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Notice complète:

Titre : Limoges illustré : publication bi-mensuelle : artistique, scientifique et littéraire ["puis" annales limousines, revue artistique...]

Éditeur : [s.n.] (Limoges)

Date d'édition : 1906-06-15

Contributeur : Charbonnier, Pierre (Dr). Éditeur scientifique

Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32808004b

Notice du catalogue : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/cb32808004b/date

Type : texte

Type : publication en série imprimée

Langue : français

Format : Nombre total de vues : 9226

Description : 15 juin 1906

Description : 1906/06/15.

Description : Collection numérique : Fonds régional : Limousin

Droits : Consultable en ligne

Droits : Public domain

Identifiant : ark:/12148/bpt6k54286321

Source : Bibliothèque nationale de France, département Littérature et art, FOL-Z-878

Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France

Date de mise en ligne : 18/09/2008

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LIMOGES-ILLUSTRÉ

Directeur : Docteur Pierre CHARBONNIER

SOMMAIRE du 15 juin 1906

Quinzaine Limousine : E. LEMOVIKE. — Causerie du Pourtrétaire (suite) : Lou POURTRÉTAIRE. — Thabard : Dr Pierre CHARBONNIER.

La "Passion" (suite) ; Edouard MICHAUD. —Petits poèmes en prose. Le poète : A. LÉO NETOU. — Le dernier amour de la marquise :

André MONTAUDON. — Les rubriques du Hérisson : JOLU. — Le gendre du Colon... : E. de RAVERLAS. — Lia : ENOMIS. — La Belle Coutelière (suite) : E. LE ROY. — Chronique sportive : UN SPECTATEUR.

Illustrations. — Thabard : Le monument des mobiles de la, Haute-Vienne. — Le statuaire Thabard. — Château d'Oreix (2 vues). — Le professeur de gymnastique Lalu.

Quinzaine Limousine

Nos compliments et nos meilleurs souhaits à Mme et à M. Eugène Saulnier, avocat, notre ami et dévoué collaborateur, à l'occasion de la naissance de leur fils Henri.

Signalons, au Concours international de Tourcoing, l'éclatant succès remporté par notre compatriote, M. Calmels fils, qui a enlevé de haute lutte le grand prix spécial d'escrime offert par le Ministre de la guerre.

Il a été effectué dans la Haute-Vienne, pendant le mois de mai, à la Caisse d'épargne, 2.864 versements, s'élevant. à 654.242 fr. 48. 500.516 fr. 91 ont été, durant la même période, remboursés à 1.770 déposants. Il y a ainsi un excédent de versements de 153.725 fr. 57.

La Compagnie des tramways électriques met à l'étude diverses améliorations à apporter prochainement au fonctionnement de notre réseau. M. Durand, président du Conseil d'administration, était ces jours derniers à Limoges pour en rechercher les applicatïons.

Au Congrès des percepteurs qui s'ouvrait à Vichy (Allier), dimanche, 3 juin, le Limousin était très dignement représenté. M. d'Abzac, président du Comité départemental de la HauteVienne, notre distingué collaborateur, y fut élu rapporteur généval de la Commission des finances. M. Renaudie, percepteur à Brive, délégué de la Corrèze, a été désigné comme rapporteur de la Commission des questions professionnelles. L'Union des Sociétés de gymnastique de France a procédé, à l'issue du Concours international de Tourcoing, au renouvellement du bureau et du comité de permanence. Pour la onzième fois, M. Cazalet, de Bordeaux, a été réélu président. M. Morel, président de la Patriote limousine, a été réélu membre du comité. Le recensement du 4 mars 1906, aujourd'hui vérifié, accuse pour Limoges les chiffres suivants : population agglomérée, maisons, 6.688; ménages, 22.568; habitants, 75.906, dont 190 étrangers. Banlieue : maisons, 694; ménages, 1.415; habitants, 5,779, dont 4 étrangers.

La population municipale est de 81.494 Français et 194 étrangers. La population comptée à part s'élève à 6.912 personnes. Le nombre total des habitants de notre ville est donc de 88.597.

Notre compatriote et ami, M. Mouret, chef du bureau militaire à l'Hôtel-de-Ville de Limoges, vient d'être nommé officier d'académie à l'occasion du Congrès récent des secrétaires de mairie.

Nos sincères félicitations.

Une statue vient d'être élevée au Jardin du Luxembourg, à Paris, à l'illustre économiste limousin F. Le Play, sur l'initiative de la Société internationale d'économie politique, dont il fut le fondateur il y a juste un demi siècle.

M. Amilhau, maire de Bosmie, ingénieur civil, qui fut longtemps attaché au chemin de fer de la Suisse occidentale, vient d'être chargé d'une importante mission par le Ministre des travaux publics. Cette mission confiée à notre compatriote consiste en une étude sur les chemins de fer à crémaillère établis dans les régions montagneuses.

Pendant le mois de mai 1905, il a été abattu à l'abattoir municipal de Limoges 91 chevaux, ânes ou mulets, 55 boeufs, 377 vaches, 1.879 veaux, 6.336 moutons ou brebis, 1.390 agneaux, 1.954 porcs, formant un total de 781.740 kilos de viande. Sur cette quantité, 2.995 kilos de viande malsaine ou avariée ont été saisis.

Le 10 juin a été célébré le centenaire du Lycée de Poitiers. Une séance récréative eut lieu l'après-midi, à laquelle la musique militaire prêtait son concours. Le soir, à huit heures, un banquet clôturait la fête, présidé par M. Cons, recteur. Toasts très applaudis.

Le concours de Périgueux était, les 3 et 4 juin, l'occasion d'un succès marqué pour plusieurs sociétés limousines. Félicitons spécialement : l'Union chorale et la Société de trompes le Rally limousin, de Limoges; les fanfares de Solignac, de Couzeix, de La Meyze et de Pierrebuffière, sans omettre la Diane limousine qui, à Cahors, remporta brillamment les premiers prix. Au cours de la fête qui accompagnait l'assemblée générale annuelle des anciens élèves du Petit Séminaire du Dorat et que présidait Mgr l'évêque de Pamiers, notre distingué confrère, M, Charles Blauchaud, a fait l'historique de cet établissement, dont il a rappelé la fondation par douze généreux donateurs qui, en 1806, créèrent le collège primitif.

M. Malabout, professeur de comptabilité aux cours commerciaux du soir, ancien chef de comptabilité au Crédit lyonnais, vient.d'être nommé fondé de pouvoirs pour l'agence de Limoges, en remplacement de M. Petiot, nommé en la même qualité à Rouen.


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Mme Léon Roby, le distingué professeur de piano, donnait le 6 juin, dans ses salons de la place des Bancs, une audition de ses jeunes élèves.

Cette soirée, à laquelle M. Bur, l'aimable interprète du Barbichet, prêtait le concours précieux de son talent, a permis d'apprécier combien Mme Roby sait avec méthode enseigner l'art en lequel elle excelle.

L'Amicale des anciens élèves de- l'Ecole du Pont-Neuf donnait, le 10 juin, au préau de l'Ecole, une fête de gymnastique très réussie. Les élèves de MM. Moreau et Hébras y furent applaudis, ainsi que l'harmonie de la Lyre de Limoges.

L'exposition canine, organisée par la Société canine du Centre; aura lieu à Limoges, dimanche 24 juin courant, sur l'esplanade du Champ-de-Juillet. Elle sera intéressante, assurément, par le choix dés sujets autant que par le nombre et la variété des espèces.

Par arrêtéde'M'.'le Préfet de la Haute-Vienne, une enquête d'utilité publique vient d'être ouverte sur l'avant-projet du chemin de fer de Saint-Léonard à Auzances.

Les produits de nos éleveurs limousins ont été très remarqués au concours national agricole de Toulouse, où ils ont remporté de nombreux premiers prix dans toutes les sections.

■ La Société archéologique et historique du Limousin fera, dimanche 17 juin; une excursion à Confolens et à Saint-Gërmainsur-Vienne.

Les notaires de l'arrondissement de Bellac ont fêté lé 12 courant, en: un banquet, la cinquantième année de notariat de M.Tournois, notaire à Roussac.

U ne/médaille' commémorative a été, à cette occasion, remise par ses confrères au doyen des notaires limousins.

Le Conseil municipal, qui a porté à 30.000 francs le montant de la subvention au théâtre de Limoges pour la saison 19061907, a décidé le maintien de M. Coste, directeur actuel, comme directeur pour la même période.

Les: élèves du-Lycée de Limoges, accompagnés de leurs professeurs, de maîtres et d'anciens élèves du Lycée, ont fait jeudi, 14 juin, une excursion à Uzerche. Nous enregistrons avec plaisir cette heureuse innovation.

Il convient de nous féliciter de la décision du sous-secrétaire d'Etat aux Beaux-Arts, grâce à laquelle la province sera, dans une certaine mesure, appelée à bénéficier des représentations de nos grands théâtres nationaux.

Ce 17 juin va être donné par l'Odéon, sur notre scène et avec une. distribution d'élite, le Mariage de Figaro.

Nos condoléances à la famille de Mme Chaisemartin, née Gounet, veuve de l'ancien magistrat avoué près le Tribunal civil, décédée le 22 mai 1906, à Limoges.

M. Monsérat, chef des bureaux de la petite vitesse, vient d'être admis, sur sa demande, à faire valoir ses droits à la retraite. Les employés de la gare Montjovis s'étaient réunis le mardi, 12 courant, à neuf heures du soir, pour fêter le départ de leur collègue attaché depuis trente-quatre ans à la Compagnie et depuis déjà plus de dix ans à Limoges. Cette petite réunion de famille fut empreinte d'une franche gaîté et d'une bien sincère camaraderie.

Une très intéressante conférence.a été faite sur les industries de notre région par M. le professeur Peyrusson, à l'Ecole nationale des Beaux-Arts.

Les concerts militaires des dimanche et jeudi, au Champde-Juillet, supprimés à la suite des événements d'avril 1905, ont été rétablis depuis le 3 juin.

A l'occasion de l'Exposition coloniale, divers Congrès professionnels ont été tenus à Marseille. Notre compatriote, l'honorable

l'honorable Sailly, notaire à Limoges, était le représentant autorisé, délégué par la sous-section des notaires de la Cour d'appel de Limoges à ces assises des tabellions français,

Le marché aux fleurs de la petite place Saint-Michel actuellement place Etienne Pinchaud, est transporté place de la République.

Le cirque Plège continue avec succès ses représentations au Cirque municipal, sur la place Jourdan.

Le Catalogue des manuscrits de la Bibliothèque.communnale de Limoges vient de s'enrichir d'un nouveau supplément dû au labeur de M. Barthélémy Mayéras, conservateur de la. Bibliothèque.

C'est un ouvrage sans prétentions, mais qui n'en constitue pas moins un précieux élément de documentation. (Précédé d'un judicieux avertissement en guise de préface, ce document est une classification ordonnée de pièces qui, pour la plupart, étaient restées jusque là non classées.. .

La lecture en est suggestive et confirme une fois de plus encore le dire d'Anatole France, que cite fort à propos M. Mayéras : « Je nesais pas de lecture plus facile, plus attrayante, plus douce, que celle d'un catalogue de manuscrits ».

E. LÉMOVIKE.

Causerie du Pourtrétaire

(Suite)

Une fois ton cliché fixé, tu l'examines par transparence Troiscas se présentent :

1er cas. — Il est suffisamment développé, les noirs sont vigoureux et les blancs purs; il ne reste plus qu'à le laver au moins deux heures et à le faire sécher;

2e cas. — Le cliché est trop développé, les noirs sont trop intenses ; il faut donc le réduire. Voici la manière d'opérer : tu prends du bain d'hyposulfite et tu y ajoutes un peu de prussiate rouge, 2 % environ; quand le prussiate est dissous, tu trempes ton cliché qui baisse rapidement, quand il est à point tu le laves bien pendant au moins deux heures;

3e cas. — Le cliché est trop faible, les noirs pas assez vigoureux, ceci vient d'un manque de pose et d'un développement trop court, ou bien le bain n'est pas assez fort, il faut donc le renforcer : tu prends 100 gr. d'eau, tu y ajoutes 10 gr.de chlorhydrate d'ammoniaque puis 10 gr. de bichlorure de mercure, :quand le tout est dissous tu y trempes le cliché encore mouillé, il blanchit, c'està-dire que toutes les parties noires viennent blanches; quand il est blanc au verso, tu le laves bien pendant 10 minutes et tu le plonges dans la solution suivante ;

Eau 100 gr...

Ammoniaque '20 gr.

il noircit instantanément, les blancs.restent purs et les noirs sont beaucoup plus opaques.

Pour ces deux opérations il faut beaucoup de prudence, le prussiate et le bichlorure de mercure étant des poisons très violents. En cas d'imprudence voici le remède que l'on peut prendre aussitôt, en attendant l'arrivée du médecin que généralement on ne trouve jamais dans les cas pressés. ....

On bat bien un blanc d'oeuf dans un demi verre d'eau et on. l'avale à petite gorgée; l'albumine décompose le. mercure et le rend insoluble.

(A suivre.) LOU POURTRÉTAIRE.


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THABARD

Le cadre réservé à nos notices biographiques est trop restreint pour donner à celui qui nous occupe aujourd'hui le développement que nécessiterait l'exposé de son talent et de ses oeuvres. Admirant presque quotidiennement son oeuvre de prédilection, « le monument des Mobiles de la Haute-Vienne »,

Quelo fenn' elançado, Que pourt' en étendar Urio couefo broudado;... Dovan de fier soudar, Vezan de lur villaje Lou drapeu tan-t-eima, Redoublen de couraje, Ne deurian-t-i nouma Motra que di lo Franco Notre viei Limouzi So garda l'esperanço ; Re ne po l'abazi.

dont il fut à la fois l'inspirateur, l'architecte, l'organisateur, le sculpteur, le décorateur.et le généreux Mécène, nous ne donnerons pas la description de cette oeuvre géniale pleine d'un souffle patriotique. C'est le monument le.plus limousin de notre ville.

Dans la « Limousine héroïque », coiffée du barbichet, se symbolise la vaillance tenace et traditionnelle de la vieille province qui, à travers les siècles, eut tant à lutter contre les envahisseurs. L'auteur y a mis toute son âme. Je le vois encore au pied du monument, où je l'apercevais il y a quelques années. De petite taille, des yeux pétillants d'esprit, la tête en pain de sucre et blanchie par les ans, Thabard revêtait une physionomie expressive qu'on ne peut oublier...

Né à Limoges le 31 novembre 1831, AdolpheMartial Thabard était d'une famille de porcelainiers. Son père, Martial. Thabard, et sa mère, Valérie-Madeleine Fumet, qui habitaient le centre de la rue du Clocher, étaient l'un et l'autre d'une vieille famille d'artisans. Muni du bagage scientifique que comporte une instruction primaire, le jeune Martial rentre à quatorze ans et demi à la fabrique de porcelaines Vabu, où il reçoit ses premières leçons de modelage. L'assiduité qu'il apporte à son travail ne l'empêche pas de s'occuper de musique. Passionné pour cet art,

il devient sous la bienveillante et experte direction du maître Pierre Farge, dont Limoges Illustré a donné une notice biographique, second violon de l'orchestre du théâtre et de la Société Philharmonique.

Plus tard, dans un âge avancé, il n'a pas oublié' cette partie de son éducation artistique; il s'écrie :

«... Nous possédons à Limoges une véritable école musicale; je suppose que les airs de nos vieilles romances et ceux de nos danses villageoises ont été orchestrés depuis longtemps déjà. Si nos moyens pécuniaires nous permettaient de les faire exécuter en les faisant suivre de patoiseries, dites et chantées avec tant de verve par quelques-uns de nos compatriotes, elles évoqueraient immédiatement les souvenirs de nos jeunes années.

» Cette agréable diversion ne nous priverait en aucune façon du plaisir d'entendre un peu de grande musique.

» Quel est celui d'entre nous, messieurs, qui n'éprouverait un charme indéfinissable à se sentir bercé par de gracieuses mélodies soutenues et légèrement enveloppées dans ces ondes harmonieuses qui, en captivant nos sens, nous emportent dans l'extase jusqu'au bord de l'Infini !... »

THABARD. — Le monument des Mobiles de la Haute-Vienne


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Entre temps, on le voit étudiant bénévole à notre Ecole de médecine, où il suit avec assiduité et zèle les leçons d'anatomie si habilement faites par le professeur Bouteilloux (1). Cette fréquentation agit considérablement suivie tempérament, artistique du jeune modeleur qui, avant sa vingtième année, a déjà fait ses preuves. L'éminent archéologue limousin que.fut l'abbé Texier, son oncle, s'aperçoit vite de l'habileté de son neveu, que bientôt se disputeront les divers fabricants de porcelaine pour lui demander la création de figurines si à la mode alors dans la décoration. Martial Thabard part avec son oncle dans la

Corrèze, L'abbé Texier a décrit le célèbre tombeau de saint Etienne d'Obasine. Cette description a besoin d'être illustrée, c'est à son neveu qu'il confie cette mission. Les panneaux, moulés par des doigts habiles, deviennent des sujets d'ornement et permettent d'exposer, tant au Musée de Brive qu'au Trocadéro, les reliefs de ce chef-d'oeuvre de l'art limousin et français au XIIIe siècle.

Le jeune Thabard a à peine vingt ans quand il devient gérant d'une association ouvrière (Capet, Thabard fils et Cie). Mais Paris l'attire; reçu d'emblée à l'Ecole dés Beaux-Arts, il devient l'élève du maître

Duret. Sa vocation se devine, le jeune modeleur rêve d'être le statuaire remarquable qu'il est devenu. Peu importe que les exigences sociales l'obligent d'aller chercher fortune en Amérique, puis en Angleterre. N'est-il pas le fils de ces preux dans l'art dont il dira plus tard :

« En pays limousin, les statuaires avaient quelques raisons de s'écrier plaintivement :

Ah! quel malheur d'être sculpteur!

» Ne pouvant exercer leur verve artistique sur les natures premières dont ils étaient environnés de toutes parts, nos ancêtres, qui étaiens doués d'une grande ténacité, n'hésitèrent pas à chercher le moyen d'utiliser leurs qualités imaginatives : ils créèrent l'orfèvrerie française, qui fit leur fortune et leur donna la gloire.

» Ils devinrent des maîtres incontestés dans cet art charmant,, et celui-ci leur permit d'agrandir le domaine de leur fantaisie toujours en éveil.

» Nos peintres, bijoutiers-orfèvres, composèrent ces émaux d'une coloration splendide, représentant des scènes de l'Ancien et du Nouveau Testament. Avec l'or et l'argent, ils en rehaussaient les cadres ou les ornaient de fines arabesques qui ne le cédaient en rien aux meilleures productions de l'antiquité.

« L'architecte utilisait les métaux les plus précieux à la

construction de ces chasses étincelantes de pierreries, dans la composition desquelles tous les arts plastiques se trouvaient réunis en une synthèse harmonieuse.

» Durant ces siècles de foi, ces petits chefs-d'oeuvre contenant de saintes reliques, parés de guirlandes de fleurs, étaient, certains jours, promenés triomphalement au milieu des peuples prosternés et semblaient par instant se soulever de terre, tant ils étaient enveloppés dans les nuages formés par la fumée odoriférante des plus suaves parfums d'Orient. ».

Martial Thabard devient le modeleur et le ciseleur d'une maison d'orfèvrerie dans le Rodes-Island, puis à Birmingham. Revenu en France, il est l'artiste désiré des bronziers du Marais, des porcelainiers de Limoges. Entre temps, il a collaboré aux statues de Brunel, de Stephenson, les constructeurs du passage sous la Tamise.

- En 1863, son plâtre : Jeune fille portant un vase, est admis au Salon.

En 1864 il visite la terre classique des arts. IL revient d'Italie emportant de son voyage de précieux souvenirs. Dès cette époque, tous les ans le Salon couronne ses oeuvres. Lyon lui commande les remarquables bas reliefs de son Ecole vétérinaire : Une leçon de clinique, une leçon d'anatomie, Galien et Esculape. Dès 1872 il est hors concours, en 1882 membre du jury; il fait partie dès sa fondation du sous-comité desartistes français. Ses collègues demandent et obtiennent pour lui en 1884 la croix de la Légion d'honneur.

Nous ne saurions donner un meilleur aperçu, des oeuvres de Martial Thabart. qu'en transcrivant celui de notre excellent confrère Louis de Nussac qui: avait.

Adolphe-Martial THABARD *

Statuaire

1831-1905

(1) Le docteur Bouteilloux, qui avait à Paris soutenu avec succès des joutes scolaires avec Chomel, Cloquet, Cruveilhier, Rayer, préparait ses cours la nuit' et jouissait d'un légitime prestige auprès des élèves et de ses collègues.


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donné dans Lemouzi le résultat d'un interview de notre compatriote :

Au Théâtre-Français, les principaux motifs décoratifs du grand escalier, et la cheminée marbre et bronze du foyer; — au PalaisRoyal, incendié et réparé, la restauration des reliefs du vestibule, le grand trophée militaire avec des enfants sur la façade, et les quatre autres trophées des ailes de Valois et de Montpensier; — au Conseil d'Etat, réédifié après la Commune, les statues du comte Bigot de Préameneu et du baron de Fréville, la cheminée du salon de lecture, marbre et bronze, les frises et couronnement des cheminées de deux salles de section (2 et 3), la décoration entière de la bibliothèque exécutée en stuc, enfin les quatre 'grands motifs aux angles du plafond dans la salle des délibérations, cariatides ailées et groupes qui ont figuré au Salon de 1876. — L'église de Saint-Eustache lui doit les bas-reliefs en pierre de la porte principale : La Justice et la. Prudence, la Force et la. Tempérance, sans compter la Foi, l'Espérance et la Charité, reliefs d'une cloche; —les grands magasins du Louvre lui ont fait faire la porte monumentale de la rue de Rivoli, dont l'écusson (plâtre) fut au Salon de 1873.

La maison Ernest Gouin (Société de construction des Batignolles) avait eu l'entreprise d'un pont de 640 mètres sur le Danube, à Budapest. Au concours, la maquette de la décoration entière, faite par Thabard, fut choisie, et il dut aller sur place ériger huit statues colossales sur les piles (le Génie de la Force, plâtre, Salon de 1877), un fronton gigantesque, des trophées et motifs en proportion, enfin toute une garniture monumentale de lampadaires en bronze, avec de beaux griffons ailés.

A l'étranger également, Thabard a envoyé les grands vases qui font un si bel effet au château de Lynford, en Angleterre (1m70 de diamètre) : (il en exécuta même en pierre ayant 2 mètres de haut pour orner le parc de Saint-Cloud !) En Roumanie, il érigea le tombeau sculptural de la baronne Buckmann; pour la Cochinchine, une statue de Gambetta (Salon de 1886).

Dans le Jardin du Palais-Royal s'élève le Charmeur (bronze) ; à Fontainebleau, Laïs, statue en marbre destinée d'abord à la cour du Louvre; à l'Elysée, l'Amour au Cygne, (plâtre, Salon 1880); au Trocadéro, la statue de la Photographie; au Ministère des Postes et Télégraphes, le bronze du Jeune homme à l'Emerillon; à. la Sorbonne, la Poésie (pierre, Salon 1880); à l'Hôtelde-Ville de Paris, de Harlay, Pierre de l'Estoile; à Versailles, au Musée, le Général Delzons (buste marbre, Salon 1868); dans le parc, la reconstruction d'une fontaine, dans un bosquet, le Triomphe de la France; au cimetière Montmartre, le tombeau de Huot, le graveur (1885), érigé par souscription publique sans compter le grand médaillon de l'abbé Simon, curé de Saint-Eustache; au Père-Lachaise, la couronne de bronze du tombeau de son maître Duret, que lui commandèrent ses condisciples et amis Chapu, Carpeaux, Cot, etc. (modèle, Salon 1870); à Mulhouse, pareil motif pour la tombe de Braun, le musicien, provoquée par une souscription nationale; au Musée de Pau, le Poête et la Muse, commande de l'Etat, important groupe d'une hauteur de 2 mètres (plâtre, Salon 1881, marbre, Salon 1882, marbre, Salon 1895); au Musée de Périgueux, l'Enfance d'Annibal (marbre, Salon 1886); le portrait du Colonel Piétri, buste plâtre), et Pudeur et Coquetterie, deux porcelaines, pâte sur pâte de Sèvres, à son atelier (Salon 1873); portrait de M. F. de Boerio (bronze), et le Christ au Roseau, dont le marbre fut fourni par l'Etat (Salon 1874) ; portrait de Mme de Chizelle (la mère du général), buste plâtre (Salon 1875); portrait de Mlle Aubrun (Salon 1899) ; le plâtre de Laïs (Salon 1870), etc.

Limoges possède de Thabard, en dehors du monument des Mobiles de la Haute-Vienne, de nombreuses oeuvres du statuaire :

Dans des maisons particulières nombreux groupes plâtres qui ont figuré au Salon.

Au Cercle de l'Union, le couronnement de la cheminée (Salon 1865). Le buste de Léonard Limosin.

A l'Evêché, le grand vase en bronze avec têtes d'enfants, médaillons et anses composés.

Au cimetière de Louyat, le buste d'Emile Perrin, élevé par l'Association des Membres de l'Enseignement.

Au Musée, le Charmeur, plâtre, Salon 1872.

Jeune homme àl'Emérillon, plâtre, Salon 1868.

L'Enfant au cygne, plâtre, Salon 1880.

Le colonel Piétri, buste plâtre, Salon 1873.

A l'Hôtel-de-Ville (en collaboration avec MM. Tony Noël et Gardien), décor avec grand motif aux armes, bas reliefs composés d'enfants, chapiteaux, colonnes, pilastres, fronton, horloge, cartouches, le buste de Fournier, le généreux bienfaiteur de la ville,le Vainqueur, marbre, Salon 1888.

Martial Thabard qui avait fait partie de toutes les associations limousines de la capitale est mort au mois de décembre 1905 laissant, nous venons de le voir, une oeuvre immense.

Notre Hôtel-de-Ville, les Musées nationaux au étrangers., les places publiques rappelleront le souvenir du petit porcelainier limogeois devenu grand artiste. Ses oeuvres exciteront longtemps l'admiration des connaisseurs et pourront servir souvent de modèle aux générations limousines à venir, car avec lui nous aimons à répéter :

« La race n'est pas encore éteinte ».

Dr Pierre CHARBONNIER.

La Passion

DRAME SACRE EiN 5 ACTES ET 6 TABLEAUX, EN. VERS

Représenté pour la première fois au théâtre de la Porte St-Martin le 13 avril 1906. — (Suite).

Scène III

ANCUS, LYDIA, JESUS, LES APOTRES

JÉSUS Mes amis, mes fidèles !

PIERRE

Seigneur,

Nous avons reposé nos coeurs sur votre coeur Et la communion de nos esprits s'est faite.

- JEAN J'étais au bas du mont, vous m'avez mis au farte, Puisque vos bras sacrés m'ont doucement étreint.

JÉSUS Le père de famille est sévère, on le craint : Il veut ses sillons droits et que les socs soient lisses


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Comme l'éclair. Pour moi, j'ai placé mes délices A me savoir aimé de vous pour ma douceur.

THOMAS VOUS avez dit : le seigle et la vigne, sa soeur. Deviennent le pain frais et le vin qui rayonne. L'un, c'est mon corps, l'autre, mon sang. Je vous les donné Afin d'avoir toujours ma place parmi vous.

JÉSUS

Oui, je me suis donné! — Frères, à deux genoux,

Car l'heure est solennelle entre toute les heures!

Passant, ton âme est seule et morose, tu pleures,

Car nul ne t'a souri, car nal n'a pris ta main

Et ne t'a dit : nous ferons à deux le chemin.

Prends ce calice et prends ce pain, et que la joie

Illumine ta face et ruisselle en ta voie.

Le froment est mon corps, le vin rose est mon sang.

Laboureur, dans ton gîte où le couchant descend, Pourquoi courber la tête ainsi qu'un roseau frêle ? Tes épis ont senti le baiser de la grêle.

Ah! ton malheur est grand, pauvre homme, mais il faut

Voir au-dessus des blés, il faut placer plus haut

Ton espérance et lui donner des ailes d'aigle.

Le ciel immense et bleu rit au-dessus du seigle, Quant le seigle est couché, le grand ciel rit encor;

Donne une larme au sol et va d'un large essor Par les plaines de l'air jusqu'au Dieu qui t'écrase. Voici mon corps, voici mon sang. La tête rase,

Quel motif assez fort t'obligea de partir, Homme ? — Je viens du crime et vais au repentir. Je dépouille la nuit pour me vêtir de flamme. Pour que ta chair soit forte, ami, pour que ton âme. L'entraîne — comme fait la mère avec l'enfant — Et qu'un nimbe de paix enserre, triomphant, Ton front grave où planait la tristesse bénie, Pénètre avec ton deuil dans l'auberge infinie. Humanité, voici l'extase et l'oubli saint De la réalité hideuse qui t'enceint ! Humanité, voici la Coupe fraternelle Où, comme cent rayons dans la même prunelle, Les bouches de tes fils tremperont à la fois ! Humanité, tes fils, qu'ils habitent les bois Ou qu'ils poussent le soc en écorchant les chênes, Ont les poignets liés entre eux avec des chaînes ! Je ne veux plus savoir la race de Caïn, Je suis amour, j'embrase et je rive — et demain, Après l'expiation divine, épouvantable, L'aurore les verra tous à la même table, Et les brises du ciel chanteront en passant. Mangez, voici mon corps; buvez, voici mon sang!

PIERRE Seigneur, notre dos plie à supporter la charge De votre amour; Seigneur, l'horizon s'ouvre large Maintenant, vous serez avec nous pour toujours Et nous n'aurons plus à compter avec les jours, Puisque ici-bas votre apparence est immortelle; Nous sentirons toujours planer votre tutelle Sur nous comme une main bénissante, et jamais Nous ne verrons l'éclair enflammer les sommets Et les hommes de mort encombrer les issues, Sans deviner toujours, à travers les massues Et les piques, vos yeux prolecteurs et l'accueil

Du-sourire qui tremble à votre lèvre. — Deuil,

Exil au bord des mers, sur la grève qui coupe

La vague avec ses rocs et qui semble une coupe

Où le philtre contraint aurait peine à tenir,

Mort, vous ne pouvez rien contre le souvenir

Et contre le mystère effrayant et superbe

Du pain qui fut blé, du blé mûr qui fut l'herbe,

Du vin qui fut la grappe exquise au teint de feu,

Dont la rouge alliance est l'essence d'un Dieu !

JÉSUS Bon Pierre ! âme loyale et sereine ! Bon Pierre, Quand je ne serai plus, tu deviendras la. pierre Où mon église ira s'asseoir, oiseau planeur De qui l'aile robuste a connu la hauteur Et conserve l'attrait des voûtes disparues. Elle sera la digue énorme au temps des crues, Et le mal ne pourra que battre ses grands murs Toujours trop blancs, toujours trop hauts, toujours trop durs. Bon Pierre, elle sera l'arche immense qui passe, Offrant sa voile grise au souffle de l'espace, Et rendant en aplomb son insulte à la mer. Elle sera l'asile au pays de l'hiver, Où les foules viendront sous le fouet des rafales Sentir un vent d'amour baiser leurs têtes pâles; Où les grands d'ici-bas, las d'errer, goûteront L'unique et vif plaisir qu'ait ignoré leur front; Où les malades saints par leur faiblesse lente Auront les soins nombreux qu'on accorde à la plante Craintive encore où point l'orgueil vert des boutons. Les vieillards fatigués, les vieillards à bâtons

Y trouveront l'épaule où le sang jeune afflue ; Et ceux de qui la force en un seul jour fut bue, Les mornes débauchés qu'un repentir toucha

Y viendront méditer sur l'abîme où pencha

Leur âme — et dans leurs yeux les pleurs sauront éclore.

Et les pauvres qui vont les chemins, dès l'aurore,

Sans espérer des jours meilleurs, sans espérer

La halte solitaire où l'on aime à pleurer

Sur un bonheur furtif comme une feuille morte,

Tenteront mon église et franchiront sa porte.

0 blême caravane, à tous les horizons

Eparse, j'ai fixé le but : que les chansons

Fleurissent chaque lèvre et s'envolent pareilles,

Dans les jardins d'avril, aux joyeuses, abeilles !

Bon Pierre, tu seras l'accueil universel.

Et vous, ses frères, vous, race choisie et sel

De la terre, soyez gardiens de la parole,

Et mourrez s'il le faut : — là-bas, c'est l'auréole

Dont vos corps glorieux seront illuminés,

Là-bas, c'est le parterre où les grands lys fanés

Par le mortel contact des hordes criminelles

Embaumeront l'azur de floraisons nouvelles !

JEAN

Seigneur, vous nous parlez comme un homme à son lit De mort.

JÉSUS Encore un peu de temps, car on emplit, Là-haut, la coupe amère où mes lèvres trempées Auront le triste sort des corolles frappées Par la pluie — et j'irai vous préparer à tous Un trône et vous ouvrir le vaste.inconnu doux Comme un baiser de femme après un long voyage.


LIMOGES-ILLUSTRE

2153

ANCUS, s' approchant Seigneur, fils de David!...

JÉSUS

Approche.

ANCUS

Votre image, Seigneur, est un flambeau qui méprise le vent. Je vous ai vu passer un jour — un seul — devant La maison que j'habite avec ma jeune femme, Et j'ai toujours gardé dans le fond de mon âme Le souvenir divin de votre blanc profil.

JÉSUS

L'apparence, ici-bas, ne tient que par un fil,

Le sépulcre est toujours béant. Le fil se brise

Le corps tombe cadavre — et la pluie et la brise

Y déposent leurs fleurs comme un manteau d'oubli.

Et bien que, vers le ciel de son vol embelli,

Ma chair doive monter glorieuse, j'estime

Que l'apparence est gorge et que l'esprit est cîme,

Et qu'il vaut mieux garder le souvenir sacré

De l'esprit.

ANCUS

Je n'ai vu que votre front doré Par un rayon, Seigneur, mais j'ai pressenti l'être Intérieur. — Derrière l'aube qui veut naître Pour sourire aux guérets la chanson de l'éveil, L'oeil devine ce géant rouge, le soleil. O soleil de splendeur, soleil d'amour, fournaise De charité, Jésus, oh ! j'attends qu'il vous plaise Me prendre tout entier et m'entraîner là-bas,

Où, si les pieds meurtris égouttent dans leurs pas Le sang que les cailloux font ruisseler, on rêve De bonheurs infinis comme un chant sur la grève, Au rythme caressant de vos paroles d'or !

JÉSUS

L'esprit a l'envergure immense du condor, Quand la chair fatiguée autour de lui s'affaisse. Ami, ton coeur est grand, mais il a la faiblesse Des grands coeurs. Pour me suivre, il faut quitter, vois-tu, Ta maison vieille, où quand la brise chaude a tû Sa chanson faite d'un bruissement de mouches Et d'abeilles — le soir — vous confondez vos bouches, l'a jeune femme et toi, dans un baiser joyeux ; Ta maison recueillie et sereine où tes yeux Se sont habitués à l'harmonie exquise Des objets, d'où tu vois, par le travail conquise, La terre des aïeux se dorer en plein ciel. Me suivre, comprends-tu, c'est fuir l'essentiel, C'est dire, à ton épouse : Il faut partir, c'est prendre Ton coeur d'homme et le tordre avec joie, et c'est rendre Toute l'humanité qui vibre dans ton sein. Mon fils, je t'aime trop pour être l'assassin De ton bonheur. Adieu. Mon paradis auguste Est large, souviens-toi qu'il suffit d'être juste, Et retourne sans crainte au soc abandonné. (Ancus se relire avec un geste découragé. Lydia pose une main sur son épaule et l'entraîne)

JEAN Pauvres amants !

THOMAS Seigneur, mon regard étonné Nous compte; mais un manque, il est allô, peut-être, Desservir le banquet...

Scène IV LES PRÉCÉDENTS, MAGDELEINE

MAGDELEINE (Echevelée, hagarde)

Il vous manque le traître! Je veux que le mystère éclate enfin, je veux, Dussiez-vous, outrés, me saisir aux cheveux En me traitant de folle et de canaille lâche, Dire ce que je sais, mes frères!

Sans relâche, J'espionnais sa marche et je l'ai vu, ce soir, Tout à l'heure, gagner le recoin le plus noir De la rue où Caïphe a bâti sa demeure, Et j'ai compris ces mots sanglants : il faut qu'il meure... Il faut qu'il meure, il faut... J'en ai le front perdu Et me demande encor si j'ai bien entendu. Il faut qu'il meure, entendez-vous?... Ah! cet horrible! Il me semble parfois rêver dans l'impossible, Subir un cauchemar atroce. Le livrer, Lui qui le chérît tant qu'il le fit pour errer Aux chemins où souffla sa chaude parabole, L'ami grave ajoutant à la drachme l'obole, Espoirs jamais déçus des pauvres rencontrés; Le livrer lui qui court par les rocs et les prés Semer le vaste amour dont son être déborde; Lui qui sourit toujours et qui toujours accorde, Lui dont le mot caresse et réconforte, lui Qui dût accueillir l'autre encor même aujourd'hui D'un geste doux, bien sûr, si la phrase fut triste ; Le traquer comme on traque une bête à la piste, Lui dont les doigts pieux, en des jours triomphants, S'arrêtaient aux profils bouclés d'or des enfants; Mon seul ami, mon seul amour, ma joie unique! Oh! dites, n'est-ce pas que la chose est inique, Que vous ne voudrez pas ce crime, qu'on fuira, Qu'on ira vers un bourg ignoré, qu'on ira, Oubliant le complot désormais inutile, Loin du peuple suspect et de la ville hostile, Que mes projets enfin ne sont pas insensés ! (Elle défaille).

MARC . Iscariote !

THOMAS L'infâme !

PIERRE

Ils sont donc effacés De son coeur, vos bienfaits ? L'ingrat ! — Qu'il vous approche. Seigneur, avec son prêtre, et je serai de roche Et je l'assommerai comme on assomme un chien!

JÉSUS Amis, n'insulter, pas,

(A Pierre).

Toi, tu ne feras rien De tes bras musculeux comme un vieux chêne. Ecoute. Je sais qu'il est pênible et je sais qu'il en coûte

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2154 LIMOGES-ILLUSTRE

De retenir en soi l'âpre rébellion; Mais s'il faut quelquefois s'élancer en lion Et faire dans le vent résonner sa crinière, Il faut aussi, debout sous l'horrible lanière, Ne rendre à ses bourreaux que sourire et dédain. Ainsi le veut mon Père, amis, et cette main Ne tremblera pas plus dans les fers qu'on lui forge Que le jour, fabuleux où croissaient les pains d'orge Et les poissons d'argent achetés deux deniers Que Stéphane portait aux treilles des paniers; Pas plus qu'au crépuscule effroyable où l'eau verte Se dressa comme un mur devant sa paume ouverte ; Pas plus qu'au temps ancien où le rabot tordait Des copeaux à ses doigts dans le soir attardé Et qu'en mon.vieux désir de voir les âmes blanches, Elle essayait déjà de mettre au sol les branches Du tronc lourd d'idéal où votre soif tendit. (A suivre.) Edouard MICHAUD.

PETITS POEMES EN PROSE

te poète

Pour Ed. Dèscubes.

Tout guilleret,.le poète lunatique rentre le soir de ses promenades solitaires le long des routes grises. Car il cherche dans les derniers bruits du jour et le coloris atténué du paysage, le thème bizarre d'un nouveau poème.

Tel un alchimiste d'autrefois, le voilà maintenant devant le creuset où il; va fondre l'or précieux de ses rêveries. Mais il reste pensif. Fugitives,insaisissables comme de capricieux papillons, les images assemblées fuient, lui échappent et vont se briser les ailes contre,les murs de là chambre. Il a beau tendre l'oreille, il ne sait plus pincer la corde qui fait chanter les syllabes. La gamme des couleurs s'efface devant ses yeux voilés, et les mots perdent tout leur éclat. Celui-ci. est-il rose, celui-là vert, cet autre jaune? Il tente vainement de les reconnaître.

Bientôt, sous l'effet d'une baguette magique invisible, il'les voit s'ordonner en phrases décousues, funambulesques, danser, courir sur leurs pattes de fourmis ; il les entend bourdonner comme une ruche.

Alors, il reste stupide devant les instruments de son supplice : l'encrier de bronze où il pourrait se noyer, la plume d'oie à barbe blanche qui va infailliblement lui percer l'oeil de sa flèche empoisonnée, le buvard hypocrite toujours pressé de connaître ses moindres secrets.

Puis, oubliant l'heure et sentant que la folie le guette, tandis que son inspiratrice, la Lune, se cache derrière un nuage et rit jaune, le poète lunatique s'endort les yeux grands ouverts et hagards.

A. LÉO NETOU.

Le dernier Amour de la Marquise

(Légende d'Oreix, près Arnac-la-Poste) (1)

Alors tu l'épouses ?

Oui, maîtresse, avec votre permission.

Ma permission ? Et si je te la refusais ma permission ?

Dam ! Dam ! Maîtresse.

Tu t'en passerais hein.?

Oh maîtresse, je

Tu es un benet, ne t'excuses pas, tous les amoureux en feraient de même à ta place.

Donc tu vas m'abandonner ?

Oh! maîtresse/

Oh ! maîtresse ! Oh! maîtresse ! n'est pas une réponse.

Mais passons. Enfin que comptes-tu devenir ?

Je... je n'en sais rien.

Le château d'Oreix

Tu n'en sais rien. Jobard va? Alors, c'est moi qui dois te l'apprendre... Ma foi tu mériterais bien que je t'abandonne à ta sottise... Pourtant je n'en ferai rien. Donc viens me voir après les épousailles, tu me présenteras là tourterelle, et que je sois damnée, si je ne vous trouve pas une place où vous serez si bien ensemble que jamais vous ne voudrez la quitter.

Sur ces mots, riant de son rire de crécelle, la vieille marquise Yolande d'Oreix congédia le petit Guillaumet Nardon qui, saluant très bas, s'esquiva avec la prestesse d'une souris trompant la vigilance d'un chat qui s'en amuse. Soudain le rire de la châtelaine s'éteignit dans un rictus cruel de sa bouche édentée, et fermant lentement ses prunelles, elle parut s'abîmer dans une méditation profonde. Disons-le de suite pour l'intelligence de ce

(1) Du château d'Oreix, situé à 3 k. d'Arnac, il ne Reste plus qu'une partie du corps de logis entre deux tours découronnées. D'après la savant monographie du canton de Saint-Sulpice-les-Feui!les, par M. Drouault, Oreix était un ancien fief appartenant aux Brachet, il passa ensuite aux Floret, de la Souterraine, aux Chapelet et aux Delanneau. Aujourd'hui le château est désigné sous le nom d'Oreix-Montaudon et il appartient à M. Leblanc, qui a fait construire une maison moderne à côté.


LlMOGES-ILLUSTRE

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récit, la marquise d'Oreix du Magnaud,: comptait, en dépit de ses, soixante-dix ans, parmi celles qui se.refusent à désarmer. Elle avait eu trois maris, nul n'eut pu fixer le chiffre de ses amants.. elle toute la première insinuait les mauvaises langues, aussi d'innombrables histoires circulaient-elles à son sujet. Il y en avait de drôles, de. poétiquement romanesques, de dramatiques à l'excès, de tragiques on ne peut plus. A.en croire les populations d'Arnac et de Labussière, sans omettre Lézat, les oubliettes du castel regorgaient de victimes, dont le. seul crime avait été de méconnaître les charmes de l'ardente châtelaine.

Or, Guillaumet, dont nous venons d'ouïr l'entretien, outre ses fonctions de second jardinier, aidait encore de toute sa jeunesse, prétendait-on, la vieille Marquise à supporter la solitude et à oublier quelques fois la pesanteur de ses vieux, ans. En tous cas l'on ne pouvait taxer la dame de mauvais goût, car le jeune: homme, avec ses cheveux blonds tombant sur ses épaules en boucles soyeuses, ses yeux bleus, son épiderme fine comme celle d'une jolie fille et sa taille souple et bien découplée, faisait soupirer maintes pastourelles dont les petits coeurs palpitaient d'un délicieux émoi quand le beau gars leur frôlait le corsage en traversant le bal aux jours des assemblées. C'était parmi elles à qui l'aguicherait et obtiendrait le privilège d'une bourrée dansée en sa compagnie.Mais dédaigneux ou inconscient de ses avances, Guillaumet Nardon allait son chemin sans s'attarder- à droite ni à gauche; ce qui.faisait jaser les villageois et surtout les braves commères en mal de filles à marier.

— C'est la vieille qui l'accapare, répétait-on.

— Elle l'a embarbouillé avec des philtres,..

— On dit que ça contient du sang d'enfant...?. - . — Parlez pas d'ça, le malin seul sait la recette.

— L'affreuse sangsue ! l'horrible sorcière !

— A cet âge,.n'est-ce. pas malheureux,,

— Pauvre Guillaumet?

— Chut! si on entendait!

Ainsi s'exhalaient à mi-voix les impressions des ribauds et ribaudes lorsque le jeune homme venait à se montrer sur la place du village

Le lecteur comprendra après ce préambule la mauvaise humeu. de la - vieille marquise à l'annonce du mariage de son ultime favori avec la gente Régine, fille de Jehan Caubert, le riche forgeron du Magnaud.

Soudain elle s'arracha à ses réflexions, se prit à rire à nouveau de son rire grinçant de fée mauvaise, et, se dressant, elle frappa le plancher de sa béquille.

Ah ! Ah ! nous verrons... Nous verrons bien grommela-t-elle.

Durant ce temps, Guillaumet près de Régine, sa jolie fiancée, formait mille projets « pour après leur mariage », les agrémentant de tous les caprices de son imagination juvénile, la seule richesse qu'il apportât en dot; richesse qui avait.sans nul doute sa valeur, bien que maître Cocribus le tabellion royal ne l'ait pas jugée digne de figurer au contrat entre la maie, le.bois de lit, le coussin, la couette et la couverture que le forgeron et sa .femme octroyaient généreusement à leur héritière.

On touchait à la fin de mai. Les bois et les buissons s'étaient vêtus de leur vert le plus tendre; les. jacinthes et les pâquerettes donnaient aux prairies leur sourire de printemps; les champs de genêts en pleine fleur mettaient aux flancs des collines leurs tons chatoyants de vieil or sur lequel le. soleil, comme un avare endurci, se complaisait voluptueusement à. dispenser, ses plus purs rayons. Les oiseaux gazouillaient gaîment dans les ramures, et des plaines et des monts, emporté par la brise., un.parfum subtil s'épandait, semant le renouveau, la langueur et l'amour;

D'une fenêtre du castel,. la, marquise Yolande contemplait

rêveuse l'horizon, arrêtant particulièrement son regard sur l'entrée de la sente conduisant du manoir à l'étang. Ses yeux lançaient des éclairs; ses dernières dents s'entrechoquaient, rageuses, au risque de se briser ; sa béquille, d'un geste saccadé, heurtait le bois du plancher avec des trémoli qui mettaient la terreur dans l'âme des rats et des souris réfugiés sous ses plateaux vermoulus. La dame d'Oreix était dans l'un de ses plus mauvais jours. Soudain, les accords de la cornemuse et de la vielle, accompagnés de refrains clamés à pleine voix, frappèrent ses oreilles. Sa fureur sembla.s'accroître et, se retournant avec vivacité, elle examina circulairement la pièce. Son regard s'arrêta sur l'une des rosaces qui se dessinait à quelques mètres de là Elle s'en rapprocha vivement, l'effleura de la pointe de sa chaussure, et une trappe glissant silencieuse et terrible dégagea au centre de la salle l'orifice d'une sorte de puits d'où s'exhalait une odeur empuantie d'humidité et de miasmes sinistrement fétides. Là marquise ouvrit et referma l'oubliette à trois reprises différentes, et quand elle se fut assurée de la fidélité du déclic, elle installa; soigneusement sur l'ouverture du gouffre deux escabelles dont l'apparence humble et timide contrastait de la façon la plus étrange avec le rôle affreux qu'elles étaient destinées à jouer.

Le château d'Oreix

« Attends Guillaumet... je t'apprendrai, petite pécore.» Et la châtelaine se laissa tomber dans le grand fauteuil qu'elle achevait de tramer à proximité de la rosace fatale.

En cet instant la musique et les chants montaient plus vifs et plus joyeux. La noce, Guillaumet et Régine en tête, après les musiciens, pénétrait dans la cour, entonnant la romance encore à la mode dans nos campagnes

Vous n'irez plus au bal,

Madam' la mariée, Danser au pré banal,

Aux jours de l'assemblée..

Vous gard'rez les poupons Pendant qu' les autr'iront.

Et, mélancoliques comme un écho, la cornemuse et la vielle reprenaient l'air de la chanson.

«Ah! ah! les poupons! Ah! Guillaumet ! Ah! Guillaumette! Ah! ah ! ricana.l'horrible mégère... Ah!.si vous vous dourtiez de là splendide chambre nuptiale qui vousest réservée, Ah! ah! ah! personne ne vous y dérangera... Ah! ah! des scrapauds, des couleuvres et des rats vous y porteront la rôtie (1).., Ah ! ah!

(1) Tranches de pain grillé accompagnées de vin chaud qu'au bon bon vieux temps on portait aux mariés en grande cérémonie dès qu'ils étaient retirés dans leur chambre. ....


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LIMOGES-ILLUSTRÉ

ah! Guillaumet! Ah! ah! ah! Guillaumette! j'en rirai toute ma vie... Ah! ah! ah!... » Son accès d'hilarité s'éteignit dans une quinte de toux qui la laissa plusieurs minutes au sein d'une prostration voisinant la syncope. Qui l'eut vue alors l'aurait crue prête à rendre l'âme; mais elle se. remit peu à peu et atten dit l'introduction des deux nouveaux époux.

C'est sur ces entrefaites que le vieil intendant Médard Maduraud heurta l'huis pour demander la permission d'introduire les nouveaux mariés. La marquise Yolande acquiesça d'un signe de tête et se replongea dans l'immobilité dont elle s'était un instant arrachée. Guillaumet et Régine entrèrent. Les yeux de la vieille dame clignotèrent et, répondant à leurs saluts d'un petit geste sec, leur fit signe de prendre place sur les escabelles préparées à leur intention. Lors, avisant une énorme gerbe de fleurs entre les mains de Régine, elle interrogea :

— Pour qui ce beau bouquet?

La jeune fille, intimidée par le ton et le regard dur de son interlocuteur, balbutia une réponse inintelligible. Guillaumet, plus hardi, vint à son secours.

— C'est une idée à elle, Madame la Marquise. Elle a pensé comme ça que nous étions trop pauvres pour vous offrir un cadeau digne de vous et, sauf votre respect, elle a jugé que des fleurs seraient plus à votre convenance que tout le reste... »

Guillaumet dit tout cela d'une traite en fixant le sol et tournant avec embarras son bonnet dans ses doigts. Régine rougit plus fort et regarda son mari dont l'éloquence la remplissait d'admiration.

La châtelaine, durant cette tirade, promenait nerveusement son pied autour de la rosace, qui semblait l'hypnotiser...

Enfin, elle répondit qu'en effet, cette attention lui plaisait particulièrement et qu'elle en savait beaucoup de gré à celle qui en était l'inspiratrice.

« Les fleurs sont très belles, termina-t-elle, et le bouquet est formé avec un goût que je ne saurais trop louer. »

Les yeux de la suzeraine, papillotant de la façon la plus étrange, se portaient successivement de l'un à l'autre comme s'ils eussent voulu pénétrer jusqu'au fond de leurs âmes;

— Alors, vous êtes heureux"? ajouta-t-elle.

— Oh. certes ! firent-ils ensemble.

Le pied de la marquise s'éloigna quelque peu du bouton

homicide.

— Mais vous n'avez pas un rouge liard pour vous mettre en

ménage ?

— Oh! Madame la Marquise, nous nous aimons tellement que nous n'avons pas le loisir de songer à ces choses.

— Enfants, soupira la dame en retirant à nouveau son pied qui tremblait légèrement, et puis, continua-t-elle, n'y a-t-il pas un brin d'affection pour moi Guillaumet ?

— Guillaumet vous aime bien, Madame la Marquise, car vous avez été si bonne pour lui ! interrompit vivement la jeune femme.

— Et toi ?

— Oh! moi, je fais comme Guillaumet, car désormais nous partageons tout... Monsieur le Curé nous le recommandait encore ce matin en nous mariant...

Là terrible Marquise s'était dressée sur ce mot, et plus émue qu'elle ne le voulait paraître, attirant dans ses bras la jouvencelle, se tourna vers le jeune homme :

- Te plairait-il, Guillaumet, prononça-t-elle, d'être désormais adjoint à maître Maduraud pour le suppléer dans ses fonctions d'intendant de mes terres. Il devient lourd et se fatigue vite... et plus tard qui sait?

Guillaumet, ne trouvant point de mots, se précipita aux genoux de la Marquise dont-il baisa avec effusion les mains parcheminées.

— Et toi, ma mie, refuserais-tu de demeurer, au castel près de ton mari, et de me soigner durant les rares jours qui me restent à passer sur la terre?

— Oh ! Madame la Marquise ? Et déjà Régine imitait Guillaumet.

— Allons, mes enfants, acheva la douairière, relevez-vous et allez rejoindre vos parents et amis, et après les noces, je compte sur vous?

Moitié pleurant, moitié riant, les amoureux quittèrent leur suzeraine.

Comme le vieil intendant arrivait prendre les ordres de sa maîtresse, celle-ci fit béer brusquement l'oubliette.

— Tu connais ça? lui jeta-t-elle.

— Certes, Madame la Marquise ! balbutia le vieillard en pâlissant.

— Eh bien ! Médard, fais en sorte que ce soit la dernière fois qu'elle ait son bâillement... et maintenant régale ces braves gens et tout le personnel du château... surtout n'épargne rien! Je veux qu'en ce jour tout le monde soit heureux et bénisse la suzeraine de ce domaine.

Le vieux serviteur n'en croyait ses yeux ni ses oreilles... Il ne retrouvait plus sa maîtresse, mais sans manifester son étonnement, néanmoins, il salua et s'en fut exécuter les ordres qu'il venait de recevoir.

Quelques heures après, toute la noce, copieusement abreuvée, s'éloignait du castel, acclamant la Marquise Yolande. Cette dernière, respirant le bouquet de Régine, soupirait :

— Il est bon certes d'être aimée parce que l'on est belle, mais il est encore meilleur dé l'être parce que l'on est bonne.

Un rayon de soleil baignant soudain la croisée s'irisa doucement sur la gerbe de fleurs que tenait la châtelaine. Un sourire de bonheur s'épandit sur ses traits, il lui semblait qu'un nouveau printemps pénétrait dans son coeur.

La Souterraine, le 23 février 1906.

André MONTAUDON.

LES RUBRIQUES DU HÉRISSON

Percepteurs

Dédié exclusivement aux détritus des cuisines politiques

Aujourd'hui notre pauvre monde est atteint, à tous les degrés de l'échelle sociale, de cette terrible maladie qui s'appelle l'exigence. A tel point qu'on se pourrait poser la question suivante : Du malheureux qui demande du pain, du politicien qui veutune sinécure, ou du sinécurien qui réclame mieux que le superflu, quel est celui qui se croit le plus digne d'être écouté? J'ajouterais presque une autre question : Et quel est le plus écouté des trois ?

Ceux qui disposent de la corbeille d'abondance tiennent ce raisonnement qui est la réponse :

Du pain il en faut trop, il n'y en a pas pour tout le monde; à ceux qui ont faim de montrer patte blanche ou patte rouge suivant l'époque. Des sinécures il en faut moins, elles sont pour nos sbires. Le superflu, nous le gardons pour nous, nos fils et nos créatures.

N'est-il pas comique de voir la caste des fonctionnaires, la plus favorisée, se.grouper et réclamer l'amélioration de son sort

Vous savez tous que (à part ceux qui sont abonnés à cet esti-


LIMOGES-ILLUSTRÉ

2157

niable journal) les percepteurs n'ont rien à faire, ou que leur travail est d'une simplicité tellement remarquable, qu'on a choisi cette fonction pour caser les « fils à papa » ratés dont les aptitudes ne donnent aucun espoir. Une grande partie cependant est recrutée parmi quelques vieux fonctionnaires méritants et les anciens militaires, à cela rien que de parfait! Et du reste ceux-ci et ceux-là sont les plus satisfaits et les moins exigeants assurément parce qu'eux seuls ont du mérite.

Eh bien, ces braves gens qui sont très grassement rétribués pour ne rien faire, demandent encore, dans de solennels congrès, des améliorations à leur triste sort !

Voyons, les larmes ne jaillissent-elles pas de vos paupières sous la pression d'une pitié intense, à l'idée de tant de détresse!

Mais j'y pense : Dans chaque canton il y a un chef cantonnier, celui-là se lève chaque matin au jour, court par monts et par vaux, fait un travail qui exige des connaissances pratiques et techniques, bien supérieures à celles de son opulent voisin, le percepteur; eh bien que diriez-vous si à ses maigres appointements on retranchait 3 ou 400 francs par an pour les reporter au compte de l'agent du fisc! Peut-être MM. les Congressistes de la perception n'y ont-ils pas pensé! Et puis, il y a encore les facteurs, les employés des postes qui s'injectent petit à petit le virus de l'hydrophobie derrière leur cage toujours encombrée d'une clientèle hargneuse, il y a aussi les instituteurs, les gardes champêtres et autres séquelles de budgétivores qui n'ont pas besoin de vivre aussi copieusement que MM. les Percepteurs; on pourrait peut-être leur faire également subir l'amputation de quelques louis au profit de ces courageux fonctionnaires.

Quand on songe que j'ai entendu dire par un particulier haut placé dans les finances, que l'emploi de percepteur dans un chef-lieu de canton serait suffisamment payé, vu le travail fourni, avec mille à deux mille francs, suivant les classes, et avec trois ou quatre mille dans les centres importants !

Oh ! le vilain Monsieur qui voudrait supprimer les « habanos puros » aux braves travailleurs de la Quittance !

JOLU.

Le Gendre du « Colon... »

J'arrivais au régiment sans enthousiasme, mais sans rancoeur, J'entrai au jour dit à la caserne, comme l'année précédente dans la cour de la Faculté, à l'issue de vacances reposantes. Je fus « enchambré » comme le premier venu; pourtant une faveur d'étudiant licencié me faisait une place à part, quant à la durée du service seulement. Car la douzaine de « bleus » que nous étions dans la « carrée » me semblaient d'une intellectualité audessus de la moyenne. Comme chacun d'eux, je fis mon service, lequel n'aurait su me placer au rang des bons soldats. J'étais simplement ponctuel. Obligé de suivre le peloton spécial, j'y fis la figure de tout le monde, et, comme les autres dispensés, j'étudiais ma théorie pour ne pas me singulariser et la savoir au moment précis. En dehors des heures mathématiquement arrêtées de théorie et de pratique, je ne faisais rien ou plutôt je me distrayais tout bonnement.

La garnison était dans une jolie petite sous-préfecture dont elle était le nerf du commerce.

Une dizaine de sorties consécutives après la soupe, trois ou quatre dimanches de douze heures de flânerie, et je possédais,

dans l'oeil, tous les charmes du lieu et des environs, voire les curiosités archéologiques recueillies par les chercheurs et enchâssées — toutes, peut-être — dans les vitrines d'une demi-douzaine d'apothicaires.

Décidé, bien avant mon arrivée, à ne rien faire en dehors du devoir strict, j'avais pris la ferme résolution de n'ouvrir aucun livre, de ne lire autre chose que mon quotidien de Paris, afin de me reposer du surmenage scolaire, de me retremper pour la lutte à venir. Je m'étais simplement promis d'emporter de mon séjour à la caserne un album de « types » qui, à défaut d'autres souvenirs, me parlerait de l'acquit de ma dette nationale.

Les ficelles et autres trucs connus; l'application des habitudes imposées par le règlement devenue familière et formant le lest des connaissances rudimentaires que ne saurait ignorer le troupier dès son incorporation, je me mis... en vacances.

Je commençai par une étude en buste, puis une charge sur mon « tampon », auquel j'avais beaucoup de reconnaissance pour la bonne volonté qu'il avait apportée à mon éducation.

La chambrée en fut épatée. La pochade coloriée que je tirais peu après de la h... tête d'une bonne bille — « bleu » comme moi, mais moins bien loti pour la physique — me sacra grand... caricaturiste. L'enthousiasme des copains eût fait baver de rage l'oncle Poulbot, auquel je suis redevable de mon petit talent d'amateur. A. lui aussi, le cher grand homme, je suis bien reconnaissant pour ce talent si gentiment développé en moi. Cependant, il a failli — le talent — me jouer plus d'un mauvais tour. Mais n'anticipons pas...

Mon champ d'action dut sortir de la chambrée pour ne point faire de jaloux, chacun voulant poser devant mon crayon, et tout le monde n'offrant pas les... mêmes titres. Je le transportai donc dans la cour du quartier, toute inondée des derniers rayons du soleil d'automne. Je plaçai mon atelier sous une double rangée de tilleuls, dont le feuillage se teintait délicieusement de bronze et d'or. Les sujets !... au hasard...

Le. premier, et dont la « trompette » avait déjà attiré mon attention, fut l'adjudant du bataillon. Fils de quelque honnête cultivateur poitevin, il réunissait d'assez près le type du sousofficier moderne.

D'aspect bon enfant, correct sans trop de morgue, toujours « tiré » à en faire voir la corde du drap qui s'élime; ni grand ni petit, pris aux épaules comme un boeuf limousin, allant dans deux énormes brodequins, tout tourmentés par les stigmates de sabots en bois, comme à la gouge, faisant pendant à la tête, comparable à une ébauche où tous les coups de pouce de l'artiste se marquent encore. Il m'avait plu par des contrastes que je ne voyais pas, que je soupçonnais plutôt.

Je le réussis à merveille.

Le lendemain, après l'exercice du soir, je descendis dans la cour, mes outils sous le. bras.

Quelle veine! L'adjudant, roide comme un pieu, écoutait le fort loquace commandant Potiron. Quel tableau j'avais là !

En partie dissimulé par un tilleul, je me mis vivement à l'oeuvre.

— Pas mal ! Joli crayon !

— Mon colon... balbutiai-je. médusé, me laissant dessaisir de mon album.

Deux minutes d'examen, aillant pour m'interroger, et :

— Voudriez-vous donner des leçons à Mlle de Casernes? pour— suivit-il. Vous viendrez deux heures chaque après-midi. Je parlerai à votre capitaine pour l'exemption de la séance. du soir... Continuer,

Le moyen de refuser !

Le lendemain, à l'heure dite, j'étais introduit


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Salon splendide. Madame et Mademoiselle — la soeur aînée et sa cadette — brunes piquantes, d'une grande beauté. Accueil marqué par la situation, mais bienveillant.

Le colonel éclipsé, ces dames m'introduisaient dans un boudoir plutôt ample, parfumé, « bibeloté » avec un goût exquis, digne récep table des premiers essais ailés, des doux pensers de la jolie colombe qui en était bien le plus gracieux ornement.

Madame aida Mademoiselle à me montrer les dessins de genres variés accrochés discrètement par ci par là, entassés dans un grand carton armorié. Examen d'une demi-heure, puis Madame, prenant un travail de broderie, allait s'installer dans un coin, alors que nous nous placions bien en lumière au milieu de la pièce et commencions bravement la copie d'une tête quelconque de bourgeois du XVIe siècle.

Au bout d'un mois de ce professorat — un siècle de supplice de Tantale que ma jeunesse n'aurait su plus longtemps supporter, je lâchais les crayons. Sur les conseils de mon ancien je « prenais » une foulure au poignet qu'il drogua lui-même pour y mieux faire croire.

Considéré comme le protégé du colonel, il ne me fut pas difficile de me passer de la visite pour « tirer au flanc » sans risque. Très respectueux des convenances, j'avais fait prévenir le colonel, lequel fit régulièrement prendre de mes nouvelles par son secrétaire, surtout lorsque le major s'en fut mêlé. Bref, je flânais ainsi depuis une quinzaine, dessinant à la dérobée, lorsque, visitant les bâtiments, le colonel demanda à me voir.

Naturellement je fus invité à reprendre mon cours. Je me risquai. J'eus beau lui dire, avec force circonlocution que je n'avais plus rien à apprendre à Mademoiselle, il ne voulut rien savoir.

Qu'eussiez-vous fait à ma place?...

Le lendemain, quoique jour de réception de Madame la Colonelle, Mademoiselle attendait son professeur dans son atelier.

« Et ce bobo, Monsieur le militaire », s'enquit-elle d'un ton légèrement persifleur, après une nutation de tête charmante.

— A peu près guéri, Mademoiselle.

— Ce n'est pas bien à vous, de m'avoir fait perdre autant de leçons : si vous ne pouviez dessiner, vous pouviez toujours surveiller mon travail, me conseiller.

— Mes parents tiennent à ce que vous veniez tous les jours, m'entendez-vous?

— Je vous écoute pour le moins, Mademoiselle.

— Autant qu'eux j'y tiens et vous invite à venir très exactement, sauf le dimanche.

Bigre ! Seule une querelle d'allemand pouvait me tirer de l'embarras, de l'enfer, où j'étais journellement placé... entre Madame et Mademoiselle.

— Mademoiselle, je ne suis qu'un simple troupier, fis-je doucement, et vous me faites l'honneur de me parler comme si j'étais un professionnel, comme si j'étais au cachet...

—/Comment ! Vous dites?... Mais, Monsieur, je ne connais pas vos conditions avec mon père, soyez assuré pourtant que vos leçons vous seront largement payées.

— Moi, me payer ? Vous n'y songez pas, Mademoiselle ! Je ne suis pas assez artiste pour donner des leçons payantes. D'abord, soldat, je suis trop libre pour être ici un serviteur, et, manquant de prestige, pas assez pour être un professeur.

— Vous ne me comprenez pas... — Pardon, Mademoiselle et je me comprends. Permettez-moi de vous tirer ma révérence, de déposer à vos pieds mes respectueux hommages.

Et je sortais, poussant un soupir de soulagement...

Le lendemain je fus appelé au rapport. Quelles proportions avait prises mon affaire ?

Le rapport terminé, le colonel me prit à part.

« Qu'est-ce que c'est que ces manières, m'aborda-t-il, calme ; vous ne voulez pas être payé de vos leçons et pour cela vous les cesser !... »

Et le voilà parti, me douchant paternellement cinq bonnes minutes.

« Allons, conclut-il, ce soir même vous reprendrez vos leçons chez M. de Casernos, car ce n'est pas le colonel qui vous parle, qui réclame le concours de votre talent, mais M. de Casernos. Allez; si vous comptez n'être pas payé, vous ne le serez pas, et si vous n'y comptez pas, vous le serez. Très spirituel, le colon... Il ne croyait point si bien dire.

Le soir, vraiment embarrassé, j'entrais dans l' « antre de la tentation » si bien faite pour être un éden, et fus plus encore embarrassé d'y trouver Mademoiselle seule, déjà installée au travail, pâle comme un suaire.

Mauvaise leçon; mais quel délicieux et émotionnant silence y présidait !

A partir de ce jour, cinq fois sur huit au moins, nos séances — Oh ! combien changées ! furent en tête-à-tête, et combien agréables !

Six mois et onze jours de présence au corps, et j'étais nommé caporal. Mes humbles baguettes cousues par les blanches mains de Mlle Hélène furent arrosées d'un thé exquis. Tout était ainsi du reste depuis longtemps chez le colonel.

Dispensé sur ma demande, des manoeuvres de tir de combat, ma famille ayant écrit au colonel pour me faire obtenir une permission de huit jours durant cette période, M. de Casernos m'envoya, de la troisième étape, une permission en règle.

Il fallut m'exécuter, et c'était m'exécuter deux fois, tiraillé que j'étais par deux joies bien différentes.;.

Cinq jours après mon départ, je recevais un petit bleu : no pouvant mieux faire, trop isolée, Mlle de Casernos partait, elle aussi en pérégrination... et venait me rejoindre.

Je la cachais de mon mieux; elle me retint si bien du sien, que trois heures plus tard j'aurais été porté déserteur à l'intérieur.

En quittant subrepticement sa mère. Mlle de Casernos avait eu le soin de la prévenir qu'elle entrerait tel jour et à telle heure — elle connaissait le règlement militaire — de n'avoir pas à s'inquiéter d'elle, de cacher son départ, afin d'éviter tout scandale.

Elle fut exacte et fit plus. Elle plaida si bien la cause de son professeur qu'elle fit adoucir les rigueurs de la prison où, comme de juste, j'avais été « bloqué » en rentrant au quartier; je profitais l'un des premiers de la loi de sursis appliquée aux militaires. Enfin deux mois après avoir quitté l'uniforme, je devenais légalement l'époux de Mlle Hélène, partant le gendre de ce brave M. de Casernos que je vénère à l'égal de mon cher père.

Pour copie conforme : E. de RAVERLAS.

LIA

■ Lia est blonde, de ce blond qui a des teintes dorées, des reflets délicieux, de ce blond qui fait rêver aux épis mûrs dans la saison d'automne. Lia est grande, svelte, bien prise, son corps supporte une tête idéale où l'innocence s'y lit comme la beauté.


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Lia est très belle et semble l'ignorer : sa vue l'ait du bien et repose; elle aime la nature passionnément et fuit le monde. Elle parle aux sources et aux arbres, les sources et les arbres semblent prendre une voix pour lui répondre.

Si en joyeuse assemblée ses compagnes lui font signe de s'unir à leurs jeux, Lia les suit, mais elle souffre.

Tel un lys soucieux de sa blancheur qui craint de ternir au soleil l'immaculé de ses pétales.

Lia s'enivre au gazouillis des oiseaux et mêle sa voix à leurs voix.

Qu'il est doux le chant de la belle jeune fille ! Il est si ravissant qu'on en jouit avec elle. Il dit : « Dieu n'a rien fait de beau ici-bas sans y mettre un peu de Lui-même : les fleurs ont une âme qui parle, et cette âme sent bon. »

Tandis qu'elle chante, l'air est embaumé de parfums multiples dont la combinaison est exquise, l'herbe humide encore de rosée couvre la terre d'un vert étrange, d'un vert taché çà et là d'oeillets roses et de pâquerettes blanches. Le ciel bleu se repeint

dans l'onde limpide et la rend bleue Lia, émue, regarde le

ciel

Le Seigneur, jouissant de cette âme pure, interrompt le chant de ses anges pour l'écouter.

Les anges, étonnés d'entendre une aussi belle voix sur terre, la demandent au Seigneur.

Lia continue sa chanson, la brise tiède fait frissonner les hêtres et, comme eux, Lia frissonne; elle donne une partie de son pain aux chantres divins et sourit de les voir se débattre.

Souris, ô. vierge naïve ! ton sourire révèle une âme grande. Il la révèle dans son innocence, dans sa pureté, il la révèle puissante parce qu'elle croit, heureuse parce qu'elle sent.

Quand, par les soirs d'été, Lia se baigne dans les eaux fiévreuse, ses belles épaules s'y repeignent frissonnantes, sa chevelure opulente lui tresse un manteau d'or. Elle taquine de sa main menue les nénuphars effrontés qui se trouvent sur son passage et s'en pare Lia aime l'onde tiède.

Cependant, la saison clémente n'est pas éternelle, il est un temps où les feuilles, longtemps anémiées sur les arbres, tombent et se cuivrent : ce temps est arrivé, aussi Lia est triste et ne sort plus : la Beauté fraîche comme une brise d'automne s'est chlorosée fiévreuse. Dehors, l'haleine subtile où dormaient tant de parfums s'est changée en un vent cruel qui balaye les petites

feuilles Lia tousse. Borée a soufflé sur les fleurs blanches et

leurs pétales se sont envolés. Le Seigneur, de même que Borée, semble vouloir souffler sur Lia pour en détacher son âme.

Les oiseaux qui aimaient la jeune fille viennent nombreux expirer sur sa fenêtre, où ils n'ont pas trouvé de pain. La taille de Lia s'est amincie et ses joues sont creuses. C'est.une rose tardive qui se fane.

Alors, le Seigneur dit aux anges : « Laissez Lia survivre un

jour aux fleurs, laissez-la pleurer les oiseaux sans vie. .le vous la

promets pour vos concerts, mais attendez la saison triste. Quand

Lia verra les fleurs desséchées, elle se desséchera comme

elles ».

La saison triste est venue... et Lia comprend... Elle mutine les dernières petites feuilles, leur disant qu'elle passera avant elles; elle gronde le soleil de l'avoir abandonnée, et, en âme sublime, regarde là-haut...

Je suis certaine que Dieu lui sourit et qu'elle le voit. Je suis certaine que les anges lui tendent les bras et l'appellent... Entendez-vous?

Entendez-vous? leur répond. Elle chante doucement, d'une voix épuisée qui fait mal ; sa chanson est un cantique pieux.

Tandis qu'elle prie, soudainement une rafale fait gémir les peupliers et soulève des masses neigeuses. Lia, très pâle, tremble... Sa tête, délicieusement blonde, se balance un instant et tombe... Ses yeux hagards deviennent fixes, d'une fixité inouïe; ses mains osseuses se joignent et, réunissent toutes les forces de ses vingt ans flétris, en extase, elle murmure... Dieu !... Elle lutte un instant.., sa tête livide tombe sur l'oreiller blanc!...

Petits oiseaux, pleurez, votre soeur n'est plus!...

En vain elle vient d'implorer les chauds rayons pour ranimer ses membres engourdis !

Mais voilà que le soleil, en astre qui se sent coupable, viole la loi des saisons et se montre éclatant; la neige fond rapidement sous son passage, mais sous la neige les arbres sont des spectres et les fleurs ne sont plus!... Un vent tiède se berce à la fenêtre de la morte; un fouillis d'oiseaux survivants à la froidure vient lui chanter un refrain triste... Un instant la nature se réveille comme pour un jour de fête... Hélas !... il est trop tard !... Indiscret, le soleil a lancé un rayon sur le lit de Lia. Lia est immobile, elle ne chante pas !... Petits oiseaux, vous ne l'éveillerez plus votre soeur... elle est morte!...

Petites fleurs, montrez-vous nombreuses au renouveau prochain; vous ornerez sa tombe!... Le Seigneur a soufflé sur votre amie de son souffle divin et son âme s'est envolée... Petites fleurs, vous ne la verrez plus... elle est morte...

Alors, voyant qu'il est trop tard et qu'elle ne peut rien faire, la nature redevient morne et le vent siffle terrible... Phoebus disparaît pour laisser place à un air de glace, les eaux se rident et les saules plient.

Dans la chambre de Lia, il y a des fleurs qui ne sont pas fanées, des fleurs sans âme; mais elle tient un crucifix qui lui parle...

Une femme en noir s'abîme dans la douleur... c'est la mère... plaignez-la...

Mais ne plaignez pas la jeune fille à l'opulente chevelure... Oh ! ne la plaignez pas!... Dieu l'avait trouvée trop belle, trop blanche, et, par pitié pour sa beauté, par crainte pour sa blancheur, en a orné son divin parterre. Le Seigneur a trouvé sa voix douce et l'a mêlée à celle de ses anges... ne plaignez pas Lia... elle est heureuse...

Si par caprice elle désire revoir la nature qu'elle a tant aimée, elle se glisse sur un rayon de soleil... Lé soir, elle se fait étoile.

Ne me demandez plus pourquoi je fixe le firmament et y cherche quelque chose.

Je cherche l'étoile d'or et ne la trouve pas... Sans doute Lia jouit d'une extase plus douce encore que celle dont elle jouissait sur terre.

Petite étoile, blanche fleur, puissent nos âmes se rencontrer un jour... ô toi qui fus si pure!...

ENOMIS.

FEUILLE DE CHOU

L'Attentat de Madrid

Moi qui suis un grand penseur, je suis assailli, à l'occasion des évènements les plus futiles, par un tas de réflexions que je veux bien condescendre à vous communiquer pour une fois en ce qui concerne l'attentat de Madrid.


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Vous tous, cousins et cousines, qui avez laterrible habitude de lire les journaux (je n'écris pas cela pour Limoges Illustré, que l'on ne lit pas assez à mon avis — 25 centimes le numéro, abonnement, 3 francs par an), vous êtes sur cette affaire aussi bien (ou aussi mal) renseigné que moi, qui n'y étais pas. Si, cédant à votre curiosité native, vous avez voulu chercher des détails sur le « geste », voici ce que vous avez trouvé entr'autres contradictions :

Ici, on lit que le roi, enfonçant d'un coup de poing la porte du véhicule, sauta au dehors, puis, entraînant la reine, la fit monter dans une voiture vide stationnant près du lieu de l'explosion" Plus loin, c'est un grand d'Espagne (j'ai songé à Pradier-Bayard) qui se précipite vers le carrosse royal, prend Alphonse XIII dans ses bras, la reine aussi, je crois, et les transporte loin du danger... qui était passé!

Après tout, qu'est-ce que cela peut nous faire que le roi soit sorti seul de sa voiture ou avec l'aide d'un seigneur? Il faut nous réjouir, avec le peuple espagnol, de ce que ce petit souverain et son épouse, qui n'ont fait de mal à personne, et ont même l'air très gentils, d'après les images, aient échappé aux conséquences d'un acte odieux et parfaitement inutile. D'abord, l'auteur de l'attentat n'aurait pu faire valoir aucun grief raisonnable contre le roi, et, l'eut-il supprimé, le peuple criait ; « Le roi est mort, vive le roi! », et rien n'était changé. Mais si ces actes manquent souvent leur but, ils font plus souvent d'innocentes victimes ; voilà bien où ressort la cruelle stupidité des attentats, dans lesquels il ne faut voir généralement que la satisfaction d'un besoin morbide chez un détraqué.

Mais dites-moi, cousins et cousines, ne trouvez-vous pas que le métier de roi devient terriblement dur? On cite les risques des ouvriers du bâtiment ; mais ils sont de la Saint-Jean comparés à ceux des souverains. Et quand je songe qu'avant d'entrer à la rédaction de Limoges Illustré j'avais l'intention de me faire proclamer quelque chose... Vous auriez eu probablement à déplorer la perte d'un grand philosophe ; la Providence m'a bien gardé.

Je me permettrai cependant de lui faire quelques observations au sujet de l'attentat de Madrid, dans lequel on a voulu la faire intervenir et où elle a joué un rôle plutôt louche. ; C'est elle, diton, qui a préservé le roi et la reine; mais remarquez que c'est elle aussi qui a permis à Morral (sans le lui commander, j'imagine) de lancer sa vilaine bombe. Si tout s'était'borné à une frousse générale, on aurait pu y voir un avertissement d'En Haut vous rappelant qu'il est imprudent de sortir dans la rue, le néant des choses humaines, la fragilité de la vie, bref, vous suscitant un tas de réflexions toutes plus salutaires les unes que les autres. Mais ce que je ne comprends pas (ni vous non plus, sans doute), c'est que la Providence, tout en.préservant Alphonse.XIII et son épouse, ait permis le trépas d'un tas de pauvres diables qui étaient là en service commandé ou en curieux. Les premiers; recevront une pension, n'en parions plus; quant aux curieux de tous les pays, je leur ; conseillerai de rester chez eux en pareille occurence, car étant donné qu'on a affaire à des fous déguisés en anarchistes, vous pourriez très bien être pris pour le roi ou la reine et alors... tableau! — Enfin, laissez donc tranquille la Providence, qui ne vous demande rien et qui n'avait rien à voir dans l'attentat de Madrid.

MARCUS.

LA BELLE COUTELIÈRE

(SUITE) Par Eugène LE ROY

Le souper fut assez silencieux. Capdefer ne paraissait pas bavard et il se bornait à répondre brièvement aux questions du bourgeois, touchant les choses et conditions du métier à Bergerac et à Nontron, où il avait travaillé. Reine, elle, était contrariée de la présence dans la famille d'un étranger dont la physionomie ne lui plaisait guère, et elle pensait à Kérado.

Le lendemain, tout en tirant son aiguille, elle le guetta de la fonêtre de la chambre au-dessus de la boutique, mais il ne parut pas.

Le surlendemain, point de Kérado. Le troisième jour, énervée, elle descendit avec son ouvrage et se mit à sa place habituelle à la coupée, afin de se dédommager en le voyant de plus près. Mais ce jour-là encore, l'employé des tabacs ne se montra pas. « Serait-il malade? se demandait Maurette, ou bien craint-il d'être remarqué en passant trop souvent? » Et elle cherchait des raisons, des explications. « Il y en a tant d'autres filles qui l'aimeraient s'il voulait! » se disait-elle en songeant aux paroles de la Marion. Dix fois le jour, elle quittait son ouvrage, montait à sa chambre, se regardait au miroir, se trouvait belle, tourniquait un instant, puis redescendait. Le quatrième jour, rien encore; ses anxiétés augmentaient et elle avait envie de pleurer. Le cinquième jour, la pauvrette n'y tint plus.

Vers cinq heures du soir, elle prit sa seille, et, au lieu de descendre directement à la porte Marinière pour aller à la fontaine des Angles, elle s'en alla passer devant le Coq Hardi et appela Toinette :

— Tu ne viens pas à la font ?

— Si... espère moi.

Et, en attendant son amie, Reine regardait distraitement l'enseigne de tôle suspendue à une potence de fer ouvragé, où le peintre avait représenté naïvement un grand coq rouge, bien crété, attaquant un serpent dressé sur sa queue...

— Tu es bien aimable de m'être venue quérir, dit Toinette en descendant le chemin de la fontaine.

— Depuis dimanche je ne t'avais vue...

— Et tu voulais avoir de mes nouvelles? ■— Hé, oui !

— Et puis de quelqu'un plus, peut-être ?

— De quelqu'un plus?

— Pardi ! ne fais pas l'innocente !

— Que veux-tu dire?

— Que tu grilles de savoir ce que fais ton Breton !

— Moi?... point!...

— Alors, je ne dis rien !

— Dis tout de même !

— Tu mériterais que je ne te dise rien, mais je suis bonne camarade... Eh bien, ma petite, il.est à faire les inventaires des plantations dans les communes... IL rentre des fois qu'il est dix heures du soir, d'autres fois point; ainsi ne te tracasse pas : c'est demain dimanche, tu le verras.

Après avoir babillé un moment à l'ombre des platanes de la fontaine, les deux jeunes filles posèrent la seille de cuivre sur leur tête et remontèrent vers la ville.


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Un peu avant d'arriver à l'endroit où le chemin de. la.fontaine rencontre, celui qui va de la porte Marinière.au Port-de-Montglat, Toinette se planta :

— Eh bien !.tu peux dire, ma belle, que tu as du bonheur !

— Et comment ça ?

— Regarde sur le chemin du Port !

Sur ce chemin s'avançait un grand garçon en veste de coutil, guêtré jusqu'aux genoux et coiffé d'un chapeau en paille de Manille. Maurette le reconnut soudain et devint rose.

— Marchons plus vite ! dit-elle.

— Pourquoi? Il te.fait peur ?

A dix pas de la porte, sous les remparts, Kérado joignit les deux amies et les salua, laissant voir son front partagé en deux par une ligne un peu oblique où le hâle s'arrêtait à la partie protégée du soleil par le chapeau. Il admirait la belle Reine, et il" avait raison, ma foi ! Grande, svelte, sa démarche aisée malgré le fardeau révélait sous une mince robe d'indienne des formes harmonieuses que le jeune homme osait à peine deviner. L'effort de la montée faisait palpiter les narines et soulevait le corsage de la petite, et sous la seille de cuivre brillant, sa figure aux lignes pures se détachait avec une beauté de statue grecque. Dans ce paysage pierreux, brûlé du soleil, au pied de ces vieux murs roux où pendait un cactus poussé dans une meurtrière obstruée, à l'ombre d'un figuier au tronc difforme qui penchait sur le chemin, n'était l'ogive de la vieille porte, on eût dit à la voir une canéphore antique à l'entrée d'une cité de l'Hellade.

Si le Breton avait été seul avec Maurette, tous deux eussent été un peu embarrassés ; heureusement Toinette était là.

— Vous revenez de bonne heure, ce soir, Monsieur Kérado !

— Oui... Après avoir couru toute la semaine, il me tardait de rentrer.

— Ça se comprend. Il fait meilleur là-haut, à l'ombre des. tilleuls de la promenade, que sur les plantations... et puis il y a la vue...

— Oui, répondit naïvement le commis des tabacs, il y a une belle vue sur la plaine et la rivière...

— Et aussi sur la rue du Grel, ajouta malicieusement Toinette.

— C'est très vrai !...

— Tous trois étaient en ce "moment arrêtés à quelques pas de la porte. En disant ces dernières paroles, Kérado regardait avec amour la belle Reine qui baissait les yeux et se troublait.

— Tenez, vous qui aimez tant le réséda, en voici, dit Toinette en en prenant un brin au corsage de son amie.

— Oh ! Toinette ! fit celle-ci.

— Ah ! merci ! dit le breton, mais je ne veux pas le prendre sans la permission de mademoiselle.Reine.

Celle-ci confuse gardait le silence.

— Qui ne dit mot consent! fit Toinette. Maintenant monsieur Kérado, passez devant, s'il vous plaît.

Et l'employé des tabacs, après un dernier regard à Maurette, s'en alla heureux avec son petit brin de réséda.

Arrivée devant sa maison, Toinette en quittant son amie lui demanda en riant :

— Faudra-t-il lui dire que t'es enquise de sa santé ?

— Oh ! ne fais pas ça ! Malgré cette défense, lorsque Kérado vint souper avec le docteur et Gaudet, Toinette lui en fit la confidence dans un coin, ce qui rendit l'amoureux si heureux qu'il n'en mangea pas, et que le lendemain il croisa tout le jour sur la promenade d'où il voyait la maison de sa belle.

Les jours ensuivants, il passa devant la boutique si souvent, que Capdefer finit par s'en donner garde. Quant à Maurette, on eût juré qu'elle ne s'en apercevait pas, mais c'eût été à tort.

Indifférente de maintien, son coeur battait bien fort lorsqu'elle oyait le pas de son amoureux qu'elle reconnaissait de loin. Mais ce fut bien autre chose lorsqu'un jour, au lieu de passer en lui jetant un coup d'oeil très amiteux, Kérado tourna court et entra dans la boutique en saluant. Elle en devint pâle et répondit par une légère inclination de tête, sans lever les yeux. — S'il vous plaît, je voudrais un couteau, dit-il à Mauret.

— Comment vous le faut-il ?

— Un bon couteau... avec un canif...

- Le chaland fut long à choisir. Il prenait successivement tous les couteaux que le patron avait portés au jour, sur le taulier. Le Breton était là tout près de Maurette qui lui tournait le dos, très occupée à sa couture. Lui, un peu penché, ouvrait et fermait les couteaux et fréquemment jetait un coup d'oeil avide sur les grosses nattes de Reine enroulées en un lourd chignon et maintenues par un peigne Ouvragé. De là, son regard coulait sur la nuque où foisonnaient des petits frisons noirs qui descendaient drus, très bas sur le cou...

De l'enclume où il forgeait une lame d'eustache, Capdefer regardait d'un mauvais oeil cet acheteur qui ne lui disait rien qui vaille. On eût dit, à.le voir, un dogue prêt à défendre le bien de son maître. Etait-il devenu amoureux de la fille de son bourgeois? Rien ne le faisait supposer. Jamais il ne lui parlait, et c'est à peine s'il la regardait d'un oeil- froid. Peut-être était-il comme le chien de l'hortolan.

Chronique Sportive

Le Stade olympique de Limoges

Les journaux de Limoges avaient annoncé qu'un « Grand gala sportif », donné par la jeune Société « Le Stade olympique », devait avoir lieu le 10 juin 1906, à 2 heures 1/2. au vélodrome du Grand-Treuil.

Marcel LALU, champion du monde gymnastique, Bordeaux 1905

Le temps était beau, un peu couvert, la chaleur était tempérée par un vent frais, ne fallait-il pas apporter un encouragement à cette jeunesse si pleine de foi et d'ardeur ? nous prîmes le chemin du vélodrome.


2162.

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Le vélodrome est, comme on le sait, admirablement placé sur le flanc d'un coteau d'où l'on a une vue superbe de la ville de Limoges. Du côté opposé, la campagne verdoyante forme un admirable cadre au tableau et repose très agréablement les yeux.

Le public n'était pas très nombreux, mais on sentait que c'était un public sympathique, tout prêt à applaudir les efforts des jeunes athlètes.

En tête du programme se trouve le portrait du directeur de la Société, M. Marcel Lalu, champion du monde gymnastique (Bordeaux 1905). Ce programme nous paraissait admirablement composé et des plus variés. Sous dix-sept numéros, nous voyions défiler des courses à pied, sauts en longueur et en hauteur, cheval avec arçon, lancement du poids, barres parallèles, barre fixe, lancement du disque, mouvements suédois, sauts à la perche et enfin courses cyclistes.

Les athlètes sont presque tous des jeunes élèves du Lycée Gay-Lussac, mais la valeur n'attend pas le.nombre des années, comme dit le poète. Ils nous l'ont montré, du reste, dans plusieurs exercices, dont ils ont exécuté les mouvements avec une précision remarquable.

A côté de ces jeunes, plusieurs gymnastes expérimentés prêtaient leur concours à cette fête.

Le professeur, M. Lalu, que nous ne connaissions pas encore, a pris part à divers exercices, et il s'est montré, comme toujours,

absolument supérieur. On l'a applaudi notamment dans le cheval avec arçon, les barres parallèles, la barre fixe, le saut à la perche, où il franchit avec la plus grande aisance 3m 50 en hauteur, et enfin le lancement du disque, au geste si puissant et si gracieux à la fois.

La course cycliste à l'américaine, 10 kilomètres, a passionné la jeunesse, qui a voulu montrer que l'on peut être à la fois fort enthèmes et pédalier endurant.

Les honneurs de cette fête ont été pour M. Beaudequin, qui a pris part à tous les exercices et a obtenu un bon rang dans chacun. La récompense consistait en une superbe plaque en biscuit représentant le sujet; d'Henri Régnaut avec la devise : Honneur — Patrie — Moralité.

Nous avons emporté de cette épreuve la meilleure impression. La Société est très bien dirigée et les élèves ne peuvent que profiter des excellentes leçons de leur maître.

UN SPECTATEUR.

Droits de reproduction et de traduction réservés.

Le Gérant : E: FUSADE.

Limoges. — Imprimerie Ducourtieux et Gout.

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Prix : 5 francs le litre

DEPOT: PHARMACIE NORMALE E. AUDOIR, Pharmacien de lre Classe

Lauréat de l'Ecole Supérieure de Paris AUBETERRE (Charente) ET DANS TOUTES LES PHARMACIES