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Titre : Les Trois règnes de la nature : lectures d'histoire naturelle / recueil publié sous la direction du Dr J.-C. Chenu

Éditeur : (Paris)

Date d'édition : 1864-03-05

Contributeur : Chenu, Jean-Charles (1808-1879). Directeur de publication

Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb412246271

Notice du catalogue : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/cb412246271/date

Type : texte

Type : publication en série imprimée

Langue : français

Langue : Français

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Description : 05 mars 1864

Description : 1864/03/05 (N10).

Droits : Consultable en ligne

Droits : Public domain

Identifiant : ark:/12148/bpt6k54137544

Source : Bibliothèque nationale de France, département Collections numérisées, 2008-62301

Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France

Date de mise en ligne : 19/01/2011

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LES TROIS RÈGNES DE LA NATURE

LECTURES D'HISTOIRE NATURELLE.

5 Mars 1864.

N° 10, — 15 centimes.

Ce Recueil paraît une fois par semaine. — On s'abonne à Paris, à la Librairie L. HACHETTE et Cie boulevard Saint-Germain, n° 77. Les abonnements se prennent du 1er de chaque mois. — Paris, six mois, 4 fr.; un an, 8 fr.—Départements, six mois, 5 fr.; un an, 10 fr.

DESCRIPTION DE LA GIRAFE. — Pourquoi elle a une si étrange conformation. — Son naturel. — Lions et Girafes. — Première apparition de cet animal en France. — Relation d'Etienne Geoffroy Saint-Hilaire. — Voyage de Marseille à Paris. — La Girafe au, Muséum. — La Girafe au. désert. —A quoi sert la Girafe. — Tète de la Girafe. — Chasse de Levaillant.

Une robe très-élégante, une taille colossale, un corps remarquable par sa brièveté, une petite tête portée sur un très-long cou, des jambes grêles, un garrot très-élevé,

une démarche majestueuse malgré sa singularité, tels sont les traits qui frappent tout d'abord lorsqu'on voit une Girafe. Mais bien que ses formes et ses proportions soient en désaccord avec ce que nos yeux sont accoutumés à considérer comme des conditions de beauté chez les animaux, on ne peut nier qu'il y ait dans cet ensemble une sorte de grâce originale. En examinant de plus près cette tête au,profil effilé, au regard si plein de douceur, dit M. Joly, de Toulouse, auquel nous empruntons une partie de cet article, on ne tarde pas à découvrir des détails d'organisation qu'on chercherait en vain chez tout autre quadrupède, et qui sont parfaitement en rapport avec les conditions d'existence que la nature a imposées à ce beau ruminant. Habitant les confins du désert, souvent obligée de chercher, dans le désert lui-même un refuge contre

ses nombreux et puissants ennemis; forcée de fuir au milieu des nuages de sable que soulève le simoun; enfin exposée sans cesse à la vive lumière d'un soleil ardent, par quels moyens la Girafe pourra-t-elle se garantir de cette lumière trop vive, de ce sable brûlant? Une membrane clignotante, plus développée que de coutume, espèce

de rideau que l'animal peut étendre à son gré sur le globe de l'oeil, préserve cet organe important. L'oeil de la Girafe est logé dans une orbite saillante et profonde; cet oeil est grand et noir ;

il est placé très-haut, et, par conséquent, peut voir de très-loin. Enfin, sa pupille transversalement fendue et les mouvements variés que ses muscles lui font exécuter le mettent en état d'apercevoir l'ennemi de quelque côté que celui-ci se dirige pour attaquer sa proie. La structure des narines n'est pas moins admirable que celle de l'organe visuel. Étroites et obliquement percées, déjà défendues par les poils qui garnissent leurs bords, elles sont, encore entourées de fibres musculaires qui les mettent à même de se fermer,entier rement et de garantir ainsi la membrane délicate qui les tapisse- contre l'action suffocante des nuages de sable. Si nous examinons la bouche, nous y, trouverons aussi bien des motifs d'admiration. La lèvre supérieure, si fort prolongée au-dessus de l'inférieure , concourt, avec, la

langue, si flexible, si allongée elle-même, à former un instrument de préhension des plus précieux pour l'animal. L'obliquité si apparente du dos ne dépend pas d'une grande différence dans la longueur des membres, ni d'une capacité thoracique plus développée, mais bien seulement d'une exagération considérable

1. — GIRAFE. Camelopardalis Giraffa. — Gmelin. 5m 50 à 6m. Nubie, Sénégambie, Afrique australe.


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des apophyses épineuses des vertèbres dorsales et des omoplates.

Mais, dira-t-on peut-être, à quoi peuvent servir ce cou si élevé, ces jambes d'une longueur si démesurée?

Destinée à vivre non pas de l'herbe des prairies, mais bien à brouter les feuilles des grands arbres, et surtout des mimosas, qui croissent dans les terres arrosées du désert, la Girafe devait être conformée de manière à pouvoir atteindre les branches de ces arbres, et elle ne pouvait le faire qu'à l'aide d'un train antérieur trèsélevé et d'un cou très-long. La nature a même voulu que cet animal pût encore augmenter sa hauteur, déjà si colossale, par la faculté de redresser sa tête perpendiculairement et d'ajouter ainsi à sa taille toute la longueur de la tète; enfin, elle a placé à l'extrémité de cette longue colonne une langue rugueuse, espèce de main qui sert à attirer les branches.

La Girafe, excitée à fuir, se presse, s'emporte, et se trouve bientôt hors de vue; mais elle ne soutient pas longtemps cet effort; ses poumons n'ont pas assez d'ampleur, malgré l'ampleur apparente do sa poitrine. Elle marche l'amble, et sa tète se balance plus ou moins rapidement d'avant en arrière sur le cou, qui joue d'une seule pièce entre les deux épaules, comme si elles lui servaient do charnière. La longueur des membres et le peu de distance qui sépare les pieds antérieurs des postérieurs no permettaient pas le mode de progression par paires diagonales des animaux à corps moins court. A chaque pas, le pied de derrière eût frappé le membre antérieur correspondant, si les extrémités n'eussent été mises en mouvement par paires latérales. Son galop n'est pas moins particulier : dans ce mouvement, qui se fait en élevant successivement les membres antérieurs et postérieurs, l'animal écarte ces derniers et les porte en avant des premiers ; de sorte qu'il y a un moment où les quatre membres sont comme croisés en X. Vientil à trotter, dit Levaillant, on croirait qu'il boite.

Le pelage de la Girafe est d'un blanc isabelle, couvert de nombreuses taches d'un brun fauve doré, presque toutes rhomboïdales, et les autres irrégulieres. La partie inférieure des membres, leur face interne et le dessous du ventre sont blancs ; la tête est blanche, avec des taches grisâtres, et le front est brun. Avec l'âge, les taches deviennent plus foncées, mais elles le sont toujours moins chez la femelle que chez le mâle, qui se distingue encore par une taille plus élevée et des cornes un peu plus longues. Ces cornes rudimentaires, couvertes de peau et de poils, ne peuvent être des armes défensives, et la Girafe n'en pourrait faire usage sans baisser la tète vers le sol, de manière à laisser tout son corps à découvert; aussi, peu confiante dans ces armes d'ornement, elle a plus souvent recours à la force de ses jarrets nerveux pour lancer des ruades vigoureuses et multipliées, et elle se sert particulièrement, dans ce but, de ses membres antérieurs.

Nous avons remarqué que la Girafe du Muséum baissait facilement et volontiers la tête à la hauteur des personnes qui l'approchaient; mais quand elle voulait

la descendre jusqu'à terre, elle était obligée d'écarter fortement les jambes de devant par un mouvement lent et mal assuré. La peau qui recouvre les cornes do la Girafe est un prolongement de celle de la tête; elle ne ressemble en rien au duvet velouté du refait des chevreuils ou des cerfs.

Les Girafes sont d'un caractère doux et craintif; elles se nourrissent do feuilles de diverses espèces de mimosas. Les herbages des prairies font aussi quelquefois partie de leurs aliments, sans qu'il leur soit nécessaire de s'agenouiller pour brouter ou pour boire, ce qu'elles ne font cependant qu'après s'être bien assurées qu'aucun danger ne les menace. Elles se couchent pour dormir ou pour ruminer, ce qui explique la callosité qu'on remarque à la région sternalo, et, dans cette position, la partie antérieure et la plus lourde do leur corps repose surtout sur les genoux, qui sont toujours couronnés. On les rencontre par petites troupes de cinq à huit individus.

Les voyageurs ont remarqué et signalé le mutisme de la Girafe, et M. Owen attribue cette absence de voix à la structure de la glotte, qui, restant toujours entr'ouverte, ne permet pas aux cordes vocales de s'appliquer l'une contre l'autre.

Ce bel animal s'est reproduit en Europe; il porto quinze mois et demi, et le petit naît assez robuste pour suivre sa mère dès la fin du premier jour.

La chair de la Girafe paraît fort estimée des sauvages africains, qui lui font une chasse souvent peu fructueuse. Avec la peau, qui est très-épaisse, ils font des boucliers, et les crins do la queue leur servent à ajuster leurs parures ou leurs armes. Les personnes qui ont pu manger de la chair des Girafes mortes en Europe prétendent qu'elle est plus tendre que celle du boeuf et plus agréable au goût que celle du veau. Quelques savants pensent que le Zenier, cité dans le Deutéronome comme étant au nombre des animaux dont la chair pouvait servir do nourriture au peuple hébreu, n'est autre chose que la Girafe; mais cette interprétation ne nous paraît pas bien fondée.

Quelques auteurs supposent qu'il existe deux espèces de Girafes : l'une habiterait l'Afrique méridionale, et l'autre la Nubie et le Sennaar; toutefois, aucune différence spécifique n'a pu être établie jusqu'ici.

La Girafe habite le désert, où elle est plus en sûreté que dans les parties boisées, qui recèlent ses ennemis les plus dangereux. Elle résiste au Lion quand elle est prévenue de son approche, mais elle devient sa victime s'il a pu la surprendre. La lutte sera courte, car la victoire sera à celui qui portera le premier coup ; si. d'un seul bond le Lion a pu sauter sur elle par derrière et la saisir au garrot , la pauvre bête se débattra quelques instants sous cette griffe puissante et tombera haletante et épuisée par une impossibilité de défense dans cette lutte trop inégale; mais si, pendant un seul instant, les deux champions ont pu se regarder face à face, la Girafe saura calculer l'élan du Lion, et, concentrant toute sa puissance musculaire dans le jet accéléré et subit de ses jambes


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de devant, elle étendra mort sur la place le roi de la forêt, assommé par la violence d'un coup de ses sabots.

Pendant plus de trois siècles, on n'avait pas vu de Girafes vivantes en Europe, et les dépouilles môme de ce bel animal étaient une rareté dans les musées. Des relations d'amitié établies avec le pacha d'Egypte ont permis à plusieurs grandes ménageries d'Europe de recevoir, depuis environ trente ans, quelques-uns de ces géants du désert, et aux savants de mieux les étudier et de constater les erreurs commises par la plupart des auteurs.

L'examen de plusieurs tètes osseuses de divers âges a permis de reconnaître le mode de formation des cornes singulières de la Girafe. On sait que ces cornes ne sont pas caduques, qu'elles restent toujours revêtues de la peau, et que leur partie solide ou osseuse n'est ni une sorte de végétation annuelle, comme dans les cerfs, ni une portion de l'os frontal, comme dans les ruminants à cornes creuses ; le noyau osseux qui forme la corne est séparé des os du crâne par le périoste. Ce n'est qu'à mesure que l'animal grandit et que le noyau osseux se développe qu'il s'applique plus intimement au frontal et au pariétal, et qu'il fait disparaître pou à peu la. membrane qui le sépare de ces os, auxquels il se soude complètement.

La Girafe désignée par Linné sous les noms do Cervus Camelopardalis, ou Chameau-Léopard, a reçu différents noms des diverses tribus africaines. Los Ethiopiens l'appellent Nabis ou Nabuna (être élevé) ; les Abyssiniens Schiratachazin (queue mince) ; les Arabes la nomment Zurnapa ou Zourafa, et les Hottentots, Brinas ou Briquas.

Nous croyons devoir ajouter à ce que nous avons dit sur la Girafe quelques détails intéressants, dus à Etienne Geoffroy Saint-Hilaire, sur le premier de ces animaux amenés vivants en France. Le pacha d'Egypte, Méhémet-Ali, dit le savant naturaliste, qui avait déjà donné au roi de fort beaux animaux, tels que l'éléphant d'Afrique, des chevaux arabes, des gazelles, etc., consulta, sur un autre envoi qu'il voulait faire, le consul français, M. Drovetti; celui-ci désigna une Girafe, et le pacha en lit aussitôt demander dans le Sennaar et au DarFour. De pauvres Arabes, sur la lisière des terres cultivées entre ces deux grandes provinces, en nourrissaient deux très-jeunes avec le lait de leurs chamelles. Elles furent bientôt conduites et vendues au gouverneur du Sehnaar, qui les envoya en présent à Méhémet-Ali-Pacha.

Ces Girafes firent route d'abord à pied, avec une caravane qui se rendait du Sennaar à Siout, ville de l'Egypte supérieure; ensuite elles furent embarquées sur le Nil, pour être transportées de Siout au Caire. Le pacha les garda trois mois dans ses jardins, voulant leur donner le temps de se reposer et de raffermir leur Santé; puis il les envoya^ par la voie du Nil, à Alexandrie, où elles furent remises, l'une au consul de France,

et l'autre au consul d'Angleterre. C'étaient deux jeunes femelles; l'individu donné au roi d'Angleterre aurait, dit-on, péri à Malte.

La Girafe destinée au roi de France fut embarquée pour Marseille sur un bâtiment sarde ; elle eut à souffrir quelques mauvais temps; néanmoins elle se remit très-promptement, et après avoir satisfait, elle et ses serviteurs, aux exigences de la quarantaine, elle entra dans Marseille le 14 novembre 1826. M. le préfet, comte de. Villeneuve, la plaça dans des dépendances de son hôtel, et lui fit donner des soins qui furent efficaces, car elle n'a cessé de jouir, durant son séjour à Marseille, de la meilleure santé.

On a varié sur son âge, compté en nombre de lunes ; cependant, on est parvenu à concilier quelques renseignements contradictoires et à établir qu'elle avait pris vingt-deux mois en novembre 1826.

Le trajet, pendant la saison rigoureuse, de Marseille à Paris, aurait pu compromettre la santé de la Girafe : on la laissa passer l'hiver à Marseille, et elle ne quitta cette résidence que le 20 mai, voyageant à pied et à si petites journées, que c'est seulement le 5 juin qu'elle arriva à Lyon.

On n'avait jamais vu de Girafe en France : ce n'est pas que l'espèce soit décidément très-rare ; mais, renfermée dans une vaste contrée coupée et bordée par d'immenses déserts, on a eu continuellement à lutter contre les difficultés de la sortir de son pays. On en trouve à la distance de quelques centaines de lieues de l'Egypte, comme, à l'autre extrémité de l'Afrique, à quelques centaines de lieues du Cap. C'est donc un animal des parties centrales de l'Afrique, et tant que nous ne connaîtrons que quelques points de la ceinture de cette vaste contrée du Monde, une Girafe en Europe y intéressera tout autant par sa rareté que par les singularités de sa conformation.

Quand les Romains étendirent leurs conquêtes en Afrique, ils connurent la Girafe et en ornèrent leurs fêtes triomphales. Son nom antique Zurapha, d'où son nom actuel de Girafe, ne vint point jusqu'à eux. Ces farouches vainqueurs auraient craint, en s'enquérant des moeurs et des coutumes étrangères, d'affaiblir les ressorts de haine et de mépris qu'ils portaient aux barbares. La Girafe passa de leurs mains, pour la première fois, dans celles de César, à titre de tribut; mais leur orgueil repoussait tout document qui l'aurait concernée. Ils la nommèrent donc à leur manière,l'appelant Camelo-Pardalis, Chameau-Léopard; ils lui avaient en effet trouvé du rapport, d'abord, avec le Chameau, par son volume, par quelques traits de sa physionomie, par son museau effilé, son long col, ses lèvres prolongées et singulièrement mobiles, etc., et ensuite, avec la plupart des grandes Panthères, par les taches de son pelage.

Les noms, qui sont une enseigne pour les idées, un signe qui les rappelle, arrivent ordinairement avant que celles-ci soient nettement conçues. C'est effectivement ce qui cut lieu dans cette circonstance, puisque ni les


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2. —CAILLE FASCIÉE. Turnix fasciatus Gray. 0m 14. Philippines, Célèbes.

A. — PERDRIX DE L'ALTAÏ, Tetraogallus altaicus, Gray. 0m 35. Monts Altaï.

, — BRAQUE FRANÇAIS, Stop, appartenant à M. Geoffroy. Exposition de 1863. Photographie de M. Tournier,

3. — CAILLE DE COROMANDEL, Coturnix Coromandeliana. Gould. 0m 14. Asie Occidentale.

5. — PERDRIX DU THIBET, Tetraogallus Tibetanus Gould. 0m 35. Montagnes du Thibet, du Népaul, etc.

7. —CHIEN DE POMÉRANIE OU CHIEN-LOUP. Canis Pomeramis. Linné. Photographie de M. Tournier,


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8— KANGUROO ROUX. Macropus rufus. Gould. 0m 98. Nouvelle-Hollande, au-delà des Montagnes Bleues.

10. -— TEREDINE MASQUEE. Teredina personata. Lamarck. Coquille fossile des terrains tertiaires

12. — ANTILOPE GUIB. Antilope scripta. Pallas. H. 0m 80. Ouest, de l'Afrique. Vélins du Muséum.

9.— KANGUROO A COU ROUX. Macropus ruficollis. Lesson. 0m 98. Ile de King, détroit de Bass.

11. —TÉRÉDINE MASQUÉE. Teredina personata. Lamarck. Coquille fossile des terrains tertiaires.

13. — CHIENS BASSETS. — Ravo et Deer, à M. Lebée, 1er prix. Exposition de 1863 Photographie de MM. Crémière et Tournier.


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formes ni les couleurs ne répondent exactement aux racines du mot composé Camelo-Pardalis.

On trouve dans les auteurs du Moyen Age qu'en 1480 l'Egypte envoya une Girafe à un duc de Médicis, maître de Florence. La Girafe do cette époque s'était identifiée, quant à ses sentiments du moins, avec tous les premiers étages des belles maisons de la ville; elle allait tous les jours prendre un de ses repas des mains des dames florentines, dont elle était devenue la fille adoptive ; ce repas consistait en plusieurs sortes de fruits, de pommes principalement.

Le bel animal du roi, c'est le nom donné à la Girafe sur toute sa route dans le midi de la France, a été différemment nourri; néanmoins sa nourriture ne fut et n'est point encore celle qu'il préfère dans la vie sauvage. Du grain mélangé de maïs, d'orge et de fèves de marais brisées au moulin, et pour boisson, du lait matin et soir, suffirent à notre grande voyageuse. Elle s'était rendue très-difficile à Marseille pour prendre sa boisson devant le public; elle a renoncé à ce caprice en route, où l'on a d'ailleurs remarqué qu'elle avait gagné beaucoup en familiarité, comme en force et en santé.

La Girafe, dans son pays natal, broute les sommités des arbres, préférant les plantes de la famille des mimosas, qui y abondent. Ce qui a décidé do son changement d'habitudes, ce sont les premiers mois de son éducation en domesticité. Les Arabes, ses premiers maîtres, lui ont imposé des conditions auxquelles euxmêmes étaient impérieusement soumis; ou, si l'on veut, ils l'ont appelée à partager leurs vivres et les.ressources dont leur vie errante leur fait une nécessité. Ainsi, ils l'ont allaitée d'abord avec le lait de leurs chamelles , ce qu'ils ont continué de faire dans la suite, parce que, dans les parties du désert qu'ils habitent, il leur était plus facile de se procurer du lait que de l'eau; et lorsque la Girafe eut exigé une nourriture plus substantielle, c'est le grain préparé pour leurs chameaux qu'ils lui ont offert et auquel ils l'ont insensiblement accoutumée. Ce régime, qu'il a fallu continuer dans sa traversée des déserts pour arriver en Egypte, lui ayant très-bien réussi, on s'est bien gardé de le changer jusqu'à ce moment.

Mais ce qui montre qu'elle n'a point cependant renoncé à ses habitudes natives, c'est qu'elle accepte avec bonne grâce les fruits et les branches d'acacia qu'on lui offre. Elle saisit le feuillage d'une façon très-singulière, faisant sortir à cet effet une langue longue, rugueuse, très-étroite et noire, et l'entortillant autour de l'objet qu'elle convoite. Une autre de ses habitudes, qui prouve que l'animal est décidément appelé à brouter les hautes branches des arbres, c'est sa manière gênée de prendre à terre ; elle s'y décide en faveur d'une branche de mimosa : mais on voit, à la gaucherie de ses mouvements, au temps qu'elle emploie, et aux précautions qu'elle est forcée de prendre, qu'elle agit vraiment contre les allures naturelles à sa conformation.

Quant à ses formes et à ses rapports vis-à-vis des ruminants ses congénères, la Girafe est dans des conditions

conditions exciter vivement l'intérêt. Ce qu'elle présente en propre et ce qui appelle sur elle l'oeil de l'observateur, ce sont principalement les disproportions de ses parties. La tète et le tronc sont d'une brièveté excessive, surtout si l'on compare ces parties aux jambes et au col, qui sont d'une dimension démesurée. On a, dans ces derniers temps, où les conditions de l'organisation en général ont été embrassées dans toutes les hauteurs du sujet, aperçu qu'un système d'organes n'acquiert une dimension hors des proportions communes que sous la raison nécessaire que d'autres organes soient restreints et diminués d'une quantité équivalente. La Girafe offre donc en sa personne un remarquable exemple de l'application de cette loi.

En effet, on ne peut rencontrer un corps plus exigu d'avant en arrière, car il se divise à peu près en trois parties, l'une pour l'épaule, l'autre pour la hanche, et la troisième, à peu près d'une même étendue longitudinale, pour la région moyenne. Or, c'est celle-ci qui est d'une exiguité à remarquer, aucun autre animal ne fournissant une semblable disposition.

A ce tronc si court sont attachés des membres d'une longueur gigantesque : l'enjambée faite est ainsi profitable à une marche fort rapide; mais cependant quelque chose contrarie ce résultat : 1° les deux paires d'extrémités sont trop rapprochées ; 2° elles sont un peu inégales en longueur, et elles le sont dans un sens à retarder la vitesse des mouvements. Les animaux ont d'autant plus de vitesse et de rapidité dans la course et dans le saut, que les jambes sont plus courtes en avant et plus longues en arrière : or, c'est le contraire qui existe dans la Girafe. Néanmoins, bien que les données d'une telle conformation se nuisent réciproquement, il reste toutefois au profit de sa course rapide, mais alors cette rapidité n'est évaluée que relativement; il reste, dis-je, au profit do cette course, que, possédant de plus longues jambes pour fuir des ennemis entraînés à sa poursuite, elle réussit le plus souvent à leur échapper.

On dit la Girafe un animal du désert, et l'on s'étonne ensuite qu'elle trouve à y subsister. Ceci repose sur une fausse préoccupation de l'esprit. Effectivement, comment croire qu'un animal d'un volume aussi considérable se tienne où no serait pour lui aucune ressource d'alimentation? Un sol âpre et brûlé du soleil, comme est celui du désert, ne saurait rien fournir, pas plus à la Girafe qu'à d'innombrables troupeaux d'Antilopes qui s'y trouvent répandus à des heures marquées. Tous ces animaux sont d'autant plus exigeants sur la nature et l'abondance des pâturages, que leur grande taille rend leur consommation plus considérable. Or, ils trouvent sans difficulté les aliments qui leur sont nécessaires, en se tenant à portée des terres arrosées, et par conséquent très-riches en végétation, lesquelles forment en Afrique de très-grands espaces, de vastes royaumes ; ils viennent faire curée dans des lieux qu'ils dévastent et qu'ils laissent désolés, apparaissant, comme la grêle dans nos pays, pour tout ruiner sur leur pas-


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sage. Le désert n'est donc pour ces animaux légers à la course qu'un lieu de refuge, comme sont nos forêts pour les Sangliers qui ont ravagé des champs dans les plaines voisines. Le désert, qui procure en Afrique de vastes emplacements à horizon fort étendu, est ainsi le lieu que préfèrent, après s'être repus, les Girafes et les Antilopes, toujours entourées d'ennemis puissants et excitées par une faim dévorante : là, ces animaux sont dans un éveil continuel et pleinement efficace ; car dans le désert ils voient à une grande distance ; ils ne craignent point d'y être surpris ; là, leur active surveillance, comme la vitesse de leur course, dérangent les combinaisons les plus habiles, et rendent inutiles tous les piéges qui leur seraient tendus. Aussi les Lions, qui ont une expérience des ressources qu'on leur oppose, no perdent-ils point leur peine à des poursuites sans résultat; ils préfèrent attendre près d'une fontaine où l'on viendra Loire, à portée d'une riche prairie où l'on sera tenté d'arriver paître, ou, à l'égard des Girafes, auprès d'un fourré de mimosas, dont les sommités seraient une autre sorte de riche pâture. Les Lions en embuscade, aidés par d'intelligents associés leurs pourvoyeurs, les Caracals, sont plus efficacement servis par le rabat du gibier près du lieu où ils se tiennent cachés; ils aiment mieux d'un seul bond tomber à l'improviste sur une proie surprise et mise hors d'état d'user do ses dernières ressources.

Cependant, les Girafes et les Antilopes n'entrent dans leurs abondants pâturages qu'avec une extrême défiance ; de grandes précautions sont opposées à d'industrieuses embuscades, et si elles ne peuvent fuir, les Girafes sont prêtés à la lutte. Il est donc un moment critique où les combattants viendront à se rencontrer et à se joindre. Cette Girafe, si douce au milieu de nous, qu'elle étonne à cet égard les curieux empressés à la contempler, si maniable, si souple, si bonne personne, que dans sa route elle a permis qu'un jeune moufflon, né pendant le voyage, fît de la grande étendue de son corps le théâtre de ses ébats, de ses jeux enfantins; cette Girafe, si débonnaire, ai-je dit, dans une rencontre face à face avec le Lion, n'est point dénuée des moyens de se défendre : cet animal, que nous observons dans une parfaite quiétude à l'égard de ses gardiens qu'elle distingue et du public qui ne lui impose en aucune manière, trouve, dans son désespoir et dans le sentiment énergique que lui inspire le besoin de sa conservation, une toute-puissance qui peut devenir funeste au plus terrible, au plus redoutable des animaux. Quelquefois, si elle est encore en mesure de fuir, elle rue à la manière des chevaux; mais elle est plus décidée et plus confiante en ses moyens quand elle emploie les jambes de devant.

Le mouvement de ses jambes antérieures lui est si naturel qu'il se laisse apercevoir chez notre Girafe, présentement fort disciplinée par la domesticité. Si on l'approche et qu'on l'irrite, elle soulève et écarte chaque pied de devant; mais, par un effet do son extrême bonté ou de ses moeurs domestiques, elle réprime aussitôt et annule cette première susceptibilité.

Mais à quoi sert la Girafe? dit-on et répète-t-on fort souvent. Comme les vues intentionnelles sont toujours restées dans le domaine des impénétrables desseins de la Providence, il vaut mieux, c'est du moins mon avis personnel, il vaut mieux demander dans quels rapports nos efforts de domination sur les êtres ont placé à notre égard la Girafe. Or, ce que l'on en sait, c'est que les peuples dos parties centrales do l'Afrique disputent la Girafe au Lion pour s'en nourrir; qu'ils trouvent à sa poursuite les mêmes avantages, à sa possession la même utilité que nous trouvons à la possession d'autres animaux, et qu'ils la considèrent et la recherchent comme un excellent et surtout comme un très-abondant gibier. Elle est pour les noirs Africains ce que sont pour les Européens les bêtes sauvages de nos forêts. On a dit des Cerfs qu'ils peuplent, embellissent, animent nos bocages, qu'ils servent aux délassements et aux plaisirs des grands de la terre. Pourquoi n'en dirait-on pas tout autant des Girafes? Il y a parfaite analogie entre les uns et les autres, sauf que ce sont des bois qui deviennent les lieux do refuge do nos bêtes sauvages, et que ce sont des déserts pour les Girafes et les Antilopes. Il est sans doute inutile d'expliquer comment et pourquoi la nature des choses en a ainsi décidé.

La Girafe prend un bois dans son premier âge, comme le jeune Cerf prend le sien. Mais à l'égard du jeune Cerf, la peau d'enveloppe meurt bientôt et se détache; bientôt aussi la tige osseuse qui est à nu tombe elle-même, en vertu du phénomène de l'exfoliation des os ; l'année suivante, un autre prolongement frontal, à tige rameuse, est reproduit sur la tête du Cerf. Mais rien de cela n'a lieu à l'égard de la Girafe. Celle-ci conserve toujours l'excroissance frontale revêtue de sa peau, d'où il résulte que la Girafe est dans une condition particulière entre les ruminants cornus et les ruminants branchus. La Girafe est donc remarquable principalement sous ce point de vue, qu'elle réalise et conserve dans un état persévérant ce qui n'est pour les Cerfs et les autres ruminants branchus qu'un phénomène du premier âge. (Extrait des Annales des Sciences naturelles.)

Nous terminerons ce que nous avons à dire de la Girafe parle récit des chasses qui ont fourni la première peau envoyée en France, vers 1783, par Levaillant, et par un mot sur l'une des Girafes vivantes amenées à Londres.

« J'établis mon camp sur le bord d'une rivière, dit l'intrépide voyageur français, et je me mis à parcourir la contrée dans l'intention de chercher des Girafes et d'en tuer quelques-unes. Je comptais sur ce plaisir pour me dédommager des fatigues que je venais d'essuyer. Je n'atteignais cependant pas le but réel de mes excursions: deux fois déjà j'avais rencontré des Girafes, et deux fois elles avaient employé tant de ruses, qu'après avoir été suivies toute la journée, elles avaient fini par m'échapper à la faveur de la nuit. Enfin, se leva pour moi le jour que je regarde comme un des plus heureux de ma vie.

« Je m'étais mis en chasse aux premiers rayons du


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LES TROIS REGNES.

soleil. Après quelques heures de marche, nous aperçûmes, au détour d'une colline, sept girafes, qu'à l'instant ma meute attaqua. Six d'entre elles prirent la fuite ensemble; la septième,-coupée par mes chiens, ne put prendre la même direction ; je la suivis à toute bride; mais, malgré les efforts de mon cheval, elle gagna tellement sur nous, qu'en tournant un monticule elle disparut à ma vue et que je renonçai à la poursuivre. Cependant mes chiens, qui n'avaient point perdu courage, ne tardèrent pas à l'atteindre. Bientôt même ils la joignirent de si près, qu'elle fut obligée de s'arrêter pour se défendre. Du lieu où j'étais, je les entendais donner de la voix de toutes leurs forces, et ces voix me paraissant venir toujours du même endroit, j'en

conjecturai que l'animal était acculé, faisait tête, et aussitôt je piquai dans sa direction. J'eus à peine tourné le monticule que je. l'aperçus, entouré des chiens et les tenant à distance. J'approchai, je mis pied à terre, et, d'un coup de carabine, je le renversai. Enchanté de mon succès, je revins sur mes pas pour appeler mes gens, et, tandisque je les cherchais, ma girafe s'étant relevée, je crus que c'en était une autre que mes chiens attaquaient, et je courus vers elle; mais elle tomba pour ne plus se relever au moment où j'allais lui tirer un second coup.

« Qui croirait qu'une conquête pareille excita dans mon âme des transports voisins de la folie? Peines, fatigues, besoins cruels, incertitudes de l'avenir, dégoûts du passé,

tout disparut, tout s'envola à l'aspect de cette proie nouvelle. Je ne pouvais me rassasier de la contempler; j'en mesurais l'énorme hauteur, j'appelais, je rappelais tour à tour mes gens ; et quoique chacun d'eux en eût pu faire autant, quoique nous eussions abattu de plus dangereux animaux, je venais, le premier, de tuer celui-ci; j'en allais enrichir la science, j'allais détruire des romans et fonder à mon tour une réalité. Ma girafe mesurait cinq mètres quarante-cinq centimètres, depuis le sabot jusqu'au sommet de la tête.

« Les Girafes mâles se distinguent assez facilement des femelles, généralement un peu plus petites, par des taches un peu plus foncées, d'un brun obscur, presque noir. Les jeunes ont d'abord les taches d'un roux très-clair; elles passent ensuite à la nuance de celles

de leur mère, et deviennent plus foncées à mesure qu'ils avancent en âge.

« Je n'ai jamais vu qu'en aucune occasion la Girafe fît usage de ses cornes; on pourrait les regarder comme inutiles, s'il était possible de douter de la sagesse de la nature, qui ne nous laisse pas toujours apercevoir ses motifs. »

En 1836, on voyait en même temps à Londres sep Girafes vivantes, trois au jardin zoologique de Surrey, les quatre autres à la ménagerie de la Société zoologique. Ces dernières, trois mâles et une femelle, ont surtout fixé l'attention. Elles avaient reçu les noms de Zaïda, Marlborough, Sélim et Guib - Allah. Zaïda manifesta

manifesta suite de grandes préférences pour GuibAllah. Ces deux animaux devinrent l'objet de soins particuliers, et leur gardien put constater que la Girafe porte quatre cent quarante-quatre jours. Zaïda donna le jour à un petit le 9 juin 1839. C'était un mâle, qui ne vécut qu'environ vingt jours, parce que sa mère, tourmentée ,je l'empressement de trop de curieux dans un moment où l'expression de sa tendresse avait besoin du calme et de l'isolement, resta indifférente pour son petit, qu'une sollicitude importune enleva sans doute à de premières caresses si naturelles et si attachantes. Dans les phénomènes instinctifs, tous les actes se suivent et s'enchaînent d'une manière pour ainsi dire nécessaire; Zaïda, qui n'avait

pas accompli librement le premier, fut aussi détournée de ceux qui en eussent été la conséquence naturelle.

Zaïda et Guib-Allah continuèrent à vivre en bonne intelligence, et, le 26 mai 1841, la naissance d'un second petit, après quatre cent trente-et-un jours de gestation, vint confirmer les premières observations. Des soins plus intelligents et plus directs présidèrent à cette naissance; aussi la mère eut-elle pour son petit la tendresse qu'on espérait d'elle. Le jeune animal prit bientôt des forces, fut en état, dès le premier jour, de se tenir debout près de sa mère; il avait un mètre soixante centimètres de hauteur. Cette jeune Girafe parvint heureusement à tout son développement et continua à vivre à Regent's-Park.

14.— CHIENS COURANTS VENDÉENS-NIVERNAIS. Publico, Métamor

et Sanvageot, à M. la comte Lecouteulx de Chanteleu. — 1er prix. Exposition

de 1863. — Photographie de M. Tournier.

Paris. — Imprimerie WIESENER ET Ce, rue Delaborde, 12.