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Full notice

Title : Revue générale de botanique

Publisher : Klincksieck (Paris)

Publication date : 1913

Contributor : Bonnier, Gaston (1853-1922). Directeur de publication

Relationship : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb343495077

Relationship : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/cb343495077/date

Type : text

Type : printed serial

Language : french

Format : Nombre total de vues : 29703

Description : 1913

Description : 1913 (T25).

Rights : Consultable en ligne

Rights : Public domain

Identifier : ark:/12148/bpt6k54462708

Source : Bibliothèque nationale de France, département Sciences et techniques, 8-S-1219

Provenance : Bibliothèque nationale de France

Online date : 20/12/2010

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REVUE GÉNÉRALE

DE

BOTANIQUE

DIRIGEE PAR

M. Gaston BONNIER

MEMBRE DE L'INSTITUT, PROFESSEUR DE BOTANIQUE A LA SORBONNB

TOME VINGT-CINQUIÈME

Livraison du 15 Janvier 1913

N° 280

Entered at the New-York Post Office as Second Class matter.

PARIS LIBRAIRIE GÉNÉRALE DE L'ENSEIGNEMENT

1, RUE DANTE, 1

1913


LIVRAISON DU 45 JANVIER 1915

I. - LA SYNTHÈSE DES CORPS AMIDES AUX DEPENS DE L'AMMONIAQUE ABSORBÉE PAR LES RACINES, par M. D. Prianichnikov 5

II — ÉTUDES SUR LA MALADIE PRODUITE PAR LA RHIZOCTONE VIOLACÉE (avec 4 figures dans le texte), par M. Jakob Eriksson 14

III. — LE SILPHIUM DES ANCIENS EST BIEN UN PALMIER

(LODOICEA SECHELLARUM DE LABILLARDIÈRE) (avec

une figure dans le, texte), par M. A. T. Vercoutre. 31

IV. — INFLUENCE DES RADIATIONS ULTRA-VIOLETTES SUR

LA PLANTULE, (avec 2 figures dans le texte), par

M. Laurent Raybaud ......... 38

V. - NOTES BIBLIOGRAPHIQUES 46

Mlle G. PROMSY. — Du rôle des acides dans la germination.

Cette livraison renferme sept figures dans le texte.

Pour tout ce qui concerne les Annonces, s'adresser à Monsieur l'Administrateur de la Librairie générale de l'Enseignement, 1, rue Dante, Paris (Ve).


PREVUE GÉNÉRALE

DE

BOTANIQUE



REVUE GENERALE

DE

BOTANIQUE

DIRIGÉE PAR

M, Gaston BONNIER

MEMBRE DE L'INSTITUT, PROFESSEUR DE BOTANIQUE A LA SORBONNE

TOME VINGT-CINQUIEME

PARIS

LIBRAIRIE GÉNÉRALE DE L'ENSEIGNEMENT

1, RUE DANTE, 1

1913



LA SYNTHÈSE DES CORPS AMIDÉS AUX DÉPENS DE L'AMMUIAQUE ABSORBÉE PAR LES RACINES

Par M. D. PRIANICHNIKOV

L'absorption de l'ammoniaque par les plantes a déjà fait l'objet de recherches antérieures dont nous avons fait connaître les résultats. Mais alors c'était le changement de la réaction du milieu extérieur qui nous intéressait surtout. Nous avons constaté, par exemple, que la réaction acide, provoquée dans les cultures par l'introduction de NH4Cl ou (NH4)2S04 ralentit le développement des Graminées et même fait périr les jeunes plantules des Légumineuses. L'introduction de CaCO 3 permet de prévenir ces inconvénients en neutralisant l'acide qui se trouve libéré au cours de l'assimilation de l'ammoniaque par les plantes. Si de l'apatite ou d'autres phosphates analogues sont introduits dans les milieux de culture, l'acide mis en liberté agit sur ces composés et les plantes peuvent profiter de cette solubilisation du phosphate, autrement non assimilable. Nous avons aussi constaté, que même NH4N03 exerce une action solubilisante, quoique plus légère que celle des sels, ammoniacaux de HCl ou de H2SO4. Quant aux causes de ce dernier phénomène, nous les avons analysées dans notre article de 1906 (1).

Maintenant nous voudrions communiquer quelques données, concernant un autre côté de la question, notamment, l'utilisation de l'ammoniaque absorbée par la plante pour la synthèse des matières organiques azotées.

Lorsque les plantes se développent à la lumière, les phénomènes de synthèse se produisent énergiquement et conduisent rapidement à la formation des corps albuminoïdes; c'est pourquoi il est bien difficile de constater les différences dans la composition de la plante, provoquées par certaines modifications de la nutrition azotée. Mais on peut espérer avoir plus de succès, si l'on opère à l'obscurité, parce

(1) « Die Landwirthscheftliche Versuchsstationen » Band. 65, page 45 (v. aussi tome 56, page 132 et «Botanische Berichte » tomes XVIII et XXVI a).


6 REVUE GÉNÉRALE DE BOTANIQUE

que les conditions sont défavorables pour la formation des matières protéiques, et on peut s'attendre à l'accumulation de produits intermédiaires.

De semblables expériences avec des sels ammoniacaux ont été déjà exécutées plusieurs fois, par exemple, au Japon, sur l'initiative de M. Loew, par M. Kinoshita, et un peu plus tard, par M. Suzuki. De, ces expériences, les auteurs ont conclu que les plantes étiolées sont capables de transformer l'ammoniaque absorbée en un amide, notamment l'asparagine. Mais M. Laurent, en Belgique, a obtenu des résultats négatifs et a émis l'opinion que sans l'action de la lumière il n'y a pas de synthèse des corps azotés organiques aux dépens de l'ammoniaque.

Nous avons commencé nos recherches par la reproduction dans la forme la plus simple des expériences faites par les auteurs nommés ci-dessus, en comparant le développement des plantules étiolées, d'une part, dans l'eau pure, et d'autre part, dans une solution faible (0.075 % — 0.1 %) du sel ammoniacal. Nous avons expérimenté toujours avec un grand nombre de plantules (plusieurs centaines dans chaque lot). Dans la première expérience, faite avec des graines de Pois (1), nous avons obtenu les chiffres suivants pour la matière sèche.

Azote N des matières K de N de

total albuminoïdes l'asparagine l'ammoniaque

I. Eau distillée 4.56 % 2.23 % 0.59 % 0.015 %

II. Solution de NH4C1. 4.37 % 2.53 % 0.47 % 0.013 %

On ne constate pas ici d'accroissement de la quantité de l'asparagine sous l'influence de la nutrition avec NH4Cl; au contraire, la quantité de l'asparagine est même inférieure à celle qui se trouve dans les plantes développées dans l'eau distillée. Ce fait s'explique évidemment par l'influence défavorable du sel ammoniacal sur la croissance des Pois. Les plantules de la seconde série étaient moins longues, et elles ont moins perdu de poids par la respiration. Les matières albuminoïdes sont, dans une certaine mesure, mieux conservées et ont donné moins de matériel pour la formation de l'asparagine. Pour l'absorption de l'ammoniaque par les racines, les

(1) Les graines germées de Pois ont été transportées sur des canevas quand leur radicule eut atteint deux centimètres. Le commencement de l'expérience fut compté à partir de ce moment; l'expérience dura 13 jours. Après la récolte, dans les plantes desséchées nous avons déterminé l'azote total par le procédé de Kjeldall, l'azote des matières protéiques par le procédé Stutzer, l'asparagine par celui de Sachse, et l'ammoniaque par les méthodes de Bosshardt et Longi.


LA SYNTHÈSE DES CORPS AMIDES 7

conditions étaient défavorables; on le voit encore mieux, si on compare les données des analyses, en calculant les quantités absolues des différentes formes de l'azote pour une plante :

N N des matières N de N de

total albuminoïdes l'asparagine l'ammoniaque

I. Eau distillée...... 18.03 mgr. 8.89 2.33 0.059 mgr.

II. Solution de NH4C1. 17. 77mgr. 10.27 1.89 0.054mgr. .

Si l'on voulait se contenter d'expériences semblables, il serait facile de faire une conclusion dans le sens de M. Laurent, c'est-à-dire de nier la formation de matière organique azotée à l'obscurité.

Dans les expériences suivantes, nous avons introduit une modification, notamment, nous avons donné aux plantes, en outre du NH4Cl, une certaine quantité de CaCO 3, parce que nous avions observé auparavant, pendant nos nombreux essais de culture sur sable, que les Légumineuses sont surtout sensibles à la réaction acide, provoquée par les propriétés physiologiques des sels ammoniacaux (absorption plus énergique de l'ammoniaque que de l'acide par la plante). Voici les résultats d'une seconde expérience, exécutée d'après ce plan plus complet avec la même plante (le Pois).

I. Eau distillée H. NH4C1 III. NH4Cl+CaC03

Longueur moyenne 17.1 6.4 17.8 cm.

Poids sec pour 100plantes 37.567 gr. 38.540 gr. 38.268 gr.

Azote total (%) 4.28% 4.44% 4.75%

N. des mat. protéiques 2-53% 2.86% 2.65%

N. de l'asparagine 0.689 % 0.745 % 1.333 %

N. de l'ammoniaque 0:027 % 0.026% 0.028%

Comme dans l'expérience précédente, la chlorure d'ammonium employé seul a ralenti le développement des plantes, mais CaCO 3 a supprimé cette action et a provoqué l'augmentation de la teneur en asparagine. En calculant les quantités absolues pour 100 plantules, nous obtenons les chiffres suivants :

I. Eau distillée II. NH4Cl NH4Cl + CaCO3

Azote total 1.6080 gr. 1.7118 gr. 1.8103 gr.

N. des mat. protéiques. 0.9495 » 1.1040 » 1.0160 ».

N. de l'asparagine 0.2586 » 0.2831 » 0.4410 "

N. de l'ammoniaque. . . 0.0103 » 0.0100 » 0.0097 »

Nous voyons que, malgré l'absorption de l'ammoniaque de la solution (III), les quantités d'ammoniaque contenues dans les plantes restent presque les mêmes, grâce à la transformation rapide de l'ammoniaque absorbée. C'est l'azote sous forme d'asparagine qui subit l'accroissement le plus évident dans la série III (NH4Cl + CaCO3).


8 REVUE GÉNÉRALE DE BOTANIQUE

L'absorption de l'ammoniaque a été constatée de deux manières différentes : par la comparaison des quantités d'azote total contenu dans les plantes et par l'analyse des solutions ; la dernière méthode doit être regardée comme plus exacte.

Si dans les séries II et III nous comparons, d'une part, les quantités d'azote ammoniacal absorbé dans les solutions et, d'autre part, l'accroissement de l'azote se trouvant sous la forme asparagine, nous aurons les différences suivantes :

II. (sans CaCO 3) III. (avec CaCO 3)

Azote absorbé de la solution par

100 plantes .. 0.0448 gr. 0.1957 gr.

N. de l'asparagine formée 0.0250 » 0.1820»

Dans la série III, l'augmentation de l'azote existant sous forme d'asparagine correspond presque à l'absorption de l'azote ammoniacal; dans la série II, l'absorption de l'ammoniaque était faible. Dans une troisième expérience faite avec le Pois nous avons substitué (NH4)2S04 au chlorure d'ammonium; les résultats sont de même ordre, mais encore plus marqués :

I. Eau distillée II. (NH4)2SO4 III. (NH4)2SO4 (0.075 %) + CaCO

Longueur des plantules 37.8 gr. 6.0 gr. 31.2 cm.

Poids sec de 100 plantes ....... 26.6 » 30.2 gr. 27.7 gr.

N. de l'asparagine ( %) 0.98 % 0.47 % 1.28 %

N. de l'ammoniaque 0.008 % 0.004 % 0.004 %

N. de l'asparagine de 100 plantes 0.2606 gr. 0.1420 gr. 0.3565 gr.

Le sulfate d'ammonium, introduit seul, a supprimé le développement et diminué la quantité d'asparagine formée aux dépens des matières azotées des semences ; l'absorption de l'azote ammoniacal a été très limitée. Mais en présence de CaCO 3 l'ammoniaque a été énergiquement absorbée et utilisée pour la formation de l'asparagine.

Les cultures de Vicia saliva en présence de NH4Cl nous ont donné des résultats analogues à ceux que nous avons obtenus pour le Pois. Voici les chiffres représentant les quantités absolues :

100 plantules contiennent : I. Eau distillée II. NH4CI III. NH4CI+CaCO3

Azote total 221 mgr. 244 mgr, 263 mgr.

N. de mat. albuminoïdes 85 » 109 » 90 »

N. de l'asparagine 76 », 73 »- 118 »

N. de l'ammoniaque.. 0.9 » 0.9 » 1.0 »

N. absorbé de la solution — 14 » 3 .8 »

Il est donc possible, en supprimant l'acidité due aux causes


LA SYNTHÈSE DES CORPS AMIDÉS 9

physiologiques, de provoquer la formation de l'asparagine en quantité notable aux dépens de l'ammoniaque chez des plantes comme Pisum et Vicia.

Mais il y a d'autres plantes qui se comportent plus simplement que les Légumineuses ci-dessus et qui forment de l'asparagine sans qu'on prenne les précautions dont nous venons de parler, relatives à la réaction de la solution nutritive. Il y en a d'autres encore qui donnent des phénomènes plus compliqués. Il semble que les Graminées en général se classent parmi les plantes auxquelles il est suffisant de donner une solution de NH4Cl (0,05 % — 0,1 %) pour qu'elles puissent absorber l'ammoniaque et former de l'asparagine; voici les chiffres empruntés à l'une de nos expériences faites avec l'Orge :

100 plantes contiennent: I. Eau distillée II. NH4Cl (0,1 %)

N. total. 145.83 mgr. 161.50 mgr.

N. des mat. protéiques 61.78 » 61.49 »

N de l'asparagine .. 36.67 » 56.41 »

N. de l'ammoniaque 0.55 mgr. 0.89 mgr.

Les mêmes résultats ont été obtenus dans les expériences faites avec le Maïs. Pour ces plantes, la formation de l'asparagine aux dépens de l'ammoniaque se produit en l'absence de CaCO 3.

Il faut dire toutefois que l'addition de CaCO 3 aux solutions était très favorable pour le Maïs et augmentait l'énergie du phénomène synthétique, mais la présence de CaCO 3 n'était pas aussi nécessaire que dans le cas du Pois et de la Vesce. Nous avons fait les mêmes observations dans l'expérience entreprise avec une plante à graines oléagineuses, le Cucurbita Pepo :

100 plantes contiennent : I. Eau distillée II. NH4Cl III. NH4Cl + CaCO 3

N. total 1.4383 gr. 1.5454 gr. 1.7460 gr.

N. des protéides 1.1530 » 1.0499 » 0.9876

N. de l'asparagine ou glutamine 0.1943 » 0.3793 » 0.4948 N. de l'ammoniaque 0.0087 gr. 0.0064 gr. 0.0053 gr.

Dans ce cas encore l'introduction de CaCO 3 dans la solution • était favorable, mais pas absolument nécessaire à la formation des amides aux dépens de l'ammoniaque.

Dans les expériences faites avec le Lupin jaune, la relation existant entre l'absorption des sels ammoniacaux et la formation de l'asparagine a été tout à fait particulière et entièrement différente de celle qui a été constatée pour les plantes- étudiées dans les expériences précédentes.


10 REVUE GÉNÉRALE DE BOTANIQUE

Dans la première expérience faite avec le Lupin, exécutée dans notre laboratoire par M. Schulow, les plantes végétaient pendant dix jours dans les cultures aquatiques, divisées en quatre séries (850 plantules dans chacune) : I. Eau distillée; — II. solution de (NH4)2SO4à 0.075 %) ; — III. Même solution avec addition de CaCO 3 ; — IV. solution contenant (NH4)28O4 et CaSO4.

Les solutions restaient limpides jusqu'à la fin de l'expérience; le développement des plantes, très bon en général, était tout de même plus rapide dans les séries I, III et IV qu'en II ; la longueur moyenne des plantules peut s'exprimer par les chiffres approximatifs suivants :

1 II III IV

19 13 17 19 cm.

L'analyse des plantes sèches a donné pour l'asparagine les résultats suivants :

I. Eau distillée II. (NH4)2S04 III. (NH4)2S04 IV. (NH4)2SO4 +CaCO4 +CaSO4

Azote de l'asparagine (%) 3.16 % 2.22 % 1.97% 1.61 %

Quantités absolues pour

l00 plantes ...258.3 175.1 158.3 125.9 mgr.

On observe ici, au lieu d'un accroissement, une diminution de la quantité de l'asparagine sous l'influence de la nutrition avec des sels ammoniacaux.

Si nous considérons les chiffres obtenus pour les matières albuminoïdes, nous ne trouvons pas de relation quelconque qui puisse nous expliquer cette diminution en asparaginc :

I II III IV

N. des matières protéiques( %) 1.86 % 1.98 %, 2.12% 2.03 %

Quantités absolues pour 100

plantes... 152.0 160.2 170.0 158.8 mgr.

Les chiffres représentant l'azote ammoniacal sont plus caractéristiques :

I II III IV

N. de NH 3 (%) 0.32 % 0.71 % 0.85 % 0.91 %

Quantités absolues .. 26.5 57.5 68.6 71.6 mgr.

Ces quantités sont très élevées, elles surpassent beaucoup les quantités normales et rappellent le cas observé par M. Butrewitsch quand il a soumis des plantes à l'influence de l'anesthésie partielle ( 1 ).

On voit encore par ces chiffres, que les plantes qui contiennent

(1) Biochemische Zeitschrift, 1909. .......


LA SYNTHÈSE DES CORPS AMIDÉS 11

moins d'asparagine, sont plus riches en ammoniaque et vice-versa. On a l'impression que l'introduction de (NH4)2S04 supprime chez le Lupin la faculté de former l'asparagine aux dépens de l'ammoniaque provenant de l'oxydation des matières azotées des plantules pendant la respiration (et, par conséquent, aussi aux dépens de l'ammoniaque introduite dans la solution nutritive).

Les résultats les plus surprenants ont été obtenus dans le dosage de l'azote total dans les Lupins des différentes séries :

I II III IV

Azote total % 6.68 % 7.12 % 6.94 % 6.25 %

Quantités absolues pour

100 plantes .. 567.1 575.1 353.6 488.9 mgr.

Les semences contenaient 612.7 mgr. d'azote total pour 100 exemplaires.

Il y a donc des pertes considérables d'azote qui sont en réalité encore un peu plus grandes que les chiffres précédents ne l'indiquent, parce, que l'azote de la solution nutritive était absorbé par les plantes dans les proportions suivantes (pour 100 pl.).

■ II III IV

19.8 44.3 21.7 mgr.

Pour contrôler les résultats de cette expérience et voir si des conditions spéciales de culture n'avaient pas influé sur ces résultats (les expériences avaient eu lieu pendant une période très chaude et dans une chambre exposée au Midi), nous avons répété les cultures de Lupin dans un autre endroit, pendant une autre saison et avec un autre sel d'ammoniaque (NH4Cl). En outre nous avons disposé une expérience spéciale pour étudier l'influence de la température sur le développement du Lupin.

L'expérience parallèle faite avec NH4Gl a montré de nouveau les mêmes phénomènes. Les différences contatées portent seulement sur quelques particularités, comme on peut le voir dans le tableau suivant :

Quantités absolues pour 100 plantes I II III IV

Azote total 540.2 590.3 417.4 520.5 mgr.

N. de l'asparagine 231.4 231.8 190.1 149.2 »

N. des mat, protéiques 194.2 209.9 164.9 205.3 »

N. de l'ammoniaque 9.2 3.8 2.5 53.l mgr.

Les semences contenaient, dans ce cas 607.2 mgr. d'azote total


12 REVUE GÉNÉRALE DE BOTANIQUE

pour 100 exemplaires; les pertes d'azote sont donc les suivantes (sans compter celui qui correspond à l'ammoniaque absorbée dans les solutions) :

67.0 16.9 189.8 68.7 mgr.

Dans cette expérience, comme aussi dans les précédentes, les pertes de l'azote total sont plus grandes dans les séries ou l'énergie de la respiration a été la plus élevée (c'est la perte du poids sec qui nous a servi de mesure pour l'énergie de la respiration).

L'expérience relative à l'étude du rôle de la température a montré que les plantes qui ont végété à 17°-19° ont donné, d'après l'analyse à l'état sec, 163 mgr. d'azote pour 100 pièces, et celles qui étaient placées à la température de 28°-30°, ont donné le chiffre de 628 mgr., d'où on pourrait conclure que la température élevée provoque des pertes d'azote plus considérables.

Mais nous avons déjà soupçonné que ces pertes ont peut-être lieu non pendant la végétation, mais pendant la dessiccation des plantes récoltées (à 60°-70° C.). Pour contrôler cette supposition, nous avons déterminé l'azote d'après le procédé de Kjeldahl dans une portion de 50 plantes fraîches ; nous avons trouvé 684 mgr. d'azote en calculant pour 100 plantes, ce qui correspond aux chiffres obtenus pour les semences qui ont été prises pour cette dernière expérience.

Les phénomènes décrits s'expliquent le plus simplement par le fait que les plantes fraîches contenaient des quantités considérables d'ammoniaque à l'état de carbonate ou d'une combinaison peu stable. Alors, au cours de la dessiccation, une partie de l'azote doit être perdue, et l'ammoniaque, que nous déterminons en analysant les plantes sèches, n'est qu'une partie de l'ammoniaque totale (de là cette inconstance dans les chiffres représentant l'ammoniaque dans la seconde expérience faite avec le Lupin). Nous avons constaté que, même après la dessiccation, l'extrait aqueux a une réaction alcaline. Comme nous l'avons mentionné, l'accumulation de l'ammoniaque et la réaction alcaline des tissus chez le Lupin ont été déjà constatées par M. Butrewitsch dans, ses expériences relatives à l'anesthésie. Il semble qu'il existe une certaine analogie entre l'influence des vapeurs de chloroforme ou de toluol et l'influence de NH4Cl ou (NH 4) 2804, sur cette plante. Ces substances suppriment la fonction synthétique, la formation de l'asparagine aux dépens de l'ani-


LA SYNTHÈSE DUS CORPS AMIDÉS 13

moniaque, soit de l'ammoniaque formée dans la plante même, soit de l'ammoniaque absorbée par les racines.

Comme but d'expériences ultérieures à faire avec le Lupin, nous pouvons nous poser le problème du rôle que jouent les acides qui accompagnent l'ammoniaque et du rôle que joue le calcium, le Lupin se comportant à ce point de vue autrement que la plupart des Légumineuses (nous avons déjà commencé des expériences dans cette direction).

Pour conclure, nous pouvons constater que s'il est exact en principe que les plantes étiolées forment de l'asparagine aux dépens de l'ammoniaque absorbée par les racines, les conditions nécessaires à la réalisation de cette synthèse ne sont pas les mêmes pour toutes les plantes. Parmi celles qui ont figuré dans nos expériences, nous pouvons distinguer trois groupes :

1° Les plantes qui supportent bien les solutions faibles de NH4Cl ou (NH4)2S04 absorbent l'ammoniaque très facilement et forment de l'asparagine (ou glutamine) sans qu'il soit nécessaire de prendre certaines précautions spéciales. A ce groupe appartiennent : Hordeum salivum, Zea Mays, Cucurbita Pepo.

2° Les plantes chez lesquelles les solutions de sels d'ammonium à acides forts ralentissent la décomposition des matières albuminoïdes et l'accumulation de l'asparagine; l'absorption de l'ammoniaque est très faible, quelquefois presque nulle; mais si on introduit du CaCO 3, alors on observe l'absorption énergique de l'ammoniaque et formation d'asparagine. A ce groupe appartiennent Pisum sativum et Vicia sativa.

3° Les plantes chez lesquelles la nutrition à l'aide de sels ammoniacaux peut provoquer des perturbations profondes dans les réactions synthétiques qui se manifestent dans l'assimilation de l'ammoniaque provenant de la décomposition des matières azotées des semences. L'introduction de CaCO 3 ne peut pas dans ce cas reconstituer la marche normale des métamorphoses des matières azotées. A ce groupe appartient le Lupinus luleus.

Institut agronomique de Pelrovskoë (près de Moscou).


ÉTUDES SUR LA MALADIE PRODUITE PAR

LA RHIZOCTONE VIOLACÉE

Par M. Jakob ERIKSSON

A) APERÇU HISTORIQUE SUR LA MALADIE

Le champignon de la Rhizoctone violette a été signalé pour la première fois en 1728 par l'auteur français, H. L. Duhamel (1). Celui-ci constate que le champignon cause dans le Midi de la France des dégâts importants dans les cultures de Safran (Crocus sativus), il y produit de grandes taches rondes où les plantes sont entièrement mortes ( « Mort du Safran »). Les bulbes malades sont entourés d'un feutrage de coloration violette s'étendant dans le sol environnant. Duhamel cite aussi un essai qu'il a fait lui-même pour transmettre la maladie à d'autres plantes. Au mois d'octobre 1726 il avait planté dans trois pots à fleurs avec des Lis, des Narcisses et des Tulipes quelques pieds de Safran malades. Vers la fin du mois d'octobre de l'année suivante les bulbes transplantés furent retirés et examinés. On put alors observer sur les racines des Lis un mycélium filamenteux abondant formé, soit de cordonnets violacés, soit de corps tubéroïdes se rencontrant ça et là dans les filaments mycéliens. Les faits observés furent ainsi analogues à ceux qui avaient été constatés pour les Safrans malades. Duhamel, qui considère les « tubercules » comme le champignon proprement dit et les filaments comme les racines de celui-ci, lui donne le nom de Tuberoides. Il constate aussi un champignon pareil dans plusieurs localités où il n'y a

(1) H.-L. Duhamel : Explication physique d'une maladie qui fail périr plusieurs plantes dans le Gatinois et particulièrement le Safran. (Mém. de l'Acad. des Sciences, Paris, 1728).


ÉTUDES SUR LA MALADIE PRODUITE PAR LA RHIZOCTONE 15

jamais eu de Safran,sur les racines des Sambucus Ebulus, Coronilla varia, Ononis spinosa et Muscari sp..

Environ 50 ans plus, tard (1782), un autre auteur français, Fougeroux de Bondaroy (1), fait savoir que la maladie a attaqué des Asperges, cultivées sur les mêmes sols que le Safran.

Le premier qui donna au champignon un nom systématique fut le savant français P. Bulliard (2), qui en 1791 le range parmi les Truffes et le nomme Tuber parasiticum. Dix ans plus tard, l'auteur allemand C. H.- Persoon (3) le rapporte au genre Sclerolium et le nomme S. Crocorum.

Une forme de maladie analogue sur la Luzerne, originaire de la France et en particulier des environs de Montpellier, fut décrite en 1815 par A. P. De Candolle (4). La maladie se manifestait par des cercles morts dans la « luzerne couronnée». De Candolle établit pour cette forme de champignon et pour celles qui sont analogues un nouveau genre, le genre Rhizoctonia, et distingue les trois espèces suivantes : 1° Rhizoctonia Crocorum; 2° Rh. Medicaginis et 3° Rh. Mali ( = ? Rh. alba).

En 1830, J. E. Duby (5) signale comme une nouvelle espèce du même genre le Rhizoctonia Allii, trouvé en France sur l'Allium ascaionicum, et en 1843 J. H. Léveillé (6) note des formes de Rhizoctonia analogues sur les Rubia tinclorum, Solanum luberosum, Phaseolus sp.et Tulipa sp., cela toutefois sans s'occuper de préciser à quelle espèce du genre ces formes seraient à rapporter (7).

Toutes les formes énumérées, ainsi que les deux nouvelles des Trifolium pralense et Citrus Auranlium, furent réunies en 1851 par les frères L. R. et C. Tulasne (8) en une seule espèce, nommée le

(1) Fougeroux de Bondaroy : Sur le Safran. (Hist. de l'Acad. Roy. des Sciences, Armée 1782, Paris, 1755, p. 89).

(2) P. Bulliard: Histoire des Champignons de la France, I, Paris, 1791, p. 81.

(3) G. H. Persoon : Synopsis methodica fungorum. Goettingae, 1801, p. 119. (4). A. P. De Candolle : Mémoire sur les Bhizoctones. (Mém. de Muséum

d'Histoire naturelle, T. 2, Paris, 1815, p. 209).

(5) J. E. Duby : Botanicon gallicum. Ed. II, Paris, 1830, p. 867.

(6) J. H. Léveillé : Mémoire sur le genre Sclerotium. (Ann. des Sciences nat. Bot., T. 20, Paris, 1843, p. 223).

(7) Nous supprimons ici plusieurs autres formes de champignon, signalées par différents auteurs et rapprochées par eux du genre Rhizodonia. Les descriptions qu'ils en donnent mettent en doute qu'elles soient vraiment à rapprocher de ce genre.

(8). L. R. et C. Tulasne : Fungi hypogoei, Paris, 1851, p. 188.


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Rhizoctonia violacea. Le mode de développement de toutes ces formes n'étant pas encore entièrement élucidé, on ne pouvait guère, d'une manière satisfaisante, fixer les caractères nets qui doivent les séparer les unes des autres.

Le champignon de la Rhizoctone a ainsi été connu en France dès l'année 1728 sur le Safran et d'autres plantes, dès 1782 sur l'Asperge, dès 1815 sur la Luzerne, dès 1830 sur l'Oignon, dès 1843 sur les Pommes de terre et sur d'autres plantes et dès 1851 enfin sur les Trèfles. Or, il est bien étrange que ce soit en 1858 que l'on trouve la première communication sur l'apparition de cette maladie en Allemagne. Cette année-là, J. Kühn (1) fait observer que dans les environs de la ville de Bunzlau, en Silésie, la maladie est apparue pour la première fois en 1853 sur les Betteraves à sucre et en 1854 sur les Carottes (2).

A partir de ce moment même la maladie commence à se faire remarquer dans plusieurs autres pays. On la trouve ainsi en Belgique sur les Betteraves à sucre, en Italie sur la Luzerne et les Betteraves à sucre, en Danemark sur les-Carottes et les Trèfles, etc..

Grâce à E. Rostrup (3), nous sommes mis bien au courant du développement de la maladie en Danemark. Il semble'qu'elle y ait paru pour la première fois en 1878 au sud du Seland sur des Carottes. Peu de temps après on la trouve sur d'autres plantes aussi. Elle envahit ainsi en 1884 les Trèfles (assez gravement); en 1885, les Trèfles (peut-être la maladie la plus nuisible des champs de Trèfle), la Luzerne (la Luzerne bleue et la Luzerne grimpante), plusieurs plantes sauvages poussant parmi les pieds de Trèfle (en particulier les Rumex crispus et Géranium pusillum) et dans une pépinière en Jylland les racines des Fagus silvatica, Cratoegus Oxyacantha, Ligusirum vulgare, Picea alba, Abies pectinata, Pinus Laricio et

(1) J. Kühn ! Die Krankheilen der Kullurgewächse. Berlin, 1858, p. 235 et p. 243.

(2) En même temps Kühn dépeint (p. 224) sous le nom de « Schoof oder Grind der Kartoffel » une maladie assez semblable sur les Pommes de terre, maladie qui constitue tout de même une espèce toute différente. Le champignon qui cause cette maladie est nommé le Rhizoctonia Solani.

(3) E. Rostrup : Oversigl over indlöbne Foresporgsler angaaende Sygdomme hos Kullur planter, (1884); Nr 18 (1901; Nr 1-9 dans «Tidskrift for Landokonomi» Köpenhamn 1885-1893, et Nr 10-18 dans «Tidskrift for Landbrugets Plantcavl», Köpenhamn, 1894-1902; et : Undersogelser argaaende svampslagten Rhizoctonia. (Overs. ov, d. k. D. Vid. Selsk. Forhandl., 1886).


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P. montana; en 1887, les Carottes et les Choux-raves; en 1889, les Trèfles et les Betteraves; en 1890, les Betteraves (très gravement); en 1892, les Raves; en 1893, les Carottes; en 1894, les Betteraves; en 1896, les Carottes (sérieusement); en 1897, les Betteraves et les Carottes; en 1898, les Carottes, et en 1901, les Betteraves (les jeunes individus) (1).

A l'heure qu'il est nous avons aussi des communications assez nombreuses et nettes sur l'apparition du Rhizoctonia violacea en Allemagne pendant ces derniers temps. On en conclut que la maladie y a atteint à la fin une propagation considérable et alarmante (2). On la trouva ainsi en 1893 sur les Betteraves (dans plusieurs endroits, de sérieux dommages), sur la Luzerne (55 localités, constituant un total d'au moins 1.200 hectares de Luzerne couronnée, sur les pieds âgés de 1 à 5 ans), sur les Pommes de terre (11 localités), sur le Trèfle commun (6 loc), sur les Betteraves (4 loc), sur la Spergule (3 loc), sur le Houblon (1 loc.) et sur quelques mauvaises herbes (les Taraxacum officinale, Convolvulus arvensis et d'autres) ; en 1894 sur la Luzerne (77 loc), sur les Pommes de terre (11 loc), sur le Trèfle commun (8 loc), sur les Betteraves (5 loc.) et sur le Houblon (1 loc.) ; en 1895, sur la Luzerne et les Betteraves; en 1896, sur la Luzerne, les Betteraves et la Spergule; en 1897, sur la Luzerne et les Betteraves; en 1898 sur les Betteraves et les Pommes de terre, et en 1899, sur les Betteraves, les Pommes de terre et la Spergule, etc. (3).

Il paraît très douteux, du moins si l'on en juge d'après les descriptions et les figures données, que les nouvelles formes de la Rhizoctone stérile signalées dans ces derniers temps par B. M. Duggar et F. C. Stewart sur une quantité de plantes différentes en Amérique (Phaseolus vulgaris, Brassica oleracea, Apium graveolens, Gossypium herbaceum, Lacluca saliva, Solanum luberosiun, Raphanus sativus, Rheum rhaponticum, Asparagus Sprengeri, Callistephus

(1) En Danemark, un autre champignon stérile, le Rhizoctonia fusca, sévit en 1892 et en 1893 sur les Choux-raves et en 1895 sur les Choux-raves, les Betteraves et les Carottes, et il faut ajouter, pendant les années 1895, 1899 et 1901, le Rhizoctonia Solani sur les Pommes de terre.

(2) A. B. Frank und P. Sorauer : Jahresberichte des Sonderausschusses für Pflanzenschutz 1893-1899. (Arbeiten der Deutschen Landwirthschafts-Gesellschaft, H. 5, 8, 19, 26, 29, 38, 50. Berlin, 1894).

(3) The sterile fungus Rhizoctonia, as a cause of plant diséases in America. (Cornell Univ., Agric. Exper.Stat., Ithaca, Botan. Divis. Bull. 186, Jan. 1901).

Rev. gén. de Botanique. — XXV. 2.


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hortensis, Dianthus caryophyllus, D. barbalus, Coreopsis lanceolata, Viola odorata et d autres) soient vraiment identiques aux formes du Rhizoclonia violacea qui ravage l'Europe.

B) LA MALADIE EN SUÈDE.

En Suède, le champignon fut constaté pour la première fois près

de Stockholm pendant l'automne 1897 dans un champ de Carottes. Les Carottes se trouvaient, au moment de l'arrachage, partiellement ou totalement couvertes d'un feutrage épais, formé de filaments mycéliens colorés en rouge ou en violacé, entre lesquels se rencontraient çà et là de petits grains d'un brun foncé. Le feutrage se répandait en général tout autour de la racine, en couvrant la partie supérieure ou le centre ou bien en fin, et cela peut être le plus souvent, la partie inférieure. A cause du mycélium filamenteux la terre s'attachait à la racine de manière que celle-ci ne pouvait pas en être dégagée. De la surface, les filaments mycéliens pénétraient vers l'intérieur de la racine, et à une phase de

la maladie plus avancée, la Carotte fut trouvée entièrement pourrie.

FIG. I.—Trois carottes envahies par la Rhizoctone violacée, l'une air sommet, l'autre au centre et la troisième au bas de la racine.


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Dans une Lourbière où la maladie fut observée pendant l'automne 1897, on cultivait 9 sortes de Carottes, qui étaient les suivantes : 1° Bardowicher; 2° Ste-Valérie; 3°Blanche de Belgique; 4°Rougeclaire de Vilmorin ; 5° Rouge-foncée de Vilmorin ; 6° Blanche de Sutton ; 7° Rouge mi-longue de Sutton ; 8° Jaune de Knauer ; 9° Rouge fourragère de Sutton. La semence des sortes 1-3 avait été achetée chez Sellberg et C°, à Stockholm; celle des autres sortes avait été importée directement de l'étranger: les sortes 4-5 de chez VilmorinAndrieux et Cie, à Paris; les sortes 6-8 de chez Sutton et Sons, à Reading (Angleterre), et la sorte 9 de chez F. Schirmer en Saxe. De ces 9 sortes il n'y en eut à proprement parler qu'une seule, la Carotte fourragère rouge de Sutton (Suttons red catle Garrot), qui fut envahie par le Rhizoctonia. Or, sur celle-ci les attaques de la maladie furent si graves qu'il fallut laisser sur le champ un grand nombre de racines pourries entièrement ou en partie. Les autres sortes, dont on voyait à peine une seule racine malade, étaient au contraire à considérer comme indemnes.

Sur les Betteraves et sur d'autres plantes à tubercules, le champignon a été observé pendant ces dernières années dans plusieurs localités de la Suède. Au mois de novembre 1909, je reçus d'un cultivateur de plantes tuberculeuses en Ostergotland un lot de racines attaquées par la maladie. Les racines envoyées étaient : Betteraves potagères, Raves, Choux-navets et Carottes. La maladie y apparaissait comme un feutrage rouge, couvrant la surface des liges plus ou moins eutièremeut. Les parties affectées étaient souvent un peu rétrécies, et dans le feutrage, on rencontrait en abondance des particules de terre qu'on ne pouvait pas en détacher. L'envoi fut suivi d'une lettre renfermant des renseignements sur le cas de la maladie en question. Le champ d'où venaient les racines avait, l'année précédente, porté de l'Avoine. La semence dont on s'était servi avait été récoltée à l'endroit même sur des pieds dont les graines avaient été achetées en 1907 chez un producteur de graines suédois très connu. La semence des Betteraves, des Raves et des Choux-navets avait été achetée au printemps 1909 chez le même producteur. La maladie n'avait été observée dans le pays que pendant l'automne même de cette année-là. On s'en aperçut seulement au moment où on commença à nourrir le bétail avec ces tubercules


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à l'arrière-saison. On remarqua alors que les vaches qui avaient mangé des plantes attaquées donnaient moins de lait.

La description que donna le cultivateur sur l'apparition de la maladie rend vraisemblable que le champignon est entré dans une des espèces de graines qui furent achetées en 1909 et que les plantes nées de ces graines l'ont transmis aux Carottes. Car il est probable

que si la maladie avait existé l'année précédente sur les Carottes, on s'en serait aperçu. Sa couleur d'un rouge vif doit inévitablement la trahir. Quoi qu'il en soit, les Carottes se montraient alors très gravement envahies, peut-être plus sérieusement qu'aucune des autres plantes tuberculeuses. Pour juger par conjecture laquelle des trois espèces en question — Betterave, Rave et Choux-navet — peut avoir apporté la maladie, il faudrait en première ligne soupçonner

FIG. 2. — Une Betterave à sucre (a), une Rave (6) et un Chou-navet (c) envahis par la Rhizoctone violacée.


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les Choux-navets, puisque sur eux les attaques furent bien plus graves que sur les Betteraves et les Raves.

Un autre cas de Rhizoctone envahissant des Betteraves fut signalé en novembre 1910 par un cultivateur de Betteraves en Scanie, près de Malmô. Sur ce cas, le cultivateur écrit ce qui suit : « En 1909, je cultivais aussi des Betteraves sur ce sol, mais il n'y avait alors sur le champ tout entier qu'environ une centaine de pieds affectés. Or, cette année-ci nous en avons à peu près 2.000 kilos. Le champ où se trouvent les racines malades ne constitue qu'à peu près le quart d'un hectare ».

L'année même ainsi que l'automne qui suivit (1911), la Rhizoctone fut constatée dans les champs" de Betteraves de plusieurs nouvelles localités du même district. Il faut en particulier noter un cas observé dans une propriété en Scanie (Limhamn) en 1910. Sauf l'année précédente, on n'y avait jamais cultivé de Betteraves, et le champ où se trouvaient en 1910 les cultures de Betteraves n'en avait jamais porté d'après ce qu'on sait. La maladie apparaissait sur quelques endroits du champ, assez peu étendus et isolés. L'étendue de la surface cultivée était d'environ 9 hectares. Il paraît très invraisemblable que le sol sur ces points fût infecté d'avance. Au contraire, la maladie doit s'être introduite avec la semence achetée. Il est vrai qu'il est difficile de comprendre de quelle façon une propagation de matières contagieuses aurait pu être faite par la semence en ce cas, le champignon de la Rhizoctone semblant s'attaquer exclusivement aux racines. Or, ne serait-il pas possible que quelques racines malades, si légèrement atteintes qu'on ne s'en fut pas aperçu à l'arrachage, aient été employées pour la production des graines, et que le champignon sous une forme quelconque fut entré dans les jeunes pousses nouvelles, les envahissant si complètement que les gaines et les graines elles-mêmes en aient été parasitées ?

G) Y A-T-IL DES FORMES SPÉCIALES DU RHIZOCTONIA VIOLACEA ?

De ce que nous venons de signaler, il résulte que le champignon de la Rhizoctone peut envahir un grand nombre de plantes hospita lières fort diverses au point de vue systématique. Si l'on considère les choses de plus près, on observe tout de même que dans une localité


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où se trouvent différentes espèces de plantes, l'attaque ne se montre pas également grave sur toutes les espèces. Une tendance — bien qu'elle soit faible — à former des races, ou, autrement dit à se spécialiser, se manifeste même dans ce parasite. On s'en aperçoit nettement en faisant des essais d'inoculation parallèles avec de la matière contagieuse originaire de différentes espèces de plantes.

Deux fois j'ai fait de tels essais, dans les étés de 1898 à 1902, avec de la matière contagieuse prise sur Carottes et, durant l'été 1911

avec de la matière contagieuse venant de Betteraves. Les essais de, la première série furent effectués sur des Carottes, des Betteraves potagères, des Betteraves à sucre, des Trèfles, de la Luzerne bleue et des Pommes de terre (1). Les résultats furent les suivants : 1° La

FIG. 3. — Betterave à sucre (a), Betterave potagère (b), Racine de Luzerne (c) et Pomme de terre (d), inoculées par la Rhizoctone violacée des Carottes.

(1) J. Eriksson : Einige- Studien über den Wurzellöter (Hhizoclonia violacea) der Möhre mil besonderer Rücksicht auf seine Verbreitungfuhigkeit. (Centr -BL. f. Rakt., Abt. II, Bd. 10, 1903, S. 721, etc.)


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forme de champignon dont je m'étais servi pour les essais — appelonsla f. sp. Dauci —se laissait transmettre le plus facilement aux Carottes (cela variant quelque peu suivant les diverses formes de Carottes), un peu moins facilement aux Betteraves et, en outre, à diverses plantes sauvages (Sonchus arvensis, S. oleraceus, Erysimum cheiranthoides, Stellaria média, Myosotis arvensis, Galeopsis Telrahil, Urtica dioica et Chenopodium album), très peu à la Luzerne bleue et aux Pommes de terre et point du tout au Trèfle et aux Panais. 2° La seconde génération de la race de champignon f. sp. Dauci développée sur Betteraves montrait une faculté destructive plus grande que la première, mais en même temps une force inférieure de résistance à un hiver défavorable et à des conditions météorologiques défavorables durant la période de végétation.

Les essais d'inoculation de 1911 furent effectués sur des Betteraves, des Raves, des Carottes et des Trèfles avec de la matière contagieuse originaire de Betteraves sérieusement malades. Le 8 novembre 1910 les Betteraves malades furent coupées en petits morceaux et introduites dans le sol des parcelles qui, entourées de murs de ciment, étaient destinées à ces essais. Le 16 mai 1911 la terre fut remuée, et les semailles des graines des quatre espèces de plantes signalées plus haut eurent lieu. La récolte se fit le 22 août et le résultat constaté fut le suivant :

Essais d'inoculation avec du Rhizoctonia violacea (f. sp. Belae), exécutés à Experimentalfältet (Stockholm), l'été 1911.

N0M RÉSULTAT

NOMBRE

DES DES PLANTES INTENSITE DE LA MALADIE. POIDS TOTAL.

RECOLTEES

PLANTES

Malades Saines 0 12 3 4 Malades Saines

16/5 Trèfle commun 0 132 - — — __ — _

» Rave 10 5 8 2 — — 1345 480

« Carotte .... 6 35 35 1 — 1 4 44 362

» Betterave ... 40 8 8246 28 1432 100

Mime dans ces derniers résultats d'essais nous apercevons une disposition du Rhizoclonia à se spécialiser. La propagation la plus grande de la maladie fut constatée sur l'espèce d'où venait la


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matière contagieuse, c'est-à-dire sur les Betteraves elles-mêmes, avec 5 fois autant de racines malades que de racines saines. Puis venaient les Raves avec le double de racines malades que de racines saines et en dernier lieu les Carottes avec un sixième de racines malades. Le Trèfle commun restait toujours indemne dans les essais entrepris avec f. sp. Betae. Gela avait déjà eu lieu dans les essais qui furent effectués de 1898 à 1902 avec f. sp. Dauci. Ce résultat est très remarquable lorsqu'on considère que la Rhizoctone des Trèfles est assez fréquente dans plusieurs autres pays, surtout en Allemagne et en Danemark.

L'immunité parfaite du Trèfle vis-à-vis des races du champignon qui attaquent les Carottes et les Betteraves, fait qui ressort nettement des essais de toutes ces années-ci, ainsi que l'absenc —autant qu'on le sait — de Rhizoctone sur les champs de Trèfle de la Suède, appuient l'hypothèse que la forme des Trèfles doit être regardée comme une race ou une espèce spéciale.

De plus, il est à remarquer que la forme de champignon apparaissant chez nous sur les Betteraves a trahi une disposition à envahir les Choux-raves. Les Choux-navets gravement attaqués qui, en 1909, furent envoyés d'Ostergotland en même temps que les Betteraves et les Carottes malades, ainsi que les essais d'inoculation exécutés à Experimentalfältet en 1911 en font la preuve. De l'étranger, on entend très rarement parler de Choux-navets et de raves envahis par cette maladie.

Dans la bibliographie moderne étrangère, surtout dans celle de

l'Amérique, on trouve plusieurs des races de champignon dont nous

venons de parler signalées comme espèces séparées. Ainsi B. M.

Duggar (1) indique en 1911 les Rhizoctonia Medicaginis et Rh.

Belae comme deux espèces séparées.

D) LE STADE SPORIFÈRE DU CHAMPIGNON DES CAROTTES

Il y a longtemps déjà qu'on cherche à trouver la forme de fructification succédant à la phase mycélienne stérile que nous venons de décrire. Or, jusqu'ici on n'a pas réussi à élucider celle question.

(1) B. M. Duggar : Funguous Diseases of Plante. (Boston, 1911, p. 446).


ÉTUDES SUR. LA MALADIE PRODUITE PAR LA RHIZOCTONE 25

En 1869, L. Fuckel (1) voulut rapprocher ce mycélium d'un Ascomycète, le Byssothecium circinans Fuck. — appelé plus tard Tremathosphaeria circinans Wtr. et Leptosphaeria circinans Sacc — qu'on a trouvé de temps à autre sur des racines ayant précédemment porté du Bhizoctonia. A. Prunet (2) fut aussi de cette opinion en 1893. Une

autre idée fut énoncée en 1897 par A. B. Frank (3), qui rattache le mycélium à un Basidiomycète auquel il donne le nom de Thelephora Rhizocloniae.

Il me semble que les observations faites à la suite des essais d'inoculation qui furent exécutés en 1898 à Experimentalfältet et dont nous venons de parler dans ce qui précède, pourront aider à la solution du problème débattu.

Ces essais avaient été préparés pendant l'automne 1897 où 10 cylindres de zinc, enfouis dans la terre, furent remplis de terreau, en partie parasité, en partie indemne. Dans ces

cylindres devaient s'effectuer les essais. Le terreau parasité venait de la tourbière où les Carottes malades avaient poussé pendant le même automne, et, pour le rendre encore plus parasité si possible, on mit dans la couche de terre supérieure de ces cylindres des morceaux de Carottes malades. En même temps, on plaça dans le jardin d'essais une caisse en bois remplie de terreau pris dans la même tourbière infectée et on y enfouit aussi de nombreux morceaux de Carottes malades. Au printemps suivant (1898) les semailles ou plantations

FIG. 4. — Hypochnus violaccus sur les parties inférieures des tiges d'Urtica dioica (a) et de Stellaria média (b), (Experimentalfältet, 1898), provenant de l'inoculation de la Rhizoctone violacée des Carottes. (Experimentälfltet 1898.)

(1) L. Fuckel : Symbolae Mycologicae. (Wiesbaden, 1869, p. 142).

(2) A. Prunet : Sur la Rhizoctone de la Luzerne. (Cpt. Rendu, Paris, T. 117, 1893, p. 252).

(3) A. P. Frank : Ein neuer Rebenbeschâdiger in Rheinhessen. (Zeitschr. f. d. Vers. d. Grossh. Hessen, 1897, Nr 19, p. 167).


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de Carottes, Betteraves, Trèfles. Luzerne et Pommes de terre eurent lieu dans les 10 cylindres. Dans la caisse, au contraire, on ne fit pas de semailles. Dans le cours de l'été et de l'automne toutes les mauvaises herbes qui s'élevaient, dans les cylindres en furent arrachées. On n'en agissait pas de même avec la caisse. On y laissa toutes les mauvaises herbes jusqu'à l'époque de la récolte. Ces plantes sauvages tiraient leur origine en partie de graines ayant accompagné le terreau de la tourbière, en partie de graines apportées des environs par le vent. La récolte eut lieu le 6 octobre.

En examinant les herbes déracinées, on constata que le mycélium de la Rhizoctone apparaissait plus ou moins abondant sur foutes les espèces, soit sur les racines, soit sur le collet, soit en ore sur la tige jusqu'à une hauteur de 5 à 15 mm. au-dessus du sol, soit enfin comme une fine lamelle s'étalant sur le sol environ ant. Marquons l'importance de l'attaque du champignon par des chiffres variant entre 1 trace de mycélium) et 4 (mycélium très, abondant), et les choses vont se présenter comme le montre le tableau suivant :

INTENSITÉ DE LA MALADIE

dans sur la racine sur le collet

le Sonchus arvensis 4 1

le Sonchus oleraceus 4 (même les racines latérales) 0

le Myosolis arvensis 2 4

le Galeopsis Telrahil 2 4

le Stellaria média . . 3 4

l' Erysimum cheiranloides 4 4

l'Urlica dioica 2 4

le Chenopodium album 2 0

Sur les racines, le champignon apparaissait comme un tissu de filaments violacés ou roussâtres entre lesquels se trouvaient par places des corps miliaires foncés. Cela se rapportait parfaitement à ce que nous avions constat'' pour la forme qui attaque les Carottes et les Betteraves, si ce n'est que le tissu était, en ce cas, bien plus léger que sur ces deux espèces. Sur les tiges, au contraire, il constituait un feutrage plus ou moins épais, d'un rose tendre, qui, s'étendant comme un col sur toute la circonférence de la tige jusqu'à une hauteur assez considérable, finissait, brusquement. Quelques-unes des plantes sauvages attaquées, par exemple les Sonchus oleraceus, Stellaria média, Erysimum cheiranloides et Urlica dioica, étaient


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encore en pleine vie avec des tiges et des feuilles vertes, quelquefois même en fleurs. D'autres espèces, au contraire, s'étaient flétries. D'un rose tendre, le feutrage mycélien se répandait latéralement, dans certains cas, à partir du collet de la racine en couvrant les particules du sol environnant.

Il faut remarquer que ni à fleur de terre, ni au-dessus du sol, on ne découvrait de feutrage mycélien de coloration rouge-clair pour les plantes cultivées dans les cylindres, quoiqu'il y eût sur les racines de ces plantes un feutrage mycélien plus vigoureusement développé. Probablement cela est explicable par ce fait que les Carottes, les Betteraves et les Pommes de terre et aussi, à un certain degré, la Luzerne, sont munies d'un système de racines fortement, développé. Il s'ensuit que ce mycélium stérile, qui par sa nature est destiné à vivre au-dessous de la terre sur les racines, se répand plus en profondeur que celui des plantes sauvages citées ci-dessus, lesquelles ont un système radical très peu développé, et par conséquent peu de support à offrir au parasite au-dessous du sol.

Pendant l'automne 1898, où ces observations furent faites, mes recherches en restèrent, là. Ce n'est que dans ces derniers temps que je me suis décidé à m'occuper de nouveau de la question, et cela surtout après que G. H. Pethylridge (1) fut parvenu à constater un mode de développement tout à fait analogue dans l'espèce proche parente, le Rhizoclonia Solani Kühn. Il reconnaît dans le feutrage pâle presque blanc en bas des Pommes de terre, une phase postérieure du mycélium de la Rhizoctone sur les tubercules des Pommes de terre, à rapporter au genre Hypochnus des Basidiomycètes sous le nom de Hypochnus Solani. En même temps Pethylridge parle d'un cas où il a observé en haut d'une plante de Carotte une formation analogue. En ce cas, il a pu s'assurer que celle-ci était la continuation directe du mycélium qui vivait plus bas dans la racine.

Ces observations faites en Irlande m'ont suggéré de soumettre à un nouvel examen les racines et les tiges de plantes sauvages recueillies lors des essais de 1898. Le jour où avait eu lieu la récolte, le 6 octobre 1898, les matériaux avaient été mis dans l'alcool. L'examen de ces matériaux, actuellement âgés de 13 ans, montrait :

(1) G. H. Pethylridge : Investigations on Potalo Diseases (Second Report). Repr. fr. the Journal of the Department ot Agriculture and Technical Instruction for Ireland, 1911, Vol. XI, N° 3 (Sep., p. 29, etc.).


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1° qu'il existait un lien positif entre le mycélium épars des racines et le feutrage mycélien épais des parties de la tige qui se trouvaient immédiatement au-dessus du sol; 2° que celui-ci était une formation d'Hypochnus évidente, et ainsi la forme de fructification, succédant à la phase mycélienne stérile de Rhizoclonia sur les racines. Malgré l'état peu satisfaisant où se trouvaient les matériaux après ces treize années de repos, on reconnaissait çà et là, dans le feutrage mycélien des basidiospores.

D'après ces renseignements, il faut — du moins pour ce qui concerne les formes du champignon qui envahissent les Carottes — considérer comme résolue la question tant débattue de savoir à quel groupe rapporter le mycélium stérile connu sous le nom de Rhizoctonia violacea. Dans ce qui suit, je vais indiquer le nom scientifique qu'il faut donner, ainsi que les caractères diagnostiques du champignon autant que j'aie pu en juger sur les documents conservés que j'avais à ma disposition.

Hypochmis violaceus (Tul.) Eriks.

Durant le temps de sa végétation, le champignon constitue, sur les racines de nombreuses plantes, un feutrage mycélien stérile, souterrain, vivant en parasite, violacé-roussâtre, caractérisé par la présence de nombreux filaments confluents, cloisonnés ou ramifiés. Dans le feutrage, prennent naissance des sclérotes arrondis, d'un brun foncé, ressemblant à des périthèces. C'est le stade Rhizoclonia. Ensuite le champignon forme autour des tiges de la même plante ou d'autres espèces de plantes, immédiatement au-dessus du sol, une enveloppe annulaire, membraneuse, d'un rose tendre, qui, montant souvent sur les tiges jusqu'à une hauteur de 5 à 15mm. et s'étalant parfois sur la surface du sol comme une feuille toute mince, produit des basidiospores. C'est le stade Hypochnus.

De cette espèce il faudra pour le moment noter comme f. sp. Dauci la forme qui a son stade Rhizoctonia sur les Carottes et son stade Hypochmis sur la base des tiges des Stellaria média, Myosotis arvensis, Galeopsis Telrahil, Erysimum cheiranloides, Urlica dioica et Sonchus arvensis. On ne peut décider positivement, sans nouvelles études et recherches, si les formations de feutrage mycélien qu'on trouve sur les Betteraves, le Rhizoclonia violacea f. sp. Belae


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ainsi que celles du Trèfle, de la Luzerne et d'autres plantes encore possèdent également une forme Hypochnus (1).

Ce qui est très remarquable, c'est que le stade de fructification du champignon — tout au moins quand il s'agit de la forme de f. sp. Dauci, jusqu'ici la seule qui ait fait l'objet de recherches sous ce rapport —s'attaque à des plantes d'une autre espèce que celles dans lesquelles se trouve le stade mycélien stérile. Il est aussi à remarquer que le champignon qui, au stade stérile, apparaît comme parasite prononcé et possède une grande faculté destructive, se présente à peine comme parasite au stade fructifère. L'apparition de la phase de fructification sur des espèces de plantes autres que celles qui servent de support au stade stérile rappelle une dioecie, ressemblant à celle qu'on trouve dans plusieurs des champignons de la rouille. Aussi longtemps qu'on ne saura rien d'exact sur l'apparition du stade Hypochnus en pleins champs dans les localités où le Rhizoctonia apparaît en destructeur, on ne pourra pas. se faire une idée nette du rôle que joue ce stade dans l'histoire du développement du champignon, ni savoir si, pour sa propagation, il est nécessaire ou non. Le fait que cette phase a toujours été négligée, quoique la Rhizoctone ait depuis longtemps fait l'objet d'études assez nombreuses de la part de plusieurs savants, me paraît indiquer que la succession des deux états doit être peu fréquente et que le champignon en question peut s'en passer.

E) MESURES A PRENDRE CONTRE LA MALADIE

Ci-dessous je veux résumer en quelques lignes les mesures protectrices à recommander contre la Rhizoctone des Carottes et des Betteraves ainsi que contre celle des autres plantes à tubercules.

1° Au moment de l'arrachage, éliminer et supprimer — par cuisson ou autrement — tous les pieds qui présentent les moindres traces de la maladie.

2° Entourer de petits bâtons les places où ont poussé des plantes

(1) Quant à la Rhizoctone de la Luzerne, je suis porté à croire, d'après les observations de cette année (1912), qu'elle doit être rapportée à un groupe d'Ascomycètes. J'espère revenir sur cette question dans l'avenir.


30 REVUE GÉNÉRALE DE BOTANIQUE

malades ; procéder ensuite à une désinfection du, sol infecte en se servant, pour le traitement, d'une substance fongicide, par exemple le sulfure de carbone (50 grammes dans 10 litres d'eau); (il suffit d'une dose de 40 litres pour 15 mètres carrés).

3° Examiner durant l'hiver de temps à: autre les racines arrachées, dans le voisinage des taches malades et détruire tout ce qui est atteint.

4° Pratiquer une longue alternance de cultures (4 ans au moins) et ne cultiver sur les sols contaminés que des plantes incapables de servir de support au parasite.

5° Ne pas employer comme engrais frais, celui produit par les animaux qui ont consommé des racines contaminées.


LE SILPHIUM DES ANCIENS EST BIEN UN PALMIER

(LODOICEA SECHELLARUM DE LABILLARDIÈRE par M. A. T. VERCOUTRE

I

En décembre 1908. dans un travail intitulé : « Identification du silphium » (1). J'ai fait connaître que cette plante n'est autre, suivant moi, que le Lodoicea Sechellarum de Labillardière, Palmier colossal qui se rencontre aujourd'hui uniquement dans les îles Séchelles, non loin de la côte orientale de l'Afrique. En outre, comme Hérodote (2) laisse entendre que cette plante croissait dans les oasis du Nord de l'Ethiopie, ce que confirme, du reste, le témoignage formel de Strabon, d'Arrien et d'autres auteurs, j'ai dit que le fruit, mais particulièrement les produits, solide et liquides (coprah et sucs) de ce palmier, produits tenus pour très précieux, étaient apportés dans la Cyrénaïque et les pays voisins (Tripolitaine actuelle) par des caravaniers qui, ainsi, étaient obligés de traverser à pied de vastes déserts de la Libye.

A l'appui de celle thèse, j'ai montré :

1° Que le fruit du silphium, tel qu'il apparaît sur les monnaies cyrénéennes, est la copie, rigoureusement exacte, du fruit du Lodoicea ;

2° Que la description que donne Théophraste du produit solide du silphium s'accorde, de la manière la plus précise, avec les ca actères du parenchyme (coprah) du fruit du Lodoicea;

3° Que le dessin qui figure sur la coupe antique dite d'Arcésilas

(1) Paris, Leroux, in-8, 23 pages, 14 fig. — Ce travail a fait l'objet d'un rapport de M. G. Perrot, Membre de l'Institut, à l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, dans la séance du 16 février 1909, et il a été inséré dans la Revue Générale de Botanique (T. XXII, 1910, p. 354-399), dirigée par M. G. Bonnier, Membre de l'Académie des Sciences. A tous deux j'exprime ma gratitude.

(2) IV, CXCII, 4,


32 REVUE GÉNÉRALE DE BOTANIQUE

permet de constater, par ses détails et avec une grande netteté, que le produit solide du silphium offre une ressemblance étroite avec le coprah du Lodoicea, et n'était, en somme, que cette substance elle-même ;

4° Que l'identification proposée par moi est la seule qui ait jusqu'ici fait comprendre, avec une clarté parfaite, ce que les anciens appelaient les sucs du silphium (suc de tige, et suc de racine, id est de fruit), etc..

5° Et enfin, que le fait, bien remarquable, sur lequel j'ai appelé l'attention, à savoir que le fruit du Lodoicea, c'est-à-dire le produit solide (coprah) de cet arbre, était considéré en Europe, au moyenâge, comme un antidote merveilleux ayant une valeur monétaire considérable, est un témoignage de plus que cet arbre est bien le silphium, plante dont les produits, dans l'antiquité, étaient réputés comme des remèdes d'une efficacité surprenante et d'un si haut prix qu'ils faisaient partie, comme on sait, des richesses déposées, à Rome, dans le trésor public.

A ces données dont on a contesté la valeur (1), sans d'ailleurs vouloir discuter, je vais ajouter un fait nouveau, et, suivant moi, décisif.

If

Dans mon travail, j'ai dit que, comme le démontre indiscutablement l'examen des types des monnaies cyrénéennes, la seule partie du silphium que les anciens aient connue d'une manière certaine, c'est le fruit de cet arbre (2). Mais il est très sûr aussi que, à une époque lointaine, des Libyens, voisins de la Gyrénaïque, avaient vu une tige de silphium, ou plutôt une portion de tige, laquelle leur avait été apportée par les caravaniers qui venaient, comme je l'ai expliqué, des oasis du Nord de l'Ethiopie.

En effet, au témoignage d'Alexandride (3), nous savons que les

(1) Cf. in Dict. des antiq. grecq. et rom., de Daremberg, Saglio et Pottier l'article Silphium signé A. Rainaud.

(2) J'ai établi, en effet, que ces monnaies, représentant l'arbre silphium de trois manières différentes, et les feuilles de cet arbre, tant dans leur forme que dans leur disposition relative, sous des aspects très divers, fournissent la preuve sans réplique que les Cyrénéens n'avaient jamais vu la plante vivante, entière et adulte.

(3) IVe siècle av. J.-C.— In Fragm. hist. grsec, par C. Millier, édit. Didot, 1849, T. III, p. 106-107, § 4.— Cf. Schol. graec. in Aristoph., édit. Didot, 1855 : schol. in Plut., p. 373, col. 1, 30.


LE SILPHIUM DES ANCIENS EST BIEN UN PALMIER 33

Ampéliotes, habitants d'une ville libyenne voisine des Cyrénéens, avaient fait transporter à Delphes, pour y être offerte au dieu Apollon, une tige de silphium (1). Or, étant établi, comme je l'ai fait ressortir dans mon travail, que les caravaniers venant de l'Ethiopie traversaient les déserts péniblement, à pied, sans montures, et que la tige du Lodoicea, tige immense, mesure d'ordinaire un mètre de circonférence, il faut bien admettre, de toute nécessité, que la portion de tige que les caravaniers apportèrent à dos d'homme jusqu'aux environs de Cyrène, d'où elle fut expédiée à Delphes, ne pouvait guère mesurer qu'un mètre de long environ, les forces humaines ayant évidemment des limites. Cette portion de tige, normalement dépourvue de feuilles, particularité botanique à noter, présentait, de distance en distance, des cicatrices annulaires, cicatrices produites précisément par les feuilles qui s'étaient détachées de cette tige au fur et à mesure de la croissance de l'arbre. Si j'ajoute que ce tronc fibreux était strié longitudinalement et comme cannelé par les rides résultant de la dessiccation, voilà ce que les Libyens voisins de la Cyrénaïque avaient reçu des caravaniers, voilà ce qu'ils avaient envoyé, en ex-voto, à Delphes.

On peut croire que cette offrande, si précieuse par son insigne rareté, fut placée bien en évidence, debout, sur un piédestal. En tout cas, quand les Cyrénéens, — imitant les divers peuples qui, à Delphes, dressèrent, autour du sanctuaire d'Apollon, les édifices dits Trésors, — aménagèrent leur propre Trésor, ils résolurent, eu égard sans doute à l'impossibilité de se procurer un arbre entier, de faire sculpter et ériger, vers la fin du Ve siècle avant J.-C, et en s'inspirant tant de l'ex-voto qu'ils avaient sous les yeux que des renseignements fournis par les caravaniers, le monument dont je vais maintenant parler.

III

On connaît les fouilles, d'un si haut intérêt archéologique, qui ont été entreprises à Delphes par l'Ecole française d'Athènes. Or, dans les ruines du Trésor des Cyrénéens, on découvrit des fragments

(1) Pour que l'histoire ait enregistré ce fait, il faut donc qu'il ait été jugé d'une grande importance, importance due évidemment à l'extraordinaire rareté de la tige du silphium. L'histoire a, du reste, noté un deuxième envoi semblable: il s'agit d'une tige de silphium (la seule que l'on put alors découvrir) qui fut offerte à l'empereur Néron (Plin., H. N., XIX, XV).

Rev. gén. de Botanique. —XXV. 3.


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d'une sorte de colonne ornée de feuillage, fragments que l'on rapproche les uns des autres. Ainsi refaite dans sa majeure partie, cette colonne, qui est en marbre, est conservée à Delphes, mais un moulage en a été pris et est exposé au Musée du Louvres (1). Énorme, car elle mesure près de trois mètres de tour à la base et plus du double en hauteur, elle est surmontée de trois Caryatides soutenant un trépied, et, fait qui appelle toute notre attention, il est certain que, ainsi que l'on ne tarda pas à s'en apercevoir (2), elle est une figuration de la plante silphium (3).

Tout d'abord, je note que le fait que cette plante est ainsi présentée sous un aspect si imposant, ruine à tout jamais la conception que se faisaient du silphium maints chercheurs qui m'ont précédé, lesquels, partageant les erreurs de quelques auteurs anciens, s'obstinaient et parfois même s'obstinent encore à voir, dans le silphium, par exemple, une plante de la famille des Ombellifères, ces humbles végétaux à tige grêle qui, bien rarement, arrivent à présenter, dans leur plus grand développement, l'aspect d'un modeste arbuste (4)..

Assurément, c'est la comparaison du sujet que représente ce

monument avec les types les plus ordinaires des monnaies cyrénéennes

cyrénéennes a amené à voir en lui l'image du silphium ; mais si, désormais, on aperçoit nettement quelle taille gigantesque les Cyrénéens donnaient au silphium figuré sur leurs monnaies, cela n'avait nullement

(1) Sur le palier de l'escalier conduisant à la Victoire de Samothrace (escalier Daru), à gauche en montant. Là sont réunis d'autres moulages de monuments delphiens.

(2) Cf. en effet, in Rev. internat, d'archéol mimismal., dérigée par M. Svoronos, d'Athènes, T. X, 1907, p. 295 et s., (Bibl. de l'Univ. de Paris, Périodiq. n° 625), l'article de M. A. D. Keramopoullos intitulé : Analhéma Ampéliotôn, etc., article qui m'a été signalé par M. E. Pottier, Membre de l'Institut. Mais voir aussi, in Revue polit, et littér. (Revue Bleue), du 15 décembre 1894, page 760, col. 2, un intéressant passage de l'article de M. Paul Monceaux sur les Fouilles de Delphes.

(3) M. le docteur Bertholon, de retour de Grèce, veut bien me signaler la description que M. Keramopoullos, éphore des antiquités, dans son Guide à Delphes, 1909, p. 19-20, donne de ce monument.

(4) Ces chercheurs auraient dû remarquer que, considérer le silphium comme une Ombellifère, et, de plus, comme une Ombellifère croissant abondamment dans la Cyrénaïque, c'est admettre nécessairement que les Cyrénéens auraient gravement entrepris la longue traversée de la Méditerranée, et pompeusement transporté à Delphes pour être offerte en don au dieu Apollon, une mince baguette, presque un fétu de paille, n'ayant même pas le prestige de la rareté.


LE SILPHIUM DES ANCIENS EST BIEN UN PALMIER

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fait savoir quelle plante était ce silphiura : or, je vais montrer que la thèse que j'avais soutenue en 1908 et qui considérait le silphium comme étant le Lodoicea Sechellarum, se trouve confirmée par l'examen du monument dont il est question.

IV

J'ai dit, dans mon précédent travail, que le Lodoicea est « l'arbre le plus majestueux de la famille des Palmiers », son tronc pouvant atteindre jusqu'à quarante mètres de hauteur. Eh bien ! le monument élevé à Delphes par les Cyrénéens, et qui, très certainement, représente le silphium, n'est autre, tout justement et comme on peut

le constater, que la figuration d'un Palmier colossal.

Certes, on voudra bien convenir que voilà déjà une preuve que, si divers auteurs anciens (1), trompés par les apparences qu'offre la plante silphium sur les monnaies cyrénéennes, ont cru, et fait croire à tant de modernes, que ce silphium était une Ombellifère, l'heure est venue de reconnaître avec moi que, dès le Ve siècle avant J.-C, les Cyrénéens, renseignés par les caravaniers, savaient parfaitement bien, pour leur part, que le silphium était un Palmier (2).

Mais ce n'est pas tout.

J'ai dit encore que le Lodoicea présente un tronc d'un mètre de tour, cylindrique, dressé, marqué sur toute sa longueur de cicatrices annulaires séparées les unes des autres par des intervalles

intervalles douze centimètres environ, cicatrices formées par l'empreinte du pétiole des feuilles qui se sont détachées au fur et à mesure de la croissance de l'arbre. Eh bien ! si l'on examine le Palmier colossal sculpté par les Cyrénéens, on voit que le tronc est, de même, cylindrique, dressé, et marqué, de distance en distance, par les cicatrices annulaires dont je viens de dire l'origine. Sur le moulage, au

FIG. 1.

(1) J'ai déjà signalé que tout au moins l'un d'eux, Théophraste (VI, III, I), savait que le silphium était un végétal de l'espèce « la plus élevée ».

(2) Cf. in L. Millier, Numismat de l'Anc. Afriq., Copenhague, 1860, le type de la monnaie n° 4 (déjà signalé par moi) qui semble bien représenter un Palmier. Ce type est des plus anciens.


36 REVUE GÉNÉRALE DE BOTANIQUE

Musée du Louvre, ces cicatrices sont, de la base au bouquet de feuilles, au nombre de trois, la circonférence du tronc étant de trois mètres environ, et, sur le monument restauré, refait en entier par le dessinateur (1) qui a presque doublé la hauteur du tronc, ces cicatrices sont au nombre de six; et ainsi, toutes proportions gardées, les caractères présentés par la tige du Palmier sculpté à Delphes par les Cyrénéens son bien ceux que l'on observe sur la tige du Palmier des îles Séchelles.

Mais il y a plus encore.

J'ai dit que la feuille du Lodoicea est immense, ovalaire, et divisée inégalement sur son pourtour.

Eh bien ! ce sont justement les caractères que présentent les feuilles ou palmes qui, sur le monument des Cyrénéens, couronnent, en retombant en courbes élégantes, le sommet du tronc; ces feuilles, au nombre de sept, sont immenses, elles sont ovalaires, et je n'ai pas compté sur elles moins de quatorze divisions, inégales, de chaque côté de la nervure médiane.

Et ainsi, et sans faire acte du moindre parti pris, il est impossible, on en conviendra, de ne' pas être frappé par la concordance si remarquable qui existe entre les caractères du Lodoicea des îles Séchelles et ceux présentés par le silphium taillé dans le marbre par les Cyrénéens.

Maintenant, est-ce à dire que cette oeuvre sculpturale soit, en tous points, exacte ? Nullement, et plusieurs erreurs ont été commises qu'il est, du reste, aisé d'expliquer.

Ainsi, comme je l'ai dit déjà, les Cyrénéens n'ayant jamais vu le silphium, c'est-à-dire le Lodoicea, vivant et adulte, ont cru, de très bonne foi, que des feuilles croissaient le long de la tige qui avait été apportée à Delphes, la base de ces feuilles étant implantée sur les cicatrices annulaires qui marquent cette tige; et c'est pourquoi, sur le Palmier qu'ils firent sculpter, ils ont appliqué, sur le tronc, de petites feuilles sessiles paraissant sortir de chacune des cicatrices en question.

Ainsi encore, et sans doute dans un but esthétique, ils ont trans(1)

trans(1) Fouilles de Delphes, sous la direction de M. T. Homolle, 892-1903, in-f°, T. Il, pl. XV. — Cf. pl. IX (restauration du téménos d'Apollon) l'aspect de cette colonne parmi les monuments delphiens (Bibl. nat., f° Z 1027).


LE SILPHIUM DES ANCIENS EST BIEN UN PALMIER 37

formé en cannelures régulières les rides plus ou moins profondes qui sillonnaient longitudinalement le tronc par l'effet de la dessiccation.

Ainsi enfin, n'ayant jamais vu les feuilles entières du silphium, c'est-à-dire du Lodoicea, organes qui, du reste, leur étaient indifférents puisqu'ils n'en tiraient aucun parti (1), ils se sont bornés à les représenter en s'inspirant des renseignements fournis par les caravaniers, c'est-à-dire, comme je l'ai expliqué, immenses, ovalaires, à nombreuses divisions inégales, et formant un élégant bouquet de palmes au sommet de la tige; mais certains détails manquent d'exactitude, d'où il résulte que ces feuilles rappellent un peu celles de l'acanthe (2), et certaines parties ont été omises, comme le long pétiole qui, dans la réalité, soutient chaque feuille, pétiole que, du du reste, le sculpteur eût eu, semble-t-il, quelque difficulté à reproduire.

Mais il faut bien se dire que la précision mathématique était impossible à obtenir puisque, je ne cesserai de le répéter, les Cyrénéens n'avaient jamais vu le silphium, c'est-à-dire le Lodoicea vivant, entier et adulte. Cette précision, d'ailleurs, n'ajouterait rien à cette vérité que, grâce à l'étude du monument des Cyrénéens à Delphes, je crois avoir définitivement établie : « Le silphium des anciens était très certainement un Palmier, et ce Palmier n'était autre que le Lodoicea Sechellarum de Labillardière (3). »

(1) J'ai, en effet, montré dans mon travail, que la croyance des anciens à l'utilisation de la feuille du silphium provenait manifestement d'une erreur, certains auteurs, comme Théophraste, ayant pris le mot libyque « phullon » désignant la partie solide (coprah) du fruit du Lodoicea, pour le mot grec «phullon » signifiant feuille.

(2) De là vient que le monument reçut, lors de sa découverte, le nom de « colonne d'acanthe ». — Suivant moi, la colonne corinthienne, avec son fût cannelé, avec son chapiteau orné de feuilles dites d'acanthe, a été inspirée par le monument des Cyrénéens. L'oeuvre de Callimaque aurait donc une origine toute différente do celle que lui attribue Vitruve (IV, I).

(3) Sans doute, certains auteurs pourront encore soutenir, par exemple, que le silphium a disparu de la surface du globe. C'est là une opinion dont la valeur est tout à l'ait discutable. Comme l'a montré M. C. Joret (Acad. des Inscr., 17 mai 1912), parmi les plantes dont parle Pline, il s'en trouve qui n'ont pas été identifiées : qui donc empêchera ces mêmes auteurs de soutenir que ces plantes, — toute une flore — ont, elles aussi, totalement disparu ?


INFLUENCE DES RADIATIONS ULTRA-VIOLETTES

SUR LA PLANTULE

Par M. Laurent RAYBAUD

MM. Maquerine et Demoussy ont observé que les plantes vertes sont blessées mortellement lorsqu'on les expose seulement pendant un quart d'heure à l'irradiation de la lampe en quartz (1). Ces auteurs ont opéré sur des sujets adultes, c'est-à-dire pourvus de nombreuses feuilles. Toutes les fonctions biologiques, assimilation, respiration, transpiration se font par ces organes dont l'épaisseur est relativement faible et dont la transparence aux diverses: radiations lumineuses est connue. C'est par ses parties très actives que la plante a été atteinte, et non par le tronc et les branches protégés très efficacement par un tissu épais et opaque, l'écorce.

Nous nous sommes alors demandé si la jeune plante, lorsqu'elle ne vit qu'aux dépens des réserves de la graine et qu'elle ne possède pas encore de feuilles vertes, peut se développer sous les radiations ultra-violettes dont nous connaissons l'action nocive tout à fait superficielle. Nos expériences ont porté sur le Cresson alénois (Lepidium salivum). Nous en étalons les graines à 1 m. 50 de la source ultra-violette. Elles reposent sur une couche de terre de 0 m. 05 de largeur maintenue entre deux planchettes verticales. Celles-ci sont fixées au milieu d'une grande cuvette rectangulaire qui est remplie d'eau. Les conditions d'humidité sont donc absolument semblables sur toute la surface de la culture. Un tiers des graines est exposé au rayonnement total de la lampe en quartz. Le deuxième tiers est protégé contre ce rayonnement par une lame de verre ordinaire, qui absorbe toutes les radiations ultra-violettes à partir de 3.300 A inclus. Le reste, recouvert par un morceau de bois de un

(1) Maquenne et Demoussy : Influence des rayons ultra-violets sur la végétation des plantes vertes. Comptes rendus de l'Académie des Sciences, 8 novembre 1909, T. 149.


INFLUENCE DES RADIATIONS ULTRA-VIOLETTES SUR LA PLANTULE 39

centimètre d'épaisseur, est à l'abri de toutes les radiations émises directement par la lampe. Les deux écrans sont placés à une distance de 0 m. 20 au-dessus de la culture.

Quatre jours après l'ensemencement les graines commencent à germer. La germination est la plus tardive sous la planchette. Les plantules, quoique très pâles, y sont pourtant finalement le plus développées (4 à 5 centimètres). Sous le verre, les graines germent un peu plus tôt que précédemment, moins rapidement toutefois que dans la région baignée intégralement par l'ultra-violet. Ces différences sont à peine marquées et ne semblent pas devoir être attribuées à l'action chimique des diverses radiations, mais bien plutôt à leur influence calorifique, car la température prise sous la planchette est de 17°5. Elle est de 18°5 dans la région de la culture où frappent les radiations ultra-violettes. Les plantules sont colorées normalement sous le verre. Elles y atteignent à la fin de l'expérience deux centimètres de longueur.

Les faits que nous venons d'exposer jusqu'à présent n'offrent rien d'anormal, car ils pouvaient être prévus. Le phénomène le plus intéressant est celui que nous observons dans la région irradiée intégralement par la lampe. Non seulement, sous celle-ci, les graines germent, mais nous assistons encore au développement complet de l'axe hypocotylé et à la formation des deux premières feuilles qui verdissent. Il est vrai que ces plantules sont chétives, puisqu'elles atteignent au maximum cinq millimètres. Elles sont brunâtres et recourbées vers le sol, tandis que les autres se dirigent tout droit vers la lumière.

La résistance des jeunes plantes aux radiations très nocives ne dure que pendant la première période de leur développement, c'est-à-dire jusqu'à l'apparition de la chlorophylle. Sitôt après les feuilles vertes brunissent, se recroquevillent légèrement et la plante meurt. Il est curieux de constater l'apparition de la chlorophylle sous les radiations qui sont mortelles à la plante; et nous verrons plus loin que, parmi les radiations émises par la lampe à vapeur de mercure en quartz, ce sont certaines d'entre elles, situées dans la région ultra-violette, qui sont le plus favorables à la production de cette substance.

Examinons maintenant les plantules tuées que nous avons vues douées d'un ulviotropisme négatif, puisqu'elles se sont courbées


40 REVUE GÉNÉRALE DE BOTANIQUE

sous la lampe à vapeur de mercure pour s'en éloigner. Elles sont revêtues, dans les parties exposées aux radiations ultra-violettes, d'une couche brune constituée par des cellules mortes. Cette couche, à peine visible à l'oeil nu, dans les parties jeunes, se teinte graduellement, à mesure qu'elle gagne les parties âgées, et, quand nous voulons retirer la plantule, en la saisissant à l'aide d'une pince par l'extrémité jeune de l'axe hypocotylé, elle se brise toujours à la base de celui-ci, c'est-à-dire dans la région- le plus longtemps irradiée. Vue à la loupe, la surface de ce tissu périphérique est fendillée. Dans la plupart des cas cette fente est longitudinale. Elle se produit seulement par endroits, mais toujours sur les parties où les rayons tombent le moins obliquement. Ces crevassements superficiels sont faciles à expliquer. Le tissu mort périphérique forme une gaine inextensible autour des cellules vivantes sous-jacentes, qui n'étant que blessées par les radiations ultra-violettes, déjà très atténuées, réagissent contre elles par un cloisonnement très actif. Ces cellules provoquent par ce fait une poussée de dedans en dehors sur la gaine de cellules inertes qui les enserre et il se produit une déchirure. Les nouveaux tissus, mis à nu, sont tués à leur tour, puis de nouveau déchirés, et le phénomène se continue ainsi pendant que la plantule poursuit sa croissance. Quand les radiations tombent normalement sur un côté de l'axe hypocotylé, les crevasses sont très profondes. Quand, au contraire, les radiations tombent très obliquement sur la plantule, c'est-à-dire quand celle-ci se trouve presque dans leur prolongement, les crevasses sont peu visibles. La zone brunâtre de cellules mortes périphériques, apparue dans les régions irradiées par la lampe, absorbe les radiations nocives, formant ainsi une gaine protectrice autour des tissus vivants. Comme la plantule vit aux dépens des réserves de la graine, elle n'a pas encore besoin d'assimiler par ses parties externes, et la respiration ainsi que la transpiration s'effectuent par les surfaces non atteintes ou par les fentes du tissu mort superficiel.

Voici, à notre avis, comment la courbure de l'axe hypocotylé s'effectue. Cet axe, pourvu d'un géotropisme négatif, se dirige tout d'abord de bas en haut, plus ou moins verticalement; il se trouve par suite plus irradié sur une face que sur l'autre. La face, qui reçoit les radiations ultra-violettes sous la moindre incidence est plus fortement atteinte et a son parenchyme qui prolifère activement.


INFLUENCE DES RADIATIONS ULTRA-VIOLETTES SUR LA PLANTULE 41

L'axe hypocotylé se courbe par suite du côté opposé à cet accroissement. La courbure s'accentue avec le temps d'exposition. A ce moment, la plantule manifeste un ulviotropisme négatif, et finalement l'axe hypocotylé vient ramper à la surface de la terre humide. C'est alors qu'apparaissent les deux premières feuilles vertes et que la plante meurt.

L'explication que nous venons de donner est confirmée par l'examen microscopique des coupes transversales. Celles faites à l'intérieur des axes hypocotylées, développées sous l'ultra-violet, sont ovoïdes (fig. 1). Celles des autres échantillons, pris sous le verre ou sous le bois, sont circulaires. Dans la coupe ovale, l'extrémité la plus large correspond au côté sur lequel frappent les radiations ultraviolettes. Cet. aspect particulier n'est bien prononcé toutefois que dans la région où l'axe hypocotylé se courbe fortement. Le parenchyme

parenchyme proliféré abondamment dans la région blessée. Il a donné des cellules rectangulaires allongées radialement avec des cloisons transversales de plus en plus nombreuses du côté externe. C'est un véritable tissu palissadique que recouvre une mince zone de cellules périphériques brunâtres dont le protoplasma est tué. Ce cloisonnement anormal dans la partie blessée a pour effet de rendre le cylindre

FIG. 1. :— Coupe transversale de l'axe hypocotylé du Lepidium sativum développé sous la lampe à vapeur de mercure en quartz.


42 REVUE GÉNÉRALE DE BOTANIQUE

central excentrique. A la base de l'axe hypocotylé ou dans lus autres régions longtemps irradiées, une coupe transversale montre un sillon très profond qui vient presque toucher le faisceau libéroligneux. Ce sillon est formé par l'éclatement continu, sous la pression interne, des gaines de cellules mortes formées successivement (Voir p. 3).

Il n'existe pas de différences anatomiques entre les tissus dès feuilles irradiées intégralement par la lampe et ceux des feuilles formées à l'abri des radiations nocives, car les premières ne demeurent à l'état d'activité que pendant un temps trop court. Leur surface exposée au rayonnement de l'arc au mercure est seulement recouverte d'une couche de cellules brunâtres.

On peut émettre plusieurs hypothèses pour expliquer la mort de la feuille, car les causes en sont certainement multiples. En dehors de leur action nocive sur les diastases (1), les radiations ultra-violettes de faible longueur d'onde doivent faire naître un grand nombre de réactions chimiques nuisibles à la vie de la cellule ou peut-être activer tellement cette vie que celle-ci soit de très courte durée. On peut supposer, pour la chlorophylle, que ces radiations la détruisent au fur et à mesure de sa production; la teinte verte sous l'irradiation totale de la lampe en quartz ne devient en effet jamais aussi intense que sous le verre, elle ne dure pas longtemps (24 heures environ), mais elle apparaît toujours. On peut supposer aussi que les cellules superficielles de la face exposée au rayonnement total de l'arc au mercure, dont le protoplasma est tué et coagulé, forment une couche assez épaisse pour suspendre sur cette face tout échange avec l'extérieur et arrêter surtout les radiations qui sont indispensables à la vie de la plante. Dans l'une ou l'autre de ces conditions, celle-ci, ayant épuisé ses réserves et ne pouvant pas assimiler, meurt.

Le phénomène de l'apparition et de la destruction de la chlorophylle dans les deux premières feuilles de la plantule exposée intégralement aux radiations ultra-violettes est si remarquable que nous

(1) M. Aghulon a démontré que les diastases étaient tuées à partir de la radiation 3024 A (C.R. Ac. des Sciences, 13 février 1911), généralisant ainsi les résultats que nous avions indiqués touchant la nocivité de cette radiation sur les moisissures (L. Raybaud. C.R. Ac. des Sciences, 18 octobre 1909); nocivité qui a d'ailleurs encore été constatée après nous par Mlle Cernovodeanu et M. Victor Henri sur les bactéries (C.R. Ac. des Sciences, 3 janvier 1910).


INFLUENCE DES RADIATIONS ULTRA-VIOLETTES SUR LA PLANTULE 43

avons voulu connaître, avec les moyens que nous possédions, l'influence de certaines régions de l'ultra-violet sur la formation de cette substance.

On connaissait déjà depuis longtemps l'influence heureuse des lumières artificielles sur la production de la chlorophylle. Or la plupart des sources de lumière émettent en plus ou moins grande quantité des radiations ultra-violettes. C'est ce qu'avait vu Prilleux en 1869. Siemens (1880-1881) conseille l'emploi de l'arc électrique pendant la nuit pour forcer la végétation. Dehairain s'aperçoit le premier de la nocivité de l'ultra-violet le plus réfrangible ; il conseille alors l'usage de la lampe à arc entourée d'un globe de verre pour activer le développement des plantes. M. Gaston Bonnier, étudiant l'influence de la lumière électrique sur les plantes vertes, a signalé l'action favorable de l'ultra-violet sur la production de la chlorophylle. Enfin MM. Maquenne et Demoussy, que nous avons déjà cités, ont montré que les plantes étaient blessées mortellement par une courte, exposition au rayonnement de la lampe à vapeur de mercure en quartz et qu'elles étaient protégées contre ce rayonnement par une lame de verre ordinaire.

Nous avons voulu apporter plus de précision dans ces résultats. Pour cela, nous avons d'abord cherché à projeter le spectre sur une couche de graines de Cresson alénois étendues à la surface d'une brique poreuse, dont presque toute la masse était immergée dans l'eau. Les graines humides sont fluorescentes sous la radiation ultra-violette dont la longueur d'onde est de 3.600 A. C'est la seule observation vraiment intéressante que nous ayons pu faire, car les inégalités de croissance constatées sur la culture tenaient plus aux différences d'humidité qu'aux influences des diverses radiations. Nous avons alors recommencé l'expérience en employant le dispositif décrit au début de ce travail (voir p. 1). Les résultats obtenus n'ont pas été plus heureux. Les bandes, formées par les projections des radiations sur la culture, étaient trop étroites pour baigner constamment la même plantule pendant son développement, car on sait que cette plantule ne s'élève pas verticalement sous l'ultra-violet (voir p. 4).

Nous avons alors en recours à la méthode des écrans absorbants

Sur la terre, maintenue humide, par le procédé décrit, et recouverte d'une couche de graines de Cresson alénois, nous plaçons une boîte


44. REVUE GÉNÉRALE DE BOTANIQUE

renversée, en carton épais, de cinq centimètres de hauteur, dont le fond, qui devient ici la partie supérieure, est percé de quatre orifices circulaires de trois centimètres de diamètre, distants les uns des autres de huit centimètres et couverts respectivement par les écrans suivants :

I. Ecran de sulfate acide de quinine qui ne laisse passer que la portion colorée du spectre.

II. Écran de verre qui ne laisse passer que la partie colorée du spectre et la radiation ultra-violette 3.600 A.

III. Écran de mica qui laisse passer les radiations précédentes ainsi que les radiations 3.300 A et 3.130 A. Cette dernière atténuée.

IV. Aucun écran.

Ensemencées le mercredi soir, les graines germent le samedi matin, mais tandis que les axes hypocotylés croissent rapidement à l'ombre du carton, ceux qui sont situés dans les régions irradiées par la lampe, sous les différents écrans, sont plus courts et se développent avec d'autant plus de lenteur que le nombre des radiations ultra-violettes qui les impressionnent augmente. Voici, d'ailleurs, au moment de l'apparition des deux premières feuilles, les longueurs des axes hypocotylés sous les divers écrans :

Axe hypocotylé

Aucun écran 0 m. 005

Mica ! 0 m. 02

Verre 0 m. 024

Sulfate acide de quinine 0 m. 03

Carton ; 0 m. 04

Quant à la couleur des feuilles, elles sont pâles sous le carton, vertes sous le sulfate acide de quinine, et leur verdissement augmente jusque sous le mica, pour décroître ensuite sous le rayonnement total de la lampe en quartz, où nous savons déjà que la chlorophylle est détruite peu après son apparition. Donc, alors que la croissance de l'axe hypocotylé diminue à mesure que le nombre des radiations ultra-violettes qui l'impressionnent augmente, l'intensité de coloration des feuilles vertes, qui croît tout d'abord, passe par un maximum sous le mica, puis faiblit et la couleur disparaît après un certain temps d'exposition. Pour représenter schématiquement, mais toutefois d'une façon très approximative, les variations de croissance et les intensités de coloration des plan tu les sous les


INFLUENCE DES RADIATIONS ULTRA-VIOLETTES SUR LA PLANTULE 45

différents écrans, nous pouvons construire deux courbes en portant sur l'axe des abcisses les écrans, et correspondant à ceux-ci sur l'axe des ordonnées les hauteurs des axes hypocotylés ou l'intensité de coloration des deux premières feuilles. La courbe de coloration est en pointillé, celle des grandeurs est en trait plein (Fig. 2).

La formation de la chlorophylle est donc fortement accélérée par les radiations ultra-violettes très voisines de celles qui sont généralement nocives et probablement très voisines aussi de celles qui la détruisent.

En résumé : I. Les radiations ultraviolettes, même lorsqu'elles

lorsqu'elles mortelles à la plante développée, permettent la germination de la graine et le développement complet de l'axe hypocotylé. Cette résistance des. tout jeunes plantules s'explique par leur mode de vie à ce stade et par la propriété que possèdent les radiations nocives d'être absorbées par des épaisseurs infimes de certaines substances.

II. La mort de la plantule survient après la formation de là chlorophylle dans les deux premières feuilles. Cette substance, dont la production est activée par l'ultra-violet de grande longueur d'onde, et surtout par les radiations 3.300 A, 3.130 A, est détruite par des radiations de plus faible longueur d'onde.

III. L'axe hypocotylé, qui s'élève tout d'abord verticalement, se plie peu à peu sous le rayonnement de la lampe, pour se diriger vers le sol. Il manifeste donc un ulviotropisme négatif.

IV. Le cylindre central de l'axe hypocotylé devient très souvent excentrique au niveau des fortes courbures. Ce déplacement est causé par une prolifération abondante des cellules blessées formant un véritable tissu palissadique. Mais, sous une action trop longue des radiations ultra-violettes, le parenchyme se creuse d'un sillon profond.


NOTES BIBLIOGRAPHIQUES

Melle G. PROMSY. — Du rôle des acides dans la germination. (Thèse présentée à là Faculté des Sciences de Paris pour l'obtention du grade de Docteur ès Sciences naturelles, 177 pages. Barlatier, 17, rue Venture, Marseille, 1912).

Les diverses recherches qui ont été entreprises en vue d'étudier l'influence que peut exercer sur les graines en voie de germination la réaction acide ou alcaline du milieu dans lequel elles se trouvent ont donné des résultats contradictoires. Certains auteurs ont conclu à une influence favorable des acides minéraux sur la germination, d'autres à une influence défavorable de ces mêmes acides et des acides organiques. Ces recherches étant d'ailleurs peu nombreuses, MelIe PROMSY a entrepris de refaire les expériences dont les résultats n'étaient pas concordants et d'étudier d'une manière particulièrement détaillée le rôle que jouent les acides organiques dans la germination.

Dans une première partie de son étude, l'auteur a recherché quel est l'effet que peut produire sur la germination l'acidité du milieu dans lequel la graine germe. Les expériences ont porté : 1° sur des graines provenant de fruits dont la pulpe est acide; 2° sur des graines provenant de fruits à péricarpe sec. Il résulte de ces recherches que la germination des graines de fruits charnus semble très généralement favorisée par une certaine acidité du milieu environnant. L'accroissement des plantules est toujours plus rapide en milieu acide qu'en milieu neutre, quel que soit l'acide employé, minéral ou organique. L'acide le plus favorable n'est pas le même pour toutes les espèces étudiées. La concentration optima d'un acide déterminé est également différente suivant l'espèce végétale à laquelle appartiennent les graines mises, en expérience. L'action favorable qui a été exercée par les acides au cours de la germination se prolonge pendant une grande partie de la durée du développement de la plante, car les pieds provenant de graines qui ont germé en milieu acide fleurissent et fructifient plus abondamment que les autres.

Quant aux graines provenant de fruits non acides, les expériences ont montré que leur germination est tantôt gênée et. tantôt accélérée par l'acidité extérieure.

Cette différence constatée dans la manière dont se comportent dans un milieu acide, d'une part, les graines provenant de fruits acides, d'autre part, les graines provenant de fruits non acides, amène l'auteur à conclure à une adaptation des graines au milieu dans lequel elles se trouvent normalement au moment de leur germination.

Dans une seconde partie, l'auteur a étudié le rôle joué par l'acidité intérieure des graines sur leur germination. Des essais préliminaires


NOTES BIBLIOGRAPHIQUES . 47

entrepris dans le but d'établir la technique nécessaire à ces recherches, aussi bien que des expériences définitives elles-mêmes, il est possible de tirer les conclusions suivantes :

Lorsque des graines sont immergées, avant l'ensemencement,

dans des solutions acides, elles absorbent une certaine quantité de ces acides pendant leur gonflement, et les composés qu'elles ont ainsi absorbés ont une influence favorable sur leur germination et sur toute la durée du développement des plantes provenant des graines ainsi traitées.

Les effets de l'acidité intérieure acquise par les graines peuvent se trouver affaiblis par la nature du sol. Quand les graines sont semées, après leur gonflement dans une solution acide, dans un terrain plus ou moins basique, l'effet favorable produit par les acides absorbés se trouve atténué.

Un troisième groupe d'expériences a eu pour but l'étude de l'influence que pouvait avoir l'acidité extérieure sur la germination des graines dans des milieux nutritifs divers. Les graines sur lesquelles ont porté les expériences sont des graines de Courge et de Tomate. Il a été constaté que lorsque les graines germent, non plus dans un milieu dépourvu de matières nutritives, mais dans un milieu complexe riche en substances utiles, l'addition d'acide peut être favorable ou nuisible à la germination, et dépend à la fois de l'espèce sur laquelle on opère et de la composition du milieu employé. L'addition d'acide est favorable à la germination dans un terrain basique et défavorable lorsque le milieu est constitué par la solution de KNOP dont la réaction est acide.

L'absorption des acides par les plantules n'augmente pas, en général, leur acidité intérieure. D'autre part, l'acidité des plantules développées en milieux acides diminue au cours de leur développement. Ces résultats tendraient à indiquer que l'acide est rapidement transformé dans le végétal.

Lorsque des graines sont mises à germer dans un milieu renfermant un acide organique, la quantité d'acide introduite au début de l'expérience diminue peu à peu à mesure que les plantules se développent. L'acide du milieu est donc absorbé par les jeunes plantes. L'intensité de l'absorption, très grande au début de la germination, diminue au cours du développement. Elle varie, d'autre part, avec les espèces auxquelles on s'adresse, avec la nature des acides employés et avec la concentration des solutions.

Les expériences entreprises dans le but de déterminer l'influence des acides sur la respiration des graines en voie de germination, ont conduit aux résultats suivants :

Tous les acides qui ont été employés, organiques ou minéraux, élèvent, s'ils sont à des doses convenables, le quotient respiratoire. Quant à l'intensité de la respiration, elle est tantôt augmentée, tantôt


48 REVUE GÉNÉRALE DE BOTANIQUE

diminuée par l'action des acides, suivant la nature de ces derniers, leur concentration et l'espèce végétale à laquelle les graines appartiennent.

La présence d'acide dans le milieu extérieur favorise la germination des graines non seulement à la lumière, mais aussi à l'obscurité; toutefois, l'action favorable est moins intense et moins durable lorsqu'il n'y a pas éclairement.

Dans une autre série d'expériences l'auteur a essayé de déterminer si les effets constatés dans l'action des acides sur la germination des graines sont attribuables à l'ion positif ou à l'ion négatif qui constituent ces acides. Les résultats obtenus au cours de cette partie des recherches n'ont pas permis de résoudre le problème, mais plusieurs faits intéressants sont à noter parmi ces résultats : 1° L'influence du courant électrique sur les fèves plongées dans une solution acide provoque un abaissement du quotient respiratoire et amène des perturbations dans les phénomènes germinatifs; 2° En employant des électrodes attaquables (en acier, par exemple), on peut introduire dans le végétal, par la voie électrique, des substances métalliques dont on n'aurait pu provoquer la pénétration par osmose.

Enfin, l'étude anatomique des graines ayant germé en présence des solutions acides, a permis de mettre en évidence les modifications provoquées dans la structure des plantules par la présence d'acides dans le milieu où la germination a eu lieu. Pour des individus de même âge, la différenciation des tissus est plus ou moins avancée suivant que la solution acide absorbée hâte ou retarde les phénomènes germinatifs. Mais si l'on compare des plantules arrivées au même stade de développement, on voit que la structure de celles qui ont commencé à croître dans un milieu acide présente certains caractères particuliers : il y a eu retard dans la sclérification des éléments de soutien et dans la lignification du tissu vasculaire, augmentation de volume du cylindre central plus considérable que dans les témoins développés en milieu neutre, accroissement plus intense des lissus conducteurs.

Je n'ai rappelé ici que les principaux résultats obtenus par Melle PROMSY au cours de ses recherches. Le Mémoire que je viens de résumer rapidement renferme en outre un grand nombre d'autres faits nouveaux mis en lumière grâce à une expérimentation très précise et intéressante en elle-même parles techniques nouvelles qu'elle comporte.

Le travail de MelIe PROMSY constitue une contribution tout à fait importante à la physiologie de la germination ainsi qu'à l'étude du rôle joué par les acides chez les végétaux, il offre un puissant intérêt non seulement au point de vue purement scientifique, mais encore au point de vue des applications pratiques auxquelles il conduit.

R. COMBES.

Lille. — Imp. LE BIGOT Frères.

Le Gérant : Ch-PIETERS.


SUR LES CAUSES DU DEGAGEMENT

ET

DE LA RÉTENTION DE VAPEUR D'EAU

PAR LES PLANTES Par M. LECLERC DU SABLON

INTRODUCTION

On trouvera dans la monographie publiée par Burgerstein [1], un historique très complet des recherches faites sur la transpiration; je me bornerai à rappeler les travaux où sont étudiées les relations de l'émission de vapeur d'eau par la plante, soit avec le phénomène physique de l'évaporation, soit avec les autres fonctions végétales, et d'où résulte une théorie plus ou moins complète de la transpiration.

En 1869, P. P. Dehérain [2] a étudié la transpiration comparativement à l'obscurité, à la lumière diffuse et au soleil; il a trouvé des différences considérables. Pour le Blé, par exemple, si la quantité d'eau dégagée par une feuille est de 1 à l'obscurité, elle est environ de 10 à la lumière diffuse et de 100 au soleil. Il est essentiel de remarquer que les expériences étaient faites dans une atmosphère saturée. Nous verrons un peu plus loin que c'est là une condition très particulière qui nécessite une interprétation spéciale du phénomène.

Les variations énormes de l'intensité transpiratoire, suivant que la plante est exposée à l'obscurité, à la lumière diffuse ou au soleil, ont amené P. P. Dehérain à penser : 1° que le dégagement de vapeur d'eau par les feuilles « est déterminé par la lumière et non par la chaleur »; 2° qu'il existe vraisemblablement entre la transpiration et

Rev . gén. de Botanique. — XXV. 4.


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l'assimilation du carbone une liaison dont la nature reste à déterminer.

Wiesner [3] a repris l'étude de la transpiration en opérant, non plus dans une atmosphère saturée, mais à l'air libre, en notant l'état hygrométrique; les plantes, vertes ou étiolées, étaient exposées comparativement à l'obscurité, à la lumière solaire diffuse, à la lumière solaire directe et à la lumière artificielle d'un bec de gaz. Sans établir de liaison entre le dégagement dé vapeur d'eau et l'assimilation du carbone, Wiesner voit dans la transpiration des plantes vertes à la lumière une nouvelle fonction de la chlorophylle. « Les fonctions de la chlorophylle dans la transpiration, dit-il, sont évidentes. Une partie de la lumière qui traverse la chlorophylle est transformée en chaleur; il en résulte un échauffement intérieur des tissus qui entraîne l'élévation de la tension de vapeur d'eau dans les méats intercellulaires». Pour Wiesner, la chlorophylle n'agit donc qu'en favorisant réchauffement des tissus. Cette manière de voir est corroborée par l'action des radiations colorées ; les radiations rouges et bleues, qui sont absorbées par la chlorophylle, déterminent en effet une transpiration plus intense que les radiations vertes non absorbées.

Les expériences de Wiesner et celles de Dehérain ont été faites dans des conditions trop différentes pour pouvoir être comparées, et il y a tout lieu de croire d'ailleurs qu'elles sont les unes et les autres exactes. Je retiendrai seulement la diversité des interprétations proposées par les auteurs. Pour Dehérain, la lumière a une influence prépondérante; pour Wiesner, au contraire, la lumière n'agit que parce qu'elle est absorbée par la chlorophylle et transformée en chaleur, de sorte que c'est finalement l'élévation de température qui détermine l'augmentation de la transpiration.

En s'appuyant sur les expériences de Wiesner, Van Tieghem [4] a donné l'interprétation suivante du phénomène de la transpiration. L'émission de vapeur d'eau par les plantes doit être rapportée à deux fonctions distinctes : la transpiration proprement dite et la chlorovaporisation. La transpiration consiste en une émission de vapeur d'eau par toutes les parties aériennes des plantes vertes ou sans chlorophylle, exposées à la lumière ou maintenues à l'obscurité, et a son siège dans le protoplasma. La chlorovaporisation est définie comme il suit : « Lorsqu'ils sont exposés à une lumière suffisamment intense,


DÉGAGEMENT ET RÉTENTION DE VAPEUR D'EAU 51

à la lumière solaire par exemple, les organes verts ajoutent à leur transpiration propre, accélérée déjà par la lumière, comme il vient d'être dit, une nouvelle vaporisation d'eau qui a son siège dans les chloroleucites et sa cause dans les radiations absorbées par la chlorophylle. » Dans une plante verte exposée au soleil, les deux fonctions existent en même temps et ajoutent leurs effets ; pour une plante verte maintenue à l'obscurité ou une plante sans chlorophylle,, la transpiration existe seule.

Tandis que Wiesner considère d'une façon générale la transpiration comme une fonction de la chlorophylle, Van Tieghem distingue la transpiration proprement dite, qui est une fonction protoplasmique au même titre que la respiration, et la chlorovaporisation qui est une fonction chlorophyllienne comme l'assimilation du carbone.

Les relations de la transpiration avec l'assimilation du carbone ont été étudiées par Jumelle. On sait que les anesthésiques, à dose convenable, suspendent l'assimilation du carbone tout en laissant subsister la respiration. Dans les expériences de Jumelle, la transpiration à l'obscurité est ralentie par les anesthésiques, tandis que la transpiration à la lumière solaire est accélérée. Ce résultat a reçu une interprétation en rapport avec la distinction faite par Van Tieghem entre la transpiration proprement dite et la chlorovaporisation. La transpiration proprement dite qui a lieu à l'obscurité serait retardée par les anesthésiques, la chlorovaporisation au contraire serait accélérée.

L'assimilation du carbone et la chlorovaporisation, considérées comme deux fonctions de la chlorophylle, sont donc influencées de façons inverses par les anesthésiques ; pour expliquer cette contradiction apparente, Jumelle admet qu'il y a balancement entre les deux fonctions. Dans l'air pur, l'énergie solaire absorbée par la chlorophylle est employée en partie à l'assimilation du carbone, en partie à la chlorovaporisation ; en présence des anesthésiques, l'assimilation du carbone étant suspendue, toute l'énergie absorbée est reportée sur la formation de vapeur d'eau.

On sait que la vapeur d'eau est surtout rejetée par l'ouverture des stomates et que les stomates peuvent être ouverts ou fermés. Il était donc naturel de supposer que l'intensité de la transpiration est réglée par le degré d'ouverture des stomates. Cette question a été étudiée d'une façon très complète par Lloyd [11]. La conclusion


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de cet auteur est qu'il n'existe aucune relation entre l'intensité de la transpiration et le degré d'ouverture des stomates; les stomates pouvant être ouverts lorsque la transpiration est très faible et fermés lorsque la transpiration est très intense. De plus, des variations brusques de la transpiration ne sont accompagnées d'aucun mouvement des cellules stomatiques.

Il est probable qu'un stomate fermé laisse subsister entre les deux cellules stomatiques une fente suffisante pour ne pas gêner le dégagement de vapeur d'eau. C'est d'autant plus probable qu'il résulte des calculs de Brown et Escombe que l'ouverture normale des stomates est très grande par rapport à la quantité de vapeur dégagée; chez l'Helianlhus, les stomates ouverts pourraient permettre une transpiration six fois plus intense que la transpiration la plus forte qui ait été observée. Il n'y a pas lieu de s'étonner de ce manque d'adaptation, maintenant que l'on sait que les stomates sont essentiellement les organes des échanges gazeux de l'assimilation du carbone; ils laissent échapper la vapeur d'eau parce qu'ils ne peuvent la retenir complètement tout en laissant passer l'oxygène et le gaz carbonique. Dans ce travail, relatif à la transpiration, je ne me préoccuperai donc pas de l'ouverture ou de la fermeture des stomates.

Bien que les diverses théories qui viennent d'être exposées soient fondées sur des expériences exactes, il ne semble pas qu'elles fournissent une explication suffisante de fous les faits connus.

On connaît l'objection qui peut être faite aux expériences exécutées dans l'air saturé, telles que celles de P. P. Dehérain. Lorsqu'une plante verte est exposée au soleil, elle absorbe certaines radiations, et sa température s'élève au-dessus de la température ambiante. L'atmosphère, saturée pour sa propre température, ne l'est donc pas pour celle de la plante; en vertu des lois de l'évaporation, la plante doit donc dégager de la vapeur d'eau qui va se condenser sur. la paroi froide du récipient qui limite l'asmosphère saturée. C'est une véritable distillation qui s'opère de la plante vers la paroi. Comme l'a établi Leclerc [6], la transpiration cesserait si la plante était à la même température que l'atmosphère saturée.

On s'explique dès lors les différences énormes trouvées entre la transpiration à l'obscurité et la transpiration à la lumière solaire.


DÉGAGEMENT ET RÉTENTION DE VAPEUR D'EAU 53

Au soleil, la plante absorbe des radiations qui élèvent sa température au-dessus de la température ambiante ; il y a alors distillation et on conçoit que le phénomène soit d'autant plus intense que les parois du vase dans lequel est renfermé la plante sont plus froides. La transpiration la plus forte observée par Dehérain avait lieu lorsqu'il mettait de la glace fondante autour du vase. Le résultat de cette expérience était à prévoir d'après les lois de la distillation, et ne démontrait nullement que la température n'avait pas d'influence sur la transpiration.

A l'obscurité, les choses se passent autrement; les feuilles n'absorbent plus de radiations comme à la lumière, leur température fend à devenir égale ou à peine supérieure à celle de l'atmosphère, et la distillation cesse. Le dégagement de vapeur est nul si l'atmosphère est saturée et a une température égale à celle de la feuille. On peut même concevoir que le phénomène inverse de la transpiration ait lieu. Le pouvoir émissif des feuilles vertes étant considérable, comme leur pouvoir absorbant, leur température peut descendre au-dessous de la température ambiante et la condensation de la vapeur de l'atmosphère se fait alors à la surface des feuilles; c'est le phénomène de la rosée.

La théorie de Wiesner paraît insuffisante pour expliquer tous les faits observés par Wiesner lui-même. Ainsi, par exemple, une plante venant de l'obscurité et exposée à un éclairement constant, transpire d'abord avec une certaine énergie, puis de moins en moins; un régime constant ne s'établit qu'au bout d'une ou deux heures. Dans une expérience, la transpiration est de 335 mgr. de 11 heures à 11 h. 1/2; de 1 heure à 1 h. 1/2, elle n'est plus que de 156 mgr. 11 est difficile d'admettre que l'absorption des radiations est variable pendant que les circonstances extérieures restent les mêmes. L'intensité de la transpiration dépend donc, et dans une large mesure, d'une condition autre que l'éclairement et la température. Les différences considérables qu'on observe dans la transpiration de deux plantes morphologiquement comparables et placées dans les mêmes, conditions sont difficiles à expliquer dans la théorie de Wiesner.

On verra plus loin que l'élévation de température résultant de l'absorption des radiations par les parties vertes n'est pas suffisante pour justifier l'intensité transpiraloire constatée à la lumière


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solaire. D'autre part, l'influence de la chlorophylle sur la transpiration ne se comprend guère en dehors de l'élévation de température déterminée par l'absorption des radiations. Les grains de chlorophylle ne peuvent avoir d'influence directe sur la chlorovaporisation comme ils en ont une sur l'assimilation du carbone. C'est dans le grain de chlorophylle même que le gaz carbonique est décomposé et l'oxygène produit. Si l'oxygène se dégage seulement à la surface de la cellule, c'est qu'il fait à l'état dissous le trajet du grain de chlorophylle à la membrane. La vapeur d'eau, au contraire, se forme où elle se dégage, c'est-à-dire à la surface externe des cellules, hors du contact des grains de chlorophylle; l'action de la chlorophylle ne peut donc être qu'indirecte.

Jumelle explique le résultat de ses expériences par une sorte de balancement entre la transpiration et l'assimilation du carbone; il admet que lorsque l'assimilation est suspendue, soit par les anesthésiques, soit par le manque de gaz carbonique, l'énergie rendue ainsi disponible est employée à vaporiser l'eau. D'après les calculs cités par Burgerstein, et dans les conditions ordinaires d'une plante verte exposée au soleil, l'assimilation du carbone n'utilise pas 2 % de l'énergie totale absorbée par la feuille, le reste étant consacré à la transpiration ; on ne comprend donc pas comment la suppression de l'assimilation peut, dans certaines expériences de Jumelle, doubler l'intensité de la transpiration. Cela supposerait une élévation de température qui n'a pas été constatée.

D'ailleurs, il n'est pas nécessaire que l'énergie qui normalement sert à l'assimilation du carbone soit employée à autre chose lorsque l'assimilation est suspendue. Lorsqu'un corps inerte, tel que le noir de fumée, absorbe les radiations solaires, sa température s'élève et l'énergie absorbée est rendue à l'atmosphère sous forme de chaleur rayonnante; il s'établit un état d'équilibre dans lequel le pouvoir émissif est égal au pouvoir absorbant. Quelque chose d'analogue a lieu pour une feuille. Dans les conditions ordinaires, une certaine partie de l'énergie absorbée décompose le gaz carbonique, une autre produit de la vapeur d'eau, le reste est émis sous forme de chaleur. Si l'assimilation du carbone cesse, il n'y a pas de raison pour que la transpiration soit augmentée; l'énergie disponible vient simplement s'ajouter à celle qui était émise antérieurement. C'est d'ailleurs ce qui se produit lorsque, pour une raison quelconque, la trans-


DÉGAGEMENT ET RÉTENTION DE VAPEUR D'EAU 55

piration est diminuée ou même suspendue. On n'a jamais signalé une augmentation correspondante de l'assimilation du carbone.

Un trait commun aux diverses théories de la transpiration et qui est plus ou moins nettement explicité par les auteurs est que la transpiration est une fonction utile pour la plante. Je crois avoir montré au contraire [9] que le dégagement de vapeur d'eau n'est nécessaire à aucune des fonctions essentielles de la plante et peut fréquemment être nuisible. Ce qui est utile à la plante, ce n'est point le rejet, c'est la rétention de la vapeur d'eau.

La transpiration ne peut s'expliquer entièrement par des causes physiques. Les circonstances qui influent sur l'évaporation de l'eau influent également sur la transpiration, mais n'en peuvent faire comprendre toutes les variations; il est nécessaire d'avoir recours à une cause physiologique interne. La composition chimique du suc cellulaire a certainement une action sur la transpiration ; mais les changements dans la composition du suc cellulaire sont trop faibles et trop lents pour rendre compte des variations considérables et rapides de l'intensité transpiratoire.

J'ai été amené à attribuer une importance spéciale à la perméabilité des membranes cellulaires. On sait qu'une cellule végétale ordinaire est limitée par deux membranes concentriques : à l'extérieur, une membrane rigide, ordinairement en cellulose et qui peut être recouverte, dans le cas des cellules périphériques, d'une couche de cutine ; à l'intérieur, une membrane protoplasmique qui limite le protoplasma vivant et fait corps avec lui. L'évaporation de l'eau se fait à la surface externe de la membrane de cellulose. On conçoit donc que la rapidité du dégagement de vapeur dépende du degré de perméabilité des membranes que l'eau doit traverser.

Il est bon de fixer le sens attribué au mot perméabilité : on appelle ordinairement membrane perméable une membrane qui, tout en retenant les corps solides, si petits soient-ils, laisse passer les liquides et les corps cristalloïdes dissous dans les liquides. On peut admettre que cet état correspond à une certaine dimension des pores de la membrane. Si la largeur des pores diminue, les corps dissous passent plus difficilement et peuvent même être arrêtés; c'est le cas des membranes semi-perméables. Tous les corps dissous ne se conduisent d'ailleurs pas de la même façon par rapport aux membranes qui


56 REVUE GÉNÉRALE DE BOTANIQUE

tendent, à devenir semi-perméables, les uns passent plus facilement que les autres.

Enfin, si les pores d'une membrane semi-perméable se rétrécissent encore, les liquides eux-mêmes traversent difficilement et ne passent plus du tout lorsque les pores sont devenus assez étroits; la membrane est alors complètement imperméable. Le phénomène est d'ailleurs plus complexe que je ne l'indique ici; d'autres facteurs, tels que les affinités chimiques, intervenant dans la pénétration d'une membrane par un liquide. Il faut seulement retenir que les membranes des cellules peuvent présenter tous les degrés depuis une perméabilité très grande jusqu'à l'imperméabilité presque absolue.

La perméabilité de la membrane externe dépend surtout de sa composition chimique qui reste à peu près invariable et indépendante des conditions extérieures pendant la période adulte de la cellule ; les variations de perméabilité sont vraisemblablement très faibles, surtout pour les membranes épidermiques. Il n'en est pas de même de la membrane protoplasmique qui est essentiellement vivante et subit le contrecoup de la sensibilité du protoplasma auquel elle est liée.

Les expériences de plasmolyse montrent que la perméabilité des membranes protoplasmiques varie énormément d'une cellule à l'autre. Les cellules épidermiques ont des membranes beaucoup moins perméables que les cellules profondes. D'autre part, dans une cellule donnée, la perméabilité dépend des circonstances. Les expériences de Van Risselberghe [7] et de Lepeschkin [8] ont montré que les membranes devenaient plus perméables lorsque la température s'élevait ou lorsque l'éclairement était plus intense.

D'après les faits établis au sujet de la transpiration, il est facile de constater une relation étroite entre l'intensité de la transpiration et la perméabilité des membranes, surtout des membranes protoplasmiques. Les tissus qui transpirent le moins sont ceux qui ont des membranes imperméables ou du moins semi-perméables, c'est-à-dire, perméables pour l'eau et imperméables pour les matières dissoutes. On sait que le degré de perméabilité des membranes protoplasmiques se reconnaît par les expériences de plasmolyse qui réussissent d'autant mieux que la membrane est moins perméable.

Les cellules de l'épidémie et en particulier des poils, les organes de réserve tels que les tubercules de Betterave, le parenchyme


DÉGAGEMENT ET RÉTENTION DE VAPEUR D'EAU 57

des plantes grasses se prêtent toujours plus ou moins aux expériences de plasmolyse; et on sait, d'ailleurs, que ces cellules conservent énergiquement leur eau. Les cellules parenchymateuses, telles que celles des péricarpes charnus, qui se laissent pénétrer facilement par les substances dissoutes, se dessèchent rapidement si elles sont exposées directement au contact de l'air.

Les poils qui recouvrent le filet des étamines de Tradescantia sont particulièrement instructifs à ce sujet. On sait que ce sont des cellules à parois minces, à suc cellulaire abondant et qui présentent une surface d'évaporation considérable. Malgré cela, ces poils conservent leur eau et ne se flétrissent pas. Cela tient à la grande imperméabilité des membranes protoplasmiques qui a fait choisir ces cellules comme sujet classique pour les expériences de plasmolyse.

Ce travail comprend plusieurs parties relatives à :

1° L'absorption des radiations par le parenchyme des feuilles;

2° L'augmentation de perméabilité des membranes sous l'influence de la lumière et de la chaleur;

3° La diminution de la perméabilité des membranes sous l'influence d'un commencement de plasmolyse ;

4° L'action des anesthésiques sur la transpiration;

5° L'étude comparée de la. transpiration des feuilles vertes et des feuilles sans chlorophylle;

6° L'étude de la transpiration des plantes grasses.

I ABSORPTION DES RADIATIONS PAR LES FEUILLES

On a vu que la théorie de Wiesner était fondée sur l'absorption de certaines radiations par les plantes et leur transformation en chaleur. Pour apprécier dans quelle mesure cette théorie peut expliquer les faits observés, il est nécessaire de connaître l'élévation de température déterminée par l'absorption des radiations lumineuses. En général, on appelle température d'une plante, la température marquée par un thermomètre placé à côté de la plante et dans les mêmes conditions qu'elle. On commet ainsi une erreur variable


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suivant les cas. D'autre part, il est très difficile de Connaître exactement la température des tissus, surtout lorsqu'il s'agit de feuilles très minces à l'intérieur desquelles on ne peut mettre un thermomètre. Les expériences qui suivent sont de nature à montrer de quel ordre est l'erreur commise lorsqu'on confond la température de la plante avec la température ambiante.

Dans une première expérience, j'ai étudié le pouvoir absorbant du parenchyme foliaire mort. Des feuilles de Leontodon sont desséchées à l'étuve, puis réduites en poudre; la cuvette d'un thermomètre à mercure, préalablement trempée dans un solution alcoolique de gutta-percha, est roulée dans cette poudre de façon à en maintenir une mince couche sur tout son pourtour. Pour servir de termes de comparaison, deux autres thermomètres sont traités de la même façon, l'un avec du noir de fumée, l'autre avec de la craie. Les trois thermomètres sont ensuite exposés au soleil à 10 h. 30 comparativement avec un quatrième dont la cuvette est nue et un cinquième maintenu à l'ombre. Les températures ont été observées à 11 heures et à 11 h. 35 (le 21 mai).

11 h. 11 h. 35

Soleil . 39° 40°

Noir de fumée 44° 45°5

Parenchyme vert 41 °5 42°5

Craie 33° 33°5

Ombre 23°5 24°5

On voit que le pouvoir absorbant du parenchyme vert, tout en étant suffisant pour maintenir un thermomètre à une température supérieure de 2°5 à la température marquée par un thermomètre à cuvette nue, est inférieur à celui du noir de fumée, mais bien supérieur à celui de la craie.

Pour me rapprocher davantage des conditions réalisées dans la nature par les plantes qui transpirent, j'ai enfoncé la cuvette du thermomètre dans un organe vivant; je me suis servi de deux plantes grasses : des feuilles de Crassula tuberculosa larges de deux centimètres et épaisses d'environ 5 millimètres et des rameaux d'Euphorbia Mexicana ayant environ 15 millimètres de diamètre; un troisième thermomètre avait sa cuvette entourée d'un manchon épais d'envi-


DÉGAGEMENT ET RÉTENTION DE VAPEUR D'EAU 59

ron 2 millimètres entaille dans une racine de navet. Ces thermomètres ont été exposés au soleil à 9 h. 20; les températures ont été lues à 9 h. 45 et à 10 h. 10 (le 30 octobre).

9 h. 45 10 h. 10

Soleil 21°5 23°

Euphorbe 23°5 25°5

Crassule 22°5 24°

Navet 17°5 18°5

Ombre . 12°5 13°

La température intérieure des plantes grasses étudiées est donc supérieure de plusieurs degrés à celle marquée par un thermomètre à cuvette nue. C'est une différence appréciable mais insuffisante pour justifier une augmentation très grande de la transpiration. On doit attribuer la température relativement basse marquée par le thermomètre entouré d'un manchon de navet à la faible absorption de radiations et à l'évaporation active qui a lieu à la surface du manchon. Le froid produit par la vaporisation de l'eau contribue, en effet, à la régulation de la température des feuilles et combat réchauffement produit par l'absorption des radiations.

Pour faire l'expérience avec des feuilles minces, j'ai fixé le limbe à l'aide d'un fil de coton autour de la cuvette du thermomètre de façon à maintenir un contact aussi intime que possible, la face supérieure étant à l'extérieur; on peut alors admettre que le thermomètre donne à peu de chose près la température de la feuille. En opérant avec des feuilles complètement vertes ou complètement dépourvues de chlorophylle de Pelargonium zonale, j'ai obtenu les températures suivantes :

10 h. 15 10 h. 40 11 h. 20

Soleil 23°5 25° 27°

Feuille verte 26° 28°5 31°

Feuille blanche 25° 27° 30°

Id. id 24" 26° 29»

Ombre 19° 20°5 22°

L'élévation de température de la feuille verte est peu supérieure à celle observée avec les plantes grasses. Les feuilles blanches,


60 REVUE GÉNÉRALE DE BOTANIQUE

comme on devait s'y attendre, ont une température inférieure aux feuilles vertes, mais supérieure néanmoins à la température marquée par le thermomètre exposé directement au soleil.

La température marquée par un thermomètre n'est pas la même suivant que la feuille enroulée autour de la cuvette a sa face supérieure tournée vers l'intérieur ou vers l'extérieur. Dans une expérience faite avec des feuilles de Lierre par exemple, la température était de 32°5 si la face supérieure était à l'extérieur recevant directement les rayons du soleil, et de 30°5 seulement si la face supérieure était à l'intérieur, le thermomètre exposé au soleil marquant 27°5. Cette observation est à rapprocher d'une expérience de Griffon où la transpiration d'une feuille varie suivant que l'une ou l'autre face reçoit les rayons du soleil.

Il est bien entendu que les expériences que je viens de citer ne peuvent donner qu'une idée approximative de l'élévation de température des tissus verts sous l'influence de l'insolation. Il est possible que la différence entre la température marquée par un thermomètre voisin de la plante et la température réelle du parenchyme des feuilles soit plus grande que celle que j'ai indiquée.

II

INFLUENCE DE LA LUMIÈRE ET DE LA CHALEUR SUR LA PERMÉABILITÉ DES MEMBRANES

Lepeschkin [8] a établi que les membranes protoplasmiques sont plus perméables à la lumière qu'à l'obscurité; il a opéré sur les cellules des renflements moteurs des Légumineuses, sur les cellules épidermiques des feuilles de Tradescantia et sur les Spirôgyres; il a montré qu'à la lumière diffuse les cellules plongées dans l'eau laissent sortir plus de substances dissoutes qu'à l'obscurité et que leur pouvoir osmotique diminue plus vite. J'ai vérifié les résultats de Lepeschkin en employant une méthode différente.

J'ai recherché les circonstances qui favorisent la pénétration de certaines matières colorantes dans le protoplasma de la cellule vivante. L'éosine très diluée n'étant pas un poison pour le protoplasma est favorable à ce genre d'études. J'ai opéré avec des feuilles


DÉGAGEMENT ET RÉTENTION DE VAPEUR D'EAU 61

d'Elodea que l'on peut observer au microscope par transparence, sans être obligé de faire des coupes; d'autre part, ces feuilles étant normalement aquatiques peuvent être laissées sans inconvénients plusieurs heures dans l'eau.

Je vérifie d'abord que les cellules d'Elodea plasmolysent rapidement dans une solution de nitrate de potassium à 3,5 %. Je choisis ensuite trois rameaux comparables et je les mets dans trois cuvettes renfermant une dissolution très étendue d'éosine; la première est exposée au soleil, la seconde mise dans une étuve à une lumière diffuse très faible et la troisième est maintenue à l'obscurité. La température de l'eau de chaque cuvette est notée; au soleil, la température moyenne pendant l'expérience a été de 31° ; dans l'étuve, de 33°; à l'obscurité, de 22°.

L'expérience a commencé à 2 h. 50 (8 mai). A 4 h. 30, les feuilles restées à l'obscurité sont incolores; la matière colorante n'a pénétré ni dans le protoplasma, ni même dans les membranes de cellulose. Placées dans le nitrate de potassium à 3,5 %, les cellules plasmolysent régulièrement et n'ont par conséquent subi aucune altération au contact de la matière colorante. Le lendemain matin à 8 heures la situation est la même, l'éosine n'a pénétré ni dans la membrane de cellulose, ni dans le protoplasma. On peut donc dire que, dans les conditions de l'expérience, c'est-à-dire à l'obscurité et à une température d'environ 22°, les membranes de l'Elodea sont imperméables pour l'éosine.

A 4 h. 40, dans 1 étuve à 33°, le protoplasma des cellules reste incolore et les cellules peuvent plasmolyser dans le nitrate de potassium; la membrane protoplasmique est donc restée imperméable pour l'éosine. Les membranes de cellulose ne sont pas non plus colorées. Le lendemain à 8 heures, la plupart des cellules sont colorées par l'éosine et ne plasmolysent plus ; quelques-unes sont encore incolores et plasmolysent. Cette expérience montre qu'une élévation de température augmente la perméabilité des membranes, niais très lentement.

Le rameau exposé au soleil à 31° se conduit autrement. A 4 h. 30 le protoplasma n'est pas coloré, mais les membranes ont pris une légère teinte rose; de plus, la plupart des cellules ne plasmolysent plus dans l'azotate de potassium. Les membranes protoplasmiques, qui ne sont pas encore perméables pour l'éosine, le sont- donc deve-


62 REVUE GÉNÉRALE DE BOTANIQUE

nues pour l'azotate de potassium. A 5 h. 25, la perméabilité a encore augmenté et le protoplasma est coloré en rose. Cette expérience, comparée aux précédentes, montre que la lumière solaire augmente la perméabilité beaucoup plus rapidement que la chaleur obscure; et ceci explique pourquoi, à température égale, la transpiration est plus forte à la lumière solaire qu'à la lumière diffuse ou à l'obscurité. De plus, on voit que la lumière solaire rend plus perméables non seulement les membranes protoplasmiques, mais encore les membranes de cellulose non cutinisées ; c'est une raison de plus pour que la transpiration soit plus forte à la lumière.

Le violet de Hoffman et l'orange G donnent des résultats analogues à ceux de l'éosine, mais moins nets, la pénétration se faisant plus lentement. Les filaments de Spirogyre peuvent remplacer les rameaux d'Elodea et amènent aux mêmes conclusions.

J'ai fait des expériences analogues avec des coupes épaisses faites dans des feuilles de Lierre. A 8 heures, les coupes sont plongées dans une dissolution étendue d'éosine, les unes au soleil à 25°, les autres à l'obscurité à 21°. A 8 h. 20, quelques rares cellules sont colorées, aussi bien à l'obscurité qu'au soleil. A 9 h. 20, l'état est le même à l'obscurité, mais au soleil la plupart des cellules sont colorées. A 11 h. 10, toutes les cellules sont colorées au soleil, et le nombre des cellules colorées n'a pas sensiblement augmenté à l'obscurité.

Les cellules du parenchyme vert des feuilles de Lierre se conduisent donc, au point de vue de la perméabilité, comme les cellules des plantes aquatiques. On peut admettre que les quelques cellules qui, dès le début de l'expérience, sont colorées à l'obscurité, ont été endommagées par les manipulations; cette explication est d'autant plus plausible que le nombre de ces cellules reste constant.

Dans les expériences qui vont être décrites, nous pourrons donc considérer comme démontré que la perméabilité des membranes protoplasmiques augmente sous l'influence de la chaleur et encore plus sous l'influence de la lumière solaire ; cette propriété des membranes protoplasmiques est partagée dans une certaine mesure par les membranes cellulosiques.


DÉGAGEMENT ET RETENTION DE VAPEUR D'EAU 63

III

INFLUENCE DE LA PLASMOLYSE SUR LA PERMÉABILITÉ DES MEMRRANES

Six feuilles de Lierre 1, 2, 3, 4, 5 et 6, prises, comme toutes celles dont il sera question par la suite, sur des rameaux non grimpants, sont récoltées en même temps sur le même pied, le 1er août, à 8 h. 15 du matin ; je les laisse pendant un heure dans le laboratoire, le pétiole trempé dans l'eau ; puis elles sont pesées à 9 h. 15. Les feuilles 1 et 2 que j'appellerai A sont immédiatement replacées dans un tube, de façon à ce que la transpiration puisse être mesurée. Les feuilles 3, 4, 5 et 6 que j'appellerai B, sont exposées pendant 10 minutes au soleil, le pétiole n'étant pas trempé dans l'eau, puis elles sont repesées à 9 h. 25; on a ainsi le poids de l'eau dégagée pendant l'expor sition au soleil.

Les six feuilles sont alors mises en expérience dans des conditions identiques, le pétiole trempé dans de l'eau recouverte d'une couche d'huile de façon à ce que l'absorption d'eau puisse avoir lieu en même temps que la transpiration; elles sont exposées à la lumière diffuse intense, en plein air, à 28°. Une pesée effectuée à 10 h. 25 donne pour chaque feuille le poids d'eau dégagée en une heure. Les feuilles sont pesées à la fin de l'expérience, après avoir été retirées des tubes, à 10 h. 30.

Bien que les pesées aient été faites séparément pour chaque feuille, je réunirai d'une part les résultats relatifs aux 2 feuilles A, d'autre part les résultats relatifs aux 4 feuilles B, parce que les feuilles du même groupe, traitées de la même façon, se sont conduites de même; les variations de transpiration observées n'excédaient pas les différences individuelles qu'on observe ordinairement entre des feuilles comparables. Le tableau suivant donne le résultat de l'expérience :

Poids à 9h.15 Poids à 9 h. 25 Différence Transp. % de Poids à l0h.30

— — — 9 h. 25 à 10 h. 25 —

gr. gr. gr. gr. gr.

A) 2,032 — — 37,40 2,030

B) 3,744 3,525 0,219" 7,15 3,562


64 REVUE GÉNÉRALE DE BOTANIQUE

Comme clans tous les tableaux contenus dans ce travail, le nombre indiquant la transpiration % correspond à la quantité d'eau, exprimée en grammes, dégagée en une heure par 100 grammes de feuilles. Remarquons d'abord que l'eau perdue par les feuilles B pendant les 10 minutes d'exposition au soleil en dehors de l'eau correspond à 5,8 % du poids des feuilles. Or, comme je m'en suis assuré en faisant- des mesures sur des feuilles comparables, les feuilles B renferment environ 60 % d'eau ; l'exposition au soleil leur a donc fait perdre moins de 10 % de leur eau; on voit d'ailleurs, par la pesée effectuée à 10 h. 30, qu'une partie infime de cette eau a été récupérée pendant que le pétiole était plongé dans l'eau, l'absorption était à peine supérieure à l'évaporation.

Ceci posé, on voit l'influence énorme qu'a exercée une exposition de 10 minutes au soleil; les feuilles A ont transpiré plus de cinq fois autant que les feuilles B. Les conditions extérieures : température, lumière, état hygrométrique étaient cependant les mêmes dans les deux cas. La différence d'hydratation considérée isolément ne peut pas non plus expliquer la diminution de la transpiration dans les feuilles B. La concentration du suc cellulaire était plus grande en B qu'en A d'environ un dixième, ce qui n'entraîne qu'une différence assez faible dans les tensions de vapeur.

On conçoit très bien, au contraire, que l'exposition au soleil ait amené une notable modification clans l'état de la membrane. Les cellules perdant une partie de leur eau, les vacuoles diminuent de volume, le protoplasma se contracte et la membrane protoplasmique tend à se séparer de la membrane de cellulose comme dans les expériences de plasmolyse. D'ailleurs, au moins dans le parenchyme vert des feuilles, les membranes de cellulose suivent, dans une certaine mesure, le mouvement de contraction de la masse protoplasmique.

Il est naturel d'admettre que cette contraction des membranes amène une diminution de leur perméabilité. Ainsi se trouve expliquée la très faible transpiration des feuilles B. La contraction des membranes persiste un certain temps après que la cause qui l'a produite a cessé d'agir; c'est pourquoi l'eau perdue pendant l'exposition au soleil n'est récupérée que très lentement après que le pétiole a été plongé dans l'eau. Pour que l'expérience qui vient d'être décrite donne un résultat net, il est nécessaire que la transpiration soit assez intense pendant que les feuilles B sont exposées au soleil en dehors


DÉGAGEMENN ET RÉTENTION DE VAPEUR D'EAU 65

de l'eau. Dans l'expérience citée, il a suffi que la transpiration de B au soleil soit de 35 gr. par heure et par 100 gr., inférieure à la transpiration de A à la lumière diffuse.

On voit les applications de cette expérience. Lorsqu'une plante est exposée au soleil de façon à ce que la transpiration soit très supérieure à l'absorption, les feuilles se mettent bientôt dans les conditions des feuilles B, transpirent beaucoup moins et résistent ainsi mieux à la dessiccation. C'est ce qui se produit normalement dans les pays secs et chauds ; il y a là pour la plante une adaptation utile.

L'action d'une solution ayant un pouvoir osmotique suffisant peut, en contractant le protoplasma, ralentir la transpiration de la même façon qu'une dessiccation partielle. Quatre feuilles de Lierre comparables sont récoltées en même temps sur le même arbre le 14 juillet et conservées dans l'eau jusqu'au lendemain; à 10 heures, elles sont pesées à sec; puis les deux premières A ont leur pétiole plongé dans l'eau pure et les deux autres B dans une solution de nitrate de potassium à 2 %. Les quatre feuilles sont ensuite exposées à une lumière diffuse intense à 23°. L'eau transpirée est mesurée par la perte de poids des tubes à 2 heures et à 5 heures.

15 juillet Poids à I0h- Transpiration par heure %

de 10 h. à 2 h. de 2 h. à 5h.

gr. gr. gr.

A. Eau 2,053 25,4 26,9

B. Nitrate de K. 2,157 12,5 6,0

Ce tableau donne la transpiration moyenne des feuilles A et des feuilles B pendant deux périodes : l'une de 4 heures, allant de 10 heures à 2 heures ; l'autre de 3 heures, allant de 2 heures à 5 heures. On voit que la transpiration est ralentie par l'action du nitrate absorbé par le pétiole et qu'elle l'est d'autant plus que l'expérience dure plus longtemps.

Cette différence est facile à expliquer. En A, la transpiration s'effectue d'une façon normale, l'eau dégagée par le limbe est remplacée par l'eau absorbée, et l'état des feuilles demeure invariable. En B, au contraire, l'eau dégagée est remplacée par une solution de nitrate qui pénètre dans les vaisseaux, arrive au contact des cellules

Rev. gén. de Botanique. — XXV. 5.


66 REVUE GÉNÉRALE DE BOTANIQUE

du parenchyme vert, attire à travers les membranes l'eau du suc cellulaire et contracte ainsi le protoplasma. Il en résulte une diminution de perméabilité des membranes protoplasmiques et un ralentissement de la transpiration, et ce ralentissement est d'autant plus sensible que le nitrate agit depuis plus longtemps.

Pour que cette expérience soit concluante et donne le résultat que je viens d'indiquer, il est nécessaire que la solution employée n'exerce pas d'action nuisible sur le protoplasma. Ces conditions favorables sont réalisées avec une solution de nitrate à 2 % et des feuilles de Lierre à l'état où elles sont en juillet. J'ai voulu refaire l' expérience le 6 novembre, après une nuit où la température était descendue au voisinage de 0°. J'ai d'abord constaté que les feuilles exposées à la lumière, dans une pièce chauffée à 19°, transpiraient beaucoup moins qu'au mois de juillet à la même température; l'eau dégagée en une heure (de 3 h. 30 à 4 h. 30) était en moyenne de de 0 gr. 8 pour 100 grammes de feuilles, au lieu de 6 grammes environ au mois de juillet dans des conditions comparables. J'en ai conclu que le froid avait déterminé sur le protoplasma, une contraction qui avait persisté même après l'élévation de la température. Pour vérifier cette hypothèse, j'ai conservé les feuilles dans le laboratoire jusqu'au lendemain, à une température voisine de 19°; j'ai constaté que la transpiration était redevenue normale et avait repris la même intensité qu'en juillet.

J'ai refait alors l'expérience du mois de juillet en mesurant la transpiration de certaines feuilles dont les unes avaient le pétiole plongé dans l'eau et les autres dans le nitrate de potassium à 2 %. Pendant la première heure, la transpiration est à peu près la même dans les deux cas; puis, contrairement à mon attente, elle est devenue beaucoup plus forte pour les feuilles influencées par le nitrate.

Ce résultat imprévu s'explique parce que le nitrate a eu une action nuisible sur les feuilles et a désorganisé le protoplasma. J'ai vérifié, en effet, sur des coupes, que les cellules étaient très rapidement envahies par l'éosine, tandis que des coupes semblables faites dans les feuilles trempées dans l'eau résistaient à la coloration, comme le font les cellules vivantes normales. De plus, en retirant les feuilles du tube à nitrate et en les pesant, j'ai constaté que leur poids était bien moindre qu'au commencement de l'expérience, la diminution était en moyenne de 1/10 du poids. Les feuilles plongées dans l'eau avaient, au contraire, conservé leur poids primitif. Les


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feuilles plongées dans le nitrate se conduisaient donc comme des feuilles mortes; leur aspect pouvait d'ailleurs laisser supposer qu'elles se trouvaient dans un état pathologique.

Les feuilles de Lierre acquièrent donc, à la suite de certains changements de température, une sensibilité spéciale, par rapport au nitrate de potassium. Pour m'assurer que c'était bien à une action nuisible du nitrate qu'était due l'évaporation intense observée le 6 novembre, j'ai refait l'expérience le 9 novembre en faisant agir parallèlement une solution de nitrate à 2 % et une solution de saccharose a 6 % qui est certainement inoffensive.

Des feuilles comparables sont récoltées à 3 heures; les unes, A, sont mises dans des tubes renfermant de l'eau pure, les autres, B, dans des tubes renfermant du nitrate à 2 %, et les dernières, C, dans des tubes renfermant du saccharose à 6 %. La transpiration a d'abord été très faible dans tous les cas, puis elle est devenue en B beaucoup plus intense qu'en A, et en C beaucoup moins intense. Le tableau suivant indique la transpiration moyenne par heure, de 3 heures du soir à 11 h. 40 du matin, puis de 11 h. 40 à 2 h. 40, et le poids des feuilles avant et après l'expérience :

Poids Transp. par heure % Poids Différence

le 8 nov. de 3 h. à 11 h. de 11 h- à 2 h- le 9 nov.

gr. gr. gr. gr. gr.

A. Eau 2,540 1,6 . 9,1 2,565 +0,025

B. Nitrate à 2 %. . 1,567 1,3 20,1 1,458 —0,109 G. Saccharose à 6%. 2,633 1,2 0,8 2,657 + 0,024

Pendant la première partie de l'expérience, la transpiration étant très faible, il n'est arrivé au contact des cellules vivantes que très peu de la substance dissoute absorbée par le pétiole ; il n'est donc pas étonnant que l'action ait été faible. D'ailleurs, le nitrate n'est pas encore nuisible au protoplasma et agit dans le même sens que le sucre. A 11 heures, la transpiration étant devenue intense, les cellules de feuilles B, désorganisées par l'action du nitrate plus abondant, ont laissé échapper une grande quantité d'eau et se sont partiellement desséchées comme l'indique leur perte de poids. . Le saccharose arrivant au contact des cellules vivantes des feuilles C, les a partiellement plasmolysées, et le protoplasma contracté a retenu l'eau avec énergie.


68 REVUE GÉNÉRALE DE BOTANIQUE

Pour que deux feuilles soient comparables au point de vue de la transpiration, il ne surfit pas que les apparences morphologiques et les conditions extérieures soient les mêmes, il faut encore que les conditions passées ne soient pas trop différentes et que l'état du protoplasma qui résulte de l'ensemble de ces conditions soit le même. Cet état est d'ailleurs très difficile à déterminer par des expériences directes, indépendamment de la transpiration.

Toutes les circonstances qui, d'après ce que l'on sait de la physiologie de la cellule, tendent à contracter le protoplasma, ont pour effet, d'après les expériences qui précèdent, de ralentir la transpiration. Il est donc naturel d'admettre que la contraction du protoplasma diminue la perméabilité de la membrane et que c'est la cause de la diminution du dégagement de vapeur d'eau.

IV INFLUENCE DES ANESTHÉSIQUES

Certaines substances peuvent agir sur le protoplasma et modifier la perméabilité des membranes autrement que par plasmolyse; tels sont en particulier les anesthésiques. L'action de l'éther sur la transpiration a été étudiée par Jumelle. On connaît les conclusions de ce physiologiste. La transpiration est ralentie par l'éther à l'obscurité et activée à la lumière ; on a vu au commencement de ce travail comment cette différence était expliquée par des considérations fondées sur la distinction faite par Van Tieghem entre la transpiration proprement dite et la chlorovaporisation. Je vais d'abord exposer les expériences que j'ai faites sur ce sujet, je montrerai ensuite comment on peut les rattacher à celles de Jumelle.

J'ai opéré principalement sur des feuilles de Lierre qui ont l'avantage de ne se faner que difficilement. Comme dans les autres expériences, le pétiole était plongé dans un tube renfermant de l'eau surmontée d'une couche d'huile. La feuille pouvait ainsi absorber de l'eau en même temps qu'elle transpirait, et la perte de poids de l'ensemble de l'appareil donnait le poids de la vapeur d'eau dégagée. Chaque tube était ensuite placé dans une grande éprouvette d'environ un litre de contenance et renfermant du chlorure de calcium


DÉGAGEMENT ET RÉTENTION DE VAPEUR D'EAU 69

destiné à dessécher l'atmosphère; l'éprouvette était bouchée par un bouchon traversé par un thermomètre. Dans certaines éprouvettes, l'atmosphère était formée d'air ordinaire; dans d'autres, un petit tube renfermant de l'éther dégageait de la vapeur destinée à agir sur les feuilles.

On peut objecter à ce dispositif que les vapeurs d'éther pouvaient se dissoudre dans la couche d'huile qui surmonte l'eau du tube; le poids de l'appareil serait ainsi augmenté et la diminution de poids pendant l'expérience serait inférieure au poids de vapeur d'eau dégagée. Pour éviter, ou tout au moins atténuer cette cause d'erreur, j'ai placé, à côté du tube contenant la feuille, un tube de mêmes dimensions renfermant également de l'eau surmontée d'une couche d'huile. L'augmentation du poids de ce tube pendant l'expérience indiquait le poids de la vapeur d'éther absorbée. J'ai admis que cette absorption, d'ailleurs très faible, était la même pour le tube renfermant la feuille et j'en ai tenu compte dans l'évaluation de l'eau transpirée. J'ai négligé l'éther absorbé par la feuille même. L'erreur qui peut en résulter se produit toujours dans le même sens et tend à faire trouver des chiffres trop faibles pour l'intensité- de la transpiration. Jumelle a montré que cette cause d'erreur était négligeable en mesurant l'intensité de la transpiration, non point par la perte de poids de la plante, mais par l'augmentation^de poids du chlorure de calcium.

EXPÉRIENCES FAITES A L'OBSCURITÉ. — L'expérience, disposée comme il vient d'être dit, est faite avec deux éprouvettes renfermant l'une de l'air ordinaire, l'autre de l'air mêlé de vapeurs d'éther; dans chacune il y a deux feuilles de Lierre ; la température est de 23°. Les tubes contenant les feuilles sont mis dans les éprouvettes à 8 h. 35, puis pesés à 10 h. 35 et à 1 h. 35; à 10 h. 35, les tubes restaient environ deux minutes en dehors de l'éprouvette pour être pesés. Le tableau qui suit donne la transpiration moyenne par heure et rapportée à 100 grammes de feuilles pour les deux périodes comprises d'une part entre 8 h. 35 et 10 h. 35, d'autre part entre 10 h. 35 et 1 h. 35.

Poids Transpiration par heure %

de 8 h. 35 à 10 h. 35 de 10 h. 35 à 1 h. 35

23° Air 1,670 3,20 0°91

» Ether 1,900 0,94 2,22


70 REVUE GÉNÉRALE DE BOTANIQUE

Pendant les deux premières heures, la transpiration est donc ralentie par l'action de l'éther. Ce résultat est conforme à celui déjà obtenu par Jumelle. Cet auteur ayant mesuré la transpiration par l'augmentation de poids du chlorure de calcium, on ne peut faire l'objection relative à l'absorption d'éther par la feuille.

Pendant la seconde partie de l'expérience, au contraire, la transpiration est plus forte dans l'éprouvette qui renferme de l'éther; ce changement a échappé à Jumelle parce que ses expériences ne duraient que deux heures et correspondaient seulement à la première partie de mes expériences.

La transpiration dans l'air ordinaire a diminué d'intensité dans le cours de l'expérience ; c'est ce qui se produit d'ordinaire lorsqu'une plante est maintenue à l'obscurité, les autres conditions restant égales; l'intensité, après avoir diminué pendant un certain nombre d'heures, tend vers une valeur constante ordinairement très faible.

L'augmentation de la transpiration sous l'influence de l'éther, dans la seconde période, ne pouvait être prévue et constitue le fait nouveau de cette expérience. On peut l'interpréter en admettant que le protoplasma réagit d'abord vis-à-vis des vapeurs d'éther en se contractant; il en résulte une diminution de la perméabilité de la membrane et par conséquent un ralentissement de la transpiration. Puis, l'action nocive et anesthésique de l'éther se prolongeant, le protoplasma perd de sa force de résistance et de sa vitalité, la contraction se relâche, la perméabilité devient plus grande et la transpiration augmente. On sait d'ailleurs que, si l'action de l'éther se prolonge assez longtemps, les plantes sont tuées. L'augmentation de l'intensité transpiratoire correspond donc à un état pathologique qui, s'il se prolonge, se termine par la mort. Au commencement de l'expérience, les feuilles encore saines résistent à l'action de l'anesthésique; à la fin, elles ne peuvent plus se défendre et succombent.

Le chloroforme que j'ai fait agir de la même façon que l'éther m'a donné des résultats analogues; la transpiration est d'abord ralentie, puis accélérée. Mais l'action du chloroforme étant beaucoup plus énergique que celle de l'éther, la période pendant, laquelle la transpiration est ralentie est plus courte et les feuilles sont, tuées beaucoup plus tôt.

EXPÉRIENCES FAITES A LA LUMIÈRE. — A la lumière, les choses sont, un peu plus compliquées; je citerai d'abord deux expériences


DÉGAGEMENT ET RÉTENTION DE VAPEUR D'EAU 71

faites au soleil. Le 23 juillet, le soleil n'est pas très chaud, la température des éprouvettes varie de 32° à 35°. L'expérience commence à 9 h. 18; les tubes sont pesés à 9 h. 48, à 10 h. 38 et à 1 h. 10. Le tableau donne donc la transpiration moyenne par heure pour trois périodes qui finissent respectivement à 9 h. 48, 10 h. 38 et 1 h. 10 et qui durent 30' 50' et 2 h. 32.

23 juillet Poids . Transpiration par heure %

de 9 h. 18' de9 h. 48' de 10 h. 38'

à 9 h-48' à 10 h. 38' à 1 h. 10'

gr. gr. gr. gr.

Air 1,790 33,1 21,0 . 10,0

Ether 1,878 7,4 7,4 13,6

La seconde expérience, faite le 24 juillet à 32° par un soleil intermittent, commence, à 8 h. 05; les pesées sont faites à 8 h. 35, 9 h. 35 et 10 h. 35.

24 juillet Poids Transpiration par heure %

de 8h. 05' de 81'-35' de 9h. 35' à 8 h. 35' à 9 h. 35' ■ à 10h. 35'

gr. gr. gr. gr.

Air 1,133 25,2 27,6 33,9

Ether 1,374 11,2 5,8 13,9

Dans les deux cas, la transpiration a d'abord été retardée par l'action de l'étirer. A la fin de l'expérience, la transpiration était plus forte dans l'étirer le 23 juillet et dans l'air pur le 24 juillet. Il est facile d'interpréter ces résultats. Les feuilles soumises à l'action des vapeurs d'éther se conduisent comme à l'obscurité, mais avec une transpiration plus intense. Le protoplasma réagit d'abord vis-à-vis de l'action de l'éther en contractant sa membrane et en ralentissant la transpiration; plus tard, lorsque le protoplasma ne peut plus réagir, la transpiration augmente; les deux expériences diffèrent en ce que le 24 juillet l'action de l'éther a été plus lente à se faire sentir, probablement parce que la température était moins élevée.

En comparant les deux expériences, on voit que, si le 23 juillet la transpiration était, finalement plus forte dans l'éther que dans l'air et le 24 juillet plus faible, cela ne fient pas à une différence dans l'action de l'éther, mais à une différence dans la transpiration à l'air ordinaire. Cette différence n'a d'ailleurs rien qui doive surprendre;


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lorsque la transpiration est très intense, les feuilles peuvent se faner, et la quantité d'eau dégagée est alors diminuée; c'est ce qui est arrivé le 23 juillet.

Ce qu'il y a d'important à retenir et à comprendre dans ces expériences, c'est moins la comparaison immédiate des intensités transpiratoires dans l'air et dans l'éther que le marche de la transpiration, dans l'air d'une part, dans l'éther de l'autre. Les variations de la transpiration sont en effet dues, dans ces deux circonstances, à des causes différentes et qui varient indépendamment les unes des autres.

Les expériences de Jumelle faites au soleil ont toujours duré deux heures; la transpiration y est plus forte dans l'éther que dans l'air ordinaire. Ce résultat tient : 1° à ce que la quantité d'eau dégagée a été mesurée seulement après deux heures, c'est-à-dire lorsque l'action retardatrice de l'éther était amoindrie ; 2° à ce que les feuilles en expérience ne pouvaient réparer par l'absorption les. pertes dues à la transpiration. On sait que, dans ces conditions, la transpiration se ralentit rapidement dès que les feuilles commencent à se flétrir.

Pour montrer que c'est bien ainsi qu'il faut interpréter le résultat obtenu par Jumelle, j'ai fait avec des feuilles de Lierre deux expériences, en utilisant le même dispositif que dans les autres cas, mais en laissant les feuilles à sec, de façon à ce qu'elles ne puissent réparer les pertes dues à la transpiration; la première durait 2 heures, le seconde 20 minutes. Le tableau suivant indique le poids des feuilles, la quantité d'eau dégagée pendant l'expérience et la quantité d'eau qui aurait été dégagée en une heure par 100 grammes de feuilles.

Durée Poids Eau transp. Tr. par h. %

Air 2 h. 2,995 0,590 9,84

Ether » 3,383 0,801 11,83

Air 0h.20 2,890 0,120 12,80

Ether » 2,775 0,100 10,81

La première expérience, faite dans les mêmes conditions que celle de Jumelle, donne le même résultat; la seconde qui dure moins donne un résultat inverse, pour les raisons indiquées plus haut. Dans tous les cas, l'éther commence par ralentir la transpiration. Lorsqu'on observe une transpiration plus faible dans l'air pur, c'est que l'ex-


DÉGAGEMENT ET RÉTENTION DE VAPEUR D'EAU 73

périence a duré trop longtemps; la transpiration dans l'éther est alors augmentée parce que les feuilles se trouvent dans un état pathologique; d'autre part la transpiration dans l'air peut être réduite par une dessiccation partielle de la feuille.

Le chloroforme produit, à la lumière comme à l'obscurité, un effet comparable à celui de l'éther, mais plus rapide et plus énergique; la période pendant laquelle la transpiration est ralentie est très courte, les feuilles sont rapidement altérées, au moins avec les doses élevées que j'ai employées. L'alcool ralentit également la transpiration si on l'emploie à dose assez faible pour contracter le protoplasma sans le tuer. J'ai vérifié ce fait soit en faisant agir les vapeurs d'alcool de la même façon que celles d'éther, soit en plongeant les feuilles pendant quelques heures dans de l'eau renfermant 2 % ou 4 % d'alcool et en mesurant ensuite la transpiration.

V FEUILLES VERTES ET FEUILLES SANS CHLOROPHYLLE

Dans les expériences qui vont être décrites, comme dans celles qui précèdent, l'intensité de la transpiration est mesurée par la perte de poids des plantes étudiées. J'ai employé des feuilles isolées dans les cas où le limbe est assez large et muni d'un pétiole long. Le pétiole est plongé dans un petit tube renfermant de l'eau recouverte d'une couche d'huile de vaseline destinée à empêcher l' évaporation de l'eau. Lorsque les feuilles sont petites, comme dans le cas du Buis, je me sers de tiges portant plusieurs feuilles et dont la base est plongée dans l'eau. La vapeur dégagée par le limbe est remplacée par l'eau absorbée par la base du pétiole ou de la tige; les feuilles sont ainsi constamment saturées d'eau et la perte de poids de l'appareil pendant l'expérience donne la mesure de la transpiration, même si le poids de l'eau dégagée n'est pas égal au poids de l'eau absorbée.

J'ai étudié comparativement la transpiration : 1° au soleil et à l'ombre; 2° à la lumière diffuse et à l'obscurité; 3° à température élevée et à température basse, l'éclairement étant le même. Dans tous les cas, les feuilles sont pesées avant l'expérience; ou immédiatement après et j'ai admis que des poids égaux de feuilles sont comparables au point de vue de la transpiration. L'unité de poids m'a paru


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préférable à l'unité de surface pour plusieurs raisons. D'abord, le poids peut toujours être obtenu avec précision, tandis que la surface est assez difficile à mesurer surtout dans le cas des feuilles épaisses comme celles des plantes grasses. Puis, la transpiration s'effectue à la surface des méats plutôt qu'à la surface de la feuille, et la surface des méats est plutôt en rapport avec le volume et par conséquent avec le poids de la feuille qu'avec la surface externe.

Dans les expériences faites comparativement au soleil et à l'ombre, je récolte des feuilles aussi semblables que possible, je les pèse d'abord à sec, puis je les mets dans des tubes comme il a été dit, plus haut; je pèse les tubes et j'expose les uns à la lumière solaire directe et les autres à l'ombre d'un tableau d'environ deux mètres de surface. La température est indiquée dans les deux cas par un thermomètre placé à côté des feuilles. Les expériences sont faites en plein air et les feuilles sont assez rapprochées les unes des autres pour qu'on puisse admettre que les conditions d'état hygrométrique et de mouvement de l'atmosphère sont les mêmes pour toutes.

Pour m'assurer que les feuilles employées sont comparables, non seulement au point de vue morphologique, mais aussi au point de vue physiologique, j'ai le plus souvent opéré de la façon suivante. Avant l'expérience, les feuilles sont toutes placées dans des conditions identiques, par exemple à la lumière diffuse du laboratoire, et elles sont considérées comme comparables si elles transpirent à peu près avec la même intensité. Une autre méthode consiste à fairedeux expériences croisées. Dans une première expérience, la feuille A par exemple est au soleil et la feuille B à l'ombre; dans une seconde, la feuille A est à l'ombre et la feuille B au soleil. Si la différence de transpiration est la même dans les deux cas, les feuilles peuvent être considérées comme comparables ; mais si la différence n'est pas la même, il ne s'ensuit pas forcément que les feuilles ne soient pas comparables. Pendant la seconde expérience, il y a en effet, une circonstance qui n'est pas la même pour les deux feuilles étudiées et qui n'existait pas pendant la première; l'une des feuilles vient du soleil et l'autre vient de l'ombre, et il arrive très souvent que les propriétés d'une feuille sont modifiées par l'exposition au soleil, surtout à une température élevée. La tranpiration, quelquefois très ralentie par l'insolation, ne reprend pas toujours, même à l'ombre, son intensité normale ; c'est ce qui arrive notamment avec les feuilles qui se fanent.


DÉGAGEMENT ET RÉTENTION DE VAPEUR D'EAU 75

Je n'ai retenu que les résultais obtenus avec les feuilles qui m'ont paru suffisamment comparables. Malgré toutes les précautions que l'on peut prendre, il faut bien reconnaître que deux expériences ne sont jamais faites dans des conditions identiques ; si deux expériences n'emploient pas les mêmes feuilles, il faut compter avec les différences individuelles qui existent toujours à un degré plus ou moins élevé; si elles emploient les mêmes feuilles, elles sont successives, et, entre la première et la seconde, les conditions extérieures d'une part, les propriétés des feuilles d'autre part, ont pu changer. Les résultats sont donc seulement approximatifs; pour avoir le droit d'en tirer une conclusion, il faut qu'ils soient très nets et se retrouvent avec la même signification dans plusieurs expériences. Pour donner une idée des variations qui peuvent se produire, je citerai autant que possible, pour chaque plante, les résultats de plusieurs expériences.

Les conditions des feuilles exposées, les unes au soleil et les autres à l'ombre, diffèrent à la fois par l'intensité de l'éclairement et par la température. Pour isoler l'influence de la lumière, j'ai comparé la transpiration de feuilles exposées à la lumière diffuse à celle de feuilles semblables maintenues à l'obscurité, la température étant la même dans les deux cas. Il est alors impossible d'opérer en plein air. Les feuilles sont placées sous des cloches en verre à bords rodés et reposant sur une plaque de verre dépoli ; sous chaque, cloche, du chlorure de calcium placé dans plusieurs coupelles absorbe la vapeur d'eau dégagée et maintient l'atmosphère dans un état de dessiccation à peu près la même dans tous les cas. Une cloche ainsi préparée est exposée à la lumière diffuse du laboratoire; une autre, placée à côté, est recouverte d'un manchon de papier opaque et d'une toile noire. Un thermomètre, traversant la douille de chaque cloche, donne la température; dans les conditions où les expériences ont été faites, j'ai constaté que la température était, à moins d'un degré près, la même à la lumière et à l'obscurité. L'influence de la température est ainsi éliminée; on peut d'ailleurs admettre que la température des feuilles est sensiblement la même que la température marquée par le thermomètre, ce qui n'est pas, vrai pour les plantes exposées au soleil.

L'influence de la température a été isolée dans des expériences faites sur des plantes comparables soumises à des températures


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différentes, l'éclairement étant égal; je mets les tubes contenant les feuilles étudiées dans de larges éprouvettes en verre d'environ un litre de contenance et fermées par un bouchon traversé par un thermomètre qui donne la température de l'intérieur de l'éprouvette. A côté des feuilles, du chlorure de calcium absorbe la vapeur d'eau dégagée. Deux éprouvettes comparables étant préparées, l'une est mise dans une étuve réglée à une température relativement élevée et l'autre est laissée à la température du laboratoire. Le moyen le plus sûr d'obtenir un éclaireraient égal est de maintenir les deux éprouvettes à l'obscurité. C'est ce que j'ai fait le plus souvent; dans certaines expériences relatives aux plantes grasses, j'ai laissé les éprouvettes à une lumière diffuse faible.

Les tableaux qui donnent les résultats des expériences sont tous disposés de la même façon et donnent le poids frais des feuilles employées, la durée de l'expérience, la température, le poids de la vapeur dégagée et l'intensité de la transpiration rapportée à 100 grammes de feuilles et à une durée d'une heure; les nombres portés à la colonne transpiration % indiquent donc en grammes, le poids de la vapeur d'eau qui serait dégagée en une heure par 100 grammes de feuilles; ces nombres sont d'ailleurs déduits des données fournies par les autres colonnes. Enfin, à droite de chaque tableau, se trouve le rapport des deux nombres de la colonne précédente exprimant le rapport des intensités transpiratoires soit au soleil et à l'ombre, soit à la lumière diffuse et à l'obscurité, soit à deux températures différentes.

On cultive dans les jardins certaines variétés de plantes d'ornement dites panachées dont les feuilles sont dépourvues de chlorophylle sur une étendue plus ou moins grande de leur limbe. La nutrition de la plante est assurée par la partie du limbe restée verte. Il n'est pas rare de trouver sur des pieds panachés quelques feuilles complètement privées de chlorophylle; dans certains cas, elles sont complètement blanches; d'autres fois, elles ont une légère teinte jaune due à la présence de la xanthophylle. J'ai étudié la transpiration de ces feuilles sans chlorophylle en la comparant à celle des feuilles panachées de la même variété ou des feuilles complètement vertes prises sur des plantes de la même espèce, mais non panachées. Les diverses espèces étudiées sont : Pelargonium zonale, Hedera Hélix, Acer Negundo, Evonymus Japonicus, Ligustrum lucidum, Buxus sempervirens.


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PELARGONIUM ZONALE

INFLUENCE DE LA LUMIÈRE SOLAIRE. — Je donnerai d'abord le résultat de trois expériences faites avec les feuilles de la même variété, les unes complètement blanches, les autres panachées avec un limbe vert bordée d'une bande blanche large d'environ 2 ou 3 millimètres. Le nombre de feuilles employées est de deux pour chaque expérience.

Dans l'expérience faite le 9 juillet, les feuilles sont récoltées le matin à 8 h. 45. De 8 h. 45 à 10 h. 45, certaines feuilles sont exposées au soleil, les autres à l'ombre. De 10 h. 45 à 2 h. 10, toutes les feuilles sont laissées dans le laboratoire à la lumière diffuse et on constate qu'elles transpirent normalement et à peu près avec la même intensité; elles n'ont donc pas été altérées par l'expérience faite le matin. A 2 h. 10, les feuilles qui étaient à l'ombre le matin sont mises au soleil et inversement, ce qui constitue une expérience croisée par rapport à celle du matin. Les résultats sont :

9 juillet 8 h. 45. Poids Durée T° Eau transp. Tr. par Rapp.

' — — — — h. o/o —

Feuilles blanches : gr. gr.

Soleil 0,925 2 h. 31° 0,524 28,3 1,2

Ombre , 0,840 » 26° 0,382 22,7

Feuilles vertes :

Soleil 1,057 2 h. 31° 1,298 61,4 2,2

Ombre ; . 1,049 » 26° 0,579 ■ 27,6

9 juillet, 2 h. 10

Feuilles blanches :

Soleil 0,840 2 h. 34° 0,563 33,5 1,5

Ombre 0,925 » 31° ■ 0,403 21,8

Feuilles vertes :

Soleil 1,049 2 h. 34° 0,324 15,3 1,3

Ombre 1,057 » 31° 0,248 11,7

Le matin, l'influence du soleil a été beaucoup plus forte sur les feuilles vertes que sur les feuilles blanches. Le soir, au contraire, elle a été un peu plus forte sur les feuilles blanches. On remarquera que le soir la transpiration des feuilles vertes a été moins intense que le matin, malgré la température plus élevée ; et cependant ces feuilles n'étaient pas fanées et ne présentaient aucun signe d'altération. On voit là un exemple de modifications physiologiques importantes qui peuvent survenir en peu de temps chez une feuille sans que ses caractères morphologiques aient varié.


78 REVUE GÉNÉRALE DE BOTANIQUE

La façon dont la transpiration des feuilles vertes varie du matin au soir montre combien les conditions extérieures sont insuffisantes pour expliquer l'intensité transpiratoire. Les feuilles exposées le soir au soleil à 34° transpirent moins que le matin lorsqu'elles sont à l'ombre à 26°. Il est incontestable dans ce cas que les variations de la transpiration sont déterminées non point directement par les conditions extérieures, mais par des modifications apportées dans les cellules par les conditions extérieures et qui persistent un certain temps après que ces conditions ont cessé d'agir.

Le tableau qui suit donne le résultat d'une expérience faite le 25 juillet de la même façon que celles du 9 juillet. Le matin, l'influence du soleil est à peu près la même sur les feuilles vertes et sur les feuilles blanches. La différence entre cette expérience et celle du 9 juillet doit être attribuée en partie aux propriétés individuelles des feuilles et en partie aussi à la température plus élevée le 9 juillet. Chaque tube renferme deux feuilles.

25 juillet à 8 h. 25 : Poids Drée T°_ Eau transp. Tr. Rap.

Feuilles blanches ; pr. gr. par h. %

Soleil 2,607 2 h. 30 24° 1,476 22,6 1,4

Ombre 1,589 » 22° 0,643 16,0

Feuille vertes :

Soleil 2,048 2 h. 30 24° 1,076 21,0 1,4

Ombre 1,815 » 22° 0,646 14,2

25 juillet à 1 h. 25 :

Feuilles blanches :

Soleil 1,589 1 h. 30 26° 1,222 51,2 1,5

Ombre 2,607 » 24° 1,267 32,1

Feuilles vertes ■

Soleil 1,815 1 h. 30 26° 0,798 29,3 5,4

Ombre, ... 2,048 » 24° 0,166 5,4

Le soir, le résultat de l'expérience est tout autre que le matin. Les. feuilles blanches transpirent plus le soir que le matin. Les feuilles vertes qui le matin étaient à l'ombre transpirent le soir normalement; mais les feuilles vertes qui étaient au soleil le matin, bien que n'étant pas fanées, ont été altérées ; leur protoplasma retient l'eau avec énergie, malgré les conditions extérieures favorables à une transpiration intense. J'ai constaté d'ailleurs que, de 10 h. 55 à 1 h. 25, les feuilles qui étaient au soleil le matin, bien que


DÉGAGEMENT ET RÉTENTION DE VAPEUR D'EAU 79

placées dans les mêmes conditions que les autres, transpiraient environ 4 fois moins, ces feuilles ne sont donc plus comparables et on ne doit pas tenir compte de l'expérience faite le soir avec les feuilles vertes; je ne l'ai citée que pour donner un exemple de l'altération que l'exposition au soleil peut faire subir à une feuille même non fanée.

Les expériences du 27 juillet, ont duré chacune une heure et ont été faites dans la matinée, sans être croisées comme les jours précédents. Chaque tube renferme deux feuilles, sauf celui qui est à l'ombre avec des feuilles blanches et qui n'en renferme qu'une.

27 juillet à 8 h. 50 : Poids Durée T° Eau transp. Tr Rapp.

— — — — par h. % —

Feuilles blanches : gr. gr.

Soleil 1,100 1 h. 30° 0,385 35,0 1,8

Ombre 0,515 » 25° . 0,100 19,4

Feuilles vertes :

Soleil 1,905 1 h. 30° 0,993 52,1 2,0

Ombre 1,887 » 25° 0,503 26,6

27 juillet à 9 h. 50 :

Feuilles blanches :

Soleil 1,100 1 h. 33° 0,792 72,0 1,9

Ombre 0,515 » 27° 0,192 37,2

Feuilles vertes :

Soleil 1,905 1 h. 33° 0,727 38,1 1,5

Ombre 1,887 .. 27° 0,459 24,3

L'influence de l'insolation directe sur les feuilles vertes est un peu plus forte que sur les feuilles blanches pendant la première expérience et un peu plus faible pendant la seconde. Les feuilles blanches et les feuilles vertes réagissent d'une façon différente sous l'influence d'une transpiration intense prolongée. Les propriétés des feuilles blanches ne paraissent pas modifiées ; la transpiration plus forte pendant la seconde heure s'explique par la température plus élevée. Les feuilles vertes, au contraire, transpirent moins pendant la seconde heure, bien qu'elles ne présentent aucune marque extérieure d'altération.

Il résulte des expériences qui viennent d'être décrites que l'influence de l'insolation directe sur la transpiration est du même ordre sur les feuilles vertes et sur les feuilles blanches. Il faut, de plus, tenir


80 REVUE GÉNÉRALE DE BOTANIQUE

compte d'une circonstance qui met les feuilles vertes exposées au soleil dans des conditions plus favorables à une transpiration intense que les feuilles blanches : à égalité de. température extérieure, les feuilles vertes insolées sont en effet à une température plus élevée que les feuilles blanches grâce à l'absorption des radiations par la chlorophylle (voir p. 59).

INFLUENCE DE LA LUMIÈRE DIFFUSE. — Dans les expériences faites à température égale, à la lumière diffuse et à l'obscurité, la transpiration est beaucoup plus faible qu'à la lumière solaire. Je citerai d'abord une expérience, faite seulement avec des feuilles blanches et destinée à montrer, en même temps que l'influence de la lumière, certaines causes d'erreur liées à l'état même de la plante.

Deux feuilles A et B sont récoltées le 9 juillet vers 9 h., elles sont conservées jusqu'à 10 h. 40, le pétiole dans l'eau; on place alors A à la lumière diffuse et B à l'obscurité. Une pesée effectuée à 2. h. 40 donne la transpiration pendant l'expérience qui a duré 4 heures. On met alors B à la lumière et A à l'obscurité, et on repèse à 5 h. 40 ; on a ainsi la transpiration dans une expérience croisée par rapport à la première. Le tableau suivant donne les résultats obtenus :

Feuilles blanches : P^s Durée T° Eautamsp. Tr.p.h. % Rapp.

9 juillet à 10 h. 40: gr. gr.

Lumière diffuse A 0,330 4 h. 23° 0,157 11,8 1,32

Obscurité B 0,615 » 0,221 8,9

9 juillet à 2 h. 40 :

Lumière diffuse B 0,615 3 h. 23° 0,173 9,2 1,27

Obscurité A 0,330 » » 0,072 7,2

L'influence de la lumière diffuse par rapport à l'obscurité a été à peu près la même pendant les deux expériences croisées ; on peut donc considérer les deux feuilles comme comparables et admettre que les différences constatées sont bien dues à l'influence de la lumière.

Il faut remarquer que, bien que les conditions extérieures aient été les mêmes pour les deux expériences, la transpiration a été plus faible pendant la seconde. On aurait donc obtenu des résultats discordants si, pour avoir l'influence de la lumière, on avait comparé la transpiration de A à la lumière d'abord puis à l'obscurité, ou de B à l'obscurité d'abord puis à la lumière. Le rapport des transpirations


DÉGAGEMENT ET RÉTENTION DE VAPEUR D'EAU 81

aurait été dans le premier cas 11,8 : 7,2 = 1,63, et dans le second cas 9,2: 8,9 = 1,03.

Dans une autre série d'expériences, faite le 8 juillet, deux feuilles blanches A et B sont étudiées comme dans les expériences du 9 juillet et comparativement à deux feuilles vertes C et D ; les résultats sont consignés dans le tableau suivant :

Poids . Durée T° Eau transp. Tr. par Rapp.

Le 8 juillet à 8 h. 50 : — — — — h. % —

Feuilles blanches : gr. gr.

Lumière diffuse A 1,077 2 h. 30 23° 0,288 10,7 1,67

Obscurité B 0,587 » » 0,097 6,4

Feuilles vertes :

Lumière diffuse C 0,665 2 h. 30 23° 0,097 5,7 1,14

Obscurité D 0,855 » » 0,111 5,0

Le 8 juillet à 11 h. 20 :

Feuilles blanches :

Lumière diffuse B 0,587 2 h. 30 23° 0,186 12,6 1,33

Obscurité A 1,077 » » 0,257 9,4

Feuilles vertes :

Lumière diffuse D 0,855 2 h. 30 23° 0,052 2,4 1,60

Obscurité C 0,665 » » 0,025 1,5

Les feuilles blanches ne se conduisent pas comme celles étudiées le 9 juillet, leur transpiration est plus forte dans la seconde partie de l'expérience que dans la première; c'est l'inverse pour les feuilles vertes. On voit par là combien sont variables et difficiles à connaître les causes qui modifient la transpiration d'une feuille. L'influence de la lumière diffuse est plus grande dans la première expérience que dans la seconde pour les feuilles blanches et plus faible pour les feuilles vertes, ce qui montre que les feuilles A et B d'une part, C et D d'autre part, ne sont pas aussi comparables entre elles que les deux feuilles étudiées le 9 juillet.

Si l'on compare les feuilles blanches aux feuilles vertes, on voit que l'influence de la lumière est en moyenne un peu plus forte pour les feuilles blanches, mais la différence est inférieure aux variations individuelles; on peut donc dire que l'influence est du même ordre dans les deux cas.

INFLUENCE DE LA TEMPÉRATURE. — J'ai expérimenté sur deux lots A et B de deux feuilles blanches et sur deux lots C et D de deux feuilles vertes. J'ai employé quatre éprouvettes ; l'une renfermait

Rev. gén. de Botanique. — XXV. . 15.


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une feuille A et une feuille C, la seconde, l'autre feuille A et l'autre feuille C, la troisième une feuille B et une feuille D, la quatrième l'autre feuille B et l'autre feuille D. Les deux premières étaient placées dans une étuve dont la température peu variable était observée de temps en temps, les deux autres étaient laissées sur une table du laboratoire'; toutes les quatre étaient maintenues à l'obscurité. Les feuilles blanches étaient ainsi dans les mêmes conditions de température que les feuilles vertes, et l'influence des conditions extérieures autres que la température était éliminée. Le résultat est donné par le tableau suivant :

Le 14 juillet à 9 h. 10 :

Poids Durée T° Eau transp. Tr.par Rapp.

Feuilles blanches : — — — — h % —

A 1,847 2 h. 34° 0,414 11,2 1,7

B 1,658 » 22° 0,209 6,3 Feuilles vertes :

C 1,572 2 h- 34° 0,326 10,3 3,2

D 1,713 » 22° 0,110 3,2

Le 14 juillet à 11 h. 10 :

Feuilles blanches :

A 1,847 2 h. 36° 0,284 7,6 1,0

B 1,648 » 23° 0,153 4.6

Feuilles vertes

C 1,572 2 h. 36° 0,266 8,4 3,3

D 1,713 » 23° 0,087 2,5

L'influence de la température a été sensiblement la même pendant les deux expériences, bien que la température ait été un peu plus élevée pendant la seconde; la diminution d'intensité pendant la seconde expérience n'a rien qui doive surprendre, car la transpiration des feuilles venant de la lumière et maintenues à l'obscurité diminue normalement,au moins pendant un certain nombre d'heures; il semble que l'action retardatrice de l'obscurité agisse progressivement.

L'indication la plus importante de cette expérience est que les feuilles vertes sont notablement plus sensibles à la chaleur que les feuilles blanches. Si l'on admet qu'il en est de même dans les expériences faites à l'ombre et au soleil où la température et l'éclairement varient simultanément, on doit en conclure que, clans les différences de transpiration observées, la part qui revient à la chaleur est plus forte pour les feuilles vertes; par conséquent la part qui revient à la


DÉGAGEMENT ET RÉTENTION DE VAPEUR D'EAU 83

lumière est plus forte pour les feuilles blanches, puisque le résultat global est à peu près le même pour les deux sortes de feuilles.

L'élévation de température peut augmenter la transpiration de deux façons différentes : 1° en augmentant la tension de vapeur d'eau dans les méats; 2° en augmentant la perméabilité des membranes. Pour nous faire une idée de la part qui revient à chacune de ces causes, supposons, bien que ce ne soit pas tout à fait exact, que dans l'expérience précédente, les feuilles sont dans une atmosphère complètement desséchée. Si la température agissait seulement en augmentant les tensions de vapeur, la transpiration devrait être proportionnelle aux tensions maxima de vapeur d'eau correspondant aux deux températures. La tension maxima pour 34° est 39 mm. 5 et, pour 22°, 19 mm. 6. Le rapport des intensités transpiratoires devrait donc être 39,5 : 19,6 = 2,0, supérieur au rapport 1,7 trouvé pour les feuilles blanches, mais inférieur au rapport 3,2 trouvé pour les feuilles vertes.

L'augmentation de la transpiration sous l'influence de la température peut donc, à la rigueur, pour les feuilles blanches, être attribuée uniquement à l'élévation de la tension de vapeur d'eau, c'est-à-dire à la chaleur agissant comme agent physique. Pour les feuilles vertes, au contraire, l'élévation de la tension de vapeur d'eau est insuffisante, il faut faire intervenir les variations de perméabilité des membranes. Les membranes des feuilles vertes sont donc plus sensibles à l'action de la chaleur que celles des feuilles blanches.

De ce que le rapport 2,0 des tensions de vapeur est supérieur au rapport 1,7 des transpirations des feuilles blanches, on ne peut cependant pas conclure que la perméabilité des membranes n'a pas varié sous l'influence de la chaleur. L'atmosphère qui entoure les feuilles n'est pas en effet complètement sèche, malgré la présence du chlorure de calcium; le dégagement de vapeur d'eau n'est donc pas proportionnel aux tensions maxima de vapeur, mais à la différence entre les tensions maxima et les tensions réellement existantes que je n'ai pas mesurées. Il peut donc se faire que, même pour les feuilles blanches, une part de l'augmentation de transpiration doive être attribuée à l'augmentation de perméabilité des membranes; mais cette part est certainement moindre que pour les feuilles vertes.

(A suivre).


L'ANISOMERIE FLORALE DANS LA FAMILLE DES CRASSULACÉES

Par M. Raymond HAMET.

L'isomérie de la fleur a été considérée, pendant longtemps, comme un caractère toujours présent dans la famille des Crassulacées. On croyait, en effet, que ces plantes ne possédaient que deux formules florales, la première nS + JP + nE + nC, caractéristique de la tribu des Isostémonées, la seconde nS + nP +2nE + nC, particulière à celle des Diplostémonées.

Mais cette opinion fut infirmée, en 1858, par la découverte d'une Crassulacée à fleurs anisomères. Une telle particularité sembla si remarquable à Hooker fils et Thomson qu'ils crurent devoir ranger la plante qui la présentait dans un genre nouveau que, sous le nom de Triactina, ils décrivirent ainsi (1) : « Sepala 5, minima. Pelala 5. St mina 10, perigyna, alterna pelalis inserla. Squamulae hypogynae lineares. Folliculi 3, ad médium connati, polyspermi. — Herba carnosula, subramosa; foliis altérnis v. subverticillalis ; floribus ramis cymae taxe foliatae sessilibus ».

A l'unique espèce du genre nouveau, Hooker fils et Thomson donnèrent le nom spécifique de verlicillala et attribuèrent (2) les caractères suivants : « Planta singularis ob carpella 3 infra médium in capsulam 3-valvem connata, sed affinitate Sedo mullicauli quam maxime affinis. — Gaules suberecti, spithamaei et ultra, glaberrimi. Folia exemplaribus meis annua, caulina, pauca, verticillata v. alterna, petiolata obovata v. obeordata, integerrima, 1-1 1/2 une. longa, sicco membranacea, apice soepius oblique retusa. Flores axillis foliorum cymae laxiflorae sessiles, flavi ; sepalis brevissimis,

(1) Hooker fils et Thomson : Praecurs. ad II. Ind., in Journ. of the Proceed of the Linn. Soc., Bot., t. II, p. 90, 1858.

(2) Hooker fils et Thomson ! loco citato, p. 103, 1858.


ANISOMÉIUE FLORALE CHEZ LES CRASSULACÉES 85

petalis ovato-lanceolatis acuminatis stamina suboequantibus ; glandulis hypogynis linearibus apice dilatatis ; folliculis 3, ad médium connatis, post anthesin divaricatis ; styli graciles ».

Hooker fils et Thomson ne se sont pas bornés à publier une description de la plante qu'ils avaient découverte. Avec une remarquable loyauté, ils ont avoué leurs hésitations à la ranger dans un genre nouveau et ils ont indiqué les raisons qui avaient dissipé leurs doutes et déterminé leur conviction définitive (1) :" In Sedum multicaule the divaricating follicles appear slightly connected at the base (as they are in S. pallidum, M. B., and others), which has made us very reluctant to propose the new genus Triadina for one of the Eastern Himalayan species whose habit agrées in many respects with that of S. multicaule. But the consolidation of the carpels in Triactina is complète up to their middle; their number is constantly only 3, which, and its very minute calyx and whorled leaves, together seem to indicate the propriety of keeping it separate. It links the very différent and non-crassulaceous-looking American genus Penthorum with Sedum in a very remarkable manaer ».

Ainsi donc, pour Hooker fils et Thomson, le Triactina verticillata, quoique voisin du Sedum mullicaule, en diffère trop pour être rangé dans le même genre. Sans vouloir discuter ici cette opinion, je me bornerai à constater que ces deux plantes sont évidemment très distinctes, mais que leur rapprochement est absolument artificiel; ce n'est pas, en effet, du Sedum multicaule qu'Hooker fils et Thomson auraient dû rapprocher le Triactina verticillata, mais d'autres espèces qu'ils ont passées sous silence.

Quoi qu'il en soit, le genre; Triactina fut admis par Bentham et Hooker qui le considérèrent (2) comme un « genus anomalum carpellis (connatis) petalis anisomeris ». De ce genre, les botanistes anglais ne se sont pas bornés à transcrire la diagnose originale; ils l'ont complétée en y ajoutant des caractères qu'ils avaient observés eux-mêmes (3) : « Petala.. libéra. Stamina.. filamentis filiformibus; antherrae didymae.. Ovarii carpella 3, ad médium connata; styli filiformes stigmalibus punctiformibus; ovula in carpellis oo... Herba.. annua ?.. superne divaricatim ramosa.. Folia.. carnosula.. ».

(1) Hooker fils et Thomson : loco citato, p. 95, 1858.

(2) G. Bentham et J. D. Hooker : Genera plant, t.. I, pars. 2', p. G57, 1865.

(3) Bentham et Hooker : loco cilato, p. 661, 1865.


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Mais, par une inadvertance inexplicable, ils indiquèrent, dans leur description, un «calyx.. 4-partitus ».

Cette erreur fut reproduite par Baillon qui attribua (1) u genre Triactina un calice dont les « sépales courts, inégaux, sont u nombre de quatre et disposés insymétriquement ». Le savant botaniste modifia, lui aussi, la description originale en indiquant (2) que « dans chaque ovaire, on observe deux ovules descendants ». Mais, dans sa diagnose latine du genre Triactina (3), il ne mentionna pas cette modification et reproduisit simplement l'assertion de Hooker fils et Thomson : « Folliculi.. polyspermi ».

D'après Clarke, qui rédigea pour le Flora of British India la révision des Crassulacées indiennes : le Triactina verticillata posséderait (4) un « calyx 5-partite». Quant aux follicules, ils ne seraient ni polyspermes, ni dispermes, mais monospermes. Chaque carpelle contiendrait plusieurs ovules dont un seul se transformerait en graine. C'est ce qui résulte des deux phrases suivantes que j'extrais de la diagnose générique (5) : « ovules several in each carpel » et « follicles.. 1-seeded », ainsi que de la remarque(6) qui accompagne la description spécifique et que je transcris aussi : « H. f. & Th. in Journ. Linn. Soc. ii. 90 characterise Triactina as having polyspermous follicles ; the material collected by Sir J. D. Hooker was scanty, and the subsequent collections of C. B. Clarke have all the follicles 1-seeded ». Plus favorisé que Hooker fils et Thomson, Clarke disposait donc d'échantillons fructifiés dont l'étude lui a permis de compléter la diagnose de l'espèce en y ajoutant les caractères de la graine : « Seed ellipsoid, somewhat obovoid, hispid with elongate papillae ». C'est en s'appuyant sur ces caractères et sur ceux des follicules que, dans la remarque suivante (7), Clarke a rapproché le Triactina verticillata du Sedum perpusillum : « This plant by the characters of its carpels and seeds is very closely allied to Sedum perpusillum H. f. & Th. » Evidemment, le Triactina verticillata se rapproche beaucoup plus du Sedum perpusillum que du S. multicaule, mais il s'en distingue

(1) H. Baillon : Hist. des plantes, t. III, p. 308, 1872.

(2) H. Baillon : loco citato, p. 308, 1872.

(3) H. Baillon : loco citato, p. 322, 1872.

(4) G. B. Clarke : in J.-D. Hooker, Fl. of Bril. Ind., t. II, p. 423, 1878.

(5) G. B. Clarke : loco citato, p. 423, 1878.

(6) G. B. Clarke : loco citato, p. 423, 1878.

(7) G. B. Clarke : loco citato, p. 423, 1878.


ANISOMÉRIE FLORALE CHEZ LES CRASSULACÉES 87

cependant suffisamment pour qu'on puisse l'insérer dans un genre différent sans violer trop manifestement les affinités naturelles. Aussi le genre Triactina fut-il maintenu par Schönland qui, dans sa description (1), lui attribua « Bl. 4-5 zählig.. Stb. 8-10.. Sa. 1 oder mehrere. »

Ainsi donc, malgré les nombreuses études qu'il a suscitées, le genre Triactina est, encore actuellement, insuffisamment connu. Aussi suis-je heureux de pouvoir compléter cette lacune en publiant aujourd'hui une description complète de cette intéressante espèce.

La tige, assez grêle, simple, glabre, haute de 7 à 33 cm. est un peu rampante à la base, puis érigée.

Les feuilles, assez distantes les unes des autres, sont le plus souvent ternées, mais quelquefois alternes; sessiles ou un peu atténuées dans la partie inférieure, elles sont prolongées au-dessous de leur insertion en un éperon bref et obtus, haut de 0.70 à 1.30 mm. ; plus ou moins étroitement obovées, le plus souvent émarginées, quelquefois obtuses au sommet, elles ont des bords mamilleux surtout dans leur partie supérieure; leur longueur varie de 15 à 35 mm., leur largeur, de 2,75 à 7,50 mm.

L'inflorescence, qui termine la tige, est composée de trois, rarement quatre, pédoncules primaires terminés par des cymes bipares régulièrement ramifiées ; sa hauteur est de 15 à 70 mm., sa largeur, de 20 à 80 mm.

Les fleurs sont subsessiles, la longueur du pédicelle ne dépassant pas 0.10 mm.; elles sont pourvues à la base d'une grande bractée semblable aux feuilles quoique souvent un peu plus petite.

Le calice glabre se compose d'un tube haut de 0.50 à 0.75 mm. et de cinq segments, un peu plus longs que le tube, un peu plus hauts que larges, subsemiorbiculaires ou largement sublinéaires, dilatés ou non à la base, à bords entiers, obtus au sommet ; ces segments, uninerviés,à nervure dilatée au sommet,sont longs de 0.60 à 1.50 mm. et larges de 0.45 à 0.80 mm.

La corolle glabre est composée d'un tube très bref ne dépassant pas 0.15 mm. et de cinq segments beaucoup plus longs que le tube, plus hauts que larges, plus ou moins longuement ovés, rétrécis dans la partie inférieure et atténués dans la partie supérieure, à bords

(1) S. Schönland : Grassulaceae, in A. Engler u. K. Prantl, Die natührlich. Pflanzenfam., Theil III, Abth. 2, p. 38, 1891.


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très entiers, subobtus et à peine mucronés au sommet, à mucron ne dépassant pas l'extrémité supérieure du pétale ; ces segments sont parcourus par une nervure médiane à peine visible qui émet, un peu au-dessous du niveau de l'insertion des filets oppositipétales, deux nervures latérales presque indistinctes; ils sont longs de 4.50 à 6.50 mm. et larges de 1 à 2.60 mm.

L'androcée se compose de 10 étamines glabres, à filets longuement linéaires-subdeltoïdes ; les filets oppositipétales dont le sommet dépasse nettement le milieu de la corolle, mais sans atteindre son extrémité supérieure, sont insérés un peu au-dessus de la base des pétales; leur partie soudée est longue de 0.30 à 0.50 mm. ; leur partie libre est longue de 2.50 à 4.50 mm. et large de 0.30 mm. au milieu et de 0.35 mm. à la base.Les filets alternipétales sont soudés à la corolle sur une longueur de 0.15 mm. et libres sur une longueur de 3 a 4.50 mm. ; leur largeur est de 0.30 mm. au milieu et de 0.35 mm. à la base. Les anthères réniformes-suborbiculaires, aussi hautes que larges ou un peu plus hautes que larges, sont émarginées à la base et obtuses au sommet ; elles sont hautes de 0.35 à 0.60 mm., et larges de 0.35 à 0.50 mm.

Le gynécée est composé de trois carpelles glabres et longuement soudés entre eux à la base, atténués au sommet en styles plus brefs qu'eux ; la partie soudée des carpelles est haute de 1.50 à 2.50 min., leur partie libre, de 2.25 à 3 mm.; les styles sont longs de 1.25 à 1.50 mm. Les écailles, au nombre de trois, sont linéaires-subcylindriques, plus hautes que larges, un peu dilatées au sommet où elles sont obtuses ou un peu émarginées ; leur longueur varie de 0.80 à 1.40 mm., leur largeur, de 0.15 à 0.20 mm.

Les follicules, au nombre de trois, sont nettement divergents et ont des faces internes gibbeuses ; les placentes sont constitués, dans chaque carpelle, par deux grêles cordons qui courent tout le long des faces internes des carpelles et portent deux ovules pendants. Les ovules sont pourvus d'un long funicule érigé et libre. Quelquefois, les deux ovules se transforment en graines ; mais le plus souvent l'un avorte et l'autre seul se développe.

Les graines sont grandes, ohovées, plus hautes que larges; leur test qui s'applique exactement sur l'amande est couvert de nombreuses papilles longues et hyalines; les graines sont hautes de 2 mm. et larges de 0.90 mm.


ANISOMÉRIE FLORALE CHEZ LES CRASSULACÉES 89

Le Triactina verticillata a été considéré jusqu'ici comme particulier à la flore du Sikkina ; il croît cependant aussi au Setchuen pu M. Pratt en a récolté, près de Ta-tsien-lou, plusieurs échantillons qui ont été distribués sous le n° 483.

Une question se pose maintenant : la plante décrite par Hooker fils et Thomson diffère-t-elle suffisamment des autres Crassulacées pour qu'on doive la ranger dans un genre nouveau? S'il est incontestable que le Triactina verticillata diffère beaucoup des Sedum multicaule et S. perpusillum dont on l'a rapproché, il est également hors de doute que cette plante est extrêmement voisine du Sedum bractealum Diels (1). Chez ce Sedum, on observe, en effet, comme chez le Triactina verticillata, une tige sirnple, glabre, un peu rampante à la base, puis érigée; des feuilles espacées, rapprochées par trois, à bords entiers ; une inflorescence composée généralement de trois pédoncules primaires terminés par des cymes bipares régulièrement ramifiées; des fleurs subsessiles accompagnées chacune d'une grande bractée foliiforme; un calice composé de cinq segments un peu plus longs que le tube, un peu plus hauts que larges, subsemiorbiculaires ou sublinéaires, généralement un peu dilatés à la base, à bords entiers, obtus au sommet ; une corolle à tube très bref et à segments parcourus par une nervure médiane à peine visible, subovés, à bords entiers, subobtus et un peu mucronés au sommet ; des filets longuement linéaires-deltoïdes, les oppositipétales insérés presque à la base de la corolle et dépassant, au sommet, le milieu des pétales ; des anthères réniformes; des carpelles longuement soudés entre eux à la base et atténués au sommet en style plus bre s qu'eux; des follicules divergents à faces internes gibbeuses; des placentes constitués dans chaque carpelle par deux cordons grêles qui courent tout le long des faces des carpelles et portent deux ovules pendants; des ovules à funicule long et libre; une, rarement deux graines grandes, ohovées, plus hautes que larges, à test s'appliquant exactement sur l'amande et couvert le plus souvent de nombreuses papilles longues et hyalines.

Pourtant, si le Triactina verticillata se rapproche beaucoup du S. bracteatum, il s'en éloigne par ses fleurs anisomères. Pour connaître la valeur systématique de ce caractère, nous rechercherons

(1) Diels : in Engler, Bol. Jahrbuch., t. XXIX, p. 362, 1895.


90 REVUE GÉNÉRALE DE BOTANIQUE

si on peut l'observer chez d'autres Crassulacées. Si oui, nous étudierons les affinités de ces plantes afin de savoir si elles se rapprochent plus du genre Triactina que d'autres genres plus anciennement décrits.

Or, nos recherches nous ont fait connaître, en outre du Triactina verticillata, deux Crassulacées à fleurs anisomères.

L'une d'elles, originaire du Japon, et décrite (1) par M. Makino sous le nom de Sedum tricarpum, est encore aujourd'hui imparfaitement connue.

L'autre, originaire du Su-tchuen et qui n'a point encore été décrite, présente les caractères suivants.

La tige très grêle et très ramifiée, à rameaux verticillés, est glabre et haute de 9 à 20 cm.

Elle porte des feuilles glabres, assez distantes les unes des autres, verticillées par trois, quatre ou cinq, nettement pétiolées, non prolongées en éperon au-dessous de leur insertion; le pétiole est étroitement linéaire, plus bref que le limbe, long de 1.20 à 6.60 mm. et large de 0.30 à 0.60 mm. ; le limbe, à bords entiers, un peu plus haut que large, est suborbiculaire, ové-orbiculaire ou même ové; il est obtus ou subobtus au sommet et est long de 2.25 à 8.80 mm. et large de 1.80 à 7 mm.

Chacun des rameaux est terminé par une inflorescence subpaniculiforme, extrêmement lâche, à pédicelles très grêles et très longs, glabres, hauts de 5.20 à 9.10 mm.

Le calice, glabre est composé d'un tube plus bref que les segments et de cinq segments à bords entiers, sublinéaires, non dilatés à la base et obtus au sommet, plus longs que larges, hauts de 0.60 à 0.80 mm. et larges de 0.30 à 0.35 mm.

La corolle glabre est composée d'un tube très bref, haut de 0.10 à 0.12 mm. et de cinq segments suboblongs à bords entiers, rétrécis dans la partie inférieure et atténués dans la partie supérieure jusqu'au sommet subaigu ; plus hauts que larges, ces segments sont longs de 2.20 à 2.30 mm. et larges de 0.70 à 0.75 mm.

L'androcée se compose de dix étamines glabres, à filets sublinéaires ; le sommet des filets oppositipétales insérés un peu au-dessus de la base des pétales dépasse le milieu de la corolle sans atteindre

(1) Makino : Illustr. Fl. Japon, t. I, n° 7, p. 3, tab. 12, 1891.


ANISOMÉRIE FLORALE CHEZ LES CRASSULACÉES 91

son extrémité supérieure; la partie soudée des filets oppositipétales est longue de 0.15 à 0.18 mm.; leur partie libre est haute de 1.35 à 1.45 mm. et large de 0.12 mm. La partie soudée des filets alternipétales est haute de 0.10 à 0.12 mm.; leur partie libre est longue de 1.65 à 1.75 mm. et large de 0.15 mm.; les anthères largement réniformes, un peu plus larges que hautes, sont émarginées à la base et au sommet ; leur longueur est de 0.22 à 0.25 mm. et leur largeur de 0.28 à 0.32 mm.

Le gynécée est composé de trois carpelles brièvement soudés entre eux à la base et atténuées au sommet en styles plus brefs qu'eux; leur partie soudée est haute de 0.55 à 0.65 mm., leur partie libre, de 1.20 à 1.30 mm. ; les styles sont longs de 0.75 à 0.85 mm.

Les placentes sont constitués, dans chaque carpelle, pa deux grêles cordons qui courent tout le long des faces internes des carpelles et à peu de distance de leurs bords internes ; ils portent quatre à huit ovules subérigés, à funicule très bref.

Les écailles, au nombre de trois, sont sublinéaires subcylindriques, beaucoup plus hautes que larges, un peu dilatées au sommet; elles sont longues de 0.60 à 0.65 mm. et larges de 0.10 à 0.12 mm.

Les follicules, au nombre de trois, subérigés, ont des faces internes non gibbeuses.

Les graines, au nombre de quatre à huit par carpelles, sont subobovées, plus hautes que larges, longues de 0.55 mm. et larges de 0.30 mm. ; leur test, qui s'applique exactement sur l'amande est couvert de rides longitudinales peu saillantes.

Cette plante a été récoltée, le 18 septembre 1893, sur les rochers calcaires de Héou pin près de Tchen-Kéou (Sutchuen oriental), à une altitude de 1.400 m., par le R. P. Farges qui en a distribué des échantillons sous le n° 1.255. L'échantillon authentique se trouve dans l'herbier du Muséum d'Histoire Naturelle de Paris.

La plante que nous venons de décrire doit-elle être rangée dans le genre Triactina ou dans le genre Sedum ? Il suffit de comparer les deux diagnoses qui précèdent pour constater que la plante récoltée par le R. P. Farges est fort éloignée du Triactina verticillata dont elle ne se rapproche que par ses fleurs anisomères. Par contre, elle est très voisine du Sedum filipes Hemsley (1) dont elle se distin(1)

distin(1) : in Forbes et Hemsley, in Journ. Linn, Soc, Bot, t.XXIII, 1887.


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gue cependant par son anisomérie florale. Mais éloigner cette plante du Sedum filipes pour la rapprocher du Triactina verticillata violerait aussi manifestement les affinités naturelles que la séparation générique du Triactina verticillata et du Sedum bracteatum.

En réalité, l'anisomérie florale est une anomalie que l'on rencontre dans plusieurs Crassulacées fort distinctes. Sur un tel caractère, il est donc impossible de baser une classification naturelle. C'est pourquoi le genre Triactina doit être supprimé. Le Triactina verticillata deviendra donc le SEDUM VERTICILLATUM Raymond Hamet, nomen novum. Quant à la plante du Su-tchuen, elle devra, elle aussi, être rangée dans le genre Sedum dont elle constituera une espèce nouvelle qui devra porter le norn de SÉDUM BONNIERI Raymond Hamet, species noya.


NOTES BIBLIOGRAPHIQUES

F. RAWITSCHER. — Contributions à l'étude des Ustilaginées. (Zeitschrift

(Zeitschrift Botanik, T. IV, n° 8, août 1912).

Les Ustilaginées sont encore peu connues au point de vue cytologique. DANGEARD a montré que les chlamydospores renferment à l'origine deux noyaux et que ces deux noyaux se confondent en un seul, pendant l'épaississement de la paroi de la chlamydospore. Il considère cette fusion nucléaire comme une fécondation et compare à ce point de vue les chlamydospores des Ustilaginées aux téleutospores des Urédinées. Le même auteur a constaté, d'autre part, que les anastomoses qui s'opèrent entre les sporidies dérivées du promycélium ne sont pas accompagnées de fusion nucléaire et ne constituent pas un processus sexuel, contrairement à l'opinion émise autrefois par de BARY. HARPER et LUTMAN ont confirmé ce dernier résultat. Cependant FEDERLEY a observé une fusion nucléaire dans les anastomoses des sporidies d'Uslilago tragopogonis pratensis. L'étude cytologique des Ustilaginées méritait donc d'être reprise.

RAWITSCHER a suivi le développement de deux espèces (Ust. Carbo et Ust. Maydis). Dans l' Ust. Carbo, il confirme la fusion nucléaire de la chlamydospore décrite par Dangeard, mais il montre, et c'est là le point essentiel de ses recherches, que les anastomoses qui se produisent entre les sporidies présentent les caractères d'une sexualité. Les cellules du promycélium issu de la germination de la chlamydospore offrent toutes un seul noyau. Les sporidies sont également uninucléées. Elles s'anastomosent deux à deux et le noyau de finie passe dans l'autre : là les deux noyaux s'accolent sans se fusionner. Le mycélium qui résulte de la germination des sporidies renferme toujours des cellules binucléées dont les noyaux proviennent de la mitose conjuguée des deux noyaux réunis dans l'une des sporidies anastomosées. Ces deux noyaux se maintiennent jusqu'à la formation des chlamydospores et c'est dans les jeunes chlamydospores que se produit là fusoin nucléaire laquelle est sans doute immédiatement suivie d'une réduction chromatique. L'évolution nucléaire de l'U. Carbo est donc comparable à celle des Urédinées : il y a une fécondation qui s'accomplit par la fusion de deux sporidies, mais ce phénomène n'est pas accompagné de fusion nucléaire : les noyaux s'accolent et constituent dés noyaux conjugués qui se maintiennent pendant toute


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la période végétative du champignon. C'est le sporophyte qui se termine à la chlamydospore par la fusion nucléaire décrite par DANGEARD et la réduction chromatique.

Dans l'U. Maydis, il n'y a pas d'anastomoses entre les sporidies. Celles-ci sont uninucléées. Le mycélium qui en dérive est formé d'abord de cellules à un seul noyau, mais plus tard, il devient binucléé. Le mycélium binucléé a comme point de départ une cellule qui résulte de la fusion de deux cellules contiguës par dissolution de la membrane qui les réunit. Les deux noyaux se fusionnent ensuite dans la chlamydospore formée aux dépens du mycélium binucléé. Ici, la fécondation primitive a donc disparu, elle est remplacée par un processus sexuel réduit qui se produit dans le mycélium végétatif, avant la naissance de la chlamydospore (sorte de pseudogamie).

A. GUILLIERMOND.

CHRONIQUES ET NOUVELLES

M. GASTON BONNIER a été élu à l'unanimité Membre correspondant de l'Académie Impériale des Sciences de Saint-Pétersbourg.

Dans sa séance publique annuelle du lundi 16 décembre 1912 l'Académie des Sciences a décerné :

Le prix Jecker, à M. BOURQUELOT, pour ses recherches de Chimie, biologique végétale et en particulier pour ses études sur les principes immédiats des végétaux.

Le prix Desmazières, à MM. EUE et EMILE MARCHAL, pour leur travail sur l'Aposporie et la sexualité chez les Mousses.

Un prix Montagne, à Mme PAUL LEMOINE, pour ses études sur les Mélobésiées.

Un prix Montagne, à M. H. COLIN, pour ses recherches sur la physiologie des Champignons.

Le prix de Coincy, à M. C. SERVETTAZ, pour sa Monographie des Eléagnacées.

Le prix Lonchampt, à MM. GRIMBERT, BAGROS, pour leurs recherches sur les bacilles dénitrifiants vrais, et WOLFF, pour les


CHRONIQUES ET NOUVELLES

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études qui l'ont amené à la reproduction artificielle des phénomènes oxydasiques par les composés colloïdaux du fer.

Le prix Saintour, à M. MAURICE LANGERON, pour ses travaux sur la flore de l'Eocène ancien de Sézanne.

Le prix Jérôme Ponti, à M. GEORGES ROUY, pour ses recherches de botanique systématique et en particulier pour son étude des flores européennes.

L'Académie a, d'autre part, attribué sur les fonds Bonaparte :

3.000 fr., a M. J. PITARD, Membre de la Mission scientifique du Maroc organisée par la Société de Géographie, chargé des recherches botaniques.

3.000 fr., à M. HAMET, pour continuer ses recherches sur les Crassulacées.

2.000 fr., à M. SAUVAGEAU, pour poursuivre l'étude de la répartition des Cystoseira dans la Méditerranée orientale.

On annonce la mort de M. CAILLETET, Membre de l'Académie des Sciences.

M. CAILLETET, bien connu par ses beaux travaux de Physique et de Chimie, et en particulier par la liquéfaction des gaz dits permanents, s'est occupé aussi de Physiologie végétale.

Entre autres recherches, il a démontré expérimentalement que lorsqu'on dessèche le sol qui est autour des racines, les plantes peuvent absorber de l'eau par leurs feuilles. C'est aussi M. CAILLETET qui a le premier démontré que si on prive de gaz carbonique l'atmosphère qui est autour de la partie aérienne des plantes et si on fait absorber par les racines de l'air chargé de gaz carbonique, ce gaz carbonique n'arrive pas jusqu'aux cellules à chlorophylle et par suite ne peut servir à l'assimilation.

M. EDMOND GAIN est nommé Professeur de botanique à la Faculté des Sciences de l'Université de Nancy, en remplacement de M. LE MONNIER qui a demandé à faire valoir ses droits à la retraite.


96 REVUE GÉNÉRALE DE BOTANIQUE

M. BEAUVERIE est nommé Maître de conférences à là Faculté des Sciences de l'Université de Nancy, en remplacement de M. GAIN.

M. GUILLIERMOND est chargé de conférences de botanique à la Faculté des Sciences de l'Université de Lyon.

M. LESAGE est nommé Professeur de botanique à la Faculté des Sciences de l'Université de Rennes, en remplacement de M. CRIÉ, décédé.

M. FOËX est nommé Directeur-adjoint de la Station de pathologie végétale de Paris, en remplacement de M. GRIFFON, décédé.

M. GUÉGUEN est nommé Professeur de botanique et pathologie végétale à l'École nationale d'agriculture de Grignon, en remplacement de M. GRIFFON, décédé.

M. TISON est nommé Maître de conférences à la Faculté des Sciences de l'Université de Rennes.

Lille. — Imp. LE BIGOT Frères. Le Gérant : Ch. PIETERS,


RECHERCHES MORPHOLOGIQUES, ANATOMIQUES ET BIOLOGIQUES SUR LA VALEUR SYSTÉMATIQUE DU

POLYPODIUM VULGARE «SUBSPECIES SERRATUM» (WILLD.) CHRIST

Par M. R. de LITARDIERE

L'étude d'un grand nombre de matériaux de Polypodium vulgare et surtout de la « sous-espèce » serratum m'a conduit à penser que cette dernière, considérée comme bien tranchée par les auteurs actuels, n'est pas à un degré plus élevé dans la hiérarchie systématique que les autres variétés du Polypodium vulgare.

Les caractères assignés à cette plante sont loin d'être absolus, puisqu'ils se retrouvent tous dans des formes du type vulgare (« subspec. vulgare » Schinz et Keller). Je vais les passer en revue :

1° TAILLE. — La grande taille du serratum n'est nullement caractéristique, puisque l'on trouve dans les stations apriques de toutes petites formes qui ont été désignées sous les noms de var. pumilum Haussm. (p.p.), subvar. caprinum Christ, forma reductum Sagorski, et que d'autre part les attenuatum ne lui cèdent en rien sous ce rapport.

2° FORME DELTOÏDE DE LA FRONDE. — Ce caractère se retrouve également chez la var. murale Schur (var. platylobum Christ) du P. vulgare (sensu stricto).

3° TEXTURE ET COLORATION DE LA FRONDE. — Le serratum a, en général, un tissu charnu et cela surtout dans les stations ensoRev.

ensoRev. de Botanique. — XXV. 7.


98 REVUE GÉNÉRALE DE BOTANIQUE

leillées, mais dans les lieux ombragés la texture des frondes, comme celles qui m'ont été envoyées des « barrancos » de Ténériffe, n'est nullement différente de celles des commune de nos arbres ou des altenuatum de nos haies. Du reste, le vulgare (sensu stricto) présente des modifications analogues. J'en ai vu des exemplaires de diverses provenances à tissu aussi charnu que les plus typiques serratum.

Quant à la coloration vert-jaunâtre que l'on observe le plus souvent chez les serratum, elle semble en rapport avec la texture charnue et manque également dans les formes ombragées. Les var. commune, attenuatum et surtout murale peuvent offrir cette coloration.

4° NERVATION. — La distinction est loin d'être aussi nette que l'indiquait Milde (1) lorsqu'il séparait les « formes boréales à nervures secondaires la plupart du temps bifurquées » des « formes australes et orientales à nervures secondaires la plupart tri et quadrifurquées». Beaucoup de formes du vulgare (commune, murale, attenuatum) que j'ai examinées ont à la fois des nervures secondaires bifurquées, trifurquées et même quadrifurquées.

5° DISPOSITION DES STÈLES DANS LE PÉTIOLE. — Milde distinguait encore les formes boréales du Polypodium vulgare (sensu stricto) en leur assignant « in petiolo fasciculus solitarius » des formes australes et orientales (serratum) qui auraient « in petiolo fasciculi duo vel tres ». Cette assertion a été reproduite par plusieurs auteurs. Le Dr Ascherson expose mieux la question, puisque l'auteur des « Filices Europse » ne précise pas le point du pétiole où il n'y a d'après lui qu'une seule stèle dans les « formes boréales » et deux ou trois dans les « formes australes ». D'après le savant professeur de Berlin, chez les var. commune, rotundatum, murale, etc., les stèles se souderaient dans la moitié inférieure du pétiole, tandis que chez la var. attenuatum et la subspec. serratum, elles se réuniraient dans la moitié supérieure (2).

De l'étude que j'ai faite de la disposition des stèles dans le pé(1)

pé(1) : Filices Europse et Atlantidis, Asioe Minoris et Sibiriae, p. 18 (1867).

(2) Ascherson : Synopsis der Mittelcuropaischen Flora, I, ed. 1 (1896), ed. 2 (1912).


POLYPODIUM VULGARE « SUBSPECIES SERRATUM » 99

Fig. 1. — Polypodium vulgare L. var. commune Milde: Section transversale à la base du pétiole, montrant 2 stêles dorsales D,D' et 2 stèles ventrales V,V'.

Fig. 2. — Polypodium vugare L. var. attenuatum Milde : Section transversale un peu au-dessus de la base du pétiole, montrant la soudure d'une petite stèle dorsale avec une stèle ventrale.

Fig. 3.— Polypodium vulgare L. var. attenuatum Milde: Section transversale vers le milieu du pétiole.

Fig. 4. — Polypodium vulgare L. var. attenuatum Milde : Section transversale au-dessus du milieu du pétiole, après soudure des 2 stèles ventrales.

Fig. 5. — Polypodium vulgare L. var. attenuatum Milde: Section transversale près du sommet du pétiole montrant la soudure de la petite stèle dorsale avec la stèle ventrale.

Fig. 6. — Polypodium vulgare L. var. attenuatum Milde: Section transversale au sommet du pétiole après soudure de la stèle dorsale avec la stèle ventrale.

Fig. 7. — Polypodium vulgare L. var. attenuatum Milde: Section transversale au sommet du pétiole montrant la stèle ventrale et la stèle dorsale encore libres.


100 REVUE GÉNÉRALE DE BOTANIQUE

tiole d'un bon nombre d'exemplaires de Polypodium vulgare, commune, attenuatum et serratum; on peut tirer les conclusions suivantes :

1° On ne peut attacher aucune importance d'ordre taxonomique au nombre des stèles observées ni aux points où se font des soudures entre elles.

Milde a dû sans doute considérer le sommet du pétiole, mais son assertion est inexacte puisque aussi bien chez le commune et l'attenuatum on peut trouver deux stèles (fig. 7) comme chez le serratum (jamais trois), de même que chez le serratum on peut observer une seule stèle comme chez les deux formes précitées (fig. 6).

2° A la base du pétiole, on trouve deux fortes stèles ventrales et de une à trois petites stèles dorsales (fig. 1). Ces dernières se réunissent, soit ensemble, soit une ou deux se soudent aux stèles ventrales (fig. 2), et ordinairement à une petite distance de la base du pétiole l'on a deux fortes stèles ventrales et une seule stèle dorsale (fig. 3). La soudure peut se faire un peu plus haut et l'on peut avoir deux stèles dorsales séparées pendant quelques centimètres (jusqu'à 4 cm. 8 dans un exemplaire de serratum).

3° Le point de soudure des deux stèles ventrales (fig. 4) est variable, tantôt au-dessus, tantôt au-dessous du milieu du pétiole, aussi bien chez le commune que chez l'attenualum et le serratum. Chez le commune le point le plus élevé en dessus peut être de 2 cm. 35 et le point le plus bas en dessous de 1 cm. 15 ; chez l'attenuatum de 4 cm. en dessus à 2 cm. 95 en dessous ; chez le serratum de 3 cm. en dessus à 1 cm. 25 en dessous.

4° La petite stèle dorsale se réunit ordinairement à la forte stèle ventrale à la partie supérieure du pétiole, de 8 cm. 4 à 0 cm. 2 du sommet (fig. 5) ; quelquefois les deux stèles ventrales et la stèle dorsale se réunissent en même temps ; d'autres fois la stèle dorsale peut être libre même à la partie inférieure des premiers segments, et ceci aussi bien chez le commune et l'attenuatum (fig. 7), que chez le serratum.

Voici un tableau indiquant les particularités de la disposition des stèles dans un certain nombre de pétioles de Polypodium vulgare commune, attenuaium et serratum :


POLYPODIUM VULGARE « SUBSPECIES SERRATUM »

101

Point de soudure

des 2 fortes stèles

ventrales (Long. de la Petite stèle dorsale

comptées à partir (Longueurs comptées à partir

de la base du de la base du pétiole).

pétiole).

cm. cm. cm.

1. Var. allenuatum. 21.5 3 11.8 20.5

Ligugé (Vienne)

2. Id. 22.5 3 10.7 18.1

3. Id. 14.2 1 4.7 5.8

4. Id. 18.4 2 8.9 12.9

5. Id. 15.3 3 4.7 11.6

6. Var. commune 5.6 1 2.1 2.1

Ligugé (Vienne) . .

7. Var. attenuatum . 18.3 3 9.9 12.8

Ligugé (Vienne)

8. id. 18. 2 8.7 9.8

9. Id. 9.5 2 3.9 5.6

10. Var. commune 11.7 3 8.2 8.2

Ligugé (Vienne)

11. Id. 4.4 1 2.6 2.6

12. Id. 8. 3 3.6 7.1

13. Id. 8.7 2 5.3 6.3

Var. attenuatum La petite stèle n'était pas

14. Mazières (Deux-Sèvres) 20. 3 14 encore soudée a la base

des premiers segments.

15. Id. 14.7 2 8.2 8.8

16. Id. 12.2 3 7.6 9.6

17. Var.commune 9.1 2 3.4 3.6 Mazières (Deux-Sèvres)

La petite stèle n'était pas

18. Id. 5.4 2 3.2 encore soudée à la base

des premiers segments.

19. Id. 9. 2 4.9 Id.

20. Var.serratum 13.6 2 9.4 Id.

Le Faou (Finistère)

21. Id. 6.4 3 4.2 Id.

22. Id. 11.5 2 4.5 11.5

Var. serratum La petite stèle n'était pas

23. Collioure (Pyr.-Orient.) 10. 7 2 8. 4 encore soudée à la base

des premiers segments.

24. Id. 11.8 3 8 id.

25. Var. serratum 5.1 2 2.2 2.8 Sestri-Levante (Ligurie)

26. Var. serratum 7.6 2 4.3 7.4

Zarauz (Espagne)

27. Var. serratum 3.5 1 1.4

La Roche-Courbon (Char.-Inf.). Obs. : A partir de

0 cm. 7, il n'y avait que 2 stèles.

5° CARACTÈRES BIOLOGIQUES. — Bolle (1) a indiqué le premier que les frondes du serratum disparaissaient pendant l'été et que de nouvelles frondes se développaient sous l'influence des pluies d'automne.

(1) Bolle, Stand. Farne auf. d. canarischen Inseln, in Zeitschr. Ges. f. Erdk., I, p. 230 (1866).


102

REVUE GENERALE DE BOTANIQUE

Presque tous les auteurs ont attaché une très grande importance à ce caractère. Le Dr Christ, dans ses « Farnkräuter der Schweiz », p. 52 (1900), s'exprime ainsi : « La différence biologique entre le P. serratum et le type du nord se montre clairement vers la fin de l'été, alors le serratum se développe, il est tendre et succulent, avec tous les sores non encore développés ; durant le printemps, il s'accroît et porte des sores mûrs ; dans le cours de l'été il est grillé et fané. Le type nord du P. vulgare se développe au printemps ; à la fin de l'été les sores sont mûrs et durent encore pendant l'hiver, alors il périt. Cette différence est plus clairement perceptible dans les endroits où les deux formes se rencontrent ».

Mais cette distinction est loin d'être fondée, car ainsi que l'a indiqué le Dr Briquet (1). la disparition des frondes du serratum pendant l'été est un phénomène « très inconstant ». Il est certainement exact dans les stations arides de la région méditerranéenne, mais non dans la région atlantique européenne où les chaleurs de l'été sont tempérées par des pluies assez fréquentes. Le 5 octobre 1909, j'ai observé sur les murs et rochers entre Zarauz et Guetaria (Guipuzcoa) d'abondants serratum aux frondes bien fraîches, les unes montrant des sores bruns, très avancés, les autres à sores peu développés et cela parfois sur un même rhizome; j'ai vu aussi aux environs de Vigo (Galice), le 13 août 1910, des touffes nullement flétries, de même à Cintra, près Lisbonne, le 18 août.

J'ai d'ailleurs en herbier des échantillons de serratum récoltés à des dates très variables qui montrent nettement que l'époque de développement des sores n'est point si fixe qu'on le prétend. Ainsi je relève :

18 Janvier 1911 Realejo Bajo (Ténériffe) Sores peu et assez développés.

Mars 1901 Le Faou (Finistère) Sores entièrement développés .

12 Avril 1907 Bonifacio (Corse) Td.

29 Avril 1910 Collioure (Pyrénées-Orientales) Id. Mai 1911 La Clisse, près Saintes (Ch.-Inf.) Id.

7 Août 1890 Nemours (Seine-et-Marne) Id.

Août 1910 Béhobie (Basses-Pyrénées) Sores très jeunes

Sept. 1908 Vouvant (Vendée) Sores jeunes

20 Sept. 1912 Obazine, près Tulle (Corrèze) Sores peu avancés

30 Sept. 1897 Le Faou (Finistère) Sores entièrement développés

4 Octobre 1909 Itxassou (Basses-Pyrénées) Sores assez avancés. Octobre 1906 Palerme (Sicile) Sores entièrement développés

20 Nov. 1899 Le Faou (Finistère) Id.

5 Déc. 1895 St-Sébastien-les-Nantes(L.-Inf.) Id.

(1) Briquet, Prodrome de la Flore corse, I, p. 29 (1910).


POLYPODIUM VULGARE « SUBSPECIES SERRATUM » 103

Quant au vulgare (sensu stricto), j'ai pu en voir tout dernièrement (13 novembre) dans les rochers de Port-Seguin, près Ligugé (Vienne), de nombreux exemplaires offrant tous les degrés de développement, depuis les frondes jeunes à sporanges au début jusqu'à celles portant des sores bruns à sporanges vides.

La diversité que l'on constate dans l'époque de développement du Polypodium vulgare (sensu lato) n'est pas due à des différences taxonomiques, mais bien aux conditions stationnelles dans lequel il se trouve. La question d'humidité joue un rôle primordial; s'il peut supporter une température assez basse (1), la sécheresse entrave son développement, ce qui explique pourquoi les frondes se fanent durant les étés méridionaux pendant lesquels la sécheresse est très prononcée. Dans le Poitou, le mois d'avril dernier a été très sec et la pousse des Poîypodium a été retardée jusqu'en mai, elle a continué sous l'influence des pluies abondantes de l'été et continue encore (minovembre).

De tout ce qui précède, je ne crois point qu'il soit possible de maintenir au rang de sous-espèce le « Polypodium serratum » et il me paraît plus rationnel de lui conserver le nom de var. serratum que lui donnent Milde, le prof. Luerssen, etc., mais ces derniers ont confondu avec le serratum la subvar. prionodes Asch. de la var. attenuatum.

La description suivante convient aux formes typiques de la var. serratum : frondes deltoïdes ayant jusqu'à 20 cm. de large; segments lancéolés, le plus souvent aigus, à marge denticulée ou même incisélobée ; nervures secondaires des segments inférieurs et moyens 3, 4 et même 5-furquées.

Les var. murale, attenuatum et serratum passent insensiblement les unes dans les autres et l'on a parfois des exemplaires fort embarrassants; j'en ai vu de nombreux des environs de Paris que je dois à l'amabilité de M. Jeanpert. et de l'Ouest de la France. Il doit en être évidemment de même de ceux de Bozen (Tyrol) auxquels le Dr Rosenstock (2) a donné le nom de « subspec. serratum var. intermedium » et que le Dr Ascherson dans la deuxième édition de son « Synopsis » (1912) soupçonne être un métis entre le vulgare commune et le serratum.

(1) Le P. vulgare croît en effet jusque dans les régions subarctiques eurasiatiques et américaines et se retrouve également à l'île de Kerguelen (var. Ea oni Bak.). Dans les Alpes, il pousse jusqu'à 2.600 m.

(2) Rosenstock, in Allg. Bol. Zeit., 78 (1902).


SUR LES CAUSES DU DÉGAGEMENT

ET

DE LA RÉTENTION DE VAPEUR D'EAU

PAR LES PLANTES

Par M. LECLERC DU SABLON

(Suite)

HEDERA HELIX

INFLUENCE DE LA LUMIÈRE SOLAIRE. — J'ai fait avec les feuilles de Lierre les mêmes expériences qu'avec celles de Pelargonium ; mais les feuilles entièrement blanches étant très rares, je n'ai pas pu - varier les conditions autant que je l'aurais voulu. Dans une série d'expériences faites le 10 juillet, j'ai étudié comparativement des feuilles entièrement blanches, des feuilles panachées récoltées sur le même pied que les feuilles blanches et dont le limbe est incolore sur la cinquième partie environ de la surface, et enfin des feuilles complètement vertes récoltées sur un autre pied. Les feuilles blanches, même à surface égale, sont beaucoup plus légères que les feuilles panachées et surtout que les feuilles vertes. Toutes ces feuilles ont été récoltées le jour même de l'expérience, à 7 h. 1/2. La transpiration de 8 h. 15 à 10 h. 15 est donnée par le tableau suivant. Tous les lots comprennent deux feuilles sauf celui des feuilles panachées exposées au soleil qui n'en comprend qu'une.


DÉGAGEMENT ET RÉTENTION DE VAPEUR D'EAU 105

Poids Durée T° Eau transp. Tr. Rapp.

10 juillet à 9 h. 10 : _ _ _ _ par h. % —

Feuilles blanches : gr. gr.

Soleil 0,667 2 h. 30° 0,225 16,8 1,27

Ombre 0,641 » 26° 0,157 12,2

Feuilles panachées :

Soleil 0,535 2 h. 30° 0,513 47,9 1,40

Ombre.. 1,137 » 26° 0,774 34,0

Feuilles vertes :

Soleil 1,750 2 h. 30° 2,790 79,6 2,26

Ombre 1,853 » 26° 1,304 35,1

L'indication la plus frappante de ce tableau est la très grande différence d'intensité transpiratoire des trois sortes de feuilles, les conditions extérieures étant égales. L'influence relative de l'insolation directe est presque la même pour les feuilles blanches et pour les feuilles panachées, elle est plus grande pour les feuilles vertes. A l'ombre, les feuilles vertes se conduisent comme les feuilles panachées ; au soleil, elles transpirent davantage.

D'autres expériences, faites le 28 juin à une température plus élevée que le 10 juillet, ont donné un résultat un peu différent. Les feuilles A et B sont blanches ; les feuilles C, D, E et F, sont complètement vertes; chaque lot comprend deux feuilles. A. B, C et D ont été récoltées immédiatement avant l'expérience, E et F, la veille au soir. La transpiration de 9 h. 10 à 11 h. 10 est donnée par le tableau suivant :

Poids Durée T° Eau transp. Tr. Rapp.

28 juin a 9 h. 10 : _ _ _ _ par h. % —

Feuilles blanches : gr. gr.

Soleil A 0,470 2 h. 37° 0,506 53,8 8,0

Ombre B 0,472 » 29° 0,064 6,7

Feuilles vertes :

Soleil C 2,387 2 h. 37° 3,650 76,4 5,0

Ombre .. D 2,220 » 29° 0,660 14,8

Soleil E 2,448 2 h. 37° 4,023 82,1 1,8

Ombre F 2,518 » 29° 2,318 46,0

L'influence relative de l'insolation directe sur la transpiration des feuilles blanches est beaucoup plus forte que dans toutes les autres expériences. La transpiration des feuilles blanches au soleil, bien que plus forte que dans les autres expériences, est encore plus


106 REVUE GÉNÉRALE DE BOTANIQUE

faible que celle des feuilles vertes dans les mêmes conditions ; l'augmentation du rapport tient à la très faible transpiration à l'ombre.

Pour m'assurer que le rapport 8,0, donné par les feuilles A et B, n'était pas accidentel, j'ai fait avec les mêmes feuilles et dans la même journée deux autres expériences. L'une, de 11 h. 10 à 1 h. 40, a donné le rapport 34,8 : 4,6 = 7,4 à une température moyenne de 41° au soleil et de 31° à l'ombre; l'autre, de 2 h. 40 à 3 h. 40, a donné un rapport de 10,6 : 2,9 = 3,6 à une température de 42°. au soleil et de 31° à l'ombre. Les intensités transpiratoires ont diminué, bien que la température ait été plus forte. Le rapport a diminué également, mais est resté très élevé.

Du 28 juin,4 h. du soir, au 29 juin,8 h. du matin, les feuilles A et B ont été laissées dans le laboratoire à une température moyenne de 21°. La transpiration totale a été pour A, de 21,9 % du poids des feuilles et pour B de 26,8 %. A et B étant dans les mêmes conditions ont transpiré à peu près avec la même intensité; on peut donc admettre que ces feuilles sont comparables et considérer comme valable le résultat de l'expérience du 28 juin.

Les feuilles vertes C et D n'ont pas donné le même rapport que les feuilles également vertes E et F ; la différence tient à la transpiration à l'ombre beaucoup plus qu'à la transpiration au soleil. Les feuilles vertes de Lierre transpirent avec une grande intensité au soleil, mais leur transpiration à l'ombre est très variable.

INFLUENCE DE LA LUMIÈRE DIFFUSE. — J'ai opéré sur des feuilles blanches, panachées ou complètement vertes. Dans les première, sixième et septième expériences il y avait deux feuilles à la lumière et deux à l'obscurité; dans les autres, il y avait seulement une feuille à la lumière et une à l'obscurité.

Il résulte des chiffres portés sur le tableau suivant que la transpiration est toujours plus forte à la lumière diffuse qu'à l'obscurité. L'influence ralentissante de l'obscurité est plus grande pour les feuilles vertes que pour les autres.

Les membranes des feuilles vertes paraissent plus sensibles que les autres à l'action de la lumière. Si l'on prend comme point de départ un état de perméabilité moyen correspondant à une transpiration moyenne à la lumière diffuse, on constate que la lumière solaire augmente plus la transpiration chez les feuilles vertes que chez les autres, et que l'obscurité la diminue davantage.


DÉGAGEMENT ET RÉTENTION DE VAPEUR D'EAU 107

Poids Durée T° Eautransp. Tr. par Rapp.

6 juillet a 8 h. 15 : _ _ h % —

Feuilles blanches : gr. gr.

Lainière diffuse 0,710 2 h. 30 23° 0,137 7,7 1,2

Obscurité ........ 0,762 » » 0,121 6,3

8 juillet à 9 h. 50 :

Lumière diffuse.... 0,217 4 h. 23° 0,045 5,1 3,0

Obscurité 0,306 » » 0,021 1,7

10 juillet à 8 h. 30 :

Lumière diffuse 0,330 3 h. 25° 0,122 13,3 3,2

Obscurité 0,266 » » 0,030 3,8

Feuilles panachées :

6 juillet à 8 h. 15 .

Lumière diffuse.... 0,470 2 h. 30 23° 0,183 15,5 2,7

Obscurité 0,695 » » 0,103 ,9

10 juillet à 8 h. 30 :

Lumière diffuse 0,596 3h. 25° 0,333 18,6 1,8

Obscurité 0,713 » » 0,215 10,8

Feuilles vertes :

28 juin à 10 h. :

Lumière diffuse 2,848 4 h. 30 22° 0,695 5,5 5,0

Obscurité 2,380 » » 0,123 1,1

28 juin à 10 h :

Lumière diffuse 2,282 5 h. 30 22° 0,650 6,6 4,1

Obscurité 2,525 » » 0,176 1,6

INFLUENCE DE LA TEMPÉRATURE. — Le tableau suivant donne les résultats d'expériences faites avec des feuilles blanches, panachées ou vertes. Dans chaque cas, j'ai employé 4 feuilles, 2 étant exposées à une température élevée et les 2 autres à une température plus basse. L'expérience sur les feuilles blanches a été faite en même temps et dans les mêmes conditions que celle sur les feuilles panachées; les deux expériences sont donc comparables. Les quatre feuilles blanches m'avaient déjà servi la veille pour étudier l'influence de la lumière solaire; la façon dont elles avaient transpiré pendant la nuit m'avait montré qu'elles étaient comparables entre elles et non altérées.

Les deux expériences sur les feuilles vertes ont également été faites en même temps et dans les mêmes conditions. On voit cependant que, dans l'expérience 4, la transpiration est beaucoup plus faible à basse température que dans l'expérience 3. Les 4 feuilles de l'expérience 4 étaient cependant bien comparables et j'ai constaté


108 REVUE GÉNÉRALE DE BOTANIQUE

qu'elles transpiraient de la même façon lorsqu'elles étaient exposées à l'air libre. La différence entre les deux expériences peut s'expliquer parce que les feuilles de 3 n'ont pas été récoltées sur le même pied que celles de 4. D'ailleurs, ces exemples de différences individuelles ne sont pas rares et montrent combien on doit être prudent dans les généralisations.

En comparant le tableau suivant à ceux relatifs aux expériences faites au soleil, on constate que l'intensité de la transpiration est beaucoup plus grande dans les expériences faites au soleil et à l'ombre.

Poids Durée T° Eau transp. Tr. par Rapp.

Feuilles blanches : h % —

29 juin à 8 h. 15 : gr. gr.

1. - 0,470 3 h. 34° 0,193 13,9 3,7

0,472 » 22° 0,053 3,7

Feuilles panachées : 29 juin à 8 h. 15

2. — 0,708 3 h. 34° 0,605 28,5 5,9

0,779 » 22° 0,115 4,8

Feuilles vertes : 27 juin à 8 h. 15 :

3. — 2,205 2 h. 45 36° 0,642 10,5 2,6

2,125 » 22° 0,236 4,0

27 juin à 8 h. 17 :

4. — 2,635 2 h. 45 36° 0,578 7,9 9,8

2,487 » 22° 0,056 0,8

27 juin à 11 h. 02 :

5. — 2.205 2 h. 45 36° 1,293 21,3 8,1

2,125 » 22° 0,149 2,6

Voyons maintenant, comme nous l'avons fait pour les feuilles de Pelargonium, si l'augmentation de transpiration résultant d'une élévation de température peut à la rigueur être attribuée uniquement à l'élévation de la tension de vapeur d'eau ou s'il est nécessaire de faire intervenir les variations de perméabilité des membranes. En tenant compte des tensions maxima de vapeur, on voit que, dans tous les cas, le rapport des transpirations est supérieur au rapport des tensions maxima de vapeur; on doit en conclure qu'une partie de l'effet produit est dû aux variations de perméabilité.

Les expériences faites avec des feuilles blanches ou vertes de Fusain, d'Erable, de Troène et de Buis, m'ont donné des résultats


DÉGAGEMENT ET RÉTENTION DE VAPEUR D'EAU 109

qui concordent avec ceux des expériences que je viens de décrire; il est donc inutile d'entrer dans de nouveaux détails qui ne modifieraient en rien les conclusions.

Conclusions. — De l'ensemble des expériences comparatives sur la transpiration des feuilles vertes et des feuilles sans chlorophylle, on peut tirer les conclusions suivantes, applicables seulement, bien entendu, aux cas étudiés.

Le passage de la lumière solaire diffuse à la lumière solaire directe élève la transpiration à peu près dans le même rapport pour les feuilles vertes et pour les feuilles sans chlorophylle.

Le passage de l'obscurité à la lumière diffuse élève la transpiration soit dans le même rapport pour les deux sortes de feuilles, soit dans un rapport plus grand pour les feuilles vertes que pour les feuilles blanches.

Une élévation de température, se produisant à l'obscurité et toutes choses égales d'ailleurs, détermine une augmentation de la transpiration en général plus grande chez les feuilles vertes que chez les feuilles sans chlorophylle.

Si l'on compare les feuilles vertes aux feuilles sans chlorophylle, non plus au point de vue des variations de la transpiration, mais au point de vue de la valeur absolue de la transpiration, pour un état donné des conditions extérieures, on voit que, pour le Pelargonium, l'intensité est à peu près la même; pour le Lierre et la plupart des autres plantes, l'intensité, à la lumière solaire directe ou diffuse, est plus grande pour les feuilles vertes que pour les autres ; à l'obscurité ou à la lumière diffuse faible, la transpiration est, au contraire, moins grande pour les feuilles vertes.

L'absence de chlorophylle dans une feuille normalement verte n'entraîne donc pas, dans les exemples étudiés, de changements importants dans la marche de la transpiration considérée dans ses rapports avec la lumière.

Comment alors s'expliquer les expériences de Wiesner où l'on voit la lumière solaire élever la transpiration d'une façon beaucoup plus considérable chez les plantes vertes que chez les plantes étiolées? C'est que, chez les plantes étiolées étudiées par Wiesner, la membrane n'a pas vis-à-vis des agents extérieurs la même sensibilité que les membranes des organes verts. Les feuilles sans chlorophylle que


110 REVUE GÉNÉRALE DE BOTANIQUE

j'ai étudiées ne sont pas dans ce cas; elles se sont développées à la lumière; on pourrait presque dire que ce sont des feuilles vertes où la chlorophylle ne s'est pas formée. Il n'est dès lors pas étonnant qu'elles aient conservé les propriétés ordinaires des feuilles vertes et en particulier la sensibilité des membranes protoplasmiques par rapport à la lumière.

L'élévation considérable de la transpiration sous l'influence de la lumière solaire avait été attribuée à la chlorophylle parce qu'on ne l'avait vu se produire que chez les feuilles vertes. Mais cette élévation se produisant de la même façon dans quelques cas exceptionnels où la chlorophylle manque, il faut bien l'attribuer à une cause qui peut exister chez les feuilles sans chlorophylle. Nous savons que cette cause est l'augmentation de perméabilité des membranes protoplasmiques sous l'influence de la lumière.

En se plaçant au point de vue des adaptations, on peut se demander maintenant pour quelle raison les membranes des cellules vertes sont plus sensibles à la lumière que les membranes des cellules sans chlorophylle. C'est que les cellules vertes, sont le siège d'un échange gazeux intense qui a lieu sous l'influence de la lumière. Il est donc utile à la plante que les membranes deviennent plus perméables où et quand l'assimilation du carbone a lieu, c'est-à-dire dans les cellules vertes et à la lumière. L'inconvénient d'une transpiration plus grande est donc compensé par l'assimilation du carbone rendue plus facile. Les feuilles sans chlorophylle des variétés panachées sont donc, à tous les points de vue, une charge pour les plantes qui les portent.

Les expériences qui précèdent confirment de plus un fait mis en évidence dans la troisième partie de ce travail, c'est que la quantité de vapeur d'eau dégagée par une plante donnée ne dépend pas seulement des conditions extérieures. L'intensité de la transpiration peut diminuer même si la température et l'éclairement augmentent. Ce fait, en contradiction avec la théorie de Wiesner qui fait jouer un rôle essentiel aux radiations absorbées, peut s'expliquer si on admet que la transpiration est réglée par le degré de contraction de la membrane protoplasmique. Après une période de transpiration intense, une très faible diminution du volume des vacuoles détermine une légère contraction de la membrane protoplasmique qui compense et au delà la dilatation due à la température et à l'éclairement.


DÉGAGEMENT ET RÉTENTION DE VAPEUR D'EAU 111

VI. — PLANTES GRASSES

Les plantes grasses présentent un ensemble de caractères morphologiques et physiologiques qui concourent à les adapter à un. climat sec ; un des plus importants, étudié en détail dans un travail d'Aubert [10], est une transpiration très faible. J'ai recherché si le mode d'action de la lumière solaire et de la température sur la transpiration des plantes grasses ne pourrait pas donner quelques indications sur le mécanisme même de la transpiration.

J'ai cru devoir modifier en certains points la technique suivie dans les expériences sur les plantes non grasses. J'ai mesuré la transpiration sur des rameaux qui ne trempent pas dans l'eau par leur base; l'eau évaporée ne peut donc être remplacée par l'eau absorbée. D'après l'expérience décrite à la page 63, une pareille manière de procéder appliquée aux plantes non grasses fausserait les résultats; la diminution de la proportion d'eau dans les tissus ferait cesser la turgescence, contracterait le protoplasma et amènerait une diminution très grande de l'intensité transpiratoire ; l'influence directe des conditions extérieures serait ainsi masquée par une action indirecte.

Il n'en n'est pas de même pour les plantes grasses. On sait que, privées d'eau même pendant plusieurs jours, ces plantes ne se fanent pas et peuvent même continuer à s'accroître. Aubert a admis que la transpiration restait normale lorsque les plantes étaient privées d'eau depuis un temps relativement long.

On peut facilement s'expliquer cette propriété des plantes grasses. Considérons, par exemple, une tige d'Euphorbia Mexicana. On sait que les feuilles manquent et que la tige proprement dite, épaisse et charnue, renferme du parenchyme chlorophyllien. Dans une coupe transversale,on voit une écorce épaisse et cannelée vers l'extérieur ; le parenchyme qui est au-dessous de l'épiderme est formé de petites cellules renfermant d'autant plus de chlorophylle qu'elles sont plus rapprochées de l'épiderme ; les cellules voisines du cylindre central sont plus grandes et de plus en plus pauvres en chlorophylle; la moelle, très large, est formée de grandes cellules incolores et gorgées d'eau.

Si l'on traite une coupe par une dissolution étendue d'éosine, on voit que les cellules incolores de la partie centrale sont immédiatement pénétrées par la matière colorante tandis que les cellules vertes


112 BEVUE GÉNÉRALE DE BOTANIQUE

de la périphérie ne sont pas colorées en rouge. C'est que les cellules vertes ont des membranes semiperméables tandis que les cellules -incolores sont perméables.

On voit la conséquence que l'on peut tirer de ces propriétés au point de vue de la transpiration. Les cellules qui transpirent sont les cellules vertes de la périphérie, en dessous de l'épiderme ; à cause de l'imperméabilité de leur membrane, leur transpiration est très faible. Lorsque, par suite d'une certaine perte d'eau, leur turgescence est devenue inférieure à leur pouvoir osmotique, il se produit un appel d'eau auquel les cellules aqueuses de la moelle peuvent donner satisfaction grâce à leur grande perméabilité. La turgescence des cellules vertes est ainsi maintenue constante, et la transpiration reste normale. Le tissu vert puise de l'eau dans la moelle comme une feuille de Lierre en puise dans le tube où plonge son pétiole. On s'explique d'ailleurs ainsi la faculté qu'ont les plantes, grasses de se contenter d'arrosages très rares et de vivre sur leurs réserves d'eau.

Les feuilles ou les tiges charnues des autres plantes grasses se conduisent, au point de vue qui nous occupe, comme les tiges de l'Euphorbe du Mexique. A la périphérie, au-dessous d'un épiderme à cuticule imperméable, se trouve un tissus vert dont les membranes sont imperméables ou plus exactement semi-perméables; vers le centre est une réserve aqueuse renfermée dans des cellules à membranes perméables et qui maintient la turgescence des cellules vertes.

J'ai vérifié par une expérience directe faite sur des rameaux de Sedum altissimum que la transpiration avait les mêmes caractères dans le cas où l'eau transpirée était remplacée et dans le cas où elle ne l'était pas. Deux rameaux pesant ensemble 4 gr. 682 sont exposés au soleil à sec pendant 2 h. 30 et perdent 1,3 % de leur poids; deux autres rameaux comparables et pesant ensemble 5 gr. 360, exposés au soleil dans les mêmes conditions, mais avec leur partie inférieure trempant dans l'eau, transpirent seulement 1,0 % de leur poids. Dans ce cas, la transpiration est même plus faible lorsque l'absorption est possible. Il n'y a donc pas lieu de craindre que les rameaux laissés à sec soient dans de mauvaises conditions. Il faut d'ailleurs remarquer que les rameaux de plantes grasses maintenus à sec sont dans des conditions plus voisines de leur état ordinaire que ceux qui plongent dans l'eau par leur base.


DEGAGEMENT ET RÉTENTION DE VAPEUR D'EAU

113

EUPHORBIA MEXICANA

J'ai employé des tiges ayant en général de 1 cm. à 1 cm. 5 de diamètre et qui étaient détachées du reste de la plante à une région plus étroite; la plaie était recouverte d'une légère couche de mastic à greffer. Dans les expériences faites au soleil et à l'ombre, les tiges étaient simplement placées sur une planche. Les expériences destinées à montrer l'influence de la température ou de la lumière diffuse étaient faites dans des bocaux renfermant du chlorure de calcium ; les tiges étaient suspendues à la partie supérieure du bocal par un fil fixé au bouchon.

J'ai d'abord fait une série d'expériences comparatives au soleil et à l'ombre en prenant les précautions indiquées dans le chapitre précédent.

Le tableau suivant donne le résultat d'un certain nombre d'expériences faites à des saisons et à des températures différentes. Certaines tiges ont été utilisées plusieurs fois à un où deux jours d'intervalle; entre les deux expériences, elles étaient conservées à la lumière diffuse, la base étant trempée dans l'eau. Les expériences destinées à montrer l'influence de la température ont été faites à une lumière diffuse très faible.

INFLUENCE DE LA LUMIÈRE SOLAIRE :

Poids Durée T° Eau transp. Tr. par Rapp.

30 octobre, 9 h. 20 : — — — _ h. % —

Soleil 2,820 2 h. 23° 0,020 0,35 1,7

Ombre 3,135 » 13° 0,015 0,20

5 novembre, 9 h. :

Soleil 2,479 2 h. 21° 0,043 0,85 1,9

Ombre 2,781 » 15° 0,025 0,43

7 novembre, 9 h. :

Soleil 2,900 2 h. 16° 0 017 0,29 1,7

Ombre 2,891 » 13° 0,010 0,17

11 novembre, 9 h.

Soleil.... 2,250 2 h. 16° 0,042 0,93 2,4

Ombre 2,308 » 12° 0,018 0,38

23 juillet, 8 h. 30 .

Soleil 3,825 2 h. 30 29° 0,035 0,36 2,7

Ombre 4,311 » 24° 0,015 0,13

27 juillet, 1 h. :

Soleil 4,017 1 h. 30° 0,017 0,42 1,9

Ombre 3,695 » 25° 0,008 0,22

31 juillet, 1 h. 40 :

Soleil 5,417 2 h. 35° 0,062 0,57 1,5

Ombre 4,950 » 31° 0,037 0,37

Rev. gén. de Botanique. — XXV. 8.


114 REVUE GÉNÉRALE DE BOTANIQUE

INFLUENCE DE LA LUMIÈRE DIFFUSE :

Poids Durée T° Eau transp. Tr. par Rapp.

8 novembre, 9 h. 30 . — — — — h. % —

Lnmière diffuse 2,725 1 h.50 13° 0,025 0,51 1,08

Obscurité 2,345 » » 0,020 0,47

8 novembre 11 h. 20 :

Lumière diffuse 2,725 3 h. • 17° 0.032 0,39 1,2

Obscurité 2,345 » » 0.023 0,32

11 novembre, 11 h. :

Lumière diffuse 1.972 2 h. 30 20° 0.014 0,28 1,0

Obscurité 2,085 » » 0,015 0,28

INFLUENCE DE LA TEMPÉRATURE :

Poids Durée T° Eau transp. Tr. par Rapp.

4 novembre, 2 h. 50 — — — — h % —

gr. gr.

2,724 2 h. 30 30° 0,049 0,69 2,0

2,422 » 17° 0,020 0,33 - novembre, 11 h. 40 :

2.829 2 h. 30 28° 0,042 0,56 2.0

2,459 » 19° 0,018 0,28 11 novembre, 11 h. :

2,006 2 h.30 28° 0.027 0,53 1,5

1,746 » 21° 0.015 0,34 1er août, 11 b. 20 :

5,902 2 h. 15 33° 0,004 0.47 - 1.5

5,337 » 24° 0,038 0,31

Ces tableaux l'ont ressortir la faiblesse d'ailleurs bien connue de l'intensité transpiratoire des plantes grasses. Il est vrai que lcfail de comparer les transpirations à poids égal fait paraître encore plus faible la transpiration des plantes grasses dont le poids est considérable par rapport à la surface; mais, même à surface égale, la transpiration des plantes grasses est encore bien plus faible que celle des plantes ordinaires. D'ailleurs, c'est la surface des méats plutôt que la surface extérieure qui importe.

Un autre fait, plus important peut-être, qui ressort des tableaux ci-dessus, est le peu d'influence des conditions extérieures. La transpiration est toujours plus forte au soleil qu'à l'ombre, toutes choses égales d'ailleurs ; mais les variations dues à l'insolation directe sont moindres que celles qui proviennent de différences individuelles ou de changements, survenus dans les conditions internes. Ainsi, le


DÉGAGEMENT ET RÉTENTION DE VAPEUR D'EAU 115

30 octobre, la transpiration au soleil est bien moindre que le 5 novembre, bien que la température soit supérieure. La différence est encore plus grande entre les expériences du 7 et du 11 novembre.

On peut se proposer, en faisant le même raisonnement que pour les feuilles de Pclargonium, de rechercher le rôle que joue dans la transpiration de l'Euphorbe, l'élévation de la tension de vapeur d'eau liée à la température. Dans le tableau relatif à l'influence de la température, les rapports des transpirations observées sont 2,0; 2,0; 1.5; 1,5. En ne tenant compte que des tensions maxima de vapeur correspondant aux températures, on aurait : 2,1; 1,7; 1,5; 1,7. Les nombres ne sont pas très différents. On doit donc attribuer l'augmentation de transpiration plutôt à l'action directe de l'élévation de la température qu'à la perméabilité plus grande des membranes.

Si on examine de la même façon le tableau relatif à l'influence de la lumière solaire, on voit qu'une partie seulement de l'augmentation de vapeur d'eau dégagée doit être attribuée à l'action directe de la température, le reste est dû à l'augmentation de perméabilité des membranes sous l'influence de l'insolation; mais, en valeur absolue, l'augmentation de transpiration sous l'influence de la lumière solaire est encore faible.

La lumière diffuse a une influence encore plus faible; et cependant la lumière diffuse employée était intense, les plantes étant placées devant une fenêtre largement éclairée ; on se souvient au contraire que, pour les plantes non grasses, vertes ou sans chlorophylle, la transpiration était toujours beaucoup plus faible à l'obscurité qu'à la lumière.

A un moment donné, une élévation de température ou le passage de la lumière diffuse à la lumière solaire directe augmentent toujours la transpiration; mais si l'on compare deux expériences différentes, on voit que les intensités transpiratoires ne sont pas dans un rapport constant avec les conditions extérieures. Ainsi par exemple, le 8 novembre, la transpiration était plus forte à 13° et à l'obscurité que le 7 novembre à 16° et au soleil.

Il en est fout autrement pour les feuilles vertes ou même poulies feuilles sans chlorophylle des plantes non grasses étudiées dans le chapitre précédent. La transpiration est toujours beaucoup plus intense au soleil qu'à l'obscurité. L'influence de la lumière solaire,


116 REVUE GÉNÉRALE DE BOTANIQUE

plus faible sur la transpiration des plantes grasses vertes que sur la transpiration de certaines plantes sans chlorophylle, montre bien qu'il n'y a pas de relation nécessaire entre les fonctions de la chlorophylle et la transpiration.

CRASSULA TUBERCULOSA

Les expériences sur le Crassula. tuberculosa ont été faites, soit avec un, soit avec deux rameaux portant chacun 6 ou 8 feuilles charnues ; elles donnent lieu aux mêmes remarques que celles qui ont été faites avec des tiges d'Euphorbe. Dans l'expérience du 9 novembre, la transpiration est même un peu plus forte à l'obscurité qu'à la lumière; mais la différence est trop faible pour qu'on puisse en conclure que la lumière retarde la transpiration. Avec d'autres espèces en effet, telles que le Mesembrianthemum incurvum, qui ont donné lieu à des expériences plus.nombreuses, la transpiration est quelquefois un peu plus intense à l'obscurité qu'à la lumière, mais plus souvent moins intense ; dans tous les cas, les écarts sont faibles. Il en résulte que l'influence de la lumière diffuse est très faible et quelquefois inférieure aux variaLions individuelles.

INFLUENCE DE LA LUMIÈRE SOLAIRE :

Poids Durée T° Eau transp. Tr. Rapp.

30 octobre, 9 h. 20 : — — — — par h.% —

gr. gr.

Soleil 6,740 2 h. 24° 0,058 0,48 1,7

Ombre 6,805 » 13° 0,035 0,25

5 novembre, 9 h :

Soleil 6,382 2 h. 21° 0,041 0,32 1,7

Ombre 6 456 » 15° 0,024 0 18

7 novembre, 9 h. :

Soleil 4,726 2 h. 170 0,016 0,16 1,2

Ombre 4,510 » 13" 0,012 0,13

20 juillet, 11 h.:

Soleil 18,930 3 h. 26° 0,070 0,12 2,0

Ombre 16,313 » 23°. 0,034 0,06

23 juillet, 8 h. 20 :

Soleil 17,535 2 h. 30 29° 0,065 0,14 2,0

Ombre 16,084 » 24° 0,031 0.07

23 juillet, 2 h. :

Soleil 16,084 2 h. 30 32° 0,059 0,14 1,4

Ombre 17,535 » 27° 0,047 0,10


DÉGAGEMENT ET RÉTENTION DE VAPEUR D'EAU 117

INFLUENCE DE LA LUMIÈRE DIFFUSE :

Poids Durée T° Eau transp. Tr. Rapp

9 novembre, 9 h.: . — — — — par h. % —

gr. gr.

Lumière diffuse 4,490 2 h. 21° 0,030 0,33 0,97

Obscurité 4,290 » » 0,030 0,34

INFLUENCE DE LA TEMPÉRATURE :

Poids Durée T° Eau transp. Tr.p. h. % Rapp.

4 novembre, 3 h . : — — — — — —

gr. gr.

6,420 2 h. 30 30° 0,063 0,38 2,0

6,480 » 17° 0,030 0,18

6 novembre, 11 h.

6,40.2 2 h. 30 28° 0,035 0,22 1.4

6,312 » 19° 0 024 0,15

8 novembre, 9 h. :

4,617 2 h. 26° 0,035 0.37 1,2

4,410 » 21° 0,028 0,31

Si l'on compare les expériences sur le Crassula à celles faites sur les plantes ordinaires telles que le Lierre, on voit, comme pour l'Euphorbe, que les différences de transpiration entre les feuilles exposées au soleil et celles maintenues à l'obscurité sont très faibles, tandis que pour les plantes ordinaires la différence est très grande. Les conditions extérieures ont très peu d'influence sur la transpiraLion du Crassula tuberculosa.

Les expériences faites sur le Sempervivum Haworthii, le Sempervivum globigerum, le Mesembrianthemum incurvum, le M. capitalum, le M. deltoïdeum, le Sedum altissimum, le S. album, le Stapelia hirsula m'ont donné des résultats tout à fait comparables à ceux qui ont été explicites pour l'Euphorbia Mexicana et le Crassula tuberculosa; il est donc inutile que je donne en détail le résultat de ces expériences qui n'ajouteraient rien de nouveau.

Toutes les plantes dont je me suis servi pour les expériences décrites étaient adaptées à un milieu sec. Lorsque j'ai employé des plantes poussées à l'ombre, la transpiration n'avait plus les mêmes caractères et se rapprochait de la transpiration des plantes ordinaires. On ne peut cependant pas dire que la faible transpiration des plantes étudiées tient au manque d'eau dans leurs tissus; car les figes, avant d'être mises en expérience,


118 REVUE GÉNÉRALE DE BOTANIQUE

étaient trempées dans l'eau par leur base afin d'être saturées. On a vu d'ailleurs dans l'expérience décrite à la page 111 que la faible transpiration des plantes grasses ne peut être attribuée au manque d'eau. L'imperméabilité de la membrane qui réduit la transpiration est en partie un caractère spécifique, en partie un caractère acquis sous l'influence du milieu. Les membranes sont plus perméables chez les plantes grasses poussées à l'ombre en terrain frais que chez celles qui sont habituées à un milieu sec.

Conclusions. — Les conclusions qui découlent des expériences sur les plantes grasses à faible transpiration sont les suivantes :

La lumière a sur la transpiration des plantes grasses une influence bien moindre que sur celle des autres plantes ; l'intensité transpiratoire n'est pas beaucoup plus grande à la lumière solaire directe qu'à la lumière solaire diffuse, elle est à peu près la même à la lumière diffuse qu'à l'obscurité. L'augmentation de transpiration due à une élévation de température sans accroissement de lumière est du même ordre de grandeur que l'augmentation de transpiration due au passage de la lumière diffuse à la lumière solaire; cette dernière augmentation doit donc être attribuée au moins autant à l'élévation de la température qu'à un éclairage plus intense.

L'absorption des radiations lumineuses par la chlorophylle n'a qu'une faible influence sur la transpiration des plantes grasses.

Cette conclusion devient encore plus évidente si on compare les expériences sur les plantes grasses vertes aux expériences sur les feuilles sans chlorophylle des plantes panachées. L'influence de la lumière solaire et de la lumière diffuse est beaucoup plus grande poulies feuilles sans chlorophylle que pour les plantes grasses vertes.

Ces résultats s'expliquent par la très faible perméabilité des membranes protoplasmiques des cellules parenchymateuses qui sont à la périphérie des tiges ou des feuilles charnues. Non seulement ces cellules sont imperméables, mais elles sont très peu sensibles aux influences, extérieures telles que l'éclairement ou la température.


DÉGAGEMENT ET RÉTENTION DE VAPEUR D'EAU 119

RÉSUMÉ ET CONCLUSIONS

L'augmentation de perméabilité des membranes protoplasmiques sous l'influence de la lumière et de la chaleur, déjà démontrée par d'autres moyens, peut être mise en évidence par l'absorption de matières colorantes, telles que l'éosine,qui pénètrent plus rapidement dans les cellules à la lumière et à température élevée qu'à l'obscurité et à basse température. La perméabilité des membranes de cellulose peut également être augmentée par la lumière et la chaleur.

Les circonstances qui tendent à contracter le protoplasma réduisent la transpiration en diminuant la perméabilité de la membrane.

Lorsqu'une cellule, par suite de l'exposition au soleil ou pour toute autre cause, transpire plus qu'elle n'absorbe, la légère contraction du protoplasma qui se produit a pour conséquence une diminution énorme de la transpiration, bien que les conditions extérieures restent les mêmes.

De même, lorsqu'une feuille absorbe un liquide d'un pouvoir osmotique considérable, la tendance à la plasmolyse qui se produit dans les cellules parenchymateuses, détermine une très grande réduction de la transpiration indépendamment des conditions extérieures.

Les anesthésiques provoquent toujours une diminution de la transpiration, aussi bien à la lumière qu'à l'obscurité; si l'action se prolonge, la transpiration augmente et peut, dans certains cas, devenir supérieure à la transpiration dans l'air pur. Sous l'influence de l'anesthésique, le protoplasma s'est d'abord contracté et a diminué sa perméabilité; à cette période de résistance succède un état pathologique dans lequel le protoplasma se relâche et laisse échapper plus de vapeur d'eau. La perméabilité des membranes et l'intensité de la transpiration augmentent ensuite jusqu'à la mort des cellules.

Dans les variétés de plantes panachées où il y a des feuilles complètement blanches, la lumière solaire aussi bien que la lumière diffuse élèvent la transpiration des feuilles sans chlorophylle à peu près dans le même rapport que celle des feuilles vertes. L'absorption des radiations par la chlorophylle ne joue donc pas un rôle exclusif, ni même prépondérant, dans l'élévation de la transpiration sous l'influence de la lumière. Les feuilles vertes et les feuilles sans chlorophylle se con-


120 REVUE GÉNÉRALE DE BOTANIQUE

duisent de la même façon parce que leurs membranes ont. la même sensibilité vis-à-vis de la lumière et de la chaleur.

Les plantes grasses ont une transpiration très faible liée à l'imperméabilité relativement grande de leurs membranes protoplasmiques; de plus, ces membranes sont peu sensibles à l'action de la lumière et de la chaleur de sorte que la transpiration n'est pas beaucoup plus intense au soleil qu'à l'ombre et à la lumière qu'à l'obscurité.

On peut, d'après ce qui précède, se faire uue idée des causes et du mécanisme de la transpiration.

L'élévation de température a sur la transpiration une influence qui peut s'exercer de deux façons :

1° En élevant la tension de vapeur d'eau à la surface des membranes ; c'est là une action purement physique qui s'exerce également dans tous les cas;

2° En augmentant la perméabilité des membranes; c'est une action physiologique variable suivant les propriétés propres des plantes.

La lumière solaire exerce une influence considérable sur la transpiration :

1° En augmentant la perméabilité des membranes; c'est une action physiologique très variable suivant les propriétés propres des plantes et des cellules, et en général beaucoup plus énergique sur les cellules vertes qui assimilent le carbone.

2° En élevant la température des tissus ; il en résulte une plus grande tension de vapeur d'eau et une nouvelle augmentation de la perméabilité des membranes. Cette action, d'un caractère surtout physique, s'exerce principalement sur les cellules vertes.

La chlorophylle n'agit donc que d'une façon indirecte sur la transpiration ; il n'y a aucun rapport nécessaire entre le dégagement de vapeur d'eau et l'assimilation du carbone. L'opinion en vertu de laquelle il existerait une relation essentielle entre la transpiration et l'assimilation du carbone, fonctions de la chlorophylle, dérive du parallélisme ordinaire du dégagement de vapeur d'eau et de l'assimilation du carbone. Les échanges gazeux de l'assimilation rendent nécessaire une certaine perméabilité des membranes et la présence


DÉGAGEMENT ET RÉTENTION DE VAPEUR D'EAU 121

des stomates, circonstances qui rendent inévitable un dégagement relativement intense de vapeur d'eau qui vient s'ajouter au dégagement très faible qui se produit à travers la cuticule.

Il n'est donc pas étonnant que la transpiration ait paru être, comme l'assimilation du carbone, une conséquence de l'action de la lumière sur la chlorophylle. Mais ce n'est là qu'une coïncidence. Comme le montre le cas des plantes panachées, le parallélisme entre l'assimilation du carbone et la transpiration n'est pas constant. On sait d'ailleurs que les principales adaptations des plantes à un climat sec concourent à réduire autant que possible la transpiration sans entraver les échanges gazeux de l'assimilation.

Les circonstances extérieures, si efficaces soient-elles, sont insuffisantes pour expliquer toutes les variations de la transpiration. On sait en effet que, les conditions extérieures restant constantes, la transpiration peut varier énormément et peut même diminuer lorsque les conditions deviennent plus favorables. La connaissance des changements de perméabilité de la membrane rend très claires toutes les particularités de la transpiration.

Une cellule végétale vivante est limitée par une membrane protoplasmique qui ne permet, à cause de sa faible perméabilité, qu'une évaporation très faible à sa surface. Grâce à sa sensibilité, le protoplasma peut se dilater ou se contracter, augmenter ou diminuer sa perméabilité; les causes qui opèrent sur lui sont d'abord, comme nous l'ayons vu, les circonstances extérieures, et puis les conditions intérieures dont nous connaissons quelques-unes, mais dont d'autres nous échappent encore vraisemblablement.

On voit, d'après cela, dans quelle mesure la transpiration des plantes doit être assimilée ou opposée à l'évaporation considérée comme un simple phénomène physique. Etant donné un certain état, supposé invariable, de la membrane vivante, la formation de vapeur d'eau à la surface des cellules est entièrement assimilable à l'évaporation et soumise uniquement aux lois de la physique ; c'est à ce point de vue que s'est placé Renner (12) qui a surtout étudié l'action du vent. Mais l'état de la membrane est constamment modifié par suite des propriétés de la matière vivante; les conditions de la formation de vapeur d'eau varient ainsi indépendamment des agents physico-chimiques et c'est en ce sens que l'on peut dire


122 REVUE GÉNÉRALE DE BOTANIQUE

que la transpiration des plantes est un phénomène physiologique différent de l'évaporation phénomène physique.

La faible perméabilité des membranes protoplasmiques a donc une importance très grande; c'est l'adaptation la plus efficace à la vie dans un milieu relativement sec. Sans la diminution rapide de perméabilité qui se produit dès que les feuilles commencent à se faner, aucune plante ne pourrait résister à un climat sec, on pourrait presque dire à une seule journée de soleil d'été. Un des premiers symptômes de la mort d'une plante est la perte de l'imperméabilité de ses membranes qui entraîne la dessiccation. L'énergie vitale du protoplasma, si l'on peut se permettre cette expression, ne consiste pas à former de la vapeur d'eau et. à la rejeter dans l'atmosphère, mais bien plutôt à retenir l'eau qui a été une fois absorbée. L'évaporation à la surface des cellules est un phénomène physique nuisible, mais inévitable; la rétention de l'eau, au contraire, est une fonction physiologique indispensable à la vie.


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[9] LECLERC DU SABLON. — Sur la signification du dégagement de

vapeur d'eau par les plantes (Rev. gén. de Bol., tome 21, 1909).

[10] AUBERT.— Recherches sur la turgescence et la transpiration des

plantes grasses (Ann. des Sc. nat. Bot., 7e série, tome 16, 1892).

[11] F. E. LLOYD. — The Physiology of stomata (Carnegie Institut.

of Washington, 1908). [12] O. RENNER. — Beiträge zur Physik der Transpiration. (Flora, Bd 100, 1910).


TABLE DES MATIÈRES

Introduction 49

Absorption des radiations par les feuilles ......... 57

Influence de la lumière et de la chaleur sur la perméabilité des

membranes 60

Influence de la plasmolyse sur la perméabilité des membranes 63

Influence des anesthésiques. 68

Feuilles vertes et feuilles sans chlorophylle 73

Pelargonium zonale 77

Hedera Hélix 104

Plantes grasses 111

Résumé et conclusions 119


SUR LA

GERMINATION DES BULBILLES D'UNE IGNAME DU CONGO

Par M. L. RAYBAUD

L'espèce dont nous avons étudié la germination des bulbilles est le Dioscorea sativa L. var. anthropophagorum Chev. On sait que les bulbilles de cette Igname, consommées par les indigènes du Congo, sont volumineuses et peuvent atteindre les dimensions de nos grosses pommes de terre. Dans la salle où nous les avons conservées cet hiver, ces bulbilles sont entrées en germination vers le mois de mai. L'idée nous est venue, à ce moment, d'en placer quelques-unes dans une assiette contenant de l'eau et recouverte d'une cloche en verre. Dans ces nouvelles conditions les tiges se développent beaucoup moins que l'on pourrait s'y attendre, tandis que l'appareil radiculaire, qui, au contraire, est très court dans l'air sec, prend des dimensions considérables. Les racines s'allongent alors en suivant tout d'abord la face supérieure de la bulbille jusqu'à son bord vertical; de là, elles s'éloignent le plus souvent en s'inclinant légèrement vers le sol. C'est à ce moment que peut être constaté le fait qui a attiré notre attention. Les racines, qui possédaient de longs poils absorbants très serrés tant qu'elles rampaient sur la bulbille, en semblent presque dépourvues dès qu'elles en ont dépassé les bords. Il en est de même lorsque, tout en étant toujours au-dessus de la bulbille, la racine franchit l'un des nombreux vallonnements de la surface de cette bulbille. Elle passe comme un pont au-dessus de la sinuosité; et, exactement à ce niveau, les poils manquent. Il y a donc ainsi, sur toute la longueur de la racine, des intervalles plus ou moins longs, sans poils, et chacun de ces intervalles correspond régulièrement à une dépression de la surface du tuber-


126 BEVUE GÉNÉRALE DE BOTANIQUE

cule, c'est-à-dire à un point où la racine ne s'applique pas contre cette surface.

Comme explication de ce fait, faut-il admettre que le développement des poils radicaux est dû à ce qu'ils absorbent des substances de la bulbille et ne se forment que là où ils ont un rôle à jouer, ou bien ce développement est-il. indépendant de toute fonction, et simplement provoqué par l'humidité de la surface du tubercule ? Un nouveau fait d'observation peut déjà nous laisser supposer qu'il ne se produit pas de phénomène d'absorption. En effet, il arrive que, çà et là, certaines racines passent les unes sur les autres, et si la racine placée en-dessus est au contact de celle située au-dessous, elle possède des poils; ce qui, dans l'hypothèse d'une absorption, nous amènerait à* admettre que la plante se parasite elle-même. Ce qui est assez invraisemblable, puisque au delà du tubercule on ne pourra faire aucune constatation analogue. Mais voici ce qui, au surplus, démontre bien qu'il ne peut être question d'absorption. Soulevons ces racines appliquées contre la surface de la bulbille; et, sur leur face inférieure en contact avec le tubercule, les poils manquent. Donc les poils ne se sont formés à ce niveau que latéralement et supérieurement, c'est-à-dire dans les régions où précisément ils ne peuvent jouer leur rôle de cellules d'absorption par rapport au milieu solide et nutritif. Cette face inférieure, fortement aplatie, est brune. Examinée au microscope, elle diffère du reste de la surface par l'absence de poils. L'assise pilifère y est comprimée et semble morte, et c'est l'assise subéreuse qui devient la véritable assise externe, tandis que, latéralement et supérieurement, cette assise subéreuse reste recouverte par l'assise pilifère bien formée avec ses poils absorbants très allongés. Tout cela est bien décidément la preuve que ces poils sont apparus sous une influence du milieu qui ne peut être que l'humidité. Mais encore cette humidité n'est-elle pas celle de l'atmosphère; de plus, il est nécessaire qu'elle ne soit pas trop grande. Ce n'est pas, en effet, l'humidité atmosphérique qui est le facteur à envisager, puisque, dès que la racine quitte la bulbille, elle ne forme plus de poils, l'état hygrométrique restant cependant le même. Il ne faut pas, d'autre part, que l'humidité dépasse une certaine limite, car si, comme nous l'avons fait, on amène la racine à s'allonger dans l'eau, elle se ramifie abondamment, mais sa surface reste nue ou les poils, tout au moins, sont rares et très courts. On


GERMINATION DE BULBILLES D'IGNAME

127

pourrait, il est vrai, penser encore que la bulbille n'influe pas seulement par l'eau qu'elle contient, mais par la substance de ses cellules

en dissolution dans l'eau. Pour répondre à cette objection, nous avons fait les trois expériences suivantes :

FIG. 1. — Racines aériennes d'igname, Dioscorea saliva L. var. anthropophagorum Chev.


128 REVUE GÉNÉRALE DE BOTANIQUE

1° Nous avons vernissé la surface de la bulbille.

2° Nous avons interposé entre cette surface et la racine une bande de papier buvard sec.

3° Nous avons interposé encore cette bande de papier buvard, mais nous l'avons maintenue très humide en en plongeant les deux extrémités dans l'eau.

Sur la région vernissée, aucun poil ne s'est formé en dehors du contact immédiat avec le tubercule. Il en a été de même à la surface du papier buvard sec.

Au contraire, au-dessus du buvard humide, les poils sont apparus sur la racine, et non seulement d'abord dans là région immédiatement en contact, mais sur une certaine longueur en deçà et au delà de cette région.

Il y a donc, entre cette dernière observation et le fait qui se produit quand la racine touche la surface du tubercule, une petite différence, mais qui, précisément, confirme l'explication que maintenant nous pouvons donner.

Puisque les racines forment leurs poils au-dessus du papier humide, il est donc certain que cette formation est due à l'humidité seule, mais pour laquelle il y a, comme toujours, un certain optimum. Et, fait curieux, cet optimum correspond exactement à la teneur en eau de la bulbille. Par contre, l'humidité du papier sera un peu trop forte, car d'une part, les poils au-dessus de ce papier seront plutôt un peu moins abondants qu'au-dessus du tubercule même, et d'autre part, nous voyons ici ces poils se former en deçà et au delà de la région de contact; ce qui n'a pas lieu sur le tubercule.

De même s'explique cet autre fait que lorsque la racine est dans l'eau, mais que certaines parties de ces racines, en ondulant, s'élèvent un peu au-dessus de la surface, ces dernières régions se couvrent de poils.

En résumé, la formation des poils radicaux chez les racines de ces bulbilles de Dioscorea sativa L. var. anthropophagorum Chev. ne correspond pas nécessairement à une région déterminée; elle est nettement en rapport avec l'humidité du substratum, ou, plus exactement, avec une certaine quantité d'eau fournie à la racine par ce substratum. L'humidité de l'air ne provoque pas cette formation; et il se trouve que cet optimum d'humidité correspond justement à la quantité d'eau que la bulbille même peut fournir aux racines appliquées étroitement contre sa surface.


GERMINATION DE BULBILLES D'IGNAME 129

Quant à l'humidité atmosphérique, si elle ne permet pas la formation abondante de ces poils, elle détermine, par contre, un développement très grand des racines mêmes. Nous l'avons vu, puisque les racines que nous avons étudiées, ne se seraient pas allongées dans l'air ordinaire, mais, en outre, ajoutons que sous nos cloches, en même temps que s'accroissent les racines de la base, des racines adventives apparaissent (fig. 1) à divers niveaux de la tige. Ces racines adventives sont généralement par quatre aux aisselles des feuilles et disposées en croix; en réalité, elles appartiennent au jeune bourgeon axillaire qui deviendra plus tard la bulbille, et elles sont, par conséquent, tout à fait comparables à celles de la base, puisque celles-ci sont nées sur la bulbille, tout à fait développée, de l'année précédente. Mais il est encore très curieux de voir l'humidité provoquer ainsi l'apparition anticipée des racines appartenant à des bulbilles qui sont elles-mêmes encore à l'état de bourgeon.

Dans les conditions ordinaires, c'est-à-dire à l'air libre, ces racines ne se forment pas. Nous n'en avons du moins jamais vu sur des cultures de cette igname que nous faisons, à Marseille, depuis plusieurs années.

Revue gén. de Botanique. — XVI.


INFLUENCE DE L'ÉCLAIREMENT SUR LA FORMATION DES GRAINES ET SUR LEUR POUVOIR GERMINATIF

par M. Raoul COMBES

Dans ses recherches physiologiques sur la fleur, Curtel (1) a été amené à faire quelques observations relatives à l'influence de l'éclairement sur la formation des graines. Ayant cultivé un certain nombre d'espèces végétales, d'une part, à la lumière solaire directe, d'autre part, à une lumière diffuse qu'il estime cinq à six fois moins intense que la précédente, l'auteur constate, chez les individus développés à la lumière diffuse, en outre d'une infériorité dans le nombre des fleurs, dans le nombre et le volume des fruits, une infériorité dans le nombre des graines produites par chaque plante, et dans le poids de chacune de ces graines. Les données numériques qui sont indiquées par Curtel pour ce qui concerne le poids des graines ne portent que sur le Pisum sativum var. nanum ; sur les individus développés à la lumière solaire directe, le poids moyen d'une graine était de 0 gr. 478; sur les individus développés à l'ombre, ce poids était de 0 gr. 466. De ses expériences faites à deux intensités lumineuses différentes, Curtel conclut que la diminution de l'éclairement a pour résultat une diminution dans le poids des graines.

Lubimenko (2), en 1910, expose les résultats de recherches qu'il fit dans le but d'étudier l'influence de la lumière sur le développement des fruits et des graines; mais tandis que Curtel n'employait que deux intensités lumineuses et les faisait agir sur toute la partie

(1) G. Curtel : Rechefches pnysiologiques sur la fleur (Annales des Scienees naturelles, Série VI, T. XV, pages 221-308, 1898).

(2) W. Lubimenko : Influence de la lumière sur le développement des fruits et des graines chez les végétaux supérieurs (Revue générale de Botanique, T. XXII, p. 145, 1910).


INFLUENCE DE L'ÉCLAIREMENT SUR LA FORMATION DES GRAINES 131

aérienne des plantes mises en expérience, Lubimenko emploie quatre intensités lumineuses différentes et les fait agir sur les fruits seulement, tout le reste de l'appareil aérien des plantes restant exposé à la lumière solaire totale. La technique de Lubimenko consiste à cultiver en pleine lumière des plantes appartenant à des espèces diverses : Syringa vulgaris, Ribes rubrum, Ampelopsis hederacea, Prunus Cerasus, Pirus communis, Pirus Malus, Colutea arborescens, Pisum sativum, Vitis vinifera, Triticum vulgare, Sorbus Aucuparia, Sorbus Aria; sur certains individus, les fruits se développent, comme tout le reste de l'appareil aérien, à la lumière solaire totale ; sur d'autres, les fruits sont enfermés dans des sacs d'étoffe blanche simple ou doublée d'une couche ou de deux couches de papier blanc, ou bien dans des sacs d'étoffe noire simple ou doublée de papier noir. Dans ces conditions, les fruits se développent à des intensités lumineuses diverses tandis que tout le reste de l'appareil aérien des plantes en expérience se trouve exposé à la lumière solaire directe. Les résultats obtenus par Lubimenko dans ses expériences peuvent se résumer de la manière suivante :

Lorsque des inflorescences sont enfermées, avant la pollinisation des fleurs, dans des sacs complètement obscurs, il ne se constitue pas de fruits normaux.

Le nombre des fruits normaux est très faible sur les individus dont les inflorescences ont été enfermées dans les sacs obscurs immédiatement après la fécondation des fleurs.

Quand on n'enferme les inflorescences que quelque temps après la fécondation des fleurs, les fruits se forment sensiblement en même nombre que sur les inflorescences laissées en pleine lumière, mais la quantité de graines se trouvant dans chaque fruit développé à l'obscurité est plus faible, et, de plus, le poids des fruits et celui des graines qu'ils renferment sont également moins élevés.

Des fruits ont été enfermés, quelque temps après le début de leur formation, dans des sacs réalisant non plus l'obscurité complète, mais des éclairements d'intensité différente. Il a été constaté, au moment de la récolte, que les fruits qui avaient le poids sec maximum n'étaient pas ceux qui s'étaient développés à la lumière solaire totale, mais ceux qui avaient été exposés à une lumière moins intense et différant d'ailleurs suivant les espèces. Chez toutes les plantes, excepté chez le Pisum sativum, le poids sec maximum,


132 REVUE GÉNÉRALE DE BOTANIQUE

soit de l'ensemble des graines contenues dans un nombre déterminé de fruits, soit des péricarpes, se trouvait dans les fruits développés à la lumière solaire atténuée, et plus ou moins atténuée suivant les plantes. L'auteur ne donne pas d'indications sur le poids moyen d'une graine formée dans ces fruits.

Dans mes recherches relatives à la détermination des intensités lumineuses optima pour le développement des végétaux (1), j'ai constaté que, lorsqu'on fait développer des plantes (Triticum vulgare. Raphanus sativus, Pisum sativum) à des intensités lumineuses diverses, ce sont les individus cultivés à la lumière solaire directe qui produisent les fruits et les graines les plus nombreux et représentant la quantité de substance sèche la plus élevée.

Il faut remarquer que dans mes expériences, comme dans celles de Curtel, l'appareil aérien des plantes était soumis en entier aux éclairements divers, on ne. peut donc comparer les résultats de ces recherches à ceux obtenus au cours des expériences de Lubimenko, dans lesquelles les fruits seuls étaient exposés aux différentes intensités lumineuses, tout le reste de l'appareil aérien recevant la lumière solaire totale. Je ne donnais, dans mon Mémoire, aucun renseignement relatif au poids moyen des graines formées sous les divers éclairements.

Pour ce qui est relatif à l'influence de l'intensité lumineuse sur la formation des graines, on peut donc déduire de cet ensemble de recherches, les conclusions suivantes :

1° Lorsque des plantes se développent à des intensités lumineuses différentes (l'éclairement solaire représentant l'intensité maxima parmi celles qui sont employées) : le nombre de graines formées sur chaque plante atteint son maximum chez les individus cultivés à l'éclairement le plus intense (Curtel, Combes) ; le poids sec total des graines formées sur chaque plante atteint également son maximum chez les individus cultivés à cet éclairement (Curtel, Combes); le poids sec moyen de chacune des graines formées sur les plantes étudiées atteint, lui aussi, son maximum à ce même éclairement (Curtel).

2° Lorsque des plantes se développent à la lumière solaire totale,

(1) R. Combes : Détermination des intensités lumineuses optima pour les végétaux aux divers stades du développement (Annales des Sciences naturelles, Botanique, 9e sér., Tome XI, p. 75, 1910).


INFLUENCE DE L'ÉCLAIREMENT SUR LA FORMATION DES GRAINES 133

et que les fruits seuls sont exposés à des intensités lumineuses différentes, le poids sec des graines formées dans un nombre déterminé de fruits atteint son maximum chez les fruits développés à la lumière solaire atténuée (Lubimenko).

J'ai été amené, au cours de ces dernières années, à constater des différences assez sensibles dans le volume et dans le poids des graines récoltées sur des plantes développées à divers éclairements. Ces différences ne se présentant pas dans le sens qui a été indiqué par Curtel, j'ai entrepris de rechercher, sur plusieurs espèces végétales, comment variait le poids moyen des graines suivant que les individus portegraines sont cultivés à une lumière plus ou moins intense.

Les expériences ont porté sur les espèces suivantes : Cannabis sativa, Saponaria officinalis, Sinapis arvensis, Amarantus retroflexus et Chenopodium album..

Ces plantes ont été cultivées sous les cinq éclairements différents réalisés au moyen des appareils qui m'ont servi déjà dans des recherches antérieures (1). Les semis ont été faits avec des graines qui avaient été récoltées l'année précédente sur des plantes développées à la lumière solaire directe.

Je rappelle que si l'on désigne par (5, la quantité de lumière qui parvient aux plantes développées à l'éclairement le plus intense dont je disposais, c'est-à-dire à la lumière solaire directe, et par oc la quantité de lumière qui est absorbée par une lame de verre de 5 mm. d'épaisseur et exposée à cette même solaire directe, on peut représenter de la manière suivante les cinq éclairements sous lesquels les cultures ont été faites :

Eclairement I (3—56 «

Eclairement II [3—22 a

Eclairement III fj—16 a

Eclairement IV (E— 2 a

Eclairement V p

E. Rosé a récemment déterminé, au moyen de la méthode de Wiesner, les différences existant entre les éclairements réalisés sous

(1) R. Combes. Loc. cit.


134 REVUE GÉNÉRALE DE BOTANIQUE

les divers appareils dont je viens de parler. Je dois à son obligeance de pouvoir reproduire ici les résultats de ces déterminations quoique les recherches auxquelles elles ont servi n'aient pas encore été publiées.

Si on représente par l'unité, l'éclairement solaire direct à un moment donné, les éclairements produits sous les divers appareils peuvent être représentés de la manière suivante : Eclairement I 1/9

Eclairement II 1/3

Eclairement III 1/2 Eclairement IV 3/4

Eclairement VI

Les semis ont été faits le 14 avril 1911, et les plantes se sont développées pendant les mois d'avril, mai, juin, juillet, août et septembre.

On sait que la moyenne de l'éclairement a été extrêmement élevée au cours de cette année 1911, la valeur de p a été par conséquent particulièrement grande pendant toute la durée des expériences, et il convient de tenir compte de ce fait dans l'interprétation des résultats obtenus.

Lorsque sur les différentes espèces cultivées, les graines furent parvenues à complète maturation, les plantes furent récoltées, les graines séparées, et mises à sécher à l'air.

Après un mois de dessiccation à l'air, le poids moyen des graines formées sur les différentes espèces de plantes développées aux divers éclairements fut déterminé. De manière à annuler les différences dues aux variations individuelles, toutes les pesées ont porté sur 1.000 graines prises dans chaque lot de graines récoltées sur une espèce donnée, cultivée à l'un des cinq éclairements. Dans chaque lot, avant de séparer les 1.000 graines, les très petites graines mal constituées ont été enlevées; ces graines mal formées étaient d'autant plus abondantes que les lots provenaient d'éclairements plus faibles. Enfin, pour avoir une idée des différences de poids qui peuvent exister entre les graines d'une même espèce cultivée à un même éclairement, c'est-à-dire pour faire, dans une certaine mesure, la part de la variation individuelle, chaque lot de 1.000 graines fut divisé en 10 lots de 100, et chacun de ces derniers fut pesé séparément.

Les résultats obtenus sont réunis dans le tableau ci-dessous :


POIDS POIDS POIDS de chacun des lots de 100 semences résultant de la division VARIATIONS DE POIDS

de moyen du lot de 1000 semences en 10 parties constatées dans les

SEMENCES 1000 d'une

semences semence ler lot 2e lot 3e lot 4e lot 5elot 6e lot 7e lot 8e lot 9e lot 10° lot mème éclairement(6)

Cannabis I (2) » 0,0202 » » » » » » » » » » »

sativa (1) II (3) » 0,0221 2,217 2.236 2,228 2,278 2.134 2,137 » » » » de 0,0213 à 0,0227

» III 20.407 0,0204 2.030 2,027 2,003 2,063 11994 2,039 2.064 1,989 2.058 2,120 de 0,0198 à 0,0212

» IV 17,841 0,0178 1,790 1,780 1,796 1,773 1,747 1,793 1,813 1,806 1,748 1,791 de 0,0174 à 0,0181

» V 16,373 0,0166 1,633 1,633 1,633 1,631 1,667 1,681 1,662 1,677 1,674 1,642 de 0,0163 à 0,0168

Saponaria III 1,871 0,00187 0,190 0.182 0,186 0,190 0,186 0,190 0,187 0,192 0.181 0,187 de 0,0018 à 0,0019

officinatis IV 1,834 0,00183 0,190 0,180 0.182 0,187 0,183 0,186 0,184 0,185 0&73 0,184 de 0,0017 à 0.0019

» V 1,597 0,00160 0,158 0,163 0,163 0,163 0,155 0,138 0,161 0,153 0,164 0,135 de 0,0015 à 0,0016

Sinapis IV 2,194 0,00219 0,215 0,223 0.219 0,216 0,213 0,220 0,213 0,216 0,231 0,228 de 0,0021 à 0,0023

arvenxis (4) V 1,578 0,00158 0,143 0,155 0,164 0,138 0,162 0,164 0,152 0,104 0,159 0,133 de 0,00l4 à 0,0016

Àmarantus II 0,348 0,000348 0,0350 0,0330 0,0360 0,0350 0,0340 0,0360 0,0330 0,0340 0,0340 0.0340 de 0,00034 à 0,00036

retroflexus III 0.443 0,000443 0,0430 0,0460 0.0436 0,0448 0,0440 0,0440 0,0440 0,0446 0,0440 0,0436 de 0,00043 à 0,00046

» IV 0,447 0,000447 0.0450 0,0442 0,0460 0,0450 0,0450 0,0430 0.0430 0,0440 0.0128 0,0436 de 0,00042 a 0,00046

» V 0,422 0,000422 0,0410 0,0110 0,0420 0,0430 0,0420 0,0400 0,0140 0,0420 0,0430 0,0440 de 0,00040 à 0,00044

Chenopodium II (3) » 0,000752 » » » » » » » » » » »

» album III 0,696 0,000696 0,0693 0,0697 0,0703 0,0701 0.0686 0,0690 0.0698 0,0709 0,0700 0,0682 de 0,00068 à 0,00070

» IV 0,680 0,000680 0,0672 0,0690 0,0668 0,0679 0,0690 0.0373 0,0677 0,0678 0,0688 0,0688 de 0,00066 à 0,00069

» V 0,671 0.000671 0,0680 0,0644 0,0680 0,0654 0,0670 0,0661 0,0680 0,0679 0.0679 0,0681 de 0,00064 à 0,00068

(1) Pour le Cannabis, les graines n'ont pas été isolées des akènes ; les chiffres indiqués se rapportent aux akènes et non aux graines. Pour toutes les autres espèces étudiées, les déterminations se rapportent aux graines.

(2) A l'éclairement I, il est tout à fait exceptionnel que le Cannabis produise des fruits ; sur environ 1000 plantules qui se développèrent à cet éclairement, deux pieds seulement parvinrent à produire des akènes, l'un on produisit deux, et l'autre un seul. Ces semences pesaient : l'une 0 gr. 0210, une autre 0 gr. 0188 et la troisième 0 gr. 0208, ce qui donne comme poids moyen d'une semence, 0 gr. 0202.

(3) A l'éclairement II, le Cannabis fructifie généralement, mais le nombre des fruits se formant sur chaque pied est très peu élevé ; 600 semences seulement ont pu être récoltées à cet éclairement.

(4) Le Sinapis arvensis a été cultivé seulement aux éclairements IV et V.

(5) A l'éclairement II, le Chenopodium album forme peu de graines ; 140 graines seulement ont pu être récoltées sur les individus développés à cet éclairement. Ces 140 graines ont été divisées en deux lots comprenant : l'un 100 graines, pesant 0 gr. 0744, l'autre 40 graines, pesant 0 gr. 0309.

(6) Pour déterminer d'une manière précise les limites entre lesquelles peut varier le poids des graines d'une même espèce cu ltivée à un éclairement donné, il eut fallu peser séparément chacune des graines constituant chaque lot de 1000 graines. Or, nous n'avons pesé séparément que des groupes de 100 graines, nous ne pouvons donc pas préciser les limites de variation, mais les résultats obtenus dans ces mesures peuvent cependant nous donner une idée de cette variation.


136

REVUE GENERALE DE BOTANIQUE

Toutes les pesées dont les résultats sont réunis dans ce tableau ont porté sur des semences séchées à l'air. On sait que les semences provenant de plantes développées à des éclairements différents contiennent, lorsqu'elles viennent d'être récoltées, des proportions d'eau différentes, on pourrait donc penser que, malgré la longue dessiccation à l'air que chaque lot de semences a subie, une quantité d'eau différente est restée dans les divers lots et que les différences mises en évidence dans le tableau précédent peuvent être rapportées au moins en partie à cette cause. Il était donc nécessaire de déterminer le poids de la substance sèche contenue dans les semences. Après avoir fait les pesées dont il vient d'être question sur des semences simplement séchées à l'air, parmi les dix lots de 100 semences provenant de la division de chaque lot de 1.000 semences, cinq turent réunis et chacun de ces lots de 500 semences fut desséché à l'étuve à 105°, jusqu'à ce que son poids devint constant; la pesée de la substance sèche contenue dans chaque lot de 500 semences fut alors faite. Les résultats obtenus sont réunis dans le tableau suivant :

ÉCLAIREMENT POIDS POIDS MOYEN

de la de la auquel SEMENCES substance sèche substance sèche

les semences

contenue dans contenue dans

se sont formées 500 semences une semence

Cannabis saliva. ... I (1) » 0,0176

» II 9,964 0,0199

» III 9,361 0,0187

» IV 8,034 0,0161

» V 7,307 0,0146

Saponaria officinalis . III 0,811 0,00162

» IV 0,785 0,00137

» V 0,673 0,00135

Sinapis arvensis. ... IV 0,994 0,00199

» V 0,707 0,00141

Amarantus retroflexus. II 0,151 0,000303

» III 0,188 0,000376

» IV 0,190 0,000380

» V 0,176 0,000332

Chenopodium album » Il (2) » 0,000630

» III 0,297 0,000594

» IV 0,289 0,000578

» V 0,285 0,000570

(1) Le poids de la substance sèche contenue dans les trois semences de Cannabis récoltées à l'éclairement I était 0 gr. 053.

(2) Le poids de la substance sèche contenue dans 70 graines de Chenopodium récoltées à l'éclairement II était 0 gr. 0441.


INFLUENCE DE L'ÉCLAIREMENT SUR LA FORMATION DES GRAINES 137

On peut résumer de la manière suivante les résultats réunis dans les deux tableaux ci-dessus.

Les plantes sur lesquelles ont porté les expériences, cultivées à des éclairements différents représentés ici par 1/9, 1/3, 1/2, 3/4 de la lumière solaire directe, et par la lumière solaire directe elle-même, forment, ainsi que je l'ai montré antérieurement, des quantités de fruits et de graines qui sont d'autant plus grandes que l'éclairement auquel les plantes se sont développées est plus intense. Mais si le nombre total et le poids total des graines formées sur chaque individu atteignent un maximum à la lumière solaire directe, il n'en n'est pas de même du volume et du poids de chaque graine considérée isolément. En d'autres termes, si c'est à la lumière solaire directe que les plantes forment le plus grand nombre de graines, et si c'est à cet éclairement que le poids de l'ensemble des graines formées sur chaque individu atteint son maximum, ce n'est pas à cette intensité lumineuse que le volume et le poids de chacune des graines formées atteignent leur maximum.

Que l'on considère les résultats obtenus avec les graines séchées à l'étuve à 105°, ou ceux obtenus avec les graines séchées simplement à l'air, on voit dans les deux cas que ces graines ne présentent jamais leur poids maximum lorsqu'elles proviennent de plantes cultivées à la lumière solaire directe.

Pour l'Amarantus retroflexus, ce sont les individus cultivés à l'éclairement IV (3/4 de la lumière solaire directe) qui fournissent les plus grosses graines. Il en est de même pour le Sinapis arvensis, mais, pour cette dernière espèce, l'optimum de poids n'a pu être déterminé car la plante n'a été cultivée qu'aux éclairements IV et V, peut-être les graines formées sur des individus cultivés en III ou même en II auraient-elles été plus pesantes. L'optimum de poids des graines se trouve, pour le Saponaria officinalis, chez les plantes cultivées à l'éclairement III (1/2 de la lumière solaire directe); en II, cette plante n'a pas donné de graines ; en I, elle ne se développe pas. Enfin, l'optimum de poids des graines correspond à un éclairement plus faible encore pour le Cannabis saliva et le Chenop dium album ; il se trouve chez les plantes développées à l'éclairement II, c'est-à-dire à une intensité lumineuse égale au 1/3 de la lumière solaire.


138

REVUE GENERALE DE BOTANIQUE

La détermination du pouvoir germinatif, c'est-à-dire de la proportion des graines ayant la faculté germinative, a été faite sur les divers lots de semences de Cannabis, d'Amarantus et de Chenopodium. Deux séries de 100 semences provenant de chacun de ces lots ont été immergées dans l'eau pendant douze heures et semées, l'une de ces séries sur du papier à filtrer humide, l'autre sur du sable humide Le tout a été maintenu à une température variant entre 25 et 27°. Les proportions de graines germées dans les divers lots ont été les suivantes :

ECLAIREMENT NOMBRE DE SEMENCES GERMÉES

auquel sur 100 qui ont été semées

SEMENCES les semences

se sont formées Sur papier humide Sur sable humide

Cannabis sativa. ... II » (1) »

» III 100 100

» IV 99 99

» V 90 96

Amarantus rétroflexus. II 99 99

» III 97 100

» IV 99 100

» V 99 100

Chenopoaium album . II » (2) »

» III 92 97

» IV 90 86

» V 75 69

Les graines d'Amarantus germent également bien, quel que soit l'éclairement auquel elles se sont formées.

Quant aux graines de Cannabis et de Chenopodium, il semble bien que celles qui se sont constituées à un éclairement très intense ne soient pas celles qui aient le pouvoir germinatif maximum.

(1) Il n'a été possible de semer que des séries de 30 akènes de Cannabis formés sur des individus développés à l'éclairement II ; sur les 60 akènes semés les uns sur papier humide, les autres sur sable humide, tous ont germé.

(2) Il n'a été possible de semer que des séries de 10 graines de Chenopodium formées sur des individus développés à l'éclairement II; sur les 10 graines semées sur papier humide, 7 ont germé, sur les 10 graines semées sur sable humide, toutes ont germé.


INFLUENCE DE L'ÉCLAIREMENT SUR LA FORMATION DES GRAINES 139

Les différences sont assez faibles pour le Cannabis, mais cependant elles sont de même ordre dans les germinations faites sur papier humide et dans celles faites sur sable humide. Les graines qui ont le pouvoir germinatif le plus élevé (la totalité des graines semées germant) sont celles qui proviennent d'individus développés à une lumière relativement faible, représentée par l'éclairement III. Les essais faits sur quelques semences provenant de l'éclairement II tendraient à montrer que le pouvoir germinatif de ces semences est aussi élevé que celui des semences de l'éclairement III, mais on ne peut tirer de conclusions définitives de ces résultats, le nombre des semences (60) mises en expériences étant trop faible.

Les différences de pouvoir germinatif sont beaucoup plus sensibles dans les lots de graines de Chenopodium. La proportion de graines germées est beaucoup plus élevée dans les lots provenant de l'éclairement III que dans ceux provenant de l'éclairement V ; ici non plus on ne peut tenir compte des résultats obtenus dans les essais effectués avec quelques graines (20 seulement) provenant de l'éclairement II.

On peut tirer de ces expériences les conclusions suivantes : Lorsqu'on fait développer diverses espèces végétales (1) à des intensités lumineuses différentes variant entre l'intensité de la lumière solaire directe et le 1/9 de cette intensité, on constate, en considérant des individus développés à des intensités lumineuses de plus en plus faibles, que :

1° Tandis que le nombre total des fruits formés sur un individu et par conséquent le nombre total des graines diminuent progressivement, que le nombre des graines contenues dans chaque fruit diminue également, et enfin que la proportion de graines mal formées augmente dans chaque fruit, le volume et le poids des bonnes graines subit une augmentation, passe par un optimum, et diminue ensuite à mesure que l'éclairement devient plus faible.

2° La proportion des graines ayant leur pouvoir germinatif

(1) Les espèces sur lesquelles ont porté les expériences ont été prises tout à fait au hasard, il y a lieu de penser qu'un grand nombre d'autres donneraient des résultats analogues.


140 REVUE GÉNÉRALE DE BOTANIQUE

semble également passer par un optimum, et diminuer ensuite; cet optimum correspond sensiblement à la même intensité lumineuse que l'optimum précédent.

J'ai rappelé plus haut que Curtel, opérant avec deux intensités lumineuses différentes, avait conclu de ses recherches que c'est à la lumière solaire totale que les graines acquièrent leur poids sec le plus élevé. Les différences qui existent entre les conclusions formulées par Curtel et celles qui se dégagent des expériences dont je viens d'exposer les résultats, sont dues à ce que Curtel n'opérait qu'avec deux éclairements d'intensités très différentes l'une de l'autre, tandis que mes expériences ont été faites avec cinq éclairements gradués. Il est probable que si Curtel avait réalisé des éclairements d'intensités intermédiaires entre les deux intensités qu'il a employées, il aurait constaté que, si les graines des plantes cultivées à son éclairement Le plus faible ont un poids inférieur à celui des graines provenant d'individus développés à la lumière solaire totale, celles qui sont produites par des individus cultivés à la lumière solaire modérément atténuée sont celles qui acquièrent le poids sec maximum.

Ces indications relatives à l'influence dé l'éclairement sur la formation des graines pourraient peut-être présenter un certain intérêt pratique au point de vue horticole. Le fait que l'emploi de la lumière solaire plus ou moins atténuée permet d'obtenir des graines plus grosses et présentant un pouvoir germinatif plus élevé serait susceptible d'être mis à profit dans la culture des porte-graines de plantes dont les semences germent généralement mal et en particulier d'un grand nombre de plantes cultivées pour leurs fleurs.

Il est évident que ce qu'il importe surtout de considérer dans l'étude de l'influence de la lumière sur les végétaux ou dans l'application pratique des résultats obtenus dans cette étude, c'est la quantité absolue de lumière reçue par les plantes en culture. J'ai fait remarquer plus haut que l'intensité de la lumière solaire directe avait été particulièrement élevée dans la région de Fontainebleau pendant l'année 1911. Les quantités de lumière reçues par les plantes cultivées à la lumière solaire directe et sous mes éclairements IV, III, II, I, représentant respectivement 3/4, 1/2, 1/3, 1/9 de cette lumière solaire directe, ont donc été plus élevés qu'ils ne l'auraient été pendant une année normale ou dans une région moins ensoleillée. Les graines présentant le poids sec maximum


INFLUENCE DE L'ÉCLAIREMENT SUR LA FORMATION DES GRAINES 141

ont donc été obtenues à la lumière solaire ayant subi une atténuation beaucoup plus grande que celle qui eut été nécessaire dans une année normale ou dans une région moins ensoleillée.

Dans l'application pratique des résultats que je viens d'exposer à la culture des porte-graines, il serait donc tout à l'ait indispensable de tenir compte en premier lieu de la quantité de lumière solaire directe éclairant, pendant la durée des cultures, la région où les plantes se développent, et, en se basant sur cette quantité, de déterminer le degré d'atténuation qui est nécessaire.

Il y aurait lieu de rechercher d'autre part si, pour obtenir des graines de poids maximum, l'emploi de la lumière solaire plus ou moins atténuée doit être fait pendant toute la durée du développement des plantes ou seulement pendant une certaine partie de la période végétative.


NOTES BIBLIOGRAPHIQUES

V. GRÉGOIRE : Les phénomènes de la métaphase et de l'anaphase dans la caryocinèse somatique à propos d'une interprétation nouvelle

(Annales Soc. Scient, de Bruxelles, T. XXXVI, 15 avril 1912).

Dans cette étude, GRÉGOIRE réfute l'interprétation de DEHORNE sur les phénomènes de la métaphase et de l'anaphase somatiques basée sur des observations faites sur l'Allium cepa et la Salamandre (1). L'Allium cepa présente à la métaphase 16 chromosomes divisés longitudinalement, couchés plus ou moins irrégulièrement le long du fuseau, parallèlement à son grand axe. D'après DEHORNE, les 2 moitiés de chacun de ces chromosomes ne se sépareraient pas suivant le schéma normal pour se diriger, l'une vers un pôle, et l'autre vers le pôle opposé, mais dans chaque chromosome les moitiés ou « moitiés primaires» restent côte à côte et l'ensemble se sépare en deux groupes dont l'un se rend vers un pôle et l'autre vers l'autre. Les moitiés primaires deviennent, durant l'anaphase, plus ou moins indépendantes et, parvenues au pôle, elles vont subir une bipartion longitudinale que DEHORNE appelle la « subdivision » et qui donne naissance à des «moitiés secondaires». A la prophase suivante, les 16 chromosomes bipartis de la télophase précédente accentuent leur fente de « subdivision » et l'on a 16 chromosomes métaphasiques constitués de 2 moitiés longitudinales. De son interprétation, DEHORNE conclut que le vrai nombre des chromosomes somatiques d'une espèce donnée n'est pas marqué par le nombre des chromosomes bipartis de la métaphase, mais par la moitié de ce nombre. Dans l'Allium Cepa, le nombre des chromosomes somatiques serait donc de 8 et non de 16. Il étend cette interprétation, qui renverse toutes nos connaissances actuelles sur la cinèse somatique, à tous les organismes ; seul

l'Ascaris megalocephala ferait exception.

GRÉGOIRE a repris l'étude, avec une sériation minutieuse, de la métaphase et de l'anaphase somatique chez le Galtonia candicans, le Trillium grandiflorum et l'Allium Cepa.

Chez le Galtonia, il est certain que les 16 chromosomes bipartis de

(1) Recherches sur la division de la cellule — I : Le duplicisme constant du chromosome somatique chez Salamandra maculosa Laur. et Allium Cepa L., in Arch. f. Zellforsch., VI (1911).


143 NOTES BIBLIOGRAPHIQUES .

la métaphase, après s'être rangés en une plaque équatoriale, se dissocient à l'anaphase suivant le mode connu en leurs moitiés longitunales ; celles-ci représentent donc bien les chromosomes-filles de la cinèse envisagée et les 16 chromosomes bipartis de la métaphase les 16 chromosomes-mères ; le nombre normal est donc bien indiqué par lé nombre des chromosomes bipartis de la métaphase.

Les conclusions du cytologiste de Louvain sont les mêmes pour le Trillium et l'Allium Cepa. Chez ceux-ci les chromosomes sont très longs et ne peuvent se coucher perpendiculairement à l'axe du fuseau, mais tous se disposent très nettement, au moins par une partie de leur longueur, en un unique plan équatorial, pour y superposer, l'une à l'autre, leurs moitiés. Les chromosomes anaphasiques ne montrent aucune division longitudinale, mais il peut arriver, lors du tassement polaire, que deux bras d'un chromosome en V ou deux chromosomes voisins soient si rapprochés que l'on croirait voir un appariement.

GRÉGOIRE aidé de ses élèves, a vérifié l'ancienne interprétation dans bon nombre d'espèces appartenant à des groupes divers et il n'hésite pas à conclure « que la théorie de DEHORNE ne s'applique à aucune des plantes où les phénomènes caryocinétiques se déroulent sous les aspects habituels et qu'elles obéissent toutes au schéma classique. »

R. DE LlTARDIÈRE.

Physiologie végétale, par W. PFEFFER, Professeur à l'Université de Leipzig. Traduit de l'allemand d'après la dernière édition par Jean Friedel, Docteur ès Sciences (1).

Le second volume de la traduction du traité classique Physiologie végétale, par le Professeur W. Pfeffer, vient de paraître, et complète ainsi la publication de l'ouvrage pour les lecteurs français.

Rappelons que le premier volume de ce traité renferme tout ce qui a trait aux échanges de substances dans la plante : circulation et transpiration, assimilation des éléments organiques et minéraux, respiration et fermentation, circulation de matières dans la plante. Le second volume renferme l'exposé de tous les échanges d'énergie soit dans la plante soit entre le végétal et le milieu extérieur : phénomènes de croissance et de tension, rhythmes du processus de la végétation, phénomènes de mouvements, production de chaleur, de lumière et d'électricité dans la plante.

Cet ouvrage fondamental sera maintenant entre les mains de tout

(1) 2 volumes grand in-8°, avec figures dans le texte; le premier de 640 pages, le second de 900 pages (G. Steinheil, éditeur, 2, rue Casimir-Delavigne, Paris).


144 NOTÉS BIBLIOGRAPHIQUES

lecteur insuffisamment familiarisé avec la langue allemande, de toute personne s'intéressant à la Physiologie végétale et aussi aux applications qui peuvent en être déduites pour l'agriculture. On y trouve, décrites avec détail, un grand nombre de méthodes, d'expériences et d'appareils, qu'il faudrait, sans ce Traité, aller chercher dans des Mémoires originaux souvent très difficiles à se procurer. Un certain nombre de travaux inédits de Pfeffer ou de ses élèves se rencontrent aussi çà et là dans ces volumes. Tous les chapitres sont accompagnés d'une bibliographie très complète.

Il faut féliciter M. Jean Friedel, d'avoir mené à bonne fin la publication française de cet ouvrage, et d'en avoir donné une traduction qui serre de si près le texte allemand, en respectant complètement la pensée de l'auteur.

Gaston BONNIER.

CHRONIQUES ET NOUVELLES

Nous apprenons la mort de M. FINET, attaché au laboratoire des Hautes-Études du Muséum d'Histoire naturelle dirigé par M. LECOMTE. M. FINET était bien connu par ses travaux de systématique et en particulier par ses recherches relatives à la famille des Orchidées. Il était revenu depuis peu de temps d'un voyage d'étude fait en Indo-Chine avec M. LECOMTE.

L'Académie des Sciences de Berlin a décerné la médaille Helmholtz à M. le Professeur SCHWENDENER pour ses travaux de Physiologie végétale.

L'Université de Vienne a fêté, le 20 janvier dernier, le 75e anniversaire de M. le professeur VON WIESNER.

Lille. — Imp. LE BIGOT Frères. Le Gérant, Ch. PIETERS.


ETUDE SUR LES SPERGULARIA

Par M. l'abbé F. HY

I. — Divisions principales du genre

Le docteur Lebel résumait en ces termes un important mémoire publié en 1868 dans le Bulletin de la Société botanique de France sur ce genre litigieux : « Il offre de nombreuses différences dans ses organes de végétation, il en présente dans sa floraison et son inflorescence, dans sa fleur, son fruit et sa graine : on ne peut donc le regarder comme monotypique. Mais ses espèces, même les plus excentriques, ont un tel air de parenté, une telle empreinte d'unité typique primordiale, qu'il est souvent difficile d'en apercevoir et surtout d'en poser nettement les limites ». Cette conclusion demeure encore aujourd'hui parfaitement exacte, malgré les travaux importants qui ont été faits depuis sur le même sujet.

Dans les dernières années de sa vie, le regretté Foucaud de Rochefort s'était fait une spécialité des plantes en question, et en avait même annoncé une Monographie générale et illustrée, qu'il n'eut pas le temps d'achever. Toutefois, si l'on en juge d'après les notices préliminaires publiées par lui dans la Société botanique Rochelaise, il est facile de voir que beaucoup de détails étaient encore restés pour lui très obscurs, qu'il n'avait pas su découvrir le fil conducteur pour se diriger dans ce dédale, réduit qu'il en était enfin à suivre les méthodes surannées de ses prédécesseurs.

En venant ajouter un mémoire de plus à ceux déjà existant, arriverai-je à faire la pleine lumière ? C'est du moins dans le but de dissiper certaines obscurités, de faire ressortir les résultats acquis, en les complétant par quelques faits nouveaux que j'offrirai aux lecteurs de cette Revue une série d'articles.

Il faut reconnaître, tout d'abord, que grâce aux publications qui en ont fait l'objet, l'autonomie même du genre, longtemps vacilRev.

vacilRev. de Botanique. — XXV. 10.


146 REVUE GÉNÉRALE DE BOTANIQUE

lante, a fini par s'établir sur des bases solides. Dans le Species plantarum, Linné répartissait les espèces connues de son temps, en petit nombre d'ailleurs, dans la série des Arenaria. Aujourd'hui on est bien d'accord pour grouper à part, comme le fit pour la première fois Persoon, celles pourvues de stipules. Tout au plus diffère-t-on sur le nom qu'il convient d'attribuer au nouveau genre. Fries et à sa suite plusieurs botanistes du Nord ont adopté le terme de Lepigonum créé par Wahlberg, mais en France c'est celui de Spergularia proposé par Persoon qui a prévalu, en conformité, du reste, avec la loi de priorité.

Mais si, pour l'heure, le genre Spergularia paraît bien établi, on n'en peut dire autant de la classification des éléments qui le composent. Et cela tient surtout à ce que les divisions de premier ordre n'apparaissent pas ici nettement : à cet égard, on remarque une diversité complète entre les descripteurs. A lui seul ce défaut d'accord fait prévoir le peu de solidité de la base choisie par chacun d'eux; c'est ce que montrera du reste la revision rapide et critique des principaux arrangements proposés.

Réserve doit être faite toutefois pour une section admise par tous les botanistes et comprenant le seul Spergularia segetalis. Dumortier avait même érigé un genre spécial pour cette espèce unique. Genre ou sous-genre, nous le laisserons ici en dehors de toute discussion.

On trouve dans l'ouvrage de Pomel (Matériaux nouveaux pour la flore atlantique) l'indication d'une autre division qui au premier abord paraît de haute importance. Plusieurs espèces de l'Afrique septentrionale, réunies sous le nom de Gamostylon, montrent en effet une certaine affinité avec les Polycarpées par leurs styles concrescents à la base. On sait que la plupart des traités de Botanique attribuent à cette dernière tribu un style simple, tandis que les vraies Alsinées ont des styles distincts. Et à cet égard les Spergularia se trouvent bien à la limite marquant le passage des unes aux autres. Mais en réalité, ce caractère manque de fixité. D'abord toutes les Spergulaires montrent leurs styles rapprochés dans le bouton floral, et la cohérence persiste parfois plus ou moins complète après l'épanouissement. D'autre part, les espèces gamostylées de la flore algérienne ne forment pas un groupe homogène. Leurs vraies affinités les rapprochent isolément des types dialystylés les plus dissemblables.


ÉTUDE SUR LES SPERGULARIA 147

Le monographe suédois des Spergularia, Kindberg, changea plusieurs fois les bases de sa classification, et rien ne montre mieux peut-être que cette hésitation même toute la difficulté du sujet. D'abord il s'attacha aux graines pour en tirer le caractère dominateur, lorsqu'il écrivit en 1856 ses Symboloe ad synopsin generis Lepidogonorum. Puis on le voit 7 ans plus tard lui substituer celui fourni par les dimensions du fruit dans sa Monographia Lepidogonorum. Mais cette division nouvelle des espèces en macrothecae et microthecoe n'est pas plus solide ; il n'est pas besoin d'avoir observé longtemps pour reconnaître combien est variable entre les races d'un même type, et jusque dans la même plante aux diverses phases de la maturité la saillie de la capsule hors du calice fructifère.

Outre que ce caractère manque souvent de précision, il a encore l'inconvénient plus grave peut-être de séparer certaines espèces en réalité très affines, telles que la Spergularia macrorhiza GG., et le Sp. rupicola de Lebel.

Aussi le botaniste de Valognes, dès son premier Essai de revision des Spergularia, en revint-il à l'ancien caractère employé par Kindberg, et tous les floristes français après lui ont adopté la division en trois groupes, suivant que les graines sont toutes aptères, ou bien toutes pourvues d'ailes, ou enfin ailées en petit nombre seulement. Dans ses notes manuscrites que j'ai pu consulter, Foucaud lui-même s'était arrêté à ces trois sections : Apterospermoe, Alatae, Mixtae.

J'ai eu l'occasion de montrer au cours d'une étude publiée en 1909 sur le Spergularia Dillenii (Journal de Botanique, 2e série, tome 2), combien cette base était elle-même peu sûre ; or, depuis, les recherches étendues à de nombreuses espèces du genre n'ont fait que me confirmer dans la même opinion. On en trouvera des preuves nouvelles dans cette étude même.

On peut lire à la page 8 de la Revision du genre Spergularia, les lignes suivantes : « Les cotylédons ne sont pas toujours incombants, comme le disent sans exception les auteurs. Quelques espèces, Sp. diandra, S. purpurea par exemple, les ont accombants, et quelquefois un peu obliques. Je ne serais pas étonné que l'on rencontrât les deux dispositions cotylédonaires sur une seule et même espèce ». La terminaison restrictive du paragraphe cité montre que les observations de Lebel l'avaient placé en face de cas ambigus. Il devenait d'autant plus intéressant de vérifier le fait, que l'unanimité des botanistes


148 REVUE GÉNÉRALE DE BOTANIQUE

est complète pour affirmer le contraire, ainsi que le remarque l'auteur lui-même.

Comme l'assertion est positive pour le Sperg. purpurea, c'est de ce côté que furent dirigées mes recherches. On sait que l'espèce est plus connue aujourd'hui sous le nom de S. Niceensis, et considérée comme spéciale au Midi de la France. J'en possède en herbier de beaux échantillons trouvés par Alf. Reynier à Aubagne (Bouches-duRhône) : d'autres de détermination plus sûre encore peut-être, parce qu'ils ont été distribués sous le contrôle de Foucaud (N° 5002 de la Société Rochelaise) ont été récoltés à Béziers le 29 août 1909 par le Fr. Sennen. Or toutes les graines de ces diverses provenances que j'ai examinées m'ont fait voir l'embryon disposé suivant la règle générale indiquée par les auteurs « cotyledonibus incumbentibus ». Bien plus, des dissections très nombreuses pratiquées sur le vivant m'ont permis de constater la même structure uniforme dans une plante observée à Angers et que tous ses caractères montrent comme très rapprochée, sinon identique au Sp. niceensis. Un des rares floristes qui depuis Lebel ait utilisé ce caractère fourni par les graines, M.Rouy, fournit à cet égard des indications qui ne sont pas heureuses, puisque la même espèce Sp. Atheniensis est donnée à la page 360 de son livre comme ayant les cotylédons aocombants, et un peu plus loin, à la description de l'espèce, avec des cotylédons incombants, sans que l'erreur commise dans un sens ou dans l'autre ait été jamais relevée, que je sache, par les additions publiées ultérieurement.

J'ajouterai que les observations faites en moindre nombre, il est vrai, sur le Sp. diandra n'ont pas justifié davantage les assertions de Lebel, de sorte qu'on peut s'en tenir aux caractères communément attribués aux Spergularia comme à l'ensemble des autres Alsinées.

Je n'ai jamais pu m'expliquer la méprise commise sur ce point par le monographe français dont les travaux sont d'ordinaire empreints de la plus grande exactitude. Aussi, pour enlever cette mauvaise impression, je me hâte de dire tout le profit que j'ai tiré de ses ouvrages pour la rédaction de cette note. C'est là, en effet, que j'ai trouvé la première indication de ce caractère si longtemps cherché, après tant d'autres qui n'ont pas résisté à l'épreuve, celui qui va nous permettre enfin de rèpartir les Spergularia en deux séries naturelles et relativement constantes.

La Revision du genre Spergularia, tout comme les monographies


ÉTUDE SUR LES SPERGULARIA 149

de Kindberg, avait signalé l'importance, secondaire il est vrai, fournie à la classification par la durée de ces plantes. C'est ainsi qu'on voit le Sp. diandra séparé des autres Aptérospermées comme seul type franchement annuel. Toutefois Lebel semble n'avoir pas eu lui-même toute confiance en son critérium, puisqu'il ajoute en note à la suite de la diagnose : « Quelques pieds passent l'hiver, et je ne serais pas surpris que l'espèce fût bisannuelle ». On sait, en effet, avec quelle facilité un végétal monocarpique, tel le Blé dans nos cultures passe d'un mode de vie à l'autre, suivant les diverses conditions du milieu. Loret a montré depuis longtemps qu'il en est de même pour les plantes sauvages, et aucun genre mieux que celui qui nous occupe n'en peut fournir de cas plus évidents. J'observe depuis plusieurs années certaines formes qui croissent sur les grèves de la Loire : elles y sont strictement annuelles, par le fait même de leur localisation sur des bancs de sable qui émergent peu de semaines seulement chaque année. Mais si par hasard la plante vient à germer hors de l'atteinte des eaux d'inondation, elle passe parfaitement l'hiver sans périr.

Si imprécis que soit dans beaucoup de cas le caractère de la longévité, on ne peut méconnaître néanmoins que parfois il ne se montre d'une netteté parfaite. Il n'offre pas, comme le précédent, l'inconvénient de disjoindre des types doués d'affinités véritables, et par ailleurs il est souvent d'une constance irréprochable. Si, par exemple, Lebel, comme on l'a vu, manifestait une certaine hésitation à l'appliquer au Spergularia diandra, c'est qu'il existait dans son esprit une véritable confusion relativement à diverses formes comprises jusqu'à lui et après lui sous le même nom, quoique n'ayant en réalité de commun que l'androcée miostémone. Mais nous verrons plus loin, en étudiant le vrai type méridional décrit pour la première fois par Gussone sous le nom d'Arenaria diandra, qu'il est aussi régulièrement annuel que l'est par exemple chez nous le Spergularia segetalis.

D'ailleurs, si au lieu de considérer seulement le point de vue physiologique, on s'attache aussi à la structure des organes perdurants, la distinction qui en ressort devient plus solide, outre qu'elle a l'avantage de s'appliquer aux échantillons d'herbier. Il est facile, en effet, de reconnaître, même sur de simples exsiccatas, si une plante a vécu plusieurs années, autant aux cicatrices laissées près de la


150 REVUE GÉNÉRALE DE BOTANIQUE

base par les rameaux détruits qu'à la lignification plus ou moins avancée de la souche qui les a portés. La seule erreur possible viendrait de l'examen accidentel de quelque pied très jeune fleurissant pour la première fois ; mais c'est une de ces méprises qu'il est toujours facile d'éviter en étendant les recherches à des individus suffisamment nombreux.

Quoi qu'il en soit, de tous les caractères employés pour grouper les espèces de Spergularia, je n'en connais pas actuellement à présenter plus d'avantages que celui de la persistance des souches, manifestée elle-même par le développement souvent énorme de la partie souterraine, qui a valu à celles qui le possèdent le nom de macrorhizes.

Ainsi le trouve-t-on utilisé par M. Rouy à la page 305 du tome troisième de sa Flore de France pour une sous-division à laquelle il ajoute comme signalement secondaire la présence de poils glanduleux sur l'ensemble des organes végétatifs. Malheureusement, cette seconde partie de la diagnose manque souvent d'exactitude. Il y a longtemps que Lebel a signalé à Gatteville dans la Manche, une forme glabrescente de son Spergularia rupicola, la plus franchement macrorhize de toutes les espèces françaises. Par contre, nous retrouverons plus loin certaine plantes annuelles entièrement recouvertes de poils glanduleux même au-dessous de la prime-fleur.

Cependant les Spergulaires macrorhizes, faute de se ressembler par le revêtement épidermique, possèdent néanmoins plusieurs traits communs. En effet, elles constituent le type le plus élevé du genre, avec leurs fleurs toujours bien développées et pourvues au complet de leurs deux verticales staminau . Ainsi, outre la souche puissante, elles ont pour note auxiliaire un androcée diplostémone, ou plus exactement obdiplostémone. Ce nombre constant de dix étamines fournit un caractère accessoire, sans doute, mais très précieux, pour fix r la place exacte de quelques types vivaces qu'on pourrait être tenté, de ranger parmi les macrorhizes. Mais, cutre que la racine et sa lignification y restent toujours faibles, on reconnaît à leur androcée appauvri qu'elles appartiennent réellement à la série des microrhizes.

Il me reste à justifier une assertion émise à l'instant, et qui peut sembler au moins très hasardée pour plus d'un lecteur familiarisé avec la littérature botanique. La division du genre Spergularia en espèces macrorhizes et microrhizes ne brise, ai-je dit, aucune


ÉTUDE SUR LES SPERGULARIA 151

affinité véritable. Et pourtant un fait bien connu semble en complète contradiction. Les auteurs de la Flore de France, à la suite de Fenzl, admettaient un type Sp. media comprenant deux variétés, dont l'une heterosperma a la racine grêle, tandis que l'autre marginata est franchement macrorhize. Clavaud, qui dans sa Flore de la Gironde admet le même rapprochement, caractérise en ces termes les deux stirpes de son espèce entendue à la façon de Grenier et Godron : « Sp. marina Bor. (Sp. media var. heterosperma Fenzl), racine médiocre, ne dépassant guère la grosseur d'une plume d'oie; et Sp. marginata, racine ordinairement épaisse égalant parfois la grosseur du doigt. »

Mais il est impossible aujourd'hui, malgré l'autorité des auteurs précités, de soutenir la réunion en un seul type de deux formes aussi dissemblables que les Sp. heterosperma et marginata : la première avec ses fleurs petites, miostémones, à pétales bicolores, sa capsule peu ou pas saillante, renfermant des graines toutes aptères ou en mélange seulement d'un petit nombre d'ailées ; la seconde avec ses larges fleurs décandres, à pétales pâles et unicolores, dépassant le calice, sa capsule longuement exserte, remplie de graines toutes marginées. Si l'habitation aux bords de la mer les rapproche souvent, il n'est pas rare non plus de trouver l'une très loin du littoral, tandis que, suivant la remarque de Fries, l'autre reste strictement océanique. Aussi tous les auteurs récents sont-ils d'accord pour les séparer spécifiquement.

On voit donc, en résumé, que, loin de diminuer le critérium que nous choisissons ici en première ligne pour diviser le genre Spergularia, les faits empruntés à deux de nos ouvrages descriptifs français les plus justement appréciés, ont plutôt pour résultat contraire de faire ressortir son opportunité, ayant l'avantage de rétablir à leur place réelle, c'est-à-dire à une grande distance les unes des autres, plusieurs espèces qui avaient été trop longtemps et à tort rapprochées.

C'est également pour avoir méconnu l'importance du caractère fourni par la souche que LIoyd a malencontreusement rattaché dans toutes les éditions de sa Flore de l'Ouest, le Spergularia rupestris de Lebel comme simple variété à son type marina. Et c'est encore imbu de ces idées de LIoyd que M. Bureau, dans la séance de la Société botanique du 14 décembre 1894, relevant avec raison d'ail-


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leurs une faute de détermination qui s'était glissée sur la liste des plantes trouvées par Geneau de la Marlière sur le littoral de la Manche, eut recours à un argument sans valeur pour démontrer qu'il s'agissait dans l'espèce du Spergularia marginata (media de Persoon) et non du marina. Au lieu d'affirmer que ce dernier croît sur les rochers, ce qui est absolument inexact, il suffisait de faire ressortir la différence de l'appareil radiculaire, volumineux dans la première espèce, peu développé dans la seconde.

Avant de terminer cet examen critique des caractères sur lesquels on s'est maintes fois appuyé pour classer les Spergularia, il me reste à en faire ressortir un autre presque entièrement négligé jusqu'ici, c'est la couleur qui n'inspire généralement pas plus de confiance aux botanistes qu'au poète des Bucoliques : « nimium ne fide colori ». Toutefois la teinte des pétales est ici assez variée et constante, à part quelques cas d'albinisme plutôt rares autant que j'ai pu voir. La plupart des espèces montrent cette belle nuance rose si éclatante dans Sp. rupicola et qui avait valu son qualificatif de rubra à l'ancien type linnéen. Quelques-unes ont une teinte pâle ou même tout à fait blanche comme les Sp. marginaia et macrorhiza. Dans le Sp. Dillenii l'onglet blanc contraste avec la pointe violacée du limbe. Enfin, d'après les renseignements fournis par M. Battandier, l'espèce désertique que Foucaud lui avait dédiée sans en donner de diagnose précise se reconnaît immédiatement à son pigment virant sur le bleu.

Le testa des graines, d'un brun plus ou moins foncé, devient à la maturité, dans certaines décidément noir, de sorte qu'on peut les ranger en phéospermes et mélanospermes. Quant aux papilles ou tubercules recouvrant la surface habituellement concolores et contiguës, elles peuvent devenir exceptionnellement plus pâles et distantes, ainsi que Clavaud l'avait le premier signalé, paraissant alors comme cristallines, selon l'expression de MM. Battandier et Trabut dans leur Flore d'Algérie, pour la description du Spergularia marina.

Tels sont les principaux caractères, avec leur importance relative, qui nous serviront à grouper les espèces du genre Spergularia. Les notes suivantes consacrées aux macrorhizes et aux microrhizes établiront plus amplement encore le bien fondé de cette division générale par l'étude en séries naturelles des types qui me sont mieux connus, ceux tout au moins de l'Ancien Monde.


DE L'INFLUENCE DE L'HUMIDITÉ ET DE LA SÉCHERESSE

SUR LA

STRUCTURE ANATOMIQUE DE DEUX PLANTES TROPICALES

Par M. P. CHOUX

I. — INTRODUCTION

Plusieurs auteurs ont déjà mis en lumière l'influence qu'exerce le milieu aquatique sur les végétaux qui y vivent, et aussi bien sur leur aspect extérieur que sur leur morphologie interne. En ce qui concerne spécialement les tiges, M. Costantin (1) a bien comparé les structures anatomiques des parties aquatiques et des parties aériennes d'un certain nombre d'espèces qui plongent dans l'eau par leur base, tandis que leur sommet reste dans l'air.

D'autre part certaines plantes vivent à la fois sur terre et dans l'eau, et en ce cas la forme terrestre et la forme submergée sont souvent très différentes ; c'est ainsi que M. Massart (2) entre autres a constaté que le Polygonum amphibium n'a pas le même aspect extérieur ni la même organisation interne lorsqu'il se développe dans l'eau ou dans les endroits seulement humides ou dans les endroits très secs.

Ce sont précisément des observations analogues à celles de M. Massart que nous avons pu faire sur deux autres plantes qui, celles-ci, offrent en outre l'intérêt d'être des espèces des pays chauds, l'Ipomea replans et le Neptunia prostrata.

(1) J. Costantin. Recherches sur la structure de la tige des plantes aquatiques (Ann. des sc. nat. Bot., 6e série, tome XIX, 1884).

(2) J. Massart. L'accommodation individuelle chez Polygonum amphibium (Bull. du Jardin Bot. de l'Etat à Bruxelles, Vol. I, fasc. 2; sept. 1902).


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Ces deux espèces vivent dans des étangs qui généralement pendant la saison des pluies contiennent une certaine quantité d'eau, mais qui, par contre, pendant la saison sèche, en sont à peu près dépourvus; et l'alternance de ces deux périodes bien tranchées fait que tiges et feuilles sont placées tour à tour dans des conditions de milieu très différentes. Pendant la première période elles sont nettement aquatiques et leurs rameaux flottent sur l'eau ou sont complètement submergés ; pendant la deuxième période, au contraire, ce sont plutôt des végétaux aériens.

Nous avons donc étudié comparativement des tiges de saison sèche et des tiges de saison humide appartenant à cet Ipomea et à ce Neptunia, les échantillons que nous avons eus entre les mains ayant été récoltés dans le nord-ouest de Madagascar par M. Perrier de la Bâthie.

Nous étudierons d'abord l'Ipomea reptans.

II. — IPOMEA REPTANS

A) ASPECT EXTÉRIEUR

Déjà l'aspect extérieur de la tige de cette Convolvulacée présente des caractères bien distincts, suivant que l'on examine des échantillons recueillis en saison humide ou des échantillons récoltés en saison sèche.

La tige de saison des pluies est de couleur vert grisâtre, son diamètre est d'environ 1 centimètre; pleine au niveau des noeuds seulement, elle est creuse dans les entre-noeuds.

La tige de saison sèche est de couleur brunâtre, son diamètre varie entre 5 millimètres et 6 millimètres 5; comme la précédente elle n'est pleine qu'au niveau des noeuds. Son plus faible diamètre, par rapport à celui des tiges précédentes, est dû essentiellement à la moindre largeur de la cavité centrale, car d'autre part les tissus persistants (reste du cylindre central et écorce) seraient plutôt plus larges. Comparativement au diamètre total, les tissus persistants représentent les 34/71 environ de ce diamètre dans la tige de saison sèche et les 18/71 seulement dans celle de saison humide.

De plus, le plancher des noeuds est plus épais dans la tige de saison


HUMIDITÉ, SÉCHERESSE ET STRUCTURE ANATOMIQUE 155

sèche que dans la tige de saison humide, car il a 2 à 3 millimètres d'épaisseur au lieu de 1 millimètre seulement. Par contre les entrenoeuds sont moins allongés. Enfin les racines qui naissent au niveau des noeuds sont plus nombreuses qu'en saison humide. Et tous ces caractères extérieurs et distinctifs peuvent se résumer dans le tableau suivant :

CARACTÈRES SAISON HUMIDE SAISON SÈCHE

Couleur Vert grisâtre Brunâtre

Diamètre total 1 cm. 0 c. 50 à 0. c. 65

Lacune centrale 8 mm. 2 mm. à 3 mm.

Epaisseur des tissus persistants 2 mm. à 2 mm. 8 2 mm. à 3 mm. 5

Plancher des noeuds 1 mm. 2 mm. à 3 mm.

Entre-noeuds Longs Courts

Racines Assez nombreuses Moins nombr.

On peut donc bien déjà, au point de vue de l'aspect extérieur, distinguer les tiges de saison des pluies de celles de saison sèche.

Nous allons voir qu'il en est de même si l'on considère la structure anatomique.

B) STRUCTURE ANATOMIQUE DE LA TIGE

1° Tige de saison humide. — Cette tige est à peu près régulièrement cylindrique et l'écorce est généralement un peu plus grande que la stèle (fig. 1).

L'épiderme (fig. 2, e) est à cuticule très mince comme dans toutes les tiges aquatiques et il commence de très bonne heure à se cloisonner tangentiellement (ea). Il y a donc début de formation des tissus secondaires extra-ligneux.

L'écorce présente d'abord trois à quatre assises de cellules très aplaties, à parois minces, bourrées de grains de chlorophylle; ce sont ces chloroleucites qui donnent à la tige son aspect verdâtre (fig. 2 ce). Viennent ensuite des cellules plus arrondies et légèrement collenchymateuses (ce). Dans sa région interne (ci) l'écorce est formée de cellules beaucoup plus grandes que précédemment et à parois très minces, elle est en outre creusée de lacunes à peu près régulièrement espacées (fig. 1 et 2, l). Ces lacunes semblent s'être formées par destruction de cellules, les bords en sont, en effet, très irréguliers et la


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REVUE GÉNÉRALE DE BOTANIQUE

lacune renferme souvent des débris de membranes. Quant à leurs

dimensions, elles sont assez variables, ainsi que le montre la figure 1.

L'endoderme (d), quoique ne présentant pas d'épaississements, est

très reconnaissable ; il se compose de cellules allongées dans le sens

tangentiel et qui contrastent ainsi avec les cellules volumineuses et arrondies de l'écorce lacuneuse.

Le péricycle (p) est formé de deux à trois assises de cellules, parmi lesquelles certaines, appartenant à la couche externe, sont

Fig. 1.— Coupe transversale schématique d'une tige de saison humide d'Ipomea reptans : e, épiderme ; c, écorce ; l, lacunes de l'écorce ; d, endoderme, p, péricycle ; li, liber; b, bois; l, faisceau libéro- ligneux; Ip, liber périmédullaire; m, conjonctif du cylindre central ; as, assise génératrice; le, lacune centrale.


HUMIDITÉ, SÉCHERESSE ET STRUCTURE ANATOMIQUE 157

légèrement sclérifiées ; il en résulte la présence d'un anneau fibreux péricyclique discontinu.

La stèle renferme un assez grand nombre de faisceaux libéroligneux,

libéroligneux, parmi ces faisceaux, il en est trois qui se distinguent immédiatement des autres par leurs dimensions plus considérables. D'autre part, ces trois faisceaux sont eux-mêmes inégaux : l'un d'eux est très volumineux (fig. 3), il est souvent subdivisé en deux faisceaux très rapprochés; le second a des dimensions un peu moindres, le troisième est plus petit encore. A leur niveau la stèle fait saillie dans la lacune centrale et l'écorce est un peu plus

développée. Enfin ces trois faisceaux sont situés à peu près à égale distance les uns des autres de sorte qu'en réunissant par des lignes droites les saillies qu'ils forment dans la lacune centrale, on obtient un triangle dont les faisceaux en question occupent les trois sommets (fig. 1). Dans l'intervalle se disposent les autres faisceaux plus petits que les trois précédents.

Tous ces faisceaux libéro-ligneux présentent un liber peu abondant et un bois au contraire bien développé formé de vaisseaux assez

Fig. 2. — Coupe transversale d'une portion de tige de saison humide d'Ipomea reptans : e, épiderme ; ea, assise génératrice épidermique ; ce, écorce externe ; cc, écorce collenchymateuse ; ci, écorce interne ; l, lacunes corticales; d, endoderme ; p, péricycle ; li, liber; b, bois primaire; bs, bois secondaire; Ip, liber périmédullaire; as, assise génératrice ; r, rayons médullaires; bc, bourrelet cellulosique de la lacune centrale; m, moelle.


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REVUE GÉNÉRALE DE BOTANIQUE

nombreux et de parenchyme ligneux. Les formations secondaires sont déjà apparues, mais elles sont irrégulièrement épaissies parce que l'assise génératrice a surtout fonctionné au niveau des trois gros faisceaux, alors qu'entre ces faisceaux il y a à peine deux ou trois assises de cellules, dont quelques-unes se sont lignifiées.

A la pointe de chaque faisceau se trouve une petite masse de liber périmédullaire (fig.2 lp.).

Les rayons médullaires (r) sont formés de grandes cellules arrondies et à parois minces. Quant à la moelle (m), elle est très peu développée, le liber périmédullaire touchant presque la lacune centrale. Enfin il y a lieu de noter que la lacune est limitée par un

bourrelet cellulosique formé aux dépens des cellules bordantes (bc). 2° Tige de saison sèche. — La tige est encore assez régulièrement arrondie, mais l'écorce est ici moins développée que le cylindre central. Ce dernier est loin, du reste, d'offrir partout la même épaisseur; en effet, les trois faisceaux plus volumineux que nous avons déjà signalés dans la tige de saison humide existent encore et à leur niveau la stèle est toujours beaucoup plus développée que dans leur intervalle, mais la différence entre ces trois faisceaux et les autres est plus

Fig. 3. — Coupe transversale semi-schématique du gros faisceau d'une tige de saison humide d'Ipomea reptans: e, écorce ; d, endoderme; p, péricycle; li, liber; as, région de l'assise génératrice ; bs, bois secondaire; bp, bois primaire; v, vaisseaux du bois; lp, liber périmédullaire; m, moelle.


HUMIDITE, SECHERESSE ET STRUCTURE ANATOMIQUE

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accentuée que précédemment. Les saillies qu'ils forment dans la lacune centrale sont donc plus accusées. D'autre part, comme la tige est plus petite, elles sont plus rapprochées : il en résulte que la lacune centrale, au lieu d'être à peu près circulaire, est nettement triangulaire, les sommets du triangle correspondant aux endroits où la stèle est le moins développée (fig. 4).

Nous avons dit d'ailleurs précédemment que les tissus persistants

persistants plus épais dans la tige de saison sèche que dans celle de saison humide, mais nous ajouterons ici que cet épaississement plus grand est dû précisément surtout au fort développement des trois gros faisceaux que nous mentionnons maintenant.

La cuticule est peu épaisse, mais nette. Sous l'épiderme se trouve un périderme assez volumineux (fig. 5, lg), d'origine naturellement épidermique comme précédemment. Pour le

moment ce périderme est exclusivement composé de liège, il n'y a pas de phelloderme.

Les deux ou trois assises corticales de cellules à parois minces (ce) ne renferment point de chloroleucites, par contre, on y trouve quelques macles d'oxalate de calcium. Le reste de l'écorce est parsemé de lacunes, en outre les cellules les plus externes de cette région lacuneuse sont légèrement collenchymateuses (cc).

Les lacunes affectent une disposition différente de celle constatée en saison humide. Elles ne sont plus régulièrement espacées et placées à peu près toutes au même niveau ; leur répartition est très irrégulière et on a souvent deux ou trois lacunes superposées. De plus,

Fig. 4.— Coupe transversale schématique d'une tige de saison sèche d'Ipomea replans : s, liège; e, écorce ; d, endoderme; p, péricycle; f, ensemble des formations libéro-ligneuses primaires et des tissus provenant de l'assise génératrice libéro-ligneuse; l, liber périmédullaire; m, moelle; lc, lacune centrale.


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les lacunes précédentes étaient à bords irréguliers; ici on trouve de ces lacunes (lir), mais il en est d'autres qui sont bordées par des cellules régulièrement disposées simulant un canal sécréteur avec ses cellules bordantes (tr). Ces lacunes régulières sont parfois limitées

par un bourrelet qui se colore en vert par le vert d'iode ; ce sont les cellules bordantes qui ont épaissi la portion de leur membrane qui est dans la cavité de la lacune. Ces deux sortes de lacunes ne sont pas réparties sans ordre, la partie externe de l'écorce lacuFig

lacuFig — Coupe transversale d'une portion de tige de saison sèche d'Ipomea reptans : e, épiderme; Ig, liège; ce, écorce externe; cc, écorce collenchymateuse ; tr, lacunes régulières ; lir, lacunes irrégulières ; d, endoderme ; p, péricyole; lip, liber; bs, bois secondaire; bp, bois primaire; h, méristème secondaire externe interfasciculaire non différencié; k, méristème secondaire interne interfasciculaire lignifié ; s, liber périmédullaire ; m, moelle ; lm, lacunes médullaires.


HUMIDITÉ, SÉCHERESSE ET STRUCTURE ANATOMIQUE 161

neuse ne renferme que des lacunes régulières, la partie interne présente à la fois des lacunes régulières et irrégulières.

Quelques-unes arrivent presque au contact du péricycle et n'en sont séparées que par une assise parenchymateuse qui doit être considérée comme l'endoderme. Ce dernier ne présente aucun caractère particulier, mais les cellules qui le constituent sont un peu plus allongées tangentiellement que les autres cellules de l'écorce (d).

Le péricycle (p) est constitué par deux ou trois assises de cellules dont quelques-unes des plus externes sont scléreuses; il y a donc encore un anneau fibreux péricyclique discontinu, mais néanmoins très net. Remarquons que l'épaisseur des parois sclérifiées est plus grande qu'en saison humide.

Dans le cylindre central nous retrouvons la même disposition que tout à l'heure et nous avons déjà mentionné le plus grand développement des trois gros faisceaux toujours inégaux. Ajoutons maintenant que ce plus fort développement est dû à ce que les formations secondaires sont très développées. Précédemment ces formations étaient à peine ébauchées : ici, au contraire, l'assise génératrice libéroligneuse a formé beaucoup de tissus nouveaux et elle a fonctionné dans toute l'étendue de la tige. Au niveau des faisceaux elle a rejeté du côté de l'extérieur une certaine quantité de liber secondaire et du côté de l'intérieur du bois secondaire particulièrement abondant au niveau des trois gros faisceaux : ce bois secondaire renferme non seulement des fibres ligneuses et du parenchyme ligneux, mais aussi de nombreux vaisseaux de diamètre assez considérable (fig. 5, bs; fig, 6 vs.).

Dans l'intervalle des faisceaux, les rayons médullaires secondaires forment une couche assez épaisse; dans ce parenchyme certains éléments externes ont commencé à se différencier en liber secondaire; quant aux éléments les plus internes en certains endroits ils se sont lignifiés, mais en certains endroits seulement. En effet, si, à certains niveaux, il existe cinq à six assises de cellules lignifiées (fig. 5, k), en d'autres, en revanche, il n'y a pas trace de lignification et tout le méristème interne est resté à l'état parenchymateux. Le parenchyme secondaire renferme des macles d'oxalate de calcium.

Comme dans la tige de saison des pluies, il existe, à la pointe de chaque faisceau, du liber périmédullaire abondant surtout au niveau des gros faisceaux. Entre ce liber périmédullaire et la pointe du

Revue gén. de Botanique. — XXV. 11.


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REVUE GÉNÉRALE DE BOTANIQUE

bois primaire il existe parfois une assise génératrice périmédullaire (fig. 7) qui a donné vers l'intérieur du liber périmédullaire secondaire

venant se superposer au liber périmédullaire primaire. Cette assise, qui ne forme pas de bois, s'étend également en dehors des faisceaux, mais elle n'est pas continue, elle s'étend seulement à quelque disFig.

disFig. — Coupe transversale semi-schématique du gros faisceau d'une tige de saison sèche d'Ipomea reptans. —e, écorce; d, endoderme; p, péricycle; li, ensemble du liber primaire et secondaire; as, région de l'assise génératrice; bs, bois secondaire ; bp, bois primaire ; vs, vaisseaux du bois ; rp, rayons médullaires secondaires parenchymateux ; rl, rayons médullaires secondaires lignifiés ; Ip, liber périmédullaire; m, moelle; h, portion de méristème secondaire non lignifié.


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tance de chaque côté des faisceaux, elle a rejeté à ces niveaux quelques cellules qui ne sont pas encore différenciées. Le liber périmédullaire renferme parfois des cristaux maclés d'oxalate de calcium.

Quant à la moelle, qui, dans la tige de saison humide, n'existait pour ainsi dire pas, elle offre ici, quoiqu'il y ait une lacune centrale, un certain développement surtout dans l'intervalle des faisceaux; en tout cas il y a toujours une certaine distance entre le liber périmédullaire et le bord de la lacune, bord qui est formé par un bourrelet cellulosique comme précédemment. Enfin il y a lieu de signaler dans la moelle la présence de quelques lacunes régulières analogues à celles de l'écorce (lm, fig. 5).

En résumé, la tige de saison sèche diffère de la tige de saison humide par les dimensions plus considérables de la stèle, la présence d'un périderme assez épais, l'absence de chloroleucites, la disposition différente des lacunes, l'épaisseur plus grande des fibres péricycliques, le développement beaucoup plus considérable des formations secondaires internes, la présence d'une assise génératrice périmédullaire avec formations périmédullaires et une moelle plus importante.

Enfin il existe entre les deux exemples une différence qui n'est pas moins importante que les précédentes : la tige de saison sèche

Fig. 7. — Assise génératrice périmédullaire de la tige de saison sèche d'Ipomea reptans. : b, bois de la pointe d'un faisceau libéro-ligneux; v, vaisseau du bois ; as, assise génératrice périmédullaire; lp, liber périmédullaire; m, moelle; h, bois secondaire situé en dehors des faisceaux libéro-ligneux.


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renferme en effet beaucoup d'amidon alors que celle de saison humide en est à peu près complètement dépourvue. Dans la première, l'amidon est réparti de la manière suivante : toute l'écorce primaire en est abondamment pourvue, le périderme n'en renfermant aucune trace ; dans la stèle, le liber normal et le liber périmédullaire, le parenchyme ligneux en renferment une certaine quantité. Quant au méristème secondaire non différencié et à la moelle ils en sont littéralement bourrés. Dans la tige de saison humide, au contraire, quelques cellules endodermiques et quelques cellules parenchymateuses de la stèle, fréquemment libériennes, renferment seules des grains d'amidon, d'ailleurs très peu nombreux.

C) RACINES Les tiges d'Ipomea repians présentent, avons-nous dit au début,

des racines au niveau des noeuds, c'est dans ces racines que nous avons fait quelques coupes, coupes qui ont porté sur des parties morphologiquement comparables, afin d'éviter les différences dues à l'âge. Nous avons pu de cette manière constater que là encore les deux saisons présentaient quelques différentes structurales.

1° Racine de saison humide. — La racine est limitée par une assise subéreuse (s. fig. 8). L'écorce plus volumineuse que la stèle est formée de cellules à parois minces entre

lesquelles s'interposent de nombreux méats. Dans la partie interne en outre, il existe six ou sept lacunes volumineuses régulièrement disposées autour de la stèle; elles sont appliquées contre l'endoderme et situées en face des faisceaux libériens (lc).

L'endoderme (e) ne présente pas d'épaississements. Le périFig.

périFig. — Coupe transversale schématique d'une racine de saison humide d'Ipomea reptans : s, assise subéreuse ; c, écorce ; lc, lacunes corticales ; e, endoderme; li, faisceau libérien ; b, faisceau ligneux ; m, moelle, r, rayons médullaires.


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cycle alterne avec le précédent. La stèle renferme des faisceaux libériens (li) et des faisceaux ligneux (b) alternes séparés par des rayons médullaires (r) parenchymateux. La moelle (m) est assez développée.

2° Racine de saison sèche. — Les dimensions de la racine de

saison sèche sont généralement à peu près les mêmes que celles de saison humide, l'écorce étant plus épaisse que le cylindre central (fig. 9).

Il y a comme précédemment une assise subéreuse; on trouve parfois encore des débris de l'assise pilifère. Au-dessous se montrent des formations secondaires apparues dans l'assise corticale située au-dessous de l'assise subéreuse et qui sont exclusivement constituées par du liège. Le reste de l'écorce est composé de cellules arrondies séparées par des méats qui sont moins grands que précédemment; de plus, dans la partie interne, il existe cinq à

six lacunes (lc) appliquées contre l'endoderme et situées en lace des faisceaux libériens. Ces lacunes ont généralement à peu près les mêmes dimensions qu'en saison humide.

L'endoderme (e) très aplati est dépourvu d'épaississements. Nous ne trouvons pas de fibres dans le péricycle. Quelquefois une partie de chaque faisceau libérien est occupée par une lacune (ll). Les formations secondaires sont, en outre, presque constantes, au niveau du moins des faisceaux libériens; il n'y en a pas au niveau des faisceaux ligneux primaires. Nous n'avons pas signalé de ces formalions secondaires intralibériennes dans la racine de saison humide, et cependant nous avons bien examiné des parties de même âge; c'est donc que la structure secondaire apparaît plus tôt en saison sèche qu'en saison humide.

La moelle (m) et les rayons médullaires sont très réduits.

Fig. 9. — Coupe transversale schématique d'une racine de saison sèche d'Ipomea reptans: sl, assise subéreuse et formations secondaires externes ; c, écorce ; lc, lacunes corticales ; e, endoderme; l, liber primaire; li, liber secondaire ; ll, lacune libérienne ; bp, faisceau ligneux primaire ; bs, bois secondaire ; m, moelle.


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Enfin, constatation que nous avions déjà faite pour les tiges, les échantillons de saison sèche renferment beaucoup d'amidon alors que ceux de saison des pluies en sont complètement dépourvus ; dans les premiers, en effet, l'écorce molle est absolument bourrée d'amyloleucites, amyloleucites que l'on trouve aussi, mais en bien moins grande quantité, dans le péricycle, le liber et la moelle.

En résumé, les racines de saison sèche se distinguent de celles de saison des pluies par la formation de liège, la structure secondaire de l'appareil libéro-ligneux et la présence d'amidon.

III. — NEPTUNIA PROSTRATA

A) ASPECT EXTÉRIEUR

Le Neptunia prostrata que nous avons étudié est une espèce de Madagascar bien distincte du Neptunia oleracea, espèce indo-chinoise étudiée par M. Rosanoff sous le nom de Desmanthus natans (1).

Comme l'Ipomea reptans, la tige de cette Légumineuse présente dans son aspect extérieur des différences très accusées suivant que l'on considère les échantillons de saison humide ou ceux de saison sèche.

La tige de saison des pluies est de couleur vert grisâtre, son diamètre est de neuf à dix millimètres ; pleine dans toute son étendue, elle est faiblement consistante et se laisse assez facilement aplatir entre les doigts.

La tige de saison sèche se distingue de la précédente par sa couleur brunâtre, son diamètre plus réduit variant entre deux millimètres et trois millimètres cinq, et enfin par sa dureté et sa consistance nettement ligneuse.

B) STRUCTURE ANATOMIQUE

1° Tige de saison humide. — L'écorce est très réduite par rapport à la stèle (fig. 10). L'épiderme (e, fig. 11) est à peu près dépourvu de cuticule. Les formations secondaires subéro-phellodermiques nais(1)

nais(1) Rosanoff. Ueber den Bau der Schwimmorgane von Desmanthus natans (Bol. Zeit, 29. Jahrgang, N° 49, 8 dec. 1871).


HUMIDITÉ, SÉCHERESSE ET STRUCTURE ANATOMIQUE 167

sent dans la deuxième ou troisième assise corticale et ne sont d'ailleurs représentées que par deux assises subéreuses. Les assises corticales plus internes sont formées de cellules arrondies. L'endoderme (d) n'est pas bien caractérisé. Le péricycle est composé et fibreux dans sa partie externe.

La stèle renferme un certain nombre de faisceaux libéro-ligneux primaires, mais il y a en outre des formations secondaires assez développées, qui existent non seulement au niveau des faisceaux (fig. 11), mais encore dans l'intervalle (fig. 12). Au niveau des faisceaux le bois et le liber secondaires ne présentent rien de particulier.'

Fig. 10. — Coupe transversale schématique d'une tige do saison humide de Neptunia prostrata : e, épiderme ; c, écorce; s, assise génératrice externe; il, endoderme; p, péricycle; li liber primaire; 6, bois primaire; lp, liber secondaire et méristème secondaire externe; bs, bois secondaire et méristème secondaire interne ; m, moelle ; lc, lacunes centrales.


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REVUE GÉNÉRALE DE BOTANIQUE

Dans l'intervalle, le méristème secondaire s'est différencié en liber du côté de l'extérieur, en bois du côté de l'intérieur. En certains endroits le liber est nettement caractérisé (li, fig. 12) et le bois présente des vaisseaux (v); il y a à ces endroits de véritables faisceaux libéro-ligneux entièrement secondaires (fig. 12). En d'autres,

la différenciation externe en liber n'est que partielle (h.) et les cellules internes ont seulement lignifié leurs parois (l), il n'y a point de vaisseaux ligneux.

Quant à la moelle, elle est extraordinairement développée; elle a en effet, environ 8 mm. de diamètre (fig. 10). Elle est entièrement lacuneuse et ces lacunes sont de dimensions assez variables. Leur paroi n'est jamais formée que d'une seule couche de cellules (fig. 16, B). M. Rosanoff (1) a d'ailleurs décrit la même structure dans la moelle du Neptunia oleracea. La moelle renferme en outre des cristaux d'oxalate de calcium contenus dans des cellules beaucoup

plus petites que les cellules médullaires; et ces cellules, dont chacune ne renferme qu'un seul cristal remplissant presque toute la cavité cellulaire, sont disposées soit en groupes de quatre suivant l'agencement indiqué par M. Rosanoff pour le Neptunia oleracea, soit le plus souvent en groupes de six à huit; dans ce cas elles sont deux par deux à la suite les unes des autres, de sorte que la paroi des lacunes n'est jamais formée de plus de deux cellules.

Fig. 11. — Coupe transversale semischématique de la partie externe d'une tige de saison humide de Neptunia prostrata passant par un faisceau libéro-ligneux primaire : e, épiderme ; c, écorce ; s, assise génératrice externe; d, endoderme; p, péricycle; lip, liber primaire; lis, liber secondaire; bs, bois secondaire; vs, vaisseaux du bois secondaire; bp, bois primaire; h, méristème secondaire externe partiellement différencié en liber; l, méristème secondaire interne différencié en bois; m, moelle; lc, lacunes médullaires.

(1) Loc. cit.


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2° Tige de saison sèche. — L'écorce est en général un peu plus petite que précédemment; mais, comme dans la tige de saison humide, la stèle est beaucoup plus développée que l'écorce. Néanmoins la tige étant notablement plus réduite, la stèle est elle-même plus petite; donc la différence de diamètre avec la tige de saison humide tient presque uniquement au moindre développement du cylindre central (fig. 13).

L'épiderme a une cuticule, mais très peu épaisse. L'écorce parenchymateuse est constituée par des cellules arrondies. Elle ne présente qu'à certains endroits un début de formations secondaires nées encore dans la deuxième assise corticale, et réduites à quelques assises subéreuses. L'endoderme n'est reconnaissable que grâce à la présence de cristaux simples d'oxalate de calcium déjà signalés par M. Rosanoff.

Le péricycle, composé, est presque entièrement sclérifié dans sa partie externe, le développement et la sclérification de ce périFig.

périFig. — Coupe transversale semischématique de la partie externe d'une tige de saison humide de Neptunia prostrata montrant un faisceau libéroligneux entièrement secondaire : e, épiderme; c, écorce; s, assise génératrice externe; d, endoderme; p, péricycle; li, liber du faisceau libéro-ligneux secondaire; h, méristème secondaire externe partiellement différencié en liber; v, vaisseaux du bois du faisceau libéro-ligneux secondaire; l, méristème secondaire interne différencié en bois mais sans vaisseaux; m, moelle; lm, lacunes médullaires.

Fig. 13. — Coupe transversale schémamatique d'une tige de saison sèche de Neptunia prostrata : e, épiderme; c,écorce; d, endoderme; P, péricycle; li, ensemble du liber et des tissus rejetés du côté de l'extérieur par l'assise génératrice libéro-ligneuse; b, bois; m, moelle.


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REVUE GENERALE DE BOTANIQUE

cycle étant plus accentués au niveau des faisceaux primaires que dans leur intervalle.

L'appareil libéro-ligneux présente des formations secondaires plus développées que dans la tige de saison humide. Il y a un anneau

continu de bois secondaire qui parfois atteint une épaisseur assez considérable. Au niveau des faisceaux primaires, ce bois secondaire présente de nombreux vaisseaux volumineux (fig. 14). Dans leur intervalle, au contraire (fig. 15), les vaisseaux sont plus rares et plus clairsemés, le bois est formé surtout de fibres et de cellules ligneuses. Quant au méristème externe, au niveau des faisceaux primaires il a

Fig. 14. — Coupe transversale semi-schématique de la partie externe d'une tige de saison sèche de Neptunia prostrata montrant deux faisceaux libéro-ligneux primaires et secondaires : e, épiderme; ec, écorce; ps, péricycle sclérifié ; p péricycle non sclérifié ; lip, liber primaire; lis, liber secondaire ; bs, bois secondaire ; vs, vaisseaux du bois secondaire; bp, bois primaire; h, méristème secondaire externe non différencié ou partiellement différencié en liber; l, méristème secondaire interne différencié en bois (pas de vaisseaux) ; m, moelle; lm, lacunes médullaires.

Fig. 15.— Coupe transversale semischématique de la partie externe d'une tige de saison sèche de Neptunia prostrata passant par un faisceau libéro-ligneux entièrement secondaire : e, épiderme; c, écorce; ps, péricycle sclérifié; p, péricycle non sclérifié; li, liber; vs, vaisseaux du bois du faisceau libéro-ligneux secondaire; h, méristème secondaire externe non différencié on liber; l, méristème secondaire interne différencié en bois mais sans vaisseaux; m, moelle; lm, lacunes médullaires.


HUMIDITÉ, SÉCHERESSE ET STRUCTURE ANATOMIQUE 171

donné une assez grande quantité de liber secondaire (lis, fig. 14) qui a repoussé le liber primaire (lip) aplati par suite sous le péricycle fibreux. Dans l'intervalle des faisceaux (fig. 15), la différenciation secondaire n'a eu lieu qu'aux endroits où dans le bois secondaire sont apparus des vaisseaux (vs.). Il y a donc à ces endroits de véritables faisceaux libéro-ligneux secondaires; ces derniers alternent régulièrement avec les faisceaux primaires. Il y a eu plus de tissus nouveaux formés du côté du bois que du côté du liber.

La moelle est entièrement lacuneuse comme tout à l'heure, mais les lacunes sont de dimensions moindres comme le montre la figure 16, A. Les cellules médullaires, moins allongées et plus arrondies, renferment en outre quelques cristaux d'oxalate de calcium; la disposition des cellules à cristaux est la même que précédemment avec

cette différence cependant que le groupement par quatre prédomine.

Enfin, comme pour l'Ipomea reptans, la tige de saison sèche renferme de l'amidon en assez grande quantité, alors que nous n'en avons vu aucune trace dans la tige de saison des pluies. Il y en a : 1° dans l'écorce, principalement dans les assises internes, les deux premières en étant dépourvues; 2° dans le liber; 3° dans le parenchyme ligneux; 4° dans la moelle, surtout à la périphérie. Ces grains d'amidon sont pour la plupart de forme elliptique.

Donc, en ce qui concerne les caractères internes, la tige de saison

Fig. 16. — Coupe transversale d'une portion de la moelle de Neptunia prostata : A, saison sèche ; B, saison humide montrant l'inégalité de dimensions des lacunes médullaires dans les deux échantillons.


172 REVUE GÉNÉRALE DE BOTANIQUE

sèche diffère de celle de saison humide par le plus grand développement de l'appareil libéro-ligneux, la dimension moindre des lacunes médullaires et la présence d'amidon.

CONCLUSION

Si maintenant nous comparons dans l'ensemble les deux espèces que nous venons de décrire, nous constatons tout d'abord que l'aspect extérieur des tiges récoltées en saison sèche est absolument différent de celui des tiges récoltées en saison pluvieuse. Et la différence ne porte pas seulement sur l'inégalité de dimensions, mais encore sur la couleur et la consistance; la tige de saison des pluies est molle et friable comme une tige aquatique ; celle de saison sèche est au contraire dure et ligneuse comme une tige aérienne.

Au point de vue de la constitution anatomique, les différences sont encore accusées, surtout chez l'Ipomea reptans, où elles sont du reste les mêmes que chez le Neptunia prostrata. Et elles sont essentiellement celles-ci : en saison sèche, le système vasculaire est plus puissant, le tissu fibreux plus important et les lacunes moins développées qu'en saison humide.

Dans les tiges et racines de cette même saison, il y a accumulation d'amidon, qui manque, au contraire, dans les tiges de saison pluvieuse. Il semble que, pendant la saison sèche où la végétation est peu exubérante et où l'accroissement est faible, la plante emmagasine dans l'épaisseur de ses tissus des substances de réserves. Puis, lorsque surviennent les pluies, le développement est vigoureux, un grand nombre de pousses nouvelles apparaissent; l'amidon de la saison sèche est alors utilisé pour la formation de ces nouvelles tiges qui présenteront les caractères de la saison humide.

Au point de vue purement anatomique, M. Costantin avait déjà observé des différences en examinant comparativement des régions aquatiques et aériennes d'une même tige, mais il était intéressant de rechercher si les mêmes caractères se retrouveraient dans les plantes des pays chauds, adaptées à un autre climat. C'est ce que nous avons constaté, avec peut-être même une exagération de ces modifications profondes, provoquées par la vie aquatique ou semi-aquatique chez des plantes qui, d'autre part, peuvent tout aussi bien vivre en terres sèches.


NOTES BIBLIOGRAPHIQUES

Hans MOLISCH. — Das Offen und Geschlossensein der Spaltöffnungen veranschaulicht durch eine neue Methode (Infiltrationsmethode).

[L'ouverture et la fermeture des stomates mises en évidence par une nouvelle méthode (méthode d'infiltration)] (Zeitschr. f. Botan. Iena, 1912, p. 106).

Le principe de la méthode est le suivant. Si l'on dépose sur la surface d'une feuille un liquide pouvant pénétrer rapidement dans de petites ouvertures capillaires et si les stomates sont ouverts, le liquide y entre, envahit les espaces intercellulaires, ce qui produit des plages transparentes dans la feuille observée par transparence, des plages obscures dans la feuille observée par réflexion. Si les stomates sont fermés, le liquide ne pénètre pas. Les substances les plus avantageuses pour ces expériences sont l'alcool, le benzène, le xylol. L'alcool a l'avantage de détériorer peu les tissus, mais il ne pénètre pas dans des ouvertures très fines où le benzène et le xylol peuvent entrer. Les expériences peuvent être menées assez rapidement pour que l'action nocive du benzène et du xylol sur les tissus ne soit pas une cause d'erreur.

Cette nouvelle méthode est plus rigoureuse que les méthodes habituelles avec arrachement de l'épiderme. L'auteur l'a utilisée dans un grand nombre d'expériences sur la fermeture des stomates à l'obscurité et lorsque la feuille se flétrit. Les recherches ont porté sur des espèces très variées. Jean FRIEDEL.

Hans FITTING. — Über eigenartige Farbänderungen von Blüten und Blütenfarbstoffen. (Sur des changements particuliers de coloration chez des fleurs et des pigments floraux) (Zeitschr. f. Botanik, Iena, 1912, p. 81).

Le Professeur Fitting fait remarquer qu'il est, le plus souvent, fort difficile de suivre les phénomènes chimiques provoqués dans un organisme par les excitations extérieures telles que celles qui résultent de la pesanteur, de la lumière, de la chaleur, etc.. Parfois les changements de couleur d'un pigment existant dans la cellule donnent, sur


174 REVUE GÉNÉRALE DE BOTANIQUE

les phénomènes chimiques intimes accomplis dans l'organisme, des renseignements analogues à ceux que l'on obtient dans les opérations de laboratoire au moyen d'indicateurs colorés.

L'action de la chaleur sur la couleur des pétales de certaines fleurs donne des résultats très intéressants à ce point de vue. Des fleurs d'Erodium gruinum et d'E. ciconium, cueillies par une fraîche matinée, ont une couleur bleue très intense. Si on les porte dans une serre à une température de 40 à 42°, au bout de quelques secondes, la coloration des pétales passe à un rouge vineux pâle, puis en quelques minutes elle pâlit de plus en plus et finit par atteindre une teinte d'un rose très clair. Si l'on reporte les fleurs au froid, les mêmes changements de coloration se produisent en sens inverse, mais plus lentement que dans la serre chaude. Si l'on tue les fleurs par le chloroforme, ou si l'on opère sur des extraits aqueux ou alcooliques, les phénomènes restent sensiblement les mêmes, ce qui prouve que ces changements de coloration ne sont pas liés avec la vie de la cellule.

L'auteur a opéré sur un grand nombre de fleurs appartenant aux espèces les plus variées. Des résultats semblables à ceux qui ont été signalés chez l'Erodium Gruinum et l'E. ciconium s'observent chez divers Erodium et Geranium, chez l'Iris Bohemica, le Viola hortensis, l'Agrostemna Githago, etc., et sur l'extrait de Chou rouge, mais les températures correspondant aux changements de coloration varient beaucoup suivant les espèces. D'autres plantes ont donné des résultats négatifs.

L'auteur pense que ces changements réversibles de coloration se rattachent à des phénomènes de dissociation.

Jean FRIEDEL.

J. ENDLER. — Uber den Durchtritt von Salzen durch das Protoplasma. I. Biochemische Zeitschrift, Bd 42, Heft 6.

Dans un premier Mémoire, l'auteur entreprend l'étude de l'influence des sels sur la pénétration des colorants dans les cellules vivantes et se propose en particulier d'élargir le cercle des connaissances qui se rattachent à la pénétration des sels neutres dans les cellules vivantes.

Après un exposé de la technique qu'il a employée et un résumé succinct pour la mise au point du problème, J. ENDLER fait justement remarquer les difficultés relatives à cet ordre de recherches. Ces difficultés tiennent à la variabilité de la structure du protoplasma ; le protoplasma est formé d'albuminoïdes labiles, cette constitution entraîne des changements constants de perméabilité.

D'après l'auteur, une concentration croissante en sels neutres du milieu dans lequel se trouve la cellule végétale augmente la


NOTES BIBLIOGRAPHIQUES 175

faculté de coloration de cette cellule par le rouge neutre par exemple jusqu'à un état fixe de la solution extérieure ; mais, en augmentant progressivement le degré électrolytique de la solution extérieure, on arrête l'absorption du colorant.

Pour un colorant déterminé, à chaque sel correspond donc une courbe présentant :

Une région ascendante pour laquelle la coloration devient plus intense ;

Un maximum correspondant à l'optimum;

Une région descendante correspondant à la décoloration, et cela pour des concentrations croissantes en sel à partir de 0.

Les premières séries d'expériences sont faites à des températures constantes avec des sels neutres, le colorant employé est le rouge neutre. Les cellules vivantes sont des Algues diverses ( Ulva lactuca, Vaucheria, Nitophyllum punctatum, etc.).

L'allure des différentes courbes est identique; seule l'intensité de l'effet produit est variable.

Etudiant ensuite les variations de la rapidité de la coloration pour une concentration croissante en sels, l'auteur remarque que l'exosmose du colorant hors de la cellule est à un certain degré indépendante de la nature des matières de réserve qui sont dans la cellule.

Pénétrant plus avant dans la question, J. ENDLER étudie ensuite l'influence des divers cathions sur l'exosmose du colorant.

L'anion demeurant constant, il fait varier la nature des métaux des sels en expérience et obtient ainsi une classification des cathions basée sur leur force d'expulsion du colorant. Il applique la même méthode aux anions et classe ces derniers de la même façon. Il tire de ses expériences les conclusions suivantes :

1. Les sels neutres, à de faibles concentrations, favorisent la pénétration du colorant dans la cellule; si la concentration augmente, la pénétration du colorant est arrêtée.

2. Si on range les anions d'après leur force d'arrêt de coloration on a la série suivante :

Nitrate < Chlorure < Sulfate < Tartrate. Citrate < Aluminate

< Salicylate.

3. Les différences entre les cathions ne sont pas si nettes; seul l'Al arrête plus fortement que les autres l'absorption du colorant.

4. Enfin, les recherches faites sur l'exosmose du colorant par différents sels neutres donnent pour les ions la classification suivante :

Na < K < Mg (Ca) Al et Nitrate < Chlorure. Sulfate < Tartrate

< Citrate.

Les tartrates et les citrates d'une part et l'Al d'autre part présentent quelques particularités signalées dans le mémoire.

E. MICHEL-DURAND.


CHRONIQUES ET NOUVELLES

M. le professeur HUGO DE VRIES, d'Amsterdam, a été élu Membre correspondant de l'Académie des Sciences de Paris.

L'Académie royale des Sciences de Prusse a élu Membres correspondants : les professeurs VON GOEBEL, de Munich, HUGO DE VRIES, d'Amsterdam, et VON VÖCHTING, de Tubingue.

Le 25e anniversaire de la nomination de M. le professeur LIGNIER à la chaire de Botanique de Caen a été fêté le 20 janvier dernier.

Mlle PROMSY a obtenu un diplôme de médaille d'or de la Société Nationale d'Agriculture pour ses recherches sur l'influence des acides dans la germination des graines.

M. MOREAU, chargé de cours, est nommé Professeur de Botanique et de matière médicale à la Faculté de Médecine de l'Université de Lyon.


ÉTUDE SUR DEUX ESPÈCES DU GENRE FUSARIUM

Par MM. Edmond GAIN et BROCQ-ROUSSEU

Si l'on consulte le Sylloge Fungorum de Saccardo, on voit que sous la dénomination de genre « Fusarium » sont décrites 182 espèces. Il n'est pas douteux que quelques-uns de ceux qui ont décrit pour la première fois ces différentes espèces ont été plus préoccupés de, donner un nouveau nom au Champignon dont ils s'occupaient, que de rechercher si leur nouvelle espèce se rapportait à une espèce déjà reconnue. Il en est trop souvent ainsi, et la nomenclature rnycologique souffre de l'imprécision des caractères spécifiques.

Dans un travail récent (1), Appel et Wollenweber ont essayé de reprendre par la base, l'étude du genre Fusarium, en recherchant un certain nombre de caractères pouvant différencier véritablement les espèces.

Au début de leur travail, les auteurs montrent le désordre et la confusion qui règnent entre certains genres voisins, et nous pensons qu'il n'est pas inutile de traduire en un court résumé cette partie historique de la question.

Le nom de Fusarium fut employé la première fois par Link en 1809 (2), avec la diagnose suivante :

« Stroma subglobulosum, sporidia fusiformia, non septata, instrata.» Il ajoute : «Stroma hemisphaericum evidenter vesiculosum plantis innascitur siccis. Sporidia Fusidiis simillima et tara leviter

(1) Dr O. Appel und Dr H. W. Wollenweber : Grundlagen einer Monographie der Gallung Fusarium (Link.).

Arbeiten aus der Kaiserlichen biologischen Anstalt fur Land und Forstwirtschaft. Bd. 8, Hf. I, 1910.

(2) Link : Observationes in Ordines plantarum naturales. Dissertatio I (Magaz. d. gesell. natur. Freunde, Berlin, 111, S. 3-42).

Revue gén. de Botanique. — XXV. 12.


178 REVUE GÉNÉRALE DE BOTANIQUE

stromati instrata, ut madefacta defluant. Unica species, nondum descripta. » (Cette espèce est F. roseum).

Il décrit donc un genre à conidies unicellulaires, voisin de Fusidium Link. dont les spores sont agglomérées et sans stroma. Les dessins de Link montrent des conidies en fuseau, non recourbées, ne ressemblant pas aux conidies des Fusarium tels qu'on les comprend actuellement. A côté de ces 2 genres, est exposé le genre Fusisporium:

« Thallus e floccis caespitosis ramosis, septatis. Sporidia in medio thallo accumulata, fusiformia. Sporidia Fusidiis simillima, ut dempto thallo hujus generis videantur. Thallus quo que tenuit : sporidia cumulata extus tantum cingît, quasi accessorius. »

Il n'y a donc qu'une différence de végétation et on ne peut séparer ce nouveau genre des précédents.

Link décrit enfin le genre Atractium dont le stroma est allongé et les conidies fusiformes, non cloisonnées. La figure montre une forme corémienne à spores petites, et en forme d'oeuf.

Cet auteur pressent le voisinage de ces genres, en disant :

« Genera : Fusidium, Fusarium, Atractium, Fusisporium, commode ut familiae unius generis Leptotherii considerari possunt, in variis tamen ordinibus citanda erunt ; sporidia enim eadem sunt, receptaculum vero variis modis mutatum occurrit. »

Partant de cela, Link fait entrer Fusarium roseum dans le type Fusidium roseum avec l'explication :

« Fusarium stromate distingui nequit. »

De même Fusisporium aurantiacum devient Fusidium aurantiacum.

« Thallus floccosus in hac specie mihi accessorius videtur; nam Vratislaviae plantulum sine thallo inveni. »

Nees von Esenbeck (1) n'admet pas cette réunion de genres, et il décrit 4 genres différents : Fusidium, Fusarium, Fusisporium, Atractium. Ehrenberg (2) n'admet que les 2 genres : Fusarium et Fusidium. Link, dans son nouveau travail de 1824 (3), sépare de nouveau les genres de façon différente :

(1) Nees von Esenbeck : Das system der Pilze und Schwamme, Wurzburg, 1817.

(2) Ehrenberg : Sylvae mycologicae berolinenses.

(3) Link : Species Hyphomycetum et Gymnomycelum (Linnaei spec. plant., T. VI, p. 1, 1824).


SUR DEUX FUSARIUM 179

Fusisporium. Flocci ramosi intricati toti septati. Sporidia nuda non

septata fusiformia aut cylindrica. Fusidium. Sporidia cylindrica aut fusiformia saepe septata instrata. Fusarium. Sporodochium verruciforme aut capitatum. Sporidia

fusiformia saepe septata.

Schlechtendahl (1), met en valeur pour la diagnose, la courbure des conidies, ce qui n'avait pas encore été fait.

Corda (2) considère aussi ce caractère de courbure comme important. Il donne le nom de Fusidium aux conidies droites ou courbées tandis que Fusarium a seulement des conidies courbes. Plus tard, il attribue seulement au genre Fusidium les conidies droites; par contre, il dit pour Fusarium : « Sporis simplicibus fusiformibus, curvatis vel rectis ».

Pour les espèces à conidies courtes et cloisonnées, il créa les genres Fusoma et Selenosporium, le premier sans stroma, le second avec stroma corné sur lequel apparaissent les conidies. Il range le genre Fusisporium dans ses Sporotrichacées, et dans son dernier travail, le genre Fusisporium n'existe plus, il ne le distingue pas du genre Sporotrichum.

Fries n'attribue pas une grande valeur à la courbure des conidies. Il donne comme caractère au genre Fusarium « conidies subcourbées et au genre Fusidium « conidies droites », ce qui ne l'empêche pas de décrire Fusidium auranliacum avec des conidies courbes. Il note que ce sont des genres voisins qui ne se distinguent que par des caractères végétatifs, et il accorde beaucoup plus de valeur aux différences du mycélium qu'à celui des conidies. Il classe ainsi Fusisporium dans les Hyphomycètes, ordre des Sépédoniées; Fusarium et Fusidium dans les Coniomycètes et dans les groupes différents des Tuberculariées et des Stilbosporées.

Dans sa Summa (3), Fries ne garde plus le genre Fusidium et le fait rentrer dans le genre Fusisporium. Il crée aussi le genre Pionnotes pour les conidies en faucille.

Il ne reste donc plus que 2 genres, possédant les caractères suivants :

(1) Schlechtendahl : Flora berolinensis. Cryptogamia. P. II, Berlin, 1824.

(2) Corda : Pilze in Deutschlands Flora Nümberg, Hf. 7-9, 1829. — Icones funyorum hacusque cognitorum, 1837-1854.

(3) Fries ; Summa vegetabilium Scandinaviae, 1849.


180 REVUE GÉNÉRALE DE BOTANIQUE

Fusarium Link :

« Stroma pulvinatum, carnosum firmumve cellulosum, sporis sporophoris suffultis, fusiformibus curvatis pellucidis in stratum discoideum conglutinalis. »

Il ajoute en note au bas de la page :

« Sporse in hoc et sequente gnère simillinae, in utroque quo que manifeste variant et simplices et septatae, at semper manent pellucidae, vulgo curvatse; ul mini impossibile videatur in systemate separare. Monet jam inventor illustrissimus Fusaria, Fusidia et Fusisporia in unum genus facile esse jungenda. »

Fusisporium Link, Fr. :

« Stroma effusum gelatinosum, e floccis et sporis (exacte prioris, in flocorum apicibus natis) conglutinatis formatum. »

L'un des derniers travaux sur cette question a été fait par Saccardo (1). Il divise le genre Fusarium de la façon suivante :

I. Eujusarium. — Conidia fusoidea vel falcata vel cylindricea 1- pluriseptata. A. Selenosporium Corda. — Sporodochia compacta, figurata. B. Fusisporium Link. — Sporodochia effusa, laxa, byssina.

II. Fusamen Sacc. — Conidia fusoidea vel falcata, vel cylindracea continua (v. septis, non indicatis).

A. Selenospora Sacc. — Sporodochia compacta, figurata.

B. Fusispora. — Sporodochia effusa, laxa, byssina.

III. Leplosporium Sacc. — Conidia breviora ovoidea vel subolonga continuata.

A côté de ces sous-genres ainsi définis, Saccardo conserve les genres Fusidium, Fusoma et Pionnotes, auxquels il rapporte les diagnoses suivantes.

Fusidium Link.— Hyphoe breves, simplices, a conidiis porum diversoe.

Conidia concatenata fusiformia, utrinque acutata, hyalina vel

loete colorata. Fusoma Corda. — Conidia epi-vel entophyta, tecta vel libera, innata

fusiformia, septata; mycelio nulla vel obsoleto.

(1) Saccardo : Sylloge fungorum..., t. IV, 1886.


SUR DEUX FUSARIUM 181

Pionnotes Fr. — Sporodochium gelatinosum dein rigescens (aurantio rubrum) crasse pulvinatum v. lobatum. Conidia majuscula, fusoidea v. cylindrica, flexuosa, pellucida. Obselete septata (raro ell psoidea, continuata). Hyphae fasciculatae simplices vel ramosse.

Nous voyons donc que la plus grande divergence de vues n'a cessé de régner entre ces genres voisins.

Dans le genre Fusarium lui-même, nous rencontrons autant de divergences d'opinion. Nous allons le montrer par deux exemples. Il s'agit de deux espèces : F. Solani et F. roseum dont nous avons fait l'étude.

Nous avons recherché si dans les caractères des cultures et dans les caractères biologiques nous ne trouverions pas quelque procédé de diagnose ayant une valeur au moins égale à celle qu'on accorde à des caractères morphologiques. Les deux espèces étudiées correspondent à la diagnose de Saccardo.

FUSARIUM SOLANI (Mart.) Sacc.

Martius (1) décrivait son Fusis porium = Fusarium Solani avec des conidies à 3-4 cloisons; 75 u. de long; à chlamydospores terminales (qu'il nomme variété sporolrichoïdes), et admet que le champignon a deux formes. Les couleurs du mycélium (blanc, violet ou rose) semblent prouver, ainsi que ses dessins, qu'il a peut-être décrit plusieurs champignons.

Desmazières (2) décrit son Fusarium Solani avec conidies à 3-5 cloisons, rarement 5, mycélium blanc. Ce genre a été rapporté par Saccardo, à cause de ses amas de conidies, au genre Pionnotes.

Harting (3) trouve 2 variétés dans Fusisporium Solani Mart., une blanche et une jaune avec des conidies 4-5 septées et dont les longueurs sont respectivement 18-32 u, 21-44 a. IL ne vit pas de chlamydospores.

(1) Martius : Die Kartoffelepidemie der letzten Jahre..., etc. — Munschen Akad. d. Wissenschf, 1842.

(2) Desmazières : Onzième notice sur quelques plantes cryptogames, Ann. Sc. nal., III Série, p. 357, 1845.

(3) Harting : Nieuwe Verhandl. de eersle Klasse van hel Kon. Nederl. Inst. van Wetensch., Amsterdam, XII, p. 203-297, 1846.


182 REVUE GÉNÉRALE DE BOTANIQUE

Schacht (1) décrit Fusisporium Solarii avec des conidies à 1-4 cloisons, mais il les dessine avec cinq. Les dimensions manquent. On peut les évaluer d'après les dessins à 35-38 p. x 7-7 1/2 u. Les chlamydospores le plus souvent intercalaires forment des chaînes. Il trouve du mycélium blanc, jaune clair, jaune soufre, rose rougeâtre, violet. — Il est bien évident qu'il y a une confusion d'espèces.

De Bary (2) augmente la confusion en déclarant que F. didymum Hart. et Fusisporium Solani appartiennent au cycle évolutif d'une même espèce. Sa description et ses dessins ne permettent pas de savoir à quelle espèce on doit rapporter son champignon.

Karsten (3) paraît avoir dessiné F. Solani, mais il n'y a aucune indication de couleur ni de grosseur.

Reinke et Berthold (4) rattachent Fusisporium Solani à Hypomyces Solani. Ils le décrivent avec des conidies à 1-5 cloisons, 10-50 x 5-8 |x chlamydospores terminales, rarement intercalaires, qu'ils appellent macroconidies.

Saccardo (5) décrit F. Solani avec 5 ou 3-5 cloisons 40-60 x 7-8 u. Il ne dit rien des chlamydospores.

Smith (6) décrit comme Fusisporium Solani Mart., un Fusarium dont les conidies ont les bouts très recourbés. Ces conidies ressemblent à celles de F. potymorphum Marchal. Les dessins trop schématiques de Schacht et de Smith donnent des conidies ressemblantes, mais les conidies de Schacht ont 5 cloisons, celles de Smith n'en ont que 3. De plus, d'après Smith, le Fusarium donne l'impression d'une Péronosporée. Il ne dit rien de la couleur.

Massée (7) décrit un Fusarium Solani analogue à celui de Saccardo à 3-5 cloisons et extrémités effilées.

Wehmer (8) ne donne pas d'indications suffisamment précises pour que son Fusarium soit identifié avec F. Solani.

(1) Schacht : Bericht an das Konigl Landes Okonomie-Kellegium uber die Kartoffelpflanze und deren Krankheiten, Berlin, 1856.

(2) De Bary : Die gegenwarlig herrschende Karloffelkrankheil, ihre Ursache und ihre Verhütung, Leipzig (A. Fôrster), 1861.

(3) Karsten : Uber die Pilze, welche die Trockenfaule der Karloffeln begleiten (Ann. d. Landwirls, XLVI, 1865).

(4) Reinke et Berthold : Die Zerselzung der Kartoffel durch Pilze. Unters. a. d. Bot. Lab. d. Univ. Gôttingen, Hf. 1, Berlin, 1879.

(5) Saccardo : Syllage fungorum, t. IV.

(6) Smith : Diseases of Field and garden Crops chiefly such as are caused by Fungi, London, 1884.

(7) Massee : Brilish Museum Flora London, 1893.

(8) Wehmer : Die Fusariumfâule der Kartoffelknollen. Zeilsch. f. Spiritusindustrie, 1899, XXI, n° 48.


SUR DEUX FUSARIUM 183

Smith et Swingle (1) prétendent que Fusarium Solani (Maar. ) Sacc. F. Solani luberosi Desm., Pionnotes Solani tuberosi Sacc. sont analogues à F. oxysporum (Schlecht) Sm. et Sw.

Pethybridge (2) décrit F. Solani avec des conidies 1-3 septées et un stroma bleu.

On voit donc que là plus grande obscurité règne quant à la diagnose de l'espèce.

Appel et Wollenweber considèrent F. Solani comme une espèce mixte dans laquelle ils distinguent :

Fusarium Solani (Mart.) Ap. et Wol.

— Martii n. sp.

— coeruleum (Lib.) Ap. et Wol.

— rubiginosum n. sp.

— orthoceras n. sp.

— didymum Hart.

— (à conidies d'Hypomyces Solani Reinh. et Berth.).

— sp. Smith.

— sp. Sacc.

L'espèce étudiée Fusarium Solani (Mart.) Sacc. a été isolée de la pomme de terre, à Nancy.

CARACTÈRES DES CULTURES

I. — MILIEUX HYDROCARBONÉS AVEC AZOTE

Pomme de terre. — Au bout de 24 heures, apparition d'une tache blanche, duveteuse, cotonneuse qui s'étend les jours suivants sur toute la surface du milieu. Hyphes blanches s'élevant à la surface de la culture de 3 à 4 mm. La culture est très abondante. Les filaments sont ramifiés et cloisonnés. Les spores n'apparaissent qu'après 5 à 6 jours.

Dans certaines cultures, au bout d'une quinzaine de jours, apparaissent en certains points de très petites taches bleu noirâtre, ainsi qu'un fin liséré de même couleur sur le bord de la pomme de terre. Parfois dans les vieilles cultures apparaît une teinte générale

(1) Smith : Wilt disease of Cotton, Watermelon and Cowpea U. S. Dep. of Agr. Bull. 17, Washington, 1899.

(2) Pethybridge : Dry Roi of Potato tuber (The économic Proceed. of the Dublin Soc, Vol. I, p. 14, 1908).


184 REVUE GÉNÉRALE DE BOTANIQUE

bleu noirâtre, due probablement à des phénomènes d'oxydation de la tyrosine sous l'influence d'une tyrosinase.

Les vieilles cultures changent de caractères. Ainsi, une culture de soixante jours présentait encore par places un tapis blanc, mais presque partout, on trouve, répandus à la surface, des amas jaunâtre ou gris jaunâtre, formant une surface mamelonnée d'une façon très irrégulière. La couleur varie entre 128 d et 138 du code des couleurs (Klincksiek).

L'examen de ces masses montre qu'elles sont formées de chlamydospores et de spores entremêlées. Les chlamydospores ont une membrane épaisse et leur contour est granuleux ; une coloration au bleu lactique ou à la fuschine phéniquée montre très nettement ces caractères. Un grand nombre de spores de ces amas ont germé, la plupart germent par une extrémité ; parfois la germination se fait de côté.

Carotte. — Même aspect blanc duveteux que sur pomme de terre, mais le développement est encore plus abondant. Les spores apparaissent après 4 à 5 jours. Dans les cultures âgées, ainsi que sur la pomme de terre, apparaissent des points et un liséré bleuâtre.

Cultures sur tes grains de céréales. — Le champignon a été semé sur des grains stériles de Blé, d'Orge, de Seigle et de Maïs. La culture s'est présentée sur fous les grains avec les mêmes caractères.

Au début, apparition d'une culture blanche qui en vieillissant prend une teinte crémeuse. Longtemps après, apparaissent par places des taches ocre jaune qui par leur réunion donnent aux vieilles cultures un aspect blanc jaunâtre.

Cultures sur ergot de seigle. — En vue de rechercher s'il y avait une différence avec F. roseum, nous avons cultivé F. Solani sur le sclérote de claviceps. Il y 'pousse abondamment en donnant la culture blanche habituelle.

II. — MILIEUX HYDROCARBONÉS SANS AZOTE

Amidon. — Le champignon ne pousse pas sur l'empois d'amidon pur.

Tannin à 1 %. — Aucun développement. Cellulose. — Sur des papiers à filtrer représentant de la cellulose presque pure (cendres 0,00017), le champignon ne pousse pas.


SUR DEUX FUSARIUM 185

Glucose (solution à 2 %).— Développement abondant, cultures blanches très développées. Le liquide prend, dans la profondeur, une teinte blanc opalescent, due à la culture du champignon dans la profondeur du liquide. En vieillissant, le liquide devient très légèrement jaunâtre, et il persiste à la surface une belle culture blanche abondante.

III. — MILIEUX AZOTÉS ORGANIQUES

Bouillon peplone alcalin. — Le champignon pousse en surface et dans la profondeur du liquide. A la surface, se forme un voile blanchâtre Occupant toute la surface du bouillon ; et dans la profondeur poussent des touffes mycéliennes blanchâtres ressemblant à des flocons d'albumine en suspension, et donnant au bouillon un léger aspect opalescent.

Bouillon peplone, acide. — Le développement est presque nul. Au bout de plusieurs mois, il n'y a qu'une touffe mycélienne insignifiante.

Eau peplonée à 3 %. — A la surface du liquide, formation d'un voile assez abondant, avec de nombreux filaments dressés. La pellicule s'épaissit et son examen montre de nombreux filaments entrecroisés produisant une quantité considérable de chlamydospores.

Eau peptonée avec 1 % de nitrate de potasse et bouillon peplone avec nitrate à 1 %. Même aspect qu'en eau peptonée.

Eau peptonée. avec sulfate de zinc à 1 %. — Très belle culture, colonies blanches à la surface et houppes dans la profondeur. Le sulfate de zinc ne paraît pas gêner son développement, il paraîtrait même qu'il a une influence favorable.

Gélose alcaline. — Au bout de quelques jours, bonne culture blanche, mais pas très abondante, les filaments sont assez rares et assez fins.

La culture forme toujours un gazon très ras à la surface de la gélose; clans les très vieilles cultures apparaissent quelques points jaunâtres.

Gélose glucosée. — Le développement est plus rapide que sur gélose ordinaire. La culture est blanche, à gazon ras, et plissée par


186 REVUE GÉNÉRALE DE BOTANIQUE

places, ce qui la fait ressembler à certaines cultures des champignons des teignes.

Gélatine alcaline. — Culture blanche s'étendant circulairement autour du point d'inoculation, gazon assez rare, mais cependant plus abondant que sur gélose. Pas de liquéfaction.

Lait. — Culture très abondante d'un blanc pur, formant au bout de quelques jours une surface mamelonnée à gazon ras. La culture reste longtemps blanche, puis au fur et à mesure que s'opère la digestion de la caséine, elle prend une teinte jaune qui va en s'accentuant, et sous les très vieilles cultures, cette, teinte tire sur le jaune brun. Ces vieilles cultures n'ont qu'une odeur légèrement aigre.

Albumine cuite. — Il pousse assez mal sur ce milieu, en formant une culture blanche assez clairsemée. Il se forme beaucoup de chlamydospores terminales.

Saindoux. — Culture nulle.

IV. — MILIEUX AZOTÉS MINÉRAUX

Solution de succinate d'ammoniaque. — Le champignon est semé dans la solution suivante :

Succinate d'ammoniaque 5 gr.

Phosphate neutre de potasse 2 gr. 15

Sulfate de magnésie 1 gr. 25

Chlorure de calcium 0 gr. 62

Eau distillée 500 gr.

Il y pousse très bien en formant un voile blanc à la surface avec des filaments plongeant dans la profondeur. C'est un des milieux qui paraît le plus favorable au développement du champignon. La solution reste limpide et les vieilles cultures ont gardé leur couleur blanche.

En résumé, dans nos cultures, le caractère constant des cultures du F. Solani est de former une culture toujours blanche. Ce n'est que dans les vieilles cultures qu'apparaissent des teintes jaunâtres.


SUR DEUX FUSARIUM 187

CARACTERES BIOLOGIQUES

Le F. Solani pousse à la température ordinaire. — Son optimum de croissance paraît être aux environs de 25°.

Cultures anaérobies. — Le champignon est semé sur une carotte. Après trois jours, apparaît une culture d'environ 2 mm. de diamètre. A ce moment, on fait le vide dans le tube, on scelle à la lampe et la croissance du champignon s'arrête immédiatement.

Au bout de cinquante jours le tube est ouvert. Immédiatement la culture reprend son activité, et au bout de quelques jours, on obtient une culture bien développée. La privation d'oxygène n'a donc pas tué le champignon pendant cette longue période de 50 jours.

Action sur la peplone. — Le champignon a été semé dans une solution de peptone à 3 %. Ainsi que nous l'avons vu, il se développe très bien dans ce milieu. Nous avons recherché s'il y avait formation d'indol dans la culture, le résultat a été négatif.

Action sur l'albumine. — Des cultures sur blanc d'oeuf ont été reprises par l'eau et filtrées. Les réactions de Milon et du biuret ont été positives. Le champignon décompose donc l'albumine, il sécrète une trypsine.

Action sur le lait. — Ainsi que nous l'avons vu, le champignon se développe très bien sur ce milieu. Au bout de 2 ou 3 jours, se forme un coagulum qui se dissout par la suite, et la digestion de la caséine se poursuit jusqu'à ce qu'il ne reste plus au fond du ballon qu'un peu de liquide jaunâtre surmonté d'une culture volumineuse du Fusarium.

La sécrétion d'une présure et d'une caséase peut être mise en évidence en opérant sur des filtrats stériles, semés dans du lait stérile. Le phénomène de digestion se poursuit dans ces conditions comme dans la culture même.

Action sur les nitrates. — Du bouillon ou de l'eau peptonée, ensemencés avec le champignon, n'ont pas montré de décomposition des nitrates qui y étaient ajoutés.

Action sur la lyrosine. — Les points bleus que nous avons signalés, et la coloration bleu noirâtre de quelques vieilles cultures nous ont incité à rechercher si le champignon sécrétait de la tyrosinase,


188 REVUE GÉNÉRALE DE BOTANIQUE

car vraisemblablement, ces colorations étaient dues à la sécrétion de cette diastase. A du bouillon peptone alcalin, nous avons ajouté une solution saturée de tyrosine. Le champignon se développe bien, mais à aucun moment, il n'y a eu de changement de coloration. Nous devons donc conclure qu'il ne sécrète pas de tyrosinase.

En résumé, notre Fusarium Solani présente peu de réactions biologiques caractéristiques. Il sécrète une trypsine, une présure et une caséase, et il ne liquéfie pas la gélatine. Tels sont les points que nous devons retenir de ses caractères.

FUSARIUM BOSEUM Link

Link (1) désigne sous ce nom un genre trouvé sur les Malvacées; les conidies couvrent la tige de points rouges, elles paraissent moins larges que celles de F. Solani, Plus tard (2), il rapporte cette espèce au genre Fusidium, puis enfin (3) il la rattache de nouveau au genre Fusarium. Son espèce ne paraît pas être identique au Fusisporium roseum des Graminées.

Corda (4) dit avoir trouvé F. roseum sur des Ombellifères, mais ses conidies sont plus longues que celles de Link.

Saccardo (5) distingue les F. roseum en variétés suivant le substratum, et il mentionne le cloisonnement des conidies.

Woronin (6) trouve F. roseum sur des épis malades de céréales, formant un enduit rose ou rose blanchâtre; les spores sont fusiformes, effilées aux 2 extrémités, en forme de faucille 5-septées.

Massee (7) donne comme description, couleur rouge, conidies fusiformes, pâles, très abondantes 30-65 x 4 p., ordinairement à 3 cloisons.

Mangin (8) prend F. Dianthi Prill. et Del. pour F. roseum, spores courtes 5-10 x2-3 u, spores longues 20-70 x2-6 u avec 1 à 7 cloisons.

(1) Link : Observations in Ordines planlarum naturelles. (Magaz. d. Gesell. natur. Freunde, III, p. 3-42, Berlin 1809).

(2) Link : ld., VII, p. 25-45, 1816.

(3) Link : Species Hyphomycelum (Linnaei Spec. Plant., P. II, 1825).

(4) Corda : Icones fungorum, Prag. I, 1837.

(5) Saccardo : In Michelia, II, 1881.

(6) Woronin : liber das Taumelgctreide in Sud Ussurien. Bot, Zeitg., 11.189 J.

(7) Massee : British Fungous Flora, London, 1893.

(8) Mangin : Sur le parasitisme du F. roseum et des espèces affines. C. R., CXXXI. p. 1244, 1900.


SUR DEUX FUSARIUM 189

Hedgcock (1) décrit sous ce nom de F. roseum, un F. qui forme des taches roses, rouges ou violettes sur Pinus strobus, à conidies 1 à 4 cellulaires 19-30 x 3,5-6 u. Il observe des chlamydospores.

Lindau (2) admet la diagnose de Massée en diminuant la largeur des conidies pour y faire entrer des variétés de Saccardo qui sont de la même espèce.

L'espèce que nous avons étudiée a été récoltée sur des Ergots de Seigle. En 1910, les champs de Seigle des environs de Gérardmer ont présenté une grande abondance à la fois d'ergots et de F. roseum. Les épis, même vus à plusieurs mètres de distance, présentaient fréquemment l'aspect rouge dû à la présence de ce champignon.

On pourrait peut être même se demander s'il n'existe pas quelque relation plus étroite entre F. roseum et l'Ergot du Seigle. Il n'est pas le seul Fusarium pourtant qui supporte de vivre sur ce milieu. Nous avons vérifié que le Fusarium Solani pousse aussi très bien sur les sclérotes de Claviceps purpurea.

CARACTÈRES DES CULTURES

I. — MILIEUX HYDROCARBONÉS AVEC AZOTE

Pomme de terre. — Culture blanche au début avec hyphes dressées de 4 à 5 mm. Développement abondant. Après quelques jours, apparaissent des taches roses qui vont en augmentant, mais la teinte rose n'envahit que très rarement le milieu tout entier; il reste toujours des parties blanches de la culture. La teinte rose peut aller jusqu'au violet rose dans les vieilles cultures. La teinte est alors comprise entre 581 et 591 du violet rouge (Code des couleurs). Dans les vieilles cultures, la teinte blanche passe parfois au jaunâtre ou à l'ocre jaune (103 d'à à 141, généralement 121, C. d. c).

Carotte. — Même aspect que sur pomme de terre; le développement est plus rapide et plus abondant.

(1) Hedgcock : Studies upon some chromogenic fungi which discolor wood. Thèse Washington, 1906.

(2) Lindau : Hyphomycetes in Rabenh. Krypl. Flora, IX, Abl., Leipzig, 1909.


190 REVUE GÉNÉRALE DE BOTANIQUE

Graines de céréales. — Blé, orge, maïs, seigle. La culture a le même aspect sur tous les grains : formation d'un voile blanc qui devient jaunâtre en vieillissant, et apparition par places de teintes roses ou violet rose un peu différentes du ton rouge que présentait le champignon dans son habitat naturel. Nous avons semé ce champignon, qui avait été récolté sur des Ergots de Seigle, sur des Ergots stérilisés. Il y poussa parfaitement en donnant une culture blanche puis gris jaunâtre. Il n'apparaît pas de teinte rose, mais par places la culture devient ocre jaune rougeâtre. Il est bon de faire remarquer que l'ergotine qui est très toxique ne paraît gêner nullement le développement du champignon.

II. — MILIEUX HYDROCARBONÉS SANS AZOTE

Amidon. — Pas de développement.

Tanin 1 %. — Pas de développement.

Cellulose. — Pas de développement.

Glucose, solution à 2 %. — Culture blanche, s'étendant circulairement, jaune par places au centre, puis jaune très légèrement orangée. Le fond du liquide prend une teinte orangé jaune (161 à 166 C. d. c). Jamais la culture ne prend de teinte rosée ni violet rouge. Elle reste jaune ou tirant légèrement sur l'orange. L'examen montre de nombreuses spores, mais sans aucune chlamydospore.

III. — MILIEUX AZOTÉS ORGANIQUES

Bouillon peptone alcalin. — L'aspect est le même que celui de F. Solani ; la culture est blanche, puis les filaments deviennent jaunâtres ; le développement se fait à la surface et dans la profondeur du bouillon. Pas de teinte rose.

Bouillon peptone acide. — Développement presque nul.

Eau peptonée 3 %. — Au bout de quelques jours, formation à la surface du liquide d'une pellicule plissée, translucide par places; en d'autres endroits recouverte d'une très légère couche blanchâtre, constituée par un gazon ras et très clairsemé. Le voile a presque l'aspect d'un voile de culture microbienne. Ce voile est formé do filaments avec quelques chlamydospores, mais il y a une abondance formidable de spores.


SUR DEUX FUSARIUM 191

Eau peptonée nitrate de potasse et bouillon nitraté 1 %. — Même aspect qu'en eau peptone.

Eau peptonée sulfate de zinc 1 %. — Il se produit ici le même phénomène que pour F. Solani, le sel paraît exagérer le développement du champignon. Il forme un voile abondant, et pousse en profondeur. Les filaments de la profondeur sont en général très ramifiés, on trouve de nombreuses chlamydospores terminales et intercalaires en séries; le protoplasma des filaments est granuleux. Il n'existe pas de spores. Il y a une tendance à une fragmentation mycélienne générale.

Gélose alcaline. — Culture blanche, duveteuse, peu abondante. La culture reste blanche', et ne prend pas de teinte rosée.

Gélose glucosée. — Tache circulaire blanche qui s'étend en même temps que le fond de la culture devient rose. La couleur rose finit par gagner la surface du milieu.

Gélatine alcaline. — Tache circulaire blanche prenant une teinte grisâtre. Au bout de quelques jours, à la température du laboratoire, la gélatine est complètement liquéfiée.

Lait. — Culture abondante en surface, blanche, puis très tôt orange, par places orange vif, ou rose. L'aspect général est rouge orangé couleur chair (111 à 91 C. d. c.). Le fond du liquide prend une teinte orange (136 C. d. c).

Après 20 jours, la digestion du lait est complète. Dans les vieilles cultures, la surface se plisse et devient alvéolaire comme une morille. La teinte devient ocre jaune très légèrement rosée, le fond du liquide est jaune brunâtre. La culture n'a pas d'odeur.

Albumine cuite. — Développement superbe à la surface, légère teinte rose du fond de la culture. L'examen ne montre que du mycélium très fin, très divisé, mais ni spores ni chlamydospores.

Saindoux. — Culture nulle.

IV. — MILIEUX AZOTÉS MINÉRAUX

Solution de succinate d'ammoniaque. — Le champignon pousse abondamment en formant des touffes blanches à la surface du liquide ; en même temps qu'il forme des flocons blancs dans la profondeur. Il n'y a pas de teinte rose sur ce milieu, à peine une teinte jaunâtre.


192 REVUE GÉNÉRALE DE BOTANIQUE

En résumé, le caractère saillant des cultures est la présence sur les milieux solides, presque exclusivement, d'une teinte rose ou violet rouge. La culture orangée sur lait paraît aussi être caractéristique.

CARACTÈRES BIOLOGIQUES

Le F. roseum paraît avoir son optimum de croissance aux environs de 30°. A 37°, il pousse encore très bien.

Cultures anaérobies. — La même méthode que pour F. Solani a été employée. Le développement s'arrête aussitôt que le vide est fait dans le tube, mais le champignon n'est pas tué, car dans le tube ouvert après 50 jours de vide, il repousse abondamment.

Action sur la peptone. — Semé dans une solution à 37°, il se développe bien. La recherche de l'indol dans la culture a donné un résultat négatif.

Action sur l'albumine. — A l'ouverture d'une culture sur blanc d'oeuf, on perçoit une odeur ammoniacale, ce qui indique déjà qu'il y a eu attaque de l'albumine. Les réactions positives du biuret et de Milon montrent qu'il y a sécrétion d'une trypsine.

Action sur le lait. — Les phénomènes sont les mêmes que pour F. Solani. Il y a sécrétion d'une présure et d'une caséase .

Action sur les nitrates. — Le champignon a été semé, d'une part dans une solution de peptone avec nitrate à 1 %, et d'autre part dans du bouillon peptone nitraté à 1 %. La recherche des nitrites par le réactif de Griess a montré dans les deux cultures l'apparition de la teinte rouge caractéristique des nitrites. Ce champignon joue donc le rôle de ferment dénitrifiant.

Action sur la tyrosine. — Des bouillons additionnés d'une solution de tyrosine saturée n'ont pas varié de couleur. — Le champignon n'a donc pas secrété de tyrosinase.

Pathogénie. — Différentes publications ont laissé croire que F. roseum pouvait être pathogène. A la vérité, aucun travail précis ne permet d'étayer cette opinion sur des bases certaines.

Divers auteurs (Eriksson, Woronine, Paltchevsky, Navachine, Sorokine, Jatchevsky) , en étudiant l'intoxication par le poison enivrant, ont établi une liaison entre les empoisonnements et la présence du F. roseum agissant en compagnie de Cladosporium


SUR DEUX FUSARIUM 193

herbarum. Une publication récente de Mme Gabrilovitch (1) fait jouer dans l'intoxication par le poison enivrant un rôle aux champignons suivants qu'elle a isolé en cultures pures des grains de Blé enivrant : Fusarium roseum, Cladosporium herbarum et Saccharornyces roseolus. En ce qui concerne le Saccharomyces, sa pathogénie peut être admise par analogie avec les propriétés d'autres Saccharomyces ; d'autre part, certains Cladosporium sont connus maintenant comme pouvant être pathogènes. Il ne reste donc à prouver que la pathogénie de F, roseum. Cet auteur emploie la méthode des cultures sur grains pour extraire une toxine par l'alcool à 60°. Il inocule le filtrat desséché de la solution alcoolique repris après par l'eau distillée ; il tuerait, paraît-il, la grenouille en 3 à 4 heures avec les symptômes nerveux dans le cas de la culture de F. roseum, alors qu'avec les 2 autres espèces, la mort n'arrive qu'en 1-2 jours. Nous ne voulons pas faire ici la critique de ce travail, nous nous bornerons à faire remarquer que l'extraction par l'alcool d'une substance provenant d'une culture mycélienne sur des graines de céréales, ne prouve pas qu'on ait extrait une toxine du champignon. C'est le seul point important qu'il reste encore à démontrer.

L'attention a été attirée sur F. roseum en raison de sa présence fréquente sur les céréales, et, d'autre part, en raison des accidents constatés. Sa présence ne suffit pas à conclure à sa pathogénie. Les accidents croyons-nous doivent être rapportés vraisemblablement à la présence d'autres champignons.

Nous avons essayé, en effet, des inoculations de cultures pures au cobaye et au lapin, à des doses variées, sous la peau, dans le péritoine et dans les veines. Jamais le champignon ne s'est montré pathogène. Il nous paraît donc fort improbable qu'une toxine puisse être extraite d'un champignon qui, injecté dans le sang à des doses massives de 1 et 2 cc., n'a produit aucun accident.

Les réactions biologiques de F. roseum ont donc quelques points caractéristiques. Comme F. Solani, il sécrète une trypsine, une présure et une caséase. De plus, il liquéfie la gélatine et transforme les nitrates en nitrites dans les cultures. Ces deux dernières réactions nous paraissent importantes à signaler, car elles dominent toute la biologie générale de ce champignon.

(1) Gabrilovitch : Principe toxique du blé enivrant. Thèse de pharmacie (en russe). In Journ. des maladies des plantes, St-Pétersbourg, 1907, nos 1-2.

Rev. gén. de Botanique. — XXV. 13.


194 REVUE GÉNÉRALE DE BOTANIQUE

L'étude de ces deux Fusarium nous montre donc que, en dehors des caractères morphologiques que nous avons laissés volontairement de côté, il est possible de les distinguer : 1° par des caractères de cultures; 2° par des caractères biologiques. L'ensemble de ces caractères nous paraît avoir une valeur au moins égale à celle des caractères morphologiques qui sont soumis à une variation assez grande suivant l'influence du milieu.

Si l'on pouvait obtenir les différentes espèces de Fusarium qui ont été décrites, il ne paraît pas douteux que la clarté se ferait dans ce genre, et que certaines affinités physiologiques ou de cultures permettraient de rapprocher des espèces qui paraissent éloignées l'une de l'autre par suite du manque d'un critérium applicable à la diagnose.

Pour nous résumer, voici les caractères communs et différentiels des deux espèces étudiées :

CARACTÈRES COMMUNS

Ne forment pas d'indol.

Ne sécrètent pas de tyrosinase.

Sécrètent une trypsine.

Sécrètent une présure et une caséase.

Supportent l'ergotine dans le milieu nutritif.

CARACTÈRES DIFFÉRENTIELS

F. Solani Cultures toujours blanches, jaune ou jaune brunâtre en vieillissant.

Culture blanche sur le lait. Ne décompose pas les nitrates.

Ne liquéfie pas la gélatine.

F. roseum

Cultures blanches avec plaques rosées ou violet rouge, principalement sur les milieux solides.

Culture orange sur le lait.

Transforme les nitrates en nitrites.

Liquéfie la gélatine.


SUR LA NON SYMETRIE BILATERALE DON CERTAIN NOMBRE DE FEUILLES

Par M. Edgar TOURY (1)

Nous nous proposons de montrer ici que :

1° Les feuilles d'un certain nombre de plantes ne présentent pas une parfaite symétrie bilatérale.

2° Quand on observe une dissymétrie régulière, elle est en général corrélative d'une dissymétrie du même genre dans la tige sur laquelle s'insère la feuille considérée.

Les dissymétries accidentelles de la feuille étant souvent du même ordre de grandeur que les dissymétries obéissant à une loi, la méthode pour mettre ces dernières en évidence consistera à faire des observations ou des mesures sur des exemples aussi nombreux que possible.

Dans la suite, nous appellerons moitié droite d'une feuille, celle qui est à droite d'un observateur regardant la face supérieure de la feuille, placée dans un plan vertical, le pétiole en bas.

PREMIER MODE DE DISSYMÉTRIE Dissymétrie d'un grand nombre de feuilles alternes

Considérons une tige à feuilles alternes. On sait que les feuilles sont insérées le long de cette tige sur une courbe hélicoïdale que nous

(1) L'auteur de ce travail, Edgar Toury, était Élève de 2e année à l'École Normale Supérieure, lorsqu'une cruelle maladie l'emporta en quelques mois (juillet 1912). Il avait déjà fait sur le même sujet de nombreuses observations et mesures, mais la plupart sont malheureusement inutilisables ; seule la présente note, entièrement rédigée de sa main, permettra de reconnaître ses qualités d'observateur précis et méthodique.


196 REVUE GÉNÉRALE DE BOTANIQUE

appellerons une hélice. Cette hélice d'insertion peut être dextre ou senestre. On dit qu'une hélice est dextre quand, pour un observateur placé dans l'axe du cylindre (ici la tige), les pieds en bas, elle monte de la droite vers la gauche. Une hélice dextre n'est jamais superposable à une hélice senestre mais la symétrique d'une hélice dextre par rapport à un plan est une hélice senestre.

Chez les plantes que nous allons examiner, on rencontre deux sortes de tiges : les unes à hélice d'insertion des feuilles dextre, les autres à hélice senestre, et ces tiges sont les images les unes des autres dans un miroir.

Or, nous allons montrer que dans ces tiges :

1° Les feuilles ne sont pas symétriques par rapport à leur nervure médiane ;

2° Les feuilles des tiges des deux sortes ne sont pas de même forme.

3° Chaque sorte de tige porte une seule sorte de feuilles, en entendant par là que c'est constamment la même moitié qui est la plus large, si l'on a pris les demi-largeurs comme terme de comparaison.

4° Les feuilles des tiges des deux sortes sont les images las unes des autres dans un miroir.

Ces résultats sont corrélatifs de la symétrie de la tige à feuilles alternes que l'on peut définir de la façon survante :

La tige est superposable à elle-même par rotation autour d'un certain axe d'un angle égal à l'angle défini comme angle de divergence, suivie d'une translation parallèle au même axe et égale à la longueur d'un entrenoeud. Il résulte de cette définition qu'il n'existe pour la tige aucun plan de symétrie contenant l'axe, et qu'en particulier le plan qui est déterminé par l'axe et la nervure médiane d'une feuille n'est pas un plan de symétrie pour la tige.

L'observation va nous montrer que, pas plus que la tige, la feuille n'est symétrique par rapport à ce plan.

EXEMPLE I. — QUERCUS ROBUR

Le limbe ne descend pas toujours sur le pétiole à la même hauteur à droite qu'à gauche. Nous considérons les rameaux des 2 sortes,


LA NON SYMÉTRIE BILATÉRALE DES FEUILLES 197

et nous notons, pour chaque feuille, de quel côté le limbe descend

le plus bas sur le pétiole.

42 rameaux dextres ont été examinés, portant en tout 326 feuilles. Dans 211 cas le limbe descend nettement plus bas à gauche. Dans 47 cas seulement, il descend nettement plus bas à droite

et dans les 68 autres cas, il y a à peu près symétrie.

43 rameaux senestres ont été examinés ; ils portaient en tout 308 feuilles.

Dans 195 cas, le limbe descend nettement plus bas à droite, dans 55 cas, il descend nettement plus bas à gauche. Et dans les 58 cas qui restent, il y a à peu près symétrie.

(Les 85 rameaux examinés ont été recueillis au hasard, et nous notons que le nombre des rameaux de chaque sorte est à peu près le même).

EXEMPLE 2. — ALNUS GLUTINOSA

Les tiges dextres paraissent bien au premier abord porter des feuilles dont le limbe est plus large, à sa base, à droite qu'à gauche; et réciproquement pour les tiges senestres. On mesurera chez les feuilles de ces tiges la largeur de la partie droite du limbe à la hauteur où la partie gauche a 7mm de largeur. Et réciproquement, pour les tiges senestres.

On a examiné, d'une part : 8 tiges dextres, portant en tout 41 feuilles. 39 fois la partie droite du limbe est la plus large à la hauteur considérée, et il y a 2 cas d'égalité.

D'autre part : 7 tiges senestres, portant en tout. 32 feuilles, présentent dans 23 cas la moitié gauche la plus large;

5 fois la moitié droite, et il reste 4 cas d'égalité.

EXEMPLE 3.— MALVA ROTUNDIFOLIA

La feuille est à nervation palmée. Numérotons de la façon suivante les nervures issues de la base du limbe et qui divergent en éventail :

Nervure médiane, numérotée 1 ;


198 REVUE GÉNÉRALE DE BOTANIQUE

Nervures latérales voisines de la médiane, numérotées 2 ;

Nervures latérales extérieures aux précédentes, numérotées 3.

On mesure les longueurs des nervures 3, prises entre leur extrémité et le milieu du pétiole à la naissance du limbe. On prend ces longueurs comme terme de comparaison parce qu'elles sont seules à donner des résultats nets.

Nous citerons deux exemples, l'un est celui d'une tige dextre l'autre celui d'une tige senestre.

TIGE DEXTRE

La nervure de droite est la plus longue 8 fois sur 11; celle de gauche dans 1 cas, et il y a 2 cas d'égalité.

TIGE SENESTRE

La nervure de gauche est la plus longue dans 13 cas sur 15 ; celle de droite dans 2 cas.

EXEMPLE 4. — GONVOLVULUS SEPIUM

On a examiné :

a) 3 tiges dextres, avec en tout 24 feuilles, dont 16 sont plus larges à gauche, 6 plus larges à droite, et il y a 2 cas d'égalité.

b) 3 tiges senestres, avec en tout 30 feuilles, dont 21 plus larges à droite, 5 plus larges à gauche, et il y a 4 cas d'égalité.


LA NON SYMÉTRIE BILATÉRALE DES FEUILLES 199

EXEMPLE 5. — CENTAUREA JACEA

On mesure les demi-largeurs des feuilles à droite et à gauche.

On a examiné d'un côté :

11 tiges senestres portant en tout 65 feuilles dont :

34 sont plus larges à droite qu'à gauche;

18 plus larges à gauche qu'à droite et il y a 13 cas d'égalité.

De plus, les feuilles les plus larges à droite ont en moyenne 1mm53 de plus à droite, et les feuilles les plus larges à gauche 0mm83 de plus à gauche.

L'ensemble des feuilles a en moyenne 0mm56 de plus à droite qu'à gauche.

Enfin, si l'on met de côté les cas où la différence entre les 2 moitiés est 0mm5 au plus, il reste :

27 cas de plus grande largeur à droite ;

9 cas seulement de plus grande largeur à gauche.

Si l'on met de côté les cas où la différence est 1mm ou moins, il reste :

17 cas de plus grande largeur à droite,

et seulement 2 cas de plus grande largeur à gauche.

Le lot examiné comprenait douze tiges coupées au hasard dans une prairie. Une seule avait une hélice d'insertion dextre.

Elle portait 5 feuilles dont :

3 plus larges à gauche qu'à droite,

1 plus large à droite qu'à gauche,

et la dernière aussi large à gauche qu'à droite.

DEUXIEME MODE DE DISSYMETRIE

Dissymétrie analogue à celle des feuilles alternes, observée chez des feuilles opposées

Si l'on s'en tient à la morphologie externe, la symétrie des tiges à feuilles opposées est parfaite par rapport aux plans déterminés par leur axe, d'une part, et les nervures médianes de leurs feuilles, d'autre part. Mais il n'est pas impossible que la structure interne, déterminée par les cloisonnements des cellules initiales de la tige,


200 REVUE GÉNÉRALE DE BOTANIQUE

ne corresponde pas parfaitement à une symétrie de ce genre. Nous ne connaissons pas dans ses détails le fonctionnement des cellules initiales des tiges, mais les observations qui vont suivre tendraient à nous faire croire plutôt à une dissymétrie de structure interne, très analogue d'ailleurs à la dissymétrie bien nette des tiges à feuilles alternes par rapport aux plans déterminés par l'axe et les nervures médianes des feuilles.

Nous allons trouver, en effet, chez Scabiosa succisa (comme chez Cenlaurea Jacea ou le chêne) :

1° Des tiges de 2 sortes, mais identiques extérieurement;

2° Sur chaque tige, une seule sorte de feuilles, non symétriques par rapport à leur nervure médiane;

3° Les feuilles des tiges des deux sortes également images les unes des autres dans un miroir.

Voici les mesures en question, effectuées sur des tiges de Scabiosa succisa prises au hasard :

1° Demi-largeurs des feuilles successives de 9 tiges d'une première sorte.

Ces tiges portaient en tout 67 feuilles.

Dans 63 cas la feuille est plus large à droite qu'à gauche.

Dans 3 cas seulement elle est plus large à gauche qu'à droite, et il y a égalité dans le dernier cas.

2° Grandeurs analogues, observées sur 6 tiges d'une deuxième sorte;

Ces tiges portaient en tout 50 feuilles.

Dans 45 cas, la feuille est plus large à gauche qu'à droite.

Dans 3 cas seulement elle est plus large à droite qu'à gauche, et il y a égalité dans les 2 autres cas.

TROISIÈME MODE DE DISSYMÉTRIE Dissymétrie des feuilles à disposition distique

Les rameaux distiques, en général plus ou moins inclinés sur l'horizon et ayant les limbes de leurs feuilles disposés dans un même plan, sans présenter une réelle symétrie bilatérale (puisque leurs


LA NON SYMÉTRIE BILATÉRALE DES FEUILLES 201

feuilles de chaque côté du rameau ne sont pas opposées) présentent une analogie entre leur côté droit et leur côté gauche.

Nous définirons ces côtés droit et gauche comme nous avons défini la moitié droite et la moitié gauche des feuilles. On peut dire que le côté droit et le côté gauche sont superposables par une symétrie bilatérale, le plan de symétrie étant le plan vertical du rameau; suivie d'une translation, parallèle à l'axe du rameau, et égale à un entrenoeud.

Mais il n'y a symétrie, ni de structure, ni de position dans l'espace entre la moitié supérieure et la moitié inférieure du rameau. Il en résulte pour les feuilles, qui sont insérées sur les côtés du rameau :

1° Qu'il y a dissymétrie d'insertion entre les 2 moitiés;

2° Que ces dissymétries sont inverses pour les feuilles de droite et pour les feuilles de gauche du rameau.

Or, nous allons constater, dans les exemples examinés :

1° Que les feuilles ne sont pas non plus symétriques par rapport à leur nervure médiane;

2° Que les feuilles de la droite du rameau sont les symétriques par rapport à un plan des feuilles de la gauche du même rameau, faits qui semblent bien en corrélation avec les précédents.

PREMIER EXEMPLE. — ULMUS CAMPESTRIS

On mesure, dans chaque moitié de la feuille la distance de la pointe de la feuille à un point quelconque de la périphérie. On a obtenu pour les feuilles successives d'un même rameau, les résultats suivants :


202 REVUE GÉNÉRALE DE BOTANIQUE

La moitié droite est externe dans les feuilles paires, interne dans les feuilles impaires.

QUATRIÈME MODE DE DISSYMÉTRIE Dissymétrie des feuilles opposées simulant une disposition distique

Des rameaux à feuilles opposées peuvent être inclinés sur l'horizon et les pétioles de leurs feuilles tordus de telle sorte que les limbes des feuilles soient à peu près dans un même plan. C'est le cas de l'Erable champêtre, dont les feuilles sont insérées par paires successives, l'une d'un côté du rameau et un peu vers le dessous ; l'autre du côté opposé et un peu vers le dessus. Il y a donc pour chaque feuille dissymétrie d'insertion et de position dans l'espace. Or, on constate en fait :

1° Que les limbes placés soit à droite, soit à gauche du rameau sont dissymétriques.

2° Que ceux de droite sont les images de ceux de gauche dans un miroir, comme le montrent les observations qui suivent :

ACER CAMPESTRIS

On mesure, pour chaque feuille, la longueur des grandes nervures latérales voisines de la médiane. On va constater que cette nervure est plus longue du côté de la feuille qui est tourné en dedans.

PREMIER RAMEAU


LA NON SYMÉTRIE BILATÉRALE DES FEUILLES 203

DEUXIÈME RAMEAU

TROISIÈME RAMEAU

QUATRIÈME RAMEAU

CINQUIÈME RAMEAU


204 REVUE GÉNÉRALE DE BOTANIQUE

Au total, on a examiné 45 feuilles : 31 obéissent à la règle prévue;

8 présentent la dissymétrie, inverse ;

6 ne présentent pas de dissymétrie.

PREMIER CAS PARTICULIER

Réunion dans des rameaux différents d'une même plante des premier et troisième modes de dissymétrie déjà étudiés.

CORYLUS AVELLANA

Les rameaux de Corylus avellana observés sont les uns verticaux, à feuilles alternes disposées tout autour de la tige et insérées suivant l'angle de divergence de 2/5 de circonférence; les autres inclinés sur l'horizon, à feuilles distiques.

Dans chacun des deux cas, on a mesuré les deux demi-largeurs des limbes. On a constaté :

1° Que les feuilles des tiges verticales présentent la même dissymétrie que les feuilles des tiges alternes passées en revue plus haut.

2° Que les feuilles des rameaux inclinés et distiques présentent le même mode de dissymétrie que les feuilles distiques de Hêtre ou d'Orme.

On a fait des mesures sur 2 tiges verticales dextres, avec, au total, 31 feuilles.

Dans 20 cas, la moitié gauche est la plus large.

Dans 10 cas, c'est la moitié droite.

Et dans 1 cas, il y a égalité.

On a fait aussi des mesures sur 4 tiges inclinées, avec 38 feuilles.

Dans 35 cas, la moitié tournée vers le rameau est la moins large.

Dans 3 cas, c'est l'autre moitié.

DEUXIÈME CAS PARTICULIER

Selon leur situation sur la tige, les feuilles présentent une dissymétrie bien nette, ou bien sont à peu près exactement symétriques.


LA NON SYMÉTRIE BILATÉRALE DES FEUILLES 205

C'est le cas des feuilles des rameaux de Cornus sanguinea. Considérons un rameau de cet arbuste : il est issu d'une tige avec laquelle il fait un angle aigu; il a donc un dessus et un dessous, une moitié droite et une moitié gauche. Il n'y a pas symétrie entre son dessus et son dessous.

Or, ce rameau porte des feuilles opposées. Les feuilles de la première, de la troisième, de la cinquième... paires à partir de la base s'insèrent sur les côtés du rameau. Les feuilles des deuxième, quatrième, sixième... paires sont insérées en dessus et en dessous du rameau.

Les premières sont donc dissymétriques relativement à leur insertion sur la tige, tout comme dans le cas de feuilles distiques; mais il n'en est pas de même des autres.

Or, nous allons constater que :

1° Les premières ne sont pas symétriques par rapport à leur nervure médiane ;

2° La feuille de gauche de la paire est l'image dans un miroir de la feuille de droite;

3° Rien d'analogue n'a lieu pour les autres feuilles.

On a examiné 6 rameaux, dont la position dans l'espace était d'ailleurs quelconque. Ils portaient en tout 23 paires de feuilles.

Sur ces 23 paires, 12 correspondaient à une insertion latérale.

Chez les feuilles de droite, le limbe descendait plus bas sur le pétiole à gauche qu'à droite 11 fois sur 12.

Chez celles de gauche, il descendait plus bas à droite qu'à gauche 11 fois sur 12.

Dans les feuilles des 11 autres paires, le limbe descendait plus bas à gauche 13 fois, 7 fois plus bas à droite, et il y avait 2 cas de symétrie.

Ce fait que les rameaux examinés avaient dans l'espace une direction absolue quelconque montre bien que la dissymétrie du limbe des feuilles est sous la dépendance de la structure du rameau qui les porte.


206 REVUE GÉNÉRALE DE BOTANIQUE

TROISIEME CAS PARTICULIER

Des mesures, rapportées ailleurs, ont encore été faites sur les feuilles de la tige principale et des rameaux latéraux de Chenopodium album, qui constitue également un exemple assez complexe.

Tels sont les cas examinés qui ont donné des résultats nets. Un certain nombre d'autres plantes nous ont bien paru présenter des particularités analogues, mais les mesures effectuées ne sont pas suffisantes et ont besoin d'être complétées. Nul doute qu'en faisant des mesures analogues sur un grand nombre de plantes, on ne trouve des résultats semblables pour le plus grand nombre d'entre elles; les exemples que nous avons examinés ayant été pris, au moins certains d'entre eux, à peu près au hasard.


LA CONJUGAISON DES SPORES CHEZ LES LEVURES

Par M. H. MARCHAND

I

INTRODUCTION

Historique. — A la suite des travaux de Hansen et de Guilliermond, il est définitivement admis que les levures constituent un groupe spécial d'Ascomycètes.

L'un des caractères présentés par ces Champignons est le fait que l'asque a une origine sexuelle. Dans les Ascomycètes supérieurs, la sexualité n'est pas encore débrouillée complètement, et reste très controversée ; certains auteurs placent la sexualité à l'origine du périthèce, les autres à l'origine de l'asque. Quoi qu'il en soit, il est aujourd'hui définitivement démontré que l'asque a une origine sexuelle plus ou moins directe. Dans les Ascomycètes inférieurs qui n'offrent pas de périthèce, l'origine sexuelle de l'asque est, au contraire, très bien connue : chez eux l'asque résulte de la conjugaison iso- ou hétérogamique de deux gamètes. Cette conjugaison à l'origine de l'asque se retrouve chez un certain nombre de levures. Le premier exemple en fut signalé dès 1895 par Schiönning, qui vit les asques résulter dans le Schizosaccharomyces oclosporus de la fusion de deux cellules identiques dont chacune émet un petit bec. Guilliermond, reprenant les recherches de Schiönning, observa la fusion des noyaux cellulaires à l'intérieur du canal de conjugaison formé par la soudure des deux becs et démontra que l'on se trouvait là en présence d'une conjugaison véritable. La fusion nucléaire opérée, les deux cellules achèvent de se fusionner et deviennent le centre de formation d'un certain nombre d'ascospores.

Considérés comme très rares au début, ces phénomènes ont été


208 REVUE GÉNÉRALE DE BOTANIQUE

rapidement signalés dans un assez grand nombre de levures, si bien qu'on les regarde actuellement comme caractéristiques des trois genres Schizosaccharomyces, Zygosaccharomyces, Debaryomyces. Cette conjugaison précédant l'asque n'est pas toujours isogame d'ailleurs comme dans le Schizosaccharomyces octosporus. Dans la levure G. de Pearce et Barker, par exemple, ce sont bien encore deux cellules identiques qui se conjuguent, mais tout le contenu de l'une se déverse dans l'autre. Ceci marque le passage de l'iso- à l'hétérogamie. Quant à l'hétérogamie véritable, Guilliermond l'a signalée dans le Debaryomyces globosus où l'on peut observer la fusion d'une cellule adulte avec un bourgeon minuscule formé par elle; dans le Zygosaccharomyces Chevalieri (récemment rapporté par la mission Chevalier) où la fusion s'effectue entre une jeune cellule très petite et une cellule beaucoup plus grosse. Nadson et Konokotine d'autre part (1) ont décrit sous le nom de Guilliermondia fulvescens une levure à conjugaison hétérogamique fort intéressante. La conjugaison s'effectue ici comme dans le Debaryomyces globosus entre une cellule adulte (macrogamète) et un bourgeon formé par cette dernière (microgamète). Mais il y a plus : le macrogamète devenu oeuf, au lieu de se transformer directement en asque comme dans le cas normal, produit un bourgeon dans lequel passe son contenu ; l'asque, au lieu de se former au dépens du macrogamète lui-même, naît au dépens de ce bourgeon (2). Il y a donc ici un début de sporophyte. Nous verrons plus loin que Nadson et Konokotine ont fait, avec raison, de Guilliermondia fulvescens le trait d'union entre les Ascomycètes supérieurs et les levures.

Certaines espèces enfin, comme le Schwanniomyces occidentalis étudié par Guilliermond, la Torulaspora Delbruckli, les levures E. et F. de Rose, le Saccharomyces lactis y, étudiés plus tard par Rose et Dombrowski, ne présentent plus qu'un essai de conjugaison. Quelques temps avant de sporuler, on voit ces levures émettre des diverticules plus ou moins longs qui s'entrecroisent, cherchent à s'anastomoser, mais ne peuvent y parvenir. Ce sont là des espèces

(1) C. Nadson et G. Konokotine : Guilliermondia, un nouveau genre de la famille des Saccharomycétacées à copulation hétérogamique. Trav. du labor. de l'Ec. sup. de médec. des femmes de Saint-Pétersbourg, T. 3, 1910.

(2) A. Guilliermond : Nouvelles observations sur la sexualité des levures. Archiv. fur. Prolistenknude, 1912.


CONJUGAISON DES SPORES CHEZ LES LEVURES 209

où l'attraction sexuelle affaiblie n'est plus suffisante pour déterminer une conjugaison.

Cette régression de la sexualité est un acheminement vers sa disparition. On sait en effet qu'un certain nombre de levures telles que les Saccharomyces cerevisioe, Pastorianus, etc., ne présentent plus trace de sexualité. Les ascospores s'y forment parthénogénétiquement. Ce sont là les levures les plus régressées, celles qui s'éloignent le plus du type Ascomycète.

Mais ce n'est pas tout encore. Il existe chez les levures un deuxième processus sexuel qui s'effectue celui-là, non plus au moment où va se former l'asque, mais beaucoup plus tard : au moment de la germination des ascospores. Chez un certain nombre des levures où nous avons vu se former parthénogénétiquement l'asque, on observe en effet entre les ascospores une conjugaison isogamique, tout comme l'on observe entre deux cellules végétatives des Schizosaccharomyces, par exemple, une conjugaison à l'origine de l'asque. Les phénomènes sont d'ailleurs à peu près comparables. On voit les ascospores se goufler, puis se fusionner deux à deux au moyen d'un canal de conjugaison formé par la soudure de deux divercules émis par chacune d'entre elles. Dans ce canal émigrent les noyaux, et c'est là que s'opère la fusion nucléaire en même temps que le mélange des cytoplasmes. Ici cependant la fusion des ascospores reste toujours incomplète. Il en résulte une zygospore, formée par la réunion de deux ascospores et de leur canal de conjugaison. C'est cette zygospore qui bourgeonne et donne naissance à de nouvelles cellules végétatives. Toutes les ascospores ne se fusionnent d'ailleurs pas. Il en est toujours un certain nombre qui germent et bourgeonnent directement au milieu des autres.

Guilliermond enfin a signalé dans une race du Saccharomycodes Ludwigii des ascospores qui, sans se fusionner véritablement, émettaient en germant de longues protubérances qui cherchent, mais sans y parvenir, à se rencontrer.

La découverte de l'existence d'une conjugaison des ascospores est due à Hansen, qui l'observa pour la première fois dans le Saccharomycodes Ludwigii. Plus tard, Guilliermond étudiant la cytologie de ces phénomènes, y démontra la présence d'une fusion nucléaire, puis retrouva les mêmes faits dans deux autres levures : la Villia Saturnus et la levure de Johannisberg II,

Rev. gén. de Botanique. — XXV. 14.


210

REVUE GÉNÉRALE DE BOTANIQUE

Quel est maintenant la signification de ce dernier phénomène ? Faut-il dans ce cas particulier considérer les ascospores comme des gamètes et la zygospore comme un oeuf ? Faut-il, en d'autres termes, homologuer la conjugaison des ascospores à une fécondation ? Nadson (1), répond par l'affirmative. Pour lui la conjugaison des spores représenterait le phénomène sexuel primitif des levures. De cette

conjugaison résulterait l'oeuf, qui, germant, donne une série de cellules végétatives, lesquelles constitueraient dans cette hypothèse un sporophyle analogue à celui des Ascomycètes supérieurs, se terminant par l'asque. Guilliermandia fulvescens ferait la transition avec les Ascomycètes inférieurs. Nous avons dit que dans ce dernier genre, en effet, il existe un sporophyte représenté par une seule cellule.. Viendraient enfin les Schizosaccharomyces, Zygosaccharomyces, Deb tryomyces, où l'oeuf se transforme directement en asque et où le stade sporophyte est par conséquent sauté; puis les

(1) Nadson : Sur la sexualité et la phylogonie des levures. Trav. du lab. de l'École de médecine des femmes de St-Pétersbourg, 1912.

Fig. 1. — Schéma représentant les processus sexuels des diverses levures (d'après A. Guilliermond).

1. Zygosaccharomyces. Copulation isogamique à l'origine de l'asque.

2. Levure de Bili I. Copulation hétérogamique à l'origine de l'asque.

3. Levure de L. Rose. Parthénogénèse avec vestiges d'attraction sexuelle. 4. Saccharomycodes Ludwigii. Parthénogamie entre les ascopores.

5. Saccharomyces cerevisiae. Parthénogénèse.


CONJUGAISON DES SPORES CHEZ LES LEVURES 211

levures parthénonégétiques où certaines cellules se transforment directement en asque. De tout ceci Nadson conclut à une filiation entre les Ascomycètes supérieurs et les levures, avec pour intermédiaire Guilliermondia fulvescens.

Toute autre est la conception de Guilliermond, qui, d'accord avec Nadson pour faire dériver les levures des Ascomycètes (1) interprète la conjugaison des ascospores comme une parthénogamie, au sens où Hartmann (1910) entend ce mot. C'est le développement parthénogénétique d'un oeuf avec compensation sexuelle (fusion de deux noyaux femelles). « On doit admettre, écrit Guilliermond dans son livre Les Leuures (2), auquel nous avons emprunté beaucoup pour la rédaction de cet article, que la conjugaison qui s'opère dans les Sçhizosaccharomyces, les Zygosaccharomyces et le Debaryomyces au moment de la formation de l'asque, représente le mode normal de sexualité des levures, correspondant au stade de conjugaison des Ascomycètes. La conjugaison qui s'effectue entre les ascospores constitue donc un processus nouveau qui est venu se substituer à la fécondation normale. La cellule qui donne naissance à l'asque doit être considérée comme un gamète se développant parthénogénétiquement. Comme la formation des ascospores nécessite deux divisions successives qui ne sont pas séparées par une période de nutrition intercalaire, les noyaux qui en résultent se trouvent épuisés. Ainsi s'explique-t-on que les ascospores éprouvent le besoin de compenser la perte de chromatine qu'a subi le noyau au cours de ces divisions successives. Il est probable, d'ailleurs, d'après ce que l'on sait des Ascomycètes supérieurs, que l'asque des levures est le siège d'une réduction numérique de chromosomes. La conjugaison des ascospores interviendrait donc pour remplacer la fécondation qui devrait se produire au moment de la formation de l'asque, et pour compenser la perte de chromatine suide au cours des mitoses de l'asque. »

Des phénomènes comparables ont été observés d'ailleurs : chez d'autres Champignons, chez des Protozoaires, et même chez des Échinodermes. C'est ainsi que Brauer a remarqué chez Arlemia satina que lorsque la fécondation ne se produit pas, il y a fusion du deuxième

(1) Il les fait dériver (les Endomycétacées, et sa théorie de la phylogénie des levures date de 1909.

(2) Les Levures. Encyclopédie scientifique du docteur Toulouse. O. Doin, éditeur, Paris 1912.


212 REVUE GÉNÉRALE DE BOTANIQUE

globule polaire avec l'oeuf, et cette fusion remplace la fécondation. Ce sont là encore des phénomènes de parthénogamie, et il semble bien que le phénomène de la conjugaison des ascospores observé chez les levures rentre dans le même cas. Pour Nadson, en effet, la levure la plus archaïque, celle qui se rapprocherait le plus des Ascomycètes supérieurs, serait le Saccharomycodes Ludwigii où l'oeuf résultant de la conjugaison des spores donnerait toute une série de cellules végétatives représentant un sporophyte. Or, comme l'écrivait tout récemment Guilliermond (1). « en dehors du Saccharomycodes Ludwigii qui offre incontestablement des caractères primitifs, ce mode de sexualité se rencontre dans les levures telles que la levure de Johannisberg II qui ne sauraient être considérées comme archaïques. Enfin, tout dernièrement H. Marchand a montré (2) que cette, sexualité se retrouve dans les Saccharomyces ellipsoïdeus, lurbidans, intermedius, et validus qui sont certainement les levures les plus rétrogradées que l'on connaisse (3). Cette sexualité est d'ailleurs très différente de celle des Ascomycètes supérieurs. Il semble donc, plus naturel jusqu'à nouvel ordre d'admettre que cette conjugaison représente un phénomène sexuel compensateur, une parthénogamie dans le'sens de Hartmann. »

Cette parthénogamie, que nous considérerons donc comme un processus sexuel compensateur, doit être, de plus, regardée, si l'on admet avec Guilliermond l'évolution des levures vers la parthénogénèse, comme le dernier reste de sexualité. Elle constituerait un cas intermédiaire marquant le passage des levures encore sexuée? aux levures complètement asexuées.

L'importance et l'intérêt de tout ceci n'échappera à personne. Il est extrêmement intéressant, pour ne se placer qu'au point de vue biologique, d'observer les variations puis la disparition de la sexualité dans un groupe comme les levures,

But de notre travail. — Qui l'emporte en l'état actuel de l'évolution des levures, de la parthénogamie ou de la parthénogénèse ? La parthénogénèse ne s'est-elle installée encore que chez un petit

(1) Loc. cit.

(2) II. Marchand : Sur la conjugaison des ascospores chez quelques levures. C. R. de la Soc. de Biol., 9 mars 1912.

(3) Depuis, comme on le verra, nous avons retrouvé les mêmes faits dans les Saccharomyces Bayanus, vini Muntzii, Willianus, et la levure de Johannisberg l.


CONJUGAISON DES SPORES CHEZ LES LEVURES 213

nombre de levures, ou s'est-elle installée au contraire chez un très grand nombre ? L'étude de la germination des ascospores seule peut résoudre le problème. Or, elle n'a jamais été entreprise d'une façon systématique. C'est presqu'accidentellement, peut-on dire, que Hansen et que Guilliermond ont découvert chez les trois levures que nous avons citées plus haut les phénomènes si intéressants de la parthénogamie.

D'autre part, si la parthénogamie existe ailleurs que dans ces espèces, est très répandue, est-elle caractéristique de tel ou tel groupe, comme est caractéristique des Schizosaccharomyces, Zygosaccharomyces et du Debaryomyces la conjugaison à l'origine de l'asque ? Se rencontre-t-elle au contraire dans les différents groupes de levures ? A-t-elle lieu exactement enfin de la même façon partout ?

C'est à ces diverses questions que nous avons essayé de répondre. Malheureusement le nombre des levures décrites et bien caractérisées dépasse 1.500 à l'heure actuelle. D'autre part, il n'est pas toujours commode d'obtenir des spores rapidement et surtout en quantité suffisante pour pouvoir faire une bonne étude de leur germination. Il en résulte que nous ne pouvons apporter que des résultats fragmentaires. Nous sommes heureux néanmoins de pouvoir résumer aujourd'hui nos recherches qui ont porté sur 13 des levures les plus courantes (1).

Technique. — Nous avons opéré de la façon suivante. Une sporulation abondante étant obtenue par un procédé quelconque (carotte, bloc de plâtre ou gélose de Gorodkowa ; 30 à 50 % des cellules doivent avoir formé des spores), nous avons raclé nos cultures avec un scalpel bien flambé, puis étalé rapidement sur une lame de verre également flambée, et porté le tout à l'étuve entre 60 et 65°. On laisse ainsi plusieurs heures (5 ou 6 suffisent en général), au bout desquelles l'on retire de l'étuve une masse fortement adhérente à la lame de verre, et qui est constituée par l'ensemble des asques avec leurs ascospores, et des cellules végétatives de la levure. Les cellules végétatives ont été tuées par la température de l'étuve, mais les spores qui, comme on le sait, résistent à des températures très élevées, sont toutes bien vivantes au contraire. Il suffit de re

(1) Nous remercions vivement MM. les Professeurs Jorgensen, Klöcker Lindner et Will qui ont mis si aimablement des cultures à notre disposition.


214

REVUE GENERALE DE BOTANIQUE

prendre la masse par une goutte d'eau stérilisée, puis de porter le tout sur milieu nutritif (moût gélosé par exemple). Les ascospores germent alors rapidement, et comme les cellules mortes que l'on a portées inévitablement en même temps dans le milieu nutritif ne bourgeonnent pas, il est alors facile de suivre tous les stades de la germination. Un autre procédé de destruction des cellules végétatives consiste à plonger la culture également étalée sur lame de verre, dans de l'alcool à 90°. Deux à trois minutes suffisent ; les ascospores seules résistent.

II

ÉTUDE DE LA GERMINATION DES SPORES DANS QUELQUES LEVURES

A) Saccharomyces cerevisiae. — La germination des ascospores

de cette levure a été étudiée par Hansen. Nous avons tenu néanmoins à en reprendre l'étude. Pas de conjugaison. Les ascospores, qui sont au nombre de 1 à 5 par asque, et arrondies germent par gonflement et bourgeonnement à la manière d'une cellule végétative. Néanmoins, comme l'a observé Hansen, il peut arriver pendant le bourgeonnement des ascospores que deux d'entre elles se fusionnent.

fusionnent. cette fusion, qui ne se produit d'ailleurs que tout à fait exceptionnellement, n'est pas comparable à la conjugaison que. nous avons décrite. Elle ne s'opère en effet que lorsque les ascospores sont en voie de bourgeonnement : par exemple entre une ascospore qui a formé déjà plusieurs bourgeons et une autre qui ne s'est pas développée encore. Hansen a supposé que l'une des ascospores servirait à nourrir l'autre qui se comporterait ainsi en parasite. Cette explication est assez plausible.

Fig. 2. — Saccharomyces cerevisioe.

1. Germination normale de deux ascospores

ascospores dans une asque.

2, 2', 2". Idem. En 2" la paroi qui

séparait les deux ascospores a disparu, de telle sorte que ces dernières ne constituent plus qu'une seule cellule (d'après Hansen).


CONJUGAISON DES SPORES CHEZ LES LEVURES 215

B) Saccharomyces Paslorianus. — Pas de conjugaison. Les ascospores,

ascospores, sont au nombre de 1 à 4 par asque, en général arrondies, et de tailles très variables, germent directement de la façon habituelle.

C) Saccharomyces intermedius. — Cette levure, qui fut autrefois désignée provisoirement par Hansen sous le nom de Saccharomyces Pastorianus Il possède des asques le plus souvent allongés et renfermant un nombre variable d'ascospores

arrondies (une à sept). Au moment de leur germination les ascospores commencent à se gonfler énergiquement en distendant la paroi de l'asque fig. a). Ce gonflement est souvent assez fort pour que, pressant l'une sur l'autre, les ascospores perdent leur forme circulaire et donnent l'impression que l'asque est cloisonné (b). A partir de ce moment, les ascospores se comportent de façons différentes. Un certain nombre d'entre elles que l'on peut évaluer à 50% environ (1) commencent à bourgeonner directement (c). L'autre moitié, au contraire, se prépare à la conjugaison. Pour cela chacune des ascospores qui vont se conjuguer (et qui d'ailleurs se trouvent très souvent dans le même asque) émet un petit diverticule en forme de bec, plus ou moins court, plus ou moins élargi (d). Deux des becs finissent par. s'affronter, s'anastomosent par disparition de la paroi au point où s'est opéré le cont et, et la zygospore est ainsi formée (d'). Elle affecte la forme d'un U (e), d'un V (f) ; dans la majorité des cas cependant, les becs se dirigeant parallèlement l'un à l'autre, et les ascospores entrant en contact sur presque toute la longueur du bec, il n résulte pour la zygospore un aspect cordiforme (g). Quoi qu'il en soit, la paroi de l'asque n'a pas cessé de se distendre pendant l'évolution de ces différents phénomènes. Elle se rompt, si elle ne l'a fait auparavant, à ce stade de la germination, et ses débris enveloppent alors plus ou moins les zygospores ou les autres ascospores en voie de germination (h).

(1) Le calcul est très difficile à faire, car il semble que les ascospores qui germent sans conjugaison et les zygospores ne se développent pas avec une égale rapidité, de telle sorte que dans une préparation où l'on a des zygospores, les ascospores normales ont en partie bourgeonné déjà et donné des cellules végétatives, ou peut-être au contraire entrent à peine en germination, et l'on ne peut pas alors préjuger de la façon dont elles se comporteront.

Fig. 3. — Germination des ascospores dans le Zacch. Pastorianus.


216 REVUE GÉNÉRALE DE BOTANIQUE

D'autrefois la paroi de l'asque ne se rompt pas; elle se résorbe, complètement absorbée par les ascospores, et. l'on n'en trouve plus trace dans les prép rations.

Mises en liberté dans le milieu ambiant, les zygospores, tout en conservant leur forme primitive (car nous avons vu que la fusion des ascospores n'est jamais complète), augmentent fortement et rapidement de volume, au point de dépasser souvent la taille de plusieurs cellules végétatives ordinaires. En même temps s'effectue dans le canal de conjugaison, dont les dimensions s'accroissent toujours beaucoup à ce moment, le mélange des cytoplasmes et la fusion nucléaire décelés et décrits par Guilliermond, et sur lesquels nous n'avons pas à revenir.

Finalement interviennent les phénomènes de bourgeonnement de la zygospore. Les bourgeons prennent indifféremment naissance en un point quelconque de la zygospore : sur ce qui fut le canal de conjugaison (i), sur ce qui fut les ascospores (j). Il en existe un seul ou plusieurs simultanément. Disons cependant que c'est de préférence sur le canal de conjugaison que se montrent les bourgeons. Ils se forment par le processus ordinaire, se détachent quand ils ont atteint une taille suffisante, et ne présentent rien autre de renia - quable que ce fait qu'ils peuvent bourgeonner à leur tour et donner des bourgeons secondaires avant de se détacher de la zygospore. Ainsi prennent naissance des bouquets ou des chapelets de cellules

Fig. 4. — Saccharomyces intermedius. (Voir l'explication des différentes parties de cette figure dans le texte).


CONJUGAISON DES SPORES CHEZ LES LEVURES 217

attachées à la zygospore (k), mais qui finissent toujours par se détacher à un moment donné.

Nous n'avons jamais observé de conjugaison entre plus de deux ascospores.

Enfin, disons que le plus souvent ce sont les ascospores d'un même asque qui se conjuguent, et cela avant que la paroi dé l'asque ait sauté. Ce sont donc des ascospores soeurs, ou tout au moins cousines germaines qui s'unissent. La chose n'est pas rigoureusement constante cependant, et dans les vieilles cultures où beaucoup d'ascospores sont mortes, on voit parfaitement bien, lorsque leurs compagnes immédiates sont devenues incapables de se développer, les ascospores qui survivent émettre des prolongements et aller chercher dans d'autres asques des spores vivantes avec lesquelles elles s'uniront. Guilliermond a signalé depuis longtemps ces faits dans le Saccharomycodes Ludwigii.

D) Saccharomyces validas. — Levure désignée d'abord provisoirement par Hansen sous le nom de Saccharomyces Pastorianus III. Les asques y sont ellipsoïdes ou allongés et les ascospores arrondies. Le nombre de ces dernières est très variable; on peut en trouver en effet de une à dix dans chaque asque. Ces ascospores se conjuguent au moment de la germination comme celles du Saccharomyces intermedius et les phénomènes y sont tout à fait comparables. Nous poumons rigoureusement répéter pour cette levure ce que nous venons de dire pour la précédente. La seule différence à signaler est' qu'ici la proportion des conjugaisons par rapport aux germinations par bourgeonnement des ascospores, est beaucoup plus faible. Les conjugaisons n'apparaissent plus qu'à l'état d'exception, à tel point qu'il faut chercher quelquefois longtemps dans une préparation pour arriver à en découvrir une.

E) Saccharomyces ellipsoïdens. — Décelée par Hansen à la surface des raisins mûrs, et jouant un rôle important dans là vinification-, cette levure possède des asques ordinairement petits et ellipsoïdes. Les ascospores y sont au nombre de une à quatre, et arrondies. Il existe une conjugaison des ascospores au moment de la germination et elle s'opère exactement de la même façon que dans les Saccharomyces intermedius ou validus. La proportion des conjugaisons semble être de 30 à 40 % environ.


218 REVUE GÉNÉRALE DE BOTANIQUE

F) Levure de Johannisberg I. --- Cette espèce, baptisée par Wortmann, mais dont les affinités avec les Saccharomyces ne sont pas douteuses, ne diffère que par un petit nombre de caractères de la levure de Johannisberg II. Les ascospores, arrondies, sont en général au nombre de quatre par asque. et se conjuguent au moment de la germination, comme dans cette dernière espèce. Les phénomènes de la conjugaison y sont absolument identiques, et ne diffèrent pas d'ailleurs de ceux que nous avons décrits en détail pour le Saccharomyces intermédius. La proportion des conjugaisons est approximativement de 50 % comme pour la levure de Johannisberg II.

G) Saecharomyces vint Muntzii. — Trouvée par Kayser sur des raisins, cette levure possède comme les précédentes des ascospores arrondies groupées à l'intérieur des asques en nombre variable. Elles se conjuguent au moment de la germination de la même façon que celles du Saccharomyces intermédius, et la proportion des conjugaisons est là encore de 50 % environ. Disons cependant que nous n'avons jamais observé de bourgeons chez la zygospore ailleurs que sur le canal de copulation.

H) Saccharomyces turbidans. — C'est une levure de brasserie, connue pour déterminer une maladie de la bière. Hansen l'avait primitivement désignée, sous le nom de Saccharomyces ellipsoïdens II Les ascospores y sont toujours arrondies, au nombre de deux à quatre par asque en général. Elles germent après s'être conjuguées comme celles du Saccharomyces intermédius ou du Saecharomyces ellipsoïdens. La proportion des conjugaisons est de 40 à 50 % environ.

I) Saccharomyces Willianus. ----- Cette levure est assez voisine de la précédente. D'abord très réfringentes et d'aspect homogène, les ascospores montrent au moment de la maturité des vacuoles et des gouttelettes de graisse. Leur nombre ne dépasse jamais quatre par asque. Au moment de la germination, on observe une conjugaison des ascospores s'effectuant comme chez les levures précédentes, et la proportion des conjugaisons est d'environ 50 %.

J) Saccharomyces Bayanus. — Levure du type ellipsoïdens provoquant une maladie de la bière, avec ascospores arrondies au nombre de une à quatre par asque. Conjugal on des ascospores suivant


CONJUGAISON DES SPORES CHEZ LES LEVURES 219

le processus habituel, sans rien de particulier. La proportion des conjugaisons est toujours de 40 à 50 % environ.

K) Pichia membranoefaciens. — Découverte par Hansen dans les

exsudations "gommeuses d'une racine d'orme, puis retrouvée par Jörgensen dans un vin blanc, cette levure présente des asques renfermant chacun deux ascospores. Elles peuvent être sphériques, hémisphériques, ovales, allongées, quelquefois même triangulaires. Nous n'avons jamais observé de conjugaison.

L) Pichia farinosa. — Levure de brasserie, cette espèce forme des ascospores au nombre de une à quatre par asque. Elle sont arrondies ou ovales, avec au milieu un granule brillant, Nous n'avons pas observé chez elles de conjugaisons. Les dessins de Lindner et de Saito sembleraient démontrer d'autre part que les asques dérivent ici d'une conjugaison. Mais comme l'a démontré Guilliermond, et comme nous nous en sommes assurés nous-même, il n'y a là

1-2. Saccharomyces validus. — 3-4. S. ellipsoïdeus. — 5-6. Levure de Johannisberg I — 7-8. Saccharomyces Vini-Mutlzii. — 9-10. S. turbidans. — 11-12.—S. Willianus. — 13-14. S. Bayanus — 15. Pichia me.rnbranaefariens.— 10. P. farinosa. — 17-18. Willia anomala.


220 REVUE GÉNÉRALE DE BOTANIQUE

qu'une apparence due à ce que les cellules destinées à former des asques continuent à bourgeonner au moment de la sporulation, ce qui des figures rappelant les asques des Zygosaccharomyces.

M) Willia anomala. :— Les ascospores, groupées par deux ou quatre dans chaque asque, présentent dans cette levure une forme tout à fait particulière. Elles sont hémisphériques, et leur face plane est munie sur tout son pourtour d'un rebord saillant, de telle façon qu'elles ressemblent tout à fait à un chapeau melon. Au moment de la germination l'ascospore se gonfle, et le rebord saillant tantôt disparaît, tantôt persiste au contraire. L'ascospore donne ensuite directement naissance sur toute sa surface à des bourgeons. Pas de conjugaison entre les ascospores.

III

CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES ET CONCLUSIONS

En résumé, la conjugaison des ascospores, à l'heure actuelle, a été observée chez 11 levures qui sont : Saccharomycodes Ludwigii, les levures de Johannisberg I et //, les Saccharomyces intermedius, validus, ellipsoïdeus, vini Muntzii, turbidans, Willianus, Bayanus et la Willia salurnus.

La première des conclusions qui s'impose est donc celleci : que les phénomènes de parthénogamie considérés pendant un certain temps comme tout à fait exceptionnels chez les levures, sont beaucoup plus répandus qu'on ne le pensait au contraire, et ne sont pas limités à un groupe d'entre elles. On les rencontre un peu partout, dans les espèces qui ne présentent pas de conjugaison à l'origine de l'asque. Il est à remarquer néanmoins que le genre Saccharomyces renferme une proportion considérable de levures parthénogamiques. Sur 10 Saccharomyces étudiés par nous (1) un peu au hasard, 8 en effet nous ont montré des conjugaisons de leurs ascospores. Si l'on voulait grouper (2) les levures en ne tenant compte que de l'évolution sexuelle et de leurs caractères sexuels, il fau(1)

fau(1) levures de Johannisberg appartiennent au genre Saccharomyces.

(2) Nous ne prétendons pas faire là une classification, mais un simple groupement, indiquant, l'évolution sexuelle, des levures.


CONJUGAISON DES SPORES CHEZ LES LEVURES 221

drait donc immédiatement après les Schizosaccharomyces, Zygosaccharomyces, Debaryomyces, placer les Saccharomyces. On aboutirait au tableau suivant :

Levures présentant une conjugaison ou un essai de conjugaison à l'origine de l'asque.

Schizosaccharomyces, Zygosaccharomyces, Debaryorayces globosus, Schwanniomyces occidentalis, Torulapura.

Levures présentant une conjugaison des ascospores, ou levures parthénogamiques.

Saccharomycodes Ludwigii, Willia. Salurnus, et Saccharomyces.

Levures asexuées ou pàrthénogénétiques.

Saccharomyces cerevisiae, Willia anomala, etc.

Quant à savoir en l'état actuel de nos connaissances, qui l'emporte chez les levures de la parthénogamie ou de la parthénogenèse, il n'y faut pas songer. On ne pourra répondre à la question de façon précise que lorsque la germination des spores aura été étudiée chez un plus grand nombre de levures, le bilan établi de celles qui germent directement et de celles dont les ascospores se conjuguent. Il est à remarquer cependant que sur les 13 levures, étudiées par nous, 8 se sont révélées parthénogamiques. Ceci représente une proportion de près de 75 %. Il semblerait donc (en ne tenant compte que de ces résultats fragmentaires) que la parthénogenèse constituerait plutôt l'exception (1). Une autre conclusion qui s'impose, c'est que la conjugaison des ascospores se présente partout avec les mêmes caractères. La marche du phénomène est le même partout, et ce que nous avons observé chez les 8 levures à conjugaison parthénogamique précitées est de tous points comparable à ce qui fut antérieurement observé par Guilliermond chez le Saccharomycodes Ludwigii, la levure de Johannisberg II et la Willia Saturnus. Les quelques petites variations que l'on pourrait signaler sont tout à fait de détail.

(1) On pourrait admettre que les levures parthénogamiques sont des levures qui après avoir perdu leur sexualité l'ont ensuite recouvrée sous forme de parthénogamie.


222 REVUE GÉNÉRALE DE BOTANIQUE

Mais ce n'est pas au point de vue théorique uniquement que la conjugaison des ascospores présente un intérêt. Pratiquement sa présence ou son absence peut servir dans certains cas à la caractérisation des espèces. Certaines espèces sont très voisines les unes des autres, assez difficilement séparables. Supposons que les unes soient parthénogamiques, les autres parthénogénétiques. Voilà qui peut simplifier la détermination. Or, ceci n'est pas une simple vue de l'esprit. C'est ce qui arrive par exemple pour les trois Saccharomyces Paslorianus, intermedius et validus qu'Hansen avait primitivement désignés sous les noms de Saccharomyces Pastorianus /, II et III. On a vu que le Saccharomyces Pastorianus de la nomenclature actuelle ne présente jamais de conjugaison de ses ascospores, tandis que les Saccharomyces intermedius et validus en présentent de fort nettes au contraire; d'où un nouveau moyen de distinguer le premier des deux autres.

Ces diverses considérations montrent l'intérêt de la question. Il nous semble qu'on doive en tenir compte plus qu'on ne l'a fait jusqu'à présent, et que dans toute nouvelle levure décrite (pour ne plus parler des levures connues) on doive étudier soigneusement la germination des ascospores.

Nous serons très heureux, si, grâce à nos indications, d'autres auteurs peuvent poursuivre ces recherches, et nous tenons en terminant à remercier tout particulièrement M. Guilliermond dont la bienveillance et les conseils ne nous ont jamais fait défaut.


NOTES BIBLIOGRAPHIQUES

I. ENDLER. — liber den Durchtritt von Salzen durch das Protoplasma. II. Biochemische Zeitschrift, Bd 45, Heft 5 und 6.

Dans un deuxième mémoire, l'auteur donne une méthode de détermination du point isoéletrique du protoplasma basée sur l'influence des ions H et OH sur la coloration des cellules.

Il se propose de déterminer tout d'abord l'influence des ions H et OH sur la coloration de la cellule. Après avoir étudié le rôle de la réaction du milieu sur la coloration, l'influence des ions H et OH pour une concentration constante, l'action des non éleclrolytes, ENDLER déduit de ses expériences une méthode de détermination. le l'état isoélectrique du proloplasma, méthode basée sur la façon dont est influencée la coloration par les ions H et OH.

Les résultats obtenus sont les suivants :

1. Les ions. OH favorisent la pénétration du colorant basique dans la cellule aussi bien que sa sortie ; pour une certaine concentration élevée en ions OH, il y a arrêt dans l'absorption.

2. Les ions H arrêtent la pénétration du colorant dans la cellule.

3. Les ions OH balancent l'effet, d'arrêt des sels neutres sur l'absorption du colorant.

4. En présence d'acides les sels neutres influent sur la sortie du colorant jusqu'à une acidité de 1/12800 après laquelle ils suivent la règle générale.

A partir de 1/(6400 d'acide, ils arrêtent d'abord la sortie du colorant; pour une teneur plus élevée en sels la décoloration est accélérée.

5. Une acidité de 1/6400 est suivie du renversement de la série des anions; le renversement de la série des caillions est déjà bien apparent pour 1/6400 et parfaitement significatif des 1/3200 d'acide.

En se basant sur ces faits, l'auteur a pu déterminer le point isoélectrique du plasma d'Elodea.

6. Le renversement de la série des anions est déjà apparent dans les cellules mortes pour une dose d'acide égale à 1/12.800; .par conséquent le point isoélectrique du plasma désorganisé doit être situé plus bas que celui du plasma vivant.

7. La réversibilité de l'influence des sels dépend de la durée de l'effet. Seuls les anions restent irréversibles et dans l'ordre suivant :

Nitrate > Chlorure > Sulfate > Citrate > Tartrate.

8. Les colorants acides ne pénètrent pas dans la cellule vivante suivant la loi précédemment établie; la pénétration des anions (du colorant est accélérée par les acides et arrêtée par les alcalis.

9. Les électrolytes amphotères colorants ont leur pénétration favorisée aussi bien par les acides que par les alcalis.

10. L'absorption du colorant par la cellule est en général accélérée par l'élévation de température. Cependant l'optimum de température dépend de la concentration de la solution en sels ou en ions H et OH.


224 REVUE GÉNÉRALE DE BOTANIQUE

11. Différents sucres arrêtent l'action colorante dès qu'ils atteignent une concentration déterminée. Cette action d'arrêt peut être détruite par l'addition d'alcali. Ils peuvent être rangés de la façon suivante :

Fructose — Lactose — Glucose.

12. L'asparagine et l'urée peuvent arrêter la pénétration du colorant.

13. L'addition d'alcools différents n'influe nullement sur l'absorption du colorant.

14. Les colloïdes abaissent par absorption la concentration du colorant et diminuent ainsi l'entrée de ce dernier dans la cellule. D'autre part, et pour la même raison, ils favorisent la sortie du colorant. E. MICHEL-DURAND.

CHRONIQUES ET NOUVELLES

On annonce la mort du Docteur VIAUD-GRAND-MARAIS, décédé à Nantes, à l'âge de 80 ans. M. VIAUD-GRAND-MARAIS était bien connu des botanistes descripteurs par ses travaux sur la Flore de l'Ouest de la France.

On annonce la mort, à l'âge de 84 ans, du Docteur BOUDET, Professeur honoraire à l'École de Médecine de Limoges, qui s'était beaucoup occupé de Botanique descriptive française.

L'Académie des Sciences, Inscriptious et Belles-Lettres de Toulouse a décerné le prix Maury à M. J.-B. GÈZE pour ses travaux sur les Typha.

M. MENUET est chargé du Cours d'Histoire Naturelle à l'École de Médecine et de Pharmacie de Tours.

Le jury de l'Agrégation des Sciences naturelles pour 1913 est ainsi constitué : M. DASTRE, Membre de l'Institut, Professeur à la Faculté des Sciences de Paris, président ; MM. CAULLERY, Professeur à la Faculté des Sciences de Paris; BELZUNG, Professeur au Lycée Charlemagne; JACOB, Professeur à la Faculté des Sciences de Toulouse.

M. VUILLEMIN, Professeur de Botanique à la Faculté de Médecine de Nancy, a été élu Membre correspondant de l'Académie des Sciences de Paris.

Lille. — Imp. PLATEAU & Cie. Le Gérant, Ch. PIEREIMS.


RECHERCHES PHYSIOLOGIQUES SUR LES GALLES

Par M. Marin MOLLIARD

INTRODUCTION

Les galles végétales sont actuellement bien connues au point de vue systématique et on peut considérer comme établi le cadre de leur nomenclature, dont la mise au point a été présentée par Houard [29] (1); il ne paraît plus y avoir à cet égard à effectuer qu'un travail documentaire; de même leurs caractères morphologiques ont été l'objet d'un très grand nombre de recherches relativement récentes et nous avons de la structure de ces productions une idée, d'ensemble très satisfaisante, qu'on trouvera exprimée dans l'ouvrage de Küster [41], qui résume en outre d'une manière très heureuse l'état de nos connaissances sur la biologie des galles ; par contre, la physiologie des cécidies a été presque complètement délaissée, ce qui est d'ailleurs très normal, la science ayant progressé dans ce domaine particulier comme dans tous ceux de la biologie, en passant successivement par les stades de la classification,' de l'étude de la morphologie externe et de l'anatomie, pour aboutir à la recherche du fonctionnement et du déterminisme.

Les données acquises qui se rapportent au chimisme des galles sont encore peu nombreuses et restent le plus souvent sans, lien lorsqu'on les considère à l'intérieur même de la physiologie pathologique et plus encore quand on cherche à les comparer ou à les rattacher aux phénomènes de physiologie normale. Pantanelli a pu écrire avec raison dans le récent travail [66] que je considère

(1) Les nombres en chiffres gras renvoient à l'Index bibliographique placé à la fin de ce mémoire.

Rev. gén. de Botanique. — XXV. 15.


226 REVUE GÉNÉRALE DE BOTANIQUE

comme le premier en date parmi ceux qui ont trait aux questions qui nous préoccupent : « Su la fisiologia delle galle in générale si sa poco o nulla». Les recherches physiologiques relatives aux galles qui ont été effectuées avant Pantanelli portent très généralement sur des points spéciaux, par exemple sur l'analyse des cendres (Vandevelde [81]) et surtout sur les matières tannantes (Küstenmacher [39]), ou dérivent d'une préoccupation purement pharmaceutique ou commerciale (Roncali [75, 76]); ce sont des études exclusivement chimiques et elles ne sont point physiologiques parce qu'elles ne nous donnent le plus souvent aucun renseignement comparé sur la composition chimique des galles et des organes normaux aux dépens desquels celles-ci se développent; c'est cette lacune que Pantanelli a comblée en partie pour les feuilles de la Vigne portant des galles de Phylloxéra [66] ou attaquées par un Thrips [67] et c'est la même préoccupation qui m'a guidé dans la contribution personnelle que j'apporte à la question; j'ai été conduit à entreprendre ces recherches non pas tant parce que nous nous trouvons en face d'un domaine à peine inexploré, et qui nous livrera facilement par suite des faits nouveaux, que dans l'espoir de voir de nombreux problèmes d'ordre général éclairés par les phénomènes spéciaux mis en évidence.

Je crois qu'il est admis par la plupart des biologistes à l'heure actuelle, je ne conçois pas pour ma part qu'il en puisse être autrement, que les caractères morphologiques d'une cellule vivante sont sous la dépendance immédiate des phénomènes physico-chimiques qui s'accomplissent à l'intérieur de cette cellule; il y aura donc une première tâche qui s'imposera à nous, c'est d'établir une double comparaison, tout d'abord entre les caractères structuraux d'un organe normal et ceux d'une galle édifiée aux dépens de cet organe, puis entre les caractères physiologiques de ces deux sortes de complexes cellulaires; nous pourrons de la sorte nous rendre compte de la nature des modifications physiologiques qui correspondent aux changements de forme et les déterminent; nous serons ainsi amenés à étudier un problème particulier de morphogénie et nous devons nous attendre à trouver des transformations aussi profondes dans le chimisme des cécidies qu'on en observe de frappantes au point de vue de la forme.


RECHERCHES PHYSIOLOGIQUES SUR LES GALLES 227

En second lieu, nous aurons à nous demander si, sous d'autres actions que celles des organismes cécidogènes, on ne peut pas observer, dans certains organes normaux des végétaux, des processus physiologiques comparables à ceux qui caractérisent les galles et qui aboutissent d'ailleurs à des caractères morphologiques de même ordre.

Enfin, la relation exacte qui existe entre les modifications physiologiques et les transformations morphologiques ne peut être établie que si on peut arriver à mettre en évidence l'enchaînement des diverses perturbations qui apparaissent dans le chimisme cellulaire, et en particulier la cause initiale de ces perturbations; remontant ainsi au déterminisme même des changements apportés aux processus physiologiques, et par suite aux caractères morphologiques, par les parasites cécidogènes, nous tenterons de résoudre en partie le problème capital, mais difficile, du déterminisme des galles.

C'est là un vaste programme; pour ma part, je m'estimerai heureux si la modeste contribution que j'y apporte dans ce mémoire montre, par les résultats obtenus, combien peuvent être fécondes de telles recherches de physiologie pathologique.

Le présent travail comprendra les divisions suivantes :

I. — Morphologie des galles de Tetraneura Ulmi et de Schizoneura lanuginosa.

II.— Caractères chimiques des galles : 1. Teneur en eau; 2. Composition des cendres ; 3. Analyse élémentaire ; 4. Sucres ; 5. Acidité libre ; 6. Tannins ; 7. Substances azotées; 8. Echanges gazeux; 9. Oxydases.

III. — Comparaison des galles avec les fruits au point de vue physiologique.

IV. — Comparaison des galles avec les organes non chlorophylliens.

V. — Essais de production artificielle de galles.


228

REVUE GÉNÉRALE DE BOTANIQUE

I. — MORPHOLOGIE DES HÉMIPTÉROCÉCIDIES DE L'ORME

Je me suis surtout adressé dans ce travail aux galles produites sur l'Orme par le Tetraneura Ulmi de Geer et le Schizoneura lanuginosa Hartig parce qu'il' m'était possible d'en récolter en grande quantité, ce qui était nécessaire pour les recherches physiologiques, et parce qu'il est assez aisé de les débarrasser de leurs parasites lorsqu'il s'agit de procéder à des analyses. Les galles en question sont bien connues au point de vue de leur aspect,

extérieur et de leurs parasites ; les travaux de Kessler [33], Lichtenstein [46, 47], Patch [70] nous ont renseignés sur leur biologie et je ne les considérerai ici qu'au point de vue de leurs caractères anatomiques.

Si on étudie la coupe transversale d'une feuille normale d'Ulmus campestris on observe (fig. 1) un épiderme supérieur à grandes cellules, sans stomates, et un épiderme inférieur comprenant

comprenant contraire de nombreuses cellules stomatiques; le tissu palissadique est essentiellement constitué par deux assises en dessous desquelles apparaît la région làcuneuse formée d'environ 3 assises. Les chloroleucites de ces deux régions présentent sous l'action de l'iode la coloration bleue de l'amidon dans leur partie centrale, mais on n'observe pas une formation abondante de cette matière de réserve; par contre, les cellules chlorophylliennes fixent d'une manière intense une solution de rouge Congo par suite de la présence d'une substance mucilagineuse que nous aurons l'occasion d'étudier.

Les galles de Tetraneura Ulmi apparaissent sous la forme de vésicules creuses, proéminant à la face supérieure de la feuille, présentant une coloration verte de même ordre que celle du limbe normal, coloration souvent masquée d'ailleurs par l'apparition d'un pigment rouge anthocyanique, surtout lorsque les galles

Fig. 1. — Coupe transversale du limbe de la feuille d'Ulmus campestris (G = 175).


RECHERCHES PHYSIOLOGIQUES SUR LES GALLES

229

sont exposées à une lumière intense. Quand ces galles ont atteint leur complet développement, ce qui correspond à peu près à l'époque où la femelle aptère fondatrice a donné naissance à la génération suivante, on observe, en coupe transversale les caractères anatomiques mis en évidence par la figure 2; la région

palissadique de la feuille a été remplacée par un tissu parenchymateux non différencié, très abondant et formé de 12à 15 assises; le tissu lacuneux ne s'est pas non plus constitué, mais la région correspondante subit une division cellulaire moins abondante que la précédente ; cette zone, qui se trouve en dedans des faisceaux libéro-ligneux, présente un phénomène d'étirement tangentiel

Fig. 2. — Coupe transversale do la galle de Tetraneura Ulmi (G = 175).


230 REVUE GÉNÉRALE DE BOTANIQUE

des cellules, qui se traduit avec une grande netteté vers la face interne de la galle par la présence de cellules qui se sont séparées les unes des autres, formant des îlots irréguliers, et rendent ainsi cette face rugueuse; on n'y observe pas de stomates; je n'ai pas davantage constaté leur présence à la face extérieure, contrairement à ce qui est signalé par Frank [23] et à ce qui se passe pour l'autre galle étudiée.

Les chloroleucites sont encore abondants dans le parenchyme foliaire, mais plus petits et ils se colorent encore moins que ceux de la feuille normale sous l'action de l'iode ; le mucilage signalé dans les cellules chlorophylliennes de la feuille saine existe aussi ici.

Il est aisé de suivre le développement de la galle de Tetraneura Ulmi; vers le début d'avril, on peut apercevoir sur de jeunes feuilles, encore fortement plissées parallèlement aux nervures secondaires, de petites plages proéminant légèrement vers la face supérieure et présentant une coloration jaunâtre qui se détache sur le fond vert clair ; si on examine la face inférieure de ces plages. On y reconnaît la présence du Puceron femelle qui va par son action produire la galle définitive; le parasite se trouve logé dans le pli concave par rapport à la face inférieure qui sépare deux nervures secondaires voisines. A cette époque la feuille, dans sa partie normale, est déjà à peu près différenciée comme nous l'avons indiqué; dans la partie qui a subi la première attaque du parasite il s'est rapidement produit un épaississement du limbe, déterminé par une division active des cellules qui restent indifférenciées et gardent un noyau relativement volumineux; les divisions caryokinétiques sont très nombreuses dans cette région qui est le début d'une galle. La proéminence s'accentue rapidement vers la face supérieure; il se constitue de nombreux poils dans la région de raccord de la face inférieure, qui va devenir la face interne, de la galle et peu à peu cette région se rétrécit jusqu'à séparer entièrement la cavité de la galle d'avec l'extérieur.

Il n'est pas rare d'observer, soit sur des feuilles portant des galles normales de Tetraneura Ulmi, soit même sur des feuilles qui en sont dépourvues, mais se trouvent au voisinage des précédentes, des plages épaissies plus ou moins étendues, où la chlorophylle est atténuée, où de l'anthocyane apparaît avec une abon-


RECHERCHES PHYSIOLOGIQUES SUR LES GALLES

231

dance variable, et où se constituent de nombreux poils ; ces plages, d'aspect analogue à celle que présente le limbe dans le voisinage immédiat de la partie inférieure de la galle normale, apparaissent comme des régions qui ont subi une action peu prolongée du parasite, ont acquis de ce fait certains caractères des galles, tels que l'augmentation du nombre des assises, l'abondance des poils, mais que le parasite a rapidement quittées; il en résulte qu'une différenciation ultérieure a pu se produire et qu'on peut reconnaître

reconnaître 3) la formation de cellules palissadiques et d'un tissu légèrement lacuneux; les stomates restent localisés à la face inférieure. L'épaisseur de ces régions est d'ailleurs essentiellement variable et dépend évidemment de l'époque à laquelle le Puceron a cessé d'agir; il est d'autre part vraisemblable que c'est par le fait des Oiseaux que les Hémiptères disparaissent ainsi et qu'il ne s'agit pas de déplacements, de sortes de tâtonnements des parasites, car j'ai observé certains Ormes où les galles de Tetraneura

Fig. 3. — Coupe transversale d'un début de galle de Tetraneura Ulmi

(G = 175).


282 REVUE GÉNÉRALE DE BOTANIQUE

Ulmi étaient excessivement nombreuses (jusqu'à 10 par feuilles) et où par contre les plages épaissies que je viens de décrire n'existaient pour ainsi dire pas ; sur d'autres arbres, correspondant à d'autres localités, c'était le contraire et on n'observait guère que des débuts de galles.

Les caractères extérieurs de la cécidie du Tetraneura Ulmi nous ont paru dépendre assez fortement de l'espèce d'Orme attaqué; alors que la face externe est bien lisse quand il s'agit, de l'Ulmus campestris, elle est irrégulière, mamelonnée et peut même présenter des sortes de pointes quand il s'agit de l'U. montana var. pendula; la galle est aussi, sur ce dernier support, plus molle, moins résistante à la pression, et se trouve plus longuement pédonculée.

J'ai de la même façon observé des modifications d'aspect assez appréciables pour des galles du Tetraneura Ulmi qui se sont développées aux dépens d'une région de feuille transformée ellemême, d'une manière concomitante, par l'action du Schizoneura Ulmi; la première cécidie acquiert une coloration plus jaune, se rapprochant de la teinte de la seconde; elle prend de plus une forme irrégulière et il existe de toute évidence un retentissement de l'action du Schizoneura Ulmi sur la galle constituée par le Tetraneura Ulmi.

Le développement de la cécidie produite sur les jeunes Ormes par le Schizoneura lanuginosa présente les mêmes caractères essentiels que pour la galle qui vient de nous occuper; de jeunes feuilles sont attaquées par l'Hémiptère qui est placé à la face inférieure et détermine tout d'abord un enroulement assez serré de la partie du limbe attaqué, la face externe devenant fortement convexe; cette région prend un aspect cérébroïde par le fait de la proéminence des portions du limbe comprises entre les nervures; à ce stade la galle présente une certaine analogie avec celle du Schizoneura Ulmi; puis les femelles fondatrices localisent leur action en certains points et chacune d'elles détermine la formation d'une grande poche vésiculeuse se développant comme celle de la galle de Tetraneura Ulmi.

Les caractères anatomiques de la cécidie adulte de Schizoneura lanuginosa (fig. 4) offrent de notables différences avec ceux


RECHERCHES PHYSIOLOGIQUES SUR LES GALLES

233

de la précédente; les deux épidémies portent de nombreux poils très longs; les stomates, ordinairement absents à la face interne, apparaissent au contraire dans l'épiderme extérieur, fait déjà

signalé par Frank [23] et que j'ai observé aussi pour la galle de Schizoneura Ulmi; ce déplacement du tissu stomatique est un fait digne d'attirer l'attention, puisqu'il s'agit d'une localisation comFig.

comFig. — Coupe transversale de la galle de Schizoneura lanuginosa (G.= 175).


234 REVUE GÉNÉRALE DE BOTANIQUE

platement modifiée par un ensemble de conditions extérieures, réalisées ici par un parasite. Entre les deux épidermes le parenchyme du limbe est tout à fait homogène; il est constitué par des cellules restant pressées les unes contre les autres, ne présentant que rarement de petits méats.

Les chloroleucites sont sensiblement plus petits et moins verts que dans la feuille normale; ils présentent à peine de coloration par l'iode; les cellules chlorophylliennes se colorent aussi plus faiblement sous l'action du rouge Congo.

Les nervures sont beaucoup plus riches en parenchyme que celles de la feuille saine; il en résulte que les éléments vasculaires sont plus écartés les uns des autres : les faisceaux sont moins compacts.

La nervure principale de la feuille attaquée est le plus souvent très renflée et ce caractère se poursuit dans le pétiole qui ne subit cependant pas directement l'attaque du parasite; cette action à distance intéresse la tige elle-même qui apparaît fortement renflée dans la partie qui est située en dessous de la feuille attaquée; il suffit, pour se rendre compte de ce phénomène, de comparer les deux figures 1 et 2 de la Planche VII, qui représentent, à un même grossissement, les coupes transversales faites dans une tige d'Orme, au-dessus (fig. 1) et au-dessous (fig. 2) de l'insertion de la feuille portant une galle de Schizoneura lanuginosa.

En résumé, si on laisse de côté les caractères spécifiques des deux galles considérées, on constate que celles-ci se rapprochent l'une de l'autre, et aussi de beaucoup de cécidies, au point de vue anatomique, par une abondante prolifération cellulaire et une absence de différenciation du parenchyme.


RECHERCHES PHYSIOLOGIQUES SUR LES GALLES

235

II. — CARACTÈRES CHIMIQUES DES GALLES

Les matériaux qui ont été surtout utilisés dans les analyses chimiques sont les galles de Schizoneura lanuginosa; elles ont été débarrassées au préalable de leurs parasites, soit à sec, à l'aide d'un pinceau, quand il s'agissait de matériaux peu abondants, soit plus rapidement par un violent courant d'eau dirigé dans la partie concave des galles préalablement ouvertes; on déterminait le rapport du poids des galles fraîches et débarrassées à sec de leurs pucerons à celui que présentaient ces galles après avoir subi le traitement par l'eau et avoir été soigneusement égouttées. On pouvait ainsi facilement passer du poids des galles mouillées à celui des galles fraîches ou au poids sec de celles-ci (dessiccation progressive jusqu'à 105°).

1. Teneur en eau

Des galles de Schizoneura lanuginosa, débarrassées de leurs parasites et pesées à l'état frais, ont été desséchées progressivement jusqu'à 105° jusqu'à poids constant, en même temps que des feuilles d'Orme prises sur le même arbre que les galles. On obtient ainsi pour la teneur en eau des deux sortes d'organes les nombres qui suivent, auxquels je joins ceux qui sont relatifs aux galles de Tetraneura Ulmi :

TENEUR EN EAU RAPPORTÉE A 100 DE SUBSTANCE FRAÎCHE

Feuilles d'Orme (U. campestris). .. 66.80 65,90 62.18 66,71 68,32

Gallés de Schizoneura lanuginosa. . 82 76,90 79,79 80,15 79,64

montana . . . 75,96 73,20 74,09 » »

Feuilles d'Ulmus... campestris.. 65,21 68,28

Feuilles épaissies (débuts de galles). 79 77,36 » 74,91 »

Galles de Tetraneura Ulmi 82,84 82,67 _8l,94 77.09 76,78

Quelques autres cécidies ont fourni les résultats suivants :

TENEUR EN EAU

ORGANES SAINS GALLES

Galles de Mikiola Fagi sur Fagus silvatica 53,24 61,50

Galles d'Isosoma hyalipennesur Psamma arenaria 65 75,5

Galles de Pontania proxima sur Salix alba ..... 64,9 84,1 Galles de Pemphigus cornicularius sur Pistacia

Terebinthus 52,2 57,3

Galles d'Eriophyes Galii sur Galium Mollugo . . 80,2 82,4 Galles de Trigonaspis megaptera sur Quercus

Robur ; 64,1 88,1


236

REVUE GÉNÉRALE DE BOTANIQUE

Il y a donc constamment une plus grande quantité d'eau dans les galles, prises à l'état adulte, que dans les organes sains correspondants. Faisons remarquer, à propos de la cécidie du Tetraneura Ulmi, que sa teneur en eau présente un écart qui est toujours de même ordre par rapport à celle de la feuille qui la porte; c'est ainsi que les galles récoltées sur l'Ulmus montana sont plus riches en eau que celles qui proviennent de l'U. campestris, cette dernière espèce ayant des feuilles elles-mêmes moins aqueuses que celles de l'U. montana. C'est donc moins la teneur absolue en eau qui caractérise les galles que la différence entre cette teneur et celle des organes qui leur donnent naissance.

Tous les nombres donnés antérieurement par d'autres auteurs confirment la règle que nous avons énoncée; j'en transcris ici plusieurs avec l'indication bibliographique correspondante :

TENEUR EN EAU

AUTEUR

Organe Galle normal

Galles de Rhodites Eglantariae sur Rosa ... 61,7 72 Harder (in

Küster).

» Rhodites Rosarum sur Rosa 61,7 84,8 »

» Mikiola Fagi sur Fagus 55 78 »

» Dryophanta divisa sur Quercus. . 54 53,5 »

» Biorhiza pallida sur Quercus... . 54 89 »

» Trigonaspis megaptera sur

Quercus 54 86,2 »

» Perrisia tiliamvolvens sur Tilia. . 75,2 80,9 »

» Eriophyes Avellanae sur

Corylus 72,5 70,8 »

» Pediaspis Aceris sur Acer 74,4 84,4 »

» Pontania proxima sur Salix .... 67,7 84,5 »

» Ecobasidium Vaccinii sur Vaccinium

Vaccinium Idaea 56,4 79 »

» Neuroterus baccarum sur

Quercus 64,60 94,30 Paris

et Trotter

Paris et Trotter ont de plus, relativement à cette dernière galle, montré que les feuilles gallifères ont une teneur en eau plus


RECHERCHES PHYSIOLOGIQUES SUR LES GALLES

237

élevée (68,50) que les feuilles saines. Le seul cas qui fasse dans ce tableau une exception marquée à la règle est celui de la galle de l'Eriophyes Avellanae ; mais il y a lieu de remarquer que la comparaison a été établie avec de jeunes pousses feuillées et qu'il eût été plus logique de la faire avec les bractées de bourgeons; il est vraisemblable que dans ces conditions cette exception apparente disparaîtrait.

2. Cendres

En incinérant dans des conditions identiques la matière desséchée provenant des galles et des feuilles normales de même provenance, j'ai obtenu les poids suivants de cendres pour 100 gr. de matière sèche :

Feuilles d'Orme 10,09 8,81 9,20 8,95

( Schizoneura lanuginosa .... 8,61 7,34 » » Galles de

Tetraneura Ulmi » » 6,90 6,54

La quantité de cendres est donc sensiblement moins considérable pour les galles; les produits obtenus ont d'ailleurs un aspect très différent; les cendres des feuilles sont finement pulvérulentes et grises, celles des galles sont compactes et d'une teinte d'un vert bleu assez intense. Il a été procédé à l'analyse comparée des cendres des feuilles d'Orme et des galles de Schizoneura lanuginosa en ce qui concerne les substances les plus importantes; j'ai suivi la marche indiquée par Frésénius [24] et je renvoie pour le détail de la technique à son Traité.

Reprises par l'eau, puis par l'acide azotique, les cendres des feuilles ne donnent à ces solvants aucune coloration; on observe un léger dégagement de gaz carbonique et un faible dépôt de charbon; 1 gr. de cendres ne produit que 4 centimètres cubes de gaz carbonique, mesuré à 15°. Les cendres des galles, mises en présence de l'eau se décolorent elles-mêmes en rendant le liquide vert et celui-ci devient rose par addition d'acide azotique; or on sait que les manganates ont des sels verts dont les solutions:se colorent en rose par l'addition d'un acide minéral; il est donc raisonnable de penser que la teinte vert-bleu primitive des cendres est due à la formation d'un manganate alcalin. 1 gr. de cendres de


238 REVUE GÉNÉRALE DE BOTANIQUE

galles du Schizoneura lanuginosa donne lieu, en présence de l'acide azotique, à un dégagement beaucoup plus abondant que les cendres précédentes et égal à 50 centimètres cubes; on n'observe pus ici de résidu de charbon.

Le liquide azotique, mis à bouillir dans un ballon muni d'un tube à dégagement plongeant par son extrémité dans une solution d'azotate d'argent, maintenue à la température ordinaire par un courant d'eau froide, laisse dégager sous forme d'acide chlorhydrique le chlore des cendres, qui est dosé à l'état de chlorure d'argent; on obtient ainsi des nombres à peu près égaux pour le chlore des deux sortes de cendres, 3 % de cendres des feuilles et 2,87 dans le cas des galles.

La silice, déplacée par l'acide azotique, filtrée, lavée, redissoute par une solution concentrée de carbonate de sodium, pour la débarrasser du sable et du charbon, puis reprécipitée, représente les 35,8 % des cendres des feuilles et seulement les 12,1 % des cendres de galles.

L'acide sulfurique, dosé à l'état de sulfate de baryum, est au contraire plus abondant dans les galles : 4,88 % de SO 3 au lieu de 1,57 dans le cas des feuilles.

La chaux, précipitée à l'état d'oxalate de calcium, diminue beaucoup quand on passe des feuilles (38,92) aux galles (20,73).

Pour doser le fer, on précipite celui-ci dans la solution acidifiée par l'acide acétique, à l'état de phosphate de fer, par l'acétate d'ammoniaque; le précipité filtré et calciné représente 1,42 % de Fe2O 3 dans le cas des feuilles et seulement 0,47 dans celui des galles.

L'acide phosphorique total, représenté par celui qui existe dans le phosphate de fer dont il vient d'être question et celui qu'on précipite à nouveau sous la même forme par addition d'une liqueur titrée d'azotate de fer, représente 0,40 de P 205 pour 100 gr. de cendres de feuilles et 1,50 % dans le cas des galles.

Pour des raisons que j'indiquerai plus loin, et me basant sur la vive coloration des cendres des galles, due à la présence du manganèse, je m'attendais à trouver ce métal en plus grande abondance dans les galles que dans les feuilles; il n'en a rien été. Le dosage a été effectué par la méthode colorimétrique, après transformation des composés du manganèse en permanganate,


RECHERCHES PHYSIOLOGIQUES SUR LES GALLES

239

par action du minium sur le liquide azotique, entièrement débarrassé de son chlore; les liquides devenus violets ont été comparés colorimétriquement à une solution titrée de permanganate de potassium; j'ai trouvé ainsi 0,214 de Mn 203 dans les cendres des feuilles et seulement 0,042 dans 100 gr. de cendres de galles.

En outre de cette méthode, j'ai dosé le permanganate produit dans les deux liquides par la quantité d'une solution titrée d'azotate mercureux nécessaire pour le réduire entièrement et j'ai obtenu des résultats absolument concordants avec les précédents.

La potasse, dosée dans les liquides ayant dissous les cendres et des matières autres que les métaux alcalins, à l'état de chloroplatinate, représente 19,2 % de cendres des feuilles et plus du double (42,58 %) pour les galles.

Le tableau suivant condense les résultats obtenus :

COMPOSITION DES CENDRES DES FEUILLES DE L'Ulmus campestris ET DES GALLES DE Schizoneura lanuginosa

% DE CENDRES

Feuilles Galles

Gaz carbonique (CO 2) 0,79 9,87

Charbon 2,70 0

Silice (SiO 2) 35,80 12,10

Chlore 3 2,87

Acide sulfurique (SO 3) 1,57 4,88

Acide phosphorique (P2O 5) 0,40 1,50

Chaux (CaO) 38,92 20,73

Fer (Fe 203) 1,42 0,47

Manganès (Mn2O3)... 0,21 0,004

Potasse (K 20) 9,20 42,64

Ce qui se traduit,, en résumé, par une teneur moindre des cendres des galles en silicium, calcium, fer et manganèse, par une augmentation au contraire du soufre, du phosphore et du potassium.

Les résultats obtenus avec la galle du Tetraneura Ulmi sont identiques ; les cendres de cette seconde galle ont le même aspect


240 REVUE GÉNÉRALE DE BOTANIQUE

que celles des galles de Schizoneura lanuginosa, et qu'il me suffise de dire qu'elles m'ont donné par exemple 8,74 % de silice, 17 % de chaux et 47 % de potasse.

Tout ce que nous savons d'autre part cadre absolument avec ces indications personnelles et nous montre que nous sommes en présence d'un caractère général présenté par les galles. C'est ainsi que Vandévelde [82] a montré que les galles ont une moindre teneur en cendres que les organes normaux homologues; Koch [35] a trouvé pour les cendres des galles de Cynips Kollari la composition suivante :

SiO 2 17,79

P2O 5 32,38

CaO 5,17

SO 3 24,82

K 20 16,65

ce qui correspond à une teneur énorme en acides phosphorique et sulfurique tenant peut-être en partie à ce que les parasites ont été analysés en même temps que la galle; de son côté Pantanelli [66] donne pour la Vigne attaquée par le Phylloxera les nombres suivants :

CENDRES % % DE CENDRES

DE MATIÈRE

SÈCHE Fe 203 CaO MgO P 205 K 20

Feuilles normales 10,23 1,37 43,08 5,11 1,02 6,78

Feuilles gallifères 8,34 0,71 29,75 4,16 1,75 9,82 |

L'auteur rapporte l'augmentation de l'acide phosphorique, au moins en partie, à la présence des parasites incinérés en même temps que les tissus végétaux, cause d'erreur qui n'existait pas dans nos analyses, et regarde comme un caractère de jeunesse l'ensemble de la composition minérale des galles.

3. Analyse élémentaire

Nous avons été conduit, pour des raisons que nous exposerons plus loin, à effectuer l'analyse élémentaire de la substance desséchée des feuilles normales et des galles de Schizoneura lanuginosa


RECHERCHES PHYSIOLOGIQUES SUR LES GALLES

241

et de Tetraneura Ulmi. Nous avons employé la méthode classique de combustion dans un tube en présence d'oxyde de cuivre; les poids d'eau formée et reténue par des tubes à ponce sulfurique, de gaz carbonique retenu par des tubes à potasse, nous renseignaient sur les quantités d'hydrogène et de carbone contenus dans la matière ; l'azote total nous était donné par un autre dosage spécial (méthode de Dumas) ; on retranchait du poids de la matière traitée celui des cendres déterminé d'autre part et on arrivait ainsi aux résultats qui suivent et qui sont relatifs d'une part à des galles de Schizoneura lanuginosa et des feuilles d'Ulmus campestris, d'autre part à des galles de Tetraneura Ulmi et les feuilles de l'Ulmus montana var. pendula sur lequel elles s'étaient développées :

COMPOSITION ÉLÉMENTAIRE DE LA MATIÈRE ORGANIQUE DES FEUILLES D'ORME

DE LEURS GALLES

SCHIZONEURA LANUGINOSA TETRANEURA ULMI

Feuilles Galles Feuilles Galles

Cendres ... 8,81 7,34 9,20 6,90

Carbone . . . 45,83 46,88 46,50 48,39

Azote 2,83 2.64 4,71 5,22

Hydrogène. 6,81 6,32 6,96 6,38

Oxygène... 35,72 36,82 32,63 33,11

Dans les deux cas, il y a un peu plus de carbone et d'oxygène dans les galles, il existe au contraire sensiblement moins d'hydrogène et cette diminution est d'autant plus sensible au point de vue de la composition de la matière organique que le poids atomique de ce corps est plus faible.

Il y a lieu, d'ailleurs, de faire remarquer que les cendres contiennent du carbone à l'état simple ou de gaz carbonique; si nous retranchons ce carbone des cendres pour l'ajouter au nombre représentant le carbone dosé dans nos analyses à l'état de gaz carbonique, le sens de nos résultats n'est pas changé. Tout se passe, et ceci cadrera avec des faits d'un autre ordre, comme si la matière organique des galles en était plus oxydée que celle des feuilles normales.

Revue gén. de Botanique. — XXV.

16.


242 REVUE GÉNÉRALE DE BOTANIQUE

4. Sucres

Les matériaux destinés au dosage des substances sucrées ont été conservés aussitôt après leur récolte dans de l'alcool absolu bouillant qui détruit les diastases; il était ajouté un peu de carbonate de calcium pulvérisé destiné à neutraliser le liquide. Chaque flacon recevait un poids déterminé, ordinairement 50 gr., de. feuilles ou de galles à l'état frais et provenant du même arbre; les galles avaient été débarrassées au préalable de leurs parasite.;; comme il a été précédemment indiqué.

J'ai suivi, pour analyser les matières sucrées, une méthode analogue à celle qu'a adoptée Combes [13c] dans un de ses travaux sur la formation de l'anthocyane.

Au moment de l'analyse le liquide alcoolique était filtré; les matériaux restés sur le filtre étaient desséchés et pulvérisés, puis repris deux fois par une nouvelle quantité d'alcool bouillant qu'on filtrait après une digestion de 24 heures (1). Le liquide total était alors débarrassé de l'alcool par distillation au bain-marie dans le vide, puis déféqué par la liqueur de Courtonne (solution aqueuse d'acétate neutre de plomb, additionné de quelques gouttes d'acide acétique, jusqu'à réaction acide). Le liquide filtré, devenu acide, était neutralisé par une solution étendue de potasse, ce qui déterminait une nouvelle précipitation, on filtrait à nouveau et l'opération était ainsi répétée jusqu'à ce qu'une dernière neutralisation ne donne plus de précipité; l'excès de sel de plomb, restant dans le dernier liquide filtré, était enlevé par de l'acide sulfurique jusqu'à léger excès de ce dernier qu'on neutralisait exactement par de la potasse.

Le liquide ainsi obtenu contient, si les précipités ont été bien lavés, l'ensemble des sucres solubles dans l'alcool. Il est divisé en deux parts égales, l'une servant au dosage des sucres réducteurs, l'autre à ce même dosage après l'action, à 100° au bainmarie, d'acide sulfurique à 1 % qui hydrolyse les sucres non réducteurs. Ces dosages ont été effectués d'après la méthode proposée

(1) Les liquides alcooliques ainsi obtenus montraient que la chlorophylle était peu abondante non seulement dans les galles de Schizoneura lanuginosa ce qu'indique l'examen même de la cécidie, mais aussi dans celles de Tetruneura Ulmi, souvent bien vertes à leur surface.


RECHERCHES PHYSIOLOGIQUES SUR LES GALLES 243

par G. Bertrand [3a], consistant à recueillir Toxydule de cuivre formé aux dépens de la liqueur de Fehling, à le dissoudre dans une solution sulfurique de sulfate ferrique et à doser dans celle-ci la quantité de sulfate ferreux formé par une solution de permanganate de potassium.

Avec des matériaux récoltés le 3 juin 1912, j'ai obtenu, dans ces conditions, pour 100 gr. de matériaux frais : avant l'hydrolyse, 0 gr. 451 de sucres réducteurs (exprimés en glucose) dans le cas des feuilles, 0 gr. 814 dans le cas des galles; après l'hydrolyse, 0 gr. 944 de sucres réducteurs pour les feuilles et 0 gr. 805 pour les galles.. Il existe donc dans les feuilles 0 gr. 944—0 gr. 451 = 0 gr. 493 do sucres solubles dans l'alcool, non réducteurs et dédoublés en sucres réducteurs par l'acide sulfurique; par contre, de telles substances font absolument défaut dans les galles (il est bien évident que les deux nombres 0,814 et 0,805 successivement obtenus sont en fait absolument égaux, surtout quand on songe qu'ils représentent des nombres rapportés par le calcul à 100 gr. de matière fraîche; d'ailleurs, il y a toujours dans l'opération de l'hydrolyse effectuée avec l'acide sulfurique une petite quantité de sucre détruite).

Si, avec une partie des liquides qui restent après l'analyse quantitative des sucres, on forme les osazones correspondant aux sucres qu'ils contiennent, on constate que dans les deux cas on se trouve en présence de glucosazone, et de glucosazone uniquement ; il n'y a donc avant et après l'hydrolyse comme sucres réducteurs, que du glucose ou du lévulose ou un mélange de ces deux sucres.

Enfin, si on a recours à l'examen polarimétrique on constate que le liquide primitif correspondant aux feuilles est dextrogyre; il devient au contraire lévogyre après l'hydrolyse; pour les galles il est lévogyre dans les deux cas. De plus, dans le cas des feuilles, la déviation du liquide avant l'hydrolyse est plus faible que s'il s'agissait d'un mélange de glucose et de saccharose ; on doit donc admettre qu'il existe dans le liquide un mélange de glucose, de lévulose et de saccharose; après l'hydrolyse la modification subie par la déviation concorde exactement avec celle qui doit résulter de la transformation du saccharose, correspondant à ce qui a été dosé comme sucres non réducteurs, en sucre interverti.


244 BEVUE GÉNÉRALE DE BOTANIQUE

En ce qui concerne les galles la déviation polarimétrique indique un excès notable de lévulose par rapport au glucose.

Dans le précipité plombique resté sur le filtre et lavé se trouvent en particulier des substances du groupe des glucosides, capables de donner à l'hydrolyse une nouvelle quantité de sucres réducteurs; la matière est détachée du filtre par le jet d'une pissette, introduite avec l'eau de lavage du filtre dans un flacon où elle est décomposée par de l'acide sulfurique qui régénère les substances précipitées par le sel de plomb ; le liquide filtré est réduit et hydrolyse comme le précédent en présence de 2 % d'acide sulfurique; il est ensuite neutralisé, puis filtré pour le séparer d'une substance pulvérulente qui s'est déposée et sur laquelle nous reviendrons. L'analyse des sucres réducteurs opérée sur ce liquide donne des résultats assez semblables pour les feuilles et les galles; 100 gr. de substance fraîche contiennent 0 gr. 367 de sucres réducteurs dans le premier cas, 0 gr. 322 dans le second ; on a d'ailleurs affaire à du glucose.

Les matériaux épuisés précédemment par l'alcool sont alors repris par l'eau et l'ensemble des sucres réducteurs existant à l'état libre ou de combinaison est dosé d'une manière globale après le traitement de ces matériaux par l'acide sulfurique à 2 % à 120°; pour que l'hydrolyse soit complète, l'opération doit durer environ 6 heures. En présence de l'eau, le mucilage que contiennent en abondance les feuilles gonfle énormément et son hydrolyse est assez lente; on peut en suivre les progrès dans une expérience préliminaire en prélevant d'heure en heure une petite quantité du liquide, en y ajoutant 3 ou 4 fois son volume d'alcool à 95° et en constatant que la quantité de la masse floconneuse qui est ainsi précipitée diminue graduellement pour être nulle au bout du temps que je viens de fixer. Le liquide est alors filtré, la substance restée sur le filtre est lavée à l'eau chaude jusqu'à ce que l'eau passant ne soit plus acide; cette matière est ensuite desséchée et pesée sous le nom de ligneux.

L'ensemble des liquides qui ont traversé le filtre contient ainsi les sucres réducteurs provenant de l'hydrolyse des sucres complexes insolubles dans l'alcool, c'est-à-dire du groupe de l'amidon, des dextrines, des mucilages et des celluloses les moins condensées, ainsi que de certains glucosides. Le dosage global de ces sucres,


RECHERCHES PHYSIOLOGIQUES SUR LES GALLES 245

évalués en glucose, donne une teneur de 4 gr. 726 pour 100 gr. de substance fraîche en ce qui concerne les feuilles saines et de 1 gr. 825 pour 100 gr. de galles fraîches.

Je n'ai pas cherché à doser séparément les différentes sources de ces monosaccharides ; la seule substance que j'ai tenu à évaluer isolément à cause de son importance quantitative est le mucilage dont l'étude histologique nous a déjà révélé l'existence dans les feuilles d'Orme et l'importance souvent beaucoup moindre dans les galles; cette substance a d'ailleurs été signalée brièvement par Boorsma [7] dans les feuilles et l'écorce de l'U. effusa.

Pour isoler ce mucilage, il est commode de s'adresser à des matériaux conservés dans l'eau; quand on reprend en effet par l'eau la substance qui a été épuisée par l'alcool, et qui a été plus ou moins finement pulvérisée, on obtient par le gonflement du mucilage une masse visqueuse qui filtre très péniblement et dont il est à peu près impossible d'extraire tout le mucilage. Des matériaux entiers traités par l'eau bouillante abandonnent au contraire progressivement leur mucilage au liquide qui se laisse aisément filtrer; on recommence un certain nombre de fois cet épuisement par l'eau chaude jusqu'à ce que le liquide traité par l'alcool ne donne plus naissance à une précipitation. L'ensemble des liquides aqueux est alors additionné d'alcool jusqu'à ce que la teneur en soit de 70 %; on voit se produire un trouble correspondant à la formation d'une substance grumeleuse dont l'aspect rappelle fout à fait, pour la feuille normale, celui du mucilage de la graine de Lin ou la pectine précipités dans les mêmes conditions; il est alors très abondant et grisâtre.

Avec les galles qui nous ont servi aux dosages précédents on observe aussi une précipitation par l'alcool, mais la matière est moins abondante, plus compacte, moins floconneuse et couleur de miel; elle adhère facilement aux parois de verre alors que le mucilage des feuilles présente à un degré moindre ce caractère.

Ces substances ont été ensuite séparées par filtration du liquide alcoolique, puis redissoutes dans l'eau et précipitées à nouveau par l'alcool; une série de traitements semblables purifie ces matières qui continuent d'ailleurs à présenter les caractères différentiels signalés. Elles ont été mises ensuite à sécher dans un


246 REVUE GÉNÉRALE DE BOTANIQUE

exsiccateur à acide sulfurique et se sont alors présentées sous un aspect identique, celui d'une matière brillante, se séparant en petites lamelles. Pour 100 gr. de substance fraîche on obtient 1 gr. 588 de cette matière entièrement desséchée dans le cas des feuilles et 0 gr. 736 (environ la moitié) dans le cas des galles.

Ce mucilage s'est comporté d'une manière identique, qu'il provienne des feuilles ou des galles, malgré la différence d'aspect que nous avons observée lors de la précipitation par l'alcool et qui doit tenir à des produits différents qu'il entraîne à ce moment et dont il est impossible de le séparer complètement. Traité par l'acide chlorhydrique concentré en présence d'orcine on obtient la réaction violette des pentoses ; d'autre part en présence d'acide azotique on obtient à chaud la réaction de l'acide mucique : le galactose entre donc dans sa constitution. Hydrolysée, la solution de ce mucilage, qui n'est pas par lui-même réducteur, aboutit à la formation de monoses; la phénylhydrazine acétique ne donne pas de combinaison insoluble à chaud; mais par refroidissement on observe la formation de cristaux qui se rapportent à la galactosazone et à l'arabinosazone. On est donc en présence d'une arabinogalactane.

Après hydrolyse des substances sucrées qui se trouvent dans les liquides aqueux dont on a extrait le mucilage par l'alcool, on obtient uniquement de la glucosazone avec les liquides neutralisés et concentrés, acidifiés par l'acide acétique et additionnés de phénylhydrazine; tous les sucres simples ou complexes contenus dans les organes sains ou dans les galles, abstraction faite du mucilage, sont donc constitués par du glucose ou du lévulose. Les sucres insolubles dans l'alcool représentent, si on en déduit le mucilage évalué à part, un poids de 4 gr. 726 — 1 gr. 588 = 3 gr. 138 pour les feuilles et de 1 gr. 825 — 0 gr. 736 = 1 gr. 089 pour les galles (100 gr. de substance fraîche).

Les résultats précédents peuvent se résumer dans le tableau qui suit où on a porté les poids des différentes substances sucrées contenues dans 100 gr. de matière fraîche ou dans 100 gr. de substance sèche et leurs proportions rapportées à 100 gr. de sucre total :


RECHERCHES PHYSIOLOGIQUES SUR LES GALLES

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POIDS DES SUBSTANCES SUCRÉES CONTENUES DANS LES FEUILLES p'Ulmus campestris ET DANS LES GALLES DE Schizoneura lanuginosa

% DE SUBSTANCE % DE SUBSTANCE % DE SUCRE

FRAÎCHIS SÈCHE TOTAL

Feuilles Galles Feuilles Galles Feuilles Galles

Ligneux 7,95 4,15 23,7 25,2 » »

Glucose et lévulose 0,451 0,814 9,3 4,9 7,3 27,2

Saccharose 0,493 0 1,4 0 7,8 0

Glucosides 0,367 0,322 1,1 2 6,1 11,1

Polysaccha- Mucilage 1, 588 0 736 4, 8 4, 5 26, 7 25

rides insolu- 1,588 ,0736 4,8 4,5 26,7 25

blesdans Autres substances. 3,138 1,089 9,3 6,6 52 36,6

l' alcool (Autres substances. 3,138 0,89 9,3 6,6 52 36,6

Total des sucres 6,037 2,961 17,9 18 100 100

Les galles de Schizoneura Ianuginosa se distinguent donc nettement des feuilles saines de l'Orme :

1° Par une quantité totale moindre de sucres, si on la rapporte nu poids frais; cette quantité devient au contraire la même, rapportée à un même poids de substance sèche, par suite de la teneur plus considérable des galles en eau.

2° Par une proportion relative très différente des diverses catégories d'hydrates de carbone : absence totale de saccharose, faux beaucoup plus élevé des sucres réducteurs et des glucosides solubles dans l'alcool, diminution au contraire des polysaccharides insolubles dans l'alcool autres que le mucilage.

L'allure générale des résultats est toujours la même avec des, matériaux récoltés à des époques différentes, mais il y a lieu de signaler le fait que le mucilage diminue rapidement dans les galles au fur et à mesure qu'elles vieillissent.; le dosage des sucres, opéré sur des galles remplies de nombreux Aphidiens et récoltées le 20 juin 1911 m'a montré qu'il n'y avait plus que des traces de mucilage précipitable par l'alcool. Les nombres obtenus sont les suivants :


248

REVUE GENERALE DE BOTANIQUE

POIDS DES SUBSTANCES SUCRÉES CONTENUES DANS LES FEUILLES D'Ulmus campestris ET DANS LES GALLES DE Schizoneura lanuginosa

% DE SUBSTANCE % DE SUBSTANCE % DE SUCRE

FRAICHE SÈCHE TOTAL

Feuilles Galles Feuilles Galles Feuilles Galles

Réducteurs 0,816 0,738 2,4 3,2 10,9 25.7

Sucres

solubles Saccharose 1, 056 0 3,1 0 14,1 0

dans

l'alcool Glucosides 0,480 0,450 1,4 2 0,4 15,7

Sucres insolubles Mucilage 1, 450 0, 023 4, 2 0, 1 19, 3 0,8

l'alcool Autres substances. 3,700 1,657 ,10,8 7,2 49,2 57.8

Total 7,502 2,862 21,9 12,4 100 100

La quantité totale de sucres a diminué sensiblement dans les galles et principalement le mucilage qui a presque complètement disparu; à part cela les résultats correspondants à ce tableau sont essentiellement les mêmes que les précédents.

Dans une dernière analyse dont je rapporterai les résultats, j'ai dosé en particulier les sucres réducteurs provenant de l'hydrolyse des substances précipitées par la liqueur de Courtonne, les unes dissoutes par un premier traitement des matériaux à l'alcool absolu, les autres extraites par l'eau après l'action de l'alcool. Cette analyse, qui correspond à des matériaux récoltés le 25 juin 1910, a fourni les nombres suivants :

POIDS DE SUBSTANCES SUCRÉES CONTENUES DANS LES FEUILLES D'Ulmus campestris ET DANS LES GALLES DE Schizoneura lanuginosa

% DE SUBSTANCE % DE SUBSTANCE % DE SUCRE

FRAÎCHE SÈCHE TOTAL

Feuilles Galles Feuilles Galles Feuilles Galles

Sucres solubles Réducteurs... 0,676 0,798 2 4 10 21,8

dans l'alcool Saccharose ... 1,178 0 3,5 0 17,5 0

Glucosides solubles dans l'alcool 0,350 0,452 1,1 2,3 5,5 12,5

Gluc. insolubles dans l'alcool. . 0,098 0,310 0,3 1,6 1,5 8,8

Mucilage 1,320 0,111 4 0,5 20 2,8

Polysaccharides insolubles dans

l'alcool 3,046 1,981 9,1 9,9 45,5 54,1

Total 6,668 3,652 20 , 18,3 100 100


RECHERCHES PHYSIOLOGIQUES SUR LES GALLES 249

Les résultats généraux correspondant à ce tableau sont encore essentiellement les mêmes, mais nous voyons, en ce qui concerne particulièrement les matières précipitées par l'acétate de plomb, que celles qui sont solubles dans l'alcool et fournissent du glucose par hydrolyse sont sensiblement plus abondantes dans les galles, et que la différence est encore plus sensible dans le même sens pour les substances extraites ensuite par l'eau; nous verrons que ces résultats cadrent avec ceux qui sont relatifs à l'étude des tannins.

Ce qui frappe le plus, en résumé, dans la composition de la galle de Schizoneura lanuginosa en principes sucrés, comparée à celle de la feuille normale, c'est la diminution ou la disparition complète des substances qu'on considère comme les produits de condensation de ceux qui résultent directement de l'assimilation chlorophyllienne ; c'est le cas du saccharose et cela paraît bien être ici celui du mucilage, dont la distribution dans les tissus de la feuille saine est en relation directe avec la quantité de chlorophylle. Ravenna et Montemartini [73] sont arrivés d'ailleurs, par des considérations, tout à fait indépendantes de celles qui nous guident ici, à regarder certains pentosanes, qui apparaissent dans les organes verts, comme résultant de l'assimilation chlorophyllienne; leur formation et leur importance se trouvent dépendre en effet des conditions qui permettent la décomposition du gaz carbonique ou en modifient l'intensité.

Je rapporterai en terminant les nombres relatifs à la détermination de différentes catégories de sucres dans les feuilles normales du Juncus lamprocarpus et dans celles qui constituent les galles peu différenciées produites sur cette espèce par le Livia Juncorum; les galles étaient débarrassées des parasites à l'aide d'un pinceau. Dans ces analyses qui furent les premières que j'opérais, j'extrayais tout d'abord l'ensemble des substances sucrées (sucres réducteurs et non réducteurs, corps glucosidiques) solubles dans l'alcool à 95°; on hydrolysait ensuite à 120° pendant une heure à l'aide d'acide sulfurique à 1 % et on dosait l'ensemble des sucres réducteurs ainsi obtenus en les évaluant en glucose. Les corps solubles dans l'eau, du groupe des mucilages, dextrines..., étaient extraits de la matière qui restait après le premier épuisement par l'alcool et dosés après hydrolyse dans les mêmes condi-


250

REVUE GÉNÉRALE DE BOTANIQUE

tions que précédemment; enfin on traitait deux fois le résidu par de l'acide chlorhydrique à 10 % pendant une heure à 120° et on évaluait en glucose les substances réductrices provenant de cette dernière hydrolyse qui portait sur les matières amylacées et les celluloses facilement hydrolysables.

J'ai obtenu de la sorte les nombres ci-dessous :

POIDS DES SUCRES CONTENUS DANS LES FEUILLES DE Juncus lamprocarpus ET LES GALLES DU Livia Juncorum

% DE SUBSTANCE % DE SUBSTANCE % DE SUCRE FRAICHE SÈCHE TOTAL

Feuilles Galles Feuilles Galles Feuilles Galles

Sucres solubles dans l'alcool . . 1,95 2,10 8 16,15 24,7 32,2

Sucresin solubles dans l'alcool,

solubles dans l'eau 0,13 0,06 0,53 0,46 1,7 1,1

Sucres insolubles dans l'alcool

et dans l'eau 5,80 3,30 23,77 25,61 73,6 60,7

Total ........ 7,88 5,46 32,30 42,22 100 100

On observe donc encore ici une augmentation appréciable des substances solubles dans le suc cellulaire, sans que la distinction ait été faite entre les sucres réducteurs et ceux qui ne le sont pas; ce sont en effet ces premiers résultats qui m'ont conduit à songer à une simplification possible dans la nature des sucres solubles lorsque l'organe est parasité et qui m'ont amené à vérifier ce point pour les galles foliaires de l'Orme.

Les résultats comparés que Pantanelli a obtenus pour les feuilles de Vigne américaine saines ou présentant des galles de Phylloxera [66] sont à rapprocher des précédents. Voici ceux qui se rapportent aux feuilles de Riparia X Rupestris et qui sont relatifs à 100 de matière sèche.

Feuille saine Feuille gallifère

Sucres réducteurs 4,982 5,613

Polysaccharides solubles 0,042 0,238

Amidon 5,627 3,112

Hémicellulose 1,114 1,132

Total 11,99 10,99


RECHERCHES PHYSIOLOGIQUES SUR LES GALLES 251

Là encore il y a moins de substances de réserve dans les feuilles attaquées; les polysaccharides solubles et facilement hydrolysables, ainsi que les sucres réducteurs y sont, par contre, plus abondants; Pantanelli conclut à une prépondérance des diastases hydrolysantes sur les diastases de synthèse; c'est cette même manière d'exprimer les faits que j'ai également employée [59] en rapportant cette prépondérance à l'introduction possible de diastases digestives par le parasite lui-même.

Divers travaux ont montré que la formation de l'anthocyane est particulièrement en relation avec une teneur relativement élevée de la cellule en substances sucrées de faible poids moléculaire ; nous voyons que la présence fréquente de pigments de cette nature se trouve liée dans les galles à la même condition.

Liquide excrété par le SCHIZONEURA LANUGINOSA

A l'intérieur de chaque galle de Schizoneura lanuginosa on trouve une masse liquide, n'adhérant pas aux parois, couverte de productions cireuses de l'Hémiptère et qui est visqueuse aux doigts; au moment de l'ouverture des galles qui devaient être débarrassées de leurs parasites en vue des différents dosages, j'ai fait tomber cette sécrétion du parasite sur un filtre et j'ai ainsi recueilli un liquide limpide très légèrement rosé; une galle adulte contient en moyenne 0 cmc. 20 de ce liquide.

Traité par l'alcool, il devient laiteux et d'un blanc très pur et il se sépare avec le temps une matière gommeuse qui adhère à la paroi des flacons; au bout de 48 heures, l'alcool est devenu parfaitement limpide et peut être décanté; la substance, reprise un certain nombre de fois alternativement par l'eau où elle se dissout rapidement et par l'alcool, se purifie peu à peu et, si on la met à dessécher dans un exsiccateur à acide sulfurique, on obtient une masse vitreuse, incolore, à cassure conchoïdale; il est facile de s'assurer que l'alcool qui a servi à précipiter la substance n'entraîne en dissolution aucun sucre réducteur.

Les propriétés principales de cette matière ont été données par Liebermann [48] qui l'a étudiée au point de vue chimique (Passerini l'a signalée brièvement à une date postérieure [69]). il s'agit d'une dextrane non réductrice, agissant fortement sur


252 REVUE GÉNÉRALE DE BOTANIQUE

la lumière polarisée ([xD] = + 156°,7) et donnant à l'hydrolyse uniquement du glucose. Je ne m'étendrai pas à nouveau à son sujet, puisqu'il s'agit d'une substance sécrétée par le parasite et qui n'intéresse pas directement la galle elle-même, et je mécontenterai d'ajouter aux renseignements fournis par Liebermann qu'elle précipite par l'eau de baryte et l'eau de chaux et qu'elle est soluble dans l'alcool à 95° bouillant, d'où elle se dépose par refroidissement avec un aspect cristallin.

On peut évaluer à 6 % la teneur en dextrane du liquide gallaire ; j'ai pu en préparer près de 25 gr., correspondant à plus de 2.000 galles, et je reviendrai peut-être ailleurs sur certaines de ses propriétés.

Des ensemencements sur divers milieux nutritifs du liquide sucré contenu dans la galle du Schizoneura lanuginosa m'ont donné presque constamment une Levure blanche et moins fréquemment une Levure rose et diverses moisissures telles que des Botrytis.

(A suivre).


LA STATION DE BIOLOGIE VÉGÉTALE DE MAUROC

Par M. A. MAIGE

Le domaine de Mauroc, dans lequel est installée la Station de

Biologie végétale fondée par l'Université de Poitiers, se Irouvesitué sur le sommet d'un plateau, haut d'une quarantaine de mètres, compris entre la vallée du Clain et celle du Miosson, et séparé par ces deux cours d'eau de la ville de Poitiers dont il est distant de 4 kilomètres environ. Les communications avec cette ville sont d'ailleurs très faciles (voir Fig. l.) grâce à la ligne des tramways

de Poitiers à Saint-Martin-l'Ars, dont l'arrêt Saint-Benoît-Mauroc

FIG. 1. — Petite carte simplifiée des environs de Poitiers indiquant la situation de Mauroc et les voies diverses qui permettent de s'y rendre.


254 REVUE GÉNÉRALE DE BOTANIQUE

se trouve devant l'entrée même du domaine, et à la station de chemin de fer de Saint-Benoît, distante de 1.500 mètres environ de la propriété. Située au croisement de trois lignes importantes Paris-Bordeaux, Poitiers-Limoges, et Poitiers-Niort-La Rochelle, cette station est très bien desservie et une trentaine de trains s'y arrêtent chaque jour. Il n'est pas sans intérêt de donner ces détails, car ils permettent de se rendre compte de la facilité avec laquelle on peut se rendre à Mauroc, non seulement de Poitiers, mais de Paris, de Bordeaux et des divers points de la région (1), et des avantages particuliers que la situation du domaine offre à ses habitants. Les travailleurs de la Station de Biologie végétale peuvent en effet, tout en jouissant des agréments de la vie à la campagne et des facilités que Mauroc leur offre pour leurs travaux, user en même temps des ressources matérielles et intellectuelles que peut, leur offrir la ville de Poitiers ainsi que les laboratoires et la biblio théque de son Université.

Le domaine comprend environ 30 hectares, dont 23 sont boisés et dont le reste, soit environ 7 hectares, est formé de prairies, jardins, terres labourables, etc.... Les bâtiments occupent une superficie de 900 mètres carrés. Le corps principal d'habitation (voir PI. 13, fîg. 1) est construit au bord du plateau, au centre d'une grande terrasse, d'où l'on jouit d'une vue superbe sur la vallée du Clain. La partie de la propriété y attenant, dont la superficie est d'une dizaine d'hectares, est close et recouverte en grande partie d'une haute futaie de chênes centenaires sillonnée d'allées et de sentiers pittoresques éminemment propres au repos et à la méditation. Ces conditions favorables, jointes à l'éloignement de toute habitation (le village le plus proche, Saint-Benoît, est à 600 mètres) font de Mauroc un séjour particulièrement agréable, propice au calme et à la réflexion qu'exigent les recherches scientifiques.

Les constructions (voir fig. 2) comprennent deux grands bâtiments M L, AD, M L, T, auxquels sont adjoints du côté nord une

(1) Les Compagnies de chemin de fer d'Orléans et de l'Etat accordent aux travailleurs de la Station de Biologie végétale des permis demi-tarif pour toute la partie de leurs réseaux qu'ils ont à parcourir à l'aller et au retour. Les demandes doivent parvenir aux Compagnies par l'intermédiaire du Directeur de la Station et doivent être faites au moins quinze jours avant la date où l'on désire utiliser les permis.


LA STATION DE BIOLOGIE VEGETALE DE MAUROC 255

FIG. 2. — Plan général des Bâtiments et de la partie du domaine qui se trouve dans leur voisinage : A D, appartement du directeur; CE, champ d'expériences ; CI. citerne; CP, carrés destinés aux collections et aux cultures expérimentales; E, écurie; F, logement du fermier; G, magasin à fourrages; H. hangars ; M L, pièces d'habitation et laboratoires; P. puits ; PL, poulailler; P 0, jardin potager et fruitier ; T, tour.


256 REVUE GÉNÉRALE DE BOTANIQUE

ferme et ses dépendances : écuries pour le bétail E, poulailler PL, magasin à fourrages G, hangards H, etc. . . . Les produits de cette, ferme : beurre, oeufs, lait, volailles, etc., ainsi que ceux du jardin potager P O qui en dépend, constituent une grande ressource pour la nourriture des habitants du domaine et des travailleurs de la Station de Biologie végétale pour lesquels il a été possible, grâce à ces facilités, d'organiser une pension à Mauroc à des prix modérés (1).

Le bâtiment le plus important A (voir fig. 3 et 4) abrite surtout des pièces d'habitation. Toute l'aile droite est occupée par l'appartement A D du directeur; le reste comprend au rez-dechaussée un vestibule V E conduisant, à gauche, dans une grande salle C E utilisée pour les conférences, réunions, expositions, à droite, dans le laboratoire de recherches L M et, au fond, dans le dépôt de verrerie V R et dans la cuisine CI. Le premier étage est formé exclusivement de pièces d'habitation; il comprend, du côté sud, le seul qui soit aménagé actuellement, le salon S A et deux chambres C H réservées aux travailleurs mariés, que dessert un grand couloir central C R donnant accès à une extrémité à l'appartement du directeur, et à l'autre au premier étage du bâtiment B. Ce dernier est orienté perpendiculairement au précédent, et adossé à une tour T haute de 10 mètres.Une porte pratiquée dans cette tour conduit, d'une part, à un escalier desservant le premier étage et, d'autre part, au rez-de-chaussée, à un petit vestibule, qui donne accès au laboratoire du Directeur C D, à la salle à manger S M, etau laboratoire de recherches L M, L P.

La salle à manger est meublée d'une manière simple mais confortable ; outre la grande table centrale, elle renferme plusieurs petites fables, disposées près des fenêtres, et réservées plus spécialement aux travailleurs -mariés ou aux professeurs français ou étrangers, qui désireraient prendre leur repas isolément.

Le laboratoire de recherches comprend deux pièces ayant accès sur le grand vestibule et sur la verrerie; la plus spacieuse L M, aménagée pour les travaux qui relèvent plus spécialement de la technique microscopique, reçoit la lumière de quatre grandes fenêtres. Devant

(1) Il est inutile d'ajouter que les travailleurs de la station sont entièrement libres d'user ou non des facilités que leur offre l'Université pour la nourriture et le logement. Pour tous renseignements, s'adresser à M. le Directeur de la Station de Biologie végétale de Mauroc, par Saint-Benoît (Vienne).


LA STATION DE BIOLOGIE VÉGÉTALE DE MAUROC

257

chacune d'elles est installée une place de travailleur (voir Pl 13, fig. 2) qui comporte une table en chêne, une étagère et des rayonnages adossés au mur et une grande table de lave émaillée avec

prises d'eau et de gaz, reposant sur un petit meuble à placards et tiroirs. Une étuve Roux, un autoclave, une balance de précision, une grande table centrale, deux meubles à vitrines et tiroirs, complètent l'ameublement de cette salle de recherches qui est actuellement entièrement terminé. La salle voisine L P, qui doit être

FIG. 3. — Plan du rez-de-chaussée du corps principal de bâtiments : AD, appartement du directeur; C A, cave; C D, cabinet et laboratoire du Directeur; C E, salle de conférences, de réunions, d'expositions; CI, cuisine; L M, laboratoire de recherches microscopiques; L P, laboratoire de recherches physiologiques; S D, salle de débarras; S M, salle à manger; V E, vestibule; V R, verrerie ; T, Tour.

Rev. gén. de Botanique. —XXV,

17.


258

REVUE GÉNÉRALE DE BOTANIQUE

organisée plus spécialement en vue des recherches physiologiques, n'est pas encore aménagée.

Si maintenant nous montons par l'escalier de la tour an

premier étage, nous arrivons dans un long couloir C L qui donne accès à droite au laboratoire d'enseignement L E, à la bibliothèque B I et à la salle de collection C O; en face, au laboratoire C P du préparateur; et à gauche, à quatre chambres de travailleurs (1).

(1) L'Université de Poitiers a été mise en possession du domaine de Mauroc par décret du 7 juin 1910; la disposition des laboratoires et des pièces d'habilation ne résulte pas d'une construction faite suivant des plans déterminés, mais d'une adaptation de bâtiments déjà existants aux nouveaux usages auxquels ils étaient destinés.

FIG. 4. — Plan du premier étage du corps principal de bâtiments : A D, A I. appartements du Directeur; B I, bibliothèque; C H, chambres de travailleurs; C H I, chambre-laboratoire; C L, couloir du bâtiment B ; C O, collections, herbiers ; C P, cabinet et laboratoire du préparateur ; C R, couloir du bâtiment A ; L E, laboratoire d'enseignement ; T, Tour.


LA STATION DE BIOLOGIE VÉGÉTALE DÉ MAUROC 259

Le laboratoire d'enseignement qui comprend quatre places est plus spécialement destiné aux étudiants en licence. Les collections actuellement réunies comprennent-divers herbiers du Poitou, offerts par des botanistes régionaux, et une collection spéciale, en voie de formation, des plantes qui constituent la flore du domaine et des environs. La bibliothèque renferme surtout les livres d'un usage courant : traités généraux, flores, ouvrages de technique, etc.; la proximité de Poitiers permet en effet facilement aux travailleurs de consulter à la bibliothèque de l'Université et à celle du laboratoire de botanique de la Faculté des Sciences les ouvrages spéciaux (Périodiques, etc.) dont ils auraient besoin (1).

Parmi les quatre chambres, la plus grande C H I a été aménagée spécialement (table de lave, évier, prises de gaz et d'eau, etc.) pour un travailleur qui désirerait s'isoler.

Pour terminer cette description, il nous reste à parler des emplacements réservés aux cultures expérimentales et aux collections de 1 plantes vivantes, et à dire quelques mots des installations d'eau et de gaz.

Le terrain situé en face des laboratoires (voir fig. 2), de surface un peu supérieure à un hectare, dont la. situation et la nature du sol étaient favorables, a été partagé par une grande allée en deux parties. L'une d'elles a été divisée en 6 carrés C P de 20 mètres de côté, qui servent plus spécialement aux collections de plantes vivantes et aux cultures expérimentales ne nécessitant qu'un emplacement restreint; l'autre C E est destinée aux recherches (génétique, essais agricoles, etc.) demandant une surface assez

(1) Je crois utile de donner ici à titre de renseignement la liste des principaux périodiques que les travailleurs trouveront à leur disposition au laboratoire de Botanique de la Faculté des Sciences ou à la bibliothèque de l' Université:

Annales des Sciences naturelles botanique).

Annales de l'Institut Pasteur.

Annales mycologici. .

Annals of Botany.

Berichte der deutschen Botanischen Gesellschaft.

Beiträge zur Pflanzen biologie.

Botanical Gazette.

Bulletin de la Société botanique de France.

Bulletin de l'Institut Pasteur.

Bulletin de la Société mycologique de France.

Flora oder allgemeine bolanische Zeitung

Jahrbücher für Wissenschaftliche Botanik.

La Cellule.

Zeitschrifl für Botanik.

Zeitschrift für Pflanzenkran keiten.


260 REVUE GÉNÉRALE DE BOTANIQUE

grande sans exiger cependant de vastes étendues. Dans ce dernier cas, les expériences peuvent être installées sur d'autres terrains dépendant du domaine et situés en dehors de cette partie de la propriété.

En ce qui concerne les collections de plantes vivantes, nous n'avons pas l'intention de créer un jardin botanique au sens ordinaire du mot, le terrain ne s'y prêtant pas et l'utilité pour la station d'un tel jardin n'étant pas en rapport avec les sacrifices considérables qu'il demanderait pour son établissement et son entretien. Nous nous efforcerons surtout de réunir les plantes utiles aux études et aux recherches en cultivant les espèces intéressantes au point de vue de la morphologie, de la biologie, de la génétique. Pour préciser sur un cas particulier nos intentions, nous grouperons, par exemple, dans quelques-unes de nos plates-bandes, les espèces de Phanérogames à gros noyaux qui sont le plus couramment utilisées dans les travaux de Cytologie, et nous aurons un nombre suffisant d'exemplaires de chaque espèce pour pouvoir servir aux recherches.

L'alimentation de Mauroc en eau était une question d'un intérêt capital pour l'avenir de la Station. Au moment de la prise de possession du domaine par l'Université, il existait une citerne (fig. 2, CI), mais l'expérience montra rapidement qu'elle serait tout à fait insuffisante pour, fournir de l'eau aux habitants, aux laboratoires, et pour permettre l'arrosage des cultures expérimentales. Il fut donc décidé de creuser un puits (fig. 2, P). Ce travail, commencé en avril 1912, s'est effectué dans des conditions particulièrement difficiles, par suite de la nature du terrain (bancs de calcaire compact intercalé de bancs de silex) et n'a été terminé qu'en mars 1913. La profondeur du puits est de 43 mètres et la nappe d'eau, qui l'alimente, paraît suffisamment abondante pour subvenir à tous les besoins. L'appareil élévatoire de l'eau, dont l'installation vient d'être achevée, comprend une chaîne-hélice BessonnetFavre (1) mue par un moteur de 3 HP, un bac qui reçoit l'eau déversée par cette chaîne, et une pompe rotative qui la refoule dans un grand réservoir en ciment (voir Pl. 13, fig. I), d'une contenance de 12 mètres cubes, situé en haut de la tour, et d'où part la canalisation qui se rend dans les laboratoires et les jardins. Le moteur,

(1) Ce mode d'élévation de l'eau repose très ingénieusement sur l'adhérence de l'eau aux spires d'une chaîne métallique.


LA STATION DE BIOLOGIE VÉGÉTALE DE MAUROC 261

le bac et la pompe sont installés à l'intérieur d'un petit pavillon qui doit abriter en même temps l'appareil producteur de gaz de «gazoline». La chute du contrepoids actionnant cet appareil s'effectuera dans une travée large de 0 m. 65 de côté ménagée à l'intérieur du puits sur une profondeur de 13 mètres. Le gaz carburé que nous emploierons peut, comme l'expérience l'a montré, être substitué au gaz de houille pour tous les appareils d'éclairage et de chauffage utilisés dans les laboratoires.

Après cette description de la Station, il me paraît nécessaire de dire quelques mots des services qu'est appelé à rendre le nouvel organisme. Je ne discuterai cependant pas en détail de l'utilité des Stations de Biologie végétale ; elle est maintenant reconnue et appréciée de tous les biologistes et mon savant collègue M. Jumelle l'a mise nettement en relief, il y a une vingtaine d'années, dans l'article qu'il a consacré au Laboratoire de Biologie végétale de Fontainebleau. Le développement rapide de ce laboratoire, le nombre et l'importance des travaux qui en sont sortis montrent d'ailleurs incontestablement le grand intérêt qui s'attache à la création de la nouvelle station.

Les avantages offerts par Mauroc au point de vue des recherches scientifiques sont des plus appréciables. Grâce à la variété des terrains dépendants du domaine, à la proximité d'une rivière, de ruisseaux et de bois, la flore est intéressante et variée; la station est en particulier excellente pour l'étude des algues d'eau douce, des muscinées, des champignons. Enfin, la possibilité d'établir des cultures expérimentales permet d'aborder dans des conditions extrêmement favorables bien des travaux qu'il est impossible d'entreprendre dans les laboratoires de nos Facultés, et notamment la plupart de ceux qui concernent la variation des espèces, l'hérédité, l'influence du milieu, la physiologie et la pathologie végétales, ainsi que leurs applications aux sciences agricoles et forestières.

Mais, dira-t-on peut-être, qui fera ces travaux ? D'où viendront ces chercheurs ? Nous tenons ici à affirmer hautement que la nou velle station n'est pas uniquement destinée aux travailleurs de la Faculté des Sciences de Poitiers. « L'Université de Poitiers, a dit M. le Recteur Cavalier dans une circonstance récente (1), désire

(1) lnaugurationde la Station de Biologie végétale de Mauroc. Revue scientifique (3 août 1912). On trouvera dans cet article tous les renseignements concernant l'origine du Domaine et de la Station.


262 REVUE GÉNÉRALE DE BOTANIQUE

pratiquer l'hospitalité la plus large et la plus libérale. Tous ceux qui veulent travailler, quelle que soit leur origine, seront les bienvenus à Mauroc; ils seront assurés de pouvoir y poursuivre leurs recherches quelle qu'en soit la nature en toute indépendance et en toute liberté ».

Mais à côté des grands services que la Station de Mauroc pourra rendre aux chercheurs de tous les pays, il en est d'autres qui, pour être plus modestes, n'en sont pas moins appréciables. Aux candidats à la licence, à l'agrégation qui fréquentent nos Facultés, elle fournira les moyens de perfectionner l'instruction pratique que beaucoup d'entre eux ne peuvent acquérir suffisamment pendant l'année scolaire, soit parce qu'ils sont fonctionnaires de l'enseignement, soit parce qu'ils poursuivent simultanément plusieurs sortes d'études. « Nous ferons en sorte, suivant les paroles de M. le Doyen Garbe (1), qu'ils n'y soient point isolés, nous nous efforcerons de créer ici un milieu scientifique où se réalisera sous sa forme la plus élevée une oeuvre d'instruction mutuelle. Presqu'aucune des Universités de province ou de l'étranger n'offre encore à ses étudiants des moyens réguliers pour continuer leurs études pendant la période des vacances; ils viendront à Mauroc dès qu'ils sauront y trouver une grande liberté dans un milieu favorable au travail et nous les accueillerons volontiers ».

La direction s'efforcera de procurer à chacun les moyens les plus appropriés au but qu'il poursuit : aux professeurs, aux savante français ou étrangers et d'une manière générale à ceux qui sont en possession de leurs méthodes de travail et de leurs sujets de recher ches, elle fournira dans la limite des ressources dont elle dispose, les appareils, les terrains d'expériences nécessaires à leurs travaux. A ceux qui débutent, qui désirent aborder des recherches scientifiques en vue d'un examen déterminé (diplôme d'études supérieures, doctorat ès sciences), ou pour tout autre motif, elle aplanira les difficultés dans la mesure du possible, soit par des conseils et des indications utiles sur des sujets de travaux, soit par l'organisation d'enseignements techniques préparatoires tels que ceux qu'a préconisés récemment dans la Revue, du Mois mon savant collègue et ami M. Matruchot, professeur à la Sorbonne. Enfin, les étudiants

(1) Inauguration de la Station de Biologie végétale de Mauroc. Loc. cit.


LA STATION DE BIOLOGIE VÉGÉTALE DE MAUROC 263

de nos Universités, candidats à la licence ou à l'agrégation, et les travailleurs qui désirent perfectionner leur instruction pratique et leur connaissance des plantes trouveront une aide efficace auprès du Directeur de la Station et des spécialistes autorisés de la Société Botanique régionale, dont le concours nous est entièrement acquis; des excursions dans les environs et dans les parties intéressantes du Poitou seront en particulier organisées à leur intention (1).

Je n'ai envisagé dans ce qui précède le fonctionnement de la Station qu'en tant qu'établissement d'enseignement supérieur des sciences naturelles. Ce doit être, à mon avis, son rôle principal, ainsi que le pensait d'ailleurs mon regretté prédécesseur et ami Noël Bernard qui, le premier, eut l'idée de la création du nouvel organisme.

Il est à remarquer cependant que, située dans une région essentiellement agricole, au voisinage immédiat d'une ville où se trouvent d'importants établissements horticoles, la Station de Biologie végétale de Mauroc sera amenée tout naturellement à s'occuper de questions de botanique appliquée et par là à rendre de réels services à la région au milieu de laquelle elle est appelée à évoluer.

L'amélioration des plantes cultivées fondée sur les progrès de la génétique, la création et l'introduction de variétés mieux adaptées à notre sol et à notre climat, l'étude plus approfondie des maladies de nos plantes agricoles et des moyens de les combattre et bien d'autres questions d'intérêt pratique pourront y être utilement abordées grâce à la ferme qui lui est annexée et aux terrains dont elle dispose.

La Station a été ouverte pour la première fois pendant les vacances de 1912 et a été fréquentée par 9 travailleurs dont 6 se livrant à des recherches scientifiques. Ces débuts favorables affirment sa vitalité, font bien augurer de l'avenir, et autorisent à penser que le nouvel organisme justifiera pleinement par les services rendus à la science les espoirs que sa création a suscités parmi les biologistes.

(1) La station est ouverte pendant toute la bonne saison aux personnes qui se livrent à des recherches scientifiques et pendant les vacances scolaires, aux autres travailleurs (étudiants, candidats à la licence ou à l'agrégation, etc., etc.). S'adressera M. le Directeur de la Station de Biologie végétale, à Mauroc, par Saint-Benoît (Vienne).


NOTES BIBLIOGRAPHIQUES

W. PLESTER.— Kohlensäureassimilation und Atmung bei Varietälen derselben Art die sich durch ihre Blaufärbung unterscheiden.

(Beiträge zur Biologie der Pftanzen, XI, 249-303, 1912).

Dans ce travail, l'auteur fait une étude comparative de l'assimilation chlorophyllienne et de la respiration chez des espèces à feuilles normalement vertes et chez des variétés des mêmes espèces à feuillage coloré d'une façon différente, soit unicolore, soit panaché: il a même étendu sa comparaison à des variétés à feuilles rouges.

Pour l'étude de l'assimilation chlorophyllienne, il a utilisé la méthode de STAHL et de SACHS. Les feuilles destinées à l'expérience sont obscurcies pendant un certain temps à l'aide de sacs en satin noir. de 40 centimètres de longueur sur 20 centimètres de largeur; puis elles sont divisées en 2 moitiés par une section parallèle à la nervure médiane: l'une des moitiés (celle qui est encore pourvue de la nervure médiane) reste fixée sur la plante; l'autre en est détachée et son contour pris à l'aide de papier sensible; elle est placée ensuite à l'étuve à 105° jusqu'à ce que son poids reste constant. Les moitiés restées sur. la plante, après avoir été exposées à la lumière toute la journée, sont détachées le soir par une section parallèle à la nervure médiane et symétrique à celle qui avait déjà été faite, et traitées comme les moitiés enlevées le matin. Il est facile de mesurer la surface et le poids des différentes moitiés: les différences de poids entre celles-ci (matin, au début de l'expérience, et soir, à la fin) indiquent les quantités des substances assimilées.

La respiration a été mesurée à l'aide de l'appareil de PETTENKOFER.

PLESTER a déterminé, en outre, les quantités de chlorophylle de la plupart des feuilles soumises à l'expérience. Dans ce but, il découpait, dans des feuilles ayant poussé dans les mêmes conditions, un nombre égal de disques circulaires, de 11,5 millimètres de diamètre: les disques de la même variété, après avoir été pesés, étaient traités à chaud par 50 centimètres cubes d'alcool à 95°; la richesse en chlorophylle des liqueurs était déterminée à l'aide du colorimètre de DUBOSQ.

L'auteur a mesuré le poids frais, le poids sec et la quantité des cendres des différentes plantes sur lesquelles il a expérimenté (arbres, arbrisseaux et plantes herbacées).

Voici les principaux résultats obtenus par PLESTER :

1° Richesse en chlorophylle. — Les feuilles vert clair renferment, à surface égale, moins de chlorophylle que les feuilles normales. Les chiffres extrêmes sont fournis par l'Ulmus montana aurea : 27,7/100 (la richesse en chlorophylle des feuilles normalement vertes est prise pour unité) et par le Ptelea trifoliata aurea : 53,4/100; pour les autres


NOTES BIBLIOGRAPHIQUES 265

plantes étudiées, les chiffres obtenus sont intermédiaires entre les précédents : Mirabilis Jalapa chlorina : 32,4/100; Atriplex hortensis chlorina : 35,26/100; Populus canadensis aurea : 45,2/100.

2° Assimilation chlorophyllienne. —- L'assimilation chlorophyllienne varie suivant la concentration en chlorophylle; elle est très faible dans le Catalpa bignonioides aurea : 34,2/100; elle est plus élevée dans le Mirabilis aurea : 38,2/100, le Populus aurea : 41,2/100; l' Ulmus montana aurea : 45,1/100; le Ptelea trifoliata aurea : 47,5/100; l' Atriplex chlorina : 58,2/100 et le Tropaeolum majus chlorinum : 59,5/100. Dans certains cas (Mirabilis, Populus, Ptelea) il existe presqu'un parallélisme entre l'assimilation et la richesse en chlorophylle; dans d'autres (Ulmus, Tropaeolum, Atriplex), la variété vert clair assimile plus énergiquement que la concentration du pigment vert ne le laisserail supposer.

Dans les variétés panachées, l'assimilation est fortement diminuée (Acer Pseudoplatanus luteo-virescens); mais les valeurs de l'assimimilation sont toujours intermédiaires entre celles des feuilles normales vertes et celles des feuilles vert clair.

3° Respiration. — Toutes les expériences de PLESTER montrent une diminution de la respiration dans les variétés vert clair; ainsi : Catalpa aurea : 58,8/100; Acer Pseudoplatanus lutescens : 67,5/100, Mirabilis Jalapa chlorina : 76,1/100, Atriplex hortensis chlorina : 80,47/100, Ptelea trifoliata aurea : 84,1/100, Ulmus montana aurea : 91,21/100. Il n'est pas possible d'établir un parallélisme entre la respiration et la richesse en chlorophylle; l' Ulmus aurea, par exemple, qui est le moins riche en chlorophylle, présente la respiration relative la plus élevée.

4° Chez les plantes à feuillage rouge, certaines, relativement aux mêmes espèces à feuilles vertes, sont plus riches en chlorophylle ( Ulmus montana atropurpurea : 125,5/100), certaines sont moins riches (Atriplex hortensis atropurpurea : 54/100, Acer Pseudoplatanus atropurpureum : 81,1/100). Il n'y a aucune relation entre les quantités de chlorophylle et d'anthocyane. L'assimilation est toujours plus faible pour les feuilles rouges que pour les feuilles de la même espèce vertes.

5° Les variétés rouges ont une respiration moins active que les mêmes espèces vertes (Atriplex hortensis atropurpurea : 82,98/100).

G. NICOLAS.

EVA MAMELI. — Sulla influenza del magnesio sopra la formazione delle clorofilla (Atti dell' Istulo Botanico della r. Université di Pavia. S. II, Vol. XV, 1912).

On sait depuis longtemps que la magnésie est une des substances alimentaires les plus nécessaires aux végétaux. Elle entre toujours dans la composition des plantes et, tout particulièrement, doit être comptée


266 REVUE GÉNÉRALE DE BOTANIQUE

dans les constituants de la nucléine et de la chlorophylle, principal agent de la nutrition chez les plantes vertes; aussi le manque de magnésie dans l'alimentation des végétaux verts produit-il les plus funestes effets.

Dans son intéressant Mémoire, Melle E. MAMELI s'est surtoul attachée à rechercher si, donnant à une plante verte des doses variées de magnésie, on pouvait établir qu'il y a un rapport entre ces quantités de magnésie et la quantité de chlorophylle contenue dans les organes assimilateurs de cette plante.

Voici les principaux résultats consignés par Melle MAMELI. 1° Des sujets d'une même espèce cultivés dans des solutions contenant des doses variées de magnésie développèrent des feuilles d'un vert d'autant plus intense que la quantité de magnésie administrée était plus grande.

Les extraits éthérés de feuilles des sujets expérimentés, comparés entre eux par la méthode colorimétrique, ont montré qu'il y a entre les quantités respectives de chlorophylle et de magnésie un rapport constant direct, rapport qui peut être indépendant des autres fonctions de la plante.

2° Il y a un rapport inverse entre les quantités de magnésie et de pigment jaune.

3° Les plantes cultivées dans des solutions exemptes de magnésie ont les feuilles complètement jaunâtres ou tout au plus très faiblement vertes.

L'auteur attribue à la magnésie deux fonctions ou plutôt deux groupes de fonctions : a) Dans l'un, l'élément serait directement utilisé sous la forme d'un sel magnésien de l'acide phosphorique; c'est de ce sel que la cellule tirerait le phosphore qui lui est nécessaire: b) Dans l'autre, la magnésie agirait comme catalysant, soif en accélérant quelque action diastasique, soit en provoquant, durant l'assimilation chlorophyllienne, des synthèses dans les chloroplastes.

Melle MAMELI fait observer que dans la molécule chlorophyllienne la présence de la magnésie, corps de poids atomique relativement faible, concorde bien avec la nature instable de la substance qui constitue le pigment vert et « dont le métabolisme rapide a sa source dans » son impressionnabilité presque instantanée à la lumière. » En effet, " il est reconnu que les éléments les moins pesants sont les plus actifs » et les plus énergiques dans le métabolisme, parce que, en entrant » dans les combinaisons, ils développent une plus grande chaleur. »

Melle MAMELI complète ses recherches physiologiques par des observations anatomiques sur les sujets expérimentés. Une des plus intéressantes paraît être celle-ci : l'absence de magnésie dans l'aliment provoque le dépôt de nombreux cristaux d'oxalate de calcium.

Maurice THOUVENIN.


NOTES BIBLIOGRAPHIQUES 267

RICHTER. — Farbe und Assimilation. (Ber. der deut. Bot. Ges., XXX, 280-290, 1912).

RICHTER se propose de vérifier si, comme l'a admis ENGELMANN à la suite de ses recherches microspectroscopiques sur des organismes diversement colorés, les pigments supplémentaires rangés par ENGELMANN dans le groupe des Chromophylles jouent un rôle dans la photosynthèse.

RICHTER a étudié, dans ce but, l'assimilation des Algues marines on employant une méthode relativement simple. Les Algues à étudier étaient placées dans un grand vase cylindrique rempli d'eau de mer renfermant une quantité d'oxygène déterminée à l'avance. Les rayons solaires frappaient verticalement ce vase, bouché à l'émeri et maintenu dans un grand aquarium parcouru par un courant d'eau continu destiné à maintenir la température constante; la durée de l'expérience était réglée d'après la solubilité de l'oxygène dans l'eau; des prises d'eau effectuées à la fin servaient au dosage de l'oxygène par la méthode de WINKLER; les quantités d'oxygène dégagé, en tenant compte de la respiration, indiquaient la marche de l'assimilation. L'extraction des chromophylles et la détermination des quantités de lumière qu'elles absorbent étant difficiles à réaliser d'une manière précise, l'auteur a tourné la difficulté en effectuant les expériences dans des conditions différentes, en exposant, par exemple, les Algues à diverses lumières différant à la fois par leur intensité et leur coloration. Les lumières diversement colorées étaient obtenues au moyen de solutions colorées : solution de bichromate de potassium (rouge jaune), solution d'oxyde de cuivre ammoniacal (bleu foncé), solution d'acide picrique et d'acétate de cuivre (vert). Quant à l'intensité de la lumière, elle variait d'abord avec le moment de la journée où l'expérience était faite, et, dans certains cas, elle était diminuée par la présence sur les vases cylindriques, de feuilles de papier filtre blanc.

Les quantités d'oyxgène dégagé sont exprimées en centimètres cubes de la solution N/100 d'hyposulfite de soude (1 centimètre cube de la solution employée correspond à 0,05939 centimètres cubes d'oxygène).

RICHTER a expérimenté sur différentes espèces : Ulva Lactuca, Gracilaria compressa, Plocamium cocerneum,Gigartina Teedii, Gelidium crinale, Callithamnion, Caulerpa prolifera, Dictyota dichotoma, Delesseria. Il a tiré de cette étude les principales conclusions suivantes :

1° Parmi les Algues marines, on peut distinguer, au point de vue de la photosynthèse, des formes qui recherchent la lumière et d'autres qui la craignent.

2° Cette propriété (recherche ou fuite de la lumière) explique la répartition des Algues suivant différentes zones.


268 REVUE GÉNÉRALE DE BOTANIQUE

3° Les pigments supplémentaires ne jouent aucun rôle actif dans la photosynthèse.

4° Le seul pigment actif dans la photosynthèse est la chlorophylle. 5° La théorie d'ENGELMANN est à revoir. G. NICOLAS.

DIRATZOUYAN, P. NERSÈS e BÉGUINOT Auguste — Contributo alla flora dell'Armenia. (Venise, Imprimerie Arménienne, Saint-Lazare. 1912).

Ce mémoire, en italien, forme un volume de 120 pages avec 12 photogravures hors texte et 10 figures intercalées dans le texte Il se compose essentiellement d'un catalogue de plantes provenais: de vingt localités, situées dans les trois fractions de l'Arménie (Turque Russe, Persane). Le catalogue est précédé par une notice sur les localités d'où proviennent les plantes et par un exposé historique trècomplet de la bibliographie. L'Arménie a été très explorée au point de vue botanique. Le plus ancien ouvrage cité est celui de RAUWOLF. 1583. Plus tard, on remarque les noms de TOURNEFORT, BUXBAUM. DELESSERT, etc., et surtout d'Edmond BOISSIER, Fauteur de la célèbre Floria orientalis, Genève et Bâle, 1867-1884.

Dans les vingt localités explorées par DIRATZOUYAN et ses correspondants, on a trouvé deux bonnes espèces nouvelles : le Cerastium saccardoanum Diratz. et le Scabiosa Baliani Diratz., plus un certain nombre de sous-espèces et de variétés. Il est probable qu'une exploration méthodique et complète de toute l'Arménie donnerait encore des nouveautés et il est à souhaiter que les auteurs puissent mener à bonne fin une flore complète d'Arménie.

Un point intéressant à noter, c'est le grand nombre d'espèces européennes qu'on trouve en feuilletant ce catalogue; il y a au moins 243

formes existant en France sur 579 formes citées.

Jean FRIEDEI..

J. BEAUVERIE. — Les textiles végétaux. (Encyclopédie industrielle. Grand in-8 (25 x 16), 743 pages, 290 figures. Librairie GauthierVillars, quai des Grands-Augustins, 55, Paris).

Après avoir fait paraître les deux fascicules de son bel ouvrage sur les bois (1), M. J. BEAUVERIE a entrepris de réunir les résultats des nombreux travaux qui ont eu pour but l'étude botanique, physique, chimique, industrielle et commerciale des textiles végétaux.

Cet important travail, qui vient d'être publié dans la collection Encyclopédie industrielle, fondée par M.-C. LECHALAS, comprend deux grandes parties.

(1) J. Beauverie : Le Bois. (Encyclopédie industrielle. Un volume en deux fascicules grand in-8 (28 x 16), 1413 pages, 485 figures dont 16 planches. Librairie Gauthier-Villars, Quai des Grands-Augustins, 55, Paris).


NOTES BIBLIOGRAPHIQUES 269

Dans la première partie sont exposés les caractères généraux des textiles; l'auteur y montre dans quelles limites varient les caractères morphologiques, physiques et chimiques des poils et des fibres utilisés, ainsi que la localisation de ces productions dans les organes des végétaux. Il indique, d'autre part, quelles sont les familles végétales qui renferment des plantes productrices de textiles, quelle est la marche à suivre pour l'étude des poils et des fibres, et il joint à ces premières notions générales un tableau servant à la détermination des textiles.

Dans une seconde et une troisième parties, l'auteur étudie successivement chacun des textiles végétaux actuellement utilisés. Pour chacun d'eux, il indique les caractères botaniques et la distribution géographique de la plante productrice; les caractères physiques et chimiques, ainsi que les usages des parties utilisées. Il expose en détail les techniques de culture de la plante productrice, d'extraction et de préparation du textile, et termine par l'exposé de tous les renseignements commerciaux relatifs aux pays producteurs.

La liste des chapitres ci-dessous indiquera la façon dont l'ouvrage est divisé.

CHAP. I. Caractères généraux des fibres textiles d'origine végétale.

Caractères morphologiques. Origine anatomique. Origine botanique. Caractères physiques. Caractères chimiques. Le rouissage. Méthode à employer pour l'étude des fibres. Les classifications des fibres. Tableau pour la détermination des fibres. — CHAP. II Etude spéciale des plantes textiles. Dicotylédones. Famille des Urticacées. Le chanvre. La ramie. Ortie dioïque ou grande ortie. Familles de Salicacées, Amarantacées, Euphorbiacées, Thyméléacées, Bixacées et OEnothéracées. Famille des Linacées. Le lin. Famille des Tiliacées. Le jute. Famille des Malvacées. Le cotonnier. Caractères botaniques et distribution géographique. Caractères physiques, chimiques. Usages. Culture. Maladies. L'égrenage. Historique. Production dans le monde. Commerce. Le coton colonial. Famille des Sterculiacées. Famille des Bombacées. Ouates et duvets végétaux. Le Kapok. Famille des Légumineuses. Papillionacées. Famille des Borraginacées. Famille des Asclépiadacées. Les soies végétales. Famille des Apocynacées. — CHAP. III. Etude spéciale des plantes textiles. Monocotylédones. Famille des Liliacées. Phormium tenax. Les Yuccas. Les aloès. Famille des Hémodoracées. Sanseviera. Famille des Amaryllidacées. Les agaves et fourcroya. Sisal. Henequen. Tampica. Famille des Musacées. Musa textilis ou abaca. Famille des Broméliacées. Ananassa saliva et autres Broméliacées. Famille des Aroïdées. Famille des Graminées. Famille des Cypéracées. Famille des Palmiers. Cocos nucifera. Le cocotier. Le coïr. Les piassaves. Les raphia. Chamoerops humilis. Crin végétal. Autres. palmiers. Famille des Typhacées. Famille des Naïadacées. Zostera et Posidonia (varechs). Appendice bibliographique. Table alphabétique


270 REVUE GÉNÉRALE DE BOTANIQUE

des noms d'auteurs. Table alphabétique des matières. Table analytique. M. BEAUVERIE a su extraire des très nombreux travaux et documents publiés sur cette question des textiles végétaux les résultats et les faits essentiels pouvant intéresser les industriels, les agriculteurs, les économistes, les colons, etc. Toutes ces données sont groupées avec une clareté parfaite, constituant un ensemble extrêmement complet, facile à consulter et dont l'intérêt est encore augmenté par l'exposé de faits nouveaux résultant des recherches personnelles de l'auteur. R. COMBES.

ERICH WISSEMANN. — Beitrage zur Kenntnis des Auftretens und der topographischen Verteilung von Anthoeyan und Gerbstoff in vegetativen Organen. (Contribution à l'étude de l'apparition et de la répartition topographique de l'anthocyane et du tannin dans les organes végétatifs). Thèse de doctorat, Göttingen, 1911.

L'auteur comprend sous le nom d'anthocyane tous les pigments rouges ou violets dissous dans le suc cellulaire et sous le nom de tannin tout ce qui est précipitable par le bichromate de potassium. Les recherches ont porté sur un très grand nombre de plantes appartenant aux genres les plus divers (Dioscorea, Juglans, Clematis, Helleborus, Heracleum, Anthiriscus, Chaerophyllum, Aralia, As arum, Sambucus, Aster, Silphium et Sonchus).

L'auteur signale la répartition des deux principes étudiés dans la feuille et dans la fige, répartition extrêmement variable suivant les espèces; il indique la plus ou moins grande précocité d'apparition du pigment, il précise la localisation de l'anthocyane et du tannin dans les cellules.

Il ne semble pas y avoir de loi générale à laquelle on puisse donner une formule précise, mais il y a une certaine relation entre la présence d'anthocyane et la présence de tannin dans la cellule. Lorsque les deux principes varient en quantité suivant l'âge de la plante, ils varient d'ordinaire dans le même sens.

Les particularités présentées par les divers végétaux étudiés sont indiquées avec une grande précision. Jean FRIEDEL.

PORODKO, Th.-M. — Vergleiehende Untersuchungen über den

Tropismen. (Recherches comparatives sur les tropismes). — Berichten d. Deutsch. Bot. Gesellsch., vol. XXX, 1912.

L'auteur a entrepris une série de recherches sur la cause des tropismes. J'ai entre les mains deux communications portant, l'une sur le thermotropisme de la racine (p. 306), l'autre sur le traumatropisme du même organe (p. 630).

Les expériences sur le thermotropisme ont porté surtout sur des racines de Lupinus albus. Quelques essais effectués avec des racines


NOTES BIBLIOGRAPHIQUES 271

d'Helianthus annuus et de Vicia faba major ont donné des résultats qui cadraient avec les résultats obtenus avec le lupin.

PORODKO a étudié la répartition de l'excitabilité thermotropique de la racine, la marche de la réaction de courbure, sa dépendance visà-vis de la température et de la durée d'action. Il est arrivé à la conclusion suivante : le thermotropisme négatif serait causé par une coagulation de l'albumine plasmatique dans les cellules de la pointe de la racine soumise à l'action thermique.

Les expériences sur le traumatropisme ont porté surtout sur des racines de Lupin et, quelquefois d'Helianthus annuus. L'auteur a étudié le traumatropisme mécanique en blessant la pointe de la racine avec un rasoir ou avec une mince lamelle de verre, le traumatropisme chimique avec un crayon de pierre infernale, le traumatropisme thermique avec une baguette de verre chauffée au rouge ou un vase contenant de l'eau chaude.

Dans tous les cas, le tropisme négatif semble résulter d'une coagulation de l'albumine comme dans le cas du thermotropisme sans blessure, seulement lorsqu'il y a traumatropisme, la coagulation serait irréversible, étant au contraire réversible dans le cas du thermotropisme proprement dit. Jean FRIEDEL.

GUILLIERMOND. — Recherches cytologiques sur le mode de formation de l'amidon et sur les plastes des végétaux. (Leucochloro- et chromoplastes). Contribution à l'étude des mitochondries chez les végétaux. (Archives d'anatomie microscopique, Tome XIV, p. 309 à 428; Pl. XIII-XVIII).

Dans cet important mémoire, orné de planches en couleurs très précises, GUILLIERMOND, après avoir exposé l'historique de la question et, les diverses techniques employées, arrive aux conclusions suivantes :

1° Origine de l'amidon. — L'amidon est toujours formé dans des plastes, soit clans des chloroplastes, soit dans des leucoplastes. C'est la confirmation absolue des vues de SCHIMPER et de A. MEYER. Quelquefois, surtout dans les plantules, les leucoplastes sont si petits qu'il est difficile de les différencier; c'est pour cela que BELZUNG a pensé que l'amidon pouvait se former directement dans le cytoplasme, sans le concours de plastes. Les recherches de l'auteur, qui ont porté exclusivement sur les Phanérogames, apportent une solution définitive à la question de l'origine de l'amidon.

2° Origine des plastes. — GUILLIERMOND a étudié à fond l'origine des leucoplastes et celle des chloroplastes; il a commencé l'étude de l'origine des chromoplastes en s'occupant seulement de la formation des cristalliles de Caroline dans la racine de carotte.

Tous les plastes étudiés résultent, de la différenciation des mitochondries des cellules embryonnaires et des cellules des méristèmes.

Rappelons que les mitochondries sont de petits organites qui se présentent tantôt à l'état de grains (mitochondries proprement dites),


272 REVUE GÉNÉRALE DE BOTANIQUE

tantôt sous forme de grains alignés en chaînettes comme des streptocoques (chondriomites), tantôt sous forme de filaments plus ou moins longs et flexueux (chondriocontes).

Les leucoplastes peuvent se former aux dépens de l'une ou de l'autre de ces trois sortes de mitochondries. Les chloroplastes proviennent aussi de la différenciation de mitochondries; toutefois, dans quelques cas très rares, ils résultent de la métamorphose de leucoplastes. Les chromoplastes de carotine dérivent de leucoplastes.

3° Origine et rôle des mitochondries. — Au point de vue histo-chimique, les mitochondries et les plastes ont des propriétés très voisines, les mitochondries sont seulement dissoutes par l'acide acétique et l'alcool qui n'altèrent pas sensiblement les plastes. Mitochondries et plastes sont des formations apparentées et qui paraissent constituées d'une substance très voisine. On peut considérer les plastes comme des mitochondries différenciées en vue d'une fonction déterminée. Les mitochondries semblent ne pouvoir se former autrement que par division de mitochondries préexistantes; elles paraissent se transmettre de la plante mère à l'oeuf et de l'oeuf à l'embryon et à la plante adulte.

Il est permis de penser, d'après ce que l'on sait du rôle multiple des mitochondries dans la cellule animale, que les mitochondries des cellules végétales ne sont pas seulement les générateurs des plastes, mais qu'elles contribuent à l'élaboration des produits de sécrétion et de différenciation divers de la cellule.

L'étude histologique des mitochondries, par les procédés les plus récents, en particulier, par la méthode de REGAUD, montre l'homologie complète qui existe entre la cellule animale et la cellule végétale, au point de vue des phénomènes de sécrétion; ces phénomènes sont plus faciles à observer dans les végétaux. Jean FRIEDEL.

CHRONIQUES ET NOUVELLES

M. Edouard HECKEL, Professeur à la Faculté des Sciences de Marseille, est admis à faire valoir ses droits à la retraite, et nommé Professeur honoraire à la Faculté.

M. Marc BRIDEL a soutenu avec succès devant la Faculté des Sciences de Paris, pour l'obtention du grade de Docteur ès sciences, une thèse relative à des recherches sur les glucosides et les composés hydrocarbonés des Gentianées.

M. Edmond ROSE a soutenu avec succès devant la Faculté des Sciences de Paris, pour l'obtention du grade de Docteur ès sciences, une thèse sur l'énergie assimilatrice chez les plantes cultivées sous différents éclairements.

Lille. — Imp. PLATEAU & Cie. Le Gérant, Ch. PIETERS.


Revue générale de Botanique

Tome 25, Planche 13

Maige Phot.

Bertin se

Station de Biologie végétale de Mauroc

LILLE. — IMP. PLATEAU & Cie



CLASSIFICATION NATURELLE DES SAXIFRAGES DE LA SECTION DES DACTYLOIDES TAUSCH.

Par M. D. LUIZET

Les observations que j'ai eu l'occasion de faire, au cours de mes recherches sur les Saxifrages de la section des Dactyloïdes Tausch, me paraissent présenter un intérêt de généralisation. Il peut être opportun de les faire connaître, non plus par l'examen de chaque cas particulier, ainsi que le comportent mes articles publiés dans le Bulletin de la Société botanique de France (1), mais par une vue d'ensemble sur le groupe tout entier. De cette façon, les botanistes saisiront mieux l'harmonie réelle des caractères, qui relient les Dactyloïdes entre eux, sous l'apparence d'une multitude de formes disparates.

La plupart des qualificatifs, attribués aux Dactyloïdes, font image et conviennent à donner une idée du faciès des plantes : caespilosa, muscoides, muscosa, hypnoides, etc., pour exprimer que ces Saxifrages forment des touffes, des gazons, semblables à des mousses; — compacta, laxa, intermedia, intricata, etc., pour indiquer la manière d'être de ces touffes; — pentadactylis, quinquefida, trifurcata, palmata, pedatifida, cuneata, etc., pour décrire l'aspect des feuilles et de leur limbe plus ou moins cunéiforme, à découpures plus ou moins étroites ou profondes; — pubescens, glandulosa, glabella, nervosa, exarata, canaliculata, etc., pour rappeler l'état de la surface elle-même de ces feuilles, etc., etc. A ces divers points de vue, l'analyste profite d'indications sommaires d'une utilité évidente.

On a créé aussi des groupements,basés sur des analogies dont le caractère se révèle par le choix des mots adoptés : Digitatae, Ceratophyllae, Integrifoliae, Grandiflorae, Glaciales, Axilliftorae, Caespitosae, Hypnoi(1)

Hypnoi(1) à l'étude des Saxifrages du groupe des Dactyloïdes Tausch, in Bull. Soc. Bot. Fr., Années 1910, 1911, 1912, 1913.

Revue gén. de Botanique. — XXV. 18.


274 REVUE GÉNÉRALE DE BOTANIQUE

deae, Muscoideae, Exaratae, Nervosae, etc. Les efforts les plus louables ont donc été faits pour établir des distinctions utiles dans la classification des Dactyloides, la section la plus riche du genre Saxifraga; mais un grand nombre des subdivisions imaginées restent artificielles, c'est pourquoi elles varient d'un ouvrage à un autre, d'un pays à un autre. Le moment est venu de suivre une méthode plus naturelle, en tenant compte de la vraie manière d'être des Dactyloides, dans le développement de leurs rameaux feuilles et de leurs tiges florifères, dans la disposition particulière de leurs diverses sortes de feuilles, dans la variabilité si frappante de forme et de grandeur de leurs pétales et de leurs sépales. La plante, examinée ainsi, cesse d'être uniquement une chose morte, abandonnée au scalpel du botaniste; elle livre le secret de son mode de végétation. Sa description aura une portée d'autant plus précise qu'elle succédera à un classement préalable, établi d'après une connaissance parfaite de l'évolution de la plante elle-même.

MODE DE VÉGÉTATION DES DACTYLOIDES

Tous les Dactyloides débutent par la formation d'une rosette de feuilles plus ou moins rapprochées, disposées en faux verticille; mais leurs tiges florifères apparaissent de deux façons différentes. Chez les uns, Términaliflorae, les tiges florifères sont toujours terminales, c'est-à-dire placées dans l'axe du développement de la souche ou du rameau feuillé, à l'extrémité desquels elles s'élèvent. Chez les autres, au contraire, Axilliflorae, les tiges florifères ne sont jamais placées dans cet axe de prolongement; elles naissent au-dessous d'une rosette de feuilles, terminale, et à l'aisselle d'une feuille inférieure de cette rosette

Chez toutes les espèces, les bourgeons latéraux qui surgissent sur le premier tronçon feuille issu de la souche, se montrent à l'aisselle d'une feuille spéciale, que j'ai dénommée feuille basilaire; la feuille à l'aisselle de laquelle s'élève chaque tige florifère, chez les Axilliflorae, est donc aussi une feuille basilaire.

La grande majorité des Dactyloides se range dans la catégorie des Términaliflorae.

Dans leur flore d'Espagne, Willkomm et Lange n'ont groupé, sous le nom d'Axilliflorae, que le Sax. ajugifolia L. et le Sax. capilata Lap. ; ils auraient dû classer dans ce groupement le Sax. trifurcata Schrad. et le Sax. cuneala Willd., dont les tiges florifères sont axil-


CLASSIFICATION NATURELLE DES SAXIFRAGES

275

laires. Il convient de faire rentrer aujourd'hui dans la catégorie des Axilliflorae, toutes les espèces qui en possèdent le caractère essentiel : Sax. trifurcata Schrad., Sax. maderensis Don, Sax. Portosanctana Boiss., Sax. cuneala Willd., Sax. ajugifolia L. et Sax. perdurans Kit.. Le X Sax. capitala Lap., hybride présumé du Sax. aquatica Lap. (Terminaliflorae) et du Sax. ajugifolia L. (Axilliftorae), ne peut pas figurer dans la liste des espèces ; mais on remarquera qu'il apparaît, tantôt comme un représentant des Terminaliflorae, tantôt comme type des Axilliflorae, démontrant ainsi sa réelle origine hybride. Le X Sax. Ramondii Luiz. et Neyr. = Sax. ajugifolia L. Sax. moschala Wulf. est dans le même cas.

Les Sax. ajugifolia L. et Sax. perdurans Kit., à tiges décombantes ou couchées, plus ou moins radicantes, forment le petit groupement des Supinse, par rapport aux autres espèces, Erectae, à tiges dressées.

En général, les Terminaliflorae forment des touffes plus ou moins denses ou lâches, de plus en plus ramifiées avec l'âge, dont il est facile de suivre le développement. A la base même de la hampe, indiquée souvent par une feuille basilaire dépourvue de bourgeon à son aisselle, — ou plus ou moins au-dessous de cette base et audessous alors d'un certain nombre de feuilles, différentes des feuilles caulinaires et dépourvues de bourgeon à leur aisselle, — on aperçoit des bourgeons ou des productions feuillées, au nombre de 1 à 5 ou davantage (ordinairement 2 à 4). Ces bourgeons, ou productions feuillées, sont situés chacun à l'aisselle même de feuilles disposées en rosette plus ou moins serrée, quelquefois dressées, mais le plus souvent étalées ou réfléchies, surtout après la floraison. Toutes ces feuilles, avec ou sans bourgeon à leur aisselle, différentes des feuilles caulinaires, sont des feuilles basilaires.

Les bourgeons, ou productions feuillées, peuvent, dans leur première manière d'être, être considérés comme des roselles stériles axillaires. Celles-ci sont sessiles ou subsessiles, ou stipitées, parfois très longuement; il arrive même, en certains cas d'allongement insolite, que le support de la rosette stérile entraîne avec lui la base de la feuille basilaire et que, l'origine de la feuille se trouvant déplacée, celle-ci paraît décurrente sur ce support. J'ai désigné, dans mes études, sous le nom de feuilles supra-basilaires, toutes les feuilles de la rosette stérile axillaire, placées au-dessus de la feuille basilaire; leur groupement en constitue le bou puel feuillé.


276 REVUE GÉNÉRALE DE BOTANIQUE

Au-dessous du faux verticille des feuilles basilaires, on retrouve d'autres feuilles, plus anciennes, sans aucun bourgeon à leur aisselle; ce sont les feuilles infra-basilaires, ordinairement étalées ou réfléchies, Ces dernières ne sont pas autre chose que les feuilles terminales d'une rosette stérile antérieure, axillaire ou non. Vouées à une mort prochaine, elles sont déjà plus ou moins desséchées, jaunâtres ou brunâtres, et, plus elles se trouvent rapprochées de la souche, plus elles arrivent à se confondre avec les feuilles anciennes persistantes.

Un Dactyloides de la catégorie des Terminaliflorae, en pleine végétation, laisse donc apercevoir, — en même temps qu'une tige florifère terminale dont les productions feuillées portent les noms connus de feuilles caulinaires, bractées et bractéoles, — un certain nombre de feuilles basilaires, des rosettes stériles axillaires munies de feuilles supra-basilaires plus ou moins développées ou des gemmules tenant lieu de rosettes stériles axillaires, des feuilles infra-basilaires et une agglomération plus ou moins dense ou lâche de feuilles anciennes persistantes. L'ensemble forme une touffe qui ne cesse pas de s'accroître, à mesure que les rosettes stériles axillaires grandissent et se transforment en rameaux feuilles, pourvus à leur tour d'une tige florifère et des productions feuillées qui l'accompagnent. Le développement de la plante s'accomplit par des bifurcations successives du tronc initial; le nombre des étages produits par ces bifurcations est indiqué par les vestiges persistants des rosettes mortes, de moins en moins espacées de la base au sommet de la touffe. En théorie, un tel mécanisme d'accroissement devrait conduire à la production d'une touffe d'une symétrie parfaite; mais une inimité de causes accidentelles s'y opposent. Il convient seulement de retenir le principe du mode de végétation, dont on reconnaît toujours la constance, même chez, les formes les plus irrégulières.

Chez quelques Terminaliflorae, les tronçons ou supports feuillés restent tellement courts que l'on croirait parfois toutes les tiges florifères issues du collet. C'est le cas du Sax. androsacea L. et du Sax. Seguierii Spreng., plantes dont les touffes s'élargissent avec l'âge, sans que leur taille s'élève sensiblement. On peut les comprendre sous le nom de Subacaules, qui rappelle cette particularité. Leurs tiges florifères sont terminales, et, s'il est difficile de distinguer nettement des feuilles infra-basilaires dans le voisinage du collet, on aperçoit sans peine, près de la base des hampes, les rosettes stériles axillaires sessiles ou brièvement stipitées et leurs feuilles basilaires. Les


CLASSIFICATION NATURELLE DES SAXIFRAGES 277

sabacautes sont donc bien des Terminaliflorae, avec les autres espèces de ce groupement, qui constituent, par opposition, la catégorie des Caulescentes.

Parmi les Caulescentes d'Europe, deux espèces présentent un caractère remarquable : à l'aisselle de leur feuille basilaire supérieure, ordinairement un peu distante des feuilles basilaires inférieures, il apparaît souvent une petite tige florifère, feuillée très près de sa base, et qui fleurit la même année que la tige florifère terminale, tandis que le développement normal des rosettes stériles axillaires inférieures ne donne naissance à une tige florifère que l'année suivante. Ce petit groupe, à tige florifère fourchue en réalité, peut prendre le nom de Furcatae, en même temps que les autres Caulesrentes, ne possédant jamais qu'une seule tige florifère terminale, non bifurquée, dans le prolongement d'un même rameau feuillé, mérilent la désignation de Afurcalae. Il contient seulement les Sax,. sedoides L. et Sax. aphylla Sternb.

Chez les Axilliflorae, le développement des touffes, moins régulier cependant que chez les Terminaitflorae, s'effectue aussi par des bifurcations successives. Dans l'axe initial de l'allongement de la souche, on observe une rosette feuillée centrale, terminate, formée de feuilles en pleine végétation. Au-dessous de cette rosette, on voit naître, à l'aisselle de feuilles basilaires, soit des rosettes stériles axillaires, soit des tiges florifères, soit l'une ou l'autre de ces productions exclusivement. Plus bas se montrent les feuilles infra-basilaires, étalées ou réfléchies, formant par leur ensemble une rosette opposée à la rosette terminale, presque à la façon d'un cône opposé à un autre par son sommet. Il est tout à fait normal que les rosettes stériles axillaires des Axilliflorae, visibles, au moment de la floraison, audessous de la rosette centrale terminale, suivent une évolution analogue à celle des rosettes stériles axillaires des Terminaliflorae, mais en produisant un élargissement de la touffe, plutôt qu'un accroissement de sa hauteur. On peut se demander cependant quel est le sort final de la rosette centrale, pleine de vie au moment de la floraison : est-elle susceptible de s'accroître davantage et de donner l'année suivante de nouveaux rejets feuilles ou florifères ? Ou bien dépérit-elle lentement, par suite du développement des rosettes stériles axillaires, capables d'absorber à elles seules la puissance nutritive de la plante ? La seconde hypothèse est la plus plausible, sans qu'elle impose pourtant le rejet absolu de la première ; mais elle mériterait d'être vérifiée par des observations sur le vif, qu'il ne m'a pas été possible de faire.


278 REVUE GÉNÉRALE DE BOTANIQUE

OBSERVATIONS RELATIVES AUX FEUILLES CAULINAIRES

Toutes les feuilles qui se trouvent comprises, sur une tige florifère, à partir de la bractée du pédoncule inférieur jusqu'à la première feuille basilaire munie d'un bourgeon à son aisselle, devraient être regardées comme des feuilles caulinaires. Il y a lieu cependant d'établir une distinction chez.les Terminaliflorae, entre les feuilles caulinaires proprement dites, très apparentes, plus ou moins espacées sur la hampe, quelquefois nulles, et certaines autres feuilles plus ou moins nombreuses, ordinairement assez rapprochées à la base de la tige florifère, et qui, par leur aspect et leur disposition, appartiennent au tronc feuille plutôt qu'à la hampe. Ces dernières, plus compliquées en général que les feuilles caulinaires proprement dites, sont à peu près semblables aux feuilles basilaires, dont elles ne semblent différer que par l'absence d'un bourgeon ou d'une rosette, à leur aisselle; elles se trouvent groupées au nombre de deux au moins, mais plus souvent au nombre de trois à cinq, et elles sont plus ou moins masquées par l'enchevêtrement ou l'allongement des rosettes stériles axillaires. Leur groupement se relie parfois insensiblement à la succession des feuilles caulinaires proprement dites : ainsi, chez le Sax. muscoides All., la tige florifère, très feuillée, est régulièrement couverte de feuilles de plus en plus rapprochées et nombreuses du sommet à la base. Le plus souvent, le groupement de ces feuilles supplémentaires se distingue avec beaucoup de netteté, tant par le rapprochement que par la forme spéciale de celles-ci. Un grand nombre d'espèces présentent une tige florifère nue à la base ou munie, à cette base, d'une à deux feuilles au plus, ressemblant habituellement davantage aux feuilles caulinaires qu'aux feuilles basilaires; elles forment la série des Paucifoliae, subdivision des Afurcatae. Les espèces qui possèdent, à la base de leur tige florifère, 2 à 5 feuilles basilaires dépourvues de bourgeon à leur aisselle, en supplément à la série des feuilles caulinaires proprement dites, constituent la seconde subdivision des Afurcatae, celle des Infrafoliae.

Des reproductions photographiques de préparations complètes des Sax. pedatifida Smith et Sax. pedemontana All. (Paucifoliae), et des Sax. hypnoides L. et Sax. Camposii Boiss. et Reut. (Infrafoliae), mettent en évidence le contraste entre les deux sortes de tiges florifères.

Le groupement des Infrafoliae comprend deux catégories de


CLASSIFICATION NATURELLE DES SAXIFRAGES 279

plantes : les unes, Gemmulosae, portent des gemmules à l'aisselle de leurs feuilles basilaires inférieures, gemmules appelées à se transformer plus tard en rosettes stériles axillaires, puis en rameaux feuilles, etc.; les autres, les Agemmulosae, ne présentent que des rosettes stériles axillaires normales.

La série des Gemmulosse renferme les Sax. hypnoides L., Sax. globulifera Desf., Sax. spathulata Desf., Sax. granatensis Boiss. et Reut., Sax. erioblasla Boiss. et Reut., Sax. Reuteriana Boiss., Sax. conifera Cosson et Durieu, Sax. Rigoi Freyn, originaires presque exclusivement de l'Espagne et de l'Afrique boréale.

La série des Agemmulosae contient les Sax. muscoides All., Sax. glabella Bertol., Sax. sponhemica Gmel., Sax. aquatica Lap., Sax. Camposii Boiss. et Reut., Sax. canaliculata Boiss. et Reut.

Le groupement très important des Paucifoliae comprend les espèces suivantes, dont la plupart appartiennent à la Flore de France : Sax. geranioides L., Sax. moschata Wulf., Sax. exarata Vill., Sax. pedemontana All., Sax. pubescens Pourr., Sax. intricata Lap., Sax. nervosa Lap., Sax. pentadactylis Lap., Sax. pedatifida Smith., Sax. Prostiana Ser., Sax. lereklensis Bunge, Sax. paniculata Cav., Sax. Iratiana Fr. Schultz, Sax. nevadensis Boiss., Sax. corbariensis Timb. Lag., Sax. valentina Willk., Sax. fastigiata Luiz., Sax. confusa Luiz., Sax. Hariolii Luiz. et SouL, Sax. Lamoltei Luiz.

En résumé, le simple examen du mode de végétation des Dactyloides, complété d'une distinction rationnelle entre leurs diverses sortes de feuilles et les différentes situations ou dispositions de celles-ci, conduit à une subdivision de la section en groupements naturels d'une utilité incontestable. Le tableau suivant représente cette subdivision, applicable à la très grande majorité des espèces connues jusqu'à ce jour; je ne puis pas dire la totalité, parce qu'il ne m'a pas été possible d'étudier assez complètement un petit nombre d'espèces exotiques, très rares ou trop pauvrement représentées dans les herbiers que j'ai consultés.


280 REVUE GÉNÉRALE DE BOTANIQUE

SUBDIVISIONS DES GROUPEMENTS NATURELS

Les subdivisions possibles des groupements naturels établis cidessus rentrent dans le domaine des connaissances déjà acquises; elles s'établissent progressivement sur des caractères de plus en plus particuliers aux plantes que l'on cherche à distinguer spécifiquement les unes des autres. Cet article, dont le but est d'exposer des vues générales, n'en comporte pas l'énumération; mais je crois nécessaire de lui ajouter quelques remarques au sujet des Paucifoliae, le groupement le plus important des Dactyloides.

Chez les Paucifoliae, l'examen de la face supérieure des feuilles fournit des indications très précieuses, suivant que l'on observe l'existence de sillons plus ou moins abondants ou distincts, ou suivant que l'on constate leur absence complète. Ainsi se différencient deux séries distinctes, les Sulcatae et les Asulcatae.

La recherche des sillons est très facile, quand on a en mains des plantes vivantes; elle est un peu plus délicate, si l'on a eu recours au ramollissement préalable d'échantillons desséchés; mais elle exige une expérience acquise, lorsque l'on est contraint à l'examen exclusif de plantes sèches. Dans ce dernier cas, l'observateur doit se mettre, en garde contre des erreurs dues à un examen incomplet ou malaisé.

Les sillons, qui suivent exactement le même parcours que les nervures, à la surface des feuilles, sont d'autant plus apparents, sur le vif, que les feuilles sont plus jeunes et que la saillie de leurs nervures est moins prononcée. Ce sont donc les feuilles supra-basilaires qui se prêtent le mieux, sur place, à un examen rapide. Les feuilles basilaires, munies en général de fortes nervures, parfois très saillantes, ne laissent souvent apercevoir aucuns sillons. Tandis que, d'autre part, les feuilles supra-basilaires desséchées montrent rarement des sillons apparents, il n'est pas rare d'apercevoir des sillons très distincts sur les feuilles infra-basilaires sèches, qui n'ont pas été déformées par une compression. Telle est la ressource ordinaire de l'analyste, obligé d'étudier des échantillons secs, dont il ne peut pas disposer librement, ressource parfois un peu précaire, et souvent compromise par la fâcheuse coutume d'enduire les plantes de matières insecticides qui diminuent la visibilité des sillons, en les obstruant. Heureusement, la. plupart des Sulcatae possèdent des nervures saillantes très visibles, dont l'observation toujours utile complète avan-


CLASSIFICATION NATURELLE DES SAXIFRAGES

281

Lageusement la recherche des sillons, quand celle-ci n'est pas couronnée d'un succès décisif.

Chez le plus grand nombre des Sulcatae, les sillons sont visibles ordinairement jusqu'à l'extrémité des lobes des feuilles; chez quelques espèces seulement, le sillon longitudinal, tracé sur le pétiole, ne se prolonge pas sur le limbe, qui ne porte aucuns sillons.

Les Dactyloides de France, limités aux espèces et aux sousespèces, se classent de la façon suivante :

Gomme on le voit par ce tableau, c'est le groupe des Sulcatae qui présente les plus sérieuses difficultés d'analyse, à cause du resserrement des espèces, très voisines les unes des autres. Les espèces pyrénéennes y figurent dans la proportion de 82 %.

Le problème, souvent très ardu, de la délimitation spécifique, peut être facilité par la prise en considération de la proportionnalité des grandeurs des pétales et des sépales.


282 REVUE GÉNÉRALE DE BOTANIQUE

PROPORTIONNALITÉ DES GRANDEURS DES PÉTALES ET DES SÉPALES

CHEZ LES DACTYLOIDES (1)

En général, les longueurs absolues Lp et Ls. et les largeurs absolues lp et ls, des pétales et des sépales, sont extrêmement variables chez une même espèce. Les mensurations faites sur les fleurs d'un même échantillon, loin d'être concordantes, tendraient à faire conclure à leur inutilité, par l'impossibilité dans laquelle on se trouve. à priori, d'en tirer une indication précise quelconque.

Il n'en est pas ainsi cependant, si l'on étudie les rapports :

Les deux premiers, - et — , varient simultanément et dans

le même sens, exprimant ainsi, tantôt l'allongement ou le raccourcissement des pétales et des sépales, tantôt leur élargissement ou leur rétrécissement. Ils contribuent à donner une idée des formes géométriques des pétales et des sépales, indépendamment des grandeurs absolues, et ils aident le descripteur dans le choix des qualificatifs ; ovale, ovale-oblong, ovale-arrondi, oblong, etc.

Les deux rapports, -r-^- et -f—, vrais rapports typiques, sont les

plus expressifs, quand il s'agit de comparer une espèce à une autre.

Tous ces rapports, individuellement, ne sont pas moins variables que les grandeurs absolues, et leur évaluation ne serait d'aucun secours dans l'étude des espèces, s'il n'avait pas été possible de vérifier l'exactitude de la proposition suivante :

Si les grandeurs et les rapports des grandeurs des pétales et des sépales sont extrêmement variables d'une fleur à une autre, chez une même espèce, les valeurs de ces rapports, établies d'après les moyennes d'un nombre suffisant de mensurations, ne doivent-elles pas présenter quelque fixité ? N'est-il pas logique de concevoir, pour chaque espère, un pétale moyen et un sépale moyen, caractéristiques, dont les rapporta de longueur et de largeur ne varient qu'entre des limites assez étroites ?

Cette proposition ne tend à rien moins qu'à supposer l'existence d'une loi organique, imposant des proportions déterminées aux pétales et aux sépales d'une même espèce, loi constamment enfreinte, il est vrai, pour des causes inconnues, avec des écarts plus ou moins

(1) Communication au Congrès des Sociétés savantes, à la Sorbonne. le 11 avril 1912.


CLASSIFICATION NATURELLE DES SAXIFRAGES 283

sensibles, qui arrivent à se compenser les uns par les autres dans l'établissement des moyennes.

La plupart des espèces présentent des formes à pétales et à sépales allongés, moyens ou courts, — larges, moyens ou étroits;

ces variations sont exprimées par les valeurs des rapports, et,

que l'on peut classer en diverses séries croissantes ou décroissantes, même après des évaluations établies par des moyennes. Les valeurs des termes extrêmes de ces séries sont souvent très inégales. Par contre, les séries constituées de la même façon, d'après les moyennes

des rapports, et , sont beaucoup plus resserrées, et les valeurs

extrêmes, peu différentes entre elles, sont très rapprochées de la moyenne générale.

Une multitude de mensurations, faites avec le plus grand soin et à 1/10 de millimètre près, m'ont permis de reconnaître une fixité réelle et suffisante des valeurs moyennes générales des quatre rapports précédents, chez chaque espèce examinée.

Les Dactyloides, que j'ai étudiés à ce point de vue, ont donné les résultats suivants :

Sax. moschata Wulf 2.43 2.17 1.45 1.29

Sax. confusa Luiz 1.83 1.56 1.78 1.52

Sax. fastigiata Luiz 1.76 1.75 1.52 1.50

Sax. Lamottei Luiz 1.98 1.74 2.22 1.96

Sax. exarata Vill 1.87 1.96 1.92 2.00

Sax. intricata Lap 1.66 1.75 2.32 2.45

Sax. nervosa Lap 1.68 1.86 2.72 3.01

Sax. pubescens Pourr... 1.56 2.05 1.79 2.35

Sax. Iratiana Fr. Schultz..1.65 1.81 2.37 2.62

Sax. Prostiana Ser 1.64 1.85 3.04 3.43

Les hybrides reconnus que j'ai mensurés prennent place exactement entre leurs parents respectifs ; ce qui constitue une confirmation de l'exactitude de la loi de proportionnalité.

Il est de toute évidence que des mensurations isolées, complétées par le calcul de leurs rapports correspondants, sont d'une utilité très relative pour la détermination d'une plante; mais la méthode des moyennes, calculées d'après des mensurations nombreuses, fournit des indications précieuses, quand il s'agit de discuter la valeur spécifique d'une espèce par rapport à des espèces très voisines.


284 REVUE GÉNÉRALE DE BOTANIQUE

EXPLICATION DES PLANCHES

PLANCHE 10

I. — Saxifraga pentadactylis Lap II. — Saxifraga nervosa Lap.

III. — Saxifraga pubescens Pourr,

IV. — Saxifraga intricata Lap. V. — Saxifraga Lamottei Luizet.

VI. — Saxifraga exarata Vill. VIL — Saxifraga Prostiana Ser. VIII. — Saxifraga fastigiala Luizet. IX. — Saxifraga Iratiana Fr. Schultz.

X. — Saxifraga moschata Wulf. XL — Saxifraga Hariotii Luizet et Soulié. ■

XII.—Saxifraga confusa Luizet.

r1, r2, r3, etc..., rosettes stériles axillaires.

a, feuilles supra-basilaires;

6, feuilles basilaires ;

c, feuilles infra-basilaires.

PLANCHE 11

I- Saxifraga pedatifida Smith.

a, Rosettes stériles axillaires, sans leur feuille basilaire.

b, Feuilles basilaires.

c, c', Feuilles infra-basilaires.

d, Feuilles anciennes persistantes. P, Pétales.

II. — Saxifraga hypnoides L.

AB, Haut et bas d'une rosette stérile terminale.

a, Rosette stérile axillaire complète.

a', Rosettes stériles axillaires sans leur feuille basilaire.

b, Feuilles basilaires.

c, c', Feuilles infra-basilaires.

d, d', Feuilles anciennes persistantes. P, Pétales.

PLANCHE 12

I. — Saxifraga pedemontana All.

a, Rosettes stériles axillaires sans leur feuille basilaire.

b, Feuilles basilaires.

c, c', c", Feuilles infra-basilaires.

d, Feuilles anciennes persistantes. P, Pétales

C, Calice.

II. — Saxifraga Camposii Boiss. et Reut.

a, Rosette stérile axillaire sans sa feuille basilaire.

b, Feuille basilaire.

c, c', Feuilles infra-basilaires.

d, d', d", d'", Feuilles anciennes persistantes P, Pétales.


RECHERCHES PHYSIOLOGIQUES SUR LES GALLES

Par M. Marin MOLLIARD

(Suite)

5. Acidité libre

L'acidité libre a été évaluée en traitant un poids connu de substance fraîche par de l'eau distillée au bain-marie à 100°; le liquide était soutiré, puis la matière épuisée à plusieurs reprises on saturait ensuite le liquide total à l'aide d'une solution de potasse normale étendue de 49 fois son volume d'eau et en se servant comme indicateur de la phtaléine du phénol.

En rapportant les nombres de centimètres cubes de la solution de potasse nécessaires pour effectuer la neutralisation à 1 gr. de substance fraîche, on obtient les nombres suivants :

NOMBRE DE CM 3

DE POTASSE 1/50 N.

Feuilles d'Orme 7,2

Galle de Schizoneura lanuginosa 12,8

Galle de Tetraneura Ulmi 10,7

Il y a donc augmentation très sensible de l'acidité libre dans les galles, en la rapportant au poids frais, et l'écart ne ferait naturellement que s'accentuer si on établissait la comparaison entre des poids secs égaux.

J'ai constaté de la même manière que, l'acicité libre d'un gramme de feuille de Chêne fraîche correspondant à 9 cmc. 4 de la solution de potasse 1/50 N, celle de la galle d'Andricus curvator est représentée par 13,4; l'écart est de même ordre que pour les galles de Schizoneura lanuginosa.


286 REVUE GÉNÉRALE DE BOTANIQUE

6. Tannins

Les tannins sont certainement les substances qui ont été le plus souvent étudiées parmi celles qui constituent les galles; l'analyse de tous les travaux qui les concernent serait hors de proportion avec nos propres recherches; on trouvera leur indication dans l'index bibliographique qui termine ce travail ; la plupart correspondent à ceux qui ont déjà été indiqués par Paris et Trotter [68]. Qu'il nous suffise de rappeler ici les deux conclusions essentielles qui se dégagent de ces recherches : les tannins sont plus abondants dans les galles que dans les organes normaux et ils sont de nature différente (Küstenmacher [39]).

Pour doser les tannins dans les feuilles d'Orme et les galles de Schizoneura lanuginosa et de Tetraneura Ulmi, j'ai employé la méthode de Neubauer-Löwenthal, modifiée par Schröder (voir Grandeau [27], p. 201); elle consiste essentiellement à doser les matières oxydables par le permanganate de potassium dans le liquide primitif d'extraction, puis après avoir fait agir sur le liquide de la peau en poudre, qui retient les matières tannantes.

J'ai opéré sur 5 gr. de substance desséchée à 40°, maintenue

pendant 45 minutes dans de l'eau à l'ébullition ; le liquide était

filtré et la matière restée sur le filtre lavée; on mesurait le

volume final du liquide. On préparait d'autre part la solution

suivante :

Carmin d'indigo.. ;... 5 gr.

Acide sulfurique au 1/5 500 gr.

Eau q. s. pr 1 litre.

On agitait fortement jusqu'à dissolution complète et on filtrait; on déterminait ensuite la quantité qu'il fallait verser d'une solution de permanganate de potassium à 1 gr. 66 p. 1.000 pour décolorer 20 centimètres cubes de cette solution ajoutée à 750 centimètres cubes d'eau distillée; puis on répétait la même décoloration après avoir ajouté à un liquide semblable 20 centimètres cubes de liquide d'extraction des matériaux à analyser; la différence entre les deux quantités successives de permanganate


RECHERCHES PHYSIOLOGIQUES SUR LES GALLES

287

de potassium qu'il faut verser pour obtenir la décoloration correspond au caméléon qui a servi à oxyder les substances organiques entraînées des matériaux à comparer.

On traitait ensuite 50 centimètres cubes des liquides d'extraction par 3 gr. de peau en poudre, pendant quelques heures, en agitant de temps en temps, puis on filtrait et on effectuait à nouveau la décoloration de l'indigo par le caméléon; il fallait alors verser moins de ce dernier et la différence correspondait aux matières.fixées par la peau.

Si on exprime les quantités des substances oxydables totales et des substances tannantes en poids de tannin du Chêne (une expérience préalable déterminera facilement le rapport qui existe entre un volume déterminé de la solution de permanganate employée et la quantité de tannin réduit par lui), on arrive aux nombres suivants :

SUBSTANCES OXYDABLES PAR MnO4K CONTENUES DANS LES FEUILLES D'Ulmus campestris ET LES GALLES DE Schizoneura lanuginosa

% DE SUBSTANCE DESSÉCHÉE A 105°

Feuilles d'Orme Galles de Schizoneura lanuginosa

(totales. 4,2 11,3

Substances oxydables tannantes 2,2 9,5

( non tannantes... 2 1,8

Il y a donc 4 fois plus de substances tannantes dans les galles que dans les feuilles saines; les substances oxydables non tannantes sont en quantités analogues au contraire. La galle du Schizoneura lanuginosa, et il en est de même de celle du Teiraneura Ulmi pour laquelle les résultats sont à peu près identiques, ne fait donc pas exception à la règle générale déjà établie.

Lorsqu'on traite les liquides d'extraction par la liqueur de Courtonne, en ayant soin de neutraliser le liquide par la potasse, de manière que la précipitation soit complète, on ne trouve pour ainsi dire plus trace de matières oxydables par le caméléon; on peut donc considérer qu'elles sont toutes précipitées par l'acétate de plomb. Les précipités ainsi obtenus nous montrent d'ail-


288 REVUE GÉNÉRALE DE BOTANIQUE

leurs par leur simple aspect que les substances entraînées ne sont pas identiques dans les feuilles et dans les galles; avec les premières on obtient un précipité jaune serin, avec les galles un précipité gris limoneux.

En déterminant au préalable la quantité de liqueur de Courtonne nécessaire pour obtenir la précipitation totale d'un liquide donné, puis en traitant ce liquide successivement par chacun des tiers de cette quantité de réactif, recueillant chaque précipité et neutralisant le liquide qui a filtré avant de faire agir un nouveau tiers de la solution d'acétate de plomb, on observe avec les liquides provenant des feuilles d'Orme normale un premier précipité jaune sale tirant un peu sur le brun; le liquide primitif qui était légèrement brun est devenu d'un jaune pâle et donne un second précipité jaune de chrome très pur; il en est de même du troisième précipité; le liquide final reste très légèrement coloré en jaune, comme si le précipité plombique jaune était légèrement soluble dans l'eau.

Traité dans les mêmes conditions, le liquide d'extraction des galles donne un premier précipité gris argile; le liquide filtré a une teinte madère foncé et donne un second précipité vert olive pâle; après une nouvelle filtration et neutralisation, le liquide acquiert une teinte saumon et donne également un précipité saumon plus ou moins foncé, se rapprochant un peu de la teinte jaune des deux derniers précipités obtenus avec les feuilles; le liquide filtré est alors tout à fait incolore.

Il est vraisemblable que les précipités colorés sont dus à des substances phénoliques et qu'en particulier les précipités plus colorés obtenus à partir des galles correspondent à des modifications des substances précipitant en jaune pur dans les liquides provenant des feuilles; il se passe ici quelque chose de tout à fait comparable à ce qu'on observe pour les précipités obtenus avec les feuilles vertes et les feuilles de la même espèce rougissant par apparition d'anthocyane (il y a d'ailleurs souvent formation d'un peu d'anthocyane dans les galles de Schizoneura lanuginosa) et je n'insisterai pas davantage sur une question qui est spécialement à l'étude en ce moment.

Les précipités plombiques lavés, puis repris par l'acide sulfurique pour les libérer du plomb, redonnent des liquides colorés


RECHERCHES PHYSIOLOGIQUES SUR LES GALLES 289

de la même manière que les liquides qui les ont fournis; il est facile de constater que le liquide provenant du premier précipité plombique des feuilles donne nettement les réactions de certains tannins : coloration vert olive foncée, pouvant aller jusqu'au noir, avec le perchlorure de fer, épais précipité rouge brun sale avec le bichromate de potassium, coloration vert sale avec la liqueur de Fehling, coloration rouge vif par la potasse et l'ammoniaque, précipité chair avec l'azotate mercureux, trouble avec l'eau de brome; l'acide sulfurique a donc régénéré un tannin dérivé de la pyrocatéchine.

Avec le liquide jaune pâle provenant du traitement par l'acide sulfurique du troisième précipité se rapportant aux feuilles, on n'obtient plus de réaction colorée avec le perchlorure de fer; le bichromate de potassium donne une légère coloration, mais pas de précipité; on n'obtient rien avec la liqueur de Fehling ni avec l'eau de brome; l'azotate mercureux précipite en blanc.

Le tannin qui existe en quantité assez considérable dans le premier précipité n'existe donc plus ou seulement à l'état de traces dans le 3e et le précipité plombique jaune pur ne provient donc pas d'une substance de cette nature.

Si on traite de la même manière les trois précipités plombiques successifs obtenus avec le liquide provenant des galles, on constate au contraire pour les trois les réactions des tannins dérivés de la pyrocatéchine, avec une intensité d'ailleurs décroissante du 1er au 3e; tout se passe comme si la substance précipitant en jaune de chrome par la liqueur de Courtonne se transformait dans les galles en substances tanniques; on serait en présence d'une sorte de protannin, proanthocyane, etc..

Lorsqu'on traite les précipités plombiques totaux par l'acide sulfurique, puis qu'on procède à l'hydrolyse, on obtient des liquides fortement colorés en rouge (teinte que prend la lignine sous l'action de la phloroglucine chlorhydrique) et plus fortement colorés pour les galles que pour les feuilles; refroidis, ils laissent déposer une substance pulvérulente du groupe du phlobaphène, qui caractérise encore les tannins dérivés de la pyrocatéchine; elle n'a pas du reste les mêmes caractères dans les deux cas; finement pulvérulente et d'un beau rouge sombre lorsqu'elle provient des galles, elle est beaucoup plus compacte et plus noire

Rev. gén. de Botanique. — XXV. 19.


290 REVUE GÉNÉRALE DE BOTANIQUE

lorsqu'elle résulte du traitement des feuilles; cette substance est environ 4 fois plus abondante dans les galles que dans les feuilles et se comporte donc à cet égard comme les tannins dosés comme il a été indiqué plus haut.

Ces différents résultats, qu'il y aura lieu de préciser d'une manière spéciale, sont du moins suffisants pour nous montrer qu'au sujet des substances précipitables par l'acétate de plomb il existe encore des différences considérables entre les galles et les feuilles correspondantes et il n'est pas sans intérêt de remarquer que ces différences sont de même ordre que celles qui existent entre les feuilles adultes et les feuilles automnales; nous aurons l'occasion de revenir sur ce point à propos d'autres rapprochements qui s'imposent entre les galles et les feuilles considérées au déclin de leur vie.

L'étude de la localisation des tannins, sur des matériaux traités en entier, suivant les indications de Goris [26], par une solution de bichromate de potassium ou de perchlorure de fer montre que les substances en question sont réparties de manière analogue dans les feuilles saines et dans les galles; elles existent dans les cellules épidermiques et dans les poils, dans le tissu palissadique, et sont particulièrement abondantes autour des faisceaux; on les observe entre le bois et le liber et souvent il existe une zone compacte de cellules tannifères reliant la nervure à l'épiderme supérieur; la différence la plus saillante qu'on puisse observer entre les feuilles d'Orme et la galle du Schizoneura lanuginosa consiste en une accentuation très marquée de la quantité de tannins dans les cellules épidermiques de cette dernière.

7. Substances azotées

Les matériaux destinés à la recherche et au dosage des diverses catégories de substances azotées ont été desséchés à l'étuve à une température d'environ 40°, puis conservés dans des flacons hermétiquement fermés et contenant un tube rempli de chlorure de calcium fondu ou bien dans des matras scellés à la lampe; on déterminait sur un échantillon la perte d'eau subie dans cette dessiccation, puis celle qui survenait par une élévation de la température à 105°; on pouvait ainsi passer du poids de la matière des-


RECHERCHES PHYSIOLOGIQUES SUR LES GALLES 291

séchée à 40° au poids frais et au poids sec correspondants. Les galles de Schizoneura lanuginosa étaient débarrassées de leurs parasites, comme il a été indiqué précédemment.

On déterminait d'abord la quantité totale d'azote organique contenue dans les matériaux à comparer (1 gr. environ de matière sèche) par la méthode de Kjeldahl, en se servant comme adjuvant de l'oxalate de potasse à 30 %, comme l'indique Denigès [17], adjuvant qui évite les opérations accessoires auxquelles on est conduit par l'emploi du mercure; l'ammoniaque formée est distillée en présence de la potasse et recueillie sur une solution d'acide sulfurique au cinquième normale, qui est ensuite exactement neu- . tralisée par une solution de potasse de titre équivalent; chaque centimètre cube de l'excès du volume de la solution acide sur celui de la solution alcaline qu'il a fallu verser pour réaliser cette neutralisation correspond à 2 mgr. 8 d'azote.

On trouve ainsi pour les matériaux qui correspondent à la première analyse des substances sucrées dont nous ayons donné les résultats 3 gr. 061 d'azote organique total pour 100gr.de feuilles d'Orme normales desséchées à 105° et 2gr. 233 pour le même poids de galles de Schizoneura lanuginosa. On sait d'autre part que l'azote à l'état nitrique échappe à la méthode de Kjeldahl; il faudra donc ajouter à ces nombres pour avoir la valeur de l'azote total ceux qui représentent (nous verrons qu'ils sont très petits) la quantité d'azote nitrique évaluée par ailleurs.

Mais ce n'est pas la teneur globale en azote qui présente le plus grand intérêt et il faut se demander si les différentes substances qui contiennent ce corps entrent dans la même proportion dans les galles et dans les organes sains correspondants. A cet effet, j'ai dosé tout d'abord les substances protéiques coagulables par la chaleur; on prenait environ 2 gr. de matière sèche finement pulvérisée et on la mettait en présence de 100 gr. d'eau bouillante, on laissait digérer plusieurs heures, puis on ajoutait 4 centimètres cubes d'acide acétique cristallisable et 0 gr. 50 d'alun et on portait a l'ébullition pendant 15 minutes ; on filtrait ensuite jusqu'à ce que le liquide de lavage de la matière restée sur le filtre ne soit plus acide; on pouvait alors considérer que toutes les substances azotées solubles dans les conditions où on avait opéré étaient entraînées et qu'il ne restait que des substances protéiques dans la


292 REVUE GÉNÉRALE DE BOTANIQUE

matière retenue. Cette dénomination a d'ailleurs ici quelque chose de conventionnel en ce sens qu'elle s'applique à toutes les substances azotées qui restent à l'état insoluble après dessiccation des cellules et traitement par l'acide acétique en présence de tannin contenu dans les organes; on sait par exemple que les peptones sont précipités dans ces conditions.

Il est d'ailleurs des matériaux, et c'est le cas des feuilles normales d'Orme, qui ne permettent qu'une filtration très lente, quelquefois impossible à mener à bien, en raison de la grande quantité de mucilage qu'ils contiennent. Pour ceux-là j'ai remplacé la filtration du liquide d'extraction par une centrifugation énergique, suivie d'une reprise de la masse solide par une nouvelle quantité d'eau bouillante, et cela à plusieurs reprises; on termine alors par une filtration et des lavages qui s'opèrent alors sans difficulté. La matière retenue par le filtre est mise à sécher à l'étuve et on la traite, en même temps que le filtre, par le procédé de Kjeldahl; on a déterminé au préalable la minime quantité d'azote contenue dans les filtres employés (0 mgr. 1 environ) ; on obtient ainsi le taux des matériaux en azote protéique; la différence entre l'azote total et l'azote protéique sera désigné sous le nom d'azote soluble. J'ai ainsi trouvé que pour 100 gr. de feuilles d'Orme saines et séchées à 105° on a 2 gr. 442 d'azote protéique, alors que les galles n'en contiennent que 1 gr. 060. En rapportant ces nombres à 100 d'azote total, et c'est ainsi qu'apparaîtront le mieux les différences portant sur l'importance relative des différentes catégories de substances azotées, cela représente 79,8 d'azote protéique dans le cas des feuilles saines et seulement 47,5 dans celui des galles considérées.

J'ai dosé ensuite à part l'azote des substances protéiques capables d'être digérées par la pepsine; les substances qui échappent à l'action d'une solution chlorhydrique de pepsine à 38° seront désignées, comme on le fait ordinairement, sous le nom, en partie conventionnel, de nucléiques.

Pour évaluer cet azote nucléique, il est nécessaire de faire agir la pepsine sur des matériaux totalement épuisés de leurs substances azotées non protéiques et aussi de leur tannin; à cet effet la substance sèche, très finement pulvérisée, est traitée par de l'eau bouillante acétique et alunée, comme précédemment,


RECHERCHES PHYSIOLOGIQUES SUR LES GALLES 293

puis laissée à digérer un jour ou deux, et centrifugée; la masse solide est lavée à l'eau tiède, puis centrifugée à nouveau, et cela à deux reprises différentes; puis on procède à un nouvel épuise ment de 24 heures par l'eau tiède et on recommence les mêmes opérations. On traite alors par la pepsine commerciale en paillettes à 1 % et de l'acide chlorhydrique à 1 % à 38° pendant 48 heures on centrifuge et on lave à plusieurs eaux tièdes; on laisse ensuite digérer dans de l'eau chlorhydrique à 1 % et on sépare à nouveau au bout d'un jour la substance solide qu'on filtre enfin et lave à l'eau tiède jusqu'à ce que le liquide passant à travers le filtre ne soit plus acide ni ne présente plus de réaction vis-à-vis de l'azotate d'argent.

Si l'épuisement préalable est incomplet, une partie de la pep sine ou des corps azotés qui l'accompagnent se fixe énergiquement sur les matériaux, surtout ceux qui correspondent aux galles, et on s'expose à trouver à l'analyse une quantité d'azote nucléique plus grande que celle de l'azote protéique total, c'est-à-dire manifestement erronée: c'est très vraisemblablement aux tannins qu'il faut rapporter cette fixation d'azote, qui laisse d'ailleurs subsister une certaine incertitude sur les résultats, car l'extraction totale des tannins est chose assez difficile. La matière restée sur le filtre est enfin desséchée et traitée suivant le procédé Kjeldahl.

Pour les matériaux auxquels j'ai jusqu'ici fait allusion, on trouvait de la sorte 1 gr. 445 d'azote nucléique pour 100 gr. de feuilles normales desséchées à 105° et 0 gr. 974 pour les galles, ce qui représente environ 60 d'azote nucléique pour 100 d'azote protéique dans le premier cas, et 92 dans le second; l'azote digestible est donc en très faible proportion dans les galles.

En ce qui concerne les substances azotées autres que les matières protéiques et qui ont été désignées sous le nom de substances solubles, il était intéressant de rechercher successivement l'azote nitrique, l'azote ammoniacal et celui qui correspond aux acides aminés et àmidés.

L'azote nitrique existe en quantité trop faible dans les matériaux étudiés pour que le dosage direct en puisse être facilement effectué; je me suis servi pour apprécier sa valeur de la méthode colorimétrique en faisant agir sur les azotates le réactif sulfo-


294 REVUE GÉNÉRALE DE BOTANIQUE

phénique qui conduit à la formation d'acide picrique. A cet effet, le liquide d'épuisement des matériaux à comparer était déféqué à l'acétate de plomb, puis débarrassé de l'excès de réactif par l'acide sulfurique et évaporé après neutralisation jusqu'à siccité au bain-marie; la substance desséchée était mise en contact dans toutes ses parties avec quelques gouttes du réactif sulfophénique (3 gr. de phénol dans 20 gr. d'acide sulfurique concentré). On constatait, en ajoutant ensuite de l'eau, que le liquide se colorait en jaune plus foncé pour les galles que pour les feuilles saines, à égalité de poids de matières sèches traitées; en comparant au colorimètre ces liquides à celui qui résultait de l'action du réactif sulfophénique sur un volume connu d'une solution titrée d'azotate de potassium, également évaporé à siccité, il était aisé d'apprécier la quantité d'azote nitrique contenu dans les deux cas; elle est d'environ 0,001 pour 100 de feuilles desséchées à 105° et de 0,004 pour 100 de galles prises dans les mêmes conditions.

L'azote correspondant aux combinaisons ammoniacales et aux acides aminés et amidés a été également dosé à partir des liquides d'épuisement des feuilles et des galles déféqués par la liqueur de Courtonne.

Un certain volume de ces liquides, correspondant à un poids connu d'organes, est distillé en présence de magnésie récemment calcinée qui se substitue à l'ammoniaque dans ses combinaisons ; celle-ci est reçue dans un volume connu d'acide sulfurique titré et peut être par suite dosée. On trouve de la sorte que 100 gr. de feuilles sèches contiennent 0 gr. 050 d'azote ammoniacal et que 100 gr. de galles sèches en renferment 0 gr. 077.

Parmi les composés aminés, il en est un dont on reconnaît facilement la présence dans le cas qui nous occupe : c'est l'asparagine; sur les galles de Schizoneura lanuginosa conservées dans de l'alcool absolu, il apparaît au bout d'un certain temps des cristaux assez volumineux qu'il est aisé de rapporter à l'asparagine par leur forme même; ces cristaux ont été recueillis sur les galles elles-mêmes ou sur les parois des flacons contenant 250 gr. de galles adultes pesées à l'état frais et récoltées le 19 juin 1911; ces cristaux ont été repris par l'eau, leur'solution filtrée et il a été procédé à une nouvelle cristallisation par addition d'alcool; il a été ainsi obtenu de l'asparagine purifiée qu'on retenait sur un filtre,


RECHERCHES PHYSIOLOGIQUES SUR LES GALLES 295

lavait à l'alcool fort et séchait; son poids était de 1 gr. 450 pour les 250 gr. de matière fraîche, soit 3 gr. 528 pour 100 gr. de galles desséchées à 105°; cette quantité d'àsparagine correspond à 0 gr. 748 d'azote.

Pour des galles ayant atteint leur volume définitif, mais plus jeunes que les précédentes, j'ai récolté dans les mêmes conditions pour 100 gr. de substance sèche 2 gr. 128 d'àsparagine, contenant 0 gr. 451 d'azote; il est clair que par ce procédé une partie de l'asparagine contenue dans les organes peut échapper et ce n'est là qu'une première indication qui est surtout intéressante au point de vue qualitatif. Sur les feuilles d'Orme, conservées dans les mêmes conditions que les galles, on ne voit pas se former de semblables cristaux, ou ils sont si petits que leur récolte est impossible il est déjà manifeste que le produit en question est beaucoup moins abondant dans les feuilles.

J'ai cherché à doser directement l'asparagine dans les liquides d'épuisement par l'eau des feuilles et des galles en utilisant la décomposition de ce corps en ammoniaque et acide aspartique sous l'action de l'acide chlorhydrique à 1 % à 100°; le liquide déféqué, traité ainsi par l'acide chlorhydrique pendant une heure au bain-marie était ensuite distillé en présence de lessive de potasse et,l'ammoniaque libéré était dosé; en retranchant de la quantité d'ammoniaque ainsi recueillie celle qui correspond aux combinaisons ammoniacales et qui a été évaluée d'autre part, on obtenait une teneur de 0 gr. 065 et de 0 gr: 260 d'azote pour 100 gr. de feuilles et de galles desséchées, ce qui correspond à la moitié de l'azote (celui de la fonction amide) de l'asparagine, soit respectivement 0 gr. 130 et 0 gr. 520 pour tout l'azote de l'asparagine, dont le poids est par conséquent de 0 gr. 613 et 2 gr. 451 ; ce dernier nombre est de même ordre que celui que nous avons obtenu par la récolte directe de cristaux sur les matériaux de la même récolte (2 gr. 128).

En faisant agir de suite la lessive de potasse sur les mêmes liquides, on obtient également un dégagement d'ammoniaque correspondant à la transformation de l'asparagine en acide aspartique et j'ai recueilli de la sorte 0 gr. 055 et 0 gr. 235 d'azote pour 100 gr. de feuilles et de galles sèches, c'est-à-dire des nombres


296 REVUE GÉNÉRALE DE BOTANIQUE

assez voisins des précédents, mais un peu plus faibles, et présentant d'ailleurs un écart de même ordre.

Les 0 gr. 130 et 0 gr. 520 représentant l'azote de l'asparagine ne sont qu'une partie des 0 gr. 619 et 1 gr. 173 d'azote soluble e reste peut provenir d'acides aminés à un seul atome d'azote ou de corps plus complexes. Pour me faire une idée de l'importance relative des acides aminés, j'ai appliqué à des liquides identiques aux précédents le procédé de Soerensen, consistant à évaluer acidité qui se produit par le mélange au liquide exactement neutralisé d'un volume égal d'une solution alcoolique de formol également neutre.

En défalquant de cette valeur, mesurée en centimètres cubes d'une solution de potasse normale étendue 50 fois d'eau, ce qui revient à l'ammoniaque contenue dans le liquide, on trouve ains en supposant que l'ensemble des acides aminés soit représenté exclusivement par de l'asparagine, une teneur d'azote correspon dant à cette dernière substance de 0 gr. 290 et 0 gr. 750; ce sont là des nombres beaucoup plus élevés que ceux qui ont été fournis par le dosage spécifique de l'asparagine et ils nous indiquent qu'en outre de cette substance il existe des corps capables de donner la réaction de Soerensen et qu'on peut rapporter aux acides aminés les plus simples.

Des dosages de la quantité totale d'azote contenue dans les liquides déféqués qui nous ont servi aux analyses précédentes nous montrent d'ailleurs que, si cette quantité est sensiblement plus considérable que celle qui correspond à l'azote de l'ammoniaque et de l'asparagine, elle est par contre plus faible que celle qui a et': évaluée par différence entre l'azote total et l'azote protéique; une partie des substances azotées solubles sont donc précipitées par la solution d'acétate de plomb.

L'ensemble des résultats que nous venons d'obtenir relativement à la nature et à la quantité des substances azotées contenues dans les deux sortes de matériaux à comparer peut être représenté par le tableau suivant :


RECHERCHES PHYSIOLOGIQUES SUR LES GALLES

297

DIFFÉRENTES FORMES D'AZOTE CONTENUES DANS LES FEUILLES D'Ulmus càmpestris ET LES GALLES DE Schizoneura lanuginosa

% DE SUBSTANCE % DE SUBSTANCE % D'AZOTE

FRAICHE SÈCHE TOTAL

Feuilles Galles Feuilles Galles Feuilles Galles

Azote total 1,027 0,452 3,062 2,237 100 100

Azote ( digestible ..... 0,334 0,018 0,997 0,090 32,5 3,8

protéique ( nucléique. (0,486 0,196 l,445 0,970 47,3 43,6

nitrique ...... 0,0003 0,0001 0,001 0,004 0,3 2

Azote ammoniacal .. 0,013 0,015 0,050 0,050 0,077 1,6 3,4

soluble asparagine ... |0,043 0,105 0,130 0,520 4,2 23,2

autres formes.. 0,1507 0,117 0,439 0,576 14,1 24

Il y a donc beaucoup moins d'azote total dans les galles que dans les feuilles, lorsqu'on considère des poids égaux de matériaux frais, il en existe encore moins pour des quantités égales de matière sèche, mais les nombres deviennent alors beaucoup plus voisins; comme pour lés sucres c'est surtout dans ces dernières conditions qu'il est intéressant de comparer les nombres obtenus et plus encore ceux qui sont donnés en ramenant les quantités d'azote à 100 d'azote total; on a alors clairement exprimées les proportions, très différentes lorsqu'on passe de la feuille à là galle, des diverses catégories de substances azotées. Les conclusions les plus importantes peuvent se formuler ainsi :

1° L'azote protéique est en quantité beaucoup plus faible dans

les galles.

2° L'azote digestible diminue beaucoup quand on passe des feuilles aux galles; il représente pour les premières environ les 40/100 de l'azote protéique et seulement les 8/100 pour les galles; ou bien les substances digestibles ont été digérées dans les galles et se retrouvent sous des formes plus simples, ou bien elles ne se sont pas constituées à partir de celles-ci. .

3° Les galles contiennent plus d'azote nitrique et ammoniacal; cela correspond vraisemblablement, surtout en ce qui concerne le premier cas, à ce que les substances amenées par la sève brute


298

REVUE GENERALE DE BOTANIQUE

sont moins abondamment utilisées à la formation des substances protéiques.

4° L'asparagine est 4 fois plus abondante dans les galles que dans les feuilles.

5° Par contre, les substances azotées solubles représentant des formes plus complexes que les acides aminés et se rapprochant vraisemblablement des substances protéiques digestibles sont à peu près aussi abondantes dans les deux cas.

Ces résultats, joints à ceux que nous avons obtenus pour leS sucres, correspondent à une augmentation des substances de structure relativement simple et tous concordent à faire admettre ou bien une digestion de substances complexes existant primitivement ou bien une synthèse plus faible dans les galles des matériaux de migration.

Mes premières recherches relatives à la composition azotée des galles avaient porté sur les cécidies du Livia Juncorum sur le Juncus lamprocarpus et du Phyllocoptes Convolvuli Nal. sur le Convolvulus arvensis L. ; dans le premier cas les feuilles attaquées étaient complètement débarrassées des parasites à l'aide d'un pinceau, dans le second cas il restait forcément dans les galles analysées quelques Acariens, dont le poids sec est à la vérité très faible vis-à-vis de celui des organes attaqués, mais qui laissent cependant une certaine incertitude sur les résultats obtenus; je les rappelle cependant ici, car ils cadrent dans les deux cas avec ceux que nous avons obtenus pour la galle du Schizoneura lanuginosa.

CÉCIDIE DU Livia Juncorum

% DE SUBSTANCE SÈCHE % D'AZOTE TOTAL

Feuilles Feuilles Feuilles Feuilles

normales attaquées normales attaquées

Azote total 1,885 2,157 100 100

Azote nucléique ( 1.036 1 54,9 46,3

protéique digestible 0,250 13,3 0

Azote ammoniacal 0,046 , 0,175 2,4 8,1

soluble autres formes 0,553 0,982 29,4 45,6


RECHERCHES PHYSIOLOGIQUES SUR LES GALLES

299

CÉCIDIÈ DU Phyllocoptes Convolvuli

% DE SUBSTANCE SÈCHE % D'AZOTE TOTAL

Feuilles Feuilles Feuilles Feuilles

normales attaquées normales attaquées

Azote total 2,521 3,400 100 100

Azote nucléique 0,725 0,592 28,7 17,4

protéique digestible 1,461. 1,035 58 30,4

ammoniacal 0 0,624 0 18,3

Azote 0,624 0

soluble autres formes .... 0,335 1,149 13,3 33,9

En outre des conclusions que nous avons tirées des résultats numériques relatifs à la galle du Schizoneura lanuginosa et qui subsistent ici, nous voyons qu'il existe ici une plus grande quantité d'azote total dans les deux nouvelles cécidies que dans les feuilles normales; il n'y a d'ailleurs à ce sujet aucune règle générale, ainsi que me l'ont montré des analyses faites sur un assez grand nombre de galles variées et les organes sains sur lesquels elles se développent; je me suis contenté, pour ces matériaux, de déterminer l'azote total et l'azote protéique et j'ai ainsi obtenu les nombres suivants :

AZOTE TOTAL ET AZOTE SOLUBLE CONTENUS DANS DIVERSES GALLES ET LES ORGANES SAINS CORRESPONDANTS

% DE SUBSTANCE AZOTE SÈCHE SOLUBLE % D'AZOTE

Az. total Az. soluble TOTAL

Galle de Tetraneura Ulmi Feuil. saines . 4,3 0,8 19

sur Ulmus montana var. F. épaissies .. 3,2 0,8 24

pendula Galles .. 5,3 2,7 50

Galle de l'OEcocecis Guyo- FeuilIes .... 1,7 0,4 22

nella sur Limoniastrum „

Guyonianum Galles 1,7 0,7 38

Galle de Pemphigus cor- Feuilles 2,4 0, 7 30

nicularius sur Pistacia Feuilles 44 0,7 30

Terebinthus Galles 1,5 0,7 44

Galle de Pontania proxi- Feuilles 2,8 0,2 7

ma sur Salix alba Galles 1,6 0,2 13

Gallede Rhodites spino- Feuilles 1,6 0,3

sissimae sur Rosa spinosissima

spinosissima 0,6 0,2 26

Galle d'Hormomyia Fagi Feuilles 2,1 0,1 5

sur Fagus silvatica Galles 0,4 0,18 44

Galle d'Isosoma hyali- Feuilles .... 1 0,13 13

penne sur Psamma arenaria

arenaria 1,6 0,72 45

Galle de Pediaspis Ace- Feuil. saines. 3,2 1,1 34

ris sur Acer pseudoplatanus

pseudoplatanus 1,8 0,8 44

Galle de l'Eriophyes Galii Feuil. saines 2,7 0,25 9

sur Galium Mollugo F. attaquées 2,7 0,42 15


300

REVUE GÉNÉRALE DE BOTANIQUE

Toutes les galles, sauf la dernière, ont été soigneusement débarrassées des parasites. On voit qu'il existe toujours une augmentation notable de taux de l'azote soluble par rapport à l'azote total, que celui-ci soit plus abondant ou moins abondant d'une manière absolue dans les cécidies que dans les organes homologues sains. Pour la galle du Tetraneura Ulmi, j'ai pu observer la même formation de cristaux d'asparagine que dans le cas du Schizoneura lanuginosa, sur des matériaux conservés dans l'alcool absolu.

Dans ses recherches relatives à la Vigne américaine présentant des galles foliaires de Phylloxera, Pantanelli [66] a dosé l'azote organique total et l'azote protéique contenus dans les organes sains et des organes attaqués; je transcris ici plusieurs de ses chiffres rapportés à 100 de substance sèche et pour que la comparaison avec mes propres résultats soit plus facile, je les rapporte en même temps à 100 d'azote total :

% DE SUBSTANCE SÈCHE AZOTE SPLUBLE % D'AZOTE TOTAL 1

Az. totale Az. soluble

Feuilles normales. 2,448 0,620 25,3

JRiparia X Rupestris

Feuilles gallifères. 4,023 1,869 46,4

Feuilles normales. 3,059 0,841 27,4

Rupestris X metallica

Feuilles gallifères. 4,214 1,915 45,4

Pantanelli a obtenu des résultats analogues avec les feuilles de Vigne attaquées par un Thrips [67]; dans les deux cas l'azote total est plus abondant et, comme dans tous les exemples que nous avons considérés, le taux de l'azote soluble plus élevé dans les feuilles gallifères que dans les feuilles saines.

G. Paris et A. Trotter ont d'autre part [68] vérifié les premiers résultats que j'avais obtenus touchant la composition azotée des galles et des organes homologues sains; leurs recherches ont porte sur la galle du Neuroterus baccarum et leurs résultats sont consignés dans le tableau qui suit :


RECHERCHES PHYSIOLOGIQUES SUR LES EGALLES

301

GALLE DUNéurotérus baccarum

% DE SUBSTANCE SÈCHE % D'AZOTE TOTAL

Feuilles Feuilles Feuilles Feuilles

Galles Galles

normales galliferes normales gallifères

Azote total 2,73 2,73 2,94 100 100 100

Azote protéique... 2,45 2,52 1,26 89,7 92,3 42,9

Azote amidé 0,2l 0,21 1,33 7,7 7,7 45,2

Azoteammoniacal ..... 0,05. 0 : 0,30 1,8 0 . 10,2

Azote nucléique... ... ... . .1,93 2,10 1,15 70,7 76,9 39,1

Az. protéique digestible . 0,52 0,42 0,11 19,0 15,4 3,8

Ces nombres concordent parfaitement avec tous ceux que nous avons rapportés plus haut et confirment très heureusement les conclusions que nous avons été amenés à énoncer. Si Paris et Trotter sont d'accord avec moi sur les faits, et cela seul importe, ils n'acceptent pas l'hypothèse que j'ai précédemment émise [59] pour expliquer l'abondance dans les galles de substances sucrées ou azotées relativement simples; elle consistait à admettre introduction dans les cellules attaquées par les parasites d'une substance agissant en particulier par des diastases digestives; Paris et Trotter considèrent avec Pantanelli que nous sommes en présence d'organes ou affluent lés substances Ordinaires migratrices, c'est-àdire de structure simplifiée; et où elles s'accumulent par suite d'un affaiblissement des processus de synthèse; en un mot, les galles seraient des complexes cellulaires gardant des caractères d'organes jeunes ; nous reviendrons sur ces deux manières d'envisager les faits; disons seulement pour l'instant que l'explication de Paris et Trotter, qui a pour elle le mérite de la simplicité, a le tort de n'être pas suggestive; il reste en effet à se démander pourquoi les organes parasités gardent ainsi des caractères de jeunesse et le point d'interrogation qui se pose à nous subsiste entier.

8. Échanges gazeux

Tout ce qui précède nous a montré pour les galles une composition chimique très, différente de celle des organes homologues normaux;


302 REVUE GÉNÉRALE DE BOTANIQUE

les réactions qui s'établissent entre ces complexes de substances différentes doivent être modifiées elles aussi et, pour le reconnaître, nous allons nous adresser à celles qu'il nous est facile de suivre dans leur nature qualitative et quantitative, celles qui se traduisent par des échanges gazeux avec l'air extérieur. J'ai effectué un certain nombre d'analyses d'atmosphères modifiées par des galles ou des feuilles normales correspondantes, soit à l'obscurité (respiration) soit à la lumière (résultante de la respiration et de l'assimilation chlorophyllienne).

RESPIRATION. — Des portions d'organes, pesées à l'état frais, ont été mises à respirer dans des tubes renversés sur du mercure et contenant 30 centimètres cubes d'air, normal au début, et maintenus à l'obscurité. Après l'analyse les tissus qui ont servi aux expériences ont été desséchés à 105° et pesés une fois complètement secs. On peut ainsi rapporter à l'unité de poids sec et à celle du temps les quantités de gaz carbonique dégagé par les galles et les organes sains

CO 2 homologues, et d'autre part les valeurs du quotient respiratoire 0

En comparant le phénomène respiratoire de la feuille d'Orme et de la galle du Schizoneura lanuginosa (récoltées le 26 juin), j'ai

CO 2

constaté une égalité absolue du quotient respiratoire = 0,94) ;

par heure un gramme de poids frais dégageait 0 cmc. 400 de CO 2 dans le cas des feuilles et 0 cmc. 234 dans celui de la galle, nombres qui, rapportés à un gramme de poids sec, deviennent respectivement 1 cmc. 27 et 1 cmc. 11, c'est-à-dire sensiblement égaux; dans ce cas, le phénomène respiratoire s'est donc montré comme identique dans les deux cas, soit au point de vue de l'intensité, soit à celui de la nature.

Des matériaux du 18 mai, corespondant à de petites galles (il va sans dire que celles-ci sont toujours débarrassées de leurs parasites), m'ont donné comme valeurs du quotient respiratoire 0,95 pour les feuilles, c'est-à-dire un nombre de même ordre que le précédent, et seulement 0,73 pour les galles. Par gramme de poids sec et par heure il était dégagé dans les deux cas 1 cmc. 37 et 1 cmc. 67 de gaz carbonique; la respiration est donc cette fois plus intense pour la galle que pour la feuille et d'autre part l'abaissement du quotient respi-


RECHERCHES PHYSIOLOGIQUES SUR LES GALLES 303

ratoire montre qu'il y a relativement plus d'oxygène fixé dans la galle que dans la feuille.

Toutes ces expériences ont été faites, d'une manière rigoureusement parallèle et simultanée, par la méthode jusqu'ici ordinairement employée de l'atmosphère confinée, et sans qu'il ait été tenu compte du phénomène de dissolution des gaz de l'atmosphère dans le suc cellulaire des organes. Maquenne et Demoussy [54] ont attiré récemment l'attention sur la valeur de l'erreur qui peut provenir de ce fait; mais ici il s'agit d'expériences ayant une valeur comparative et de plus les organes ne pesaient au plus que 0 gr. 511 à l'état frais, l'atmosphère modifiée avait un volume de 30 centimètres cubes, c'est-à-dire considérable par rapport à la quantité d'eau contenue dans les cellules en expérience, et enfin la durée de l'expérience était telle que la quantité de gaz carbonique dégagé ne représentait à la fin de l'expérience qu'au plus 5 % de l'atmosphère totale. Il est facile de se rendre compte par le calcul que, même en admettant une sursaturation appréciable du gaz carbonique dans les tissus, l'erreur absolue n'est pas considérable; mais surtout, encore une fois, elle se trouve être très sensiblement la même dans les deux cas.

Les galles du Tetraneura Ulmi m'ont fourni des résultats de

même ordre que les précédents; la respiration présente également

CO 2 des caractères identiques pour la feuille et la galle adulte : - = 0,91

dans les deux cas, et il s'est dégagé 1 cmc. 21 par heure et gramme de substance sèche (au lieu de 1 cmc, 32 pour les feuilles). A l'état jeune les galles offrent comme les précédentes un quotient respiratoire sensiblement moins élevé (0,78) que celui de la feuille (0,89) et une intensité plus grande.

Des feuilles de Chêne et de jeunes cécidies de Dryophanta folii m'ont donné respectivement pour le quotient respiratoire 0,99 et 0,56 et des intensités identiques (1 cmc. 44 de CO 2 par heure et gramme de substance sèche); ici encore il y a donc fixation d'oxygène plus abondante dans les galles que dans les feuilles normales.

ECHANGES GAZEUX A LA LUMIÈRE. — Des expériences semblables aux précédentes ont été faites à la lumière, à partir d'une atmosphère chargée de 8 % environ de gaz carbonique pur; on constate d'abord aisément que l'intensité lumineuse minima nécessaire à la prépondérance de l'assimilation chlorophyllienne sur la respiration est


304 REVUE GÉNÉRALE DE BOTANIQUE

beaucoup plus forte pour les galles que pour les feuilles. C'est ainsi qu'à une lumière diffuse faible j'ai obtenu pour la feuille d'Orme une absorption de 22,1 cmc. de gaz carbonique par heure et gramme de substance sèche, alors que pour la galle du Schizoneura lanuginosa on observait un dégagement de gaz carbonique égal à 0 cmc. 76 par heure et gramme de substance sèche; c'est donc encore le phénomène respiratoire qui imprime son sens aux échanges gazeux totaux, ce qui cadre avec la faible quantité de chlorophylle contenue dans la galle.

Alors que la même galle, mise à respirer à l'obscurité, avait donné Un quotient respiratoire égal à 0,89 (celui de la feuille était de 0,93), on obtenait à la lumière diffuse de l'expérience précédente un quotient égal à 0,81, sensiblement plus faible par conséquent qu'à l'obscurité, ce qui correspond à une augmentation dans la fixation de l'oxygène par la galle sous l'influence de la lumière; il est permis de se demander si cette fixation n'augmente pas par le fait de l'oxygène ionisé dégagé par la fonction chlorophyllienne.

A la lumière directe, des galles du Schizoneura lanuginosa ont présenté une assimilation chlorophyllienne l'emportant légèrement sur la respiration : 1 cmc. 2 de gaz carbonique a été décomposé en

une heure par un gramme de poids sec; le quotient résultant CO2

était alors de 0,86 pour la feuille et de 0,65 pour la galle; par conséquent il existe encore ici une fixation plus grande d'oxygène dans le cas de la galle que dans celui de la feuille saine.

D'autres expériences m'ont du reste conduit pour le rapport

CO2 présenté par les galles de Schizoneura lanuginosa à des nombres encore beaucoup plus petits que le précédent et pouvant s'abaisser jusqu'à 0,2.

Avec les galles de Testraneura Ulmi adultes exposées à la lumière directe, j'ai obtenu une décomposition de 2 cmc.72 par heure-gramme poids sec, alors que la feuille en décomposait 10 cmc. 52 et, ici aussi, les rapports des gaz échangés amènent à admettre une fixation d'oxygène plus intense dans la cécidie (0,50 au lieu de 0,91).

A propos de la cécidie du Tetraneura, s'est présentée à moi l'objection d'une action possible de la section pratiquée sur la galle pour la débarrasser des Pucerons; il serait possible que la fixation


RECHERCHES PHYSIOLOGIQUES SUR LES GALLES 305

relativement grande d'oxygène fût due à ces sections qui sont souvent plus abondantes pour la galle que pour la feuille; j'ai fait, pour reconnaître la valeur de cette intervention possible des cellules mises à nu, une série d'expériences de respiration et d'assimilation de feuilles d'Orme entières, coupées en une dizaine de morceaux ou en un très grand nombre; les rapports des échanges gazeux ont subi une légère modification; c'est ainsi qu'à la lumière ils ont passé de 0,92 à 0,90 et 0,87; mais jamais ils n'ont présenté les différences qui existent à cet égard entre lés feuilles et les galles, malgré le quasi hachage du troisième lot. Il en a été de même pour les expériences semblables portant sur les galles.

D'autres galles m'ont donné à la lumière des échanges gazeux assez particuliers ; avec les cécidies de Perrisia litiamtorquens et de Myzus Cratoegi, le gaz carbonique ne subit pas de modification et on observe une absorption très appréciable d'oxygène; les cécidies de Trigonaspis megaptera n'ont jamais donné à la lumière que des

CO 2

échanges gazeux respiratoires avec un rapport - = 0,30.très

faible, correspondant par conséquent, à une grande fixation d'oxygène. Enfin à une lumière diffuse faible des galles de Myzus Cratoegi ont offert un dégagement simultané de gaz carbonique et d'oxygène. Ces faits sont de même ordre que ceux qui ont été signalés par Combes [13b] dans ses recherches sur les échanges gazeux des feuilles considérées au moment où elles forment de l'anthocyane et les dernières galles que je signale sont d'ailleurs très riches en produits de cette nature; ces substances font vraisemblablement partie de l'ensemble de celles qui apparaissent dans les galles à la suite de phénomènes d'oxydation.

9. Diastases oxydantes

Les résultats fournis par l'analyse des échanges gazeux m'ont engagé à rechercher si la fixation d'oxygène observée dans les galles ne serait pas due à la présence de diastases oxydantes. A cet effet, j'ai broyé les galles sur lesquelles ont porté les recherches en présence d'un peu de sable fin et pur et d'eau distillée; la bouillie obtenue était jetée sur un filtre et lavée à plusieurs reprises; on obtenait ainsi en dissolution, dans un volume connu d'eau, les diastases conteRev.

conteRev. de Botanique. — XXV. 20.


306 REVUE GÉNÉRALE DE BOTANIQUE

nues dans un poids déterminé de galle; on procédait exactement au même traitement pour les organes normaux servant de témoins.

On constate de la sorte que les galles de Schizoneura lanuginosa encore jeunes, n'ayant pas atteint leur complet développement, donnent un liquide bleuissant énergiqûement en présence de la teinture de gaïac, alors que le liquide provenant des feuilles d'Orme de même âge ne donne aucune réaction ; lorsque la galle est plus âgée, qu'elle renferme par exemple de nombreux pucerons issus de la femelle cécidogène, la réaction diminue puis disparaît.

Il en est de même avec les galles du Tetraneura Ulmi; pour ces dernières, j'ai pu réaliser aussi les réactions caractéristiques des oxydases à l'aide de glycérine où avaient macéré pendant plusieurs mois des galles débarrassées de leurs parasites; alors que la glycérine avec laquelle on avait traité des feuilles d'Orme ne donnait rien en présence de la teinture de gaïac, de l'hydroquinone, ni de la tyrosine, on obtenait avec la glycérine dans laquelle avaient été conservées des galles une réaction instantanée très intense avec la teinture de gaïac; une solution d'hydroquinone prenait une légère coloration rosée au bout de quelques heures et une solution de tyrosine une coloration brunâtre; il existerait donc dans les galles du Tetraneura Ulmi de la laccase et un peu de tyrosinase.

La teinture de gaïac bleuit également avec les liquides de trituration de la galle de Biorhiza pallida et de VAndricus curvator alors qu'elle n'est pas modifiée par ceux qui proviennent des feuilles normales de Chêne.

Faisons d'autre part observer que la coloration bleue de la teinture de gaïac est très intense avec les feuilles d'Orme comme avec les galles de Schizoneura lanuginosa et de Tetraneura Ulmi, âgées ou jeunes, lorsqu'on ajoute aux liquides de trituration de l'eau oxygénée; il existe donc une peroxydiastase dans les deux sortes de tissus et c'est le peroxyde entrant en jeu lors de l'oxydation diastasique qui ferait donc défaut dans les feuilles normales alors qu'il existerait dans les galles.

La présence d'oxydases dans les cécidies du Schizoneura lanuginosa, jointe à la coloration vert-bleu des cendres de celles-ci, m'avait donné à penser, en raison des résultats obtenus par G. Bertrand [3b] dans l'étude de la laccase, qu'il y avait vraisemblablement beaucoup plus de manganèse dans les galles en question que dans


RECHERCHES PHYSIOLOGIQUES SUR LES GALLES 307

les feuilles d'Orme; nous avons vu que c'est le contraire qui arrive. La fixation relativement grande d'oxygène par les galles nous est donc indiquée par des données concordantes et obtenues d'une manière entièrement indépendante les unes des autres : l'analyse élémentaire nous montre que la substance organique des galles contient plus d'oxygène et moins d'hydrogène que celle des organes normaux correspondants; on trouve plus d'acides libres dans les galles; il y a plus d'oxygène fixée par les galles aux dépens de l'air et enfin ces productions sont plus riches en diastases oxydantes; enfin, on sait que la production dans les organes de substances du groupe de l'anthocyane est en relation avec une fixation d'oxygène et de telles substances apparaissent très communément dans les galles. (A suivre).


ÉTUDE SUR LES SPERGULARIA

Par M. l'abbé F. HY

II. — Espèces macrorhizes

Nous abordons le genre par ses types les plus élevés, où d'une part la perfection de la fleur est assurée par la présence constante de deux verticilles staminaux, et où, d'autre part, l'appareil végétatif montre des différenciations variées en vue de procurer la longévité de la plante. Ces derniers caractères d'adaptation sont même si saillants, qu'on doit les préférer à tout autre pour établir les divisions de second ordre.

Dans les espèces vulgaires, et longtemps seules connues, les tiges aériennes, herbacées et filiformes périssent après avoir formé leurs graines à la fin de chaque période végétative. Lorsque la souche est vivace, elle conserve sous forme de cicatrices ou de rameaux écourtés la trace de ces branches disparues des années précédentes. L'ensemble constitue alors une sorte de rhizome couvert de troncatures et de radicelles latérales où il est difficile, sans le secours de l'anatomie, de déterminer ce qui dépend de la racine et de la tige. Le nom de macrorhize ne préjuge rien à cet égard : il n'a été conservé ici que par souvenir du terme employé par Requien pour désigner la première espèce où ce mode de végétation fut très net, l'ancien Arenaria macrorhiza de la flore de Corse.

Dans un cas particulier, le rhizome se condense en une sorte de tubercule plus épais que long, fixé aux creux de rochers par les racines qui garnissent sa base, et émettant à sa partie supérieure une touffe de ramuscules florifères. La seule Spergulaire tubéreuse connue actuellement a été rapportée du Maroc par M. le docteur Pitard à qui j'ai eu le plaisir de la dédier en reconnaissance de l'aimable communication de ses récoltes.

Parfois les organes aériens possèdent une lignification si prononcée, qu'elle leur permet de résister plusieurs années aux intempéries de l'hiver, non plus sous forme de rhizomes mutilés ou de


ÉTUDE SUR LES SPERGULARIA 309

tubercules raccourcis, mais de petits buissons, très régulièrement ramifiés. Leurs-branches courtes et grêles ne permettent pas de les appeler proprement frutescentes, mais elles ressemblent néanmoins aux grands arbres en ce qu'elles ne perdent chaque année que des portions insignifiantes de leurs corps vers les extrémités. .Cette condition ne peut se réaliser évidemment que sous les climats très doux : nous en avons vu plusieurs exemples remarquables dans 1'herbier Foucaud envoyés du Chili par Philippi.

Ainsi peut-en déjà distinguer deux séries parmi les Spergulaires macrorhizes, les Sp. tuberosae pour celles dont la souche est tubériforme, comme S. Pitardiana, les Sp. Suffruticulosae dont les rameaux aériens forment une miniature d'arbrisseaux, plus nains encore que nos Bruyères, quoique de consistance analogue.

Il est probable qu'on découvrira ultérieurement de nouveaux représentants de ces deux séries, surtout de la seconde dans son pays d'origine, où les Spergulaires paraissent variées, comme toutes celles du Nouveau-Monde, mais malheureusement fort peu répandues encore dans les herbiers. Qu'il suffise d'ajouter ici que l'espèce Chilienne Luticuleuse dédiée à Philippi par Foucaud justifie amplement, sa séparation par tout un ensemble d'importants caractères, tels que la cyme dense, contractée et pauciflore, les stipules larges et multifimbriées, les rameaux densément tomenteux. Les styles m'ont paru connés à la base, ce qui accentuerait encore son excentricité, on la rattachant au groupe Gamostylon de Pomel, et ajouterait une preuve du peu d'homogénéité de cette section.

Les Spergulaires proprement macrorhizes, dont il nous reste à parler, méritent une attention particulière et une analyse plus détaillée, en raison des difficultés spéciales que présente leur classification. Nous les rangerons en trois séries d'après la structure des graines, aptères chez les rupicotae, bordées chez les marginatae, enfin chez les fimbriatae avec une marge nettement incisée sur le pourtour.

Sp. fimbrialae. — La présence d'une aile séminale découpée aux bords est au premier coup d'oeil si caractéristique qu'en aucun cas on puisse, il semble, être embarrassé pour reconnaître une plante de ce groupe. Toutefois, il faut se défier des apparences. D'abord l'observation de nombreuses graines permet de constater que la marge membraneuse est incisée à des profondeurs très variables. Mais surtout, on doit se garder de ranger ici certaines formes, de


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Spergulaires qui, bien que possédant des graines frangées, appartiennent néanmoins à la division des Microrhizes. En 1904, faisant connaître une espèce nouvelle, Sp. advena, dans le Bulletin de la Société botanique de France, séance du 12 juillet, je ne manquai pas de signaler une ressemblance frappante entre plusieurs de ses graines et celles des Spergulaires fimbriées, notant toutefois une différence appréciable dans les franges plus aiguës et moins profondes. En réalité, il n'existe aucune affinité véritable entre ces plantes : Mon Sp. advena par les traits principaux de son organisation se rapporte à la série des Sp. caninoe que nous retrouverons plus loin dans notre dernière partie, avec toutes les espèces possédant une racine grêle et un androcée amoindri.

On a décrit d'assez nombreuses espèces dans cette série des fimbriatae même ramenée à ses limites naturelles. La plus ancienne en date a été trouvée parmi les exsiccatas de Salzmann, sous le nom caractéristique d'Arenaria fimbriata, placée plus tard au rang des Spergularia par Boissier dans ses Diagnoses plantarum orientalium, III, p. 94. C'est la même très probablement que Lebel, en étudiant les récoltes de Bourgeau, nomma Sp. Canariensis, spécifiant qu'elle est hétérosperme, pour la distinguer d'une autre à graines toutes ailées qu'il appella Sp. Bourgsei. Mais' en fait, toutes ces formes doivent être regardées comme de simples variétés d'un même type, établies sur un caractère éminemment instable. John Ball fait remarquer qu'au Maroc l'espèce en question possède des graines en majorité aptères, et que dans là variété nommée par lui condensata, on n'en trouve plus qu'un très petit nombre accidentellement marginées.

Enfin la communication par M. le docteur Pitard de ses récoltes d'Afrique et des Canaries m'a pleinement confirmé dans l'opinion que toutes les Spergulaires fimbriées doivent se rattacher à un type unique. A la vérité une plante rapportée par ce dernier explorateur comme var. pedicellaris du Sp. marginata semble, au premier abord, devoir être distinguée spécifiquement. Par son aile séminale nettement frangée jusqu'au tiers elle se rapproche plutôt du Sp. fimbriala. Et comme le nom de pedicellaris n'est plus disponible, on pourrait l'appeler platysperma pour sa graine dont la largeur atteint 1 millimètre. Mais l'intérêt principal tient à ce qu'elle ménage une transition évidente vers diverses espèces


ÉTUDE SUR LES SPERGULARIA 311

algériennes, dont l'aile se montre encore plus superficiellement incisée : le Sp. Munbyana Pomel, des prairies salées d'Oran, à fleurs roses médiocres, et le Sp. Battandieri Foucaud des Hauts-plateaux Sahariens pourvu de fleurs mauves. Et par une altération progressive dans le même sens, plusieurs échantillons distribués par l'abbé Chevallier montrent une ressemblance de plus en plus frappante avec les Spergularia de la série suivante des Marginatae. Foucaud n'avait vu dans ces numéros 554, 555 et 556 des Plantae Saharie Algeriensis que des représentants plus ou moins altérés de son Sp. Battandieri. Mais M. Battandier, frappé des différences notables présentées surtout par le n° 556 d'Ouargla, ne serait pas éloigné de lui attribuer une origine hybride; Si cette hypothèse semble contredite par la fertilité parfaite des échantillons distribués, il ne ressort pas moins une extrême difficulté pour reconnaître ici des types tranchés et même pour fixer la limite qui les sépare des Spergulaires où la marge séminale est entière ou sinuolée. Pour l'instant, considérant que dans les Sp. Munbyana et Battandieri la capsule mûre est subincluse dans le calice, on pourrait réunir sous le nom de Sp. Chevallieri les échantillons Sahariens où elle est nettement exserte. Type provisoire, oscillant entre les Sp. Bailandieri et marginata, dont l'étude reprise sur le vif peut seule assurer la place définitive. Il faudrait spécialement observer la nuance des pétales, pour juger à laquelle des deux espèces affines il doit être rattaché, ou si plutôt il convient de le maintenir à part. Les souvenirs de M. Chevallier que j'ai consulté sur ce point ne sont pas assez précis, et d'un autre côté des spécimens d'herbier ne peuvent éclairer sûrement à cet égard. Quant au vrai Spergularia fimbriata, on le reconnaît assez aisément au milieu de toutes les autres formes de sa série à ses graines noires pourvues de franges toujours assez profondes et dépassant le tiers de l'aile. Chez les plantes stériles ellesmêmes, la dimension exagérée des stipules atteignant jusqu'à 8 millimètres de longueur, suffirait à le distinguer de toutes les autres Spergulaires macrorhizes dans la région chaude et subtropicale en dehors de laquelle on ne l'a pas signalé jusqu'à ce jour. Or cette particularité des organes végétatifs n'est pas à négliger puisque, nous l'avons vu plus haut, la proportion des graines ailées dans les variations hétérospermes peut diminuer jusqu'à devenir nulle. D'autre part, si les Spergulaires rupestres constituant la dernière


312 REVUE GÉNÉRALE DE BOTANIQUE

série sont typiquement toutes aptères, on en a observé parfois quelques-unes possédant un court rudiment d'aile. De là résulte qu'un caractère auxiliaire est précieux pour fixer la limite entre les deux groupes voisins dont plusieurs représentants demeureraient inextricables sans lui.

Sp. marginatae. — La deuxième série des Spergulaires macrorhizes a pour type très connu l'Arenaria marginala DC, ainsi nommé pour ses graines toutes bordées d'une aile entière ou très légèrement denticulée, et correspondant au Sp. média de Persoon. Les autres formes qui s'y rattachent ne sont sans doute que de simples variétés de la première.

En effet, la plus aberrante de toutes par ses tiges grêles étalées en cercle est considérée comme telle par les auteurs de Prodromus florae hispanicae qui la décrivent sous le nom de var. filiformis. Clavaud, de son côté, dans la Flore de la Gironde, a aussi ramené au rang de variété angustata le Sp. pachyrhiza de Desmoulins qui ne diffère du type que par l'aile séminale plus étroite et roussâtre, les fleurs médiocres et la capsule incluse. Foucaud a remarqué à l'appui de cette opinion que la dégradation des caractères semble en relation avec l'habitat plus rapproché de la mer. Une variation de Sp. marginala distribuée par lui sous le n° 4.845 de la Société Rochelaise, marque en réalité un passage vers la forme angustala par l'aile séminale dont la largeur est singulièrement inégale. Mais de toutes les régions occupées par le Sp. marginala, il n'en est aucune où le polymorphisme soit plus accentué qu'en Algérie. En 1888, MM. Battandier et Trabut signalaient dans leur Flore une variété heterosperma qui, communiquée à Foucaud, devint le Sp. Reverchoni; la cyme en est courte et presque glabre. Or une autre, Sp. Roberti du même auteur, présente l'inflorescence absolument dépourvue de poils glanduleux, avec des stipules soudées en une large gaine, qu'il est difficile de séparer de la précédente.

Malgré la qualification d'hétérosperme donnée au Sp. Reverchoni. dans la Flore d'Algérie, on peut considérer la présence de graines aptères comme tout à fait exceptionnelle. Un échantillon étiquete de la main de Foucaud m'a montré des graines toutes pourvues d' une aile large, blanche et superficiellement érodée; il ne semble différer du marginata que par sa cyme pauciflore et par sa capsule à peine saillante. Et je constate des caractères tout semblables dans un


ETUDE SUR LES SPERGULARIA 313

autre communiqué par M. Battandier lui-même et provenant de la

Reghaia.

Les Spergulaires marginées, croissant toujours dans: les; lieux humides du littoral ou, près des sources salées, prennent sous le chaud climat d'Afrique un développement extraordinaire.. Une des plus remarquables à cet égard est le n° 53 du Flora Cyrenaica récolté par Ruhmed à Benghasi : ses feuilles larges et comprimées par la pression de l'herbier expliquent la confusion que l'on a pu faire de cette espèce avec le véritable Sp. Azorica appartenant à la série suivante. Une plante rapportée du Maroc par le docteur Pitard et distribuée sous le n° 388, montre aussi de très larges fleurs et une tige épaisse de 3 millimètres. Une dernière enfin des Canaries, nommée par le même explorateur var. grandiflora, paraît avoir des fleurs franchement roses, se séparant ainsi du type marginata dont les pétales sont régulièrement pâles.

Certaines espèces de Californie, que je n'ai fait qu'entrevoir dans l'herbier Foucaud, dépassent encore par leurs dimensions toutes celles de l'Ancien-Monde. Elles mériteraient de former une sous-division des Crassicaules, comprenant entre autres le Sp. macrotheca de Hornemann pourvu de pétales roses, avec une aile séminale courte; noirâtre, et le Sp. leucantha Greene qui, d'après son nom, doit avoir des fleurs blanches. Mais, faute de connaître suffisamment ces plantes, je me borne à mentionner ici la place qu'elles doivent occuper au milieu de leurs congénères.

Sp. rupicolae. — Si le nom de Spergulaires macrorhizes ne nous servait ici à désigner une division d'un ordre plus élevé, nul ne conviendrait mieux à désigner notre dernière série. Le type en est fourni, en effet, par cet Arenaria macrorhiza de Requien, nommé plus haut, et qui est aussi le plus anciennement connu. A son défaut, nous adoptons celui d'une espèce continentale si affine de celle de Corse, qu'elle a pu, au début, être confondue avec elle.

Vers 1847, A. Le Jolis récoltait à Barfleur et sur la falaise de Jobourg (Manche) une Spergulaire qu'il identifia avec celle de la Méditerranée dans un mémoire inséré aux Annales des Sciences naturelles. Mais dès l'année suivante, dans un premier opuscule intitulé Recherches et observations sur quelques plantes nouvelles, rares, ou peu connues de la presqu'île de la Manche, le docteur Lebel rectifia cette erreur, et nomma Sp. rupestrisla plante normande qui, d'ailleurs,


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loin d'être spéciale aux environs de Cherbourg, se trouva très répandue sur tous les rivages de l'Atlantique. Elle se distingue de la première par ses fleurs roses disposées en cymes presque nues; de plus les graines en sont brunes au lieu d'être noires.

Déjà Kindberg avait accepté la nouvelle espèce devenue Lepigonurr. rupestre dans ses divers ouvrages monographiques, lorsque Lebel, ayant reconnu que le nom de rupesiris avait été pris antérieurement dans un sens tout différent dans la Flore du Brésil par Cambessèdes, le changea en rupicola (Révision de genre Spergularia, p. 23). A vrai dire, une pareille transformation ne s'imposait pas absolument, car la plante brésilienne n'étant autre que l'Arenaria Bonariensis, le nom employé par Cambessèdes retombait dans la synonymie, et devenait dès lors disponible. Mais du moment que l'auteur français du Sp. rupestris l'a rejeté pour adopter rupicola, c'est à ce dernier qu'il faut s'en tenir. Inutile donc de recourir à une nouvelle substitution de mots comme l'a fait M. Rouy en créant le Sp. Lebeliana.

Du reste, Foucaud n'était pas mieux fondé dans ses notes manuscrites à appeler Sp. Requieni la plante de Corse, sous prétexte que le terme de macrorhiza avait été appliqué ultérieurement à plusieurs espèces différentes. On trouve bien en effet, par exemple, ce même nom dans la Flore d'Algérie donné par MM. Battandier et Trabut à une Spergulaire différant de celle de Corse par ses fleurs un peu rosées, sa capsule incluse et ses tiges fortement anguleuses. Mais il suffit dans ce cas, suivant les règles d'une bonne nomenclature, de donner un nom nouveau à l'espèce nouvelle, ce que fit Foucaud luimême en créant le Sp. pyenorhiza, sans rejeter pour cela le nom princeps. On dira dès lors, Sp. pycnorhiza Foucaud (macrorhiza Batt. et Tr. non. Req.).

Quant au Spergularia rupestris abandonné par son auteur, doiton le maintenir à l'exemple de l'Index Kewensis pour la forme spécialement décrite dans le Prodromus Florae Hispanicae, sous prétexte qu'elle diffère du vrai rupicola de Lebel ? Pareille opinion semble difficile à soutenir, étant en contradiction complète avec les synonymes cités par les auteurs du Prodromus. Il ressort de leur texte même que, faute d'avoir vu la plante vivante, ils ont établi leur diagnose sur des échantillons français recueillis par Lenormand. Sans doute, il y est bien spécifié que les fleurs sont blanches, ce


ÉTUDE SUR LES SPBRGULARlA 315

qui contredit la description de Lebel. Mais cette unique divergence peut s'expliquer par l'altération des couleurs si fréquentes dans les exsiccatas d'herbier. Aussi, tant que l'on n'aura pas constaté avec certitude sur les côtes de l'Océan une Spergulaire rupestre avec des fleurs blanches, on peut admettre l'identité de toutes ces plantes, qu'elles soient espagnoles ou françaises.

Il n'en existe pas moins une quatrième forme de Spergularia, dans la série des rupicolae, intermédiaire par certains traits entre les précédentes, ayant les feuilles comprimées comme celle de Corse, mais les pétales roses et les graines brunes de l'espèce de Lebel. C'est le fameux Sp. Azorica, auquel Foucaud consacra un de ses derniers articles, pour montrer combien M. Rouy s'était mépris sur son compte, en l'inscrivant dans sa Flore de France. La plante indiquée page 302, comme croissant à Saint-Chamas (Bouches-duRhône), rentre sans doute dans les macrorhizes, mais non pas au voisinage des précédentes, d'où l'éloignent sa station hors des rochers, et surtout ses graines toutes largement ailées. C'est, en réalité, une variété robuste de Sp. marginata. De sorte que le véritable Spergularia Azorica mérite strictement son nom, n'étant connu avec certitude jusqu'à présent qu'à sa localité classique de Saint-Michel des Açores.

C'est ici que doit prendre place une espèce déjà citée due à Pomel, mais bien rare, il semble, puisque les auteurs de la Flore d'Algérie déclarent ne l'avoir vue que sèche. Par l'importance du caractère qui lui a valu son nom, ce Sp. gamostyla se rapproche un peu du Robbairea prostraia de la région désertique, que Cosson luimême avait pris d'abord pour une Spergulaire. Mais, ainsi que je l'ai fait observer plus haut, la soudure des styles ne suffît pas, à elle seule, pour ranger une Caryophyllée dans la tribu des Polycarpées, ni pour l'exclure du genre si naturel auquel tous ses autres caractères la rapportent.

Foucaud, dans ses notes manuscrites, lui attribue des graines partiellement ailées, tandis que Pomel les dit toutes aptères. Quoi qu'il en soit de cette divergence, le nombre relativement faible de graines marginées, si tant est qu'il y en ait toujours, doit l'exclure de la série des marginatae. Sa place naturelle est en tête de la série des rupicolae où elle représente la section Gamostylon de l'auteur Algérien.

En terminant, je signalerai trois nouvelles espèces de Spergu-


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laires rupicoles. L'une m'a été fournie par les récoltes du docteur Pitard aux Canaries, où elle figure sous le nom de marginata. Or, ses graines dépourvues d'ailes et d'un beau-noir présentent par ailleurs un caractère très exceptionnel pour le genre Spergutaria: En effet, à part le Sp. gamostyla que Pomel décrit avec des graines lisses, et aussi dans une certaine mesure le Sp. macrorhiza où la surface est plutôt rugueuse que ponctuée, le testa, est ordinairement tout couvert d'aspérités tuberculeuses. Or la plante en question mérite parfaitement le nom de Sp. liosperma.

2° Sous l'étiquette « Sp. marginata ? » j'ai vu des exsiccatas rapportés du Texas par Reverchon, dont, les graines sont en grande majorité aptères, avec des fleurs blanches comme celles de macrorhiza, mais disposées en cymes nues. Je l'appellerai Sp. Texana, puisqu'une autre espèce de ce genre a été déjà dédiée, on l'a vu, par Fouçaud, à l'auteur de la découverte.

3° A part le Sp. gamostyla que Pomel dit glabre à la base, toutes les Spergulaires rupicoles sont normalement revêtues d'une abondance de poils glanduleux,.très frappante chez le Sp: rupicolu pour ceux qui en voient pour la première fois les touffes souvent énormes accrochées aux falaises de nos côtes. On connaît l'exception signalée par Lebel chez le Sp. var. glabrescens des rochers du Gatteville, plante identique à celle distribuée depuis sous le nom de var australis Sampaio, par l'Institut botanique de Montpellier, Or, cette glabrescence est poussée à l'extrême dans le n° 2.784 de l'exploration scientifique du Maroc, qui présente en outre des caractères si spéciaux qu'on ne peut hésiter à reconnaître un type distinct, D'une part, en effet, ses graines sont remarquablement petites, atteignant à peine 0,5 mm., tandis que les tiges sont, au contraire, franchement crassicaules dépassant 2 mm. d'epaisseur. Je l'ai nommé en herbier Spergularia seminutijera. Bien qu'appartenant aux Sp. rupicolae par ces graines aptères, elle mérite d'y former une sous-division à part à cause de la couleur fauve du tégument séminal tout hérissé de pointes aiguës, séparée encore de toutes les espèces de la série par son habitation hors des rochers, dans des lieux humides, ce qui explique l'exubérance des organes végétatifs. Ainsi ce dernier trait marque une transition entre les. Spergulaires rupicoles et les marginées, comme nous en avons constate plus haut entre ces dernières et les fimbriées. C'est, du reste, la règle commune « natura non facit sallus "


NOTES BIBLIOGRAPHIQUES

V. GRAFE UND V. VOUK. — Untersuchungen über den Inulinstoffwechsel bei Cichorium intybus (Cichoric). I. Keimungsstoffwechsel. (Biochemische Zeitschrifft, Bd. 43, Heft 5 und 6, 1912).

Les auteurs se proposent d'étudier les rapports qui s'établissent pendant la germination des graines entre les matières grasses et les hydrates de carbone représentés surtout par l'inuline. Ils font, justement remarquer que, tandis que les relations entre les matières grasses et l'amidon pendant la germination des graines ont été beaucoup étudiées, aucune étude de ce genre n'a été encore entreprise en ce qui concerne l'inuline. GRAFE et VOUK, dans leurs recherches sur l'inuline des graines de la chicorée viennent combler cette lacune. Jugeant la méthode macrochimique plus sensible dans ce cas que la méthode microchimique, ils appliquent donc l'analyse aux graines de chicorée et déterminent ainsi les quantités de matières grasses, de sucres réducteurs, d'inuline et d'azote qu'elles contiennent; leurs recherches portent, en effet, exclusivement sur les trois grandes catégories de matières organiques : graisses, hydrates de carbone et albuminoïdes. Les résultats de plusieurs analyses donnent une teneur moyenne des graines de chicorée pour ces trois sortes de substances :

Matières grasses . . . 17,78 %

Sucres réducteurs 0,84 %

Inuline 0,98 %

Albuminoïdes 3,49 %

du poids de la matière sèche

Ces graines ainsi analysées sont mises à germer suivant la méthode ordinaire et dans les conditions suivantes. Une série d'expérience est faite dans l'obscurité; dans ce cas, on n'observe que la seule migration des matières de réserve sous l'influence de la germination; une autre série est effectuée en pleine lumière et permet de se rendre compte par comparaison de l'influence de l'assimilation sur le mouvement des réserves. Le résultat des expériences est condensé en deux tableaux, d'où il est facile de tirer les conclusions suivantes :

Germination à l'obscurité. — Pendant les premiers jours de la germination il se produit une diminution rapide des graisses et des monoses, tandis que l'inuline ne diminue pas sensiblement.


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Plus tard, la teneur en graisse va toujours en diminuant d'une façon régulière; la quantité de sucre augmente considérablement évidemment aux dépens des matières grasses; à partir d'une certaine concentration la quantité de sucre reste constante tandis que la teneur en inuline augmente progressivement.

Germination à la lumière. — La teneur en graisse diminue plus rapidement que dans la germination à l'obscurité; la quantité de sucre réducteur s'est aussi considérablement accrue dès les premiers jours de la germination, mais la condensation de ce dernier en inuline paraît être arrêtée à la lumière; après six jours de germination, il n'y a plus aucune trace d'inuline.

Dès que l'assimilation entre en jeu, il y a une nouvelle formation de sucres réducteurs qui, à un certain degré de concentration, se condensent en inuline. A partir de ce moment, la teneur en lévulose reste constante ou diminue légèrement, et au contraire la quantité d'inuline augmente progressivement. Il se produit donc pour l'inuline le même phénomène que pour l'amidon; comme l'amidon, l'inuline serait un produit autochtone dans les organes assimilateurs.

En ce qui concerne les albuminoïdes, il y a une différence remarquable entre les germinations faites à l'obscurité et à la lumière. Dans les germinations à l'obscurité, les albuminoïdes diminuent d'abord graduellement jusqu'à un minimum qui devient dans la suite une constante; dans la germination à la lumière, les albuminoïdes augmentent progressivement, atteignent un maximum qui devient dans la suite une constante; il se produirait donc à la lumière une synthèse des albuminoïdes aux dépens d'une partie des sucres et de matières azotées à poids moléculaire peu élevé.

Les recherches microchimiques entreprises dans le but de rechercher l'amidon dans les jeunes pousses ayant germé indifféremment à l'obscurité ou à la lumière n'ont jamais décelé aucune trace de cette le substance. Toutefois, dans les pousses ayant germé à la lumière, les auteurs ont rencontré des granules microscopiques, d'aspect amyloïde, localisés dans certaines cellules. Leur nature dextrinacée ne fait aucun doute, car ils se colorent en rouge brun par l'iode.

Il résulte donc des recherches de GRAFE et VOUK :

1° Qu'il existe une étroite relation entre les réserves d'inuline et de matières grasses: il y a, pendant la germination, formation d'inuline aux dépens des matières grasses par le processus suivant : les matières grasses donneraient des sucres qui se condenseraient en inuline.

2° L'inuline serait à la chicorée ce que l'amidon est aux plantes riches en ce dernier polysaccharide, c'est-à-dire un produit autochtone dans les organes assimilaleurs et le plus haut degré de condensation du monose correspondant

3° Il existe quelquefois dans l'extrait de jeunes pousses ayant germé


NOTES BIBLIOGRAPHIQUES 319

à la lumière une petite quantité de glucose. Ce sucre proviendrait de l'hydrolyse de la substance dextrinacée dont il a été question plus haut. Il y a donc entre les matières grasses et l'inuline les mêmes relations qu'entre ces mêmes matières grasses et l'amidon.

E. MICHEL-DURAND.

W. ROUX, CORRENS FISCHEL UND KUSTER. — Terminologie der Entwickelungs mechanik ( La terminologie de la mécanique de développement) pp. IX, 465 Wilhelm Engelmann, Leipzig, 1912. Prix : 10 M. relié.

Au cours de la dernière trentaine d'années, l'étude causale de la morphologie, de l'embryologie et de l'hérédité ou, pour mieux dire, la morphologie et l'embryologie ont pris un développement considérable. M. Roux, l'anatomiste bien connu de l'Université de Halle, doit être considéré comme un des savants qui ont le plus contribué à l'approfondissement de ces études en zoologie; c'est lui qui a créé le terme d'Entwickelungs mechanik, et qui a fondé une revue sous le même nom; c'est grâce, en partie, à son influence que l'étude causale des phénomènes de développement a trouvé un grand retentissement, surtout, en Amérique, où il compte beaucoup de partisans.

Les zoologistes et les botanistes qui ont travaillé en se guidant sur cet ordre d'idées ont créé beaucoup de termes nouveaux, et le lecteur non habitué a quelquefois des difficultés à s'orienter dans la lecture de pareils ouvrages; c'est pourquoi on doit considérer comme très heureuse l'idée de réunir scus forme d'un dictionnaire les termes introduits par les divers auteurs.

M. Roux était l'auteur indiqué pour un pareil ouvrage; ont collaboré à ce travail : M. FISCHEL, professeur d'Anatomie, et deux botanistes de mérite; MM. CORRENS et KÛSTER.

L'ouvrage peut servir aussi comme introduction à l'étude de la mécanique de développement. M. Roux indique dans la préface une série d'articles qui pourraient, dans ce cas servir de guide au lecteur.

Les différents articles contiennent aussi des indications bibliographiques.

En terminant, nous nous permettons une remarque d'ordre général: à notre avis, l'ouvrage aurait gagné en valeur si l'on y avait ajouté une petite introduction historique; il est, intéressant de savoir quelle relation existe entre la biologie expérimentale et, causale contemporaine et les essais qui ont été faits dans cette voie par des auteurs qui ne sont plus modernes; cela aurait été intéressant non seulement pour les philosophes, mais aussi pour les biologistes. Deux biologistes qui se sont, occupés dernièrement de l'histoire de la biologie : le regretté BURCKHARDT (1) et M. E. RADI. (2) ont déjà insisté sur le fait que les

(1) Humanismus und Biologie, lena 1907.

(2) Geschichte der Biologischen Theorien, T. I, 1905; T. II, 1909, Leipzig


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biologistes modernes ne se rendent pas toujours compte de ce qu'on fait leurs prédécesseurs. En ce qui concerne le problème qui nous intéresse ici, nous voulons retenir la constatation suivante : CLAUDE BERNARD qui, par ses travaux expérimentaux et par les considérations théoriques disséminées dans ses oeuvres, a affirmé la valeur de la méthode expérimentale et causale en physiologie, est mort en 1878, et la morphologie et l'embryologie expérimentales se sont développées surtout pendant les trente dernières années. Il nous paraît aussi qu'il y aurait intérêt à élucider, par une étude historique et critique, comment la méthode expérimentale s'est affirmée en botanique et en zoologie; le développement en ce qui concerne la méthode expérimentale n'était probablement pas toujours parallèle dans les deux sciences. Nous croyons qu'une connaissance approfondie du passé aurait contribué à éviter l'introduction de beaucoup de termes nouveaux. G. SELIBER.

CHRONIQUES ET NOUVELLES

M. THORE PRIES, qui a été Professeur de Botanique à l'Université d'Upsal de 1877 à 1899, vient de mourir à l'âge de 80 ans. On sait combien sont nombreux les travaux de Th. FRIES, notamment sur les Champignons dont il a décrit un très grand nombre d'espèces nouvelles. C'était le fils d'ELIAS FRIES, Professeur aussi à l'Université d'Upsal et connu par ses nombreuses publications sur les Lichens.

Une statue de LAMARCK vient d'être inaugurée dans son pays natal, à Bazentin (Somme).

Une Exposition internationale de Caoutchouc, organisée au point de vue botanique ainsi qu'au point de vue technique, s'ouvrira à Londres, en juin 1914.

Lille — Imp PLATEAU & Cie. Le Gérant Ch PIETTES



Revue générale de Botanique.

Tome 20.

EDOUARD GRIFFON

1869-1912


EDOUARD GRIFFON

(1869-1912)

Lorsque la nouvelle de la mort de Griffon dont la laborieuse activité forçait encore quelques semaines auparavant l'admiration de tous ceux qui le connaissaient se répandit le 26 juin 1912, tous les botanistes, les agronomes ou les praticiens qui le fréquentaient comprirent immédiatement que sa disparition était pour la science et pour l'agriculture une perte dont on ne pouvait mesurer l'importance.

Enlevé brutalement en pleine jeunesse encore, après une courte mais douloureuse maladie. Griffon, qui n'était pourtant qu'au début de sa carrière, avait déjà beaucoup produit et la variété des travaux qu'il poursuivait, l'excellence de sa méthode, la clarté et la précision de son esprit permettait d'espérer que les belles recherches qu'il avait publiées n'étaient que le prélude de travaux plus importants encore qui apporteraient à la science et à l'agriculture les résultats positifs et les enseignements pratiques que le jeune maître savait toujours dégager des questions les plus complexes.

Griffon, qui, à Grignon et à la Station de Pathologie végétale de Paris, menait de front les recherches de physiologie, de biologie agricole et de pathologie, s'imposait par l'ampleur et la précision de son savoir, par la multiplicité des observations qu'il faisait, par son esprit critique aiguisé mais juste, et il apparaissait déjà malgré sa jeunesse comme un vrai chef d'école.

Dès qu'un fait nouveau était présenté, il savait avec une perspicacité pénétrante en dégager l'importance, mais il n'était pas de ceux qui acceptent sans contrôle une doctrine nouvelle ou interprétation hardie parce qu'elles, sont séduisantes. Il passait ainsi au

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crible d'une expérimentation rigoureuse et d'une critique pénétrante aussi bien les hypothèses qu'il était amené à formuler lui-même que les résultats des travaux que d'autres pouvaient publier sur les sujets qu'il suivait.

Les mémoires qu'il a laissés et les discussions qu'il a provoquées et qu'il conduisait toujours avec tant de netteté et de courtoisie aussi bien à la Société botanique que dans les congrès scientifiques auxquels il prit part, ont permis de mettre au point bien des questions litigieuses relatives aux mutations, à la variation, à l'influence, du greffage et ont fait souvent jaillir la lumière sur ces chapitres obscurs de la biologie agricole.

Mais Griffon n'était pas seulement un homme de laboratoire et un savant de valeur, c'était aussi un incomparable professeur. Le charme et la netteté qu'il savait apporter dans la discussion ou la présentation des questions scientifiques, il les mettait dans tout son. enseignement, et ceux qui ont suivi ses cours gardent de ses magistrales leçons, dans lesquelles il se donnait tout entier, un souvenir ineffaçable. Griffon était professeur dans l'âme, il communiquait à son auditoire toute son ardeur et toute sa foi scientifiques ; sous le charme de sa diction toujours claire les questions les plus délicates ou les plus ardues devenaient nettes et. séduisantes; il employait toujours et partout l'expression juste, savait trouver le mot qui frappe ou l'exemple qui reste; partout où il a eu à enseigner, à Grignon, à l'Ecole d'application des manufactures de l'Etat, à Rennes, son souvenir demeure ainsi impérissable dans l'esprit de ses élèves.'

LA VIE ET LA CARRIÈRE

Griffon fut de ces hommes qui vouent leur vie à l'étude et à la science. Jeune, il eut toujours la passion d'apprendre davantage; professeur, il n'eut d'autre but que de faire mieux connaître par son enseignement la science qu'il aimait passionnément; directeur de laboratoire, il donna sans vouloir prendre le repos nécessaire, que demandait pourtant sa santé ébranlée, tous ses instants et tous ses loisirs même à la recherche de la vérité scientifique. Son existence est ainsi le type de celle du savant qui trouve dans la recherche du vrai tant de jouissances nobles et élevées qu'il néglige souvent


EDOUARD GRIFFON 323

alors comme infimes les autres satisfactions qu'il pourrait aisément se procurer à côté de celles que la science lui donne à profusion.

Grillon, qui était né à Vault-de-Lugny dans l'Yonne, sur les confins du Morvan, en 1869, eut des débuts fort modestes. C'est à l'école de son village qu'il commença ses études tout en aidant sa famille aux rudes travaux des champs. La précocité de son intelligence le distingua vite de la plupart de ses camarades. Griffon, poussé par Je besoin d'apprendre, entre ensuite rapidement à l'Ecole normale d'Instituteurs d'Auxerre où ses qualités le font désigner pour occuper à la sortie un poste de professeur à l'École professionnelle de Saint-Fargeau.

Mais là Griffon s'indique comme très supérieur aux fonctions qui lui sont confiées. Il parfait seul, par un travail opiniâtre, les connaissances forcément limitées qu'il avait acquises en parcourant le cycle de l'enseignement primaire. A 23 ans, séduit par les grands problèmes scientifiques, mais attaché profondément aussi par le milieu rural dans lequel vit sa famille, et au sein duquel il est formé, aux questions agricoles, il se décide à tenter le concours d'entrée à l'Institut agronomique. En 1892, il y est reçu et deux ans après, il en sort brillamment.

Nommé professeur de sciences naturelles à l'École d'Agriculture de Glion, clans l'Indre, puis à l'École du Chesnoy, dans le Loiret, Griffon, qui veut toujours accroître son bagage scientifique, prépare sa licence es sciences naturelles. La vie du jeune professeur déjà déprimé par des excès de travail trop souvent répétés est alors particulièrement rude. Il passe, pour venir à Paris, ses nuits en voyage, suit ses cours à la Sorbonne et retourne vite à ses fonctions de professeur. Les privations qu'il doit s'imposer pour pouvoir mener à bien ces études sont dures et nombreuses, mais par contre, Grillon s'indique partout comme un étudiant d'un savoir très supérieur à celui de ses camarades, comme un esprit profond et pénétrant. Los examens qu'il subit le l'ont partout remarquer, et dès la fondation du laboratoire de Biologie végétale de Fontainebleau, il est un des premiers travailleurs qui viennent y trouver asile. Sa première note à l'Académie en octobre 1897 présente ainsi les observations que ses séjours à Fontainebleau lui avaient permis de faire sur l'influence des gelées précoces sur la végétation. Griffon conserva toujours de l'hospitalité de Fontainebleau un souvenir ému; c'est


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là que, pour la première fois, il trouva au cours de ses vacances un laboratoire où sans souci de la vie matérielle il pouvait se donner complètement à ses études et à ses recherches, c'est là qu'il commença à goûter vraiment la vie scientifique, et quand plus tard il parlait à ses amis de ses débuts et de ses premières recherches, on sentait combien il demeurait attaché à ce lieu qui avait été son berceau scientifique. En 1899, alors qu'il est toujours professeur au Ghesnoy, Griffon soutient sa thèse de doctorat sur l'assimilation chlorophyllienne et la coloration des plantes. Le voilà dès lors en relief parmi les jeunes professeurs de l'Enseignement agricole, et lorsqu'en 1900 la chaire de botanique de l'École nationale d'Agriculture de Rennes devient vacante, il est tout désigné pour être chargé du cours. A la suite d'un brillant concours, il est ensuite titularisé, comme professeur de botanique, de pathologie végétale et de sylviculture. En 1902, la chaire de botanique de Grignon était libre à la suite du décès du professeur Mussat. Griffon y est nommé par permutation, et il prend en même temps la direction de la Station de Physiologie et de Pathologie des plantes cultivées créée pour lui à l'Ecole, et annexée à la chaire. Ceux qui l'ont connu à son arrivée à Grignon savent quelle activité déploya alors le jeune professeur. En peu de temps, il installa dans les vieux locaux du château dont il pouvait disposer, un laboratoire de physiologie, où il poursuivit ses études sur la transpiration des feuilles vertes et ses travaux physiologiques sur les jeunes pousses de la vigne et la pratique de l'écimage. Il entamait en même temps des recherches sur la chlorovaporisation, l'influence des anesthésiques sur les fonctions végétales et sur la question, à laquelle s'intéressaient tant alors les horticulteurs, du forçage des plantes par l'éther.

En même temps les problèmes de Biologie l'attirent et il met alors en train ses belles expériences sur le greffage. Chaque été depuis lors, c'est par centaines qu'on pouvait contempler à Grignon les greffes étranges, que méthodiquement il faisait faire pour ses essais par les praticiens dont il avait su s'entourer. Voulant vérifier si les cas un peu anormaux qu'il constatait parfois n'étaient pas imputables à d'autres causes que le greffage, il créa durant toute cette période des collections fort remarquables de toutes les variétés possibles des plantes qu'il suivait dans ses essais. Ses expériences conduites ainsi avec un ordre et une méthode impeccables demeurent pour


EDOUARD GUIFFON 325

ses élèves et ceux qui ont pu les suivre de véritables modèles. Les recherches qu'il entreprit plus tard sur l'hybridation des Piments, les essais de contrôle de mutations qu'il poursuivait encore, au moment de sa mort, sur le Maïs, la Capselle, la Pomme de terre, ne furent pas moins remarquablement conçus et méticuleusement conduits.

Enfin, dès 1904, la Pathologie végétale avait retenu son attention; à Grignon et au cours d'une mission dont le ministère de l'Agriculture l'avait chargé, il avait étudié la Maladie bactérienne du Chou-fleur, et la façon dont il avait conduit ses recherches délirâtes l'avait si bien mis en relief qu'à la mort du docteur Delacroix nul ne parut plus digne de recevoir la charge de la direction de la Station de la Pathologie végétale. En 1907, il devint ainsi, en conservant son enseignement et son laboratoire de Grignon, directeur de la Station de Pathologie végétale de Paris et professeur à l'École des Manufactures de l'État.

La somme de travail qu'il doit fournir pour remplir tous ces postes est énorme, et nulle part pourtant Griffon n'est débordé. A Grignon, il poursuit ses recherches de Biologie et de Physiologie ; à Paris, il réorganise la Station de Pathologie végétale, entreprend sur les champignons et les maladies des plantes une série de travaux qui le classent bientôt parmi les premiers mycologues de notre époque. Il est ainsi nommé rapidement Président de la Société mycologique, tandis qu'à la Société botanique et au comité scientifique de la Société d'Horticulture son esprit net et précis le font apparaître comme un des maîtres incontestés de la Biologie agricole.

Mais si, dans toutes les parties de la science où pénétrait son activité débordante, Griffon s'affirmait comme un botaniste et un agronome de premier rang, il restait partout où il enseignait le maître clair et précis, le professeur incomparable qu'il fut dans toutes lus écoles où il est passé. Au Ghesnoy, à Rennes, à Grignon, tous ceux qui l'ont écouté savent quel charme et quelle lucidité il savait mettre dans ses leçons ; les derniers élèves qui profitèrent de son enseignement se souviennent ainsi avec une reconnaissance émue des cours qu'il leur fit, déjà atteint par le mal qui devait l'abattre, maîtrisant ses souffrances, pour rester jusqu'au bout dans sa chaire de professeur. Toutes ses leçons. Griffon les préparait du reste avec un soin et une conscience extrêmes, et si la présentation des faits qu'il exposait était toujours impeccable, on en trouvait l'explication


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non seulement dans l'ampleur de ses connaissances et la facilité de sa parole, mais aussi dans sa profonde conscience professionnelle, qui contribua à faire de lui le type du vrai professeur. Professeur. Griffon l'était en effet dans l'âme, et quand ses leçons, à l'amphithéâtre étaient terminées, il continuait son enseignement en discutant au laboratoire avec ses élèves ou ses amis les problèmes de Biologie ou de Botanique; et là, parla précision de son esprit, la netteté de ses observations, le bien fondé des objections qu'il savait, trouver, Griffon s'imposait toujours à ses interlocuteurs et ceux-ci ne le quittaient jamais sans qu'une lumière nouvelle éclairât les questions dont ils s'étaient entretenus avec lui.

L'OEUVRE SCIENTIFIQUE

L'oeuvre scientifique de Griffon étonne de prime abord par sa diversité. Physiologie, biologie agricole, cryptogamie ont été en effet four à tour abordés par lui ; mais l'excellence des travaux publiés sur des questions si diverses n'affirme que davantage ses qualités scientifiques. Pour qui la pénètre et la suit cet oeuvre complexe et vaste apparaît nettement comme le produit logique de la carrière de Griffon. Esprit critique aiguisé, cherchant la netteté et la précision des résultats. Griffon fut ainsi tout d'abord séduit par les travaux de laboratoire et les recherches précises de Physiologie. Sa carrière débute par la publication de ses travaux sur l'assimilation et la transpiration; arrivant ensuite à Grignon en 1903, il subit, comme Déhérain 25 ans plus tôt. l'influence de ce milieu nouveau. Tandis en effet que dans les centres exclusivement scientifiques on recherche seulement, la vérité pour elle-même en ne se préoccupant qu'ensuite de la portée pratique des résultats atteints, on doit dans un milieu technique comme Grignon examiner de préférence les questions d'où peuvent découler pour les praticiens des conclusions importantes, et Griffon délaissant quelque peu la Physiologie, s'adonna alors à la Biologie agricole et aux grandes questions d'hérédité, de variation et de sélection. Chargé en 1907 de la direction de la Station de Pathologie végétale, il devenait le chef d'école de ceux qui étudient les maladies des plantes et orientait dès lors une partie de ses efforts vers la cryptogamie. Toutefois l'abandon qu'il


EDOUARD GRIFFON 327

faisait des travaux do Physiologie ne devait être, selon lui, que momentané, et bien des fois Griffon témoigna du désir de reprendre des recherches qu'il avait dû délaisser. Il souhaitait pouvoir suivre notamment les questions qui touchent par certains points la Pathologie, et désirait, entre autres, étudier l'influence des toxines sur les fonctions végétales.

La diversité de l'oeuvre de Griffon est donc plus apparente que réelle, et s'il y a loin semble-t-il de ses belles recherches sur l'assimilation chlorophyllienne à ses mémoires sur la variation dans la greffe ou à ses notes sur diverses maladies des plantes, on voit pourtant que dans son oeuvre tout s'enchaîne et s'harmonise et que la diversité de ses travaux, conséquence du développement de sa carrière, n'est qu'une preuve de sa formidable activité intellectuelle.

TRAVAUX DE PHYSIOLOGIE

Abordant au début de ses recherches les questions d'anatomie physiologique, Griffon pensa de suite qu'on ne pouvait sur ces questions obtenir de certitude que par la voie expérimentale. Faisant tout d'abord porter les investigations sur les rapports que les différences de coloration constatées dans le feuillage des végétaux peuvent avoir avec l'intensité assimilatrice, il s'efforça de déterminer avec précision l'intensité avec laquelle l'acide carbonique est décomposé par des feuilles déteintes différentes. Il montra ainsi avec netteté que l'énergie assimilatrice chez les phanérogames ne dépend, lorsqu'on la considère dans ses rapports avec les substances colorantes, que des chlorophylles contenues dans les organes assimilateurs, quelle que soit la couleur de ces derniers, et que dans le cas des feuilles vertes, il ne faut chercher aucune relation directe entre l'intensité de la coloration et l'activité assimilatrice; il reconnut en outre que lorsque la teinte verte des feuilles est modifiée par le milieu, les variations qui en découlent dans l'intensité de la fonction chlorophyllienne peuvent s'expliquer par la structure du mésophylle et particulièrement celle du tissu palissadique, par les dimensions, la

répartition et le nombre des chloroleucites.

Constatant enfin que lorsque le degré de la nuance verte tient

à la nature des plantes les résultats expérimentaux ne sont parfois


328 REVUE GÉNÉRALE DE BOTANIQUE

plus d'accord avec les déductions tirées de l'anatomie, il conclut que d'autres facteurs, tels que la nature des chlorophylles, ou l'activité propre de la matière vivante des chloroleucites, peuvent vraisemblablement faire varier l'assimilation.

L'expérience seule, comme l'établissent sans conteste les premiers travaux de Griffon, est capable de dégager la résultante de fonctions physiologiques opposées, comme la respiration et l'assimilation, et son beau travail montrait en outre que la méthode expérimentale à adopter dans ce cas devait être celle qui porte sur la mesure des échanges d'acide carbonique et d'oxygène entre la plante et l'atmosphère ambiante. L'examen des quantités d'amidon formées à la lumière lui avait montré en effet que pour les plantes rouges, les plantes chlorotiques ou halophytes on arrivait à formuler au sujet de l'énergie assimilatrice des conclusions notablement différentes de celles que fournit l'étude des échanges gazeux.

Sur une question aussi complexe, il arrivait donc de suite à des conclusions importantes et la publication de son travail montrait à quelles graves erreurs s'exposaient les botanistes qui prétendaient à l'aide des données anatomiques seules, prévoir l'intensité des fonctions physiologiques. Il vérifiait donc et étendait à la physiologie végétale l'opinion qu'avait émise Claude Bernard lorsqu'il avait dit en visant les travaux de physiologie animale : « Je pense que c'est une erreur ou une illusion de toutes les écoles anatomistes d'avoir cru que l'anatomie expliquait directement la physiologie. »

Continuant et complétant ses recherches sur l'assimilation, Griffon publiait, peu de temps après sa thèse, un long travail sur l'assimilation chlorophyllienne et la structure des plantes. Il montrait encore que l'énergie assimilatrice dans une plante donnée dépend, lorsqu'on fait abstraction du milieu, de deux groupes de facteurs, les uns d'ordre anatomique, les autres d'ordre chimique: il insistait à nouveau sur les erreurs auxquelles conduit, pour connaître l'énergie assimilatrice, la méthode de Sachs, qui consiste à évaluer la quantité d'amidon formé, et montrant qu'il existe une énergie assimilatrice particulière non seulement à chaque aspect mais parfois à chaque variété, sinon à chaque individu, il concluait que cette énergie assimilatrice ne pouvait, être connue que par la mesure des échanges gazeux.

C'est encore aux mêmes conclusions que le conduisait l'étude


EDOUARD GRIFFON 329

qu'il faisait à Fontainebleau à la même époque de l'assimilation chlorophyllienne derrière les feuilles, et ce faisceau de faits concordants pouvait alors lui permettre de dire avec certitude que lorsqu'on veut comparer les énergies assimilatrices dans les tissus chlorophylliens, il est nécessaire de recourir à l'expérience directe au lieu de s'en tenir aux inductions presque toujours incertaines et, souvent fausses de l'Anatomie physiologique.

Ces recherches que Griffon avait entreprises sur l'assimilation spécifique l'amenèrent, à cause de leur difficulté et de leur précision, à ressusciter une méthode rarement employée, mais seule capable de fournir des résultats précis. Au lieu de porter les plantes dont il étudiait les échanges dans une enceinte close renfermant 5 à 10 % de gaz carbonique, ainsi que l'ont fait pour leurs belles recherches Boussingaurt, Bonnier, Mangin et leurs élèves, il reprit la méthode que Boussingault et Dumas avaient employée une fois avec la vigne adulte et qui consiste à faire passer un volume d'air normal connu sur les plantes et à doser l'acide carbonique à l'entrée et à la sortie.

Il étudia ainsi les Drosera, réussissant à mettre en évidence entre le D. rolundifolia et le D. intermedia des différences d'assimilation spécifique, et il mena à bien, surt ut de cette façon, ses belles recherches sur l'écimage de la vigne. Il constata ainsi que la suppression des rameaux de vigne connue sous le nom d'écimage ne peut se légitimer par le fait, que les parties coupées vivent en parasites aux dépens des parties inférieures, ainsi que l'indique Guboni, mais il reconnut que c'était le reflux de la sève sur les sarments, les fruits et les souches et le bon équilibre réalisé entre la masse foliacée et les raisins qui étaient les conséquences heureuses de l'écimage.

Les résultats si nombreux qu'il avait obtenus sur l'influence de la structure dans la décomposition du gaz carbonique par les cellules vertes des feuilles ramenèrent logiquement, peu à peu, à s'occuper du rôle joué par la différenciation du mésophylle des feuilles dans ce phénomène. C'était là une étude que Boussingault avait déjà abordée; mais, comme l'a l'ait remarquer Griffon avec beaucoup d'esprit critique, Boussingault, qui opérait en rendant imperméable une face des feuilles et en mesurant l'entrée et la sortie du gaz carbonique par l'autre face, ne mesurait et cela dans une condition d'échange particulière, que la résultante du phénomène


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assimilatéur dans le tissu en palissade et dans le tissu lacuneux et non la valeur propre de ce phénomène dans chacun des deux tissus. Griffon reprenant cette étude, soumit pendant le même temps deux feuilles semblables au même éclairement, l'une ayant l'épiderme supérieur exposé à la lumière, l'autre l'épiderme inférieur. Il montra ainsi que dans le premier cas l'énergie assimilatrice est plus grande que dans le second, ce qui ne peut s'expliquer que par une adaptation plus parfaite du parenchyme en palissade à assimiler le carbone de l'atmosphère.

Par suite du développement même de ses travaux sur l'assimilation, Griffon ne pouvait négliger l'étude de la transpiration des tissus verts à la lumière, et ne pas aborder la question si controversée de la chlorovaporisation. A Rennes d'abord, à Grignon ensuite, il étudia, dans de nombreux essais, les variations en quantité du phénomène de la transpiration des feuilles vertes en éclairant, comme dans ses expériences précédentes sur l'assimilation, tantôt la face supérieure, tantôt la face inférieure. Ses essais faits sur des feuilles coupées ou attachées au rameau l'amenèrent à conclure que le tissu palissadique réduit la transpiration. Mais Griffon montrait en outre, et ceci est très important au point de vue de l'adaptation des végétaux, que ce tissu joue un rôle régulateur. Insistant sur les rapports du tissu palissadique avec les nervures qui amènent l'eau, il montrait que « s'il transpire pou, il peut renouveler rapidement sa provision d'eau et qu'il fonctionne alors régulièrement malgré une insolation intense, ce que ne pourrait faire le tissu lacuneux qui exhalerait très vite une grande quantité d'eau et ne tarderait pas à se faner. »

Cet examen du rôle régulateur joué par le tissu palissadique conduisit Griffon à étudier l'Eucalyptus au point de vue de sa capacité respiratoire. L'Eucalyptus apparaît en effet, dans l'esprit de tous, comme l'arbre desséchant par excellence, et beaucoup se sont plu à voir dans le nombre considérable des stomates des feuilles la cause de la transpiration intense qu'on leur attribue. Frappé par ce fait que des plantes à feuilles très différentes de celles de l'Eucalyptus, telles que l'Acacia, le Casuarina, l'Héliantus assainissent également les terrains humides, Griffon mesura l'intensité transpiratoire des feuilles d'Eucalyptus et montrant qu'elles émettent moins d'eau par unité de surface que les feuilles de Saule par exemple, il indiqua que le rôle de l'Eucalyptus comme agent d'assainissement


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n'était dû qu'à son aptitude à produire vite une masse importante de feuillage et à sa structure qui lui permet de transpirer régulièrement, mais non à une capacité transpiratoire particulièrement élevée de ses feuilles.

Toutes ces recherches sur les échanges gazeux amenaient fatalement Griffon à s'occuper de la chlorovaporisation. La théorie par laquelle l'énergie solaire captée par les chloroleucites est utilisée à la fois pour la décomposition du gaz carbonique et pour la vaporisation, enseignée en France malgré les réserves qu'avait faites sans cesse Dehérain, n'apparaissant pas à Griffon comme suffisamment étayée. Il tenta alors de résoudre le problème d'une façon fort élégante en étudiant la question connexe du forçage des plantes. Il abordait ainsi le problème de l'influence des anesthésiques qui suspendent l'assimilation, et du même coup il tentait d'expliquer le rôle de ces corps dans le procédé de forçage des plantes, introduit en France par Johannsen. Ses essais de 1905 et de 1906 lui permirent de conclure aux effets limités de l'éthérification des végétaux, et il constata en outre que la précocité plus grande obtenue dans les p'antes ainsi forcées n'était pas due à la dessiccation des tissus, mais à une autre cause qu'il se proposait de rechercher ultérieurement.

Enfin, on ne saurait manquer de signaler dans l'oeuvre de Griffon, bien qu'il ne s'agisse pas là des recherches nouvelles, les si belles revues de Physiologie et de Chimie qu'il publia ici même pendant de longues années, et qui permettaient au lecteur, en se mettant rapidement au courant de ces questions complexes, de juger de l'érudition et de la sagacité de celui qui les présentait. La netteté de la présentation, son exactitude, la perfection de la documentation font de ces travaux des modèles qu'on ne saurait oublier et qui contribuèrent certainement pour une large part à bien établir la science du jeune biologiste qui les rédigeait alors, et que la Revue générale de Botanique ne peut oublier.

TRAVAUX DE BIOLOGIE AGRICOLE

Ce-n'est qu'assez tard, au cours de l'évolution de sa carrière scientifique que Griffon consacra son activité aux recherches de Biologie végétale qui prennent pourtant dans son oeuvre une place si considérable.


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De plus en plus, au fur et à mesure que ses travaux s'enchaînaient, cette idée s'accréditait en lui que la physiologie expérimentale, que de Saussure, Claude Bernard, Sachs, Bonnier, Engelmann, Pfeffer et tant d'autres avaient faite si importante, devait s'effacer progressivement devant la Chimie biologique et la Biologie générale.

« Les sujets qui se rattachent à cette partie de la connaissance des êtres vivants présentent, dit en effet Griffon, un grand intérêt pour la culture, tout en conservant une haute portée philosophique ». Et, dans cette phrase du jeune Maître disparu, c'est toute l'âme et l'orientation de son oeuvre que nous voyons. Si les recherches en elles-mêmes pour la seule connaissance du vrai l'attirent et le fascinent, il veut cependant pouvoir dégager de ses travaux des idées plus larges et une connaissance plus précise et plus nette du monde qui nous entoure. C'est l'évolution tout entière du monde végétal, l'histoire de l'apparition et de la disparition des espèces qui, dès lors, l'attire et le retient.

Là encore, comme pour la Physiologie pure, c'est à Fontainebleau qu'il mûrit ses premières idées et prépara ses essais. Les recherches qu'avait entreprises Daniel sur la variation dans la greffe et l'hérédité des caractères acquis, les conversations et les discussions qu'il avait pu avoir avec l'auteur de ces travaux hardis sur les conclusions qu'on pouvait tirer de ces recherches le laissaient indécis sur l'interprétation et la portée de celles-ci. Griffon, par ses origines rurales, par sa formation agricole à l'institut agronomique, par l'enseignement même qu'il donnait dans les diverses écoles où il passait, sentait en effet que les conclusions auxquelles conduisaient les travaux de Daniel heurtaient sur bien des points les constatations pourtant impartiales des praticiens, et c'est dans cet état d'esprit qu'il résolut de reprendre lui-même expérimentalement la question du greffage et de l'hybridation asexuelle.

Suivant sa méthode habituelle, il commença par se documenter d'une façon rigoureuse, et par étudier sur place les hybrides de greffe connus : le Cyiisus Adami, les Bizarria, le Néflier de Bronvaux. Il alla sur place examiner ces plantes étranges et en fit l'étude critique. En même temps il organisait à Grignon les plus belles séries d'expériences qui se puissent imaginer sur le greffage des plantes herbacées.

Après avoir étudié les divers hybrides de greffe connus, il lui


EDOUARD GRIFFON 333

apparaissait en effet comme tout à fait problématique que ces plantes étranges soient des hybrides asexuels. Les constatations qu'il faisait, l'histoire que patiemment il reconstituait de ces végétaux d'origine incertaine en interrogeant partout les praticiens, le conduisaient au contraire à considérer ces plantes comme des hybrides sexuels ordinaires, et un des grands désirs de Griffon était, lorsque la mort l'enleva à la science, de vérifier cette hypothèse très vraisemblable et de reconstituer expérimentalement par des hybridations sexuelles heureuses ces végétaux bizarres.

S'il n'eut pas le temps d'apporter sur ce point de nos connaissances les précisions qu'un esprit aussi net que le sien eut dégagé de ses essais, il laisse cependant sur la question de l'hybridation asexuelle et du greffage une oeuvre déjà complète.

Pour l'Agriculture et la Viticulture surtout, la question était grosse de conséquences. Après la reconstitution à la suite du Phylloxéra de notre vignoble par le greffage de vignes françaises sur plants américains, certains viticulteurs avaient poussé le cri d'alarme et prétendu que l'influence réciproque du sujet américain sur le greffon indigène modifiaient spécifiquement ce dernier et en atténuaient les qualités. M. Armand Gautier, se faisant, avec toute l'autorité qui s'attache à son nom, l'apôtre de cette théorie, pensait que par la coalescence des plasmas des deux plantes différentes dans la greffe il se produit des influences réciproques d'ordre chimique engendrant un hybride par greffe. Les caractères des végétaux greffés seraient ainsi adultérés et modifiés.

Une telle opinion heurtait le bon sens de Griffon qui ne pouvait s'expliquer que des praticiens avertis, greffant depuis des siècles les végétaux, n'aient rien constaté de semblable. Duhamel du Monceau, Thouin, De Mirbel, de Candolle ont toujours admis, d'accord avec leurs contemporains et tous les praticiens, que la greffe conserve les caractères fondamentaux des espèces et des variétés.

Mais, et c'est ici que la clarté d'esprit de Griffon éclairait utilement la question embrouillée du greffage, ces divers auteurs et Griffon avec eux se plaisaient à reconnaître que si le greffage ne modifiait pas les caractères spécifiques, il était capable pourtant d'apporter sur les deux végétaux mis en symbiose des modifications biologiques et chimiques telles que fruits plus précoces ou fleurs plus belles. Le greffage peut donc modifier les végétaux : il n'en modifie


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pas les caractères spécifiques, mais en changeant la nutrition, il influe sur la vigueur ou la précocité des plantes. Il y a donc dans le greffage quelque chose de semblable à ce qui se passe dans l'incision annulaire, ou dans la ligature, à cause de l'obstacle mis à la circulation de la sève, mais il n'y a nullement d'influence spécifique. Griffon ne voyait ainsi nulle part la nécessité de l'intervention de l'hypothèse de la coalescence des plasmas, du mélange de substances morphogènes ou de la conjugaison asexuelle. Dans tous ses essais de greffe sur les plantes herbacées sur les Crucifères, les Solanées, les Composées, cette conclusion se dégage, au contraire, que tous les caractères constants et fondamentaux des espèces et des races sont maintenus et perpétués. Lorsque pourtant des modifications apparaissent en dehors des variations de nutrition, et Griffon en signale quelquesunes dans ses essais, par exemple des côtelures de fruits d'Aubergine, dans les greffes d'Aubergine sur Tomate, ces modifications n'ont pas l'importance qu'on voudrait leur attribuer, et Griffon le démontrait surabondamment en signalant de telles modifications en dehors de tout greffage. Loin de prétendre donc que les plantes greffées ne peuvent varier, Griffon montrait ainsi qu'on peut constater chez elles des variations, mais que ces variations sont semblables à celles que l'on constate sur les races correspondantes non greffées, et qu'en aucun cas on ne voit de variations spécifiques engendrant l'hybridation asexuelle. Dans un cas particulier de greffage, l'influence du greffon sur le porte-greffe semble pourtant indéniable, c'est dans le cas de la transmission de la panachure. Griffon ne manque pas de le rappeler dans ses mémoires et d'étudier ce cas particulier dans ses essais. Depuis deux siècles, on sait que la panachure jaune du Jasmin se manifeste dans un sujet vert par la simple implantation d'un bourgeon panaché. Mais comme le montre Griffon, de tels faits n'appuient en rien la théorie de l'hybridation asexuelle, et il ne saurait venir à l'idée d'aucun botaniste sérieux de voir dans la plante modifiée un hybride. Ces faits s'expliquent au contraire bien plus facilement par l'inoculation réalisée par la greffe, soit d'une bactérie invisible, soit d'un principe destructeur de chlorophylle.

A cette question de la transmission de la panachure s'ajoute celle du passage de certains principes chimiques du sujet au greffon. Guignard sur cette question, en étudiant les glucosides des Phaseolus et des Cotoneaster, avait conclu à l'autonomie des symbiotes de greffe.


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Strassburger, par contre, avait montré que dans certains cas de greffes mixtes (Belladone et Tomate) il y a passage en faible quantité de ces alcaloïdes du sujet dans le greffon. Avec MM. Schoeling et Javillier, Griffon reprit cette étude. Les Pommes de terre provenant de greffe de Tabac sur Pomme de terre ne contenaient pas trace de nicotine dans les essais de Griffon, celles provenant de greffes de Belladone n'avaient pas non plus d'atropine, et Griffon confirmait ainsi les conclusions de M. Guignard. Les analyses de M. Javillier montraient, par contre, que dans la greffe mixte de Tomate sur Belladone, l'atropine franchit le bourrelet et émigré, en quantité très faible il est vrai, dans les fruits de la Tomate.

Griffon, semant les graines provenant de ces greffes, montrait toutefois que la descendance n'est nullement modifiée par ces compositions chimiques anormales des plantes greffées. Il en concluait donc que si dans certains cas des substances déterminées spéciales à l'un des composants de la Greffe peuvent franchir le bourrelet, entraînées dans la sève en très faible quantité, engendrant une modification chimique directe, elles n'affectent pas la descendance. Dans ce cas, comme dans celui de la transmission de la panachure, Griffon démontrait ainsi nettement que l'hybridation sexuelle ne saurait être invoquée.

Enfin, pour compléter ses essais sur l'hybridation dans la greffe, Griffon voulait se faire une opinion personnelle sur la question des Chimères et des Hyperchimères étudiées en Allemagne par Winkler et Baur. Quand, dans les greffes, des rejets prennent naissance sur le bourrelet lui-même, il arrive parfois que ces rejets sont anormaux. D'après les essais de Winkler,réalisés avec des greffes de Morelle noire sur Tomate, il se produirait des êtres composites dont les tissus proviendraient partie des cellules provenant du sujet, partie des cellules provenant du greffon. Pour Winkler, il y aurait ainsi production au niveau du bourrelet cicatriciel de la greffe de véritables hybrides résultant d'une fusion, dans le callus, de.cellules des deux composants.

Griffon, ne discutant pas la valeur de ces faits qu'il n'avait pu constater lui-même, avait en train au moment de sa mort, une série d'essais qui ne lui avaient pas permis jusqu'ici de contrôler l'exactitude de cette théorie. Toutefois il avait, avec beaucoup de justesse, tait remarquer que la question des chimères était toute différente


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de celle des greffes ordinaires qu'il avait étudiées et que les conclusions que l'étude de ces cas anormaux pourrait conduire à formuler ne pouvait en rien modifier celles qu'il avait émises au sujet de la variation dans la greffe, quand on considère non plus le bourrelet cicatriciel mais le porte-greffe ou le greffon.

Tous ces beaux essais, toutes ces recherches patientes et de longue haleine donnaient ainsi toutes à Griffon des conclusions convergentes et le confirmaient peu à peu, et chaque année davantage, dans cette idée de la fixité des espèces et des races, et dans celle de l'autonomie de celles-ci dans le greffage.

C'est dans cet état d'esprit qui le conduisait à considérer comme fixes ou comme ne variant que très lentement les caractères d'espèces et de races, état d'esprit qui s'était formé en lui peu à peu au cours de ses nombreux essais d'hybridation et de variation dans la greffe, que Griffon aborda l'étude des variations du Maïs, Il avait admis en toute impartialité dès leur apparition les travaux retentissants par lesquels M. Blaringhem s'était mis par ses premières recherches au nombre des plus brillants de nos jeunes naturalistes, puisque ces recherches permettaient, selon l'auteur, d'esquisser tout un programme de travaux dont la réalisation aboutirait à la création raisonnée et expérimentale d'espèces nouvelles.

Mais après avoir examiné les variétés nouvelles de M. Blaringhem et après avoir, dans ses essais de Grignon, où il avait voulu réunir avant de commencer ses expériences une collection complète de tous les types connus de Maïs, constaté des monstruosités étranges, comparables à celles qu'avait décrites M. Blaringhem, Griffon se crut autorisé à présenter à la Société botanique dès 1910 une série d'études critiques sur la question de l'origine et de l'hérédité des monstruosités chez le Maïs. Dans les nombreuses discussions qu'il eut avec M. Blaringhem, il montra que le problème de la création de formes nouvelles chez le Maïs était plus complexe que M. Blaringhem l'indiquait et ne pouvait être résolu par des essais aussi simples que les siens, puisque sans blessures ni actions parasitaires connues il se produisait chez le Maïs des ramifications des épis latéraux et des transformations de fleurs mâles en fleurs femelles. Griffon constata que l'apparition d'étamines à la base des caryopses de l'épi femelle, caractéristique de la forme désignée comme nouvelle par M. Bla-


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ringhem sous le nom de Pseudo Androgyna n'était pas une nouveauté, et il indiquait qu'elle se produisait souvent à Grignon sans cause apparente et que, de plus, des tératologistes comme Penzig l'avaient signalée depuis longtemps; il concluait alors, renversant des conclusions qui avaient l'ait grand bruit quelques années auparavant que les travaux présentés sur le Maïs n'apportaient qu'un faible appoint à la théorie de la mutation, qu'ils ne montraient pas l'apparition de caractères nouveaux et qu'ils n'établissaient pas, selon lui, que les traumatismes soient un facteur très important de l'évolution des formes végétales.

Là encore, comme sur la question du greffage, Griffon restait ainsi d'accord avec les praticiens, et s'il combattait les conclusions de M. Blaringhem, il se plaisait à constater que de savants horticulteurs, et notamment M. Sutton, l'éminent Anglais, créateur de tant de formes nouvelles, émettait sur les variations une opinion qui était la sienne lorsqu'il disait en lui écrivant pour le féliciter de ses belles expériences : « Tout ce que l'on peut revendiquer pour la mutation a trait aux sous-variétés et non pas aux vraies espèces; bien des races horticoles sont nées par transformations lentes, et la mutilation, qui fait parfois naître des monstruosités, est inapte à créer des variétés nouvelles ».

Mais ce ne sont pas seulement les variations dans la greffe et la critique des mutationsi à la suite des traumatismes qui ont retenu l'attention de Griffon. Depuis longtemps des variations brusques de tubercules de Pommes de terre étaient signalées dans les cultures et depuis 1.902 divers botanistes et praticiens indiquaient en outre que certains types de Sotanuin sauvages, S. Commersonii, S. Maglia entre autres, mutaient par bourgeons en produisant du S. tuberosum. Griffon résolut d'étudier tous ces faits et de les passer au crible de sa critique et de sa méthode. Apportant ainsi de la clarté dans une question embrouillée à plaisir, il sut montrer que, là encore, les apparitions brusques de variétés nouvelles chez la Pomme de terre ne sont rien à côté des mutations de bourgeons qui aboutiraient à la transformation de bonnes espèces linnéennes les unes dans les autres et il arrivait encore comme pour le greffage à cette conclusion que la création d'espèces nouvelles par mutations brusques d'espèces existantes restaient à établir.

Pour compléter ces travaux si divers sur la variation, Griffon

Rev. gén. de Botanique. — XXV. 22.


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devait être amené forcément à faire des recherches précises sur l'hybridation. Il en avait ébauché ainsi quelques-unes dans les dernières années de sa vie, mais la longue durée de celles-ci ne lui a pas permis d'en dégager déjà les conclusions qu'on était en droit d'en attendre. En 1910 cependant, il put publier en collaboration avec M. Pichenaud, une note préliminaire sur des essais d'hybridation chez les Sotarium et les Capsicum; à la suite des observations qu'avaient permis de faire ces essais, Griffon concluait qu'il ne pouvait par la loi de Mendel expliquer tous les faits qu'il constatait, mais il se réservait lorsque la mort l'enleva, d'apporter sur les points inexpliqués de ses cultures des précisions résultant de nouvelles expériences. Sur la Xénie toutefois, dès 1908, il montrait que chez les Solanées la Xénie du fruit reste discutable et il indiquait que bien des exemples de Xénie mériteraient d'être étudiés de nouveau expérimentalement et soumis à une étude critique sérieuse.

Bref, dans tous ces grands problèmes de Biologie agricole, le rôle de Griffon fut pendant dix ans d'apporter la lumière et la précision dans les discussions, de combattre l'emballement toujours facile pour des doctrines nouvelles séduisantes mais insuffisamment étayées, et de rendre ainsi, par une mise au point exacte des questions, les plus grands services aux agriculteurs et aux, biologistes.

PATHOLOGIE VÉGÉTALE

Lorsque Griffon disparut, il était en France désigné partout comme un des maîtres les plus éminents de la Pathologie végétale Ses postes officiels de Directeur adjoint de la Station de Pathologie végétale de Paris, d'Inspecteur-Chef de section du service phytopathologique, le rôle qu'il jouait à la Société mycologique dont il était Président, ne faisaient que consacrer cette renommée justifiée.

La carrière de Griffon comme phytopathologiste fut pourtant très courte. Elle débuta, en effet, en 1905 seulement, par la mission dont l'avait chargé le Ministre de l'Agriculture à l'effet d'étudier à Sin-le-Noble, près de Douai, une maladie qui ravageait des cultures importantes de Choux-fleurs.

Luttant contre l'opinion des maraîchers, il leur montra que les fumées des usines de la région n'étaient pour rien dans la maladie et que celle-ci était causée, au contraire, par un Bacille dont Delacroix


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faisait une espèce nouvelle, le B. brassicaevorus. Ce bacille, Griffon le retrouvait du reste dans tous les cas de pourriture se produisant dans les serres humides ou sur les plantes recouvertes par les eaux impures.

En 1909, continuant ses recherches sur les maladies bactériennes, il montra que les pathologistes multipliaient à l'excès les espèces et que de nombreuses formes bactériennes fluorescentes, pathogènes pour les plantes, ne sont que des variétés des bacilles fluorescens liquefaciens et putridus, ces deux espèces devant, peut-être même; être confondues, et il indiquait qu'il n'y avait pas lieu de conserver la dénomination de B. brassicaevorus pour la bactérie que Delacroix et lui avaient trouvée précédemment sur le chou-fleur.

Depuis 1905 jusqu'à sa mort, les notes de Pathologie végétale qu'il publie soit seul, soit en collaboration avec M. Maublanc, alors Chef des travaux à la Station de Pathologie végétale de Paris, se succèdent avec rapidité, témoignant de la grande activité de ces chercheurs. Ce sont des travaux sur la maladie du Cacaoyer due au Lasiodiplodia Theobromae, de nombreuses recherches sur le Blanc du Chêne, sur les maladies de la Betterave, de la Vigne, des céréales, qui sont publiées. Il étudie et décrit ensuite avec M. Maublanc, une Rouille nouvelle des Orchidées due à l'Hemileia oncidii, les altérations des feuilles de Clivias, celles des branches de Poirier et du Pommier dues au parasitisme du Sphaeropsis et du Diplodia, la maladie des perches du Châtaignier, désignée sous le nom d'Encre, où il cherche à établir le parasitisme du Melanconis et du Coryneum ; une maladie du Ray-grass due à une chyridinée nouvelle qu'il décrit sous le nom de Cladochytrium coespilis; deux moisissures thermophiles se développant sur le foin, une maladie des feuilles des Rosesde-Noël causée par le Coniothyrium Hellebori, de nouveaux champignons du Genre Lasiostroma parasites des fossés, les Saprolegniées attaquant les poissons, et périodiquement dans ses Notes de Pathologie végétale, il fournit sur l'évolution des maladies connues des plantes cultivées, maladies des céréales, maladies de la Vigne, des plantes horticoles, les renseignements les plus nets et les plus précieux.

En outre, en praticien, Griffon se préoccupait toujours de la lutte possible et pratique contre les parasites. Le greffage du Châtaignier pour remédier aux altérations de cet arbre, l'emploi de sels arsénicaux pour lutter contre les parasites des plantes horticoles


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retenaient son attention et il a publié sur ces questions des Notes importantes.

Bref, si sa carrière de Phytopathologiste fut trop courte pour qu'il s'en dégage déjà une impression d'ensemble comme pour sa vie de Physiologiste et de Biologiste, il apparaît nettement que dans l'étude de la Cryptogamie Griffon, qui n'avait pu encore donner toute sa mesure,s'indiquait déjà par le nombre et l'importance des Notes, publiées pendant si peu d'années, comme devant faire largement progresser cette branche de la Botanique.

Il s'affirmait là comme devant être le continuateur heureux de l'oeuvre de Prilleux et de Delacroix; et sa connaissance parfaite des plantes cultivées, de leur biologie, de leur culture le plaçaient dans des conditions exceptionnelles pour en suivre les altérations.

Enlevé ainsi brusquement, en plein essor d'une vie scientifique, grosse de promesses, et qui avait déjà été éminemment utile aux progrès de la Botanique et de l'Agriculture, Griffon laisse dans le Biologie, dans le sens large du mot, un vide difficile à combler.

Pierre BERTHAULT.


RECHERCHES PHYSIOLOGIQUES SUR LES GALLES

Par M. Marin MOLLIARD

(Fin)

III. — COMPARAISON PHYSIOLOGIQUE DES GALLES ET DES FRUITS

Déjà Malpighi [51] avait été frappé de la ressemblance morphologique qui existe entre les galles et les fruits et qui a été, depuis, précisée à diverses reprises par Darwin [15], Kerner [31], Beyerinck [6], Küstenmacher [39], Giard [25]; les deux sortes de productions peuvent en effet se rapprocher par leur carnosité, à laquelle correspond même quelquefois un caractère comestible pour les galles (cécidies de Cynipide sur Salvia pomifera, celles de l'Exobasidium Azalex) ; elles sont très souvent colorées de manière analogue par des pigments anthocyaniques ; on pourrait établir pour les galles une classification basée sur la structure anatomique et distinguer des galles-baies, des galles-drupes et des galles sèches, déhiscentes ou non; on peut encore reconnaître des galles ouvertes et des galles fermées, correspondant aux fruits des Gymnospermes et des Angiospermes; c'est sur cette dernière considération, jointe au nombre de parasites que Küstenmacher (39] a établi sa classification des galles.

Cette comparaison des galles avec les fruits est particulièrement séduisante dans certains cas où elle peut s'effectuer entre les deux sortes de productions de la même espèce végétale; tout le monde connaît, par exemple, les galles que différents Adelges déterminent sur le Picea excelsa; les feuilles entre lesquelles se développent les Hémiptères deviennent coalescentes à leur base et leur ensemble simule absolument un cône femelle; ces galles, qui rappellent encore de petits ananas, ont, dans le cas de l'Adelges strobilobius Kalt., une


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teinte blanchâtre ouvert pâle, plus rarement rougeâtre; dans celui de l'A. Abietis Kalt. les feuilles sont plus vertes, mais les bords des ouvertures, qui restent ménagées entre elles, sont poilus et souvent teintés d'un rouge assez vif; non seulement les feuilles rappellent ici les carpelles du Picea par leur forme, mais la convergence se poursuit par l'atténuation de la chlorophylle, ce qui se retrouve dans les feuilles florales, et l'apparition d'un pigment anthocyanique qu'on n'observe guère au cours du développement normal de la plan lu que dans l'appareil femelle. La comparaison peut du reste se poursuivre quand on considère l'évolution de cette production gallaire. dans laquelle les feuilles sont d'abord écartées les unes des autres, s'appliquent ensuite étroitement par leur extrémité distale et s'écartent à nouveau quand la galle a cessé son développement, permettant ainsi le départ des Pucerons; tout se passe donc à cet égard comme pour les carpelles d'un cône femelle, les parasites jouant le rôle d'ovules.

Les galles du Cynips Calycis et de l'Andricus fecundator présentent à leur base des productions en tout semblables à la cupule des glands de Chêne. On retrouve les mêmes caractères de convergente des feuilles gallaires et des carpelles pour la galle du Zeuxidiplosis Giardiana Kieff. sur l' Hipericum perforatum; ici les deux dernières feuilles d'un rameau forment deux calottes hémisphériques qui s'accolent étroitement par leurs bords, comprenant entre elles les larves du Diptère; c'est aussi la même disposition qu'on observe dans la galle si commune provoquée sur le Veronica Chamaedrys par le Perrisia Veronicae Vallot.

Les folioles de plusieurs espèces de Légumineuses sont transformées en de véritables gousses par différents insectes; tel est le cas de divers Vicia sous l'action du Perrisia Vicia; Kieff. Ailleurs il y a substitution d'un insecte à un ovule à l'intérieur même d'un carpelle: c'est ce qui se passe pour la galle du Schizomyia Pimpinellae F. Löw qui dépose ses oeufs dans l'ovaire du Daticus Carola ou d'autres Ombellifères et qui provoque l'accroissement du carpelle à la façon de l'ovule, bien qu'avec certains caractères de détail particuliers C'est aussi ce qu'on observe dans la galle du Coronilla varia où un ovule peut être remplacé par une larve d'Asphondylia.

On pourra trouver d'ailleurs dans le récent ouvrage de Küster [41], qui constitue une excellente mise au point de nos connaissances


RECHERCHES PHYSIOLOGIQUES SUR LES GALLES 343

biologiques sur les galles, une série de faits de même ordre se rapportant à une convergence que nous pouvons considérer comme bien établie à l'heure actuelle. .

Il ne serait pas difficile de montrer que la comparaison se poursuit dans l'ensemble des caractères anatomiques et je me contenterai à cet égard d'attirer l'attention sur un rapprochement que je crois nouveau et digne d'attirer l'attention. J'ai montré, à propos de la galle du Schizoneura lanuginosa, que les modifications anatomiques résultant de l'action de l'Hémiptère ne restent pas étroitement localisées à la région qui subit l'action parasitaire, mais s'étendent par exemple au pétiole de la feuille transformée et même à. la portion de la tige qui est située en dessous de ce pétiole (Pl. VII, fig. 1 et 2). Or si on considère certaines tiges fructifères, celles du Poirier par exemple, on les voit fortement renflées en dessous du fruit et les caractères anatomiques qui différencient une tige foliaire (PL VII, tig. 3) et une tige fertile (lambourde) (PI. VII, fig. 4) de cette espèce sont essentiellement les mêmes que celles qui permettent de distinguer une tige d'Orme normale et une tige de la même espèce renflée par le voisinage d'une galle; il s'agit avant tout d'un épaississernent considérable de la région vasculaire, dû à une abondante formation de parenchyme qui rend plus épars les éléments conducteurs, ligneux ou libériens; on a affaire à une véritable tubérisation de la tige. L'objection qui se présente naturellement à l'esprit pour taire rejeter l'assimilation que je propose est que, dans le cas du Poirier, ces caractères différentiels précèdent la formation du fruit; mais cette action à distance peut aussi bien être rapportée à l'action des organes reproducteurs qui se constituent à l'extrémité du rameau en question.

En s'en tenant donc aux caractères morphologiques, il est très tentant de se demander si le déterminisme qui préside à la constitution des feuilles carpellaires et des fruits n'est pas le même que celui qui est, à la base des productions gallaires; comme, d'autre part, les caractères morphologiques doivent être considérés comme étant sous la dépendance étroite et immédiate des conditions physiologiques, il faudrait, pour que l'hypothèse en question fût valable, que nous observions dans les deux cas une convergence des caractère- de nutrition. Or j'estime que celle-ci peut dès maintenant


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être mise en évidence aux différents points de vue sous lesquels nous avons considéré les galles.

Pour ce qui est de la teneur en eau, il n'existe aucun doute, et je ne parle pas seulement des fruits charnus, mais même des fruits secs, considérés naturellement à l'état vivant, c'est-à-dire avant leur dessiccation. C'est ainsi que les Samares d'Orme, débarrassées de leur embryon par un emporte-pièce, renferment 85,47 % d'eau (les feuilles normales en contiennent 66 et les galles de Schizoneura 80%).

Les quelques nombres suivants conduisent aux mêmes conclusions :

TENEUR EN EAU

Feuilles Fruits

Phaseolus vulrgaris 80,1 84,2

Rosa spinositisima 66,5 75,7

Fagus silvaiica 53,2 58,1

les fruits étant considérés à leur état adulte, avant leur dessiccation. La composition minérale des cendres des fruits présente de son côté de remarquables ressemblances avec ce que nous avons observé pour les galles; j'ai comparé à cet égard les Samares de l'Orme avec les galles de Schizoneura lannginosa; les cendres des fruits de l'Orme sont pulvérulentes comme celles des feuilles, mais plus fines et d'un blanc plus pur. Les résultats relatifs aux principaux éléments son! représentés par les nombres suivants en regard desquels j'ai porté ceux qui se rapportent aux feuilles normales et aux galles de Schizoneura lanuginosa.

% DF. CENDRES

Feuilles Galles Samares

CO 2 0,79 9,87 4,54

SiO 2 . 35,80 12,10 12,21 ;

P2<) 5 0,40 1,50 2,63

CaO 38,92 20,73 22,26

K 20 | 9,20 42,64 43,54


RECHERCHES PHYSIOLOGIQUES SUR LES GALLES

345

On trouve donc dans les Samares de l'Orme, comme dans les galles considérées, plus de gaz carbonique, d'acide phosphorique et de potasse, mais moins de silice et de chaux que dans les feuilles ordinaires. Ceci cadre d'ailleurs avec tous les résultats obtenus par divers auteurs qui ont analysé les cendres de fruits, en les comparant ou non avec celles des feuilles de même espèce; je rapporterai ici quelques-unes de ces données, en ce qui concerne les quantités de chaux, de potasse et d'acide phosphorique contenues dans 100 gr. de cendres; la plupart des nombres sont empruntés à l'ouvrage de König [36] :

CaO K 20 P2Os

Fouilles . 37 22 7

Vitis vinifera ....

Fruits ... 4 49 21

Feuilles . 36 Prunus Cerasus . . .

Fruits ... 4 58 15

Feuilles 28 28 10 Vaccinium Myriillus

Fruits ... 8 57 17

Feuilles 38 » »

Ficus Carica j

Fruits ... 11 55 13

I Feuilles .53 19 3 Humulus Lupulus .

Cônes 25 39 19

Prunus Armeniaca. Fruits ... 4 64 14

Pirus Malus Fruits .... 4 56 8

Ribes rubrum Fruits ... 6 43 18

Fragaria vesca .... Fruits ... 5 50 25

On sait d'autre part que l'évolution des fruits est caractérisée en partie par la simplification qui s'opère dans les substances sucrées qu'ils renferment, par une teneur souvent considérable en acides libres ainsi qu'en tannins, au moins à un moment donné de leur développement; les pigments si caractéristiques des fruits se retrouvent dans les galles les plus variées, d'origine végétale ou animale, et plus généralement apparaissent comme le résultat d'une réaction très


346

REVUE GENERALE DE BOTANIQUE

fréquente des cellules végétales vis-à-vis des parasites, que ceux-ci produisent ou non des cécidies.

Les substances azotées se comportent aussi de façon analogue dans les fruits et dans les galles; Huber a signalé la présence d'une quantité importante d'asparagine dans les jeunes fruits du Poirier; mais le taux d'azote soluble reste élevé pendant tout le développement des fruits; quelques analyses, effectuées dans les mêmes conditions que pour les galles, m'ont fourni les nombres suivants, permettant de comparer les rapports existant entre l'azote soluble et l'azote total dans les feuilles, les fruits adultes et les galles d'une même espèce végétale.

% DE SUBSTANCE SÈCHE AZOTE S0LUBLE;

Az. total TTIoTuble %AZOTE TOTAL

' Feuilles 3,06 0,62 20

UImus \ Galles de Schizo,

Schizo, ) neura lanuqinosa . . 2,23 1,18 53

campestris I

\ Samare 3,63 0,76 21

I

: Feuilles 1,68 0,27 16

Galle de Bliodiles

spinosis- Spinosissimoe 0,62 0,16 26

sirna [^ Cynorrhodons 0,99 0,25 25

Feuilles 2,11 0,11 5

Fagus Galle dc Mikioia

Fagi : 0,41 0,18 44

silvatica

Cupules 0,30 0,08 22

Phaseolus Feuilles 3,28 0,62 19

vulgaris ( Gousses 1,30 0,68. 52

Les fruits, analysés après avoir été débarrassés de leurs graines, comme les galles l'avaient été de leurs parasites, présentent donc une proportion d'azote soluble plus considérable que les feuilles chlorophylliennes.

Enfin c'est un fait banal que beaucoup de fruits contiennent


RECHERCHES PHYSIOLOGIQUES SUR LES GALLES 347

des oxydasés particulièrement actives et c'est un nouveau point de contact avec les galles.

Nous sommes ainsi amenés, par des considérations empruntées à des ordres très différents, à regarder les parasites cécidogènes comme ayant vis-à-vis d'une plante une action comparable à celle des organes reproducteurs et des embryons de la plante même, action se traduisant par un chimisme analogue et aboutissant par suite à une convergence frappante des caractères morphologiques.

Mais nous n'avons fait jusqu'ici que constater un ensemble de modifications physiologiques apparaissant dans les galles comme dans les fruits lorsqu'on les compare à l'organe foliaire chlorophyllien; il y aurait lieu de se demander comment les faits observés se relient les Uns aux autres, quel est leur enchaînement; nous sommes assez mal armés pour répondre exactement, mais nous ne pouvons pas ne pas remarquer que dans les galles et les fruits les particularités chimiques sont accompagnées d'une atténuation considérable de la chlorophylle et il est naturel de penser qu'il existe une relation entre cette disparition plus ou moins complète du pigment assimilateur et l'ensembles des modifications physiologiques observées; l'étude des feuilles normalement dépourvues de chlorophylle ou dans lesquelles les corps chlorophylliens subissent une dégénérescence pourra nous donner des renseignements sur la valeur de cette vue à priori.


348

REVUE GÉNÉRALE DE BOTANIQUE

IV. — COMPARAISON DES GALLES

AVEC LES ORGANES OU LA CHLOROPHYLLE EST ATTÉNUÉE

OU FAIT DÉFAUT

I. FEUILLES PANACHÉES. — Il n'entre pas dans mon intention de faire l'étude complète et comparative des feuilles vertes et des feuilles panachées d'une même espèce végétale; je voudrais simplement montrer que plusieurs caractères présentés par les galles et les fruits se retrouvent dans les feuilles des variétés présentant le phénomène de l'albinisme.

Quelques nombres nous montreront que la teneur en eau est plus élevée dans les feuilles panachées (ces nombres se rapportent à des feuilles d'un même individu).

% D'EAU

de SUBSTANCE FRAICHE

Feuilles vertes 85,93

Sambucus nigra. . . . 5

Feuilles panachées 89,00

Feuilles vertes 72,18

Feuilles panachées 81,58

Feuilles blanches 87,20

Feuilles vertes 56,28

Evonymus japonica.. ... parties vertes 63,41

panachées parties blanches 72,89

Quercus rubra Feuilles vertes 58,08

(D'après Church [12b]) Feuilles blanches 72,69

La composition minérale offre également plusieurs caractères rappelant ceux des galles ; je rappellerai à ce sujet les nombres donnés par Church [ 12b] et relatifs aux feuilles vertes et blanches d'un Quercus rubra :


RECHERCHES PHYSIOLOGIQUES SUR LES GALLES

349

Feuilles vertes Feuilles blanches

Cendres % de matière sèche 3,85 8,33

SiO 2 4,25 3,15

SO 3 10,05 7,18

P2O 5 15,80 14,25

% de cendres /

1 CaO . , 24,50 8,25

I K 20 29,10 49,38

l Fe 203 1,24 0,84

Church a donné des nombres analogues pour l'Ilex aquifolium, l'Hedera Hélix et l' Acer Negundo [12a]. Il y a plus de cendres dans les feuilles blanches que dans les feuilles vertes, contrairement à ce qui se passe pour les galles ; mais on trouve comme précédemment moins de silice, de chaux et de fer et plus de potasse. Ivanow [30], de son côté, a trouvé plus de phosphore dans les feuilles blanches que dans les feuilles vertes. Weevers, dans une étude récente sur la localisation et la fonction du potassium [85], rapproche la grande teneur en potassium des feuilles blanches d'une forte désassimilation des substances albuminoïdes et rappelle à ce sujet les résultats qu'il a obtenus [84] relativement à la désintégration des substances protéiques dans les moitiés jaunes de feuilles de Thea assamica.

Qu'il y ait d'autre part moins de sucres complexes dans les feuilles blanches, cela est évident par la seule considération que l'amidon n'apparaît plus ou à peine dans les chloroleucites plus ou moins profondément désorganisés de ces feuilles.

Quant à la manière dont se comportent les substances azotées, elle est tout à fait analogue à ce qui se passe dans les galles. Tous les matériaux qui m'ont servi à établir comme précédemment le rapport de l'azote soluble à l'azote total ont été récoltés simultanément pour une même espèce et desséchés dans les mêmes conditions. Pour l'Acer Negundo les feuilles vertes, les feuilles panachées et les feuilles blanches proviennent d'un même individu ; les feuilles vertes correspondent à un rameau qui s'est affranchi de la panachure et qui était devenu fertile alors que le reste de l'arbre ne développait jamais de fruits; les feuilles entièrement blanches apparaissaient surtout sur de grêles rejets du tronc principal qui présentaient le


350

REVUE GENERALE DE BOTANIQUE

phénomène de chlorose totale jusque dans l'écorce. Toutes les feuilles de Sambucus nigra ont aussi été récoltées sur un même individu; pour l' Acer pseudoplatanus les feuilles vertes ont été récoltées sur un individu de l'espèce normale et les feuilles panachées sûr un pied de la variété horticole variegata qui croissait près du précédent. La comparaison a été établie, dans le cas du Pelargonium zonale entre les feuilles d'une variété florifère non panachée et celles de la variété connue en horticulture sous le nom de Madame Salleron. En ce qui concerne l'Evonymus japonicus, l'Aspidistra elatior et le Vinca major, les analyses ont porté sur les feuilles d'individus entièrement verts et sur les parties vertes et blanches de feuilles panachées; enfin je rappelle les résultats obtenus par Church [12b] au sujet du Quercus rubra qui nous a déjà occupé, résultats qui cadrent parfaitement avec tous ceux qui nous sont personnels.

QUANTITÉS D'AZOTE TOTAL ET D'AZOTE SOLUBLE CONTENUES DANS LES FEUILLES VERTES ET LES FEUILLES PANACHÉES DE MÊME ESPÈCE

% DE SUBSTANCE SÈCHE AZOTE

—— SOLUBLE

Azote total Azote soluble % D'AZ0TE

TOTAL

(Feuilles vertes 4,20 0,81 19,3

Acer Feuilles panachées 4,45 1,39 31,2

Negundo Feuilles blanches 5,73 2,98 52

Acer Feuilles vertes 3,24 1,11 34,2

pseudopla- Feuilles panachées. .. . 5,69 2,72 47,7 tanus

Sambucus Feuilles vertes 6,12 2,01 32,8

nigra Feuilles panachées. .. . 7,13 3,5 1 49,2

( Feuilles vertes 2,55 0,55 21,5

Vinca ... part, vertes 3,63 0,69 19 major Feuilles ; part, blanpanachées

blanpanachées . . . . 5,39 3,09 57,3

( Feuilles vertes 2,88 0,40 13,8

Pelargo- part vertes 3,04 0,97 31,9 nium Feuilles part blanzonale

blanzonale panachées part. blanches . . _ . 4,81 2;56 53,2

(Feuilles vertes 1,25 0,10 8

Evonumus) _ ... part, vertes 1,78 0,16 8,9 japonicus) Feuilles part, blanpanachées

blanpanachées . . . . 2,81 0,68 24,2

( Feuilles vertes 2,47 0,71 28,7

Aspidistra) (part, vertes 2,70 0,86 31,8 elatior Feuilles part, blan0panachées

blan0panachées 3,12 2,08 66,6

Quercus Feuilles vertes 2,78 0,37 13,3

rubra 5 Feuilles blanches 3,94 1,29 32,7


RECHERCHES PHYSIOLOGIQUES SUR LES GALLES 351

Il y a donc constamment augmentation de la quantité d'azote total dans les feuilles panachées par rapport aux feuilles vertes de la même espèce et, pour une même feuille panachée, quand on passe des parties vertes aux parties blanches ; mais surtout on observe, dans les mêmes conditions, une augmentation très notable de niasse des matières azotées solubles, d'une manière absolue et plus encore lorsqu'on compare la proportion de ces substances azotées solubles à la quantité totale des substances azotées organiques.

Rappelons encore, à propos des feuilles panachées, les résultats obtenus par Pantanelli [65] concernant l'existence de diastases oxydantes actives dans les parties blanches; le même auteur a en outre montré que cène sont pas seulement les oxydases et peroxydiastases qui sont plus abondantes dans les organes décolorés, mais aussi des diastases protéolytiques et amylolytiques, si bien que nous pouvons dans ce cas rapporter la grande quantité d'azote soluble à l'activité plus grande des diastases agissant sur les substances albuminoïdes.

La plupart des caractéristiques physiologiques des galles, qui se retrouvaient chez les fruits, apparaissent donc encore ici et coïncident avec une atténuation ou une disparition complète de la chlorophylle; mais, avec les feuilles panachées, nous sommes en présence de cas pathologiques (que leur nature parasitaire soit démontrée ou non ultérieurement) et il est intéressant de constater que la comparaison se poursuit avec des organes foliaires normalement dépourvus de chlorophylle.

FEUILLES NORMALEMENT DÉPOURVUES DE CHLOROPHYLLE. — J'ai porté dans le tableau qui suit les résultats concernant la teneur en eau et le taux de l'azote soluble et relatifs à des feuilles peu ou point chlorophylliennes comparées aux feuilles assimilatrices de la même espèce; j'ai comparé de la sorte les feuilles ordinaires du Viburnum Opulus aux bractées florales blanches de la même plante, celles du Lilium candidum aux pétales encore jeunes et un peu verts et aux pétales étalés, entièrement blancs, celles de l'Arum maculatum aux spathes peu chlorophylliennes, enfin les tiges vertes feuillées stériles de l'Equisetum arvense aux tiges fertiles sans chlorophylle; un certain nombre de ces dernières ont été amenées à se développer à l'abri de la lumière, pour juger de l'influence possible de ce dernier facteur en dehors de la chlorophylle; les résultats sont les suivants :


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REVUE GÉNÉRALE DE BOTANIQUE

QUANTITÉS D'AZOTE TOTAL ET D'AZOTE SOLUBLE CONTENUES DANS LES FEUILLES CHLOROPHYLLIENNES ET LES FEUILLES NORMALEMENT DÉPOURVUES DE CHLOROPHYLLE D'UN MÊME INDIVIDU.

EAU % % DE SUBSTANCE SÈCHE AZOTE

de SOLUBLE

FRAÎCHE Az. total Az.soluble d'Az. tolal

Viburnum Feuilles vertes » 3,75 0,33 8,8

Opulus ) Bractées florales » 2,49 0,71 28,5

Feuilles vertes » 2,29 0,84 36,6 ;

Lilium candidum Pétales un peu verts » 1,78 0,71 39,9

Pétales entièrement blancs. » 1,88 0,92 48,9

Arum \ Feuilles vertes 88,21 3,73 0,73 19,5

Arum maculatum Spathes 92,44 3 1,24 41,3

Tiges vertes feuillées 88,90 3,08 0,72 23,3

Equiselum arvense Tiges fertiles à la lumière. 92,65 2,61 1,34 51,3

développées ( à l'obscurité ,, 2, 69 1, 58 58

Il y a toujours relativement plus d'azote soluble quand la chlo_ rophylle vient à disparaître; les cas de pétales de Lis est particulièrement intéressant à cet égard, car les pétales jeunes, un peu chlorophylliens, se rapprochent beaucoup plus, par leur taux relatif d'azote soluble, des feuilles vertes que les pétales âgés; nous ne sommes donc pas ici en présence d'un caractère lié à l'âge de l'organe considéré.

On peut constater que, par contre, lorsque la chlorophylle est simplement masquée, sans subir de diminution, comme il arrive pour les feuilles des variétés pourpres (voir Griffon [28]), nous n'assistons pas à une augmentation de l'azote soluble; j'ai obtenu pour le Hêtre et le Noisetier les nombres ci-dessous, tout à fait comparables :

% DE SUBSTANCE SÈCHE

AZOTE SOLUBLE

Az. total Az. soluble % D'AZ. TOTAL

Fagus l Feuilles vertes 2,84 0,15 5,2

silvatica Feuilles pourpres .. . 2,70 0,18. 6,6

Corylus Feuilles vertes 2,91 0,12 4,1

Avellana \ Feuilles pourpres ... 2,53 0 ,07 3,2


RECHERCHES PHYSIOLOGIQUES SUR LES GALLES

353

Il y a donc un rapport évident entre la nature des matières azotées et la quantité de chlorophylle contenue dans la feuille et nous ne pouvons nous empêcher, en passant, de voir dans l'atténuation de la chlorophylle dans les tiges fertiles de l'Equisetum arvense ou dans les feuilles florales (bractées, pétales...) ainsi que dans la coloration qui apparaît souvent dans ces organes, un caractère de conveirgence avec ce qui se passe pour les galles; nous sommes logiquement amenés à reconnaître comme déterminisme à ces caractères le même que celui qui préside à la formation des fruits, c'està-dire une action chimique ayant son point de départ dans les organes reproducteurs ; cette façon de comprendre les choses est peut-être aussi séduisante que de rapporter les faits signalés à l'intervention de la sélection agissant en vue d'assurer la fécondation par les insectes.

FEUILLES AUTOMNALES. — Les feuilles assimilatrices peuvent elles-mêmes présenter, vers la fin de leur développement, une transformation de leur pigment vert qui est remplacé par des substances colorées qui en sont très différentes, telles l'anthocyane; or, dans ces conditions, nous observons encore une augmentation très sensible du taux de l'azote soluble, comme l'a signalé André [1]; je rapporterai ici les nombres que j'ai obtenus de mon côté pour le Hêtre et le Pois, dont j'ai dosé l'azote des feuilles à différentes époques de la végétation :

% DE SUBSTANCE SÈCHE AZOTE SOLUBLE

Az. total Az. soluble % D'AZOTE TOTAL

Fagus silvatica

Feuilles du 4 avril 3,13 0,34 10,9

9 juin 2,58 0,21 8,1

13 septembre 2,26 0,20 8,8

10 octobre 2,22 0,19 8,5

1er nov. (vert-jaune). 1,21 0,29 24

» 2 novembre (jaunes). 0,94 0,29 30,9

Pisum sativum

Feuilles du 19 juin (vertes) 3,48 0,87 25

4 juillet (jaunes).... 1,92 0,73 38

Rev. gén. de Botanique. — XXV. 23.


354 REVUE GÉNÉRALE DE BOTANIQUE

résultats qui confirment tout ce que nous avons appris précédemment sur les rapports de la chlorophylle et de la composition azotée (la même simplification a lieu pour les substances sucrées) ; ils paraissent d'autre part expliquer certains phénomènes biologiques, tels que le développement sur les galles de parasites secondaires; il n'est pas rare, par exemple, de remarquer sur les cécidies de Ponlania proxima, surtout à leur périphérie, des plages sporifères de Metampsora, alors qu'on n'en voit pas encore trace sur les feuilles normales ou même les parties non attaquées des feuilles porteuses de galles; ce n'est que plus tard,, lorsque la feuille est âgée, que ces productions l'envahissent à leur tour; ce que nous avons appris précédemment, touchant la composition chimique des galles et des feuilles arrivées au terme de leur évolution, nous permet d'expliquer le fait que nous rappelons par la réalisation, à des époques différentes pour la galle et pour la feuille, de conditions identiques et favorables au développement des spores de l'Urédinée.

D'autre part il nous est impossible, dans le cas des feuilles automnales, de rapporter l'allure de la composition azotée à un étal, de jeunesse, c'est de vieillesse qu'il faudrait parler ici, et il va sans dire que plusieurs caractères physiologiques acquis au cours du développement de la feuille ne se modifient pas dans le sens observé pour les galles; c'est le cas par exemple de la composition minérale; il en est de même avec encore plus d'évidence de la structure anatomique acquise d'une manière définitive.

Mais nous retrouvons, en ce qui concerne les échanges gazeux des feuilles automnales, des faits qui cadrent avec ceux que nous avons observés dans le cas des galles ; rappelons à cet égard les conclusions qui viennent d'être formulées par Maquenne et Demoussy [54] : « Le coefficient respiratoire des feuilles vertes est plus grand que 1 pendant toute la période de végétation active ; son décroissement et surtout son abaissement au-dessous de l'unité sont un signe de dégénérescence » et qui résultent de mesures faites en particulier sur des feuilles d'Allante au mois de novembre, de vieilles feuilles de Lierre, ou sur le Maïs et le Troène en octobre.

PLANTES PARASITES. -— Les plantes parasites ou saprophytes, dans lesquelles la chlorophylle a plus ou moins complètement disparu, nous offrent aussi des caractères physiologiques semblables


RECHERCHES PHYSIOLOGIQUES SUR LES GALLES

355

à tous ceux que nous venons d'observer : grande teneur en eau, abondance de potassium dans le Monotropa hypopitys et les Cuscuta (in Weevers [85]), taux élevé de l'azote soluble; ici on ne peut guère que constater la valeur absolue du rapport obtenu entre l'azote soluble et l'azote total; cependant pour le Neottia Nidus Avis, j'ai établi la comparaison avec les résultats fournis par une Orchidée pourvue de chlorophylle, VOrchis montana, qui se développait dans le voisinage de l'espèce précédente :

% DE SUBSTANCE SÈCHE Azote Soluble

% d'azote

Azote total Azote soluble

Orchis montana (tige et feuilles) . . 2,24 0,21 9,7

Neottia Nidus Avis (tige et écailles). 2,03 0,30 14,7

Orobanche cruenta (tige florifère

débarrassée des fleurs) 0,62 0,15 24,2

Cyiinus hypocistis (tige florifère

débarrassée des fleurs) 0,49 0,12 24,5

Cuscula epithymum 1,97 1,32 66,9

Le taux de l'azote soluble est donc plus élevé dans le Neottia que dans l'Orchis montana et, pour les autres plantes, particulièrement la Cuscute, les nombres qui l'expriment sont en eux-mêmes plus grands que pour l'ensemble des organes chlorophylliens normaux.

La quantité relativement considérable de nitrates contenus dans les plantes parasites (Lutz [49]) s'explique aussi par l'absence de chlorophylle qu'on a été amené à regarder comme l'agent de la transformation de l'acide azotique en substances organiques (voir Laurent et Marchal [45]).

Les plantes parasites se rapprochent encore des cas précédemment envisagés par la présence d'oxydases particulièrement actives; c'est ainsi que des extraits glycérines d'Orobanche cruenta et de Neollia Nidus Avis m'ont donné avec la teinture de gaïac une réaction très énergique, ainsi qu'avec l'hydroquinone et la tyrosine; elle se produit aussi avec la tige d'Orchis montana, mais beaucoup plus faiblement.


356 REVUE GÉNÉRALE DE BOTANIQUE

Des rapprochements qui précèdent, il est permis de conclure que les caractères chimiques présentés par les différentes sortes d'organes considérés sont liés à la disparition de la chlorophylle; mais de quelle manière s'établit la relation ? Où est la cause et où est l'effet ? L'idée qui paraît tout d'abord s'imposer à l'esprit consiste à faire dépendre les caractères chimiques, qui nous ont frappé par leur constance dans tous les cas étudiés, de l'absence de chlorophylle; la simplification des substances sucrées et azotées s'expliquerait en particulier par l'absence des phénomènes de synthèse pour lesquels la chlorophylle est nécessaire; on serait en présence de substances migratrices provenant des autres organes et ne se condensant pas; c'est l'opinion exprimée par Pantanelli [66] et défendue par Paris et Trotter [68]. Si on l'adopte, la disparition, au moins, partielle, de la chlorophylle dans les galles serait le phénomène initial que produirait le parasite. Nous serions en présence de caractères chimiques et morphologiques, comparables à ceux qu'on rencontre dans les feuilles étiolées, où l'absence de la chlorophylle est due à l'obscurité, et apparaît nettement comme déterminant les autres phénomènes différentiels.

D'autres faits plaident au contraire en faveur d'une subordination inverse; c'est ainsi que dans le cas des plantes parasites, la disparition de la chlorophylle me paraît s'expliquer beaucoup mieux par une action nocive des substances azotées relativement simples empruntées à l'hôte sur le pigment chlorophyllien; d'autre part, cette manière de voir est en accord avec des expériences de Palladine [64] et de moi-même [58] sur l'action défavorable exercée par certaines substances azotées, telles que les peptones, vis-à-vis de la chlorophylle; c'est ainsi que j'ai pu obtenir des Radis à feuilles presque entièrement blanches en les faisant se développer sur une solution gélatinée de peptone à 2 %. Enfin, la présence de diastases protéolytiques dans les feuilles panachées est un nouvel argument en faveur de cette manière de relier les faits ; et alors on est entraîné à l'idée que les parasites cécidogènes sécréteraient, entre autres substances, dans les tissus sur lesquels ils agissent, des diastases et particulièrement des diastases protéolytiques.

La succession des phénomènes, si on adopte cette manière de voir, serait alors la suivante : simplification par digestion des substances protéiques entraînant l'atténuation de la chlorophylle, d'où résulte-


RECHERCHES PHYSIOLOGIQUES SUR LES GALLES 357

raient une composition des cendres particulière, une plus grande teneur en eau, etc.. ; peut-être d'autre part faudrait-il faire dériver, parallèlement à ces modifications entraînées par la disparition de la chlorophylle, la formation particulièrement abondante de tannins et de corps anthocyaniques dans les galles et les fruits de la décomposition des substances azotées complexes; le noyau phénolique aurait alors chez les végétaux la même origine que chez les animaux et dériverait dans les deux cas des substances protéiques.

Ce sera à l'expérience à décider entre ces deux manières possibles de relier les faits.

Nous avons, en résumé, mis en évidence un certain nombre de caractères physiologiques communs aux galles et aux fruits d'une part et aux feuilles non vertes d'autre part, et cet ensemble de caractères d'ordre chimique paraît entraîner pour toutes ces productions une structure relativement simple, correspondant en particulier à un parenchyme peu différencié; mais pour les galles et les fruits, on observe en outre des phénomènes d'hyperplasie et souvent, dans le cas des galles, d'hypertrophie cellulaire; on est amené par suite à penser qu'en outre d'une action générale se rapportant à l'absence de chlorophylle il existe, pour les galles et les fruits, une action due vraisemblablement à des substances sécrétées spécialement par les parasites; c'est cette action cécidogène qui va nous occuper dans le dernier chapitre de notre travail.


358 REVUE GÉNÉRALE DE BOTANIQUE

V. — ESSAIS DE PRODUCTION EXPÉRIMENTALE DE GALLES

La comparaison établie entre les caractères physiologiques et morphologiques des galles nous permet de comprendre en partie comment les seconds dérivent des premiers, mais quelle est la causé initiale de l'ensemble des transformations ? On est unanime à admettre, pour expliquer la production des galles, l'existence d'un produit sécrété par le parasite au moment de la ponte ou par la larve elle-même; c'est cette substance qui agirait sur les tissus en voie de formation pour leur imprimer des caractères si différents de ceux qu'ils acquièrent dans les conditions normales.

C'était déjà là l'explication proposée par Malpighi (51], c'est celle qu'adoptèrent Lacaze Duthiers [43], Beyerinck [5], etc. On sait que des organismes très voisins, tels que des Hémiptères ou des Phytoptides, peuvent, suivant leur nature spécifique ou même leur forme évolutive, produire ou non des réactions gallaires suides organes vis-à-vis desquels ils se comportent de manière identique au point de vue mécanique de la piqûre et de la succion; il ne paraît donc pas que ce soit cette succion, provoquant un appel de sève, qui soit la cause cécidogène, mais bien l'introduction, lors de cette succion, d'une substance sécrétée par les seules espèces qui produisent des galles (1).

Il faut reconnaître d'autre part que toutes les expériences tentées en vue de démontrer le bien fondé de cette hypothèse n'ont conduit qu'à des insuccès; c'est ainsi que Kny [34], Küstenmacher [39], Beyerinck [6], Laboulbène [42], Küster [41], Magnus [50] et bien d'autres, ont essayé l'action, soit de différentes substances chimiquement définies (acides, essences, extrait de cantharides, albumine, etc.), soit de liquides extraits de galles ou de leurs

(1) La découverte de Buchner [10 et 11] et de Peklo [71] relative à la présence et à la transmission héréditaire chez différents hémiptères d'organismes symbiotiques, bactéries ou levures (il en a été signalé en particulier chez le Schizoneura lanuginosa) pourrait faire songer à leur intervention dans la production des galles; mais de telles associations existent dans des espèces non cécidogènes et il m'a été impossible de mettre en évidence dans les galles de l'Orme de semblables organismes.


RECHERCHES PHYSIOLOGIQUES SUR LES GALLES 359

parasites ; les résultats de leurs expériences ont toujours été négatifs ; il en a été de même de celles que j'ai entreprises depuis de longues années et qui ont consisté à faire agir sur de jeunes feuilles d'Orme des extraits, obtenus dans des conditions variées, du Schizoneura lanuginosa ou de la galle que cet insecte détermine. On rencontre d'ailleurs au cours des recherches de cette nature des difficultés telles qu'elles suffisent à expliquer l'échec auquel tous les chercheurs ont abouti jusqu'ici.

J'ai songé alors à m'adresser, non plus à des parasites animaux, mais à des microorganismes cécidogènes de nature végétale, qu'il fût possible de cultiver d'une manière pure et dont on pût par suite obtenir, en quantité aussi grande qu'on le désire, les produits qu'ils sécrètent pendant leur développement; c'est le cas du Rhizobium radicicola Beyer qui a servi aux expériences dont je vais relater les principaux résultats.

Le parasite, isolé des tubercules radicaux de Fève, a été cultivé dans le milieu qui a servi à Mazé [57] et qui est constitué par un bouillon de Haricots blancs additionné de 1 p. 1.000 de chlorure de sodium et 2 % de saccharose. Ce liquide, contenu dans des ballons de 500 centimètres cubes, a été ensemencé avec le parasite et, au bout de 10 jours de développement du Rhizobium, a été filtré, d'abord à travers du papier puis à l'aide d'une bougie de porcelaine, de manière à l'obtenir à l'état stérile; il était ensuite réparti dans des tubes où il servait de milieu pour le développement aseptique des plantules de Pois ; les graines étaient au préalable stérilisées par le contact de quelques instants avec de l'alcool absolu, puis, pendant une minute et demie, avec une solution aqueuse de bichlorure de mercure à 1 %; elles étaient ensuite, après lavages répétés à l'eau stérilisée, mises à germer aseptiquement sur de l'ouate humide.

Pour rendre aisées les cultures de Pois dans les milieux liquides qui vont être utilisés, j'ai employé des tubes assez longs et fortement étranglés vers leur milieu ; la partie inférieure était remplie de liquide exactement jusqu'à l'étranglement et celui-ci maintenait les graines, tout en leur permettant d'engager leur radicule dans le liquide. Les premières cultures dont je vais parler ont été effectuées les unes, servant de témoins, sur de l'eau de Vanne stérilisée par la chaleur (loi. n° 1), les autres avec le bouillon de Haricots dans lequel s'était


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REVUE GENERALE DE BOTANIOUE

développé le Rhizobium, filtré comme je l'ai indiqué précédemment et réparti aseptiquement dans les tubes (lot n° II).

L'allure générale des plantes développées dans les deux séries est fort différente et c'est naturellement la racine qui se montre le plus modifiée; au bout de 7 jours, on constate qu'en I (Pl. VIII, fig. 1), la racine principale a une longueur de 8 centimètres; elle porte de nombreuses radicelles, relativement longues (les plus âgées atteignent environ 3 cm. 5); en II, au bout du même temps, la racine principale n'a que 4 cm. de long et les radicelles sont à peine développées en dehors de la racine-mère; filles ont l'apparence d'une série de petits pointements épineux; celles qui sont le plus développées, dans la partie supérieure de la radicule, ont commencé leur croissance en dehors du liquide.

Mais c'est surtout par leur épaisseur que les radicules se distinguent dans les deux lots; en I, le diamètre transversal est d'environ 1 mm. 3 dans leur partie moyenne; il devient égal en II à 4 mm. 5, et cela dans presque toute l'étendue de l'organe qui prend l'aspect d'un pivot; l'action du liquide de culture où s'est développé le Rhizobium se traduit donc par un ralentissement marqué dans la croissance en longueur et par un renflement très accentué.

Cette sorte de tubérisation de la racine est acquise par plusieurs modifications anatomiques qui intéressent surtout l'écorce ; c'est en effet cette dernière qui est particulièrement accrue, comme l'indiquent les nombres suivants.

RAYON TRANSVERSAL (en m/m)

TOTAL CYLINDRE ÉC0RCE j|

CENTRAL

Lot N° I 0,65 0,20 0,45

Lot N° II 2,25 0,30 1,95

Dans la racine développée en présence d'eau de Vanne (PI. IX, fig. I), l'écorce comprend 10 assises extra-endodermiques ; l'endoderme se trouve séparé du liber (nous considérerons toujours dans ces comparaisons un secteur de la racine comprenant un faisceau libérien) pour une assise péricyclique, et présente des épaississements subérisés occupant la partie médiane des cloisons radiales ; l'assise pilifère a développé des poils absorbants normaux assez longs et


RECHERCHES PHYSIOLOGIQUES SUR LES GALLES 361

les cellules corticales ont une section circulaire; elles offrent donc entre elles des méats réguliers.

La structure de l'écorce est toute différente pour la racine du lot n° II ; on compte 13 ou 14 assises extra-endodermiques et la taille des cellules augmente régulièrement de l'intérieur vers l'extérieur; les plus internes ont absolument la forme et la disposition des cellules corticales de la racine normale (1) ; au fur et à mesure qu'on se rapproche de la surface extérieure les cellules augmentent de diamètre, leurs méats deviennent plus importants, allant jusqu'à se transformer en lacunes, et, au lieu de rester sphériques, ces cellules s'allongent radialement, si bien que celles qui sont en dedans de l'assise pilifère peuvent présenter un diamètre transversal de 90 u. et une longueur de 400 y. dans le sens radial (les cellules moyennes de l'écorce normale ont un diamètre d'environ 55 u). Les cellules de l'assise pilifère peuvent présenter un ou deux prolongements très courts qui ne sont autre chose que des poils absorbants atrophiés.

L'endoderme subit lui aussi un léger allongement radial et il est intéressant de remarquer que celui-ci ne porte que sur une moitié de chaque cellule, celle qui est extérieure au cadre subérisé ; ce fait, joint à ce que le cylindre central est très peu modifié, qu'en tout cas les transformations qu'il subit peuvent être considérées comme un effet secondaire, est à rapprocher des résultats obtenus par Rufz de Lavison [77] ; il s'agit de la manière dont se comporte l'endoderme vis-à-vis de certaines substances qui, absorbées par les membranes des cellules corticales et ne pénétrant pas dans le protoplasma, sont arrêtées par le cadre subérisé; tout semble se passer ici comme si les substances qui agissent sur la morphologie de la racine dans le lot n° II avaient un effet d'autant plus intense que les cellules sont plus rapprochées du liquide, parce qu'elles pénètrent ainsi en quantité d'autant plus grande; leur action cesse de plus à l'endroit précis où prend fin leur conduction par les membranes cellulaires; ni le péricycle ni le liber, ni même la partie interne des cellules endodermiques ne subissent en effet de modifications appréciables.

(1) Dans une communication préliminaire [62] j'ai rapporté à tort ces cellules à la région péricyclique, trompé par l'examen de coupes fines non débarrassées de leur contenu protoplasmique ; ce n'est que sur des coupes réduites à leur squelette cellulaire par l'action de l'hypochlorite de sodium que le cadre subérisé de l'endoderme apparaît avec toute sa netteté.


362 REVUE GÉNÉRALE DE BOTANIQUE

Ajoutons que le noyau est le siège d'une hypertrophie de même ordre que celle des cellules ; alors que son grand axe est d'environ 10 u. dans une cellule corticale moyenne de la racine témoin, il peut atteindre plus de 20 u. dans les cellules hypertrophiées.

L'ensemble des modifications subies par l'écorce des racines du lot n° II consiste donc dans la juxtaposition de deux phénomènes : hyperplasie et hypertrophie cellulaires (1).

Mais les cultures qui ont servi de témoins, à titre de cultures effectuées dans des conditions normales, ne sont pas suffisantes pour faire le départ entre les actions que peuvent exercer les différentes substances constitutives du liquidé complexe n° II ; il y avait lieu de se demander quelle était l'action particulière du milieu de culture précédent, mais non transformé par le développement du Rhizobium ; ce sont de telles cultures, faites parallèlement aux premières, que nous désignerons par le n° III ; de même j'ai employé comme autres liquides de culture de comparaison une solution aqueuse de peptone à 1 % (lot n° IV), une solution d'asparagine à 1 % (lot n° VI) et enfin le liquide de culture, transformé par le Rhizobium et chauffé pendant 10 minutes à 120°, après sa filtration à la bougie (lot n° V).

Dans les lots III et IV, qui se sont comportés d'une manière assez comparable, on observe un léger épaississement de la racine, en même temps qu'un raccourcissement en longueur (PI. VIII. fig. 3 et 4) ; les radicelles sont plus rigides qu'en I et restent plus courtes; en coupe transversale (PI. IX, fig. 3 et 4) l'écorce apparaît comme un peu épaissie; le nombre des assises est un peu plus grand (12 au lieu de 10), mais les cellules gardent leurs caractères essentiels; en III les cellules de l'assise pilifère présentent des poils absorbants fortement raccourcis, il n'en apparaît pas en IV; il existe donc dans le liquide III des substances ayant une action morphogénique de même ordre que celle de la peptone et qui, chimiquement, lui sont peut-être comparables. Je rappellerai ici l'hypertrophie que nous avons obtenue, Matruchot et moi [56], pour les cellules du Stichococcus bacillaris cultivées dans une solution de peptone à 3 %.

(1) La figure 1 d'un récent travail de Raybaud [74] met en évidence des modifications anatomiques de même ordre que celles que nous venons de signaler et produites sur l'axe hypocotylé du Lepidium sativum sous l'action des rayons ultra-violets; il se pourrait fort bien qu'on ait affaire dans les deux cas à une action chimique analogue, obtenue simplement par des voies différentes.


RECHERCHES PHYSIOLOGIQUES SUR LES GALLES 363

En présence de l'asparagine la racine du Pois ne subit pas de modification bien sensible, ni dans sa morphologie extérieure ni dans son anatomie ; qu'il me suffise à cet égard de renvoyer à la fig. 6 de la PI. IX où on ne voit guère comme différence avec la fig. 1 que le raccourcissement des poils absorbants.

On devine que la série V de cultures a été établie pour reconnaître si les substances qui agissent si éncrgiquement dans le liquide II ne sont pas détruites par la chaleur; on constate que les racines de ce lot (PI. VIII, fig. 5) subissent encore un raccourcissement accentué et un renflement dans le sens transversal, bien qu'à un moindre degré que les racines du lot II ; les radicelles, restant encore très courtes, sont plus longues cependant que dans le liquide non traité par la chaleur.

Les caractères anatomiques de l'écorce sont encore ceux du lot II, mais atténués ; le nombre des assises extra-endodermiques est de 12; l'allongement radial est indiqué, mais n'atteint jamais les proportions que nous avons précédemment décrites; les poils absorbants sont bien développés; l'assise endodermique offre la même particularité d'un accroissement radial limité à la partie extérieure au cadre subérisé.

La chaleur a donc laissé subsister certaines substances actives, provenant de la transformation par le Rhizoblum du bouillon de Haricots; elle en a détruit d'autres qui accentuent les caractères signalés ou bien a atténué les précédentes; ce seront de nouvelles recherches qui permettront de préciser ces points, ainsi que la nature de ces substances et les nombreuses autres questions qui se posent à nous en présence des faits que nous venons de mettre en évidence.

J'ai dit comment j'ai été amené à effectuer les expériences décrites plus haut; mais ai-je bien résolu la question que je m'étais proposée ? Les racines de Pois du lot n° II peuvent-elles être considérées comme des galles réalisées expérimentalement ? Evidemment les racines décrites ne ressemblent que de bien loin aux tubercules radicaux que le Bhizobium provoque dans la nature sur les Légumineuses ; mais je n'ai pas besoin d'insister sur les différences considérables qui existent dans les conditions correspondant aux deux cas, et dont la moindre n'est pas l'existence même du parasite dans les cellules de la cécidie. Ce qui est certain c'est que les substances fabriquées par le Rhizobium, mises en présence des racines de Pois, pro-


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duisent des phénomènes d'hyperplasie et d'hypertrophie en tout semblables à ceux qui caractérisent les galles, et en particulier celle du Rhizobium, et je ne vois aucune considération qui s'oppose à regarder les résultats obtenus comme constituant une confirmation de l'hypothèse qui s'est présentée à tous les esprits, celle d'un déterminisme chimique des cécidies.

Les racines de Pois obtenues dans le lot n° II évoquent d'autre part deux séries de phénomènes, celui de la tubérisation et celui des mycorhizes dont l'établissement entraîne la constitution de racines coralloïdes (Corallorhiza...) ; dans ce dernier cas, les organes doivent leur aspect trapu et renflé à l'action de Champignons dont nous ne savons pas encore avec certitude s'ils sont symbiotiques, ou parasites, mais qui morphogéniquement se comportent d'une manière analogue à notre liquide de Rhizobium ; on connaît d'autre part les tentatives originales de N. Bernard [2] pour ramener tous les cas de tubérisation à des actions parasitaires ; ce qui paraît du moins résulter de ce qui précède, c'est que nous nous trouvons en présence d'un phénomène d'origine chimique, que les substances auxquelles on doit le rapporter proviennent d'organismes étrangers ou de la plante ellemême; et ainsi nous sommes peu à peu amenés, par des considérations d'ordre varié, à regarder les galles comme des productions très comparables, tant au point de vue morphologique qu'à celui du déterminisme, aux fruits et aux tubercules, certaines mycorhizes servant elles-mêmes de lien très étroit entre les galles et les tubercules proprement dits.


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Les numéros d'ordre précédant les différentes indications bibliographiques correspondent à ceux qui, dans le texte, sont placés entre crochets.

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EXPLICATION DES PLANCHES

PLANCHE 7

Fig. 1-2, — Coupes transversales d'une jeune tige d'Orme (Ulmus campestris), pratiquées au-dessus (1) et au-dessous (2) d'une feuille portant une galle de Schizoneura lanuginosa (G=40).

Fig. 3-4. — Coupes transversales d'une tige stérile (3) et d'une tige fructifère (4) de Poirier (Pirus vulgaris) (G=30).

PLANCHE 8

Aspect extérieur de plantules de Pois développées dans les milieux suivants :

1. — Eau de Vanne.

2. — Bouillon de haricots transformé par le Rhizobium radicicola.

3. — Bouillon de haricots non ensemencé.

4. — Solution de peptone à 1 p. 100.

5. — Bouillon de haricots transformé par le Rhizobium radicicola et porté à 120°.

(G = 1,3).

PLANCHE 9

Fig. 1-6. — Secteurs de l'écorce de la racine de Pois développés dans les milieux suivants :

1. — Eau de Vanne.

2. — Bouillon de haricots transformé par le Rhizobium radicicola.

3. — Bouillon de haricots non ensemencé.

4. — Solution de peptone à 1 p. 100.

5. — Bouillon de haricots transformé par le Rhizobium radicicola et porté à 120°.

6. — Solution d'asparagine à 1 p. 100.

(G = 80). Fig. 1', 2', 3'. — Coupes transversales de racines développées dans les milieux 1, 2 et 3 (G=10,5).


NOTES SUR LA BIOLOGIE DES MALVACÉES

I. — BIOLOGIE FLORALE DE L'HIBISCUS LONGISEPALUS HOCHREUTLNER

Par M. B. P. G. HOCHREUTINER (Genève)

En décrivant une nouvelle et fort belle espèce d'Hibiscus, découverte parmi les plantes rapportées par Aug. Chevalier de l'Afrique Centrale, j'ai été frappé par la présence de fleurs cleistogames d'une apparence singulière et qui m'ont suggéré les réflexions suivantes.

Cet Hibiscus est une plante aux tiges dressées et aux larges feuilles très veloutées, mais pourvues en outre de longs poils rigides désagréables au toucher et qui se détachent facilement et restent dans la blessure minuscule qu'ils provoquent lorsqu'on manipule la plante.

L'apparence générale déjà est intéressante, en ce sens que tous les pédoncules sont fortement réfléchis et arqués, de sorte que les fleurs et les fruits sont toujours placés au-dessous de la feuille à l'aisselle de laquelle ils sont nés et qu'ils sont ainsi à la fois plus visibles et plus protégés.

Ils sont plus visibles parce que, les pétioles des feuilles étant tous fortement redressés, les pédoncules, qui forment avec la tige un angle de 90° ou plus, font saillir la fleur le plus loin possible de la branche. Les fleurs et les fruits sont plus protégés parce que, grâce à cette position, ils s'ouvrent à peu près exactement au-dessous du limbe de la feuille à l'aisselle de laquelle ils sont fixés.

La figure 1 donne une bonne idée de la situation de ces fleurs. Afin de mieux faire comprendre le fléchissement du pédoncule et ses conséquences, nous avons calqué l'organe sur la plante sèche et


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nous avons rajouté en pointillé la position d'une autre fleur à pédoncule encore plus fléchi. La conséquence de cette disposition saute à l'oeil et la protection de la feuille placée au-dessus serait encore

plus démonstrative, si la longue pointe acuminée était étalée, mais nous avons tenu par souci d'exactitude à la dessiner comme elle est, c'est-à-dire reployée sur ellemême par la presse à sécher.

L'utilité de rendre les fleurs plus visibles, en les faisant apparaître le plus possible à la périphérie de la plante, est évidente pour quiconque voit dans la fleur un organe destiné à attirer les insectes fécondateurs.

fécondateurs. à la protection par la feuille située au-dessus, il serait nécessaire d'observer la plante vivante dans la nature avant de rien affirmer à cet égard ; néanmoins la disposition est si frappante, même sur la plante sèche, qu'on ne peut s'empêcher d'émettre au moins une hypothèse. Il semble assez vraisemblable, en effet, que ces feuilles, très tomenteuses, et sur lesquelles, l'eau roule sans les mouiller, constituent pour chaque fleur un petit toit protecteur contre la pluie, ou contre les ardeurs du soleil au milieu du jour. Étant donné la délicatesse de la corolle des Malvacées et la dimension de celle de l'H. longisepalus, une telle précaution ne serait certes pas superflue. Il est nécessaire, en effet, que ces fleurs aient

Fig. 1.— Tige portant une fleur normale au-dessous de la feuille et un rameau axillaire présentant des fleurs cleistogames en bouton (Réduction de 1/3).


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quelque durée, parce que la fécondation y est assez aléatoire, comme le fait penser la présence de fleurs cléistogames.

Examinons maintenant ces fleurs cléistogames. A l'aisselle des feuilles de la tige principale, à côté du pédoncule de la fleur axillaire, on voit se développer de bonne heure un rameau latéral qui porte des fleurs d'une génération ultérieure. Celles-ci apparaissent

en général au moment où la fleur de base, née dans la même aisselle, est déjà transformée en fruit. Ce sont les fleurs cléistogames (v. Fig. 1) ; elles sont

plus petites dans toutes leurs parties, et leur corolle, qui atteint la longueur des sépales, mais ne dépasse guère ceux-ci, a une forme tubuleuse qu'on prendrait au premier abord pour celle d'une corolle normale, séchée et recroquevillée depuis longtemps (v. Fig. 2 et 3). Il n'en est rien cependant; si l'on ouvre cet organe, formé de cinq pièces fortement pressées les unes contre

les autres et présentant une légère torsion en spirale analogue à celle des bourgeons floraux, on trouve à l'intérieur une colonne staminale très réduite, pourvue à son sommet d'un seul verticille d'étamines. De cette colonne, on voit sortir cinq styles dont les extrémités sont fortement recourbées et arquées sur elles-mêmes, de sorte que les cinq stigmates capités viennent s'appuyer avec force contre le cercle des étamines, formant autour de celui-ci une sorte de couronne d'autant plus fermée que les stigmates portent à leur périphérie de petites franges s'enchevêtrant les unes dans les autres.

L'autofécondation est ainsi assurée, car, dans une fleur ouverte avec précaution, c'est à peine si l'on distingue une étamine dépassant un peu en haut ou en bas le cercle englobant des stigmates.

Nous avons conclu de ces observations que la plante n'est pas régulièrement fécondée par les insectes et que, comme les Violettes pour obvier à l'absence de fécondation croisée, elle développe des fleurs cléistogames.

Cependant, cette espèce provient des pays équatoriaux où, le climat étant constamment favorable, il ne semble pas que la visite

Fig. 2.— Une fleur cléistogame entière (Gross. 4/3).

Fig. 3. — Corolle d'une fleur cléistogame ouverte par dissection et montrant la colonne staminale dominée par les 5 styles recourbés (Gross. 4/3).


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des insectes puisse faire défaut pour les mêmes raisons que chez les Violettes. Celles-ci sont, en effet, si printanières que la gent ailée n'est souvent pas encore réveillée de son sommeil hibernal au moment de la floraison, ou bien les retours de froids, si fréquents dans l'Europe centrale, font rentrer trop vite dans leurs abris les insectes qui s'étaient hasardés à sortir si tôt.

Les fleurs cléistogames de l'Hibicus longisepalus sont-elles donc inexplicables ? Loin de là, et il suffit d'avoir habité les tropiques pour savoir que les phénomènes de périodicité y sont tout aussi fréquents qu'ailleurs. Dans la zone tempérée, il est vrai, la périodicité est encore frappante parce qu'elle est presque toujours en relation avec les changements de saison et elle nous semble provoquée par le climat. Cependant, les naturalistes savent bien que, même chez nous, la périodicité ne dépend pas seulement des facteurs extérieurs, puisqu'en changeant les conditions de température, elle se maintient néanmoins sans modification pendant un temps plus ou moins long.

Dans les phénomènes périodiques, l'importance des facteurs dits « internes » est confirmée par le fait que la périodicité est aussi observée dans les pays tropicaux et même équatoriaux, où régnent une température et une humidité presque toujours égales.

On connaît le cas classique du Dendrobium crumenatum de Java qui, de temps en temps, brusquement, sur toute l'île, dans les parties élevées et plus fraîches, comme dans les plaines plus chaudes, ouvre à jour fixe toutes ses corolles blanches et parfumées. Comme la plante est très commune, on peut dire que, le même jour, il y a des millions, peut-être même des milliards de spécimens qui fleurissent à la fois pour se faner le surlendemain.

Or, il en est de même pour les insectes et surtout pour les papillons. Combien de fois, en me promenant dans la forêt vierge, et eu voyant partir devant moi des milliers de tel lépidoptère aux couleurs merveilleuses, ne me suis-je pas promis de revenir avec une coiffe pour attraper le magnifique insecte qui me paraissait si commun. Eh bien, jamais je ne le voyais à nouveau. Un jour, j'en levais des centaines et quelques jours plus tard je pouvais parcourir des kilomètres de la même forêt sans en voir un seul.

Nul doute qu'il n'en soit ainsi pour l'insecte fécondateur de l'H. longisepalus, car la fécondation croisée ne doit lui être possible que pendant un espace de temps très court.


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Du reste, étant donné la forme de la corolle normale (v. Fig. 4), chez laquelle les pétales, à l'état frais, doivent atteindre certainement

certainement dépasser peut-être 4 cm. de longueur,... étant donné la forme très tubuleuse du calice qui mesure 2 cm. de long et qui fait que la gorge de la corolle doit être resserrée,... étant donné, enfin, que, pour parvenir au nectar, sécrété par un disque étroit au fond du calice, il faut que la trompe de l'insecte s'insinue entre les pétales soudés assez haut et suivant une ligne oblique sur la colonne staminale, on peut en conclure que cette trompe doit être singulièrement longue et mince. Il y a donc tout lieu de croire que cet insecte fécondateur est un papillon, classe chez laquelle

précisément, les phénomènes de périodicité sont les plus répandus.

Si la fécondation croisée est précaire, elle n'est pas impossible néanmoins, ainsi qu'en témoignent plusieurs fruits que nous avons sous les yeux et qui proviennent de fleurs chasmogames. Ils sont bien développés et pourvus de graines mûres nombreuses. En outre, les fleurs cléistogames doivent certainement jouer aussi leur rôle dans la dissémination, car la seule fleur de ce genre que nous ayons disséquée, présentait un ovaire renflé où, apparemment, l'auto-fécondation avait déjà fait son oeuvre.

Ainsi, chez cette plante, les deux organes semblent fonctionner normalement et régulièrement, ce qui n'est pas toujours le cas pour les espèces de notre pays présentant des fleurs cléistogames. Peut-être faut-il en conclure que la végétation des pays équatoriaux, étant beaucoup plus luxuriante, la lutte pour la place y est plus vive et le seul moyen de résister à la concurrence vitale est une surproduction de graines.

Fig. 4. — Fleur normale ouverte (Grossis. 4/3). — co. Corolle ouverte par écartement des pétales et laissant apercevoir la colonne staminale. — ca. Galice tendu longitudinalement et développé. — d. Disque nectarifère à la base du calice.


NOTES BIBLIOGRAPHIQUES

ERIKSSON (Jakob).—Der Malvenrost (Puccinia Malvacearum Mont.), seine Verbreitung, Natur und Entwickelungsgeschichte. — 1 vol. in-4°, de 125 p., avec 6 planches en couleurs et 18 figures dans le texte. (Extr. des Konigl. Svenska Velenskapsakademiens Handlingar, Band XLVII, n° 2), Upsala et Stockholm, Almquist et Wiksells, 1911.

ERIKSSON avait fait connaître les résultats essentiels de ses recherches sur la rouille des Mauves dans une note aux Comptes rendus de l'Académie des Sciences en 1911 (1). Il a donné depuis les résultats détaillés de ses études dans l'important mémoire, illustré de belles planches en couleurs et de figures dans le texte, que nous analysons ici. Il y examine successivement la distribution du champignon sur le globe, les dates auxquelles on l'a signalé pour les premières fois en Europe, ses plantes hospitalières et l'action destructrice du parasite.

Parmi les très nombreuses observations rapportées, nous signalerons celles qui concernent les manières diverses dont se comportent les variétés de roses trémières vis-à-vis de la rouille des Mauves. ERIKSSON a constaté à Rosendal, près de Stockholm, en 1888 et 1889, que, tandis que des variétés à fleurs rouges et blanches étaient ravagées, des variétés jaunes de la même espèce restaient indemnes, et cela alors même que ces trois variétés croissaient côte à côte. Dans cet ordre d'idées, nous mentionnerons aussi le chapitre concernant la résistance comparative des diverses espèces de Malvacées, cultivées côte à côte, au Puccinia Malvacearum.

Mais la partie principale du travail consiste dans l'étude du mode de propagation du champignon et notamment celle de son hibernation.

Cette hibernation ne se fait ni par des spores hivernantes, ni par un mycelium persistant dans des racines, des feuilles, ou des bourgeons passant eux-mêmes l'hiver ; elle s'effectue sous un état plasmatique (mycoplasma) dans l'intérieur de tels organes ou des graines. Les plantes qui proviennent de ces graines apparaissent, dès l'âge de trois mois environ, gravement attaquées par la rouille, par suite de la manifestation à l'extérieur, sous forme d'éruption de pustules, du mycoC.

mycoC. Ac. des Sciences, 19 juin 1911, nous en avons rendu compte dans l'article suivant : Etat actuel de la question de la propagation des rouilles. Rev. Gén. des Sciences, 15 fév. 1912, p. 106-118.


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plasma qui, de la graine, a passé dans la plante et y a pris la forme mycélienne. La première éruption est alors terminée, la propagation diminue à ce moment pour un temps pendant lequel se prépare l'éruption suivante et la plante hospitalière continue à croître. Les spores qui proviennent des éruptions automnales sont en apparence identiques, mais elles diffèrent grandement au point de vue biologique : en effet, les unes sont normales, c'est-à-dire qu'elles produisent en germant la baside tétracellulaire, laquelle forme à son tour les spores secondaires; d'autres donnent un filament assez long et grêle, se cloisonnant à son extrémité en des sortes d'oldies qui se désarticulent, se détachent et deviennent des conidies ellipsoïdales. C'est le sort de ces conidies qui est étrange et différent de tout ce que la Mycologie nous avait appris jusqu'à ce jour. Elles germent sur l'épiderme, comme les autres spores, mais sans produire de tube germinatif; l'auteur, qui a fait de très nombreuses coupes au microfoma, pense que le plasma, renfermé dans ces conidies, pénètre dans la cellule épidermique par une ouverture tellement fine qu'il est impossible de la déceler. Une fois dans la cellule, ce mycoplasma grossit, s'allonge en massue, émet des ramifications qui percent les parois des cellules voisines et y pénètrent en même temps que se l'ait le passage du stade mycoplasma au stade mycélium.

Il faut donc distinguer des spores normales, qui donnent après dix à vingt jours des pustules, et des conidies qui ne produiront, elles, que du mycoplasma.

Ce mycoplasma, dont les cellules des organes persistants se chargent à l'automne de la façon que nous venons d'expliquer, passe l'hiver dans une sorte de vie latente. Il ne reprendra sa végétation qu'au printemps, au moment de l'émission de nouvelles pousses dans lesquelles il se répandra en se transformant en mycélium pour produire une première « vague » de maladie, comme disent les Anglais, ou une première éruption ou « explosion », comme disent les Allemands, de pustules.

L'auteur étudie ensuite les graines donnant des plantes qui pendant quelque temps paraissent saines, puis, soudain, se couvrent de pustules. Il n'a pas trouvé dans de telles plantes de traces de mycélium, mais bien, au cours du développement, des cellules montrant un plasma épais et trouble qu'il suppose être des cellules chargées de mycoplasma. C'est, aux semis de graines qu'il faudrait attribuer la propagation au loin de la maladie. Il peut être intéressant de rappeler à ce propos que d'autres botanistes tendent à admettre l'hérédité des maladies cryptogamiques de quelques espèces de plantes : « La plupart des variétés horticoles d'Allhaea rosea, dit, M. BLARINGHEM, couvertes de pustules, conservent cette maladie à l'état de caractères acquis un jour et transmis ensuite par lu graine ». M. BLARINGHEM est donc d'accord avec ERIKSSON sur ce point, mais sans être pour cela purtisan


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du Mycoplasma, le champignon pouvant présenter un état de vie ralentie qu'on n'a pu découvrir encore (1).

Au cours de recherches que nous poursuivons sur la propagation des rouilles, nous avons constaté la présence non seulement de mycélium, mais encore de sores à téleutospores et à urédospores dans le péricarpe de grains de Graminées cultivées (Blé, Orge, Avoine) ou sauvages (Brachypodium, Avoines, Agropyrum, Lolium, etc.). Le fait n'est pas exceptionnel. Nous croyons qu'il y a lieu de faire des recherches dans cette voie, car ces faits peuvent avoir une très grande signification pour le problème de la propagation des rouilles (2). Nous recherchons actuellement quelle est l'évolution de ce mycelium et de ces spores au cours de la germination.

Pour étudier la transformation du mycoplasma en hyphes, ERIKSSON a fait de nombreuses coupes au microtome dans les feuilles, à des époques variées, durant les trois mois qui précèdent l'explosion des pustules ou sores à téleutospores, conformément à ce que l'expérience a appris. Il reconnaît ainsi que cette transformation s'opère peu de temps avant l'apparition des pustules : dans le tissu placé au niveau de taches d'une coloration spéciale, il trouve des cellules à protoplasma plus dense, dont le noyau entre en dégénérescence; alors apparaissent, des éléments, qui ont l'aspect des suçoirs des Urédinées ; ils se trouvent en relation avec des filaments intercellulaires par l'intermédiaire de filaments très fins. ERIKSSON conclut de ces observations que c'est le plasma du champignon qui s'est individualisé, en se séparant du plasma de l'hôte, d'abord en une sorte de protomycélium présentant l'apparence des suçoirs, qui s'est bientôt entouré d'une membrane et s'est accru en un système plus ou moins ramifié d'hyphes intercellulaires.

Comme on le voit, c'est la théorie du Mycoplasma inventée par ERIKSSON à propos de la Rouille des Céréales, qu'il détend plus que jamais à propos de la Rouille des Mauves. Nous avons dit, (3) de quelles vives critiques avait été l'objet cette théorie, qui n'est plus guère admise que par son auteur. Le présent mémoire apporte-t-il à sa défense des arguments plus convaincants. Nous ne croyons pas qu'il y ait lieu de le penser. Il serait intéressant tout d'abord que soit observé à nouveau le fait très particulier de la formation des conidies aux dépens de certaines téleutospores; enfin, l'auteur n'a pas véritablement montré que ces conidies vident leur contenu dans les cellules de l'hôte pour

(1) M. BUCHET a récemment publié un article critique concernant les idées de M. BLARINGHEM à ce sujet : « La prétendue hérédité des maladies cryptogamiques ». Bull, de la Soc. Bot. de France, séance, 13 septembre 1912, p. 754-762, M. DUCOMET a traité le même sujet : « De l'hérédité dos maladies». Communication au Congrès do Pathologie comparée, octobre 1912.

(2) Nous abordons ce sujet dans notre note «Sur la question de la propagation des rouilles chez les Graminées». C. R. de l'Ac. des S., 5 mai 1913.

(3) Loc. cit. Rev. gén. des Sciences.


NOTES BIBLIOGRAPHIQUES 379

y former le mycoplasma, ni comment celui-ci se transforme en mycélium. On pouvait reprocher aux précédents mémoires d'ERIKSSON de manquer de. figures en ce qui concerne le mycoplasma; il n'en est pas ainsi aujourd'hui et les dessins donnés permettent de suivre fort bien les explications de l'auteur; mais leur examen ne nous convainc nullement de la réalité des explications proposées : le passage du plasma de la conidie dans la cellule épidermique n'est pas montré; non seulement on ne voit pas la substance traversant la membrane, — phénomène qui pourrait d'ailleurs très bien échapper à nos moyens d'investigation, mais, surtout, on ne voit pas la conidie se vider tandis que de l'autre côté de la paroi épidermique se manifeste le soi-disant mycoplasma. Et le noyau de la conidie, que devient-il? Les noyaux du mycoplasma procèdent-ils du noyau de la conidie? Les figures n'en rendent pas compte et cependant, étant donné que l'on sait, depuis STRASBURGER, qu'un noyau naît toujours d'un noyau préexistant et ne se forme jamais spontanément dans le protoplasma, il y avait là un moyen d'élucider la question.

Le second point délicat est celui de la transformation du mycoplasma en filaments mycéliens. Les figures, ici encore, laissent le lecteur perplexe. ERIKSSON nous dit que le mycoplasma croît de l'intérieur de la cellule vers les espaces intercellulaires ; mais, s'il ne nous imposait pas cette manière de voir,nous penserions tout aussi bien que, conformément à ce que l'on admet jusqu'à ce jour, on a affaire à des filaments intercellulaires qui poussent des prolongements, ou suçoirs, clans l'intérieur de la cellule, et cela parait même beaucoup plus vraisemblable à l'examen des figures. Aussi croyons-nous, comme à peu près fous les chercheurs ayant abordé à leur tour l'examen de la question du mycoplasma, que la réalité de celui-ci n'est pas plus démontrée aujourd'hui qu'à l'époque des premiers travaux d'ERKSSON. Les manifestations soudaines de pustules en « explosion », que la théorie du mycoplasma pouvait faire comprendre, reste une énigme comme beaucoup de questions se rattachant au mode de propagation des rouilles.

Le professeur LINDAU se demande si les faits connus ne pourraient pas s'expliquer par analogie avec ce qui se passe chez les Ustilaginées (Charbons), Il y a là une idée intéressante et qui n'a jamais fait l'objet d'un travail spécial approfondi. Il y aurait lieu de rechercher des traces de mycélium ayant échappé à la dégénérescence dans la planIule et dans la plante, non avec le micro tome qui n'est pas ici désigné, mais par des coupes longitudinales un peu épaisses.

La question de la propagation des rouilles, qui a permis à ERIKSSON de mettre en évidence tant de faits, reste cependant une question obscure, complexe et parmi les plus difficiles où puisse s'exercer la sagacité des botanistes et des biologistes.

J. BEAUVERIE (Nancy).


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GRAFE UND VOUK. — Untersuchungen uber den Inulinstoffwechsel

bei Cichorium Intybus. II. (Biochemische Zeitschrifft, Bd. 47, Heft 3 und 4, 1912).

Dans ce deuxième mémoire, les auteurs se proposent d'élucider complètement l'origine chlorophyllienne directe de l'inuline, problème qui avait été seulement, esquissé dans le mémoire précédent et de voir à quelles fins cette inuline est destinée.

Dans ce but, les plantes sont récoltées après une belle journée de soleil pendant laquelle l'assimilation a été particulièrement intense; une partie destinée aux analyses est desséchée avec toutes les précautions d'usage, le reste est placé dans l'alcool fort et servira ultérieurement à l'examen microscopique.

Les auteurs ne se contentent pas d'une analyse globale; ils traitent séparément : les racines, les feuilles et dans ces dernières ils distinguent le parenchyme du limbe d'une part, le pétiole, et les nervures de l'autre. Dans les matériaux obtenus en broyant finement les racines, l'inuline se dépose au bout d'une semaine en un dépôt blanchâtre d'autant plus abondant que les racines sont cueillies à une époque plus avancée de l'année; preuve évidente d'un enrichissement progressif des racines en inulines.

EXPÉRIENCE III. — Résultats de l'analyse :

Sucres réducteurs % Inulines %

Parenchyme des feuilles 2,9 2,9

Nervures 9,4 4,24

Racines 3,41 48,9

Le sucre réducteur est du lévulose, et par suite il n'y a pas d'autre polysaccharide que de l'inuline, c'est du moins ce qu'a établi SIEBEN. Il n'y a pas malheureusement de méthode précise pour établir sûrement la présence du glucose à côté du lévulose et par là se rendre compte s'il ne se formerait pas aussi de l'amidon par assimilation. Les recherches microscopiques faites sur des feuilles conservées dans l'alcool dans le but de déceler l'amidon, avec la liqueur iodo-iodurée, montrent des inclusions amyloïdes dans les chloroplastes ; ces inclusions n'ont que l'apparence de l'amidon, car elles se colorent en brun par le réactif précédent et ne donnent jamais la coloration bleue typique de la substance amylacée.

Il y a donc une quantité relativement considérable d'inuline dans les feuilles de chicorée; il en résulte que ce polysaccharide est un produit de condensation dont la synthèse est en relation avec le phénomène chlorophyllien..

GRAFE et VOUK font justement remarquer qu'il n'est pas possible d'établir entre l'inuline et les chloroleucites des relations aussi étroites qu'entre ces mêmes chloroleucites et l'amidon, par ce fait seul que


NOTES BIBLIOGRAPHIQUES 381

l'inuline est dissoute dans le suc cellulaire, et que sa concentration dans les feuilles est insuffisante pour que l'alcool fort la précipite en sphéro-cristaux.

L'égalité de poids de l'inuline et du lévulose est frappante et correspond à un équilibre qui se trouve dans tous les organes de la chicorée où ces hydrates de carbone sont en présence. Il est à remarquer que l'inuline donne par hydrolyse, non seulement du lévulose, mais encore du glucose en petite quantité il est vrai. Ce glucose entre-t-il comme tel dans la molécule d'inuline ou bien provient-il d'une transformation secondaire d'une petite quantité de lévulose ? Dans l'état actuel de nos connaissances, il est impossible de se prononcer; tout ce qu'on sait, c'est que la transformation du lévulose en glucose s'effectue facilement; il est donc possible, en passant par des intermédiaires chimiques et physiologiques, de faire de l'amidon avec de l'inuline. On peut ainsi, dans une certaine mesure, expliquer la présence des granules amyloïdes mentionnées plus haut.

Les expériences suivantes sont faites sur des plants de chicorée, cueillis de grand matin et par suite après un arrêt assez long de l'assimilation. L'analyse donne des résultats inattendus. Les feuilles contiennent encore et de l'inuline et des sucres réducteurs, toujours dans le rapport de l'unité; seulement en quantités légèrement moindres que les feuilles cueillies le soir. Il y a donc ici une différence physiologique très nette entre l'amidon et l'inuline. L'inuline soluble et diffusible obéit à la loi d'action de masse; l'amidon insoluble échappe à cette loi. Pourtant la présence d'une quantité de lévulose plus considérable dans les nervures que dans le parenchyme des feuilles indique clairement que le lévulose est la forme de migration par excellence de l'inuline.

Passant à un autre ordre d'idées, les auteurs mettent en évidence la progression remarquable de l'enrichissement des racines en inuline dans le cours du développement de la chicorée. Ils font remarquer qu'au maximum d'inuline ne correspond pas dans la racine un minimum en sucre; mais que ce minimum en lévulose a lieu pour une certaine, valeur de l'inuline : à partir de ce moment la quantité du polysaccharide augmentant, le monose lui aussi suit la même progression. Dans une dernière expérience les auteurs établissent, d'après là méthode de SIEBEN, que l'hydrolyse de l'inuline donne à la fois du lévulose et du dextrose dans le rapport de 12 à 1.

L'examen microscopique des feuilles conservées dans l'alcool et cueillies en même temps que les matériaux d'analyse, montre, dans lus grains de chlorophylle, la présence d'inclusions en forme de corpuscules compacts qui, par l'iode, se colorent en un certain brun foncé qui n'est jamais la coloration bleue de l'amidon typique. Par un séjour même prolongé dans l'alcool, on ne pouvait déceler dans le parenchyme des feuiles aucun sphoerite d'inuline, la concentration en ce polysaccharide était nettement insuffisante. Dans les coupes passant


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par les vaisseaux se rencontrent aussi les corpuscules dextrinés dont nous avons parlé précédemment. Enfin dans les pétioles des feuilles on rencontre encore ces corpuscules dans les coupes passant par les vaisseaux; mais, de plus, si l'on fait tomber une goutte d'alcool fort sur le parenchyme avoisinant, dans quelques cellules on observe alors la formation de sphérocristaux d'inuline.

Dans les racines, toutes les cellules sont gorgées d'inuline et par l'alcool fort, on obtient bien des sphoerites, mais surtout des cristaux irréguliers affectant la forme de glaçons.

De ces recherches on peut tirer les conclusions suivantes :

1° L'inuline n'est pas seulement un produit de mise en réserve, mais il nous apparaît aussi dans la chicorée comme un hydrate de carbone intimement lié à l'assimilation chlorophyllienne comme le démontre la présence d'une quantité considérable d'inuline dans le parenchyme des jeunes feuilles.

2° Il n'y a aucune différence entre les teneurs en sucre et en inuline dans les feuilles récoltées le matin et l'après-midi. On peut en conclure que les hydrates de carbone nouvellement formés émigrent, de façon qu'il y a établissement d'une constante entre l'inuline et le lévulose; d'ailleurs l'inuline, grâce à sa propriété de diffusion, peut émigrer comme telle à travers les cellules vivantes.

3° La teneur en inuline des racines va progressivement en augmentant avec l'âge de la plante; la teneur en sucres réducteurs diminue graduellement jusqu'à un minimum, puis s'élève de nouveau.

E. MICHEL-DURAND.

M. LANGERON. — Précis de microscopie. Technique. Expérimentation. Diagnostic. Préface par le professeur R. BLANCHARD, Membre de l'Académie de Médecine. 1 volume in-8° de la Collection des Précis médicaux de XXIII-751 pages, avec 270 figures dans le texte. Cartonné toile souple (Masson et Cie éditeurs) Prix : 10 fr.

Ce précis a plutôt l'importance d'un traité, car loin d'être un livre élémentaire, il aborde et expose dans toute leur ampleur les diverses questions ou scientifiques ou pratiques qui sont de nature à intéresser tous ceux qui travaillent dans les laboratoires de botanique, d'histologie et de zoologie.

Dans ce volume, on trouvera la description complète du microscope et de ses accessoires, l'exposé détaillé de la technique microscopique, et les méthodes spéciales s'appliquant aux divers groupes de végétaux et d'animaux.

C'est un ouvrage très complet, très documenté et très clair, qui ne saurait être trop recommandé.

G.-B.


CHRONIQUES ET NOUVELLES

M. Gaston BONNIER vient d'être élu Membre correspondant de l'Académie des Sciences de Vienne.

M. Laurent MOREAU a soutenu avec succès, devant la Faculté des Sciences de Paris, une thèse pour le Doctorat es Sciences, sur le sujet suivant : Étude anatomique et microchimique de quelques plantes tropicales à tubercule.

M. COTTE est nommé Professeur titulaire d'Histoire naturelle à l'École de Médecine de Marseille.

M. COULONGEAT est nommé Professeur titulaire d'Histoire naturelle à l'École de Médecine de Poitiers.

On annonce le décès de SIR JOHN LUBBOCK, depuis LORD AVEBURY, membre de la Société Royale de Londres et Président de l'Association britannique pour l'Avancement des sciences. On sait que plusieurs ouvrages de John Lubbock étaient relatifs à la Biologie végétale, notamment : Fleurs, fruits et feuilles, Études sur La morphologie de la germination, l'adaptation en anglais de l'oeuvre d'Hermann Müller sur Les fleurs et les insectes, etc.

M. JOLLY est chargé des fonctions de Préparateur de Botanique à l'Université de Nancy.


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REVUE GÉNÉRALE DE BOTANIQUE

L'Académie des Sciences de Paris vient de décerner les prix suivants :

Le grand prix des Sciences physiques, à M. Auguste CHEVALIER, pour l'ensemble de ses publications sur la Géographie botanique de l'Afrique.

Le prix de Coincy, à M. Marcel DUBARD, pour ses recherches sur les Sapotacées.

Le prix Desmazières, à M. HARIOT, pour ses études sur la flore algologique des environs de Cherbourg et de l'île de Tatihou.

Le prix Thore, à M. FOËX, pour ses recherches sur les Champignons et en particulier sur les Erisiphe.

Le prix de la Fons-Mélicocq, à M. COQUIDÉ, pour son Mémoire sur les plantes des tourbières de la Picardie.

A la suite du décret interdisant l'importation des fleurs italiennes en France, un accord vient d'être signé par une Commission florale italofrançaise ; cet accord sauvegarde les intérêts scientifiques.

M. GATIN est nommé Chef des Travaux du Laboratoire d'Agronomie coloniale de l'École des Hautes-Études.

Les résultats botaniques de la mission envoyée, en 1908 et 1909, au Dahomey, viennent d'être présentés à l'Académie des Sciences par H. DE GIRONCOURT. Toutes les espèces ne sont pas encore déterminées.

Lille— Imp. PLATEAU & Cie.

Le Gérant : Ch PIETERS.


DE L'INFLUENCE QU'EXERCENT LES FUMAGINES SUR L'ASSIMILATION CHLOROPHYLLIENNE ET LA RESPIRATION

Par M. G. NICOLAS.

Tous les auteurs qui s'occupent de phytopathologie s'accordent à reconnaître que les Fumagines, champignons vulgairement appelés Noirs qui recouvrent les rameaux et principalement les feuilles d'un enduit noir plus ou moins épais, sont surtout nuisibles aux végétaux en entravant les fonctions normales des feuilles, l'assimilation chlorophyllienne et la respiration. Cette opinion, très logique, il est vrai, n'est cependant qu'une pure hypothèse, qui n'est basée jusqu'à maintenant sur aucune recherche précise. Ducomet (1) l'indique, d'ailleurs, clans son traité de pathologie végétale, « il ne semble pas que les Fumagines, qui causent de graves dégâts dans les cultures d'oranger et d'olivier dans le Midi, puissent agir autrement que par une entrave apportée dans les échanges gazeux; aucune recherche n'a cependant précisé ce mode d'action ».

Je me propose ici de combler cette lacune et d'étudier l'influence qu'exercent les Fumagines sur l'assimilation chlorophyllienne et la respiration des feuilles.

La méthode employée est celle de l'atmosphère confinée ; soumise tout récemment par MM. Maquenne et Demoussy (2) à une critique très approfondie, cette méthode, pour employer les propres termes de ces auteurs (3), « lorsqu'elle est bien conduite est susceptible de fournir des nombres comparatifs utilisables ». Je me suis servi pour

(1) Ducomet, : Pathologie végétale. Librle des Sciences Agricoles, Paris, 1908.

(2) Maquenne et Demoussy : C. R. Ac. Sc., t. CLV et CLVI, 1912 et 1913.

(3) Maquenne et Demoussy : loc. cit., t. CLV, p. 882, 1912.

Rev. gén. de Botanique. — XXV. 25.


386 REVUE GÉNÉRALE DE BOTANIQUE

mesurer l'assimilation chlorophyllienne (considérée ici comme la résultante de l'assimilation proprement dite et de la respiration) d'éprouvettes à faces parallèles dans lesquelles sont introduits les feuilles destinées à l'expérience et un volume déterminé d'un mélange préparé à l'avance renfermant 8 à 10 % d'acide carbonique pur et saturé d'humidité par la présence d'une petite gouttelette d'eau au fond de l'éprouvette. Ces éprouvettes, ainsi préparées et renversées sur un petit cristallisoir contenant du mercure, sont exposées à la lumière dans une cuve rectangulaire contenant de l'eau de façon à maintenir la température constante pendant la durée de l'expérience. L'intensité de la respiration a été mesurée aussi par la méthode de l'atmosphère confinée avec les petits détails expérimentaux employés dans mes recherches antérieures (1).

J'ai comparé l'assimilation et la respiration de feuilles couvertes de Fumagines (les cochenilles qui provoquent souvent le développement de ces champignons sont enlevées avec soin) à celles de feuilles débarrassées de leurs Fumagines ; de façon à expérimenter sur des éléments très comparables, je prends les deux moitiés de la même feuille ou, quand celles-ci sont trop grandes pour les éprouvettes, je découpe sur chacune d'elles, et symétriquement par rapport à la nervure médiane, une portion de limbe (Exp. XII et XIII). Les analyses de gaz ont été faites à l'aide de l'appareil de Bonnier et Mangin et chacune d'elles par deux dosages successifs; j'ai évalué les volumes en centimètres cubes de l'acide carbonique et de l'oxygène mis en jeu par un centimètre carré et par un gramme de feuille pendant une heure (CO 2 cmq. h.,CO 2 gr. h., O cinq. h., Ogr. h.) ; j'ai établi également, pour rendre la comparaison plus facile, les rapports d'assimilation et de respiration en prenant comme unité la surface du limbe débarrassé des Fumagines.

PREMIÈRE EXPÉRIENCE

Un limbe de Nerium Oleander L. couvert de Fumagines est divisé en deux moitiés par deux sections parallèles à la nervure médiane ; l'une des moitiés est soigneusement lavée de façon à la débarrasser des Fumagines qui la recouvrent, l'autre est laissée intacte; elles

(1) Nicolas : Recherches sur la respiration des organes végétatifs des plantes vasculaires. Ann. Sc, Nat., Bol., IXe série, t. X, 1-113, 1909,


INFLUENCE DES FUMAGINES SUR L'ASSIMILATION ET LA RESPIRATION 387

sont exposées chacune dans une éprouvette à faces parallèles aux rayons solaires directs pendant une heure à la température de 25°.

Composition centésimale du gaz introduit dans les éprouvettes

CO 2 = 9.49 O = 18.66 Az = 71.85

Moitié débarrassée des Fumagines. Moitié avec Fumagines.

Surface. = 6.418 = 5.878

Poids = 0.270 = 0.249

Vol. at = 29.00 = 29.00

CO 2 % à la fin de l'exp. = 5.42 = 6.39

CO2 % absorbé = 4.10 = 3.61

CO 2 absorbé cmq. h. = 0.1844 = 0.1534

CO 2 absorbé gr. h = 4.37 = 3.61

Rapport d'assimilation = 0.83

DEUXIÈME EXPÉRIENCE

Un limbe de Citrus Aurantium L. est divisé en deux moitiés comme précédemment et traité de la même façon ; exposition au soleil pendant une heure à la température de 21°. La composition centésimale du gaz introduit clans les éprouvettes est la même que dans l'expérience précédente.

Moitié débarrassée des Fumagines. Moitié avec Fumagines.

Surface.. = 12.27 = 11.29

Poids = 0.397 = 0.382

Vol. at = 25.00 =26.00

CO 2 % à la fin de l'exp. = 0.45 = 3.46

CO 2 % absorbé = 9.03 = 6.03

CO 2 + 0 %, à la fin de l'exp =28.24 = 28.15

0% dégagé = 9.15 = 6.03

CO 2 absorbé cmq. h. . . = 0.1840 = 0.1389

CO 2 absorbé gr. h = 5.686 = 4.104

0 dégagé cmq. h = 0.1864 = 0.1389

0 dégagé gr. h = 5.761 = 4.104

Rapports d'assimilation

CO 2 = 0.75 O =0.74


388 REVUE GÉNÉRALE DE BOTANIQUE

TROISIÈME EXPÉRIENCE

Un limbe de Citrus Aurantium L., bien moins envahi par les Fumagines que celui de l'expérience précédente, est divisé en deux moitiés ; exposition à la lumière solaire directe pendant trente minutes à la température de 20°.

Composition centésimale du gaz introduit dans les éprouvettes

CO 2 = 8.17 O = 19.11

Az = 72.72

Moitié débarrassée des Fumagines. Moitié avec Fumagines.

Surface = 9.729 = 9.594

Poids = 0.320 = 0.310

Vol. at = 25.00 = 25.00

CO 2 % à la fin de l'exp. = 3.70 = 4.12

CO 2 % absorbé . = 4.49 = 4.07

CO 2 + O %, à la fin de

l'exp =27.05 =27.03

O % dégagé = 4.19 = 3.74

CO 2 absorbé cmq. h. . . = 0.2308 = 0.214

CO 2 absorbé gr. h. . . . . = 6.926 = 6.507

O dégagé cmq. h = 0.2153 = 0.1949

O dégagé gr. h = 6.463 = 5.979

Rapports d'assimilation

CO 2 = 0.91 O2 = 0.90

QUATRIÈME EXPÉRIENCE

Un limbe d'Olea europoea L. est divisé en deux moitiés ; exposition à la lumière solaire diffuse, tamisée par des nuages, pendant trente minutes à la température de 22°.

Composition centésimale du gaz introduit dans les éprouvettes

CO 2 = 8.84 O = 18.90 Az = 72.26

Moitié débarrassée des Fumagines. Moitié avec Fumagines.

Surface = 2.027 = 2.027

Poids = 0.040 = 0.040


INFLUENCE DES FUMAGINES SUR L'ASSIMILATION ET LA RESPIRATION 389

Vol. at = 22.00 = 22.00

CO 2 % à la fin de l'exp. = 8.24 = 8.39

CO2% absorbé = 0.60 = 0.45

CO 2 + O % à la fin de

l'exp = 27.71 = 27.76

O % dégagé = 0.57 = 0.47

CO 2 absorbé cinq. h. . . = 0.1302 . . = 0.0976

CO 2 absorbé gr. h = 6.60 = 4.95

O dégagé cmq. h = 0.1237 = 0.102

O dégagé gr. h = 6.270 .. = 5.170

Rapports d'assimilation

CO 2 = 0.75 O = 0.82

CINQUIÈME EXPÉRIENCE

Un limbe d'Olea europoea L. est divisé en deux moitiés ; exposition à la lumière solaire diffuse, tamisée de temps en temps par des nuages, pendant une heure à la température de 20°.

Composition centésimale du gaz introduit dans les éprouvettes

CO 2 = 9.30 O = 19.08 Az =71.62

Moitié débarrassée des Fumagines. Moitié avec Fumagines.

Surface = 3.07 = 3.10

Poids = 0.067 = 0.069

Vol. at = 10.00 = 13.00

CO2% à la fin de l'exp. = 6.83 = 7.96

CO2% absorbé = 2.51 = 1.38

CO 2 + O % à la fin de

l'exp. = 28.04 = 28.04

O%dégagé = 2.05 . = 0.92

CO 2 absorbé cmq. h. . = 0.08176 = 0.05787

CO 2 absorbé gr. h.. . . = 3.746 = 2.600

O dégagé cmq. h. . . . = 0.06677 = 0.03858

O dégagé gr. h = 3.060 = 1.733

Rapports d'assimilation

CO 2 = 0.70 O2 = 0.57


390

REVUE GENERALE DE BOTANIQUE

SIXIÈME EXPÉRIENCE

Un limbe de Psidium aromaticum Aubl., provenant du Jardin d'essais du Hamma, est divisé en deux moitiés; exposition à la lumière solaire directe pendant quarante-cinq minutes à la température de 22°.

Composition centésimale du gaz introduit dans les éprouvettes

CO 2 = 9.35 O = 19.04 Az = 71.61

Moitié débarrassée des Fumagines. Moitié avec Fumagines.

Surface . . = 5.44 = 5.33

Poids = 0.042 = 0.037

Vol. at = 12.00 = 11.00

CO 2 % à la fin de l'exp. = 7.81 = 8.73

CO 2 % absorbé = 1.55 = 0.64

CO 2 + O % à la fin de

l'expérience = 28.27 = 28.08

O % dégagé = 1.39 = 0.26

CO 2 dégagé cmq. h... . = 0.04559 = 0.01761

CO 2 dégagé gr. h = 5.904 = 2.537

O absorbé cmq. h."... = 0.04088 = 0.00715

O absorbé gr. h = 5.295 = 1.031

Rapports d'assimilation

CO 2 = 0.38 O = 0.17

SEPTIÈME EXPÉRIENCE

Pour permettre l'étude de la respiration, les deux moitiés du limbe de Psidium aromalicum, qui ont servi à l'expérience précédente, sont exposées à l'obscurité pendant quarante-cinq minutes à la température de 20°.

Composition centésimale de l'atmosphère des éprouvettes

CO 2 = 0.00 O = 20.80 Az = 79.20

Moitié débarrassée des Fumagines. Moitié avec Fumagines.

Vol. at = 4.00 = 4.00

CO 2 % dégagé = 1.38 = 0.91


INFLUENCE DES FUMAGINES SUR L'ASSIMILATION ET LA RESPIRATION 391

CO 2 + O % à la fin de

l'expérience. =20.76 =20.81

O % absorbé = 1.43 = 0.90

CO 2 dégagé cinq. h. = 0.00334 = 0.00225

CO 2 dégagé gr. h. . . = 0.4335 = 0.3249

O absorbé cmq. h.. . = 0.00346 = 0.00223

O absorbé gr. h. ... = 0.4492 . . = 0.3213

Rapports de respiration

CO 2 = 0.67 O = 0.64

HUITIÈME EXPÉRIENCE

Un limbe de Gardenia Thunbergia Lin. fils, provenant du Jardin du Hamma, est divisé en deux moitiés ; exposition à la lumière solaire directe pendant quarante-cinq minutes à la température de 22°.

Composition centésimale du gaz introduit dans les éprouvettes.

CO 2 = 9.35 O = 19.04 Az = 71.61

Moitié débarrassée des Fumagines. . Moitié avec Fumagines.

Surface = 3.77 = 3.88

Poids = 0.122 = 0.131

Vol. at.... = 10.00 = 10.00

CO 2 % à la fin de

l'exp = 8.07 = 8.14

CO 2 % absorbé = 1.29 = 1.23

CO 2 + O % à la fin

de l'exp. =28.32 .... =28.16

O % dégagé = 1.19 = 0.93

CO 2 absorbé cmq. h. = 0.04562 = 0.04227

CO 2 absorbé gr. h.. . = 1.410 = 1.252

O dégagé cmq. h. . . = 0.04209 = 0.03196

O dégagé gr. h = 1.301 . = 0.9463

Rapports d'assimilation

CO 2 = 0.92 O =0.75


392

REVUE GENERALE DE BOTANIQUE

NEUVIÈME EXPÉRIENCE

Les organes qui viennent de servir à l'expérience précédente sont exposés à l'obscurité pendant quarante-cinq minutes à la température de 20°.

Composition centésimale de l'atmosphère des éprouvettes

CO 2 = 0.00

O = 20.80

Az = 79.20

Moitié débarrassée des Fumagines. Moitié avec Fumagines.

Vol. at = 4.00 = 4.00

CO 2 % dégagé = 0.46 = 0.42

CO 2 + O % à la fin de

l'exp =20.80 = 20.76

O % absorbé = 0.46 = 0.43

CO 2 dégagé cmq. h.. = 0.006309 = 0.00558

CO 2 dégagé gr. h. . . = 0.1950 = 0.1654

O absorbé cmq. h. . = 0.006309 = 0.005717

O absorbé gr. h. . . . = 0.1950 = 0.1693

Rapports de respiration

CO 2 = 0.88 O = 0.90

DIXIÈME EXPÉRIENCE

Un limbe de Bumelia tenax Wild., provenant du Jardin du Hamma. est divisé en deux moitiés, qui sont exposées à l'obscurité, pour l'étude de leur respiration pendant une heure à la température de 23°.

Composition centésimale de l'atmosphère des éprouvettes

CO 2 = 0.00

O = 20.80

Az = 79.20

Moitié débarrassée des Fumagines. Moitié avec Fumagines.

Surface = 7.266 = 6.511

Poids = 0.084 = 0.080

Vol. at = 4.00 = 4.00

CO2% dégagé = 1:42 = 0.84

CO2+O% à la fin de

l'exp =20.63 =20.72


INFLUENCE DES FUMAGINES SUR L'ASSIMILATION ET LA RESPIRATION 393

O% absorbé = 1.63 = 0.94

CO 2 dégagé cinq. h.. = 0.00767 = 0.00505

CO 2 dégagé gr. h. .. = 0.6635 = 0.4116

O absorbé cinq. h. . = 0.00878 = 0.00565

O absorbé gr. h. .. . = 0.7549 = 0.4606

Rapports de respiration

CO 2 = 0.65 O = 0.64

ONZIÈME EXPÉRIENCE

Un limbe de Bumelia tenax Wild. est divisé en deux moitiés, qui sont exposées à l'obscurité, pour l'étude de leur respiration, pendant une heure à la température de 22°. La composition de l'atmosphère est la même que dans l'expérience précédente.

Moitié débarrassée des Fumagines. Moitié avec Fumagines.

Surface = 7.466 = 7.933

Poids = 0.101 = 0.107

Vol. at = 4.00 = 4.00

CO 2 % dégagé = 1.09 = 0.85

CO 2 + O % à la fîn de l'exp = 20.80 = 20.79

O % absorbé = 1.09 ...., = 0.86

CO 2 dégagé cmq. h,. = 0.00569 = 0.00417

CO 2 dégagé gr. h. . . = 0.4208 = 0.3093

O absorbé cmq. h. . = 0.00569 = 0.00422

O absorbé gr. h. .. . = 0.4208 = 0.3129

Rapports de respiration

CO 2 = 0.73 O = 0.74

DOUZIÈME EXPÉRIENCE

Un limbe de Sciadophyllum ellipticum Blum.. provenant du Jardin du Hamma, est divisé en deux moitiés, sur chacune desquelles j'ai découpé une surface rectangulaire; exposition pendant trente minutes à une lumière diffuse et pendant le même temps aux rayons directs du soleil à la température de 22°.

Composition centésimale du gaz introduit dans les éprouvettes

CO 2 = 9.30 O = 19.08 Az = 71.62


394 REVUE GÉNÉRALE DE BOTANIQUE

Partie débarrassée des Fumagines. Partie avec Fumagines.

Surface =9.444 = 9.511

Poids =0.218 = 0.217

Vol. at = 14.00 = 13.00

CO 2 % à la fin de l'exp. = 5.68 = 5.80

CO 2 % absorbé = 3.66 = 3.53

CO 2 + 0% à la fin de

l'exp =28.08 =28.16

O % dégagé = 3.24 = 3.22

CO 2 absorbé cmq. h. = 0.05426 = 0.04825

CO 2 absorbé gr. h. . = 2.351 = 2.019

O dégagé cmq. h. . . = 0.04803 = 0.04401

O dégagé gr. h = 2.081 = 1.929

Rapports d'assimilation

CO 2 = 0.88 O = 0.91

TREIZIÈME EXPÉRIENCE

Les surfaces foliaires qui ont servi à l'expérience précédente sont exposées, pour l'étude de leur respiration, à l'obscurité pendant une heure à la température de 23°.

Composition centésimale de l'atmosphère des éprouvettes

CO 2 = 0.00

O = 20.80

Az = 79.20

Partie débarrassée des Fumagines. Partie avec Fumagines.

Vol. at = 4.00 = 4.00

CO 2 % dégagé = 2.56 = 2.27

CO 2 + O % à la fin de

l'exp = 20.46 = 20.34

O % absorbé = 2.99 = 2.85

CO 2 dégagé cmq. h. = 0.01025 = 0.00902

CO 2 dégagé gr. h. . . = 0.4441 = 0.3957

O absorbé cmq. h. . = 0.01198 = 0.01133

O absorbé gr. h. ... = 0.5187 = 0.4968

Rapports de respiration

CO 2 = 0.88 O = 0.94


INFLUENCE DES FUMAGINES SUR L'ASSIMILATION ET LA RESPIRATION 395

Les chiffres précédents montrent nettement que les Fumagines entravent l'assimilation chlorophyllienne et la respiration. L'hypothèse, admise jusqu'ici sans aucune preuve expérimentale, mais basée toutefois sur la biologie de ces organismes exclusivement superficiels et ne pénétrant jamais à l'intérieur des tissus des organes sur lesquels ils vivent, se trouve donc vérifiée par l'expérience. L'entrave apportée par les Fumagines dans les échanges gazeux dépend de l'épaisseur et de la densité de la couche qu'elles forment à la surface des feuilles; elles agissent, à ce point de vue, de la même façon qu'un enduit dont on recouvrirait les feuilles.


REMARQUES SUR L'OUVERTURE A LA GERMINATION DE QUELQUES AKÈNES DE LIGULIFLORES

Par M. Paul LEBARD

En fait de renseignements bibliographiques se rapportant directement à cette question on ne peut guère citer que le travail de M. A. Joxe (1) « Sur l'ouverture des fruits indéhiscents à la germination. »

M. Joxe groupe les akènes de Chicoracées d'après leur s ructure anatomique. Une première série, ayant pour type le Leontodon autumnalis, L., renferme les genres dont les akènes présentent dans leur péricarpe une couche scléreuse qui se réduit à la base à cinq cordons distincts. Dans la deuxième série, ayant pour type le Sonchus oleraceus, h., la partie inférieure de l'akène ne présente plus que quatre bandes scléreuses. Enfin viennent les types aberrants (Crepis, Barkhausia, Lampsana, etc.), chez lesquels on trouve un plus grand nombre de cordons de sclérenchyme qui se groupent d'une façon plus ou moins irrégulière.

En ce qui concerne l'anatomie des akènes, nous possédons le travail de Gregor Krauss (2) dans lequel sont étudiés très succinctement les péricarpes des genres Lampsana, Taraxacum et Cichorium. Je dois aussi citer le mémoire de M. Lavialle (3). A propos de « Recherches sur le développement de l'ovaire en fruit chez les Composées », cet auteur a été conduit à nous donner une description assez complète de la structure du péricarpe chez les Liguliflores.

(1) Aug. Joxe. Sur l'ouverture des fruits indéhiscents à la germination. (Anodes Sc. Nat., 9e Série, Tome XV, 1912).

(2) Gregor Krauss. Uber den Bau trockner Pericarpien. (Jahrbücher for wiss. Botanick, V, 1867).

(3) Lavialle. Recherches sur le développement de l'ovaire en fruit chez les Composées. (Ann. des Sc. nat., 9e Série, Tome XV, 1912).


DÉHISCENCE DE QUELQUES AKENES DE LIGULIFLORES

397

I. — TRAGOPOGON PRATENSIS, L.

1° ÉTUDE DE L'AKÈNE

L'étude de la structure anatomique du péricarpe du Tragopogon

n'a pas encore été faite. M. Lavialle se contente de dire qu'elle est la même que chez le Scorzonera. Il existe cependant des différences assez nettes.

J'ai cru devoir décrire cette structure avec détail, car elle m'a révélé certaines particularités intéressantes au point de vue du mécanisme de la déhiscence.

A. — Différentes parties de l'akène

Sur une coupe longitudinale (fig. 1), l'akène se montre constitué de deux parties distinctes.

L'une de ces parties est très réduite (sa longueur varie de 1mm5 à 2mm) et forme la partie inférieure de l'akène. Comme nous le verrons, elle est l'analogue d'un pédoncule floral, d'où les noms de podocarpe, podogyne ou thécaphore que l'on peut lui donner. Elle est creusée d'une cavité qui communique avec l'extérieur par un orifice très net, situé à sa base, un peu obliquement, et qui correspond au point par lequel l'akène s'insère sur le réceptacle de l'inflorescence.

Le thécaphore est surmonté par

l'akène proprement dit qui forme la presque totalité du fruit et dont

Fig. 1. — Tragopogon pratensis, L. — Coupe longitudinale de l'akène ; g. graine ; a, akène proprement dit ; c, cavité de l'akène proprement dit ; p, podocarpe ; c', cavité du podocarpe ; e, entonnoir; c", cavité de l'entonnoir ; o, orifice de base de la cavité du podocarpe ; r, rétrécissement circulaire correspondant à la limite de l'akène proprement dit et du podocarpe.


398 REVUE GÉNÉRALE DE BOTANIQUE

la partie interne est presqu'entièrement remplie par la graine. A la base de l'akène proprement dit, le péricarpe sernble s'infléchir dans la cavité du podocarpe, constituant une sorte d'entonnoir, dont la partie effilée et très étroite peut dépasser légèrement au dehors par l'orifice que je viens de signaler.

Par un simple examen à la loupe de la partie externe du fruit, on voit que la limite de l'akène proprement dit et du thécaphore est indiquée par un léger rétrécissement circulaire. C'est, en outre, à ce niveau, que le péricarpe présente son maximum d'épaisseur, tandis qu'il va en s'amincissant d'une part vers le bec, de l'autre vers la base du podogyne. Il résulte qu'en cette zone intermédiaire, la lumière de la cavité du fruit se trouve assez réduite, et ce fait présente, comme nous le verrons, des conséquences intéressantes au point de vue de la déhiscence.

B. — Structure anatomique de l'akène

Sur une coupe transversale, la paroi de l'akène se montre constituée de cinq portions pentagonales accolées les unes aux autres et disposées de telle façon qu'elles déterminent au centre une cavité à contour pentagonal et à la périphérie cinq côtes alternant avec cinq sillons.

Dans le podocarpe (fig. 2), cette paroi est surtout parenchymateuse. On trouve cependant dans chaque pentagone, de part et d'autre de l'angle externe, deux îlots de cellules à membranes lignifiées, qui à la base du podocarpe sont directement accolés à l'épiderme, tandis que plus haut ils en sont séparés par un nombre croissant d'assises de cellules.

Vis-à-vis des sillons externes, nous remarquons une lame pareil chymateuse devenue lacuneuse par suite d'une dessiccation effectuée en direction centrifuge.

L'entonnoir est formé par cinq cordons de cellules à membranes épaissies et bien lignifiées. Ces cordons, situés vis-à-vis des sillons de l'ornementation externe du fruit, sont réunis les uns aux autres par du parenchyme. Nous avons aussi deux faisceaux libéro-ligneux diamétralement opposés : l'un est accolé à la face interne d'un des cordons fibreux, l'autre est alterne à deux de ces cordons. Vers la


Fig. 2. — Tragopogon pratensis, L. — Coupe A, effectuée à la partie supérieure du podocarpe (voir fig. 1) ; ep, épiderme ; S1, ilot scléreux de la paroi du podocarpe : S2. ilot scléreux de la paroi de l'entonnoir : CV1, cavité du podocarpe ; CV2. cavité de l'entonnoir : f, l'une des branches du faisceau libéro-ligneux du raphé ; F1, l'une des cinq lames parenchymateuses situées vis-à-vis des côtes qui ornent la surface externe du podocarpe et le long desquelles se produisent les cinq fentes principales de déhiscence ; F2, zone lacuneuse le long de laquelle se formera une fente secondaire de déhiscence.

Fig. 3. — Tragopogon pratensis, L. — Coupe B, effectuée à la base de l'akène proprement dit (voir fig. 1) ; ep, épiderme ; S1, ilot scléreux se prolongeant dans la paroi du podocarpe ; S2, ilot scléreux se prolongeant dans la paroi de l'entonnoir ; lac, lacune ; f, l'une des branches du faisceau libéro-ligneux du raphé; CV, cavité de l'akène proprement dit ; F, lame parenchymateuse le long de laquelle se formera l'une des cinq fentes principales de déhiscence.


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base, ces faisceaux libéro-ligneux sont contigus et remplissent entièrement la région rétrécie de l'entonnoir.

Toutes les bandes sclérifîées que nous venons de mentionner se continuent jusqu'à la partie supérieure de l'akène, mais elles ne sont distinctes les unes des autres que sur une longueur ne dépassant pas 1/2 millimètre (fig. 3). En effet (fig. 4), chaque bande issue de l'entonnoir ne tarde pas à se réunir aux deux bandes qui lui sont conséFig.

conséFig. — Tragopogon pratensis, L. — Coupe C, effectuée dans l'akène proprement dit à un niveau correspondant à la pointe de la radicule (voir fig. 1) ; ep, épiderme ; S, arc scléreux ; Se, dépression dans l'arc scléreux correspondant au point ou s'est produit la jonction entre la bande fibreuse issue de la paroi de l'entonnoir et de la bande fibreuse issue de la paroi du podocarpe ; lac, lacune ; t, zone externe des téguments de la graine ; f, l'une des branches du faisceau libéro-ligneux du raphé ; CV, cavité de l'akène proprement dit renfermant la graine ; F, lame parenchymateuse intermédiaire à deux arcs scléreux et le long de laquelle se formera l'une des cinq fentes principales de déhiscence.


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cutives et qui proviennent de la paroi du thécaphore, déterminant ainsi la formation de cinq arcs résistants, constitués non plus de cellules lignifiées mais de véritables fibres à lumière très étroite. Ces arcs, tangents par leurs extrémités élargies, ne sont séparés les uns des autres que par une lame parenchymateuse très mince et bientôt

environ vers le tiers inférieur du fruit (fig. 5), ils se fusionnent en une couche scléreuse continue dont la périphérie est ornée de cinq groupes de trois prolongements disposés symétriquement par rapport au centre.

A partir du milieu du fruit, la couche scléreuse se transforme en un anneau parfaitement régulier.

Fig. 5. — Tragopogon pratensis, L. — Coupe D, effectuée dans l'akène proprement dit vers le tiers inférieur du fruit (voir fig. 1) ; ep, épiderme ; S, couche scléreuse ; lac, lacune ; t, zone externe des téguments de la graine; f, l'une des branches du faisceau libéro-ligneux du raphé ; CV, cavité de l'akène proprement dit renfermant la graine.

Rev. gén. de Botanique. — XXV.

26.


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C. — Signification morphologique des différentes parties de l'akène

Pour comprendre la signification des différentes parties que j'ai signalées dans le podocarpe et qui. au prime abord, semblent si extraordinaires, il suffit d'étudier à l'aide de coupes transversales la base de l'ovaire avant la formation de la graine.

Nous ne trouvons à ce moment aucune trace d'entonnoir. La partie inférieure de la fleur (fig. 6) est constituée par une zone corticale non lacuneuse entourant une sorte de cylindre central à contour pentagonal, à cellules petites et renfermant sept faisceaux libéro-ligneux. Cinq de ces faisceaux correspondent aux angles du cylindre central, sont situés à sa périphérie et comprennent de un à trois vaisseaux ligneux. Les deux autres faisceaux sont intérieurs aux précédents et diamétralement opposés : l'un se trouve placé

Fig. 6. — Tragopogon pratensis, L.— Coupe transversale du podocarpe avant la formation du fruit ; e, épiderme ; ec, tissu cortical externe formant à la maturité du fruit la paroi du podocarpe ; e'c', tissu cortical interne destiné à être résorbé ; c1, rayons médullaires formant à la maturité du fruit la paroi de l'entonnoir ; c2, moelle destinée à être résorbée ; f1, l'un des cinq faisceaux libéro-ligneux des parois carpellaires ; f2, faisceau libéro-ligneux du raphé.


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vis-à-vis le milieu d'un des côtés du pentagone endodermique, l'autre à l'intérieur de l'angle opposé à ce côté.

En somme, cette structure nous révèle chez le Tragopogon pratensis, L. l'existence d'un véritable pédoncule floral dont les tissus sont en continuation avec ceux du réceptacle. Ce pédoncule, très court avant la fécondation, ne grandira pas beaucoup; nous avons vu, en effet, que la taille définitive du thécaphore ne dépasse pas 2 millimètres.

Des coupes menées jusqu'au sommet de la fleur, montrent que les cinq faisceaux libéro-ligneux externes se continuent dans les parois carpellaires et lors de la transformation du pistil en fruit, ils y seront le siège d'une active sclérification pour donner les cinq bandes fibreuses que j'ai signalées dans les parois de l'entonnoir et dans celles de l'akène proprement dit.

Les deux faisceaux libéro-ligneux internes sont destinés à l'ovule et comme nous l'avons vu, on les retrouve encore dans l'akène arrivé à maturité, mais depuis longtemps, ils n'accomplissent plus leur fonction physiologique. En réalité, il ne s'agit là que d'un seul faisceau (faisceau du raphé) qui, après avoir pénétré dans l'ovaire, chemine verticalement dans les téguments de la graine, puis vers le haut décrit une courbe et redescend pour se terminer à la base de l'akène.

En même temps que se poursuivent ces diverses modifications de structure, nous assistons dans le podocarpe à une dessiccation des tissus dont le résultat final est la disparition d'une partie de la zone interne du cylindre central et de la zone médiane du parenchyme cortical : ainsi se forme l'entonnoir dont la signification morphologique semblait tout d'abord si obscure.

On peut suivre, du reste, la marche progressive de cette résorption en prenant des akènes à des stades différents de leur évolution : les tissus deviennent de plus en plus lacuneux, tandis que se précise la forme de l'entonnoir, et bientôt celui-ci n'est plus relié à la paroi du thécaphore que par des trabécules irrégulières, membraniformes, qui ne tardent pas à disparaître.

Pendant la formation du fruit, la sclérification débute au sommet de l'ovaire; elle se poursuit ensuite vers le bas et s'arrête un peu au-dessus du point où a lieu la jonction avec le réceptacle. La disparition par dessiccation de cette étroite bande restée parenchyma-


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teuse explique la formation de l'orifice que j'ai signalé à la partie inférieure de l'akène. A ce moment, le fruit n'est plus rattaché au réceptacle que par le prolongement de l'entonnoir dont les tissus, comme nous le savons, renferment des cordons lignifiés; par conséquent l'intervention de la sécheresse ne suffirait pas à rompre cette jonction. Une secousse quelconque, coup de vent par exemple, est nécessaire.

2° GERMINATION ET OUVERTURE DE L'AKÈNE

A. — Ouverture de l'Akène

La germination des akènes du Tragopogon pralensis, L. est rapide si l'on a soin d'entretenir les semis d'une humidité constante. Les premières manifestations du phénomène peuvent alors s'observer au bout de six à sept jours.

Le péricarpe, qui normalement constitue une enveloppe protectrice très solide, s'imprègne d'eau et s'amollit, de sorte que la pression qui devra s'exercer sur les zones de moindre résistance, pour en déterminer la rupture, se trouve notablement diminuée.

Comme nous l'avons vu, la cavité du fruit se rétrécit beaucoup vers la base de l'akène proprement dit. L'embryon remplit presqu'entièrement cette cavité; il n'est séparé des parois que par les téguments de la graine qui forment une couche très mince; aussi, dès le début de son allongement, la pointe de la radicule viendra butter contre le bourrelet circulaire ou épaississement du péricarpe qui limite l'entrée de l'entonnoir.

La radicule se trouve ainsi engagée dans un espace conique et elle ne pourra poursuivre sa marche en avant sans déterminer la rupture de l'akène. Or, à ce niveau, comme nous sommes dans la région des arcs scléreux, les déchirures se produiront le long des cinq lames parenchymateuses alternes à ces arcs et situées vis-àvis des côtes qui ornent la surface externe du fruit.

L'embryon continuant ses poussées, les fentes peuvent se prolonger vers le haut jusqu'à une distance correspondant au tiers inférieur du fruit; elles ne peuvent aller plus loin, car c'est vers ce point que les arcs scléreux se soudent en un anneau continu.


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Vers le bas, les fentes se poursuivent, d'une part, sur la paroi du podocarpe, de façon à atteindre l'orifice situé à la partie inférieure et, d'autre part, le long de l'entonnoir, suivant les cinq zones intermédiaires aux bandes scléreuses. L'entonnoir étant un organe fragile, la radicule dans sa sortie le mutile plus ou moins, si bien qu'après la germination on n'en retrouve que des débris vers le point où a lieu sa jonction avec les parois de l'akène.

Outre les fentes principales de déhiscence que je viens de signaler, il peut également se former d'une à cinq autres fentes alternes aux premières et qui s'étendent sur toute la longueur du podogyne snns pouvoir se prolonger sur l'akène proprement dit. En effet, elles correspondent aux zones lacuneuses qui forment le soubassement des sillons de la surface externe du fruit.

La formation de ces déchirures secondaires résulte d'un frottement de l'embryon sur la région correspondante du péricarpe, en particulier, lorsque les fentes principales n'ont pas encore tout à fait atteint l'orifice de base de l'akène. Mais, en général, le fait n'est provoqué qu'un peu plus tard par le retournement géotropique de la radicule. Quoiqu'il en soit, une très faible pression suffit pour provoquer ces déchirures secondaires et l'on conçoit qu'elles eussent été les premières et peut-être même les seules qui se fussent produites, si dès le début la radicule avait exercé ses efforts en un point un peu plus inférieur du péricarpe.

B. — Germination proprement dite

Après l'ouverture de l'akène, la radicule, suivie de l'axe hypocotylé, ne tarde pas à apparaître puis s'enfonce dans le sol. Nous assistons ensuite à l'épanouissement des cotylédons dont la sortie a lieu progressivement et lentement par la base déchirée du fruit.

Les" cotylédons restent donc assez longtemps étroitement emprisonnés dans le péricarpe et leur limbe, ne pouvant se développer librement, ces cotylédons présentent à l'état adulte une forme très effilée qui les rend comparables à des aiguilles de Pinus (fig. 7).

La difficulté qu'éprouvent les cotylédons à se séparer du péricarpe se traduit très souvent par une anomalie dans la germination : la partie supérieure des limbes cotylédonnaires pouvant rester indéfiniment coiffée par les téguments de l'akène.


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Fig. 7. — Tragopogon pratensis, L. — 1, plantule dont les cotylédons sont encore en partie coiffés par le péricarpe; 2, plantule plus âgée dont les cotylédons effilés se sont entièrement libérés du péricarpe.

Fig. 8. —Podospermum laciniatum, D. C. — Coupe longitudinale de l'akène ; g, graine ; a, akène proprement dit: c, cavité de l'akène proprement dit : p, podocarpe ; c' cavité du podocarpe ; e, entonnoir ;. c" cavité de l'entonnoir; o, orifice de base de la cavité du podocarpe.


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Dans ces conditions, les cotylédons remplissant imparfaitement leur rôle d'assimilation, il s'établit une compensation qui détermine un développement plus précoce des deux premières feuilles.

II. — PODOSPERMUM LACINIATUM, D. C.

1° ÉTUDE DE L'AKÈNE

Nous retrouvons dans l'akène du Podospermum laciniatum, D. C. les différentes parties que j'ai signalées à propos du Tragopogon pratensis, L. ; mais chez l'espèce qui nous occupe, elles présentent une netteté et un développement bien plus considérable (fig. 8). C'est ainsi que le podocarpe, légèrement renflé, forme le tiers du fruit et constitue ce que les auteurs ont appelé le « pied ». Cet organe a toujours été considéré comme une production caractéristique du genre, et personne n'a cherché à en connaître la signification morphologique.

Le thécaphore (Planche I, A) est orné de dix côtes longitudinales très régulières alternant avec dix sillons ; cinq de ces côtes sont un peu plus accentuées, de sorte qu'en coupe transversale l'ensemble présente une forme pentagonale. Les tissus sont constitués par un parenchyme dans lequel se sont différenciées dix bandelettes de cellules fibreuses, petites, disposées suivant dix ou quinze assises; leurs membranes sont très épaisses mais non lignifiées, en effet, ces éléments ne fixent pas les réactifs de la lignine, en particulier le vert d'iode. Les bandelettes sont sous-jacentes aux sillons externes du fruit et présentent une tendance à s'allonger du côté de la côte principale correspondante.

La structure de ces zones fibreuses est remarquable au point de vue des conséquences qu'elle comporte dans le déterminisme de la déhiscence.

Dans la partie inférieure et moyenne du podocarpe, les bandelettes sont formées presqu'exclusivement de fibres longitudinales. Au contraire, comme le montre la fig. B, Planche I, dans la partie supérieure et du côté interne de ces bandelettes, les cellules s'allongent suivant l'horizontale; en sorte que l'on a deux couches superposées : l'une, la plus épaisse, formée de fibres longitudinales, l'autre, sous-jacente, formée de fibres transversales.


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L'entonnoir, qui forme la partie axiale du podocarpe, est largement évasé au sommet, tandis que sa moitié inférieure est très effilée. Sa section transversale est pentagonale. Les côtés, légèrement arqués et à concavité externe, sont tangents deux à deux par leurs extrémités; en leur partie médiane, ils présentent chacun un faisceau

libéro-ligneux englobé dans un petit massif ligneux. Le reste de la paroi est constitué par un tissu à cellules plus ou moins ratatinées.

Vers le haut, chacun des angles de l'entonnoir se prolonge par deux trabécules desséchées et divergentes qui vont s'insérer aux parois du péricarpe.

On retrouve toujours avec plus ou moins de netteté et accolé à la partie interne de l'entonnoir le faisceau libéro-ligneux du raphé.

Une coupe transversale (fig. 9) pratiquée très peu au-dessus du point de jonction de l'entonnoir avec l'akène proprement dit préFig.

préFig. — Podospernmm laciniatum, D. D. — Coupe B, effectuée à la base de l'akène proprement dit (voir fig. 8); ep, épiderme ; lac, lacune ; fh, arc fibreux constitué surtout par des libres transversales ; fl, massif fibreux triangulaire formé surtout de fibres longitudinales et situé dans le prolongement d'une bandelette fibreuse de la paroi du podocarpe ; f1, faisceau libéro-ligneux carpellaire ; ep, épiderme tégumentaire ; t, tégument ; f2, faisceau libéro-ligneux du rapbé ; CV, cavité de l'akène proprement dit.


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sente une forme pentagonale et des côtes principales plus accentuées que dans le podocarpe. Les bandelettes à cellules épaissies sousjacentes aux sillons externes du fruit sont devenues triangulaires et présentent des angles très effilés. Les deux bandelettes comprises entre deux côtes principales consécutives quelconques sont reliées l'une à l'autre par l'intermédiaire d'un arc résistant, formé de cellules allongées suivant le plan de la coupe et à membranes très épaisses.

épaisses. a donc, au total, cinq de ces arcs, à la base et du côté interne desquels sont accolés les faisceaux libéro-ligneux provenant de l'entonnoir et qui sont, du reste, les seuls éléments du fruit fixant le vert d'iode.

Tout le reste du péricarpe est parenchymateux, excepté cinq grandes lacunes placées dans les concavités des arcs fibreux que je viens de décrire.

Sur les bords de la cavité centrale, on constate facilement la présence des deux branches du faisceau libéro-ligneux du raphé.

Sur des sections transversales effectuées au-dessus des précédentes jusqu'à un niveau correspondant à la région inférieure de la radicule, nous assistons à un allongement rapide des côtes principales, en sorte que les coupes présentent une forme étoilée (fig. 10). Les lacunes du péricarpe ont disparu et les extrémités des arcs fibreux se sont allongées en suivant progressivement le bord des côtes principales correspondantes, de façon à se réunir deux à deux

Fig. 10. —Podospermum laciniatum, D. G. — Coupe C, effectuée dans l'akène proprement dit à un niveau correspondant à la pointe de la radicule (voir fig. 8) ; ep, épiderme ; fh, ceinture fibreuse formée surtout de fibres transversales ; fl, bandelette triangulaire formée surtout de fibres longitudinales ; f1, faisceau libéro-ligneux carpellaire ; t. tégument de la graine; f2, l'une des branches du faisceau libéro-ligneux du raphé ; ep, couche protéique ; R, radicule.


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et former une ceinture continue résistante. Celle-ci se trouve, du reste, renforcée par les bandelettes triangulaires à fibres longitudinales qui lui sont accolées par une de leurs faces latérales, la face supérieure épousant toujours la convexité des sillons externes.

En nous rapprochant un peu plus du sommet de l'akène, nous assistons à une régression des côtes principales et le péricarpe reprend sa forme pentagonale régulière (fig. 11). Corrélativement, les sinuosités du cercle fibreux deviennent de moins en moins accentuées et les bandelettes étoilées redeviennent rectangulaires.

Ces transformations sont accomplies

accomplies le milieu de l'akène proprement dit et cette structure reste désormais à peu près invariable jusqu'au sommet de l'akène. La description, d'ailleurs très succincte, et la figure que M. Lavialle (1) donne du Podospermum lacinialum, D. C, semblent s'appliquer à cette région moyenne de l'akène proprement dit; et c'est ce qui expliquerait la légère erreur de cet auteur lorsqu'il différencie la structure du péricarpe du Scorzonera de celle du Podospermum par l'absence de cinq lacunes dans les tissus de ce dernier. Or, comme je viens de l'indiquer, ces lacunes existent et sont parfaitement bien développées dans toute la zone qui s'étend du point où a lieu la jonction de l'entonnoir avec l'akène jusqu'au niveau correspondant à la base de la radicule.

Fig. 11. — Podospermum laciniatum, D.C. — Coupe D, effectuée vers le milieu de l'akène proprement dit (voir fig. 8) ; ep, épiderme ; F, couche fibreuse continue ; f1, faisceau libéro-ligneux carpellaire ; ep', épiderme tégumentaire ; t, tégument de la graine ; f2, faisceau libéro-ligneux du raphé ; cp, couche protéique ; et, cotylédons.

(1) Lavialle, loc. cit.


DEHISCENCE DE QUELQUES AKENES DE LIGULIFLORES

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2° GERMINATION ET DEHISCENCE DE L'AKÈNE

La germination est plus rapide que celle du Tragopogon pratensis, L. et la déhiscence présente ce caractère distinctif qu'elle n'intéresse que le podocarpe sans jamais se poursuivre sur l'akène proprement dit.

A. — Ouverture du podocarpe

Au bout de quelques jours, vers le sommet et sur la paroi du thécaphore,

thécaphore, observe 1 apparition de dix fentes se produisant le long des sillons de son ornementation externe et, par suite, occupant une position intermédiaire avec les bandes fibreuses.

Ces fentes se prolongent jusqu'à l'orifice de base de l'akène, déterminant ainsi la formation de dix lanières égales qui se recourbent en arrière en conservant une disposition très régulière (fig. 12).

Il n'y a pas lieu d'attribuer cette déhiscence à une action de la radicule, car, à cet état, celle-ci n'est généralement pas encore

visible et, de plus, j'ai toujours observé la formation de ces déchirures sur des akènes à embryon mal conformé et ne se développant pas, ou bien encore sur des akènes dont j'avais enlevé la graine après section de la partie supérieure du fruit.

La cause de cette déhiscence doit être recherchée dans les bandelettes fibreuses du podocarpe, qui, comme je l'ai indiqué, présentent dans leur partie supérieure deux couches principales : une couche

Fig. 12. —Podospermum lacinialum, D. C.— Coupe longitudinale de l'akène après la déhiscence du podocarpe. Les flèches F et F' indiquent le niveau où se trouvent surtout localisées les forces qui déterminent l'ouverture du podocarpe.


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externe de beaucoup la plus épaisse, formée de fibres longitudinales et une couche interne comprenant des fibres transversales. Une telle structure constitue une disposition particulièrement favorable à la déhiscence sous l'influence des variations hygrométriques.

Leclerc du Sablon (1) a montré, dans son étude sur les fruits secs déhiscents, que les fibres lignifiées en se desséchant se contractent plus dans le sens de leur largeur que dans le sens de leur longueur.

En appliquant ce principe au cas qui nous occupe, on voit que dans un milieu sec, les bandelettes fibreuses auront tendance à s'incurver vers l'intérieur du podocarpe ; mais il n'y a pas lieu d'envisager cette action, car les tissus de l'akène mûr ont pour ainsi dire atteint leur maximum de dessiccation. Je ferai remarquer, cependant, que c'est sans doute à l'influence de la sécheresse qu'il faut attribuer l'aspect bombé du podocarpe.

Par contre, on conçoit qu'à l'humidité, l'effet produit étant inverse de celui qu'aurait provoqué la sécheresse, les bandelettes fibreuses tendront à se retourner vers l'extérieur. Les tractions ainsi développées amèneront des ruptures le long des zones faibles, puis les dix lanières, suivant lesquelles le podocarpe se sera divisé, n'ayant plus à vaincre de résistance, se recourberont librement en arrière.

Les forces qui agissent sont uniquement localisées dans la partie supérieure des bandes fibreuses et c'est, comme nous l'avons vu, une conséquence de leur structure. Aussi dans certains cas, par exemple lorsqu'il n'y a pas assez d'humidité ou bien lorsque les fibres n'ont pas atteint le degré de différenciation voulu, l'intensité de ces forces n'étant pas suffisante, les déchirures qui ont commencé à se produire dans le haut du podocarpe ne peuvent arriver à atteindre l'orifice de base de l'akène. Il n'en serait évidemment pas ainsi, si les bandes fibreuses étaient garnies sur toute leur longueur de fibres transversales, car il se produirait des pressions s'étageant de la base au sommet du podocarpe suivant les dix zones longitudinales fibreuses.

(1) Leclerc du Sablon. Recherches sur la déhiscence des fruits à péricarpe sec. (Ann. des Sc. nat., 6e Série, Tome XVIII, 1884).


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B. — Ouverture de l'Entonnoir

Pendant que se produisent ces diverses transformations, la radicule a commencé à s'allonger, puis pénétrant dans l'entonnoir, elle en a provoqué la déhiscence suivant cinq fentes longitudinales alternes avec les zones occupées par les faisceaux libéro-ligneux. Ces fentes ne s'étendent que sur la moitié supérieure de l'entonnoir; elles s'arrêtent au point où en commence la partie effilée et où les faisceaux libéro-ligneux, très rapprochés, réduisent à presque rien les bandes parenchymateuses intermédiaires.

La pression que la radicule doit exercer pour déterminer la déhiscence de l'entonnoir est très faible : les zones suivant lesquelles se forment les déchirures étant constituées par un parenchyme plus ou moins dissocié qui ne possède, après son imprégnation par l'eau, qu'une très faible résistance. J'ai pu constater, en effet, que le moindre traumatisme, par exemple le contact d'une pointe d'aiguille, suffisait à produire instantanément les cinq fentes.

C. — Germination proprement dite

La façon dont les cotylédons se libèrent du péricarpe est identique à celle que j'ai indiquée pour le Tragopogon pratensis, L. Ici encore le limbe reste très réduit, ne formant qu'une aile très mince de chaque côté de la nervure médiane.

(A suivre).


NOTES BIBLIOGRAPHIQUES

NICOLAS T. DELEANO. — Studien über den Atmungsstoffwechsel abgeschnittener Laubblätter. Jahrbùcher fur wissenschaftliche Bolanik. Bel. LI, 1912.

L'auteur fait tout d'abord remarquer que nous sommes bien peu documentés sur l'important problème de la respiration et surtout sur les changements de matière produits par ce phénomène chez les plantes supérieures. Jusqu'ici les faits connus nous portent à croire que les hydrates de carbone ont un rôle prépondérant dans la respiration. Il a été démontré que les matières grasses et les acides organiques peuvent être normalement utilisés par les plantes dans le phénomène respiratoire. Quant aux albuminoïdes, on ne sait absolument rien au point de vue de leur rôle dans la respiration et on est ici en pleine hypothèse. T. DELEANO se propose donc de rechercher quelles sont les substances ternaires ou quaternaires utilisées dans la respiration des plantes supérieures prenant comme matériel d'étude les feuilles de Vitis vitifera cueillies à différentes époques de l'année.

Dans ce but, un certain nombre de feuilles, cueillies à des époques déterminées, sont traitées de la manière suivante : Aussitôt, après leur récolte, les feuilles sont divisées en deux parties, suivant, le pétiole et la nervure médiane. On a ainsi les deux lots de feuilles a et b. La portion a est pesée, puis précipitée dans l'alcool bouillant additionné de carbonate de chaux. La partie b est mise dans un appareil à respiration pendant un nombre d'heures déterminé. La comparaison des résultats obtenus dans les analyses des lots de feuilles a et b renseignent sur les variations chimiques qui se sont produites dans le cours de la respiration.

Les analyses ont porté sur des feuilles adultes, ayant atteint leur complet développement et cueillies à des intervalles assez rapprochés de juillet à fin septembre. L'auteur a dosé dans ces feuilles les substances suivantes :

1° Les monosaccharides;

2° Les disaccharides ;

3° L'amidon;

4° Les hémicelluloses;


NOTES BIBLIOGRAPHIQUES 415

5° L'azote total;

6° Les substances azotées extractives;

7° L'azote ammoniacal;

8° L'azote provenant d'albuminoïdes;

9° Les acides libres calculés en acide tartrique;

10° Les substances solubles dans l'eau (matières extractives);

11° La teneur en cendres des matières extractives.

Les résultats obtenus par l'auteur, rapportés à 100 de poids frais et à 100 de poids sec, sont donnés dans autant de tableaux qu'il y a de lots de feuilles analysés; ils sont les suivants :

Amidon. — La quantité de ce polysaccharide diminue rapidement pendant le processus respiratoire. La disparition progressive de l'amidon est accompagnée de la diminution d'une espèce chimique non colorable par l'iode, mais de nature hydrocarbonée que l'auteur n'a pas définie. Cette dernière substance diminue peu tant qu'il reste de l'amidon, mais lorsque ce polysaccharide a entièrement disparu des feuilles qui le contenaient, c'est le composant hydrocarboné dont nous venons de parler qui est brûlé à son tour.

Disaccharides. — Ils sont en petite quantité; ils disparaissent, mais d'une manière quelconque et non suivant une loi simple. Après 493 heures de respiration, les feuilles n'en contiennent plus aucune trace.

Monosaccharides. — Jusqu'à 100 heures, la quantité de monosaccharides reste constante, puis elle diminue rapidement et tombe au 1/10 de sa valeur primitive après 493 heures de respiration.

Hémicelluloses. — Il est intéressant de constater qu'elles restent constantes pendant toute la durée de la respiration.

Acides libres exprimés en C4H6O 6. — Les acides libres calculés en acide tartrique, augmentent jusqu'à 100 heures de respiration; ils diminuent ensuite assez rapidement. On peut donc supposer que l'amidon, en bridant, donne des acides qui sont détruits à leur tour par l'oxygène dès que la substance amylacée vient à manquer.

Teneur des feuilles en substances ternaires solubles dans l'eau. — Les substances diminuent peu jusqu'à environ 144 heures; mais après ce laps de temps, la destruction en devient rapide. On bien ces subsstances sont utilisées par la respiration, ou bien elles sont transformées en substances insolubles dans l'eau.

Teneur des cendres en substances solubles dans l'eau. — Elle augmente jusqu'à environ 80 heures, puis diminue fortement. Les bases inorganiques entreraient alors dans des combinaisons insolubles.

Azote total. — L'azote total contenu dans les feuilles reste constant.

Azote qui se trouve sous la forme d'albuminoïdes coagulables. —


416 REVUE GÉNÉRALE DE BOTANIQUE

L'azote provenant des albuminoïdes coagulables reste constant jusqu'à environ 100 heures; il diminue ensuite rapidement.

Teneur en azote des substances quaternaires solubles dans l'eau. — L'azote provenant des substances quaternaires solubles dans l'eau, reste constant jusqu'à 100 heures, puis, contrairement à l'azote des albuminoïdes coagulables, cette quantité augmente assez rapidement. L'auteur en conclut qu'il existe donc des substances azotées autres que l'albumine coagulable, qui prennent alors la forme soluble.

Azote ammoniacal. — L'azote ammoniacal reste constant jusqu'à environ 90 heures, puis il augmente d'une façon très sensible, ce qui semblerait indiquer que pendant la respiration, une partie de l'azote des albuminoïdes passe à l'état d'ammoniac dans le suc cellulaire.

En résumé, la respiration normale des feuilles détachées à la Vigne, n'exige, jusqu'à une durée de 100 heures, que des hydrates de carbone et surtout de l'amidon. Durant cette première période, les albuminoïdes ne sont nullement atteints. Mais, après une durée de respiration supérieure à 100 heures, les substances albuminoïdes coagulables sont attaquées à leur tour et transformées en produits solubles comme par exemple des sels ammoniacaux; il n'y a pas départ de l'azote des feuilles pendant la respiration, l'azote total reste constant.

Il est donc permis de conclure avec l'auteur que ce sont seulement les hydrates de carbone qui sont utilisés par la respiration ; mais si les substances hydrocarbonées viennent à s'épuiser, les albuminoïdes peuvent les remplacer et servir à leur tour de matériaux de combustion.

E. MICHEL-DURAND.


ESSAI DE GEOGRAPHIE BOTANIQUE

des hauteurs de l'Hautie et de leurs dépendances

Par M. A.-Pierre ALLORGE

INTRODUCTION

Si la végétation spontanée des environs de Paris est bien connue au point de vue purement floristique, c'est-à-dire au point de vue du catalogue des espèces, de leur répartition générale, elle l'est bien moins sous le rapport de la Géographie botanique; il est bien évident qu'il ne saurait être question d'une étude phytogéographique générale étant donnée l'hétérogénéité des environs de Paris en tant que région botanique, mais en y choisissant un territoire restreint, ayant des limites naturelles, on peut montrer les rapports de la végétation avec les facteurs qui la déterminent, ce qui constitue justement le p incipal objet de la Géog aphie botanique : c'est une étude de ce genre que je me suis proposée ici.

Elle ne représente, en réalité, qu'une partie des données acquises à la suite de nombreuses observations et herborisations faites dans le Vexin français depuis 1905, en particulier aux environs de Mantes, Meulan, Triel, Vigny. C'est la nécessité de me limiter, dans un travail de ce genre, qui m'a conduit à étudier méthodiquement pendant ces trois dernières années une aire plus réduite : les hauteurs de l'Hautie et leurs dépendances. El es forment la partie sud-est de la région dont l'ensemble fera peut-être un jour l'objet d'un plus ample travail.

Ce territoire n'a jamais attiré beaucoup l'attention des botanistes herborisants, et c'est à peine si dans les flores classiques l'on

Rev. gén. de Botanique. — XXV. 27.


418 REVUE GÉNÉRALE DE BOTANIQUE

trouve quelques indications de localités (1) : tout ou presque tout était donc à faire.

Mon but a été moins de dresser un catalogue complet des espèces que de montrer dans quel sens et avec quelle intensité les facteurs bionomiques agissaient pour les grouper ou les disjoindre.

La première partie de cette étude sera consacrée aux considérations géographiques et géologiques indispensables; la deuxième, la plus importante, traitera de la géographie botanique prop ement dite et se divisera en deux chapitres : Statique et Dynamique, complétés par quelques conclusions générales. Enfin, une liste aussi courte que possible des espèces peu communes pour l'ensemble de la flore parisienne formera la troisième et dernière partie.

Il convient de dire dès à présent que ce travail a porté presque exclusivement sur les Phanérogames et lès Cryptogames vasculaires; l'on trouvera cependant çà et là quelques indications relatives aux Muscinées toutes les fois qu'elles semblaient jouer un rôle notable dans les associations végétales.

Avant de pousser plus avant, il me faut remercier tous ceux qui m'ont aidé de leurs conseils ou de leurs encouragements, tout particulièrement M. le professeur G. Bonnier, MM. Lecomte et Jeanpert, du Muséum, avec qui j'ai eu maintes fois l'occasion de faire d'intéressantes herborisations dans la région parisienne; MM. Buchet et Combes, préparateurs à la Sorbonne.

(1) Cosson et Germain de St-Pierre. Flore des Environs de Paris, passim.

L. Brisout de Barneville. Notes d'herborisations aux environs de Poissy. Bull. Soc. Bot. 1869-1872.

A. Masclef. Herborisation à Meulan et à Triel. Bull. Assoc. des élèves et anciens élèves de la Fac. des Sc. de Paris, 1889.


PREMIÈRE PARTIE

GÉNÉRALITÉS

1. — Situation géographique

Situées dans le département de Seine-et-Oise, sur la rive droite de la Seine, les hauteurs de l'Hautie (1) se présentent sous l'aspect d'une colline assez élevée, surmontée d'un plateau boisé, étroit et long d'une dizaine de kilomètres. Elles sont comprises dans la presqu'île formée par la Seine, l'Oise et l'Aubette (2) ; ces trois cours d'eau d'inégale importance, constituent les limites naturelles de notre territoire. La Seine, au sud, de Maurecourt, où elle reçoit l'Oise à Meulan ; à l'ouest, l'Aubette, de Meulan où elle se jette dans la Seine à Sagy; à l'est, l'Oise de Vauréal à Maurecourt; au nord, enfin, il nous a fallu prendre une limite conventionnelle marquée par une ligne joignant Sagy à Vauréal et laissant au nord le village de Courdimanche.

La superficie de l'aire ainsi délimitée est de 11.000 hectares environ. Les plus grandes distances à vol d'oiseau sont, dans la direction N.-S. 15 kilom. (Sagy-Carrières-sous-Poissy) ; dans la direction E.-O., 12 kilom. (Meulan-Maurecourt).

2. — Relief. — Hydrographie. — Climat

Le plateau boisé qui couronne les coteaux présente une altitude moyenne de 170 m. ; son point le plus élevé est à 191 m., ce qui, avec

(1) L'on écrit aussi Hautil.

(2) Qu'il ne faut pas confondre avec la rivière du même nom qui passe à Magny-en-Vexin et se jette dans l'Epte.


420 REVUE GÉNÉRALE DE BOTANIQUE

le point le plus bas, 15 m., à Hardricourt, au bord de la Seine, fait une dénivellation maxima de 175 m.

Ce plateau d'abord orienté N.-O.—S.-E., de Chanteloup à Boisemont, prend ensuite une direction franchement E.-O. en se rétrécissant beaucoup; son axe est occupé par les deux grandes routes de Meulan à Pontoise et de Poissy à Pontoise, qui se rejoignent à l'angle où se fait le changement de direction du plateau.

Eu égard aux différences qu'ils présentent entre eux, il faut étudier séparément les trois versants.

Vers la Seine, la pente, rapide entre Meulan et Triel (fig. 2), s'adoucit ensuite beaucoup jusqu'à Andrésy : dans cette partie, en effet, elle se prolonge en une vaste plaine d'alluvions, comprise dans la boucle que décrit la Seine entre Maurecourt et Triel et qui va frôler Poissy au sud (fig. 3).

Vers l'Oise, l'aspect des coteaux est assez différent : après une partie brusquement déclive, bordant le plateau supérieur, l'on rencontre un plateau moyen assez large qui se termine avant d'atteindre la rivière par une pente bien marquée au pied de laquelle sont établis les villages (fig. 1).

Le versant nord, enfin, descend à l'ouest vers la vallée de l'Aubette et au nord vers une vallée sèche (de Saillancourt à Sagy) qui la sépare du grand plateau dont le bord septentrional est arrose par la Viosne.

L'hydrographie ne nous retiendra pas longtemps; notons la présence d'îles assez nombreuses dans la Seine, détermin nt des bras morts. L'Aubette, moins connue que l'Oise et la Seine, mérite quelques lignes : ce « rû » prend sa source près d'Avernes, au nord

Fig. 1. — Coupe montrant la dissymétrie des versants.


GÉOGRAPHIE BOTANIQUE DE L'HAUTIE 421

de Vigny, à 80 m. d'altitude environ. Il coule d'abord dans une direction N.-O.—S.-E., puis à Sagy, il se heurte au pied des coteaux, et ainsi rejeté vers l'ouest, garde cette direction jusqu'à son confluent avec la Seine à Meulan, après un parcours total de 15 kilom. dont 7 environ dans notre territoire.

Les variations climatériques d'un point à l'autre sont pratiquement inappréciables dans une aire aussi réduite; toutefois, comme le fait si justement remarquer J. Massart (1) « le climat, bien qu'étant le même, agit différemment suivant le milieu qui lui peut être très variable...; les conditions ne sont pas les mêmes partout : ici, la présence d'arbres ou de grands arbustes crée de l'ombre et permet ainsi l'installation de certaines plantes ; là, le terrain est en déclivité et la pente exposée à une lumière plus forte ou à des averses plus copieuses... ».

La disposition topographique de notre territoire entraîne des remarques du même ordre qui seront reprises dans la partie géobotanique. Il suffit de donner pour le moment quelques indications générales.

Le versant qui domine la Seine, exposé au plein midi et abrité du vent du Nord par les hauteurs de l'Hautie, a une température moyenne très douce: les célèbres « abricoteraies » de Triel, les vignobles de Maurecourt et de Chanteloup (2) en témoignent assez, du reste; sur les autres versants, au contraire, l'on voit prospérer les pommiers et les poiriers, indice d'une température moins clémente et de terres plus humides.

3. — Géologie et Pédologie

La série sédimentaire, assez complète, s'étend du crétacé supérieur aux alluvions modernes. L'ordre stratigraphique correspond à peu près à celui dans lequel on rencontre les couches lorsque l'on s'élève du fond d s vallées au plateau supérieur.

Le socle de toute la région est formé des différentes craies distin(1)

distin(1) de Géographie botanique des districts alluviaux et littoraux de la Belgique (Bruxelles, 1908).

(2) Leur ensemble constitue le plus grand vignoble d'un seul tenant de Seine-et-Oise.


422

REVUE GÉNÉRALE DE BOTANIQUE

guées par les géologues : craie glauconnieuse, craie marneuse, craie à Micraster, craie à Belemnitella ; cette dernière seule est visible dans notre territoire, près de Sagy et de Chardonville. Elle constitue le fond de la vallée de l'Aubette ; dans la haute vallée elle affleure grâce à un pli anticlina (1).

Les couches de passage entre le secondaire et le tertiaire qui ont fait et font encore l'objet d'ardentes discussions sont bien représentées non loin de nos limites à la localité classique de Vigny; le calcaire pisolithique s'y présente avec une épaisseur pouvant atteindre 25 m. ; il repose sur la craie à Belemnitella dont la surface porte des traces d'érosion indiquant, avant le dépôt du calcaire pisolithique, une émersion. Ce calcaire est constitué par une masse de débris végétaux (Lithothamnium) et animaux. La partie supérieure de ces couches est visible à Hardricourt : ce sont des marnes grumeleuses avec bancs calcaires à Potamides.

Les sables de Bracheux manquent dans toute la région ; il faut, pour les retrouver, remonter assez haut vers le nord.

L'argile plastique affleure suivant une bande étroite qui s'étend

Sables de Fontainebleau.

Argile verte.

Marnes supragypseuses.

Gypse.

Calcaire de St-Ouen. Sables de Beauchamp.

Calcaire grossier.

Fig. 2.— Coupe du versant Sud entre Vaux et Triel (hauteurs exagérées 8 fois).

(1) Cet anticlinal s'étend de Fleury-sur-AndelIe à Courbevoie, en passant par Tillières-en-Vexin, Bulay, Magny, Vigny, Sagy, Boisemont, Andrésy.


CÉOGRAPHIE BOTANIQUE DE L'HAUTIE 423

au bord de l'Aubette, plus ou moins masquée par ses alluvions ; près de Condécourt, elle donne lieu à des marais assez étendus.

Les sables nummulitiques sont presque toujours recouverts par des éboulis des couches sus-jacentes; on n'en voit que quelques lambeaux près de Chardonville.

Tous ces terrains n'ont guère qu'un intérêt géologique et, sauf l'argile plastique dont l'influence est bien nette encore qu'indirecte, ils ne jouent qu'un rôle insignifiant dans la répartition des plantes.

Avec le calcaire grossier, nous arrivons à des couches qui par leur développement, ont une grande importance dans la constitution des sols ; de plus, au lieu d'être, comme les précédentes, localisées sur le versant de l'Aubette, elles se présentent en zones à peu près continues sur le flanc des coteaux, de telle sorte que l'on rencontre la même succession sur les trois versants.

Nous n'entre ons pas dans le détail des niveaux dont l'ensemble constitue le calcaire grossier; l'on y trouve une grande variété de structure, mais la terre végétale qui les recouvre a toujours une teneur en calcaire assez élevée pour être rapidement décelée par les acides. Au point de vue topographique, le calcaire grossier forme la partie basse des versants de l'Oise et de la Seine.

Les sables de Beauchamp sont représentés par une étroite bande sur le versant de la Seine; sur le versant de l'Oise et au-dessus de Condécourt, ils sont mieux développés et donnent lieu à un sol très meuble, pauvre en calcaire, aride.

Le calcaire de St-Ouen affleure à mi-flanc des coteaux, assez largement; il est recouvert d'un sol pierreux, souvent marneux, mais toujours franchement calcaire.

Le gypse dont le maximum de puissance se rencontre vers Paris, offre encore ici une épaisseur assez grande. Il donne lieu, surtout entre Meulan et Triel, à une exploitation souterraine assez active. Sa surface d'altération donne un sol dont les éléments sont fortement mélangés d'une notable proportion de marnes susjacentes éboulées.

Celles-ci, toujours bien représentées, sont surmontées par l'argile verte qui joue un rôle important dans la répartition des végétaux, grâce au niveau d'eau constant qu'elle détermine.

Les meulières et travertin de Brie manquent dans toute la région.

Les sables de Fontainebleau, au contraire, sont très bien développés


424

REVUE GENERALE DE BOTANIQUE

et forment l'abrupt qui borde le plateau supérieur. Leur puissance

moyenne varie de 25 à 40 m. ; toujours très siliceux, ils sont très meubles et sont par suite entraînés sur les affleurements inférieurs, leur coloration varie du blanc au jaune rougeâtre. Dans cette zone ainsi que dans celle des marnes, il faut signaler de nombreuses poches d'effondrement : par suite de dissolution dans les couches gypseuses sous-jacéntes, il se produit des excavations et sous le poids des couches supérieuies, des poches circulaires se forment qui ont jusqu'à 15-20 m. de profondeur et 30 m. de diamètre. Leur fond est souvent occupé par des petites mares hivernales (PI. 5, 1).

L'argile à meulière surmonte directement les sables ; elle occupe la presque totalité du plateau. Empâtées dans une argile rouge ou grise, les meulières sont en blocs caverneux entièrement silicifîés ; on les exploite activement surtout dans la partie moyenne du plateau. Çà et là se

rencontrent quelques mares (1); en hiver, le plateau est transformé

(1) La mare de l'Hautie, qui seule a quelque importance, est artificielle.


GÉOGRAPHIE BOTANIQUE DE L'HAUTIE 425

en un vaste marécage; en été, au contraire, il ne subsiste que des traces d'humidité locale, décelée par une végétation hygrophile. Le limon des plateaux présente quelques îl ts assez étendus : c'est une terre argilo-sableuse, en général pauvre en calcaire. On le rencontre aussi sur le plateau moyen du versant de l'Oise.

Tout le plateau meulier ainsi que l'abrupt qui le borde, est couvert de bois, aussi le sol minéralogique est-il constamment masqué par une couche d'humus.

Il faut maintenant redescendre vers les vallées pour y étudier rapidement les alluvions fluviatiles (fig. 3).

Les alluvions anciennes recouvrent toute la plaine comprise dans le méandre de la Seine (1). Autrefois occupée par des bois maigres, cette plaine est aujourd'hui livrée à la culture maraîchère; un système d'irrigation par les eaux d'épandage donne au sol une grande fertilité en modifien ses caractères chimiques ). Dans les rares endroits où il subsiste à l'état primitif, il est formé d'un sable grossier, gris, argilo-calcaire, avec cai loux roulés ; le calcaire est souvent dissous en surface. Dans les parties cultivées (3), le sol est noirâtre, très meub e, soigneusement débarrassé des cailloux ; sa composition chimique, très artificielle, est celle de tout sol abondamment engraissé.

Les alluvions modernes s'étendent sur les rives avec une largeur assez variable, mais ne dépassant pas quelques centaines de mètres ; elles sont limoneuses, en général assez calcaires.

Le tableau ci-contre résume la succession des faciès en regard avec les étages auxquels ils appartiennent et les caractères généraux des sols qu'ils déterminent.

(1) Dans la partie orientale toutefois, le calcaire grossier affleure en une sorte de falaise bordant la Seine, d'Andrésy à Carrières-sous-Poissy.

(2) Ces eaux contiennent en effet jusqu'à 26 mmg. d'azote nitrique par litre.

(3) Près de 1000 hectares.


426

REVUE GÉNÉRALE DE BOTANIQUE

ÉTAGE FACIÈS NATURE DU SOL

Maestrichtien I Craie à Belemnitella

Danien Cale, pisolithique et mar- Ces termes sont trop peu

Montien nes grumeleuses développés pour donner

donner à des sols bien

Sparnacien Argile plastique caractérisés

Cuisien Sables nummulitiques

Lutétien Calc. grossier Calcaire; sablonneux assez rarement

Auversien Sables de Beauchamp Sablonneux, aride, pauvre

pauvre calcaire

Bartonien Calc. de St-Ouen Calcaire, marneux

udien Gypse Terres fortes, calcaires

Sannoisien Marnes et argile verte Terres fortes, plus ou

moins calcaires

Stampien Sables de Fontainebleau Sablonneux, aride, pauvre

pauvre calcaire

Aquitanien Argile à meulière Argileux, humide, pauvre

pauvre calcaire

Limon des plateaux Terres argilo-sablonneuses

argilo-sablonneuses anciennes Terres caillouteuses ou

Alluvions modernes Terres limoneuses, assez

calcaires.


DEUXIÈME PARTIE

LES ASSOCIATIONS VÉGÉTALES

CHAPITRE I STATIQUE

L'analyse floristique de ce territoire permet de répartir sa végétation en cinq groupes naturels auxquels on peut donner le nom de formations ou mieux d'associations végétales ; ce sont dans l'ordre où nous allons les étudier :

1. Association des hygrophiles pures;

2. — calcicoles (1);.

3. — calcifuges;

4. — psammophiles ;

5. — ruderales.

En donnant au mot « association » son sens le plus large et le plus généralement adopté aujourd'hui, l'on peut dire que chacune de cell s-ci est caractérisée par la prédominance d'espèces appartenant à un même type biologique, c'est-à-dire adaptées aux mêmes conditions de milieu et vivant par suite en société (2). Cette prédominance est due à ce que dans le complexe des facteurs bionomiques élémentaires, l'un d'eux est particulièrement actif, et par suite végètent en abondance les espèces qui lui sont plus spécialement adaptées. Mais à

(1) Le terme calciphile serait peut-être préférable s'il n'était aussi incorrect.

(2) J. Massart (op. cit.) donne une définition à peu près identique : « ensemble d'espèces végétales adaptées aux mêmes conditions d'existence et vivant par conséquent en mélange dans une station, c'est-à-dire dans l'endroit où ces conditions sont réalisées.


428 REVUE GÉNÉRALE DE BOTANIQUE

côté de celles-ci, il en est un certain nombre d'autres auxquelles ce facteur est indifférent : l ur présence s'explique alors par l'intervention d'un autre facteur. Il suffira d'un exemple pour éclaircir ces données essentielles : sur le plateau meulier, la végétation est nettement calcifuge dans son ensemble, mais on y trouve quelques espèces indifférentes à la composition chimique du sol et qui croissent là, atti ées par un autre facteur, l'humidité par exemple etentre ces deux types calcifuge et hygrophile pure, les espèces des mares siliceuses off ent un type intermédiaire lié à la fois à la pauvreté du sol en calcaire et à sa teneur en eau.

Nous aurons donc à distinguer plusieurs faciès dans chaque association.

1. — Les hygrophiles pares

La végétation hygrophile se rencontre en trois stations bien di tinctes : rives de la Seine, de l'Oise et de l'Aubette ; lieux humides déterminés par l'argile verte; mares siliceuses du plateau meulier. Pour ces deux dernières, comme la nature chimique du sol semble agir autant que l'humidité et que, de plus, elles sont au milieu des bois siliceux ou sur leur bord, il y aurait inconvénient à les étudier ailleurs qu'avec les calcifuges.

Ainsi réduite aux rives de la Seine, de l'Oise et de l'Aubette, cette association s'étend tout entière sur les alluvions modernes. En raison des variations floristiques que l'on observe entre la végétation de la Seine et de l'Oise, d'une part, et celle de l'Aubette de l'autre, nous allons les étudie séparément.

Les berges des deux premiers cours d'eau ont à peu près le même aspect : elles forment en général comme de minuscules falaises de 1 à 3 m. de hauteu interrompues çà et là d'échancrures occupées par des petites plages de gravier.

Les espèces qui présentent le mieux les caractères d'adaptation à l'humidité sont naturellement celles qui végètent dans l'eau même, submergées ou flottantes (Tabl. I,1); dans une deuxième zone, nous trouvons celles qui, normalement fixées dans l'eau, ont une tige aérienne (Tabl. I, 2); sur les berges enfin, prospèrent quelques plantes qui, bien que complètement hors du milieu aquatique, ne peuvent toutefois être abondantes qu'en son voisinage, sur un sol humide pendant la plus grande partie de l'année (Tabl. I, 3). Il faut


GÉOGRAPHIE BOTANIQUE DE L'HAUTIE

429

bien remarquer que les trois zones ainsi considérées n'ont rien d'absolu, elles peuvent, par suite de variations dans le niveau des eaux, osciller quelque peu; de plus, certaines plantes peuvent se rencontrer simultanément dans les deux dernières zones, celles de la première étant à peu près constantes dans leur habitat.

Le tableau I correspond à ces trois divisions. — Dans ce tableau comme dans les suivants, les noms des espèces sont, sauf indication contraire, disposés en trois colonnes : espèces dominantes ou sociales ; espèces grégeaires, abondantes aussi, mais en colonies locales seulement et, enfin, espèces solitaires ou éparses toujours isolées ou en groupes minimes.

Tableau I. — Bords de la Seine et de l'Oise

SOCIALES GRÉGEAIRES EPARSES

1)

Ranunculus aquatilis Ranunculus trichophylNuphar

trichophylNuphar los

Myriophyllum spicatum Callitriche aquatica

Elodea canadensis Limnanthemum nymPotamogeton

nymPotamogeton

Potamogelon pectinatus

» perfoliatus

Naias major

Lemna polyrhiza

Glyceria fluitans Vallisneria spiralis

2)

Epilobium hirsutum Lythrum Salicaria Scutellaria galericulata

Rumex hydrolapathum Myosotis palustris Butomus umbellatus

Iris Pseudacorus Typha latifolia Scirpus maritimus

Alisma Plantago Sparganium ramosum

Sagittaria sagittoefolia Carices Scirpus lacustris Glyceria aquatica

3)

Brassica nigra Malachium aquaticum Thalictrum flavum

Erysimum cheiranthoïdes Bidens triparlita Achillea Plarmica

Roripa nasturtioïdes Lysimachia vulgaris Sonchus palustris

Valeriana officinalis Scrofularia aquatica Verbascum Blattaria

Eupatorium cannabinum Stachys palustris

Lycopus europoeus Carices

Lolium italicum


430

REVUE GÉNÉRALE DE BOTANIQUE

Les Saules, qui peuvent se rencontrer dans les zones 1 et 2 sont surtout le S. blanc, le S. cendré, le S. à trois étamines, parfois aussi, mais plus rarement, le S. pourpre et le S. fragile (1).

En arrière de ces zones, se trouve une bande plus ou moins continue de végétation moins nettement en rapport avec les eaux ; bien que les espèces qu'elle renferme se rencontrent ailleurs en notre territoire, nous pouvons dès maintenant les énumérer une fois pour toutes. Ce sont des plantes grimpantes ou sarmenteuses, telles que Clematis vitalba. Vicia Cracca, Rubus fruticosus, Bryonia dioica, Galium Aparine, Convolvulus sepium, Solanum Dulcamara, Humulus Lupulus, Aristolochia Clematitis ; lorsque l'ombre est assez forte, apparaissent Ficaria ranunculoides, Alliaria officinalis, Geum urbanum, Lampsana commuais, Glechoma hederacea, Arum maculatum, etc., que nous retrouverons dans les bois.

Les rives de l'Aubette ont une végétation spécifiquement différente (Tab. II); de plus, au lieu d'être étroitement confinée sur les bords même du rû, elle s'étale largement de chaque côté dans les prés et les marais qui couvrent le fond de la vallée (Pl. 4, 1).

Dans le rû lui-même la végétation est très peu variée. L'on y rencontre seulement les quelques espèces capables de vivre dans une

Tableau II. — Marais de l'Aubette

SOCIALES GRÉGEAIRES EPARSES

Ranunculus acris Ranunculus sceleratus Crepis biennis

Caltha palustris Hypericum tetrapterum Cirsium bulbosum Cardamine pratensis » hirsutum Menyanthes trifoliata

Lychnis Flos-Cuculi Lotus uliginosus Orchis incarnala

Spiraea Ulmaria Galium palustre Lemna trisulca

Cirsium palustre » uliginosum Bromus giganteus

» oleraceum OEnanthe peucedanifolia

Symphylum officinale Angelica sylvestris

Mentha rotundi folia Scirpus sylvaticus

Veronica Beccabunga Bromus asper

Juncus effusus Baldingera arundinacea

Carex vulpina Equisetum palustre

» paniculata Phragmites communis

(1) Toutes ces espèces présentent de nombreuses variétés sans grand intérêt dans une étude phytogéographique.


GÉOGRAPHIE BOTANIQUE DE L'HAUTIE 431

eau à courant assez rapide : Callitriche aquatica, Sium angustifolium, Elodea canadensis, Potamogeton densus, Glyceria fluitans. Au contraire, dans les prés et les marais, le sol tourbeux donne lieu à une végétation à la fois très variée et très dense et la présence de grands arbres : Aulnes, Peupliers, Frênes, permet l'installation de nombreuses héliophobes.

Au point de vue phénologique, il faut remarquer qu'un grand nombre de ces espèces ont une floraison vernale : la végétation des rives de la Seine et de l'Oise au contraire fleurit assez tardivement dans son ensemble.

(A suivre).


REMARQUES SUR L'OUVERTURE A LA GERMINATION DE QUELQUES AKENES DE LICULIFLORES

Par M. Paul LEBARD

(Suite)

III. — AUTRES GENRES DE LIGULIFLORES

Chez tous les autres genres de Liguliflores, nous retrouvons à la base de l'akène un podocarpe et un entonnoir. Ces deux parties, bien plus réduites que chez le Tragopogon pratensis L., sont difficilement observables, mais présentent la même disposition générale.

La partie effilée de l'entonnoir est très souvent dissociée.

La structure anatomique du péricarpe diffère suivant les genres, mais on trouve toujours des bandes sclérifiées longitudinales et plus ou moins réunies les unes aux autres. C'est entre ces bandes et dans les étranglements qu'elles présentent que se produisent les fentes de déhiscence.

A première vue, il semble que celles-ci se forment à partir de l'orifice de la base de l'akène. Cette illusion tient à la très faible longueur du podocarpe et un examen attentif montre que le point initial de formation de ces déchirures se trouve un peu plus haut, au niveau de la jonction de l'entonnoir et de l'akène proprement dit. Elles résultent, du reste, comme pour le Tragopogon pratensis, L., de l'allongement de la radicule qui vient butter contre l'épaississement qui circonscrit l'entrée de l'entonnoir.

Le nombre des fentes ainsi formées peut être considéré comme fixe chez une même espèce, car il est corrélatif de celui des zones de moindre résistance qui existent dans les parois de la base du fruit.


DÉHISCENCE DE QUELQUES AKÈNES DE LIGULIFLORES 433

Examinons sur un exemple, le Lactuca perennis, L., cette disposition structurale. Chez cette espèce, l'akène est aplati et présente,

dans sa région moyenne (fig. 13), quatre côtes longitudinales diamétralement opposées et disposées suivant deux directions rectangulaires. Chacune de ces côtes renferme un îlot fibreux. Les deux îlots correspondant aux nervures médianes des carpelles sont les plus développés. Ils se prolongent latéralement par deux zones de cellules bien lignifiées qui vont à la rencontre des deux paquets fibreux correspondant aux sutures carpellaires, sans toutefois que cette jonction-puisse s'opérer.

Dans le parenchyme cellulosique formant le soubassement de chacune des zones fibreuses principales, nous rencontrons un faisceau libéro-ligneux. Dans cette même direction

direction nous avons ensuite une partie lacuneuse intermédiaire aux téguments de la graine et au péricarpe, mais provenant

Fig. 13.— Lactuca perennis, L. —Coupe transversale effectuée dans la région moyenne de l'akène ; ep, épiderme avec poils ; S, îlot fibreux ; z, parenchyme cellulosique formant le soubassement d'une zone fibreuse principale; f1, faisceau libéroligneux carpellaire ; lac, lacune; ep', épiderme du tégument de la graine ; t, tégument de la graine ; f2, faisceau libéro-ligneux du raphé ; cp, couche protéique ; cl, cotylédons; F. zone parenchymateuse intermédiaire à deux bandes fibreuses et le long de laquelle pourra se produire la fente principale de déhiscence.

Rev. gén. de Botanique. — XXV.

28.


434

REVUE GENERALE DE BOTANIQUE

de la désagrégation de ce dernier. Enfin, en nous rapprochant un peu plus du centre, nous trouvons une des branches du faisceau libéro-ligneux du raphé. Cette disposition se répète symétriquement par rapport au plan qui passe par les deux sutures carpellaires.

L'aplatissement du fruit diminue à mesure que l'on en gagne la partie inférieure et dans la région qui correspond au thécaphore (fig. 14), les parois de l'akène présentent une section arrondie symétrique par rapport au centre. Les quatre cordons fibreux se sont trilobés et tout à fait à la base, ces lobes peuvent même se séparer

les uns des autres, en sorte que l'on a douze bandes fibreuses disposées en cercle, rapprochées trois par trois et séparées par des cellules présentant des

épaississements lignifiés en réseau. Dans la cavité du podocarpe, l'enlonnoir présente une section carrée, à côtés courbes dont les angles correspondent

correspondent lobes médians des quatre zones fibreuses trilobées.

Cette étude nous montre que, chez le Lacluca perennis, L., la base de l'akène pourra présenter un maximum de douze fentes de déhiscence. En réalité, ce nombre est moins élevé ; on en compte quatre, cinq ou six. Mais, quoiqu'il en soit, les quatre zones intermédiaires aux bandes trilobées sont toujours fendues.

Chez toutes les Liguliflorcs que nous envisageons dans ce chapitre, les fentes ainsi formées à la base du fruit, au début de la germination, restent courtes et sont légèrement écartées par la radicule qui apparaît hors de l'akène, se courbe et s'enfonce dans le sol.

Fig. 14. — Lacluca perennis, L. — Coupe transversale du podocarpe ; S, zone fibreuse trilobée ; e, entonnoir ; CV1 cavité du podocarpe ; CV2, cavité de l'entonnoir; F, zone de moindre résistance le long de laquelle se formera une fente de déhiscence.


DÉHISCENCE DE QUELQUES AKÈNES DE LIGULIFLORES 435

Mais l'embryon, et en particulier les cotylédons, continuant à s'accroître, une des fentes précédemment formée se prolonge jusque vers le milieu (Leontodon, Hypochoeris, etc.), ou jusqu'au sommet (fig. 152,) de l'akène (Sonchus, Crepis, Helminthia, Lactuca, etc.). C'est par cette déchirure que se libéreront les cotylédons.

Par suite de ce mode d'épanouissement, différent de celui que nous avons rencontré chez le Tragopogon pratensis, L., et le Podospermum laciniatum, D. C, les cotylédons présenteront ici une forme plus large et moins allongée.

Cependant, dans cette catégorie de cotylédons, il y a lieu de considérer ceux qui correspondent à des akènes dont la fente principale de déhiscence atteint le sommet ou s'arrête vers le milieu du fruit.

Les premiers (fig. 153) seront larges et courts; les seconds

Fig. 15. — 1, plantule de Leontodon autumnalis, L. avec ses cotylédons effilés et élargis au sommet ; 2, plantule de Taraxacum Dens-leonis, L. montrant comment s'opère l'épanouissement des cotylédons par la fente principale de déhiscence du péricarpe; 3, plantule de Lactuca Scariota, L. avec ses cotylédons presqu'aussi longs que larges.


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(fig. 15 ) seront plus allongés, et formeront la transition entre les précédents et ceux du Tragopogon et du Podospermum.

J'ajouterai, du reste, que le mode de déhiscence n'est pas le seul facteur qui intervient dans la prédétermination de la forme des cotylédons. Il y aurait lieu d'envisager aussi la forme plus ou moins allongée ou plus ou moins aplatie de l'akène. Je laisserai ces points de vue de côté; ils nous écarteraient du plan de cette note.

RÉSUMÉ ET CONCLUSIONS GÉNÉRALES

Différentes parties de l'akène

Les akènes de Liguliflores présentent dans leur ensemble la même disposition générale; on rencontre toujours les deux parties suivantes : l'akène proprement dit qui renferme la graine, et le podocarpe ou podogyne ou thécaphore.

Le podocarpe n'a été signalé que chez le Podospermum où il présente un développement considérable; il forme environ le tiers du fruit. Les auteurs semblent avoir considéré ce « pied » comme une anomalie caractéristique du genre et personne n'a cherché à en élucider la valeur morphologique. J'ai montré, à propos du Tragopogon pralensis, L., par l'étude du développement, au moment de la transformation de l'ovaire en fruit, qu'il s'agissait là d'un véritable pédoncule floral dont la moelle et le parenchyme cortical s'étaient en partie résorbés au moment de la maturité.

L'entonnoir, qui forme l'axe du podogyne, a résisté à cette dessiccation. C'est un organe évasé, dont la cavité prolonge celle de l'akène proprement dit et dont les parois renferment les faisceaux libéroligneux qui proviennent du réceptacle et se rendent dans le péricarpe.

Tout comme le podocarpe, auquel il est toujours associé, l'entonnoir est une partie constante de l'akène. Dans les genres à podocarpe très réduit, il est difficilement visible et n'a plus en général de forme bien définie.


DÉHISCENCE DE QUELQUES AKÈNES DE LIGULIFLORES 437

C'est sans doute à cette difficulté d'observation qu'il faut attribuer l'absence de tout document relatif à l'existence de l'entonnoir. Il est très difficile d'obtenir de bonnes coupes de cet organe même chez le Podospermum où il présente pourtant plus de netteté que chez tous les autres genres.

Dans les coupes transversales à la main, effectuées à la base de l'akène, les sections de la paroi du podocarpe sont évidemment sans liaison avec celles de l'entonnoir, si bien que ces dernières, très petites, passent inaperçues, surtout si l'on n'est pas averti de leur existence. De plus, le choc du rasoir provoque le plus souvent leur déhiscence et l'on n'obtient que des fragments difficiles à rassembler.

En coupes longitudinales, il est également à peu près impossible de ne pas dissocier l'entonnoir et là encore on n'obtient rien de bien net.

La dissection sous la loupe à l'aide d'une fine aiguille serait peutêtre le meilleur procédé pour se rendre compte de la forme de l'entonnoir ; mais cette méthode ne saurait nous fournir aucun renseignement concernant la structure anatomique.

Structure anatomique de l'akène

Une étude générale de l'anatomie des akènes de Liguliflores serait sortie du cadre de cette note et j'en serais arrivé à des redites, les données relatives à cette question faisant l'objet des récentes publications de M. Lavialle (mars 1912) et de M. Joxe (juin 1912).

Pour les genres que j'ai étudiés, je ne me suis surtout attaché qu'aux caractères anatomiques pouvant avoir des conséquences au point de vue de la déhiscence.

Cette structure est très variable suivant les espèces, et dans un même akène elle varie suivant les niveaux auxquels sont pratiquées les coupes.

Comme je l'ai mentionné au début de ce travail, dans les indications bibliographiques, M. Joxe a fait un essai de classification des akènes. Cette classification ne concorde pas avec le mode de déhiscence. Mais quoi qu'il en soit, d'après les principes de systématique de cet auteur, les genres Tragopogon et Podospermum, par suite des dix bandelettes fibreuses de leur podocarpe, auraient


438 REVUE GÉNÉRALE DE BOTANIQUE

dû rentrer dans la catégorie de ses « types aberrants ». Pour ces genres, M. Joxe a dû très certainement croire que les zones fibreuses conservaient, jusqu'à la base de l'akène, la disposition pentagonale qu'elles y présentent dans la région moyenne.

D'une façon générale, l'ignorance complète de l'existence de l'entonnoir ne pouvait conduire qu'à des erreurs d'interprétation.

Comment expliquer, par exemple, les relations qui existent, dans l'akène du Tragopogon pratensis, L., entre les dix bandes scléreuses de la paroi du podocarpe et les cinq ares scléreux situés un peu plus haut; ces derniers résultant chacun, comme nous l'avons vu, de la réunion de deux de ces bandes par l'intermédiaire des cordons fibreux issus de l'entonnoir.

Cette même remarque s'appliquera à la conclusion que M. Joxe tire relativement aux relations de position qui existent entre les bandes scléreuses et les faisceaux libéro-ligneux.

D'après cet auteur, les parties scléreuses se réduiraient ordinairement à la base de l'akène à cinq bandes « contre lesquelles seraient appliqués intérieurement les faisceaux libéro-ligneux du péricarpe ».

Or, j'ai constaté que très souvent, chez le Tragopogon et le Podospermum par exemple, les faisceaux libéro-ligneux étaient au contraire alternes aux bandes scléreuses les plus simplifiées, celles qui se prolongent jusqu'à la base du podocarpe. Du reste, l'erreur de M. Joxe s'explique facilement si l'on remarque que chaque faisceau libéro-ligneux est, en général, un noyau de sclérification et par suite se trouve à maturité accolé à un cordon fibreux.

L'auteur ajoute encore :

« La position de ces bandes indique qu'elles ne tirent pas leur origine des parois carpellaires, mais des verticilles externes, probablement des sépales. La disparition presque totale à maturité des tissus mous intérieurs à la zone scléreuse fait que le fruit des Composées Liguliflores, comme probablement celui de presque toutes les Composées, est en entier un faux fruit. »

Je ne saurais me rallier entièrement à cette conception, car j'ai pu constater, ainsi que M. Lavialle l'a fait, que : « quelles que soient les transformations subies par les membranes des cellules de la paroi ovarienne, le nombre des assises cellulaires du péricarpe, est sensiblement le même que celui des assises de la paroi de l'ovaire jeune, ou très peu inférieur. »


DÉHISCENCE DE QUELQUES AKÈNES DE LIGULIFLORES 439

De plus, ce ne serait pas aux sépales qu'il conviendrait de rattacher l'origine des parties sclérifiées, car chez les Liguliflores la partie libre des sépales est représentée par les poils de l'aigrette qui ne reçoivent aucun faisceau libéro-ligneux.

Quoiqu'il en soit, on assiste toujours, dans les akènes de Liguliflores, à la différenciation débandes fibreuses longitudinales d'abord distinctes les unes des autres et séparant des lames parenchymateuses ou lacuneuses qui sont des zones de moindre résistance. A mesure qu'on s'achemine vers le sommet de l'akène, ces bandes peuvent se réunir plus ou moins parfaitement, de façon à former, comme chez le Tragopogon pralensis, L., une couche scléreuse continue, sans amincissement et rendant impossible toute déchirure de la région correspondante.

Mode de déhiscence de l'akène

Les divers modes d'ouverture des akènes à la germination se ramènent à deux types principaux :

1° Chez certains genres peu nombreux (Tragopogon, Podospermum, etc.), il se produit plusieurs fentes à la base de l'akène.

Chez le Podospermum, ces déchirures n'intéressent que le podocarpe, tandis que chez le Tragopogon, elles peuvent se prolonger légèrement sur l'akène proprement dit.

2° Chez tous les autres genres de Liguliflores, on observe à la base du fruit la formation d'un certain nombre de petites déchirures et l'une d'elle (déchirure principale), sous l'influence du retournement géotropique de la radicule et sous la poussée des cotylédons, se prolonge jusqu'au sommet de l'akène.

On observe, du reste, des cas intermédiaires chez lesquels la déchirure principale ne s'étend que sur la moitié inférieure du fruit (Leontodon autumnalis, L., Hypochoeris radicata, L., etc.).

L'ouverture de l'akène est le résultat des pressions qu'exerce l'embryon par son augmentation de volume à la germination.

Cette « déhiscence passive», comme l'a appelée M. Leclerc du Sablon. est caractéristique des fruits secs indéhiscents. Elle se trouve facilitée par l'amollissement des tissus imprégnés d'eau et par l'existence de zones faibles.


440 REVUE GÉNÉRALE DE BOTANIQUE

Le point initial de formation des fentes de déhiscence correspond à la base de l'entonnoir, c'est-à-dire au point où la radicule vient buter contre le rétrécissement circulaire qui circonscrit l'entrée de cet entonnoir.

Comme je l'ai montré pour le Tragopogon pratensis, L., ces fentes se prolongent ensuite vers le bas jusqu'à l'orifice situé à la partie inférieure de l'akène.

Ce fait est général dans le groupe de plantes qui nous occupe; et c'est par suite de l'extrême réduction du podocarpe chez presque toutes les Liguliflores, qu'il semble que les fentes de déhiscence débutent à l'orifice inférieur de l'akène.

J'ajouterai que cet orifice existe à la base de tous les akènes de Liguliflores. Il n'est donc pas exact de dire, comme le fait M. Joxe, que chez le Leonlodon autumnalis, L., « quand la graine germe, la radicule perce la base d'attache de l'akène. »

Déhiscence du PODOSPEEMUM LACINIATUM, D. C.

Le Podospermum laciniatum, D. C, quant au mécanisme de déhiscence de ses akènes, constitue, parmi les plantes du groupe qui nous occupe, une exception remarquable. Contrairement à ce qui se passe pour les autres espèces de Liguliflores, la radicule se borne à déterminer la déhiscence de l'entonnoir et n'a aucune action sur l'ouverture de la paroi podocarpienne.

C'est uniquement à l'action de l'humidité sur les bandes fibreuses du podocarpe qu'il faut attribuer la formation des déchirures de cet organe.

Somme toute, dans une sous-famille dont les fruits sont caractérisés par leur « déhiscence passive », c'est-à-dire leur indéhiscence, (au sens propre du mot), nous sommes en présence d'une espèce chez laquelle l'ouverture à la germination a lieu par une « déhiscence active » qui, nous le savons, est la caractéristique des fruits secs déhiscents.

L'akène du Podospermum laciniatum, D. C. présente donc un intérêt considérable, car il constitue un terme de passage des fruits déhiscents aux fruits indéhiscents.

J'ajouterai, qu'il est intéressant de constater, que la déhiscence


DÉHISCENCE DE QUELQUES AKÈNES DE LIGULIFLORES 441

de l'akène du Podospermum laciniatum, D. C. est due à une élévation de l'état hygrométrique de l'atmosphère et, par suite, fait exception à la règle générale de déhiscence des fruits secs.

M. Leclerc du Sablon (1) a montré, en effet, que « la seule cause qui dans la nature provoque la déhiscence des fruits secs, c'est la dessiccation des tissus, qu'elle soit produite par une élévation de température ou par un abaissement de l'état hygrométrique de l'air ».

Forme des cotylédons des plantules de Liguliflores

Il existe une relation intéressante entre les divers modes de déhiscence que je viens de résumer et la forme des cotylédons des plantules correspondantes :

1° Chez les genres Podospermum et Tragopogon, les cotylédons, qui se dégagent du péricarpe par la partie inférieure de l'akène, restent effilés et ressemblent à des aiguilles de Pinus.

2° Chez d'autres genres de Liguliflores (Lactuca, Helminthia, Cichorium), les cotylédons peuvent s'épanouir librement au dehors par la déchirure principale du péricarpe et par suite présentent un limbe très élargi.

3° Enfin, chez les genres où cette déchirure principale ne dépasse pas la moitié de la longueur de l'akène, les cotylédons ont une forme intermédiaire aux deux précédentes. Ils sont effilés et présentent un limbe très net. Dans cette catégorie rentrent les genres Leontodon, Hypochoeris, etc.

Ce travail a été fait au laboratoire de Biologie végétale de Fontainebleau. J'exprime ma profonde reconnaissance à M. le Professeur Gaston Bonnier, Directeur de ce laboratoire, pour les précieux conseils qu'il m'a prodigués et pour la bienveillance avec laquelle il m'a admis dans son laboratoire.

J'adresse ma profonde gratitude à M. Matruchot, Professeur à la Sorbonne, et à M. Dufour, Directeur adjoint du laboratoire de Fontainebleau, pour l'intérêt qu'ils m'ont toujours témoigné.

J'adresse aussi mes plus sincères remerciements à M. J. Friedel, conservateur des herbiers à la Sorbonne, et à M. R. Combes.

(1) Leclerc du Sablon, loc. cit.


EXPLICATION DE LA PLANCHE 1

A

Podospermum laciniatum, D. C.— Coupe transversale effectuée à la partie supérieure du podocarpe (coupe A, voir fig. 8).

ep, épiderme.

S1, bandelette fibreuse.

fh, fibres longitudinales constituant la partie externe des bandelettes

fibreuses.

fl, fibres transversales constituant la partie interne des bandelettes fibreuses.

F1, F2, bandes parenchymateuses intermédiaires aux bandelettes fibreuses et le

long desquelles se produisent des fentes de déhiscence.

CV1, cavité du podocarpe.

E, entonnoir.

CV2, cavité de l'entonnoir.

t, trabécule reliant la paroi de l'entonnoir à celle du podocarpe.

S2, l'un des cinq massifs ligneux de la paroi de l'entonnoir.

f, faisceau libéro-ligneux du raphé.

B

Podospermum laciniatum, D. C. — Coupe transversale effectuée dans une bandelette fibreuse de la paroi du podocarpe.

ep, épiderme.

fl, fibres longitudinales.

fh, fibres transversales.


SUR DES FRUITS PLURICARPELLAIRES DE BRASSICA OLERACEA

Par M. P. MONNET

La famille des Crucifères a, comme on le sait, des fleurs construites sur le type quatre. L'ovaire fait exception et est constitué, en général, par deux feuilles carpellaires seulement. Aussi a-t-on été conduit à rechercher la valeur morphologique de cette anomalie apparente. Sans entrer dans la discussion des nombreuses théories successivement proposées (2 à 6; 8 et 13) (1), on peut remarquer qu'il est intéressant à ce point de vue de rechercher l'existence de fleurs à plusieurs carpelles parmi les Crucifères. De nombreux cas de cette nature ont déjà été étudiés.

C'est ainsi qu'on avait reconnu l'autonomie des genres Tetrapoma et Holargidium en se basant sur la structure du pistil. Prantl (11) a montré toutefois que la présence fréquente de fruits bicarpellaires normaux chez ces plantes ne permet pas, étant données leurs affinités sous tous les autres rapports, de les séparer génériquement des Nasturtium et des Draba.

Des fruits à quatre carpelles ont été décrits dans le genre californien Tropidocarpum (12).

Une race analogue de Capsella a été rencontrée et étudiée récemment par M. Blaringhem (1).

Des fruits tricarpellaires sont également fréquents. Prantl les signale, par exemple dans le genre Biscutella (11). M. Blaringhem en a trouvé en petit nombre chez Capsella, etc.

Les Brassica offrent un nombre considérable d'anomalies florales de toute nature. Il existe même aux Indes des races ayant d'une

(1) Ces numéros se rapportent à l'Index bibliographique.


444 REVUE GÉNÉRALE DE BOTANIQUE

manière constante un pistil à trois ou quatre carpelles. Hooker (7) leur donnait le rang d'espèces sous le nom de B. trilocularis Hk. f. et Thoms., et de B. quadrivalvis Hk. f. et Thom. Il les décrivait rapidement en ces termes :

« B. trilocularis.... has the habit of B. napus but easely distinguished by the remarkable pendulous 3-4 celled and valved pods, which are 2 1/2-3 ins. long, beak 1/4 in, terete, tapering. »

« B. quadrivalvis.... has smaller pods, on erect, short pedicels, 4 celled and valved, beak flattened. »

Le Colonel Prain (10) qui les a particulièrement étudiés, en fait des variétés du B. Campestris.

Penzig (9) cite toute une série de déviations florales rencontrées chez les Brassica, dont les plus intéressantes sont : La présence chez B. napus, de silique à quatre valves et d'une fleur construite entièrement sur le type trois. La multiplication des deux carpelles médians ordinairement stériles rencontrée par Eichler (4) et par Penzig chez la même espèce, donnant naissance à un fruit à six valves, etc.

Enfin, M. Wettstein (12, p. 42) reproduit, sans en indiquer la provenance, un fruit tétracarpellaire de B. oleracea spontané (?) qu'il rapproche du B. quadrivalvis.

Au cours d'herborisations que je fis en juillet et août 1911, dans le Nord de l'Angleterre, je rencontrais à Benton, petite localité située aux environs de Newcastle on-Tyne, un champ de choux-fleurs (B. oleracea var. Botrytis D. G.) que la température particulièrement favorable avait fait rapidement fructifier. Parmi plusieurs pieds diversement modifiés, deux portaient, à côté de fruits normaux, des siliques à plusieurs valves. Le tableau suivant résume la distribution de ces fruits sur les rameaux principaux de l'inflorescence :

Rameau n° Nombre de fruits à

2 3 4 5 6 7 carpelles

1 109 9 29 2 2 3

2 126 13 13 9 1 3 »

3 31 4 5 0 0 0 »

4 61 2 2 2 1 2 »

En tout : 327 28 49 13 4 11


SUR DES FRUITS PLURICARPELLAIRES DE BRASSICA OLERACEA 445

Les siliques anormales sont en majorité tétracarpellaires. Elles se distinguent immédiatement par leur apparence plus trapue et leur faible longueur (Comparer les fig. 1 et 5). Elles présentent nettement

nettement valves uninerviées comparables aux valves ordinaires et se détachant comme elles à maturité suivant les placentas. En section transversale, le type le plus fréquent est celui indiqué par la figure 2. Il renferme 8 placentas et deux cloisons médianes, au lieu des quatre placentas usuels (fig. 4). Comme on le voit, sur la figure 6, les deux fausses cloisons ne sont réunies qu'au sommet et à la base. L'explication la plus simple qu'on puisse donner de cette anomalie, consiste à admettre la fusion des deux fruits normaux. Dans ces conditions, les valves parallèles aux fausses cloisons (à droite et à gauche sur la figure 2) auraient leur valeur morphologique ordinaire, les valves perpendiculaires appartenant, au contraire, par moitié aux deux fruits normaux fusionnés. Cette hypothèse explique bien

Fig. 1. — 1, Fruit anormal de Brassica oleracea var. Botrytis à 4 valves grandeur naturelle. — 2, Section transversale dans un fruit à 4 valves, grossie. — 3, Section transversale d'un fruit à 3 valves, grossie. — 4, Section transversale d'un fruit normal grossie. — 5, Un fruit normal grandeur naturelle. — 6, Fausses cloisons d'un fruit à 4 valves grandeur naturelle.


146 REVUE GÉNÉRALE DE BOTANIQUE

la présence de huit placentas dans la silique. Elle rattache de plus cette organisation florale à la fasciation générale qui caractérise la variété Botrytis du B. oleracea. Il est alors intéressant de constater que de nombreux auteurs (9) ont remarqué une fusion plus ou moins accentuée des pédoncules floraux chez B. napus, B. oleracea, etc. On rencontre d'ailleurs couramment dans les grappes fructifères de Brassica des fruits en nombre plus ou moins grand sur un même pédoncule, ou même des fruits accolés dos à dos par les nervures médianes de leurs valves. Le type d'anomalie de la figure 2 ne paraît être qu'une exagération de ces phénomènes.

Les siliques présentant un nombre de valves supérieur à quatre, qui se rencontrent beaucoup plus rarement, s'expliquent facilement de la même manière, la complication étant seulement plus grande.

Une modification qui semble au premier abord toute différente est celle qui conduit aux fruits tricarpellaires. En section transversale, ces fruits présentent la structure de la figure 3. Ils possèdent trois carpelles, six placentas, et une seule cloison médiane rappelant par sa forme une poutre en Y. C'est là un caractère très spécial, car la cloison médiane des crucifères, formée par la fusion de deux assises placentaires épidermiques n'est jamais ramifiée.

Il est toutefois possible de ramener ce type au précédent.On peut supposer que le fruit est toujours formé par la fusion de deux siliques normales, mais qu'une valve d'une de ces siliques a avorté, entraînant avec elle les deux placentas qui devraient lui correspondre. On comprend, dans ces conditions, la forme particulière de la cloison médiane, constituée par la réunion de trois assises épidermiques.

Les graines produites par ces diverses plantes étaient toutes d'apparence et de structure normales, bien que légèrement plus petites que les graines ordinaires.

Il est difficile d'imaginer la cause de ces curieuses monstruosités. Il est toutefois intéressant de constater des déviations de même ordre chez des espèces aussi voisines que B. oleracea et B. Campestris. poussant dans des conditions climatériques et géographiques aussi différentes que celles que peuvent offrir le Nord de l'Angleterre et le Plateau de l'Inde.


SUR DES FRUITS PLURICARPELLAIRES DE BRASSICA OLERACEA 447

INDEX BIBLIOGRAPHIQUE

1. BLARINGHEM, L. — Les mutations de la Bourse-à-Pasteur. Bull. Sc. de la France et de la Belgique, T. XLIV, 7e série, fasc. 4.

2. EICHLER. — Ûber der Blûtenbau der Fumariaceen und Cruciferen. Flora, 1865, p. 497.

3. EICHLER. — Einige bemerkungen über den Bau der Cruciferenblute und das Dedoublement. Flora, 1869, p. 97.

4. EICHLER. — Abermals einige bemerkungen über die Gruciferenblüte. Flora, 1872, p. 333.

5. EICHLER. — Blütendiagramme, II, p. 200-206.

6. HANNING, E. — Untersuchungen über die scheidewande der Cruciferenfruchte. Bot. Zeitg., LIX, 1901.

7. HOOKER et THOMSON. — Limean Soc. Journ., V, p. 169.

8. KLEIN, J. — Der Bau der Cruciferenblüte auf Anat. Grundl. Ber. der Deutsch. Bol. Gesel., XII, 1894.

9. PENZIG. — Pflanzen tératologie, I. 1890, pp. 230-276.

10. PRAIN, D. — Botanical Notes and papers, 1901, p. 168.

11. PRANTL. — Pflanzenfamilien, III, 2, pp. 145-150.

12. WETTSTEIN. — Handb. des Syst. Bol., 2 te Aufl., 1911, p. 575.

13. WRETSCHKO. — Beitrag zur Entwickel. der Grucifer. Blüte. Sitzungsberichte der Wiener Akad., LVIII, 1868, p. 211.


NOTES BIBLIOGRAPHIQUES

PORODKO, Th. M. — Vergleichende Untersuchungen über die Tropismen. IV Mitteilung. Die Gültigkeit des Energiemengegesetzes fur den negativen Chemotropismus der Pflanzenwurzeln. (Etudes comparées sur les tropismes. IVe communication. — La loi des quantités d'énergie s'applique au chimiotropisme négatif de la racine). (Deutsch. Bot. Gesellsch., 1913, vol. XXXI, p. 88).

Cette note fait partie d'un ensemble considérable de recherches sur les tropismes. L'auteur cherche une relation entre la concentration du corps agissant et la durée du contact. Les expériences ont porté sur de jeunes radicules de Lupinus albus et d'Helianthus annuus. PORODKO a déterminé le seuil d'excitation à diverses concentrations pour l'acétate de rosaniline, le sulfate d'aluminium, le nitrate d'uranyle. Soit Z la durée de contact, K la concentration en grammes-molécules. Si l'on porte respectivement en ordonnée et en abscisse, sur des axes rectangulaires, les valeurs de Z et de K, on obtient une courbe qui est une hyperbole. Si, au lieu de représenter graphiquement les nombre Z et K eux-mêmes, on figure leurs logarithmes, on a très sensiblement des droites pour les trois substances considérées. Ceci montre que la loi des quantités d'énergie s'applique au chimiotropisme négatif de la racine. Jean FRIEDEL.

CHRONIQUES ET NOUVELLES

On annonce la mort, à l'âge de quatre-vingt-trois ans, de M. Louis PASSY, Secrétaire Perpétuel de la Société Nationale d'Agriculture. Parmi ses nombreuses publications, rappelons ses études sur Pasteur, Decaisne et Duchartre. M. Louis PASSY avait aussi rendu compte tous les ans, depuis de nombreuses années, dés progrès de la Botanique dans ses rapports avec l'Agriculture.

M. Louis MANGIN, Membre de l'Institut, Professeur à la Maison d'Education de la Légion d'Honneur, vient d'être nommé Commandeur de la Légion d'Honneur.

Lille. — Imp. PLATEAU & Cie. Le Gérant, Ch. PIETERS.


CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DES MORINGÉES

Par M. E. DURIN

Les Moringées comprennent un seul genre : le genre Moringa, représenté par trois espèces: M. pterygosperma Gaerln., M. concannensis Nimmo et M. arabica Pers., (1) les deux premières appartenant à l'Asie tropicale et la troisième à l'Arabie (2).

Nous avons trouvé dans l'Inde : Moringa plerygosperma (Gaertner) (3) (Indes occidentales et orientales); Moringa concannensis (Nimmo) (4) (Indes occidentales), et une troisième forme du genre Moringa (Indes occidentales), non encore déterminée, qui est appelée dans l'Inde du nom de l'espèce la plus commune : M. pterygosperma.

Nous avons choisi comme type pour aider à l'étude de la famille des Moringées l'espèce la plus répandue, M. pterygosperma (Gaertner) que nous avons envisagée à des points de vue divers. Nous avons ensuite signalé les différences avec les deux autres Moringées.

MORINGA PTERYGOSPERMA (Gaertner)

L'espèce M. pterygosperma, appelée vulgairement l'Arbre des pauvres, rappelle par son port, et ses feuilles en particulier, certaines de nos grandes Légumineuses, les Acacias notamment.

Elle atteint en moyenne une douzaine de mètres et pousse avec

(1) Pax : Die natürlichen Pflanzenfamilien, Engler und Prantl. T. III, 1894. Moringaceae. — Boissier : Flor. orient. II, 22. — De Candolle : Prod. II, 478.— Jussieu : Genera, 348.— Schnizlein : Iconographia, IV, 275.— Volkens : Aegypt. arab.

(2) Pax. loc. cit.

(3) Synonymes : M. polygama (de Candolle), M. oleifera (Lamarck), M. Guilandina (Linné-Vahl), M. Zeylanica (Persoon), M. Hyperanthera (Roxburgh), M. Anoma (Loureiro).

(4) Dalzell and Gibson, The Bombay Flora.

Rev. gén. de Botanique. — XXV. 29.


450

REVUE GÉNÉRALE DE BOTANIQUE

une rapidité et une facilité remarquables; en quelques année, deux à trois ans, elle dépasse six à sept mètres. Cette espèce, très répandue dans toute l'Inde, se trouve au voisinage de toutes les habitations, et les indigènes, qui la connaissent sous le nom de Mourounguemaram, en tirent un très grand parti. Les usages multiples de cet arbre nous ont conduit à faire en même temps que sa description morphologique et anatomique un examen microchimique des organes utilisés. Nous avons successivement étudié chacune des parties de la plante à ces trois points de vue.

1° La Racine

a) MORPHOLOGIE. — La racine jeune se rapproche beaucoup de celle du Radis. Elle est formée par un tubercule unique, allongé,

droit, effilé à sa partie terminale, d'aspect lisse et blanchâtre, portant de petites radicelles. La racine âgée n'a plus la forme de tubercule. Elle présente plusieurs ramifications de cinquante centimètres à un mètre et plus de long sur cinq à dix centimètres de diamètre. Elles sont de couleur gris jaunâtre, légèrement

rugueuses, et portent des radicelles peu nombreuses.

b) ANATOMIE. — Le liège est très épais déjà dans la racine jeune. Il est en séries radiales très nettes de cellules rectangulaires.

Le parenchyme cortical est à cellules polygonales disposées sans

Pig. 1.— Schéma de la coupe transversale d'une racine adulte de Moringa plerygospcrma (Gaertner

l, liège; p, parenchyme avec îlots de sclérenchyme ; li, liber; ag, assise génératrice; b, bois; rm, rayons médullaires.


CONTRIBUTION A L'ETUDE DES MORINGEES

451

ordre. Il renferme dans sa moitié interne surtout, de nombreux îlots

très serres de sclerenchyme.

Le liber est à cellules larges et offre partout une épaisseur uniforme.

Le bois est surtout formé de vaisseaux larges et de vaisseaux moyens, irrégulièrement répartis, à disposition radiale rare. Les fibres, peu nombreuses et larges dans la partie interne du bois sont en grande quantité au voisinage de l'assise génératrice.

Les rayons médullaires très étroits sont à peine visibles.

La moelle fait en général défaut ; le bois primaire occupe le plus souvent l'axe même de la coupe.

c) HISTOLOGIE. — Le parenchyme cortical renferme de l'amidon, dans sa moitié interne et au voisinage du sclérenchyme en particulier, où les grains sont très nombreux.

Il contient des mâcles en oursins d'oxalate de chaux. On les trouve en très grande quantité dans la partie périphérique et dans la partie moyenne de

l'écorce. Elles sont moins nombreuses dans la région interne où le sclérenchyme est plus développé.

Fig. 2. — Section d'une coupe transversale de la racine de Moringa pterygosperma (Gaertner).

l, liège; p, parenchyme cortical; scl, sclérenchyme; li, liber; ag, assise génératrice; 6, bois.


452 REVUE GÉNÉRALE DE BOTANIQUE

L'écorce renferme en outre de la myrosine en abondance, localisée surtout dans le tiers externe du parenchyme cortical, entre le liège et le sclérenchyme.

Le parenchyme externe du cylindre central contient aussi de l'amidon. Il renferme encore des cristaux d'oxalate de chaux en oursins, mais en quantité moindre que dans l'écorce.

d) USAGES. — La racine, à l'état de tubercule, peut remplacer le Raifort dont elle a la saveur piquante très prononcée, d'où le nom de « radish-root » que lui donnent les Anglais. A cause de la myrosine, elle est utilisée au lieu et place de la Moutarde ; on la prescrit comme vésicant. Elle a des propriétés antiscorbutiques et peut se substituer au Cochlearia.

Nous ajouterons, à titre d'indication, pour montrer tout le rôle qu'en tirent les indigènes de l'Inde, que les empiriques recommandent la racine fraîche dans les fièvres intermittentes, la paralysie, l'épilepsie. Ils la préconisent encore contre les maux de dents, mélangée au cumin et à l'eau de riz, et très fréquemment aussi ils la prescrivent comme vésicant.

2° La Tige

a) MORPHOLOGIE. — Le tronc se divise à un mètre environ au-dessus du sol en longues branches ayant l'aspect des branches de l'Acacia. Elles atteignent communément une dizaine de mètres, parfois davantage, mais leur grosseur n'égale jamais celle du tronc dont le diamètre moyen est de vingt-cinq à trente centimètres. Nous avons toutefois vu des cas où le tronc mesurait deux mètres de circonférence.

L'écorce de la tige, grisâtre, est un peu rugueuse, mais sans nodosités, ni épines ; les branches, plus lisses, portent des lenticelles nombreuses et très apparentes.

Le bois est tendre, cassant, fibreux et présente une couleur jaunâtre assez caractéristique.

b) ANATOMIE. — L'épiderme de la tige jeune porte des poils. On ne trouve plus que des lenticelles très nettes et nombreuses sur L'épiderme de la tige âgée.

Le liège est formé par quelques assises seulement.


CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DES MORINGÉES

453

Le parenchyme cortical dont les cellules sont en général allongées suivant une direction perpendiculaire au rayon de la coupe, présente au voisinage du liber des îlots de sclérenchyme dont les fibres sont d'autant plus épaisses qu'elles se trouvent plus près de l'extérieur. On trouve en outre, excepté chez les très jeunes tiges, entre ces îlots de sclérenchyme et le liège, un anneau continu de fibres scléreuses, larges, formé de deux à trois assises.

Le liber est à cellules très petites.

Le bois est formé de vaisseaux et de fibres disposés les uns et les autres en séries radiales. Les vaisseaux s'élargissent à mesure qu'ils s'éloignent du bois primaire à vaisseaux étroits. Le parenchyme qui existe entre les vaisseaux et les fibres des tiges très jeunes disparaît très tôt.

La moelle formée de cellules ordinaires présente en son centre un canal large dont le diamètre est environ le tiers de celui du parenchyme de la moelle. Les trois à quatre assises de cellules qui bordent le canal sont aplaties. Ce canal présente intérieurement une assise mal définie de cellules irrégulières à contours peu nets. On trouve

Fig. 3. — Schéma d'une coupe transversale de la tige de

Moringa pterygosperma (Gaertner)

l, liège; p, parenchyme cortical; scl, sclérenchyme; li, liber;

ag, assise génératrice; b, bois; m, moelle ; cm, canal médullaire.


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REVUE GÉNÉRALE DE BOTANIQUE

parfois dans la moelle un second canal voisin de celui-ci, et plus

petit.

c) HISTOLOGIE.— L'écorce contient de l'amidon dans le parenchyme voisin du liber et des îlots du sclérenchyme interne, et dans le prolongement des rayons médullaires. Le reste du parenchyme en renferme très peu.

La moelle contient de l'amidon en très grande quantité ; toutes les cellules en sont extrêmement bourrées, les cellules voisines du bois surtout. Les fibres du bois en renferment aussi.

L'écorce présente des cristaux en oursins (1) d'oxalate de chaux dans la partie externe à l'anneau scléreux, où ils sont assez nombreux. Mais les cristaux d'oxalate dans la tige sont surtout abondants dans les rayons médullaires au niveau du liber.

L'écorce renferme en abondance de la myrosine, localisée surtout dans les cellules voisines de la partie interne du sclérenchyme.

Fig. 4. — Section d'une coupe transversale de la tige de Moringa pterygosperma (Gaertner). l, liège; as, anneau scléreux; p, parenchyme; scl, sclérenchyme ; li, liber; ag, assise génératrice; 6, bois; m, moelle; cm, canal médullaire.

(1) H. Solereder : Systematische anatomie der Dicotyledonen.


CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DES MORINGÉES

455

La moelle de la tige présente dans son canal central un liquide visqueux, blanc, assez abondant, qui s'écoule lorsqu'on pratique une coupe de l'organe ou une simple incision. Ce liquide est une gomme qui devient rapidement épaisse à l'air en brunissant. Elle devient ensuite dure et cassante.

d) USAGES. — L'écorce de la tige est utilisée comme vésicant. La gomme peut être employée.

3° La Feuille

a) MORPHOLOGIE. — Les feuilles sont alternes, composées

pennées, a stipules caduques. Elles sont 2-3pennées, plus souvent 3-pennées, à la base toujours. Tandis que les pétioles primaires alternent, les pétioles secondaires sont opposés par deux. Ceux-ci portent, sauf quelquefois dans la partie terminale

terminale la feuille, de quatre à six groupes de pétioles tertiaires opposés par deux, sur lesquels s'insèrent de un à sept groupes de très petits pétioles n'atteignant pas deux millimètres, opposés deux à deux, supportant chacun une petite foliole. Il existe une foliole terminale et impaire.

Les folioles, de couleur vert pâle quand elles sont jeunes, deviennent vert foncé plus tard. Elles sont minces, ovalaires, entières et glabres. Leur longueur maxima est de deux centimètres, leur plus grande largeur (plus voisine de la base que du sommet), n'atteint

Fig. 5. — Mode de disposition des feuilles de Moringa pterygosperma (Gaertner).

b, branche; 1, pétiole primaire d'une feuille ; 2, pétiole secondaire d'une feuille; 3, pétiole tertiaire d'une feuille; 4, pétiole quaternaire d'une feuille.


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REVUE GENERALE DE BOTANIQUE

pas un centimètre. La nervure médiane visible porte des nervures secondaires alternes à peine visibles.

b) ANATOMIE. — L'épiderme supérieur est formé de cellules

larges, peu épaissies.

Le tissu palissadique au-dessous occupe plus de la moitié de l'épaisseur de la feuille. Les cellules sont allongées normalement à l'épiderme. Ce tissu palissadique est continu d'un bord de la feuille à l'autre, même au niveau de la nervure médiane.

Au-dessous du tissu palissadique, un tissu lacuneux moyen et l'épiderme inférieur à cellules petites.

La feuille présente au niveau de la nervure médiane, au-dessous de l'épiderme supérieur, un tissu palissadique assez développé, auquel

fait suite une assise de cellules parenchymateuses ordinaires. Audessous de cette assise, un collenchyme à cellules larges, peu épaissies,

épaissies, dans la concavité formée de ce côté par les vaisseaux du bois. Au-dessous de ce collenchyme le bois en arc comprenant une dizaine de séries de vaisseaux. Chacune des séries radiales est formée de quatre à cinq vaisseaux. Le liber en dessous, présentant la même forme que le bois, a des cellules moyennes. Au-dessous du liber un

Fig. 6. — Folioles de Moringa pterygosperma (Gaertner).

Fig. 7. — Schéma d'une coupe transversale de feuille de Moringa pterygosperma (Gaertner) es, épiderme supérieur ; tp, tissu palissadique ; p, parenchyme ordinaire ; col, collenchyme ; b, bois ; li, liber ; ts, tissu lacuneux ; ei, épiderme inférieur.


CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DES MORINGÉES 457

collenchyme abondant mais peu épais, à cellules analogues au collenchyme supérieur, s'étend jusqu'à l'épiderme inférieur.

c) HISTOLOGIE. — L'amidon, en très grande quantité dans le tissu palissadique, existe aussi dans le tissu lacuneux et le collenchyme.

La myrosine se trouve en abondance dans le tissu palissadique et en assez grande quantité encore dans le tissu lacuneux. Elle existe aussi dans les épidermes et vis-à-vis des faisceaux libéro-ligneux des nervures, le tissu palissadique étant continu.

L'oxalate de chaux en oursins est en assez grande abondance dans le tissu lacuneux de la feuille, et on le trouve en petite quantité au niveau de la nervure médiane de chaque côté du faisceau libéroligneux.

d) USAGES. — Les feuilles sont une ressource très importante pour les indigènes au point de vue alimentaire. Elles entrent pour une grande partie dans la confection d'une sorte de carry (mets national hindou) appelé « fougade ». Les feuilles sont encore mangées, grillées seulement.

Comme la racine et l'écorce, elles sont employées comme sinapismes.

4° La Fleur

L'espèce Moringa pterygosperma fleurit dans la chaude saison, de juillet à septembre, selon les régions.

Les fleurs sont en grappes composées ramifiées, atteignant quinze centimètres de long environ.

Elles sont blanches, hermaphrodites, irrégulières.

Le calice comprend cinq sépales concrescents et verts sur le quart de leur longueur, formant à la base une petite cupule. La partie libre des sépales est blanche et retombe extérieurement sur la petite cupule et le pédicelle de la fleur. Les sépales en forme de languette sont égaux et mesurent environ quinze millimètres de longueur sur trois au plus de largeur.

La corolle comprend cinq pétales blancs, alternant avec les sépales, libres au-dessus de la cupule. Les pétales sont inégaux : le plus grand, long de quinze à seize millimètres, est superposé à la bractée mère : il est antérieur par conséquent et il est dressé ; les


458 REVUE GÉNÉRALE DE BOTANIQUE

deux pétales postérieurs sont plus petits que les pétales latéraux moyens et ils atteignent douze millimètres. Les pétales postérieurs sont infléchis extérieurement, les pétales latéraux le sont aussi mais plus légèrement. Tous les pétales, à l'exception du pétale antérieur dressé, présentent dans leur partie inférieure un sillon médian assez profond et les deux bords de chacun de ces pétales se rapprochent. La forme des cinq pétales est oblongue : ils s'élargissent dans leur tiers supérieur. Le sillon médian et les bords sont pourvus de très nombreux petits poils.

L'androcée est formé par deux verticilles alternes de cinq étamines chacun. Les cinq étamines épipétales sont fertiles, mais les cinq étamines épisépales sont toujours stériles dans cette espèce ainsi que dans les deux autres que nous avons étudiées, contrairement à ce que l'on rapporte.

Les étamines fertiles sont inégales, la plus grande, contrairement encore à ce que l'on rapporte, est antérieure (elle est superposée au pétale antérieur dressé) et les 2 étamines postérieures superposées aux deux petits pétales sont les étamines les plus petites. L'étamine la plus grande atteint huit millimètres, les plus petites six seulement.

Les étamines stériles sont aussi inégales, la plus petite postérieure, diamétralement opposée à la grande étamine fertile antétérieure; les deux plus grandes étamines stériles, antérieures.

Toutes les étamines, stériles et fertiles, portent dans leurs parties interne et latérales sur le tiers inférieur de leur longueur de très nombreux poils bien visibles à l'oeil nu, qui en s'intriquant d'une étamine à l'autre, accolent en quelque sorte les étamines et les agglomèrent en forme de tube largement ouvert du côté postérieur. Les filets ne sont pas ici concrescents au même titre que la base des sépales de cette même fleur; ils sont seulement étroitement agglutinés par les poils.

A la base des étamines, des pigments rouges assez nombreux.

Les anthères jaune marron sont constituées par deux sacs polliniques en forme de haricot et s'ouvrent par une fente longitudinale. Ceux-ci, accolés par leur face concave laissent entre eux un intervalle occupé par un petit renflement du côté du filet. Le filet plat, s'infléchit du côté postérieur de la fleur. Les anthères, en raison de cette inflexion, se présentent suivant un plan horizontal ; elles peuvent même parfois paraître introrses, comme on le rapporte,


CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DES MORINGÉES 459

mais sont extrorses en réalité, si on redresse les filets infléchis.

Le pédicelle floral se prolonge à l'intérieur de la cupule, libre sur une longueur de quatre millimètres et se termine par le pistil dont le stigmate atteint la hauteur de la plus grande étamine.

Le pistil porte de très nombreux poils courts sur toute sa longueur, sur l'ovaire surtout. Son style unique est filiforme, il est légèrement plus long que l'ovaire et ne présente pas un stigmate renflé comme on le rapporte encore. L'ovaire est supère, allongé, légèrement renflé, uniloculaire (1), formé de trois carpelles ouverts et concrescents. Les trois placentas sont pariétaux et portent chacun deux séries d'ovules anatropes pendants.

Usages. — Les fleurs sont ornementales, à parfum discret agréable. On les mange parfois grillées ainsi que les feuilles.

5° Le Fruit

a) MORPHOLOGIE.— Le fruit est une capsule allongée, droite, de trente à cinquante centimètres de long et de deux à trois centimètres de large, s'ouvrant par trois fentes longitudinales. Supporté par un fort pédoncule, le fruit, de grosseur à peu près uniforme sur toute sa longueur, est plus effilé toutefois à l'extrémité libre et présente de distance en distance des constrictions alternant avec des renflements légèrement apparents à l'extérieur.

Le fruit jeune a une forme cylindrique et il présente des stries longitudinales continues d'une extrémité à l'autre. Plus tard, alors qu'il est encore vert, la forme polygonale se précise. Lorsqu'il est mûr, le fruit devient brunâtre et à forme triangulaire très accentuée. Il présente ainsi trois valves dont les lignes de séparation apparaissent plus profondes que les deux sillons de chacune des valves; ces deux sillons longitudinaux délimitent à la surface externe de chaque valve trois côtes, dont la médiane est parfois seule bien apparente.

Chaque valve présente vers l'intérieur un tissu blanchâtre, très épais, en forme de voûte. Les constrictions externes correspondent intérieurement à des protubérances de forme variable, les unes globuleuses, les autres allongées et épaisses, séparant ainsi les graines ogées dans des cavités qui se traduisent à l'extérieur par des ren(1)

ren(1) : loc. cit.


460 REVUE GÉNÉRALE DE BOTANIQUE

flements. Mais ces protubérances internes, dont les formes sont variables ne se correspondent pas d'une valve à l'autre, et ne forment pas, comme le rapportent cer ains auteurs, de véritables cloisons transversales, mais bien de fausses cloisons ainsi que l'a constaté Pax (1).

b) ANATOMIE. — L'épiderme est mince. On trouve au-dessous quatre à cinq assises de parenchyme ordinaire, auxquelles fait suite un sclérenchyme d'épaisseur double. Ce sclérenchyme en anneau continu présente quelques assises externes de fibres très épaisses, le reste étant formé de fibres larges. Il est à remarquer qu'au niveau des sillons des valves, l'anneau de sclérenchyme épais et celui de sclérenchyme large qui partout ailleurs sont contigus, sont ici séparés l'un de l'autre par du parenchyme, le sclérenchyme large étant réduit.

Vis-à-vis de chaque côte au-dessous du sclérenchyme est un faisceau libéro-ligneux, dont le liber est formé de cellules petites et le bois en forme d'éventail de vaisseaux larges et de fibres ligneuses moyennes.

La partie interne de chaque valve est formée par un tissu très épais de cellules longues et flexueuses, entre lesquelles des îlots de bois très petits vis-à-vis de la nervure médiane.

c) HISTOLOGIE. — Le fruit contient de l'amidon dont les grains sont petits et disséminés ; ils sont surtout localisés au voisinage du sclérenchyme et du bois.

L'oxalate de chaux existe en petite quantité seulement : les cellules longues en contiennent peu; on en trouve un peu plus dans le parenchyme sous-jacent à l'épiderme.

La myrosine se trouve au niveau du liber et en assez grande quantité dans le parenchyme compris entre l'épiderme et le sclérenchyme.

L'épiderme et les cellules avoisinantes contiennent du tannin.

d) USAGES. — Les fruits constituent la ressource la plus importante de l'arbre. Un seul arbre peut donner jusqu'à deux mille fruits par an et rapporter, paraît-il, le coût de la nourriture d'un indigène. Ces fruits sont vendus sur les marchés quotidiens. Ils sont mangés verts et entrent dans la composition du carry. Ces fruits, très appréciés, ont un peu la saveur du chou et de l'asperge, les graines vertes, celle du petit pois.

(1) Pax : loc. cit.


CONTRIBUTION A L ÉTUDE DES MORINGÉES 461

6° La Graine

a) MORPHOLOGIE. — Le nombre des graines, variable avec la longueur des fruits, est de douze à vingt-cinq dans cette espèce. Les graines sont logées dans les concavités du fruit, séparées parfois les unes des autres par de longs intervalles, très rapprochées au contraire en d'autres endroits chez un même fruit.

Les graines, de couleur brunâtre lorsqu'elles sont mûres, sont globuleuses et atteignent la grosseur d'une noisette. Elles présentent alors à leur surface externe trois arêtes qui convergent en un même point, limitant trois segments. Un côté de la graine est aplati, l'autre est convexe. Les trois arêtes correspondent à l'insertion de trois ailes membraneuses, minces, de même largeur chacune que la graine. Ces trois ailes s'insèrent d'un côté de la graine en un point du tégument lui-même, et du côté opposé, elles se réunissent en un point situé à quatre à cinq millimètres du tégument de la graine. Toutes les graines sont orientées de la même façon, le point d'insertion des ailes sur le tégument lui-même du côté de l'extrémité libre du fruit. Les ailes de chaque graine sont imbriquées avec celles de la graine suivante, sauf dans le cas de longs intervalles entre elles.

La surface externe de la graine comprise entre les insertions des ailes est lisse. Le tégument externe est dur, il mesure de un à un millimètre et demi d'épaisseur. Il est très épaissi aux arêtes. On trouve à l'intérieur de ce tégument résistant une seconde enveloppe très mince, blanchâtre. A l'intérieur, une amande blanche, sans albumen, formée d'un embryon droit pourvu de deux cotylédons très développés.

b) ANATOMIE ET HISTOLOGIE. — Le tégument comprend un épiderme mince et spongieux, au-dessous duquel est un parenchyme à cellules petites, puis une région sclérifiée au niveau des angles surtout correspondant aux arêtes externes. Les cotylédons sont à cellules ordinaires, renfermant de la matière grasse et en assez petite quantité de l'amidon. Les ailes sont bourrées d'amidon ainsi que la partie externe du tégument, aux angles surtout. Ces parties contiennent en outre de la myrosine (la partie basilaire des ailes surtout).

c) USAGES. — Les graines sont mangées en même temps que


462 REVUE GÉNÉRALE DE BOTANIQUE

les fruits, mais lorsqu'elles sont à peine mûres encore. On en extrait une huile dite de Ben, très appréciée dans l'Inde des horlogers parce qu'elle ne rancit pas à l'air et ne se coagule que très difficilement. Très fluide, jaunâtre, elle se sépare au repos en deux parties, dont une alimentaire peut être employée en salade à la place d'huile d'olive.

II

MORINGA CONCANNENSIS (Nimmo)

Nous avons étudié l'espèce Moringa concannensis en la comparant à la précédente et en rapportant les différences.

1° La Racine

a) MORPHOLOGIE. — Mêmes caractères que Moringa pterygosperma.

b) ANATOMIE. — Les cellules du parenchyme cortical externe au lieu d'être disposées irrégulièrement comme dans une racine de même âge de M. plerygosperma, sont en séries radiales.

Le sclérenchyme diffère en ce qu'il est formé d'îlots plus groupés, disposés vis-à-vis du liber, avec interruption très nette au niveau des prolongements des rayons médullaires.

Le liber est à cellules beaucoup moins larges que dans M. plerygosperma. Il présente en son milieu une épaisseur moins grande, ayant ainsi tendance à former comme deux îlots libériens par faisceau libérien.

Le bois diffère par ce fait qu'il est formé, chez la racine âgée de même que chez la racine jeune, par des faisceaux nettement distincts, chaque faisceau comprenant une série radiale de vaisseaux larges dans sa partie médiane, et latéralement de vaisseaux plus petits, de fibres et d'un peu de parenchyme.

Les rayons médullaires très nets et larges sont très différents de ceux de M. plerygosperma, et ils alternent régulièrement avec les faisceaux ligneux.


CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DES MORINGÉES 463

La moelle comme dernière différence est représentée dans cette espèce, quoique très petite.

c) HISTOLOGIE. — Cette espèce renferme beaucoup moins d'amidon que M. pterygosperma ; on en trouve seulement et en très petite quantité dans les rayons médullaires au voisinage du sclérenchyme.

Même répartition des cristaux en mâcles d'oxalate de chaux, ils sont seulement beaucoup plus abondants dans les rayons médullaires très larges, et dans tout le parenchyme médullaire; l'oxalate est fréquent dans le liber.

La myrosine n'est pas dans cette espèce localisée entre le liège et le sclérenchyme, elle existe dans tout le parenchyme cortical et même en plus grande abondance au niveau du liber et des rayons médullaires, où elle apparaît au réactif de Millon en longues traînées rouges aux confins du liber.

d) USAGES. — Aucune différence.

2° La Tige

a) MORPHOLOGIE. — Mêmes caractères, le feuillage seul diffère, comme nous le verrons à propos de la feuille.

b) ANATOMIE. — Le sclérenchyme seul dans l'écorce présente quelques différences avec celui de la tige de M. pterygosperma; les îlots sont plus groupés, à fibres plus épaisses et ils ont tendance à être plus allongés dans le sens radial.

La moelle est beaucoup plus développée que dans M. pterygosperma, une fois environ; ses cellules sont plus larges, à tendance arrondie.

c) HISTOLOGIE. — L'amidon est très abondant dans l'écorce: dans les rayons médullaires au niveau du liber et dans leurs prolongements entre les îlots de sclérenchyme. La moelle renferme beaucoup moins d'amidon que dans M. pteryposperma, l'assise la plus voisine du bois en est toutefois bourrée.

Les cristaux d'oxalate des rayons médullaires au niveau du liber sont moins nombreux et plus petits. Ils sont aussi moins abondants dans la partie externe à l'anneau scléreux. On n'en trouve dans la moelle qu'au voisinage des faisceaux du bois.


464 REVUE GÉNÉRALE DE BOTANIQUE

La myrosine est en beaucoup plus petite quantité : des traces seulement au voisinage du liber, et entre l'épiderme et l'anneau scléreux.

Gomme de même nature.

d) USAGES. — Les mêmes.

3° La Feuille

a) MORPHOLOGIE. — Les feuilles diffèrent de celles de M. plerygosperma. Le feuillage permet à première vue de distinguer ces deux espèces de Moringa. Les folioles sont en effet beaucoup plus grandes que celles de M. plerygosperma : le double en largeur, presque le double en longueur, plus minces et aussi d'un vert beaucoup moins foncé, même légèrement blanchâtres.

Les feuilles, en outre, diffèrent de celles de M. plerygosperma en ce qu'elles sont le plus souvent non 3-pennées, mais 2-pennées.

b) ANATOMIE. — Le tissu palissadique est moins développé dans cette espèce par rapport au tissu lacuneux que dans M. plerygosperma, et il n'est pas continu, mais s'interrompt au niveau de la nervure médiane. Il est remplacé à ce niveau par un collenchyme à cellules larges, au-dessous duquel un collenchyme à cellules plus petites jusqu'au bois. Entre le liber et le collenchyme très épais situé au-dessous du faisceau libéro-ligneux est une assise de cellules parenchymateuses ordinaires. Le collenchyme épais et cette assise de cellules diffèrent de ce que l'on trouve dans M. pterygosperma.

c) HISTOLOGIE.— Aucune différence avec M. pterygosperma pour l'amidon et les cristaux d'oxalate. La myrosine seulement, tout en étant très abondante, l'est un peu moins que dans M. pterygosperma. Elle est surtout au voisinage de l'épiderme. Mais on ne la trouve pas comme dans l'espèce précédente, ni vis-à-vis de la concavité du bois, ni dans les épidermes.

d) USAGES. — Les mêmes.

4° La Fleur

L'espèce M. concannensis fleurit plus tard que M. pterygosperma ; en novembre, après la chaude saison, durant la période de pluies.


CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DES MORINGÉES 465

Les fleurs sont de dimensions plus grandes, de couleur jaune pâle et veinées de rouge au lieu d'être blanches.

Les étamines présentent à leur base des poils plus nombreux, les anthères sont moins arrondies, elles sont plus allongées et le renflement du côté du filet sur lequel elles sont insérées est moins net. Le pistil est parfois dans cette espèce beaucoup plus long que les étamines, à cause d'un plus grand allongement de l'ovaire, et toujours le style est plus court que l'ovaire. Le style dans cette espèce ne présente non plus de stigmate renflé. L'ovaire est plus poilu que celui de M. pterygosperma, le style est dépourvu de poils.

5° Le Fruit

a) MORPHOLOGIE. — Le fruit de cette espèce diffère par son aspect extérieur de celui de M. pterygosperma. l est plus gros, son diamètre ordinaire est trois centimètres et plus ; il est plus arrondi, légèrement contourné sur lui-même, les sillons longitudinaux ayant une tendance spiralée; et, différence plus apparente, il n'est plus droit, mais tortueux le plus souvent.

b) ANATOMIE. — L'épiderme porte des poils. Les cellules du tissu interne de l'écorce sont allongées, mais non sinueuses. Mêmes caractères quant aux autres parties.

c) HISTOLOGIE. — Aucune différence en ce qui concerne l'amidon, la myrosine et le tannin. L'oxalate de chaux est plus abondant dans le tissu interne.

d) USAGES. — Comme les fruits de M. pterygosperma, ceux de cette espèce sont mangeables, et constituent aussi une importante ressource pour les indigènes.

6° La Graine

La graine ne présente à aucun point de vue de différence sensible; un peu plus allongée seulement.

Rev. gén. de Bonanique. — XXV. 30.


466 REVUE GÉNÉRALE DE BOTANIQUE

III

MORINGA (3me espèce)

Nous avons étudié ce Moringa qui porte dans l'Inde le nom d'espèce du Moringa le plus commun : pterygosperma, en rapportant surtout les différences avec ce Moringa pterygosperma.

1° La Racine

a) MORPHOLOGIE. — Mêmes caractères.

b) ANATOMIE. — Le sclérenchyme et le bois présentent l'un et l'autre des différences. Le sclérenchyme d'une racine de même âge qu'une racine de M. pterygosperma forme ici un anneau complet situé à quelques assises du liège et non pas seulement des îlots comme dans les deux autres espèces. Outre cet anneau, le sclérenchyme forme des îlots de deux à trois fibres très épaisses, disséminés dans le parenchyme cortical entre le liber et l'anneau externe de sclérenchyme. Ces îlots sont beaucoup plus nombreux que dans les deux autres espèces.

Le bois diffère en ce que les fibres petites, très serrées, apparaissent beaucoup plus tôt, ne laissant bientôt plus aucun parenchyme entre les vaisseaux.

Aucune moelle non plus.

c) HISTOLOGIE. — L'amidon est rare dans le parenchyme cortical à l'inverse de Moringa pterygosperma ; des traces seulement au voisinage du sclérenchyme ; mais on en trouve en abondance entre les vaisseaux du bois.

En outre, pas de traces d'oxalate, à l'inverse des autres espèces, ni dans l'écorce, ni dans le cylindre central. La myrosine, plus abondante encore que dans les espèces précédentes, forme un anneau presque continu entre l'épiderme et le sclérenchyme externe.

2° La Tige

a) MORPHOLOGIE. — Mêmes caractères.

b) ANATOMIE. — Dans le bois les vaisseaux sont en séries radiales moins nettes.


CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DES MORINGÉES 467

La moelle est plus développée que dans Moringa pterygosperma, mais moins que dans M. concannensis.

c) HISTOLOGIE. — L'amidon diffère dans cette espèce en ce qu'il n'existe pas dans la moelle. Il a la même répartition dans les autres parties.

La myrosine, très abondante, n'est plus comme dans M. pterygosperma surtout au voisinage du sclérenchyme, mais principalement vers le liber.

Aucune différence pour l'oxalate et la gomme.

3° La Feuille

a) MORPHOLOGIE. — Le mode de disposition des folioles diffère de celui de Moringa plerygosperma ; il est le même que dans Moringa concannensis.

Les pétioles qui supportent les folioles sont plus longs que les pétioles correspondants de Moringa plerygosperma ; ils ont de trois à cinq millimètres. En outre, la forme des folioles diffère aussi de celle des folioles de M. pterygosperma. Elles sont de même longueur, mais plus larges d'un tiers, moins lancéolées, plus arrondies à leur partie terminale, plus minces aussi, même plus minces que celles de M. concannensis.

b) ANATOMIE. — Le collenchyme est semblable à celui de M. pterygosperma, mais il y a dans cette espèce comme dans M. concannensis, discontinuité du tissu palissadique vis-à-vis de la nervure médiane — différence avec M. pterygosperma.

c) HISTOLOGIE. — Moins d'amidon et moins de myrosine que dans M. pterygosperma. Pas de différence quant à l'oxalate.

d) USAGES. — Les mêmes.

4° La Fleur

Cette espèce fleurit plus tard que M. plerygosperma, en novembre et décembre, après la saison chaude, de même que M. concannensis.

Le mode d'inflorescence est le même que dans les espèces précédentes. Les fleurs blanches sont légèrement plus petites que celles de M. pterygosperma ; les pétales, presque rubannés, sont aussi moins


468 REVUE GÉNÉRALE DE BOTANIQUE

larges que ceux de M. pterygosperma et ils ressemblent aux sépales par la forme. En outre, les étamines sont relativement un peu moins longues; les parties des anthères plus petites sont moins en forme de haricot; le renflement du côté du filet sur lequel les anthères s'insèrent est moins net, et le filet est plus poilu à sa base. Dans cette espèce comme dans les deux autres, le style ne présente pas non plus de stigmate renflé, mais il porte des poils à l'inverse des styles des deux autres espèces; l'ovaire est plus poilu aussi que les ovaires des deux autres Moringa. Le style est en outre, par rapport à l'ovaire, plus court que dans Moringa pterygosperma.

5° Le Fruit

a) MORPHOLOGIE. — Le fruit est droit, mais souvent plus long et de diamètre moindre que le fruit de M. pterygosperma. Il peut atteindre soixante centimètres.

b) ANATOMIE. — L'épiderme porte des poils. Le sclérenchyme, en îlots, est moins développé que dans M. pterygosperma ; le parenchyme est plus abondant entre le liber et ces îlots de sclérenchyme. Les longues cellules de la partie interne de l'écorce du fruit ne sont plus sinueuses.

c) HISTOLOGIE. — L'amidon est plus rare, de très petits grains seulement très disséminés.

L'oxalate est en plus petite quantité, et existe seulement entre l'épiderme et le sclérenchyme.

Pas de différence quant à la myrosine et au tannin.

d) USAGES. — A l'inverse des fruits de M. pterygosperma, très comestibles, ceux-ci, trop amers, ne sont pas mangeables.

6° La Graine

Comme les graines de M. concannensis, celles de cette espèce ne présentent pas de différence sensible avec les graines de M. pterygosperma ; elles sont seulement relativement moins nombreuses, les intervalles entre les graines étant plus grands.


CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DES MORINGÉES 469

IV

RÉSUMÉ DES RÉSULTATS

1. — Les recherches précédentes faites à des points de vue divers sur les trois espèces de Moringées trouvées dans l'Inde, nous ont permis d'établir leurs caractères distinctifs. Ces espèces diffèrent, au point de vue morphologique, par la disposition, la forme et la dimension des feuilles, la couleur et les dimensions des fleurs, la forme et la grosseur des fruits ; au point de vue anatomique, par le plus ou moins grand développement des divers tissus, et au point de vue histologique, par la répartition et la quantité d'amidon, d'oxalate de chaux et de myrosine.

2. — Les caractères que nous avons indiqués nous ont en outre permis de préciser et de mettre au point quelques détails morphologiques déjà donnés, ne concordant pas avec nos recherches; en ce qui concerne la fleur, les étamines épisépales sont toujours stériles, la grande étamine est antérieure, les filets des étamines sont seulement intriqués par leurs poils, les anthères ne sont pas introrses en réalité, mais extrorses, comme on le voit en redressant les filets, enfin le stigmate n'est pas renflé; en ce qui concerne le fruit, il n'y a pas de véritables cloisons transversales.

3. — Les différences que nous avons signalées entre Moringa pterygosperma (Gaertner) et la troisième forme de Moringa également connue dans l'Inde sous le nom de Moringa pierygosperma, nous semblent suffisantes pour faire de cette troisième forme de Moringa une espèce distincte pour laquelle nous proposons le nom de Moringa amara sp. n. Ces deux plantes présentent en effet quelques différences au point de vue morphologique dans les dimensions et formes des feuilles et des fleurs, au point de vue anatomique dans le développement du sclérenchyme de la racine, de la moelle de la tige et du tissu palissadique de la feuille, au point de vue histologique dans la quantité d'amidon et d'oxalate de calcium; et enfin, concernant les usages, les fruits de la troisième espèce de Moringa ne sont pas comestibles. Ces espèces diffèrent en outre par leur répartition géographique dans l'Inde.


470 REVUE GÉNÉRALE DE BOTANIQUE

4. — Nous pouvons résumer ainsi les caractères principaux des Moringées que nous avons étudiées : arbres tropicaux à feuilles composées, alternes, à stipules caduques. Fleurs zygomorphes, en grappes; 5 S concrescents à la base seulement; 5 P ; 5 Etamines épipétales fertiles ; 5 Etamines épisépales stériles ; Anthères à une loge ; Pistil à ovaire supère, situé sur un prolongement de l'axe, formé de 3 carpelles ouverts concrescents en un ovaire uniioculaire à placentation pariétale; stigmate non renflé; Ovule anatrope; Fruit en capsule allongée à 3 valves; Embryon droit; absence d'albumen; présence de myrosine.

Les auteurs sont d'avis différents quant aux groupes botaniques desquels il serait convenable de rapprocher la famille des Moringées.

Dalzell (1) suppose une parenté des Moringées avec les Bignoniacées, Lindley (2) et Hooker (3) avec les Violacées ; Grisebach, Baillon (4) etc., les rapprochent des Rhoeadinées. et particulièrement des Capparidées, tandis que Endlicher (5), Bentham (6), Decaisne, etc., les rattachent aux Légumineuses. D'autres auteurs ont vu des relations avec les Géraniales. D'après Pax (7) il faudrait faire de cette famille une sorte de terme de passage entre les Rhoeadinées et les Rosales.

L'ensemble de nos connaissances et certains des caractères décrits plus haut, nous permettent de rapprocher la famille des Moringées, ainsi que l'indiquent MM. G. Bonnier et Leclerc du Sabion, des Résédacées (feuilles alternes, fleurs zygomorphes, absence d'albumen, cellules à myrosine) et des Capparidées (fruit en capsule, absence d'albumen, ovaire sur un prolongement de l'axe, cellules à mvrosine).

(1) Dalzell : Loc. cit.

(2) Lindley : Vegel kingdom, 336.

(3) Hooker . Flora of British India, II, 46.

(4) Baillon : Histoire des plantes, III, p. 163 à 179.

5) Endlicher : Genera, 1321.

6) Bentham : Genera plant, I, 430. (7) Pax : Loc. cit.

8) Gaston Bonnier et Leclerc du Sablon : Cours de Botanique.


EXPLICATION DES PLANCHES

PLANCHE 2 Moringa pterygosperma (Fleur et Graine)

Fb, fleur en bouton.

Fp, fleur vue de profil (pétale antérieur à gauche).

S, sépale. Pa, pétale antérieur. Pp, pétale postérieur. Pl, pétale latéral.

Ea, étamine antérieure (côté externe de la fleur à gauche) El, étamine latérale (côté externe de la fleur à gauche). A, anthère (face supérieure et face inférieure). P, pistil. D, diagramme. G, graine avec ses 3 ailes. 1 2, 3, 4, divers aspects de la graine : vue de face, 1.

vue de 3/4, 2. vue du dessus, 3. vue du dessous, 4.

PLANCHE 3 Moringa pterygosperma (Fruit)

Ct 1, coupe transversale du fruit entre deux graines.

Ct 2, coupe transversale du fruit au niveau d'une graine : valves, v,

graines, g, ailes de la graine, a. CV, schéma d'une coupe transversale de la côte médiane d'une valve; e, épiderme ; s, sillon entre deux côtes; p, parenchyme ; scle, sclérenchyme externe; scli, sclérenchyme interne ; li, liber; b, bois; tgc, tissu à grandes cellules sinueuses. Vp, valve vue de profil avec les protubérances internes et les emplacements des graines. Vi, valve vue par sa face interne. F, fruit (une moitié).


ESSAI DE GÉOGRAPHIE BOTANIQUE

des hauteurs de l'Hautie et de leurs dépendances

Par M. A.-Pierre ALLORGE

(Suite)

2. — Les calcicoles

Cette association, très homogène, couvre toute la partie moyenne des coteaux, depuis les affleurements du calcaire grossier jusqu'à l'argile verte; la succession des terres calcaires n'est interrompue que par la bande plus ou moins continue des sables de Beauchamp à végétation psammophile et calcifuge.

L'on peut distinguer plusieurs faciès bien caractérisés :

1. Moissons et friches.

2. Prairies artificielles.

3. Bois.

4. Talus herbeux.

5. Terres marneuses humides.

Chacun d'eux présente une végétation variable spécifiquement, mais toujours franchement calcicole.

La flore des moissons et des friches calcaires est très abondante (plus de 100 espèces), aussi nous contenterons-nous d'énumérer celles qui semblent le plus typiques (Tabl. III).

Dans les prairies artificielles (Luzerne, Sainfoin, Trèfle), l'on rencontre un certain nombre de ces espèces auxquelles viennent s'en adjoindre d'autres, introduites pour la plupart, mais dont l'abondance donne au faciès une individualité bien nette qui justifie sa séparation d'avec le précédent ; ce sont surtout des Composées : Helminthia echioides, Barkhausia setosa, Centaurea solstitalis, Thrincia hirta, Picris hieracioides. Citons encore : Veronica persica et de nombreux Bromi,


GÉOGRAPHIE BOTANIQUE DE L'HAUTIE

473

Tableau III. — Moissons et friches calcaires

SOCIALES GRÉGEAIRES EPARSES

Delphinium Consolida Iberis amara Lathyrus tuberosus

Fumaria parviflora Lepidium Draba Verbascum Lychnitis

Sinapis arvensis Melilotus arvensis » pulverulentum

Raphanus Raphanistrum Medicago apiculata Carun Bulbocastanum

Thlaspi perfoliatum Vicia hirsula Cynoglossum officinale

Alchimilla arvensis » gracilis

Scandix Pecten-Veneris Crepis pulchra

AEthusa Cynapium Tordylium maximum

Sherardia arvensis Caucalis daucoïdes

Galium tricorne Gnaphalium germanicum

Valerianella carinata » spathulatum

» Auricula Centaurea Calcitrapa

Crepis virens Muscari comosum

Matricaria inodora Sonchus arvensis

Specularia Speculum

Odontites rubra

Stachys annua

Linaria supina

Çà et là, des petits bois rompent la monotonie des terres cultivées c'est à peine s'ils méritent leur nom car ce sont plutôt des fourrés où seul l'Orme atteint une taille élevée (1); les autres végétaux ligneux sont des arbustes ou des arbrisseaux : Berberis vulgaris, Cytisus Laburnum, Evonymus europoeus, Prunus spinosa, P. Mahaleb, Crataegus monogyna, Lonicera Xylosteum, etc. ; comme sous-arbrisseaux, Genista tinctoria et Daphne Laureola ont seuls quelque extension. La végétation herbacée assez spéciale est surtout riche en Orchidées (Orchis militaris, O. Simia, O. purpurea, Cephalanthera grandiflora, Ophrys muscifera). Notons aussi : Primula officinalis, Brachypodium pinnatum. A la lisière de ces fourrés, surtout lorsque l'exposition est au sud, l'on rencontre des pelouses arides (PI. 4, 2) où croissent : Helianthemum vulgare, Polygala calcarea, Linum tenuifolium, Hippocrepis comosa, Asperula cynanchica, Cirsium acaule, Hieracium Pilosella, Veronica Teucrium, Teucrium Chamaedrys, Euphrasia officinalis, Thesium humifusum, Ophrys apifera, O. arach(1)

arach(1) suberosa, fréquente. Le Pin sylvestre a été planté çà et là, mais il reste toujours peu répandu et chétif.


474

REVUE GENERALE DE BOTANIQUE

nites, Juniperus communis ; lorsque le gramen est plus haut, apparaissent Melilotus altissima, Malva Alcea, Bupleurum falcatum, Inula Conyza, Scabiosa Columbaria, Vinceloxicum officinale, Origanum vulgare, Calaminlha Clinopoclium, etc.

C'est par l'intermédiaire de ces espèces moins localisées que l'on peut facilement passer au faciès des talus qui garde toutefois une certaine individualité (Tabl. IV).

Tableau IV. — Talus calcaires

SOCIALES GRÉGEAIRES EPARSES

Diplotaxis tenuifolia Arenaria leptoclados Cirsium eriophorum

Cerasliwn aruense Geranium pyrenaicum Anchusa italica

Geranium columbinum Ononis spinosa Stachys germanica

» rotundifolium Coronilla varia Euphorbia Gerardiana

Eryngium campestre (1) Lotus tenuis

Pastinaca sylvestris Sedum album

Foeniculum officinale Senecio erucoefolius

Seseli montanum Artemisia campestris

Salvia pratensis Carduus tenuiflorus

Loroglossum hircinum Kentrophyllum lanatum

Scleropoa rigida Lactuca saligna

Avena elatior Verbascum nigrum

Nardurus tenellus Salvia verbenacea

Festuca rubra Melica ciliata

Mentionnons aussi Centranthus ruber, espèce subspontanée qui s'étend de plus en plus, de préférence dans les rocailles calcaires.

La majorité des espèces citées jusqu'ici ne s'accommodent guère d'un sol humide ; aussi lorsqu'un niveau d'eau apparaît, grâce à des couches argilo-marneuses, les voyons-nous disparaître pour faire place à une végétation à tendances hygrophiles bien marquées. C'est ainsi qu'à flanc de coteau surgissent çà et là, tranchant sur les paysages voisins, des taches de verdure plus intense : Tetragonolobus siliquosus, Epilobium monlanum, Heracleum Sphondylium, Silaus pratensis, Inula dysenterica, Chlora perfoliala, Symphytum officinale, Colchicum autumnale, Bromus asper, Phragmiles commuais, etc. y, sont surtout abondantes (2). Dans la zone des marnes

(1) Fréquemment parasité par Orobanche amethystea.

(2) Des Peupliers et des Saules accompagnent en général ces groupements, souvent aussi le Sureau Yèble.


GÉOGRAPHIE BOTANIQUE DE L'HAUTIE

475

supragypseuses, les poches d'effondrement ont, leur fond tapissé d'une végétation peu variée. Joncs, Lentilles d'eau, Saules, etc. (PI. 5,1) ; sur les flancs ombragés de ces poches l'on rencontre surtout Tamus commuais, des Fougères (Polustichum Filix-Mas, P. spinulosum, Asplenium Adiantum-nigrum), des Hépatiques, dans les parties ensoleillées Tussilago Farfara et Potentilla Anserina prédominent. Lorsque des bois s'établissent sur cette zone, ils se raccordent insensiblement avec ceux de l'argile verte et des sables de Fontainebleau ; nous étudierons ce passage dans le paragraphe suivant.

Sauf pour le dernier faciès (terres marneuses humides), c'est la composition chimique du sol qui semble agir en premier lieu dans toute l'association; toutefois, l'influence de l'exposition se manifeste nettement à l'examen des variations floristiques que l'on peut constater d'un versant à l'autre; certaines espèces, en effet, sont abondantes sur un versant alors qu'elles sont absentes ou très rares sur l'autre, les conditions édaphiques étant les mêmes. Voici, du reste, pour les versants de la Seine et de l'Aubette, quelques espèces qui paraissent assez constamment liées à l'un d'eux.

VERSANT DE LA SEINE

Diplotaxis tenuifolia Foeniculum officinale Lactuca saligna Salvia verbenacea Verbascum nigrum Loroglossum hircinum Melica ciliata

VERSANT DE L'AUBETTE

Seseli montanum Cirsium eriophorum Cynoglossum officinale Verbascum Lychnitis Teucrium Botrys

L'effeuillaison plus précoce des arbres du versant sud est encore un fait que l'on peut rapporter à la même cause.

Les plantes des moissons sont, pour la très grande majorité, annuelles : les unes sont vernales, d'autres estivales, d'autres enfin sont tardives et fleurissent après la coupe.

Dans les parties non cultivées, les espèces vivaces dominent et leur floraison est en général estivale ; quelques-unes sont remarquables par leur durée de floraison, entre autres Diplotaxis tenuifolia dont les fleurs jaunes s'épanouissent de mai à octobre.


476

REVUE GÉNÉRALE DE BOTANIQUE

3. — Les calcifuges

Leur domaine est à la fois très étendu et très continu ; il s'étend sur tout le plateau meulier et sur ses bords abrupts constitués par les sables de Fontainebleau.

Les deux faciès principaux entre lesquels la végétation se répartit sont les bois et les bruyères (PL 5, 2); comme faciès secondaires, les mares siliceuses et les carrières de meulière ont une individualité bien marquée.

Les parties boisées prédominent de beaucoup ; les essences forestières y sont très mélangées et les taillis simples sont peu étendus. Le Châtaignier est surtout abondant, puis viennent le Chêne, le Frêne, le Charme, le Coudrier, le Bouleau ; plus clairsemés, le Sorbier des Oiseleurs, l'Alisier torminal, le Cerisier des oiseaux, le Néflier, l'Erable champêtre; le Pin sylvestre planté çà et là est fréquent au-dessus de Menucourt (Mont-Rouge). Comme arbustes et arbrisseaux, citons le Troène, le Cornouiller sanguin, le Nerprun Bourdaine, la Viorne Lantane. La végétation herbacée comprend, outre les sylvicoles banales, des espèces plus typiques (Tabl. V).

Tableau V. — Bois siliceux

SOCIALES GRÉGEAIRES EPARSES

Arenaria trinervia Viola Riviniana Dianthus CarthusianoVicia

CarthusianoVicia Dianthus Armeria rum

Orobus tuberosus Hypericum montanum Trifolium médium

Potentilla Fragariastrum » pulchrum Lathyrus sylvestris

Peucedanum parisiense Sedum Cepoea Sedum Telephium

Solidago Virga-aurea Saxifraga granulata Epipactis latifolia

Serratula tinctoria Vaccinium Myrtillus Listera ovata

Hieracium umbellatum Melittis Melissophyllum

Centaurea nigra Cynosurus cristatus

Vinca minor Melica uniflora

Pulmonaria angustifolia

Melampyrum pratense

Teucrium Scorodonia

Stachys Betonica

Euphorbia sylvatica

Anthoxanthum odoratum

Aira flexuosa

Pteris aquilina


GÉOGRAPHIE BOTANIQUE DE L'HAUTIE 477

Lorsque les bois descendent jusque sur l'argile verte, nous y rencontrons quelques plantes nouvelles dont la présence est, pour la plupart, déterminée par l'humidité constante de ce niveau : Ranunculus auricomus, Ribes rubrum, Circoea lutetiana, Viburnum Opulus, Phoenopus muralis, Campanula Trachelium, Polygonum Hydropiper, Salix aurila, Carex stellulata, C. remola, C. PseudoCyperus, C. pilulifera, Alhyris Filix Foemina, etc., etc., et, en outre, d'autres hygrophiles déjà citées (Epilobes, Lythrum, Eupatoire, Joncs) (1). L'abondance de l'humus permet l'établissement d'espèces telles que : Oxalis Acetosella, Pyrola rotundifolia Adoxa Moschatellina, Asperula odorata Primula elatior, Lamium Galeobdolon, Mercurialis perennis, Paris quadrifolia, Neottia Nidus-auis, Melica uniflora, Milium effusum. Il est remarquable de constater que la plupart de ces espèces sont localisées là où subsistent encore quelques Hêtres, dans les parties marneuses des bois entre Boisemont et Ecancourt. Il y a là une liaison bien évidente qui se retrouve dans toutes les forêts où cette essence domine (2). La brusque disparition du Châtaignier nous avertit que nous sommes entrés dans la zone des marnes; toutefois, la végétation herbacée reste en majorité calcifuge, mais ce fait en apparence anormal s'explique par la présence sur ces marnes d'une couche de sable éboulé et entraîné par le ruissellement assez intense dans ces parties abruptes. Elle disparaît graduellement et l'on passe ainsi au faciès des bois calcaires : les bois de Vaux et de Boisemont montrent très bien ce passage entre les bois siliceux et les bois calcaires par l'intermédiaire d'une zone d'hygrophiles.

Les bruyères présentent deux aspects bien différents suivant qu'elles se rencontrent sur l'argile à meulière ou sur les sables de Fontainebleau ; ces aspects correspondent à la distinction classique entre la bruyère à Calluna et la bruyère à Erica cinerea. Les listes suivantes montrent leurs éléments floristiques respectifs (3).

(1) La présence de Sphagnum (S. cymbifolium, S. cuspidatum) mérite d'être signalée.

(2) F. Höck. Begleitpflanzen der Buche. Bot. Centralbl., 1892.

(3) Certaines espèces peuvent, bien entendu, se rencontrer dans les deux « bruyères ».


478 REVUE GÉNÉRALE DE BOTANIQUE

BRUYÈRE A CALLUNA

Polygala serpyllacea Badiola linoides Ulex nanus

» europoeus Genista anglica

» pilosa Scorzonera humilis Erica Tetralix Cicendia filiformis Pedicularis sylvatica Orchis Morio Carex leporina Molinia coerulea Calamagrostis Epigeios Danthonia decumbens Blechnum Spicant

BRUYÈRE A ERICA CINEREA

Silene nutans Sarothamnus scoparius Genista sagittalis Potentilla Tormentilla

» verna Antennaria dioica Scabiosa Succisa Aira cespitosa » proecox

La bruyère à Calluna, par ses tendances hygrophiles, nous amène au faciès des mares siliceuses. Ces mares, peu profondes, présentent des « auréole » de végétation bien nettes : ce sont, en partant un peu en arrière du bord :

1. Ranunculus Flammula, Montia minor, Hydrocotyle vulgaris,

OEnanthe fistulosa, Mentha Pulegium, Veronica scutellata Polygonum minus, Scirpus setaceus, Juncus supinus.

2. Nasturtium amphibium, Helode* palustris, Alopecurus geniculatus.

3. Ranunculus aqualilis, Helosciadium inundalum, Polygonum

amphibium, Alisma ranunculoides, Scirpus palustris.

4. Typha lalifolia, Sparganium ramosum, Scirpus lacustris. Dans les carrières de meulière où le substratum minéralogique

est à nu, la végétation très pauvre comprend surtout des espèces très calcifuges : Senecio sylvaticus, Gnaphalium sylvalicum, Anthemis nobilis, Digitalis purpurea, Rumex acetosella.

En somme, dans tous ces faciès, c'est la nature chimique du sol qui joue le rôle distributif prépondérant ; les facteurs secondaires, humidité, lumière, créent des différences floristiques plus ou moins locales qui nous ont justement permis de distinguer ces faciès.

L'influence de la lumière dans les parties boisées a été l'objet de quelques observations, dont voici le résumé.

Dans les endroits où le taillis est serré et composé d'essences forestières donnant une ombre épaisse comme le Châtaignier, le


GÉOGRAPHIE BOTANIQUE DE L'HAUTIE 479

sous-bois est très réduit : il n'y a pas d'intermédiaires entre les arbres et la végétation herbacée. Celle-ci est précoce, sa vie active, d'assez courte durée, se déroule avant que l'ombre ne soit trop forte (Anemone nemo osa, Ranunculus auricomus, etc.) ; d'autres (Pulmonaria angustifolia, Mercurialis perennis, Convallaria maialis) restent plus longtemps vertes. La couverture de Mousses est toujours bien fournie, les plus fréquentes sont : Polytrichum formosum, Hypnum purum, H. cupressiforme, Dicranum scoparium, Leucobryum glaucum, Boetramia pomiformis, etc. Leur densité est parfois telle que toute végétation herbacée est absente.

Lorsque c'est le Chêne qui domine, l'ombre est moins forte et les végétaux ligneux formant le sous-bois deviennent nombreux (Cornus, Rhamnus, Craioegus, Lonicera).

4. — Les psammophiles

Tandis que dans les deux associations précédentes c'était la nature chimique du sol qui agissait surtout, dans celle-ci, c'est sa structure physique qui paraît avoir le rôle prépondérant.

Les espèces psammophiles se rencontrent dans tous les champs sablonneux déterminés par les sables de Beauchamp, de Fontainebleau, le limon des plateaux et les alluvions anciennes.

Une forte insolation est nécessaire ; ainsi aucune des espèces que nous allons citer ne se rencontre dans les parties boisées des sables de Fontainebleau : elles végètent seulement dans les friches arides, ce sont avant tout des xérophiles.

Voici les principales espèces de ces friches sablonneuses (1) :

Teesdalia nudicaulis Cerastium pumilum Helianthemum guttatum Ornithopus perpusillus Trifolium striatum Sedum reflexum Scleranthus perennis Jasione montana

Plantago Coronopus Aira caryophyllacea Cynodon Dactylon Digitaria filiformis

(1) Dans toutes les listes de cette association, les espèces sont rangées dans l'ordre floristique.


480

REVUE GENERALE DE BOTANIQUE

Dans les moissons qui s'étendent sur le sable, l'on rencontre de nombreuses espèces (Tabl. VI).

Tableau VI. — Moissons sablonneuses

Ranunculus arvensis Chrysanthemum segetum

Papaver Argemone Gnaphalium gallicum

» hispidum » minimum

Draba verna Chondrilla juncea

Sisymbrium Thalianum Lycopsis arvensis

» Sophia Myosotis intermedia

Spergula arvensis » stricta

Holosteum umbellatum Veronica triphyllos Silene conica » praecox

Erodium cicutarium Antirrhinum Orontium

Oxalis stricta Linaria Elatine

Trifolium arvense Stachys arvensis

Herniaria hirsuta Muscari racemosum Scleranthus annuus Mibora verna Hypochoeris glabra

Lorsque le sol est moins aride, sur le plateau meulier par exemple (limon des plateaux), toutes ces espèces xérophiles deviennent rares et l'on trouve : Ranunculus Philonotis, Sagina apelala, Moenchia erecta, Hypericum humifusum, Gnaphalium uliginosum, Myosotis versicolor, Veronica serpyllifolia. On peut observer, en particulier près du hameau de l'Hautie, tous les termes de passage entre ce faciès et celui de la bruyère à Calluna.

Sur les sables alluviaux (alluvions anciennes), la plupart de ces espèces ne se rencontrent plus : elles sont remplacées par des plantes très différentes qui nous amènent directement aux rudérales (Amarantus, Chenopodium, Setaria, Digitaria, etc.). Comme espèces spéciales, citons : Sinapis Cheiranthus, Diplotaxis muralis, Dianthus prolifer, Portulaca oleracea, Corrigiola littoralis, Oplismenus Crus-Galli. Mentionnons encore des espèces introduites comme Berteroa incana, Erigeron canadensis et des espèces banales telles que Capsella Bursa-Pastoris, Stellaria media, Lamium amplexicaule etc., qui se font remarquer par leur abondance. La pauvreté spécifique de cette végétation s'explique par la culture maraîchè.e intensive qui prédomine dans toute cette plaine alluviale : rares sont les endroits où les conditions naturelles ont subsisté.

Si nous écartons ce dernier faciès où les conditions normales sont


GÉOGRAPHIE BOTANIQUE DE L'HAUTIE 481

troublées, nous pouvons constater que dans tous les autres, la végétation est annuelle et vernale. Comme le fait remarquer C. Raunkiaer (1), les psammophiles des moissons sont des plantes pour qui la saison à éviter est l'été, dont la sécheresse se fait d'autant plus sentir dans les sols sablonneux; elles sont probablement originaires de contrées à été plus sec et plus chaud que le nôtre : toutes sont en effet représentées en Orient (2).

5. — Les rudérales

Ce sont des plantes essentiellement nomades ; les terres fraîchement remuées, les décombres, les rues de villages, les vergers et les vignes, les voies ferrées, etc., sont leurs stations favorites.

Dans le paragraphe précédent, le faciès des alluvions anciennes nous montrait un terme de passage très net aux rudérales, nous y rencontrions, outre les espèces spéciales déjà citées, des espèces qui végètent aussi dans les vignes et les vergers : Solanum nigrum, Amarantus viridis, A. Blitum, Urtica urens, Setaria viridis, S. verticillata, Digitaria sanguinalis, etc.... Cette énumération pourrait se prolonger longuement s'il fallait citer des espèces plus banales encore, telles que : Calendula arvensis, Euphorbia Peplus, Mercurialis annua, etc. Leur abondance mérite seule d'attirer l'attention ; nous y reviendrons du reste dans le chapitre II.

Comme rudérales proprement dites, citons :

Senebiera Coronopus Atriplex patula

Lepidium graminifolium Chenopodium olidum

— ruderale — rubrum

D'autres enfin, moins nettement rudérales, mais ne s'écartant guère des lieux habités, Chelidonium majus, Fumaria capreolata, Diplotaxis viminalis, Sisymbrium Irio, Malva rotundifolia, Senecio viscosus, Anthriscus vulgaris, Rumex pulcher et d'autres très banales (Lamium album, Urtica dioica, etc..) rentrent dans cette catégorie; l'on pourrait y classer aussi les espèces des haies (voir p. 16).

(1) C. Raunkiaer. Bull. Ac. Royale de Danemark, Copenhague, 1905.

(2) Il en est de même pour certaines espèces des moissons calcaires arides.

Rev. gén. de Botanique. — XXV. 31.


482 REVUE GÉNÉRALE DE BOTANIQUE

En somme, la répartition des rudérales est plus ou moins directement en rapport avec l'activité humaine.

Maintenant que voici terminée notre étude phytogéographique statique, il est nécessaire, semble-t-il, d'en synthétiser les résultats ; le tableau ci-contre remplit ce but en donnant une idée d'ensemble relative aux caractères généraux des associations. Au point de vue floristique, l'on peut aussi esquisser quelques conclusions générales.

Les familles les mieux représentées sont les Papavéracées, les Oxalidées, les Linées, les Hypericinées, les Ombellifères, les Composées, les Gentianées, les Euphorbiacées. Certains genres présentent toutes ou presque toutes leurs espèces parisiennes : Papaver (4), Linum (3), Lepidium (5), Hypericum (7), Ulex (2), Genista (4), Gnaphalium (7), Cenlaurea (6), Cirsium (7), Sonchus (4), Ophrys (3), etc.

Les affinités vont surtout à la flore de l'ouest ; il suffît de jeter un coup d'oeil sur les tableaux précédents ou sur la liste des espèces rares pour le bien voir. Signalons sur le versant sud la présence d'un certain nombre d'espèces à affinités méridionales, telles que : Fumaria capreolata, Lepidium Draba, Salvia verbenacea.

Sur le versant nord, les bois de Boisemont avec leurs quelques Hêtres accompagnés de leurs plantes satellites, nous offrent une colonie septentrionale remarquable (Asperula odorata, Primula elalior, Paris quadrifolia, etc.). Ces espèces, ainsi que certaines autres, sont abondantes dans les régions montagneuses ; toutefois l'on ne saurait voir, dans leur localisation sur le plateau ou sur ses bords, une conséquence de l'altitude. Certaines espèces des côteaux calcaires que l'on considère quelquefois comme plantes d'altitude (Teucrium Botrys, T. Chamaedrys Vincetoxicum officinale, etc). descendent jusqu'au fond des vallées lorsqu'elles y trouvent des conditions édaphiques convenables.

Quant aux affinités avec les régions contiguës, elles vont surtout à la région mantaise ; toutefois, la vallée de l'Aubette forme une limite que certaines espèces ne franchissent pas; c'est ainsi que les plateaux d'Hardricourt et de Tessancourt ont des espèces que nous n'avons pas rencontrées dans notre territoire (Nigella aruensis, Lathyrus hirsutus, Phelipoea coerulea, Nepela Calaria, etc.).

La Seine constitue aussi, dans une certaine mesure, une limite floristique pour certaines espèces du Sud-Ouest.


GÉOGRAPHIE BOTANIQUE DE L'HAUTIE 483

Au nord, le raccordement se fait d'une façon insensible avec la flore de Vigny.

De toutes les associations, celle des calcifuges a l'individualité la mieux marquée; la ceinture de coteaux calcaires et arides qui entoure les bois siliceux explique facilement ce caractère. Au contraire, celle des hygrophiles pures se rencontre avec des caractères floristiques à peu près semblables dans toute la région.


Tableau résumant les caractères généraux des Associations

TYPE BIOLOGIQUE FACTEUR PRÉPON- DURÉE ÉPOQUE

RÉPARTITION

PREDOMINANT DERANT DE LA VEGETATION DE FLORAISON

Bords des cours

I d'eau Hygrophile. Humidité. Vivace. Juillet-Octobre.

II Coteaux calcaires. Calcicole. calcaire Surtout annuelle. Mai-Septembre.

Mars-Mai.

III Bois siliceux. Calcifuge. Id. Vivace. Juillet-Septembre

Champs sablon- Structure physique

neux Psammophile. du sol Annuelle. Mars-Juin.

Décombres vignes, Presque toute l'anV

l'anV vignes, Rudéral. Annuelle. née.

etc. Août-Octobre.


CHAPITRE II DYNAMIQUE

1. — Propagation. — Dissémination

Dans les eaux courantes, la propagation des espèces se fait très facilement et la végétation est par suite assez uniforme tout le long des rives; lorsque les eaux sont hautes, les espèces normalement en dehors du milieu aquatique bénéficient des mêmes conditions. Brassica nigra peut être pris comme exemple typique : ses graines tombent sur le sol vers la fin de l'automne, et, entraînées par les eaux de crue, elles vont germer souvent assez loin de la plante mère. C'est ainsi qu'après la grande crue de 1910, des colonies nombreuses se sont établies çà et là sur les rives de la Seine en des endroits où cette Crucifère était jusqu'alors absente. Des faits analogues ont dû se produire pour d'autres espèces.

Sur les coteaux du versant sud, les Composées à aigrette sont particulièrement nombreuses : peut-être faut-il voir là une conséquence du vent du sud-ouest qui souffle très fréquemment. Cette hypothèse rencontre un appui dans ce fait que la propagation de quelques-unes d'entre elles se fait justement dans le sens du vent : c'est ce que j'ai pu observer en particulier pour Crepis pulchra, Lactuca saligna, espèces qui s'étendent de plus en plus vers l'est. Toutefois il faudrait, pour pouvoir généraliser ces observations, les étendre à un grand nombre d'espèces : ce n'est donc qu'une simple indication.

Dans les bois, la plupart des espèces sont vivaces. Elles se propagent surtout au moyen de bourgeons souterrains (espèces diagéiques : Anemone, Adoxa, Paris, Convallaria, Polygonatum, etc.) ; comme nous l'avons déjà indique (voir p. 24), leur vie active est courte et précoce et elles passent l'été à l'état de vie ralentie; d'autres ont une souche aérienne (espèces épigéiques : Glechoma, Lamium Galeobdolon, Lysimachia, etc.). Pour certaines, la présence de


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mycorhizes est une condition indispensable : Pyrola rotundifolia, Epipactis latifolia (et les Orchidées en général) sont dans ce cas.

Dans les terres cultivées et le voisinage des habitations, la propagation se fait souvent d'une manière fortuite ; l'apparition d'espèces nouvelles est fréquente dans ces stations. Les quais, les gares, les voies ferrées voient de même apparaître brusquement des plantes amenées parfois d'assez loin : elles ne subsistent guère longtemps, en général, ayant à lutter contre des espèces autochtones mieux adaptées.

2. — Concurrence vitale

Elle s'exerce, soit entre plantes d'une même association, soit à la limite de deux associations entre plantes adaptées plus ou moins étroitement à des conditions différentes.

Dans le milieu aquatique, la lutte est plus ou moins vive suivant qu'il s'agit d'eaux courantes ou d'eaux peu rapides ou stagnantes. Dans le premier cas, le renouvellement de l'eau étant continu, la nutrition est assurée et les espèces peuvent se juxtaposer assez étroitement sans se nuire beaucoup. Il n'en est pas de même dans les eaux stagnantes ; les espèces à feuilles flottantes s'étalent largement et empêchent toute végétation submergée. La lutte circonscrite entre ces espèces est toujours à l'avantage de celles dont la propagation est la plus rapide : les Lemna sont particulièrement bien adaptées dans ce sens, aussi ne tardent-elles pas à supplanter les autres. Lorsque la profondeur des eaux est très faible, certaines espèces dont la tige feuillée est aérienne peuvent végéter : on les voit alors percer le tapis de Lemna et dresser au-dessus leur tige aérienne (Ranunculus sceleralus, Veronica Beccabunga, par ex.).

Dans les mares hivernales du plateau meulier, certaines espèces comme Ranunculus aqualilis, R. Flammula, Helosciadium inundatum peuvent subir, sans dommage, un assèchement estival ; d'autres sont plus atteintes : Veronica scutellata ne fleurit pas durant les années très sèches. Lorsque par suite de défrichement les mares restent à sec plus longtemps, toute la végétation franchement hygrophile fait place à une série d'espèces telles que Potentilla Tormentilla, Calluna vulgaris, Molinia caerulea, Pleris aquilina, les


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trois dernières surtout, très tenaces et très envahissantes, étouffent bientôt toute autre végétation.

Dans les clairières dues à des coupes récentes, l'on peut observer des faits analogues ; la végétation autochtone est bientôt détruite. La première phase se traduit par l'étiolement, puis la disparition de certaines espèces à qui l'insolation désormais trop forte ne convient pas (sylvicoles obligatoires telles que : Anemone nemorosa, Tamus communis, Paris quadrifolia, etc.) ; d'autres persistent mais ne fleurissent plus. Les espèces envahissantes lorsqu'elles se montrent alors n'ayant à lutter que contre des plantes déjà affaiblies ne tardent pas à prédominer. Dans les clairières moins humides, c'est Aira flexuosa qui joue le rôle d'espèce de remplacement.

A la lisière des bois, le voisinage des lieux habités détermine une zone de végétation offrant un mélange très curieux de sylvicoles et de rudérales (1) ; parmi celles-ci citons : Geranium Robertianum, Tanacetum vulgare, Lappa communis, Carduus crispus, Lampsana communis, Urtica dioica, Chenopodium polyspermum, C. album. Cette irradiation des rudérales ne dépasse pas certaines limites au delà desquelles les sylvicoles sont seules représentées. Elle se fait graduellement et se trouve souvent favorisée par le défrichement. Certaines espèces que nous avons citées au faciès des haies (page 6) sont aussi très envahissantes : Galium Aparine en est un exemple typique. Dans maint petit bois calcaire, il constitue presque à lui seul toute la végétation herbacée : les espèces primitives ayant disparu étouffées par lui. Il serait facile de citer beaucoup de faits semblables montrant dans une association ou dans un faciès la disparition des espèces autochtones.

Dans les cultures des côteaux calcaires, la succession des espèces est souvent liée à la succession des cultures : un même champ cultivé tantôt en prairie artificielle, tantôt en céréales, présente une végétation différente dans les deux cas ; c'est là, du reste, un fait déjà bien connu (2).

Dans la plaine alluviale, la végétation spontanée actuelle est, comme nous l'avons déjà vu, très pauvre en espèces ; la végétation

(1) Ce terme est pris ici dans son sens le plus large.

(2) On l'explique par un empoisonnement du sol dû aux sécrétions radiculaires (Whitney, Soil Fertility, U. S. Départ, of Agriculture, Farmer's Bulletin, 1906).


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primitive ne persiste plu qu'à l'état de lambeaux. De petits îlots de Sarothamnus scoparius, quelques maigres bouquets de chênes en sont les derniers vestiges : ils attestent l'existence jadis d'une association que l'on trouve encore bien représentée aux environs des Mureaux, sur la rive gauche de la Seine, et composée d'espèces psammophiles très variées.

Les espèces actuelles ne sont donc pas autochtones. Les plus abondantes dans les cultures maraîchères sont Sinapis arvensis, Capsella Bursa Pastoris, Stellaria media, Calendula arvensis, Mercurialis annua ; toutes ces espèces vivent en colonies très denses et souvent très homogènes. A la limite de colonies différentes, la concurrence vitale est très âpre. Ces plantes se rencontrent toute l'année; leur croissance rapide, leur propagation facile, leur grande plasticité vis-à-vis du milieu explique leur extrême abondance. Cette plasticité, en particulier, leur permet d'aller concurrencer d'autres espèces, dans d'autres faciès.

Ces quelques faits vont nous permettre de distinguer au point de vue dynamique deux catégories bien nettes de plantes : les sédentaires et les nomades. Les premières, en général, étroitement adaptées au milieu, prédominent tant que les conditions biologiques restent les mêmes, mais si celles-ci viennent à changer, elles ne tardent pas à disparaître pour la plupart; la grande majorité est vivace. Les nomades, au contraire, très plastiques, s'accommodent plus facilement des variations ambiantes et leur propagation rapide les met à même de se répandre un peu partout; toutes sont annuelles. Tandis que les sédentaires dominent dans les parties de notre territoire où l'action de l'homme n'a rien changé aux conditions biologiques naturelles, celles-ci, au contraire, caractérisent surtout les aires cultivées; beaucoup enfin sont ubiquistes.

Pour conclure, c'est la lutte entre ces deux grands groupes de plantes qui fait varier continuellement l'aspect de la végétation ; la tendance générale se traduit par une diminution graduelle des sédentaires qui représentent en somme la végétation primitive.


TROISIÈME PARTIE

LISTE DES ESPÈCES PEU RÉPANDUES DANS LA RÉGION PARISIENNE ET OBSERVÉES DANS NOTRE TERRITOIRE

Cette liste, qui ne présente en somme qu'un intérêt secondaire, a été réduite aux espèces qui dans les flores classiques sont indiquées comme AR., R., TR. Elle pourra servir surtout aux collectionneurs de plantes herborisant dans la région.

Fumaria capreolata L. : haies, ruelles à Thun, Andrésy.

F. densi flora DC. : champ sablonneux, à Carrières-sous-Poissy.

Lepidium Draba L. : çà et là sur les coteaux du versant sud.

L. ruderale L. : gare d'Andrésy (introduit).

L. latifolium L. : berges de la Seine à Andrésy, Triel.

Polygala calcarea Schultz : pelouses calcaires à Condécourt.

Spergula peniandra L. : friches sablonneuses ça et là.

Linum alpinum Jacq. : pelouse calcaire à Condécourt. TR.

Helodes palustris Spach : abondant à la mare de l'Hautie.

Genista pilosa L. : bruyères au-dessus de Triel.

Medicago apiculata Willd., var. denticulata : friche calcaire à Vaux.

Melilotus alba Lam. : talus pierreux (Andrésy).

Vicia purpurascens DC. : moisson calcaire à Villette (spontanée?).

Lathyrus tuberosus L. : friches calcaires entre Vaux et Meulan.

Trigonella monspeliaca L. : friche pierreuse dans la plaine alluviale. TR.

Prunus fruticans Weihe : coteaux à Tessancourt.

Fragaria elatior Ehrh. : bois de Vaux, bois Royer. R.

Rosa pubescens Huds. : coteaux calcaires à Andrésy. TR.

Mespilus germanica L. : çà et là dans les bois.


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Sorbus torminalis Crantz. : çà et là dans les bois.

Epilobium spicatum Lam. : carrière de meulière à Triel, quelques pieds seulement (spontané ?).

E. montanum L.. var. collinum : avec le type en lisière du bois de Vaux.

Sedum dasyphyllum L. : vieux murs à Evecquemont (m'a été indiqué par M. H. Humbert).

Helosciadium inundatum Koch. : mares siliceuses.

Falcaria Rivini Host. : talus calcaire aride entre Vaux et Triel.

Carum Bulbocastanum Koch. : champs calcaires surtout sur les versants de l'Oise et de l'Aubette.

Tordylium maximum L. : abondant dans les friches calcaires entre Triel et Chanteloup.

Palimbia Chabraei DC. : prés au bord de l'Aubette, à Villette. Cornus mas L. : bois de Vaux-Gaillard.

Asperula odorala L. : abondante dans le bois des marais de Boisemont.

Galium palustre L. var. debile Desv. : mares siliceuses, R.

Valerianella coronata DC. : observée en 1910 dans une friche sablonneuse près de Carrières-sous-Poissy. T.R.

Kentrophullum lanalum DC: talus calcaires arides à Sagy, Saillancourt, Tessancourt.

Cirsium eriophorum Scop. : coteaux calcaires à Tessancourt.

C. bulbosum DC. : prés humides au bord de l'Aubette.

Centaurea solslitialis L. : prairies artificielles, çà et là.

Senecio spathuloefolius L. : clairière humide à l'Hautie.

Antennaria dioica Gaertn. : bruyères sablonneuses. R.

Podospermum laciniatum DC, var. subulalum : talus pierreux à Andrésy.

Helminthia echioides Gaertn : abondant surtout dans les prairies artificielles.

Tragopogon major Jacq. : champs calc., çà et là.

Chondrilla juncea L. : commune dans les friches et les moissons sablonneuses.

Sonchus palustris L. : bords de l'Oise, près Vincourt.

Crepis pulchra L. : abondante sur les coteaux calc. entre Meulan et Triel.

Arnoseris minima Koch : moissons sablonneuses R.


GÉOGRAPHIE BOTANIQUE DE L'HAUTIE 491

Xanthium spinosum L. : quelques pieds introduits à Maurecourt.

Vaccinium Myrtillus L. : abondant dans les bois à Ecancourt.

Erica Tetralix L. : commune sur le plateau meulier.

Pyrola rotundifolia L. : bois humides à Menucourt.

P. minor L. : bois montueux entre Vaux et Triel (1910).

Cicendia filiformis Delarb. : bruyères humides.

Gentiana germanica L. : coteaux calcaires à Saillahcourt. R.

Cuscula major C. Bauh. : berges de la Seine ; sur Urtica dioica et Humulus Lupulus.

C. suaveolens Seringe : observée en 1909 à Hardricourt dans des luzernières ; non retrouvée depuis.

Anchusa italica L. : talus calcaires à Thun et à Vaux.

Verbascum nigrum L. : coteaux calcaires entre Meulan et Triel.

Veronica proecox All. : champs sablonneux à Condécourt et à Vaux.

V. prostrata L. : talus herbeux calc. à Menucourt.

V. verna L. : champs sablonneux ça et là.

Orobanche amelhystea Thuill. : çà et là ; sur Eryngium campestre.

O. cruenta Bert. : coteaux calcaires à Chanteloup ; sur Lotus corniculatus, Hippocrepis comosa.

Salvia verbenacea L. : talus arides entre Thun et Triel.

Calamintha Nepeta Clairville : talus pierreux à Andrésy. R.

Scutellaria minor L. : mares et lieux frais des bois siliceux.

Stachys germanica L. : coteaux pierreux à Tessancourt.

Daphne Laureola L.: abondant dans les bois de Thun.

Thesium humifusum L. : talus herbeux, pelouses calcaires, çà et là.

Euphorbia verrucosa L. : fossé humide à Vaux-Gaillard. R.

E. falcata L. : friche calcaire à Andrésy.

Polycnemum majus A. B. : plaine alluviale, R.

Myrica Gale L. : indiquée par Mandon dans la vallée de Vaux, près Triel. Non retrouvée.

Alisma ranunculoides L. : mare de l'Hautie.

Paris quadrifolia L. : bois humides ; çà et là.

Orchis militaris L. : bois calcaire à Villette et Tessancourt.

O. mascula L. : Bois Royer près Triel.

Ophrys arachnites Hoffm. : pelouses calcaires çà et là.

O. apifera Huds. Id.


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Cephalanthera grandiflora Babingt. : bois calcaires humides.

Spiranthes autumnalis Rich. : indiquée par Mandon, à Triel. Non retrouvée.

Vallisneria spiralis L. : dans la Seine, à Meulan, individus 9 seulement.

Melica ciliata L. : coteaux calcaires à Thun.

Bromus giganteus L. : marais de Condécourt.

Scolopendrium officinale Sm. : vieux puits en lisière des bois, à Villette.

Blechnum Spicani Roth : bruyères humides.

Aspidium aculeatum Sw. : bois à Evecquemont.

Lycopodium clavatum L. : bruyères près d'Ecancourt.

Pilularia globulifera L. : mare de l'Hautie (1909).


EXPLICATION DES PLANCHES

PL. 4. — 1) Marais tourbeux au bord de l'Aubette à Condécourt ; au premier plan Phragmiles commuais jeune et Lychnis Flos-Cuculi, au fond Populus Tremula et Alnus glutinosa. 2) Pelouse calcaire avec Juniperus communis; faciès à Ophrys (près Villette).

PL. S. — 1) Poche d'effondrement dans la zone des sables de Fontainebleau : ils forment les flancs abrupts surmontés d'une végétation forestière (Castanea vulgaris). Au fond, végétation hygrophile (Salix capreea, Juncus glomeratus, Lemna minor). 2) Paysage du plateau meulier : bois et bruyère à Calluna.

PL. 6. — Carte phytogéographique des hauteurs de l'Hautie et de leurs dépendances. Etant donnée l'échelle de cette carte, il a été nécessaire de schématiser ; pour cette raison, les îlots de végétation peu étendus n'ont pas été indiqués. Les hygrophiles pures localisées sur les rives des cours d'eau et les rudérales au voisinage des lieux habités n'ont pas été représentées : leur répartition très simple justifie cette simplification.


NOTES BIBLIOGRAPHIQUES

EVA MAMELI. — SuIIa presenza dei cordoni endocellulari nelle

viti sane e in quelle affete da « roncet ». (Rendiconti della r. accademia

accademia Lincei. Classe di scienze fisiche, matematiche e naturalî,

Vol. XII, série 5e, 1913).

Rapportant, en 1911-1912, le résultat de ses études sur la maladie de la Vigne connue sous les noms de roncet, court-noué, nanisme, etc., M. le Dr L. PETRI donne, comme étant un caractère étroitement lié à la cause même de cette maladie, la présence de cordons endocellulaires dans l'épiderme des bourgeons, des feuilles et des pédoncules floraux, dans le cambium, l'écorce, le bois et la moelle de la tige et de la racine. Pour M. PÉTRI, ces cordons permettent de diagnostiquer avec certitude le roncel. Ces anomalies cytologiques, précédant la déformation des organes, constituent, d'après lui, un précieux caractère dans les cas où ces déformations sont peu visibles ou même ne se sont pas encore manifestées. Il est bon de dire que des cordons semblables ont déjà été signalés dans les Conifères par Sanio et dans d'autres plantes ligneuses par KNY, MULLER, PENZIG, etc.

Mlle Eva MAMELI, ayant repris les recherches de M. PÉTRI, a trouvé ces cordons endocellulaires non seulement dans les pieds de Vigne atteints du roncel, mais encore dans des Vignes absolument saines, tant indigènes qu'américaines (franches ou greffées).

Ces cordons peuvent se rencontrer, suivant Mlle MAMELI, aussi bien dans les parties hautes que dans les parties basses de la plante saine, aussi bien dans les entre-noeuds supérieurs des rameaux que dans les inférieurs, faits qui, d'après M. PÉTRI, indiqueraient un état avancé de la maladie.

La présence de ces cordons endocellulaires provoquerait peut-être une petite diminution dans la longueur des entre-noeuds inférieurs.

Dans la Vigne, les cordons endocellulaires ne caractérisent par le roncet, telle est la conclusion qui se dégage de la lecture du travail de Mlle MAMELI. Maurice THOUVENIN.

ROSÉ, Edmond. — Energie assimilatriee chez les plantes cultivées sous différents éclairements. (Thèse faculté de Paris, 9 avril 1913, a paru dans les Annales Sc. nat. Bot., 9e série, 1913, XVII, 1). L'auteur a employé les tentes-abris de Raoul COMBES. Ces tentes

sont formées de tissus à mailles plus ou moins serrées et à fils plus


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ou moins gros qui arrêtent de la lumière solaire en quantité proportionnelle à la petitesse des mailles et à la grosseur des fils. Une disposition ingénieuse permet l'aération tout en évitant l'arrivée de la lumière directe. On a réalisé cinq degrés d'éclairement dont l'étude photométrique a été faite rigoureusement. Les éclairements sont les suivants :

I correspond à 1/9 de la lumière solaire ditecte ; II correspond à 1/3 de la lumière solaire directe;

III correspond à 1/2 de la lumière solaire directe;

IV correspond à 3/4 de la lumière solaire directe; V correspond à la lumière solaire directe.

Les expériences ont porté sur deux plantes : le Pisum sativum, type de plante de soleil, et le Teucrium Scorodonia, type de plante d'ombre.

ROSÉ a étudié l'influence de l'éclairement sur la producti