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Titre : Le Monde artiste : théâtre, musique, beaux-arts, littérature

Éditeur : [s.n.] (Paris)

Date d'édition : 1911-07-29

Contributeur : Lemoine, Achille (1813-1895). Directeur de publication

Contributeur : Gourdon de Genouillac, Henri (1826-1898). Directeur de publication

Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32818188p

Notice du catalogue : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/cb32818188p/date

Type : texte

Type : publication en série imprimée

Langue : français

Format : Nombre total de vues : 19764

Description : 29 juillet 1911

Description : 1911/07/29 (A51,N30).

Description : Collection numérique : Arts de la marionnette

Droits : Consultable en ligne

Droits : Public domain

Identifiant : ark:/12148/bpt6k5455742n

Source : Bibliothèque nationale de France, département Littérature et art, Z-1096

Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France

Date de mise en ligne : 03/12/2008

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- N°30

Samedi 29 Juillet 1911

MONDE ARTISTE

ILLUSTRÉ

SOMMAIRE

LES ORIGINES DU THÉATRE RUSSE : DAVRECOURT. LA SEMAINE THEATRALE : EDMOND STOULLIG. MORT DE Mlle LANTELME : J. N. PROVINCE : Béziers, Forges-lesEaux, Vichy. ETRANGER : Londres, Munich, Le Tour du Monde théâtral, NOTES ET INFORMATIONS : P. DUCRE. COURRIER DE LA SEMAINE : LUCLESTRANGE. LA VIE LITTÉRAIRE : BENOIST DE MAILLET, a

COURRIER DE LA MODE : BERTHE DE

PRESILLY- a

ILLUSTRATIONS

NEW-YORK : Mabel Hite, Julia Sanderson, Grâce Freeman, artistes américaines.

MVSIQVE THEATRE, BEAVX-ARTS

LE NUMÉRO : 50 CENTIMES

Directeur : Paul MILLIET



LE MONDE ARTISTE 1

LE CARNET DE MADAME

DE L'AMOUR (Suite.)

Quand elle l'eut mangé, Raymond se leva et dit à sa femme que ce qu'elle venait de manger était lé coeur du seigneur Guillaume de Cabstaing, et lui montra la tête et lui demanda si le coeur avait été bon à manger. Et elle entendit ce qu'il disait et vit et connut la tête du seigneur Guillaume. Elle lui répondit et dit que le coeur avait été si bon et si ■savoureux, que jamais autre manger ou autre boire ne lui ôterait de la bouche le goût que le coeur du seigneur Guillaume y avait laissé. Et Raymond lui courut sus avec une épée. Elle se prit à fuir, se jeta d'un balcon en bas et se cassa la tête.

« Cela fut su dans toute la Catalogne et dans toutes les terres du roi d'Aragon. Le roi Alphonse et tous les barons de ces contrées eurent grande douleur et grande tristesse de la mort du seigneur Guillaume et de la femme que Raymond avait aussi laidement mise à mort. Ils lui firent la guerre à feu et à sang. Le roi Alphonse d'Aragon ayant pris le •château de Raymond, il fit placer Guillaume et sa dame dans un monument, devant la porte de l'église d'un bourg nommé Perpignac. Tous les parfaits amants, toutes les parfaites amantes prièrent Dieu pour leurs âmes. Le roi d'Aragon prit Raymond, le fit mourir en prison et donna tous ses biens aux parents de Guillaume et aux parents de la femme qui mourut pour lui. »

L'Arabie. — C'est sous la tente noirâtre de l'Arabe-Bédouin qu'il faut chercher le modèle et la patrie du véritable amour. Là, comme ailleurs, la solitude et un beau climat ont fait naître la plus noble des passions du coeur humain, celle qui, pour trouver le bonheur, a besoin de l'inspirer au même degré qu'elle le sent.

Il fallait pour que l'amour parût tout ce qu'il ■peut être dans le coeur de l'homme, que l'égalité entre la maîtresse et son amant fût établie autant que possible. Elle n'existe point, cette égalité, dans notre triste Occident : une femme quittée est malheureuse ou déshonorée. Sous la tente de l'Arabe, la foi donnée ne peut pas se violer. Le mépris et la mort suivent immédiatement ce crime.

La générosité est si sacrée chez ce peuple qu'il est permis de voler pour donner. D'ailleurs les dangers y sont de tous les jours, et la vie s'écoule toute, pour ainsi dire, dans une solitude passionnée. Même réunis, les Arabes parlent peu.

Rien ne change chez l'habitant du désert ; tout y est éternel et immobile. Les moeurs singulières, dont je ne puis, par ignorance, que donner une faible esquisse, existaient probablement dès le temps d'Homère. Elles ont été décrites pour la pemière fois vers l'an 600 de notre ère, deux siècles avant Charlemagne.

On voit que c'est nous qui fûmes les barbares à

l'égard de l'Orient, quand nous, allâmes le troubler par nos croisades. Aussi devons-nous ce qu'il a de noble dans nos moeurs à ces croisades et aux Maures d'Espagne.

Si nous nous comparons aux Arabes l'orgueil de l'homme prosaïque sourira de pitié. Nos arts sont extrêmement supérieurs aux leurs, nos législations sont en apparence encore plus supérieures; mais je doute que nous l'emportions dans l'art du bonheur domestique : il nous a toujours manqué bonne foi et simplicité ; dans les relations de famille, le trompeur est le premier malheureux. Il n'y a plus de sécurité pour lui : toujours injuste, il a toujours peur.

(A suivre.) STENDHAL.

(Henry Beyle.)

LE CONSEIL D'ÉLÉGANCE.

Existe-t-il pour la femme, un critérium plus infaillible de distinction qu'une main fine et élégante dont la blancheur de l'épidémie est rehaussée par l'éclat nacré d'ongles gracieusement bombés.

Mais cette suprême distinction ne s'acquiert qu'après plusieurs générations d'inservilité et par des soins constants. Il en était du moins ainsi autrefois, alors qu'une main esthétique était l'apanage des dames de l'aristocratie. Aujourd'hui, grâce aux études spéciales du Dr Polacek, tout le monde peut, en suivant les conseils de ce spécialiste et en prenant les quelques soins que le Docteur prescrira dans chaque cas particulier, obtenir cette perfection de la main, aujourd'hui réservée à quelques privilégiées.

Plus de ces envies recouvrant la racine de l'ongle dont rien ne doit ternir l'éclat rosé.

Nous croyons donc rendre à nos lectrices un service dont elles nous sauront gré en leur rappelant qu'elles trouveront à l'institut du Dr Polacek, 34, rue Richer, en même temps qu'un accueil aimable et empressé, tous les soins dont elles pourront avoir besoin.

UNE CHERCHEUSE.

RECETTE DE LA CUISINIERE.

Beignets de semoule. — Faites bouillir du lait sucré et vanillé dans lequel vous jetez une grande quantité de semoule. Laissez refroidir, coupez en losanges, passez dans la pâte à beignets; faites cuire dans la friture bien chaude, égouttez, saupoudrez de sucre, et servez sur une serviette pliée.


2 LE MONDE ARTISTE

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LE

MONDE ARTISTE

ILLUSTRE

PAUL MILLIET DIRECTEUR

51e ANNÉE N° 30

SAMEDI 29 JUILLET 1911

FONDÉ EN 1860

NEW-YORK

Miss MABEL HITE Qui est, en même temps qu'une des plus jolies artistes d'Amérique, une des comédiennes les plus gaies

du Nouveau Monde,


LE MONDE-ARTISTE

LES AFFICHES DE LA SEMAINE

PARIS

OPÉRA. — Lundi, Faust ; mercredi, les Huguenots ; vendredi, Samson et Dalila, la Maladetta.

COMÉDIE-FRANÇAISE. — Lundi, Un Jour de fête, le Cid ; mardi, Arlequin poli par l'Amour, le Barbier de Séville ; mercredi, Denise ; jeudi, Ruy Blas ; vendredi, la Parisienne, Bataille de Dames ; samedi, les Marionnettes.

AMBIGU-COMIQUE : la Légion étrangère. — FOLIES-DRAMATIQUES : la Feuille de Vigne. — APOLLO : la Divorcée. — BOUFFES-PARISIENS : le Mariage de Mademoiselle Beulemans.

TERNES, FANTAISIES-PARISIENNES, OLYMPIA, GAITÉ-ROCHECHOUART,

GAITÉ-ROCHECHOUART, ELDORADO, MOULIN-ROUGE, SCALA, LE

CARILLON, LUNA-PARK, LA LUNE ROUSSE, PÉPINIÈRE, CONCERTS TOUCHE, CONCERT MAYOL, JARDIN DE PARIS, NOUVEAU THÉATRE DU CHATEAU-D'EAU, THÉATRE MONDAIN, THÉATRE MODERNE, THÉATRE MONCEY, MONTMARTHE, BELLEVILLE, THÉATRE GRÉVIN : Spectacles-Opérettes-Revues.

Clôture annuelle.

OPÉRA-COMIQUE, ODÉON, THÉATRE RÉJANE, THÉATRE SARAHBERNHARDT, VARIÉTÉS, GAIETÉ-LYRIQUE, CHATELET, THÉATRE ANTOINE, TRIANON-LYRIQUE, CAPUCINES, THÉATRE MICHEL, ATHÉNÉE, THÉATRE CLUNY, COMÉDIE-ROYALE, THÉATRE DES ARTS, COMÉDIE-MONDAINE, MONTROUGE, THÉATRE DE GRENELLE, THÉATRE MONTPARNASSE, THÉATRE DES GOBELINS, MOLIÈRE, GYMNASE, RENAISSANCE, PONTE-SAINT-MARTIN, DÉJAZET,

DÉJAZET,

ÉTRANGER

Francfort-sur le-Mein. — OPÉRA : 23, Aïda ; 24, le Comte de Luxembourg ; 25, Joseph; 26, Der Bettelstudent; 27, les Enfants du Roi ; 28, les Maîtres Chanteurs ; 29, l'Evangéliste ; 30, Mignon ; 31, la Divorcée; 1er, Carmen ; 2, Tristan et Isolde.

Leipzig. — NOUVEAU THÉATRE : 23, Der Bettelstudenl ; 24, Der Opernball ; 25, la Princesse des Dollars ; 26, Glaube und Heimat ; 27, Das Geborgte Schlok ; 28, Jugend ; 29, la Divorcée.

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LES ORIGINES DU THEATRE RUSSE

Avant Pierre le Grand, de jeunes écoliers jouaient quelquefois dans le monastère de Kief, et de Moscou des drames dont le sujet était emprunté à l'Ecriture Sainte. L'auteur

L'auteur plus remarquable dans ce genre de composition fut Démétrius Tooptalo, archevêque de Rostof, dont on estimait surtout le Pêcheur, Esther et Assuérus, la Naissance de Jésus-Christ et la Résurrection. Le goût des farces pieuses se maintint en Russie jusqu'au règne d'Elisabeth.

Les élèves en chirurgie de l'hôpital de Moscou furent les premiers laïcs qui montèrent sur le théâtre ; une grande salle leur tint lieu de scène ; ils se servirent de paravents en guise de décorations. Bientôt on vit quelques pauvres troupes ambulantes jouer sur la place publique pour l'amusement du peuple; et le théâtre russe ne fit point d'autres progrès, jusqu'au moment où deux hommes de génie vinrent faire époque dans la littérature d'un peuple resté si longtemps en arrière de tous les autres peuples de l'Europe ; ces deux hommes furent Lomonosof et Sumorokof.

Lomonosof naquit en 1711, dans la cabane d'un pauvre pêcheur d'Archangel ; son heureuse étoile voulut qu'il apprit à lire. Une mauvaise traduction du Cantique des Cantiques de Salomon lui inspira, pour la poésie, une telle passion qu'il abandonna la maison paternelle et entra dans un couvent de Moscou, où il se mit à étudier avec zèle le latin et le grec. L'Académie des sciences, informée des succès de ce jeune homme, l'envoya à ses frais terminer ses études à l'Université de Marbourg. Lomonosof, à son tour, s'illustra par un grand nombre de productions poétiques et nationales; il composa des odes, des épîtres, des poèmes et des tragédies, dans lesquels il fit briller des trésors jusqu'alors inconnus dans la langue russe, langue harmonieuse, riche en expressions, et qui possède, comme l'italien, des augmentatifs et des diminutifs ; ses ouvrages lui valurent le titre de père de la poésie russe et la protection d'Elisabeth, qui le combla de bienfaits et d'honneurs. Elevé à la dignité de Conseiller d'Etat par la grande Catherine, il jouit peu de cette dernière faveur, et mourut l'année même de sa nomination.

Alexandre Sumorokof, né à Moscou en 1727, est généralement regardé comme le fondateur du théâtre russe; il consacra spécialement son talent au drame, et se voua à l'imitation de Racine, dont il admirait les tragédies. Il s'unit avec un acteur qu'on surnomma le Garrick de la Russie, Féodor Volkof, qu'il trouva montant un théâtre à Jaroslaf. Volkof, après avoir représenté quelques scènes pieuses, commença à jouer le drame de Lomonosof et de Sumorokof. On raconte que cet acteur portait à un si haut degré l'amour de son art, qu'il était

lui-même le décorateur et le costumier de son théâtre, et que, pour exciter le goût du peuple, il donnait souvent des spectacles gratis.

L'impératrice Elisabeth ayant entendu parler du talent de Volkof et de son zèle pour l'art dramatique, le fit venir avec sa troupe à Saint-Pétersbourg, en 1752. Charmée d'un jeu dont on n'avait point encore eu l'idée, et de la représentation des drames composés par un poète national, elle n'épargna ni les faveurs ni l'or pour encourager les travaux des premiers auteurs et des premiers acteurs. Sumorokof fut nommé directeur d'un théâtre qu'elle fit élever à la Cour, et reçut de riches émoluments ; Volkof et les acteurs furent anoblis.

Sumorokof fit jouer successivement, sur le théâtre de la Cour : Kosef, Hamlet, Aristona, Sinaf et Truvor, Zemira, Dimisa, le Faux Démétrius et Mécislaf, tragédies; Trissotin, le Juge, les Epoux désunis, le Tuteur, le Bien mal acquis, l'Envieux, Tartuffe, Sganarelle, la Mère rivale, le Compère. les Trois frères rivaux, comédies; Alceste, Céphale et Procris, opéras.

Zemira fut la dernière pièce jouée par le célèbre Volkof ; cette pièce et le Faux Démétrius sont encore représentés aujourd'hui, ce qui est une preuve du mérite de l'auteur. Sumorokof, en effet, s'il n'égala pas Lomonosof en génie, ouvrit cependant la carrière à de nombreux imitateurs qui, soit en traduisant les chefs-d'oeuvre des théâtres étrangers, et surtout du théâtre français, soit un créant euxmêmes, et souvent avec un grand talent, tirèrent enfin le théâtre et la littérature russes de la nullité dans laquelle ils avaient été jusqu'alors ensevelis, et prouvèrent qu'il était possible au flambeau du génie de s'allumer avec éclat au milieu des glaces du Nord.

Si l'on peut accuser la rigueur du climat du retard que les arts et les sciences mirent à pénétrer en Russie, on n'en saurait toutefois tirer la conséquence qu'une fois introduits, ils ne s'y répandront pas avec rapidité. Forcé d'employer ses efforts de tous les instants à combattre le mauvais vouloir de la nature, l'homme concentrait toute l'énergie de ses facultés sur une seule pensée, celle de sa conservation. Son esprit, esclave de cet instinct, enchaîné dans un cercle aussi étroit, ne s'occupait que des moyens de satisfaire aux premiers besoins. Mais, à peine le génie des sciences et des arts eut-il fait invasion dans ce vaste pays, qu'il fit comme ces semences qui produisent une récolte d'autant plus abondante que la terre était neuve et inculte. Chaque science, chaque art, aussitôt connu, y trouvait des hommes qui l'étudiaient avec ardeur, le répandaient avec zèle, lui donnant l'appui de son talent ou de sa protection. Cent années ont développé dans la Russie plus de progrès qu'en un autre pays du monde. Malheureusement, tes progrès tour467

tour467


LE MONDE ARTISTE

nèrent seulement au profit de la classe privilégiée. Le despotisme, si prompt à accueillir le génie, a bien pris soin en même temps qu'il devînt le patrimoine exclusif des nobles, et s'est bien gardé d'ouvrir les yeux aux malheureux serfs.

Ces progrès ont surtout été remarquables en ce qui concerne le théâtre. Les Boïards, voyant un théâtre s'élever à la Cour, voulurent aussi s'approprier ce genre de jouissance ; l'ordre fut bientôt donné aux serfs de devenir acteurs, musiciens, danseurs ; et, semblable à une verge enchantée, le bâton fut chargé de métamorphoser une brute en un homme intelligent, rempli de grâce et de finesse, obtenant ainsi en Russie ce qui, dans les autres pays, n'est que le résultat du goût et de la liberté. Chaque riche seigneur russe eut dès lors son théâtre, ses musiciens et ses danseurs, qui ne manquaient pas de talents, mais n'en demeuraient pas moins esclaves, à quelque degré de perfection qu'ils parvinssent. Il n'était pas rare de voir, après le spectacle, Brutus fouetté pour avoir rendu trop mollement sa haine contre la tyrannie.

Avec le nombre des théâtres s'accrut le goût qu'ils inspiraient, et une foule d'auteurs consacrèrent leur existence à des productions dramatiques ; mais leur génie, entravé par les ciseaux de la censure, languissait dans d'étroites limites. Ne pouvant diriger leur plume à leur gré, ils substituèrent la gloire à la liberté ; à défaut des tableaux de la tyrannie et de l'injustice, ils présentèrent ceux de la générosité et de la clémence.

L'état social de la Russie, son histoire riche en événements extraordinaires, en hommes doués de passions aussi ardentes que la terre qu'ils habitent est glacée, donnent à la littérature russe en général, et au drame en particulier, un caractère en même temps intéressant et original, qui, par la suite, devait produire des dramaturges aussi puissants et peut-être plus particuliers que partout ailleurs, et dont les nations européennes ont subi à certains moments l'indiscutable influence.

DAVRECOURT.

La Semaine Théâtrale

Comédie-Française. — Denise, pièce en quatre actes d'Alexandre Dumas fils, pour les débuts de Mlle Révonue, de MM. Jean Worms et Gerbault.

GENEVIÈVE LANTELME.

Denise — que la Comédie-Française vient, en ces soirs d'été, de remettre sur son affiche — eut autrefois la bonne fortune d'être discutée avec passion, de soulever

soulever polémiques qui, en fin de compte, furent emportées dans un grand courant d'admiration.

Le drame — vous vous le rappelez ? — se résume en ceci : le comte André de Bardannes épouse par amour la fille de son régisseur, Denise Brissot, qui a été la maîtresse d'un jeune drôle, Fernand de Thauzette, et puis abandonnée par son séducteur, elle et son enfant, qui est mort.

Une impression,— elle devait être vraie, car elle était générale,— c'était, à l'origine, une impression d'étonnement et d'inquiétude. Eh bien, après? disait-on. Voilà un homme noble, honnête et riche, qui épouse une fille de sa domesticité qui a failli. Après? Est-ce que l'auteur nous conseille de prendre pour épouses des filles-mères? Les conditions spéciales où il a mis ses personnages se représenteront-elles une seule fois dans la suite des siècles ? Et ces conditions mêmes étant données, l'ami Thouvenin, le porte-paroles de l'auteur, a-t-il raison de conseiller ce mariage extraordinaire ? « C'est raide ! » disait le Valmoreau des Idées de Madame Aubray. Raide, soit; mais cela est-il à imiter ? Cela résout-il en quelque façon le problème posé par la comédie?

Une fille pauvre a été abandonnée par son séducteur avant même qu'elle ne devînt mère : le secret a été gardé; s'il est jamais connu, c'est elle que la société flétrira. Et Dumas conclut à. la faire épouser par un autre que par le père de l'enfant. Est-ce là une solution pratique ? Chez d'autres, le dénouement d'une pièce ne tire pas à conséquence. Il n'est qu'une façon plus ou moins heureuse de terminer une action dont on ne sait comment sortir. C'est le point final mis à une phrase qui n'est pas achevée. Retranchez ou changez tous les dénouements de Molière, la comédie reste debout. La vie réelle n'a point de dénouements. Rien n'y finit, parce que rien n'y commence. Tout s'y continue. Tous les événements se tiennent ; chacun d'eux plonge par un bout dans la série des faits qui le suivent. Les deux extrémités trempent dans l'ombre et nous échappent. Il faut bien, au théâtre, couper à quelque endroit ce fleuve ininterrompu de la vie, l'arrêter à quelque accident du rivage. — Chose difficile ! Aussi le public est-il d'assez bonne composition sur les dénouements. Il y en a de très beaux, et il les applaudit. Mais s'ils sont faux ou mal venus, peu lui importe, pourvu que la pièce lui ait fait plaisir. M. de la Seiglière, au quatrième acte de la jolie pièce de Jules Sandeau, dément tout son caractère; il consent de la façon la plus brusque et la plus inattendue à un mariage dont il devrait avoir horreur. Que voulez-vous ? Il faut bien finir, et renvoyer le spectateur content. La jeune fille est mariée à celui qui l'aime. On n'en veut pas davantage. On sait qu'il convient d'être coulant sur les dénouements au théâtre. L'auteur les plaque tels quels à un drame dont l'intérêt réside dans la conduite de l'action ou le développement des caractères. Mais il n'en va pas ainsi dans une pièce de Dumas fils. Il la construisait tout entière en vue du dénouement. Tout l'effort de sa pensée se portait à le rendre vraisemblable et nécessaire. Ses comédies sont de vrais théorèmes : on arrive par une invincible suite de raisonnements à la vérité qu'il fallait démontrer.

Etant donnée une jeune fille qui a failli, comment la faire épouser par un autre homme avec l'approbation de tous et celle du public ? Voilà le problème. Mais où était, disait-on, la nécessité de le poser et de la résoudre? Quelle vérité en devait jaillir ? Quel fruit en pouvait-on tirer pour la conduite de la vie ?... Si, dès le principe, Denise a laissé dans l'esprit de bien des gens un peu d'incertitude, et comme un secret malaise, c'est qu'instinctivement

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LE MONDE ARTISTE

on cherchait à la pièce une autre conclusion, et qu'on ne la trouvait pas. C'est qu'on ne pouvait croire qu'Alexandre Dumas se fût proposé ce sujet comme une gageure contre l'impossible, comme une partie d'échecs où, pour un joueur habile, le mat est joué en six coups; c'est qu'on regardait par delà le quatrième acte de la pièce, quand le comte, vaincu par l'amour, ne pouvant se décider à laisser partir pour le couvent celle qu'il aime si tendrement, appelle Denise, qui vient se jeter dans ses bras. Il ne fallait donc prendre la belle comédie de Dumas que comme un tour de force, ou si le mot. vous choque, comme un de ces problèmes de géométrie aussi difficiles qu'inutiles à résoudre, et que les savants se proposent pour s'entretenir la main, pour se prouver à eux-mêmes leur supériorité. Une brillante fantaisie d'artiste.

Cela posé, la chose est faite de main de maître. Le drame tout entier, caractères et événements, pousse, d'un élan irrésistible vers la situation où tend l'auteur, et vous y jette bon gré mal gré, ahuri, convaincu. Prenez chaque scène l'une après l'autre, il n'y en a pas une qui ne soit une explication, une excuse, une préparation, et, d'un seul mot, un acheminement au dénouement final ; c'est le triomphe de la logique, une logique serrée, ardente, implacable.

Le premier des quatre actes de Denise, qui se passent dans le même décor et en l'espace de quelques heures, entre le déjeuner et le dîner, pose spirituellement les personnages de la pièce : le comte André de Bardannes et son chaste ami Thouvenin, Mme de Thauzette, femme du monde qui, entre autres aventures galantes, a eu pour amant le comte André au sortir du collège, et qui, pour le moment du moins, ne pense plus à la bagatelle, et songe à marier son fils, un mauvais sujet, qui, à la suite d'une affaire d'honneur des plus compromettantes, paraît avoir lavé la situation. Ce Fernand, avouant à Thouvenin qu'il ne cherche en ce monde que des sensations nouvelles, est obligé de subir le délicieux récit de son interlocuteur: « Un de mes amis, qui était mouchard... » Ce mouchard, avide de sensations, éprouvait un malin plaisir à suivre, jusqu'au moment suprême, celui qu'il avait fait arrêter; mais, un beau jour, il est assommé par quatre chenapans qui se vengent ; ce sont ces quelques minutes « supérieures » que souhaite Thouvenin au beau Fernand... Patience : il les aura !

En attendant, Mme de Thauzette vient demander pour lui, au comte André, la main de sa soeur Marthe, sur la dot de laquelle notre jeune don Juan a jeté son dévolu. André refuse net, mais il se trahit en laissant voir son propre amour pour Denise, la fille de M. Brissot, son brave régisseur. La scène est adorable, et elle fut adorablement jouée, l'autre soir, par Mlle Renée du Minil, qui a montré dans ce rôle si difficile toutes les ressources d'un talent souple, chatoyant et varié.

Le second acte comprend une suite de scènes faites de mains d'ouvrier, entre lesquelles je signalerai celle du frère et de la soeur : André disant à Marthe pourquoi il a refusé de donner suite à la demande en mariage de Mme de Thauzette, puis celle des deux jeunes filles : Marthe se plaignant à Denise de ce qu'elle appelle son espionnage, et

Denise jurant à Marthe qu'elle la sauvera aux dépens de sa vie et de son honneur. Que s'est-il donc passé entre Denise et Fernand? André veut le savoir à tout, prix, et, dans ce but, il va jusqu'à consentir au mariage auquel il s'opposait tout à l'heure : « Tu es maintenant de la famille, dit-il au jeune homme : jure-moi que Mlle Brissot n'a pas été la maîtresse... « — « Je le jure ! » répond Fernand. Et André va demander à M. et Mme Brissot la main de leur fille. Le brave Brissot se déclare le plus étonné et le plus heureux des hommes, et la mère envoie Denise répondre elle-même à la demande du comte.

C'est la scène capitale du drame célèbre. — » Je vous aime, voulez-vous être ma femme? » — « Moi aussi, je vous aime, répond Denise, mais je ne suis pas de celles qu'on épouse... » Et comme André lui annonce qu'il vient de donner à Fernand la main de sa soeur : « Ce mariage est impossible, s'écriet-elle, j'ai été la maîtresse de ce misérable ! » Et alors elle lui avoue, en un récit palpitant, qu'elle a cédé, la veille du duel, au jeune homme qui avait promis de l'épouser, et qui l'a ensuite lâchement abandonnée. Son enfant est mort, et sa mère, seule, est dans le secret. Mais au moment où elle termine son récit, le père apparaît qui la maudit et étranglerait son séducteur, s'il ne se ravisait en lui criant : « Dis à ta mère que je lui donne une heure pour venir me demander la main de ma fille ! » Mlle Bartet était, à la création de la pièce, une Denise idéale, irrésistible, et à ce troisième acte, les yeux des spectateurs devenaient des robinets qui s'ouvraient à sa parole. Got apparaissait terrible dans la scène de vengeance du père outragé, suivie, au quatrième acte, d'un bien louchant dialogue avec sa femme, cette pauvre mère à laquelle il reprochait de lui avoir caché la faute de sa fille. — « Enfin, s'écrie-t-il, si je t'avais demandé d'être ma maîtresse?... » — « J'aurais fait comme elle, répond-elle, puisque je t'aimais ! » Noble cri de l'amour maternel que proférait excellemment Mme Pauline Granger.

On a beaucoup moins pleuré qu'autrefois avec les successeurs de Mlle Barlet, de Got et de Pauline Granger, mais on a applaudi M. Jean Worms, qui fait vibrer d'une certaine flamme — celle de son père — le personnage du comte André. Et si le consciencieux M. Gerbault n'a mis aucune espèce de relief au rôle de Thouvenin, que créa Coquelin, Mlle Révonne a su faire preuve d'une délicieuse émotion en celui de Marthe qui ne devient sympatique qu'au dernier acte...

Oh ! la navrante nouvelle que nous apporta la journée de mardi ! MIle Lantelme, au cours d'une excursion sur le Rhin, était morte, noyée dans les flots tumultueux du fleuve... Ainsi était cruellement tranchée la brève existence de la jeune actrice qui, en si peu de temps, avait su se faire une si belle place dans le monde des théâtres.

L'interprétation du rôle d'Irma du Costaud des

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LE MONDE ARTISTE

Epinettes consacra, vous vous en souvenez, la réputation de comédienne de Mlle Lantelme : il était impossible de s'adapter plus parfaitement à un personnage, d'en exprimer avec plus de vérité l'aspect physique et l'âme tout entière, d'en mieux donner l'intégrale sensation.

Vous vous rappelez à quel point elle fut appréciée et fêtée dans le Marchand de bonheur. Ginette (c'est justement le nom qu'on lui donnait dans l'intimité), la Ginette de M. Kistemaeckers avait rencontré, en Mlle Lantelme, l'interprète idéale, comme elle, franche, mobile, instinctive, impulsive, quelquefois un peu « voyou ». Ginette était, de par ses origines, la soeur de Gavroche. La comédienne et le personnage se confondaient. Et si le personnage nous parut exquis, il le devait, pour une grande part, au jeu nuancé de la comédienne.

Et nous la voyons encore avec ses grâces exquises et nonchalantes, dans le Vieil homme, où elle rendait délicieusement la Mme Allain de Georges de Porto-Riche.

Aux Trente ans de théâtre, nous lui avions donné la joie de jouer l'Innocent de l'Artésienne, aux côtés de nos premiers artistes, émerveillés de sa facilité de compréhension et d'exécution. Puis, elle fut pour nous la Roxane des Trois Sultanes, en grand progrès, depuis le jour où elle s'était essayée dans ce maître rôle en une matinée de l'Odéon.

Et nous l'aimions pour son joli talent de comédienne, fait de naturel et de sincérité, pour sa beauté, et aussi pour sa bonté. Pauvre Lantelme!

EDMOND STOULLIG.

MORT DE MLLE LANTELME

Une triste nouvelle est arrivée à Paris dans l'après-midi de mardi : la mort accidentelle de Mlle Lantelme — Mme Edwards—

au cours d'une croisière sur le Rhin, en compagnie de quelques amis, à bord du yacht l'Aimée. Nous n'avons pas à nous étendre ici sur les circonstances mystérieuses dans lesquelles s'est produit le fatal événement.

La carrière de Mlle Lantelme, si tragiquement et si brusquement terminée, au moment où elle allait déjà commencer a recueillir les fruits d'un bel effort, s'était bientôt annoncée comme devant être des plus brillantes. La jeune comédienne, après un court séjour au Conservatoire, s'était fait d'emblée remarquer dans divers ouvrages en un acte, donnés sur la petite scène du Théâtre Royal.

Elle y plut même beaucoup et, engagée au Gymnase, elle faisait, au commencement d'avril 1905, des débuts sensationnels dans l'Age d'Aimer, de M. Pierre Wolff. Au cours de cette saison, Mlle Lantelme créait aux Mathurins Une mesure pour rien, de M. André Barde, et, le même jour, Didi, de M. Maurice de Féraudy. Sur ces entrefaites, Mme Réjane fondait le Théâtre-Réjane. Mlle Lantelme fut désignée, dès l'origine, comme l'une des futures étoiles de la nouvelle scène. Le 15 décembre 1900,

jour de la brillante inauguration de la nouvelle salle, la jeune comédienne tenait avec éclat, dans La Savelli, de M. Max Maurey, le rôle de Mme Durand. Puis vinrent successivement, toujours au ThéâtreRéjane, en janvier 1907, la baronne d'Arnay-LaHutte, de Ma Cousine, d'Henri Meilhac ; en mars 1907, Suzette, de Paris-New-York, de MM. Francis de Croisset et Emmanuel Arène ; en mai 1907, Simone, de

Zaza.

Ces divers rôles classaient Lantelme, faisaient d'elle l'une des comédiennes favorites du public des théâtres du boulevard.

L'année suivante, en novembre 1908, elle reprenait le rôle de Youyou, brillamment créé, dans le Roi, par Mlle Lavallière, et l'interprétait avec une fraîcheur de mouvement, avec une mesure dans la perversité qui recréait vraiment le personnage.

Plus récemment, Mlle Lantelme, devenue en 1910 la grande vedette du Vaudeville, y créait le Costaud des Epinettes, de Tristan Bernard et Athis ; le Marchand de Bonheur, de M. H. Kistemaeckers. Au début de l'année 1911, elle avait été avec un charme voluptueux et naïf la gracieuse Mme Alain du Vieil Homme, à la Renaissance, et l'héroïne de la Gamine, de Pierre Veber et de Gorsse, au même théâtre.

Elle eut un procès avec Mme Réjane, sa directrice ; elle eut des démêlés avec des critiques ou des auteurs : autant de symptômes d'une certaine impétuosité que l'on ne saurait rencontrer sans indulgence chez une jeune actrice.

Tous ceux qui approchèrent Mlle Lantelme proclament qu'on ne la connaissait pas; que, sous les dehors de la femme à la mode, elle cachait un excellent coeur. Et ceci aussi ne jure point avec les qualités de sincérité et de naturel que l'on retrouvait dans chacune de ses créations.

Geneviève Lantelme avait un véritable tempérament, des dons qu'elle s'appliquait à développer. Elle aspira à d'autres succès que ceux de la beauté professionnelle, dont les chapeaux ou les bijoux font sensation. On se souviendra que, sollicitée par la grande vie parisienne, qu'elle pouvait vivre en triomphatrice, elle resta fidèle au théâtre et préféra ses luttes et les victoires que l'on n'y remporte jamais sans une forte volonté, une application de tous les jours.

J. N.

Le Journal publie le récit d'un des passagers qui se trouvaient à bord du yacht de M. Edwards au moment de la mort tragique de Mme Lantelme. Voici ce récit :

« Le 1er juillet, nous étions partis, M. et Mme Edwards, Mme Wermel, MM. Tarride, Thinet et Cuvillier, Mrs Bockairy, sur le yacht de M. Edwards. Après un court séjour à Amsterdam, nous nous étions proposé de remonter le Rhin jusqu'à Francfort. Nous arrivâmes lundi soir à Emmerich, où nous dûmes jeter l'ancre, à cause de la visite de la douane. La plus franche gaieté régna durant tout le dîner, et, peu avant minuit, nous partions à destination de Wesel. Après un voyage d'une heure, durant lequel nous avons sablé le Champagne sur le pont, la fatigue se fit sentir et nous descendîmes vers nos cabines en chantant et en riant.

« Pendant que Lantelme procédait à sa toilette

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de nuit, elle se trouva mal subitement, comme l'a prouvé létat de sa cabine, et on doit conclure que pour se soulager, elle se pencha à la fenêtre. Un soubresaut la fit tomber, et c'est à ce moment qu'elle trouva la mort dans le fleuve. Quant à nous, environ cinq minutes après que nous nous étions séparés, nous entendîmes comme un cri étouffé. Tout le monde se réunit pour savoir ce qui se passait, et nous vîmes que Lantelme n'était pas parmi nous. Nous nous précipitâmes alors vers la cabine : elle était vide et la fenêtre était ouverte. Plus de doute ! L'horrible vérité nous apparaissait. Elle avait disparu dans les flots. Celle qui était l'âme de notre petite expédition venait de trouver une mort stupide. « Toutes les recherches furent vaines, la nuit les rendant plus difficiles, et c'est, étreints d'une effroyable tristesse, que nous regagnâmes le port d'Emmerich, après avoir fait les démarches nécessaires auprès des autorités. Hélas! il ne nous restait plus qu'à attendre qu'on nous rapportât le cadavre de celle que Paris tout entier pleurera. »

NOS GRAVURES

Nous donnons aujourd'hui le portrait de trois délicieuses artistes américaines. Miss Mabel Hite est une comédienne charmante, une des favorites du public de New-York ; son jeu, tout de franchise et de gaieté, obtient le plus vif succès auprès des spectateurs américains, pourtant difficiles à amuser. Miss Julia Sanderson et miss Grace Freeman, après une saison bien remplie, ont des engagements de premier ordre pour la rentrée, ce dont tout le monde se réjouit aux Etat-Unis.

PROVINCE

Béziers. — Pour faire suite à l'oeuvre inédite de M. Louis Payen, les Esclaves, M. Castelbon de Beauxhostes fera représenter, le 31 août, aux arènes de Béziers, le Chemineau, de M. Jean Richepin. La pièce sera précédée d'une conférence en plein air du poète lui-même.

Le rôle principal du Chemineau est confié à M. Dorival, qui, à l'Odéon, il y a quatorze ans, créa — coïncidence curieuse — aux côtés de Decori, le personnage du fils, Toinet.

Toinetle, où Mme Weber fut admirable, sera interprétée, à Béziers, par Mlle Renée Parny.

Le dimanche 3 septembre, enfin, le Mécène biterrois offrira à ses compatriotes OEdipe Roi, avec M. MounetSully.

M. Dorival aura mission de donner à l'illustre doyen la réplique, dans Tirésias. Le reste de la distribution sera le même que, récemmment, au Théâtre d'AthénaNiké, de Marseille... La tragédie de Sophocle est assurée d'un nouveau succès aux arènes de Béziers.

Bussang. — La scène en plein air de Bussang a donné asile à une troupe d'acteurs militaires.

A l'occasion de la Sidi-Brahim, le 15e bataillon de chasseurs à pied, en manoeuvres près de la frontière vosgienne, offrait une fête fort bien réussie dont une représentation de l'Abbé Constantin, interprété par des soldats amateurs et par des jeunes filles de la troupe du Théâtre Populaire, constituait la partie dramatique.

Parmi les spectateurs se trouvaient le général Bataille, commandant la brigade de Remiremont, le souspréfet et de nombreux invités civils et militaires.

Carcassonne. — En panne. — Plus de vingt des artistes engagés par M. Charry pour les représentations de la Cité sont actuellement en panne dans notre ville. M. Charry a, en effet, déposé son bilan il y a trois jours.

Les représentations du Théâtre de plein air du Peyrou à Montpellier lui avaient procuré une perte assez considérable, que certains évaluent à près de 30.000 francs. Celle du Roi Lear, à la Cité, n'avait pas été brillante non plus pour le directeur, car les spectateurs n'avaient pas, comme les années précédentes, abondamment garni les gradins du Théâtre antique.

Résultat ; l'imprésario, ne pouvant faire face à ses engagements, a déposé son bilan, et le tribunal de Toulouse lui a accordé le bénéfice de la liquidation judiciaire.

Cette pénible situation est infiniment regrettable. Noua conservons cependant la conviction qu'elle n'aura pas compromis l'avenir de notre beau Théâtre de la Cité.

Les plus à plaindre sont les malheureux artistes qui sont actuellement en panne. Ils n'ont rien ou presque rien touché de ce qui leur avait été promis, et se trouvent, pour la plupart, fort embarrassés.

Espérons qu'on trouvera le moyen de les rapatrier et que le règlement de la situation Charry ne les obligera pas, en leur imposant un séjour plus long dans nos murs, à des frais qui ne pourraient que les gêner davantage.

Evian. — Le Casino municipal a donné une brillante représentation du Tribun, de Bourget, devant un public des plus select. M. Duquesne, superbe dans le rôle de Portai, eut le plus grand succès et une salle comble lui prodigua les rappels et l'acclama.

L'excellent comédien laissera un souvenir inoubliable dans la haute clientèle du Casino, où les soirées de comédie se succèdent, très courues, et constituent des attractions théâtrales véritablement exceptionnelles.

Puis, l'excellente troupe a joué la Petite Fonctionnaire. Une interprétation hors ligne en faisait valoir les grâces devant un public charmé, qui a prodigué ses bravos à la pièce et aux artistes. Parmi ceux-ci : Mlle Pabrèges, du Vaudeville, une Suzanne Boral très remarquée, jeune, jolie, adroite, élégante, gaie, qui obtint de nombreux rappels et de longues salves d'applaudissements à chaque baisser de rideau ; M. Raoul Terrier, du Théâtre impérial Michel de Saint-Pétersbourg, fort bien dans le vicomte; M. G. Carpentier, du Parc de Bruxelles, un Lebardin très réussi, qui maintint en joie toute la salle.

Forges-les-Eaux. — La saison s'annonce, cette année, comme devant être extrêmement brillante.

Des embellissements de toutes sortes, dus à l'initiative toujours en éveil de M. Priollet, le distingué directeur de l'établissement thermal, ont été accomplis cet hiver et font de cette jolie station, si près de nos plages de Dieppe, Pourville, etc., la plue recherchée de toutes celles situées dans cette belle région de la Normandie.

La partie artistique a été confiée à M. Yvan Kerp, directeur du théâtre municipal de Caen, musicien de la bonne école, qui a groupé autour de lui des artistes de valeur pour les concerts symphoniques et classiques que dirige, avec une rare compétence, M. Delamarre, excellent chef.

Le théâtre de comédie et d'opérettes est sous l'habile direction de M. Pigot, très bon metteur en scène.

Au programme, nous relevons les pièces suivantes :

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NEW-YORK

Miss JULIA SANDERSON

La charmante artiste, qui a joué avec grand succès

le rôle d'Eileen dans The Arcadians.

le Lys le Bon roi Dagobert, la Tosca, l'Amour veille, la Griffe, etc., puis la Veuve Joyeuse, les Mousquetaires au Couvent, etc., interprétées par Mmes Lindey (des Variétés), Montaut (de Bordeaux), Guillon (du Théâtre Molière), Gounon (de l'Ambigu), MM. Lafère (de Lausanne). Paul Perron (d'Anvers), Pigot (de Lyon), Sylvian, Bouineau, etc.; ces noms suffisent à démontrer avec quel soin M. Kerp a eu le souci de donner aux pièces citées plus haut une interprétation de tout premier ordre.

Forges-les-Eaux maintient donc avec éclat sa vieille et juste renommée de distraire ses hôtes et de leur donner en même temps la santé.

I. CH.

Rochefort-sur-Mer. — Casino. — Création de S. A. R., de Xanroff et Chancel. Musique d'Yvan Caryll. La pièce n'a que médiocrement réussi, mais la faute n'est pas imputable à la direction, qui l'a montée avec beaucoup de soin et de goût. L'interprétation a été, elle aussi, digne de tous éloges. Mme Scarella est une Xénopha typique, Mme Viannet, dont les très belles toilettes font sensation, a été comédienne de goût et chanteuse impeccable. M. Gaätan est très amusant sous les traits du roi dégommé, ainsi que M. Harlin, un dandin absolument réussi et d'une naïveté bien spéciale. M. Hardel a été très correct dans le rôle de Cyrill. C. R.

Vichy. — Les spectacles et les concerts sont organisés, au Casino, de manière que tous les goûts soient satisfaits : en plus de deux concerts quotidiens du parc, il y a les grands concerts donnés le soir sur la belle terrasse ; il y a enfin des concerta classiques donnés au théâtre: il faut reconnaître à M. Ph. Gaubert, le chef d'orchestre des grands concerts, un très réel souci d'art : j'en prends pour preuve sa direction de la Symphonie Pastorale. M. Gaubert nous a, en outre, procuré le plaisir d'entendre, dans le concerto en la mineur de Schumann, remarquablement exécuté, Mlle Caffaret, la pianiste au jeu si souple et si nuancé.

Passons aux jolies matinées du grand hall, où nous trouvons encore la musique avec les Noces de Jeannette, gentiment chantées par Mlle Jenatzy et M. Hiernaux, et une importante sélection de Werther, interprétée d'une façon absolument délicieuse par MM. Jou-Jerville, Hiernaux, Mlle Jenatzy, un aimable soprano et Mlle Charney, un bon contralto — encore un engagement heureux du nouveau directeur artistique, M. Rachet. Il y a aussi de la comédie et même de la danse, dans ces matinées : l'autre jour, le corps do ballet y évoluait dans un ballet-pantomime, très bien réglé par M. Soyer de Tondeur, Arlequin évincé.

Au théâtre, l'opéra fait salle comble; mais aussi, il y a là de bons artistes, des choeurs bien stylés, des costumes chatoyants, une belle décoration avec les jeux de lumière les plus nouveaux, une mise en scène, dont le soin se reconnaît même dans les mouvements d'une très nombreuse figuration. Dans un cadre aussi séduisant, les ballets sont un enchantement : signalons les Deux pigeons, de Messager, les ballets et divertissements de Faust, d'Aïda, de Quo Vadis ? et félicitons le maître de ballet, M. Soyer de Tondeur, l'étoile, Mlle Lucy Maire, et de gracieuses ballerines comme Mlles Rossini, Devylder, Lirva.

Dans Aïda, MM. Mérina, fort ténor, Riddez,Mme Garchery partagèrent de chaleureux bravos avec Mme Paquot d'Assy. On a peut-être applaudi davantage M. Mérina dans les Huguenots, où sa partenaire, Mlle Mancini, de l'Opéra, fut admirée ; MM. Bouxman, Riddez, Rothier furent parfaits ; Mlle Jenatzy, exquise ; Mlle Norah d'Argel digne d'une mention flatteuse. La Glaneuse, de Fourdrain, a été interprétée on ne peut mieux par Mlle Charney : elle y fut superbe dans les supplications

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du troisième acte ; à côté d'elle, M. Lapelleterie a poursuivi ses succès, Mlle Jenatzy a été, comme d'habitude, goûtée du public, M. Corin excellent. Dans Rigoletto, M. Kiddez fut aussi dramatique qu'on pouvait l'attendre de lui, M. Mérina et Mlle Charney ravirent une élégante salle.

Le public, est ici très exigeant. Je vous dirai que, mercredi, l'indisposition d'une artiste ayant, juste au moment du lever du rideau, nécessité un brusque changement de spectacle, c'est avec la plus louable célérité qu'une autre pièce put être donnée ; cette autre pièce était tout, simplement le Mariage de Mademoiselle Beulemans. Jouée avec beaucoup d'entrain par M. Coradin, un bien amusant Beulemans ; Mme Billon, une Mme Beulemans drôle à souhait ; M. Barbier, un bon Delpierre ; M. Leriche, un Séraphin réussi ; Mlle Ugalde, une charmante Mlle Beulemans ; cette comédie soulevait bien forcément les rires, mais, tout en prenant manifestement un grand plaisir, le public a refusé au début ses applaudissements à des artistes qui les méritaient pourtant deux fois. Parmi les autres succès de l'année, que le Casino offre à ses habitués, citons encore Mon Ami Teddy : M. Vouthier y est un Kimberley admirablement campé; M. Leriche, un D'Allonne bien comique ; M. Barbier, un Bertin satisfaisant; M. Montlouis, une bien plaisante caricature en Didier-Morel ; Mme Borgos, une Madeleine, qui a les qualités requises pour être irréprochable ; Mme Barety, du Théâtre Impérial de Saint-Pétersbourg, une Mme Roucher, dont le jeu très franc, très dégagé, a plu infiniment. Citons enfin, entre autres incursions dans le répertoire, l'Aventurière, où se sont distingués Mlle Ugalde, MM. Laurenson, Montlonis, à côté des protagonistes de la Comédie-Française, Mlle Cécile Sorel et M. Georges Grand, qui furent tant fêtés. B. L.

ETRANGER

Londres. — M. Darmel, qui avait débuté à CoventGarden dans Faust, a eu beaucoup plus de succès dans les Huguenots. Il a chanté et joué avec succès le rôle de Raoul, aux côtés de Mmes Tetrazzini (Marguerite) et Destinn (Valentine), la première tout à fait excellente, la seconde moins en voix et moins entrain qu'à l'ordinaire. Le succès de la représentation, qui, en somme, a été fort belle, a été dû à son ensemble, d'abord, puis à la façon supérieure dont ont été tenus les rôles de Nevers par M. Sammarco, et de Marcel par M. Sibiriakoff, la basse russe, dont la haute stature et la belle voix ont été remarquées. Chose à noter, les Huguenots sont un opéra qui a perdu beaucoup de sa popularité en Angleterre, surtout parmi les critiques. Le public s'intéresse encore aux amours de Raoul et de Valentine et aux intrigues de Marguerite et de Saint-Bris ; mais il est de mode, aujourd'hui, parmi les princes critiques, de faire dater le commencement de l'art musical à Wagner. Il y en a même qui commencent à trouver Wagner et les Nibelung bien arriérés, et qui sont d'avis que rien de véritablement beau en musique n'a existé avant Strauss et Elektra et Salomé. Debussy trouve grâce devant quelques-uns, et Charpentier paraît supportable à quelques autres; mais Gounod et Meyerbeer, Verdi et Donizetti et Rossini ne méritent même pas l'honneur d'être nommés.

Et Mozart ? Ah ! oui ! Mozart, certainement, Mozart c'est la musique même, c'est... C'est heureux !

Mme Lipkouska a débuté avec un très vif succès dans Il Segreto di Susanna, de M. Wolf-Feirari. C'est un petit acte à trois personnages, dont un personnage muet. Le comte Gil, en rentrant chez lui, sent l'odeur du tabac, et il ne fume pas. Donc, sa femme a un amant. Il épie, tempête, crie, menace et brise tout chez lui. Sa femme n'ouvre pas. Il recourt au procédé classique, fait une fausse sortie, revient à l'improviste,

NEW-YORK

Miss GRACE FREEMAN

Qui a obtenu un brillant succès dans le rôle de Marjorie

Joy, de'A Country Girl.

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trouve sa femme fumant tranquillement une cigarette, pardonne ou plutôt s'excuse de... fumer lui-même. Sur cette donnée plus que légère, M. Wolf-Férrari a écrit une musique charmante et spirituelle qui s'inspire à la fois de Mozart et de Puccini. Il a écrit surtout une ouverture qui est un bijou. Interprétée par Mme Lipkonska, gracieuse et charmante au possible, et par M. Sammarco, toujours si artiste et si consciencieusement artiste, cette petite opérette (car ce n'est que cela) a beaucoup plu. M. Ambrosiny a été très amusant et très comique dans le rôle mimé du domestique muet.

Le lendemain de son début, Mme Lipkouska a chanté avec une grâce touchante et un art très sincèrement ému, le rôle de Mimi de la Bohème de Puccini. Son charme, son air de jeunesse, l'ont admirablement servie, ainsi que son joli organe au timbre si sympathique mais très volumineux.

Et enfin nous avons eu Thaïs, très bien monté et bien chanté. Thaïs, c'est Mme Edvina, cette excellente artiste dont j'ai eu souvent l'occasion de parler. Le rôle de Thaïs compte deux phases. Aux deux premiers actes, c'est Thaïs la courtisane ; aux autres, c'est Thaïs la repentie. Il va sans dire que, par tempérament, par la nature même de son talent, Mme Edvina devait être plus à son aise dans la seconde partie de l'oeuvre que dans la première, et c'est ce qui est arrivé. Elle n'a pas l'impudeur, l'audace, le front « qui ne rougit jamais » de la courtisane ; mais, comme elle rend bien le sentiment, les tortures, les remords et la joie céleste de la femme qui a trouvé le salut ! C'est fort bien. Au point de vue du chant, il va sans dire qu'elle a admirablement interprété la musique de Massenet.

M. Darmel est un Nicias de belle allure, mais on lui voudrait un peu plus de jalousie quand on lui enlève Thaïs. A part cette petite réserve, il est excellent comme acteur et comme chanteur.

M. Gilly, dans le rôle, d'Athanaël, a obtenu un très grand, très éclatant, et très mérité succès. Il est excellent, d'un bout à l'autre, de tenue, de ferveur, d'ardeur, de prosélytisme et de passion. Et quel admirable organe que le sien ! Comme il sait nuancer, comme il sait dire, et avec quelle netteté ! C'est parfait, tout simplement ; et dans M. Gilly, CoventGarden a fait l'acquisition d'un artiste hors de pair.

PAUL VILLARS.

Munich. — Les funérailles de l'illustre chef d'orchestre Félix Mottl ont été dans leur émouvante simplicité dignes du grand disparu. Tout ce que Munich compte d'artistes avait tenu à y assister. La cérémonie avait été admirablement organisée. Au moment où les portes du hall où se trouvait le creueil couvert de roses s'ouvraient, un orchestre invisible fit entendre le finale de Tristan et Isolde. Ce fut un moment d'émotion intense. Le cercueil fut ensuite déposé sur un catafalque autour duquel de hauts candélabres étaient allumés. Alors, les amis, les artistes défilèrent; il y eut plusieurs discours, notamment de l'intendant des théâtres de Munich, von Speidel, et de Richard Strauss. Pour terminer, l'orchestre joua encore la marche funèbre du Crépuscule, des Dieux, vers la fin

de laquelle le corps fut emporté. Mottl avait demandé l'incinération. Il est regrettable que la rigueur extrême du catholicisme de la Cour ait empêché celle-ci de se faire représenter à ces funérailles par l'un de ses membres. Pendant la maladie de Mottl, le Prince-Régent fit plusieurs fois prendre des nouvelles du malade.

— La direction des festivals Mozart et Richard Wagner est assurée. M. Richard Strauss, cédant aux prières de ses amis munichois, dirigera quatre représentations du festival Wagner : les Noces de Figaro, le

10 août et le 8 septembre; Cosi Fan Tatte, le 16 août ; l' Enlèvement au Sérail, le 29 août, et Tristan et Isolde, les 9 et 30 août : Quant aux deux cycles de l' Anneau du Niebelung, ils seront dirigés par M. Otto Lohse, le kapellmeister bien connu de l'Opéra de Cologne, qui a, paraît-il, de grandes chances de succéder à Félix Mottl comme directeur général de la musique à, l'Opéra de la Cour de Munich.

LE TOUR DU MONDE THEATRAL EN UNE SEMAINE

Bayreuth. — La représentation de Parsifal a été magnifique de tous points ; interprétation excellente dirigée par M. Muck, le directeur de la musique à l'Opéra de Berlin (Mme Anna von Mildenburg a été une Kundry admirable, et M. Van Dyck possède toutes les traditions du rôle de Parsifal) ; décors de toute beauté peints par le professeur Bruckner, et mise en scène impressionnante due à M. Siegfried Wagner. La salle était comble. Les loges de la Cour étaient occupées par la princesse de Reuss et le prince de HohenloheLangenburg.

Berlin. — C'est une femme qui va prendre en main la direction de l'Opéra-Comique. M. Hans Gregor vient de louer le théâtre qu'il a construit à Berlin, et qui lui a coûté cinq millions de francs, à Mme Aurély Revy. Mme Revy est Hongroise de naissance et femme du grand propriétaire foncier anglais, Mr Chapman. Elle s'est fait un nom dans le monde musical, à la fois comme violoniste et comme cantatrice. A partir de 1912, Mme Revy dirigera également l'Opéra populaire de Berlin.

Los Angeles. — La saison musicale se continue brillante, grâce au climat tempéré de Los Angeles. Lee meilleurs artistes italiens, français, américains, sont longuement applaudis. Bonci, Busoni, la Tetrazzini, Mme Gerville-Réache triomphent tous les soirs. On nous promet pour l'hiver une saison d'opéra italien et une d'opéra français. Quo Vadis ? Don Quichotte, Werther et la Fille du Far-West sont au programme.

Londres. — His Majesty's Theatre vient de fermer ses portes. Avant que le rideau fût descendu sur la dernière représentation, sir Herbert Beerbohm-Tree, directeur du Théâtre, a adressé un discours au public dans lequel il a établi le bilan de la saison écoulée. Il y a constaté que jamais les oeuvres de Shakespeare n'ont été plus en faveur auprès du public que l'hiver dernier. Le Roi Henry VIII n'a pas été joué moins de deux cent quatre-vingt fois; ce qui est le chiffre le plus élevé de représentations que jamais oeuvre du grand Will ait atteint. Sir Herbert Beerbohm-Tree a fait également part à ses habitués que, sur la recette de la grande représentation de gala qui a eu lieu à son théâtre à l'occasion du couronnement du roi et de la reine d'Angleterre, 100.000 francs ont été prélevés au profit d'oeuvres intéressant les artistes lyriques et dramatiques. — Au Playhouse, Bunty met de l'ordre à la maison, pièce de Graham Moffat, écrivain écossais qui, de même que Molière, est auteur et acteur. Bunty est une jeune villageoise écossaise, bonne, mais résolue, qui, grâce à son intelligence et à sa fermeté, empêche son père, veuf et encore jeune, d'épouser une horrible mégère à qui il doit de l'argent, et de laquelle il reçoit cet ultimatum : " Ou payer, ou épouser ». La pièce est gaie, pleine d'entrain, et son succès a été très vif. — C'est chose vraie. La Patti, âgée aujourd'hui de soixante-huit ans, ne consent toujours pas à renoncer aux applaudissements du public. Elle a dit adieu à la scène, il y a deux ans, mais elle prétend faire encore admirer sa voix dans les concerts. Elle vient de signer

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un contrat avec l'imprésario américain Benjamin Harris, aux termes duquel elle entreprendra, la saison prochaine, une tournée artistique dans les principales villes des Etats-Unis, - Alberto Brigton, un jeune acteur anglais, s'est noyé en jouant le rôle d'un sauveteur qui se jette à l'eau pour sauver la vie à une jeune fille. La représentation servait à l'impression d'un film cinématographique.

Munich. — Les représentations de la Belle Hélène, d'Offenbacb, au Künstlertheater font fureur. Depuis qu'elles sont commencées, pas une seule n'a été donnée sans que la salle fût archicomble. Une chose amusante à dire, c'est que l'idée de ces représentations appartient à Gustave Mahler. C'est M. Georges Fuchs qui nous l'apprend. « Un jour de l'année dernière, écrit-ii, pendant que Gustave Mahler faisait répéter à la Festhalle sa huitième symphonie, nous étions assis, Max Reishardt et moi, dans une dépendance de la salle, et nous devisions au sujet des comédies musicales qu'il nous paraissait intéressant de faire jouer au Küastlertheater pendant l'année 1911. Là-dessus, plusieurs amis de Gustave Mahler, sortant de la répétition, vinrent à nous et se mirent à parler avec exubérance d'une conversation qu'ils venaient d'avoir avec le chef d'orchestre, laquelle se résumait en ceci : " Les chef-d'oeuvre d'Offenbach semblent faits pour le cadre de Künstlertheater ». Enchantés d'entendre dire cela, car c'était la confirmation d'une pensée que nous avions eue nousmêmes, nous avons immédiatement obligé nos amis à retourner auprès de Mahler pour lui poser cette question : « Si le Künstlertheater donnait en 1911 les oeuvres d'Offenbach, consentiriez-vous à les diriger? — Eh, pourquoi donc pas? » répondit Mahler. Et il ajouta qu'il le ferait avec plaisir pourvu qu'il ne fût pas, à l'époque choisie, trop éloigné de Munich. Mahler est mort sans avoir réalisé son projet, mais il avait compris de quel côté viendrait le succès. Depuis que l'on a joué la Belle Hélène, au Künstlertheater, nombre de théâtres d'Allemagne demandent à traiter pour des représentations avec la mise en scène empruntée à ce théâtre aux curieuses initiatives, et une tournée sera faite en Amérique dans des conditions qui promettent d'être artistiquement et pécuniairement des plus brillantes.

Pistoia. — Au Politeama Mabellini, splendide représentation de Werther. Le ténor Faucla, excellent protagoniste, dut bisser d'enthousiasme les stances d'Ossian. Mme Emilia Corsi fut une Charlotte très émouvante. L'orchestre, dirigé par le maestro Aloisi, eut sa large part de succès.

Stratford-Sur-Avon. ;— Vendredi a commencé, au Mémorial Theater, une série de représentations de la saison Shakespeare. Successivement seront représentés : le Marchand de Venise, Richard II, Henry V, le Songe d'une Nuit d'Eté, Roméo et Juliette, la Mégère apprivoisée, Comme il vous plaira, la Tempête et Hamlet, dans son texte primitif. Stradford-sur-Avon n'est pas seulement la ville natale de Shakespeare, c'est là aussi qu'il mourut, et la petite cité est encore toute pleine de son souvenir.

Vienne. — Au théâtre An der Wien, on a donné avec grand succès un drame de Rodolfo Greinz, la Femme de Turnbarth, trois actes. L'action est rapide et tragique. Une femme étrangle son mari, car elle sait que ce dernier a fait un testament en sa faveur. Un domestique, témoin du crime, espère épouser sa maîtresse, mais celle-ci avoue son crime au père du mort qui, fou de rage, étrangle sa belle-fille.

NOTES ET INFORMATIONS

LES SPECTACLES DE PARIS.

Dans cette saison d'été où le silence des autres scènes dramatiques est complet, toute l'attention se porte sur la Comédie-Française. On quête les moindres de ses incidents, on surveille les plus petites variantes d'interprétations

d'interprétations l'on discute des mérites et des défauts de l'institution comme si le Décret de Moscou datait d'hier.

Et voici qu'on propose le dédoublement du Français. Le projet, au premier abord, peut paraître ingénieux : on installerait, dans les locaux abandonnés au PalaisRoyal par la Cour des Comptes, une autre scène, plus petite que l'autre, et sur laquelle on interpréterait les classiques, l'ancienne restant le lieu des ouvrages modernes.

L'idée est amusante : il est douteux qu'elle possède beaucoup d'autres qualités. En tous cas, on peut voir tout de suite quelques-uns des inconvénients qu'elle comporte. En dehors de la concurrence que le ThéâtreFrançais serait, quoi qu'on veuille, amené à se faire lui-même, ce serait à brève échéance La disparition de celle émulation, qui stimule les artistes dans l'interprétation des deux grands genres.

Et les conflits ! Déjà nous en avons beaucoup. Que serait-ce quand le Théâtre-Janus, comme l'a spirituellement désigné M. Gabriel Boissy, mettrait aux prises deux factions rivales sur un aussi étroit champ de bataille ?

L'ENFANCE DE PUCCINI. Rien n'est indifférent de ce qui touche les célébrités, et nous sommes toujours très

friands des moindres détails de la vie des artistes. En voici quelques-uns, qui ne nous paraissent point dénués d'intérêt, sur les premières années qu'a vécues l'excellent compositeur de la Vie de Bohème. Puccini, mis au séminaire pour étudier le latin, n'y apprenait pas grand'chose ; il ne paraît pas que la musique même sollicitât alors sou attention d'une façon particulière. Les professeurs, mécontents, se plaignaient fréquemment de lui à sa mère. L'un d'eux, nommé Angieloni, lui disait, en levant les mains au ciel, chaque fois qu'il la voyait :

— Donnez-lui des gifles, Signora Albina, donnezlui de bonnes, de saintes gifles !

— Je lui en donne, protestait la pauvre mère, qui voulait faire de son petit Giacomo un chef d'orchestre, comme l'avait été son père. Et elle déclarait aussitôt que c'était parfaitement inutile, Giacomo n'ayant pas plus d'entrain au travail après qu'avant.

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Et cependant, à peine Giacomo avait-il entendu un motif à l'orgue du séminaire, qu'il s'amusait à le reproduire, agrémenté de variations à l'infini.

En 1877, comme il atteignait sa dix-neuvième année, Giacomo Puccini présenta à l'Académie un motet au concours annuel de musique sacrée. Ce motet plut et ce fut, pour le jeune homme, un précieux encouragement. L'année suivante, il envoyait une messe, dont la valeur parut telle qu'on l'exécuta à un office du Dôme et que les journaux s'en occupèrent.

Bientôt, plusieurs personnes disaient à la maman, toute joyeuse, que c'était un péché de garder son fils à Lucques, de ne pas l'envoyer se perfectionner à Milan.

La mère écoutait, et souffrait. Envoyer son fils à Milan! Certes, c'était bien son rêve! Mais le moyen? Le père, en mourant, avait laissé huit enfants, et la veuve les élevait de son mieux en donnant des leçons; mais entretenir un étudiant, à Milan, cela coûte cher.

C'est alors que la duchesse Carafa intercéda auprès de la reine Marguerite et obtint d'elle, pour le jeune Giacomo, un subside mensuel de cent francs pendant un an.

Giacomo partit donc pour Milan. L'année révolue, Ponchielli écrivit à la veuve que Puccini était intelligent, mais paresseux, et qu'il lui fallait étudier une année encore. Ce fut un parent, le docteur Cépi, qui fit les frais de cette seconde année d'étude.

Puccini, lauréat, rentra à Lucques avec un poème d'opéra, le Villi, que Fontana fit payer cent francs. Puccini le mettait en musique ; sa mère, pendant ce temps, tricotait auprès de lui ; mais elle n'avait pas plus tôt le dos tourné, qu'il se levait et se sauvait.

Enfin terminé, l'ouvrage fut adressé au concours Sonzogno. Mais la calligraphie musicale de Puccini laissait tellement à désirer, que pas un membre du jury ne parvint à la déchiffrer.

Le Villi n'en fut pas moins représenté à Lucques, au moyen d'une souscription. Et ce fut un triomphe — le seul triomphe auquel la pauvre maman du musicien, aujourd'hui glorieux, devait assister.

LES DROITS D'AUTEUR EN ITALIE. Nous avons publié, au commencement de ce mois, un article de notre ami Adolphe

Aderer à propos de la loi Rosadi, visant la protection des droits des auteurs lyriques en Italie ; nous signalions, en même temps, la protestation signée par la majorité des compositeurs de musique — les grands et les petits, les célèbres et les peu connus — qui n'entendaient point être protégés à la façon du député Rosadi.

Depuis, M. Tito Ricordi, l'éditeur milanais, a protesté à son tour, en montrant que la loi Rosadi dépossède les auteurs de leur droit d'être les arbitres de l'exécution de leurs oeuvres. Ce à quoi M. Rosadi réplique que, dans son projet, « la propriété de l'oeuvre musicale, pendant la longue période de quatre-vingts ans, n'est pas abolie; ce qui l'est, ce n'est que le droit, après dix ans, d'en autoriser ou d'en prohiber la représentation ».

Mais cela, n'est-ce donc rien? M. Rosadi la baille belle aux auteurs ! Sous prétexte de les protéger, il donne contre eux une arme redoutable aux imapresarii

imapresarii désormais, pourront, en se moquant des auteurs ou de leurs ayants droits, faire à leur nez et à leur barbe de fructueuses affaires. Oui, tout simplement.

M. Rosadi ajoute, dans sa réplique, que « l'auteur recevra une compensation équilable, pour chaque représentation, pendant les soixante-dix dernières années ».

Une compensation équitable, soit! Mais qui l'assurera? Sont-ce M. Rosadi et les cent vingt autres députés signataires de son projet? Voilà ce qu'il serait bon de dire et excellent de préciser.

Et, en fin de compte, si les auteurs préfèrent être mangés à la sauce du jour, pourquoi M. Rosadi se méle-t-il de leur en confectionner une de sa façon?

UN SYNDICAT.

Le poète Gabriel d'Annunzio, qui villégiature et qui travaille présentement au bord

de la mer,' à Arcachon, vient d'être nommé président d'une Société pour la protection d'un paysage français.

Voici les faits.

A quelque distance d'Arcachon, sur les bords du lac pittoresque de Hossegar, que les dunes séparent de la mer, vit depuis une dizaine d'années le plus jeune des frères Rosny, — les deux célèbres frères siamois du roman qui, naguère, divorcèrent littérairement— lequel a fait de l'endroit un petit centre intellectuel.

L'an dernier, M. Rosny visitait l'une des curiosités les plus originales de la France, les rapides de Huchet, qui, de l'étang de Léon, après un cours de sept kilomètres, se jettent dans le lac. Ce voyage, fait sur une barque de pêcheur d'anguilles, lui laissa une si enthousiaste impression qu'il organisa, cette année, une nouvelle excursion avec quelques amis.

Au nombre de ceux-ci se trouvaient Gabriel d'Annunzio, Paul Margueritte et cinq ou six autres écrivains. Sur une flottille de barques de pêche, ces messieurs parcoururent l'étang de Léon, descendirent les rapides de Huchet et, à la fin de cette promenade délicieuse, décidèrent de fonder un syndicat pour la protection de ces lieux enchanteurs.

La présidence en échut à M. Rosny, la vice-présidence à Gabriel d'Annunzio et Paul Margueritte. Et nous comptions un syndicat de plus !

Ah! pourquoi faut-il que tous n'aient pas des objets aussi innocents, aussi louables !...

UN SINGULIER PROCÈS. Lorsque la fée Urgèle, métamorphosée en vieille par un enchanteur dont elle

avait repoussé l'amour, rencontre Pierrot dans les bois de Viroflay, Banville conte que cet être innocent, à qui elle demande le baiser libérateur de l'enchantement, se sent « en proie à des mouvements prudes », mais nous sommes là en pleine féerie lyrique et tout finit par s'arranger.

Dans la vie réelle, les baisers qu'on donne, et ceux qu'on ne donne pas, se traduisent très bien par des procès, qui, d'ailleurs, ne se déroulent devant aucune cour d'amour.

Ainsi celui de Mme Gambier, comédienne de Chicago, qui demande le divorce parce que, pen476

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dant une lune de miel, qui ressemblait terriblement à la plus rousse des lunes, son mari ne l'embrassait que deux pauvres petites fois par jour, après quoi elle n'eut même plus son baiser quotidien.

Choses d'Amérique ! L'opinion s'est émue ; et cette question s'est aussitôt posée :

« Combien de baisers une femme peut-elle exiger de son époux? »

Mme Nordica, la chanteuse d'Opéra bien connue, interviewée par un journal, a déclaré qu'un ménage heureux devait échanger au moins cinq baisera chaque jour. Et pour bien montrer qu'elle ne se prononçait pas à la légère dans un cas aussi grave, elle a précisé ainsi : un baiser, le matin, au réveil; un le soir, avant de s'endormir ; un quand le mari sort de la maison ; un quand il y rentre ; un cinquième enfin, quand la femme paraît élégamment parée pour le dîner.

« Je ne pense pas, a ajouté la chanteuse, qu'on puisse s'en tirer à moins, le baiser étant la suprême expression de l'affection. "

Une chanteuse de Café Concert, Miss Clara Wood, est moins romanesque : elle estime que l'amour peut se témoigner autrement que par des baisers : à son sens, deux époux doivent avant tout travailler l'un pour l'autre. Des baisers, si l'on a du temps de reste.

Mme Loebbinger, directrice de l'American Suffragette, admet à la rigueur le baiser, mais elle est intransigeante sur un point : pas de baiser sur la bouche. Raison d'hygiène : inclinons-nous. Un mari bien pensant embrasse sa femme sur les joues, baiser jumeau qui doit lui être rendu sur le front. Par contre, ces réserves de caractère topographique étant faites, Mme Loebbinger déclare qu'il n'y a pas de limite au nombre des baisers.

Choses d'Amériques ! Choses d'Amérique!

« MAÎTRE FAVILLA ».

En un temps où l'on « arrange » Shakespeare, où l'on modernise Rabelais, ne nous

étonnons pas outre mesure qu' un jeune sociétaire de la Comédie-Française ait songé à « réduire » le Maître Favilla, de George Sand, de trois actes en un. Le XXe siècle est le siècle de l'électricité et des spectacles coupés. On ampute Maître Favilla, on le ramène à la plus simple expression, quoi de plus naturel ?

Mais que fait-on de l'auteur, dans tout cela ? De l'auteur, qui avait conçu son oeuvre sur un plan déterminé et qu'il avait eu vraisemblablement des raisons d'adopter ? L'auteur est mort, vive le collaborateur posthume, qui collabore d'autorité, qui tranche et qui rogne, à coups de plume et à coups de ciseaux !

A-t-il même cette circonstance atténuante — qui eût été bien médiocre ! — que Maître Favilla, soit une pièce mal faite, qu'il faille refaire? Non, pas même cela.

Bien au contraire, celte pièce passe pour l'une des meilleures compositions théâtrales de George Sand. L'action en est simple ; une seule et même note y domine, qui va crescendo jusqu'au dénouement.

dénouement. à peine si Théophile Gautier, au lendemain de la représentation à l'Odéon, en 1885, y dénonce, sans insister, quelques longueurs. « Mais, en revanche, ajoute-t-il aussitôt, que de fins passages ! que de traits partis du coeur et qui retournent droit s'y loger ! »

La pièce remporta, d'ailleurs, un franc succès, admirablement interprétée par Barré, — à qui elle ouvrit les portes de la Comédie-Française, — par Mme Marie Laurent, et par le comédien romantique Rouvière, ce Philibert Rouvière, dont Beaudelaire écrivait, précisément à propos de Maître Favilla :

« Il a été charmant. L'interprète des vengeances, le terrible Hamlet, est devenu le plus délicat, le plus affectueux des époux; il a orné l'amour conjugal d'une fleur de chevalerie exquise. Sa voix solennelle et distinguée vibrait comme celle d'un homme dont l'âme est ailleurs que dans les choses de ce monde ; on eût dit qu'il planait dans un azur spirituel ».

Nous sommes, en parlant de Maître Favilla première manière, très loin du Maître Favilla qui nous est maintenant promis. Mais, puisque le mot de « tripatouillage » a été inventé si peu en vain par notre spirituel confrère Emile Bergerat, comment se fait-il qu'il n'y ait pas aussi une ligue pour la protection des oeuvres ? Il nous est avis qu'elle aurait quelquefois à faire, par le temps qui court, par le temps qui coupe ! Et il n'en est peut-être pas une dont le besoin se fasse autant sentir.

LA CONFIANCE EN SOI.

On dit souvent que la confiance en soi est une vertu primordiale. On dit aussi

que la timidité n' est point un défaut d'Amérique. Le plus illustre, sans conteste, des journalistes d'outre-Océan, nous en fournit la preuve dans une lettre qu'il adressait à un de ses amis, en 1869. Il était alors en Espagne, où le New-York Herald l'avait envoyé « reporter » les phases de la révolution :

« Je veux arriver, écrivait-il, par mon attention à mon métier, mes sacrifices, mon énergie infatigable, à devenir, par le moyen de ce métier même, mon propre maître et celui des autres. Jusqu'ici, j'ai si bien accompli ma tâche et dépassé tous mes confrères que l'on met en moi la plus grande confiance. J'ai carte blanche chez les banquiers ; je puis aller n'importe où je veux en Espagne, selon qu'il me parait bon; je peux me faire remplacer en mon absence. Or, je suis arrivé à ce résultat en dixhuit mois seulement, tandis que d'autres languissent depuis quinze ans et ne sont jamais moulés en grade depuis leurs débuts. Comment l'ai-je obtenu? Par mon application intense à mon service et mes sacrifices, ce qui veut dire que je me suis refusé toute distraction pour faire ce service complètement et au-delà... Je n'ai d'autre soutien que mon énergie et beaucoup d'espérance. Mais tant que je vivrai, je me sens si bien maître de mon avenir que je comprends parfaitement le mot de César aux matelots : « N'ayez pas peur, vous portez César et sa fortune ! » Je pourrais dire de même : « Mon corps porte Stanley et sa fortune ! » Avec l'aide de Dieu, je réussirai. »

La lettre était signée Stanley. On sait comment,

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peu d'années après, Stanley, au reçu d'une dépêche de son directeur, partait à la recherche de Livingstone au centre de l'Afrique, et commençait la série de ses admirables voyages. On ne peut dénier au grand journaliste-explorateur des qualités d'énergie et de volonté rares, mais il est incontestable que la modestie n'était pas son fort.

PIERRE DUCRÉ.

COURRIER DE LA SEMAINE

LA SEMAINE.

Les chaleurs, dont nous avons joui cette semaine, n'ont pas été un bien fort encouragement

encouragement les manifestations dramatiques. Le Théâtre du Palais-Royal avait eu pourtant l'audace d'annoncer une première, le Coup du Berger. Tout Paris, celui qui reste et celui qui est parti, admirait ce théâtre, héroïque au point de donner une première en pleine canicule, au moment où Déjazet lui-même « bouclait », vaincu par la chaleur. Hélas ! Mlle Lavigne vient de tomber malade, et la pièce, dont elle allait créer le principal rôle, est reculée. A quand ? Avant l'août ? Le communiqué du Palais-Royal ne dit rien. La direction auraitelle renoncé à un projet aussi rare qu'original ?

Au Français et à l'Opéra, les soirées se succèdent, et ne sont point sans intérêt. Le public est fidèle. Hélas ! la chaleur aussi.

DANS LES THÉATRES SUBVENTIONNÉS

OPÉRA. — MM. Messager et Brousean vont prochainement remettre sur l'affiche Robert-le-Diable, avec M. Franz dans le principal rôle.

— La première grande oeuvre dont s'occupera la direction est, comme nous l'avons dit, Déjanire, de M. Camille Saint-Saëns, avec Mme Litvinne et M. Muratore comme principaux interprètes. Déjanire sera joué sans doute avant l'ouvrage de M. Paul Milliet et Mme Gabrielle Ferrari, le Cobzar.

— Avant son départ pour Aix-les-Bains, l'excellent baryton Dangès vient de signer avec MM. Messager et Broussan pour deux nouvelles années.

GAITÉ-LYRIQUE. — Après deux brillantes saisons, à Bordeaux et à Lyon, M. Marius Corpait, l'excellent ténor de l'Opéra, vient de signer un engagement, avec la Gaîté, pour la saison 1911-1912, au cours de laquelle il chantera, notamment, Hérodiade, Paillasse et Ivan le Terrible.

COMÉDIE-FRANÇAISE. — On a commencé les études de Primerose. M. de Féraudy s'est chargé de la mise en scène et les auteurs ont déjà vu les maquettes de leurs décors, qui doivent être exécutés par MM. Amable et Bailly. Les répétitions cesseront incessamment et seront reprises le 1er septembre, la pièce devant passer le 1er octobre.

— On annonce la reprise prochaine du Député de Bombignac, la comédie en trois actes, en prose, de M. Alexandre Bisson, avec la distribution suivante : André Brunot, de Chantelaud ; Croué, Pinteau ; Paul Numa, de Morard ; Lafon, des Vergettes ; Chaize un Domestique; Mmes Fayolle, la Marquise ; Y. Lifraud, Renée; S. Revonne, Hélène ; J. Faber, Julie.

— Tandis que d'autres artistes aspirent de tous leurs voeux à entrer à la Comédie-Française, M. Jacques de Féraudy, fils de l'éminent sociétaire, se prépare à en sortir. Il vient, en effet, de signer, avec M. Fursy, pour chanter à la Scala les amoureux d'opérette. Il débutera sur cette nouvelle scène, en septembre, dans une opérette nouvelle de MM. Fursy et C.-A. Carpentier, musique de Willy Redstone.

M. Jacques de Féraudy a, paraît-il, une voix jeune et fraîche, qui lui fera très vite, indépendamment de ses dons de comédien, une place à part dans l'opérette.

— A la rentrée d'octobre, il est question de reprendre Alkestis, de Georges Rivollet, qui obtint tant de succès à Orange, puis à la Comédie-Française, après l'incendie, au moment des représentations au Théâtre SarahBernhardt. MM. Albert Lambert fils et Paul Mounet reprendraient les rôles qu'ils créèrent ; Mme Bartet incarnerait Alkestis, succédant dans ce rôle à la regrettée Wanda de Boncza.

Ce n'est qu'à la rentrée d'octobre également qu'aura lieu la reprise d'Antony.

AUTRES SCÈNES

GRAND-GUIGNOL. — On vient de reprendre avec le plus vif succès Son Poteau, la pièce si dramatique de MM. Oscar Méténier (t R. Ralph. On y a beaucoup applaudi Mme Mauricia de Thiers (rôle de Lina) et son partenaire, M. Brizard.

DÉJAZET. — Le théâtre Déjazet a clos hier ses portes, sur la première série des représentations de Au Pays de Manneken-Pis. La réouverture aura lieu, en août, avec le même spectacle.

EN PLEIN AIR. — L'adaptation en vers, par MM. Camille Le Senne et Guillot de Saix, de l'Etoile de Séville, le chef-d'oeuvre de Lope de Vega, qui vient d'obtenir un si brillant succès au théâtre sous bois de Marnes-laCoquette, sera représentée, en septembre, dans le cadre grandiose du Théâtre Antique de la Nature de M. Darmont, avec une mise en scène à grand spectacle et des développements inédits qui présenteront l'oeuvre dans toute son intégralité avec l'éclat d'une véritable première.

L'Etoile de Séville était d'ailleurs inscrite, dès 1907, au programme du théâtre de Champigny.

— Voici la série des spectacles qui seront donnés par M. Castelbon de Beauxhostes, sur le théâtre des Arènes. D'abord, du 25 au 30 août, les Esclaves, de M. Louis Payen, musique de M. Aymé Kunc. Le 31 août, le Chemineau, précédé d'une conférence de l'auteur, M. Jean Richepin, et joué par M. Dorival et Mme Renée Parny le dimanche 3 septembre, OEdipe Roi, avec M. Mounet-Sully.

— Une curieuse manifestation de plein air s'annonce, pour le 15 août, au théâtre romain de Lillebonne. On jouera une oeuvre originale, Zarathoustra, de M. Paul Vérola. La distribution de la pièce offre ce fait piquant que trois interprètes du coq de Chantecler y figureront : M. Dorival, chargé du personnage du vieux roi ; M. Romuald Joubé, de celui du prophète ; et M. Renoir, du rôle d'un jeune roi. Cette réunion va piquer la curiosité des amateurs. Citons encore Mlle Suzanne Lazare, MM. Roger Karl et Camille Bert.

NOUVELLES DIVERSES

Au CONSERVATOIRE. — On songe à embellir la nouvelle Ecole de musique et de déclamation. Dans le jardin prendront place bientôt les deux marbres de M. Henry Lombard, la Tragédie et la Comédie, et deux statues de M. Octobre, dont l'une, Danse profane, fut appréciée au récent Salon des artistes français...

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LE MONDE ARTISTE

Pour décorer la salle des examens, le sous-secrétaire d'Etat a fait appel an talent de M. Gaston La Touche. Naguère M. Dujardin-Beaumetz et le peintre allèrent visiter cette salle, pour s'entretenir des panneaux destinés à l'orner. Actuellement, M. Latouche étudie cette décoration et réfléchit aux groupes qui symboliseront le Théâtre et la Musique. Cette oeuvre sera importante, avec personnages héroïques et gracieux, et traitée dans la belle lumière chaude que le peintre aime, tels les maîtres du XVIIIe siècle.

— La Rentrée de la Duse.

Mme Eleonora Duse, que sa santé avait tenue éloignée du théâtre pendant près de deux ans, va faire sa rentrée sur la scène. C'est à Rome, cet hiver, au profit de la Maison de retraite des vieux comédiens ayant prêté le concours de leur talent à la constitution de l'unité italienne, qu'elle reparaîtra pour la première fois en public. Cette fêle sera donnée sous le patronage de la reine Marguerite.

THÉATRE IMPÉRIAL MICHEL. — M. Jules Martin, l'actif délégué des théâtres impériaux de Russie, nous communique le programme complet de la saison prochaine, qui, si possible, sera encore plus brillante que la précédente.

Un grand nombre de nos plus jolies comédiennes et de nos meilleurs artistes composent la troupe engagée pour toute la saison : Mmes Madeleine Celiat, Betty Daussmond, Cécile Didier, Ange Fériel, Cath. Laugier, Raymonde Ariel, Renée Desprez, Fernande Fontanges, Scheler, Marguerite Ninove, Dauville. MM. Maury, Gaston Séverin, Roger Monteaux, Coste, Barré, Camille Bert, Delorme, Prévost, Terrier, Saint-Bonnet, Ferny, Paul-Robert, Laforest, etc.

Comme l'an dernier, un certain nombre de vedettes viendront en représentations ; citons déjà : Mlles Gabrielle Dorziat, Henriette Roggers, Madeleine Aubry, auxquelles viendront se joindre quelques-unes de nos plus célèbres comédiennes.

La saison commencera le 30 septembre (style français) pour se terminer le 18 février. Elle comportera vingt et un spectacles, parmi lesquels dix-huit grandes pièces nouvelles ou n'ayant jamais été jouées au Théâtre Michel : les Marionnettes, le Bois Sacré, la Gamine, Noblesse oblige, le Marchand de Bonheur, l'Aventurier, Aimé des Femmes, l'Apôtre, Papa, Comme ils sont tous, le Passe-Partout, le Goût du Vice, Madame de Châtillon, Cher Maître, Primerose, la Citoyenne Cotillon, l'Enfant de l'Amour et la Vierge Folle. Parmi les pièces en un acte : Un jour de fête, Sonnet à une brune, l'incident du 7 avril, etc., etc.

LETTRES ET BEAUX-ARTS

LES PRIX DE ROME.

Le jugement du concours définitif, pour le grand prix de Rome de sculpture, a été rendu mercredi.

Aucun des concurrents n'ayant, l'année dernière, été jugé digne de cette haute récompense, l'Académie des Beaux-Arts disposait, cette année, de deux grands prix. Elle a attribué l'un, celui de 1911, à Mlle Lucienne Heuvelmans, née à Paris le 25 décembre 1881, élève de MM. Marqueste et Hannaux, qui montait en loge pour la troisième fois.

Mlle Heuvelmans est la première femme qui, depuis la fondation de l'Académie de France à Rome, aura été admise au nombre de ses pensionnaires. _

Son succès, qui crée un précédent et marque l'abolition d'une tradition plus de deux foie séculaire, constitue donc une éclatante victoire du féminisme. De nombreuses polémiques se sont engagées à ce sujet : « Les femmes peuvent-elles être admises à la Villa

Médicis ? " Voilà la question résolue une fois pour toutes, et par l'affirmative.

L'autre grand prix, celui qui avait été réservé en 1910, a été décerné à M. Louis Lejeune, né à Livetsur-Anthoux (Eure), le 22 janvier 1884, élève de MM. Thomas et Injalbert.

Le premier second grand prix a été donné à M. Claude Grange, né à Vienne (Isère), le 23 septembre 1883, élève de M. Injalbert.

Enfin, l'Académie des Beaux-Arts a attribué le deuxième second grand prix à M. Paul Silvestre, né à Toulouse, le 17 février 1884, élève de M. Antonin Mercié.

SOCIÉTÉ DES ARTISTES FRANÇAIS.

Voici la liste des récompenses décernées :

Médailles de 2e classe. — MM. Tenré (Henry) ; Forsberg fils (NiIs) ; Williams (Terrick) ; Cazes (Clovis) ; Leroux (Georges-Paul) ; Canvy (Léon) ; Baude (François-C) ; Balande (Gaston) ; Ballue (Pierre) ; Befani (Gennaro) ; Zacharie (Philippe) ; Prat (Loys).

Médailles de 3e classe. — MM. Michel (Charles) ; Malespina (Louis-Ferdinand) ; Filliard (Esnest) ; Grun (Maurice) ; Ekatchenko (Michel) ; Broquet (Espérance-L.) ; Monge (Jules) ; Calvet (Henri-Bernard) ; Pouzargues (Lucien-Paul) ; Buzon (Fred-Marius) ; Hartshorne (Howard) ; Mlle Demanche (Blanche) ; Cosson (Jean-Marcel) ; Bauré (Albert) ; Mlle Labatut (Suzanne) ; Mlle Guillaume (R. -M.) ; Faugeron (Adolphe) ; Lailbaca (Joseph) ; Maury (Georges-S.) ; Mme Mahudez (Jeanne-J.); Stocckel (Eugène-Auguste) ; Mlle Jouclar (Adrienne) ; Salgé (Gustave-M.) ; Ferrier (André-Gabriel) ; Lallot (Henri-Eugène) ; Mlle Ackein (Marcelle.) ; Couturaud (Alfred) ; Castaing (Joseph) ; Brown (Harris) ; Descudé (Cyprien) ; Benoît-Lévy (Jules).

Le pris Rosa-Bonheur a été attribué à M. Godeby (Charles).

SCULPTURE. — Présidence de M. Georges Gardet.

Médailles de 1re classe. — MM. Peyronnet (Emile) ; Bertrand (Louis) ; Mathet (Louis-Dominique); Roux (Constant).

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LE MONDE ARTISTE

Médailles de 2e classe. — MM. Tarrit ( Jean) ; Bacqué (Daniel); Bardery (Louis-Armand); Nivet (Ernest); Descatoire (Alexandre); Fernand-Dubois (Emile); Desvignes (Louis), graveur en médailles ; Prud'homme (Georges-Henri), graveur en médailles.

Médailles de 3e classe. — MM. Botinelly (LouisMarcel) ; Pommier (Albert) ; Diosi (Ernest-Charles) ; Lejeune (Louis-Aimé) ; Tonnetti (François M.-L.) ; Boyriven- (Jacques-M.) ; de Mellanville (Germain) ; Léger (René-Marcel),; Sartorio (Antoine) ; Andrieu (MarieAnguste-F.); Germain (Raymond-Albert) ; Fiot (Maximilien) ; Mathey (Georges) ; Yrondy (Charles-Gaston).

GRAVURE EN MÉDAILLES.

MM. Doumenc ( Eugène-Baptiste); Exbrayat (Etienne).

ARCHITECTURE. — Présidence de M. Moyaux, membre de l'Institut.

Médailles de 1re classe. — MM. Brandon (RaoulJaeques-Ernest) ; Danis (Henri-Robert) ; Brunet (EmileEdouard).

Médailles de 2e classe. — MM. Burnet (JohnJamee) ; Gueritte (Armand-Constant); Lacoste (Jean) ; Gabriel (Albert).

Médailles de 3e classe. — MM. Camuzat (Marcel) ; Pillet (Maurice-Louis) ; Chirol (Pierre-Louis-D.-M) ; Titcomb (Edurin); Greppi (Jean).

LUC LESTRANGE.

LA VIE LITTÉRAIRE

COURRIER LITTÉRAIRE

— M. Jules Claretie, si bien informé des choses parisiennes, a donné aux Annales de curieux détails sur les concours du Conservatoire. Lire dans le même numéro la suite des Etoiles en Voyage, les aventures de Mme Jeanne Granier, MM. de Max et Paderewski, contées avec verve par l'imprésario Schurmann ; une belle page de Maurice Barrès sur le pays lorrain, à propos des fêtes de Saint-Dié ; une jolie lettre d'Yvonne Sarcey aux jeunes filles ; le commencement d'une dramatique nouvelle de Grazia Deledda ; des chroniques d'Henri Lavedan et du Bonhomme Chrysale... Comme musique, deux vieilles chansons de route de l'armée française.

On s'abonne aux bureaux des Annales, 51, rue Saint-Georges, Paris, et dans tous les bureaux de poste : 10 francs par an (étranger : 18 francs). Le numéro : 25 centimes.

— Brunetière disait, dès 1882 : " Il y aura des choses neuves à dire des Encyclopédistes, tant que nous n'aurons pas recouvré la tranquillité d'esprit qu'ils nous ont enlevée. "

Aussi, ses amis ont-ils retrouvé dans ses papiers, après sa mort, des fragments d'un immense travail sur l'Encyclopédie. Ils seront publiés en volume, cette semaine, à la suite de son livre sur Voltaire, dont on possédait les épreuves.

— M. Louis Dumur commence, dans le Mercure, la publication de l'Ecole du Dimanche, un roman qu'il nous avait annoncé cet été, et qui continue la série extrêmement plaisante de ses romans genevois.

— Henri Lavedan réunira prochainement ses chroniques de l'Illustration parues en 1910, Elles formeront

formeront quatrième série des « épilogues », qu'il intitule avec modestie : Bon an, mal an. .

— Arthur Conan Doyle, le père de Sherlock Holmes, réunira prochainement en volume des contes historiques, sous le titre La Dernière Galère* On trouvera, dans ce livre, des « visions » des grands événements de l'histoire, comme les guerres puniques ou l'invasion des Huns.

— Les Anglais et leur roi, racontés, appréciés et jugés par MM. René Bazin, Paul Bourget, Jules Claretie, Jules Lemaître, Marcel Prévost, Henri de Régnier, Abel Hermant, Georges Montorgueil, Adolphe Brisson : voilà ce que vous trouverez dans les Annales de cette semaine, numéro très curieux, très complet, et qui restera comme un précieux souvenir des fêtes du couronnement... D'abondantes illustrations, des morceaux de musique, des documents inédits, accompagnent ces textes remarquables.

— Pour compléter la première des représentations données en août au Théâtre Antique d'Orange, M. Antony Réal va faire interpréter, devant le mur, un délicat et populaire sonnet de M. Maurice Faure, la Mort de la Cigale.

Ce poème d'un Provençal, qui sut rester poète tout en devenant ministre, mis en musique par M. Massenet, fut, pour la première fois, chanté par Mme Guiraudon-Cain, à Avignon, lorsqu'au mois d'avril on inaugura l'exposition picturale du palais des Papes.

— Le Courrier Français établit une « rétrospective les surnoms ». Citons les moins méchants, qui sont les plus drôles :

M. Bérenger le Vieux continent ; Mgr Merry del Val, la Soutane favorite ; feu M. Piot, le Conseiller d'arrondissement, etc., etc.

— Notre confrère Albert Acremant est chargé de la critique littéraire dans le journal La France.

Le gérant : A. MARETHEUX.

Paris. — L. MASETHEUX, imprimeur, 1, rue Cassette.

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LE MONDE ARTISTE 3

Le rayon de FARDS pour la ville et le théâtre le plus grand et le mieux assorti se trouve à la PARFUMERIE DES GALERIES SAINT-MARTIN, 11 et 13, boulevard Saint-Martin, maison unique en son genre à Paris. (Tél. 212-11). Catalogue franco.

COURRIER DE LA MODE

On fait, en coton, des tissus « Tennis » qui. jouent absolument la laine, et sont d'une légèreté fort appréciable par ce temps de chaleur caniculaire.

Les garnitures en boutons sont, dans ce cas, très en faveur. La nacre, en particulier, est fort jolie et s'harmonise à merveille, aussi bien avec les nuances foncées, qu'avec les claires.

Les corsages blouses, ou les kimonos que l'on porte avec ce genre de costumes, se font en mousseline, en nansouk, ou en soie, — foulard ou pongé, — et toujours très simplement garnis. Ce sont, en résumé, des toilettes pratiques pour la campagne, la mer ou la montagne.

Avec le soleil torride qui darde en ce moment sur nous ses rayons effroyablement chauds, les grands chapeaux seuls sont pratiques. Ils jettent une ombre sur le visage ; mais, par cela même, ils mettent en valeur les points culminants, c'est-à-dire, le nez en particulier. De là, l'obligation de lutter contre ces vilains parasites, appelés tannes, qui déparent les plus jolis visages. Et, pour y réussir, l'obligation d'avoir recours à l'Anti-Bolbos, dont la Parfumerie Exotique, 35, rue du 4-Septembre, a le monopole exclusif, c'est un produit spécial inoffensif, et tout à fait merveilleux. (Prix : 5 francs le flacon et 5 fr. 50 franco.)

BERTHE DE PRÉSILLY.

Causerie. — Ne vous embarquez pas sans un flacon de Véritable lait de Ninon. Il n'est rien de si parfait pour communiquer à la peau un éclat de jeunesse et la blanchir. Mais exiger le nom et l'adresse de la Parfumerie Ninon, 31, rue du 4-Septembre qui n'a pas de succursale ni en France, ni à l'Etranger. (Prix du flacon : 5 francs ou 5 fr. 85 franco.)

B. DE P.

CIGARETTES MURAD

(S. Anargyros.) Tabac turc d'une saveur exquise.

MOUVEMENT ARTISTIQUE

M. JACQUES DE FÉRAUDY, le fils de l'éminent sociétaire de la Comédie-Française, quitte la maison de Molière pour entrer à la Scala. Il a signé avec Fursy pour chanter chez lui les amoureux d'opérette. Il débutera sur cette nouvelle scène, en septembre, dans une opérette nouvelle de MM. Fursy et G.-A. Garpentier, musique de Willy Redstone.

M. Jacques de Féraudy a, nous dit-on, une voix jeune et fraîche, qui lui fera très vite, indépendamment de ses dons de comédien, une place à part dans l'opérette.

M. FERNAND SAMUEL est, en ce moment, dans son château de Saint-Baslemont, dans les Vosges, qu'il a fait restaurer avec un goût sûr et un luxe qui rappellent celui de ses meilleures mises en scènes, aux Variétés.

Il y séjournera tout l'été, occupé à des fouilles et à des travaux d'hydrographie qui le passionnent. Il ne rentrera à Paris que vers la fin de septembre ; les Variétés ne devant rouvrir qu'à cette époque, avec La Vie Parisienne.

Nous apprenons le mariage de Mme EMMA EAMES, la cancatrice bien connue, avec M. Emilio de Gogorza.

Mme EUGÉNIE BUFFET, la grande chanteuse populaire, s'est embarquée, avec ses camarades Georges Charton, Maxime Guitton et Eugène de Grossi, pour ie Brésil. Partout elle a rencontré le meilleur accueil. Salles combles à Saint-Louis, Rufisque. Dans son dernier gala à Dakar notamment, elle a été l'objet d'une manifestation de sympathie infiniment flatteuse ; M. Merlaud-Ponty, gouverneur général du Sénégal, donna, pendant toute la durée du spectacle, le signal des applaudissements et fit promettre à l'originale artiste et à ses camarades de revenir en pleine saison faire entendre à nouveau la belle et bonne chanson française, « qui sait si bien, lui a-t-on dit, s'exprimant par sa voix, faire vibrer les coeurs à l'unisson ».

MM, Messager et Broussan viennent de renouveler pour deux ans, à de brillantes conditions, l'engagement de M. DANGÈS, l'excellent baryton qui vient d'avoir de si beaux succès, notamment dans Siberia et dans Thaïs.

Avec une brillante distribution actuelle, on a donné, à l'Opéra, Rigoletto. Cette représentation eut un grand succès grâce au talent de M. Noté, à la voix superbe et au jeu émouvant de Mlle Zina Brozia, acclamée dans le rôle de Gilda, ainsi que M. Lassalle, excellent dans celui du duc, et Mlle Bailac, remarquable interprète de Madeleine.

Mlle SERGINE DENAY a remporté un éclatant succès au théâtre de l'Aquarium de Saint-Pétersbourg. La jolie artiste est acclamée, à chaque représentation, par un public de connaisseurs qui apprécient tout particulièrement sa voix, sa diction nette et spirituelle, son gracieux talent.

L'excellent baryton VILMOS BECK, qui a déjà chanté Alberich, du Crépuscule des dieux, avec tant


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de succès à l'Opéra, puis le rôle de Valentin, de Faust, continuera à passer en revue tout son répertoire. Nous aurons le plaisir de l'applaudir à nouveau dans les Huguenots, dans Samson et Dalila ; et ce sera pour l'excellent artiste une série de nouveaux succès. Félicitons les directeurs de l'Opéra d'avoir su s'attacher un pareil chanteur qui est, en même temps, un grand tragédien lyrique.

Mlle JANE HENRIQUEZ a chanté à l'Opéra le rôle de Marguerite, de Faust, dans lequel les abonnés de l'Académie nationale de musique n'avaient pas eu l'occasion de l'applaudir depuis longtemps. Jamais la voix de la gracieuse cancatrice n'avait paru mieux posée ni plus agréable à entendre. Sa diction était parfaite, ses attitudes tour à tour poétiques et émouvantes. La charmante cantatrice s'est montrée surtout remarquable dans l'acte du Jardin et dans la scène de l'Église. De l'avis unanime, Mlle Henriquez a soulevé, en interprétant Marguerite, le même enthousiasme que dans Sieglinde et Vénus, deux rôles wagnériens où elle excelle. Auprès d'elle et complétant un remarquable ensemble, M. Lassalle, dans Faust; M. Vilmos Beck, dans Valentin ; M. Marvini, dans Méphistophélès ; MIle Courbières, dans Siebel ; Mme Goulancourt, dans dame Marthe, se partagèrent les bravos du public. M. Büsser dirigeait l'orchestre avec son habituelle conscience.

LA VOIX PARLÉE ET CHANTÉE

Hygiène et maladies du chanteur et de l'orateur,

avec 82 figures dans le texte,

par le Dr GARNAULT. Paris, A. Maloine et E. Flammarion, éditeurs.

BIACCHI & ROMAGNOLI

Moteurs à huile lourde Bolinder, de 3 à 300 chevaux, fonctionnant avec une huile extra dense de L. 10 le quintal, le plus grand succès de l'Exposition agricole 1909, Bologne (Italie).

AUTOMOBILISME

Une bonne nouvelle pour les automobilistes : la Haynes Automobile Company (America's Pioneer Automobile Manufacturers), dont les châssis à moteur sans soupapes sont remarquables au point de vue de la perfection et de la simplicité, au point de vue aussi de la souplesse, du silence et de la régularité, va installer un dépôt à Paris dans le quartier de l'Arc-de-Triomphe.

La Haynes Automobile Company fabrique les meilleures voitures de tourisme et les plus agréables voitures de ville (Kokomo, Indiana).

KNABE-ANGELUS

Ce titre « Le meilleur piano du Monde » n'aurait pas pu être pris par le Knabe si cet instrument n'avait pas possédé toutes les qualités qu'un piano doit posséder pour être apprécié par les artistes et les critiques. Inventé en 1895, il est universellement reconnu comme un instrument merveilleux. Les claviers comprennent 88 notes.


LE MONDE ARTISTE

LA VIE FINANCIERE

Pour le peu d'animation des transactions et la médiocre ampleur des fluctuations de la grande majorité des litres, cette semaine ne le cède en rien à la précédente. La question des compensations à fournir à l'Allemagne reste toujours à l'ordre du jour et fait le sujet de la plupart des conversations entre professionnels, obligés de se montrer encore sur un marché où ils ont aussi peu à faire que possible.

Il faut tenir compte de l'attitude nettement énergique de l'Angleterre, en même temps qu'à la fin de la semaine dernière, se produisait à El-Ksar un nouvel incident. Il n'a pas eu de suites ; il a fourni à l'Espagne l'occasion de nouvelles déclarations conciliantes. Mais cette dernière huitaine a, toutefois, commencé avec quelque nervosité.

Comme nous l'avons fait pressentir depuis quelque temps déjà, c'est le groupe des valeurs espagnoles, la Rente Extérieure plus notamment, qui parait devoir en souffrir. Les procédés dont l'Espagne a usé à plusieurs reprises vis-à-vis de nous, au Maroc, sont peu faits pour lui concilier les sympathies des capitalistes français.

Ils viennent, en tous cas, et ce n'est pas un mal, les inciter à considérer d'un peu près si les cours des principales d'entre ces valeurs, se négociant sur notre place, n'ont pas été réellement trop poussés. Leur niveau actuel, quoique sensiblement au-dessous, pour plusieurs d'entre elles, de celui qu'elles ont atteint avant les événements, peut, sans doute, être considéré comme suffisant dans les circonstances présentes. Etant données les raisons dans lesquelles elles ont baissé, et qui sont capables de laisser dans les esprits une impression profonde et durable, il est plus que certain qu'elles n'ont pas de grandes chances de se relever bien sensiblement dans un avenir prochain. Les porteurs intéressés peuvent bien plutôt craindre qu'elles ne soient atteintes d'une nouvelle baisse; et ils doivent se dire, d'autre part, que plus le recul aura été prononcé, et plus elles repartiront difficilement de l'avant.

Quoi qu'il en soit, et pour nous en tenir uniquement au présent, nous ne pouvons guère que nous répéter, la spéculation est de plus en plus disposée à restreindre le volume de ses engagements, et la température que nous subissons n'est pas faite pour lui redonner de l'entrain, même si les circonstances générales s'y prêtaient davantage.

La Rente française est toujours assez faiblement traitée, sans clôturer toutefois au plus bas. Les dernières statistiques permettent de constater que les mauvaises récoltes de l'an dernier pèsent encore lourdement sur notre situation économique. En ce qui touche la situation financière, on dit que le ministre des Finances serait en mesure de saisir la Commission du budget de l'ensemble de ses propositions

propositions 1912, d'ici six semaines : peut-être évi tera-t-on ainsi d'avoir à recourir aussi largement qu'en 1911 aux douzièmes provisoires.

Les autres Fonds d'Etats sont assez irrégulièrement traités. Notons la lourdeur des Fonds Portugais au lendemain du dépôt, par le ministre des Finances, d'une demande de crédit extraordinaire de 7 millions 1/2 de francs pour les dépenses de la défense nationale. Les Fonds Russes témoignent également de dispositions moins brillantes. Pour le premier semestre, le commerce extérieur, par les frontières européennes, accuse une augmentation des exportations de 68 millions de roubles et une diminution des importations de plus de 50 millions 1/2 de roubles. Le groupe Serbe est indécis. On a annoncé la conclusion d'un emprunt 4 0/0 de 300 millions avec un groupe français, et destiné à la conversion des anciens emprunts a 0/0 et 4 1/2, opération qui procurerait une économie annuelle de 1 million 1/2 de francs.

Dans le compartiment des Etablissements de Crédit, rien de particulièrement intéressant à signaler; es spéculateurs liquident ici, comme dans les autres compartiments, et il en résulte forcément un peu de tassement. Il semble qu'il n'y ait plus à escompter, maintenant et jusqu'à la rentrée, des mouvements d'une très grande ampleur, dans un sens ou dans l'autre. Dans le groupe des banques étrangères, quelques fluctuations se produisent parmi les Banques Russes et les Banques Mexicaines, les premières en tendances meilleures, les secondes en tendances indécises comme devant, à la nouvelle de la persistance des troubles sur certains points du territoire mexicain.

Dans le compartiment des chemins de fer, on est plutôt faible. Cependant, pour les sept premiers mois de l'année, les recettes des six grands réseaux français accusent, sur celles de la période correspondante de 1910, une plus-value de 18.940.000 fr. Les Chemins Espagnols conforment leur allure à celle de l'Extérieure ; ils sont, d'ailleurs, à un niveau, qui peut paraître largement suffisant.

Le marché des Valeurs cuprifères est assez soutenu sur des avis plus favorables venus d'Amérique, mais il n'a pas grande animation.

Le marché des Mines d'or sud-africaines est calme et assez irrégulier dans l'ensemble.

DE THÉATRE

Publication bimensuelle

Paraît le 2e et le 4e jeudi de chaque mois.

Éditeurs : MANZI, JOYANT et Cie, 24, Boulevard des Capucines, Paris.


LE MONDE ARTISTE

STATIONS THERMALES

Desservies par le réseau P.-L.-M.

Aix-les-Bains, Châtel-Guyon (Riom), Evian-lesBains, Fumades-les-Bains (St-Julien-les-Fumades),

Genève, Menthon (lac d'Annecy), Royal, St-Gervais, Thonon-les-Bains, triage (Grenoble), Vals, Vichy, etc.

1° Billets d'aller et retour collectifs (de famille) 1re, 2° et 3° classes, valables 33 jours avec faculté de prolongation, délivrés du 1er mai au 15 octobre, dans toutes les gares du réseau P.-L.-M., aux familles d'au moins trois personnes voyageant ensemble.

Minimum de parcours simple : 150 kilomètres.

Prix : Les deux premières personnes paient le Tarif général, la 3e personne bénéficie d'une réduction de 50 %, la 4e et les suivantes d'une réduction de 75 °/0.

Arrêts facultatifs aux gares de l'itinéraire.

Demander les billets quatre jours à l'avance à la gare de départ.

Nota. — Il peut être délivré à un ou plusieurs des voyageurs inscrits sur un des billets collectifs de stations thermales et en même temps que ce billet, une carte d'identité sur la présentation de laquelle le titulaire sera admis à voyager isolément (sans arrêt), a moitié prix du tarif général, pendant la durée de la villégiature de la famille, entre le point de départ et le lieu de destination mentionné sur le billet collectif.