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Titre : Annales de la Société linnéenne du département de Maine-et-Loire
Auteur : Société linnéenne du département de Maine-et-Loire. Auteur du texte
Éditeur : [s.n.] (Angers)
Date d'édition : 1859
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32694042f
Notice du catalogue : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/cb32694042f/date
Type : texte
Type : publication en série imprimée
Langue : français
Format : Nombre total de vues : 4798
Description : 1859
Description : 1859 (A3).
Description : Collection numérique : Fonds régional : Pays de la Loire
Droits : Consultable en ligne
Droits : Public domain
Identifiant : ark:/12148/bpt6k5432854q
Source : Bibliothèque nationale de France, département Sciences et techniques, 8-S-1564
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 17/01/2011
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ANNALES
DE
LA SOCIETE LINNEENNE
du département
DE MAINE ET LOIRE
3e ANNÉE. — 1 858
ANGERS
IMPRIMERIE DE C0SNIER ET LACHESE
CHAUSSÉE SAINT-PIERRE , 13
1859
ANNALES
DE
LA SOCIÉTÉ LINNÉENNE
du département DE MAINE ET LOIRE
ANNALES
DE
LA SOCIÉTÉ LINNÉENNE
du département
DE MAINE ET LOIRE
3e ANNÉE. — 1858
ANGERS
IMPRIMERIE DE COSNIER ET LACHÈSE
CHAUSSÉE SAINT-PIERRE , 13
1859
SOCIETE LINNEENNE
DU
DÉPARTEMENT DE MAINE ET LOIRE.
BUREAU.
MM. SOLAND (Aimé de), président.
JOANNIS (Léon de), vice-président. MABILLE , secrétaire-général. FARGE (Emile), secrétaire. CONTADES (Edmond de), archiviste-trésorier.
COMMISSION D'ADMINISTRATION (1).
MM. LACHESE (Adolphe). MONTREUIL (Jules de).
COMMISSION DE RÉDACTION.
MM. LEMARCHAND.
VINCELOT (l'abbé).
MEMBRES TITULAIRES.
MM. ANDIGNÉ (Aimé d'), ancien officier.
ANDIGNÉ (Aimé d'), lieutenant de louveterie. ANDIGNÉ DE MAYNEUF (comte d'), maire du Lion-d'Angers. BARACÉ (Raoul de). BELLEUVRE (Paul). BÉRAUDIÈRE (comte de la).
BLAIN (Frédéric), préparateur du cours d'histoire naturelle à l'école d'enseignement supérieur.
(1) Les membres du bureau font également partie des commissions d'administration et de rédaction.
II
MM. BÉCLARD (Philippe), avocat à la Cour impériale. BLAVIER (Aimé), ingénieur des mines. BOURMONT (Louis, comte de). BRICHET (Paul), avocat. BRISSET, ancien gouverneur de Mayotte. BRUNETIÈRE (Charles). CHENET (l'abbé), chanoine titulaire du chapitre Saint-Maurice
d'Angers. CHENUAU , juge au tribunal civil de première instance d'Angers. COISLIN (Ernest, comte de). CONTADES (Edmond de). COSNIER (Léon), imprimeur-libraire.
CUMONT (Vte Arthur de), rédact. en chef de l'Union de l'Ouest. DEBRAIS (Cyprien), négociant. DELALANDE (Frédéric), avocat. DELHOMEL , avocat. ERAULT, docteur en médecine. FARGE (Emile), docteur en médecine, directeur de l'Ecole
d'enseignement supérieur. GAIGNARD (Charles), maire de Marcé. GIRAUD (Charles), agronome. GUÉRIN-CHOUZÉ (Lucien de). GUÉRIN (Paul), avocat. GUILLORY (aîné), président de la Société industrielle d'Angers,
membre de plusieurs Sociétés savantes. HOUDAN (Eugène d'), membre de plusieurs sociétés savantes. JOANNIS (Léon de), ancien officier de marine. LACHÈSE (Adolphe), docteur en médecine. LACHÈSE (Paul), imprimeur-libraire. LAINE (Eugène), imprimeur-libraire.
LAREVELLIÈRE (Ossian), membre de plusieurs Sociétés savantes. LORIOL DE BARNY, avocat. LANDREAU (baron du).
LAS-CASES (comte de), membre du Corps législatif. LEMARCHAND, conservateur-adjoint de la Bibliothèque de la
ville d'Angers. LEROY (André), horticulteur, président du Comice horticole
de Maine et Loire.
III
MM. MABILLE, docteur en médecine.
MÉTIVIER, procureur-général près la Cour impériale d'Angers. MILLET, ancien président du Comice horticole. MONTREUIL (Jules de), membre de plusieurs sociétés savantes. PAVIE (Victor). PILASTRE (Gustave), avocat. PRÉVOST (Emile), avocat à la Cour impériale. PRÉAULX (marquis de). ROMANS (baron de). SAINT-GENYS (marquis de).
SOLAND (Aimé de), membre de plusieurs Sociétés savantes. SOLAND (Théobald de), substitut du procureur-général. THOUIN (Urbain), maire de la Meignanne. VEZINS (baron de). VILLEBOIS (comte de).
VINCELOT (l'abbé), chanoine honoraire, directeur de la pension Saint-Julien.
MEMBRES TITULAIRES NON RÉSIDANTS.
MM. ACHARD, docteur en médecine', à Thouarcé. ACKERMANN, négociant, à Saumur. BAUDOUIN (l'abbé), aumônier des Incurables de Baugé. BERGER (Eugène), sous-chef du personnel au ministère de
l'intérieur. BERNARD DU PORT, agronome, à Miré. BODARD (de), agronome à Saint-Clément, près Craon. BRIAU, notaire, à Bécon. BRIAU, docteur en médecine, bibliothécaire de l' Académie de
médecine. CESBRON-LAVEAU, agronome, à Cholet. COURTILLER (jeune), directeur du cabinet d'histoire naturelle
de Saumur. CROCHARD (de), à Milon.
DEBRAIS (Auguste), docteur en médecine, à Morannes. DELAGENEVRAYE, chimiste.
DELOCHE, conservateur du cabinet d'histoire naturelle. DROUET, maire de Morannes. DUMAS (Jules), pharmacien, à Limoges.
IV
MM. DUSEIGNEUR, de Brest, membre de plusieurs sociétés savantes.
FOUQUET, docteur en médecine, membre de plusieurs sociétés savantes, à Vannes.
GUILLET (l'abbé), professeur d'histoire naturelle à l'institution de Combrée.
GUILLOU, administrateur de la caisse d'épargne de Cholet.
HARANG, ancien professeur de réthorique à Saint-Clément, près Craon.
HAMILLE (Victor), chef de division au ministère des cultes.
LAMBERT (Paul), docteur en médecine.
LACROIX (de), desservant de Saint-Romain-sur-Vienne.
LE GRIS (Ludovic), membre du conseil d'arrondissement.
MENIÈRE (Prosper), médecin en chef de l'institution des SourdsMuets, à Paris.
MESLIER, docteur en médecine, à Saint-Georges-sur-Loire.
RABOUIN, docteur en médecine, à Saint-Florent-le-Vieil. ROCHARD (l'abbé), aumônier du collége de Saumur.
ROLAND, ingénieur civil, à la Ferté-sous- Jouarre.
SOUBEIRAN (Léon), licencié ès sciences naturelles.
TOUPIOLLE (Gustave), lépidoptériste.
TROUILLARD (Charles), banquier, à Saumur.
VIGER, agronome.
MEMBRES CORRESPONDANTS
ADMIS DEPUIS LA PUBLICATION DU DEUXIÈME VOLUME.
MM. BOBIERRE, professeur de chimie à l'Ecole d'enseignement
supérieur de Nantes. BODIN, directeur de l'Ecole d'agriculture de Rennes. DUROCHER , professeur de minéralogie et de géologie à l'Ecole
d'enseignement supérieur de Rennes. FLOURENS, membre de l'Institut. HALÉVY, membre de l'Institut.
LATERRADE, directeur de la Société Linnéenne de Bordeaux. MALAGUTTI, doyen de la Faculté des sciences de Rennes. PAYER, membre de l'Institut. ROUSSEAU , contrôleur, au Mans
L'OISEAU
PAR M. MICHELET.
Parmi les auditeurs qui, dans nos dernières années de lutte , se pressaient aux cours du Collége de France, aucun sans doute n'a oublié M. Michelet, Il nous semble, quant à nous, voir encore cette figure mélancolique et subtile, ce regard pénétrant, cette bouche fine, ce front pensif, tout cet extérieur empreint d'un caractère de rêverie ardente et de méditation passionnée. — La parole de l'éminent historien répondait à sa physionomie. Il s'exprimait lentement, par phrases brèves et saccadées. Chacun de ses aperçus prenait la forme impérieuse d'un axiome, le ton solennel d'une révélation. Tantôt il appuyait sur certains mots avec une insistance singulière, comme s'il eût entendu leur communiquer un sens plus large et plus profond que leur acception usuelle; tantôt il baissait la voix, comme le prophète d'une religion nouvelle qui veut se livrer aux seuls élus.— Mêmes étrangetés, même mystère dans la méthode. — M. Michelet ne professait pas l'histoire; il prédisait, songeait, s'inspirait à propos de l'histoire. Aucun ordre apparent ne reliait les diverses parties de son discours. Il sortait du sujet par tous les côtés, passait sans transition d'une idée à une autre, et revenait brusquement au point de départ, après avoir obéi, chemin faisant, aux fantaisies les plus imprévues de son esprit. Les événements, les traits de moeurs, les grands noms d'hommes et de peuples étaient pour lui des prétextes, ou, comme il disait, des symboles, dont il s'emparait pour ouvrir sur le présent et sur le passé des perspectives soudaines, souvent neuves, souvent lumineuses, mais plus souvent encore obscurcies par un mysticisme singulier. — Parfois même celte tendance mystique devenait si dominante, le ton du professeur s'éloignait à
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un tel point du ton ordinaire de l'enseignement, qu'on était tenté d'oublier et le lieu, et l'époque, et le programme du cours, et tout cet auditoire si enflammé des passions contemporaines. On se serait cru volontiers devant quelque illuminé du dernier siècle, Jacob Boehm ou Saint-Martin exposant ses visions intérieures dans un cercle d'initiés, ou mieux, devant quelque philosophe Alexandrin, Porphyre ou Jamblique, dévoilant à ses disciples attentifs les arcanes de la théurgie.
Selon nous, M. Michelet orateur expliquait M. Michelet écrivain. L'improvisation permettait d'étudier sur le vif les allures et les procédés de sa pensée ; elle donnait la clef de cet esprit ingénieux, trouveur, enthousiaste, extatique, hardi jusqu'à la témérité, impressionnable jusqu'à l'éblouissement et au vertige. — Qu'on ouvre un des livres auxquels l'auteur Du peuple doit sa renommée, livre d'histoire, de polémique ou de physiologie sociale , on restera frappé du rare et merveilleux instinct que révéleront certaines pages. — Il y a par moments une vraie puissance d'intuition dans la manière dont M. Michelet saisit les figures , dont il recompose les époques, dont il éclaire et pénètre les replis intimes du coeur humain ; mais à côté, au milieu même de ces lueurs brillantes de talent, combien on signalerait d'illusions et de mirages ! — Que d'étranges rapprochements, que d'interprétations hasardées, que d'aperçus où le rêve se substitue ouvertement à la réalité des faits ! — Pour tout dire, M. Michelet est un voyant, un homme armé de la précieuse et dangereuse faculté de plonger au fond des choses d'un seul coup d'oeil, par une sorte d'inspiration divinatoire et soudaine. Malgré sa science de Bénédictin, il n'arrive pas, comme d'autres, à conclure d'après des discussions et des preuves ; il n'argumente pas, il ne raisonne pas, il voit. — Si sa vue reste lucide, si rien ne vient troubler le sens délicat et subtil dont il est doué, il découvre plus promptement et plus profondément que personne. — Mais si, par rnalheur, une passion quelconque, politique ou religieuse, s'interpose devant ses yeux, alors son regard dévie, son jugement s'égare, et une fois dans le faux, il ne parvient pas à s'arrêter. Trop ardent pour rectifier jamais sa première impression, il adopte une donnée imaginaire comme une vérité absolue. — Bien plus, il la développe, il la poétise, il la dramatise, il en lire inductions sur inductions, conjectures sur conjectures, et l'erreur s'augmente ainsi de toute la fécondité de son cerveau. — Disposition funeste, qui est demeurée longtemps chez M. Michelet à l'état de simple tendance, comme le défaut corrélatif du genre spécial de son talent, mais que, dans les dernières années, les luttes, les attaques, l'esprit de parti, les
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excitations du dehors ont déplorablement accrue. — Il suffit de parcourir les récents volumes sur la Ligue et sur Henri IV pour apprendre à quels écarts de pensée peut aboutir une puissante intelligence , quand en elle la réflexion ne contrôle plus l'instinct, et quand elle s'abandonne sans réserve à l'ivresse de ses rêveries.
Hâtons-nous de le dire, le livre de l'Oiseau ne mérite pas dans toute leur rigueur, cette appréciation et ces critiques. S'il porte l'empreinte commune aux différents ouvrages de M. Michelet s'il accuse bien nettement l'esprit aventureux que nous avons essayé de définir, du moins le montre-t-il sans fièvre, plus calme et presque apaisé. Evidemment le nouveau sujet adopté par l'illustre écrivain , sujet si étranger aux travaux et aux préoccupations de sa vie, a exercé sur lui une influence bienfaisante. Fatigué de l'humanité qu'il a fouillée dans tous les sens, dans le passé, comme dans l'avenir , il s'est tourné vers la nature, et la nature, cette bonne et féconde mère, a souri à ses premiers efforts. Elle n'a pas seulement retrempé son style et rajeuni sa plume , elle a fait mieux; elle a rafraîchi son âme, elle lui a permis d'oublier, un instant, ses combats, ses regrets, ses déceptions, ses rancunes dans la contemplation des oeuvres de Dieu. — M. Michelet raconte lui-même en commençant, avec un charme infini et une émotion louchante, comment il fut conduit à cette étude salutaire. — Homme de recueillement et de cabinet, voué par état et par goût aux.travaux absorbants de l'histoire, il s'était partagé longtemps entre ses méditations et ses livres, sans rien soupçonner, ni regarder au-delà; mais un jour le besoin de repos, la nécessité de rétablir une santé compromise l'attirèrent à la campagne. — Aussitôt ses yeux s'ouvrirent ; ce fut comme si un sens nouveau se réveillait en lui; le penseur hardi, le polémiste à toute outrance eut des joies d'enfant, des satisfactions naïves — un rayon du soleil, une fleur des bois, un cri d'alouette le trouvèrent attendri et charmé. Peu à peu ce charme l'enveloppa comme une douce et forte passion que tout lui rendait plus chère, souffrances physiques, douleur de famille , revers et désillusions de parti. — Enfin une affection consolatrice qu'il nous est permis de deviner sous le voile transparent dont M. Michelet l'a recouverte, vint achever l'initiation. Dès lors l'illustre écrivain aima les animaux comme il aimait naguère ses archives, avec feu, avec constance, avec bonheur, appliquant aux mystères de l'organisme celte même curiosité insatiable qu'il portait, depuis tant d'années, sur les ténèbres du passé. Les oiseaux surtout devinrent l'objet de ses observations favorites. Une sympathie croissante l'attira vers ce monde ailé, image de la liberté souveraine, symbole vivant de l'aspiration
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vers l'inconnu. Il l'aborda non pas en physiologiste, le scalpel et la loupe à la main , mais en poète, en artiste, à la Jean-Jacques, épiant le vol, prêtant l'oreille au chant, et poursuivant son étude chérie partout où le conduisaient ses voyages : ici sur les bords de la Sèvre nantaise, là sur les côtes de la Manche, là sur le versant de l'Apennin. — L'hiver même, revenu à Paris, il suivait de l'oeil les ébats des rouges-gorges dans les allées du Luxembourg. — Insensiblement, il en vint avec les oiseaux à une sorte d'intimité confiante, de familiarité affectueuse. — Comme St François d'Assises, il eût dit volontiers : « Mes petites soeurs les hirondelles. » — Et ainsi est née la meilleure partie de son livre, fruit de ses promenades, de ses recueillements, de ses rêveries, oeuvre spontanée où ses impressions apparaissent dans toute la grâce de leur première fraîcheur.
Cette manière de décrire les oiseaux constitue une entreprise neuve et à peu près sans exemple dans notre pays. — Nous écartons bien vile les traités spéciaux d'ornithologie qui ne sauraient évidemment avoir de parenté avec le livre de M. Michelet, mais en nous attachant aux écrits où entre une part plus où moins large d'imagination et de sentiment, nous n'en voyons aucun dont il procède. — Buffon parle des oiseaux avec la riche et ferme élégance de son talent, mais sans jamais se départir d'une certaine roideur magistrale. — Dans la trame savante de ses périodes, il n'y a pas d'interstice, pas d'échappée par où se fasse jour soit une émotion soit un souvenir. On sent en lui l'orateur et l'historien bien plutôt que l'amant de la nature. D'ailleurs, comme artiste, Buffon a le goût exclusivement aristocratique. — La plume en main, il reste toujours, quoiqu'il fasse, le seigneur un peu féodal de Montbard , le directeur du jardin du Roi. — Une prédilection marquée le porte vers le grandiose, le puissant, le majestueux.—Aussi s'arrêtera-t-il complaisamment devant les dominateurs et les souverains des airs , comme devant les nobles sujets d'amplification et de style, tandis qu'il se montrera froid, presque dédaigneux pour les espèces plus humbles, même quand elles rachètent l'infériorité de la force par la supériorité de l'intelligence et de l'industrie. — Mieux inspiré sur ce sujet, Châteaubriand a glissé dans le Génie du Christianisme, quelques pages touchantes sur l'instinct des petits oiseaux, sur les migrations et la couvée. — Mais ces descriptions viennent chez lui incidemment, à litre d'épisode, pour compléter et pour orner une démonstration philosophique. — Elles sont plus ingénieuses que vraies , plus imaginées que senties; en un mot, elles semblent plutôt empruntées à la tradition et au sentiment littéraires, que puisées à la source vive de l'observation personnelle.
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Un essai curieux a été tenté, dans ces dernières années, par un homme d'invention et d'esprit, grand batteur de bois, chasseur infatigable , naturaliste de première main, mais pour son malheur et le nôtre imbu des théories fouriéristes. — Nous voulons parler de M.Toussenel et de son livre, le Monde des oiseaux. Déjà presqu'oublié aujourd'hui, cet ouvrage n'a guère rencontré qu'un succès d'école. — L'intention visible de l'auteur, ses utopies sociales, ses puérilités humanitaires lui ont aliéné ce public qui fait seul, après tout, les réputations sérieuses, et qu'on appellerait volontiers, en langue du XVIIe siècle, le public des honnêtes gens. — Rebuté par l'attraction passionnelle et la série harmonique, on n'a pas pris garde que sous l'uniforme de phalanstère, se cachait un conteur plein de verve, un humoriste de bon a loi, et mieux encore un savant véritable, possédant son sujet pour l'avoir étudié de ses yeux , à la campagne, sous le taillis ou sur le guéret. — Seulement, M. Toussenel, bien Français par-là, pense toujours aux hommes en parlant des bêtes. Il décrit les oiseaux, comme Granville les a dessinés, en leur prêtant nos costumes, en cherchant dans leurs différentes espèces, des types correspondants à nos variétés sociales.— Ce n'est pas assez pour lui de nous initier à ses découvertes physiologiques ; il voudra en outre nous faire voir dans les moeurs du monde aérien la reproduction et la parodie de la comédie humaine; la parodie, passe encore ! de grands, d'aimables esprits ont cédé à ce caprice. Mais M. Toussenel va plus loin. — Il aborde la politique. — Avec lui, l'ornithologie tourne au pamphlet. Ainsi, il se plaira à nous montrer dans le milan la personnification du noble, dans le hibou l'image du prêtre, dans le vautour le portrait du financier et du bourgeois. — Que sais-je ? — En feuilletant ce livre d'histoire naturelle, on retrouverait toutes les passions de nos dernières crises, tous les antagonismes de notre temps, et jusqu'aux cris haineux de nos guerres civiles.
Si l'on veut une étude des oiseaux vraie, naïve, désintéressée, il faut quitter notre vieille Europe où l'homme a laissé partout l'empreinte de ses dissensions et de ses rancunes, il faut passer l'Atlantique et fuir vers ces déserts du nouveau monde où la nature apparaît encore dans sa robuste virginité. — Grâce aux belles études de M. Philarète Chasles, on connaît aujourd'hui en France l'Américain Audubon, le voyageur, l'érudit, le peintre, le poète qui, pendant trente années, fit son bonheur et sa vie de l'observation du monde aîlé. Il y a quelque chose de simple et de grand dans l'histoire de ce planteur de Pensylvanie poursuivant son oeuvre, sans souci de la renommée, par pur amour de la science, à travers les obstacles et les dangers. Avec le récit de ses courses au fond des savanes, de ses
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navigations sur l'Ohio, de ses haltes chez les Peaux-Rouges, on ferait un roman à la manière de Cooper, roman où respirerait tout l'esprit d'aventure de la race anglo-saxonne, mais dont l'énergie serait tempérée par le reflet d'une âme pleine de sérénité et de douceur. — Audubon a étudié les oiseaux, comme on ne les avait jamais étudiés avant lui, vivant au milieu d'eux, ne les perdant pas de vue, surprenant avec une ardente patience les secrets de leur organisme et de leurs moeurs. Son ouvrage publié en Angleterre, il y a vingt-cinq ans, est à la fois la création d'un écrivain et d'un artiste. — Deux mille figures coloriées y reproduisent les types aériens du nouveau monde, diaprés de toutes leurs nuances, saisis dans toutes leurs altitudes, encadrés dans les merveilleux paysages qui les voient vivre et aimer, et toutes ces curieuses planches ont pour commentaires un des plus heureux essais de la littérature américaine. Le texte d'Audubon n'est ni une sèche nomenclature , ni un discours d'Académie, ni un recueil d'allusions épigrammatiques. — C'est l'histoire naturelle animée, c'est l'épopée réelle des oiseaux, c'est un enchaînement de scènes et de peintures tour à tour calmes, enjouées, sombres ou terribles, et qui savent passer en un instant de la grâce familière à l'énergie des plus grandioses conceptions.
M. Michelet a eu la bonne pensée de suivre la voie si heureusement ouverte par Audubon. Il proteste, au début de sa préface, qu'il a voulu oublier l'homme, qu'il a fui avec soin toute velléité de rapprochement ou d'analogie. Nous nous demandons cependant si sa plume a toujours servi ses désirs, et si, à son insu, ses opinions de philosophe et d'historien n'ont pas influé parfois sur ses vues d'ornithologiste. Quelle est en effet l'idée primordiale de son livre? — C'est que la race humaine s'arroge à tort la royauté de la création ; c'est qu'elle forme seulement le premier anneau de la chaîne des êtres, et qu'elle doit considérer les animaux , non plus avec dédain, mais avec une affectueuse sympathie, comme des frères cadets trop longtemps déshérités et méconnus. Déjà, dans le Peuple, on avait pu lire un ingénieux plaidoyer eu faveur des bêtes, dont la cause était assimilée à celle des humbles et des petits. Aujourd'hui M. Michelet poursuit hardiment cette croisade égalitaire ; il revendique pour tout ce qui respire la perfectibilité, l'intelligence, le droit au développement et au bonheur. Ce n'est pas assez, à ses yeux, que les distinctions sociales disparaissent, et que les barrières tombent entre les nations ; même dans le plan du monde, il ne laisse plus de privilégiés , et il convie l'ensemble des créatures au grand banquet de la démocratie universelle.
Ce même sentiment de démocratie qui domine l'étude de M. Mi-
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chelet sur les oiseaux décide de ses préférences entre les diverses espèces. Au rebours de Buffon, il tient en médiocre estime les races puissantes et guerrières. A son avis, l'aigle, le milan, le faucon ne sont pas ces héros, ces chevaliers que se plaît à nous représenter l'admiration traditionnelle des poètes. Ce sont des brigands de haut lieu, des malfaiteurs couronnés qui descendent de leur aire, comme les barons du XIe siècle de leur donjon féodal, pour infester les roules et dévaliser les passants. L'aigle surtout est de la part de l'illustre écrivain l'objet d'une antipathie particulière. Une grande partie du chapitre des rapaces est consacré à prouver que cet oiseau tant vanté manque de noblesse réelle, qu'il s'arrangerait d'une grasse servitude, et que son prétendu courage est tout simplement le résultat de son monstrueux appétit. M. Michelet n'hésite pas à lui préférer le vautour si décrié de temps immémorial; il réhabilite même à ses dépens le corbeau , autre personnage méconnu qui lui paraît le type accompli des vertus bourgeoises, et dont il ne se lasse pas de louer la sagesse, le flegme narquois et la docte prud'homie.
Maintenant, avons-nous besoin de le dire, toutes les sympathies, toutes les prédilections de M. Michelet sont pour les oiseaux faibles, petits, familiers, populaires qui courent dans nos sillons, qui chantent dans nos arbres, qui viennent se mêler à notre vie ou s'apprivoiser à notre foyer. — Ne lui parlez pas de ces splendides produits des régions tropicales, les colibris, les oiseaux-mouches, au plumage nuancé de mille vives couleurs. — Il aime mieux les habitants de la zône tempérée avec leur robe terne et leur humble aspect. Voilà, selon lui, les vrais compagnons de l'homme, ceux-là seuls dont la vue éveille dans notre coeur des sentiments et des souvenirs. — Aussi quelles caresses de style il a pour ses chers favoris, le rossignol, le rouge-gorge, l'alouette, l'hirondelle ! — Avec quel art délicat, avec quelle sensibilité féminine, il nous raconte les incidents de leur existence, depuis les premiers essais de l'aile, au sortir du nid, jusqu'aux lointains voyages vers les pays de la chaleur et de la lumière ! Je citerais telle page sur les migrations du rossignol qui rappelle involontairement la fable des Deux pigeons. On suit avec anxiété le frêle et merveilleux artiste que l'hiver chasse de nos climats ; on s'apitoie sur son sort durant sa longue route. On craint pour lui et le froid, et la faim et le bec de l'épervier. — Que sais-je encore ?
« Hélas ! dit-il, il pleut!
« Mon frère a-t-il tout ce qu'il veut?
« Bon souper, bon gîte et le reste ? »
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Et l'hirondelle ! quelles paroles aîlées M. Michelet a su trouver pour décrire les courbes rapides et infinies de son vol, pour rendre le cri joyeux qui lui échappe, quand elle fend les airs dans l'ivresse de sa liberté ! et quels accents mélancoliques pour parler de son retour fidèle à la maison qu'elle aime, qu'elle a choisie, et où elle ne reverra plus peut-être ses hôtes du dernier été ! — L'alouette n'est pas moins bien comprise; pour elle, la phrase de M. Michelet se fait vive, gaie, légère, sautillante, elle semble avoir plus de jeunesse, un sourire plus frais et plus doux. On sent alors que l'écrivain s'abandonne à ses souvenirs d'histoire et de poésie; il se rappelle l'alauda, cet emblême chéri des légions gauloises; il pense à l'oiseau matinal qui chante sous le balcon de Juliette et l'avertit de l'heure des adieux.
Ces espèces préférées reviennent sans cesse dans les études de M. Michelet. Elles lui fournissent presque tous ses exemples, quand il traite du nid, de l'incubation, du vol et de l'instinct. Son ouvrage n'est pas en effet une série de portraits, une galerie des différents types, c'est l'observation générale, on pourrait presque dire la philosophie de l'oiseau. — Le monde aîlé y est décrit, non pas dans ses variétés, mais dans son essence, dans ce qui le caractérise et ce qui le sépare du reste de la création. Sans doute, les arguments de l'auteur ne se présentent pas toujours suivant un ordre rigoureux et symétrique. Ils obéissent volontiers au caprice de l'inspiration ; ils sont entrecoupés d'épisodes, de récits intimes, de croquis de paysage ou d'intérieur; mais au milieu de ces charmants hors-d'oeuvre qui envahissent le livre, comme autant de lianes fleuries, il est aisé de démêler les idées scientifiques de M. Michelet. Nous avons déjà noté sa doctrine de l'âme des oiseaux. Un autre principe fondamental qui se rattache au premier par des liens étroits, c'est la théorie des formations successives, c'est la pensée que les différentes familles procèdent d'un type unique, modifié plus tard à l'infini, sous l'influence de causes extérieures. — On reconnaît celte thèse produite avec tant de bruit et d'éclat vers le commencement du siècle, et l'on sait à quelles disputes mémorables elle donna lieu entre Geoffroy Saint-Hilaire et Cuvier. — En présence de ces deux autorités contraires, M. Michelet n'hésite pas. Il adopte avec toute l'ardeur d'un croyant le système de l'unité, et il en fait la base de ses opinions physiologiques. Partout il cherche à prouver que la nature n'a pas enfanté de prime-abord des espèces distinctes, mais qu'elle a procédé lentement, pas à pas, par transitions presque insensibles. Son chapitre sur l'aîle lui sert principalement de cadre pour développer ses idées. Après avoir parlé de l'aîle en général, de sa structure
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particulière, de ses rapports mystérieux avec tout l'organisme de l'oiseau, il en suit les progrès à travers la série des genres, il montre cet appareil à peine ébauché dans certaines races, telles que le manchot, le pingouin, l'autruche, se dégager par degrés, se perfectionner, s'étendre, et arriver enfin aux dimensions inouïes qu'on remarque chez l'aigle de mer, « l'audacieux navigateur qui ne ploie jamais la voile, le prince de la tempête, contempteur de tous les dangers. »
L'oeuvre de M. Michelet se rattache tout entière au double principe qu'il vient de poser: la réhabilitation morale des animaux, l'unité de caractère de la grande famille aîlée. — On voit quelles perspectives infinies ces données doivent ouvrir à un esprit aventureux. — Avec un pareil point de départ, le moindre phénomène n'est jamais un accident isolé, c'est la manifestation partielle d'une loi générale du monde, c'est une lueur soudaine qui parfois peut éclairer l'homme lui-même sur les mystères de son existence et de sa destinée. — Ainsi, M. Michelet vient-il à constater le redoublement de vie qui se manifeste chez les oiseaux à l'apparition du jour, il n'ira pas en chercher la cause dans les conditions spéciales de leur organisme — de rapprochements en rapprochements, il finira par proclamer comme un fait universel l'aspiration des créatures à la lumière. — La lumière, selon lui, voilà l'irrésistible attrait, voilà l'invincible amour également ressenti par tous les êtres, et pour trouver des exemples, sa pensée s'élancera des plus humbles degrés de l'échelle animale jusqu'au plus hautes régions du monde intellectuel. — En regard de la fauvette dont le cri joyeux salue l'aurore, en regard de l'enfant qui pleure à la tombée de la nuit, il nous montrera le grand Goethe mourant chargé de gloire et demandant comme faveur suprême, un dernier rayon du soleil.
Le chant de l'oiseau est un autre thème qui permet à M. Michelet de déployer avec tous les prestiges de son style, tous les caprices de sa fantaisie. La musique de Mozart, la voix de la Malibran ou de la Sontag n'ont jamais fait naître une admiration plus fervente et plus initiée que celle qui vient s'offrir, dans ce livre, aux virtuoses des sillons et des forêts. — L'auteur n'est pas seulement un poète susceptible d'être ému par une note plaintive entendue dans la campagne. C'est un savant capable de pénétrer les secrets intimes de l'art des oiseaux, c'est un dilettante raffiné qui sait interpréter le chant comme un langage, et qui traduit en sentiments les moindres nuances d'une mélodie. Lisez son passage sur la cantilène du rossignol ; vous y trouverez le récit de tout un drame lyrique, l'analyse de toute une passion avec ses alternatives d'espoir, d'abattement, de lutte et de
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triomphe. M. Michelet suit pas à pas cette douce églogue d'une nuit de printemps. — Il n'en omet aucun détail, aucune phrase. D'abord c'est un long soupir mélancolique, un air plein de langueur comme cette sérénade
« Que Don Juan déguisé chante sous un balcon, »
puis insensiblement le ton se monte et s'anime — de timide il devient hardi, de tendre , il devient pressant; il a des élans soudains, des caresses brûlantes, des ardeurs enivrées Quelques instants encore , et un hymne radieux s'élève, hymne d'amour et de victoire, le cantique des cantiques du monde aîlé.
Autour de ces sujets principaux, viennent se grouper des chapitres accessoires issus de la même inspiration et liés aux mêmes théories. Ce n'est pas seulement dans le chant, dans l'essor des aîles, dans le besoin de lumière que M. Michelet découvre l'âme de l'oiseau, c'est encore dans l'activité industrieuse et bienfaisante de la plupart des espèces. D'après lui, les oiseaux ont une mission spéciale au sein de l'univers. Ils se sont constitués les grands épurateurs du globe, les ouvriers de l'homme chargés incessamment de combattre la dangereuse exubérance de la nature. —Aux premiers âges du monde, les familles aquatiques, le héron, le cygne, la grue ont, comme l'Hercule et le Thésée de la fable, purgé la terre d'une foule d'êtres malfaisants. — Aujourd'hui encore le travail des races aériennes se poursuit sous toutes les latitudes. En Asie et en Egypte, le vautour, la corneille, l'ibis protègent la santé des villes contre les exhalaisons des matières putréfiées. — Sous les tropiques , les colibris, ces saphirs aîlés, ces pierres précieuses volantes, dont le seul but semblerait être de charmer et d'éblouir, ont aussi leur utilité providentielle. — Ils pénètrent au plus profond des forêts, sans s'effrayer de celte végétation étouffante et désordonnée. — Braves et alertes ils attaquent les serpents, ils tuent des légions d'insectes, ils se nourrissent des fleurs qui résorbent les poisons. — Dans nos pays d'Europe enfin, le moineau franc, les gallinacés, et mille autres modestes serviteurs méconnus par l'ingratitude humaine, détruisent les vermisseaux, préservent les plantes, et forment comme la garde domestique de nos champs et de nos vergers.
Quelques pages délicates sur la construction du nid terminent le livre attachant et varié dont nous venons de parcourir les grandes lignes. Nous serions heureux si notre analyse avait permis d'en saisir l'esprit général, mais comment donner une idée de ce qui fait avant tout son attrait et son mérite, de ce style plein d'un charme étrange et d'indéfinissables séductions ? — M. Michelet, on peut
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le dire, s'est créé une langue à lui pour parler de ses chers oiseaux, langue nuancée comme leur plumage, souple comme leur corps, légère et rapide comme leur vol. Sans néologisme, sans vaine recherche d'images, par le simple bonheur de l'expression, il est arrivé à des résultats dont la prose française ne semblait pas susceptible. En le lisant, on croit vivre de la vie aérienne, on fend les espaces, on s'enivre de lumière et de liberté. Tantôt il court dans ses récits une 'brise caressante, comme celle qui soulève le duvet des cygnes ; tantôt c'est un souffle puissant auquel rien ne résiste, et qui emporte la pensée vers des régions inconnues. — L'auteur veut-il, par exemple, montrer les progrès successifs de l'aîle, à travers la série des espèces, il trouve une forme appropriée à chacun des degrés de ce développement. D'abord, sa phrase humble et tranquille semble raser la terre; puis elle prend son essor, elle se déploie, elle s'élève, elle atteint les hauteurs éthérées, et elle s'y maintient avec une force, une ampleur, une envergure qu'on essaierait en vain d'imiter. — Tournez la page — vous rencontrez d'autres merveilles inattendues. L'oreille du lecteur se remplit tout à coup de sons légers, de gazouillements infinis. — C'est une douce onomatopée où mille harmonies se mêlent sans se confondre : le bruissement des feuilles, la plainte de l'oiseau amoureux, le babil des petits voletant sous la ramée. — Plus loin, l'illusion est différente; il semble que les yeux soient captivés à leur tour. — Est-ce d'une plume, est-ce d'un pinceau que sont sortis ces paysages aux lignes si précises, aux couleurs si hardiment prodiguées? Des sites de toute physionomie passent et repassent devant la vue : vignes italiennes, bocages vendéens, végétations de l'Inde ou des Antilles. Et pour éclairer celle succession variée de tableaux, que de teintes, de demi-teintes, que d'effets changeants d'ombre, de crépuscule, de lumière! L'écrivain, par la magie du style, est arrivé à produire un véritable mirage forçant les limites de son art, il a enveloppé les sens dans la fascination de l'esprit.
Mirage souvent trompeur, fascination souvent dangereuse! — Celte forme est trop pleine d'enchantements pour vous laisser de sang-froid, tant qu'elle vous tient sous son empire. — Si l'on veut juger le fond des idées , il faut fermer le livre et attendre longtemps que le charme n'agisse plus. — Mais quand enfin ces théories dépouillées de leur manteau de fleurs et de diamants apparaissent dans la nudité de pures doctrines philosophiques, alors on s'aperçoit bien vite de tout ce qu'elles présentent de conjectural, d'erroné, de hasardeux. — Nous laissons de côté les questions qu'il appartient à la science seule de résoudre, mais pour nous borner à la partie morale de l'oeuvre
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de M. Michelet, à sa proclamation de l'âme des bêtes, à son dogme de fraternité universelle, ne voit-on pas, du premier coup d'oeil, combien on pourrait élever sur ce terrain d'objections et de critiques? Il y a une vérité contre laquelle ne prévaudront pas les efforts de l'imagination la plus ingénieuse, c'est que si l'instinct des animaux est admirable, ce n'est malgré tout qu'un instinct, une force bornée dans son développement, circonscrite dans son but, à peu près identique chez tous les individus de la même famille. — M. Michelet peut décrire avec amour les merveilles de l'industrie des oiseaux, il ne fera pas que cette industrie ne tende exclusivement à la conservation de l'espèce. Il peut montrer leur rôle et leur utilité dans l'économie de la nature, il n'établira pas qu'ils aient conscience de cette mission ; il peut enfin, à propos de leur chant, broder de spirituelles et de délicates fantaisies, ce chant n'exprimera jamais autre chose que des sensations et des besoins. — D'ailleurs une considération décisive, et qui était, ce semble, propre à loucher un penseur aussi pénétré de l'idée de progrès, c'est que l'oiseau, comme tout animal, n'est pas réellement perfectible. Educable dans certains cas seulement, et dans des limites très restreintes, il n'augmente ni ne transmet la science acquise, et chaque génération nouvelle se trouve ramenée au point de départ des générations précédentes. — Avant d'écrire, M. Michelet aurait dû méditer ces belles et sévères paroles de Pascal :
« N'est-ce pas là traiter indignement la raison de l'homme que de » la mettre en parallèle avec l'instinct des animaux, puisqu'on en » ôte la principale différence qui consiste en ce que les effets du » raisonnement augmentent sans cesse, au lieu que l'instinct » demeure toujours dans un état égal. — Les ruches des abeilles » étaient aussi bien mesurées il y a mille ans qu'aujourd'hui, et » chacune d'elles forme un hexagone aussi exactement la première » fois que la dernière. Il en est de même de tout ce que les animaux » produisent par ce mouvement occulte. La nature les instruit à me» sure que la nécessité les presse, mais celte science fragile se perd » avec les besoins qu'ils en ont. Comme ils la reçoivent sans étude, » ils n'ont pas le bonheur de la conserver, et toutes les fois qu'elle » leur est donnée, elle leur est nouvelle, parce que la nature n'ayant » pour objet que de maintenir les animaux dans un ordre de per" fection bornée, elle leur inspire cette science simplement néces» saire et toujours égale, de peur qu'ils ne tombent dans le dépéris» sement, et ne permet pas qu'ils y ajoutent, de peur qu'ils ne » passent les limites qu'elle leur a prescrites. »
Voilà le sublime bon sens, la ferme clairvoyance du génie ! —En
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montrant avec la vigueur magistrale de ce dialectique le vide et la faiblesse des opinions qu'il combat, Pascal les stigmatise à bon droit, comme dépouillant notre raison de son plus glorieux privilège. — Un autre résultat de ces théories, c'est qu'à force de trouver des facullés morales dans tous les êtres, à force de découvrir chez l'oiseau et chez l'insecte des prodiges de sagesse et de discernement, on peut être conduit à oublier l'autorité créatrice et souveraine qui veille incessamment sur l'univers. — N'accordez aux animaux que l'instinct, que le mouvement occulte dont parle Pascal, on sentira l'action de la Providence dans tout ce qu'ils accomplissent d'utile. Reconnaissez-leur au contraire une mission spontanée, une activité libre et rationnelle, on s'absorbera dans la contemplation de cette multitude infinie d'intelligences, on se demandera si le don de la pensée ne s'étend pas plus loin encore, et s'il ne circule pas à travers le monde une âme universelle qui est à elle-même son principe et sa fin. Insensiblement, on perdra l'idée d'une cause supérieure, et bercé de rêves panthéistes, on bannira le culte de Dieu, pour lui substituer l'adoration de la nature.
Un dernier mol. — En commençant, nous avons applaudi au sentiment de curiosité affectueuse qui a entraîné M. Michelet vers l'élude des races aériennes. Là en effet était le germe d'une inspiration d'où sont nées quelques-unes des pages les plus vraiment nouvelles et les plus attachantes de son livre. — Mais comment le suivre dans ses sympathies, quand il les traduit en maximes philosophiques , quand il en lire une révélation , un dogme, une morale, un mysticisme? — La fraternité que l'écrivain réclame envers tous les êtres vivants fait sourire d'abord comme une fantaisie d'esprit sans conséquence ; à la longue, elle irrite, comme un de ces faux devoirs dont s'éprennent les sociétés vieillies. On cherche par quel secret notre puissance de tendresse pourra suffire à tant d'obligations ; on s'effraie surtout de ce que deviendraient nos vieilles et saintes affections, au milieu des élans de celle sensibilité exubérante. S'il nous faut avoir des effusions et des larmes pour l'oiseau qui passe, pour le ver qui rampe, pour le brin d'herbe qui croît sous nos pieds, que nous restera-t-il pour la famille et pour la patrie ? Prenons-y garde, notre coeur est un instrument délicat et susceptible.. On le fausse ou on le brise en essayant de le forcer. — Nous nous défions et non sans motif, des amis du genre humain.— Mais Dieu nous préserve plutôt encore des amis de l'univers, ces brahmes vertueux , ces personnages candides, dont le regard se porte avec une bienveillance égale sur l'homme et sur la fourmi. — M. Michelet a dû en rencontrer quelques-uns dans l'histoire de la Révolution. —
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Il ne manquait pas, sur les bancs de la Montagne, d'honnêtes rêveurs, de doux philosophes qui n'auraient pas écrasé une plante ou versé le sang d'un animal, mais qui, pour le triomphe de leurs idées, votèrent tranquillement, sans hésitation comme sans remords, la loi des suspects et le règne de la guillotine.
Après avoir obéi au charme étrange et puissant du livre de l' Oiseau, nous n'avons pas cru devoir taire la gravité des reproches qu'on est en droit de lui adresser. — Maintenant si l'on nous demande de résumer nos impressions et de dire notre dernier mot sur. l'ouvrage , aurons-nous la force de le condamner? — Non. — Nous maintiendrons nos reserves et nos critiques ; mais cette lecture nous a fait passer de trop douces heures, pour que nous puissions les oublier. — A côté du théoricien dont nous repoussons les systèmes, il reste un poète, un écrivain, un artiste, et à ces différents titres, M. Michelet mérite ici, comme toujours, qu'il lui soit beaucoup pardonné.
E. BERGER.
ÉTUDES MÉDICALES
SUR
LES POÈTES LATINS
Études médicales sur les poètes latins, par M. le Dr P. MENIÈRE. 1 vol. in-8°. — Paris, Germer Baillère , 1858.
Messieurs,
Un de nos concitoyens, un ancien élève de nos écoles, M. le docleur P. Menière, aujourd'hui professeur agrégé de la Faculté de médecine de Paris, médecin en chef de l'institution des SourdsMuets , n'a pas cessé, tout en parcourant une brillante et utile carrière, de chercher dans la lecture des meilleurs ouvrages lalins un délassement charmant à ses travaux de tous les jours. Frappé depuis longtemps des nombreuses citations médicales qu'il y trouvait, il fit une étude toute spéciale à cet égard des oeuvres de Juvénal et publia, dans la Gazette médicale, une série d'articles qui furent lus avec autant d'intérêt que de plaisir. Encouragé par ce premier succès , convaincu que les poètes représentent très bien, en général, l'état actuel de la société au milieu de laquelle ils vivent, M. Menière ne voulut pas s'arrêter là. Il résolut de mettre à exécution un vaste travail dont il avait conçu le plan depuis longtemps, il entreprit de demander à la pléiade poétique des enfants de la Louve, ce que leurs oeuvres doivent à la médecine ou ce
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qu'elles ont pu lui prêter. Il se proposa, comme il le dit dans sa préface, de rechercher dans leurs vers la trace de cette médecine qui a précédé les traités didactiques des hommes de l'art ; de recueillir les témoignages précieux de l'existence des idées médicales au milieu d'une nation qui se vantait presque de ne pas avoir de médecins ; de voir ce qu'était celte médecine sans médecins ; de montrer comment la science s'est constituée peu à peu, à l'insu même des hommes qui affectaient de la mépriser ; d'indiquer la place quelle tenait dans le langage de la foule, dans les drames qu'on représentait sur le théâtre , dans les poèmes qui racontaient les antiques traditions des Latins, en un mot, dans cette littérature populaire confiée à la mémoire de tous, et qui renferme les meilleurs documents de l'histoire primitive des peuples. Pour arriver à la solution de ce problème , M. Menière a étudié et traduit dans tous leurs détails Ennius, Lucilius, Plaute, Térence, Lucrèce, Virgile , Horace , Catulle, Tibulle, Properce , Gallus , Publius Syrus , Ovide , Sénèque le tragique , Lucain, Perse, Juvénal et Martial. Il a extrait de ces auteurs les passages ayant trait à la médecine proprement dite ou aux sciences qui lui sont accessoires, puis il a mis ces nombreuses citations en ordre en les reliant entre elles de manière à former un tout pour chacun d'eux, et il est ainsi parvenu à faire le livre curieux dont vous avez bien voulu me confier l'examen. Ici, Messieurs, ma tâche devient d'une difficulté désespérante. Comment, en effet, analyser un ouvrage dont la table ferait presque un volume ? Comment analyser une série de citations diverses, privées de la causerie la plus spirituelle, d'aperçus fins et ingénieux, de faits curieux et intéressants? Loin de moi une semblable prétention, mais pour répondre le mieux possible à l'honorable confiance de notre président, j'ai choisi au milieu de ces citations plus ou moins spéciales à l'art de guérir, quelques-unes de celles qui, tenant à quelque branche de l'histoire naturelle , m'ont paru dignes d'intérêt pour des hommes qui marchent sous la bannière du grand Linné.
Par exemple : Notre savant patron a donné un nom très significatif à une plante que vous connaissez tous, à l'ivraie : il l'a appelée Lolium temulentum, et les auteurs de matière médicale disent, pour traduire celte expression , que l'ivraie a des propriétés vénéneuses très prononcées, qu'elle enivre, cause des vertiges, des nausées et des vomissements. Eh bien ! Messieurs, Linné et nos auteurs modernes ne font que répéter ce que savaient fort bien les anciens , ce que Piaule dit d'une manière aussi élégante que spirituelle dans une comédie assez vieille, puisqu'elle date de 2,000 ans environ, dans le Miles gloriosus ou le Fanfaron, où un certain Scélédrius sou-
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tient à son camarade Palestrion qu'il n'a pas vu quelque chose qu'il prétend avoir vu ; il lui donne ce conseil ironique :
Juben 'tibi oculos ecfodiri, quibus id, quod nusquam 'st, vides ?
— Fais-toi crever ces yeux qui te causent de pareilles visions. — Scélédrius lui répond en lui reprochant de n'y voir goutte lui-même, et pour expliquer sa pensée il ajoute :
Mirum 'st lolio victicare te tam vili tritico.
— Je m'étonne que tu te nourrisses d'ivraie quand le froment est à si bon marché. — On connaissait donc dès cette époque les effets pernicieux du Lolium temulentum L. qui trouble la vue et donne des vertiges.
Le même auteur parle aussi avec connaissance de cause du blanc de céruse, de l'ellébore. Il croit que la moutarde donne un mauvais caractère à ceux qui en mangent, et il dit en parlant d'un bourru qu'on ne sait par où prendre :
Si, ecastor, hic homo sinapi victitet, non censeam Tam esse tristem posse.
— Par Pollux et Castor ! quand il se nourrirait de moutarde il n'aurait pas un esprit plus fâcheux. — M. Menière ne connaissait pas cette propriété attribuée par Piaule à la moutarde , et il le disait au savant doyen de la Faculté des Lettres de Paris qui, pour le persuader que le poète latin avait raison, lui a rappelé en riant le proverbe populaire : la moutarde lui a monté au nez, proverbe qui, par conséquent , peut remonter d'une manière plus ou moins directe à Piaule et à ses comédies.
Lucrèce parle du veratrum, du castoreum; il donne beaucoup de détails sur les odeurs et attribue même à celle d'une lampe qui s'éteint des effets qu'on ne peut admettre.
L'ail était aussi bien connu des Romains qu'il l'est aujourd'hui. Horace le détestait, et sa troisième ode est tout entière consacrée à le maudire avec les expressions les plus véhémentes. Nous y lisons, par exemple :
Parentis olim si quis impia manu
Senile guttur fregerit,
Edat cicutis allium nocentius.
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— S'il est un monstre qui, de sa main impie, ait étranglé son père, qu'on le condamne à manger de l'ail, plus funeste encore que la ciguë ! — Tous les jours des milliers de Français , d'Espagnols , protestent en mangeant leur frottée et leurs ragoûts à l'ail, contre les invectives du poète latin et répondent à ses sarcasmes par les vers si connus d'un poète moderne, M. le vicomte de Marcellus.
On l'a dit et avec raison, il n'est pas de position sociale qui ne puisse profiter des leçons répandues dans les oeuvres d'Horace. Ses odes sont remplies des plus nobles inspirations ; ses épîtres sont un miroir où se peignent toutes les physionomies, où se reflètent toutes les passions , et ses satires passent en revue tous les vices de son temps, toutes les faiblesses du coeur humain, mouvant tableau dans lequel chacun peut reconnaître son portrait. M. Menière devait nécessairement faire une ample moisson dans de telles oeuvres. II y trouve, en effet, de très curieux enseignements sur les qualités de l'eau, sur l'usage du vin, des champignons; en passant, il signale ces deux vers qui seront toujours vrais :
Gaule suburbano, qui viccis crevit in agris Dulcior : irriguo nil est elatius horto.
— Le chou cultivé dans les faubourgs (chez le maraîcher) a moins de saveur que celui qui croît en plein champ. Rien de plus fade que le produit d'un jardin trop arrosé. — Il y a rencontré surtout la première indication d'une médecine qui, très employée en Allemagne, commence à se populariser chez nous : je veux parler de l'hydrothérapie. Horace rapporte qu'Antonius Musa, le plus célèbre praticien de Rome, conseilla à l'empereur Auguste de renoncer aux eaux sulfureuses de Baïa, qui ne lui étaient d'aucune utilité , et de se plonger dans l'eau froide, même dans la saison la plus rigoureuse.
Cette indication est précieuse, Messieurs, mais elle devient bien plus curieuse quand on la rapproche d'un des faits les plus importants de l'histoire de la médecine à Rome : c'est en effet avec le même agent thérapeutique, avec l'hydrothérapie, que Musa guérit l'empereur Auguste qui, a son retour de l'expédition de Biscaye, était affecté d'une très grave affection du l'oie. Les fomentations chaudes qu'on lui appliquait n'empêchaient pas le mal de faire des progrès ; l'empereur semblait voué a une mort certaine, lorsque Musa remplaça le traitement suivi jusqu'alors par un moyeu contraire. L'eau froide intùs et extùs, triompha de la maladie, et Musa fut comblé d'honneurs et de richesses par son malade reconnaissant. L'empereur l'exempta de toutes les charges publiques, lui donna le droit de citoyen romain,
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l'autorisa à porter un anneau d'or, et lui fit élever une statue de bronze dans le temple d'Esculape. Ce fut a l'occasion de cet heureux événement que la profession médicale sortit du rang infime où elle végétait ; ce fut une époque d'émancipation intellectuelle et sociale pour les enfants d'Hippocrate, et, sous ce rapport, le nom de Musa doit être en honneur parmi eux.
Pour revenir aux faits qui nous regardent plus spécialement, c'est-à-dire à ceux qui se rapportent à l'histoire naturelle, on trouve dans la Pharsale de Lucain une étude très curieuse des serpents venimeux.
Caton, après avoir recueilli les débris de l'armée romaine à Pharsale, gagne l'Afrique. Parvenu en Lybie, il rencontre une multitude de reptiles dangereux et le poète donne des détails très étendus sur les effets de leurs morsures. Il signale d'abord l'aspis et le dipsas. Comme les soldats craignaient de boire de l'eau où s'agitaient ces horribles bêles, Caton les rassura :
Noxia serpentum est, admixto sanguine, pestis; Morsu virus habent, et fatum in dente mïnantur ; Pocula morte cavent.
— Le venin des serpents n'est redoutable que quand il se mêle au sang ; la morsure est empoisonnée, les dents donnent la mort, mais
l'eau où ils nagent n'a rien de dangereux. — Cette opinion , longtemps combattue , a été depuis confirmée par l'expérience.
Quel est cet aspis dont parle Lucain ? Le terme est très vague, car les Egyptiens donnaient ce nom à un grand nombre de reptiles ;
mais il ajoute un vers qui contient un signe propre à caractériser l'animal :
Aspida somniferam tumida cervice levavit.
— Tumida cervice , le cou qui se gonfle appartient en propre au genre naja. — Des deux espèces de naja , dit M. Menière , l'une est
originaire des Indes Orientales , c'est le fameux cobra di capello , le serpent à coiffe ; l'autre est le naja haje, commun en Egypte. Ces deux serpents ont la propriété de pouvoir projeter en dehors les premières côtes , d'élargir la région cervicale , phénomène caractéristique et que l'on trouve figuré sur tous les monuments des Pharaons. C'est à ce terrible animal que Cléopâtre eut recours pour se soustraire par une mort prompte et douce a la honte que lui réservait Octave, son vainqueur peu généreux, et Lucain affirme que les
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Romains de son temps en faisaient venir beaucoup de la Lybie, pour échapper par une mort volontaire aux supplices dont les menaçait Néron. Lucain ensuite dépeint la mort du jeune Aulus, qui est mordu par un dipsas ; celle de Sabinus, mordu par un seps , petit serpent des plus dangereux ; celle de Nasidius, atteint par le prester ; celle de Tullus, qui a ressenti la dent cruelle de l'hémorrhoïs , et chacun de ces terribles reptiles, plus ou moins connus aujourd'hui, donne lieu, d'après lui, à des symptômes tout différents les uns des autres quant à leur nature , mais parfaitement identiques quant à la terminaison, qui est toujours une mort prompte et sûre.
J'ai choisi dans l'ouvrage quelques citations relatives à la botanique , à la médecine en général, permettez-moi de terminer ces citations en m'occupant de l'homme, non pas de l'homme tel qu'il sort des mains de son Créateur , mais de l'homme civilisé , de l'homme trop civilisé, devrais-je peut-être plutôt dire. On trouve dans Martial une peinture parfaitement exacte des coutumes hygiéniques d'un peuple qui avait porté au plus haut degré de perfection les raffinements de la civilisation. Les cosmétiques jouaient un grand rôle chez les Romains, et les instruments de toute sorte trouvés dans les ruines de Pompéïa ont fait écrire des volumes sur celte matière délicate ; Martial donne les détails les plus précis sur beaucoup de points intéressants. Il parle d'abord de Laelia qui abuse vraiment de la prothèse :
Dentibus atque comis, nec te pudet, uteris emptis. Quid facies oculo, Laelia ? non emitur.
— Dents et cheveux achetés par toi, tu n'as pas honte de t'en servir ; mais Laelia, comment remplacer l'oeil absent ? on n'en vend pas. — Il y avait d'excellents dentistes, mais on ne savait pas encore fabriquer des yeux artificiels; c'est dix-huit siècles plus tard qu'on a trouvé le moyen de placer les yeux d'émail.
Portait-on des perruques du temps de Martial? Il est certain que les femmes mettaient de faux cheveux, mais les hommes moins habiles, moins coquets , remédiaient à leur calvitie par un artifice plus grossier , à en croire l'épigramme où Martial dit que Phoebus couvrait son sinciput et ses tempes nus avec une peau de bouc. Voilà certes une singulière perruque , rudiment informe de ces édifices qui prirent un si majestueux développement sous Louis XIV.
Martial nous apprend encore qu'alors , comme aujourd'hui, on avait des pommades pour teindre les cheveux, pour les rendre luisants, mais on ne savait pas teindre la barbe.
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Cana est barba tibi, nigra est coma ; tingere barbam Non potes, haec causa est, sed potes, Ole, comam.
Certains chauves qui ne pouvaient couvrir leur chef de cheveux postiches et qui voulaient cacher leur infirmité, se peignaient la tête de manière à imiter une chevelure, car on trouve dans l'épigramme n° 47, liv. VI, la petite histoire que voici :
Mentiris fictos unguento, Phoebe, capillos
Et tegitur pictis sordida calva comis. Tonsorem capiti non est adhibere necessum :
Radere te meliùs spongia, Phoebe, potest.
— Pour tondre cette chevelure menteuse qui couvre ta tête sale , ce n'est pas un barbier qu'il te faut, mais bien une éponge.
Dans un autre endroit, Martial parle d'un convive qui se sert d'un cure-dents en bois de lentisque pour nettoyer sa bouche; et à Rome, dit M. Menière , on trouve encore aujourd'hui sur toutes les tables de petits instruments semblables ; en Espagne, en Algérie, les curedents en bois sont toujours de mode ; mais Martial connaissait aussi le cure-dents fait avec une plume taillée :
Lentiscum melius est, sed si tibi frondea cuspis Defuerit, dentes penna levare potest.
Je voudrais, Messieurs, vous faire suivre avec M. Menière tous les détails que donne Martial pour tracer le portrait d'un homme élégant du beau monde d'alors, mais je craindrais d'abuser de votre bienveillante attention, je craindrais surtout de m'engager plus qu'il ne conviendrait peut-être dans des détails qui vous amuseraient sans doute en vous intéressant, mais qui sortiraient trop de la spécialité de nos travaux. Encore une citation, cependant, Messieurs.
Martial, après avoir dit que Gargisianus épile son visage , dit à l'aide de quoi :
Psilothro faciem laevas et dropace calvara.
Qu'est-ce donc que ce psilothrum ? Notre Quicherat dit : vigne blanche, employée comme épilatoire. Mais qu'est-ce que cette vigne blanche , vitis alba des annotateurs ? « Pour peu qu'on ait herborisé dans les environs de Paris, dit M. Menière, on aura rencontré le long des haies , sur la lisière des bois, dans les terrains incultes, une plante grimpante qui couvre de ses longues tiges les arbustes des
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environs , qui s'accroche à l'aide de ses vrilles à tout ce qu'elle peut atteindre et dont les fleurs blanches sont dioïques. C'est la bryone, bryona alba de Linné, dioïca de Jacquin , et que le vulgaire connaît sous les noms de couleuvrée, navet du diable, etc. Celte dernière désignation se rapporte à la racine de cette plante , qui est de la famille des cucurbitacées et qui contient un suc âcre, violent purgatif et même rubéfiant quand on l'applique sur la peau. Mais quelle est la patrie de la bryone dont se servaient les élégants de Rome pour épiler leur visage ? voilà ce que je ne sais pas, et je ne sais pas davantage sous quelle forme on en faisait l'application. »
C'est ainsi, Messieurs , qu'un mot, une phrase , un vers devient pour M. Menière le texte de rapprochements spirituels et savants, d'enseignements utiles, dictés par la plus sûre érudition , la plus douce, la plus aimable philosophie, et c'est avec un charme toujours croissant, je vous assure, qu'on suit l'auteur dans l'étude comparative qu'il fait à chaque ligne des moeurs, des connaissances, des passions de deux sociétés qui ont vécu à vingt siècles de distance l'une de l'autre. Le style de M. Menière est toujours clair , vif, original, plein d'images, et on peut appliquer à l'ouvrage entier , sans crainte d'être démenti par personne, ces deux vers si connus du législateur du Parnasse latin :
Omne tulit punctum, qui miscuit utile dulci Lectorem delectando pariterque monendo.
AD. LACHÈSE.
FAUNE DU MORBIHAN
COLÉOPTÈRES
Catalogue des Coléoptères, Carabiques et Hydrocanthares
TROUVES DANS LE MORBIHAN.
CARABIQUES.
Cicindela campestris.
— hybrida.
— germanica. Rare.
— littoralis.
— trisignata. Rare. SaintGildas
SaintGildas Rhuis. Odacantha menalura. Très-rare. Drypta emarginata. Polistichus fasciolatus. Demetrias atricapillus.
— elongatulus. Dromius linearis.
— melanocephalus.
— 4-signatus. Rare.
— 4-notatus. Rare.
— 4-maculatus.
Dromius glabratus.
— spilotus. Rare. — punctatellus.
Lebia cyanocephala.
— chlorocephala. Rare. — hoemorrhoidalis.
Brachinus crepitans.
— explodens.
— sclopeta.
— psophia.
— glabratus. Rare. Cymiudis lineata. Clivina arenaria.
— nitida.
— polita. Rare.
— oenea. Rare.
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Clivina gibba.
Ditomus sulcatus. Très-rare.
— fulvipes. Rare.
— sphoerocephalus ? Trèsrare.
Trèsrare. coriaceus. Carabus catenulatus. — monilis.
— cancellatus.
— granulatus. Rare.
— auratus.
— purpurascens. — hortensis.
— convexus.
— cyaneus. Calosoma sycophanta.
— inquisitor.
— auropunctatum. Rare. Leistus spinibarbis.
— fulvibarbis. Rare.
— spinilabris. Très-rare. Nebria brevicollis.
— arenaria. Omophron limbatum. Rare. Elaphrus cuprens. Rare.
— riparius. Notiophylus aquaticus.
— biguttatus. Panagoeus cruxmajor.
— 4-pustulatus. Rare. Loricera pilicornis. Callistus lunatus. Rare. Chloenius agrorum.
— vestitus.
— schrankii. Rare.
— melanocornis.
— nigricornis.
— tibialis. Rare.
— holosericeus. Assez-rare.
— sulcicollis. Très-rare.
— festivus. Rare. Sarzeau. Oodes helopioides.
Licinus silphoides.
— depressus. Pogonus halophilus. Rare.
Pagonus palliclipennis. Rare.
— riparius. Badister bipustalus.
— cephalotes Très-rare.
— peltatus. Rare.
— humeralis. Très-rare Prystonichus terricola. Calathus latus. Très-rare.
— cisteloides.
— fulvipes.
— fuscus. Sur les côtes.
— rotundicollis.
— melanocephalus. Taphria vivalis. Très-rare. Sphrodrus planus. Rare. Anchomenus angusticollis.
— memuonius. Très-rare
— prasinus.
— pallipes.
— oblongus. Agonum marginatum.
— modestum.
— 6-punctatum.
— parumpunctatum.
— viduum. Rare.
— lugens. Très-rare.
— lugubre.
— nigrum. Très-rare.
— pelidnum. Rare.
— picipes. Rare. Olisthopus rotundatus. Feronia cuprea.
— dimidiata.
— lepida.
— vernalis.
— strenua.
— erudita. Rare.
— depressa. Rare.
— melanaria. Très-rare.
— nigrita.
— anthracina.
— minor. Rare.
— concinna.
— madida.
— picimana. Très-rare.
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Feronia oblongopunctata. Rare.
— nigra. Rare.
— striola.
— parallela. Rare.
— terricola. Assez-rare. Cephalotes vulgaris Stomis pumicatus. Assez-rare. Zabrus gibbus.
Amara eurynota.
— obsoleta.
— trivialis.
— plebeja.
— communis.
— curta.
— familiaris.
— striatopunctala.
— ingenua
— consularis. Rare.
— patricia. Rare.
— apricaria.
— fulva.
— aulica.
— convexiuscula. Rare. Acinopus megacephalus. Rare. Anisodactylus signatus. Rare.
— binotatus.
— spurcaticornis. Harpalus sabulicola.
— oblongiuscula. Rare.
— chlorophanus.
— puncticollis.
— brevicollis. Assez-rare.
— signaticornis. Rare.
— mendax. Très-rare.
— germanus.
— dorsalis.
— pubescens.
— ruficornis.
— griseus. Assez-rare.
— oeneus.
— distinguendus.
— honestus.
— neglectus.
— perplexus. Assez-rare.
— calceatus.
Harpalus limbatus.
— rubripes. Rare.
— semiviolaceus
— lardus.
— serripes.
— anxius.
— servus.
— picipennis. Stenolophus vaporariorum.
— vespertinus. Acupalpus consputus. Rare.
— dorsalis.
— brunnipes. Rare.
— meridianus.
— flavicollis.
— harpalinus. Trechus rubens.
— secalis. Rare. Bimbidium (onze divisions).
— blemus areolatum. T.-r.
— cillenum leachii. T.-rare.
— tachys rufescens. Rare.
— pumilio. Rare.
— bistriatum.
— nanum. Rare. Notaphus undulaturn.
— ustulatum.
5e Div. Impressum. Très-rare.
— orichalcium. Très-rare. 6e Div. Striatum.
— peryphus rupestre.
— fluviatile. Très-rare.
— cruciatum. Rare.
— femoratum. Assez-rare. — deletum. Très-rare.
— coeruleum.
— decorum.
— rufipes. Rare.
— elongatum. Très-rare. Leja celere.
— sturmii. Rare.
— pusillum. Assez-rare.
— assimile. Rare.
— obtusum. Très-rare.
— guttula.
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Bimbidium bigultatum.
— vulneratum. Rare.
— lopha 4 guttatum.
— laterale. Très-rare.
— 4-pustolatum. Assez-rare.
Bimbidium 4-maculatum. Rare.
— articulatum. Tachypus pallipes. Très-rare.
— flavipes.
218 espères.
HYDROCANTHARES.
Dytiscus marginalis.
— circumductus. Très-rare.
— perplexus. Très-rare.
— circumflexus. Rare.
— punctulatus. Trochalus roeselii. Acilius sulcatus. Graphoderus cinereus. Hydaticus transversalis. Très-r.
— hybueri. Très-rare. Liopterus oblongus Cymatopterus fuscus.
— striatus.
— bogemanni.
— dolabratus. Rantus notatus. Très-rare.
— agilis. Très-rare.
— adspersus. Très-rare
— collaris. Colymbetes ater.
— 4-guttatus.
— fenestratus.
— fuliginosus.
— bipustulatus.
— bipunctatus.
— subnebulosus. Très-rare.
— maculatus.
— didymus.
— brunneus.
— paludosus.
— femoralis. Laccophilus testaceus.
— minutus.
— interruptus. Noterus crassicornis.
— sparsus. Noterus loevis.
Hygrobia hermanni. Haliplus ferrugineus. flavicollis.
— lineatus.
— impressus.
— bistriolatus.
— coesus. Hydroporus 42-pustulatus.
— depressus.
— distinctus.
— picipes.
— piceus.
— 6-pustulatus.
— neglectus.
— pl anus.
— deplanatus.
— nigrita.
— tristis.
— pictus.
— geminus.
— minutissimus.
— lineatus.
— confluens.
— reticulatus. ( Extrêmement
Extrêmement
— granularis.
— flavipes.
— cuspidalus.
— inoequalis. Hyphidus ovatus.
— variegatus. Gyrinus natator.
— marinus. Très-rare.
— minutus. Rare. Orectochilus villosus
71 espèces.
Dr FOUQUET.
CATALOGUE
DES
COQUILLES TERRESTRES, MARINES ET FLUVIATILES
QUI VIVENT DANS LE DEPARTEMENT DU MORBIHAN.
ANNELIDES SEDENTAIRES.
Arenicola picastorum. Dentalium novemcostentum.
— dentalis.
— loeve.
Sabellaria alveolaria. Spirorbis nauliloides. Serpula vermicularis. Vermilia triquetra.
CIRRHIPEDES.
Balanus cylindraceus.
— sulcatus. Creusia verruca.
Anatifa loevis. Pollicipes cornucopia.
CONCHIFÈRES.
Teredo navalis. Pholas dactylus. — candida.
Pholas crispata.
— parva. Solen siliqua.
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Solen vagina.
— ensis.
— legumen.
— pigmoeus. Solecurtus antiquatus. Gastrochoena modiolina. Mya arenaria.
— truncata. Rare. Lutraria elliptica.
— compressa.
— solenoides. Rare. Tracia pubescens.
— phaseolina.
— corbuloides. Rare.
— rupicola. Rare. Mactra stultorum.
— solida.
— deltoida.
— helvacea. Osteodesma corbuloides. Amphidesma lactea. Mesodesma donacilla. Rare. Corbula nucleus.
— sulcata. Pandora rostrata. Saxicava rugosa. Petricola striata.
— rupericola.
— ochroleuca.
— semilamellata. Venerupia perforans.
— irus. Psammobia vespertina.
— tellinella.
— feroensis. Lucina lactea. Tellina crassa.
— depressa.
— tenuis.
— carnaria.
— donacina.
— fabula.
— solidula.
— bimaculata. Rare. Cyclas cornea. Rare.
Cyclas lacustris.
— rivicola.
— fontinalis. Rare. Donax anatinum.
— complanata.
VENUS Divisées en 5 genres par Sowerby.
Venus verrucosa.
— fasciata.
— gallina.
— casina. Cytherea chione. Arthemisia lunaris.
— exoleta. Tapes decussata.
— aurea.
— geographica. (Variété)
— bicolor.
— virginea.
— pullastra.
— florida.
— pectinula. Rare. Circe (Pas d'exemplaires.) Cardium serratum.
— tuberculatum.
— rusticum.
— edule.
— crenulatum.
— echinalum.
— exiguum.
— ciliare.
— aculeatum. Arca quayi.
Petunculus pilosus. Rare. Nucula margaritacea. Unio littoralis.
— pictorum. Anodonta anatina.
— cyguea.
— intermedia. Modiola adriatica.
— barbata.
— tulipa. Rare. Mytilus edulis.
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Mytilus minimus. Pinna pectinata. Pecten maximus.
— opercularis.
— varius.
— pusio. Rare. (Genre Hinnites de Defrance. )
Ostrea edulis.
— hippopus. Rare. Anomia fornicata.
— ephippium. Terebratula truncata.
MOLLUSQUES.
Chiton fascicularis.
— albidus. Patella vulgata.
— pellucida. Emarginula fissura. Pileopsis ungarica. Crepidula loevigata. Ancylus fluviatilis. Bulla lignaria.
— cornea.
(Genre Akera de Gmelin.): (Bulla fragilis. Laplysia depilans. Testacella haliotidea. Hélix maritima. Rare.
— aspersa.
— pisana.
— hortensis.
— nemoralis.
— hispida.
— rolundata.
— nitida.
— cellaria.
— sericea.
— corisopitensis. Rare. Carocolla lapicida. Clausilia plicatula.
— rugosa. Bulimus acutus. Succinea amphibia. Auricula myosotis. Cyclostoma elegans. Planorbis corneus.
— carinalus.
Planorbis vortex. Lymnoea stagnalis.
— ovata.
— paluslris.
— peregra.
— auricularia.
— leucostoma.
— minuta. Alvania montagui. Rissoa grossa.
— occidentalis.
— costata.
— exigua. Eulima polita. Rare. Valvata piscinalis. Rare. Paludina muriatica. Rare. Natica castanea. Rare.
— palidula.
— valenciennensii. Janthina communis. Velutina capuloidea. Rare. Haliotis tuberculata. Tornatella fasciata. Scalaria communis. Trochus coaulus.
— pyramidatus.
— matonii.
— magus.
— umbilicaris.
— cinerarius. Monodunta draparnaudi.
— jussieui
— corallinus. — veilloti
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Turbo tuber. Littorina littorea.
— rudis.
— neritoides.
— retusa.
— coerulescens. Phoesianella vieuxii.
— pulla. Turritella cornea. Cerithium lima. Murex cinguliferus.
— erinaceus.
Triton cutaceum. Purpura lapillus. Buccinum undatum. — recticulatum.
— cuvieri.
— coccinella.
— fasciolatum. Columbella aurentia. Rare. Cyproea pediculus.
— pulex.
— coccinella.
94 Genres — 206 Espèces.
Il existe, sans aucun doute, quelques coquilles qui ne sont pas nommées dans mon catalogue, mais je ne les ai pas vues dans 20 ans de recherches, et je n'ai pas voulu y admettre celles dont l'authenticilé d'origine n'était pas constante pour moi.
Je n'ai pas trouvé, dans le Morbihan, un seul individu du genre Pupa; je ne serais pas surpris qu'il en existât cependant quelques uns, le Muscorum peut-être.
Je ne connais pas assez les individus du genre Patella, pour affirmer qu'il n'y en a pas, dans le Morbihan, d'autres espèces que les deux que j'ai signalées.
Cependant, avec toutes les imperfections que l'on pourrait trouver à mon catalogue , je ne pense pas qu'on puisse faire monter à plus de 220, le nombre des espèces de coquilles vivantes dans notre département.
Vannes, le 7 février 1858.
Dr FOUQUET.
ESSAI
SUR
QUELQUES FAMILLES D'HYMÉNOPTÈRES
J'ai cru qu'en donnant un aperçu des espèces de quelques familles d'hyménoptères, observées dans les environs de Saumur, je pourrais rendre service à ceux qui voudront se livrer à des recherches sur ces insectes. J'ai suivi la classification de Lepelletier de SaintFargeau. Il y a plusieurs espèces que je n'ai pas pu déterminer. Sontelles nouvelles? Je n'en sais rien. Je me contenterai donc d'en donner la description en les désignant par une lettre de l'alphabet, pour ne pas attacher des noms nouveaux à celles qui en auraient déjà reçus et ne pas embrouiller davantage une nomenclature beaucoup trop surchargée.
FAUNE SAUMUROISE.
HYMÉNOPTÈRES.
APIS mellifica.
BOMBUS lapidarius — interruptus — montanus — sylvarum — italicus — hortorum — terrestris — ericetorum — apricus.
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VESPA crabro — vulgaris — gerii — rufa.
POLYSTES — gallica — diadema — Geofroyi.
ANTHOPHORA nidulans — albigena — bimaculata — binotata — squalida — flabellifera — crassipes — vara — pilipes fulvitarsis — intermedia — retusa — parietina — mixta.
MACROSERA malvse — alticincta.
EUCERA longicornis — linguaria — distincta.
XYLOCOPA violacea.
PANURGUS dentipes — lobatus — ater.
DAZYPODA hirlipes — plumipes.
ANDRENA pilipes — nitida — cineraria — thoracica — velutina — lucida — albicans — fulva — flessae — bicolor — fulvago — florea — cingulata — marginata.
A.
Tête noire; ses poils gris sur le bord du chaperon, noirs autour des yeux et sur le sommet de la tête. Poils du corselet roux en dessus, cendrés en dessous. Abdomen noir brillant, couvert de poils cendrés assez rares. Cinquième segment bordé de poils bruns, noirs au milieu. Dessous des segments bordés de poils cendrés. Les quatre pattes antérieures et les deux cuisses postérieures, noires. Les deux jambes postérieures et tous les tarses, ferrugineux. Point marginal et nervures des ailes d'un jaune testacé. Longueur six lignes (1). Femelle.
B.
Tète noire; ses poils noirs avec un reflet roux : poils du corselet gris roussâtre, un peu plus foncé sur le dos. Abdomen noir : légèrement couvert sur les trois premiers segments de poils cendrés assez longs, le quatrième couvert de poils roux et noirs, le cinquième entièrement noir ainsi que les poils de l'anus. Pattes noires, cuisses couvertes de poils d'un roux clair, les poils des jambes et des tarses, roux foncés, à l'exception des deux jambes postérieures, dont les poils sont d'un roux vif sur les deux faces. Ailes transparentes, jaunâtres. Nervures et point marginal testacés. Longueur six lignes. Femelle.
(1) Pour suivre la marche indiquée par Lepelletier, j'indiquerai les longueurs en lignes, pour comparer plus facilement avec les espèces qu'il a décrites.
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Un individu a les poils de la face complétements noirs et les quatrième et cinquième segments couverts de poils noirs.
C.
Tête, corselet, abdomen et cuisses couverts de poils roux; bords des quatre premiers segments largement décolorés et couverts de poils couchés qui forment quatre bandes assez marquées. Cinquième segment et anus couverts de poils hérissés noirs. Poils des jambes noirs, à l'exception des deux postérieures dont le dessous seulement est du même roux que le corps. Les quatre derniers tarses roux testacés. Ailes transparentes. avec le bord légèrement enfumé. Nervures testacées. Longueur six lignes. Femelle.
D.
Ressemble à la précédente espèce; mais les poils de la tête plus noirs. Abdomen très-peu velu ; quelques poils blancs et rares sur le bord des segments qui ne sont pas décolorés. Poils des jambes postérieures cendrés en dessous. Taille un peu plus petite.
Le mâle semblable. Poils du sixième segment et des jambes roussâlres.
E.
Semblable à la fulva, mais tous les poils du dessus du corselet et du dessus de l'abdomen, d'un beau jaune doré. Je n'ai jamais rencontré cette espèce qu'au mois de mai, butinant sur l'épine-vinette (Berberis vulgaris). La fulva paraît dès le mois de mars.
F.
Tête noire. Ses poils noirs. Dessus du corselet roux vif; le dessous presque noir; poils des deux premiers segments de l'abdomen d'un roux vif; les autres d'un noir profond. Pattes noires, leurs poils noirs. Poils des hanches, des pattes postérieures , d'un beau blanc, ainsi que quelques poils aux jambes des mêmes pattes. Tarses ferrugineux. Ailes transparentes, le bout un peu enfumé, nervures ferrugineuses. Longueur cinq lignes. Femelle.
G.
Tête noire, tous ses poils noirs, ceux du vertex un peu roux cen3
cen3
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dré. Corselet noir; poils du dessus roux cendré, ceux du dessous noirs. Abdomen noir; très velu surtout sur les deux premiers segments. Les premier, deuxième et troisième à poils cendrés, avec quelques poils noirs. Le quatrième presque tout noir, les bords légèrement cendrés. Les deuxième, troisième et quatrième ciliés de poils blancs. Anus noir. Dessous des segments bordés de poils bruns cendrés. Pattes : les quatre antérieures à poils bruns ferrugineux, les poils des palettes et des deux cuisses postérieures, blanc cendré. Tarses ferrugineux à poils ferrugineux. Femelle. Longueur cinq lignes et demie.
Le mâle. Moins velu sur l'abdomen; le bord des deuxième, troisième, quatrième et cinquième segments cilié de blanc. Anus ferrugineux, poils de toutes les pattes d'un gris roussâtre.
H.
Tête noire; les poils d'un noir roussâtre, dessus du corselet roux vif, le dessous et les côtés, ainsi que le métathorax, roux cendré. Abdomen noir;.dessus des deux premiers segments couverts au milieu de longs poils soyeux, roux dorés; troisième et quatrième à poils courts gris roux, et légèrement ciliés de poils blanchâtres ; cinquième noir. Pattes noires, poils des palettes et des cuisses cendrés, ceux des tarses ferrugineux. Ailes transparentes , nervures ferrugineuses. Longueur cinq lignes. Femelle.
Des mâles, que je crois appartenir à cette espèce, ont les poils de la tête blancs mêlés de noir sur le vertex. Les cils des deuxième, troisième et quatrième segments plus prononcés et les poils des jambes gris roussâtre.
I.
Tête noire ; ses poils gris roux. Des poils de même couleur, couvrent le dessus et le dessous du corselet, ainsi que les pattes et toutes les cuisses. Abdomen noir, très-lisse sur les bords des quatre premiers segments, qui sont un peu décolorés; le reste assez fortement ponctué et couvert de poils hérissés blanchâtres, mais très-peu épais. Cinquième segment à poils ferrugineux. Poils des jambes postérieures noirs en dessus, blanchâtres en dessous. Ailes transparentes, nervures ferrugineuses. Longueur cinq lignes. Femelle.
J.
Ressemble un peu à la précédente, mais plus petite. Tous les poils
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roussâtres; abdomen noir très-lisse, les bords latéraux des deuxième, troisième et quatrième segments très-finement ciliés de poils blancs, le cinquième ainsi que l'anus, bordés de points ferrugineux. Longueur quatre lignes. Femelle.
K.
Tête noire; ses poils cendrés, ceux du vertex noirs. Dessus du corselet roux cendré. Dessous ainsi que les cuisses, cendrés. Abdomen d'un noir bleu; le bord des quatre premiers segments cilié de poils touffus, d'un beau blanc. les poils supérieurs de ces bandes, un peu roux, ce qui leur donne un aspect ombré. Le cinquième segment et l'anus à poils bruns ferrugineux. Les deux jambes antérieures à poils gris roux, les postérieures à poils fauves dorés. Ailes transparentes, le bout légèrement enfumé. Longueur cinq lignes et demie. Femelle.
L.
Les poils de la tête roux, ceux du vertex noirs. Poils du dessus du corselet, entre les deux ailes, noirs, tous les autres roux. Abdomen noir ponctué : premier segment à poils roux hérissés, bord des deuxième, troisième et quatrième segment finement cilié de blanc, cinquième noir à la base, largement cilié de poils roux vif, s'éclaircissant sur les côtés. Anus roux. Poils des pattes roux, les tarses ferrugineux , le dernier article pâle, le bout des crochets et la pelotte noirs. Ailes transparentes, nervures brunes. Longueur cinq lignes et demie. Femelle.
Variété. Cinquième segment noir, un peu fauve sur les côtés.
M.
Poils de la tête roux, ceux du vertex noirs. Tous les poils du corselet roux. Abdomen noir, finement ponctué , nu. Les quatre premiers segments , bordés de poils roux. Ceux du premier relevés, les autres appliqués. Le cinquième couvert de poils bruns couchés. Anus noir. Tous les autres poils roux, ceux des deux jambes postérieures d'un roux plus vif. Longueur à peine cinq lignes. Femelle.
N.
Poils de la tête cendrés, plus noirs sur le vertex. Ceux du dessus du corselet gris roux, mêlés de poils noirs, ceux du dessous cendrés.
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Abdomen noir, brillant, ponctué. Premier segment avec quelques poils hérissés blancs jaunâtres, le bord légèrement cilié, les cils interrompus au milieu. Deuxième, troisième et quatrième segments ciliés de poils blancs jaunâtres, le cinquième à poils bruns, noirâtres au milieu avec une touffe de poils blancs jaunâtres de chaque côté. Anus noir avec ses côtés blancs jaunâtres. Tous les poils du dessous et des cuisses blancs jaunâtres. Tarses ferrugineux, poils du dessous des premiers articles, fauves. Les crochets et la pelotte noirs. Ailes transparentes légèrement enfumées au bout. Longueur quatre lignes et demie à cinq lignes. Femelle.
O.
Tête noire ; ses poils gris roussâtres. Corselet ; le dessus et l'écusson entièrement nus, couleur brun lie de vin, sans aucun reflet, le reste du corselet noir brillant et couvert de poils gris roussâtres. Abdomen noir, brillant; premier segment avec quelques cils blancs sur les côtés, deuxième bordé de cils blancs interrompus sur le milieu, troisième et quatrième, ciliés de blanc, cinquième, couvert de poils couchés, s'éclaircissant sur les côtés. Poils des cuisses, des jambes et des tarses, blancs roussâtres : palette des hanches, blanche. Ailes colorées, transparentes, avec le bout plus foncé. Longueur quatre lignes et demie. Femelle.
Mâle. Corselet velu, tous les poils cendrés, à l'exception du sixième segment de l'abdomen et du dessous des tarses, dont les poils sont roux. Ailes également colorées en jaune. Longueur 4 lignes. J'ai pris celle espèce accouplée au mois de juillet.
P.
Poils de la tête roux, dessus du corselet d'un roux vif plus pâle sur les côtés, ainsi que sur toutes les parties inférieures, les pattes comprises. Abdomen, noir brillant. Premier segment avec quelques poils hérissés, blancs jaunâtres. Deuxième et troisième, avec une bande largement interrompue, de cils blancs jaunâtres, le quatrième ayant la bande de cils complète. Cinquième, bordé de roux clair. Poils de l'anus roux. Longueur 4 lignes. Femelle.
Q.
Poils de la face roux pâle, ceux du vertex plus foncés. Corselet noir; poils du dessus et de l'écusson courts et comme veloutés, d'un
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roux foncé, les poils plus longs et plus pâles sur les côtés. Metathorax couvert de points enfoncés et comme chagrinés, ayant quelques poils rares, d'un roux pâle. Abdomen plus étroit que dans les autres espèces, noir, couvert de points enfoncés fins et très-rapprochés, qui le rendent presque mat. Premier segment nu, deuxième et troisième ayant sur les côtés un filet de cils fins et serrés ; quatrième entièrement bordé de cils également très-fins, le cinquième ayant une bordure de cils roux s'élargissant un peu au milieu. Poils du dessous des segments et des pattes, roux. Ailes transparentes, le bout un peu enfumé. Longueur quatre lignes un quart. Femelle.
R.
Tous les poils d'un roux cendré, un peu plus vif sur le corselet, un peu plus pâle sur les parties inférieures. Abdomen noir brillant, quelques légers cils sur les bords latéraux du premier segment, deuxième segment ayant une bande de cils très-interrompue au milieu, troisième, une bande continue amincie au milieu, quatrième, une bande complète, cinquième et anus garnis de poils d'un roux assez vif. Tarses des quatre pattes antérieures, ferrugineux , jambes et premier article des tarses postérieurs foncièrement fauves. Longueur quatre lignes et demie. Femelle.
Varie : le premier article des tarses intermédiaires foncièrement fauve.
Mâle. Poils de la face presque blancs, ceux du corps cendrés, bords des cils, interrompus sur les deuxième et troisième segments; une tache foncière noire sur le milieu des jambes postérieures. Un peu plus petit.
S.
Semblable à la précédente, mais poils généralement plus pâles, cils des quatre premiers segments plus longs et moins serrés, le cinquième, roux pâle. Abdomen beaucoup plus étroit. Toutes les jambes foncièrement noires. Longueur quatre lignes. Femelle et mâle.
T.
Tête et corselet noirs, tous les poils blancs, très-longs et peu touffus. Deuxième, troisième et quatrième segments de l'abdomen, bordés de cils blancs très-lâches, à peine interrompus sur le deuxième segment. Cinquième segment brun au milieu, blanc sur les côtés.
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Poils dus jambes très-longs et peu serrés. Longueur quatre lignes. Femelle.
U.
Poils de la tête et du corselet d'un roux gris et peu fournis. Abdomen très-brillant. Bord latéral des deuxième et troisième segments, ciliés de poils fins blancs. Chacune de ces bandes, surmontée d'un rang de cils beaucoup plus longs et formant un peu le cercle. Cinquième segment cilié de poils un peu roux, surmontés également d'un rang de longs cils blancs. Poils du dessous des tarses un peu roux. Longueur trois lignes. Femelle.
V.
Semblable à l'espèce précédente, mais tous les poils plus pâles, plus lâches et plus hérissés. Un peu moins de trois lignes. Femelle.
X.
Tête noire, ses poils très-touffus, blanc jaune; ceux du sommet noirâtres. Poils du corselet gris jaunâtre mêlés de quelques poils noirs. Les deux premiers segments de l'abdomen, couverts de poils hérissés gris jaunâtre ; les trois derniers de poils hérissés noirs, plus courts. Tous les segments bordés de poils blanc jaunâtre, demi-hérissés ; le cinquième bordé plus finement que les autres. Poils des pattes, gris jaunâtre. Longueur quatre lignes et demie. Femelle.
Il me reste encore une grande quantité de mâles que je ne puis rapporter à aucune des espèces que je possède,
PREMIÈRE SECTION.
HALICTUS quadristrigatus — zebrus — sexcinctus — nidulans — interruptus.
DEUXIÈME SECTION.
HALICTUS xanthopus - sexnotatus — leucosonius — lineolatus — levigatus — vulpinus — loevis — minutus.
A.
Noir ; tous les poils gris cendré. Extrémité du métathorax arrondie, au lieu d'être dentée comme dans le levigatus et bien
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moins rugueuse. Abdomen brillant, base du premier segment ayant quelques poils hérissés cendrés, base des deuxième et troisième segments ayant des poils couchés blancs; quatrième et cinquième entièrement couverts de poils couchés blancs, ces poils trèsfins ressemblant presque à une poussière. Poils des tarses un peu ferrugineux. Ailes transparentes. Longueur trois lignes et demie. Femelle.
B.
Poils de la tête et du corselet, roux vif, ainsi que ceux de toutes les pattes. Abdomen noir ; base de tous les segments couverte de poils roux, peu serrés et plus longs que dans les autres espèces. Ongles testacés. Ailes transparentes. Longueur trois lignes et demie. Femelle.
TROISIÈME SECTION.
HALICTUS virescens — seladonius — morio.
C.
Tête et corselet verts, leurs poils roux: abdomen vert, base du premier segment couverte de poils hérissés ; le reste du premier segment, ainsi que les quatre suivants, couverts de poils courts, couchés, roux , mais n'empêchant pas de voir la couleur foncière. Tous les segments bordés d'un rang de cils blanchâtres, sur lesquels viennent s'appuyer les poils roux des segments, ce qui figure comme un second filet fauve, sur le bord supérieur des cils. Ailes fauves. Longueur deux lignes et demie. Femelle.
QUATRIÈME SECTION.
HALICTUS nigripes — albipes — interruptus. NOMIA diversipes. COLLETES hirta — fodiens.
A.
Tête noire , les poils de la face cendrés, ceux du sommet roussâtres, poils du corselet roux en dessus, cendrés en dessous, abdomen noir, tous les segments bordés à leur extrémité d'une bande de
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poils blancs; anus noir; pattes couvertes de poils cendrés un peu roussâtres, aîles transparentes, longueur trois lignes et demie.
B.
Poils de la face gris jaunâtre, plus foncés sur le sommet, corselet noir, les poils roux en dessus, jaune cendré en dessous, abdomen noir, premier segment fortement ponctué, couvert à la base de poils hérissés, jaune pâle et d'une bande de poils fins et serrés de même couleur au bord postérieur; second segment couvert au milieu, ainsi que les suivants, de poils fins et serrés, d'un noir un peu ferrugineux, ayant leur base et leur extrémité garnies d'une bande de poils jaune pâle. Toutes ces bandes disposées de manière à former des bandes noires et jaunes de même largeur. Anus noir. Aîles transparentes et courtes, longueur quatre lignes.
C.
Tête et corselet, à poils cendré brunâtre en dessus, gris en dessous. Premier segment de l'abdomen, noir et couvert de très gros points enfoncés : quelques poils cendrés hérissés à la base; le bord inférieur, terminé par un bourrelet d'une couleur foncière fauve et surmonté d'un rang de poils cendrés. Second segment finement ponctué ainsi que les suivants et ayant à leur base et à leur bord inférieur, un rang de poils cendrés. Anus noir, pattes noires, leurs poils cendrés. Ailes transparentes, nervures et point marginal noirs, longueur cinq lignes.
CALICODOMA muraria.
OSMIA cornula — bicornis — fronticornis—emarginata — bicolor — fulviventris
— aurulenta — marginella — coerulescens — adunca — spinolae — hyalipennis
— punctatissima.
A.
Tète noire, ses poils gris, corselet noir, ses poils blancs, abdomen entièrement nu, les trois premiers segments ferrugineux en dessus, les deux premiers seulement ferrugineux eu dessous ; le quatrième segment noir, finement bordé de ferrugineux; cinquième noir, anus noir, bordé d'une villosité blanche, pattes noires, leurs poils blancs, palette ventrale blanche, longueur trois lignes.
MEGACHILE willugby — pyrina — ericetorum — centuncularis — circumcincta — argentata.
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A.
Tête noire, tous ses poils noirs, poils du corselet roux en dessus, presque noirs sur les côtés et en dessous. Abdomen noir hérissé de poils roux sur les quatre premiers segments, noirs sur le cinquième et l'anus. Jambes noires, à poils roux, palette ventrale rousse, noire sur les bords. Longueur cinq lignes, femelle.
B.
Tête noire, ses poils blancs sur la face, corselet à poils cendrés. Abdomen noir : premier segment, avec quelques poils hérissés cendrés sur les côtés, les autres nus, mais tous bordés d'un rang de cils d'un blanc pur; ces cils beaucoup plus minces sur le dos que sur les côtés. Anus noir, palette ventrale à poils blancs; le dernier segment et quelquefois les deux derniers à poils noirs ; poils des pattes blancs. Longueur quatre lignes.
Mâle semblable; les poils plus nombreux et d'un cendré plus roux. Dernier article des antennes peu comprimé, dernier segment de l'abdomen presque entier et sans dents, entièrement noir.
ANTHOCOPA papaveris.
ANTHIDIUM manicatum — oblongatum — punctatum — lituratum — strigatum.
HERIADES truncorum — campanulorum.
CHELOSTOMA maxillosa — culmorum.
PSITHYRUS rupeslrjs — frutetorum — campestris — vestalis.
MELECTA armata — punctata.
Les Melecta armata et punctata me semblent les deux espèces que nous possédions, quoique la description que donne M. Lepelletier de l'armata, ne se rapporte pas entièrement à la nôtre. Dans tous les individus que j'ai été à même d'observer, l'écusson est toujours couvert de poils noirs ainsi que la base des ailes. Un faisceau de poils blancs sous les premières ailes et un semblable derrière les secondes, poils de l'abdomen entièrement noirs, à l'exception des taches qui sont d'un blanc pur. Chez d'autres individus, les taches des deux premiers segments de l'abdomen, sont mêlées de poils couleur de suie et les deux petites taches des troisième et quatrième, sont de cette dernière couleur. On arrive ainsi à des individus d'un noir profond, sans aucune trace de poils blancs même sur les jambes,
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avec les tarses plus ou moins ferrugineux, ce qui donnerait les Melecta testaceipes et aterrima,
CROCISA ramosa — orbata,
EPEOLUS variegatus,
NOMADA fulvicornis — succincta — sexfaciata — solidaginis — brevis (Carcel) — germanica — jacobei — lineola — zonata — quadrimaculata — furva — ruficornis — panzeri,
A.
Tête noire; bouche, bord du chaperon et orbite antérieur des yeux, ferrugineux. Antennes noires en dessus, ferrugineuses en dessous. Corselet noir : prothorax, point calleux, écusson et portécusson, ferrugineux brillant. Abdomen : premier segment ferrugineux, deuxième ferrugineux en dessus, noir sur les côtés, troisième noir, offrant encore une teinte ferrugineuse au milieu; ces deux derniers segments ayant, de chaque côté, chacun une grande tache ovale, d'un blanc pur. Quatrième et cinquième segments noirs, ayant chacun au milieu de leur bord postérieur, une grande tache blanche, en carré long. Anus noir en dessous; les trois premiers segments ferrugineux; les quatrième et cinquième noirs. Les quatre pattes antérieures ferrugineuses, les hanches marquées de noir, les deux cuisses postérieures, presqu'entièrement noires; les deux jambes ayant une longue tache noire sur le devant, le reste ferrugineux. Ailes très transparentes à reflets violets, le bord très enfumé et nettement tracé. Longueur un peu plus de trois lignes. Plus large, proportion gardée, que les autres espèces. Cette belle espèce butine sur les fleurs d'Eringium.
CERATINA cyanea — albilabris.
DI0X1S cincta.
COELIOXIS conica — rufescens — punctata — elongata — octodentata.
A.
Tête noire, ses poils cendrés, mandibules ferrugineuses, noires à la pointe. Les deux premiers articles des antennes noirs, les autres ferrugineux. Corselet noir, une ligne de petits poils blancs couchés, parlant des épaulettes et dépassant la naissance des ailes. Plusieurs autres petites taches sur le corselet et à la naissance de l'écusson,
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dessous du corselet couvert de poils cendrés. Abdomen noir, les cinq segments bordés de poils cendrés, en dessus et en dessous; ces lignes s'élargissant brusquement sur les côtés. Anus noir à la base, le reste d'un roux vif. Le cinquième segment ferrugineux en dessous, toutes les pattes ferrugineuses. Longueur trois et demie à quatre lignes, femelle.
STELIS aterrima — phoeoptera — nasuta.
PR0S0P1S variegata — signata.
SPHECODES nigripes — gibbus — maculatus — geofrellus.
EUMENES olivieri — pomiformis.
DISCOELIUS zonalis.
PREMIÈRE SECTION.
ODINERUS spinipes — melanocephalus — crenatus — lindenii — minutus.
A.
Tête noire, un très petit point sur le front et un autre plus petit derrière les yeux. Corselet noir, deux petits points jaunes sur le postécusson. Abdomen noir, les deux premiers segments ayant à leur bord inférieur une bande régulière jaune, se continuant en dessous sous les deux segments. Pattes noires, le devant des quatre jambes antérieures ferrugineux, la base des deux jambes postérieures de la même couleur, tarses noirs. Ailes presque noires près de la côte ; écaille brune avec un point jaune. Longueur trois lignes, femelle.
Le mâle. Tête noire, chaperon et base des mandibules jaunes, un très petit point derrière les yeux. Antennes noires, premier article jaune en dessous, les cinq derniers ferrugineux en dessous ; le crochet entièrement ferrugineux. Corselet noir, deux taches jaunes sur le prothorax. Le second segment de l'abdomen en dessous, ayant seulement deux points latéraux jaunes. Jambes jaunes, avec un peu de noir à la partie interne des deux antérieures. Genoux et tarses ferrugineux. Ailes comme la femelle, écaille bordée de jaune.
B.
Tête et antennes noires, labre très peu échancré. Corselet noir, armé postérieurement de deux pointes. Deux taches blanches, quelquefois peu apparentes, sur le prothorax. Abdomen noir, les premier
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et deuxième segments portant en dessus, à leur bord inférieur, une bande régulière blanche, ne se prolongeant pas sous le premier segment et quelquefois réduite à deux taches latérales, sous le second. Pattes noires, tous les genoux ferrugineux. Les deux jambes antérieures seules, ferrugineuses en devant. Ailes brunes, écaille brune bordée de blanc. Longueur trois lignes, femelle.
Mâle. Labre et base des mandibules blancs. Antennes noires; premier article et les six derniers, blancs en dessous, le crochet noir. Pattes noires, toutes les jambes blanches en devant, les tarses ferrugineux. Longueur de deux et demie à trois lignes.
C.
Semblable à l'espèce précédente, mais premier segment de l'abdomen ferrugineux, en dessous et sur les côtés, bord blanc du second segment ne se prolongeant pas en dessous.
Un mâle, que je crois devoir rapporter à celte espèce, à cause de l'absence de la bande blanche sous le second segment, a le premier segment de l'abdomen noir et les antennes noires.
D.
Mâle. Tête noire; chaperon blanc échancré, mandibules noires, antennes noires, premier article blanc en devant, l'extrémité des antennes ferrugineuse. Corselet noir, deux petits points ronds sur le prothorax. Portécusson prolongé et très relevé. Les deux premiers segments de l'abdomen noirs, bordés de blanc, les suivants d'un noir fuligineux, un tache blanche sur le milieu des quatrième, cinquième et sixième en dessous, le deuxième ayant un point blanc sur les côtés ; les suivants bruns ferrugineux. Pattes : les cuisses noires, les quatre jambes antérieures et les tarses blancs, les deux jambes postérieures, blanches à la base, noires à l'extrémité. Tarses bruns, le premier article très renflé au milieu et aussi gros que le bas des jambes. Longueur un peu moins de trois lignes.
DEUXIÈME SECTION.
ODINERUS parietum — crassicornis — elegans — bifasciatus. ALASTOR atropos.
CERCER1S labiata — ferreri — interrupta — arenaria — ornata — quadricincta — brevirostris.
45 PHILANTHUS coronatus — triangulum. PSEN ater — atratus — equestris.
NISSON interruptus — geniculatus — dufourii — wesmaelii — nigripes — panzerii.
GORITES campestris — mystaceus. HOPLISUS quinquecinctus — lacorderii ? EUSPONGUS vicinus — laticinctus. LESTIPORUS bicinctus. PSAMMECIUS punctulatus. ARPACTUS loevis — formosus. ALYSON bimaculatus — lunicornis.
A.
Tête noire; chaperon, orbite interne des yeux et une ligne s'élevant entre les antennes blancs. Mandibules Manches, la pointe noire. Antennes noires en dessus; premier article blanc en dessous, les autres ferrugineux, le dernier seul noir. Prothorax ayant une ligne blanche interrompue. Du milieu de chaque angle extérieur part une ligne blanche qui s'élève jusque sur le point calleux. Ecusson blanc, portécusson noir. Abdomen noir, une tache ovale blanche à la base du deuxième segment, anus ferrugineux. Pattes, hanches noires, pâles à l'extrémité, cuisses et jambes ferrugineuses, les quatre jambes antérieures, pâles en devant. Ailes transparentes avec un nuage brun traversant la partie caractéristique, écaille ferrugineuse. Longueur trois lignes, femelle.
Cette espèce semble se rapprocher de la description de l'Alyson Ratseburgii de Dahlbom, mais ici les pattes sont toutes ferrugineuses.
MELLINUS arvensis.
CEMONUS lugubris — unicolor.
PAMPHREDON minutas.
CRABRO cephalotes — striatus — comptas — lituratus — chrysostomus — ornatus.
SOLENIUS lapidarius — grandis — fuscipennis — vagus.
BLEPHARIPUS signatus — quinquemaculatus.
CERATOCOLUS phylanthoides — striatus.
TYREOPUS cribrarius — patellatas.
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CROSSOCERUS scutatus — varius — pallidipalpis — wesmaelii — gonager — podagricus — aphidium — leucostoma — niger — luteipalpis — palmipes ? — subpunctatus.
LINDENIUS albilabris — panzeri — apicalis — venustus — brevis — curtus.
A.
Tête noir, antennes noires, mandibules noires ferrugineuses au milieu. Corselet noir, espace subcordiforme rayé obliquement, abdomen noir. Pattes noires, les deux jambes antérieures jaunes en devant, les quatre postérieures avec les genoux pâles. Ailes transparentes, écaille ferrugineuse. Longueur une ligne et demie à une ligne trois quarts.
CORYNOPUS tibialis.
OXIBELUS mucronatus — fissus — nigripes — bellicosus— ruptor — quatuordecim notatus — tridens — uniglumis.
TRIPOXILON figulus.
MISCOPHUS bicolor.
DINETUS pictus.
TACHITES obsoleta ? — pompiliformis — panzeri — pectinipes — unicolor ?
Les Tachites unicolor, que j'ai rencontrés,se rapportent assez à la description qu'en font Lepelletier et Dahlbom ; cependant, dans tous les individus que j'ai pris, les tarses sont ferrugineux et la taille d'un tiers plus petite : il y aurait aussi suivant Dahlbom une différence dans la forme de la troisième cellule cubitale, dont l'angle extérieur est arrondi. Longueur de trois à quatre ligues la femelle, trois lignes le mâle.
Je ferai la même observation pour l'Obsoleta ; la longueur donnée par M. Lepelletier est de huit lignes et demie, nos plus grands individus ne dépassent pas six lignes et les poils fins et couchés qui recouvrent l'anus, sont toujours ferrugineux et non pas noirs. Le mâle de noire espèce, a les pattes noires comme la femelle.
Nous avons aussi une variété, ou peut-être une espèce, ayant les mêmes dispositions de couleur que l'Obsoleta : elle en diffère, en ce que les genoux, les jambes et les tarses, sont foncièrement jaune fauve et revêtus de poils dorés et les poils du dessus de l'anus, aussi brillants qu'une feuille d'or. Cette magnifique variété
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ou espèce, se rencontre à la même époque et est à peu près de même taille. Le mâle est semblable, les poils un peu plus argentés.
LARA anathema.
ASTATA boops — Vanderlindenii.
BEMBEX tarsata - rostrata.
STIZUS tridens.
SPHEX occitanica — albisecta — flavipennis — proditor ?
AMMOPHILA hirsuta — sabulosa — holosericea — affinis.
MISCUS campestris.
APORUS bicolor — femoralis.
EVAGETES bicolor.
PLANICEPS latreillii.
CALICURGUS bipunctatus — variegatus — binotatus — propinquus — exaltatus
— vulgaris — affinis — apricus — ambulator — obtusiventris (Dahlbom).
POMPILUS tripunclatus (Dahlbom) — albonotatus — gracilis — rufipes — fuscatus
— pulcher — sericeus — micans.
A.
Entièrement noir, sans poils brillants; mandibules noires à la base et au bout, rouges au milieu. Ailes très brunes, l'extrémité presque noire. Longueur trois lignes et demie, femelle.
POMPILUS australis - viaticus — pectinipes — gibbus — gibbulus — infuscatus
— lindenii.
B.
Tête noire, mandibules ferrugineuses, noires à la pointe. Prothorax noir, ayant deux petites lignes blanches ne touchant pas le bord postérieur. Les trois premiers segments de l'abdomen ferrugineux, les autres noirs. Pattes : hanches, trochanters et base des deux cuisses antérieures noirs, le reste ferrugineux. Ailes transparentes à la base, toute l'extrémité, à partir de la troisième cubitale, brune. Longueur deux lignes et demie, femelle.
ANOPLIUS apicalis — petiolatus — distinctus.
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A.
Noir; les deux premiers segments de l'abdomen ferrugineux; prothorax court et très échancré, pattes noires. Ailes transparentes, l'extrémité brune, la partie caractéristique un peu enfumée, troisième cellule cubitale, à peine rétrécie vers la radiale. Longueur trois lignes, femelle.
Mâle. Le troisième segment de l'abdomen ferrugineux à la base, jambes antérieures et extrémité des cuisses, ferrugineuses ; jambes postérieures noires, l'extrémité des cuisses ferrugineuse. Ailes généralement enfumées ; un peu plus petit.
NIGER unimaculata — bifasciatus — cinetellus — coccineus.
CEROPALES maculata — histrio — variegata.
SCOLIA bifasciata — quadripunctata.
COLPA interrupta.
TYPHIA femorata — morio — villosa - minuta.
SAPYGA punctata — prisma.
MIRMOSA brunnipes — atra.
MUTILLA coerulans — clausa— cyanea — ephyppium — bimacula — incompleta?
A.
Ressemble au Bimacula, mais prothorax et écusson rouges.
B.
Semblable, mais prolhorax et mesothorax rouges, écusson et métathorax noirs.
MUTILLA maura — rufipes — montana — calva.
CHRYSIDES (Dahlbom).
Voir la description des espèces, paye 61.
ICHNEUMONIDES (Gravenhorst).
J'ai suivi pour le classement des Ichneumonides l'ouvrage de Gravenhorst, malgré ses nombreuses erreurs; Wesmvel en a rectifié
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un bon nombre, et même cherché à faire de nouvelles coupes. C'est une famille si nombreuse, et si difficile à étudier, qu'il se passera encore bien du temps avant qu'on puisse arriver à une méthode satisfaisante.
PREMIÈRE SECTION.
ICHNEUMON nigritarius — lincator — opticus — corruscator — tristis — brunnicornis — annulator.
TROISIÈME SECTION.
ICHNEUMON fossorius — ochropis — fabricator — iridipennis — digramus — proteus — multiannulatus — fuscipes — semiorbitalis.
QUATRIÈME SECTION.
ICHNEUMON extensorius — confusorius — stramentarius — raptorius — gracilicornis — pallidicornis — sanguinatorius — sarcitorius balteatus (Wesmael)
— vedatorius — laboratorius — octoguttatus — iocerus — zonalis — hostilis
— cingulatorius — deceptor — lepidus — notatorius — multipictus ? — suavis ?
— callicerus.
SIXIÈME SECTION.
ICHNEUMON vaginatorius — xanthorius — occisorius — infractorius — fasciatorius
— nicthemerus.
SEPTIÈME SECTION.
ICHNEUMON flavoniger — luridus — luctatorius — defensorius — illuminatorius
— glaucatorius — natatorius — albolineatus— xanthius.
HUITIÈME SECTION.
ICHNEUMON fusorius — divisorius — culpatorius — amputatorius — alticola — antennatorius — vacillatorius — sedulus — lanius — albicinctus.
NEUVIÈME SECTION
ICHNEUMON melanocastanus — confector — fumigator — hoemorrhoidalis — ischiomelinus — latrator — albilarvatus — semivulpinus — celerator — melanogonus — eques (Wesmael) — subtilicornis.
4
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DIXIÈME SECTION.
ICHNEUMON violentus — incubitor.
ONZIÈME SECTION.
ICHNEUMON erythreus — lapidator. ORONOTUS (Wesmael) coarctatus. ISCHNUS truncator — flliformis — thoracicus. CRYPTURUS argiolus. STILPNUS gagates.
MESOLEPTUS subcompressus — modestus — leptocerus —fortipes — sulpburatus
— geniculosus — rufoniger — loevigatus — filicomis — mundus — regenerator
— typhae — seminiger.
PREMIÈRE SECTION.
TRYPHON pinguis — vepreterum — niger ? — proerogator — compunctor. DEUXIÈME SECTION.
TRYPHON sexcinctus — marginellus — lucidulus — succinclus ? — sexlituratus virgultorum.
QUATRIÈME SECTION.
TRYPHON elegantulus — varicornis — elongator — brachiacanthus — varitarsus
— rutilator — bicolor.
EXOCHUS frenator — coronatus ? — gravipes — crassicornis — femoralis — curvator — podagricus — prosopius.
SCOLABATES italicus.
TROYAS lutatorius — flavatorius.
ALOMIA ovator — nigra.
OPLISMENUS perniciosus — albifrons — errabundus ? — uniguttatus.
PREMIÈRE SECTION.
CRYPTUS macrobatus — cyanator — tarsoleucus — moscator — bivinctus —« anatorius — spiralis — brachicentrus —leucopsis? — bilineatus — unicinctus.
DEUXIÈME SECTION.
CRYPTUS viduatorius.
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QUATRIÈME SECTION.
CRYPTUS albulatorius —volubilis — assertorius — tuberculatus — perspicillator
— ischioleucus.
CINQUIÈME SECTION.
CRYPTUS obscurus — alternator — nubeculatus — albovinctus — peregrinator — incubitor — titillator — analis — dianae — spinosus — perfusor — migrator — ornatus — rufulus.
SIXIÈME SECTION.
CRYPTUS bimaculatus.
PYGADEUON digitalus — oviventris ? — curvus — vagabundus — pufligrator — graminicola — ovator? — quadrispinus.
MESOSTENUS notatus — albinotatus — grammicus — gladiator.
HEMITELES similis — palpalor — areator — melanogonus — luteolator.
PEZOMACHUS fasciatus — pedestris — festinans — agilis — nigrocinctus — vagans — bicolor.
PHYTODIETUS calceolatus.
NEMATOPODIUS formosus.
GLIPTA teres — vulnerator — sculpturata — ceratites — mensurator — scalaris
— bifoveolata.
PREMIÈRE SECTION.
LISSONOTA setosa — impressor — catenator — segmentator — sulphurifera — hortorum — arvicola.
DEUXIÈME SECTION.
LISSONOTA deversor — maculatoria — pectoralis — irrisoria.
QUATRIÈME SECTION.
LISSONOTA parallela — perspicillator.
CINQUIÈME SECTION.
LISSONOTA verberans — cilindrator — decinator — bellator. POLYSPHINCTA rufipes.
52
SCHIZOPYGA podagrica — tricingulata — minuta.
PIMPLA flavicans — melanopyga — ornata — rufata — varicornis — roborator — colobata — graminella — stercorator — turionella — flavipes — spuria — alternans
— scanica — examinator— viduala? — instigator. EPHIALTES manifestator — carbonarius — varius — mediator. RHYSSA curvipes.
METOPIUS sicarius — necatorius —dentatus.
BASSUS rufiventris — elegans — festivus — sulcator — rufipes — albosignatus —
annulatus — insignis — latatorius. BANCHUS compressus — pictus — falcator. EXETASTES fornicator — guttatorius — nigripes— loevigator — calabatus.
PREMIÈRE SECTION.
CAMPOPLEX difformis — albidus? — xanthostomus — lateralis — albipalpis — majalis — ebeninus.
DEUXIÈME SECTION.
CAMPOPLEX orbitalis — armillatus — chrysostictus.
TROISIÈME SECTION. CAMPOPLEX multicinctus — fulviventris — longipes — rufiventris — maculatus ?
QUATRIÈME SECTION.
CAMPOPLEX insidiator — carnifex — notatus — dolosus — ruficinctum —
— latrator — rufimanus — nigripes — moestus — floricola — mixtus — pugillator — cultrator—perfidus.
PANISCUS glaucopterus — virgatus — testaceus.
ANOMALON circumflexus — ruficorne — cerinops — xanthopus — armatum
(Wesmael) — brevicorne — tenuicorne — flaveolatum — tenuitarsum —
anomelas.
OPHION lutus — ramidulus — merdarius — marginatus — obscurus.
TACHINOTUS foliator.
PACHYMERUS vulnerator — calcitrator.
CREMASTUS bellicosus.
ACOENITES fulvicornis — arator — nigripennis — rufipes — dubitator.
XILONOMUS pilicornis — filicornis.
XORIDES collaris.
ODONTOMERUS dentipes.
53 TENTHRÉDINES (Lepelletier de Saint-Fargeau).
LYDA flaviventis — inanita.
A.
Antennes noires, testacées en dessous, face et derrière des yeux testacés, dessus de la tête noir. Corselet noir en dessus, testacé sur les côtés, sternum noir. Abdomen testacé, premier et septième segments noirs en dessus. Pattes testacées. Ailes très enfumées, paraissant noires lorsqu'elles sont fermées; écaille testacée. Longueur trois lignes et demie.
TARPA plagiocephala.
CEPHUS satyrus — pygmaoeus — tabidus — luteipes — nigripes — mandibularis.
A.
Antennes noires, tête noire, palpes et mandibules testacés. Corselet noir, abdomen noir, côtés des troisième, quatrième, cinquième et sixième segments testacés. Pattes : cuisses noires, genoux, tibias et tarses testacés. Ailes et écaille rousses. Longueur trois lignes. Mâle et femelle.
B.
Tête, antennes, corselet et abdomen noirs, bord du prothorax ayant une ligne blanche interrompue. Pattes : cuisses noires, ayant la base et l'extrémité blanches, les quatre jambes antérieures et les tarses blanc jaunâtre, les deux postérieures blanches à la base, rousses au milieu et noires à l'extrémité, tarses bruns. Longueur quatre lignes. Femelle.
ATHALIA ancilla — cordata — lineolata — richardi — annulata — cintifoliae.
CIMBEX pallens — humeralis — femorata — amerinae — nitens — nigricornis — jurinae.
HYLOTOMA coerulescens — ustulata — dimidiata — pagana — rosae — enodis — thoracica.
54 A.
Semblable à l'Enodis mais les deux jambes postérieures blanches un peu noires à l'extrémité. Mâle,
CRYPTUS furcatus — angelicae. LOPHYRUS picae.
A.
Antennes, tête et corselet noirs. Abdomen noir en dessous et sur les côtés, extrémité noire. Pattes testacées; base des cuisses noire, tarses bruns, à l'exception de la base du premier article, femelle.
Mâle. Semblable, mais abdomen tout noir. Vit sur le genévrier.
B.
Tout noir, les deux jambes antérieures testacées, les deux intermédiaires testacées en dessous, brunes en dessus, les deux postérieures testacées seulement à la base, toutes les cuisses noires et les tarses bruns.
CLADIUS difformis — rufipes — morio.
PREMIÈRE SECTION. PRISTIPHORA myosotidis — testacea — testaceicornis — pallipes.
DEUXIÈME SECTION.
PRISTIPHORA atra.
A.
Antennes d'un brun ferrugineux, tête noire. Bouche d'un jaune ferrugineux, corselet noir, abdomen noir, l'extrémité un peu ferrugineuse. Pattes entièrement d'un jaune ferrugineux. Ailes rousses, écaille et nervure des ailes testacées, femelle.
Mâle, semblable, mais bouche noire et extrémité des jambes postérieures et tarses bruns.
B.
Tête noire, bouche et une tache entre les antennes testacées. An-
55
tennes brunes en dessus, testacées en dessous. Thorax lestacé, ayant trois taches noires sur le dos, une tache longue oblique sous les ailes et le sternum noir. Abdomen et pattes testacés; extrémité des jambes postérieures et leurs tarses bruns. Nervures et point marginal bruns. Femelle.
PREMIÈRE SECTION,
NEMATUS pallipes.
DEUXIÈME SECTION.
NEMATUS Clitellatus.
A.
Antennes noires, tête noire, bouche ferrugineuse. Thorax noir, épaulettes jaune-ferrugineux. Abdomen et pattes jaune-ferrugineux; ailes et nervures de la même couleur. Femelle.
B.
Antennes noires, tête noire, bouche ferrugineuse. Corselet noir, épaulettes blanches. Abdomen noir en dessus, l'extrémité ferrugineuse, dessous de l'abdomen blanc jaunâtre. Pattes : hanches et trochanters blanc-jaunâtre, cuisses, jambes et tarses jaune-ferrugineux. L'extrémité des deux jambes postérieures et leurs tarses bruns. Nervures des ailes testacées. Femelle.
C.
Tête testacée, antennes noires, vertex noir. Thorax testacé, trois grandes taches sur le dos, un point noir sur le milieu de l'écusson, le postécusson, deux taches sous les ailes et le sternum noirs. Abdomen testacé, les six premiers segments noirs en dessus. Pattes testacées, toutes les hanches tachées de noir ; les derniers articles des tarses postérieurs, bruns. Femelle.
TROISIÈME SECTION.
NEMATUS septentrionalis — histrio — suessionensis — vicinus — cinctus — interruptus — intercus — dorsalis — vittatus.
D.
Tout noir; pattes brunes, genoux pâles. Ailes transparentes. Longueur deux lignes.
56
E.
Tête, antennes et thorax noirs, bouche ferrugineuse, abdomen testacé. Pattes : hanches, trochanters et base des cuisses noirs; le reste testacé. Ailes transparentes, nervures brunes, côte et point marginal testacés. Mâle.
F.
Antennes noires, tête testacée, front et vertex noirs, corselet testacé : sur le dos trois grandes taches noires, deux petits points noirs sous la base des ailes. Abdomen testacé, tous les segments ayant en dessus une large tache noire. Pattes testacées, les deux jambes postérieures et leurs tarses noirs ferrugineux. Ailes transparentes, nervures brunes, point marginal testacé , avec un point plus foncé au milieu. Femelle.
G.
Tête testacée, un seul point noir sur le vertex. Antennes testacées, les deux premiers articles noirs. Thorax, abdomen et pattes, testacé pâle, quelques taches noires autour de l'écusson, du postécusson et sur les segments de l'abdomen.
NEMATUS salicis dimidiatus — affinis — ruficornis.
DEUXIÈME SECTION.
TENTHREDO alternans — pavida — ornata — neglecta — coryli — labiata — lateralis — gracilis — maura — atra — microcephala — rufipes — trichocera — nigrita — livida — dimidiata — viridis — interrupta — scripta — duplex.
A.
Cette espèce a beaucoup de rapports avec le Duplex, mais elle est plus ramassée et a la tête beaucoup plus large. Le dessous du corps est presqu'entièrement noir; les pattes postérieures sont blanches, avec les genoux et l'extrémité des jambes noirs. Tous les tarses sont noirs. Femelle.
B.
Tête noire, antennes noires, les quatre derniers articles d'un beau vert, ainsi que toutes les parties de la bouche et les joues. Thorax
57
noir, vert en dessous à sa partie postérieure. Abdomen : les trois premiers segments noirs, ayant une tache dorsale verte, qui va en s'élargissant du premier au troisième, les quatrième, cinquième et sixième verts, les autres noirs, dessous de l'abdomen vert. Toutes les pattes vertes, rayées de noir ; le noir plus étendu sur les jambes postérieures. Tarses postérieurs noirs, leurs articles dilatés. Ailes rousses, nervures brunes, point marginal verdâtre. Mâle.
C.
Tête jaune; front noir, deux taches jaunes sur le milieu, antennes noires en dessus, jaunes en dessous, thorax noir en dessus, jaune en dessous, épaulettes, quatre taches obliques sur le milieu, écusson, portécusson et deux points au dessous, jaunes. Pattes jaunes rayées de noir, extrémités des jambes et des tarses annelées de noir. Femelle.
TROISIÈME SECTION.
TENTHREDO scrophularioe — meridiana — captiva — luteiventris — vespiformis — marginella — confusa — cincta — vidua — succincta — rustica — viennensis.
D.
Antennes noires, premier article jaune, tête noire. Mandibules, labre et chaperon jaunes, thorax noir, épaulettes et écusson jaunes. Abdomen : premier segment noir, avec une bande jaune au bord postérieur; deuxième, troisième, quatrième noirs, cinquième, sixième jaunes ; quelquefois le sixième presque noir, septième et huitième noirs, avec une tache jaune. Pattes : les quatre antérieures jaunes; une petite tache noire à l'extrémité des jambes. Pattes postérieures : cuisses jaunes, presqu'entièrement couvertes par une tache noire. Jambes jaunes à la base, noires dans presque la moitié inférieure. Tarses noirs assez dilatés. Mâle.
TENTHREDO strigosa — citreipes — abietis — schoeferi — blanda — juvenilis.
E.
Ressemble au blanda, mais mandibules noires. Les deuxième, troisième et quatrième segments de l'abdomen ferrugineux testacé, quelquefois même noirs en dessus. Un petit point blanc à l'extrémité interne des cuisses intermédiaires, hanches postérieures sans taches blanches.
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F.
Tête noire; antennes noires, mandibules, labre, chaperon et palpes blancs. Thorax noir. Abdomen noir, les deuxième, troisième, et quatrième segments testacés, un peu marqués de noir en dessus. Cinquième et sixième noirs, ayant chacun une tache blanche de chaque côté, septième noir. Anus portant une tache blanche. Pattes noires, les quatre antérieures rayées de blanc intérieurement, les postérieures toutes noires. Hanches noires, tous les trochanters blancs, ayant une petite tache brune en dessus. Nervures et point marginal bruns. Femelle.
G.
Tête noire très chagrinée, antennes noires, chaperon très échancré, labre jaune ferrugineux. Orbite intérieur et inférieur des yeux, blanc. Thorax noir très chagriné, une ligne blanc terne sur les épaules et bordant le prothorax. Abdomen noir. Premier segment entièrement noir, les suivants ayant sur le bord latéral, une ligne blanc verdâtre, qui s'allonge successivement et forme une bande continue sur les deux derniers segments. Pattes noires. Cuisses antérieures blanches en devant à l'extrémité, les autres ayant seulement une petite ligne blanche. Toutes les jambes blanches en devant. Ailes très brunes; écaille et base des ailes d'un jaune ferrugineux vif, point marginal du même jaune à la base, l'extrémité noire, toutes les nervures d'un noir profond. Femelle.
Cette remarquable espèce, vient d'être prise le 20 mars, par M. Paul Lambert qui a bien voulu me la remettre.
TENTHREDO punctum — hematopus — duodecimpunctata — maculosa — albamacula — luctuosa — albicincta —exalbida — ribis.
H.
Toute noire, à l'exception d'une petite ligne blanche, à l'extrémité interne des cuisses antérieures et d'une large tache blanche sur les hanches postérieures. Femelle. Longueur six lignes.
QUATRIÈME SECTION.
TENTHREDO morio — albipes — cothurnata — fusca — tistis — hylotomoides — fraxini — hoemorrhoidalis.
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I.
Toute noire; pattes d'un jaune ferrugineux. Base des cuisses et tarses noirs.
TENTHREDO fuscipennis — melanosterna — fallax — luteola — costalis — ephippium.
J.
Tête noire, antennes noires, palpes ferrugineux pâle ; thorax noir, épaulettes ferrugineuses. Abdomen ferrugineux, pattes ferrugineuses, hanches noires. Ailes transparentes, nervures brunes, jaunes à la base, nervure radiale noire en se rapprochant du point marginal., qui est noir et bordé de jaune extérieurement.
K.
Tête noire, antennes noires, mandibules, labre et chaperon ferrugineux. Thorax noir, un peu ferrugineux sur les côtés, épaulettes ferrugineuses, abdomen et pattes ferrugineux. Nervures des ailes brunes, jaunes seulement à l'extrême base. Femelle.
L.
Antennes noires, les deux premiers articles jaunes, le reste comme l'espèce précédente. Nervures des ailes jaunes, à l'exception de la nervure radiale, qui est très-large, et presqu'entièrement noire. Peut-être le mâle de l'espèce précédente.
M.
Antennes et tête noires : thorax noir en dessus, ferrugineux en dessous, avec une tache noire à l'extrémité du sternum. Abdomen et pattes ferrugineux. Ailes entièrement noires lorsqu'elles sont pliées. Nervures noires. Femelle.
N.
Tête, antennes et thorax noirs. Abdomen : premier segment noir, les autres ferrugineux. Pattes ferrugineuses, la base de toutes les cuisses noire et les tarses bruns. Ailes assez enfumées. Nervures presque noires. Longueur deux lignes. Femelle.
0.
Entièrement noire y compris les ailes. Tous les segments de l'abdomen, le premier excepté, finement liserés de blanc.
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PREMIÈRE SECTION.
DOLERUS togatus.
DOLERUS cinctus — cingulatus — fasciatus — vicinus — leucopodus — testaceipes — varipes — luctuosus — pallipes.
A.
Tête noire, antennes noires, bouche blanche, thorax noir, épaulettes blanches. Une grande tache triangulaire blanche, sur les côtés au-dessous des ailes. Abdomen noir en dessus. Le milieu des quatrième, cinquième, sixième segments, ayant une tache triangulaire ferrugineuse; anus blanc. Dessous de l'abdomen blanc, à l'exception des deux derniers segments, qui sont noirs. Pattes entièrement blanches, ailes transparentes, nervures brunes. Mâle.
filète et antennes noires, corselet noir, épaulettes et côtés testacés. Abdomen testacé. Pattes testacées, hanches et trochanters tachés de noir. Tarses et extrémité des deux jambes postérieures, noirs. Ecaille et base des ailes testacées, nervures ferrugineuses, point marginal brun. Femelle.
TROISIÈME SECTION.
DOLERUS germanicus.
C.
Ressemble au germanicus, mais beaucoup plus grand. Les genoux et la tarière sont noirs. Le premier segment de l'abdomen est souvent testacé; l'écusson toujours noir.
DOLERUS geniculatus — cothurnatus — tristis.
D.
Antennes, tête et thorax noirs. Abdomen : premier segment noir, deuxième, troisième, quatrième, cinquième et quelquefois la base du sixième, ferrugineux testacé. Le reste noir. Cuisses noires, jambes ferrugineux testacé. Tarses bruns, le premier article des quatre antérieurs ferrugineux. Ailes transparentes, nervures noires. Femelle.
DOLERUS rufipes — gonager — niger — opacus.
A. COURTILLER.
Saumur, 1858.
DESCRIPTION
DES CHRYSIDES
OBSERVEES AUX ENVIRONS DE SAUMUR.
TABLEAU DES FAMILLES DE L'ORDRE DES CHRYSIDES.
1. Mâchoires et lèvres médiocres.
1re Section. Abdomen convexe en dessus et en dessous, prothorax ovoïde 1re fam. Cleptidées.
2e Section. Abdomen convexe en dessus, concave en dessous.
1™DIVISION. Ongles des tarses pectines 2e fam. Elampidées.
2e DIVISION. Ongles des tarses unidentés 3e fam. Hedychridées.
3e DIVISION. Ongles des tarses simples.
A. Troisième segment de l'abdomen ou mutique, ou ondulé, ou 1, 2, 3, 4, 5, ou 6
denté 4e fam. Chrysidées.
B. Troisième segment de l'abdomen denté en
scie 5e fam. Euchrocidées
2. Mâchoires et lèvres longues, la lèvre inférieure prolongée en trompe, couchée sur la poitrine, dans le repos.
Quatre segments à l'abdomen des mâles, dernier seg. crenelé 6e fam. Parnopidées.
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PREMIÈRE FAMILLE. — CLEPTIDÉES (1).
GENRE CLEPTES. 1. CLEPTES NITIDULA.
Longueur cinq à six millimètres Q Tête d'un noir bronzé brillant. Antennes souvent brunes, prothorax fauve, mesothorax bronzé brillant, écusson et métathorax bleu. Abdomen : les deux premiers segments fauves, le troisième fauve à la base, brun à l'extrémité, le quatrième brun. Cuisses brunes, le reste des jambes fauve cf. Tête et thorax bleu verdâtre brillant, les deux premiers segments de l'abdomen fauves, les derniers bruns. Jambes comme la femelle.
2. CLEPTES SEMIAURATA.
Longueur six millimètres Ç. Tête, prothorax, mesolhorax et écusson cuivreux doré brillant, métathorax et dessous thorax vert bleuâtre. Abdomen fauve, deuxième segment plus court que le troisième qui est brun à la base avec un léger reflet bleu. Pattes quelquefois entièrement fauves, ordinairement les cuisses noires ou bronzées cf. Tête et thorax bleu verdâtre brillant; abdomen fauve, dernier segment à reflet bleu.
DEUXIÈME FAMILLE. — ELAMPIDÉES.
GENRE OMALUS.
Milieu du troisième segment échancré, les côtés de ce même segment sans sinuosités.
3. (MALUS AURATUS.
Longueur trois à quatre millimètres. Tête et thorax bleu ou bleu verdâtre; abdomen doré cuivreux. Echancrure du troisième segment en triangle obtus; portécusson renflé presque hémisphérique.
(1) J'ai suivi pour ces descriptions, l'ouvrage de Dahlbom, comme étant le dernier publié sur ce genre d'insectes. |Ç femelle, çf mâle).
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4. OMALUS COERULEUS.
Longueur 5 millimètres, entièrement d'un beau bleu violet quelquefois un peu doré. Portécusson renflé, conique. Echancrure du troisième segment peu profonde.
GENRE ELAMPUS. Bord du troisième segment échancré; côtés de ce même segment unis ou bisinués.
5. ELAMPUS BIDENTULUS.
Longueur trois à quatre millimètres, d'un bleu verdâtre. Abdomen vert doré, le bord du troisième segment bisinué de chaque côté de l'échancrure ; portécusson en cône pointu. Varie beaucoup pour la couleur.
6. ELAMPUS TRUNCATUS.
Longueur trois à quatre millimètres; semblable au précédent, mais le bord du troisième segment unisinué. Portécusson en cône obtus.
7. ELAMPUS SPINA.
Longueur six millimètres. Tête et thorax bleu un peu violet; chaperon vert brillant, abdomen vert bleuâtre brillant. Echancrure du troisième segment petite, les côté bisinués, postécusson ayant une longue pointe subtriangulaire. L'extrémité du troisième segment formant un bourrelet qui dépasse l'échancrure.
8. ELAMPUS PANZERI.
Longueur quatre à cinq millimètres vert bleuâtre brillant; abdomen doré. Troisième segment bisinué de chaque côté de l'échancrure, qui vue de face représente assez exactement la forme d'un fer à cheval. Postécusson ayant une longue pointe obtuse, rectangulaire.
GENRE HOLOPYGA.
Corps épais presque rond. Bord du troisième segment très entier.
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9. HOLOPYGA PUNCTATISSIMA.
Longueur cinq millimètres. Tête et thorax verts, cavité faciale très peu profonde ; ocelles très gros et se touchant presque. Ponctuation fine et serrée, base de l'aréole intermédiaire du mesothorax d'un noir bronzé et finement ponctuée ; abdomen rouge doré ; pattes bleu verdâlre. Genoux, extrémité des tibias et tarses, testacés.
10. HOLOPYGA OVATA,
Cette espèce est si variable, qu'il est impossible d'indiquer quel est véritablement le type qu'il faut choisir pour la description.
Première division. — Tête et thorax bleu ou bleu verdâtre.
VARIÉTÉ A. Longueur cinq millimètres. Tête et thorax bleu ou bleu verdâtre, abdomen doré.
VARIÉTÉ B. Longueur six à huit millimètres. Tête et thorax bleu ou bleu verdâtre, abdomen rouge cuivreux doré, base de l'aréole du milieu du mesothorax peu ponctuée.
VARIÉTÉ C. Longueur six à sept millimètres, semblable, mais base de l'aréole du milieu du mesothorax entièrement ponctuée.
Deuxième division. —Tête et thorax vert brillant.
VARIÉTÉ D. Tête et thorax vert brillant, abdomen rouge doré.
Troisième division. — Prothorax seul doré.
Je n'ai pas rencontré cette variété.
Quatrième division. — Prothorax et mesothorax dorés.
VARIÉTÉ G. Longueur cinq à six millimètres, tête bleu ou bleu verdâtre, prothorax et mesothorax cuivreux doré, le reste du thorax bleu verdâtre. Abdomen rouge doré.
11. HOLOPYGA GLORIOSA. FAB. (variété i Dahlbom).
Longueur cinq à cinq millimètres et demi Q. Tête bleue, prothorax, mesothorax, écusson et postécusson doré brillant, le reste
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du thorax et les pattes bleus. Abdomen doré brillant, à ponctuation très fine.
çf très probablement. Longueur cinq millimètres. Tète et thorax bleu, prothorax et mesothorax doré brillant; abdomen doré brillant à ponctuation très fine : pattes bleues, genoux au moins les deux antérieurs dorés; l'extrémité des tibias et les tarses testacés.
TROISIÈME FAMILLE. — HEDYCHRIDÉES.
GENRE HEDYCHRUM. Dernier segment de l'abdomen entier ou légèrement sinué.
Première division. — Dernier segment de l'abdomen légèrement sinué.
12 HEDYCHRUM SOLANDII.
Longueur cinq à cinq millimètres et demi, entièrement bleu en dessus tournant au bleu-verdâtre sur les côtés et sur tout le dessous ; ponctuation épaisse et serrée qui le rend presque mat. Quelquefois le dessous des deuxième et troisième articles des antennes, testacé. Cavité faciale peu profonde, verte finement et fortement' ponctuée. Chaperon vert brillant sans échancrure. Mandibules vertes à la base, noires à la pointe et testacées au milieu. Pattes : trochanters et base lies cuisses vert brillant, extrémité des cuisses, genoux, tibias et tarses rose testacé. Ailes très légèrement enfumées., nervures brunes, écaille couleur des jambes. J'ai dédié cette espèce, dont je n'ai pas trouvé de description, à M. De Soland, président denotre Société, faible hommage rendu à son zèle.
Deuxième division. — Troisième segment de l'abdomen entier. 13. HEDYCHRUM CHALIBOEUM.
Longueur cinq millimètres, entièrement bleu verdâtre. Vertex et thorax fortement ponctués. Abdomen brillant, cavité faciale finement et fortement ponctuée. Troisième segment ayant de chaque côté un angle obtus peu apparent et d'un angle à l'autre avant l'extrémité une ligne légèrement enfoncée, qui fait paraître ce segment comme terminé par un léger bourrelet. Pattes bleu verdâtre; tarses bruns. Varie pour la couleur.
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14. HEDYCHRUM CHLOROIDEUM.
Longueur cinq millimètres, ressemble beaucoup au chaliboeum, mais cavité faciale très brillante; deuxième et troisième segments de l'abdomen finement bordés de brun testacé.
15. HEDYCHRUM RUTILANS.
Longueur cinq à six millimètres, tout le corps vert cuivreux avec des reflets rouges sur le bord des segments de l'abdomen, cavité faciale très brillante. Pattes et dessous du thorax, bleu ou verdâtre ; tarses bruns.
16. HEDYCHRUM LUCIDULUM.
Longueur quatre à huit millimètres 9 Tête, écusson et métathorax bleu ou bleu verdâtre. Prothorax et mésothorax dorés un peu cuivreux. Dessous du thorax bleu. Cavité faciale brillante et fine - ment striée; abdomen rouge doré : troisième segment ayant de chaque côté, jusqu'à la base, un angle saillant assez prononcé et avant l'extrémité une ligne légèrement enfoncée. Dessous de l'abdomen brun. Bord de l'avant-dernier segment très-échancré, et au milieu de l'échancrure, une pointe presque à angle droit avec ce segment.
C? A le thorax entièrement bleu ou bleu verdâtre.
17. HEDYCHRUM ARDENS Latreille ( Var. Lucidulum, Dahl. ).
Longueur quatre à huit millimètres. Vertex, prothorax, mésothorax et écusson, vert cuivreux rutilant comme terni. Ponctuation comme usée. Cavité faciale mieux déterminée que dans l'espèce précédente, et plus profonde. Abdomen cuivreux doré. Dessous de l'abdomen brun; bord de l'avant-dernier segment sans échancrure et sans pointe, mais simplement relevé par un pli.
çf Semblable à la femelle, quelquefois un peu moins cuivreux.
Variété ç?. Abdomen tout vert, à reflets légèrement dorés.
J'ai rétabli cette variété comme espèce, ce qu'avait fait également M. Wesmael, et voilà pourquoi. La cavité faciale est bien plus prononcée que dans le Lucidulum ; les ocelles forment un angle beaucoup plus ouvert ; le prothorax est plus étroit et beaucoup plus long, la ponctuation moins serrée et moins rugueuse, l'avant-dernier segment, en dessous, ne porte jamais d'épine et n'est pas échancré.
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Cette espèce, certainement la plus commune que nous ayons, paraît plus lard que le Lucidulum, quoiqu'on les trouve cependant ensemble. J'ai vérifié ces différences sur plus de cent individus, et j'aurais pu m'en procurer plusieurs centaines dans une seule chasse, sur les fleurs de l'Eringium.
18. HEDYCHRUM INTEGRUM.
Longueur trois millimètres. Tête et thorax vert bronzé. Prothorax et métathorax fortement ponctués. Mesothorax lisse, brillant et finement ponctué. Abdomen brillant, rouge cuivreux. Pattes vertes, tarses testacés. Ventre noir de poix, une grande tache dorée sur le deuxième segment.
19 HEDYCHRUM CORIACEUM.
Longueur trois millimètres. Tête, prothorax et mesothorax vert bronzé, finement et régulièrement ponctués. Métathorax bleu, dessous et côtés vert bleuâtre. Dessus de l'abdomen rouge cuivreux. Dessous noir de poix, deuxième segment sans tache ou avec une tache verte.
20. HEDYCHRUM FERVIDUM.
Longueur cinq à six millimètres. Tête, prothorax, mésothorax , écusson et dessus de l'abdomen, cuivreux doré resplendissant. Métathorax et dessous du thorax bleu. Cuisses bleues, tibias rouge doré, tarses bruns.
21. HEDYCHRUM ROSEUM.
Longueur cinq millimètres. Tête et thorax vert bleuâtre forlement ponctués. Abdomen rose testacé. Pattes vertes, tarses testacés.
QUATRIÈME FAMILLE. — CHRYSIDÉES.
GENRE CHRYSIS.
Première division. — Bord du dernier segment parfaitement entier.
22. CHRYSIS AUSTRIACA.
Longueur huit à dix millimètres. Thorax bleu, bleu violet ou bleu
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vert. Abdomen rouge doré. Tête aussi large auprès des mandibules qu'au vertex. Cavité faciale légèrement marquée , face très velue. Les fossettes du troisième segment peu marquées.
23. CHRYSIS BICOLOR.
Ressemble beaucoup à l'Austriaca, mais la tête est plus étroite auprès des mandibules qu'au vertex, la cavité faciale plus profonde et moins velue, et les angles du métathorax plus grands.
24. CHRYSIS AERATA.
Longueur huit millimètres. Tête et thorax verts ou bleus ; tête plus large que le prothorax. Cavité faciale peu profonde et très- ponctuée, un très-petit espace brillant au fond et près des antennes. Les quatre premiers articles des antennes vert bleu. Thorax très-ponctué. Postécusson prolongé en tubercule obtus. Pieds bleu verdâtre. Tarses bruns. Ailes transparentes à l'extrémité, la base et la côte enfumées. Abdomenrouge cuivreux opaque, très-ponctué, avec une légère carène sur les trois segments. Dernier segment arqué à partir de l'endroit où commencent les fossettes, qui sont nombreuses et petites. Dessous du ventre rouge, or et vert brillant.
25. CHRYSIS COERULIPES.
Longueur sept à huit millimètres. Tête, dessus du thorax et abdomen pourpre doré, métathorax, sternum et pattes bleus. Ailes transparentes, enfumées près de la côte et dans la cellule radiale. Dessous de l'abdomen rouge doré.
26. CHRYSIS D1CHR0A.
Longueur six à sept millimètres. Vertex, métathorax, dessous du thorax et pattes bleu verdâtre. Cavité faciale peu profonde, verte ainsi que le devant de la tête. Prothorax, mésothorax, écusson et abdomen, rouge doré brillant. Les deux premiers segments du dessous de l'abdomen, noirs à la base, dorés à l'extrémité; le troisième entièrement brun.
Deuxième division. — Troisième segment de l'abdomen onduleux. 27. CHRYSIS ELEGANS.
Longueur quatre à six millimètres. Thorax bleu, varié de vert ou
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d'or. Abdomen rouge doré, le premier segment ayant sa base fortement échancrée et verte. Le bord du troisième segment bronzé ; ventre vert.
J'aurais encore à ajouter à cette division deux espèces qui se rapportent assez, l'une au Crassimargo, l'autre au Versicolor, mais n'ayant qu'un individu de chacune d'elles, j'attendrai pour être plus certain.
Troisième division. — Troisième segment unidenté. 28. CHRYSIS SUCCINCTULA.
Longueur quatre à six millimètres. Thorax bleu ou verdâtre. Deux taches sur le bord antérieur du prothorax. Le mésothorax et l'abdomen, cuivreux doré. Cavité faciale profonde et brillante. Bord du troisième segment, brun ou violet bronzé 9 (Voir la planche à la fin de cet article, fig. 1).
C? Plus petit; cavité faciale très-finement ponctuée, bord du troisième segment sans sinuosité (fig. 1).
Quatrième division. — Troisième segment bidenté.
Cinquième division. — Troisième segment tridenté.
29. CHRYSIS CYANEA.
Longueur quatre à six millimètres. Entièrement bleu ou bleu verdâtre brillant, légèrement ponctué. Tarses bruns.
Sixième division. — Troisième segment quadridenté. 30. CHRYSIS NIT1DULA.
Longueur dix millimètres. Entièrement bleu ou bleu violacé. Cavité faciale finement et fortement ponctuée, bordée supérieurement. Premier segment de l'abdomen fortement ponctué. Ponctuation du second plus fine et serrée. Troisième segment finement et légèrement ponctué.
31. CHRYSIS FULGIDA.
Longueur six à huit millimètres. Thorax bleu brillant. Premier segment de l'abdomen bleu, le deuxième et le troisième dorés. Le second segment bleu à la base dans le mâle.
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32. CHRYSIS CYANOPYGA.
Longueur quatre à six millimètres. Corps épais fortement ponctué. Thorax bleu ou vert. Les deux premiers segments de l'abdomen dorés, le troisième bleu. Cavité faciale peu profonde, bordée supérieurement d'une ligne biarquée. Abdomen à peu près de la longueur de la tête et du thorax réunis. Dents de l'extrémité du troisième segment presque sur la même ligne, les deux du milieu plus rapprochées (fig. 3).
33. CHRYSIS SPLENDIDULA.
Semblable à la précédente espèce, mais corps beaucoup plus grêle. Ponctuation plus fine et moins serrée; cavité faciale assez profonde , bordée supérieurement d'une ligne droite réfléchie aux extrémités. Très-brillante dans son milieu et peu saillante. Le bord occipital a deux petits angles saillants à la hauteur du milieu des yeux. L'abdomen est plus long que la tête et le thorax réunis, l'extrémité du dernier segment rétrécie, les dents également espacées (fig. 4).
34. CHRYSIS BIDENTATA.
Longueur sept à huit millimètres. Corps allongé, fortement ponctué, très-velu. Tête, dessous du thorax, métathorax, troisième segment de l'abdomen et pattes bleu ou bleu verdâtre. Dessus du thorax et les deux premiers segments de l'abdomen dorés ou rouge doré. Dents du troisième segment peu saillantes (fig. 5).
35. CHRYSIS ANALIS.
Longueur cinq à six millimètres. Thorax bleu ou vert; abdomen, troisième segment bordé de bleu, les dents triangulaires peu prononcées.
36. CHRYSIS SCUTELLARIS.
Longueur sept à huit millimètres. Tête et thorax bleu mêlé de vert. Trois points vert brillant, sur une ligne, au-dessous des ocelles. Ecusson doré; postécusson vert; abdomen doré ou rutilant. Base inférieure du troisième segment, bleue; dents peu saillantes, comme dans le Bidentata.
Troisième segment ondulé dans le mâle.
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37. CHRYSIS SUCCINCTA.
Longueur cinq à six millimètres. Tête et thorax bleu ou bleu vert. Prothorax ayant sur le bord antérieur, deux taches triangulaires vert brillant ou doré. Mesothorax et abdomen rouge doré. Bord du troisième segment brun vert, ou brun pourpré; les dents plus ou moins prononcées.
38. CHRYSIS INOEQUALIS.
Longueur sept à huit millimètres. Tête et thorax bleu ; abdomen rouge doré. Cavité faciale assez profonde, velue, brillante, striée transversalement et bordée supérieurement d'une ligne arquée (fig. 6) à peine onduleuse. Troisième segment déprimé au milieu, à ponctualion semblable au deuxième segment. Dents du troisième segment inégales (fig. 7).
39. CHRYSIS DISTINGUENDA.
Longueur sept à dix millimètres. Corps très large : thorax bleu ou vert ; abdomen doré ou rouge doré. Cavité faciale assez régulièrement ponctuée, une ligne saillante au milieu. Bord supérieur surmonté d'une ligne ordinairement légèrement irrégulière (fig. 8) ou déprimée dans son milieu (fig. 9). Abdomen large; ponctuation des derniers segments à peu près semblable. Dents du bord postérieur peu prononcées (fig. 10).
40. CHRYSIS IGNITA.
Longueur cinq à neuf millimètres. Tête ou thorax bleu ou vert bleu. Abdomen doré cuivreux. Cavité faciale peu profonde et trèsponctuée, surmontée d'une ligne irrégulière. Dernier segment de l'abdomen, déprimé dans son milieu, à ponctuation plus fine et plus serrée que le deuxième segment. Dents du troisième segment triangulaires, presque sur la même ligne (fig. 11).
Septième division. — Troisième segment à cinq dents. Huitième division. — Troisième segment à six dents.
41. CHRYSIS MICANS.
Longueur sept à neuf millimètres. Tête et thorax bleu ou bleu
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verdâtre, fortement ponctués. Le fond de presque tous les points, pourpre cuivreux. Abdomen très-ponctué, rouge cuivreux à reflets verts. Les six dents de l'extrémité, triangulaires et aigües.
CINQUIÈME FAMILLE. — EUCHROEIDÉES.
GENRE EUCHROEUS. Troisième segment de l'abdomen inégalement denté en scie.
4.2. EUCHROEUS PURPURATUS.
Longueur huit millimètres. Tète vert doré ou dorée : sur le vertex une tache pourpre. Thorax : le fond de tous les points enfoncés vert doré, leur bord pourpre. Mésothorax ayant trois lignes longitudinales pourpre. Abdomen bleu violet. De chaque côté du premier segment, une tache dorée et une autre petite au milieu. Deuxième segment ayant une large tache dorée triangulaire de chaque côté, dont les angles viennent presque se toucher sur le dos. Cuisses vert doré, jambes et tarses jaunes.
SIXIÈME FAMILLE. — PARNOPIDÉES.
GENRE PARNOPES.
43 PARNOPES CARNEA.
Longueur neuf à dix millimètres. Corps large et fortement ponctué. Tête et thorax vert souvent aspergé de rouge cuivreux. Postécusson prolongé en lame ordinairement trilobée et irrégulièrement dentée. Abdomen: premier segment vert cuivreux à sa base, le bord et les autres segments, d'un testacé un peu carné, ainsi que les jambes et l'écaille des ailes. Les cuisses sont vertes.
Il reste encore probablement beaucoup de chrysides à découvrir dans notre département : j'espère que la description que je donne des espèces que j'ai recueillies, servira à faire compléter l'étude de ce genre d'insectes, le plus brillant de nos contrées.
A. COURTILLER.
COUP-D'OEIL
SUR
LES RICHESSES MYCOLOGIQUES
DU NORD-OUEST DE L'ANJOU.
Le nord-ouest de Maine et Loire, comprenant l'arrondissement de Segré et la partie limitrophe de l'ancien Anjou, enclavée aujourd'hui dans le département de la Mayenne, présente toutes les conditions topographiques et climatériques les plus favorables à la propagation et au développement de nos diverses espèces de champignons , et en produit même quelques-unes qu'on s'était trop hâté d'éliminer de notre flore, comme demandant une latitude plus chaude et étant de leur nature exclusivement méridionales. Rien de plus accidenté et de plus pittoresquement varié que l'aspect de celte contrée formée de champs de céréales séparés par des fossés et des haies vives, et plus ou moins boisés dans tout leur périmètre, de nombreuses chaînes de collines, de vallées étroites et peu profondes, de prés, de taillis, de landes, de forêts, de terres vagues couvertes d'ajoncs et de bruyères, mais qui disparaissent progressivement sous les efforts d'une culture éclairée ; bocage immense, coupé d'un labyrinthe de sentiers verdoyants et sinueux, de chemins vicinaux sillonnés de l'empreinte des chars rustiques, et parfois encaissés bien au-dessous du gisement des terres labourées, et de quelques
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routes départementales et stratégiques qui en vivifient les bourgs et les villages groupés dans tous les sites et dont quelques points culminants du passage laissent voir au voyageur les clochers épars élançant leurs flèches au-dessus des massifs de chênes, d'ormes ou de châtaigniers. La partie orientale de l'arrondissement de Segré est particulièrement riche en pâturages et en terres à froment très productives, grâce à la Mayenne qui la traverse du nord au sud et féconde tout ce qu'elle arrose. Celte rivière a pour affluent un cours d'eau plus central, navigable à partir de Segré, et que grossissent successivement l'Usure, qui baigne le Craonnais, l'Arraise, la Verzée et l'Argos et beaucoup de petits ruisseaux qui en sont les tributaires. Ce qui complète la diversité du sol, et en fait singulièrement contraster les points de vue, c'est, dans le vaste triangle formé par les villes de Craon, de Pouancé et de Segré, un mélange de monticules, de plaines, de mamelons, de ravins, d'herbages, d'étangs, de déclivités aux épais ombrages, de marais peu étendus, de terres soit granitiques, soit schisteuses, rebelles à toute culture, et de nombreuses ardoisières, les unes depuis longtemps abandonnées, les autres en pleine exploitation. Cette variété de sites et d'expositions champêtres, qui divergent vers tous les rhumbs de l'horizon, et ce terroir tour à tour sablonneux, friable, argileux, compacte, gras, tourbeux et composé d'alluvions et de détritus de végétaux, se prêtent admirablement à toutes les vicissitudes atmosphériques qui favorisent réclusion des cryptogames curieux et bizarres, et spécialement à la reproduction de toutes ces plantes aphylles, anomales et polymorphes, d'une nature molle ou spongieuse, coriace, tubéreuse, cornée et parfois semi-ligneuse, qui constituent l'innombrable famille des champignons.
Les agents extérieurs de la végétation de tous les fongoïdes sont l'air et la lumière, la chaleur et l'humidité. Dans l'obscurité des caves et des cryptes ou catacombes, ils s'étiolent et s'allongent vers le moindre soupirail comme les autres plantes. Il suit de là que la prédisposition hydro-attractive des grandes masses végétales doit être éminemment propre à leur propagation, et que, plus une région est boisée, plus ces productions anormales doivent y être abondantes. Or, la partie septentrionale de l'ancien Anjou nous offre, vers le nord-ouest, la vaste forêt d'Ombrée, puis, sur la limite qui nous sépare de la Loire-Inférieure, la forêt de Chauveau et les bois de Juigné; entre Pouancé et Craon, la forêt qui emprunte son nom de cette dernière ville, les bois de Saint-Martin du Limet, de Pourzai, de Beauchêne, des Echrennes ; vers Ille-et-Vilaine, un peu en dehors du Craonnais, l'immense forêt de la Guerche; à l'est de notre
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circonscription, la forêt de Valle, au nord de Segré, le bois de la Ferrière, au nord-est de ce chef-lieu d'arrondissement, les bois de Monguillon et de la Jaille, plus au midi, ceux de Chenillé et de Chanteussé; au sud-est, la forêt de Longuenée. Noire cadre nous force d'abréger celte nomenclature d'une longueur déjà fastidieuse. Une contrée aussi bocagère, dans une zône de température moyenne, ne peut manquer d'être extrêmement fertile en cryptogames et en champignons aussi variés qu'intéressants. De cet aperçu topographique, qui doit faire pressentir nos richesses en ce genre, passons aux caractères généraux des champignons pour éviter le malheur d'être, dans nos phrases descriptives, incompris des lecteurs étrangers aux études mycétologiques.
Distinguons d'abord dans le champignon une partie souterraine ou hypogée et une partie saillante hors du sol ou aérienne. La partie cachée sous l'humus se compose d'un tissu plus ou moins serré, d'une sorte de feutre blanchâtre formé de fils très déliés qui s'entrelacent et s'anastomosent dans tous les sens : c'est ce qu'on nomme le blanc de champignon ou le mycélium, qui correspond au chevelu, au collet de la racine et à la tige des phanérogames, quelque paradoxale que puisse paraître cette assertion.
Ce mycélium est ce que les jardiniers entretiennent artificiellement sur des couches de fumier industrieusement préparées pour avoir en toute saison l'agaric comestible. Le champignon qui s'élève audessus du sol est proprement un fruit porté sur un stipe ou pédicule. Ce support basilaire, tantôt vertical, tantôt excentrique et latéral, se couronne d'une expansion spongieuse, arrondie ou ovoïde, appelée chapeau, lorsqu'elle est développée, et, en latin, pileus, umbrella, umbraculum. L'épiderme de ce parasol végétal, diversement coloré, recouvre la substance alimentaire, la partie charnue qu'on soumet à l'apprêt culinaire, et, au-dessous d'elle, un hymenium, le réceptacle des globules reproducteurs du champignon, nommés gongyles, spores ou sporules.
Cette membrane fructifère, ou, pour nous exprimer avec plus de justesse, sporifère, s'épanouit en lames rayonnantes dans les agarics, se ramifie en plis entre-croisés dans les mérules, se creuse en tubes cohérents dans les bolets, s'allonge en cônes alvéolés dans les morilles, en mitres, en langues et en spatules dans les helvelloïdées, en papilles ou pointes cylindriques et pendantes dans les hydnes; en massues plus ou moins branchues, en ramifications frisées, cornues ou digitées dans les clavaires.
Le mycélium s'étend et se propage dans toutes les directions, et l'humus qui le recèle contribue à eu élargir la circonférence ou pé-
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riphérie par l'engrais que lui fournit la décomposition même des champignons. Il faut couper, et non arracher ceux-ci si l'on veut en conserver les propagules ou le mycélium reproducteur.
Le développement ou l'extension circulaire du blanc explique un phénomène que quelques mycologues regardaient autrefois comme un problème insoluble, savoir, l'habitude qu'ont certains agarics sociétaires de se grouper en rond et de former ce qu'une crédulité superstitieuse appelait jadis des cercles magiques.
On nomme sporanges les récipients des corpuscules ou sporules propagateurs dont la germination produit le mycélium, fait dorénavant indubitable, qui prouve combien était absurde l'opinion de ceux qui croyaient que les champignons provenaient de générations spontanées, chimère que l'observation tend de plus en plus à dissiper dans les deux règnes organiques. Les botanistes qui, comme le baron de Munchaussen, ont vu dans ces cryptogames des espèces de polypiers, à raison des animalcules infusoires découverts dans leur poussière humectée, ne s'écartaient pas moins de la vérité. D'autres novateurs (notamment Necker dans sa Mycétologie) ont prétendu avec aussi peu de fondement que les champignons doivent leur naissance au tissu cellulaire des plantes, transformé en un corps radiculaire produisant une substance nommée carcithe, qui n'est que le mycélium méconnu.
De là ils ont conclu qu'il faudrait adopter, sous l'appellation de regnum mesymale, un règne intermédiaire entre le règne végétal et le règne minéral. La nature du blanc de champignon, aujourd'hui mieux étudiée, est la réfutation de leur système.
C'est à tort, enfin, que quelques mycologues ont pris pour des racines le prolongement pivotant de quelques bolets et pézizes et les fibrillules de certains lycoperdons dont le byssus blanchâtre ne diffère en rien du véritable mycélium.
Pour achever d'initier nos lecteurs à la connaissance élémentaire des champignons, expliquons trois mots qui peuvent fournir de bons caractères à leur détermination précise et des coupes ou divisions bien tranchées à leur classification : ce sont les termes bourse, collet et cortine.
Une amanite naissante s'offre sous la forme d'un oeuf, enveloppée d'une membrane molle qui se déchire pour livrer passage au chapeau à mesure qu'il se dilate et approche de sa maturité ; c'est cette enveloppe légère qu'on nomme bourse ou volva. Tantôt elle est entière, et recouvre intégralement le champignon qui s'en dégage comme d'un maillot; tantôt elle est incomplète et adhérente à la base du stipe et au chapeau sur la superficie duquel elle laisse des
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taches ou pustules dont la blancheur contraste avec la couleur générale de l'ombrelle. Le collet ou anneau (annulus) n'est qu'un voile partiel inhérent au sommet du pédicule et au bord du chapeau; il s'en détache ensuite et prend la forme d'une membrane circulaire, fréquemment plissée et rabattue autour du stipe.
La cortine (cortina) est un anneau incomplet, arachnoïde, réunissant, avant le développement du champignon, le bord du chapeau avec le pédicule par des fils soyeux qui disparaissent à sa maturité.
La cortine distingue une section d'agarics qui en empruntent le nom de cortinaires. Le docteur Persoon observe qu'on peut rencontrer une amanite pourvue simultanément d'une bourse et d'un collet, mais jamais un agaric qui ait à la fois une cortine et un anneau.
De ces notions préliminaires, passons au recensement des champignons les plus intéressants et les plus curieux du nord-ouest de l'Anjou, dont nous avons ci-dessus déroulé la carte ou esquissé la topographie.
Dès que les pluies équinoxiales du printemps ont fait place aux beaux jours, on voit se développer dans les terrains argileux, au pied des ormeaux, la morille comestible, morchella esculenta, phallus esculentus de Linné, champignon sans volva, à pédicule cylindrique, surmonté d'un chapeau ovoïde ou coniforme, à surface marquée de nervures jaunâtres, réticulées, et d'alvéoles sporulifères affectant des formes polygonales. J'ai trouvé celle morille abondante près de Châteaugontier, dans les champs voisins du bois de Gaudré, et, non loin de Daon, sur le territoire de la commune de Soeurdres, en Maine et Loire.
On la rencontre parfois à peu de distance de Combrée, centre de mes anciennes explorations, sur les communes de Saint-Michel, de Noyant-la-Gravoyère et du Bourg-d'Iré. Un phallus, aussi vénéneux que le précédent est salubre, se montre, dès la fin de mai jusqu'à l'automne, dans les parties humides et marécageuses des forêts d'Ombrée, de Valle et de la Guerche, limite extrême de la Bretagne vers le Craonnais : c'est le phallus impudicus. Je l'ai remarqué près de Craon, dans le parc de la Lande, commune de Niaffe. Cette morille, qui doit sans doute sa qualification spécifique à sa forme et à son odeur nauséabonde, est un poison redoutable; mais la fétidité repoussante de celte espèce rend heureusement à son égard toute méprise impossible. Elle sort d'une valve blanche arrondie comme une boule, et offre un stipe creux, blanchâtre, lacuneux et une ombrelle ridée à sa surface, et couverte d'une gelée verdâtre d'où s'exhalent des miasmes si délétères qu'ils font périr, suivant Mérat,
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les oiseaux renfermés sons une cloche avec celte substance asphyxiante.
Au commencement de juin foisonne dans tous nos bois la mérulechanterelle, merulius cantharellus, champignon de couleur jaune ou chamois, à pédicule plein, charnu, épais, à chapeau d'abord convexe, puis sinueux, creusé en entonnoir, déchiqueté sur ses bords, et à face inférieure marquée d'un réseau de plis bifurques et décurrents sur le stipe. Quoique coriace et d'une saveur un peu poivrée, il est très recherché comme aliment.
Le printemps fait aussi éclore sur nos pelouses et dans nos prairies l'agaric-mousseron, à chapeau d'un blanc sale, jaunâtre ou cendré, à chair ferme, cassante et blanche, et à pédicule court, gros et cylindrique. Le mousseron blanc de Paulet ou l'agaricus albellus de Decandolle annonce sa présence dans nos friches par la suavité de son arôme, et conserve, à l'état sec, une odeur musquée qui lui est particulière et ne permet pas de le confondre avec son congénère. A mesure que la température s'élève et que les chaleurs deviennent plus intenses, nos grandes forêts et nos châtaigneraies étalent de nouvelles richesses mycologiques, savoir, de nombreuses tribus de bolets, la plupart alimentaires et les autres suspects ou notoirement vénéneux. C'est alors qu'apparaissent dans toutes les clairières de nos bois et le long de nos chemins vicinaux, au bord de nos fossés, le bolet comestible, boletus edulis, qui déploie un chapeau souvent fort large, d'un jaune fuligineux ou légèrement brunâtre, quelquefois couleur marron, à chair blanche, compacte, ne changeant pas de couleur au contact de l'air, à tubes d'abord blancs et imperceptibles, puis pâles ou d'un jaune clair, et enfin à pédicule réticulé, bulbeux et d'un blanc-roux ; le bolet bronzé, boletus ocreus, à chapeau d'un brun noirâtre, nuancé de rouge, épais, à chair ferme et à pores courts et jaunâtres ; le bolet orangé, boletus aurantiacus, commun à l'orée des bois, dans leurs éclaircis, et dans les localités couvertes de bruyères, bolet susceptible d'acquérir un volume remarquable, à stipe long, cylindrique, compacte, parsemé d'écailles tousses, à tubes blancs et allongés, à chapeau bombé et couleur de brique, à chair blanche, épaisse, mais pouvant prendre une teinte rouge ou vineuse. Couronnons cette énumération par le bolet rude, boletus scaber, à pédicule renflé à la base, hérissé, rude au tact, à chapeau charnu, hémisphérique, cendré ou fauve, à pores blancs ou gris, jaunissants ou carnés, à chair tendre, acidulée; joignons-y le bolet marron, boletus castaneus, à stipe lisse, mou, cylindrique, quelquefois renflé et crevassé à la base, à chapeau orbiculaire convexe, de couleur marron comme son pédicule, un peu jaunâtre sur
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les bords, à aspect velouté, se déformant dans sa vieillesse, à chair molle et cotonneuse et à tubes successivement blancs et jaunes. J'ai observé fréquemment toutes ces espèces dans la forêt d'Ombrée, dans celle des Echrennes et dans les bois de Beauchêne et sur le territoire des communes de Bonchamp, de Congrier et de SaintAignan, ainsi que dans les forêts de Valle, de Craon et de la Guerche. Nos châtaigneraies fournissent encore le boletus felleus et le piperatus, celui-ci à chair poivrée, et le précédent à ombrelle fauve, à chair amère, rosâtre à l'air, à tubes blancs, qui se colorent de rose dans leur vieillesse.
Ce groupe nombreux de bolets ombrelliformes nous offre deux espèces très dangereuses que j'ai souvent rencontrées autour de Combrée et dans tout notre Craonnais. Ce sont les bolets rubéolaire et indigotier, rubeolarius et cyanescens. Ce qui les différencie de tous les autres, c'est la variation de la couleur de leur chair qui se change en bleu au contact de l'air, indice non équivoque de leur qualité délétère.
La section des bolets dimidiés, sessiles ou stipités et diversement ombraculiformes, en renferme de rares et de curieux qui attirent par leur singularité ou par leur beauté les regards de tout promeneur botanophile. Ce sont encore des espèces estivales.
Essayons de les décrire : le moins commun de ces bolets, le boletus sulphureus, trouvé par moi sur la commune du Tremblay, près de Combrée, et autour de Daon, sur les confins de Maine et Loire, ainsi que dans les environs de Craon, naît sur le chêne et est parfois d'un volume assez considérable, mais toujours d'un jaune soufré éclatant en dessous, et d'un jaune orangé, avec une teinte rosée sous le frottement à sa surface supérieure. On le dit tinctorial.
Un autre bolet de ce groupe, rare encore, c'est le bolet luisant, boletus lucidus, à stipe excentrique, à chapeau coriace, quelquefois jaune dans l'état de jeunesse, mais ordinairement d'un rouge vernissé, à l'époque de son complet développement, dont j'ai observé avec soin les diverses phases. Très variable par sa forme et sa grandeur, selon la remarque de M. Desvaux, il adhère aux vieilles souches et constitue une de nos plus belles espèces.
Un troisième bolet dimidié intéresse l'industrie, et est connu sous les noms de bolet amadouvier, de bolet ungulé, parce qu'on en confectionne de l'amadou et qu'il a la forme d'un sabot de cheval. Il vient sur le chêne et généralement sur les vieux arbres.
Nous ne nous arrêterons pas au bolet obtus, boletus obtusus, plus petit et plus arrondi que le précédent, lisse à sa face supérieure et commun sur le prunier, ni au boletus hispidus, à chapeau fibreux-
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charnu, jaune-brunâtre, noir à son dépérissement, espèce triviale sur tous les vieux pommiers d'une végétation mourante. Mais nous ne saurions passer sous silence le bolet hépatique, boletuss hepaticus, fistulina buglossoïdes de Bulliard, champignon d'une forme très bizarre, naissant au pied du chêne, d'une substance brun-rouge, zonée, mollasse, fibreuse, semblable à un morceau de jambon ou plutôt à la pulpe d'une betterave cuite. C'est, dit Persoon, un des plus singuliers que l'on connaisse. En Autriche, suivant Tratinnick, on le fait cuire avec de la viande de veau, en y ajoutant de la crème et du jus de citron. On peut l'apprêter en fricassée de poulet. Trop avancé, ce bolet tend à l'état ligneux et cesse d'être alimentaire.
Toutes ces espèces sont une partie essentielle de la cryptogamie de nos contrées, qui produisent encore les doedalea labyrinthiformis et suaveolens, le premier sur le chêne, le second sur le saule, l'un assez rare, l'autre vulgaire.
Au nombre des champignons qui pullulent en été dans nos campagnes, il faut compter la variété blanche du champignon de couche, appelée boule de neige, espèce d'une saveur délicieuse; je l'ai trouvée abondante autour de Combrée, dans les prés riverains de la Verzée, et dans ceux qui bordent la roule de Châteaugontier à Arapoigné. On doit y ajouter l'agaric odorant de Bulliard, agaricus odorus, à pédicule dilaté au sommet, plein, blanc, un peu courbé, à chapeau très large, verdâtre ou bleuâtre, sec, à feuillets blancs, inégaux, décurrents sur l'ombrelle ; l'agaricus virgineus ou ericeus, petit champignon blanc ou roux, mou ou sec, à stipe nu, plein ou fistuleux, plus gros au sommet qu'à la base, à chapeau à bords roulés intérieurement, parfois striés et diaphanes, à lamelles serrées et inégales, commun dans nos bruyères et nos pâturages; de plus, tous les lactaires, et spécialement l'agaricus piperatus, l'agaric acre ou poivré, à pédicule blanc, cylindrique, plein, d'une épaisseur presque égale à sa longueur, à chapeau charnu, d'abord convexe et régulier, puis sinueux et creusé en entonnoir, à feuillets légèrement rougeâtres ou jaunâtres, nombreux, inégaux, souvent bifurqués, et rendant, quand on le rompt, de nombreuses gouttes d'un suc blanc, très poivré; l'agaric controversé de Persoon, agaricus controversus, variété du précédent, remarquable par l'énormité de son volume; c'est un des plus gros champignons de l'Anjou. Il est vulgaire dans nos forêts et taillis, et borde de ses larges ombrelles d'un blanc sale ou d'un jaune terreux les fossés latéraux de notre route départementale de Craon à Pouancé et à Châteaubriant. Les agarics douceâtre et doré, subdulcis et lactifluus aureus, appartiennent à ce groupe, lequel comprend aussi le redoutable agaricus necator, qui
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croît dans les bois à la fin de l'été et que j'ai recueilli dans la forêt de la Guerche. Les russulus fournissent copieusement à notre contrée, dans cette même saison, l'agaric sanguin, agaricus sanguineus, le ruber de Decandolle, champignon dangereux, à saveur très caustique, à stipe épais, nu, blanc, souvent marqué de stries noires ou roses, un peu courbé, creux dans sa vieillesse, à chapeau d'un rouge sanguin, comme l'indique son nom, successivement convexe, arrondi, concave, à bords un peu déjetés et à lames épaisses, blanches, quelquefois bifurquées et trifurquées ; et l'agaric pectiné, agaricus pectinaceus, ainsi que ses variétés, l'émétique et le rosé, emeticus et roseus, champignons très communs dans tous les lieux boisés du Craonnais et du nord de l'Anjou, mais très vénéneux.
A toutes nos espèces estivales, je me hâte d'ajouter les deux champignons les plus curieux et les plus intéressants que j'aie trouvés aux environs de Combrée, tous deux d'une beauté frappante, mais de qualités bien opposées. L'un est le magnifique agaric oronge du Midi, agaricus aurantiacus : j'en ai rencontré, à la fin d'un été très chaud, neuf ou dix échantillons groupés circulairement dans la partie de la forêt d'Ombrée, limitrophe de la commune de Bourgl'Evêque ; j'en portai trois, de différents âges, au château de Champiré, chez Mme la comtesse de Narcé, et en vérifiai minutieusement tous les caractères, à l'aide du grand Dictionnaire des sciences naturelles, afin de communiquer le signalement exact de l'heureuse découverte de ce champignon méridional à M. Desvaux, qui n'avait osé l'introduire dans sa Flore.
L'autre est le clathrus cancellatus, qui, par la singularité de sa forme, mérite ici une description détaillée. A sa naissance, il présente une enveloppe globuleuse ou ovoïde et blanche, de la grosseur d'une bille; peu à peu la volve se rompt à son sommet, et laisse voir le chapeau, qui est ordinairement d'un beau rouge, et formé de ramifications charnues qui s'entre-croisent comme un grillage, et s'arrondissent en voûte, en émettant de tous côtés un liquide verdâtre, visqueux, horriblement fétide, dans lequel sont renfermées les graines ou sporules. Cette matière glaireuse tombe en déliquescence et entraîne avec elle les gongyles.
Nos cantons possèdent encore deux agarics dignes d'intérêt, l'agaric améthiste, vulgaire le long de nos champs, et l'agaric araneux, agaricus araneosus, espèce polymorphe dont les nombreuses variétés offrent trop de modifications pour que les bornes d'un rapide aperçu nous permettent de les décrire. Voilà une faible esquisse des richesses mycologiques de nos printemps et de nos étés, auxquelles j'ajouterais, si j'en avais le loisir, toutes les espèces de
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lycoperdons comprises dans la Flore des environs de Paris par Bulliard.
Le bovista plumbea foisonne dans nos prés et sur nos pelouses. L'aurantiacum, le coelatum, l'excipuliforme, le geastrum hygrometricum, le perlatum. et le molle abondent autour de Saint-Saturnin et du château de Beauchêne. J'ai trouvé le giganteum près du pont de Barbrel, à deux kilomètres de notre ville.
Mais c'est surtout sous l'influence encore chaude des premières pluies automnales qu'on voit se succéder ou éclore simultanément d'innombrables peuplades de champignons dont les précédents ne sont que l'avant-garde. Ils s'emparent de tous les sites, envahissent tous les terrains où les travaux de l'homme ne troublent point leur prompte végétation et leur apparition éphémère. Ils récréent la vue de l'observateur par l'indescriptible variété de leurs formes, de leurs nuances, de leurs poses, de leurs attitudes. Ceux-ci croissent parmi les gramens, et ornent de leurs ombrelles élégantes et diversement colorées les tapis de gazon dépouillés de l'émail des fleurs, tant la nature se plaît à diversifier les décorations. Ceux-là surgissent comme des dames d'ivoire au milieu des lits de mousse de la plus tendre verdure, et s'en détachent gracieusement par l'éclat de leur blancheur. Les uns, comme les pézizes, étalent au bord de nos routes leurs cupules cériformes d'un rouge de brique ou sur la terre et sur les branches mortes des haies latérales de nos champs, leurs cuvettes pourprées, leurs coupes de carmin. Les autres, plus volumineux, s'attachent à des troncs d'arbres séculaires qu'ils parent de leurs chapeaux imbriqués, bruns ou fauves, ou adhèrent à leur pied avec diverses convenances d'agrément : tel est le champignon qui végète à la base de l'aune, sous la forme d'un pétoncle. « Quelle est, » dit Bernardin de Saint-Pierre, la nymphe qui a placé un coquil» lage au pied de l'arbre des fleuves? Cette nombreuse tribu paraît » avoir la destinée attachée à celle des arbres qui ont chacun leur » champignon qui leur est affecté, et qu'on trouve rarement ail» leurs : tels sont qui ne croissent que sur les racines des pruniers » et des pins. Le ciel a beau verser des pluies abondantes, les cham» pignons, à couvert sous leurs parapluies, n'en reçoivent pas une » goutte. Ils tirent toute leur vie de la terre et du grand végétal au» quel ils ont lié leur fortune : semblables à ces petits savoyards qui » sont placés, comme des bornes, aux portes des hôtels, ils établis» sent leur subsistance sur la surabondance d'autrui ; ils naissent » à l'ombre des puissances des forêts, et vivent du superflu de leurs » magnifiques banquets. »
« La nature, dit quelques lignes plus haut ce grand écrivain, l'un
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» de nos plus harmonieux prosateurs, a dispersé les champignons » dans la plupart des lieux ombragés, où ils forment souvent les » contrastes les plus extraordinaires. Il y en a qui ne viennent que » sur les rochers nus, où ils présentent une forêt de petits filaments, » dont chacun est surmonté de son chapiteau. ll y en a qui crois» sent sur les matières les plus abjectes, avec les formes les plus » graves : tel est celui qui vient sur le crottin de cheval, et qui res» semble à un chapeau romain, dont il porte le nom. »
La nature, qui se plaît à voiler la laideur sous l'ornement de ses compensations végétales et à utiliser tout sol délaissé par la culture, fait pulluler sur nos engrais, sur nos fumiers, de nombreux champignons connus sous le nom de coprins, qui s'y succèdent jusqu'à l'entrée de l'hiver, saison où leurs fragiles et tremblantes phalanges périssent et se décomposent sous l'action destructive des frimas. Il en est dont la nature moins frêle, subéreuse ou coriace, brave les froidures. Ceux-ci envahissent nos chantiers, nos bois de construction : des auriculaires papyracées, des théléphores jaunes, pourprés ou azurés, des bolets verticolores revêtent ou incrustent les troncs d'arbres abattus, les poutres, les planchers, tous les matériaux ligneux. Des tuberculaires, des sphérocarpes, des capillines, des myriades de champignons microscopiques les colorent d'opale, de jaune-doré, d'albâtre, d'incarnat, de cinabre et de vermillon. Des mucédinées innombrables jettent les réseaux de leurs fils d'une extrême ténuité sur toutes les substances fermentescibles. Des pézizes stercoraires, des sphoeria, des byssoïdes ornent jusqu'à la fiente de nos quadrupèdes herbivores et de tous nos animaux ruminants. Tous ces infiniment petits du règne végétal étonnent l'observateur par leur immense fécondité, et ouvrent un champ sans bornes aux recherches du savant.
Ce grand travail organique de la nature, à l'approche d'une saison qui semble la frapper d'une stérilité absolue et d'un léthargique sommeil, tourne au profit des besoins de l'homme, et prouve par une harmonie de plus, qu'il est l'objet constant de la paternelle sollicitude et de la prévoyance infinie de son sublime auteur. En effet, c'est alors que nos forêts prodiguent aux délices de nos tables des productions fongoïdes dédaignées du vulgaire, mais aussi saines que savoureuses, telles que la clavaire coralloïde, pareille à un énorme chou-fleur, l'hydne sinueux, hydnum repandum, qui croît à terre, l'hydne hérisson, hydnum erinaceus, champignon hérissé de pointes perpendiculaires, et naissant dans les cicatrices des vieux chênes, la clavaire tête de Méduse, clavaria capul Medusae, dont le tronc court, compacte, charnu, adhérent aux bois morts, se termine en
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une multitude de divisions simples, chevelues, réunies en touffes, verticales d'abord, puis pendantes; et le groupe alimentaire des helvelles, dont une seule espèce, l'helvelle hérissée, helvella hispida, est rejetée, à cause de son odeur de punaise. C'est alors que se montrent de toutes parts dans nos taillis, dans les endroits herbeux et couverts de fougères, dans nos genêts, le long de nos champs et de nos routes, l'agaric élevé, agaricus procerus, si connu sous le nom populaire de potiron, et qu'on mange avec sécurité dans toute l'Europe, champignon à stipe long, parfois de huit à douze pouces, bulbeux à sa base, creux au centre, marqué de larges squames sur sa surface et d'un collet mobile et persistant, à chapeau d'un bistre plus ou moins foncé, mamelonné au sommet et couvert d'écailles imbriquées ; l'agaric solitaire, agaricus solitarius, grande et belle espèce, dépassant en bon terrain trois décimètres de hauteur, à volva incomplète, à chapeau convexe et régulier, blanc-sale, à surface verrugueuse, à pédicule long, plein, épais, charnu, lisse, à base très grosse, écailleuse et d'une aspérité remarquable, à anneau membraneux, large et rabattu, à chair blanche et ferme ; et une foule d'autres que nous supprimons, faute d'espace. C'est alors aussi qu'affluent dans les mêmes forêts et sur nos pelouses trois amanites funestes chaque année à des familles entières : ce sont l'amanite bulbeuse blanche, amanita bulbosa alba, vulgairement appelée oronge cigüe blanche, et ses perfides variétés, l'oronge cigüe jaune, amanita citrina, et l'oronge cigüe verte, amanita viridis. Chacune de ces espèces répand, en se décomposant, une odeur cadavéreuse et est un violent poison. On les confond sous les noms collectifs d'agarics bulbeux, d'amanites vénéneuses. Elles abondent dans la forêt d'Ombrée et dans les forêts de Valle et de la Guerche, où foisonne encore un champignon superbe par le rouge éclatant de son ombrelle mouchetée des paillettes de sa volve, mais qui n'est pas moins redoutable que les précédents : c'est l'agaric fausse-oronge, agaricus muscarius, ainsi nommé, suivant M. Desvaux, de la propriété qu'il a de tuer les mouches par son infusion aqueuse. Ces qualités délétères, d'une minorité de champignons, inspirent pour eux une aversion exagérée à nos gens de campagne, qui se plaisent à les détruire sous leurs pas et ne respectent que le potiron. Tous ceux qui n'ont point voyagé partagent plus ou moins celte haine, qui devrait se restreindre aux espèces vraiment dangereuses. Ils ignorent que les champignons sont un bienfait providentiel pour des populations entières au nord et au midi de la France, et forment un aliment lourd et indigeste quand on en abuse, mais très substantiel et fort nourrissaut, à raison de la quantité d'huile, d'albumine, d'adipocire et de
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matière animale et azotée qu'ils contiennent. D'ailleurs, il est certaines préparations culinaires qui enlèvent à ces cryptogames leur principe vénéneux ou l'atténuent suffisamment pour qu'ils cessent d'être mortels. Au reste, ne serait-il pas facile de rendre, dans le choix des espèces, les méprises presque impossibles par un tableau comparatif des champignons alimentaires et des champignons meurtriers, en plaçant en regard, sur deux lignes parallèles, les caractères spécifiques qui les distinguent respectivement de la manière la plus tranchée et la plus saisissante? Voici un spécimen de ces descriptions mises en contraste et propres à prévenir toute erreur.
Agaric comestible. — Chapeau non visqueux, facile à peler et uni; feuillets rosés, qui brunissent dans leur vieillesse; anneau à bords déchiquetés; stipe sans renflement à sa base; absence de volva sur le pédicule; odeur et saveur agréables; croissant spontanément dans tous les lieux aérés, herbeux et découverts.
Oronge véritable ou alimentaire. — Volva très complète ; chapeau rouge-orangé, lisse, sans verrues ni enduit visqueux, strié sur les bords; feuillets jaunes; stipe jaune, lisse.
Agaric alutacé, édule (espèce estivale oubliée par moi). — Pédicule plein, ferme, épais, blanc, droit, très vertical; chapeau d'un beau rouge, campanulé, puis presque plan, et à bords sillonnés; lames jaunes, larges, égales, souples; saveur nullement désagréable.
Agaric bulbeux, le fléau des familles. — Chapeau souvent couvert de verrues, un peu visqueux, ne se pelant pas; feuillets toujours blancs ; anneau à bords entiers ; stipe bulbeux à la base ; volva enveloppant la base du pédicule ; odeur et saveur repoussantes ; croissant spontanément dans les bois humides et ombragés. C'est le même champignon que l'amanite cigüe blanche.
Fausse oronge, vénéneuse. — Volva incomplète; chapeau écarlate, couvert de paillettes blanches; débris de sa volve, un peu visqueux, sans stries sur les bords ; feuillets blancs ; stipe blanc, légèrement écailleux.
Agaric sanguin, vénéneux. — Pédicule creux en vieillissant, souvent marqué de stries noires ou roses, un peu courbé; chapeau d'un rouge sanguin, d'abord convexe, ensuite concave, arrondi,
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sans stries ; lames fragiles, blanches, quelques-unes bi ou trifurquées; saveur âcre et caustique.
Bolet comestible ou ceps. — Pédicule épais, surtout à la base, marbré de roux et de blanc pâle; chapeau épais, fauve, glabre; tubes très petits, arrondis, à demi-libres, blancs, passant au jaune verdâtre ; chair ferme, épaisse, blanche ou jaunâtre.
Bolet pernicieux ou rubéolaire. — Pédicule long, presque égal, marqué supérieurement de quelques lignes rouges réticulées ; chapeau bombé, à surface un peu cotonneuse, d'abord olivâtre, plus tard rougeâtre et visqueux; tubes presque libres, très longs, jaunes, à orifice rouge; chair jaune, devenant bleue au contact de l'air.
HARANG.
ESSAIS ETYMOLOGIQUES
SUR
L'ORNITHOLOGIE
DE MAINE ET LOIRE (1)
Avant de passer au troisième ordre des oiseaux de la Faune de Maine et Loire, je ne puis résister au désir de raconter un fait qui corrobore mon opinion favorable aux pics, et combat les méfaits qu'on reproche aux grimpeurs avec trop de partialité et d'injustice.
Un de mes amis, grand amateur d'histoire naturelle, loin de partager mon sentiment sur celle famille de proscrits, prenait plaisir à recueillir toutes les observations propres à augmenter la liste des ravages attribués aux pics. Ainsi que l'un de ses parents il se montrait disposé à mettre à prix, dans toute l'étendue de ses propriétés, les langues des Proglosses. Combien d'autres cependant, plus nuisibles et plus dangereuses que celles-ci, ne sont pas punies avec le même acharnement ! Comme ce parent il eût désiré recevoir de temps en temps une petite boîte pleine des langues des grimpeurs. Cette boîte était expédiée d'une manière très régulière et une prime pour chaque langue était accordée à l'heureux chasseur qui exécu(1)
exécu(1) Annales de la Société Linnéenne de Maine et Loire, tome II, page 44.
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tait un ordre, dont pour lui l'importance se mesurait sur les bénéfices qu'il en retirait. Après un séjour assez long à la campagne, pendant lequel le mandat d'exterminer tous les pics avait été renouvelé aux gardes et aux fermiers avec une ferveur toujours croissante, mon ami vint me trouver, pressé en même temps par un sentiment de joie et de tristesse. Il s'agissait de m'annoncer d'un côté une perte qu'il venait d'éprouver et de l'autre une nouvelle preuve péremptoire justifiant sa haine contre les pics. Un des plus beaux arbres de sa campagne, un chêne magnifique végétait depuis plusieurs années; des branches et une partie de l'écorce s'étaient détachées du tronc, l'arbre paraissait languir et devoir bientôt se dessécher entièrement. Les pics de toute la contrée semblaient s'être donné rendez-vous pour le percer dans tous les sens. Quelques personnes étaient portées à reconnaître dans ce fait une croisade organisée par la vengeance; j'y trouvais au contraire un acte de générosité exercé envers un persécuteur. Mon ami pensait que l'arbre périssait parce que les pics l'avaient perforé; je croyais au contraire qu'ils le sondaient dans tous les sens pour lui venir en aide et prolonger son existence. Le chêne est condamné et abattu, le tronc scié en plusieurs billes. Le charpentier, partageant les idées du propriétaire, et convaincu que l'arbre n'était défectueux que dans les endroits où les pics l'avaient perforé, avait payé le chêne un prix assez élevé. Nouveau service rendu à mon ami par les grimpeurs. On remarqua bientôt que sous l'écorce dont une partie avait disparu, existait une fissure pénétrant dans l'intérieur de l'arbre et offrant des ramifications irrégulières, tantôt étroites, tantôtlarges et se prolongeant dans la plus grande partie du tronc pour se terminer par une déchirure déguisée sous l'écorce. L'eau avait pénétré dans cette plaie et corrompu insensiblement les parties voisines, et dès lors une quantité considérable de gros vers rongeurs s'y étaient installés. Là ils avaient établi leur quartier-général d'où ils sortaient fréquemment pour exercer de terribles ravages. C'était à ces ennemis du chêne que les pics avaient déclaré une guerre incessante et non à leur persécuteur dont ils défendaient la propriété avec une persévérance payée par une noire ingratitude. Il fut constaté que le dépérissement de l'arbre devait être attribué à la foudre qui avait, plusieurs fois, frappé le chêne et exercé quelques-uns de ces effets si bizarres et si capricieux, mais qui lui sont cependant si habituels et dont les conséquences n'avaient pas été visibles immédiatement.
Celle fois encore, dans le procès intenté aux pics, la déposition du témoin à charge non-seulement était anéantie, mais tournait encore à la justification complète des accusés.
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La défense des buses, que je n'ai présentée que d'une manière superficielle, serait encore plus facile à soutenir que celle des grimpeurs. Il me paraît en effet très aisé de prouver aux propriétaires qui déclarent une guerre implacable à ces rapaces, que leur acharnement n'est pas fondé. Les dégâts que peuvent exercer les buses sont bien loin de pouvoir être comparés aux services que ces oiseaux rendent à l'agriculture en détruisant tous les petits mammifères et les gros insectes qui dévorent les semences. Depuis de longues années, M. Deloche, conservateur du Musée, a préparé et monté plus de cent cinquante buses; toutes, sans exception,contenaient dans leur intérieur des débris de rats, de mulots, de taupes, des pelotes composées de courtillières et de grillons et jamais aucune trace de gibier. Mon intention n'est pas de soutenir que les buses n'attaquent et ne mangent jamais de gibier, ce serait avancer une opinion fausse, mais elle se borne à constater que ce dernier grief n'est pas aussi fréquent qu'on le croit ordinairement et qu'il doit s'effacer en présence des services habituels rendus par ces rapaces aux propriétés, surtout au commencement de l'hiver. C'est en effet vers cette époque que les buses se livrent à des pérégrinations continuelles, lorsque les semences ont le plus besoin d'être préservées des ravages exercés par une multitude de petits rongeurs et d'insectes nuisibles.
3e ORDRE. — PASSEREAUX (1).
Le troisième ordre des oiseaux porte dans la Faune de Maine et Loire le nom de passereaux, d'autres auteurs lui ont donné celui de sylvains. La première dénomination me paraît plus convenable que la seconde, en ce sens qu'elle est plus générale et qu'elle s'applique mieux aux nombreuses familles renfermées dans cet ordre.
L'étymologie du mot passereau se trouve dans le verbe passare, vieille expression latine signifiant aller d'un endroit dans un autre, sans s'y fixer longtemps et représentant d'une manière expressive
(1) Je répète ce que j'ai dit : je n'ai nullement l'intention de composer une Faune, mon but est simplement d'expliquer par les habitudes des oiseaux, leurs noms scientifiques et vulgaires et de montrer l'action de la Providence, là où les naturalistes ne voient trop souvent que bizarrerie ou caprice.
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les habitudes des oiseaux désignés par ce nom. Le plus grand nombre des passereaux émigre selon les saisons et va demander à de nouveaux climats la nourriture que d'autres lui refusent. Pendant leur séjour même dans les pays qu'ils habitent, ils aiment par goût et par nécessité à en parcourir les différents sites. Les bois, les plaines, les buissons, les bords des rivières sont tour à tour témoins de leurs excursions rapides et multipliées.
PREMIÈRE FAMILLE.
Latirostres.
La 1re famille de l'ordre des passereaux a reçu le nom de latirostres (de latum, large et rostrum, bec). Dieu, selon le dessein de sa providence, a procuré à ces oiseaux dans les dimensions de leur large bec, un moyen puissant et sûr de saisir les insectes ailés qui leur servent de nourriture.
PREMIER GENRE. ENGOULEVENT ORDINAIRE. — Caprimulgus Europoeus.
L'engoulevent est un oiseau semi-nocturne. Pendant le jour il se tient régulièrement à terre, au milieu des taillis ou des bois de sapins. Si quelque cause le force à voler pendant le jour, la lumière fatigue ses yeux trop sensibles et dès-lors son vol est saccadé et incertain. On le voit chercher un refuge sur les arbres contre lesquels il semble se heurter. N'ayant pas comme les oiseaux de nuit le moyen de se soustraire à ses ennemis en se cachant dans les cavités des arbres ou des vieux murs, il deviendrait facilement la victime des chasseurs ou des rapaces si la Providence ne lui avait pas donné en compensation un instinct particulier.
L'engoulevent est avec le scops le seul oiseau de l'Europe qui se perche dans le sens de la longueur des branches. Sa couleur se marie très bien avec celle de l'écorce des arbres ; il se confond ainsi avec la branche qui lui sert d'appui et se dérobe aux regards les plus clairvoyants. Quand le soleil disparaît et que le crépuscule lui succède, l'engoulevent s'élance dans les airs et développe toutes les
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ressources de son vol puissant. Il décrit des cercles en tous sens autour des arbres qu'il enveloppe d'une série de spirales dont le diamètre se rétrécit et s'élargit tour à tour. Son vol tient alors de celui de l'hirondelle et de la chouette. Comme la première, l'engoulevent se joue dans l'air et glisse à la surface de la terre avec une grâce et. une facilité remarquables. Comme la seconde, il semble soutenu par ses plumes fines et pressées et son vol s'accomplit sans bruit quand il ne chasse pas. Lorsque cet oiseau poursuit les insectes pendant les quelques heures du crépuscule, il ouvre un bec d'une largeur démesurée et garni à sa base de quelques poils longs et roides. Ceux-ci concourent à diriger les insectes dans le gosier de l'engoulevent. Ce latirostre ne le ferme que lorsqu'il est tapissé de victimes. Pour que ces dernières ne puissent sortir de celte prison quand elles y sont entrées, tout l'intérieur du bec est enduit d'une couche de glu naturelle que l'oiseau renouvelle selon ses besoins. En volant avec une grande vitesse et le bec ouvert, l'engoulevent produit un bourdonnement sourd qui augmente ou diminue avec la rapidité du vol. L'air étant alors vivement déplacé vient s'engouffrer dans le large gossier de ce passereau et produit le même effet que l'air dans le corps d'une toupie dont le ronflement est en rapport avec la puissance de rotation qu'on lui imprime. C'est à cette manière de voler qu'il doit son nom d'engoulevent. Quelques instants avant de commencer la chasse, le mâle fait entendre un bruit très sonore et semblable à celui d'un rouet à filer; il répète le même bruit pendant les moments de repos qu'il prend pendant ses excursions crépusculaires. De temps en temps il interrompt son vol, pour se laisser tomber à terre avec la rapidité d'une balle, et y saisir les bousiers et autres coléoptères qu'il a aperçus dans sa course, malgré la rapidité avec laquelle il l'accomplit.
Les épithètes, ordinaire et européen, ajoutées au nom de l'engoulevent, indiquent que cette espèce est la plus commune. Partout elle se trouve répandue et cependant nulle part elle n'est multipliée. Cette dénomination sert aussi à la distinguer de Yengoulevent à collier roux qui habite l'Afrique et se montre dans quelques contrées de l'Europe.
Le nom scientifique caprimulgus dérive de caprea, chèvre et de mulgeo, téter et signifie dès lors : oiseau qui tette les chèvres. Cette hypothèse n'est nullement fondée et ne peut s'expliquer que parce que l'engoulevent se tenant à terre et étendu sur le ventre pendant le jour, a été nommé par les habitants des campagnes crapaud-volant. Ils l'ont comparé au crapaud à cause de son cri et de son large bec. Dès lors on lui a attribué l'habitude prétendue du crapaud, celle de
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téter les chèvres et ce préjugé est venu s'abriter sous la protection du nom pompeux adopté par la science.
L'engoulevent habite le plus souvent les terrains sablonneux et plantés de sapins; il aime de préférence les lisières des bois. C'est là qu'il trouve une nourriture plus abondante et qu'il peut plus facilement élever ses petits. La femelle beaucoup plus grosse que le mâle, ne fait aucun nid, dépose à terre deux oeufs oblongs dont le diamètre varie de 0m 020 à 0m 022, et la longueur de 0m 030 à 0m 032. Leur couleur est d'un blanc marbré et couvert de taches brunes et cendrées. Des naturalistes prétendent que lorsque la femelle craint dés dangers pour ses oeufs, elle les roule ou les transporte même dans son bec en des endroits où elle pense jouir de plus de sécurité. Quelquefois on trouve trois oeufs dans le même nid, mais ce cas très rare s'est cependant présenté cette année à Bagneux, près Saumur.
Tous les ans plusieurs couples d'engoulevent viennent se reproduire dans la propriété de M. Boguais, au milieu des taillis encadrés par les bouquets de sapins situés sur les bords de l'étang Saint-Ni-. colas. C'est là que pendant les mois de juin et de juillet, on peut, vers le coucher du soleil, être témoin du vol, de la chasse et du bruit si curieux de l'engoulevent.
DEUXIEME GENRE.
MARTINET DE MURAILLES. — Gypselus murarius.
Le martinet est de tous les oiseaux visitant l'Europe celui qui arrive le plus tard et qui part le plus tôt. En cela le martinet ne suit pas un caprice, mais l'instinct donné par la Providence qui lui indique le temps et le lieu où il trouve en plus grande quantité les insectes nécessaires à sa nourriture. Chaque année il avance ou retarde son arrivée et son départ selon les variations de la température.
Plus hirondelle que les hirondelles mêmes, le martinet est compris dans leur genre par le plus grand nombre des naturalistes et porte le nom d'hirundo apus, dérivé de <* et ™<, ^oç et signifiant hirondelle privée de pieds, de tarses. Cette particularité est un des caractères les plus remarquables du martinet. En effet, malgré ses ailes longues et puissantes, cet oiseau ne peut se dérober à ses ennemis dès qu'il se pose à terre. La nullité de ses tarses ne lui permet pas
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de prendre son essor, aussi évite-t-il avec le plus grand soin de se reposer sur un terrain non accidenté. Dans les airs il règne par la facilité et la rapidité de son vol et échappe par cette puissance à tous les oiseaux de proie. Afin d'obvier aux inconvénients qui résultent de cette privation de tarses, Dieu a doué le martinet d'une vue très perçante. Dès lors il distingue de très loin et au milieu de sa course rapide les plus petits insectes fixés sur les rochers ou le long des murailles, sans être obligé de parcourir, en s'y arrêtant, les lieux qui lui fournissent sa nourriture.
Le martinet doit peut-être son nom à son vol. Ses ailes frappent l'air et les murailles avec la rapidité de l'instrument mû par la vapeur et les chutes d'eau. La dénomination de martelet (petit marteau) sous laquelle il est connu dans l'Encyclopédie d'histoire naturelle semble favoriser celte explication. Elle me paraît d'autant plus fondée que le martinet en martelant les murailles avec ses longues ailes se propose un but sérieux et caractéristique, celui de faire envoler les insectes qui y sont attachés, afin de les saisir ensuite plus facilement dans leur vol ou leur chute. Nous pouvons constater cette habitude dans les mois de juin et de juillet. Lorsque la température est élevée et le ciel serein, nous voyons les martinets se réunir en troupes nombreuses, voler avec une grande rapidité, pousser des cris stridents en parcourant tous les immenses contours de notre vieux château si riche en souvenirs. Ces cris sont destinés à effrayer les insectes, à les faire sortir de leurs retraites ou du moins à les déterminer à changer de place pour se cacher et dès lors à les livrer plus sûrement à leurs ennemis en les rendant plus visibles. Les martinets baissent et élèvent tour à tour leur vol, ils semblent se proposer de balayer avec leurs ailes toutes les parois de cette antique et magnifique forteresse.
Une idée de percussion semble naturellement attachée au nom de martinet. Serait-ce un souvenir pénible de l'enfance?
Le mot viendrait-il de Mars et tinio (annoncer par ses cris le combat, la mort) ou de Mars, Martis et neo filer, tresser le trépas, la guerre? Ces deux étymologies pourraient s'adapter aux habitudes de ce latirostre. Il répand la mort parmi les insectes en accompagnant cette chasse d'un cri de guerre strident. Dans toutes les sinuosités de son vol, il paraît en passant et repassant au milieu des insectes qu'il immole, former un tissu comme la navette lancée avec une grande rapidité dans des sens contraires. J'abandonne volontiers aux érudits la tâche de donner une solution à ce problème. Quoiqu'il en soit, ces hypothèses ont l'avantage de faire connaître les habitudes du martinet qui le matin promène la mort parmi les in-
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sectes voltigeant sur les prairies, et le soir poursuit dans les régions les plus élevées et avec la rapidité de l'éclair les insectes de haut vol. Le bec du martinet est triangulaire et sécrète une humeur visqueuse sur laquelle viennent se coller les victimes qu'il saisit en volant. Quand ce latirostre a des petits et que son bec est rempli d'in - sectes il passe devant son nid un grand nombre de fois et s'élance ensuite dans le trou qui y conduit avec la vitesse de la balle. C'est à cette habitude de nicher dans les murailles qu'il doit son épithète murarius et son nom scientifique gypselus de K^*» dont la racine Kuw» signifie cavité. Le martinet se retire dans les trous des murailles, des clochers, des bords escarpés des rivières, pendant le milieu du jour, car il ne chasse que le matin et le soir. C'est dans ces cavités qu'il fait assez grossièrement son nid avec les balayures des rues. La petitesse des tarses du martinet ne lui permettant que très difficilement de saisir lui-même ces débris à terre, il devient évident qu'il a recours à la ruse pour se les procurer. En effet, il pille les nids des moineaux dont il mange les oeufs et s'y établit ensuite quand il croit pouvoir s'y maintenir. Mais le plus souvent il est immolé par les propriétaires du nid qui percent à coups de bec la tête du ravisseur. Celle habitude du martinet me paraît expliquer l'opinion de Ménage qui pense que le mot martinet est un diminutif du mot Martin, nom d'homme, comme perroquet dérive du mot Perrot, Pierre; sansonnet, de Samson etc. Car alors martinet signifierait petit Martin, petit maître, petit père Martin, individu qui ne se gêne pas avec ses voisins, qui s'installe chez eux volontiers, sans leur permission et qui s'y conduit en maître, malgré leurs légitimes réclamations et leur énergique opposition.
Quelquefois ce latirostre dépose sur des brins de paille l'humeur visqueuse qui tapisse son gosier ; dès lors ces débris se trouvent liés entre eux et forment un tout qui en se durcissant présente l'aspect des nids provenant de la fontaine Saint-Allyre, en Auvergne. Le martinet enlève aussi la mousse qui recouvre les troncs d'arbres en s'y accrochant à la manière des pics. C'est la grande difficulté qu'éprouve cet oiseau à saisir à terre les matériaux nécessaires pour la construction de son nid qui a fait naître la pensée de prendre les martinets à la ligne. En Grèce et dans les îles de l'Archipel où ces latirostres sont très nombreux, les enfants montent dans les clochers ou sur les terrasses élevées et laissent voltiger une ligne dont l'hameçon est déguisé sous un morceau de colon ou d'étoffe. Le martinet saisit en volant cet appât et se prend à l'hameçon. Un pêcheur exercé peut capturer deux ou trois douzaines de ces oiseaux, par soirée, dans le temps de la nidification. Les martinets sont recher-
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chés dans ces pays, par les gastronomes, comme un mets délicat.
Le martinet pond trois ou quatre oeufs blancs, oblongs, dont la
longueur varie de 0m 023 à 01» 026 et le diamètre de 0m 016 à 0in018.
TROISIÈME GENRE (1). HIRONDELLE DE CHEMINÉE. — Hirundo rustica, domestica.
Tous les oiseaux compris dans le genre Hirondelle sont doués d'une grande puissance de vol. Le faucon se précipite avec plus de rapidité que l'hirondelle, mais celle-ci glisse avec plus de facilité dans l'air où elle poursuit les insectes en jetant un petit cri et en ouvrant un large bec, tantôt dans les régions les plus élevées de l'atmosphère et tantôt en rasant la surface de l'eau. Celte facilité de vol et celte habitude d'ouvrir à chaque instant le bec pour happer les insectes me semblent indiquer l'élymologie du mot hirundo. Il dériverait alors de hiare, bâiller, pousser un son avec effort et de undo, ondoyer et signifierait oiseau qui bâille, qui ouvre le bec en ondoyant dans l'air. Le deuxième verbe caractérise d'une manière expressive la grâce du vol de l'hirondelle si bien décrit par Buffon et le premier s'appuie sur les habitudes de cet oiseau et l'autorité d'Illiger. Celui-ci dans son cours d'histoire naturelle désigne les hirondelles par l'épithète hiantes, les bâilleuses et par extension les criardes. Peut-être pourrait-on hasarder l'étymologie suivante : hiare et unda, oiseau qui ouvre le bec en effleurant l'onde; quoiqu'un peu téméraire celle étymologie aurait l'avantage de faire connaître une particularité de la vie des hirondelles qui dans leur vol rapide rasent la surface de l'eau, ouvrent le bec pour boire sans ralentir leur course ou pour humecter la terre destinée à la construction de leur nid. Enfin elles aiment à se plonger dans l'eau à plusieurs reprises,
(1) Comme précédemment je vais continuer à énoncer quelques hypothèses suites étymologies des noms des oiseaux. Parcourant une route inexplorée jusqu'à ce jour, je ne puis suivre aucun guide reconnu par la science ; mais si je m'égare et si dans ce travail, je m'éloigne de la vérité, j'espère du moins n'être pas condamné, car l'hérésie ornithologique comme l'hérésie religieuse suppose l'opiniâtreté dans la défense de ses erreurs. Or, je renonce d'avance à toutes celles qui seront signalées par les maîtres de la science. Les moeurs des oiseaux m'engageront peut-être aussi quelquefois à faire de petites excursions sur le domaine de la philosophie et de la inorale, mais je pense trouver dans l'exemple du bon Lafontaine et dans le caractère dont je suis revêtu, une justification à ces digressions.
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en jetant un petit cri de satisfaction, dans le but de noyer les insectes nombreux qui s'attachent à leurs plumes et les tourmentent sans cesse.
Gessner prétend que le mot hirundo vient de hoerendo, quia hirundo nidum componit iignis adhoerentem. Ainsi d'après cet auteur le nom d'hirondelle aurait été donné à cet oiseau parce qu'il construit un nid adhérent aux poutres, aux linteaux des croisées. Scaliger fait dériver hirundo de ^SMJW d"où helundo et hirundo. La racine de ^sMdW serait-elle alors x1*-»*, lyre et siJV, forme ? Dans cette supposition, celle étyrnologie s'appliquerait à la queue des hirondelles représentant assez exactement une lyre et fournissant un des caractères les plus dislinclifs de ces oiseaux, et qui servent à les classer. Quelques auteurs trouvent une racine du mot hirondelle dans «/>«v signifiant gazouiller, parler, étyrnologie qui se rapprocherait de celle que j'ai avancée. Enfin la vieille dénomination de l'hirondelle, aronde, nous présenterait un nouvel ordre d'idées, elle viendrait de •*/>, printemps et ««pivot, ifmt, printannier, et signifierait alors oiseau du printemps, qui par son arrivée annonce le retour du printemps.
Le nom de la chélidoine ne lui ayant été donné que parce que celte piaule fleurit au printemps, viendrait fortifier celle dernière opinion et servir de trait d'union entre xiU^i et aronde.
Partout l'arrivée des hirondelles est accueillie avec plaisir, car elle annonce le retour du printemps. En Espagne, une légende populaire, répétée dans tous les foyers, donne un autre molif de celle bienvenue. La voici : Pourquoi l'hirondelle est-elle un oiseau aimé et respecté, accueilli en signe de bonheur? C'est que ce fut une hirondelle qui alla arracher les épines dans le front saignant du Christ.
Les mêmes légendes expliquent ainsi le chant étouffé du hibou et son éloigneraient pour la lumière : Le hibou était autrefois un des oiseaux qui chaulaient le mieux. II se trouva présent lorsque le Seigneur expira, et depuis ce moment il fuit la lumière témoin d'un si grand crime, et il ne fait plus entendre que son cri plaintif el étouffé où le peuple andaloux croit distinguer encore le mot Cruz, cruz (croix, croix).
Les ressources du vol des hirondelles auraient dû résoudre plus tôt la question de leur immersion annuelle. Pendant plusieurs siècles on a cru que ces oiseaux ne pouvaient pas franchir les mers pour demander à d'autres climats la nourriture et l'hospitalité pendant l'hiver. On admettait qu'ils se reliraient dans des cavernes où ils passaient la saison des frimais, attachés aux parois des murs à la manière des chauves-souris. Des naturalistes ont même soutenu que les hirondelles se précipitaient dans les puits ou dans les marais
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pour s'ensevelir sous la vase ou le sable et ressusciter au printemps. Cette opinion coutraire aux principes les plus élémentaires de l'organisation des oiseaux, était tellement répandue que Buffon a consacré près d'un demi-volume à la réfuter : si les cailles peuvent franchir la Méditerranée avec leur vol peu soutenu, ce passage ne doit pas être un obstacle sérieux pour les hirondelles. On a constaté depuis un certain nombre d'années que ces oiseaux se trouvent pendant l'hiver par troupes innombrables au cap de Bonne-Espérance et dans les autres régions du midi de l'Afrique. Circonstance qui explique l'absence des hirondelles au nord de celte même contrée.
L'hirondelle de cheminée a reçu les épithètes de domestique, de villageoise, de campagnarde (domestica, rustica). La première de ces expressions nous reporte à des temps bien éloignés de nous, à des moeurs, hélas ! qui n'existent presque plus que comme des souvenirs. Cet adjectif me semble renfermer le sens de deux mots grecs, Sun*, maison dont la racine est %«», signifiant fonder, bâtir, demeurer et «<rn«, foyer, banquet, et associer ainsi des idées bien touchantes. Dans le temps des moeurs patriarchales cette expression domestica, servante, domestique, fut employée pour désigner ceux qui appelés au banquet et au foyer de la famille, étaient considérés comme des membres de celle même famille dont ils devaient partager les travaux, les joies et les douleurs. C'était à eux qu'on confiait les missions les plus délicates, comme la Bible nous en offre des exemples si multipliés et si attachants. Les domestiques, les serviteurs étaient d'autres soi-même, ils recevaient l'enfant naissant pour lui prodiguer les caresses les plus tendres, les soins les plus intelligents et les plus persévérants; sans ambition, ils n'aspiraient après avoir élevé plusieurs générations et s'être dépensés en soins et en travaux continuels, qu'à rendre le dernier soupir dans la maison et au sein d'une famille qu'ils regardaient et aimaient comme la leur. Maintenant que le cours des siècles, l'indépendance des moeurs et le progrès des idées sceptiques ont renversé et détruit le banquet et le foyer domestiques, ces derniers mots sont vides de sens. Ils ne rappellent plus ces réunions intimes, ces épanchements du coeur, ces causeries dans lesquelles plusieurs générations, maîtres et serviteurs, puisaient tour à tour enseignement, espérance et gaieté, respect et douce confiance; et où les traditions de foi, de loyauté et d'honneur se transmettaient pures et intactes. Dès lors que chacun semble fuir le foyer domestique comme pour échapper à un ennui ou à un remords et cherche à s'étourdir dans ces réunions, décorées peutêtre par un esprit malin du nom de cercles (sans principe et sans
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fin), le mot domesticus, domestica a perdu sa véritable signification. Aujourd'hui il sert malheureusement trop souvent à désigner ceux qui comme les passereaux ne se fixent nulle part, voyagent de maison en maison au gré de leurs caprices, emportant ou laissant tour à tour de tristes souvenirs de leur passage éphémère sous le toit qui leur a donné l'hospitalité. Héritière des vieilles traditions l'hirondelle de cheminée est véritablement domestique, dans la bonne acception du mot. Elle vient se reposer au foyer de la maison, elle s'y fixe, y établit son nid et y élève ses petits avec une tendre sollicitude. L'année suivante, le même foyer la verra revenir ; si le nid est demeuré intact, elle s'y installe immédiatement comme dans sa propriété; s'il est détruit, elle le rétablit. L'hirondelle ne quittera la maison de son choix que si elle y est contrainte par la force et dans ce cas même son dernier chant en s'en éloignant sera un adieu d'amour et de reconnaissance et jamais un cri de malédiction. Plus lard les jeunes viendront continuer la chaîne de la tradition et le même nid verra s'élever et se succéder bien des générations. Chaque année le retour sera annoncé aux habitants de la maison par une série de petits cris, expression de la joie et de la confiance et le moment du départ salué par des signes non équivoques de regret et de sympathie. Les cris que les hirondelles font entendre à leur arrivée et à leur départ sont peut-être pour elles l'expression des mêmes sentiments que ceux que nous éprouvons lorsqu'après une longue absence nous retrouvons les lieux qui nous ont vu naître ou lorsqu'il s'agit de quitter le toit paternel pour entreprendre un lointain et périlleux voyage. Les auteurs d'histoire naturelle viennent corroborer l'opinion que j'ai émise lorsqu'ils disent que le mot domestica a élé donné à cette hirondelle parce qu'elle est plus familière (de la famille) que les autres et qu'elle paraît aimer et rechercher la société de l'homme.
L'épithète ruslica fait connaître que ce latirostre est plus commun à la campagne que dans les villes. Est-ce parce que là il retrouve encore malgré le naufrage des moeurs et des saines traditions, plus facilement le foyer et le banquet domestiques. Indépendamment de celle hypothèse peut-être toute gratuite mais qui sourit à ceux dont l'intelligence et le coeur cherchent à saisir partout où ils les entrevoient quelques pensées consotantes pour s'y reposer, l'hirondelle domestique trouve plus facilement à la campagne que dans le sein des villes des cheminées privées de feu dans lesquelles elle puisse établir son nid. Ce motif est le seul que tous les naturalistes aient donné pour expliquer la présence de l'hirondelle domestique dans les campagnes et son éloignement de plus en plus général du séjour
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des villes. Cette raison ne me paraît pas péremptoire et pour la fortifier et la compléter, je soumets les hypothèses suivantes. Les cheminées étant beaucoup plus larges à la campagne que dans les villes où leur diamètre se retrécit de jour en jour, ne contribuent-elles pas ainsi par leurs dimensions à préserver plus facilement les hirondelles de l'incommodité de la fumée? En second lieu les cheminées des campagnes étant très rarement ramonées n'offrent-elles pas encore sur ce point un précieux avantage aux hirondelles en leur offrant par les aspérités dont les murs sont revêtus plus de facilité pour fixer leur nid, et surtout en conservant pendant de longues années le travail fait précédemment. Enfin, l'extrémité des cheminées de campagne n'est pas restreinte par des appareils plus ou moins étroits et offre dès-lors à l'hirondelle plus d'espace pour ses évolutions, et concentre moins la colonne de fumée. Le nid de celte hirondelle est façonné avec de la terre détrempée et mélangée à du foin, il reçoit ordinairement une forme sphérique excepté du côté par lequel il tient au mur de la cheminée. Souvent ce nid est établi sur celui de l'année précédente, et il n'est pas rare d'en trouver trois ou quatre superposés. L'intérieur garni de plumes et de débris de toute espèce contient le plus souvent quatre ou cinq oeufs d'un blanc parsemé de taches d'un rouge noir. Leur longueur varie de 0m 018 à 0m 020 et leur diamètre de 0m 012 à 0m 014.
La première ponte est suivie régulièrement d'une seconde dont les oeufs dépassent rarement le nombre trois.
L'hirondelle de cheminée justifie encore les noms qui lui ont été donnés, par les soins et la tendresse aveclesquels elle élève ses petits. Quand ils commencent à voler elle les précède en leur présentant de la nourriture, comme une bonne mère s'éloigne de son enfant, en lui offrant des friandises, pour l'engager à essayer ses premiers pas. Plusieurs se sont précipitées dans les flammes qui dévoraient les maisons auxquelles étaient confiés leurs petits, aimant mieux se donner la mort que de se séparer des objets de leur tendresse. On a su tirer profit de ces sentiments affectueux de l'hirondelle et des mères enlevées à leurs petits, ont été envoyées à de grandes dislances; rendues alors à la liberté, elles revenaient bientôt sur leurs nids et messagères rapides, rapportaient le billet confié à leur larse.
On lit dans le mémoire de M. le docteur Mabille sur la vie et les ouvrages de notre compatriote Bernier, un passage extrait de la Philosophie de ce célèbre voyageur qui offre, dans une touchante et naïve peinture, une nouvelle preuve de la sollicitude avec laquelle Phirondelle veille sur ses petits. Voici ce passage : « Il me souvient, » dit Bernier, de ce que me promenant un jour le long d'un chemin,
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» j'aperçus sur la branche d'un saule assez bas, trois petites hiron» délies nouvellement sorties du nid, qui ne s'envolèrent pas quoique » je passasse tout proche. Retournant sur mes pas et repassant pour » la troisième fois par-dessous la branche, j'étendis la main comme » pour les prendre, mais deux grandes hirondelles étant survenues » sur ces entrefaites et ayant gazouillé je ne sais quoi, les petits s'en» volèrent aussitôt. Ce qui me fit juger premièrement que ces grandes » hirondelles étaient le père et la mère qui en les querellant les avaient » avertis de me fuir comme un de leurs ennemis, en second lieu » que la plupart des animaux ne nous fuient que parce qu'ils ont reçu » quelques dommages de nous. »
HIRONDELLE DE CROISÉE. — Hirundo urbica.
Les différents noms donnés à cette hirondelle indiquent qu'elle préfère la ville à la campagne et choisit souvent les croisées pour y fixer son nid. Celui-ci est composé avec de la terre que les lombrics rejettent après en avoir extrait les sucs et à laquelle ils communiquent une certaine viscosité. Ici se manifestent encore les preuves de l'admirable instinct que Dieu, dans les desseins de sa providence, a donné à ces oiseaux pour qu'ils atteignent le but qu'il s'est proposé en les créant. Celte terre, en effet, est préférée à toute autre par la raison qu'elle se lie plus facilement. Mais comme elle se trouve en plus grande quantité lorsqu'il tombe de la pluie, il est donc important de profiter de celle circonstance. Que feront les hirondelles? Un certain nombre se réuniront, mettront leurs efforts en commun et les nids se façonneront simultanément pour plusieurs ménages. On profite des matériaux précieux et la petite société éloigne une perle de temps et une fatigue inutiles. Quelques-unes désirant se servir du travail des autres sans se lasser elles-mêmes , comme cela arrive hélas ! trop souvent parmi les hommes, viennent chercher la terre au nid que l'on construit afin d'éviter un parcours beaucoup plus long. Peut-être aussi celles-ci ont-elles été reléguées de la société de leurs congénères, et sont-elles des prétendants malheureux. Dès lors la vengeance est-elle le mobile de leur conduite? Les hommes auraient-ils bien le droit de les blâmer?
Ces nids adhèrent à une croisée ou à un mur, ont une forme cylindrique et ne présentent en haut qu'une petite ouverture par laquelle l'hirondelle pénètre en se diminuant de volume. L'exiguité de celle entrée empêche les autres oiseaux de s'y introduire et permet aux propriétaires de défendre plus facilement leur domicile. Les hirondelles recherchent surtout les grands murs et les rochers peu
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éloignés des rivières, pour y accoler leurs nids. A Lyon, la façade de l'hôpital situé sur le quai de la Saône, est couverte de rangs innombrables de ces nids formant plusieurs guirlandes suspendues les unes au-dessus des autres.
L'hirondelle de croisée, plus sauvage que la précédente, arrive dans nos contrées quelques semaines avant sa congénère. Elle chasse les insectes sur le bord des eaux qu'elle effleure quelquefois pour y tremper la terre destinée à son nid.
Dans son vol, elle frappe de ses ailes les moucherons fixés aux parois des murailles, afin de les en détacher et de les saisir ensuite au vol. Ainsi que la précédente, l'hirondelle de croisée chasse le bec fermé, et toutes les fois qu'elle aperçoit une proie elle la saisit en faisant claquer son bec. Comme l'hirondelle de cheminée, elle rend de vrais services à l'homme en purgeant l'air d'une multitude d'insectes nuisibles ou gênants. Elle fait deux pontes, la première de quatre à six oeufs et la seconde de trois à quatre; ils sont d'un blanc lustré, sans tache et un peu piriformes. Leur longueur est de 0m 016 à 0m 018 et leur diamètre de 0m 011 à 0m 013.
Quand les hirondelles de croisée ou de cheminée doivent émigrer, elles se réunissent en grand nombre. Quelques-unes, plus âgées ou plus expérimentées, semblent avoir reçu la mission d'avertir les autres que le moment propice pour le départ est arrivé; pendant quelques jours on les voit parcourir les diverses parties d'une ville ou d'une campagne, faire entendre un petit cri très vif qui ressemble à un cri d'impatience, venir et revenir bien des fois sur leurs pas; on dirait des chefs s'empressant de réunir leurs soldats pour une expédition lointaine. A la voix de ces hirondelles, leurs compagnes se réunissent sur un arbre ou sur un édifice élevé et là par des petits cris multipliés marquent les différents sentiments qu'elles éprouvent au moment d'entreprendre un voyage long et quelquefois périlleux. A Angers, le lieu du rendez-vous est ordinairement le toit si vaste et si élevé du Musée. Pendant plusieurs jours elles se livrent à des exercices préparatoires et simulent un départ général ; les chefs trouvent ainsi le moyen de reconnaître celles qui parleur énergie et la puissance de leur vol, pourront être placées en première ligne et celles qu'il faudra mettre au centre et qui auront besoin d'être soutenues et encouragées.
Après plusieurs jours d'attente et de préparatifs, quand les chefs croient être certains que toutes les hirondelles ont été averties et que toutes les dispositions sont prises, on entend un cri général qui paraît être un assentiment unanime. On dirait une de ces anciennes assemblées parlementaires tumultueuses , acclamant un vote d'où
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dépend le bien-être d'un grand peuple. A ces cris succède un silence général et toute la colonie part avec la rapidité de la flèche, au commencement de la nuit, selon le mot d'ordre donné par les chefs, afin d'échapper plus facilement aux oiseaux de proie et pour éviter l'action énervante du soleil et de la chaleur. C'est ce voyage exécuté pendant la nuit qui a contribué à jeter tant d'incertitude sur l'émigration des hirondelles.
HIRONDELLE DE RIVAGE. — Hirundo riparia.
Celte hirondelle, plus petite que les espèces précédentes, est aussi plus vive et plus pétulante dans la chasse qu'elle fait aux insectes. Elle doit son nom aux lieux qu'elle habite et dans lesquels elle se reproduit. Elle ne quitte guère les bords des rivières et des fleuves et établit son nid dans les trous des rats d'eau. Quand elle n'en trouve pas de convenables, elle cherche des terrains friables, choisit ordinairement ceux qui sont escarpés ou coupés à pic par des éboulements. Elle creuse avec rapidité un trou de 0m 50 de profondeur. L'ouverture en est étroite pour opposer un obstacle à l'introduction des ennemis de la petite famille, et afin de pouvoir être défendue au besoin avec plus de facilité. Le boyau qui y conduit est souvent en zig-zag et présente ainsi un nouveau moyen de sûreté. L'extrémité au contraire se développe et offre une excavation plus spacieuse et plus commode pour les différents mouvements de la couveuse. Le nid qui en tapisse le fond est garni de paille, de duvet, de plumes, etc. et contient cinq ou six oeufs blancs, piriformes, très fragiles et même transparents. Ils ont ordinairement 0m 017 de longueur et 0m 012 de diamètre.
L'hirondelle de rivage ne fait qu'une couvée et pour dissimuler la véritable entrée de son nid, elle s'y précipite de plein vol et sans ralentir la rapidité de sa course. Au moyen de ses ongles longs et crochus, elle peut se fixer aux bords de son nid ou aux flancs des rochers ou des rives escarpées jusqu'à ce qu'elle ait saisi la proie qu'elle y a aperçue.
HIRONDELLE DE ROCHER. — Hirundo rupestris.
L'hirondelle de rocher vient rarement en Anjou, elle habite les pays de montagnes. C'est là qu'elle fait son nid de la même manière que sa compagne de cheminée, avec cette différence toutefois qu'elle l'appuie le long des rochers et qu'elle emploie quelques petits morceaux de gravier pour lier la terre, à la place du foin et de la paille.
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La femelle ne fait qu'une ponte. Les oeufs au nombre de cinq ou six sont d'un blanc pointillé de brun ; leur longueur ordinaire est de 0m 020 et leur diamètre de 0m 014. Ils se distinguent de ceux de l'hirondelle de cheminée, par des proportions ordinairement plus fortes et surtout par des taches plus larges et d'une couleur plus foncée.
Cette espèce montre moins de tendresse pour ses petits que ses congénères. Peut-être faut-il attribuer cette disposition aux lieux qu'elle habile. Offrant peu de dangers et fournissant plus de ressources, ils exigent moins de précautions.
Je termine ces notions par quelques renseignements propres à faire distinguer les quatre espèces d'hirondelles.
Le manteau de l'hirondelle de cheminée est d'un noir à reflets bleuâtres, le dessous du corps est blanchâtre avec une légère teinte aurore. Les mâles ont les couleurs plus vives que les femelles.
La gorge et le croupion de l'hirondelle de fenêtre sont d'un beau blanc. Ce dernier caractère lui a fait donner le nom de cul-blanc. Le reste du corps est d'un noir lustré.
Le collier et le manteau de l'hirondelle de rivage sont d'un gris de souris; les autres parties, d'un blanc pâle. Celte espèce est beaucoup plus petite que ses congénères. Le mâle affecte une couleur plus sombre que la femelle et sa gorge reflète une teinte jaunâtre.
L'hirondelle de rocher, la plus grosse des quatre espèces qui se montrent en Anjou, a toutes les plumes d'un gris bordé de roux.
QUATRIÈME GENRE.
GOBE-MOUCHES. — Muscicapoe.
Les gobe-mouches complètent la famille des latirostres. La Faune de Maine-et-Loire comprend trois espèces de ces oiseaux. Dans les pays chauds où les insectes sont très multipliés et très-incommodes, lesgobemouches se trouvent en grand nombre et la force de ces auxiliaires de l'homme croît en proportion avec celle de ses ennemis. Ils ne viennent en notre département que pendant l'été, lorsque leur présence est utile et nécessaire aux hommes et même aux troupeaux qu'ils délivrent des insectes qui les poursuivent ou persécutent en plein air. Les gobe-mouches ont le bec comprimé à la base, presque triangulaire et garni de poils longs et durs, caractère qui se retrouve chez presque tous les oiseaux qui vivent d'insectes ailés. Ces latirostres sont solitaires et querelleurs; ils doivent leur nom aux petites mouches qui composent leur nourriture ordinaire. Pour
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les saisir, ils se tiennent souvent à l'extrémité des arbres, d'où ils s'élancent sur leur proie quand elle passe à leur portée. Ils voltigent aussi de branche en branche et descendent jusqu'à terre, selon que les variations de l'atmosphère engagent les insectes à se tenir dans des endroits plus ou moins élevés. Les gobe-mouches recherchent les bois frais, les promenades publiques et les lieux dans lesquels viennent paître les troupeaux. Le plus souvent ils saisissent les mouches au vol pour les manger ensuite sur la branche d'où ils se sont élancés. Presque tous les mouvements des gobe-mouches sont accompagnés d'un balancement des pennes de la queue, habitude qui leur imprime une physionomie toute particulière et a contribué à faire de leur nom une épithète peu flatteuse.
GOBE-MOUCHES GRIS. — Muscicapa grisola.
Les deux dénominations, française et latine, données à cet oiseau, ont entièrement la même signification. La première indique la nourriture (muscas capere, prendre les mouches) et la seconde la couleur de ce latirostre.
Le gobe-mouches gris est commun dans notre département, pendant l'été. Il fait un nid assez grossier, qu'il appuie sur quelques inégalités du tronc des arbres. D'autres fois, il le place sur des ceps de vigne. Ce nid contient ordinairement quatre ou cinq oeufs d'un fond blanc ou jaune pâle, couvert de taches roussâtres ; leur longueur est de 0m 018 et leur diamètre de 0m 014.
GOBE-MOUCHES A. COLLIER, — Muscicapa albicollis.
L'épithète à collier blanc sert à distinguer ce gobe-mouches du précédent. Les habitudes sont presque les mômes. Plus vif que les gobe-mouches gris, mais aussi stupide, il se tient ordinairement plus près de terre ; il niche assez souvent dans les trous des silelles, des torcols, des mésanges, et aime à profiler du travail des autres. Ses oeufs, au nombre de quatre ou cinq, sont d'un bleu pâle ou d'un vert sale ; leurs dimensions ordinaires sont 0m 019 et 0ra 013.
GOBE MOUCHES BEC-FIGUE. — Muscicapa luctuosa.
Le mot luctuosa qui signifie sombre, couleur de deuil, indique la particularité distincte du plumage de cette espèce. Ce gobe-mouches, moins défiant encore que ses congénères, recherche les insectes qui vivent dans les figuiers et sur les fruits de ces arbres. La chasse
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qu'il fait à ces insectes et les mouvements nécessaires auxquels il se livre pour les saisir, ont fait croire qu'il becquetait les figues. Mais celte opinion ne peut s'appuyer que sur quelques cas qui offrent plutôt une exception qu'une règle générale.
Ce gobe-mouches niche comme le précédent; ses oeufs, ordinairement au nombre de quatre ou cinq, ont souvent une forme oblongue et sont d'un bleu verdâtre peu prononcé. Leur longueur est de 0m 017 et leur diamètre de 0m 012.
Les deux dernières espèces sont beaucoup plus rares dans notre département que le gobe-mouches gris. Elles ne font que le traverser à différentes époques de l'année sans s'y arrêter pour nicher.
Dentirostres.
La troisième famille de l'ordre des passereaux comprend les dentirostres ; ceux-ci doivent leur nom à l'échancrure qu'ils ont au bec, caractère qui les rapproche des rapaces; ce mot est composé de dens, dentis , dent et de rostrum, bec et signifie dès lors bec avec des dents, bec dentelé.
PREMIER GENRE. PIE-GRIÈCHE. — Lanius.
Je donnerai l'étymologie du mot pie quand il s'agira de la véritable pie, corvuspica et je me bornerai à expliquer maintenant l'épithète donnée au premier genre des dentirostres.
La dénomination grièche , vient de groeca , grec ; elle a été attribuée à ces oiseaux pour indiquer le pays où ces passereaux sont très-communs et pour désigner parfaitement les moeurs des piesgrièches.
Ortie grièche, perdrix grièche signifient ortie grecque, perdrix grecque. Autrefois les Français appelaient les cailles des grièches parce que ces oiseaux paraissaient venir des provinces de la Grèce.
Dans notre langue, l'épilhète grec, grecque conserve les significations attachées au mot groeco, faire le grec, c'est-à-dire être hautain, persécuteur et de mauvaise foi, tendre des piéges aux faibles etc. Dès lors on a donné ce nom aux personnes auxquelles on supposait des habitudes désagréables, un caractère sans pitié, une tendance à des querelles incessantes jointe souvent à un bavardage
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fatigant. En un mot l'épithète pie-grièche est restée parmi nous comme une véritable injure. Toutes tes mauvaises acceptions de cet adjectif conviennent entièrement au premier genre des dentirostres. Quoique petites et armées de doigts peu redoutables, les piesgrièches luttent contre tous les rapaces, non seulement pour se défendre, mais même pour les éloigner quand elles pensent que les oiseaux de proie ne se tiennent pas à une distance assez considérable des lieux où elles ont fixé leur séjour.
Les pies-grièches mettent en fuite les corneilles, les cresserelles et soutiennent même avec avantage le combat contre les milans et les buses. Elles poursuivent les petits oiseaux, les jeunes levrauts, leur crèvent la tête avec le bec ou les étranglent avec les ongles. Leur audace est telle que dans les pays où l'on tend des piéges aux oiseaux de passage, elles s'élancent au milieu des filets pour tuer et saisir les appeaux, même lorsque ces derniers sont des chouettes chevêches. Elles immolent aussi des souris, des mulots et d'autres petits mammifères.
Le mot latin lanius signifie bourreau, boucher; il peint ainsi d'une manière très expressive les moeurs des pies-grièches. Comme les bourreaux elles font un grand nombre de victimes et insultent encore au malheur de celles-ci par des cris stridents et railleurs; elles semblent vouloir couvrir leur voix et étouffer leurs plaintes. Non seulement les dentirostres tuent des oiseaux et des insectes en quantité suffisante pour assouvir leur appétit vorace, mais elles prévoient encore à l'avenir en faisant des réserves abondantes. Les pies-grièches enfilent alors une série de gros coléoptères dans les épines des buissons élevés et touffus et se rapprochent ainsi des bouchers en faisant en quelque sorte un étalage des victimes qu'elles ont immolées.
Cependant ces oiseaux qui sont en querelle incessante avec tous ceux qui les entourent prennent un soin affectueux de leurs petits, qu'ils nourrissent et défendent avec une tendresse et un courage extraordinaires. Lorsque ceux-ci sont sortis du nid, ils restent avec leur père et leur mère et forment une espèce de société dont les membres ne se séparent qu'à l'approche du printemps suivant.
Quatre espèces de pies-grièches apparaissent et nichent en Anjou.
PIE-GHIÈCHE GRISE. — Lanius excubilor.
Cette pie-grièche, la plus grosse des quatre espèces, est rare dans notre département. Elle se montre le plus particulièrement dans le Saumurais, où elle niche en petit nombre. L'épithète grise désigne
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la couleur de son plumage et le mot excubitor (sentinelle) retrace une de ses habitudes les plus singulières. Cet oiseau aime en effet à se tenir à la pointe desbranches isolées et les plus élevées des haies ou des arbres, à y faire sentinelle jusqu'à ce qu'il aperçoive une proie sur laquelle il se précipite pour l'immoler et reprendre ensuite sa première position. De temps en temps il pousse une espèce de cri, de qui vive, pour effrayer et faire sortir de leur retraite les gros insectes ou les petits oiseaux.
Cette pie-grièche mange rarement sur place sa proie. Elle la dépèce à terre et l'emporte ensuite pour la dévorer plus à son aise, à l'extrémité des arbres ou des buissons.
Elle construit son nid sur la branche fourchue d'un arbre élevé; il est ordinairement composé de mousse desséchée, encadrée d'herbes longues et fines, et tapissé à l'intérieur de débris grossiers de laine.
Les oeufs au nombre de quatre à six affectent bien des formes ; les uns sont piriformes, d'autres oblongs ou présentant une trèslégère différence dans le diamètre des deux extrémités. Le fond de la coquille est ordinairement d'une couleur fauve; quelques uns de ces oeufs sont pointillés uniformément de taches d'un gris noir; d'autres sont parsemés de taches plus épaisses et fondues en quelque sorte avec la nuance de la coquille. Leur longueur varie de 0m 025 à 0m 028 et leur diamètre de 0m 016 à 0m 019.
PIE-GRIÈCHE A POITRINE ROSE. — Lanius minor.
Les noms de cette pie-grièche, bien plus répandue en Anjou que la précédente sont fondés sur la couleur des plumes de sa poitrine et sur la.proportion de sa taille inférieure à celle de la pie-grièche grise. Très souvent aussi on l'appelle pie-grièche d'Italie parce qu'elle se tient presque toujours dans les peupliers d'Italie auxquels elle confie ordinairement son nid. Celui-ci est formé de petites racines entrelacées ; l'intérieur est garni de mousse, de laine et quelquefois de plantes odoriférantes. Cette pie-grièche moins défiante et plus sociale que la précédente, s'éloigne moins des habitations de l'homme pour construire son nid. Il renferme de cinq à six oeufs un peu oblongs, d'un vert clair et blanchâtre, parsemé de larges taches brunes ou de couleur olive. Leur longueur est de 0m 024 à 0ra 027 et leur diamètre de 0m 016 à 0m 017.
PIE-GRIÈCHE ROUSSE. — Lanius rutilus. Les deux épithètes latine et française font connaître la couleur du
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plumage de cette espèce plus petite encore que les précédentes. La pie-grièche rousse imite et contrefait le cri ou le chant des oiseaux dans le voisinage desquels elle vit. Cette faculté lui fournitun moyen de tendre des piéges, d'attirer, tromper et multiplier ses victimes. Elle justifie encore ainsi la justesse du nom qui a été donné à ces dentirostres. Le nid du lanius rutilus est fait avec plus de soin que celui de ses congénères. Formé de petites racine? liées entre elles avec art, son intérieur est garni de crins, de laine et de brins d'herbe très-fins. Les oeufs, au nombre de quatre à six, sont d'un vert très pâle, presque blanchâtre, parsemé de taches brunes et presque effacées.
La pie-grièche rousse manifeste envers ses petits une tendresse encore plus grande que les autre pies-grièches. La persévérance qu'elle met à couver ses oeufs est telle que la femelle se laisse facilement prendre à la main plutôt que d'abandonner son nid. Le grand diamètre de ses oeufs varie de 0m 020 à 0m 023 et le petit de 0m 014 à 0m 016.
PIE-GRIÈCHE ÉCORCHEUR. — Lanius collurio.
Cette pie-grièche se plaît à briser la tête de ses victimes et à les dépouiller lorsque celles-ci sont des petits oiseaux.
Le nom scientifique collurio peint d'une manière très expressive cette habitude. Les Grecs appelaient cette pie-grièche Koxx«pio»v, Kofuxx;«, dont la racine est xopus, casque et >.«»«, broyer. Maintenant encore on donne aux pies-grièches et à l'écorcheur surtout, le nom picquoys, vieux mot français signifiant pic dont on se servait en guise de hache. Cette dénomination indique que ces oiseaux usent de leur bec comme d'un pic ou d'une hache pour briser la tête de leurs victimes. L'écorcheur est la plus petite des pies-grièches de l'Europe ; il niche dans les buissons épais et touffus et même dans les ajoncs. Son nid à l'extérieur est composé comme celui de ses congénères, mais l'intérieur est ordinairement garni de matières plus molles et mieux choisies. Les oeufs au nombre de cinq à six varient beaucoup de formes et de couleurs. Les uns sont ronds, d'autres oblongs, quelques-uns piriformes ; tous portent une couronne vers le gros bout formée de petits points pressés ou de taches rougeâtres assez régulières. La couleur de la coquille est ordinairement d'un blanc roux dont la nuance est plus ou moins foncée. Quelquefois elle a une teinte orange ; elle revêt aussi un brillant que ne présentent pas les oeufs des autres espèces de pies-grièches. Ceux de l'écorcheur ont de 0m 020 à 0, 024 de longueur et de 0m 014 à 0m 016 de diamètre.
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DEUXIEME GENRE.
MERLE. — Merula turdus.
Le mot merle désigne un genre assez nombreux. Six espèces de merles habitent ou visitent l'Anjou. Le principe de ce nom est merula dont la racine me semble être merus, pur, sans taches et indiquer que le plumage de cet oiseau est d'une seule couleur et sans aucun mélange. Merus signifie aussi solitaire et celte dénomination a été donnée au merle quia vaga et solitaria pascitur. En effet ces oiseaux ne se réunissent jamais comme les corneilles, les pies, etc., pour chercher leur nourriture et lorsque plusieurs merles se trouvent dans le même champ, chacun d'eux s'éloigne de ses congénères et semble craindre de partager avec les autres la proie qu'il peut découvrir. Celle habitude rentre dans le caractère du merle qui est d'une défiance excessive que l'on est trop souvent porté à admettre pour de la ruse. Quant au substantif ou à l'adjectif turdus c'est le mot primitif employé par les Romains pour désigner d'une manière particulière les grives et dont on a étendu la signification à tous les oiseaux de ce genre. Peut-être pourrait-on en trouver la racine dans les noms des Turduli et Turdetani, peuples d'Espagne. Ce qui semblerait fortifier celle étymologie, c'est le grand nombre de grives qui se trouvent en Espagne et l'habitude des peuples de cette contrée d'engraisser ces oiseaux pour les manger ou pour les vendre aux Romains; nam Turdelani et populi sunt qui turdos saginanl et vendunt et qui turdorum avidi sunt (Lexicon Forcellini). Enfin le nom d'iliacus donné au merle mauvis parce que ce passereau se trouve en grand nombre aux environs d'llion, viendrait encore corroborer mon hypothèse en prouvant qu'on donnait autrefois aux oiseaux le nom du pays qu'ils habitaient.
MERLE DRAINE. — Turdus viscivorus.
L'épithète draine peut avoir pour racine deux mots grecs : *. chêne, et a/voc, voix, d'«u», crier, et désigner ainsi une habitude caractéristique de ce merle qui fait entendre un chant dur et sifflé en fuyant d'arbre en arbre. Elle peut aussi dériver de V»» KP»H signifiant fuir avec rapidité, étymologie qui aurait l'avantage de peindre avec énergie la vie de la draine. vie qui s'écoule dans une fuite incessante accompagnée d'un certain cri d'inquiétude.
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Dans le midi de la France, draie signifie chemin, et s'adrayer, indique l'action d'un homme qui travaille à s'habituer à parcourir rapidement une longue route.
Peut-être à la pensée d'une opération qui prend depuis quelque temps des proportions colossales en France, serait-il permis de trouver dans le mot draine un rapport éloigné avec le drainage, dont la racine to drain veut dire épuiser, dessécher? Le merle drame vit d'insectes et de vers, il aime à chercher ces derniers dans la terre détrempée par la pluie. Quand l'eau est tombée en abondance et qu'elle a pénétré profondément le sol, on aperçoit des troupes de draines creusant avec leur bec et leurs pieds de petits sillons. Leur but est de trouver plus facilement les vers et de faciliter ainsi l'écoulement de l'eau qui les gêne dans ce moment, après avoir été cependant la cause de l'abondance de leur récolte.
Le nom de draine, drenne, n'est peut-être qu'un mot qui retrace le chant saccadé de cet oiseau, dre, dre, trre, trre, qui lui a fait donner les épithètes vulgaires de traie et de criarde.
L'adjectif viscivorus retrace encore une des habitudes de la draine, celle de manger le gui du chêne et des autres arbres (viscum, gui et vorare, manger, dévorer).
Cet oiseau fixe ordinairement son nid à la bifurcation des grosses branches des arbres, à une hauteur moyenne. Il paraît rechercher de préférence les arbres fruitiers à tous les autres, probablement parce que l'extérieur de son nid se mariant mieux avec la couleur de ces arbres échappe plus facilement aux yeux de ses ennemis. En effet, ce nid dont les dimensions sont très grandes et contribuent ainsi à le trahir, est composé à l'extérieur de racines et de petites branches entrelacées, mélangées et revêtues de lichens blancs qui couvrent ordinairement en grande quantité l'écorce des arbres fruitiers. L'intérieur est garni de mousse ou d'herbes et de racines fines. Le nombre des oeufs est de quatre à six; ils varient beaucoup de grosseur et de couleur. Le plus souvent le fond de la coquille est d'un roux parsemé de taches d'un violet terne et presque effacé. Quelques-uns revêtent une couleur uniforme et verdâtre et offrent quelque ressemblance avec certains oeufs d'étourneau. Leur longueur est de 0m 025 à 0m 032 et leur diamètre de 0m 018 à 0m 022.
MERLE LITORNE. — Turdus pilaris.
Ce merle, plus petit que le précédent apparaît dans les différentes contrées de l'Europe par bandes nombreuses pendant l'automne ou l'hiver et se retire ensuite au sein des forêts des régions du Nord,
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dans lesquelles il se reproduit. Sa chair est jugée bien inférieure à celle des autres merles ; elle est imprégnée d'une amertume assez prononcée, provenant selon toute probabilité de quelques espèces de baies qui composent en partie sa nourriture. Peut-être trouverailon dans cette particularité l'étymologie de son nom, MTOS, vil, petit, et ofvit, oiseau, oiseau de peu de valeur.
L'épithète pilaris indique que la litorne a autour du bec des poils plus longs que ceux des autres grives. Ce merle voyage en troupes innombrables et occasionne des ravages considérables dans les propriétés sur lesquelles il s'arrête. Il mange avec une avidité et une gourmandise devenues proverbiales. Pour assouvir son appétit insatiable, il abat encore plus de fruits qu'il n'en dévore. Son nom ne dériverait-il pas de pilo, pilare, voler, ravager? Dès lors le mot litorne ne s'expliquerait-il pas dans le même sens par antiphrase ? car x<™ç signifie aussi frugal.
Le merle litorne appuie sur les branches ou le tronc des arbres un nid ayant quelque ressemblance avec celui de la draine. Les oeufs au nombre de quatre à six, sont le plus souvent d'une couleur verte, parsemés de petits points roux, bruns ou noirâtres et régulièrement plus gros et moins pointus que ceux du merle noir. Leur longueur varie de 0m 025 à 0m 03 et le diamètre de 0m 018 à 0m 022.
MERLE GRIVE. — Turdus musicus.
L'épithète grive me semble avoir été donnée à ce merle parce qu'il aime à fréquenter les vignes, à manger les raisins, à se griser. En effet, le mot se griser vient du latin groecari, signifiant faire le grec, se livrer à l'ivrogncrie, à une galle bruyante, exploiter les autres en s'emparant avec une adresse plus ou moins grande de ce qui leur appartient, etc. Les mots grec et gris étaient synonymes dans le moyen âge, comme il est facile de s'en convaincre par ces expressions du vieux roman d'Alexandre : Il fut bien escouté d'Alixandre et des gris. D'où le mot gris n'indiquait pas seulement la couleur désignée par ce nom, mais encore une conduite semblable à celle des Grecs, et pour représenter les habitudes de ceux qui se livraient aux excès du vin et à toutes les tristes conséquences de l'ivresse, on pouvait dire indifféremment qu'ils faisaient les grecs ou les gris. Du mot gris, on a formé, selon Génin, griu et le féminin griue et enfin grive. Villehardouin appelle la Grèce, la Griève.
L'adjectif grivois donné aux soldats ou aux personnes qui se livrent à une joie folle, fruit de l'ivresse, vient encore corroborer cette opinion. ll en est de même du nom par lequel on désigne ces femmes
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dissolues qui s'abandonnent à toute espèce de désordres, préparés, fortifiés presque toujours par l'usage immodéré du vin et des liqueurs.
L'habitude du merle grive , de manger des raisins avec une avidité insatiable, justifierait alors complètement la signification de l'épithète qui lui a été donnée. Grivelée signifiait autrefois petite volerie. Enfin le proverbe populaire soûl comme une grive, sanctionne encore la justesse de celle étymologie et s'appuie lui-même sur les faits recueillis par les chasseurs. Ceux-ci ont constaté chez les grives une véritable ivresse manifestée dans leur vol et dans l'ensemble de leurs mouvements pendant leur séjour dans les vignes.
Quant à l'épithète musicus, musicienne, elle a été donnée au merle grive à cause de son chant, le plus agréable de tous ceux des oiseaux de son genre. Le merle et la grive sont deux des plus délicieux chantres de la campagne. Leur voix pénétrante et fortement accentuée s'étend à plusieurs kilomètres de distance. Les notes de leur chant, ordinairement sur un diapason fort élevé, tranchent par leur intensité sur toutes les autres voix et forment comme la haute-contre du concert harmonieux que les oiseaux nous donnent au printemps en fêlant par un hymne d'amour l'oeuvre de la création qui sans cesse se renouvelle.
Cependant la grive a quelque chose dans ses notes de bien supérieur au merle dont le chant est plutôt sifflé que chanté. Le rossignol avec les incroyables ressources de son gosier n'a rien d'aussi sonore que le zip, zip ou trhit, trhit de la grive. Les autres parties du chant de celle-ci ne se reproduisent pas d'une manière régulière, elles paraissent plutôt résulter de l'inspiration du moment. Peut-être pourrait-on admettre l'hypothèse que le nom de grive a été donné à cet oiseau par onomatopée et par corruption de son chant ifi-Tf, ou grigri. Le merle grive chante principalement lorsque le temps est frais et même froid; il semblerait que plus la température s'abaisse, plus son gosier acquiert d'élasticité et de puissance. L'air plus dense transmet aussi son chant avec plus de netteté et ce chant est si attrayant que quand une grive se fait entendre on se sent porté à s'arrêter pour en jouir. Ses phrases ne se louchent pas, elles laissent entre chacune d'elles quelques secondes d'intervalle, particularité qui dispose encore à prêter l'oreille avec plus d'attention.
Le merle niche dans notre département et établit son nid dans les taillis, les buissons épais ou sur les arbres peu élevés. Presque chaque année plusieurs couples se reproduisent dans les taillis appartenant à M. de Boguais et situés derrière la chapelle des Martyrs, c'est là qu'on peut facilement étudier les moeurs de cette grive et jouir de
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la beauté de son chant. Le nid de cet oiseau est composé de terre gachée; à l'extérieur il est revêtu de mousse et d'herbes fines. Les oeufs au nombre de quatre à six reposent sur la terre nue ; ils sont d'une belle couleur bleu de ciel avec des taches rondes, d'un noir foncé, plus ou moins grosses , répandues sur toute la coquille et formant quelquefois une couronne vers le gros bout. Ces oeufs sont ordinairement beaucoup plus ronds que ceux des autres oiseaux de ce genre ; ils ont de 0m 025 à 0m 028 de longueur et de 0m 019 à 0m 022 de diamètre.
MERLE-MAUVIS. — Turdus iliacus.
Le nom scientifique iliacus indique que ce merle venait des côtes d'Asie, des environs d'Ilion où il séjournait en si grand nombre qu'il semblait en quelque sorte y avoir acquis le droit de cité (Iliacus), Quant au mol mauvis il dérive de mala, avis et signifie oiseau malfaisant, désignation justifiée par les ravages qu'il exerce dans les vignes où il s'arrête pour assouvir sa faim insatiable. Ducange traduit mauvis par malvitius et Génin l'interprète par le mot français malvis, mauvais visage. La pensée resterait la même, car ce mot indiquerail que le mauvis est semblable à ces êtres d'un visage sinistre, que l'on craint de voir à cause de leurs nombreux méfaits.
Le merle mauvis établit son nid dans les buissons. Ses oeufs, au nombre de quatre à six, sont d'un bleu verdâtre, parsemés de petits points noirs. Leur coquille est généralement plus luisante que celle des autres merles. Ces oeufs dont le grand diamètre est de 0m 023 et le petit de 0m 018, sont déposés dans un nid façonné avec des herbes grossières et de la mousse.
Le mauvis niche en grande quantité aux environs de Dantzig ; presque partout ailleurs, il ne fait que passer sans se reproduire.
MERLE A PLASTRON. — Turdus torquatus.
Les noms français et latin donnés à ce merle ont le même sens et sont fondés sur le plastron blanc qui décore sa poitrine. Ce plastron est plus ou moins prononcé selon l'âge de l'oiseau ; il est toujours moins étendu chez la femelle que chez le mâle. Chaque année le merle à plastron visite notre département et un certain nombre de couples s'y arrêtent pour nicher. Placé à une petite élévation de terre, au milieu ou au pied des buissons, le long du tronc des arbres, le nid est formé de feuilles sèches, de racines et de mousse liées ensemble par de la terre argileuse. L'intérieur est garni de
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mousse ou de foin. Les oeufs d'un vert bleu sont parsemés de taches d'un brun rougeâtre, formant quelquefois une couronne vers le gros bout. Les taches sont régulièrement moins nombreuses mais plus larges que celles des oeufs du merle noir. Ils ont beaucoup de ressemblance avec quelques variétés de ces derniers, cependant leurs dimensions sont presque toujours plus fortes. lls pourraient aussi se confondre avec de gros oeufs oblongs du merle draine. Leur longueur varie de 0m 026 à 0m 030 et leur diamètre de 0m 019 à 0m 022.
MERLE NOIR. — Turdus merula.
Les épithètes données à ce merle s'expliquent d'elles-mêmes et sont fondées sur son plumage sans mélange et plus noir encore que celui du corbeau. Le merle noir, le plus commun des oiseaux de ce genre, est sédentaire en Anjou. Il établit son nid tantôt à terre, sur les talus des fossés, habitude qui lui a fait donner le nom de merle terrier; tantôt au pied des buissons épais, sur la tête dos arbres émondés, le long des vieilles souches entourées de lierre. Ces nids, dont quelques-uns sont bien façonnés, présentent des dimensions assez considérables; ils sont composés de racines, de feuilles desséchées, de mousse, de foin et revêtus quelquefois à l'extérieur de terre argileuse. Les oeufs au nombre de quatre à six présentent un grand nombre de variétés bien différentes lés unes des autres. Quelques uns sont ronds, d'autres oblongs, piriformes, etc. Leur couleur se nuance du vert très foncé au jaune d'ocre. Tous sont pointillés de brun clair ou jaunâtre. Quelquefois les points sont si petits et si multipliés qu'ils semblent composer le fond de la coquille et forment une seconde couche qui couvre la première. Enfin quelques-uns présentent une couronne vers le gros bout ou une large tache en forme de calotte. Leur grand diamètre est de 0m 025 à 0m 032 et le petit de 0m 016 à 0m 022.
Le merle noir a une antipathie extrême pour le renard, c'est lui qui souvent du haut des arbres indique aux chasseurs la retraite de cet animal et l'accompagne et le poursuit de ses cris, pendant plus d'un kilomètre de distance.
TROISIÈME GENRE.
LE GRAND JASEUR DE BOHÈME. — Bombycilla garrula.
Le grand jaseur doit son nom au gazouillement qu'il se plaît à faire entendre et qui le distingue des oiseaux qui chantent ou qui
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parlent. L'adjectif grand sert à le séparer du jaseur d'Amérique auquel il ressemble sous plusieurs rapports, mais dont il s'éloigne par des proportions plus grandes. Errant et vagabond, cet oiseau n'a pas de patrie connue; comme les bohémiens il semble suivre dans ses migrations continuelles plutôt un caprice qu'un besoin. Partout on le trouve et toujours de passage. A certaines époques il apparaît par bandes nombreuses dans quelques contrées pour ne plus revenir qu'à des dates éloignées et irrégulières.
Le grand jaseur n'habite pas la Bohême, il ne vient dans cette province que d'une manière accidentelle, et le nom de bohême n'a été ajouté au sien que parce que les Autrichiens en voyant autrefois des bandes innombrables de jaseurs s'abattre sur leur pays du côté des frontières de celle province, avaient pensé que la Bohême était la véritable patrie du bombycilla.
Le mot garrula signifie jaseur et l'adjectif bombycivora (de bombyx , bombycis , vers à soie et vorare , dévorer) indique que les vers à soie sont recherchés par cet oiseau. Peut-être trouverait-on dans ce goût particulier, un motif des migrations incessantes du grandjaseur.
Cet oiseau est aussi très souvent désigné par le mot bombycilla dont l'étymologie me paraît être bombyx soie et cilium, cil. Dès lors celte épithète indiquerait une particularité propre au grandjaseur dont les narines sont cachées sous de petites plumes soyeuses dirigées en avant. Ces plumes se relèvent en forme de panache et viennent ombrager ses yeux.
Jusqu'à ce moment-ci (août 1858) les ornithologistes français n'avaient sur le lieu, le temps et le mode de nidification du grand-jaseur que des renseignements faux ou très incomplets. Un naturaliste de l'Allemagne, M. Henr.-Ferd. Moeschler, que j'avais prié de vouloir bien faire exécuter des recherches sur celte question, par ses correspondants du nord de l'Europe, vient de m'adresser six oeufs du grand-' jaseur et quelques détails obtenus après plusieurs années d'investigations incessanteset pénibles. Grâces à la persévérance et à la bienveillance de mon correspondant et ami, je puis donner sur le nid et les oeufs du bombycilla garrula des notions détaillées et précises.
Le grand-jaseur se réunit on troupes assez considérables dans la Laponie vers la fin du printemps. Dès le commencement de juin le mâle et la femelle travaillent à la construction du nid. Ils choisissent de préférence les pins, les sapins et les bouleaux les plus élevés. Ce nid est appuyé ordinairement à la bifurcation de plusieurs branches. Le diamètre est d'environ 0m 14 et l'épaisseur des bords de Om 03. La base ainsi que la partie extérieure sont composées de petites branches
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sèches de sapin ou d'autres arbres des régions boréales. Les vides entre ces branches sont remplis par des mousses telles que le bryum et l'hypnum ainsi que par les feuilles aciculaires des pins et les flocons du coton des arbres. La coupe du nid a 0m 03 de profondeur; elle est formée presque exclusivement de filaments très déliés de l'usnée barbue ou chevelue (usnea barbata), espèce de lichen qui croît ordinairement sur le tronc des vieux arbres et pend en masses filamenteuses plus ou moins longues et plus ou moins touffues. L'intérieur est garni de tiges fines de gramen mêlées à des plumes de lagopède, ou à celles du grand-jaseur lui-même. Par sa forme et les matières qui le composent, ce nid se rapproche de celui du casse-noix. La ponte a lieu ordinairement vers la fin de juin; elle varie de 4 à 6 oeufs. Ceux-ci ont de 0m 022 à 0 m 024 de longueur et de 0 m 016 à 0^018 de diamètre. Le fond de la coquille est d'un blanc bleuâtre ou d'un gris perle pâle, moucheté de taches rondes ou un peu oblongues d'un noir assez foncé surtout vers le centre, ou enfin d'un bleu gris pâle. Ces taches sont répandues régulièrement sur toute l'étendue de la coquille. Quelques-unes, ayant les mêmes formes mais une couleur plus pâle que les premières, semblent presque effacées ou fondues dans la teinte primitive de l'oeuf. Elles représentent, en quelque sorte, une seconde couche plus foncée, mais incomplète et ne couvrant qu'irrégulièrement une partie de la coquille. Les oeufs du grand-jaseur affectent une forme assez allongée et un peu piriforme. Moins gros et moins ventrus que les oeufs du gros-bec ordinaire ( Fringilla coccothraustes), et d'une teinte plus vive, ils en diffèrent encore par leurs taches petites et presque rondes, tandis que celles des oeufs du gros-bec sont formées assez ordinairement de larges points étendus en zig-zag.
QUATRIÈME GENRE,
LE LORIOT. — Oriolus galbula.
Le loriot est un des oiseaux les plus beaux qui visitent notre continent. Il habite le nord de l'Afrique et chaque année il se répand dans les contrées méridionales de l'Europe pour s'y reproduire. Le loriot doit, selon quelques auteurs, son nom à son cri : ouriou, ouriou, que. l'on traduit trop facilement par celui de louriou, louriot, loriot. Cependant la véritable étymologie de ce nom me semble se trouver dans son nom grec *xa?ia.v dont la racine */.«/>« signifie jaune, et désigne la belle couleur de la plus grande partie du plumage du
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mâle adulte. Le nom latin oriolus me paraît dériver de la même source. Quant à l'épithète galbula, verdâtre, elle peint la couleur de la femelle et celle des petits, car par une coïncidence touchante, les petits dans presque toutes les espèces ressemblent par leur plumage avant la mue, à celle dont la sollicitude veille avec tant d'empressement sur les premiers instants de leur vie.
Le loriot choisit la bifurcation de petites branches, à l'extrémité des arbres les plus élevés, pour y établir son nid. Celui-ci est composé de brins de foin, de paille, artistement entrelacés; il est assujetti aux deux branches par des galons, des fils, des rubans, des filaments de chanvre, des chaînes de montre, des lacets recueillis sur les grandes routes. Ces tissus s'enroulent plusieurs fois autour des branches , pénètrent dans le nid en liant fortement les différentes parties entre elles. L'intérieur est garni de laine, de crin, du duvet des fleurs et même quelquefois de papier fin. Ce nid présente un gracieux tableau, quand, semblable à un hamac, il subit les ondulations du vent, pendant que la femelle couve ses oeufs et que le mâle, dont la couleur jaune contraste avec la verdure du feuillage, se tient perché sur une branche voisine et varie de la manière la plus douce possible son chant sifflé. Les oeufs, au nombre de quatre à six, sont d'un blanc brillant, parsemé de taches noires et d'un brun rougeâlre. Lorsqu'ils sont nouvellement pondus, la coquille paraît transparente et d'une belle couleur rose. Leur grand diamètre varie de 0m 027 à 0 m 03 et le petit de 0 m 018 à 0 m 022.
Le loriot arrive très tard en Anjou, vers le mois d'avril, et repart dans les derniers jours d'août.
CINQUIÈME GENRE. — LES TRAQUETS.
LE TRAQUET MOTTEUX. — Saxicola oenanthe.
Le genre traquet comprend des oiseaux brillants de couleurs et remarquables par la grâce et la rapidité de leurs mouvements. Quatre espèces visitent l'Anjou et trois s'y reproduisent. Ces oiseaux doivent leur nom français au mouvement continuel de leurs aîles et de leur queue, qui les a fait comparer au traquet des moulins que le vent, la vapeur ou l'eau agite d'une manière incessante.
L'épithète motteux retrace l'histoire entière du traquet désigné par ce nom. Il se lient en effet dans les terrains dont les sillons n'ont pas encore reçu la dernière façon, cherche les petits insectes qui s'y réfugient, voltige de motte en molle , et tour à tour paraît sur leur
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point culminant ou se dérobe à la vue du chasseur en se cachant derrière, leur épaisseur. C'est encore sous les mottes qu'il niche et élève ses petits. Le mot saxicola fait connaître les lieux que les traquets fréquentent; il dérive de saxum, rocher et colo, habiter et signifie dès-lors oiseau qui aime, recherche et habile les rochers.
L'adjectif oenanthe vient compléter encore ces renseignements précis et y ajouter un caractère nouveau, , vigne et *v9«, ornement. Les traquets, par leurs mouvements gracieux et rapides, par la beauté de leur plumage, embellissent et vivifient les vignobles dont la culture et l'aspect sont ordinairement plus sombres et moins animés que ceux des terres ensemencées.
Le traquet motteux se pratique un trou sous les mottes ou les pierres ; là , il réunit des débris de paille, de mousse, de crin, y mêle quelques plumes et pond quatre ou cinq oeufs un peu obtus , d'un bleu pâle et régulièrement sans aucune tache. Grand diamètre de 0m 018 à 0m 022, petit de 0 m 012 à 0 m 015.
TRAQUET TARIER. — Saxicola rubetra.
Ce traquet se montre dans toutes les contrées tempérées de l'Europe ; il aime les prairies, les bords des cours d'eau, des marais, recherche aussi les terrains incultes, les landes , etc. ; on le voit à chaque instant à l'extrémité des bruyères ou des herbes les plus élevées, toujours en mouvement, agitant les ailes et la queue comme s'il devait reprendre immédiatement son vol. Ce balancement me semble cependant plutôt être commandé par la nécessité et fournir au tarier un moyen de se maintenir en équilibre dans une position très difficile.
Ce charmant petit oiseau doit probablement son nom de tarier à son habitude de nicher à terre, habitude qui l'a fait surnommer terrasson. Peut-être pourrait-on , en admettant le mol dans toute son acception, en fonder l'explication sur l'extrême facilité de cet oiseau à pénétrer dans les herbes touffues, pour s'y soustraire aux regards de ses ennemis et y trouver sa nourriture , avec la même promptitude que la tarière pénètre partout.
Le nom scientifique rubetra signifie, d'après quelques naturalistes, oiseau rougeâtre et s'expliquerait par le rouge bai de la poitrine du tarier. Mais je pense que la racine véritable pourrait bien être rubum, ronce, mûre, et que dès lors ce nom indiquerait que le tarier se plaît dans les ronces et qu'il aime les mûres. Cette étymologie se trouve fortifiée par le nom grec /2*T,C appliqué au tarier et qui dérive lui-même de p*™ signifiant ronce, mûre. Enfin rubetra pourrait dé-
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river de rubus , buisson , ronces , mûres et de tero , piller, broyer, se frayer un passage et dès-lors cet adjectif pourrait se traduire ainsi : oiseau qui pille , qui mange les mûres , ou qui comme une tarière se fait un passage au milieu des ronces. Virgile a dit : Terere iter, se frayer un chemin. Cette dernière explication viendrait fortifier celle que j'avais précédemment énoncée.
Le tarier fait le plus souvent son nid dans les prairies. ll le construit très simplement au pied d'une touffe épaisse d'herbe ; l'extérieur est composé de quelques brins de foin desséchés ; l'intérieur est garni de laine, d'aigrettes de chardon et de duvet des plantes. La femelle y dépose quatre ou cinq oeufs d'un bleu-vert très prononcé, parsemé de points d'un brun roux plus ou moins foncé et répandus surtout vers le gros bout ; quelques-uns de ces oeufs ne portent aucune tache ; les uns sont entièrement ronds, les autres oblongs. Leur grand diamètre est de 0m 016 à 0 m 018 et le petit de 0 m 012 à 0 m 014.
TRAQUET PATRE. — Saxicola rubicola.
Le traquet pâtre est le véritable ornement des pays qu'il habite ; il y répand la vie par ses courses incessantes et la grâce de ses mouvements. Toujours agité, il s'élève par petites secousses et retombe en tournant sur lui-même , justifiant ainsi à chaque instant son nom de traquet. Ce saxicole aime les terrains arides, les landes, les bruyères, les contrées solitaires et sauvages ; là il devient le compagnon assidu du berger. Il égaie le jeune pâtre dans ses longues heures de solitude et d'ennui, par son cri et par la légèreté avec laquelle il aime à se reposer et à se balancer sur les tiges les plus élevées, les plus isolées et les plus flexibles des buissons ou des herbes. Par une heureuse pensée, pour l'identifier davantage encore au jeune pâtre dont il est le compagnon et l'ami assidu, on les a désignés tous les deux par le même nom.
L'épithète rubicola me semble dériver de rubum mûre et colo, habiter , et indiquer que le traquet pâtre recherche les ronces et les buissons.
Peut-èlre l'étymologie la plus vraie serait-elle rubum, rubi et color, oiseau couleur de mûre , de couleur noire ; elle serait alors fondée sur les nuances du plumage de ce traquet, qui le font désigner partout sous le nom de petit charbonnier.
Le pâtre chasse les mouches et les insectes au vol ; à terre, il poursuit les sauterelles avec une grande agilité.
Le nid du rubicole, placé à terre, dans les champs en friche ou au
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pied d'un buisson, est composé en dehors de foin, de filaments d'herbes sèches et garni en dedans de crin , de laine , de plumes. Il contient quatre ou cinq oeufs d'un vert très pâle et un peu gris, parsemé de petits points roussâtres formant assez souvent une couronne vers le gros bout. Le coucou y dépose fréquemment un oeuf.
Le grand diamètre varie de 0 m 014 à 0m 016, et le petit de 0 m 012 à 0 m 014.
TRAQUET OREILLARD. — Saxicola aurita.
Chaque année ce traquet passe en Anjou pour se rendre dans les contrées où il doit se reproduire. Ce saxicole offre deux races très distinctes dont l'une est beaucoup plus grosse que l'autre. Il doit son nom d'oreillard (auritus) à la bande noire qui de chaque côté du bec s'étend derrière les oreilles en passant sous les yeux. Il aime les contrées chaudes et recherche de préférence à tous les autres lieux, les collines, les montagnes les plus élevées et les terrains arides.
L'oreillard niche à terre sous des mottes, des pierres ou dans les trous des vieux murs situés près de terre. Son nid , façonné sans beaucoup de soin, est composé à l'extérieur de foin, d'herbe fine, et à l'intérieur de laine, de mousse et de plumes. Les oeufs dont le nombre varie de quatre à cinq, sont d'un bleu verdâtre pointillé surtout, vers le gros bout de petites taches d'un noir rougeâtre formant une couronne. Leur grand diamètre est de 0m 018 à 0 m 02 et le petit de 0m014 à 0 m 016.
SIXIÈME GENRE,
LES FAUVETTES.
Les Fauvettes forment un genre très nombreux. Dix-neuf espèces habitent ou visitent chaque année notre département. Vives, agiles, gracieuses, elles embellissent de leur présence et charment par leur chant les taillis, les buissons, les vergers, les bords des rivières et les roseaux des marais. Aucun site ne leur est étranger, aucune localité n'est privée du plaisir de les voir et de les entendre. Les unes semblent avoir pour lâche de distraire dans leurs travaux les bergers et les moissonneurs; d'autres, de charmer les pêcheurs et d'animer par leur chant et la rapidité de leurs mouvements les bords isolés et solitaires des rivières. Quelques-unes s'associent aux travaux des bûcherons, et ne les abandonnent pas même pendant les
journées sombres et froides de l'hiver. Quand toute la nature semble morte ou endormie, les fauvettes viennent-apporter à ces travailleurs l'image du mouvement, de l'espérance et de la vie. Dieu, qui a été si généreux dans les avantages variés qu'il a prodigués à ces chantres de nos bois et de nos campagnes, paraît avoir oublié de parer leur plumage. Il est obscur et terne, et je pense que c'est à cette couleur sombre qu'ils doivent le nom de fauvettes. Belon le fait dériver de foveis, parce qu'il prétend que cette dénomination vient de leur habitude d'entrer dans les fossettes et les murailles. Cette étymologie, qui me paraît fausse, n'a pas même l'avantage de s'appuyer sur les moeurs des fauvettes. A l'exception d'une ou deux espèces, toutes les autres nichent à ciel ouvert, et aucune ne passe sa vie dans les trous des murailles, pas même pour y chercher sa nourriture ou son repos,
FAUVETTE ROUSSEROLE. — Sylvia turdoïdes.
Celte fauvette, la plus grande de toutes celles connues en Europe, doit son nom au brun roux et uniforme qui couvre sa queue et toutes les parties supérieures du corps. Les deux épilhètes latine et française, turdoïdes et turdoïde, indiquent que la rousserole ressemble à la grive (tordus, grive, et oiJoe, ressemblance). Celle expression est peut-être simplement un diminutif de turdus, et signifierait alors petite grive. Ce qui fortifierait celte dernière opinion, c'est que la rousserolle a été classée pendant très longtemps parmi les grives.
Le nom générique sylvia, donné à toutes les fauvettes, dérive de UM, bois, broussailles, taillis, et indique une partie des lieux que ces passereaux habitent.
La rousserole, appelée moineau des marais, vient chaque année, en très grand nombre, animer les bords des rivières ou des marais plantés de roseaux. Elle grimpe avec rapidité et avec grâce le long des liges des joncs, pour y saisir les insectes. Elle poursuit aussi au vol les libellules qu'elle aperçoit. Son cri saccadé, cara, cra, cara, auquel elle doit son nom vulgaire, trahit souvent sa présence. Cependant, malgré cette indication précise, la rousserole est difficile à découvrir à cause de son habileté à se cacher et à se glisser derrière les roseaux et les herbes épaisses auxquelles elle reste suspendue très facilement. Pour composer son nid, elle choisit quatre ou cinq roseaux assez rapprochés, les unit par des filaments des plantes aquatiques, qu'elle enroule bien des fois autour des joncs pour former une espèce de bourse grossière. Ce nid a quelquefois une hauteur de près de deux décimètres, et semble avoir été ainsi fabriqué pour
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arracher aux dangers de l'inondation les oeufs ou les petits de la fauvette. Il ressemble alors à plusieurs nids superposés. L'intérieur est garni de débris fins et déliés de feuilles de roseaux ; il contient ordinairement quatre ou cinq oeufs dont le fond blanc verdâtre ou bleuâtre est parsemé de points ou de taches noires ou brunes qui forment quelquefois une couronne vers le gros bout. Ces oeufs sont peu piriformes et le plus grand nombre sont oblongs; plusieurs seraient confondus facilement avec des oeufs de moineau, dont ils ne diffèrent souvent que par leurs taches plus larges et une couleur plus foncée et plus bleuâtre. Leur grand diamètre varie de Om 020 à 0m 023, et le petit de 0 m 017 à 0 m 019.
FAUVETTE EFFARVATE. — Sylvia arundinacea.
Cette fauvette, une des plus babillardes et des plus agiles de l'Europe, a un caractère peu sociable. Elle éloigne du lieu qu'elle a choisi pour nicher non-seulement les oiseaux étrangers à son espèce, mais encore ses congénères. Elle semble avoir recours à un bruit assourdissant pour arriver à ses fins. L'effarvate grimpe sans cesse avec une grande agilité le long des roseaux pour y saisir les insectes qui y adhèrent; elle redescend, remonte avec une grâce et une rapidité remarquables, s'arrête à l'extrémité des liges, y reste un instant en observation, puis s'élance avec la vitesse de l'éclair pour saisir au vol un insecte ou une libellule, et continuer ensuite le même exercice. Tous ses mouvements ont dans leur rapidité une apparence d'irritation et de colère. Dès-lors, son nom effarvate ou effervete pourrait dériver de efferveo, signifiant s'échauffer, s'animer. Quant à l'épithète arundinacea, de roseaux, elle indique les lieux dans lesquels celte fauvette vit et se reproduit.
L'effarvate, comme la rousserole, établit son nid dans les roseaux qu'elle réunit au moyen de filaments de plantes aquatiques. Ce nid est construit avec plus de soin que celui de sa congénère ; l'extérieur est composé d'herbes et de feuilles entrelacées, et l'intérieur est garni de plusieurs couches de pelures sèches de roseaux très fines, très déliées et très molles. Il ressemble exactement, pour la forme, à ces petits paniers d'osier qui servent, en Anjou, à faire les crémets.
Les oeufs, au nombre de quatre ou cinq, varient beaucoup dans leur couleur. Les uns sont d'un vert brun uniforme ou parsemés de taches d'une nuance plus foncée qui s'harmonisent avec la première teinte. Le plus souvent le fond de la coquille est d'un blanc sale ou verdâtre sur lequel se trouvent des taches brunes plus ou moins nombreuses et parsemées irrégulièrement Les oeufs se rapprochent,
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par leur couleur, de quelques-uns de ceux de la rousserole, dont l'effarvate n'est en quelque sorte qu'une variété plus petite.
Quand les eaux s'élèvent à une certaine hauteur, et que l'effarvate craint de voir sa jeune famille submergée, elle abandonne les roseaux et établit son nid dans les haies voisines des rivières ou des marais, et le pose à la bifurcation de plusieurs petites branches qu'elle unit de la même manière que les roseaux. J'ai trouvé de jolis nids d'effarvate non loin de l'étang Saint-Nicolas; ils étaient fixés à des petites branches d'aubépine.
Le grand diamètre des oeufs est de 0 m 016 à 0 m 018, et le petit de 0 m 014 à 0 m 017.
FAUVETTE VERDEROLLE. — Sylvia palustris.
La verderolle se rapproche beaucoup de l'effarvate, mais elle s'en éloigne cependant par ses pieds verdâtres et par les parties supérieures de son plumage légèrement nuancées de la même couleur. Celle-ci la fait distinguer des autres fauvettes et lui a fait donner le nom qu'elle porte.
Le véritable chant de la verderolle est aussi très différent de celui de l'effarvate. Cependant, elle contrefait assez souvent la voix de sa congénère ainsi que celle du traquet motteux et des autres oiseaux près desquels elle séjourne.
Son épithète palustris indique que ce passereau aime et habile les marais. Celle fauvette niche, ainsi que les précédentes, dans noire déparlement, mais en plus petit nombre. Son nid sphérique est placé près de terre, dans les herbes élevées et les lieux humides. Formé à l'extérieur de liges d'herbes fines et desséchées, il est garni en dedans de crin, de filaments très déliés et de duvet de plantes. Il contient de quatre à six oeufs d'un gris cendré, parsemé de taches brunes un peu verdâtres, avec d'autres qui ne diffèrent de la couleur de la coquille que par une nuance plus foncée.
Leur longueur est de 0m 018 à 0 m 020, et leur diamètre de 0 m 012 à O m 014.
FAUVETTE PHRAGMITE. — Sylvia phragmitis.
Cette fauvette ressemble à l'aquatique par sa taille, ses habitudes et même son plumage. Elle en diffère par sa gorge, qui est presque blanche, et par ses flancs qui ne portent aucune tache. On la distingue assez facilement de a congénère par les nuances de l'en-
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semble de son plumage qui est plus sombre et beaucoup moins jaune.
Les deux noms de cet oiseau ont la même signification et viennent de tfay/An»!, signifiant oiseau qui vit dans les haies, les roseaux, etc. dénomination qui n'ajoute rien de spécial au nom de cette fauvette et qui pourrait convenir à beaucoup d'autres.
La phragmite se reproduit en Anjou. Son nid a la forme d'un petit panier; il est souvent fixé à quelques roseaux et le plus souvent à des tiges d'herbe ou même de nié, surtout quand l'inondation éloigne cette fauvette des bords des rivières. Ce nid est composé de brins d'herbes souples et déliés entrelacés avec art; l'intérieur est matelassé avec les mêmes éléments, mais plus fins et plus mous. La femelle y pond quatre ou cinq oeufs d'un jaune pâle et, uniforme. Quelques-uns cependant sont d'un jaune verdâtre et revêtus d'une seconde couche non régulière et plus nuancée que la première qu'elle laisse entrevoir. Quelquefois aussi on remarque vers le gros bout un ou deux filets noirs très déliés et serpentant en zig-zag.
Le grand diamètre est de 0m 016 à 0m018, et le petit de 0m 012 à 0 m 014.
FAUVETTE AQUATIQUE. — Sylvia aquatica.
L'aquatique aime les lieux marécageux et humides; elle vit sur les bords des eaux auxquelles elle doit son nom. Sa nourriture consiste en vers, en petits limaçons, en insectes qu'elle saisit à terre ou en grimpant en travers., le long des osiers et des tiges d'herbe qu'elle fouille en tous sens. Elle redescend la tête en bas et remonte aussitôt pour redescendre encore, rappelant par ses habitudes et par la rapidité de ses mouvements sur les bords des rivières, la vie active des mésanges dans les vergers. L'aquatique se distingue de la phragmite spécialement par la bande d'un blanc roux qui sillonne sa tête et par les taches de même couleur répandues au centre des plumes des flancs et de la poitrine.
L'aquatique fait un nid semblable à celui de la phragmite. L'intérieur est peut-être composé de matières plus molles et plus délicates. Il renferme quatre ou cinq oeufs d'un gris verdâtre avec de très petits points olivâtres ; ils ressemblent à quelques variétés de la fauvette grisette, mais ils sont beaucoup plus petits; quelques-uns se rapprochent aussi, pour la couleur et les taches, de certains oeufs de la bergeronnette printannière. Les marchands ont abusé de ces ressemblances, et le plus grand nombre des oeufs vendus par eux sous le nom de la fauvette aquatique, n'appartiennent pas à cette espèce.
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Le grand diamètre est de Om 016 à OmOI7, et le petit de 0m 011 à 0m 013.
FAUVETTE LOCUSTELLE. — Sylvia locustella.
La locustelle est beaucoup plus commune en Anjou et dans les autres départements qu'on ne le pense ordinairement. Les habitudes de cette fauvette servent à la dérober aux recherches des chasseurs et de ses ennemis. Elle se tient ordinairement cachée à terre la plus grande partie de la journée, dans les herbes et les endroits humides. Elle ne s'envole pas quand on approche, mais elle court avec rapidité comme le râle de genêt, et déconcerte ainsi ceux qui la poursuivent. De toutes les fauvettes, la locustelle est la seule qui puisse marcher, privilége dont elle se sert avec avantage. La particularité qui lui a mérité son nom sert encore à la cacher. Celle fauvette fait entendre un cri semblable à celui des cigales ou des sauterelles (locusta), et, comme celte dernière, elle continue ce bruit pendant très longtemps. Les habitants des campagnes la désignent sous le nom de longue haleine, à cause de ce chant prolongé qui contribue à tromper le chasseur en lui faisant confondre la locustelle avec les cigales. Enfin, elle niche plus lard que les autres fauvettes, et le plus souvent dans les plantes fourragères ou dans les champs de haricots, et échappe encore ainsi aux recherches des dénicheurs, car quand le moment de pénétrer dans ces cultures est arrivé, les petits sont envolés. Son nid repose assez souvent à terre; il est formé d'herbes entrelacées et garni intérieurement du duvet des plantes ou de paille très fine et bien souple. Les oeufs, au nombre de quatre à cinq, sont d'un gris rose quelquefois uniforme, mais le plus souvent émaillé de petits points de même nuance mais plus foncés; quelquefois ces points varient du jaunâtre au rougeâtre.
Le,grand diamètre est de 0m 016 à 0m 018, et le petit de 0m 0l2 à 0 m 013.
Ici se termine la première subdivision des fauvettes, admise par un certain nombre de naturalistes el désignée sous le nom commun de calamoherpes, peignant très bien les habitudes générales de ces fauvettes. Celte dénomination dérive de »**«/«*, roseau, herbe, et «p™, ramper, glisser, grimper, et signifie alors oiseaux qui se glissent entre les roseaux, qui grimpent le long des liges. Cette dernière habitude est tout à fait caractérisque, car les calamoherpes non-seulement parcourent les roseaux dans tous les sens avec une grande agilité, mais ils effectuent ces évolutions en s'élevant de côté. Leur corps forme avec les roseaux un angle qui varie de l'aigu au droit, selon que l'oiseau a
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besoin de modifier l'inclinaison pour capturer sa proie ou se dérober à ses ennemis.
Les fauvettes comprises dans la deuxième subdivision portent le nom de rubiettes, parce que toutes les espèces groupées sous cette, désignation ont quelque partie de leur plumage de couleur rougeâtre.
FAUVETTE PIT-CHOU. — Sylvia provincialis.
Le pit-chou doit, selon quelques auteurs, son nom aux petites dimensions de sa taille. D'après Buffon et plusieurs naturalistes, celle dénomination signifierait, en provençal, petit, menu. Elle serait alors très bien attribuée à un oiseau qui est l'un des plus petits de l'Europe. Des ornithologistes avaient pensé au contraire faire dériver ce nom d'une habitude de celte fauvette, habitude qui convient à beaucoup d'autres oiseaux. Le pit-chou se plaît à parcourir les terrains plantés de choux, visite les feuilles dans tous les sens pour y saisir les insectes qui s'y trouvent attachés. Dès-lors il picote, non les choux, mais la proie qu'il poursuit. Celle explication me paraît être la seule fondée. Dans la langue provençale, le verbe pila veut dire ramasser avec le bec sa nourriture grain à grain. On dit d'un avare c'est un pile dardennes. Dardenne est l'ancienne pièce de deux liards. L'avare est donc un homme qui ramasse une à une les pièces de deux liards comme un oiseau recueille son grain. Pit-chou signifierait donc un passereau qui récolte sa nourriture grain à grain, petit à petit, sur les choux.
Quelques écrivains avaient même soutenu que celle fauvette se cachait sous les feuilles de choux, pendant la nuit, afin d'éviter les attaques des chauves-souris très friandes de sa chair. Celle hypothèse ne peut être admise par la raison que la chauve-souris, du moins celle de notre pays, ne vit pas d'oiseaux, mais d'insectes.
L'èpithète provincialis indique que le pit-chou est très multiplié dans la Provence qui paraît être sa patrie. Cette fauvette se montre en Anjou, mais en petit nombre, quelques couples y sont même sédentaires et s'y reproduisent.
J'ai rencontré le pit-chou dans les taillis formés de brosses (chêne tauzin, — quercus toza) plantés sur les bords de l'étang Saint-Nicolas. Le nid placé dans les buissons à peu d'élévation de terre est composé à l'extérieur de gramen et garni à l'intérieur de crin ou de matière cotonneuse. Il renferme quatre ou cinq oeufs dont le fond de la coquille est d'un brun grisâtre parsemé de points bruns ou d'un jaune sale et pâle avec des taches effacées rougeâtres, brunes ou
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rousses, formant quelquefois par leur rapprochement une espèce de calotte. Ces oeufs peuvent facilement être confondus avec les petites variétés de la passerinette ou même de la grisette. Leur grand diamètre est de 0m 016 à 0 m 018 et leur petit de 0m 012 à 0m 014.
FAUVETTE ROUGE-GORGE. — Sylvia rubecula.
Cette fauvette, la plus répandue de toutes et la seule qui soit sédentaire en Anjou, est presque méprisée dans toutes les contrées qu'elle habite. Le nom populaire qui lui est donné dans plusieurs campagnes vient ajouter encore au ridicule attaché à sa triste existence. On l'appelle la gadille. Celte dénomination cependant comme le nom commun et le nom scientifique du rouge-gorge, est fondée sur le plastron rouge qui couvre sa poitrine en remontant jusqu'à la gorge. En effet d'après Ménage, gadille dérive de rubiadilla, rubjadilla, jadilla, gadilla, dès lors la racine serait rubia, rouge. Ce qui expliquerait pourquoi gadille est synonyme de roupie. Belon dit qu'on appelle le rouge-gorge, la roupie ou la gadille parce qu'on voit cet oiseau venir aux villes et aux villages lorsque les roupies pendent au nez des personnes. Ce qui signifierait que ces oiseaux voltigent même pendant les plus grands froids qui font rougir le nez des villageois. Cet oiseau vit de petits insectes et de vermisseaux qu'il cherche dans les buissons. Peu défiant, il se laisse facilement approcher. Dans les pipées il est ordinairement une des premières victimes qui viennent se prendre aux gluaux. Sa pose, ses manières tout en lui semble dire à l'homme qu'il réclame une indulgence, hélas! trop souvent refusée. Malgré l'ingratitude qui le poursuit sans cesse, le rouge-gorge reste ami de l'homme et s'attache aux pas du bûcheron, dans les forêts solitaires. Par un chant plaintif, il paraît s'associer à ses labeurs et quand tout est mort autour de lui, cet oiseau est encore pour le bûcheron une image de la vie. ll vient becqueter le pain du travailleur, se poser sur l'instrument de ses fatigues et semble demander à faire partie de la famille. Souvent aussi le villageois voit le rouge-gorge se percher sur l'arbre voisin de la chaumière et égayer par son petit chant le repas du soir composé d'un pain trempé de sueurs. Il s'arrête longtemps sur le toit rustique et continue son ramage jusqu'à ce que l'heure du repos ail sonné pour la famille fatiguée. Et pour s'identifier davantage encore à la vie du labeur des gens de la campagne, il est de tous les oiseaux celui qui se réveille et chante le plus tôt, qui s'endort et chante le plus lard. C'est à lui et non au moineau que doivent se rapporter ces paroles : Sicut passer solitarius in tecto. Dans la saison des frimas , le rouge-
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gorge se pose sur les maisons, sur les croisées et réclame l'hospitalité au foyer domestique. Si l'accueil fait à sa demande lui paraît favorable, ce passereau s'enhardit, s'arrête quelques instants sur la porte entre-ouverte et pénètre à l'intérieur de la maison pour recueillir quelques miettes de pain ; c'est un indigent qui a confiance dans la générosité de l'homme et dont l'espérance ne devrait pas être trompée. Ce qu'il demande est si peu de chose, son cri est si plaintif, sa confiance si naïve I Puis lui-même est souvent si généreux , si hospitalier! Que de fois il couve l'oeuf que le coucou a déposé dans son nid et entoure de soin celui qui doit le payer d'ingratitude ! Le nid du rouge-gorge est le plus souvent posé à terre dans les trous des vieux murs. Il est composé presque toujours d'un lit de feuilles desséchées sur lequel repose une espèce de coupe applatie formée de mousse , de bourre et de crins entrelacés. Il contient de cinq à six oeufs dont la grosseur, la forme et les couleurs varient beaucoup. Souvent ils sont d'un roux uniforme parsemé de points imperceptibles et de couleur de brique. Quelques uns portent sur un fond d'un blanc sale de larges taches rougeâtres réunies en plus grand nombre vers le gros bout. D'autres sont d'un blanc mat strié de points noirâtres formant une couronne et ressemblent à de petits oeufs de la pie-grièche écorcheur.
Le rouge-gorge élève ses petits avec une tendresse remarquable; le mâle partage avec la femelle le soin de l'incubation. Les membres d'une famille malheureuse ne doivent-ils pas s'entr'aider !
Le grand diamètre des oeufs est de 0m 017 à 0m 02 et le petit de 0 m 014 à 0 m 016.
FAUVETTE GORGE-BLEUE. — Sylvia suecica.
La fauvette gorge-bleuese reproduit chaque année en Anjou. On la trouve, principalement au dessus et au dessous des Ponts-de-Cé, dans les osiers qui bordent les îles de la Loire et dans les marais de la Baumette. Cet oiseau, l'un des plus brillants de l'Europe, rappelle par ses couleurs vives et nuancées ceux des tropiques.Il doit son nom au magnifique bleu azuré qui couvre sa poitrine et sa gorge. Ce plastron se développe avec l'âge de l'oiseau et encadre une tache d'un blanc pur et éclatant. Une bande d'un noir mat règne au dessous du bleu et fait encore ressortir d'une manière plus sensible les autres couleurs.
L'épithète suecica, suédoise, indique que celle fauvette est très commune en Suède. Quelques naturalistes ont distingué deux espèces de gorge-bleue, l'une nommée suecica et l'autre cyanecula (de
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cyaneus, bleu céleste). Selon l'opinion la plus probable, ce sont deux variétés de la même espèce et dont les légères différences peuvent dépendre du climat des pays habités par cette fauvette.
La gorge-bleue se tient en Anjou dans les osiers et les arbustes plantés sur les bords des rivières. Elle est difficile à trouver parce que se taisant la plus grande partie de la journée, elle se trahit dèslors très rarement par son chant. Puis elle reste à terre dans les grandes herbes ou dans les fourrés. Le nid composé en dehors d'herbes sèches, de mousse et de racines déliées, est revêtu en dedans d'une couche de foin, de crin et de plumes. Ordinairement il est placé à terre, caché sous des racines, des branches d'osier ou des touffes d'herbe. Quelquefois comme celui du rouge-gorge il est confié à des excavations pratiquées dans la terre ou dans les fentes des troncs des vieux arbres. Les oeufs, au nombre de quatre à six, sont d'un bleu verdâtre, reflétant quelquefois plusieurs nuances. Ils ressemblent assez à ceux du rossignol, mais ils sont plus petits et presque toujours pointus des deux bouts. Leur longueur varie de 0m 016 à 0 m 018 et leur diamètre de 0 m 013 à 0 m 017.
FAUVETTE ROUGE-QUEUE. — Sylvia tithys,
Cette fauvette ne fait qu'apparaître dans notre département. Elle y séjourne seulement quelques jours à l'époque de ses migrations, et encore ce passage n'a lieu que d'une manière irrégulière. Elle doit son nom vulgaire à la couleur des plumes de sa queue.
Quant à celui de tithys, il me semble formé du mot T/T« qui servait à désigner le même oiseau chez les Grecs et dérivé lui-même de TIIIÇU, pépier, piailler. Celle dénomination convient bien à cette fauvette et la distingue naturellement de ses congénères, puisqu'elle n'a ni chant, ni ramage proprement dit, mais seulement un petit son flûté, composé de notes aiguës et empreintes d'un sentiment de tristesse, en rapport avec les lieux solitaires qu'elle habite.
Le rouge-queue se plaît dans les terrains rocailleux dont il visite toutes les sinuosités pour y saisir les insectes; il parcourt aussi les bords des torrents et les terres nouvellement labourées et s'y nourrit de vermisseaux.
Cette fauvette fait son nid dans les fentes des rochers, entre les pierres tombées des montagnes et assez souvent sous les hangards isolés des habitations. Composé extérieurement de feuilles desséchées, de mousse , il est revêtu à l'intérieur de plumes, de crin ou d'autres matières molles et flexibles. Il contient de quatre à six oeufs d'un blanc pur et lustré ; ils se rapprochent des oeufs du torcol, mais
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on les distingue assez facilement de ces derniers parce que ceux de la sylvia tithys sont légèrement piriformes, tandis que ceux du torcol sont presque toujours oblongs.
M. l'abbé Caire, ornithologiste éclairé et persévérant, a découvert une nouvelle espèce de fauvette tithys. La femelle ressemble à celle dont je viens de parler, mais le mâle adulte est très différent de celui qui se montre en Anjou. Cette fauvette porte le nom de son observateur, et est connue sous le nom de sylvia ou ruticilla Caïrii. Les oeufs de cette seconde espèce sont également d'un blanc pur , mais un peu moins gros et plus ronds que ceux de la sylvia tithys. Quelques-uns sont pointillés de taches d'un brun roux.
Le grand diamètre des oeufs de la première espèce varie de 0 m 017 à 0 m 019 et le petit de 0 m 012 à 0 m 014.
FAUVETTE DE MURAILLES. — Sylvia phoenicurus.
Ce passereau, très commun en Anjou, est désigné sous plusieurs noms , selon les habitudes que l'on considère en lui. On le nomme rossignol de murailles parce qu'il se plaît à se percher sur les ruines ou sur les toits, à y faire entendre son chant très accentué, agréable mais mélancolique. Puis il se rapproche du rossignol en ce que comme lui il ne chante que le soir et le matin. Mais il s'en éloigne en ce qu'il se place dans des lieux élevés pour redire ses accents , tandis que son congénère se dérobe le plus possible aux regards en cherchant les endroits bas et fourrés. La fauvette de murailles est encore appelée hoche-queue à cause du mouvement qu'elle imprime aux pennes de sa queue de droite à gauche. Quant à sa dénomination la plus ordinaire, elle lui a été donnée parce que cet oiseau aime à établir son nid dans les trous et les crevasses des vieux murs; enfin son nom de cul-rouge est fondé sur les nuances de sa queue et l'épithète phoenicurus retrace la même idée, puisqu'elle vient de yoi\iH.oufo; dont les racines sont <poiv<|, rouge et <wp*, queue.
Celte fauvette , remarquable par la vivacité de ses mouvements incessants, est très répandue dans notre département et dans toute l'Europe. Elle fait son nid dans les trous des murailles ut des arbres fruitiers. ll prend dès-lors toutes les formes de l'endroit auquel il est confié et devient tour à tour oblong , carré , triangulaire, petit ou grand, selon les dimensions des excavations qui le contiennent. Quelques-uns ont des proportions très considérables ; ils sont composés de mousse, de plumes et de crin. Peu de nids offrent aux petits une couche plus molle et plus chaude. La ponte varie de quatre à six oeufs d'un bleu brillant et d'un diamètre moins considérable or-
dinairement que celui des oeufs de l'accenteur mouchet avec lesquels ils pourraient être confondus assez facilement ; cependant ces derniers sont moins allongés que ceux de la fauvette de murailles et d'une couleur plus terne.
Le grand diamètre est de 0 m 17 à 0 m 02 et le petit de 0 m 012 à 0 m 014.
FAUVETTE ROSSIGNOL. — Sylvia luscinia.
Le rossignol est de tous les oiseaux connus celui dont le chant est le plus varié , le plus harmonieux et le plus étendu. A lui seul il réunit toutes les ressources et toutes les beautés de la voix des autres oiseaux chanteurs. Son nom français rossignol a été formé par corruption du latin lusciniana , mol qui dérive de luscinus , employé par Plaute pour désigner celte fauvette. Luscinius ou luscinia est formé de lux, lucis, jour ou de lucus, luci, bois et de canere, cecini, chanter et signifie alors : oiseau qui chante au point du jour ou dans les bois ; qui canit sub lucem ou in lucis. Le rossignol paraît en effet se complaire dans son chant et fuir tout ce qui pourrait s'opposer à son éclat. C'est pour cela qu'il ne se fait entendre que le malin et le soir lorsque tout se tait autour de lui et qu'il peut régner en maître absolu. Il aime aussi à chanter dans les bois les plus sombres et les plus solitaires , évitant tout ce qui pourrait le distraire, tout bruit qui enlèverait à sa voix quelque chose de son incomparable beauté. Cependant dès que les petits du rossignol sont élevés, son chant si simple, si harmonieux, si étendu et si souvent admiré, est remplacé par un son rauque assez semblable au croassement du crapaud.
Cet oiseau vient chaque année se reproduire en Anjou. Il établit son nid à terre ou près de terre, dans les fourrés et les taillis les plus épais , au milieu des haies touffues , sur la pente des fossés ombragés. Ce nid, régulièrement composé de feuilles desséchées, est assez profond et pénètre en terre dans un petit creux de quelques centimètres , préparé par le rossignol pour donner plus de solidité à son travail. L'intérieur est garni de feuilles plus délicates que celles de l'enveloppe, de petites racines et de crin. Les oeufs au nombre de quatre à cinq sont d'un brun uniforme avec quelques reflets verdâtres ou d'un brun olivâtre. La femelle seule est chargée des soins de l'incubation, et malgré la sollicitude qu'elle manifeste pour cette opération, elle abandonne son nid dès que le coucou y a déposé un oeuf. Le grand diamètre est de 0 m 018 à 0 m 02, et le petit de 0m 013 à 0 m 015.
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FAUVETTE PHILOMÈLE. — Sylvia Philomela.
La fauvette Philomèle se rapproche beaucoup du rossignol, ses habitudes sont les mêmes, elle en diffère cependant par la nuance plus foncée de son plumage et sa taille plus forte. En liberté on la reconnaît facilement à sa voix plus vibrante encore que celle de sa congénère et surtout à ses roulades beaucoup plus prolongées.
Son nom de Philomèle (?ixoj, ami et ^«xor, chant) rappelle l'histoire de la fille de Pandion, roi d'Athènes. Celte malheureuse princesse ayant subi d'indignes traitements de la part de son beau-frère Térée, chercha à s'en venger. Ne pouvant dévoiler de vive voix ses infortunes, puisqu'on lui avait coupé la langue , elle retraça au fond de sa prison , sur une toile , tout ce qu'elle avait souffert. Celte toile fut envoyée à sa soeur Progné , qui, à la tête d'une troupe de bacchantes, délivra Philomèle. Par un mouvement de délire incompréhensible, Progné immole son propre fils, et dans un grand festin, elle en sert les membres à son époux ; a la fin du repas , la mère coupable jette sur la table la tête du jeune ltys, et lorsque son mari se précipite sur elle pour assouvir sa fureur, il se trouve changé en épervier, Progné en hirondelle, Ilys en faisan et Philomèle en la fauvette qui porte son nom. Les habitudes de ce passereau , son éloignement pour la société des autres oiseaux et surtout pour celle de l'homme , la mélancolie de son chant semblaient chez les payens favoriser la fable de la Mythologie. Depuis celle métamorphose, l'épervier poursuit inutilement l'hirondelle, et Philomèle échappe aussi à ses serres par l'obscurité et la solitude des lieux qu'elle habile. Selon l'opinion qui me semble la plus probable, la fauvette Philomèle se reproduit en Anjou. Son nid ressemble à celui du rossignol ; ses oeufs ne diffèrent de ceux de la précédente que par leurs dimensions un peu plus fortes et par une nuance assez souvent plus sombre.
Grand diamètre de 0 m 020 à 0 m 022, petit de 0 m 014 à 0 m 016.
Ici se termine la section des rubiettes. Pour compléter la nomenclature des fauvettes , il ne reste plus qu'à parcourir la subdivision comprenant les fauvettes proprement dites.
FAUVETTE ORPHÉE. — Sylvia orphed.
Si le nom de la fauvette Philomèle rappelle le souvenir de crimes atroces, celui de l'orphée ne fait du moins revivre dans notre esprit que celui d'un époux malheureux. Orphée, fils d'Apollon et de Clio,
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jouait admirablement de la lyre. Son épouse Eurydice, ayant été piquée par une vipère le jour de ses noces, descendit dans le sombre séjour de Pluton. Orphée résolut d'arracher aux enfers celle qu'il aimait tendrement. La puissance de sa lyre triompha de tous les obstacles; les lois immuables de la mort furent suspendues par l'harmonie du fils d'Apollon , et Eurydice lui fut rendue. Malheureusement une condiiion était imposée : Orphée devait précéder Eurydice et ne la regarder que lorsqu'il serait sorti des noirs abymes. Déjà il franchissait le seuil de cet empire ténébreux, lorsque cédant à un désir bien naturel, il se détourne, voit Eurydice qui disparaît et lui est enlevée pour toujours. Inconsolable de celte perte, Orphée fuit la société des hommes et cherche dans les accents de sa lyre un soulagement à sa douleur. Les forêts, les montagnes, les animaux se montrèrent sensibles aux charmes de son harmonie ; mais elle ne put calmer le ressentiment des femmes dont Orphée avait repoussé l'union depuis la mort d'Eurydice. Le malheureux chantre fut massacré par les bacchantes en fureur, et sa tête jetée dans l'Hèbre, murmurait encore le nom d'Eurydice. Tel est le sommaire de la vie mythologique de celui auquel l'ornithologie a emprunté le nom qu'elle donne à une des plus gracieuses fauvettes. L'orphée ressemble à la fauvette à tête noire ce qui l'a fait surnommer la grosse tête noire. Elle en diffère essentiellement par ses dimensions qui sont plus fortes même que celles du rossignol. Son chant est puissant et doux, mais moins étendu que celui des deux espèces précédentes. Il respire la mélancolie et la tristesse, et fournit à cet oiseau un moyen d'échapper à la poursuite des chasseurs. L'orphée jouit de la faculté de modifier son ramage de telle sorte que lorsqu'on est près de cette fauvette, son chant paraît venir de bien loin ou d'un côté tout opposé à celui qu'elle occupe. Ceux qui se guident sur ce renseignement pour capturer l'orphée se trompent toujours , et dans cette circonstance encore la voix de cet oiseau semble venir des entrailles de la terre ou se perdre dans ses profondeurs. Rapport qui n'a pas dû échapper à ceux qui ont uni par le même nom la fauvette et l'époux infortuné.
Non-seulement l'orphée traverse notre département chaque année, mais elle s'y arrête quelquefois pour s'y reproduire. Cette année j'ai reçu de Charcé, par l'entremise de Mlle Chauveau, institutrice, un très beau nid d'orphée contenant cinq oeufs. Ce nid , très gros, est composé à l'extérieur de gramen , de paille et de racines, et de crin à l'intérieur. Les oeufs, d'un blanc sale, sont parsemés de taches brunes ou d'un cendré jaunâtre; le centre des taches est d'une couleur plus foncée que celles des bords qui semblent se fondre avec les
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nuances de la coquille. Le nid est placé ordinairement sur les arbustes ou dans les haies et les buissons épais. Grand diamètre de 0 m 017 à 0 m 019, et petit de 0 m 013 à O m 015.
FAUVETTE A TÈTE NOIRE. — Sylvia atricapillaCette
atricapillaCette l'une des plus communes en Europe, doit ses noms français et latin au noir profond répandu sur le dessus de sa tête, Peu craintive, elle vient animer de son chant et de son vol non-seulement les campagnes, mais encore les jardins des villes. Elle dissimule peu l'endroit qu'elle a choisi pour y construire son nid. Elle l'établit dans les haies, sur les bords des chemins, dans les groseilliers, les rosiers et les autres arbustes. Il est composé à l'extérieur de gramen, et garni à l'intérieur de quelques brins de crin. Arrondi en forme de coupe, il est très peu épais et ordinairement transparent. Les oeufs qu'il contient, au nombre de quatre à cinq, varient beaucoup en grosseur et en couleur. Régulièrement ils ont des dimensions fortes comparativement à la taille de l'oiseau. Les uns, presque arrondis, ont le fond de la coquille d'un blanc sale ou roussâtre, parsemé de taches brunes dont le centre est plus foncé que les bords; d'autres ont une couleur rougeâtre pointillée de noir. Quelques-uns paraissent recouverts de deux couches uniformes d'un jaune pâle et effacé, dont la seconde semble plus épaisse que la première. Enfin, on en trouve qui sont entièrement blancs. Pour celte fauvette, comme pour les autres oiseaux, celte grande variété dans les couleurs des oeufs me semble provenir non-seulement de la différence d'âge des femelles et des lieux qu'elles habitent, mais surtout de la nourriture qu'elles trouvent. En effet, les mêmes oiseaux présentant dans leurs couvées successives une grande modification dans les nuances de leurs oeufs, ce changement me semble ne pouvoir être attribué qu'à la nourriture, qui varie avec le cours de l'année.
Quelquefois il est très difficile de distinguer les oeufs de la fauvette à tête noire de ceux de la fauvette des jardins, si ce n'est par la petite différence qui existe dans leurs dimensions. Les oeufs de la première sont ordinairement un peu moins longs et moins blanchâtres que ceux de la seconde.
La fauvette à tête noire fait chaque année plusieurs couvées. Elle rivalise avec le rossignol pour la fraîcheur et l'harmonie de son chant; mais s'il est aussi doux et aussi flexible, il est moins étendu. Le'mâle partage avec la femelle les soucis de l'incubation; il prodigue à ses petits les soins les plus tendres, et quand ils sont mena-
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cés par un ennemi, il cherche à l'éloigner des objets de son amour en feignant d'être blessé et de traîner l'aile. Puis, quand il pense avoir écarté le danger par cette ruse innocente, il s'envole et revient près de ses petits par une roule détournée. Grand diamètre de 0m 017 à 0 m 020, petit de 0 m 012 à 0 m 014.
FAUVETTE DES JARDINS. — Sylvia hortensis.
Cette fauvette aime à séjourner dans les jardins, à y chercher sa nourriture, à s'y reproduire, habitude qui justifie ses noms. Le nid de la fauvette des jardins, composé à l'extérieur de paille et de brins d'herbe, est garni de crin et confié ordinairement aux massifs et aux haies des jardins. Le crin employé par la plupart des petits oiseaux dans la contexture de leurs nids me paraît fournir une nouvelle preuve de l'instinct admirable que leur a donné Dieu dans sa tendre sollicitude pour tous les êtres de la création. Cette matière, tout à la fois chaude et flexible, se trouve facilement partout; par son élasticité, elle se prêle à tous les mouvements de la couveuse. Avec le secours de cette garniture intérieure, le nid se développe selon l'âge des petits qu'il renferme, reçoit et conserve cependant toujours la forme ronde, la plus commode et la plus favorable pour l'incubation.
Ce nid contient ordinairement quatre ou cinq oeufs dont la coquille est d'un blanc jaunâtre parsemé de taches brunes dont le milieu est d'une nuance plus foncée, tandis que celle des bords semble presque effacée.
Cette fauvette recherche les lieux ombragés et voisins des petits cours d'eau. Elle aime à nicher près de ses congénères, avec lesquelles elle vit en bonne harmonie. Son chant, varié et coulant, est moins éclatant que celui de la fauvette à tête noire.
Le grand diamètre de ses oeufs est de 0 m 018 à 0 m 020, et le petit de 0 m 013 à O m 014.
FAUVETTE GRISETTE. — Sylvia cinerea.
La couleur cendrée de cette fauvette lui a peut-être fait donner ses noms vulgaires et scientifiques. Cet oiseau se trouve en très grand nombre dans toute l'Europe. Il ne paraît nullement redouter le voisinage de l'homme. Son chant, moins agréable que celui de la plupart de ses congénères, plaît cependant par son excessive volubilité. Plus élancée dans ses formes qu'un certain nombre d'autres fauvettes, elle est aussi plus vive dans ses mouvements. Elle est sans cesse en activité;
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on la voit tour à tour voltiger de branche en branche ou courir de buisson en buisson, voler en pirouettant au-dessus des haies pour y pénétrer ensuite avec agilité et se livrer à toute sorte d'ébals qui semblent indiquer un caractère léger et folâtre. La gaîté de la grisette, l'étourderie de ses mouvements, son chant saccadé, cette espèce de joyeuse folie qu'elle manifeste dans l'ensemble de ses habitudes, ne pourraient-ils pas faire supposer à son nom l'étymologie qui a été donnée à l'épithète grive?
La fauvette grisette fait deux, trois et même quatre couvées par an. Son nid, grossièrement façonné, est composé de petits brins de gramen et de paille; l'intérieur est quelquefois garni de flocons de laine ou du coton des plantes. Il est placé le plus souvent dans les haies peu élevées, sur le bord des routes, ou confié aux ronces qui s'étendent sur les fossés. Les oeufs, au nombre de quatre à cinq, varient beaucoup en dimensions et en couleurs. Les uns sont d'un blanc sale et verdâtre parsemé de petits points ou de larges taches noirâtres toujours plus nombreuses vers le gros bout. D'autres sont tout ronds ou très allongés. On en trouve dont la coquille, d'un blanc de lait., porte vers le gros bout une couronne de petits points grisâtres. Enfin, quelques-uns revêtent la couleur jaunâtre avec des taches brunes. Malheureusement cette grande variété donne lieu à des erreurs involontaires ou à des fraudes calculées. Beaucoup d'oeufs de la fauvette grisette circulent dans les collections et chez les marchands comme appartenant au pit-chou, a l'aquatique ou même à la passerinette.
Le grand diamètre est de 0 m 015 à 0 m 018, et le petit de 0 m 011 à O m 014.
FAUVETTE BABILLARDE. — Sylvia curruca.
La fauvette babillarde doit son nom à son chant peu étendu et sans cesse répété. Cet oiseau aime les taillis et les endroits fourrés. Sans cesse en mouvement, comme les mésanges et les pouillots, il poursuit et recherche dans ses chasses incessantes les insectes et les petites mouches qu'il rencontre sur les branches ou qu'il saisit au vol. Comme la fauvette grisette, il s'élève au-dessus des buissons en tournant sur lui-même pour y pénétrer ensuite avec la rapidité de la flèche. Dans ses évolutions, il retrace les ruses et les habitudes de l'épervier poursuivant sa proie. La babillarde enfle les plumes de sa gorge et de sa tête toutes les fois qu'elle reprend son chant monotone, habitude qui lui donne un air d'importance qui ne sied guère a sa petite taille,
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Ce passereau, dont la présence a été signalée en Anjou, niche dans les buissons, les taillis ou sur les branches peu élevées des arbres. Son nid, composé à l'extérieur d'herbe ou de paille desséchée , est garni à l'intérieur de crin ou de plantes molles. Il contient quatre ou cinq oeufs de couleur blanche, légèrement jaunâtre, parsemés surtout vers le gros bout de taches rousses ou olives dont le centre est beaucoup plus foncé que les bords. Ils reproduisent assez les nuances et la forme des oeufs de la fauvette orphie, mais ils sont d'une dimension beaucoup plus petite. Leur grand diamètre est de 0 m 014 à 0 m 016 et leur petit de 0m 011 à 0 m 013.
FAUVETTE A POITRINE JAUNE. — Sylvia hippolaïs.
Si l'explication du nom français donné à cette fauvette est simple et facile, dès-lors qu'il est fondé sur les nuances de son plumage, il n'en est pas de même du nom scientifique hippolaïs qui devrait, je crois, s'écrire hypolaïs. Cette dénomination vient ajouter une nouvelle preuve aux assertions de ceux qui pensent que pour arriver à la véritable étymologie, à celle fondée sur les moeurs ou sur la nature, il est nécessaire de s'affranchir quelquefois des règles strictes des grammairiens. Ainsi hippolaïs dérive du grec B™**» dont les racines d'après les meilleurs dictionnaires, sont rao et w, x*«, x*oc, x»/, rocher et dès-lors ce mot indiquerait que cet oiseau se tient sous les pierres et les rochers. Celte explication est entièrement dépourvue de vérité car la fauvette à poitrine jaune se plaît dans les endroits plantés de haies épaisses et près des cours d'eau ou des lieux humides. La pensée qui a présidé à la formation de ce mot a dû se proposer de rappeler une habitude caractéristique de l'hippolaïs, celle de contrefaire la voix, le chant, le cri de rappel de tous les oiseaux qui sont dans son voisinage depuis la rousserole des marais jusqu'à l'hirondelle des cheminées et depuis la pie-grièche jusqu'au moineau. Cette facilité excessive l'a fait surnommer généralement fauvette polyglotte (vtws, plusieurs et ?>««•*, langue) oiseau qui fait entendre plusieurs chants, qui parle en quelque sorte plusieurs langues. En m'appuyant sur celte dernière étymologie et sur les habitudes de cette fauvette, je pense que le mot «orox*» pourrait dériver de »«, sens dessus dessous et de ***;cr pour ***<*, babillard et signifier alors fauvette babillant à tort et à travers. Cette opinion me semble d'autant plus fondée que l'ensemble des auteurs traduisent MO\*.U, par curruca.
L'hippolaïs se reproduit chaque année, en Anjou ; elle recherche ordinairement les buissons touffus et les haies impénétrables pour y établir son nid. Là, selon la méthode des rousseroles, elle réunit plu-
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sieurs branches d'aubépine, de ronce ou d'arbustes par des brins de paille ou d'herbes sèches et déliées. Elle continue ensuite son travail en donnant à son nid une grande profondeur. L'intérieur est garni de crin, de laine, de coton des saules et autres matières souples et molles. L'extérieur, assujetti par les bords à ces petites branches, est composé de plantes entrelacées avec art. La femelle y dépose quatre ou cinq oeufs très jolis surtout lorsqu'ils sont nouvellement pondus. Leur couleur est d'un rouge lilas ou violeté et parsemé de raies et de taches noires ou rougeâtres. Leur longueur est de 0 m 016 à 0 m 019 et leur diamètre de 0 m 012 à 0 m 013.
Les naturalistes ont fait un genre hippolaïs qui comprend plusieurs espèces. L'une d'elles l'ictérine (de «TÉPO<Tjaune) me paraît venir chaque année dans notre département. Elle est d'autant plus facile à confondre avec la fauvette à poitrine jaune, qu'elle a les mêmes nuances de plumage, les mêmes habitudes que celle-ci. Le nid et les oeufs des deux espèces se ressemblent entièrement. L'ictêrine diffère de l'hippolaïs proprement dite, par des proportions un peu plus grandes, un bec plus court, des ailes plus longues et une queue un peu plus fourchue au centre.
Malheureusement ces fauvettes ainsi que la plupart des oiseaux qui ne visitent l'Anjou que pour s'y reproduire, arrivent dans un temps où la chasse est interdite, pour nous quitter vers l'époque à laquelle elle est ouverte. Dès-lors il est difficile de pouvoir étudier ces oiseaux, d'autant plus que presque tous ceux qui restent plus longtemps parmi nous, perdent leur voix après la nidification et échappent aux recherches en ne trahissant plus leur présence.
Je pense que les fauvettes mélanocéphale, à lunettes, passerinette passent chaque année dans notre département, et que même elles s'y reproduisent. Celte hypothèse devient presque une certitude, si l'on admet comme exactes les descriptions des nids et des oeufs de ces oiseaux, faites par MM. Dégland, Baillif et Crespon. Pour faciliter aux ornithologistes de notre Anjou la vérification de mon assertion, je vais donner quelques détails sur ces trois fauvettes et sur leur mode de nidification.
FAUVETTE MELANOCEPHALE. — Sylvia melanocephala.
Les épithètes française et latine données à cet oiseau ont la même étymologie; toutes les deux, elles dérivent du grec (f*i\<tt, t*i\*in, noire et i«ip*Mt, tête) et signifient fauvette à tête noire. La melanocephale ressemble beaucoup à la sylvia atricapilla ; ses dimensions sont infé - Heures à celles de sa congénère, de cinq millimètres seulement. La
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couleur rougeâtre qui entoure ses yeux est le signe le plus caractéristique qui la sépare des autres sylvies. Elle vit et niche comme la fauvette à tête noire et peut ainsi être facilement confondue avec cette dernière. Ses oeufs au nombre de quatre à cinq ont dix-huit ou dix-neuf millimètres de longueur, et treize ou quatorze millimètres de diamètre. D'après M. Crespon ils sont d'une couleur blanchâtre et parsemés de points noirâtres en forme de couronne vers le gros bout. Selon M. Dégland, leur teinte est d'un gris roussâtre, moucheté de petits points fauves ou d'un roux olivâtre, plus rapprochés au gros bout et peu sensibles. Cette différence peut s'expliquer par les variétés qui ont été communiquées à ces naturalistes. Quoiqu'il en soit, l'on trouve en Anjou des types se rapportant exactement aux oeufs décrits par ces deux auteurs.
FAUVETTE A LUNETTES. — Sylvia conspicillata.
Cette jolie petite sylvie dont les différents noms ont la même signification se distingue de la fauvette grisette par les plumes noires qu'elle porte en forme de lunettes autour du cercle blanc de ses yeux, par des couleurs plus pures et plus vives et par des dimensions plus petites. Elle a ordinairement trois centimètres de moins que sa congénère à laquelle elle ressemble par l'ensemble de ses habitudes et par son genre de nourriture. La fauvette à lunettes fait son nid avec les mêmes éléments que la grisette; il renferme ordinairement quatre ou cinq oeufs dont la longueur varie de 0 m 014 à 0 m 016 et le diamètre de 0 m 011 à 0 m 012. La coquille de ces oeufs est blanchâtre ou d'un blanc teint de grisâtre, avec de nombreux points ou de petites taches brunes, verdâtres, formant quelquefois une espèce de calotte vers le gros bout.
FAUVETTE PASSERINETTE. — Sylvia passerina.
Le nom donné à cette fauvette est un diminutif du mot passer (moineau) et indique que la couleur d'une partie de son plumage se rapporte par ses nuances à celui du moineau. Le mâle a toutes les parties supérieures d'un cendré couleur de plomb, inclinant au bleu, toutes les parties inférieures en général d'un roux de brique avec une légère teinte de violet. Le ventre et l'abdomen sont blanchâtres; deux petits traits blancs en forme de moustaches partent de la base du bec et descendent de chaque côté du cou ; enfin la queue est noirâtre.
Là longueur de la passerinette est de 13 centimètres. La femelle
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a le dessus du corps d'un cendré clair avec une très légère teinte olivâtre ; les parties inférieures sont d'un gris roussâtre clair ou jaunâtre , le ventre blanchâtre tirant un peu au roux. La bande blanche près le bec est peu apparente.
La passerinette a aussi les mêmes habitudes que la grisette ; elle construit avec les mêmes matériaux et dans les mêmes endroits un nid en forme de coupe, contenant quatre ou cinq oeufs. Ceux-ci sont blanchâtres ou d'un blanc inclinant au verdâtre, avec des taches et des points tirant sur le violâtre , mêlés avec quelques autres d'un cendré roux et très rapprochés sur le gros bout, où la couleur du fond s'aperçoit à peine. Quelques-uns sont d'un blanc cendré avec des points d'un gris roussâtre plus nombreux vers le gros bout et se confondant avec la couleur de la coquille. Leur longueur varie de 0 m 015 à 0 m 016 et leur diamètre de 0 m 012 à 0 m 013.
Les différences qui existent entre ces dernières sylvies sont très difficiles à saisir et ont échappé pendant longtemps à un grand nombre de naturalistes. Maintenant encore , malgré les travaux récents et les nouvelles observations, plusieurs auteurs distingués et, parmi eux, M. Nordmann, ont soutenu que la fauvette grisette (sylvia cinerea), la passerinette (sylvia passerina), la fauvette à lunettes (sylvia conspicillata), pourraieut bien ne former qu'une seule espèce se manifestant par plusieurs variétés.
J'abandonne aux savants la solution de ce problème. Cependant je puis constater dès maintenant, quelle que soit leur décision, que l'on trouve en Anjou les différentes variétés d'oeufs attribuées aux trois espèces précédentes,
SEPTIÈME GENRE.
POUILLOTS.
Dans la Faune de Maine et Loire, aux fauvettes succèdent les pouillots. Pendant très longtemps ces derniers ont été classés parmi les sylvies avec lesquelles ils ont beaucoup de rapport. Les pouillots sont avec le troglodyte et les roitelets, les plus petits oiseaux de l'Europe. C'est aussi aux dimensions de leur taille qu'ils doivent leur nom de pouillot, formé de pullus, pusillus, petit. Ces passereaux vivent régulièrement en société ; on les rencontre quelquefois en troupes assez nombreuses. Sans cesse en mouvement, ils papillonnent autour des branches, des feuilles, afin d'y saisir les vers et les insectes. Ils parcourent les arbres dans tous les sens pour y trouver leur
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proie et accompagnent cette chasse incessante d'un cri vif et perçant qui semble souvent être un cri de rappel. Quatre espèces de pouillots visitent l'Anjou et s'y reproduisent. La cinquième espèce, le pouillot à ventre jaune, admise par M. Millet, n'est, d'après la grande majorité des naturalistes , que le pouillot fitis, jeune âge et en plumage d'automne.
POUILLOT SIFFLEUR. — Sylvia sibilatrix.
Les noms français et latin du pouillot siffleur , le plus grand du genre, lui viennentde son cri de rappel qui est aussi son cri ordinaire. Ce cri perçant ressemble à un sifflement semblable à celui que fait entendre le bouvreuil, et sa puissance étonne de la part d'un oiseau si faible.
Le siffleur établit son nid près de terre, dans les broussailles, dans les lieux humides , sur les bords de fossés. Des feuilles de fougère desséchées, de la guinche ( molinie bleuâtre , molinia coerulea), de la mousse en forment l'extérieur ; des plumes, du crin et des matières molles en garnissent l'intérieur. Ce nid a la forme d'une grosse boule oblongue ou d'un four de campagne , selon les endroits dans lesquels il se trouve établi. Une petite ouverture y est pratiquée du côté le moins exposé aux regards et est ordinairement tourné vers le fossé. L'entrée se trouve à peu près au milieu du nid de manière cependant que la partie supérieure puisse s'avancer pour former toit et préserver la mère et sa jeune famille de la pluie et de l'humidité de la rosée. Ce nid, par sa couleur et sa position, échappe facilement aux regards , mais il se trouve malheureusement trop près de terre pour n'être pas souvent visité et dévasté par les lézards verts et les couleuvres. Les oeufs dont le nombre varie de cinq à sept sont un peu oblongs ; la coquille est d'un blanc plus ou moins rosé et pointillé de taches d'un brun roux et rougeâtre, plus nombreuses et plus rapprochées à mesure qu'elles s'élèvent vers le gros bout. Ces oeufs se distinguent de ceux du natterer par leurs dimensions un peu plus fortes et par le fond de la coquille toujours plus blanc; enfin les taches du siffleur sont ordinairement plus larges et plus séparées les unes des autres que celles des oeufs du natterer.
Le grand diamètre est de 0m 014 à 0 m 016 et le petit de 0 m 011 à. 0m 012.
POUILLOT FITIS. — Sylvia trochylus, La difficulté de distinguer les différentes especes de pouillots, qui
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ont tous des traits de ressemblance, a forcé les naturalistes à remarquer certaines particularités omises facilement dans le classement des autres oiseaux. Le cri triste et mélancolique de ce pouillot qui semble faire entendre ce mol fist-ftst, a suffi pour que Bechstein lui donnat le nom de filis, expression défigurée du chant du pouillot trochilus. Quant à cette dernière dénomination, elle convient à tous les pouillots ; elle dérive de it»x>M' dont la racine T?^», tourner, voltiger avec vitesse , reproduit parfaitement le vol papillonnant et bruyant de ces oiseaux , tournant autour des petites branches avec la même rapidité et le même bourdonnement que le fuseau sous une main exercée.
Le nid du fitis , beaucoup plus restreint dans ses dimensions que celui du précédent est composé des mêmes matières et souvent placé moins près de terre ; on le trouve dan? les bois ou les taillis , non loin des petits cours d'eau ou des fossés, suspendu à de grandes tiges de fougère. On le prendrait facilement pour le nid du rat des moissons. Il contient cinq ou six oeufs moins gros et plus allongés que ceux du siffleur, d'un fond blanchâtre disparaissant sous des petits points d'un rouge de brique très multipliés, et recouvrant en quelque sorte entièrement le fond de la coquille. lls pourraient être confondus avec quelques variétés des oeufs de la mésange bleue, mais ces derniers cependant ne sont jamais si chargés de taches.
Grand diamètre de 0 m 014 à 0 m 015 ; petit de 0 m 010 à 0 m 012.
POUILLOT VÉLOCE. — Sylvia rufus.
Les noms de ce pouillot offrent une nouvelle preuve de la peine que l'on éprouve à saisir des nuances dans les couleurs ou des différences dans les habitudes de ces petits oiseaux. Les noms de véloce et de rufus, roux peuvent convenir à tous les pouillots, puisque tous sont d'une agilité remarquable et que leur couleur fauve les avait fait classer parmi les sylvies. En hiver on trouve le véloce en grand nombre dans les arbustes et les osiers plantés sur les bords des rivières et surtout des marais ou des étangs. De l'extrémité des branches qu'il visite en tous sens, il se précipite sur la proie qu'il aperçoit fixée aux plantes aquatiques ou entraînée par les eaux. Quand cette proie est attachée à un débris ou à un objet capable de le supporter, il s'y fixe et dès-lors s'abandonne sur cette espèce d'esquif au cours de l'eau jusqu'à ce que sa faim ou son investigation soit satisfaite. On peut constater ces habitudes du véloce près des bords de l'étang St-Nicolas, principalement à l'endroit où l'eau décrit une courbe entre les deux bouquets de sapins. Le véloce a la faculté de modifier sa voix et
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de faire croire qu'il chante bien loin du chasseur lorsqu'il en est 1res près. Ainsi, dans le mois de mai 1857 , j'étais occupé avec plusieurs jeunes gens à chercher un nid de pouillot véloce dans les petits taillis situés sur la rive droite du même étang ; pendant nos investigations, le mâle resta perché à l'extrémité d'un arbre, faisant entendre son cri d'inquiétude qui nous semblait devoir diriger nos pas. Après un certain temps consacré à des recherches inutiles , nous nous aperçûmes que nous étions les victimes du petit ventriloque. Nous ne pouvions l'entrevoir lui - même, et lorsque nous pensions être près de le découvrir, son chant nous paraissait venir de bien loin, pour se rapprocher quand nous nous éloignions et recommencer sans cesse une ruse qui nous fatiguait sans procurer aucun résultat.
Le pouillot véloce est, en Anjou, le plus répandu des oiseaux de ce genre. Comme le siffleur, il niche très près de terre, le long des talus des fossés et toujours du côté de la route, espérant ainsi éviter plus facilement les regards des hommes. Pour le découvrir, en effet, on est non-seulement obligé de se courber profondément, mais même de descendre dans les fossés. Ce nid réunit les mêmes éléments que ceux des pouillots précédents, et contient de cinq à sept oeufs variant de formes et de taches. Peut-être trouverait-on dans cette différence très sensible une preuve en faveur de ceux qui admettent une cinquième espèce de pouillot. Ces nuances très distinctes méritent de fixer l'attention des naturalistes. Quelques nids contiennent des oeufs presque ronds, dont la coquille est d'un blanc parsemé de taches noires ; d'autres présentent des oeufs de forme allongée et couverts de taches plus petites et d'un rouge de brique.
Grand diamètre de 0m 014 à 0 m 017, petit de 0 m 011 à 0 m 013.
POUILLOT NATTERER. — Sylvia nattereri ou bonelli.
Ce pouillot porte indifféremment le nom de natterer Ou Celui de bonelli. Il doit ces dénominations aux deux savants qui les premiers ont pu, par de minutieuses observations, le distinguer des autres espèces. Les habitudes de cet oiseau sont les mêmes que celles de ses congénères. Il niche comme le véloce, en préférant toutefois les lisières des bois à tous les autres lieux. Son nid renferme cinq ou six oeufs plus petits que ceux du siffleur, et tellement chargés de points rougeâtres qu'ils paraissent se confondre et donner une nouvelle nuance à la coquille; celle-ci semble quelquefois être un peu violetée.
Grand diamètre de 0 m 014 à 0 m 017, petit de 0 m 011 à 0 m 012,
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HUITIÈME GENRE.
ACCENTEUR PEGOT. — Accentor alpinus.
Les inflexions brèves et saccadées du chant de l'accenteur ont déterminé les ornithologistes à donner à cet oiseau un nom qui reproduisît cette particularité : accentor, celui qui entonne. On dirait qu'il annoncerait une antienne sur un ton mélancolique; c'est un chant commencé et subitement interrompu. Quant au mot pégot, il me semble pouvoir s'expliquer de deux manières. L'accenteur alpin vit sur le sommet des montagnes du midi de l'Europe, et en particulier sur celui des Alpes. Il se nourrit d'insectes et de graines, double avantage qui lui permet de séjourner presque en tout temps dans les mêmes pays. Cet oiseau se plaît dans les régions solitaires. Fixé sur une pierre, il s'y tient immobile pendant longtemps, regardant autour de lui d'un air hébété tout ce qui s'y fait, ne paraissant pas redouter l'approche de l'homme, par indifférence ou par ignorance du danger. Celte habitude, cet air stupide lui ont fait donner le nom de pégot, dérivé de pée, expression du pays de Comminges (HauteGascogne), signifiant hébété, imbécille. La couleur noirâtre du plumage de cet oiseau pourrait peut-être faire admettre que pégot vient du vieux mot français pége, signifiant couleur de poix, noirâtre. Cet accenteur niche à terre, dans les inégalités de terrain ou entre les pierres; son nid, composé de racines, de brins d'herbe et de paille, est très solidement construit. Ces différentes matières sont tellement unies et liées, qu'elles paraissent avoir été soumises à l'action d'une presse puissante. Les bords du nid ont jusqu'à 0 m 05 d'épaisseur. ll contient de quatre à six oeufs bleus sans taches; leur longueur varie de 0 m 020 à 0 m 024, et leur diamètre de 0 m 015 à 0 m 017.
Le pégot traverse l'Anjou très rarement et n'y séjourne jamais.
ACCENTËUR MOUCHET. — Accenlor modularis.
Ce cotigénère du pégot est sédentaire dans notre département. On le trouve partout et en grand nombre. Il se tient dans les taillis et les haies épaisses, sans cesse occupé à recueillir quelques petites graines, à saisir des vermisseaux, des insectes et surtout des mouches, habitude qui lui a fait donner l'épithète mouchet. Cet accenteur est très lent dans ses mouvements; il sautille d'un air stupide et peu- défiant dans les buissons ; aussi a-t-il reçu le nom expressif
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de traîne-buisson. Son chant est bref, peu varié; il le fait suivre ou précéder de quelques sons plaintifs, tremblants, qu'il semble se plaire à moduler, ce qui explique sa dénomination latine modularis.
L'accenteur mouchel établit son nid dans les arbustes et dans les haies, à environ un mètre de terre; son nid, assez volumineux, est formé ordinairement d'une couche épaisse de mousse disposée en coupe, revêtue à l'extérieur de quelques brins de paille ou de petites racines, et à l'intérieur de crin. Ce nid renferme quatre ou cinq oeufs bleus, un peu ventrus, et se distinguant de ceux du rossignol de murailles, par une forme moins allongée et par une couleur plus pâle.
Grand diamètre de 0 m 017 à 0 m 019, petit de 0 m 012 à 0 m 014.
NEUVIÈME GENRE.
ROITELET HUPPÉ (Regulus crislatus). — ROITELET A TRIPLE BANDEAU (Regulus ignicapillus).
Deux fois chaque année notre département est traversé par des bandes de petits oiseaux dont le cri et le vol plaisent à ceux qui en sont les témoins. Ils parcourent, avec une vitesse et une grâce qui tiennent beaucoup de celles du papillon, les taillis et surtout les arbres verts, cherchant les petites mouches, les insectes et leurs larves. Aucune partie des arbres n'échappe à leurs investigations incessantes ; on les voit suspendus à l'extrémité même des feuilles agitées par le vent, le corps renversé, afin d'être plus certains de ne rien oublier sur leur passage. Ces oiseaux si vifs, si gracieux, sont des habitants des Alpes, qui, malgré leur faiblesse, entreprennent et exécutent de longs voyages. Les naturalistes les ont nommés roitelets, petits rois, à cause de leur huppe et de leur bandeau qui semblent être une couronne.
En Europe, trois espèces forment ce genre; deux seulement nous visitent. Celles-ci se distinguent entre elles par la huppe et le triple bandeau de vives couleurs, qui embellissent encore leur petite tête. Cette particularité a déterminé leurs noms communs et savants. Pendant longtemps ils ont été confondus dans une seule espèce, et c'est M. Brehm, naturaliste saxon, qui le premier les a déterminés d'une manière précise.
Le roitelet huppé, mâle, porte sur le sommet de la tête une huppe d'un jaune orange, encadrée sur les côtés et en devant par des plu10
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mes effilées, noires à l'extrémité des barbes, et d'un jaune vif à l'intérieur. Ces plumes font en quelque sorte partie de la huppe, car elles s'élèvent avec elle.
Le diadème des femelles est moins brillant que celui des mâles. Cet oiseau établit son nid dans les arbres élevés et touffus ; il a la forme d'une boule très ronde dans laquelle on a pratiqué un petit trou placé en dessous afin que l'eau n'y puisse pénétrer. Cette ouverture est ordinairement dissimulée sous une branche. Souvent il m'est arrivé d'examiner ce nid dans tous les sens avant d'apercevoir l'ouverture qui donnait passage à la femelle. De la mousse, parsemée de petits lichens, et unie par des toiles d'araignée, en compose l'extérieur; des plumes et du crin garnissent l'intérieur. Ce nid renferme de six à huit oeufs d'un blanc sale ou jaunâtre, et dont le gros bout est ordinairement d'une nuance uniforme mais plus foncée; on dirait une seconde couche répandue sur la première en forme de calotte.
Le grand diamètre est de 0 m 012 à 0 m 013, et le petit de 0 m 009 à 0 m 010.
Le roitelet à triple bandeau doit son nom aux différentes bandes blanches et noires qui sillonnent sa tête et encadrent sa huppe. Celle-ci est d'un orangé couleur de feu. Ses habitudes sont les mêmes que celles du précédent, avec lequel il émigré et vit en bonne harmonie. Son nid est fait de la même manière et placé entre plusieurs petites branches qui, en retombant, l'enveloppent et le cachent tout à la fois.
Ses oeufs diffèrent de ceux de son congénère par leur couleur rose et par de petits points d'un rouge un peu effacé; leurs dimensions sont aussi un peu plus petites que celles de l'espèce précédente.
Grand diamètre de 0 m 011 à 0 m 012, et le petit de 0 m 008 à 0 m 009.
DIXIÈME GENRE.
TROGLODYTE D'EUROPE. — Troglodytes vulgaris.
Les anciens avaient donné le nom de Troglodytes à des peuples d'Afrique dont ils connaissaient peu les habitudes précises, et qu'ils supposaient devoir vivre en sauvages et habiter les cavernes et les bois. Selon une opinion admise par un certain nombre d'historiens modernes, le peuple des Troglodytes n'aurait jamais existé, et les anciens auraient vu des hommes là où il n'existait réellement que des singes. Quoi qu'il en soit, les ornithologistes se sont appuyés sur ces
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données vraies ou fausses pour imposer à un très petit oiseau le nom de troglodyte, composé de v^yx», trou, caverne, et JW, JV», entrer, habiter. Ce passereau aime en effet à visiter, à parcourir les fentes, les crevasses des vieilles murailles, les trous des arbres vermoulus, pour y saisir les insectes et les vermisseaux.
En Anjou, on appelle communément le troglodyte, berrichot, beurichon et burrichon. Ce nom vulgaire dérive du vieux mol latin burrichus, signifiant roux, dont la racine est viff^ roux. Celte dénomination, le petit roux, est parfaitement justifiée par la couleur uniforme des plumes du troglodyte.
Quant au mot robertaud, petit Robert, petit maître Robert, il convient à ce petit oiseau, qui fait acte de propriétaire en se glissant partout, même dans l'intérieur des maisons, pour y manger ou pour s'y reproduire, et sans demander aucun consentement. Ce mot a en outre le même sens que beurichon, car Robert vient de l'allemand Rotbert, signifiant barbe rousse, et peut dès lors se traduire encore ainsi : le petit roux.
Le troglodyte se plaît aussi dans les haies touffues, dans les lierres qui tapissent les murs ou serpentent autour des arbres. Ses mouvements sont vifs et saccadés; son chant, assez agréable, est très étendu et très perçant pour un si petit oiseau; ce chant ne se compose que d'une seule phrase non interrompue qui dure cinq ou six secondes. Cette particularité, très rare chez les oiseaux, mérite d'être remarquée, car les phrases du rossignol ne se prolongent pas au-delà de deux ou trois secondes. Celles du merle noir durent trois ou quatre secondes, celles du merle grive deux ou trois; seule, Palouelte l'emporte sur le troglodyte par un chant qui comprend de cinq à sept minutes.
La queue du troglodyte est toujours relevée en éventail, et ses mouvements semblent indiquer une colère ou une irritation presque continuelle. On le voit sans cesse paraître et disparaître derrière les branches ou les feuilles ; il trompe la vigilance de tous ses ennemis par celte espèce de fuite stratégique. Dans le temps de la nidification, le mâle se tient près de son nid, surveille tous ceux qui s'en approchent, et manifeste, par l'agitation de ses plumes et par ses cris incessants, l'indignation qui l'impressionne. Le troglodyte établit son nid le long des arbres couverts de lierre, sous les hangars près des fermes, dans les trous des vieux murs et quelquefois à une petite distance de terre, entre les branches d'un arbuste ou des charmilles. Ce nid, dont les dimensions sont très considérables, présente ordinairement la forme d'une boule oblongue; un petit trou très rond, placé sur le côté ou vers le haut, donne passage à la couveuse. Cette
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ouverture est fortifiée par de petites racines qui en assujettissant la mousse, l'empêchent de céder sous la pression occasionnée par l'entrée et la sortie de la femelle. Le haut du nid s'avance presque toujours, afin de servir de toit et de préserver l'intérieur contre les inconvénients de la pluie et les intempéries de la saison. Des feuilles desséchées de fougère ou d'autres plantes, de la mousse liée par des racines, forment l'extérieur ; le dedans est garni de plumes et de crin. ll contient de cinq à sept oeufs très gros pour les dimensions de l'oiseau. Leur forme est un peu oblongue, le fond de la coquille est d'un blanc uniforme, et de couleur rose lorsque les oeufs ne sont pas vidés. Le plus souvent ils sont parsemés de points rougeâtres. Le nid du troglodyte est très remarquable par la propreté qui y règne intérieurement. Le père et la mère le purgent continuellement des insectes qui s'y introduisent et des excréments de la petite famille.
Le grand diamètre est de 0 m 014 à 0m 016, et le petit de 0 m 011 à 0 m 012.
ONZIÈME GENRE.
BERGERONNETTE GRISE. —Motacilla alba.
Le genre des bergeronnettes, comprend un certain nombre d'oiseaux intéressants par les habitudes auxquelles ils doivent leurs différents noms. Ces passereaux vivent de vermisseaux, d'insectes et recherchent les lieux où ils peuvent les trouver plus facilement. Par gaiété et pour saisir au vol quelque insecte ailé, ils aiment à s'élancer à une petite élévation au dessus des prairies, à tourner sur eux-mêmes et à retomber ensuite pour recommencer plusieurs fois les mêmes évolutions. On les voit courir avec grâce et agilité sur les bords des rivières, voltiger sur les feuilles de nénuphar ou sur les roseaux inclinés. Ils se plaisent à visiter les bassins dans lesquels s'abreuvent les troupeaux et qui servent de lavoirs publics : cette habitude les a fait nommer lavandières. Le mouvement imprimé sans cesse de haut en bas à leur longue queue leur a mérité l'épithète de hoche-queue ou de motacilles (motacilla, de moveo, agiter, remuer). Quant au nom de bergeronnette ils le doivent à leur habitude de suivre les cultivateurs et les bergers, de s'attacher à leurs pas sans craindre leurs attaques. Ils se tiennent derrière la charrue qui trace les sillons, saisissent les insectes sous les mottes renversées, ne redoutant ni les animaux ni ceux qui les dirigent. Dans les prairies, ils restent au milieu du troupeau, suivent tour à tour les
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bestiaux, vivant des insectes ou des vermisseaux que les pas pesants des vaches ou des boeufs font sortir de leurs retraites. D'autres fois ils s'attachent au dos des moutons, des porcs même et les débarrassent des insectes qui les tourmentent. Souvent on a vu une ou deux bergeronnettes fixées sur un seul animal, le suivre dans sa course furieuse déterminée par les piqûres qu'il ressentait et dont il ne comprenait pas le motifet ne l'abandonner que lorsque la visite générale était terminée.
Les bergeronnettes se rapprochent beaucoup les unes des autres ; dès lors quelques naturalistes ont réuni plusieurs espèces en une seule, d'autres au contraire ont fait un grand nombre de subdivisions. On admet généralement quatre espèces qui toutes visitent l'Anjou et dont trois s'y reproduisent.
La bergeronnette grise doit son nom à l'ensemble de sa couleur, d'un gris blanchâtre; elle niche dans notre département. Composé de mousse, de crins et de plumes, son nid est placé ordinairement dans les las de pierres situés sur le bord des eaux. Il prend dès lors la forme du trou auquel il est confié. Pour en dissimuler l'entrée, le père et la mère y pénètrent par différents passages. Ce nid contient quatre ou cinq oeufs d'un blanc grisâtre parsemé de petits points d'un brun noirâtre. Le grand diamètre est de 0 m 020 et le petit de O m 013.
Quelques ornithologistes pensent que la véritable bergeronnette lugubre ne vient pas en Europe, et que celle à laquelle on a donné ce nom à cause des nuances plus sombres et plus foncées de son plumage n'est qu'une variété de la grise.
Quant à la bergeronnette Yarell, ainsi appelée du nom du savant Anglais qui l'a déterminée, elle est considérée par les uns comme une variété dépendant de la vieillesse du sujet, ou de l'influence du climat, d'autres auteurs l'ont érigée en espèce.
Quoiqu'il en soit les bergeronnette lugubre et Yarell ont les mêmes habitudes que la grise. Leur nid est en tout conforme à celui de leur congénère et leurs oeufs ne différent de ceux de la motacilla alba que par la couleur de leur coquille quelquefois plus foncée. Variété insuffisante cependant pour servir de fondement à une distinction d'espèces, puisque ces variétés se manifestent et d'une manière encore plus sensible dans les oeufs de presque tous les passereaux.
BERGERONNETTE JAUNE. — Motacilla boarula.
Celte bergeronnette, se distingue des précédentes non-seulement par les nuances de son plumage auxquelles elle doit un de ses noms,
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mais encore par son caractère. Ennemie de la sociélé, elle recherche la solitude et attaque ses congénères qui se trouvent dans les lieux qu'elle parcourt. Elle accompagne son vol d'un petit cri plaintif et vibrant qui l'a fait surnommer boarule (boarula de #«*», crier).
Souvent elle traverse les villes pour s'arrêter de jardin en jardin, de cour en cour, afin de visiter tous les endroits humides. On l'apperçoit solitaire et perchée sur le toit des maisons où elle fait entendre son cri perçant, et d'où elle semble rechercher les endroits les plus favorables à ses investigations.
Son nid composé à l'extérieur de brins d'herbe et. de débris de plantes, est garni à l'intérieur de plumes et de crin. Placé à terre et sous dos pierres près des cours d'eau, il contient de quatre à six oeufs d'un blanc sale, roussâtre ou même isabelle. La couleur de quelques-uns est uniforme, d'autres sont couverts d'une seconde couche presque effacée ou de petites taches grisâtres et jaunâtres. Grand diamètre do 0 m 018 à 0 m 020, et le petit de 0 m 014 à 0m 015.
BERGERONNETTE PRTNTANNIÈRE. — Motacilla flava.
Celle bergeronnette la plus sociable de tout le genre est très répandue en Europe. Elle arrive en grand nombre, dès les premiers jours de printemps, dans les pays où elle doit nicher. Elle paraît annoncer le retour de la belle saison et c'est cette particularité qui lui a fait donner son nom français. Quant au mot, flava, jaune, il indique que son plumage approche de celui de la précédente. Elle niche à terre, dans l'herbe, près des rivières, et pond le même nombre d'oeufs que la boarule. Leur couleur est plus jaune, plus rousse et plus uniforme que celle des oeufs de sa congénère. Grand diamètre de 0 m 017 à 0 m 018 et le petit de 0 m 013 à 0 m 014.
Quelques naturalistes ont admis une bergeronnette flaveole (rnolacilla flaveola, jaunâtre) qui selon l'opinion la plus accréditée, n'est qu'une variété de la printannière. Les oeufs qu'on lui attribue sont d'un blanc roussâtre ou jaunâtre uniforme et strié de petits points bruns peu visibles.
DOUZIÈME GENRE.
PIPIT RICHARD. — Anthus Richardi.
Les pipits, ont été pendant très longtemps confondus avec les alouettes dont ils se rapprochent par quelques traits de ressemblance
et dont ils s'éloignent par plusieurs habitudes. Ces oiseaux forment la transition naturelle entre les bergeronnettes et les alouettes. Comme les premières ils vivent d'insectes et donnent à leur queue un mouvement de haut en bas. Comme les secondes ils chantent en s'élevant dans les airs, et présentent des formes beaucoup moins élancées que les motacilles. Enfin quelques-uns se perchent très rarement.
Leur nom générique pipit est la reproduction de leur chant pitpit qu'ils répètent sans cesse et qui semble être en même temps un chant de joie et un cri de rappel. Leur dénomination latine anthus dérive du grec AV8»{, signifiant fleur. Si le mot est pris au figuré, les pipits seront alors considérés comme l'ornement des lieux qu'ils habitent, par leur vol et leurs mouvements continuels. S'il est adopté selon le sens propre il indiquera que ces passereaux vivent en général au milieu des terrains cultivés, et qu'ils se nourrissent de graines des fleurs et des plantes.
Le pipit Richard le plus gros de tous, a été dédié par M. Vieillot au naturaliste de Lunéville qui l'avait signalé le premier. Comme tous ses congénères il niche à terre; son nid, se compose de petites racines et de brins de foin ou de plantes, il renferme quatre ou cinq oeufs. Leur coquille d'un blanc gris sale, est revêtue de taches d'un noir rougeâtre.
Leur grand diamètre varie de 0 m 022 à 0 m 028 et leur petit de 0 m 018 à 0m 020.
PIPIT SPIOINCELLE. — Anthus aquaticus.
L'épithète spioncelle qui sert à désigner ce pipit, rappelle une des habitudes de ce passereau, celle de se plaire et de vivre dans les terrains plantés de buissons d'épines (spina, épine). C'est le même motif qui l'a fait nommer spinoletta. Le deuxième nom aquaticus (aquatique) nous retrace une autre habitude de cet oiseau, celle de fréquenter les lieux humides, et les bords, des rivières et des marais. Le spioncelle manifeste une grande variation dans ses goûts et c'est cette particularité qui a induit en erreur plusieurs naturalistes et lui a procuré des noms d'une signification toute différente. A quelques époques de l'année et revêtu d'un certain plumage on voit le spioncelle fréquenter les terrains marécageux et les bords des rivières, on le nomme alors anthus aquaticus. A une autre époque et avec une livrée différente, on l'a remarqué dans les endroits rocailleux, couverts de buissons, sur les montagnes, on lui a par conséquent donné la dénomination d'anthus montanus. Ces pérégrinations dans des lieux si différents ne sont pas chez les spioncelles le
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résultat d'un caprice, mais elles sont dictées par un instinct raisonné qui les dirige dans les endroits qui selon les saisons offrent plus de ressources et d'abondance pour leur nourriture.
Le Spioncelle fait à terre, dans les endroits rocailleux, un nid composé de racines et d'herbes. ll contient de quatre à six oeufs ventrus, de teintes et de couleurs très différentes. Les uns sont d'un blanc sale, d'autres d'un gris un peu violet; on en trouve de rougeâtres; tous portent des taches brunes ou noirâtres, toujours plus nombreuses vers le gros bout. Quelques-uns paraissent avoir une seconde couche plus foncée que la première, et qui donne à une partie de l'oeuf une teinte toute particulière.
Grand diamètre de 0 m 020 à 0 m 023, petit de 0 m 015 à 0 m 017.
PIPIT ROUSSELINE. — Anthus rufescens.
Les noms français et latin de cet oiseau sont fondés sur les nuances de son plumage. Le pipit rousseline aime à s'élever à des hauteurs assez considérables en répétant son ramage un peu monotone, puis à se laisser tomber la tête en bas avec la rapidité de la flèche, dont il prend la ressemblance en conservant ses ailes étendues sans leur imprimer aucun mouvement.
Le nid, composé de mousse, de petites racines, d'herbe et de crin, reçoit ordinairement de quatre à six oeufs dont la coquille, légèrement blanchâtre, est souvent striée de points, de taches et même de raies qui varient du violet au brun ou au roux foncé.
Le grand diamètre est de 0 m 020 à 0 m 024, et le petit de 0 m 017 à 0 m 0l8.
PIPIT FARLOUSE. — Anthus pralensis.
Le pipit farlouse est très commun dans notre département; il est le plus petit du genre et ressemble beaucoup au pipit des arbres. Souvent il est désigné sous le nom d'alouette des prés (prati alauda); ce sont ces deux derniers mots réunis et défigurés qui ont formé la dénomination farlouse, en subissant, d'après Le Duchat, les transformations suivantes : prati alauda, puis pralauda, fralauda, farloue, et enfin farlouse. L'épithète latine pralensis (de pré), représente la même idée. Le pipit farlouse vit en bandes nombreuses, se tient de préférence dans les herbes et dans tous les lieux humides et arrosés ; il y poursuit les insectes et les petits vermisseaux. On le trouve en très grand nombre, pendant l'automne et l'hiver, dans les marais de la Baumette et sur les bords de l'étang Saint-Nicolas ; à l'approche
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du chasseur, il s'élève à une hauteur peu considérable, par un vol incertain et saccadé, en faisant entendre un petit cri répété qui paraît être en même temps un cri de rappel et de mécontentement. On voit qu'il s'éloigne à regret des lieux qu'il avait choisis pour y chercher sa nourriture, et dans lesquels il revient presque immédiatement dès qu'il aperçoit que le danger est passé.
Le pipit farlouse fait son nid à terre, dans les champs ensemencés, dans les prairies, quelquefois dans les taillis ou au pied d'un buisson. Des herbes sèches, des racines et un peu de mousse en composent l'extérieur; les oeufs, au nombre de quatre ou cinq, reposent sur une petite couche de crin et de duvet des plantes ; ils varient en couleurs plus que les oeufs de tous les autres oiseaux. Ils présentent toutes les formes, les couleurs et les nuances les plus variées. Chez les uns, le fond de la coquille est d'un blanc un peu enfumé; chez d'autres, il varie du blanchâtre au rougeâtre, avec des points ou des taches brunes, pourprées, violettes. Les uns sont parsemés de petits points couleur de brique, d'autres portent de larges taches brunes effacées et se fondant dans les premières teintes de la coquille. Enfin, quelques-uns sont ronds, d'autres oblongs, et un certain nombre piriformes. Souvent les couleurs de ces oeufs ont un éclat si vif qu'ils semblent avoir été recouverts d'une couche de vernis.
Le grand diamètre est de 0 m 018 à 0 m 022, et le petit de 0 m 014 à 0 m 016.
PIPIT DES ARBRES. — Anthus arboreus.
Ce passereau doit son nom à quelques-unes de ses habitudes. Il se perche plus facilement que ses congénères, et fréquente plus volontiers qu'eux les lieux plantés d'arbres ou parsemés de buissons. Il niche cependant à terre, comme tous les pipits. Son nid, formé d'herbe, de foin et de mousse, est. garni à l'intérieur de crin et de petites racines très déliées. Placé dans les fourrages, les bruyères et les taillis, il contient de quatre à six oeufs un peu oblongs. Leur coquille est. souvent d'un blanc grisâtre strié de petits points bruns ou noirâtres. Elle offre des traits ou des taches rougeâtres ou d'un cendré violet sur un fond blanc recouvert d'une seconde couche rougeâtre. Ces oeufs offrent les mêmes variétés que ceux du pipit farlouse.
Grand diamètre de 0 m 019 à 0 m 020, et le petit de 0 m 014 à 0 m 017.
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PIPIT OBSCUR. — Anthus obscurus, maritimus.
La présence du pipit obscur a été signalée en Anjou ; quelques naturalistes même ont pensé qu'il s'y était reproduit. La couleur sombre du plumage de cet oiseau, les lieux qu'il recherche de préférence, justifient les épithètes obscur et maritime sous lesquelles il est désigné. Il habite ordinairement le nord de l'Europe, et se répand dans les régions plus tempérées. Ce pipit se lient sur les bords de la mer, où on le rencontre en très grand nombre, et dans les joncs et les marécages situés à l'embouchure des rivières. On le voit, par troupes assez considérables, courir sur les terrains couverts et abandonnés successivement par les flots de la mer, dans les marais salants. Il cherche alors dans les terres humides et détrempées, des petits vermisseaux. Le pipit obscur niche à terre, souvent dans les îlots, sur les bords de la mer, dans les touffes d'herbe ou entre les rochers. Le nid, formé d'herbes desséchées, de racines et de mousse, renferme de quatre à six oeufs un peu oblongs, d'un gris verdâtre, strié de petits points bruns ou noirâtres.
Leur grand diamètre est de 0m 020 à 0 m 022, et leur petit de 0 m 015 à 0 m 016.
Ici se termine la deuxième famille de l'ordre des passereaux.
L'ABBÉ VlNCELOT,
chan, hon., directeur de la pension Saint-Julien.
SUR L'HELIX ACULEATA
EXERCICE MONOGRAPHIQUE
L. B. S.
Par son élégance et sa rareté, l'Hélice hérissée (Hélix aculeata) peut être mise au nombre des Hélices intéressantes de France et même d'Europe. Quoi de plus curieux, en effet, que les côtes ou lames symétriques dont cette coquille microscopique est ornée ; et quoi de plus délicat et de plus bizarre en même temps que cette épine qui se dresse sur chaque lamelle, et qui, en se répétant régulièrement sur chacune d'elles, forme une gracieuse et élégante couronne? Mais c'est surtout l'oeil armé de la loupe qu'il faut examiner ces singuliers détails. C'est de cette fragile et très petite coquille que je vais tracer ci-après l'histoire : après une courte introduction, j'établirai d'abord sa synonymie, après quoi je décrirai le test et le mollusque qui le construit; je parlerai ensuite de ses rapports et de ses différences avec les espèces les plus voisines, je ferai voir sa distribution géographique, son habitat et sa station, et je terminerai par le tableau historique de ce qu'en ont dit les principaux auteurs. Une planche, représentant l'espèce sous différents aspects, accompagne cet exercice monographique. Puisse ce mémoire, auquel je regrette de n'avoir pu joindre quelques descriptions anatomiques et physiologiques, et des détails relatifs à la reproduction, intéresser le lecteur indulgent et bénévole !
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I. INTRODUCTION.
Potentiam Summi Creatoris in minimis quidem ejus deprehendimus operibus.
(Soederberg, Cur. nat. § ~2, in fin. 1748)5
Le spectacle de la Nature est assurément le plus beau qui puisse être offert aux âmes avides de jouissances supérieures et de contemplations élevées. C'est le plus digne objet des méditations du philosophe et des inspirations de l'artiste. Quelle puissance, en effet, quelle force, dans ce spectacle, et tout à la fois aussi quelle grandeur, quelle majesté, quelle sagesse, quelle harmonie ! Pour ne jeter les yeux que sur ce globe terrestre que nous habitons (partie minime de l'univers !), nous voyons les animaux soutenus et alimentés par les végétaux, les végétaux par les minéraux ; les minéraux puisent dans le sein de la terre un intarissable aliment. Ainsi les trois règnes de la nature se soutiennent réciproquement; leurs parties élémentaires passent de l'un dans l'autre; partout et toujours règnent une vigueur et un équilibre parfait, que rien ne peut arrêter ni suspendre un instant (1).
Mais ce n'est pas seulement ce spectacle imposant et magnifique qu'il faut considérer. Tout, dans la nature, est digne de notre admiration. Depuis l'éléphant, dont les robustes épaules peuvent porter des tours, jusqu'à l'infusoire dont l'existence n'est révélée à notre oeil que par le microscope ; depuis le dragonnier colossal et aussi ancien que le monde jusqu'à l'oïdium parasite et à peine perceptible; depuis les blocs énormes de granit qui menacent le ciel, jusqu'à la paillette précieuse que roulent les eaux des fleuves, toutes les choses créées appellent également nos regards et méritent de fixer notre attention. La structure de l'insecte le plus vulgaire est aussi admirable que celle des monstres qui nagent dans les mers, et l'organisation de la mousse la plus infime nous confond tout autant que celle de l'arbre le plus gigantesque.
C'est là ce qui faisait dire à Pline : « Nous admirons les monstrueuses épaules des éléphants, la roideur du col des taureaux et l'usage terrible qu'ils font de leurs cornes, la cruauté des tigres qui ne vivent que de rapines, les crins hérissés des lions. Cependant la
(1) Conf. Linné, Syst. ml., in introït. Imper, nat.
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nature, en tout cela, est moins grande et moins admirable que dans l'ouvrage des plus petits insectes (i). »
Ecoutons aussi l'un des Pères de l'Église, saint Jérôme : « Nous n'admirons pas seulement le Créateur dans les ouvrages du ciel, de la terre, du soleil, de l'océan, dans la forme des éléphants, des chameaux, des chevaux, des boeufs, des léopards, des ours, des lions; mais aussi dans la plus petite espèce d'animaux comme la fourmi, le moucheron, les mouches, et tous ceux du même ordre dont nous connaissons mieux la figure que les noms. Enfin nous admirons en tout la sagesse industrieuse du divin ouvrier (2). »
Et Linné, entendons-le s'écrier dans son enthousiame lyrique : « Dieu éternel, immense, sachant tout, pouvant tout! Je l'ai entrevu un instant, et je suis confondu !... J'ai recueilli quelques-unes de ses traces dans les oeuvres de la création ; et dans toutes, dans les plus petites -même, presqu'imperceptibles, quelle force ! quelle sagesse ! quelle inexprimable perfection (3) ! »
Ce n'est donc pas sans raison que les naturalistes modernes, sans négliger les êtres supérieurs de la création, tournent ardemment leurs regards vers les derniers degrés de l'échelle de la vie. Rien n'échappe à leurs investigations. Scrutateurs avides de la nature, adeptes privilégiés admis à pénétrer dans le sanctuaire de ses merveilles les plus secrètes, ils consacrent toute leur vie, toutes leurs forces, à ces laborieuses mais délectables recherches. Et ceci particulièrement est remarquable : c'est que souvent une utilité pratique et actuelle ne s'attache pas toujours à l'objet de leurs éludes. Ne faut-il pas en conclure, avec un philosophe de l'antiquité, que c'est là une marque évidente de la grandeur absolue du sujet de ces contemplations ?
Tous les animaux, d'ailleurs, et tous les végétaux, quels qu'ils soient, ont leur utilité. Tous concourent, dans la sphère de leur activité et de leurs relations, à maintenir à la surface du globe un équilibre parfait, une inaltérable harmonie. Cessons donc de répéter à tout propos : A quoi sert cet animal? A quoi bon celle plante?... Songeons à l'excellence des lois qui régissent la vie, cherchons à suivre les rapports, difficilement appréciables, qui unissent tous les êtres entre eux, efforçons-nous de connaître et d'approfondir, et n'accusons que la faiblesse de nos vues et l'imperfection de nos connaissances.
(1) Pline, Hist. mat., l. XI, c. 2.
(2) S.Jér., Epist. 22, 1. II.
(3) Linn., Syst. nat., in introit.
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Malheureusement, les naturalistes deviennent rares. La soif inextinguible de l'or, l'amour du lucre s'emparent de tous les esprits et menacent de tout envahir. Loin de chercher dans l'étude des mystères de la nature un aliment à notre activité, loin d'exercer nos forces dans la pénétration des secrets de cette mère féconde, nous ne songeons qu'à amasser des richesses dont nous ne savons même pas jouir. Le plus souvent la mort arrive avant que nous ayions pensé à vivre. Et pourtant, quelle distance sépare le philosophe, qu'une fleur met en communication avec l'auteur de toutes choses, de l'usurier qui palpe un rouleau d'or! Quelle diversité surtout dans leurs jouissances et dans leurs sensations ! — « Cette contemplation de la nature, dit Linné, nous fait éprouver un avant-goût des voluptés célestes; l'âme, en y participant, s'avance comme environnée de lumière, et vit pour ainsi dire, dans un ciel terrestre. »
Quant à vous, esprits d'élite, qui vous sentez comme invinciblement entraînés vers ces études, réjouissez-vous de ces goûts. Demandez à la grande ombre des Linné et des Cuvier de vous donner en partage une étincelle de ce feu sacré qui les anima pendant leur vie. « Aimez la nature, comme elle vous serez simples et forts. » Et quand le sarcasme d'un ignorant ou le rire d'un indifférent parviendra jusqu'à votre oreille, consolez-vous en songeant à ces paroles si vraies de l'immortel auteur du Systema Naturce ■.
« La recherche des choses créées a toujours été appréciée par les hommes laissés à leurs penchants naturels, et toujours cultivée par les hommes vraiment instruits et savants ; mais les sots et les ignorants ont toujours eu cette élude en horreur. »
« Scientia naturalis fundamentum est ornnis oeconomioe, opificiorum, commerciorum, dioetoe, medicinoe. » LIN.
H. SYNONYMIE.
HELIX ACULEATA Mutler, Verm. Hist. II, p. 81 (1774), et in Nalurf. XIX, t. II fig. 1-3 (1774).
Trochus terrestris Penuant, Brit. zool., éd. 4, p. 292, t. 83, fig. S (1776).
Trochilus terrestris Da Costa, Test. Brit., p. 166, t. II, fig. 1-5 (1778).
Hélix spinulosa Lightfoot, Phil. Trans. LXXVI, p. 166, t. II, fig. 1-5(1786).
Helicella aculeata Férussac, Tabl. syst., p. 42 (1820).
Teba spinulosa Leach, Brit. Moll., p. 100 (1831) teste Turton.
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Fruticicola acaleata Held, in Isis, p. 914 (1837).
Hélix Granatelli Bivona fil. in Occhio Giorn. Palerm. 1839, n° 9, fig. 2(1839).
Acanthinula aculeata Beck, in Verhandl. d. Vers. d. Aerz. u. Naturf. in Kiel, 1846, p. 122 (1846).
Helix nucleata Turton, Linn. Trans. IV, p. 520 (?) teste Monlagu.
Hélix deleclabilis Solander Mss. (leste Montagu).
Français : Hélice hérissée, ou Hélice à aiguillons.
Danois : Pig-Snekken (Muller).
Anglais : Prickly-Snail (Gray).
Allemand : Die stachlige Schnizkelschnecke (Kusler).
Espagnol : Helice erizada (Graells).
Portugais : Caracol aculeado.
Italien : Elice irta.
III. DESCRIPTION.
1° ANIMAL.
Animal long de deux millimètres, large de 0 mm,33 environ, trapu, rétréci aux deux extrémités, arrondi antérieurement, diminuant insensiblement et obtus à la partie postérieure, d'un gris ardoisé en dessus, faiblement brun antérieurement, d'un gris ardoisé en arrière, par côtés et en dessous. — Collier large, bombé, finement boursouflé, d'un brun clair, bordé finement de noirâtre; points laiteux très petits et très peu apparents. — Tentacules longs, gros, presque cylindriques, renflés à la base, médiocrement transparents, ardoisés, plus clairs vers le bout : les supérieurs très rapprochés à leur origine, longs de 0 mm, 5, finement chagrinés et ponctués de noirâtre ; gaine musculaire très peu distincte, se rétrécissant tout d'un coup à la base; boulons longs de 0 mm, 2, allongés, peu renflés en dessus, très dilatés en dessous, dirigés très faiblement vers le haut, un peu rétrécis et arrondis à l'extrémité. Tentacules inférieurs écartés à la base, dirigés presque horizontalement, longs de 0 mm, 33, faiblement rétrécis vers le milieu, lisses ; boulons mesurant 0 mm, 11 environ, assez globuleux. —Yeux placés à l'extrémité des boulons en dessus et un peu en dehors, saillants, un peu grands, ronds, noirs, apparents. — Muffle petit, long d'un peu plus de 0mm, 33, étroit, avancé, un peu bombé, pointu vers la base des tentacules supérieurs, très rétréci et
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arrondi en avant, dépassant du tiers de sa longueur les petits tentacules, d'un brun clair et presque jaunâtre antérieurement, très finement ponctué de noirâtre. — Lobes labiaux grands, tout à fait divergents, presque réniformes, pointus en arrière et en dessus, saillants sur le pied et larges en dessous, transparents, d'un gris clair, très finement et très peu distinctement ponctués de grisâtre. — Bouche assez fortement dépassée par les lobes labiaux, linéaire, recourbée, assez courte, peu apparente. — Mâchoire.... — Cou long d'environ un millimètre, large de 0 mm,16, cylindrique, bombé en dessus, à côtés étroits, se relevant vers sa naissance, très finement et peu distinctement chagriné, d'un gris brun ardoisé sale, plus clair postérieurement, comme pointillé de noirâtre, avec deux bandes longitudinales un peu infléchies, larges, presque parallèles, aboutissant à deux taches presque ovoïdes assez grandes, jaunâtres ; ligne dorsale large, plate, assez distincte, grisâtre, dans un sillon peu marqué. — Pied non frangé, côtés pointus antérieurement, un peu en biseau, très larges en arrière, distincts du cou qu'ils dépassent légèrement, d'un gris clair assez transparent; points grisâtres, serrés, peu distincts; sillons transversaux, grands, très écartés, presque droits; dessous du pied un peu anguleux antérieurement; points laiteux très petits et très serrés. — Queue longue de près de un millimètre, dépassant faiblement la coquille, assez large et fortement relevée à la base, triangulaire, un peu obtuse, très bombée, un peu carènée, transparente, d'un gris clair; points à peine apparents, sillons semblables à celui du pied. — Pédicule court, gros, cylindrique, grisâtre. — Orifice respiratoire louchant presque l'avantdernier tour, assez petit, rond, un peu évasé (Moquin-Tandon, Histoire naturelle des Mollusques de France, t. n, p. 190).
2° COQUILLE.
Coquille globuleuse-conique, trochiforme, turbinée, presque aussi large que haute, de couleur de corne fauve, rougeâtre ou roussâtre, légèrement striée, mince, demi transparente, très étroitement ombiliquée.
Spire composée de quatre à cinq tours très-convexes, arrondis, croissant graduellement, séparés par une suture fortement accusée, garnis (à l'exception du premier) de petites lames ou côtes saillantes tranversales, à peu près symétriques et parallèles, surmontées vers leur milieu d'une épine à large base, légèrement courbée en arrière, très fragile. J'ai compté vingt-cinq de ces lamelles et de ces épines sur le dernier tour de spire, et la coquille en possède en
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totalité cinquante-cinq ou soixante. Les lamelles se voient par transparence à l'intérieur de la coquille : Rossmaessler les compare avec quelque raison aux varices des Scalaria. Les lames et les épines sont de même nature que le lest et font corps avec lui : elles ne sont donc pas seulement épidermiques. Leur inspection au microscope ne laisse aucun doute à cet égard.
Ouverture parfaitement ronde, à peine échancrée par le dernier tour de spire. Péristôme muni d'un léger bourrelet rougeàtre, intérieur, et un peu réfléchi.
Ombilic très-étroit, recouvert le plus souvent, en partie, par la réflexion du bord columellaire.
Sommet arrondi, mamelonné, obtus, dénué de lamelles, souvent un peu grisâtre ou blanchâtre.
Epiphragme très-mince, vitreux, brillant, plus solide sur les bords.
Dimensions : hauteur : 2 millimètres; diamèlre : 1 millimètre 3/4 (ou 8 dix-millimètres).
Variations : B, cils allongés (Morelet, Moll. Port., p. 72); C, ombilic large (Mauduyt, Moll. Vienn., p. 55).
Observations. Malgré sa taille exiguë, celte Hélice paraît moins délicate que plusieurs de ses congénères. J'en ai envoyé de vivante dans le midi de la France, dans un tube confié à la posle, et elle est arrivée saine et sauve à sa destination. Ses mouvements ne manquent pas de vivacité, ainsi que je l'ai plusieurs fois observé : en rampant sur la mousse ou dans le bois mort, elle balance sa demeure à droite et à gauche, comme pour écarter les obstacles, et elle la porte de façon qu'on ne voit guère que ses tentacules supérieurs, qui sont fort allongés. Par instant, elle l'élève tellement au dessus d'elle, qu'on la croirait séparée du corps. Muller (Verm. Eist. Il, p. 82), Draparnaud(Hist Moll., p. 82),Nilsson {Moll. Suec, p. 16), et Rossmaessler (Iconogr., vu, VIII, p. 39) ont fait à peu près les mêmes remarques.
IV. RAPPORTS ET DIFFERENCES.
On voit, par la description qui précède, que notre Hélice possède des caractères particuliers qui la font aisément reconnaître au milieu de ses congénères : sa très-petite taille, sa forme turbinée, ses côtes et ses aiguillons en sont les traits saillants et principaux. Toutefois, et pour aller au-devant de tous les doutes et de toutes les hésitations, disons un mol de ses rapports et de ses différences avec
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celles qui lui ressemblent le plus par la taille, par la forme ou par tout autre caractère.
Si nous ne considérons que les Hélices propres au sol français, nous ne trouvons que les Helix rupestris et costata qui puissent être comparées à notre espèce.
L'Hélix rupestris (Draparnaud, Tabl. Moll., p. 71) est largement ombiliquée, globuleuse-déprimée, très-finement striée, d'un fauve noirâtre, avec une ouverture arrondie, un péristomo droit, simple et tranchant, et cinq à six tours de spire convexes, augmentant graduellement, séparés par une suture profonde. Son diamètre est de 2 à 3, sa hauteur de 1 1/2 à 2 millimètres. Elle habile la plupart des contrées montagneuses de la France (on pourrait presque dire de l'Europe!), appliquée contre les rochers. D'où il suit que l' Helix aculeata en diffère par sa forme plus turbinée, par son ombilic moins ouvert, par son péristomo légèrement épaissi et évasé, par sa coloration moins foncée, et enfin, au premier coup-d'oeil, par ses côtes et par la rangée d'aiguillons qui ornent le milieu de ses tours de spire. L'animal diffère également par sa couleur et la longueur des tentacules, qui sont courts et gros chez l'Helix rupestris, tandis qu"ils sont plus minces et fort allongés chez l'Helix aculeata.
l'Helix costata (Millier, Verm. Hist. II, p. 31) est sub-déprimée, largement ombiliquée, ornée de côtes saillantes, grisâtre ou blanchâtre, avec une ouverture arrondie, à péristome réfléchi, à bords légèrement épaissis, presque réunis, et quatre ou cinq tours de spire un peu convexes, à suture peu prononcée. Elle mesure 2 à 3 millimètres de diamètre, sur 1 à 1 1/2 de hauteur, et habite toute la France, dans les lieux humides. Dupuy fait remarquer qu'elle est plus commune dans le midi que dans le nord. Les différences que je viens de signaler entre l'Helix aculeata et l'Helix rupestris subsistent également entre celle-là et l'Helix costata, en y ajoutant encore la coloration du test et la profondeur de la suture, qui sont distinctes.
Il y a bien encore l'Helix ciliata (Venelz in Studer, Syst. Verz., p. 87), qui est une coquille sous-déprimée, très étroitement ombiliquée, carénée et hérissée sur le milieu de sa carène de cils ou d'aiguillons membraneux, cornée rousse, parsemée d'écaillés membraneuses et fugaces, avec une ouverture ovalaire, un péristome réfléchi, à peine épaissi et rosé, cinq à six tours de spire à peine convexes, séparés par une suture superficielle. Mais elle mesure 10 à 12 millimètres de diamètre, sur 5 à 6 de hauteur. Elle habite la Provence, aux environs de Grasse, dans les localités un peu humides, et à la Sainte-Beaume (Dupuy), les montagnes de la Suisse, du Tyrol et de la Lombardie (L. Pfeiffer). Celte description abrégée suffira
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donc pour montrer que l'Helix ciliata n'a de commun avec notre espèce que les aiguillons, tandis que la taille, la forme générale, l'ombilic, l'ouverture, la spire, l'habitat, tout en un mot diffère chez ces deux Hélices, et nous n'insisterons pas davantage sur ce point.
Parmi les espèces exotiques, je ne vois que l'Helix lamellata qui ait quelques points de ressemblance avec notre Hélice.
L'Hélix lamellata (Jeffreys, Linn. Trans., t. XVI, p. 333 ;—Hel. scarburgensis, Turt.; — Hel. seminulum, Rossm.) est une petite coquille perforée, conoïde-globuleuse, à côtes membraneuses, cornée, avec cinq tours de spire, une ouverture déprimée, lunaire, et le penstome droit, simple, tranchant. Son diamètre est de 2 1/2 millimètres, et sa hauteur de 2 millimètres. Elle habite le nord de l'Angleterre, dans la mousse (Gray), l'Ecosse, dans les feuilles de l' Acer pseudoplalanus (Macgillivray), et Kiel en Holslein (Rossmaessler). On voit, par cette simple diagnose, que l'Helix aculeata présente des rapports de taille, de forme générale, de cploration même avec l'Helix lamellata; mais là se borne toute la ressemblance. En effet, l'espèce qui fait l'objet de cet exercice a une ouverture arrondie, avec un péristome évasé, bordé, et les bords presque réunis, tandis que l'Helix lamellata a une ouverture échancrée, en forme de lune, déprimée, avec le péristome droit, simple et les bords distancés ; l' Hélice à aiguillons est encore plus turbinée que l'Hélice lamelleuse, qui a bien la forme d'une petite graine (seminulum), comme l'indiquait Rossmaessler; enfin celle-ci, quoique pourvue de côtes membraneuses serrées, est absolument dénuée des aiguillons qui font le principal ornement de l'Helix aculeata.
De tout ce qui précède, il est permis de conclure que YHelix aculeata est une espèce à caractères bien tranchés, parfaitement distincte de toutes ses congénères, et qu'il est presque impossible de la confondre avec aucune autre coquille.
V. DISTRIBUTION GEOGRAPHIQUE.
§ 1. Station.
De toutes les indications que j'ai pu rassembler sur notre mollusque, soit dans les livres, soit dans mes excursions, il résulte que l'Helix aculeata hante de préférence les lieux humides et ombragés, comme les forêts et les bois, et qu'elle se plaît dans les feuilles tombées à terre (Macgillivray cite en particulier celles de l'érable ; — dans la forêt d'Orient (Aube), où le chêne domine, je l'ai vue dans
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les feuilles mortes et à demi décomposées de cet arbre), sur le bois mort et à moitié pourri, dans la mousse qui couvre le tronc des arbres (sur le Jungermannia platyphylla, suivant Jeffreyss, sur le Neckera viticulosa, selon Moquin-Tandon), sous les pierres, dans le tronc des arbres et sous leur écorce, et jusque sur des os abandonnés.
On la trouve le plus souvent dans les lieux élevés, et quelquefois dans les endroits secs, contre les arbres, mais à l'ombre. C'est ainsi que je l'ai abondamment recueillie à Bar-sur-Aube (Aube), sur la colline appelée montagne Sainte-Germaine (1), sous un soleil ardent de septembre. La montagne Sainte-Germaine (pour me servir de l'expression consacrée) est un soulèvement formé sur le terrain jurassique, et dont on évalue la hauteur à 349 mètres environ. Ce mamelon est presque entièrement couvert de vignes à sa base, à micôte de cerisiers et d'arbres fruitiers de diverses sortes, au sommet d'arbres verts, d'arbustes et d'arbrisseaux ; sur la cime, on trouve une ferme entourée de tilleuls et de pommiers sauvages, et non loin de là les traces d'un camp romain. Au reste, la végétation spontanée l'emporte évidemment sur la culture à l'extrême sommet, et l'on peut dire que le botaniste s'y trouve plus à l'aise que l'agriculteur. L'eau suinte en quelques places et humecte légèrement les rochers et les sentiers. Çà et là apparaissent quelques chênes rabougris ou des hêtres noueux. Presque au sommet de la colline, du côté qui regarde le nord-ouest, on rencontre une petite plantation de sapins, entourée en partie d'une haie vive, en partie d'un mur de pierres libres. Une mousse abondante recouvre le tronc des arbres. (Ces mousses appartiennent aux espèces suivantes, selon M. des Etangs, botaniste distingué : Hypnum purum, cupressiforme, scorpioïdes, lutescens, triquetrum et splendens). C'est dans celle localité pittoresque, par un temps sec et chaud de septembre, que j'ai trouvé l'Helix aculeata, dans une excursion que je fis en société de M. Cot(1)
Cot(1) commencement du Ve siècle, vivait à Bar-sur-Aube (alors Segessera) une toute jeune fille du nom de Germaine, remarquable par la pureté de ses moeurs et par sa beauté. Elle remplissait les fonctions de diaconesse dans la chapelle de SaintEtienne, bâtie au sommet de la colline qui depuis porte son nom. Rencontrée près d'une fontaine, où elle avait coutume de venir puiser de l'eau, par une horde de Vandales qui envahissait le pays, elle fut décapitée sur la colline même, pour ne point avoir voulu renier sa foi et céder aux désirs du chef des Barbares. Depuis, ce lieu est consacré, et la mémoire de la jeune vierge et martyre est en grande vénération dans la contrée (Voyez : Blampignon, Histoire de sainte Germaine, Troyes, 1855, in-12).
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teau, géologue de mes amis. Il y avait un grand nombre d'individus morts dans les broussailles, dans les feuilles sèches ; mais il y en avait aussi beaucoup de vivants dans la mousse au pied des arbres, sur les pierres, sur les branches tombées, et je me souviens d'en avoir pris quelques-uns sur un gros champignon. Bref, le premier jour nous en ramassâmes une centaine environ en moins d'une heure, et le lendemain M. Cotteau en rapporta encore autant. Sans doute, après une pluie légère, nous en aurions vu davantage encore.
Voilà une abondance tout à fait remarquable pour une coquille que tous les naturalistes considèrent comme une espèce rare ou du moins peu abondante. Peut-être la rareté de cette espèce (sinon dans la nature au moins dans les collections) tient-elle à son exiguité, à sa couleur et à sa forme, qui rappellent les graines de certaines plantes, celles par exemple du Galium aparine, comme le fait judicieusement remarquer Rossmaessler. Peut-être la distingue-t-on difficilement au milieu des feuilles mortes, des branches sèches et des broussailles. Toujours est-il que de tout temps et partout on a dit rare ou peu abondante cette élégante Hélice (1). J'ai donc.pensé qu'il était bon de signaler celte observation aux naturalistes ; d'abord parce que cette multiplicité est vraiment extraordinaire, et ensuite parce que ce fait pourra donner l'éveil aux collecteurs habiles et minutieux, qui retrouveront sans doute cette abondance ailleurs.
Il est rare de rencontrer l'Helix aculeata dans les plaines, au fond des vallées, dans les lieux bas, et jamais on ne la voit ni sur le littoral maritime ni dans les landes. Ses stations privilégiées sont les lieux élevés, les collines, les côteaux et les montagnes, à diverses altitudes.
Elle se tient parmi les mousses, qui lui servent tout à la fois d'abri, de retraite et de nourriture, et celles qu'elle préfère paraissent être les Hypnum purum et cuspidutum, les Neckera crispa et viticulosa, et encore quelques Orthotrichum. Elle a aussi une grande prédilec tion pour certaines jongermannes, entre autres les Jungermannia platyphylla, complanata, tomentella et tamarisci.
On la rencontre encore sur les troncs de certains arbres forestiers, tels que les chênes, les frênes, les hêtres, les ormes, soit à même sur l'écorce, soit au milieu des mousses qui les recouvrent. Elle s'abrite aussi sous les feuilles de ces arbres, tombées à terre, desséchées
(1) Je ne vois guère que M. Morelet et M. Bouillet qui aient indiqué l'Hélix aculeata comme une espèce plutôt commune que rare, l'un dans les bois des montagnes du Puy-de-Dôme, l'autre dans la province de Tras-os-Montes, en Portugal,
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et même en putréfaction. Mais jamais on ne la voit sur les arbustes, les arbrisseaux, les végétaux herbacés, les graminées, les gazons ou les plantes potagères.
Les terrains géologiques sur lesquels on la trouve plus particulièment sont le calcaire tertiaire moyen, le terrain crétacé néocomien, le terrain jurassique, les dolomies; on la trouve aussi sur les terrains schisteux primitifs et sur quelques roches pyroïdes, l'ophite, par exemple (1).
Mais assez sur ce point : il est temps de passer à l'habitat de notre mollusque.
§ 2. Habitat.
Suède. Parmi les feuilles mortes et humides d'un bois, près d'Esperod, en Scanie; du temps de Nilsson, l' Hélix aculeata n'avait encore été vue, en Suède, que dans cette seule localité (Nilsson).
Danemarck. La description de Muller paraît avoir été faite sur des individus vivants capturés, aux environs de Copenhague, parmi les branches sèches du hêtre (Muller, Gmelin).
Russie. Néant.
Irlande. La plus grande partie de l'Irlande suivant Thompson ; assez communément répandue. Portmarnock, comté de Dublin ; Ben Bulben, comté de Sligo; Miltown Malbay (Brown).
Ecosse. Trouvée par M. Dickie dans une grotte de Rubislaw (Macgillivray).
Angleterre. Dans les forêts, sous les feuilles et les pierres ( Montagu, Turton, Gray); Newcastle (Aider); la majeure partie de ce royaume, suivant Brown (Illustr. Conch., p. 68).
Prusse. Les montages de Gans, les forêts sombres de Feldbacher,
(1) Je dois une partie de ces dernières observations aux obligeantes communications de M. le Dr de Grateloup, de Bordeaux, qui en a fait son étude favorite et qui met la dernière main à un grand travail sur les stations botaniques et géologiques des mollusques. Cet ouvrage, fruit de longues et savantes recherches, dans les livres, dans la nature et dans les collections, a pour titre : Essai sur la nourriture et les stations botaniques et géologiques des Mollusques terrestres et fluviatiles, considérés au point de vue géographique et statistique. Le prospectus-préface, lancé l'année dernière, annonce qu'il formera 1 volume in-8° de 500 pages environ. Voilà un sujet tout à fait neuf, extrêmement curieux et fort attrayant. L'ouvrage de l'honorable auteur, en plaçant la malacologie au niveau des autres branches de la zoologie, ouvre un champ nouveau d'études, et ne peut manquer d'être accueilli avec une faveur marquée par tous les naturalistes.
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(Prusse Rhénane), rare (Sandberger et Koch); environs de Berlin (Stein).
Allemagne. Le nord de l'Allemagne, sur les branches du hêtre (Bosc); — Augsbourg, Bamberg et d'autres localités de la Bavière (Held, Kuster, v. Allen) ; — le Harz (Schmidt) ; — le duché de Mecklembourg (Boll) ; — la Silésie (Schollz) ; — la Hesse (C. Pfeiffer); le Hanau (Speyer); — Tubinge en Wurtemberg (Klees); — Neuwied, en Prusse Rhénane (Sturm) — Tharand, Heilsberg, en Saxe, parmi des feuilles pourries de peuplier, de saule et de troëne, sur un sol humide (Rossmaessler).
Suisse. Dans la mousse, aux endroits secs, mais à l'ombre; Dévens, Près-Nové, Gryon, Valorbe (de Charpentier, Anton, Sluder); alluvions de la Versoye, du Lyon et du Rhône; bois de la Bâtie, à 400 mètres (Brot) ; sous Prégny, à 385 mètres (Mortillet) ; environs de Lugano (Stabile).
Savoie. Vetraz-Monthoux (Brot), Taninges, à 645 mètres (Dumont et Mortillet).
Autriche. Les Alpes de Sophien, entre Dornbach et Hutteldorf, rare (Zelebor); Hohervand (Parreyss).
Portugal. Très commune dans la province de Tras-os-Montes; plus au midi dans la Serra d'Arrabida, avec les cils fort allongés (Morelet).
Iles Açores. J'ai trouvé l' Helix aculeata à San Miguel des Açores, dans les bois de lauriers (Laurus indica) et de fayas (Myrica Faya), au milieu des feuilles mortes et sous les pierres; rare.
Espagne. Suivant Albers, elle se trouverait en Espagne (Voy. Die Heliceen, 1850, p. 73) ; cependant le Dr Graells (Catalogo de los Molus cos observados en Espana, 1846) n'en fait pas mention. MM. Nunez' Paz et le Dr Elisalde ne l'y ont pas rencontrée.
Corse. Bonifaccio (Shuttleworth et Requien, d'après Blauner).
Italie. L. Pfeiffer indique l'Italie comme possédant notre Hélice, mais sans désignation de localités : probablement la majeure partie de celle contrée. Pavie (Strobel); Vérone (Menegazzi) ; l'Italie septentrionale (Porro).
Sicile. Environs de Panorme (Philippi); vallée de Nepilaloa (Pirajno).
France. Entrant, comme il est naturel, dans de plus grands détails à propos de cet État, je dirai que l' Helix aculeata habite le département de l'Oise, à la garenne d'Hondainville, sous des fragments de roche quartzeuse épars au dessous des sapins, et à Morainval, sur un rocher dans les bois (Baudon) ;
Le département de l'Aube, suivant mes propres observations, à
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Bar-sur-Aube, ainsi que je l'ai annoncé tout à l'heure, et dans la forêt d'Orient, au pied des chênes dans les feuilles mortes;
La Meuse, à Sommedieue, Hardaumont, dans les bois, les haies, sous la mousse (Buvignier) ; La Moselle, dans les bois de la vallée de Mance (Joba) ; La Meurtrie, à Nancy (Godron);
Les Vosges, sur les feuilles pourries dans les bois des environs de Mirecourt (Gaulard), sur les hauteurs près de Remiremont, contre les rochers, ainsi que je l'ai vu moi-même en 1853, avec mon excellent ami Puton ;
Le Bas-Rhin, à Chalampé, dans les alluvions du Rhin (Muhlenbeck);
Le Maine-et-Loire, sous les feuilles tombées a terre sous les pierres, ainsi que sur le tronc des arbres, parmi la mousse, dans les bois d'Avrillé, avec l' Helix fulva (Millet) ;
La Sarthe, dans les lieux ombragés, parmi la mousse et les feuilles mortes, à Avessé, Martigné, taillis de Noës de Paiche, au Mans, chemin des vignes, près les Arènes, à Vallon (Goupil) ;
La Vienne, à la Vergne , sous les pierres dans les lieux frais, et à Poitiers, même station (Mauduyt) ;
Le Puy-de-Dôme, dans les bois des montagnes, au milieu des mousses, des feuilles mortes, abondante (Bouillet) ; Le Cantal, dans les bois auprès Mauriac (Bouillet); La Creuse, au Grand-Bourg, dans le bois de Celles (de Cessac) ; Le Jura, à Arbois (Draparnaud, Férussac) ; Le Rhône, à Lyon (Terver) ; Le Var, à Grasse (Panescorse) et à Hyères ; L'Agenais, sous les feuilles, les pierres et dans le tronc des arbres des bois montueux, à Tournon , Beauville, Cambes, Lécussau, Layrac; les alluvions de la Seoüne, du Gers, de la Garonne (Gassies); Le Gers, dans les bois montueux sous les pierres, les troncs d'arbres, à Beaulieu près d'Auch, et au bois d'Auch (Dupuy).
Enfin, elle a été recueillie dans les Pyrénées par M. de Saint-Simon, près de Montpellier par M. Moitissier, aux environs de Langres sur les hauteurs par M. l'abbé Simonel, à Bavai dans le Nord par M. Normand, en Alsace par M. de Laurens, aux environs de Lyon par M. Terver, dans la Dordogne à Lanquais par M. des Moulins, et par M. de Grateloup près de Dax, de Caen, de Saint-Lô, et près de la fontaine de Vaucluse, sur l'Hedwigia aquatica.
Cette espèce est donc répandue sur toute l'étendue de notre territoire français, et elle paraît vivre dans toutes les contrées montueuses. Il est à remarquer toutefois qu'on ne l'a point encore vue aux
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environs de Paris, et qu'elle a échappé aux recherches de Geoffroy et de Poiret : Brard n'en fait pas non plus mention. Tous les auteurs, à l'exception de M. Bouillet, l'indiquent comme rare ou très-rare.
On peut dire, en résumé, qu'elle habite toute l'Europe occidentale, du nord au sud, et l'aréa de cette espèce, pourrait, sauf quelques détails, être assez bien circonscrit par une ligne partant du canal des îles Baléares, sur la côte orientale de l'Espagne, passant entre la Corse et la Sardaigne, descendant vers la Sicile, doublant cette île, remontant la mer Ionienne , le canal d'Otrante et la mer Adriatique, traversant l'empire d'Autriche à l'est de Vienne, longeant la Pologne et la Prusse, pour venir rejoindre le nord de la Suède et la Laponie par la mer Baltique. Toute la région comprise à l'ouest de celle ligne, c'est-à-dire, la majeure partie de l'Europe septentrionale, centrale et occidentale (du nord au sud), formerait l'habitat de celte Hélice, qui paraît ne pas avoir été vue ni en Russie, ni en Grèce, ni en Turquie.
VI. HISTORIQUE.
Exposer un historique complet de l'espèce de mollusque qui fait l'objet de cet exercice, c'est-à-dire, énumérer, sans en omettre un seul, tous les auteurs qui en ont parlé, serait une tâche au-dessus de mes forces, et qui donnerait lieu sans aucun doute à des redites et à des inutilités. Dans cette histoire que je vais tracer de notre Hélice, je me contenterai de citer les principaux auteurs qui en ont fait mention, depuis Muller jusqu'à nos jours, en m'attachant particulièrement à nos auteurs nationaux , et à ceux, parmi les étrangers , qui lui ont donné des appellations nouvelles, ou qui l'ont décrite et figurée avec soin ; et dans tous les cas, je ne citerai que ceux qui ont décrit celte Hélice ou qui ont parlé de ses moeurs, de ses habitudes. Dans cette revue, je suis, cela va sans dire, l'ordre chronologique.
Je note ici, en passant, qu'il est digne de remarque que le mollusque qui nous occupe n'a pas été connu de Linné.
MULLER 1774 (Verm. terr. et fluv. hist. n, p. 81) le premier de tous, décrit fort exactement notre espèce et lui impose le nom d'HELIX ACULEATA, qu'elle doit conserver par droit de priorité et par droit de convenance. L'épithète spécifique d'aculeata, aiguillonnée, hérissée, s'adapte parfaitement à cette coquille. Voici sa description que je reproduis comme étant la première qui en ait été faite et peut-être aussi la meilleure :
« Testa subpellucida, cinereo-fusca, supra convexa, anfractibus vix
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quatuor rotundatis ac uti in Neritis elevatiusculis, sublus unico, umbilicoque distincto. Anfractus extus et intus ornantur costis transversis, filiformibus, albidis, 28 vel 30 in singulo. Extus e medio cujuslibet costoe spinula rigida costoe concolor, basi triangularis, apice acuta, et reflexa erigitur. Apertura sublunata, fere circinnata, labro subreflexo, membranaceo, albido, acutiusculo. Labrum in junioribus aculum quidem est, at nec albidum nec reflexum.
» Limax maximam partem albus pellucens; caput et tentacula nigricant. Festive répit, testant dorso adeo erigendo, ut a corpore quasi remota videatur.
» In ramusculis faginis, aridis, rara. »
Il est impossible de faire une description plus courte et tout à la fois plus claire, plus précise, plus exacte !
Muller mentionne également celte espèce dans le Naturforscher, (XIX, p. 165, pl. 2, fig. 1-3), où il la figure, dans son Enumeratio Testaceorum indigenorum agri Fridrichsdalensis (1774), et dans le Zoologioe Danicoe prodromus (1776) 2911.
PENNANT 1777 (Brit. Zool. IV, p. 127, pl. 80, fig. 108) désigne cette Hélice sous le nom de Trochus temstris, et il se contente d'ajouter que c'est une espèce nouvelle, découverte par M. Hudson dans les montagnes du Cumberland.
DA COSTA 1778 (Hist. nat. Test. Britann., P. 35) dit Trochilus terrestris et donne une description un peu confuse. Suivant lui, celte coquille aurait été connue de Lister (Hist. Anim. Anglioe, 1678, p. 123, tit. 9) et de Morton (Nat. Hist. of Northampt., 1712, p. 415), et ce dernier auteur l'aurait rencontrée dans les fentes d'un saule, dans un bosquet de saules, près d'un étang.
CHEMNITZ 1786 (Conchyl. IX, p. 153, pl. 133, fig. 1209 ; Bel. aculeata) après avoir reproduit la caractéristique de Muller, et donné quelques détails descriptifs sur la coquille seule, termine par les remarques suivantes : « Parmi les mollusques terrestres, les coquilles épineuses sont considérées comme rares et curieuses. Celle-ci, découverte par Muller sur des branches desséchées de hêtre, est remarquable entre toutes. Il est seulement dommage qu'elle soit si petite et presque invisible. Elle a quatre tours de spire, ayant au centre des stries saillantes terminées par des épines. La coquille est d'un gris cendré. L'ouverture est presque arrondie. L'ombilic est petit. Cette espèce est rare. »
GMELIN 1789 (Syst. Nat. éd. 13; i, 6, p. 3638) adopte l'appellation spécifique de Muller, dont il ne fait que reproduire la diagnose et tronquer la description. Sur les branches sèches du hêtre, en Danemarck; rare.
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MONTAGU 1803 (Test. Brit. I, p. 429, pl. 2, fig. 10; Hel. spinulosa) après avoir brièvement décrit celte coquille, sous la dénomination nouvelle d'Hetix spinulosa donnée par Lightfoot (Phil.trans. LXXVI, p. 166, pl. 2, fig. 1-5 ; 1786) et qu'ont adoptée la plupart desauteurs anglais, ajoute qu'on la trouve dans les bois, en Angleterre.
MATON et RACKETT 1804 (Trans. Soc. Linn. Lond. VIII p. 17; Hel. spinulosa) après une courte diagnose latine, quelques synonymes , ajoutent : « Trouvée par M. Agnew, près de Bulstrode, comté de Buchs; par M. Montagu à Lackham et à Kingsbridge, comté de Devon; à Spetisburg, comté de Dorset, par le Rév. T. Rackett. »
DRAPARNAUD 1805 (Hist. Moll, p. 82, pl. 7, fig. 10-11), suivant son habitude, donne do cette espèce,, qu'il nomme Helix aculeata, une courte mais excellente descriplion. H a remarqué, ce qui est exact, que l'animal porte sa coquille élevée lorsqu'il marche. Rare, trouvée aux environs d'Arbois.
MATON et RACKETT 1807 (Loc. cit., p. 201) adoptent la dénomination d'Helix spinulosa, donnée par leur compatriote Lightfoot, et décrivent brièvement la coquille en latin. Cette espèce a été trouvée dans le Devonshire, par Montagu, et par eux-mêmes dans le Dorsetshire.
MILLET 1813 (Moll. de Maine-et-Loire, p. 43), donne une bonne description de cette coquille, qu'il nomme Helix aculeata. Il la trouve dans les bois, sous les feuilles tombées à terre, avec l' Helix fulva.
KLEES 1818 (Test. Tubing., p. 24; Hel. aculeata) donne une bonne diagnose de la coquille et de l'animal de cette espèce, qu'il a trouvée parmi des branches mortes de hêtre.
TURTON 1819 (Conch. Dict. Brit., p. 55) conserve à notre mollusque la dénomination d'Hélix spinulosa. Sa description est en anglais. Il le trouve très rarement, sous le bois mort et dans la mousse.
STUDER 1820 (Syst. Verz , p. 13) trouvel'Heftix aculeata à la lisière des bois escarpés, et sur les pentes des coteaux, plus rarement au pied du Jura, en octobre.
NILSSON 1822 (Hist. Moll. Suec, p. 16) conserve à notre espèce le nom qui lui a été imposé par Muller; il décrit l'animal et la coquille avec son tact et sa précision habituels. Ses diagnoses sont des modèles. Voici celle de l'Helix aculeata : « H. testa conico-globosa, umbilicata, fusca, lamellis transversis spiniferis aculeata ; apertura rotunda; peristomate patulo, subreflexo. » — On voit qu'il a examiné l'animal avec soin. « Quand il marche, dit-il, il porte sa coquille de manière à ce qu'on n'aperçoit que ses tentacules. » Rien de plus juste.
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JEFFREYSS 1828 (Moll. of Great Brit. in Trans. Linn. XVI, p. 317 ; Ed. aculeata), après une brève diagnose de l'animal et de son test et quelques citations synonymiques, ajoute : « N'est pas rare dans les taillis, à Newton, près Swansea. L'animal se nourrit de Jungermannia platyphylla. » — Dans le supplément à ce synopsis (Trans. Linn. XVI, 1831, p. 505) le même auteur dit encore : « Dans les bois humides de Devon et de Wiltshire. »
C. PFEIFFER 1828 (Naturg. III, p. 24, pl. 4, fig. 24-25 ; Hel. aculeata) , après une courte diagnose latine et quelques citations historiques, entre dans des détails assez circonstanciés sur l'animal et sur la coquille. Voici ce qu'il dit de celui-là : « Animal blanchâtre; tête, dos et tentacules d'un gris clair; les grands tentacules allongés comparativement aux petits; le pied court, regardant le sommet de la coquille : celle-ci s'avance beaucoup vers les tentacules. Cet animal est vif, éveillé, mais très-craintif ; il se retire dans sa coquille au moindre attouchement. Habite sous les feuilles mortes et les vieux troncs d'arbres. Sur le Koenigsberge, près de Pyrmont, sous les pierres (Menke) ; près de Hofgeismar, dans la Hesse (Sandrock) ; sur le Taunus, près de Francfort (v. Heyden); sur les Alpes bavaroises, jusqu'aux environs de Munich et d'Ausbourg (v. Voith). ». Sa diagnose est bonne aussi : « H. testa conico-globosa, umbilicata, fusca, costis longitudinalibus spiniferis ornata, aperturarotunda. »
Bosc 1830 (Hist. Coq. IV, p. 34), la mentionne avec une très courte diagnose, sous le nom d'Hélix aculeata. Elle se trouve, suivant lui, dans le nord de l'Allemagne, sur les branches du hêtre.
GOUPIL 1835 (Hist. Moll. Sarthe, p. 18), la décrit sous la même dénomination avec exactitude et précision. « Animal blanchâtre, tête et tentacules noirs. Coquille globuleuse-conique, brune, mince, transparente; spire de quatre tours convexes, garnis de lames saillantes portant dans leur milieu une pointe un peu recourbée, suture profonde, sommet obtus, ouverture arrondie, péristome simple, un peu évasé du côté de l'ombilic; celui-ci est peu ouvert. Habite les lieux ombragés, parmi la mousse et les feuilles mortes, etc. »
BOUILLET 1836 (Cat. Moll. Auvergne, p. 26), paraît avoir vu de près l'animal. Voici ce qu'il en dit : « Animal blanchâtre ou gris cendré, plus foncé en dessus qu'en dessous. Tentacules foncés, assez longs; les supérieurs très rapprochés vers la base. Yeux noirs, quelquefois peu apparents, même à la loupe. Il porte sa coquille élevée lorsqu'il marche. Plutôt commune que rare dans les bois de la chaîne des montagnes du Puy-de-Dôme. » Il l'appelle Helix aculeata.
DE CHARPENTIER 1837 (Cal. Moll. de la Suisse, p. 10), sans décrire notre espèce, à laquelle il conserve sa dénomination première, an-
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nonce fort judicieusement qu'elle se trouve dans les mousses, aux endroits secs, mais à l'ombre.
DESHAYES 1838 (Anim. s. Vert., éd. 2, VIII, p. 79; Hel. aculeata), reproduit la diagnose latine de Nilsson, qu'il fait suivre de citations historiques et synonymiques; il termine par les remarques suivantes : « Habite les lieux élevés, en France, en Allemagne, et l'Europe septentrionale ; elle se plaît dans les endroits frais et humides, sous les feuilles pourries, dans la mousse, etc. Elle est très facile à reconnaître : elle est subtrochiforme, globuleuse, composée de cinq à six tours étroits et convexes, sur lesquels s'élèvent, à des distances régulières, une strie membraneuse assez saillante, terminée, vers les deux tiers supérieurs des tours, par une pointe courte mais assez aiguë ; à sa base, la coquille est percée d'un ombilic assez large et profond ; l'ouverture est arrondie, le bord est évasé, mais mince et tranchant. »
ROSSMAESSLER 1838 (Iconographie, VIII, p. 38, pl. 39, flg. 536), adopte l'appellation Helix aculeata, donne une phrase diagnostique latine avec les dimensions, cite plusieurs auteurs et quelques synonymes, décrit ensuite en allemand la coquille, puis son habitant, et termine enfin par l'énonciation des contrées où l'on a rencontré ce mollusque, contrées qui se trouvent être les mêmes, ou à peu près, que pour l'Helix fulva, savoir : l'Allemagne, la Hesse, la Suisse, la Suède, le Danemarck, l'Angleterre. « Ce petit animal, dit-il, est très agile, et il balance avec vivacité sa coquille à droite et à gauche, en marchant. J'ai trouvé cette espèce à Tharand , non loin d'Heilsberg, dans des feuilles mortes de peuplier, de saule et de hêtre, sur un sol humide. Elle est difficile à apercevoir, et peut aisément être prise pour la graine de certaines plantes; elle ressemble particulièment beaucoup, au milieu des détritus de plantes qui recouvrent le sol, aux graines du Galium aparine (1). » Son dessin est exact et donne une parfaite idée de notre coquille.
BIVONA fils 1839 (Occhio, Giorn. Palerm., 1839, n° 9, fig. 2), croit voir en celle coquille (on ne sait vraiment pas pourquoi), rencontrée en Sicile, une espèce nouvelle. Il la décrit sous le nom d'Hélix Granalelli dans un journal de Palerme, et en donne une assez pauvre figure.
MAUDUYT 1839 (Tabl. Moll. Vienn., p. 55), décrit fort exactement celle Hélice, qu'il nomme Hel. aculeata,- je remarque seulement dans
(1) Le contraire arrive quelquefois, c'est-à-dire que l'on peut prendre les graines de certaines plantes pour des coquilles microscopiques. J'ai déjà plus d'une fois éprouvé ce désappointement.
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sa description ce mol : « ombilic grand, un peu évasé, » qui ferait penser que les spécimens de la Vienne sont plus largement ombiliqués qu'ailleurs. Il ajoute : « Les lames dont cette coquille est hérissée ne sont point épidermiques; mais, comme je m'en suis assuré, elles tiennent à la matière même de la coquille. » Cette observation est juste; elle a été confirmée, quoi qu'en disent quelques auteurs.
A. GRAS 1840 (Moll. de l'Isère; Append., p. 5; Hel. aculeala), décrit notre coquille, et indique les environs d'Arbois comme son habitat, sans doute d'après Draparnaud. Il ne l'a pas vue dans l'Isère.
GRAY 1840 (Turtorïs Manual, édit. 2, p. 149, pl. 4, fig. 33; Hel. aculeata), après avoir donné la diagnose de la coquille et quelques indications synonymiques, entre dans quelques détails descriptifs au sujet de cette même coquille, qui se trouve, dit-il, dans les bois, sous les feuilles et les pierres. « Suivant les observations de M. Jeffreyss, ajoute-t-il, cet animal se nourrit des feuilles du Jungermannia platyphylla. Son aréa est fort étendu, puisqu'on l'a trouvé jusqu'au nord de la Suède. » La figure qu'il en donne n'est pas mauvaise.
DUPUY (l'abbé) 1843 (Ess. Moll. du Gers, p. 15 ; Hel. aculeata), après avoir brièvement décrit celle espèce, lui donne pour station les bois monlueux, sous les pierres, les troncs d'arbres, et pour habitat le bois d'Auch et Beaulieu, où elle est extrêmement rare.
MACGILLIVRAY 1844 (Moll. of Scoll., p. 86; Hel. aculeala), se contente d'une courte mais suffisante description du test, trouvé, dit-il, par M. Dickie, botaniste distingué, in the Den of Rubislaw ; il termine par une courte synonymie.
MORELET 1845 (Moll. Portug. p 72; Hel. aculeata), annonce que celle espèce est très commune dans la province de Tras-os-Montes. Plus au midi, dans la Serra-d'Arrabida, avec les cils fort allongés, caractère particulier aux échantillons portugais.
BROWN 1845 (Illustr. conch., p. 68, pl. 7, fig. 22), la décrit assez au long sous le nom d'Hel. aculeata ; sa description est précédée d'une synonymie détaillée, et suivie de l'indication des localités nombreuses où elle a été signalée en Angleterre, en Ecosse et en Irlande. Habile de préférence les bois et lus lieux sombres, sous les pierres et les feuilles.
STABILE (l'abbé) 1845 (Conch. Lugan., p. 32; Hel aculeata), l'a trouvée aux environs de Lugano (canton du Tessin, en Suisse), sous les pierres roulées et polies, jamais sous les pierres schisteuses. « Comme chez l' Hel. ciliata, ajoute-t-il, les épines tombent après la mort de l'animal. Elle est plus abondante en mai, tandis que les Hel. obvoluta et ciliata sont plus communes en septembre. On ne l'a pas encore rencontrée en Lombardie. Assez répandue dans la petite
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vallée de Loreto, en compagnie des Drepanostoma nautiliformen Pupa Ferrari, etc.»
KUSTER 1846 (Chemn. Conch., édit. 2, II, p. 209; pl. 33, fig. 11-12), la nomme aussiHel. aculeata; il donne une diagnose latine bien faite, une synonymie détaillée et assez complète; il termine par une description allemande et par les remarques suivantes : « Animal bleu cendré clair, visqueux ; tentacules et région dorsale un peu noirâtres; organes locomoteurs courts....»
PHILIPPI 1847 (Moll. Sicil, n, p. 107; Hel. aculeata), après l'indication de quelques synonymes, dit que cette coquille a été découverte près de Panorme, en Sicile, par Andr. Bivona fils. Il copie la diagnose de Rossmaessler.
L. PFEIFFER 1847 (Monogr.Helic. viv., I,p. 50;Hel. aculeata), parmi les quelques diagnoses bien faites que j'ai citées, a sa place assurée. Voici sa phrase : « T. perforata, pusilla, globoso-turbinata, corneolutescens, lamellicoslis : costis in cilias elongatis; anfr. 4 convexi; apertura rotundata; perist. membranaceum, subexpansum, marginibus approximatis. » Suivent les diagnoses et l'habitat. Il place cette espèce entre l' Hel. Gundlachi, L. PL, et l'Hel. lamellata, Jeffr.
PUTON 1847 (Moll. Vosg., p. 30; Hel. aculeata), donne une courte mais précise description ; il cite des localités de la Meuse, de la Meurthe et du Bas-Rhin, mais il n'en indique aucune du département des Vosges, où il ne l'avait pas encore vue; depuis, je la lui ai montrée non loin de Remiremont, sur les hauteurs, appliquée contre un rocher dénudé.
GASSIES 1849 (Moll. Agen., p. 80; Hel. aculeata), donne une bonne description de noire espèce, qu'il trouve dans l'Agenais, sous les feuilles, les pierres et dans le tronc des arbres des bois montueux; très rare. Il fait remarquer avec raison que celle très petite coquille est une des plus gracieubes du genre.
STEIN 1850 (Schneck. Berl., p. 41; Hel. aculeata), décrit celte coquille en latin et en allemand, d'après L. Pfeiffer, énumère les synonymes et dit qu'il l'a trouvée en petite quantité dans le Briesclang, près de Berlin. Il a remarqué que sur les vieux individus les épines disparaissent.
SPEYER 1850 (Moll. de Hanau, p. 50; Hel. aculeata), après une courte synonymie, annonce qu'elle habile le mont Taunus, près du château de Falkenslein. Il l'a trouvée sub-fossile dans le tuf calcaire d'Ahlersbach.
ALBERS 1850 (Helic. geordn., p. 73), tout en adoptant, pour l'y placer, le sous-genre Acanthinula de Beck (Verh. vers. Naturf. in Kiel, 1846, p. 122), laisse à notre espèce le nom d'Hélix aculeata. « Cette
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espèce, dit-il, est très répandue en Allemagne, en Angleterre, en France, en Espagne (Graells ne le dit pas), en Suisse et en Italie. Elle vit dans les bois, dans les endroits humides, sous la mousse et les feuilles mortes.»
BOLL 1851 (Schneck. Mecklemb., p. 15; Hel. aculeata), présente la répartition suivante de cette Hélice en Allemagne :
Allemagne septentrionale : Mecklembourg-Holslein, Rngen, Berlin, Poméranie.
Allemagne centrale : Wurtemberg, Harz, Prusse-Rhénane, Nassau, Silésie, Bavière.
Allemagne méridionale : Autriche, Carniole, Alpes bavaroises.
Il dit aussi : « Rare dans le Mecklembourg ; remarquable par sa petitesse. Se trouve à Schwerin, dans le Zippendorf, dans les bois de Steinfeld et de Fridrichsthaler, et aussi à Schelfunder, sur le sol riche en humus, parmi les ruines des vieilles églises, aux environs de Woldegk. Elle abonde à Stubnitz, sous le feuillage, dans les endroits frais et ombragés. »
FORBES et HANLEY 1851 (Hist. of Brit. Moll., IV, p. 74 ; Hel. aculeata), après une courte diagnose et quelques synonymes, entrent dans de plus amples détails dans la description de la coquille. Il est à remarquer qu'ils indiquent une dent à l'intérieur du péristome, dans les individus très âgés. « L'animal est bleuâtre ou gris-verdâtre, plus foncé à la tête et sur le cou. De toutes nos petites espèces, celleci est la plus singulière et la plus belle. Elle vit au milieu de la mousse, dans les bois, et a une distribution géographique fort étendue dans les Iles Britanniques.»
KUSTER 1852 (Moll. Bamb., p. 46; Hel. aculeata), a trouvé quelques exemplaires morts de celle espèce, toujours rare, au pied d'une haie, dans une prairie des environs de Bamberg.
SCHOLTZ 1853 (Schles. Moll. Suppl., p. 5 ; Hel. aculeata), donne une courte diagnose du test, d'après Rossmoessler, et décrit ainsi l'animal : « Animal gris-clair bleuâtre, visqueux; le dos et les tentacules un peu plus foncés; extrémité du pied très courte. Cet animal est très vif, et en marchant il agite sa coquille avec beaucoup de légèreté. Habile les lieux humides, sous les feuilles mortes et les débris des végétaux. Appartient aussi bien aux plaines qu'aux montagnes. Trouvé sur le Langenberge, entre Donnerau et le Hornschloss, près de Charlottenbrunn, sous des feuilles de hêtre et des débris d'écorces. Trouvé encore sur le Fuchsberg, près de Schwoitsch; près de Breslau, sous des feuilles de chêne en décomposition.»
BAUDON 1853 (Descript. Moll. de l'Oise, in : Mém. Soc. Acad., II, p. 288; Hel. aculeata), donne de cette espèce, comme de toutes celles
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qu'il a dépeintes, une excellente description. On regrette seulement qu'il ne se soit pas davantage étendu sur les moeurs et les habitudes de ce mollusque, sur les localités qu'il hante, sur les sites qu'il préfère, surtout quand on a lu ses articles Vitrina pellucida. Helix lapicida, Helix fulva, Helix incarnata, Helix costulata, Hélix candidula, Helix ericetorum, et plusieurs autres, qui donnent la mesure de son talent d'observation. Il serait à désirer que cet auteur eût des imitateurs. Il décrit ainsi l'animal : « Très petit, délicat, tentacules supérieurs très longs et déliés, les inférieurs tuberculeux; pied mince, aigu postérieurement et blanchâtre en dessous; partie antérieure du corps, dessus du cou, ayant une coloration grise assez foncée, qui disparaît peu à peu sur les côtés; ces parties sont demi-transparentes.» Et plus loin, parlant de ses moeurs : « Nous pouvons ranger l'Hélice à aiguillons parmi nos espèces rares. Non-seulement elle se trouve difficilement chez nous, mais aussi elle n'est pas fort commune dans les autres parties de la France. Elle se tient sous les pierres humides, dans les bois sombres situés sur des coteaux élevés. Elle n'apparaît guère pendant les grandes chaleurs ; on la voit mieux vers le printemps, à la fin de l'automne, et quelquefois encore pendant plusieurs mois de l'hiver. J'ai recueilli celle espèce en décembre, aux places les plus élevées de la garenne d'Hondainville, sous des fragments de roche quartzeuse épars au-dessous des sapins. J'en trouvai un seul individu à Morainval, sur un rocher, dans les bois. »
Enfin MOQUIN - TANDON 1855 (Hist. Moll. II., p. 189, pl. 15, fig. 5-9; Hel. aculeata) adopte, pour y placer solitairement notre espèce, le sous-genre Fruticicola (Held, in Isis 1837, p. 914). Après en avoir donné la synonymie, il passe à la description de l'animal, description qui est aussi détaillée et aussi achevée que possible. Désespérant, non seulement de rien faire de mieux mais de faire aussi bien, j'ai pris le parti de m'en emparer, et c'est elle que j'ai reproduite plus haut. La coquille est également fort bien décrite. « Habile presque toute la France, dit l'auteur, vil dans les bois, dans les endroits frais et humides, sous les feuilles mortes, les mousses, particulièrement sous le Neckera viticulosa Hedw. Les tentacules et les lobes labiaux sont remarquables par leur développement. Le mufle est au contraire très-petit et surtout fort étroit. Les lamelles de la coquille sont épidermiques (?) et s'effacent avec la plus grande facilité. Examinée à une forte loupe, on découvre des stries longitudinales extrêmement fines et très serrées. » Celle dernière remarque est juste : je l'ai faite également en observant l'Hel. aculeata au microscope.
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Voilà tout ce que j'ai réuni sur l'histoire de notre Hélice. Si on lui connaissait quelqu'usage ou quelque propriété, ce serait ici le lieu d'en faire mention. Mais un si petit animal échappe à l'industrie do l'homme : la Nature seule lui donne un emploi, secret pour nous, qu'il remplit constamment et invariablement.
VII. EXPLICATION DE LA PLANCHE.
Le premier dessin que l'on connaisse de l'Helix aculeata appartient à Muller, qui le premier aussi fit connaître l'espèce. Dès 1774, il l'a figurée dans le journal allemand le Naturforscher (Le Naturaliste) tome XIX, planche 2e, figures 1, 2, 3. Je n'ai pas vu celle planche.
Depuis, cette espèce a été maintes fois représentée : en Angleterre, par Pennant, Da Costa, Lightfoot, Montagu, Dorset, Turton, Brown, Wood, Gray, Forbes et Hanley...; en France, par Draparnaud, Dupuy, Moquin-Tandon; en Allemagne, par Chemnitz, v. Alten, C. Pfeiffer, Rossmaessler, Kuster, et quelques autres; en Italie, par Bivona, etc. Les meilleurs dessins sont, à ma connaissance, ceux de Chemnitz, de Wood, de Gray, de Brown, de Rossmaessler, de Draparnaud et de Dupuy.
La planche ci-jointe est due au crayon et au pinceau de M. le Dr Baudon (de Mouy-de-l'Oise), à qui j'adresse mes félicitations et mes remerciemens bien sincères. Cet excellent ami, amateur passionné de conchyliologie, est déjà bien connu des savants pour son rare talent d'observation et pour la délicatesse de son pinceau. J'ai vu tous les mollusques de l'Oise, dessinés et peints par lui : il est impossible de rien voir de plus fidèle, de plus fini, de plus parfait. Notre planche représente l'Hélix aculeata sous plusieurs aspects, savoir :
Figure 1re. Coquille de face, grossie.
Figure 2e. Idem, grandeur naturelle.
Figure 3e. Coquille vue par le dos, grossie.
Figure 4°. Coquille en dessous, grossie.
Figure 5e. Coquille en dessus, grossie.
Figure 6e. Animal en marche et coquille grossis.
Figure 7e. Fragment de coquille très-grossi, pour mieux faire voir les côtes ou lamelles épineuses.
Et sic Helicem aculeatam pro modulo ingenii nostri descripsimus, descriptam edimus, editam vero majorem in modum benevolo lectori commendamus.
HENRI DROUET.
CONSIDÉRATIONS
SUR
QUELQUES POINTS D'ÉCONOMIE RURALE
ET SUR LES CAUSES QUI ACCELERENT OU RETARDENT LE PROGRÈS AGRICOLE.
I.
En l'année 1842, sur l'invitation de quelques-uns de mes confrères, je publiai un Traité d'agriculture pratique à l'usage des agriculteurs et des propriétaires de Maine-et-Loire. Le public accueillit favorablement ce petit ouvrage ; celte marque d'honorable bienveillance devait m'encourager à recueillir avec soin et à faire connaître, lorsque je croirais le moment arrivé, les nouvelles observations et les résultats utiles qui se présenteraient dans la suite de mes travaux. Aujourd'hui je viens accomplir cette tâche.
Déjà, à celte époque, l'importation du bétail à courtes cornes de la race anglaise, dite de Durham, avait commencé; le Gouvernement avait placé quelques taureaux de celle race dans les fermes-écoles; un de ces animaux fut envoyé dans notre département, à la ferme de la Porte, située dans l'arrondissement de Baugé. Je fus des premiers à me procurer quelques-uns de ses produits, désireux de juger et d'apprécier par moi-même s'ils étaient doués des qualités éminentes dont on parlait, et s'ils réaliseraient mes espérances. Je ne négligeai aucun soin pendant leur élevage, et lorsqu'ils furent arrivés à l'âge où ils pouvaient rendre quelques services, j'ordonnai de
les lier et de, les faire travailler pendant quelques heures afin de les dresser. Je m'aperçus bientôt que leur conformation ne leur permettait pas, à beaucoup près, de résister au travail aussi longtemps que les autres animaux dont je faisais usage, surtout ceux des races nantaise et poitevine; je renonçai de suite à leur demander ce qu'ils ne pouvaient me donner, et me contentai de les élever pour en faire des bêtes uniquement destinées à l'engraissement. Je tins note exacte des dépenses de toute sorte qu'exigèrent les animaux mis à l'engrais, jusqu'au moment où je les envoyai sur le marché. J'avais également et en même temps mis au même régime deux animaux de race poitevine, et je ne fus pas peu surpris de voir, après la vente des uns et des autres, que la balance était en faveur de ces derniers. Cette différence venait surtout de ce qu'ils m'avaient coûté beaucoup moins lorsque je les achetai. Cette première expérience me refroidit à l'égard de celte race étrangère si vantée encore aujourd'hui par un grand nombre d'éleveurs. Ce n'est pas cependant que je n'aie prêté la plus grande attention aux éloges et aux écrits de ses partisans. J'ai lu, je crois, en grande partie tout ce qui a été dit à leur sujet. Je connais leur conformation, je l'ai étudiée ; je sais, à n'en pas douter, qu'elle réunit au plus haut degré les caractères propres à un engraissement prompt et facile; mais l'expérience m'a aussi enseigné qu'elle exige beaucoup de soins et d'attention, et qu'elle a besoin de recevoir une nourriture riche et abondante si l'on ne veut pas qu'elle dégénère et si l'on désire qu'elle se maintienne dans un parfait état d'embonpoint, et je n'ai pas cessé de partager l'opinion des cultivateurs qui pensent que cette race doit être élevée dans les contrées de riche culture, là où les plantes fourragères et surtout les prairies sont d'excellente qualité et où l'on croit généralement que les chevaux doivent remplacer avantageusement les boeufs dans le travail des champs, croyance d'ailleurs que je ne puis encore partager. Au reste, celle dernière raison n'est pas la seule qui m'ait fait renoncer à la race anglaise; d'abord, les vaches de celte race, tout le monde en convient, coûtent beaucoup plus et ne sont assurément pas les meilleures laitières; la quantité et la qualité de leur beurre ne sont point supérieures à celles des vaches nantaises ou poitevines. D'un autre côté, comme une exploitation agricole est une véritable fabrique dont toutes les parties sont étroitement liées et qu'il convient de les maintenir en parfait équilibre si l'on veut arriver au succès, je tiens pour maxime qu'il faut éviter de trop sacrifier aux unes dans la juste crainte de nuire aux autres. De même que le manufacturier, le cultivateur doit toujours avoir l'oeil ouvert sur le produit net de son entreprise. Au premier aperçu, il arrive quelquefois qu'une branche de
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son industrie lui semble magnifique; soumis au calcul, l'ensemble de ses opérations lui démontre qu'il a cependant fait une fausse application de ses capitaux. Ses étables pourront être garnies de superbes durhams, d'admirables porcs du Yorksbire; mais à quel prix les a-t-il achetés, que lui coûtent-ils à nourrir, à entretenir dans cet étal de splendide embonpoint? puis, en fin de compte, quel sera le prix de la vente, non pas dans les concours de bestiaux, mais sur les marchés, aux foires de son pays? Car c'est là et là seulement que dans les offres de l'acheteur se trouve la véritable mesure de la valeur des productions de l'agriculture. Je ne sais, mais je doute extrêmement qu'il y rencontre la récompense de ses sacrifices.
Dans les premiers temps des concours d'animaux gras, je me rendis à Poissy, où j'eus le plaisir de rencontrer un de nos agronomes les plus distingués, un de ces hommes mûris par l'expérience, sur lesquels l'illusion ne peut mordre, et dont l'opinion se base sur le calcul et de rigoureuses observations; c'était M. Dailly, ancien maître de poste de Paris, propriétaire d'une très grande et belle ferme située à Trape, près Versailles, et dont il dirigeait l'exploitation. « Tous ces animaux, me dit-il après qu'il les eut passés en revue, sont vraiment fort beaux; ils sont arrivés à un degré d'engraissement rare ; je les admire. Mais avant de me décider (il avait, je crois, refusé de faire partie du jury), si j'étais de la Commission, je voudrais que l'on me fît connaître le prix de revient de chaque animal. Je voudrais non-seulement savoir son prix d'achat, s'il a été acheté, mais encore ce qu'il a fallu débourser ou dépenser en soins et en nourriture de toute sorte pour l'élever et le conduire au point où je le vois aujourd'hui. Sans cela, je vous le demande, à quelle fin celle exhibition, s'ils coûtent plus qu'on ne doit les vendre sur nos marchés dans les circonstances ordinaires? Pourquoi faire naître dans l'esprit des éleveurs de périlleuses illusions? Convient-il même d'exciter le zèle en éveillant l'amour-propre entre gens qui peuvent s'imposer des sacrifices, s'il ne doit en résulter aucun avantage sérieux pour l'agriculture? Quel homme sage, quel père de famille prudent, quel cultivateur raisonnable et tant soit peu avisé voudra tenter des essais sur de simples apparences, uniquement dans la perspective fort chanceuse de recevoir une prime? Oui, tant que les concurrents ne seront, pas obligés de produire aux Commissions les éléments indispensables pour apprécier le prix de revient de leurs animaux, tous ces concours ne pourront offrir de résultais positifs et concluants; ils seront tout au plus, pour notre bétail à cornes, ce que le turf a été et sera pour la race chevaline ; on en parlera, ils seront l'occasion de beaux discours, de magnifiques comptes-rendus,
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mais rien de plus. Enfin, le dirai-je, je crains même que certains enthousiastes n'arrivent à compromettre quelques-unes de nos belles et bonnes races, en prêchant, en vantant sur tous les tons leur croisement avec les durhams. Et si nous revenons de notre erreur, ce sera quand le mal aura grandi; car, vous le savez, nous autres Français, nous allons toujours d'un extrême à l'autre avec une déplorable rapidité. Souvent on cite l'exemple des Bakwell et des Collings, habiles éleveurs anglais qui, après de nombreux essais, de laborieuses et ruineuses expériences, sont parvenus à obtenir de magnifiques produits qu'ils ont vendus à des prix incroyables. Cependant, si beaux qu'ils fussent, devaient-ils espérer un si haut prix? Oui, dit-on, ils pouvaient compter sur la passion et l'enthousiasme de leurs riches compatriotes. Soit; ils en ont profilé, et certes ils en avaient bien le droit. Mais attendez; souvent la passion nous empêche de considérer les choses sous leur véritable aspect ; en Angleterre, comme ailleurs, l'engouement est passager. Cette fureur se calmera, soyez-en sûr, lorsqu'on sera revenu à une plus juste appréciation des faits. »
Ces observations, ces craintes de la part de cet habile et judicieux observateur, dont les lumières et l'expérience étaient connues et généralement appréciées, me frappèrent; elles sont restées gravées dans mon souvenir, et malgré la continuation de ces concours, elles me paraissent encore vraies et fondées.
Je le dis donc, et, comme on vient de le voir, j'ai pour moi l'opinion de bons juges, les concours d'animaux de boucherie, tels qu'ils sont organisés, l'introduction de la race anglaise, ses croisements avec nos races justement estimées, autres que la mancelle, ne méritent pas d'être encouragés dans notre département. Je vais plus loin, et comme l'habile agronome dont je viens de parler, je les crois compromettants.
Ce que j'ai dit de la race bovine, je le pense également de la race des porcs anglais; je redoute ses croisements avec les nôtres. Nous avons, dans la Mayenne et la majeure partie de notre département, une forte race de porcs qu'il importe d'améliorer encore par ellemême en faisant un bon choix d'animaux reproducteurs; des croisements mal entendus la feront indubitablement dégénérer. Je n'ignore pas ce qu'on a dit en faveur de ces croisements; mais l'éloquence et le zèle infatigable des panégyristes n'ont point ébranlé ma conviction. Aux yeux de bien des éleveurs je passerai sans doute pour un rétrograde, un routinier. J'accepte le reproche ; mais le temps est un grand maître; ici comme en toutes choses il prononcera, et je consens d'ailleurs très volontiers qu'il me donne tort.
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Maintenant, continuerai-je mes réflexions puisées dans une pratique de chaque jour? Pourquoi non. Après l'aveu que je viens de faire, je mérite, je l'espère du moins, quelque indulgence.
Eh bien! j'ose affirmer que depuis la publication de mon petit traité d'agriculture (encore bien qu'il se soit écoulé 13 années, espace de temps qui compte assurément dans la vie d'un homme) j'affirmerai, dis-je, que mes travaux et mes lectures n'ont que faiblement augmenté le fond de mes connaissances précédemment acquises. Cela vient, je le crois, de ce qu'en agriculture plus qu'en toute autre matière, il faut un laps de temps bien long pour que la pratique et la science enrichissent le domaine de l'art de faits et d'expériences dont les avantages soient incontestables et parfaitement démontrés. Nous semblons trop souvent oublier que partout, et dès les temps les plus reculés, cette première des industries a été et dû être le principal sujet des études et des observations d'un grand nombre de bons esprits, et que le nouveau et l'utile ne se rencontrent pas si facilement dans un champ depuis si longtemps et si laborieusement exploré. Je crains même que cette multitude d'écrits sur les diverses parties dont se compose l'art agricole ne jette le trouble dans les esprits trop faciles à se laisser aller à la séduction , trop inexpérimentés pour démêler à temps le vrai du faux contenu dans de nouvelles théories, et ne fassent perdre de vue les principes immuables de cet art. Ce sont les jeunes praticiens qu'il faut surtout mettre en garde contre l'esprit de système et les innovations présentées sous les couleurs les plus séduisantes. Je voudrais qu'ils n'ajoutassent foi aux théories, aux nouveaux procédés, aux améliorations préconisées, qu'après des expériences bien faites et plusieurs fois répétées, et que les essais, qu'ils doivent tenter sans doute, ne s'étendissent sur une échelle de quelque importance qu'au moment où ils agiraient avec la presque certitude de réussir, parce que je suis pénétré de celle vérité qu'on ne saurait trop répéter, qu'il est rare que tout insuccès, toute tentative déjouée, ne fasse pas plus de mal qu'une méthode, un procédé, si bons qu'ils soient, ne peuvent faire de bien.
A côté de quelques esprits graves et consciencieux qui se livrent avec une louable ardeur à la recherche de vérités utiles et qu'ils ne proclament telles qu'après les avoir longtemps expérimentées, et parmi eux la reconnaissance nous fait un devoir de placer en première ligne les habiles chimistes dont les travaux utiles ont pour but d'éclairer la marche du cultivateur, il y a des gens, poussés par un désir immodéré de faire parler d'eux, qui font sonner bien haut l'efficacité de certains procédés qu'ils n'ont pas même eu le temps
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d'étudier et de. vérifier. Ils ne reculent devant aucune crainte; pour eux c'est un jeu, on le dirait du moins, de faire des dupes en s'adressant à des hommes ou trop avides ou trop crédules.
Mais les revers en agriculture ont un retentissement trop prolongé et de trop funestes conséquences pour que les amis de cette industrie ne s'imposent pas le devoir de tenir l'attention éveillée sur les séductions du charlatanisme et surtout d'un enthousiasme irréfléchi d'autant plus dangereux qu'il est sincère. Je le sais cependant et le reconnais avec tout le monde, des améliorations sensibles ont eu lieu depuis quelques années. Les instruments aratoires ont reçu d'utiles perfectionnements; quelques-uns ont été inventés, dont les avantages sont incontestables, et je n'hésite pas à placer an premier rang des nouvelles améliorations le drainage et les irrigations. Leur utilité pour les progrès de l'agriculture est réelle; mais quelque soit d'ailleurs leur degré d'importance, je n'y trouve point encore ce caractère de puissance et d'impulsion, cette source de vie féconde et permanente qui manque à notre grande industrie.
Un cultivateur peut être muni des meilleurs et de tous les instruments nécessaires; il peut avoir assaini, drainé, nettoyé, nivelé ses terres, que s'il n'a pas à sa disposition une quantité suffisante d'engrais, ni le capital en rapport avec son exploitation et les circonstances au sein desquelles il se trouve placé, il n'arrivera jamais au bénéfice, but constant de ses efforts. C'est là le point essentiel, je l'ai dit bien souvent et veux encore le redire. Non, sans la réunion de ces deux éléments indispensables, jamais il ne parviendra à la réalisation de ses espérances. Ce sera en vain qu'il se procurera des animaux de belle race; loin de les améliorer, ils resteront stationnaires s'ils ne dégénèrent dans ses étables. En vain il multipliera les façons données à ses champs; trop faible, il succombera, il se ruinera, et comme lui il laissera sa terre épuisée.
Ici je m'arrête; avant de continuer mes observations je dois faire remarquer que ce qui précède était écrit, lorsqu'en parcourant divers numéros du journal d'Agriculture pratique, je trouvai deux passages auxquels, je l'avoue, je ne m'attendais guère ; mais ils contiennent une sanction si explicite, si positive de mes sentiments, qu'il m'est impossible de ne pas les citer. Voici donc ce que dit, dans le numéro de septembre 1857 de son journal, M. le directeur, en rendant compte d'un concours de bestiaux de la Société d'agriculture d'Ecosse, tenu à Glascow en 1857 :
« Malgré les remarques de notre collaborateur, M. de la Trehon» nais, nous maintenons nos observations relativement à la race » courtes-cornes; elle no prend pas, et elle ne peut pas prendre, ni
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» en Angleterre, ni en Ecosse, ni en Irlande, l'extension que l'on » était tenté de lui attribuer, vu les efforts pour la propager en » France, à l'exclusion de toute autre. La Grande-Brelagne a raison » de vouloir conserver ses herefords. ses devons, ses hayrshires, ses » angus, ses highlanders. Elle ne cherche nullement à croiser tous » ces animaux avec les courtes-cornes. Ces derniers ont incontesta» blement leurs mérites : une grande précocité, d'admirables formes » pour donner de la chair et beaucoup de graisse avec peu de char» pente osseuse ; mais ils ne conviennent que dans des circonstances » spéciales, là où des soins particuliers et une nourriture choisie » peuvent être toujours donnés au bétail. Nous ajouterons qu'il y a » une réaction en Angleterre contre les animaux trop précoces et » trop gras, dont la viande est sans saveur, où le lard domine. Nous « avons entendu dire plus d'une fois à des Anglais que la viande fran» çaise est bien plus succulente que la leur, et qu'ils regretteraient » qu'on se laissât aller à engraisser trop vite et à produire une chair » flasque, noyée dans la graisse et sans goût.»
Enfin, dans le numéro du 5 décembre 1857, M. le directeur, après avoir cité une lettre que lui adresse M. Baudement, rapporteur de la Commission du dernier concours de Poissy, ajoute :
« Ainsi donc, la viande des durhams est bien décidément moins » bonne que celle de plusieurs de nos propres races bovines pures » ou croisées. »
Que penseront de ces critiques, qui me dispensent de tout commentaire, les ardents propagateurs des croisements avec la race courtes-cornes? A vrai dire, je ne m'en inquiète guère.; cependant ils reçoivent là un rude échec, et l'on conviendra qu'elles confirment en tous points les justes prévisions de l'agriculteur français, dont j'ai cité les paroles au commencement de cet article.
Dans le numéro du 5 octobre 1857, du même journal, à l'occasion de la question des engrais liquides, si vivement débattue depuis quelque temps, voici ce qu'un agriculteur Suisse, M. Risler, après avoir montré quelle confiance celle méthode devait inspirer, et signalé les noms de quelques-uns de ses champions, écrit à M. le directeur de ce journal :
« Veuillez remarquer que tous ces Messieurs ne sont pas des agri» culteurs qui vivent de leur métier. M. Mechi (1), par exemple, a « voulu s'amuser de sa ferme et des gens naïfs qui le prennent au » sérieux. Aujourd'hui qu'il est shérif de la cité de Londres, il l'avoue
(1) M. Mechi. riche fabricant de coutellerie, exploite une ferme de 60 hectares à quelques milles de Londres.
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» lui-même, la farce est jouée. L'année dernière, un des meilleurs » cultivateurs Suisses, M. de Gingnès, délégué à l'Exposition d'agri» culture de Chemesford, alla voir M. Mechi, et voici ce qu'il raconte » de sa visite dans son rapport, livre qui intéresserait beaucoup les » agriculteurs français :
« Comme je me plaignais du peu de bétail que contenaient les écuries, » mon guide me demanda : — Vous n'avez donc pas vu la meilleure » vache à lait de la ferme? — Non, lui dis-je; où donc est-elle? » — Dans le magasin de la cité, me répondit-il en souriant. »
« Ainsi donc, aucun exemple sérieux ne peut être cité en faveur » de la liquéfaction des engrais. »
Nous avons cité ce passage de la lettre de M. Risler, non-seulement parce qu'il contient un avis salutaire et vient à l'appui de nos opinions, mais aussi parce que nous y avons trouvé l'arme de la plaisanterie spirituellement employée contre d'indignes manoeuvres qu'il faut avoir le courage de dévoiler.
L'agriculture fixe-t-elle les regards, y trouve-t-on un certain relief, un vernis de citoyen utile, un moyen enfin d'arriver à la popularité, puis aux honneurs qu'elle procure et qu'on ambitionne, on y court. Bientôt on écrit, on parle, on fait parler d'une nouvelle méthode dont on est l'inventeur et dont les effets sont merveilleux.
Les enthousiastes, les simples, les naïfs, comme dit M. Risler, aussitôt d'arriver et de contempler d'un oeil admiratif et d'envie les beaux, les magnifiques produits obtenus par l'application du nouveau procédé. Dans leur aveugle ardeur, ils oublient d'en chercher les véritables raisons; et profondément mystifiés, ils deviennent sans y prendre garde d'excellents mystificateurs, et font des dupes de la meilleure foi du monde; ainsi de proche en proche se propagent en agriculture comme en tout de funestes erreurs. ll ne faudrait pas cependant repousser d'une manière absolue tous les procédés, toutes les nouvelles inventions que chaque jour voit éclore. Car l'histoire de la science nous apprend qu'il y a des hommes qui sans autre appui, sans autre aide que le génie d'observation et de recherches, dont ils sont doués et comme maîtrisés, parviennent à briser le voile et enrichissent le monde d'utiles découvertes dont la science ne se doutait pas, ou croyait impossible; mais dans un temps où le charlatanisme touche effrontément à tout, loin de l'affaiblir il convient de fortifier le sentiment de la défiance.
Mais, dira-t-on, si l'agriculteur , comme vous l'affirmiez tout à l'heure, doit avoir à sa disposition l'engrais nécessaire au succès de son entreprise, comment fera-t-il pour se le procurer? Devra-t-il l'acheter; attendra-t-il le moment où il pourra le recueillir dans ses
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ses étables? Certes, l'objection est sérieuse, et j'en conviens, ici se présente le plus redoutable des écueils; trouver à sa disposition une masse suffisante d'engrais, a toujours été pour les cultivateurs le problème le plus difficile et le plus important à résoudre, et une sorte de cercle vicieux dans lequel ils se voient renfermés. Car de deux choses l'une, ils ont ou n'ont pas le capital suffisant pour acheter l'engrais qui leur manque : dans le premier cas ils ne devront pas balancer à s'imposer cette dépense, et dans le second, ils seront forcés d'attendre, heureux s'ils peuvent arriver avant de succomber au jour où ils se verront possesseurs de ce trésor , de ce dieu de l'agriculture pour parler comme les Flamands, gens fort sensés et cultivateurs consommés. Et cependant, ils ne chercheront pas ailleurs une compensation ce serait une pure et dangereuse illusion. Pour résister aux belles promesses., aux amorces des fabricateurs de nouveaux procédés et de nouvelles recettes, ils se rappelerent les maximes des sages praticiens, amis vrais de leur industrie. « Si tu veux du blé, » fais des prés. Deux hectares bien fumés rapportent plus que quatre » qui ne le sont qu'à demi. Veux-tu améliorer tes races, nourris» les abondamment, car nourriture abondante et variée est presque » synonyme de belle race dans le bon langage agricole. Ne fais de » croisements avec les animaux étrangers que pour corriger les » vices de tes races défectueuses; si lu ne peux t'en procurer d'au» tres dans ton pays, choisis parmi celles dont le temps a consacré » la valeur et l'importance, des reproducteurs bien conformés , afin » d'en obtenir de plus beaux encore. Ne peux-tu te procurer de suite » tout l'engrais dont tu as besoin, saches te résigner et attendre, » et en attendant aies recours à des assolements judicieux ; fais mieux » encore, renonce à soulever un fardeau que tes épaules ne pour» ront porter, ne dédaignes pas trop les conseils et la pratique des » anciens. Pour eux, les prairies étaient le principium en fait de toute » bonne agriculture. Ils avaient créé le mot pratum, dérivé de para» tum, toujours prêt, afin d'exprimer l'importance qu'ils y atta» chaient. L'expérience de chaque jour a confirmé la justesse de » leur vue. »
Toute l'agriculture et ses progrès sont renfermés dans ces principes que le temps et l'expérience ont consacrés. Qu'on y fasse attention, et l'on verra que les pays où l'agriculture est lucrative et progressive, sont ceux où le cultivateur a pu et su réunir dans de bonnes proportions les deux éléments indispensablement nécessaires à la réussite de son entreprise. La Normandie, l'Angleterre, la Belgique, le nord de la France, plus près de nous la Mayenne et la Vendée, ne sont-elles pas les contrées où ces deux
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causes de prospérité se rencontrent plus fréquemment qu'ailleurs? N'est-ce pas là aussi que l'on voit les plus beaux bestiaux, les plus riches rendements en céréales? Si nous quittons ces fertiles régions pour pénétrer dans ces pays où le sol est pauvre et le cultivateur misérable, quelle différence! Partout une agriculture languissante, un sol épuisé, un bétail sans vigueur, rachitique attristent les regards. Que faut-il pour que la scène change, que la fécondité succède à la misère? Il faut une culture fourragère soutenue par les avances d'un capital suffisant. Ah! sans doute, nous nous garderons déconseiller à no- cultivateurs d'y aller, et de leur dire qu'ils trouveront sûrement là une large rémunération de leurs peines et de leurs sacrifices. Non ! Ceux-là seulement qui peuvent disposer d'un capital considérable doivent entreprendre des travaux qui exigent un long temps pour devenir féconds.
Si nous avons dit et montré les dangers auxquels s'exposent les cultivateurs qui prennent des fermes d'une importance au-dessus de leurs moyens, les mêmes observations peuvent encore s'appliquer à plus juste litre à une foule de possesseurs du sol. Combien de personnes, en effet, soit ignorance ou vanité, jalouses du renom de grands propriétaires, préfèrent à l'acquisition d'un domaine en rapport avec leur fortune mobilière, celle d'une grande étendue de terrain qu'elles ne pourront améliorer et qu'elles seront même forcées de négliger faute de ressources suffisantes. Tout entières au sentiment qui les dominent, elles ne savent pas ou elles oublient que l'agriculture est une véritable industrie qui comme toutes les autres a ses conditions de réussite, et que le délenteur du sol ne peut l'être avec avantage et sûreté que s'il comprend et pratique les exigences de sa position. Nous le croyons fermement, la partie la plus importante de l'économie rurale, c'est-à-dire celle qui fait converger toutes les autres vers un résultat commun, l'administration en un mot a été jusqu'ici généralement mal appréciée; il est vrai aussi que pour la bien comprendre, pour avoir une idée claire et nette de son importance, une longue pratique ou une instruction bien dirigée sont absolument nécessaires. A notre sens, ce défaut de connaissance est la source de bien des craintes, d'un grand nombre d'erreurs et aussi de bien des mécomptes.
II.
Parmi les causes qui retardent le plus les progrès de l'agriculture, je viens de citer les fausses théories, les erreurs propagées, soutenues
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et encouragées par l'esprit de système, les tromperies et les honteuses manoeuvres d'un charlatanisme éhonté, et surtout le manque et l'emploi peu judicieux des capitaux; il y en a d'autres, fort graves assurément, qu'il importe de signaler, mais qui disparaîtraient bien vile si nous avions soin de nos propres intérêts, si nous mettions en pratique la maxime souvent invoquée et peu suivie : Aide-loi, le Ciel t'aidera.
Au dernier concours du Comice agricole du canton de Seiches, dont j'ai l'honneur d'être le président, j'adressai comme d'habitude quelques paroles d'encouragement à nos cultivateurs, et je saisis celte occasion pour dire à ceux m'écoutaient : « Si nous voulons » vivre de celle vie indépendante, l'honneur et la dignité de l'homme » ici-bas ; si nous aimons celle liberté sage et vraie qui a toujours » été l'apanage des grandes nations, nous devons modifier nos goûts » et nos penchants. Vous savez, ajoutai-je, que les entreprises agri» coles exigent plus que toutes autres de la persévérance. Si nous ne » pouvons revenir au séjour des champs, si nous ne prenons la ferme » résolution d'encourager par notre concours et notre présence à la » campagne les honorables et utiles travaux de l'agriculture,- eh bien ! » je ne crains pas de l'affirmer, tous nos efforts seront vains, tous » nos voeux seront stériles.
» Ceci m'amène à vous confier une pensée que je nourris depuis » longtemps.
» Nos Comices, sans doute, ont exercé une heureuse influence sur » l'amélioration du sol dans diverses contrées de notre département, » mais les faibles ressources dont ils disposent ne leur permettent » pas d'agir avec toute l'efficacité désirable ; une association fondée » sur une plus large base offrirait le moyen d'atteindre plus sûre» ment et plus vile ce que nous cherchons.
» Animés d'un même sentiment, que les propriétaires de notre » département organisent au chef-lieu une société, un cercle, peu » importe le nom, dans le but d'encourager les progrès de notre art, » au point de vue pratique. Alors, une cotisation personnelle de peu » d'importance pour chacun, offrirait cependant une somme assez » forte pour faire une distribution de primes nombreuses et capables » d'exciter sérieusement l'émulation des cultivateurs; des concours » créés au nom de celle société auraient lieu chaque année, tantôt » sur un point, tantôt sur un autre, et porteraient ainsi d'énergiques » stimulants sur la surface entière de notre territoire.
» Une pareille imitation de ce qui a lieu chez nos voisins ne tarde» rail pas, croyez-le bien, à porter d'heureux fruits.
» je livre ces réflexions» à vos méditations; elles me sont inspirées
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» par le vif intérêt que j'ai loujours porté à la noble industrie dont je » m'honore; puissent-elles vous plaire, servir de texte à vos entre» tiens et devenir la source de fertiles encouragements. »
Ces paroles, je puis le dire, furent accompagnées d'un signe d'assentiment général. Cependant, répondra-t-on à mon appel? Je le désire plus que je ne l'espère.
Quel singulier pays que le nôtre! Voyez, partout des voix s'élèvent en faveur de l'agriculture, partout on dit qu'il est temps, plus que temps de ramener les capitaux et les bras vers les travaux agricoles; puis on ne manque pas de citer l'Angleterre, qu'on nous offre en exemple. Là, dit-on, les grands propriétaires, les riches capitalistes, les fermiers même se font un devoir, un honneur de s'imposer des sacrifices : ceux-ci passent la majeure partie de l'année sur leurs domaines, ils y encouragent de leur bourse et de leur présence les travaux et les essais de tout genre ; des associations s'organisent, et le montant de leurs cotisations s'élève quelquefois à plusieurs mille livres sterling, qu'ils distribuent en primes dans leurs concours. En Angleterre, celui qui se destine à la profession d'agriculteur n'a-t-il pas sous la main les capitaux nécessaires à la marche de son exploitation, il n'hésite point à vendre ses propriétés pour se les procurer. Voilà ce que nous disons, ce que nous approuvons. Quand le feronsnous? Hélas ! je l'ignore, car nous semblons fort douter de nousmêmes. En effet, sentons-nous le besoin d'éveiller le zèle de nos cultivateurs, nous nous adressons à l'Etat; c'est à l'Etat (mot consacré) que nous demandons de l'argent, des instruments, des animaux de race étrangère pour les distribuer aux lauréats des concours. C'est à lui et non à nous que nous avons recours pour remédier à nos perles. Nous le sollicitons de se faire banquier, prêteur de fonds, assureur contre les fléaux de toute sorte qui viennent assaillir l'agriculture; nous voulons le mettre en tout et pour tout en notre lieu et place.
Un fermier a-t-il quelque peu réussi, amassé un petit pécule, il n'a de repos que s'il a placé ses épargnes en achat d'un coin de terre. Il ne comprend pas qu'il lui serait infiniment plus avantageux d'avoir a sa disposition une somme d'argent suffisante pour améliorer ses cultures et parer aux accidents. Il préfère être propriétaire mal aisé que fermier riche faisant bien ses affaires. C'est ainsi que nous imitons l'Angleterre.
Oui, singulier pays que le notre! Jadis, au temps du régime féodal, le seigneur prenait soin, venait au secours des malheureux, veillait à leur subsistance, donnait le taureau banal aux vaches de sa mouvance, et devait en un mot assistance à ses vassaux. Il est vrai qu'en retour ceux-ci devaient la corvée, moudre leur grain au mou-
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lin, et faire cuire leur pain au four du château. Ces exigences, et autres, n'étaient pas toujours, on le pense bien, du goût des sujets; elles excitaient et entretenaient entre le serviteur et le maître des sentiments de haine que le temps grossissait. Enfin 1789 fut l'époque où ils éclatèrent; alors, au nom de l'égalité, de la fraternité et de la liberté humaine, tout ce qui restait encore debout de ce régime fut jeté bas.
Puisque Dieu, disait-on, a donné la liberté aux hommes, c'est assurément pour qu'ils en usent. C'est l'outrager que d'asservir la plus noble de ses créatures. Les peuples ne doivent relever que d'euxmêmes; c'est pour eux et par eux que les affaires publiques doivent être dirigées; ils doivent veiller à leurs propres intérêts, c'est leur droit. Mais bientôt ces principes d'éternelle vérité s'éclipsèrent sous les atrocités et les sophismes des fanatiques et des lâches. Puis ils reparurent plus tard pour disparaître de nouveau ; si bien qu'à cette heure on pourrait se demander si le Gouvernement ou l'Etat, comme on dit, n'est pas appelé à remplir à l'égard de la nation française le même rôle que le seigneur vis-à-vis de ses vassaux. Car, si la similitude n'est pas complète, l'on conviendra du moins qu'il y a nombre de traits qui se rapprochent et se ressemblent. De telle sorte, nous aurions détruit ce qui nous déplaisait en petit, pour le reconstruire en grand. Enfin, grâce à l'absorbante centralisation du pouvoir, l'on pourrait assez justement nous comparer à ces enfants conduits à la lisière, qui sans cesse regardent derrière eux afin de s'assurer si leur bonne n'est pas là toujours prête à maintenir et guider leur démarche.
Où allons-nous donc? Continuerons-nous à prendre l'Etat pour notre directeur en toutes choses; avons-nous renoncé à toute initiative? L'égoïsme, l'insouciance, l'abnégation ont-elles pour longtemps encore paralysé le ressort de la vie publique? Et s'il faut dans ce monde un aliment à l'esprit de l'homme, la génération qui s'avance est-elle condamnée à n'avoir pour mobile de ses actions que la passion du jeu, l'amour et les besoins abrutissants d'un luxe écoeurant ; et l'agriculture ne peut-elle décidément prospérer et grandir que par le concours et l'appui directs de l'Etat? Pourquoi, je le demande, alors chercher des exemples en Angleterre et nous les offrir comme modèles? Ayons le courage d'avouer notre mal, nous aurons au moins le mérite de la bonne foi. Mais quoi! une impulsion secrète, le témoignage de la conscience nous le disent, rien de grand, rien de fécond et de longue durée ne se fait que par le concours et la libre volonté des citoyens. Et puis, il faut tenir compte des faits : les grandes fortunes industrielles et territoriales acquises par beaucoup de personnes sorties de tous les rangs, l'in-
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fluence et la position qu'elles donnent dans le monde, confondront insensiblement dans une même sphère d'action des éléments de nuance différente; ainsi la force des choses, plus puissante que la volonté des hommes, nous ramènera à cet état de liberté justement équilibrée vers lequel aspirent tous les esprits élevés, qui admettent et acceptent les modifications profondes que le temps et des révolulions successives apportent toujours dans la constitution originelle des sociétés (1). Soyons justes aussi, reconnaissons que dans ces derniers temps, M. le Ministre de l'agriculture a pris une excellente mesure, lorsqu'il a créé de larges primes pour les exploitations les mieux dirigées; cet encouragement est assurément bien entendu.
III.
Profondément convaincu que la vérité est le meilleur des arguments en faveur d'une cause que l'on veut servir et défendre, je dois encore appeler l'attention sur des exagérations, des croyances erronées mises en avant par des théoriciens amis dévoués, je veux le croire, mais amis imprudents ou peu éclairés, et en tout cas fort dangereux.
Depuis quelque temps, j'ai souvent lu, dans deux nouveaux journaux consacrés à la défense des intérêts agricoles, des articles où Fauteur affirmait que l'industrie agricole offrait, de même que toutes les autres, les moyens d'arriver facilement à la richesse. Pour l'auteur, l'agriculture était une source de profils sûrs et magnifiques. Ces affirmations m'étonnaient, me faisaient sourire et ne m'alarmaient pas. Mais je n'ai pu me contenir lorsque, il y H peu de jours, j'y trouvai la phrase suivante. Je la copie ;
« On compte les enrichis peu nombreux relativement de la finance » et de la Bourse qui ont recolté des millions ; mais il serait difficile » de compter, tant ils sont nombreux, les enrichis de l'agriculture » qui, de 1853 à 1857, ont bénéficié par dizaines ou par centaines de » mille francs; ce sont choses notoires, incontestables. »
(1) Je ne désespère donc point. Non, je ne ferai point à mon pays l'injure de le comparer à ces contrées déchues où rien ne se pratique que. sous le contrôle, et, par les ordres d'un maître. Dieu merci, il n'est pas à ce degré d'abaissement et de décadence ; toutefois, il n'est peut-être pas inutile de rappeler que partout et toujours les mêmes causes produisent les mêmes effets.
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Par dizaines de mille, oui, cela est possible ; mais par centaines de mille francs, oh ! assurément cela est fort peu notoire et très contestable, à moins qu'on ne veuille attribuer à l'industrie agricole les bénéfices d'autres industries, telles que les distilleries et les sucreries de betteraves, dont la plupart sont au compte et dirigées par des propriétaires faisant valoir leurs domaines ou des terres affermées. Mais nous contesterons ce chiffre si l'on prétend l'appliquer à l'industrie purement et simplement agricole, et nous dirons : voilà de l'exagération propre à engendrer de funestes illusions.
Non, il n'est pas si facile d'arriver, et surtout si promptement, à la réalisation de grands bénéfices en agriculture que dans une foule d'autres industries. La raison en est simple et facile à donner.
Nous prendrons un exemple pour mieux nous faire comprendre, pour mettre à même de mieux apprécier l'exagération de ces paroles, la justesse ou l'erreur de nos convictions ; car, avant tout, c'est la vérité que nous cherchons et voulons établir.
Supposons donc qu'un cultivateur a pris à ferme un domaine de 200 hectares (nous prenons celte contenance parce que nous croyons qu'elle est la limite au-delà de laquelle on ne peut exercer une salutaire surveillance). Nous admettons que le sol de ces 200 hectares est de différente nature, d'une exploitation facile cependant et d'un rendement moyen, et enfin susceptible d'être loué 70 fr. l'hectare, nets d'impôts.
Voyons maintenant quelles seront les dépenses de ce cultivateur pour les frais de toute nature, y compris le paiement du fermage.
L'exploitation de 200 hectares exige au moins 4 charrues attelées de 4 à 6 boeufs chaque, 6 à 8 herses, 2 à 3 rouleaux, 1 machine à battre, 1 ou 2 tarares, 2 charrettes à boeufs, 2 à cheval, 5 chariots, un nombre de vaches et d'élèves de bêtes-à cornes qui ne peut s'élever à moins de 60 têtes, 4 à 5 chevaux, une dizaine de porcs dont 4 à 5 truies portières. Tel sera, à peu de chose près, le cheptel qu'il devra posséder s'il veut être dans de bonnes conditions. Récapitulons et voyons le prix de ces divers objets, afin de nous rendre compte du capital engagé, et sur lequel nous prélèverons un intérêt de 10 pour cent.
4 Charrues, à 60 fr. l'une 240
24 Boeufs, à 600 fr. la paire 7,200
8 Herses, à 30 fr. l'une 240
2 Rouleaux en bois, à 20 fr. l'un 40
A reporter 7,720
13
194
Report 7,720
1 Machine à battre, avec ses accessoires 720
2 Tarares, à 40 fr. l'un 80
2 Charrettes à boeufs, à 300 fr. l'une 600
2 Id. à cheval, à 300 fr. l'une 600
5 Chariots id. à 200 fr. l'un 1,000
60 Têtes de gros bétail à cornes, à 200 fr. l'une 12.00P
10 Porcs, à 60 fr. l'un ■... 600
5 Chevaux de 500 fr. chaque 2,500
Total 25,820
DÉPENSE ANNUELLE.
Intérêts à 10 pour cent de 25,820 fr., capital engagé dans les objets
détaillés au compte précédent 2,582 »
Domestiques. — 4 Filles de basse-cour, à 130 fr. de
gages chacune 520 »
— 2 Teneurs de charrue, à 200 fr ... 400 »
— 2 Bouviers ou conducteurs, id.... 400 »
— 2 Valets de bras, à 200 fr 400 »
— 1 Roulier, à 200 fr 200 »
— 1 Cuisinière, à 150 fr 150 »
Dans le cours de l'année, un certain nombre de journaliers pour le binage des plantes sarclées, le fauchage
des foins, et autres travaux d'urgence 700 »
Semences de céréales de toute sorte 3,000 »
Total des frais annuels 8,352 »
non compris le prix de ferme.
Intérêts de cette somme, à 5 pour cent 417 60
Fermage de 200 hectares, à 70 fr. l'un 14,000 »
Total 22,769 60
Voilà donc, si notre compte est exact et basé sur une juste évaluation des choses, une dépense de vingt-deux mille sept cent soivanteneuf francs 60 c. sur laquelle le cultivateur devra compter à peu près chaque année.
Quel sera le rendement, et par conséquent le bénéfice, en supposant que l'opération a été sagement et habilement dirigée, et que tous les produits du sol se vendent à un prix moyen? Examinons.
Admettons que l'assolement de 4 années a été suivi comme étant
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le plus avantageux, et que les 200 hectares ont été ainsi répartis,
savoir, 1re année :
25 Hectares en pommes de terre, choux, navets et fumés.. 25
25 Id. en betteraves, carottes et également fumés... 25 50 Id. en blé, fumés par le cultivateur sortant l'année
précédente 50
25 Id. en avoine, avec trèfle 25
25 Id. en orge, avec trèfle 25
25 Id. en prairies, luzerne et sainfoin 25
25 Id. en trèfle laissé par le précédent cultivateur... 25
Total 200
RENDEMENT MOYEN.
Le rendement moyen de 50 hectares semés en blé peut être évalué à raison de 90 doubles décalitres à l'hectare, soit pour les 50 hectares 4,500 doubles décalitres, qui, au prix moyen de 4 fr. l'un, donnent 18,000 fr.
Le rendement des 25 hectares semés en avoine, à raison de 120 doubles décalitres à l'hectare au prix moyen de 1 fr. 25, donne 4,350 fr.
Le rendement des 25 hectares semés en orge, à raison de 120 doubles décalitres à l'hectare et au prix de 1 fr. 50, donne 3,250 fr.
Nous ne ferons point entrer dans ce compte, les betteraves, les pommes de terre, les carottes, les navets ; il en sera de même du rendement des prairies et des pailles, parce que tous ces produits doivent être absorbés, les uns pour la nourriture, les autres pour la litière des bestiaux.
Observons toutefois que si le rendement de ces dernières cultures a été satisfaisant, les 25 hectares cultivés en betteraves et carottes, auront donné en poids 724,000 kil.
Les pommes de terre, navets et choux 169,000
Les prairies 150,000
Total 1,043,000
Pour être convenablement nourri, chaque animal, boeuf de travail, vache, élève d'un an, devra recevoir par jour 25 kilog., soit betteraves, soit carottes ou navels, avec un mélange de 5 kilog. de foin sec au moins. Or, il y a dans les étables 84 têtes de gros bétail.
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Ils devront donc absorber chaque jour une ration en racines pesant ensemble 2100 kilog., ce qui donne pour les 365 jours de l'année un
poids total de 766,500 kil.
Plus en fourrage sec, 151,200 151,200
Ce qui donne un total en poids de 917,700
Qu'il faut retrancher de 1,043,000kil.
917,700
Restent 26,000
pour la nourriture des porcs et des chevaux. Les chevaux devront en absorber 12,000 au moins. Restera donc enfin pour les porcs et l'engraissement des boeufs, si le cultivateur désirait l'entreprendre, 13,000 kilog. au plus, quantité insuffisante. Mais nous supposerons qu'il a économisé sur la nourriture de son bétail en général, afin de faciliter celte opération.
Il est facile de voir après cet examen ce qu'il peut convertir en argent pour faire face à toutes ses dépenses et payer son fermage. En effet, nous savons, d'une part d'après le compte précédemment établi,que la somme de ses charges s'élève au chiffre de 22,769 fr. 60
5,000
27,769 fr. 60
D'une autre part nous savons également qu'il a récolté en blé une
valeur de 18,000 fr.
En avoine 4,350
Eu orge 3,250
Il pourra avoir en porcs élevés et engraissés une
valeur de 2,400
En bêles à cornes, élèves ou animaux engraissés
une valeur de 3,200
Enfin en élèves de divers âges, une valeur de 2,400
En tout 33,600 fr.
Mais de ces 33,600 fr. montant de la recette, il faut retrancher la valeur du blé, de l'avoine et de l'orge mis en réserve pour les semailles, la nourriture des gens et des animaux, valeur qui ne peut être évaluée, d'après le calcul, à moins de 5,000 fr.
Il lui resterait donc en fin de compte après toutes ses dépenses
soldées 33,600
27,700
Reste 5,900
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Nous avons négligé de faire entrer dans nos calculs le prix de quelques denrées, telles que le beurre, le lait, les oeufs, les poulets, parce que nous n'avions pas fait figurer dans la dépense les mémoires des ouvriers estimant que les uns pouvaient compenser les autres.
Eh bien! nous ne le dissimulerons pas, ce bénéfice de 5,900 fr. après une année passée dans de rudes travaux, paraîtra bien minime, si l'on veut surtout le rapprocher des dizaines, des centaines de mille francs dont on nous parle ; et cependant combien de cultivateurs s'en contenteraient, je n'en sais pas le nombre, mais j'affirme qu'il serait bien grand. En citant ces énormes chiffres, on n'a pas réfléchi que l'industrie agricole n'offre pas la même élasticité que les autres. Le cercle dans lequel un agriculteur peut agir a ses limites. Si habile, si actif qu'on voudra le supposer, jamais il ne pourra étendre convenablement, utilement sa surveillance sur une étendue de 200 à 250 hectares au plus. Or, nous le demandons, n'estil pas moralement impossible que sur une surface de celle étendue l'on puisse se promettre de créer des produits capables d'enrichir un cultivateur en peu de temps? Disons-le donc, et nous dirons plus vrai, ce n'est qu'après plusieurs années de labeur incessant, de sages et constantes économies, qu'il peut espérer parvenir à l'aisance, rarement à la richesse. Nous conviendrons cependant que si l'agriculture, quoique dirigée par des mains habiles et prudentes, offre moins de ces chances heureuses qui mènent rapidement à la fortune, les causes de revers et de ruine rapides y sont moins nombreuses que dans les autres genres d'industrie et nous reconnaîtrons encore que parmi les avantages qu'elle présente, il n'en est pas de plus vrais, de plus sûrs que les améliorations qu'elle apporte aux domaines des propriétaires cultivateurs, lorsque ceux-ci savent en diriger les travaux avec intelligence. Voilà le langage que nous autorisent à tenir trente années passées dans la pratique, et nous nous félicitons d'être arrivé à ce point que les plus séduisantes théories, les plus beltes promesses ne nous imposent plus.
Nous terminons ici la tâche que nous nous étions imposée. En l'accomplissant, nous n'avons eu qu'un seul but, un seul désir : Prémunir contre l'exagération, l'esprit de système et les fausses théories, dégager l'agriculture de ses entraves, accélérer ses progrès, en ramenant dans la voie de la prudence, de la raison et d'une saine pratique des esprits faciles à se laisser aller aux séductions , en engageant les hommes que leur position met à même de faire quelques sacrifices, d'aider les cultivateurs de leurs deniers, et de les encourager par un plus long séjour sur leurs domaines. Nous ne nous
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flattons point d'avoir réussi, nous sommes loin de le croire, nous nous estimerons heureux si l'on veut bien nous tenir compte de notre intention et de nos efforts, et reconnaître que nous avons rétabli sous leur véritable point de vue des faits importants trop souvent dénaturés.
Janvier 1858.
CH. GIRAUD.
DESCRIPTION
DE
DEUX ESPÈCES DE GALLES
TROUVÉES SUR LE QUERCUS PEDUNCULATA.
Les différentes espèces du genre Quercus sont sujettes à porter des excroissances particulières résultant de la piqûre de certains insectes, et qu'on désigne communément sous le nom de galles.
Celles que l'on emploie dans le commerce résultent de la piqûre sur les bourgeons encore jeunes; mais cependant ce n'est pas là la seule partie qui ait été ainsi atteinte; c'est ainsi que l'on trouve des galles sur les rameaux, les pétioles, les nervures des feuilles, tantôt à la partie supérieure de ces organes, tantôt au contraire à la partie inférieure.
Dans quelques circonstances, comme nous avons eu occasion de l'observer, les modifications se présentent sur les racines de l'arbre, ou bien sur les organes de l'inflorescence, particulièrement sur le prolongement de l'axe qui supporte les fleurs.
On peut, dans un certain nombre de plantes, trouver des galles seulement sur un organe quelconque ; mais il arrive souvent aussi que les plantes sont attaquées en même temps sur divers organes ; c'est ce qui se présente dans le fait que nous étudions aujourd'hui, et l'opinion généralement admise est que c'est à des espèces différentes d'insectes qu'il faut reporter les galles produites sur les feuilles ou les organes de la reproduction et sur les racines.
Laissant de côté celte question, sans contredit extrêmement inté-
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ressante, mais qui est plutôt du domaine de l'entomologiste que du botaniste, nous nous occuperons seulement de rechercher quelles modifications ont été apportées à la structure intime du végétal sous l'influence de la piqûre de l'insecte.
Dans le courant de l'été dernier, nous avons reçu du bois de Soudon, près Cheffes (Maine-et-Loire), des galles récoltées sur le Quercus pedunculata, dont le plus grand nombre se trouvait sur l'axe des chatons mâles ; une seule galle, au contraire, avait été récoltée sur les racines de cette plante : c'était un corps fixé à l'une des racines les plus supérieures d'un chêne et presque complètement caché, nous a-t-on dit, par la terre et la mousse (figure 1); son volume, était, à peu de chose près, celui d'une de ces pommes que l'on désigne sous le nom d'api; sa couleur, d'un jaune rougeâtre, rappelait celle d'un orobanche; la surface externe, recouverte d'espèces d'aréoles, imitait très bien celle d'une truffe blanche; mais en pratiquant la coupe, il nous fut facile de reconnaître que nous avions affaire à une galle, car sa partie centrale était creusée d'un nombre assez considérable de petites cavités (fig. 2), une vingtaine environ, renfermant chacune une larve ; la couleur de la galle (suivant la coupe) rappelait très bien celle du Monotropa hypopytis frais, principalement dans la partie intermédiaire aux cellules des larves ; l'intérieur de ces cellules était d'un blanc très pur; chacune de ces cavités semblait former un sphéroïde d'environ quatre à cinq millimètres de diamètre; lorsque nous avons pu étudier la structure de celte galle, elle avait été exposée pendant quelques jours au contact de l'air; aussi sa couleur était beaucoup plus foncée.
Examinée au microscope, cette galle nous a offert des cellules arrondies, volumineuses, remplies d'une matière abondante, à forme peu distincte, mais que la coloration en bleu par l'iode nous a fait reconnaître pour de l'amidon. Les cellules les plus rapprochées des cavités des larves étaient beaucoup plus petites, de forme allongée, assez irrégulières, et semblaient disposées en rayonnant autour de la cavité; elles présentaient une grande adhérence entr'elles.
De la base de la galle partaient quelques faisceaux fibreux qui s'irradiaient de toutes parts dans son tissu, mais qui semblaient abonder surtout dans la région intermédiaire aux cavités des larves et à la périphérie de la galle.
Sur la même plante, on a récolté encore des galles très différentes et portées sur l'axe de l'inflorescence mâle (fig. 3); ce sont des excroissances arrondies, d'un volume peu considérable, variant entre celui d'une lentille et celui d'un fruit de cratoegus, et fixées à l'axe sur une longueur d'environ un centimètre.
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La forme généralement sphérique, lisse, sans aucune rugosité ni villosité, assez régulière, mais quelquefois modifiée par un ou plusieurs sillons cicatriciels, est quelquefois allongée et comme bosselée; mais alors elle est due à la soudure de plusieurs galles entr'elles (fig. 4, 5, 6); quelquefois cette réunion des galles voisines est opérée de telle sorte qu'en examinant le groupe même qu'elles constituent, on reconnaît au premier coup-d'oeil qu'il y eu a plusieurs soudées ensemble.
Il est d'autres cas moins fréquents où il semble qu'on n'a affaire qu'à une galle unique (fig. 4), de forme plus ou moins allongée, présentant quelques irrégularités ou bosselures ; mais rien ne permet, avant d'en avoir opéré la coupe, d'affirmer qu'on ait là une galle unique ou le résultat de l'union intime de plusieurs.
Avant d'aller plus loin, nous observerons que si un grand nombre des inflorescences sont ainsi atteintes par la piqûre de l'insecte, on en trouve au milieu d'elles qui n'offrent aucune altération pathologique.
L'observation nous a démontré que les organes essentiels de la reproduction ne sont point altérés par l'afflux plus considérable des sucs vers la partie lésée, même pour les fleurs qui prennent naissance sur l'axe au point même où la galle s'est formée et qui persistent à sa base, parfaitement conformées.
La couleur de ces galles (du Quercus pedunculata) est d'un jaune verdâtre clair; cependant, certaines d'entre elles sont colorées de rouge vineux sur leur surface.
Quand on opère la coupe d'une de ces galles, on trouve au centre une cavité unique, du diamètre d'un centimètre environ, généralement sphérique, renfermant dans son intérieur une ou moins souvent plusieurs larves, et circonscrites par une couche de tissu plus serré et plus résistant.
La teinte de l'intérieur de ces cellules est généralement d'un blanc verdâtre très pâle ; jamais on ne trouve qu'une seule cavité dans chacune des galles, à moins cependant qu'elles ne soient formées par l'union intime de plusieurs excroissances voisines; dans ce cas, on trouve un nombre de cavités égal à celui des galles soudées. C'est ainsi que dans la figure 7 on trouve deux cavités de dimensions égales et renfermant chacune une larve arrivée à peu près au même degré de développement; dans tous les cas analogues, le plus souvent une légère dépression au niveau de la soudure permet d'indiquer à priori qu'elle existe.
Dans la figure 8, nous avons un exemple de la soudure de trois
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galles ensemble, lesquelles restent distinctes, même à l'extérieur, comme le démontre la figure.
Dans la figure 9, nous avons un exemple de trois galles soudées ensemble, à peu peu près également développées et renfermant des larves parvenues au même degré de développement ; dans ce dernier cas, comme l'indique la figure, les traces extérieures de la réunion de trois excroissances sont très peu apparentes.
Le plus ordinairement, les galles les plus jeunes offrent une résistance plus grande, se rapprochant davantage de celle du bois, tandis qu'au contraire celles qui sont plus volumineuses, qui renferment les larves les plus avancées en âge, ont une consistance charnue et n'offrent qu'une faible résistance à l'instrument tranchant.
En soumettant ces galles à l'examen microscopique, nous avons vu que la surface interne ou épiderme (fig. 10, 11.12) est formée d'un certain nombre de cellules polyédriques, très irrégulières, d'une forme sensiblement subtriangulaire, à parois assez épaisses, ne présentant entre elles aucune lacune, ne laissant pas distinguer trace de stomates de distance en distance, mais répandus sur la surface d'une manière assez irrégulière.
En faisant une coupe transversale à la partie médiane d'une de ces galles, nous voyons vers la partie intérieure une couche formée de cellules épidermiques très aplaties, à parois très épaisses, ne présentant aucune trace de substance intercellulaire et ne laissant rentrer sur aucun point la présence de stomates. La couche épidermique la plus interne se distingue facilement des couches sous-jacentes en ce qu'elle est d'une teinte plus foncée; au-dessous de l'épiderme sont des cellules polyédriques très irrégulières, à parois très minces, et qui vont en diminuant de volume d'une manière assez sensible, depuis une certaine distance de l'épiderme jusqu'à la partie la plus interne; à ce point, et surtout près la couche immédiatement en contact de la cavité interne, les cellules deviennent extrêmement petites, se rapprochent beaucoup de la forme elliptique, et offrent immédiatement au contact de la cavité une couche de cellules quadrilatères très serrées et opérant, chacune d'elles, une saillie dans la cavité, ce qui pourrait expliquer jusqu'à un certain point, son aspect velouté.
Un coupe perpendiculaire , opérée à la partie médiane d'une galle, nous montre l'épiderme constitué d'une manière analogue à ce que nous l'avons vu dans la coupe précédente ; puis au-dessous des cellules à forme très-irrégulière présentant des angles toujours bien marqués, mais affectant d'une manière générale une forme globuleuse ou elliptique.
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C'est vers la partie médiane, intermédiaire à l'épiderme et à la cavité de la larve que les cellules atteignent la plus grande dimension. C'est à ce point également qu'on trouve çà et là quelques faisceaux fibreux et vasculaires qui semblent constitués principalement par des cellules allongées. Dans la partie la plus inférieure de la galle, les cellules deviennent beaucoup moins grandes, ont un diamètre transversal beaucoup moindre, en conservant le même diamètre longitudinal. Elles sont très serrées entre elles, diminuent progressivement de volume et finissent par former un tout compacte de cellules quadrilatères ou arrondies, très nombreuses. Si on a soin de prendre dans cette coupe perpendiculaire, l'axe qui porte ces galles, on voit que dans la partie supérieure de cet axe quelques fibres s'écartent et pénètrent au milieu d'une quantité considérable de cellules arrondies et qui augmentent d'autant plus de volume qu'on s'éloigne davantage du point d'où part l'encroissance.
Si on examine l'axe au point où deux galles voisines sont soudées, on reconnaît parfaitement le point de départ de chacune des deux modifications, chacune d'elles se comportant comme si elle.était seule et la soudure de leurs parties ne se faisant d'une manière nette qu'à une certaine hauteur au-dessus de l'axe florifère.
Sans nous occuper de la détermination des diverses espèces qui ont pu occasionner ces phénomènes de nos galles, nous pouvons indiquer que, par le caractère des larves, on est parfaitement en droit de conclure que ce sont des larves d'insectes hyménoptères, appartenant au genre cynips ou à des genres provenant du genre cynips (fig. 11).
Un des faits qui viendrait à l'appui de ces assertions, en dehors du caractère zoologique des larves, ce serait la formation d'une couche particulière à chacune des cavités tandis que les galles dues à la piqûre d'autres insectes, présentent ordinairement une cavité sans parois propres au milieu de la masse des tissus qui les constituent.
J.-LÉON SOUBEIRAN.
TRIBULATIONS D'UN BOTANISTE
L'heureux temps que celui où nos pères en botanique, les Bastard, les Béclard, les du Plessis, les Davy La Roche, les Guépin, exploraient le pays sous la conduite de Merlet La Boulaye ! C'était l'âge d'or de notre Flore. Je pourrais remonter plus avant dans le passé, alors que Dupetit-Thouars, à son retour des tropiques, voyait pâlir l'éclat de son herbier devant les fleurs de sa patrie; qu'une femme initiait aux mystères de la végétation l'un des trois maîtres de la France ; que le baron de La Richerie consignait le fruit de ses conquêtes dans un manuscrit digne des Bénédictins; que Guettard s'égarait à la recherche de nos cistes sur le chemin de Nevers à Poitiers; qu'enfin l'aîné de tous, Dupaty, s'enivrait de science et d'amour au calice d'une Clandestine!... Mais limitons le passé pour mieux circonscrire les regrets. D'ailleurs ces tentatives isolées et partielles, ces progressives reconnaissances qui sont à l'ère définitive comme les lueurs de l'aube au lever radieux du soleil, n'ont ni la plénitude, ni l'éclat, ni l'ensemble propres à la génération que j'envie. Plus merveilleuses peut-être à raison du caractère aventureux qui les distingue, des illusions charmantes dont nul berceau n'est dénué, des vagues et indécises régions où elles s'exercent, elles échappent d'elles-mêmes à toute comparaison. — Ce n'est pas le moindre de leurs mérites; car si je m'y arrêtais, je ne m'en détacherais plus, étant de ceux qui donneraient pour les pénombres mystérieuses d'une chapelle byzantine ou d'un cloître roman les splendeurs de la période ogivale.... Laissons là nos aïeux et revenons à nos pères.
Quelque positive du reste que soit la date de leur début, ils n'en participent pas moins largement aux bénéfices de l'ère antérieure. Ils avaient derrière eux le vieux passé, cette grande ombre qui n'a rien de commun avec la transformation successive du présent de chacun de nous en ombre et en passé. Un sol inexploré où les pas
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rares des devanciers laissaient autant de prestiges que d'empreintes, sol vierge, ou à tout le moins si innocemment cultivé que ses produits, commis à la garde du ciel, n'en altéraient point la nature: ici des landes sans fin, là des fondrières illustrées par l'un des épisodes les plus émouvants de la science; des bois partout debout, des roches intégres, des étangs, des îles tourbeuses et flottantes où les plus intrépides jetaient leur boîte, à l'instar de Condé, avant de s'y précipiter eux-mêmes. — Voilà par où les hommes de mil huit cent et tant confinaient à la création du monde. Ils différaient des autres par les indications premières qui leur déblayaient le champ et leur ouvraient des perspectives à perte de vue dans l'horizon, par les riches inductions que la zoologie naissante faisait foisonner autour d'eux. Ils différaient de nous par l'inappréciable ignorance de ces limites auxquelles il faut s'aheurter tôt ou lard. Ils ne touchaient point le fond. lls procédaient sans s'arrêter avec la liberté opulente et prodigue du moissonneur qui dit : à demain les glaneuses. Ils ne s'essoufflaient point : La vie que nous mesurons au balancier d'une locomotive se mesurait pour eux à la longueur de leurs pas. Le piéton marche dans les siècles ; la brièveté de la vie est une invention de la vapeur. Ajoutez à cela le cachet d'extrême insouciance que l'époque militaire imprimait à la génération; car, sympathie à part, rien n'excelle à calmer les agitations d'un état comme la guerre. Là où l'avenir n'est pas, d'où les préoccupations naîtraient-elles ? — Et quand au soir rentrait la bande gaie comme avril, jeune comme mai, sa gerbe sur le dos, l'oeil tourné vers la ville plus pittoresque encore que les champs qu'elle avait quittés, — c'était à peindre. — Mais à peindre aujourd'hui ; les choses hélas ! ne se voient bien qu'à la dislance d'un demi-siècle.
Quel jeu nous leur faisons, lorsque nous arrivons, haletants, de la poursuite de ces espèces qu'ils cueillaient autrefois sous les batteries de nos remparts. Malheur, trois fois malheur à l'honnête aspirant de Flore qui herboriserait dans la banlieue avec Merlet La Boulaye pour cicerone! Je ne répondrais pas qu'il ne revînt de sa journée plus efflanqué et plus étique qu'une plante pressée entre les feuilles d'un herbier.
Ce fut le point de départ des mystifications d'un pauvre mien ami dont le souvenir ne se réveille jamais on moi sans un léger sourire recouvert d'une profonde tristesse. Un peu à la manière du respectable Chevalier de la Manche qui, la tête farcie de romans de la Table Ronde, rompait une lance avec les muletiers d'une auberge, et menaçait Fier-à-bras entre les aîles d'un moulin, il s'était exalté par l'herbier de feu son grand-oncle au point de chercher encore la Tulipe
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à la Chalouère, la Chlore sur les fourneaux et le Ménianthe à SaintAugustin. Quelle âme candide, quand j'y pense ! Il n'y avait d'égal au miracle de sa persévérance que le prodige de ses déceptions. Au moment où la fantastique Hellébore posait sa griffe sur l'hiver, sa campagne s'ouvrait pour ne se fermer qu'à l'heure où la dernière Colchique s'évanouit à travers les brumes des prairies. Autant de courses, autant d'échecs ; mais contre les réalités de la veille que ne peuvent les éblouissements du lendemain ! Je l'ai vu à peine remis d'un de ses mémorables mécomptes qui sont le tombeau d'une vocation, se redresser plus vivace, et le doigt obstinément fixé sur le théâtre de sa défaite : « C'est égal, disait-il, elle a fleuri, elle fleurira. Pourquoi faillirait-elle là où nos maîtres l'ont cueillie? Il n'est pas réservé à la malice des hommes de prévaloir contre les semences du bon Dieu. » Puis il retournait à la charge seul, et trahi cette fois dans son héroïque constance par ses amis découragés.
Schiller dit quelque part : « Marche, hardi navigateur, et cette île que lu cherches, quand même elle manquerait au monde, naîtra pour loi du sein des flots. » Schiller en a menti. Car si elle existait, celte alliance qu'il proclame entre la volonté et la nature, elle eût infailliblement triomphé, grâce au courage de notre ami, d'un pacte plus réel, des terribles conjurations de la cupidité et de l'industrie. Ni engins, ni clôtures, ni bâtisses, ni défrichements n'y eussent résisté, mon pauvre Théophile! Devant loi l'ingénieur eût brisé ses jalons, le mécanicien, de dépit, se fût fait poète. Ces espèces abolies , couronne antique de notre sol, elles eussent refleuri pour loi entre les pierres du macadam, sous la dent blanche des bestiaux et jusque sous la dent noire des usines.
Oui ! je l'accompagnai à sa première expédition à la recherche de la Tulipe. Nous demandâmes le champ de la Motte. On nous montra une exploitation hérissée de murs et de haies, où des barges de foin disputaient la place à des maisonnettes et à des vergers. Je frappe. Un gros chien vient nous mordre aux jarrets. — « Tulipa sylvestris? » — L'enfant auquel il s'adressait avec une gravité qu'il faut avoir vue pour y croire se réfugia en pleurant dans les bras de sa mère. Nous entrâmes : ce ne fut qu'au bout d'une demi-heure, en butte à la défiance et l'importunité des habitants que nous crûmes découvrir à la cornière d'un fossé quelques méchants cayeux dont trois feuilles au plus survivaient aux ravages de la bêche. De fleur point. — Voilà donc ce qu'il restait de cette virginale Tulipe, à la lige flexueuse, au calice allongé et pointu, et qui est à l'orbèse, lourde, prétentieuse Tulipe de nos parterres ce qu'est l'oiseau du ciel à nos volatiles de basse-cour.
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« Allons, mon cher, patience, nous cueillerons demain le Ménianthe aux carrières de Saint-Augustin. »
Je ne sais si le Ménianthe nous eût parfaitement consolés de l'absence de la Tulipe; mais trois cents hottées de terre, accumulées sur la flaque d'eau où, par une touchante et vénérable tradition, les Flores d'aujourd'hui le mentionnent encore, rendaient la question superflue. A quelques pas de là s'ouvrait une excavation vierge dont l'effet ressortait sur les nivellements d'alentour. D'autres y eussent admiré la délicate ceinture qu'un cercle d'Hottonia formait autour d'une petite île lissée par les entrelacements des Sphagnum. Mais l'Hotlonia court les fossés; et qu'importent d'ailleurs les sveltes filles d'Hottonius à qui cherche les fleurs de la lune ?
(Ici une parenthèse à l'article Hottonia. Avez-vous observé cette hampe étroite et sans fin qui oblique sous les eaux pour se rattacher à la terre par une base fourchue comme le pied de Méphistophelès ? On dirait que cette plante dont la tête relève des cieux tire de l'enfer sa racine. Fermons la parenthèse et retournons au Ménianthe).
Je le cherchai cinq ans ; car je ne puis compter cette pauvre feuille fanée, que la rame du meunier d'Ignerelle sur le Loir fit sauter devant moi par une traversée d'octobre. La première fois que je le vis, — Théophile n'y était plus, — ce fut dans l'un des prés humides qui avoisinent l'étang de Beaucouzé. Là, sur la plus suspecte de ces éminences spongieuses où le pied du botaniste ne se pose guère impunément, il trônait. Ses longs tubes dont une nuance rosée altérait seule la blancheur s'échappaient en thyrses de sa lige trifoliée. Plus loin et à distance, le groupe des Eriophores s'inclinait respectueusement devant lui; on eût dit ses corolles filées avec les touffes soie et argent de leurs quenouilles. D'un bond je me précipitai sur le tertre.... Témérité ! Le Ménianthe se regarde et ne se cueille pas. Gomme j'allongeais la main en répétant que Salomon dans toute sa gloire n'était vêtu que d'oripeaux auprès de lui, je disparus dans l'eau jusqu'à la hanche. — Hâtons-nous de faire savoir à tous nos confrères à venir que grâce aux asséchements d'un propriétaire entendu, le marais de Beaucouzé peut s'explorer à pied sec. Il n'y a plus désormais ni péril ni Ménianthe.
Quand Théophile revint de chercher l'Orchis simia dans les prairies de la Papillaye, j'allai au devant de lui. Je lus son désappointement sur sa face. ll avait constaté l'existence du macula et du morio. Il avait même respiré à la cîme du maculata ce parfum de vanille qui trahit une auguste parenté. Mais pas le moindre simia dans tout le canton de la Papillaye. Cela ne m'étonne pas, en dépit des affirmations de Merlet La Boulaye et de La Richerie. Que diable allais-tu
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faire aussi parmi les graves synanthérées, sur nos schistes ternes et froids, ô toi la plus espiègle, la plus folle des orchidées ! Le morio te rend les armes et te passerait jusqu'à son nom, si le tien n'exprimait encore mieux les grimaçantes excentricités de ta personne. Quels lazzis, quels caprices dans le dandinement de ces bras, dans l'enroulement de celte queue faite des trois pans de ton label? Quand, par un vent d'avril qui les fait pivoter au soleil, entre deux pluies, tes petites figures, groupées en faisceaux globuleux, arrondissent leurs bedaines et rabattent leurs capuchons sur leurs tètes, c'est à désopiler un Anglais. Ta place n'est point là. Elle est à Soucelles, à Baugé, sur les talus des bois de nos régions calcaires, non loin du militaris, ton ami.
Si je m'appelais Charles Nodier, je ne laisserais point tomber une si rare occasion de passer en revue les membres de celte étrange famille émigrée sous nos cieux comme une bande de Bohémiens. Le viridis intrigue par l'aspect ambigu et blême de ses fleurs couleur de feuille et de ses feuilles couleur de fleur. Le bifolia rêveur a des arômes inouis qui ne s'éveillent qu'au soir pour ne se rendormir qu'à l'aurore. L'hircina est un bouc fétide et barbu comme son nom. Qui n'a vu se consumer l'ardent et sombre ustulata pareil à un tison dans la prairie ? Je n'ai pas de souvenir plus frais que celui du pyramidalis détachant par un ciel d'orage ses pétales carmin sur l'horizon de Fontevrault. Quant au conopsea, il représente assez bien, dans les enchevêtrements de son architecture flamboyante, le modèle en petit d'une flèche gothique du quinzième siècle. Ciré comme une giberne, riche et touffu comme un plumet, droit comme un grenadier au port d'armes, l'Orchis militaris unit, dans son allure martiale, l'éclat bruyant des uniformes à je ne sais quel ton de ma. lamore puisé dans la fréquentation des camps ; c'est le tambourmajor de la troupe. — J'aimerais, si j'étais poète, à faire bourdonner tour à tour l'araignée, la mouche et l'abeille sur la lige tendre des Ophrys. Si j'étais professeur d'esthétique transcendentale à Munich, j'enseignerais, à propos de ces jeux de la nature, de quelle maîtresse façon elle se parodie elle-même, comme elle invente en imitant, quel idéal préside aux allusions et aux emprunts qu'elle opère d'un règne à l'autre. —Et les Epipactis, le nidus avis par exemple, qui rechigné d'aspect, couve une merveille dans ses racines, pareil à un avare qui enfouit son trésor? Et l'ovata, velte et mystique; et le palustris qui, traqué de marais en marais, n'aura bientôt plus qu'un herbier pour asile ?
En parlant tout à l'heure de la tête encapuchonnée du simia, nous n'étions que véridique, et nous ouvrions sans y songer la porte
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à une induction féconde : c'est que les moines de la Papillaye abusés par ce déguisement hypocrite, eussent déféré à des considérations de symbolisme en acclimatant le joyeux compère dans leur enclos. Elle se fortifierait par la déposition d'un témoin qui a surpris naguères un échantillon de cette espèce sur la terrasse de la Baumelle. Il figurait bien là comme une tradition vivante du faux moine Rabelais dont le couvent a gardé mémoire. Qui sait même si le malin auteur de Garguantua ne s'est point amusé à y planter quelques oignons de cette plante si commune dans sa patrie?
Il n'en est pas moins vrai que la plus légère intervention de l'homme dans la production naturelle du sol est pour le botaniste une source de mécomptes et de douleurs. Oh ! ne l'abusez pas par un déplacement arbitraire des tribus affectées aux localités respectives, suivant leurs facultés, leur caractère, leur génie! Pour ceux que n'arrêterait pas l'enchaînement logique des espèces, qu'à tout le moins il y ait une considération pittoresque puisée dans le. rapport de la végétation avec les lieux. Une note de Mozart dans le Barbier ou dans Tancrède, une retouche de Rubens à une Madone de Giotto ne violeraient pas plus d'harmonies qu'un Bluet dans les bois, que dans les moissons un Muguet, qu'une plante des schistes dépaysée dans les calcaires.
A nos schisteuses argiles, terrains substantiels et froids, ces fleurs modèles à qui rien ne manque et qu'on dirait créées pour l'étude des commençants. A nos calcaires ardents les anomalies, les hardiesses, tous ces caprices de la forme qui ne révèlent leurs secrets qu'à la perspicacité des adeptes. J'assimilerais le schiste, avec ses compactes moissons, à ces constitutions régulières et sages, amies du positif et que la raison protège contre les entraînements de la passion. Moins -propre à la culture, plus riche en spontanéité, le calcaire me représente ces natures magnétiques et fébriles chez qui la pauvreté du sang, unie à l'exaltation nerveuse, ouvre une large porte à tous les phénomènes de intuition. Boileau était schisteux, Hoffmann était calcaire. Dieu, qui n'est point injuste, a équilibré ses faveurs entre les lieux comme entre les hommes ; à chacun ses misères, à chacun ses splendeurs. Là où les blés sont maigres, où l'herbe avorte dans les prés, où le gland qui est semé germe en sapins et en bruyères, il a permis qu'aux anathèmes du laboureur répondissent les bénédictions du naturaliste.
En face de Chaloché, de l'impériale de celte voilure d'où le spéculateur jette un sourire dédaigneux: — « Arrêtez, conducteur ! »— Et pioche en main, boîte sur le dos, voilà deux voyageurs qui s'élancent comme si l'Eden s'entr'ouvrait sur leurs pas. La expire la culture, et
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l'herborisation commence pour s'étendre et se renouveler de bois en collines, de tourbières en friches, dans cette région privilégiée dont Chaumont est le plateau central. Là le myodes bourdonne, l'arachnea file sa toile, l'Orobanche cruenta ensanglante le gazon parfumé d'une odeur de girofle ; l'arenaria de montagne ouvre de grands yeux sur les talus, tandis qu'au haut de la lande l' Anemone pulsatilla, repliant sa fleur comme une patte, dressant en l'air son fruit comme une aigrette, ressemble à s'y méprendre à une grue du Sénégal. — 0 ruisseau de la Jarrye que le sombre Aconit ombrage, Fourneux chaud comme l'Etna, tout couronné d'Helianthêmes, et loi parc de Soucelles où l'Epipactis fait son nid !... Mais quelle fougue m'emporte! Aurais-je donc taillé cette plume pour chanter les délectations du botaniste ? — A d'autres : Paulo tristiora canamus.
Je dis et je maintiens que la mention par les maîtres de bon nombre de localités sur les nomenclatures, n'est plus aujourd'hui qu'un hommage rendu au malheur. Allez chercher l' Urtica pilulifera près de Saint-Serge, derrière l'auberge du grand saint Michel ! Encore trois coups de pioche, et la Gagea d'Erigné s'en retournera en Bohême d'où elle est venue. Que n'y est-elle restée pour le repos de celui à qui elle est une seule fois apparue, un jour de février, sous la forme d'une étoile d'or ! C'est à travers un champ de glayeuls que les ingénieurs ont lancé leurs wagons sur Nantes. — Si encore les ravages qui s'exercent autour de nous assuraient la sécurité du reste ! Mais à dix lieues d'ici sur la frontière de l'Anjou, au point d'intersection de Challains, de Loiré et d'Angrie, il est une tourbière immense, périlleuse, hantée de courlis et defollets. Je compléterais ma description d'un seul mot : c'est la patrie de l'Abama, celte fleur hybride, ornithorinque végétal où les uns voient un jonc, les autres un lys. Eh bien ! le marais se dessèche, la lande se défriche ; chaque année les épis s'avancent en bataillon serré sur ce sol, effroi de quarante siècles. Un engagement s'apprête ; un choc terrible et décisif dont il est impossible de se dissimuler l'issue: l'Abama meurt et ne se rend pas !
J'en passe, et des plus tristes, pour terminer par un grand coup. Qui ne connaît le Pont-Barré, sinon par l'épisode sanglant dont son arche a gardé l'empreinte, du moins par l'âpreté de ses gorges à délecter le pinceau de Salvator? Il a, pour le chercheur du Trifolium Bocconi et de la rare Calepine. un mérite de plus et qui ne gâte rien ni à l'histoire, ni au paysage, celui d'avoir été entre La RevellièreLépeaux et Bonatny le rendez-vous de notre Flore. Quel séïde de Dombasle, quel intrépide semeur de choux colza resterait insensible à l'aspect de ces deux collines qui se répondent, l'une toute panachée de Tulipa celsiana, l'autre qui porte sur sa crête une corbeille
d'Anthericum liliago? En assignant deux points à cette floraison précieuse, la prévoyante nature lui a de même assigné deux instants, si bien que lorsque la première s'éteint, la seconde s'allume. Il y avait mieux encore : sur la cîme la plus ardue de ces escarpements trônait jadis la reine des graminées, l'illustre et infortunée Stipa. La Stipa ne s'herborisait pas, elle se chassait. Pour cueillir sa glumelle à pédicelle long et soyeux, les gamins de la contrée, aux yeux de lynx , aux pieds de chamois, ont causé plus d'une transe à leur mère. Mais le but absolvait le moyen: on voyait chaque année, aux processions de la Fête-Dieu, flotter sur le dais des paroisses quatre magnifiques panaches semblables à la queue d'un oiseau de paradis. Elle était devenue rare. Eh qui s'aviserait de se plaindre d'une rareté qui profite à Dieu ! Il était réservé à de moins innocentes mains de la rendre complètement introuvable : le malheur a voulu que le calcaire où elle se plaisait fût doué de magnifiques propriétés hydrauliques. Inde iroe. — Oui ! colère de l'homme qui n'opère qu'avec des ruines, qui dévaste pour édifier. C'est dans ces conjonctures funèbres que Théophile et moi nous nous aventurâmes un jour à sa poursuite. La journée s'avançait. Nous n'avions récolté encore que les rayons d'un soleil de juin qui, dardant d'aplomb sur nos boîtes, en faisait jaillir des étoiles couleur de saturne. La fatigue l'emporta, et une faim rouge aidant, nous descendîmes le côteau en prenant pour point de mire un petit cabaret célèbre parmi les confrères et qui n'aurait certes pas volé celte inscription : « A la descente des botanistes. » Hélas ! il faut dîner ! Et la pire condition de notre nature, c'est de se trouver pris de faim en face de cette végétation délicate, régal des êtres inférieurs. Comme je mettais le pied sur la berge du chemin, un cri de mon compagnon resté à cent pas derrière moi me fit tourner la tête en arrière. « La Slipa ! la Stipa ! » A peine avait-il levé les doigts dans la direction du côteau que le rocher éclate avec une explosion terrible, et que la dernière des stipas disparaît à nos yeux dans un tourbillon de fumée.
Ici arrêtons-nous. Un pénible aveu se présente; dans Cette nécrologie des espèces, tout le crime n'est pas imputable à l'ennemi. La science a plus près d'elle un fléau plus redoutable que tous ceux dont nous avons abrégé le tableau, « Tu quoqiie fili mi ! » Des fils plus étourdis qu'ingrats font la désolation de leur mère en ravageant sous ses pas ce monde charmant qu'elle aime à énumérer et à décrire. 0 maîtres, défiez-vous de la rapacité des disciples! Là où tombe leur essaim, il en est comme d'un champ d'Egypte visité par une nuée de sauterelles. Théophile a trouvé contre ce genre de péril un ingénieux préservatif dont l'exemple peut être utile. Le bruit courait
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d'une battue projetée par les élèves d'un pensionnat sur un point inédit où l'Ophrys apifera croît encore. Vile il prend les devants, et passant une revue rigoureuse de tous les sujets menacés, il en brise avec soin toutes les têtes. Nos gens désappointés en face de cette plante mutilée, dont leur collection ne pouvait se faire honneur, s'en retournèrent; eu sacrifiant la tige, il avait sauvé l'oignon. — C'est pourquoi, dans la république que je rêve, le port de boîte sera soumis à toutes les exigences du port d'arme. Le ministère des gardeschampêtres , si mesquinement borné aux vignes et aux moissons, s'exercera avec plus de vigilance encore sur les rochers et sur les friches. Comme cela peut tarder, nous conjurons dès aujourd'hui tous les rédacteurs de la Flore de ne confier le secret de leurs indications locales qu'à la feuille de leur herbier.
Et pourtant de quels moyens, de quelles armes, de quelles ruses même la Providence, qui veille aux jours du colibri et du ciron, n'a-t-elle pas investi ces chères plantes dans l'intérêt de leur défense ! Celles-ci empoisonnent, celles-là blessent. D'autres écorchent ou brûlent à dislance de quelques pas. Telle perche comme un aigle, telle se terre comme un lapin, telle s'abrite sous l'herbe, ou se confond avec le sol. Il y en a, comme Le ciste, qui laissent tomber leurs pétales dans la main qui croit les saisir. L'impatiente Cardamine, la Momordique, le noli tangere soutiennent un vrai siège en faisant éclater au loin leur pétillante artillerie; d'autres ont leur sosie, ou leurs apparences salutaires : son faux air d'Orobanche a plus d'une fois abusé l'herborisant de première année à la chasse du nidus avis.
L'idée de chasse revient encore une fois sous notre plume, par suite d'une assimilation involontaire de la plante au gibier et de l'organisation à l'instinct. D'où vient qu'à celte même place où vous cherchiez hier en vain, un autre aujourd'hui trouve et cueille? D'où celte migration dont il était parlé plus haut ? D'où ces apparitions, ces retours, ces échappées qu'aucune raison n'explique et qui ne s'opèrent point sans une impulsion secrète? C'est ainsi que s'est montré un jour dans le bois de Parnay près Saumur, le Serapias lingua à noire ami le Dr Tochet, qui oncques ne l'a retrouvé depuis. C'est ainsi que le Liparis loeselii, surpris un jour par MM. La Revellière et Guépin, a fait le plongeon dans le marais de Chaloché pour ne se montrer plus tard à M. Aimé de Soland qu'après un délai de quinze années.
Théophile comparait à des oiseaux en mue les plantes de nos champs acclimatées dans nos jardins, comme elles engraissées, stupides et difformes, comme elles sous les dehors d'une exubérante
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santé. Henri Monnier, sans le savoir, les a outrageusement turlupinées sous l'effigie d'un gros papa rond comme un pois, lisse et joufflu comme une cerise, aux pieds duquel il écrit : « Un bel homme, tradition populaire. » — « Passe encore » ajoutait notre ami, « ces plantes exotiques dont le type nous échappe et dont nous ne sommes pas exposés à constater chaque jour l'épanouissement en terre libre. Mais enfermer de plates-bandes, mais bêcher, arroser ce qu'à deux pas de nous la main de Dieu nourrit et abreuve ! » Aussi m'avouait-il n'avoir jamais pu comprimer un sourire en voyant chaque année, dans les jardins de botanique, certaines natures indomptables résister fièrement aux séductions du directeur; soit qu'une flaquette .d'eau ingénieusement distribuée rappelât aux exilés les habitudes du berceau; soit qu'on mêlât de la chaux et des décombres à leur sol; soit que la sollicitude fût poussée jusqu'à leur donner pour compagnon quelque enfant de la même patrie.— En revanche son plus violent dépit était d'y rencontrer une fleur dont il n'avait pas eu la primeur en rase campagne.
« — Et la science, Théophile ? — Ah ! oui, la science, j'oubliais. L'équilibre à maintenir entre la science et la nature est un problème désespérant dont la solution nous échappe. On aurait plus tôt fait de remonter à Adam, si la période d'intuition pendant laquelle il fut donné à l'homme de tout sentir et de tout connaître n'était séparée de celle-ci par le glaive flamboyant de l'archange. »
On raconte l'histoire d'un Arum draconculus planté sur les coteaux de la Garenne pour mystifier un débutant. La forêt de Fontainebleau, dit-on, n'est pas très sûre ; si riche qu'elle soit de son propre fonds, elle n'en cacherait pas moins dans l'ombre de ses bouleaux plus d'un piège tendu à la crédulité parisienne. Charge de mauvais goût et qui plus est, irréparable. Tel qui repasserait, après dix années, sur le théâtre de ses exploits d'étudiant, essaierait à tout prix d'en effacer les traces. Peines superflues ! Ce qui est fait est fait. La plante incorporée au sol y lève et y lévera jusqu'à la consommation des siècles. — La grande Pervenche, la Lunaire, soit dit sans accuser personne, sont des échappées de nos jardins qu'une flore expurgata ne saurait décemment admettre. Je n'ai jamais respiré l'odeur acidulée qui s'exhale du pollen de l'Onagre sans me reporter aux temps où quelque navire d'Amérique déposa sur les rives de la Loire une de ses graines cachée dans une balle de coton. Vous avisez un soir, à la clarté des lustres, parmi les fraîches beautés dont regorge l'Anjou, une danseuse au teint mat, à la taille souple et élastique, aux yeux plus noirs que les cheveux. — « Parbleu , il faut convenir que la patrie de du Bellay (Un voisin érudit) — Vous vous trompez, Monsieur; cette
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jeune fille est Créole. » C'est l'histoire de l' Onagre et de l' Erigerait canadense. ■
Dieu nous garde d'assimiler à ces mauvais plaisants dont nous parlions tout à l'heure le botaniste vertueux qui entreprend de repeupler de sa main une localité honoraire. Il se trompe, le digne homme; il ressemble, dans sa candeur, à ce Bénédictus d'Hoffmann qui, la veille de Noël, disposait mystérieusement sur une table les jouets dont il se ménageait la surprise pour le lendemain. On n'a le droit de fréquenter et d'interroger la nature qu'à la condition de s'agenouiller en amant devant elle. Nous avons vu d'ailleurs que ce que l'on prendrait pour un caprice n'est souvent de sa part que justice et châtiment. Elle marche, vous marchez ; vous restez là où elle s'arrête. La chlore manque aux fourneaux où elle se fauchait autrefois ? — Eh bien qu'y faire ? Tous les soins que vous mettrez à la faire refleurir ne valent pas pour moi cette éloquente épitaphe :
Et campos ubi chlora fuit...
Ici l'ami dont nous nous plaisons (trop peut-être) à énumérer les goûts et les, maximes allait plus loin. Il réprouvait l'intervention par laquelle des savants plus .discrets assurent la reproduction des espèces en secouant leurs graines sur place et en les propageant au loin dans le cercle de leur domaine : tant il avait le respect des libertés de la création.
Et puisque nous l'avons entamé, vidons le sac de Théophile.
Il croyait pouvoir retrouver dans les dénominations actuelles rapprochées de celles d'autrefois, un témoignage de plus de la supériorité des âges antérieurs sur le nôtre. Il citait pour exemple le prestige et la portée de tant d'appellations populaires dont la date se perd dans le passé. Des légendes séculaires, de mystérieuses conjonctions, des patronages fameux, de fantastiques images y président. Quelquefois la religion semble conférer le baptême, par le reflet gracieux de la Vierge ou des saints. Si ce n'est François d'Assise, c'est à tout le moins Bonaventure qui a reconnu de loin les Gants de Notre-Dame dans les cornets digités de la chaste Ancolie. Je ne saurais comprendre que l'on n'ait point songé encore à déposer sur l'autel, au mois béni de Marie, une gerbe parlante faite de toutes les fleurs consacrées par son souvenir. Celui qui rencontra le Bâton de Jacob sur la terre est le même, sans doute, qui découvrit sa route aux cieux dans les blanches lueurs de la voie lactée. La Paquerette, la Pentecôte, la Véronique, l' Alléluia, se rattachent à ces traditions vénérables par lesquelles la création se fait, tantôt l'horloge, tantôt la trompette de
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l'Eglise. Quel est le poêle inconnu dont l'imagination féconde à perçu les subtiles et idéales ressemblances du Lycopode, de la Vipérine, de la Quenouille, de la Bourse à pasteur, de la Monnoyère, de la Gueule de lion, du Cerfeuil ? — Quand l'hermétisme vint, avec ses évocations et ses mystères, ébaucher dans le monde les germes de la science, on vil s'échapper du creuset tout un vocabulaire surprenant fait de la science d'Euphorbe, de l'influence de Mercure, de la malice de Circé, de la sagesse de Salomon. — Plus tard, lorsqu'à ces ombres ou à ces mémoires superstitieuses succéda la réalité des docteurs, ce fut avec je ne sais quelle heureuse transformation que le mol passa du personnage à la plante, comme s'il eût fait corps avec elle, comme si l'inventeur et sa découverte se fussent pénétrés réciproquement. Quels noms prédestinés que ceux de Wallemberg, Calepino, Bulliard, Hottonius, Matthiole ? — Les noms sont tout-puissants. Tel a fait plus d'une campagne sur la foi de quelque nom étrange et harmonieux, ou d'une poétique renommée, ou de certaines analogies particulières entre l'idée et le mot, qui n'existent que pour lui seul. A chacun son image ou sa résonnance favorite. Car l'un des plus grands charmes du monde végétal, ce par quoi, à certains égards, il semblerait l'emporter sur l'autre, c'est que, dénués de sensations, les êtres qui le composent s'animent de notre vie, sentent et pensent en nous, et s'élèvent ainsi à une puissance d'idéalisation à laquelle pas un de ceux du règne animal ne saurait prétendre.
Aujourd'hui, qu'une découverte se présente, et le nouvel habitant ne pourra conquérir droit de cité que de deux manières : ou sous un nom technique, froidement emprunté à sa forme ou à sa couleur; ou sous un nom bourgeois, celui de son parrain traduit en style macaronique. Et voyez le succès de cette belle terminologie ! Les auteurs y défèrent en dépit de leur goût, et sacrifient souvent les plus saisissantes images à la crainte de passer pour des poêtes. Potentilla splendens ! A l'éclat d'argent qu'elle jette dans les bois de Chaloché et de Fontevrault, quel écolier de huitième ne se fût écrié : C'est elle ! On a trouvé le moyen de la rendre invisible sous le synonyme terne de Potentilla Vaillantii. Certes ce n'est pas ainsi que l'entendait Linné, notre patron, quand, avec sa flamme d'artiste, remettant en fusion le grec et le latin, il les coulait dans le moule de ce vocabulaire immortel où le sentiment le plus vif se combinait si heureusement aux exigences de l'euphonie.
Puissent du moins les adjonctions ne s'opérer qu'avec réserve et sous le coup d'une impérieuse distinction. Rien de pernicieux pour certaines natures d'esprit comme l'érection d'une variété en espèce;
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c'est tout un monde qui s'évanouit. Vous croyiez jusqu'ici à des physionomies tranchées qui n'excluaient nullement les communautés du sang, vous aimiez à saisir, à travers l'ensemble d'une race, des distances normales, de permanentes spécialités créées avec le monde et que rien ne rapproche ni n'altère, — et point du tout ! Voilà que, par l'effet d'une introduction complaisante, vous vous prenez à douter do la volonté du Très-Haut dans le maintien des caractères; tout vous semble soumis à des conditions flottantes d'exposition et de milieu. Le genre absorbe l'espèce, la famille absorbe le genre. A l'activité libre d'une Providence agissante s'est substitué pour vous le sombre protéisme d'un agent sans amour comme sans liberté.
Avec cela, je vous le demande, était-ce un homme, Théophile, à trouver grande délectation dans un herbier ? Une mémoire à lui, la plus ardente et la plus rebelle tout ensemble qu'il fût possible de rencontrer, lui en tenait lieu. Elle s'ouvrait comme un cadre où toutes les fleurs, celles du moins qu'il avait cueillies, se montraient à ses yeux dans l'intégrité du premier aspect. Elles y demeuraient avec une individualité bien supérieure à celle que lui eussent conférée les termes d'une définition technique. — De degré en degré, il en était venu à ne plus oser cueillir. Il n'observait plus, c'est-à-dire il ne contemplait plus que sur tige. Un jour que son regard plongeait plus avant que de coutume dans l'appareil reproductif d'une fleur, il se sentit pris d'une miséricordieuse pudeur à l'endroit de ces mystères que ne sait pas s'interdire la science. La corolle devint dès lors pour lui comme un sanctuaire dont il se promit bien de ne plus franchir le seuil.
Ces scrupules croissants, les soucis et les déceptions contractés dans le cours de ses campagnes, joints à la solitude inévitable où la singularité de ses goûts le confinait, « agirent sur son cerveau » pour parler la langue des sages. Ce botaniste étrange, sans boîte ni herbier, échappait à toute définition régulière, et ne trouvait sa classification nulle part. Le rayon de ses promenades, ou plutôt de ses voyages s'étendait chaque jour dans une proportion inverse au résultat. Les impressions qui le dominaient formaient comme un bandeau autour de sa vue. Les grandes voies de la nature le détournaient trop vite du sentier dans lequel il faut résolument se confiner pour arriver à quelque chose. Quelque atteinte qu'aient portée aux herborisations les progrès de la société actuelle, les siennes assurément lui eussent valu moins de mécomptes, si elles eussent été à l'épreuve d'un paysage qui s'entrouvre entre les buissons, d'une haie ou d'un chant de coucou parti du fond des bois... C'est égal, Théo-
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phile, il n'y en a pas moins entre le monde des fleurs et celui de la création tout un océan-d'harmonie-dont je ne saurais te plaindre d'avoir soupçonné les accords !
Quand 1848 éclata, il s'y rallia de toutes les répugnances que nous avons énumérées en son nom. Lui, l'adversaire né de la spéculation de l'industrie, il croyait voir en tête des libertés conquises figurer l'émancipation du sol; il avait à cet effet jeté les bases d'une association ayant pour but. de remettre les plus belles localités en friche. — Un jour qu'il revenait de constater à Milly l'absence de l'Ophrys anthropophora, il aperçut devant l'église du Thoureil trois ou quatre badauds occupés à déchiffrer un placard. C'était, — qui l'eût pensé? — une circulaire de M. Flocon pour le défrichement des landes. Ce projet l'indigna. De républicain qu'il était il devint légitimiste. II s'exila d'une terre où la vie lui devenait à charge, et s'en fut herboriser à Frohsdorf. Puisse-t-il y rencontrer la paix et le recueillement après lesquels il soupira vainement sous le ciel de France !
Dans les pages qu'il a laissées, confidentes tour-à-tour de ses chimères et de ses douleurs, se trouvent les vers suivants que nous reproduisons comme un échantillon de sa force centrifuge, dirait un humoriste Allemand.
Le botaniste errant, que tout brin d'herbe affolle, A, du mont à la plaine et de l'aube au couchant, Glané , — douce moisson pour tant d'autres frivole, Sans que l'astre qui tombe à son ardeur qui vole Ait rogné l'aîle ou clos le champ.
Les grands boeufs échoués ruminent sous la crèche, Le chasseur a sifflé son chien poudreux et las , Et des flancs du clocher que la nuée ébrèche Déchaînant les esprits sur la pelouse fraîche L'Angélus tinte comme un glas
— N'importe, il poursuivra ! — Les parfums qu'il dénombre Se changent en clartés sur les bords du chemin ; Avec l'heure il s'incline , il s'allonge avec l'ombre , Disputant à la nuit, ce faucheur morne et sombre, Chaque épi tremblant sous sa main.
La nuit a tout fauché, jusqu'aux fleurs triomphales Que la nielle arbore à la cîme des lins, Jusqu'aux roses en feu des hautes cathédrales, Jusqu'aux vergues en croix dont les quatre pétales Rayonnent au front des moulins.
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Dans un cercle élargi son regard flotte et rêve. ll frappe à l'horizon qui s'entrouvre; et soudain Pour un sol qui s'abîme un sol nouveau se lève, Bleu, riche, étincelant de plus de perles qu'Eve N'en vit éclore dans Eden.
— Va, contemple, étudie à l'abri du profane Ces germes, poudres d'or des déserts spacieux, Grains qu'hiver comme été la main du Seigneur vanne,
Fleurs sans tige, que nul ne cueille ni ne fane
— Il herborisait dans les cieux.
VICTOR PAVIE.
EXPOSITION
D'HISTOIRE NATURELLE
JUIN 1858.
La Société linnéenne, qui ne compte que cinq années d'existence, n'avait pu jusqu'à ce jour prendre part aux diverses expositions qui ont successivement eu lieu dans notre pays; mais aussitôt qu'elle eut été informée de la décision de la Société industrielle qui fixait au 1er juin 1858 la 6e exposition agricole, industrielle et artistique, elle offrit un concours qui fut accepté avec un cordial empressement. Sous l'active impulsion de M. A. de Soland, notre président, une Commission d'installation fut composée de MM. de Soland, de Joannis, viceprésident; Dr Mabille, secrétaire-général; Dr Farge, secrétaire; de MM. l'abbé Vincelol, de Montreuil, Aimé d'Andigné, d'Andigné Le Gris, Raoul de Baracé et Deloche. J'acceptai avec reconnaissance la mission de vous présenter un compte-rendu de ce qui se passerait, et par suite M. le président du Jury général me désigna pour être rapporteur de la section d'histoire naturelle. Immédiatement après ces mesures préliminaires, un appel fut fait à tous les membres de la Société, et l'on s'aperçut bien vite que l'espace mis à notre disposition par la Commission générale serait insuffisant pour toutes les choses curieuses qu'on allait y apporter. En pouvait-il être autrement, Messieurs, alors que nous comptons dans nos rangs tant d'hommes qui depuis longues années s'adonnent avec ardeur et constance aux plus intéressantes, aux plus utiles recherches sur les diverses parties de l'histoire naturelle ! C'est avec passion que plu-
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sieurs d'entr'eux se livrent à l'étude toujours si attachante des créatures de Dieu, qu'ils affrontent les intempéries des saisons, la fatigue de courses longues, difficiles, quelquefois dangereuses, pour se procurer l'animal, le nid, l'oeuf, l'insecte, la coquille qui manque à leur collection. Et leurs travaux n'ont point été inutiles; ils possèdent maintenant de véritables foyers scientifiques.
Pour mieux analyser les richesses exposées par la Société linnéenne, permettez-moi, Messieurs, de ne suivre en rien l'ordre du livret et de réunir sous un même titre tous les objets semblables. Je désire éviter ainsi des redites qui rendraient plus long encore un travail qui me semble malgré cela devoir abuser de votre bienveillante attention,
Anatomie comparée. — Sous le titre d'Ethnographie, Anatomie comparée, nous trouvons une collection de têtes humaines présentées suivant le Norma verticalis de M. Blumenbach, par M. Farge; de plus, une tête d'Australien du détroit de Torrès, et une de NouveauZélandais, moulées sur nature dans le dernier voyage de M. Dumont d'Urville, exposées par M. de Joannis, ancien officier de marine.
Second à bord du bâtiment qui fut chargé d'aller arracher aux sables de l'Egypte l'obélisque de Louqsor, M. de Joannis nous a rapporté de la nécropole de Thèbes un squelette antique d'Ibis numenius, qui a été examiné par la foule avec le plus vif intérêt. M. Guittet, vétérinaire, avait exposé les squelettes d'un cheval ardennais, d'un bouc commun, âgé de 2 ans, une tète de chevreuil ; M. Deloche, une tête de marsouin; M. Martin-Montalant, des poissons et écrevisses sans organe visuel, pêchés dans les lacs souterrains des grottes de Mammouth, dans les États-Unis d'Amérique, et enfin M. le docteur Ponceau, le squelette d'un cygne chanteur, on ne peut mieux préparé, sur lequel on peut étudier la singulière direction de la trachéeartère dans cette variété. Nous savons que la très belle préparation de M. Ponceau lui a été demandée pour un des musées de la capitale, mais il a préféré la conserver pour notre cabinet d'histoire naturelle.
Chinoiseries, armes, vêtements de sauvages. — Plusieurs objets chinois, d'un travail digne de la réputation des ouvriers du CélesteEmpire, ont été exposés par M. le capitaine Brisset, entr'autres un nécessaire, une corbeille, une boîte, une tabatière et surtout un album de la plus grande délicatesse; M. l'abbé Bodaire avait de son côté exposé de charmants dessins chinois. Nous devons mettre dans la même catégorie l'exposition algérienne faite par M. Girault-. Lesourd qui, obligé de rester quelque temps à Alger, a eu la très bonne idée de s'y procurer un grand nombre de produits des petites
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industries de ce beau pays désormais français, mais naguère encore si différent de nos moeurs, de notre industrie; et plusieurs armes, vêtements et objets à l'usage des sauvages, exposés par MM. de Joannis, E. Lachèse, Myionnet, Mabille, Ernest Desvarannes, A. de Soland. Nous devons une mention toute spéciale au tambour de la reine Pomaré, appartenant à M. Toupiolle, et rapporté de Taïti par M. l'amiral Bruat. Il consiste en un tronc d'arbre de 1 m. 55 de tour, et de 2 m. de hauteur, qui a été perforé dans toute sa longueur. L'extrémité supérieure de cette énorme bûche creuse est fermée par une peau de chien de mer, fortement tendue au moyen de clous très rapprochés que relient entr'eux de jolies petites torsades en soie végétale; de la partie supérieure d'autres torsades plus grosses faites avec tout autant d'adresse, vont à la partie inférieure, et une enfin beaucoup plus considérable encore entoure l'instrument à 40 centimètres du sol ; au-dessous, le bois est fortement entaillé dans son pourtour pour que le son puisse se produire. Il se produit en effet, lorsqu'on frappe la peau avec le poing, mais sourd, monotone et très peu récréatif, ce me semble.
Conchyliologie. — La conchyliologie était dignement représentée par la collection de M. de Las Cases, par celle du genre ostrea de M. Joannis, par une très belle collection d'unios et d'anodontes à M. Drouet, au milieu desquelles on distinguait une coquille nouvellement décrite sous le nom d'unio Courtillieri; et surtout par l'exhibition de M. Toupiolle, qui présentait de magnifiques exemplaires de cônes et porcelaines, entr'autres la cyprea thersite apportée d'Australie, la galalea Leda, la conus vidua apportée de la NouvelleCalédonie : ces dernières coquilles étaient connues des savants, mais ne sont pas dans !e commerce.
'Géologie. — La géologie avait soumis de précieux échantillons parmi lesquels on doit signaier la pegmatite avec cristaux.de tourmaline trouvée à Ernée (Mayenne), par M. le Dr Farge; des minéraux recueillis sur les flancs du Vésuve par M..Th. Jubin; un morceau de minerai des forges d'Orthès (Mayenne), par M. Aug. Menière, bibliothécaire de la Société industrielle, et surtout les échantillons minéralogiques exposés par M. Orsel, ingénieur des mines, et par M. de Las Cases. Propriétaire de mines de charbon de terre cousin dérables, M. de Las Cases a réuni des échantillons extrêmement curieux de tous les terrains, de toutes les roches qu'il a fallu traverser avant d'arriver au terrain houiller lui-même ; c'est avec ces échantillons sous les yeux qu'on peut le mieux lire le travail de M. Roland sur le terrain anthraxifère des bords de la Loire entre Rochefort et Chalonnes, travail qui a été inséré dans le premier volume des
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Mémoires de la Société linnéenne, ou l'excellent ouvrage de M. Cacardé sur la géologie de Maine-et-Loire.
Fossiles. — Le. département de Maine-et-Loire est riche en fossiles qui se trouvent dans le vaste bassin de son terrain de transition. M. de Joannis avait exposé un spécimen intéressant de ces fossiles ; M. Th. Jubin, des fossiles de Ronca (Vicentin), des coproliles d'Angleterre, des impressions sur grès du terrain tertiaire de Maine-etLoire; M. du Landreau, des fossiles du terrain falunien ; M. Raimbault, vétérinaire à Saumur, des fossiles du terrain falunien de MartignéBriant; M. Guionis, des fossiles des environs de Doué, ce pays si curieux sous le rapport de la géologie; enfin M. Courtiller, de Saumur, avait exposé, sous le nom d'ammonites paremplus (d'Orbigny), une ammonite non encore décrite.
Deux objets excitaient au plus haut point l'intérêt ; l'un était un morceau de palmier parfaitement conservé et extrait du fond des mines de Chalonnes, de M. de Las Cases; l'autre, une collection de pecten solarium Lamk, trouvés dans le terrain falunien de Chavagnesles-Eaux. Cette collection, qui appartient à M. Aimé de Soland, est la plus complète qu'il y ait en France; elle comprend 24 individus différents d'âges et par conséquent tout-à-fait différents par leurs dimensions et leurs caractères extérieurs. Le plus petit a un demicentimètre de longueur, le plus grand au contraire, aux arêtes fortement prononcées, mesure environ 22 centimètres sur 18.
Botanique. — La botanique ne tenait que très peu de place à l'Exposition, et il en devait être ainsi, car exposer des plantes conservées était impossible, et exposer des plantes fraîches n'était pas le rôle de la Société linnéenne, mais bien celui qu'a si dignement rempli le Comice horticole. Deux objets seulement figuraient dans les vitrines de l'Exposition : une curieuse collection d'algues appartenant à M. Edmond de Contades, qui près de là présentait une si savante application de l'électricité comme moteur, et plusieurs échantillons d'une plante nouvelle préparés par M. A. de Soland. L'endoptera dioscoridis DC. ne se trouvait qu'en Alsace jusqu'à l'époque du débordement de la Loire, en 1856; mais quelques mois après que l'inondation eut cessé de couvrir les prairies voisines du Louet, M. de Soland en rencontra de nombreux sujets qu'il signala à M. Guépin. Pour être plus sûrs de ne pas se tromper, les deux botanistes laissèrent la plante se développer, se multiplier, et maintenant elle est naturalisée et vit en très grande abondance dans les prairies baignées par la Loire.
Ornithologie. — Beaucoup de nos compatriotes, beaucoup plus qu'on ne le pense, charment leurs loisirs en faisant des collections
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d'oiseaux; à leur tête marchent M. l'abbé Vincelot, M. Raoul de Baracé et M. Deloche.
M. l'abbé Vincelot a depuis son enfance la passion de l'ornithologie; tout jeune encore, il courait sans cesse dans les îles de la Loire pour trouver des nids ou prendre des oiseaux, non pour le cruel plaisir de les détruire, mais pour étudier leurs moeurs, leurs espèces, leurs variétés. Toute sa vie, malgré la gravité de ses études et de son ministère, il a continué ses recherches de prédilection ; il a collectionné, il s'est mis en rapport avec les ornithologues de tous les pays, et aujourd'hui il possède les connaissances les plus étendues, les plus complètes sur celte partie de l'histoire naturelle, et une magnifique collection d'oeufs de tous les oiseaux sédentaires ou de passage dans le déparlement de Maine-et-Loire. Il a cédé à M. de Baracé, pour l'Exposition, la spécialité de l'ovologie, et il s'est contenté d'exposer des nids excessivement curieux.
Les premiers étaient deux nids de casse-noix, qu'il faut aller chercher dans les plus sombres forêts de la Savoie, et qui avaient coûté plus de quinze jours d'explorations aussi pénibles que dangereuses au milieu des neiges et des précipices. Venait ensuite celui du cincleplongeur, qui ne se trouve au contraire que dans le voisinage des cascades, des torrents de la Suisse et de la Savoie. Le dernier enfin, était un charmant nid de mésange-remiz. La mésange-remiz habite la Pologne, la Provence, tout le midi de la France, l'Italie et quelques parties de l'Allemagne ; elle construit, à l'extrémité des rameaux les plus déliés et qui penchent au-dessus de l'eau, un petit édifice qui a la forme d'une bourse, et qui est tapissé à l'intérieur du plus fin duvet des fleurs de saule, de tremble ou de peuplier. Plus on l'examine, plus on admire l'élégance et la perfection de ce petit chef-d'oeuvre.
Plus étonnants encore étaient plusieurs nids d'oiseaux-mouches, que M. A. de Baracé a fait venir des contrées les plus chaudes du Nouveau-Monde; l'un d'eux contenait encore deux petits parfaitement conservés. Ces nids sont faits d'un coton fin et d'une bourre soyeuse recueillie sur des fleurs; ils sont attachés à des feuilles, à un brin de citronnier, d'oranger ou quelquefois à un fétu qui pend de la couverture de quelque case. Ils sont gros comme la moitié d'un abricot et ont aussi la forme d'une demi-coupe.
Comme M. l'abbé Vincelot, M. de Baracé a travaillé toute sa vie à rechercher,à étudier les oeufs et les oiseaux, et ce que M. Vincelot a fait pour le département de Maine-et-Loire, M. de Baracé est sur le point de le terminer pour l'Europe entière. Dans l'impossibilité, faute d'espace, d'exposer tous ceux qu'il possède, M. de Baracé avait
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seulement exposé une collection complète d'oeufs des oiseaux du déparlement de Maine-et-Loire. Il nous est impossible d'entrer dans le moindre détail sur celle réunion d'oeufs appartenant, d'après le remarquable travail publié il y a deux ans par M. l'abbé Vincelot, à sept ordres, à vingt familles, à deux cent quatre-vingt-trois espèces sédentaires ou de passage périodique dans notre pays. Pour chaque espèce ils étaient assez nombreux pour démontrer combien, dans la même espèce, ils peuvent différer de couleur et de grosseur. Pour être plus facilement soumis aux observations, ils étaient placés sur une couche épaisse de graines de colza qui, par leur volume, leur sécheresse, leur couleur, conviennent parfaitement pour les maintenir dans la position qu'on veut leur donner sans risquer de les casser, et font ressortir les plus petites taches de leur coquille.
Animaux empaillés. — Si MM. Vincelot et de Baracé ont été seuls à exposer des nids et des oeufs, il n'en est plus de même pour les oiseaux empaillés, car nous trouvons deux sternes leucoparia exposés par M. Frédéric Blain, qui les a tués sur la Maine, vis-à-vis le baignoir de la Blancheraie. Cette espèce de sterne, nouvelle pour notre département, est assez commune, d'après Lemminck, dans les grands marais des par lies orientales du midi de l'Europe; elle ne se trouve qu'accidentellement sur les côtes de l'Océan. M. Guittet avait exposé une vitrine contenant des oiseaux de paradis; M. de Baracé, une outarde barbue. Les regards de la foule étaient surtout attirés par la vitrine dans laquelle M. Deloche avait placé une chouette harfang, une chouette laponne, une chouette de l'Oural, un grand-duc des Alpes, deux variétés de chouette hulotte ; par celles qui contenaient des oiseaux de proie diurnes, et entr'autres un aigle botté, une buse téroce (espèce nouvellement décrite), une buse blanche, prise par M. de Baracé, un gerfaut du Groënland, trois faucons pèlerins adultes ; trente-six oiseaux d'Europe et seize oiseaux exotiques.
Nous devons une mention spéciale à la vitrine qui, outre un écureuil, variété grise, et un joli écureuil, variété blanche (ce dernier exposé par M. Le Gris), contenait un superbe gypaëte barbu. Le gypaëte barbu, dit le savant M. Bailly, auteur de l'Ornithologie de la Savoie, est le plus grand, le plus fort et le plus carnassier des oiseaux de proie d'Europe. La taille d'un vieux gypaëte, tué en t1844, était, du bec au bout de la queue, de 1 mètre 48 centimètres. Il habile la chaîne des Alpes et des Pyrénées, le Tyrol, la Sardaigne et l'Afrique. C'est par la ruse qu'il attaque et combat sa proie, surtout quand il a à lutter contre des animaux de forte taille. Pour cela, il épie l'instant où l'un de ces animaux s'écarte sur le bord des pré-
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cipices, puis il tombe sur lui de tout son poids et avec impétuosité, le culbute en le frappant à la tête avec sa poitrine, avec ses ailes munies de muscles puissants, et l'étourdit au point de le faire tomber dans l'abîme où il le suit pour le dévorer sur place.
Le gypaëte barbu lire son nom du bouquet de poils qu'il porte, lorsqu'il est adulte, sous la mandibule inférieure du bec. L'individu que M. l'abbé Vincelot a pu se procurer à grande peine, et qui a été si bien préparé par M. Deloche, était dans la force de l'âge et présentait tous les caractères du plumage le plus parfait; il a été pris par M. l'abbé Caire, dans un piége à renard. Lorsque M. Caire s'avança pour s'emparer de l'oiseau captif, l'animal fit un effort immense et s'enleva, emportant attaché à sa patte gauche le piége qui pesait 15 kilogrammes. Il monta à plus d'un kilomètre et se perdit dans les nuages, avant d'être obligé de se laisser retomber : il avait près de 5 mètres d'envergure.
Enfin la vitrine contenant quarante-cinq petits en duvet, appartenant à la collection des oiseaux d'Europe, était le véritable chefd'oeuvre de M. Deloche, et nous le disons avec d'autant plus d'assurance, que nous ne faisons que répéter ce que nous avons entendu dire par des hommes haut placés dans les sciences naturelles. Ils ont été émerveillés de l'habileté avec laquelle M. Deloche est parvenu à préparer ces petits animaux, qui ont une pellicule plutôt qu'une peau, et ils ont rendu pleine et entière justice à tant de patience et à tant d'adresse.
M. Deloche n'est pas seulement un habile taxidermiste; il veut conserver l'animal tout entier. Pour cela il a passé une partie de sa vie au milieu des champs, au milieu des bois, pour étudier, dans toutes les conditions de leur existence, ces oiseaux, ces animaux auxquels il sait rendre, non seulement la vérité de leurs formes, le lustre de leur plumage ou de leur fourrure, mais aussi les gestes, les altitudes qui leur sont le plus ordinaires.
Lépidoptères. — Deux personnes avaient exposé des lépidoptères. M. Guittet faisait admirer de très beaux lépidoptères exotiques, et M. Toupiolle avait, avec un grand désintéressement, placé dans une vitrine sa magnifique collection des lépidoptères des environs d'Angers, classés d'après l'Index methodicus du docteur Boisduval. Préparateur, naturaliste savant et actif pour tous les objets d'histoire naturelle, M. Toupiolle consacre surtout aux collections de lépidoptères et de coléoptères, ses intelligentes recherches, ses travaux incessants.
Mollusques perforants. — Pour faire mieux ressortir toute la valeur de l'exposition de la Société linnéenne, j'ai omis bien volon15
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tairement de vous parler d'un des premiers numéros du Catalogue, de la vitrine contenant des échantillons de gneiss, de calcaire et de granit perforés par des oursins, des pholades et des modioles, vitrine qui nous avait été confiée par M. Caillaud, directeur-conservateur du cabinet d'histoire naturelle de Nantes. Jusqu'à ce jour, on pensait le plus généralement que les mollusques perforants creusent les pierres uniquement par un moyen chimique, à l'aide d'une sécrétion acidulée. M. Caillaud l'admet pour la plupart de ces animaux, en ajoutant toutefois à ce moyen chimique une action mécanique des coquilles en divers sens. Il avait la conviction que les pholades creusent leur singulière habitation exclusivement par un mouvement de rotation dans lequel elles râpent les pierres au moyen des échancrures que présentent leurs valves qu'elles ouvrent et ferment alternativement. Celte conviction, M. Caillaud l'avait acquise après avoir visité les divers travaux des pholades dans le gneiss, dans les roches de nature volcanique et dans les carrières, à Lessines en Belgique; mais il ne pouvait en démontrer l'évidence, lorsqu'à force de patience et d'adresse, une expérience aussi curieuse que concluante lui a fait voir le pholas exécutant sa perforation.
Dans le gisement de pholades qui existe à la côte du Pouliguen, il a pris douze fragments du gneiss que perforent ordinairement ces mollusques; il les a équarris et y a pratiqué 14 trous de diverses grosseurs et profondeurs, dans lesquels il a introduit 14 pholas, les uns à moitié de leur coquille, d'autres aux trois quarts, d'autres la coquille entière, choisissant ceux qui offraient des aspérités intactes, récemment sécrétées, propres enfin à entreprendre une perforation prochaine. ll a transporté tous ces objets au Croisic, dans sa chambre à coucher, afin de faire des observations la nuit comme le jour. Il a placé les morceaux de gneiss, le mollusque dirigé verticalement, dans de grands bocaux remplis d'eau de mer; un trou pratiqué vers le fond de ces vases permettait de les vider sans les remuer, et on les remplissait aussi en conservant toute leur immobilité.
Pendant sept jours on avait attendu en vain, aucun travail n'avait eu lieu ; mais le huitième, à huit heures et demie du matin, on vit une petite pholade de trois centimètres et demi se balancer d'abord, puis, semblant s'exercer à une manoeuvre de rotation, le mollusque tourner lentement avec sa coquille à droite, ensuite à gauche ; à neuf heures et quart, sa marche devint plus régulière ; à deux heures un quart, tournant à droite sur son axe en mouvement partiel, il avait fait cinq fois le tour de son trou, mettant une heure à chaque tour, rejetant de son siphon anal le produit de son travail trituré, agglutiné en forme d'excréments longs de quatre à cinq mil-
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limètres et de couleur de gneiss; par son siphon branchial, il rejetait la poussière plus grosse du schiste micacé et les fragments de feldspath et de quartz qui constituent la roche. Celle trituration était encore rejetée par le vide entre la pierre et la coquille et s'accumulait sur la roche autour du trou...
Je ne suivrai pas plus longtemps M. Caillaud dans la série d'observations qu'il a pu faire pendant les dix-huit jours qu'ont duré ses expériences; le problème était résolu et l'opinion de M. Caillaud est maintenant une certitude de la dernière évidence. C'était avec une vive curiosité, avec un puissant intérêt, qu'on suivait dans les échantillons exposés par M. Caillaud, la marche de ces habitants des pierres, qui doivent par leur travail non seulement se creuser une demeure, mais de plus continuellement veiller à l'agrandir pour faciliter leur propre accroissement, comme c'est avec un sincère sentiment de leur insuffisance, que nous offrons à M. Caillaud nos félicitations et nos éloges, pour une découverte qui lui a mérité les applaudissements des premiers corps savants.
Auprès des perforations pratiquées dans le gneiss, le grès et le granit, par divers mollusques térébrants, il était intéressant de voir un morceau de la carêne d'un vaisseau perforé par les mêmes mollusques. M. de Joannis, qui l'avait exposé, pense que l'action dissolvante de tous les mollusques térébrants se compose d'une action chimique désagrégatrice, qui préside et accompagne toujours l'action mécanique, et de l'action mécanique elle-même. Selon la nature des mollusques, ces deux forces sont dans des proportions très différentes. M. Caillaud croit, pour les pholades surtout, qu'il n'y a qu'une action mécanique exécutée dans l'eau de mer.
Objets divers. — Il ne me reste plus qu'à citer les moulages de reptiles, à M. Blain; une bolite, concrétion extraite de l'estomac d'un boeuf, présentée par M. Lemarchand, des dessins délicieux d'arachnides, de mousses, de chenilles et d'oeufs, par M. de Joannis et je serai bien près d'avoir terminé ma tâche.
Je veux cependant vous dire avec quel art la Commission d'organisation, si bien secondée par M. Deloche, avait disposé l'ensemble de l'exposition d'histoire naturelle. Tous les objets, même les plus petits, étaient placés de manière à être observés sous leur meilleur et plus utile aspect; des armoires et des vitrines les protégeaient contre le trop grand jour et surtout contre la poussière; mais au fond de la travée qui était destinée à la Société linnéenne, il restait un espace considérable qu'il fallait orner et remplir le mieux possible; ce résultat a été atteint tout aussi heureusement que les autres. Au milieu se trouvait un buste de Linné; au-dessus, dans des écus-
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sons élégants, les noms des principaux naturalistes angevins, puis dans toute l'étendue disponible étaient placées des armes arabes, à M. Grenu, un superbe fusil donné au moment de la conquête d'Alger à M. le maréchal de Bourmont, et appartenant à M. le comte de Bourmont fils; un autre fusil arabe, non moins précieux, apporté d'Alger par M. Th. de Quatrebarbes ; une peau d'aroui à M. le docteur Farge ; une peau de panthère à M. J. Huard ; des bois de cerf, des têtes de buffles de l'Inde et de boeufs de Sicile, exposés par MM. J. et Ch. Huard, Gontard, Aimé Duchesne, Deloche et Rousseau de la Brosse.
MM. Baranger et Thouin, lieutenants de louveterie, avaient fourni avec un légitime orgueil de chasseurs, des lapis énormes composés de peaux de renards tués par eux. Ces beaux lapis ont été parfaitement confectionnés par M. Plesse.
Enfin, au milieu de ces objets, on voyait avec un vif sentiment de curiosité, la peau d'un lion tué par Jules Gérard , rapportée d'Afrique par M. le général Bedeau et offerte par lui à Mme la comtesse de Quatrebarbes. Mais à celte curiosité se joignait un intérêt bien plus puissant encore, quand, en regardant avec attention, on apercevait dans la peau du fier animal des traces de coups de baïonnette, et qu'on savait que ce même lion est celui qui a opposé, en janvier 1847, au lieutenant Gérard, la plus longue et la plus terrible résistance. Frappé de quatre coups de feu, il put encore se relever et charger un spahis nommé Rostain, le saisir dans sa gueule et ne le quitter qu'alors qu'il crut l'avoir tué. Les quatre incisives avaient percé la cuisse comme autant de coups de feu, et seize coups de griffes, dont quelques-uns étaient effrayants de profondeur, avaient labouré les chairs du malheureux soldat. Après huit mois d'hôpital et une saison passée à des eaux minérales, Rostain en a été quitte pour la perle d'une jambe. Trois Arabes furent encore atteints par l'animal dans sa marche désespérée vers son repaire, mais ils ne reçurent que quelques coups de griffes sans gravité, et l'un d'eux eut sa baïonnette tordue en faisant les plaies dont la fourrure porte les traces. Ce n'est que quelques jours plus tard que les vautours commencèrent à planer au-dessus du massif, puis à descendre en rétrécissant peu à peu les orbes de leur vol : le lion était mort.
Tel était, Messieurs, l'ensemble de l'exposition d'histoire naturelle qui, par les soins de noire Société, a fait partie de l'exposition générale de 1858. Pendant un mois, je puis le dire sans craindre d'être démenti par personne, elle a constamment captivé l'attention et reçu les applaudissements de la foule qui n'a cessé de parcourir les
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galeries du Champ-de-Mars. Les hommes instruits y étudiaient avec bonheur un grand nombre d'objets curieux et rares, les autres examinaient avec une sorte d'admiration ces oiseaux aux mille couleurs, ces animaux si bien conservés, ces coquilles précieuses, ces minéraux utiles, car partout et toujours, l'homme, même étranger à la science, aime à lire dans le livre admirable de la nature.
Sur la proposition de son Président, le jury général a offert une médaille d'or à la Société linnéenne en souvenir du concours fraternel que cette Société s'est empressée d'apporter à la Société industrielle pour l'exposition de 1858.
Sur la proposition du jury spécial, une médaille d'argent a été décernée à M. Deloche et une médaille de bronze à M. Toupiolle.
A. LACHÈSE.
EXCURSION A LA BREILLE
Le 23 juin 1857, les membres de la Société Linnéenne d'Angers, profitant de la douce température qui régnait alors, prirent à Angers le convoi de 5 heures 45 minutes du matin, pour rejoindre leurs collègues de Saumur.
La réunion des naturalistes d'Angers et de Saumur, avait pour but d'explorer dans tout son parcours le ruisseau de Jarrie, depuis Brisset, près les Loges.
Dans les vastes landes dominées par les bois de pins maritimes, bordant le contour de ce joli ruisseau de Jarrie, au milieu des Saphagnum et des Bruyères croît une grande quantité de belles plantes qui captivèrent l'attention des botanistes.
Guidés par MM. Du Menil et Trouillard ils récoltèrent la Gentiana pneumonante, le Cirsium oleraceum, les Pinguicula Lusilanka et vulgaris, le Lappa majorée Parnassia palustris, et cueillirent en abondance l'Impatiens noli langere, délicate fleur trouvée pour la première fois dans ces lieux, par M. D'Espinay, de regrettable mémoire.
Près la chaussée du moulin, les conchyliologistes remarquèrent quatre individus d'un Unio, qui leur parut nouveau pour notre pays. Cet Unio fut colligé par MM. Courtiller jeune, de Crochard et Cyprien Debrais.
Soumis au baron Hattemann et à MM. Springel, Nettorf et Schisner, ce mollusque a été reconnu pour n'avoir jamais figuré dans aucun ouvrage de Malacologie. Il portera désormais le nom d'Unio Courtillieri, et viendra augmenter la liste des belles découvertes dues à notre zélé naturaliste, M. Courtiller jeune. Non loin de la chaussée dont nous venons de parler, il fut trouvé dans la Fillière, une bien curieuse variété de la Crevette des ruisseaux, Gammarus pulex Fabr.
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Accompagné d'entomologistes comme MM. Ackerman, Courliller jeune et Paul Lambert, on est toujours sûr de faire abondante capture.
La liste suivante montre combien la contrée de la Breille est abondante en insectes rares dans les genres Coléoptère, Tentredine, Ischneumonide, Orthoptère, Cicadaire et Lépidoptère.
COLÉOPTÈRES.
Elaphrus Uliginosus, non encore trouvé aux environs de Saumur. — Leistus Ferrugineus. — Cryptocephalus Decem-punctatus. — Aphanistichus Emarginatus. — Un Lixus indéterminé venant se ranger près de l'Oscanii. — Colotes Trinotatus, charmant petit Malachide du Midi de la France, nouveau pour le département.
HYMENOPTERES.
Dasypoda Hirtipes. — Plumipes. — Anthidium lituraturn. — Sphecodes maculatus. — Gibbus. — Pompilus Tripunctatus (Dahlbom). — Oxibelus bellicosus. — Lindenius albilabris. — Tiphia villosa. — Lestiporus bicinctus. — Hoplisus quinque cinctus. — Psen ater. — Philanlhus coronatus. — Triangulum.
TENTHREDINES.
Hylotoma espèce non décrite, voisine de l'Enodis. — Nematus
nigricornis ? peut-être espèce nouvelle — Nematus de la deuxième division; espèce non décrite. — Nematus de la troisième
division; espèce non décrite. — Athalia lineolata. — Tenthredo rustica. — Captiva (espèce nouvelle, division du Melanosterna).
ICHNEUMONIDES.
Ichneumon celerator. — Mesoleptus Typhoe. — Pesomacus bicolor (troisième variété). — Hemiteles palpator.
ORTHOPTÈRES. Blatta laponica. — Barbistes punctatissima.
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CICADAIRES.
Cixius nervosus. — Aphrophora spumaria, — Tettigonia arundinis. — Ulopa obtecta.
LÉPIDOPTÈRES. Salyrc Phoedra. — Polymale Arion. — Lytosie quadrille.
La journée du 23 juin fut une journée agréable pour tous. L'heure du chemin de fer se fit trop tôt entendre, on dut se séparer en se donnant rendez-vous à Angers, au mois de novembre, époque fixée pour la reprise des travaux de la Société Linnéenne. Chargé de son butin scientifique, chacun partit pensant à la cordialité qui avait ajouté un charme nouveau à celle intéressante excursion, et pouvant répéter avec le poète :
Oui, que la vanité, la basse jalousie.
Mères de la discorde et de la calomnie
Ne pénètrent pas dans nos coeurs.
Bien qu'un terrain abonde en sucs aimés des plantes,
C'est quand il est purgé des herbes malfaisantes,
Qu'il produit des fruits et des fleurs.
DESCRIPTION DE L'UNIO COURTILLIERI.
Coquille ovale, oblongue, enflée, bord supérieur plane, bord inférieur un peu relevé, sommets enflés, région du corselet dilatée, épiderme olive taché de roux, nacre d'un blanc rosé, dent cardinale petite, triangulaire, épaisse, à la base striée. Dent postérieure de la valve gauche petite, lamelles fortes, assez élevées, entières. Impressions musculaires profondes.
Baron HATTEMANN.
LE DOCTEUR GUÉPIN
M. le docteur Guépiri, président honoraire de la Société Linnéenne de Maine et Loire, est mort à Angers le 11 février 1858. Reçu docteur en médecine par la Faculté de Paris, le 17 ventôse an XIII, il exerça sa profession à Angers avec distinction pendant longues années, fut professeur à l'école secondaire de médecine et de pharmacie de notre ville, directeur de la même école, administrateur des hospices, correspondant de l'académie de médecine, premier adjoint au maire d'Angers, membre de plusieurs sociétés savantes françaises et étrangères, etc.
Quel que soit le rare mérite avec lequel M. le docteur Guépin remplit les diverses fonctions auxquelles il fut appelé, ses prédilections le portèrent surtout vers l'élude des sciences naturelles. Elève des écoles centrales, il suivit avec avidité les cours de botanique professés avec tant de charme et de savoir par le célèbre naturaliste Merlet La Boulaye ; les progrès de M. Guépin furent rapides. Il s'associa avec deux de ses amis pour parcourir à petites journées notre département, et revint de ce voyage chargé de grandes richesses botaniques et de notes précieuses.
Bientôt M. Guépin fut appelé à professer l'histoire naturelle à l'école de médecine. L'excellence de son enseignement lui attira un auditoire très nombreux ; il sut dépouiller la science de cette aridité qui effraie les commençants, et eut l'art de rendre à tous l'étude agréable et facile.
Chaque jeudi, pendant la belle saison, le docteur Guépin se mettait en route dès le matin, en tête de sa petite colonne d'herborisants. Un
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jour, il visitait les bois et l'étang de l'ancienne abbaye de Saint-Nicolas, un autre jour, les landes du Perray-aux-Nonains, puis Chaloché, cette terre promise des naturalistes.
Ce fut dans la vaste plaine de Malaguet que M. Guépin trouva le premier échantillon de l' Ophrys mouche, Ophrys myodes L. qui figura dans son herbier. Lorsque M. le docteur Guépin racontait la joie qu'il avait éprouvée, en colligeant cette curieuse plante, il ne manquait pas de s'écrier avec Castel :
Dieux ! avec quel plaisir, dans tes sentiers fleuris, Je vis, oh Chaloché ! cet étonnant Ophrys, Insecte végétal, de qui la fleur ailée , Semble quitter sa tige et prendre sa volée.
M. Guépin fit un très grand nombre d'élèves, parmi lesquels on compte plusieurs femmes distinguées qui vinrent solliciter le docteur d'être admises à ses herborisations. Un de ses compagnons d'étude, M. Bastard, étant devenu directeur du Jardin des Plantes, songea à faire paraître un ouvrage ayant pour titre : Essai sur la Flore du département de Maine et Loire; cet ouvrage, composé à la hâte, ne remplit point les vues des naturalistes.
Aussi M. Desvaux, botaniste éminent, appelé à diriger le Jardin des Plantes, par suite de la retraite forcée de M. Bastard, publia en 1818 une Flore d'Anjou ; cet ouvrage très consciencieux, rempli d'érudition , mais écrit d'une façon peu claire, ne put être mis à la portée de tout le monde.
C'est alors que M. Guépin, dont la modestie empêchait les travaux de paraître, se vit en quelque sorte forcé par ses élèves de mettre au jour la Flore de Maine et Loire. La première édition fut publiée en 1830 (1) ; elle fut bientôt épuisée. L'auteur fut obligé d'en faire une seconde; elle parut en 1838. A cette époque le docteur Guépin était en correspondance avec tout ce que l'Allemagne compte de savants distingués ; ne se fiant point à ses propres forces, il leur adressa les plantes sur lesquelles il avait des doutes, et n'admit aucune espèce qu'après une entière vérification. Il eut. à sa disposition l'Herbier normal de Reichenbach ainsi que l'lconographia botanica , du même auteur. Aucuns sacrifices ne coûtèrent à M. Guépin pour se procurer les ouvrages utiles à ses études. C'est ainsi qu'il s'est formé une
(1) Ce fut M. Louis Pavie, ami de l'auteur, qui se chargea d'imprimer cette première édition. Les suivantes le furent par M. Victor Pavie, zélé botaniste.
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des plus belles bibliothèques botaniques qui soient en France (l).
Le succès de la seconde édition dépassa encore celui de la première. M. Guépin publia en 1842 un supplément qui devint insuffisant. Le goût de la botanique avait tellement été répandu par ce professeur, qu'à chaque saison lui ou ses élèves faisaient de nombreuses découvertes. Enfin, en 1845, M. Guépin sollicité de nouveau, fit paraître une troisième édition. Il parcourut encore jusqu'à ses extrêmes limites notre fertile pays, et reçut des communications de tous les naturalistes épars sur les divers points du département; qu'il nous suffise de citer les noms de MM. les abbés Baudoin, de dom Allaume, Benoist, Vallienne, Pantin du Plessis, Toché, Courtiller jeune, d'Espinay, Harran, Drouet, Lelièvre, Victor Pavie, Foret, Brouard , de Crochard, etc.
Bien avant que l'heure de la retraite fût sonnée pour lui, M. Guépin abandonna sa clientèle et toutes ses fonctions pour se livrer entièrement à l'élude des végétaux.
En 1852, plusieurs naturalistes Angevins se réunirent pour fonder une société d'histoire naturelle qui prit le nom de Société Linnéenne de Maine et Loire. M. Guépin s'empressa de s'adjoindre à cette association scientifique dont il fut le président ; ce fut dans les mémoires de cette société qu'il publia son Etude botanique sur Horace,
(1) M. le docteur Guépin a légué par testament à la ville d'Angers ses magnifiques collections d'histoire naturelle et sa riche bibliothèque sans restriction.
Ce généreux don comble une lacune qui existait dans notre bibliothèque municipale, déjà si riche en ouvrages littéraires et scientifiques.
Voici la liste des collections du docteur Guépin :
1° Herbier de Plantes phranérogames, classées par le docteur Guépin; 124 cartons.
2° Cryptogamie du docteur Guépin ; 19 cartons.
3° Plantes cryptogames de France, recueillies par Desmazières : 47 fascicules, avec index.
4° Lichens de Suisse , recueillis par Schaerer.
5° Stirpes cryptogamoe. Vogeso Rhenanoe, par J.-B. Mougeot et Nestter; 14 fascicules.
6° Monographie des rubus du docteur Philepp Virtgen; 1 fascicule.
7° Monographie des menthes, par le même ; 1 fascicule.
8° Monographie des Verbascum, par le même ; 1 fascicule.
9° De Brebisson , mousses de Normandie ; 8 fascicules.
10° Robenhorst herbarium mycologicum; 1 fascicule.
11° Plantoe cryptogamicmquas in arduena collegit Libert ; 4 in-folio de 1830à 1837.
12° Villiam Nilander herbarium lichenum parisiensium; 3 fascicules; in-4°.
13° Algues maritimes du Finistère, colligées par les frères Crouan, de Brest; 3 fascicules.
14° Lichens de France, par Delisle ; 1 fascicule.
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Grâce aux encouragements donnés à chacun par le savant docteur, la Société Linnéenne a pris rang parmi les meilleures sociétés de province. Quoiqu'avancé en âge, la brillante santé, la grâce et la jeunesse de son esprit, faisaient espérer que de longs jours étaient encore réservés au docteur Guépin ; il travaillait à la quatrième édition de sa Flore et à son Etude sur les mousses et avait pour ce dernier et intéressant ouvrage, sans précédent dans la science, amassé des documents nombreux et importants. Nous souhaitons vivement que les notes de M. Guépin soient assez complètes pour être publiées. Leur perte serait irréparable. Une partie de ce grand labeur est terminée et devait prendre place dans le troisième volume des annales de la Société Linnéenne.
Les excellentes leçons de M. Guépin n'ont point été perdues. Il laisse en Anjou plusieurs élèves qui se souviendront toujours de ses bons enseignements, et pourront marcher sur les traces du savant professeur qui vient d'être enlevé à notre pays, mais dont le nom viendra naturellement prendre place dans l'histoire angevine, à côté de ceux du baron de La Richerie, d'Aubert Du Petit-Thouars , de Tessier du Clozeau et de Merlet La Boulaye.
AIMÉ DE SOLAND.
CRYPTOGAMES
DE MAINE ET LOIRE.
I.
GENRE UREDO.
« Le genre Uredo comprend les cryptogames constitués par une simple poussière séminulifère, qui naît sous l'épiderme des plantes, et est composée de sporidies uniloculaires, libres, sessiles, ou rarement pédicellées, sphériques ou ovoïdes, dépourvues de cloisons transversales et d'articulations ou étranglements simples, jamais didymes, mais libres, déchirant irrégulièrement l'épiderme des plantes pour se mettre à jour, et celui-ci formant souvent une sorte de frange autour de la plante, mais jamais une espèce de conceptacle comme dans l'OEcidium t(1). »
Aucun cryptogame ne mérite plus d'être étudié que l'Uredo. Cette plante parasite attaque une multitude de végétaux dont elle cause la mort. Elle croît, avec une facilité prodigieuse, sous l'épiderme des tiges des feuilles, des fleurs et des fruits, qu'elle couvre de petites taches tantôt jaunes, tantôt blanches, éparses ou contigues, remplies d'une masse qui se change en poussière colorée, poussière qui n'est qu'un composé de sporidies.
Nous avons, pendant de longues années, étudié, avec le docteur Guépin, le genre Uredo, genre très difficile à connaître, car souvent
(1) Dictionnaire des sciences naturelles, page 319, tome 56, verbo Uredo.
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on ne peut déterminer certaines espèces que par les plantes sur lesquelles elles végètent de préférence. Nous sommes cependant arrivé, grâce à plusieurs sommités de la science, à pouvoir signaler un grand nombre d'Uredo habitant notre département.
UREDO MUSCARI Duby. — Le grand diamètre de la sporule est d'environ 0m 0025, la longueur du pédicelle généralement surpasse celte mesure. L'Uredo muscari est très commun; on le trouve sur toutes les feuilles du Muscari Lelievrii. Il est abondant dans une prairie près les bois de la Haie, où je l'ai récolté avec MM. Guépin, Farge et Béclard.
U. QUERCUS Duby. — Ce qui caractérise l'Uredo quercus, ce sont de petites taches d'un rose pâle, auxquelles correspondent, à la face supérieure, des taches d'un jaune orangé. Lorsque la feuille perd sa couleur, les taches disparaissent, mais les pustules persistent, même quand la feuille est entièrement desséchée. Les sporules sont pyriformes, d'un diamètre de 0 m 0025; abondant sur les chênes de la forêt de Longuenée ; observé avec le docteur Guépin.
U. HYDROCOTYLES Bertero. — L'Uredo hydrocotyles, observé à Fontainebleau, au mois de septembre 1851, par MM. Roussel et Bertero, a été trouvé en abondance dans les marais de la Baumette, par M. le docteur Guépin sur l'Hydrocotyle vulgaris. Ses sporules sont ovoïdes; elles mesurent 0m 003 dans leur grand diamètre; elles sont pourvues d'un pédicelle hyalin, long de 0m 002 à 0 m 0025.
U. VEPRIS Desm. — L'Uredo vepris se développe de très bonne heure sur nos Rubus, particulièrement sur le Rubus fructicosus. Il se fait remarquer par l'ampleur de ses pustules d'un jaune vif (SaintSylvain, assez rare).
U. LEGUMINUM; Desm. — Cette espèce, décrite par Desmazières, a été observée par lui dans le nord de la France ; elle est remarquable par ses grosses pustules presque toujours solitaires et qui n'ont pas moins de 4 à 6 millimètres de diamètre. Elle a été trouvée en Maine et Loire par M. le docteur Guépin dans les jardins potagers, sur les haricots. Murs, Thouarcé, etc.
U. EUPHORBIAE Duby. — Pâtis de Beuzon; j'ai recueilli l'Uredo Euphorbioe sur plusieurs euphorbes telles que l'Euphorbia esula L., l'Euphorbia cyparissias L., l'Euphorbia exigua L., etc. On peut, à l'oeil nu, facilement distinguer, sur les feuilles, sur les rameaux et sur les réceptacles des euphorbes, ce cryptogame.
U. PRUNI Cost. — Cet Uredo, très commun, ne croît pas seulement sur les feuilles des pruniers; il croît aussi sur toutes les feuilles des arbres à noyaux. Très commun. Vergers de Saint-Laud. U. CANDIDA DC. — Le Cirsium arvense a presque toujours les deux
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faces de ses feuilles attaquées par l'Uredo candida, très commun. Murs, Briollay, Soucelles.
U. CONCENTRICA Desm. — Trouvé par M. le docteur Guépin, sur les feuilles du Muscari neglecta. Voici l'observation que fait Desmazières sur cet uredo : « l' Uredo concentrica occasionne sur la feuille des scilles, et surtout du Scilla nutans, sur lequel nous l'observons, une ou deux taches (quelquefois même trois ou quatre) elliptiques, de 10 à 15 millimètres de longueur et d'un vert pâle ou jaunâtre. Un grand nombre de très petites pustules les recouvrent sur les deux faces et y sont disposées en plusieurs cercles allongés et concentriques; les sporules qu'elles renferment sont brunes, presque globuleuses ou pyriformes, semi-opaques, de 1/50 de millimètre environ de diamètre, et toutes pourvues d'un pédicelle hyalin au moins aussi long. »
U. ARTEMISIAE Duby. — ll n'est pas un pied d' Artemisia absinthium qui n'ait ses feuilles attaquées au milieu de l'automne, par l'Uredo artemisioe. Jardins des vallées de la Loire.
U. EPITEA Kunze. — Les saules des bords de la Loire ont, à l'automne, leurs feuilles couvertes par l'Uredo epitea. Ses sporules sont de deux natures : les unes pyriformes et longuement pédicellées, les autres, moins grosses et dépourvues de pédicelles, sont ovoïdes.
U. TROPOEOU Desm. — Au mois d'août, nos capucines ont les feuilles attaquées par cet Uredo. Ses pustules sont d'un jaune pâle, contenant des sporules d'un jaune orangé. Observé dans le jardin de M. André Leroy.
U. POPULINA Pers. — Les bouleaux du bois de la Haie ont, à l'automne, leurs feuilles tachées par l'Uredo popularina qui est très commun.
U. UMBELLATARUM Chev. — Ecole du Jardin-des-Plantes sur les ombellifères (face inférieure), où il est abondant à l'automne.
U. CARPINI Desm. — Les feuilles du Carpinus betulus sont toujours attaquées par cet Uredo observé à Murs, à Saint-Sylvain, dans le parc de Beaupréau ; très commun.
U. ARUNDINACEA Desm. — Sur les deux faces des feuilles du roseau commun, on remarque des pustules entourées d'une tache pâle, en forme d'ellipse, constituant l'Uredo arundinacea. Ses sporidies sont d'un brun pâle, ponctuées à leur surface, ovoïdes, d'inégales grosseurs. Marais de l'Authion, bords de la Lys.
U. GLUMARUM Rob. — L' Uredo Glumarum vient à l'intérieur des glumes et des baies du froment ; il fait prendre aux épilels qu'il attaque une physionomie particulière; ainsi, outre la teinte jaune qui s'aperçoit à travers les glumes, celles-ci s'éloignent du grain. Ses
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pustules sont arrondies, les sporules dont elles sont remplies sont sessiles et globuleuses.
U. POLYGONORUM Duby. — Le Polygonum convolvulus n'est jamais attaqué que par cet uredo. Le Polygonum convolvulus L., vulgairement vrillée, est très abondant dans nos champs cultivés.
U. SYMPHITI DC. — La face inférieure de la consoude officinale, Symphitum officinale L., est presque toujours couverte par l'Uredo symphiti. Il est rare de distinguer, sur la face inférieure de la consoude, la couleur de la feuille; l'Uredo l'envahit entièrement. Murs, Mozé, Thouarcé, Chavagnes, etc. Très commun.
U. ARMERIAE Duby. — L'Armoria plantaginea, qui croît à Briollay, sur les bords de la Loire, à Saumur, etc., a, au printemps, les deux faces de ses feuilles attaquées par l' Uredo armerioe.
U. COMPRANSOR, variété Tussilaginis, Desm. — L'été, le Tussilago farfara L., vulgairement pas-d'âne, a la face inférieure tachée par l'Uredo compransor. Je l'ai remarqué à Murs, à Chavagnes, à SaintSylvain, etc.
U. ROSE Pers. — Abondant sur la face inférieure des rosiers, surtout en automne.
U. PHASEOLORUM DC. — En automne, l'Uredo phaseolorum, se montre dans les champs de Sainl-Laud, sur les pois vulgairement nommés fevettes.
U. PISI DC. — Sur le Pisum salivum, assez commun, jardins de Saint-Laud.
U. FABAE Pers. — Très commun, en été et en automne, sur les deux faces de la fève des marais. Nous l'avons observé dans les cultures de fèves de Beaufort en Vallée.
U. CYLINDRICA Strauss. — L'Uredo cylindrica, croît spécialement sur le Populus nigra L., vulgairement leiard, léard. Iles des Areaux, Ponts-de-Cé.
U. PORTULACAE DC. — Dans nos jardins, sur le pourpier.
U. APICULOSA Chev. — Sur la face inférieure des feuilles de trèfle; très commun.
U MERCURIALIS Chev. — La mercuriale vivace, Mercurialis perennis L., a, sur ses feuilles inférieures, l'Uredo mercurialis; trouvé à Murs, La Haie, Soucelles, Thouarcé.
U. RHINANTHACEARUM DC. — J'ai trouvé avec le docteur Guépin l'Uredo rhinanthacearum à Eventard, à Saumur, à Angers sur le Rhinanthus hirsutus Lam. et sur le Rhinanthus major Ehrhart.
U. PUSTULATA Pers. — Cour de l'évêché d'Angers sur les feuilles du Circoea luteliana L.
U. EVONYMI Mart. — J'ai remarqué l'Uredo evonymi à Murs sur les
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pétioles de l'Evonymus europoeus, la couleur des sporules est d'un jaune d'or.
U. GERANII DC. — L'Uredo geranii se montre en été sur la face inférieure du Geranium molle. Commun aux environs d'Angers.
U. ANEMONES DC. — Trouvé au Jardin des Plantes d'Angers sur les feuilles, face inférieure et sur les pétioles de l'Hepatita triloba.
U. GALII Duby. — Au printemps et en été à la face inférieure des Galium. Très commun à Saint-Nicolas.
U. HYPERICORUM DC. —En automne sur toutes les feuilles des Hypericum, face inférieure.
U. OVATA Strauss. —Cet Uredo aux sporules ovoïdes presque globuleuses pourvues d'une pedicelle a été trouvé par M. le docteur Guépin sur les feuilles languissantes du peuplier tremble, Populus Iremula.
U. RECEPTACULORUM DC— L'Uredo receptaculorum se trouve généralement sur tous les réceptacles des chicoracées. ll est très commun. Observé en Maine et Loire pour la première fois par M. le dr Guépin.
U. SUAVEOLENS Pers. — La sarrete des teinturiers, Serratulatinctoria L., a souvent ses feuilles couvertes par l'Uredo suaveolens d'une couleur blanchâtre. Je n'ai, ainsi que M. le docteur Guépin, remarqué l'Uredo suaveolens que sur la Serratula tinctoria. Forêt de Brissac près l'entrée de la route de Vauchrétien.
U. POTENTILLARUM DC. — Abondant sur le Spiroea ulmaria. Assez commun. Bords de la Lys.
D. LINI DC. — L'Uredo lini affecte de préférence le Linum catharticum. Je ne l'ai du reste remarqué en Maine et Loire que sur cette plante.
U. SEDI Duby. — Cet Uredo particulier au Sedum se montre surtout sur le Sempervivum tectorum, vulgairement la joubarbe. Au Jaunay sur la toiture d'un four, commune de Saint-Sylvain.
U. APICULOSA variété Laburni Desm. — Jardin de M. André Leroy sur la face inférieure du Cytisus laburnum, facile à distinguer à sa couleur rugueuse.
U. MACROSPORA Desm.— Cette espèce, créée par Desmazières, habite sur les feuilles de la Luzula pilosa. Très commune dans les prairies de Mozé et Soulaines.
U. LYCHNIDEARUM Desm. — Trouvé par M. le docteur Guépin sur les rameaux du Lychnis dioica; vues au microscope, les sporules globuleuses de cet Uredo ont environ 1/50 de millimètre de diamètre. Les unes sont sessiles, les autres pourvues d'un pedicelle court.
U. POEONIARUM Desm. — Jardin de M. André Leroy, faces inférieures des feuilles de pivoines. L'Uredo poeoniarum se montre en été et en automne.
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U. BETAE Pers. — Dans nos jardins sur les feuilles de bettes. Très commun.
U. FICI. — Abondant sur la face inférieure du figuier, automne.
U. LUZULAE Desm. —Bois de la Haie. Au centre de chaque tache, qui a un millimètre environ, naît une pustule d'abord recouverte par l'épiderme soulevé et luisant : cet épiderme se déchire longitudinalement, et la poussière d'un roux jaunâtre se répand au dehors. Les sporules ont 1/50 de millimètre de diamètre.
U. ZEAE Desm. — M. le docteur Guépin, d'après les indications de Desmazières, a observé l'Uredo zeoe sur les feuilles du maïs, culture des environs d'Angers.
U. CARICIS DC. — Feuilles du Carex vulpina, très commun.
U. VINEAE DC. — Face inférieure du Vinea major. Murs, Mazé, Chavagnes, Trémentines.
U. VACCENIORUM Johnst. — J'ai trouvé cet Uredo sur la face inférieure des feuilles d'un échantillon de Vaccinium myrtillus provenant de Combrée.
U. VIOLARUM DC. — Face inférieure du Viola odorata et autres espèces. Saint-Sylvain, Saint-Jean-de-la-Croix.
U. V0ALERIANAE Duby. — Face inférieure des feuilles de la Valériane dioique, Pontigné, bords du Couesnon.
U. AIXIORUM DC. — Sur tous nos aulx.
U. FALLENS Desm. — Pustules nombreuses, d'un brun pâle, sporules couvertes de petites verrues d'une couleur foncée. Très commun sur le triolet (Trifolium repens L.).
U. CARYOPHYLLOCEUM Desm. — J'ai trouvé dans les haies des environs d'Angers l'Uredo caryophylloceum sur les feuilles du Stellaria holostea. Les sporules ont presque 0m 025 dans leur grand diamètre.
U. CUCUBALI Desm. — Très commun sur les bords de la Loire; habite sur les feuilles du Cucubalus bacciferus.
II.
GENRE PUCCINIA.
Les Puccinia sont des plantes très petites , qui naissent en forme de taches sous l' épiderme des végétaux vivants, qu'elles déchirent pour se mettre à jour; alors elles ressemblent à des tubercules au amas en partie compactes et en partie gélatineux, qui contournent
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des sporides ou petits pédicarpes pédicellés, divisés en deux loges ou plusieurs, par une ou deux cloisons transversales.
P0CCINIA ANEMONES Pers. — Très commune sur l' Anemone nemorosa ; avril, bois de Saint-Sylvain.
P. LINEARIS Desm. — Commun sur tous nos Bromus. On a longtemps confondu cette espèce avec le Puccinia sertata Preuss. Elle en diffère essentiellement, d'après la description donnée par Desmazières, par ses sporidies entières et obtuses au sommet.
P. SCORODONIAE Link. — Croît sur nos Teucrium. Je l'ai observé à Ponligné, près la chaussée du moulin de la Roche, sur le Teucrium chamoedrys.
P. JUNCI Desm — Très commune sur les joncs desséchés. Bords du Laon, près Machelle.
P. MENTHAE Pers. — Commune sur le Mentha rolundifolia. Commune de Murs.
P. COMPOSITARUM Link. — Très commun sur la Centaurea pratensis. Commune de Murs, prairies.
P. CORRIGIOLAE Duby. — Abondant sur le corrigiola littoralis. Sables des bords de la Loire.
P. EPILOBII DC. — Sur l'Epilobium roseum. Rocher de la Baumette.
P. LINEOLATA Desm. — Sur le Scirpus maritimus. Ile des Areaulx, bords de la Loire.
P. ALLIORUM Dur. et Mont. fl. d'Algérie. — Sur l'ail commun.
P. GLADIOLICast. — Sur le Gladiolus Guepini. Champs St-Martin.
P. SONCHI Desm. — Sur le Sonchus oleraceus. Fossés du Perray-auxNonains.
P. CERASI Cast. — Face supérieure des cerisiers, assez rare.
P. HETEROCHRA Rob. — Commun sur tous nos Galium. St-Nicolas.
P. AEGOPODII Link. — Sur l'AEgopodium podagraria; observé par M. le Dr Guépin; très rare en Anjou.
P. LUZULAE Lib. — J'ai rencontré plusieurs fois cette espèce mêlée avec l'Uredo luzuloe; commune sur la luzula pilosa.
P. PRUNORUM Link. — Très commun; face inférieure des pruniers.
P. BUXI DC. — Sur le buis. Andard, Pruniers, Soulaines. Desmazières prétend que ce cryptogame végète toute l'année sur les buis.
P. VIOLARUM Link. — Sur toutes les faces inférieures des feuilles de nos violettes. Saint-Sylvain, Thouarcé, Gonnord.
P. UMBELLIFERARUM DC. — Face inférieure des feuilles du Sanicula europea Lin. et du Silaus pratensis Besser. Chaloché.
P. TANACETI DC. — Levée de Belle-Poule. Sur le Tanacetum bulgare .
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P. CORONATA Desm. — Prairies du Louet, sur le Daclylis glomerata.
P. BETONICAE. — Face inférieure de la Betoine officinale. Forêt de Brissac.
P. CONVOLVULI Cost. — Les haies des bords de la Loire, sur le Convolvulus sepium.
P. CRUCUNELLAE Desm. — Très rare sur la Crucianella angustifolia. Pont-Barre, juillet 1850.
P. ERYNGII DC. — Sur les deux faces de l'Eryngium campestre, très commun.
P. ASTERIS Duby. — Sur les deux faces des Aster, Jardin-desPlantes d'Angers.
P. VIRGAE AURE.SE Lib. pl. crypt. — Ce cryptogame, que M. le docleur Guépin n'a remarqué que sur le Solidago virga aureoe, est très abondant sur celte plante. Roche de Murs, roche d'Erigné.
P. VALANTE Link. — Le Gaillet croisette, qu'on trouve aux mois d'avril, mai et juin, en fleur dans nos haies et nos prés, a ses feuilles envahies de bonne heure par le Puccinia valantioe.
P. STRIOLA Link. — Sur les feuilles et les liges du Carex vulpina. Fossés près le Bon-Pasteur d'Angers.
P. POLYGONOROM: Link. — On trouve en abondance, dans tous nos marais, le Polygonum amphibium L. La face inférieure des feuilles de celle plante est toujours couverte par le Puccinia polygonorum.
P. THALICTRI Duby. — Ce Puccinia, que M. le docteur Guépin a remarqué sur le Thalictrum flavum, est abondant sur les Thalictrum de la prairie de la Baumette.
P. CIRCAEAE Pers. — Face inférieure du T. Circoea lutetiana. Bois de Bercy, Murs, cour de l'Evêché d'Angers.
P. CARYOPHYLLACEARUM Desm. — J'ai observé cette espèce sur le Spergula pentendra et le Spengula arvensis. En automne, les feuilles, les liges et les pédoncules des spergules sont couvertes par le Puccinia caryophyllacearum. Ce cryptogame est abondant sur les spergules qui croissent dans nos vallées de la Loire; ainsi, je l'ai remarqué à Murs, aux Ponts-de-Cé, à Saint-Jean-de-la-Croix, etc.
P. RECONDITA Desm. — Tiges des seigles des vallées de la Loire. Plusieurs botanistes pensent que cette espèce est la même que celle du Puccinia caricis DC, dont elle se rapproche par la forme des pustules et des sporidies. Le savant cryptogamiste Desmazières est d'un avis contraire. « Nous aurions, dit ce naturaliste, été disposé à réunir ce Puccinia au Puccinia caricis, si la considération du pédicelle très court (0m Oui environ; et des pustules recouvertes par l'épiderme qui se déchire rarement et toujours très tardivement dans notre comomycète, ne nous avait engagé à conserver le nom proposé par
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M. Roberge, qui a bien voulu soumettre son espèce à notre appréciation. »
P. CORONATA Cord., Icon. fung. — Les dents dont est couronné l'article supérieur de la sporidie ne se remarquent qu'à sa maturité ; toujours cet article en est dépourvu par l'écartement de l'épiderme avant l'ouverture de la pustule. Croît sur l'Holcus mollis, port Meslay, près Angers; Bromus asper, prairies du Veau, commune de Chavagnes-les-Eaux; sur l'Arundo phragmites, bords de la Loire
III.
GENRE PEZIZA.
Le caractère de ce genre est celui-ci : champignon en forme de cupule sessile ou stipitée, portant les seminules à la surface supérieure, renfermées, au nombre de six à huit, dans des spores ou conceptacles propres.
Les peziza varient dans leur grandeur, mais ils sont généralement petits, de telle sorte qu'on les prendrait quelquefois pour des scutelles de lichens. On compte plus de deux cents espèces de peziza.
Nous allons donner la nomenclature de celles connues en Anjou et observées par M. le docteur Guépin, auquel nous devons la plupart des notes qui nous ont servi à rédiger ce travail.
PEZIZA DILUTELLA Fr. — Très rare; observée par M. le docteur Guépin sur le Cerastium pumilum à la Garenne de Saint-Nicolas, aux Fours à Chaux, à Juigné-sur-Loire, à Faveraye.
P. LUTEO-VIRESCENS Rob. —Desmazières fait remarquer avec raison que la différence qui existe souvent dans la longueur du pédicule de cette espèce paraît due au lieu où se trouve l'individu. Le pédicule s'allonge jusqu'à ce que la capsule soit parvenue, à travers les obstacles qui l'entourent, à un endroit où elle puisse se développer en liberté. Le disque devient blanchâtre, quelquefois bleuâtre par la dessication; le dessous de la capsule conserve mieux sa couleur. Trouvé pour la première fois par M. le docteur Guépin , à Tiercé, sur le chèvrefeuille commun.
P. ALBO TESTACEA Desm. — Cette espèce est très fragile; elle se brise à l'état frais aussitôt qu'on la touche. On la trouve en Anjou , sur les chaumes, au mois de septembre.
P. ROBERGEI Desm. — Les diverses espèces de chèvrefeuille qu'on trouve dans le Baugeois ont leurs rameaux couverts, au printemps,
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par cette pezize, qui diffère de la première par sa couleur plutôt rousse que rouge, par ses poils beaucoup plus longs et par sa cupule quelquefois subpédicellée.
P. PALEARUM Desm. — Les thèques de cette pezize n'ont guère plus de 1/20 de millimètre de longueur. On trouve principalement, dans les champs de Juigné-sur-Loire, la Peziza palearum Desm. sur les éteules de froment.
P. PTERIDIS Fr. — Sur toutes nos fougères, au printemps et en hiver. « Les cupules, dit Desmazières, dans son Etude sur les plantes cryptogames de la France, naissent sous l'épiderme, lequel, en s'enlevant par lambeaux scarieux, les laisse à nu, de manière que, le plus souvent, elles paraissent superficielles. Elles ne dépassent pas, dans leur plus grand développement, de 1/3 à 1/2 millimètre de diamètre. Leur intérieur est de couleur paille; l'extérieur, brunâtre à l'état sec, pâlit par l'humidité et prend une teinte verdâtre. Il paraît que celle couleur est due à des cils extrêmement courts ; ceux du bord sont blancs et le font paraître finement denté. Les thèques sont presque cylindriques et n'ont pas plus de 1/25 de millimètre de longueur. ,
P. FALLAX Desm. — M. le docteur Guépin a trouvé cette pezize dans les pépinières de M. André Leroy, sur le Pinus sylvestris.
P. SALICARIA Pers. - Saint-Jean-de-la-Croix, dans les excavations des vieux saules des bords de la Levée. Les thèques du Peziza salicaria sont presque claviformes et ont 1/20 de millimètre de longueur, quelquefois un peu moins. Les sporidies sont ovales-oblongues et n'ont guère plus de 1/200 de millimètre.
P. UMBRINBLLA Desm. — Sur l'Urtica dioica, aux environs d'Angers. Les sporidies de cette Peziza ont environ 1/80 de millimètre de longueur.
P. ALBIDA. — En été, les frênes de la prairie de la Baumette ont les pétioles tachées par la Peziza albida.
P. EBURNEA Rob. — Prairies du Louet, sur les feuilles de nos bromes et du dactylis. C'est la plus petite espèce connue en Anjou.
P. SEPIUM. — Route de Cholet, près Petit-Claye, sur les rameaux secs du Cratoegus oxyacantha.
P. HOMILIS Desm. — Trouvé sur l'Humulus lupulus, bords de la Lys, commune d'Aubigné-Briant.
P. BRUNEOLA Desm. — M. le docteur Guépin a observé cette pezize dans les bois de la Haie, sur les feuilles sèches et tombées du quercus toza. Voici la description qu'en donne Desmazières : « Ce joli petit fungus a des rapports avec la Peziza fusrescens Pers. de la série Dasyscyphoe stipitatae Fr. Il naît sur les deux faces, et surtout à la face
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inférieure des feuilles sèches et tombées du chêne. Dans son jeune âge, il est sessile et ne paraît, même à la loupe, que comme un point velu et brun. Il s'élève ensuite sur un pédicelle distinct, glabre, d'un blanc jaunâtre, formant à peu près le tiers de la hauteur totale de la plante, qui n'excède pas un millimètre. La cupule, à cette époque, s'ouvre en soucoupe plus ou moins étalée, avec les bords constamment relevés. Le disque est blanchâtre et atteint environ un millimètre de diamètre. L'extérieur de cette pezize est couvert d'un duvet très court, d'un brun roux, plus serré près bords. Les thèques sont tubuleuses, obtuses, et renferment des sporules oblongues ; elles n'ont guère plus de 1/20 de millimètre, mais les paraphyses les dépassent de beaucoup en longueur et sont remarquables parce qu'elles sont très droites, fusiformes, pointues et d'une grosseur égale à celle des thèques. »
P. CORTICALIS Pers. — On trouve assez abondamment cette pezize sur les tiges de nos chèvrefeuilles. Pontigné (Lonicera xylosteon).
P. PETIOLORUM Rob. — Très rare. M. Guépin a constaté la présence de cette pezize sur les pétioles des vieilles feuilles du Quercus robur. Les Banchais, commune de Saint-Sylvain.
P. LACHNOBRACHYA Desm. — Jardin-des-Plantes d'Angers ; feuilles de l' Acer pseudo-plalanus.
P. BRUNEO-ATRA Desm. — Lieux tourbeux. Chaloché.
P. TAMI Lamy. — Sur le Tamus communis. Bois de la Haie.
P. CULMICOLA Desm. — Tiges sèches des froments des basses vallées.
P. INSIDIOSA Desm. — Sur les deux faces de l'Hoedera helix.
P. NIGRELLA Pers. — Sur les terrains humides des bords de l'étang Saint-Nicolas.
P. NIDULUS Fries. — Sur la tige du Convallaria multiflora. Perrayaux-Nonains.
P. CORONATA Fries. — Sur le Cannabis sativa. Vallées de la Loire.
P. PERSOONII Fries. — Sur l'Equisetum telmaleia. Thouarcé, bords du Layon.
P. ATRATA Pers. — Bords de l'Aubance, sur le Spiroea ulmaria. Je l'ai aussi trouvé à Murs, sur le Sambuscus ebulus et sur le Plantago lanceolata.
P. SPHOERIOIDES Pers. — Sur plusieurs Lychnis. Briollay, Tiercé.
P. VULGARIS Fr. — Commune dans les bois de Saint-Sylvain, en automne, sur les tiges du Corylus avellana.
P. GRAMINIS Desm. — Sur le Triticum caninum. Commune au bord des routes, dans les haies des environs d'Angers.
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P. NERVICOLA Desm. — Au printemps, sur la face inférieure des feuilles de chêne. Bois de la Haie.
P. CERASTIORTUM. — Fours à chaux. Sur le Cerastium semidecandrum.
P. ARDUENNENSIS Mont. — Observée par le docteur Guépin, sur les feuilles de nos Rubus.
P. PATULA Pers. — En automne, sur le Populus tremula. Forêt de Brissac.
P. LABIATA Desm. — Trouvé aux fours à chaux par M. le docteur Guépin, sur l'Eryngium campestre.
P. ACUUM Duby. — Jardin de M. Leroy, sur les Abies.
P. CLANDESTINA Fr. — Murs, sur les rameaux du Sambuscus nigra.
P. DIMINUTA Rob. — Dans le Layon, près le gué du Berg, sur les joncs.
P. FASCICULARIS Fr. — L'écorce des peupliers des pâtis de Beuzon est couverte par ce cryptogame. Il croît aussi sur le frêne. Mozé, Soulaines, Faveraye, Chavagnes, Martigné, etc.
P. HERBARUM Pers. — Ce cryptogame est assez commun sur les tiges de Rubus. Il vient en abondance sur les feuilles desséchées de nos bromes. Saint-Sylvain, Chaloché, Briollay, Beaucouzé.
P. ANOMALA Pers. — Très commun sur les saules de l'île des Airaulx, près les Ponts-de-Cé. Ce cryptogame se trouve aussi sur les pins des bois de la Haie. Je l'ai observé sur les hêtres du parc de Beaupréau.
P. MISELLA Rob. — Commune sur le Rubus radula. Haies de pruniers.
P. JUCUNDISSIMA Desm. — « C'est, nous dit Desmazières, qui a fait cette espèce, une des plus charmantes et des plus délicates pezizes que nous connaissions. Chaque houppe ou aigrette qu'elle produit se compose non pas d'un duvet, mais de poils ciliformes, trois à quatre fois plus longs que la cupule est haute. Dans le jeune âge même, les cils ont pris presque tout leur accroissement, et l'on dirait qu'ils composent la plante entière, si l'on ne distinguait, à leur base, une cupule extrêmement petite, infundibuliforme. Celte cupule, très mince, s'arrondit en dessous et prend la figure d'une coupe et d'un Bowel, puis elle se renverse, et son disque devient tout à fait plane. »
P. PALUSTRIS Rob. — Machelle, ruisseau de l'Arcison, sur les joncs.
P. OEDEMA Desm. — Cette espèce se trouve souvent mêlée sur les feuilles de nos Rubus au Peziza dumorum. M. le docteur Guépin prétend qu'il faut humecter légèrement les échantillons pour bien distinguer tous les caractères de cette espèce,
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P. MELATEPHRA Desm. — Sur les joncs secs, étang de la Haie (herborisation de M. le docteur Guépin).
P. CARNEO PALLIDA Rob. — Au printemps, sur les vieilles feuilles des ormes de nos boulevards. Si l'on humecte le support, on verra aussitôt paraître les cupules par l'ouverture qu'elles ont faite à l'épi - derme et devenir presque superficielles.
P. SPIREAE Rob.—Très commune sur les feuilles desséchées du Spirea ulmaria.
P. PATOULA Rob. — Cette espèce, à tort, a souvent été confondue avec les Peziza palustris qui, comme elle, se développent sur le chaume des joncs.
P. TIMIDULA Rob. —Parc de Chanzeau, sur les feuilles de bouleau. Il croît également sur les feuilles du bouleau le Peziza epiphylla, mais il est beaucoup plus grand, de couleur d'ocre et souvent substipité.
P. NERVISEQUA Pers. — Cette espèce croît sur les feuilles languissantes du Plantago lanceolata. Je l'ai trouvée tout le long de la route de Seiches à Baugé. P. HEMISPHAERICA Hoff.—Sur la terre, octobre 1857, forêt de Brissac. P. BRUNNEA Fr. — Sur la terre, bois de la Haie. P. COMPRESSA. — Sur des copeaux humides, trouvée à Murs, au mois de décembre 1857.
P. FRUCTIGENA Pers. — Assez rare. Je ne l'ai remarqué que sur les fruits du Corylus avellana L., commune de Murs.
P. PHYLLOPHILA Desrn. — Cette nouvelle espèce, créée par Desmazières, a été trouvée en Anjou, par M. le docteur Guépin, sur des feuilles humides de l' Acer campestre.
P. GLUMARUM Desm. — Cette espèce a été observée pour la première fois en Anjou par M. le docteur Guépin, sur des terrains humides où se trouvaient des baies de froment. Cette pezize, dit Desmazières, croît en groupes serrés, s'attachant aux baies du grain et quelquefois aux brins de paille. Dans sa jeunesse, elle est close, globuleuse, conique à sa partie inférieure, et entourée d'un duvet blanc et fugace. Elle s'ouvre ensuite et devient, de jaune pâle et blanchâtre qu'elle était d'abord, d'un beau jaune orangé. Alors elle est glabre, plane ou légèrement concave, et a depuis quatre jusqu'à huit millimètres de diamètre. Ses bords sont blanchâtres, souvent flexueux, un peu frangés ou déchirés ; sa chair, très fragile, est blanche intérieurement. L'hyménium de celle espèce est composé de paraphyses entre lesquelles se trouvent des thèques hyalines, tubiliformes, contenant huit sporules ovoïdes ou un peu oblongues, disposées quelquefois obliquement, sur une seule rangée.
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P. CARICIS Desm. — Cette pezize a été observée sur tous nos carex. Elle croît principalement sur le Carex glauca. Perray-aux-Nonnains.
P. CILIARIS Fries. — Assez commune sur les feuilles mortes du châtaignier. Propriété de Chandoiseau, commune de Faveraye.
P. ALBOVIOLASCENS Fr. — Jardin de M. André Leroy, trouvé sur le Caprifolium hortense.
P. SULPHUREA Fr. — Tige de l'Heracleum sphondylium, fossés des pâtis de Beuzon.
P. CLAVELLATA Duby. — Tiges du Dactylis glomerala, prairies de Sainte-Gemmes-sur-Loire. Cette espèce, longtemps confondue avec la Peziza cyathoides, s'en distingue par sa couleur, sa petitesse, son pédicule épais et son réceptacle qui ne devient jamais plane.
P. VENUSTULA Desm. — Sur les branches de l' Acer negundo. Murs.
P. ANOMALA Pers. — Commune en automne, sur l'écorce des saules, bords de la Loire.
P. FRUCTIGENA Fr. — Sur les cupules du chêne; assez rare. Chavagnes-les-Eaux.
P. FUSARIOIDES Desm. — Au printemps, on trouve, dans les fossés du Mail, des tiges sèches de l'Urtica dioica, sur lesquelles se montre la Peziza fusarioides.
P. LACUSTRIS Desm. — Celte pezize, décrite par Desmazières, croît sur les joncs secs des Mortiers, près Angers.
P. CYATHOIDEA Pers. — Abondant sur nos orges. Je l'ai trouvé sur le Bromus secalinus L.
P. CARPINEA Pers. — Très rare. On ne l'a encore remarqué en Anjou que sur l'écorce du charme. Ferme de Chenaussin, commune de Villedieu-la-Blouère.
P. PATULA Pers. — Commun, à la fin de l'automne, sur les feuilles du peuplier blanc. Rocher de la Baumette.
P. DUMORUM Desm. —Sainte-Gemmes, sur les feuilles mourantes du Rubus coesius.
P. HORRIDULA Desm. — Sur les paillers exposés au nord. Assez rare.
P. TILLOSA Pers. — Ce cryptogame ne croît en Anjou que sur les tiges des luzernes et des sainfoins. Murs, Chavagnes-les-Eaux.
P. BREVIPILA Rob. — Tige du Centaurea nigra. Chaloché.
P. DIVERSICOLOR Fries. — En automne, sur les crottes de cheval et sur les bouses de vaches.
P. ERUMPENS Grev. — Sur les pétioles de l'Acer pseudo-platanus, fontaine de Martigné-Briant.
P. POLYGONI Desm. — Très commun sur toutes les vieilles tiges de Polygonum persicaria et hydropiper.
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P. VINOSA Fr. — Les feuilles des ormes du boulevard d'Angers sont couvertes, au printemps, par cette pezize, confondue longtemps avec la Peziza rubella Pers. Cette espèce en diffère essentiellement par sa substance trémelloïde ainsi que par ses bords très entiers et non sublaciniés.
P. ARENIVAGA. Desm. — Très commun sur les feuilles du Calamagrotis epigeos. Murs, Saint-Sylvain, Chaloché. Je l'ai trouvé à Noirmoutiers, sur le Calamagrotis arenaria.
P. EFFUGIENS Desm. — Au printemps, les vieilles tiges des plantes herbacées qui ont résisté à l'hiver, se couvrent de Peziza effugiens. Le docteur Guépin a remarqué cette pezize sur le Phragmiles communis.
P. VERSICOLOR Desm. — Très rare. Observé par le docteur Guépin sur les nervures de la fronde de l'Aspidium filix mas. Tiercé. Desmazières prétend que cette pezize, d'un blanc de lait très pur à l'état frais, passe subitement au jaune par le plus léger frottement ou la piqûre de la pointe d'une aiguille.
P. BICOLOR Duby. — Très commune, au printemps, sur les rameaux du chêne. Murs, Mozé, Soulaines, etc.
IV.
GENRE OlDIUM.
L'Oidium est caractérisé par ses filaments rameux byssoïdes, floconneux, entrelacés en touffes, cloisonnés, et dont les extrémités sont composées d'articulations qui, en se détachant, paraissent devenir autant de conceplacles.
OÏDIUM MONILIOÏDES Fr., Syst. — Commun sur tous nos poa, abondant surtout sur le Poa pratensis, Cette espèce se développe sur les feuilles ; elle attaque d'abord leur sommet, puis progressivement elle descend jusqu'à leur base.
0. EPILOBII Desm. — L'Epilobiummolle, si commun dans notre département, a, en été, ses feuilles attaquées par cette plante parasite. J'ai du reste remarqué cette espèce sur tous les épilobes qui croissent en Anjou.
0. ERYSIPHOÏDES Fr., Syst. — J'ai remarqué pour la première fois cet Oidium sur un pied de Ballota nigra, croissant dans la rue
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de Bouillou. Les Lamium album des bords de la Loire en sont couverts.
O. PRUNORUM Fr. — Sur les prunes, lorsqu'elles commencent à pourrir.
O. CHARTARUM Link. — Le papier qui sert à dessécher les plantes est souvent couvert par cet Oidium. L'humidité est très favorable au développement de l'Oidium chartarum sur le papier buvard.
AIMÉ DE SOUND.
HERBORISATIONS DE 1858
Chaque année, M. le docteur Guépin publiait le résultat des herborisations qui étaient faites en Maine et Loire. C'est ainsi que ce botaniste distingué a pu enrichir la Flore d'espèces et de localités nouvelles. Voulant continuer l'oeuvre du docteur Guépin, nous nous sommes adressé à nos collègues en botanique. Aidé par eux, nous avons l'espoir de pouvoir donner assez prochainement un travail complet sur les plantes de l'Anjou.
Nous devons à l'obligeance de M. Trouillard, de Saumur, la communication des espèces suivantes :
FRAGARIA COLLINA. Montreuil-Bellay, pelouses au-dessous du bois de la Garenne TR. LYC0P0DIUM INUNDATUM. TR. Courléon, dans les landes humides. POLYGALA AUSTRIAGA. TR. Prairies des Ulmes, près Saumur. VERONICA SPICATA. TR. Courléon, chemins sablonneux.
Herborisai ions de M. l'abbé Baudouin, aumônier des Incurables de Baugé .-
POTAMOGETON PUSILLUS. Baugé.
ARUM MACULATUM. Rare dans le Baugeois. Forêt de Chandelais.
CAREX PANICULATA. Baugé.
— PALLESCENS. Baugé.
— KOCHIANA. Jarzé. CLADIUM MARISCUS. La Bouquetière. DIGITARIA FILIFORMIS. Baugé.
AIRA COESPITOSA. Forêt de Chandelais. AVENA SULCATA. Chandelais. Mouliherne.
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JUNCUS OBTUSIFLORUS. Baugé.
— ACUTIFLORUS. Baugé. ORNITHOGALUM REFRACTUM. Baugé. ALLIUM URSINUM. Montpollin. GALANTHUS NIVALIS. Vieil-Baugé. OPHRYS MYODES. Pontigné. Je l'ai trouvé abondant près le dolmen appelé dans
le pays Piem couverte. OPHRYS APIFERA. Pontigné.
— FUSCA. TR. Echemiré. Cette espèce est rare en France. CHENOPODIUM BONUS HENRICUS. Pontigné. UTRIGULARIA NEGLECTA. Saint-Martin. Distré. OROBANCHE ULICIS. Chaloclié, Mouliherne.
— PICRIDIS. Vieil-Baugé. LINARIA PELISSERIANA. Cuon. ANTHYRRHINUM MAJUS. Baugé, sur les murs. BARTSIA VISCOSA. Chandelais.
SALVIA SCLAREA. Pontigné.
— VERBENACEA. Vieil-Baugé. TEUCRIUM MONTANUM. Pontigné, Lasse. LITHOSPERMUM PURPUREO COERULEUM. Pontigné. CYNANCUM VINCETOXICUM. Baugé. PRISMATOCARPUS HYBRIDUS. Pontigné. ANDRYALA INTEGRIFOLIA. Chandelais. HYPOCHOERIS MAGULATA. Mouliherne. MICROPUS ERECTUS. Baugé, Pontigné, Lasse. CIRCIUM TUBEROSUM. Pontigné. XERANTHEMUM CYLINDRACEUM. Lasse. SENECIO ERUCEFOLIUS. Pontigné. VALERIANA DIOICA. Pontigné.
ASPERULA ARVENSIS. Lasse.
SCIUM ANGUSTIFOLIUM. Vieil-Baugé, Saint-Martin-d'Arcé.
ADONIS AESTIVALIS.
— AUTUMNALIS. Pontigné, Lasse.
— FLAMMEA.
MYOSURUS MINIMUS. Baugé.
ANTHEMIS MIXTA. Mouliherne.
DIPSACUS PlLOSUS. Pontigné,
LINUM ANGUSTIFOLIUM. Vieil-Baugé, Mouliherne.
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HYPERICUM QUADRANGULUM. Baugé.
FUMARIA VAILLANTII. Pontigné, Lasse. ARABIS HIRSUTA. Baugé, Pontigné. LEPIDIUM LATIFOLIUM. Vieil-Baugé. PARNASSTA PALUSTRIS. Pontigné. CERASTIUM BRACHYPETALUM. Baugé. ARENARIA SEGETALIS. Baugé, Mouliherne. — MONTANA. Saint-Martin-d'Arcé. DIANTHUS CARYOPHYLLUS. Baugé. ILLECEBRUM VERTICILLATUM. Baugé. TILLEA MUSCOSA. Baugé. RIBES RUBRUM. Echemiré.
POTENTILLA VAILLANTII. Cheviré, Saint-Martin-d'Arcé. MELILOTUS OFFICINALIS. Vieil-Baugé. MEDIGAGO AMBIGUA Jordan. Lasse. CORONILLA EMERUS. Chandelais. EUPHORBIA PILOSA. Seiches. SALIX REPENS. Seiches. ORCHIS INCARNATA. La Bouquetière. JUNCUS SQHARROSUS. Chandelais. OPHIOGLOSSUM VULGATUM. Vieil-Baugé. OSMONDA REGALIS. La Bouquetière. CETERACH OFFICINARUM. Baugé. POLYSTICHUM THELYPTERIS. La Bouquetière, Chaloché, Saint-Martin-d'Arcé.
— SPINULOSUM. Chandelais, La Bouquetière.
ATHYRIUM FILIX FOEMINA. Chandelais, La Bouquetière, Saint-Martin-d'Arcé. BLECHNUM SPICANS. Chandelais, Montpollin. PILULARIA GLOBULIFERA. Chaloché, Saint-Martin-d'Arcé. FRITILLARIA MELEAGRIS variété alba. Prairies de la Meignanne. Trouvé par M. de Joannis.
Quant à nous , nos herborisations nous ont fait observer un assez bon nombre de localités nouvelles et plusieurs plantes très rares de l'Anjou. En voici la liste :
SMYRNIUM OLUSATRUM. Environs du pont Brionneau. RUTA GRAVEOLENS. Aubigné-Briant.
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CONVALLARIA MAIALIS. Trémentines.
BERBERIS COMMUNIS. Route de Briollay.
PAPAYER HYBRIDUM. Champs cultivés de Briollay.
BRIZA MINOR. Linières-Bouton.
ORNITHOPUS ROSEUS. Linières-Bouton
LOTUS HISPIDUS. Chavagnes-les-Eaux.
TRIFOLIUM RESUPINATUM. Saint-Sylvain , près la Singerie. Ce trèfle est abondant dans les prairies des environs de Cholet. — Pendant que les boeufs des métayers de Cholet sont à l'étable ou aux pâturages , il se loge dans la cavité de leurs sabots des graines du trifolium resupinatum , qui à la longue se détachent sur les routes et c'est ainsi que depuis Cholet jusqu'à Paris on a remarqué çà et là, aux bords des fossés et des hernies, des échantillons du trèfle renversé. On prétend même en avoir trouvé dans plusieurs embarcadères de nos gares.
GENISTA SAGITTALIS. Linières-Bouton.
ILLECEBRUM VERTICILLATUM. Ecoufflant.
GYPSOPHILLA MURALIS. Vallées de la Loire, les Ponts-de-Cé.
HELIANTHEMUM GUTTATUM , variété immaculatum. Les Noyers, commune de Martigné-Briant.
ARABIS HIRSUTA. Le Plessis-Grammoire.
BARBAREA PRAECOX. Saint-Lambert-du-Laltay.
ANDROSOEMUM OFFICINALE. Bécon.
AVENA PUBESCENS. Landes de Brou.
MUSCARI LELIEVRII. Prairies du Champ des Martyrs près Angers.
POLYGONUM BRITTINGERI. Mûrs.
MALVA NICOEENSIS. Thouarcé, Faye, Martigné.
ACORUS CALAMUS. Etang du Pré, commune de Mozé.
ROSA BATHOLOMENSIS. Les Chenaies , commune de Saint-Barthélémy. TR.
KOELERIA CRISTATA. Au pied du tombeau du Chien, commune de Seiches, près le château du Verger.
ROSA ARVINA. Mozé.
— ANDEGAVENSIS. Mozé.
CHARA HISPIDA. Mozé près les Rochettes.
— TRANSLUCENS. Thouarcé.
ORNITHOGALUM REFRACTUM. Mozé, Soulaines, Thouarcé, Juigné-sur-Loire. ROSA COLLINA. Saint-Barthélemy.
— PSILOPHYLLA. Chemin de Frémur.
DIPLOTAXIS VIMINEA. Les Coumons , commune de Chavagnes-les-Eaux. CARDAMINE SYLVATICA. Montreuil-Belfroi.
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CARDUUS PYCNOCEPHALUS Jacq. Angers, quai des Luisettes.
MYAGRUM PERFOLIATUM. Linières-Bouton.
SAPONARIA OFFICINAUS. Chavagnes-les-Eaux.
DIPSACUS PILOSUS. Varennes-sous-Montsoreau.
LEONURUS CARDIACA. Varennes-sous-Montsoreau.
TUSSILAGO PESASITES. Varennes-sous-Montsoreau.
RUBUS ARDUENNENSIS. Rochers de Pruniers, Murs.
MERCURIALIS PERENNIS. Bords du ruisseau de Mozé.
XERANTHEMUM CYLADRINCEUM. Briollay.
CENTUNCULUS MINIMUS. Serrant.
MYOSURUS MINIMUS. Sables des vallées de la Loire.
PINGUIGULA VULGARIS. Noyant, Brain-sur-Allonnes.
ANDROSAGE MAXIMA. Fontevrault, Montreuil-Bellay.
ORCHIS INCARNATA L. Variété Huardi R. Tubercules palmés-aplatis mêlés à des radicules cylindracées, ses feuilles sont immaculées. Ses fleurs purpurines-violacées, en épi assez dense et allongé, sont entremêlées de bractées uninervées dépassant l'ovaire. Le label est glabre, ponctué de violet plus foncé, à trois lobes denticulés ; l'intermédiaire conique entier, les latéraux repliés ; l'éperon est conique absolument vertical ; il égale à peu près l'ovaire. Chaloché , prairies du Jardin. — La description que nous donnons de ce bel orchis, a été faite par feu M. le docteur Guépin et devait paraître dans le troisième supplément de la Flore de Maine-et-Loire.
AIME DE SOLAND.
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NOTICE
SUR
LA DREISSENA POLYMORPHE
DU DÉPARTEMENT DE MAINE ET LOIRE.
Jusqu'au 14 juin 1848, la Dreissena n'avait point été trouvée dans les eaux du département du Maine et Loire; c'est à des recherches que j'ai faites l'été dernier pour découvrir des nayades, que je dois de l'avoir rencontrée, et je m'empresse d'en donner connaissance à la Société.
Depuis ma découverte de la Dreissena à Montsoreau, dans la Loire et sur divers points du Thouet, notre honorable collègue, M. Millet, l'a trouvée à Sainte-Gemmes attachée à une pierre du rivage, le 4 septembre 1846; et M. Ferdinand Bayan, de Rennes, l'a trouvée également le 6 septembre, même année, aux Ponts-de-Cé. De plus, je l'ai reçue de M. de Senot de Thouaré, près Nantes, de Mlle Chalumeau, de Chinon sur la Vienne, de telle sorte qu'il se trouve établi que ce mollusque habite les eaux de la basse-Loire et que même il remonte dans ses affluents.
On pourrait se demander comment un animal qui passe sa vie attaché par un byssus peut remonter le cours des fleuves; je crois que la chose se fait tout naturellement au moyen des nayades, sur la coquille desquelles les dreissenes se fixent : les nayades les charroient ainsi avec elles à contre-courant, leur permettent de se propager sur des points de plus en plus élevés et de remonter ainsi à force de temps jusqu'à de fort grandes hauteurs.
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Bien que ce mollusque ait été décrit par plusieurs auteurs, comme il est très variable dans ses formes, j'ai cru bon de donner la description de notre Dreissena.
Pour étudier cette coquille, rappelons-nous qu'on doit la placer longitudinalement devant le spectateur, reposant sur son côté plat qui est l'inférieur, les sommités en avant, c'est-à-dire plus loin du spectateur que la partie opposée qui est arrondie.
L'animal de la Dreissena qu'on trouve dans la Loire et dans le Thouet, est d'un blanc grisâtre; son manteau fermé de toutes parts s'ouvre en arrière pour laisser passer les syphons respiratoires et excréteurs, lesquels, lorsque l'animal les étend, sortent légèrement hors de la coquille et laissent voir un petit bourrelet noir qui les reborde et des cirrhes tentaculaires qui s'épanouissent tout autour et sur plusieurs rangs. Puis le manteau s'ouvre encore à la partie anteroinférieure pour laisser passer le pied qui est pointu, blanchâtre et porte à sa base un pinceau de soie ou byssus rougeâtre, assez court, au moyen duquel le mollusque se fixe. Le corps de l'animal se termine en avant par deux pointes qui remplissent les sommets et sont separées entr'elles par les demi-cloisons dont ils sont munis intérieurement et qui portent le muscle adducteur.
La coquille ressemble extérieurement à une petite moule, les sommets sont terminaux, un peu recourbés en dessous, et se touchant presque; quelquefois on les trouve excoriés. En dessus, la coquille est plus ou moins élevée et terminée eii haut par un angle obtus formé par la rencontre de la ligne cardinale et du bord apertural, qui est arrondi et tranchant ; la coquille de la dreissena est équivalve, mais inéquitalérale; les valves sont carénées, mais les carènes sont situées tout en bas et forment comme la limite de la partie inférieure de la coquille qui est aplatie et déprimée dans son milieu; la, les valves sont entrebâillantes et laissent passer le byssus qui fixe l'animal pour tout le temps de sa vie. En dedans, les valves sont d'un blanc bleuâtre et portent au sommet un petit commencement de cloison sur lequel est attaché le muscle adducteur des deux côtés. En dehors, la coquille est d'un brun verdâtre plus ou moins foncé, tantôt uniforme et tantôt portant surtout près des sommets, des bandes jaunes, suivant régulièrement le contour des stries d'accroissement, ou bien formant des zigzags à angles assez vifs; quelques individus, mais rares , présentent une bande jaune vif, longitudinale de chaque côté un peu au-dessus de la carène des valves.
Notre Dreissena ne dépasse guère 35 à 40 millim. de longueur sur 15 millim. de hauteur et 20 millim. de largeur.
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Quoique la Dreissena soit le seul mollusque de son genre, on lui a cependant donné le nom spécifique de polymorpha, pour indiquer que la coquille présente une très grande variété de formes, puis aussi pour la caractériser complètement parmi les autres Dreissenes qu'on pourrait découvrir par la suite.
La Dreissena se rencontre presque toujours dans la Loire et dans le Thouet attachée sur des unios et le plus souvent sur le bord de la coquille. Sans être rare, elle n'est pas commune, mais on la trouve bien plus souvent dans le Thouet.
L. DE JOANNIS.
ÉTUDE
SUR
LES NAYADES
DU DÉPARTEMENT DE MAINE ET LOIRE.
L'intérêt qui depuis plusieurs années s'est attaché à l'élude des mollusques, les ouvrages si remarquables publiés sur ce sujet par un grand nombre de savants et tout récemment encore par M. MoquinTandon, m'ont engagé à faire de nouvelles recherches afin d'élargir, s'il était possible, le cercle de nos connaissances à cet égard, et de fixer au moins d'une manière plus complète les types que possède le département de Maine et Loire. J'ai déjà donné connaissance de la découverte que j'ai faite l'été dernier de la dreissena polymorpha dans les eaux de la Loire et du Thouet. Je vais maintenant parler des nayades, famille d'autant plus intéressante que la Providence leur a assigné une fonction extrêmement importante, celle de purifier les eaux en leur faisant absorber comme nourriture les matières qui pourraient en altérer la pureté ou la salubrité.
Cependant je ne veux point commencer ce travail avant d'avoir rendu un juste tribut d'hommages aux travaux de celui qui m'a devancé dans la carrière, de notre honorable collègue, M. Millet, qui seul jusqu'ici dans notre contrée a publié des ouvrages sur le sujet qui nous occupe.
M. Millet fit imprimer effectivement un premier opuscule dès l'année 1813, où il établit avec description l'existence de quatre-vingtdeux espèces de mollusques sur lesquelles quatre nayades seule-
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ment. Vingt ans plus tard, en 1833, l'édition de 1815 étant épuisée, un second travail parut; cette fois M. Millet supprima toute description et se borna à donner un catalogue avec synonymie et habitat.
Ce catalogue signale quatre-vingt-dix-sept espèces sur lesquelles dix nayades: c'était quinze espèces nouvelles découvertes dans les vingt ans qui venaient de s'écouler Enfin en 1854, vingt et un ans encore après, M. Millet publia un nouveau catalogue avec synonymie et habitat accompagné de tableaux dichotomiques où il signale cent-seize espèces, ce qui donne encore dix-neuf mollusques découverts dans les vingt et une années passées, et sur les cent-seize espèces sept anodontes et huit unios. — Voilà certes des titres puissants à notre reconnaissance; car c'est à ces ouvrages intéressants que nous devons d'avoir vu s'entretenir parmi nous le goût et l'étude de la malacologie.
A ce devoir que la justice m'imposait, je veux enjoindre un autre que la reconnaissance me dicte et que je remplis avec bonheur, c'est celui de remercier ici toutes les personnes qui ont bien voulu me prêter leur bienveillant concours pour mener à bonne fin le travail que j'ai entrepris. Ainsi MM. l'abbé Baudouin, aumônier des Incurables à Baugé, M. l'abbé Ravain, professeur d'histoire naturelle au collége de Combrée ; MM. Moquin-Tandon, professeur à la Faculté de Médecine de Paris, Millet, Ludovic Le Gris, Henri de la Perraudière, Armand de Crochard, Charles et Louis de Senot, le docteur Chevalier de Baugé, Louis Bardin, élève au collége Mongazon et MM. Cailliaud, conservateur du musée de Nantes, ainsi que le docteur Moriceau de la même ville, m'ont ouvert leurs bibliothèques, communiqué leurs collections, et envoyé tout ce qu'ils ont pensé pouvoir intéresser la science; ils ont donc une véritable part dans ce travail et j'aurai soin en temps et lieu de le rappeler à mes lecteurs.
PRINCIPES.
Comme il se trouve beaucoup de naturalistes qui, quoique fort instruits, ne se sont point occupés spécialement de malacologie, je crois nécessaire pour les mettre à même de comprendre les descriptions qui vont suivre, de rappeler quelques principes et de convenir de quelques termes afin qu'il n'y ait pas de méprise possible.
Les nayades sont des mollusques acéphales, lamellibranches, hermaphrodites et leur hermaphroditisrne est suffisant, c'est-à-dire qu'un seul individu suffit pour reproduire l'espèce. Ils sont en outre ovo-
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vivipares, c'est à dire que les oeufs éclosent dans leur corps avant que de naître.
Ces mollusques sont munis d'une coquille divisée en deux parties appelées valves, réunies ensemble par un ligament corné. Celte coquille peut s'ouvrir et se fermer à la volonté de l'animal.
Dans les nayades, chaque valve au lieu d'être une surface conique dont le sommet est plus ou moins élevé au-dessus de la base et plus ou moins recourbé et contourné comme dans les isocardes, les arches et plusieurs autres genres, chaque valve est une surface conique écrasée dont le sommet s'est abaissé jusqu'à coïncider avec un point du pourtour de la base. C'est le sommet de ce cône écrasé qu'on nomme le sommet de chaque valve et qu'on reconnaît bien vite à la petite saillie qu'il forme sur le bord de la coquille. Ce sommet est parfois mousse et parfois très aigu, de même que dans certaines circonstances il est tellement érodé par l'action des eaux qu'il n'en reste plus trace, non plus que des natèces qui sont la partie des valves qui vient immédiatement après les sommets.
Pour décrire une nayade nous la placerons horizontalement et longitudinalement devant l'observateur, dans la position où elle est quand elle marche pour s'éloigner de lui, c'est-à-dire les sommets en haut, le bord apertural en bas, et le ligament situé entre les sommets et le spectateur. D'après celte position, les bords supérieur et inférieur sont naturellement définis. Le bord antérieur sera celui qui est le plus éloigné du spectateur et qui termine en avant le bord le plus court de la coquille, et le bord postérieur celui qui lui est opposé c'està-dire que termine en arrière le côté le plus long. La hauteur de la coquille sera la distance du bord supérieur au bord inférieur. Sa longueur, la distance du bord antérieur au bord postérieur, et sa largeur le plus grand diamètre transversal d'une valve à l'autre. La valve droite sera celle qui correspond au côté droit de l'observateur, et la gauche à son côté gauche.
Lamarck, dans ses descriptions, place la coquille dans une position absolument contraire, c'est-à-dire le sommet en bas, le bord apertural en haut et le ligament en avant ; mais cette méthode est entièrement abandonnée aujourd'hui.
Nous nommerons corselet celle partie de la coquille située en arrière des sommets de chaque côté du ligament et qui est toujours plus ou moins séparée du reste des valves par des carènes plus ou moins saillantes; et ventre la partie la plus bombée de chaque valve..
Le têt des nayades se compose de trois parties bien distinctes : l'extérieure qui est colorée diversement, mince et cornée, c'est l'épiderme; l'intérieure, qui est brillante et plus ou moins irisée, c'est
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la nacre; et enfin la partie intermédiaire entre la nacre et l'épiderme qui s'appelle le cortex. Ce cortex constitue dans la plupart des nayades la majeure partie de la coquille.
Le ligament est cette lame cornée recourbée en gouttière qui relie ensemble les deux valves en arrière des sommets et tend à les écarter par son ressort lorsque les muscles adducteurs se détendent; ces muscles au contraire, situés à l'intérieur en avant et en arrière, servent à l'animal à serrer ses deux valves l'une contre l'autre en se contractant.
Nous appellerons fosse ligamentaire cette petite fossette oblongue creusée dans les deux valves à l'intérieur de la coquille, immédiatement à la suite et en arrière du ligament. Cette fosse ligamentaire joue un rôle assez important dans la détermination des espèces, et nous aurons plus d'une fois occasion d'en parler.
L'animal des nayades a la forme de la coquille qu'il remplit; sa partie charnue se compose d'un manteau formé de deux grandes lames minces plus ou moins transparentes et qui tapissent l'intérieur de la coquille de chaque côté en y adhérant sur plusieurs points et notamment en bas suivant l'impression dite paleale à cause de cela. Les côtés supérieurs du manteau sont réunis suivant une ligne saillante nommée le raphé, qui règne longitudinalement sur tout le dos de l'animal.
Dans l'intérieur du manteau et à le toucher on trouve de chaque côté deux longues lames brunâtres arrondies à leurs extrémités et qui semblent recouvertes d'une fine gaze : ce sont les branchies, organes de la respiration. Les branchies extérieures sont simples, c'est à dire ne se dédoublent pas, mais c'est dans ces branchies que l'animal dépose ses oeufs et que leur éclosion s'opère, de là vient qu'on trouve souvent ces branchies extrêmement gonflées. Comment les petits éclos sortent-ils de ces branchies? Voilà ce qu'on n'a pu encore découvrir. On sait seulement qu'ils en sortent réunis en petites masses. — Les branchies intérieures, qui sont toujours un peu plus grandes que les extérieures, sont doubles, c'est à dire qu'elles forment un sac où l'animal peut renfermer de l'eau au moment où il ferme ses valves. L'ouverture de ce sac n'est point à son extrémité mais au milieu de son côté supérieur et intérieur à loucher le pied. Le pied est celte lame charnue et épaisse qui sort d'entre les branchies et peut s'allonger assez loin au dehors de la coquille. C'est l'organe de la locomotion et du lact, et il est en général de couleur jaune chez les nayades. Au-dessus du pied naît la région ovarique où s'opère la formation et la fécondation des oeufs.
Les muscles adducteurs sont ces deux gros muscles placés l'un en
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avant, l'autre en arrière, qui sont fixés par leurs deux extrémités aux deux valves de la coquille et servent à la fermer en se contractant sur eux-mêmes. Ces deux muscles une fois détachés des valves laissent des traces arrondies qu'on nomme impressions musculaires.
Au dessous du muscle adducteur antérieur, c'est à dire celui situé au côté le plus court de la coquille, se trouve la bouche munie de palpes labiaux en forme de lame repliée sur elle-même et placée aux angles de l'ouverture buccale. Ces palpes sont destinés à permettre l'entrée des aliments ou à les rejeter.
La bouche n'est jamais saillante et pour la trouver il faut la chercher dans cet enfoncement qui se trouve au-dessous de l'adducteur antérieur.
Près de l'adducteur postérieur et au-dessus se trouve l' ouverture anale.
Tout à fait en arrière, le manteau est muni sur plusieurs rangs de petites papilles ou cirrhes tentaculaires qui servent de tamis et ne permettent qu'à de l'eau propre de pénétrer dans les branchies. Ces cirrhes tentaculaires sont presque toujours d'une couleur brunâtre ou au moins portées sur un fond assez rembruni.
La partie postérieure de la coquille prenant souvent un allongement, assez considérable par suite de l'allongement que prend l'animal lui-même, on a donné à cet allongement le nom de rostre. Nous dirons donc que le rostre est droit quand il sera coupé en deux parties égales par la ligne longitudinale et horizontale qui mesure la longueur de la coquille ; nous dirons qu'il est élevé quand il sera au-dessus de cette ligne et bas quand il sera en dessous.
Nous avons dit que les nayades étaient munies d'un pied charnu que l'animal étend au dehors pour se mouvoir. Voilà comment s'opère cette locomotion et comment se tracent ces tortueux sillons que tout le monde a observés au fond des eaux.
L'animal est toujours placé sur le sol comme nous l'avons placé devant l'observateur, c'est à dire reposant sur le côté de son ouverture , un peu penché sur le côté. Dans cette position il allonge son pied en avant puis en recourbe la pointe en bas ; une fois qu'il a ainsi accroché le sol, le pied se contracte sur lui-même et fait ainsi avancer l'animal d'un pas, en faisant basculer en avant sa partie antérieure; puis quand le pied se détend et lâche prise, la partie postérieure étant plus lourde, le mouvement de bascule en arrière s'opère, la partie antérieure se relève, le pied s'allonge de nouveau et la progression continue.
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DES VARIATIONS ET DES TYPES.
Une question qui a longtemps divisé les savants et qui les divise peut-être encore est la fixation des espèces parmi les nayades. Ces mollusques vivant exclusivement dans les eaux, se nourrissant de matières qu'elles charrient, des substances que contient le sol sur lequel elles reposent, des matières salines que contient le liquide ambiant, étant en outre influencées par le plus ou moins de vitesse des courants au milieu desquels elles sont placées, doivent nécessairement présenter une grande variation dans leurs formes par cette raison très simple que tantôt elles se trouveront dans un milieu qui favorise la formation de la nacre et point celle du cortex, et dans un autre celle du cortex et point celle de la nacre. Celui-ci donnera l'épiderme verdâtre, cet autre le fera brun, dans un troisième il sera nul ou presque nul. Telles eaux favoriseront le développement longitudinal et postérieur du manteau, alors vous aurez une coquille rostrée ; telle autre restreindra la hauteur des lames du manteau et alors le mollusque sera proportionnellement beaucoup plus allongé. Enfin chaque partie de l'animal pouvant prendre un plus grand accroissement ou recevoir un plus fort amoindrissement par l'influence des corps ambiants, toutes les parties correspondantes de la coquille en seront naturellement modifiées. Disons toutefois que certaines espèces semblent beaucoup plus faciles à influencer que les autres, puisqu'elles présentent un plus grand nombre de variations.
La difficulté a donc toujours été de démêler au milieu de toutes ces variations, quelle est la coquille typique dont les autres ne sont que la transformation, et de fixer quelles sont les variations de chaque type.
Dès l'époque où M. l'abbé Dupuy publia son grand ouvrage la question était posée dans toute sa nudité, mais il ne chercha pas à la résoudre. Peu importe, disait-il, que les espèces que nous publions soient des types originairement créés par Dieu ou des variations de ces types ; dès que ces variations sont constantes, elles méritent d'être signalées à la science et décrites avec tout le soin possible : c'est ce qu'il a fait.
M. Moquin-Tandon a fait plus. Ayant remarqué les variations incessantes que subissent les nayades, suivant la nature des eaux, il a recherché quelles étaient les espèces vraiment distinctes, les types en un mot autour desquels venaient se grouper toutes les autres va-
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riations et il les a réduites à cinq pour les anodontes. On conçoit que M. Moquin-Tandon ait des opposants, mais on ne peut nier que les degrés insensibles par lesquels on passe d'une forme à une autre, ne soient une très forte prévention en faveur de sa thèse. II a donc cherché à distinguer parmi les nayades, celles qui participant à des caractères communs, différaient cependant des autres et d'après cela il a établi ses types. Mais parmi les variations d'une même espèce quelle sera la forme qu'on choisira comme type? Il y a deux manières d'envisager cette question. Ou vous choisirez pour type la forme la plus répandue; ou bien vous prendrez l'individu dont les formes paraîtront les plus belles. Si le type que Dieu a créé originairement existe encore, et je le crois, il est naturel de penser que ses formes sont plus harmonieusement combinées que celles de toutes ses variétés. En somme, je crois que la pensée qui doit présider en général au choix d'un type, est de prendre la belle forme d'où peuvent dériver toutes les autres par retranchements.
Avant d'entrer dans les détails que comporte ce travail, qu'il me soit permis d'avertir mes lecteurs que je n'ai point fait mon oeuvre à la légère, que c'est après avoir reçu plus de dix mille nayades de tous les points du département que j'ai commencé ma classification, et enfin que toutes les espèces et variétés que je donne ont été vérifiées ou établies sur les échantillons authentiques de la collection de M. Moquin-Tandon, ou après avoir consulté les ouvrages originaux de Rossmassler, Michaud. Companyo, Massot, Gassies, Mauduit, Dupuy, Jacquemin, Draparnaud, Pfeiffer, etc., et enfin celui de M. MoquinTandon lui-même dont j'ai adopté la nomenclature comme plus conforme, selon moi, à ce que l'étude et l'observation démontrent.
Depuis plusieurs années effectivement il y a une tendance bien marquée à répudier toutes les espèces éphémères créées sur les plus légères variations ; et M. Moquin-Tandon a rendu un véritable service à la science en déblayant nos catalogues d'une multitude d'espèces nominales, et en les faisant descendre au simple rang de variété.
Pour le type de chaque espèce, j'ai choisi la forme qui réunissait au degré le plus parfait les conditions suivantes: être commune, être la plus belle de forme et de structure parmi ses congénères, et enfin correspondre le mieux possible à la description qu'en ont donnée les auteurs.
Quant aux variétés, j'ai exclu impitoyablement toutes les variations mitoyennes qu'elles peuvent présenter, et j'ai fixé des types pour chacune d'elles, au moyen de figures très fidèles, comme il en existe pour les espèces elles-mêmes, choisissant comme type de chaque variété la forme qui réunit au degré le plus élevé tous les
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caractères de divergence un peu tranchés qu'elle présente avec le type de l'espèce.
DESCRIPTION DES ESPÈCES ET VARIÉTÉS
DU DEPARTEMENT DE MAINE-ET-LOIRE.
PREMIERE ESPECE. Anodonte des Cygnes (Anodonta Cygnoea). Moq.
Syn. Anod. Cygnoea. Lara,, Dup., Drouet.
Var. js RADIAT A Moq. pl. 1.
Longueur de 150 à 160 mill., hauteur de 90 à 95 mill., largeur de 45 à 50 mill.
Coq. grande, ovale, brillante, plus haute en avant qu'en arrière, assez solide; bord antérieur arrondi, avec un angle obtus à son raccordement avec le bord supérieur, qui est plus ou moins droit; bord inférieur bien arrondi; bord postérieur relevé en un rostre haut et portant une petite troncature oblique; les carènes extérieures du corselet bien marquées; le disque de la coquille sillonné profondément dans toute sa moitié inférieure, et relevé de 4 à 5 bourrelets longitudinaux; les lames cardinales sont bien marquées et portent parfois des excroissances; la fosse ligamentaire est pyramidale. L'on voit, dans l'intérieur de chaque valve, deux lignes saillantes en avant et deux en arrière, qui parlent du sommet et vont se rendre au-dessous des impressions musculaires ; le ligament est fort et allongé, l'épiderme est d'un vert jaunâtre légèrement radié en arrière, maculé surtout en avant de taches noirâtres assez grandes ; il lire un peu au brun quand la coquille est vieille. Les côtes sont plus jaunes et le fond des sillons plus vert, surtout en arrière. Les sommets sont rouges et légèrement décorticulés. Nacre d'un blanc violeté en bas et d'un rose saumoné en haut, avec quelques taches d'un vert livide répandues çà et là.
L'animal de notre cygnoea, au lieu de la couleur grise du type mentionné dans les auteurs, est d'un jaune orangé très vif sur les bords et d'un jaune plus pâle dans le reste du corps. Les cirrhes
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tentaculaires sont d'un gris bleuâtre sur un fond brun ; les branchies sont d'un gris orangé, ornées de plusieurs bandes d'un violet brunâtre; une de ces bandes est à la base supérieure des branchies extérieures, les autres ornent le bord inférieur des branchies intérieures; le pied est grand, d'un bel orangé, et le raphé d'un jaune assez vif, surtout aux extrémités.
Cet anodonte ne s'est rencontré, jusqu'à présent, que dans les étangs de la Guittonière, commune de la Meignanne, et notre variété à rayons n'est pas le véritable type des auteurs qui ne s'est pas encore trouvé dans nos eaux; toutefois, notre cygnoea, à cause de la pureté de ses formes, doit être regardé comme un véritable type.
Var. MINOR Nobis.
Longueur de 100 à 110 mill., hauteur de 55 à 60 mill.
L'Authion nourrit, dans sa partie inférieure, à Brain, un anodonte qu'on doit regarder comme une variété très proche de l'A. cygnoea, qui pourtant ne vit jamais que dans les eaux stagnantes; aussi la forme de cette variété est-elle beaucoup plus restreinte. Elle est d'un ovale presque régulier, assez épaisse, un peu ventrue à mi-hauteur, sommets et natèces déprimés, ligament entièrement caché par le prolongement des valves; surface un peu raboteuse, finement striée dans sa partie supérieure, assez largement sillonnée dans toute sa partie inférieure, bord antérieur atténué et arrondi, bord postérieur à rostre court, droit, et portant à son extrémité une petite troncature presque verticale. Partie supérieure d'un jaunâtre cendré, partie inférieure d'un vert assez gai, avec des bandes brunâtres ; épiderme radié de jaune et de vert foncé. Lames cardinales assez fortes au milieu et s'affaissant en arrière. Fosse ligamentaire peu profonde, assez large et ovale. Nacre d'un beau rose violacé, à reflets verts sous le corselet et les sommets, le reste de la nacre d'un blanc bleuâtre, nuancé de jaune doré qui forme une bande au bord intérieur de la coquille. Il n'y a en arrière, sur la nacre, qu'une ligne saillante allant jusqu'à l'impression musculaire ; il y en a deux en avant, l'antérieure, étant très forte, et la postérieure beaucoup moins marquée. La nacre porte souvent quelques taches livides.
L'animal est d'un jaune oranger, plus pâle que celui de la cygnoea.
Var. CELLENSIS Moq. PI. II.
Syn. A. cygnoea. Drap, (mytilus cygnoeus). L. Longueur de 160 à 170 mill., hauteur de 75 à 80 mill.
Celle coquille, qui est grande et allongée, est ordinairement de
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couleur brun verdâtre ou vert brunâtre plus ou moins foncé, peu brillant (1). Les bords supérieurs et inférieurs sont horizontaux, droits et parallèles entr'eux; quelquefois l'inférieur est un peu sinueux; le rostre se relève brusquement en arrière. Elle est sillonnée, comme celle du cygnoea, et assez renflée; son bord antérieur arrondi, est comme subtronqué. La nacre, en bas, est d'un blanc bleuâtre, et d'un rose jaunâtre en haut, avec des taches d'un vert livide ou d'un blanc laiteux éparses çà et là. Les sommets et quelques endroits du têt sont décorticulés.
L'animal est jaune, comme celui du cygnoea; il en diffère par la couleur de ses branchies, qui sont d'un jaune sale, et par les bandes violet noirâtre qui les décorent et qui sont beaucoup plus foncées, surtout celle qui est à la partie supérieure des branchies extérieures.
Cet anodonte habite le haut Authion, près Longué et Vivy, et les étangs du Défoi, à Parnay. Il est nouveau pour la Faune du département.
Var. y VENTRICOSA Moq. PI. III.
Syn. A. ventricosa. Pfeiff., Drouet. Longueur de 180 à 190 mill., hauteur de 80 à 85 mill.
Coq. gonflée dans toutes ses parties, brillante, arrondie et assez large en avant, et se terminant en arrière par un rostre plus étroit, droit et tronqué; bord supérieur assez droit, bord inférieur un peu courbe et portant, un peu en arrière de son milieu, un sinus provenant d'une dépression des valves. Il est de couleur brun rougeâtre, cendré en dessus et d'un jaune brunâtre, avec des bandes brunes et vertes dans sa partie inférieure. Vieux, il est quelquefois tout brun, avec les sommets rouges. Les sommets sont toujours un peu excoriés; sillonné comme le cygnoea, il l'est moins profondément, et ses côtes sont moins grosses et moins saillantes. La nacre est d'un blanc argenté en dessous avec quelques reflets verts, mais on n'y trouve pas les taches livides des deux variétés précédentes.
L'animal est celui du cygnoea, avec quelques variations légères dans la coloration, mais toujours d'un jaune orangé sur la frange et sur le pied.
Cet anodonte habite le Couasnon, d'où me l'a envoyé M. l'abbé Baudouin; il y avait également été trouvé par le docteur Chevalier, de Baugé. Je l'avais trouvé au château de La Plesse, commune d'A vrillé, dans le ruisseau de la Meignanne, dans les boires des bords de
(1) Les lettres italiques indiquent les caractères capitaux de chaque espèce.
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la Loire, à Turquant et Montsoreau, et M. l'abbé Ravain me l'a envoyé de la Verzée, teinté d'une belle couleur verte, mais encore jeune.
Le grand étang de Malaguet, à Chaloché, nourrit une magnifique varialion de cet anodonte : c'est la variation compressa; elle a été recueillie et m'a été apportée par M. Bardin, élève du collége Mongazon, qui n'a cessé de m'aider de ses recherches les plus actives et les plus obligeantes. Elle devient plus grande et beaucoup plus rostrée que le type à rostre comprimé et à crête du corselet bien plus saillante. Sa coloration est plus gaie, la radiation plus sensible, le corselet rouge et la décortication du sommet pi us large. A l'intérieur, l'animal ne porte au bord de ses branchies intérieures qu'une seule bande brunâtre festonée en dedans.
Var. , INTERMEDIA Moq. PI. IV, fig. 1.
Syn. A. intermedia, var. b. Lamark; A. oblonga, Millet. Longueur de 120 à 140 mill., hauteur de 60 à 70 mill.
Coquille de moyenne grandeur, de forme allongée, comprimée, à rostre droit, à bord supérieur presque droit, un peu montant, et presque parallèle au bord inférieur qui est légèrement courbe. Bord antérieur arrondi, un peu atténué, bord postérieur terminé par un rostre comprimé et tronqué obliquement. Surface irrégulière et non brillante, assez finement striée à sa partie supérieure, et munie de bourrelets espacés à sa partie inférieure, à la manière des cygnennes. Epiderme variant du vert olivâtre ou grisâtre, au brun rougeâtre. Sommets et natèces excoriés, nacre bleuâtre nuancée de vert et de rose, parfois maculée de taches livides ou blanc laiteux, et rose ou jaune rosâtre sous les sommets.
Animal semblable à celui du cygnoea, avec les différences suivantes : l'intérieur du bord du manteau est orné d'une large bande violet noirâtre, peu visible sur les individus jeunes. Le pied, orangé vif, porte souvent en arrière une tache brune, d'où part une bande brune horizontale de chaque côté, qui sépare le pied de la région ovarique, qui est rosâtre. Ses palpes labiaux sont bruns, bordés de jaune, et filetés de noir chez les individus adultes. La branchie extérieure, rougeâtre, porte une bande jaune à son bord. L'intérieur, brun violacé, porte une bande jaunâtre fendue en deux par un filet brun ; le raphé est un peu cordonné. Du reste, ces caractères varient avec l'âge.
Il habite la Maine, la Mayenne, le Couasnon, et probablement une
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grande partie des eaux du département. Je né l'ai jamais rencontré dans la Loire.
M. Millet avait fait deux espèces distinctes de l'A. intermedia de Lamark, et de l'A. oblonga; M. Moquin-Tandon réunissant ces deux espèces en une seule et même variété du cygnoea, j'ai voulu voir d'où provenait cette différence et j'ai été aux sources. L'A. intermedia var. b. testa minore radiis nullis Lam. provenant du cabinet de M. de Lamarck, est à Paris dans le cabinet de M. Delessert. M. Chenu, qui en est le conservateur, a eu la complaisance de me le faire voir; le numéro d'ordre y est encore écrit de la main de Lamarck. Cette coquille est absolument l'oblonga Millet. Quant au type portant des rayons qui existait dans le cabinet de M. Dufresne et qui provenait de la Loire, il est en Angleterre et par conséquent hors de nos investigations. On se demande comment l'exemplaire du cabinet Lamarck a pu ressembler à la figure qui est dans l'Encyclopédie, si différente pour la forme de l'exemplaire du cabinet de Lamarck aujourd'hui chez M. Delessert. A cela il y a une réponse qui accordera tout le monde. C'est qu'à l'époque où Lamarck a fait son travail sur les mollusques il était devenu presqu'aveugle et ne jugeait plus guère des formes que par le toucher; il est donc probable qu'il y a eu quelques erreurs commises par Lamarck lui-même; ce qu'il y a de plus probable, c'est que la var. b. qu'il avait dans son cabinet n'était point une variété du type provenant de la Loire où l'on ne trouve jamais l'oblonga, et que ce type était, selon toute probabilité, une piscinale de la Loire qui a servi à M. Millet pour faire son intermedia.
DEUXIÈME ESPÈCE. A. Anatina (A. des Canards) Moq. PL 5, fig. 3.
Syn. A. Anatina Lamarck. Longueur de 50 à 80 millim. Hauteur de 40 à 15 millim.
Coquille assez petite toujours très peu ventrue, plus ou moins épaisse, assez fragile, sillons ordinairement assez marqués et irréguliers, et finement striés dans sa partie supérieure. Bord supérieur assez arqué et montant, bord inférieur peu arqué et parfois presque droit ou sinué. Bord antérieur atténué et très arrondi sans angle obtus à son raccordement avec le bord supérieur. Bord postérieur' plus ou moins avancé en un rostre comprimé qui est plutôt bas que haut, mais toujours terminé par une troncature verticale. Surface un peu
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brillante. Epiderme d'un brun olivâtre plus ou moins foncé et de teinte ordinairement uniforme avec des bandes plus noires longitudinales, et parfois une radiation obscure en arrière.
Sommets pointus détachés de la coquille et ridés ondulés quand ils ne sont pas excoriés. Ligament assez fort, bombé et jaunâtre. Fosse ligamentaire étroite et fusiforme. Lames cardinales courbes et presque nulles. Impressions musculaires très apparentes.
Animal grisâtre dans son ensemble, pied jaunâtre, frange du manteau bordée de noir. Cirrhes tentaculaires noires, branchies d'un gris plus ou moins rosé.
Les seuls vrais types de ces anodontes que j'ai trouvés dans le département, viennent de la Sarthe. Il en existe plusieurs variétés.
Var.-0 CRASSIUSCULA Moq. PI. 5, flg. 2.
Longueur de 90 à 95 millim. Hauteur de 35 à 60 millim.
Coquille plus grande et plus épaisse que le type mais présentant les mêmes caractères. Certains individus ont les deux carènes extérieures du corselet très marquées, tandis qu'elles sont presque effacées dans l'anatina. Cette variété est aussi un peu plus ventrue que le type, et le bord supérieur moins montant et plus arqué. Elle habite la Sarthe.
Cette variété est nouvelle pour notre Faune.
Var. • COARCTATA Moq. PI. 6, flg. 3.
Syn. A. Coartata (Pot. et Mich.) A. parvula, Drouet. Longueur de 60 à 70 millim. Hauteur de 55 a 40 millim.
Cette variété est un peu plus petite que le type et plus allongée. La partie antérieure est très courte, arrondie et atténuée. La partie postérieure est beaucoup plus haute par suite de l'élévation de la crête du corselet et de l'abaissement du bord inférieur. Le bord supérieur est légèrement arqué, le bord antérieur arrondi, le bord inférieur un peu sinueux et plus bas en arrière qu'en avant ; le bord postérieur terminé par un rostre tronqué perpendiculairement. Le ligament presque recouvert présente vers son milieu une arcature très marquée, surtout chez les individus tout à fait adultes. Les sillons sont peu profonds, quoique marqués. La surface de la coquille est un peu irrégulière. Les sommets sont pointus, saillants, ridés-ondulés. L'epiderme est d'un jaune brun-grisâtre, avec le fond des sillons bruns. La fosse ligamentaire est fusiforme, la nacre est d'un blanc bleuâtre irisé de
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blanc et de rose avec des taches livides sous les sommets et des taches blanc lacté çà et là.
Animal de l'anatina.
Cet anodonte habite le Couasnon où il est commun et y vit en compagnie de l'oblonga. Il habite aussi plusieurs des ruisseaux qui avoisinent Baugé. Ce sont MM. l'abbé Baudouin, Bardin et Ludovic Le Gris qui l'ont recueilli et me l'ont envoyé. Cet anodonle avait été trouvé depuis plusieurs années dans une source ferrugineuse près l'étang de la Bouquetière où l'on en trouva des individus presque dénués d'épiderme, mais d'une épaisseur et d'une beauté remarquables.
Cet anodonte n'ayant point encore été signalé dans le département on l'avait pris pour l'A. minima de M. Millet.
La forme qu'a choisie M. l'abbé Dupuy pour type est assez rare dans le pays; celle au contraire que M. Drouet a recueillie dans le département de l'Aube est la plus commune ici. Toutefois ces deux formes présentent deux variations, l'une à peu près elliptique non sinuée au bord inférieur, l'autre à bord inférieur presque droit et à rostre très bas.
On trouve dans les affluents de l'Authion un anodonte qui a les plus grands rapports avec l'A. coarctata; il présente seulement un petit angle obtus au raccordement du bord supérieur avec le bord antérieur, puis il est d'un vert gai radié, ou d'un jaune brunâtre avec trois ou quatre bandes brunes longitudinales, les sommets et les natèces sont rouges.
Var. ROSTRATA Moq.
Syn. A. moulinsiona Dup. Longueur de 70 à 80 mill., hauteur de 40 à 45 mill.
On trouve dans l'Hyrôme, dans l'Oudon et dans quelques autres lieux une variété de l'anatina qui sans être la coarctata a cependant avec elle des rapports de forme. Cependant elle est toujours plus grande, ses sommets sont moins acuminés et très largement érodés dans l'âge adulte. Son épiderme est d'un brun foncé, rougeâtre vers les flancs. Tantôt le bord inférieur est presque droit, tantôt il se relève un peu en arrière pour former le rostre.
Intérieurement la nacre est bleuâtre tachée de livide. Celte forme qui se retrouve dans les environs de Laval d'où l'a rapportée M. Armand de Crochard, a été recueillie par plusieurs personnes dans notre département, entr'autres par M. l'abbé Baudouin de Baugé et M. Henri de la Perraudière.
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TROISIÈME ESPÈCE.
Anodonte comprimée (Anodonta complanata). PI. 6, fïg. 2.
Syn. A. Complanata. Drouet. Longueur 63 millim. Hauteur 40 millim.
Coquille ovale comprimée, baillante en arrière, bord antérieur atténué, arrondi, et faisant rarement un petit angle avec le bord supérieur qui est à peu près droit et montant. Bord postérieur parlant du ligament et descendant subitement en ligne droite jusqu'au bas où il forme un petit rostre arrondi avec le bord supérieur qui est presque droit. Elle est luisante et sillonnée peu profondément à des distances assez grandes. Les sommets et les natèces largement excoriés, le ligament assez large est presque noyé dans les valves. La fosse ligamentaire trapézoïdale. La région du corselet comprimé est relevée en crête. La surface des valves est souvent pleine de dépressions et d'irrégularités. Nacre d'un blanc bleuâtre en bas et rouge carné dans toute sa partie postérieure.
Animal non observé.
Cet anodonte vit dans la Loire où il reste toujours d'une taille fort restreinte. Je l'ai recueilli depuis les Ponts-de-Cé jusqu'à SainteGemmes. — Mais il est assez rare.
Var. NORMANDI. Moq. PI. 6, fig. 1.
Syn. A. Normandi Dupuy. Longueur de 90 à 100 millim. Hauteur de 45 à 50 millim.
Coquille plus grande que le type, plus allongée, plus baillante en arrière et plus comprimée proportionnellement. Bord antérieur arrondi, bord supérieur légèrement arqué et un peu montant. Bord postérieur descendant en ligne droite comme dans le type pour former le rostre, qui est moins bas, avec le bord inférieur qui se relève un peu plus. Excoriations des natèces larges et profondes; sillons très marqués, étroits et espacés, le reste de sa surface est brillant. Epiderme d'un vert olivâtre nuancé de brun avec des bandes étroites, moitié chamois, moitié brunes, suivant les stries d'accroissement. Nacre bleuâtre nuancée d'un rose violet et carné dans la partie supérieure avec des taches livides et d'un blanc laiteux. Fosse ligamentaire comme dans le type.
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Animal ovale, manteau gris avec la frange jaune.
Pied jaune d'ocre avec la base plus claire. Branchies d'un jaune doré mélangé de brun. Branchie extérieure beaucoup moins haute que l'intérieure. L'antérieure bordée de blanc et de brun en dedans. — Palpes labiaux un peu accuminés et d'un gris jaunâtre. Bord postérieur du manteau épaissi, brun en dehors et noir en dedans. Sur ce fond noir s'élèvent les cirrbes tentaculaires qui sont d'un rouge brun à pointes blanches.
Le raphé est jaune presque linéaire dans toute son étendue.
Cet anodonte vil dans la Loire et dans la Maine; on le pêche jusqu'aux portes de Nantes; mais pour l'avoir bien adulte il faut aller dans les endroits un peu profonds. On le pêche en grande quantité sur les bords de la Maine, mais on ne l'y trouve que jeune parce qu'on ne va pas assez avant dans la rivière. Je l'ai trouvé adulte tout près de Sainte-Gemmes. Ce bel anodonte est nouveau pour notre faune.
Var ELONGATA. Moq.
Syn. A. Elongata. Dupuy. Longueur 60 millim. Hauteur 50 millim.
Cette variété est encore plus rare que le type, pourtant le peu d'individus que j'ai pu me procurer prouvent qu'elle existe dans nos eaux.
Le bord supérieur et l'inférieur sont sensiblement parallèles : le bord antérieur arrondi et atténué ; le postérieur tronqué brusquement par une ligne droite qui va former le rostre, placé aussi bas que possible, avec le bord inférieur qui est presque droit. Les sommets chez les individus jeunes ne sont point excoriés, ils sont assez proéminents, détachés de la coquille, presqu'aigus et recourbés en avant et l'un vers l'autre. Ils sont en outre chargés de trois plis grossiers et onduleux terminés brusquement à leurs deux extrémités par des espèces de mamelons. Elle est peu bâillante en arrière et un peu moins comprimée que le type. Sa couleur est d'un vert brunâtre, mais dans les jeunes elle est bien plus claire, parfois on la trouve jaune en bas et rose en dessus. La nacre à l'intérieur est d'un rose carné.
Elle habite la Maine et la Loire.
Je n'ai pas été à même de voir l'animal.
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QUATRIÈME ESPÈCE.
Anodonte piscinale (Anodontavariabilis).Moq. PI. 5, fig 1.
Syn. A. piscinalis. Dup. Drouet. Longueur de 80 à 110 millim. Hauteur de 50 à 70 millim.
Coquille d'un bel ovale, ventrue et renflée dans tout son disque. Assez épaisse et solide. Très finement striée et très brillante dans sa partie supérieure, peu profondément sillonnée et moins brillante dans sa partie inférieure. Bord antérieur un peu atténué ou subtronqué, arrondi et faisant un angle avec le bord supérieur qui est presque droit et très montant. Bord inférieur d'une belle courbure bien régulière, bord postérieur faisant un angle très vif à sa rencontre avec le bord supérieur en arrière du ligament et descendant très rapidement pour fermer un rostre aigu ou du moins obscurément et faiblement tronqué. Carènes du corselet peu marquées. Corselet assez comprimé et très relevé en crête. Sommets onduloso-ridés très saillants, plus élevés que le bord supérieur. Ligaments presqu'entièrement recouverts par le prolongement des valves. Lames cardinales fortes, droites. Fosse ligamentaire large et longue, tronquée en arrière. Impressions musculaires peu profondes. Epiderme rouge sur les sommets, cendré plus ou moins foncé au-dessous et dans toute la partie inférieure d'un jaune verdâtre rayonné de beau vert et portant ordinairement trois bandes brunes , une sur le bord , l'autre au tiers de la hauteur et une plus faible au-dessus.
L'épiderme en avant est légèrement exfolié. Nacre d'un blanc bleuâtre, légèrement teinte de jaune doré et parfois d'une belle teinte d'or sous le corselet. Le creux du sommet est souvent rose.
Manteau gris avec des bords ochreux, rebordé d'oranger assez vif et de noir tout à fait en arrière à l'endroit où sont implantés les cirrhes tentaculaires qui sont d'un gris jaunâtre, situés sur quatre rangs et disposés en quinconce et à se toucher.
Raphé jaune ochreux, relevé en pointe en arrière où il porte une tache d'un jaune oranger sanguinolent.
Muscle adducteur fort et d'un blanc jaunâtre. Branchies d'un gris verdâtre uni, l'intérieure bien plus foncée que l'extérieure. Pied jaune d'ocre, terminé à la base par une large bande d'un jaune briqueté.
Palpes labiaux passablement acuminés.
278
Cet anodonte habite le bas Authion à Brain, seul lieu où je l'aie trouvé jusqu'à ce jour. Il est nouveau pour noire faune,
V.
Var. SUBCOMPRESSA. Moq.
Longueur 95 millim Hauteur 60 millim.
Celte variété diffère du type en ce qu'elle est bien moins ventrue; le bord supérieur presqu'arqué par suite de la chute du sommet de la crête du corselet qui dans l'état de jeunesse est séparée du ligament par un angle profond; par sa couleur qui est toujours d'un jaune chamois plus ou moins rouge en bas et d'un gris cendré plus ou moins rougeâtre sur les natèces. Les sommets toujours rougeâtres.
Elle est moins rhomboïdale que le type et d'un ovale large presque parfait.
Cet anodonte habile la Loire aux Ponts-de-Gé.
Var. A CRASSULA. Moq. PI. 7, fig. 2.
Syn. A. piscinalis Gassies. Longueur 120 millim. Hauteur 65 millim.
Coquille beaucoup plus allongée que le type, plus épaisse, le bord supérieur moins montant, parfois même un peu arrondi et déprimé en arrière du ligament. Bord antérieur un peu atténué, bord inférieur très peu arqué, bord postérieur terminé par un rostre tronqué, assez allongé et un peu bas. Epiderme jaune brunâtre assez clair, radié de vert en arrière, d'un gris cendré uniforme en avant. Le gris cendré est parfois peu marqué, d'autres fois il envahit toute la surface de la coquille et fait presque disparaître la radiation, en même temps que le rostre s'allonge. Parfois aussi sa hauteur devient plus grande, son rostre s'abaisse jusqu'au bord inférieur, qui est droit. Sa teinte toujours cendrée en avant devient un peu brune en arrière. Cette dernière forme semble être l'A. piscinalis de Gassies. Il est effectivement bien plus sillonné surtout en avant que le piscinalis type et présente les mêmes contours que le piscinalis de l'Agenais.
Les sommets dans cette variété sont assez largement excoriés. La nacre est d'un beau blanc légèrement carné, irisé de rose et de violet sur le rostre. — Le ligament est assez fort et un peu plus saillant.
Cet anodonte se présente parfois avec une robe entièrement blonde.
Il habite l'Authion où il est assez peu commun,
279 Var. LIGERICA Nobis.
Syn. A. Intermedia. Millet. Longueur de 96 à 100 millim. Hauteur de 5S à 60 millim.
On pêche dans la Loire une piscinale qu'il est nécessaire de mentionner au point de vue de l'histoire de notre malacologie départementale, parce qu'elle a servi à M. Millet pour établir son anodonta intermedia. Et puis en outre parce que c'est une des belles variétés de l'espèce.
Comme le type qui a servi à Lamarck pour établir son A. intermedia est en Angleterre, et que du reste la description qu'il en donne ne cadre pas complètement avec l'anodonte qui nous occupe, j'ai cru devoir laisser de côté le nom d'intermedia pour l'affecter exclusivement à la cygnéenne provenant du cabinet de Lamarck et j'ai adopté l'épithète ligerica, parce que cette piscinale est la plus commune dans la Loire et en est aussi une des plus belles nayades.
Elle est à peu près de la taille du type, peut-être un peu plus petite, mais elle est plus généralement renflée, même en arrière, d'une couleur brune uniforme avec plusieurs bandes longitudinales plus foncées. Le bord supérieur est un peu courbe, la partie du ligament un peu saillante et la radiation postérieure d'un vert brunâtre peu tranché. Du reste la nacre est d'un beau blanc bleuâtre plus ou moins teinté de jaune doré. — Elle se trouve aussi dans le ruisseau qui se rend à l'étang Saint-Nicolas.
Var. y. SUBINFLATA Moq.
Syn. A. minima. Millet? Longueur 90 millim. Hauteur 55 millim.
On trouve dans l'Oudon et ses affluents une petite piscinale dont M. Moquin-Tandon a fait sa variété y subinflata, var. 2 de M. Drouet. — Cet anodonte ne dépasse guère 9 centimètres de longueur; son bord supérieur assez montant forme un angle avec son bord antérieur subtronqué. Son bord inférieur légèrement sinué, baisse en arrière, ce qui rend la partie postérieure de la coquille beaucoup plus haute que l'antérieure. Enfin le bord postérieur est terminé par un rostre droit et faiblement tronqué. L'épiderme est d'un vert olivâtre foncé, presqu'uniforme avec quelques bandes noires longitudinales et les sommets rouges et excoriés.
D'après les exemplaires que M. Millet m'a donnés de son A. minima, je suis resté convaincu que l'anodonte de notre honorable collègue
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n'est que la piscinale de l'Oudon ayant vécu dans un milieu peu favorable et maculant la nacre en brun. — Ce qui semblerait me le prouver, c'est qu'un des exemplaires jaunes de la minima que je possède et qui me vient de M. Millet est, à n'en pas douter, la jeunesse de la piscinale var. subcompressa de la Loire. Les exemplaires noirs provenant de la même source sont donc probablement aussi la jeunesse de la piscinale qui nous occupe. — Les auteurs ont fait de l'A. minima de M. Millet une variété de l'anatina ; pour mon compte ce que j'ai vu me la fait regarder comme la jeunesse d'une variété de la piscinale.
On pêche cet anodonte dans tout l'Oudon; je le dois à la complaisance de M. Henri de la Perraudière.
CINQUIÈME ESPÈCE.
Anodonte pesante (Anodonta avonensis) Moq.
Var. £ ELONGATA Moq. PI. 7, fig. 1.
Syn. A. subponderosa. Dup. Longueur de 120 à 125 millim. Hauteur de 60 à 65 millim.
Coquille grande, allongée, épaisse ventrue, sillonnée dans sa partie inférieure, lisse et brillante dans sa partie supérieure, sans bourrelets saillants comme dans les cygnéennes. Bord supérieur arqué, ne faisant point d'angle à son raccordement avec le bord antérieur qui est arrondi et un peu atténué. Bord inférieur droit ou presque .droit. Bord postérieur se terminant en un rostre allongé et tronqué verticalement. Quelquefois tout à fait bas, plus rarement un peu relevé. Ligament assez fort, onduleux, brun, allongé et peu saillant. Epiderme d'un brun foncé devenant brun-rouge sur les natèces qui sont fortement excoriées. Cet épiderme est extrêmement exfolié dans toute la partie inférieure de la coquille et surtout en avant. Nacre d'un blanc bleuâtre, souvent marquée de taches livides qui envahissent parfois tout le fond des valves, quelquefois aussi de blanc lacté.
Animal non observé.
Habile le ruisseau de la Meignanne.
Var. COMPRESSA Moq.
Syn. A. ponderosa Var. compressa. Garn. ? Longueur de 100 à 110 millim. Hauteur de 60 à 65 millim.
Cette variété diffère de la variété elongata en ce qu'elle est beaucoup
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plus comprimée, surtout en arrière, qu'elle finit en un rostre mince largement tronqué et un peu bas; qu'elle est plus atténuée en ayant et qu'elle est largement et profondément érodée jusqu'à l'extrémité du rostre. — Du reste sa couleur est la même, peut-être un peu moins foncée.
Elle vit dans le ruisseau de la Meignanne en compagnie de l'elongata et de la ventricosa.
Var. y. ROSSMASSLERIANÀ Moq. PI. 4, fig. 2.
Syn. A. rossmassleriana Dup. , Drouet. Longueur de 110 à 153 millim. Hauteur de 60 à 70 millira.
Grande coquille presque reniforme. Ovale allongée. Assez renflé dans son milieu. Sillonné dans toute sa hauteur et jusqu'auprès des sommets. En bas les bourrelets sont plus larges que les sillons. — Plus haut les bourrelets sont minces et espacés. Bord antérieur subtronqué arrondi, ne faisant point d'angle avec le bord supérieur qui est presque droit jusqu'au bout du ligament. Bord postérieur descendant obliquement pour former un rostre arrondi un peu bas et rejoindre le bord inférieur qui est sinué dans son milieu. Ligament assez fort et assez long, presqu'entièrement caché dans la coquille. — Fosse ligamentaire pyramidale. — Sommets bien marqués et nullement excoriés. — Epiderme brun uniforme dans les individus adultes., plus ou moins vert dans les jeunes individus.
Impressions musculaires antérieures bien marquées; les postérieures peu profondes. — Nacre d'un blanc bleuâtre brillant irisé de vert et de rose et maculée de taches livides et blanc lacté.
Animal non observé.
Cet anodonte a été recueilli par M. Henri de la Perraudière dans le Tary à Lué; c'est donc de lui que je l'ai reçu. Je ne l'ai encore jamais trouvé dans la Maine où l'indique M. Millet, comme rare il est vrai.
GENRE MULETTE (UNIO).
Les mulettes diffèrent des anodontes en ce que les branchies de l'animal au lieu d'être tapissées de vaisseaux sinueux imitant de la gaze sont à vaisseaux droits et croisés, et quant à la coquille en ce
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qu'ils ont des dénis à la charnière qui manquent complétement chez les anodontes.
Jusqu'à présent le département de Maine et Loire n'a fourni à l'observation que quatre mulettes que nous allons successivement décrire avec toutes les variétés qu'elles présentent.
PREMIERE ESPECE. Mulette littorale (Unio rhomboïdeus). Moq. PI. 18, fig 1.
Syn. Unio littoralis. Cuv. Dup. Drouet. Longueur de 80 à 90 millim. Hauteur de 60 à 63 millim. Largeur 50 millim.
Animal d'un blanc légèrement teinté de gris, avec les bords du manteau plus jaune, pied jaunâtre, d'une teinte plus ou moins foncée. Cirrhes tentaculaires noirâtres, assez fortes et peu allongées. Branchies rougeâtres.
Coquille extrêmement variable dans ses formes, mais présentant toujours pour caractère constant une grande épaisseur de têt, un épiderme noir ou à peu près noir, excepté dans l'état de jeunesse où il est d'un jaunâtre plus ou moins brun et radié, des dents cardinales extrêmement fortes et jamais comprimées, sommets onduléstubercules, les impressions musculaires et paléales très marquées, la nacre d'un blanc bleuâtre ou rose saumonné plus ou moins foncé. Forme en général ovale assez renflée.
Notre type de la Loire est d'un ovale presque rond. Le bord inférieur est peu courbé et le supérieur très arqué se creuse en avant des sommets. Bord antérieur court, arrondi, mais un peu tronqué dans sa partie supérieure. Le bord postérieur elliptiquement arrondi, mais portant en bas un rostre très court, tronqué et plus ou moins infléchi par suite du sinus que présente la coquille dans sa partie postérieure. Parmi tous les types donnés par les auteurs, c'est celui que contient l'ouvrage de M. Drouet qui rend le plus exactement le type de notre département, qui du reste ne se rencontre guère que dans la Loire.
Var. p PIANENSIS. Moq. PI. 8, fig. 2.
Longueur de 80 à 90 millim. Hauteur de 60 à 65 millim Largeur 30 millim.
Coquille aussi grande et aussi érodée quie le type, plus atténuée, plus rostrée en arrière, et le bord inférieur avec un sinus très mar-
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que sous le rostre. Nacre couleur de chair surtout près de l'impression paléale. Habite la Loire et la Mayenne, où elle est beaucoup plus commune que le type.
Var. CUNEATUS Moq. PI. 8, fig. 3.
Longueur de 70 à 75 millim. Hauteur de 45 à 50 millim. Largeur de 25 à 30 millim.
Coquille presqu'aussi longue que le type. Beaucoup moins haute, plus atténuée encore en arrière que la précédente et par suite beaucoup plus rostrée; sommets rouges extrêmement saillants, très renflés et sans aucune excoriation, tandis que parfois on en voit quelques-unes sur le ventre de la coquille.
Cette variété habite le Loir où elle est toujours fort encroutée eu arrière.
Var. » ELONGATUS Moq. PI. 8, fig. 4.
Longueur de 65 à 70 millim. Hauteur de 40 à 45 millim. Largeur de 22 à 25 millim.
Coquille un peu moins grande que le type, aussi érodée, moins haute, plus comprimée et par suite plus rostrée ; le rostre arrondi, le bord inférieur presque droit, le pli postérieur du rostre souvent marqué par un sillon composé de ligues courbes brisées.
Elle habite la Mayenne où elle est peu commune.
C'est la var. elongata de Dupuy. La Sèvre, dans la Vendée, nourrit celte variété presque exclusivement; mais elle y est d'une érosion telle que les sommets et parfois la moitié de la coquille sont réduits à l'épaisseur d'une feuille de papier. La nacre y est plombée et l'extérieur des érosions est noirâtre. Cette variété rapproche beaucoup du sceletus de la Creuse.
Var. DRAPARNAUDI Moq. PI. 8, fig. 6. Longueur de 60 à 65 millim. Hauteur de 42 à 45 millim. Largeur de 22 à 25 millim.
Coquille plus petite que le type, subtriangulaire, bord supérieur extrêmement arqué et tombant tout à coup en arrière pour y former le rostre, qui est très bas. Bord antérieur atténué, bord inférieur plus ou moins sinué ; sommets assez saillants, érodés ou complétement intacts, suivant la nature des eaux.
Elle habite la Sarthe et le Loir.
Var. TRUNCATULUS Nobis. PI. 8, fig. 5.
Longueur de 50 à 55 millim. Hauteur de 38 à 40 millim. Largeur de 22 à 25 millim.
Coquille plus petite que le type, d'un ovale assez élevé, bord infé-
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rieur presque droit et presque parallèle au bord supérieur. Bord postérieur tronqué verticalement, la troncature presqu'aussi haute que la coquille. Les sommets assez largement excoriés. Cette variété habile la Maine.
Var. MINOR Moq. PI. 8, fig. 7.
Longueur de 38 à 40 millim. Hauteur de 52 à 33 millim. Largeur de 16 à 18 millim.
Coquille plus petite, d'un ovale presque rond, le bord inférieur en général peu courbe. Sommets assez courbés en avant, rouges, ridés jusque sur les natèces, ne présentant presque jamais d'excoriation. Epiderme d'un brun rougeâtre plus foncé vers le bas.
Elle habite les affluents de l'Authion et plusieurs des ruisseaux des environs de Baugé.
Var. & SUBTETRAGONUS Moq. PI. 8, fig. 8. Longueur de 60 à 65 millim. Hauteur de 45 à 50 millim. Largeur de 22 à 25 millim.
Coquille sublétragone, plus ou moins droite inférieurement, bord antérieur un peu plus atténué et acuminé que dans le type, plus petite que lui. Bord postérieur bianguleux arrondi. Sommets non excoriés, ridés très fortement et assez loin sur les natèces.
Celte variété est de la Sarthe et de la basse Loire, où elle est assez peu commune. Je l'ai également trouvée, mais rarement, dans la Mayenne.
DEUXIÈME ESPÈCE.
Mulette batave (Unio batavus). PL 9, fig. 1 et 2.
Syn. Unio batava Lam. Longueur de 50 à 65 millim. Hauteur de 30 à 40 millim.
Animal d'un gris jaunâtre, plus jaune ou plus rouge sur les bords du manteau. Pied jaune ou d'un rouge orangé très vif dans sa partie inférieure, d'un gris plus ou moins foncé au-dessous de la région ovarique qui est rosée. Branchies d'un jaune grisâtre plus ou moins foncé suivant les eaux.
Coquille assez variable dans ses formes, mais restant toujours d'un ovale gracieux, assez épaisse, d'une nacre présentant les teintes les plus variées suivant les eaux, tantôt d'un jaune ou d'un rouge doré, tantôt d'un beau blanc azuré et tantôt d'un blanc rosé à reflets vert
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de mer. Ligament médiocre, jaunâtre, assez court et peu arqué. Dans le type, lames cardinales minces, entières et assez élevées. Dents cardinales comprimées, assez épaisses, arrondies et crénelées, la dent postérieure de la valve gauche est toujours très développée. Impressions musculaires assez profondes surtout l'antérieure. Sommets au quart de la longueur totale, plus ou moins enflés, ondulés, excoriés ou parfaitement intacts suivant la nature des eaux. Bord supérieur régulièrement courbé, bord antérieur arrondi, bord inférieur plus ou moins arqué, bord postérieur un peu atténué et arrondi, rostre droit et un peu bas. Epiderme jaunâtre, olivâtre ou brunâtre, radié de vert plus foncé et portant plusieurs bandes brunes longitudinales plus étroites et plus rapprochées généralement en bas qu'en haut.
Elle habile la Loire, la Sarthe et la Verzée.
Le ruisseau de Jary, commune de Brain-sur-Allonnes, nourrit trois variétés fort belles du batavus que nous donnons ci-dessous. Elles sont remarquables toutes les trois par la couleur vert olive de leur epiderme.
Var. BARACEUS Nobis. PI. 9, fig. 7.
Longueur de 65 à 70 millim. Hauteur de 58 à 40 millim. Largeur de 22 à 25 millini.
Coquille plus grande que le type, d'un ovale plus allongé. Bord supérieur droit, bord inférieur très peu courbé et se relevant en arrière comme dans le type. Rostre droit ou presque droit. Ventre tantôt très renflé et tantôt comprimé. Ligament un peu moins développé que dans le type. Sommets non excoriés, rougeâtres et à ondulations très saillante, mais peu étendus. Arête du corselet parfois assez élevée, ce qui rend le bord postérieur beaucoup plus tombant. (Je n'ai trouvé celle variation que dans le Thouel). Epiderme d'un vert olive assez foncé avec des bandes longitudinales noires et quelques radiations très obscures. — Le ventre est toujours creusé d'un ou de plusieurs petits sillons peu marqués dans les adultes, parfois assez profonds dans les jeunes. Ces sillons ou portions de sillons se dirigent des sommets vers le bord inférieur. Nacre d'un blanc rosé ou légèrement saumoné.
Celle variété habite le ruisseau de Jary, commune de Brain-surAllonnes et le Thouet.
Var. COURTILIERI Nobis. PI. 9, fig. 3.
Syn. Unio Courtilieri Hattmann. Longueur de 35 à 60 millim. Hauteur de 35 à 40 millim. Largeur de 25 à 50 millim.
Coquille un peu plus grande que le type, plus ventrue, plus dilatée
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et plus arrondie en arrière avec le rostre plus bas. Partie antérieure plus atténuée, bord inférieur légèrement retus, forme générale subreniforme, ligament jaune, plus faible que dans le type. Sommets rougeâtres et ondulés, non excoriés. Epiderme d'un vert olive parfois taché de brun ou de noir avec des radiations peu apparentes. Nacre d'un blanc bleuâtre ou rosé.
Habite le ruisseau de Jary et celui du Moulinet, commune d'Echemiré où elle a été recueillie il y a plusieurs années avec la variété précédente par M. Ludovic Le Gris, qui la possédait sous un faux nom dans sa collection.
C'est sur un seul individu jeune d'une variation mitoyenne de cette variété que M. le baron Hattmann a établi l'espèce unio Courtilieri dont la description a été insérée tout récemment dans les Annales de la Société linnéenne. C'est entouré de plus de deux cents individus pris vivants de celte variété et des variations mitoyennes qu'elle présente et après avoir pris l'avis de M. Moquin-Tandon, que je ne balance pas à ne considérer ce mollusque que comme une variété du batavus. Si M. le baron Hattmann avait eu plus de sujets à sa disposition, il n'eût pas établi comme caractères spécifiques d'une espèce des caractères que l'individu qu'il a vu présentait sans doute, mais qui ne sont pas le cas le plus commun dans cette coquille. Ainsi l'acuité de la dent de la valve droite se rencontre plus rarement que la dent mince et crénelée du batavus. M. Courtiller a pu s'en assurer lui-même en ma présence, car les deux individus qu'il possède ont la dent mince et relevée en crête du type; la nacre n'est point constamment rosée, mais bien plus communément d'un blanc bleuâtre ou saumoné. Enfin la dent postérieure de la valve gauche n'est point petite à l'ordinaire, mais conforme au type. — M. le baron Hattmann donne par opposition le batavus comme une coquille assez petite et peu renflée. Tout cela dépend de la nature des eaux qu'habite cette espèce et noire batavus de la Loire ne diffère que de quelques millimètres de la var. Courtilieri. Je le répète, M. Hattmann n'a eu à sa disposition qu'un individu peu développé, il ne pouvait pas avec aussi peu de ressources établir un diagnostic bien certain et capable d'établir une espèce.
Var. ARCUATUS Moq. Pl. 9, fig. 5.
Longueur de 65 à 75 millim. Hauteur de 30 à 35 millim. Largeur de 30 à 33 millim.
Coquille beaucoup plus grande et plus allongée que le type, plus renflée, plus épaisse et plus rostrée. Bord antérieur plus ou moins tronqué inférieurement, bord inférieur arqué, bord postérieur sub-
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tronqué se terminant en un rostre bas ; épiderme d'un jaune olivâtre, passant souvent au brun surtout en avant. Sommets très érodés ainsi que la partie antérieure dans les vieux sujets.
J'ai recueilli cette remarquable variété dans le ruisseau de Jary où elle est très rare. M. Ludovic Le Gris l'avait recueillie quelques années avant dans le ruisseau du Moulinet, commune d'Echemiré, et la possédait sans en connaître le véritable nom. — C'est certainement une des plus curieuses variétés que présente le batavus.
Var. MANCUS Moq. PI. 9, fig. 9.
Syn. U. Mancus Dup. Longueur de 55 à 60 millim. Hauteur de 32 à 55 millim. Largeur de 22 à 25 millim.
Coquille de même taille que le type. Cunéiforme, ovale allongé, bord inférieur presque droit, sommets au sixième de la longueur totale et très gonflés , partie postérieure très rostrée, rostre bas et tronqué, sommets excoriés, bord antérieur arrondi et atténué, bord supérieur très arqué.
Epiderme d'un vert noir sans rayon, habite la Sarthe et le Thouet.
Var. OVALIS Moq. PI. 10, fig. 2.
Syn. U. Ovalis Dup. Longueur de 45 à 50 millim. Hauteur de 28 à 30 millim. Largeur de 20 à 25 millim.
Coquille plus petite que le type, plus ventrue plus épaisse, un peu tronquée en arrière. Epiderme d'un vert brun unicolore avec des bandes brunes plus foncées, mais sans radiations.
Habite le Loir où elle est commune.
Var. ACUTUS Nobis. PI. 10, fig. 1.
Longueur de 60 à 62 millim Hauteur de 32 à 55 millim. Largeur de 28 à 30 millim.
Coquille de la grandeur du type, plus ventrue, plus épaisse et terminée en arrière par un rostre pointu, court et bas. Epiderme d'un brun rougeâtre uniforme avec des bandes plus foncées , mais sans rayons. Bord antérieur subtronqué et souvent assez avancé , bord inférieur presque droit. Sommets assez largement excoriés , ainsi que la partie antero-postérieure.
Habite la Loire où elle est assez rare.
Var. NANUS Moq. PI. 9, fig. 8 et 10.
Syn. U. Nanus Dup. Longueur de 15 à 48 millim. Hauteur de 26 à 28 millim. Largeur de 20 à 23 millim.
Coquille plus ou moins élevée, plus petite que le type, un peu
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réniforme par suite de la légère sinuosité du bord inférieur, et la grande courbure du bord supérieur ; un peu atténuée et arrondie antérieurement ou peu tronquée postérieurement avec le rostre plus ou moins bas. Sommets rouges un peu excoriés, épiderme d'un vert marron rougeâtre avec des bandes brunes et sans rayons.
Habile les affluents de l'Authion supérieur, le Thouet, les ruisseaux des environs de Baugé, le ruisseau du Moulinet et celui de la Rochette, communes de Fontaine-Guérin et de Saint-Georges-desBois, descend aussi à Montsoreau , venant de la Vienne , mais alors elle est un peu plus étroite et présente le type parfait des auteurs.
Var. SENOTIUS Nobis. PI. 10, flg. 4.
Longueur de 55 à 60 millim. Hauteur de 35 à 33 niillim. Largeur de 22 à 25 millim.
Coquille de la grandeur du type, bord supérieur presque droit, bord antérieur arrondi, bord postérieur assez pointu, bord inférieur peu courbé, mais se relevant tout-à-coup en arrière pour former le rostre qui est droit. Sommets non excoriés, mais ondulés, tubercules seulement en-dessus. Epiderme d'un vert de mer , avec une seule large bande noire au tiers inférieur de la hauteur et des rayons vert foncé sur le milieu du ventre. Ligament court.
Habite l'Authion , à Brain, où il a été recueilli en petite quantité jusqu'à ce jour.
Var. SARRATINUS Moq. PI. 9, flg. 4.
Longueur de 60 à 65 millim. Hauteur de 35 à 40 millim. Largeur de 25 à 28 millim.
Coquille un peu plus allongée que le type et d'un ovale presque parfait, renflée, à sommets excoriés, rostre droit et légèrement tronqué en arrière, épiderme d'un vert noir.
Elle habite la Loire à Souzay.
Var. LONGUS Nobis. PI. iO, fig. 3.
Longueur de 55 à 60 millim Hauteur de 30 à 33 millim. Largeur de 18 à 20 millim.
Coquille plus longue que le type mais bien moins élevée , et par suite d'un ovale très allongé, presque parfait, mais un peu atténué en arrière où le rostre est subtronqué. Dent postérieure de la valve gauche très développée ce qui retire celte variété des unios pictorum auxquels il ressemble et le place parmi les batavus comme une de ses variétés les plus remarquables. Epiderme brillant d'un vert jaunâtre, gai, radié en arrière , d'un vert plus foncé avec des bandes longitu-
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dinales, brunes , se touchant presque en avant, nacre brillante,. saumonée et maculée de livide. ll atteint 60 millim. de longueur sur 30 millim. de hauteur. Habite la Sarthe où elle est peu commune.
Var. MINIMUS Nobis. PI. 9, fig. 6.
Longueur de 35 à 40 millim. Hauteur de 22 à 25 millim. Largeur de 15 à 18 millim.
Coquille de très petite taille ne dépassant pas de 3 à 4 centimètres de longueur sur 2| de hauteur. — Renflée dans la région des sommets qui sont assez ressortants et plus ou moins cariés suivant l'âge. Bords supérieur et inférieur droits, presque parallèles entre eux, bord antérieur atténué, arrondi, et peu éloigné du sommet. Bord postérieur tronqué presque verticalement. Epiderme d'un jaune brunâtre plus ou moins foncé, sans rayons et ordinairement sans bandes brunes longitudinales ; quelquefois il y en a de fort étroites ou une fort large. — Beaucoup d'individus présentent une certaine dilatation à la partie postérieure. Le ligament est assez bombé.
J'ai cru devoir séparer cette variété du nanus qui est toujours sensiblement plus gros et plus arqué au bord inférieur.
Elle habite la Vienne , près l'Ile Bouchard, et si je la joins aux nayades de Maine et Loire , c'est qu'à cause de sa petitesse elle est vraiment remarquable, et qu'à cause de sa proximité on peut se la procurer facilement.
TROISIÈME ESPÈCE.
Mulette de requien (Unio requienii). Moq. PI. 10, fig. 5.
Syn. U. requienii Dup. Longueur de 70 à 80 millim. Hauteur de 40 à 50 millim. Epaisseur de 25 à 30 millim.
Animal d'un blanc jaunâtre avec les bords du manteau d'un jaune un peu brunâtre. Cirrhes tentaculaires noirâtres, branchies d'un gris rougeâtre, pied jaune d'ocre long et étroit.
Coquille typique oblongue, cunéiforme, ventrue, épaisse, très solide , d'un vert plus ou moins brun , quelquefois toute brune , avec des bandes d'un brun plus foncé. Côté antérieur assez arrondi, bord supérieur droit, jusqu'après le ligament, puis tombant subitement en arrière pour former le rostre qui est bas, et plus ou moins aigu. Bord inférieur à peu près droit et parallèle au bord supérieur. Som19
Som19
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mets enflés, assez près du bord antérieur et portant des ondulations tuberculeuses quand ils ne sont pas érodés, ce qui est le cas le plus rare dans la Loire, seul lieu où s'est rencontré le type jusqu'ici. — Ligament assez développé, recto-sinueux, et assez long. Dents cardinales assez fortes, comprimées, assez épaisses, demi-circulaires, un peu acuminées et dentées sur leur crête. La dent postérieure de la valve gauche un peu plus saillante que la dent antérieure qui elle est plus longue. Lamelles, assez hautes mais entières. Impressions musculaires antérieures très profondes , les postérieures presque superficielles. Impressions paléales visibles, nacre d'un blanc rosé jaune ou saumoné, souvent taché de livide (An. var. Crassidens Rossmassler).
Var. RHYNCOIDEUS Nobis. PI. H, flg. 1.
Longueur de 78 à 80 millim. Hauteur de 58 à 40 millim. Largeur de 50 à 52 raillim.
Coquille qui atteint la même grandeur que le type , et même la dépasse, mais atténuée en arrière jusqu'à être presque subulée. Bord inférieur droit, ou un peu arqué, bord supérieur très arqué, bord antérieur atténué, dent postérieure de la valve gauche forte. Epiderme presque noir, sommets ordinairement beaucoup plus érodés que le type. Celle variété ainsi que notre type se rapprochent beaucoup de la variété Crassidens de Rossmassler.
Elle habile la Loire, mélangée avec le type et le rostratus.
Var. ABREVIATUS Nobis. PI. M, flg. 7. Longueur de 55 à 65 millim. Hauteur de 50 à 40 millim. Largeur de 18 à 25 millim.
Coquille aussi haute mais un quart plus courte que le type, épaisse, moyennement ventrue, à sommets érodés. Bord inférieur très peu courbé, bord supérieur très courbé et tombant en arrière pour aller former un rostre bas et tronqué arrondi. Epidémie d'un brun rouge presque noir, ou quelquefois jaunâtre suivant les eaux; le bord antérieur forme un angle très marqué avec le bord supérieur. Les trois dents de la charnière sont fortes et presqu'égales. La nacre est d'un blanc saumoné, avec des reflets verts et rouges sous le rostre.
Elle habile la Loire dans les endroits profonds, ce qui la rend plus difficile à découvrir; on la trouve mais plus petite et à épiderme jaunâtre dans le Loir. — La Vienne la possède également, mais plus petite encore, plus comprimée, à épiderme brun rouge, et présentant une flexuosité à la partie postérieure. Les dents de cette petite variation sont fortes et profondément crénelées.
291 Var. ROSTRATUS Nobis. PI. 10, flg. 6.
Syn. An. B. rostrata (Gassies). Longueur de 85 à 90 millim. Hauteur de 45 à 45 millim. Largeur de 25 à 30 millim.
Coquille plus grande que le type, moins enflée , bord supérieur tombant moins brusquement en arrière et à bord inférieur droit, mais se relevant un peu en arrière pour, aller former le rostre qui est subtronqué et presque droit. Sommets érodés plus ou moins largement, épiderme d'un jaune verdâtre avec de larges bandes brunes longitudinales. Habile la Loire.
On trouve celte même forme dans le Thouet et dans la Mayenne, mais un peu moins grande, elle a de grands rapports de forme avec l'U pictorum dont elle se distingue, cependant, toujours par le développement de la dent postérieure de la valve gauche.
Var, CUNEATUS Nobis. PI. 10, fig. 7
Syn. An. E. Cuneata (Gassies). Longueur de 75 à 80 millim. Hauteur de 43 à 45 millim. Largeur de 28 à 30 millim.
Coquille de la grandeur du type mais beaucoup plus haute en avant et beaucoup plus atténuée en arrière , ce qui la rend cunéiforme. Epiderme d'un jaune roux avec des bandes plus foncées, sommets excoriés ainsi que plusieurs endroits de la partie antérieure de la coquille.
Habile la Loire, à Saint-Gemmes. C'est une des plus belles variétés du requienii ; elle a été recueillie par M. Millet.
Var. ARCUATUS Nobis. PI. 11, fig. '2.
Syn. An. F. decurvata (Gassies). Longueur de 60 a 65 millim. Hauteur de 32 à 55 millim. Largeur de 22 à 25 millim.
Coquille plus petite que le type, plus comprimée, bord supérieur plus courbé , bord inférieur arqué, bord postérieur se terminant en un rostre comprimé et très bas, assez épaisse. Epiderme tantôt d'un jaune vert, chargé de larges bandes noires , tantôt avec des bandes très pâles qui font paraître la coquille toute verte.
Habile la Sarthe où elle est assez rare.
Var. CALAMI Nobis. PI. 11, fig. 3.
Longueur de 50 à 55 millim. Hauteur de 25 à 28 millim. Largeur de 13 à 16 millim.
Coquille beaucoup plus petite, allongée, comprimée, terminée en
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arrière en rostre bas, largement et verticalement tronqué. Epiderme d'un jaune verdâtre clair avec quelques bandes brunes peu foncées. Sommets excoriés.
Habite l'Oudon et surtout la Vienne à Chinon , d'où elle descend jusqu'à Montsoreau et Candes.
Var. ROSTRALIS Nobis. PI. H, flg. 6.
Longueur de 63 à 70 millim. Hauteur de 50 à 35 millim. Largeur de 25 à 30 millim.
Coquille plus petite que le type, allongée, très arquée inférieurement surtout en arrière sous le rostre qui est recourbé en-dessous et très atténué. Elle est assez enflée et les sommets sont profondément érodés. L'épiderme est d'un vert plus ou moins noir, uniforme ou avec des bandes. Elle atteint 60 millim. de longueur.
Cette variété habile l'Oudon et la Verzée où elle est commune, et l'Authion où elle est assez rare et toute noire.
Var.TURTONIl Moq. PI. 11.fig. 4.
Longueur de 65 à 70 millim. Hauteur de 35 à 40 millim. Largeur de 25 à 28 millim.
Coquille plus petite que le type , moins ventrue, bord supérieur plus arrondi et presque parallèle au bord inférieur qui est arqué , partie postérieure plus dilatée que le type et plus rostrée ; le rostre bas et arrondi. Epiderme d'un roux noirâtre, plus foncé vers le bas. Elle atteint 65 millim. de longueur.
Elle habite l'Authion où elle est rare.
Var. CUNEOLUS Nobis. PI. 11, flg. 5. Longueur de 45 à 55 millim. Hauteur de 25 à 30 millim. Largeur de 15 à 20 millim*
Coquille très petite ne dépassant guère 45 millim. de longueur , assez mince, très allongée , les sommets rougeâtres et très érodés, d'un ovale allongé presque régulier cependant le bord supérieur plus courbe que l'inférieur qui est presque droit. La région du corselet assez élevée fait un angle très obtus pour descendre en arrière. Bord postérieur tronqué. Epiderme brun rouge avec des bandes brunes et les sommets rouges ; parfois le rouge du sommet se répand sur toute la coquille.
Celte jolie petite variété habite l'Oudon et la Vienne, se prend à Montsoreau mais rarement.
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QUATRIÈME ESPÈCE. Mulette des peintres (Unio pictorum). Moq. PI. 14,-fig. 8.
Syn. Mya pictorum L. Longueur de 60 à 100 milliro. Hauteur de 25 à 45 millim. Epaisseur de 20 à 50 millim.
Animal variant du roux au jaune grisâtre suivant les eaux. Pied plus grand que celui de la Mulette de Requien, en forme de langue et d'un jaune plus ou moins roux. Cirrhes tentaculaires presque noires. Manteau liseré de brun ou de noir, branchies jaune grisâtre ou rougeâtres.
Coquille d'un ovale très allongé mais atténué en arrière, ce qui la rend cunéiforme; ventrue, épaisse; épiderme d'un vert jaunâtre ou d'un jaune verdâtre avec des bandes longitudinales brunes. Côté antérieur arrondi, côté postérieur très allongé et terminé par un rostre quelquefois un peu tronqué. Les bords supérieur et inférieur sont presque de la même courbure ou parfois tout-à-fait parallèles. Le bord inférieur est parfois un peu retus.
Sommets ridés tuberculés situés à peu près au tiers de la longueur totale. Ligament de médiocre grandeur. Dents cardinales toujours moins saillantes que dans le requienii, et la dent postérieure de la valve gauche très peu développée, parfois rudimentaire. Lamelles assez élevées et entières. Impressions musculaires bien marquées surtout l'antérieure. Nacre variant du blanc bleuâtre avec des teintes rose violacé, au blanc rosé ou saumoné , parfois au jaune doré.
Habile l'Authion à Longue et la Loire.
Var. MILLETI Moq. PI. 12, flg. i.
Longueur de 90 à 95 millim. Hauteur de 45 à 50 millim. Largeur de 30 à 35 millim.
Coquille un peu plus grande que le type, bords supérieurs et inférieurs, droits et parallèles, la crête du corselet étant assez saillante. Epiderme vert brunâtre avec de larges bandes brunes ; elle atteint 95 millim.
Habile l'Authion à Brain.
Var. RADIATUS Moq. Longueur de 80 à 85 millim. Hauteur de 35 à 40 millim. Largeur de 28 à 30 millim.
Coquille de même forme que le Milleti, à peu près de la grandeur du type. Epiderme jaunâtre avec des rayons verts. Habite la Loire et l'Authion à Brain.
294 Var. FLAVESCENS Moq.
Longueur de 60 à 65 millim. Hauteur de 28 à 50 millim. Largeur de 20 à 25 millim.
Coquille de même forme que le Milleti mais plus, petite que le type et toute jaune parfois, obscurément radiée en arrière. Habite la Loire, atteint 65 millim.
Var. LONGIROSTRIS (Ziegler). PI. 12, fig. 3.
Longueur de 70 à 75 millim. Hauteur de 35 à 38 millim. Largeur de 23 à 25 millim.
Coquille plus petite que le type et dactyliforme par suite de la sinuosité du bord inférieur qui est plus ou moins forte. Rord supérieur un peu montant, bord antérieur atténué et subtronqué. Epiderme d'un vert brunâtre ou rougeâtre suivant les eaux ; avec des bandes brunes longitudinales, les sommets rouges peu ou point excoriés.
Habile le Loir.
Var. NIGER Nobis. PI. 12, fig. 2.
Longueur de 60 à 80 millim. Hauteur de 30 à 40 millim. Largeur de 20 à 30 millim.
Coquille plus petite que le type, surtout les individus provenant de l'Oudon qui n'atteignent guères que de 60 à 70 millim. de longueur au plus. — Forme générale du type mais un peu plus raccourcie, surtout ceux de l'Oudon qui sont proportionnellement plus ventrus. Sommet profondément excorié, érosions noircies sur la nacre et blanches sur le cortex. Epidémie d'un vert noir tellement foncé que la coquille semble toute noire, surtout ceux de la Mayenne ; ceux de l'Oudon sont un peu moins foncés.
Habile la Mayenne el l'Oudon.
Var. VINCELEUS Nobis. PI. 12, fig. 4 et 5.
Longueur de 60 à 75 millim. Hauteur de 50 à 40 millim. Largeur de 18 à 25 millim.
Coquille plus petite que le type, mais d'un ovale plus large, plus comprimée. Partie postérieure terminée en un rostre droit et pointu ou très légèrement tronqué. Bords supérieurs et inférieurs à peu près également courbes. Epiderme d'un jaune un peu brunâtre, avec deux ou trois bandes brunes plus ou moins marquées, quelquefois presqu'effacées , sommels érodés. Nacre d'un jaune plus ou moins saumoné ou doré ; elle atteint 70 millim. de longueur.
Habile la Loire et la Verzée. — Le Loir en produit une variation plus petite encore, qui n'atteint guères que 60 millim. au plus , qui
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a les sommets rouges et non excoriés , et qui est d'un jaune verdâtre avec 6 ou 7 bandes brunes longitudinales étroites, assez rapprochées l'une de l'autre. Voyez pi. 12, fig. 5.
Var. TUMENS Nobis. PI. 12, fig. 6.
Longueur de 65 à 70 millim. Hauteur de 33 à 55 millim. Largeur de 25 à 30 millim.
Coquille plus petite que le type, parfaitement cunéiforme , les bords supérieur et inférieur également peu courbés et se réunissant en arrière pour former un rostre droit, étroit et tronqué. Ventre enflé, sommets rouges non excoriés, très près du bord antérieur, ligament très saillant, très courbe et très fort.
Cette curieuse variété habite le Loir. Elle atteint 70 millim.
Var. COMPRESSUS Nobis. PI. 12, fig. 7
Longueur de 60 à 75 millim. Hauteur de 30 à 35 millim. Largeur de 18 à 22 millim.
Coquille beaucoup plus petite que le type, plus allongée , très comprimée, mince mais cependant à peu près de la forme générale du type, plus en petit, sommets plus ou moins corodés suivant les eaux. Epiderme d'un jaune roussâtre ou verdâtre, avec deux ou trois bandes brunes longitudinales ou bien tout noir. La dent postérieure de la valve gauche très faible.
Habite la Loire, l'Authion et l'Oudon, assez rare.
L. DE JOANNIS.
NOTICE
SUR
Le Triton variegatus, le Pupa granum, le Planorbis lcevis et la Succinea arenaria.
La Faune de Maine et Loire vient de s'enrichir de quatre sujets nouveaux, un de l'ordre des batraciens et de la famille des urodèles, le Triton variegatus, et trois de l'ordre des mollusques, le Pupa granum, le Planorbis loevis et la Succinea arenaria.
TRITON VARIÉ (TRITON VARIEGATUS).
Longueur, un décimètre.
Tête ovale, queue comprimée et mousse à l'extrémité. Quatre doigts aux pattes'antérieures : le premier ou l'interne le plus petit; le troisième le plus grand. Cinq doigts aux pattes postérieures; le premier ou interne le plus petit; le deuxième et le cinquième plus grands et à peu près égaux, le troisième et le quatrième les plus grands et égaux.
Dessus du corps d'un vert plus ou moins foncé suivant les sujets, chagriné de points noirs en relief qui se répandent sur tout le dessus du corps. — Le milieu du dos porte une belle ligne jaune qui part de la nuque où elle est assez large pour aller finir en s'amoindrissant sur le dessus de la carène de la queue.
Sur les côtés de celle ligne jaune s'appuient, sur le milieu du corps, six taches noirâtres de chaque côté, moins grandes en avant et en arrière qu'au milieu. — Sur les flancs règne une large bande irrégulière d'un noir rougeâtre qui se prolonge sur toute la partie moyenne de la queue où elle est festonnée, dentelée en dessus. Le dessous de la queue, liséré de jaune, est couleur du ventre qui est livide, marqué de points jaunes s'étendant jusqu'aux flancs où ils se
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transforment en taches jaunes irrégulières contigues à la bande noire.
Les quatre pattes sont vertes avec une large bande rouge noirâtre à l'aisselle, une autre au coude, une autre plus large encore au poignet et d'autres plus petites sur les doigts.
La nuque porte une tache noire à l'origine de la ligne jaune du dos, puis une autre médiane en avant, puis une de chaque côté audessus des yeux, qui portent une petite tache noirâtre en avant et en arrière aux angles. — Les lèvres sont d'un brun rouge livide marquées de points jaunes, et les deux narines sont chacune dans une tache noire qui va se fondre avec la couleur de la lèvre supérieure.
Sur les dix centimètres de longueur totale de l'animal, la queue a quatre centimètres de longueur, le corps cinq centimètres et la tête un seulement.
Ce Triton a été trouvé sous une pierre dans la forêt de Combrée par M. l'abbé Ravain, professeur d'histoire naturelle au collége de Combrée, qui a eu la bonté de me le communiquer,
MAILLOT GRAIN (PUTA GRANUM).
Hauteur de 4 à 5 millim. Diamètre de 1 à t 1/2 millim.
Coquille dextre, oblongue, à peu près cylindrique, un peu atténuée au sommet qui est un peu obtus. Un peu luisante et transparente, chargée de stries un peu flexueuses, presqu'égales et très fines. Couleur uniforme d'un corné jaunâtre ou vineux, de sept à neuf tours de spire ; ils sont légèrement convexes dans la partie inférieure, mais davantage dans la partie supérieure. L'ombilic qui est médiocre est en partie fermé par le bord columellaire. L'ouverture ovale subanguleuse a son bord extérieur légèrement rentré en dedans ou aplati et son bord columellaire droit. Le péristome légèrement interrompu par le dernier tour de spire et un peu évasé, mince, tranchant et blanchâtre, et l'extrémité du bord extérieur est très convergente en dedans tandis que le bord columellaire est droit.
La bouche présente un fort pli immergé vers le milieu de la partie supérieure, deux plis columellaires assez profonds, le supérieur le plus grand et enfin quatre plis palataux qui n'arrivent pas jusqu'au bord du péristome, le troisième pli est le plus grand.
On le trouve sous les pierres en hiver.
Ce maillot, qui avait été regardé jusqu'à ce jour comme habitant exclusivement le midi de la France, se trouve à Champigny-Ie-Sec, où je l'ai recueilli et à Dampierre, où l'a recueilli M. Sacher, profes-
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seur au collége de Saumur. — Il n'est pas très rare dans ces endroits là,
PLANORBE LISSE (PLANORBIS LOEVIS).
Hauteur 1/2 à 1 millim. Diamètre de 5 à 4 millim.
Coquille dextre, lisse, mince, brillante, comme vitrée ; parfois toute blanche, parfois un peu fauve, profondément ombiliquée en dessus, mais très peu en dessous. Tours de spire très arrondis, sans trace de carène et très légèrement comprimés, le dernier lour dilaté près de l'ouverture qui est ovale, un peu échancrée par l'avantdernier tour avec le bord non réfléchi et tranchant.
Ce panorbe qui n'a encore été observé jusqu'à ce jour qu'aux îles Chaussey près Granville et en Corse, habile le petit étang des Laudes, commune de Brain-sur-l'Authion, où l'a recueilli M. Henri de la Perraudière qui a bien voulu me le communiquer.
AMBRETTE SABLINE (SUCCINEA ARENARIA).
Hauteur 6 millim. Largeur 3 millim.
Coquille ovale, oblongue, le dernier tour beaucoup plus grand que tous les autres, réuni et très ventru, mince, un peu transparent, tantôt de couleur jaune d'ambre et tantôt un peu brune, souvent chargée de terre. Elle a de trois à quatre tours de spire, renflés et un peu tordus. Sa suture est très profonde et le sommet est obtus. L'ouverture de la bouche est arrondie, à peine ovale et un peu plus grande que la moitié de la hauteur de la coquille qui est recouverte de stries très fines.
L'épiphragme est mince, complet et irisé.
L'ambretle sabline qui n'avait été trouvée jusqu'à ce jour que dans le midi de la France et à Boulogne-sur-Mer a été découverte dans notre département, à Saint-Barthélemy, par notre collègue M. Armand de Crochard, et à la Meignanne, par moi.
On la trouve en hiver dans la mousse et un peu enfoncée dans le sable, elle n'est pas rare à Saint-Barthélemy. Les individus que nous avons rencontrés jusqu'à ce jour occupent la limite inférieure de la taille de la succinea arenaria qui atteint dans le midi de six à huit millimètres de hauteur. — L'ambrette sabline vit à Saint-Barthélemy en société de l'Hélix fulva et de l'Helix aculeala, et à la Meignanne, en société de l'Helix pulchella et de la Zua lubrica.
DR JOANNIS.
NOTICE STATISTIQUE
SUR
LA CHASSE ET LIS ANIMAUX NUISIBLES
EN MAINE ET LOIRE.
Messieurs,
Coupé de collines et de vallons, de bois et de plaines, le département offre aux chasseurs un vaste champ où leurs exploits peuvent s'étendre. Ici ce sont d'immenses forêts giboyeuses, dont les échos répètent les bruyantes fanfares, qui éveillent un si doux enthousiasme au coeur de nos intrépides veneurs. Plus loin, la plaine solitaire, où le chien d'arrêt, ballant avec son instinct admirable, le nez au vent, les chaumes et les bruyères, s'arrête, immobile, sur la perdrix surprise au milieu de sa nombreuse famille. Si, contre mon habitude, je me suis permis de courre un lièvre ou un renard, j'ai trouvé qu'il y avait je ne sais quoi d'attrayant, à écouter la voix des chiens, tantôt se perdant sous l'épaisseur du bois, tantôt claire et vibrante annonçant la vue.
Mais j'oublie que mon but est simplement de vous faire connaître les relevés de ces habitants des forêts qui ont été abattus depuis plusieurs années dans notre département.
Une superficie de 52,128 hectares de terrain est occupée par les forêts et les bois, en Maine et Loire, aussi les animaux nuisibles y trouvent-ils encore la faculté de pouvoir se reproduire avec une assez grande rapidité, malgré les battues incessantes de nos officiers
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de louveterie et les primes que l'on accorde pour la destruction des loups.
J'ai pensé à mettre sous vos yeux, Messieurs, d'après des recherches certaines et qui ne sont nullement exagérées, le nombre des animaux abattus de 1853 a 1857 inclusivement.
Ces animaux sont les loups, renards, sangliers, blaireaux, putois, fouines, etc., etc., que j'ai classés par groupe et par année, en me permettant cependant de confondre dans un même chiffre les trois dernières espèces, sur lesquelles je n'ai pu me procurer des renseignements exacts.
Je ne parlerai que pour mention des sangliers, dont deux individus seulement furent tués pendant celle période de cinq années dans la commune de Juigné-Béné. D'où venaient-ils? nul ne le sait; cependant tout porte à présumer que, chassés de leurs fourrés de la Bretagne ou du Maine, ils étaient venus chercher un refuge dans nos contrées. C'est donc ainsi que nous pouvons nous expliquer leur présence et leur mort.
J'arrive ainsi, Messieurs, à vous donner d'une manière exacte, les tableaux par année de tous ces animaux nuisibles.
TABLEAU DES ANIMAUX NUISIBLES TUÉS EN MAINE ET LOIRE.
ANNÉE 1853.
Loups 3
Louves 3
Louveteaux 15
Renards 480
Sangliers »
Autres 451
952
ANNÉE 1854.
Loups 2
Louves 6
Louveteaux. 5
Renards 402
Sangliers »
Autres 375
790
ANNÉE 1855
Loups 1
Louves 4
Louveteaux 13
Renards 395
Sangliers »
Autres 420
833
ANNÉE 1856
Loups 8
Louves 5
Louveteaux 20
Renards 466
Sangliers »
Autres 402
901
ANNÉE 1857
Loups 7
Louves 1
Louveteaux 5
Renards 506
Sangliers 2
Autres 286
807
RÉCAPITULATION
Loups 21
Louves 19
Louveteaux 58
Renards 2,249
Sangliers 2
Autres 1,934
4,283
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C'est donc, Messieurs, pour les cinq années, un total de 4,283 animaux nuisibles qui ont été tués, comme l'indique la récapitulation ci-dessus.
Maintenant, Messieurs, si nous considérons le nombre des permis de chasse délivrés pendant l'année 1858, nous trouvons un total de 4,087, et que, pour chaque chasseur, nous menions en moyenne, 25 perdrix, nous arrivons au chiffre énorme de 102,175, ci. . 102,175
Plus, à peu près le même nombre, s'il ne dépasse, celles tuées par les braconniers 100.000
Les lapins peuvent figurer dans cette liste pour 60,000
Les lièvres pour 4,000 à ! 5,000
Tolal du gibier tué en 1858: 267,175
Ces deux derniers chiffres se trouvent parfaitement corroborés par la notice si intéressante de noire savant collègue, M. le docteur Farge, sur les animaux à fourrure de l'Anjou (Annales de la Société Linnéenne de Maine et Loire. — Année 1857).
Peut-être ces chiffres vous paraissent-ils amplifiés ; cependant, Messieurs, ils ne doivent point vous étonner, je connais une seule commune où deux chasseurs ont tué, pendant la chasse de 1857, 600 perdrix et 130 lièvres.
Vous le voyez, Messieurs, c'est sur des données certaines que j'ai établi celle statistique, et si ces documents vous paraissent ici de quelque importance, je me ferai un plaisir de vous rendre compte chaque année des animaux nuisibles tués dans le département de Maine et Loire.
F.BLAIN.
Angers, 4 février 1859.
REMARQUES SUR LA NOTICE PRECEDENTE.
L'intéressant relevé statistique de M. Fr. Blain, puisé dans les documents officiels de la préfecture de Maine et Loire, implique quelques observations que je me permettrai de soumettre à la Société, en suivant l'ordre même du tableau.
1° De l'ensemble des animaux abattus en cinq années, il ne semble
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pas résulter une notable diminution; dans cette population malfaisante. Car la moyenne annuelle, 19 1/2 loups et 450 renards, est atteinte ou dépassée en 1856 et 1857. C'est même dans ces deux dernières années que se rencontre le maximum de loups adultes. Nous devons cependant émettre un doute à l'égard de celle dernière espèce. La plupart des officiers de louveterie ou des ardents veneurs que nous avons consultés, nous ont affirmé qu'il n'existait plus de loups pur sang dans le département, autrement qu'à l'étal de passage ou d'immigration. Cependant quelques forêts contiennent encore des métis de loups croisés avec des chiens de bergers errants et devenus sauvages. Il faut donc accorder une large part à cette race bâtarde dans les têtes présentées à la prime; la reconnaissance est presque toujours faite par un employé peu chasseur et encore moins zoologiste, et un chien errant, lue à quelques kilomètres d'Angers, a reçu encore l'année dernière son baptême et sa prime de loup. La question de prime qui fait la base et l'authenticité de ce document, permet donc de réduire d'une façon assez notable la véritable population lupine de l'Anjou.
Quant aux renards, la moyenne annuelle donne 450 têtes, c'est-àdire une par 115 hectares 84 ares, ce qui doit être notablement inférieur à la population vivante.
Le gibier proprement dit donne lieu à d'autres réflexions.
D'abord, 4,087 permis de chasse n'indiquent pas seulement l'abondance du pays au point de vue des espèces alimentaires, mais l'aisance générale des habitants.
Ce nombre représente un 128e de la population totale (524,307), or, si l'on extrait de cet ensemble le nombre des individus qui peuvent être chasseurs, c'est-à-dire les hommes de 18 à 60 ans, on arrive à un maximum de 138,335. On trouve alors un permis sur un peu moins de 34 habitants. En admettant pour 1/5 les chasseurs sans permis, on arrive à un chasseur sur 27, dans la population majeure de notre pays. Ne serait-il pas intéressant, Messieurs, d'établir les mêmes calculs dans divers départements, et de comparer avec une donnée de plus les ressources et l'aisance des populations?
Le calcul de M. Blain nous démontre une moyenne de 102,175 perdrix tuées en Maine et Loire en 1858. Je commence par dire que je ne crois pas ce chiffre exagéré, mais je me permettrai une critique de la base sur laquelle il est appuyé. M. Blain établit une moyenne par chasseur, 25 perdrix, puis il multiplie celte moyenne par le nombre de permis. Il n'y a pas de corrélation nécessaire entre ces deux facteurs, le nombre des permis pourrait augmenter dans une année peu giboyeuse et diminuer dans une année féconde en
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gibier ; or, avec la base du calcul adoptée, on arriverait à un résultat tout-à-fait inverse et contraire à la vérité.
Il faut donc chercher ailleurs la base du calcul et j'avoue que cela est difficile ; voici pourtant quelques éléments que j'apporte avec d'autant plus de plaisir qu'ils confirmeront les résultats annoncés par notre zélé collègue.
En consultant les chasseurs véridiques que j'ai pu rencontrer, j'avoue dès l'abord n'avoir pu en rencontrer que trente, j'arrive à une moyenne de 72,7. Supposez, Messieurs, que j'aie choisi les meilleurs tireurs, je pourrais encore ajouter que beaucoup de mes chasseurs ne chassent que pendant les vacances, et réduisez de moitié vous aurez encore 36 perdrix par permis, moyenne bien supérieure à celle qu'admet notre collègue. Celte enquête trop superficielle ne prouve que peu de chose, mais si chaque membre de la Société voulait bien en faire autant pour l'année prochaine nous aurions un véritable document.
Les chasseurs proprement dits, vous le savez, mangent et donnent leur gibier; ils le vendent en proportion assez minime. Or, Messieurs, voici quelques chiffres bien authentiques qui me paraissent devoir être rapportés pour la plus grande partie au braconnage. Les conducteurs de diligence ont la spécialité de récolter sur leur roule le gibier tué dans les campagnes. La seule voiture de Cholet à Saint-Florent expédie par la gare de Varades, le gibier recueilli aux marchés de Cholet pour partie, et à Beaupreau en totalité. Ces expéditions se font deux fois par semaine. Eh bien, Messieurs, le relevé fait à la gare de Saint-Florent, donne pour 15 semaines une moyenne de 300 kilog. par expédition = 1200 livres par semaine ou 9,000 kilog. pour l'ensemble de la chasse. Faites la part large pour le poids aux lièvres, soit 4,000 kilog., reste 5,000 kilog. pour les perdrix; à 250 grammes chaque pièce, nous voici au chiffre énorme de 20,000 perdrix pour une seule gare.
Si le même travail eût pu être fait à Angers et à Saumur, nous serions certainement arrivé à des chiffres égaux ou supérieurs à ceux de M. Blain, et comme ils eussent été obtenus par une autre voie, ils auraient eu une plus grande valeur confirmative. Malheureusement beaucoup de paniers expédiés sont chargés d'objets mixtes, canards, volailles, gibier et la distinction eût été hypothétique. Ces nouvelles ressources offertes à la consommation par notre département pourront, si vous le désirez, faire l'objet d'une autre communication.
Dr E. FARGE. 14 avril 1859.
PALÉONTOLOGIE
DU DÉPARTEMENT DE MAINE ET LOIRE.
Notice sur un gisement d'ossements fossiles de la commune de Noyant (arrondissement de Baugé).
Le troisième étage du terrain tertiaire, moyen, formé du coquilles généralement brisées , se montre sur plusieurs points des arrondissements de Saumur et de Baugé. Dans le premier, le canton de Doué en offre l'agglomération la plus considérable ; dans celui de Baugé, les communes de Chavagnes et de Noyant présentent les exemples les plus saillants de celte formation géognosique.
C'est dans la dernière de ces localités qu'ont été trouvés les restes fossiles de mammifères quadrupèdes et autres, de batraciens, de reptiles et de poissons qui font le sujet de cette notice et dont la plupart des congénères, sinon tous, n'existent plus à l'état vivant dans la nature.
Je n'essaie d'en donner une description, que mon ignorance en anatomie comparée rend nécessairement très-imparfaite, que dans l'espoir qu'en les signalant, ils inspireront à quelqu'un de nos compatriotes plus capable, le désir d'en continuer la recherche et de les classer avec méthode.
Le sous-sol du bourg de Noyant, dans un périmètre à peu près circulaire de quatre à cinq kilomètres d'étendue, se compose exclusivement de celle espèce de falun connu dans le pays sous le nom de Croix. — Dans les travaux que nécessita la roule départementale de Saumur au Lude , on mit a découvert un véritable ossuaire pa-
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léontologique du plus grand intérêt. II était contenu dans trois légères dépressions de ce terrain formant des espèces de fosses chacune d'environ trois mètres de long sur un de large et cinquante centimètres de profondeur, distantes d'un mètre les unes des autres. Ils reposaient sur le calcaire et étaient recouverts d'une couche de terre végétale d'un mètre de puissance, circonstance qui explique comment une de leurs faces se trouvait incrustée de chaux coquillière, tandis que l'autre en est à peu près exempte.
Creusé de deux mètres, le terrain sur lequel ils gisaient, se trouva bientôt envahi sous la pioche des terrassiers , par l'eau qui sourdait de toutes parts, ce qui semble annoncer une couche d'argile sousjacente. La masse coquillière se composait de fragments en général très-frustes, parmi lesquels néanmoins se trouvaient encore des espèces où on pouvait reconnaître les suivantes : Pinna granulata, Trigonia clavellata, Lutraria jurassi, Ostrea cristagalli et plusieurs autres,, Terebratula digona, et omythocephala, le pecten Jacoboeus, Gigus, diverses espèces d'Oursins de petite dimension, une portion de volute bien conservée de l' Ancygloceras gigas (d'Orbigny), quelques Modioles d'espèces particulières , des Nérinées, des Zoophites tels qu'Astrées, Serpules, Caryophyllées, etc.
Le dépôt fossile se composait de parties osseuses, de dents et de défenses de mammifères quadrupèdes et autres et de dents de Squales d'espèces diverses , etc. Les principaux de ces os n'ayant pu être sauvés complets , nous ne pouvons que donner la mesure de leurs fragments, mais au dire unanime des terrassiers, quelques uns des entiers dont ils faisaient partie, avaient des dimensions toutà-fait extraordinaires. Cet état fragmentaire rend, pour plusieurs, la détermination ostéologique assez conjecturale; la conservation de quelques autres lui donne plus de certitude.
Le premier et le plus apparent qui se présente à l'examen est l'extrémité inférieure bien entière et non douteuse d'un fémur de 0,19 centimètres de longueur, et 0,24 centimètres de circonférence à la base, puis plusieurs belles portions d'autres fémurs d'une énorme dimension. — Plusieurs portions (dont quelques-unes de douze à quinze centimètres de longueur) de côtes ayant appartenu à des individus de différentes grandeurs, parmi lesquelles il en est qui durent faire partie de la charpente osseuse, soit de Lamantins, soit de quadrupèdes gigantesques, ces dernières mesurant jusqu'à 0,05 centimètres de largeur sur trois d'épaisseur. Leur couleur est le brun plus foncé à l'extérieur que dans la partie médullaire. Leur âge est évidemment postérieur à celui des dents qui se trouvaient dans le même dépôt et dont la substance est entièrement agalisée ,
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tandis que celle de ces côtes est encore à l'état d'un calcaire plus ou moins siliceux. — Des portions bien déterminables d'humérus d'un grand mammifère, partie supérieure et inférieure de 0,12 à 0,13 centimètres de longueur. — Une clavicule bien entière de 0,11 centimètres de longueur sur 0,03 centimètres de large, recouverte d'une couche de calcaire zoophitique. — Un calcaneum de forte dimension (0,12 centimètres de long sur 0,06 de large), provenant sans nul doute d'un des grands quadrupèdes auxquels appartenaient nos ossements et qui au besoin protesterait contre l'opinion qui tenterait d'attribuer exclusivement nos précieux restes à des Lamantins ou à des Phoques.—Une portion de radius de 0,22 centimètres de long, dont la tête ne mesure pas moins de 0,09 centimètres de large. — Des fragments présumés d'un pubis. — Un autre fragment provenant d'un tibia. — Deux plaques osseuses dont une terminée en biseau, l'une et l'autre ayant appartenu à un sujet de première grandeur. — Un fragment présumé d'un péroné. — Deux phalanges d'un pied d'Hippopotame (Cuvier). — Deux autres phalanges de pieds d'animaux d'inégale grandeur. — Une pièce osseuse que nous pensons être un cunéiforme. — Plusieurs parties d'os de 0,08 à 0,09 centimètres de long, d'origine antérieure aux autres et entièrement siliceux, dont quelques-uns minces et légers ont dû provenir de petits quadrupèdes. — Un autre fragment d'os plus gros, mais plus léger, bien moins siliceux que les autres , de couleur chamois clair , formé de calcaire peut-être encore à l'état de phosphate, d'une date évidemment plus récente quoique faisant partie du même dépôt. — Plusieurs plaques osseuses dont les cellules sont infiltrées de carbonate de chaux provenant du milieu où ils gisaient. — Des fragments en forme de carrelet ou d'alène plate, dentée des deux côtés , ayant peut-être appartenu à l'extrémité supérieure de la scie d'une espèce d'espadon.
Presque tous ces restes sont immédiatement recouverts , par plaques, d'une fine pellicule, d'une sorte de réseau formé de diverses espèces de Bryozoaires striées, maillées, croisées et ponctuées en creux ou en relief, probablement appliquées à leur surface avant le contact avee les débris coquilliers sur lesquels ils reposaient.
Les dents qui se trouvaient parmi ces ossements, n'en sont pas la partie la moins variée ni la moins remarquable (1). Au premier rang figure une magnifique dent de Mastodonte de 0,10 centimètres
(1) La matière qui constitue ces dents, indique suffisamment leur haute antiquité, puisqu'elle est passée par métamorphisme à l'état d'agate-jaspe, identique avec celui connu sous le nom de caillou d'Egypte,
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dans le sens de son plus grand diamètre, sur 8 centimètres dans le petit. — Avec elle une vertèbre, présumée du même individu, de 0,20 centimètres de long sur 0,08 centimètres de diamètre et plusieurs fragments énormes, et indéterminables, mais qu'il est permis d'attribuer au même colosse de la création.
Une dent de Dynoterium. — Des dents de Phoques? — Une portion de 0,20 centimètres de long, d'une mâchoire de Rhinocéros, ayant conservé deux dents bien entières. — Une dent d'un Tapir gigantesque (Cuvier). Une autre d'un mammifère quadrupède de première grandeur.—Des dents canines et molaires de petits quadrupèdes herbivores. — Une molaire provenant d'un individu appartenant au genre Microlestes nouvellement formé (espèce très rare). — Défenses diverses de 0,01 à 0,02 centimètres, parmi lesquelles une défense de Narwal de 0,07 centimètres de longueur avec incrustations diverses parmi lesquelles des serpules. — Une dent découronnée pouvant être attribuée à un herbivore, probablement un boeuf. — Des fragments et plaques d'incisives. — Une dent de Labyrinlhodon (Owen), de l'ordre des Batraciens, grenouille gigantesque des temps primitifs (Lyell., fig. 437). — Des dents de Lepidotus Mantelli, poisson de l'ordre des Ganoïdes (Lyell). — Enfin des dents de Sauriens? du genre Megalichtys, espèce Hibberli? Puis des dents de Squales de toutes les dimensions , depuis 0,01 centimètre jusqu'à celle gigantesque de 0,14 et 0,15 centimètres (1), des genres Carcharias, Otodus, Lamna, espèce Elegans, Galeocerdo, espèce Latidens, et un très grand nombre d'autres. — Une vertèbre dorsale d'une de ces espèces de 0,03 centimètres de diamètre. Enfin , une sorte de langue ou palette de 0,03 centimètres de long, à stries convergentes vers le centre.
La description sommaire que nous avons essayé de donner de ce petit trésor paléontologique est bien imparfaite sans doute , mais en la supposant complète et rigoureusement exacte, ne nous resteraitil pas encore à rechercher la clé des circonstances merveilleuses qui ont concouru à sa formation ? Là est de beaucoup le côté de la question le plus difficile et sans contredit le plus intéressant à résoudre. Ainsi, voilà accumulés sur un même point, des restes d'a(1) De quelle dimension devaient donc être les individus auxquels appartenaient ces dents formidables ? puisque nous possédons une mâchoire d'un jeune sujet d'une espèce actuellement vivante, dont les plus grandes dents des sept ou huit rangées qui la meublent, sont encore, faute d'espace et de développement, couchées les unes sur les autres, n'ont pas plus d'un centimètre et vont en diminuant de volume jusqu'à l'état rudimentaire, et que cet individu avait onze pieds de long !
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nimaux de classes, d'ordres, de familles, de genres, de structures, d'habitudes, de moeurs et d'instincts sans aucun rapport entre eux, répulsifs de toute idée d'association. Ces restes ont-ils été dans le principe déposés sur le lieu même où ils été trouvés? Produits sur différentes parties du globe , en ont-ils été transportés à travers les révolutions et les cataclysmes qui ont si profondément modifié la nature et la configuration primitive de son écorce ? Questions, comme nous le disions, d'autant plus difficiles à résoudre qu'elles se présentent hérissées d'objections presqu'insolubles (1). Et d'abord, comment comprendre la stabilité inaltérée d'un imperceptible point de l'espace , quand surtout ce point se présente pour ainsi dire à fleur de terre et recouvert seulement d'une mince couche alluvionnaire ? D'un autre côté, comment supposer les hasards d'un transport produit par la perturbation des éléments en présence de deux ou trois cents dents de Squales, surtout lorsque nous les voyons accompagnées d'autres parties de la charpente de ces mêmes espèces ? Dans la première hypothèse, on comprendrait encore, s'il ne s'agissait que de quadrupèdes, que les plus forts eussent dévoré les plus faibles dans le vaste repaire qui leur servait d'habitation , mais le moyen d'appliquer cette induction à la réunion hétérogène de monstres de terre et de mer dont la création fut séparée par des milliers de siècles, ainsi que le constate doublement et l'époque de leur disparition et l'examen de la composition intime de ces débris, dont les plus modernes ont encore gardé presque intacts leurs éléments calcaires primitifs, tandis que d'autres sont passés à l'état de quartz le plus homogène d'agate, ce qui suppose une origine antédiluvienne et nécessairement un long gisement antérieur dans des conditions propres à produire cette métamorphose, car évidemment ce n'est pas au milieu d'un dépôt de calcaire coquillier qu'ils ont pu se saturer par substitution, du suc siliceux qui a si radicalement changé leur nature. Quelle est donc la mystérieuse convocation qui les a réunis dans la même tombe ? et que conclure de tout ce qui
(1) La présence de restes d'animaux qui ne vivent actuellement que sous l'influence de latitudes équatoriales, ne serait pas à la rigueur un obstacle pour les expliquer dans l'état actuel de la température de nos contrées ; on sait que dans les temps primordiaux, le peu d'épaisseur relative de la croûte terrestre encore refroidie, et les fissures nombreuses qui y existaient alors, en réchauffant l'atmosphère, rendait sa température plus indépendante des latitudes diverses Cette chaleur disparue explique suffisamment comment ces animaux ont pu vivre longtemps dans les contrées les plus septentrionales, où chaque jour on en exhume les plus magnifiques témoignages.
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précède, sinon que chacun peut, sur ce grave et important sujet, accumuler les hypothèses sans arriver à rien de satisfaisant, et reconnaître en fin de cause que la solution de ces hauts problêmes d'histoire naturelle dépasse , comme beaucoup d'autres , les faibles bornes de notre intelligence et reste dans le domaine de ceux dont le dernier mot ne nous appartient pas.
DELAGENEVRAYE.
LES FOURMIS MAÇONNES
En descendant ce matin dans ma cour , mon attention fut attirée par un rassemblement assez considérable de fourmis qui s'était formé sur l'une des marches du perron de la maison. Curieux d'en connaître la cause, je m'arrêtai à les observer et tout d'abord, je vis qu'il ne s'agissait pas d'un festin ; aucune proie commune n'avait attiré là cette petite tribu. La mêlée, quoique nombreuse et fort agitée, n'avait non plus aucun caractère hostile, rien n'annonçait une bataille , ce pouvait être pourtant un conseil de guerre , peut-être aussi un congrès pacifique. Cependant aux efforts désespérés que les derniers rangs faisaient pour percer la foule et arriver vers le centre , je commençai à soupçonner que peut-être s'agissait-il de quelque élection présidentielle, et que je pouvais bien avoir sous les yeux un meeting électoral dont les membres attardés essayaient à grand peine de parvenir à déposer leur bulletin.
J'en étais là de mes conjectures , lorsque tout-à-coup l'assemblée parut frappée d'immobilité. Le moment était solennel ; une décision importante venait sans doute d'être prise. Bientôt la masse s'ébranla et commença à rayonner dans tous les sens ; un mouvement de vaet-vient très-actif ne tarda pas à s'établir du centre à un périmètre d'environ cinquante centimètres , un grand travail était organisé , quel pouvait-il être? Je l'ignorais et ce n'était pas sans un vif mouvement de curiosité que j'en attendais le résultat, lorsqu'à mon extrême surprise , je vis , assez rapidement, s'élever une cellule hexagonale , découverte , d'environ un demi centimètre de hauteur , à parois blanches, nacrées, très-minces et d'apparence foliacée. Bientôt une seconde lui fut juxta-posée; puis une troisième, enfin j'en comptais déjà neuf lorsque j'abandonnai momentanément mes petites travailleuses.
Après quelques tours de jardin , singulièrement préoccupé de ce
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que je venais de voir, je retournai à mon poste d'observation, mais, ô désappointement, tout avait disparu ! — La servante, à laquelle je n'avais pas pensé, choquée de l'outrecuidance de mes pauvres fourmis, avait bousculé l'ouvrage et les ouvrières, et coupé court à une observation d'autant plus intéressante que nul auteur, que je sache, n'a encore signalé chez les fourmis celle aptitude à construire des cellules.
Avec une patience de naturaliste, je parvins à retrouver quelques fragmenticules des cloisons bouleversées. — Immergés dans quelques gouttes d'alcool absolu , ils ne s'y dissolvaient ni à chaud ni à froid; l'éther les attaquait faiblement et lentement, et ils disparaissaient instantanément dans la potasse caustique.
DELAGENEVRAYE.
15 août 1858.
REVUE MINÉRALOGIOUE
DE L'ARRONDISSEMENT DE SAUMUR,
Remarquablement riches en produits paléontologiques et en coquilles fossiles, les grandes formations géognosiques à base de chaux qui composent en majeure partie la charpente du sol de l'arrondissement de Saumur sont pauvres en éléments minéralogiques proprement dits ; ce qu'indique du reste surabondamment la nature de ses roches.
Quelques sels à bases diverses, solubles ou non ; les premiers en quantités inappréciables , si ce ne sont le sulfate de fer provenant de la décomposition des sulfures aciculaires de ce métal et le nitrate de potasse dont les efflorescences, qui se forment journellement sur les murs de nos habitations, n'ont rien de spécial à nos localités.
Parmi les seconds, du carbonate de chaux pulvérulent, cristallisé et stalactitique, et quelques veines de sulfate de la même base.
Voilà pour les substances salines. Quelques dendrites d'oxide de manganèse déposées à la surface de roches calcaires ou siliceuses, ou tapissant certaines coquilles bivalves, et des traces de cuivre carbonate vert et bleu y témoignent seules de la présence de ces métaux.
Sans y exister en quantité exploitable , le fer s'y montre plus abondamment sous plusieurs états dont le point de départ le plus fréquent est le fer sulfuré rhomboïdal ou aciculaire radié, en boule ou en rognons allongés, qui se rencontre parfois en assez grande quantité dans la craie tufeau où il se décompose, soit à l'étal d'hydroxide dans l'intérieur du calcaire, soit en sulfate quand il absorbe plus rapidement et en plus grande quantité l'oxigène de l'air libre.
Sous le premier de ces étals, il s'altère assez rapidement, devient terreux et s'unit dans de certaines conditions à des sables de toutes
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grosseurs, auxquels il sert de ciment et constitue alors des conglomérats plus ou moins durs qui se rencontrent fréquemment sur presque tous les points de l'arrondissement de Saumur ; ou bien encore , il colore en jaune ou en brun les sables fins et les argiles d'une foule de localités.
Le peroxide, qui ne s'y rencontre guère qu'à l'état terreux, m'a pourtant fourni l'un des échantillons les plus rares de ma riche collection de fers ; c'est un bel Oligiste d'un rouge vif, en petits rhomboëdres surbaissés, groupés sur un quartz prismatique haché du schiste tégulaire.
Là se circonscrit assez brusquement la double-série fort restreinte des métaux et des sels de l'arrondissement de Saumur, qui, comme on le voit, entre pour peu de chose dans la faune du département.
Sans parler des blocs nombreux et puissants de nos grès à bâtir et à paver, qui sont plus spécialement du domaine de la géologie, et en ne l'examinant qu'au point de vue minéralogique , une famille s'y montre pourtant avec exubérance ; c'est celle des Silicides , qui présente à l'observation plusieurs espèces du plus grand intérêt.
Ce sont d'abord les quartz hyalins cristallisés, dont une espèce très-curieuse en feuillets minces, se trouve à Martigné-les-Eaux. De beaux échantillons en cristaux dodécaèdres, puis la série des prismes hexaèdres réguliers ou symétriques, d'une limpidité et d'une blancheur plus ou moins parfaite et dont les cristaux engagés dans la pâte siliceuse des géodes où on les rencontre le plus ordinairement dans nos contrées, montrent très-rarement leurs deux sommets.
Les agates s'y trouvent assez fréquemment sur plusieurs points. L'espèce qu'on y rencontre davantage est la Sardoine mamelonnée, d'un jaune plus ou moins terne et aussi une autre espèce bien plus remarquable; c'est l'agate incrustante, vernissant l'extérieur d'une sorte de tuf siliceux rouge , à la manière de celle du Geyser en Islande.
A l'ouest de Saumur , vers les hauteurs de Saint-Florent, apparaissent des bancs de silex pyromaque , de quartz résinite blanc et jaune à cassure largement couchoïdale, et d'une agate calcédoine de couleur bleu d'empois qui rappelle celle de la belle espèce de Transylvanie , mais dans laquelle j'ai vainement cherché des rudimens de la forme rhomboïdale qui donne tant de prix à celte dernière.
Le silex molaire, de beaux grès lustrés , et une foule d'autres espèces intéressantes dont la description se trouve dans tous les traités, s'y rencontrent fréquemment. Je les passerai sous silence pour arriver à une espèce à laquelle se rattachent des considérations d'un ordre qui se produit fort rarement, surtout dans, les dépôts à base de
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chaux qui tiennent une si grande place dans l'arrondissement de Saumur.
Je viens de parler d'un quartz résinite , d'un jaune de miel vif et doré ; cette jolie espèce colorée par de l'hydroxide de fer, est très répandue dans le deuxième et dans le quatrième étage du terrain tertiaire moyen qui caractérise une partie notable de notre rive gauche de la Loire. Plus ou moins modifiée dans sa couleur, elle s'y montre à peu près partout, soit en bancs d'une médiocre étendue , soit en blocs et en galets de toutes formes et de toutes grosseurs. Privée de l'eau à laquelle elle doit son éclat résinoïde , elle perd sa translucidité, sa cassure conchoïdale ou esquilleuse, et, tout en conservant la richesse de sa teinte, elle reste entièrement opaque et passe ainsi à l'état de jaspe dont la cassure fragmentaire ne permet plus désormais qu'on le confonde avec l'hydrate de silice qui le précède.
J'ai trouvé des échantillons de ce jaspe, dont la pâte jaune était brusquement coupée par des parties d'un beau brun-violet que plus d'un graveur en camées eut été heureux de rencontrer.
Enfin on le voit encore apparaître en veines engagées dans le silex pyromaque, ou bien traversé lui-même par de nombreux filets de ce même silex.
Cette première modification du quartz résinite jaune n'est ni la seule, ni à beaucoup près la plus intéressante qui se produise dans les environs de Saumur. Il en est une autre qui, je crois, n'a pas encore été signalée et que je vais essayer de décrire et d'expliquer.
On trouve au Puy-Notre-Dame des plaques plus ou moins épaisses d'un tuf silico-pouceux, dont la face supérieure est recouverte d'une couche d'un jaspe jaune de miel un peu foncé. La forme qu'affecte ce jaspe est celle d'une croûte ouduleuse, boursouflée, de deux à dix centimètres d'épaisseur, résultant de la jonction de mamelons plus ou moins volumineux, dont un grand nombre isolés , parmi lesquels il en est qui offrent l'aspect guttulaire et ne tiennent à la masse que par un filet plus ou inoins délié.
Ces mamelons paraissent avoir surgi à l'étal de fusion pâteuse au travers d'un sable ponceux évidemment chauffé par des feux souterrains , sur lequel a dû reposer la face inférieure de ces curieux morceaux qu'on trouve toujours au milieu de ce sable.
Je dis que ces mamelons ont surgi ; c'est en effet par une sorte de projection verticale de bas en haut, comme je l'expliquerai toutà-l'heure, qu'ils ont dû apparaître à la surface primitive du sol où ils se sont produits.
Celte projection a dû se faire dans un milieu libre , caverneux
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peut-être ; car si elle eût eu lieu directement dans le sable , qui à une époque postérieure a accompagné cette matière, les mamelons à l'état mou se fussent imprégnés d'une couche de ce même sable qui n'eût probablement guère permis de reconnaître le faciès de la roche qu'il recouvrait.
Elle a dû s'exécuter rapidement, car les larmes projetées se fussent toutes affaissées et noyées dans la masse onduleuse en liquéfaction, si le contact d'un air tempéré ne les eût en quelque sorte figées subitement.
Elle a dû encore s'exécuter de bas en haut, car si elle se fût produite de haut en bas, obéissant aux lois de la pesanteur , loin de s'étaler en nappe, elle eût coulé en longs filets, à la manière des stalactites, et dans leur projection descendante, les larmes devenues cylindriques, eussent infailliblement, comme ces dernières, suivi une ligne verticale droite, de plus en plus effilée ; tandis que, dans notre espèce, les sommets globuleux se penchent et tendent toujours à retomber sur eux-mêmes.
Ce n'a dû être que plus tard qu'un soulèvement violent du terrain, en produisant le monticule sur lequel est assise la commune du Puy-Notre-Dame, aura brisé la couche de la roche fondue , dont les fragments se sont alors trouvés mêlés parmi le sable ponceux ou on les découvre à présent.
Essayons maintenant d'expliquer les faits que nous venons d'exposer et qui se rattachant à une action plutonienne , semblent d'abord difficiles à admettre puisqu'ils se produisent en plein terrain de craie (1).
La topographie du Puy-Notre-Dame, situé au centre d'une plaine dont le sol appartient au terrain crétacé inférieur , n'offre rien à première vue qui la distingue de celle des communes limitrophes ; il faut toutefois remarquer , que de quelque côté qu'on y arrive , on est obligé de monter et qu'il repose sur le seul mamelon qui rompe la monotonie du pays.
Il faut encore noter qu'une distance de quelques kilomètres seulement le sépare de la commune de Cléré , dans le voisinage de laquelle le terrain de craie disparaît pour faire place à celui de cristallisation du massif vendéen. Gela posé, voyons quels effets probables
(1) Les soulèvements de roches cristallines en fusion, soit qu'ils ne percent pas entièrement la croûte extérieure de la terre, soit qu'ils donnent lieu à des épanchements par des failles de l'ancien terrain de transition , ne remontent pas à une époque bien reculée , car les couches de craie, même les plus élevées, existaient avant qu'ils se produisissent. — HUMBOLDT, Cosmos, t. 1er p. 280.
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a dû produire ce voisinage sur les assises fondamentales qui lui étaient contiguës.
Les modifications produites à la surface et dans les profondeurs de la terre, ont été nombreuses et variées. Contemporaines quelquefois , séparées plus fréquemment par des intervalles et par des cataclysmes dont il ne nous est plus possible de préciser rigoureusement les époques et les effets, souvent nous nous estimons trop heureux d'en pouvoir donner une explication rationnelle en nous appuyant sur des analogies qui heureusement ne manquent sur aucune des grandes divisions du globe. Ainsi le massif granitique vendéen sur lequel se trouve le canton de Cholet et qui se montre en Maine et Loire sur une étendue de plus de soixante kilomètres, depuis la limite du département de la Loire-Inférieure jusqu'aux environs de la commune de Cléré, peut bien être le point culminant d'une de ces innombrables protubérances qui durent dans les temps primitifs constituer l'enveloppe immédiate de notre planète. Il se peut encore que plusieurs couches de matières fondues, en se superposant à différentes époques, aient donné naissance à ce massif en produisant chaque fois de grandes perturbations dans les sous-sols qu'elles confinaient.
Mais plus vraisemblablement, à une époque postérieure , par une de ces révolutions dont nous venons de parler et dont il existe de si nombreux exemples, s'échappant à l'état d'incandescence fluide du grand réservoir central, il aura percé une superposition déjà considérable peut-être, de terrains divers à la surface desquels il sera venu s'épancher.
Quelle que soit celle de ces hypothèses à laquelle on veuille donner la préférence, il faut toujours reconnaître qu'à une époque plus ou moins reculée, une roche cristalline en fusion est venue se mettre en communication avec le sous-sol de la commune du PuyNotre-Dame, d'une distance qui n'en exclut nullement la possibilité et y produire les effets que nous avons décrits, car il n'en est pas des masses granitiques primitives comme de ces coulées basaltiques des volcans éteints du Vivarais ou des Orcades, qui s'étant produites à l'air libre, ont été brusquement arrêtées dans leur marche par le contraste de la température ambiante, et se présentent à nos regards sous l'aspect imposant de gradins et de murailles à pic dont l'élévation nous étonne, mais dont la production éruptive n'a aucune influence sur les terrains sous-jacents.
Les roches granitiques primordiales, au contraire , s'étant refroidies extrêmement lentement, n'ont point ces formes anguleuses , brusques et heurtées ; elles tendent toujours vers la configuration
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sphéroïdale, et ont en général une base qui s'infléchit plus ou moins loin sous les terrains où on les voit disparaître.
C'est évidemment le cas du granit vendéen qui, à une profondeur plus ou moins grande, doit s'étendre sous les autres formations qui l'ont successivement recouvert, puisqu'on le voit reparaître sur plusieurs autres points du déparlement, notamment à Bécon , à Saint-Lambert-la-Potherie, à Saint-Jean-des-Marais et dans le canton de Chemillé.
D'après tout ce qui précède, on peut donc, je crois, sans témérité, regarder comme très probable , qu'à l'époque où la chaleur de ces roches en fusion vint agir en le modifiant sur le sous-sol du PuyNotre-Dame, elle y rencontra un banc de quartz résinite, très-commun dans le pays, et qui se reliait peut-être au terrain de transition qui confine la formation granitique dans les environs de Saint-Macaire ; qu'elle lui enleva son eau constitutive et le fit surgir à l'état de jaspe, sous la forme que nous lui voyons aujourd'hui.
Les phénomènes de la nature de celui que je viens de décrire , rares dans les pays plats, se présentent au contraire assez fréquemment dans les chaînes élevées de nos continents , dans les contrées montagneuses qui les avoisinent et dans celles où se rencontrent des bouches ignivômes. .
C'est ainsi, pour en citer un exemple saillant, qu'autrefois le calcaire jurassique d'une partie des Alpes dauphinoises, chauffé après coup, par des feux souterrains , a vu disparaître tous les témoins fossiles de sa constitution primitive, et est devenu la roche connue sous la dénomination de granit alpin.
Je ne terminerai point celte revue minéralogique de l'arrondissement de Saumur, sans parler de son terrain anthraxifère avec ses belles empreintes de fougères arborescentes et de bambusacées de toutes formes et de toutes grosseurs, exploré avec une sagacité remarquable par notre cher collègue, M. Courtiller, qui m'a signalé près de Soulanger , au lieu dit Minières, le plus riche dépôt de ces produits contemporains des temps primitifs.
DELAGENÉVRAYE.
UNE COURSE
AUX ILES D'HOUAT ET D'HOEDIC
MORBIHAN )
Le désir d'étudier l'organisation de quelques mollusques, me fit entreprendre aux vacances dernières le voyage de Belle-Isle-en-Mer, et chaque jour, du port de Palais, je voyais s'élever à l'horizon devant moi les deux îles d'Houal et d'Hoedic qui semblaient m'appeler à elles. Chaque jour je regrettais de ne pouvoir faire une excursion, ne fût-elle que de quelques heures, à ces deux localités qui devaient me fournir l'occasion de trouver bon nombre de plantes intéressantes, au double point de vue de leur station et de leur rareté : cependant je devais supposer que là, comme à Belle-Isle, je trouverais la végétation presque terminée, et c'est en effet ce qui m'est arrivé.
Le 30 août 1856, à 6 heures du malin, je m'embarquai sur le lougre le Furet, qu'on avait mis à ma disposition pour me conduire à Houal et à Hoedic : en temps ordinaire je ne devais compter que sur deux heures de traversée , mais nous avions le vent contraire , nous fûmes contraints à courir des bordées en suivant la côte de Belle-Isle et nous passâmes ainsi devant le Grand-Sable où quelques jours plus lard (5 septembre), je recueillis le Bartsia bicolor DC., CCC, en fruits,' le Melilotus parviflora en fruits AR. et le Linaria radicans, Le Gall, R., que MM. Grenier et Godron rapportent au Linaria groeca (FI. Fr., tome II, page 575), et qui me paraît être une variété du Linaria elatine.
Après cinq heures de traversée nous arrivâmes en vue de Treach er Beniguet, où croissent au printemps l'Agraphis nutans, CC, et
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l'Asphodelus albus CCC. Des courants contraires nous forcèrent à louvoyer le long des îlots Glazic et er Valhuec, sur lesquels j'aperçus, malheureusement sans pouvoir les aller recueillir, quelques pieds de Lavatera arborea. Il nous fallut encore deux heures pour atteindre portz Navalo d'Houat en prenant le passage de Beniguet, et à peine débarqués nous procédâmes au déjeûner, que prudemment nous avions emporté avec nous, car nous savions que, malgré l'hospitalité des Houatais, tant vantée par l'abbé Delalande, nous courions grand risque de ne pouvoir nous procurer même un morceau de pain. L'aventure arrivée, il y a quelques années, à MM. Lloyd et Hérouard (un de mes compagnons de course), était faite pour nous instruire, et malgré tout le plaisir que devait me procurer mon voyage, je n'eusse été que très médiocrement flatté d'en être réduit à me nourrir exclusivement de homards et de langoustes pendant deux ou trois jours. Trop heureux se seraient trouvés ces Messieurs de pouvoir se procurer un morceau de pain de son, data-t-il de quinze jours (on ne cuit pas plus souvent au four banal d'Houat , non plus qu'à celui d'Hoedic). Installé au bord d'une petite mare, tout en procédant à mon déjeuner , je reconnus autour de moi le Ruscus aculeatus CCC, et l'Ulex Europoeus CCC, qui couvraient presque toute la lande avec l'Asclepias vincetoxicum CCC, dont les capsules entr'ouvertes laissaient s'échapper leurs houppes argentées. Des rochers qui entourent le portz tombaient des touffes épaisses de Hedera Helix, mêlées aux pieds nombreux de la percepierre, Crithmum maritimum CCC, du Static plantaginea CCC, Rubus fruclicosus AR, Silene maritima CC, Anthyllis Vulneraria Var. Sericea, Brébisson , que je n'avais pas rencontrée depuis mon voyage à Tréport et qui se tenait sur le sable calcaire, au pied des roches granitiques qu'il dédaignait. Autour de nous étaient quelques pieds non encore développés d' Hyoscyamus niger, de Glaucium luteum, avec le Scilla autumnalis aux fleurs violettes et quelquefois blanches CCC, le Jasione montana, Var. maritima CCC, l'Anagallis arvensis très réduit et très rameux R, le Trifolium fragiferum C, le Verbascum blatarioïdes R, et le Rosa spinosissima CCC. Dans le terrain humide qui entourait la source et formait une petite mare, je récollai l'Hydrocotyle vulgaris CC, l'Heliosciadium ochreatum CCC, le Sium angustifolium CC, le Samolus Valerandi CC, le Scirpus setaceus AC, les fruits d'un Iris, qui m'a paru être le foetidissima.
En me dirigeant vers le hameau d'Houat, que l'on décore du nom pompeux de village, je recueillis l'Helianthemum guttatum CC, forme très rabougrie, le Diplotaxis tenuifolia CCC, le Sarothamnus scoparius, dont je ne vis que deux ou trois pieds. Je descendis en roule dans
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une anse, Treach er gorlai, où nous fîmes lever deux perdrix rouges, et où je trouvai dans.les rochers quelques feuilles radicales de Crambe maritima avec l'Ononis arvensis, Var. maritima, le Scilla autumnalis et une variété naine de l'Anthoanthum odoratum, R.
Le hameau d'Houat, assemblage irrégulier de quelques cabanes (il n'y a que 220 habitants), n'offre rien qui charme l'oeil, et semble dénoter, comme tous les villages de Bretagne, une grande misère. Il n'en est rien cependant, grâce au régime tout particulier sous lequel vivent ses habitants, qui forment une sorte de communauté régie par le curé qui remplit tout à la fois les fondions de pasteur, médecin, juge de paix , commissaire et même de cabaretier, car il dirige une cantine où tous, étrangers et indigènes, vont se fournir des objets de première nécessité et de luxe : là seulement on peut se procurer quelques boissons et le tabac, charme de longues courses, et une sage mesure interdit toute consommation à tout individu qui commence à être ebriolus. Jamais, quoiqu'on ail dit certain auteur, on n'a rationné les habitants à une chopine par repas, et les étrangers à une bouteille. Le clocher, fourni par une épave qu'on a sciée en deux parties sur lesquelles on a cloué des planches , prises aussi à la mer, emprunte aux matières mêmes qui le constituent un caractère assez original, et qui doit plaire aux partisans de l'adage : Le beau c'est le laid. Le cimetière est entouré d'une haie de Tamarix Anglica, dont les grappes rosées viennent cacher les restes desséchés de l' Umbilicus pendulinus CCC et du Sedum Anglicum CCC.
Après avoir quitté le village pour visiter le port d'Houat, vaste plage sablonneuse en fer à cheval, que dans le pays on nomme Treach er gourett, je trouvai dans la dune d'Enlall, l'Ephedra distachya aux fruits rouges et sucrés CCC, le Raphanus maritimus AR, le Cheiranlhus littoralis CCC, le Geranium marilimum AC, le Cakilemarilima CCC, el çà et là entre les touffes d'Ephedra quelques pieds de Lagurus ovatus parfaitement murs. Un peu plus loin à Tal er hah, croissaient en grande abondance les Convolvulus Soldanella, Galium arenarium et quelques pieds d'Orobanche galii, le Carex arenaria CCC, le Triglochin maritimum, R, les Plantago maritima, subulata et lanceolata, Var. lanuginosa CCC, l'Orobanche amethystea sur l'Eryngium maritimum CCC, le Phleum arenarium CC, le Festuca sabulicola R, l'Hordeum marilimum CC, quelques pieds de Rottboellia incurvata. Enfin au milieu de toutes ces plantes, s'élevait par touffes énormes le lys d'Houal, le Pancratium maritimum, dont les fleurs blanches exhalaient une odeur délicieuse, mais qui par une sorte de contraste me présenta au milieu de ses feuilles deux magnifiques Bufo Calamita. Ses hampes et ses feuilles portaient un grand nombre d'Hélix erice-
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torum et rhodostoma, ainsi que de Coccinella dont la présence m'expliqua tout naturellement celle de mes deux captifs. Le désir d'emporler celle plante, que je n'avais pas vue depuis 1847, où je la récollai près de Celle, me délermina à en tenter l'extraction avec mon couteau et mes doigts, puisque j'avais oublié ma pioche à bord du Furet. Après un bon quart d'heure de travail, je parvins à me rendre maître d'un belle touffe bien fleurie , que j'emportai triomphalement sur notre lougre qu'elle embauma. Malgré tout le désir que j'avais de prolonger mon séjour à Houat, je dus borner là mon exploration, car la nuit approchait rapidement, nous ne pouvions nous procurer dans l'île des lits pour toute notre caravane et d'antre part il n'était pas prudent de faire la traversée entre les deux îles pendant l'obscurité, car la mer y est semée de nombreux rescifs.
J'oubliais d'indiquer parmi les plantes que j'ai récoltées à Treach er gourett, les Dianthus gallicus CCC, Silene inflata CC, Spiranthes autumnalis AR, une variété très velue et très- rabougrie d'un Cerastium que je crois le tetrandrum Curt. AR, le Linum angustifolium CC, les Euphorbia Peplis C, et Paralias CCC, le Silene otites, Var. nana C, le Malthiola sinuata, dont je n'ai vu qu'un seul pied presque entièrement défleuri, les Arenaria marina CCC, et peploïdes C, le Sagina maritima CCC, et le Frankoenia loevis C.
Houat, situé à trois lieues nord-est de Belle-Isle, a à peu près 4000 mètres dans sa plus grande longueur, et 1100 dans sa plus grande largeur : au nord-ouest, c'est-à-dire de la pointe de Beniguet à Er Gok, la côte est défendue par d'énormes roches granitiques, sur lesquelles la mer vient déferler avec fureur; derrière sont des falaises abruptes, souvent hautes de 25 à 30 mètres, et qui offrent çà et là des excavations, tapissées d'Asplenium marinum : l'accès de ces grottes est souvent difficile et parfois même n'est possible qu'à marée basse. A Treach er gourett la plage, est formée d'un sable fin qui renferme une grande quantité de calcaire, dû à des débris de coquilles.
Embarqués à six heures du soir, nous passâmes successivement en vue de Treach er gorlai, du hameau d'Houat, de la pointe de Tal er hah, de celle d'er gok, et Treach er gourett que nous .venions de visiter. Le vent et la marée continuant à nous être contraires, nous ne pûmes arriver dans les eaux d'Hoedic qu'à dix heures du soir ; malgré l'agitation des vagues et l'obscurité, nous nous fîmes descendre à terre par le canot, et munis du panier d'Esope, nous prîmes notre course vers le phare où nous devions trouver le couvert pour la nuit. Avant d'y arriver nous fîmes plus d'une chute dans la dune, nous eûmes à traverser des landes dont les ajoncs nous piquaient
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outrageusement, mais enfin nous atteignîmes notre matelas sur lequel nous nous jetâmes en gens harassés et pressés de réparer leurs forces. Mais nous n'étions pas seuls habitants de la chambre, et bientôt nous dûmes livrer un combat en règle à des ennemis incessants et trop fréquents dans toute la Bretagne. Aussi avant l'aurore chacun était-il debout et prêt à partir.
Je commençai mon herborisation à la lueur des étoiles, et avant le lever du soleil j'avais découvert une belle localité de Lagurus ovatus dans un terrain sablonneux, au milieu de touffes d'Ephedra distachya CCC, entre Beg Lagatle et la pointe Dennorion, près d'un ancien fort détruit par les Anglais au commencement de ce siècle. C'est une particularité que j'ai observée dans celte course, que je n'ai jamais trouvé le Lagurus autre part qu'au milieu des touffes d'Ephedra, mais partout où, dans les deux îles, j'ai vu cette conifère, je n'ai pas trouvé en même temps la graminée.
Au pied du menhir qui est dans la cour du phare, étaient un magnifique pied de Crambe maritima et les Verbascum blattarioïdes, Polygonum aviculare, Var. maritimum, Linaria arenaria, Thrincia hirta, plantes du reste que j'avais rencontrées sur mon chemin en venant de la pointe Dennarion. J'y avais récolté le Pancralium maritimum CCC, les Convolvulus soldanella CCC, et arvensis Var. maritima CCC, les Euphorbia Portlandica CCC, et Paralias CCC. l'Asperula cynanchica avec ses fleurs roses CC, le Buplevrum aristalum AR, l' Asparagus officinalis, Var. maritima AC, les Medicago striata AC, et marina R, quelques pieds desséchés d'Erythroea maritima R.
En me dirigeant vers la Grande Pierre (menhir où le curé a fixé une effigie de la Vierge), je retrouvai le Lagurus ovatus AC, et l'Ephedra distachya, le Thrincia hirta, le Ruscus aculeatus CCC, le Pteris aquilina CCC, une variété de Trifolium suffocatum, le Trifolium littorale qui me paraît n'être qu'une forme de l'arvense, le Datura stramonium CC, l'Heliotropium Europoeum CCC, les Papaver argemone AC, et hybridum R, le Teucrium scordium.
Autour du grand étang (Len Vras), croissaient en grande abondance le Tamarix Anglica, le Carex divisa CC, le Cyperus longus R, le Glaux maritima R, le Polygonum amphibium, le Sonchus asper R, l'OEnanthe peucedanifolia AR, l'Heliosciadium ochreatum CCC.
Vers er Vas plate a goare se trouvaient les Statice plantaginea CCC, Polygonum maritimum AC, Glaux maritima G, Helychrizum stoechas CCC, Daucus hispidus AR, Crambe maritima AC, Ononis arvensis V. maritima C, Atriplex rosea AC, Stalice Dodartii R (je l'ai vu depuis très abondamment à Port an dron près Locmaria), et Asparagus marilimus CC. A Cass pier a kiss, abondaient avec les plantes que je
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viens d'énumérer les Asphodelus albus CCC, Planlago subulata C, Salvia verbenaca CC,Hordeum marilimum CC, Calamagroslis arenaria C, Careoe ai'enaria CCC, et Medicago marina AC.
Telles sont les plantes que j'ai trouvées à Hoedic, et encore étaientelles presque toutes en fort mauvais état, et indignes de figurer dans un herbier; mais ce que j'en ai vu me donne l'envie d'y retourner dans une saison meilleure où je pourrai., faire d'abondantes récolles.
En revenant à Palais, nous avons dû passer sept heures sans avancer ni reculer, car nous avions calme plat, et si je regrettais de ne pouvoir continuer mon exploration des îlots voisins d'Houat et d'Hoedic, je ne regrettais pas moins notre libéralité envers nos hôtes de la nuit précédente, auxquels nous avions laissé le reste de nos provisions, de telle sorte que nous dûmes attendre pour satisfaire notre appétit que nous eussions débarqué à Belle-Isle, ce qui n'eut lieu que le soir après neuf heures. Ceci fut un enseignement pour moi qu'il ne faut pas se fier à vent ni à marée pour arriver exactement. Heureusement pour nous le vent se leva sur les huit heures du soir et nous poussa rapidement au port, en nous secouant violemment, mais c'était encore préférable à la perspective de passer toute la nuit à l'air frais et à jeun.
J.-LÉON SOUBEIRAN.
L'ELECTRICITE
A L'EXPOSITION DE 4858.
Qui eût pensé, Messieurs, il y a quelques années à peine, que l'électricité, ce fluide que la nature nous présente comme une menace et un fléau, viendrait tranquillement prendre place au milieu des merveilles de notre industrie?
Qui eût dit qu'à celle source nouvelle, chacun viendrait puiser suivant les besoins de sa spécialité ; que l'horlogerie en retirerait une force pour entretenir les mouvements du pendule et propager l'heure à des centaines de lieues; que la médecine y rencontrerait parfois la guérison de maladies jusqu'alors déclarées incurables; que la métallurgie lui confierait le traitement de ses minerais, la confection de ses moules, la dorure et argenture à toute épaisseur; qu'entre les mains du physicien et du chimiste, l'affinité et la cohésion, ces forces intimes des corps, seraient à jamais vaincues par celle nouvelle puissance d'où sortiraient en même temps et la lumière la plus vive et la chaleur la plus intense que l'homme ail jamais pu produire; que la pensée enfin, toute immatérielle qu'elle est, viendrait prendre sa part de la découverte en lui empruntant un mode de communication qui semble immatériel aussi, tant il se joue des distances, tant est rapide son action?
Tous ces faits pourtant nous sont acquis aujourd'hui, et s'accomplissent chaque jour sous nos yeux.
De pareils résultats qui dépassent ainsi, dès le début, nos premières prévisions, ne pouvaient manquer de faire naître d'autres prétentions, d'autres espérances, de reculer d'une manière presque indéfinie dans celte voie les bornes du possible.
Aussi, que de problèmes posés aujourd'hui à l'électricité, que
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d'efforts pour les résoudre, que de personnes retirées dans le laboratoire interrogent le mystérieux agent, répètent avec patience et minutie les expériences des Galvani, Voila, OErsled, Faraday, s'ingénient à en imaginer d'autres, toujours avides de rencontrer le fait nouveau d'où seul jaillit la vraie découverte, ou tout au moins de tirer des faits déjà connus toutes les conséquences utiles à l'humanité !
Ce sont les spécimens de tous ces travaux qui viennent parfois se montrer, timides encore, dans nos expositions industrielles. Notre exposition de 1858 était trop complète pour ne pas en reproduire quelques reflets; l'électricité s'y est trouvée en effet traitée à différents points de vue.
Une pile y a été présentée par M. Delalande.
Un appareil de sonnerie électrique par M. Prud'homme.
Des travaux de galvanoplastie par M. Chasteigneaux.
Un électromoteur,
Un appareil à mesurer les niveaux par l'électricité., s'y trouvaient aussi.
PILE PRÉSENTÉE PAR M. DELALANDE.
La pile présentée par M. Delalande, ne diffère de celle de Bunsen que par les liquides dont elle est alimentée. Comme cette dernière, elle se compose d'un vase extérieur, d'une lame de zinc amalgamé, d'un tube poreux pour diaphragme, d'un charbon; mais dans la case charbon on met de l'eau acidulée au 15e environ par l'acide sulfurique au lieu d'acide azotique, et dans la case zinc de l'eau ordinaire au lieu d'eau acidulée. Voilà donc encore une pile à un seul liquide ; comme toutes les autres, elle doit être affectée du défaut capital de la polarisation ou résistance au passage. Je veux dire que le courant qui en émane, énergique d'abord, diminuera promptement à partir de la mise en activité de l'appareil.
Celte diminution, comme on l'a constaté, ne résulte pas de ce que l'acide manque à l'oxidation du zinc, mais bien de ce que l'hydrogène provenant de la décomposition de l'eau vient adhérer au conducteur négatif, le sépare du liquide qui l'environne, restreint les communications, et a même une tendance à faire naître un courant en sens contraire. Jusqu'ici, Bunsen et Daniel sont à peu près les seuls à avoir vaincu celle difficulté en entourant la lame négative d'un liquide qui, comme l'acide azotique et le sulfate de cuivre, absorbe l'hydrogène par combinaison.
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L'expérience pour la pile de M. Delalande, n'a encore été que trop d'accord avec la théorie. En effet, ayant soumis au galvanomètre cet élément, je ne tardai pas à voir l'aiguille qui tout d'abord s'était écartée de 87° du méridien magnétique , se rapprocher de plus en plus de ce plan, si bien qu'après une vingtaine de minutes d'expérience, elle ne marquait plus que 70°.
La pile de M. Delalande n'est donc pas à effet constant.
Examinons maintenant, malgré cet inconvénient, la quantité d'électricité qu'elle fournit dans les premiers instants de la fermeture de son circuit. Cette question, de la quantité d'électricité, étant la plus importante et la plus compliquée, je crois devoir vous exposer le détail des expériences que sa solution a nécessitées.
Six éléments à la Bunsen, entièrement neufs , de même surface , de zincs parfaitement amalgamés, ont reçu chacun 750 centimètres cubes d'eau ordinaire dans leur vase extérieur, et 150 centimètres cubes du même liquide dans leur vase intérieur ou tube poreux.
Puis on en a formé deux piles séparées, montées en tension de trois éléments chacune. Dans chaque case charbon de l'une d'elles on ajouta 20 centimètres cubes d'acide sulfurique d'une densité 1,842 et correspondant bien à la formule SO 3 HO, contenant par conséquent en poids 30 grammes d'acide sulfurique anhydre.
D'un autre côté, dans chaque case également du charbon de l'autre pile, on immergeait 93 grammes de sulfate de cuivre, poids calculé de ce corps devant contenir aussi 30 grammes d'acide sulfurique anhydre.
Nous avions ainsi deux piles, l'une montée à la manière de M. Delalande , l'autre à la manière de Daniel, placées dans les mêmes conditions de surface, de nombre d'éléments, d'acide, de conducteurs en général, sur lesquelles nous pouvions par conséquent faire des essais comparatifs avec quelque chance d'exactitude. L'instrument qui devait nous servir à cela, était un galvanomètre de Sweiger, à fil moyen , à aiguille presque compensée. Comme les divisions n'y sont pas toujours proportionnelles aux intensités du courant, il fallut chercher un autre moyen d'employer cet appareil que celui qui est usité ; en voici un aperçu : Si on met le diamètre 90° du galvanomètre dans le méridien magnétique, au lieu de celui qui porte le 0° du cadran, l'aiguille aimantée sous l'action terrestre, s'y placera par une série d'oscillations que l'on pourra compter pendant un certain laps de temps, 30 secondes par exemple. Si quelques instants après on fait passer le courant dont on veut savoir la valeur, dans le galvanomètre, l'aiguille n'en sera pas déviée ; mais en écartant celle-ci de sa position, puis l'abandonnant à elle-même, on
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s'apercevra-bientôt au plus grand nombre d'oscillations qu'elle fera dans le même temps pour y revenir, qu'une nouvelle force agit sur elle. Celte force est produite par le courant même qu'il s'agit de mesurer. Or, cette aiguille suit les lois du pendule , les forces qui la sollicitent à rentrer dans le plan méridien sont entre elles comme les carrés des oscillations qu'elles font naître dans le même temps. Soient donc N le nombre des oscillations exécutées pendant 30 secondes dans la première expérience , c'est-à-dire sous l'influence seule de la terre, et N' le nombre de celles exécutées aussi en 30 secondes dans la deuxième expérience, c'est-à-dire sous la double influence de l'action terrestre et du courant à mesurer , on aura :
N2 : N2 :: 1 :x.
en prenant pour unité la force magnétique du globe, qu'il suffira de retrancher de X pour avoir l'expression de l'intensité du courant mis en expérience.
C'est en opérant ainsi que nous avons obtenu les chiffres suivants : Aiguille sous l'influence terrestre : 24 oscillations, force faite = 1.
Trois éléments de M. Delalande : 71 oscillations, intensilé = 7,751 Id. essai par déviation simple 87° Trois éléments à sulfate de cuivre 71 oscillations , intensité = 7,751 Id. essai par déviation simple 87°
Comme on le voit les intensités des deux courants qui parcouraient séparément le galvanomètre, étaient parfaitement égales.
On en conclurait immédiatement que les deux forces électromotrices, ou les quantités d'électricité fournies par chaque pile étaient égales entre elles aussi, si le fil du galvanomètre formait à lui seul la totalité du circuit, en d'autres termes si les circuits parcourus par chacun des courants étaient de même section, longueur et conductibilité.
Mais l'électricité ne prend pas naissance aux extrémités zinc et charbon que l'on appelle pôles, c'est à la surface de contact du zinc et du liquide acidulé qu'elle se forme; elle doit donc pour se rendre au galvanomètre traverser le liquide lui-même , le charbon , les conducteurs accessoires, en un mot, la propre résistance du couple qui lui donne naissance.
Cette résistance peut être fort différente dans les deux piles , qui sont composées de liquides différents; il faut nécessairement en tenir compte dans l'expression de la longueur du circuit, par conséquent la représenter en longueur de fiI.
Pour arriver à celte appréciation, on a ajouté au circuit d'une des
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piles, successivement, des longueurs de fils variées, puis faisant à chaque fois passer le courant, on a déduit les intensités, des oscillalions de l'aiguille, comme précédemment. Ainsi on a eu pour la pile de M. Delalande: 50 mètres étant ajoutés au circuit, oscillations 42, intensité 2,062 25 mètres étant ajoutés au circuit, oscillations 52, intensité 3,694 Parlant alors de cette loi : Les intensités sont en raison inverse de la longueur du circuit, on a pu poser ces proportions où X représente la somme inconnue des résistances du galvanomètre et des trois couples :
z:z+50:: 2,062 :7,751. x: X + 25 :: 3,694:7,751.
Tirant la valeur de X dans chacune d'elles, on a pour la première
X = 22,763. pour la seconde X= 18,122.
Nombres, qui, comme on devait s'y attendre, diffèrent entre eux d'une manière assez notable , parce que la polarisation dont est affectée la pile vient toujours charger sa résistance pendant l'expérimentation quelque rapide que soit celle-ci, mais dont la moyenne 20 me,442 peut être cependant regardée comme très approchant de la longueur réduite du galvanomètre et des trois éléments de M. Delalande.
La même méthode d'observation et de calcul nous a donné 46 mètres pour longueur réduite des trois éléments Daniel et du galvanomètre.
Si maintenant on se rappelle notre première expérience, où le courant de chaque pile présentait la même intensité, on en déduira facilement les forces électrornotrices respectives : en effet, la formule de la pile en général étant I = E/R+r
Dans laquelle I est l'intensité, E = la force électromotrice, R la résistance des trois éléments, r celle du galvanomètre, on a dans le premier cas (celui de M. Delalande),
7, 751 = E/20,442 d'où E = 158,446.
Dans le second (celui de Daniel),
7,751 = d'où E = 356,546.
Ainsi l'électricité prise à sa source , dans l'intérieur même de la pile de M. Delalande, est inférieure en quantité de plus de moitié à celle que fournit l'élément de Daniel dans les mêmes conditions.
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Mais aussi, elle a bien moins de résistance à vaincre pour arriver aux conducteurs qui lui sont présentés, pour apparaître, se manifester en un mot.
D'après cela, toutes les fois que le circuit à parcourir sera court et de grande section, l'élément à acide sera avantageux ; quand le circuit aura la valeur du galvanomètre qui nous a servi, l'une ou l'autre pile pourra être employée indifféremment; au-delà de cette longueur de circuit, l'élément à sulfate de cuivre acquierra une supériorité d'autant plus marquée que les résistances deviendront plus grandes.
Telles sont les conclusions auxquelles nous sommes arrivés par l'examen scientifique de la pile de M. Delalande ; mais puisque cet élément se trouve à l'Exposition d'industrie , il nous reste à voir s'il réunit les qualités d'économie et de facilité d'entretien qu'exige le commerce, sans lesquelles il ne saurait franchir encore le seuil du laboratoire.
Cette question de la dépense, se restreint à connaître la consommation en zinc, acide et conducteurs qui se fait pendant que l'appareil ne fonctionne pas , car on admet généralement que dans une pile quelconque en activité, l'électricité fournie est toujours proportionnelle à l'action chimique , et par conséquent aux frais qui s'y produisent. Ce sont donc les frais d'entretien, de conservation en état qui doivent nous occuper ; l'analyse chimique seule pouvait alors nous les faire connaître.
Pour cela on a versé goutte à goutte de l'ammoniaque dans le liquide de la pile, jusqu'à ce qu'il ne s'y formât plus de trouble , en prenant soin de ne pas dépasser ce point. Le sulfate de zinc formé a été ainsi décomposé, le zinc précipité à l'état d'oxide, recueilli sur le filtre, lavé, calciné légèrement au creuset de platine et pesé. Puis de peur que quelques traces de zinc aient échappé à la réaction , une petite quantité de sulphydrate d'ammoniaque a été ajoutée à la liqueur filtrée qui est restée limpide malgré ce mélange. Il est résulté de ces opérations, que la pile de M. Delalande, 45 jours après avoir été montée, n'avait dépensé, par élément, que : En zinc pur 10 gr. 40. En acide sulfurique anhydre 12 90.
Ce qui fait en argent : Le zinc étant à 0 fr. 75 c, les 1000 gr., 0 c. 780. En acide sulfurique à 0 40 les 818 0 630.
En tout. ... 1 c. 410 par élément.
Ou pour les trois éléments 4 c. 230.
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Pendant les 45 jours, j'estime à 3 heures au moins le temps ou le circuit a été fermé, soit pour les expériences que nous venons de citer, soit pour le service de mon laboratoire, et lorsqu'il fallut faire l'analyse , il restait encore 17 gr. 10 d'acide sulfurique libre , suffisant pour donner un courant capable de dévier l'aiguille du galvanomètre de 80°. L'élément de M. Delalande s'entretient donc presque sans frais , en dehors de son activité sa consommation est à peine appréciable. Il a sous ce rapport un incomparable avantage sur tous les autres sans exception. En effet, celui de Daniel, que l'on dit jouir de celte propriété, bien avant lui ne donnait plus signe de courant. Les 93 gr. du prix de 14 cent, de sulfate de cuivre que contenait chaque diaphragme , s'étaient complètement décomposés au bout de 26 jours , entraînant forcément une consommation de zinc de 24 gr. 36, d'une valeur de 1 cent. 826. En tout par élément 15 c. 826, et pour les trois 47 c. 478. ;
De plus, le tube poreux se trouvait presque hors de service, tant il était couvert d'incrustations de cuivre qui tendaient à chaque instant à réunir le zinc au charbon. Ainsi on peut dire, sans craindre d'être accusé d'exagération , que la pile de Daniel dépense dix fois plus que celle de M. Delalande.
D'où vient cette énorme différence , puisque les deux piles ont leur zinc amalgamé , par conséquent très peu attaquable à l'acide sulfurique tant que le circuit n'est pas fermé ? C'est que dans l'une le sulfate de cuivre apporte au zinc en même temps que l'acide, un second métal peu oxidable , le cuivre qui forme immédiatement un couple dérivé, lequel fonctionne constamment pour son propre compte, et accroît sans cesse sa dépense, parce qu'il augmente sans cesse aussi ses surfaces par ses propres réductions.
Rien de pareil n'est à craindre dans la pile en acide, sulfurique libre; le zinc amalgamé pourra y être faiblement attaqué, mais cette attaque sera toujours la même, elle ne suivra jamais de progression, tant que l'amalgame n'aura pas disparu lui-même.
Le tube poreux , pas plus que le conducteur négatif, n'y seront embarrassés de cette quantité de réductions si gênante v qui oblige à un démontage fréquent de l'élément de Daniel, et le fait même souvent abandonner complétement. Ils pourront donc servir indéfiniment, le zinc seul sera à renouveler.
En résumé , Messieurs , la pile que nous venons d'examiner ne manque pas de quelque mérite. Elle ne coûte presque rien à entretenir, elle peut être confiée aux personnes les moins expérimentées et les moins soigneuses , être reléguée , oubliée même pendant des mois entiers dans un coin du laboratoire, d'un appartement quel-
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conque dont elle ne troublera point l'atmosphère; jamais elle ne refusera l'électricité pourvu qu'on no la lui demande pas d'une manière trop continue. La polarisation, dont elle est affectée, lui interdit complétement de prendre part aux grandes applications , telles que la galvanoplastie, la dorure, les moteurs, la lumière, etc.; mais renfermée dans le cercle modeste des usages domestiques, où l'électricité commence à pénétrer, elle y rendra sans frais des services que l'industrie s'efforce aujourd'hui de multiplier.
Elle ressemble assez à ces fontaines, que l'on rencontre fréquemment dans la nature, qui comme elle ne coûtent rien, dont les eaux trop peu abondantes pour toute une contrée, n'en sont pas moins précieuses aux habitations voisines, s'abaissent rapidement il est vrai, sous la main qui les puise , mais réparent leur perte dans l'intervalle des besoins.
SONNERIES ÉLECTRIQUES-TÉLÉGRAPHIQUES.
Nous disions vers la fin de notre précédent mémoire, que l'industrie s'occupait d'employer la pile à des usages domestiques.
Une de ces curieuses applications de l'électricité et sans contredit la plus répandue de toutes, est le système de sonneries électriques télégraphiques de M. Miraud, que nous rencontrons à l'exposition d'industrie sous le nom de M. Prudhomme, successeur de celui-ci. Cet appareil est destiné à remplacer nos sonnettes d'appartement, dont le grossier mécanisme nécessite tout un dédale de fils mobiles, une série de leviers, difficiles à établir et à dissimuler, plus difficiles encore à maintenir en bon état, et qui après tout ne répondent qu'imparfaitement au besoin que l'on a de signaux à l'intérieur des habitations.
L'appareil Miraud comprend trois parties bien distinctes : la sonnerie proprement dite qui donne l'éveil, le tableau indicateur qui désigne le lieu d'où l'appel est venu, la pile enfin, qui doit animer tout le système.
La sonnerie proprement dite se compose d'un électro-aimant et d'un timbre , fixés sur une boîte l'un au-dessus de l'autre , à petite distance et en regard desquels se trouve le marteau , dont la tige en fer doux sert d'armature et est maintenue dans une position presque verticale par l'effort en sens contraire de deux ressorts. Ces ressorts formant l'organe le plus important de ce mécanisme, leur position demande une attention spéciale. L'un d'eux, court et assez résistant, porte directement la lige du marteau et tend à l'écarter du
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timbre; l'autre, plus long et plus flexible, appuie sur celle tige par derrière , la presse de s'approcher du timbre , et peut la suivre jusqu'à une très petite distance de celui-ci.
Comme il n'y a du reste ici ni rouages ni leviers, que l'électricité y suffit à tout, il nous sera facile de nous rendre compte de cet instrument en suivant le fil qui porte le courant. Parlons donc d'un des pôles de la pile, du zinc par exemple, et allons enrouler le fil qui y est attaché, autour de ces petits barreaux de fer doux que l'on appelle électro-aimants , puis revenons loucher avec ce même fil le cuivre ou le charbon, c'est-à-dire l'autre pôle. Au moment du contact, le courant passe dans le fil, le fer doux devient aimant, attire à lui par conséquent la tige du marteau , un coup est frappé sur le timbre. Faisons cesser maintenant le contact, l'effet inverse aura lieu, le courant et par suite le magnétisme disparaîtront, la tige alors obéissant au ressort qui la porte , reprendra sa position première. Ainsi à chaque contact correspondra un coup sur le timbre, et par une succession de contacts et d'interruptions nous aurons déjà une véritable sonnerie.
Mais de même que la machine à vapeur dirige elle-même le jeu des tiroirs qui lui distribuent la force, de même aussi le marteau de notre appareil peut opérer lui-même les interruptions et les contacts nécessaires à la production de la sonnerie, que nous avons jusqu'ici faits avec la main. Il suffit pour cela de couper le fil dont nous nous servons, au sortir de l'électro-aimant, d'attacher l'une des extrémités qui proviennent de celte section à la base de la tige elle-même , et l'autre au ressort qui appuie sur celle-ci. Par celte disposition, le circuit reste métallique, l'électricité y pourra circuler , mais à une condition nouvelle, c'est que le ressort touchera cette tige, condition qui précisément sera remplie et viendra à manquer tour à tour. '
Nous avons vu, en effet, qu'au moment où le courant passe-, la lige est attirée vers l'électro-aimant, écartée par conséquent du ressort en question. Or , le ressort est réglé de manière à suivre celleci dans ce mouvement à une certaine distance, mais à l'abandonner très près du point où. le marteau va toucher le timbre. Au dernier instant, il y aura donc interruption , cessation de courant, le coup sera cependant frappé, mais il ne le sera que par la vitesse acquise et un reste de magnétisme qui survit toujours à l'électricité. Sitôt après , le marteau, grâce à cette interruption, voulant opérer sa retraite , rencontre sur son chemin le ressort qui ferme avec lui le circuit, de là nouveau courant, nouveau coup sur le timbre et ainsi de suite, tant que les bouts de notre fil resteront attachés aux pôles de la pile.
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Telle est la sonnerie que nous présente M. Miraud, et que l'on a nommé trembleuse de ce que les mouvements en sont si rapides qu'ils ressemblent à des vibrations , des tremblements dont on ne saurait compter le nombre. Elle n'est autre chose que l'interrupteur de nos appareils d'induction, auquel on a ajouté un marteau et un timbre.
Veut-on maintenant l'utiliser pour le service d'une maison? La sonnerie étant placée dans un endroit déterminé et en relation constante avec l'un des pôles seulement de la pile, il suffira de pouvoir la réunir par un bon conducteur à l'autre pôle, de l'intérieur même des appartements d'où l'on voudra sonner, ce à quoi on arrivera facilement au moyen de deux fils couverts de coton ou de gutta percha pour chaque appartement. L'un de ces fils venant du pôle, de la pile , l'autre de la sonnerie, dès qu'on en réunira les extrémités, le circuit sera fermé, l'appareil fonctionnera.
Pour opérer commodément cette jonction qui doit se renouveler à chaque instant, M. Miraud se sert d'un petit instrument qu'il appelle transmetteur, composé de deux lames de cuivre communiquant chacune à chacun des bouts des fils, et dont l'une est surmontée d'un bouton d'ivoire qui perce la paroi d'une boîte où le tout est renfermé. A l'état ordinaire ces lames sont maintenues à une certaine distance l'une de l'autre par leur propre ressort, mais en pressant le boulon d'ivoire on produit immédiatement leur contact et la sonnerie se fait entendre. Ainsi, au moyen de deux fils pour chaque pièce , que l'on pourra fixer le long des murs, cacher sous la tapisserie, ou noyer dans le plaire , toutes les parties d'une maison pourront s'adresser à un même timbre.
Mais précisément .puisque cette sonnerie est unique, comment la personne appelée pourra-t-elle découvrir l'endroit où son service est réclamé? Un autre appareil est évidemment nécessaire , c'est le tableau indicateur, produit spécial de l'industrie de M. Miraud et pour lequel celui-ci a pris un brevet. Pour le former, M. Miraud prend un cadre d'une profondeur de quelques centimètres , fermé par une tenture quelconque , à laquelle il fait autant de petites ouvertures qu'il y a d'appartements dans la maison où il veut le placer. Aux premiers coups du marteau sur le timbre , le numéro de l'appartement d'où l'on a sonné se présente subitement à l'une de ces sortes de fenêtres, et y reste jusqu'à ce que la personne de service en ayant pris lecture , le fasse disparaître au moyen aussi de l'électricité. Ce résultat compliqué est atteint par M. Miraud , d'une manière fort ingénieuse, à la faveur de ce principe : Toutes les fois qu'un courant qui traverse les spires d'un électro-aimant vient à
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changer de direction, les pôles de l'électro- aimant changent de nom.
Une aiguille d'acier aimantée , suspendue verticalement sur un axe mobile, porte à son extrémité supérieure un numéro, et présente son extrémité inférieure, qui forme un de ses pôles, entre les branches électro-aimant. Ainsi placée, on comprend qu'elle soit attirée, dès qu'un courant passe, par la branche dont le pôle devient de nom contraire au sien et qu'elle soit repoussée par l'autre, et, comme le nom des pôles de l'électro-aimant change avec la direction du courant, qu'elle puisse recevoir d'un seul électro-aimant deux impulsions opposées l'une à l'autre. M. Miraud construit autant de ces petits appareils qu'il y a d'appartements dans la maison , il les fixe tous à l'intérieur de son tableau , chacun assez près d'une ouverture pour que l'aiguille par une de ses déviations y laisse voir son numéro, tandis que par l'autre elle le cache derrière la tenture.
Il ne reste plus alors qu'à produire à propos les deux mouvements de l'aiguille; pour cela les électro-aimants font, partie de deux circuits distincts et indépendants qui leur amènent le courant dans un sens opposé, parce qu'ils présentent aux fils de ceux-ci les pôles de la pile d'une manière inverse. L'un de ces circuits, venant directement de la pile par un seul fil, les réunit tous et peut être fermé par un bouton de pression placé au bas du tableau ; il renvoie ensemble et d'un même coup tous les numéros qui se trouvent sortis. L'autre est celui que nous avons déjà établi. Chaque appareil y est séparément introduit au moyen du fil qui joint l'appartement de même numéro que lui à la sonnerie, de sorte que tout courant qui arrive à celle-ci, indique par la sortie d'un numéro, le chemin qu'il a suivi pour y parvenir. Ainsi le but de nos sonnettes ordinaires se trouve déjà complétement atteint et même dépassé au moyen de l'électricité. Cependant, M. Miraud n'a pas voulu s'en tenir là, il appelle ses sonneries télégraphiques, il pense en faire de véritables télégraphes domestiques.
On sait que le télégraphe Morse , en usage aujourd'hui sur toutes nos lignes, n'emploie pour son alphabet que deux signes, le point et le trait, qu'une sorte de stylet trace sur une bande de papier uniformément déroulée par un mouvement d'horlogerie. M. Miraud produit aussi ces deux signes, seulement il les adresse à l'oreille au lieu de les présenter au yeux: par un petit roulement de sa sonnerie il fait le point, par un roulement prolongé il figure le trait, et veut ainsi se servir de l'alphabet de Morse. L'idée est sans doute fort ingénieuse , mais il est évident qu'elle ne saurait avoir d'application , surtout pour le service domestique; l'alphabet Morse écrit, et à plus forte raison parlé, demande en effet une initiation , une longue ha-
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bitude incompatibles avec le changement si fréquent du personnel d'une maison. Toutefois si M. Miraud n'est point parvenu , avec un simple bouton de pression et une sonnerie, à remplacer le récepteur et le manipulateur de nos télégraphes , il peut.du moins envoyer par ce moyen une quantité de signaux convenus bien suffisants aux besoins les plus usuels d'une habitation.
Arrivons maintenant à la source de l'électricité, à la pile qui met en jeu tout le système. Ici, M. Miraud semble ne s'être pas assez préoccupé de ce que ses appareils devaient marcher à de courtes distances ; il y perd une partie de l'économie que pouvait lui procurer cette heureuse condition. La pile qu'il emploie est celle de nos télégraphes sans aucun changement, dont le conducteur négatif est un fil ou une très petite lame de cuivre, élément dont la longueur réduite est très grande, négligeable il est vrai, quand on la compare aux circuits de nos lignes, mais fort appréciable lorsqu'il s'agit de faire traverser à l'électricité une maison ou un jardin tout au plus. C'était le cas de se servir de l'électricité , plutôt en quantité qu'en tension, d'augmenter les surfaces du couple, celle du cuivre surtout qui ne dépense rien, de couvrir les fers des électro-aimants, principalement ceux du tableau qui doivent être parcourus tous par un même courant, de fils suffisamment gros , pour ne présenter que le moins possible de résistance. Enfin, la pile au sulfate de cuivre qui se consomme elle-même au repos, dont l'entretien est incommode, eût été avantageusement remplacée par quelques éléments à acide libre, tels que ceux de M. Delalande , puisqu'il n'était pas besoin d'un courant constant. Les appareils de M. Miraud sont au contraire , y compris la pile, entièrement montés en tension, aussi demandent-ils 10 à 12 éléments au moins, autant qu'il en faut pour faire fonctionner de Paris le télégraphe d'Amiens , et dont les frais montent de 20 à 25 fr. par an.
Sauf cet inconvénient, qui après tout n'est qu'un défaut d'économie facile à corriger, ils sont tous parfaitement conçus, et exécutés avec solidité et élégance. C'est pourquoi ils ont été accueillis par le public avec faveur et tendent à se répandre de plus en plus. Ils fonctionnent régulièrement depuis plusieurs années à Angers, au Cercle du Boulevard et à l'hôtel du Cheval-Blanc, ainsi que dans plusieurs habitations du département. A Paris, les grands établissements, la plupart des ministères, des hôtels, des palais en sont déjà pourvus.
L'avantage des sonneries électriques sur nos sonnettes ordinaires réside à la fois dans leur facilité d'installation et d'entretien, et dans leur effet plus complet: dans la facilité d'instalaltion, provenant principalement de ce que les fils peuvent être fixés à demeure,
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qu'en conséquence ils n'exigent ni leviers de renvoi, ni trous dans les murs ; qu'ils peuvent être dissimulés, rassemblés en faisceaux occupant peu de place, menés à la distance que l'on voudra, qu'ils échappent ainsi à presque toutes les chances de dérangement ou de destruction comme l'expérience nous l'a prouvé. Dans leur effet, en ce que le coup de sonnerie laisse après lui sur le tableau une trace permanente qui dispense la personne de service d'une présence aussi continue, et que pouvant être prolongé ou interrompu du doigt, il se prêle facilement à l'exécution de tous les signaux dont on voudra le charger.
M. Miraud a déjà obtenu du jury des expositions , plusieurs médailles qui constatent le cas que fait l'industrie de cette belle application de l'électricité. La science lui doit aussi quelque reconnaissance, car, mettant la pile entre toutes les mains pour des services journaliers, il a attiré sur elle de plus nombreux regards, et par là provoqué des éludes plus variées qui augmentent les probabilités de perfectionnement et d'avenir de ce merveilleux instrument.
PRODUITS GALVANOPLASTIQUES.
Près des sonneries de M. Miraud, se trouvaient les produits galvanoplastiques de M. Chasteignaux. Je mets sous les yeux de la Société quelques-uns d'entr'eux. Leur aspect, mieux que leur description, saura les faire connaître et apprécier. M. Chasteignaux ne prétend pas les avoir obtenus par d'autres moyens que ceux employés jusqu'ici; l'objet à galvaniser est comme d'habitude rendu conducteur de l'électricité, s'il ne l'était déjà, au moyen d'une application de plombagine ou d'un sel métallique dont on revivifie la base par un réducteur quelconque, tel que le sulfate de fer ou le phosphore. Ainsi préparé, il est attaché au pôle négatif et placé avec lui dans une dissolution concentrée de sulfate de cuivre, où plonge déjà une lame de cuivre aussi mise en communication avec l'autre pôle.
Dès que l'électricité traverse ce circuit, partie liquide, partie métallique , une double décomposition chimique s'opère, les éléments de l'eau, ceux du sel dissous commencent aussitôt à se séparer. L'acide du sel, l'oxigène de l'eau se rendent au pôle positif où se rencontrant en présence de la lame de cuivre, ils forment le sulfate du même métal qui se dissout, taudis que la base et l'hydrogène des mêmes corps se portant ensemble au pôle négatif, produisent de l'eau, et le métal à l'état de pureté qui recouvre bientôt entièrement l'objet soumis à l'expérience.
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Ici donc, l'électricité est la main.qui travaille, mais si cette main est d'une habileté et d'une délicatesse sans égales, si elle fouille les replis des surfaces que l'oeil peut à peine pénétrer, il n'en faut pas moins une intelligence qui la comprenne, lui prépare la roule et l'y dirige, pour arriver aux résultats que nous avons sous les yeux.
Trop de tension dans le courant, et le métal déposé n'est qu'une poudre noire sans cohésion ni usage; trop peu de tension, il devient granuleux et cassant. Entre ces deux limites, il faut savoir se maintenir, en alimentant convenablement la pile, en proportionnant les surfaces de l'anode à celles de l'objet à recouvrir. M Chasteignaux a prouvé par les produits qu'il nous a présentés que ces connaissances théoriques lui étaient familières, ainsi que ces petits moyens pratiques qui doivent toujours les accompagner pour obtenir un succès complet dans les expériences.
EDMOND DE CONTADES.
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CONCOURS DE 4858
ÉLOGE
DE
FRANÇOIS BERNIER
RAPPORT DE LA COMMISSION (1)
Messieurs,
Le Conseil général de Maine et Loire, dans sa session de 1857, décida, sur la proposition de M. le préfet Vallon, qu'une somme de 500 fr. serait accordée aux Sociétés savantes d'Angers, pour servir à l'établissement de concours annuels. Quant à la répartition de cette somme, deux systèmes se sont trouvés en présence : l'un qui admettait un concours unique dont chaque Société eût à son tour indiqué le sujet, l'autre qui entraînait le partage de la somme par parties égales, chacun restant maître de son sujet et de son prix. Ce dernier mode prévalut dans la réunion des présidents et des secrétaires de nos quatre Sociétés. Sans revenir sur la chose jugée, nous regrettons un partage qui réduit à la modique valeur de 125 fr. la médaille à décerner pour des travaux qu'on doit désirer importants et conscien(1)
conscien(1) l'abbé Vincelot, de Montreuil, E. de Contades, Dr E. Farge, rapporteur.
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cieux ; nous ferons surtout observer qu'en multipliant le nombre des concours on réduit nécessairement celui des concurrents, qu'on éparpille et divise l'effort intellectuel et qu'on amoindrit l'intérêt de la lutte. Nous ne chercherons point en dehors de cette enceinte, dans des concours ajournés et infructueux, la preuve de cette assertion, mais elle nous a paru nécessaire pour démontrer que la Société linnéenne, en recevant sans délai d'importantes et sérieuses réponses à son appel, jouissait d'un succès exceptionnel.
En effet, Messieurs, votre Société désigna pour sujet de prix, à décerner en 1858, l'éloge de François Bernier, voyageur et philosophe angevin du XVIIe siècle.
Parmi les essais tentés, un seul, par son étendue et son plan, convenait à votre programme, et c'est pour statuer sur le mérite de cette oeuvre que vous avez nommé une Commission composée de MM. l'abbé Vincelot, de Montreuil, E. de Contades et Farge, rapporteur.
Pour répondre à vos vues, nous avons soumis ce travail à une sérieuse élude, et ce rapport a pour but de vous démontrer les motifs de notre appréciation.
Le mémoire a pour titre : Etude sur François Bernier, médecin, philosophe et voyageur, et pour épigraphe celle phrase de Gassendi écrivant à Golius : « L'ombre de la vérité que je poursuis partout » suffit à me remplir de joie, car pour la vérité même Dieu seul peut » la connaître. »
L'oeuvre est divisée en trois parties : un aperçu biographique, les ouvrages du philosophe, ceux du voyageur.
Après quelques considérations générales sur les causes qui livren à l'oubli ou à la renommée le souvenir des hommes, l'auteur remarque , à l'honneur de notre siècle éminemment critique, qu'après avoir réduit à leur valeur quelques réputations usurpées, il a plus souvent rendu justice à des hommes d'un mérite réel injustement oubliés ; c'est entraîné par ce courant d'efforts et d'idées qu'il apporte, travailleur modeste, sa pierre à l'édifice et son tribut d'éloges à l'Angevin distingué trop peu prisé encore, trop peu connu peutêtre, même dans son propre pays.
Puis vient la biographie. L'auteur a trop bien exprimé lui-même (1) combien tout ce qui concerne un homme célèbre, son origine, sa vie, les détails même les plus simples intéressent ses concitoyens, pour ne pas comprendre le regret que nous éprouvons d'abord en
(1) Pages 2 et 4 du manuscrit.
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trouvant cette partie si courte (1), si peu remplie de faits et de précises indications.
Voltaire et, d'après lui, la Biographie universelle de Michaud et l'Essai de Bodin font naître Bernier à Angers en 1625. L'auleur de notre mémoire a suivi celte assertion erronée. Pourtant Eloy, le plus exact des biographes médicaux, qui l'ont souvent copié, Eloy (2) dit que François Bernier est né à Jouar, près Gonnord, en Anjou. Il est facile à un Angevin de lire Jouay, près Gonnord surtout avec un guide comme Ménage, contemporain , compatriote et ami de Bernier, qui nous dit : « Jouay, près Gonnord, se glorifie de la nais» sance de François Bernier, médecin, homme célèbre par ses ou» vrages, par ses voyages, par la relation de ses voyages et par ses » livres de philosophie (3). »
Entre ces témoignages et celui de Voltaire, le choix nous paraissait facile ; mais un savant admirateur de Bernier, qui sera bientôt, nous l'espérons, son biographe et son juge, a voulu résoudre définitivement la question. Parmi les pièces intéressantes et nombreuses que l'érudit et judicieux inspecteur d'Académie a déjà recueillies, se trouve l'extrait de baptême authentique de notre philosophe. Nous devons à la bienveillance de M. de Lens la communication de ce document précieux que nous copions littéralement, en constatant le droit et le mérite de l'heureux possesseur.
« Aujourdhuy vingt-sixiesme jour de septambre mil six cent vingt, » a esté baptizé par moy, curé soubssigné, François, fils de hono» rable homme Pierre Bernier et de Andrée Grimault; fut parrain » venerable et discret messire François Bernier, curé de Chantzaux, » et maraine honneste fille Julliesne Bonnin, laquelle ma déclarer » ne scavoir signer.
» F. BERNIER. — GUYTTON. »
Il résulle de cette pièce : 1° que Bernier est bien né à Joué, et non à Angers, et 2° encore qu'il avait cinq ans de plus que ne lui donne Voltaire, qui le fait naître en 1625 au lieu de 1620.
Quant à la situation de sa famille, nous n'en pouvons rien inférer, le mot honorable homme étant usité au XVIIe siècle, même à l'égard des artisans; mais en voyant Bernier dépenser longtemps au profit de ses éludes et de la science sans songer à acquérir, nous pensons
(1) 5 pages sur 48.
(2) Tome 1er
(3) Ménage, Hist. de Sablé, manuscrit de la bibliothèque d'Angers,
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avec l'auteur du mémoire qu'il possédait au moins un petit patrimoine,sacrifié en entier à sa généreuse passion.
Bernier ne parle guère de lui; les documents angevins qu'a pu consulter l'auteur sont muets, de là l'absence de renseignements. Le biographe, qui s'en étonne et s'en afflige, ne voit à cet oubli que deux explications : « Bernier ne serait pas revenu en Anjou et n'y » aurait pas entretenu de relations... L'ami de Saint-Evremont, » de Ninon, de Mme de la Sablière, etc., aurait trouvé bien peu d'attrait » dans la société angevine.»D'une autre part, Angers, «plus pédant » que lettré... envahi par les hommes de guerre et les hommes d'é» glise... où les discussions étaient âpres jusqu'à la violence et quel» quefois la collision, » aussi incapable de l'apprécier que de le retenir, l'aurait à peine connu et bien vile oublié.
Ici, Messieurs, nous nous permettrons de discuter une assertion passablement sévère à l'endroit de notre Anjou, et nous trouverons bientôt assez de passages à louer et à citer dans le mémoire pour qu'on nous pardonne de repousser cette interprétation inexacte et trop facilement acceptée.
Les relations que peut conserver un homme avec son pays sont de deux sortes : celles de l'enfance et de la jeunesse, toutes naïves et parfumées de frais souvenirs, vivaces, toujours sensibles et douces pour l'homme lui-même, mais toujours intimes, à peine dévoilées dans quelques épanchements secrets, répétées à l'oreille, discrètement dites et reçues, jamais déflorées par la publicité; si ce n'est depuis la fureur de personnalité, qui a banni la pudeur des mémoires, et que notre auteur flétrit quelque part à bon droit. Or Bernier, qui nous est connu surtout par ses oeuvres, Bernier, laconique par caractère, qui raconte en dix lignes de longs voyages et de graves événements, ne pouvait nous initier à celle partie de sa vie.
Puis viennent les liaisons de l'âge mûr, celles que les goûts, les événements font naître et que consolident la communauté de but et de vues, la nécessité de l'action , l'estime des caractères; celles-là, Messieurs, où purent-elles naître et se développer?
Bernier quille l'Anjou avant trente ans, séjourne deux ans à Montpellier, trois ans à Paris, voyage pendant douze à quatorze ans, et ne rentre en France qu'en 1670, vingt ans au moins après avoir quitté son pays natal.
S'il y trouva des hommes dignes de le comprendre et s'il y entretint de sérieuses et fécondes relations, c'est ce que nous nous proposons d'étudier à propos de ses idées philosophiques. Suivons maintenant pour ses relations l'ordre chronologique qui nous ramène à la biographie.
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Un séjour dans le midi le mil en rapport avec L'Huillier-Chapelle, le collaborateur de Bachaumont, et par lui avec l'illustre Gassendi, dont la science et la logique, révélées dans une intime familiarité, décidèrent la vocation de Bernier, et du jeune médecin firent un ardent philosophe. Puis Paris l'attire, et là de nouvelles connaissances, celles qui firent de Bernier le joli philosophe, nous sont signalées par tous les biographes, et l'auteur de l'étude nous les rappelle plus d'une fois à propos; mais je ne vois nulle part ce qui décida la vocation du voyageur. Permettez-moi donc une hypothèse; elle est trop angevine pour ne pas aider ma cause ou trouver du moins quelque crédit auprès de vous.
Ce fut en 1652 que Bernier vint à Paris, où un aréopage qui représentait dignement l'Anjou et les lettres le reçut et le lança dans ce grand courant d'idées et d'études qui animaient alors tous les savants et les penseurs. Il y avait des littérateurs, des hommes d'esprit, des philosophes; y avait-il aussi des voyageurs? Et oui, Messieurs, et l'un des plus originaux, des plus actifs, des plus touristes, comme nous dirions aujourd'hui, un homme de verve et d'esprit, un Angevin surtout, qui avait vu toute l'Europe, une partie de l'Afrique et l'Asie principalement, un homme qui avait un entretien fécond, des notes immenses, et venait d'être presque forcé par le roi luimême de faire connaître au public le résultat de ses pérégrinations.
Vous avez nommé La Boullaye Le Gouz, le futur ambassadeur de Louis XIV auprès du Grand-Mogol, le spirituel voyageur auquel noire infatigable historien, M. Godard, a consacré une intéressante notice.
La Boullaye Le Gouz était de retour. Il travaillait à son édition, dont l'épître dédicatoire est de juillet 1652, et qui fut finie en 1656. En parcourant ce curieux amas, nous ne trouvons pas seulement les relations que la communauté de patrie nous permet d'affirmer entre les deux Angevins, mais des rapports de filiation. Par exemple, le souverain que Bernier trouvera à son déclin dans l'Inde, c'est celui qui resplendit dans la relation de La Boullaye, c'est schah Jehan. Cette princesse si puissante sur l'esprit du monarque, cette fille de Jehan, la belle Begum-Saheb, vous la retrouverez dans les deux ouvrages, en pleine lumière, sinon à la place d'honneur ; mais pour signaler ici le caractère des deux hommes, Bernier peint en quelques lignes le caractère moral, l'habileté, la haute influence de cette femme, Le Gouz nous donne un grossier dessin à la plume, appelle surtout notre attention sur la fidélité du costume molgolique, de l'éventail, du sorbet, et croit avoir fait un portrait. Les religions diverses dans l'Inde et cent autres détails de moeurs dont Bernier
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nous donne la raison et marquera les effets sont indiqués dans le verbiage du touriste Le Goux. En faut-il davantage pour nous révéler l'initiation de Bernier dans la carrière des voyages, et n'êtes-vous pas heureux comme moi, Messieurs, de constater celte parenté et de rapprocher ainsi de notre Anjou, par ses voyages mêmes, le judicieux observateur qui, pour l'auteur du mémoire, nous serait un peu trop étranger?
Depuis le départ de Bernier (1654) toute sa biographie se résume dans ses voyages. C'est là, Messieurs, que vous suivrez avec intérêt la judicieuse et claire analyse faite par l'auteur du mémoire. Ce résumé , qui forme la troisième partie des études sur F. Bernier, perdrait trop à être condensé à nouveau. Les points les plus saillants de ces voyages sont perçus avec tact et signalés avec discrétion. L'auteur insiste avec chaleur sur tout ce qui peut faire ressortir l'élévation du caractère de l'homme ; le goût de la science et non l'intérêt, a poussé Bernier aux extrémités du monde. Le peu de place que tient sa personnalité est démontré avec évidence contre quelques biographes qui avaient cru voir le contraire. Je prends dans le mémoire un seul exemple : Bernier eut la peste en Egypte et n'en fait pas même mention. Nous trouvons sur cet accident une curieuse indication que nous nous permettrons d'ajouter aux preuves données par l'auteur de l'étude, parce qu'elle jette un jour de plus sur les relations de Bernier. Pendant son voyage, on s'entretenait de lui à Paris et d'un bout de la France à l'autre, et Guy Patin écrivait à Lyon à son ami Ch. Spon, en février 1657 :
« Je savois bien que M. Bernier avoit eu la peste en Egypte ; Dieu » le veuille bien ramener de si loin. C'est un bon garçon , il nous » donnera des nouvelles de la casse et du séné qui viennent de » ce pays-là.... (Lettre 297;. »
Le voyage de l'Inde est divisé par lettres, dont chacune traite un sujet particulier et s'adresse à la personne qu'il doit intéresser spécialement. Ainsi, tandis que l'Histoire de la révolution des Etats du Grand-Mogol est dédiée au roi Louis XIV, la Lettre sur l'Etat de l'lndouslan, étendue, commerce, etc., est offerte à Mgr Colbert.
Inutile de répéter que ces deux parties importantes de l'oeuvre de Bernier sont analysées et appréciées avec une grande justesse de vue et un goût parfait dans le choix des citations.
Vient ensuite une lettre de Bernier à Chapelle, le spirituel collaborateur de Bachaumont dans le voyage bien connu de vous. Les remerciements qui la terminent nous éclairent encore sur les relations de notre voyageur. L'auteur de l'étude les cite avec raison (1),
(1) P. 38 du mémoire manuscrit.
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et nous nous associons à lui pour proclamer qu'ils honoren autant Chapelain que Bernier.
Le voyage de Cachemyre comprend neuf lettres dont une seule longue; elles sont adressées à M. de Merveilles, sur lequel nos recherches comme celles de l'auteur sont restées pleinement infructueuses. Vous trouverez là, Messieurs, de curieux détails sur l'industrie célèbre dont notre luxe nous a rendus tributaires. La matière, fabrication, teinture, description, le prix même des châles cachemires, nous sont indiqués par Bernier. L'auteur de l'étude a signalé ici les nombreuses et brillantes descriptions, les piquants détails dont ce voyage de 120 lieues en 60 jours est semé à chaque page. Puis il termine en nous rappelant que Bernier semble avoir tracé la voie aux voyageurs modernes, parmi lesquels les Angevins comptent avec orgueil les Volney, Th. Pavie, Eug. Bore et Victor Godard.
Ici, Messieurs, votre Commission ne peut que vous renvoyer à l'étude elle-même, dont le mérite lui paraît incontestable, et s'associe à l'auteur pour vous engager même à relire le texte de Bernier auquel les événements de l'Inde donnent aujourd'hui une valeur d'actualité.
C'est à propos de ses voyages que François Bernier figure dans les bibliothèques médicales, et ce fut en effet le titre et les qualités de médecin qui lui servirent de passe-port dans les contrées lointaines et lé maintinrent tranquille et respecté à la cour d'Aureng-Zeb. Aussi pensions nous trouver ici l'éloge ou l'appréciation du médecin. A défaut d'un jugement pour lequel l'auteur de l'étude avait cependant qualité, nous citerons le témoignage du plus célèbre des biographes médicaux. Haller, après une courte énumération des pays explorés par Bernier ajoute : « Multa, ut doctior, accuratius vidit, » quàm vulgo soient peregrinatores (1). » — « Plus savant il vit beau» coup et avec plus de fruit que le commun des voyageurs. » Cette science étendue et profonde que chaque page révèle, permet d'affirmer que notre Angevin ne fui point un médecin vulgaire, mais dans ses écrits le praticien comme l'homme privé disparaît derrière le savant. Il semble lui importer peu que nous sachions ce qu'il a fait, un autre médecin l'eût pu faire; mais il tient à décrire, à répandre tout ce qui peut agrandir le domaine de la science. Entre les deux rôles que l'illustre Baglivi reconnaît au médecin: Medicus naturoe minister et interpres (2), Bernier ne fait connaître que le dernier. Sous ce point
(1) Haller, Bibliotheca medicinoe praticce. Tom m, p. 274
(2) Baglivi, Praxeos medic.
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de vue ses livres de philosophie sont aussi médicaux que ses voyages. La physique, les sciences naturelles sont la base de son système général, et c'est d'une physiologie plus savante et plus sûre que, celle de ses devanciers que procède sa psychologie ; on retrouve le savant partout, ut doctior; mais la médecine comme toute autre branche de ses connaissances étendues ne se montre qu'à son heure et là seulement où elle doit éclairer quelque question plus générale et plus élevée. Ce qu'il écrit de plus médical peut encore se rapporter à cette branche de l'art que nous nommons aujourd'hui la médecine politique et pour ne citer que quelques exemples, s'il parle de la goutte, de la gravelle, des arthrites, c'est pour nous montrer combien la rare sobriété des Indous les préserve sûrement de ces tristes fléaux. Si le premier, il signale les preneurs d'opium, s'il en décrit avec un rare talent le fatal abrutissement, c'est pour montrer les ravages de la substance narcotique sur l'ensemble et l'avenir des populations. Le médecin même dans Bernier nous décèle donc toujours le savant et le philosophe. Le philosophe, à son tour, puisa grandement dans la science positive du médecin.
La seconde partie du mémoire que votre Commission a examiné, s'attache surtout à la philosophie de Bernier, et partant à celle, de Gassendi dont il adopta, défendit et vulgarisa les doctrines. Déjà, pendant son séjour à Paris, Bernier avait, dans une vive et spirituelle polémique, défendu Gassendi contre Maurin, et telle fut l'origine de l'Anatomia ridiculi muris et du Favilla ridiculi muris, où Maurin se trouvait changé en rat par un jeu de mots d'un goût assez douteux, mais alors fort à la mode.
Bernier, du fond de l'Inde, restait gassendiste ardent et actif, et sa lettre à Chapelain est un encouragement à la défense des atômes d'Epicure et des propriétés de la matière.
En rendant justice au talent déployé par l'auteur de l'étude pour replacer Gassendi à son véritable rang et montrer tous les côtés vrais, acceptables ou tout au moins ingénieux de celte philosophie animiste, qu'on nous permette d'exprimer hautement le désir de voir paraître l'oeuvre impatiemment attendue qu'un philosophe savant dont nous vous avons déjà cité des travaux, doit bientôt consacrer au gassendiste angevin. L'analyse du Gassendisme deviendra claire sous cette plume habile ; l'érudition, des éludes spéciales donneront aux jugements de M. de Lens une autorité sur laquelle nous eussions été heureux de nous appuyer. Privée de ce secours, mais sûre que la tâche sera bientôt remplie , votre Commission et surtout votre rapporteur a cru devoir laisser sous toutes réserves les doctrines philosophiques proprement dites. D'ailleurs nous avions
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à juger don la philosophie de Bernier, mais les interprétations données par son biographe.
L'auteur du mémoire s'attache bien plus à faire l'apologie de Gassendi et de Bernier qu'à exposer et à soutenir leur doctrine. Nous acceptons pleinement que ces astronomes savants ne fussent astrologues que de nom et par erreur d'appellation. Nous savons combien le neo-épieurisme s'éloigne du sensualisme grossier, combien la vertu, la morale, la religion même y sont respectées, et nous croyons qu'on ne peut se tromper sur les intentions de l'auteur qui a écrit le 8e volume sur la Félicité. Mais nous ne pouvons accepter là base prise par l'auteur du mémoire pour défendre la doctrine contre les conclusions déplorables tirées plus tard d'un animisme exagéré.
« En bonne critique, il faut juger une doctrine non par ses conséquences extrêmes, mais par celles-là seulement que son auteur a avouées (1). » Nous croyons, nous, Messieurs, que cette réserve ne peut s'appliquer qu'au jugement porté sur l'homme, mais que la doctrine est responsable de ses conséquences, bien que souvent l'auteur ne les ait pas aperçues. Avec ces prémisses, les bonnes intentions justifieraient trop de systèmes funestes, dont les conséquences ont échappé à des auteurs d'une science ou d'un jugement imparfait.
L'auteur, du reste, s'attache surtout par des citations bien choisies à nous montrer avec quel esprit d'observation, quelle étude de naturaliste et quel talent d'écrivain, Bernier soutient les thèses les plus controversées. Mais il n'adhère pas.pour cela, à la certitude des conclusions tirées par l'ingénieux gassendiste. Nous approuvons cette réserve que sans doute nous eussions portée plus loin encore. Cela fait, permettez-nous de choisir quelques-unes des plus charmantes citations. Elles vous feront connaître l'esprit de Bernier et surtout sa méthode.
Veut-il appuyer de quelque probabilité rame sensitive végétale, il réduit la question à une curieuse observation de physiologie botanique.
« La nutrition et ce sucement d'aliment qui se fait avec choix, » semble marquer quelque sentiment de faim et d'appétit et une » espèce de connaissance sensitive : je dis qui se fait avec choix, car, » qu'un arbre soit disposé de telle manière qu'il ait de bonne terre » d'un côté et de mauvaise de l'autre, il ne poussera des racines du » côté de la mauvaise qu'autant qu'il lui est nécessaire pour se sou(1)
sou(1) 12 du mémoire manuscrit.
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» tenir et s'affermir, au lieu qu'il les poussera bien loin au-delà, en » travers des pierres et des murailles pour aller chercher la bonne. » Outre que ce verd vif, cette joye et cette vigueur qu'elles font pa» raître lorsqu'on les arrose et qu'on leur donne leur nourriture après » avoir beaucoup souffert, et cette gayeté printanière qui leur vient » en suite du sommeil de l'hiver, sont des marques de quelque sen» timent de plaisir, etc. (1). »
S'agit-il de l'âme des bêtes, vous avez la prodigieuse histoire du hibou qui a donné le cadre d'une admirable fable de La Fontaine :
« De plus, le sieur Gaffarel nous a depuis peu assuré qu'un certain » Augustin réformé, de ceux qui habitent la forêt de Fontainebleau, » lui avoit dit que revenant un soir de la promenade à son couvent, » il avoit apperçeu un oyseau sorti d'un trou d'arbre qui étoit creux » et percé en deux endroits ; que le lendemain estant allé proche de » l'arbre avec ses frères pour reconnoistre quel oyseau se pourroit » estre, l'oyseau sortit au bruit ; que taschant ensuite avec assez de » peine de fourrer quelque chose par le trou d'en haut pour voir ce » que c'estoit, ils apperceurent que le trou d'en bas estoit bouché, » et que l'ayant ouvert ils trouvèrent dedans soixante et dix ou » quatre-vingts souris toutes vives, et des epys de bled pour remplir » deux ou trois chapeaux, mais que toutes ces souris avoient les » cuisses rompues.
» Ces souris devoient apparemment estre la provision du hybou, » qui leur auroit rompu les cuisses de peur qu'elles ne s'en fuissent, » et qui leur auroit apporté des epys de bled pour les nourrir quel» que temps, cependant qu'il les mangerait l'une après l'autre (2). »
On connaît assez de quelle manière La Fontaine a tiré la conclusion dans la charmante fable du Chat-huant et des souris (3) :
Puis qu'un cartésien s'obstine A traiter ce hibou de montre et de machine, etc.
Puis vient la gracieuse observation des hirondelles, qui ne serait reniée ni par Bernardin de Saint-Pierre , ni encore moins par Rousseau.
« Je me souviens à propos de ce que, me promenant un jour le » long d'un chemin, j'aperçus sur la branche d'un saule assez bas » trois petites hirondelles nouvellement sorties du nid, qui ne s'en» volèrent point quoique je passasse tout proche : retournant sur
(1) Philosophie de Gassendi. T. V, liv, IV, p. 237, 238.
(2) lbid. T. VII, ch. 7, page 674, (3; Livre XI, fable 9.
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» mes pas et repassant pour la troisième fois par dessous la branche, » j'étendis la main comme pour les prendre, et tout cela ne les fit » point partir. Mais deux grandes hirondelles étant survenues sur » ces entrefaites, et ayant gazouillé je ne sais quoy, les petits s'en» volèrent aussitôt. Ce qui me fit juger premièrement que ces grandes » hirondelles étaient le père et la mère qui, en les querellant, les » avoient avertis de me fuir comme un de leurs ennemis, et en » second lieu, que la plupart des animaux ne nous fuient que parce » qu'ils ont reçu quelque dommage de nous (1)..... »
Nous pourrions y joindre encore la curieuse observation du salut des fourmis (2).
Le point capital de la morale gassendiste est de donner le bonheur ou plus textuellement la félicité pour but de la vie. L'auteur de l'élude pour affirmer celte doctrine se contente d'appeler en témoignage Descartes qu'on ne soupçonnera pas de partialité et qui arrive aux mêmes conclusions. Ici, Messieurs, votre Commission, malgré sa réserve sur les questions philosophiques, ne peut passer sous silence une omission sans doute involontaire de l'auteur. Pour nous, il est très philosophique et même très chrétien d'accepter la félicité comme but de nos actions et comme fin de la vie, mais cette félicité doit être définie, ne s'appliquer à la vie présente que dans les bornes qu'imposent nécessairement l'infirmité humaine et la notion du devoir, et doit comprendre surtout la vie future. Sans cela, la félicité pourrait être un but monstrueux, et la morale posée sur une pareille base se prêterait aux actions privées et publiques les plus contraires au bien et à l'ordre social.
Inutile d'ajouter que les définitions et les restrictions omises dans le mémoire sont longuement et nettement accusées dans l'ouvrage de Bernier, et vous nous pardonneriez peut-être cette disgression, si nous vous apportions en preuve les belles pages 6, 17 et 146 du tome VIII, où il est traité de la Félicité.
Enfin, Messieurs, pour étudier complètement notre sage mais libre penseur, il n'eût pas été inutile d'analyser son Traité du Libre arbitre et du Volontaire, imprimé à Amsterdam en 1685. A cette date et dans ce pays, l'in-12 de Bernier doit indiquer nettement l'altitude prise par les gassendistes dans la grave et brûlante question du Jansénisme. Les philosophes s'en émurent autant que les théologiens, et les questions soulevées par l'évêque d'Ypres ne passionnaient pas moins l'Europe lettrée que la philosophie de Descartes contre Aris(1)
Aris(1) de Gassendi. T. VI, liv. III, p. 308, 309,
(2) Ibid. T. VI, liv. III. p. 294.
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tote. Mais cet ouvrage a sans doute manqué à l'auteur comme à nous-même. Contenions-nous de le signaler, et pour terminer un rapport déjà trop long, hâtons-nous de rentrer par la philosophie même dans la question biographique.
En 1670, Bernier revenait de ses voyages. Il se trouva à Paris au moment des fameuses luttes pour et contre la philosophie de Descartes. La part qu'il y prit fut, vous le savez, de publier l'abrégé de Gassendi ; mais pendant les dix années de celte ardente polémique, Bernier fut-il absent ou étranger à l'Anjou?
C'était le temps alors des grandes batailles pour et contre Aristote, le temps aussi des persécutions contre la philosophie cartésienne. Angers, vous le savez tous, d'après le savant et attachant Essai de M. Cousin, fut l'un des principaux théâtres de cette lutte acharnée. L'auteur du mémoire pense que ces discussions, qui absorbaient toutes les puissances intellectuelles de l'Anjou, étaient peu propres à y rattacher le disciple et l'ami de Gassendi; peu s'en faut même qu'il ne les trouve arriérées et barbares, et comme telles indignes du joli philosophe..,
L'examen de la question, Messieurs, nous conduit à deux conclusions diamétralement opposées. En voici quelques raisons : M. Cousin s'est grandement servi dans son Essai d'une publication faite à Angers, vers 1676 à 1677 et qui a pour titre : Relation exacte de tout ce qui s'est passé à Angers, à propos de la philosophie de Descartes. L'exemplaire possédé par M. Cousin était à peu près unique et fut jugé par lui digne d'être offert à la riche bibliothèque de l'Institut. Par un bonheur qui couronne bien rarement les recherches des bibliomanes, nous eûmes, deux ans après, la chance de rencontrer chez un revendeur de dernier ordre un second exemplaire de ce curieux pamphlet, qu'à noire tour nous offrîmes à la ville d'Angers.
En relisant dernièrement cette relation, nous nous sommes convaincu d'abord de l'importance des questions qu'elle soulève. Digne après 200 ans d'une analyse et d'un important chapitre de M. Cousin, la lutte put bien à son heure être digne de l'attention de Bernier. D'ailleurs, la question n'est point entre Aristole et Descaries seuls, mais entre la vieille philosophie de l'école et la nouvelle, représentée par Descartes, mais aussi par Gassendi. Je n'en, voudrais pour preuve que les propositions incriminées dans les fameuses thèses des pères Larny et Villecrose, de l'Oratoire, ut professeurs à Angers, ces hardis novateurs contre qui s'élève la tempête. Pour s'opposer à la soutenance de la thèse du père Villecrose, on lui objecte qu'elle contient des opinions erronées, comme celle de l'immortalité de l'âme des animaux.
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On trouve en effet dans les propositions mentionnées celles-ci :
N° 6. Prima principia nihil aliud possunl esse quarn Demoeriti atomi.
N° 8 Immortalis est anima illa quâ belluoe sentiunt.
N° 9. Vel omnino eripiendus est belluis sensus vel referendus est innaturam maleriâ superiorem, nec timendum est animam illis spiritualem adscribere, et plusieurs autres qui sont les corollaires des premières.
La conclusion 10 dit formellement que la proposition 9 n'est pas de Descartes, elle en donne les raisons tout en la soutenant certaine et légitime (1).
Le père Bernard Lamy, successeur de Cyprien Villecrose et professeur à Angers en 1674 et 1675, n'est pas moins animiste. Parmi les propositions incriminées dans ses cahiers on trouve :
N° 11. Corpus non sentit, nec dolor est in parte loesâ, sed in anima.
N° 12. Bruta, plantoe et melalla non differunt nisi diverse partlum, dispositione, etc., et par le corollaire n° 18, il indique la couleur, chaleur , etc., comme des accidents des corps et non comme des qualités subjectives.
La polémique continue de 1672 à 1676 et le père Pelaut, qui succède au père Lamy, est encore censuré comme fauteur de nouveautés (2).
Vous le voyez, non-seulement ces propositions sont gassendistes et non cartésiennes, mais encore la forme, le fond, les développements sont presque la traduction littérale de l'ouvragé de Bernier. Rappelez-vous l'histoire du hibou, des hirondelles, etc. ; la conclusion immortalis est anima illa quâ belluoe sentiunt, n'y est-elle pas puisée textuellement ?
J'ose donc dire que cette lutte dut passionner Bernier le rattaeher à l'Anjou qui soutenait si vaillamment sa thèse. On ne peut le séparer de ses champions dans la bataille, si même il n'en était le promoteur.
En effet, le grand acte de Bernier en ces temps, son oeuvre presque capitale, est un pamphlet de vingt lignes, l'Arrêt burlesque qui de par Aristote bannit. Descartes et Gassendi. Vous savez que celte spirituelle et savante satire arrêta le Parlement prêt à condamner par arrêt la philosophie nouvelle.
Or, la ville où fut le plus tôt répandu, publié, commenté l'arrêt
(1) Voy. la Relation : Extrait mot à mot du père Fromentin de l'Oratoire, professeur de philosophie, à Angers, de 1672 à 1673. (2) Voy. la Relation exacte. Loc cit.
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burlesque, la relation nous l'apprend, ce fut Angers, et cela par les soins des fameux novateurs et jeunes gens de l'Oratoire, ces cartésiens maudits par notre Université, qui le connurent si tôt qu'on les en crut auteurs (1). Qui donc les mettait au courant si bien à propos et leur envoyait ce célèbre arrêt tout friand de nouveauté? Était-ce le supérieur de l'Oratoire, qui conseillait le calme et la prudence? le satirique Boileau, peu familier à l'Anjou, ou l'auteur luimême, l' Angevin Bernier? Je le retrouve partout, en effet, notre ardent et spirituel philosophe, dans les thèses angevines, dans les allures de la lutte, dans les vers même composés et publiés à Angers par les gassendo-cartésiens et qui ne sont que la paraphrase rimée de l'arrêt burlesque.
« Ces messieurs, nous dit la Relation exacte, débitèrent presque en » même temps parmi le beau monde de la ville et aux personnes qui » leur étaient plus confidentes, une autre pièce qui peut-être n'é» toit pas de leur façon.... On produit ici cette pièce pour faire voir » que les novateurs employoient tout leur esprit à éluder et à tra» duire en ridicule les puissances qui les combattoient. » Suit l'arrêt burlesque.
Dans la longue pièce de vers que la relation nous a conservée, c'est encore l'école moderne,, la physiologie positive, telle que la comprend et l'admet Bernier qu'on oppose à l'autorité vermoulue de l'école.
Ni vos décrets, ni ves censures, Ni vos bruits, ni vos impostures N'arracheront jamais au coeur La prérogative et l'honneur De faire en ouvrier habile Beaucoup de. sang et peu de bile.
N'empêcheront pas que le sang
Aille par cent et cent canaux, Et par dé semblables ruisseaux, Revienne enfin dedans sa source.
Nous ferons
(1) ) Relation. Loc. cit.
(2) Relation exacte. 2e partie.
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Tous les nerfs du cerveau descendre Comme autant d'utiles ressorts Dont se sert pour mouvoir le corps.
La verve de l'arrêt burlesque ne circule-t-elle pas dans ce pamphlet angevin? La ville, où l'on défendait avec tant d'ardeur la circulation Harveyennne, ne devrait-elle rien de son instruction rapide au médecin philosophe et progressiste qu'elle avait vu naître? étaitelle si barbare, si indigne de lui? put-elle lui rester étrangère et indifférente?
La période philosophique de la vie de Bernier se relie donc pour nous à l'Anjou par la partie capitale de son histoire, par le côté du progrès scientifique, intellectuel et moral, et c'est le point sur lequel l'auteur du mémoire nous paraît s'être pleinement mépris.
Il y avait d'ailleurs, en dehors des Lamy, des Coupery, de Villecrose, bien des Angevins dignes de comprendre leur savant compatriote : Sigebert, Ménage, Guyet, Deroye, Petrineau des Noulis, Delaunay, Frain de Tremblay, Pocquet de Livonnière, Goureau et Tanneguy Lefebvre, furent ses contemporains. Et quand Guy Patin, le sceptique Naudé et le savant Saumaise avouent dans le même temps leurs relations angevines, nous croyons pouvoir proclamer la science, le goût et la dignité de notre société d'alors sans diminuer lé mérite de Bernier.
Ce mérite, Messieurs, fut celui de démonstrateur, de vulgarisateur par excellence de la philosophie du maître, de sage et habile critique, d'ardent et spirituel polémiste. C'est ce mérite que le mémoire qui vous est présenté met en lumière avec conscience et une remarquable sagacité. Comme il a disculpé le voyageur des reproches mal fondés dont on obscurcit sa mémoire, de même et plus encore il nous montre le philosophe bien éloigné de toutes les exagérations ridicules et dangereuses dont on a rendu son système responsable. Le choix des citations, leur heureux rapprochement, s'ils ne vous rendent pas tout à fait gassendiste, vous font comprendre qu'on peut aimer et défendre celte philosophie, et qu'elle devenait une arme puissante, une base merveilleusement préparée pour un homme qui était médecin, anatomiste, physiologiste, observateur et doué surtout d'un implacable bon sens.
La philosophie du bon sens, est peut-être un titre un peu mal sonnant et surtout un peu terre à terre, mais il n'est pas sans mérite aux yeux de plus d'un bon juge et c'est celui que le mémoire nous porterait à donner au système de Bernier.
Si donc, Messieurs, après m'avoir pardonné mes incursions bio-
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graphiques, vous trouvez comme moi que justice soit rendue à Bernier et qu'il nous soit mieux connu, mieux apprécié après lecture du mémoire, vous n'hésiterez pas à couronner son auteur.
Dr E. FARGE
Après la lecture de ce rapport et l'adoption des conclusions, M. le vice-secrétaire a été invité à décacheter la lettre jointe au mémoire. L'auteur, M. le docteur Mabille, membre de la Société, a été proclamé lauréat du concours (séance du 9 décembre 1858
TABLE LES MATIÈRES
contenues dans le 3e volume
DES ANNALES DE LA SOCIÉTÉ LINNÉENNE
DU DÉPARTEMENT DE NAINE ET LOIRE.
Pages.
Liste des membres de la Société Linnéenne de Maine et Loire 1
L'Oiseau, par M. Michelet. M. EUGÈNE BERGER 1
Etudes médicales sur les poètes latins, par M. le docteur P. Ménière
M. AD. LACHÈSE 15
Catalogue des Coléoptères, Carabiques et Hydrocanthares trouvés dans le
Morbihan , par M. le docteur FOUQUET 23
Essai sur quelques familles d'Hyménoptères, par M. A. COURTILLER 31
Description des Chrysides observées aux environs de Saumur, par M. A.
COURTILLER 61
Coup d'oeil sur les richesses mycologiques du nord-ouest de l'Anjou, par M. HARANG 73
Essais étymologiques sur l'Ornithologie de Maine et Loire, par M. l'abbé VINCELOT 87
Sur l'Hélix acuhata, étude monographique, par M. HENRI DROUET 155
Considérations sur quelques points d'économie rurale et sur les causes qui accélèrent ou retardent le progrès agricole , par M. CHARLES GIRAUD. 1 79
Description de deux espèces de galles trouvées sur le Quercus pedunculata, par M. LÉON SOUBEIRAN 199
356
Pages.
Tribulations d'un botaniste, par M. VICTOR PAVIE 204
Rapport sur l'exposition d'histoire naturelle de 1858, par M. AD. LACHÈSE. 219
Excursion à la Breille, par M. AIMÉ DE SOLAND 230
Description de l'Unio Courtillieri, par M. le baron HATTEMANN 232
Le docteur Guépin, par M. AIMÉ DE SOLAND 233
Cryptogames de Maine et Loire, par M. AIMÉ DE SOLAND 237
Herborisations de 1858, par M. AIMÉ DE SOLAND 253
Notice sur la Dreissena polymorpha du département de Maine et Loire, par
M. L. DE JOANNIS 258
Etude sur les Nayades du département de Maine et Loire, par M. L. DE
JOANNIS. 261
Notice sur le Triton variegatus, le Pupa granum, le Planorbis loevis et la
Succinea arenaria, par M. L. DE JOANNIS 296
Notice statistique sur la chasse et les animaux nuisibles en Maine et Loire,
par M. F. BLAIN 299
Remarques sur la notice précédente par M. le docteur FARGE 301
Notice sur un gisement d'ossements fossiles de la commune de Noyant, par
M. DELAGENEVRAYE 304
Les Fourmis maçonnes, par M. DELAGENEVRAYE 310
Revue minéralogique de l'arrondissement de Saumur, par M. DELAGENEVRAYE. 312
Une course aux îles d'Houat et d'Hoedic, par M. LÉON SOUBEIRAN 318
L'électricité à l'exposition de 1858, par M. EDMOND DE CONTADES 324.
Concours de 1858. — Elose de François Bernier. — Rapport de la commission.
commission. M. E. FARGE, rapporteur 338
Angers, Imp. Cosnier et Lachese