fut le dernier titulaire de l'abbaye. — L'église avait été en partie détruite pendant les guerres de religion. L'abbaye fut mise en vente comme bien national et adjugée, le 12 septembre 1791, pour la somme de 101,000 francs (Société archéologique de Bordeaux, t. XV, article de M. le docteur Ernest Berchon).
(6) En 1573, N... de Noailles était abbé de l'Isle; Gilles de Noailles, en 1591),
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Par suite de compétitions et de démêlés bien connus, • mais que nous rappellerons cependant brièvement, Gilles de la Tour, malgré sa grande naissance, n'atteignit pas les hautes destinées ecclésiastiques auxquelles il semblait devoir prétendre. Les deux évêchés de Sarlat et de Tulle lui échappèrent successivement, le premier dans des conditions qui caractérisent bien cette époque.
A la mort de Pons de Salignac, en 1492, trois compétiteurs étaient en présence pour lui succéder sur le siège épiscopal de Sarlat : Bernard de Sédières (1), Gilles de la Tour et Guillaume de la Douze (2). Bernard de Sédières réunit la majorité des suffrages, et il ne manquait plus à sa nomination que les ratifications d'usage, quand on apprit que le roi, ne tenant aucun compte de l'élection, venait de désigner pour le même évêché Arnaud de Gontaut-Biron. De là, protestations et recours en justice non seulement de Bernard de Sédières, mais aussi des deux concurrents que son élection avait évincés ; actes de violence jusque dans le palais épiscopal, d'où Gilles de la Tour fit chasser les gardes "qu'Arnaud de Gontaut-Biron y avait placés. Bernard de Sédières étant mort sur ces entrefaites, le clergé de Sarlat procède à une nouvelle élection. Les deux candidats étaient cette fois Raymond de Commers, curé de Sarrazac, chancelier du vicomte de Turenne, et Armand de Gontaut-Biron. Raymond de Commers fut élu. Il avait pris avec Gilles de la Tour l'engagement de se démettre, le cas échéant, en sa faveur. Mais le roi intervint de nouveau, fit casser l'élection et, après avoir amené Raymond de Commers à renoncer à ses droits, imposa Armand de Gontaut-Biron aux Sarladais.
Pour le siège épiscopal de Tulle, les choses se passèrent d'une manière plus calme ; mais le résultat fut le même
(1) Bernard de Sédières était prieur de l'église Saint-Caprais, d'Agen.
(2) Guillaume de la Douze, chanoine de Périgueux, protonotaire du saint-siège et conseiller du roi au Parlement de Bordeaux {Histoire de Sarlat, par M. J,-J. Escande, 1912, à qui nous empruntons ces détails),
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pour Gilles de la Tour. Clément de Brillac était mort le 21 septembre 1514 (1), peu de jours après la date à laquelle Léon X rendit la bulle de sécularisation de l'abbaye de Saint-Martin de Tulle (2). Le chapitre se divisa et donna une partie de ses voix à François de Lévi, fils de Louis, et de Blanche, comtesse de Ventadour, dernière- héritière directe de sa Maison. Il fallut près de trois ans pour mettre un terme à la vacance de l'évêché. Les deux puissantes maisons de Turenne et de Ventadour, bien qu'alliées, firent jouer toutes les influences dont chacune disposait. Enfin, le 29 mai 1517(3), Guillaume de Boisratier, archevêque de Bourges, confirma l'élection de François de Lévi.
Au-dessous de la signature de Gilles de la Tour, nous voyons celle de Gui de Périgueux, comme celle d'Antoine vicomte de Turenne est placée, en regard, après celle du cardinal de Clermont. Gui de Périgueux est la troisième des personnes « d'église » intervenues au contrat. Nous le connaissons déjà : il s'agit de Gui de Caylus de Castelnau, frère de Jacques dont nous avons étudié la pierre tombale dans la chapelle de Félines. C'était le troisième fils de Jean II de Caylus de Castelnau et d'Anne de Culant, fille de Philippe de Culant, maréchal de France, et d'Anne de Beaujeu. Dans un acte de 1502, Gui est qualifié de protonotaire apostolique, abbé de Bonneval (4) et de Maurs (5), prieur de la Rebieyre (6). Il fut aussi chanoine de Cahors, prieur de Friac (7) et abbé de Silvanès (8).
(1) Histoire du Diocèse de Tulle, par M. l'abbé Poulbrière, p. 230.
(2) Ibidem, p. 220.
(3) Histoire de Tulle, d'Etienne Baluze, résumée du latin, par M. Georges Mathieu, archiviste de la Corrèze, pp. 61, 62, et Histoire du Diocèse de Tulle, par M. l'abbé Poulbrière, p. 230.
(4) En Rouergue. Abbaye cistercienne fondée au xir* siècle par la famille de Calmont d'Olt.
(5) Chef-lieu de canton de l'arrondissement d'Aurillac (Cantal).
(6) Acte par lequel Jean II de Castelnau, au nom de Gui, son fils, afferme à Jean Freysse, prêtre, et à Pierre Lapoyade, de Brelenoux, le bénéfice du prieuré de la Rebieyre, en Quercy, pour la somme de deux cents livres tournois (De nos archives).
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En 1509, à la mort d'Antoine de Luzech, le chapitre de Cahors donna à Gui de Castelnau, pour le siège épiscopal de cette ville, la majorité des voix. Mais cette élection, bien que très régulière, fut annulée par suite d'une intervention analogue à celle qui devait se produire, nous venons de le voir, pour l'élection de Gilles de la Tour à l'évêché de Sarlat. Le roi nomma évêque de Cahors Jean de Ganay, frère du chancelier de France ; mais le procès qui en résulta .fut arrêté par le désistement de Guy : en compensation, le compétiteur de Jean de Ganay fui appelé à l'évêché de Périgueux, où il fit son entrée en 1511(1). Nous devons, toutefois, noter ici que, dans son Histoire générale du Quercy, M. G. Lacoste, d'accord avec les Documents historiques et généaloqiques de M. H. de Barrau, dit que Gui de Castelnau prit possession de son évêché en 1513 seulement. Le même auteur ajoute que Galiot de Genouillac, maître de l'artillerie de France, arrivant en 1517 à Cahors en qualité de sénéchal du Quercy, logea dans l'hôtel que Gui possédait, en cette ville où cet évêque de Périgueux, par une anomalie singulière, semblerait avoir habituellement résidé (2).
Gui de Caylus de Castelnau mourut en 1523. Cette date ne paraît pas pouvoir être contestée ; car on sait, d'une part, qu'il fut titulaire jusqu'à sa mort du même siège épiscopal et, d'autre part, que son successeur fit son entrée à Périgueux, au mois d'octobre de la même année.
(7) Le 14 janvier 1487, noble homme Pierre de Brach (de Brachio), habitant de Beaulieu, en Bas-Limousin, comme procureur de Gui de Castelnau, donne en perpétuelle pagésie à Barthélémy Manière (ou Manière), habitant de la paroisse de Condat, diocèse de Cahors, deux journaux de pré, au terroir de Lascenalies, vers Martel. Dans cet acte, Gui est qualifié de prieur de Friac.
(8) Abbaye cistercienne fondée également au xn* siècle, au diocèse de Vabres. M. l'abbé Verlaguet, curé de Notre-Dame de Vanc (Aveyron), a publié, en 1910, sous les auspices des Archives historiques du Rouergue, le cartulaire de cette abbaye. Cette remarquable publication est précédée d'une introduction du plus haut intérêt.
(1) Archives de la ville de Périgueux, série B B, n" 14.
(2) Histoire générale de la province de Quercy, t. IV, p. 41,
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C'était Jacques-Maurice de Caylus de Castelnau (1), cousin de Gui (2).
Une grande incertitude plane sur le lieu de sa mort. Comme il résidait plus souvent à Cahors qu'à Périgueux, M. G. Lacoste estime « vraisemblable » qu'il décéda dans la première de ces villes, et il ajoute qu'il fut enseveli dans l'église de l'hôpital Beaulieu dont Anne de Castelnau, sa soeur, était abbesse. Mais Déribier du Châtelet semble croire que Gui serait décédé à Maurs dont il était, nous l'avons vu, abbé commendataire. L'auteur du Dictionnaire statistique du Cantal (3) le fait vivre jusqu'en 1524, et il dit ensuite : « Gui de Castelnau, abbé de Maurs, étant mort de « la peste qui causait de grands ravages, le chapitre du « couvent s'assembla, et il fut décidé que la communauté « se transporterait à Saint-Hilaire et à la Bastide-du-Haut« Mont qui dépendaient, de l'abbaye (4). Malgré nos recherches, nous ne connaissons pas les données sur lesquelles Déribier du Châtelet a basé cette assertion.
De son côté, l'abbé Bousquet, dans un travail sur les abbayes cirterciennes du Rouergue (5), dit que Gui de Castelnau mourut, le 10 août 1523, à Cahors, ou bien, suivant
(1) (2) Jacques-Maurice de Caylus de Castelnau, chanoine de Cahors, puis de Périgueux, dont il fut ensuite évêque, était, suivant quelques généalogies, le propre frère de Gui. Nous pensons qu'il était plutôt son cousin : c'est sous le titre de consobrinus qu'il est désigné comme exécuteur testamentaire au testament de Jean III, frère de Gui, passé à Sousceyrac le 29 juin 1522 et dont nous avons parlé ailleurs.
Parmi les témoins du mariage de Françoise de la Tour, cités par Justel {Preuves du livre VI, Hist. de la Maison d'Auvergne, pp. 229, 230) figure un Jacques de Castelnau, archidiacre de Cahors et abbé dTssoudun et de la Colombe. Fils d'Antoine de Castelnau et de Catherine de Chauvigny, c'était l'oncle et non le cousin de Jean III et de Gui.
(3) Dictionnaire statistique, ou Histoire, Description et Statistique du Cantal, par M. Déribier du Châtelet, t. IV, p. 312.
(4) Saint-Hilaire (Cantal). La Bastide-du-Haut-Mout (Lot), canton de la Tronquière.
(5) Ancienyies abbayes de l'ordre de Citeaux, dans le Rouergue, par J'abbé Bousquet, p, 63. Rodez, 1867.
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certains historiens, au château de Galinières qui dépendait de la mense abbatiale de Bonneval. L'abbé Bousquet ajoute qu'il fut inhumé dans l'église de Bonneval et que, jusqu'en 1789, une plaque de bronze avec épitaphe était fixée sur la dalle qui marquait sa sépulture.
Le quatrième signataire des conventions matrimoniales du 20 février 1514 est Antoine vicomte de Turenne. Il était le troisième représentant de la cinquième lignée des vicomtes de Turenne et le quatrième fils d'Agne de la Tour, seigneur d'OHergues, descendant des comtes d'Auvergne, et d'Anne de Beaufort, qui avait reçu en dot les deux grandes seigneuries de Beaufort, en Anjou, et de Turenne, en Limousin. Agne de la Tour et Anne de Beaufort eurent quatorze enfants, six fils(l) et huit filles, treize au moins vivants au moment où leurs père et mère passèrent ensemble leur testament, au château de Montvalent, en Quercy, le 4 mars 1479(2). Antoine était le frère de Gilles de la Tour, dont nous avons parlé précédemment, et de Françoise, qui avait épousé Jacques de Caylus de Castelnau. Il était le père de Marguerite qui devait se marier avec Pierre de Clermont. Il était devenu seigneur et vicomte de Turenne, en 1492, à la mort de son frère aîné François, et Gilles étant « d'église ».
Des documents insérés dans les ouvrages de Baluze et de Justel nous font connaître la raison pour laquelle le troisième fils d'Agne de la Tour dut céder sa place, dans la succession de son père et de son frère aîné François, à
(1) L'un des fils énumérés par Justel {Histoire de la Maison d'Auvergne, p. 192) n'est pas nommé dans le testament du 4 mars 1479 : c'est Pantaléon qui, d'après Justel, serait né entre Agnet et Antoine « le Viel ». Dans ce testament, Agne de la Tour et" Anne de Beaufort parlent d'Antoine « le Viel » comme étant leur quatrième fils, c'est pour ce motif que nous le désignons aussi comme étant le quatrième fils, bien que, d'après Justel, Antoine « le Viel » serait le cinquième.
(2) Justel, Preuves du livre VI de l'Histoire de la Maison d'Auvergne, pp. 236, 227.
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Antoine « le Viel », qui était l'avant-dernier. Agnet, le troisième par sa naissance, avait d'abord été désigné, au testament de 1479, pour recueillir la seigneurie d'Oliergues et plusieurs autres terres importantes ; mais un codicille fait au château de Turenne, le 10 janvier 1488(1), par Agne de la Tour, avait annulé cette disposition. Il était dit dans ce codicille qu'Agnet avait eu nne enfance maladive et qu'il continuait à être faible de constitution ; que la seigneurie et la châtellenie d'Oliergues, ainsi que les seigneuries de Bozols, Fay et Servissac (2), à lui attribuées par le testament de 1479, étaient l'objet d'un litige pendant devant la Chambre des Requêtes de Paris, entre le testateur et Jacques d'Aubigny (3) pour la baronnie d'Oliergues, entre le même testateur et les ducs de Bourbon et de Nemours, l'évêque
(1) Baluze, Histoire de la Maison d'Auvergne, t. I, p. 405.
(2) Les seigneuries de Bozols et de Servissac, sises au diocèse du Puy, avaient été acquises {empiionis et quocumque alio tilulo) d'Adhémar de Poitiers et données par Hugues Roger, cardinal et frère du pape limousin Clément VI, à son neveu Guillaume de Beaufort vicomte de Turenne, le 4 mai 1351. (Justel, Preuves du livre II, Hisl. de la Maison de Turenne, pp. 105, 106). Le 20 novembre 1359, le même Guillaume de Beaufort assigna, pour er. jouir quand il serait mort, à sa femme Aliénor de Comminges, cinq cents livres de revenus sur les châteaux et châtellenies de Bozols et de Fay, sénéchaussée de Beaucaire et de Nîmes {ibid., p. 106).
(3) Antoinette de la Tour, fille unique d'Agne III de la Tour, seigneur d'Oliergues, tué à la bataille d'Azincourt, en 1415, n'hérita pas de la seigneurie d'Oliergues, qui passa à Guillaume de la Tour, oncle d'Antoinette, à cause d'une disposition inscrite au testament d'Agne II et qui substituait tous ses enfants mâles les uns aux autres, à l'exclusion des filles. Antoinette, veuve de Jacques Aubert qu'elle avait épousé en 1430, se remaria avec Jacques de Bourbon, seigneur d'Aubigny et de Carency, fils de Jean de Bourbon et de Jeanne de Vendôme. (Justel, livre VI, pp. 186, 187, Hisl. de la Maison d'Auvergne.)
Telle paraît être l'origine du litige dont il est question pour la seigneurie d'Oliergues. Agne IV de la Tour, héritier, en 1421, de la seigneurie d'Oliergues, et vicomte de Turenne, était le père d'Antoinette, dit o le Vieil », dont nous nous occupons.
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de Castres (1) et le seigneur du Bouchage (2) pour les seigneuries de Bozols, Fay et Servissac. Bref, Agne de la Tour craignait, « pour la conservation de sa Maison », que son fils Agnet ne fût pas capable de tenir tête à des adversaires aussi forts et aussi puissants. Il décidait, en conséquence — avec une autorité qui paraît bien despotique aujourd'hui, — qu'Agnet entrerait dans les ordres, que les dispositions antérieurement prises à son égard étaient révoquées et qu'il n'aurait, pour sa part de succession, qu'une pension annuelle de quatre cents livres tournois et ce jusqu'à ce qu' « il ait pu, Dieu aidant, arriver à se constituer sept cents livres tournois de revenu en bénéfices ecclésiastiques ».
Par obéissance à la volonté paternelle plutôt sans doute que par vocation religieuse, Agnet se résigna, tant que vécut son frère aîné François, vicomte de Turenne de 1489 à 1492, à la situation effacée qui lui était faite. Mais la mort de François, dont le testament maintenait cependant la dévolution de biens'établie par leur père, changea en rébellion l'attitude soumise d'Agnet : il déclara hautement ne plus vouloir entrer dans les ordres. En présence de cette com(1)
com(1) de Castres était à cette époque Jean d'Armagnac. Élu à cet évêché en 1460, il le conserva jusqu'à sa mort vers 1493. (Gams, séries episcoporum )
(2) Les seigneuries de Bozols, Fay et Servissac avaient été confisquées avec beaucoup d'autres par le duc, Pierre de Bourbon agissant au nom de Louis XI, comme dépendant de Jacques d'Armagnac, duc de Nemours. Louis XI en avait attribué les revenus à Ymbert de Baternay, seigneur du Bouchage. Les lettres d'attribution de ces revenus avaient été enregistrées avec de grandes difficultés et par ordre exprès du roi par le Parlement de Paris, en 1477, sous réserve des oppositions des vioomtes de Turenne et du seigneur de Canillac. La possession de ces trois seigneuries faisait l'objet d'un procès en revendication à cause de la succession d'Antoinette de Beaufort. Après la mort de Louis XI, Charles d'Armagnac demanda à Charles VIII la réhabilitation de son frère. En attendant la fin de la procédure, les seigneuries du Rouergue et quelques autres furent remises entre les mains du roi {Ymbert de Baternay, seigneur du Bouchage, par M. B. de Mandrot, pp. 70, 71, 72, 77).
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plication inattendue, Gilles de la Tour, protonotaire du saint siège, assuma le rôle de pacificateur et réunit un conseil de famille composé du comte de Ventadour, des seigneurs de Pompadour et de Laurière(l) et du seigneur de Gimel. Il y fut décidé le 25 mars 1493, et Gilles promit à Agnet qu'il aurait, l'usufruit, sa vie durant, du château et de la châtellenie de Servière. Agnet accepta cette transaction, sous la réserve que son droit successoral serait sauvegardé, au cas où ses deux frères cadets décéderaient sans enfants (2). Ainsi Antoine, dit « le Vieil » (3), père de Marguerite de la Tour, fut confirmé dans ses prérogatives de chef de la Maison et de vicomte de Turenne.
On sait que sous des qualifications dont le langage moderne a singulièrement amoindri ou changé le sens, les charges de cour et les fonctions militaires se cumulaient sous l'ancien régime. Au « Rolle et estai des Officiers de la Maison du Roy Charles VIII » (4), nous voyons qu'un « Anthoine de la Tour, dit Turquet », figure à côté de Charles de Brillac (5), Jean de Sandoville, Gilbert de la Fayette et de plusieurs autres gentilshommes de grande race parmi les « Maistres d'hôtel » du roi pour l'année 1490. Cet « Anthoine de la Tour » appartenait-il à la maison de Turenne? Était-ce Antoine « le Viel », ou son frère cadet
(1) Le fils aîné du seigneur de Pompadour portait le titre de seigneur de Laurière.
(2) Cet accord est consigné dans un acte dont le texte est inséré aux Pi'euves du livre VI de l'Histoire de la Maison d'Auvergne, par Justel, p. 228. On pourr remarquer que là non plus il n'est pas question de Pantaléon de la Tour.
(3) Antoine était dit « le Vieil », parce que son frère" cadet s'appelait également Antoine : celui-ci toutefois, avait le second prénom de Raymond.
(4) Voir « Histoire du Roy Charles VIII, par Guillaume de Jaligny, André de la Vigne et autres historiens de ce temps. Le tout recueilli par feu Monsieur Godefroy, conseiller et historiographe du Roy. Paris. Imprimerie royale, 1684 », p. 609.
(5) Charles de Brillac appartenait à la même famille que Clément de Brillac, mort évêque de Tulle en 1514.
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Antoine Raymond, celui qui, en 1517, épousa Marie de la Fayette (1)? Nous manquons de précisions à ce sujet. Mais le fait que l'un des deux frères occupait cette place, qui était alors très recherchée non seulement à la cour, mais aussi auprès des grands personnages, s'expliquerait facilement, si l'illustration de la Maison de Turenne n'avait largement ouvert à ses membres l'accès des fonctions les plus rapprochées de la personne du roi ; car le « Premier Maistre d'Hostel » de Charles VIII était, à la même date et d'après le même document, Jacques de Chazeron dont la famille était apparentée, au moins depuis Jacques Aubert, seigneur d'Entragues, avec la Maison de la Tour d'Oliergues (2). La même année, Foucaut de Pierrebuffière est inscrit parmi les « pannetiers » et Antoine de Pompadour parmi les « échansons » de Charles VIII. Auprès des grands seigneurs comme auprès du roi, des fonctions, qui aujourd'hui paraissent serviles, étaient encore ennoblies par le lien féodal. Ainsi, sans sortir du cadre de ce travail, nous voyons dans Justel (3) qu'Etienne de Vassignac fut successivement maître d'hôtel d'Agne IV et d'Antoine « le Viel » de la Tour. Jean de Cosnac remplit la même charge auprès . d'Agnet de la Tour, seigneur de Servière (4). Vers la même époque, Nicolas de Lomagne, co seigneur de Cardaillac, et Louis de Melet, seigneur de Fargues et de Roumégoux, sont maîtres d'hôtel, l'un en 1499, l'autre en 1502, de Jean II de Castelnau-Bretenoux. En 1519, le même Louis de Melet est, avec un titre analogue, attaché à la personne de Jean III de Castelnau-Bretenoux. En 1516, Dominique de Boussac occupait le même emploi auprès de Françoise de Turenne, veuve de Jacques de Castelnau; en 1517, Jean de Veilhan,
(1) Justel, Histoire de la Maison d'Auvergne, p. 193.
(2) Voir renvoi 2, p. 23. — La maison de Chazeron posséda depuis 1386 le château et la seigneurie de Châtelguyon. Le château de Chazeron est situé, comme celui de Tournoël; dans les environs de Volvic (Puy-de-Dôme).
(3) Preuves du livre VI de la Maison d'Auvergne, p. 232.
(4) Ibid., p. 229.
T. XXXVI. 1-9
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seigneur de la Majorie, auprès de Jean III de Castelnau; en 1561, Siméon Alexandre de Montmirail auprès de Louise de Bretagne, dame de Castelnau (1).
C'est dans le même sens, mais sous un angle différent, que M. Frantz Funck-Brentano a écrit, dans un de ses récents ouvrages sur 1' « Ancienne France » (2) : « Saint« Louis ne fait-il pas d'un de ses cuisiniers, Gervaise d'Es« craines, un ambassadeur? comme le fera encore Louis XI « qui confiera à son maître d'hôtel le seigneur de Targes, « la direction des négociations diplomatiques. Les fonctions « domestiques se confondaient donc originairement à la cour « de France avec les fonctions publiques; elles y étaient « exercées par les mêmes personnages; le même individu « était à la fois domestique et fonctionnaire, officier, comme « on disait. » Et « le roi fait ses expéditions à la tête de sa « famille », c'est à dire accompagné de tous les « officiers » de sa Maison. On sait que la Maison du roi était plus qu'une garde : c'était une élite, une sorte de réserve suprême toujours prête à s'élancer dans les moments difficiles pour arracher la victoire ou assurer la retraite.
Le 6 juin 1494, Antoine « le Viel » de la Tour épousait Antoinette de Pons, fille de Guy, seigneur de Pons, et de Jeanne de Châteauneuf (3), qui lui apportait notamment en
(1) A ce titre, le 10 janvier 1561, Siméou-Alexandre de Montmirail était chargé par Louise de Bretagne et par son fils Guy de Castelnau et de Clermont, en vertu d'une procuration délivrée au château de Castelnau et signée de P. Cayssac, notaire royal, de représenter aux États du Quercy que f de tout temps le seigneur de Castelnau demeurait et demeure le premier baron du Quercy, prenant sa place après les vicomtes dudit pays » malgré les compétitions de quelques seigneurs et ii entre autres du seigneur d'Assier ». (Archives du château de Sainte-Fortunade.)
(2) Le Roi, par M. Frantz Funck-Brentano, chef de la section des Manuscrits à'ia Bibliothèque de l'Arsenal, chap. III, pp. 65, 67.
(3) Jeanne de Châteauneuf (de Castronovo) appartenait, malgré l'a similitude de nom en latin, à la maison de Pierrebuffière qui possédait la seigneurie de Châteauneuf (Haute-Vienne), et non à la maison de Castelnau Bretenoux.
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dot le château et la châtellenie de « Croize » (1) et la moitié de la ville de Martel, démembrées de la vicomte et données en partage, en 1251, à Élis de Turenne, fille de Raymond IV et d'Élis d'Auvergne (2). Par suite du mariage d'Élis de Turenne, ces anciennes possessions de la Maison de Turenne avaient passé en seconde ligne dans la Maison de Pons (3). Le mariage d'Antoine rétablissait ainsi l'unité dans le patrimoine vicomtal dont Martel atait une des places principales. La même année, Charles VIII, moins prudent que Louis XI, mais non moins soucieux que lui d'élargir le domaine royal, c'est-à-dire national, ouvrait l'ère aventureuse des expéditions d'Italie pour faire valoir les droits de René d'Anjou à la couronne de Naples. C'était pour la chevalerie française une occasion devenue rare d'exercer ses goûts batailleurs dans des campagnes lointaines. Antoine de Turenne fit probablement partie de cette brillante chevauchée, .bien que nous n'ayons pas trouvé son nom mentionné à ce propos dans les chroniques du temps. En 1496, à la fin de l'expédition, qui se termina, comme on sait, par une retraite précipitée à travers l'Italie en révolte, Charles VIII le nomma son conseiller et chambellan, fonctions précédemment occupées par Agne IV de la Tour, son père. Dans les lettres patentes, où cette nomination est consignée et que Justel a reproduites, le roi l'appelle son « amé et féal cousin » et
(1) Justel, p. 195, et Preuves du livre VI, p. 231. Justel désigne cette châtellenie sous le nom de Croize, et le document en latin auquel il se réfère la nomme de Croxia. S'agit-il de Croze (commune de Sarrazae, canton de Vayrac, Lot) ou bien du château et de la châtellenie de Creysse (commune de Creysse, canton de Martel, Lot)? Il semble que ce soit plutôt Creysse, désigné sous le nom roman de Croicha dans le registre consulaire de la ville de Martel cité par M. L. de Valon dans son savant Essai historique et généalogique sur la Famille de Valon [Bulletin de la Société archéologique de la Corrèze, p. 243, renvoi 2.
(2) Élis de Turenne les avait apportées en dot à Hélie Rudel, seigneur de Bergerac, père de Marguerite de Bergerac, qui avait épousé Renaud de Pons (Justel, ibid.).
(3) Jaligny {op. cit.), p. 136.
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lui annonce qu'il l'a choisi pour cette charge à cause des services qu'il lui a rendus, « tant en faicts de nos guerres « que autrement en plusieurs manières ». Ceci vient à l'appui d'une remarque notée plus haut, à savoir que les fonctions domestiques se confondaient dans la Maison du roi avec les offices militaires. S'il en fallait une preuve de plus, on pourrait, rappeler que deux « Maîstres d'hôtel du Roy » jouèrent dans la même campagne un rôle important : Charles de Brillac (1) y fut armé chevalier pour ses actions d'éclat, et, à la bataille de Fornoue, qui empêcha la retraite de devenir peut-être désastreuse, Guynot de Lauzières (2) commandait l'artillerie française avec le bailli d'Auxonne(3).
En 1501, sous le règne de Louis XII, le vicomte de Turenne fut maintenu dans les mêmes termes dans ses fonctions de conseiller et de chambellan du roi (4). A partir de cette date, et après la mort de Jean de la Tour, comte d'Auvergne, il revendiqua la baronnie de la Tour, en vertu des dispositions successorales dont nous avons parlé précédemment, et il la légua à sa descendance (5).
Il mourut, en 1527, au château de Montvalent. De son mariage avec Antoinette de Pons, qui l'avait précédé dans la tombe, il laissait deux fils : François II qui lui succéda dans la vicomte de Turenne, et Gilles, seigneur de Limeuil; et deux filles : Marguerite, femme de Pierre de Clermont, et Anne, religieuse au couvent de Fieux (6), de l'ordre de
(1) Voir renvoi 5 à la page 24 de cette étude, au sujet de Charles de Brillac.
(2) Guinot (ou Gui) de Lauzières, sénéchal d'Armagnac, maître d'hôtel de Louis XI et de Charles VIII, grand-maître de l'Artillerie, mourut en 1504. Il avait épousé en premières noces Souveraine d'Ébrard de Saint Sulpice, qui appartenait à une des grandes familles du Quercy.
(3) Jaligny, p. 158. Jean de la Grange, bailli d'Auxonne.
(4) Justel, Preuves du livre VI, Histoire de la Maison d'Auvergne, pp; 231, 233.
(5) Justel, Histoire de la Maison d'Auvergne, p. 195. (G) En Quercy, près de Martel,
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Saint-Jean-de-Jérusalem. Il avait testé le 22 mars 1521 (1). Gilles de la Tour, son frère, protonotaire du saint siège, était l'un de ses exécuteurs testamentaires, et le testateur léguait à Marguerite, sa fille, trois cents livres en supplément de son douaire.
La mort d'Antoine « le Viel » ne mettait pas en péril la continuation de la lignée : sa descendance directe de mâle en mâle devait se succéder à Turenne jusqu'à la réunion de la vicomte à la couronne. Il n'en était pas de même de la baronnie de Castelnau Bretenoux : l'alliance de Marguerite. de la Tour avec Pierre de Clermont marquait l'avènement prochain à la possession de ce fief magnifique d'une branche de la Maison de Caylus détachée dés Castelnau, bien qu'appartenant, il est vrai, à la même souche. Nous avons vu précédemment que Jacques de Caylus de Castelnau n'avait pas eu d'enfants de Françoise de la Tour; Jean III, frère de Jacques, ne devait pas en avoir non plus de Charlotte de Rochefort (2). L'infécondité de ces deux unions eut pour conséquence le retour à Castelnau de la descendance de Pons II de Caylus qui, on s'en souvient peut-être, avait été substitué lui-même à la première Maison de Guilhem de Clermont-Lodève (3), dont il avait pris le nom, comme Pons Ier de Caylus, son père, avait ajouté à son nom celui de Castelnau, par suite de l'extinction, en 1395, de la Maison primitive de Castelnau. En d'autres termes, le fils aîné de Pons Ier de Caylus, Antoine, avait continué les seigneurs de Castelnau Bretenoux, et son troisième fils, Pons II, était devenu Clermont Lodève, tous les deux prenant si bien la place de chacune des familles auxquelles ils succédaient respectivement que, dans les actes publics, le nom originaire de Caylus a disparu. On n'y voit plus que des Castelnau et des Clermont.
(t) Justel, Preuves, livre VI, ibid., p. 234.
(2) Étude sur le Testament de Jacques de Castelnau, pp. 13, 14(3)
14(3) page 7 de cette étude,
— 134Nous
134Nous avons déjà eu une preuve dans la signature du cardinal de Clermont; nous en trouvons une nouvelle dans les deux autres signatures apposées à la constitution de dot du 20 février 1514 (1) : Castelnau et Pierre de Clermont. Celui-ci était le fiancé ; il avait déjà succédé à son frère aîné Louis, et le prénom de Pierre ne figure probablement là qu'à cause de la signature juxtaposée du cardinal. Quant à- l'autre témoin, qui a signé sans prénom, de quel Castelnau s'agit-il? Si l'on s'en rapportait aux deux documents du 21 mai de la même année, relatifs au même contrat et insérés également à la suite de cette étude, il n'y aurait aucun doute : ce serait Jean III qui, témoin de ces deux actes signés par les notaires seuls, y est qualifié de seigneur et baron de Castelnau. Mais nous avons constaté ailleurs, en examinant le testament de son frère aîné et les caractères déchiffrables encore de la dalle funéraire de Félines (2), que Jacques était, encore vivant, seigneur et baron de Castelnau en avril 1514. C'est, donc Jacques qui a dû signer .à côté de Pierre de Clermont. Si la signature était celle de Jean III, il serait d'ailleurs étonnant que le signataire ne l'eût pas fait précéder de son prénom, cette omission constituant une prérogative réservée au chef de la famille. Une remarque nous semble ici opportune. Les deux documents du 21 mai 1514 précisent, en la complétant, la date précédemment indiquée comme étant celle du décès de Jacques de Castelnau. L'inscription de la pierre tombale de Félines prouve qu'il est mort au mois d'avril, et son dernier codicille démontre qu'il est mort après le 26 avril (3). Or, ce ne peut être qu'au mois d'avril 1514 — entre le 26 et le 30 de ce mois — puisque, le 21 mai de la même année, Jean III
(1) Voir, aux Pièces justificatives, 1" document et fac-similé des signatures.
(2) Le Testament de Jacques de Castelnau, pp. 3 et 4.
(2) Le dernier codicille de Jacques de Castelnau est daté du 26 avril 1514.
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avait succédé à Jacques dans les titres et la possession de là baronnie de Castelnau.
Il est un autre point à élucider ici. On pourrait objecter que l'acte du 20 février 1514, d'après le comput du temps et suivant le style adopté pour le commencement de l'année dans la régton où cet acte a été exécuté, doit être postérieur aux deux documents du 21 mai. Il n'en est rien. Sans nous arrêter à la recherche du style habituellement employé à cette époque dans la vicomte de Turenne, nous observons que si les deux actes du 21 mai ont été retenus conjointement par deux notaires royaux, dont l'un résidait dans la ville de Sainte-Spérie et l'autre dans celle de Bretenoux (1), la constitution de dot du 20 février ne contient aucune mention du lieu où elle a été libellée. Il y est dit seulement, après les signatures originales des personnages qui l'ont ratifiée, qu'elle a été convenue en présence de Desbarres qui a également signé; mais ce nom ne nous donne aucune indication du lieu où cet instrument a été rédigé. Au demeurant, il ne peut y avoir de doute qu'il soit antérieur aux deux actes du 21 mai. En effet, il résulte formellement de la constitution de dot du 20 février que le mariage en question était à cette date à l'état de projet (2), tandis que les deux actes du 21 mai s'y réfèrent comme à un fait accompli (1). Il y a plus : l'un de ces deux actes (1) cite in extenso la constitution de dot, après avoir déclaré que « les pactes et conventions » qui en font l'objet ont été mis entre les mains (5) des deux notaires dont nous venons de parler.
(1) Les deux actes du 21 mai 1514 ont été passés à Sainte-Spérie (actuellement Saint Céré, arrondissement de Figeac, Lot), châtellenie appartenant au vicomte de Turenne, par Timbaudi, notaire royal à Sainte-Spérie, et Jehan Charbini, notaire royal à Bretenoux, qui dépendait du baron de Castelnau — Les documents insérés à la fin de ce travail sont extraits des registres de Jehan Charbini.
(2) « Mariage qui espoire se fère ».
(3) Matrimonium per carnalem copulam consummatum. (5) Voir la seconde des Pièces justificatives.
(5) In quibusdam arliculis per dictas partes concordatis et convenus ac nobis nolariis infrscriptis tradilis hujus tenoris
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C'est sur cette base que les deux actes du 21 mai ont été établis.
Nous savons que Jean III de Caylus de Castelnau était le dernier représentant de sa lignée ; mais nous n'avons pu déterminer précédemment, faute de documents suffisamment explicites, en vertu de quelle disposition Pierre de Clermont devait devenir baron de Castelnau. La substitution inscrite au testament de Jacques semblait, au premier abord, ne viser, rappelons-le, que son frère Gui, évêque de Périgueux. Toutefois, si Pierre de Clermont n'est pas nommé dans le testament de Jacques, celui-ci y maintient sans préciser, l'ordre successoral fixé par les dernières volontés de son père. On ne pouvait se rendre compte de ce qui constituait cet ordre successoral, sans posséder sinon le testament intégral de Jean II, du moins la clause concernant la substitution. Nous n'avions en main ni l'un ni l'autre; mais nous avons pu, depuis, obtenir la copie d'un document qui en tient lieu.
Vicomte DE LAVAUR DE SAINTE-FORTUNADE. (A suivre.)
GLANES BAS-LIMOUSINES
(Suite)
1429. 21 septembre, nobilis Petrus Donarelli, junior, loci de Lanteilh, exposuit domino Durando de Bonofonte, vicario perpetuo S. Pétri Tutelensis, quod ipse aliàs pro salute animée dominée matris sua? dederat quinque solidos renduales.
1429. 3 octobre, presentibus fratrc Helia de Bossaco, monaco ecclesiee Tutelensis ; frater Matheus Fornerii, praspositus Tutellensis, arrenduavit...
1430. Die penullima aprilis, nob. vir Jordanus Fornerii, miles, procurator, religiosi viri Mathei Fornerii, prepositi Tutelensis.
- 1430. Die ultima augusti; tractato malrimonio inter Stephanum de Mirato(l), filium Johannis, parochioe S. Pétri Tutellensis, et Petronillam de Molceone, filiam Aymerici Molceone, parochise S. Santini de Malamorte, Lemovicensis diocesis, dédit pater pro dote filiae duodecim libras monelse currentis Lemovicensis, et vestes congruas.
1431. 14 aprilis, Eblotus Boscha, prior S. démentis et proepositus de Planis ab ecclesia Tutellensi dependente.
1431. 6 aprilis, religiosus vir Bertrandus Foscherii, prior de Angulis, ab ecclesia Tutellensi immédiate (dependente) cum concilio et volunlate religiosi viri Pétri Foscherii, praîpositi de Navis, fratris sui, contulit Antonio dal Mougenc, clerico, capellaniam seu vicariam perpetuam de Angulis (2).
(1) Le Mirât (Tulle-Saint-Pierre).
(2) Le Maugein (Naves).
T. XXXVI. 1 10
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Geron 6.(1).
1427. 27 augusti, Petrus Vachue(2) recognovit se tenere in feodum à nob. viro Petro Donarelli, baccalario in legibus, filio quondam nob.-Pétri Donarelli, quandam partem vineaî.
1533. 23 aprilis, 1540-42, 47 nob. et venerabilis vir magister Petrus de Cardalhaco in utroque jure licenciatus, proepositus de Navis.
1535. 15 juin, noble Jean de Sorries, escuyer, sr de Lavaur, paroisse d'Espanhac, cohseigneur de Chounat, parroisse de Naves, acquiert certains biens.
1536. 13 décembre, frater Poncius de Salanhaco, praapositus de Seilhaco.
1536. 17 septembre, nobles dllcs Jeanne Des Plas et Margueritte de Choutard, habitantes au lieu de Laguenne, ratifient un accord fait entre nob. Léonard Choutard, escuj^er, sr de la Rochette et dIIe Costine, sa mère, faisant pour elle et pour lesdits Des Plas et Choutard. Noble Glaude Blamart, femme de Léonard Choutard.
1536. Le 6 mai, noble Annet Rogier, escuyer, sr de Pomeyrols et de Bessou, paroisse Saint-Pierre de Tulle, vend à Etienne Baluze, de Tulle, certaines rentes en seigle.
1536. 3 mardi, frater Annetus Jouberti prajpositus prepositatus majoris, ecclesioe Tutellensis.
1540. 6 juin, au château de Lavaur, paroisse d'Espanhac, d"e Anne de Puideval, damoiselle de Lavaur, fait revente de certains biens.
1546. 26 février, constitué noble homme Bonaventure de Lavaur.. témoin Guilhaume de Sorries, dudit lieu de Lavaur.
1546. 13 avril, noble Bonav. de Sorries, écr, sr de Lavaur, donne investiture.
(1) Il s'agit du registre de ce notaire, comme source.
(2) Forme invraisemblable, à changer, en Vachier.
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[De [boscoj, F
1507. 17 augusti, nob. Bertrandus Donarelli, dominus fundalis domus(l)...
1507. Antonius Sapientis; procurator in nobili curia parlamenti Burdigalaî, habitator Tutellse.
1507. Frater Leodegarius de Vigilando (2), cellerarius major ecclesiaa Tutellensis.
1507. 1er février; dominus Antonius de la Chassaigna, ■ aliàs Sapientis, prior Sancti démentis, ut procurator nobilis
nobilis de La Chassaigna, aliàs Sapientis, ejus fratris(3)... Cùm retroactis temporibus quondam nobilis vir dominus Martialis Sapientis, in legibus licenciatus, pater dictorum Antonii et Alberti, acquisivisset.
fBonyonto, Z]
1517. Tonsurati, die 15 mensis aprilis : Franciscus de S. Amancio, parochiae de S. Amancio. Gerardus de Podiovallis et Carolus de Podiovallis, filii Dionisii, fratres, parochiae de Spanhaco.
1508. 22 aprilis, tonsurati : Antonius Foschier, filius nobilis Gabrielis, loci et parochioe de Sancta Fortunata. Antonius Sapientis, filius nobilis Alberti Sapientis, parochia?, S. Juliani Tutelensis.
1508. Acoliti : Stepbanus de Noailhes, Tutelensis; — Simon des Donneraux, Tutelensis; — Clarus de Gimello, Tut.: — Johannes Sapientis, Tut.
Subdiaconi : Johannes Philippus, Tutel. (4).
Presbiteri : Aiitonius Sapientis, Tut.; — Pfetrus] de Cosnaco, Lemovicensis; — frater Antonius de Gimello, Tutel.
(1) A Tulle, apparemment.
(2) Des Veilhan, de Saint-Cirgues-la-Loutre, et de Saint-lllide (Cantal.
(3) J'en ai donné la filiation, comme de la plupart des familles citées ici, dans mon double Dictionnaire des Familles.
(4) Des de Philip, de Laguehne, puis Saint-Viance. — Tut. entendez diocesis Tutel.
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Clemens, episcopus Tntel. dilecto nostro Jacobo de Cheissaco, presbytero, vicariam perpetuam nuncupatam de- la Blanche, fundatam in ecclesia nostra parochiali Sanctoe Ferreole, Lemovicensis diocesis, per resignationem Antonii de Orto, in personam religiosi et fratris Johannis d'Assier, ordinis S. Augustini, prioris de Aurelio(l), Lemovicensis diocesis, ejus procuraloris, tibi conferimus, die 18 aprilis, 1500.
1519. 19 décembre, collalio vicarioe Sancti Nicolaï de Marco (2), Tutelensis diocesis, ad presentationem prioris claustralis Tuteloe.
1502. 10 novembre, collatio capelke seu vicariaa de Bordis (3) in ecclesia parochiaa de Glanico, Tutelensis diocesis, ad presentationem Johannis de Cosnaco, domini de Bordis.
1502. Dié penultima decembris, collatio ecclesioe pârochise de Argentalo, Johanni de Selva, graduato nominato universitatis Tolosas, ad refutum domni decani de Carrennaco, qui postea alium presentaverat facta jure devolutionis.
1503. Prima junii, collatio vicarioe. perpetuaa de Glanico, ad presentationem prioris de Glanico (4).
1503. 13 septembris, collatio prioratus beata? Marioe de Lisleslo(5). diocesis Xanlhonensis, fratri Agneto Jouberti, religioso nostra3 cathedralis.
1504. Die antepenultima aprilis, collatio praepositatus de Valeta (6), ordinis S. Benedicti, Lemov. diocesis.
1504. 18 octobris collalio praepositatus de Valeta nobili Johanni de Maleuga (7).
(1) Aureil, ex-monastère et commune (Haute-Vienne). — A' des d'Assier, de l'ex-principauté de Chabanais (Charente). — Voyez à six pages de là.
(2) Marc-la-Tour.
(3) Les Bordes (Brive).
(4) Glény (Servière).
(5) Lileau (Charente-Inférieure). (Voir mon Carlulaire de Tulle.)
(6) Commune du Lonzac.
(7) Famille marchoise.
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1504. 24 octobris, collatio beneficii de Cb.ante.ux Gau-_ frido Bonnevalle, per resignationem Foulcandi de Bon^ nevalle.
1504. 18 januarii, collatio prioratus S. démentis, Tutel.- dioc. Antonio Sapientis in utroque jure licentiato, per mortem Dionisii Sapientis.
1506. 8 octobris, collatio prioratus Beati M[auri] de Ruppe(l), Lemovic. dioc. fratri Agneto Jousberti, per resignationem Johannis de Gimello.
1506. 8 novembris, Sebastianus Sapientis, rector ecclesiae parochialis de Bassinhaco Alto,, vicarius generalis domini Episcopi Tutelensis, admisit permutationem factam per fratrem Bertrandum de Ruppe de sacristia ecclesiae cathedralis Tutel. cum prajpositatu de Chapchaco, Lemovic. dioc. ab ecclesia Tutel. dependente, et possesso per fratrem Johannem de Sorries. — Eodem die et arino, testibus quibus suprà, dominus vicarius generalis conlulit prepositatum de Chaptchat(2) fratri Bertrando de Ruppe, per resignationem fratris Johannis de Sorriis.
1507. 8 septembris collatio praspositatus de Chaptchaco fratri Agneti de Planis, ordinis S. Benedicti, per resignationem fratris Bertrandi de Rupe, ordinis Sancti Augustini.
1507. 16 martii, collatio prioratus S. Michaelis de Banneriis, ordinis S. Benedicti, Caturcensis diocesis.
1508. 10 augusti. Sebastianus Sapientis, aliàs de LaChassaigne, provisus de ecclesia parochiali S. Pétri Tutelensis.
1508. 4 février, collatio prioratus de Bouguerono, dioc. Caturcj
1507. 8 septembre, Clemens, episcopus Tutel. tenore presentium, damus licentia.m et authoritatem carissimo fratri meo co-episcopo et comiti tricastineniss (3) et abbati S. Pétri
(1) Laroche-Canillac.
(2) Commune de Brignac.
(3) On avait écrit Tricassiensis pour Saint-Paul-Trois-Châteaux, près Valence, Drôme.
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Belliloci, confirmandi liberos et libéras domini Johannis de No va villa, militis, et tonsurandi Frauciscum de Novavilla (1) Ludovicum de Novavilla; datum in castro nostro S. Ferreole, Lemovic. diocesis.
1509. 3 janvier, collatio vicariae La Blanche, ad presentationem nobilis viri Raymundi de Barro, domini de Podio Malès.
1511. 16 aprilis, frater Petrus Sapientis, prior claustralis ccclesioe Tutel. factus officialis.
Meissac, G. Reconnoissance.
1653. 8 avril, noble Jean Damadon, sr de La Renaudie et de La Combette (2), habitant en la parroisse de Saint-Clément, en Limosin, au nom de père et administrateur de ses enfans et de feu dlle Margueritte de Barot, fille héritière de feu Pierre Barrot, vivant sr de La Roche, con-seigneur de Meissac et Vergnes, reconnoit tenir du prieur de Meissac.
Livres, actes de Meyssac.
1400. 3 janvier, item 1400 nobilis frater Hugo de Planis, prior de Meissaco. — 1466. 7 novembre; item 1462, frater Franciscus de Planis (3), prion.de Messaco.
1533. 27 octobre, Gabriel de Malmont, protonotaire du saint siège, prieur de Meyssac. — 1484. 15 décembre, frater Jacobus de Planis, prior de Meissaco. — 1484. 10 février; item 1472, frater Hugo de Planis, prior de Meissaco.
1441. 5 aprilis, nobilis Johannes Beaumondi, jurisdictionis de Meissaco confessus est se tenere à nobili fratre Hugone de Planis prioré... praesentibus fratre Francisco de Planis, prioré de Montibus. — Collationé.
1640. En l'absence de noble Alexandre d'Amadon, sr de
(1) Neuville, commune.
(2) Commune de Saint-Chamant.
(3) Les. Plas, dans Curemonte.
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la Gombette, comme père et administrateur des biens de noble Jean d'Amadon, sr de la Renaudie, son fils, comme mary de d"e Marguerite Barot.
1603. 2 may, Antoine du Solier, prieur de Meyssac, plaide contre Pierre de Termes, sr du Chassaing, pour rentes.
Solier, F.
1534. Le dernier février, noble et puissant sgr messire Jean de Saint-Chamans, sgr baron dudit lieu, sgr du Pescher, reçoit reconnoissance
Cèdes Alvitre.
1463. 12 februarii, coram discreto viro Johanne Razets, jurisperito, judice de Meissaco, pro egregio et potenti domino Agneto de Turre, milite, comité Bellifortis, vicecomite Turennae et aliis condominis ejusdem loci... per nobilem virum Johannem Vigerii... vicecomitatus Turense, nob. virum Bertrandum Lasteiria, dominum de Salhento et de Flomonte(l), et nob. vir. Pfetrum] Lavergnha, condominos ejusdem loci.
1463. 13 martii, constitutis domino Bernardo Albert, presbitero, et Raymondo Albert, parochise de Colonges, ex una.. et nobilibus viris P[etro] et Stephano Lavergnha, fratribus, ex altéra... prsedicti Albert acceptaverunt ordinationem aliàs factam per nobiles viros Johannem Luqueti, dominum de Cairaco et Stephanum de Ballasch... [corrigez et complétez avec Bieilhas Chezas] dominum del Bastit (2), super debato inter dictos nobiles de La Vergnha et homines de Colongis, Lemovicensis diocesis... presentibus nobili viro Antonio Bassinhaco (3)..
1462. Johannes Salvanh, notarius regius et bajulus loci et jurisdictionis de Meissaco, filius Johannis Salvang, senioris, mansi de Petrascissa, parochias de Meissaco.
(1) Saillant (Allassac-Voutezac — et Meyssac).
(2) Des Luguet du Chaylar et du Bastit, en Haut-Quercy (Lot).
(3) Entendez Vassinhac.
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1462. 6 octobris, frater Johannes Rogerii. monachus et prior de Colongiis, Lemovicensis diocesis, à monasterio karroffensi immédiate dependente. — Orta contentione inter ipsum et priorem de Meissaco, pro decimis.. compromiserunt in fratrem Petrum de Cardailhaco, priorem de Mayrinhaco, Caturcensis diocesis (1).
1471. 8 maii, nob. et pot. vir dnus Oliverius de Cardailhaco , protonotarius domini papas, archipresbiter de Guilhaco [lisez Ginhaco] (2).. protulit litteras domini Caroli, filii et fratris regum Franciae, ducis Aquitanise, comitis Xantonensis ; audientibus nob. Pfetro] de Peyraco, domino loci de Jugals.
1469. Frater [Petrus] L'Astevenia, prior prioratus de Friaco, Caturcensis diocesis (3), à monasterio Belliloci, Lemovic. diocesis immédiate dependente.
1464. 28 décembris nob. Johannes Beaumondi filius nob. viri Johannis Beaumondi, senioris, domini riparii dePetrascissa, parochias de Meyssaco, arrenduavit quandam domum in loco de Meyssaco.
1472. 7 februarii, nob. Johannes Beaumondi, semor nomine nob. Johannis Beaumondi, patris sui, et etiam nomine nob. et religiosi fratris Stephani Beaumondi, prioris Minerbia3(4), fratris sui. sic concordat pro quodam debato....
1476. 4 septembris, nob. Bertrandus La Estayria, dominus locorum de Salhento et de Flomonte, dat procurationem ad levandum arreragia sibi débita, rationedictorum locorum de Salhento et de Flomonte ac de Vergii(5).
1662. 25 octobre, François-Etienne de Geneste, prévost de Brivazac, prieur de Chaufours.
1586. Le 6 avril, Jean de Thumery, sieur de Boissize(6),
(1) et (?)■ (Lot).
(3) Friac (Lot), près Strenquels.
(4) Minerve, commune de l'Hérault.
(5) Commune d'Ussac.
(0) Chef-lieu de commune (Seine-et-Marne),
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conseiller da roy en son conseil d'estat, super-intendant de la justice en Limousin et juge souverain en cette partie, savoirs feisons qu'au procès criminel instruit par deffaut à la requête du procureur du roi, en crime de lèze-majesté-, à rencontre de François de Gimel, sr dudict lieu, les sr£ de Marcilhac (I), et Antoine de Lavaur, soy disans commendans en l'absance dudit de Gimel pour le parti de l'union des catholiques du haut et bas Limosin, et les s" de Cisternes et son frère; de Marze (2), de Tournevire, la Crène, le Basanès(3), de Noviestaing, Jean de Lavaur, Jean de Lavaur frère dudit Antoine de Lavaur... et autres (en grand-nombre, sic) condemnés par contumace (4) à être pendus à Tulle, le 6 avril 1586, et exécutés en effigie le même jour.
1451. 6 septembris, actum in loco de Sancto Beaudilio, diocesis Lemovic. audientibus nob. viro Petro de Molceone, domino loci de Marsilhaco et... venerab. et rêver, vir, frater, Johannes de Rupeforti, miles ordinis S. Johannis de Jérusalem, preceptor de Bella Chassagnha et de Beïlafach... arrenduavit (5)...
Item. 1468, 12 septembris, honor. et venerandus dominus domnus P[etrus] d'Aubusson, miles ordinis S. Joannis de Jérusalem, proeceptor praxeptoriarum de Salins in Burgundia, Montiferrandi in Alvernia, Sanctoe Annse, de Maisonissa et Carreriis et Pulcras Chassaignhaî in Lemovicinio, arrenduavit...
(1) Probablement un Sédière, coseigneur de Marcillac-la-Croizille.
(2) Commune de Saint-Cernin-Cantalès (Cantal), près Tournemire.
(3) Le Basaneix (Saint-Fréjoux-le-Majeur). Un CardaillacLa-Treyne? près Pinsac (Lot). Nérestang, châteaux ruinés (Jussac et Falgoux, Cantal).
(4) Le peuple se complaît encore à ce genre d'exécution surtout électorale, quand il affiche, ridiculise, promène et enterre, pend ou brûle un homme de paille figurant le candidat évincé.
(5) Bellefach (Meyssac); Maisonisses (Creuse); Sainte-Anne (HauteVienne), près Eymoutiers; Charrières de Saint-Maureil (Creuse); Bellechassagne, près Sornac,
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Sac Cellerier.
1616. Le pénultième mars, nob. Bertrand de Guarnel, escuyer, sieur de Saint-Mezard (près Leitoure) en Gascogne (1), frère puisné du seigneur de Pipious, assis ledit Pipious en |la comté d'Astarac, commandant une compagnie au régiment de Picardie et commissaire de l'artillerie de France, estant à Tulle, donne 300 11. au basliment du monastère des Feuillens.
1472. 29 octobre, nob. Bertrandus Donarelli, domicellus parochias S. Pétri Tutella?. arrenduavit... Johannes Salessa, notarius, civis Tutelloe. — Idem 1452. — Id. 1493.
1419. 17 janv. nob. Petrus Donarelli arrenduavit. — 1400. 12 Julii nob. Petrus Donarelli, domicellus, arrenduavit. — Id. 1393.
1655. Heury de Saint Marsal, prôvost de Naves, prieur de Vedrènes (2) et grand cellerier en l'église de Tulle.
1567. 6 juillet, Gilbert, de Limoges, escuyer, seigneur de la Gorsse, paroisse de Seilhac. — Id. 1557.
1440. 3 julii, scientificus vir dominus Bernardus Paleti, in utroque jure licentiatus Tutelles, ut dominus bonorum dotalium nobilis dominas, Johannas, alias Cstharinas, uxoris suae et quatenus ipsum tangit, dédit investitionem bonorum
emptorum quorum dominium pertinet ad hospicium de Lemovicis Tutellae.
1516. 27 decembris, nob. Albertus Savy, dominus de la Chassaigne civitatis Tutelloe, arrenduavit... — Idem 1503.
1519. 9 martii, nob. vir Antonius de Sourries, dominus de La Pradaria, parochias Sancti Pétri Tutellas, vendidit dominium cujusdam domus Tutellas.....
(1) Saint-Mezard, commune du Gers. Pipions est absent du Dictionnaire des Postes et du Bottin.
(2) Vedrennes, commune d'Égletons. Voyez mes Cartes féodales du pays, et celle delà banlieue tulloise, encartée dans l'Histoire de Tulle, par J. Plantadis,
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1455. 20 septembre, Martialis Sapientis, in legibus licentiatus, Tutellas, recognovit se tenere in feodum à religioso viro fratre Guidone de Lissaco, cellerario majore ecclesias Tutellensis, quandam terram... — Id. 1406.
1420. 21 septembre, Guilhermus de Monlanhaco, cellerarius major ecclesias Tutelensis (1).
1504. 8 fév., nob. Johanna de Ris (2), domicella riparii de Salavert, parcbias S. Pétri Tutellas, ut procuratrix nob. viri Bertrandi Donarelli, scuriferi absentis, dédit investitionem cujusdam domus Tutellas.
- 1503. 2 septembre, presenti nobili viro Johanne de Peyraco, olim habitatore Tutellas, nunc habitatore parochias Sancti Salvaloris, nob. Bertrandus Donarelli dédit investitionem.
1542. 2 septembre, Sébastien Jaubert, prieur de Floirac, habitant à Tulle...
1548. Messire P[ierre] de Sédières, chevalier de l'ordre du Roy, seigneur du dit lieu.
1639. Le 10 octobre, demoiselle Michelle de Bar, épouse du sieur Jaques de Plasse, fait son testament... sous la permission de noble Jean de Bar, escuyer, sieur de Thorondel son ayel (sic) paternel... donne audit sieur de Thorondel, son ayeul(3), 100 liv. ; à demoiselle Jeane de la Noaille, sa mère, 100 liv. ; à son mari 3,000 liv. outre le contenu en son contrat de mariage ; (à demoiselle Catherine de Bar, sa soeur germaine, 300 liv.) le reste de ses biens à nob. François de Bar, ecclésiastique, oncle paternel ; la testatrisse fille de deffunct nob. François de Bar, escuyer, sieur de la Barrière, et de demoiselle Jehanne de La Noaille : demoiselle Louise de Montagnac, mère des dits nobles : François de Bar, Jean et Jeanne Bar, enfans naturels dudit sieur de Thorondel.
(1) Des de Gains-Montagnac (Saint-Hippolyte).
(2) Probablement du Ris-Chauveron (Azat-le-Ris, Haute-Vienne).
(3) Le Tourondel (SaintTAuhustin).
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1630. Nob. Arnaud de la Majourie, escuyer, sieur de Pebeyre(l).
1514. 18 octobre, nobilis vir Bertrandus Donarelli, scutifer, dominus de Salavert, parochias Sancti Pétri Tutellas, dat investitionem cujusdam domus Tutellas, de qua est dominus fundalis; presentibus nob.- Martiale Paleti, domino de Lemovicis Tutellas... Johanne Defenis, clericus civitatis Tutellas, notarius.
1542. 24 novembre, me Simon des Donnereaux, comme tuteur des enfans mineurs de feu Jean de Donnereaux, donne investitiog d'une maison à Tulle
Lostange
Au nom de Dieu... Je Louis de Pierrebuffière et de Comborn, vicomte dudit lieu, baron de Châteauneuf, de Peyrat et de Treinhac, seigneur de Chabannes (2), Beaumont(3), Beauvais (4) et Ghamberet, fais mon testament en la manière que s'ensuit... Je veux mon corps estre déposé dans l'église de Sainte-Marie, en ma terre de Châteauneuf, et puis au bout, d'un an soit porté aux Cordeliers de Limoges où sont les tombeaux de mes ancestres... Je donne (legs pies).
Item, comme soit ainsi que par mon autre testament que j'avoisfait durant la vie de ma très chère et dernière femme dame Jéhanne de Saint -Seigne (5) lui eusse recognu la somme de 17,000 liv. J'ai révoqué la dite reconnoissance comme faictè par erreur et inadvertance, excepté les sommes cy-après déclarées : 1° 2,443 1. à elle dues par le sieur d'Aubeterre et comptées à mon profit au sieur de Pompadour sur la somme de 14,800 1. par moi à lui baillée pour
(1) Pebeyre (SaintPardoux-la-Croisille).
(2) Probablement Saint-Pierre-de-Fursac (Creuse).
(3) Beaumont, près Chamboulive.
(4) Beauvais (Sussac, Haute-Vienne), près Sainte-Marie-laClairé et le dit Châteauneuf.
(5) Les listes postales ont près Paris de nombreux Saint-Seine.
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raison des portions adjugées de la succession des maisons de Comborn et Treinhac; plus 1,200 fr. de madame de Dampierre, soeur de ma dite épouse..-. Item, parce que François de Pierrebuffière, mon fils aîné, m'a toujours été [et de] présent persévère d'être, ingrat et désobéissant... et aussi contre ma feu femme Jeanne de La Chassaigne (1), sa bellemère... Je lui donne un teston... casse donnations à lui
faites en faveur de mariage ou autrement Item, je donne
et lègue à Louis de Pierrebuffière, mon second fils, 100 sols tournois.
Item, à François, autre fils, provenus du mariage de Margueritte de La Roche Aymon (2), ma première femme... qui s'est retiré au sieur de Pierrebuffière, mon ennemi, et s'est saisi par force de ma maison de Chamberet, et contre ma volonté a épousé la fille du dit sieur de Pierrebuffière, mon ennemi mortel et capital, je le déshérêde.
Item, à Germain de Pierrebuffière, mon fils, que je pensais faire mon héritier... estant averti de ses mauvaises conditions... ayant vendu ma terre de La Batut(3) en Bourdalais. pour se jetter hors la consiergerie de Bordeaux... estant chargé de volerie et fausse monnoye... le jette hors de mes biens avec 5 sols.
Item, à Anne de Pierrebuffière, ma fille aînée, femme du sieur de Sédières, la somme de 6,000 liv... Hem, à Jeanne de Pierrebuffière, ma fille, femme du sieur de Salanhac (4), en Périgort, 6,000 1... Item à Gabrielle de Pierrebuffière, ma fille du 2e mariage, femme du sieur deTayac, 6,000 1... Item à Françoise, ma fille, femme du sieur de Marcenat, 6,000 1. Item à Margueritte, ma fille, 7,000 1.
Item, pour la conservation-de ma maison, nom et armes,
(1) Apparemment issue d'un de ces Lachassagne, qui Soudans en Bordelais, conseillers au Parlement, furent aussi barons de Châtelusle-Marehès, Creuse.
(2) Évaux, Creuse.
(3) La Batut, château, 10 habitants (Massugas, Gironde), ou le village homonyne, 49 âmes (Mérignac. Gironde).
(4) Salignac, Dordogne. Tayac, en Sarladais. Marcenat, Cantal, ou Livinhac-Haut, du Rouergue.
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je deffend à mes héritiers et leurs descendans, in infinitum, de diviser mes terres et seigneuries... Item, je donne, par préciput et advantage, à mon fils Gabriel de Pierrebuffière et de feu ma chère épouse, dame Jeanne de La Chassaigne, outre sa portion contingente et coutumière, tous et chacun mes acquêts et conquets...
Item, en tous mes autres biens., ordonne mon héritier universel, ledit Gabriel de Pierrebuffière, le plus jeune de tous mes enfans, et ses descendans mâles in infinitum... et lui substitue Louis de Pierrebuffière mon filleul, fils de mon dit fils Louis de Pirrebuffière et à lui substitue Marguerite, ma plus jeune fille et ses descendans masles, à la charge de mon nom et armes... Et comme mes dits enfans : Gabriel et Marguerite sont mineurs d'âge, je leur nomme pour tuteurs et curateurs, messieurs le comte de Ventadour, le sieur de Biron(l), le sieur de la Rophie juge-mage de Périgueux, et révérend père messire François de Neuville, abbé de Granmond (2) et d'Aubazine. mes bons parens, affins et amis...
— Fait au château de Treinhac, le 7 avril 1548, présans : nob. Martial de Châteauneuf, demeurant à Peyrac; nob. Marc de Saint-Seurin, sieur du dit lieu; nob. Grapasy de La Saigne, sieur du dit lieu; me Martin Savoudin, licentié ; Defforges, juge de Treinhac; m« Léonard Cognoissant (3), prêtre, curé de Soudaine, et me Pierre Reminieyras, notaire de Treignac, tesmoins, et J. Fouchier, notaire royal.
Le 5 juin 1614, personnellement établi haut et puissant seigneur messire Gabriel de Pierrebuffière et de Châteauneuf, chevalier de l'ordre du roy, baron de Lostanges, La» villeneuve-au-Comte, Nède, Maïsse, Magranges.... demeurant au château de Lostanges, en Lymosin, d'une part, et haute et puissante dame Jeanne d'Aubusson, fille de def(1)
def(1) commune, Dordogne. La Rolphie, nom dérivé de Raoul, par Radulphus de fiefs, soit de la cité de Périgueux, ou de Coulounieix et Coursac, Dordogne.
(2) Commune Saint-Sylvestre, Haute-Vienne.
(3) Erroné pour Coignoux, 35 habitants (Viam) Remenieyras, nom d'un village de 63 âmes (Chamberet).
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funct haut et puissant seigneur mr<J François d'Aubusson, chevalier, seigneur de la Feuillade (1), et de dame Louise Pot (2), et veuve de feu haut et puissant seigneur mre Guy Brachet, chevalier, baron de Peyrusse (3), demeurant au bourg de Saint-Disier, en Poitou.. La dite d'Aubusson, d'autorité et consentement de la dame sa mère, pour laquelle haut et puissant seigneur mre Guilhaume d'Aubusson, chevalier, baron de Chasseingrimont (4) et Ghastelet est intervenu... ont fait les accords de mariage suivants, entre le dit sieur de Lostanges et la dite dame Jeanne d'Aubusson, laquelle s'est constituée ses droits à 18,500 livres.
1619. 27 novembre, sachent tous qu'au château de La Node en Poitou, personnellement établi haut et puissant seigneur, mre Gabriel de Pierrebuffière, issu du premier baron de Limosin, baron de Lostanges... estant dans son lit malade, fait son testament., donne à François Benoist, sommelier, en considération de ce qu'il fust parrain de feu noble François de Pierrebuffière, son fils, et de la dame d'Aubusson, son épouse... [entend] que Léonard de Pierrebuffière, son fils naturel, soil promeu aux ordres de prêtrise, ou s'il ne veut être prêtre, lui donne 400 livres... déclare la dite dame son épouse (sic) et nomme le fils ou fille posthume son héritier universel; et s'il vient à décéder, substitue la dame son épousé, et en ce cas, veut qu'elle employé ses biens à faire édifier dans le bourg de Node(5) un monastère de l'ordre des Feuillens ou de Sainte-Claire, à son choix.... Dufour et Chambon, notaires.
1619. Le 29 novembre, haute et puissante dame Jeanne d'Aubusson, veuve de feu mre Gabriel de Pierrebuffière, sei(1)
sei(1) Creuse.
(2) Des Pot de Rhodes (Monhet, Indre).
(3) Ex paroisse de Cbamproy, Creuse, près Saint-Dizier-l'Eyrenne.
(4) Chassingrimont (SaintCivran, Indre); corrizez en Chazelet, commune du canton aussi de Saint-Benoit-du-Sault, Indre. Plus haut, identifions avec Maysse (Lostanges), la Villeneuve (Rempnat, HauteVienne), Nedde, commune voisine.
(5) Corrigez en Nedde, bourgade sur la Vienne naissante.
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gneur baron de Lostanges, fait son testament.... donne à demoiselle Honnorée d'Aubusson, sa soeur, 1,000 livres.... au sieur Guillaume d'Aubusson, sieur de Chasseingrimond, son frère, 2,000 livres. Item, à demoiselle Louise de La Tremouille, sa belle-soeur, un noeud de diamans et ses perles; à Mlle de Monsergues (1), sa soeur, 1,000 livres, une croix de diamans et une ceinture d'or.... à messire Daniel de Pierrebuffière-Châteauneuf, sieur de Magranges (2), son beau-fère, un cheval à son choix., au sieur de La Brousse, l'un des gentilshommes du feu sieur son mari, un habit d'écarlate et un cheval... suivant la volonté de son mari, déclare [donner] ses biens à la fondation d'un couvent, de Feuillens au château de Nède
Et advenant le lendemain, dernier dudit mois, à deux heures après midy. a déclaré la dite dame malade, qu'environ les 10 heures du matin, elle était accouchée d'un fils qui a eu vie et a été batizé... et comme héritière de son mari et de son fils veut le dit couvent des Feuillans estre basty.
1626. 26 juliet, establîs mre Georges d'Aubusson, chevalier, comte de La Feuillade, demeurant ordinairement en son château de Rochemeux, paroisse de Charoux (3), en Poitou, et mre Guilhaume d'Aubusson, chevalier, sieur de Chasseingrimont, demeurant ordinairement en son château
de Chazelet près Argenton, en Berry, tant en son nom
que comme ayant les droits de révérend père en Dieu mre Robert d'Aubusson, son frère, abbé commendataire de Saint-Benoist-du-Sault... les dits seigneurs d'Aubusson, comme héritiers présomptifs de feu dame Jeanne d'Aubusson, leur soeur, femme de feu mre Gabriel de Pierrebuffiière seigneur de Lostanges, d'une part — et les religieux Feuillans, d'autre., au procès intenté contre mre Daniel de Pierbuffière, frère du dit deffunct Gabriel... Ont. ainsi transigé...
(1) Monsergues (Châtelus Marchés, Creuse), fief poitevin.
(2) Aujourd'hui'Magrangeas (Royère, près le Compeix, Creuse).
(3) Charroux, ville de la Vienne.
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1630.^22 mars, entre mre Jean Dublancber(l), chevalier, seigneur baron de Lostanges,... héritier bénéficiére de feu Daniel de Pierrebuffière son oncle, et les Feuillants, dit ledit Dublancher qu'il est héritier présomptif et seul habile à succéder aux dits Gabriel et Daniel de Pierrebuffière... transigent., est donné aux Feuillens pour leurs droits 2,400 livres.
1630. 24 juillet, haut et puissant seigneur, messire François de Bourzolles (2) de Caumont, chevalier de l'ordre du Roy, vicomte de Carlus, baron de Ber[bi]guères en Pèrigord, fait assigner les Feuillants.-., pour la succession de Lostanges. Ledit de Bourzolles demandoit une prétendue substitution ouverte en faveur de sa grand-mère, Marguerite de Pierrebuffière, soeur du 1er Gabriel, fille de Louis de Pierrebuffière, par testament du dit Louis, de l'an 1584..
Respondoit le dit Du Blanchier : ce testament de Louis n'avoir jamais eu d'effet, ses enfants avoir partagé ab intestat, et Gabriel n'avoir eu pour sa part que la baronie de La Villeneuve, démembrée de celle de Peyrac. Le dit Gabriel, fils de Louis, laissa trois enfans mâles décédés sans enfans, la mère de Jean de Blancher, et Catherine de Pierrebuffière dame de Coroneau (3).
1429. 22 mensis junii.... coram me notario infrascripto, mediante videlicet rêver, in Christo paire et domino domno Johanne, miseratione divina episcopo ecclesias Tutel. pro se
et successoribus suis qui pro tempore erunt et venerabilibus
venerabilibus reverendis fratribus Raymundo Donarelli ; prioré claustrali, Martino de Sancto Salvatore, eleemosinario; Johanne Laumur, cantore; Johanne Boscha, infirmario; Slephano Lagia, camerario ; Hugone de Planis, sacrista; Ludovico de Montanhaco, de Clergorio ; Jacobo de Campis. de
(1) Le Blancher, sen berceau, ancien repaire (Saint Génies, Dord.).
(2) Bourzolles, Lot, près Souillac; Carlus et Berbiguières, en Sarladais.
(3) La commune de Ligneux, Gironde, a un château de Couronneau. Peyrat-le-Château, Haute-Vienne.
T. XXXVI. 1—11
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Seilhaco, prepositatuum pi*epositis; Johanne de Mercorio, de Ruppe; Aymerico Reginaldi, Sancti Michaëlis; Helia de Peyraco, de Floiriaco (1), et Bertrando Focherii, de Angulis, prioratuum prioribus, à dicta ecclesia cathedrali dependentium immédiate.
Helia de Bossaco, Johanne Verdy, Guilhelmo de Feletz, Petro de Cardaillaco et Andréa Sapientis, monachis et religiosis ecclesias cathedralis prasdictas, duas partes et majorem et saniorem partem religiosornm dictas ecclesias'et dicti capituli absentibus ac vice et nomine dicti capituli absentibus ac vice et nomine dicti capituli pro ipsis, et successoribus suis ex altéra. (J'ai une copie de cet acte au long) (sic).
Tulle ; Meissac.
1491, 1484. Nobilis frater Jacobus de Planis, prior de Meissaco.
Dominus de Malmont, sanclas sedis apostolicas protonotarius, abbas de Userchia commendatarius et prior de Meissaco. ordinis Sancti Benedicti.
1440. Frater nob. Hugo de Planis, prior de Meissaco. Jean Veissier, chanoine de Clermont, en Auvergne, prieur de Meissac.
1556. Pierre de Geneste, conseiller du Roy et son audiencier en la chancellerie de Bordeaux. Me Jean de Geneste, licentié ez droits, son frère. Me Cristophle de Roffinhac, chevalier, second président du parlement de Bordeaux. Mre Olivier Viclet (en vedette, Victel), prieur commendataire de Meissac.
Frater Hugo de Planis, prior de Meissaco, 1429,1400,84, 41.
1607. Antoine du Solier, prieur de Meissac, contre Jean Veissier.
1567. Jacques de Roffignac, prieur de Meissac, pourvu.
1584. Jacques Genevois, prieur de Meissac, pourvu.
(1) Floirac, Lot. Se reporter aux identifications de mes glanes précédentes et à mon cartulaire de Tulle-Rocamadour.
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1599. Pierre du Solier, prieur de Meissac, résigne à Antoine, son frère.
1466, 1462. Frater Franciscus de Planis, prior de Meissaco.
1533. Gabriel de Malmont, protonotaire du saint-siège, prieur de Meissac.
1441. Nob. Johannes Beaumondi, parochias de Meissaco.
1464. Nob. vir, Johannes Beaumondi, filius nob. viri Johannis Beaumondi, senioris, domini riparii de Petrascissa(i), parochias de Meissaco.
1464. Nob. Petrus de Peyraco, dominus loci de Jucgals.
1462. Nob. vir et religiosus frater Stephanus Beaumondi, filius nob. Johannis Beaumondi, senioris.
1466. Nob. Bertrandus La Astayria, dominus locorum de Salhento et de Flomonte, dat procurationem, etc.
1440. Nob. Stephanus de Pairaco.
1566. Léonard Montagnac prend possession du prieuré de Meissac,
Les Angles; CC.
1534. Géraud de Puydeval, escuyer, seigneur dudit lieu, et Catherine Focaude, damoiselle, sa mère.
1539. Nob. Léonard Chautard, escuyer, sieur de la Rochette et de Puy-Donarel.
1534. Nob. Gabriel de Lautonie, sieur du dit lieu et de La Farge, paroisse de Sainte-Fortunade (2).
1535. Nob. Jean de Sourries, sieur de Lavaur, et nob. Léonard Chotard, ou Chautard, sieur de la Rochette, ledit Léonard frère de nob. Annet Chautard, sieur de la Rochette, et mari de Claude Blanard (sic) et fils de Claire Rossine [Coustine].
(1) Peyretaillade, castel, avec juridiction dont fut simple greffier un de ces Monteils, exaltés de façon si humouristique dans les récits inventifs de veillées collongeoises du colonel Bial, au Builelin de Brive.
(2) Et Lagarde.
— 156 —
1534. Nob. Marguerite de Saint-Aulaire, dame de SaintChamans, femme à nob. Jean de Saint-Chamans, sieur du dit lieu.
1535. Nob..Jean de Malmont, sieur dud. lieu et de SainctRealfin (sic)(l), en la Marche, et baron de la baronie de la Roche, en Limousin.
1535. Nob. Mercure de Sainte-Fortunade, seigneur dudit.
1535. 14 novembre, au château de Puideval, paroisse d'Espagnac, diocèse de Tulle, le 14 novembre, constitués nobles Catherine Foucaude, dame de Puydeval, et Géraud de Puydeval, escuyer, sieur dudit lieu, son fils, et Françoise de Noailhes, damoiselle, femme du dit Géraud.
1578. Etienne Nôhilanes, prieur des Angles.
1534. Ludovicus de la Motta, prior de Angulis.
1543. 19 mars ; item l^r may, Jean de Puydeval, doyen de Tulle, prieur des Angles.
1543. Ur septembre, Charles de Puydeval, prieur des Angles.
1622, etiam 1612. Nob. Jean-Martin de Saint-Martial, prieur des Angles et de Glanic.
1566. Petrus de Sedière, abbas incliti monasterii de Teryaco(2), et vicarius generalis episcopi Tutellensis.... presentibus ibidem nobili Antonio Saige, domino de la Chassaigna.
1573. Petrus Vaisses, prior de Angulis.
1467, etiam 1462. 21 martii, frater Johannes Floucaldi, prior de Angulis.
Idem, 1462. 21 martii, frater Joadnes Folcandi de Malereto, prior de Angulis.
1498. Frater Raymundus de Planis, prior de Angulis; 1501; prent possession 1493; 1504.
(1) 11 doit y avoir là quelque erreur de copiste.... pour Saint-Quentin (Creuse)?
(2) lourtoirac, commune Dordogne, ex-membre Uzerchois.
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1534. Ludovicus de la Mota, prior de Angulis, 1521, 1525.
1547. Jean de Puydeval, prieur des Angles, 1549, 1552, 1558.
1586. Haut et puissant seigneur François de Gimel, escuyer, seigneur baron de Gimel, Sarran, Ghaperenibiers [corrigez en'Chapdes et Amburs, Puy-de-Dôme], et La Rochebriant(i).
1606. Jean-Martin de Saint-Marsal, prieur des Angles. Pfetrus] de Planis, prior de Angulis, 1506, prend possession; 1520.
1440. Frater Gerardus Mouraud, prior de Angulis, 1441, 1442, 1448.
1567. Le 6 avril, François Loubrerie et Pierre Regnaut se mirent en possession du prieuré des Angles...
1586. Jean de Saint-Marsal, reçu prieur des Angles.
1489. Molinieiv chantre de Marsilhac, prieur des Angles.
1428. Religiosus vir domnus JBgidius de Albussonio, cellerarius major ecclesias Tutel. Relig. v. domnus Martinus de Sancto Salvatore, eleemosinarus eccles. Tutel.; et relig. v. dominus de Campis, praspositus de Seilhaco.
1428. 17 octobris, nob. Petrus Donnarelli, baccalaureus in legibus.
1429. Venerab. vir dominus Johannes La Chapolia, licentiatus in legibus, filius vener. v. dni Durandi La Ghap. doctoris in .legibus.
1430. Vener. et relig. v. dnus Petrus Foscherii, praspositus praspositatus de Navis, confert vicariam fundatam in capella Sancti Michëlis per domnum Guillermum de Monleydier (2) quondam praspositum de Navis.
1429. Nob. Petrus Donnarelli, junior.
1430. Die ultima aprilis, nob. vir. Jordanus Fornerii,
(1) Laroche-Briant, disparu, près Miremont (Puy-de-Dôme).
(2) Mouleydier, commune du canton de Bergerac (Dordogne),
— 158 —
miles, procurator religiosi v. dni Mathasi Fornerii, praspositi Tutellensis.
1431. Relig. v. Bertrandus Focherii, prior de Angulis; 1427 etiam.
1431. Relig. v. Eblot Boscha, prior Sancti Clementis et praspositus de Planis ; Johannes Boscha, infirmarius ecclesias Tutel.
1431. Relig. v. dnus Ludovicus de Montanhaco, praspositus de Clergoux.
1655. Mre Henry de Saint Marsal de Puydeval, seigneur prévost de Naves, prieur de Vedrènes, grand-célérier de l'église de Tulles.
1480, Frater Johannes de Molceone, alias de Marsilhac, prior de Angulis.
1481. Nob. Johahnes de Podiovallis. clericus, castri de
Podiovallis.
J.-B. CHAMPEVAL. (A suivre.)
Les Sculpteurs et Peintres du Bas-Limousin
ET LEURS OEUVRES
a.u.x 2£Vir et 2CVIII" siècles
LES PEINTRES
A côté de Pierre Esparvier on peut, sans descendre des sommets de l'art, citer Jean-Joseph Dumons (le Romain).
Voici un compatriote qui a eu sa place parmi les meilleurs artistes peintres du xvnf siècle. M. Philippe, marquis de Chennevières-Pointel., le savant inspecteur des musées de province, lui consacrait une notice dans les Archives de VArt français, en 1858. Il disait que Jean-Joseph Dumons était né à Tulle en 1687 et qu'il était mort en mars 1779, ce qui est très exact5 à l'encontre de la Biographie générale publiée en 1858 par MM. Firmin-Didot frères qui le font naître à Paris en 1700. — « Il avait 91 ans et sis mois, et n'avait passé par aucun des grades de
l'Académie Et pourtant on sait par les registres
de l'Académie royale de peinlure et sculpture, que
Jean-Joseph Dumons fut nommé en date du
20 mars 1731, peintre et dessinateur pour le roi, des manufactures de tapisserie établies en la ville et faubourg d'Aubusson, et qu'il fut reçu de l'Académie royale, comme peintre d'histoire, le 29 octobre 1735, sur un tableau « d'Adam et Eve », dissimulé avec raison dans les magasins du Musée du Louvre. v>
M. de Ghennevières cite nombre de tableaux con-
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nus de notre compatriote et ajoute que « c'est dans l'église de Montreuil-sur-Mer qu'il faut aller aujourd'hui pour étudier à l'aise le talent de Dumons : « Ernest Prarond m'y a signalé neuf grands tableaux décorant les entre-fenêtres de cette église : 1° Une Annonciation (peinte par Jean-Joseph Dumons, peintre ordinaire du Roy, en 1762); —- 2° La Naissance de Jésus-Christ; — 3° Un Roi dans un temple adorant une couronne d'épines devant un évêque debout (c'est, à n'en pas douter, le SaintLouis exposé en 1747); ■— 4° Une Assomption; — 5° UApparition au Jardinier de Jésus-Christ ressuscité ; — 6° Une Fuite en Egypte; — 7° Jésus enfant sur les genoux de la Vierge (saint Joseph est à genoux; un ange se voit dans le haut du tableau); — 8° Jésus-Christ chez Nicodème; — 9° Une Visitation.
M. de Chennevières dit encore : « Les services que Jean-Joseph Dumons avait rendus à la manufacture d'Aubusson avaient été assez éclatants et assez bien appréciés., puisqu'il fut nommé directeur de la manufacture de Beauvais en 1755. »
Dans le brevet de peintre du roi qui fut délivré à Jean-Joseph Dumons le 20 mars 1731, on lit que ce peintre doit « faire des tableaux coloriés pour être substitués aux anciens dessins, retoucher lesd. anciens dessins se transporter sur les lieux (Aubusson)
(Aubusson) inspirer aux ouvriers les principes de l'intelligence d'une meilleure manière de dessiner,
de colorier et d'exécuter lesd. tableaux de faire
chaque année les tableaux nécessaires pour servir de patron à une tenture de dix-huit à vingt aunes de
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cours, composée de fabriques, arbres, plantes, fleurs et animaux, de faire tous les deux ans un séjour de trois mois à Aubusson et y retoucher tous les dessins qui sont dans les manufactures de lad. ville moyennant une somme de dix-huit cent livres par chaque année pour appointemens, frais de voyage et autre
généralement quelconques »
A cette notice de M. de Chennevières nous ajouterons quelques lignes : tout d'abord pour prouver l'origine tulloise de Jean-Joseph Dumons (qu'on devrait écrire Dumon£ ou mieux Dumonrf). L'acte de baptême de cet enfant de Tulle se trouve sur le registre des baptêmes, mariages et décès de la paroisse de Saint-Julien de Tulle, années 1687-1688, M. Melon étant curé (1) :
Le vintseptiesme de mars 1687 a esté baptizé Jean-Joseph Dumont, filz naturel et légitime de Pierre Dumont, me imprimeur et de Jeanne Druillole son épouse, et est né le vingtsizième du même mois et am
Le parrain a ete M. Jean Dufaure, prêtre. La mareine
Marie Baluze, laquelle a déclaré ne scavoir signer de ce
faire requise.
J. DUFAURE parrain.
B. LEYS vicaire.
Pour être exact et prouver combien souvent les prêtres chargés d'enregistrer les naissances, mariages et décès commettaient des erreurs, nous donnerons
(1) Pour compléter la notice de M. de Chennevières (1858) M. René Fage en publia une nouvelle en 1881 [Bulletin de la Société des lettres de Tulle, 188S,- page 105). L'acte de baptême ci-dessus y est énoncé. — Nous l'avons aussi relevé aux archives de la ville de Tulle, série G G, n" 28, année 1087, folio 7 recto du premier cahier. .
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l'acte de naissance du frère aîné du peintre Dumond et nous y constaterons que leur père est tantôt dénommé Pierre, tantôt Martial et que la mère est inscrite sous les noms de Druillole et de Drouilloles. Et encore que le nom de Dumond est écrit avec un D final.
Le trentième juin 1681 est né et a esté baptisé Pierre Dumond fils a Martial Dumond imprimeur et Jeanne Drouilloles son espouse, parrain Pierre Dumond et marraine Petronille Drouilloles.
LAGIER vicaire (1).
Dumons (puisque telle est l'orthographe admise sans raison) fut élevé à Tulle et dès son enfance il montra un goût particulier pour le dessin et la peinture; les. échoppes collées contre les murs de nos églises lui servaient souvent de fond, dit-on, pour crayonner au charbon ses improvisations fantaisistes. Tout jeune encore il abandonna sa ville natale et l'imprimerie de son père, où s'étaient essayés ses premiers coups de crayon d'imager, pour se rendre à pied et presque sans argent, dans la ville de ses rêves, à Rome.
Nous ne savons rien de ses études au pays des merveilles picturales et sculpturales, mais dès son retour en France, il fut reçu -membre de l'Académie royale de peinture, dont il fut plus tard nommé recteur, et ensuite peintre du roi et des manufactures de tapisserie d'Aubusson, ce qui lui valait annuellement, sur les fonds des fermiers généraux, un appointement de 1,800 livres, en fournissant cepen(1)
cepen(1) de la ville de Tulle, G G, 25.
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dant dix tableaux par an à la manufacture. Il était tenu en outre de faire tous les deux ans un voyage à Aubusson, comme nous venons de le voir. Il recevait aussi 800 livres pour fournir deux dessins aux jurés-gardes de Felletin, et encore 300 livres pour trois dessins de tapis de pieds sur papier, destinés à la fabrique d'Aubusson.
En 1751, il demanda à être déchargé de la fourniture des dessins pour tapis de pieds, et il proposa d'en charger un de ses meilleurs élèves, M. Roby aîné., ce qui fut ratifié le 20 août 1751.
Nous avons vu que Dumons avait fourni des tableaux à l'église de Montreuil-sur-Mer et nous aurions été heureux de les voir, mais M. le curé de cette paroisse nous a dit que lors de la restauration des fenêtres de son église, en 1868-1869, « les tableaux qui les obstruaient et empêchaient la lumière de pénétrer dans l'église furent enlevés et le conseil de fabrique ne jugea pas bon de leur rendre leur ancien emplacement. Ceux que Ton a conservés ont été suspendus, les uns sous la tour, et d'autres au-dessus des autels, ces toiles ayant 3 à 4 mètres de hauteur sur 1 mètre 50 de largeur, et les dimensions n'étant guère compatibles avec la largeur des trumeaux qui séparent les fenêtres. D'ailleurs ces tableaux n'avaient, au regard des artistes, qu'une VALEUR ASSEZ MODESTE, et dans l'impossibilité où l'on était de les utiliser on les a cédés à des conditions bénignes à d'autres églises dont le style se prétait mieux à ce genre de décoration. »
Voilà textuellement ce que nous écrit M. le curé de Montreuil-sur-Mer,
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Nous n'avons pu savoir quelles églises avaient bénéficié des oeuvres de Dumons, peintre du roi, membre de l'Académie de peinture, professeur-directeur des célèbres fabriques d'Aubusson et de Beauvais et dont les oeuvres n'avaient qu'une VALEUR ASSEZ MODESTE, il y a quelques années, « au regard des artistes » et surtout des membres du conseil de fabrique de l'église de Montreuil-sur-Mer, pays renommé, avec raison, pour ses pâtés de bécasses!....
Le ministère des Beaux-Arts n'aurait-il pas quelque intérêt à rechercher ce que sont devenues ces oeuvres, qui pour nous ont plus de valeur que ne le pensent les Montreuillois?
Examinons l'oeuvre de Dumons :
Notre compatriote se plaisait à représenter des raccourcis, et ce genre est rarement bien heureux — même agréable. — Son pinceau était très énergique, tranchant dans le coloris, mais les lignes, souvent trop accusées manquaient de grâce et de souplesse. C'est probablement ce qui l'a empêché d'être noté parmi les premiers peintres de son époque. Son dessin était des plus corrects. Voilà à peu près ce que disent les biographes :
Le Dictionnaire historique, critique et biographique, publié en 1822, dit qu'une de ses meilleures compositions fut faite pour les chartreux de Paris, que son morceau de réception à l'Académie représentait Hercule et Omphale (1) et qu'on faisait beaucoup de cas de ses tableaux représentant La Mère
(1) Ceci est une erreur. Nous sommes certain que le tableau de réception à l'Académie représentait Adam et Eve. Mais à cela près on peut Jes avoir baptisés Hercule et Omphale.
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Savoyarde et La Charmante Câlin, qui furent gravés par le célèbre Jean Daullé.
Jean-Joseph Dumons était surnommé le Romain, et bien que les opinions soient différentes sur l'oeuvre qui lui valut d'être élu membre de l'Académie royale de peinture et de sculpture en 1735, nous avons demandé que son tableau de réception « emmagasiné dans les greniers du Louvre » fût attribué au Musée de Tulle, sa ville natale. — Il nous a été répondu que le tableau avait été placé dans la galerie des oeuvres de réception des membres de l'Académie de peinture qui est à l'Ecole des Beaux-Arts. — Chacun peut donc voir aujourd'hui le fameux tableau dont parle M. de Chennevières, disant qu'il est ce dissimulé avec raison dans les magasins du Musée du Louvre » et au sujet duquel M. René Fage, probablement sur la seule lecture de cette ligne du maître, a écrit que ce « tableau de réception était un Adam et Eve d'assez médiocre valeur, s'il faut en croire M. le marquis de Chennevières » (1). Bien que quelques mois avant, ce même Bulletin, rendant compte de l'étude de M. René Fage, dise que « cette toile est un des meilleurs tableaux de ce peintre » (2).
Ce n'est pas, à notre avis, la médiocrité de l'oeuvre qui la fit reléguer dans les combles du Louvre, ce
serait plutôt sa hardiesse la compréhension du
nu artistique, comme on ne voulait pas le montrer, en peinture, sous le pudibond régime impérial
(1) Bulletin de la Société des sciences, lettres et arts de la Corrèze, année 1881, 2=e livraison, p. 112.
(2) Bulletin de la Société des sciences, lettres et arts de la Corrèze, année 1881, 1" livraison, p. 100.
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alors que l'on cachait les tableaux sur toile pour les exhiber au naturel
Nous possédons, parmi les oeuvres de notre galerie artistique, un joli « carton » attribué au pinceau de notre compatriote tullois. C'est une toile peinte, imitation tapisserie d'Aubusson, représentant une éclaircie dans un coin de forêt. Au milieu des nuages, sur un fond bleu, se détachent deux anges à chair rose, voletant dans l'espace. L'un d'eux, les bras largement ouverts, tient un flambeau à chaque main. L'autre, placé légèrement en dessous, les mains tendues en avant, semble être sous la protection du premier. — C'est bien la manière de J-J. Dumons : un raccourci très accentué, mais plaisant à l'oeil, et d'une finesse de lignes exquise. Ce carton, qui nous a été offert par un ami, dont le grand-père était autrefois chef d'atelier à Aubusson, mesure 1 mètre 80 de longueur sur 80 centimètres de hauteur; c'est un fragment de l'étude d'une grande tapisserie, car les anges, vus dans l'espace, ne mesurent pas moins de 35 centimètres de hauteur, malgré le raccourci.
Voici un homonyme du peintre d'Adam et Eve, c'est JEAN-LÉONARD DUMOND.
Cet artiste était-il frère ou cousin de Jean-Joseph Dumons dont nous venons de parler? L'un et l'autre peuvent être possible, car les registres des paroisses de cette époque ne sont pas toujours ni précis, ni exacts en ce qui concerne l'orthographe des noms et la désignation des prénoms. Mais nous inclinons à
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croire que Léonard était le frère aîné de Jean-Joseph, car. nous trouvons l'acte suivant au registre paroissial de l'église Saint-Julien de Tulle :
Le vingtseptième may 1683 a esté baptisé Léonard Joseph
Dumond fils à Jean Martial Dumond me imprimeur et a
Jeanne Drulioles son épouse né le même jour son parrain
a été Léonard Dumond sa mafreine Marguerite Drulioles
qui n'ont su signer.
DE LEYS viquaire.
Il ne peut y avoir ici aucune certitude puisque nous trouvons un Jean-Léonard et aussi un LéonardJoseph qui pourraient bien être deux personnes distinctes. — Toujours est-il qu'à l'époque où JeanJoseph Dumons, dont nous venons de parler, étudiait son art à Paris, Jean-Léonard Dumond faisait déjà des tableaux en Bas-Limousin ; tel celui destiné à l'antique chapelle de Nirige, paroisse d'Espagnac, aujourd'hui canton de Laroche-Ganillac, arrondissement de Tulle (1).
Cette chapelle, qui s'élevait à proximité du vaste étang de Taysse, était dédiée à sainte Marguerite, et une demoiselle de Maruc, qui avait été baptisée du nom de la sainte, voulut orner le sanctuaire que son frère venait de réédifier. Elle s'adressa à Léonard Dumond, maître peintre, de Tulle, et, en 1709, lui commanda un tableau « représentant les figures de saint Pierre et de saint Jean, avec les clés, le coq et l'agneau, plus les armoiries'des ancêtres de demoi(1)
demoi(1) parle de Nirige comme existant déjà au xe siècle. La construction de la chapelle dont il est ici question fut commencée en 1694 par Jean Maruc, ce fut Marguerite de Maruc qui la fit terminer vers 1700-1705.
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selle Marguerite de Maruc [Ecusson d'azur à trois fasces vivrées d'or et d'argent] (1). — En outre, un devant d'autel représentant une Notre-Dame-dePitié avec une sainte Marguerite » (2).
Le salaire de l'artiste était convenu à trente livres, plus la nourriture, et la demoiselle de Maruc devait fournir les toiles et l'huile.
Léonard Dumond épousa Françoise Barry, de Tulle, le 11 janvier 1724. De ce mariage naquirent plusieurs enfants : Le 8 mars 1725 on baptisait Jacques; un an après, le 7 mars 1726, on baptisait Marie; en 1727, le 6 juillet, on baptisait encore Pétronille. — Dans ces divers actes nous relevons, comme parrains et marraines, Jacques Bassaler, Jean-Baptiste Vergne, Gabrielle Maruc (?) et Marie Dumond. Une particularité du dernier acte nous fait croire que notre artiste avait acquis une certaine notoriété, car il y est qualifié de sieur Léonard Dumond, maître peintre.
(1) Les Maruc et les Dumond étaient alliés, puisque nous trouvons dans les registres paroissiaux de l'église Saint-Julien de Tulle, que le 7 juillet 1790, .« fut baptisé Jacques Dumond, fils de M' Pierre Dumon {sic) et de dllc Thérèze Saintagne de Maruc, son épouse ». Furent parrain et marraine Jacques Dumond et dlu Jeanne Saintagne, veuve de feu sieur de Saint-Mûr. Les Maruc sont d'ancienne famille limousine, il ont occupé de nombreuses et hautes charges en BasLimousin. Pierre Maruc était conseiller du roi à Tulle en 1G00. Jean de Maruc, sieur de Saint-Aigne, occupait la même charge en 1G54 (Arch. de Tulle, G G, 1 et 9).
Un autre Antoine Maruc était argentier de la reine de France « à présent régnante » en 1660 (Arch. de Tulle, G G 10).
En 1663 il y avait un Pierre-Anne de Maruc « conseiller et maître d'hôtel du roi » (Arch. de Tulle, G G 11).
Jean-Martial de Maruc était conseiller et prédicateur ordinaire du roi en 1668 (Arch. de Tulle, G G 14).
(2) Clément-Simon, Les Duhamel, p. 7, en note.
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Bien que jeune encore, l'épouse de Léonard Dumond vécut à peine deux ans après avoir donné le jour à son dernier enfant. Elle fut enterrée dans l'église des Récollets de Tulle, le 10 septembre 1729.
Peu d'années après, le 4 octobre 1735, Léonard Dumond, « âgé de cinquante-cinq ans, ou environ », mort la veille, allait rejoindre sa femme dans leur caveau des Récollets.
La famille des Dumont a eu diverses personnalités de marque à Tulle : des prêtres, des procureurs, des
c
avocats,-des imprimeurs, etc., etc.
Un registre paroissial de Saint-Julien de Tulle porte la mention suivante à la date du 30 mars 1767, au mariage entre Me François Laborie de Saint-Priech, avocat en Parlement, fils de Me Jean de Saint-Priech de Saint-Mûr, lieutenant général de police à Tulle, et demoiselle Marguerite Dumont :
Je leur ai imparty la bénédiction nuptialle par permission de messieurs les vicaires généraux dans la chapelle des malades ; présens Me Pierre-Clément Baluze, procureur du roy et son conseiller en l'Élection de Tulle ; M. Martial Floucaud, bourgeois; M. Pierre Pineau, l'aîné, aussy bourgeois.
Gomme celles de tous les bourgeois enrichis de l'époque, cette famille avait ses armoiries : Le sieur Dumont (de Tulle) écrivant au sieur Brival, marchand de vin de Mgr le prince de Pons, à l'armée devant Tournai (Saint-Quentin, 15 juin 1744), timbrait sa lettre avec un cachet portant sur un cartouche très orné, écusson ovale d'azur, au mont (armes parlantes) accompagné en chef d'une fleur de lys
T. XXXVI. 1-12
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accostée de deux étoiles. Casque taré de face et orné de lambrequins (1).
Mais il faut croire que le sieur Dumont n'était pas entièrement satisfait de ces armoiries car il les modifia, l'année suivante, sur une lettre qu'il adressait au même Brival, à Valenciennes, à la date du 28 juin 1745. Ces nouvelles armes sont : Dans un paysage éclairé par un soleil issant à dexlre, un aigle en plein vol tenant en son bec un écusson ovale aux mêmes armes que ci-dessus (2).
La Montagne corrézienne aussi avait ses artistes peintres.
Les registres paroissiaux de l'église Saint-Martin d'Ussel font mention, en 1693, de FRANÇOIS PELATANE, maître peintre, et, l'année suivante, le 6 décembre 1694, nous trouvons, dans ce même registre, que ce « maître peintre fait baptiser son fils Jean (3).
Les registres de Tulle nous font connaître, en 1701, un peintre de cette ville qui, le 2 octobre, épouse Jeanne Pauquinot; c'est ANTOINE ESTORGES(4), descendant d'une famille originaire du petit hameau d'Estorges, paroisse de Tulle.
Voici l'acte de mariage extrait du registre de la paroisse de Saint-Julien :
(1) Bosredon et Rupin, Sigillographie du Bas-Limousin.
(2) Bosredon et Rupin, Sigillographie du Bas-Limousin.
(3) Arch. de ville d'Ussel, G G, 8.
(4) Arch. de la ville de Tulle, G G, 32.
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Le deuxième d'octobre 1701, après les fiansailles publications des bans de mariage faites entre Antoine Estorges peintre et Jeanne Pauquinot tous deux de cette parroisse je soubsigné ayant la commission expresse de Mr le curé et leur ay impartie la bénédiction nuptialle suivant la forme de nostre mère Ste Esglize après les bans qui ont pareu le controlle en présence de Jean Baptiste Lafon Me chirurgien et Martial Duchenoy, Jean Ganiayre et Antoine Pradallier qui ont signé avec l'espoux et ladite expouse a déclaré ne scavoir signer de ce requise par moy.
LAFOND pnt PRADALIER put MARTIAL DUCHENOIS pnt GANIÈRE pnt pour avoir desparty la bénédiction nuptialle par ordre de M. le curé.
Dans son Dictionnaire des Familles, M. JeanBaptiste Champeval mentionne ce peintre en 1707 et dit qu'il mourut en 1713.
*
Le livre-journal du syndic-marguillier de la paroisse d'Orliac-de-Bar, actuellement chef-lieu de commune du canton de Corrèze, arrondissement de Tulle, mentionne un peintre de Tulle. Voici ce que nous lisons dans ce registre sous le titre :
« Employ des revenus de la fabrique d'Orlhac [en 1710J.
« Payé à Monytou, peintre de Tulle, pour la façon,
toille, châssis, du grand tableau qui est derrière le tabernacle, 15 livres 10 sols, sans y comprendre ce que M. le Prévost a donné, ny la nourriture de trois jours (1). »
Ce MONYTOU était-il du pays? nous n'en avons trouvé aucune preuve.
Nous savons qu'à l'époqueoù Monytou travaillait
(1) Bull, de la Soc. des lettres de la Corrèze, 1894, p. 339,
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à Orliac-de-Bar il y avait assurément un autre peintre à Tulle, c'était JACQUES VERGNE.
Cet artiste, d'origine tulloise, était fils de JeanBaptiste Vergne, marchand cirier à Tulle, et de Pétronille Dumond (1). Le 23 avril 1755 il épousa demoiselle Marguerite Delbos, fille de feu Michel Delbos et de feue Marie Pastrie. La mariée était mineure, et en cette qualité, étant orpheline de père et de mère, elle était assistée de ses trois plus proches parents paternels et de trois du côté maternel. — Le mariage eut lieu dans l'église Saint-Julien de Tulle, en présence de Jean-Baptiste Vergne, père de l'époux,- et de Pierre Reynal, sergent royal, beau-frère de l'épouse, Jacques Reynal et Etienne Lavergne, « tous parents plus proches de l'épouse », et Léonard Vergne, frère de l'époux (2).
Parlant de cet artiste, dans sa Vie à Tulle au XVIIe et au XVIIIe siècle, M. René Fage dit que Jacques Vergne « peignit des tableaux religieux et des scènes
de genre On lui attribue les panneaux décoratifs
qui ornent une salle de la maison appartenant aujourd'hui à M. Jean Mazeyrie, imprimeur, sur la place Municipale. Un seul de ces panneaux est assez bien conservé; il représente le portique d'un palais s'ouvrant sur un vaste parc où des personnages, dans
(1) Il y avait à Tulle, à cette époque, un Pierre Vergne » maître tilreur », qui avait épousé Anne Py ; ils firent baptiser leur fille le 22 mars 1711. Ce Vergne était un oncle dû peintre. — Nous avons vu, dans la deuxième partie de notre travail, chapitre 1er, qu'un rétable de l'hôpital de Tulle avait été acheté, en 1746, par un « Vergne, sirier »; c'était le père du peintre.
(2) Arch. de la ville de Tulle, G G, 46. — Dans les registres paroissiaux de l'église Saint-Julien de Tulle, nous relevons à cette époque le décès d'Antoine Vergne, c marchand cirier », qui est enregistré à la date du 27 juin 1771.
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le goût de Watteau, se livrent aux plaisirs de la campagne »
Nous avons étudié avec soin les panneaux dont parle M. René Fage et nous avons la certitude que, s'ils ont été peints par notre artiste tullois, ce ne sont que des copies de tableaux du peintre parisien Nicolas Lahcret. Il suffit, pour s'en convaincre, d'ouvrir un dictionnaire quelconque pour lire que Lancret fut l'élève de Pierre Dulin et de Claude Gillat et qu'il eut le célèbre Watteau comme condisciple. Il s'assimila la manière de faire de ce dernier et débuta par Une Fille galante, qui eut un très grand succès.
En 1719, Lancret fut nommé membre de l'Académie sous le titre de peintre des fêles galantes, et c'est de la copie d'un de ses tableaux dont parle M. R. Fage, disant qu'il représente « des personnages dans le goût de Watteau se livrant aux plaisirs de la campagne ». Mais notre artiste tullois ne se borna pas à copier une des plus belles toiles de Lancret pour orner le trumeau de sa cheminée, il décora aussi les parois de cette même salle avec les Quatre Saisons, encore des copies de tableaux de Lancret.
— Et pour ne laisser aucun doute sur l'exactitude de notre assertion, disons que ces derniers ont été publiés en chromolithographie par les grands éditeurs Goupil et Cie, de Paris (Manzi, Joyant et Gle, successeurs), à qui nous en devons l'identification.
L'artiste tullois avait de plus orné sa maison d'autres peintures. On y trouve trois dessus de portes : L'Enfant au Chien; — Le Paysan et le Chien;
— L'Enfant au Pigeon, trois tableautins dans le même goût champêtre.
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Il va sans dire qu'aucune de ces toiles ne porte de signature. Alors, va-t-on dire, pourquoi les attribuer à Jacques Vergne plutôt qu'à tout autre artiste?
La raison en est simple : Le propriétaire actuel de la maison où se trouvent ces peintures, M. Jean Mazeyrie, a acquis cette demeure de M. Badour qui la tenait de M. Ludière; or,- Pierre Ludière, jurisconsulte, avait épousé Marianne Vergne, fille du peintre dont nous nous occupons, qui lui avait apporté en dot la maison où habitait Jacques Vergne.
Dans la cathédrale de Tulle, au-dessus de la porte de la sacristie, se trouve une grande toile représentant un Christ en croix qui porte la signature : J. VERGNE pinxit anno oetatis suce 80.
Ce tableau ne manque pas de réalisme, avec la tête du Christ retombant sur la poitrine. Le torse et les membres dénotent une habileté de dessinateur et de peintre. — Est-ce encore une copie?
Jacques Vergne était assez réputé en 1764 pour être chargé d'une expertise d'objets d'art, car nous voyons dans « l'inventaire et estimation des meubles et effets de feu M. d'Autichamp, évêque de Tulle :.... estimation de neuf portraits avec leurs cadres dorés ensemble la somme de quatre cent trente-deux livres ; plus deux tableaux, l'un représentant saint Charles Borromée, et l'autre le Crucifiement, ensemble trois cents livres, les dits portraits et tableaux ainsi appréciés par le s 1' Jacques Vergne, peintre de cette ville » (1).
Notre artiste vivait encore en 1793, car nous rele(1)
rele(1) hist. de l'hôpital général de Tulle, série B, 26,
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vons un acte de baptême sur les registres de l'église Saint-Julien de Tulle, où il est dit que le 24 août 1793 Pierre Ludière faisait baptiser son fils Pierre, né de son épouse Marianne Vergne, et nous lisons : « Le parrain a été Jacques Vergne grand père maternel et la marraine Marguerite Ludières(l).
Nous trouvons encore une trace de Vergne dans le registre des délibérations de la Société populaire de Tulle, à la date du 12 thermidor an II de la République (30 juillet 1794). Il est dit, dans le procèsverbal de cette séance, que la Société faisait un emprunt de 15,000 livres « pour subvenir aux besoins des veuves, enfants et parents des défenseurs de la patrie, et que le comité avait jeté ses vues sur la veuve Meynard et sa fille pour 3,000 livres, Laborderie médecin, La Fleurât, VERGNE peintre et
Soleilhet pour autant chacun et que tous avaient
déjà prêté leur contingent » (2), ce qui prouve que notre artiste faisait alors partie de la société très aisée, sinon riche, de là ville de Tulle. Et nous ajouterons même qu'il devait être compris dans la catégorie de ceux qui, sans être suspects, devaient faire
montre de civisme pour ne pas être inquiétés,
car peu après avoir versé les 3,000 livres qu'on lui demandait, le 14 thermidor an II (leo août 1794), les Jacobins tullois procédaient à l'épuration des membres du comité de surveillance du district de Tulle, dont Vergne faisait partie, le firent appeler.
(1) Archives de la ville de Tulle, cahier des naissances, mariages et décès de l'église de Saint-Julien de Tulle en 1792 et 1793, non inventorié.
(2) Victor Forot, Le Club des Jacobins de Tulle.
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« Il est monté à la tribune, et sur divers inter« rogats et certaines inculpations il a été arrêté que « Vergne, membre du comité et non de la Société, « n'avait plus la confiance de la Société pour rester « membre du comité », dit le procès-verbal de la séance.
En terminant cette notice sur Vergne, disons que sa famille est de vieille souche tulloise. Les Vergne étaient signalés déjà dans la capitale du Bas-Limousin au xive siècle. En 1370 Pierre Vergne était archidiacre de Rouen, auditeur du sacré palais et référendaire du pape Grégoire XI, Limousin comme lui, qui le fit cardinal en 1371 (1). Les Vergne se succédèrent ensuite à Tulle, les registres paroissiaux les signalent sans interruption depuis 1600 jusqu'à nos jours. — Nous avons beaucoup connu l'un d'eux qui nous honorait de son amitié : M. Jean-Denis Vergne. Il fut médecin de Napoléon III et vint terminer ses jours à Tulle en 1903.
* *
La petite église ogivale de Saint-Juiien-le-Vendonnais, canton de Lubersac, conserve avec les boiseries du xvnic siècle dont nous avons déjà parlé dans la quatrième partie de cet ouvrage.(p. 368), quelques tableaux sur toile qui remontent à peu près à la même époque. Nous citerons : 1° Une Annonciation, en deux panneaux ; 2° un Saint Julien, et 3° un Saint Christophe, peintures de meilleure facture que celles que l'on trouve ordinairement dans nos églises de
(1) Victor Forot, Les Cardinaux limousins. Paris et Tulle, 1906.
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campagne. Le tabernacle sculpté qui est sur le maîtreautel cache à peu près entièrement le tableau de l'Annonciation qui n'a pour ainsi dire pas de raison d'être à cette place, puisqu'on n'en voit presque rien. — En nous livrant à une gymnastique un peu risquée sur le maître-autel, nous voyons que ce tableau représente la scène de la Salutation angélique dans sa simplicité ordinaire : Un ange et la Vierge.
A droite de l'autel, dans un beau cadre sculpté, se trouve saint Julien. C'est un personnage■ debout, de grandeur naturelle, vêtu en soldat romain, tenant une lance de la main droite. — A gauche, aussi dans un cadre semblable se voit saint Christophe, comme on le représentait aux xve et xvie siècles, portant l'Enfant-Jésus à califourchon sur ses épaules et traversant un fleuve.
En voyant ce tableau qui, dit-on, est signé Maisounade, mais dont je n'ai pu lire la signature, je me suis souvenu que Jacques de Voragine, dans sa Légende dorée, fait de ce saint un géant qui, après avoir servi le diable, mit sa force au service des voyageurs qu'il prenait sur ses épaules pour leur faire traverser un fleuve large et profond. Un jour un enfant eut recours à lui. Christophe part d'un pied léger, mais arrivé au milieu de la rivière le fardeau devint si lourd que le géant ne pouvait plus avancer. Il se retourna et reconnut l'Enfant-Jésus. On prétend que c'est à ce fait qu'il doit son nom grec : Christophoros, c'est-à-dire qui porte le Christ.
Je me souviens encore d'avoir vu, il y a une dizaine d'années, une dent de saint Christophe, qui est conservée parmi les reliques de la cathédrale de Séville,
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Les dimensions de cette énorme molaire justifieraient bien ce que dit la légende, de la stature du colosse.
Mais revenons à Malsonade.
M. Poulbrière dit savoir que ce peintre exerçait son art à Limoges et travaillait aussi à la chapelle de Pompadour en 1740.
Il est certain que Maisonade habitait Limoges, les archives hospitalières de la ville de Saint-Yrieix nous en fournissent une preuve. Voici ce que nous lisons dans l'inventaire sommaire des archives de l'hôpital de cette ville à la date de 1753, au chapitre des dépenses (1) :
« 5 sols pour le port d'une lettre et de 4 aunes de toile envoyée au sieur Maysounade, peintre, faubourg Manigne, à Limoges, pour faire trois tableaux pour la chapelle de l'hôpital, le vieux qui y est étant uzé, percé et presque pourri ; dans lesquels tableaux sera représenté, voir dans celuy du milieu, de la hauteur de 5 pieds sur 4 de large, une belle N.-D., ou que ce soit l'intérieur de la Ste Vierge; et dans deux d'à coté, chacun haut de 3 pieds et demy sur deux pieds et demy de large, le tout dans oeuvre savoir dans l'un l'image de S' Alexis et dans l'autre l'image de S' Jean de Dieu, fondateur de l'ordre de la Charité, le tout moyennant la somme de 50 11. bon marché. »
Et plus loin, vers la fin de l'année 1755, ce même établissement ayant fait la commande d'un rétable sculpté, il donne « 36 11. d'acompte a Yrieix Yiilemouneix, Me sculpteur de cette ville, pour la construction d'un retable qui doit contenir les trois
(1) Arch. de l'hôpital de Saint-Yrieix, série E, n° 61.
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tableaux commandés au sieur Maisonnade, peintre à Limoges (1).
Bien que travaillant et habitant à Limoges, il ne s'ensuit pas que cet artiste soit d'origine limougeaude. Il pourrait tout aussi bien être Tullois car les Maisonade sont de vieille souche tulloise. Les livres paroissiaux des églises de Saint-Julien et de Saint-Pierre de Tulle font mention de plusieurs branches de cette famille, notamment de Marguerite Maisonade, morte le 18 mars 1691 (2); de Nicolas Maisounade, qui mourut le 10 avril 1691 et fut enterré dans l'église des Récollets de Tulle (3); de Martial Maisonnade, papetier, qu'on trouve aussi en cette même année 1691 (4); — encore Marie Maisonnade, née en mai 1704 (5) ; — autre Marie, femme d'un huissier de Tulle, en février 1742 (6) ; — Marguerite, veuve d'Espezolle, qui meurt en mars 1747 (7) ; — Jean Mayjounade, âgé d'environ 17 ans, qui est enterré au Puy-Saint-Clair le 21 mai 1748. — Enfin plusieurs autres Maisonnade, descendants plus ou moins directs du peintre, que nous trouvons en mai 1748, mars 1751, juillet 1777, etc., etc. (8).
Nous connaissons encore du peintre Maisonade un tableau représentant la Fuite en Egypte, qui était dans l'église de La Roche-l'Abeille, canton de Nexon, il y a une cinquantaine d'années. On disait cette peinture très bonne, c'est tout ce que nous en savons.
(1) Arch. de l'hôpital de Saint-Yrieix, série E, n° 63.
(2) (3) (4) Arch. de la ville de Tulle, G G, 30. (5) (6) (7) Arch. de la ville de Tulle, G G, 45. (8) Arch, de la ville de Tulle, G G 46, 47, 48,
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En parcourant les registres de la paroisse de SaintMartin de Brive, nous relevons encore deux noms de peintres : d'abord celui de JEAN MâZOYER, né vers 1620 et dont le décès est constaté par l'acte suivant :
« Jean Mazoyer, peintre, âgé d'environ soixante cinq ans, mort le vingtième jour de juin mil six cens quatre vingt six a esté enterre aux dominiquains le vingt troisième du susd. mois par le chapitre en présence de Jean Lioudor et Pierre Melon, garçons de l'esglise qui n'ont sceu signer.
CHASTAGNAC vicaire. »
Or ce Jean Mazoyer avait fait, un an environ avant sa mort, un tableau qui est aujourd'hui sur l'autel de la chapelle des pénitents de Treignac. Cette toile est signée : J. MAZOYE, pinxit et invenit, 1685. Elle représente le Baptême de Jésus-Christ par saint JeanBaptiste. Au premier plan se voient les deux personnages au-dessus desquels se détache, dans le ciel, un Père Eternel entre deux anges qui tiennent les bouts d'une banderole. Cette toile est dans un cadre arqué mesurant 2 mètres 50 de hauteur sur 2 mètres de largeur. Elle a plus de surface que de valeur. Nous lui préférons un second tableau de cette même chapelle représentant les Hérodiens interrogeant saint Jean-Baptiste : Tu QUIS ES?
Mais l'auteur n'a pas signé cette oeuvre qui nous semble de la même époque que le tableau de Mazoyer.
*
Nous trouvons ensuite le nom d'un autre peintre : FRANÇOIS-JOSEPH VAINCRE. Un acte de mariage, en date du 31 juillet 1703, porte que François-Joseph
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Vaincre, maître peintre de la ville de Mons en Hainaut, a été marié « avec le consentement de la dite ville, receu signé au bas Hyrsois, attesté par le vicaire général de l'archevêque de Cambrai » (1).
Cet artiste étranger épousait « Anne Gautyer » habitant la présent ville -[de Brive]. L'acte est signé par le père de l'épouse « Gauthier »; par le peintre « Vainque, époux » ; par « Bertrand pnt » et par le curé Malliard. »
Trente-neuf ans plus tard, le 26 juillet 1742, nous relevons le baptême de Jean, fils de JOSEF VAINQUE (ou Vaincre), qualifié comme ci-dessus, Me peintre^.). Nous trouvons encore un Michel Vainque, secrétaire de l'hôtel de ville de Brive en 1789 (3).
A environ 3 kilom. 500 au sud-ouest d'Altillac, canton de Mercoeur, arrondissement de Tulle, se trouve le village de Fontmerle, qui possède une église (succursale de la paroisse d'Altillac) où a été conservé un tableau exécuté lors de la réparation de l'église, en 1785. Cette toile représente le Christ en croix avec deux femmes au pied. A ce sujet, M. l'abbé Poulbrière dit : « Par un anachronisme dont on pourrait citer beaucoup d'exemples, on y voit au pied de la croix, sainte Agathe associée à sainte Madeleine. » En effet, Marie-Madeleine était contemporaine de Jésus-Christ alors que sainte Agathe na(1)
na(1) de la ville de Brive, G G, 20.
(2) Arch. de la ville de Brive, G G, 32.
(3) Arch. de la ville de Brive, G G, 53.
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quit seulement dans la première moitié du me siècle de l'ère chrétienne.
Le tableau qui nous occupe porte au bas :
SANCTA AGATITA, 1785
Rousseti fecit.
Nous n'avons rencontré ce nom dans aucun des documents que nous avons consultés aux diverses archives du Limousin; c'était peut-être un artiste de passage qui exécuta ce tableau, sans grand intérêt d'ailleurs.
*
M. Poulbrière cite un tableau « bien dégradé qu'on voit dans la chapelle du nord » de l'église de Masseret. Il ajoute que ce tableau « était autrefois apprécié des amateurs (1). »
C'était une assez bonne peinture du xvmc siècle, sans signature apparente, qui représentait sainte Catherine. — Elle avait une valeur malgré son mauvais état, mais elle a disparu depuis longtemps puisque M. Gayon, curé de Masseret dès 1896, nous a déclaré ne l'avoir jamais vu.
C'est dans la chapelle de Sainte-Catherine, où était ce tableau, que les femmes de Masseret viennent se prosterner pour implorer la sainte. Selon la légende, sainte Catherine d'Alexandrie fut décapitée sur l'ordre donné par l'empereur Maximin, mais des flots de lait, au lieu de sang, jaillirent de la décollation de la sainte, et son corps fut transporté par les anges sur
(1) Dictionnaire des Paroisses, tome II, p. 192.
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le mont Sinaï. C'est pourquoi les femmes nourrices de Masseret et de tout le canton font dire des messes dans cette chapelle pour avoir le plus de lait, possible. — Si l'une d'elles a peu de lait elle doit, en plus des messes, offrir à la sainte un caillé frais par semaine. — Il est à croire que le curé qui a créé cette coutume aimait les fromages à la crème.
A la suite de ces artistes, par rang de date, en vient un autre qu'on a baptisé : Le Limousin malgré lui. C'est FRANÇOIS-EMILE DE LANSAC.
Nous ne devrions pas citer cet artiste, pour plusieurs raisons : 1° Il sort du cadre que nous nous sommes tracé, c'est-à-dire du xvie au xixe siècle exclusivement. Or, François-Emile de Lansac naquit à Tulle le 9 vendémiaire an XII (2 octobre 1803).
2° Il se défendait d'être Limousin, même Tullois, bien qu'il fût né dans cette vieille et noble cité qui avait pour devise : In fide et fdelitale semper immola.
Il est vrai qu'il était « né par hasard » sur les bords de la Corrèze : son père, inspectant la Trésorerie de Tulle, accompagné de sa femme CharlotteEmilie Coutures, fut obligé de séjourner quelques semaines dans cette ville, en raison'de l'état de grossesse avancée de sa femme qui accoucha d'un garçon qu'on baptisa du nom de François. Le payeur-général de Tulle, Joseph Sage, et le grenier de la mairie de cette ville, Antoine Teyssier, signèrent la déclaration de la naissance.
Aussitôt relevée de couches, la mère se présentait
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devant M. le curé de la cathédrale de Tulle per se far monstraïre (1) puis prenait la route du Béarn, pays d'origine de son mari.
Des revers de fortune obligèrent le fils du financier à vivre de la palette. Dans une notice qu'il lui a consacrée, M. René Fage a énuméré la plupart des productions de ce « Limousin malgré lui ». Il exposa 36 tableaux aux divers Salons de 1827 à 1878. — « Travailleur infatigable, de Lansac avait, après une jeunesse pénible, reconquis l'aisance (2). » Il mourut à Paris en 1890.
Pour terminer cette notice sur les peintres, nous signalerons quelques peintures intéressantes dont les auteurs nous sont inconnus :
Dans l'église d'EYREIN, canton de Corrèze, on conserve (bien mal il est vrai) quelques peintures sur bois enchâssées dans les boiseries du choeur, dont nous avons déjà parlé en nous occupant des sculptures du Bas-Limousin. Elles représentent les Evangélistes, de grandeur naturelle, mais il est à regretter qu'elles soient placées au ras du sol et que rien ne les préserve du contact des fidèles, nos braves campagnards corréziens, qui sont loin d'être soigneux des choses artistiques. Nos paysans n'attachent pas grande valeur a las morolas, comme ils disent,
(1) Voir V. Porot, Monographie de la commune de Naves, tome I, p. 129. Et aussi le Dictionnaire patois du Bas-Limousin, qui dit au mot Monstraïre : Les femmes nouvellement accouchées vont à l'église se faire bénir, lorsqu'elles peuvent sortir. C'est ce qu'elles appellent se fa monstraïre, du latin menslrua, menslruorum s. p._
(2) M. René Fage a donné une biographie de ce peintre dans le Bulletin de la Société des lettres de la Corrèze, année 1890, p. 179.
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-et ces vieux bois n'ont pour eux aucun intérêt
mais ne tentez pas de vouloir les leur acheter, ils -auraient alors une valeur plus grande peut-être que la tiare de Saïtapharnès, de coûteuse mémoire.
À qui peut-on attribuer ces oeuvres sur bois? — Il nous est impossible de le dire, et ce serait pourtant bien intéressant à découvrir, car ces peintures ont eu une certaine valeur comme coloris et aussi comme •dessin. Il y a bien de-ci, de-là, quelques 'particularités qui font sourire : Un saint Paul, debout, tenant son •épée levée de la main gauche! — Un saint Mathieu, avec, à droite, au-dessus de l'épaule, comme emblème, une tête d'ange qui semble vouloir lui donner un gros .baiser !
Citons encore, avant de quitter le sanctuaire d'Eyrein, les deux travées de la voûte au-dessus du choeur, -qui sont remplies de fresques en grisailles représentant « des enroulements gracieux de fleurs et de feuillages », mais tout cela a été certainement peint avant le xvne siècle.
Sur l'indication donnée par le Dictionnaire des Paroisses, je croyais trouver des tableaux dans l'église de LARCHE. Il n'en fut rien, lors de mon étude dans cette jolie petite ville. Les deux tableaux que possédait autrefois l'église ont disparu avant l'inventaire. Ils étaient pourtant de taille à ne pas se mettre sous le bras : plus de 2 mètres de hauteur ! L'un d'eux représentait une belle Assomption. Il faut espérer que ces deux oeuvres d'art retourneront ■un jour à la place qu'elles occupaient il y a quelques
T. XXXVI. 1-13
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années, à moins qu'elles aillent orner le musée deBrive ou celui de Tulle? Avis au détenteur
Sur la place publique de LIGNEYRAG, tout petit, bourg du canton de Meyssac, à 20 kilomètres de Brive, se trouve un oratoire-auvent monté sur quatre colonnes. Il abrite des peintures sur bois que M. Poulbrière attribue à l'époque ogivale flamboyante. Gela, nous semble douteux, mais ces peintures sont en si mauvais état que nous ne saurions leur attribuer uneépoque exacte. Elles pourraient bien être du commencement du xviie siècle seulement.
C'est sur le lambris qui suit les lignes de la charpente de cet oratoire que se trouvent ces peintures représentant les quatre Évangélistes, autant qu'on en peut juger aujourd'hui. Des banderoles agrémentant les panneaux portent quelques phrases du Credo. Il est bien fâcheux que tout cela disparaisse. Encorequelques années et on n'y verra plus rien.
A peu de distance de Ligneyrac (14 kilomètres-- environ), voici la vieille église romane de NOAILLES et ses peintures, que le Dictionnaire des Paroisses signale comme suit :
« Sous les arceaux qui revêtent les murs, tableaux surtoile, dont deux à noms intervertis, de la sainte Famille, de sainte Anne, de saint Vincent-de-Paul et de saint François de Sales. Ils dominent une galerie de douze apôtres encadrés par compartiments dans les lambris du. sanctuaire. La voûte laisse entrevoir d'autres peintures,
malheureusement badigeonnées Si la nef accuse aussi
le roman par deux pilastres, ainsi que par la porte, il est aisé de voir dans ses deux travées de nervures la main duxvie siècle ou celle du xvne (armes de Noailles). »
- 18? - ;
Il n'est pas fait mention de deux magnifiques émaux de Limoges qui ornent la porte du tabernacle du xviie siècle dont nous avons parlé dans le chapitre descriptif des sculptures.
Le premier de ces émaux est de forme ovale et mesure environ 20 centimères sur 15. Il représente le Christ en croix, de style dit janséniste le plus marqué. Au pied de la croix se trouve Madeleine éplorée. Au dernier plan, la ville de Jérusalem se détache sur le bleu du ciel.
L'ensemble est renfermé dans un réseau de rinceaux du meilleur effet.
La facture de cet émail est suffisamment marquée pour montrer qu'il est de provenance limousine et date de la fin du xvie siècle ou du commencement du XVII 6, époque où les artistes limougeauds étaient parvenus à donner ces belles teintes rouges qui sont le critérium de la valeur d'un artiste émailleur.
Le second émail, aussi de Limoges, est ovale, comme le premier, et mesure environ dix centimètres sur six. Il représente, en demi-corps, un évêque crosse et mitre : saint Eutrope probablement qui est un des patrons de la paroisse. De la main gauche, cet évêque élève un coeur vers le ciel et tient une crosse de la droite.
Le dessin est aussi pur que celui de l'émail précédent, les couleurs en sont aussi vives et chatoyantes, c'est probablement l'oeuvre du même émailleur.
Ces deux émaux, qu'aucun auteur n'a encore cités et dont on ignorait la valeur avant notre visite, ne figurent sur aucun inventaire des objets d'art de
^- 188 *-
Cette église; nous les avons signalés- à la vigilance de M. le curé et de l'administration préfectorale..
Et puisque nous parlons d'inventaires, disons ce que nous avons relevé aux archives du département dans l'inventaire officiel concernant l'église de Noailles.
Un rétable en bois de noyer [tabernacle dont nous avons parlé au chapitre des sculptures]. — Une exposition en cuivre doré placée au-dessus de ce tabernacle. — Sur les murs, derrière le maître-autel, des boiseries [sans valeur artistique] sur lesquelles sont -accrochés douze petits tableaux sur toile représentant des têtes et des bustes de saints [tableaux modernes pour la plupart; copies sans valeur]. Quatre grands tableaux de 1 mètre 50, sur toile, et un autre tableau formant le fond de l'autel. Un tableau : La Mise en croix, revendiqué par M. de Noailles (1).
Ce dernier tableau mérite une mention toute spéciale. Il représente lès Apprêts du crucifiement de Jésus. On l'attribue à Marie-Alexandre Lenoir, le fameux conservateur-administrateur du Musée des Monuments français.
Ce tableau est assurément d'une époque antérieure à 1790, car Alexandre Lenoir ne s'occupa plus de peinture dès ce moment-là. Il conçut alors l'idée de rassembler à Paris les monuments des arts que ren-fermaient les couvents, qu'un décret de l'Assemblée Constituante venait de supprimer. Cette Assemblée le nomma conservateur du nouveau musée dit Musée des Monuments français. On y transporta les mausolées de Louis XII, de François Ier, de Henri II, tous
(1) Inventaire du 19 février 190G.
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les bronzes de Germain Pilon, le beau René de Birague du Louvre, les Deux Esclaves de MichelAnge, etc.
L'oeuvre de Lenoir qui se trouve dans l'église de Noailles est précieuse. Elle mesure environ 2 mètres de hauteur sur 1 mètre 50 de largeur. Jésus y est représenté debout, nu, les reins ceints d'un pagne, la tête inclinée regardant une grande croix plate posée à terre devant lui. Au pied de cette croix, deux hommes semblent se disputer la tunique et le manteau qu'ils viennent d'arracher du corps de Jésus. A gauche, près d'un des bras de la croix, le bourreau courbé, la main gauche appuyée sur son genou, regarde Jésus. Le bras droit rejeté en arrière avec le poing fermé menaçant.
Au second plan, à droite et à gauche de la croix, qui est à terre, attendant le Christ, sont plantées deux autres croix : celles des larrons. Sur celle de droite, des soldats hissent, au moyen de cordes, un homme, la tête en bas. Sur la croix de gauche, -d'autres soldats posent tout l'attirail du crucifiement : échelle, cordes, etc. — Au pied de cette croix,- un -larron est garrotté par des gardes.
A l'arrière-plan se détachent des soldats, des chevaux et la foule.
Ce tableau impressionne par la pose attristée de Jésus : cet homme nu fait une grande tache blanche sur le fond un peu embruni de la peinture. L'anatomie de ce corps est d'un modelé parfait : les mains, les genoux surtout sont des modèles du genre. La physionomnie est douce, résignée, sans tristesse.
Bien expressive aussi la physionomie du bourreau
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dévisageant Jésus. — La pose de l'exécuteur est bien un peu trop tragique, mais elle n'en est pas moins pleine de vigueur.
L'ensemble de cette conception est très original et de bon goût. Les costumes y sont traités avec art, mais la valeur réelle de l'oeuvre réside dans l'anatomie, dans l'attitude, comme dans le coloris de Jésus regardant la croix sur laquelle il va être cloué.
Une remarque-finale : la tunique qu'on a arrachée des épaules de Jésus est rose-rouge, le manteau est bleu. — Nous ne nous expliquons pas cette fantaisie du peintre. Jésus, avant d'être crucifié, portait le manteau rouge, symbole de l'infamie.
En parlant des peintres Cibille et Leix nous avons incidemment cité Pierre Yillate, peintre des environs de SAINT-CERNIN-DE-LARCHE, disant, d'après M. Poulbrière, qu'il avait laissé quelques mauvaises toiles. Depuis cette époque nous avons lu les Annales de Saint-Cernin-de-Larche, par le docteur Raoul Laffon, et à la page 329 nous y avons constaté que Pierre Yillate, dit Malebanche, était un « peintre renommé résidant à Avignon dans la seconde moitié du xve siècle. D'après Henri Bouchot, ce Pierre Yillate serait le grand maître, le prodigieux artiste à qui nous devons le tableau célèbre de la Pieta, de Villeneuve-lès-Avignon, et M. l'abbé Henri Requin, dans son travail sur l'Ecole avignonnaise de peinture, exprime la même opinion, lui attribuant aussi la Bésurrection du Christ, qui se trouvait dans l'église de Boulbon (Bouches-du-Rhône) et qui fut acquise par le musée du Louvre, il y a quelques années ». Il y a loin de cela aux quelques mauvaises toiles dont
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nous' parlions d'après le Dictionnaire des Paroisses du Diocèse de Tulle, par M. le chanoine Poulbrière.
Il existe certainement bien d'autres oeuvres des xvne et XVIII 6 siècles dans nos églises corréziennes, mais nous n'avons pas la prétention de donner ici une nomenclature complète, nous notons seulement les oeuvres qui nous ont été signalées, ou que nous avons vues au cours de notre étude sur les sculpteurs.
LES DOREURS
Cette profession est trop intimement liée à celle des sculpteurs, surtout à l'époque dont nous nous occupons, pour qu'il nous soit permis de terminer ce travail sans en dire quelques mots.
Ce métier est très ancien, mais il ne figure pas dans la liste de ceux qui furent réglementés en 1258 par le prévôt des marchands de Paris. Il était compris certainement dans ceux qu'Estienne Boyleau avait dénommés : « mestier d'ymagiers-tailleurs et ceux qui taillent cruchefix ». Ces artisans étaient, peintres, verriers, statuaires, décorateurs, etc., etc.
De nos jours, ils font encore partie d'une chambre syndicale, dite : « Chambre des Entrepreneurs de peinture et de vitrerie, des doreurs et des marchands de papiers peints détaillants » (1).
Le Bas-Limousin possédait autrefois un groupe de doreurs dont nous avons rencontré quelques membres que nous citerons :
En 1666, JEAN LAROCHE, maître doreur, de Tulle, épouse Antoinette Brossard, fille de François Bros(1)
Bros(1) association fut fondée en 1831 et fait partie des Chambres syndicales de Paris.
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sard, maître peintre (1), alliance qui prouve combien étaient intimes les relations de peintres à doreurs.
En même temps que Jean Laroche, il y avait JEAN ROCHE, qui lui se qualifie de « maître peintre et doreur de Tulle » en 1671, lorsqu'il fut chargé de dorer le rétable de la « frérie de Madame sainte Barbe de l'église Saint-Pierre de Tulle, dont voici le prixfait qui porte la date du 18 septembre 1671 :
« Les syndics de la frerie de la Conception de N.-D. de Celle, de Monsieur Saint Pierre et encore le scindicq de la frerie madame ste Barbe en l'église parochielle de s' Pierre de Tulle ont donné a Jean Roche me peintre et doreur de tulle, a doré le « retable destiné auxd. freries de la manière et la' forme qui sensuit premièrement ledit retable sera entièrement doré sauf des pendantifs et des niches lesquelles niches seront mises en couleur avec des fleurs de lys ou Etoilles lesquelles seront aussy dorées et en cas quel soit trouvé a propos dy poser q.q. couleurs ce sera sur l'or lequel avec les couleurs et autres choses nécessaires audit effect seront fournis par ledit Roche qui sera tenu dy employer le plus beau or qu'il sera possible de trouver et de travailler incessamant et sans discontinuation jusques après perfection d'ouvrage et rendre led. retable poxé à l'autel destinné auxdites frairies dans un mois et demy en fournissant par les dits sieurs scindicqz les clous et les ferrements nécessaires. Le dit prix fut consenti moyennant le prix et somme de cent vingt livres (2) »
Il y avait encore FRANÇOIS ROCHE, aussi maître
doreur, qui, en 1691, épouse Etiennette Duchier(3).
Après les Roche, et peut-être en même temps
(1) Arch. de la Corrèze, E, 749.
(2) Arch. de la Corrèze, E, 757.
(3) Arch. de la ville de Tulle, G G, 30,
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qu'eux, c'est un enfant de la montagne limousine qui vient s'installer à Tulle pour y exercer son métier de doreur. Nous constatons son décès sur les registres de la paroisse de Saint-Pierre de cette ville à la date du 12 août 1694(1). 11 se nommait ANTOINE PUYAUBERT.
Nous retrouvons un « JEAN ROCHE Me doreur » en 1703 : il assiste au mariage de Me Jean Combraille, ancien procureur d'office en la juridiction ordinaire, et de demoiselle Gabrielle Fraysse, du lieu de devrai » Ce mariage se célébrait en l'église Saint-Julien de Tulle le 16 août 1703(2).
Encore en 1712, ce même Jean Roche dorait et peignait des « bouquets artificiels sur le maître-autel d'Orliac-de-Bar » (3).
Presque en même temps que ces doreurs, il y en avait aussi d'autres à Tulle. En 1706, JOSEPH CHAMP (un nom bien tullois) était établi doreur sur bois dans notre vieille cité. Ce Joseph Champ épousait, en janvier 1706, « demoiselle Louise Boisse », fille d'un notaire royal de Tulle (4). La même année, ces jeunes époux faisaient baptiser leur fille Jeanne dans l'église paroissiale de Saint-Julien de Tulle (5).
En 1733, JEAN DUCHÊNE, maître doreur, habitant la ville de Beaulieu, est chargé de dorer les rétables de l'église paroissiale de cette ville. Nous en avons
(1) Arch. de la ville de Tulle, G G, 72.
(2) Arch. de la ville de Tulle, G G, 72.
(3) Bull, de la Société des lettres de la Corrèze, année 1894, p. 331.
(4) Arch. de la Corrèze, E, 949.
(5) Arch. de la ville de Tulle, G G, 34.
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parlé dans la quatrième partie de notre travail, à l'article des rétables de Beaulieu.
Mais voici que les Roche, cette famille de doreurs tullois, réapparaissent à la fin du siècle :
Louis ROCHE, s'intitulant maître doreur-sculpteur de Tulle faisait, en 1784, pour 72 livres de travail dans la chapelle de Graffeuille, paroisse d'Hautefage(l). Ce Louis Roche,était né à Ussel vers 1743. Nous trouvons son âge et son origine dans une liste. des membres de la Société des Amis de la Constitution, de Tulle (les Jacobins); il y est dit aussi que Louis Roche habite Tulle depuis plusieurs années et qu'il a été reçu membre de cette Société le 3 avril 1791. Il avait alors 48 ans (2).
Ce même Roche recevait, en 1818, la commande d'une croix processionnelle pour la confrérie des Pénitents blancs - de Tulle. Ce travail lui fut payé 90 francs (3).
Les doreurs ne semblent pas avoir manqué à Tulle dans le milieu du sviif siècle, aussi nous demandonsnous pour quelles raisons, en 1757, le chapitre de la cathédrale de cette ville fit intervenir un étranger pour la dorure du rétable du grand-autel de l'église et la fourniture d'un tabernacle neuf? — N'y avait-il plus alors de doreur à Tulle? — C'est possible. Toujours est-il que le marché suivant intervint entre Me Lacombe et les syndics de l'église cathédrale :
(1) Dictionnaire des Paroisses du Diocèse de Tulle, paroisse d'Hautefage.
(2) Victor Forot, Le Club des Jacobins de Tulle.
(3) René Fage, Les Confréries des Pénitents de Tulle,
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Le 8 mai 1757 « issue de vêpres, dans la sacristie de l'église paroissielle de. S' Juillen de la ville de Tulle, les habitants de lad. paroisse assemblés au son de la grand cloche et par avertissement au prone de la grand messe, en la manière accoutumée et ont assisté messire Gabriel Dumyrat
Dumyrat et plusieurs notables de lad. paroisse, sur
ce qui a été représenté par lesd. srs syndics, que le retable du grand autel de lad. Eglise avait besoin d'être doré, et le tabernacle d'être refait à neuf et doré, affin de mettre lad. Eglise dans un état de décence convenable, ils seroient entrés en marché avec Aman Lacombe Mc daureur habitant la ville de Rhodes qui s'est offert, pour dorer led. retable et de fournir un tabernacle, le tout doré en fin or de Paris moyennant la somme de deux mille six cent livres » (1)
Le marché fut conclu et signé par :
Dumyrat, curé ; — Melon, syndic marguillier ; — Goudelou, vicaire; — De Jaucen de Poissac; — Vachot; — Villeneuve ; — Seigne; — Darluc; — Bardoulat de la Salvanye; — Bouzonie;— Eyrolles; — Reignac; — Pastrie; — Malaurie; — Floucaud et Baudry, notaires.
Nous ne poursuivrons pas plus loin notre énumération de doreurs, nous sommes d'ailleurs arrivé à la limite que nous nous étions imposée pour l'ensemble de notre travail sur les sculpteurs et les peintres des xvue et xvme siècles, que nous terminons
aujourd'hui.
VICTOR FOROT.
Bourrelou, près Tulle, en Juin ï^ïk.
(1) Arch, de la Corrèze, E, G40, document n° 107,
Société Scientifique, Historique et Ârcfléolotpque de la Corrèze
Procès-ueî'baî de la séance du 11 février 191k.
Le mardi 17 février 1914, à 8 h. 1/4 du soir, les membres de. la Société scientifique, historique et archéologique de la Corrèze se sont réunis dans une salle de l'Hôtel-deVille , sous la présidence de M. Ph. Lalande.
M. le Président lit une lettre de M. le Sous-Préfet au sujet de diverses questions administratives.
•Il communique ensuite une circulaire de l'Université de Lyon (faculté des sciences) demandant la suppression de l'article 6 du nouveau projet de loi sur les fouilles préhistoriques. La Société, considérant que les dispositions de cet article sont de nature à entraver le libre essor de la science préhistorique, s'associe à la demande de l'Université de Lyon et de la Société d'Anthropologie de Paris.
M. le docteur Labrousse fait remarquer que les Archives Parlementaires, publication nationale des plus importantes au point de vue historique, sont actuellement, par suite de leur mode de distribution, hors de la portée des savants de province. Il émet le voeu que cette publication soit donnée désormais, non plus aux sénateurs et députés, mais à la circonscription qu'ils représentent, par exemple à une bibliothèque communale de l'arrondissement, où chacun pourrait la consulter. La Société approuve la proposition de M. le docteur Labrousse et s'associe à son voeu.
M. le Président annonce que deux de nos collègues, M 1' 8 Marguerite Genès et M. Marsalès, viennent d'être promus officiers d'Académie. La Société adresse ses félicitations aux nouveaux titulaires de cette flatteuse distinction.
Ouvrages offerts à la bibliothèque : Etienne Baluze et le Tartuffe, par M. René Fage. Le Prêtre secondaire de Carlucet, par M. le docteur Raoul Laffon,
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Trois études sur la découverte dans une station, lacustre en Russie d'os incisés et du crâne d'un bovidé, par le prince Pouliatin.
Le Volvox, par M. Charles Janet.
Donzenac aujourd'hui, autrefois, par M. Ad. Ulry.
A tous les donateurs, la Société adresse ses meilleurs remerciements.
Trois nouveaux membres sont présentés et admis :
M. l'abbé Borie, vicaire d'Objat, présenté par MM. l'abbé Eschamel et Julien Lalande.
M. Joseph Yerlhac, négociant, présenté par MM. de Valon et Foltzer.
M. Thomas, avocat, présenté par MM. Miginiac et de Valon.
M. de Valon propose ensuite l'insertion au Bulletin des manuscrits suivants :
1. Analyse d'Actes concernant le Limousin, par M. J.-B. Ghampeval.
2. Cabanis, homme politique, par M. le Colonel Vermeil de Conchard.
3. Etudes sur les Ateliers monétaires du Bas-Limousin, depuis les Gaulois jusqu'à l'avènement des Carolingiens (752), par M. J.-B. Finck, numismate.
4. Documents sur la baronnie de Castelnau de Bretenoux, Mariage de Pierre de Castelnau et de Marguerite de Turenne, analysé par M. le vicomte de Lavaur de SainteFortunade.
Enfin M. de Valon donne la composition du Bulletin (4« trimestre 1913).
Procès-verbal de la séance du 10 juin 191k.
Le mercredi 10 juin 1914, à 3 heures de l'après-midi, les membres de la Société scientifique, historique et archéologique de la Corrèze se sont réunis dans une salle de l'Hôtelde-Ville. sous la présidence de M. Ph. Lalande.
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M. le Président offre à la bibliothèque, de la part des auteurs, les ouvrages suivants :
R. Fage. — Un auteur limousin inconnu. Hugues Reynald et ses oeuvres.
Docteur Guebhard. — Quelques curiosités céramiques de l'Antiquité.
A quoi servent les lois soi-disant protectrices des antiquités.
Sur l'anse funiculaire.
Docteur Lafon. — La commune de Pazayac (Dordogne) pendant la Révolution.
Abbés Bouyssonie. — Livraisons décembre 19.12 et juin 1913 de la Revue Anthropologique. Notes sur les grattoirs carénés et sur lastationpréhistoriquede Font-Yves (Corrèze).
Note sur l'art des cavernes, les dernières découvertes faites en Dordogne; extraits des comptes-rendus des séances de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres. Note sur la Station moustérienne de Lachapelle-aux-Sainls.
A ces dons, M. de Valon joint :
La Vicomte de Limoges et le Comté du Pèrigord, par M. le baron de Corbier.
Et le Secrétaire :
Notice biographique de Joseph Vachal, par MM. de Boysson et de Nussac, extrait des Annales de la Société Entomologique de France, et Le Plébiscite, par M. DecouxLagoutte.
A tous les donateurs, la Société adresse de. sincères remerciements. -
M. le Président fait part de l'invitation adressée à la Société par la Section corrézienne de Géographie commerciale pour le Congrès qui doit se tenir prochainement à Brive. Il communique ensuite une lettre de l'imprimeur du Bulletin : l'examen de cette question est renvoyé au Bureau.
M. de Valon propose l'insertion des manuscrits suivants :
Inventaire des archives de Beaulieu, par M. A. Segol. Souvenirs de la bataille de Noisseville ou de Servigny-
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lès Sainte-Barbe (31 août et 1er septembre 1870;, par M. le Colonel Vermeil de Conchard.
Causes géologiques du glissement de Noailhac, par M. J. Watelin.
Les débuts d'un savant Naturaliste, le prince de l'Entomologie, Pierre-André Latreille, à Brive, de 1762 à 1778 (complément), par M. L. de Nussac.
M. Ph. Lalande propose également l'insertion de l'Histoire d'une famille bourgeoise depuis le xvie siècle, par M. R. Fage.
M. de Valon annonce que MM. Dubousquet et Picquè s'occupent d'un travail, destiné au Bulletin, sur les troubles du Bas-Limousin pendant la Révolution, troubles qui ont fait l'objet d'un rapport de l'abbé Morellet, de l'Académie française.
Sur la demande de l'auteur transmise par M. de Valon, on décide l'achat d'un exemplaire du Gartulaire de l'abbaye de Vigeois, par M. Montégut. On fait aussi, sur la proposition de M. le docteur Labrousse, l'acquisition d'un volume très rare, oeuvre d'un briviste, le R. P. Martial, capucin, 1655.
M. le Président, présente lo budget de l'année 1914. Ce budget est approuvé.
Enfin, M. de Valon donne la composition du prochain
Bulletin (1er trimestre 1914).
Le Secrétaire général,
ED. GAILLOT.
Procès-verbal de la séance du S juillet 191k.
Les membres de la Société se sont réunis en assemblée extraordinaire le mercredi 8 juillet, à 4 heures du soir, dans une salle de l'Hotel-de-Ville.
ORDRE DU JOUR :
Lecture du procès-verbal.
Renouvellement du Bureau.
Communications diverses.
A l'unanimité des membres présents l'ancien Bureau est
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réélu, sauf M. Edouard Gaillot, secrétaire général démissionnaire, qui est remplacé par le colonel Vermeil de Conchard. Le Bureau est ainsi constitué de la manière suivante :
Président M. Philibert Lalande.
Vice-Présidents M. Ludovic de Valon. M. le chanoine Bouyssonie.
Secrétaire général M. le colonel Vermeil de Conchard.
Trésorier M. J.-B. Gourdal, pharmacien.
Bibliothécaires M. Julien Lalande. M. le docteur Grillière.
Membres du Bureau M. Louis Bonnay, architecte. M. le docteur Dubousquet-Laborderie. M. Louis Miginiac, avocat. M. Julien Valat.
M. le Président de Chauveron renouvelle sa proposition d'organiser des excursions archéologiques en Corrèze et dans la région centrale. Des excursions de ce genre ou promenades touristiques sont déjà en honneur dans certaines -Sociétés et produisent d'excellents résultats'. La proposition de M. de Chauveron est adoptée en principe et l'on désigne :.séance tenante les membres de la Commission des excursions; ce sont : MM. de Chauveron, Gasperi et Marsalès. L'itinéraire de la première excursion est fixé ainsi qu'il suit : Brive, Collonges, Lachapelle-aux-Saints, Beaulieu, Castelnau, Saint-Céré, Montai, Carennac.
M. Louis Miginiac communique à la Société un article publié par le journal Le Temps, du 5 février dernier, sous
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la signature de G. Lenôtre et intitulé Le Saint-Graal. On sait que le Saint-Graal, dont il est question dans le Lohengrin et le Parsifal de Wagner, serait la coupe d'onyx ou d'émeraude, dont le Christ se servit lors de son dernier repas avec ses apôtres et dans laquelle, suivant la tradition, fut recueilli son sang.
L'Intermédiaire des Chercheurs et des Curieux, répon-~ dant à une question, fait connaître qu'il y aurait eu cinq ou six Saints-Graals différents qui passent ou passaient pour authentiques.: le calice de Valence (Espagne), la coupe de Gênes, trois vases en France, à Lyon, à Troyes; « le.troisième se trouvait à Brive-la-Gaillarde, en émeraude d'une seule pièce, il était vénéré, comme étant, lui aussi, le véritable calice de la Cène, et un chroniqueur qui entreprit le voyage du Limousin pour contempler cette belle relique, constata que le bord de la coupe était ébréché, parce que Judas avait grincé des dents et mordu la pierre précieuse quand son tour fut venu d'y boire : ce qui donnait au SaintGraal de Brive une supériorité incontestable sur ses rivaux. »
« Que sont devenus ces vases, dit M. Lenôtre? On doit en trouver trace dans les inventaires dressés à l'occasion du dépouillement des églises. »
MM. Lalande, qui connaissent si parfaitement tout ce qui concerne Brive, déclarent n'avoir jamais entendu parler de l'existence de cette coupe. M. de Chauveron seul croit qu'il a pu exister un vase miraculeux, sous une dénomination moins pompeuse, mais sans pouvoir l'affirmer.
Le Président, désireux d'être fixé sur cette précieuse relique, décide qu'on s'adressera à un sociétaire de Paris, l'érudit M. de Nussac. pour le prier de se renseigner auprès de l'Intermédiaire des Chercheurs.
Le Secrétaire général.
Colonel DE CONCHARD.
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Procès-verbal de la séance du. 20 octobre 191k.
Le mardi, 20 octobre 1914, à 8 heures du soir, les membres de la Société scientifique, historique et archéologique de la Corrèze se sont réunis dans une salle de l'Hôtel-de.Ville de Brive, sous la présidence de M. Philibert Lalande.
Un nouveau membre a été présenté et admis : M. le marquis Pierre de Griffolet, présenté par MM. Ph. Lalande et le colonel de Conchard. C'est par acclamation que l'on admet dans la Société briviste ce glorieux blessé de la. guerre, d'une famille bien connue originaire du Limousin, que M. Ph. Lalande a heureusement découvert à l'ambulance Jeanne d'Arc. M. de Griffolet habite à Boulogne-surSeine et dans le Gers.
Le Président donne lecture d'une lettre-circulaire de la Société Nationale des Antiquaires de France, protestant contre la destruction de la cathédrale de Reims. Nous avons le devoir d'élever la voix contre les violences barbares et criminelles des Allemands, que ne peut excuser aucune nécessité militaire. Le bombardement de la vénérable basilique qui évoque toute l'histoire de notre pays, en particulier le souvenir de saint Rémy, de sainte Clolilde.et de Jeanne d'Arc, est un attentat contre la foi,, la science et l'art, qu'il importe de dénoncer à la réprobation du monde civilisé. La Société scientifique, historique et archéologique de la Corrèze s'associe à la protestation indignée des Antiquaires de France.
Sur la demande de son Président, la Société donne également son adhésion de principe à la motion de l'Académie des sciences, belles-lettres et arts de Clermont-Ferrand, laquelle demande, pour aider à la reconstitution de la bibliothèque de Louvain, anéantie par les Allemands, d'envoyer à cette Université les documents publiés par les Sociétés savantes françaises. Ainsi, lorsque le moment sera venu, une collection du Bulletin sera mise à la disposition de l'Université belge.
M. de Valon, vice-président, dont le nom. est lié intime-
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ment comme chacun sait à l'oeuvre de Rocamadour, fait ensuite l'intéressante communication suivante :
« M. Viré m'a chargé de faire part à la Société de la découverte d'une dizaine de moules trouvés à Rocamadour dans un mur d'une vieille maison de l'ancienne rue de la Mercerie. Ces moules servaient à la fabrication des sportelles et médailles en or, argent, plomb, étain ou cuivre ; les médailles en plomb dominaient.
La sportelle,' munie d'anneaux pour la fixer sur le vêtement, était la marque, l'insigne du pèlerinage de Rocamadour. Elle jouissait en plus du privilège de sauvegarde qui mettait le pèlerin à l'abri de tout danger; il devenait une personne sacrée. Cela explique pourquoi le commerce de ces sportelles fut si florissant pendant la guerre de Cent ans; il atteignit son apogée en 1425, époque où la vente produisit 200 livres tournois (5,000 francs de nos jours) que les évêques de Tulle et la famille de Valon se partageaient.
M. Viré fera prendre des moulages de ces moules et en offrira un exemplaire au musée de Brive. Comme ces moules sont bien conservés, il sera facile d'en faire une étude qui ne manquera pas d'intérêt. »
En raison de l'état de guerre, un certain nombre de membres de la Société étant mobilisés à un titre quelconque, la publication du Bulletin sera interrompue jusqu'à nouvel
ordre.
Le Secrétaire général,
Colonel DE CONCHARD.
Les Combattants Limousins de la Guerre américain!^
(1778-1783)
(Suite et fin)
. RÉGIMENT DE METZ (2e bataillon) (1).
Lieutenant - colonel : Le chevalier Pierre DE GIMEL (2), né le 28 janvier 1728 à Tudeils.
Capitaine : DURAND (Joseph), né le 31 janvier 1761., à Limoges (3).
Lieutenant en premier : Paul-Guy DE'GIMEL, né le 10 mars 1748, à Tudeils (4).
Compagnie Peltier d'Argens.
BAJEMONT (Joseph), né à Ertaire près Évaux (5) (1753). S. 20 janvier 1771.
(1) Actuellement 19e d'artillerie, à Nîmes.
(2) Les renseignements qu'on va lire sur le général de Gimel (17281801) et son neveu, le comte Paul-Guy de Gimel (1748-1807), nous ont été fort obligeamment fournis par M. Adhémar de Ghergé, à qui nous exprimons de nouveau ici notre bien vive reconnaissance. L'importance de ces notices fait que nous les donnons à part, textuellement, à la suite du régiment.
(3) Arch. communales de Limoges, série G G, 122, fol. 59, SaintMichel-des-Lions : « Le trente-unième janvier mil sept cent soixante un, a été baptisé dans cette église, Joseph né le même jour, fils de messire Joseph Durand éeuyer seigneur du Châlenet et de La Salesse, et de Dame Marie Jeanne Ardant sa femme. A été parrain Monsieur Joseph Durand son frère et maraine Demoiselle Henriette Rose, sa soeur, qui ont déclaré ne savoir signer de ce enquis. — Ghavaignat curé de S' Michel; Durand père du baptisé. » — Obligeamment communiqué par M. Franck-Delage.
(4) Voir la note précédente sur le colonel de Gimel.
(5) Ertaire est indéterminé, mais Evaux est aujourd'hui un chef-lieu de canton de la Creuse.
T. XXXVI. 2-1
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LE GÉNÉRAL DE GIMEL (1728-1801)
Pierre de Gimel de Tudeil, chevalier de Gimel, général de division, inspecteur général d'artillerie, chevalier de l'ordre roj'al de Saint-Louis et de la Société militaire de Cincinnatus, est né au château de Tudeil (1) le 28 janvier 1728, ainsi que le prouve son acte de baptême :
« Aujourd'hui 1er fév. de l'année 1728 a été baptisé dans « l'église de Tudeil Pierre de Gimel né du 28 du mois « de janvier dernier de la preste année, fils nat. et lég. de « Monsieur François de Gimel seigr de Tudeil et de Dame « Catherine de Castres. Le parain a été Monsieur Pierre de « Termes et maraine dame Elisabeth de Termes de Pierre« Taillade qui ont signé avec moi (curé) ainsi signé sur le « registre : Termes, Gimel, de Farges, de Gimel, prêtre « député (2). »
Son père François de Gimel, seigneur de Tudeil, la Feuillade, Gimel, était fils d'un mousquetaire du Roi (3) et frère d'un chevalier de Saint-Louis (4). Il avait épousé
(1) Commune de Tudeil, canton de Beaulieu (Corrèze).
(2) Extrait des registres de l'église paroissiale de Tudeil levé par M. Delignat, curé de Tudeil, le 20 novembre 1750, certifié conforme à la vérité, signé et scellé par M. François-Joseph de Labastide, chevalier, seigneur de Lacabane, etc., conseiller du roi, président au Présidial, lieutenant-général civil et de police de la ville de Brive, capitale du Bas-Limousin. Brive, 3 octobre 1783 (Pap. famille).
(3) Jean de Gimel, seigneur de Farges, la Feuillade, Gimel, mousquetaire du roi en la 1" compagnie des mousquetaires gris. 11 avait épousé Marie-Judith de Termes de Pierretaillade (4 janvier, 1G83). Sa soeur avait épousé le baron de Lentilhac.
(4) Guyon-Joseph de Gimel, capitaine au régiment de TouraineInfanterie, chevalier de Saint-Louis. Il commença à servir en qualité de lieutenant en second le 1" janvier 1734. Lieutenant en juillet 1735. Capitaine le 15 mars 174G a s'est trouvé dans toutes les actions de « guerre où a été son régiment et s'y est toujours comporté avec dis-
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le 14 février 1719 Catherine de Feydit de Castres de Terssac qui lui donna quatre fils, tous quatre officiers.
Jean, l'aîné, entra comme son oncle au régiment de Touraine-Infanterie (1) ; les trois autres, et parmi ceux-ci le futur général, entrèrent au Corps Royal d'Artillerie.
Mais tandis que ses deux frères périssent à ses côtés (Paul de Gimel, tué en Flandre dès 1745, et Charles de Gimel, mort capitaine, des suites de ses blessures en Westphalie, 1759), nous verrons Pierre de Gimel aller jusqu'au bout de sa longue et belle carrière de soldat, devenir successivement colonel, maréchal-de-camp, inspecteur général d'artillerie, général de division, et ne rentrer au berceau de sa famille (2) qu'après avoir loyalement servi la France pendant un demi-siècle dont dix-sept années de campagnes.
Entré à 17 ans au service comme surnuméraire le 20 avril 1745, cadet d'artillerie le 13 mai suivant au bataillon de Fontenay, Pierre de Gimel part aussitôt, pour la campagne de Flandre, et prend part notamment au siège de Tournay et à la bataille de Fontenoy.
Son frère Paul est tué durant cette campagne. L'année suivante il est lui même blessé au siège de Mons par un éclat de bombe qui lui emporte la joue droite et partie de la mâchoire.
Nommé sous-lieutenant le 10 mai 1747 il fait les cam«
cam« ; il a été blessé notamment à la bataille de Minden.:. (Cert. du colonel d'Isarn, brigadier des armées du roi, colonel du régiment de Touraine, daté de Valenciennes, 19 mars 17G9, signé des officiers du régiment et scellé du sceau dudit régiment). 11 a reçu la croix de Saint-Louis en 1754.
(1) Il fut le père du comte Paul-Guy de Gimel, capitaine au Corps Royal d'Artillerie, chevalier de Saint-Louis, colonel chef de brigade à l'émigration, dont nous parlerons plus loin.
La mort de son père obligea Jean de Gimel, lieutenant au régiment de Touraine, de quitter le service à la fin de la campagne de Flandre de 1745 (v. plus loin ses états de services).
(2) Ou plutôt à Bannières, Vayrac (Lot), chez sa nièce de Jouvenel, fille de son frère aîné et soeur du comte Paul-Guy dont il sera plus loin question.
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pagnes de 1747 et 1748. Le 8 octobre de cette année, le maréchal de Saxe, commandant, général des Pays-Bas, lui donne l'ordre de se rendre à Namur pour faire les fonctions d'aide-major de cette place qui est sous l'autorité du maréchal de Lowendal (1).
Lieutenant le 2 septembre 1751, il est nommé l'année suivante commissaire extraordinaire de l'artillerie (2),. ensuite premier lieutenant de la compagnie de canonniers de Clinchamp, bataillon de Soucy (3).
Puis, premier lieutenant de la compagnie de Montalembert, il passe à la compagnie de Campistron (4) et fait campagne en Allemagne, 1757. Le 8 juin de la même année, il passe à la charge de premier lieutenant de la compagnie de bombardiers de Rochefort, bataillon de Cosne (5). Il se bat toujours en Allemagne où il fait les campagnes de 1758 et 1759 ; au cours de cette dernière il perd son frère Charles de Gimel, capitaine d'artillerie, qui meurt des suites de ses blessures en Westphalie.
« Pendant toutes les campagnes où il s'est trouvé à nom« bre de sièges et de batailles, dit un mémoire du 2 juillet « 1771 (6), il a été très souvent chargé d'opérations de con« fiance, épineuses et très fatigantes comme celle d'attacher « un pétard à une des portes de la ville de Steedberg(7)
(1) Ordre daté de Bruxelles le 8 octobre 1748, signé du maréchalvde Saxe (Pap. famille).
(2) Par brevet signé et scellé de Louis-Charles de Bourbon, comte d'Eu, etc., grand-maître et capitaine-général de l'artillerie de France, du 1er janvier 1752 (Pap. fam.).
(3) Par brevet du 1G avril 1756 (Pap. famille).
(4) Ordre daté de Versailles-, 1er janvier 1757, signé Louis, et plus bas de Voyer (Pap. famille).
(5) Ordre daté de Versailles et signé Louis, et plus bas de Voyer (Pap. famille).
(6; Dont malheureusement la première feuille seule nous a été conservée (Pap. famille).
(7) Ce doit être plutôt Steenbergen en Hollande, entre les embouchures du Rhin et de l'Escaut.
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« pour y surprendre la légion britannique ; d'avoir réparé « un pont sur l'Aler (?), au-dessous de Zet(l) et cela en « présence de l'ennemi ; d'avoir été reconnaître des batte« ries ennemies et autres .. Marchant en 1758 avec quatre « pièces de canon et trente-deux canonniers à l'avaht-garde « de l'armée de M. de Chevert pour l'attaque du pont de « Vez, au-dessous de Vezel (2), il' a eu vingt-huit de ses « canonniers de tués. »
A Klostercamp, il fait un « coup de vigueur ». « Ayant « vu. que les ennemis enlevaient une pièce de canon de « notre infanterie, il se détache avec quatre hussards, trois « canonniers et un milicien, va arracher la pièce aux enne« mis et ramène prisonnier l'officier qui la faisait traîner « par sa troupe (3). »
« J'ai écrit à M. le mar.échal de Belle-Isle, Monsieur, « pour lui demander la croix de Saint Louis pour vous, » lui écrit à cette occasion le comte de Noailles, « vous méri« tez cette grâce autant qu'elle puisse être méritée, et en « vous l'accordant on ne l'accordera qu'à la justice qui vous « est due. Je vous fais mon sincère compliment d'être sorti « sain et sauf de la dernière affaire, car ordinairement vous « n'en êtes pas quitte à si bon marché (4)... »
Et Pierre de Gimel reçoit, pour sa belle action, la croix de Saint-Louis (5).
(1) Peut-être Zell (Province Rhénane).
(2) Probablement Wesel, sur le Rhin, au confluent de la Lippe.
(3) Lettre de Cremillen, datée de Versailles, au comte de Noailles (plus tard maréchal, duc de Mouchy) du 21 nov. 1760 (Pap. famille).
(4) Lettre du comte de Noailles (futur maréchal de Mouchy) au chevalier de Gimel, datée de. Versailles, 31 octobre 1760 (Pap. de famille).
(5) Brevet de chevalier de Saint-Louis, daté du 25 novembre 1760 (Pap. famille). — Cinq mois auparavant, une lettre de Cremillen lui annonçait qu'en considération de l'état dans lequelTa réduit « la blessure extraordinaire » qu'il a reçue au siège de Mons (il y avait quatorze ans de cela), le roi lui accordait une pension de 200 livres sur le Trésor royal. — Lettre datée de Versailles, 16 juin 1760, à M. le chevalier de Gimel de Tudeil, lieutenant de la brigade d'Invilliers (Pap. famille).
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Le 15 janvier 1762, il reçoit commission de capitaine en second en la compagnie de canonniers de Novion, de nouvelle création, dans la brigade de d'Invilliers au Corps Royal d'Artillerie (1), et le 18 février il revient en France afin de travailler à la formation de la nouvelle compagnie à laquelle il est attaché (2); il était en Allemagne depuis six ans.
Nommé le 15 octobre 1765 au commandement d'une compagnie de bombardiers du régiment de Metz (3), Gimel mérite les félicitations du duc de Choiseul « pour le zèle « avec lequel il a travaillé aux recrues pendant l'hiver « 1765-1766 « (4).
Le 14 septembre 1776 il est fait chef de brigade (5) et, l'année suivante, il s'embarque à Saint-Malo à destination de Saint-Domingue.
Son camarade d'Angenoust lui écrit à Saint-Malo : « Tu « vas donc, mon cher Gimel, servir utilement le Roy dans « une autre partie du monde... Fâchés de te voir aller si loin « de nous, te souhaitons la santé dont tu as besoin pour le « trajet et le séjour. Donne nous de tes nouvelles et ménages « toy autant que le service te le permettra... » 13 août 1777. — Le 3 juin 1779 il est fait lieutenant colonel (6).
« Pendant les sept années qu'il a passées à Saint« Domingu.e où il commandait l'artillerie, Gimel a été
(1) Commission (Pap. famille).
(2) Passeport signé du maréchal de camp d'Invilliers, daté de Meûn (Pap. famille).
(3) Lettre signée Louis, et plus bas le duc de Choiseul, au colonel du régiment (Pap. famille).
(4) Lettre du duc de Choiseul au chevalier de Gimel, capitaine au régiment de Metz, 5 octobre 1766 (Copie).
(5) Brevet signé Louis, et plus bas Saint-Germain, et autre brevet daté du 1" janvier 1777, signé Louis, et plus bas prince de Montbarey, qui lui donnent l'un le rang, l'autre la fonction de chef de brigade (Pap. famille). — En ce qui concerne la période qui s'écoule entre les années 1766 et 1776, les documents font totalement défaut.
(6) Commission de lieutenant-colonel du 3 juin 1779, signée Louis, et plus bas prince de Montbarey (Pap. famille).
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« constamment occupé à l'armement et à la défense de cette
« isle, aux soins de pourvoir les troupes et les vaisseaux du
« Roi qui avaient besoin de secours en réparations, muni«
muni« et canoniers, ce qui est prouvé par le certificat de
« M. de la Motte Piquet (1). »
Deux ans plus tard (1781) Ségur lui envoie commission qui lui donne rang de colonel d'infanterie (2).
Enfin, le 6 mai 1783, Gimel s'embarque au « Gap français « sur le vaisseau du Roy Le Souverain, pour revoir sa « patrie. La traversée est longue, des vents contraires obli« gent le navire à relâcher dix jours à Cadix (3; » ; combien ne doit-il pas tarder au chevalier de Gimel d'apercevoir les rivages de la France !
Le 4 juillet 1784, il est nommé directeur de l'Artillerie du déparlement de l'Aunis (4). A cette occasion, le maréchal de Mouchy qui l'estime beaucoup, lui écrit son regret de ne pas l'avoir avec lui : « J'aurais fort désiré vous avoir ici (à Bordeaux où le maréchal avait son commandement en chef) ; il n'y a qu'un inconvénient, c'est que les vivres y sont fort chers et que vous n'êtes pas opulent (5)... »
Durant les six années qu'il avait passées comme commandant de l'artillerie à Saint Domingue, Gimel avait pris part à la guerre de l'Indépendance d'Amérique ; à ce titre, il est agréé dans la Société militaire de Cincinnatus.
« J'ai vu avant-hier le marquis de la Fayette, lui écrit
(1) Mémoire de 1791 qui malheureusement laisse cette phrase inachevée et est perdu pour toute la suite (Pap. famille).
(2) Versailles, 22 mai 1781, et plus bas : de Ségur au seigneur Pierre de Tudeil, chevalier de Gimel, lieutenant-colonel du régiment de Metz de notre corps roïal et commandant l'artillerie de.Saint-Domingue (Pap. famille).
(3) Lettre d'un officier, M. de Faultrier, du 12 août 1783, citant une lettre que Gimel lui avait écrite.
. (4) Ordre du Roi.
(5) Lettre du maréchal duc de Mouchy adressée au chevalier de Gimel, mestre de camp d'infanterie, directeur de l'artillerie à La Rochelle (Pap. famille).
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« son neveu Paul-Guy de Gimel (qui a gagné la croix de « Saint-Louis à la guerre d'Amérique), j'ai causé assez long«' temps avec lui et ai appris des détails sur la Société de « Cincinnatus (1)... Les Américains voulaient y admettre « tous les officiers français, mais les généraux leur ayant « représenté qu'on attachait en France à un ruban une toute « autre idée qu'eux et qu'on regarderait cela comme une « distinction équivalant à la croix de Saint-Louis, on ne « donna ce ruban qu'aux colonels... on créa une Société « pour les Français dont furent nommés chefs : MM. de « Gastries, comte d'Estainget Rochambeau(2)... »
Bien qu'ayant commission de colonel, le chevalier de Gimel n'était qu'en fonction de lieutenant-colonel ; mais étant donné « les services multipliés qu'il a rendus aux « Américains, constatés par des certificats authentiques », cette distinction lui est attribuée (3).
« S'il y a quelque démarche à faire, lui avait écrit M. de a la Fayette, je m'y joindrai d'autant plus volontiers que « j'ai été personnellement, intéressé dans un des services « que vous avez rendus aux États Unis, en détachant, le « corps d'artillerie qui a suivi M. le marquis de Saint« Simon et qui a parfaitement bien servi avant et pendant les opérations « du siège » (4). — La Fayette écrivit, en effet, en Amérique et y envoya un mémoire en sa faveur.
Le 1er avril 1791, Gimel, de la direction de l'artillerie à
(1) Suivent des détails sur l'organisation de cette Société, — que nous donnons d'ailleurs à la fin de cette étude.
(2) Lettre de son neveu (Pap. famille).
(3) A l'armement d'une batterie en Amérique, il prit un effort dont il souffrit toujours (États de services du général. — Pap. famille), c La nature de ses services, ses actions distinguées à la guerre, les « blessures qu'il y a reçues et sa conduite à Saint-Domingue où il a « commandé l'artillerie pendant six années » lui avaient mérité une pension de 600 livres sur l'ordre de Saint-Louis (Versailles, 14 août 1783. — Signée Louis, et plus bas le maréchal de Ségur).
(4) Lettre du marquis de La Fayette au chevalier de Gimel, datée de Malesherbes.
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La Rochelle, est nommé au commandement de l'artillerie à Besançon (1). Dans ce nouveau poste, il a « toute autorité et « commandement, non seulement en ce qui concerne le ser« vice de l'école d'artillerie, mais aussi sur tous les officiers, « sous-officiers et soldats de celui des régiments dudit corps « qui est actuellement ou sera en garnison dans la ville de «■ Besançon » (2).
Les événements se précipitent alors, l'orage de la Révolution grossit, devient menaçant pour la royauté. Tandis que son neveu, le comte de Gimel, rejoint l'armée deCondô, lui reste à son poste de combat (3). Mais il ne tarde pas d'être soupçonné d'intelligence avec les émigrés : le général Hesse lui ordonne de « prendre toutes les mesures les plus sévères « et les plus efficaces pour mettre toutes les batteries de la « ville et de la citadelle de Besançon et du fort (nom illi« sible) sur le pied le plus respectable, et cela dans le plus « court délai ; en conséquence, de faire placer toutes les « bouches à feu qui seraient placées ridiculement et même « avec perfidie, comme il est connu de tous les citoyens, et « de les faire placer au contraire de la manière la plus utile « et la plus avantageuse au salut de la République » (4).
On voit l'influence prépondérante des clubs transpirer dans ces lignes; ces reproches ne devaient pas être fondés, car, fait maréchal de camp et inspecteur général d'artillerie des départements du Midi le 1er octobre 1792, cinq mois plus tard (8 mars 1793) il est général de division et commandant en chef l'artillerie de l'armée des Pyrénées occidentales (5).
(1) Commission de commandant de l'artillerie à Besançon, datée de Paris, 27 décembre 1791, signée Louis, et plus bas le Ministre de la Guerre. — Mis.
(2) Commission (Pap. famille).
(3) Certificat de domicile délivré par la municipalité de Besançon au colonel commandant la place de cette ville, 28 sept. 1792 (an 1" de la République française).
(4) Fait à Besançon le 4 novembre 1792, l'an I" de la République française, signé Charles Hesse.
(5) « Le Conseil exécutif ayant jugé utile au bien du service de
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Un assez grand nombre d'ordres d'attaque et de plans de défense nous ont été conservés, émanant du général de division La Bourdonnaye, du général Servan commandant en chef l'armée des Pyrénées, du général Willet, échangés à la veille du combat avec le général de Gimel, au camp d'Arragne qu'il commande ou ailleurs.
La Tour d'Auvergne, le premier grenadier de France, est là avec sa compagnie de grenadiers au camp de Liboursse (?j ; par une lettre du 15 juin 1793, il demande du canon au général de Gimel (1).
Servan atteste la valeur des services du général (2), et les représentants du peuple près l'armée des Pyrénées, euxmêmes, « attestent qu'il est un excellent officier, qu'il a « rendu de grands services à l'armée à laquelle il est atta« ché, soit par ses talents militaires, soit par son activité et « sa vigilance dans l'exercice de ses fonctions,... qu'il jouit « et comme militaire utile et comme bon patriote de leur « estime, de celle des soldats et des citoyens. A tous ces « titres, les représentants du peuple pensent qu'il mérite de « grands égards (3). »
Et cependant que le général de Gimel était ainsi à la frontière, le château de Tudeil, dont il avait la jouissance, venait d'être mutilé.
Sous prétexte que la propriété en appartenait à un émi«
émi« employer en votre grade de général de division près les trou« pes qui composent l'armée des Pyrénées, le ministre de la guerre me charge de vous en informer. J'en donne pareillement avis au géné« rai Servan, commandant en chef... » Le commissaire ordonnateur adjoint au ministre de la guerre pour la 5e division. Paris, le 24 mars 1793, an II de la République française (signature illisible). — Durant cette campagne, conduisant une colonne d'infanterie à travers les montagnes des Pyrénées, « il roula avec son cheval fougueux et vicieux dans un précipice ». (Etats de services du général. — Pap. famille.)
(1) Lettre signée : La Tour d'Auvergne-Corret (Pap. famille).
(2) Certificat du commandant, en chef de l'armée Joseph Servan. Bayonne, 7 mai 1793, an II de la République française (Pap. famille).
(3) Bayonne, 14 pluviôse an II (Pap. famille).
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gré (1) et que la loi ordonnait la démolition de tout ce qui ressemblait à une défense, la tour principale (2) fut non seulement découronnée, mais rasée jusqu'au sol, et les matériaux, comme on peut le croire, furent emportés par les démolisseurs.
Mais ce n'est pas tout : malgré ses services attestés, le général de Gimel est suspendu de ses fonctions.
Le 29 thermidor de l'an II, le Comité du Salut public lève bien la suspension prononcée contre lui (3), et le général de division Lespinasse, son collègue à l'armée, lui écrit : « Je « suis enchanté de la nouvelle que tu m'annonces de la levée « de ta suspension ; c'est une justice qu'on te devait (4). »
Mais si le Comité de Salut public rapporte sa mesure de rigueur, c'est seulement pour l'autoriser à demander sa retraite.
« Les intrigues ont été la seule cause du renvoi de l'arec mée de Gimel, sans elles il serait encore à la tête des a armées » (Mém. du 10 fructidor an IV).
Après avoir servi son pays pendant près de cinquante années (soixante-sept années de service, campagnes comprises), le général deGimel est ainsi brusquement mis à la retraite, et encore est-ce seulement celle de colonel qu'on lui assigne ; et on la lui réduit, au surplus, de moitié.
C'est à Bannières, chez Mmc de Jouvenel, née de Gimel, sa nièce (5), que le général vint habiter ; c'est ici qu'il est
(1) Son neveu le comte de Gimel, fils de son frère aîné, en avait en effet la propriété par un arrangement fait au moment de son mariage (1788), et le général en était resté usufruitier.
(2) L'autre tour renferme l'escalier ; celle qui fut rasée comptait cinq étages, le cinquième étant au-dessus du chemin de ronde qui la couronnait; elle ne portait aucune meurtrière.
(3) Extrait du registre des arrêtés. Ont signé l'extrait : Carnot, commandant Prieur, Treillard, Billaud-Varenne, Collot-d'Herbois, Eschasseriau (Pap. famille).
(4) Lettre datée de Saint-Sébastien, pays conquis, le 10 vendémiaire an III, adressée au général à Auch (Pap. famille).
(5) Soeur aînée du comte Paul-Guy de Gimel dont il va être ci-après question.
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mort en 1801 et les restes de ce loyal soldat de la France reposent dans l'église de Saini-Michel-de-Bannières.
Sa famille possède de lui un portrait au pastel, où le général est représenté de trois-quarts à gauche, en uniforme de velours bleu et épaulettes étoilôes de général de division. A sa poitrine sont attachées la croix de Saint-Louis par son ruban feu, et la décoration de Cincinnatus par son ruban bleu clair.
Ce portrait, a été reproduit par M. Rupin dans le Bulletin de la Société scientifique, historique et archéologique de la Corrèze, t. XV, 1893, avec l'article de M. Raoul de Jouvenel. pp. 21-27.
LE COMTE PAUL-GUY DE GIMEL (1748-1807)
Né à Meyrignac-l'Église le 10 mars 1748, le comte de Gimel est le fils de Jean de Gimel, seigneur de Tudeil, Gimel, la Feuillade, ancien officier au régiment de Touraine (1), et de Jeanne Duval (2).
(1) Jean de Gimel avait fait en cette qualité « les campagnes de 1741 « et 1742 en Bavière et en Autriche sous les ordres de M. de Ségur; » fut blessé à Lintz d'une balle au col et y perdit tout son équipage; a celle de 1743 et se trouva à J'affaire de Detinguen sur le Mein ; « celles de 1744 et 1745 dans les Flandres et s'est trouvé aux sièges et « batailles qui s'y sont données i. (Gertif. de services. Pap. famille.)
La mort de son père le contraignit à quitter le service à la fin de cette campagne.
Ses trois frères étaient officiers au Corps Royal d'Artillerie, deux furent tués à l'ennemi, l'un en Flandre (1745), l'autre en Westphalie (1759), le troisième devint général de division, inspecteur général d'artillerie, chevalier de Saint-Louis et de Cincinnatus. (Voir plus haut en ce qui le concerne.)
(2) « Fait au bourg de Meyriniao-l'église bas limousin le ving huit « may mil sept cens quarante cinq après midy régnant louis et par« devant moy notaire royal soussigné et témoins bas nommés, ont « esté présents noble Jean de Gimel lieutenant au régiment de Tou« raine infenlairie fils nat. et lég. de noble François de Gimel sei-
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Voici son extrait de baptême :
« Extrait des registres des baptêmes et mariages de l'église « paroisiale de Meyrignac l'église, diocèse de Limoges, « archiprêtré de Vigeois.
« Le dixième jour du mois de mars mil sept cent qua« rante-huit, par nécessité et dans la maison de Monsieur «• de Tudeil, a été baptisé par moy soussigné Curé, Pâul« Guy de Gimel, fils naturel et légitime de noble Jean de « Gimel, seigneur de Tudeil, et de Dame Jeanne Duval, « lequel est né le susdit jour dixième de mars et les céré« monies de l'église ont été faites le vingt deux susdit mois « de mars, le parrain a été messire Paul-Guy de Gimel, « curé de Merceuil (Mercoeur) bas Limousin, et la marraine « demoiselle Marguerite Meynard. Lesquels ont signé avec « moi présents noble Jean de Gimel, etc..
Reçu à quinze ans dans les Gendarmes rouges de la Maison du Roi (9 juin 1763) (1), il est en 1773 lieutenant au régiment de Metz (2) du Corps Royal de l'Artillerie.
Passé en Amérique, il prend part à la guerre de l'Indépendance et se distingue particulièrement au siège et à la prise de Pensacola (3).
Le maréchal duc de Mouchy demande pour lui la croix de Saint-Louis. Mais Paul-Guy de Gimel n'a pas encore assez d'ancienneté de services pour cette distinction.
« gneur dudit lieu, Tudeil, la Feuillade, habittant en son château de « Tudeil paroisse dud. Tudeil, et de dame françoise Catherine de <x Castre de Tersac de l'aucthorité et consentement dud. sr son père « aussy icy présent d'une part,
« et demoiselle Jeanne duval, fille naturelle et légitime de feu noble « Michel duval quand vivoit capitaine au régiment du Rey-Cavalerie c; et de dame Jeanne Meynard, etc. » (Contrat de mariage de ses parents. — Pap. famille.)
Meyrignac-l'Église, aujourd'hui chef-lieu de commune .du canton de Corrèze (Corrèze).
(1) Voir ce Les Limousins dans la Maison Rouge », par M. de SaintGermain [Bulletin de la Société scientifique, historique et archéologique de la Corrèze, Brive, t. XXXI, p. 438).
(2) Testament de son père (Pap. famille).
(3) Pensacola, dans le golfe du Mexique, port de la Floride à l'est de la Nouvelle-Orléans.
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La lettre suivante est écrite par le maréchal marquis de Ségur, ministre de la guerre, à M. de Bellecombe, maréchal de camp, gouverneur-général de St-Domingue, à son sujet :
« M. de Lilancour m'a adressé, Monsieur, un mémoire en « faveur du sieur de Gimel, lieutenant en 1er dans le délace chement du régiment de Metz du Corps Royal de l'Ar« tillerie qui est à Saint-Domingue, par lequel on demande « pour cet officier la croix de Saint-Louis en considération « de la distinction avec laquelle il a servi au siège et à la « prise de Pensacola. Je vois en effet, par les certificats proce duits à l'appui de cette demande tant par M. de Boldera, « capitaine de vaisseau, commandant les troupes françaises ce à cette expédition, que par dom Galvès, général espagnol, « que le sieur de Gimel est un des officiers qui a été « le plus utilement employé au siège dont il s'agit, qu'il y a « construit, deux batteries sous le canon de la place, que c'est ce à l'intelligence avec laquelle il a dirigé le service que l'on ce a dû la prise de la demi-lune qui a décidé la rediction (sic) ce de l'isle, et qu'enfin il a montré dans cette circonstance « autant de courage que de connoissances. Des témoignages ce aussi avantageux le rendent assurément bien susceptible ce des grâces du Roy, mais celle de la croix de Saint-Louis ce sera trop prématurée relativement à la datte de son entrée ce au service, et je suis fâché que ne pouvant la lui pro« curer, elle soit cependant celle à laquelle se borne la ce demande faite par luy; j'aurois désiré qu'une proposition <e moins déterminée m'eût mis à la portée de le dédomce mager par quelqu'autre récompense de ce que je ne puis ce faire pour luy à cet égard ; comme je n'en veux, au surce plus, pas moins de justice à ce qu'il a mérité par la discc tinction qu'il s'est acquise, je vous prie de vouloir bien ce l'assurer de mes dispositions les plus favorables ainsi que ce du désir que j'ai de luy faire ressentir les effets de la ce bienveillance de Sa Majesté et de la satisfaction qu'elle a « du compte que je luy ay rendu de ses services (1)... »
(1) Versailles, le 30 décembre 17S1. — Copie de cette lettre (Pap. famille).
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Et le 9 mars 1782 le maréchal de Mouchy reçoit du maréchal de Ségur une lettre (1) lui annonçant qu'en considération du « zèle, de la valeur et du succès » avec lesquels le lieutenant de Gimel a servi au siège et à la prise de Pensacola, le Roi lui accorde une pension de 300 livres.
Trois ans plus tard, le 24 août 1785, Paul-Guy de Gimel est fait chevalier de Saint-Louis (2).
Il était alors capitaine (3) au régiment de Metz, à Strasbourg.
Gouverneur du château de Nantes en 1788, il écrit de Paris à son oncle, qu'il regrette qu'une revue l'oblige à rentrer à Nantes car il voudrait solliciter une place dans l'étatmajor ; il en a parlé à plusieurs personnes qui lui ont promis de s'intéresser...
Il épouse, le 4 novembre de la même année, Marie-Anne comtesse Walsh, chanoinesse d'honneur du chapitre de la Veine en Auvergne (4).
Voici son contrat de mariage :
ce Par devant les notaires royaux de la ville et sené« chaussée de Fontenay le-Comte, soussignés, « furent présents haut et puissant seigneur Messire Paulce Guy Comte de Gimel, chevalier, seigneur de Tudeil, la « Feuillade, de Farges et autres Lieux, Capitaine au Corps « Royal d'Artillerie, chevalier de l'ordre royal et militaire
(1) Lettre du maréchal marquis de Ségur, ministre de la guerre, au maréchal duc de Mouchy et envoyée par le maréchal de Mouchy au chevalier de Gimel, directeur de l'artillerie à Saint-Domingue (oncle de Paul-Guy), dans une lettre qu'il lui écrit le 22 avril 1782.
(2) Brevet de chevalier de Saint-Louis, daté de Versailles le 24 août 1785, signé Louis, et plus bas le maréchal de Ségur (Pap. famille).
- (3) Par commission.
(4) A l'occasion de son mariage, il avait produit ses preuves de noblesse chez Chérin, généalogiste du roi. Eu égard aux pièces produites qui remontaient à plus de deux siècles et montraient sa descendance de la branche de Saint Jal et par elle des anciens barons de Gimel, et d'autre part, en considération des services rendus aux armées par tous les siens, Paul Guy de Gimel reçut le titre de comte et fut admis à monter dans les carrosses du roi.
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ce de Saint-Louis, fils majeur de feux haut et puissant sei« gneur Messire Jean de Gimel, chevalier, seigneur desdits « Lieux de Tudeil, la Feuillade, de Farges et autres Lieux, ce ancien officier au Régiment de Touraine. et de haute et ce puissante dame dame Jeanne Duval, demeurant en son ce château de Tudeil, paroisse du dit Lieu, d'une part ; haut ce et puissant seigneur Messire Antoine chevalier Walsh, <e chevalier, seigneur de Chassenon et autres lieux, cheva« lier de l'ordre Royal et militaire de Saint Louis, Lieute« nant de nos Seigneurs les maréchaux de France, haute « et puissante dame dame Marie Agne Walsh, son épouse, « et haute et puissante dame Marie Comtesse de Walsh, ce Chanoinesse d'honneur du Chapitre noble de la Veine en ce Auvergne, leur fille mineure, les dites dames duement ce autorisées dudit seigneur Walsh à l'effet des présentes « demeurant à leur château de Chassenon, paroisse dudit « lieu, d'autre part,
ce Entre lesquelles parties ont été réglées les conventions ce de mariage et... Fait et passé... l'an mil sept cent quatre « vingt huit et le trois novembre après midi, lu aux parties ce qui ont signé en présence de leurs parents et amis ci-après, ce savoir du coté du seigneur futur époux, de très haut et « très puissant seigneur Messire Pierre de Gimel, Collonnel ce au Corps Royal d'artillerie, chevalier de l'ordre royal et ce militaire de Saint-Louis et de la Société militaire de « Saint-Cinatus (sic), commandant, et directeur d'artillerie ce dans la Province d'Aunis, Saintonge et Poitout, son oncle ce paternel,
ce très haut et très Puissant seigneur hubert de Len- lilhac, Comte de Lion, Grand Prévôt du Chapitre de « Remiremont, abbé Commandalaire de Saint-Ciprien de ce Poitiers et de (?), Vicaire Général du diocèze du dit Poi« tiers, Parent du côté Paternel,
ce Et du coté de la dite dame future épouse, de haute et ce puissante dame, dame Anne Walsh, Epouse de haut et ce puissant Seigneur Messire Jacques-Louis de Lespinoy, ce chevalier, seigneur de Beaumont, Comte de l'Espinay,
— 221.— -.
« officier au régiment du Roy-Infanterie, sa soeur, demoi« selles Agathe et Julie Walsh aussi ses soeurs, Mre Emmace nuel-henry-Eugenne Ferron de la Ferronaye, mestre de ce camp de Cavallerie et chevaler de l'ordre Royal et milice taire de Saint-Louis, Messire francois Daubert, comte de « Peyrelongue, Capitaine au Corps Royal d'artillerie, Et la ce dame Jaillard Desforges, son Epouse, Lesdils Seigneurs ce et dame de la Ferronaye Et de Perlongue, amis communs ce des dits Seigneur et dame, futurs Epoux... »
La minute et... contrôlée et insinuée au dit Fontenay le dix novembre suivant et... — Collation enregistrée à Martel (Pap. famille).
En 1789, le comte de Gimel fait partie de l'Assemblée de la prévôté de Paris qui précéda la tenue des États-Généraux, par procuration du marquis de Bezons.
Voici la teneur de sa procuration :
e 3 mars 1789. Par devant nous Jacques-Jean le Mouette, « Notaire Royal à Bayeux, soussigné, le trois 6 jour de mars ce mil sept cent quatre vingt neuf, fut présent haut et puisce sant Messire Jacques-Gabriel-Alexandre Bazin, marquis ce de Bezons et de Maisons, demeurant en son château, pa« roisse de Maisons. Lequel, à cause du marquisat, de Bezons « à luy appartenant dans le ressort de la prévôté de Paris, ce a par ces présentes fait et constitué pour son procureur ce général et spécial Messire Paul-Gui, Comte de Gimel, « chevalier, seigneur de Tudeil, capitaine au corps royal de ce l'artillerie, chevalier de l'ordre de Saint-Louis, auquel il ce donne pouvoir et autorité de pour lui et en son nom sister « à l'assemblée de la prévôté de Paris, qui se tiendra dece vaut M. le prévost de Paris, y arrêter et consentir les « cahiers qui devront être faits pour le grand bien-être de « la nation et de l'ordre de la noblesse, députer à cet effet ce aux Etats-Généraux la personne la plus digne, et généra« lement faire et consentir pour raison de ce qui précède, « tout ce que le dit sieur procureur constitue jugera plus ce convenable promettant obligeant. Fait et passé à Bayeux,
T. XXXVI. 2 — 2 '
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« en l'étude, led. jour et en présence, etc.. » (Acte légalisé par le lieutenant-général la Jumellière, et contrôlé.)
M. Adhémar de Chergé possède la médaille à effigie de Louis XVI qu'il reçut en cette qualité. Au revers elle porte cette inscription :
En exergue : ce Legi, regique fidèles. » — Au centre, avec une couronne de chêne et de laurier : « Conventus nobilium parisiensium Lutelise maio MDCCLXXXIX. »
Sur la tranche de la médaille est gravé son "nom en légende :
a Paul-Guy, comte de Gimel, Membre de l'Assemblée. »
Elle est en argent et a la taille d'une pièce de cinq francs.
Mais la Révolution éclate, et, fidèle à ses principes, il émigré. Dans l'acte de baptême de sa fille Anne-Antoinette, qui eut lieu le 1er novembre 1792 en l'église de Notre-Dameaux-Fonts, à Liège, par lequel nous voyons que sa femme avait émigré avec lui (1), le comte de Gimel est alors : « Colonel Chef de Brigade des Gens d'armes et Chevaulégers delà garde de Sa Majesté (2). »
Selon Bit-tard des Portes (3), il faisait partie de l'étatmajor du prince de Condé.
M. de Bourienne (4), qui parle de lui plusieurs fois dans ses ce Mémoires », nous dit que le comte de Lille (5) l'avait chargé de pensionner les émigrés malheureux.
(1) Ainsi d'ailleurs que tous les membres de sa famille, comme le prouve le même acte. En effet, le parrain (présent) est le frère de sa mère née Walsh de Serrant, le lord Walsh, comte et pair d'Irlande, chevalier de Saint Louis, ancien capitaine au régiment irlandais de son nom, et la marraine (aussi présente), sa soeur Anne Walsh, comtesse de Lespinay, dont le mari était capitaine au régiment du RoiInfantene. — Acte de baptême. Extrait (Pap. famille.)
(2) Acte de baptême. Extrait (écrit et signé) par le vicaire de Xotre-Dame aux Fonts à Liège, et scellé (Pap. famille).
(3) Billard des Portes, Armée de Condé, cité par M. de SainlGermain [Bulletin de Brive, t. XXXIII, p. 455).
(4) Minisire de l'Empereur à Hambourg, « Mémoires ».
(5) On sait que c'est le titre que prit, pendant l'Émigration le futur Louis XVIII.
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Ce rôle lui valut d'odieuses inculpations, dont cet auteur le justifie.
Contraint de rester au-delà des frontières, il est, sous l'Empire qui surveille tous ses mouvements, à Hambourg qu'on l'oblige à quitter ; puis, après un voyage en Angleterre, à Altona(l). C'est là qu'il meurt, après un autre séjour en Angleterre, le 31 janvier 1807, au bout de seize ans d'exil (2).
A propos du chevalier de Gimel, colonel d'infanterie, nous le voyons mêlé à une affaire de compatriote en Amérique, qui montre qu'il y a encore beaucoup à découvrir sur le rôle des Limousins dans les guerres de l'Indépendance.
Aux archives des Affaires étrangères (Correspondance générale, États-Unis, XXV, pp. 163, 154; XXVI, pp. 18, 34, 36; XXVII, p. 186; XXVII, p. 54), se trouve en effet un dossier dont M. Johannes Tramond, professeur agrégé d'histoire à l'École Navale, a bien voulu extraire le récit suivant :
ce Le chevalier d'Auterroches ou d'Auteroche, d'une famille distinguée dans les armes et la diplomatie, avait tout pour réussir : il était beau, bien fait, charmant; il avait de bons bénéfices et aurait pu se pousser fort en cour. Mais il n'aimait pas l'état ecclésiastique. Il résolut donc de tenter fortune, quitta le petit collet et s'engagea dans les troupes
(1) Altona, en Holstein.
(2) Extrait du registre'mortuaire de la communauté catholique d'Altona en Holstein. — Rentrée en France pour chercher à sauver ses biens, la comtesse de Gimel avait été emprisonnée par jugement du Tribunal de la Meuse-Inférieure, comme inscrite sur la liste de proscription, ainsi que tous les membres de sa famille contre lesquels avaient été lancés des mandats d'arrêt du Tribunal révolutionnaire de Nantes. Ils furent élargis quelque temps après.
La branche des Gimel de Tudeil s'est éteinte dans ces deux officiers :
Pierre de Gimel (le général) n'ayant pas eu de postérité et PaulGuy (son neveu) n'ayant eu que deux filles :
1° La comtesse de Gimel, cuanoinesse;
2° L'autre mariée au colonel de Fieux de Montaunet, morte sans laisser d'enfants.
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allemandes de S. M. Britannique. Il y servit brillamment et était capitaine dans l'armée du général Burgoyne, quand cette armée capitula à Saratoga. 11 allait être échangé et recevoir un grade supérieur, car ses chefs étaient très contents de lui, quand survint la déclaration de guerre de la France. Ne voulant pas servir contre sa patrie, il se démit de son commandement et .se retira dans le pa}'S de NewJersey, à Chatham. Il y mena dès lors une vie misérable, fut. recueilli par un colon, s'éprit de la fille de son hôte et l'épousa. A la paix sa mère apprit « ce mauvais mariage » en même temps que la déplorable condition dans laquelle il se trouvait avec sa famille, car il avait eu plusieurs enfants. La comtesse d'Auterroches, qui vivait assez pauvrement, au Puy-d'Arnac ou à Beaulieu(l), s'efforça d'améliorer la situation de son fils et se mit à écrire lettres sur - lettres au ministre des Affaires étrangères. On ne lui répondit d'abord pas ; elle chargea alors un de ses amis, le chevalier de Gimel, colonel d'infanterie, de remettre une deuxième lettre au ministre, par laquelle elle demandait qu'on- procurât un emploi à son fils, ou tout au moins qu'on lui restituât les papiers qu'elle avait envoyés, et surtout une lettre où le général lord Barrington rendait hommage aux qualités du jeune officier.
ce M. de Vergennes fut touché par cette situation, regretta de ne pouvoir donner d'argent au jeune homme, et le recommanda vivement à l'ambassadeur M. de la Lizenne. La comtesse d'Auterroches demandait pour son fils un emploi civil dans l'administration des États-Unis, en attendant que son retour en France devînt possible. L'ambassadeur, accablé de demandes de ce genre, déclara qu'il n'y avait rien à faire. Mmt d'Auterroches se remit, alors à solliciter, rappelant ce que le gouvernement français avait fait pour le capitaine Arglll, et demandant que l'on ne fit pas moins pour un Français que pour un Anglais (21 juin 1784). Je ne sais quelle fut la fin de cette affaire. »
(1) Actuellement chefs-lieux de communes de la Corrèze.
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L'ORDRE DE CINCINNATUS
L'Ordre de Cincinnatus, Société amicale formée le 10 mai 1783 sous la présidence du général Washington, afin de perpétuer l'amitié mutuelle et l'alliance de la France et des États-Unis, se composa d'officiers américains et français qui avaient pris part à la guerre de l'Indépendance. Sa décoration, en or émaillé, représente un aigle aux ailes éployées, encadré dans une couronne de laurier que soutiennent deux cornes d'abondance d'où sortent des fruits; elle porte de chaque côté un écusson à l'effigie de Cincinnatus, qui change sa charrue contre l'épée de dictateur et qui vient ensuite, après le triomphe de la République, reprendre ses travaux champêtres. Cette décoration se portait à la boutonnière, suspendue par un ruban de soie bleu foncé, bordé d'un liséré blanc, en signe de l'union des Etats-Unis avec la France. Louis XVI donna la sanction royale à l'Ordre de Cincinnatus au mois de décembre 1783 : « Sa Majesté verra toujours avec une extrême satisfaction, mandait à Rochambeau le maréchal de Ségur, ministre de la Guerre, tout ce qui pourra tendre à maintenir et à resserrer les liens formés entre la France et les États-Unis; les succès qui ont été la suite de cette union, et la gloire qui en a été le fruit, en ont démontré les avantages et doivent en garantir la durée. » Les officiers français ayant servi dans l'Amérique du Nord, les colonies françaises ou sur les flottes, pendant la guerre de l'Indépendance, furent autorisés à porter les marques distinctives de la
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Société des Cincinnati lorsqu'ils seraient parvenus au grade de colonel.
Le lieutenant-général chevalier Pierre de Gimel; les maréchaux de camp Louis-Marie vicomte de Noailles, et François-Alexandre-Antoine vicomte de Loménie; le colonel André-Boniface-Louis vicomte de Mirabeau, figurèrent parmi les membres originaires de la Société. Il y eut au nombre des membres honoraires le capitaine de vaisseau Beaupoil de Saint-Aulaire et le major de vaisseau Charles chevalier de Loménie (1).
Naguère le président Taft inaugurait à Annapolis, capitale de l'État de Maryland, dans la baie de Chesapeak, un monument élevé par la Société des Fils de la Révolution à la: mémoire de soldats et marins français morts pendant la guerre de la Liberté. Le monument porte l'inscription suivante : « Tribut de gratitude aux braves soldats et marins de France qui donnèrent leur vie pour l'indépendance américaine. Le souvenir de leur acte durera à jamais. »
Il nous a paru intéressant et légitime de rappeler à leurs compatriotes quelques-uns de ces combattants. Le Limousin doit s'enorgueillir de compter un certain nombre de ses enfants parmi les Vaillants qui ont combattu, au péril ou même au prix de la vie, pour l'Indépendance des Etats-Unis d'Amérique.
J. DURIEUX et L. DE NUSSAC
(1) à sa Bird Gardiner, The order of the Cincinnati in France (Rhode-Island, 1905, in-8% 2G0 pages, avec illustrations); Joseph Durieux, L'Ordre de Cincinnatus (Paris, 1908, in-8c, 15 pages et 2 planches).
ÉTUDES
SUR LES
DIVERS ATELIERS MONÉTAIRES CONNUS
DU BAS-LIMOUSIN depuis les Gaulois jusqu'à l'avènement de Carolingiens en 752
Comme les noms géographiques gravés sur les espèces mérovingiennes sont innombrables, on est tenté de croire, comme plusieurs auteurs le confirment, qu'on a frappé monnaie dans les diverses cités désignées par ces inscriptions. Si les noms géographiques sont considérables, il est à présumer que tous ces noms n'indiquaient pas seulement les cités où les espèces monétaires ont été frappées, mais que ces pièces de monnaie pouvaient fort bien donner d'autres indications ; mais quelles pouvaient -être ces indications ? Après une lecture attentive et soutenue, un examen judicieux des espèces monétaires, on a reconnu, l'histoire à l'appui, que les noms géographiques, dont le nombre est très grand, qu'il ne fallait pas en conclure que toutes les cités ont frappé des monnaies. L'histoire nous apprend que parmi ces noms géographiques, il y en avait qui indiquaient, les uns, les cités gauloises privilégiées et les cités municipium des Romains, qui faisaient frapper leurs monnaies par des ateliers monétaires voisins ou amis, et les autres
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les lieux de provenance des matières fines envoyées, soit par des particuliers, soit par les cités elles-mêmes aux ateliers monétaires, qui les leur retournaient sous forme de pièces de monnaie. D'un autre côté, on reconnaît aussi, et c'est ce qui augmenterait encore considérablement la liste des ateliers monétaires, qui dépasserait, suivant Charles-Robert, le chiffre actuellement connu de 6,000, c'est que l'orthographe de ces noms a beaucoup varié. On rencontre fréquemment un nom de localité écrit un certain nombre de fois avec une orthographe différente. C'est ainsi, pour ne citer qu'un exemple : la ville d'Aneulissima, Angoulême, on la trouve écrite de vingt-trois manières différentes et toutes avec une orthographe différente. D'un autre côté tous ces noms géographiques, qui sont des noms latins, passent comme tous les noms latins, successivement par tous les différents cas ou désinences des noms latins, qui ont des déclinaisons. Or, comme il"y a six cas dans une déclinaison, tant au singulier qu'au pluriel, il y a six manières différentes de terminer un nom. Ces six différentes terminaisons peuvent donner naissance à six noms particuliers.
De l'orthographe et de la déclinaison des noms géographiques, il peut se faire qu'un nom de cité soit répété un grand nombre de fois et écrit ce nombre de fois d'une manière différente. Cette répétition peut donc faire considérer chacun de ces mots comme autant de noms différents d'ateliers monétaires et en accroître ainsi considérablement la liste.
Généralement, les cités possédant un atelier monétaire se distinguaient de celles qui n'en avaient pas par une des expressions : F, FI, FIT, FUT, FITT, FE, FEC, FECIT, FVCIT, etc.. qni vient defacere, faire, de fieri, se faire, placé généralement, à la suite du nom de la cité.
Disons aussi que les espèces gauloises portaient en grande partie, en légende ou dans le champ, soit les initiales ou les monogrammes, soit en entier les noms des localités de la Gaule où ces espèces monétaires ont été frappées. Il y en a même où les monnayers inscrivaient fréquemment au
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droit, en légende circulaire, le nom entier de l'atelier monétaire, tout en gravant dans le champ du revers, les initiales de ce même atelier. C'est ainsi qu'on trouve des espèces de Lyon qui portent, au droit : LVGDVNO, et au revers : LV ou LVG.; de Chalon-sur-Saône, qui portent au droit: CAVILONNO ou CABILONNO, et au revers : CA.; de Limoges, qui portent, au droit : LEMOVICAS, et au revers : LE ou LEM ; et bien d'autres localités que nous ne mentionnerons pas.
Les différents, qui, dans quelques régions de la Gaule, aux débuts du monnayage des Franks, ont paru d'abord sous forme de monogrammes, se composent généralement de deux, de trois et de quatre lettres, quelquefois, mais plus rarement, d'une seule ou de quatre ou de cinq lettres semées dans le champ, ou accostant une figure quelconque, ou encore cantonnant une croix ou un sautoir.
Les exemples de différents sont nombreux ; ainsi parmi les différents :
1° D'une lettre : A, Arelatum, Arles; M, Mettis, Metz; T, Tullo, Toul ; V, Vienna, Vienne.
2° De deux lettres : AG ou AC, Augustodunum, Autun; AN ou AV. Avenio, Avignon; AR. Arelatum, Arles; CA, Cabilonno, Chalon-sur-Saône ; BO. Bonna, Bonn (Prusse) ; AV, Augusta, Aoste; LE, Lemovicum, Limoges; LI.Limonum, Poitiers; MA, Massilia, Marseille; LV, Lugdunum, Lyon; ME, Mettis, Metz; TR, Treveris, Trêves; TV, Tullo, Toul.
3° De trois lettres : AVN, Avenio, Avignon; ARE, Arelatum, Arles; CAB, Cabilomo, Chalon-sur-Saône; LEM, Lemovicum, Limoges; LIM, Limonum, Poitiers; LVG. Lugdunium, Lyon; MAS ou MAZ, Massilia, Marseille; MET, Mettis, Metz; AND, Andecavis, Angers.
4° De quatre lettres : ANDS, Andecavis, Angers; ARAT ou AR-AT, Arelatum, Arles; LEMO, Lemovicum, Limoges; LIMO, Limonum, Poitiers; VIVA" ou VI-VA, Vienna, Vienne; AVES, Avesnes.
Que les espèces monétaires de l'époque d'un même règne
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portent ou non le nom géographique d'une cité quelconque, elles ont entre elles, sous tous les rapports, une frappante ressemblance. On y reconnaît, à première vue, la même exécution et le même style, quoi qu'on puisse relever sur quelques-unes d'entre elles de légères variantes dans le dessin des figures ou dans certains accessoires et dans les légendes ; mais il faut voir là que les conséquences inévitables d'un travail qui subissait et qui devait laisser apercevoir l'influence du graveur dans la confection des coins.
Il y a donc entre les pièces portant ou non, en légende son nom, une similitude presque entière sous le rapport du métal, du poids, aussi bien que pour les types, le style et les procédés de fabrication.
Le monnayage s'opérait chez les Franks avec de l'or fin (1) provenant des contributions ou du pillage des guerres au profit du roi ou de ses leudes, soit des impôts prélevés par le gouvernement. Parmi les pièces frappées avec ces matières, il y en a qui présentent des noms géographiques, tandis que d'autres en sont complètement, dépourvus. Ne se pourrait-il pas que ces dernières fussent celles que l'on frappait, avec le métal fourni par le Trésor royal? Les autres auraient été frappées avec des métaux appartenant aux leudes ou à des particuliers.
De cet aperçu, on voit de suite le rôle qu'auraient ainsi rempli les noms géographiques gravés sur les monnaies
(1) Nous employons préférablement l'expression de fin à celle de pur, parce que pur dans l'or pur, dans l'argent pur, veut dire que les matières précieuses ne contiennent aucune trace de matières étrangères; or, le chimiste français Darcet a trouvé et prouvé que les anciennes monnaies qualifiées d'or pur, d'argent pur, contenaient toutes environ un vingt-quatrième d'alliage accidentel, et que ces monnaies étaient faites avec l'or et l'argent tels qu'on les extrayait de la terre sans être raffinés ; l'affinage était inconnu à cette époque. Cet alliage se composait généralement d'une plus ou moins grande quantité d'argent, avec traces de fer et d'autres métaux, maïs rarement de cuivre. Or, l'expression de fin suppose cet alliage accidentel aux anciennes monnaies.
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frappées; ils auraient ainsi facilité les opérations et en assureraient la régularité.
Au moment de la rupture du lien politique entre la Gaule et le gouvernement impérial byzantin, en 538, il s'introduisit dans la fabrication des monnaies, des pratiques imposées, soit par la nécessité, soit suggérées par l'intérêt personnel. Ces pratiques, isolées au début, ou restreintes à certains points de territoire, se généralisèrent peu à peu et aboutirent finalement, vers les dernières années du vie siècle, à un état de choses dans lequel le nom du souverain fut l'exception et où la monnaie mise en circulation n'avait pour garantie que la signature des monnayers, qui avaient liberté complète dans l'exercice de leur fonction, pourvu qu'ils fabriquassent de bonnes monnaies au poids légal et de bon aloi ; liberté progressivement établie sans l'intervention d'aucun règlement administratif, qui convient d'amender en ce sens que la signature des monnayers devait être accréditée au lieu et dans le pays où ces monnayers exerçaient leur industrie.
Au moment où la Gaule était envahie par les Franks, vers l'an 428, il n'y avait plus que deux ateliers monétaires officiels : Arelatum, Arles, et Lugdunum, Lyon. Les Franks continuèrent cependant de frapper à Trêves, pendant quelque temps encore, des imitations romaines en argent; après quoi, au vne siècle, ils créèrent et établirent des ateliers monétaires nouveaux : à Vapincum, Gap; Massilia, Marseille; Sanaga, Senez; Ucetia, Uzès; Venasque ; Vienna, Vienne et Vivario, Viviers. C'estji partir de l'an 613 que, dans cette région, les noms des rois furent définitivement substitués sur les monnaies à ceux des empereurs. Ils se maintinrent jusqu'au commencement du vm 6 siècle; à cette époque, l'abaissement du pouvoir royal paraît avoir fait oublier les noms des princes qui se succédaient.
On possède très peu ou point de documents permettant de se rendre compte de ce qu'était le monétarius. Grégoire de Tours cite, en passant : « A Paris un monétarius urbis; « à Tours un monétarius buronicus. » Saint Ouen parle
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d'Albo, orfèvre très expert, qui à Limoges : « publicam fis« calis monetoe officinam genebat. » Dans la seconde moitié du vie siècle, à Lugdunum et à Vienna, trois monnayers signèrent des triens d'or : DE OFFICINA MARET, DE OFFICINA LAVRENTI, DE OFFICINA MAVRINTI; ces trois pièces peuvent aider quelque peu la question. Dans quelques ateliers monétaires, on trouve sur des triens la signature de deux monnayers qui paraissent être associés pour gérer un atelier monétaire, comme à Chalon-sur-Saône, Lyon, Mâcon.
A la suite de l'émancipation des monnayers au vie siècle, le nombre de ceux-ci se multiplia ainsi que celui des ateliers monétaires. On connaît une multitude de vici, de casfî'o, etc., localités aujourd'hui disparues, dont les noms figurent sur les monnaies de l'époque mérovingienne; les causes de cette diffusion ne sont pas complètement définies.
De ce moment, on remarque sur les monnaies deux sortes d'inscriptions de noms d'hommes, parmi lesquels se trouvent des noms royaux, dont on n'a pas besoin de dire que ce sont des noms de rois, qui ont ordonné, comme souverains, la frappe des monnaies, et des noms de simples particuliers. Ces noms de particuliers, qui ne sont autre chose que des noms de monnayers qui ont frappé, en leur nom, les monnaies qui portent leur signature. Ces monnayers se reconnaissent généralement par une des expressions : M. MO, MON. MONE, MONET, MONETA, qui veut dire monétarius, monnayer, mise, le plus souvent, à la suite du nom. Ces sortes de monnaies sont appelées monnaies monétaires, pour les distinguer de celles frappées au nom du roi, qui sont appelées, pour cette raison, monnaies royales, et de celles frappées par les cités, appelées monnaies communales, et autres.
Au commencement du vie siècle les monnayers frappèrent de la monnaie en or aux types et aux noms impériaux, pendant une cinquantaine d'années. Au droit de ces monnaies on conserva d'abord la représentation de la Victoire, de face, inaugurée par Théodose II (401-450); puis on adopta
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la Victoire, de profil, qui avait commencé à paraître sous Justin Ier (518-527). Dans cet intervalle de temps la Gaule fut inondée de solidus et de triens, de fabrication plus ou moins barbare, portant des légendes incohérentes, c'est à peine si on pouvait distinguer les pièces appartenant à l'est de la Gaule, de celles qui ont été émises à l'ouest. Ces pièces de monnaie portaient le nom de l'empereur régnant.
Le monnayage imité des fabriques byzantines fut très abondant en Gaule sous les empereurs : Anastase (491-518), Justin-le-Thrace ou Justin Ier (518 527), et Justinien Ier (527-565). Pendant les règnes suivants il n'en fut plus ainsi, il y a une cessation presque complète sous le premier successeur, Justin II, (565-578), et cessation absolue sous le second, Tibère-Constantin (578 581).
Après une période de dix-sept ans, où le monnayage en Gaule, au nom des empereurs régnant à Constantinople, avait été interrompu, l'empereur Maurice-Tibère (581-602) reprit avec une certaine vigueur le monnayage pour la Gaule ; il fit frapper à son nom un nombre considérable de monnaies d'or, des solidi et des triens : à Arelatum, Arles; Vapincum, Gap; Massilia, Marseille; Rutena, Rodez; Santii, Senez; Ucetia, Uzès; Valentia, Valence; Venasques ; Vienna, Vienne, et Vivario, Viviers, en vertu du système d'imitation des espèces byzantines. Seulement ce nombre d'imitations n'a pas toujours eu la même abondance ; il a été en décroissance à mesure que le temps marchait.
Lorsque le roi d'Austrasie, Théodebert (534 548), et ses successeurs devinrent maîtres de la Provence et du Lyonnais, il se manifesta alors une grave modification qui se prolongea jusqu'à l'avènement des Carolingiens en 752. Les monnaies portaient alors le nom du roi ou de l'empereur avec celui du fonctionnaire qualifié monétaire, qui avec le temps figurait seul sur les monnaies. Il y avait dans chaque atelier monétaire, un, deux et même trois monnayers, comme dans ceux de Lyon et de Vienne que l'on a vu plus haut, pour gérer l'atelier.
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Quant au monnayage chez les Franks, il s'opérait avec l'or et l'argent tels qu'on les tirait de la terre ou du sable des rivières, c'est-à-dire sans aucune addition d'un métal de moindre valeur que celui qui s'y trouvait accidentellemental), soit qu'ils provenaient des contributions ou du pillage des guerres au profit du roi ou de ses leudes, soit des impôts prélevés par le gouvernement.
Pour faciliter et compléter notre étude des monnaies franques, nous diviserons les Franks en deux tribus : celle des Saliens et celle des Ripuaires.
SYSTÈME MONÉTAIRE DES SALIENS
Du VIe au IX" siècle.
Il est démontré que les Saliens ou Franks orientaux, lorsqu'ils arrivèrent en Gaule et qu'ils s'y établirent, vers l'an 428, n'employaient que des monnaies de différentes valeurs et incertaines, malheureusement peu répandues. Chlodoveus. ou Clodovios. Clovis Ier (475-511), chef de la tribu des Saliens, après ses conquêtes, comprit et reconnut la nécessité qu'aux diverses nations franques réunies sous son sceptre, il fallait une monnaie commune pour régler toutes les transactions journalières et qu'il ne pouvait imposer à des peuples divers, comme monnaie régulatrice, qu'une monnaie déjà sanctionnée par un long usage, adopta, comme monnais d'or, le solidus romain, qui était très répandu, et tenta de l'imposer à ses compagnons d'armes d'abord et à son peuple ensuite. Le solidus romain fut donc adopté jusqu'à la création du solidus national, qui ne fut en usage que vers le milieu du vie siècle, car le solidus frank n'apparut que sous Théodebert Ier, roi d'Austrasie (536-548).
(1) Les chimistes, par l'analyse des anciennes pièces d'or et d'argent, ont reconnu qu'elles étaient fabriquées avec l'or et l'argent sortis de terre, sans aucune addition d'alliage que celui qu'ils contenaient accidentellement.
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MONNAIES D'OR
La monnaie d'or se composait de la livre, du sol et du triens. La livre d'or était une monnaie de compte qui valait 72 solidi d'or. Le solidus d'or, imitation du solidus de Constantin Ier (306-337), était une monnaie effective, à la taille de 72 à la libra romana, pesant alors 288 scripuli, soit 324 grammes. Ce solidus pesait donc 4 scripuli, soit 4,500 grammes, poids théorique du solidus d'or. La valeur de ce solidus d'or a été fixée par Constantin Ier au 5me de la libra romana d'argent, fixée à 69 francs de notre monnaie, ce qui donne 13 fr. 80 à la valeur du solidus d'or.
Le solidus se divisait en deux semis et en trois triens, à la taille de 144 et de 216 à la libra, pareils aux semissis et aux tremissis de Constantin-le-Grand. Ils pesaient respectivement 2,00 et 1 1/3 scripuli, soit 2,250 et 1,500 grammes et valaient G,90 et 4,60 francs de notre monnaie.
Constance II (350-368) refixa la valeur du solidus d'or, qui avait été fixée au 5me de la valeur de la libra romana d'argent, définitivement à 24 siliquoe d'argent, qu'on verra en son temps.
Le solidus et le tremissis d'or des Romains figurèrent donc parmi les premiers rois de la première race, les seminis ayant été démonétisés ; mais, avec le temps, ils frappèrent à leur type des sols et des triens, et particulièrement des triens.
Sous les premiers rois mérovingiens, le système monétaire des Romains fut adopté et continua pendant un siècle ou deux d'être en vigueur, et les monnaies d'or, d'argent et de cuivre ne cessèrent de régner.
En l'an 544 Justinien (524-545), empereur d'Orient, concède aux rois franks le droit de frapper monnaie à son effigie et à son nom. Or Théodebert (534-548), contemporain des trois autres rois franks, fut le seul qui osa frapper des monnaies à son effigie personnelle et à ses légendes. Les trois autres rois : Clodomir (523-524), roi d'Orléans; Childebert (511-558), roi de Paris, et Clotaire (511-556), roi de Soissons, continuèrent de frapper des monnaies imitées des espèces
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byzantines et revêtues de la légende et de l'effigie de l'empereur régnant.
Théodebert (de 539 à 548), frappa de la monnaie d'or en quantité considérable, tandis que les trois autres rois en frappèrent très peu. A sa rentrée de sa campagne heureuse d'Italie, en 546, il frappa et signa sa monnaie de son nom : DN. THEODEBERTVS VICTOR. Il semblerait que son monnayage fut continué avec son fils Théodebald (548-555) ; du moins, jusqu'à ce jour, on n'a pas encore, que je sache, trouvé de monnaie au nom de ce dernier roi. Mais l'exemple de Théodebert fut suivi par plusieurs de ses successeurs : on a des triens pour l'Austrasie au nom de Sigebert Ier (561-575), et de Childebert II (575-595) son fils; pour le royaume de Paris au nom de Garibert (564-567), et pour le royaume d'Orléans au nom de Gontran (562-593).
Pendant que l'on frappait en Australie une quantité considérable d'espèces d'or, du poids légal et de bon aloi, on continuait de frapper dans les autres royaumes franks de la monnaie à légende impériale, de faible poids, de bas titre et nécessairement très dépréciée.
Par suite de l'affaiblissement de la suprématie impériale byzantine, le monnayage imité des monnaies byzantines fut très abondant en Gaule de 491 à 567, sous les règnes d'Anastase (491-518), Justin Ier le Thrace (518-527), et Justinien (527-567) ; mais pendant les règnes de Justin II le Junior (567-578) et de Tibère-Constantin (578-582), c'est-à-dire pendant dix-sept ans, il y eut cessation presque complète sous Justinien II le Junior, et cessation absolue sous Tibère Constantin, puisqu'on ne connaît pas encore, que je sache, une seule monnaie frappée en son nom sur le territoire gaulois.
De ce moment, il y eut cessation définitive de production chez les Wisigoths et chez les Franks, et l'on y frappa des monnaies aux types différents, tandis qu'il surgissait dans le sud-est de la Gaule une fabrication extraordinaire au nom de l'empereur Maurice-Tibère (586-602), qui, voulant restaurer la souveraineté impériale en Gaule, fit frapper ces
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nombreuses et belles espèces : solidus et tremissis d'or, en son nom, à Arelatum, à Massilia, Retuna, à Valentia, à Vienne, et à Ucetia, Viviers. Mais, après Maurice Tibère, on ne trouve plus que de très rares pièces au nom de Phocus (602-606), et une seule au nom d'Héraclius (606-610).
Les monnaies d'or portant des noms royaux sont très rares, et c'est en Provence et en Bourgogne que ces noms paraissent exclusivement : Clotaire II (617-628), à Arles, Chalon-sur-Saône, Marseille, Uzès et Viviers ; Dabobert Ier (628-638), dans les mêmes villes, plus Avignon, Ayaune, Javouls et Limoges; Sigebert II (638 656), à Arles, Javouls, Marseille, Viviers; Clovis II (638-656), à Chalon-sur-Saône, Marseille; Clotaire III (656-670); Childéric II (656 673); Childebert III (695-711); Dagobert III [711-715) à Marseille. Dans la Gaule septentrionale, on ne voit que Clovis Ier (461511) à Orléans; Dagobert Ier (628-638) et Clovis II (638-656) à Paris.
La valeur des monnaies d'or du ve et du vie siècle, des solidi et des tremissis, était déterminée de celle de la siliqua d'argent (1), qu'on verra plus loin, sous le régime de l'empire romain, au moment de sa chute en Occident, en 476. Le solidus, qui valait en principe sous Constantin Ier (306337) le cinquième de la libra romana, pesant 288 scripuli, soit 324 grammes, et valant 69 francs de notre monnaie, sa valeur fut fixée à 24 siliquoe d'argent, dont la valeur était exprimée sur les monnaies par le chiffre numéral XXIV, et
(1) Du latin siliquas, qui subit maints changements pour aboutir à la forme finale selegas. L'e et \'i se substituent facilement dans la basse latinité et même dans la haute, très fréquemment l'un à l'autre, surtout dans la période mérovingienne. Le G remplace facilement le Q et le C, dont il est l'adoucissement. Le G latin est souvent remplacé par la lettre celtique, qui n'est autre chose qu'un G; qu'en outre les nombreuses formes du G, dans l'épitaphe mérovingienne, sont presque toujours la combinaison d'un demi-cercle terminé inférieurement par un trait droit ou légèrement oblique. Le changement de siliquas en selegas rentre dans la catégorie des transformations les plus normales et les plus usitées; ce terme subit
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le tremissis ou lé triens, qui valait le tiers du solidus, ou de 24 siliquoe d'argent, ou 8 siliquoe, sa valeur était exprimée sur les monnaies par le chiffre VIII. Le solidus de Constantin Ier était le 72e de la libra romana. qui valait par conséquent 1,728 siliquoe d'argent, le triens le 216e, et la siliqua le 1,728e de la libra. Sous les Saliens, comme nous allons le voir, la siliqua représentait seulement le 21e du solidus d'or, ou le 7e du tremissis, ou le 1,512e de la libra romana.
Généralement, les sols et les triens frappés en Gaule par les rois Franks étaient cotés, dès le commencement de leur émission, à un huitième au dessous des pièces similaires frappées à Byzance : le sol à XXI siliquoe au lieu de XXIV ; et le triens à VII siliquoe au lieu de VIII : c'est pourquoi on trouve sur les monnaies d'or des rois de la première race les chiffres numéraux XXI et VII beaucoup plus souvent que les chiffres numéraux XXIV et VIII, pour exprimer le nombre de siliquoe. Les monnaies avec les chiffres numéraux XXIV et VIII, qui étaient des monnaies byzantines, ne sortaient que de deux ateliers monétaires : Chalon-surSaône et Mâcon, tandis que les autres, avec les chiffres numéraux XXI et VII, monnaies mérovingiennes, sortaient de tous les ateliers monétaires de l'est de la Gaule : Arles, Besançon, Marseille, Rodez, Uzès, Valence, Vienne et Viviers. Les solidi byzantins et les mérovingiens ont été frappés en très petites quantités, tandis que les autres l'ont été
d'ailleurs, dans les textes écrits, de graves modifications, comme l'attestent les variantes que fournissent les manuscrits :
1° D'une novelle de Théodose le jeune (379-305), où on lit pour siliquarum, reliquarum, mis pour seliquarum.
2e Dans un fragment de novelle de Maxime (-155-457), où on constate la variante silaquadia ou siluquadia, mis pour siliqualico.
3° D'une novelle de Majorien (457-461), où se trouvent les variantes seliqua, pour siliqua, et seliquatico pour siliqualico.
On remarquera les exemples d'altérations où Yi de la première syllabe est remplacé, comme dans la légende des monnaies, par e, et amènera la tendance vers la forme de selegas.
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en quantitiés considérables. Le solidus aux XXI siliquoe équivaudrait à 12,08 francs, et le triens aux VII siliquoe, à 4,03 francs de notre monnaie.
On remarquera facilement que dans les monnaies frappées dans les ateliers d'Orient, dont les sols et les triens avaient respectivement la valeur légale de XXIV et de VIII siliquoe, tandis que ceux frappés à Arles, Marseille, Rodez, Uzès, Valence, Vienne et Viviers, qui étalent spécialement pour les besoins de la population gauloise, chez laquelle les valeurs correspondantes à XXI et à VII siliquoe, étaient établies et régulièrement admises ; il était donc naturel que certains officiers du pays, tout en reproduisant la gravure des coins byzantins, continuassent de fabriquer leurs monnaies dans les mêmes conditions.
A propos de ces marques, on relève dans une notice de M. J. Roman, sur les monnaies mérovingiennes, des passages où l'auteur considère les lettres numérales inscrites dans le champ de certaines espèces monétaires comme le signe d'une émission relativement récente. Mais des numismates sont unanimes à penser qu'il faut y voir l'indice d'une fabrication relativement fort ancienne. Toujours est-il que beaucoup de pièces à légendes impériales imitées des espèces byzantines, en particulier des solidi et des tremissis, . frappées en Gaule à la fin du vie siècle, au nom de MauriceTibère (582-602), portant respectivement les chiffres numéraux XXI et VII, représentent la valeur en siliquoe du numéraire gaulois, qui était inférieure d'un huitième à la valeur légale et normale des espèces fabriquées dans les ateliers d'Orient (1).
(1) De toutes les épigraphes qu'on peut rencontrer sur les monnaies mérovingiennes, M. d'Amécourt propose de lire DE SELEGAS, et s'est demandé quelle pouvait être la signification vraie de ce mot; il croit y reconnaître l'attestation du monnayer que sa monnaie est de bon titre, en décomposant le mot DE SELEGAS de cette manière : DE SE (cuta?) LEG (e) AS (serverratum), suivi d'un des chiffres numéraux XXIV, XXI, VIII ou VII, était ainsi la valeur de XXIV, XXI, VIII ou de VII siliquas.
Les monnayers qui faisaient graver sur les monnaies frappées dans
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Certains auteure prétendent, à tort ou à raison, que cette rencontre est le résultat d'inadvertance du graveur de coins. D'autres, comme M. d'Amécpurt, pensent qu'au système suivant lequel on taillait dans la libra romana d'or, 72 pièces : solidi de XXIV siliquoe, ou 216 tremissis de VIII siliquoe, s'est substitué un système où la taille était de 81 à la libra romana pour les solidi et de 243 pour les tremissis, et où les solidi ng valaient plus que XXI siliquoe et les tremissis VII siliquoe.
MONNAIES D'ARGENT
Les Saliens ne frappèrent que des denarii, comme ceux des Romains; cela dura jusqu'au temps de Pépin (741-768); à cette époque, il aurait été frappé des solidi d'argent dont la valeur a été fixée à 12 deniers.
Manquant de base d'appréciation directe, force a été aux savants, à défaut de marche certaine, d'opérer sur l'ensemble d'un certain nombre de deniers pesés séparément
leur officine, l'un des chiffres XXIV, XXI, VIII ou VII, devaient déclarer formellement que-leurs monnaies étaient de 24, de 21, de S ou de 7 siliques. C'est ainsi que Priscus et Domnulus déclarèrent que leurs triens frappés à Chalon-sur-Saône étaient faits pour 8 siliques : « CABILONNA FIT DE SELEGAS VIII. » De son côté, Jusé, à Mâcon, qu'il fait son triens de 8 siliques : « IVSE FACIT DE SELEGAS VIII. » Enfin à Besançon, Gennardus dit que son tiers de sol est de la valeur de 7 siliques : « VESVNCIONE DE SELEGAS VII. » On doit naturellement attribuer la même signification aux diverses autres formules, soit entières, soit abrégées que l'on rencontre soit à la fin des légendes, soit dans le champ avec le chiffre numéral, soit cantonnant une croix, un sautoir, ou accostant une figure quelconque. Ainsi, DE SELEGAS à la fin des légendes, avec le chiffre VII dans le champ; DLE à la fin des légendes, avec le chiffre VII dans le champ ; DE SELEGS à la fin des légendes, avec le chiffre VII dans le champ; DE SÈLETAS à la fin de la légende, avec le chiffre V-II cantonnant une croix ou accostant une figure quelconque; DE SELETAS à la fin de la légende, avec le chiffre VIII dans le champ; les chiffres seuls VIII ou VII cantonnant une croix ou accoslant une figure. Il y a une foule d'autres formules entières ou abrégées que nous ne pouvons exposer ici.
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par divers savants, pour en déterminer le poids. Quant à la valeur de ce dernier relativement au solidus d'or mérovingien, aucun document officiel ne la fixe, seule la loi salique permet de la déterminer. Nous allons donner quelques passages de cette loi, et nous verrons que la valeur du denarius d'argent relativement au solidus d'or mérovingien est nettement fixée par le titre II, art. 5 de la loi précitée.
LEX SALICA
« Titre II, art. 5. — Si quis parcellum furaverit qui sine « mater vivere potest, quadraginto denariis qui faciunt 'o solidum unum, culpabiles judicetur (i). »
Quiconque aura volé un petit cochon pouvant vivre sans sa mère, sera condamné à payer 40 deniers d'argent, qui font un sol d'or.
« Article premier. — Si cum sunnis non detunierit
« D. C. (2) denarius, faciunt solidos XV, culpabilis judi« cetur. »
Le texte de cet article dit : 600 denarii d'argent font 15 solidi d'or. En effet, pour l'article 5 du titre précédent, si le solidus d'or vaut 40 deniers d'argent, 15 solidi d'or vaudront 40 X 15 ou 600 denarii d'argent; les semissis vaudront 20 denarii d'argent, et les tremissis 13 1/3.
De ces textes, et d'autres que nous ne citerons pas, nous concluerons que les monnaies effectives chez les Saliens avaient les relations indiquées dans ces textes; c'est-à-dire que la valeur du solidus d'or égalait 40 deniers d'argent ; d'où la valeur du denier d'argent était la 40me partie du solidus d'or ; que le triens d'or, qui était le tiers du solidus d'or, équivalait au tiers des 40 deniers d'argent, soit à 13 1/3 deniers d'argent ; d'où le denier d'argent vaut le 40/3 ou
(1) Cette citation et les suivantes sont tirées d'E. Baluze, cap. reg. France, t. I".
(2) Les lettres D C sont deux chiffres numéraux romains qui signifient : D 500 et C 100, soit en bloc 600.
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le 13 l/3me du tremissis d'or; que la valeur du solidos d'argent était fixée à la valeur de 12 deniers d'argent, d'où le denier d'argent égalait le 12me du sol d'argent. Le denier d'argent se.partageait en deux oboles.
Si la loi salique permet, de fixer la valeur du denier d'argent, elle ne nous permet pas de déterminer son poids; force a été aux savants de peser un certain nombre de pièces pour le déterminer. La pesée de 4 solidi d'or bien conservée a donné le poids total de 339 grains, dont le quart ou 84.75 grains pour le poids du sol d'or, d'où le poids du denier d'argent, qui vaut la 40e partie du sol d'or, serait de 84,75/40 ou 2,1186 grains, si le denier était d'or; mais comme il est d'argent, et que l'argent est en rapport à l'or dans la proportion do 10 à 1, son poids sera donc de 21.186 grains, soit en grammes 1,125(1), ce qui met le denier d'argent à la taille de 288 à la libra romana.
MONNAIES DE BRONZE
Quant aux monnaies de bronze, les Saliens adoptèrent le système monétaire de bronze de Constantin Ier, qui avait pour unité monétaire l'as, du poids de 288 scripuli, soit 324 grammes ; sa valeur fut la moitié de son denarius d'argent, appelé argenteus ; il équivalait donc à la siliqua d'argent, soit à 57,50 centimes de notre monnaie. Cet as se divise en 48 petits as, appelés assarii, dont 4 formaient le tétrassarius, et se divisait, aussi en 240 denarii de cuivre.
SYSTÈME MONÉTAIRE DES RIPUAIRES
Les Ripuaires, ou Francks occidentaux, ne paraissent pas, dès leur arrivée au ivc siècle, avoir créé, ni fait usage d'un système monétaire de leur invention. Ils paraissent au contraire avoir adopté et fait usage du système monétaire qu'ils trouvèrent à leur arrivée, dans le pays situé entre la Meuse et la Moselle d'une part, et entre le Rhin et la forêt des
(1) Le grain, poids de marc, pesait 5,311 centigrammes.
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Ardennes d'autre part, jusqu'à leur annexion au royaume de Clovis, en 509. Les Allemands et les Bavarois, qui se trouvant déjà sous la domination des Romains, avaient implanté et imposé leur système monétaire dans toute l'étendue du territoire des Gaules soumis à leur autorité, avaient, avec le temps, adopté le système monétaire romain.
Les Ripuaires employèrent donc pour les transactions journalières les mêmes monnaies que les Romains.
MONNAIES D'OR
Les Ripuaires avaient donc des solidi d'or de 72 à la libra romana, des dem'i-solidi et des triensis pareils à ceux de Constantin Ier (306-337). La valeur du solidus d'or était, comme on l'a vu, 40 fois celle du denarius d'argent; elle équivaudrait à 13,80 francs, les semissis à 6,90 francs, et les triensis à 4,60 de notre monnaie,
MONNAIES D'ARGENT
Il paraîtrait démontré que, jusqu'à leur annexion au royaume de Clovis, en 509, les Ripuaires se servaient uniquement des monnaies d'argent des Romains, et que ce système se perpétua sous les rois austrasiens, sans autre changement que la substitution du mot Saïga, tiré de la Lex Alamann et qu'ils avaient trouvé dans les pays à leur arrivée. Les Bavarois, dont le territoire formait l'extrême limite du royaume d'Austrasie, avalent conservé l'ancien denarius d'argent par le nom qu'ils avaient reçu de leurs aïeux, appliquèrent le terme générique : denarius, au denarius romain en lui attribuant la valeur d'un tiers de la Saïga.
Les Ripuaires, familiarisés de longue date avec la dénomination romaine, le terme denarius caractérise l'ancien denarius d'argent fin, dont le rapport de 12 au solidus, depuis longtemps établi, est maintenu dans leurs lois.
Les lois de ce peuple vont être pour nous un guide plus certain que toutes les opinions. La monnaie effective d'ar-
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gent avait cours pour la 12me partie du solidus, mais de quel solidus, d'or ou d'argent? faut-il déduire la valeur de ce 12me de solidus?
L'article 12 du titre XXXVI de la loi ripuaire nous fait connaître la nature minéralogique du métal dont ce solidus est formé :
« Art. 12. Quod si cum argento solvere contigerit, pro « solido duodecim, sicut antiquitus est constitutum. »
C'est-à-dire, s'il arrive qu'on paie en monnaie d'argent, on donnera 12 deniers d'argent (sous-entendu), ainsi qu'il a été réglé antérieurement.
La division du solidus est clairement établie ; mais à quel solidus d'or ou d'argent s'applique cette division?
Le texte fondamental répond à cette question : « Sicut antiquitus est constitutum, » ainsi qu'il a été réglé antérieurement. Ce texte nous reporte évidemment à des temps antérieurs à la formation de la dynastie franque. Or, si l'on s'appuie d'une part sur l'observation des faits, et, d'autre part, si le témoignage de Tacite (54-134), nous constaterons (1) que les peuples de la Germanie, dont les Franks sont originaires, n'ont jamais eu de monnaies nationales ; qu'ils se servaient plutôt d'argent que d'or, et que, tenaces dans les habitudes, ils employaient de préférence les monnaies romaines plus anciennes et qu'ils connaissaient depuis longtemps. A quelle unité monétaire, l'aureus ou solidus peut-on rapporter les 12 deniers, qui, à l'époque suffisamment indiquée par les termes : « sicut antiquitus est constitutum, » était nécessairement le denier romain?
Cette disposition de la loi ripuaire s'applique donc au solidus d'or mérovingien, qui aurait remplacé le solidus d'or romain vers la fin du vie siècle.
L'identité du sol, dans toute l'étendue de la monarchie
(1) « Tac. de Marc, Germ., cap. V. — Pecuniam probant octerem, o et dici notam, serraros bitagorigue, argentum quoque magis quam o aurum sequuntur, nulla affectione anemi sed quia numerus argen« teorum facilior usud est promiscia et vilia mercantibus. »
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mérovingienne, nous est connue; tenons-donc pour certain que le denarius ripuaire-et la saïga du même peuple étaient une seule et même monnaie d'argent valant la 12me partie du solidus d'or, et par conséquent fort différente du denarius des Saliens, qui n'en valait que le 40me. Le denarius ripuaire et la saïga sont donc de même valeur et signifient la même chose. Le solidus d'or des ripuaires, comme on l'a vu, équivaudrait à 13,80 francs de notre monnaie. La saïga d'argent, qui est le 12e du solidus d'or, vaut 13,80/12 ou 1,15 franc de notre monnaie, tandis que le denier des Saliens ne valait que le 40e du solidus d'or, ne vaudrait que 13,80/40, soit 34,50 centimes de notre monnaie, un peu plus du tiers de la saïga.
Le denarius d'argent des Ripuaires, unité monétaire, fut aussi désigné sous le nom germanique saïga, dont il est parlé dans les lois que Thierry 1er (511-534) donna aux Allemands et que Clotaire II (584 628) confirma en l'an 615.
« Titre VI, art. 3. — Saïga autem, est quarta pars tre« missis, hoc est denarius unus.; duoe saïgoe duo denarii, « decuntia, tremissis est tertia pars solidi, et sunt denarii « quatuor. »
La lex des Alamann nous présente donc plus explicitement les rapports existant entre le denarius appelé saïga, le tremissis et le solidus. Des textes précités, on ne saurait tirer que celte conclusion, qu'il existait chez les Ripuaires un système monétaire d'origine ancienne, suivant lequel le sol se divisait en trois tremis et le tremis en quatre saïgoe, de sorte que le sol renfermait 12 saïgoe; le paiement de ce sol s'effectuait en argent avec 12 saïgoe. Ce texte n'implique ni l'emploi général, ni l'emploi exceptionnel d'un sol d'argent, comme monnaie de compte ou comme monnaie effective, mais seulement la conversion en 12 saïgoe d'argent du solidus d'argent, valant les 3/10 du solidus d'or dénommé dans les articles précédents sans aucune désignation particulière.
lie denarius d'argent relativement fin serait la principale
T. XXXVI. 2-4
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unité des monnaies effectives d'argent, il s'appelait saïga. Il se divisait, en deux demi-saïga. -
Une seule espèce de denier, qui était d'argent, et deux espèces de solidus avec leurs divisionnaires : semis et triens, dont l'un en or valant 12 saïgoe d'argent et l'autre d'argent valant les 3/10 du solidus d'or; tel était le système monétaire que les Ripuaires paraissent avoir adopté dès le début de leur établissement dans les Gaules, avant leur annexion au royaume de Clovis, en 508.
MONNAIES DE BILLON
Vers l'an 481, il fut créé et frappé en grande abondance des monnaies de billon de titres variés, dont la principale reçut le nom de denier de billon, dont la valeur était le tiers de la saïga ou denier d'argent, dont le poids était de 21 grains, soit 1,344 grammes; il équivalait à 38,33 centimes de notre monnaie. Les autres espèces furent le 6me, le 12me et le 24me de saïga.
Quant aux billons et aux bronzes romains, dont les Gaules devaient être inondées, il n'est pas douteux qu'ils fussent en circulation sous les rois mérovingiens, ce qui expliquerait la rareté des monnaies d'argent de cette époque.
Ce fait, démontré en quelque sorte par la nécessité, trouve sa confirmation dans divers passages des lois auslrasiennes.
LEX ALAMANN
« Titre VIII. — Medictatem in auro valentem, medictatem « cum qualem pecuniam habet solvart. »
« Titre LXIX. — Medictatem in auro valente pecunia, « medictatem autem, qualem invenire potuerit pecunium. »
LEX BAJUVAR
« Titre X, art. 2, et Titre XI, art 1er. — Si aurum non « habet donet aliam pecuniam. »
Il est évident, que s'il n'y avait eu que de la monnaie
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d'argent, le législateur n'aurait pas employé ces termes
vagues, mais bien les mots : « denarius ou saïga. »
Il paraîtrait que la fabrication des deniers de billon,
des 6oee, des 12me et des 24me de saïga, fut commencée par
les Ripuaires dès le ve siècle et fut continuée sous les
Mérovingiens.
J.-B. FINCK. (A suivre.)
BRUNE (GUILLAUME-MARIE-ANNE - Comte) le 19 mai 1804 Maréchal de France f 2 août 1815
Le j^aréolial Brunie
PENDANT LA
Première Restauration et les Cent Jours
Après la capitulation de Paris (31 mars 1814) et l'entrée des souverains alliés dans la capitale, un gouvernement provisoire, dont le prince de Talleyrand était l'âme, s'était emparé du pouvoir et avait fait proclamer (3 avril) la déchéance de Napoléon; son but était le rétablissement des Bourbons.
Le lendemain, 4 avril, le drame napoléonien commence. Après la parade de la Garde à Fontainebleau, les Maréchaux Ney, Lefebvre, Oudinot, Macdonald, font irruption dans le cabinet de l'Empereur, où celui-ci vient de rentrer avec Berthier, Bassano, Caulaincourt et Bertrand. Le prince de la Moskowa, se sentant soutenu et sûr de l'adhésion de ses collègues, s'approche de Napoléon et lui annonce que le Sénat a prononcé la déchéance. L'Empereur réplique que le Sénat n'a point de pouvoirs pour cela et qu'il va d'ailleurs écraser les alliés sous Paris — et il expose aux Maréchaux son plan d'attaque. Ney, perdant alors toute retenue,, s'écrie que l'armée ne marchera
(1) D'après des documents anciens et nouveaux, avec un portrait de Brune en 1815, un tableau de l'assassinat et deux lettres inédites.
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pas sur Paris (1). Resté avec Caulaincourt, l'Empereur réfléchit et, après une courte conférence, écrit un acte d'abdication en faveur du roi de Rome, sous la régence de l'Impératrice. Il charge le duc de Yicence, qui est ministre des affaires étrangères, de porter ce document à Paris ; il lui adjoint les maréchaux Ney et Macdonald, auxquels se réunit Marmont : celui-ci venait de faire défection à Essonnes avec le 6e corps qu'il commandait. Ce mouvement militaire décide le czar Alexandre jusqu'alors hésitant, lequel n'accepte pas la souveraineté du roi de Rome; il se contente de garantir la possession de Pile d'Elbe à Napoléon.
Le 6, l'Empereur, se voyant définitivement abandonné par ses Maréchaux,, écrit l'acte d'abdication pour lui et ses héritiers. Le même jour, au moment où Ney rapportait tout triomphant à Paris l'abdication impériale, le Sénat proclamait le comte de Provence sous le nom de Louis XVIII.
Ce fut, dit Henry Houssaye, le signal de la course à l'adhésion. Le Moniteur inséra les proclamations de Jourdan, d'Augereau, de Maison, les lettres ou ordres du jour d'Oudinot, de Kellermann, de Lefebvre, de Berthier, de Belliard, de Milhaud, même de Garnot(2)J de bien d'autres encore. Le général Dupont, ministre de la guerre, avait adressé, dès le 7 avril, une circulaire à tous les officiers généraux, les invi(1)
invi(1) par Henry Houssaye.
(2) Confirmant son ordre du jour d'Anvers, Carnot, dans son Mémoire au Roi, se ralliait complètement à Louis XVIII, tout en lui posant des conditions. Au deuxième retour des Bourbons, il fut exilé comme régicide et mourut en Prusse, à Magdebourg.
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tant à faire connaître le plus promptement possible leur adhésion personnelle.
Le maréchal Brune, il faut le dire, ne fut pas des derniers à se rallier aux Bourbons. Quoi de moins étonnant! Depuis 1807, c'est-à-dire depuis la fin de sa belle campagne de Poméranie, il était en complète disgrâce auprès de l'Empereur ; aussi, malgré son attachement sincère pour la personne de Napoléon, il avait dû se glisser quelqu'arnertume dans l'âme de notre héros.
Les caus'es de cette disgrâce n'ont pas été, jusqu'à présent, complètement élucidées ; elles peuvent cependant se concevoir et elles sont évidemment multiples. Au cours de cette campagne victorieuse contre les Suédois, le Maréchal Brune avait accepté une entrevue avec le roi Gustave IY qui n'avait pas reconnu Bonaparte comme empereur et que celui-ci regardait comme un ennemi personnel ; il s'y rendit, accompagné de trois officiers supérieurs, dont le commandant du génie Lejeune (de l'état-major du prince Berthier), lequel raconte ainsi l'entrevue (1) :
« Le Roi fit prier M. le Maréchal d'entrer seul dans son cabinet : après quoi, un garde de corps fut placé en faction à la porte. Bientôt, nous entendîmes la conversation prendre un ton fort élevé et s'animer quelquefois jusqu'à l'emportement. Nous étions sur le qui-vive et la main sur le sabre, lorsque le Maréchal sortit pâle, sérieux et dissimulant sa colère. Le Maréchal me prit par la main et me dit : Partons !
(1). Mémoires du Général Lejeune {de Valniy à Wagram), publiés par M. Germain Bapst.
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Monté seul dans la voiture avec le Maréchal, il me raconta ce qui venait de se passer, pour que j'en fisse part à l'Empereur. Gustave, quoiqu'il eut été battu dix fois de suite par les troupes du 'Maréchal, avait osé lui proposer de tourner ses armes contre la France, en réunissant son armée à celle des alliés, pour servir la cause de Louis XVIII. Votre Roi, dit-iL vous fera généralissime de ses armées Ces paroles étaient entremêlées d'outrages contre l'Empereur Napoléon. Le Maréchal Brune, qui avait commis l'imprudence très grave de s'aventurer loin de son armée sur le territoire suédois, fut obligé d'écouter ces propositions jusqu'au bout, pour éviter une scène que sa force physique et notre courage eût rendue pire encore. »
Lejeune partit sur l'ordre du Maréchal et retrouva à Finckenstein l'Empereur, auquel il rendit compte.
Cette entrevue était restée naturellement sans effet ; mais, malgré la correction parfaite et le loyalisme de Brune, elle le compromit aux yeux de Napoléon qui lui reprochait de s'être abouché avec un de ses plus mortels ennemis. Le Maréchal avait cependant reçu des instructions contraires du prince de Neuchâtel, qui prescrivait de tout tenter pour faire la paix avec la Suède.
Après la prise de Stralsund et la conquête de l'île de Danholm, une expédition fut préparée pour s'emparer de celle de Rùgen. Une Convention signée le 7 août nous livra cette île importante, ainsi que toute la Poméranie suédoise.
Par un ordre du jour daté de Stralsund, 14 septembre 1807, « le Maréchal Brune s'empresse d'an-
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noncer qu'il est chargé de faire connaître aux généraux, officiers et soldats, qui forment le Corps d'observation de la Grande Armée, la satisfaction de S. M. Impériale et Royale pour leur belle conduite dans la campagne de Poinéranie, devant Stralsund et à Danholm. Chacun de nous recueillera, comme un titre de gloire, ce témoignage de la satisfaction de l'Empereur. »
Cependant, Napoléon fut mécontent de la capitulation accordée aux Suédois et surtout, à ce qu'il semble, des termes de la Convention signée entre le Maréchal Brune et le général de Toll. Brune, traitant directement, ainsi qu'il avait été accoutumé à le faire comme général en chef, à l'exemple même de Bonaparte, avait omis dans l'acte, dit Berthier (quel scandale !), de parler au nom de son souverain, l'Empereur et Roi, etc. Il n'y est question que d'armée française et d'armée suédoise; les titres de Napoléon ne sont mentionnes que dans la signature : « Le Maréchal d'Empire, Brune, commandant en chef l'armée de S. M. l'Empereur des Français, roi d'Italie. »
Quant à ce qui touche à l'administration de Brune et à ses prétendues dilapidations, la calomnie ne peut être retenue. Il n'a pas conservé les millions du trésor de Berne, puisqu'ils ont servi à couvrir les frais de l'expédition de Bonaparte en Egypte. Comme général en chef de l'armée d'Italie, ses rapports prouvent son intégrité et sa droiture, car il dénonça et poursuivit les prévaricateurs, gens puissants, dont il s'attira la haine. Les lettres des généraux suédois d'Essen et de Toll témoignent de la plus haute estime pour le caractère généreux du Maréchal et de reconnaissance
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pour sa conduite pleine d'humanité envers les pays conquis ; celles des Sénats des villes hanséatiques, dont il avait été gouverneur général, attestent également la reconnaissance des populations.
Ce ne sont donc pas les exactions supposées de Brune qui l'ont fait disgracier, tandis que Masséna, Augereau, d'autres encore, conservaient la faveur du Maître.
D'ailleurs, la meilleure preuve qu'il fut un honnête homme est qu'il laissa une fortune modeste, eu égard aux hauts emplois qu'il avait occupés.
La campagne de Poméranie terminée, le Maréchal s'était rendu à Gand, pour diriger les opérations du Collège électoral du département de l'Escaut, dont il avait été nommé président à vie.
Après l'accomplissement de cette mission, il n'obtint pas d'être reçu par l'Empereur. Il ne dut dès lors lui rester aucun doute sur la réalité d'une disgrâce amenée, non par des fautes personnelles, mais par une cabale d'ambitions jalouses et de basses rancunes. Comme il avait conservé sous l'Empire les idées libérales qui avaient été la raison d'être de la Révolution, il fut représenté comme un homme d'opposition par les courtisans du régime, nouveau. Il est vrai qu'il n'avait pu voir sans peine le général Bonaparte transformé en héritier et successeur de Charlemagne. Il n'avait pas évolué, selon l'expression moderne, comme tant d'autres républicains devenus ducs et princes de l'Empire. Lui avait foi à la loyauté, à la générosité, au bon sens de l'Empereur, et il ne cachait dans aucune occasion la conviction où il était que le grand homme, après une dictature dont les circonstances
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avaient fait une nécessité, voudrait ajouter à toutes ses gloires celle d'être en France le fondateur d'une sage et solide liberté, devenue le besoin impérieux du siècle. Ce langage fut commenté, dénaturé avec l'habileté que peuvent donner la haine et l'envie, en vue d'insinuer que le Maréchal mettait des conditions à sa fidélité envers le chef de l'Empire (1).
Cette conspiration des mauvaises passions eut d'autant plus beau jeu, que le Maréchal ne voulut jamais rien opposer aux lâches menées de ses ennemis. Après les affaires de Poméranie, le triomphe de l'intrigue fut complet. Fort de la droiture de ses intentions et de la bonté de sa cause, le Maréchal avait cru que la plus simple explication suffirait pour dissiper les nuages qui obscurcissaient la vérité. Il lui fallait seulement approcher l'Empereur et l'entretenir quelques instants. Mais toutes les avenues étaient trop bien gardées. Une audience qu'il sollicita avec instances ne lui fut point accordée (2). Il se vit condamner, sans aucun ménagement, à une inactivité qui dut lui être d'autant plus sensible, qu'il était dans la force de l'âge et qu'il sentait que ses services pouvaient être utiles.
Brune accepta sa disgrâce avec résignation et dignité; et, ce qu'il regretta leplus, ce ne fut pas la faveur du souverain, mais l'amitié de l'ancien chef, de l'ancien compagnon de guerre, auquel il restait sincèrement attaché. Il aurait pu récriminer, se plaindre, faire valoir ses services. Il dut souffrir, certes, de son inactivité forcée, pendant que des camarades
(1) Esquisse historique sur le Maréchal Brune, par le lieutenantcolonel Bourgoin.
(2) Le Maréchal Brune à, Avignon, par Jean Saint-Marlin.
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plus heureux gagnaient des batailles, acquéraient, avec de la gloire, titres et dignités, pensions et majorais. Ne méritait-il pas, aussi bien, d'être duc de Bergen ou prince de Stralsund? Fidèle devant l'ingratitude, discipliné devant l'injustice, le Maréchal vécut de la vie du sage dans sa retraite de Saint-Just, près de Méry, en Champagne, partageant son temps entre les travaux littéraires et les occupations agricoles. Quoi qu'il en soit, Napoléon méconnut les services d'un général qui s'était placé au premier rang des généraux de la République et qui, autant et plus peutêtre que Masséna lui-même, aurait mérité d'être appelé l'enfant chéri de la Victoire, puisqu'il n'avait jamais été vaincu. Il le laissa en disgrâce pendant toute la durée de l'ère impériale, même pendant la campagne de France ; il ne se souvint de lui qu'après son fatal retour de l'île d'Elbe, lorsque certains de ses anciens lieutenants l'avaient abandonné pour s'attacher à la dynastie des Bourbons et que d'autres se tenaient dans une prudente réserve.
Cependant Napoléon, trahi par la fortune qui lui avait été si longtemps fidèle, était tombé, après des guerres malheureuses, du faîte de la grandeur et de la puissance qu'il devait à ses victoires. Le Maréchal Brune avait demandé vainement, au début de la campagne de France, à reprendre du service. Pendant l'occupation étrangère, son château ayant été saccagé par les Prussiens (1), il vint passer quelques jours
(1) Il est intéressant,à cette occasion, de comparer les procédés des Prussiens à la conduite pleine de courtoisie, de modération et de générosité du Maréchal Brune.
Au commencement de la campagne de Poméranie, 6.000 Prussiens,
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dans son pays natal, où il comptait faire un plus long séjour, ainsi que l'indique la lettre suivante adressée à sa cousine, Madame Vermeil de Conchard à Brive (2) :
sous le général de Blûcher, qui s'étaient joints à l'armée suédoise, se trouvèrent en état de neutralité par suite de l'armistice, puis de la paix signée à Tilsit. Cette circonstance donna lieu à une correspondance entre le Maréchal et le général prussien. Les lettres de celui-ci font connaître combien il eut à se louer de la perfection des procédés que le Maréchal apportait dans ses rapports avec lui : « Je reconnais toute la bonté et complaisance dont Votre Excellence m'a
tant de fois honoré et pour laquelle je lui serai toujours obligé Je
ne souhaite que de trouver l'occasion de pouvoir faire quelque chose
qui soit agréable à V. Exe » Et: «connaissant la loyauté et les
sentiments généreux que V. Exe. a manifestés dans toutes les occasions..... »
Pour reconnaître cette noble attitude, qu'il glorifiait tant sept ans auparavant, le Maréchal de Blûcher ayant eu, dans la campagne de France en 1814, son quartier général à St-Just, laissa piller le château du Maréchal Brune et brûler ses fermes.
Il faut ajouter encore que, lorsque Brune arriva à Hambourg, au commencement de 1807, le général de Blûcher y était prisonnier de guerre et qu'il dût la promptitude de son échange aux démarches que fit alors le Maréchal auprès du Major-Général.
Vers le même temps, Brune, dans un style courtois et délicat, digne d'un homme de cour, écrivait de Stralsund au vieux maréchal prussien de Kalkreuth, ancien lieutenant du Grand Frédéric: « Monsieur le Maréchal, j'ai eu souvent l'occasion d'entendre parler de
votre caractère, de vos talens et de vos éminents services J'ai
donné l'ordre que vous désirez pour (la conservation de) votre maison de Passewalk, et je vous prie de croire qu'en pareille circonstance c'est moi qui suis l'obligé. »
D'un autre côté, il avançait une certaine somme d'argent à la princesse Elisabeth de Prusse, à qui les circonstances de la guerre imposaient des privations pénibles, et il entoura cette princesse d'égards et de soins respectueux. Celle-ci lui écrivit : « Dès que la paix sera arrangée, ce sera le premier de mes devoirs de remettre à Votre Excellence la somme qu'elle a eu la bonté de m'avancer, avec mille remereimens de ce que, pour le moment, elle m'a tiré de peine. C'est avec la plus parfaite estime que je suis, de Votre Excellence, la très aflectionnée ELISABETH. »
Ces faits, dont le rapprochement avec les procédés prussiens d'alors et d'aujourd'hui est suffisamment instructif, se passent de commentaires. Ils sont tout à l'honneur du héros français.
(2) Lettre inédite à Madame Vermeil de Conchard, née Vielbans du Caire.
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Limoges, 9 avril 1814. MA COUSINE,
J'ai reçu Mer votre lettre avant d'arriver à Limoges. Je suis bien sensible aux offres que vous me faites d'un si bon coeur, mais je crains de vous gêner : je descendrai à une auberge, en attendant que j'aie loué une maison. Obligez-moi de me faire retenir dans une auberge : 1° un logement pour trois maîtres, 2° pour une femme de chambre et un vallet (sic) de chambre et dis palefreniers, 3° une ou deux écuries pour 28 chevaux et une remise pour trois voilures.
Je vous prie, ma cousine, d'être persuadée de toute ma reconnaissance.
Je vous embrasse. MaI BRUNE.
Mes amitiés à mon cousin Maillard et à tous nos parents.
Tel était le train, avec lequel voyageait un Maréchal d'Empire, même sans commandement ! -La cousine ne s'en doutait pas sans doute, car, malgré sa bonne "volonté, il ne lui eut pas été possible d'offrir l'hospitalité à tant de gens dans son petit hôtel de la rue des Frères (1).
De même, l'année suivante, lorsque le Maréchal Brune, commandant en chef de l'armée du Yar et gouverneur de la 8e Division militaire, quitta Toulon, le 1er août 1815, pour se rendre à Paris, il était accompagné de trois aides-de-camp, d'un secrétaire, avec de nombreux domestiques, des voitures, 21 chevaux, sans compter une escorte de chasseurs à cheval : train considérable qui n'attirait que trop l'attention de populations hostiles, ce qui amena sa perte.
Au printemps de 1914, le séjour de Brune en Li=
(1) Cet hôtel, datant du xvir siècle, existe encore aux ncs 19 et 21 de la rue Biaise Raynal, anciennement rue des Frères, à Brive.
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mousin avait été écourté par les événements. Invité à se rendre à Paris par une lettre du prince de Neuchâtel, le Maréchal, qui avait également reçu la lettrecirculaire du Général Dupont, Ministre de la Guerre, fît avec les autres Maréchaux sa soumission au gouvernement royal et il s'empressa d'aller au-devant du Roi.
Par l'article 12 de la Constitution du 6 avril, Louis XYIII avait été appelé au trône. Son frère, le comte d'Artois, arrivé le 12, avait accepté la Constitution et pris la lieutenance-générale du royaume. Pendant que Napoléon, après avoir tenté de s'empoisonner, quittait Fontainebleau pour se rendre à l'île d'Elbe, Louis XYIII abandonnait sa résidence de Hartwell près de Londres.
Le 21 avril (1), le roi monta à Douvres sur le vaisseau Le Lys envoyé des rives françaises ; il débarqua à Calais au milieu de l'enthousiasme de la population. Il continua sa route sur Paris par Boulogne, Abbeville, Amiens, où il fut l'objet de grandes manifestations. Après l'étape d'Amiens, 28 avril, il descendit le 29 au château de Compiègne. Une foule de personnes arrivaient de Paris, a affamées de voir le Roi, » pour reprendre l'expression de Chateaubriand.
Louis XVIII reçut les Maréchaux qui s'étaient déclarés pour lui : Brune, Ney, Moncey, Macdonald, Sérurier. Il leur dit qu'il était heureux et fier de se trouver parmi eux et il les retint à dîner. Fidèle aux traditions des rois de France, il ordonna que les portes de la salle du repas fussent librement ouvertes :
(1) Extrait de La rentrée des Bourbons à Paris, par Funck-Brentano. Revue hebdomadaire du 3 janvier 1914.
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entrait qui voulait. Et ce ne fut pas pour les Maréchaux, point habitués à cet usage, le spectacle le moins divertissant de la soirée, que la mine étonnée et admirative des petites gens, des jeunes filles surtout qui passaient en silence autour de la table (Journal des Débats).
Le 3 mai, le Roi entra à Paris avec la duchesse d'Angoulême. Il se rendit d'abord à Notre-Dame et ensuite aux Tuileries, en passant par le Pont Neuf, pour défiler devant, la statue d'Henri IV récemment relevée.
Le capitaine Damploux (1) de la Garde impériale donne les détails intéressants suivants sur cette cérémonie :
« Le nouveau roi était à Saint-Ouen depuis plu. sieurs jours. Attente causée par tractations avec le Sénat et les hauts dignitaires qui exigent garanties. Accord conclu avec les Maréchaux : fort bien reçus et se dépensant en éloges et serments. X... aurait voulu voir la figure du Major-général (Berthier) et du Rougeot (Ney).
Madame S. m'a offert place à ses fenêtres ornées de draps, broderies, lys et guirlandes. La plupart des maisons décorées dans ce goût. Foule sur huit ou dix rangs. La Garde Nationale formait la haie, de moitié avec l'Armée. Les troupes étrangères sévèrement consignées dans leurs casernes. Le cortège parut à deux heures. Le Major-général et des généraux paradaient en avant, ravis de plaisir ou d'orgueil, uniformes neufs, avec une cocarde comme un chou. Calèche ouverte
(1) Le Carnet du capitaine Damploux (originaire du Pèrigord) publié par le journal Le Matin, 1913-1914.
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à huit chevaux : le Roi au fond, la Princesse à son côté;... c'est la vérité qu'il a de la noblesse dans le visage et l'attitude, malgré l'âge et l'infirmité; une sorte de foi, de certitude en un pouvoir et rôle supérieurs... J'ai remarqué que les vivats diminuaient et se taisaient tout-à-coup, comme par une réserve naturelle, ou sous l'empire d'un malaise, au passage de la Garde. Le Gouvernement avait voulu sa présence. Arrivés depuis plusieurs jours et fêtés par. toute la population avec cet enthousiasme où l'on sent le coeur, le culte de la gloire et le respect d'une grande infortune. On les avait bien priés, grondés et chapitrés, et ils avaient promis d'être sages. Mais quelles figures! Quelle douleur terrible et débordante! On criait beaucoup : Vive la Garde ! avec une affectation marquée chez les royalistes, et le Roi appuyait de la tête. Mais cela ne semblait que l'irriter (la Garde); ils crispaient le visage, tordaient la moustache et pressaient le pas pour finir plus vite. » (1)
Nous ne savons si le Maréchal Brune avait paradé dans le cortège du Roi. Pourquoi ne l'aurait-il pas fait comme tant d'autres? Croyant alors comme eux que l'aventure napoléonienne était terminée et la Révolution finie, et que la France devait revenir naturellement à la monarchie légitime, seul port de salut, il n'avait pas hésité à se rallier au régime restauré qui se présentait, d'ailleurs, avec un pacte constitutionnel,'gage et garantie autant des libertés publiques que des droits du souverain. Qui sait même si, dans cette explosion nouvelle de ferveur bourbo(1)
bourbo(1) rapprocher de l'admirable page de Chateaubriand sur le môme sujet (Mémoires d'outre-tombe).
T. XXXVI. 2 — 5
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nienne, Brune ne sentit pas se réveiller en lui les principes de l'éducation de famille,' le souvenir aimé d'un vieil oncle (1), garde du corps, chevalier de Saint-Louis, les convictions royalistes de sa première adolescence ?
Quoi qu'il en soit, il avait été des premiers à se rallier aux Bourbons : il reçut la croix de Saint-Louis. Il eut généralement à se louer des manières obligeantes du Roi à son égard, dit le lieutenant-colonel Bourgoin, son aide de camp, ainsi que de l'accueil ouvert qu'il reçut du duc de Berry.
Pendant les onze mois de la Première Restauration, le Maréchal observa une attitude réservée; il partagea son temps entre ses travaux de Saint-Just et les devoirs de situation qui l'appelaient de temps à autre à Paris. Il ne fut pas du nombre de ceux qui obtinrent les faveurs du Gouvernement : il n'eut ni grand commandement, ni emploi, ni témoignage de confiance. Son coeur généreux n'en ressentit aucune amertume.
Dans le même temps, les Maréchaux qui avaient forcé Napoléon à abdiquer étaient, comblés de grâces et pourvus de hauts commandements.
Le premier Ministre de la guerre de la Restauration avait été le général comte Dupont, le héros de Halle et de Heilsberg, mais aussi le vaincu de Baylen, condamné pour sa capitulation par un conseil de guerre et privé par l'Empereur de ses grade et dignités. Quel que fût son zèle pour le régime nouveau,
(1) Jean de Vielbans, seigneur de Pommiers, Irère de la mère du Maréchal Brune, Jeanne, mariée à Etienne Brune, avocat du Roi au présidial de Brive.
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les royalistes lui reprochaient de manquer de fermeté et le rendirent responsable du mauvais esprit de l'ancienne armée. Le Maréchal Marmont, duc de Raguse, étant impossible vis-à-vis des troupes, à cause de l'éclat de sa défection à Essonnes, Louis XYIII nomma au Ministère de la Guerre (1er décembre 1814) le Maréchal Soult, duc de Dalmatie, qui avait d'abord beaucoup attendu pour se soumettre, mais qui avait depuis racheté son hésitation par l'excès de son ardeur rovaliste.
En dehors des troupes réduites de l'armée de ligne, de régiments étrangers (7 régiments dont 4 suisses) et de certains corps d'élite provenant de l'ex-garde dénommés Régiments de France (1), la Restauration avait formé, en grande partie avec des éléments nouveaux, la Maison militaire du Roi (2) qui jouissait de grands privilèges et fut très jalousée du reste de l'armée. Les Maréchaux Berthier et Marmont, qui avaient abandonné, livré l'Empereur, commandaient deux compagnies de gardes-du-corps appelées compagnies de Wagram et de Raguse. Quatre Maréchaux de France, désignés par le Roi, remplissaient alternativement les fonctions de Major-général des troupes de la Maison militaire dont le Roi était le Chef. Le général comte Maison était gouverneur de Paris ; le général comte Dessoles commandait la Garde Nationale.
(i) Régiments de grenadiers et de chasseurs de France (infanterie), de chasseurs, dragons, chevau-légers et cuirassiers de France (cavalerie).
(2) Compagnies de gardes du corps, des Cent-Suisses, de la Porte, compagnies rouges (chevau-légers, mousquetaires gris et noirs, gendarmes), compagnie des grenadiers à cheval.
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La France comprenait alors 23 Divisions militaires qui avaient généralement à leur tête des Maréchaux ou des lieutenants-généraux (1) provenant de l'armée impériale, avec des lieutenant-généraux sous leurs ordres pour commander les troupes. C'étaient : les Maréchaux Victor, duc de Bellune, gouverneur de la 2e Division à Châlons; Oudinot, duc de Reggio, de la' 3e à Metz; Suchet, duc d'Albuféra, de la 5e à Strasbourg ; le lieutenant-général comte Marchand, de la 7e à Grenoble; le Maréchal Masséna, prince d'Essling, de la 8e à Marseille; le lieutenant-général comte Decaen, de la 11e à Bordeaux; le Maréchal Soult, duc de Dahnatie, de la 13e à Rennes; le lieutenant-général Clarke, duc de Feltre, de la 14e à Gaen; les Maréchaux comte Jourdan, de la 15e à Rouen; Mortier, duc de Trévise, de la 16e à Lille ; Macdonald, duc de Tarente, de la 21e à Bourges; le lieutenant-général comte Dupont, puis le Maréchal comte Gouvion-Saint-Cyr, de le 22e à Tours...
Maréchaux et généraux de l'Empire se disputaient l'honneur d'obtenir la croix de Saint-Louis et même la décoration du Lys accordée aux fervents défenseurs des Bourbons (2).
Mais, si Brune n'était pas un des favoris du régime, comme les Maréchaux qui avaient tant contribué à l'abdication et à là chute de l'Empereur, ou ceux qui, comme Gouvion Saint-Cyr, étaient peu suspects d'at(i)
d'at(i) généraux de division avaient pris l'ancien titre de lieutenant-général, les généraux de brigade celui de maréchal-de-camp.
(2) La décoration du Lys consistait en une fleur de lys d'argent héraldique surmontée delà couronne royale,, le toul suspendu parun ruban de couleur bleue.
ae QJocoe'âej ôacanâej aua/iL patu cie /louveau, ta QJo&iéÔé jcce/iufiaue, /iuâotur,ue ef cttc/ieoùoauzue o£ ta. LSo-ctèze a aécuié aeJ tepie/iacc ta MLaÙLca.âta/1 ae> JO-ZI C/uuttelin.
tyC-ea./imcu/ittJ, cl neJ jeta pa.ô petçu aeJ caâuaito/u ixoui LCJ a/uiéeô '/$'/-'/ eâ Z^/4, maa> leu (jocôotiet de, la QJociéâé tecevza avec teco-n/uzuja/iceJ l<ucJ calùalia/irC e/ivo-y,éercJ à lilteJ aiacieux.
Btive. 7 Septembze igi5.
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facilement à Napoléon, il n'avait pas été non plus maltraité, outragé, comme certains autres officiers généraux. Davôut, injurieusement accusé d'avoir enlevé les fonds de la banque de Hambourg, fut relevé de son commandement et exclus de la Chambre des Pairs. Vandamme se vit refuser l'audience du Roi et fut de plus relégué dans ses terres. A Milhaud, d'abord décoré de la croix de Saint-Louis, on enleva cette décoration, parce qu'il était régicide. Exelmans, accusé de correspondance avec l'ennemi (c'est-à-dire avec Napoléon et avec Murât), fut arrêté et traduit devant un conseil de guerre qui l'acquitta.
Aussi, malgré les libertés octroyées par la Charte et la modération personnelle du Roi, le Gouvernement de la Restauration avait trouvé moyen, en onze mois de règne, de mécontenter l'armée par la réduction des corps et la mise en demi-solde des officiers en surnombre d'une part, par les avantages accordés à la Maison du Roi d'autre part, d'inquiéter les esprits modérés par des mesures réactionnaires et surtout d'alarmer les intérêts en menaçant les acquéreurs de biens nationaux. Placé entre les exigences de partisans fidèles et le désir d'anciens adversaires de conserver biens et dignités si bien exprimé par Garnot dans son Mémoire au Boi, sa situation était évidemment difficile.
Napoléon, tenu au courant de l'état de l'opinion, se décide à intervenir. Trompant la surveillance dont il était l'objet à l'île d'Elbe, il s'embarque le 26 février 1815 avec 1.100 hommes (1) et 4 pièces de canon
(1) Chasseurs et grenadiers de la vieille Garde, bataillon corse, lanciers polonais, canonniers et marins de la Garde.
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et aborde le 1er mars au golfe Juan près de Cannes. Après quatre étapes, Grenoble, Lyon, Auxerre, il arrive le 20 mars à Paris que Louis XYIII avait quitté dans la nuit.
Cependant le vieux Roi Bourbon n'était pas tombé sans résistance devant celui qui était qualifié d'usurpateur. Le 11 mars, après les événements de Grenoble et les premières défections, Soult, devenu suspect, avait été remplacé au Ministère de la Guerre par l'ancien ministre de l'Empereur, Clarke, duc de Feltre.
Masséna, qui commandait à Marseille, avait, avec le peu de troupes dont il disposait, pris les mesures nécessaires pour arrêter la marche de Napoléon. A la nouvelle de son arrivée dans le Dauphiné, on décida que le comte d'Artois se rendrait à Lyon et prendrait le commandement des troupes opposées à l'Empereur; les Maréchaux Ney, Macdonald et Gouvion SaintGyr devaient lui être adjoints.
Le 14 mars, Ney, qui s'était vanté de ramener l'Ogre de Corse dans une cage de fer, entraîna dans sa défection les troupes qu'il commandait à Lons-leSaulnier et rejoignit l'Empereur à Auxerre.
Macdonald à Lyon, resté le dernier, eut de la peine à s'échapper, après avoir été le témoin impuissant de l'abandon de la garnison.
Dès le 17 mars, le duc de Berry avait pris le commandement d'une armée réunie au camp de Yillejuif. Cette armée comprenait deuv corps sous les généraux Maison et Rapp, la cavalerie sous le général Kellermann fils; le Maréchal Macdonald devait la commander en second, avec le général Belliard comme majorgénéral.
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Le duc de Bourbon s'était rendu en Vendée,, pour soulever les départements de l'Ouest qui prirent de nouveau les armes. Le duc et la duchesse d'Angoulême étaient à Bordeaux. Pendant que la duchesse essayait, par son énergie et son influence personnelle, de maintenir dans le devoir cette ville dévouée aux Bourbons et surtout sa garnison dont la fidélité était plus que chancelante, le duc partit le 10 mars et parcourut tout le Midi, cherchant à rallier les populations et les troupes à la cause royale.
Cependant Louis XVIII, menacé directement par l'arrivée de Napoléon et hors d'état de résister, avait dû quitter Paris dans la nuit du 20 mars avec le comte d'Artois et le duc de Berry, accompagné par les gardes du corps et les compagnies rouges sous le commandement supérieur de Marmont. Les Maréchaux Berthier, Victor, étaient également avec le Roi ; le Maréchal Macdonald et le général Maison, venant du camp de Villejuif, le rejoignirent en route. Le cortège se rendit d'abord à Lille, dont le Maréchal Mortier était gouverneur sous la haute autorité du -duc d'Orléans. Ne s'y trouvant plus en sûreté, le Roi quitta Lille le 23 mars, pour se rendre à Gand en Belgique, avec sa cour et une partie des troupes de sa Maison. Le Maréchal Macdonald l'accompagna jusqu'à la frontière et prit congé de lui par ces paroles prophétiques : « Au revoir, Sire, dans trois mois! »
Napoléon, qui se sentait menacé par la coalition européenne, prit ses dispositions pour terminer d'abord la'guerre civile. Grouchy était avec Davout, Vandamme, Exelmans, un des rares officiers de grand mérite qui avaient eu à se plaindre du Roi. L'Empe-
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reur lui donna l'ordre de partir pour Lyon, comme commandant supérieur des troupes et des 7e et. 19e Divisions, muni de pouvoirs extraordinaires, avec mission de réprimer le soulèvement du Midi. ■ De son côté, le duc d'Angoulême était arrivé à son quartier général à Nîmes. Il avait été accueilli presque partout avec enthousiasme par la population, avec froideur par les troupes. On se croyait cependant assuré de la fidélité de quelques régiments et de 7 à 8.000 volontaires. Le prince avait projeté de marcher sur les derrières de Bonaparte et de réoccuper Lyon qui se trouvait à peu près sans garnison. Suivant le plan arrêté avec Masséna, l'armée royale devait opérer en trois colonnes. Parti de Pont-SaintEsprit, le duc obtint quelques petits succès et entra à Valence; mais quelques régiments passèrent aux impérialistes, des généraux firent leur soumission à Napoléon. En présence de ces défections, le duc d'Angoulême fut réduit à signer la capitulation de La Pallud (9 avril), en vertu de laquelle il alla s'embarquer à Cette pour l'Espagne.
Cette capitulation fit tomber les dernières résistances, dans le Midi.
Masséna, craignant que le lieutenant-général marquis de Rivière, commissaire du Roi, n'ouvrît le port de Toulon aux Anglais, s'était rendu de Marseille dans cette ville le 2 avril et avait refusé, sous divers prétextes, d'envoyer au duc d'Angoulême les deux régiments d'infanterie qui en formaient la garnison. Cependant il ne se décida à proclamer l'Empire que le 11 avril, trois semaines après la rentrée de Napoléon aux Tuileries. Il y eut à Toulon Te Deum, salves d'ar-
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tillerie, illuminations; les troupes dé l'armée et de la marine parcoururent la ville musique en tête, escortant un char que traînaient des ouvriers ceints d'écharpes tricolores et où se tenaient debouts, à côté du buste de Napoléon, les grenadiers de l'île d'Elbe qui avaient été pris à leur arrivée à Antibes (1).
Marseille ne s'était pas soumise. Le préfet, le maire, le marquis de Rivière, le comte de la Tour-du-Pin qui, arrivé de Vienne, annonçait la prochaine entrée en France des armées alliées, excitaient la population à résister. Le 11 avril, un parlementaire de Grouchy, commandant l'armée de Lyon, faillit être assommé par les portefaix. Grouchy mit ses troupes en mouvement. Malgré le retour de 1.500 volontaires royaux que le général Ernouf ramenait de Sisteron et qui criaient : aux armes ! sur la Cannebière, la résolution des autorités avait faibli. Masséna ayant dépêche au préfet l'ordre de reconnaître l'Empire, le conseil municipal craignit de voir la ville attaquée et par l'armée de Grouchy et par la garnison de Toulon : il se résigna à faire sa soumission. Les Marseillais ne virent pas sans révolte tomber le drapeau blanc. Eh entrant dans la ville le 15 avril, la tête de colonne du 6° de ligne fut reçue par des cris de : Vive le Roi! Les soldats durent croiser la baïonnette, pour se frayer passage à travers la foule ameutée.
Le 16 avril, une salve de cent coups de canon tirée dans toutes les villes de France annonça officiellement au pays la fin de la guerre civile.
Malheureusement, en dehors môme du soulève(!)
soulève(!) par Henry Houssaye.
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ment de la Vendée qui allait exiger l'envoi d'un corps d'armée sous les ordres du général Lamarque, les troubles ne cessèrent pas pour cela.
Dans la région du Sud-Est, pendant les vingt-cinq jours de la campagne du duc d'Angoulême, les volontaires royaux, par leurs menaces, leurs exactions et parfois leurs mauvais traitements, avaient exaspéré leurs ennemis politiques, irrité les indifférents, terrorisé toute la contrée. Aussi, avant même la défaite des royaux, dans plusieurs villages des Gévennes et des Alpes les paysans avaient arrêté et désarmé des détachements de miquelets ou tiraillé avec eux. Après la capitulation de La Pallud, quand on vit revenir les royalistes sans armes, marchant isolément ou par petits groupes, les rancunes et les haines se réveillèrent. Un grand nombre de ces malheureux furent insultés, battus, repoussés des villages comme des chiens enragés, pourchassés dans les champs comme des bêtes fauves. Des volontaires, abatlus à coups de fusil, furent achevés et mutilés par des femmes.
D'un autre côté, les troupes de Grouchy, dans leur marche de Pont Saint-Esprit sur Marseille, commettent les pires excès à Orgon, sous prétexte que l'année précédente, quand Napoléon exilé traversa le bourg, les habitants voulurent le pendre. Déjà', en juillet 1814, les gens d'Orgon avaient été odieusement maltraités, pour le même motif, par un détachement d'infanterie. A Aix, des canonniers, offusqués de voir de jeunes royalistes se promener avec des roses blanches à la boutonnière, les dispersent à coups de sabre.
Ces attentats, ces abominations, dit H. Houssaye
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dont l'opinion ne saurait être suspectée, allaient amener trois mois plus tard d'épouvantables représailles.
En attendant, les troubles continuent : le Nord, l'Ouest et le Midi n'étaient pas pacifiés et l'autorité impériale était méconnue ou demeurait impuissante dans plus d'un tiers de la France.
Fatalement aussi, le retour de Napoléon allait rallumer la guerre européenne.
Le débarquement du golfe Juan avait frappé le monde d'étonnement et le congrès de Vienne de stupeur. C'en était fait de la paix. La France le comprit et s'y résigna. L'Europe réunie à Vienne, séparant encore une fois la cause de Napoléon dé celle de la France, mit l'Empereur hors la loi. L'Angleterre, l'Autriche, la Prusse et la Russie s'engagèrent à consacrer tous leurs moyens « à mettre Bonaparte absolument dans l'impossibilité d'exciter des troubles et de renouveler ses tentatives pour s'emparer du suprême pouvoir en France. » Toutes les armées de l'Europe, moins la Suède et le Portugal, mises sur le pied de guerre, se portèrent contre nos frontières (1).
Dans les premiers jours de juin, 800.000 étrangers menaçaient le territoire français, dont 70.000 AustroSardes sur le Var et en Savoie, sous le général Frimont; 100.000 Anglais, Hanovriens et Hollandais, commandés par le duc de Wellington, et 140.000 Prussiens par le prince Blûcher.de Wahlstadt, étaient rassemblés en Belgique. Les grandes armées autrichienne et russe marchaient en deuxième ligne vers le Rhin.
(1) Le Maréchal Blûcher d'après sa correspondance, par] le commandant Vermeil de Conchard. — Librairie militaire Baudoin. Paris.
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- Pour se concilier l'opinion publique, l'Empereur avait donné à la France une constitution plus libérale sur certains points que la Charte même, sous le titre d'Acte additionnel aux constitutions de l'Empire. Mais la France ne croit pas plus à Napoléon quand il parle de liberté, que l'Europe ne le croit quand il parle de paix.
A l'intérieur cependant, dès la fin de mai, les rne-? sures énergiques prises par le gouvernement commençaient à imposer aux provinces hostiles. « Il serait bien temps, avait dit l'Empereur, que la police ne laissât pas prêcher la guerre civile impunément. Il faut que cela finisse. » Des lois antérieures punissant de mort les tentatives d'embauchage et les provocations à la désertion sont remises en vigueur. Des commissions de haute police, composées d'un général de division, du préfet et du procureur-général, sont établies dans certaines villes. Dans toute la France, des fédérations s'organisent « pour défendre la liberté et terrasser la contre-révolution. »
Toutefois, lorsque Napoléon quitta Paris, le 12 juin, pour aller chercher la victoire dans les plaines de Belgique, l'opinion restait divisée et troublée. L'Ouest est en armes ; la discorde règne dans le Midi ; dans la plupart des grandes villes il y a des mécontents, des agitateurs.
L'Empereur n'avait pas attendu les résultats de la mobilisation, pour organiser les corps d'armée. Afin d'être prêt à tout événement, il avait ordonné, dès le 26 mars, la formation de huit corps d'observation. Quand, à la fin de mai, les rappelés, les volontaires, les gardes nationales eurent accru l'armée, il fit une
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nouvelle répartition de ses forces. La plupart des corps organisés (la Garde, cinq corps d'infanterie, quatre de cavalerie) formèrent l'Armée du Nord, qui devait opérer directement sous ses ordres contre les armées de Wellington et de Blûcher, lesquelles n'avaient pas encore fait leur jonction. Napoléon se proposait de porter rapidement ces troupes en Belgique, afin de surprendre les premières armées ennemies, de les attaquer séparément et de les battre;, il comptait alors se tourner contre l'armée de Schwarzenberg.
Le Corps d'observation du Yar fut. placé sous le commandement du Maréchal Brune et comprenait à sa formation la 17° Division d'infanterie (Yerdier), le 14e Chasseurs à cheval, de l'artillerie et du génie —■■ total : 5.544 hommes. C'était peu pour défendre la frontière contre les Autrichiens et s'opposer au débarquement des Anglais à Toulon. - :
Brune, pendant la première Restauration, bien que rallié aux Bourbons dès leur retour, était resté libre de tout engagement particulier. 11 continuait de vivre dans son château de Saint-Just, lorsque les événements vinrent l'arracher à une retraite prématurée, certainement bien lourde à un homme fait, comme lui, pour le mouvement et l'action.
Ils sont peu nombreux les hommes qui, après une vie d'agitations et de luttes, résistent à l'empire des circonstances et à l'entraînement du fait accompli.
Brune aurait pu, plus que tout autre, s'abstenir et refuser un commandement. Mais la guerre était imminente, l'indépendance de la France était menacée :
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le Maréchal n'écoutant que son patriotisme, plaçant l'intérêt du pays au-dessus de justes susceptibilités, offrit de nouveau son épée.
Les qualités d'administrateur dont il avait fait preuve en Helvétie, en Vendée, en Italie, ses succès en Hollande et en Poméranie le désignaient pour le gouvernement d'une des provinces où persistaient les troubles et particulièrement d'une province maritime menacée par l'ennemi. Aussi, malgré les représentations d'amis clairvoyants, il accepta la tâche ingrate et difficile d'arrêter la guerre civile dans la Provence, dont les passions violentes avaient été déchaînées par les factions, et de défendre ce pays contre l'invasion des Anglais et des Autrichiens. Envoyé à Marseille comme gouverneur de la 8e Division militaire, il fut chargé en même temps de l'organisation et du commandement du Corps d'Armée du Yar.
Bientôt le Maréchal Brune, rentré en faveur, reçut les lettres patentes qui le créaient comte de l'Empire et également pair de France avec dix autres Maréchaux. Napoléon ne voulut pas nommer membres de la Chambre haute, qui avait remplacé le Sénat, Kellermann et Sérurier qui avaient signé l'acte de déchéance, Augereau qui avait mal opéré à Lyon en 1814, Oudinot et Gouvion-Saint-Cyr à cause de leur conduite hostile à Metz et à Orléans après le 20 mars. Les Maréchaux Berthier, Marmont, Victor qui avaient accompagné Louis XVIII en Belgique, Macdonald qui lui restait fidèle, Pérignon qui s'était compromis à Toulouse comme royaliste (1), furent aussi exclus.
(1) 11 avait été un moment Ministre de la Guerre du duc d'Angoulême dans le Midi.
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Brune avait à Marseille remplacé Masséna. Celui-, ci, qui avait secondé le duc d'Angoulême pendant la courte campagne des bords, du Rhône, avait, après la capitulation de La Pallud, proclamé l'Empire, Il adressa un rapport justificatif à Napoléon qui le reçut, mais ne lui conserva pas le commandement de la 8e Division militaire. Il fallait, pour contenir les royalistes, un homme qui n'eût pas commandé au nom de Louis XVIII.
Marseille était occupée, mais non soumise; la guerre civile était imminente. En attendant, des troublés éclatent chaque jour dans cette population de près de 100.000 âmes mal contenue par 2.000 soldats; la faiblesse numérique de la garnison donne de l'audace aux agitateurs. D'ailleurs, l'administration, la municipalité, la garde nationale sont royalistes. L'arrêt dans le mouvement du port a affamé le peuple. « La misère est grande, écrit le général Verdier; il est facile d'exciter les pauvres gens. » Les bourboniens n'y manquent pas et recrutent leurs agents parmi tous les mécontents, même des gens sans aveu et des étrangers, à la ville. Les manifestes de Louis XVIII sont affichés sous la protection de portefaix armés de bâtons. Officiers et soldats ne peuvent sortir sans être insultés, menacés, maltraités. La gendarmerie hésite à arrêter les perturbateurs et la garde nationale les protège ouvertement (1). Cette milice comptait dans ses rangs des citoyens indignes, dont la partie saine de la population était complice malgré elle.
Le Maréchal, en arrivant à Marseille, avait donc
(i) 1814-1815, par Henry Houssaye.
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trouvé les esprits dans un état de fermentation et de désordre qui appelait les plus prompts remèdes. Il essaie de parler à la raison des chefs du parti opposé à Napoléon, de leur faire entendre que le sort de la France, ainsi que la forme de son gouvernement, allait se décider dans les plaines de Belgique, et qu'une guerre civile comme diversion serait inefficace et par conséquent doublement coupable. Ces sages avis sont méconnus, comme le prouvent une foule de provocations et d'actes odieux exercés sur les militaires isolés et sur les hommes du pays soupçonnés d'attachement à l'Empereur. Malgré sa modération, malgré le soin qu'il prend de tempérer les mesures de rigueur ordonnées par le gouvernement ou même d'en retarder l'application, il est journellement en butte aux injures et aux menaces; on ose écrire au Maréchal commandant, en chef : « Coquin, si tu as le malheur de te rendre à la revue des Allées, ton affaire est faite ; ta tête doit être placée au haut du clocher des Accoules. » A ceux qui le pressent de sévir, le Pacificateur de l'Ouest se contente de répondre : « Il vaut mieux remettre les têtes que les couper. » ■ Cédant enfin aux conseils et aux objurgations du Maréchal Davout, Ministre de la Guerre, Brune se décide à mettre Marseille en état de siège et à y désarmer la Garde nationale qui est licenciée et reçoit immédiatement une organisation nouvelle; on crée les^ fédérations des Bouches-du-Rhône, du Var, du Gard. D'un autre côté, la troupe est tenue au bivouac sur, les principales places'publiques, pour sa sûreté à la fois et pour celle des habitants intéressés au maintien de l'ordre; son attitude ferme
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contient la révolte et épargne de grands malheurs à la cité.
Aussi, « l'esprit public s'améliore depuis le désarmement de la Garde nationale, écrit-on de Marseille. Il y a de nombreux emblèmes nationaux aux fenêtres. Les patriotes ont promené dans les rues le buste de Napoléon, et beaucoup de gens qui ne s'étaient pas encore déclarés crient : Vive l'Empereur ! à bas les royalistes! »
Il n'était pas moins vrai, que ces manifestations étaient des provocations inutiles et allaient amener prochainement de terribles représailles. Mais les passions étaient exaltées autant d'un côté que de l'autre : rien ne pouvait en arrêter les effusions violentes. En vain, Brune s'était appliqué à prévenir ou à apaiser les discordes civiles; il n'avait usé qu'avec la plus grande modération des pouvoirs extraordinaires qui lui avaient été confiés. Ses efforts restèrent sans résultats.
Cependant les circonstances appelaient sur la frontière du Var le Maréchal qui était chargé, avec les faibles ressources dont il disposait, d'arrêter l'invasion autrichienne menaçant la Provence. A Toulon, où il resta quelques jours, il s'occupa d'organiser les moyens de défense de cette place contre les Anglais. C'est dans ce voyage, sur la plage de Cannes, qu'il rencontra le roi Murât qui, après avoir perdu le trône de Naples, était venu chercher un asile sur le territoire français. Ces deux vieux compagnons de gloire, qui devaient périr peu après de mort tragique, se jetèrent dans les bras l'un de l'autre; ils se revirent plusieurs fois aux environs de Toulon.
T. XXXVI. 2 - G
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Sur ces entrefaites, la nouvelle parvint le 24 juin en Provence que l'Empereur a perdu, le 18 juin, la bataille de Waterloo. Les royalistes ne se contiennent plus; leur joie s'exprime par des manifestations qui tiennent du délire et par des cris de :.Vive le Roi! A bas les bonapartistes! A bas les fédérés! Vivent les Bourbons !
Les autorités militaires font d'inutiles efforts pour réprimer les démonstrations hostiles et maintenir l'ordre. Les autorités civiles restent inertes ou sont complices. Aussi, la réaction à Marseille se signale par d'affreux forfaits. Les 25 et 26 juin, la populace déchaînée massacre de nombreux habitants fédérés ou réputés bonapartistes, parmi eux les familles des Egyptiens réfugiés en France depuis l'évacuation de leur pays par l'armée française. Le général Verdier s'efforce d'arrêter le cours de tant d'attentats : ne pouvant y parvenir, il évacue la ville avec le 6e Régiment d'infanterie qui constituait la garnison et qui éprouva des pertes sensibles dans sa retraite. M. d'Albertas prend alors l'administration de Marseille au nom du Roi; le général de Leverdo procède aussitôt à l'organisation d'une armée royaliste dans les Bouches-duRhône.
La répression était encore possible et les troupes demandaient à marcher contre Marseille pour venger leurs camarades. Mais les besoins de la résistance contre l'étranger s'imposent avant toute autre entreprise. Le Maréchal sait contenir l'indignation des soldats et s'occupe d'organiser la défense du territoire. Les forces dont il peut disposer, abstraction faite des bataillons de la garde nationale sur lesquels il n'est
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plus permis de compter, se montent à peine à 6.000 hommes d'infanterie et à un régiment de cavalerie. On ne pouvait avec ces faibles ressources défendre les places du Var et des Basses-Alpes, d'ailleurs insuffisamment armées et approvisionnées, et faire face aux Anglais qui menaçaient la côte. Le salut de Toulon, grand port et arsenal maritime de premier ordre, primant tout le reste, le Maréchal dispose, dans les premiers jours de juillet, toutes les troupes de manière à couvrir cette place : seul but de gloire qu'il peut se proposer dans les circonstances du moment.
Cependant, le 14 juillet, un courrier, portant une lettre signée du baron de Yitrolies et annonçant que le Roi était rentré le 8 juillet dans sa capitale, était arrivé triomphalement .en Provence. L'Empereur, revenu à Paris après le désastre de Waterloo (1), avait d'abord abdiqué en faveur de son fils. Mais les Chambres instituent un Gouvernement provisoire, Paris capitule et Louis XYIII est rappelé. Napoléon, parti pour Rochefort, se livre au gouvernement anglais qui l'envoie prisonnier à Sainte-Hélène.
Une défaite épouvantable, une seconde invasion plus dure que la première, les exigences de nos enci)
enci) Napoléon, dit H. Houssaye dans 1814-1815, en imposant ses idées à ses conseils et en asservissant toutes les volontés à la sienne, avait détruit l'esprit d'initiative. Il avait trop gouverné, selon le mot de Talleyrand. Dans les années de gloire, on se reposait sur le génie ou sur la fortune de l'Empereur et l'on exécutait aveuglément ses ordres. Les revers avaient affaibli la confiance' : on n'obéissait plus, et comme on était déshabitué de penser et d'agir par soi-même, on ne savait que ne rien faire, »
Cela explique suffisamment l'inertie et le manque d'initiative de Ney et de Grouchy en 1815, et ia conduite passive de la plupart des ministres et préfets de l'Empereur.
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nemis accrues, des conditions de paix plus onéreuses, l'ancien régime restauré et demandant des représailles, tels sont les résultats du retour de l'île d'Elbe et des Cent jours.
Le Maréchal Brune n'avait pas attendu une notification officielle de la Restauration, pour reconnaître de nouveau le gouvernement de Louis XYIII. Dès le 11 juillet, il avait chargé un maréchal-de-camp et un capitaine de vaisseau de porter au Roi l'assurance de la soumission de l'armée et de la marine; mais ces deux officiers avaient été arrêtés et retenus à Aix. Pour sauvegarder leur existence évidemment en danger, le Maréchal s'était vu obligé lui-même de faire arrêter quelques otages qui furent, d'ailleurs, traités avec humanité et même avec de grands égards.
Pendant ce temps, un débarquement d'Anglais et de Siciliens avait eu lieu à Marseille ; les Autrichiens avaient envahi la Provence. Toulon était menacé directement. D'un autre côté, le marquis de Rivière, commissaire général du Roi et commandant en Provence des troupes royales, s'était avancé jusqu'à Ollioules; un des généraux, le général d'Alton, avait quitté Toulon subitement pour aller à Paris faire sa soumission personnelle. Il était impossible de ne pas voir que le moment était venu où chacun devait prendre parti. Il s'agissait d'une soumission immédiate aux' ordres du Roi, soumission qui, quoique consentie en principe par les autorités de Toulon, était loin de l'être par la troupe et par la marine.
Le capitaine de vaisseau Grivel (1) de l'état-major
(1) Mémoires du vice-amijal baron Gntel.
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de l'amiral Duperré conseille alors au marquis de Rivière d'envoyer à Toulon un représentant de Louis XVIII, muni de pleins pouvoirs, pour faire rentrer dans l'obéissance l'armée, la marine et la population de cette ville. Il propose pour cette mission l'amiral Ganteaume, lequel est accepté, et en même temps il rend compte du résultat de sa démarche au Maréchal Brune et à l'amiral Duperré.
Le quartier général était établi à Toulon. Le roi Murât, à la nouvelle des derniers événements, quitte cette ville : Brune, ami dévoué, avait préparé son départ. Il restait une tâche difficile à remplir : faire accepter aux soldats, qui donnaient les signes d'une violente surexcitation, le changement de drapeau et de cocarde. En même temps qu'il s'attache à maintenir les troupes dans l'obéissance, le Maréchal a encore à apaiser la fermentation qui régnait parmi les nombreux réfugiés des Bouches-du-Rhône et des départements voisins, tout prêts à se porter à des actes de violence; il doit même intervenir pour protéger la personne de l'amiral Ganteaume, puis pour faire respecter le marquis de Rivière qui arriva après la soumission de l'armée.
L'amiral Ganteaume s'était présenté à Toulon le 21 juillet comme commissaire du Roi; il apportait l'annonce officielle de la rentrée de Louis XYIII à Paris et celle de la soumission des armées de la Loire et des Alpes. Le lendemain, le Maréchal, les généraux, l'état-major et les chefs de corps signèrent à leur tour un acte de soumission. Le 24, grâce à l'énergie des chefs qui avaient brisé la résistance et calmé la révolte, le drapeau blanc flottait partout à Toulon,
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comme il flottait déjà à Marseille, à Nîmes, à Avignon, et l'autorité du Roi se trouvait définitivement rétablie en Provence. Pour obtenir ce résultat, le Maréchal avait, le 23 juillet, fait rassembler la garnison sur la place du Champ-de-Bataille; il parla au nom de la Patrie : « Elle a droit, dit-il, à tous nos sacrifices; elle ordonne que nous renoncions à ces drapeaux qui nous rappellent tant de victoires : qu'ils reçoivent nos douloureux adieux. Car, malheur et honte au soldat qui pourrait se séparer froidement de ces objets du culte et de l'amour des braves. Mais, dans les nouvelles circonstances où se trouve la France, nous serions criminels en les conservant plus longtemps. Qu'il ne soit jamais permis de dire que l'étendard de la gloire est devenu celui de la révolte! Que nos souvenirs soient, toujours purs! Acceptons franchement les couleurs et les drapeaux de nos pères. Ils sont dignes de nous, comme nous sommes dignes d'eux. Confondons, dans un même sentiment, nos regrets pour les couleurs que nous quittons et notre affection pour celles que nous allons prendre, et que le drapeau blanc soit désormais le gage de l'union de l'armée et des citoyens. » Ces nobles paroles, prononcées avec une émotion visible, furent accueillies avec confiance et firent cesser toute opposition.
Le rôle du Maréchal Brune dans le Midi était terminé.
Pendant ces derniers événements, les Anglais et un corps de troupes siciliennes avaient débarqué à Marseille, où ils avaient été reçus en libérateurs; les Autrichiens avaient pénétré dans les départements de la Drôme, des Alpes, du Var, et allaient occuper les
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Bouches-du-Rhône, le Gard, le Vaucluse. Malgré la soumission du Maréchal Brune et la présence du marquis de Rivière, Toulon était menacé plus que jamais; les alliés continuaient à s'approcher de la place : allaient-ils manquer à la parole donnée? M. de Rivière fit alors connaître à l'amiral Exmouth et aux généraux autrichiens que le Maréchal ne consentirait à aucun arrangement quelconque, que sous la condition qu'aucun étranger ne mettrait le pied dans la place et qu'elle ne cesserait d'avoir un gouverneur français; il ajouta que l'armée s'était donnée au Roi et que son intention était de défendre Toulon contre toute attaque qui dorénavant ne pouvait plus être dirigée que par des ennemis de Louis XVIII. Le général autrichien de Nugent déclara, en réponse, qu'il s'engagerait, tant en son nom qu'en celui de l'amiral anglais, à respecter le pays et la place, si le Maréchal consentait à quitter le commandement de son armée. L'accord s'établit sur ces bases.
Le salut de Toulon étant ainsi assuré, en épargnant au pays les malheurs de la guerre, Brune se décida à partir et fit ses adieux à l'armée dans un ordre du jour du 31 juillet où il s'inspirait, comme précédemment, des plus nobles sentiments de dignité, d'honneur et de devoir.
L'amiral Grivel, précisément compatriote limousin de Brune, raconte dans ses Mémoires les circonstances du départ qui eut lieu dans des conditions devant fatalement amener la mort tragique du Maréchal :
a Pendant mes allées et venues, j'avais été frappé de la difficulté que l'état actuel de la Provence appor-
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tait aux communications, et comme je jugeais que le Maréchal ne pouvait se rendre à Paris par la route ordinaire, sans courir risque d'être insulté, l'Amiral lui avait fait préparer une goélette de guerre pour le porter au Havre avec sa suite. Le Maréchal accepta ce projet et fit porter ses bagages à bord. Malheureusement, il changea d'avis plus tard, et cela pour un motif des plus honorable. La troupe, constamment excitée par les bruits mensongers que faisaient .courir les meneurs de la plèbe de Toulon, pensa qu'on voulait l'abandonner. Elle allait se mutiner, lorsque le Maréchal, pour couper court à cette effervescence, ordonna qu'on débarquât ses effets et se décida à s'en aller par terre, décision funeste qui plus tard lui coûta la vie.
« J'avais suffisamment représenté les dangers de la route et déclaré que ce n'était jamais sans courir des risques personnels que je voyageais moi-même à travers les populations provençales, quoique je fusse couvert par mon rôle de parlementaire. J'avais plusieurs fois raconté ces dangers à l'Amiral et au Maréchal. Celui-ci répondit qu'il se mettrait en bourgeois. Je n'eus pas de peine à lui faire sentir l'inanité d'une semblable précaution pour un homme de sa taille; mais il persista, dans son idée, malgré tout ce que je pus lui dire. Quos vult perdere Jupiter dementat. »
Et plus loin, Grive! ajoute : « Le Maréchal qui s'était déterminé à se rendre à Paris par voie de terre, fut arrêté à Avignon et massa.cré par la populace de cette ville. J'avais prévu, non sans doute un événement si funeste, mais des embarras pour lui sur la
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route, et avais fait mon possible pour empêcher ce fatal voyage. »
Le capitaine de vaisseau Grivel partit le lendemain, avec l'agrément de l'amiral Ganteaume, et arriva à Avignon non sans incidents, bien que voyageant comme capitaine de navire marchand. Le conducteur de la voiture publique demandant des nouvelles du Maréchal Brune : « Il est là, s'écria l'Avignonnais d'un air de triomphe, en montrant le Rhône; le coquin, le scélérat. » — « J'étais logé, dit Grivel, en face du Palais Royal, auberge très connue, où le malheureux Maréchal venait d'être massacré. Je vis le concours de gens de toutes sortes qui se rendaient sur la place de l'événement de la veille et parmi cette foule il ne manquait pas de belles dames. Le désordre avait à peu près cessé, mais la ville était loin d'être tranquille... On peut voir, par l'assassinat d'un Maréchal de France, resté impuni plusieurs années, que l'action de la justice était entièrement paralysée dans ces belles contrées et que la fureur des populations pouvait tout se permettre sans risque aucun. »
Disons maintenant, d'après les pièces officielles et avec l'unique souci de l'exaclitude et de la sincérité historiques, les conditions dans lesquelles s'opéra le voyage du Maréchal et les circonstances qui ont amené sa fin tragique.
Regardant son rôle comme terminé, le Maréchal Brune avait laissé comme préfet maritime à Toulon l'amiral Ganteaume et remis au général Partouneaux le commandement des troupes. Lui-même partit le 1er août, vers deux heures du matin, pour se rendre
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à Paris, où il allait rendre compte au roi Louis XYIII de la mission que lui avait confiée l'Empereur.
Le marquis de Rivière, commissaire royal, lui donna pour sa sûreté un sauf-conduit, des lettres pour les généraux autrichiens qu'il devait rencontrer sur sa route, et la copie certifiée conforme d'un rapport au roi, dans lequel était exposée son honorable conduite. Le marquis et le maréchal s'étaient séparés en se donnant publiquement des témoignages réciproques de considération et de bienveillance.
Trois aides-de-camp accompagnaient le Maréchal, MM. Alard(l), Degand et Bourgoin (2), un secrétaire, M. Guen, ainsi que le général de Loverdo. Une escorte de quarante chasseurs du 14e Régiment avec un officier, sous les ordres du comte de Maupas, attaché à l'état-major du commissaire royal, devait, protéger sa personne aussi longtemps qu'il le jugerait nécessaire. Ses domestiques, ses voitures, ses chevaux, au nombre de vingt-et-un conduits par des piqueurs, formaient un train considérable qui ne le désignait que trop à l'attention des populations manifestement hostiles. Le général de Loverdo s'arrêta au Beausset pour retourner à Toulon et M. de Maupas le remplaça dans la voiture du Maréchal.
Le Maréchal Brune portait un costume apparent. Il était vêtu d'un habit de drap gris foncé, d'un gilet de basin blanc et d'un pantalon bleu collant. Sa che(1)
che(1) capitaine Alard, ancien officier de la garde du roi Joseph en Espagne, mort comme général au service de Rundjet-Sing, roi de Lahore.
(2j Le lieutenant-colonel Bourgoin, auteur d'une Exquise historique sur le Maréchal Brune.
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mise était de toile fine; une cravate de taffetas noir entourait son cou. Son chapeau tricorne était garni de plumes blanches, avec ganse et galon d'or, cocarde blanche et bouton de Maréchal. Des bottes dites à la russe à éperons d'argent, des gants de peau de couleur grisâtre complétaient son ajustement. Telle était la tenue bourgeoise, qui devait lui permettre de passer inaperçu! Une ceinture de cuir renfermait une somme assez considérable en or. Il avait, en outre, sur lui de l'argent, des bijoux, enfin des lettres et papiers importants, ainsi que le passeport délivré par le marquis de Rivière (1).
Plein d'une noble confiance, sentiment ordinaire aux coeurs généreux, le Maréchal ne se croyait pas menacé. « Je n'ai jamais fait de mal à personne, disait-il; je n'ai rien à craindre de qui que ce soit. »
En acceptant le commandement de l'armée du Var, il n'avait cédé qu'au patriotique désir de défendre le territoire français contre l'étranger. Dans son administration intérieure, il ne s'était appliqué qu'à pacifier les esprits, à désarmer les passions, en n'usant de ses pouvoirs qu'avec modération et sagesse. Tel avait été en Provence, toujours semblable à lui-même, l'organisateur des pays qu'il avait conquis ou occupés, le pacificateur de l'Ouest.
Personne peut-être ne méritait mieux que lui l'affection. Son âme fut toujours ouverte à l'amitié; il disait : ce J'emploie mieux mon temps à aimer qu'à haïr. » Exempt de rancune ou de ressentiment, il
(1) L'Assassinat du Maréchal Brune, par le commandant Vermeil de Conchard. — Librairie académique Perrin. Paris, 1887.
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n'avait pour ses eno-sruis mêmes que des procédés empreints de bienvei J-— ance et de générosité.
Mais les passions dt^ Midi étaient exaltées jusqu'au délire. Le retour imprévu de Napoléon, le départ du Roi, son retour, la dé iraite de Waterloo et l'invasion nouvelle des armées coalisées, toute cette succession rapide de si grands événements avait jeté le trouble dans les esprits et agit-e les plus calmes. Les populations méridionales sixirtout y avaient pris une part active, même en detiors de l'action gouvernementale, soit en faisant ps,rtie des volontaires royaux de l'armée du duc d'Angoulême, soit en entrant dans la formation des nouveaux bataillons de fédérés ennemis des Bourbons. La seconde restauration de Louis XVIII fut le signal d'une réaction qui devait amener de sanglantes représailles. Et de même que le gouvernement impérial n'avait pu empêcher le déchaînement des passions révolutionnaires, les fonctionnaires et les officiers de la Restauration allaient se montrer impuissants à réprimer les excès de la populace royaliste, dont ils partageaient d'ailleurs les sentiments.
Nul, plus que le Maréchal Brune, n'aurait dû connaître les dispositions de la foule, qui s'étaient déjà traduites en maints endroits par le pillage et l'assassinat. Mais, s'il se fiait, pour sa sécurité, en la loyauté de ses intentions et la rectitude de sa conduite, les royalistes ardents n'oubliaient pas qu'il avait licencié la garde nationale, en la remplaçant par les fédérés, qu'il avait arrêté les agents du duc d'Angoulême et enfin proclamé l'état de siège.
Dès les environs d'Aix, des rassemblements de
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paysans armés et les cris de : « A bas les brigands ! vivent les alliés ! » semblaient présager le sort funeste qui l'attendait. Il aurait dû, au moins, prendre les précautions nécessaires. Le capitaine Alard, accompagné de M. de Maupas, s'étant rendu par ordre auprès du comte de Nugent, général commandant l'armée autrichienne, était revenu avec un colonel hongrois chargé de complimenter le Maréchal et de lui faire escorte jusqu'au-delà d'Aix. Les cavaliers hongrois furent obligés de charger la foule, pour dégager le Maréchal et lui permettre de continuer sa route.
Le Maréchal Brune passa une partie de la nuit à Cavaillon avec son escorte française et ses équipages. Ses officiers le suppliaient d'éviter Avignon et de prendre la route d'Orange. Mais on lui affirma que cette route était impraticable aux voitures (1). Il avait comme sauvegarde le passeport du marquis de Rivière et le peloton du 14e chasseurs; il se contenta d'envoyer par Orange ses domestiques et ses chevaux avec MM. Alard et Guen.
Lui-même, malgré les représentations renouvelées de ses aides-de-camp, prit la route qui, passant par Saint-Andéol, suit la rive gauche de la Durance qu'elle franchit au pont de Bompas avant d'arriver à Avignon. Il persistait, dit le lieutenant-colonel Bourgoin. à ne voir dans ce qui lui était arrivé la veille que des accidents ordinaires en temps de troubles, sans liaison entre eux et qui probablement ne se reproduiraient pas : il n'y apercevait aucun arran(1)
arran(1) capitaine Alard, qui lut chargé de faire suivre aux domestiques et aux chevaux de main la traverse d'Orange, arriva dans cette ville sans avoir été inquiété et sans avoir rencontré d'obstacle sur cette route.
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gement, aucune préméditation. En vérité, on aurait pu douter à ce moment de sa raison. Mais n'y avaitil pas quelque chose de bien respectable dans cette confiance, tout aveugle qu'elle fût, qui avait son principe dans le sentiment intime d'une droiture d'intention, qui avait été constamment l'âme de ses actions dans l'exercice du pouvoir et dans la conduite de toute sa vie? "
Le Maréchal occupait seul une voiture dite calèche; un domestique, son valet de chambre, se.tenait sur le siège. Il avait pour toute suite les deux aides-de-camp Bourgoin et Degand, qui voyageaient en cabriolet. L'escorte l'accompagnait. Arrivée au pont de Bompas sur la Durance, cette troupe trouva un détachement venant d'Avignon, dont le chef notifia à l'officier de chasseurs de ne pas aller dans cette ville et de ne pas dépasser le pont. Celui-ci allégua alors, pour obtenir de s'éloiguer, la fatigue des hommes et des chevaux. Le Maréchal consentit à se séparer de son escorte. Ses aides-de-camp crurent devoir lui remontrer toute l'imprudence d'une pareille résolution ; ils lui rappelèrent l'effervescence qu'il avait rencontrée sur sa route, les dangers qu'il avait courus la veille et auxquels il n'avait échappé que par miracle. Rien ne put l'ébranler.
Le peloton du 14e chasseurs rentra, à Cavaillon, où il fut accueilli avec transports. En entrant dans la ville et en la traversant, il ne cessa de crier : « Vive le Roi ! Avivent les Bourbons ! » Il logea chez l'habitant et fut très bien traité par la population. Les chasseurs repartirent quelques heures après et se dirigèrent sur Tarascon.
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Ainsi, abandonné au moment du danger par ceuxlà mêmes qui avaient mission de le défendre, le vaillant soldat restait seul. Il marchait, poussé par la fatalité et par une aveugle confiance, vers cette ville d'Avignon, où l'esprit de parti se préparait un épouvantable triomphe.
Avignon particulièrement ne s'était pas soumis sans résistance au régime impérial pendant les Cent jours. Les passions politiques, pour avoir été quelque temps contenues, n'y étaient que plus ardentes; aussi, à la nouvelle de la défaite de Waterloo, elles firent explosion avec la violence naturelle au caractère méridional et sa disposition aux choses extrêmes. Sur la demande des royalistes du Comtat, les agents de Louis XVIII à Marseille avaient envoyé dès les premiers jours de juillet, pour prendre possession du commandement militaire dans le département de Vaucluse, le major Lambot, officier de gendarmerie, « soldat sans élévation d'âme, dont l'ambition était encore plus avide que son royalisme n'était ardent (1). » Il eut bientôt une petite armée composée surtout de paysans et d'ouvriers, auxquels s'étaient joints des gens sans aveu, lie de la population, qui ne cherchaient que le désordre et ne demandaient que meurtre et que pillage. Ces hommes étaient encore excités par des comités secrets et par des meneurs cachés couvrant souvent du zèle rovaliste le désir de se venger de leurs ennemis. La populace d'Avignon n'était que trop disposée à leur fournir des complices.
Le 14 juillet, la garnison, sous les ordres du géné^
(1) La Terreur blanche, par E. Daudet.
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rai Cassan, avait dû se retirer, abandonnant la ville, non sans collision avec les bandes indisciplinées de Lambot. Dès lors, la terreur règne dans la cité : on pille des maisons, on arrête des suspects; des assassinats sont commis.
Telle est la situation à Avignon, lorsque le 2 août, vers 10 heures du matin, le Maréchal Brune se présente à la porte de l'Ouïe...
On a souvent raconté la mort du Maréchal Brune; mais aucun de ces récits, généralement inspirés par la' passion politique, ne présentait les caractères de sincérité et d'exactitude qui font la vraie histoire. Nous ne raconterons pas de nouveau ce douloureux événement. La relation de VAssassinat du Maréchal Brune, écrite en 1887 d'après les pièces d'archives de la cour d'appel de Riom, a fixé d'une manière définitive tous les détails du drame et désigné les véritables auteurs de l'attentat (1).
Le Maréchal fut tué d'un coup de carabine vers 3 heures de l'après-midi, par Guindon, dit Roquefort, portefaix et marinier du Rhône, dans la chambre de l'hôtel du Palais royal envahi par la foule, où il avait été forcé de se retirer.
Ainsi périt sous les coups de misérables assassins cet illustre et vaillant soldat, qui avait bravé la mort sur tant de champs de bataille. L'héroïsme de ses actions ne pouvait être égalé que par la franchise et
(1) L'Assassinat du Maréchal Brune, par le commandant Vermeil de Conchard. — Paris, lb87. Librairie académique Perrin.
Ce récit absolument authentique a été composé d'après les archives du procès de la Cour d'appel de Riom mises par le Premier président à la disposition de l'auteur.
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la loyauté de son caractère. A peine âgé de 52 ans, il mourait dans tout l'éclat de la gloire.
Cette horrible catastrophe n'avait pu se produire que dans une atmosphère de réaction triomphante, déchaînée, maîtresse absolue; dans une ville livrée, par l'exaltation des chefs de parti, aux emportements ' d'une populace qui se venge même sur des innocents.. Aussi, le crime ne put être ni peursuivi, ni puni, La terreur à ce moment était telle, que la plainte n'était pas possible, la divulgation même de l'attentat n'était pas tolérée. C'est ainsi que le décès du Maréchal fut annoncé à la famille et aux amis de la manière suivante, par une lettre tardive datée du 20 août
et adressée par M. Laumond (1) à Madame Vermeil de Conchard (2) :
Paris, le 20 août 1815. MA CHÈRE MARIANNE, Madame la Maréchale, n'étant pas en état d'écrire ellemême, me charge de te faire part de la perte qu'elle vient de faire de son mari mort à Avignon, le 2 du courant; cette nouvelle nous a mis tous dans un état de douleur qui ne m'a pas permis de te l'annoncer plus tôt.
Tu voudras hien payer le port de toutes les lettres et les faire remettre à leur adresse.
Nous t'embrassons hien tristement.
LAUMOND.
La passion politique avait fait commettre un grand crime; l'intérêt politique fit commettre une grande injustice.
Les auteurs ou complices de l'assassinat s'étaient
(1) M, Laumond, oncle du Maréchal, ayant épousé une de Vielbans. 2) Marie-Anne Vermeil de Conchard, née Vielbans du Caire. Lettre inédite.
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empressés de faire croire à un suicide, pour couvrir l'odieux de leur attentat et se mettre à l'abri des poursuites de la justice. Un procès-verbal, oeuvre de faussaires, en faisait foi : on fut trop heureux d'accepter cette déclaration et de la répandre.
La Maréchale Brune ne voulut jamais admettre cette version déshonorante pour la mémoire de son époux.
A Avignon même, l'opinion unanime était que le Maréchal avait été tué; on nommait publiquement les assassins et les auteurs du crime, on désignait leurs complices. La version qu'il s'était suicidé n'était acceptée de personne.
Mais les passions étaient tellement ardentes qu'il était impossible alors de faire éclater la vérité. Il ne fallait pas songer à se faire rendre une justice immédiate : la crainte aurait glacé les témoins etles juges.
La Maréchale passa donc quatre années dans l'attente, s'occupant avec un avocat déjà célèbre, M. Dupin aîné, à reconstituer la sanglante tragédie et à accumuler preuves sur preuves.
Enfin, le 19 mai 1819, autorisée par le Roi qui avait ordonné l'information, elle adressait au Garde des sceaux une plainte : « Je me rends partie civile. — Je me plains de ce que, le 2 août 1815, le Maréchal Brune a été assassiné dans Avignon. — Les fonctionnaires de toutes les classes auront à expliquer dans quel intérêt ils se sont prêtés à la rédaction d'un procès-verbal que j'argue hautement de faux. — Les auteurs immédiats du crime sont »
Dans la séance du 25 février 1821, l'arrêt fut rendu par la Cour royale de Riom, déclarant le nommé
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Guindon dit Roquefort, jugé par contumace, coupable d'avoir donné la mort au Maréchal Brune et le condamnant à la peine capitale.
La justice criminelle avait fait son devoir en punissant l'assassin; la justice non moins inflexible de l'histoire a fait le sien, en flétrissant les vrais auteurs du crime. Et de cette cause dégagée des nuages qui l'avaient un instant obscurcie, sort non pas seulement réhabilitée, mais encore glorifiée la grande mémoire du Maréchal Brune (1).
Le lieutenant-colonel Bourgoin, prononçant l'éloge de son ancien général, dit. de son côté :
« Sa conduite a eu pour principe d'action constant cette philanthropie éclairée qui n'est autre chose que l'amour du bien et de l'ordre général.
« Brune a eu le courage des bonnes actions dans un temps où elles étaient punies comme des crimes. En 1793, il affronta la proscription pour préserver Bordeaux des affreux malheurs qui venaient de désoler la ville de Lyon.
<r Dans les départements de l'Ouest, il mit fin à la guerre civile, bien moins par la présence des armes, que par la sagesse de l'homme d'Etat et la modération de l'honnête homme. Il rendit la paix et le bonheur à ces contrées ; il essuya des pleurs et emporta, des bénédictions.
« Dans tous les pays, sans exception, où il a commandé les armées de la France, dans les circonstan(1)
circonstan(1) du Maréchal Brune, par le commandant Vermeil de Conchard.
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ces les plus variées, il a laissé une mémoire honorée, juste récompense de ses soins généreux, toujours empressés pour épargner aux populations, dans toute l'étendue du possible, les fléaux que la guerre entraîne.
« Comme chef d'armée, il a été constamment le père des soldats. En entretenant parmi eux le culte du drapeau et de l'honneur et les maintenant dans une discipline sévère, il n'oublia aucun soin pour leur bien-être; et toujours il a recherché, dans ses combinaisons de guerre, les moyens d'épargner et leurs fatigues et leur sang.
« Tous ses travaux guerriers ont eu des résultats de grande importance qui lui ont valu, dans les temps où ils se sont accomplis, d'unanimes et honorables suffrages.
« Et, sans parler de ses autres campagnes, on remarquera que, par le succès qui a couronné celle de Hollande en 1799, non-seulement il sauva la République batave, mais qu'il a encore préservé la France de l'invasion ; et que, par l'heureuse issue de la dernière de celles qu'il fit en Italie, il contribua pour une part remarquable à cette paix continentale de 1801, qui avait donné à la France la limite du Rhin ! »
Rapprochant également une existence toute remplie d'actes de bonté et de générosité, toute consacrée à la félicité et à la gloire de la France, de l'horrible catastrophe qui l'a terminée, il ajoute :
« Pour notre consolation, ayons la confiance que Celui qui est la source de toute justice a eu des récompenses pour l'homme dont la vie fut une marche constante vers le bien et pour qui le bonheur de ses
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semblables fut toujours l'intérêt le plus cher. Pensons fermement, aussi que la postérité, pure d'envie et d'esprit de parti, marquera sa place parmi ceux qui ont acquis des droits à une renommée honorable et glorieuse. »
Le lieutenant-colonel Bourgoin prévoyait juste, sans préjuger de la miséricorde divine, au moins en ce qui regarde la postérité. Pour consacrer cette illustration nationale dans la ville même où elle avait pris naissance, une Commission s'organisa en 1839 à Brive, sous les auspices de la municipalité, afin de lui élever un monument. Cette Commission comprenait des anciens compagnons d'armes ou lieutenants de Brune, les Maréchaux Oudinot, duc de Reggio, marquis Maison, comtes Molitor et plus tard Sébastiani, ainsi que l'Amiral baron Duperré. Cette statue fut inaugurée le 3 octobre 1841.
Colonel DE CONCHARD.
DOCUMENTS
SDR LA
BARONNIE DE CASTELNAU
IDE BRETENOUX
Il s'agit d'un bordereau conservé aux Archives départementales de l'Aveyron : c'est l'inventaire détaillé de « tiltres et instruments » soumis, en 1538, au Parlement de Paris pour le règlement d'un procès de famille entre les Maisons d'Apcher et de Castelnau-Bretenoux (1). [1 serait inopportun d'ouvrir ici une parenthèse pour examiner le différend dont il s'agit. Nous aurons l'occasion d'y revenir. Bornons-nous pour le moment, à constater que l'une des pièces indiquées (2) dans cet inventaire contient justement la clause qui nous intéresse dans le testament de Jean II de Castelnau (3). Cette clause, dont la partie la plus importante est citée en latin — ce qui tend à prouver (le reste du document étant en français) que cette citation est la reproduction littérale des termes mêmes du testament — est ainsi conçue : « Ledit Jehan de Castelnau (Jean II) faisait son
(1) Archives de l'Aveyron, E. 605.
(2) N' 13.
(3) Testament retenu à Sousceyrac, le 5 février 1505, par Jean Martial, notaire royal.
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« héritier universel Jacques, son fils aine, et lui a substitué « Jehan (Jean III), son autre fils» — noustraduison la suite « qui est en latin — et ses enfants mâles, au cas où Jacques « décéderait sans enfants mâles, et, au cas où Jacques et « Jehan décéderaient, sans enfants mâles, ils seraient substi« tués par le second enfant mâle de la maison de Clermont, « pourvu que celui-ci ne soit pas un homme d'église, que le « testateur a exclu, et à condition que ce second enfant mâle « soit tenu de porter le nom et les armes de la maison de « Castelnau » (1).
Or, le second fils de Tristan II de Caylus Clermont-Lodève était François-Guillaume, déjà cardinal au moment où Jean II de Caylus-Castelnau faisait son testament, en 1505. En 1514, l'année même du mariage de Marguerite de la Tour, il se démettait, en faveur d'Alexandre Farnèse qui, en 1534, devait être pape sous le nom de Paul III (2), de l'évêché de Saint-Pons auquel il avait été nommé dès l'âge de vingtdeux ans. Jean II de Castelnau, nous venons de le voir, l'avait formellement exclu de la substitution comme étant « d'église », c'est-à-dire que pour Jean II, François-Guillaume ne comptant pas au point de vue successoral, le « second enfant mâle de la maison de Clermont » ne pouvait être que Pierre, qui était en réalité le troisième. C'était donc Pierre qui devait, éventuellement profiter et qui profita en effet de la substitution. Il était même destiné à réunir en sa main les deux baronnies de Castelnau et de Clermont : si la première ne lui fût dévolue qu'en l'année 1530, à la mort de Jean III, il mit celle de Clermont-Lodève dans la corbeille de noces de Marguerite de la Tour ; car elle lui échût de bonne heure sous la tutelle de sa mère Catherine d'Amboise,
(1) « ... Et suos liberos masculos, casu quo diotus JaGobus decederet sine liberis masoulis, et, casu quo dicti Jacobus et Jobannes decederint sine liberis masculis, cidem substituèrent secundum genitum domûs de Claromonte, dummodo non sit vir ecclesiasticus, quem exclusit, et quod diotus secundogenitus teneatur portare noraen et arma domus de Castronovo ».
(2) Histoire générale du Langued.oc, Dom Devic et Dom Vaissette, Tome XI, pp. 161, 162, 300.
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par suite du décès prématuré de son frère aîné Louis, (1) qui n'avait pas laissé de postérité. Ainsi, la maison de Castelnau allait puiser une sève nouvelle dans la venue d'un nouveau rameau. Mais les craintes que la stérilité de sa descendance directe avaient inspirées à Jean II auraient suffi à expliquer les précautions successorales inscrites parmi ses dernières volontés, si le système des substitutions n'avait été largement employé en tout état de cause dans les testaments de cette époque, où le principal souci des familles était celui de se perpétuer. D'autre part, en rapprochant des dispositions dernières de Jean II certain passage, obscur en lui-même, du testament de Jacques, on ne peut douter que celui-ci n'ait voulu corroborer à son tour la substitution qui amena Pierre de Clermont à la baronnie de Castelnau. Toutefois, ce n'est pas à Jacques, mais à son père que doivent être attribués l'initiative, le point de .départ de cette substitution.
A en juger par les documents qui nous sont parvenus, il ne semble pas que Jean III de Caylus de Castelnau ait joué un rôle dans les événements militaires de son époque ni dans l'administration des provinces où ses principales possessions territoriales étaient situées. Peut-être son état de santé ne le lui permit pas. Ce serait semble-t-il, l'avis de M. Affre (2). Comme le roi Louis XII, qui eût cependant une vie si agitée, il aurait été « atteint des gouttes », pour employer l'expression des mémoires du temps. En tous cas, les cèdes mêmes des notaires, si précises en général dans l'énumôration des titres et qualités des personnages, se bornent pour lui à mentionner ses seigneuries. Celle de la Groizette, en Berry, est la première dont il fût apanage. On
(1) Louis de Caylus de Clermont-Lodève avait épousé Anne de Lascaris, issue de la descendance des empereurs d'Orient de ce nom. Elle était fille unique de Jean-Antoine de Lascaris et d'Isabeau d'Anglure. Veuve de Louis, elle épousa le 19 février 149S. René de Savoie, grand-maître de France. De cette union, naquit Madeleine de Savoie, mariée à Anne de Montmorency, gouverneur du Languedoc sous François I,r {Grand Dictionnaire de Moréri).
(2) « Lettres à mes neveux », Affre, tome I".
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serait tenté d'être un peu surpris, en cette première moitié du seizième siècle où les armes s'entre-choquent de toutes parts, préludant à la mêlée confuse des idées, de voir Jean III se tenir éloigné des charges de cour et des fonctions militaires où sa famille et celle de sa femme Charlotte de Rochefort s'étaient toujours distinguées (1). En sa personne, la situation de fortune du chef de la maison de CastelnauBretenoux se trouva, il est vrai, sensiblement amoindrie, pendant une douzaine d'années par les dispositions testamentaires de Jacques qui, nous l'avons vu ailleurs, avait enlevé à son héritier universel la jouissance des châtellenies du Cheslar et de Sousceyrac, ainsi que des baronnies de Saint-Santin et de Càlmont d'Olt, et qui avait, en outre, laissé à Françoise de la Tour, sa veuve, l'usufruit de la moitié de tous ses biens (2). Peut-être son infériorité de cadet continua-t-elle à .peser sur Jean III après la mort de son frère aîné, bien que celui-ci n'eût pas laissé d'enfants. Remarquons-le, toutefois : antérieurement au décès des bénéficiaires de ces dispositions (3), Jean III devait jouir de revenus considérables. En effet, outre ses possessions du Quercy et du Berry, il avait des fiefs en Champagne. La preuve nous en est donnée par l'hommage rendu en son nom, le 4 décembre 1511, par Antoine de Saint-Jean, seigneur de Curel, son procureur, à Antoine duc de Calabre, de Lorraine et de Bar, comte de Provence, pour sa part de la seigneurie de Colombey et pour ses autres terres sises dans le baillage de Bassigny, en Barrois (4) Les possessions de la maison de Castelnau. sans parler des apports matrimo(1)
matrimo(1) beau-frère Jean de Rochefort était chambellan de François I" et bailli de Dijon. Son beau-père fût chancelier de France.
(2) Voir le «Testament de Jacques de Castelnau», pp. 9 et 10.
(3) Françoise de la Tour testa en 1519. Elle vivait encore en 1525. Gui de Castelnau, évêque de Périgueux, mourut en 1523.
(4) Arch. départ, de l'Aveyron, E. 652. Dans ce document, Jean III est. dit: écuyer, seigneur de la Croizette et Brécy (en Berry) et de Choiseul et Colombey (en Champagne). La seigneurie de Colombey avec ses dépendances était mouvante de la châtellenie de Bourmont, qui appartenait à Antoine duc de Bar.
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niaux qui, comme les seigneuries de Gagnac et de Bétaille (1 ), n'avaient fait que passer momentanément dans la. famille, n'étaient donc pas toutes comprises dans le Quercy, le Rou' ergue, le Limousin, le Berry et l'Auvergne. Et elles n'avaient pas encore subi le morcellement dont elles étaient menacées dans un avenir prochain par de longs procès de famille, bien que la succession de l'aïeule des trois fils de Jean II — Anne de Beaujeu (2), — qu'ils s'étaient peut-être partagée trop vite, eût déjà, en 1506, provoqué à leur détriment l'intervention de la chambre des Requêtes du Parlement de Paris (3).
Mais c'est dans les dernières années de Jean III, et surtout après lui, que cette lutte d'intérêts éclata avec le plus d'âpreté. Non sans quelque bonne grâce, d'abord, et pour reconnaître « de bons et agréables services rendus », mais .surtout en vue d'éviter un procès avec Galiot de Genouillac, sénéchal du Quercy et de l'Armagnac, grand-maître de l'artillerie de France, lequel invoquait les droits de sa seconde femme (4) Françoise de la Queille, fille de Marguerite de Caylus-Castelnau. soeur de Jean III, celui-ci dût, par deux actes passés, l'un au château de Sousceyrac, en 1525, l'autre, en 1528, au château de Thémines (5). céder en toute propriété à François de Genouillac, son neveu, alors très jeune (6), et, en réalité, à Galiot lui-même la châtellenie du
(1) On sait qu'après la mort de Françoise de la Tour, les seigneuries de Bétaille et de Gagnac, qui avaient fait partie de sa dot, revinrent à la maison de Turenne.
(2) Anne de Beaujeu, dont il s'agit ici, était la fille d'Edouard de Beaujeu, seigneur d'Amplepuis, et de Jacqueline de Lignières. Elle fut mariée trois fois: 1° avec Philippe de Culant (1441), maréchal de France ; 2" avec Jean de Baudricourt, également maréchal de France; 3° avec Louis de Beauvau, sénéchal d'Anjou et de Provence (Thaumas de la Thaumassière, Histoire de Berry; Georges Guigne, Histoire du Beaujolais.
(3) Archives Nationales X"17; Arch. de l'Aveyron E. 605.
(4) Il avait épousé en premières noces Catherine d'Archiac.
(5) Archives de l'Aveyron, E. 610, E. 662.
(6) François de Genouillac, né en 1516; mort en 1544, de blessures reçues à la bataille de Cerisoles (c Galiot de Genouillac, seigneur d'Assier», par MM. les abbés Galabert et Gary).
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Cheslar, en Limousin, avec les terres de Salviac, du Trueilh et de la Chaulme (1). Les beaux-frères de Jean III ou leur descendance, les d'Apcher et les Caumont-Lauzun, entreront plus tard dans la même voie de revendications facilitées par le fait que Jacques et Jean III n'avaient pas laissé d'héritiers directs (2).
En attendant, Jean III de Caylus-Castelnau voyait s'amoindrir son patrimoine, au lieu de pouvoir, comme certains compagnons de nos rois dans leurs campagnes d'Italie, faire monnaie des lauriers conquis sur les champs de bataille ou des faveurs obtenues dans les conseils, en acquérant des seigneuries nouvelles ou en donnant plus d'extension à. celles qu'ils possédaient déjà. Sans doute, il n'y avait pas place sous un règne pour beaucoup d'hommes comme cet Ymbert de Batarnay, seigneur du Bouchage (3), qui fût successivement conseiller des rois Louis XI, Charles VIII, Louis XII et François Ier; qui, issu d'une petite seigneurie du Dauphiné, recueillit, du moins pour un temps, une partie de l'héritage confisqué de la Maison d'Armagnac, et qui, heureux négociateur des missions diplomatiques les plus difficiles, en fût si largement récompensé qu'il amassa une fortune territoriale considérable. Mais la marge était grande encore pour les autres bons serviteurs du pays. Galiot de
(1) La châtellenie du Cheslar figure au testament (1545) de Galiot de Genouillac parmi ses autres seigneuries (Ibidem)
(2) Ces sentiments ne se firent peut être jour qu'après la mort de Jean III, en ce qui concerne, du moins, les d'Apcher. Ce qui tendrait à le faire supposer, c'est que, par une donation entre vifs du 2 février 1529 (n. S1). Jean III nomma son neveu François d'Apcher, capitaine du château et de la seigneurie de Castelnau-Bretenoux (Arch. de l'Aveyron, E. 605).
(3) Ymbert de Batarnay, capitaine du Mont-Saint-Michel,de Mehunsur-Yèvre, de Blaye et de Dax. C'est, de lui qu'il est question dans le codicille d'Agne de la Tour, vicomte de Turenne, du 10 janvier 148S, à propos des seigneuries de Bozouls, Fay et Servissac (voir page 23 de ce travail et renvoi 4). La fille d'Ymbert de Batarnay, seigneur du Bouchage épousa, en 5490, Jean de Poitiers; de ce mariage, naquit la célèbre Diane de Poitiers (Ymbert de Batarnay, par M. de Maindrot, pp. 167-168).
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Genouillac, lui, avait rendu des services d'un autre ordre, moins nombreux peut-être, mais non moins éminents. Il était juste qu'il en retirât tout le prix. Il arrondit ainsi sa seigneurie d'Assier et y fît construire un château superbe dont les ruines attestent encore l'antique splendeur. Et pendant qu'il se faisait céder la châtellenie du Cheslar, dont nous venons de parler, il achetait, le 11 novembre 1527, à Marqués de Cardaillac la seigneurie de Grézes, en Quercy, avec les ténements de Ginolhac et de Lugueux (1), pour la somme de seize mille livres tournois. Cette somme, très élevée pour l'époque, puisque le vicomte de Turenne, en mariant sa fille à Pierre de Clermont, ne lui donnait en dot que deux mille livres dé plus, — c'est-à-dire dix-huit mille livres (2), — fût, aux termes mêmes de l'acte de vente, payée « soit en vases d'argent et d'or, soit en vaisselle d'or et d'arec gent, et aussi en or et monnaie » (3). Les campagnes d'Italie et les parts de prises de guerre attribuées au grandit)
grandit) Ginolhaco et Lugoso. Dans l'acte dont il s'agit Marques de Cardaillac est qualifié de seigneur et baron des baronnies de Cardaillac, Montbrun, Brengues, Foissac, Grèzes, etc. Il est dit que le tellement de Ginolhac confrontait avec les terres de S'-Sulpice, celles du monastère de Marcillac et celles d'Espédaillac ; le tellement de Lugueux avec les terres de Brengues, de Roquefort et de Grèzes.
(2) Nous le verrons plus loin.
(3) Cet acte, du il novembre 1527, est inséré dans l'un des registres de Jean Charbini, notaire royal à Bretenoux. Il est précédé de deux actes similaires relatifs à des ventes, mais sous pacte de réméré, faites par Jean de Cardaillac et Jeanne de Champagne, père et mère de Marques, à Galiot de Genouillac, en 1522. L'acte du 11 novembre 1527 a été passé au château de Montbrun, diocèse de Cahors, en présence de Guillaume de Saint-Etienne, seigneur de Montbeth ; Antoine de Marcenac, seigneur de Marcenac; Dieudonné de SaintJulien, seigneur de Saint-Marc, etc., et de Jean Héraud, notaire à Brengues. Galiot de Genouillac, absent avait désigné, comme son procureur, Jean de Cornéli, prieur de Fons, doyen du monastère de Figeac. C'est Jean de Cornéli qui remit à Marques de Cardaillac la somme convenue de seize mille livres tournois, établie, comme il a été dit ci-dessus : « Tam in vasis argenteis et aureis, sive (les mots sui« vants sont en français dans le texte) en vaisselle d'or et d'argent, t; quam etiam in auro et in moneta ». (De nos archives).
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maître de l'artillerie n'étaient peut-être pas complètement étrangères à la provenance de ces objets en métaux précieux. Mais ceci est une simple hypothèse; car on sait qu'à cette époque, comme au siècle précédent, les métaux précieux non monnayés entraient pour une large part dans la fortune privée et qu'une quantité considérable d'or et d'argent, consacrée aux bijoux et en général aux objets mobiliers, servait aux échanges, aux ventes ou aux prêts (\). Nous en citerone deux exemples : en 1516, François Ier, dont le trésor de guerre était épuisé, fit appel aux richesses de quelques-uns de ses sujets, — il faisait, alors flèche de tout bois,' — et reçut à titre de prêt du seigneur du Bouchage la somme de quatre mille-deux-cents livres tournois constituée en argenterie (2) ; et, d'après un document des Archives de l'Aveyron précédemment cité (3), le cardinal de Clermont aurait laissé en mourant pour plus de cent mille écus de fortune mobilière, — si nous pouvons employer cette expression — consistant aussi bien en bagues et joyaux qu'en argent monnayé. Et pourtant ni Ymbert de Batarnay, à proprement parler, ni surtout François-Guillaume de Clermont n'étaient des hommes de guerre.
Il existe deux testaments attribués à Jean III de CaylusCastelnau : l'un du 29 juin 1522, l'autre du 13 avril 1530. Nous avons déjà parlé incidemment du premier (4). Il fût passé dans le verger (5) du château de Sousceyrac, en présence de Jean Arcimoles. procureur du lieu, de Jean Barrase, prêtre de Bretenoux, et des autres témoins requis, par Jean Charbini et Guillaume de Comte, notaires royaux. Les exécuteurs testamentaires désignés étaient Jacques de Castelnau, chanoine de Cahors, cousin du testateur, et Louis de Melet, son maître d'hôtel. On se souvient qu'il n'y était fait
(1) «Les riches depuis sept cent ans», p. 52, et «La fortune privée à travers sept siècles», p. 27, etc., par M. le vicomte d'Avenel.
(2) Bibl. nat. m s. fr. 2964, relevé par M. de Mandrot, dans son ouvrage sur « Ymbert de Batarnay, seigneur du Bouchage ».
(3) Voir p. 16 de cette étude, renvoi 4.
(4) «Le testament de Jacques de Castelnau », p. 7.
(5) Yiridario.
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aucune mention de la substitution de Pierre de Clermont, mais que Gui de Castelnau, évêque de Périgueux, qui mourût sept ans environ avant son frère, y était institué héritier universel. Entre autres legs pieux, la collégiale Saint-Jean de Castelnau recevait mille livres tournois ; le « couvent des frères mineurs de Tulle », soixante livres qui devaient être employées « en ornements d'église J>; chacune des églises de la baronnie, dix livres pour le service du culte. Même somme était attribuée aux monastères de Beaulieu, de Carennac et de Fons, pour des obits. ]Ce testament est inséré dans les minutes de Jean Charbini.
Quant au second, il aurait été dicté, le 13 avril 1530, au château de Castelnau, à Géraud Cayssac et à Jacques Thibault, notaires royaux (1). Jean III y aurait nommé Pierre de Clermont son héritier universel. Mais il nous reste à dire ici pourquoi nous n'avons pas fait état de ce document en recherchant les voies qui amenèrent le mari de Marguerite de Turenne à la possession de la baronnie de CastelnauBretenoux. Ce testament du 13 avril 1530 est une des pièces qui constituaient le dossier soumis au Parlement de Paris en 1538, tendant au règlement de difficultés survenues entre les héritiers de Jean III et dont nous avons déjà parlé (2). Or, une note contemporaine du bordereau de ces pièces, écrite sur ce bordereau et peut-être de la même main, affirme que la fausseté de ce testament a été prouvée par les témoins eux-mêmes qui ont déposé avoir « signé la cède par force et contrainte sept jours après le trespas de Jehan de Castelnau ». De plus, d'après cette note, Jean III n'aurait jamais testé, ce qui nous semble inexact, le testament du 29 juin 1522 présentant tous les caractères de l'authenticité. Quoi qu'il en soit, un fait domine cette controverse", et c'est le point essentiel .: les revendications des collatéraux de Jean III purent amoindrir le patrimoine des seigneurs de Castelnau, mais elles n'empêchèrent pas Pierre de Clermont
(1) Arch. dép. de l'Aveyron, série E. 499.
(2) p. 31 de cette étude.
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et sa descendance de profiter de la substitution à laquelle Jean II les avait appelés.
Les conventions matrimoniales du 20 février 1514 portent en sixième lieu la signature du fiancé. L'origine de Pierre nous est connue. Il n'attendit pas l'année 1530 et la jonction en sa main des deux baronnies de Clermont et de CastelnauBretenoux pour jouer un rôle considérable dans les annales des provinces où les vicissitudes des héritages et le lustre des alliances avaient établi sa famille. Désigné dans son contrat de mariage sous les titres de seigneur et baron de Clermont et de la Molière (1), il se qualifia aussi vicomte de Nébouzan (2). Il fut successivement capitaine du château d'Aiguës-Mortes, sénéchal de Carcassonne, conseiller et chambellan de François Ier, chevalier de l'ordre de SaintMichel et lieutenant-général en Languedoc. Ce fut une vie bien remplie, mais attristée par deux événements qui pesèrent lourdement sur la France : la défection du connétable de Bourbon, stigmatisée à Romagnano, dit Martin du Bellay, par Bayard mourant, et le désastre de Pavie. Au lieu de vivre à l'écart, comme Jean III de Castelnau, Pierre se trouva mêlé par ses fonctions à la plupart des événements de son époque, à tous ceux du moins qui eurent pour théâtre le Haut et le Bas-Languedoc; et il déploya, dans les charges diverses qui lui furent attribuées par la confiance royale, une activité inlassable. La haute intelligence de sa mère et
(1) La Molière au diocèse de Clermont-d'Auvergne; Clermont au diocèse de Lodève.
(2) La vicomte de Nébouzan faisait primitivement partie des états des comtes de Comminges. Elle passa, en 125S, dans la maison de Foix ; mais divers membres de la maison de Comminges continuèrent pendant plus d'un siècle à élever des prétentions sur cette vicomte. Quant aux Guilhem, seigneurs de Clermont, ils se qualifiaient vicomtes de Nébouzan depuis Déodat Guilhem qui vivait en 1380 (Hist. du Languedoc, par Dom Vaissète, tome X, p. 163 et suiv.), Tristan II, père de Pierre, prend ce titre dans son testament daté de 1497 (Ern. Martin, chronique et généalogie des Guilhem, p. 187). Cf. Dom Vaissète, t. X , p. 15, et H. Castillon, Histoire des populations pyrénéennes, du Nébouzan et du pays de Comminges, t. I, pp. 284-85, 303 et t. II, passim.
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tutrice Catherine d'Amboise l'y avait dès longtemps préparé. Il avait eu, d'abord, avec ses vassaux quelques difficultés relatives au serment que les consuls, mais non les électeurs de ceux-ci, devaient prêter au seigneur de Clermont : un arrêt du Parlement de Toulouse en date du 20 avril 1520 (1) régla ce différend passager. Nous le verrons bientôt chercher à venir en aide, par son intervention et ses ordonnances, aux populations souffrant de la disette et appauvries par les exactions des gens de guerre. Et toute la région en avait le plus impérieux besoin; car les États, du Languedoc qui s'ouvrirent à Montpellier, le 16 octobre 1525, sous la présidence de l'abbé d'Aniane (2), grand-vicaire .de l'archevêque de Narbonne, allouèrent au seigneur de Clermont, « lieutenant-pour le roi à Narbonne », mille livresde gratification « afin qu'il fût plus porté à soulager la province » (3).
Cette tâche, rendue difficile-par la situation précaire des finances royales, lui incombait d'autant plus que l'absence habituelle d'Anne de Montmorency rejetait sur Pierre tout le poids des détails du gouvernement du Languedoc. Le 23 mars 1526, le maréchal en avait été créé gouverneur (4), et, le 7 mai, le Parlement de Toulouse avait enregistré, avec cette nomination, celle de Pierre de Clermont comme son lieutenant-général (5). L'Histoire du Languedoc met sous nos yeux une certaine quantité de lettres écrites par Pierre à Anne de Montmorency, soit pour le consulter et demander ses directions, soit pour l'informer minutieusement des affaires de son gouvernement^). Cette correspondance est
(1) Chronique et généalogie des Guilhem. Ern. Martin.
(2) Aniane, chef-lieu de canton, arrond. de Montpellier. Ancienne abbaye, fondée au IXe siècle.
(3) Hist. du Languedoc. 1. XI, pp. 219,220.
(4) Anne de Montmorency succédait, dans ces fonctions, à Charles de Bourbon. Dans ses lettres de Provision, il était dit que son prédécesseur «s'était retiré au service de l'empereur». Tel est l'euphémisme sous lequel la défection du connétable était déguisée. (Hist. du Languedoc, t. XII).
(5) Hist. du Languedoc, t. XI, p. 223.
(6) Ibid. T. XII.
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assez étendue et assez variée pour nous permettre de porter un jugement sur son auteur : il y fait preuve d'un esprit pratique et éclairé, d'une grande vigilance et d'un vif désir de mener à bien les missions d'ordre très divers dont il était chargé (1). La formule finale de ces lettres est toujours la même : Pierre se dit « le bon serviteur et cousin » du maréchal-gouverneur. A la vérité, il n'y avait pas entre eux de parenté réelle ; mais, surtout dans les usages du temps, cette formule s'expliquait par le fait qu'Anne de Montmorency avait épousé Madeleine de Savoie, fille de René de Savoie, grand-maître de France, et d'Anne de Lascaris, comtesse de Tende, veuve, dès l'année 1498, de Louis de Clermont, frère de Pierre (2).
Après la clôture des États dont nous avons parlé plus haut. Pierre de Clermont. se rendit sur la frontière de la province, à Salces (3), pour y recevoir et pour escorter la duchesse d'Alençon revenant de Madrid, où elle était allée voir François I", prisonnier de Charles-Quint depuis la bataille de Pavie. Marguerite de Valois avait espéré obtenir la libération de son frère ; mais les exigences de l'Empereur étaient, telles que les premières négociations ne purent aboutir.
Le 21 février 1526, les États se réunirent, de nouveau, à Montpellier, en session extraordinaire (4). Pierre y assista comme principal commissaire du roi avec Jean Nicolaï, premier président à la Chambre des Comptes de Paris ; Jean Testu, trésorier de Languedoc, et Nicolas de Magis, gouverneur de Montpellier. La même année, François 1er, après la signature, à Madrid, d'un traité qui devait être bientôt déchiré, revenait de captivité. De grands préparatifs avaient été faits à Toulouse pour le recevoir ; mais le roi, qui avait
(i) Une de ces lettres, datée du 27 mai 1526, est signée: P. Castelnau et Clermont, les autres : P. Clermont.
(2) Voir p. 33 de cette étude, renvoi 3.
{?,) Salces, dans le département actuel des Pyrénées-Orientsles, à 15 kil. de Perpignan.
(4) Histoire du Languedoc, T. XI, p. 221.
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été échangé à BTendaye avec le dauphin et le duc d'Orléans,, ses fils, donnés en otages à Charles-Quint, passa à Bayonne et à Bordeaux, d'où il se rendit à Cognac. La guerre ne tarda pas à recommencer : elle dura jusqu'à 1529, date à laquelle fut conclue la paix de Cambrai.
Nous ne nous arrêterons pas à chacune des réunions des États du Languedoc qui, dans la période de 1526 à 1536,, s'assemblèrent à Montpellier, à Clermont, au Pont-SaintEsprit (1), à Béziers, à Pézenas, à Nîmes, et où Pierre prit place comme commissaire royal. 11 avait reçu du roi des lettres spéciales lui donnant plein pouvoir de connaître en dernier ressort de causes très diverses et notamment de la traite ou vente des blés, des vins et d'autres denrées (2), c'est-à-dire d'en autoriser ou d'en interdire l'exportation, suivant les besoins du pays. Cette vente avait une importance considérable pour le Languedoc au point de vue économique. Aussi les États se réservaient-ils avec un.soin jaloux le droit d'en apprécier eux-mêmes l'opportunité. En 1527, ils renouvelèrent la défense de vendre les céréales et les vins (3); en 1528, ils refusèrent au sieur de la Mayrie, maître d'hôtel du duc de Montmorency, et commissaire ordinaire des guerres, l'autorisation, que le gouverneur demandait par son entremise, de faire sortir de la province une certaine quantité de grains destinés aux Lucquois et aux Florentins (4) ; et, en 1534, à Pézenas, l'assemblée s'opposa à la traite des blés, mais autorisa celle des vins, adressant même des remontrances, à Pierre de Clermont qui avait interdit l'exportation des vins (5).
Une autre attribution des États — et non des moindres — était d'évaluer et de fixer, d'accord avec le gouverneur.ou son délégué, le « quantum » des subsides que la province était en mesure de fournir-pour les affaires publiques du
(1) Actuellement chef-lieu de canton du Gard.
(2) Histoire du Languedoc, T. XI, p. 221.
(3) Hist. du Languedoc, T. XI, p. 225.
(4) — —, p. 226.
(5) . - -, p. 254.
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royaume. Par un juste retour, les traités de paix étaient soumis à leur contrôle : au mois d'octobre 1526, les États du Languedoc, réunis à Moutpellier, ratifièrent celui qui venait d'être conclu avec Henri VIII d'Angleterre (1). Au PontSaint-Esprit, en 1529, ils ratifièrent aussi les traités de Madrid et de Cambrai passés avec Charles-Quint ; mais, comme ils les jugeaient désavantageux pour la France, ils déclarèrent hautement qu'ils ne les ratifiaient que « par une crainte révérentielle » (2), c'est-à-dire par déférence pour l'autorité royale. La tâche du représentant du roi aux États ne laissait pas, on le voit, d'être quelquefois délicate. Ces gardiens vigilants des libertés et des franchises provinciales savaient également faire appel aux bons offices du commissaire royal, quand l'occasion s'en présentait. Ainsi, dans la même réunion de 1529, ils se plaignirent du peu de discipline des gens d'armes qui se trouvaient en Languedoc ; et Pierre de Clermont, reconnaissant le bien fondé de ces doléances, édicta des ordonnances fixant le prix des vivres et des autres fournitures à livrer aux troupes (3).
La même année encore, il adressa de Lunel à tous les officiers du roi en Languedoc une lettre pour les inviter à veiller à la défense du pays, parcouru et mis au pillage par des bandes venues de Gascogne sous les ordres de Gaillard de Villemur et d'Antoine de Lamy (4). Il charge, en outre, Pierre de Belissen, lieutenant du sénéchal de Carcassonne et de Béziers, de faire à Caunes (5) la montre du ban et de l'arrière-ban de la sénéchaussée de Carcassonne (6. En 1530, l'année même où il hérita de Jean III de Castelnau-Bretenoux, il était capitaine d'une compagnie de gens d'armes(7).
(i) Hist. du Languedoc, T. XI, p. 219.
(2) - -, p. 227.
(3) - -, p. 227.
(4) Chronique et généalogie des Guilhem, par Ern. Martin, p.. 5i, Hist. de Nimes, Menard, T. IV, p. 114.
(5) Ibid. et Hist. du Languedoc, T. XI, p. 231.
(6) Le seigneur de Clermont devait fournir deux hommes d'armes et six archers. Ibid.
(7) Ibid.
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Nommé, le 15 mai 1533, sénéchal de Carcassonne, à la mort de Jean de Lêvis, bâtard de Mirepoix (1), il fit, le 22 juillet de la même année (2), son entrée dans la vieille cité des Trencavel ; et il y fut reçu par les consuls qui lui offrirent, comme don de bienvenue, un grand bassin d'argent aux armes de la ville (3). De là, il rejoignit, à Toulouse, le maréchal Anne de Montmorency, et ils y attendirent ensemble le roi François Ier qui allait à Marseille pour assister au mariage du duc d'Orléans avec Catherine de Médicis, nièce du pape Clément VII (4). Le roi arriva à Toulouse le 1" août et la reine Éléonore le lendemain (5). Pierre de Clermont avait informé les consuls de Béziers de la prochaine visite royale ; il s'y trouva lui-même pour recevoir François I", le 13 août (6). La cour continuait son voyage, entourée d'honneurs et de présents, à Montpellier, Pézenas et Narbonne : le lieutenant-général du roi avait partout réglé les fêtes avec magnificence.
C'étaient les dernières années de Pierre de Clermont, baron de Clermont et de Castelnau-Bretenoux. En 1534 et en 1536, il fut encore commissaire du roi aux États tenus à Béziers et à Montpellier (7). Entre ces deux dates (8), il avait fait son testament. En 1537, Antoine de Rochechouart, sénéchal de Toulouse, devait le remplacer comme lieutenant général en Languedoc (9).
Nous avons donné une biographie résumée des six personnages qui ont apposé leur signature au bas des conven(1)
conven(1) Martin, p. 52 ; Mahul, Gartulaire de Carcassonne, T. VI, p. 281.
(2) Ibid., p. 53, Mahul, T. VI, l" partie, p. 36. (D'après Bourges, Hist. de Carcassonne, p. 301).
(3) Ibid.
(4) Henri d'Orléans, second fils de François Ier, depuis roi Henri II.
(5) Hist. du Languedoc, T. XL
(6) Ern. Martin, p. 53. Bulletin de la Société Archéologique de Béziers, T. I.
(7) Hist. du Languedoc, T. XI, pp. 245, 254.
(8) Le 26 septembre 1535. Arch. dép. de l'Aveyron, E. 499.
(9) Hist. du Languedoc, T. XI, p. 256.
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tions matrimoniales du 20 février 1514. Qui était exactement ce Desbarres qui a signé après eux? Nos recherches pour le découvrir sont demeurées infructueuses (1 ). Nous savons seulement — par les quelques lignes précédant son nom — que l'acte a été passé en sa présence. L'insertion de celui-ci au registre des minutes de Jehan Charbini s'explique, d'ailleurs, par le fait de- sa connexité avec les deux autres qui sont consacrés au même contrat de mariage. Il y a lieu de constater également qu'en datant cet acte, le rédacteur n'a pas employé le style habituellement en usage pour le commencement de l'année dans la vicomte de Turenne et dans
(1) Nous n'avons trouvé son nom ni parmi les notaires de la région, ni parmi ceux du Lodévois, de Saint-Pons, de Béziers, de Montpellier, ni parmi les officiers de la vicomte de Turenne. L'ouvrage si documenté de M. René Fage, sur les « Etats de la vicomte de Turenne », n'en fait pas mention : on n'y voit (T. II, p. 81) qu'un de la Barre, consul de Martel, le 11 mars 1579. et qui ne peut être identifié avec notre Desbarres. — S'agit-if davantage de des Barres, président à Dijon, vers 1520-1530, dont il est question dans l'ouvrage de H. Forneron Les ducs de Guise et leur époque, T. I, p. 46, etc. ? ou d'un Didier des Barres, seigneur de Hautefeuille et de Montcorbon (en Gâtinais), qui le 10 août 1519, maria sa fille avec Pierre du Plessis (P. Anselme, Hist. Gén., T. IV, p. 752 B.) ? etc., etc. — Ajoutons qu'au fonds Turenne, Arch. Nat., nos recherches n'ont pas eu plus de succès. Ce fonds possède., sous la cote Rr n 0' 340 et 341, une expédition des deux actes signés des notaires Timbaudi et Charbini insérés à la suite de ce travail. Il n'y est fait aucune mention ni de la qualité, ni même du nom de Desbarres.
Est-il vraisemblable de supposer qu'il s'agirait de ce maître Guillaume des Barres, seigneur de Revin, qui, en 1530, fût le procureur spécial d'Eléonore, soeur de Charles Quint, à l'occasion du mariage de cette princesse avec François I"? François de la Tour, vicomte de Turenne à cette date, et fils d'Antoine, fut ambassadeur du roi de France à la cour de Charles Quint en la même circonstance et de ce fait se trouva en rapports avec Guillaume des Barres. Mais, en 1530, il y avait quinze ans que le mariage de Pierre de Clermont et de Marguerite de la Tour avait eu lieu. Nous voyons bien que François de Turenne et maître Guillaume des Barres se sont rencontrés en 1530; mais ignorons totalement quel trait d'union aurait pu, en 1514, amener le même Guillaume des Barres à s'occuper du mariage de Pierre de Clermont avec Marguerite de la Tour. Cf. Justel, preuve du Livre VI, de l'Hist. de la Maison d'Auvergne, pp. 244-254.
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le Quercy, mais bien le style de la Noël ou du 1" janvier. Faut-il en conclure que Desbarres était un de ces notaires apostoliques dont la juridiction n'avait pas de circonscription déterminée et qui s'arrogeaient le privilège d'instrumenter où ils étaient appelés ? Le signe juxtaposé à sa signature (1) et qui ne paraît pas être un simple renvoi, mais plutôt une marque particulière (2), donnerait peut-être à cette opinion quelque raison d'être, si nous ne préférions la présenter comme une conjecture et aborder sans plus .tarder l'analyse des trois documents "que nous possédons.
Conventions matrimoniales du 20 février i514
Le vicomte de Turenne constitue en dot à sa fille la somme de dix-huit mille livres tournois (3). Sur cette somme, Pierre de Clermont doit recevoir six mille livres le jour de la « solennisation » du mariage. Pour le surplus de douze mille livres, la place d'Oliergues, au diocèse de Clermont-d'Àuvergne, avec tous ses revenus et dépendances, estimés à mille livres par an, sera mise en les mains de
(1) Voir au fac-similé.
(2) Cf. Manuel de Déplomalique, par A. Giry, pp. 827, 832, 834, 841.
(3) Entre 1512 et 1525, la livre tournois représentait une valeur intrinsèque de 3 francs 92 centimes. D'où 18.000X3,92 = 70.560 francs. Pour avoir l'évaluation en francs actuels, il faut multiplier cette somme par le chiffre 5, représentant le rapport existant entre la. puissance d'achat de l'argent à cette époque et celle qui existe actuellement. D'où 70.560X5= 352.800 francs. {Cf. V" d'Avenel, Hist. économique de la propriété, des salaires, etc., T. V, pp. 350, 377. Ch. Gide, Cours d'économie politique, pp. 314, 573).
C'était une dot considérable. En 1447, Jacques Coeur, argentier de Charles VII, en mariant sa. fille Perrette à Jacquelin Trousseau, fils d'Artheau Trousseau, vicomte de Bourges, lui avait donné en dot dix mille livres en monnaie courante (Jacques Coeur et Charles VII, par Pierre Clément, p. 162). Mais il faut tenir compte de ce qu'en 1447, la valeur intrinsèque de la livre tournois était supérieure à ce qu'elle était en 1514 (5,13 au lieu de 3,92).
En 1523, Galiot de Genouillac, mariant avec Charles de Crussol, vi-
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Pierre de Clermont-Lodève, à partir de l'année 1517 pour qu'il en jouisse jusqu'au paiement total de la dot. Au cas où les revenus de la place d'Oliergues dépasseraient le chiffre de mille livres tournois, Pierre n'aurait pas à restituer la plus-value ; si, au contraire, ces revenus étaient inférieurs à mille livres, le vicomte de Turenne donnerait à son gendre la différence.-Il est stipulé, dans la même clause, que le capitaine et les autres officiers de la place d'Oliergues resteront en fonctions. Si Pierre de Clermont était mécontent d'eux et désirait, les changer, il devrait en aviser le vicomte de Turenne qui « y mectra des gens de bien ».
Le vicomte de Turenne sera tenu d' « habiller mademoi« selle sa fille de robes et aultres accoustrements en tel cas « requis », et cela « ainsi que l'honneur et faculté des maisons de Turenne et Clermont » le veulent.
De plus, le vicomte de Turenne versera à Pierre de Clermont, en déduction de la somme totale de la dot, deux cent cinquante livres, à la fête de Saint-Jean-Baptiste, en 1514, et pareille somme, l'année suivante, à la même date.
De son côté. Pierre de Clermont assure « propter nuptias » à Marguerite de la Tour la somme de six mille livres, pour le cas où il décéderait avant elle, somme qui, après la mort, de Marguerite, serait restituée à leurs enfants. En outre, pour le même cas de prédécès, Pierre donne à sa future épouse la jouissance, pendant son veuvage, et sa vie durant, si elle ne se remarie pas, de la place de la Molière, au diocèse de Clermont-d'Auvergne. Mais, si Marguerite se remariait et, en tout cas, à sa mort, cette place sera restituée
comte d'Uzès, la fille qu'il avait eu de son premier mariage, lui donna en dot douze mille livres, avec la promesse, toutefois, qu'après lui, elle aurait la seigneurie de Lonzac (Charente-Inférieure) qui venait de sa mère Catherine d'Archiac.
Parmi les exemples du taux des dots vers la même époque, M.d'Avenel cite les dots suivantes : en 1487, à Limoges, celle d'une fille de la bourgeoisie, 130 livres; en 1496, la dot de Louise d'Albret, fille d'Alain d'Albret, 6.500 livres; à Nîmes, en 1550, celle de la femme d'un avocat, 1.000 livres; en Berry, en 1562, celle d'une fille de bonne maison, 3.000 livres.
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aux héritiers de Pierre de Clermont. Si la dot de Marguerite devait être restituée par Pierre ou par ses héritiers, elle le serait dans les mêmes délais où elle aura été payée ; mais Pierre ou ses héritiers ne seraient pas tenus de donner de place ni de rente en garantie.
Si Marguerite, restant veuve, désire avoir la jouissance de la place de la Molière, elle ne pourra pas exiger la somme de six mille livres à elle attribuée « propter nuptias » par son mari. Pour le cas ou Marguerite décéderait la première, et s'il ne naît pas d'enfants du mariage, elle donne, avec le consentement du vicomte de Turenne, la somme de trois mille livres à son futur époux. Celui-ci pourra disposer à son gré de ladite somme qui sera comptée en déduction de la restitution de la dot.
D'accord avec son futur époux, Marguerite, le jour de la « solennisation » du mariage, renoncera à réclamer quoi que ce soit des biens de sa famille tant en ligne directe qu'en ligne collatérale [exception faite, toutefois, de ses droits éventuels d'hérédité] (1).
Il est convenu que Pierre de Clermont laissera la moitié de tous ses biens présents et à venir à celui des enfants mâles issus du mariage qu'il choisira à cet effet. Sur cette moitié de biens, l'héritier choisi paiera en argent les légitimes de ses frères et soeurs. Si cet héritier décédait sans enfant mâle, les biens qu'il aurait eus passeraient au premier enfant mâle de Pierre de Clermont (c'est-à-dire au premier mâle par ordre de progéniture), et si -ce nouvel héritier (de la moitié des biens) mourait sans enfant mâle ou celui-ci à son tour sans enfant mâle, les dits biens passeraient au second fils de Pierre de Clermont, puis au troisième et au quatrième, etc., dans les mêmes conditions. La priorité de naissance sera observée par eux ; seul Pierre se réserve le droit de choisir celui de ses enfants auquel, en premier lieu, sera dévolu la moitié de son avoir. Si Pierre de Clermont et Marguerite de la Tour mouraient sans enfant mâle de leur mariage, ou si leur ou leurs fils n'avait ou
(1) Voir 2' document aux pièces justificatives,
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n'avaient pas d'enfant mâle, la dite moitié des biens de Pierre et même « ses autres biens » passeraient « directement, à moins qu'il n'en décide autrement », au plus prochain mâle [de la parenté] que « Pierre de Germon 1 aura » (1).
L'acte ajoute ici qu'en ce cas, l'héritier devra payer en argent les légitimes de chacune des filles.
Quand la somme de douze mille livres aura été versée- par le vicomte de Turenne, il rentrera eu possession de la seigneurie d'Oliergues; il pourrait aussi la reprendre en payant le reste des douze mille livres, alors même que Pierre en aurait joui durant plusieurs années.
Enfin il est dit, au dernier paragraphe des conventions matrimoniales, que si la place d'Oliergues, tenue ou affermée par Pierre ne lui rapportait pas treize cent livres par an, le vicomte de Turenne lui paierait la différence de mille à treize cents livres, bien que le seigneur de Clermont prenne la dite place pour un revenu annuel de mille livres seulement jusqu'à entier paiement des douze mille livres.
Dans la rédaction de la clause relative à la place d'Oliergues donnée en gage en attendant, le paiement, intégral de la dot. de Marguerite de la Tour, il y avait quelque amphibologie. En effet, le revenu annuel de mille livres pour lequel cette seigneurie était comptée devait-il être déduit chaque année des douze mille livres impayées, ou bien était-il considéré comme un dédommagement du retard de paiement, comme une sorte de supplément ou d'indemnité? La première de ces hypothèses paraît la plus vraisemblable ; cependant le fait que le vicomte de Turenne s'engageait à ajouter trois cents livres annuelles au revenu de la place d'Oliergues compté précédemment pour mille livres
(1) Nous trouvons l'explication de ceci dans le testament de Pierre de Clermont. (Arch. de l'Aveyron, série E, 499). Il y est dit qu'à défaut do tous ses enfants mâles, son héritnge passerait au premier fils de sa fille aînée Catherine, femme de Déodat de Montai, seigneur de la Roquebrou.
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seulement laisse planer quelque doute sur l'interprétation de la clause tout entière. En tout cas, il y avait là, ce semble, une cause ou un prétexte de litige pour l'avenir. Les parties contractantes le comprirent sans doute : nous verrons, dans l'un des actes suivants (1), que cette difficulté éventuelle fut écartée par le paiement anticipé de la dot.
La clause concernant la dévolution successorale des biens de Pierre de Clermont était en fait bien plus compliquée encore, malgré la claire volonté de maintenir la moitié au moins de _ son hérédité dans les lignes masculines. Dans cette série de substitutions ou de restitutions, que de causes de querelles se seraient glissées, si l'union de Pierre de Clermont et de Marguerite n'avait par sa fécondité évité tous ces conflits d'intérêts successoraux ! Pierre eut six filles et quatre fils (2) : il n'eut pour nommer un héritier universel que l'embarras du chotx. Or, par son testament, c'est son fils aîné Jacques qu'il choisit; mais celui-ci préféra embrasser l'état ecclésiastique et céda ses droits au premier de ses frères après lui, à Gui que nous verrons plus tard baron de Castelnau-Bretenoux et de Clermont. Pierre de Clermont avait, d'ailleurs, substitué Gui à Jacques et écarté ceux de ses fils qui seraient « d'église ».
Actes des notaires de Saint-Céré et de Bretenoux
Le 21 mai 1514, l'union de Pierre et de Marguerite est un fait accompli. Les deux actes passés a cette date dans la ville de Sainte-Espérie, châtellenie de la vicomte de Turenne et, nous dit Baluze, dont Gilles de la Tour fut seigneur, le constatent en termes clairs. La signature des parents ou alliés et celle de Desbarres est remplacée au bas de ces deux actes, par celles des notaires qui les ont dressés : Jacques Timbaudi et Jehan Charbini. Les témoins sont les suivants : Gilles de la Tour, protonotaire du Saint(1)
Saint(1) 3e document aux pièces justificatives.
(2) Et un fils posthume.
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Siège, abbé de l'Isle et de Vigeois (1) et Jehan de Castelnau (2), baron de Castelnau-Bretenoux, assistés de Jacques de Vitrie (3), juge de la vicomte de Turenne, et de François de Malodumo (4), juge de Castelnau.
De l'un de ces deux documents (celui où est intercalé le texte français des Conventions matrimoniales (5), il ressort que Pierre de Clermont a reçu du vicomte de Turenne, en déduction des dix-huit mille livres tournois de la dot, la somme de six mille livres, plus les « vêtements nuptiaux » de sa femme, et que Marguerite de la Tour, autorisée de son mari, renonce à réclamer quoi que ce soit des biens de la maison de Turenne, ses droits successoraux étant, toutefois, sauvegardés. En outre, les deux conjoints se soumettent, avec serment sur les évangiles et suivant les formules d'usage, aux rigueurs des cours des sénéchaux du Quercy et du Limousin pour l'observation de leurs engagements.
Cet acte porte en marge la mention que deux expéditions en ont été faites : une pour les époux, l'autre pour le vicomte de Turenne.
Le second des documents signés par Timbaudi et Charbini, et daté également du 21 mai 1514. établit que le vicomte de Turenne, après avoir payé la somme de six mille livres, le jour de la « solennisation » du mariage, comme c'était convenu, reconnaît devoir encore à son gendre et à sa fille douze mille livres tournois, Il promet, en outre, sous serment et avec toutes les formules consacrées, de leur verser cette somme « d'ici à la prochame fête de la Toussaint », en les dédommageant, le cas échéant, de tous les frais et
(1) Nous avons donné plus haut quelques lignes biographiques au sujet de Gilles de la Tour.
(2) Icham III qui, depuis l'acte du 20 février de la même année, avait succédé à Jacques, son frère.
(3) De Vitria, dans le texte.
(4) De Malodumo, M.-J-B. Champeval de Vyers, qui a publié des ouvrages très documentés sur la région, estime que Malodumo doit être traduit par Maubuisson.
(5) N" 3 des pièces justificatives,
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dépenses qui pourraient résulter pour eux d'un retard dans ce' paiement.
Cet acte porte en marge la mention qu'une expédition en a été faite pour les « époux créanciers ».
Ainsi, ce second acte du 21 mai (1) ne disait rien de la clause qui, aux Conventions matrimoniales du 20 février précédent, mettait à la disposition de Pierre de Clermont la place d'Oliergues en nantissement des douze mille livres tournois impayées ; il laissait, tout au moins, dans le vague le quantum et la modalité des indemnités que le retard du paiement pouvait justifier. Peut-être le beau-père et le gendre, par un accord privé, maintenaient-ils entre eux cette clause de nantissement assis sur la seigneurie d'Oliergues ; mais, en fixant la date du paiement, le vicomte de Turenne assumait pour lui seul la responsabilité d'un manquement à sa promesse.
Pierre de Clermont, qui, à partir de 1530, après la mort de Jean III, continua la lignée des seigneurs de CastelnauBretenoux, ne semble pas avoir résidé souvent dans le château dont il venait d'hériter. Ses nombreuses 'fonctions en Languedoc auraient suffi à le tenir éloigné de la vieille forteresse, où il n'était pas, dailleurs. attiré par les souvenirs d'enfance qui attachent ou ramènent l'homme à son berceau. La branche de la maison de Caylus, d'où il était issu, pouvait bien, grâce à sa sève vigoureuse, remplacer le rameau disparu; mais ce n'était pas l'oeuvre d'un jour : il semble que Pierre n'ait appartenu au Quercy que par la' substitution qui l'y avait conduit.
En tout cas, les registres des notaires royaux de Bretenoux, depuis sa prise de possession de la baronnie jusqu'à 1536, date de son décès, les cèdes notamment, qui nous sont parvenues, de Gisson et de Defonte (2) n'ont retenu aucun acte important passé en sa présence ou pour lui. Ces registres cependant nous ont conservé un assez grand nom(1)
nom(1) 2* document aux pièces justificatives.
(2) De nos archives.
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bre .d'actes de vente et de -baux à cens où Pierre de Cler-. mont, « dit de Castelnau », était intéressé et concernant surtout des immeubles situés dans la mouvance de Castelnau. Il est représenté dans ces transactions tantôt par Antoine de Lopiac, seigneur de Lopiac, son maître d'hôtel, ou par Antoine Barriac, seigneur de Barriac, ou par Antoine de Roquier, prêtre, tantôt par Jean de Veilhan, seigneur de la Majorie, quelquefois aussi par Pierre Miramon, chanoine de la collégiale de Castelnau, et « co-arrenlier », avec Gaspard de Cunergues, écuyer, « des rentes, profits et émoluments de la baronnie » (1). Notons-le en passant : c'est la première fois que nous voyons cette seigneurie administrée et mise, pour ainsi dire, en coupe réglée par des mains étrangères.
Sans doute ses préférences et ses goûts, comme ses fonctions, avaient inspiré à Pierre de Clermont le choix d'une autre résidence. Comme Jacques, son cousin, qui avait longtemps guerroyé sous Louis XII et qui revint à Castelnau pour y mourir, Pierre, gouverneur d'Aigues-Mortes et sénéchal de Carcassonne. voulût, quand il se sentit touché à son tour paj l'aile de la mort, passer ses derniers jours au château de Canet (2), dans le diocèse de Lodève. Il y dicta son testament (3); c'est là aussi, probablement ou bien au châ(1)
châ(1) nos archives.
(2) Actuellement dans le canton de Clermont-l'Hérault. — D'après le testament de P. de Clermont, le revenu de la seigneurie de Canet était de 300 livres.
(3) Le 26 septembre 1535, devant Déodé Rivier «notaire d'autorité apostolique et royale ». Il laissait à sa femme, durant son veuvage, et au cas où elle ne voudraii pas demeurer avec l'héritier universel [de Pierre], la jouissance des châteaux et places de Canet et de Fayet avec leurs revenus, ainsi que les terres de Brusque, Arnac, Tauriac et Mellagues (localités situées dans l'arrondissement de Saint-Afrique, Aveyron). En outre, au cas où elle ne pourrait pas jouir de la place et de la terre de la Molière qui lui avaient été assignées en douaire par contrat de mariage, il lui laissait aussi la jouissance, durant son veuvage, de la place et de la terre de Saint-Gervais et de la vicomte de Nébouzan. — Il désignait comme ses exécuteurs testamentaires,
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teau de Clermont, fief originaire des Guilhem, qu'il mourût en 1536 (1). Il avait demandé d'être inhumé dans le couvent des frères prêcheurs de Clermont, « au tombeau de ses prédécesseurs » (2). Son second fils Gui Ier, seigneur et baron de Castelnau et Clermont après lui, remplit les mêmes charges à Aiguës-Mortes et à Carcassonne : en 1544, il choisira la même sépulture (3). Il faut descendre au petit-fils de Pierre de Clermont, à Gui II, qui fût gouverneur du Quercy (4), pour retrouver dans les dernières volontés des seigneurs de Castelnau l'expression de leur désir d'être ensevelis dans leur collégiale. Alors Louise de Bretagne-Avaugour, femme de Gui Ier, après avoir été dame d'honneur d'Elisabeth, fille du roi de France Henri II et reine d'Espagne (5), avait ramené son fils unique dans le vieux château féodal quelque temps abandonné. Elle avait donné l'exemple en y résidant elle-même pendant son long veuvage. Par elle et avec elle, Castelnau était redevenu le berceau et la tombe de ses seigneurs.
Ve DE LAVAUR DE SAINTE-FORTUNADE.
le cardinal de Clermont, son frère, et Gilles de la Tour, seigneur de Limeuil, frère de sa femme (Arch. de l'Aveyron, E. 449).
(1) Cette date est confirmée par Mahul, cartulaire de Carcassonne' T. VI, p. 281, cité par Ern. Martin, chron. et généal. des Guilhem, p. 53. — Ern. Martin [Ibid.) dit que Marguerite de la<Tour vivait encore en-1572. — Clermont l'Hérault.
(2) Par son testament, il léguait, toutefois, la somme de mille livres tournois aux chanoines de l'Eglise collégiale de Castelnau-Bretenoux.
(3) Testament de Gui I" passé au château de Clermont, diocèse de Lodève. Arch. de l'Aveyron, E. 499.
(4) De Barrau. Documents historiques, etc., T. I, p. 545. — Testament de Gui II, du 19 mars 1574. Arch. de l'Aveyron, E. 500.
(5) Autre testament de Gui II, du 12 décembre 1559. Arch. de la Gironde, série 3, E.
PIECES JUSTIFICATIVES
Conventionô zelativeô au maziage de Piezze de Clezmont et de Mazguezite de La Touc
Sensuyvent les pactes et conventions accordées entre très révérend père en Dieu Monseigneur le cardinal de Clermont et noble et puissant seigneur Pierre de Clermont, baron et seigneur de Clermont et de La Mollière et plusieurs autres lieux, d'une part. Et très nobles et puissants seigneurs Messieurs Gilles de La Tour, prollionotaire du Saint-Siège 'appostolicque, et abbé des abbayes de Lisle et Bisjouyes, et Anthoyne de La Tour, viconte de Turesne et baron d'Oillergues, Limeuil et Bousolz et plusieurs autres lieux, d'autre part. Et ce, sur le mariage qui espoire se faire entre ledict Pierre de Clermont et noble damoyselle Marguerite de La Tour, fiille dudict viconte, et ledict Anthoyne de .Turesne faisant et accordant ce qu'il sensuyt tant en son nom comme au nom de noble dame Anthoinete de Pons, jadiz femme dudict viconte de Turesne.
A esté accordé entre lesdicts parties que] ledict viconte, seigneur de Turesne, père de ladicte Marguerite de Turesne, dottera et de présens donne pour et au nom de dot à sadicte fille à la contemplacion dudict mariage la somme de dix huit mille livres, contant pour livre vingt soulz tournois.
Item dudict dot sera payé par ledict de Turesne au seigneur de Clermont la somme de six mille livres du valleur que dessus, ce le jour de la sollempnisation dudict mariage, lequel seront tenus sollempniser ledict de Clermont et ladicte Marguerite, quant l'ung par l'autre sera requis. .
Item est accordé que, pour le surplus dudict dot qui est douze mille livres, ledict seigneur de Turesne constituera et baillera audict de Clermont et de présens luy baille, constitue et assigne le lieu et place de Oillergues, au diocèse de Clermont, appartenant audict de Turesne, ensemble toute jurisdiction, seigneuries, rentes, revenus, proffilz et esmolumens, maisons et
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edisfices et toutes aullres appartenances de ladicte place, lesquels fruictz, proffictz, esmolumens, ledit seigneur de Turesne baille audict de Clermont pour la somme de mille livres pour an pour joyr de ladicte place jusques à entier paiement desdictes douze mille livres; et si les fruictz de ladicte place vallent plus que lesdicles mille livres tournois, ledict de Turesne donne ledict sourplus audict seigneur de Clermont en contemplacion dudict mariage et pour porter les charges dicelluy, et quant lasdicts fruictz de ladicte place vauldroient moins de mille livres pour an, sera tenu ledict de Turesne à supler et payer ledict moins audict de Clermont. Touteffoys, ne pourra ledict de Clermont oster le capitaine et autres officiers de ladicte place ; mais, quant il en auroit aulcun qui ne feusl tel qu'il debveroit estre, en doit advertir ledict de Turesne lequel y mectra des gens de bien.
Item est accordé que ledict de Turesne sera tenu habiller Mademoyselle sa fille de robbes et aullres acoustremens en tel cas requis, et tout ainsi que l'honneur et faculté des maisons de Turesne et Clermont requérent.
Item est accordé que ledict de Clermont ne joyra de ladicte place de Oillerguès cy-dessus assignée jusques à l'an mil cinq cens dix sept, auquel an et le jour de la Sainct Jehan au mois de juing commencera à joyr ledict de Clermont de ladicte place et en joyra en la forme que dessus jusques à entier paiement dudict dot.
Item est accordé que ledict seigneur de Turesne en diminucion dudict dot, paiera audict de Clermont au jour de la nativité de sainct Jehan Baptiste prochainement venant en ung an, deux cens cinquante livres et, ung an révollu après, aultres deux cens cinquante livres.
Item est accordé que ledict de Clermont donnera et donne de présent à ladicte Marguerite, sa future espouse, en augmentation de dot, aultrement dict donation propter nuplias, la somme de six mille livres, laquelle somme sera payée à ladicte Marguerite au cas que ledict de Clermont décédast avant elle par les termes qui sensuyvent. C'est assavoir, le jour que ladicte Marguerite passeroit en secondes nopces, toute ladicte somme à elle par ledict de ClermonL donnée, et joyra ladicte Marguerite, EU cas que dessus, de ladicte somme sa vie durant, et, après
T. XXXVI. 2-9
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son décès, ladicte somme sera restituée aux enffans qui naistront dudict mariage, si point en y a.
Item ledict de Clermont constitue et assigne à ladicte Marguerite, sa future espouse, et pour son vefvaige, quant elle survivrait, audict de Clermont la place et lieu de la Mollière, au diocèse de Clermont, ensemble tous les rentes, revenus, proffictz et esmoluments, chasteau, maisons, ustancilles et meubles qui, au temps du décès dudict de Clermont, seront trouvez en ladicte place ; et laquelle place, rentes et meubles joyra ladicte Marguerite demourant en viduyté, et, après son Irespas ou passant en secondes nopces, ladicte place et les meubles el ustancilles qui, pour lors, seront en ladicte place seront renduz et restituez aux héritiers dudict de Clermont.
Item, advenant le cas que ladicte dot doibve estre restituée, sera tenu ledict de Clermont et ses héritiers rendre et restituer ladicte dot à ladicte Marguerite ou audict seigneur visconte ou aux siens, par les payes et termes qu'il apparoislra icelle dot avoir esté payé audict de Clermont, sauf toutesfoys que ledict de Clermont et ses héritiers ne seront aucunement tenus à bailler place ni rente pour restitution dudict dot.
Item est accordé que si ladicte Marguerite, demourant en vidu3Tté, veult joyr de ladicte place de La Mollière, ne pourra elle exiger en tel cas ladicte somme pour aucmentation de dot donnée par ledict de Clermont à icelle.
Item est accordé que, survivant icelluy de Clermont à ladicte Marguerite sans que dudict mariage y eust enffans, en tel cas donnera et donne ladicte Marguerite par exprès consentement dudit de Turesne, son père, audit de Clermont son futur mary, la somme de trois mille livres, laquelle somme sera diminuée du dot qui escheoirra en restitucion, el pourra ledict de Clermont disposer à sou plaisir de ladicte somme.
Item ladicte Marguerite, du consentement du consentement dudict de Clermont, quictera el quicte à tous biens paternelz et maternelz, et ladicte quictance passera par instrument le jour de la sollempnisation dudic mariage.
Item est accordé entre lesdictes parties que ledict de Clermont, à la contemplation dudict mariage et desdicts enfants qui en sortiroient, fera et faict, de présent l'un des enflants
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masles qui naistront dudict mariage et celluy qui par ledict de Clermont sera esleu son héritier en la moictié de tous et chacuns ses biens qui de présent a et aura pour l'advenir pour avoir lieu après le decez dudict de Clermont, sur laquelle moictié des biens sera tenu ledict effant qui héritera en ladicte moictié des biens payer en argent les légitimes aux aullres enffans masles et filles qui dudict mariage sortiront, si aultrement par ledict de Clermont n'en est ordonné; et, décédant ledict enffant masle sans avoir enffans masles procréés de son loyal mariage, en tel cas lesdicts biens et aullres par ledict de Clermont audict enffant masle données viendroni directement au premier enffant masle, qui dudict mariage sera procréé ou aux enffans dudit enffant, et, iceulx mourant sans enffans masles procréés de leur mariage, viendroni lesdicts biens au second enffant, et, du second au tiers, et du tiers au quart, et aultres enffans en l'ordre et manière que dessus gardée tousiours la priorité de naiscence. Et là et quant dudict mariage ne seroient procréés aulcuns enffans masles, ou lesdicts enffans masles descéderoient sans enffans masles de leur mariage, en tel cas ladicte moictié et aultres biens dudict de Clermont viendront directement au plus prochain masle que ledict seigneur de Clermont audict temps aura, si aultrement par ledict de Clermont n'en est ordonné, sans que filz ou filles procréés et descendues dudicl mariaige dudict de Clermont et Marguerite ou de leurs enffans masles, ou des enffans desdicts enffans et aultres puissent succéder ausdicts biens. Toutesfoys, en tel cas, celluy qui succédera audict de Clermont ou audict effant masle sera tenu payer les légitimes à chacune desdictes filles en argent, selon la faculté des biens dudict de Clermont et ses enffans.
Item a esté accordé que toutesfoys et quantes que ledic seigneur de Turesne baillera audic seigneur de Clermont la somme dessusdite de douze mille livres recouvra ladicte place -et seigneurie de Oillergues, et pareillement, nonobstant que ledict seigneur de Clermont en ayt joy aucunes années, pourra ledict seigneur de Turesne recouvrer en rendant l'argent qui restera.
Item est accordé que là et quant ladicte place de Oillergues avecques tous et chacuns ses fruiclz ne reviendrait audict de Clermont tenant ladicte place en sa main ou en baillant à arrentement el sans fraulde à la somme de Ireze cens livres pour
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chacun desdicts ans l'ung portant l'autre, en tel cas ledict seigneur de Turesne sera tenu paier la somme et sommes que moins auroil vallu ladicte place de treze cens livres par an et joyra ledict de Clermont de ladicte place de Oillergues avecques ses fruictz jusques à entier paiement desdictes sommes restant, prenant lousiours ladicte place pour la somme de mille livres par an.
CARai DE CLERMONT
ANTHOINE.
Pr DE CLERMONT.
GILES DE LATOUR GUY DE PERIG[UEUX] . CASTELNAU.
Lesquelz articles sy dessuz contenuces ont promis par serment guarder sellon le contenu dicelles, et, ce, sur l'obligation de tous leurs biens comme appert par leurs sings munuelz cidessus escrips : faict l'an mil V<- et XIIII, le XX jour de febvrier
et en ma présence.
DESBARRES.
GROSSATUM EST PRODICTIS CONJUGIBUS GROSSATUM ETIAM PRO DOMINO VICECOMITE
In nomine domini amen. Noverint universi et singuli, présentes pariter el futuri, hoc presens publicum instrumentum visuri, lecturi ac etiam audituri, quod anno Incarnationis ejusdem Domini millesimo quingentesimo decimo quarto, et die vicesima prima mensis maii, illustrissimo principe et domino nostro domino Ludovico, Dei gracia rege francorum régnante; cum tractatum fuerit matrimonium exinde in facie sancle matris ecclesie solempnisatum et demum per carnalem copulam consummatum inter altum et potenlem dominum Petrum de Clarmont, dominum et baronem de Clarmont et de La Molierâ et plurium aliarum dominationum, et de ipso, ex una parle; et altam et potentem domicellam Margaritam de Turre, filiam naturalem et légitimant alli et potentis domini domini Anthonii de Turre, militis, vicecomitis Turrene, dominique terrarum et dominationum de Oulhergio et de Limolhio, Bosols, Fay et de Servissac, el de ipsa, ex alia parte; bine igitur fuit et est quod, die hodierna suprascripta, in noslrorum notariorum et lestium infrascriptorum presencia, exislenles et personaliter constituti
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prefatus dominus vicecomes pro se el suis heredibus et successoribus quibuscumque, ex una parte, et prefati Petrus de Clermon et Margarita de Turre, conjuges, prefataque Margarita faciens infrascripta omnia et singula de licencia et auctoritate predictorum. patris et mariti suorum, ibidem presentium licenciamque et auctoritatem sibi dantium et concedentium ; quequidem Margarita, cum esset major quindecim annorum, minor tamen vigenti quinque, renunciavit benefficio minoris etatis et reslitutionis in integrum, et promisit juramento suo medio non venire contra infrascripta, etiam pro se et suis et cujuslibet ipsorum heredibus et successsoribus quibuscumque, ex alia parte ; prefate vero parles et earum quelibet prout quamcumque earum tangit el tangere polerit in futurum gratis et sua sponte, pure el libère, melioribus modo, via, jure et forma quibus potuerunt et debuerunt, pro se et suis heredibus et in poster um successoribus universis, super dicto matrimonio dotis constilutione et aliis hujusmodi contractibus tangentibus, convenerunt pactaque et conventiones fecerunt modo et forma, et prout in quibusdam articulis per dictas partes concordatis et conventis ac nobis nolariis infrascriplis traditis hujus tenoris. Sensuyvent les pactes. [Sait la copie littérale du document précédent.]
Post quorumquidem articulorum et contentorum in eisdem recitationem et lecturam, prefate partes et earum quelibet, pro se et suis heredibus et successoribus quibuscumque, servare, actendere el complere promiserunt, et nichilominus prefatus dominus de Clermon recognovit habuisse et realiter récépissé a prefato domino vicecomite presenti, et pro se et suis heredibus et successoribus quibuscumque, stipulante in deductione predicte summe decem octo mille librarum luronensium, videlicet sex mille libras luronenses monete predicte et vestes nupciales, et quaquidem summa sex mille librarum luronensium et vestibus nuptialibus dicti conjuges eumdem dominum vicecomitem presentem et, ut supra, stipulantem quictaverunt cum pacto de aliquid ulterius non petendo et eamdem summma sex mille librarum assignat et assignavit in et supra omnibus bonis suis, mobilibus et immobilibus, presentibus et futuris, et nichilominus mediante predictis in dotem constitutis et assignatis eisdem conjugibus dicta Margarita de Turre de licencia dicti domini Pétri de Clarmon, ejus mariti, presentis, et auctoritatem près-
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tantis, quictavil et perpetuo remisil diclo domino vicecomiti, ejus patri, presenti el, ut supra, stipulanti, omnia et singula bona palerna, materna, fralerna, sorornia, avictoria et collecteralia, ac omne jus omnemque partem, portionem, actionem et demandant, quod et quas dicta nobilis Margarita habet et habere posset, quovismodo, in dictis bonis paternis, materais, fraternis, avictoriis et collecteralibus nuuc et in futurum, cum pacto de aliquid ulterius non petendo, futura tamen successione sibi salva. Pro quibus premissis omnibus, universis et singulis. fermiter lenendis, complendis et inviolabiter observandis, prenomitate partes et earum quelibet, prout ipsarum pre et infrascripta tangunt et langere possunt in futurum, obligaverunt, yppothecaverunt et submiserunt una pars pênes aliam, et econverso, mutuo et vicissim présentes et. ut supra, stipulantes omnia bona sua mobilia et immobilia, presentia et futura, viribu et compulsionibus curiarum dominorum senescallorum et officialium Caturcensium et Lemovicensium, et cujuslibet alterius curie ecclesiastice et secularis, pro exequtione premissorum pereligendorum. el ila predicta omnia, universa et singula, prout supra scripta sunt, rata, grata et firma semper habere eaque tenere, actendere et observare contraque in aliquo numquam facere, dicere seu venire de jure vel de facto, per se nec per aliquam aliam interposlam personam, seu interponendo actiones vel aliquo cumque arte, ingenio seu cauthela, per solempnem et validam stipulationem promiserunt una alteri, et econverso, et juraverunt ad et supra sancta quatuor Dei evangelia, earum et cujuslibet ipsarum per earum manibus dextris gratis corporaliter lacla, renunciantes parles predicte et earum quelibet renunciavil omni exceptioni doli, malifori, loci, vis, metus, fraudis, et in facto actioni et condilioni indebilis ob causam, cum causa, sine causa et ob injustam seu turpem causam, feriisque messium et vendemiarum, el aliis quibuscumque feriis repentinis, exceptionique dicte dolis constitutionis, conventionis, promissionis, obligationis, submissionis, compulsionis et aliorum premissorum non sic actorum, rei que non sic geste et aliter vel fuisse scriptum quod actum seu
el econverso, el juri per quod deceptis, lesis aut circumventis in jure seu modo quolibet subvenilur et juri pignorum et yppothecarum tacilarum vel expressarum dolis sponsalium beneficioque senatus consulli vellyani, legum Julie de fundo dotali et auctenlice si quoe mulier et benefficio cujusqumque res-
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titutionis in integrum el generalem renunciationem non valere nisi quathenus fuerit expressa et demum ac generaliter omni alii juri canonico ac civili, divino et humano, novo ac veteri, usui, ritui, consueludini, constitutioni ac statuto, omnibusque aliis universis et singulis juris et facli renuntiationi, machinationibus, exceplioni, privilegio et caulhelis, quibus mediantibus contra premissa aut ipsorum aliqua venire possent prenominate partes et earum quelibet et sui aut se in aliquo juvare, deffendere vel thueri. De quibus premissis omnibus el singulis, dicte partes et earum quelibet pecierunt et requisiverunt sibi et suis fieri, confici et redigi per nos, notarios publicos infrascriptos, unum et plura publica instrumenta, quod et que sibi concessimus agendum et agenda. Acta enim fuerunt premissa in villa Sancte Sperie, dicte diocesis et senescallie Caturcensis, anno, die, mense et régnante quibus supra, presentibus ibidem et audientibus : reverendo in Christo pâtre et domino domino Egidio de Turre, Sancte Sedis apostolice prothonotario, abbate de Insula et de Vosuys, nobili, alto et potenti domino Johanne de Castronovo, ^domino et barone de Castronovo, pluriumque aliarum baroniarum et dominationum, discretis viris magistris Jacobo de Vitria, in ulroque jure baccalario, judice appellationum totius vicecomilatus Turrene, Francisco de Malodumo, etiam in legibus baccallario, judice de Castronovo, lestibus ad premissa vocatis el rogatis, et me, Johanne Timbaudi, notario, qui cum infrascripto Charbini recepi.
J. TIMBAUDI, notario. J. CHARBINI, notario.
GROSSATUM EST PRO DICTIS CONJUGIBUS CREDITORIBUS
In nomine domini amen. Noverint universi et singuli, présentes pariler et futuri, hoc presens publicum instrumentum visuri, lecturi ac etiam audiluri, quod anno Incarnationis Domini millesimo quingentesimo decimo quarto et die vicesima prima mensis.maii, inclilo principe et domino noslro domino Ludovico, Dei gracia Francorum rege regn'ante; in villa Sancte Sperie, diocesis et senescallie Caturcensis, in nostrorum notariorum regiorum publicorum et testium infrascriptorum presencia, exislens et personaliter constitutus egregius, magnifficus et potens dominus dominus Anlhonius de Turre, miles, vicecomes
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vicecomitalus Turrene, ac dominus baroniarum de Oliergo, de Limolhio, Bozols, Fajy et Servissac, non vi compulsus nec in aliquo seductus, Iesus, deceptus, sive circumventus, sed gratis, scienler et sponte, pro se suisque heredibus et successoribus quibuscumque, recognovit et in veritate manifesta confessus fuit se debere et légitime teneri solvere nobili et potenti domino Petro de Clarmont, baroni et domino de Clarmont, de La Moliera et plurium aliarum dominationum, et nobili domicelle Margarite de Turre, conjugibus, ibidem presentibus, pro se suisque heredibus et successoribus quibuscumque stipulantibus solempniter et recipientibus, videlicet summam duodecim mille librarum luronensium monete currentis, quelibet libra existens in valore vigenti solidorum luronensium dicte monete currentis, et, hoc, ratione et causa reste solutionis sex mille librarum dicte monete currentis, in quaquidem sunima sex mille librarum turonensium, dictus dominus vicecomes solvere tenebalur dictis conjugibus ad constitulionem dotis eisdem conjugibus per ipsum dominum vicecomitem constitutam et assignatam constantem certius instrumenti per nos notarios publicos infrascriptos sumpto sub anno et die predictis; quamquidem summam dictam duodecim mille librarum turonensium dicte monete currenlis, dictus dominus vicecomes Turene recognovit, ut supra, debere eisdem conjugibus, non obstante generali recognitione et quictancia per diclos conjuges de Iota dicta summa sex mille librarum luronensium ab eodem domino vicecomite factis, et illam summam duodecim mille librarum turonensium solvere promisil dictus dominus vicecomes Turene eisdem conjngibus aut eorum certo mandato seu eorum heredibus et successoribus quibuscnmque, per hinc ad festam omnium Sanctorum proxime et immédiate futuram, una cum omnibus dampnis, decostamentis, interesse, sumptibus el expensis per dictos conjuges aut eorum heredes et successores quoscumque fieri contingent in petendo vel exigendo summam predictam duodecim mille librarum turonensium vel ob moram et retardatum solutionis ejusdem. Pro quibus premissis omnibus universis et singulis fermius tenendis, complendis, solvendis et inviolabiliter observandis, predictus dominus vicecomes obligavit, yppothecavit et submisit pênes dictos dominos conjuges présentes et, ut supra, stipulantes omnia bona sua mobilia el immobilia, presentia et futura viribus et compulsionibus curiarum dominorum senescallorum et officialium Caturcensium et Lemovicen-
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sium et cujuslibet alterius curie ecclesiaslice et secularis pro executione premissorum pre eligende, el ita predicta omnia universa et singula que supra sunt rata, grata et firma semper habere. Eaque tenere, actendere et observare contra que in aliquo numquam facere, dicere seu venire de jure vel de faclo, per se nec per aliquam aliam personam interpositam sive interponendam, alicujus vel aliquorum arte, ingenio seu cauthela per solempnem et validam stipulationem, et, sub obligatione predicta, dictus dominus vicecomes promisit et juravit ad et supra sancta quatuor Dei. evangelia, ejus manu dextra gratis corporaliter tacta, sub quoquidem juramento et super predictis omnibus et singulis renunciavit supradictus dominus vicecomes gratis et scienter juris el facli ignorancie omnique aclioni, exceptioni el deceptioni doli, mali, vis, metus, erroris et'in faclum conditionis indebite sine causa vel ex injusta causa fori privilegio, petitioni libelli, et oblationi ejusdem spacibque decem et vigenti dierum, judiciis feriisque messium et vendemiarum et orani alio juri canonico et civili, novo et veteri, quo vel quibus in judicium contra predicta -aut ex eis aliqua veniri posset, aut in aliquo se jurare deffendere seu tueri. De quibus premissis omnibus et singulis, dicti domini conjuges petierunt sibi fieri et retineri per nos notarios publicos infrascriptos publicum instrumentum, quod eisdem concessimus fienda et agenda. Acta fuerunt hec anno, die, mense, loco et régnante quibus supra ; presentibus in premissis : Reverendo in Christo pâtre et domino domino Egidio de Turre, sancte sedis appostolice prothonotario ; nobili et polenti domino Johanne de Castronovo, barone et domino Castri Novi Bretenozii et plurium aliarum dominationum; honorabilibus viris magistris Jacobo de Vitria, utriusque iuris baccallario, jndice appellationum vicecomitatus de Turene; Francisco de Malodumo, etiam juris baccallario, judice de Castronovo, testibus ad premissa vocatis, et me Johanne Timbaudi, notario qui cum infrascripto magislro Johanne Charbini, notario, simul cum domino predicto feci.
J. TIMBAUDI, notario regio.
Et me Johanne Charbini, eliain notario
qui, habita conferencia cum predicto magistro
magistro Timbaudi, notario p'ublico,
feci.
J. CHARBINI, noiario.
Les Annales de Larche en Bas-Limousin
CHAPITRE HUITIÈME (Suite)
Antoine Lescure, docteur en théologie, signe pour la première fois sur les registres paroissiaux, le 19 juin 1718, en qualité de prieur de Larche. Il était auparavant curé de Chasteaux et c'est avec ce titre qu'il est désigné, le 4 avril 1709, dans le baptême d'Antoine Minatte, son filleul, fils de Jean Minatte, bpurgeois à Larche, et de Marie Lescure, qui mourut âgée de 60 ans, le 18 juillet 1736, et fut enterrée le lendemain dans la chapelle de Saint-Roch (1).
Antoine Lescure dut même conserver pendant, quelques années le prieuré de Chasteaux, bien qu'il fût pourvu de celui de Larche ; car je possède de lui un reçu du 14 septembre 1721, signé « Lescure prieur de Larche et de Chasteaux » (2).
Il se faisait, en effet, suppléer dans cette dernière paroisse pour l'exercice de son ministère, par le « frère Lôandre Despers, religieux recollet desservant la paroisse de Chasteaux pour et au nom de Mr Lescure, docteur en théologie, prieur de Cousages, curé de Chasteaux et prieur de Larche, où il fait actuelement sa résidance », ainsi qu'il est expliqué dans son testament, reçu par ce suppléant, le 24 décembre 1719, au Soulié et remis par lui, le même jour, au notaire Dufour (3).
Son frère, « Jean Lescure, prêtre, docteur en théologie et prieur curé de Sérilliac », fut aussi parrain d'un Jean Minatte, fils des susdits, le 4 septembre 1706, et devint plus tard chanoine du chapitre de Brive (1736). après être passé lui-même par la cure de Chasteaux. Car, nous trouvons à la date du 29 novembre 1730. un baptême fait à Larche par Lescure. prieur curé de Chasteaux, du consentement de M. le prieur de Larche (4), qui n'était autre que son frère.
Antoine Lescure paraît avoir abandonné à ses vicaires
(1) Arch. municipales de Larche.
(2) Archives personnelles.
(3) Étude de Chasteaux.
(4) Arch. municipales de Larche.
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l'exercice de la plupart de ses fonctions, au moins en ce qui concerne la tenue des registres paroissiaux, dont il ne s'occupe guère à partir de 1726. Ceux-ci sont rédigés et signés, du 23 mai au 4 septembre 1726, par Roche Lespinasse, « recollé faisant pour M. le prieur » ou « desservant la paroisse de Larche pour M. Lescure prieur » ; du 24 octobre 1726 au 1er avril 1728, par Rivière vicaire; du 4 avril 1729 au 14 août 1730, par Mayjonnade « prêtre faisant pour M. le prieur de Larche »; du 28 juin au 23 octobre 1739, par Froidefond « chanoine de Noailles faisant pour Mr le prieur de Larche ». On retrouve encore ce dernier nom en décembre 1740, et celui d'A.ntoine Lescure figure pour là dernière fois le 30 décembre 1742 (1).
Ce prieur de Larche dut aussi avoir des démêlés assez sérieux avec le curé d'Ussac, qui lui même s'attaqua au curé de Lamazière, et il s'en suivit un procès que le parlement de Bordeaux fut appelé à juger. Ce différent fut définitivement réglé à Larche pardevant le notaire Maury, le 4 juillet 1731 : « Messire Antoine Lescure prêtre docteur en théologie et prieur de la pnte ville, lequel de son bon gré et volonté a recognu et confessé avoir reçu cy devant ou sur ces présentes de messire Bernard Dhéliot prêtre docteur en théologie curé de La Masière présent dioseze, d'icy abssant mais moy dit nore pour luy stipulant et-acceptant, sçavoir est la somme de cinq cens livres, due par messire Zacharie Maillard aussy prêtre et docteur en théologie, curé d'Ussac aud. sieur Lescure pour raison de dépans par luy obtenus au parlement de Bordeaux contre'led. sr Maliard, et saisis entre les mains dud. sr Dheliot, à la requeste dud. sr Lescure, de laquelle somme il a obtenu main levée par arrêt du huitième juillet mil sapt cens vingt et neuf et de laquelle ditte somme de cinq cens livres led. sr Dheliot était débiteur envers led. sr Maliard aussy pour dépans par luy obtenus aud. parlement de Bordeaux contre led. sr Dhéliot pour raison de la sacristie de Brive, de laquelle ditte somme
(1) Arch. municipales de Larche.
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de cinq cens livres led. sr Lescure tient quitte led. sr Dheliot (1). »
Quant aux revenus du prieuré de Larche à celte époque, plusieurs documents vont nous donner à ce sujet des renseignements assez précis, en ce qui concerne la paroisse de Larche.
Par contrat, reçu Maury, le 12 juin 1721, Me Antoine Lescure, prieur, afferme les dixmes du c grand quartier de la par" 8 de Larche avec le chanvre el le lin qui se trouve dans iceluy » à Jean Lafferme, clerc du présent lieu, Barthélémy Laroche, laboureur du village de Rignac, à Michel et Léonard Perrier, frères laboureurs à Coux « pour et moyennant la quantité de dix-neuf charges (2) de bled, seigle et froment bon et marchant et à la mesure de Brive scavoir neuf charges et demy froment et autant seigle ou bled valant seigle et la somme de vingt et six livres d'argent et cinq pintes (3) duille de graisne de lin ou de chenevit moyennant laquelle d. somme le chanvre et le lin qui se reculira dans led. quartier appartiendra auxd. fermiers, payable le susd. bled argent, et lin par lesd. fermiers conjointement et solidèrement l'un pour l'autre et lun deux seul et le melieur pour le tout renonsant au bénéfice de division et discution d'ordre du droit, scavoir led. bled et argent à la decolation saint JeanBaptiste prochain et le susd. huille à la feste de sainte Catherine prochain aussi bon et marchant » (4).
Le 8 juin 1732, il y a quelques modifications dans un contrat d'affermé, encore reçu Maury, et consenti par le même prieur à Guillaume Lestrade et Barthélémy Laroche, laboureurs à Rignac et à Jean Dumas. Libéral Crémoix, François Gibertie et Pierre Franchie, laboureurs à Larche. Il s'agit toujours du « grand quartier de la pnte paroisse, tout ainsi et de même que les précédents fermiers ont accoutumé de le
(1) Étude Beaudenon de Lamaze, de Larche.
(2) La charge valait 10 quartons et le quarton (mesure de Brive), 20 litres, 412.
(3) La pinte valait un litre, 974.
(4) Étude Beaudenon de Lamaze, de Larche,
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jouir pour le bled seulement, lade afferme faite par led. sr Lescure ausd. fermiers pour cette année seulement, et ce pour et moyenant la quantité de vingt et trois charges de bled moitié froment et l'autre moitié seigle et_ vingt quartons avoine le tout à la mesure de Brive bon et marchant la charge a dix quartons, une paire de dindes et un palier de cent gerbes de froment, le tout payable et portable à la maison presbiteralle à la decolation de saint Jean prochain sans' que led. sr prieur soit tenu de les exter à aucuns cas fortuits que la grelle sil en arrive à dire d'experts seulement, le tout payable conjointement et solidèrement l'un pour l'autre et le meilleur pour le tout » (1).
L'année suivante, il fallut donc passer un autre contrat avec les nouveaux fermiers, Libéral Crémoix, François, Pierre et autre François Gibertie, laboureurs à Larche, qui obtiennent une diminution de prix. Ils donnent seulement « dix huit charges et demy de bled moitié froment et moitié seigle à la mesure de Brive, led. bled bon et marchand et demy charge d'avoine, un pailler de cent gerbes de fromenf et une paire de chapons, payable led. bled avec la paille et le tout portable dans le grenier et grange dud. sr prieur, à la decolation de saint Jean et les chapons à la noel », avec la même réserve concernant seulement le cas de grêle, comme ci-dessus (2).
Mais, il n'y avait pas que la paroisse de Larche où le prieur prélevât la dîme. Il jouissait encore de celle de SaintCernin, son annexe, et, dans une quittance du 21 -juillet 1720, il déclare avoir reçu 120 livres « pour le prix de l'afferme du quartier de Dautrement et Boissière et nous sommes restés d'accord pour l'estimation du dégât de la grelle sans préjudice du surplus sil y en a.dans le contrat d'affermé pour ledit quartier pour l'année mille sept cent dix et neuf » (3).
(1) Étude Beaudenon de Lamaze, de Larche.
(2) Étude Beaudenon de Lamaze, de Larche.
(3) Archives personnelles.
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Mais ce reçu ne concernait qu'un fermier d'une partie de ce quartier, car il en donne deux autres pour ce même quartier de Dautrement et de Boissières, l'un, le 9 septembre 1720, de 80 livres pour le pacte passé de Notre-Dame et l'autre, le 17 novembre suivant, aussi de 80 livres, pour le pacte de la Saint-Martin, ce qui fait une somme de 280 livres pour le total des dîmes de ce quartier.
Les années suivantes, il reçoit toujours à peu près la même somme pour l'afferme de Dautrement et de Boissières ; mais il s'y'ajoute celle de 46 livres pour le quartier du Coustal et, à partir de 1726, les fermiers lui donnent en outre quatre paires de dindes.
En 1734, il délivre à cinq fermiers des reçus pour 520 livres et deux paires de chapons et notons encore qu'il n'est pas question des autres quartiers de la paroisse de SaintCernin, dont, nous retrouverons plus loin la valeur.
Claude Dayard, docteur en droit civil et canonique, chanoine de l'église collégiale de Saint-Martin de Brive (1), prieur de Larche, figure pour la première fois sur les registres paroissiaux dans un acte du 24 mai 1743 (2). Il paraît s'être renfermé paisiblement dans les fonctions de son ministère et avoir justifié le jugement favorable que l'évêque de Limoges, Charles-Louis du Plessis d'Argentré (3), inscrivait à son sujet dans son journal de visite : « Bon curé, honnête homme, d'un bon maintien ; de l'esprit et de la politesse ; considéré dans son canton (4). »
Le nom de sa mère, Izabeau Ladoux, nous est révélé par une procuration qu'il donne, le 22 mai 1747, à son père, Bernard, alors « habitant du village de Bournazeaud, parroisse de Preyssac d'Agounat en Pèrigord », à l'effet de recueillir sa succession (5).
(1) Ce titre lui est donné dans]un contrat d'affermé, reçu Dufour, le 2 septembre 1743. (Étude de Viviers, à Chasteaux.)
(2) Arch. municipales de Larche.
(3) Nommé évêque de Limoges le 3 septembre 175S, exilé en 1791, mort à Munster.
(4) Cité par Poulbrière (/oc. cit.).
(5) Archives personnelles.
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Il vivait en famille dans son presbytère avec son frère Bernard Dayard, qui mourut le 13 décembre 1771, âgé de 76 ans et fut inhumé dans l'église (1), et avec sa soeur, « delIe Léonarde Dayard, fille majeure et maîtresse de ses biens », qui testa en sa faveur, le 18 avril 1777 (2). et mourut âgée de 75 ans, le 18 avril 1780 (3). Une autre de ses soeurs, Catherine Dayard, était mariée à M. Labrue, bourgeois de la paroisse de Preyssac d'Agonac, diocèse de Périgueux et en avait une fille, appelée aussi Catherine, qui mourut à Larche, âgée de 20 ans, le 30 mai 1774 et fut inhumée le lendemain dans l'église (4).
Claude Dayard fit son testament, le 14 octobre 1778, par lequel il instituait son neveu, Jean Gay, sr de Leyssard, pour son légataire universel, ajoutant qu'il « donne et lègue la somme de cent livres pour être employé à faire des réparations aux sanctuaires et sacristies des églises de SaintSernin et de Larche » (5).
L'année suivante, le 6 septembre 1779, pardevant Lamaze, notaire royal à Larche, étant au château de Cousages, il « a reconnu et confessé en sad. qualité de prieur curé de la parr. de Saint-Sernin devoir à très haut et très puissant seigneur Mre Henry de Larochefoucauld Cousages, seigneur de Cousages, Chavaignac, Lacassaigne, Clavelier et autres lieux, lieutenant général des armées navalles du Roy, grand croix de l'ordre royal et militaire de Saint-Louis, demeurant ordinairement à Paris rue Cassele d'icy absent, mais très haute et très puissante dame Louise-Françoise de Larochechoir comtesse de Cousages son épouse sa fondée de procuration par acte du trente-un juillet dernier reçue par Le Couturier et son confrère not" 5 à Evreux pour led. seigneur son mary ici présente stipulante et acceptante savoir deux
(1) Arch. municipales de Larche.
(2) Étude Beaudenon de Lamaze, de Larche.
(3) Arch. municipales de Larche.
(4) Arch. municipales de Larche.
(5) Étude Beaudenon de Lamaze, de Larche.
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setiers (1) de millet à la mesure de Brive faisant quatre quartons de rente annuelle perpétuelle et seigneurialle pour raison de l'église de Saint-Sernin et des fruits d'icelle payable et portable à- la Saint-Juillen de chaque année en conformité de la reconnaissance du vingt six avril mil quatre cent soixante dix sept reçu par [ ] et rendue à noble et puissant seigneur Jean de Roufignac chevailler seigneur de Cousages acquéreur par échange du seigneur vicomte de Turene, par vénérable et religieu frère Élie d'Ayzat recteur ou chapellein de lad. église de Saint-Sernin de Larche prometant led. sr Dayard de venir à pareille reconnaissance toutes fois et quantes qu'il en sera requis et de fournir à ses fraix une expédition en forme de la présente reconnaissance au surplus se faisant fort lad. dame de faire approuver, allouer, ratifier et entretenir ces présentes partout que de besoin par led. seigneur comte de Cousages » (2).
Dès le mois de janvier 178!, Claude Dayard ne semble guère remplir les fonctions de son ministère et les actes de catholicité se trouvent à peu près tous écrits et signés par son vicaire. Muzac, qui devint chanoine de Turenne, après avoir été vicaire de Saint-Cernin de janvier 1782 en août 1789(3). Le vieux prieur préside cependant un enterrement, le 22 octobre 1783, mais il ne peut en rédiger l'acte et l'on y trouve la mention suivante, tracée d'une main bien mal assurée : « écrit de main d'autrui et signé de la mienne Dayard prieur de Larche (4). » L'heure de la retraite a sonné pour lui et il résigne ses fonctions, quelques semaines plus tard. Il resta cependant au milieu de ses paroissiens et continua d'habiter Larche, où il mourut le 11 janvier 1790, âgé de 83 ans (5).
Durant les quarante années que Claude Dayard eut la
(1) Le setier, mesure de Brive, valait deux quartons, soit 40 litres, 824,
(2) Étude Beaudenon de Lamaze, de Larche.
(3) Voir Annales de Sainl-Cemin-de-Larche, par le docteur Raoul Laffon, p. S4.
(4) Archives municipales de Larche.
(5) Arch. municipales de Larche.
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jouissance du prieuré de Larche et de ses annexes, il passa de nombreux contrats d'affermé des dîmes des différents quartiers, que nous allons successivement passer en revue et qui nous feront assez exactement connaître les revenus du prieuré pendant cette période de temps.
Le 2 septembre 1743, par contrat reçu Dufour, au bourg de Saint-Cernin, il afferma les quartiers de la Conche et du Coustal à Antoine Lafon, bourgeois au Peyroulet; à Jean Laroche, bourgeois à Maslegrèze ; à Antoine et autre Antoine Laroche, frères, praticiens à Laroche ; à Antoine Lestrade, praticien à Laroche ; à Pierre Veyssié, marchand à La Bouquerie et à Jean Molas, me charpentier à Barbelat, pour une durée de six ans et la redevance annuelle de 420 livres et de deux paires de dindes (1).
En 1744, il avait affermé pour six ans les dîmes du quartier de Lachassagne à Jean Delmas, charron à. Barbelat ; à Antoine Leymarie, meunier au Pont; à Jean dit Daulon, de Chazat et à Etienne Chantalat, marchand à Lajugie, qui, par acte du 30 juin 1744, reçu à Chasteaux par Dufour, les sous-affermèrent pour le même espace de temps à Jean Leygonie et à François Bigeat, laboureurs à Lachassagne, moyennant la somme de 60 livres par an et deux paires de poulets (2).
De 1746 à 1750, Claude Dayard donne à Jean Verlhac, fermier du quartier de Fournet, des reçus semestriels de 39 livres 7 sols 6 deniers, pour les pactes de la Noël et de la Saint-Jean, ce qui représente un revenu annuel de 78 livres 15 sols pour ce seul quartier. Cette série de reçus inscrits, suivant la coutume de l'époque, sur un petit cahier spécial, se termine par la mention suivante : « Je soussigné certifie à tous ceux qu'il appartiendra que je suis content et satisfait de Jehan Verlhac de toutes les affaires que nous avons eu ensemble jusques au jour pnt en qualité de fermier du quar(1)
quar(1) de Viviers, à Chasteaux.
(2) Étude de Viviers, à Chasteaux.
T. XXXVI. 2-10
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tier de Fournet à Larche ce 10 mai 1750. Dayard prieur de Larche (1). »
Le 23 juin suivant, par acte reçu à Saint-Cernin par Dufour, il afferme, pour six ans, les dîmes des quartiers de Fournet et Laroche à ce même Jean Verlhac, de Chazat; à Etienne Chantalat, marchand à Lajugie ; à Jean Veysset, praticien à Saint-Cernin ; à Pierre Leymarie, marchand à Fournet et à Antoine Laroche, aussi marchand, moyennant' 500 livres d'argent, une charge d'avoine de dix quartons la charge, quatre codindes et douze chapons (2).
Le 27 juin suivant, Claude Dayard passe encore à SaintCernin, pardevant le même Dufour, un contrat d'affermé pour les dîmes du quartier du Coustal, sis en la paroisse de Saint-Cernin, avec François Laroche, bourgeois à Maslegrèze ; Jacques Lalle, charpentier ; Jean Dheur, de la Boucarie ; Jean Mercier, tailleur d'habits, « pour six années complètes et révolues, la présente comprise, pour et moyennant, chacune d'icelles la somme de deux cent quarante livres et deux paires de codindes, payables en deux pactes égaux, à la Noël et à la Saint-Jean » (3).
Par le même acte, il afferme à Jean Delmas, charron ; à Pierre Verlhac, marchand ; à Bernard Reynier, travailleur du -village de Barbelat et à Pierre Neuville, laboureur à Lapalain, le quartier du Causse, aussi pour six ans, à raison de 177 livres et deux paires de chapons, payables annuellement de la même façon que ci-dessus.
Enfin le quartier de la Ponche est aussi affermé pour six ans. à Jacques Lalle, de La Bouquerie ; à Bernard Molas, laboureur à Chazat; à Jacques Veysset, marchand à SaintCernin; à François Bigeat, marguillier, pour 220 livres et deux paires de codindes « au moyen de quoi led. sr prieur promet et s'oblige de faire jouir des susdits quartiers de tous les fruits décimaux ». Tous les fermiers sont solidaires quartier par quartier et l'un pour l'autre. Cet acte fut
(1) Archives personnelles.
(2) Étude de Viviers, à Chasteaux.
(3) Arch. départementales de la Corrèze, B, 1451.
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contrôlé à Brive, le 3 juillet suivant par Aroun qui a perçu 6 livres 12 sols (1).
Le 9 janvier 1751, Claude Dayard, par contrat reçu Maury, a « affermé pour six années et six récoltes, desquelles il y a deux d'écoulées, à Pierre Lafon, marchand ; Gabriel Bousquet, Jean Laval, laboureurs habitans du village de Dautrement et à Jacques Neuville aussi labr'habitant du village de la Bouquerie, tous paroisse de Saint-Cernin icy présens et acceptans, scavoir est tous les fruits décimaux du quartier
de Dautrement moyennant le prix et somme de cent
quatre vingt dix livres annuellement, payable la moitié à la Noël et l'autre moitié à la Saint-Jean » (2).
Le 21 décembre 1756, par contrat reçu à Larche par Dufour, Claude Dayard renouvelle des fermes de dîmes et concède pour six ans celles des quartiers de Fournet et de Lachassagne à Bernard Eymard, du Soulié ; à Martin Veyssié, de Lachassagne; à Bernard Comte, de Maslegrèze; à Jean et autre Jean Mercier frères, du Peyroulet, pour ia somme de 350 livres et deux paires de codindes, chaque année (3).
Quant aux quartiers de la Ponche et du Goustal, ils sont affermés aussi pour six ans à Bernard Molas, de Chazat; à Antoine Leymarie, du Soulié ; à Bernard Leymarie, de la Bouquerie et à François Bigeat, de Saint-Cernin, moyennant 550 livres par an et deux paires de codindes (4).
Le 6 juin 1759, par acte reçu Maury à Larche, ce prieur afferme pour six ans à sr Barthélémy Girard, bourgeois, habitant Brive « la dixme du village de Puyjubert présente paroisse, concistant en bled, vin et autres fruits décimaux tout ainsi et de même que les précédans fermiers ont accoutumé de jouir, lad. afferme ainsi faite moyennant le prix et somme de quarante huit livres et une paire de dindes
(1) Arch. départementales de la Corrèze, B, 1451.
(2) Étude Beaudenon de Lamaze, de Larche.
(3) Étude de Viviers, à Chasteaux.
(4) Étude de Viviers, à Chasteaux.
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annuellement, payable lad. somme scavoir la moitié à la Saint-Jean et l'autre moitié à la Noël de chaque année, avec lesd. dindes, sans que led. sieur Dayard soit tenu à aucun des cas généraux » (1).
Le 9 juin 1760, contrat d'affermé, pardevant le même notaire et pour six années, à Bernard Faure, me menuisier et à Jean Lavergne, travailleur, habitant Larche, de « la moitié de tous les fruits décimables de la présente paroisse en quoy qu'ils puissent consister ainsi et de même que les
précédens fermiers ont accoutumé de les jouir pour le
prix et somme de deux cent soixante livres annuellement et une paire de dindes, payable solidairement, et par corps en deux pactes égaux le premier desquels échoira à la Noël prochain et l'autre à la Saint-Jean d'ensuite et ainsi des autres années jusqu'au bout desd. six années et les dindes aussi auxfettes de la Noël de chaque année sans que led. sr prieur soit tenu à aucun des cas fortuits ordinaires et extraordinaires prévus et à prévoir auxquels lesd. preneurs ont par exprès renoncé, sans quoy il n'aurait affermé à aussi modique prix >; (2).
Le 15 juin 1761, contrat d'affermé, reçu à Larche par Dufour, notaire à Chasteaux. pour six ans. en faveur de Jean Delmas, Hugues Molas, travailleurs à Barbelat, et de Jean Dupeyroux, travailleur à Lapalain, se rapportant au quartier du Causse, de la paroisse de Saint-Cernin, moyennant. 177 livres par an et deux paires de chapons (3).
Le 30 mai 1762, contrat d'affermé, reçu Maury, pour sept années, en faveur de Gabriel Bousquet, François Sage, Jean Lestrade, François Neuville, tous laboureurs à Dautrement et Jean Rouffignac, de Boissières, de « tous les fruits décimables du quartier de Dautrement ainsi et de même que les anciens fermiers avaient accoutumé de le jouir moyennant le prix et somme deux cent cinquante livres annuelle(1)
annuelle(1) Beaudenon de Lanlaze, de Larche.
(2) Étude Beaudenon de Lamaze, de Larche;
(3) Étude de Viviers, à Chasteaux.
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ment et cinq cocs dindes aussi annuellement, solidairement l'un pour l'autre et le meilleur est seul pour le tout en deux pactes égaux le premier desquels eschoira le vingt, cinq octobre prochain et le second le vingt cinq avril d'ensuite et ainsi d'année en année jusques à la fin dud. bail et les dindes à la Noël de chaque année, sans que led. sieur prieur soit tenu à aucun rabais pour cas fortuits prévus et imprévus ordinaires et extraordinaires, renonçant lesd. preneurs auxd. cas sans quoy led. sr prieur n'aurait affermé à un si bas'prix » (1).
Ce même jour, 30 mai 1762, autre afferme à François Chantelat, laboureur à Fournet et à Joseph et Michel Ghantalat, marchands à Lajugie, de « tous les fruits décimables du quartier de fournet et de Lachassagne sis et situés en la
paroisse de Saint Sernin moyenant le prix et somme
de trois cent livres annuellement et six dindes aussi annuellement moitié maies et moitié femelles », pa3rables solidairement à la Saint-Jean et à la Noël et les dindes à la Toussaint (2).
Encore le même jour, troisième contrat d'affermé à Bernard Molas, laboureur à Chazat pour cette année seulement de « tous les bleds décimables du quartier du Goustal sis
et situé dans la paroisse de Saint-Sernin moyenant la
quantité de quatre charges et demy de froment, deux d'avoine, une d'orge et les autres quatre et demy de méture, la charge à raison de dix quartons, que lesd. parties ont évalué à la somme de huit livres, lequel bled led. preneur promet et s'oblige de payer et porter dans le grenier dud. sieur prieur immédiatement après qu'il l'aura battu et de le lui faire bon et marchand » (3).
Enfin, le 14 septembre suivant, quatrième acte d'affermé pour cette année seulement au même Bernard Molas, de Chazat, concernant « le vin de la dixme du quartier du
(1) Étude Beaudenon de Lamaze, de Larche.
(2) Étude Beaudenon de Lamaze, de Larche.
(3) Étude Beaudenon de Lamaze, de Larche.
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Coustal situé dans lad. paroisse de Saint-Sernin, que led. Molas a dit bien connaître et scavoir, lad. afferme faite moyenant la quantité de huit muids de vin bon et marchand payable à la sortie de la cuve, mesure dud. Larche » (1).
Les dîmes de ce quartier du Coustal n'étaient donc cédées que pour un an et payables en nature, probablement pour se rendre compte de leur valeur réelle. Car, dans le contrat d'affermé qui fut passé l'année suivante, on constate une forte augmentation sur celui du 27 juin 1760, qui avait été consenti pour 240 livres et deux paires de dindes.
En effet, le 4 juin 1763, toujours pardevant le notaire Maury, Claude Dayard « a donné comme il donne par les présentes à titre de bail à ferme pour sept années avenir complettes et révolues à commencer la présente année à Mathieu Lachèze, pratien habitant du village de Maslegrèze; à Biaise Mercier ardoiseur habitant du village du Peyroulet tous paroisse de Saint-Sernin; à Jean Marjarit travailleur habitant du bourg de Saint-Sernin, et à Antoine Leymarie tailleur hab' de la pnte ville icy présens stipulans et acceptons scavoir est tous les fruits décimables du quartier du Coustal ainsi et de même que les anciens fermiers avalent accoutumé de le jouir lequel lesd. preneurs ont dit connaître par tenans et aboutissans. Lad. ferme ainsi faite pour et moyennant le prix et somme de trois cent livres et deux paires de dindes annuellement paiable lad. somme de trois cent livres solidairement l'un pour l'autre et le meilleur en seul pour le tout en deux pactes égaux le premier desquels eschoira aux fêtes de la Noël prochain de chaque année avec les deux paires de dindes et le second à la Saint-Jean d'ensuite et ainsi d'année en année jusques à fin du bail, sans que le sr prieur soit tenu à aucun rabais pour cas fortuits prévus et imprévus ordinaires el extraordinaires auxquels lesd. preneurs ont renoncé par exprès sans laquelle clause led. sieur prieur n'aurait affermé à aussi modique prix, demeurant convenu entre lesd. parties qu'en cas où
(t) Étude Beaudenon de Lamaze, de Larche.
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lesd. preneurs se trouvent embarrassé pour loger le vin dud. quartier ils seront tenus de faire faire une cuve et led. sr prieur s'oblige de leur passer à compte le montant dicelle scavoir la moitié sur le pacte de la Noel et l'autre moitié sur celluy de la Saint-Jean, moyenant quoy il s'oblige de faire jouir paisible lesd. preneurs du quartier de dîme, envers et contre tous à peine de tous dépens domages et intérêts » (1).
Le 15 juin suivant, nouvel acte d'affermé à Bernard Molas, clerc, habitant Chazat, de « tout le lin et le chanvre du quartier de la ponche, moyennant la quantité de trente cinq livres de Brin en quenouillées et quatre quartons de graine de lin le tout évalué à la somme de vingt livres le tout payable au mois de septembre prochain lad. ferme ainsi faite pour cette année seulement » (2).
Le 26 avril 1765, par acte reçu à Larche par Dufour, il afferme pour six ans à Antoine Roume et Antoine Lestrade, praticiens à Laroche ; à Bernard Molas, praticien à Chazat et à François Chantalat, marchand à Lajugie, le quartier de dîmes de Laroche, moyennant 280 livres par an et deux paires de codindes à chaque fête de la Toussaint (3).
Le 6 mai 1765, contrat d'affermé pour six ans à François Vedrenne, bourgeois et à Jean Tassain,-batelier, habitant Larche, de « tous les fruits décimables du quartier de la ponche ainsi et de même que les anciens fermiers ont accoutumé de le jouir, lequel lesd. prenneurs ont dit connaître sauf de la présente que led. sr prieur se réserve la jouissance de la moitié des fruits dud. quartier. Lad. ferme ainsi faite moyenant le prix et somme de deux cent quarante livres annuellement et deux paires de dindes, paiable lad. somme de cent quarante livres en deux pactes égaux et annuels le premier desquels n'eschoira quà la Noël de l'année mil sept cent soixante six et le second à la SaintJean d'ensuite, et ainsi consécutivement d'année en année
(1) Étude Beaudenon de Lamaze, de Larche.
(2) Étude Beaudenon de Lamaze, de Larche.
(3) Étude de Viviers, à Chasteaux.
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jusqu'à la fin dud. bail et les dindes .à la Noël aussi de chaque année, et attendu la reserve que led. sieur prieur fait de la moitié des fruits de cette année lesd. preneurs ne seront tenus de luy donner qu'une paire de dindes, en déduction duquel prix de bail lesd. fermiers ont payé aud. sr prieur le montant, de leur portion de ferme de la présente année et seront tenus de faire la levée de la portion réservée, led. prix de bail payable solidairement, par lesd. preneurs aux pactes cy dessus expliqués, renonçant au bénéfice
de division et discution de droit et avant la signature
du présent contrat lesd. preneurs ont déclaré renoncer à tous les cas fortuits ordinaires et extraordinaires prévus et à prévoir sans quoy led. sr prieur n'aurait fait la présente ferme » (1).
L'année suivante, le 22 mai 1766, afferme pour six ans à François Albert, marchand à Larche, de « toute la part et portion des fruits décimables du quartier de Puyjubert, appartenant au sr prieur, situé en la présente paroisse et ce moyennant le prix et somme de quarante huit livres annuellement payable la moitié à la Noël prochain et l'autre moitié à la Saint-Jean d'ensuite et ainsi et pareillement d'année en année jusques à la fin dud. bail » (2).
Lorsque ce bail fut expiré. Claude Dayard changea de fermier et en augmenta légèrement, le prix. Ces dîmes du quartier de Puyjubert furent alors concédées, par acte du 6 mai 1772, à Etienne Bouret, cordonnier et à Pierre Gibertie. travailleur, tous deux habitant Larche, pour le prix annuel de cinquante livres et une paire de dindes (3).
En l'année 1774, le prieur de Larche renouvela tous ses baux de dîmes dans la paroisse dé Saint-Cernin et par acte reçu Lamaze, le 20 février, il afferma pour sept ans au sr Jean Veysset, praticien au bourg de Saint-Cernin, « tous les fruits décimaux de lad. paroisse de Saint-Sernin apparte(1)
apparte(1) Beaudenon de Lamaze, de Larche.
(2) Étude Beaudenon de Lamaze, de Larche.
(3) Étude Beaudenon de Lamaze, de Larche,
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nant aud. sr prieur en sad. qualité, excepté les quartiers appelle de la ponce et ce qui compose et fait partie du grand quartier de la présente ville qui ne-font point partie du présent bail led. sr Veysset ne devant jouir que les quartiers de Fournet, Laroche, Lachassagne, Barbelat, le Coustal et Dautrement avec leurs appartenances et dépendances tels et les mêmes que les precedens fermiers les ont jouis en quoy que les fruits et revenus decimeaux d'iceux consistent
et puissent consister pour et moyenant le prix et somme
de mille sept cent dix livres que led. Veysset s'oblige payer annuellement en deux pactes égaux de huit cent cinquante cinq livres dont le premier echéra à la Saint-Jean prochain le second à. la Noël ensuite et ainsi d'année en année à pareil jour pendant la durée du présent bail, au payement de laquelle somme de mille sept cent dix livres annuellement led. Veysset a obligé affecté et hypotequô tous et uns chacuns ses biens presens et avenir, même sa propre personne, sera encore tenu led. preneur de donner chaque année dud. bail aud. sr prieur six cocqs dindes payables à la Sainte-Catherine vingt cinq novembre, payera en outre led. preneur les Banquets aux habitants de lad. parr. ainsi et de même que les precedans fermiers étaient dans l'usage de les payer, demeurant expliqué que led. preneur renonce à tous les cas fortuits presens ou à prévoir de sorte que quels événements fortuits qui arrivent led. Veysset sera tenu de payer le prix dud. bail et pour loger le vin en partie d'iceluy que led. Veysset recueillira dans lad. parr. led. sr prieur luy laissera les cuves et bariques qui sont actuellement dans les quartiers affermés, desquelles cuves et barriques sera incessament fait état pour que led. Veysset en rende pareille quantité et dans le même état et de la même contenance à la fin du présent bail » (1).
Le fermier, Jean Veysset, avait sans doute pris une trop grosse affaire pour lui seul ; car, par acte du 22 juin suivant, reçu Lamaze, il sous afferme pour sept ans « la moitié des
(1) Étude Beaudenon de Lamaze, de Larche.
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fruits et revenus décimeaux du quartier du Coustal » à Antoine et Bernard Leymarie frères, led. Antoine, marchand à Larche et led. Bernard, laboureur à Barbelat, poulie prix de 175 livres, payables à la Noël et à la Saint-Jean, plus un cop dinde à la Noël, a La perception de l'entière récolte ou fruits décimeaux seront, perçus par lesd. preneurs et le fils dud. bailleur ou tel autre qu'il luy plaira préposer, lesquels fruits et revenus ainsi perçus seront partagés par moitié entre lesd. preneurs et led. fils ou préposé dud. Veysset (1). »
Nous venons de voir que le quartier de la Ponce était exclu du contrat général du 20 février 1774. Claude Dayard ne l'afferma que le 12 décembre suivant, aussi pour sept ans, à François Veyssié, laboureur à La Bouquerie; à François Jaubert, laboureur à Chazat et à Jean Delmas, fils cadet, me charron à Barbelat « moyenant le prix et somme de trois cent livres, laquelle somme de trois cent livres lesd. Veyssié, Jaubert et Delmas promettent et s'obligent solidairement l'un pour l'autre avec renonciation aux bénéfices de division, discution et ordre de droit, de payer aud. sr prieur annuellement pendant la durée du présent bail le jour de la Saint-Jean vingt quatre juin à commencer le premier payement le jour de la Saint-Jean mil sept cent soixante seize pour continuer ainsi chaque année dud. bail et à pareil jour, ayant payé sur ces présentes et par anticipation la somme de trois cent livres en argent de cours pour le prix de lad. ferme pour l'année mil sept cent soixante quinze, le tout pris et retiré par led. sr prieur après due vérification s'en est contenté, dont quittance ; payeront annuellement, lesd. preneurs et chaque année dud. bail quatre coqs dindes aux fêtes de la Noël (2) ».
L'expiration de ces baux survenait en 1781 ; Claude Dayard s'occupa donc de leur renouvellement, et, dès le 27 août 1880, il passait avec de nouveaux fermiers, pardevant le
(1) Étude Beaudenon de Lamaze, de Larche.
(2) Étude Beaudenon de Lamaze, de Larche.
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notaire Lamaze, les quatre actes suivants pour une nouvelle période de sept ans :•
1° avec François Deviers, praticien à Fournet, et Etienne Bouret me cordonnier à Larche, pour les « fruits descimeaux qui peuvent luy appartenir dans les cartiers de Fournet et La Chassagne situés dans la paroisse de SaintSernin moyenant le prix et somme de cinq cent dix
livres en deux pactes égaux et annuels à commencer le
premier payement à la Noël de l'année prochaine et le second à la Saint-Jean ensuitte » (1).
2° avec François Laroche, bourgeois à Maslegrèze et François Coudert, praticien à Maslegrère, pour les « fruits et revenus décimeaux qui peuvent lui appartenir dans le quartier appelé le Coustal situé en lad. parr. de SaintSernin pour et moyenant le prix et somme de trois cent
soixante dix livres », payable en deux pactes égaux à la Noël et à la Saint-Jean (2).
3° avec François Laroche, bourgeois à Maslegrèze, pour « tous et uns chacuns les fruits décimeaux qui peuvent luy appartenir dans le quartier de Laroche, situé en lad. par. de la Chassaigne, tel et le même qu'il se compte et est
coutumié d'être joui par led. sieur prieur ou ses fermiers
pour et moyenant le prix et somme de quatre cent vingt livres », payables en deux pactes égaux, à la Noël et à la Saint-Jean (3).
4° avec Jean Veysset, marchand au bourg de SaintCernin, pour « tous et uns chascuns les fruits et revenus descimeaux qui peuvent luy appartenir dans le quartier du Causse situé en laditte paroisse de Saint Sernin tel et le
même qu'il se comporte pour et moyenant le prix et
somme de deux cent soixante livres », payables comme ci-dessus (4).
(1) Étude Beaudenon de Lamaze, de Larche.
(2) Étude Beaudenon de Lamaze, de Larche. 3) Étude Beaudenon de Lamaze, de Larche. ,4) Étude Beaudenon de Lamaze, de Larche.
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Le 3 septembre suivant, le quartier de Dautrement fut affermé pour sept ans à Jacçmes Veysset, marchand à Saint-Cernin et à Antoine Leymarie, aussi marchand à Larche, qui le sous-affermèrent à leur tour, par acte du 20 mai 1781, à Bernard Gauthier, laboureur à Lafarges, « dans tout le terrain qui se trouve enclavé et au-dessus du chemin qui vient du village de Bigeat à La Farge et de ce dernier lieu à Jaf ensemble la dixme qui peut leur appartenir dans les possessions dud. Gauthier et de certains fonds en vigne tenant à ceux dudit Gauthier appartenant à Jean Rouffignac, Pierre Brival et à François Verlhac et terre de Jacques Delbary appellée sous le Roc et les vignes desdits Rouffignac, Brival et Verlhac appellée al Gravier », pour 90 livres et deux paires de poulets chaque année, payables moitié à la Noël et moitié à la Saint-Jean, avec les poulets (1).
Enfin, le 9 avril 1782, dernier bail à ferme, consenti par Dayard, pour six ans, à François Coutausse, praticien à Larche, de tous « les fruits et revenus décimables aud. prieur app 1 en sad. qualité sur le quartier de la Ponsse situé en lad. parr. de Saint-Sernin ». pour 320 livres par an, toujours payables en deux pactes et aux mêmes époques de l'année (2).
A présent, synthétisons ces différents contrats consentis par le prieur Claude Dayard et nous nous rendrons facilement compte des revenus qu'il retirait de chaque quartier de son prieuré, en même temps que de leur augmentation successive durant la période de temps qu'il resta en fonc lions.
Le quartier du Coustal était affermé :
En 1750, 240 livres et deux paires de dindes. En 1763, 300 livres.
En 1774, 300 livres et quatre coqs dindes. En 1780, 370 livres.
(1) Étude Beaudenon de Lamaze, de Larche.
(2) Étude Beaudenon de Lamaze, de Larche.
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Le quartier de la Ponche ou la Ponce :
En 1750, 220 livres et deux paires de dindes. En 1765, 240 livres. En 1782, 320 livres.
Le quartier de Dautrement :
En 1751, 190 livres.
En 1762, 250 livres et cinq coqs dindes.
Les quartiers de Fournet et Lachassagne :
En 1762, 300 livres et six dindes. En 1780, 510 livres.
Le quartier du Causse :
En 1750, 177 livres et deux paires de chapons. En 1761, 177 livres et deux paires de chapons. En 1780, 260 livres.
Le quartier de Puyjubert :
En 1759, 48 livres et une paire de dindes.
En 1766, 48 livres.
En 1772, 50 livres et une paire de dindes.
La paroisse de Larche rapportait : En 1760, 260 livres et cinq coqs dindes.
La paroisse de Saint Cernin rapportait : En 1774, 1.710 livres.
Nous arrivons donc au chiffre de 1,970 livres de revenu annuel que produisaient le prieuré de Larche. C'est exactement le chiffre accusé par la municipalité de Larche à à l'administration du district de Brive, par sa lettre du 24 pluviôse an II (12 février 1795), conçue en ces termes :
« Citoyens, la commune de Larche était divisée en quatre quartiers savoir le grand quartier qu'on pouvait apretier environ , 1.200
Le quartier de Boissière et Dautrement affermé par contrat du 9 septembre 1787 moyenant 450
Le quartier de la Ponche 320
""77970 Signé : BARUTEL maire; LAMAZE s. (1). »
(t) Arch. départementales de la Corrèze, L, 573.
— 354 —
Cependant la cure de Larche n'est inscrite à l'article 146 du rôle des vingtièmes de 1780 que pour un revenu de 1,800 livres, avec une taxe de 198 livres; le bâtiment, et le jardin du presbytère, figurant à l'article 1er des Biens ecclésiastiques de ce même rôle ne sont pas imposés et sont suivis de la mention « main morte ». Dayard ne se trouve aussi que pour mémoire à l'article 79 du rôle des impositions de 1784(1). Il figure sur 1' « état des ecclésiastiques, gentilshommes et privilégiés qui jouissent en affranchissement d'impositions des hériiages en préclotures et corps de domaines », fait à Brive le 7 janvier 1788, avec la mention suivante : « Le sr Dayard prieur de Larche. 47 perches d'étendue d'héritage en précloture estimé 10 ' pour l'abonnement des héritages affranchis » (2).
Jean-Baptiste Beaudenon de Lamaze, docteur en droit civil et canonique, succéda à Claude Dayard au prieuré de Larche, à la fin de l'année 1783 et signa pour la première fois les registres paroissiaux le 15 janvier 1784. Il venait de la cure de Montferrand, au diocèse de Sarlat.
Né le 13 novembre 1751, il fut baptisé à Pazayac, le lendemain, « âgé d'un jour, fils légitime à me Martin Beaudenon de Lamaze avocat en parlement et à dcIle Jeanne de Juge conjoints hab" du lieu de Lamaze présente paroisse a été parrain Jean Baptiste Beaudenon de Lamaze son frère et marraine demoiselle Elizabeth de Juge, tante maternelle qui ont signé avec moi, Delfaud, curé de pazayat » (3).
Il ne fut pas inquiété pendant la période révolutionnaire, grâce sans doute à la protection de son frère et parrain, qui était alors notaire à Larche et avait embrassé ostensiblement les idées nouvelles. Il se retira à Lamaze chez un autre de ses frères. Jacques Lamaze. qui était officier municipal de Pazayac et y mena une vie tranquille et effacée; aussi, constate-t-on que, le 23 vendémiaire an III (14 oc(1)
oc(1) départementales de la Corrèze, C, 193.
(2) Arch. départementales de la Corrèze, C, 175.
(3) Arch. municipales de Pazayac.
— 355 —
tobre 1794), la municipalité de Pazayac, réunie dans le lieu ordinaire de ses séances, a « délivré un certifiquat de civisme à Jean Baptiste Lamaze ex-curé de Larche » (1).
Après le concordat, il revint à Larche, où il reprit possession de sa cure. Après en avoir été le dernier prieur, il en fut le premier doyen. Gratifié du titre de chanoine honoraire de Tulle, il mourut à son poste, le 18 août 1815, âgé de 64 ans.
Quant aux revenus du prieuré, Jean-Baptiste Beaudenon de Lamaze n'eut pas d'abord à s'en occuper, mais seulement à jouir des baux passés par son prédécesseur et qui ne venaient à expiration qu'en 1788. Il ne songea donc à leur renouvellement qu'en 1787.
Le 6 août de cette année, par contrat reçu par son frère, le notaire de Larche, il afferme pour sept ans à François Coutausse, praticien à Larche, les « fruits et revenus descimables aud. sr prieur apartenant en sad. qualité sur le Cartier appelle de la Ponche situé en la paroisse de SaintSernin » pour 320 livres annuelles, payables en deux pactes égaux, à la Saint-Jean et à la Noël (2).
Le 9 septembre suivant, quatre baux sont consentis par le prieur pour une période de neuf ans (3) :
1° A Pierre Veysset, clerc; Henry Roume, praticien; François Chantelat, laboureur, habitants du village de Laroche, paroisse de Saint-Cernin, et Jean Bigeat, laboureur à Acher, des « fruits décimaux qui peuvent lui apartenir dans' le quartier de Laroche situé en lad. parre de SaintSernin' » pour 470 livres annuelles, payables aussi en deux pactes ;
2° A Bernard Sourzac, laboureur à Barbelat, des « fruits et revenus descimeaux qui peuvent lui apartenir dans le quartier du Causse situé en la paroisse de Saint-Sernin », pour 300 livres annuelles, payables comme ci-dessus ;
3° A François Coutausse, marchand à Larche, de « tous
(3) Arch. municipales de Pazayac, registre de la municipalité.
(2) Étude Beaudenon de Lamaze, de Larche.
(3) Étude Beaudenon de Lamaze, de Larche.
— 356 —
les fruits et revenus décimaux aud. sr prieur appartenant dans les quartiers appelles de Fournet et de Dautrement », pour 950 livres par an ;
4° A Jacques Veysset, à Saint-Cernin et à François Coudert, laboureur à Maslegrèze, des « fruits et revenus décimeaux qui peuvent, lui appartenir dans le quartier appelle du Coustal », pour 445 livres annuelles.
Ces prix de ferme ont encore augmenté sur les précédents d'une façon assez considérable et. ces baux, qui ne concernent que la paroisse de Saint-Cernin, font ressortir les revenus de celle-ci seule à 2,485 livres, se décomposant ainsi qu'il suit :
Quartier de la Ponche 320 livres.
Quartier de Laroche 470 —
Quartier du Causse 300 —
Quartiers de Fournet et de Dautrement.... 950 —
Quartier du Coustal 445 —
TOTAL 2.485 livres.
En y ajoutant ceux de la paroisse-de Larche, il en ressort que les revenus totaux du prieuré s'élevaient à peu près à 2,700 livres au moment de la Révolution. C'est, d'ailleurs, à peu près le chiffre que l'on trouve dans 1' « état des augmentations résultantes des opérations exigées par le conseil qui devaient avoir lieu pour les impositions de 1789 ». On y lit. en effet, au numéro 33, comprenant la paroisse de Larche et Boissières, que le revenu des biens ecclésiastiques s'élève exactement à 2,670 livres (1).
Ce chiffre indique le revenu net, après déduction des charges incombant au prieur, "telles que les honoraires du vicaire, l'entretien des maisons et sacristies dépendant du bénéfice ; car, selon la déclaration même du prieur Lamaze, faite le 23 décembre 1790, « le bénéfice de Larche à régir vaut au-dessus de quatre mille livres ». Le chiffre de 2,485 livres n'est que le total du produit des baux à ferme. Il faut
(2) Arch. départementales de la Corrèze, C, 1G9 bis.
— 357 —
y ajouter « le grand quartier appelle de Larche régi par le titulaire, composé de Larche, ses dépendances el des villages de Peyrefumade, Rignat, Issalot, Bedenas et Puy^ jubert qui vaut année commune de revenu net la somme de
mille livres, cy 1,000 livres. »
« sans en comprendre les batimens et jardin du presbitère, non plus qu'un pred obituaire dépendant dud. bénéfice situé sur la paroisse de Pazayac en Pèrigord du prix de soixante
livres de ferme, cy. 60 livres. »
« Laquelle déclaration je soussigné certifie véritable à Larche le 23 décembre 1790. Lamaze prieur curé de Larche et Saint-Sernin son annexe (1). »
Dr RAOUL LAFFON. (A suivre.)
(1) Arch. départementales de la Corrèze, Q 199.
MEGROLO GKEEI
Le Vieomte Jean d'Ussel
Le Vicomte Jean d'Ussel, capitaine de réserve au 263e de Ligne, a été tué le 28 août 1914, à la tête de sa compagnie, d'une balle dans le coeur, au combat malheureux de Rocquigny, près Bapaume, où le champ de bataille est resté à l'ennemi ; il a été enterré sur place comme ses soldats, et à côté d'eux.
Le capitaine d'Ussel, né le 2 avril 1874, était le fils aîné du Comte Philibert d'Ussel, inspecteur général des Ponts et Chaussées ; il était aussi neveu de notre ancien collaborateur du Bidletin, le Baron d'Ussel, ex-officier supérieur, et, par son mariage avec sa cousine, était devenu le gendre • du Marquis d'Ussel, ancien officier de cavalerie, habitant Limoges : capitaine de réserve par suite de son grade forestier, il s'était fait transférer comme officier de réserve dans la région du 12e Corps ; c'est donc au milieu de compatriotes qu'il est tombé au champ d'honneur.
Brillant élève de l'Institut agronomique, M. Jean d'Ussel entra à l'Ecole forestière, et en sortit en 1896, en tête de sa promotion : aussi devint-il très vite Inspecteur-adjoint des Eaux et Forêts. Il a exécuté dans les Pyrénées de grands travaux de reboisement et de défense contre les inondations, et ces travaux lui avaient valu, en 1902, la croix du Mérite agricole. Alpiniste passionné, on lui doit l'exploration d'itinéraires réputés avant, lui impraticables, et auxquels il a attaché son nom ; il a écrit de nombreux articles sur ses
VICOMTE JEAN D'USSEL
CAPITAINE FORESTIER
tué au combat de Rocqaigny le 28 août idlU à la tête de ta 22* compagnie du 203' Régiment d'Infanterie
— 359 —
ascensions dans les différentes revues de l'alpinisme et publié en outre séparément un petit ouvrage fort attrayant : Excursions et Impressions pyrénéennes (Paris, Pion, 1901). Un des comptes rendu qui en ont été faits qualifie l'auteur du titre de « Professeur d'énergie ».
Sur sa demande, il fut mis en disponibilité en 1904, pour s'occuper de ses propriétés de famille en Limousin, dans l'arrondissement d'Ussel où les grandes étendues incultes sont- favorables aux expériences de sylviculture. Mais, à côté, il employait ses loisirs à refaire une histoire plus complète de l'année 1813, surtout au point de vue diplomatique. A cette fin, il fit de fructueux séjours en Allemagne et en Autriche, avec de profondes et minutieuses recherches dans les archives ; de ces travaux sont sortis deux importants volumes puissamment documentés : La Défection de la Pî'usse (Paris, Pion, 1907), et L'Intervention de l'Autriche (Paris, Pion, 1910). L'Académie des sciences morales et politiques avait couronné ses deux ouvrages en lui décernant un de ses prix, en juillet 1914.
Sa perte sera d'autant plus regrettée dans notre Société que l'historien, devenu des nôtres depuis 1912, promettait à notre Bulletin, sa précieuse collaboration; il apportait d'ailleurs un dévoûment passionné à tout ce qui touchait notre pays. Sa fin héroïque terminant une existence si courte et si bien remplie nous rappelle son arrière-grand-oncle que nous avons commémoré en 1912, à Brive même, ville natale du jeune héros, le lieutenant Hector d'Ussel, officier de la Légion d'honneur à 22 ans, mort à 24 et tué également à l'ennemi, après la plus brève et plus glorieuse carrière militaire (1).
(1) Voir Bulletin de la Société, t. XXXIII, 4* livraison 1911, parue en 1912, pp. 254-69. — La publication de la notice sur Hector d'Ussel fut accompagnée de cérémonies du Souvenir français qui, sur l'initiative du commandant Breton de La Leysonnie, fit inscrire les noms et qualités du jeune héros sur le monument commémoratif des soldats morts au champ d'honneur, monument érigé au cimetière de la ville.
— 360 —
Nous devons adresser à la famille d'Ussel, toujours si dévouée par traditions séculaires à toutes les oeuvres intellectuelles et sociales du pays, l'assurance de la part très vive et respectueuse que nous prenons à son nouveau deuil qu'auréole le sacrifice pour la Patrie.
Louis DE NUSSAC.
TABLE GÉNÉRALE DES MATIÈRES
Pages Liste des M embres de la Société 5
Souvenir de la Bataille de Noisseville ou de Servigny-les-SainteBarbe, par M. le Colonel Vermeil de Conchard 17
Causes géologiques du tassement de versant à Noailhac, par M. J. Watelin 29
Les Annales de Larche en Bas-Limousin, par le Docteur Raoul Lafon 33, 334
Antoine de Chabannes (1408-1488), sa Famille et ses Souvenirs, à Dammartin-en-Goêle, par M. NOEL-CADET 53
Etude sur divers Ateliers monétaires connus du Bas-Limousin, par M. J.-B. Finck 85, 227
Documents sur la Baronnie de Castelnau de Bretenoux, par M. le Vicomte de Lavaur de Sainte-Fortunade 101, 299
Glanes bas-limousines, par M. J.-B. Champeval 137
Les Sculpteurs et Peintres du Bas-Limousin, par M. V. Forot.. 159
Procès-verbaux des séances de la Société, par MM. Ed. Gaillot et Vermeil de Conchard 197
Les Combattants limousins de la guerre américaine, par MM. Joseph Durieux et L. de Nussac 205
Le Maréchal Brune pendant la première Restauration et les Cent Jours jusqu'à sa mort, par M. le Colonel Vermeil de Conchard 249
Nécrologie : Le Vicomte Jean d'Ussel, par L. de Nussac 358
TABLE ALPHABETIQUE
PAR NOMS D'AUTEURS
CHAMPEVAL (J.-B.). — Glanes bas-limousines, p. 137.
DURIEUX (J.-B.) et NUSSAC (L. DE). — Les combattants limousins de la guerre américaine, p. 205.
FINCK (J. B.). — Etude sur les divers Ateliers monétaires connus du Bas-Limousin, pp. 85, 227.
FOROT (Victor). — Les Sculpteurs et Peintres du Bas-Limousin, p. 159.
GAILLOT (Ed.) et VERMEIL DE CONCHARD (Colonel). — Procès-verbaux des séances ds la Société, p. 197.
LAFON (Docteur Raoul). — Les Annales de Larche en Bas-Limousin, pp. 33, 334.
LAVAUR DE SAIXTE-FORTDNA.DE (Vicomte DE). — Documents sur la Baronnie de Castelnau de Bretenoux, pp. 101, 299.
NUSSAC (L. DE). — Nécrologie : Le Vicomte Jean d'Ussel, p. 358.
"WATELIN (J.). — Causes géologiques du tassement de versant à Noailhac, p. 29.
VERMEIL DE CONCHARD (Colonel). — Souvenirs de la Bataille de Noisseville ou de Servigny-les-Sainte-Barbe, p. 17. — Le Maréchal Brune pendant la première Restauration et les Cent Jours jusqu'à sa mort, p. 249.
TABLE DES GRAVURES
Pages
Plan de la Bataille de Noisseville 18
Armoiries d'Antoine de Chabannes 53
Portrait d'Antoine de Chabannes 81
Portrait du Maréchal Brune 248
Tableau de l'assassinat du Maréchal Brune 292
HORS TEXTE Portrait du Vicomte Jean d'Ussel.
Les clichés des gravures parues àans le Buuetni, etam, la propriété exclusive de la Société, ne peuvent être prêtés pour être insérés dans d'autres publications. Ils ne pourront être cédés qu'en échange d'un cliché dont on aurait offert et accepté la communication.
Le Comité décline toute responsabilité pour la perte totale ou partielle des manuscrits envoyés par les auteurs ou détenteurs, en vue de la publication ou pour tout autre motif.
(Décisions du bureau de la Société.)
Les opinions émises au cours des travaux puniiés dans le Bulletin doivent être considérées comme absolument propres à leurs auteurs, ainsi que leurs appréciations: la Société ne peut en être rendue responsable.
(Note du Comité de la rédaction.)
TARIF DES TIRAGES A PART
MM. les Auteurs des Mémoires imprimés dans le Bulletin pourront en faire exécuter à leurs frais un tirage à part aux prix suivants, en prévenant l'imprimeur de la Société au moment du renvoi des épreuves corrigées : . .
La 1/2 feuille d'impression (8 pages), couverture non imprimée : les 50 exemplaires, 3 fr. 50 ; 100 exemplaires, 5 fr. ; 200 exemplaires, 8 fr.
La feuille d'impression (16 pages), couverture non imprimée: les 50 exemplaires, 6 francs; 100 exemplaires, 8 fr. ; 200 exemplaires. 13 fr.
Les fractions de 1 à 8 pages comptent peur 1/2 feuille.
Les couvertures avec titre imprimé sur la première page se paient en sus : pour 50 exemplaires, 2 fr. 50 : 100 exemplaires, 3 fr. 50 ; 200 exemplaires, 6 fr.
Le pliage et le piquage sont compris dans les prix ci-dessus, mais il y a à ajouter un supplément, pour le brochage et le remaniement provenant du fait des Auteurs
PUBLICATIONS :
Les Débuts d'un savant Naturaliste : Pierre-André Latreille, à Brive, de 1762 à 1788, par M. Louis DE NUSSAC. — Un fort volume de 264 pages format in-8°. — Prix : 5 francs.
Études Historiques Militaires Î Le Général Antoine Marbot (Amitié, Amours et Guerres). — Un Aide de Camp : Le Commandant Géraud Girbaud, par M. Louis DE NUSSAC —Volume de'168 pages, grand in-8°. Trois portraits. - Prix : 2 francs,
Cartulaire des Abbayes de Tulle et de RocAmadour, par M. J.-B'. CHAMPEVAL. — Un fort volume grand in-8°. — Prix : 15 francs.
En vente ouvrages de M. J.-B. CHAMPEVAL :
1° Dictionnaire des Familles nobles et notables de la Corrèze, cantons de Tulle et Corrèze, etc., t. I, 10 francs, et tome II, à W francs franco, comprenant Brive, Lanteuil, Turenne, Larche, etc. — S'adresser à Tulle, imp. Mazeyrie, éditeur.
2° Cartulaire latin d'Uzerehe, 10 francs.
3° Géographie du Bas-Limousin, Tulle et Ussel. — Prix abaissé à 6 francs.
-Signalons encore, pour la Bibliograhie limousine, de M. J.-B. Champeval :
1" NOS AUBUSSON, (les Castel-Novel, Vilhac, Beauregard, et barons de Laron, Auriat, seigneurs du Cloup, etc.).
2° GÉNÉALOGIE MARCHANDON, de La Faye, Triât, Naugeat, Puymirat, illustrée, avec vieille carte des environs de Bénêvent et La Souterraine. In-8°. — Le tout à Tulle, imprimerie Mazeyrie.
BULLETIN
DE LA
SOCIÉTÉ SCIENTIFIQUE, HISTORIQUE
ET
ARCHÉOLOGIQUE
DE
LA CORRÈZE
SIEGE A BRIVE
Reconnue d'utilité publique (Décret do 30 novembre 1888)
TOME TRENTE-SIXIEME
AVEC PLANCHES ET FIGURES DANS LE TEXTB.
3», et 4.n. LIVRAISONS
BRIVE
ROCHE, IMPRIMEUR DE LA SOCIÉTÉ.
Juillet-Décembre
TABLE DES MATIERES
DE LA lre et 2me LIVRAISONS
TEXTE
Pages
1. Les Combattants Limousins de la Guerre américaine
américaine par MM. J. DURIEUX et Louis
DE NUSSAC 205
2. Études sur les divers Ateliers monétaires connus
de la Basse-Lemovicensis. par M. J.-B. FINCK.. 227
3. Le Maréchal Brune pendant la première Restauration
Restauration les Cent Jours jusqu'à sa mort, par M.
le colonel VERMEIL DE CONCHARD 249
4. Documents sur la Baronnie de Castelnau-de-Bretenoux,
Castelnau-de-Bretenoux, M. le vicomte DE LAVAUR DE SAINTEFORTUNADE 299
5. Les Annales de Larche en Bas-Limousin, par le
Docteur RAOUL LAFFON 334
6. Nécrologie : Le Vicomte Jean d'Ussel, par M. Louis
DE NUSSAC 358
GRAVURES
Portrait du Maréchal Brune, p. 248. — Tableau de l'assassinat du Maréchal Brune, p. 292. — Portrait du Vicomte Jean d'Ussel (hors texte).
Les clichés des gravures parues dans le Buùetin-, eiani la propriété exclusive de la Société, ne peuvent être prêtés pour être insérés dans d'autres publications. Ils ne pourront être cédés qu'en échange d'un cliché dont on aurait offert et accepté la communication.
Le Comité décline toute responsabilité pour la perte totale ou partielle des manuscrits envoyés par les auteurs ou détenteurs, en vue de la publication ou pour tout autre motif.
(Décisions du bureau de la Société.)
Les opinions émises au cours des travaux puniiés dans le Bulletin doivent, être considérées comme absolument propres à leurs auteurs, ainsi que leurs appréciations; la Société ne peut en être rendue responsable.
[Note du Comité de la rédaction.)
TAREF DES TIRAGES A PART
MM. les Auteurs des Mémoires imprimés dans le Bulletin pourront en faire exécuter à leurs frais un tirage à part aux prix suivants, en prévenant l'imprimeur de la Société au moment du renvoi des épreuves corrigées :
La 1/2 feuille d'impression (8 pages). couverture non comprise : les 50 exemplaires, 4 fr. ; 100 exemplaires, 5 fr. 50 ; 200 exemplaires, 9 fr.
La feuille d'impression (16 pages), couverture non comprise : les 50 exemplaires, 6 fr. 50 ; 100 exemplaires. 9 fr. ; 200 exemplaires, 14 fr.
Les fractions de 1 à 8 pages comptent pour 1/2 feuille.
Les couvertures avec titre imprimé sur la première page se paient, en sus : pour 50 exemplaires, 2 fr. 50 ; 100 exemplaires, 3 fr. 50 ; 200 exemplaires, 6 fr.
Le pliage et le piquage sont compris dans les prix ci-dessus, mais il y a à ajouter un supplément pour le brochage et. le remaniement provenant du fait des Auteurs
PUBLICATIONS :
Trois Etudes sur Cabanis d'après des documents inédits, par M. le Colonel VERMEIL DE CONCHARD. — En vente Librairie PETIT, à Brive, et Librairie Boussus, 9, rue Guénègaud, à Paris. — Prix : 2 francs.
Les Débuts d'un savant Naturaliste : Pierre-André Latreiile, à Brive, de 1762 à 1798, par M. Louis DE NUSSAC. — Un fort volume de 264 pages format in-S°. — Prix : 5 francs.
Études Historiques Militaires : Le Général Antoine
Marbot (Amitié, Amours et Guerres';. — Un Aide de Camp : Le Commandant Géraud Girbaud. par M. Louis DE NUSSAC. —Volume de 168 pages, grand in-8°. Trois portraits. - Prix : 2 francs.
Cartulaire des Abbayes de Tulle et de RocAmadour,
RocAmadour, M. J.-B. CHAMPEVAL. — Un fort volume, grand in-8'\ — Prix : 15 francs.
En vente ouvrages de M. J.-B. CHAMPEVAL :
1° Dictionnaire des Familles nobles et notables de la Corrèze. cantons de Tulle, et Corrèze, etc.. t. 1, 10 francs, et tome IL à 11 francs franco, comprenant Brive, Lanteuiî. Turenne, Larche, etc. — S'adresser à Tulle, imp. Mazeyrie, éditeur.
2° Cartulaire latin d"Uzerehe. 10 francs.
3° Géographie du Bas-Limousin, Tulle et Ussel. — Prix abaissé à 8 francs.
Signalons encore, pour la Bibliograhie limousine, de M. J.-B. Champeval :
1° NOS ÀUBUSSON, (les Castel-Novel, Vilhac, Beauregard, et barons de Laron, Auriat, seigneurs du Cloup, etc.).
2° GÉNÉALOGIE MARCHÂNDON, de La Paye, Trial. Naugeal, Puymirât, illustrée, avec vieille carte des environs de Bénévent et La Souterraine. In-8°. — Le tout à Tulle, imprimerie Mazeyrie.