Rappel de votre demande:


Format de téléchargement: : Texte

Vues 1 à 148 sur 148

Nombre de pages: 148

Notice complète:

Titre : Bulletin de la Société internationale de science sociale

Auteur : Société internationale de science sociale. Auteur du texte

Éditeur : (Paris)

Date d'édition : 1904

Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34437949r

Notice du catalogue : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/cb34437949r/date

Type : texte

Type : publication en série imprimée

Langue : français

Langue : Français

Format : Nombre total de vues : 334

Description : 1904

Description : 1904 (LIVR1)-1904 (LIVR9).

Droits : Consultable en ligne

Droits : Public domain

Identifiant : ark:/12148/bpt6k5446474m

Source : Bibliothèque nationale de France

Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France

Date de mise en ligne : 14/10/2008

Le texte affiché peut comporter un certain nombre d'erreurs. En effet, le mode texte de ce document a été généré de façon automatique par un programme de reconnaissance optique de caractères (OCR). Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 97%.


ANNEE 1904

1" LIVRAISON

BULLETIN

DE LA S0€SSÎ&3NTERNATI0NALE

DÊ^éÎEwi SOCIALE

CONSTITUTION ET STATUTS DE LA SOCIÉTÉ

Le Conseil de la Société s'est réuni le lundi 4 janvier, au siège social, sous la présidence de M. Paul de Rousiers.

M. Paul de Rousiers soumet à l'approbation de la réunion les statuts de la Société, qui, après certaines modifications, sont votés à l'unanimité article par article.

En voici le texte :

Objet. Siège social.

ARTICLE 1er. — 11 est institué, sous le régime de la loi du 1er juillet lt'Ol, entre les personnes qui adhèrent ou qui adhéreront aux présents statuts, une Association sous le nom de Société internationale de Science sociale.

ARTICLE 2. — L'Association a pour objet d'encourager par des bourses de voyages ou d'études, par des subventions à des publications ou à des cours, les travaux de science sociale.

L'Association se propose en outre de vulgariser les conclusions de la Science sociale, notamment de développer l'initiative privée et le sentiment de la responsabilité individuelle.

Elle pourra tenir des congrès.

Elle a son siège à Paris.

Cotisations.

ARTICLE 3. — Les ressources de la Société

Société dans les cotisations annuelles de ses membres.

Les membres titulaires versent annuellement une cotisation de 20 francs en France, de 25 francs à l'étranger.

Les membres donateurs versent annuel-» lement une cotisation de 100 francs.

Les membres fondateurs versent annuellement une cotisation de 300 à 500 francs.

ARTICLE 4. — Le Bulletin de la Société et les travaux publiés par ses soins sont servis gratuitement à tous les membres de la Société.

Administration.

ARTICLE 5. — L'Association est administrée par un Bureau nommé par le Conseil.

Le Conseil est composé, au moment de la fondation de la Société, de MM. G. d'Azambuja, Paul Bureau, Ph. Champault, Ve Ch. de Calan, A. Dauprat, Edmond Demolins, Robert Dufresne, Maurice Firmin-Didot, Ht 0 Hemmer, G. Melin, V. Muller, Jean Périer, L. Poinsard, Robert Pinot, Paul de Rousiers.

Le Conseil peut s'adjoindre des membres nouveaux. Cette adjonction doit être pr-ononcée à la majorité des trois quarts des membres du Conseil, lesquels pourront, dans ce cas spécial, exprimer leur vote par correspondance, s'ils sont absents de Paris.

Le Conseil pourvoit lui-même, et dans les conditions ci-dessus indiquées pour l'adjonction de nouveaux membres, aux


2

BULLETIN DE LA. SOCIETE INTERNATIONALE

vacances qui viendraient à se produire dans le Bureau.

ARTICLE 6. — Le Bureau de la Société comprendra : 1 Président, 2 Vice-Présidents, I Trésorier et 1 Secrétaire.

ARTICLE 7. — Le Bureau a les pouvoirs les plus étendus pour l'Administration de la Société. Il choisit les titulaires des bourses de voyages ou d'études, accepte ou refuse de publier leurs travaux.

ARTICLE 8. — Le Conseil se réunit au moins deux fois dans le courant de chaque année en assemblée ordinaire. Il approuve les comptes qui lui sont soumis par le Bureau, décide, s'il y a lieu, la date des congrès et en fixe l'ordre du jour.

Modification aux Statuts.

ARTICLE 9. — Les présents statuts ne peuvent être modifiés que par une assemblée extraordinaire du Conseil réunie sur convocation du Bureau. Cette convocation est de droit, si elle est réclamée par les deux tiers des membres du Conseil. Les modifications proposées doivent être mentionnées sur les convocations, et celles-ci doivent être adressées à chaque membre du. Conseil dix jours francs avant la date de la réunion.

Pour être valables, les décisions de l'assemblée extraordinaire du Conseil doivent être prises à la majorité des -, deux tiers des membres présents ou représentés. La représentation ne peut être confiée qu'à un membre du Conseil et chaque membre ne peut représenter qu'une seule personne.

ARTICLE 10. — Il est donné plein pouvoir au porteur des présents statuts pour faire la déclaration prescrite à l'article 5 de la loi du 1" juillet 1901.

M. Paul de Rousiers soumet ensuite à l'approbation du Conseil le projet de traité à intervenir entre la Société et M. Edmond Demolins, propriétaire et directeur de la Revue la Science sociale, pour la publication du Bulletin de la Société et des travaux subventionnés par elle.

Après un échange d'observations, ce traité est accepté à l'unanimité.

Le Conseil procède ensuite à la constitution définitive de son Bureau, dont voici la composition :

PRÉSIDENT : M. Paul de Rousiers, Secrétaire général du Comité central des armateurs de France.

VICE-PRÉSIDENTS : M. Edmond Demolins, Directeur de la Science sociale, Président du Conseil d'administration de l'École des Boches; — M. Paul Bureau, professeur à la Faculté libre de droit de Paris et à l'Ecole des Hautes Études sociales, chargé du cours de Science sociale à Paris.

TRÉSORIER : M. Maurice Firmin-Didot, éditeur.

SECRÉTAIRE : M. G. d'Azambuja, publiciste.

L'ordre du jour étant épuisé, la séance est levée.

Correspondants et Chefs de groupes.

La liste des Correspondants et Chefs de groupes, en France et à l'étranger, est en préparation. Elle sera publiée dans le prochain fascicule.

Ceux de nos collègues qui seraient disposés à nous donner leur concours comme Correspondants et à organiser des groupes d'études dans leur région sont priés de nous le faire savoir le plus tôt possible. Après leur admission par le Conseil, nous leur enverrons tous les renseignements nécessaires à ce sujet.

LISTE GENERALE DES MEMBRES

Les abonnés de la Science sociale, qui ne sont pas membres de la Société, ne figurent pas sur cette liste.

1° Paris : MM. ARQUINVILLIERS (baron d').

— AYNARD (Ed.), député. BABONNEAU (R. P.). — BÂCLÉ (L.), ingénieur. — BAELEN. — BARBIER (Théophile), ingénieur. — BARV (A. de). — BÉGUINS (Félix), D 1' es sciences. — BERTRAND (D1). — BERNON (J.-A. de). — BESSAND, directeur de la Belle Jardinière.

— Bizos (E.). — BLANCHON (G.). — BON-


DE SCIENCE SOCIALE.

3

DIN (Frédéric). — BORDE (Mm,;). — BORDEREL (Jean). — BOUCHER (M"° Louise).

— BouRET(Mmo ), commissionnaire. — BODTTER (l'abbé). — LE BRET (Robert), avocat. — BUREAU (Paul), professeur à la Faculté libre de Droit.

CAMARA (M.). — CHAMPAULT (Ph.).— CHARRIER (l'abbé)'. —CJIATILLON (R.P.HENRY).

— CHOPARD. — COPPEAUX (Emile). — COPPEAUX (Théophile). — COUSIN (Jules).

— CUINAT (H.).

DESEILLEGNY. — DUFAURE (Amédée). — DUPRÉ LA TOUR (Félix). — DURIEU. — EYSSÉRIC. FÈVRE (L.), ingénieur en chef des Mines.

— FILLEUL-BROHY, industriel. — FIRMINDIDOT (Alfred). — FIRMIN-DIDOT (Maurice). — FRANCE (Henry de). — FRANCIS (l'abbé G.). —FROMENT (André). —FROMENTIN (l'abbé), curé de St-Germain l'Auxerrois.

GALLIARD (Gabriel-Olphe). — GAUCHER (Victor), architecte. — GEBHARDT (J.-J.).

— GODEVILLE.

HARCOURT (comte Pierre d'). — HAUDRICOURT. — HÉLIAND (comte d'). — HEMMER (l'abbé Hipp.). — HESS (Jean), publiciste. — HUARD (Gustave), avocat. — HUBER (Charles).

ISAMBERT (Paul).

JARRY (Louis). — JOUIN (l'abbé), curé de St-Augustin.

LANZAC DE LABORIE (S. de). — LEBAUDY (Paul), député.—LEC-AY (Robert). — LEMONNIER

LEMONNIER — LÉVÈQUE. — MARAGE

(Dp René). — MARTIN (Tommy). — MONET (Pascal), agrégé de l'Université. — MoNIN (J.), ingénieur. — MOUTIER (Dr A.).

NIVARD (Paul). — NOÉMIE (MI,C).

OLLIVIER.

PACHECO (Alfred), négociant. — PERCHE (l'abbé de la), curé de l'Immaculée-Conception. — PICARD (l'abbé). — PLINVAL (M"c). — PINOT (Robert), secrétaire général du Syndicat des constructeurs. — PROVOT (Mme).

QUINTON (N.).

RAFFIN (l'abbé L.). — RATERAT (G.), négociant. — Rivière (l'abbé Pierre).

SAINTE-CROIX (de). — SEILFIAC (Léon de), secrétaire du Musée social. —SAINT-PAUL DE SINCAY.

TANQUEREY (l'abbé). — TISSIER (PAUL); — TRIPET (D 1' Jules). — TURPAUD. — TURQUET (Henri).

VIDAL. —. VILLECHEMOUX. — VILMORIN (Philippe de).

2° Province : MM. ABEBÉ (Edouard), Châlons-sur-Marne. — AGNIEL (Georges), ingénieur, Sailly-Labourse (Pas-de-Calais).

— ALEXANDRE (l'abbé), chanoine de la cathédrale, Angoulême. — AMBLARD (Auguste), Vitry-le-François (Marne).— AMBLARD (Emile), ingénieur, Dieppe. — AXDRIEUX (l'abbé P.), Limoges. — ARDANT (l'abbé), Limoges. — ARNAULT (l'abbé Ed.), Pessines (Charente-Inférieure). — ASTOUL, professeur à la Faculté de droit, Caen. — AUBRY (H.), Chatou (Seine-etOise). — AUCLAIR, Villeneuve-St-Georges (Seine-et-Oise). —AZAMBUJA (G. d'),Meudon.

BACHELET, Jarnioux (Rhône). — BALEY (Pierre), Revigny (Jura). — BALLU (l'abbé Louis), curé à Parnay (Maine-et-Loire).

— BARBOTIN, à Penhoëk (Ille-et-Vilaine).

— BASTIDE (DE LA), Ch-™ de Pressac par Chabanais (Charente). — BAYARD (l'abbé L.), Lille. — BAZOCHE, notaire, Mesnilaux-Bois (Meuse). ■— BEAUQUIER (Jean), Nîmes. — BELLANGER, Fontainebleau.

— BELLEVILLE (Alphonse), Versailles. — BÉNÉZULO (Adrien), propriétaire-viticulteur, Gignac (Hérault). — BENOIST (Dr Emilien), Guéméné-Penfao (L.-Infér.). — BENOIST (Olivier), propriétaire-agriculteur, Plailly (Oise). — BERNAUD (l'abbé), curé de la cathédrale, Poitiers. — BERTIER, professeur à l'École des Roches, par Verneuil (Eure). — BERTIN, Salon (Bouches-du-Rhône). —BERTSCIIY(F.), Dijon.

— BOISSIEU (DE), Ch. de Varambon par Pont-d'Ain (Ain). — BOITEAU (Léonce), négociant, Angoulême.— BOTREL (l'abbé), Essémane, près Béja (Tunisie). — BOUILLON (Mt,r), vicaire général, Sens. —

"BOULANGER (H.), Choisy-le-Roi (Seine).— BOUSQUET, Courrières (Pas-de-Calais). — BouYGUES(Joseph),Lyon.—BOYER (l'abbé), Villery-St-Étienne (Meurthe-et-Moselle).

— BROUE (MU<! de la), Beurlay (Charente-Inférieure).— BRUN (Henri), avocat, Château de la Barre (Loiret). — BRUNIE,


BULLETIN DE LA SOCIETE INTERNATIONALE

notaire, Ussel. — BOFFAULT (Ed.), ingénieur en retraite, Moulins. — BURES (Maurice), avocat, Saintes. — BUTEL (Fernand), avocat, Pau.

CADOT (J.), Villeurbanne (Rhône). — CAHOT (Petrus), Lyon. — CALAN (V' 0 Ch.de la Lande de), Redon. — CARFOKT (de), Lorient. — CARBONNIÈRES (F. Caries de), avocat, Castres. — CARREZ (Victor), ingénieur, Acat-sur-la-Lys (Pas-de-Calais). — CARTIER-BRESSON (Pierre), Pantin (Seine). — CHATEL (Laurent), Toulon. — CHEVALLIER (Emile), Chartres. —- LE COULTRE .(Albert), Alger. — COLCOMBET (V.), négociant, St-Etienne. — COLLONGE (Ph.), professeur au séminaire d'Alix par Anse (Rhône). — CODILBARD, professeur, Montauban. — COURRÉGES (B.), président du tribunal civil, Montauban. — CouTURIÉ, Savigné-l'Évêque (Sarthe). — COUZINET (Rémy), Itteville par Bourray (Seine-et-Oise). — CROSNIER, capitaine, officier d'ordonn. du général comm. la 20e division, St-Servan. — CUÉNOD (Dr A.), Tunis.

DAHER (Paul), négociant, Marseille. — DALLOZ (A.), St-Claude (Jura). — DAMAS D'ANLEZY (le Clc), château d'Anlezy (Nièvre). — DASSÉ (l'abbé Joseph), curé d'Ourouer par Guérigny (Nièvre). —• DAUPRAT (A.), Le Breuil-St-Michel par Chambourg (Indre-et-Loire). — DADPRAT (Et.), 4, rue de la Paix, Nice. — DAVID (Gaston), Ch. Bicardopar St-Yrieix (HtcVienne). — DAVID (Aristide), St-Michelen-1'Herm (Vendée). — DECOSSE (Paul), avocat, Neufchàteau (Vosges). — DELAFOY (Camille), Mainvilliers (Loiret). — DÉLACE (X.), Mustapha (Alger). — DELBET (D 1' E.), député, la Ferté-Gau'

Ferté-Gau' (Seine-et-Marne). — DELCLUSE (l'abbé J.), curé de Tortefontaine (Pasde-Calais). — DEMOLINS (Edmond), administrateur de l'Ecole des Roches, la Guichardière par Verneuil (Eure). — DEPALLIER (R.), industriel, Orléans. — DESPLANQUES, Lizy-sur-Ourcq (Seine-etMarne). — DEVALORS (Michel-Laurent), Chasse (Isère). — DÉZOBRY, Montmorency (Seine-et-Oise). — DOLIVEUX (G.), administrateur de la Société du Chocolat Poulain, Blois. — DONNODEVIE (André),

(André), (Gers). — DORGUIN (Charles), La Châtre (Indre)..—DOUTRIAUX (André), avocat, Valenciennes. — DUBOIS (L.), Puteaux (Seine). — DUDOIGNON-VALADE, avocat, Moulin de Repéroux, par Champdeniers (Deux-Sèvres). — DuFRESNE (Augustin), Dieppe. — DUFRESNE (Robert), Manoir de Calmont, par Dieppe. — DUPRÉ LA TOUR, Versailles.

— DUTET (Victor), juge de paix, Azazga (Alger).

ENCAUSSE DE LABATTUT (Bernard d'), Toulouse.

FAUVEL (l'abbé E.), Bayeux. — Fard (P.), Rouen. — FAVRICHON (l'abbé J.), curé à Fontanès (Loire). — FEUILLADE DE CHAUVIN), Bordeaux. — FIRMIN-DIDOT (M 110 Elisabeth), château d'Escorpain (Eureet-Loir). — FOUGERON (Emile), Orléans). — FURNE (Constant), Boulogne sur-Mer.

GALLAND (Charles), Puteaux (Seine). — GALLAND (Emmanuel), notaire, Tournus (Saône-et-Loire). — GARAS, Mézin (Lotet-Garonne). — GARNIER (l'abbé Joseph), recteur de Fourvières, Lyon. — GARNIER (Paul), Nancy. — GASPARIN (Cle de), Nîmes. — GASTEBOIS (Louis de), Lourdes. — GENSOLLIN (Louis), avocat, Toulon. — GAIDE-ST-GENIÈS (M™ 0 la B°"lle de), Pau. — GÉRARD (Pierre), Marseille.

— GÉRARD (l'abbé), professeur à l'Ecole St-Étienne, Meaux. — GIRARD (Paul), Bourges. — GODARD, ingénieur de la Cie du Chemin de fer du Midi, Béziers. — GOURDET, Amiens. — GUERRIN (Eugène), Cambrai. — GUILBELON (Cte de), maire de Beauvoir (Oise). — GUINET (Antoine) fils, Lyon.

HALLOUIN, Versailles. — HERVEY, Ch. de Notre-Dame-du-Vaudreuil (Eure). — HONORÉ (Maurice), Chambourg (Indreet-Loire). — HOCDARD (Adolphe), Neuilly-sur-Seine).— HUBERT (Maurice), ingénieur, Marseille.

IZARN (Armand), avocat, Perpignan.

JAMBERNAT (Emm.), Marseille. — JACQUOT (Dr), Creil (Oise). — JOFFRION (Dr), Benêt (Vendée). — JOLIET, avocat, Dijon.

— JONANOLOU (l'abbé), École Jeanned'Arc, Tarbes. — JONCARD, Montrichard (Loir-et-Cher).


DE SCIENCE SOCIALE.

KIENER (Roger), Eloyes (Vosges). — KLEIN (l'abbé Félix), Bellevue (Seine-et-Oise).

LACHESNAIS (E. de), Marseille. — LAFARGE (Albert de), directeur de l'usine de Lafarge, Viviers (Ardèche). — LAPEYRE (Fernand), la Roche-Chalais (Dordogne). — LAROCHE (Joseph), Arras. — LAÏÏDET (René), Cieutat (Gers). — LAVALETTE (Roger de), château de Sessale par Villefranche-Lauragais (Hte-Garonne).

— LAYE (l'abbé), aumônier, Toulouse.

— LAYER (Jules Scrive), industriel, Lille.

— LEBOUTEUX (P.), Verneuil (Vienne).

— LECALLIER (E.), Elbeuf (Seine Inférieure). — LECQEUR (Edmond), ingénieur, Rouen. — LEFEBURE (P. E.), Ronfeugeray (Orne). — LEDOUX (l'abbé A.), curé de Guemps (Pas-de-Calais). — LEFÈVRE (Frédéric), Rouen. — LEFÈVREDESURMONT, Lille. — LEGROS (R.), directeur de la station centrale d'Electricité, Fécamp. — LELOUP, président de la Chambre de commerce, Arras. —LENDEVILLE (de), Villotte (Côte-d'Or). — LENGLET, Fécamp. — LENOIR, adjoint au maire, Versailles. — LION (Camille), Rouen. —• LOISY (J. de), Noyon. — LOUISSET (Frédéric), Bordeaux.

MAISTRE (Ct 0 de), Pont-Audemer. — MALHERBE, Pont-Audemer. — MAME (Paul), éditeur, Tours. — MANAUD, Marseille. — MARCHON (l'abbé), Orléans. — MARTIN (Léonce), avoué, St-Affrique. — MARETTE, curé-doyen, Aire-sur-Lys (Pas-de-Calais).

— MARQDET (Emile), Montoir de Bretagne (Loire-Inférieure). — MARQUES (Georges), avocat, Cahors (Lot). — MARTIN (l'abbé), St-Brieuc. — MAUBEC, professeur à l'Institut Join-Lambert, Rouen.

— MAUREL (Marc), armateur, Bordeaux.

— MELIN (G.), professeur à la Faculté de droit, Nancy. — MESURE (Charles), directeur des Forges de St-Jacques, Montluçon. — MÉZIÈRE (l'abbé), curé d'Abbeville (Seine-et-Oise). — MIEG (Thierry), Le Havre. '— MIGNAL (J.), ingénieur, aux Herbiers (Vendée). — MiMAUD (Jules), juge d'instruction, Ruffec.

— MILLON (l'abbé), professeur au petit séminaire, Carcassonne. — MISTRAL (Bernard, Saint-Rémy (Bouches-du-Rhône). MONTCHEUIL (Paul de), château de Montcheuil,

Montcheuil, Nontron. — MONTFORT (R. de), Bouay (Cher). — MONTI DE REZÉ (Louis), Bordeaux. —MORANT (Mis de), Montdidier (Somme). — MOREL (Dr), Courlon (Yonne). NEYRET (Jean), ingénieur, Saint-Etienné.

— NONSEVILLE (Vte de), capitaine au 135e de ligne, Angers.

OLLIER (Paul), Béziers. — OUDAILLE (DrG.), Le Cannet (Var).

PARMENTIER (l'abbé), Perpignan. — PASQUIN (Paul), instituteur, Moyenmoutier (Vosges). — PERCHE (l'abbé R. de la), curé de Puteaux (Seine). — PERRAUD (le cardinal), évêque d'Autun, de l'Académie française. — PETERS (Louis), Épinal. — PHILIPPON (Georges), château de Mazargues par Marseille. — POCHET, ingénieuragronome, Verneuil-sur-Avre (Eure). — POCQUET (Barthélémy), publiciste, Rennes. — PONTAL (Ct 0 de), château de Jauberthes (Gironde). — POTHIER (H.), capitaine au 108° d'infanterie, Bergerac. — Pou (Georges), ingénieur, Blois. — PRAT (Louis), Marseille. — PRÉVILLE (A. de), château du Bonéthèves par Chabanais (Charente). — PREVILLE (l'abbé de), chanoine, Blois.

QUINTIN (Jean), Tanay (Ain).

RAFFESTIN (Ferdinand), receveur de l'enregistrement, Palaiseau (Seine-et-Oise).

— RÉALS (de), Dinan.

RAYMOND CAHUZAC (Ch. de), Toulouse. — REBOUX(A.), directeurdu Journal de Roubaix, à Roubaix. — RÉVTEN (Ctode), Chau de Montgiroux (Mayenne). — RICHARD, industriel, Jujurieux (Ain). — R'ICHER (A.), lieutenant de vaisseau, Lorient. — ROCHE (Victor), juge, Dieppe. — ROGIE (Narcisse), receveur de l'enregistrement, Versailles. — ROOLF, Neuilly-surSeine). —ROUGERIE (M»r),'évêque dePamiers. — ROUSIERS (Paul de), château du Rhus, parConfolens (Charente). — ROUSIERS (Mm 0 Vve de), Rochechouart. — Roux (Ferdinand), avocat, ChaudeJavode, par Issoire. —RUELLE (Dr de), Marseille. SAINT-MARTIN (André de), Périgueux. — SAINT-RAYMOND (Edmond), Toulouse.—• Saffroy- (Louis), notaire, Brienon-surArmançon (Yonne). — SALES, Toulouse.

— SAQUET (le Dr), Nantes. — SAZERAC DE


BULLETIN DE LA SOCIETE INTERNATIONALE

FOBGE (Albert), Angoulême. —SCHWALM (R. P.), Nice-Cimiez. — SENN (Olivier), Le Havre. —•. SILANS (de), capitaine de vaisseau, Lorient. — SILVESTEE, Barle-Duc. — SIMON (Stanislas), St-Dizier. — SouRY-LAVERGNE(H.),jiige,Rochechouart.

— STAEMMEL (l'abbé), secrétaire général à l'évêché, Nancy. — SURCIN (l'abbé), curé de Ferolles, Loiret.

TEILLAIS (de la), capitaine, Saumur. — TEISSIER (Georges), Marseille. — TENAILLE (Jean), Bas-tia.— TIXIER (Emm.), avocat,

. Clermont-Ferrand. — TOURNIER (Henri), Aiguefonde (Tarn). — TOURVILLE(Mme A. de), Chuude Tourville par Pont-Audemer.

— TRAGIN (Georges), notaire, Eu. —TRETAIGNE (Baron de), Chau de Festieux, Aisne. TRINCAND LA TOUR (de), Bordeaux. — TROLLIET (Félix), Morestel (Isère).

VALDELIÈVRE (Georges), Lille. — VELTEN (Gaston), Versailles. — VERNAZOBRES (Henri), Raboulet (Hérault). — LA VERNETTE (Ph. de), lieutenant au 28e d'infanterie, Evreux. —VIALOLLE (Dr), CarbonBlanc (Gironde). — VIGER (D1'), Abbeville. — VIGNON (l'abbé Paul), curé de Brignais (Rhône). — VILLARD, Lyon:

— VILLARMOIS (C,c de la), Chau de Trans (llle-et-Vilaine). — VILLERABEL (l'abbé de la), secrétaire général de l'évêché de Saint-Brieuc. —ViNCELLEs(Ctede), Ch"u de Penanrun (Finistère). — VINCENT (André), St-Etienne. — VOMÉCOURT (Bon de), château de Chassey (Hlo-Saône).

3° Étranger. — ALFONSO (A. José), Santiago, Chili. —AMMAN (Alfred d'), ingénieur, Fribourg (Suisse). — ARCHAMBAULT (M"), Montréal (Canada).

BERINDER (C. A.), ingénieur, Bucarest (Rou.

(Rou. — BOCHANOW (A.), notaire, Riga (Russie). — BOURNIVAL (L.-O.), médecinpharmacien, Saint-Barnabe (Canada). — BRAAMCAMP MATTOS (José), Mont'Estoril, Lisbonne (Portugal).— BROGES (Paul de), au Sart-St-Eustache (Belgique). — BRUx HES, professeur à l'Université catholique, Fribourg (Suisse).

CAMARA (Gonzalo), licencié en droit, Mérida, Mexique. — CASO (Sr D. Higinio G.), Gijon (Espagne). — CARRY (l'abbé Eugène), Genève (Suisse). — CASTELAR

(Sr Marquis de), Madrid. — CERVERA (Pascual), contre-amiral, Puerto Real (Espagne). —' CONAN (M 6' J.), Port-auPrince (Haïti) — COURTHION (Louis), Genève (Suisse). — CRAWFORD (W. C), Edimburgh (Angleterre). DEJACE (Charles), avocat, Liège (Belgique).

— DOYEN (l'abbé), prof, au séminaire à Beauregard près Thionville (Lorraine).

— DUBOIS, Gand (Belgique). — DDMON (Henri), ingénieur, Tournai (Belgique). •

H. EPSTEIN (Jacques), Varsovie. — ERNODLT (Hip.), Marquisat (Guadeloupe).

LE FEUVRE (René F.), 1 Directeur de l'Institut agricole, Santiago (Chili).

GASPAR (Dr Félix), Rio-de-Janeiro (Brésil).

— GEIGY (Alfred), Bâle (Suisse). — GERBERT (Bêla), Pétroseny (Hongrie). —GÉRIN (Léon), Ottawa (Canada). — GICQUEL, (lieutenant de l'infanterie coloniale, HaGiang (Tonkin). — GOODBODY (Ed. E.), M. D. Brodkhouse, Great Bardfleld Braintree, Essex (Angleterre). — GAPEZYNSKI (l'abbé E.), Posen, Allemagne. — GREY (José), Nova Friburgo, Estado de Rio de Janeiro (Brésil). — GUILHOMIL (visconte de), Cadouços, Foz de Douro (Porto), Portugal. — GUZMAN (Louis Perezde), Jerez de los Caballeros, Badajoz (Espagne).

HEYD, capitaine d'artillerie coloniale, Dakar (Sénégal)-.

JANMOT (Maurice), Arraras (Brésil).

LAMING (H.), directeur de la compagnie du gaz, Moscou.

MARTINEZ (Candido Ruiz), Madrid. — MONJARRAS (Dr J. E.), Mexico.— MONTÉNÉGRO (D. Feliz), Cordobilla, Espagne. — MULLER (Victor), avocat, Liège.

NAEL (l'abbé), à l'archevêché de Port-auPrince (Haïti).

OLIVEIRA (Gabriel de), Sao Paulo (Brésil).

PICHON (l'abbé), senior général de l'archevêché, Port-au-Prince (Haïti). — PEREIRA Dos SANTOS(D. J.), Sao Paulo (Brésil).— PÉRIER (Jean), consul suppléant de France, Londres. — PIRAZZO DA CUNHA (D. Luiz), Melres (Portugal). — POBEDONOSTZEF (Constansza), Procureur du St-Synode, St-Pétersbourg. — POINSARD (Léon), Berne. — Portugal (A. de), Durâo, Fort Salisbury, Rhodesia.

REPAINS (Prince N.), Kiew (Russie).


DE SCIENCE SOCIALE.

SALAS EDWARDS (Ricârdo), Santiago (Chili).

— SÉPCLCHRE (Léon), Herstal (Belgique).

— SÉPULCHRE (Louis), Herstal (Belgique).

— SILVA (V. de), Freira, Saô Paulo (Brésil). — SILYEIRA CINTRA (Dr), Sao Paulo, (Brésil). —- STACO(Justin),;!ï,ort-au-Prince (Haïti). —SZWANSKI (Jean), Wilna (Rus.

(Rus.

TOQUENNE, chef de bataillon, Maintirano (Madagascar).

URECHIA (Nestor), irlgénieur, Bucarest.

VALVA (G. d'Ayala), Naples. — VAEICHOFF (Alexandre), professeur à l'Université Legorka, St-Pétersbourg. — VASCOXCELLOS (Joào de), sous-lieutenant de l'infanterie; Porto (Portugal).

WILLEM? (Pierre), industriel, Gand.

ZAGGLODL (Ahmed Fathy Bey), président du tribunal indigène, Le Caire.

{La suite de la liste, contenant les nouveaux membres, sera publiée dans le prochain fascicule.)

BIBLIOTHÈQUES ABONNÉES A « LA SCIENCE SOCIALE »

On peut consulter la collection de la Science sociale dans les Bibliothèques suivantes, qui sont abonnées à la Revue :

A Paris : Bibliothèque Sainte-Geneviève.

— Bibliothèque de la Faculté de Droit.

— Bibliothèque centrale du Ministère des Finances. — Comité de Législation étrangère au Ministère de la Justice. — Bibliothèque du Ministère du Commerce. — Ecole des Sciences politiques. — Bibliothèque Cardinal.

En province : Bibliothèque de l'Ecole spéciale militaire à Saint-Cyr. — Bibliothèque publique de Nancy. — Bibliothèque de l'Université, à Dijon. — Bibliothèque universitaire, à Bordeaux. — Bibliothèque universitaire, à Caen. — Bibliothèque universitaire, à Alger.

— Bibliothèque municipale de Lyon. — Bibliothèque commerciale, à Lille. — Chambre de commerce de Marseille.

— Bibliothèque de la Chambre de commerce de Saint-Étienne. — Bibliothèque du grand Séminaire de Toulouse. —

Bibliothèque de l'École des Roches,, à . Verneuil (Eure). — Bibliothèque de la Société des Études économiques de Marseille. — Bibliothèque de la Société Turgot, Le Havre. — Circular-Revue, Toulouse. — Bibliothèque de l'OEuvre des Revues, à Tarbes.

A l'Étranger : Caméra Deputati Biblioteca, à Rome. — Ministero Agricultura, Industria et Com;mercia, Biblioteca, à Rome. — Biblioteca de Bréro, Milan. Congreso-de los Diputados (Biblioteca), Madrid. — Ateneo y Sociedad de Excursiones, Séville. ■— Ateneo Barcelone, Espagne. — Escola Naval, Lisbonne. — La Bibliothèque publique, Genève. — Bibliothèque de la Société économique, Fribourg. — Bibliothèque du Conseil d'État, Saint-Pétersbourg. — University Library, Torento. — Académie commerciale, Montréal.

RECRUTEMENT ET PROPAGANDE

Avec le présent fascicule, nous adressons à tous les membres une brochure sur la Société de Science sociale. Cette brochure est destinée à faciliter à nos confrères le recrutement et la propagande. Elle contient un Bulletin d'admission que nous les prions de remplir au nom d'un nouveau membre et de nous renvoyer.

Nous tenons des exemplaires de cette brochure à la disposition de nos confrères. Ils les recevront gratuitement s'ils veulent bien nous en faire la demande.

Nous avons le ferme espoir que tous voudront contribuer activement à la propagande de cette Science sociale, dont ils comprennent la haute portée. Ils y contribueront non seulement en augmentant le nombre de nos adhérents, mais aussi le nombre de nos publications, puisque nous publierons un fascicule de plus par cent nouveaux membres.

ETUDES SOCIALES

Sous cette rubrique, nous tiendrons nos lecteurs au courant des études entreprises,


8

BULLETIN DE LA SOCIETE INTERNATIONALE

soit individuellement, soit dans les groupes locaux qui se constituent.

Nous rappelons que les travaux faits d'après la méthode sociale pourront former des fascicules spéciaux, qui seront ensuite mis en vente, au nom et au profit des auteurs, dans les conditions indiquées sur la couverture de la Revue.

Nous sommes à la disposition de nos confrères pour examiner avec eux les questions à étudier et pour les aider, s'ils le désirent, à les faire d'après la Méthode de la Science sociale.

Pour mettre plus d'ordre dans cette partie du Bulletin, nous distribuons les renseignements, suivant les 13 séries adoptées pour le classement de nos fascicules en volumes.

Série I : Méthode. — Le fascicule qui est joint à ce numéro du Bulletin est consacré tout entier à exposer la Méthode sociale. Tous ceux qui désirent faire des observations, ou des études, y trouveront donc les indications nécessaires pour les entreprendre avec rigueur et exactitude. Ce fascicule doit être pour eux une sorte de Vade-mecum, qu'ils devront consulter souvent.

Nous pouvons annoncer dès maintenant que notre collaborateur, M. Ph. Champault, dont nos lecteurs apprécient l'exactitude etlaméthode, prépare, sur le désir que lui a exprimé Henri de Tourville, un Manuel de Science sociale. Cette publication sera un précieux moyen d'étude pour tous les travailleurs.

Série II : Géographie et sciences.

— Cette série comprend la géographie physique, la géologie, la météorologie, la botanique et la zoologie. Elle intéresse donc particulièrement les spécialistes qui désirent, sans s'éloigner de leurs études ordinaires, apporter leur contribution à la Science sociale et, en même temps, rattacher leur spécialité à des études plus générales. Un savant ne doit pas rester confiné dans son petit compartiment, il doit chercher les rapports qui existent entre ses études très spéciales et les autres ordres de connaissance. Il doit s'ouvrir des

percées sur l'ensemble du monde social, afin de connaître toutes les répercussions de ses propres études.

La règle à suivre, pour un spécialiste des sciences que nous énumérons plus haut, nous paraît être la suivante : il doit rechercher tes rapports qui existent entre sa science et les divers phénomènes sociaux.

S'il s'intéresse à la géologie, par exemple, il devra rechercher si la nature du soussol a une influence, et laquelle, sur les formes du travail, plus particulièrement de la culture, de l'industrie ou des transports. Pour établir ces rapports, il devra examiner successivement les différentes divisions de la Nomenclature sociale, que nous publions à la fin du premier fascicule de la Revue.

Il y a, dans cet ordre d'idées, des découvertes très intéressantes à faire et qui apporteraient à la Science sociale une contribution précieuse.

M. A. Roujol, professeur à l'École des Roches, entreprend en ce moment un travail de ce genre. Il commence par la géologie de la Normandie et compte ensuite étudier, au point de vue social, les grandes régions géologiques de la France. Les personnes qui seraient disposées à entreprendre des études géologiques au point de vue social, sont invitées à se mettre en rapport avec lui.

Il y aurait aussi d'intéressantes études à faire à propos de-la botanique et de la zoologie, au point de vue de l'influence sociale des plantes et des animaux. Nous avons publié dans la Revue un article sur l'influence sociale du cheval; M. A. de Préville a tiré d'importantes conclusions de l'espèce animale qui domine dans les diverses régions du Sahara. On a signalé aussi l'action sociale du blé, du maïs, de la vigne, etc. Ces études seraient à développer et à préciser, en suivant plus spécialement les indications de la botanique et de la zoologie.

Nous devons signaler une autre série très importante et entièrement nouvelle d'études scientifiques. Il s'agirait de déterminer l'évolution historique des diverses sciences, naturelles, mathématiques, physiques et chimiques, en l'expliquant d'à-


DE SCIENCE SOCIALE.

près, les conditions mêmes du milieu social . aux diverses époques et dans les différents pays. C'est là une oeuvre de longue haleine et qui devrait être poursuivie par une collection de collaborateurs spéciaux, traitant chacun un compartiment scientifique, ou une période de l'histoire des sciences.

Cette histoire est à écrire et, à mesure qu'elle s'élaborera, on sera surpris des progrès qu'elle fera faire, d'une part, à la Science sociale et, d'autre part, à la connaissance de l'évolution scientifique.

Nous signalons particulièrement cette section aux professeurs et aux hommes de science, disposés à s'intéresser aux études sociales et à étendre le cercle de leur propre spécialité.

Série III : Monographie de familles et de régions. — Cette série sera certainement la plus féconde en travaux, car elle embrasse l'étude des groupements sociaux les plus importants et les plus compréhensifs.

Plusieurs de ces travaux sont commencés, ou vont l'être incessamment.

Dans le prochain fascicule, nous publierons une très intéressante étude de notre Secrétaire, M. G. d'Azambuja, sur le Conflit des races en Macédoine, d'après une observation monographique.

Nous donnerons ensuite la synthèse de huit monographies de familles, qui ont été soumises à un travail de revision d'après la Nomenclature. Nous exposons plus loin l'origine et les éléments de ce travail *.

Nous avons, en outre, en préparation une étude des différentes variétés du type normand, classées méthodiquement 2.

Pour rendre ce travail plus complet et pour nous faciliter les observations sur place, nous avons besoin du concours de nos confrères qui habitent la Normandie. Nous leur demandons de se mettre personnellement en relation avec nous, pour nous aider dans ce travail. Dès maintenant, ils peuvent nous donner une collaboration très utile, en rectifiant, s'il y a lieu, et certainement en développant les renseigne ments

1. Voir dans le 1er fascicule, série I, Méthode, p. 70.

2. Voir ce que nous en disons, ibid., p. 77.

que nous publions dans le 1er fascicule cijoint, pages 77 à 86.

Nous avons le plaisir d'annoncer qu'un de nos confrères, M. Jean Hess, le publiciste bien connu, poursuit en ce moment, d'après notre méthode, une description, générale de l'Algérie. Nous invitons les membres de notre Société qui résident en Algérie à lui prêter leur plus dévoué concours, pour l'aider à mener à bien cette entreprise complexe et si intéressante.

Un autre de nos collègues, très ancien et très dévoué, M. F. Roux, avocat à Issoire, m'écrit :

« J'ai lu avec le plus grand intérêt, dans la dernière livraison de la Science sociale, l'exposé des transformations qu'elle va subir. J'y ai vu que les voyages d'études ne tiendraient pas moins de place que par le passé dans le programme de la Société. En ce moment même, mon fils qui a été en 1894 et 1895 au nombrecles auditeursdevotre cours de Science sociale et qui est demeuré, depuis cette époque, un lecteur fidèle de la Revue se dispose à faire en Allemagne, comme les années précédentes, un séjour assez prolongé.

« La pensée m'est venue qu'il pourrait se mettre en rapport avec ceux de vos collaborateurs que la Société a déjà envoyés de l'autre côté des Vosges, s'associer dès à présent, dans la mesure de ses forces, à leurs recherches, et faire sous leur direction un apprentissage, qui pourrait le rendre digne de figurer dans leurs rangs. Je serais particulièrement heureux qu'il put entrer en relation avec M. Paul de Rousiers, dont j'ai suivi les remarquables études sur le développement, économique de l'Allemagne.

« Mon fils modifierait volontiers son itinéraire, de façon à y comprendre les diverses localités où vos collaborateurs auraient à recueillir des renseignements complémentaires. 11 pourrait abréger son séjour, d'hiver et retourneren Allemagne dans le courant de l'été, à l'époque que vous lui indiqueriez... »

J'ai répondu à M. F. Roux' que nous acceptions avec le plus grand plaisir le concours deson fils, M. Paul Roux, et que nous étions convaincus qu'il nous rapporterait une bonne étude sociale sur une région de l'Allemagne.

Un autre de nos confrères, M. Jaminet, professeur à VEcole des Roches, est actuel--


10

BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ INTERNATIONALE

lement en Picardie, où il commence la description sociale de cette province.

Pour l'étude des diverses régions de la France, ou de l'étranger, j'adresse un appel à tous nos collègues et je les prie de nous envoyer sur leur pays les mêmes renseignements que je demande plus haut au sujet de la Normandie.

J'adresse cet appel tout parculièrement à ceux de nos confrères qui nous avaient envoyé autrefois une première contribution à notre enquête pour l'établissement de la carte sociale de la France. Nous avions reçu des réponses, notamment sur la Vallée de l'Authie, la Limagne d'Auvergne, la vallée de Chambéry, l'Armagnac, le Quercy, etc. Il serait intéressant de développer ces études et de les mettre au point, à l'aide de la Nomenclature, comme nous l'indiquons à propos de la Normandie.

Pour les études régionales, on pourra consulter le volume Les Français d'aujourd'hui, qui donne une première ébauche de la carte sociale de la France. Cet ouvrage peut donner d'utiles indications pour l'étude et le classement des pays, aussi bien en France qu'à l'étranger.

Série IV : Travail, questions économiques et ouvrières. — Cette série intéresse tout spécialement les chefs d'industries, les commerçants, les ingénieurs, les économistes. Nous les prions de nous indiquer les observations qu'ils pourraient faire sur ces questions, auxquelles nous consacrerons dans peu de temps un fascicule.

Nous recevons la lettre suivante, qui précise la situation de notre commerce d'exportation :

A M. Edmond Demolins.

« Cher Monsieur,

« Voici quelques renseignements qui peuvent vous intéresser au sujet de notre situation commerciale.

« En France, tous les produits du sol et du sous-sol, aussi bien que ceux de la grande industrie, sont protégés contre la concurrence étrangère par des tarifs de douane établissant

des droits prohibitifs, dits compensateurs, à l'entrée des frontières.

« Vous pouvez consulter à cet égard le tarif des douanes qui vous en apprendra davantage que tous les raisonnements possibles.

•' Comment pourrions-nous espérer réussir à exporter des marchandises pour lesquelles nous sommes forcés d'avoir recours à la protection douanière afin de conserver seulement le marché intérieur français"?

« L'industrie française serait certainement ruinée par le libre-échange sur son propre marché, si l'on supprimait les droits de douane.

« Les commerces et industries de luxe, les vins, fruits, fleurs et légumes, volailles et autres commerces dont vous trouverez ci-joint la liste sont seuls susceptibles d'exportation.

■■ Il reste à expliquer comment un pays qui importe plus de marchandises qu'il n'en exporte, et par conséquent débourse plus d'argent qu'il n'en reçoit, n'arrive pas à se ruiner.

•■ Voici, à mon avis, partagé du reste par beaucoup d'autres, l'explication de ce fait.

.. La France est un pays économe dans lequel le bas de laine joue un grand rôle. L'argent y est plus abondant que partout ailleurs et la fortune de notre pays est presque égale à celle de l'Angleterre. La France a prêté à toutes les nations du monde des sommes fabuleuses, dont les revenus rentrent chaque année et sont dépensés dans le pays. — De plus, les étrangers riches viennent tous faire de grosses dépenses dans nos villes d'eaux, bains de mer, stations d'hiver. Vous ne trouverez presque nulle part clans le monde de grosses fortunes dont les titulaires ne viennent pas à Paris, pour y dépenser sans compter une partie de ce qu'ils gagnent chez eux. Le climat, les théâtres, la cuisine et les distractions de toutes sortes attirent et retiennent en France les étrangers riches.

« Notre article d'exportation, c'est Yargent que nous prêtons à l'étranger et notre article le meilleur à l'importation, encore l'argent que l'étranger vient dépenser chez nous.

« Les industries et commerces do luxe peuvent seuls exporter ; pour le reste, nous sommes de plus en plus remplacés par les Allemands, les Anglais et même les Italiens.

« Voici la « Liste des objets exportables » :

« Vins, conserves alimentaires, liqueurs, fruits frais, beurre, oeufs, volailles.

« Modes : fleurs, plumes, passementerie.

« Habillements : soieries, dentelles, rubans, lainages do Roubaix, lingerie.

« Meubles de luxe (Mobiliers de bureaux et


DE SCIENCE SOCIALE.

11

communs de plus en plus livrés par les ÉtalsUnis).

« Tissus pour ameublement.

« Objets d'art.

« Jouets riches (les types ordinaires sont fabriqués à Nuremberg).

« Articles de Paris : bijouterie vraie et fausse, éventails, bibelots, petits objets d'art ou de fantaisie, manches de parapluies, etc.

« Cuirs fins : chevreaux de Milhau, etc.

<■ Produits chimiques et photographiques (Exportation de plus en plus gênée par les Allemands).

•• Appareils photographiques.

« Mécanique de précision : appareils, compas, etc.

« Machinerie spéciale : par exemple, Machine à chocolat, automobiles, dont la vente prend actuellement, un grand développement, etc.

« Coutellerie de Thiers.

« Quincaillerie (elle passe de plus en plus aux Allemands).

« Pianos.

« Chapellerie (de plus en plus remplacée par les articles anglais pour le feutre dur et par les articles italiens pour le mou).

« Veuillez agréer, etc.

« F. D., armateur. »

A cette liste d'article exportés, on peut ajouter les locomotives, pour lesquelles nos usines ont reçu un certain nombre de commandes de l'étranger, la ganterie de Grenoble, les glaces de Saint-Gobain.

Nous serons heureux d'enregistrer les observations, ou les rectifications, que nos lecteurs voudront bien nous adresser.

Série V : Enseignement et Éducation. — L'expérience qui se poursuit à l'Ecole des Boches, permettra de donner à cette série un intérêt très particulier et très actuel. La question que nous aurons à étudier en premier lieu et sur laquelle j'ai déjà réuni de nombreux documents, est celle d'une meilleure coordination des matières de l'enseignement. Cette coordination doit se faire, dans les classes inférieures, en prenant pour base les leçons de choses classées suivant les formes du travail; dans les classes supérieures, en prenant pour base l'histoire. Mais c'est là un très gros sujet, que je ne veux ni effleurer, ni déflorer.

C'est cette section qu'intéressent les Cours de Science sociale. Il y en a actuellement quatre :

Le Cours de M. Paul Bureau, à Paris, dans l'Hôtel de la Société de géographie. Il a lieu tous les mercredis, à 5 heures de l'après-midi. Le sujet traité cette année est la Méthode sociale. Nous le signalons à ceux de nos lecteurs qui habitent Paris.

Le Cours de M. Edmond Demolins, professé à l'École des Roches, auquel assistent quelques professeurs et les grands élèves de la section spéciale. Cet enseignement comprend un exposé de la méthode et des résultats de la science, ainsi que des travaux pratiques, qui auront pour objet, cette année, l'étude monographique des diverses régions de la Normandie.

Le Cours de M. G. Melin, à la Faculté de droit de Nancy, qui a pour objet l'exposé de la Science sociale.

Le Cours du V 10 Ch. de Calan, à la Faculté des lettres de Rennes, consacré à l'histoire de Bretagne, étudiée d'après la Science sociale.

Série X : Histoire sociale. — C'est à cette section que se rattache Y Histoire de la formation particulariste, d'Henri de Tourville, qui est une mine d'études sociales inépuisables. Dans l'état où elle a été publiée, elle est une ébauche magnifique de l'origine et de l'évolution des sociétés de l'Occident. Mais ce n'est qu'une ébauche tracée à grands traits par am maître incomparable. Il faut maintenant la reprendre, époque par époque, en poussant la démonstration aussi loin que possible. Nous avons le plan du monument; c'est à nous de le construire dans toutes ses parties.

Nous faisons appel pour cela à tous ceux qui s'intéressent aux études historiques : il y a du travail pour tous et on n'aura que l'embarras des questions à traiter.

Notre confrère le V 10 Ch. de Calan veut bien se mettre à la disposition de ceux de nos lecteurs qui désireraient aborder une étude d'histoire sociale. Par sa grande compétence et sa large documentation, il sera pour tous un guide précieux. On peut


12

BULLETIN DE LA SOCIETE INTERNATIONALE DE SCIENCE SOCIALE.

lui adresser les lettres au siège de la Société.

On pourra se mettre au courant de l'état actuel de la Science sociale au sujet de la distribution des populations sur le ' globe, de leurs caractères et de leur classement,- en consultant les deux volumes : Comment la Route crée le Type social. Cet ouvrage renvoie, à la fin des chapitres, aux diverses études sociales publiées sur le même sujet. Il peut ainsi servir de guide pour les lectures à faire dans un ordre méthodique.

Nous n'avons plus assez de place pour parler des travaux qui se rattachent aux autres séries. Ce sera pour une autre fois.

Edmond DEMOLINS.

CORRESPONDANCE

Nous avons reçu de nombreuses lettres de félicitations au sujet du nouveau plan adopté pour la publication de la Science sociale. La division par fascicules formant un tout complet, l'augmentation du nombre des fascicules proportionnellement au nombre des membres, la mise en vente, soit des fascicules, soit des volumes et l'attribution de droits d'auteurs ont rencontré l'approbation générale. Nous remercions nos correspondants et nous demandons maintenant à tous nos confrères de nous témoigner leur approbation par un recrutement énergique.

Sous cette rubrique « Correspondance », nous publierons toutes les lettres qui nous paraîtront de nature à intéresser les lecteurs.

Reliures instantanées

de la « Science sociale »•

La publication de fascicules formant un tout complot permet de les réunir par volumes, suivant la série à laquelle ils se rapportent. Nos lecteurs peuvent ainsi se constituer une Bibliothèque sociale toujours tenue au courant, toujours tenue en ordre, où chaque étude pourra toujours être facilement retrouvée

De même, ils auront à détacher les fascicules de ce Bulletin, pour les réunir ensemble de manière a ce qu'ils constituent un volume distinct.

Chacun de nos collègues a donc besoin, dès maintenant, de deux reliures, l'une pour les fascicules de la Science sociale, l'autre pour ceux du Bulletin. Ils pourront s'en procurer d'autres plus tard, à mesure qu'ils auront assez de fascicules d'une section pour constituer un volume à part, ou lorsque les fascicules à classer seront trop nombreux pour tenir dans une seule reliure.

Nous avons fait établir par la Maison G. Borgeaud, très connue pour ses articles de bibliothèques et de classements, un type spécial et très pratique de reliure, pouvant réunir de six à huit cents pages. Il sera livré aux membres de la Société au prix extraordinairenient réduit de 1 fr. chaque, ou de 1 fr. 25, port compris.

Onestpriéde s'adresser directement à la Maison G. Borgeaud, 41 bis, rue dos Saints-Pères, à Paris; elle se charge de faire l'expédition contre l'envoi du montant.

Les dix dernières collections de la « Science sociale ».

En faisant l'inventaire des volumes qui restent de la Science sociale (lr« série), nous avons pu reconstituer dix collections complètes.

Nous mettons la collection, soit36 volumes, à la disposition du,public au prix de 350 francs. C'est une occasion unique et de courte durée.

Typographie Firmin-Didot et CK. — Pa:is.


ANNÉE 1904

1" LIVRAISON

BULLETIN fffL

DE LA SOCIÉTÉ INTERNATIONALE

DE/^1^ SOCIALE

Ce Bulletin doit kfè\(Émcw. ejùjOiacé dans une reliure spéciale.

SOMMAIRE : Constitution et-^£aiwft*«a9; Société. — Correspondants et Chefs de groupes. —• Liste générale des membres. — Bibliothèques abonnées à la Revue. — Recrutement et propagande. —Études sociales, par M. EDMOND DEMOLINS. — Correspondance. — Reliures instantanées. — Bulletin bibliographique, par M. G. D'AZAMBUJA.

ORGANISATION DE LA SOCIETE

But de la Société. — La Société a pour but de favoriser les travaux de science sociale, par des bourses de voyage ou d'études, par des subventions à des publications, ou à des cours, par des enquêtes locales en vue d'établir la carte sociale des divers pays. Elle crée des comités locaux pour l'étude des questions sociales. Il entre dans son programme de tenir des Congrès sur tous les points de la France, ou de l'étranger, les plus favorables pour faire des observations sociales, ou pour propager la méthode et les conclusions de la science. Elle s'intéresse au mouvement de réforme scolaire qui est sorti de la Science sociale et dont l'École des Roches a été l'application directe.

Appel au public. — Notre Société et notre Revue s'adressent à tous les hommes d'étude, particulièrement à ceux qui forment le personnel des Sociétés historiques, littéraires, archéologiques, géographiques, économiques, .scientifiques de province. Ils s'intéressent à leur région; ils dépensent, pour l'étudier, beaucoup de temps, sans que leurs travaux soient coordonnés par une méthode commune et éprouvés par un plan d'ensemble, sans qu'ils aboutissent à formuler des idées générales, à rattacher les causes aux conséquences, à dégager la loi des:phénomènes. Leurs

travaux, trop souvent, ne dépassent pas l'étroit horizon de leur localité; ils compilent simplement des faits et travaillent, pour ainsi dire, au fond d'un puits.

La Science sociale, au point où elle est maintenant arrivée, leur fournit le moyen de sortir de ce puits et de s'associer à un travail d'ensemble pour une oeuvre nouvelle, qui doit livrer la connaissance de plus en plus claire et complète de l'homme et de la Société. Ils ont intérêt à venir à elle.

La crise sociale actuelle et les moyens d'y remédier. — Tout en continuant l'oeuvre scientifique, qui doit toujours progresser, nous devons vulgariser les résultais pratiques de la science, en montrant comment chacun peut acquérir la supériorité' dans sa profession. Par là, notre Société s'adresse à toutes les catégories de membres.

La crise sociale actuelle est en effet la résultante des diverses crises qui atteignent les différentes professions.

Chaque profession doit donc être étudiée et considérée séparément, dans ses rapports avec la situation actuelle et avec les so - luttons que cette situation comporte.

Publications de la Société.— Tous les membres reçoivent la Revue la Science sociale et le Bulletin de la Société. Ce Bulletin comprend la liste des nouveaux


membres et des sections d'études récemment ouvertes dans les diverses régions, l'indication des questions mises à l'étude dans ces sections, l'indication de questions à étudier avec des hypothèses à vérifier, la Correspondance, une Chronique des principaux faits sociaux, un Bulletin bibliographique, etc.

Enseignement. — L'enseignement de la Science sociale comprend actuellement trois cours : le cours de M. Paul Bureau, au siège de la Société de géographie, à Paris; le cours de M. Edmond Demolins, à l'École des Roches, et le cours de M. G. Melin, à la Faculté de droit de Nancy. Le cours d'histoire, fait par notre collaborateur le Vte Ch. de Calan, à la Faculté de Rennes, s'inspire directement des méthodes et des conclusions delà Science sociale.

Missions et voyages. — La Société attribue des bourses de:voyages, ou d'études, aux personnes qu'elle choisit, principalement aux élèves des cours de Science sociale. Elle détermine les sujets à étudier par les bénéficiaires de ces bourses. Elle examine les travaux remis par eux et se réserve la faculté de les publier dans la Science sociale, ou de les rendre à leurs auteurs.

Sections d'études. — La Société crée des sections d'études composées des membres habitant la même région. Ces sections entreprennent des études locales suivant la méthode de la Science sociale, indiquée plus haut. Lorsque les travaux d'une section sont assez considérables

pour former un fascicule complet, ils sont publiés dans la Revue et envoyés à tous les membres. On pourra compléter ainsi peu à peu la carte sociale de la France et du monde.

La direction de la Société est à la disposition des membres pour leur donner • tontes les indications nécessaires en vue des études à entreprendre et de la méthode à suivre.

La Société met également en rapport les membres appartenant à la même profession, afin de leur faciliter les études sur la situation de cette profession et sur les réformes à y introduire.

Congrès annuels. — La Société se propose d'organiser un Congrès annuel pendant le mois d'août, dans une région déterminée. Ce Congrès aurait plus particulièrement pour but l'étude sociale de cette région. Les travaux du Congrès pourront former, chaque année, un des fascicules de la Revue.

Bibliothèque de la Science sociale.

— Elle comprend aujourd'hui une trentaine de volumes qui s'inspirent de la même méthode. On en trouvera la liste sur la couverture de la Revue. Quatre de ces volumes ont été présentés aux concours de l'Institut : tous ont été couronnés. Plusieurs ont été traduits en anglais, en allemand, en russe, en italien, en espagnol, en grec, en hongrois, en arabe et en japonais. Quelques-uns ont atteint des tirages de huit, dix et vingt-cinq mille exemplaires.

CHEMINS DE FER DE PARIS-LYON-MEDITERRANEE

Stations hivernales (Nice, Cannes, Menton, etc.)

Billets d'aller et retour de famille valables 3 3 jcrars

Il est délivré, du 15 Octobre au 15 Mai dans toutes les gares du réseau P.-L.-M., sous condition d'effectuer un parcours simple minimum de 150 kilomètres, aux familles d'au moins trois personnes voyageant ensemble, des billets d'aller et retour collectifs de -l™, 2" et 3° classes, pour les stations hivernales suivantes : Hyères et toutes les gares situées entre Saint-Raphaël-Valesoure, Grasse, Nice et Menton inclusivement.

Le prix s'obtient en ajoutant au prix de 4 billets simples ordinaires (pour les 2 premières personnes), le prix d'un billet simple pour la 3e personne, la moitié de ce prix pour la 4° et chacune des suivantes.

La durée de validité de ces billets (33 jours) peut être prolongée une ou plusieurs fois de 15 jours, moyennant le paiement pour chaque prolongation, d'un supplément égal à 10^" du prix du billet collectif.— Arrêts facultatifs à toutes les gares situées sur l'itinéraire. .

Les demandes de ces billets doivent être laites 4 jours au moins à l'avance, à la gare de départ.


BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE

Les Phéniciens et l'Odyssée, par

Victor Bérard. — Deux vol. gr. in-8°, 1200 pages, 242 cartes et gravures. — Armand Colin, Paris.

Notre collaborateur, M. Champault, a eu souvent l'occasion de citer le curieux et savant ouvrage de M. Bérard qui, en effet, mérite l'attention et la discussion.

M. Bérard soutient cette thèse que VOdyssée a été calquée, par son auteur, — la croyance à un seul ou à un principal auteur reprend de la force, — sur des périples géographiques, autrement dit sur des sortes d' «. indicateurs » qui lui auraient été fournis par les Phéniciens. De même que M. Jules Verne a composé des romans pour inculquer des connaissances scientifiques à la jeunesse, de même Homère — ou tout autre qu'on voudra lui substituer — s'est inspiré d' « instructions nautiques » décrivant minutieusement des caps, des golfes, des ports, des îles, des îlots, des détroits, des comptoirs, des colonies diverses, et a brodé là-dessus les aventures d'un certain Ulysse pour égayer son récit. Il admet d'ailleurs l'hypothèse de romanciers sémites qui avaient servi d'exemples, ou d'intermédiaires, au poète grec.

Il faut admirer hautement l'ardeur avec laquelle M. Bérard s'est attelé à la démonstration de sa thèse, le luxe d'érudition qu'il déploie, le zèle avec lequel il s'est transporté en personne sur la plupart des points constituant l'itinéraire réel ou hypothétique de son Ulysse, et surtout le talent avec lequel, en maints endroits de son long ouvrage, il'se sert des faits modernes pour expliquer les faits anciens.

Ce procédé est emprunté à la Science sociale. Nos lecteurs se rappellent que cette manière d'atteindre le passé par l'observation du présent fait partie de notre méthode, et que nos collaborateurs ont appliqué plusieurs fois la recette avec un heureux.succès. Évidemment M. Bérard

est au courant de cette méthode. Il est regrettable qu'il n'ait pas cru devoir rendre hommage à celle-ci '.

Quoi qu'il en soit, nous reconnaissons volontiers que M. Bérard a dit sur Ulysse, sur les aventuriers de la mer aux âges préhistoriques, sur la « thalassocratie i des Phéniciens, sur leurs comptoirs, sur leurs modes favoris d'établissement, sur les différences entre les ports phéniciens et les ports grecs, sur les ressemblances entre Phéniciens antiques et Vénitiens modernes, des choses pleines de valeur et d'intérêt. S'ensuit-il que toutes ses affirmations et reconstitutions soient acceptables"? Loin de là, et nos lecteurs, qui ont dans la mémoire les articles si solides et si lumineux de M. Champault, savent que la Science sociale peut apporter, pour la solution des problèmes soulevés par l'itinéraire d'Ulysse, des clartés beaucoup plus complètes, dont M. Bérard, malgré sa prodigieuse érudition, n'a pu malheureusement jouir.

Les Phéniciens et l'Odyssée n'en constituent pas moins un superbe ouvrage de bibliothèque, utile à lire, passionnant pour les « humanistes » comme pour les observateurs des sociétés, et extrêmement intéressant pour ceux qui aiment à évoquer de leurs cendres les peuples évanouis. Au point de vue de la forme, on peut faire à M. Bérard le reproche de ne pas traduire toujours les <textes grecs qu'il cite. S'il a pensé n'être lu que par les hellénistes consommés, il a eu trop peu d'ambition. Il mérite des lecteurs, même parmi les lettrés qui ont plus ou moins oublié leur grec, ou même qui ne l'ont jamais bien su. En outre, une trop large place est donnée aux discussions philologiques, avec mots hébreux ou arabes à l'appui. Ces discussions sur des racines sémitiques auraient dû, sauf exceptions, être reléguées dans des notes ou des appendices, car il

l. Constatons pourtant que M. Bérard cite une fois M. Champault. T. H, p. 573.


n'y a peut- être pas en France trois douzaines de professionnels capables de les suivre avec compétence. Mais de nombreux passages, même au point de vue du style, rachètent ces imperfections. Ajoutons, comme dernier détail, que Mmo Bérard a vaillamment accompagné son mari dans cette odyssée scientifique, et qu'elle a pris un grand nombre des photographies reproduites, dans les deux volumes. Voilà certes qui est édifiant et pittoresque. Comme l'Homère de ses rêves, M. Bérard a su agrémenter son « périple » d'une poésie du meilleur aloi.

G. D'AZAMBUJA.

L'Enfance coupable, par Henri Joly, Lecoffre, Paris.

Le vice et le crime ont augmenté parmi les enfants. M. Henri Joly, qui s'est fait, comme on le sait, une réputation de criminaliste et de moraliste, étudie dans ce volume les différentes phases de la corruption chez les enfants et les tout jeunes gens. Ce sont d'abord les «. impulsions mauvaises », puis les « dénuements » et les « défaillances », autrement dit les mauvaises conditions où se trouvent bien des familles pour réprimer chez les enfants le penchant au vice. L'auteur passe

ensuite aux quatre premières « déviations », puis aux « chutes ». Il traite la question si triste des suicides enfantins, puis celle des délits, puis celle des crimes commis par ces jeunes êtres que les particularités envisagées précédemment ont enfin conduits à la révolte contre toutes les lois sociales. Il étudie, dans un dernier chapitre, « les relèvements possibles ».

C'est dans les oeuvres, dans les patronages, dans les maisons de correction et dans les prisons, que l'auteur a puisé les nombreux faits qui lui ont servi à écrire son livre. Il a donc pratiqué une certaine méthode d'observation, quoique ce ne soit pas la nôtre, et en a tiré les conclusions que pouvait en tirer un homme de bon sens. Il a examiné, interrogé par lui-même les enfants vicieux et criminels et a recherché, pour beaucoup d'entre eux, la genèse de leurs vices ou de- leurs crimes. Ce qu'il a vu l'a quelquefois effrayé, mais la rigueur maladroite avec laquelle on s'y prend parfois pour corriger l'adolescence pervertie ne l'a pas moins effrayé que cette perversité. Les correcteurs de l'enfance ont donc besoin de se corriger eux-mêmes, et ce sont eux — car les enfants ne sauraient être atteints directement par un tel ouvrage — qui pourraient puiser dans le livre de M. Joly d'utiles leçons.

A.

CHEMINS DE FER DE D'OUEST

BILLETS D'ALLER ET RETOUR

La Compagnie de l'Ouest délivre toute l'année, de toute gare ou halte à toute gare ou halle de son réseau, des billets d'aller et retour comportant une réduction de 2S 0/o en 1™ classe et de 20 °/0 en 2° et 3" classe sur les prix doublés des billets simples à place entière.

Durée de validité des billets :

2 jours pour les parcours jusqu'à... 125 kilomètres.

3 ' — — — de 126 à 2S0 —

4 — — — de 2ol à 400 —

5 — — — de 401 à S00 — 6■ — — - — de KOI à (S0O — 7 — — — au-dessous de 600 —

non compris les dimanches et fêtes.

Cette durée,peut être, à deux reprises, prolongée de moitié, moyennant le paiement, pour chaque prolongation, d'un supplément égal à 10 "/<> du prix initial du billet.


ANNÉE 1904 2« LIVRAISON

BULLETIN

DE LA SOCIÉTÉ INTERNATIONALE

DE SCIENCE SOCIALE

Ce Bulletin doit être détaché'et placé dans une reliure spéciale.

SOMMAIRE : Nouveaux membres. — Correspondants et Chefs de groupes. — Lettres des Correspondants. — Études sociales, par M. EDMOND DEMOLINS. — L'idéal américain, d'après le président Roosevelt, par M. PAUL DE ROUSIERS. — Les thèses sociales au théâtre, par M. G. D'AZAMBUJX. —• Correspondance : Lettre de M. Je Ct 0 A. de R. — Bulletin bibliographique.

ORGANISATION DE LA SOCIÉTÉ

But de la Société. — La Société a pour but de favoriser les travaux de science sociale, par des bourses de voyage ou d'études, par des subventions à des publications, ou à des cours, par des enquêtes locales en vue d'établir la carte sociale des divers pays. Elle crée des comités locaux pour l'étude des questions sociales. Il entre dans son programme de tenir des Congrès sur tous les points de la France, ou de l'étranger, les plus favorables pour faire des observations sociales, ou pour propager la méthode et les conclusions de la science. Elle s'intéresse au mouvement de réforme scolaire qui est sorti de la Science sociale et dont l'École des Roches a été l'application directe.

Appel au public. — Notre Société et notre Revue s'adressent à tous les hommes d'étude, particulièrement à ceux qui forment le personnel des Sociétés historiques, littéraires, archéologiques, géographiques, économiques, scientifiques de province. Ils s'intéressent à leur, région ; ils dépensent, pour l'étudier, beaucoup de temps, sans que leurs travaux soient coordonnés par une méthode commune et éprouvés par un plan d'ensemble, sans qu'ils aboutissent à formuler des idées générales, à rattacher les causes aux conséquences, à dégager la loi des phénomènes. Leurs

travaux, trop souvent, ne dépassent pas l'étroit horizon de leur localité ; ils compilent simplement des faits et travaillent, pour ainsi dire, au fond d'un puits.

La Science sociale, au point ou elle est maintenant arrivée, leur fournit le moyen de sortir de ce puits et de s'associer à un travail d'ensemble pour une oeuvre nouvelle, qui doit livrer la connaissance de plus en plus claire et complète de l'homme et de la Société. Ils ont intérêt à venir à elle.

La crise sociale actuelle et les moyens d'y remédier. — Tout en continuant l'oeuvre scientifique, qui doit toujours progresser, nous devons vulgariser les résultais pratiques de la science, en montrant comment chacun peut acquérir la supériorité dans sa profession. Parla, notre Société s'adresse à toutes les catégories de membres.

La crise sociale actuelle est en effet la résultante des diverses crises qui atteignent les différentes professions.

Chaque profession doit donc être étudiée et considérée séparément, dans ses rapports avec la situation actuelle et avec les solutions que cette situation comporte.

Publications de la Société.— Tous les membres reçoivent la Revue la Science sociale et le Bulletin de la Société. Ce Bulletin comprend la liste des nouveaux


membres et des sections d'études récemment ouvertes dans les diverses régions, l'indication des questions mises à l'étude dans ces sections, l'indication de questions à étudier avec des hypothèses à vérifier, la Correspondance, une Chronique des principaux faits sociaux, un Bulletin bibliographique, etc.

Enseignement. — L'enseignement de la Science sociale comprend actuellement trois cours : le cours de M. Paul Bureau, au siège de la Société de géographie, à Paris; le cours de M. Edmond Demolins, à l'École des Roches, et le cours de M. G. Melin, à la Faculté de droit de Nancy. Le cours d'histoire, fait par notre collaborateur le Vle Ch. de Calan, à la Faculté de •Rennes, s'inspire directement des méthodes et des conclusions de la Science sociale.

Missions et voyages. — La Société attribue des bourses de voyages, ou d'études, aux personnes qu'elle choisit, principalement aux élèves des cours de Science sociale. Elle détermine les sujets à étudier par les bénéficiaires de ces bourses. Elle examine les travaux, remis par eux et se réserve la faculté de les publier dans la Science sociale, ou de les rendre à leurs auteurs.

Sections d'études. — La Société crée des sections d'études composées des membres habitant la même région. Ces sections entreprennent des études locales suivant la méthode de la Science sociale, indiquée plus haut. Lorsque les travaux d'une section sont, assez considérables

pour former un fascicule complet, ils sont publiés dans la Revue et envoyés à tous les membres. On pourra compléter ainsi peu à peu la carte sociale de la France et du monde.

La direction de la Société est à la disposition des membres pour leur donner toutes les indications nécessaires en vue des études à entreprendre et de la méthode à suivre.

La Société met également en rapport les membres appartenant à la même profession, afin de leur faciliter les études sur la situation de cette profession et sur les réformes à y introduire.

Congrès annuels. — La Société se propose d'organiser un Congrès annuel pendant le mois d'août, dans une région déterminée. Ce Congrès aurait plus particulièrement pour but l'étude sociale de cette région. Les travaux du Congrès pourront former, chaque année, un des fascicules de la Revue.

Bibliothèque de la Science sociale.

— Elle comprend aujourd'hui une trentaine de volumes qui s'inspirent de la même méthode. On en trouvera la liste sur la couverture de la Revue. Quatre de ces volumes ont été présentés aux concours de l'Institut : tous ont été couronnés. Plusieurs ont été traduits en anglais, en allemand, en russe, en italien, en espagnol, en grec, en hongrois, en arabe et en japonais. Quelques-uns ont atteint des tirages de huit, dix et vingtcinq mille exemplaires.

CHEMINS DE FER DE PARIS-LYON-MÉDITERRANÉE

Stations hivernales (Nice, Cannes, Menton, etc.)

Billets d'aller et retour cle famille valables 3 3 jours

11 est délivré, du 15 Octobre au 15 Mai, dans toutes les gares du réseau P.-L.-M., sous condition d'effectuer un parcours simple minimum de 150 kilomètres, aux familles d'au moins trois personnes voyageant ensemble, des billets d'aller et retour collectifs de i", 2e et 3° classes, pour les stations hivernales suivantes : Hyères et toutes les gares situées entre Saint-Raphaël-Valesoure, Grasse, Nioe et Menton inclusivement.

Le prix s'obtient en ajoutant au prix de 4 billets simples ordinaires (pour les 2 premières personnes), le prix d'un billet simple pour la 3e personne, la moitié de ce prix pour la 4» et chacune des suivantes.

La durée de validité de ces billets (33 jours) peut être prolongée une ou plusieurs fois de 15 jours, moyennant le paiement, pour chaque prolongation, d'un supplément égal à ÎO,^ du prix du billet collectif.— Arrêls facultatifs à toutes les gares situées sur l'itinéraire.

Les demandes de ces billets doivent être laites 4 jours au moins à l'avance, à la gare de départ.


ANNEE 1904

2« LIVRAISON

BULLETIN

DE LA SOCIÉTÉ INTERNATIONALE

DE SCIENCE SOCIALE

NOUVEAUX MEMBRES

MM. ARQUÉ, élève chancelier de France,

Nuremberg (Allemagne), présenté par

M. Maurice Bures. Dr Julien BAILHACIIE, Dourdan (Seine-etOise).

(Seine-etOise). sur la liste générale. Paul BESSAND, négociant, Paris, présenté

par M. Charles Bessand. Jean BESSAND, élève à l'Ecole des Roches,

présenté par M. Charles Bessand.

D. Bossi, pasteur, Luino (Italie), présenté par E. Demolins.

M. CHARPENTIER, ancien négociant, SaintMandé (Seine), présenté par le môme.

CORCUERA (M.), industriel, Guadalajara, Mexique, idem.

LIÉVIN DANEL, Lille, présenté par M. ScriveLoyer.

E. DANIEL, négociant, Saint-Servan (Ille-etVilaine), présenté par M. E. Demolins.

Albert DAVID, ingénieur agronome (I.N. A.), agriculteur, ferme et distillerie de Stains, Villenenve-sous-Dammartin (Seine-etMarne), idem.

Ernest DESENFANS, avocat,.Mons(Belgique), idem.

L'abbé Octave DESMONTS, Verneuil (Eure), idem.

Charles DUMONT, président de la Chambre de commerce, conseiller du commerce extérieur, Dijon (Côte-d'Or), idem.

L'abbé Maurice GAMBLE, aumônier de l'École des Roches, Verneuil, idem.

M. GÉRAL, attaché à la Banque de France, Charenton, présenté par M. Ollivier.

Camille GLAENZER, négociant, Paris, présenté par M. E. Demolins.

René JAMINET, professeur à l'Ecole des Roches, Verneuil, idem.

Paul JENARD, professeur à l'École des Roches, Verneuil, idem.

Paul LAFOLLYE, architecte diplômé, Paris, idem.

Alfred LANDRIN, agriculteur et fabricant de sucre, Bertaucourt-Épourdon (Aisne), idem.

Maurice LARIVIÈRE, ingénieur, Lille, présenté par M. J. Scriye-Loyer.

F. MENTRÉ, professeur à l'École des Roches, Verneuil, présenté par M. E. Demolins.

Armand PARENT, professeur de violon, Paris, idem.

Vladimir-Sergevich POLJANSKII, Yalta (Russie), idem.

M. PONCIN, Brizambourg (Charente-Inférieure), présenté par M. Maurice Bures.

Armand ROUJOL, professeur à l'École des Roches, Verneuil, présenté par M. E. Demolins.

Dr SABODRAUD, ancien interne dés hôpitaux, Paris, présenté par M. le Dr Triboulet.

Mme SCRIVE DE NEGRI, Lille, présentée par M. Scrive-Loyer.

Dr HenriÏRIBOULET, médecin des hôpitaux, Paris, présenté par M. Armand Parent.

Etienne WATEL, ingénieur, Paris, présenté par M. E. Demolins.

Henri WILLEM, Milan (Italie), idem.

CORRESPONDANTS ET CHEFS DE GROUPES

Voici une première liste de nos Membres Correspondants, qui. veulent bien prendre l'initiative de constituer un groupe local Nous prions ceux de nos confrères qui


i-i

BULLETIN DE. LA SOCIETE INTERNATIONALE

habitent dans la région d'un Membre Correspondant de se mettre en rapport avec lui.

M. ALFRED D'AMMAN, ingénieur, Beauséjour, près Fribourg (Suisse).

M. CH. ASTOUL, professeur à la Faculté de droit, rue Holdot, 25, Caen.

M. le Dr J. BAILHACHE, Dourdan (Seineet-Oise). M. A. BOCHANOW, notaire, Riga (Russie). M. DUILIO BOSSI, pasteur, Luino (Italie). M. HENRI BRUN, Dr en droit, propriétaireagriculteur, La Barre, par Ouzouer-surTrezée (Loiret).

M. MAURICE BURES, avocat, Saintes (Charente-Inférieure) .

M. FERNAND BUTEL, avocat, rue Marca, 14, Pau (Basses-Pyrénées).

M. DOLIVEUX, industriel, Blois (Loir-etCher).

M. GONZOLO CAMARA, licencié en droit, calle 57, n° 512, Merida, Yucatan (Mexique).

M. l'abbé EUGÈNE CARRV, rue des Granges, 18, Genève (Suisse).

M. MANUEL CORCUERA, industriel, GuadaIajara (Mexique).

M. COUILLARD, professeur, avenue St-Michel, 55, Montauban (Tarn-et-Garonne).

M. A. DOUTRIAUX, avocat, docteur en droit, rue d'Oultreman, 12, Valenciennes. M. CONSTANT FURNE, propriétaire-agriculteur, Saint-Léonard, par Pont-de-Briques (Pas-de-Calais).

M. GARAS, docteur en droit, Mezin (Lotet-Garonne).

M. LÉON GÉRIN, propriétaire-agriculteur, Coaticooke, province de Québec (Canada).

M. GODARD, ingénieur de la Gic du Chemin de fer du Midi, Béziers (Hérault).

M. EUGÈNE GUERRIN, ingénieur des Arts et Manufactures, place d'Armes, 17, Cambrai (Nord).

M. G. MELIN, professeur à la Faculté de droit, rue de la Visitation, 1, Nancy (Meurthe-et-Moselle).

M. J. MIGNAL, ingénieur des Arts et Manufactures, Les Herbiers (Vendée).

M. VICTOR MULLER, avocat, rue SainteVéronique, 20, Liège (Belgique).

- M. le Dr OUDAILLE, le Cannet (AlpesMaritimes).

M. BARTHÉLÉMY POCQUET, Directeur du Journal de Rennes, rue Leperdit, 4, Rennes (Ille-et-Vilaine).

M. WLADIMIR SERGEVICH POLJANSKII, Petjoukinskaya strato, Yalta, Crimée (Russie).

M. PAUL RASQUIN, instituteur, Moyenmoutier (Vosges).

M. JULES SCRIVE-LOYER, industriel, rue Léon-Gambetta, 294, Lille (Nord).

M. le B°" DE VOMÉCOURT, Chassey, par Gognières (Haute-Saône).

M. NESTOR URÉCHIA, ingénieur, Strada Polizu, 46, Bucarest (Roumanie).

M- HENRI WILLEM, Via San Andréa, II, Milan (Italie).

Lettres des Correspondants.

Riga, le 27 janvier. — «... Les nouveaux plans de réorganisation de la Société et de la Revue me plaisent beaucoup. Je suis très flatté de votre demande et j'accepte très volontiers d'être votre Correspondant. J'ai le plus vif désir de répandre le plus possible dans mon pays les lumières de la Science sociale, et je pense lui rendre ainsi un des meilleurs services dont je sois capable... » — A. BOCHANOW.

Luino, Italie. — « Très honoré Monsieur, nous nous mettons entièrement à votre disposition, mon frère et moi, pour la fondation d'un groupe italien de la Société de Science sociale. Si vous désirez avoir des renseignements sur l'Italie du Nord, nous serons très heureux de vous en envoyer... Le moment, pour faire connaître vos livres en Italie, est très favorable. J'apprends que votre volume, l'Éducation nouvelle, se trouve sur la table de notre Ministre de l'Instruction publique, qui s'en est servi pour ses projets de réforme de l'École secondaire italienne... » — DUILIO Bossr.

. Nous serons reconnaissants à M. Bossi des renseignements qu'il voudra bien nous envoyer sur l'Italie du Nord. Nous lui demandons, pour commencer, de déterminer les conditions dé lieu et de travail de sa province, suivant le plan que nous avons


DE SCIENCE SOCIALE,

15

indiqué pour l'étude dé la Normandie. (Voir le précédent fascicule, p. 77 et suiv.) Nous adressons d'ailleurs la même demande à tous nos Correspondants et à tous nos confrères, pour leur région. Nous leur donnerons, soit par lettres, soit dans le Bulletin,, tous les renseignements qu'ils voudront bien nous demander.

La Barre, le 22 janvier. — t ... Je suis à votre disposition et ferai tout ce que je pourrai pour aider au recrutement de nouveaux membres. Je vous prie de m'envoyer une cinquantaine de brochures de propagande. J'approuve complètement la transformation de la Revue, que je possède du reste depuis la fondation. J'ai, à l'étude, plusieurs travaux de science sociale et j'espère pouvoir vous envoyer prochainement la matière d'un fascicule... » — HENRI BRUN.

M. Henri Brun a déjà publié, dans la Revue, une étude très remarquable sur la Champagne; le travail qu'il nous annonce contribuera, nous n'en doutons pas, à faire avancer la Science sociale.

Saintes, le 25 janvier. — « ... J'accepte avec empressement l'offre qui m'est faite d'être le Correspondant de la Société pour ma région et je vous envoie le nom de deux nouveaux adhérents que je viens de recruter... Je termine en ce moment mon étude sur le Saintongeais. 11 me semble que j'ai réussi à découvrir certains effets de la vigne, qui n'avaient pu encore être relevés en science sociale, du moins qui ne se manifestent pas ailleurs avec autant d'intensité. Je veux dire le rôle du grand commerçant d'eaux-de-vie.

« J'ai ensuite le projet d'étudier la vigne dans le Bordelais, où elle produit un type très remarquable de grand propriétaire et, à Bordeaux, un type .intéressant de grand commerçant..: » — MAURICE BURES.

Mezin, le 22 janvier. — « ... Je ne puis mieux faire que de vous exprimer mon vif désir d'être utile à la Société comme Membre Correspondant. Je crois que l'on peut trouver à Toulouse les éléments pour constituer un groupe d'études. L'année dernière, M. de Lacger a inauguré un Cours de Science sociale à l'Institut catholique

de cette ville. Je compte aller à Toulouse dans quelques jours pour recruter quelques adhérents.

« La géographie sociale de nombreuses régions du midi (Haut et Bas Languedoc, Quercy, Roussillon, Cerdagne, Ariège) n'a pas encore été entamée. On peut faire en Gascogne de nombreuses études particulières. Je me tiens à votre disposition pour vous donner tous les renseignements nécessaires... » — GARAS.

Nous prions M. Garas de nous envoyer quelques déterminations de Pays, au point de vue du Lieu et du Travail, suivant les indications données plus haut.

Béziers, le 24 janvier. — « J'accepte bien v olontiers d'être le Correspondant de la Société pour ma région et je me mets à votre disposition pour toutes les études qu'on voudra entreprendre. J'espère arriver à recruter des adhérents dans les six départements sur lesquels s'étend mon cercle d'exploitation. Je vous prie de me faire envoyer des brochures de propagande... » — GODARD.

Notre confrère, M. Marc Maurel, armateur à Bordeaux, et notre adhérent dévoué depuis plus de vingt ans, regrette de ne pouvoir, à cause de sa santé, nous donner son concours comme Correspondant. «Mais si vous m'indiquez, ajoute-t-il, le nom d'un Correspondant dans notre région,Je pourrai le stimuler pour qu'il vous rende le plus de services possibles... » La grande valeur personnelle et la haute situation qu'occupe M, Marc Maurel seront un précieux appui pour notre Correspondant à Bordeaux.

M. G. Melin nous a demandé 30 exemplaires de notre brochure de propagande et il nous annonce qu'il va les distribuer dans sa région aux personnes qui s'intéressent à la Science sociale.

Le Cannet, le 25 janvier. — * C'est avec le plus grand plaisir que j'accepte l'honneur que vous me faites, en me demandant d'être le Correspondant de la Science sociale pour ma région. Je ferai tous mes efforts pour propager les idées auxquelles je dois tant et vous pouvez être assXiré que


16

BULLETIN DE LA SOCIETE INTERNATIONALE

mon entier dévouement vous est acquis. J'ai quelques notes sur la Thiérache et le Vermandois; je les mets bien volontiers à la disposition de M. Jaminet, si elles peuvent lui être utiles pour l'étude qu'il prépare sur la Picardie... » — D'OUDAILLE.

Rennes, le 31 janvier. — « J'accepte bien volontiers d'être le Correspondant de la Société. Vous savez que je consacre mes loisirs à l'étude de questions historiques. J'ai déjà publié cinq gros volumes qui ont été couronnés par l'Académie française. Enfin je suis Président ou Vice-Président de plusieurs sociétés locales. C'est vous dire à quel point je suis occupé. Vous pouvez cependant compter sur mon entière bonne volonté. Je trouve la nouvelle organisation de la Société heureuse et pratique. Je vais la recommander à ceux que ces études intéressent, particulièrement aux jeunes gens... » — BARTHÉLÉMY POCQUET.

Lille, le 2 février. — « J'accepte très volontiers d'être le Correspondant de la Société dans ma région et je vous adresse dès aujourd'hui le nom de trois nouveaux membres. Je vais pouvoir en recruter d'autres, si vous voulez bien m'envoyer quelques brochures de propagande.

« Je me préoccupe, pour entrer dans les vues de la Société, de recueillir des documents en vue de l'étude de ma région, c'est-à-dire de la Flandre française et belge. Je vous serai reconnaissant de me signaler les travaux qui auraient déjà été faits et les documents que vous auriez pu recueillir... » — JULES SCRIVE-LOYER.

M. Scrive-Loyer doit venir me voir prochainement à VEcole des Roches et nous pourrons établir ensemble les bases d'une étude sur la Flandre.

Chassey, le 25 janvier. — « Je suis tout à votre disposition comme Membre Correspondant. Si vous jugez à propos d'envoyer quelqu'un ici pour étudier notre région, je me ferai un plaisir de le recevoir pour le temps qu'il voudra. La Franche-Comté me semble mériter une étude particulière. Les. moeurs des habitants sont restées communautaires et doivent se ressentir beaucoup de la domination espagnole. Mais j'aurai

besoin d'être aidé pour établir exactement les caractères de ce type. Si vous voulez bien m'adresser quelques brochures de propagande, j'en enverrai autour de moi avec ma carte... » — BQn DE VOMÉCOURT.

Je signale au Bon de Vomécourt quelques pages que j'ai publiées dans la Science sociale, sur le type Franc-Comtois (t. XXIV, liv. d'octobre 1897), p. 260-269). C'est une simple ébauche;, elle pourrait du moins lui servir de base, pour une étude plus complète. Mais le premier point à établir serait une détermination générale des divers pays qui composent la Franche-Comté, suivant les indications que je donne plus haut. Cette détermination par les caractères dominanls du lieu et du travail est facile à faire pour toute personne connaissant le pays d'une façon générale. Ces renseignements connus, on pourra faire une hypothèse avant d'entreprendre l'observation directe de chacun des pays constituant une région.

Un de nos anciens confrères m'écrit de Cambrai que, tout en s'intéressant aux observations scientifiques qui sont le fondement de nos études sociales, il serait désireux de s'occuper plus spécialement des questions d'applications et de réforme. Cette préoccupation est très légitime et nous devons en tenir compte. Chacun peut en effet trouver, dans la Science sociale, le moyen de satisfaire ses goûts et ses aptitudes.

La Science sociale comprend deux points de vue distincts, mais étroitement liés.. Ceux qui se livrent surtout aux observations scientifiques ne doivent pas perdre de vue que ces observations aboutissent à donner à chacun une direction pour se conduire et pour réussir dans la vie. De leur côté, ceux qui voient surtout le côté pratique de nos études doivent être convaincus qu'ils retomberont rapidement dans toutes les erreurs communes et dans tous les échecs retentissants, s'ils ne s'appuyent pas fermement sur les données de la science.

La Revue donnera à chacun ce dont il a besoin pour marcher avec sûreté dans la voie qu'il aura choisie : aux premiers une


DE SCIENCE SOCIALE.

17

méthode rigoureuse pour observer; aux seconds des conclusions précises pour tenter des applications et des réformes.

Nous avons l'intention de consacrer à ces dernières questions quelques-uns de nos fascicules, afin de donner à tous une direction.

D.

ÉTUDES SOCIALES

Série III : Monographies de famille et de régions. — Notre confrère, M. Paul Roux, dont nous avons annoncé le prochain départ pour un voyage d'études sociales, est actuellement en Allemagne. Il se propose de faire des observations en Norvège et dans la Plaine saxonne. Il doit vérifier et compléter sur place les résultats déjà acquis à la suite de nos précédente s enquêtes dans ces pays.

On sait quelle est l'importance de la Norvège au point de vue social. C'est là, sur les rivages des fjords, que s'est effectuée une des plus grandes transformations découvertes par la Science sociale : l'évolution de la formation communautaire à la formation ' particulariste '. C'est là qu'a pris naissance ce type fameux de pêcheuragriculteur qui a été l'origine du Saxon. Nous connaissons aujourd'hui les causes fondamentales de cette évolution, maiscertains points sont encore à préciser. Il est en outre intéressant de constater dans quelle mesure l'état de choses traditionnel a pu être modifié par des circonstances nouvelles.

Il en est de même, pour la Plaine saxonne, où ce type a pris sa forme complète, avec tous les caractères apportés par le Franc en Gaule, par le Saxon en Angleterre. i

Nous espérons donc que le voyage de M. Paul Roux apportera à la Science sociale de précieuses indications.

Le groupe de l'École des Roches a com1.

com1. à ce sujet, le début de l'Histoire de la formation particulariste, par Henri de Tourville. Science sociale, t. XXIII et suiv:, et Comment la route crée le type social, par E. Demolins, t. II, liv. V.

mencé l'étude du type normand, suivant le plan qui a été exposé dans le précédent fascicule consacré à la Méthode (voir p. 77 à 86). Ce groupe va se mettre en communication avec ceux de nos confrères qui résident en Normandie, afin de leur demander leur concours.

Série IV : Travail, questions économiques et ouvrières. — Pour faciliter à nos confrères les études sur une industrie en particulier, ou sur un groupe d'industries, nous leur proposons d'adopter, en totalité ou en partie, le plan suivant qui nous parait le plus méthodique :

1° Géographie de l'industrie, c'est-à-dire indication des régions du globe où domine cette industrie, avec les caractères généraux qu'elle reyêt dans chacune.

2° Production de la matière première. Les pays d'où on la tire, la manière et les procédés par lesquels on l'obtient : matière première d'origine extractive, ou agricole, ou fabriquée. Les moyens et les prix de transports pour l'amener au lieu de fa brication. Les prix de revient, etc.

3° Fabrication du produit. Procédés de travail; série des transformations du produit. Forme de l'atelier : petit atelier, fabrique collective, grand atelier. Nature du moteur : la main, l'eau, le vent, la houille, l'électricité. Prix de revient du produit fabriqué. Rapports du patron et de l'ouvrier.

4° Distribution et vente du produit. Par quelles voies il se distribue et dans quels pays il est exporté. La concurrence qu'il rencontre et les moyens de la combattre. Les formes, les agents et les intermédiaires de ce commerce. Les pays exportateurs et importateurs. Leur situation respective sur le marché, etc.

5° Histoire de l'industrie. Déterminer et caractériser les périodes principales de cette histoire. Pour traiter chaque période d'une façon méthodique, l'auteur pourra passer plus ou moins longuement en revue les quatre divisionsprécédentes. De la sorte, il sera certain de ne rien omettre d'essentiel.

6° Avenir de l'industrie. Il faut ici tirer les conclusions qui se dégagent de toute


18

BULLETIN DE LA SOCIETE INTERNATIONALE

l'étude, au point de vue de la situation favorable ou défavorable de cette industrie, des chances de prospérité, ou des craintes de décadence que l'on peut concevoir.

7° Effets sociaux de l'industrie. Cette dernière division est très importante. Il s'agit de déterminer les répercussions de cette industrie sur le milieu social et inversement du milieu social sur cette industrie. Pour établir son exposé, l'auteur devra se servir de la Nomenclature sociale en consultant successivement chacune de ses divisions K II est bien entendu qu'il ne retiendra, parmi ces divisions, que celles sur lesquelles il constatera une répercussion quelconque.

Il nous est difficile d'entrer dans de plus grands détails, mais, la Direction de la .Revue est à la disposition de ses collaborateurs pour leur donner les indications dont ils pourraient avoir besoin.

Edmond DEMOLINS.

L'IDEAL AMERICAIN

d'après LE PRÉSIDENT ROOSEVELT 2.

Le président Roosevelt a réuni, sous le titre d'Idéal Américain, une série d'articles publiés par lui sur des sujets très divers.

Pourtant le livre a son unité. Il est, d'un bout à l'autre, l'expression de la mentalité américaine ; il peut aider le lecteur français à déchiffrer cette énigme qu'est pour lui un Américain.

Les peuples sont en effet des énigmes les uns pour les autres et l'Amérique est tout particulièrement une énigme pour nous, Français. Sans doute une sympathie très sincère nous unit aux citoyens des États-Unis; sans doute aussi nous sommes moins ignorants qu'autrefois de ce qui se

i. Voir le tableau de la nomenclature à la fin du précédent fascicule de la Revue sur la Méthode.

2. Cet article est la Préface mise parle Président de notre Société en tête de l'édition française de l'ouvrage .du Président Roosevelt : L'idéal américain, traduit par A. et E. de Rousiers. Librairie Armand Colin.

passe sur l'autre rive de l'Atlantique; nous savons que les jeunes filles américaines sortent seules', que les politiciens sont souvent corrompus, que de gigantesques trusts se sont constitués dans plusieurs industries, que Chicago, New-York et les autres grandes villes possèdent des maisons d'une hauteur inouïe et d'un nombre d'étages extraordinaire; nous savons bien d'autres choses encore; nous sommes mieux informés, mais, d'ordinaire, nous ne comprenons pas. Nous sommes renseignés sur quelques faits, mais nous ne nous rendons pas compte de leur sens, ni du lien qu'ils ont entre eux.

Avant d'être investi de la magistrature suprême, Théodore Roosevelt comptait déjà parmi les hommes de marque de son pays. La guerre de Cuba et le rôle qu'il y avait joué à la tête de ses Rough Riders avait mis une glorieuse auréole autour de son nom déjà connu comme celui d'un administrateur intègre et énergique. La ville de New-York avait bénéficié, en effet, de sa vigoureuse ardeur à combattre le désordre. 11 avait assaini la police municipale avec clairvoyance et promptitude ; il s'était acquis par là la reconnaissance de' tous les bons citoyens. Les élections de 1900 le portèrent à la vice-présidence de la République, situation honorifique, mais relativement effacée, d'où la mort malheureuse du président Mac-Kinley devait le tirer promptement.

Sa fortune politique, portée au plus haut point par ces événements imprévus, repose donc cependant sur de grands services rendus. Ce n'est pas le hasard des circonstances, encore moins la basse intrigue politique, qui l'a mis à la.tête de la nation. Il est réellement un Américain éminent, et voilà déjà une raison de s'intéresser aux idées qu'il exprime.

Mais il en existe une autre, meilleure et plus forte. Le président Roosevelt n'est pas seulement un Américain éminent, c'est aussi un Américain typique. Il est un remarquable échantillon de la race. Il a vécu sur les Ranches et travaillé dans les grandes fermes de l'Ouest; il a pris sa part des fatigues et des plaisirs que comporte cette existence, galopant à travers


DE SCIENCE SOCIALE.

19

la prairie pour opérer le roundup des troupeaux, chassant le fauve, aussi endurant et aussi hardi que le plus invétéré des fronliermen. Il se souviendra toujours, de ces débuts vigoureux et frustes, conservera le goût des chevauchées ardentes, et se trouvera tout prêt à entrer en campagne quand il faudra faire la guerre. Mais il s'associera au bureau du négociant, deviendra un business mari avisé, apte à conduire les hommes, mettra de l'ordre dans les intérêts publics qui lui seront confiés, comme dans les intérêts privés dont il aura la charge. Ainsi il n'est pas l'homme d'une seule profession, le spécialiste compétent, mais rétréci aux limites étroites de sa besogne ; il a traversé différents métiers, acquérant dans chacun d'eux une expérience nouvelle, fortifiant par chacun d'eux la faculté maîtresse, celle dont le rôle est universel et dominant, la connaissance des hommes.

Rien de plus habituel aux États-Unis que cette diversité de professions chez un même individu. C'est une caractéristique de l'Américain de se plier promptement aux circonstances, de saisir successivement tous les échelons à sa portée pour monter plus haut. L'absence de traditions imposées , la quantité d'occasions favorables offertes par un pays neuf qui se développe, la simplicité des moyens, par-dessus tout l'entrain général et cette « aisance des coudes » (elboiv room) dont les effets se retrouvent partout, sont autant d'éléments qui concourent à ce résultat.

Un ranchman, ou un [armer, un commerçant rivé à son comptoir, un ingénieur enfermé dans ses calculs, n'est pas un re présentant véritable du type américain, fût-il descendant authentique des fameux pèlerins ou des compagnons de Penn. Il y faut plus de mélange et de diversité. Le Président Roosevelt est profondément américain par la variété même des sources où il a puisé l'expérience de sa vie. C'est donc un bon interprète de l'esprit américain, un bon guide pour qui veut pénétrer dans le domaine mal connu des idées américaines.

Et de fait, à lire son livre, certaines opinions courantes sur l'Amérique se modifient

modifient connaissant mieux les mobiles des actions, on s'étonne moins des succès obtenus.

Un des préjugés les plus ordinaires chez les Européens consiste à ne voir dans l'Américain qu'un bipède conduit par un instinct à la chasse du dollar, un dollar hun' ling animal. C'est là une opinion de pauvres gens, persuadés que l'argent va par une pente naturelle aux mains peu scrupuleuses et que l'honnêteté est une surcharge gênante dans la course au profit. Le Président Roosevelt n'est pas de cet avis. Il partage l'optimisme très répandu dans la partie saine de la population américaine, et reste persuadé que l'honnêteté est une chance de succès. Comme tous les enfants des Etats-Unis, il a fait à l'école des pages d'écriture en copiant la fameuse maxime de Franklin : Honesty best policy (l'honnêteté est la meilleure des politiques), et il y croit fermement.

En cela, il se distingue évidemment de beaucoup de ses compatriotes. Les scrupules de conscience ne tourmentent pas tous les spéculateurs de Wall Street, ni la plupart des politiciens, ni un grand nombre de citoyens américains appartenant à des professions quelconques.

Mais, outre que tous les pays du monde ont leurs malhonnêtes gens, ce qui est une excuse négative, l'Amérique se distingue de beaucoup d'entre eux par une qualité précieuse, l'énergie de ses honnêtes gens. C'est là l'élément de progrès, d'assainissement, de vraie civilisation, qui assure sa marche en avant. M. Roosevelt s'en rend bien compte, et il réserve ses colères les plus vigoureuses à ceux qui, par la correction de leur vie, seraient dignes de renforcer l'élite des bons citoyens, mais qui, par leur insouciance, leur maladresse, ou leur dédain des rudes labeurs et des âpres luttes de la politique, se condamnent à la stérilité. Il juge sévèrement l'homme qui va à la chasse un jour d'élections au lieu de surveiller le bureau de vote de sa circonscription. Il raille sans pitié le théoricien qui, du fond de son cabinet, donne des conseils à ceux qui agissent, sans vouloir


20

BULLETIN DE LA SOCIETE INTERNATIONALE

lui-même affronter la bataille. Il méprise l'homme du monde qui dit du mal du gouvernement avec quelques amis triés sur le volet, et qui croit avoir rempli son devoir de citoyen, parce que ses conversations du fumoir ont diverti agréablement un petit nombre de ses pareils.

Quant aux coquins, il se contente de les appeler par leur nom. Ce sont ses adversaires; il les combat durement; mais j'ose dire qu'il leur en veut moins qu'aux braves gens inutiles. En effet, ils n'ont pas trompé ses espérances. Il sait fort bien que la réforme n'a rien à attendre d'eux. Ils font leur métier de coquins et ne sauraient être responsables du progrès moral de la société. Au contraire, tout honnête homme a sa part de responsabilité dans cette oeuvre commune à laquelle sa qualité d'honnête homme lui donne une vocation. Il représente une force perdue pour le bien quand il reste honnête sans devenir actif. C'est le sentiment profond de cette perte qui irrite le Président Roosevelt.

Il n'est pas tendre non plus pour le matérialiste à vues bornées, l'économiste étroit, qui résout le problème social par Doit et Avoir et qui n'aperçoit même pas la souveraine importance des éléments supérieurs de ce problème. On trouvera dans son livre de cruelles appréciations, parfaitement justifiées d'ailleurs, sur ces hommes réputés pratiques, auxquels les questions paraissent claires parce qu'ils les réduisent aux limites mesquines de leur propre champ visuel.

Si maintenant on veut bien réfléchir que Fauteur du livre n'est pas un penseur isolé dans sa tour d'ivoire, mais un citoyen actif et éminent, qui dirige les destinées politiques de la grande République américaine, d'accord avec la majorité de ses membres, on sera amené à penser que l'Américain, simple chasseur de dollars, n'est peut-être pas l'Américain-type, l'Américain représentant l'ensemble, ni surtout l'Américain dirigeant.

Et peut-être comprendra-t-on alors pourquoi les Etats-Unis ont donné au monde, au cours du xix° siècle, le spectacle merveilleux de leur essor. Ce n'est pas le vil amour de l'argent qui suffit à expliquer

cet extraordinaire développement. À lui seul, il produirait l'état social des camps miniers, où le revolver est le seul argument employé, où la brute qu'est l'homme dominé par la passion du gain. apparaît dans toute son horreur. Mais les ÉtatsUnis ne sont pas demeurés à ce moment de leur évolution. Ils ont dépassé cette ère chaotique parce qu'un élément s'est rencontré chez eux pour faire respecter et prédominer le droit des honnêtes gens à mener une vie honnête et libre. Et c'est seulement à partir de cette victoire de la moralité sur la brutalité qu'une contrée de l'ouest nouvellement envahie par des aventuriers, peut devenir assez « respectable » pour se constituer en Etat et ajouter une étoile de plus au drapeau américain,

La civilisation américaine n'est pas due au dollar hunling animal. Elle est l'oeuvre des hommes qui, ayant assuré leur domination sur les moyens matériels de vivre, ont assuré en plus la domination de l'élément moral, sans lequel une société organisée ne saurait exister.

Comment cette domination de l'élément moral s'est-elle accordée avec le régime d'une grande liberté, cela est encore un problème obscur. Beaucoup d'Européens le résolvent d'une manière facile, soit en niant la domination de l'élément moral, soit en niant le règne de la liberté en Amérique.

C'est ainsi qu'une foule d'émigrants débarquent aux Etats-Unis dans l'illusion que tout y est permis. Leur conception de la liberté étant celle de l'anarchie, ils sont presque surpris d'apprendre qu'on n'a pas le droit d'assassiner un passant dans Broadway à New-York.

Et s'il leur arrive de passer dans un État où la vente publique des boissons spiritueuses est interdite, leur surprise devient de l'ahurissement. « Comment, disent-ils, dans ce pays de liberté on n'a pas même celle de prendre un bock ? »

Cette contradiction apparente a pourtant une explication. Quand les Américains parlent de liberté, ils entendent parler uniquement de la liberté de se développer,


DE SCIENCE SOCIALE.

21

d'agir utilement, de s'élever. Pour eux, .cette liberté est réellement sacrée. Mais ils ne se font aucun scrupule de restreindre ou de détruire toute liberté qui ne s'exerce pas dans ce sens. S'il leur est prouvé qu'une notable proportion d'individus soit incapable, dans un Etat donné, d'user de la liberté de boire sans un sérieux dommage, ils suppriment dans cet État la liberté de boire, et cela avec excès et d'une main maladroite. Ils se disent .qu'après tout cette suppression ne nuit en rien au développement, ni à l'activité, ni à l'élévation de personne. S'il leur est prouvé que l'introduction dans leur pays d'éléments inférieurs, difficilement assimilables, constitue un danger pour son avenir, ils hésitent moins encore à édicter les lois que l'on sait pour interdire l'immigration des Chinois, des illettrés, des gens sans ressources. De même, et pour les mêmes raisons, ils ont aboli l'esclavage dans les États du Sud, malgré la liberté qu'invoquaient les planteurs d'avoir des esclaves. De même, ils ont refusé d'admettre le territoire de l'Utah au rang et aux privilèges d'un État membre de l'Union, aussi longtemps que la polygamie y a été officiellement reconnue. On pourrait multiplier les exemples.

En réalité, leur idée de la liberté est l'idée de la liberté du bien. Et la liberté règne vraiment chez eux parce qu'ils sont suffisamment d'accord sur la distinction du bien et du mal, sur ce qui est utile à l'homme, et aux hommes groupés en société, pour se développer, pour agir et pour s'élever. Grâce à cette unité de vues, il n'arrive guère qu'un citoyen se trouve entravé dans l'exercice d'une liberté con. sidérée par lui comme essentielle, au nom d'une majorité considérant l'exercice de cette liberté comme contraire au bien général.

En d'autres ternies, il y a aux ÉtatsUnis un certain nombre de vérités morales acceptées universellement pour que, chacun y trouvant une limite nécessaire à sa liberté individuelle, tout le monde puisse admettre que la loi reconnaisse et impose cette limite, si cela est nécessaire.

Cet état d'esprit éclate à chaque instant

dans le livre du Président Roosevelt. Les convictions sont simples, fermes, bien assises, indiscutées. Certains principes fondamentaux ne sont jamais mis en question et, pour tout dire, on a, en le lisant, l'impression très nette que c'est un Christian gentleman qui parle. Ce qui est plus caractéristique encore, c'est que ses opinions de Christian gentleman sont généralement acceptées par l'ensemble de ses concitoyens. Ce n'est pas à dire que. tous appartiennent à une confession définie, ou même se préoccupent de préciser la base religieuse sur laquelle repose la morale qu'ils reconnaissent; mais, en fait, c'est à la morale de l'Évangile qu'ils s'en tiennent. Les racines profondes de la liberté américaine vont chercher leur nourriture dans ce substratum général de l'esprit américain. Ainsi s'explique l'apparente contradiction de gens qui ont fait une révolution et se sont résolus à une guerre civile épouvantable pour sauvegarder la liberté, tandis qu'ils s'interdisent par une contrainte légale le libre usage de l'alcool.

Aux yeux de beaucoup d'Européens^ ce règne de la liberté américaine ne serait pourtant que très éphémère. Volontiers ils diraient de l'Amérique, comme Joseph de Maistre : « C'est un enfant au maillot, laissez-le grandir. » L'erreur était excusable il y a cent ans. Elle l'est moins aujourd'hui que l'enfant s'est débarrassé de ses langes depuis beau temps et que, sans conteste, il marche tout seul. Cependant, on peut se demander si les États-Unis sont en mesure^de supporter les complications qu'entraîne pour un grand pays un rôle dans la politique extérieure. Jusqu'ici les États-Unis avaient vécu politiquement isolés. Ils travaillaient à leur développement intérieur, repoussant, quand il convenait, quiconque aurait songé aies troubler dans cette opération, mais n'entreprenant en aucune manière sur les États d'Europe. Aujourd'hui, la situation a changé. La guerre de Cuba a montré que désormais il faudrait faire place à une nouvelle puissance dans le concert européen, ou plus exactement dans l'arène où jusqu'ici


22

BULLETIN DE LA SOCIETE INTERNATIONALE

les Européens seuls se disputaient. Et alors la question se pose de savoir si les Américains ne vont pas, peu à peu,, devenir de simples Européens, connaître les charges de la \ conscription militaire, le joug tracassier des bureaucraties centralisatrices, les coups d'Etat, le césarisme et ces mille maux qui paraissent à beaucoup d'entre nous comme la rançon d'une civilisation avancée et d'un rang politique important.

A tous ceux que ces problèmes préoccupent il faut recommander la lecture de Y Idéal Américain. Le (Président Roosevelt est parfaitement résolu — et la nation qu'il représente avec lui — à endosser toutes les responsabilités nouvelles auxquelles les succès récents des États-Unis les exposent. Il faudrait bien mal connaître le caractère ambitieux, impérieux et hardi de l'Américain pour s'en étonner. Non seulement il envisage sans effroi la constitution d'une armée régulière américaine autrement puissante que les 25.000 hommes de troupes occupés à protéger les réserves indiennes, mais il y pousse et il y travaille avec son impétuosité de Rough Rider. Il veut une marine de guerre forte. Il veut un contrôle plus effectif du gouvernement fédéral sur la législation économique et financière des Etats particuliers. On connaît sa campagne contre les trusts. Et il n'est aucunement effrayé ni du militarisme, ni du césarisme, ni de la centralisation excessive.

Deux choses lui donnent confiance, sans doute. La première, ce sont les fortes assises de la liberté américaine, assises capables de résister à tout effort et contre lesquelles d'imprudentes entreprises se briseraient comme verre; Non seulement le sentiment de la liberté est très vif et très ombrageux aux États:Unis; mais l'usage de la liberté est sérieusement garanti par la séparation effective des pouvoirs. Le gouvernement fédéral a une grande somme de puissance, mais dans une sphère définie. La Cour Suprême est armée d'une autorité sans contrôle, mais pour un but étroitement déterminé, l'interprétation de la Constitution. De même, le gouverneur d'un État, le juge,

le chef d'une municipalité sont maîtres chacun chez lui et pour sa fonction spéciale. Lorsque, dans un pays ainsi constitué, un intérêt autrefois particulier ou local prend un caractère plus étendu, plus général, il est utile de le confier à une autorité plus large, de l'enlever à la municipalité pour le faire passer au Comté ou à l'État, ou au gouvernement fédéral. Mais la liberté n'est pas compromise par cette attribution justifiée. Que les milices d'État, reconnues insuffisantes pour la défense du pays, soient transformées et réunies en un seul corps ; que leur commandement soit centralisé à Washington ; cela ne mettra pas dans la main du Président des États-Unis un instrument de césarisme, on peut en être assuré. Il ne possède pas en effet un droit de domination suffisant sur les gouvernements locaux pour abuser — à supposer que la folle tentation lui en vînt — de la force armée mise à sa disposition.

Mais il existe une seconde raison de ne pas craindre pour le sort de la liberté américaine. Un Américain éminent me la signalait un jour dans une phrase que je me permets de rapporter ici ; « Nous n'avons pas en Amérique, me disait-il, l'héritage de haines qui vous divise si malheureusement en France. » On ne saurait apprécier assez haut cette heureuse condition. C'est une des impressions les plus profondes que laisse un séjour aux États-Unis que cette absence de haines, de rancunes accumulées, d'antagonisme aigu entre les hommes d'origines diverses. Les « morts qui parlent » là-bas ne parlent pas des situations perdues, ni des dominations subies, mais de la grande oeuvre accomplie en commun. Dans un pays sans haines traditionnelles, la liberté jouit de la plus précieuse et de la plus efficace des garanties. L'optimisme du Président Roosevelt trouve là son explication et sa justification.

Paul BE ROUSIERS.


DE SCIENCE SOCIALE.

23

LES THÈSES SOCIALES AU THEATRE *

Les pièces à thèses sont à la mode, et nous avons étudié dans cette Revue, à propos du théâtre de Dumas fils, les causes qui font fleurir ce genre.

M. François Veuillot étudie dans un volume récent tout ce que ce genre a produit durant les dernières années. La collection est importante, car les oeuvres à tendances, ou à prétentions sociales, n'ont pas manqué sur la scène. Mais que valent ces « prédications » qui, soit dit en passant, ont souvent pour effet d'affaiblir notablement la valeur littéraire et le naturel des dialogues où on les enchâsse ?

Ce classement comporte trois parties : 1° la famille; 2° la question sociale; 3° science et religion.

Dans la première, M. François Veuillot discute les théories qui vont « à l'assaut du mariage ». Le mariage, en effet, a son procès instruit sur la scène. Les uns l'attaquent en néo-moralistes (l'Enigme, de M. Paul Hervieu; le Torrent, de M. Maurice Donnay). Les autres le bafouent en amuseurs publics (le Nouveau Jeu, de M. Henri Lavedan; le Marquis de Priola, du même auteur; les Deux Ecoles, de M. Alfred Capus). Toutefois, le mariage a aussi quelquefois ses défenseurs, et M. François Veuillot met en relief, avec plaisir, le Berceau, de M. Brieux, qui constitue un réquisitoire assez bon contre le divorce.

Après la question du mariage vient celle de l'éducation des enfants (la Petite Amie, de M. Brieux; la Conscience de l'enfant, de M. Gaston Dévore). Ce qui se dégage de cette première partie, c'est que la famille est attaquée au théâtre plus vigoureusement qu'elle n'est défendue. Ceux môme qui la défendent n'osent pas appuyer sur les meilleurs arguments et font des concessions aux auditoires, de niveau moral peu relevé, qui décident du succès.

Dans la deuxième partie, l'auteur groupe les pièces selon la subdivision suivante :

1° Le féminisme. — La Vassale, de M. Jules Case; Les Trois Filles de M. Dui.

Dui. Prédicateurs de la scène, par François Veuillot. — 1 vol. in-12. Victor Rétaux, Paris.

pont, de M. Brieux ; La Petite Amie, du même auteur, envisagée à ce nouveau point de vue ; lés Remplaçantes, du même auteur. — M. François Veuillot constate la place prépondérante qu'occupe M. Brieux parmi ses « prédicateurs », mais les oeuvres énumérées ci-dessus ne valent pas le Berceau. — Les Tabliers blancs, de M. Louis Bénière. Beaucoup de vague, pas mal d'erreurs et quelques malentendus.

2° La misère et la charité. — Pièces analysées : la Cage, de M. Lucien Descaves ; les Bienfaiteurs, de M. Brieux. Déclamations vaines et solutions nulles.

3° Patrons et ouvriers. — Encore les Bienfaiteurs, de M. Brieux; Le Bepas du Lion, de M. de Curel, Les mauvais Bergers, de M. Octave Mirbeau. Plus que jamais éclate l'impuissance des auteurs dramatiques à nous faire voir clair dans les nuages qu'ils s'amusent à agiter.

4° Les plaies sociales et les abus. — Il y a des abus dans la magistrature (la Robe rouge, de M. Brieux) ; le pari aux courses corrompt etmineune foule de gens (Résultat des courses, du même auteur) ; la débauche menace la santé publique (les Avariés, du même auteur). Sur ces points, comme sur bien d'autres, les « prédicateurs » indiquent assez bien le mal, en l'exagérant quelquefois ; mais où ils ne brillent pas, c'est quand il s'agit d'en arriver aux remèdes.

5° La noblesse et l'argent. — Les moralistes de la scène aiment beaucoup à pourfendre la noblesse. Ils parviendront, s'ils continuent, à persuader qu'elle est toujours une institution très importante, puisqu'on-.a besoin de l'attaquer si souvent et si fort. Pièces analysées : le Prince d'Auree et les Deux Noblesses, de M. Henri Lavedan; Les affaires sont les affaires, de M. Octave Mirbeau. — Beaucoup de fiel dans tout cela, surtout dans la dernière oeuvre. L'auteur du volume aurait pu dire que bien des gens qui crient contre les nobles et les financiers cherchent surtout à gagner de l'argent comme ceux-ci et à se pousser dans les salons où l'on se fait une gloire de coudoyer ceux-là.

6° La noblesse de la terre. — Le Domaine, de M. Lucien Besnard; les Fossiles,


24

BULLETIN DE LA SOCIETE INTERNATIONALE DE SCIENCE SOCIALE.

de M. de Curel. Mêmes réflexions que cidessus.

Dans sa troisième partie, M. François Veuillot discute les pièces où la science et la religion se trouvent en jeu. Il range dans cette catégorie : Manchette, de M. Brieux, où se trouvent stigmatisés les inconvénients sociaux de l'instruction mal comprise et mal utilisée; i'Evasion, du même auteur, qui combat l'orgueil scientifique ; la Nouvelle Idole, de M. de Curel ; l'Aînée, de M. Jules Lemaître, où la question ecclésiastique est mise au théâtre; la Passion, de M. Edmond Haraucourt; la Samaritaine, de M. Edmond Rostand; la Douceur de croire, de M. Jacques Normand; la Fille sauvage de M. de Curel.

M. François Veuillot constate, en terminant, que « la majorité des théories défendues par les prédicateurs de la scène est erronée, méchante et pernicieuse ».

Gabriel D'AZAMBUJA.

CORRESPONDANCE

Monsieur, Dans le dernier numéro du Buletin je trouve une lettre signée F. D., arma,nur, dans laquelle on peut lire le passage suivant : « En France tous les produits du sol et lu sous-sol, aussi bien que ceux de la grande ndustrie, sont protégés contre la concurrence itrangère par des tarifs de douane établissant les droits prohibitifs dits compensateurs à 'entrée des frontières ».

Qui dit tarifs prohibitifs dit évidemment arifs ne permettant pas la traversée des fronières gardées par les dits tarifs. Or, si I. F. D. veut se reporter au tableau de nos mportations, il pourra relever, pour les enrées en France, les chiffres ci-dessous qui conernent spécialement les produiù, du sol :

Objets d'alimentation importés en 1903.

Céréales fr. 173.024.000

Farineux 53.556.000

Fruits de table 54.056.000

Bestiaux 52.615.000

Vins 150.949.000

Viande... 22.442.000

Poissons 50.794.000

Fromages, beurre 50. 109.000

Total :fr. 609.545.000

Matières premières importées en 1903.

Peaux brutes Ir. 16C.320.000

Laines 369.413.000

Soies 289.670.000

Lin 105.843.000

Pâtes de bois 48.100.000

Graines oléagineuses 248.287.000

Bois à construire 125.962.000

Merrains 28.037.000

Total: fr. 1.381.632.000

Ainsi, il est entré en France pour près de deux milliards de produits que notre sol pourrait donner non pas peut-être dans l'état actuel de la culture, mais si cette même culture était intensive comme elle devrait l'être. On ne peut donc pas dire que les tarifs de douane sont prohibitifs.

M. F. D. semble croire que, de toutes les nations, la France est seule à posséder des tarifs dits compensateurs. Qu'il me soit permis de rappeler quelles conditions onéreuses sont mises à l'entrée des produits du sol dans tous les pays protectionnistes : États-Unis, Allemagne, Russie. Môme' dans les États libreéchangistes, comme la Belgique et l'Angleterre, des formalités abusives, quarantaines, exceptions tirées de maladies imaginaires, analyses, tendancieuses empêchent l'introduction de notre bétail et de nos vins.

Les produits du sol pourraient être exportés beaucoup plus largement, si les cultivateurs savaient être à la ibis des producteurs et des négociants.

Aujourd'hui, l'on se rend compte, chez les agriculteurs, qu'il faudrait des commerçants pour écouler la production agricole, qui menace d'être prochainement formidable ; seulement on ne sait comment créer les organes adéquats et les hommes nécessaires.

C'est de l'issue des recherches en cours que dépend l'avenir de l'agriculture française, puisqu'elle ne peut compter sur un accroissement de la population pour consommer les excédents de produits qu'elle est en droit d'escompter. Veuillez agréer... Comte A. DE R.

Nous publierons prochainement un article sur la Crise agricole et les moyens de développer nos. exportations. Cet article répond au désir exprimé par notre Correspondant.

Typographie Firmin-Didot et C'°. — Paris.


BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE

La protection légale des travailleurs, par Raoul Jay, professeur à la Faculté de droit de l'Université de Paris. — Un vol. in-12, Larose, Paris.

L'auteur de ce volume pense qu'il.faut intervenir de plus en plus, par voie législative, pour assurer la protection des travailleurs, et s'attache à montrer que cette protection légale n'aura aucune influence fâcheuse sur l'industrie. Il souhaite pourtant que les pouvoirs publics ne soient pas seuls à remplir vis-à-vis de l'ouvrier ces fonctions de tutelle, et que les travailleurs puissent constituer des organismes se protégeant eux-mêmes. Ce ne serait pas la corporation d'autrefois; mais ce seraient les groupements professionnels adaptés à la société moderne.

Comme documents annexes, l'auteur joint à son volume les statuts de l'Association internationale pour la protection légale des travailleurs, les statuts de l'Association nationale française sous cette même protection légale, et les statuts de la Ligue sociale d'acheteurs.

Annuaire-almanach de l'Action populaire. Guide social, 1904. — Lecoffre, Paris.

Cet Annuaire-almanach traite des matières suivantes : Mouvement social en France et à l'Étranger. — Syndicats d'ouvriers et d'employés. — Syndicats agricoles. — Syndicats patronaux. — Enseignement social. — Organisation du travail. — Grèves. — Trusts et cartels. — Monographies ouvrières. — Mutualités. — Assurances mutuelles agricoles. — Habitations ouvrières. — Jardins ouvriers. — Caisses rurales. — Crédit populaire. — Employés de commerce. — Coopératives de consommation et de production. — Maîtres économistes. — OEuvres féminines sociales. — Syndicats féminins. — Action des Jeunes. — Bibliothèque sociale, etc.

Un paragraphe (page 233) a été consacré à notre vénéré et regretté maître Henri de Tourville :

« Henri de Tourville était le méditatif solitaire. Il recevait de rares initiés dans son appartement de la rue de la Bienfaisance... Plus tard il se replongea dans sa province normande, et il fallut aller le chercher en pleins bois, comme les oracles antiques. Sa coordination était puissante. Il systématisa l'oeuvre du grand observa teur (Le Play). Sa méthode enfermée dans une nomenclature sortit des cadres monographiques eux-mêmes. Il fut le glorificateur des Anglo-Saxons par la plume de son élève, Edmond Demolins. Son action personnelle fut égale à celle de Quesnay, le physiocrate. Comme Saint-Simon, il forma une pléiade déjeunes qui se retrouvent aujourd'hui dans la littérature, les sciences, les situations industrielles. »

Une table des matières par ordre alphabétique est jointe à cet Annuaire qui contient, comme on a pu le voir par rémunération donnée plus haut, un certain nombre de renseignements utiles.

Les enfants d'époux divorcés, par

Mmc Renée Pingrenon, 1 br. in-8°. Paris, Dujarric et Cic, éditeurs, 1903.

L'auteur de : Le Divorce; ses causes, La Faute du Mari, s'est proposé, cette fois, de démontrer l'infériorité du sort des enfants d'époux divorcés au triple pjint de vue moral, social et matériel.

Un exposé précis, s'ap'puyant, d'une part, sur des exemples vécus, se référant, d'autre part, à^ l'expérience incontestable de personnalités les plus compétentes en matière d'éducation de l'enfance, se termine par un appel aux législateurs pour sauvegarder, tout au moins, les intérêts immédiats des enfants, innocentes victimes de tant de désaccords conjugaux.

La brochure de Mmo Pingrenon part d'une âme généreuse, mais il sera difficile d'obtenir, par quelque loi que ce soit, que les enfants d'époux désunis ne soient pas victimes de la désorganisation de leur foyer. La haine des conjoints séparés se rit des précautions légales, et l'éducation


des enfants ainsi « écartelés », comme on l'a dit, entre leur père et leur mère ne peut pas profiter des ressources normales dont jouit l'éducation des autres enfants. Ce que Mmo Pingrenon démontre donc le mieux — indirectement et sans le vouloir — c'est que le meilleur moyen d'épargner à d'autres enfants les épreuves qui affligent les enfants des divorcés actuels, ce serait de supprimer le divorce.

La grève devant la loi et les tribunaux, par Maurice Hamelet, docteur en droit, licencié es lettres, un vol. in-12, Larose, Paris.

Ce volume constitue une revue consciencieuse et assez complète, nous semblet-il, de tous les points de droits qui peuvent se poser à propos des grèves. L'auteur, après avoir défini et classé celles-ci, envisage : 1° la préparation de la grève (coalition, menaces de grève, provocation à la grève, conciliation et arbitrage) ; 2° la déclaration de la grève (effets sur le contrat de travail, question des délais d'avertissement, de dommages et intérêts, de publicité, de mise à l'index) ; 3° l'état de grève (atteintes à la liberté du travail et de l'industrie, interventions des tiers, résolutions de contrats, dommages, etc.); 4° la fin de

la grève (question de la reprise de l'ancien contrat ou de la formation d'un nouveau, répercussion sur la question des indemnités pour accidents de travail) ; 5° les projets de réforme.

Dans sa conclusion, M. Hamelet insiste sur la nécessité d'une puissante et régulière organisation syndicale. Il cite notre collaborateur M. Paul de Rousiers et fait siennes les réflexions suivantes, empruntées à La Question ouvrière en Angleterre : « On ne traite pas avec des indisciplinés ; on traite avec des corps constitués capables de faire respecter les conventions qu'ils signent, avec des mandataires réguliers représentant réellement les intérêts au nom desquels ils agissent. » L'auteur veut que ces syndicats aient une existence durable, car (dit encore M. Paul de Rousiers) « là où les syndicats ouvriers groupent momentanément leurs adhérents dans l'effervescence d'une grève et se voient ensuite abandonnés par eux, les patrons ne se montrent pas disposés à traiter avec eux ».

En attendant cette forte organisation, que l'auteur n'espère pas voir se réaliser de sitôt, il émet le voeu de voir se constituer des conseils permanents de conciliation et d'arbitrage.

CHEMIN DE FER D'ORLÉANS

L'Hiver à Arcachon, Biarritz, Dax, Pau, etc.

Billets d'aller et retour individuels et de famille de toutes classes.

Il est délivré toute l'année par les gares et stations du réseau d'Orléans pour Arcachon, Biarritz, Dax, Pau, et les autres stations hivernales du Midi de la France :

1° Des billets d'aller et retour individuels de toutes classes avec réduction de 2f> % eu i" classe et de 20 % en 2» et 3n classe ;

2° Des billets d'aller et retour de famille de l1", de 2° et de 3e classe comportant des réductions variant de 20 % pour une famille de 2 personnes à 40 % pour une famille de (J personnes ou plus ; ces réductions sont calculées sur les prix du Tarif général d'après la distance parcourue; avec minimum de 300 kilomètres, aller et retour compris.

La famille comprend : père, mère, enfants, grand-père, grand'mère, beau-père, belle-mère, gendre, belle-fille, frère, soeur, beau-frère, belle-soeur, oncle, tante, neveu et nièce, ainsi que les serviteurs attachés à la famille.

Ces billets sont valables 33 jours, non compris les jours de départ et d'arrivée. Cette durée de validité peut être prolongée deux fois de 30 jours, moyennant un supplément de do '% du prix primitif du billet pour chaque prolongation.


ANNÉE 1904

3« LIVRAISON

BULLETIN

DE".LA SOCIÉTÉ INTERNATIONALE

DE SCIENCE SOCIALE

Ce Bulletin doit être détaché et placé dans une reliure spéciale. :

SOMMAIRE : Réunion du Bureau de la Société. — Membres Fondateurs et Donateurs. — Nouveaux membres. — Nouveaux Correspondants et Chefs de groupes. — Lettres des Correspondants. — Une initiative à imiter; lettre de M. Louis BALLU. — Sections d'études sociales (cotisations à 3 et à 8 fr.), par M. EDMOND DEMOLINS. — Études sociales, par M. PAUL DE ROUSIERS. — L'Angleterre protectionniste, par M. G. D'AZAMBUJA. — Henry Georges jugé par un Américain, lettre du Dr L. Ettinger. — Bulletin bibliographique.

ÉCOLE DES ROCHES,

près Verneuil (Eure). Maison de la Guichardière.

Téléph. et lélégr..: Roches, Verneuil. Gare : Verneuil (ligne de Granville).

.M. EDMOND DEMOLINS recevra à l'École des Roches tous les membres de la Société qui voudront bien lui faire le plaisir de venir le voir pendant les vacances de Pâques.

On le trouvera le jeudi et le dimanche de chaque semaine, du 7 au 21 avril. Prière d'aviser du jour de la visite.

M. EDMOND DEMOLINS prie les membres de la Société de lui faire le plaisir de déjeuner et de dîner à la Guichardière, avec les membres de leur famille qtii s'intéressent à la Science sociale.

Départ de Paris (gare Montparnasse), à 8 h. 45 du matin. — Arrivée à Verneuil, à 10 h. 44. ■

Départ de 'Verneuil, à 8 h. 23 du soir. — Arrivée à Paris (gare St-Lazare), à 10 h. 25.

Lire dans le Bulletin, page 30, Une initiative à imiter, et page 31, Sections d'études sociales (cotisations à 3 fr. et à 8 fr.).

ORGANISATION DE LA SOCIÉTÉ

t

But de la Société. — La Société a pour but de favoriser les travaux de Science sociale, par des bourses de voyage ou d'études, par des subventions à des publications, ou à des cours, par des enquêtes locales en vue d'établir la carte sociale des divers pays. Elle crée des comités locaux pour l'étude des questions.sociales, il entre dans son programme de tenir des

Congrès sur tous les points de la France, ou de l'étranger, les plus favorables pour faire des observations sociales, ou pour propager la méthode et les conclusions de la science. Elle s'intéresse au mouvement de réforme scolaire qui fest sorti de la Science sociale et dont l'École des Roches a été l'application directe.

Appel au public. — Notre Société et notre Revue s'adressent à tous les hommes d'étude, particulièrement à ceux qui for-


ment le personnel des Sociétés historiques, littéraires, archéologiques, géographiques, économiques, scientifiques de province. Ils s'intéressent à leur région ; ils dépensent, pour l'étudier, beaucoup de temps, sans que leurs travaux soient coordonnés par une méthode commune et éprouvés par un plan d'ensemble, sans qu'ils aboutissent à formuler des idées générales, à rattacher les causes aux conséquences, à dégager la loi des phénomènes. Leurs travaux, trop souvent, ne dépassent pas l'étroit horizon de leur localité; ils compilent simplement des faits et travaillent, pour ainsi dire, au fond d'un puits.

La Science sociale, au point où elle est maintenant arrivée, leur fournit le moyen de sortir de ce puits et de s'associer à un travail d'ensemble pour une oeuvre nouvelle, qui doit livrer la connaissance déplus en plus claire et complète de l'homme et de la Société. Ils ont intérêt à venir à elle.

La crise sociale actuelle et les moyens d'y remédier. — Tout en continuant l'oeuvre scientifique, qui doit toujours progresser, nous devons vulgaTiser les résultais pratiques de la science, en montrant comment chacun peut acquérir la supériorité dans sa profession. Par là, notre Société s'adresse à toutes les catégories de membres.

La crise sociale actuelle est en effet la résultante des diverses crises qui atteignent les différentes professions.

Chaque profession doit donc être étudiée et considérée séparément, dans ses rapports avec la situation actuelle et avec les solutions que cette situation comporte.

Publications de la Société.— Tous les membres reçoivent la Revue la Science sociale et le Bulletin de la Société.

Enseignement. — L'enseignement de la Science sociale comprend actuellement trois cours : le cours de M. Paul Bureau, au siège de la Société de géographie, à Paris; le cours de M. Edmond Demolins, à l'École des Roches, et le cours de M. G. Melin, à la Faculté de droit de Nancy. Le cours d'histoire, fait par notre collaborateur le Ve Ch. de Calan, à la Faculté de Rennes, s'inspire directement des méthodes et des conclusions de la Science sociale.

Missions et voyages. — La Société attribue des bourses de voyages, ou d'études, aux personnes qu'elle choisit, prh> cipalement aux élèves des cours de Science sociale. Elle détermine les sujets à étudier

par les bénéficiaires de ces bourses. Elle examine les travaux remis par eux et se réserve la faculté de les publier dans la Science sociale, ou de les rendre à leurs auteurs.

Sections d'études. — La Société crée des sections d'études composées des membres habitant la même région. Ces sections entreprennent des études locales suivant la méthode de la Science sociale, indiquée plus haut. Lorsque les travaux d'une section sont assez considérables pour former un fascicule complet, ils sont publiés dans la Revue et envoyés à tous les membres. On pourra compléter ainsi peu à peu la Carte sociale de la France et du monde.

La direction de la Société est à la disposition des membres' pour leur donner toutes les indications nécessaires en vue des études à entreprendre et de la méthode à suivre.

La Société met également en rapport les membres appartenant à la même profession, afin de leur faciliter les études sur la situation de cette profession et sur les réformes à y introduire.

Congrès annuels. — La Société se propose d'organiser un Congrès annuel pendant le mois d'août, dans une région déterminée. Ce Congrès- aurait plus particulièrement pour but l'étude sociale de cette région. Les travaux du Congrès pourront former, chaque année, un des fascicules de la Revue.

Bibliothèque de la Science sociale. — Elle comprend aujourd'hui une trentaine de volumes qui s'inspirent de la même méthode. On en trouvera la liste sur la couverture de la Revue. Quatre de ces volumes ont été présentés aux concours de l'Institut : tous ont été couronnés. Plusieurs ont été traduits en anglais, en allemand, en russe, en italien, en espagnol, en grec, en hongrois, en arabe et en japonais. Quelques-uns ont atteint des tirages de huit, dix et vingt-cinq mille exemplaires.

Conditions d'admission. — La Société comprend trois catégories de membres, dont la cotisation annuelle est fixée ainsi :

1° Pour les membres titulaires ;20 francs (25 francs pour l'étranger) ;

2° Pour les membres donateurs : 100 francs ;

3° Pour les membres fondateurs : 300 à 500 francs.


ANNEE 1904

3° LIVRAISON

BULLETIN

DE LA SOCIÉTÉ INTERNATIONALE

DE SCIENCE SOCIALE

REUNION DU BUREAU DE LA SOCIETE

Le bureau du Conseil de la Société internationale de Science sociale s'est réuni le 15 mars, à 7 heures et demie, chez M. Maurice Firmin-Didot, sous la présidence de M. Paul de Rousiers. Tous les membres étaient présents..

M. Edmond Demolins a donné lecture de la liste des nouveaux adhérents, qui ont tous été acceptés comme membres. Il a informé le bureau que d'autres adhésions sont sur le point de se produire et que nos correspondants de province manifestent le plus grand zèle, tant pour l'organisation d'observations locales que pour la propagation de la Société.

Le bureau a examiné divers moyens propres à rendre la Science sociale accessible à un plus grand nombre de personnes.

M. Maurice Firmin-Didot, trésorier, a déclaré que, grâce au concours des membres fondateurs et donateurs, les ressources financières de la Société permettaient, dès maintenant, d'organiser un voyage d'études sociales.

Comme il importe que ce voyage, le premier qui sera entrepris sous les auspices de la Société nouvelle, soit effectué par un observateur en pleine possession de la méthode, 'M. Paul de Rousiers, président, a demandé à M. Paul Bureau s'il voudrait bien se charger de faire, pendant six semaines ou deux mois, une enquête sociale en Norvège, pour y vérifier certains points de l'évolution sociale si importante qui s'est effectuée dans ce pays.

M. Paul Bureau a répondu qu'il pensait pouvoir accepter.

M. de Rousiers, rappelant la mémoire de notre regretté maître Henri de Tourville, a demandé au bureau s'il ne conviendrait pas, à l'occasion de l'anniversaire de son décès, de faire célébrer un service funèbre à son intention. Cette motion a été accueillie à l'unanimité.

La séance a été levée à 11 heures et quart.

Le Secrétaire :

G. D'AZAMBU:A.

MEMBRES FONDATEURS ET DONATEURS

Se sont fait inscrire comme Membres Fondateurs ' :

MM. MAURICE FIKMIN-DIDOT..

ROBERT DUFRESNE.

P. E. LEFÉBURE. Comme Membres Donateurs 2 : MM. ALBERT DAUPRAT.

EDMOND DEMOLINS.

G. MÉLINV

ALCIDE D'ORBIGNY. ROBERT PINOT. JEAN PÉRIER. . PAUL DE ROUSIERS. MM. SÉPULCIIRE.

NOUVEAUX MEMBRES

MM., D. Alfred AGACHE, Paris, présenté par M. Paul Bureau. .

1. Ils versent une cotisation annuelle de 300 à 500 francs.,

2. ils versent une cotisation annuelle do doo fï.


26.

BULLETIN DE LA SOCIETE INTERNATIONALE

Alfred AGACHE, Paris, idem.

Auguste AGACHE, Bizy-Vernon (Eure), présenté par M. D. Alfred Agache.

Niconor de la ALAS PUMARINO, Madrid, présenté par M. Edmond Demolins.

Paul AUSSET, négociant, Nîmes, présenté par M. J. Beauquier.

Pierre BABEY, Arbois, Jura, présenté par M. Edmond Demolins.

MS'BARILLON, vicaire général, Sens (Yonne), présenté par M. A. Dauprat.

Le Dr BATUAUD, Paris (omis sur la liste générale).

Raoul BEAUCHARD, étudiant en droit, Poitiers, présenté par M. Louis Ballu.

Georges BEDEL, négociant, Paris, présenté par M. Edmond Demolins.

Le comte de SAN BERNARDO, Madrid, idem.

L. BRÉART DE BOISANGER, chef d'escadron, Lunéville, idem.

W. DE BONSTETTEN, Cannes, idem.

M. BOSQUET, président du Tribunal, Douai, idem.

M. BOUJARD, négociant, Villefranche, idem.

G. BOUTHILLIER, Saint-Martin-de-Ré, idem.

M" 0 A. BUISSON, Verneuil, idem.

L'abbé CAILLET, curé à Mondrepuïs (Aisne), présenté par M. le Dr Oudaille.

M. Girolomo CALVI, Milan, présenté par M. l'abbé Klein.

Le Dr CARCOPINO, Verneuil, présenté par M. Edmond Demolins.

Mme CARRAU, Paris, idem.

M. CASTAN, négociant, Paris, idem.

L. DE CHAMPVALLIER, capitaine au 14e Hussards, Alençon, idem.

Louis CHARPENTIER, ancien négociant, Saint-Mandé, idem.

Marcel CLÉMENT, avoué, Nîmes (Gard), présenté par M. Jean Beauquier.

M. CORBIN DE MANGOUX, château de Vorly (Cher), présenté par M. E. Demolins.

P. CRÉPIN, Berck-Plage, présenté par M. Georges Bertier.

L'abbé DABRY, Paris, présenté par M. Robert Dufresne.

BIGO DANEL, imprimeur, Lille, présenté par M. Scrive-Loyer.

Le Dr DAVEL, Paris, présenté par M. Edmond Demolins.

SAINT-CLAIR DELACROIX, chef d'escadrons au 7e Chasseurs, Rouen, idem.

P. FAVÉ, Rouen, idem.

Auguste FERRAND, industriel, Moscou,idem..

M. FOISSEY, courtier maritime, Calais, idem.

J.-B. GERIN, architecte, Paris, idem.

MUe Marie GIER, Gottenhausen, idem.

Manuel IZAGA, Chiclayo, Pérou, idem.

Ch. JASSON, receveur des postes françaises, Han-Kéou, Chine, idem.

M. LABROUSTE, Paris, idem.

Jacques LEGRELLE, Versailles, idem.

Auguste LAGNY, près Gien (Loiret), présenté par M. Henri Brun.

Mme LOUBET, Genève, présentée par M. E. Demolins.

L. MAROTTE, industriel, Redon, idem.

M. de la MARQUE, Bois-Guillaume (SeineInférieure), idem.

L'abbé MITTOU, professeur au petit séminaire, Carcassonne, idem.

M. de MONTAÙDOIN, Marseille, idem.

Mme MUNIER, Bessé-sur-Braye (Sarthe), idem.

M. NCETINGER, inspecteur des contributions directes, Evreux, idem.

A. NOZAL, artiste-peintre, Paris, idem.

Alcide d'ÛRiiiGNY, armateur, La Rochelle, présenté par M. Jean Périer.

0. PILLET, La Benestière (Maine-et-Loire), présenté par M. Edmond Demolins.

Emile PHILIPPE, industriel, Genève, idem.

M. PLOCQUE, notaire, Paris, idem.

Charles PRIEUR, Paris, idem.

F. PRIEUR, major au 120° bataillon d'infanterie, Péronne, idem.

M. RASQUIN, instituteur, Chababais (Vosges), présenté par M. G. Melin.

M. de RÉALS, Dinan, présenté par M. Edmond Demolins.

M. de RIGAUD, Béziers, idem.

Fernand ROCHER, château de Beauregard, Isère, idem.

M. ROOLF, Paris, idem.

Louis ROUSSELET, publiciste, Paris, idem.

Le prince SABAHEDDINE, Suresnes, idem.

La baronne de SAINT-GENTÈS, Pau, idem.

M. de SAINT-PIERRE, près Montpellier, idem.

M. de SAINT-PIERRE, Bangkok, Siam, idem.

Le Dr Paul SIMONET, Nîmes, présenté par M. Jean Beauquier.

Le Dr Edg. SNYERS, Liège (Belgique), présenté par M. Edmond Demolins.


DE SCIENCE SOCIALE.

27

Georges TESSIER, Paris, idem.

Lucien THIERCELIN, industriel, Pithiviers, idem.

M. THURET, La Presle (Allier), idem.

H. de TOYTOT, château de Bar (Cher), idem.

Teixeirra de VASCONCELLOS, Amarante, Portugal, idem.

Louis VINSON, fabricant de rubans, SaintEtienne, présenté par M. H. de Boissieu.

Laurent de ZARA, Dr en droit, Bucarest, présenté par M. M. Uréchia.

NOUVEAUX CORRESPONDANTS ET CHEFS DE GROUPES

M. Louis Ballu, Parnay, par Montsoreau (Maine-et-Loire).

M. Jean BEAUQUIER, négociant, rue Nationale, 1, Nîmes (Gard).

M. BÊLA GERBERT, banquier, Petroseny (Hongrie).

M. H. DE BOISSIEU, Varambon, par Pontd'Ain (Ain).

M. l'abbé Pu. CALLONGE, professeur au séminaire de philosophie, Sainte-Foy-lesLyon (Rhône).

M. H. CHARIER, Arradon (Morbihan).

M. Laurent CHATEL, architecte, rue Dumont-d'Urville, 2, Toulon.

M. CORBIN DE MANGOUX, château de Mangoux, Levet, par Vorly (Cher).

M. A. DAUPRAT, rue de la Paix, 4, Nice (Alpes-Maritimes).

M. A. DONNODEVIE, Rignac, par CasteraLectourois (Gers).

M. B. D'ENCAUSSE DE LABATTUT, allée Saint-Etienne, ' 4, Toulouse (Haute-Garonne).

M. A. FEUILLADE DE CHAUVIN, cours du Jardin-Public, 104, Bordeaux (Gironde).

M. Pierre GÉRARD, négociant, rue Grignan, 60, Marseille (Bouches-du-Rhône).

M. HERVEY, propriétaire-agriculteur, N.- D.-du-Vaudreuil (Eure).

M. le Dr Joffrion, Benêt (Vendée).

M. Pierre JOLIET, Tart-1'Abbaye-Genlis (Côte-d'Or).

M. Joseph LAROCHE, Terrée de Cité, 16, Arras (Pas-de-Calais).

M. le Dr MORET, Gourion (Yonne).

M. F. Roux, avocat, Javode par Issoire (Puy-de-Dôme).

M. Henri TOURNIER, industriel, conseiller général, Aiguefonde, par Mazamet (Tarn),

M. le Bon DE TRÉTAIGNE, conseiller général, château de Festieux (Aisne).

Lettres des Correspondants.

Nous donnons plus loin des extraits de la, lettre que nous adresse M. Louis Ballu; non seulement il accepte d'être correspondant, mais il a pris l'initiative de créer des Sections d'études sociales, suivant un plan que nous exposons plus loin et sur lequel nous attirons l'attention de tous nos lecteurs.

Nîmes, le 24 février. — « Je me mets volontiers à votre disposition, je répondrai de mon mieux à tout ce que l'on pourra me demander sur Nîmes et la région du Gard... » — J. BEAUQUIER.

Petroseny (Hongrie), le 4 février. — « M. Bêla Gerbert accepte avec le plus grand plaisir d'être correspondant et chef de groupe en Hongrie. Nous avons plusieurs projets en perspective, par exemple de créer ici une Revue, pour propager la méthode et les conclusions de la science sociale. En attendant, nous venons de terminer la traduction en hongrois de votre beau volume A quoi tient la supériorité des Anglo-Saxons ; elle paraîtra prochainement. M. Bêla Gerbert me charge de vous dire que, pendant les vacances, il recevrait avec plaisir les élèves de VÉcole des Roches dans la propriété qu'il possède au milieu de la steppe hongroise. Il pourra leur faire faire des visites intéressantes et instructives. Je crois pouvoir vous assurer que nous irons vous faire une visite en France pendant le mois de mai. Dès maintenant nous sommes à votre disposition pour répondre à tous les renseignements que vous pourriez nous demander. » — J. BOUCHET.

Nous remercions MM. Bêla Gerbert et M. Bouchet de leur concours dévoué. Nous leur demandons de constituer un


2'8

BULLETIN DE LA SOCIETE INTERNATIONALE

groupe hongrois, qui pourrait entreprendre l'étude méthodique du pays. Comme préparation, ils feraient une oeuvre très utile s'ils pouvaient déterminer les subdivisions sociales de la Hongrie d'après les différences que présentent les conditions de lieu et de travail.

Varambon, le 2 mars..— « Je vous adresse mon acceptation comme correspondant et je'Suis toujours disposé à collaborer à la Re"vue que sa transformation rendra encore plus instructive etplus utile. Je vous adresse le nom d'un nouveau membre de la Société... » — H. DE BOISS1EO.

BOISS1EO.

Sainte-Foy-les-Lyon, le 7 mars. — « Je n'ai commencé à me faire une idée de la méthode que par la lecture des articles que vous avez donnés dans le fascicule de janvier... Permettez-moi de vous exprimer ma reconnaissance pour votre ouvrage : Comment la route crée le type social. Cette lecture a été pour moi une révélation. Pour la première fois, j'ai compris l'histoire, qui m'avait paru jusqu'alors une indéchiffrable énigme. Je m'en suis servi souvent, même dans mon cours au sémi naire; je l'ai recommandé à mes élèves, en leur disant mon admiration. Dans les maisons d'éducation, il devrait être entre les mains des jeunes gens des classes supérieures. Veuillez agréer, Monsieur, spécialement à l'occasion de cette oeuvre magistrale, qui certainement fera époque, l'expression de mon admiration et aussi l'expression de ma reconnaissance pour la marque de confiance que vous avez bien voulu me donner en me demandant d'être le correspondant de la Société. » —L'Abbé PH. CALLONGE.

Arradon, le 25 février. — «... Je ferai de mon mieux pour remplir les fonctions de correspondant de la Société et je vais distribuer les brochures de propagande de la façon qui me semblera la plus utile au progrès de notre oeuvre dans ce pays. Vous me parlez dans votre lettre de l'étude du type breton. Je trouve que le jugement que vous portez sur les Bretons dans les

Français d'aujourd'hui est un peu sévère.. ; peut-être parce que je suis Breton. Je me suis demandé s'il n'y avait qu'un seul type breton, -car, à une demi-lieue d'Arradon, on trouve un type tout à fait différent de celui d'ici : je veux parler de l'île aux Moines. Mettez en face de qui que ce soit une îloise à côté d'une paysanne d'Arradon, on les croira venues des deux points les plus opposés de l'horizon... » — H. CHARIEE.

Il n'est pas douteux qu'il y a plusieurs types bretons, ou, plus exactement, plusieurs variétés de ce type. La science progresse précisément par la détermination des variétés nouvelles. M. Charier a donc dans son voisinage une excellente occasion de doter la science d'une nouvelle variété. Nous lui serons reconnaissants de nous en envoyer la description avec l'indication des causes qui lui ont donné naissance. Il pourrait la décrire par différence avec le type breton le plus général que j'ai essayé d'esquisser.

Toulon, le 5 mars. — « J'accepte volontiers d'être le correspondant de la Société et je ferai tout mon possible pour recruter des membres dans ma région... » — L. CIIATEL.

Lectoure, le 6 mars. — « Votre appel en vue de constituer un groupe de la Société de science sociale a trouvé de l'écho chez moi. J'admire beaucoup vos généreuses tentatives pour modifier nos routines en matière d'éducation et de carrières. On peut faire beaucoup de bien dans notre région, en y propageant vos idées. Je suis donc tout à votre disposition pour vous aider et je vous prie de croire à mon admiration pour votre entreprise... » — A.

DONNODEVIE.

Bordeaux, le 7 mars. — « Abonné depuis quelques années à la Science sociale, j'ai appris et suivi avec intérêt sa réorganisation sur des bases plus étendues. Je tiens-' à vous témoigner tout l'intérêt que je porte à la divulgation de vos idées, si précieuses pour le relèvement de notre pays et la mise en valeur de toutes ses intelligences.


DE SCIENCE SOCIALE.

29

Je me tiens donc à votre disposition autant qu'il me sera possible et je vous prie de me faire envoyer quelques brochures de propagande... » —A. FEUILLADE DE CHAUVIN. Je prie M. Feuillade de Chauvin de se mettre en rapport avec notre dévoué et ancien confrère, M. Marc Maurel, qui lui donnera un concours précieux, soit pour l'aider à organiser un groupe local, soit pour les études 'A, entreprendre dans la région. Il pourrait intéresser à. la Science sociale quelques membres de la Société d'Économie politique de Bordeaux, dont M. Marc Maurel est un des fondateurs et des représentants éminents.

Marseille, le 14 mars. — M. Pierre Gérard nous assure de son concours dans lamesure du temps dont il dispose. 11 va distribuer nos brochures de propagande, et espère trouver, parmi les nouveaux membres qu'il recrutera, des collaborateurs pour l'aider dans ses fonctions de correspondant.

Benêt (Vendée), le 4 mars. — « Je vous remercie de la preuve de confiance que vous voulez bien me témoigner en m'offrant d'être votre correspondant pour la région que j'habite. Vous pouvez disposer de moi et être persuadé de mon vif désir de concourir au développement de la Société... » — Dr JOFFR[ON.

Dijon, le 14 mars. — « Ce sera avec le plus grand plaisir que je serai votre correspondant pour la région dijonaise. Je vais m'occuper de recruter quelques membres. Je crois qu'il serait bon. dans le courant de cette année, de faire une conférence à Dijon sur la méthode et sur les avantages qu'on peut_xn tirer au point de vue de la science proprement dite et de Faction sociale. Je crois que cette conférence pourrait vous donner des adhérents parmi la jeunesse de l'Université. Ce serait, un très précieux élément pour l'avenir... » — PIERRE JOUET.

En réponse à la question posée par M. Jolietjjepuis annoncer dès aujourd'hui que je suis disposé, ainsi que quelques-uns de nos amis, notamment MRf. Paul de Rouviers

Rouviers Paul Bureau, à organiser des tournées de conférences, dans les groupes qui seront constitués. Nous engageons donc ceux de nos correspondants qui apprécieraient l'utilité de ces conférences à hâter le plus possible la constitution et le recrutement de leur groupe.

Arras, le 29 janvier. — « Vous demandez des correspondants et des chefs de groupes ; je crains d'être trop jeune pour vous représenter dignement. Cependant si un grand goût pour les études sociales et une bonne volonté dirigée par vos conseils pouvaient vous être quelque peu utilisables, je les mets à votre disposition... » — JOSEPH LAROCHE.

Courlon (Yonne), le 12 mars. — « Je serai volontiers le correspondant de la Société pour la région que j'habite et je tâcherai d'y constituer un groupe. J'espère arriver à un résultat avec l'aide de M. Dauprat, qui passe les vacances à Sens... » — Dr MORET.

Javode, par Issoire, le 9 mars. — « Je serais heureux autant que flatté du titre de correspondant de la Société... On me signale, en Souabe, sur la rive nord-est du lac de Constance, une région assez étendue, où l'on ne voit presque pas de bourgs et de villages (la population est éparse dans la campagne). .Ce n'est pas sans doute un critérium de la formation particulariste. mais j'incline cependant à croire qu'il faut en tenir grand compte... » — F. Roux.

La Souabë", dans son ensemble, ne paraît pas se rattacher à la formation particulariste ; mais certaines parties peuvent faire exception. Ce serait à vérifier. M. Rou;x, qui étudie en ce moment l'histoire de Florence,nous signale latendance des enfants à rester groupés, non seulement autour du père, mais même autour d'un cousin, plutôt que d'aller se créer au dehors des situations indépendantes. C'est la confirmation d'un fait déjà signalé et expliqué par la Science sociale ',.

1. On peut consulter à ce sujet Comment la roitle crée le type social, t. I, le chapitre sur le type vénitien.


30

BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ INTERNATIONALE

Mazamet, le 25 février. — « Je me mets bien volontiers à votre disposition pour constituer un groupe et recruter des adhérents et je vous prie de m'adresser quelques brochures de propagande. Je parlerai de notre Société à la prochaine réunion de la Société des sciences, arts et belles-lettres du Tarn, dont je fais partie et je m'efforcerai d'intéresser ses membres à nos recherches. Je suis tout à fait de l'avis de M. Garas, il y a beaucoup de sujets à étudier dans notre région, dans le Haut-Languedoc en particulier. Je suis placé moimême, à Mazamet, dans un centre social extrêmement intéressant. L'industrie s'y développe avec une extrême prospérité, alors qu'elle a disparu de tous les centres du midi. Il y aurait des observations très curieuses à faire. Je voudrais que la Société envoyât un jeune homme sur place. Je lui faciliterai toutes les recherches par ma situation et mes relations et je suis convaincu qu'il serait frappé du contraste qui existe entre Mazamet et les autres villes du Midi. » — HENRY TOURNIER.

Nous demandons à M. Tournier de constituer un groupe local et de partager entre quelques-uns des membres l'étude monographique de la région de Mazamet, d'après la nomenclature sociale. Lorsque ce travail sera en voie d'exécution, je serai très heureux de comprendre Mazamet dans une tournée de conférences, pour examiner, de concert avec nos confrères, les premiers résultats obtenus et les nouvelles recherches à poursuivre.

Festieux (Aisne), le 16 mars. — « C'est avec d'autant plus de plaisir que j'accepte d'être le correspondant de la Société, dans notre région, que je n'ai pas cessé de suivre ses travaux et d'en propager les principes. Vous pouvez donc compter sur moi. » — Baron DE TRÉTAIGNE.

Montréal, Canada, 19 février. — « Mon cher Maître, j'approuve tout à fait la transformation de la Revue. L'idée me semble excellente et devra donner une nouvelle impulsion à la Science sociale. Dès que j'aurai reçu les brochures de propagande, je m'occuperai de les distribuer et de' former

former groupe. J'ai en vue particulièrement quelques jeunes gens qu'on m'a signalés et qui pourront nous aider sérieusement. » — LÉON GERIN.

Lille, le 25 février. — Notre dévoué correspondant, M. Jules Sçrive-Loyer, nous écrit au sujet d'une étude qu'il a commencée sur le type flamand. Nous examinerons ce sujet dans un prochain fascicule.

UNE INITIATIVE A IMITER •■-

Nous appelons tout spécialement l'attention sur l'initiative suivante que vient de prendre un de nos confrères. Nous indiquons ensuite les moyens de la régulariser et de la généraliser.

Parnay, par Montsoreau, Maine-et-Loire. A M. Edmond Demolins.

Cher Maître,

Je vous adresse le compte rendu d'une conférence que je viens de faire à Poitiers, sur la science sociale.

Il m'a suffi, pour être écouté, de me servir des notes recueillies dans la Revue et à la suite de mes entretiens avec M. de Tourville. Un groupe de socialistes, venu pour soulever des objections, s'est trouvé réduit au silence par le simple exposé de la méthode et des faits.

Mais le résultat sur lequel j'appelle surtout votre attention et qui me paraît le plus important, c'est, qu'à la suite de la conférence, j'ai réussi à constituer, avec quatre de mes auditeurs, un groupe d'études sociales.

Ce groupement répondait si bien aux préoccupations des esprits qu'en moins de huit jours, j'ai pu réunir dix-huit membres, plus ou moins au courant de la science sociale, mais tous décidés à l'étudier sérieusement.

Suivant le règlement qui vient d'être établi, nous- devons nous sectionner par groupes. Chaque groupe souscrit un abon-


DE SCIENCE SOCIALE.

31

nement à la Science sociale, la fait circuler parmi ses membres, ainsi que les divers volumes de la Bibliothèque sociale.

Le premier groupe est déjà organisé. Les autres le seront prochainement.

Votre respectueusement et activement dévoué

Louis BALLU.

Voici le compte rendu de la conférence faite par M. Louis Ballu :

•• La conférence de samedi dernier à l'Institut Populaire a été particulièrement intéressante. M. Louis Ballu, un de nos voisins de l'Anjou, est venu nous donner l'exposé de la sociologie traitée scientifiquement par la méthode d'observation. Tant de choses sont jetées dans les discussions passionnées sous le nom de « théories sociales », « sciences sociales », « sociologie » et autres formules vagues, que c'est avec une surprise mêlée de satisfaction qu'on entendit le conférencier poser nettement cette triple affirmation :

« 1° Il existe des lois immanentes qui régissent les phénomènes sociaux ;

- 2° On a à l'heure actuelle un faisceau d'observations, scientifiquement démontrées, suffisamment complet pour pouvoir donner des énoncés (il est vrai fragmentaires, mais certains) de ces lois;

« 3° L'humanité est en possession d'une méthode qui lui permet de rechercher, de formuler et de contrôler ces lois.

« Ces affirmations qui semblaient au premier abord osées, furent établies d'une façon claire, méthodique, en suivant la nomenclature rationnelle de M. de Tourville. Nous ne pouvons nous empêcher d'admirer ici la méthode scrupuleusement scientifique que le conférencier sut mettre dans son exposé véritablement lumineux de la science sociale. Nous adressons nos félicitations et nos remerciements à M. Louis Ballu qui est venu offrir à toutes les bonnes volontés sa compétence technique et sa bibliothèque sociale ; il a bien voulu se faire ici le héraut d'une découverte accomplie dans un ordre scientifique et nous savons déjà que son. appel au travail n'est pas resté vain. »

Un Auditeur. (Le Sillon du Poitou.)

M. Louis Ballu vient de nous apprendre qu'à la suite de cette conférence, il avait

constitué des groupes destinés à propager les études sociales.

Cette initiative nous a paru si heureuse que nous entreprenons de la généraliser suivant les conditions indiquées ci-après :

Sections d'études sociales

(Cotisations à 3 francs et à 8 francs).

Pour propager les études de Science sociale et les mettre à la portée de tous les lecteurs, nous adoptons la combinaison suivante, sur laquelle nous appelons l'attention de tous nos confrères et en particulier de nos correspondants.

Nous leur demandons de nous aider à créer partout des Sections d'études sociales.

Chaque section comprend :

1° Un chef de section payant une cotisation de 8 francs par an ;

2° Quatre membres payant chacun une cotisation de 3 francs par an.

Ces cotisations sont versées au chef de section qui souscrit un abonnement à la Revue.

La Science sociale est envoyée directement au chef de section.

Celui-ci la communique successivement aux quatre membres affiliés, suivant un ordre établi. Chacun d'eux la garde seulement huit jours.

Elle revient ensuite au chef de section, qui en conserve la complète propriété.

Les noms des membres des Sections d'études sociales sont publiées par la Revue. Ces membres ont la faculté d'assister aux réunions locales et aux congrès; ils jouissent des droits d'auteurs en cas de publications dans les fascicules, etc.

Pour créer une Section d'études sociales, il suffit de recruter un chef de section.

Ce recrutement est d'autant plus facile que la cotisation est abaissée à 8 fr. au lied de 20.

Ce chef de section doit ensuite trouver lui-même ses quatre associés, de préférence dans son voisinage et dans ses relations, afin de faciliter la circulation des fascicules.

Ce nouveau recrutement est encore plus


32

BULLETIN DE L'A SOCIÉTÉ INTERNATIONALE

aisé, puisque cette dernière cotisation est réduite à 3 francs.

Pour vulgariser plus complètement les études sociales, nous ferons circuler, dans chaque section, les principaux ouvrages de notre Bibliothèque. On n'aura à payer que les frais de port : les volumes seront envoyés en port dû et ils devront être renvoyés en port payé, dans les dix jours, à l'adresse qui sera indiquée.

Ainsi, pour la somme de 3 francs par an, on pourra recevoir en communication tous les fascicules de la Revue et les ouvrages de la Bibliothèque, et, pour 8 francs, on aura, en outre, la propriété de tous les fascicules de la Revue '.

Cette organisation est comme une échelle, quipermetà chacun de s'élever à la science sociale exactement dans la mesure de ses désirs et des ressources qu'il veut bien y consacrer.

C'est un moyen de diffusion et de vulgarisation puissant. Nous avons l'espoir qu'il sera fécond.

Nous le signalons avec confiance à tous nos confrères et nous demandons à tous, à nos correspondants comme à nos membres, de recruter dès maintenant autour d'eux des chefs de sections et de nous faire parvenir leurs noms.

Edmond DEMOLINS.

ETUDES SOCIALES

Série III : Monographies de familles et de régions. — Notre confrère M. Paul Roux poursuit en Allemagne le cours de ses investigations et a bien voulu nous tenir au courant de la marche de ses travaux. Après avoir déterminé avec soin le lieu sur lequel il compte faire porter son observation, M. Paul Roux vient de s'installer à Egertorf, dans le Lunebourg. Il compte étudier ensuite, soit le sud du Lunebourg, pays pauvre connu sous le nom de Luneburger Ueide, soit le Nord-Est de la Westphalie. Ces deux régions présen1.

présen1. la fin de chaque année, les volumes de la Bibliothèque circulante seront mis en vente à moitié prix.

tent cette intéressante particularité que les domaines ruraux isolés y prédominent. Les familles de paysans-propriétaires paraissent s'y maintenir depuis des temps reculés et ce pourrait être un point favorable pour saisir dans les faits présents la trace encore vivante des familles parti cularistesde la plaine saxonne. Voici d'ailleurs ce que nous écrivait M. Paul Roux, le 28 février dernier, en signalant la distinction très caractéristique entre les pays à domaines isolés {Einzelhôfe) et ceux à villages agglomérés (Gewanndôrfer) : « La région des Einzelhôfe est limitée brusquement par le cours de la Weser à l'est, et au sud par une ligne qui va de Renteln sur la Weser à Neuss sur le Rhin ; dans cette région, il y a une tache de villages aux environs de Dortmund. En outre les Einzelhôfe reparaissent sur la Luneburger ffeide. » La tache de villages des enviv rons de Dortmund s'explique tout naturellement par la présence des grandes exploitations minières. De même, la tache de domaines isolés dans le sud du Lunebourg s'explique sans doute par le peu de fertilité de cette partie du pays, Heide correspondant à notre mot de lande; la terre ne paierait pas les gros frais de la grande culture et s'accommode, au contraire, d'une exploitation peu intensive et peu coûteuse. Telle est du moins l'hypothèse que l'on peut faire. Elle est, bien entendu, à vérifier, et nous comptons que M. Roux nous apportera la réponse.

Au sujet de la transmission de ces petits domaines, M. Roux donne les indications suivantes sur VAnerbenrecht, qui a permis, dans certaines parties de l'Allemagne du Nord, la succession non interrompue de plusieurs générations d'une même famille sur le même domaine : « L'Anerbenrechl semble être un produit un peu artificiel dérivant du Neierechl. Le Neier, d'abord intendant, était, dans les derniers siècles, l'usager héréditaire, moyennant une redevance fixe, non susceptible d'augmentation, d'un bien appartenant en nue propriété à une autre personne. Ce bien (Neiergul) étant la base de l'impôt, son détenteur était tenu de le transmettre intégralement à un héritier. Les accessoires (bâtiments, ma-


DE SCIENCE SOCIALE.

33

tériel, etc.) nécessaires à l'exploitation étaient pris par ^'héritier à moitié prix, mais tous les autres biens étaient également partagés entre les cohéritiers. Lorsque les Neier ont pu racheter leur redevance par le versement d'un capital, une loi a maintenu expressément la transmission intégrale de leur ancien Neiergut. » Ainsi VAnerbenrecfU aurait été institué dans un intérêt purement fiscal, pour la facilité de la perception des impôts. Quoi qu'il en soit, il est certain qu'il a agi dans le sens de la conservation du foyer et du domaine familial, et qu'il n'a pas été sans influencer grandement l'évolution sociale des familles qui p'y trouvaient soumises. On voit d'ailleurs assez bien ce qui a pu, dan,s l'ancienne Allemagne, maintenir les situations acquises et les coutumes traditionnelles. On voit moins bien ce qui a pu favoriser l'essor des enfants obligés de quitter le foyer et de se. faire une situaau dehors. Cependant, quand des circonstances favorables se sont produites, lorsque les pays d'outre-mer se sont ouverts largement à l'émigration, lorsque l'industrie nationale a fondé ses vastes établissements et que le commerce s'est [développé, les Allemands du Nord se sont trouvés prêts à peupler le Far-West américain, à fournir des ouvriers aux usines allemandes, à se lancer dans les trafics les plus variés et cela avec rapidité et succès. 11 y avait donc antérieurement dans cette population une force d'expansion latente. Comment s'était-elle créée et conservée : c'est ce que révélerait l'étude de la vieille Allemagne ; c'est ce que l'observation des familles les moins transformées, de celles qui restent actuellement comme des témoins de l'ancien état de choses, doit permettre de découvrir, i

Nous signalons aux lecteurs du Bulletin un travail des plus intéressants dû à un de nos nouveaux adhérents,,M. Louis Arqué, élève consul à Nuremberg, et publié sous le n° 314 dans la Collection des Rapports commerciaux des agents diplomatiques et consulaires de France (Annexe au Moniteur Officiel du Commeixe du 18février 1904); M. Arqué a étudié dans

son Rapport la situation économique de la Bavière du Nord ; mais, au lieu de s'en tenir à d'inintelligentes énumérations de produits et de chiffres, à des statistiques toujours sans vie et parfois sans réalité — comme il arrive dans plus d'un Rapport consulaire — il prend soin d'expliquer les phénomènes économiques dont les chiffres mesurent seulement l'intensité commerciale. Il est amené de la sorte à nous présenter un tableau très curieux des petites cultures de houblon dans les campagnes franconiennes; puis, ayant déterminé les conditions de production du houblon, il le suit dans son passage de la ferme à la brasserie à travers les intermédiaires commerciaux et nous décrit le commerce des houblons ; enfin, il nous fait pénétrer dans la brasserie où le houblon se transforme, dans la taverne où la bière se consomme, et étudie les questions de tarifs douaniers au sujet desquelles brasseurs et cultivateurs sont profondément divisés. Les informations générales sur la récolte bavaroise et la récolte universelle de houblon, sur le marché et les cours du houblon, sur son importation et son exportation, sur le commerce de la bière, prennent à la suite de ce travail une valeur et une vie qui leur feraient complètement défaut s'ils étaient livrés au lecteur sans commentaires.

Un autre chapitre très curieux de ce rapport a trait à l'industrie caractéristique de Nuremberg, celle des jouets. M. Arqué nous montre comment ce genre de travail s'est établi^ en Bavière, pourquoi il s'y maintient, de quelle manière il évolue sous l'influence de conditions nouvelles. A côté du petit artisan qui trouve un refuge dans la fabrication des jouets, nous voyons naître et se développer le type de l'ouvrier de la grande usine moderne. Toute la troisième partie du Rapport de M. Atqué est consacrée à la construction des machines et à l'industrie électrique. La nouvelle Allemagne y apparaît avec sa savante préparation technique et son labeur opiniâtre, avec l'organisation de son commerce et de ses cartells. Enfin la description des moyens de communication, l'étude des problèmes douaniers, la détermination


34

BULLETIN DE LA SOCIETE INTERNATIONALE

des rapports d'affaires établis entre la France et la Bavière, des indications accompagnées de vues très personnelles sur l'art moderne, complètent le travail de M. Arqué.

Nous avons le devoir de féliciter très chaudement notre jeune confrère, mais nous pouvons aussi attribuer à la Science sociale une part de son succès. Les préoccupations inspirées de notre méthode transparaissent à chaque instant dans le Rapport de M. Arqué ; on sent qu'elles l'ont guidé, qu'elles l'ont aidé à voir clair, qu'elles l'ont rendu curieux de détails caractéristiques et exigeant vis-à-vis de luimôme. Elles lui ont permis de débrouiller pour son propre usage, et de présenter à ses lecteurs, dans un ordre réel, les phénomènes complexes qu'il avait sous les yeux. Ce n'est pas, d'ailleurs, la première fois que nos consuls ont recours à la Science sociale pour la préparation de leurs travaux. Les Rapports de notre confrère, M. Jean Périer, consul de France à Londres, sont conçus d'après notre méthode et on sait quelle est leur valeur. Il est à souhaiter que le succès obtenu par nos amis encourage leurs collègues à suivre leur exemple. La Science sociale y gagnerait d'intéressantes contributions et les pu blications officielles n'y perdraient rien, tout au contraire.

Paul DE ROUSIER.S.

L'ANGLETERRE PROTECTIONNISTE

M. Paul de Rousiers, président de notre Société de Science sociale, a fait au Cercle du Luxembourg une intéressante conférence sur « l'Angleterre protectionniste ».

Il y a vingt ans, a remarqué le conférencier, ce seul titre eût paru une monstruosité. Aujourd'hui, on le sait, le mouvement protectionniste est devenu très puissant chez nos voisins d'outre-Manche, et M. Chamberlain lui a donné une vigoureuse impulsion.

Les sentiments et les principes ne sont pas en jeu. Il s'agit de voir quels sont les intérêts de l'Angleterre. Et pour comprendre

comprendre qu'elle peut avoir à devenir protectionniste, la première chose à faire est de rechercher l'intérêt qu'elle a eu, pendant longtemps, à être libre-échangiste.

Trois causes poussaient l'Angleterre au libre-échange.

1° Le peuple anglais, plus que d'autres, a intérêt à avoir la vie à bon marché, car, plus. qu'ailleurs, il achète ce qu'il consomme, et consomme ce qui est produit hors du pays. Les ouvriers d'industrie, chez nos voisins, l'emportent depuis longtemps sur les ouvriers agricoles, et si ces derniers vivent souvent de leurs produits, la chose est impossible aux ouvriers indus''- triels, qui doivent acheter leur nourriture, et l'acheter h l'étranger si leur pays n'en fournit pas suffisamment. D'autre part, la terre étant souvent un hixe en Angleterre, on a moins intérêt qu'en d'autres pays à lui faire produire un revenu important.

2° Le peuple anglais est intéressé à ce que l'industrie donne des profits, puisqu'il en vit, et, pour que l'industrie soit prospère, il faut qu'on puisse en écouler les produits au dehors. Or, l'Angleterre, il y a un demi-siècle, tenait la tète du monde industriel. Elle avait intérêt à réclamer la. lutte à armes égales puisqu'elle était la plus forte.

3° La suprématie de la marine anglaise, tant marchande que militaire, faisait bénéficier l'Angleterre d'un régime d'échanges aussi développé que possible, et lui permettait de les pratiquer avec sécurité.

Le libre-échange devint donc un dogme.

Ces trois causes ont agi longtemps, et n'ont cessé d'agir, mais depuis 1880, elles agissent avec moins d'ensemble, et des faits nouveaux sont venus les contrecarrer, en partie :

1° La concurrence allemande. On connaît le fameux <rri d'alarme : Made in Germany. Cette concurrence se manifeste tout particulièrement en ce qui concerne le charbon, la fonte, l'acier, produits où éclatait jadis la supériorité britannique.

2° La concurrence américaine. Voués d'abord exclusivement à la production agricole, les États-Unis se lancent dôsor-


DE SCIENCE SOCIALE.

35

mais brillamment dans le mouvement industriel, et développent leur production minière. Par exemple, ils ont produit, en 1902, 18 millions de tonnes de charbon; l'Angleterre n'en a produit que 8 millions et demi.

3° Les trusts et cartels nuisent à l'Angleterre, par, pouvant vendre cher à l'intérieur des pays, grâce aux droits de douane, ils peuvent écouler dehors, à vil prix, leur surproduction. Les Américains vendent à. Beyrouth des rails meilleur marché qu'aux États-Unis. Ces bas prix enlèvent des clients à l'Angleterre et portent un coup à son exportation.

De là une idée curieuse de M. Balfour : L'Angleterre doit obliger les autres peuples à adopter le libre-échange... et les y obliger par la protection.

Le problème recevrait une solution si l'empire britannique pouvait se suffire. C'est la solution Chamberlain.

Mais on ne voit pas que le système soit pratique. Sur 4 milliards 700 millions d'aliments que consomme l'Angleterre, les colonies anglaises ne lui en fournissent que 900 millions. Il est impossible que la production coloniale se développe assez pour combler cette formidable différence. Il n'y a guère que le thé que l'Angleterre puisse obtenir en quantité suffisante de ses colonies.

Pour les matières premières, même insuffisance. A la rigueur, l'Angleterre tirerait de ses colonies assez de laine ; mais pour le coton et bien d'autres denrées, il lui faut absolument recourir à l'étranger.

D'autre part, les colonies n'absorbent que les 39 p. 100 de la production britannique. Où placera-t-on le reste? On ne peut espérer que ces capacités de production et d'absorption changent de sitôt.

Mais peut-être M. Chamberlain espère-til rattraper, du côté de la prospérité maritime, ce qu'on perdra d'un autre côté. Réserver au pavillon britannique la navigation entre tous les pays anglais, ce serait la ruine de toutes les autres marines du monde. Avec ce système de « cabotage impérial monopolisé », les relâches des navires étrangers dans les ports anglais deviendraient

deviendraient ou inutiles. Voilà le péril.

L'orateur qui, en sa qualité de secrétaire du Syndicat des Armateurs de France, et après ses enquêtes en divers pays, est un des plus compétents qu'on puisse entendre sur ces questions, a été vivement applaudi par un auditoire d'élite.

G. d'A.

HENRY GEORGES Jugé par un Américain

New-York.

A M. Edmond Demolins,

« Cher Monsieur,

« C'est avec un bien grand intérêt que j'ai lu votre admirable chapitre sur * l'Anglo-Saxon et le Socialisme » dans votre ouvrage A quoi lient la Supériorité des AngloSaxons. Toutefois je regrette que vous ayez omis le jugement si anglo-saxon exprimé par la philosophie et l'enseignement d'un grand Américain Henry Georges. Les doctrines d'Henry Georges présentent un caractère bien anglo-saxon ; en effet, elles assurent à l'individu une entière liberté d'action, par la suppression de toute restriction légale, gouvernementale et sociale. Elles ne laissent au gouvernement que les pouvoirs strictement nécessaires pour protéger les droits de chaque individu. L'autorité publique exerce seulement les fonctions qu'il n'est pas possible de laisser à l'initiative individuelle. En d'autres termes, le gouvernement est simplement constitué pour assurer la paix, et rien de plus.

« Ces doctrines sont donc entièrement opposées aux conceptions de l'état socialiste. Certainement, M. Georges et ses disciples ne considèrent pas seulement les doctrines des socialistes comme fondamentalement erronées et inutiles, mais, comme également impraticables, déloyales, injustes et même tyranniques et despotiques. Ils en regardent d'ailleurs la réalisation comme impossible.


30

BULLETIN DE LA SOCIETE INTERNATIONALE DE SCIENCE SOCIALE.

t De plus, dans le nom de « Socialisme chrétien », M. Georges voit une contradiction de termes. C'est du moins ce qui me semble ressortir de sa lettre ouverte au pape Léon XIII sur les « Conditions du Travail » :

« Le socialisme fait dériver les maux inhérents à notre civilisation du manque d'harmonie des relations naturelles, relations qu'il veut organiser artificiellement pour les améliorer. Dès lors, il incomberait à l'État d'organiser avec plus d'intelligence les relations industrielles entre les hommes. Pour cela, il s'agirait de construire une grande machine, dont les rouages compliqués devraient marcher par l'impulsion et sous la direction de l'intelligence humaine. Le socialisme tend naturellement à l'athéisme : ne voyant pas l'ordre et la symétrie des lois naturelles, il est porté à nier l'existence de Dieu.

« Si vous voulez bien étudier les oeuvres de M. Georges, vous aurez probablement l'impression d'une certaine ressemblance avec les doctrines de votre grand compatriote Quesnay, médecin de Louis XVI, qui est appelé : le Père de l'Économie politique, et qui fut probablement l'inspirateur d'Adam Smith. Mais cette ressemblance est purement accidentelle. Georges avait élaboré sa philosophie avant de connaître les écrits de Quesnay. Tout en étant un chaud admirateur de ce dernier, il présenta sa doctrine sous une forme entièrement différente, tout en aboutissant à l'idée originale de Quesnay exprimée dans ce terme de l'Impôt Unique, ou Single Tax, nom malencontreux qui a nui au mouvement.

« Si vous étudiez les oeuvres de M. Georges, vous vous apercevrez que ce soi-disant « impôt unique » n'est pas en réalité un impôt et que son adoption équivaudrait à la suppression de tout impôt.

« M. Georges, tout en ayant l'intérêt d'un romancier, est caractérisé par sa merveilleuse lucidité et sa logique. En Angleterre, il a une grande influence et, de fait, ses idées font partie, dans une certaine mesure, du programme du parti libéral de Newcastle; ceci fut principalement

amené par les radicaux écossais qui sont presque tous disciples de M. Georges.

« J'ose espérer que, dans les futures éditions de l'ouvrage dont j'ai cité plus haut un chapitre, votre plume nous donnera le plaisir d'une analyse complète de cette philosophie sociale d'individualisme, si anglo-saxonne, et qui anom Sinff,e Tax.

« Veuillez agréer...

« D 1' L. ETTINGER. »

J'ai répondu à M. littinger pour le remercier des renseignements contenus dans sa lettre et je lui ai envoyé l'article publié dans la Science sociale de décembre 1890, par M. Paul de Rousiers. Cet article, intitulé Un réformateur américain; Henry Georges est-il socialiste ? répond aux préoccupations de 1 notre correspondant et confirme en grande partie son appréciation. Il explique en même temps pourquoi je n'ai pas cru, en publiant mon volume, revenir sur une question qui avait été si bien traitée au point de vue delà Science sociale.

E. D.

CORRESPONDANCE

Les membres dont les noms suivent nous ont écrit, soit pour remercier de leur admission, soit pour promettre leur concours, soit pour donner ou demander des renseignements :

MM. Et. Dauprat, R. de Montfort, l'abbé Eug. Maubec, Stanislas Simon, C. Buffault, vice-amiral Pascual Cervera, Louis de Gastebois, Bazoche, J. de Loisy, Aug. Lenglet, J. Richard, C. de Carfort, Aug. Amblard, G. Agniel, Roger Kiener, Laurent Devalorst, Henri Vernazobres, M. Bousquet, J. Cadot, le marquis de Castelar, A. Jourdet, E. Chevallier, A. Mesuré, H. Gérai, A. Izarn, Léon Gérin, Henri Willem, le Dr Cuenod, Alfred D'Amman, A. Depallier, V. Bouygues, Dr Saboureau, Jean Perier, Jules Scrive-Loyer, Paul Laffolye, Henri Brun.

Typographie Firmin-Didot et Clc. — Paris.


BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE

Du choix d'une carrière indépendante, par Victor Bettencourt. — Poussielgue, Paris.

Ce volume est dédié aux familles qui, par leurs opinions, se trouvent exclues des laveurs gouvernementales et de l'espoir de caser leurs membres dans les fonctions publiques. Toutefois, l'auteur énumère encore, parmi les carrières dont son livre s'occupe, certaines situations salariées par l'État, comme le commissariat colonial et le commissariat de la marine. Mais il insiste cavec raison sur les carrières agricoles et industrielles, et concentre, à ce sujet, tous les renseignements qu'il juge de nature à éclairer, soit les intéressés, soit les pères de famille. Le volume, à vrai dire, est une sorte de manuel pratique, sans prétentions littéraires, mais soigneusement documenté. Nous signalerons particulièrement la troisième partie ', où M. Bettencourt réunit d'intéressantes indications sur la Tunisie, Madagascar et le Canada, indications propres à fournir des données positives à ceux qui ne perdent pas de vue la solution colonisatrice.

Pro. Macedonia, par Victor Bérard, Armand Colin, Paris.

La Grise macédonienne, par Maurice Gandolphe, Perrin et Cie, Paris.

M. Victor Bérard, déjà connu par son volume sur La Macédoine, paru il y a quelques années, réunit, sous le titre de Pro Macedonia, une série de documents au-, thentiques, accablants pour le gouvernement turc. L'auteur est d'autant plus qualifié pour faire valoir ces documents que lui-môme, à ses risques et périls, a voyagé dans le pays, et y a été témoin d'actes de violences. 11 termine en demandant la nomination d'un gouverneur responsable sous le contrôle effectif des puissances.

M. Gandolphe, au contraire, prétend qu'on a beaucoup exagéré le mouvement insurrectionnel, et plaide pour les Turcs,

1. P. 3o0.

contre les Bulgares, ce qui nous paraît une cause assez difficile à soutenir. Il admet des réformes — celles que la Turquie promet toujours et ne donne jamais — mais il ne veut pas que les puissances interviennent. Cela ne ferait, assure-t-il, que gâter les choses.

Les conclusions de M. Bérard, bien plus solidement étayées, nous semblent bien préférables. Du reste, les événements iront peut-être plus loin, et, en guise de réformes, il ne serait pas étonnant de voir se produire des conquêtes et des annexions.

Pierre Leroux : sa vie, son oeuvre, sa doctrine, par FÉLIX THOMAS, docteur es lettres, professeur agrégé de philosophie au lycée de Versailles. 1 vol. in-8° de la Bibliothèque de la -philosophie contemporaine, Félix Àlcan, Paris.

Cet ouvrage fait revivre une physionomie originale et peu connue du xive siècle. Pierre Leroux a pris part, pendant près de cinquante ans, à toutes les grandes luttes littéraires, religieuses et politiques qui se sont engagées en France. Ceux qui ont lu son oeuvre et lui doivent le plus, semblent s'être donné le mot pour n'en parler jamais. En retraçant, dans la première partie de son étude, la vie de Pierre Leroux, et en nous montrant quelle influence il a exercée et par ses discours et par ses écrits, c'est une partie de l'histoire de notre siècle que retrace l'auteur. La seconde partie de l'ouvrage est exclusivement consacrée à l'exposé méthodique de la doctrine du philosophe. Ce n'est pas la moins importante. En effet, en parcourant ses différents chapitres sur la Nécessité d'une Religion philosophique, la Science du moi et la Science du nous, la Solidarité comme fait et comme devoir, l'Egalité et la Perfectibilité, la Famille, l'Etat, la Propriété, l'Education, la , Religion nationale, on se convaincra bien vite qu'il n'est pas une seule des questions qui nous passionnent aujourd'hui qui n'ait été non seulement entrevue, mais formulée par Pierre Leroux.


CHEMINS DE FER DE PARIS-LYON-MEDITERRANEE

Stations hivernales (Nice, Cannes, Menton, etc.)

Billets d.'aller et retour de famille -valalales 3 3 jours

Il est délivré, du 15 Octobre au 15 Mai, dans toutes les gares du réseau P.-L.-M., sous condition/s. d'effectuer un parcours simple minimum de 150 kilomètres, aux familles d'au moins trois personnes' voyageant ensemble, des billets d'aller et retour collectifs de 1", 2e et 3e classes, pour les stations hivernales suivantes : Hyères et toutes les gares situées entre Saint-Rapûaël-Valescure, Grasse, Nice et Menton inclusivement.

Le prix s'obtient en ajoutant au prix de 4 billets simples ordinaires (pour les 2 premières personnes), le prix d'un billet simple pour la 3° personne, la moitié de ce prix pour la 4» et chacune des suivantes.

La durée de validité de ces billets (33 jours) peut être prolongée une ou plusieurs fois de 15 jours, moyennant le paiement, pour chaque prolongation, d'un supplément égal a lu^f du prix du billet collectif.— Arrêts facultatifs à toutes les gares, situées sur l'itinéraire.

Les demandes de ces billets doivent être laites 4 jours au moins à l'avance, à la gare de départ.

CHEMIN DE FER D'ORLÉANS

L'Hiver à Arcachon, Biarritz, Dax, Pau, etc.

Billets d'aller et retour individuels et de famille de toutes classes.

Il est délivré toute l'année par les gares et stations du réseau d'Orléans pour Arcachon, . Biarritz, Dax, Pau, et les autres stations hivernales du Midi de la France :

1° Des billets d'aller et retour individuels de toutes classes avec réduction de 25 % eu lro classe et de 20 % en 2e et 3« classe;

2° Des billets d'aller et retour de famille de 1™, de 2e et de 3° classe comportant des réductions variant de 20 % pour une famille de 2 personnes à 40 % pour une famille de 6 personnes ou plus ; ces réductions sont calculées sur les prix du Tarif général d'après la disi tance parcourue; avec minimum de 300 kilomètres, aller et retour compris.

La famille comprend: père, mère, enfants, grand-père, grand'mère, beau-père, belle-mère, gendre, belle-fille, frère, soeur, beau-frère, belle-soeur, oncle, tante, neveu et nièce, ainsi que les serviteurs attachés à la famille.

Ces billets sont valables 33 jours, non compris les jours de départ et d'arrivée. Cette durée de validité peut être prolongée deux fois de 30 jours, moyennant un supplément de 10 % du prix primitif du billet pour chaque prolongation.

CHE3VtHNTS DE FER X>T7 3NTOR.r>

Services rapides entre Paris, la Belgique, la Hollande, l'Allemagne, la Russie, le Danemark, la Suède

et la Norvège.

5 express dans chaque sens entre Paris et Bruxelles. Trajet en 4 h. 30

3 — — Paris et Amsterdam. — 9 h. 5 — — Paris et Cologne. — 8 h.

4 — — Paris et Francfort. — 12 h. 4 — Paris et Berlin. — 18 h. 2 — — Paris et St-Pétersbourg. — 51 h.

Par le Nord-Express, bi-hebdomadaire. — 46 h.

1 express dans chaque sens entre Paris et Moscou. — 62 h.

— — Paris et Copenhague. — 28 h.

2 — — Paris etiStockholm. — 43 h. 2 — — Paris et Christiania. — 53 h.


ANNÉE 1904

4» LIVRAISON

BULLETIN

DE LA SOCIÉTÉ INTERNATIONALE

DE SCIENCE SOCIALE

Ce Bulletin doit être détaché et placé dans une reliure spéciale.

SOMMAIRE : Nouveaux membres. — Nouveaux Correspondants et Chefs de groupes. — Correspondance. — La crise agricole. Les moyens de développer notre exportation, par M. CH. DUMOXT, Président de la Chambre de commerce de Dijon. — L'A B C de l'argent, par M. G. D'AZAMBUJA. — La crise de l'industrie du coton, par M. E. FOURXIER DE FLAIX. — Quelques relations entre l'Art et la Vie, par M. G. D'AZAMIHJ.TA. — Les salaires au Japon. — Bibliographie. — Communications.

FASCICULES PRÉCÉDENTS

La Méthode sociale, ses procédés et ses applications, par EDMOND DEMOLINS, ROBERT PINOT et PAUL DE ROUSIERS.

Le Conflit des races en Macédoine,

d'après une observation monographique, par G. D'AZAMBUJA.

Le Japon et son évolution sociale,

par A. DE PRÉ VILLE.

L'Organisation du travail. Réglementation ou liberté, d'après l'enseignement des faits, par EDMOND DEMOLINS.

DEMOLINS.

ORGANISATION DE LA SOCIÉTÉ

But de la Société. — La Société a pour but de favoriser les travaux de Science sociale, par des bourses de voyage ou d'études, par des subventions à des publications, ou à des cours, par des enquêtes locales en vue d'établir la carte sociale des divers pays. Elle crée des comités locaux pour l'étude des questions sociales. Il entre dans son programme de tenir des Congrès sur tous les points de la France, ou de l'étranger, les plus favorables pour faire des observations, sociales, ou pour propager la méthode et les conclusions de la science. Elle s'intéresse au mouvement de réforme scolaire qui est sorti de la Science sociale et dont l'École des Roches a été l'application directe.

Appel au public. — Notre Société et notre Revue s'adressent à tous les hommes d'étude, particulièrement à ceux qui forment le personnel des Sociétés historiques, littéraires, archéologiques, géographiques, économiques, scientifiques de province.

Ils s'intéressent à leur région; ils dépensent, pour l'étudier, beaucoup de temps, sans que leurs travaux soient coordonnés par une méthode commune et éprouvés par un plan d'ensemble, sans qu'ils aboutissent à formuler des idées générales, à rattacher les causes aux conséquences, à dégager la loi des phénomènes. Leurs travaux, trop souvent, ne dépassent pas ■ l'étroit horizon de leur localité; ils compilent simplement des faits et travaillent, pour ainsi dire, au fond d'un puits.

La Science sociale, au point où elle est maintenant arrivée, leur fournit le moyen de sortir de ce puits et de s'associer à un travail d'ensemble pour une oeuvre nouvelle, qui doit livrer la connaissance déplus en plus claire et complète de l'homme et. de la Société. Ils ont intérêt à venir à elle.

La crise sociale actuelle et les moyens d'y remédier. — Tout en continuant l'oeuvre .scientifique, qui doit toujours progresser, nous devons vulgariser les résultais pratiques de la science, en montrant comment chacun peut acquérir


la supériorité dans sa profession. Par là, notre Société s'adresse à toutes les catégories de membres.

La crise sociale actuelle est en effet la résultante des diverses crises qui atteignent les différentes professions.

Chaque profession doit donc être étudiée et considérée séparément, dans ses rapports avec la situation actuelle et avec les solutions que cette situation comporte.

Publications de la Société.— Tous les membres reçoivent la Revue la Science sociale et le Bulletin de la Société.

Enseignement. — L'enseignement de la Science sociale comprend actuellement trois cours : le cours de M. Paul Bureau, au siège de la Société de géographie, à Paris ; le cours de M. Edmond Demolins, à l'École des Roches, et le cours de M. G. Melin, à la Faculté de droit de Nancy. Le cours d'histoire, fait par notre collaborateur le Vt 0 Ch. de Calan, à la Faculté de Rennes, s'inspire directement des méthodes et des conclusions de la Science sociale.

Missions et voyages. — La Société attribue des bourses de voyages, ou d'études, aux personnes qu'elle choisit, principalement aux élèves des cours dé Science sociale. Elle détermine les sujets à étudier par les bénéficiaires de ces bourses. Elle examine les travaux remis par eux et se réserve la faculté de les publier dans la Science sociale, ou de les rendre à leurs auteurs.

Sections d'études. — La Société crée des sections d'études composées des membres habitant la même région. Ces sections entreprennent des études locales

suivant la méthode de la Science sociale, indiquée plus haut. Lorsque les travaux d'une section sont assez considérables pour former un fascicule complet, ils sont publiés dans la Revue et envoyés à tous les membres. On pourra compléter ainsi peu à peu la carte sociale de la France et du monde.

La direction de la Société est à' la disposition des membres pour leur donner toutes les indications nécessaires en vue des études à entreprendre et de la méthode à suivre.

Bibliothèque de la Science sociale.

— Elle comprend aujourd'hui une trentaine de volumes qui s'inspirent de la même méthode. On en trouvera la liste sur la couverture de la Revue. Quatre de ces volumes ont été présentés aux concours de l'Institut : tous ont été couronnés. Plusieurs ont été traduits en anglais, en allemand, en russe, en italien, en espagnol, en grec, en hongrois, en arabe et en japonais. Quelques-uns ont atteint des tirages de huit, dix et vingt-cinq mille exemplaires.

Conditions d'admission. — La Société comprend trois catégories de membres, dont la cotisation annuelle est fixée ainsi ::

1° Pour les membres titulaires : 20 francs (25 francs pour l'étranger) ;

2° Pour les membres donateurs : 100 francs ;

3° Pour les membres fondateurs : 300 à 500 francs.

Sections d'études sociales. — Abonnements de propagande à 8 fr. et à 3 fr.

— Demander le prospectus au Secrétariat.


ANNEE 1904

4« LIVRAISON

BULLETIN

DE LA SOCIÉTÉ INTERNATIONALE

DE SCIENCE SOCIALE

NOUVEAUX MEMBRES

MM. L'abbé BAILLARD, professeur d'histoire,

Rouen, présenté par M. l'abbé Maubec.

René BOURGOIN, ingénieur-agronome,

Dijon, présenté par M. Pierre Joliet. Fernand de BREDERODE, Lisbonne, présenté par M. Braamcamp Mattos. W. CARLSON-FEVRELL, professeur, Lundsberg, Suède, présenté par M. Edmond Demolins. Dr A. VIEIRA DE CASTRO, FOZ de Douro(Portugal),

Douro(Portugal), le même. Paul DESCAMPS, ingénieur-électricien, Lille,

présenté par M. J. Scrive-Loyer. M" 0 Jeanne DESMONTS, Paris, présentée

par M. 0. Desmonts. DUIÎOIS, Directeur de l'Institut supérieur du commerce, Anvers, présenté par M. Edmond Demolins. Joseph GARDIES, Maruéjols-les-Gardon

(Gard), présenté par M. Clément. M. GODARD, Paris, présenté par M. Demolins. Henri de LAVEVRE, château de Lavevre, (Cher), présenté par M. P. Corbin de Mangoux. Casimir LUTOSLAWSKI, docteur en médecine, Varsovie, présenté par M. Edmond Demolins. ,

Paul. MAGNIER, -Grandchamp, par Saint-Julien-le-Faucon (Calvados), présenté par M. 0. Desmonts. Louis MAUBEC, industriel, Elbeuf, présenté

par M. l'abbé Eug. Maubec. Albert NEUVILLE, Liège (Belgique), présenté

par M. Victor Muller. Le baron Jean d'ÛLCE, ancien officier, Saintes, présenté par M. Maurice Bures.

Mm 0 Maurice PELLEVOISIN, Le Cannet (AlpesMaritimes), présentée par M. le Dr Oudaille.

Eugène PILUT, entrepreneur de menuiserie, Verneuil (Eure), présenté par M. Edmond Demolins.

J. FRAVA RENDON, avocat, Mérida, Yucatan, Mexique, présenté par M. Gonzalo Ca mara.

NOUVEAUX CORRESPONDANTS ET CHEFS DE GROUPES

M. P. S. BRUNIE, notaire, Ussel (Corrèze).

Le Dr Silveira CINTRA, rue do Boin Retiro, Saint-Paul (Brésil).

M. L. DUDOIGNON-VALADE, secrétaire général de la Coopérative agricole duPérigord, rue du 4-septembre, 2, Périgueux.

M. Louis HALLOUIN, inspecteur principal de l'exploitation commerciale des chemins de fer, avenue de Paris, 39, Versailles.

M. P. LEBOUTEUX, Verneuil, par Migné, (Vienne).

Le Dr Casimir LUTOSLAWSKI, Dr en médecine, rue Smolna 21, Varsovie.

M. l'abbé MARTIN, rue du Lycée, 7, StBrieuc.

M. l'abbé Eugène MAUBEC, professeur à l'institution Join-Lambert, rue de l'Avalasse, Rouen.

M. Louis PETERS, avenue Gambetta, Épinal, (Vosges).

CORRESPONDANCE

Ussel, le 24 mars. — « Volontiers j'offre mon concours à la Société de Science sociale et je serai heureux d'être votre


38

BULLETIN DE LA SOCIETE INTERNATIONALE

correspondant dans ma pittoresque région et de vous aider à y constituer un groupe. Je vous félicite chaleureusement de votre initiative et de l'heureuse. transformation que vous avez apportée à la Revue. Dans quelque temps, j'espère pouvoir vous donner quelques monographies sur la Corrèze.

« Le pays mérite d'être étudié suivant la méthode de la Science sociale. Au nord, c'est la région dite « la Montagne » avec ses landes à perte de vue, ses bois, ses prairies, ses pâturages, ses maigres champs dépourvus de calcaire. Au sud et au sudouest, c'est « le Pays bas », avec ses vallées étroites, mais fertiles, bordées de collines plus ou moins pierreuses, où croissent la vigne et le châtaignier. Au nord, l'altitude . varie entre 7 et 800 mètres ; au sud entre 80 et 150 mètres. Naturellement, le climat, les productions, le travail, le type des habitants, leurs moeurs, leur caractère varient beaucoup d'une région à l'autre dans ce même département... » P. S. BKUNIE, correspondant.

S.-Paul, Brésil. — « J'accepte bien volontiers d'être le correspondant de la Société, car j'ai le plus vif désir de voir propager et appliquer au Brésil les idées de la Science sociale.

« Pour pouvoir constituer un groupe à S.-Paul, je vais m'efforcer tout d'abord de recruter des membres et je vous prie de m'envoyer quelques exemplaires de la brochure de propagande.

« J'ai lu : A quoi lient la supériorité des Anglo-Saxons, au moment de son apparition et, depuis lors, j'ai suivi avec le plus vif intérêt toutes vos publications. J'ai toujours saisi les occasions qui se sont présentées pour propager les idées de la Science sociale et pour recommander l'Ecole des Boches, ainsi que vos ouvrages si clairs et si instructifs.-

« Tout ce que vous dites sur les peuples latins de l'Europe n'est que trop vrai pour le Brésil. Je crains que la réforme ne se fasse trop tard, et que nous ne soyons absorbés auparavant parles Anglo-Saxons. » D 1' SILVEIRA CINTRA.

Périgueux, le 18 avril. — « J'accepte volontiers

volontiers prêter mon concours. Étant un des plus anciens abonnés de la Science sociale, que je lis toujours avec plaisir, je serai très heureux de contribuer à sa vulgarisation. Dans les diverses publications que je rédige, je trouve souvent l'occasion de placer quelques réflexions suggérées par l'étude de la Science sociale. Je viens, de faire une conférence au grand séminaire de Périgueux sur le rôle social de la vigne, d'après la Science sociale... »M. L. DUDOIGNON-VALADE, correspondant.

Versailles, le 15 avril. — « Si vous croyez que je puisse vous être utile, j'accepte bien volontiers d'être correspondant de la Société. Je tâcherai de recruter quelques adhérents et de constituer le groupe de Versailles. » Louis HALLOUIN, correspondant.

Saint-Brieuc, le 16 avril. — « Ma bonne volonté est acquise depuis longtemps à l'a Science sociale et, si je puis être utile, j'accepte d'être votre correspondant... » N. MARTIN, correspondant.

Rouen,le30 mars. — «... Mon acceptation du titre de correspondant signifie toute ma reconnaissante sympathie à la Science sociale et mon intention de contribuer à ses progrès dans la mesure de mon influence, — toute naturelle pour ainsi dire, — sur mes élèves et mes amis. Je vous adresse les noms de deux nouveaux membres de la Société... » EUGÈNE MAUBEC, correspondant.

Varsovie, le 18 avril.. — « J'accepte avec le plus grand plaisir d'être le correspondant de la Société internationale de Science sociale. J'essayerai de vous être utile, en vous envoyant des informations sur l'état social de la Pologne et en répondant aux questions que vous pourrez me poser. Il y a beaucoup de personnes en Pologne qui -s'intéressent vivement à la Science sociale, surtout parmi les jeunes gens.

« Je me propose d'aller cet hiver à Paris, où je consacrerai une partie démon temps à étudier la méthode sociale, afin de contribuer plus utilement à la diffu-


DE SCIENCE SOCIALE.

39

sion de cette science. Je lis en ce moment votre volume l'Éducation nouvelle, qui m'intéresse particulièrement, car je voudrais introduire dans notre pays une réforme du même genre... » 0. LDTOSLAWSKI, correspondant.

Nice, le 18 avril. — «J'ai l'honneur de vous informer que j'accepte avec plaisir les fonctions de correspondant de la Société pour la région d'Épinal. Je tiens cependant à vous prévenir qu'en partie à cause de la nature particulière de mes études, je passe neuf à dix mois dans le Midi ainsi qu'en Algérie et Tunisie. Mais je vous mettrais volontiers en relations avec des personnes disposées à s'intéresser aux études sociales. » Louis PÉTERS, correspondant.

Les membres dont les noms suivent nous ont écrit, soit pour remercier de leur admission, soit pour donner ou demander des renseignements :

MM. A. Verdet, G. Blanchon, L. Corbin de Mangoux, Félix Silvestre, R. Depellier, Henri Brun, A. Joncard, E. Fougeron, A. David, Léonce Boiteau.

LA CRISE AGRICOLE

Les moyens de développer nptre exportation.

La production du blé forme le fond de la culture française. Mais cettp culture est bien menacée depuis que des pays, comme la Russie et les États-Unis, modifiant nos antiques modes de culture, disposant de sols pour ainsi dire neufs, d'étendues [de terrains illimitées, d'un matériel agricole des mieux perfectionnés, n'ayant à supporter que de très faibles charges fiscales, sont arrivés à produire, à des prix extrêmement bas, des quantités de blé assez considérables pour alimenter notre vieille Europe.

Joignez à cela des frais de transport infimes, tels que le prix de 0 fr. 25 par 100 kilos de New-York au Havre, des frais de chargement et de déchargement insignifiants,

insignifiants, vous jugerez comme nous que, depuis des années, notre petite culture française si morcelée, en partie si arriérée encore, aurait sombré sous cette formidable concurrence, si le gouvernement, pour protéger l'agriculture nationale, n'avait frappé les blés étrangers, à leur entrée en France, d'un droit de douane fort élevé puisqu'il est de 7 francs par 100 kilos.

En raison de mauvaises récoltes, nous voyons vendre actuellement le blé sur nos marchés à raison de 24 francs les 100 kilos ; c'est un prix tout à fait exceptionnel, car depuis de? années le prix du blé en France n'a guère dépassé 18 à 19 francs les 100 kilos.

Sans le droit de protection de 7 francs qui frappe les blés étrangers à leur entrée, le blé se vendrait couramment de 11 à 12 francs. Il valait, ces années dernières, 10 fr. 50 à 11 francs en Belgique et 10 francs à 10 fr. 50 en Angleterre.

Il est évident pour tous que si ce droit de 7 francs venait à être aboli, il serait impossible à la culture de produire du blé à 10 ou 11 francs; aussi est-il certain que le jour de la suppression de ce droit marquerait le jour de la ruine de l'agriculture française.

Pourtant 100 kilos de blé représentent 100 kilos de pain : il s'ensuit que la nation française tout entière paie son pain sept centimes par kilo de plus qu'elle ne le devrait, à seule fin de protéger son agriculture!

La nation acceptera-t-elle indéfiniment cette charge ?

L'agriculture songe-t-elle à l'instabilité d'une situation que certains jugent anormale et qu'un événement politique ou les nécessités de l'avenir peuvent bouleverser ?

En ce qui me concerne, je souhaite que cela dure, mais je crois que nos agriculteurs feraient acte de prudence et de sagesse en recherchant, à côté de cette culture, des ressources nouvelles de nature à ramener l'activité et l'aisance dans nos campagnes.

Nous allons examiner les grands marchés étrangers sur lesquels il nous serait possible et même facile de développer notre


40

BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ INTERNATIONALE

exportation en produits divers provenant du sol. Nous établirons leur puissance d'absorption, la place infime que nous y occupons et la somme de revenus que nous négligeons en abandonnant la lutte et en cédant le terrain à des concurrents bien moins avantagés, mais bien mieux organisés.

ALLEMAGNE. — Importation de fruits frais. — L'Allemagne a importé 350.000 quintaux de raisins de vendange, qui lui ont été fournis :

■200.000 quintaux par l'Italie, 50.000 — l'Autriche,

50.000 — la France,

50.000 — la Suisse, la Grèce

et divers.

1.500.000 quintaux de pommes, sur lesquels 300.000 quintaux seulement ont été importés de France. Le surplus, soit 1.200.000 quintaux, a été fourni par l'Autriche, la Hollande, la Belgique, la Serbie, la Russie, le Canada et les États-Unis.

350.000 quintaux de poires, sur lesquels 12.000 quintaux seulement ont été importés de France, le surplus provenant des pays cités plus haut.

Importation de volailles. — En 1902, l'Allemagne a importé 500.000 quintaux de volailles dont la valeur est estimée à environ cent millions de francs.

Sur cette quantité, 7.500 quintaux valant 2.250.000 francs sont importés de France/ le surplus est fourni par l'Autriche, la Russie et l'Italie.

Ces chiffres sont éloquents et se passent de commentaires. Il est évident qu'en ce qui concerne les raisins de table ou de vendange, les fruits frais et la volaille, nous n'occupons pas, sur ce marché en plein développement, la large place à laquelle nous donnent droit notre sol si fertile, notre excellent climat, nos moyens de production que nous pourrions développer à l'infini et enfin la proximité de cette grande nation avec laquelle nous avons, sur un important parcours, une frontière commune et d'accès facile.

Importation de légumes frais. — Les

statistiques nous manquent pour établir l'importation générale de l'Allemagne en légumes frais; nous savons toutefois que, grâce à nos printemps doux et précoces qui nous donnent sur l'Allemagne et autres pays producteurs une avance considérable, la France, et principalement les environs de Paris, sont les centres d'approvisionnement et d'expédition pendant les premiers mois de l'année, de janvier à mai, des petits pois, haricots verts, salades et autres légumes.

Pendant la même période, l'Italie et la France rivalisent pour la vente du chouxfleur. En France, c'est principalement l'Anjou et, depuis quelque temps, les environs d'Avignon qui l'expédient par quantités considérables.

Plus tard, c'est la Hollande qui se substitue à la France et à l'Italie pour l'exportation en Allemagne du choux-fleur et autres légumes.

Les asperges et les épinards sont exclusivement fournis par la France.

Comme on le voit, nous avons conservé jusqu'à présent la tête du mouvement d'exportation des primeurs de toutes espèces en Allemagne, mais nous aurions tort de nous endormir sur le terrain acquis, car on constate depuis un certain temps que la clientèle allemande reçoit beaucoup d'offres directes de nouveaux pays tels que l'Espagne qui s'organise vigoureusement, et l'Algérie dont il faut signaler les progrès constants sur le marché allemand.

Nous ne saurions trop recommander à nos négociants et agriculteurs de rompre avec les vieilles traditions ; car il ne faut pas qu'ils s'imaginent qu'ils pourront lutter longtemps contre des rivaux mieux organisés, s'ils se contentent du simple envoi de catalogues ou de prix courants, 1 rédigés dans une langue étrangère à l'acheteur, et sans jamais se déplacer pour s'instruire sur les besoins et les goûts des pays où ils trafiquent.

RUSSIE. — Importation de fruits frais. — Nous sommes moins documentés sur l'importation russe. Toutefois nous savons, par les rapports de nos consuls et les renseignements de l'Office national du corn-


DE SCIENCE SOCIALE.

M

merce extérieur, que, quoique cette nation tire d'assez grandes quantités de fruits frais de la Crimée, de la Bessarabie et de la région du Don, les envois qu'elle reçoit de ces contrées ne lui suffisent pas, soit comme quantité, soit comme qualité, puisqu'elle est obligée d'avoir recours pour son approvisionnement aux nations étrangères. C'est ainsi que le raisin forcé de table lui vient principalement de la France; mais l'Autriche, avec sa magnifique région fruitière du Tyrol, s'efforce de nous concurrencer sur ce marché; nul doute que l'Italie, que nous avons vue à l'oeuvre en Allemagne, ne cherche prochainement à y introduire sa production. Leraisin ordinaire est demandé à la France, à l'Autriche, à la Bessarabie et à la Crimée.

Les pommes et poires sont importées de France, d'Autriche, d'Allemagne et même de Smyrne.

Quelle que soit la valeur comme beauté de conformation ou comme saveur des fruits étrangers produits sur n'importe quel point du monde, aucun n'égale nos fruits de France. Aussi est-ce à la France seule que la Russie demande comme poires : nos duchesses, le beurré d'Arenberg et le doyenné d'hiver. Et comme pomme, notre inimitable Calville, que produisent les environs de Paris.

Si le marché russe n'a pas actuellement l'importance de ceux que nous indi' quons d'autre part, n'oublions pas que nous sommes en présence d'un vaste pays qui compte 130 millions d'habitants et dont chaque jour marque un progrès vers la civilisation.

Organisons-nous et surveillons cet immense débouché d'avenir, afin de ne pas laisser à d'autres la place et les affaires considérables que nous sommes appelés à y traiter. i

SUISSE. — Voici une nation plutôt pauvre comme sol et climat : elle nous donne cependant un merveilleux exemple de ce que peuvent produire le travail, la persévérance, l'initiative et surtout l'union ■ pour la défense des intérêts communs. Quoique bien isolée dans ses montagnes, avec des communications plutôt difficiles,

ne produisant ni charbon, ni minerai, c'est pourtant un des pays d'Europe les mieux organisés au point de vue métallurgique.

Grâce à ses syndicats communaux, elle est arrivée à exploiter judicieusement ses montagnes qui nourrissent les vaches dont elle tire le lait qui fournit à l'Europe entière son excellent fromage de gruyère.

Grâce à son syndicat d'hôteliers, elle exploite les visiteurs étrangers qui ont laissé dans les hôtels suisses, en 1902, plus de 250 millions de francs.

Pour nourrir cette affluence de voyageurs qui grossit d'année en année, la Suisse, déshéritée comme production du sol, a dû demander à l'étranger la plus grande partie de sa farine de blé, de sa viande, volailles, légumes, vins et fruits.

Là encore nous nous trouvons en présence d'un marché important situé à nos portes, d'accès facile, que nous aurions dû accaparer, mais dont nous ne savons pas profiter. Par suite de notre manque d'initiative et d'entente, nous en laissons l'exploitation à l'Italie et à l'Autriche.

(.4 suivre.

Ch. DUMONT,

Président de la Chambre de commerce de Dijon, Conseiller du commerce extérieur.

L'A B C DE L'ARGENT «

Nous avons rendu compte, dans notre livraison de décembre 1903, du premier volume que, Sous ce titre, l'Empire des affaires, M. Arthur Maillet a extrait des discours et des articles de M. Andrew Carnegie. L'ABC de l'argent est la suite de ce premier volume, et achève de mettre en lumière, non seulement les idées, mais le caractère du célèbre milliardaire américain.

Lepremier chapitre, intitulé l'Evangile de la richesse, est constitué par deux articles qui parurent en juin et décembre 1889 dans la North American Beview, et qui firent

1. L'ABC de l'argent, par Andrew Carnegie, traduit de l'anglais par Arthur Maillet. Ernest Flammarion, Paris.


BULLETIN DE LA SOCIETE INTERNATIONALE

sensation, au point d'attirer à l'auteur une réponse de M. Gladstone. M. Maillet donne justement quelques extraits de cette réponse, où le célèbre homme d'État anglais ..approuve l'essentiel des opinions émises par le riche Américain, tout en faisant des réserves sur son enthousiasme démocratique. M. Carnegie, dans cet opuscule célèbre, montre que l'opulence a ici-bas une magnifique mission, et étudie la question de l'emploi de la richesse. La meilleure chose que puisse faire un homme très fortuné, c'est de dépenser son capital de son vivant, en fondant des oeuvres de bien public. Bien moins louables sont ceux qui se contentent de léguer à ces oeuvres leur fortune, d'abord parce qu'ils n'y ont pas de mérite, ensuite parce qu'on ne sait jamais si la volonté du testateur sera respectée ou comprise intégralement. Quant à ceux qui se contentent de laisser des millions à leurs enfants, ils leur rendent plutôt un mauvais service. Parmi les oeuvres de bien public, M. Carnegie classe en première ligne les universités et les bibliothèques;, parce qu'elles servent à élever les gens de bonne volonté. Règle générale : il ne faut aider que ceux qui s'aident eux-mêmes. N'encourageons pas la paresse des paresseux. Secourir les mendiants est chose souvent dangereuse, ou même criminelle. « Seul il peut prétendre au titre de bienfaiteur celui qui prend autant de soin à ne pas secourir les gens indignes qu'à secourir les gens méritants. » Même quand on donne à une ville ou à une communauté quelconque, il faut exiger que cette ville ou cette communauté .contribue pour quelque chose à cette libéralité. Par exemple, on doit, une fois l'immeuble fourni, imposer aux donataires les frais d'entretien. Cela est nécessaire pour que ceux à qui l'on donne s'intéressent vraiment à ce don.

Parmi les autres chapitres, signalons le plus court, qui est intitulé : « Le tabouret à trois pieds ». Ce ne sont, à vrai dire, que deux ou trois courtes pages, mais des pages fort belles et profondément pensées. M. Carnegie constate que toute entreprise industrielle réclame le concours de trois éléments : le Capital, l'Intelligence

des affaires et le Travail. Il ajoute :

« On peut écrire des volumes pour savoir lequel des deux associés est le premier, le second ou le troisième en importance. Cela ne changera rien à la question.

« Des économistes, des philosophes spéculatifs et des prédicateurs ont exposé leurs vues sur le sujet, pendant des centaines d'années, mais la réponse n'a pas encore été trouvée, et elle ne le sera jamais, car chacun des trois a une importance absolue et est également indispensable aux deux autres.

« Il n'y a pas de premier, de second ou de dernier. II n'y a pas de préséance. Ils sont les membres égaux de la grande triplealliance qui dirige le monde industriel

« De nos jours, le Capital, l'Intelligence et-le Travail manuel sont les pieds d'un tabouret à trois pieds. Lorsque les trois pieds sont solides et d'aplomb, le tabouret tient debout; mais que l'un des trois faiblisse ou se casse, qu'on l'arrache ou qu'on le brise, voilà le tabouret à terre. Et il ne peut plus servir à rien tant que le troisième pied n'aura pas été réparé.

« Le capitaliste a donc tort qui croit que le Capital est plus important que l'un ou l'autre des deux pieds. Le support de ces pieds lui est indispensable. Sans eux, ou seulement avec l'un d'eux, il s'écroule,

« L'Intelligence se trompe quand elle croit que le pied qu'elle représente est le plus important. Sans le pied du Capital et du Travail, elle est sans utilité.

« Et enfin, n'oublions pas que le Travail se trompe aussi quand il prétend avoir plus d'importance que l'un ou l'autre pied. Cette idée a été dans le passé la source de beaucoup d'erreurs déplorables 1. »

Cette saisissante comparaison ne correspond-elle pas admirablement à la réalité des choses?

Nous passons sur plusieurs chapitres d'un intérêt plus économique que sociaL et relatifs à la question monétaire, au gaz, au pétrole, aux chemins de fer. Mais nous devons une mention particulière au dernier, consacré à 1' « Harmonie du capital et du travail ».

i. P. 231.


DE SCIENCE SOCIALE.

43

Dans ce chapitre, M. Carnegie montre l'intérêt qu'il y a, pour les patrons, à s'associer d'une certaine manière tous ceux qui concourent avec eux à l'oeuvre de production. Mais, s'il est bon de les intéresser pécuniairement, il ne l'est pas moins de les rendre dévoués et fidèles, en agissant sur eux du côté moral.

« Des ressources qu'on ne soupçonne pas, dit-il, existent à l'état latent dans des hommes de bonne volonté qui nous entourent. Pour obtenir d'eux des résultats surprenants, il suffit d'apprécier leur valeur et de les mettre à même de se développer. Mais l'argent ne suffit pas. Les natures les plus sensibles et les plus ambitieuses ont besoin de sympathie, d'égards et d'amitié. Le génie, sous toutes ses formes, est susceptible. Or, c'est le génie, et non pas une intelligence ordinaire, qui produit des résultats, même dans le domaine des affaires. Si vous voulez qu'un homme de premier ordre tire de son cerveau tout ce qu'il contient, commencez par gagner son coeur. Cette règle, je vous l'affirme, n'a pas de limites. Le simple manoeuvre produit davantage quand il estime son patron. Qu'il s'agisse du travail manuel ou du travail de tète, c'est le coeur qui compte. Le travail n'est jamais complètement payé par l'argent seul. » *

A ce propos, M. Carnegie donne d'intéressants renseignements sur ses propres usines et sur le système de Y « échelle mobile » qui existe chez lui pour faire varier le salaire des ouvriers selon les bénéfices de l'entreprise. Il rappelle que la « Carnegie Steel Company » a toujours tenu à faire de ses jeunes employés des associés et s'est toujours efforcée de récompenser les services exceptionnels. En un mot, l'auteur a le droit de prêcher dans ses écrits, car il a d'abord prêché d'exemple."

Le langage de M.-Carnegie est celui d'un homme d'affaires qui, en bon fils d'Ecossais, ne dédaigne pas d'être penseur à ses moments perdus. C'est simple, énergique, avec quelques répétitions qui trahissent les idées dominantes, mais aussi avec des trouvailles de mots assez pittoresques et, par-ci par-là, de fières envolées.

G. d'AzAMBUJA.

LA CRISE DE L'INDUSTRIE DU COTON

Cette crise est l'un dés grands faits contemporains. Sourdement préparée en 1902, elle a éclaté en 1903. Ce n'est point une de ces crises passagères, qui cèdent devant une élévation plus ou moins rapide et prolongée du taux de l'escompte, elle n'a rien à espérer du crédit. C'est une crise partie agricole, partie industrielle. Ses éléments sont nombreux et complexes.

1° La culture du coton sur le globe, car il s'agit d'une crise mondiale, n'a pas autant progressé que la consommation du coton, c'est la cause économique principale. Il est plus facile de fabriquer des filés et des tissus de coton que de produire du coton brut. Le coton, au point de vue agricole, exige des terres spéciales, fécondes et humides, un climat très chaud, un personnel préparé de longue main.

On peut presque partout faire venir l'orge et le seigle ; l'avoine, le riz et le blé sont déjà bien plus difficiles. M. Demolins vient d'expliquer, dans deux volumes des plus intéressants, combien l'homme pasteur avait mis de temps à devenir un cultivateur intermittent, puis permanent. Eh bien, il est encore plus difficile de transformer un laboureur qui sème l'avoine ou le blé en un cultivateur tropical assez attaché à la terre pour pourvoir aux besoins du cotonnier, arbuste charmant mais fort exigeant.

Le cotonnier, de même que le dattier, demande un soleil ardent et de l'eau. Les territoires cotonniers sont peu à peu devenus rares et occupés. Les Etats-Unis du Sud, l'Egypte, l'Inde, le Turkestan fournissent les meilleurs. Aujourd'hui il faut en trouver d'autres, on en cherche d'autres de toutes parts. Des essais ont eu lieu au Mexique, en Perse, en Indo-Chine, en Afrique centrale. Il semble que le Soudan et le Congo, soient appelés à procurer les terrains que l'on cherche. Si les essais qui s'y multiplient obtiennent un succès certain, le coton pourrait transformer l'Afrique centrale et la civiliser. Mais, pour cette grande culture, il ne suffit pas de capitaux et de terres appropriables, il faut encore


BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ INTERNATIONALE

un personnel qui s'assujettisse à la culture très pénible du coton sous un climat tropical. C'est le problème qui vase poser dans l'Afrique centrale. Il ne faut pas oublier que la culture du coton aux Etats-Unis et en Egypte a été intimement liée avec l'asservissement des populations, comme la plupart des cultures permanentes.

2° D'autre part, l'industrie de la soie a continué à se développer sur une échelle gigantesque, non seulement en Angleterre, mais aux États-Unis et partout. C'est une industrie prospère parce que l'ensemble de l'humanité s'améliore, malgré tout le sophisme socialiste, et que le premier besoin de l'homme, quand il s'est élevé audessus de l'animalité, est de couvrir sa nudité. Livingstone a raconté l'histoire d'une pauvre femme, mère d'un roitelet africain, qui avait vendu sa mère en échange d'une chemise de coton.

Ainsi la consommation de la Chine en dix ans, en cotonnades, est passée de 43.332.000 à 80.350.000 de pounds.

En outre, le coton est le meilleur marché des textiles. Beaucoup de pauvres gens achètent les tissus de coton, ne pouvant payer les autres. Les chiffres ci-après, empruntés au Moniteur officiel du Commerce, novembre 1903, montrent l'importance du développement de l'industrie du coton :

Le Portugal, la Suède, la Norwège, la Hollande, la Belgique, la Roumanie, la Chine, le Brésil, le Caracas, le Mexique représentent ensemble 4.500.000 broches et 118.000 métiers.

C'est un armement gigantesque qui consommerait une matière première beaucoup plus considérable que celle que peuvent livrer les terrains cotonniers. La production varie actuellement entre 30 et 32 millions de balles.

Aux Etats-Unis, en particulier, l'industrie a devancé sensiblement l'agriculture ; les filatures et les métiers sont installés dans le Sud sur les terrains cotonniers eux-mêmes et ont absorbé une notable partie de la matière première. Ce mouvement était inévitable. Le territoire des Etats sud-américains est d'une admirable fertilité, et jouit aussi d'un beau climat.

La population s'y porte avec préférence, en particulier les immigrants italiens qui y retrouvent plusieurs des conditions de l'Italie.

La hausse du coton, résultant de ces diverses influences, a été lente et persistante. Le prix moyen de la livre de coton a été, aux États-Unis, de 5,57 cents en 1898,6,47 cents en 1899, 8 1/2 cents en 1902 et 10 7/16 cents en 1903. Le prix a donc doublé de 1898 à 1903. Sur le marché du Havre on cotait 48,47 pour novembre 1902. On a coté en décembre 1903 87,50, février 101,25 la balle de 40 kilogrammes.

De là pour les' producteurs de coton brut des bénéfices considérables. .On évalue que la récolte de 1903 donnera 1.600 millions de francs de plus que celle de 1905.

Jusqu'à présent, l'industrie française paraît avoir moins souffert de ce mouvement que l'industrie anglaise, parce que celle-ci, avec ses 49 millions de broches et son immense exploitation de filés et de tissus de coton, a besoin d'un approvisionnement énorme. Il a fallu, en Angleterre, fermer beaucoup de manufactures. En outre, la production des cotonnades n'a pas le même objet en France qu'en Angleterre. En Angleterre, on vise, avant tout, l'exportation; en France, on se contente à peu près de pourvoir aux besoins du marché intérieur. Les prix peuvent être peu à peu élevés sur les marchandises de consommation intérieure ; il n'en est pas de même pour les marchandises d'exportation dont les prix sont soumis au contrôle de la concurrence.

Il y a eu en Europe, de 1862 à 1867, une crise sur le coton qui n'est pas sans quelques rapports avec la crise actuelle; la culture du coton souffrit beaucoup de la guerre de la Sécession et les exportations de coton brut en Europe furent interrompues. C'est alors que la culture du coton fut activée en Egypte, au Turkestan et dans l'Inde, mais ce n'était qu'une crise passagère. La paix fut rétablie et la culture du coton reprit de plus belle dans les États-Unis du Sud.

Pendant cette crise, il y <eut un très grand mouvement de spéculation sur tous les cotons. Les premiers spéculateurs le-


DE SCIENCE SOCIALE.

45

vèrent de beaux bénéfices, mais il n'en fut pas de môme des derniers. Il y eut en Angleterre des pertes très sensibles qui n'ont pas été étrangères à la grande crise de 1867. Inutile de dire que, depuis quelque temps, les marchés de New-York, Chicago et New-Orléans sont enfiévrés en ce qui est du coton et que cet enfièvrement a déjà donné lieu à beaucoup de pertes. Aux prix actuels, la plus grande prudence doit profiter aux opérations à terme. Sur les cotons, l'audace, le goût du jeu, la frénésie de la spéculation exercent sur les Américains un attrait à peu .près inconnu en Europe. Il y a eu déjà, il y a maintenant des rois du coton au Stock-Exchange marchandises de New-York.

La hausse des cotons a une certaine répercussion sur tous les autres textiles.

La récolte de 1904 est partout attendue avec anxiété. Elle donnera lieu à une lutte acharnée entre les industriels, mais seraitelle très considérable, — celle de 1903 a été fort belle, — qu'elle ne changerait que légèrement la condition actuelle de l'industrie du coton qui n'est pas une industrie de luxe, mais de première nécessité.

E. FOURNIER DE FLAIX.

QUELQUES RELATIONS ENTRE L'ART ET LA VIE

La saison des « Salons » ramène vers l'art les préoccupations de ceux que l'art intéresse, et même celles des gens qui affectent seulement de s'y intéresser. Elle ramène aussi les discussions esthétiques, car l'art, comme tout, a ses « questions », et si quelques-unes de celles-ci sont purement techniques, plusieurs empiètent sur le domaine social, ce qui les rend plus attrayantes pour nous.

Cinq de ces questions, qui se rattachent directement, ou indirectement, au « progrès moderne • » et à la récente évolution des moeurs, viennent d'être traitées dans un curieux volume', par un écrivain que

-t.. Les questions esthétiques contemporaines, Hachette, Paris.

nous avons eu déjà l'occasion de citer plusieurs fois, M. Robert de la Sizeranne. Ces questions, « posées ou imposées à notre attention par la vie moderne », sont exposées et discutées par l'auteur sous les titres suivants :

L'esthétique du fer ;

Le bilan de l'impressionnisme ;

Le vêtement moderne dans la statuaire ;

La photographie est-elle un art?

Les prisons de l'art.

C'est sous ce dernier titre que M. Robert de la Sizeranne désigne énergiquement les musées.

La première étude envisage les conditions nouvelles créées à l'architecture par l'emploi du fer. Faut-il s'enthousiasmer en faveur des constructions métalliques? Faut-il s'en méfier systématiquement et se laisser décourager par certaines oeuvres franchement laides que les constructeurs modernes nous ont données? M. de la Sizeranne ne tombe ni dans un excès ni dans l'autre. Il admire le pont Alexandre III et croit que les ingénieurs, dans cette branche spéciale de la construction, peuvent tirer du fer de beaux effets esthétiques. Mais, en ce qui concerne non plus les ponts, mais les édifices proprement dits, le fer n'a pas encore fait ses preuves. Il n'a rien produit de vraiment original. Pourquoi? Parce qu'avec le fer on a trop de vides, et que le problème n'est plus, comme autrefois, de percer des ouvertures sans compromettre la solidité de l'édifice, mais de mettre des muscles sur les os, autrement dit de remplir les interstices d'une façon qui plaise à l'oeil. Cela ne veut pas dire d'ailleurs que le problème soit insoluble, mais seulement que la solution n'est pas encore trouvée. M. Robert de la Sizeranne pense que l'art de la ferronnerie, avec sa fantaisie exubérante, peut fournir aux architectes d'oeuvres en fer d'utiles indications. En attendant, le fer se borne à copier assez maladroitement la pierre. On lui doit, pour le quart d'heure, des monuments plus grands, non plus beaux.

La querelle entre les impressionnistes et leurs adversaires se rattache moins directement aux uhénomènes nouveaux de


46

BULLETIN DE LA SOCIETE INTERNATIONALE

la vie moderne. Elle s'y rattache cependant, car le mouvement impressionniste est une des nombreuses formes de ce besoin violent de nouveauté qui s'est manifesté non seulement dans l'art, mais encore en littérature, en philosophie et partout. C'est une de ces réactions systématiques contre les traditions, dont on trouve des exemples à diverses époques, mais dont le xixe siècle, dans tous les cas, a fourni des exemples éclatants. Faire du neuf coûte que coûte : tel est alors l'objectif des intellectuels; et, lorsqu'il leur arrive de réagir contre des traditions vraiment surannées et poncives, l'esprit révolutionnaire peut produire d'heureux résultats. En revanche, lorsqu'on jette à bas les lois fondamentales de l'art, fondées sur la nature, on n'est plus soutenu par rien, et l'on tombe dans le grotesque ou le monstrueux. M. Robert de la Sizeranne, avec une grande impartialité, s'efforce de déterminer l'actif et le passif dans ce « bilan » artistique.

Une autre chose assez moderne, c'est la statuomanie, et la statuomanie, par malheur, coïncide avec l'usage de vêtements fort laids. Delà une difficulté particulière, que ne connurent pas les sculpteurs d'autres époques. Longtemps on a essayé de l'éluder en drapant les hommes modernes de toges antiques, ou même en ne les habillant pas du tout, mais on tombe alors dans un genre conventionnel qui finit par devenir insupportable. On a essayé alors de démontrer, par le raisonnement, que nos redingotes et nos chapeaux haut-de-forme devaient être beaux et des artistes novateurs ont fait tout ce qu'ils ont pu pour les introduire dans la sculpture. Le résultat a été lamentable, et la plupart des grands hommes contemporains n'ont été glorifiés que par d'assez piteuses effigies. M. Robert de la Sizeranne conclut que l'artiste, aujourd'hui, doit plutôt s'attacher à symboliser la pensée du grand homme qu'à représenter le grand homme lui-même. Il insinue également qu'on ne ferait pas mal de glorifier un peu moins de grands hommes... peut-être parce qu'il y en a effectivement moins qu'on ne le dit.

La photographie a été une des grandes

inventions du xixe siècle, et cette invention a contribué à augmenter les charmes de la vie. Mais elle a inspiré aux peintres des inquiétudes. Et, d'autre part, les photographes, fiers de leurs oeuvres, ont prétendu substituer leur objectif au pinceau. Il y a eu dans ces ambitions quelque chose d'exagéré ; mais, d'autre part, il n'est pas dit que la photographie doive être reléguée en dehors des choses artistiques. La photographie est un art lorsqu'elle réalise certaines conditions. Quelles conditions? Il y a d'abord le choix de la chose à photographier ou la composition préalable de la scène ; il y a ensuite l'ingénieux développement du cliché, qui permet de graduer l'ombre de la lumière et de mettre en relief précisément ce que l'on veut ; il y a enfin le tirage de l'épreuve, qui peut être particulièrement heureux si l'opérateur a vraiment l'instinct artistique. C'est pourquoi certaines oeuvres photographiques, tant par le choix intelligent des sujets et des poses que par la direction soigneuse des opérations matérielles, ressemblent, à s'y méprendre, à des dessins de maîtres. Et tout cela n'empêche pas, d'ailleurs, la peinture d'avoir son domaine inviolable où la photographie ne la suivra jamais.

La dernière étude de M. de la Sizeranne : Les prisons de Part, est peut-être la plus sociale de toutes. L'auteur s'y élève avec force contre la manie que l'on a de reléguer dans les musées toutes les oeuvres intéressantes, alors qu'on détruit sans pitié tant de choses ou de monuments pittoresques situés dans de plus beaux cadres et sur le chemin de tous. « Deux courants, dit-il, traversent le monde, l'un pour la beauté dans les musées, l'autre pour la laideur dans la vie. » Mais combien d'oeuvres d'art qui, une fois arrachées de l'endroit pour lequel elles avaient été faites, et empilées avec une foule d'autres dans des immeubles administratifs, perdent une grande part de leur valeur esthétique et ne remplissent plus le but social' auquel elles étaient destinées. M. de la Sizeranne demande avec ironie si l'on va mettre aussi tous les oiseaux et toutes les fleurs dans les musées pour en débarrasser tous les


DE SCIENCE SOCIALE.

47

autres emplacements du monde. Partout en effet les édiles et les autorités prétendent i parquer le pittoresque, l'éloigner de la vie, ôter des pas de la foule cette chose encombrante, distrayante, qu'est le

Beau, le ramasser, l'emporter au loin ».

L'auteur raille ceux qui, « ayant découvert qu'un beau Christ en croix de Jordaens se trouve encore dans la cathédrale de Bordeaux, n'ont pu supporter plus longtemps de voir un Christ dans une église », ceux qui, sachant que de belles tapisseries ornent nos palais d'ambassade, demandent qu'on les décroche pour les remiser aux Gobelins. Citons ici l'auteur :

« Ce sont là les signes de la plus grande erreur esthétique qui fût jamais. Car, précisément, de les envoyer garnir nos palais d'ambassade, c'est la seule manière que nous ayons d'en jouir. Quelques-uns d'entre nous seulement, dira-t-on Oui, quelques-uns. Mais, dans un musée, qui peut jouir d'une tapisserie? Personne. Car l'esthétique d'un ameublement ne s'insinue pas aussi vite dans l'esprit que celle

d'un tableau ou d'une statue Il faut

demeurer longtemps devant une aiguière ou une crédence pour que leur rythme s'associe à nos pensées. Il faut vivre au milieu des objets de bon style pour qu'ils vivent en nous. C'est même là précisément ce qui donne à l'art décoratif une physionomie bien différente de l'art imitatif. Il ne faut pas qu'il frappe, il faut qu'il s'insinue. Et, pour qu'il s'insinue, il faut qu'on vive avec lui familièrement, comme on vit avec la tapisserie de sa chambre, non pas le mettre dans un musée où on va lui rendre une visite rare, solennelle et pressée.

« Mais c'est le seul moyen de faire durer les oeuvres, dira-t-on. — De les faire durer, oui ; mais comment? Mortes ou en vie ? Agissantes ou neutres? Tout est là. La somme dure plus que l'homme. La pièce d'or, renfermée dans un coffre ou dans une tombe, dure plus que la monnaie qui roule de main en main, usant son cordon et ses empreintes, mais activant les échanges, soulageant les misères. Il est de toute évidence que, moins une oeuvre d'art sera exposée au soleil, à la poussière, au vent et à la vue,

plus elle durera. Mais elle durera sans remplir son but. Son but, c'est de vivre de vie, et de périr, s'il le faut, de notre mort. A ce prix elle enseigne, elle charme, elle console. Autrement, elle ne fait que durer. Quand j'entends les cris des pourvoyeurs de musées, il me semble entendre des gens qui chercheraient les grains de blé que le semeur a mis dans les champs et qui les rentreraient au plus tôt dans le grenier de peur qu'ils ne pourrissent. Et, en effet, ils ont empêché la pourriture, mais ils ont empêché la germination. Ils ont empêché la mort, mais ils ont empêché la vie ! »

Cet extrait suffit à donner une idée du style savoureux et plein de verve de M. Robert de la Sizeranne. Son livre, bien que rentrant dans un ordre d'idées différent du nôtre, conçu en dehors de notre méthode, contient de nombreuses pages qui invitent ainsi à penser fortement et ouvrent des aperçus lumineux sur les rapports de l'art et de la vie.

Gabriel d'Az.YMBUjA.

LES SALAIRES AU JAPON

Le Japon est à l'ordre du jour.

A cette occasion, diverses statistiques ont été données sur les ressources de l'empire du Soleil Levant. Une de celles qui nous intéressent le plus directement est celle des salaires.

Voici, d'après les statistiques, ce que gagnent les ouvriers japonais, dan s les principaux métiers, pour une journée de travail : .

HOMMES

Mécaniciens 2 80

Brodeurs, décorateurs, sculpteurs, surveillants, ouvriers do premier ordre.. 1 20

Très bons artisans U 90

Moyenne des ouvriers ordinaires d'usines, filatures, tissages, etc 0 70

Hommes de peine 0 60

FEMMES

Brodeuses, peintres, etc 0 52

Surveillantes femmes de premier ordre. 0 42

Bonnes ouvrières 0 35

Moyenne des ouvrières ordinaires d'usines, filatures, tissages, etc 0 28

Petites filles et apprenties 0 M


48

BULLETIN DE LA SOCIETE INTERNATIONALE DE SCIENCE SOCIALE.

Ces chiffres sont calculés d'après les prix en usage dans les centres les plus importants et notamment à Osaka,lagrande ville manufacturière du Japon.

Ce sont ces chiffres qui font craindre, à des économistes et à des hommes d'Etat, l'invasion en Europe de la main-d'oeuvre jaune. Mais il faut observer que le Japonais, au contact croissant de la civilisation occidentale, acquiert peu à peu les besoins des Occidentaux, ce qui le portera et l'a déjà porté à exiger des accroissements de salaires. Il n'est pas dit que ce phénomène doive conjurer entièrement le « péril jaune », mais il est de nature à l'atténuer, tout au moins, dans une large mesure.

A. R.

BIBLIOGRAPHIE

Le Japon d'aujourd'hui, Elude soriale, par G. WEULERSSE. Un volume in-18 jésus, librairie Armand Colin.

Ce livre est le résultat d'un voyage d'études. La société japonaise contemporaine y est étudiée sur le vif, de première main; mais l'auteur a pris soin d'appuyer et de compléter ses observations personnelles par les documents. Il s'est attaché à ce qui dans cette civilisation, si mêlée et si fuyante, du Nouveau-Japon offre une prise sûre au sociologue. Une description sommaire, mais méthodique du pays, qui a tant contribué à former la race ; — une peinture à la fois animée etprécise des trois grandes villes où se marque le plus nettement la transformation accomplie; — une analyse du développement économique et un examen approfondi des périls que peut faire courir à l'Occident la concurrence japonaise ; —un tableau et une critique du système d'enseignement, aboutissant naturellement à une discussion des problèmes moraux qui sont pour le nouvel État des questions vitales: — enfin quelques considérations sur les intérêts français au Japon et sur le rôle qui là-bas revient à la France : — telle est la substance de ce volume.

Pauvre et douce Corée, par M. DuCROCQ. Un vol. in-12, H. Champion.

Cet ouvrage arrive à sonheure,au moment où deux partis en présence font de la Corée un enjeu final et où tous les yeux se tournent vers elle. Sans entrer dans des considérations politiques, l'auteur a noté ses impressions récentes : coup d'oeil d'ensemble, allure générale, moeurs, coutumes et chansons populaires, vie de la rue et de la cour. Nous étions bien mal renseignés à ces points de vue sur cette contrée ; .on saura gré à M. DUCROCQ d'y conduire le lecteur. De nombreuses photographies ajoutent à l'intérêt du texte.

COMMUNICATIONS

Nous prions tous nos confrères, et en particulier nos correspondants, de nous aider à constituer partout des sections d'études sociales à abonnements réduits, dans les conditions indiquées sur les deux pages suivantes. Ces deux pages peuvent être détachées pour la propagande.

Les huit dernières collections de la « Science sociale ». —En faisant l'inventaire des volumes qui restent de la Science sociale (lrc série), nous avons pu reconstituer dix collections complètes. Il n'en reste plus aujourd'hui que huit.

Nous mettons la collection, soit 36 volumes, à la disposition du public au prix de 350 fr. — C'est une occasion unique et de courte durée.

Aux abonnés par libraires. — Les

lecteurs de la Science, sociale qui reçoivent la Revue par l'intermédiaire d'un libraire, peuvent faire partie de la Société sans avoir à payer un supplément de prix. Il leur suffit d'adresser une demande au Secrétariat. S'ils désirent ensuite continuer à recevoir la Revue par l'intermédiaire d'un libraire, ils n'ont qu'à nous faire connaître le nom de ce dernier.

Reliures des fascicules. — Nous rappelons à nos lecteurs que des reliures spéciales et instantanées sont mises à leur disposition. Chacun peut ainsi réunir lui-même en volumes les fascicules se rapportant à une même série. Chaque reliure 1 fr.; franco, 1 fr. 25.

Typographie Hrmin-Didot et G'". — Paris.


SECTIONS D'ETUDES SOCIALES

[Abonnements de propagande à 8 fr. et à 3 francs.)

Personne ne peut aujourd'hui rester étranger aux études sociales. Tout le monde parle de ces graves problèmes et chacun veut avoir une opinion. Mais cette opinion ne doit pas être fondée sur un sentiment vague, sur des conceptions à priori; elle doit reposer sur la base scientifkpie de l'observation méthodique.

Pour permettre à chacun do se faire une opinion éprouvée, nous avons cherché un moyen de mettre la Science sociale et les volumes de notre Bibliothèque à la disposition du grand public dans des conditions de prix qui les rendent accessibles à tous les lecteurs.

C'est dans ce but que nous avons adopté le système des Sections d'études sociales.

Chaque section comprend :

1° Un chef de section payant une cotisation de 8 francs par an;

2° Quatre membres payant chacun une cotisation de 3 francs par an.

Ces cotisations sont versées au chef de section qui souscrit un abonnement à la Revue.

La Science sociale (avec le Bulletin annexé) est envoyée directement au chef de section.

Celui-ci la communique successivement aux quatre membres affiliés, suivant un ordre établi. Chacun d'eux la garde seulement huit 'jours.

Elle revient ensuite au chef de section qui en conserve la complète propriété.

Le chef de section reçoit et fait circuler de la même manière les volumes de la Bibliothèque. Le prêt de ces volumes est

o


gratuit. Les membres n'ont à payer que les frais de port : les volumes sont envoyés en port dû et ils doivent être renvoyés en port payé, dans les dix jours, à une adresse indiquée.

Les noms des membres des sections d'études sociales sont publiés par la Revue. Ces membres ont la faculté d'assister aux réunions locales et aux congrès; ils jouissent des droits d'auteurs en cas de publications dans les fascicules, etc.

Pour créer une section d'études sociales, il suffit de recruter un chef de section. Ce recrutement est d'autant plus facile que la cotisation est abaissée à 8 francs au lieu de 20.

Ce chef de section doit ensuite trouver lui-même ses quatre associés, de préférence dans son voisinage et dans ses relations, afin de faciliter la circulation des fascicules. Ce nouveau recrutement est encore plus aisé, puisque cette dernière cotisation est réduite à 3 francs.

Ainsi, pour la somme de 3 francs par an, on peut recevoir en communication tous les fascicules de la Revue et les ouvrages de la Ribliothèque ; pour 8 francs, on a, en outre, la propriété de tous les fascicules de la Revue.

A la fin de chaque année, les volumes de la Bibliothèque circulante sont mis en vente à moitié prix.

Lorsqu'un simple membre est assez intéressé à la Science sociale, pour avoir le désir de conserver la propriété des fascicules, il n'a qu'à se faire remplacer dans sa section et à en fonder lui-même une nouvelle.

Toute personne qui désire créer une section d'études sociales doit en informer le secrétaire de la Science sociale, rue Jacob, 56, à Paris. Il est prié d'envoyer en même temps les noms et les adresses des membres de sa section.

On lui fera parvenir immédiatement les fascicules parus depuis le commencement de l'année.


ANNEE 1904

5» LIVRAISON

BULLETIN

DE LA SOCIÉTÉ INTERNATIONALE

DE SCIENCE SOCIALE

Ge Bulletin doit être détaché et placé dans une reliure spéciale.

SOMMAIRE : Nouveaux membres. — Nom-eaux Correspondants et Chefs de groupes. — Correspondance. — Essai d'une classification naturelle des sociétés humaines, par M. EDMOND DEMOLINS. —Études sociales. Une hypothèse pour expliquer le type flamand, par M. J. SCRIVE. LOYER. ■— Observations sur le type flamand, par M. EDMOND DEMOLINS. — Un moyen de propagande, lettre de M. A. R. — Enquête sur la Révolution agricole. — Bulletin bibliographique.

FASCICULES PRECEDENTS

La Méthode sociale, ses procédés et, ses applications, par EDMOND DEMOLINS, ROBERT PINOT et PAUL DE ROUSIERS.

Le Conflit des races en Macédoine,

d'après une observation monographique, par G. D'AZAMBUJA.

Le Japon et son évolution sociale.

par A. DE PRÉVILLE.

L'Organisation du travail. Réglementation ou liberté, d'après l'enseignement des faits, par EDMOND DEMOLINS.

ORGANISATION DE LA SOCIETE

But de la Société. — La Société a pour but de favoriser les travaux de Science sociale, par des bourses de voyage ou d'études, par des subventions à des publications, ou à des cours, par des enquêtes locales en vue d'établir la carte sociale des divers pays. Elle crée des comités locaux pour l'étude des questions sociales. Il entre dans son programme de tenir des Congrès sur tous les points de la France, ou de l'étranger, les plus favorables pour faire des observations sociales, ou pour propager la méthode et les conclusions de la science. Elle s'intéresse, au mouvement de réforme scolaire qui est sorti de la Science sociale et dont l'Ecole des Roches a été l'application directe.

Appel au public. — Notre Société et notre Revue s'adressent à tous les hommes d'étude, particulièrement à ceux qui 'forment le personnel des Sociétés historiques, littéraires, archéologiques, géographiques, économiques, scientifiques de province.

Ils s'intéressent à leur région; ils dépensent, pour l'étudier, beaucoup de temps, sans que leurs travaux soient coordonnés par une méthode commune et éprouvés par un plan d'ensemble, sans qu'ils aboutissent à formuler des idées générales, ■ à rattacher les causes aux conséquences, à dégager la loi des phénomènes. Leurs travaux, 'trop souvent, ne dépassent pas l'étroit horizon d& leur localité ; ils compilent simplement des faits et travaillent, pour ainsi dire, au fond d'un puits.

La Science sociale, au point où elle est maintenant arrivée, leur fournit le moyen de sortir de ce puits et de s'associer à un travail d'ensemble pour une oeuvre nouvelle, qui doit livrer la connaissance de plus en plus claire et complète de l'homme et delà Société. Ils ont intérêt à venir à elle.

La crise sociale actuelle et les moyens d'y remédier. — Tout en continuant l'oeuvre scientifique, qui doit toujours progresser, nous devons vulgariser les résultais pratiques de la science, en montrant comment chacun peut acquérir


la supériorité dans sa profession. Par là, notre Société s'adresse à toutes les catégories de membres.

La crise sociale actuelle est en effet la résultante des diverses crises qui atteignent les différentes professions.

Chaque profession doit donc être étudiée et considérée séparément, dans ses rapports avec la situation actuelle et avec les solutions que cette situation comporte.

Publications de la Société.— Tous les membres reçoivent la Revue la Science sociale et le Bulletin de. la Société.

Enseignement. — L'enseignement de la Science sociale comprend actuellement trois cours : le cours de M. Paul Bureau, au siège de la Société de géographie, à Paris; le cours de M. Edmond Demolins, à l'École des Roches, et le cours de M. G. Melin, à la Faculté de droit de Nancy. Le cours d'histoire, fait par notre, collaborateur le V,c Ch. de Calan, à la faculté de Rennes, s'inspire directement des méthodes et des conclusions de la Science sociale.

Missions et voyages. — La Société attribue des bourses de voyages, ou d'études, aux personnes qu'elle choisit, principalement aux élèves des cours de Science sociale. Elle détermine les sujets à étudier par les bénéficiaires de ces bourses. Elle examine les travaux remis par eux et se réserve la faculté de les publier dans la Science sociale, ou de les rendre à leurs auteurs.

Sections d'études. — La Société crée des sections d'études composées des membres habitant la même région. Ces sections entreprennent des études locales

suivant la méthode de la Science sociale, indiquée plus haut. Lorsque les travaux d'une section sont assez considérables pour former un fascicule complet, ils sont publiés dans la Revue et envoyés à tous les membres. On pourra compléter ainsi peu à peu la. carte sociale de la France et du monde.

La direction de la Société est à la disposition des membres pour leur donner toutes les indications nécessaires en vue dos études à entreprendre et de la méthode à suivre.

Bibliothèque de la Science sociale.

— Elle comprend aujourd'hui une trentaine de volumes qui s'inspirent de la môme méthode. On en trouvera la liste sur la couverture de la Revue. Quatre de ces volumes ont été présentés aux concours de l'Institut : tous ont été couronnés. Plusieurs ont été traduits en anglais, en allemand, en russe, en italien, en espagnol, en grec, en hongrois, en arabe et en japonais. Quelques-uns ont atteint des tirages de huit, dix et vingt-cinq mille exemplaires.

Conditions d'admission. — La Société comprend trois catégories de membres, dont la cotisation annuelle est fixée ainsi :

1" Pour les membres titulaires :20 francs (25 francs pour l'étranger) :

2° Pour les membres donateurs : 100 francs ;

3° Pour les membres fondateurs : 300 à 500 francs.

Sections d'études sociales. — Abonnements de propagande à 8 fr. et à 3 fr.

— Demander le prospectus au Secrétariat.


ANNÉE 1904

5» LIVRAISON

BULLETIN

DE LA SOCIÉTÉ INTERNATIONALE

DE SCIENCE SOCIALE

NOUVEAUX MEMBRES

MM. A. DE BOISSIED, Verneuil (Eure), présenté par M. Louis Ballu.

Louis de BUGGENOMS, Liège, présenté par M. Victor Muller.

Gaston CLANIS, négociant, Cayenne (Guyane française), présenté par M. G. d'Azambuja.

François DRION, consul de Belgique (Bruxelles), présenté par M. Victor Muller.

Domingo Villar GRANGEL, Dr en droit, publiciste, Madrid, présenté par M. Edmond Demolins.

Joseph GUICHARD, gérant d'immeubles, Lyon, présenté par M. J. Cadot.

Oriol MARTI, Barcelone (Espagne), présenté par M. Edmond Demolins.

T. MONEGAL, avocat, Barcelone (Espagne), présenté par le même.

Edmond OUINET, professeur de l'Université, Avesnes (Nord), présenté par M. Eugène Pilut.

Le Dr PANTALONI, Marseille, présenté par M. Edmond Demolins.

Ranuzzi SEGUI Cte CAV. CESARE, Bologne, Italie, présenté par le môme.

Mmo SPYKER, Versailles, présenté par le même.

Maurice STOREZ, architecte, Paris, présenté par M. Armand Parent.

Alfonse SUNOL, Barcelone (Espagne), présenté par M. Edmond Demolins.

L. TRAIAN, T. Severin, Roumanie, présenté par M. Nestor Uréchia.

Jean VERGES BARRIS, Palafrugell, Catalogne (Espagne), présenté par M. Edmond Demolins.

Paul de VUYST, inspecteur du Ministère de

l'agriculture, Bruxelles, présenté par M. Victor Muller.

NOUVEAUX CORRESPONDANTS ET CHEFS DE GROUPES

M. José A. ALFONSO, Santiago (Chili).

M. Adrien BÉNÉZECII, propriétaire-viticulteur, Gignac (Hérault).

M. E. BENOIST, Dr en médecine, Guemené Penfao (Loire-Inférieure).

M. Domingo Villar GRANGEL, D 1' en droit, publiciste, Madrid.

CORRESPONDANCE

Madrid, le 11 mai. — « Je suis très heureux de faire partie de votre Société et tout disposé à entreprendre la monographie d'un ouvrier de la Galice. L'habitant de cette province est un type social très caractéristique qu'il serait intéressant d'étudier. Je viens d'apprendre que M. Santiago Alba va publier la troisième édition espagnole de votre ouvrage : « A quoi lient la supériorité des Anglo-Saxons? » et qu'il va traduire également votre volume : « A-l-on intérêt à s'emparer du pouvoir? » Si vous désirez que l'on traduise en espagnol un autre de vos ouvrages, je serai très heureux de l'entreprendre... » D. VILAR GRANGEL, correspondant.

Je prie M. Villar Grangel de m'envoyer quelques renseignements sur le type social de la Galice, en insistant plus particulièrement sur les conditions du Lieu et du Tra-


so

BULLETIN DE LA SOCIETE INTERNATIONALE

vail. (Voir ci-après l'Hypothèse sur le type flamand et fascicule 1er, p. 65 : Comment on analyse et comment on classe les types sociaux.

Je crois que l'ouvrage qu'il serait le plus utile actuellement de traduire en espagnol est : Comment la route crée le type social. C'est celui qui prépare le mieux à entreprendre des études sociales.

Santiago (Chili), le 28 avril. — « Je suis à votre disposition pour être correspondant de la Société internationale de science sociale et tout disposé à vous aider dans la mesure où cela me sera possible... » José A. ALFONSO, correspondant.

Liège, le 12 mai. •— M. Victor Muller, correspondant, nous transmet les noms de plusieurs nouveaux membres et nous donne d'intéressants renseignements au sujet de la propagande qu'il organise en Belgique.

Château de Lavèvre (Cher), le 21 mai. — « Je ne saurais assez vous dire, Monsieur, combien je suis heureux de faire partie de votre Société et quel intérêt je prends à vos travaux. Je n'avais encore lu qu'un livre de vous : A quoi tient la supériorité des Anglo-Saxons, qui m'avait beaucoup frappé par sa haute portée et qui m'avait été signalé par un officier de la garde impériale allemande que j'avais eu le plaisir de rencontrer, il y a quelques années. Je désire m'instruire dans la science sociale et j'irai ces jours-ci à Paris au siège de la Société pour y prendre un certain nombre d'ouvrages. Je ferai tous mes efforts pour propager cette science et vous pouvez être sûr d'avoir en moi un partisan enthousiaste. Je crois que, dans les temps difficiles que traverse la France, les méthodes scientifiques sont les meilleures à employer pour résoudre les crises, et la vôtre me paraît excellente. Le Bulletin de la Société est très intéressant, je le lis avec avidité... » Henri DE LAVÈVRE.

Guemené-Penfao, Loire-Inférieure. — « ... L'assiduité avec laquelle je lis votre intéressante Revue et le désir que j'ai d'en

propager la lecture sont mes seuls titres pour être correspondant de votre Société dans ma région. Je serai très heureux de travailler à fonder un groupe dans mon voisinage et vous pouvez compter sur mon concours... » Dr E. BENOIST, correspondant.

Lisbonne, le 19 avril. — « Je fais le plus de propagande possible pour répandre la science sociale. En ce moment, j'organise chez moi des conférences pour expliquer la méthode. Je voudrais arriver à susciter un collaborateur qui ferait sa spécialité des études sociales... BRAAMCAMP MATTAS.

Arras, le 28 avril. — « Je remercie le Bureau de la Société de l'honneur qu'il m'a fait en m'acceptant comme Correspondant à Arras. Cet honneur comporte de très sérieux devoirs dont je serai heureux de m'acquitter. Je compte bien trouver de nouveaux adhérents dans mon voisinage. Permettez-moi de formuler un souhait : c'est que le Manuel de science sociale de M. Champault paraisse bientôt. Le fascicule sur la méthode sociale est déjà un instrument très utile ; le Manuel en sera le complément naturel... » J. LAROCHE.

Nous transmettons ce souhait à M. Champault et nous sommes heureux de faire savoir qu'il travaille activement à son Manuel.

Liège, le 19 mai. —• « J'ai été très heureux d'être admis comme membre titulaire de votre Société. Il me semble qu'il n'est permis à personne aimant un peu l'humanité de se désintéresser de science sociale. Je n'étais, il y a trois ans, qu'un profane et un curieux, mais vos deux livres : A quoi lient la supériorité des Anylo-Saxons et les Français d'aujourd'hui, ainsi que la Vie américaine de Paul de Rousiers m'ont conquis. A l'érudition allemande pleine de minuties rebutantes vous opposez la belle clarté française qui nous montre un ensemble. Votre méthode est un fil conducteur admirable. J'ai été surpris de comprendre avec tant de facilité et d'agrément, et, n'ayant pas l'ambition d'instruire mon prochain, je me contenterai


DE. SCIENCE SOCIALE.

51

d'être dans le modeste coin des lecteurs qui s'instruisent en lisant vos observations et celles de mes collègues. Je tâcherai aussi, si vous voulez bien m'envoyer quelques brochures de propagande, de vous recruter des adhérents parmi mes amis....» Albert NEUVILLE.

Poitiers, le 28 mai. — « ... Depuis que M. Ballu est venu apporter ici la bonne semence de la science sociale, les résultats ne se sont pas fait attendre : nos Sections d'études sociales fonctionnent aujourd'hui avec méthode et régularité. Je ne saurais vous exprimer la joie que j'ai ressentie lorsqu'on m'a ouvert les yeux sur les études de la science sociale, à la fois si intéressantes et si fécondes. Vous pouvez compter sur mon plus dévoué concours... » Raoul BAUCHARD.

Dans une autre lettre, M. Ballu nous écrit : « ... Nous avançons. Nos Sections d'études sociales comptent actuellement 42 membres. Nous ne nous arrêterons pas là, je vous écrirai prochainement à ce sujet, *

Montauban, le 29 avril. — « J'éprouve un plaisir particulier à me poser des problèmes de science sociale et à m'efforcer de les résoudre. Dans quelques jours, je vous enverrai un petit travail, indiquant comment une forme de politesse peut conduire à l'alcoolisme.

« J'ai formé il y a quatre ans, sans le savoir, une section d'études sociales, analogue à celle que vous préconisez dans le dernier Bulletin. Trouvant que le montant de l'abonnement à la Revue était un peu élevé pour moi seul, j'ai fait de la propagande dans mon intérêt et celui de la science sociale. J'ai pu trouver cinq coabonnés, qui paient chacun 2 fr. 50 (au lieu de 3 francs), et me laissent à payer 7 fr. 50 (au lieu de8 francs), en gardant la Revue. Si le chef de section a des privilèges, il a aussi quelques obligations qui ne sont pas une sinécure. Il doit avoir le soin de faire circuler les fascicules pour satisfaire tout le monde en temps opportun.

« Quelques volumes de la Bibliothèque de Science sociale ont été acquis d'une façon analogue. Telle somme pour lire

l'ouvrage une première fois et telle somme en sus pour celui qui le conserve, mais le met ensuite à la disposition de tous gratuitement. La circulation que vous avez projetée des ouvrages de science sociale me paraît une idée heureuse, mais la durée du prêt me semble trop courte. Il vaudrait mieux, je crois, accorder un mois au lieu de 10 jours et, dans chaque section, ne laisser circuler qu'un seul ouvrage. (Il appartient à chaque section de fixer ellemême la durée du prêt. — N. de la R.)

Les conférences sont fréquentes et suivies à Montauban, qui est l'un des principaux centres intellectuels du midi. Mais, comme toute la région, elle est fortement empreinte de la formation communautaire. Nous sommes persuadés, mes collègues et moi, qu'une conférence faisant connaître la méthode et quelques résultats frappants de la science sociale serait bien accueillie à Montauban. Tous les membres de notre section se feraient d'ailleurs un plaisir de recruter des auditeurs nombreux et sérieux. » — M. COUILLARD, correspondant, professeur au Lycée.

Nous prenons bonne note du désir exprimé par notre honorable correspondant au sujet d'une tournée de conférences.

Beaucoup de membres nous ont écrit soit pour remercier de leur admission dans la Société, soit pour donner ou demander des renseignements. Nous leur adressons nos remerciements et il sera donné à ces lettres la solution qu'elles comportent.

ESSAI

D'UNE CLASSIFICATION NATURELLE

DES SOCIÉTÉS HUMAINES

Je crois qu'il y a intérêt à annoncer dès maintenant un travail que je prépare et qui formera la matière d'un de nos prochains fascicules.

Je fais cette communication pour répondre immédiatement à un désir qui m'est exprimé assez souvent par des personnes désireuses de collaborer aux études


BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ INTERNATIONALE

sociales et d'entreprendre des observations personnelles.

Elles sont parfois arrêtées par la difficulté de décrire, d'expliquer et de classer le type sur lequel portent leurs observations. Elles me demandent de les aider dans ce travail, ce à quoi je suis toujours disposé, car j'estime que je ne puis faire une oeuvre plus utile et plus féconde.

J'ai donc cherché à leur faciliter le plus possible les observations sociales qui sont le meilleur moyen de faire avancer la science.

D'autre part, j'ai à résoudre le même problème, pour mon enseignement de science sociale aux élèves de la section spéciale de l'Ecole des Boches. Ces jeunes gens ont eu, comme exercice, à;analyser, d'après les divisions de la nomenclature, d'anciennes monographies de Le Play, et ils ont dû ensuite les comparer entre elles et les classer.

Mais lorsqu'il s'est agi d'opérer ce classement, la classification de Le Play, qui n'est qu'une classification très élémentaire et purement artificielle, s'est révélée vraiment insuffisante. Il a été évident pour moi qu'elle n'était plus au courant de l'état actuel de la science. Elle a pu servir à faire un premier débrouillage et à établir une première orientation, mais elle a besoin aujourd'hui d'être complètement remaniée.

Dans les sciences, on est bien obligé de débuter par des classifications artificielles, avant d'arriver à des classifications naturelles, c'est-à-dire à des classifications qui ne sont plus établies seulement d'après un seul caractère choisi plus ou moins arbitrairement, mais d'après l'ensemble des caractères mieux connus.

Le Play a créé deux instruments : une méthode pour analyser et une classification artificielle pour disposer dans un certain ordre les types sociaux.

Les progrès même obtenus grâce à cette, méthode ont bientôt révélé son insuffisance. On sait comment Henri de Tourville a perfectionné la méthode par l'établissement de la nomenclature sociale.

La nomenclature a ouvert la seconde période de la science sociale qui a marqué, par rapport à la première, un progrès

progrès Elle a rendu l'observation infiniment plus précise et plus complète.

Mais, à son tour, ce progrès dans l'analyse nous amène à constater maintenant l'insuffisance de la classification artificielle de Le Play. Nous sentons le besoin impérieux d'une classification naturelle et, ce qui est plus important, nous avons enfin le moyen de l'établir, grâce aux connaissances acquises.

C'est une troisième période qui s'ouvre et j'ai la certitude qu'elle sera aussi féconde que la seconde, qu'elle portera encore plus loin la science sociale, qu'elle la rendra plus accessible aux esprits et d'un maniement singulièrement plus facile pour tous les observateurs. J'en fais en ce moment l'expérience.

Et il m'est agréable de penser que ce nouveau progrès a pris naissance au sein même de l'École des Hoches et par l'effort que j'ai dû faire pour mettre la science sociale à la portée des jeunes intelligences de notre section spéciale.

Edmond DEMOLINS.

ETUDES SOCIALES

Une hypothèse pour expliquer le type flamand.

Le type flamand n'a pas encore été analysé et expliqué par la Science sociale. Cette lacune est d'autant plus regrettable que ce type présente des caractères tout à fait distinctifs qui doivent lui assigner une place à part dans la série des sociétés humaines.

Nous avons l'espoir que cette lacune sera prochainement comblée grâce aux recherches d'un de nos confrères de Lille, M. Jules Scrive-Loyer. Dès à présent, il nous est possible de faire tout au moins une hypothèse, qui permettra de mieux orienter les observations à faire..

Le graphique suivant permettra au lecteur de se rendre compte d'une façon générale des diverses natures de sol qui se succèdent en Hollande et en Belgique,


DE SCIENCE SOCIALE.

53

et qui vont, nous servir de point de départ pour formuler une hypothèse sociale.

MER DU NORD

1° RÉGION DES : DUNES.

-a

2" RÉGION DES POLDERS. -

o ?1

3" RÉGION : SABLONNEUSE. MARAIS F

; el ë

i° RÉGION : LIMONEUSE. TOURBIÈRES.

BELGIQUE ET HOLLANDE.

FRANCE.

J'extrais des lettres que m'a adressé M. Scrive-Loyer les renseignements suivants sur ces quatre régions :

« 1° La région des Dunes est absolument aride. Le seul travail possible a été la pêche et la navigation, par conséquent le commerce. Mais il faut noter que, dans la Flandre française et belge, le développement commercial est relativement récent.

« Dunkerque, Nieuport, Ostende, ont été développés artificiellement, soit pour donner un débouché à la partie de la Flandre devenue française (Dunkerque), soit pour remplacer des ports de commerce (Gand et Anvers) ruinés par la fermeture de l'Escaut. Cette fermeture avait été imposée par la Hollande. Ces ports ne prennent une existence historique que sous les d'Alsace, lorsque la barrière des Dunes a définitivement bouché l'accès des ports créés sur les marigots intérieurs (SaintOmer, Bergues, Furnes, Dixmude, Bruges), qui font partie de la région des Polders.

« 2° La région des Polders est une zone de terres basses, où 1© travail des habitants a créé un domaine de pâturage, d'engraissement et de culture d'une fertilité remarquable, mais constamment menacé d'un engloutissement par les flots. Cette région se prolonge depuis la plaine germanique jusqu'en France.

« Le Polder a pu influer sur le type, à différents points de vue.

« a) Au point de vue du développement

pastoral. Il a pu contribuer à rendre le type casanier, traditionnel et môme routinier.

« b) Au point de vue du développement de Vesprit commercial, par suite de la nécessité d'écouler la viande et le laitage, en surplus des besoins de la consommation.

« c) Au point de vue du développement de Vesprit d'association. En effet, l'aménagement d'un polder et la lutte contre les envahissements de la mer exigent une entente commune et des efforts collectifs. Une fois créé, le polder ne peut être entretenu qu'au moyen d'un capital considérable. Aussi se réunit-on en associations appelées Bond et ayant à leur tête des Water graaf. Ceux-ci distribuent l'eau, font faire les travaux de réparation nécessaires, etc.

« C'est dans cette région que se trouvaient particulièrement, au moyen âge, les exemples des communes rurales solidement organisées. C'est de là, et de la région sablonneuse voisine, que paraissent être parties les associations, ou ghildes, qui furent le point de départ des fameuses communes flamandes.

« En effet, c'est à ces régions que se rapportent les Capitulaires de Charlemagne qui interdisent aux serfs des Flandres et de Mempisque de se réunir en associations de secours mutuels, pour réparer les désastres dus aux naufrages (ou inondations) et aux incendies.

« 11 y aura lieu de rattacher à cette région les zones de pâturage, qui s'étendent le long des rivières, dans les régions voisines.

a. 3" La région sablonneuse. Elle se subdivise en deux parties, suivant la différence du sous-sol :

« a. La zone campinienne, à la frontière de la Belgique et de la Hollande. Le sous sol y est formé d'une couche de sables tertiaires et de dépôts tourbeux. La population y est assez misérable et peu progressive. En effet, par suite de la faible fertilité du sol, il doit être très difficile de reconstituer l'épargne nécessaire à la culture. Or cette région a été le théâtre principal des guerres entre l'Espagne et la Hollande. Elle a été plus cultivée autrefois


54

BULLETIN DE LA SOCIETE INTERNATIONALE

qu'aujourd'hui. Sous l'influence de propriétaires intelligents (de négociants anversois en particulier) cette région est en voie de s'améliorer, au moins dans certaines parties, mais je n'ai pas encore de documents précis.

« b. La seconde partie de la région sablonneuse, lazone flamande, me paraît avoir eu une influence bien plus décisive sur la formation du type. Elle est caractérisée par un sol de sables quaternaires et un sous-sol argileux. Ce sous-sol, comme le dit Norz, « est tout le secret de la supériorité de la Flandre sur la Campine ».

« Mais comment rendre fertile cette région naturellement infertile? (Voyez Reclus, p. 44.) C'est en ramenant à la surface le sous-sol argileux. Et comment a-t-on ramené ce sous-sol qui est à une trop grande profondeur pour pouvoir être atteint par la charrue *? C'est par la bêche, qui est « la mine d'or du paysan », selon un proverbe flamand. Voyez-vous dès lors la grande culture impossible dans cette région, l'agglomération populaire énorme que permet ce genre de culture, etc.

« Voici en effet les conséquences :

« 1° Ce genre de culture réduit considérablement l'étendue de surface exploitable par un seul homme, puisqu'il interdit l'emploi de toute machine, même de la charrue (au moins primitive). C'est ainsi que l'on trouve 55 % des exploitations dans la Flandre Orientale n'ayant pas 1 hectare ; 2 % ayant 20 hectares ; moins de 1 0/000 ayant 100 hectares.

« 2° D'où possibilité et même nécessité d'une main-d'oeuvre énorme ; par suite densité extraordinaire de la population agricole.

«. 3° Cette densité de population amène :

« a) La pratique de cultures nécessitant une main-d'oeuvre abondante et par cela même plus productrice, puisque le produit est plus cher : lin, chicorée, culture maraîchère, horticulture, tabac, etc., en un mot beaucoup de cultures industrielles.

b) Ces cultures ne demandent ce nombre de bras qu'à certaines époques de l'année. Pour employer ces bras en hiver et dans les intervalles, la fabrication intervient très vite en procurant les ressources

accessoires et probablement les moyens d'épargne et d'élévation du type dans le sens de la fabrication et du commerce.

« c) En effet, ce genre de culture ne permet pas l'élévation du type au point de vue agricole; le propriétaire de grands espaces ne peut les mettre en valeur qu'à force d'ouvriers. Mais ces ouvriers aiment mieux travailler pour leur compte. Aussi, étant donné leur nombre, qui leur permet de résister à l'oppression, le genre de culture qui ne demande qu'un outillage très rudementaire et son intérêt bien compris, le propriétaire arrive très vite au système du fermage (xiii 0 siècle).

«. d) La grande propriété et le patronage agricole sont rendus difficiles, car la culture ne demande pas l'emploi de procédés mécaniques perfectionnés. Le type agricole reste donc peu enclin à la nouveauté etau changement, et cette influence persistera ensuite même dans l'industrie et le commerce.

« e) Le patronage passe donc (vu l'impossibilité d'un patronage agricole) au négociant centralisateur des produits de l'atelier rural, il ne fait du commerce que parce qu'il a quelque chose à vendre. Aussi les commerçants étrangers viennent-ils plutôt dans le pays que les commerçants locaux ne créent des comptoirs au dehors. Le développement de la marine n'est pas en proportion du développement industriel et agricole. L''émigration se compose surtout de spécialistes agricoles, ou artisans, allant sur demande créer l'agriculture intensive, ou l'industrie, dans des régions où un organisateur intelligent les appelle. — Il semble cependant y avoir eu des périodes d'expansion.

« f) L'exiguïté des exploitations agricoles crée des rapports de voisinage plus nombreux et fréquents et développe l'esprit d'association pour le commerce et l'industrie (ghildes et hanses '). (Ne pas confondre la Hanse de Londres, ou Hanse flamande, avec la Hanse des villes libres d'Allemagne). Aussi ne s'établit-il qu'une féodalité presque nominale et la classe des hommes libres y conserve-t-elle ses droits

1. Les ghildes et hanses doivent venir de la région des polders.


DE SCIENCE SOCIALE.

55

et ses institutions dont les chartes communales ne sont qu'une reconnaissance (et pas une origine), lorsque quelques seigneurs devenant plus puissants essayent de soumettre ces pays au système centralisateur qui doit aboutira la monarchie. En outre, l'association est imposée par les ressources primitives limitées de chacun. Elle remplace probablement dans ses bons effets la communauté dissoute par la route précédemment suivie ; par contre, à la longue, elle devient oppressive et contribue à empêcher l'élévation du type en le ramenant dans une certaine mesure à des idées communautaires.

« Cela devient surtout sensible dans les ghildes d'artisans ayant perdu peu à peu l'habitude de la culture par une spécialisation plus industrielle. Ils créent, contre les grands patrons négociants, des gouvernements populaires ou démocratiques. Cela fait souhaiter la mainmise politique d'un gouvernement centralisateur assez fort pour tenir ce prolétariat en respect.

« Tout contribue donc à faciliter, dans la période de décadence, la domination d'un maître étranger : incapacité des classes agricoles et industrielles (d'alors) à créer spontanément un type de patron, etc. Le seul patron, gros négociant, finit par avoir intérêt à la domination étrangère. Le commerce, comme nous l'avons vu plus haut, Fa du reste déformé au point de lui donner tous les défauts du type des villes de commerce.

« g) L'émigration, dans ce type, ne se fait guère que de la campagne à la ville où presque toujours existent des centres de fabrication. Cette situation s'est maintenue jusqu'à nos jours, même sous le règne de la machine (après des crises très sensibles néanmoins), par suite de la richesse dusoussol dans les régions wallonnes et françaises avoisinantes et la présence de la grande industrie dans ces mêmes régions. Cette persistance a eu pour résultat de maintenir la culture dans une situation prospère en augmentant la consommation. Chose curieuse, on semble avoir encore intérêt à mettre en valeur des terrains de peu de fertilité comme certaines régions de

la Campine, malgré la concurrence des pays neufs.

« Cela explique jusqu'à un certain point le manque de rayonnement de cette population de cultivateurs renforcés.

« 4° Région limoneuse. — C'est ici que je commence à voir moins clair : a) à cause de la division entre plusieurs provinces politiques, historiques de cette région et entre deux portions linguistiques (Flamands et Wallons) et peut-être ethnographiques ; b) parce que cette région me paraît elle-même devoir être décomposée en plusieurs sous-régions, mais je n'ai pas trouvé la division toute faite comme pour les régions précédentes.

» Tout ce que j'ai'pu notera ce sujet, c'est que la féodalité semble s'être implantée plus profondément, ce qui supposerait la possibilité d'une plus grande culture au moins dans certaines parties. Pourtant le mouvement communal paraît aussi ancien, et aboutit à un régime plus égalitaire et démagogique (Liège, Cambrai).

i Voici les déterminations que j'aperçois et pour lesquelles je fais appel à vos lumières.

« 1° Régions à sol limoneux (analogue au Lotis Rhénan (?) et à sous-sol sablonneux (sud de la Flandre orientale, Brabant méridional au sud de Bruxelles et Louvain, le Hageland, région au sud de la Demer à l'est de Louvain et de la Dyle au nord de la Velp, affluent de la Demer), ces régions paraissent encore être de petites cultures et sont du domaine de la langue flamande, sauf le sud du Brabant.

«. 2° Régions^ sol limoneux et à sous-sol argileux, comprenant la Hesbaye (sud d'Hasselt, est de Velp et nord de la Meuse). Cette région est signalée comme particulièrement fertile et comme ayant une agriculture très perfectionnée.

« Ce sont des régions naturellement très fertiles. Aussi ce sont celles où les établissements romains avaient quelque importance (Tournay et Tongres), où les Pépin avaient leurs domaines (Landen, St-Trond). A proximité se trouvent des dépôts de marne qui ont été employés de tout temps, même avant l'occupation romaine. Je sais que, pour la région d'Ypres, les fermes ne


56

BULLETIN DE LA SOCIETE INTERNATIONALE

sont pas encore ce que l'on peut appeler de la grande culture. 11 est vrai que le voisinage de la Lys, particulièrement favorable au rouissage du lin par suite de l'absence de sels calcaires, a orienté cette région vers la culture du lin, qui nécessite une main-d'oeuvre très grande et, par suite, a dû empêcher, jusqu'à un certain point, la formation de grands domaines.

« 3° Région à sol limoneux et à sous-sol calcaire (région de Mons, nord de la Sambre et de la Meuse, de la province de Namur, mais aucun détail sur cette région).

« 4° Région à sol limoneux et à sous-sol de grès et de calcaire carbonifère (nord de Mons, bassin de la Mehaigne). Le soussol des régions 3 et 4 ci-dessus donne lieu à d'importantes industries extractives, depuis le charbon jusqu'aux carrières de toutes espèces, surtout pour les pavés (Soignics, Écaussines, etc.).

i C'est dans ces régions que se notent les accroissements de populations depuis 1830, époque où la richesse s'est le plus développée, où l'agriculteur paraît le plue à l'aise et où l'on paraît plus progressiste.

« Plusieurs do ces régions, comme vous le voyez, ne sont plus de langue flamande et pourtant me paraissent devoir être étudiées en même temps à cause de leur caractère commun avec certaines régions flamandes. Comme c'est dans ces régions que se trouvent la plupart de nos confrères belges de la science sociale, peut-être quelques-uns pourraient-ils se charger de l'étude de certaines localités. Elles me paraissent d'autant plus intéressantes que c'est par laque s'est faite l'invasion, ou plutôt l'occupation franque, par la voie romaine dite d'Agrippa, et qui passait par Maestricht, Tongres, Gembloux, Tournay; que les Francs y sont restés très longtemps avant d'avancer plus loin, moins probablement par suite de la difficulté de vaincre les forces romaines, que parce que pour la première fois depuis le départ de la plaine saxonne, ils trouvent un territoire naturellement fertile, la Hesbaye. De là probablement l'origine de certaines transformations sociales. C'est encore dans cette région que se trouvent les domaines de Pépin de Landen et que la réaction carolingienne

carolingienne naissance (Austrasie), que peu à peu se forme la langue vulgaire (la cantilène de sainte Eulalie se trouve dans un manuscrit de la bibliothèque de Valenciennes, avec à côté un chant en 77w'o (s, Flamand ou ancien Franc,, célébrant une victoire sur les Normands) peut-être autant sous l'influence d'une culture intellectuelle plus avancée que par suite de la présence d'une nombreuse population romanisée.

« Enfin, suivant la plupart des auteurs belges, les institutions communales, notamment celles de Liège, y procèdent plus directement de la loi salique, probablement par suite de la présence d'une population d'origine franque plus importante que dans la Gaule.

« De plus, la centralisation monarchique s'y est fait sentir beaucoup plus tard qu'en France et les pouvoirs locaux y ont résisté plus longtemps contre la monarchie française que contre l'Empire d'Allemagne dont les principautés faisaient nominalement partie. Lorsqu'elle s'est faite, sous les derniers ducs de Bourgogne et sous Charles-Quint, elle n'a pas eu absolument les mômes caractères qu'en France, à cause de l'ôloignement du pouvoir.central espagnol ou autrichien.

« Voilà donc,cher Monsieur, où j'en suis et avant d'aller plus loin, j'ai voulu vous donner le résultat de mes premières recherches et les hypothèses que j'en déduisais pour avoir votre avis à ce sujet. Croyez-vous que les conclusions que je tire soient bien celles que contiennent les quelques faits que j'ai recueillis jusqu'à présent sur le lieu et le travail ? En voyez-vous d'autres possibles, auxquelles je n'ai pas songé? Enfin, étant données les indications sur le lieu, quels seraient les types de famille à choisir pour faire des monographies permettant de vérifier les hypothèses? Des monographies des ouvriers des deux mondes que vous aviez trouvées comme pouvant se rapporter au sujet, deux sont des types de pêcheurs (un des environs d'Ostende,l'autre de l'île de Markenen Hollande)' qui n'ont pas dû influer grandement sur la fornication sociale du type; même d'après Reclus, la population de l'île de Mar-


DE SCIENCE SOCIALE.

57

ken serait à part des autres Hollandais (. Une troisième est celle d'un fabricant de balais de la Flandre, que je soupçonne fortement de n'être qu'un de ces « Bosck Reries », débris des premiers occupants qui n'ont pu se plier à la culture et qui se rabattent sur des occupations industrielles tenant de la cueillette pour une grande partie. Le tisserand des environs de Gand me parait plus typique, mais encore trop éloigné du type normal du paysan flamand, ou plutôt un paysan trop industrialisé.

K Je crois donc qu'il faudrait plutôt choisir comme base de nouvelles monographies :

« 1° Un paysan cultivant un hectare comme occupation principale et s'appuyant peut-être sur une occupation industrielle, pour la région sablonneuse flamande ;

« 2° Pour la région poldérienne, un éleveur ayant une ferme d'une quarantaine d'hectares ;

« 3° Pour la région limoneuse, il y aura lieu probablement d'examiner plusieurs types, dès que j'aurai quelques données plus précises sur l'étendue ordinaire des fermes dans les différentes sous-régions et sur les cultures qui y sont possibles.

c .T. SCHIVE-LOYER. »

Observations sur le type flamand.

La première question que nous devons nous poser, pour répondre aux questions de M. Scrive-Loyer, est la suivante : Où prend naissance le type flamand?

Ce n'est certainement pas dans la région limoneuse, puisqu'elle est en grande partie wallonne et que le type flamand y est moins caractérisé.

Il est également difficile d'admettre que ce soit dans larégion sablonneuse, puisque cette région n'est cultivée que depuis une époque relativement récente et d'après des procédés qui sont nettement importés des Polders.

Au contraire, la région des Polders nous

1. Parce qu'elle représente un type ancien, qui n'en est que plus intéressant. E. D.

apparaît comme exclusivement et complètement occupée par les Flamands, non seulement de nos jours, mais dès les origines de l'histoire. Le domaine de la langue flamande coïncide avec la région des Polders, depuis la Frise, frontière de la plaine germanique, jusqu'à l'Artois, dans la Flandre française. Aujourd'hui, la langue flamande recule devant l'allemand ou le français. Or elle se rejeté vers la région des Polders, ce qui témoigne bien que c'est là son centre naturel et originaire. C'est d'ailleurs l'opinion générale des géographes et des historiens et je crois qu'il est inutile d'insister.

Cette hypothèse est singulièrement fortifiée par l'examen des caractères sociaux du type flamand. Ce type présente une originalité extraordinaire. Cette originalité ne peut s'expliquer que par un centre de formation très particulier et très rare. Le Polder répond bien à ce.desideratum, ainsi qu'on le verra.

De plus, il peut seul expliquer les traits caractéristiques du type flamand, suivant les divers compartiments de la Nomenclature sociale : travail, propriété, famille, patronage, associations, institutions politiques, mode d'expansion. On verra à quel point ces divers caractères sortent de la nature des Polders et ne peuvent sortir que de là.

Sans le Polder, il n'y a pas de type flamand.

Je propose donc de définir provisoirement ce type dans les termes suivants :

Le Flamand est essentiellement un habitant des Polder^ (terrains bas, inondés et constamment menacés par l'Océan). Il aménage et exploite le Polder par le pâturage et la petite culture à la bêche.

Par conséquent, si le sol, au lieu d'être au-dessous du niveau de la mer, était de quelques centimètres au-dessus, il n'y aurait pas de type flamand. Il ne se serait pas dégagé du type germain ou du type wallon. Voilà à quoi a tenu l'existence de ce type et le grand rôle qu'il a joué dans l'histoire et dans le monde.

Mais si on examine de plus près ce type et cette région des Polders, on ne tarde


58

BULLETIN DK LA SOCIETE INTERNATIONALE

pas à constater certaines différences entre le Flamand-Hollandais et le FlamandBelge. Ces différences permettent de déterminer deux variétés bien caractérisées.

1° La Variété du h lamand-Hollandais.

En Hollande, la région des Polders s'étend sur une largeur beaucoup plus grande qu'en Belgique ; elle couvre la plus grande partie du pays. Ces terres basses, très humides et souvent inondées, sont particulièrement favorables à la croissance de l'herbe. C'est donc V exploitation pastorale qui domine en Hollande. Elle y est beaucoup plus développée qu'en Belgique.

Si on analyse les divers caractères sociaux du type hollandais, en les soumettant aux compartiments de la Nomenclature, on constate qu'ils sont profondément influencés par cette exploitation pastorale.

Je signale en passant la persistance partielle de la communauté du sol et parfois de la communauté de famille, le développement des associations, le caractère apathique, l'attachement aux traditions, aux coutumes, aux habitudes anciennes, etc.

Ces divers caractères sont bien sensibles chez les Boers qui ont émigré de la Hollande dans le Transvaal : en dépit de tout, ils sont restés, eux aussi, des pasteurs.

Enfin, la Hollande présente un trait caractéristique des sociétés où domine l'élément pastoral : elle est essentiellement une démocratie.

Après l'exploitation pastorale, le travail dominant en Hollande est le commerce maritime. C'est encore la conséquence du développement des Polders (région à la fois maritime et terrestre). Mais ce phénomène est accentué ici par l'étendue des rivages, leur extraordinaire découpure et les nombreuses îles de la côte.

De plus, la Hollande est le point d'aboutissement et de convergence sur un petit espace de trois grands fleuves, le Rhin, la Meuse et l'Escaut. Elle domine ainsi le trafic d'un vaste territoire continental. Et ces trois embouchures s'ouvrent en face de l'Angleterre, c'est-à-dire d'un pays très riche,, qui, pendant des siècles, a été exclusivement

exclusivement et dépourvu de marine marchande. Pendant toute cette période, le Hollandais a pu être le transporteur presque exclusif des produits anglais.

Je propose donc de définir le FlamandHollandais de la façon suivante :

Variété du type flamand qui a surtout évolué vers l'exploitation pastorale et le commerce maritime. Les caractères essentiels de cette variété s'expliquent par la combinaison de ces deux natures de travaux.

Pour obtenir le type boër, issu du type hollandais mais établi dans un milieu différent, il suffit de retrancher l'influence du commerce maritime et de retenir seulement l'influence de l'exploitation pastorale.

2° Là Variété du Flamand-Belge.

Cette variété est d'abord moins pastorale, parce que la région des Polders y est à la fois plus étroite et plus élevée par rapport au niveau de la mer.

Cette variété est en outre moins adonnée au commerce maritime, pour la même raison et en outre par suite de l'absence de ports naturels. On sait que Bruges, par exemple, a été peu àpeu séparée de lamer par le développement des dunes et par l'envasement du sol. Anvers, qui est le grand port maritime de la Belgique, est situé sur l'Escaut dont l'embouchure appartient à la Hollande. Il est donc tributaire de la Hollande qui, pendant longtemps, a entravé son commerce en mettant obstacle à sa communication avec la mer. Le grand développement commercial d'Anvers est récent ; il est dû au voisinage du grand bassin houiller de la Belgique.

Mais cette variété a été de tous temps, et dès l'origine du moyen âge, beaucoup plus industrielle que la Hollande.

Par suite de la limitation de l'exploitation pastorale et du commerce maritime, le Flamand-Belge a dû exploiter le Polder surtout par la culture. Ces terres d'alluvion, soumises à une humidité prolongée, sont en effet très fertiles. Mais elles sont particulièrement favorables à la culture industrielle, représentée ici par le lin, le chanvre et le houblon.

Or ces plantes industrielles, exigeant


DE SCIENCE SOCIALE.

59

des façons nombreuses et minutieuses, développent surtout la,petite culture.

La culture de ces plantes a eu naturellement pour effet de créer l'industrie, plus spécialement l'industrie du tissage (les fameux tisserands de Flandre, si célèbres dans l'histoire au moyen âge).

Cette industrie a encore été développée par le voisinage de l'Angleterre. Ce pays, qui, au moyen âge, était exclusivement rural, produisait la laine en abondance, mais n'était pas encore organisé pour la tisser. Elle fut exportée et tissée également en Flandre.

Enfin l'exploitation du grand bassin houiller du Nord a donné à l'industrie belge une énorme impulsion. Mais c'est là un phénomène récent, qui n'a eu, par conséquent, aucune influence sur la formation originaire du type social. ■ L'industrie du tissage a amené le développement des centres urbains industriels (les célèbres cités flamandes de la région belge).

La création de ces cités a eu une répercussion sur la culture : elle a développé la culture maraîchère en vue de l'alimentation de la population urbaine. Le sol riche et humide des marais poldériens était d'ailleurs particulièrement favorable à cette culture (culture maraîchère vientde marais).

Enfin, le développement et la richesse de ces cités a amené de bonne heure la puissance du régime municipal bourgeois, bien plus et bien plus tôt qu'en Hollande. Les cités flamandes du moyen âge, en Belgique, étaient des puissances qui traitaient d'égal à égal avec les rois.

En somme, le Flamand-Belge a eu une base plus agricole et le Flamand-Hollandais plus pastorale.

En Hollande, la classe supérieure a été traditionnellement représentée par des commerçants ; en Belgique, par des artisans. Cela a donné à ces deux pays un développement social précoce et brillant.

Mais il leur a manqué à tous les deux une classe supérieure agricole. En effet, l'agriculture flamande est plutôt une petite culture soigneuse qu'une grande culture intense.

Je propose donc de définir ainsi le Flamand-Belge :

Variété du type flamand qui a surtout évolué vos la petite culture industrielle et maraîchère, la fabrication urbaine et le régime municipal.

Je réserve pour un prochain fascicule d'autres observations suscitées par la correspondance si intéressante de M. ScriveLoyer, notamment au sujet de l'origine historique du type flamand.

J'ajoute que je suis à la disposition de ceux de nos confrères qui voudront bien me communiquer des notes sur l'état social de leur région.

Edmond DEMOLINS.

UN MOYEN DE PROPAGANDE

On nous écrit :

a Je crois devoir signaler aux membres de la Société un moyen de propagande dont j'ai éprouvé moi-même l'efficacité.

« Certains ouvrages de science sociale, particulièrement ceux de M. Edmond De molins, de M. Paul de Bousiers, etc., ont eu une large diffusion et ont vivement impressionné l'opinion. A quoi lient la supériorité des Anglo-Saxons en est actuellement au 25e mille pour la seule édition française et a été traduit dans les principales langues. Les Français d'aujourd'hui en sont au 10° mille et ['Éducation nouvelle au 11e mille. L'ouvrage, Comment la route crée le type social, dont le second volume vient de paraître récemment, promet d'avoir également une grande diffusion.

« Chaque exemplaire ayant eu nécessairement un certain nombre de lecteurs, cela représente une publicité sérieuse et profonde de trois ou quatre cent mille lecteurs de langue française, sans compter un nombre peut-être égal de lecteurs pour les traductions de ces divers ouvrages.

« La plupart de ces lecteurs ont été gagnés, ou tout au moins sérieusement impressionnés par la méthode rigoureuse, et par les conclusions de la science sociale qui se dégagent de ces oeuvres. Ce sont des


60

BULLETIN DE LA SOCIETE INTERNATIONALE DE SCIENCE SOCIALE.

adhérents tout préparés pour entrer dans notre Société, pour s'intéressera nos études et pour concourir à leur développement.

i Chacun de nous a sans doute, dans son voisinage, des lecteurs de ces oeuvres. Il s'agit de les découvrir et d'éveiller en eux le désir latent de se tenir au courant des travaux dont ils ont pu apprécier la portée.

« Beaucoup ignorent que ces études si captivantes se continuent et se développent dans une publication périodique. C'est notre devoir de le leur faire savoir et de rallier à notre oeuvre sociale ces amis inconnus, répandus un peu partout,

« Beaucoup n'attendent qu'une invitation pour venir à nous et ils nous remercieront de la leur adresser.

« Demandons autour de nous : Avez-vous lu telle oeuvre? Vous a-t-elle intéressé? Désirez-vous en suivre le développement? Si on vous répond affirmativement, ce qui arrivera souvent, communiquez quelques fascicules de la Revue et vous verrez combien il est facile de recruter de nouveaux adhérents et ensuite de constituer degroupes locaux.

« Nous en avons d'ailleurs la preuve par le recrutement spontané qui se fait actuellement, non seulement en France, mais dans tous les pays. Cette diffusion à l'étranger démontre bien le caractère international de la science sociale et elle prouve que notre cercle de recrutement et d'influence s'étend au monde entier. « Veuillez agréer...

« A. R. »

ENQUÊTE

SUH

LA RÉVOLUTION AGRICOLE

On lira plus loin la démonstration méthodique et décisive que fait M. A. Dauprat

Dauprat sujet de la Révolution agricole, déjà commencée et qui s'imposera de plus en plus. Cet exposé d'un intérêt si vital doit se continuer sous la forme d'une Enquête, pour laquelle nous faisons appel à tous ceux de nos lecteurs qui s'intéressent aux questions agricoles.

Nous leur demandons de nous faire part des observations qu'ils auraient pu faire dans leur voisinage, et, particulièrement, des cas de spécialisation agricole, en nous indiquant les résultats obtenus, par comparaison avec les méthodes traditionnelles de la culture intégrale.

(Adresser les communications à M. E. Demolins, École des Roches, Verneuil, Eure).

La politique franco-anglaise et l'arbitrage international, par Gabriel-Louis Jaray. Un volume in-16... Perrin.

Tous ceux qui s'intéressent à la politique étrangère de la France et aux grands mouvements des esprits qui agitent le monde civilisé, se sont demandé ce qu'il fallait penser de certains événements auxquels nous assistons : le rapprochement francoanglais suivant de si près les terribles angoisses de Facâoda; les convoitises nationales et la guerre russo-japonaise éclatant, alors qu'on ne parlait en notre pays que de paix, de traités d'arbitragr, voire de désarmement et qu'on signait les traités récents d'arbitrage permanent avec l'Angleterre, l'Italie et l'Espagne.

Ce livre répond à ces questions. Il est présenté au public par M. Gabriel Hanotaux, qui formule ainsi son appréciation : « Réunir dans cet ouvrage une documentation solide, sincère, complète, un exposé clair, vif, réel, — pas de fatras, rien de poncif, — et, en plus, l'avis fidèlement reproduit de la plupart des hommes compétents. »

Typographie Firmin-Didofc et Cte. — Paris.


BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE

La condition des Ouvriers des arsenaux de la Marine, élude économique et sociale, par G. Dagnand, chef de bureau au Ministère de la Marine. Paris, Girard et Brière, 1904.

La gestion des arsenaux de la Marine, au double point de vue du rendement industriel et de la condition des ouvriers, est depuis longtemps un exemple qu'aiment à citer en France tous ceux qui, fidèles à la méthode d'observation, refusent d'adhérer à l'utopie collectiviste. A ce titre la très belle, étude que vient de publier M. Gaston Dagnand mérite une mention spéciale ; l'auteur, qui est un ancien ouvrier d'arsenal, a connu la vie étroite et dure qu'impose à cette catégorie d'ouvriers l'extrême modicité de leur salaire et, à la différence de tant d'autres, il n'a pas oublié ses anciens camarades ; bien plus, sa nature généreuse l'inclinèrent naturellement à manifester quelque sympathie pour les théories socialistes. Pourtant l'étude consciencieuse et méthodique est là, et, la loupe et le scalpel à la main, l'auteur constate à son tour combien l'outillage industriel de ces arsenaux est suranné et insuffisant, combien le rendement industriel est maigre, combien le salaire est faible encore, malgré des améliorations récentes, combien enfin l'ouvrier est mou et indolent dans l'accomplissement de sa tâche. On le voit, le tableau est complet et on constate à la fin tous les effets ordinaires qu'entraîne la substitution de l'Etat à l'initiative industrielle. M. Dagnand traite son sujet de main de maître : sa fonction même lui a permis de se procurer sur chaque matière des renseignements minutieux et sa documentation, très abondante, est. toujours judicieusement choisie; comme, d'autrepart, l'auteur a l'esprit très méthodique et connaît les lois sociales qui régissent le contrat de travail, son étude est aussi attachante qu'instructive.

Enpareille matière, il est impossible d'appliquer le remède radical, puisqu'il faut bien maintenir les arsenaux de la marine :

aussi M. Dagnand propose plusieurs améliorations partielles, notamment la substitution du salaire à la tâche au salaire à la journée et la séparation des ateliers de construction et des ateliers de réparation, afin de soumettre les premiers à un régime purement industriel de production économique. Ces réformés seraient excellentes, mais si l'on va au fond des choses, on s'aperçoit que leur réalisation même suppose des réformes plus profondes du tempérament français. Ainsi les combinaisons électorales s'opposent à la première réforme et la seconde a peu de chance d'aboutir avec nos méthodes d'éducation qui déjà tendent à donner un tempérament de fonctionnaire aux jeunes gens qui doivent plus tard exploiter à leur compte des établissements privés. A plus forte raison, les fonctionnaires authentiques sont-ils très peu enclins à faire preuve d'initiative et d'ardeur au travail et la proposition qu'on leur fait d'industrialiser les ateliers de marine ne peutque les séduire médiocrement.

P. B.

H. TAINE. — Sa vie et sa Correspondance [Le critique el le philosophe, 18531870). — Un volume in-16, Hachette.

A travers cette correspondance vive et familière, mais si prodigieusement riche de pensées, à travers ces confidences et ces analyses de soi-même si parfaitement probes, pénétrantes et sincères, c'est tout le système de Taine que nous voyons s'édifier, jour par jour.

Cette période de 1853 à 1870, c'est le temps du Voyage aux Pyrénées et des Essais de critique el d'Histoire, des Noies sur Paris et de l'Histoire de la Littérature anglaise, du Voyage en Italie et de la Philosophie de l'Art. Le volume qui s'ouvre au lendemain de l'Essai sur La Fontaine, le premier livre de Taine, se clôt au moment où VIntelligence vient de paraître, à la veille du grand drame national qui devait exercer sur son génie une dernière et si profonde influence.



ANNÉE 1904

6« LIVRAISON

BULLETIN

DE LA SOCIÉTÉ INTERNATIONALE

DE SCIENCE SOCIALE

Ce Bulletin doit être détaché et placé dans une reliure spéciale,

SOMMAIRE : Réunion du Conseil de la Société, par M. G. D'AZAMBUJA. — Membres Fondateurs et Donateurs. —Nouveaux membres titulaires. — Nouveaux Correspondants et Chefs de groupes. — Correspondance et réponses, par M. E. DEMOLINS. — La question des Ports francs, par M. PAUL DE ROUSIERS. — Les Jardins ouvriers, par M. G. D'AZAMBUJA. — Influence du travail sur les facultés intellectuelles, par M. M. C. — Bulletin bibliographique.

FASCICULES PARUS DANS LA NOUVELLE SÉRIE

Nu 1. — La Méthode sociale, ses

procédés et ses applications, par EDMOND DEMOLINS, ROBERT PINOT et PAUL DE ROUSIERS.

N° 2. — Le Conflit des races en

Macédoine, d'après une observation monographique, a r G. D'AZAMBUJA.

N° 3. — Le Japon et son évolution sociale, par A. DE PRÉVILLE.

N° 4. — L'Organisation du travail, Réglementation ou liberté, d'après l'enseignement des faits, par EDMOND DEMOLINS.

N° 5. —• La Révolution agricole, Nécessité de transformer les procédés de culture, par ALBERT DAUPRAT.

N° 6. — Journal de l'École des Roches, par les PROFESSEURS ET LES ÉLÈVES.

ORGANISATION DE LA SOCIÉTÉ

But de la Société. — La Société a pour but de favoriser les travaux de Science sociale, par des bourses de voyage où d'études, par des subventions à des publications ou à des cours, par des enquêtes locales en vue d'établir la carte sociale des divers pays. Elle crée des comités locaux pour l'étude des questions sociales. Il entre dans son programme de tenir des Congrès sur tous les points de la France, ou de l'étranger, les plus favorables pour faire des observations sociales, ou pour propager la méthode et les conclusions de la science. Elle s'intéresse au mouvement de réforme scolaire qui est sorti de la Science sociale et dont l'École des Roches a été l'application directe.

Appel au public. — Notre Société et notre Revue s'adressent à tous les hommes d'étude, particulièrement à ceux qui forment

forment personnel des Sociétés historiques, littéraires, archéologiques, géographiques, économiques, scientifiques de province. Ils s'intéressent à leur région; ils dépensent, pour l'étudier, beaucoup de temps, sans que leurs travaux soient coordonnés par une méthode commune et éprouvés par un plan d'ensemble, sans qu'ils aboutissent à formuler des idées générales, à rattacher les causes aux conséquences, à dégager la loi des phénomènes. Leurs travaux, trop souvent, ne dépassent pas l'étroit horizon de leur localité; ils compilent simplement des faits et travaillent, pour ainsi dire, au fond d'un puits.

La Science sociale, au point où elle est maintenant arrivée, leur fournit le moyen de sortir de ce puits et de s'associer à un travail d'ensemble pour une oeuvre nouvelle, qui doit livrer la connaissance de plus en plus claire et complète de l'homme et de la Société. Ils ont intérêt à venir à elle.


La crise sociale actuelle et les moyens d'y remédier. — Tout en continuant l'oeuvre scientifique, qui doit toujours progresser, nous devons vulgariser les résultais pratiques de la science, en montrant comment chacun peut acquérir la supériorité dans sa profession. Par là, notre Société s'adresse à toutes les catégories de membres.

La crise sociale actuelle est, en effet, la résultante des diverses crises qui atteignent les différentes professions.

Chaque profession doit donc être étudiée et considérée séparément, dans ses rapports avec la situation actuelle et avec les solutions que cette situation comporte.

Publications de la Société.— Tous les membres reçoivent la Revue la Science sociale et le Bulletin de la Société.

Enseignement. — L'enseignement do la Science sociale comprend actuellement trois cours : le cours de M. Paul Bureau, au siège de la Société du géographie, à Paris; le cours de M. Edmond Demolins, à l'École des Roches, et le cours de M. G. Melin, à la Faculté de droit de Nancy. Le cours d'histoire, fait par notre collaborateur le Vt<: Ch. de Calan, à la Faculté de Rennes, s'inspire directement des méthodes et des conclusions de la Science sociale.

Missions et voyages. — La Société attribue des bourses de voyages, ou d'études, aux personnes qu'elle choisit, principalement aux élèves des cours de Science sociale. Elle détermine les sujets à étudier par les bénéficiaires de ces bourses. Elle examine les travaux remis par eux et se réserve la faculté de les publier dans la Science sociale, ou de les rendre à leurs auteurs.

Sections d'études. — La Société crée

des sections d'études composées des membres habitant la même région. Ces sections entreprennent des études locales suivant la méthode de la Science sociale, indiquée plus haut. Lorsque les travaux d'une section sont assez considérables pour former un fascicule complet, ils sont publiés dans la Revue et envoyés à tous les membres. On pourra compléter ainsi peu à peu la carte sociale de la France et du monde.

La direction de la Société est à la disposition des membres pour leur donner toutes les indications nécessaires en vue des études à entreprendre et de la méthode à suivre.

Bibliothèque de la Science sociale.

— Elle comprend aujourd'hui une trentaine de volumes qui s'inspirent de la même méthode. On en trouvera la liste sur la couverture de la Revue. Quatre de ces volumes ont été présentés aux concours de l'Institut : tous ont été couronnés. Plusieurs ont été traduits en anglais, en allemand, en russe, en italien, en espagnol, en grec, en hohgrois, en arabe et en japonais. Quelques-uns ont atteint des tirages de huit, dix et vingt-cinq mille exemplaires.

Conditions d'admission. — La Société comprend trois catégories de membres, dont la cotisation annuelle est fixée ainsi :

1" Pour les membres titulaires : 20 francs (25 francs pour l'étranger) ;

2° Pour les membres donateurs : 100 francs ;

3° Pour les membres fondateurs : 300 à 500 francs.

Sections d'études sociales. — Abon nements de propagande à 8 fr. et à 3 fr. — Demander le prospectus au Sccrétaria

LA SCIENCE SOCIALE

AU CONGRÈS DE L'ASSOCIATION ANGLAISE POUR L'AVANCEMENT

DES SCIENCES

La Brilish Association for the advancement of science doit tenir son Congrès annuel à Cambridge, du 17 au 24 août.

Le Comité de l'Association a adressé à M. Edmond Demolins une invitation spécial pour y assister.

M. Demolins a accepté cette invitation et il a l'intention d'exposer au Congrès la Nomenclature sociale d'Henri de Tourville, et la Classification sociale, dont il vient d'établir le plan général.

Ce plan sera publié dans le prochain fascicule de la Revue.


ANNÉE 1904

6« LIVRAISON

BULLETIN

DE LA SOCIÉTÉ INTERNATIONALE

DE SCIENCE SOCIALE

RÉUNION DU CONSEIL DE LA SOCIETE

Le Conseil de la Société internationale de science sociale s'est réuni le 15 juin 1904, au siège social de la Société, 56, rue Jacob.

La séance est ouverte à 9 heures du soir, sous la présidence de M. Paul de Rousiers, président.

Sont présents : MM. Paul de Rousiers, président, Edmond Demolins et Paul Bureau, vice-présidents, Maurice FirminDidot, trésorier, H. Hemmer, Robert Pinot, vicomte Cli. de Calan et G; d'Azambuja, secrétaire. Les membres absents sont excusés.

M. Paul de Rousiers annonce officiellement au Conseil que M. Paul Bureau a accepté d'aller faire un voyage d'observation en Norvège et qu'il partira le 15 juillet.

Il annonce également que M. Louis Arqué, élève consul à Nuremberg, est prêt à entreprendre un travail d'observation sociale sur la Franconie. M. Arqué compte étudier spécialement la culture du houblon et les petits métiers qui font l'originalité de la Bavière. Il espère pouvoir donner son travail vers le commencement de l'année prochaine.

M. le président rappelle que M. Paul Roux a passé plusieurs mois en Allemagne. Il a étudié le Lunebourg et une partie de la Westphalie, mais il éprouve le besoin de compléter ces études.

M. le trésorier rend compte de la situation financière. Les souscriptions des inombres donateurs, ou fondateurs, diminuées de 20 francs (de 25 francs pour les membres domiciliés hors de France) ont produit, jusqu'à ce jour, la somme de 1.823 fr. 75.

Il faut en retrancher 77 francs de frais de bureau et de circulaires ; mais M. Maurice Firmin-Didot déclare vouloir contribuer à ces frais jusqu'à concurrence de 50 francs. Les mêmes frais se trouvent donc réduits à 27 francs.

Sur cette somme, 200 francs ont été remis à M. Louis Arqué.

II reste donc en caisse : 1.596 fr. 75, qu'on peut consacrer entièrement aux voyages d'études et qui seront mis à la disposition de M. Paul Bureau.

En outre, M. le trésorier a reçu de M. Paul Bessand la promesse d'un versement de 100 francs et M. Ch. de Calan, membre donateur, doit opérer un versement, sur lequel 80 francs reviennent à la Société. Enfin M. H. Hemmer a reçu de M. Charles Fournier la promesse d'un versement de 500 francs. Cela fait 680 francs à encaisser dans un bref délai et qui viendront s'ajouter aux sommes actuellement en caisse. Tout porte à croire que le budget de l'année sera en excédent.

M. Paul Bureau demande l'avis du Conseil sur la façon de conduire son enquête en Norvège.

. Un échange de vues a lieu à ce sujet, principalement entre MM. Edmond Demolins, Robert Pinot, Paul de Rousiers et Paul Bureau.

M. Demolins pense que l'observateur doit se rendre compte tout d'abord des caractères généraux de la Norvège et s'informer du lieu où le phénomène à vérifier se produit de la façon la plus intense. Il convient de prendre une famille comme point de départ, et, dans cette famille, de vérifier toutes les affirmations d'Henri de Tourville. Il faudrait ensuite, en partant


62

BULLETIN DE LA SOCIETE INTERNATIONALE

du type initial, déterminer un certain nombre de variétés. En un mot, il est nécessaire de partir d'une hypothèse, sauf à la modifier si elle n'est pas confirmée par les faits. En ce qui concerne la vie publique, il importe de vérifier si les pouvoirs publics se sont peu développés en Norvège, en vertu des causes précédemment indiquées par la science sociale.

M. Robert Pinot dit que l'observateur doit être toujours prêt à abandonner les opinions précédemment acceptées, si elles sont contredites par des faits mieux observés. Il faudrait voir s'il ne s'est pas constitué en Norvège quelque type nouveau, et différent du type ancien, par suite du développement des transports.

M. de Rousiers insiste, comme M. Demolins, sur la nécessité de partir des hypothèses déjà formulées pour choisir le sujet de l'observation. Il remarque, à propos des diverses façons dont les Norvégiens ont exercé leur activité, que ce type a toujours éprouvé le besoin de se compléter d'une manière quelconque.

M. Ch. de Calan désirerait que le sujet de l'observation fût choisi à un endroit de la Norvège où l'émigration, fait capital pour ce pays, serait spécialement développée.

M. Maurice Firmin-Didot parle du tourisme, qui a pu influer sur la vie sociale en Norvège, et qui — lui-même l'a constaté au cours d'un voyage — s'est extraordinairement développé dans ce pays.

La séance est levée à 10 heures un quart.

Le Secrétaire,

G. D'AZAMBHJA.

MEMBRES FONDATEURS ET DONATEURS

Nouveau Membre Fondateur : M. Charles FOURNIE?,, 500 fr.

Nouveau Membre Donateur : MM. Paul BESS.VND, 100 fr.

le v 1" Ch. de CALAN, 100 fr.

NOUVEAUX MEMBRES TITULAIRES

MM. Carlos d'ABREN E SOUSA, Belem, Lisbonne, Portugal, présenté par M. Edmond Demolins.

Le Dr A. de AMARAL, S. Paulo (Brésil), présenté par le D 1' Silveira Cintra.

Manuel BERTRAND Y SATRAS, industrielBarcelone (Espagne), présenté par M. T. Monégal.

Le Dr André CLAISSE (Biarritz), présenté par M. Honoré.

Arthur FERREIRA NACHADO GUIMARAES, Rio de Janeiro (Brésil), présenté par M. Edmond Demolins.

Le D 1' D. JAQUARIBE, directeur de l'Institut Psycho-physiologique, S.-Paulo (Brésil), présenté par le Dr Silveira Cintra.

M. JOTTRAS, capitaine d'infanterie coloniale, Andriamena (Madagascar), présenté par M. Edmond Demolins.

Joseph MONÉGAL Y NOGUÈS, président de la Chambre de commerce de Barcelone, présenté par M. T. Monégal.

M. PERNOTTE, attaché à la banque de l'Indo-Chine, Han-Kéou (Indo-Chine), présenté par M. Edmond Demolins.

Eusèbe de QUERCIZE, propriétaire agriculteur, Lucenay - L'Évêque (Saône - et - Loire), présenté par le même.

.Le D 1' Paul de REZENDE CARVALHO, Santos (Brésil), présenté par le D 1' Silveira Ciiv tra.

Anatole ROUSSEL, lieutenant d'artillerie, à la direction de l'École Photo-électrique, le Havre, présenté par M. Edmond Demolins.

Charles de ROUVRE, député, Paris, présenté par le même.

Antoine SALLES, rédacteur du Salut public, Lyon, présenté par le même.

Le D 1' L. G. de SILVA LEME, S.-Paulo, ( Brésil ), présenté par le D1- Silveira Cintra.

A. SUIIA BEY, ingénieur, Constantinople, présenté par M. Edmond Demolins.

L'abbé XIIAARD, Bruxelles, présenté par M. Victor Muller.


DE SCIENCE SOCIALE.

63

NOUVEAUX CORRESPONDANTS ET CHEFS DE GROUPES

MM. PEKNOTTE, attaché à la banque de l'Indo-Chine, Han-Kéou. Indo-Chine. Antoine SALLES, rédacteur au Salut public, Lyon.

CORRESPONDANCE

Han-Kéou (Indo-Chine), le 12 mai. — « Vous savez combien je suis attaché à la science sociale. Vous pouvez compter sur mon concours dévoué. J'espère, malgré mes occupations, pouvoir vous envoyer quelques études sur ce pays, qui est extrêmement intéressant ». M. PERNOTTE, Correspondant.

Lyon, le 17 juin. — s Je suis très flatté d'être choisi comme correspondant dans la région lyonnaise et je vais travailler à propager votre méthode et votre programme social. Tous mes efforts et'mon dévouement vous sont acquis... » A. SALLES.

Le Havre, le 6 juillet. «... Très vivement impressionné, il y a cinq ans, par la lecture de votre ouvrage sur la Supériorité des Anglo-Saxons, j'ai été naturellement intéressé par les études sociales. J'ai lu et relu Le Play et je suis devenu un adepte fervent de la méthode de la science sociale. Je vais suivre avec une attention particulière les travaux de la Revue et je vous exprime tout le plaisir que j'ai à entrer dans la Société... » A. ROUSSEL.

Montauban, le 9 juillet. — «... J'ai l'honneur de vous adresser la petite étude d'observation sociale que je vous ai annoncée. J'ai distribué des brochures de propagande et j'espère recruter des adhérents à une science si intéressante. Il serait utile d'attirer l'attention du public intellectuel au moyen de conférences. J'y songe toujours pour l'hiver prochain... » M. COUILLARD, Correspondant.

Lille, le 8 juin. — « Je poursuis mon étude sur le type flamand. Je lis en ce moment l'Économie rurale de la Belgique, par Laveleye, qui est une mine de renseignements intéressants... 1 J'ai trouvé un témoignage encore plus précis des rapports qui ont existé entre le dessèchement des Polders et la formation des ghildes. C'est une lettre, ou contrat, d'Eginhard, abbé de Saint-Bavon à Gand, donnant à un autre couvent différentes rentes de terres, notamment sur un marais occupé par 50 membres des ghildes. Je vous enverrai des détails à ce sujet. Il y aurait un autre point intéressant à examiner, au sujet de la prépondérance du clergé régulier sur le clergé séculier en Belgique jusqu'à la Révolution. Cette prépondérance vient peutêtre tout simplement de ce que les abbayes semblent être des ghildes de défrichement, un peu plus religieuses que les autres et qui sont devenues plus riches, par suite du maintien en communauté des bénéfices acquis... » J. SCRIVE-LOYER, Correspondant.

Je prie M. Scrive-Loyer de continuer ses recherches, qui seront facilitées par la publication de la classification sociale. Dans le prochain fascicule, j'espère pouvoir apporter une petite contribution à son travail. E. D.

Poitiers, le 26 juin. — «... Je continue à me mettre au courant de la science sociale. En ce moment, je recherche comment on peut concilier l'existence de la liberté humaine avec celle des lois sociales. C'est là en effet l'objection la plus usuelle et la plus commune qui m'ait été adressée par les partisans du libre arbitre. R. BOUCHARD.

L'homme est en face des lois sociales comme il est en face des lois naturelles. Il appartient à chacun de se soumettre aux lois sociales dans la mesure qui lui convient. En cela, on est libre, comme on est libre de ruiner sa santé, malgré les lois de l'hygiène. Mais voici en quoi on n'est pas libre : On n'est pas libre d'obtenir la prospérité sociale en se plaçant dans les conditions qui, partout et toujours, produisent l'instabilité, la souffrance et la désorganisation.


(54

BULLETIN DE LA SOCIETE INTERNATIONALE

Mais à mesure que la science progresse, la liberté humaine s'accroît, par le fait que l'homme devient plus maître des choses et qu'il peut s'en servir en connaissance de cause et à sa volonté. Autrefois l'homme était simplement tué par l'électricité, ce qui restreignait singulièrement sa liberté ; aujourd'hui il a plié l'électricité à son service et en a fait son esclave, ce qui a singulièrement augmenté cette môme liberté, etc., etc. E. D.

Dinan, le 1er mai. — « Je tiens à vous assurer de ma plus vive sympathie pour la science sociale. Permettez-moi en même temps de vous dire combien la distribution de la. Revue en fascicules, ayant un objet unique, est pratique et intéressante.

« En lisant les Français d'aujourd'hui, j'ai été très heureux de voir confirmer par vous cette idée que déjà j'avais eue, à savoir que les Bretons ont reçu une civilisation à laquelle ils n'étaient pas préparés.

« On peut distinguer, à certain point de vue, trois parties en Bretagne :

« 1° Les Côtes-du-Nord et l'Ille-et-Vilaine (celle-ci surtout), qui ont été en contact plus direct avec la civilisation avoisinante. Mais la population n'en a guère pris que l'alcoolisme, les tendances socialistes auxquelles la formation communautaire la prédisposait, et l'indifférence religieuse, par suite du relâchement de l'ancien patronage familial.

« 2° Le Morbihan, très peu en contact avec la civilisation, s'est moins modifié à tous les points de vue. On y retrouve assez le Breton d'autrefois, avec ses qualités routinières, il faut l'avouer.

« 3° Le Finistère, particulièrement le Nord,' s'est mis en contact, depuis longtemps déjà, avec la civilisation, principalement par le commerce. Une petite partie du littoral des Côtes-du-Nord a subi la même influence, mais elle se ressent beaucoup des idées des populations voisines de l'intérieur. La culture, qui a surtout pour objet, l'élevage du cheval et le commerce, est essentiellement alimentée par les produits agricoles.

« Dans beaucoup de parties du Finistère,

| surtout dans le Léon et le Brestois, la culture est assez intensive. Peu de pâturages, et cependant beaucoup d'élevage. Celui-ci se fait presque entièrement à l'écurie. Pour résoudre ce problème agricole, le Breton de ces régions a certainement fait preuve d'ingéniosité; il est devenu débrouillard, depuis longtemps déjà. Il est moins enclin à la routine. Le commerce y a beaucoup aidé.

•« Le producteur chevalin est commerçant. Il va souvent au loin, jusque, dans le Midi. Des acheteurs étrangers viennent souvent chez lui, Allemands et Italiens surtout. Ces rapports avec l'étranger l'éveillent aux idées nouvelles.

« Pour tirer parti de son sol humide dans les prairies basses, où il fait du foin abondant sinon très bon, il a acquis un réel talent pour les irrigations. Le Léonard va exercer cette aptitude dans d'autres parties de la Bretagne. J'ai vu un gros fermier propriétaire, à l'embouchure de la rivière de Chateaulin, qui avait transformé des terrains réputés inutilisables en prairies basses, grâce au concours de paysans du Léon.

« Enfin, il est à noter que, dans la formation du type breton, le patronage a eu une influence minime sinon nulle jusqu'ici. Pourtant aucune province française ne compta une noblesse résidante aussi nombreuse. Mais celle-ci étant peu fortunée, et ayant beaucoup d'enfants, la terre a été rapidement morcelée. Si ces familles se sont maintenues si longtemps, c'est que la noblesse bretonne fournissait un fort appoint aux armées, et que le célibat était le lot de beaucoup de filles nobles.

« Malgré tout cela, l'existence de ces familles était bien modeste, et souvent différait peu de celles d'un fermier à l'aise. Chateaubriand la dépeint très exactement dans son premier volume des Mémoires d'Outre- Tombe. L'absence de grandes fortunes rendit le patronage plus difficile et moins efficace. Aussi le Breton a-t-il toujours eu des tendances très égalitaires, ce qui concorde bien avec sa formation communautaire. Les qualités qu'il a acquises sont donc le résultat d'un développement tout individuel.


DE SCIENCE SOCIALE.

65

« Quant à la noblesse, si sa position de fortune ne lui permet pas les grandes entreprises agricoles et l'influence qui en découle, il faut lui reconnaître le mérite d'avoir exercé la charité dans la limite de ses ressources et de s'être attaché la population... » Vlc de R.

Paris, le 28 mai. •— « Monsieur et cher Maître, Permettez-moi de vous donner ce titre, car je vous dois, par la lecture de vos livres, des clartés nombreuses sur des sujets jusqu'alors inconnus pour moi. Je lis la Revue avec un intérêtgrandissant et je suis enchanté à l'idée de pouvoir la communiquer à un de mes amis, qui suit très attentivement le mouvement d'idées auquel vous apportez un si grand appui.

« Dans la Préface où vous exposez, pour ainsi dire, le but et les origines de la Science sociale, vous parlez en quelques phrases fort claires de la crise actuelle et des moyens d'y remédier, et vous dites : « Chaque profession doit donc être étudiée et considérée séparément dans ses rapports avec la situation actuelle et avec les solutions que cette situation comporte. Il y a une crise de l'Education, une crise agricole, industrielle, ouvrière, commerciale, ecclésiastique, littéraire, administrative financière, militaire, politique, coloniale. » On peut ajouter une crise artistique. Cela rentre, il me semble, dans le cadre si large d'études auxquelles vous vous attachez.

« Il y a une crise artistique incontestable dont il serait intéressant de rechercher les causes, et si je me permets d'appeler ainsi votre attention sur ce sujet, c'est que c'est celui qui me touche de plus près. Je suis sorti de l'Ecole des Beaux-Arts, et je suis frappé douloureusement de l'enseignement que j'y ai constaté. Sans médire de mes excellents maîtres, je n'ai jamais pu tirer d'eux une donnée exacte du but de l'art dans une société moderne; ils n'ont fait que me répéter des phrases banales sur la beauté, les proportions admirables des monuments de l'antiquité grecque et romaine, et je les soupçonne fort de n'en avoir pas saisi la vraie beauté. Quant aux monuments do notre pays, fruits d'une tradition savamment entretenue par des

gens qui ne se donnaient pas le titre pompeux d'artistes, mais qui faisaient de l'art, comme M. Jourdain, de la prose « sans le savoir » ; quant, dis-je, à ces merveilleux monuments dont les Révolutions politiques ont laissé subsister quelques traces, il n'en est jamais question à l'École des Beaux-Arts. Notre architecture du moyen âge, si bien appropriée aux besoins de nos pères, répondant si bien « aux fonctions » qu'on exigeait d'elle, nous ne la connaissons pas. Nous n'en sommes plus au temps où on la méprisait comme aux xvir et xvme siècles, mais, c'est pis, on n'en parle plus. Des vestiges de cet art merveilleux sont dans la cour de notre Ecole, des professeurs même font des conférences à son sujet avec projections à l'appui, mais ils n'en déduisent aucune conséquence, et, quant aux élèves, ils l'étudient peu ou pas. Nous passons devant nos cathédrales sans comprendre un mot des raisons de leur édification, nous employons à leur égard les mêmes phrases creuses de beauté, de proportions admirables, mais nous ne savonspas dire comment et pourquoi cet art, né cependant des vestiges de l'antiquité romaine, s'est dégagé peu à peu des lisières qui l'enserraient pour arriver à son plein épanouissement au xv° siècle. Nous en •sommes à admirer ^ncore cettepériode néfaste, dite Renaissance, où le mauvais goût des Italiens à submergé etanniliilé les merveilleuses qualités de bon sens (et de bon goût par suite) de nos pères. Ils nous ont appris les trompe-l'oeil, le mensonge en art, et nous continuons leurs errements, nous débattant piteusement contre cet enseignement qui nous oblige à admirer et, qui plus est, à copier, sous peine de passer pour des barbares, des monuments que notre bon sens ne peut que trouver absurdes.

« Avec la méthode que vous préconisez dans la Science sociale et grâce à elle, ne pourriez-vous pas encourager ces idées que je ne suis pas le seul à partager, mais que beaucoup ne savent pas, ou n'osent pas exprimer. Je crois qu'il serait bon d'ouvrir un paragraphe à votre étude sur la crise actuelle et qu'il serait bon d'étudier sérieusement les raisons de la crise artisti-


66

BULLETIN DE LA SOCIETE INTERNATIONALE

que en général et de la crise architecturale en particulier.

n Ramener les esprits à ne considérer une oeuvre d'art vraiment digne de ce nom que si d'abord elle correspond aux fonctions qu'on exige d'elle, ne plus séparer l'idée de beauté de l'idée d'adaptation, combattre ce préjugé que les artistes sont d'une race spéciale, que l'art n'est pas soumis, comme le reste, aux raisonnements de la science. Ne plus considérer comme une laideur, une machine, une usine, un instrument quelconque, sous prétexte qu'il est utilitaire. Ne plus cataloguer les animaux en races belles ou laides, suivant qu'elles peuvent être traitées ou représentées par des artistes ou soi-disant tels. Combattre chez les artistes ce préjugé qu'ils ont contre tout ce qui touche à la vie pratique.

« Voilà, je crois, une série d'idées jetées pêle-mêle sur le papier, mais qu'il appartiendrait à des hommes de votre valeur de classer ou au moins d'aider à classer.

« Pardonnez, cher Monsieur, d'avoir ainsi abusé de votre temps et de votre patience, je me suis laissé entraîner par un sujet qui m'est cher, et je vois, en me relisant, que tout cela n'a ni queue, ni tête. Il me manque la méthode dont vous possédez si bien le secret, méthode qu'il serait bon à tous de posséder, méthode sans laquelle les meilleures idées ne peuvent porter les fruits qu'on en attend. Ne voyez, dans cette longue lettre que la reconnaissance bien sincère d'un malheureux architecte, né dans une pitoyable époque d'anarchie. » M. STOKEZ.

Salon, le 3 mai. — « Je suis tout dévoué aux travaux de la Société et je serais heureux si je pouvais vous fournir des renseignements. Je crois que le meilleur centre régional pour un groupe d'études, serait la ville d'Aix en Provence. C'est une ville d'études, qui rayonnerait dans toute la région. Salon était, il y a une vingtaine d'années, une petite ville d'environ cinq mille âmes, et qui en compte, aujourd'hui, plus de douze mille. Mais cette augmentation provient d'une population pauvre, ayant une instruction très

rudimentaire, venue ici pour se livrer au commerce des huiles. Elle a pu, par ses aptitudes spéciales, développer un commerce de détail qui se chiffre par plus de cinquante millions d'affaires, et le commerce va toujours progressant d'année en année. C'est vous, dire que la vie commerciale y est très intense et absorbe toutes les facultés. Cette population nouvelle, illettrée, a peu de loisirs et, en aurait-elle, que sa formation sociale ne la porte pas aux études scientifiques. Salon a toujours été un pays de petite culture, le sol y étant très morcelé. Jadis la culture principale, rémunératrice, était l'olivier; aujourd'hui, c'est la culture maraîchère qui tend à la remplacer pour diverses causes... *• P. BERTIN.

La ville d'Aix est certainement un excellent milieu pour le développement des études sociales, mais la ville de Salon, centre de 12.000 habitants, n'a pas besoin d'attendre que la lumière lui arrive d'Aix. Le soleil de la science sociale luit pour tout le monde, et il ne faut pas attendre que les autres y voient clair pour ouvrir soi-même les yeux à la lumière. Il y a des patrons à Salon; il .faut les atteindre, les grouper et les amener à la connaissance de la Science sociale, qui leur est si nécessaire. Quant aux ouvriers, trop livrés jusqu'ici aux rhéteurs et aux sophistes, il n'est pas moins utile de les amener à nous. Cela est facile, grâce à l'organisation de nos Sections d'études, dont la cotisation est abaissée.à 8 francs et à 3 francs. Nous prions instamment M. Bertin de prendre l'initiative de ce groupement à Salon et nous allons, de notre côté, provoquer une organisation semblable à Aix.

Nous remercions tous ceux de nos confrères qui nous ont adressé des renseignements. Par suite de l'abondance des matières, nous sommes obligés de renvoyer plusieurs communications au prochain fascicule.

E. D.


DE SCIENCE SOCIALE.

67

La spécialisation agricole.

À la suite de l'étude de M. Dauprat sur la Révolution agricole, nous avons reçu diverses communications. D'autre part, plusieurs publications économiques, ou agricoles, ont consacré des articles à cette étude, qui excite partant un grand intérêt. Nous y reviendrons dans notre prochain fascicule.

LA QUESTION DES PORTS FRANCS

Un mouvement d'opinion s'est dessiné en France, depuis une dizaine d'années environ, en faveur de l'établissement de zones franches dans les Ports maritimes. Comme la plupart des mouvements d'opinion ; il s'est manifesté d'une manière irréfléchie. On avait entendu dire vaguement que Hambourg, Gênes, Copenhague, possédaient des zones franches ; on savait que la prospérité de ces ports s'affirmait de plus en plus; c'était assez pour conclure qu'il y avait entre ces deux phénomènes relation de cause à effet. Du moins, c'était assez aux yeux de beaucoup de gens. Et, comme leur conviction était faiblement éclairée, mal assise, elle leur permit des espérances trompeuses. A plusieurs reprises, j'ai pu constater personnellement que des négociants ou des industriels habitant les ports, mêlés activement au mouvement d'affaires qui s'y produit, se faisaient, au sujet de l'efficacité des ports francs, des illusions extraordinaires. Par contre, ils suscitaient des oppositions déclarées aussi peu fondées à leur tour que les illusions contre lesquelles elles luttaient.

Il importe donc de ramener le problème à ses véritables proportions. Si les ports francs ne sont pas une panacée infaillible pour activer notre mouvement maritime; si, d'autre part, ils ne constituent pas une menace pour l'industrie nationale, ils ont cependant un rôle important à jouer. C'est ce rôle qu'il faut déterminer tout d'abord. Nous verrons ensuite à quelles conditions nos ports français peuvent le remplir et

comment le Projet de Loi déposé par le gouvernement 1, et modifié par la Commission parlementaire du Commerce et de l'Industrie, leur permet de s'organiser à cet effet.

I. — Le rôle des Ports francs autrefois et aujourd'hui.

Ce serait une grosse erreur de considérer l'idée du port franc comme une conception nouvelle. Le port de l'ancien type était presque toujours, au contraire, un port franc. Plus exactement, la ville dont il dépendait, et qui se groupait autour de lui, était une ville franche.

Et il ne pouvait guère en être autrement sans dommage pour la fonction que remplissaient alors les ports. C'étaient à peu près uniquement des comptoirs de commerce maritime. Ils avaient des relations les uns avec les autres. Ils n'en avaient que peu avec la terre ferme avoisinante. La plupart du temps, même, ils s'isolaient volontairement de la terre ferme.

L'exemple des ports de la Hanse est caractéristique à ce point de vue. Les villes hanséatiques constituaient une sorte de syndicat, un groupement d'intérêts communs, parce qu'elles avaient entre elles le lien d'un même travail. Et elles se groupaient à part des territoires qui les bordaient, parce que ces territoires restaient en dehors de leur zone d'activité, qu'ils étaient étrangers au commerce de mer.

De plus, elles redoutaient de tomber sous leur domination. Elles se montraient très jalouses de leur indépendance parce qu'elles y trouvaient une garantie nécessaire à leur commerce. A l'époque où la fortune mobilière avait peu d'imporI.

d'imporI. Projet de toi relatif à l'établissement de zones franches dans les Ports maritimes, présenté au nom de M. Emile Loubet, Président de la République Française, par M. G. Trouillol, ministre du Commerce et de l'Industrie, etc.; Rouvier, ministre des Finances, et M. K. Maruéjouls, ministre des Travaux publics. Séance du 4 avril -1903. Chambre des députés, n" 884. V. aussi le Rapport de M. Chaumet au nom de la Commission du Commerce et de l'Industrie, Chambre des députés, n" 1178. Séance du •14 juillet 1903. - -


68

BULLETIN DE LA SOCIETE INTERNATIONALE

tance, elle était exposée à beaucoup de vicissitudes ; les légistes écrivaient sentencieusement : « mobilium vilis possessio » et les pillages, les confiscations rendaient en effet la possession des richesses mobilières assez précaire. Dans ces conditions, les comptoirs de marchandises de mer qu'étaient les ports avaient intérêt à se défendre contre les entreprises de leurs voisins terriens sur le trésor qu'ils accumulaient. Venise, Anvers, Hambourg, s'isolaient au milieu de lagunes et de marais, coupées de la terre par des obstacles naturels, ouvertes seulement vers la mer, leur domaine. Le doge de Venise épousait l'Adriatique et considérait les habitants de la terre ferme comme des étrangers ou des ennemis.

Ce besoin de s'isoler était d'autant plus grand que les marchandises de mer se composaient alors presque uniquement de marchandises précieuses, épices, ivoires, poudres d'or, etc. Les navires ne pouvaient guère en transporter d'autres en raison de leur faible tonnage, et les routes terrestres n'auraient pas permis la distribution de marchandises encombrantes. Par suite, il n'y avait pas besoin de communications faciles pour écouler, par petites quantités, les objets coûteux que l'on recevait. Par suite aussi, leur rassemblement dans un même endroit constituait une proie enviable et tentante.

C'est pourquoi, jusqu'à une époque récente, les villes de marchés maritimes, les grands ports d'autrefois, ont fait les plus grands efforts pour garder intacte leur indépendance. Les trois villes libres de Hambourg, Brème et Lùbeck, sont les derniers vestiges de cet état de choses.

Jusqu'en 1888, Hambourg resta même eii dehors de la vaste union douanière qui avait donné à l'Allemagne son unité économique. Par tradition, et aussi pour ne pas compromettre son commerce de mer, elle était demeurée ville franche, isolée. Les navires entraient et sortaient de son port, débarquaient leurs cargaisons et en rechargeaient de nouvelles sans l'entrave d'aucune formalité douanière , sans la charge d'aucune taxe douanière. Par contre, elle était étroitement enserrée, du côté de la terre, par le sollverçin des États

allemands tout proches. Ses faubourgs, Altona, Harburg, se trouvaient séparés d'elle par une frontière de douane. C'était là, d'ailleurs, une situation ancienne ; mais tandis qu'autrefois elle avait été acceptée et môme voulue ainsi, elle devenait désormais un obstacle au développement de la grande cité maritime. L'ancienne conception du port franc ne se trouvait plus d'accord avec les besoins nouveaux.

Et, en effet, le rôle des grands ports s'était beaucoup amplifié, sous l'influence de causes diverses.

Les ports pouvaient encore être des places de commerce maritime, des lieux d'échange et de transbordement pour les marchandises de mer; cette fonction subissait des modifications importantes ; cependant elle se maintenait, notamment à Hambourg, et elle exigeait la libre entrée et la libre sortie des marchandises de mer.

Mais les grands ports jouaient un autre rôle. Avec le creusement des canaux et l'amélioration des voies navigables de l'intérieur, avec le progrès des moyens de communication terrestre, avec l'invention des chemins de fer, en particulier, ils s'étaient transformés en véritables carrefours où venaient se rencontrer les voies terrestres, fluviales et les lignes maritimes. Au lieu de s'isoler de l'arrière-pays qui s'étendait derrière eux, il leur fallait, au contraire, le desservir le mieux possible, lui apporter tout ce qu'il était capable d'absorber, drainer tous les produits de son sol ou de son industrie, jouer en somme vis-à-vis de lui le rôle de port régional.

Cela était d'autant plus important que la nature des marchandises de mer était complètement changée, par suite des transformations opérées dans les moyens de transport. On ne remplit, pas un navire moderne d'épices, de poudre d'or, ou autres produits précieux. Il faut à ses cales énormes des marchandises lourdes ou encombrantes, du charbon, du minerai, du blé, des balles de laine, de coton, des fers, des machines, etc.

Or, toute région qui travaille d'après les procédés modernes est susceptible d'ache-


DE SCIENCE SOCIALE.

69

ter des marchandises de ce genre. L'agriculteur européen amende ses terres avec des nitrates originaires du Chili, avec des phosphates d'Algérie, de Tunisie, de Floride. Il fauche'et moissonne à l'aide de machines inventées par les colons du FarWest, souvent encore fournies par les constructeurs américains. En retour, il exporte des produits agricoles, blés, sucres de betterave, foins et pailles, beurres, oeufs, légumes, fruits, vins, alcools, viandes, etc. L'industriel traite des matières premières venues de toutes les parties du monde et distribue en tous lieux les produits qu'il en tire. L'ingéniosité des machines qu'il emploie pour fabriquer à bon marché lui permet de supporter les frais de transports dont il grève sa production. Un champ nouveau se trouve ainsi ouvert aux entreprises de navigation, et un port en communication facile et directe avec une région industrielle, voit augmenter son tonnage à l'entrée et à la sortie en raison de l'activité de cette région. Nous voilà bien loin de la conception ancienne du port isolé de la terre ferme, ouvert seulement du côté de la mer. Pour revenir à l'exemple de Hambourg, le jour où l'approfondissement de l'Elbe et des canaux adjacents, joint à la création des chemins de fer, lui a permis de desservir une région «'étendant de Bàle à Cracovie, en passant par Prague; le jour où les forces productrices de l'Allemagne se sont développées sous l'influence combinée d'une poussée économique générale et de l'application des sciences ; ce jour-là, Hambourg a cessé de considérer avec mépris la contrée de sables et de marécages qui l'avoisine ; elle s'est rendu compte qu'il y avait pour elle une énorme source de richesses dans l'essor du vaste arrière-pays qu'elle pouvait atteindre.

Et, en même temps, elle comprit que son organisation en ville franche n'était plus d'accord avec son rôle nouveau. La ville franche, c'était l'isolement douanier par rapport à la région dont Hambourg voulait être le point d'aboutissement à la mer. C'était donc un obstacle à VA fonction régionale. . C'était aussi un obstacle à une autre fonction

fonction les grands ports modernes sont appelés à remplir et que les ports anciens ne connaissaient qu'à un bien moindre degré, la fonction industrielle.

Les grands navires modernes opèrent les transports à des prix extrêmement bas par rapport aux distances qu'ils parcourent. Les matières premières, très lourdes et de peu de valeur, atteignent donc facilement un port maritime, alors que souvent leur transport dans l'intérieur des terres entraînerait des frais qui le rendent pratiquement impossible. 11 résulte de là que les industries transformant ces matières premières ont intérêt à s'installer dans le port même. Lorsque la situation le permet, elles s'établissent de manière qu'un bateau mis à quai puisse décharger sa cargaison directement dans l'usine. Les fabriques de produits chimiques, les raffineries de pétrole, les huileries qui traitent des plantes ou fruits d'origine lointaine, arachides, coprahs, etc., les rizeries et minoteries, les usines à briquettes, les fonderies, deviennent aussi de plus en plus l'accompagnement obligé d'un grand port moderne. Hambourg avait déterminé ainsi un véritable essor industriel dans son voisinage ; mais, au lieu de se créer dans les limites de l'Etat de Hambourg, dans la ville franche, les usines s'élevaient sur le territoire douanier tout proche, à Altona, à Harburg.

C'est qu'un petit État isolé dans sa franchise, au milieu de pays fermés par des barrières douanières, se trouvé dans une situation très défavorable pour développer ses industries. Il ne peut travailler qu'eu vue de l'exportation lointaine ; il n'a pas de zone d'écoulement rapprochée et assurée; il est à la merci du tarif douanier de ses voisins. Quand il s'agit de produits lourds — et c'est le cas, nous venons de le voir, pour les industries propres aux ports maritimes — cette absence de débouchés proches est particulièrement grave. C'est pourquoi les industries, attirées par le port toujours grandissant de Hambourg, avaient soin de construire leurs usines en dehors du territoire hambourgeois. A Altona, à Harburg,. elles sortaient de l'isolement, elles avaient à leur disposition la large zone d'écoulement du zollverein.


70

BULLETIN DE LA SOCIETE INTERNATIONALE

Ainsi la solution de la ville franche isolée qui avait, pendant des siècles, assuré et protégé la fortune de Hambourg, devenait insuffisante, et même nuisible pour les développements nouveaux auxquels l'appelait le régime moderne. C'était une solution hanséatique, propre à favoriser le commerce de mer tel qu'il se comportait jadis, s'adaptant fort bien à la fonction commerciale actuelle des transbordements de marchandises de mer, mais contradictoire à la fonction régionale et à la fonction industrielle du port.

Après d'infructueux essais pour créer à l'intérieur de Hambourg une enclave douanière consacrée à l'industrie, on adopta en 1888, sur les instances de Bismarck qui prit à la négociation une part très personnelle, le régime actuel qui concilie à merveille les différentes fonctions du port.

L'État de Hambourg fait désormais partie du zoUverein et, du coup, il se trouve s'adjoindre un marché pour ses produits industriels, en même temps qu'il supprime une barrière gênante entre lui et la région qu'il dessert. Sa fonction industrielle devient ainsi possible; sa fonction régionale s'affirme et se complète ; mais que va-t-il arriver de sa fonction commerciale traditionnelle"?

Paul DE ROUSIERS.

(A suivre.)

LES JARDINS OUVRIERS

M. Louis Rivière s'est fait une spécialité de la question des jardins ouvriers. On sait que cette oeuvre, ou plutôt les oeuvres diverses créées sous ce nom, ont tenu l'année dernière un important congrès qui a témoigné des résultats remarquables obtenus par leurs promoteurs. M. Louis Rivière, dans un volume qu'il vient de publier', met aujourd'hui le grand public au courant de cette intéressante question, en là traitant sous toutes ses faces.

Dans un chapitre historique, l'auteur

i.La terre et l'atelier. Jardins ouvriers. — Leeof fre, Paris.

rappelle d'abord les diverses institutions grâce auxquelles, à travers les siècles, le jardinage a souvent fourni une occupation accessoire aux artisans. Il montre comment la concentration industrielle de notre époque battit en brèches ces institutions anciennes, rendant ainsi nécessaires de nouvelles oeuvres et de nouvelles combinaisons.

Les conférences de Samt-Vincent-dePaul y préludèrent par quelques essais. Puis vint l'oeuvre de Sedan, qui rendit Mme Hervieu célèbre, puis celle de SaintEtienne, si ingénieusement organisée par un jésuite, le P. Volpette. Ces expériences, suivies d'un plein succès, servirent d'exemple à beaucoup d'autres. Particuliers, associations, municipalités, rivalisèrent de zèle. Des jardins ouvriers se créèrent un peu partout. En octobre 1903, il existait en France 134 oeuvres de ce genre, possédant ensemble 6.592 jardins d'une contenance totale de 269 hectares et assistant environ 40.000 personnes. .Ne sont pas compris dans la statistique les jardins mis par certains patrons et par certaines compagnies à la disposition de leurs ouvriers ou employés. Une Ligue, dite « du coin de terre et du foyer », s'est créée depuis quelques années pour propager ce mouvement qui prend, comme on le voit, d'encourageantes proportions.

Après avoir passé en revue les jardins ouvriers de France, M. Louis Rivière nous fait jeter un coup d'oeil rapide sur les institutions analogues qui existent à l'étranger. Il décrit ensuite le mécanisme intérieur des principales institutions françaises : fondation, direction, choix du terrain, règlements, etc. Il compare les divers systèmes. Il enregistre ensuite les résultats matériels et moraux des jardins.

Comme résultat matériel direct, il faut mentionner tout d'abord la multiplication du don par le travail. L'ouvrier, grâce à celui-ci, reçoit, sous forme de légumes, plus que les bienfaiteurs n'ont déboursé pour lui. En outre, il se forme à la culture et acquiert des aptitudes nouvelles qui augmentent sa valeur.

Mais les résultats moraux et indirects sont encore plus appréciables. L'énergie


DE SCIENCE SOCIALE.

se réveille, la famille se reconstitue, la femme et le vieillard trouvent à s'occuper utilement, l'esprit de solidarité se développe, l'alcoolisme disparaît, la tuberculose trouve un terrain moins propice, les habitudes de prévoyance et d'épargne s'enracinent, la mortalité infantile est réduite, la dépopulation des campagnes est partiellement enrayée, des distractions, saines sont fournies aux travailleurs. Enfin les jardins ouvriers poussent à la création d'oeuvres annexes, et exercent, en particulier, une heureuse répercussion sur celle des maisons ouvrières à bon marché.

Il arrive aussi que le jardin ouvrier guérit du socialisme. M. Louis Rivière rappelle, à cette occasion, une anecdote caractéristique :

« Un ouvrier socialiste de Saint-Étienne sollicite du R. P. Volpette un carré de jardin. Après lui avoir énuméré les quatre articles de son règlement, le Père lui dit : « Acceptez-vous cela? — Parfaitement; mais, vous savez, je ne veux pas aller à la messe, moi... — Je ne vous demande pas d'aller à la messe. Acceptez-vous mes quatre articles? — Oui. — Eh bien! vous pouvez vous rendre à tel champ et prendre possession du lot numéro tant. » Notre homme prit goût à son jardin, travailla tôt ou tard, nettoya la terre avec soin. Au printemps, il avait les plus beaux légumes de tout l'enclos. Le Père, passant un jour par là, le voit suer, la tête penchée sur ses sillons, et l'interpelle : « Eh bien ! père un tel, vous avez de belles pommes de terre. C'est cela qui va arranger la moyenne ! — Quoi! quelle moyenne? reprend l'ouvrier en se redressant interloqué. — Mais vous savez bien : quand la Saint-Jean va venir, on arrachera toutes les pommes de terre, on en fera un gros lot dans ce carré vide, et chacun viendra recevoir sa provision, un baquet par tête, composant chaque famille... — Ab ! ça, mon Père, vous moquezvous de moi? Vous croyez que j'ai trimé depuis six mois pour donner mes pommes de terre à ceux qui ont cinq ou six enfants et n'ont rien fait? Elles sont à moi, mes pommes de terre; je veux les manger ou les vendre; gare à qui y touchera!... »

Cette petite expérience de psychologie

sociale était tout à fait concluante. Le travail individuel, fécond, énergique, sur un sol dont le produit constitue une propriété bien nette et bien précise, est un excellent antidote des utopies collectivistes. Ajoutons que les visites faites aux ouvriers, dans leurs jardins, par les fondateurs ou membres de l'oeuvre contribuent grandement, par les bonnes relations qui en résultent, à ce rapprochement des classes dont la société actuelle a tant besoin.

M. Louis Rivière a recueilli d'autres aveux intéressants, celui, par exemple, de cette femme de Reims qui disait : « Le plus grand profit de notre jardin ne consiste pas tant dans les légumes que nous avons mangés que dans les petits verres que mon mari n'a pas bus. » Comme toute chose, en effet, les jardins ouvriers produisent <t ce qu'on voit » et « ce qu'on ne voit pas ». Des deux côtés leur influence est des plus salutaires, et il faut louer M. Louis Rivière d'avoir vulgarisé davantage, par un volume qui est lui-même une bonne oeuvre, ces institutions déjà si honorablement connues parmi des groupes

d'élite.

G. D'A.

INFLUENCE DU TRAVAIL SUR LES FACULTÉS INTELLECTUELLES

Si Ton examine le corps nu d'un cultivateur âgé de 40 à 50 ans, on remarque qu'il n'est pas symétrique. Tous les muscles situés d'un même côté sont plus développés et plus fermes que ceux du côté opposé. Cette différence tient à ce que, dans le maniement des principaux outils : bêche, râteau, fourche, faux, etc., ce sont toujours les mêmes muscles qui agissent le plus. L'ouvrier manuel est gaucher ou droitier.

Dans un travail physique évidemment moins énergique, celui de l'employé de bureau, par suite d'une simple attitude, certains muscles éprouvent plus de tension que les autres. Aussi, si l'on observe la démarche d'un employé de bureau, on remarque qu'il penche soit à droite soit à


72

BULLETIN DE LA SOCIETE INTERNATIONALE DE SCIENCE SOCIALE.

gauche, suivant le maintien qu'il adopte ou subit dans ses fonctions habituelles.

Une déformation analogue se produit dans nos facultés intellectuelles quandnous leur donnons une direction trop exclusive.

En voici deux exemples :

Professeur au lycée de X..., j'ai été, pendant six ans, membre du conseil de discipline de cet établissement. Dans les questions soumises à notre examen, il était visible que chacun de nous apportait les dispositions d'esprit créées par son travail habituel.

Le proviseur avait un double souci : celui de la discipline générale de l'établissement dont il avait la direction et la responsabilité et celui de l'effet moral qu'aurait au dehors, auprès des familles, la décision à prendre. Maintenir l'ordre et ne pas compromettre le recrutement des élèves, telle était la double préoccupation du proviseur. Son action est presque toujours paralysée par cette idée que l'administration supérieure appréciera ses mérites d'après le nombre et non d'après la qualité des élèves qu'il aura su attirer et maintenir au lycée.

Le censeur, qui personnifie la discipline de l'établissement, se préoccupait surtout de ne pas accroître les difficultés de sa tâche, de fortifier plutôt que d'affaiblir son autorité.

Le professeur de philosophie, à qui j'ai soumis ces réflexions, et qui a bien voulu les corroborer, examinait avec le plus grand soin toutes les conditions et circonstances de la cause, avant d'émettre luimême une opinion. L'analyse psychologique à laquelle il se livrait était fort apparente.

Le professeur de grammaire avait constamment l'attitude de quelqu'un qui compulse et examine un texte avec la minutie la plus scrupuleuse. Il ne s'élevait que difficilement à une vue d'ensemble, à des idées générales. L'effort pour bien saisir tous les mobiles de l'acte incriminé était visible.

Je fais partie d'un cercle qui compte environ deux cents membres et qui comprend quelques agriculteurs, quelques industriels, un plus grand nombre de commerçants, mais surtout des fonctionnaires ou employés d'administrations diverses.

Dans le but de provoquer des observations analogues aux miennes, et de voir si mes conclusions seraient confirmées, j'ai posé à plusieurs de mes collègues la question suivante :

« Avez-vous remarqué une différence entre la façon de juger et de raisonner des commerçants et industriels, d'une part, et des fonctionnaires, d'autre part? — S'il y a une différence, comment la caractériser? »

Je tenais surtout à connaître l'opinion des commerçants ou industriels, étant moi-même un fonctionnaire, et, parmi les fonctionnaires, un professeur.

Immédiatement, on me répond que la différence est très frappante, mais on paraît très embarrassé pour l'exprimer.

L'un me répond que la même différence existe entre les sciences et les lettres, ou que je trouverai la réponse dans les livres. — Le commerçant et l'industriel ne sont pas familiarisés avec la méthode d'analyse que je leur imposais.

Un autre, principal en retraite, m'ayant entendu formuler ces différences, les a trouvées évidentes, toutes naturelles. Les voici :

Quand, dans un entretien particulier, sur un sujet quelconque, on demande à un commerçant ou à un industriel d'exprimer une opinion, il cherche sur quel fait il pourrait bien l'appuyer. Le fonctionnaire se demande plutôt à quelle idée il devra la rattacher par un lien qu'il appelle la logique. Dans ses raisonnements, le commerçant emploie surtout la méthode inductive et le fonctionnaire la méthode déduclive.

M. G.

Typographie l-'irmin-Didot et Gie. — Paris.


BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE

La Mutualité française; doctrine et applications, parM. Mabilleau. 1 vol. in-12.

Dans cet ouvrage, le directeur du Musée social analyse dans toute son ampleur, cette question de la mutualité qui intéresse avec raison tous ceux qui 1 comptent sur le développement de la prévoyance pour l'amélioration ■ du bien-être des classes ouvrières.

Dans la première partie de l'ouvrage, l'auteur met en relief les caractères propres de la mutualité française. En des chapitres remarquables par une grande hauteur de vues, il étudie la mutualité dans ses rapports avec l'assistance, avec la prévoyance individuelle et avec l'assurance. 11 définit avec sagacité le rôle qu'elle peut remplir et l'esprit qui la fait vivre.

Dans la deuxième et troisième partie, M. Mabilleau, qui est président de la Fédération nationale de la Mutualité, se montre mutualiste pratique. Il expose le fonctionnement des sociétés, des unions et fédérations régionales, do la Fédération nationale, et il délimite le rôle qui appartient à chacun de ces groupements dans le partage des services mutualistes.

C'est toute la mutualité qui est passée en revue.

Des préoccupations sociales vivifient ce livre attachant, et eli font une oeuvre plus élevée qu'une simple nomenclature. L'auteur se montre guidé, on peut le dire, par la vision constante d'un idéal mutualiste. Il montre comment les initiatives de ceux qui s'occupent de mutualité peuvent

et doivent se mettre au-dessus des calculs i

trop secs ou trop sordides. Un peu d'audace intelligente ne nuit pas à la fécondité de.leurs créations. « Alors se réalise, ditil, la vraie mutualité, ou plutôt le vrai « secours mutuel », qui n'est pas une fédération d'égoïsmes s'entr'aidant pour se mieux satisfaire, mais un foyer de sympathies

sympathies services réciproques rayonnant sur la société tout entière. »

Une pépinière d'émigration vers les villes, par M. Henri de Boissieu. — Rapport présenté à la Société d'économie poiitique de Lyon. — A. Bonnaviat, 13, rue Sainte-Catherine, Lyon.

Notre collaborateur, M. Henri de Boissieu, dans cette brochure de cinquante pages, expose les causes sociales qui produisent, dans la demi-vallée de l'Ain, une émigration intéressante à étudier, et qu'il a précisément étudiée dans cette revue, comme nos lecteurs s'en souviennent. La population de cette demi-vallée, douée d'un certain « don de retournement » qui n'est pas précisément l'esprit d'initiative, va chercher du travail dans le Bugey et la Bresse. M. de Boissieu montre que cette émigration, au point de vue social, n'est pas un phénomène heureux, et engendre une désertion regrettable d'un sol cultivé jadis. Il croit toutefois que certains des habitants de cette région seraient capables de réussir aux colonies.

L'éducation populaire. — Les oeuvres complémentaires de l'École,

par M. MaxTurmann. — 2e édition. — Ouvrage couronné par l'Académie Française, Lecoffre, Paris.

Nous avons signalé, lorsqu'il a paru, Fouvrage de M. Max Turmann. La seconde édition, qui paraît aujourd'hui, a été considérablement augmentée, en vue de signaler tout, ce qui a été créé d'oeuvres « postscolaires » depuis 1900. L'auteur décrit les oeuvres postscolaires non confessionnelles, les universités populaires, les settlements français, les colonies de vacances, les oeuvres postscolaires catholiques, et les associations de « jeunes ». Comme tous les ouvrages de M. Max Turmann, celui-ci a été laborieusement documenté.



ANNEE 1904

7« LIVRAISON

BULLETIN

DE LA SOCIÉTÉ INTERNATIONALE

DE SCIENCE SOCIALE

Ce Bulletin doit être détaché et placé dans une reliure spéciale.

SOMMAIRE ; Nouveaux membres titulaires. — L'institution des « Husmoend » dans le gaard norvégien, par M. Paul BUREAU. — Le Congrès de la British Association. — La question des ports francs (suite), par 51. PAUL DE ROUSIEHS. — La crise agricole. Les moyens de développer notre exportation (suite), par M. Ch. DUMO.NT, Président de la Chambre de commerce de Dijon. — La réglementation du travail, par M. P. R. — Bulletin bibliographique.

FASCICULES PARUS DANS LA NOUVELLE SÉRIE

N° 1. — La Méthode sociale, ses

procédés et ses applications, par EDMOND DEMOLINS, ROBERT PINOT et PAUL DE ROUSIERS.

N° 2. — Le Conflit des races en Macédoine, d'après une observation monographique, par G. D'AZAMBUJA.

3. — Le Japon et son évolution sociale, par A. DE PRÉVILLE.

N" 4. — L'Organisation du travail, Réglementation ou liberté, d'après l'enseignement des faits, par EDMOND DEMOLINS.

N° 5. — La Révolution agricole, Nécessité de transformer les procédés de culture, par ALBERT DAUPRAT.

N° 6. — Journal de l'École des Roches, par les PROFESSEURS ET LES ÉLÈVES.

ORGANISATION DE LA SOCIETE

But de la Société. — La Société a pour but de favoriser les travaux de Science sociale, par des bourses de voyage ou d'études, par des subventions à des publications ou à des cours, par des enquêtes locales en vue d'établir la carte sociale des divers pays. Elle crée des comités locaux pour l'étude des questions sociales. Il entre dans son programme de tenir des Congrès sur tous les points de la France, ou de l'étranger, les plus favorables pour faire des observations sociales, ou pour propager la méthode et les conclusions de la science. Elle s'intéresse au mouvement de réforme scolaire qui est sorti de la Science sociale et dont l'École des Roches a été l'application directe.

Appel au public. — Notre Société et notre Revue s'adressent à tous les hommes d'étude, particulièrement à ceux qui forment le personnel des Sociétés historiques, littéraires, archéologiques, géographiques,

économiques, scientifiques de province. Ils s'intéressent à leur région; ils dépensent, pour l'étudier, beaucoup de temps, sans que leurs travaux soient coordonnés par une méthode commune et éprouvés par un plan d'ensemble, sans qu'ils aboutissent à formuler des idées générales, à rattacher les causes aux conséquences, à dégager la loi des phénomènes. Leurs travaux, trop souvent, ne dépassent pas l'étroit horizon de leur localité; ils compilent simplement des faits et travaillent, pour ainsi dire, au fond d'un puits.

La Science sociale, au point où elle est maintenant arrivée, leur fournit le moyen de sortir de ce puits et de s'associer à un travail d'ensemble pour une oeuvre nouvelle, qui doit livrer la connaissance déplus en plus claire et complète de l'homme et de la Société. Ils ont intérêt à venir à elle.

La crise sociale actuelle et les moyens d'y remédier. —- Tout en continuant l'oeuvre scientifique, qui doit toujours progresser, nous devons vulga-


riser les résultats pratiques de la science, en montrant comment chacun peut acquérir la supériorité dans sa profession. Par là, notre Société s'adresse à toutes les catégories de membres.

La crise sociale actuelle est, en effet, la résultante des diverses crises qui atteignent les différentes professions.

Chaque profession doit donc être étudiée et considérée séparément, dans ses rapports avec la situation actuelle et avec les solutions que cette situation comporte.

Publications de la Société.— Tous les membres reçoivent la Revue la Science sociale et le Bulletin de la Société.

Enseignement. — L'enseignement de la Science sociale comprend actuellement trois cours : le cours de M. Paul Bureau, au siège de la Société de géographie, à Paris ; le cours de M. Edmond Demolins, à l'École des Roches, et le cours de M. G. Melin, à la Faculté de droit de Nancy. Le cours d'histoire, fait par notre collaborateur le Vte Ch. de Calan, a la Faculté de Rennes, s'inspire directement des méthodes et des conclusions de la Science sociale.

Missions et voyages. — La Société attribue des bourses de voyages, ou d'études, aux personnes qu'elle choisit, principalement aux élèves des cours de Science sociale. Elle détermine les sujets à étudier par les bénéficiaires de ces bourses. Elle examine les travaux remis par eux et se réserve la faculté de les publier dans la Science sociale, ou de les rendre à leurs auteurs.

Sections d'études. — La Société crée des sections d'études composées des membres habitant la même région. Ces sections

sections des études locales suivant la méthode de la Science sociale, indiquée plus haut. Lorsque les travaux d'une section sont assez considérables pour former un fascicule complet, ils sont publiés dans la Revue et envoyés à tous les membres. On pourra compléter ainsi peu à peu la carte sociale de la France et du monde.

La direction de la Société est à la disposition des membres pour leur donner toutes les indications nécessaires en vue des études à entreprendre et de la méthode à suivre.

Bibliothèque de la Science sociale.

— Elle comprend aujourd'hui une trentaine de volumes qui s'inspirent de la même méthode. On en trouvera la liste sur la couverture de la Revue. Quatre de ces volumes ont été présentés aux concours de l'Institut : tous ont été couronnés. Plusieurs ont été traduits en anglais, en allemand, en russe, en italien, en espagnol, en grec, en hongrois, en arabe et en japonais. Quelques-uns ont atteint des tirages de huit, dix et vingt-cinq mille exemplaires.

Conditions d'admission. — La Société comprend trois catégories de membres, dont la cotisation annuelle est fixée ainsi :

1° Pour les membres titulaires :20 francs (25 francs pour l'étranger) ;

2° Pour les membres donateurs : 100 francs ;

3° Pour les membres fondateurs : 300 à 500 francs.

Sections d'études sociales. — Abonnements de propagande à 8 fr. et à 3 fr. — Demander le prospectus au Secrétariat


ANNÉE 1904

T LIVRAISON

BULLETIN

DE LA SOCIÉTÉ INTERNATIONALE

DE SCIENCE SOCIALE

NOUVEAUX MEMBRES TITULAIRES

MM. le marquis CTAI.EI.LA, Barcelone (Espagne), présenté par M. Edmond Demolins.

M. AULXEAU, Dr en droit, Paris, présenté par M. Jean Périer.

J. BERTRAND, industriel, Barcelone (Espagne), présenté par M. Edmond Demolins.

Le Dr CROCOI.ANO BURGOS, médecin, Saô Paulo (Brésil), présenté par le D 1' Silveira Cintra.

Le Dr Vicentede CARVALIJO, avocat, Santos (Brésil), présenté par le môme.

J. da Silveira CAMPOS, planteur de café, Saô Paulo (Brésil), présenté par le même.

Amand de CHAPERON, négociant, Libourne (Gironde), présenté parM. A. Feuillade de Chauvin.

Louis DOUET, les Sables-d'Olonne (Vendée), présenté par M. Edmond Demolins.

Maurice LATUNE, agriculteur, Etoile (Drôme), présenté par le même.

Le ct 0 P. LECOINTBE, château de Grillemont, parLigueil (Indre-et-Loire),présenté parle même.

M. LEVEIU.É-NIZEROU.E, La Guette, Nibelle (Loiret), présenté par le môme.

G. S. LOCH, Secretary Charity Organisation Society, Londres, présenté par le même. ,

J. de MEI.LO ABREU, Saô Paulo (Brésil), présenté par le D 1' Silveira Cintra.

Janvier de la MOTTE, lieutenant au 2e régiment malgache, Tamatave (Madagascar), présenté par M. Edmond Demolins.

D1'Joaquim Miguel Martins de SIGUEIRA, Santos (Brésil), présenté par le D 1' Silveira Cintra.

André MOUSSY, industriel, Moscou (Russie), présenté par M. Edmond Demolins.

D 1' Alfredo Patricis de PPLADO, avocat, Saô Paulo (Brésil), présenté par le Dr Silveira Cintra.

Paul SALATHÉ, Paris, présenté par M. Georges Bertier.

Er. THIBAULT, notaire, La Rochelle, présenté par M. Jean Périer.

N. ZANNÉ, ingénieur, professeur à l'Ecole des Ponts et Chaussées, Bucarest, présenté par M. Nestor Uréchia.

INSTITTUO HIST0R1C0 E GEOGRAPIIICO de

Saô Paulo (Brésil), présenté par le Dr Silveira Cintra.

Par suite de l'abondance des matières, la Correspondance est renvoyée au mois prochain.

L'INSTITUTION DES « HUSMOEND » DANS LE GAARD NORVÉGIEN

On sait que le Conseil de la Société a confié à-M. Paul Bureau une mission en Norvège, en vue de vérifier et de comploter les conclusions formulées par la Science sociale sur les origines de la formation particulariste.

M. Bureau exposera les résultats de son enquête dans un Rapport qui formera un fascicule de la Revue. En attendant, il adresse à notre Président, M. Paul de Rousiers, la lettre suivante, qui contient des indications très intéressantes sur l'organisation d'un gaard norvégien, c'est-à-dire du domaine rural qui a donné sa première empreinte à la famille particulariste.


74

BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ INTERNATIONALE

Joelse i, 1er août 1904.

Je suis ici depuis hier soir sept heures et il me faut attendre le bateau de six heures qui doit m'emmener à Sand, à une heure d'ici oùje prendrai une karriol; celle-ci, à son tour, me ballottera pendant deux heures et demie, pourme faire franchir 19kilomètres à travers la montagne. Au bout du chemin, je trouverai un petit vapeur qui dessert le lac de Suidai et qui, en deux petites heures, me conduira à une autre station postale, tout en me faisant visiter une des plus belles parties de la Norvège. Là, je n'aurai plus qu'une étape de 75 kil. en karriol, pour rejoindre le second fjord que je dois explorer, le Hardanger fjord. Je mettrai ainsi deux jours pour franchir 145 kilomètres, un peu plus que la distance de Paris à Rouen, et encore aurai-je dû attendre au préalable 23 heures et me livrer à un examen attentif des horaires, pour arriver à cet heureux résultat !

Mais j'aurais mauvaise grâce à me plaindre, car je viens d'avoir la grande joie de visiter minutieusement et méthodiquement le gaard de Herr Johannes Furre Oextra et il me semble que le moment est bien choisi pour vous écrire, puisque je suis sous l'impression très vive de cette fructueuse excursion. Que de fois, depuis vingt années, les amis de la Science sociale ont parlé et entendu parler de ce fameux gaard norvégien auquel Le Play et Henri de Tourville nous apprirent à attacher une si particulière importance ; or ce gaard célèbre, un des nôtres vient de le voir : il a pu coucher sous le toit du gaardbruger, s'asseoir à sa table et, grâce au bienveillant concours du prêtre catholique de Stavanger, qui m'accompagne depuis une semaine, poser à loisir les très nombreuses questions que requièrent nos études.

11 ne peut être question de vous faire aujourd'hui le récit de ma visite — vous savez par expérience qu'un missionnaire social est très occupé — je voudrais seulement insister sur quelques traits dominants

1. .loelse, dans le fjord de Stavanger, est un promontoire où se rencontrent plusieurs petits bateaux à vapeur.

qui me paraissent se mieux prêter à une brève indication, en vous priant expressément toutefois de remarquer que la présente note ne se réfère qu'àtel gaard déterminé que je viens de visiter : je suis encore au début de mon enquête et il importe d'éviter les généralisations hâtives. D'abord il faut signaler l'inexprimable, l'indicible solitude, la solitude intégrale de ces gaards.

On ne se doute pas, quand on franchit en bateau à vapeur les grandes étapes des fjords renommés auprès des touristes, de l'inextricable enchevêtrement de toutes les anses et de toutes les baies qui s'ouvrent les unes dans les autres et il faut naviguer en canot pour connaître les détours de ces petits fjords qui ne semblent si bien fermés sur trois de leurs côtés que pour mieux inviter le navigateur à venir découvrir le chenal des autres fjords qui se cachent derrière eux. Aussi, quel isolement ! quand nous débarquons, après deux heures de navigation à la voile ou à la rame, nous n'apercevons plus aucune autre habitation que celle du gaardbruger ; sans doute il y a d'autres gaardbrugers dans la contrée, et surtout il y a dans le voisinage les maisonnettes des husmoend. Mais si la distance n'est pas très grande à vol d'oiseau, elle s'accroît en réalité de tous les obstacles que la nature met aux communications : aucune route convenable n'existe, car la paroi inclinée du granit ne peut être entamée et la barque est le seul moyen de transport qui soit à la disposition de ces hommes... Et pourtant, quand, au moment du départ, je demande au sieur Furre s'il ne ressent jamais le poids de la solitude et le besoin de la société de l'homme, il me répond que ce besoin lui est inconnu.et, au ton de sa réponse, on perçoit aisément qu'il trouve parfaitement bonne et agréable la solitude où il se trouve. Bien plus, sur une nouvelle question de ma part, il ajoute que plusieurs gaardbrugers qu'il connaît ont pendant une partie de leur vie suivi d'autres professions qui les mettaient en contact journalier avec d'autres hommes et pourtant ils ont été heureux de retrouver la pleine et forte indépendance du gaard. Aux quatre


DE SCIENCE SOCIALE.

75

saisons de l'année, Herr Furre va à Stavanger pour ses affaires, mais il y va sans satisfaction spéciale, uniquement parce qu'un besoin précis et déterminé l'y appelle.

Dans cette solitude vivent deux ménages. Quand on débarque, à quelques mètres du ponton et non loin du ruisseau, — car il y a un ruisseau, comme si une bonne fée avait voulu que je tombasse du premier coup sur le type classique de gaard que Le Play a décrit, — on trouve d'abord la maisonnette, plutôt semblable à un petit chalet, des beaux parents du sieur Furre ; celui-ci en effet, fils aîné lui-même d'un gaardbruger, a renoncé à son droit au gaard paternel et habite le gaard de sa femme qui est fille unique. Cette maisonnette est d'ailleurs toute neuve, car on vient de la construire, pour remplacer l'ancienne « qui ne paraissait pas assez confortable » ; la visite intérieure que nous en faisons atteste bien en effet que ceux qui l'habitent veulent s'y trouver à l'aise et confortablement. A quelque distance de la maison des beaux parents et en montant la pente escarpée de la colline, on trouve la maison du jeune ménage; c'est la demeure propre du ménage qui exploite le gaard et le droit d'y habiter commence et finit avec cette exploitation même. Au rezde-chaussée, nous trouvons quatre grandes pièces, la cuisine où Herr Furre et sa femme mangent d'ordinaire avec leurs domestiques, la chambre à coucher, la salle à manger et le salon. La disposition des pièces et leur ameublement attestent la même habitude de vie aisée et confortable; dans la chambre à coucher, les trois fenêtres sont garnies de rideaux blancs dont une paire est tendue à l'italienne et le lustre et l'orgue du salon trouveraient avantageusement leur place dans beaucoup de nos salons français.

A notre arrivée, l'accueil est manifestement froid et réservé, car le Norvégien parle peu et ne se livre pas de prime abord; mais bientôt la nature et la précision môme des questions posées indiquent que nous ne sommes pas venus en excursion de ■ touristes, mais qu'au contraire notre visite a un but précis. A partir de

ce moment, la disposition de nos hôtes est des plus bienveillantes, leur hospitalité gardant toujours le même caractère de simplicité.

Naturellement, je cherche de suite à analyser les conditions du travail et les relations sociales qui en découlent. Au bout de deux heures de conversation, j'apprends que M. Furre emploie, en outre de quatre garçons et servantes de ferme, les services de neuf husmoend et c'est sur la situation très spéciale de ces auxiliaires que je voudrais insister, car elle me paraît mériter de retenir toute notre attention.

Pour la comprendre, il faut d'abord savoir qu'un gaard norvégien ne ressemble en rien à une propriété rurale, française ou anglaise. On pourrait, semble-t-il, le diviser, au point de vue agricole, en trois parties.

Sur la première, réduite à quelques ares à peine, la terre est toute disposée pour la culture, tant à raison de la très faible pente du sol que de la présence d'une couche suffisamment épaisse de terre végétale : elle se trouve au point où le petit torrent se jette dans le fjord, au bas du vallon qui est comme le prolongement du fjord.

Une autre partie, intransformable et à peu près inaccessible, au point où la roche granitique, souvent taillée à pic, laisse seulement pousser, dans ses fentes ou sur les talus chaotiques de ses éboulements, des arbres qui n'atteignent le plus souvent qu'un développement insuffisant, faute de terre capable d'alimenter leurs racines. Naturellement cette deuxième partie comprend, à plus forte raison, le sommet même de ces hauteurs granitiques où l'on se contente, si on le peut — car on ne le peut pas toujours — d'envoyer paître les vaches et les moutons, pendant les neuf ou dix semaines d'été, sous la surveillance d'une soelerspit/e, qui vit là-haut comme elle peut, dormant dans une simple hutte et se nourrissant des aliments qu'on ne peut souvent lui apporter qu'une fois par semaine, ou même plus rarement encore.

Enfin le gaard comprend une troisième partie, relativement petite si on la com-


76

BULLETIN DE LA SOCIETE INTERNATIONALE

pare à la seconde, mais assez grande si on la compare à la première. Elle est composée des parcelles éparses et semées au hasard le long de la propriété, qui sont susceptibles d'être cultivées, si on amende le sol par des fumures, après qu'on aura enlevé les cailloux et les morceaux de roche qui s'y trouvent dans des proportions naturellement variables. Ce défrichement, nécessairement laborieux et d'un produit immédiat assez maigre, puisque la qualité et l'épaisseur de la couche de terre végétale sont minimes, se poursuit sans cesse, mais lentement. En passant, M. Furre nous invite à regarder un petit champ de deux à trois ares qu'il a ensemencé en avoine et dont la maigre apparence semblerait peu encourageante à nos fermiers delà Beauce ou de la Brie, ou même de la Charente.

Mais laissons de côté ce détail, pour noter, ce qui nous intéresse davantage en ce moment, que ces parcelles cultivables sont, comme je viens de le dire, éparses dans les diverses sections de la propriété, Souvent elles sont très petites, trois ou quatre ares ou même moins, parfois plus grandes, un hectare ou même un peu plus et séparées les unes des autres par des distances variables, suivant les caprices des collines rocheuses et des éboulements. Naturellement ces parcelles sont plus nombreuses au fond du fjord, à l'endroit où se trouve l'habitation du gaardbruger, et elles sont exploitées directement par le propriétaire. Mais les autres sont inaccessibles pour lui, commercialement parlant, et il ne faut pas songer à transporter au fenil le foin qu'on peut, après culture, y récolter: de là, la pratique très curieuse du contrat de husmand. On pourrait définir ce contrat, un contrat par lequel le propriétaire d'un gaard concède à un ouvrier agricole le droit de se bâtir une maison et de défricher un coin de terre, appelé husmandplads et d'envoyer, pendant la belle saison, pacager sur les parties incultes de la propriété tel nombre de vaches et de moutons qu'il peut nourrir pendant l'hiver avec le foin récolté sur le husmandplads ; ce droit est concédé pour toute la vie du husmand et de sa femme. En

échange, celui-ci s'engage à fournir un nombre déterminé de journées de travail, soit au moment de la fenaison, soit en septembre, à l'époque de la récolte des avoines, des orges et des seigles — je n'ai pas encore vu un champ de froment — soit pendant l'hiver, pour la coupe et le transport du foin. A la mort du survivant des deux époux, et à toute époque, si le husmand abandonnait sa tenure, comme il a toujours le droit de le faire, le concessionnaire ou ses héritiers ont le droit d'emporter la maison bâtie. L'exercice de ce droit est rendu très facile par la structure de ces chaumières construites uniquement en madriers et en planches, sur un soubassement, que suffisent à former des cubes de granit simplement superposés et non cimentés.

La limitation du nombres d'animaux que le husmand a le droit d'envoyer pacager sur la propriété patronale se fait ainsi automatiquement, car le nombre et l'étendue des parcelles susceptibles d'être défrichées dans le husmandplads sont loin d'être illimités. Et comme la mauvaise saison est longue clans ce pays, il est fort important de pouvoir se ménager la quantité suffisante de foin et de navets pour nourrir les bestiaux pendant l'hiver. Au surplus, il va sans dire que le nombre des journées de travail dues au rjaardbruger varie suivant la qualité du husmandplads; ce nombre dans le gaard du sieur Furre varie de dix à vingt-cinq journées.

Il ne m'est pas loisible d'insister ici sur les conséquences sociales de ce contrat qui, assurant à l'ouvrier agricole l'indépendance de son foyer et de son travail, favorise son ascension sociale : je signale seulement que ce contrat, suivant l'avis unanime, remonte en Norvège à une très haute antiquité et ainsi, si je ne m'abuse, cette étude éclairerait singulièrement l'origine du régime féodal et de notre moyen âge. S'il est vrai, comme tout semble le confirmer, que le système de relations entre l'homme et la terre substitué à un système de relations de travail purement personnelles, d'homme à homme, était inconnu des Gotlis avant leur arrivée en Norvège, ce serait bien dans ces fjords et sous l'ac-


DE SCIENCE SOCIALE.

'/ ;

tion des conditions de lieu et de travail que je viens d'essayer de déterminer que ,se serait faite cette substitution mémorable qui devait avoir une si grande influence sur les progrès des sociétés humaines. Voilà, cher Monsieur, une bien longue lettre et si la multiplicité des interwievs et la nécessité d'apurer mes notes ne me pressaient, je la ferai bien plus longue encore, car ce pays est infiniment intéressant ■au point de vue social. J'ai tenu, naturellement, à vous entretenir de ce qui est l'objet propre de la mission dont j'ai été chargé, mais que de renseignements curieux on a l'occasion de glaner à chaque instant. En les recueillant, il m'arrive sans cesse de me rappeler tel ou tel passage de votre ouvrage sur la Vie américaine et, en elfet, les traits de ressemblance ne manquent pas : même sentiment de l'indépendance personnelle, même liberté de la jeune fille, même importance attachée aux écoles et à tout ce qui peut développer et perfectionner la race. La presse n'est pas moins russophobe que celles des ÉtatsUnis et en entendant des Norvégiens me parler de « l'autocratisme russe et de la noblesse russe, oisive et corrompue par les malversations et l'exercice incontrôlé des fonctions publiques », il me semblait continuer des conversations que j'ai eues autrefois en Angleterre, ou dans les prairies du Minnesota. Pourtant, sur bien d'autres points, la différence est grande et frappe l'attention; il sera intéressant de l'indiquer avec précision dans le rapport que je présenterai à notre Société.

Veuillez agréer...

Paul BUREAU.

- AU CONGRÈS DE LA BRITISH ASSOCIATION

M. Edmond Demolins a été invité à assister au Congrès de la Brilish Association for /lie devancement of science, qui s'est réuni à Cambridge du 17 au 24 août.

Il y a fait une communication sur la nouvelle Classification sociale qui a paru intéresser vivement l'assistance, ainsi que le constate la presse anglaise :

« La plus remarquable communication du Congrès de la Brilish Association, dit le Manchester Guardian, a été sans aucun doute celle de M. Edmond Demolins sur « la Classification sociale » dans la section d'Anthropologie. L'auteur bien connu, a parlé dans une salle complètement remplie d'auditeurs attentifs. Il a eu un si grand succès que le Président et l'auditoire lui demandèrent de prolonger sa communication au delà du temps prescrit sur le programme et bien que son discours fut prononcé en français.

« Dans sa péroraison, il nous pria de ne pas nous enorgueillir d'être anglais, puisque notre seul mérite était d'être né sur. le sol anglais et d'avoir reçu la formation anglo-saxonne. Il réclama, à l'honneur des Français, un héritage intellectuel que ces derniers ont acquis de leurs ancêtres les Romains, et qui leur a permis d'introduire dans les sciences plus de méthode de logique et de clarté. Je dois ajouter que lui-même a complètement déployé devant nous ces éminentes qualités intellectuelles. »

Le Daily News, après avoir donné le résumé de la communication de M. Demolins, ajoute : «... Dans la discussion qui a suivi cet exposé, le Dr Haddon, le professeur Bidgway et M. Fordham ont rendu hommage à la méthode suivie par M. Demolins, en regrettant que le temps ne lui permette pas d'exposer plus longuement cette classification sociale si intéressante.

« Enfin, Sir John Evans et M. H. Balfour, président de la Section, ont adressé, au nom de l'auditoire, leurs remerciements à M. Edmond Demolins. »

Le Times, résume également la Classification et fait l'éloge de cette tentative intéressante.

Nous publierons, dans notre prochain fasciculerle plan général de cette Classification et nous en donnerons ensuite le développement dans une série de communications successives.


78

BULLETIN DE LA SOCIETE INTERNATIONALE

LA QUESTION DES PORTS FRANCS

(Suite)*.

Pour maintenir la fonction commer - ciale traditionnelle de Hambourg, on a pris le parti de conserver l'organe essentiel dont elle a besoin : une zone franche dans son port. Cela seul est nécessaire pour assurer le libre accès du port aux navires qui viennent se décharger, ou se charger partiellement, pour permettre à Hambourg l'échange des marchandises de mer. Cet échange comporte souvent des mélanges, des reconditionnements, des modifications légères apportées aux marchandises qui en sont l'objet. Tel vin s'additionnera d'alcool, coupera un vin plus chargé avant de reprendre la mer pour une destination lointaine. Tel café se mélangera avantageusement avec un autre, ou recevra une coloration appropriée au goût d'une certaine clientèle. L'aptitude inférieure mais lucrative de l'Allemand à présenter sous une forme acceptable un produit médiocre s'exercera librement et de mille manières dans l'enceinte de la zone franche qui comprend une superficie terrestre avec sa superficie en eau. D'autres produits y seront simplement déposés en attendant d'être rechargés pour reprendre la mer. Hambourg est en effet tête de ligne pour une quantité considérable de points du globe. Le colis une fois parvenu à Hambourg trouve à bref délai un navire pour le conduire à sa destination quelle qu'elle soit. Il complète un chargement constitué en majeure partie par l'exportation allemande. Dans son port d'origine, au contraire, les occasions manquent; c'est pourquoi il a été d'abord dirigé par son expéditeur vers ce grand carrefour maritime que reste Hambourg grâce à la zone franche de son port.

Ce court aperçu des transformations de Hambourg nous permet de déterminer avec exactitude l'utilité précise du port franc, ou mieux de la zone franche dans un port maritine moderne.

La zone franche est l'organe d'une des

1. Voir le fascicule précédent.

fonctions remplies actuellement par les grands ports, la fonction purement commerciale, le transbordement des marchandises venues par" mer et destinées à reprendre la mer.

Il est évident que, dans le pays où le libre-échange est largement pratiqué, la question des ports francs ne saurait se poser. La liberté commerciale acceptée par l'arrière-pays et par l'industrie locale, supprime les contraintes nuisibles à la fréquentation du port, de sorte que la fonction régionale, la fonction industrielle et la fonction commerciale s'accommodent du même régime. C'est ainsi que Londres, Liverpool, Anvers, pour ne citer que des exemples connus, n'ont pas recours à cette combinaison, bien que le transbordement des marchandises de navire de mer sur navire de mer y ait une importance sérieuse.

Au contraire, dans les pays protectionistes, il y a contradiction entre le régime adopté pour l'arrière-pays et l'industrie locale d'une part, et les nécessités du commerce de mer, d'autre part. Les zones franches peuvent y jouer un rôle très utile là où le commerce de mer est possible.

Voyons maintenant comment la question se pose en France et quelle solution le projet de loi déposé par le gouvernement et modifié par la Commission du Commerce et de l'Industrie, propose d'y apporter.

II. — L'Utilité de zones franches maritimes en France.

Placée comme elle l'est, entre l'Océan et la Méditerranée, la France est très apte d'une manière générale, à jouer un rôle dans le commerce de mer. Ses ports de l'Océan se trouvent sur la grande route maritime du Nord de l'Europe vers le Continent Américain. Son grand port de la Méditerrannée est la dernière escale européenne des navires se rendant aux Indes et en Extrême-Orient par Suez. En fait, et malgré des transformations profondes qui ont diminué son importance à ce point de vue, la France reste encore le siège d'un trafic maritime international. En dehors de ses importations et de ses exportations,


DE SCIENCE SOCIALE.

79

elle reçoit par mer des marchandises qui ne séjournent sur son territoire que temporairement et sont destinées à reprendre la mer. Marseille, le Havre et Bordeaux sont les ports dans lesquels ce genre de mouvement se trouve de plus développé.

Il y a donc intérêt à soutenir par un ré - gime convenable, cette fonction commerciale de certains de nos ports, fonction qui trouve un obstacle sérieux dans notre législation douanière actuelle, mais qui a pu se maintenir quand môme.

Jusqu'ici elle n'a vécu que grâce à l'entrepôt réel. L'entrepôt réel est essentiellement un magasin placé sous l'autorité de la douane, et dans lequel une marchandise venue de l'étranger peut être déposée sans acquitter le droit de douane. L'entrepôt réel permet donc tous les transbordements que l'on pourrait faire dans un port franc ; mais il ne les permetqu'avec l'intervention des douaniers, et c'est une énorme différence. Leur présence étant nécessaire pour l'opération du déchargement ou du chargement, le navire qui apporte la marchandise et celui qui la reprend se trouvent soumis aux règlements administratifs de fonctionnaires qui ouvrent et ferment leurs bureaux à heure fixe sans aucun souci des consé - quences commerciales d'un retard de 24 heures. D'où pertes de temps considérables entraînant des surestaries et se résolvant pour les armateurs en pertes d'argent considérables. En plus, il faut reconnaître la marchandise, s'assurer qu'elle est demeurée dans le même état pendan t son séjour dans l'entrepôt, vérifier son poids, son emballage, en sorte qu'on ne se résout d'ordinaire à toutes ces formalités que lorsqu'on a un intérêt sérieux à entreposer dans un port français.- Cet intérêt existe notamment pour les cotons, pour les marchandises auxquelles certains de nos ports offrent un marché actif .Le Havre garde ainsi dans ses entrepôts plus de trois millions de sacs de cafés, représentant une valeur de plus de 120 millions de francs.

Mais la marchandise qui passe, qui ne séjourne pas, qui doit être transbordée à bref délai, qui est venue dans le port pour chercher non un marché, mais une occasion d'embarquement, ne saurait s'accom -

moder des complications du régime de l'entrepôt. Ce qu'il lui faut, c'est le port franc dans lequel on entre librement et d'où on sort de môme, sans avoir affaire à la douane. Elle ne le trouve pas chez nous et se détourne de nos ports, préférant Gênes à Marseille, Anvers au Havre ou à Dunkerque.

L'entrepôt réel a une autre infériorité sur le port franc. Il garde les dépôts qu'on lui confie dans l'état où on les lui confie. Les quelques exceptions admises sont rigoureusement limitées, et aucune modification ainsi autorisée ne peut avoir lieu autrement que sous la surveillance minutieuse de la douane. D'où impossibilité des mélanges, des triages, des petites opérations destinées à faciliter la distribution avantageuse d'un produit, et qui, pour cette raison, ont un caractère plutôt commercial qu'industriel.

Bien entendu, l'entrepôt réel ne permet pas non plus les transformations industrielles véritables, celles du grain enfarinés, du vin en eau-de-vie, etc. Notre législation a établi, il est vrai, pour faciliter le traitement en France de certaines matières soumises aux droits de douane, le régime de l'admission temporaire qui permet d'introduire ces matières franches de droits, à la charge d'en réexporter l'équivalent sous leur forme nouvelle. Mais, là encore, la transformation de ces matières en zone franche supprimerait une série de formalités. Et cette suppression favoriserait à la fois le développement de nos industries d'exportation et celui de notre commerce maritime.

On peut donc dire, d'une manière générale, que la création de zones franches dans nos ports maritimes se justifie par l'existence d'un courant d'échanges maritimes internationaux déjà établi et contribuerait sérieusement à en augmenter l'importance.

III. — Les voies et moyens.

Reste la question des voies et moyens, c'est-à-dire tous les détails de l'exécution.

Et d'abord, où convient-il de créer des zones franches"?


80

BULLETIN HE LA SOCIETE INTERNATIONALE

Il faut que les points choisis répondent à une série de conditions, et d'abord qu'ils soient déjà le centre d'un certain commerce maritime international. Un port dans lequel aucune marchandise n'est transbordée de bateau de mer sur bateau de mer n'aurait que faire d'une zone franche.

Il faut aussi que le commerce national y soit développé. Les ports modernes, où il se fait un grand échange de marchandises de mer, où la zone franche a, par suite, sa raison d'être, sont en même temps de très importants ports régionaux. Le commerce national sert en quelque sorte de base aujourd'hui au commerce international. On ne peut guère citer qu'une exception notable celle de Hong-Kong, port sans douanes, isolé sur un îlot; mais elle s'explique facilement. Hong-Kong rentre précisément dans le cas des ports de l'ancien type ; c'est un comptoir commercial établi par des navigateurs entreprenants dans une partie du monde qui est restée fermée jusqu'à une époque toute récente, au va-et-vient du trafic international.

Ainsi la création de zones franches doit être conçue en vue de servir et de développer des courants déjà existants, là ou ils se sont sérieusement manifestés.

Mais en plus il convient de créer ces zones franches là où leur installation matérielle est pratiquement justifiée, là où les dépenses quelle entraînera pourront être couvertes par une augmentation de trafic. Car les dépenses seront considérables. Il n'existe en France qu'un seul port où on puisse trouver une zone fran-che immédiatement disponible; c'est La Pallice. Le magnifique bassin étant beaucoup trop grand pour les besoins actuels, la portion qu'on en distrairait pour l'établissement d'une zone franche ne ferait défaut à personne. Malheureusement cette constatation même indique qu'il n'y a pas à La Pallice un courant commercial suffisant pour espérer des résultats sérieux d'une zone franche en cet endroit. A Marseille, le manque de place est notoire, les navires ne peuvent pas se mettre à quai par le flanc, et les frais de manutention sont très_!augmcntés par cette circonstance

défavorable. Au Havre les services réguliers occupent une grande partie des quais; celle qui reste à la disposition du commerce est faible. Partout, la création d'une zone franche équivaut ainsi au creusement de nouveaux bassins, à la construction de nouveaux quais. Le problème économique se double ainsi d'un problème financier.

Dans ces conditions, l'embarras du Gouvernement eût été extrême si, ayant une fois admis le principe de l'établissement des zones franches, il s'était trouvé chargé de choisir lui-même les ports où elles devaient être établies. Il a su échapper aux sollicitations intéressées dont il eût été l'objet en laissant la responsabilité de l'entreprise aux intérêts locaux qu'elle concerne et aux Chambres de commerce qui représentent ces intérêts. Le texte même du proj et de loi présenté par lui, et adopté par la commission compétente de la Chambre des Députés, explique la combinaison adoptée. Les deux premiers articles sont ainsi conçus :

ARTICLE PREMIER. — Dans les villes pourvues d'un port maritime, il peut être décidé, par décret rendu en Conseil d'Etat après enquête, que les marchandises seront admises en franchise de tous droits d e douane et de taxes extérieures de consommation dans une portion du port et des territoires adjacents.

Le décret précité ne peut intervenir que sur la demande de la chambre de commerce et après avis favorable du conseil municipal.

ARTICLE 2. — Les portions du domaine public comprises dans la zone franche restent soumises chacune en ce qui les concerne, au régime qui leur est propre.

Les terrains dépendant du domaine public maritime qui seront reconnus nécess aires pour le fonctionnement de la zone franche, en vue d'y établir des magasins ou des entrepôts, peuvent être concédés à la chambre de commerce par décret rendu en Conseil d'Etat.

En outre, des décrets peuvent déclarer d'utilité publique l'acquisition, par la Chambre de Commerce, en dehors du domaine public, des terrains utiles à la bonne


DE. SCIENCE SOCIALE.

81

exploitation de la zone franche. Il sera procédé à l'expropriation desdits terrains dans la forme prescrite par la loi du 3 mai 1841.

L'article 4 confie à la Chambre de commerce l'établissement des magasins, hangars, voies ferrées et outillages divers. Toutes les dépenses nécessitées par cette organisation sont à la charge de la Chambre de commerce, à laquelle pourra être conféré, en retour, le droit de percevoir à son profit des arrérages et des taxes.

En résumé, dans les ports où on voudra une zone franche, il faudra que la Chambre de commerce prenne la responsabilité de l'aléa financier que comporte sa création. De la sorte, les compétitions électorales, les courses à la subvention de faveur se trouvent écartées. On ne peut qu'applaudir à cette disposition, aussi conforme au bon ordre des finances publiques que favorable à l'éducation générale du pays. Nous n'avons que trop souffert de la dispersion irraisonnée des millions de l'État entre une foule de petits ports commercialement sans importance, mais représentés par un député influent. Il est temps de s'apercevoir que de pareilles dépenses ne sont justifiées que là où elles sont susceptibles de devenir productives, et la meilleure garantie de sincérité des témoignages locaux recueillis à cet égard consiste à en laisser la responsabilité à ceux qui les formulent.

L'article 6 règle la question des industries qui seront autorisées dans la zone franche. Ce point est extrêmement délicat et fera certainement l'objet de vives discussions au Parlement.

Tant qu'il ne s'agit que « des opérations de manutention, de triage, de mélange, d'assortiment et de manipulation », prévues par le paragraphe premier de cet article, il ne saurait y avoir de difficulté sérieuse. Ces opérations relèvent plus en effet du commerce que de l'industrie. Mais dès qu'on entre dans le domaine de la fabrication, de la transformation, la faculté de créer en zone franche de véritables industries ne peut manquer de soulever des objections de la part des industries similaires existant en territoire douanier. C'est

en effet une concurrence qu'on leur crée sur une partie du territoire national fictivement soustrait au régime douanier. On pomprend qu'il y ait là de quoi alarmer des industriels jouissant d'un régime de protection. Le projet de, la Commission autorise l'établissement en zone franche, sauf des exceptions de détail, d'une seule catégorie d'industries, celle qui jouit actuellement du bénéfice de l'admission temporaire. Cette solution parait sage. Elle permet, dans des conditions plus faciles et sans formalités administratives, le traitement en France de matières premières qui y sont actuellement transformées sans supporter de droits de douane. Elle ne peut donc pas porter de trouble dans notre organisation industrielle.

Au surplus, c'est faire fausse route que d'accorder une grande importance au rôle industriel de la zone maritime franche. Sa fonction est essentiellement commerciale. L'exemple de Hambourg a été, à cet égard, l'occasion d'une véritable méprise. On a constaté qu'il existait des industries dans la zone franche de Hambourg ; on en a conclu que le port franc type comportait un grand dévelopement industriel. On a oublié que Hambourg était ville franche jusqu'en 1888; que, malgré les inconvénients qui en résultaient pour son avenir industriel, certaines industries y avaient forcément pris naissance, notamment toutes celles qui se rattachent à la construction navale ; que, grâce à la situation de l'emplacement qu'elles occupaient, il était difficile de ne pas les comprendre dans la zone franche; que, d'ailleurs, cela leur conservait le régime sous lequel elles avaient vécu jusqu'alors. Bref, on ne s'est pas aperçu que l'existence actuelle de ces industries dans le port franc de Hambourg est le reste, le témoin d'un état de choses ancien, non un élément caractéristique de l'organisation présente.

Ainsi le problème des industries à établir en zone franche ne réclame pas impérieusement une solution immédiate. On peut établir une sorte de Deposilo Franco comme à Gènes, à moindres frais et en soulevant moins de questions que si on envisage la création d'une zone franche suffisante pour


82

BULLETIN DE LA SOCIETE INTERNATIONALE

abriter des usines. Et cela serait plus sage.

Au surplus, d'après le Projet de Loi, les Chambres de commerce sont parfaitement libres de faire l'essai dans ces conditions. Le Décret qui autorisera l'établissement d'une zone franche au Havre ne contiendra pas forcément les mêmes dispositions que celui qui l'autorisera à Marseille. Ce peut être dans chaque endroit une création originale répondant non seulement aux besoins spéciaux du port, mais aux moyens dont il dispose, à ^direction particulière de l'esprit d'entreprise chez ses négociants, ses industriels et ses armateurs, aux chances d'avenir qu'il croit avoir.

Et la question des ports francs se trouve ainsi ramenée à sa véritable importance. Il ne faut plus y voir un remède à la situation de notre marine marchande, ni une menace contre l'industrie nationale, mais un moyen de favoriser, dans certains de nos ports, le développement d'une des fonctions qu'ils sont appelés à remplir.

Paul de ROUSIERS.

LA CRISE AGRICOLE

Les moyens de développer notre exportation. (Suite.) *.

ANGLETERRE. — Nous nous trouvons ici en présence d'un des marchés les plus extraordinaires qui soient au monde et dont on ne saurait trop signaler l'immense importance à tous nos producteurs français.

En effet, alors qu'en France nous équilibrons, à 180 millions près, nos importations avec nos exportations (importations 4.420 millions, exportations 4.240 millions), les importations anglaises dépassent les exportations de 4.600 millions.

Ce qui veut dire qu'en France notre sol suffit, et bien au delà, à l'alimentation de la nation, quand au contraire les sujets anglais, pour subsister chez eux, sont obligés d'emprunter aux nations étrangères pour 4.600 millions de produits divers.

(1) Voir le 4I,,C fascicule, p. 39.

La puissance de consommation de nos voisins est énorme parce qu'ils sont riches ; d'autre part, la superficie réduite de leur territoire, leur sol ingrat dans beaucoup de ses parties, leur climat désavantageux ne leur permettent pas d'assurer, au moyen de leurs propres ressources, l'alimentation de 37 millions d'habitants.

Ils sont donc obligés d'acheter des quantités considérables de produits agricoles que nous pourrions, grâce à notre propre sol et à notre climat merveilleux, leur fournir en grande partie, si nous savions mieux nous organiser pour l'exploitation de ce vaste marché, dont nous allons examiner les principaux points intéressants pour nos contrées.

Cognacs et eaux-de-vie. '— La France est la seule au monde à produire l'eau-de-vie véritable; elle seule, depuis des siècles, fournit cette précieuse liqueur à l'Angleterre. C'est un privilège qui ne peut nous échapper, ainsi que le démontrait dernièrement M. le professeur Ravaz dans son bel ouvrage : Le Pays du cognac :

« Nôtre-cépage peut être cultivé partout et d'après les mêmes méthodes que dans les Charentes ; la distillation peut être pratiquée partout comme à Cognac et dans les mêmes alambics ; l'eau-de-vie peut être logée dans des fûts identiques à ceux qu'on emploie dans notre région. Mais le terrain et le climat ne peuvent se présenter ailleurs avec les mêmes caractères qu'ici. Il y a peu de chance pour que les éléments qui influent sur la nature des produits soient réunis dans une contrée quelconque comme dans les Charentes; et dès lors aucune autre région ne pourra jamais produire le cognac. » ' Aussi les chiffres montrent à quel point la France et l'Angleterre sont liées l'une à l'autre pour le commerce des eaux-dé-vie :

L'importation totale des eaux-de-vie en Angleterre a été de 35 millions de francs en 1901. Or la France entre dans ce mouvement pour 34 millions de francs, soit la presque totalité.

Vins. —7 La consommation du vin a baissé ces années dernières en Angleterre : est-ce par suite de la campagne dont nous avons été nous-mêmes victimes en France?


DE SCIENCE SOCIALE.

83

Est-ce par suite, comme on le prétend, de la guerre du Transwaal? Nous ne savons; mais toujours est-il que l'Angleterre consommait, en 1897, pour 165 millions de francs de vins, et que cette consommation est tombée, en 1902, à 125 millions.

Si nous devons cet abaissement à Tune des causes citées plus haut, nous pouvons espérer qu'il ne sera que passager et que nous reverrons, à brève échéance, sur les vins, les accroissements de consommation que nous constatons sur tous les produits de bouche en Angleterre.

Nous poumons ne pas nous occuper de ce mouvement, si nous ne constations avec peine que ce sont les vins français qui supportent presque exclusivement à eux seuls la chute que nous signalons.

En effet, de 94 millions de francs de vins fournis à l'Angleterre en 1897, notre exportation est tombée à 64 millions en 1902, soit une diminution de 30 millions de francs pour l'exportation française sur la diminution générale de 40 millions constatée par les chiffres donnés plus haut.

Il y a donc, pour le commerce français des vins, un vigoureux effort à produire pour arrêter cette décroissance inquiétante, ressaisir nos anciens débouchés et les augmenter si possible, en luttant contre la concurrence des vins de Californie, d'Australie, d'Espagne, d'Italie, du Chili, qui arrivent sur le marché anglais à meilleur marché que les nôtres.

Fruits frais. — L\Angleterre importait 125 millions de friu.,,, frais en 1897; ses importations montaient à 175 millions en 1900 et a 200 millions en 1902, se répartissant ainsi qu'il suit :

livraisons

Total des importations générales. par la France.

' ~""~ ~ ~~~~ KT~" ' ir. ~

Oranges et citrons (w.000.000 K00.000

Kaisin frais 18.000.000 1 .000.000

Pommes ! 32.000.000 i.r;oo.ooo

Poires " 13.000.000 «.000.000

Amandes «.000.000 1.800.000

Noisettes 1S.000.000 7.000.000

Cerises 0.000.000 7.000.000

Prunes 10.000.000 0.000.000

Pêches, abricots 1.000.000 850.000

Groseilles, cassis 3.000.000 2.000.000

Fraises 2.200.000 2.000.000

Pruneaux 7.000.000 1.800.000

Fruits non dénommés, conservés ou en bouteilles 10.000.000 4.000.000

Cet exposé nous démontre quel immense marché nous offre l'Angleterre pour les fruits frais !La France pourrait accaparer à elle seule ce marché qui grandit d'année en année; nous constatons que nous en fournissons à peine le vingtième !

Nous pourrions regretter notre inertie avec la Chambre de commerce française de Londres, dont le secrétaire écrit : « Admirablement placés comme nous le sommes, n'est-il pas affligeant de remarquer, par exemple, que dans le commerce des pommes, la Grande-Bretagne n'a reçu de la France que pour 1.500.000 francs de ce fruit, alors que les Etats-Unis lui en ont fourni pour 13 millions, le Canada pour 11 millions, la Tasmanie (Australie) pour 3 millions, etc. »

Nous pourrions en dire autant pour les oranges, citrons et amandes, dont nous devrions pousser la production aussi bien dans le midi de la France qu'en Corse, et surtout dans nos possessions d'Algérie et de Tunisie, qui se prêteraient admirablement à cette culture.

Est-il nécessaire de faire remarquer l'infériorité regrettable et inexplicable de notre pays dans la fourniture à l'Angleterre des raisins frais, que nous livrons seulement dans la proportion de 1 million sur une consommation de 16 millions.

Quoi de plus facile à produire que la noisette, qui pousse naturellement dans tous nos bois de France. L'Angleterre consomme 15 millions de francs de noisettes; nous lui en fournissons pour 7 millions, mais ne devrions-nous pas lui fournir toute sa consommation !

Nous livrons à l'Angleterre pour 5 millions de poires sur une importation de 13 millions : la poire est pourtant par excellence un fruit français et nous sommes coupables de laisser d'autres pays accaparer' cette fourniture.

Nous pouvons en dire autant du pruneau : nul mieux que nous ne sait produire l'excellent et magnifique pruneau, la spécialité d'Agen, mais que nous pourrions tout aussi bien obtenir dans une grande partie de notre pays. N'est-il pas regrettable de nous voir concurrencer et annihiler, même pour cette spécialité que de tous


BULLETIN DE LA SOCIETE INTERNATIONALE

temps les nations étrangères demandaient à la France !

Nous fournissons à l'Angleterre la presque totalité de ses importations en cerises, prunes, pêches, abricots, groseilles et fraises, pour la bonne raison que notre beau pays est encore le seul à produire en abondance ces excellents fruits.

En effet, nulle part au monde on ne trouverait, dans chacune de ces espèces, une telle variété réunissant en même temps les qualités de la beauté de la forme, la finesse de la chair et le parfum qui restent le royal apanage de tous les fruits de France !

Nous sommes donc parfaitement outillés et favorisés pour produire beaucoup et produire bon ; malheureusement nous ne savons pas profiter de nos avantages, et, dans la poussée des peuples vers l'accaparement des marchés, seuls nous sommes inertes, nous laissant chaque jour un peu plus distancer et oublier!

De plus en plus, les pays même éloignés développent le commerce des fruits et nous font une concurrence acharnée, et l'on ne peut être que saisi d'admiration quand on constate les efforts que font des pays comme le Cap, la Tasmanie, le Canada, la Californie et bien d'autres pour produire de superbes fruits qu'il nous serait si facile de produire en France tout aussi beaux et surtout bien meilleurs.

Légumes frais. — L'Angleterre importe chaque année environ 90 à 100 millions de francs de légumes frais, qui se répartissent comme suit :

Livraisons

Total des importations générales. par la Franco.

IV. tï.

Pommes de terre 40.000.000 13.000.000

Tomates 18.000.000 1.700.000

Oignons 21.000.000 1.250.000

Asperges, salades, cliouxHeurs

cliouxHeurs K.000.000

Divers » »

Nous avons en France des terres d'une fertilité admirable; la différence si sensible des deux climats est toute à notre avantage; déplus, le travail minutieux de nos . maraîchers et paysans-propriétaires l'emporte de beaucoup sur le travail mercenaire de l'ouvrier rural britannique ; nous

devrions à nous seuls accaparer le marché anglais des légumes frais; malheureusement nos exportations baissent d'année en année et nous nous sommes laissé enlever ce marché par la Belgique, la Hollande, l'Allemagne pour la pomme de terre;

par les îles Canaries et 'les États-Unis, pour la tomate ;

par l'Espagne, l'Egypte, la Hollande et l'Allemagne, pour l'oignon.

Nous primons pour la salade, l'asperge, le chou-fleur, les petits pois, etc.', parce, que, là encore, seul notre merveilleux pays, jouissant d'un sol et d'un climat uniques, produit en abondance ces succulents légumes qu'il peut livrer à l'Angleterre à une époque de l'année où ils sortent à peine déterre clans les autres pays.

Volailles. — Les importations totales de l'Angleterre en volailles s'élèvent à environ 30 millions de francs, sur lesquels la France fournit seulement 5 millions.

Grâce à notre sol et à notre climat essentiellement favorables, nous pouvons faire partout en France de la volaille de qualité très supérieure à celle produite dans les autres pays.

Nous fournissons en Angleterre, comme en Allemagne, en Russie et jusqu'aux Etats-Unis, où elles sont très estimées sur les tables opulentes, nos inimitables volailles fines de Bresse et du Mans.

La volaille commune que nous devrions livrer exclusivement à l'Angleterre, lui est fournie par les États-Unis, le Canada, l'Australie, la Nouvelle-Zélande, la Hongrie, la Russie, l'Italie et la Hollande.

Nous ne saurions trop répéter qu'on abandonne trop en France la production de la volaille comme, d'ailleurs, celle des fruits.

L'élevage de la volaille commune dans nos grandes fermes aussi bien que dans la petite culture, quoique réclamant peu de soins et de travail, est pourtant très rémunérateur. Outre que la volaille se vend généralement cher sur nos marchés intérieurs où elle est toujours rare, elle trouverait de gros et faciles débouchés sur les marcliôs étrangers que nous avons signalés, car même notre volaille commune est préférée partout où elle pénètre en raison


DE SCIENCE SOCIALE.

85

de son poids et de la qualité de sa chair, fine et savoureuse.

OEufs. — Voici encore un de ces marchés tout à fait extraordinaires dont en France on ignore généralement l'importance.

L'Angleterre a importé, en 1902, pour 160 millions de francs d'oeufs, sur lesquels la France a fourni seulement 11 millions 1/2.

La consommation de l'oeuf se développe dans ce pays d'une façon tout à fait prodigieuse ; les statistiques des cinq dernières années nous permettent de constater que cette consommation, qui n'atteignait que 100 millions en 1897, a passé à 136 millions en 1900, pour arriver, en 1902, au chiffre fabuleux do 160 millions que nous citions tout à l'heure.

Nous nous réjouirions de ces besoins toujours plus grands chez nos voisins qu'il faut satisfaire, si nous n'avions le.poignant regret de constater, là comme ailleurs, le recul de notre pays, concurrencé à outrance par d'autres nations bien moins avantagées, mais bien mieux organisées.

C'est ainsi que nous fournissions pour 30 millions d'oeufs à l'Angleterre en 1897, quand son importation était seulement de 100 millions de francs.

Notre exportation s'abaissait à 22 millions en 1900, alors que son importation s'élevait à 136 millions.

Enfin nous tombons à 11 millions 1/2 en 1902, alors que l'importation anglaise arrive au chiffre de 160 millions de francs !

Et pourtant, sur ce point comme sur tant d'autres que nous avons signalés, la supériorité de la France ne saurait être contestée, et nous répéterons avec la commission des douanes, dans un de ses derniers rapports : « Nid pays au monde n'est mieux placé que la France pour écouler ses produits de bassei-cour, et nulle contrée ne possède des conditions cullurales el climatologiques aussi favorables que la France pour l'élevage économique de la volaille et la, production des oeufs. » • Nos volailles et nos oeufs sont sans pareils : la volaille comme force, finesse de chair et de goût, nos oeufs comme poids et saveur.

Notre volaille est naturellement plus volumineuse, plus charnue et plus tendre que la volaille étrangère ; nos oeufs pèsent une moyenne de 60 grammes quand la moyenne des oeufs étrangers n'est que de 45 à 50 grammes. Nos volailles et nos oeufs sont recherchés des gourmets de tous les pays, même à New-York.

La France est le pays qui peut les produire à l'infini et le plus économiquement ; et malgré tous ces avantages dont la nature nous a si largement gratifiés, nous ne fournissons plus qu'une part minime de ce marché anglais que nous aurions, accaparer, mais que nous abandonnons à l'Italie, au Danemark, à l'Allemagne, à la Belgique, à la Russie et au Canada.

Beurres. — L'Angleterre, dont le sol est particulièrement propice à la prairie, fait beaucoup d'élevage ; elle produit des quantités très importantes de lait et de beurre; malgré cela, son pouvoir d'absorption est • tel qu'elle est obligée de demander à l'étranger d'énormes quantités de beurre dont elle fait une consommation de plus en plus considérable.

Son importation en beurre pour 1902 a été de 520 millions de francs, qui lui ont été fournis, savoir :

Par lo Danemark, pour 235 millions

— la France, — 56 —

— la Russie, — 55 —

— la Hollande, — 49 —

—• le Canada, — 34 —

— la Suède, Allemagne, ÉtatsUnis

ÉtatsUnis divers, — 91 —

Comme nous le voyons, nos ventes n'entrent que pour 10 °/0 dans l'importation britannique ; elles ne sont pas ce qu'elles devraient être, ni même ce qu'elles ont été.

En eifet, nos excellents beurres de Normandie et de Bretagne, malgré leur réputation justifiée qui leur vaut la plus haute cote sur les marchés anglais, voient diminuer d'année en année leur importation dans le Royaume-Uni. Depuis 1896, la chute interrompue de nos envois se chiffre à plus de 21 millions de francs!

Ce très regrettable état de choses, sur lequel nous ne saurions trop attirer l'at-


86

BULLETIN DE LA SOCIETE INTERNATIONALE

tention, doit être attribué au manque d'entente et d'union de nos producteurs.

Comme pour nos fruits et nos produits de basse-cour, la création de syndicats d'exportation devient de plus en plus urgente. C'est à des organisations de ce genre, parfaitement conçues, que le Danemark, ce petit pays qui compte à peine 2.200.000 habitants, doit l'accroissement de ses ventes, qui a été de plus de 50millions depuis 1896, et le chiffre énorme de son exportation de beurre en Angleterre, laquelle se chiffre, pour l'année 1902, à 235 millions de francs!

Fromages. — Malgré la réputation de quelques espèces de fromages britanniques, la population rurale de l'Angleterre n'a que peu d'aptitudes pour cette fabrication. Aussi cette nation est-elle obligée d'avoir recours aux étrangers pour s'approvisionner de l'énorme quantité de fromages qu'elle consomme annuellement.

L'importation anglaise de fromage a été, pour l'année 1902, de 161 millions de francs, sur laquelle la France a fourni seulement, 1.100.000 francs!

La consommation du fromage en Angleterre suit la loi générale de toutes les denrées alimentaires ; elle s'est accrue de plus de 40 millions depuis-1896.

Les principaux fournisseurs sont :

La Hollande et le Canada, pour 93 millions ;

Les États-Unis — 21 millions ;

La Nouvelle-Zélande et la Suisse pour le reste.

Là encore, nous constatons avec regret notre infériorité et la décroissance de nos exportations. Et pourtant, pour ce produit, comme pour les autres, on peut affirmer qu'il n'existe pas au monde un autre pays que le nôtre qui puisse offrir aux gourmets une collection de fromages aussi belle, aussi variée et de qualité aussi succulente. Il n'est pas en France une seule contrée qui ne produise son fromage spécial toujours apprécié.

Le peu que nous livrons en Angleterre provient de la Normandie et du Jura: mais, en raison de leur finesse, ces fromages sont relativement d'un prix élevé qui ne leur permet pas de lutter contre les produits à bon marché, et naturellement bien

moins bons, que fournissent les pays que nous venons de citer.

Nous sommes convaincu que des syndicats de producteurs pour l'exportation, susceptibles de faire étudier sur place les fromages consommés en Angleterre, pour les imiter en les améliorant, organisés pour grouper leurs envois afin de profiter des abaissements de tarifs de chemin de fer, accapareraient vivement ce-marché dont l'importance mérite toute l'attention et tous les efforts de notre population rurale.

Divers. — Afin de terminer la démonstration de la puissance des importations anglaises en matières d'alimentation, je termine par les chiffres suivants donnés à titre de document :

Laits et crèmes '.... 45 millions.

Viandes abattues 980 —

Bétail sur pied 208 —

Foins 20 —

Sucres 500 —

Céréales •.. 1.628 —

Nos exportations en lait et crèmes, viandes abattues ou sur pied, et céréales sont insignifiantes ; nous avons livré 14 millions de foins sur les 20 millions importés par l'Angleterre.

Quant à la situation de nos sucres, elle est déplorable. Rien que pour l'année 1902, nos exportations de sucre en Angleterre ont baissé de 85 millions de francs au profit de l'Allemagne principalement. Cette nation trouvait, en effet, le moyen d'accroître ses ventes de 118.000 tonnes métriques, tandis que, pendant la même période, nous perdions 253.000 tonnes !

Comme la plupart des gens ayant une grande fortune, nous négligeons les petits profits, voire même les gros. C'est pourquoi, malgré les facilités de tous genres dont la nature nous a gratifiés, nous vivons sur notre bien, tant bien que mal, mais sans chercher, par un effort nécessaire, à aug-. menter notre richesse et notre bien-être.

Que faudrait-il pourtant à notre pays pour accaparer les puissants et riches


DE SCIENCE SOCIALE.

87

marchés qui sont autour de nous"? Bien peu de choses : c'est-à-dire renoncer à nos vieilles routines; remplacer en bien des endroits, petit à petit, des cultures peu productives par la culture intensive plus rémunératrice; un peu d'initiative, quelques explorations dans les domaines voisins pour connaître leurs goûts, leurs besoins, leurs méthodes ; et surtout beaucoup plus d'entente et d'esprit d'union dans tous nos centres agricoles.

Autant il est difficile à un simple particulier abandonné à ses propres moyens, à moins qu'il ne soit un très important récoltant, de tirer parti, en dehors de son rayon direct, de sa production, quelle qu'elle soit, autant la tâche est facilitée à un groupement d'intérêts similaires pour rechercher les débouchés, guider les intéressés dans les moyens de produire, de récolter, d'emballer, toutes choses si importantes, pour grouper les produits, les expédier à bon compte en faisant profiter les grosses masses des tarifs de chemin de fer réduits, inapplicables aux petites expéditions, pour enfin toucher et répartir les sommes représentant le prix de vente des denrées livrées.

C'est afin de faciliter ces opérations, de les rendre possibles moyennant des frais généraux réduits à l'extrême limite, que la création de syndicats de producteurs 'pour l'exportation s'impose dans toute la France.

S'il fallait des exemples, je citerais les syndicats du Midi, accaparant presque exclusivement le marché anglais pour la cerise.

Un autre bel exemple, celui du syndical du Comlat, unissant les producteurs de fraises des environs de Carpentras, pour leur permettre et faciliter des envois considérables en Angleterre. Ce syndicat, formé en 1897, expédiait, cette année-là, 15.000 kilos de fraises; en 1899, il en expé diait 210.000 kilos, et cette quantité était, paraît-il, plus que doublée en 1902, le tout vendu à des prix fort élevés.

Il est à notre connaissance qu'il s'est fondé dans la région lyonnaise des syndicats très prospères pour .la production et l'exportation du fruit frais.

Ce sont des syndicats semblables qui permettent aux Italiens d'exporter avec succès du raisin et des fruits frais en Allemagne, de la volaille et des oeufs en Angleterre; à la Suisse d'approvisionner l'Europe de fromages de gruyère; à ses hôtels syndiqués d'exploiter le voyageur étranger qui, comme nous l'avons déjà dit, laisse 250 millions de francs par an dans ce pays. Ce sont donc les syndicats qui enrichissent ce pays si pauvre par luimême.

Ce sont les syndicats danois qui permettent à ce petit pays, qui compte 2.200:000 habitants, d'exporter en Angleterre pour 235 millions de francs de beurre !

Ce sont enfin les syndicats qui se forment de tous côtés, sous la poussée des peuples qui se développent et ont besoin de vivre, qui marchent à l'assaut et conquièrent les fabuleux marchés que nous vous avons signalés, en prenant partout la place que nous leur abandonnons.

Formons donc des syndicats. Le ministère du commerce leur a facilité la tâche le jour où il a institué l'Office national du commerce extérieur, près duquel les chefs de ces syndicats trouveront tous les renseignements possibles sur tout ce qui concerne l'exportation.

Avec de tels guides, la partie commerciale devient un jeu pour ceux qui savent s'en servir.

Ch. DUMONT,

Président de la Chambre de commerce de Dijon, Conseiller du commerce extérieur.

Le voeu exprimé par notre collaborateur, M. Ch. Dumont, va être réalisé.

Nous mettrons nos lecteurs au courant de cette initiative dans le prochain fascicule, qui paraîtra sous ce titre :

Pour développer nolrp commerce. Groupes d'expansion commerciale, organisés par « la Science sociale ».


88

BULLETIN DE LA SOCIETE INTERNATIONALE DE SCIENCE SOCIALE.

LA RÉGLEMENTATION DU TRAVAIL

On a souvent cherché à résoudre par principes la question de la Réglementation du Travail : deux camps se sont formés qui décident a priori tous les problèmes qui s'y rattachent. Les interventionnistes réclament toujours des lois nouvelles ; les non-interventionnistes les repoussent avec la même imperturbable persévérance. Dans un fascicule récent sur l'organisation du travail, M. Demolins exposait comment des solutions différentes ont dû être appliquées à des états de faits différents et ramenait ainsi la question sur son véritable terrain. Le nouvel ouvrage de M. Béchaux 1 se rapporte uniquement à la situation présente en France et à l'étranger, mais prend également pour base des réformes à accomplir l'observation méthodique des faits sociaux, la consultation loyale des intéressés, les enquêtes précises. Il sera lu utilement par tous les hommes que leurs études, ou leurs devoirs professionnels, obligent à connaître les détails de la législation du travail.

Cette législation est-elle, comme on le dit trop souvent, la rançon nécessaire des complications créées par les nouvelles méthodes de travail? Elle semble être bien plutôt la consécration officielle des bienfaits que ces nouvelles méthodes ont produits. Prenons quelques exemples : Il y a des lois sur la durée de la journée de travail. Là où ces lois sont trop en avance sur les progrès réels des méthodes, elles ont de graves inconvénients. Là où elles sont d'accord avec ces progrès, là où elles s'inspirent des usages de fait suivis dans les usines bien menées, là où elles ne gênent que le patron en retard sur l'évolution de son industrie et imposant à ses ouvriers les conséquences de l'infériorité de son outillage, elles sont salutaires et justifiées. Cela revient à dire que la législation normale sur les heures de travail

1. La réglementation du travail, libr. Victor Lecoffre, Paris.

n'est possible qu'en raison et en propor-, tion des progrès accomplis. Avec un outillage puissant et efficace, vous pouvez faire travailler les ouvriers moins longtemps tout en leur donnant un salaire élevé. Mais à quoi aurait-il servi de décréter un maximum de temps de travail, alors que ce maximum de temps était insuffisant, vu le peu de productivité des procédés employés, pour permettre un minimum de salaire V Aujourd'hui, on travaille moins longtemps, surtout parce qu'on peut travailler d'une façon plus productive.

Autre exemple : On a maintenant des règlements sur la salubrité des ateliers. On exige un certain cube d'air, certaines conditions d'aération, etc. Ces règlements seraient restés lettre-morte à l'époque où le travail industriel était dispersé entre une multitude d'ateliers familiaux. Leur exécution se fût heurtée à de véritables impossibilités, car il eût été inhumain et fou de priver une famille de ses moyens de travail sous prétexte que soii installation — qui se confondait avec l'atelier — manquait de confort et violait les règles de l'hygiène. Mais ce qu'on ne pouvait pas exiger du pauvre ouvrier en chambre, on peut l'imposer au patron d'une usine. Lui, a des capitaux, tout aii moins du crédit; il se mettra en règle avec les dispositions de la loi, et cela au grand profit des salariés qu'il emploie. Ici la réglementation est possible grâce aux heureuses transformations de l'industrie.

Ces réflexions montrent le vrai rôle de la législation ouvrière. Elle enregistre les améliorations accomplies plutôt qu'elle ne les provoque. M. Béchaux met bien en relief les espoirs exagérés fondés sur elle. Ses chapitres sur la suppression légale et sur la suppression illégale de la liberté du travail sont particulièrement intéressants à ce point de vue. Ils complètent heureusement les exposés contenus clans son ouvrage et en préparent la conclusion.

P. R.

Typographie Firmin-Didot et C'°. — Paris.


BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE

La Vertu du sol, par Marcel MIELVAQUE. — Pion et Nourrit, Paris.

Ce roman, dont l'auteur connaît évidemment la science sociale, a pour but de montrer, par le spectacle des discordes d'une petite ville, comment la puissance de l'argent, à l'époque où nous sommes, combat l'antique influence du lieu. C'est l'histoire d'une lutte entre deux notabilités de clocher pour une élection municipale complémentaire, mais dans laquelle se trouvent rassemblés, en raccourci, toutes les aspirations, tous les préjugés, toutes les passions, toutes les ignorances, toutes les rivalités qui peuvant tenir dans un cheflieu de canton. Le conflit électoral entre M. Clavert, modeste propriétaire de vignobles, et M. Espérât, banquier usurier, c'est un événement capital au point de vue de la valeur « représentative », car c'est tout simplement la lutte entre les conditions anciennes qui ne peuvent plus subsister et les phénomènes nouveaux, qui démolissent à la fois les vieux moyens d'existence et les vieilles moeurs.

L'auteur a du talent, mais il est pessimiste. Il n'est pas tendre pour les personnages qu'il met en scène, et leur octroie généreusement de fortes doses de stupidité, de canaillerie, de fatuité ou de platitude. Mlle Eugénie, qui incarne l'ancien régime, est une terrible mégère, et Espérât, qui représente lenouveau, estun prosaïque gredin. A ce point de vue, la manière de l'auteur tient un peu de celle de Flaubert, qui se moque si impartialement de tous ses héros. Peut-être ce pessimisme tient-il à l'absence de croyances religieuses. M. Mielvaque, sans doute, n'est pas anticlérical, mais on voit clairement qu'il considère la religion en bloc comme un préjugé nécessaire, une erreur utile, et nous ne saurions nous placer à ce point de vue. Nous

pouvons constater simplement que des préjugés et des erreurs se mêlent souvent à la religion et en altèrent plus ou moins la pureté ; mais le fond même ne saurait être confondu avec ces végétations parasites.

Comme style, l'auteur est très simple, d'une simplicité qui frise même le terre-àterre, sauf dans les tirades placées dans la bouche des personnages dont le rôle est d'en prononcer. On peut relever çà et là quelques exagérations, notamment en ce qui concerne la rivalité de deux couvents et l'émeute qui en résulte. Des scènes de ce genre ne se voient plus guère aujourd'hui. Ajoutons que la pensée intime de l'auteur paraît. en certains endroits un peu flottante, car le docteur Lambressac, le plus sympathique de ses personnages, et qui exprime visiblement des opinions assez rapprochées de celles de M. Mielvaque, reçoit de temps en temps « son paquet », lui aussi, et le lecteur en conclut que l'auteur, sans doute par scrupule et modestie, n'a pas grande confiance en lui-même.

G. D'A.

Pauvre et douce Corée, par M. DuCKOCQ.

DuCKOCQ. vol. in-12, H. Champion. — Cet ouvrage arrive à son heure, au moment où deux partis en présence font de la Corée un enjeu final et où tous les yeux se tournent vers elle. Sans entrer dans des considérations politiques, l'auteur a noté ses impressions récentes : coup d'oeil d'ensemble, allure générale, moeurs, coutumes et chansons populaires, vie de la rue et de la cour. Nous étions bien mal renseignés à ces points de vue sur cette contrée ; on saura gré à M. DUCROCQ d'y conduire le lecteur. De nombreuses photographies ajoutent à l'intérêt du texte.



ANNÉE 1904

8° LIVRAISON

BULLETIN

DE LA SOCIÉTÉ INTERNATIONALE

DE SCIENCE SOCIALE

SOMMAIRE : Nouveaux membres. •— Correspondance. — Nécessité d'une organisation commerciale, par M. L. P. — Une monographie historique, par M. M. BURES. — Types sociaux malfaisants, par M. G. D'A. — Bulletin bibliographique. — Ouvrages reçus. — Pour développer notre commerce; groupes d'expansion commerciale, par M. EDMOND DEMOI.IXS.

FASCICULES PARUS DANS LA NOUVELLE SÉRIE

N° 1. — La Méthode sociale, ses

procédés et ses applications, par EDMOND DEMOLIXS, ROBERT PINOT et PAUL DE ROU SIEBS.

N" 2. — Le Conflit des races en Macédoine, d'après une observation monographique, par G. D'AZA MBUJA.

N° 3. — Le Japon et son évolution

sociale, par A. DE PKÉVILLE.

N" 4. — L'Organisation du travail, Réglementation ou Liberté, d'après

l'enseignement des faits, par EDMOND DEMOLINS.

Nu 5. — La Révolution agricole, Nécessité de transformer les procédés de culture, par ALBERT DAUPRAT.

N° 6. — Journal de l'École des Ro - ches, par les PROFESSEURS ET LES ÉLÈVES.

7. — La Russie ; le peuple et le gouvernement, par Léon POINSARD

N° 8. — Pour développer notre commerce ; Groupes d'expansion commerciale, par EDMOND DEMOLINS.

ORGANISATION DE LA SOCIETE

But de la Société. — La Société a pour but de favoriser les travaux de Science sociale, par des bourses de voyage ou d'études, par des subventions à des publications ou à des cours, par des enquêtes locales en vue d'établir la carte sociale des divers pays. Elle crée des comités locaux pour l'étude des questions sociales. Il entre dans son programme de tenir des Congrès sur tous les points de la France, ou de l'étranger, les plus favorables pour faire des observations sociales, ou pour propager la méthode et les conclusions de la science. Elle s'intéresse au mouvement de réforme scolaire qui est sorti de la Science so.ciale et dont VÉcole des Roches a été l'application directe.

Appel au public. — Notre Société et

notre Revue s'adressent à tous les hommes d'étude, particulièrement à ceux qui forment le personnel des Sociétés historiques, littéraires, archéologiques, géographiques, économiques, scientifiques de province. Ils s'intéressent à leur région; ils dépensent, pour l'étudier, beaucoup de temps, sans que leurs travaux soient coordonnés par une méthode commune et éprouvés par un plan d'ensemble, sans qu'ils aboutissent à formuler des idées générales, à rattacher les causes aux conséquences, à dégager la loi des phénomènes. Leurs travaux, trop souvent, ne dépassent pas l'étroit horizon de leur localité; ils compilent simplement des faits et travaillent, pour airisi dire, au fond d'un puits.

La Science sociale, au point où elle est maintenant arrivée, leur fournit le moyen de sortir de ce puits et de s'associer à un


travail d'ensemble pour une oeuvre nouvelle, qui doit livrer la connaissance déplus en plus claire et complète de l'homme et de la Société. Ils ont intérêt à venir à elle.

La crise sociale actuelle et les moyens d'y remédier. — Tout en continuant l'oeuvre scientifique, qui doit toujours progresser, nous devons vulgariser les résultats pratiques de la science, en montrant comment chacun peut acquérir la supériorité dans sa profession. Par là, notre Société s'adresse à toutes les catégories de membres.

La crise sociale actuelle est, en effet, la résultante des diverses crises qui atteignent les différentes professions.

Chaque profession doit donc être étudiée et considérée séparément, dans ses rapports avec la situation actuelle et avec les solutions que cette situation comporte.

Publications de la Société. — Tous les membres reçoivent la Revue la Science sociale et le Bulletin de la Société.

Enseignement. — L'enseignement de la Science sociale comprend actuellement trois cours : le cours de M. Paul Bureau, au siège de la Société de géographie, à Paris ; le cours de M. Edmond Demolins, à l'École des Roches, et le cours de M. G. Melin, à la Faculté de droit de Nancy. Le cours d'histoire, fait par notre collaborateur le Vte Ch. de Calan, à la Faculté de Rennes, s'inspire directement des méthodes et des conclusions de la Science sociale.

Missions et voyages. — La Société attribue des bourses de voyages, ou d'études, aux personnes qu'elle choisit, principalement aux élèves des cours de Science sociale. Elle détermine les sujets à étudier par les bénéficiaires de ces bourses. Elle examine les travaux remis par eux et se réserve la faculté de les publier dans la

Science sociale, ou de les rendre à leurs auteurs.

Sections d'études. — La Société crée des sections d'études composées des membres habitant la même région. Ces sections entreprennent des études locales suivant la méthode de la Science sociale, indiquée plus haut. Lorsque les travaux d'une section sont assez considérables pour former un fascicule complet, ils sont publiés dans la Revue et envoyés à tous les membres. On pourra compléter ainsi peu à peu 1a carte sociale de la France et du monde.

La direction de -la Société est à la disposition des membres pour leur donner toutes les indications nécessaires en vue des études à entreprendre et de la méthode à suivre.

Bibliothèque de la Science sociale. — Elle comprend aujourd'hui une trentaine de volumes qui s'inspirent de la même méthode. On en trouvera la liste sur la couverture de la Revue. Quatre de ces volumes ont été présentés aux concours de l'Institut : tous ont été couronnés. Plusieurs ont été traduits en anglais, en allemand, en russe, en italien, en espagnol, en grec, en hongrois, en arabe et en japonais. Quelques-uns ont atteint des tirages de huit, dix et vingt-cinq mille exemplaires.

Conditions d'admission. — La Société comprend trois catégories de membres, dont la cotisation annuelle est fixée ainsi :

1° Pour les membres titulaires :20 francs (25 francs pour l'étranger) ;

2° Pour les membres donateurs : 100 francs ;

3° Pour les membres fondateurs : 300 à 500 francs.

Sections d'études sociales. — Abonnements de propagande à 8 fr. et à 3 fr. — Demander le prospectus au Secrétariat.

CHEMIN DE FER DE PARIS A ORLEANS

L'Hiver à Arcachon, Biarritz, Dax, Pau, etc.

Billets d'aller et retour individuels et de famille de toutes classes.

11 est délivré toute l'année par les gares et stations du réseau d'Orléans pour Arcachon, ' Biarritz, Dax, Pau et les autres stations hivernales du midi de la France :

1" Des billets d'aller et retour individuels de toutes classes avec réduction de 25 % en lr° classe et 20 % en 2° et 3° classes;

2° Des billets d'aller et retour de famille de toutes classes comportant des réductions variant ' de 20 °/o pour une famille de 2 personnes à 40 °/o pour une famille de G personnes ou plus; ces réductions sont calculées sur les prix du Tarif général d'après la distance parcourue avec minimum de 300 kilomètres, aller et retour compris.

Ces billets sont valables 33 jours, non compris les jours de départ et d'arrivée.


ANNEE 1904

8» LIVRAISON

BULLETIN

DE LA SOCIÉTÉ INTERNATIONALE

DE SCIENCE SOCIALE

NOUVEAUX MEMBRES

MM. A. S. AZAVEDA, Santos (Brésil), présenté par M. Silveira Cintra.

Dr Juan M. "BOSCH, Paris, présenté par le Dr Davel.

Comte de BOSREDON, château de Serruelles (Cher), présenté par M. P. Corbin de Mangoux.

Lucien CANAED, La Rochelle, présenté par M. Jean Périer.

D. J. Gonçalves DE CASTRO CINCURA, largo 2 de Julho, Bahia (Brésil), présenté par M. Silveira Cintra.

Le comte François CAVAZZA, Bologne (Italie), présenté par M. E. Demolins.

Félix COQDELLE, maire de Rosendael (Nord), présenté par M. J. Scrive-Loyer.

M. CRONIER, industriel, Paris, présenté par M. E. Demolins.

Oscar DAHL, armateur, La Rochelle, présenté par M. J. Périer.

Dr DINAMERICO RANGEL, avocat, S. Paulo (Brésil), présenté par M. Silveira Cintra.

J. F. de FIGUEIREDO, S. Paulo (Brésil), présenté par M. E. Demolins.

Dr H. FORESTIER, Aix-les-Bains (Savoie), présenté par le même.

Auguste GOMEZ, Paris, présenté par le même.

Georges JANNIN, Paris, présenté par M. l'abbé G. Picard.

E. LABUSSIÈRE, agent principal des Messageries Maritimes, Colombo (Ceylan), présenté par M. E. Demolins.

Ccl A. de LACERDA FRANCO, Sâo Paulo (Brésil), présenté par M. Silveira Cintra.

M. LACROIX, négociant, Londres, présenté par M. Jean Périer.

H. LANDRU, industriel, Moscou, présenté par M. E. Demolins.

J. RIBEIRO DE OLIVEIRA E SOUZA, à Juiz de Fora (Brésil), présenté par le même.

M. SOLLOSO, Paris, présenté par le même.

L. STIBING, Munich (Bavière), présenté par M. F. Roux.

Victor TAILIIADES, négociant, BuenosAires, présenté par M. E. Demolins.

Albert THIÉBACT, administrateur délégué de l'Union des explosifs, Madrid, présenté par le même.

M. ZÉNIDE, Bucarest (Roumanie), présenté par M. Nestor Uréchia.

M. Ouinet, professeur- de l'Université à Avesnes, nous annonce qu'il vient de former, dans cette ville, un groupe d'études sociales qui se compose des membres suivants : le Dr Girard, médecin ; M. Joselier, professeur de l'Université; M. Mazin, principal du Collège; M. Raux, pharmacien.

CORRESPONDANCE

Athènes, le -i octobre 1904.

M. André Andréadès, professeur agrégé près la Faculté de Droit d'Athènes, adresse à M. G. d'Azambuja la lettre suivante :

« Monsieur,

« C'est avec le plus vif intérêt que je viens de lire votre étude monographique sur le conflit des races en Macédoine. Vous avez analysé avec un rare bonheur les traits distinctifs de notre race, et j'estime que tout Grec doit vous être, reconnaissant pour avoir montré si bien, non seulement


90

BULLETIN DE LA SOCIETE INTERNATIONALE

nos qualités, mais même nos défauts. Bien connaître ces derniers, c'est pour nous le seul moyen, sinon de nous en guérir, du moins de les empêcher de croître. Parmi les défauts des Grecs, race commerçante, vous signalez un certain obscurcissement d sens de l'honneur et de la probité. Je ne dis pas que, pour les Grecs non libres, l'observation ne soit pas juste, mais je crois que cela est plutôt le résultat des conditions où le commerce se fait en Turquie, qu'un trait essentiel de la race. Les Grecs vivant dans un milieu plus sain, notamment en Angleterre, n'ont-ils pas mérité un renom très grand d'honnêteté? «. Me permettrez-vous maintenant de présenter deux observations secondaires. Vous dites, en passant il est vrai, que les Koutzovalaques sont de race roumaine. Voilà une affirmation bien risquée. Tout ce qu'on peut dire, c'est que les Koutzovalaques ont peut-être du sang romain dans les veines et que les Roumains en ont aussi une très petite quantité. Mais pourquoi dès lors les Français, Italiens et Espagnols, plutôt que les Roumains, ne réclameraient-ils pas ces Koutzovalaques, par ailleurs hellénisés de sentiment, de moeurs et aujourd'hui de langue !

« Seconde observation. Vous semblez croire que les Byzantins ont appelé les Croisés à leur secours. Rien n'est moins exact; les Croisés sont venus tous seuls. Voyez au surplus là-dessus la remarquable thèse de M. Chalandon sur Alexis Comnène.

« Excusez cette trop longue lettre et croyez, cher Monsieur, à l'expression de la très vive estime que m'a inspirée votre travail.

« A. ANDRÉADÈS. »

M. André Andréadès défend éloquemment ses compatriotes, ce que nul ne saurait blâmer. Il nous fait observer que l'obscurcissement du sens moral est surtout le fait des Grecs qui vivent sous la domination ottomane. Il est fort possible, en effet, que cette domination ait renforcé chez les Grecs le besoin de recourir à la ruse, et que ce besoin ait acquis par là des proportions exagérées. Mais, jusqu'ici, les

éléments nous manquent pour établir une comparaison entre les Grecs de l'Empire ottoman et ceux du Royaume de Grèce. Il va sans dire, de toute façon, que cet obscurcissement du sens moral n'est pas le fait de tous les individus. On trouve de fort honnêtes gens dans tous les pays. Nous avons voulu simplement signaler une tentation plus forte en ce sens, créée par le milieu social, et contribuant à la physionomie de la race. Beaucoup, croyons-nous, succombent à cette tentation, mais ceux qui n'y succombent pas n'en ont que plus de mérite. En fait, nous convenons que bien des commerçants grecs, établis dans telle ville d'Europe que nous connaissons, ne prêtent aucunement le flanc à la critique en ce qui concerne la probité. Ils sont parfaitement au niveau de leurs milieux.

Nous n'avons pas étudié particulièrement la question de l'origine des Koutzo-Valaques. Mais il est certain qu'un mouvement « nationaliste •» existe parmi eux, et que ce mouvement tend à les rattacher aux Roumains. Il est incontestable que ces derniers ont une forte proportion de sang slave; mais il faut constater néanmoins que l'influence des colons romains établis jadis dans ce pays par Trajan a été assez grande pour y perpétuer, malgré tant d'invasions, l'usage d'une langue latine. La chose ne s'expliquerait pas sans l'action forte et durable d'un élément social romain ou romanisé.

Quant aux Croisés, nous accordons à M. André Andréadès qu'ils sont allés en Orient de leur plein gré ; mais, sans vouloir entamer ici une discussion historique, il est généralement admis que les Byzantins ont tout de même invoqué leur secours, et en ont profité à plusieurs reprises. C'était d'ailleurs tout indiqué, car on appelle naturellement à son aide, contre un ennemi, ceux qui ont aussi à se plaindre de ce dernier.

Nous n'en remercions pas moins M. André Andréadès de son intéressante communication, qui pourra toujours nous guider en certains points pour nos études futures.

G. D'A.


DE SCIENCE SOCIALE.

91

M. F. Roux nous écrit d'Issoire pour présenter un nouveau membre. En même temps il nous annonce que son fils, après avoir étudié les populations du Lunebourg hanovrien, entreprend en ce moment l'étude des populations rurales de l'Allemagne du Sud. —■ Nous sommes convaincus que M. Paul Roux nous rapportera une abondante moisson de faits, qui se raune utile contribution à la Science sociale.

Port-au-Prince, le 15 septembre 1904.

A M. E. DEMOLINS.

« Monsieur et cliçr Maître,

« En cette petite République où les variations sont de chaque jour, seule la science sociale permet de se reconnaître et aussi d'espérer quand même dans l'avenir de la « race noire », en constatant que tous les bouleversements superficiels laissent intact, jusqu'ici, l'esprit essentiellement agricole de la race.

« Volontiers je m'associerais à vos études et vous indiquerais les observations faites sur un sujet assez rare : « une race transplantée et isolée ».

« Dès aujourd'hui je vous demanderai s'il ne vous serait pas possible, dans un de vos prochains fascicules, de rassembler les études déjà parues et dispersées sur la race noire. Ce serait nous rendre un service signalé. La question de l'éducation de l'enfant et des études préoccupe en ce moment ; nos hautes écoles ont adopté le double cycle. Je recevrais avec plaisir, pour les communiquer aux principaux chefs d'institution, quelques exemplaires Ae-l'École nouvelle.

« En attendant l'honneur d'aller vous saluer à mon prochain voyage en France, en 1905, je vous prie d'agréer l'expression de mon profond respect.

« J. PICHON. »

i

Lille, le 1S octobre l'JOi. « Cher Monsieur,

« J'ai dû interrompre mes recherches au sujet du type flamand, mais je vais

avoir le loisir de les reprendre. Je crois du reste que j'irai beaucoup plus vite quand j'aurai pu étudier les articles concernant la méthode et la valeur exacte des termes de la nomenclature, qui ont paru dans les diverses années de la Science sociale. Nous parlerons alors la même langue et le rendement de mes efforts sera plus grand.

« En attendant, je vous envoie une copie de la lettre d'un de mes fermiers à qui j'avais écrit à la suite de la lecture du dernier Bulletin concernant l'institution des Husmoend dans le gaard norvégien. Je savais qu'il avait concédé, dans les mêmes conditions qu'en Norvège,, des parcelles à des ouvriers et il me semblait qu'il devait y avoir des analogies entre les deux manières de faire. Cela ne m'étonne pas du reste, étant donné tout l'ensemble de ren ■ seignements déjà recueillis et qui me persuadent de plus en plus de l'origine particulariste du type que j'étudie. 11 a depuis subi des déformations, probablement par suite des trois causes suivantes : 1° Mélange avec une population antérieure; 2" influence du lieu ; 3° influence. du travail. Quoi qu'il en soit, vous jugerez par vousmême des différences et des analogies.

« Le fait ne me paraît pas récent ni accidentel. En effet, il se produit actuellement encore dans d'autres régions du pays flamand, ainsi que le prouve l'usage suivant :

« Dans la région sablonneuse des Flandres, le personnel ouvrier se recrute sur place; il est logé en grande partie dans des maisons appartenant au fermier, ou que celui-ci donne en sous-location. Cette circonstance assure à l'ouvrier un travail continu et garantit au fermier le concours de son personnel. Par contre, l'ouvrier n'a pas la liberté voulue pour s'engager essentiellement dans des travaux, ou des entreprises avantageuses, étrangères à l'exploitation du fermier.

« Le même procédé a été employé comme méthode de défrichement, dans la même région des Flandres, au commencement du xix° siècle. J'aurai prochainement des détails à ce sujet.

« Agréez, etc.

« J. SCRIVE-LOYER. »


92

BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ INTERNATIONALE

Voici la lettre adressée à M. Scrive-Loyer par son fermier. Nos lecteurs en apprécieront l'intérêt.

« Il y a trois ans que j'ai concédé à titre de bail, sans engagement et sans écrit, à deux excellents ouvriers, dont l'un a quatre enfants et l'autre trois, deux parcelles de terre qui ensemble contiennent environ 70 ares. Ce qui m'a donné cette idée, c'est l'exemple de quelques bons fermiers mes voisins quifontla même chose, pour leurs domestiques principalement.

« Nous sommes dans un pays où la main ': d'oeuvre est relativement facile, mais déjà les industries, les fabriques nous enlèvent les meilleurs ouvriers. Rares sont-les jeu. nés gens, ayant terminé leur service militaire, qui reviennent à la ferme; l'un veut entrer dans la douane; l'autre reste en ville ; la plupart recherchent un emploi qui leur assure une petite retraite plus tard. Il faut donc, à celui qui veut s'attacher un petit noyau de bons ouvriers, consentir un léger sacrifice ; c'est ce que j'ai fait, en leur abandonnant ces quelques parcelles. Quand on a de bons ouvriers, le reste marche bien. J'ai donc un bon domestique, charretier hors ligne, conducteur de machines agricoles, mécanicien au' besoin, que je tiens par ce système et qui, j'en suis persuadé, ne me quittera pas facilement. L'autre est un ouvrier très intelligent et qui, au besoin, ferait le travail de deux et trois ; je suis donc, par le fait, à l'abri de toute éventualité. Car, parmi les jeunes serviteurs, vachers et servantes, c'est un changement continuel. Il n'est pas rare de changer de serviteurs huit et dix fois par an, ce qui a lieu au détriment du travail.

« L'ouvrier, ainsi installé sur la terre, travaille pour lui, pendant ses jours de liberté, et aussi les jours de « ducasses », qui sont autant de jours de chômage à différentes époques de l'année. Je ne vois pas que ce travail personnel influe en quoi que ce soit sur le travail que cet ouvrier doit à son patron. D'ailleurs, les travaux de labour et autres façons sont faits sur sa terre par les attelages de la ferme ; il ne lui reste plus que les soins de propreté, ce

qui constitue plutôt un passe-temps 'et l'éloigné du cabaret.

« La culture est invariablement la même chez tous ces petits occupants; elle consiste en blé et pommes' de terre. Le blé est toujours consommé par la famille, les pommes de terre sont en partie consommées et en partie vendues. Dans le cas de départ de l'ouvrier, voici comment on procède : si ce départ a lieu avant le 24 juin, il abandonne tout, moyennant paiement des semences et engrais; si c'est à la moisson, ou après, il enlève sa récolte. Sa terre est toujours très bien fumée, car il entretient de nombreux lapins et quelques chèvres et ses semences du début proviennent de glanage et de son potager. L'exactitude est de règle chez ces ouvriers, qui paient en argent le montant de ce qu'ils doivent.

« Les parcelles ainsi concédées sont tou-. jours de petites pièces isolées et souvent assez mal placées ; souvent aussi des pièces irrégulières et qui prennent un temps précieux aux fermiers pour leur façon. »

Ce dernier point accuse encore la similitude complète entre ce mode d'installation sur le domaine du patron, et celui qui se pratique en Norvège. Je considère que cette constatation a la plus grande importance au point de vue de la classification sociale, car elle nous permet de rattacher, par un nouveau lien, le type des Polders flamands à celui des Fjords Scandinaves. Nous reviendrons, à propos de la classification, sur ce sujet, dont les conséquences sont considérables.

E. D.

NÉCESSITÉ D'UNE ORGANISATION COMMERCIALE

Nous recevons l'intéressante communication qui suit. Elle émane, ainsi qu'on s'en rendra compte, d'une personnalité très au courant des choses du commerce. Nous la reproduisons d'autant plus volontiers qu'elle est une introduction naturelle à la question traitée dans le présent fascicule.

On a dit, à bien des reprises, dans les ouvrages et les journaux spéciaux, ainsi que


DE SCIENCE SOCIALE.

93

dans les rapports consulaires, que notre commerce d'exportation supporte difficilement la concurrence étrangère pour deux motifs: d'abord, il se heurte à une concurrence de plus en plus active, qu'il ne connaissait point autrefois ; ensuite, il est organisé sur un type ancien, qui ne répond plus à la situation actuelle des relations économiques.

Le développement énorme de la concurrence est un fait constant, sur lequel on n'a pas besoin d'insister. Des nations entières, autrefois surtout agricoles, sont devenues puissamment industrielles et fabriquent aujourd'hui, non seulement pour elles-mêmes, mais encore pour l'exportation. Il faut donc lutter contre elles à la fois.sur leur marché et sur les autres. C'est là assurément une difficulté grave ' de notre époque, mais il se trouve que notre pays est un des mieux placés pour résister avec succès à cette pression formidable de la concurrence, et cela pour deux raisons principales : nous avons des spécialités très difficiles, sinon impossibles à contrefaire, et notre éducation traditionnelle a donné à nos fabricants et à nos ouvriers des qualités spéciales très précieuses, qui impriment à leur production un cachet d'élégance, ou une qualité de choix très appréciées par la meilleure des clientèles : la clientèle aisée. Toutefois, ces avantages ne constituent pas un monopole, sauf exception bien rare. Par des soins particuliers, ou par une imitation habile, le concurrent étranger peut toujours tenter de substituer son produit aux nôtres, et il y réussit trop souvent. Heureux même quand il n'emploie pas des procédés déloyaux, comme les marques de fabrique imitées ou les fausses indications de provenance. C'est pour parer à ces attaques de plus en plus nombreuses et vives que le commerce français a besoin d'une organisation nouvelle, répondant à des conditions également nouvelles du marché international. '

En France, à l'heure présente, et bien que des progrès aient été réalisés déjà, le commerce d'exportation peut encore se caractériser par les traits suivants : il est inorganisé, et il est livré aux intermédiaires.

Il est inorganisé en ce sens qu'à une époque de puissante concentration des forces et des capitaux, alors que tout marche par grandes masses et par des moyens concentrés, l'exportateur français reste souvent livré à ses seules forces, qui sont naturellement limitées. Dans ces condi tions, absorbé d'ailleurs par les soins de son usine ou de son exploitation, le producteur reste trop engagé dans la routine des vieux procédés commerciaux, et, surtout, il demeure asservi aux intermédiaires. Ceci est, pour ainsi dire, la plaie vive du commerce français d'exportation. De tout temps il s'en est plaint, sans jamais réussir à y porter un remède suffisamment efficace.

Les intermédiaires du commerce international sont de trois sortes. Il y a d'abord le représentant, qui se borne à placer les marchandises d'autrui sans aucun risque pour lui-même. Il cherche le client et passe la commande, laissant le producteur expédier directement. Un lien s'établit ainsi entre le vendeur et l'acheteur, ce qui est précieux. En second lieu, il y a des commissionnaires qui, après avoir trouvé l'acheteur, se font adresser la marchandise et gardent le client à leur disposition. Aussi, lorsqu'ils trouvent avantage à placer les produits d'une autre fabrique, ils ne s'en font pas faute, et c'est ainsi que bien des articles français ont été remplacés par des imitations, commandées bien souvent par les commissionnaires euxmêmes, et exécutés sur des échantillons français fournis par ces mêmes commissionnaires. Rien n'est plus logique; en affaires, on cherche avant tout son intérêt personnel, c'est à chacun de se défendre a,u mieux. A côté du commissionnaire, vient le négociant qui achète ferme pour revendre à sa propre clientèle, qu'il garde pour lui, cela va sans' dire, au moins aussi jalousement que le commissionnaire, et à laquelle il cherche à passer le produit qui laisse aux mains du marchand intermédiaire le plus gros profit.

Ainsi, les intermédiaires dont nous venons de parler sont tour à tour les auxiliaires utiles ou les ennemis dangereux du producteur. Ils peuvent à leur gré le


94

BULLETIN DE LA SOCIETE INTERNATIONALE

favoriser ou le ruiner, selon le jeu de leur propre intérêt. C'est là précisément que réside le vice grave de cette organisation surannée. Il faudrait donc lui substituer quelque chose : de nouveau, qui fût mieux adapté à la situation actuelle des affaires, et. qui, en servant utilement le producteur, ne puisse jamais se tourner contre lui. Or, cette combinaison nouvelle, il faut la chercher dans une organisation collective de l'exportation. Cette organisation, si elle est bien conçue, peut en effet répondre aux besoins actuels de ce commerce, qui sont : la réduction des intermédiaires, l'exploration continue des marchés extérieurs, la régularisation des débouchés, la lutte contre les imitations plus ou moins déloyables, les relations plus directes avec la clientèle et la recherche méthodique de celle-ci.

Comment pourrait-on arriver à fonder une telle organisation, et quelle forme conviendrait-il de lui donner? La réponse à cette question découle assez logiquement de ce qui précède.

Nous venons de voir que la dispersion des efforts et des forces est, pour notre commerce extérieur, une cause grave de faiblesse. Il convient donc d'organiser un système d'action collective, au moyen d'un groupement des exportateurs français, dont le but sera précisément de procéder à ces investigations, à cette recherche de la clientèle, que l'exportateur peut rarement faire par ses seuls moyens, parce que ces moyens sont limités, tandis que les frais à faire sont considérables, hors de proportion souvent avec le profit que peut espérer une seule maison. Ce groupement devrait avoir à sa tête des hommes rompus aux affaires, capables par conséquent de diriger et de contrôler la marche des services communs. Au-dessous de ce Conseil, serait un Secrétariat général, comprenant trois services principaux : Études, Correspondance, Comptabilité.

Ce Secrétariat procéderait aux enquêtes économiques, soit sur documents, soit sur place. 11 centraliserait les renseignements propres à guider les adhérents dans le choix de leurs types de fabrication, d'emballage, le mode d'expédition, etc. Il se

procurerait tous les avis utiles touchant les frais de transport, les formalités en douane, les moyens de recouvrement, la solvabilité des acheteurs. Soit par des correspondances particulières, soit par des circulaires, il ferait connaître aux adhérents ces précieuses informations et ce serait déjà beaucoup, car un grand nombre de ces éléments nécessaires du commerce international ne sont pas aisés à obtenir pour un chef de maison affairé et peu au courant des sources, des procédés de renseignements. Le nombre et la nature des questions de cet ordre qui sont posées à nos consuls, montrent bien que la plupart des chefs de maison n'ont aucune idée de la meilleure voie à suivre pour s'informer à l'étranger, et cela, n'a rien qui puisse étonner. Pour se renseigner commodément et exactement, il faut savoir la langue et les usages du pays où l'on s'adresse, ou bien y avoir un correspondant sûr, chose difficile et onéreuse. Il ne faut donc pas trop vite condamner nos exportateurs, au moins les petits, et songer que leur inertie et leur faiblesse viennent surtout de leur isolement et de l'étroitesse de leurs moyens d'action.

Donc cette organisation centrale serait le moteur du système, qui aurait en outre ses organes extérieurs, répondant à un double besoin.

En premier lieu, il faut se rappeler que les exportateurs se heurtent tout d'abord à une première difficulté, qui les arrête dès le début; c'est l'élévation des frais de transport. En créant des centres régionaux d'expédition, où les colis seraient groupés de façon à bénéficier des réductions accordées aux gros chargements, on réaliserait des avantages sensibles, tant au point de vue de l'économie qu'à ceux de la régularité et de la sécurité. Ces bureaux de groupages seraient en même temps des agences de triage qui, sur des ordres venus du centre, dirigeraient les expéditions selon les besoins connus des divers marchés, de façon à éviter l'encombrement sur un point, tandis que la rareté se produit ailleurs, par suite de l'incohérence des expéditions; Ils procéderaient enfin à la revision


DE SCIENCE SOCIALE,

m

des colis et à la réfection des emballages défectueux, en vue de diminuer les chances d'avarie en cours de route.

En troisième lieu, l'Association devrait avoir des agences de vente dans tous les pays, A ce propos, remarquons que ces pays, n'étant pas tous dans la même situation, au point ;de vue de l'organisation de leur marché, ne devraient pas avoir tous un type d'agence uniforme, mais bien un type approprié au milieu. Ainsi, le marché anglais est tout à la fois un grand marché de consommation et un grand marché intermédiaire. Tout en. cherchant à vendre autant que possible directement dans les centres de consommation, il faut naturellement tenir compte de la vieille et puissante organisation du commerce britannique, et s'arranger de manière à conserver sa clientèle. Les agences d'Angleterre devraient donc être organisées en conséquence. D'autre part, si nous considérons les pays d'Orient et d'Extrême-Orient, ou ceux de l'Amérique du; Sud, nous y trouvons une situation très différente ; ce sont là surtout des pays de consommation, où il y aurait peut-être lieu d'établir des magasins de vente au détail. Quoi qu'il en soit, chaque agence devrait être organisée après enquête, au moyen d'agents connaissant la langue du pays et ayant l'expérience de la place où ils auraient à agir. Ils seraient assistés par des jeunes gens qui, après un stage dans une maison, de France, iraient au loin commercer et suivre leur carrière commerciale dans des conditions particulièrement favorables. Les agences extérieures auraient donc à étudier leur marché, à transmettre les informations utiles quant à lanature et à l'étendue des besoins, aux exigences de la clientèle, à sa solvabilité. Elles rechercheraient les acheteurs, soit dans le commerce de gros et de détail, soitparmi les consommateurs directement, selon le cas. Elles recevraient les expéditions, les vérifieraient, évitant ainsi bien des contestations et bien des déboires causés par des avaries survenues en cours de transport, ou par des erreurs, des oublis, ou même par la mauvaise foi de l'acheteur. Les agences assureraient en outre les recouvrements et feraient des remises collectives

collectives l'agence centrale, ce qui procurerait encore des facilités et des économies. Avec ce système, on pourrait plus, sûrement accorder au commerce local des délais et du crédit, chose fort importante dans le commerce d'exportation, mais que nos exportateurs se décident difficilement à concéder, à cause des risques que leur fait courir le défaut de renseignements sûrs.

Tel serait le système. Il se résume en ceci : par l'effort collectif, arriver à réduire les intermédiaires, à diminuer les frais et les risques, à mieux trouver la clientèle, à répartir équitablement les commandes entre les maisons syndiquées, en un mot à augmenter le trafic et, par conséquent, les occasions de profit. Encore une fois, ce but ne peut être atteint, à l'heure actuelle, que par une puissante organisation. Les maisons assez riches, pour se la donner réussissent; pour les autres, il faut opérer un groupement de forces. La chose n'ira pas sans dificultés, cela va sans dire, mais elle est parfaitement faisable. Quelques hommes de bonne volonté et d'expérience y arriveraient sûrement s'ils avaient derrière eux un assez grand nombre de participants. Les syndiqués auraient à payer d'abord une cotisation fixe, d'ailleurs peu élevée, plus un tant pour cent sur les affaires faites à leur profit* Ces fonds serviraient à solder les frais de personnel, d'études, de missions, de correspondance, etc.

i.. p.

Henri de Tourville, qui a tout fait pour promouvoir l'étude des faits sociaux d'après la méthode de l'observation scientifique, aimait à répéter que c'est à tout objet de connaissance que cette méthode peut et doit être appliquée. On ne sait pas assez qu'il a fait la preuve de cette assertion en ce qui concerne l'étude des faits religieux.

Longuement formé à l'école de ce grand et puissant penseur, un des membres de notre société, M. l'abbé Picard, s'est attaché, lui aussi, à faire cette preuve.

Ha fondé un cours dont le but est d'appliquer à l'étude de la religion la méthode rigoureuse des sciences.


96

BULLETIN DE LA SOCIETE INTERNATIONALE

Il croit utile d'indiquer ce cours aux membres de notre Société, et il se propose d'envoyer à ceux d'entre eux qui habitent Paris une carte d'entrée, qu'ils recevront prochainement.

Le cours est gratuit.

Il aura lieu, cette année, du 27 novembre au20 février.

Il se fait rue de Furstenberg, 6, près de Saint-Germain des Prés, le Dimanche matin, à 9 heures 3/4 très précises, pour finir . toujours avant 11 heures.

UNE MONOGRAPHIE HISTORIQUE

Pénétré de cette idée que «. l'histoire générale et l'histoire locale doivent se prêter un mutuel appui », que c'est à la lueur de l'une qu'il faut éclairer l'autre, M. Lafarge essaie de faire l'application de sa thèse à son pays natal, le Limousin. On ne saurait trop se louer de la faveur dont jouissent, à l'heure actuelle, en France, ces études spéciales reposant' sur des documents précis. La monographie doit rénover l'histoire proprement dite, comme elle a revivifié la Science sociale.

Il ne nous est pas possible d'entrer dans l'examen détaillé de chaque partie du travail de M. Lafarge. Nous voudrions cependant donner une idée du plan de l'auteur et de sa méthode.

Son point de départ est excellent. Il commence par bien délimiter son sujet, dans l'espace (étude géographique et géologique du Limousin) et dans le temps (état de l'agriculture dans cette province au xvme siècle). Mais qu'il nous permette ici une petite critique. Que nous aurions aimé, à ce moment-là, une étude un peu approfondie de l'état social actuel du Limousin. M. Lafarge n'a pas l'air de croire (oh ! tant d'autres ont commis cette erreur avant lui qu'il est bien pardonnable), que la science procède du connu à l'inconnu, du simple au complexe. Que l'étude des sociétés anciennes doit être précédée de' celle des sociétés actuelles, qui sont,

puisqu'elles existent, infiniment plus commodes à comprendre. On les observe directement tandis que les autres on ne les juge que d'après des documents plus ou moins précis, plus ou moins suffisants. Une fois le type actuel connu, au contraire, on peut facilement remonter dans le passé, et, avec ce fil conducteur, le comprendre beaucoup plus sûrement.

Que la connaissance du Limousin actuel, où vit un des types sociaux les plus com^ munautaires de France, partant peuplé de gens indolents, peu doués d'initiative, peu susceptibles de progrès (en ce qui concerne les campagnes tout au moins), nous eût servi à comprendre les difficultés que rencontra Turgotquand ilessayade le remuer un peu, de le faire profiter de ses réformes. « La goutte dont il souffrait depuis si longtemps, et aussi l'indolence limousine à,la' quelle il se heurtait toujours, contribuait encore à irriter son caractère, dit M. Lafarge en parlant de Turgot. * Comme on eût mieux compris, les colères, les dégoûts, les irritations de ce malheureux ministre, las de se battre pour ou contre des gens si apathiques.

Nous sommes donc en plein xvme siècle, les Physiocrates sont en grande faveur et l'agriculture devient à la mode. Il est de bon ton de causer économie politique dans les salons, comme aujourd'hui questions sociales, et l'on connaît la célèbre boutade de Voltaire : « La nation, saturée de romans et de tragédies, se mit à disserter sur les blés, s M. Lafarge va essayer de « montrer ce qui fut fait pour l'agriculture dans un pays essentiellement agricole, par un grand esprit imbu des idées physiocratiques ».

Mais pour comprendre les réformes de Turgot, il faut connaître l'état de l'organisation administrative du Limousin au xvme siècle. C'est ce que commence par faire l'auteur. Puis il faut donner une idée des habitants, faire le dénombrement de ces habitants par catégorie, par classes, le clergé, la noblesse, la bourgeoisie, la classe rurale, laboureurs, métayers, etc.. Il faut indiquer, aussi, le régime de la propriété, grande, moyenne, petite, son mode d'ex-


DE SCIENCE SOCIALE.

97

ploitation, faire-valoir direct, par domestiques, métayages, et les produits du sol à ce moment-là. C'est ce que ne manque pas d'essayer défaire M. Lafarge. Tantôt s'appuyant sur les travaux de M. J. Loutchisky, principalement sur son livre, la Propriété rurale en France avant la Révolution, et particulièrement en Limousin, tantôt sur ses observations personnelles, dans un pays où tout lui est familier. L'auteur arrive à nous fournir des chiffres précis qui paraissent devoir être exacts.

Sans doute, il n'y a, dans le travail de M. Lafarge, qu'un essai, qu'une tentative, mais ils sont des plus intéressants. Là est l'oeuvre personnelle et nous regrettons qu'elle n'occupe qu'une si petite place dans le travail complet. Nous sommes persuadés, en effet, que l'avenir est là, et que le jour où l'on voudra appliquer la méthode rigoureuse de la science sociale à l'étude de la propriété sous l'ancien régime, on arrivera à des résultats précis en une matière où il semble que surtout l'imagination se soit jusqu'à présent donné carrière.

Les conclusions de M. Lafarge sur ces questions-là, sont que, dans son ensemble, le Limousin produisait déjà plus de céréales qu'il n'était nécessaire à la consommation de ses habitants et que le plus important pour cette province était d'obtenir un allégement de ses charges, et la création des débouchés.

Turgot va essayer de résoudre ces deux problèmes qui, sous la monarchie centralisée et déjà besoigneuse d'alors, n'étaient guère plus faciles à résoudre qu'aujourd'hui...

Il y réussit en partie cependant. Impôts, services militaires, l'intendant s'occupe de tout. Il créé des Ecoles d'Agriculture qui permettront d'améliorer les produits. Puis il facilitera les débouchés. A cette époque, dans beaucoup de provinces comme dans celle qui nous occupe, on produit plus qu'on ne. consomme, il faudrait écouler les denrées. Mais le commerce de la principale, les grains, n'est pas libre. Turgot bataille et obtient, après s'être heurté A,^ combien de mauvaises volontés, que/e^, grains circulent librement. '~3 f

Aux voies de transport maintenant. Il y a la Charente, « la Charente dont les ports de Rochefort et de Charente, écrit-il au contrôleur général, forment l'abord, est le débouché naturel de toutes les denrées de la Saintonge et de l'Angoumois. Plusieurs parties du Périgord, du Poitou, du Limousin n'ont de communication avec la mer et avec l'étranger que par le moyen de cette rivière ». Mais Rochefort était port de guerre, et on ne voulait point permettre aux navires marchands d'y séjourner. D'un autre côté, la Rochelle proteste déjà contre la création d'un nouveau port. Il fallut l'arrivée de Turgot au ministère pour obtenir la réalisation de ses projets.

Il en avait bien d'autres, mais qui eurent un moins heureux sort : il voulait, par exemple, rendre la Vezère navigable jusqu'à sa jonction avec la Dordogne. Il fit faire des plans très poussés, mais jamais il ne put arriver à leur réalisation.

En revanche, il eut plus de succès avec les routes. II parvint, par le rachat de la Corvée qui ne donnait rien de bon, à construire ces magnifiques voies qu'Arthur Young devait si fort admirer quelques années plus tard.

Enfin, M. Lafarge nous fait assister à sa lutte, contre la fameuse disette de 1770. On y voit avec quel dévouement il s'occupa de ce pays auquel il consacra les meilleures années de sa vie. Aussi comprend-on facilement que son départ fut considéré comme un deuil général. On disait : « C'est bien au roi de le prendre, mais c'est un grand malheur pour nous de le rendre. >

Et pourtant, il n'est presque rien resté d'une administration si dévouée, M. Lafarge le déplore. Il faut en voir la raison dans le type social des habitants qui les rendait peu aptes à profiter des améliorations dont il essayait de les doter. Ce qui prouve entre parenthèses, et c'est la moralité qui se dégage du livre, que le rôle de ministre ou d'État-Providence, quelque bien rempli qu'il soit, n'apporte jamais une ^sel«4i«nvraie et définitive aux difficultés «Jreililçjytopeut en attendre quelque soula'geînerîts^a^mère, mais la guérison radijcale jamW^Ç'est surtout- au point de vue


98

BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ INTERNATIONALE

social qu'il est juste de dire que le salut

est en nous.

M. BURES.

TYPES SOCIAUX MALFAISANTS

Sous le titre Psychologie du député *, M. Jules Delafosse a réuni diverses études sur le rôle malfaisant des politiciens dans la société contemporaine.

Bien que l'auteur appartienne à un parti et, en divers endroits de son volume, rompe des lances en faveur de la cause qui lui est chère, beaucoup de ses réflexions s'appliquent au politicien en général, et les observations qu'il a pu faire au cours de sa carrière législative constituent, d'une certaine manière, une « contribution à l'étude » de toute une classe fort intéressante, sinon par ses mérites, du moins par l'étendue de son intervention et de ses dégâts.

Citons quelques fragments :

« L'extrême centralisation qui pèse sur la société française fait de la plupart des citoyens des clients de l'État, et c'est le député qui sert d'intermédiaire entre eux et lui. Voici, par exemple, une famille composée de trois garçons et de deux filles. L'aîné rentre du service militaire et demande une place. Car il a pris, pendant ses trois années de caserne, tous les métiers libres en horreur. Il lui faut un emploi dans une administration quelconque : c'est le député qui est chargé de la lui trouver. Le second est conscrit ; mais avec un peu de protection, on pourrait peut-être le faire exempter. C'est le député qui est chargé de la manoeuvre. Si elle ne réussit pas, on essaiera de réduire son temps de service par des permissions et des congés répétés, et c'est encore le député qu'on charge d'écrire au colonel, au général, au ministre de la guerre. Le troisième fait ses études : ne serait-il pas possible de lui obtenir une bourse? Nouvelle requête au député. La fille s'est mise en tête d'être institutrice; il faut que le député la recommande aux examinateurs, à l'ins•I.

l'ins•I. et Nourrit.

pecteur d'académie, au recteur, au préfet. La seconde se mariera peut-être, et c'est au député que le père recommandera son gendre. A-t-il un procès? C'est au député qu'il s'adresse pour qu'on le recommande aux juges. Multipliez cette famille par quelques millliers d'autres qui ont des besoins analogues à satisfaire, et considérez qu'à ces requêtes individuelles s'ajoutent incessamment les requêtes plus pressantes encore de collectivités qui s'appellent sociétés de tir, sociétés colombophiles, comices, harmonies, orphéons, communes, cantons, etc., et vous aurez une idée approximative de la fonction du . député. »

M. Delafosse décrit ensuite la grande salle des conférences, au Palais-Bourbon, où, autour d'une immense table en fer à cheval; les députés écrivent leur correspondance :

« Ils sont là une centaine qui écrivent éperdument des lettres, et cet exercice dure de deux à six heures, sans interruption... Les malheureux, tout en écrivant leurs lettres, se font parfois des confidences sur les ennuis du métier, et l'on entend alors des dialogues comme celuici : « Ces électeurs ont des idées vraiment incroyables! En voilà un qui me demande Non! vous n'imaginez pas ce

qu'il me demande ! — Oh ! vous pouvez me le dire sans m'étonner. Quelle que soit sa demande, soyez certain que j'ai la pareille.

— Eh bien ! il me demande d'aller lui acheter un parapluie au Bon Marché

— Peuh! c'est une commission relativement facile. J'en ai un, moi, qui m'envoie son fils et me charge de lui trouver une place de cocher dans une bonne maison !

— J'ai mieux que cela, moi, fait un troisième émoustillé par ces propos de révolte. Un électeur m'écrit qu'un vieil oncle à lui vient de mourir dans le quartier des Halles, et il me charge d'élucider ses titres à la succession!.... » Après cette intermède, tous trois se remettent à écrire, et les lettres s'accumulent par paquets devant eux. Car il faut non seulement répondre à l'électeur, mais il fau écrire encore au ministre, au sous-secrétaire d'Etat, au direc-


DE SCIENCE SOCIALE.

99

teur, au général, au colonel, au préfet, au sous-préfet, au procureur, au président du tribunal, à l'agent voyer ; bref, à tous ceux qui peuvent disposer d'une place ou d'une faveur. »

Une légende courante, accréditée par ceux qui ont intérêt à la répandre, dit que le législateur est un homme fort laborieux... dans les commissions. M. Delafosse réduit à néant cette légende. D'abord les membres des commissions ne viennent pas aux séances, puis celles-ci servent de prétexte à enterrer toutes les réformes utiles. « Il y a, dit-il, dans notre constitution politique et sociale, dans nos institutions, dans nos lois, dans notre procédure, des abus criants à détruire, des progrès urgents à réaliser. On a déposé des projets à cet effet; mais les projets n'aboutissent pas, tantôt parce que la commission chargée de statuer sur eux néglige de les rap- . porter, tantôt parce que la Chambre, dévorée par la politique, refuse de les inscrire à son ordre du jour. ».

Comment beaucoup de politiciens arrivent-ils^ Par l'outrance de leurs opinions : « Les opinions extrêmes confèrent à celui qui les professe l'avantage de pouvoir tout critiquer sans avoir rien appris et c'est là une carrière aussi fructueuse qu'elle est facile. Pour peu qu'on puisse mettre une plume incisive et une parole ardente au service de ses diatribes, on conquiert rapidement une renommée. Mais il n'y a le plus souvent sous ces renommées hâtives qu'une anarchie d'idées qui suffit à la tâche tant qu'il s'agit uniquement de détruire, mais qui condamne sûrement son homme à l'extravagance, dès qu'il faut en venir à l'action. »

L'initiative énergique, dans le domaine politique comme dans tous les autres, a des résultats (bons ou mauvais selon les hommes) que' M. Delafosse constate en cette formule concise : « Ce sont les mi.norités qui mènent le monde, parce qu'elles sont naturellement combatives, et que les majorités ne se défendent pas. »

L'importance exagérée prise par certaines « affaires » et la façon dont elles mettent toutes les têtes à l'envers parait à

l'auteur un bien fâcheux symptôme. « On note chez tous les peuples en décadence, dit-il, comme un symptôme de la décomposition prochaine, des accidents de cette espèce, c'est-à-dire un soulèvement de l'opinion publique pour des affaires de rien... La querelle des Bleus et des Verts qui faillit emporter le trône de Justinien est le plus bel exemple de cette névrose qui est l'affection commune aux nations finissantes. »

Et ailleurs :

« Le politicien pérore, discute, ergote, s'agite, combat : il ne travaille jamais. Il est incurablement stérile, parce qu'il n'a ni puissance ni savoir... Ils ne sont rien, ne représentent rien, et pourtant ils sont mes maîtres. Ils n'apportent aucun élément actif ou fécond dans la communauté, et ce sont eux qui la régissent. C'est le comble de l'absurdité. »

Parler des politiciens, c'est parler des Méridionaux. Aussi un chapitre du livre de M. Delafosse est-il intitulé : le Démon du Midi. L'auteur met en relief les avantages que donnent au Méridional, dans la lutte politique, ses qualités et ses défauts. L'éloquence, prise dans son sens le plus large, joue un grand rôle dans ce phénomène :

■ « Tous les Méridionaux ne sont pas éloquents, mais tous paient tribu à l'éloquence. Car tous ont le tempérament oratoire; je veux dire que tous tiennent de leur climat et de leur soleil, de leur sol et de leur race, une nature impulsive qui vibre sous le musique des mots, comme la corde d'un violon sous l'archet. Aussi sont-ils une proie d'élection pour les sophistes et les charlatans. Et cette espèce pullule dans tout le Midi. L'éloquence proprement dite y est plutôt rare, comme partout. Mais elle a, comme toutes les nobles choses, sa contrefaçon. C'est un don subalterne qui s'appelle le bagout. »

Ces extraits suffisent à montrer que le volume de M. Jules Delafosse correspond à un sentiment qui grandit de plus en plus chez les esprits sérieux et pratiques : le dégoût des politiciens. C'est une oeuvre utile que de diminuer le prestige de ceux-


100

BULLETIN DE LA SOCIETE INTERNATIONALE DE SCIENCE. SOCIALE.

ci, et d'écarter des carrières politiques les jeunes gens, qui, en se vouant aux besognes vraiment fécondes, éviteront le péril de constituer, selon le mot que l'auteur donne pour titre à un de ses chapitres, des « forces perdues ». G. D'A.

BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE

Politique africaine (Maroc, Afrique Occidentale, Algérie, Tchad, l'effort étranger), par Lucien Hubert, avec une préface de M. Etienne. — Dujarric et Cie, Paris.

M. Lucien Hubert, député, s'est fait une spécialité des questions africaines. Il réunit dans ce volume divers articles et discours qu'il a publiés ou prononcés sur ces questions. L'auteur, au moment où l'on s'occupe du péril jaune, a jugé utile c d'opposer aux craintes venues d'Asie l'espoir surgi d'Afrique ». Tl est ce qu'on appelle un « colonial » ; il est partisan d'une politique d'intervention et de protectorat au Maroc, apprécie le fonctionnement des i délégations algériennes », et s'occupe, avec un grand luxe de chiffres et détails techniques, des divers moyens de mettre en valeur notre domaine colonial : chemins de fer, outillage des ports, assainissements, emprunts coloniaux, etc. Il se place beaucoup plus au point de vue administratif qu'au point de vue social. Le style contraste parfois, par une certaine emphase, avec la sécheresse voulue du sujet. Du reste, il y a çà et là quelques réflexions assez justes, qui dénotent l'homme compétent. Il proteste, par exemple, contre « cette puérile manie de vouloir étonner le monde civilisé et les populations indigènes par des blocs de maçonnerie et de grandioses ouvrages d'art, manie qui certes flatte notre vanité, mais trop souvent nous a amenés à ne brosser que des façades à nos colonies. »

En Corée, par Emile Bourdaret. — Pion et Nourrit, Paris.

M. Bourdaret a parcouru la Corée en touriste, peu de temps avant la guerre russo-japonaise. Il nous décrit ce pays d'une façon pittoresque et nous initie à

quelques particularités intéressantes des moeurs coréennes.

Selon l'auteur, l'impression générale du visiteur est qu'il a en face de lui une nation intelligente, bonne, hospitalière, mais dont la mentalité est retardataire. La terre de la t Fraîcheur matinale », ainsi que les Extrêmes-Orientaux appellent la Corée, ne s'est réveillée de son sommeil séculaire, hantée de rêves merveilleux, que pour devenir la proie de convoitises rivales. M. Bourdaret a noté l'activité des Japonais dans cette péninsule si rapprochée de leur empire, et qui fournit un commode débouché à l'excès de leur population.

Le volume est illustré de vingt-quatre magnifiques gravures hors texte. La partie la plus intéressante, au point de vue social, est celle où l'auteur s'occupe de la famille coréenne et de ses usages si éminemment patriarcaux.

Évadée, par une institutrice laïque. P. Lethielleux. — Paris.

Dans une série de lettres adressée à une amie, Renée Montreux, institutrice adjointe dans un bourg du Limousin, nous met au courant de son état-d'âme et des petits ennuis du métier. Comme elle est d'un caractère indépendant et veut jouir de la vie, elle se cabre sous les épreuves et les agaceries qui lui tombent en partage. Elle veut donc « s'évader », c'est-à-dire aller à Paris, se faire actrice, récolter des applaudissements, vivre de l'existence factice et enfiévrée du théâtre. Des réflexions, des conseils et finalement une salutaire crise morale viennent heureusement changer ce plan d'évasion. Renée s'évade bien, mais d'une autre côté. Elle entre dans l'enseignement libre, où elle pourra désormais, non pas seulement inculquer aux fillettes quelques bribes de connaissances sous la surveillance jalouse de l'administration, mais former véritablement leur âme et faire oeuvre • d'éducatrice dans le sens le plus large du mot.

Ces lettres sont intéressantes, bien écrites, et contiennent des scènes piquantes, qui ouvrent un jour curieux sur les infiniment petits du monde de l'enseignement.


OUVRAGEES REÇUS

Chez FÉLIX ALCAN : Vues du dehors, par Nordau. — Psychologie des peuples européens, par Fouillée. — Le \éda, par Oldenberg. — Exode rural, par Vandervelde. ■— La Morale, par Cresson. — L'énigme sociale, par Peufon. — Morale sociale, par Deschamps. — Nouveau programme de Sociologie, par Roberty. — Annales de Sociologie 1900-1901. — Pierre Leroux, par P. Félix Thomas.

A la LIBRAIRIE DE LA SOCIÉTÉ DU RECUEIL GÉNÉRAL DES LOIS ET DES ARRÊTS : Du remembrement de la propriété foncière dans les pays germaniques, André par Poisson.

Chez ALBERT FONTEMOING : Études d'histoire, par Arthur Chuquet (in-8°, 3 fr. 50;.

Chez VICTOR LECOFFHE : La Politique chrétienne, par A. D. Sertillanges.

Chez P., Lethielleux : Le réalisme chrétien et l'idéalisme grec, par L. Laberthonnière (in-12, 2 fr. 50). — Hippolyte Taine, par Lucien Roure (in-12, 2 fr. 50). — Vie intime de Pie X, par C. Albin de Cigala (in-12, 3 fr. 50).

Chez PERRIN et Ci 0 : L'Empire de la Méditerranée, par René Pinon (in-8° écu, 5francs). — La Question d'Orient, par C. R. Geblesco (in-16, 3 fr. 50). — La Politique franco-anglaise, par Gabriel Louis Jaray (in-16, 3 fr. 50). — Cent années de rivalité coloniale, par Jean Daray (in-8°, 7 fr. 50). — Les Jacobins au pouvoir, nouvelles études

sur la Franc-Maçonnerie contemporaine, par Paul Nourrisson (in-12, 3 fr. 50). — Autour de l'Afrique par le Transvaal, par Robert Huchard (in-12, 3 fr. 50). — Traité de l'Occident, par Adrien Mithouard (in-12, 3 fr. 50). — Syndicats, mutualités, retraites, par Ludovic de Contenson (in-12; 3 fr. 50).

Chez ARMAND COLIN : La Démocratie en Nouvelle-Zélande, par André Siegfried (in-18 jésus, 4 fr.).

Chez MARCHAL ET BILLARD : De l'inconvénient devant la justice française de faire éclater son innocence avant le moment opportun, par Henri Coulon.

Chez GUILLAUMIN et Cic : H. Taine, par Emile Lefèvre.

Aux ÉDITIONS COLONIALES ET MARITIMES : Les Pêcheurs Bretons en Tunisie, par Marc Parker (in-8° jésus, 2 fr.).

Chez WALTENER et C'e (Lyon) : Élude sur le crédit personnel, par Auguste Larue.

Chez PLON et NOURRIT : Concordat ou séparation, par Georges Noblemaire (in-16, 3 fr. 50). La Bosnie populaire, par Albert Bordeaux (in-18, 3 fr. 50).

Chez DUJARRIC ET C'° : Yang-Hun Toy (le diable étranger) roman de moeurs chinoises , par Venceslas Sieroszeweski, traduit par B. Kozakiewicz (in-12,3 fr. 50). — Le mystère de Quiberon, par Ad. Lanne (in-12,3 fr. 50). — La Grande-Bretagne jugée par un Américain, par Andrew Carnegie, traduit par Albert Savine (in-12, 3 fr. 50).



ANNÉE 1904

9° LIVRAISON

BULLETIN

SOMMAIRE : I. Société internationale de Science sociale : Nouveaux membres. — Correspondance. — Le prochain fascicule. — Les Cours de Science sociale. — L'Histoire de la Formation particûlariste. — L'École libre de demain. — IL Groupes d'expansion commerciale : Comité de patronage. — L'organisation des groupes, par M. JEAN ROGER. — Bureau des études : 1" Association, ou contrat individuel ; 2° Nos premiers représentants ; 3° Section de Londres. — Bulletin bibliographique.

FASCICULES PARUS DANS LA NOUVELLE SÉRIE

N° 1. — La Méthode sociale, ses

procédés et ses applications, par EDMOND DEMOLINS, ROBERT PINOT et PAUL DE ROUSIERS.

N° 2. — Le Conflit des races en Macédoine, d'après une observation monographique, par G. D'AZAMBUJA.

N° 3. — Le Japon et son évolution sociale, par A. DE PRÉVILLE.

N° 4. — L'Organisation du travail, Réglementation ou Liberté, d'après

l'enseignement des faits, par EDMOND DEMOLINS.

N° 5. — La Révolution agricole,

Nécessité de transformer les procédés de culture, par ALBERT DAUPRAT.

N° 6. — Journal de l'École des Roches, par les PROFESSEURS ET LES ELÈVES.

N° 7. — La Russie; le peuple et le gouvernement, par Léon POINSARD

N° 8. — Pour développer notre commerce ; Groupes d'expansion commerciale, par EDMOND DEMOLINS.

ORGANISATION DE LA SOCIÉTÉ

But de la Société. — La Société a pour but de favoriser les travaux de Science sociale, par des bourses de voyage ou d'études, par des subventions à des publications ou à des cours, par des enquêtes locales en vue d'établir la carte sociale des divers pays. Elle crée des comités locaux pour l'étude des questions sociales. Il entre dans son programme de tenir des Congrès sur tous les points de la France, ou de l'étranger, les plus favorables pour faire des observations sociales, ou pour propager la méthode et les conclusions de la science. Elle s'intéresse au mouvement de réforme scolaire qui est sorti de la Science sociale et dont l'École des Roches a été l'application directe.

Appel au public. — Notre Société et

notre Revue s'adressent à tous les hommes d'étude, particulièrement à ceux oui forment le personnel des Sociétés historiques, littéraires, archéologiques, géographiques, économiques, scientifiques de province. Ils s'intéressent à leur région; ils dépensent, pour l'étudier, beaucoup de temps, sans que leurs travaux soient coordonnés par une méthode commune et éprouvés par un plan d'ensemble, sans qu'ils aboutissent à formuler des idées générales, à rattacher les causes aux conséquences, à dégager la loi des phénomènes. Leurs travaux, trop souvent, ne dépassent pas l'étroit horizon de leur localité; ils compilent simplement des faits et travaillent, pour ainsi dire, au fond d'un puits.

La Science sociale, au point où elle est maintenant arrivée, leur fournit le moyen de sortir de ce puits et de s'associer à un


travail d'ensemble pour une oeuvre nouvelle, qui doit livrer la connaissance de plus en plus claire et complète de l'homme et de la Société. Ils ont intérêt à venir à elle.

La crise sociale actuelle et les moyens d'y remédier. — Tout en continuant l'oeuvre scientifique, qui doit toujours progresser, nous devons vulgariser les résultais pratiques de la science, en montrant comment chacun peut acquérir la supériorité dans sa profession. Par là, notre Société s'adresse à toutes les catégories de membres.

La crise sociale actuelle est, en effet, la résultante des diverses crises qui atteignent les différentes professions.

Chaque profession doit donc être étudiée et considérée séparément, dans ses rapports avec la situation actuelle et avec les solutions que cette situation comporte.

Publications de la Société.— Tous les membres reçoivent la Revue la Science sociale et le Bulletin de la Société.

Enseignement. — L'enseignement de la Science sociale comprend actuellement trois cours : le cours de M. Paul Bureau, au siège de la Société de géographie, à Paris; le cours de M. Edmond Uemolins, à l'Ecole des Roches, et le cours de M. G. Melin, à la Faculté de droit de Nancy. Le cours d'histoire, fait par notre collaborateur le Vte Ch. de Calan, à la Faculté de Rennes, s'inspire directement des méthodes et des conclusions de la Science sociale.

Missions et voyages. — La Société attribue des bourses de voyages, ou d'études, aux personnes qu'elle choisit, principalement aux élèves des cours de Science sociale. Elle détermine les sujets à étudier par les bénéficiaires de ces bourses. Elle examine les travaux remis par eux et se réserve la faculté de les publier dans la I

Science sociale, ou de les rendre à leurs auteurs.

Sections d'études. — La Société crée des sections d'études composées des membres habitant la même région. Ces sections entreprennent des études locales suivant la méthode de la Science sociale, indiquée plus haut. Lorsque les travaux d'une section sont assez considérables pour former un fascicule complet, ils sont publiés dans la Revue et envoyés à tous les membres. On pourra compléter ainsi peu à peu la. carte sociale de la France et du monde.

La direction de la Société est à la disposition des membres pour leur donner toutes les indications nécessaires en vue des études à entreprendre et de la méthode à suivre.

Bibliothèque de la Science sociale. — Elle comprend aujourd'hui une trentaine de volumes qui s'inspirent de la même méthode. On en trouvera la liste sur la couverture de la Revue. Quatre de ces volumes ont été présentés aux concours de l'Institut : tous ont été couronnés. Plusieurs ont été traduits en anglais, en allemand, en russe, en italien, en espagnol, en grec, en hongrois, en arabe et en japonais. Quelques-uns ont atteint des tirages de huit, dix et vingt-cinq mille exemplaires.

Conditions d'admission. — La Société

comprend trois catégories de membres,

dont la cotisation annuelle est fixée ainsi :

1° Pour les membres titulaires :20 francs

(25 francs pour l'étranger) ;

2° Pour les membres donateurs : 100 francs ;

3° Pour les membres fondateurs : 300 à 500 francs.

Sections d'études sociales. — Abonnements de propagande à 8 fr. et à 3 fr. — Demander le prospectus au Secrétariat.

CHEMIN DE FER DE PARIS A ORLEANS

L'Hiver à Arcachon, Biarritz, Dax, Pau. etc.

Billets d'aller et retour individuels et de famille de toutes classes.

Il est délivré toute l'année par les gares et stations du réseau d'Orléans pour Arcachon, Biarritz, Dax, Pau et les autres stations hivernales du midi de la France :

1° Des billets d'aller et retour individuels de toutes classes avec réduction de 25 % en 1™ classe et 20 % en 2" et 3e classes;

2° Des billets d'aller et retour de famille de toutes classes comportant des réductions variant de 20 % pour une famille de 2 personnes à 40 °/o pour une famille do G personnes ou plus; ces réductions sont calculées sur les prix du Tarif général d'après la distance parcourue avec minimum de 300 kilomètres, aller et retour compris.

Ces billets sont valables 33 jours, non compris les jours de départ et d'arrivée.


ANNÉE 1904

9» LIVRAISON

BULLETIN

I. - SOCIÉTÉ INTERNATIONALE DE SCIENCE SOCIALE

NOUVEAUX MEMBRES

MM. A. BIOL, à St-Chamond (Loire), présenté par M. Edmond Demolins.

E. BRUNET, à Laon (Aisne), présenté par le même.

Le D 1' Alfonso CELSO, avocat, Rio-de-Janeiro (Brésil), présenté par M. A. Guimaraes.

J. DURAND, ingénieur chimiste, professeur à VEcole des Boches, présenté par M. R. Jaminet.

Le général GAUTROT, Paris, présenté par M. Storez.

Bernardo HORTA, député, Rio-de-Janeiro (Brésil), présenté par M. A. Guimaraes.

M. JACQUINOT, ingénieur, Langres (HauteMarne), présenté par M. Edmond Demolins.

H. LANDRO, industriel, Moscou, présenté par le même.

Pascal LOHEST, avocat, Liège, présenté par MM. Xhaard et Louis Sépulchre.

M. LEROUX, juge de paix, Malaucène (Vaucluse), présenté par M. Hallouin.

Theodoro MONTEIRO DE MACEDO, ingénieur, Directeur des Travaux publics, Quelimane (Afrique Orientale Portugaise), présenté par M. G. de Portugal Durâo.

Le Dr José PIZA, avocat, Rio-de-Janeiro (Brésil), présenté par M. A. Guimaraes.

Pierre POCIIET, Montréal (Canada), présenté par M. A. Pochet.

Edouard PRUJMIOMME, gérant de la C'° du Boror, Quelimane, présenté par M. Durâo. <

Le D 1' Sylvio ROMERO, professeur, Rio-deJaneiro, présenté par M. A. Guimaraes.

J. SALLIN, négociant, Londres, présenté par M. J. Périer.

Charles SÉPULCHRE-DOR, industriel, Liège, présenté par M. Louis Sépulchre.

Charles SÉPULCIJRE-LEMAIRE, industriel, Herstal-lez-Liège, présenté par le même.

Edouard SÉPULCHRE, ingénieur, Marcheles-Dames (Belgique), présenté par le même.

François SÉPULCHRE, industriel, Liège, présenté par le même.

Louis Siou, industriel, Moscou, présenté par M. Edmond Demolins.

Ernest STOBERG, Stockholm (Suède), présenté par le même.

Charles WADDINGTON, château de Vert (Eure-et-Loir), présenté par le même.

NOUVEAUX CORRESPONDANTS ET CHEFS DE GROUPE

MM. A. DE PORTUGAL DURAO, Quelimane, (Afrique Orientale Portugaise). Le D 1' Silvio ROMERO, professeur, Rio-deJaneiro.

CORRESPONDANCE

Rio-de-Janeiro, le 27 octobre, 1904. — « Monsieur et cher Maître, j'ai reçu votre lettre du 5 octobre et je suis bien reconnaissant pour votre proposition. Je suis heureux de votre invitation à fonder un groupe de la Science sociale à Rio-deJaneiro. Je vous demande seulement la permission d'en donner la direction à mon Maître le Dr Silvio Romero, qui a été mon initiateur à vos études sociales.

« Je vous adresse les noms de quatre personnes qui désirent faire partie de la société comme membres titulaires.

« Permettez-moi d'être votre élève admirateur...

« Arthur GUIMARAES. »


102

BULLETIN DE LA SOCIETE INTERNATIONALE

M. Arthur Guimarâes, nous adresse un -volume qu'il vient de publier sous ce titre : Questions économiques nationales 1, avec une préface du professeur Silvio Romero, le nouveau correspondant de notre Société.

Cet ouvrage, directement inspiré par la Science sociale, contribuera beaucoup à répandre notre méthode et ses résultats dans les pays de langue portugaise.

Dans une remarquable préface, le Dr Silvio Romero, après avoir exposé le programme de son enseignement économique et social, donne une analyse détaillée de la Nomenclature sociale d'Henri de Tourville et des classifications établies dans les ouvrages de M. Edmond Demolins.

Il termine en ces termes :

i Je me propose d'étudier la situation du Brésil, et son véritable état social. Malheureusement, ce ne sera qu'à larges traits et dans les lignes générales, parce qu'une étude régulière et complète du pays par une telle méthode, exigerait trois ou quatre volumes, et deux cents ou trois cents monographies qui sont encore à faire.

s II faudrait ■ apprécier avec beaucoup de soins, sous de multiples aspects, chacun des peuples, qui entrent dans la formation de la nation actuelle ; diviser le pays en zones de production, zones sociales ; analyser dans chaque zone, une à une, toutes les classes de la population et, une à une, toutes les branches de l'industrie, tous les éléments de l'éducation, les inclinations spéciales, les moeurs, la manière de vivre des familles des diverses catégories, les conditions de voisinage, de patronage, dégroupes, départies, apprécier spécialement la vie des bourgs, villages et villes, les conditions des classes ouvrières dans chacune d'elles et dans les plantations, les sucreries, dans les champs, dans les élevages, les ressources des patrons et cent autres problèmes.

« Cependant, en dépit des difficultés, je mènerai, si je vis assez longtemps, l'entreprise à bonne fin. Pour commencer, j'ai chargé mon disciple et ami, l'auteur

i. Questoes economicas nacionacs, com um prefacio de Silvio Romero, lypographia da« A Editera », largo do Conde Barâo KO, Lisboa.

de ce livre, de tracer une esquisse du Brésil économique... »

Le volume de M. Guimarâes comprend les dix études suivantes : Le Brésil économique et financier ; Renseignements pour l'étude des causes de la crise commerciale brésilienne (1889-1899) ; Notes et réflexions sur la crise des banques en septembre 1900 ; Les classes productives et la représentation nationale ; La crise économique au Brésil ; Une des faces du problème commercial ; Autre face du problème commercial ; L'histoire commerciale du Brésil ; Le commissariat des cafés au Brésil ; Synthèse historique du commerce national et de ses principaux représentants à Riode-Janeiro.

Toutes ces études sont inspirées par la Science sociale et l'auteur en fait de très heureuses applications à son pays.

Il reproduit les deux graphiques donnés par M. Demolins sur la composition de la Chambre des députés française et sur la Chambre des Communes en Angleterre et les fait suivre d'un graphique sur la Représentation du Brésil. Or, ce dernier est la copie à peu près exacte du graphique français : l'agriculture, l'industrie et le commerce ne sont presque pas représentés, tandis que les professions libérales comptent, à elles seules, 157 députés sur 212, c'est-à-dire les trois quarts !

Nous prions MM. Romero et Guimarâes de poursuivre, ainsi qu'ils nous l'annoncent, ces études si bien commencées.

Ils trouveront les indications nécessaires dans le prochain fascicule qui sera consacré à la Classification sociale. Mais, en attendant, ils peuvent se mettre à l'oeuvre.

La première chose à faire, pour s'orienter, est de déterminer les diverses contrées qui constituent les grandes divisions sociales du Brésil. Ces divisions doivent être établies d'après les conditions du Lieu et le Travail dominant. On trouvera des indications sur la manière de procéder dans les Français d'aujourd'hui où une étude de ce genre a été essayée pour la France. On peut consulter également ce qui a été fait pour diviser la Normandie en pays, dans le l' 01' fascicule de la Science sociale, 2mp Période, p. 77 à 86.


DE SCIENCE SOCIALE.

103

Ce travail préliminaire n'aboutira qu'à une ' hypothèse, mais elle est nécessaire pour fournir un point de départ aux études ultérieures. Pour' établir ce premier classement, MM. Romero et Guimarâes peuvent se mettre en rapport avec nos nombreux confrères de Sao Paulo, notamment avec M. SilveiraCintra. Nous sommes d'ailleurs à leur disposition pour les aider dans ce travail, s'ils le désirent, et nous les prions instamment de le réaliser.

Nous adressons la même demande à tous les membres de la Société pour le pays qu'ils habitent.

Constantinople, le 18 novembre 1904. « A M. Edmond Demolins. Cher Maître. Aussitôt mon retour du Hedjaz, où j'étais envoyé en mission, j'ai pris connaissance de la lettre de M. G. d'Azambuja m'annonçant mon admission comme membre de la Société internationale de Science sociale ; j'en suis très honoré et je ne puis mieux exprimer mon contentement qu'en vous adressant mes remerciements les plus chaleureux. Très attaché à la Science sociale, je l'étudié avec beaucoup d'ardeur. Malheureusement, le résumé de la méthode, publié dans le premier fascicule de la Science sociale, est insuffisant pour permettre à un commençant d'entreprendre une étude quelconque avec l'espoir de réussir ; aussi j'attends impatiemment la publication de la classification, que vous annonciez dernièrement. Je vous serais dès lors très reconnaissant de bien vouloir me guider, en me donnant votre avis sur le choix de l'étude la plus utile à la Science sociale, que je pourrais entreprendre dans ma région. Je me mettrais aussitôt à l'oeuvre et je prendrais toutes les notes qui l'intéresseraient de près ou de loin. Dans cette attente, veuillez agréer, cher Maître, l'assurance de mes sentiments les meilleurs. — A. SUHA BEY, ingénieur, »

Nous a-vons envoyé à M. Suha Bey les renseignements nécessaires pour entreprendre une étude soit sur le Hedjaz, soit sur la Turquie.

Un de nos confrères nous annonce qu'il vient de terminer une monographie d'ouvrier

d'ouvrier et qu'il va nous l'envoyer prochainement.

Quelimane (Afrique Orientale), le 5 octobre 1904. — « J'ai exactement reçu votre aimable billet m'invitant à être le correspondant de la Société, dans la région où j'habite. Très sensible à cet honneur, c'est avec beaucoup de plaisir que j'accepte d'être un de vos plus modestes collaborateurs. Enthousiaste du but que vous poursuivez, je mets au service de la Société, en même temps que les connaissances qu'un long séjour et de fréquents voyages dans toute la région m'ont permis d'acquérir tout- le zèle possible au recrutement de nouveaux adeptes. J'ai l'avantage, comme début, de vous présenter deux nouveaux adhérents...

<( A. DE Po'RTUGAL-DURAO. »

Verneuil, par Migné (Vienne), le 16 novembre 1904. — « Cher Monsieur, je travaille en ce moment à classer les divers pays du Poitou, suivant les caractères du lieu et du travail. Pour que vous puissiez voir plus exactement leur situation géographique, je vous adresse trois cartes à ce sujet.

« Voici les divisions géographiques et sociales que j'aperçois dès maintenant et que j'accepte provisoirement :

« 1° Gatine de Parthenay : Reproduction des bovidés.

« 2° Bocage angevin : Engraissement.

« 3° Herbauge, ou Bocage vendéen : Elevage et céréales.

c. 4° Niortois : Laiteries.

« 5° Pareds : Reproduction du cheval.

« 6° Mellois : Mulet.

«7° Plaine vendéenne: Élevage du mulet et culture.

« 8° Marais : Cultures diverses, production du mulet et élevage du cheval.

« 9° Plaine de Poitiers : Prairies artificielles et céréales.

« 10° Beauce Montmorillonnaise : Défrichement (?).

« 11° Mirebalais : Vignes de carrières.

« 12° Loudunais : Cultures diverses.

« 13° Châtelleraudais : Culture maraîchère.


104

BULLETIN DE LA SOCIETE INTERNATIONALE

« Ceci n'est qu'un premier aperçu, qui se précisera et se rectifiera peu à peu. Je vous tiendrai au courant des résultats de mon travail, — -P. LEBOUTEDX. »

Cette énumération est, par elle-même, bien caractéristique, en ce qu'elle accuse la prédominance de la culture sur la fabrication et de l'élevage sur la culture. Les boeufs de Vendée sont aussi célèbres que les ânes et les mulets des Deux-Sèvres. Cette tendance si nettement pastorale aidera certainement à expliquer le caractère si traditionnel qui prédomine encore dans le Poitou. Mais n'anticipons pas sur l'étude que nous annonce M. P. Lebouteux.

Nigoline (Italie). — « Monsieur, je viens de lire votre beau livre Comment la route crée le type social. Permettez-moi de vous féliciter et de vous dire que j'en suis enchanté... Je suis prêtre catholique et je m'occupe de l'éducation d'un garçon de douze ans, intelligent et désireux d'apprendre. Or le but que je me suis proposé dans l'accomplissement de cette tâche si complexe, a toujours été de pouvoir devenir, pour le bien de mon élève, non un spécialiste, mais un de ces humbles médecins de campagne qui doivent connaître un peu toutes les parties de leur profession, et dont vous avez parlé si bien dans les premières pages de votre chapitre sur les Pasteurs. Recueillir dans un ensemble simple, élémentaire — et en même temps le plus possible large et complet — l'enseignement des différentes sciences que mon élève doit étudier : voilà mon but, ou plutôt mon rêve.

« Déjà, un passage de votre Éducation nouvelle m'avait fait entrevoir la beauté et les avantages de cette méthode ; là où, parlant de l'enseignement de la géographie, vous l'élevez à une importance et à des honneurs que — sans votre révélation — je ne lui aurais jamais soupçonnés. Mais cette méthode si séduisante; et si rationnelle, comment l'appliquer? Comment la traduire en des leçons simples et saisissantes? La solution du problème qui me hantait continuait à m'apparaître toujours impossible, lorsque votre livre Comment la route crée le type social me

l'a révélée d'une façon lumineuse et ravissante...

« Et cependant, ih y a, dans ce livre, quelque chose que vous ne pouvez pas nier d'y voir aussi : même, c'est vous qui l'avez vu avant tous, et les dernières lignes de la « Préface » l'annoncent très clairement. Vous dites que cet ouvrage doit servir de base à l'enseignement de la géographie et de l'histoire à l'Ecole des Roches. Eh bien! voilà la prière que je me permets de vous adresser. Ces leçons de géographie et d'histoire que l'Ecole des Boches a entendues, moi aussi je voudrais les entendre; et comme il m'est impossible de venir jusque-là, je vous prie de vouloir me dire si elles ont été publiées. Que je serais heureux de les acheter !

« Peut-être que la publication n'en a pas été faite; et alors est-ce que vous ne pourriez pas me suggérer quelque autre ouvrage qui puisse servir à mon enseignement? Et — si je ne suis pas trop importun — je voudrais avoir votre conseil aussi pour les autres enseignements qui, outre la géographie et l'histoire, entrent dans le programme de mes études : les sciences naturelles, par exemple. Maintenant vous connaissez la méthode que j'aimerais suivre. C'est vous qui me l'avez inspirée. Veuillez donc couronner votre oeuvre envers moi, en me dirigeant dans le choix des ouvrages que vous jugez les plus opportuns pour mon cas. Je vous suivrai avec joie, en disciple docile et reconnaissant, en admirateur très dévoué. « Giovanni CROVATO. »

Les lettres de ce genre font toujours plaisir, car elles vous révèlent ces « amis inconnus » dont parlait souvent Le Play, et qui aujourd'hui nous arrivent de tous côtés. J'ai répondu à M. l'abbé Crovato que nous poursuivons, à l'Ecole des Boches, la coordination synthétique de l'enseigne-, ment, qu'elle donne des résultats remarquables et que nous ferons paraître prochainement une publication pour présenter au public les premiers résultats. La nouvelle classification sociale' répond également à ce désir et à ce besoin de coordination des connaissances.


DE SCIENCE SOCIALE.

105

M. Louis Ballu nous écrit, que ses Seclions d'éludés sociales de l'Anjou se développent. Les membres sont reliés entre eux, non seulement par la Revue et par les livres de la Bibliothèque, mais encore par des cahiers autographiés qui circulent entre les adhérents. Ces cahiers contiennent, soit des essais, soit des questions sociales, soit des résumés de Science sociale, soit des analyses d'ouvrages. Voici les noms des membres :

MM. Beauchard, Proteau, Chavenaud, Puibarand, Bienvenu, étudiants en droit à Poitiers ; Camille Charier, éditeur à Saumur; D1'Levraud, à Saumur ; P. Grignon, avocat, à Saumur; M. Coutard, à Saumur; Dr Rousseau, Gizeux (Indre-etLoire) ; D 1' Leroux, doyen d'Airvault (DeuxSèvres); Bois, curé à Airvault; Adrien Morin, à Brion ; Morisset, vicaire à Coulonges ; Aconneau, àPoitiers ; V. Dumont, à Versailles ; Cormilleau, curé à Fontevrault (M.-et-Loire) ; C. Noël, à Saumur; L. Ranaud, à Saumur; Cle de Béjarry, à Montsoreau ; Mme Beauchard, à Saumur ; M. Briier, à Doué-la-Fontaine ; M. Blagy, à Paris ; M. A. Charlet, à Paris.

Paris, le 1er décembre 1904. — «... Je me propose d'écrire, d'après la méthode de la Science sociale, le résultat de mes observations en Roumanie, où j'administre 30.000 hectares de terre. J'y ai créé une véritable colonie française. C'est un pays féodal, où le servage existait, il y a quarante ans, un État purement rural encore à notre époque. La grande propriété et la minuscule propriété paysanne sont face à face sans classe intermédiaire, avec un organisme créé de toutes pièces par des lois écrites. Je sens que tout cela doit s'expliquer et s'éclairer par la Science sociale et je suis décidé à entreprendre cette oeuvre, si vous voulez bien m'aider... M. M. »

Je dois voir prochainement l'auteur de cette lettre pour faire avec lui le plan d'une étude sur la Roumanie.

E. D.

LE PROCHAIN FASCICULE

Le prochain fascicule sera consacré à l'exposé général de la nouvelle Classification sociale.

11 comprendra un nombre de pages double de celui des fascicules ordinaires et une matière quatre fois plus considérable.

Outre le texte, composé en caractères ordinaires, il contiendra, en notes et en petit texte, l'analyse complète et classée méthodiquement des principaux travaux publiés dans les 36 volumes de la Science sociale (lre période) et la liste, également classée, de toutes les monographies de familles publiées dans les Ouvriers européens et les Ouvriers des deux Mondes.

C'est la première fois que cet ensemble considérable de travaux, poursuivis sans interruption depuis 75 ans, sera présenté au public, classé suivant un ordre méthodique, de manière à en faire comprendre le plan général. Cette classification aura en outre pour résultat de rendre la Science sociale accessible à tous et de donner aux études futures une orientation et un cadre.

Un des prochains fascicules sera consacré au Maroc, qui est particulièrement à l'ordre du jour en ce moment.

LES COURS DE SCIENCE SOCIALE

M. Paul Bureau a ouvert, le 23 novembre, à la Société de Géographie, ses cours de Science sociale.

Le conférencier a choisi pour sujet la Norvège, où il vient de faire, pendant six semaines, un intéressant voyage d'études sociales.

A la conférence d'ouverture, notre président, M. Paul de Rousiers, a adressé à l'auditoire une courte allocution sur les avantages intellectuels que la Science sociale, grâce à sa méthode d'observation, peut procurer aux travailleurs de bonne volonté.

La seconde conférence, donnée le 30 novembre, a été consacrée, grâce à


106

BULLETIN DE LA SOCIETE INTERNATIONALE

l'obligeant concours de M.. Fournier, à de curieuses projections destinées à bien évoquer le milieu norvégien.

Les conférences ont lieu tous les mercredis, à 5 heures, à la Société de Géographie, 184, boulevard Saint-Germain. Une interruption aura lieu durant les semaines de Noël et du Jour de l'An.

COURS DE M. EDMOND DEMOLINS. — Ce cours a lieu à l'Ecole des Roches, pour les élèves de la Seclio'n spéciale.

M. Edmond Demolins expose, cette année, la Classification naturelle des sociétés humaines. Comme travail pratique, il entreprend d'analyser le type flamand et d'en classer les éléments. Cette analyse est faite avec le concours d'un auditeur frison, M. Molenaar, et d'après d'autres observations communiquées par M. ScriveLoyer.

COURS DE M. MELIN. — M. Melin, de la Faculté de droit de Nancy, a repris son cours de Science sociale le lundi 28 novembre, à 5 heures, et le continuera tous les lundis à la même heure (salle des examens).

Ce cours est ouvert aux étudiants de toutes les Facultés et au public.

Le sujet traité cette année est YEducation (considérée dans ses rapports avec la constitution sociale).

Sujet de la première leçon : « Exposé de la méthode ; Observation des faits ; l'Éducation en famille patriarcale ».

L'HISTOIRE DE LA FORMATION PARTICULARITE

Notre éminent confrère, M. C. Pobedonostzef, Procureur du Saint-Synode, nous écrit de Saint-Pétersbourg :

« Il est temps que l'oeuvre particulièrement importante de M. Henri de Tourville, Yllisloirc de la formation particulariste, paraisse en volume complet. Personne ne la connaît hors du cercle restreint des lecteurs de la Revue, et encore faut-il la rechercher dans les livraisons de plusieurs

années. On ne voit cependant aucune annonce de la publication de ce livre. »

Nous avions déjà exprimé le même désir à la famille d'Henri de Tourville et nous venons de le lui renouveler en lui communiquant la lettre de M. Pobedonostzef.

En attendant sa réalisation et pour permettre à ceux de nos lecteurs qui voudraient avoir cette série d'articles si remarquable et qui est un élément fondamental de la Science sociale, nous leur offrons la combinaison suivante.

L'Histoire de la formation •particulariste est répartie entrente livraisons de la Revue, dont il nous reste quatre-vingt-dix exem- ' plaires, en dehors des collections complètes. Dans l'intérêt de la diffusion de la Science sociale nous livrerons ces trente livraisons au prix extraordinairement réduit de 15 francs au lieu de 60. Ceux de nos lecteurs qui désirent se les procurer sont priés de nous adresser leur demande le plus tôt possible, s'ils ne veulent pas s'exposer à arriver trop tard.

Nous rappelons qu'il ne nous reste actuellement que sept collections complètes de la Science sociale (lre Période). Nous livrons chaque collection, dont la valeur scientifique est unique, au prix de 350 fr. C'est une occasion de courte durée.

« L'ECOLE LIBRE DE DEMAIN »

Sous ce titre, M. Jean Bornet, vient de publier une plaquette 1 envisageant la situation faite à l'école libre par des lois récentes et indiquant ce qu'il y aurait à faire pour la fortifier.

La thèse de. M. Jean Bornet repose sur cette observation fondamentale : les parents se sont trop désintéressés des écoles qu'on a fondées pour leurs enfants, ou encore les bienfaiteurs de ces écoles n'ont pas assez pris le soin de rattacher à leur cause ceux qui bénéficient, en définitive, de tant de sacrifices pécuniaires. De là cette indifférence qui, dans les

i. Chez A. Genestc, 71, rue Molière, Lyon.


DE SCIENCE SOCIALE.

107

masses, a accueilli la fermeture arbitraire de seize mille écoles privées.

Quelques personnes généreuses donnaient de l'argent, et se reposaient ensuite sur le curé. Le curé faisait venir des Frères ou des Soeurs et se reposait ensuite sur la congrégation. D'où il résulte que, la congrégation étant atteinte, l'école devait crouler avec elle.

M. Jean Bornet demande que les parents des enfants soient co-associés, co-administrateurs, co-propriétaires ou collaborateurs de l'entreprise scolaire. Celle-ci en sera plus stable.

« Il s'agit, dit-il, de se mettre en face de son temps, de comprendre l'état social et politique au milieu duquel on vit, et d'obéir à cette loi fondamentale des institutions, qui veut que rien ne se construise qui ne soit en harmonie avec l'âme de son siècle pour faire l'oeuvre juste, avec la législation de son pays pour la faire légale, avec une organisation rationnelle pour la faire viable.

« Il s'agit, — et tout le problème est là, — de donner à l'école libre, au moment où se brise la forme ancienne qui contenait sa vie, une forme appropriée au temps présent, de lui assurer la protection d'un régime légal, et de lui créer, enfin, le mode nouveau, et cependant naturel, de son fonctionnement. »

En conséquence, l'école devrait devenir une association, englobant tous ceux qui s'y intéressent : tant les familles des élèves que les bienfaiteurs. Il y aurait un conseil d'administration, une assemblée générale,

etc. Les parents, versant une cotisation, prendraient plus d'intérêt à l'oeuvre qu'avec le système de la gratuité pure, qui les porte à ne faire qu'un cas médiocre des bienfaits de l'instruction. Ces mêmes parents pourront être admis dans le conseil d'administration.

« Quelques personnes, dit à ce propos M. Bornet, pourront voir, dans cette introduction, un danger pour l'école. La participation des chefs de famille à l'éducation des enfants, par leur groupement autour de la maison scolaire, apparaît cependant légitime, rationnelle et pleine de ressources.

« Ceux qui ne l'ont pas vu de près ignorent le dévouement éclairé dont est capable l'homme du peuple quand on veut bien l'associer sincèrement aux entreprises qui touchent à ses intérêts. Il y est dévoué jusqu'à l'enthousiasme, jusqu'au sacrifice. Il est à peine croyable qu'on se soit si longtemps privé de son concours. Administrez sans lui une oeuvre faite pour lui, il en reçoit les bienfaits, mais s'en désintéresse, ou il croit que vous l'exploitez par ce moyen. Donnez-lui une part d'administration, traitez-le en homme libre et non plus en protégé, vous vous étonnerez des services qu'il voudra et qu'il saura vous rendre. »

Il y a dans cette petite brochure des idées qui méritent d'être creusées et qui d'ailleurs, en certains endroits, ont déjà reçu un commencement d'application.

G. D'A.

II. — GROUPES D'EXPANSION COMMERCIALE

COMITE DE PATRONAGE

MM. "

Pierre BADDIN, député, ancien Ministre des Travaux publics.

A. BÉLIÈRES, propriétaire-directeur de la Pharmacie normale, président du Syndicat général despharmaciens de France,

conseiller du commerce extérieur. Paul BESSAND, directeur de la Maison de

la Belle Jardinière, à Paris. Gabriel BONVALOT, député, président du

Comité Dupleix. Maurice BOUTS, avocat consultant, à Paris. Paul DELOMBRE, député, ancien Ministre

du Commerce, rédacteur au Temps. Edmond DEMOLINS, administrateur de l'É-


108

BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ INTERNATIONALE

cole des Roches, directeur de la Science sociale. Maurice FIR.MIN-DIDOT, imprimeur-éditeur. Charles DUMONT, président de la Chambre de commerce de Dijon, conseiller du commerce extérieur. Louis HALLOUIN, inspecteur principal de l'exploitation commerciale des Chemins de fer. Emile LABUSSIÈRE, agent général des Messageries maritimes, agent consulaire français, à Colombo (Ceylan). Alfred LANDRIN, agriculteur et fabricant

de sucre. Paul LEBAUDY, député, raffineur de sucre

à Paris. André LEBON, ancien Ministre du commerce, président du Conseil d'administration de la Compagnie des Messageries maritimes. A. MAILLET, rédacteur en chef de la

France de demain. Marc MAUREL, armateur, président honoraire de la Société d'Economie poliliqve de Bordeaux. André MODSSY, fabricant de soieries, à

Moscou. Léon POINSARD, secrétaire général du Bureau international de la propriété industrielle. Georges Pou, ingénieur des Arts et Manufactures, fabricant d'automobiles. Georges RAVERAT, négociant, conseiller du

commerce extérieur. J. RÉGLEY, fabricant de bonneterie et

gants, Troyes et Paris. A. RIBOT, député, ancien président du

Conseil des ministres. Louis ROUSSELET, géographe, directeur du Journal de la jeunesse, librairie Hachette. Maurice SCIIWOB, auteur du Danger allemand, directeur du Phare de la Loire. Jules SIEGFRIED, député, ancien Ministre

du commerce. Louis Siou, industriel, à Moscou. Albert TIIIÉBAUT, administrateur-délégué de la Société « l'Union des explosifs » et de la « Société générale de l'Industrie et du Commerce ». Adrien DE TURCKEIM, fabricant des automobiles Dietrich.

Alphonse VIVIER, directeur du Moniteur de Cognac.

L'ORGANISATION DES GROUPES

Notre dernier fascicule a été particuliè rement bien accueilli.

L'idée des groupes d'expansions commerciale correspondait à un besoin ressenti individuellement par un grand nombre de nos industriels et de nos producteurs agricoles. Mais la formule pouvant y donner satisfaction était encore à trouver.

Tout nous fait croire qu'elle est trouvée maintenant.

Dès la première heure, des demandes de représentants nous ont été adressées pour huit pays : Angleterre, Irlande, Belgique, Hollande, Suède, Norvège, Canada, États-Unis.

Parmi les industries, ou genres de productions qui demandent, par notre intermédiaire, à être ainsi représentés, citons : les vins, les cognacs, les cidres, les noix, les truffes, les marrons, la résine, les poteaux de mines, l'eau-de-vie, le chocolat, les rubans, galons et velours, les corsets, etc.

Mais, notre circulaire étant à peine lancée, au moment où nous mettons sous presse, nous n'avons encore reçu que les premières adhésions venues par la Revue. De hauts personnages, ayant rempli d'importantes fonctions touchant d'un côté à la politique et de l'autre aux affaires, ont bien voulu nous informer de leur sympathie. Leur double expérience d'hommes d'État et d'économistes leur fait prévoir notre succès.

Deux catégories de maisons paraissent prendre un intérêt spécial à notre tentative.

Ce sont d'abord les grosses maisons ayant déjà un représentant à elles dans certains pays où se fait une grande consommation de leurs produits, mais qui recourent à notre intermédiaire pour pénétrer, avec des frais réduits, dans les pays qu'elles n'ont pas encore abordés. Ce sont ensuite des maisons moyennes


DE SCIENCE SOCIALE.

109

qui ne pouvant pas faire, même dans les pays de grande consommation de leurs produits, les frais d'une représentation particulière, sont heureuses d'utiliser notre combinaison pour pénétrer dans ces pays.

Les exemples suivants peuvent donner une idée des services que commence à rendre notre organisation.

Une coopérative agricole du Centre nous écrit qu'elle est en mesure d'exporter en Angleterre des noix, des truffes, des marrons, des oeufs et quelques autres denrées agricoles, mais qu'elle est à la merci de trois ou quatre représentants de maisons étrangères qui souvent, en se concertant entre eux, opèrent la baisse factice des produits.

Nous avons transmis à la section de Londres l'exposé de cette situation, et cette section nous a signalé un Français établi à Londres depuis une quinzaine d'années, industriel et négociant, plaçant lui-même ses produits dans les confiseries anglaises. Ce Français ne demande qu'à profiter de son organisation particulière d'agents et. de son installation propre pour vendre à sa clientèle d'autres produits français non concurrents des siens.

La section de Paris, munie de ces renseignements, les a transmis à la coopérative, lui envoyant en même temps les prix de transport par voie ferrée jusqu'au port d'embarquement, ainsi que les prix du fret et de l'assurance de ce port jusqu'à Londres.

Malgré la saison avancée, les premiers envois sont en partance.

Un autre cas est celui d'une bonne et importante fabrique de corsets qui, ne trouvant pas de Français pour la représenter à Londres, était en pourparlers, dans ce but, avec un jeune Allemand.

Cette maison nous ayant exposé sa situation, nous avons écrit à Londres à un représentant français qui s'occupe déjà de l'habillement féminin depuis des années, parle très bien l'anglais et connaît admirablement la place de Londres. Ce représentant a accepté la représentation que nous lui offrions, et les échantillons de corsets sont partis dès les premiers jours de décembre.

Voilà des services bien positifs rendus par notre intervention. En voici un qui, pour être négatif, n'en prouve pas moins qu'elle est précieuse.

Une importante maison de cognacs nous a demandé de lui procurer un représentant pour la Norvège. Or il n'y a qu'un seul représentant du commerce français dans ce pays. Documentés sur lui et le sachant très sûr, nous nous sommes adressés à ce compatriote, qui nous a rappelé que les droits de douane imposés récemment par le gouvernement norvégien sur l'importation des spiritueux ont rendu ce commerce absolument impossible pour le moment.

Et voilà une maison à laquelle nous aurons du moins évité un échec certain, en attendant que des circonstances plus favorables permettent de donner suite à son projet.

Jean ROGEH.

BUREAU DES ETUDES

1° Association, ou contrat individuel.

Quelques-uns de nos correspondants nous demandent si les Groupes d'expansion commerciale doivent revêtir la forme d'une association, ou d'un syndicat.

Nous répondons négativement.

L'expérience a démontré qu'une telle forme nuirait notablement à la plasticité du système.

L'essai a eu lieu; il n'a pas réussi.

En 1897, M. Régnault, consul de France en mission, proposait un modèle de syndicats d'exportations, et rédigeait le contrat-type qui devait servir à l'organisation de ces sociétés.

Le projet est resté lettre morte. 11 y a en effet une grande difficulté initiale : c'est celle qui consiste à trouver un certain nombre de producteurs, inconnus les uns aux autres, et disposés néanmoins à s'associer entre eux avant toute tentative d'exportation.

En outre, même en supposant l'association formée, d'autres difficultés peuvent surgir si des membres se retirent ou si,


no

BULLETIN DE LA SOCIETE INTERNATIONALE

pour des causes quelconques, l'on est obligé d'éliminer tel ou tel d'entre eux.

C'est pourquoi notre combinaison ne comporte que des contrats individuels entre chaque adhérent et le représentant qu'il veut bien accepter sur notre présentation.

Nous rapprochons nos adhérents, nous ne les associons pas ; nous leur fournissons un cadre tout fait, un instrument d'exportation dont ils peuvent user individuellement, mais qui n'a sa valeur, bien entendu, que si plusieurs individualités se rencontrent pour en faire usage.

S'il y avait syndicat ou association, il faudrait attendre qu'un groupe fût au complet pour fonctionner, après un contrat collectif.

Au contraire, avec notre système, chaque comptoir existe dès qu'il y a un adhérent et un représentant; puis il se complète au fur et à mesure des adhésions spontanées ou provoquées par nous.

Si un représenté se retire, sa retraite ne porte aucune atteinte au fonctionnement du comptoir. On le remplace le plus tôt possible, et voilà tout. Il n'y a pas de situation à liquider, de nouvelle société à former.

Grâce à ce système, nous avons pu fonctionner immédiatement. Le premier envoi fait par notre premier adhérent est parti de Nantes pour Londres durant la seconde quinzaine de novembre. D'autres sont annoncés. Les adhésions vont se classer automatiquement, pour ainsi dire, dans les compartiments que nous leur aurons ménagés.

Grâce aux concours de tout genre qui nous sont venus dès la première heure, notre combinaison est en bonne voie. La réussite -complète dépend maintenant du nombre et surtout de la qualité des adhérents de la deuxième heure, qui d'ailleurs auront l'avantage de s'engager à bon escient, munis de plus amples informations et sur l'exemple des autres.

Toutefois, pour prévenir une dernière objection, il est bien entendu que nul ne sera admis dans un groupe sans que nous ayons pris l'avis des premiers adhérents qui ont commencé à le constituer. De

même, nous nous empresserons de faire connaître aux nouveaux adhérents, demandant à faire partie d'un groupe, les noms des premiers représentés. Chaque fabricant ou producteur d'un article quelconque a en effet un intérêt évident à ce que les autres fabricants ou producteurs, faisant partie du même groupe, présentent toutes les garanties voulues de bonne production et de loyauté en affaires. Il est bien clair, en outre, que les divers articles confiés à un même représentant doivent s'entr'aider et non s'entre-nuire. Pour toutes ces causes, il convient que chaque adhérent sache parfaitement à quoi s'en tenir sur les personnes et l'industrie de ceux qui forment son groupe.

2° Nos premiers représentants.

Nous nous sommes assurés, d'ores, et déjà, pour le service des groupes d'expansion commerciale, le concours de plusieurs représentants choisis, dont la plupart connaissent particulièrement le marché de Londres.

Pour donner à nos lecteurs une idée sommaire de ce qu'on peut attendre de ces spécialistes, nous croyons utile de résumer ici les principaux traits de leur physionomie, tels que nos correspondants les ont crayonnés. Pour des raisons que l'on comprendra, nous conserverons l'anonyme aux personnages que nous mentionnons.

Pour un comptoir d'habillement féminin : représentant disponible, M. A*". Est à tous les points de vue un homme de premier ordre. Il connaît parfaitement M. B*** qui serait tout à fait propre à remplir, dans le même comptoir, le rôle de commis, et a pleine confiance en lui. M. B***, qui a vingt-cinq ans, sort du régiment, et avait, avant son service, passé plusieurs années en Angleterre. Ces deux messieurs parlent admirablement l'anglais.

Pour un comptoir d'articles de Paris, du Jura et du Havre : représentant disponible, M. G"*. Est à Londres depuis cinq ou six ans. Paraît intelligent, actif et honorable. Est marié, père de famille, et gen-


DE SCIENCE SOCIALE.

m

dre d'un ex-commissaire de police d'un arrondissement de Paris, qui vit avec lui. Est membre de la chambre de commerce française de Londres. A été longtemps employé chez un grand commissionnaire de Paris. Est correspondant à Londres de deux journaux commerciaux français. Age : de trente-cinq à quarante ans.

Pour un comptoir d'accessoires d'automobiles et d'articles de Paris. — Représentant disponible: M. D**\ A été recommandé à M. A"* par des négociants très sérieux. Appartient à une excellente famille de Paris et a produit le meilleur effet sur ceux qui ont été en relations avec lui. Répond bien au type nouveau du représentant français qu'il faut répandre : allures d'un parfait gentleman, calme, l'air intelligent, insinuant. Est à Londres depuis deux ans et représente divers articles de Paris, notamment le découpage des métaux. Age : vingt-sept à trente ans.

Pour un comptoir d'épicerie et confiserie : représentant disponible, M. E"*. Chaudement recommandé par un des conseillers du commerce extérieur de Londres dont l'opinion mérite confiance et qui, fait le plus grand cas de ce jeune homme. M. E*** est belge, mais a beaucoup de sympathie sincère pour tout ce qui est français. Il est en ce moment à Lille, mais il a vécu plusieurs années à Londres et désirerait vivement y revenir. Il sait très bien l'anglais et connaît à fond tout ce qui concerne le commerce d'alimentation. Est considéré , comme pouvant faire un représentant de premier ordre.

Pour certains articles d'épicerie, ou pour des articles agricoles de consommation non immédiate : représentant ou commis disponible, M. F**\Agédevingt-cinqàtrenteans, est à Londres depuis un an seulement, mais paraît sérieux et très énergique. Originaire de la Savoie, est parti il y a cinq ou six ans pour, la Norvège, où l'attirait un parent. Les droits de douane sur les spiritueux rendant son commerce impossible, il s'est rendu à Londres, où il a retrouvé d'autres parents, savoyards comme lui. Une lettre du consul général de France à Christiania atteste sa parfaite honorabilité. C'est un homme calme, tenace, énergique,

tout à fait le type du montagnard savoyard. Représente actuellement des fruitières des Alpes. A su « lancer » et implanter à Londres des fromages à pâte molle dont le débit était difficile, vu que la clientèle n'y était pas habituée. Sait très bien le norvégien et son rêve serait de retourner en Norvège. Pourrait être utilisé d'abord à Londres comme sous-agent, puis être envoyé, s'il y a lieu, comme représentant en Norvège.

Pour un comptoir de produits chimiques et de certains articles très employés par les confiseurs anglais, tels que conserves de cornichons et noix : représentant disponible, M. G"*. Habite Londres depuis douze ou quinze ans. Originaire de SaintEtienne; très gentleman. Dirige actuellement, avec un associé, une affaire de gélatines et colles qui marche fort bien. Son usine, assez importante, est en Belgique. C'est un commerçant-industriel faisant de bonnes affaires et ayant déjà des sousagents à lui dans plusieurs villes d'Angleterre. Très intelligent et fort actif. Est vivement intéressé par notre projet et déclare qu'à la clientèle qu'il visite déjà il pourrait présenter des articles très variés : produits chimiques ou d'alimentation. Placerait des cornichons et .des noix, par exemple, chez les confiseurs auxquels il vend des gélatines fines. De tous nos représentants éventuels, est de beaucoup celui qui a la plus grosse situation commerciale. Serait néanmoins heureux de profiter de notre organisation pour présenter à sa clientèle des produits similaires aux siens, mais ne leur faisant pas concurrence.

Pour aider à la concentration de produits agricoles de consommation immédiate. Représentant disponible : M. H"*. Employé dans une importante maison française de facteurs-commissionnaires en oeufs et beurres, à Londres. Commence à voyager en France pour sa maison. Age : environ vingt-quatre ans. Son cas est intéressant. Fils de famille, ayant fait des études classiques, a trois frères aînés qui se sont engagés dans les carrières dites libérales. Voyant ceux-ci végéter, M. H*", après une année de droit et une année de


112

BULLETIN DE LA SOCIETE INTERNATIONALE DE SCIENCE SOCIALE.

service militaire, a lâché le Code pour aller « tenter sa chance » à Londres, où il paraît avoir bien réussi. Il est, en tout cas, enchanté de son sort. Tout à fait gentleman, intelligent et sérieux. Ne se considère nullement comme déshonoré parce qu'il achète des oeufs, du beurre et des dindons. Compte prochainement faire une grande tournée en France. Voudrait convaincre nos producteurs de la nécessité de la concentration des produits pour obtenir l'uniformité des types, à l'instar des produits danois que son patron vend en grandes quantités. Le patron de M. H*** est un spécimen curieux de Normand arrivé tout jeune à Londres avec un magot paternel de 200.000 francs qu'il a commencé par perdre. Puis, ayante appris sa leçon », il a constitué une des plus fortes maisons de facteurs-commissionnaires de Londres, maison qui vend des produits de France, de Danemark, de Russie et même de Sibérie. Un neveu du patron est son agent rabatteur en Sibérie et son propre fils opère dans la Russie centrale.

Comme représentant disponible désireux d'avoir seulement deux ou trois grosses représentations, sans fixe, mais avec un tant pour cent, on nous signale M. F". Age : une trentaine d'années. Vient à peine de faire connaître ses intentions, de sorte qu'on a encore peu de renseignements sur son compte. Est, paraît-il, fils d'un médecin français qui exerçait à Londres. Lui-même est dans les affaires et dirige la succursale d'un important magasin.

De tout ce qui précède, il résulte très clairement qu'il existe déjà à Londres une excellente pépinière d'agents français du nouveau type à développer. En dehors des candidats que nous venons de mentionner, cinq ou six autres se sont présentés, et nos correspondants sont en train d'examiner leurs références. Il s'en présentera certainement d'autres, car, nous écrit-on, le projet intéresse vivement tous ceux qui en entendent parler.

Plusieurs de nos agents de Londres, vivement intéressés par la combinaison à

laquelle ils adhèrent, ont écrit à la section de Paris pour l'assurer de leur concours et demander des explications qui leur ont été données. D'autres sont venus en France, pour s'entendre au sujet de la prochaine ouverture des premiers comptoirs.

3° Section de Londres.

On nous écrit de Londres :

« J'avais prévu qu'il nous arriverait immédiatement des demandes pour d'autres pays que l'Angleterre. Aussi me suis-je préoccupé, dès maintenant, de trouver des représentants éventuels un peu partout. Pour cela, je me suis assuré le concours de hautes personnalités commerciales sur un grand nombre de marchés étrangers. Mais, vu les distances, tout cela demandera un certain délai.

« J'espère cependant pouvoir procurer un agent au Canada. Il-m'a été signalé avec éloges par la chambre de commerce de Londres... J'écrirai dès demain à NewYork pour le représentant demandé par MM. B***. J'attends d'un jour à l'autre une excellente adhésion de Dublin, un agent d'une grande valeur, et qui nous rendra d'immenses services. Il y a beaucoup à ' faire en Irlande pour la vente directe de nos produits, qui, actuellement, passent par l'Angleterre, et que maintenant, grâce à la ligne Tréport-Dublin organisée à l'instigation de notre consul, on pourra envoyer directement.

« Il y a aussi beaucoup à faire, pour l'article de Paris, à Jersey, en raison de l'énorme passage de touristes anglais qui s'y fait remarquer depuis quelque temps. Nous y avons un ami qui est en train de s'initier à la Science sociale et qui nous trouvera un représentant.

« Ci-jpint encore des renseignements sur un homme de haute valeur qui, d'ici à quinze mois, ira en Extrême-Orient et par l'entremise duquel nous pourrons organiser un comptoir.

« L'organisation d'un réseau de représentants, englobant les principaux marchés du monde, est donc en bonne voie. »


BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE

Le fils de l'Esprit (roman social), par Yves Le Querdec. — Lecoffre, Paris.

La thèse de ce roman social se résume dans les paroles qu'un personnage adresse au héros de M. Yves Le Querdec : « Si l'on dépensait en action directe la moitié des efforts que l'on disperse en vaines paroles publiques, si les jeunes gens pieux et fortunés s'attelaient à l'oeuvre de reconquérir, une par une, les âmes, au lieu de s'acharner à les vouloir prendre toutes ensemble comme d'un coup de filet, quel travail de rénovation serait fait dans ce pays! Il faut édifier, et l'on n'édifie que pierre par pierre. Vous avez compris ce que c'est que d'être fils de l'Esprit. »

L'observation est excellente, et conformément à ces bons avis, Norbert de Péchanval, jeune homme riche et noble, va s'établir à la campagne pour faire de l'agriculture. Là, sans se donner l'air de patronner la population., il se met en état d'être utile aux autres et de changer autour de soi l'orientation des esprits.

Les détails, dans ce volume, nous plaisent, moins que l'idée mère. Il y a trop de polémique, trop d'allusions, trop de passages agressifs.

La Grande-Bretagne jugée par un Américain, par Andrew Carnegie. Traduit de l'anglais, par Albert Savine. 1 vol. in-18. Dujarric et O.

Le nouveau livre d'Andrew Carnegie, dont M. Albert Savine publie chez l'édideur Dujarric une traduction, la GrandeBretagne jugée par un Américain, est l'amusant et curieux récit de cette traversée de l'Angleterre et de l'Ecosse de Liverpool àlnverness par Londres, qu'exécuta, il y a quelques années, le milliardaire américain accompagné de quelques amis. Chemin faisant, l'auteur de VEmpire des Affaires expose ses idées très personnelles sur la Grande-Bretagne, juge les moeurs et les usages de sa patrie d'origine avec un humour et un sans-gêne tout à fait remarquable.

Sous la couronne d'Angleterre, l'Irlande et son destin. Impressions d'Ecosse au pays de Galles, par Firmin Roz, un vol. in-16, Plon-Nourrit et Cie.

L'auteur ne s'est pas contenté de visiter trois beaux pays, l'Irlande, l'Ecosse, le Pays de Galles ; il s'est attaché à éclairer un des problèmes les plus passionnants de l'histoire moderne : Comment la nationalité de ces trois « patries » a-t-elle survécu à leur indépendance? Tour à tour et en même temps voyageur et historien, peintre et psychologue, il a essayé d'évoquer le destin de ces nations politiquement anéanties depuis des siècles, et dont la personnalité s'affirme encore si vivante.

Chez CHEVALIER ET RIVIÈRE : Le Peuple chinois, ses moeurs et ses institutions, par Fernand Farjenel.

Chez CII. DELAGRAVE : Histoire des littératures comparées, par Frédéric Loliée.

Chez E. FLAMMARION : Avant la Bataille, par Maurice Schwob(in-18).—Les Influences ancestrales,^ax Félix Le Dantec (in-18).

Chez A. FONTEMOING : Les Carrières libérales, par Paul Bastien (in-18).

Chez V. GIRARD ET E. BRIÈRE : L'Année administrative, par M. Hanrion, G. Jèze, etC. Rabany (in-8°, 10 p.). —Philosophie des Sciences sociales, par René Worms.

Chez GUILLAUMIN : La Vie communale en Bohême, par Victor Mare. —: Le Sahara, le Soudan, et les chemins de fer transsahariens, par Paul Leroy-Beaulieu (in-8°).

Chez HACHETTE : Schopenhauer. L'Homme et le philosophe, par A. Bossert.

Chez VICTOR LECOFFRE : Corporations et syndicats, par Gustave Fagniez (in-12).

Chez PLON-NOURRIT : Sous la Couronne d'Angleterre, par Firmin Roy.

A la SOCIÉTÉ DU MERCURE DE FRANCE : Lettres inédites de Choderlos de Laclos, par Louis de Chauvigny (in-12).

Chez P. TÉQUI : La vie de M«r Borderies, par Me1'Dupanloup (in-12). La vie du vénérable Justin de Jacobis, par M»' Demimuid (in-8°).