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Title : La Croix
Author : Groupe Bayard. Auteur du texte
Publisher : La Croix (Paris)
Publication date : 1883-01-01
Relationship : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb343631418
Relationship : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/cb343631418/date
Type : text
Type : printed serial
Language : french
Format : Nombre total de vues : 104176
Description : 01 janvier 1883
Description : 1883/01/01-1883/01/31.
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
Description : Collection numérique : BIPFPIG33
Description : Collection numérique : BIPFPIG87
Description : Collection numérique : Arts de la marionnette
Rights : Consultable en ligne
Rights : Public domain
Identifier : ark:/12148/bpt6k503619f
Source : Bibliothèque nationale de France
Provenance : Bibliothèque nationale de France
Online date : 06/03/2008
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PREVUE DE L'ANNÉE
Le père Monsabré du haut de la chaire de Notre-Dame avait appelé 1881 l'année honteuse comment qualifierons-nous 1882? `? Je cherche et je ne trouve pas.
Kludions rapidement le bilan de ces douze mois qui viennent de tomber dans l'éternel néant et nous saurons peut-être le nom qui leur convient.
C'est par un scandale que nous débutons. Paris, notre grand Paris, dans lequel tant de coeurs dévoués et charitables se sacrifient, Paris source de mal, mais aussi source de bien, Paris s'éveille un jour et pousse un cri de dégoût et d'horreur.
A travers ses rues fermées à Dieu, se déroule un cortège insultant. On porte en terre la dépouille d'un homme qui reçut le baptême et qui s'en va comme s'en vont les bêtes. C'est Hérold préfet de la Seine, le briseur de croix qu'on enterre; les coups de marteau qu'il fit donner aux crucifix résonnaient encore dans les écoles, lorsqu'au pavillon de Flore ils tombèrent sourdement sur son cer-
cueil. Chacun son tour il mit le Christ à la voirie, et Dieu vient de le terrasser. Il avait commis deux grandes fautes, cet homme aux obsèques duquel la franc-maçonnerie et le gouvernemént assistaient en se donnant la main. Il avait éloigné le prêtre du lit de mort de son pauvre enfant, il avait ensuite outragé publiquement la croix. Sa punition ne se fit pas attendre, et si ses funérailles remplirent les premières journées de l'année nouvelle, il ne vit pas finir, lui, l'année qui s'en allait et pendant laquelle il avait consommé ses deux forfaits.
Le grand ministère était alors au pouvoir et présidait à cette orgie d'athéisme, ne se doutant pas du sort qui l'attendait le'Krach financier qu'il avait préparé entraînait après lui la ruine d'une partie de la France, et dan* son impartialité bien connue, la République emprisonnait M. Bontoux et tressait des couronnes au député Savary. La débâcle politique suivit de près, et le 26 janvier le grand ministère sombra.
Voici M. de Freycinet et son confrère Ferry ils succèdent à la société Gambetta et Ge, ils ne feront pas de meilleures an'aires.
La loi de malheur est leur œuvre, elle soulève dans le pays des protestations unanimes mais qu'importe, elle est votée, et sa promulgation jette la consternation dans les masses.
Pour bien détruire l'idée de Dieu il ne suffit pas d'enlever son image des murs blancs d'une école, il faut que la génération nouvelle n'entende jamais prononcer son nom, et la loi n'est faite que pour y veiller.
La France, jadis si chrétienne, a le cœur brisé, la conscience étouffée; mais ses maîtres bouchent leurs oreilles pour ne pas entendre les cris de honte et de colère qui partent de tout coté, et, tête baissée, ils se jettent plus que jamais à corps perdu dans la voie du mal.
Et cependant de bons exemples nous vien- J nent du reste de l'Europe. La Prusse, notre ennemie de 1870, la Prusse, pays protestant, envoie ses ambassadeurs à la cour romaine, et le Vatican les reçoit pendant qu'il songe avec tristesse au départ des nôtres qu'on voudrait rappeler. L'Angleterre, elle aussi séparée de l'Église, reçoit de sa chambre des Lords des leçons que nous n'avons plus chez nous. Les athées sont expulsés du parlement anglais, tandis que notre gouvernement, par sa présence aux enfouissements civils, proclame l'athéisme d'État.
Aussi le 22 mars les expulsions recommencent, ce sont les Bénédictins de Solesmes et les religieux de l'abbaye de Ligugé qui sont livrés à la gendarmerie, pendant que les voleurs et les assassins courent les grands chemins, et dépistent tous les limiers de la police.
Nous sommes en mai, les affaires d'Egypte se sont compliquées et nous partons avec l'Angleterre pour Alexandrie. Pendant que notre attitude dans la Méditerranée étonne le pays, l'Angleterre nous coupe l'herbe sous le pied. Un grand crime met en émoi la capitale de la France entière. On a nommé le crime du Pecq, nous n'en parlons ici que pour mémoire et pour en tirer une leçon profonde.
Paris est aux provinciaux ce que la lampe dans l'obscurité de la nuit est aux papillons, en s'en approchant les étourdis risquent d'y brûler .eurs ailes. [ Fénayrou pouvait vivre heureux dans son village d3 ron, il préféra à des habitudes
modestes et honnêtes, la vie aventureuse et troublante de la grande ville. Il s'y perdit, et lui qui n'avait cependant aucun des affreux instincts qui peuplent les bagnes et alimentent l'échafaud, y devint un jour assassin. Aurea mediocritas a dit le poëte, et qu'il avait mille fois raison 1
La vie calme des champs, les soins de la famille, le travail honnête, n'est-ce pas là le bonheur? et la satisfaction du devoir accompli, la tranquillité du cœur, n'est-ce pas de l'or ? `?
Le crime du Pecq passionna la presse, et il fallut la mort d'un des plus grands ennemis de la France et de l'Église pour détourner l'esprit public des souvenirs sanglants et immoraux de cette lugubre affaire.
Le 2 juin, Garibaldi mourait.
Et toi, pauvre et chère patrie, tu restais stupéfaite devant l'audace de tes législateurs. Oubliant les outrages dont l'Italien l'abreuva, ils le déclarèrent grand, et levèrent en signe de deuil la séance du Parlement.
C'est donc l'année funèbre que cette année 1882 voici que le grand ministère n'est pas encore oublié, et son successeur tombe à son tour.
Le 20 juillet est le jour de ses funérailles. Cependant, tandis que nous allons de secousses en culbutes, l'Angleterre fait la conquête de l'Egypte, le chef de notre gouvernement tue des lapins à Mont-sous- Yaudrey et nos députés voyagent gratis sur toutes les lignes et dans toutes les directions, laissant au cabinet Duclerc, formé le (5 août, le soin de diriger la barque nationale.
Il était mal entouré, ce pauvre M. DucJere et dès le premier jour de sa puissance, il eut à déplorer les sottises de ses collaborateurs. On n'a pas oublié la fameuse circulaire Labuze ordonnant aux préfets de se changer en mouchards et de signaler les fonctionnaires dont les femmes allaient à la messe. Nous tombions, au point de vue politique, dans l'imbécilité, M. Duclerc le comprit et M. Labuze fut mis au pain sec pendant deux jours. On blâma les ordres donnés, mais on les laissa subsister.
C'est ainsi qu'on voyait arriver dans les ministères des feuilles annotées comme il suit
« X. paraît indifférent, sa femme va bien à la messe, mais elle n'est pas dévole. » Liberté, que tu es une belle chose
Tout s'oublie dans ce monde, même les circulaires de M. Labuze; les désordres de
Montceau-les-Mincs commencent, il n'en fallait pas tant pour détourner l'attention. Les églises sautaient, on battait la police, on saccageait les propriétés naturellement les prêtres seuls pouvaient être les auteurs de ces attentats! Non-seulement on l'a dit, mais quelques naïfs l'ont cru. Les preuves étaient palpables cependant, et le gouvernement pouvait, en levant le petit doigt, faire tomber tous ces bruits stupides et punir les coupables, il n'osa pas. Le procès commencé fut interrompu et ce n'est qu'après plusieurs semaines que les débats furent repris à cent kilomètres du. théâtre des troubles.
La repression timide et craintive au début eut pour suite une condamnation ridicule. Il fallait s'y attendre.
Nous sommes en automne, les Chambres sont rentrées; la discussion du budget est le fait dont aujourd'hui chacun s'occupe. Franchement il y a de quoi. On a perdu cent millions.
Où sont-ils? personne ne s'en doute. Finalement, après des recherches infructueuses, on découvre le pot aux roses, le budget se solde par un déficit
On veut sans doute le combler, car voilà qu'on supprime aux missions d'Orient les quelques milliers de francs qui les aidaient à vivre. Les braves et saintes filles de la charité trouvent vainement à la Chambre et au Sénat des avocats éloquents, on a beau les représenter comme les meilleurs agents de la France à l'étranger, tout est inutile, la haine antireligieuse l'emporte et le secours auquel elles ont droit est supprimé.
Tous ces hommes qu'une cornette blanche fait tomber en épilepsie, n'ont jamais quitté leur pantoufles que pour traverser la Seine et se rendre du coin de leur feu au PalaisBourbon.
Ils n'ont jamais parcouru nos grands hôpitaux, ils n'ont pas vu les sœurs aux chevets des malades, bravant les épidémies les plus terribles. Savent-ils ce que c'est qu'un champ de bataille? ont-ils jamais été relevés mourants par ces infirmiers en robe grise? Jamais, a» grand jamais
Ils ne savent même pas que sur l'humble costume des sœurs de la charité, on a vu briller la croix d'honneur. Il faut leur pardonner leur vote, ils ne savaient ce qu'ils faisaien t.
Le budget est voté, les Chambres se séparent, l'année touche à sa fin, et pendant ce
mois de Décembre la mort abat à grands coups de faulx, les hautes têtes.
C'est Lachaud le grand avocat, c'est Mgr de la Bouillerie, l'aimable, pieux et zélé archevêque de Perga, c'est le cardinal Donnet, le doyen des prélats de France, qui tombent au milieu du deuil général.
La grande cité bordelaise fait à son vieux pasteur des obsèques magnifiques, plus remarquables encore par la respectueuse attitude du peuple tout entier, que par le faste déployé en cette circonstance.
Et tandis que la maladie et la vieillesse emportent à droite de grands citoyens, les fléaux que Dieu déchaine sur les nations perverses jettent à gauche dans la ruine des populations entières.
Le Rhûne comme un cheval fougeux qui vient de briser ses entraves, se précipite en une course folle, il renverse ses digues, se répand dans la campagne, et les maisons s'écroulent, les semailles sont emportées Lyon la grande ville, voit ses quais impuissants ses rues sont inondées et prises entre le Rhône en courroux et la Saône menaçante, elle émerge d'une vaste nappe humide, comme un vaisseau sur l'Océan.
Que de ruines, que de désastres, que de tristesses et que de deuils dans cette période de cinquante-deux semaines que nous venons de revoir rapidement
Mais nous sommes au 31 décembre; dan< quelques heures une année nouvelle naîtra pleine de promesses, ouvrant un horizon moins sombre.
Quatre-vingt-deux s'en va, n'y pensons plus!
Nous avons compté sans la main de Dieu, il veut qu'à sa dernière heure l'année mourante porte encore le sceau de son éternelle justice, et il frappe un grand coup.
An moment où minuit va sonner, dans un coin de la banlieue parisienne, un grand cri s'élève.
Gambetta est mort
En quelques heures cette nouvelle a fait le tour de la France et du monde.
Gambetta celui,qui personnifiait l'irréligion, (iamhetta qui s'était écrié, «le cléricalisme est l'ennemi » fiambetta vient de tomber Nouvelle stupéfiante, qui va plonger dans la consternation les ennemis du bien, tous les disciples de cet apôtre de la fausse nouvelle, fichâmes comme lui contre Dieu, ses prêtres et ses adorateurs.
Gambetta est mort
C'est un parti qui s'écroule, c'est une leçon terrible. Ne trouve-t-on pas en effet dans cette triste fin d'un homme qui tint quelques mois entre ses mains les destinées de la France, ne trouve-t-on pas, dis-je, de graves et de solennels enseignements.
Plus ambitieux que méchant, cet homme avait tout sacrifié à l'orgueil, à l'envie de commander, au désir d'être le premier. C'est ainsi que, peu soucieux des intérêts de sa patrie, il avait profité de son accablement et de sa ruine pour lui mettre le talon sur la gorge et l'étouffer sous son pied de dictateur.
Il avait pensé que l'irréligion pouvait être un moyen d'arriver et il s'était fait athée bien mieux, insolent vis-à-vis de ceux qui ne partageaient pas ses idées, il était grossier dans sa tenue, lorsque les circonstances l'obligeaient à s'approcher d'un temple, à la porte duquel il s'obstinait à rester.
Il fit plus, le malheureux, il oublia que pour vivre longuement il fallait respecter son père et sa mère, et il exploita l'agonie de la pieuse femme qui lui avait donné la vie, il bannit la religion de son chevet de mourante, et vendit son cadavre aux entrep?eneurs d'enfouissements civils.
Il ne reçut même pas en ce ttiste monde le prix de ses ignominies la nation l'en a méprisé davantage, les partisans nouveaux ne sont pas venus, les libres-penseurs eux-mêmes ont ri de sa scandaleuse parade et pendant qu'il se tordait sur sa couche, la presse si plate devant lui, il n'y a pas un an, racontait en termes plaisants ses infortunes galantes et les secrets honteux de son tempérament. Tant est fragile la fortune des hommes! Cependant, la mesure était comble et la punition ne devait pas se faire attendre. A la dernière heure de cette année, pendant laquelle il a vu s'écrouler sa fortune politique, la main décharnée de la mort le saisit à la nuque et l'abat du premier coup. Il tombe et son corps se décompose. Comme tous ceux qui ont osé se lever contre Dieu et prononcer l'orgueilleux non serviam, il est foudroyé sur place, et devient, pour ceux qui l'approchent, un objet d'horreur et de dégoût. Voilà la punition première de ce corps révolté.
Mais l'âme où eM-elle? Qu'est-clle devenue ?
Dieu seul le sait.
Combien cruelles ont du être les tortures de ce mourant: Elevé par une mère chré-
tienne et dans des sentiments qu'il avait trop vite oubliés, il a dû voir ses premières étapes dans la vie, repasser devant ses yeux presque éteints.
N'a-t-il pas poussé vers le ciel un cri suprême ?
Ses lèvres n'ont-elles pas balbutié le mot Dieu qu'il avait dit si souvent étant petit? Autant de mystères insondables.
Ce que l'on sait, ce qui est une honte, c'est que ses faux amis entouraient sa couche funèbre, c'est qu'ils ont chassé le prêtre qui venait comme consolateur, comme parent, apporter un double secours.
Ce qui est certain, c'est que ces hommes, qui lui avaient volé son âme, montaient à ses côtés une garde sévère, et voulaient pour eux ce corps qui devait tomber en putréfaction entre leurs doigts.
Malgré leurs vains sacrilèges, la pensée de cet homme s'est-ellc échappée pour demander pardon? C'est le vœu que tout chrétien doit faire, et c'est celui que nous formons. La mort venait d'achever son œuvre, quand la première heure du nouvel an sonna; le grand organisateur de la campagne irréligieuse, qui avait semé de ruines les mois écoulés, n'était plus, à son tour, qu'un reste affreux dont on ne pouvait approcher sans effroi.
Ainsi s'est terminée 1882.
A son premier jour, nous avons vu tomber un sacrilège, c'est encore un impie que sa dernière heure emporte.
Et si nous revenons sur tous les faits que nous avons brièvement signalés dans cette étude, ne nous semble-t-il pas que nous avons assisté au conr/iiassaôit capita et au dispersit superbos du prophète?
De tous côtés, n'avons-nous pas eu à constater des catastrophes, des chutes, des ruines et des morts ?
Quel nom donnerons-nous donc maintenant à ce laps de temps si court, mais si fertile en événements lugubres?
Nous l'appellerons l'année désastreuse. La politique, la grandeur de la France, la fortune du pays, l'honnêteté publique ont subi pendant ces jours néfastes des atteintes périlleuses.
L'âme des enfants a été honteusement livrée à l'ennemi.
On a décrété que Dieu serait banni de l'éducation première, on l'a publiquement insulté par des manifestations hostiles auxquelles le
gouvernement ne rougissait pas de s'associer. Devions-nous espérer ses bénédictions ? 'l Les faits répondent d'eux-mêmes. Et les grands coupables ont payé de leur vie les exemples pernicieux qu'ils avaient donnés, les ordres sacrilèges qu'ils faisaient exécuter. La ruine qu'ils faisaient régner autour d'eux ne les a pas épargnés, ils sont tombés au milieu des débris, leur œuvre.
1882 fut bien l'année désastreuse.
Elle le fut pour les bons qu'on ne cessa de persécuter, elle le fut aussi pour les méchants dont la punition suivit de près les fautes. Quelle leçon pour l'avenir
Puisse notre belle Patrie française reconnaître ses erreurs, renier ses fautes! Comme l'enfant prodigue, qu'elle revienne au foyer. Les peuples sans religion sont des peuples sans gloire nous n'aurions jamais dû l'oublier.
C'est le christianisme qui a défriché notre sol national, c'est à l'ombre de la croix que les marais de la Gaule ont été assainis, que nos grandes cités se sont élevées, que les fastes glorieux de notre histoire ont été conservés.
C'est le christianisme qui a fait nos Charlemagne, nos Saint-Louis, nos Jeanne-d'Arc, nos Bayard et nos Turenne.
C'est lui qui a peuplé notre patrie de monuments grandioses, nos bibliothèques d'ouvrages sans prix, nos tribunes politiques d'orateurs distingués.
C'est grâce au catholicisme que nous allons aux confina du monde porter le drapeau français, c'est le catholicisme qui le fait respecter et aimer.
Les malheurs de notre Patrie viennent de ce que nous l'avons oublié.
Mais un horizon nouveau s'ouvre devant nous je vois, dans un avenir prochain, la nation puriliée par la souffrance, se retournant vers la croix qu'elle a trop longtemps oubliée.
Je vois la religion, que les persécuteurs fortifient, rentrer chez nous le front plus éclatant que jamais.
Je vois les peuples égarés, ramenés au bercail, reprendre paisibles le cours de leur destinée.
Je vois la fille aînée de l'Eglise redevenue digne de ce titre glorieux, et au-dessus de nos tètes, dans le ciel déchargé de nuages, je vois la main bienveillante du Très-Haut, bénissant la France travailleuse et fidèle à sa vieille foi.
Puisse 1883 réaliser toutes ces espérances, car, après l'année honteuse et l'année désastreuse, nous aurons le droit de dire pleins d'allégresse
Voilà l'heureuse année! I
ROGER DES Fourniels.
L'ÉVÈQUE D'OLINDA
Durant l'été de l'année 1877, au Mont-Dore, où la délicatesse de ma santé m'avait amené faire une saison d'eaux, je fis la rencontre d'un jeune évoque capucin, Mgr Vital-Marie Gonçalvès de Oliveira, évêque d'Olinda, ou Pernambuco, au Brésil. Une grande sympathie nous réunit de suite, et son courant s'étaMit si vif et si profond entre nos âmes que nous vivions pour ainsi dire de la même vie, encore que nous ne fussions pas sous le même toit et assis à la même table. Mais en dehors des heures consacrées à la prière, au traitement médical, et aux repas si fastidieux des tables d'hôte, nous ne nous quittions pas, et chaque jour, au moment si solennel dans les montagnes où, par les belles après-midi d'été, le soleil commence à descendre à l'horizon, on pouvait nous voir gravir alertement les pentes boisées des cimes montdoriennes. La curiosité des baigneurs fut vite éveillée, et sur notre passage on se demandait partout quel était ce tout jeune évêque à la tète si belle et si finement expressive, avec une longue barbe noire et un regard mer-
W Vital-Marie.
veilleuscment vif et intelligent. Sa haute taille, sa tenue fort religieuse et d'une exquise distinction sa démarche aristocratique, et modeste, sa soutane couleur de son Ordre lui faisaient une physonomie à part, et si belle et si imposante que tous se retournaient à son approche, et irrésistiblement s'inclinaient en disant comme jadis Louis Veuillot disait de Mgr Plantier, l'évoque de Nîmes c'est quelqu'un.
Oui, c'était quelqu'un, et assurément l'une des plus grandes figures de l'épiscopat contemporain. Ce n'était rien moins qu'un confesseur de la foi catholique, et un martyr de la liberté de l'Eglise de Dieu.
A dix-neuf ans, ce jeune Brésilien, issu de la noble race des Albuquerques, laissait sa nombreuse famille, lui l'aînée dé dix-sept enfants, pour venir, à travers les mers, demander à l'ordre franciscain, sur cette belle terre de France qu'il aima passionnément, un peu de la sève religieuse que sa sainte ardeur voulait aller porter plus tard dans sa patrie, comme un sang vigoureux et nouveau, aux veines
épuisées et taries de l'arbre séraphique, au Brésil.
La France lui donna donc sa formation religieuse, et avec une plénitude si souveraine et si absolue que, quatre ans après sa vèture au noviciat des Frères mineurs capucins de Versailles, il est trouvé propre aux saintes et grandes entreprises, et renvoyé, avec le sacerdoce et la profession religieuse, dans sa patrie qui le réclame.
A son passage à Ilio-Janeiro, le jeune moine accompagna son supérieur dans une visite à l'empereur, et l'impression faite sur le souverain fut telle qu'elle décida de sa destinée, car partout et toujours l'humble religieux s'imposait, à son insu, c'est vrai, mais enfin cette personnalité s'imposait, tant il y avait là de grandeur d'âme, de sainteté digne et fière, et ce je ne sais quoi d'achevé et de séduisant dans la physionomie, l'air et la tenue, qui dénote un caractère. A dater de ce jour, dans la pensée de son empereur, le frère Vital était évêque, et le premier siège qui vint à vaquer dans l'Eglise du Brésil lui fut destiné.
Quatre ans après cette entrevue, le Capucin prêchait une retraite quand, un soir, il reçut la visite du gardien de son couvent qui lui apportait un pli scellé des armes impériales. C'était sa nomination au siège d'Olinda, ou Pernambuco, son propre diocèse d'origine. L'humble religieux se troubla au point de perdre connaissance, et supplia à genoux son supérieur de s'interposer entre la bienveillance du souverain et ce qu'il appelait son indignité. Puis, après avoir passé la nuit entière dans les larmes et la prière, il écrivit au Pape une lettre admirable pour lui exposer son âge anticanonique, puisqu'il n'avait que vingt-sept ans, son insuffisance personnelle, son manque de maturité, son inexpérience des hommes et des choses, laquelle, en la circonstance présente, s'aggravait encore de l'état difficile et troublé où se trouvait alors l'Eglise d'Olinda. Il conjura Pie IX, avec les plus vives instances, d'épargner à ses débiles épaules un tel fardeau. Mais Dieu, qui avait trempé cette âme pour les luttes glorieuses et qui la réservait au douloureux honneur, de la persécution, ne se laissa point fléchir et l'on vit un jeune religieux, après s'ètre rapatrié pour chercher l'obéissance, le renoncement et l'obscurité, devenir, à vingt-sept ans, le pasteur d'un grand peuple, et l'ange d'une Eglise populeuse, à
cette heure-là la plus divisée et la plus éprouvée peut-être du monde catholique. Préconisé dans le consistoire du 21 décembre 1871, avec dispense d'âge, le frère Vital fut sacré par l'évêque de Rio-Janeiro, Mgr de Lacerda, le 17 mars 1872, à SaintPaul il prit possession de son siège le 24 mai de la même année.
Et quel siège! Un diocèse de plus de deux millions de catholiques, et d'une étendue telle qu'il surpasse la superficie de l'Algérie entière avec ses trois provinces nous sentons un diocèse bouleversé jusque dans son fond intime, livré sans défense aux menées hypocrites et sacrilèges de la franc-maçonnerie qui est, avec le libéralisme, la grande hérésie contemporaine et sociale, prend toutes les formes pour s'introduire au cœur même de la bergerie sacrée, et, de nos jours, des nations catholiques comme le Brésil et le Portugal voient ce terrifiant spectacle de la franc-maçonnerie officielle installée cyniquement jusque dans le sanctuaire et à l'autel de Dieu.
Le nouvel évêque d'Olinda n'ignorait, rien de ces choses. C'est pourquoi, au jour de son sacre, il demanda à Dieu de lui faire une âme forte et intrépide, vaillante et fidèle, et de ne point permettre que dans sa jeune main vacillât jamais le bâton pastoral, symbole de l'autorité doctrinale de l'évêque, qui doit être à la fois le marteau des hérésies et le glaive toujours tiré pour la défense des libertés de l'Eglise.
Son entrée dans Pernambuco fut un vrai triomphe, et sur les pas du nouveau pontife tout le peuple se précipita avec des acclamations, des fleurs, des lumières, et un enthousiasme trop spontané pour n'être pas sincère.
Mais peu de temps après, quand l'évêque eut vu et sondé la place hideuse qui s'étendait au cœur même de son Eglise, et menaçait de la détruire il fut contraint de frapper et jeta l'interdit sur les églises et confréries de son diocèse converties en loges maçonniques. La guerre désormais lui fut déclarée, et la haine franc-maçonnique s'affirma avec une vigueur inouïe. 'Gomme il est de tradition chez le sectaire de frapper dans l'ombre, par un raffinement de perfidie, une main soudoyée mit dans les serrures de la chambre à coucher du prélat un de ces poisons subtils, particuliers ce pays d'outrc-mcr, dont le propre est d'empoisonner lentement, à doses insensibles, mais absolument sûres. Grâcf à
sa robuste constitution, l'évèque ne fut atteint qu'à la longue; lorsqu'il ressentit les symptômes habituels de l'intoxication, il fut frappé de l'idée que ses appartements étaient empoisonnés. Afin de s'en assurer, il fit successivement habiter sa chambre par plusieurs de ses frères qui tous, à leur tour, éprouvèrent les mêmes efiets d'évident empoisonnement. L'epreuve était faite, et dès lors commença pour Mgr Vital l'ineffable supplice d'un cœur de père et d'évêque qui doit vivre en de perpétuelles défiances, pour préserver sa vie des attaques qui se tramaient dans l'ombre.
Mais la haine ne désarme jamais, et un autre attentat, plus direct et plus brutal encore, eut lieu contre sa vie. Un des familiers du palais, acheté à prix d'or, empoisonna à haute dose un des mets servis au prélat aux premières bouchées, il sentit son estomac soulevé, et rejeta l'aliment fatal.
Il n'y avait plus d'illusions possibles, et l'évèque savait d'où lui venaient les coups qui cherchaient à l'atteindre. Mais il était bien décidé à ne céder ni aux menaces, ni aux attentats, résolu à se sacrifier pour le droit, la justice et la vérité. L'agitation grandit dans son Eglise, lui, demeura impassible et serein. Les francs-maçons en appelèrent à l'empereur. L'é venue en appela à Dieu, et il attendit.
Sur ces entrefaites, on vint lui dire que par décret impérial on allait le saisir comme coupable de rébellion aux lois du pays et traître à l'Etat. L'évèque ne se troublapas, mais averti du jour et de l'heure où devait se consommer l'iniquité, il assembla les prêtres du palais dans sa chapelle privée, et là, revêtu des ornements pontificaux, il s'agenouilla et il pria; quand les agents de police apparurent pour mettre la main sur sa personne, il se leva dans toute la majesté du droit violé, et se livra en évèque. A son passage à travers les rues de la vasle cité, le peuple l'acclama et le couvrit de fleurs, criant bien haut que son cœur et sa sympathie étaient avec son évèque. Le gouvernement, qui redoutait des manifestations, se hâta d'assembler la haute cour de justice, et le pontife comparut devant elle en rochet et en mosette. « Comme citoyen, dit-il, je puis me rendre ce témoignage de n'avoir violé aucune des lois de mon pays comme évêque, je récuse votre tribunal, ne ressortant que de celui de ma conscience, et j'affirme que de ce tribunal-la je sortirai toujours, avec l'aide de Dieu, indemne et ab-
sous. » A chacune des interrogations qui lui furent faites, l'évoque, se souvenant de l'accusé divin « Jésus autem tacebat ̃>>, garda aussi le silence.
L'issue du procès fut ce qu'on devait l'attendre de cette souveraine injustice, et le 21 février 187i, l'évèque d'Olinda fut condamné à quatre ans de travaux forcés, par le tribunal suprême de justice du Brésil.
Le gouvernement toutefois eut honte de jeter dans ses bagnes un pareil condamné, et, par un reste de pudeur, la peine fut commuée en prison simple dans une enceinte fortifiée. L'évoque fut enfermé dans la forteresse SaintJean, en rade de Rio-Janeiro, et un prêtre dévoué partagea sa captivité. L'héroïque Confesseur, se souvenant qu'il était religieux, transforma en couvent les misérables cellules qui lui étaient assignées; son temps était partagé entre la prière et l'étude.
A diverses reprises, des personnages que je ne nommerai pas ici. mais dont la démarche était la plus faite pour étonner, vinrent donner à Mgr Vital des conseils officieux, j'allais dire officiels. On lui parla de transactions, d'accommodements, de compromissions plus ou moins déguisées, et l'on alla jusqu'à lui assurer, moyennant certaines concessions, les dignités les plus élevés de l'Eglise du Brésil. A chacune de ces propositions, l'évèque indigné répondit fièrement que ce qu'on nommait des transactions et des accommodements, il les appelait, lui, des lâchetés et des trahisons. Et quand il me racontait ces détails, l'évèque, avec un triste sourire, ne manquait pas d'ajouter qu'il rougissait de voir son pays dans un tel état d'avilissement et d'abjection.
Un acte de clémence impériale rendit à la liberté l'évêque d'Olinda, le 17 septembre 1875, après dix-neuf mois d'emprisonnement, souffert en même temps qu'un autre évêque brésilien, que je salue en passant, Mgr de Macedo-Costa, évêque de Para, emprisonné pour la même cause et dans des circonstances semblables.
Mais on n'ignorait pas en haut lieu que le désir de l'évèque d'Olinda, une fois libre, était de se rendre à Rome pour expliquer sa conduite au Pape et lui demander ses conseils dans des circonstances si graves. Le ministre lui fit donc savoir que, s'il s'embarquait pour l'Italie, le gouvernement ferait tirer sur le bateau où il aurait pris place, et qu'il le rendait responsable des conséquences.
L'évoque, à force d'habileté, parvint cepen-
dant à s'échapper et arriva à Rome où il apporta un exposé de ses actes et la relation des événements. Mais des intluences considérables, que l'impartiale histoire révèlera quelque jour, s'interposèrent entre le Pape et l'évêque, qui fut obligé d'attendre de longs mois avant de pouvoir entretenir Pie IX en particulier. Il lui remit, directement, cette fois, et sans intermédiaire, un mémoire justificatif de sa conduite. Le Pape en prit connaissance, et serrant l'évèque sur son cœur, il lui dit avec émotion « Ah cher fils, vous êtes bien le pasteur de l'Evangile et quel intérêt peuvent donc avoir certains personnages de mon entourage à vouloir me tromper sur la vérité des choses? Ah que n'ai-je connu de suite les faits dans l'évidence et la lumière où vous me les faites voir »
Cette parole, tombée des lèvres augustes du Vicaire de Jésus-Christ, n'était-elle pas pour Mgr Vital la récompense de ses travaux, de ses souffrances, et aussi le plus grand témoignage rendu à son épiscopat ?
Cependant, le courageux prélat ne put rentrer dans son diocèse, et le conflit demeura toujours vif et accentué entre le gouvernement qui voulait forcer la main de l'évèque, et l'évèque qui ne pouvait ou ne voulait transiger avec son devoir. Ce noble exilé, qui n'avait pas de fortune personnelle, privé des revenus de son siège, s'en alla à travers le monde acceptant l'aumône qui lui était faite, mais ne la demandant jamais. Je sais bien que la Providence a toujours largement pourvu aux besoins de Mgr Vital, mais il importe de dire qu'à toutes ses autres soufllrances s'ajoutait encore celle de la pauvreté et de l'incertitude du pain du lendemain. Je l'avais quitté en France durant l'été de 1877, et je le retrouvai à Rome, où nous nous étions donné rendez-vous en l'automne de cette même année. Il habitait à Saint-André du Quirinal un modeste appartement du Collège américain du Sud, contigu à celui du cardinal Franzelino. Il m'apparut alors avec une physionomie si défaite et si altérée que j'eus peine à le reconnaître et ne pus me défendre d'un douloureux pressentiment. Son tempérament vigoureux était profondément atteint, et le mal faisait des ravages manifestes. Le jour de la fête de FImmaculée-Conception, il officia pontificalement dans la chapelle du Collège, mais il était à bout de forces, et, se sentant frappé à mort, il me dit en souriant que c'était son chant du cygne.
Les effets lents, mais impitoyables, du poi-
son qu'il avait absorbé, les mauvais traitements et les dures souffrances d'une longue captivité, les sollicitudes et les angoisses dm sa position d'évêque exilé, les voyages fréquents qu'il lui fallut faire les amertumes qui, depuis si longtemps, envahissaient ce grand cœur, les accablements qui, à certaines heures, s'emparent des âmes même les plus vigoureuses et les mieux trempées, tout avait contribué à ruiner sa constitution d'une manière irrémédiable. Aussi, lorsque devant la dépouille funèbre de Pie IX exposée dans Saint-Pierre, je l'entendis me dire que, lui aussi, suivrait bientôt le grand Pape dans la tombe, je ne fus qu'à demi étonné.
Le climat de Rome, avec son cortège ordinaire de fièvres pernicieuses, lui était particulièrement funeste; aussi comme la solution définitive qu'il attendait des décisions des Congrégations romaines tardait à venir, il se mit en route pour la France à la iin d'avril de l'année 1878. Mais quel voyage une véritable agonie et un accablement tel, avec des crises de douleur si intenses que, devant se rendre à Paris, il fut contraint de s'arrêter quelque temps en Savoie dans un couvent de son Ordre. Arrivé à Paris, il dit au Provincial des Capucins, qui était venu à sa rencontre « Mon Père, je viens vous demander une cellule pour mourir. »
Et de fait, comme il l'avait dit, il mourut saintement des suites de ses souffrances au couvent des Frères-Mineurs capucins de Paris, le 4 juillet 1878 à onze heures du soir, âgé de moins de trente-quatre ans.
Ses dernières paroles furent celles-ci « J'offre ma vie pour l'Eglise du Brésil, et je pardonne de grand cœur aux auteurs de ma mort. »
Ses obsèques furent vraiment triomphales et la presse religieuse, habituée depuis longtemps à saluer ce grand athlète, fut unanime à dire sa louange et à lui rendre témoignage. La messe des funérailles fut célébrée par un évêque américain de passage à Paris, Mgr de Ségur prononça l'oraison funèbre en présence de différents évoques, et l'éminentissime cardinal-archevèque de Paris voulut présider luimême la cérémonie de l'absoute dans l'humble chapelle des Capucins de la rue de la Santé, aujourd'hui fermée et mise sous les scellés officiels au nom de la Justice et de la liberté de notre pays. Dieu exauça son serviteur jusque dans la mort, car son vif désir, qu'il m'exprima souvent, était de donner sa démission d'évoqué d'Olinda et de rentrer en
simple religieux dans l'obscurité du cloître pour y trouver le calme et la paix dont son ame avait soif.
Las restes vénérés de Mgr Vital furent portés à Versailles, où ils reposent dans le caveau des Capucins du cimetière de la paroisse Notre-Dame.
Il semble que sa chère église d'Olinda,pour laquelle il avait succombé, eût dù tenir à rentrer en possession de cette glorieuse poussière et la garder, avec des soins pieux et jaloux, comme jadis les chrétiens des catacombes recevaient les restes sanglants de quelque pontife immolé dans l'amphithéâtre. Les causes de cette ingratitude, je les ignore. Est-ce l'oubli qui, en ce temps d'universel égoïsme, passe vite et impitoyablement sur les mémoirss les plus saintes et les plus vénérées ? Est-ce le mauvais état d'une église encore aujourd'hui cruellement éprouvée et qui n'a pas su comprendre que la grandeur et l'héroïsme d'un tel Pasteur seraient son plus bel héritage et son éternel honneur? Je ne sais. Mais ce corps repose aujourd'hui dans la terre de France, à côté de la cendre de ses frères. Il y est bien et les ossements du Pontife qui aimait si bien notre pays, qu'il ne désirait rien tant que d'y achever sa vie, ont dit tressaillir en trouvant un asile définitif et sacré que, deux ans plus tard, la légalité française eût impitoyablement refusé à sa personne vivante.
L'histoire de Mgr Vital Gonçalvès de Oliveira n'est plus à faire et je sais qu'un de ses Frères de France l'a écrite avec son cœur. Mais, au moment où elle allait nous être donnée, des conseils de sagesse et de prudence venus de haut ont détourné l'auteur de la livrer encore. Vraisemblablement, on a eu peur de certaines révélations compromettantes pour des personnages qui sont encore trop près de nous. Et si la séduisante et majestueuse figure de l'évêque d'Olinda devait gagner à se dégager des ombres, d'autres, parait-il, eussent singulièrement perdu dans la lumière. Voilà pourquoi il nous faut attendre encore la vie complète e authentique de l'illustre confesseur de li oi. Mais je ne doute point que l'heure de la justice sonne un jour pour cette grande mémoire je l'appelle de tous mes désirs et l'accueillerai avec un joyeux et fier empressement.
Et maintenant, o Pontife ô maître ô ami 1 vous êtes, et depuis longtemps déjà, j'ose le croire, dans la pure, sereine et éternelle lumière Vous y êtes avec les Chrysostôme, les
Basile et les Athanase, ces vaillants lutteurs dont vous suivites les traces glorieuses avec ce Grégoire VII, qui, pour avoir aimé la justice et haï l'iniquité, s'en est allé mourir en exil; avec Anselme de Cantorbéry qui dit cette immortelle parole, à savoir que « Dieu n'aime rien tant que la liberté de son Eglise » avec Thomas Becket qui, pour cette liberté, se fit immoler au pied des autels de cette rarme Eglise d'Angleterre. Ce qu'ils ont cru et aflirmé, vous l'avez cru et affirmé, donnant, vous aussi, votre vie en témoignage de la vérité et, comme l'Apôtre, « pour le nom du Seigneur, vous avez été traduit devant les tribunaux des impies, endurant la calomnie, la prison, l'exil, et fréquemment exposé à divers genres de mort [Cor. XI). » Pasteur fidèle, vous avez généreusement offert votre vie pour votre troupeau, vous donnant sans compter, à la façon du Christ qui, ayant aimé son Eglise, se livra pour elle jusqu'à la mort de la croix. Votre souvenir est de ceux qui ne périssent pas, parce qu'il exhorte et qu'il encourage. C'est pourquoi nous nous prenons à considérer souvent « celui qui a supporté une telle contradiction de la part des pécheurs soulevés centre lui, afin de n'être point défaillants en nous-mêmes » (Eébr. Xll). Cher et grand évêque, il fut donné à notre temps douloureux et troublé de voir votre cœur incomparable, d'en compter les battements généreux Votre épiscopat, de la première à la dernière heure, ne fut tout entier qu'une lutte acharnée contre les puissances ennemies et pour les immortelles libertés de l'Eglise. Obtenez donc à notre époque, qui fut la vôtre, un peu de votre foi lumineuse et vivante, et de vos saines énergies, afin que nous, les fils de cette Eglise romaine que vous avez servie et défendue jusqu'au sacrifice suprême, nous sachions travailler efficacement, et dans la mesure de la volonté divine, à l'extension du règne de Jésus-Christ sur la terre, lui portant toujours et partout des convictions qui s'affirment et des cœurs qui se donnent ANSELME P
Durgo île Osnia, 1!) décembre 1882.
LE CRIME DE TISZA-ELSZAR
La Croix a mentionné dans ses livraisons de juillet et août de cette année une affaire criminelle qui a causé et cause encore la plus grande sensation en Autriche, en Orient, en Allemagne et dans tous les pays où se trouvent des épaves du peuple déicide.
Cette affaire est connue sous le nom de La saignée de Tisza-Eszlar. Elle a donné lieu à toute une série d'interpellations au Iteichstag hongrois; des polémiques violentes ont été soulevées au début de l'affaire, elles ont cessé subitement lorsque les juifs ont vu que des charges accablantes pesaient sur ceux de leurs coreligionnaires, impliqués dans cette affaire. Mais ces polémiques ont recommencé récemment avec plus d'ardeur que jamais, la presse juive a repris courage, parce que des menées ténébreuses sont parvenues à embrouiller de nouveau l'affaire, dont la cour d'assises de Nyireghi-Haza devait être saisie dans le courant de décembre, en vertu de l'arrêt de la Chambre des mises en accusation du mois d'octobre.
Entre temps un sanhédrin a été convoqué au mois de juillet à Budapesth pour s'occuper de l'affaire. De plus les juifs en ont saisi le Cardinal-Primat de Hongrie, l'épiscopat austro-hongrois et allemand, des académies et universités d'Orient et d'Occident, pendant que la justice poursuivait de son côté cette ténébreuse affaire.
Le meurtre ne fait pas de doute, il y a aveu de la part des accusés. La question est de savoir quel en a été le motif. Les mots « but rituel ont été prononcés par l'opinion publique. Sur quoi cette conviction se baset-elle ? Nous allons le savoir dans l'exposé que nous soumettons à nos lecteurs.
A quarante lieues de Pesth, dans la direction nord-est, il y a, à quelques lieues audessus de Debreczin, un district à^population slowaque, à laquelle se sont mêlés des éléments hongrois et juifs. Le centre du district est
formé par la ville de Nyireghi-Haza, point de jonction de voies ferrées importantes, siège de l'administration et des tribunaux. A quelques lieux du chef-lieu il y a une bourgade, que l'on nomme Tisza-Eszlar pour la distinguer des autres communes du nom de Tisza. La population juive y est proportionnellement considérable; elle y vit du trafic, de l'usure et d'autres métiers qui n'exigent pas de travail manuel.
Le samedi 1er avril de cette année, veille des Pâques juives, la jeune Solymosy, âgée de 14 ans, fille d'une veuve chrétienne, passa vers le soir dans une rue de la bourgade. Elle y rencontra un mendiant juif que depuis on a su être le nommé Hermann Wollner, tout dernièrement arrêté à Sarospatack. Le mendiant invita la jeune fille à venir dans une maison juive pour y allumer les cierges de Pâques. Cette invitation n'avait rien d'extraordinaire, la loi juive défendant aux enfants d'Israël de toucher le feu le jour de Sabbat. La jeune fille suivit le mendiant dans la maison du sieur Scharf, qui lui était connue. A partir de ce moment elle avait disparu. Qu'était-elle devenue ? Elle était sortie pour chercher de la couleur chez un épicier et. ne rentra pas la nuit venue. On se perdait en conjectures, lorsque tout à coup les indiscrétions d'un jeune enfant juif attirèrent l'attention de la population. Le fils cadet du sieur Scharf, schames (bedeau) de la communauté israélite, prétendit devant d'autres enfants qu'il savait ce qu'était devenue la jeune Solymosy. Questionné pardes personnes sérieuses le petit juif dit avoir vu la veille des Pâques juives, en regardant par le trou de la serrure, saigner à la synagogue une jeune fille. En présence (les détails minutieux donnés par cet I enfant, âgé de 6 ans, on procéda à l'arrestation de toute sa famille et on en interrogea séparément les membres. Le père et la mère nièrent d'abord formellement. Au contraire,
le fils aîné, âgé de 1(5 ans, Maurice Scharf, avoua ce qui suit
« La jeune Solymosy a-t-il dit a été attirée chez nous sous prétexte d'allumer les cierges, parce que c'était le jour du Sabbat; on l'a bâillonnée aussitôt et transportée nuitamment à la synagogue. Là on l'a saignée et on a recueilli son sang dans un vase. Parmi les assistants se trouvait M. Liehtmann, marchand de céréales, qui pour donner le change à l'opinion, avait, dès la première nouvelle de la disparition de M"c Solymosy, télégraphié au Lloyd de Pesth que la jeune fille avait été retrouvée. »
Le jeune Scharf entra ensuite dans des détails les plus circonstanciés et confirma en tous points les révélations de son petit frère. Dès le début de l'instruction, l'exemple de Lichtmann fut suivi et de fausses Solymosy surgirentde toutes parts pour donner le change à l'opinion publique il y a eu seize tentatives pour dérouter la justice dans ses recherches du corps de la victime. La dernière de ces tentatives datant du commencement de décembre a eu pour but évident de différer la comparution des accusés devant la cour d'assises. La justice ava.it reçu un avertissement anonyme de fouiller dans certain endroit de la commune de Tisza-Dada. On tint compte de l'avertissement et, en effet, on trouva à l'endroit indiqué une caisse contenant un corps féminin, tout noir. La mère de la victime fut appelée, mais déclara que ce corps ayant des dents absolument krégulières, ne pouvait pas être celui de sa fille, celle-ci ayant des dents superbes et très régulières. De plus les médecins experts ont déclaré que le corps avait plus de 18 ans.
Sur les seize tentatives de substitution, celle faite avec lecorpsde la nommée Flora Gavril, fille publique, morte à l'hôpital de Marmaros, fut la plus curieuse et la plus importante, car le corps de cette fille était revêtu des habits de la victime. En voici les détails:
Le 20juin,en pleine instruction, la Nouvelle presse libre de Vienne, aussi connue sous le nom de Moniteur de la juiverie, publia la dépêche guivinte, datée de Towk-sur-Theiss « On vient de retirer de la Theiss le corps intact et parfaitement reconnaissable de M"n Solymosy. Une foule d'Israélites, accourus dès la première nouvelle, ont constaté son identité. »
On aurait pu rire de cette allégation qu'on avait retrouvé intact et parfaitement reconnaissable le corps d'une personne disparue
depuis 80 jours, si une circonstance particulière n'avait pas donné une importance majeure à cette trouvaille.
La mère et la tante de la victime, mises en présence du corps, retiré des eaux de la Theiss, reconnaissaient les habits de Mllc SoIymosy mais soutenaient que le corps qui les portait n'était nullement celui de leur fille ou nièce. Une expertise médicale fut ordonnée. Les hommes de l'art constatèrent que le corps revêtu des habits de M"c- Solymosy était celui d'une personne d'une vingtaine d'années, morte de phtisie pulmonaire.
La justice était sur la trace du vrai corps, si elle parvenait à découvrir d'où provenait celui retiré de la Theiss. On ne tarda pas à l'apprendre; quelques jours après, le commissaire de police Farkas, assisté du sous-préfet Hasitz, de Szolnock, procéda à l'arrestation des mariniers que le garde-champêtre avait désignés comme ayant retiré le corps de la Theiss. D'autres personnes suspectes d'avoir joué un rôle dans cette substitution, furent également arrêtées, entre autres un sieur Jankel Szilovics. Ce dernier fit des aveux partiels. Il avoua avoir livré le cadavre de Flora Gavril, fille publique, morte de phtisie à l'hôpital de Marmaros. Il dit avoir été prié par des coreligionnaires de se procurer un corps et de jouer la scène avec les mariniers de TiszaDada. Il avoua en outre avoir reçu à deux reprises la somme de 600 florins. Sur l'observation du juge d'instruction, qu'il paraissait difficile que dans une affaire de cette importance il se fût engagé avec des inconnus et qu'il devait connaître ceux qui lui avaient fourni l'argent et les habits de M"c Solymosy, Jankel Szilovics répondit que F affaire s'était passée à Tisza-Eszlar, mais qu'il ne savait pas les noms de ses commettants.
Cependant, les juifs se cotisaient partout en vue de fournir les fonds nécessaires pour la défense de leurs coreligionnaires. Ilspriaient trois des meilleurs avocats du barreau de Pesth, M08 Eotveos, Horanzki et Funtack de vouloir s'en charger. Dès le 6 juillet, les sommités juives de Budapesth avaient recueilli la somme de 80,000 tlorins, soit 200,000 francs, pour les mettre à la disposition de la défense. Les nombreuses tentatives de substitution de corps ont été faites non seulement pour dérouter la justice, mais aussi pour toucher la prime de 5,000 tlorins, promise par le consistoire israélite central de Pesth, à ceux qui fourniraient des indications permettant de retrouver M"° Solvmosv, morte ou vive.
Au commencement d'aoùt on amena devant le juge d'instruction un juif, accusé par la rumeur publique d'avoir fait nuitamment un voyage mystérieux, quelques jours après la disparition de la victime. Cet individu, un sieur Hutelist, semblait braver l'opinion publique. On apprit qu'un jeudi soir Hutelist faisait des préparatifs de départ et partait au milieu de la nuit, dans sa voiture, pour une destination inconnue. Une enquête minutieuse établit que le juif avait chargé sur sa voiture le corps de la victime, exhumé dans la soirée, et transporté à Tisza-Dada, où on le cacha dans les roseaux dans la Theiss. Enterré la nuit suivante, on procéda quelques joursaprès à une nouvelle exhumation du corps, pour le transporter à Nyireghy-Haza. Après l'y avoir laissé quelques jours en terre, des inconnus, juifs, le transportèrent à NagyKallo. A partir de cette dernière ville, où la fosse a été trouvée vide, la trace du corps fut définitivement perdue.
Le rapport officiel de la commission rogatoire, envoyée à Nagy-Kallo, disait à ce propos ce qui suit
« Il est évident que l'on se trouve en face de menées puissantes, tendant à rendre impossible la découverte du corps de Mlle Solymosy ».
Ces menées ne pouvaient avoir d'autre but que de tromper la justice et lui faire accepter un corps non exsangue, afin sans doute que le caractère rituel du crime ne pût pas être établi.
Surces entrefaites un autre événement, capable de jeter le discrédit sur la magistrature hongroise, était arrivé. Le premier juge d'instruction, chargé de l'affaire, se suicida. Ce magistrat, M. Melchior Booth, était un homme d'un certain âge et luttait depuis longtemps contre des embarras d'argent. Dès les premiers jours de l'instruction, le bruit courait qu'il avait promis aux juifs d'étouffer l'aflaire, et le gouvernement apprenait en même temps que les juifs se cotisaient secrètement. Le procureur général de la cour royale de Pesth délégua aussitôt son substitut pour ouvrir une enquête disciplinaire. Dès l'arrivée de ce dernier, le magistrat concussionnaire se suicida.
Cet incident dramatique terminé, un autre surgit entre le juge d'instruction, M. de Barry, succédant à M. Booth, et le Procureur royal Nagy, qui semblait vouloir favoriser les inculpés d'une façon inusitée. Le conflit entre le juge d'instruction, et le procureur prit de
telles proportions que le garde des sceaux dut envoyer M.Berezely, chef de division au ministère de la justice, pour ouvrir nue enquête.
Enfin, après une longue et minutieuse instruction, le renvoi des inculpés en chambre des mises en accusation de la Cour de Nyireghi-Haza fut prononcé par le nouveau juge d'instruction, conformément à l'art. 278 du code pénal hongrois.
Voici l'exposé des motifs
« La jeune Solymosy, âgée de quatorze ans, fille de la veuve Etienne Solymosy, née Marie Jacob, a disparu, le i" avril dernier, de la ville de Tisza-Eszlar, sans que, l'on ait pu trouver sa trace. Une conversation, tenue avec des enfants de son âge, par le jeune Samuel, âgé de six ans, fils du sharnes (bedeau) Joseph Scharf, et les allures suspectes, affectées par le sieur Salomon Sclnvarz, sa.crificateur de la communauté israélite, firent naître le soupçon que la jeune Solymosy pouvait être victime d'un crime. »
Une instruction immédiatement ouverte donna les résultats suivants « Les sacrificateurs Salomon Schvarz, Adolphe -Léopold Braun et Abraham Burebaum ont pu être accusés à la suite des témoignages et de leurs propres aveux, inattaquables, précis, détaillés et corroborés par les circonstances, d'avoir, le 1er avril dernier, au parvis de la synagogue de Tisza-Eszlar, où ils disent s'être assemblés, et dans la nuit du 31 mars au 1er avril et dans la journée du 1" avril, en vue de l'élection d'un sacrificateur et d'une répétition de chants liturgiques, tué la jeune Solymosy, avec la circonstance que la mort a été produite par l'entaille faite au cou de la victime avec le couteau rituel du sacrificateur et que la victime avait «'̃ t attirée par un guet-apens.
« L'accusation soulevée contre le sieur Joseph Scharf, sa femme Lina, née Muller, les sieurs Adolphe Junger, Abraham Braun, Samuel Lustig, Lazare Wasenstein alias Weinstein, Emmanuel Tanb, porte qu'ils sont convaincus par l'instruction et les témoignages d'avoir eu connaissance des intentions homicides des accusés dénommés en premier lieu, qu'ils y ont coopéré soit en y assistant directement, soit en faisant le guet pendant l'accomplissement du crime
« Considérant que les accusés dénommés eu premier lieu se sont embarrassés dans les contradictions les plus flagrantes, qne leur
prétendu alibi n'a servi qu'à les rendre davantage suspects
« Considérant que des tentatives ont été organisées systématiquement en vue d'induire en erreur la justice et d'empêcher la procédure judiciaire
« Considérant qu'à cet effet un vol de cadavre d'une femme étrangère a été commis, que le corps de celte femme a été revêtu des hardes appartenant à la jeune Solymosy au moment de sa disparition et jeté dans les eaux de la Theiss
« Considérant que ces agissements multiples prouvaient que l'instruction était sur la bonne voie et que les complices des inculpés mettaient tout en œuvre pour les faire sortir de prison
« Ordonnons le renvoi des inculpés en Chambre des mises en accusation, afin qu'il y soit statué, conformément à la loi. Donnée à Nyiereghi-Haza, le 29 juillet 1882. « Joseph de Barry. »
Cet acte ne porte pas le renvoi du juif Hutelist, des mariniers et autres qui ont joué un rôle dans l'enlèvement du corps de la victime soit dans celui de la fille publique de l'hôpital de Marmaros et dans la comédie organisée à Tisza-Dada lorsqu'on retira le corps de la rivière. On croyait d'abord que le silence du juge d'instruction n'impliquait pas leur mise hors de cause. Il parait que ces faits seront jugés correctionnellement, si toutefois ils le sont, car le sieur Hutelist paraît avoir su faire jouer des interventions, sinon louches, du moins mystérieuses.
Ces interventions, qui paraissent venir de loin, ont su embrouiller l'affaire. Les mariniers qui avaient joué un rôle dans la scène de la rivière où l'on retrouva le prétendu corps de Mlle Solymosy, ont rétracté leur déposition devant le juge d'instruction. Cette rétractation a été faite depuis que les mariniers ont été mis en liberté provisoire, par conséquent, à un moment où ils ont été accessibles à des influences étrangères.
La presse libérale a parlé d'intimidation et même de tortura elle a osé affirmer que les aveux des inculpés n'avaient été obtenus que par des moyens illicites.
Tout cela ne saurait tenir devant les deux faits saillants de l'affaire 1° la disparition de Mlle Solymosy, la veille des pàques juives;
2" le vol du cadavre de la fille publique de Marmaros et la comédie jouée avec ce corps, revêtu des habits de Mlle Solymosy. Ces deux faits sont absolument indéniables, ils sont corroborés par les aveux des inculpés et par la déposition de nombreux témoins. Comme toutes les affaires analogues, qui se sont présentées dans le courant des siècles et au milieu de tous les peuples chrétiens qui ont admis des juifs à leur foyer, les personnes impliquées dans la saignée do Tisza-Eszlar appartiennent à la classe des talmudistes. Cette classe se recrute parmi les juifs des campagnes et dans la lie des juifs citadins. Elle ne reconnaît que l'autorité religieuse des rabbins et l'autorité législative du Talmud, observe scrupuleusement la loi rabbinique non la loi mosaïque et ne se mêle aux chrétiens que pour ses affaires d'intérêt. C'est là le noyau indestructible de la nation. La classe talmudiste se compose surtout de fanatiques qui puisent leurs idées superstitieuses, particulièremeut dans la seconde section de la Mischna ou recueil des prescriptions talmudiques. Il est vrai que la Mischna ne contient pas une prescription directe en ce qui concerne les pratiques monstrueuses de la saignée humaine; mais, dans le courant des siècles, on y a fait des interpolations, souvent obscures, qui, à juste titre, sont regardées par les juifs éclairés comme des légendes et fables ridicules, des imaginations dangereuses.
Si la Mischna, la Gemara et Schulchan anieh, cette quintessence du Talmud, ne portent pas des textes précis relatifs à la saignée, il n'en est pas ainsi de la Kabala, recueil que les talmudistes mettent encore audessus de ces trois premiers livres.
La Kabala a déjà joué un rôle dans une affaire analogue, dans celle de la saignée dit Père Thomas, capucin, saigné en 1840 à Damas (en Syrie). Dans le procès de Damas, ce livre est expressément mentionné. La Kabala est fort peu étudiée, parce que la clef en est une énigme, même pour beaucoup de savants rabbins. Vital, disciple du rabbin lsaac Lurja, cite'Pn ez Hachajim, page 'VA, où il est •lit
« II est écrit dans les Saintes-Ecritures « Les sages resplendiront comme la lumière a du ciel. » Que signifie cette phrase? Elle se rapporte à ceux qui offrent à la puissance de Dieu le sang des Gojim, et ceux-là sont évidemment tes vrais sages ils resplendiront comme la lumière du ciel. « Le Seigneur nous
a pris notre temple et nos sacrifices; il nous a laissé la faculté de verser sur une pierre sèche (Zechiaeh selah) le sang des Gojim devant Dieu, c'est-à-dire devant ou en présence des Tables de la Loi, qui ne se trouvent que. dans les Synagogues. »
On comprend que les rabbins peuvent affirmer que nulle part on ne parle de chrétiens, puisque le texte dit gojim; les hébraïsanls et orientalistes savent fort bien que sous ce nom sont compris tous les incirconcis.
L'histoire du peuple juif, celle de l'Eglise et de divers peuples d'Orient et d'Occident sont là pour dire que ce passage embrouillé de la Kabala a excité, à diverses reprises, des juifs fanatiques à opérer la saignée humaine. En 1473 eut lieu à Trente un procès au sujet de la disparition d'un enfant au moment de la Pâque. Les actes de ce procès, conservés dans un manuscrit des Archives épiscopales de Trente, ont été en partie publiés par le P. Borelli en 1747 (Dissertazione apologetica sul martirio del B. Simone, p. 421463) et récemment analysés par les rédacteurs de \&Civiltà cattolica. Un chirurgien, nommé Tobie, déposa que, pendant la SemaineSainte, étant avec un nommé Angelo dans la maison d'un nommé Samuel, celui-ci dit que les juifs avaient beaucoup de viande et d'excellents poissons pour les fêtes prochaines; Ange ajouta que c'était vrai, mais que, pour faire une bonne fête, il manquait quelque chose.
Eh quoi? demanda Samuel.
Ange lui répondit
Ce n'est pas le moment de le dire. Or, le lendemain Mardi-Saint, on offrit à un marchand juif, nommé Lazare, 100 ducats s'il vculait trouver un enfant. Lazare refusa de s'exposer au danger d'être découvert et par conséquent mis à mort. Alors, le MercrediSaint, Samuel dit dans une réunion de plusieurs juifs où le chirurgien Tobie était présent « Demain est le jour de notre PAque il serait très bon que nous eussions le sang d'un enfant chrétien. »
Et il fut décidé que Tobie se procurerait ce sang. On fit observer que ce sang n'était nécessaire que l'année du Jubilé, car alors on le garde, on le réduit en poussière pour le mêler les autres années dans la pâte des azymes. Les dépositions faites dans ce procès confirment cet usage général parmi les juifs. On y lit « II est nécessaire de saigner l'enfant f/uod optimum et conveniens erat pungere pvorum et, pour que le sang soit bon, il
faut que l'enfant meure dans les tourments ut satir/iiis sit bonus, moriatur in tornientis. »
Teofite, moine grec, ex-rabbin de Moldavie, pnblia en 1803, en langue moldave, un livre intitulé Ruine de la religion juive » (3e édit. à « Napoli di Romania », 183i) où il révèle tous les secrets de la Pàque sanguinaire des juifs. Or, on y lit page 388 « A Pâques, chaque juif est obligé de manger un peu de pain azyme préparé avec le sang d'un chrétien martyrisé. »
Les débats devant la cour de Nyireghi-Haza nous apprendront bientôt ce qui en est de cette mystérieuse affaire et si M"c Solymosy a perdu la vie, parce que quelques fanatiques juifs, se basant sur un passage de la Kabala, ont cru faire œuvre agréable à Dieu en immolant un enfant des Gojim.
La presse libérale et juive demandait avec force tapage que l'affaire fùt portée devant la cour d'assises de Budapesth, où les influences occultes auraient pu avoir plus d'action sur le jusqu'à Nyireghi-Haza. Le bruit courait que le procureur général allait donner suite à cette demande. Aussi l'opinion publique s'en émut et l'affaire fut portée à la tribune du Reichstag hongrois. Dans sa séance du 27 novembre, le garde des sceaux de liongrie déclara que, soustraire le crime de Tisza-Eszlar à ses juges naturels, ce serait contraire aux lois et que la justice suivrait son cours ordinaire. Seulement, la seizième tentative de substitution de corps est la cause que l'affaire a dû ÎI être renvoyée quand même à une autre session. La justice a décidé que le corps, trouvé dans une caisse à Tisza-Dada, serait soumis à un examen minutieux. Il est difficile d'en connaître la nécessité, puisque Mmo Solymosy a déclaré que ce corps avait une tout autre dentition que celle de sa fille. Peut-être la justice n'a-t-elle pas voulu laisser une arme éventuelle à la défense, arme qui aurait pu jeter le doute dans l'esprit du jury. S'il en est ainsi, l'aflaire pourrait bien ne se terminer jamais. On est arrivé à une seizième tentative de substitution, pourquoi n'arriverait-on pas à une centième, puisque chaque tentative est suivie d'une enquête et d'une contre-enquête, qui entraînent infailliblement la remise de l'affaire ?
Quoi qu'il en soit, il convient de noter que l'inslruction principale a duré quatre mois, et qu'elle a abouti à ur renvoi en chambre des mises en accusation à la date du 2!) juillet. La chambre ne s'est prononcée pour le
renvoi en cour d'assises qu'au commencement d'octobre, et nous voilà à la fin de l'année et l'affaire n'est pas encore plaidée. Le public, voyant dans ces longueurs inexpliquées et inexplicables des interventions mystérieuses et puissantes, semble craindre qu'en fin de compte elles réussissent à faire absoudre lés coupables sans ces interventions, l'affaire serait jugée depuis des mois et quelques fanatiques talmudistes seuls auraient porté la peine de leur crime.
Le chiffre des interrogatoires subis avant le renvoi en chambre des mises en accusation monte à deux cent quarante-cinq. La justice a été forcée de faire faire double copie de tous les procès-verbaux, une audacieuse tentative de soustraction des pièces du procès ayant été tentée.
Vouloir soustraire quelques juifs fanatiques talmudistes au glaive de la loi et empêcher la justice de connaître les pratiques superstitieuses d'une classe de juifs, encore assez nombreuse, serait téméraire et immoral. Les juifs n'y gagneraient rien. Au contraire, les masses ont été surexcitées et un langage violent et exalté dans les meetings anti-sémitiques en a été la conséquence.
Nous sommes loin de partager l'opinion de ceux qui veulent faire tomber sur tout Israël la saignée de Tisza-Eszlar. Ceux-là exploitent cette affaire dans la question économique qui n'a absolument rien à y voir. La saignée n'est inspirée ni par la cupidité, ni par la haine privée, elle est due aux sentiments fanatiques de race et de religion dont les Talmudistes sont animés à l'égard des Gojim.
Les excès de langage dont certains cercles antisémitiques se sont rendus coupables contre les Juifs ne nous rappellent, hélas que trop, ceux dont certains juifs se rendent journellement coupables contre l'Eglise. Ne sont-ce pas des juifs qui dins la presse libérale et révolutionnaire d'Allemagne, d'Autriche, d'Italie et de France, excitent les masses contre l'Eglise, l'épiscopat, le clergé et les institutions catholiques? Ne réclament-ils pas les mesures les plus draconiennes contre les congrégations religieuses ?
N'ont-ils pas applaudi à outrance lorsque, en France, on a crocheté les serrures des couvents ? N'ont-ils pas montré une joie barbare, lorsqu'une loi allemande, priva les jésuites, rédemptoristes et autres religieux et religieuses de leur indigénat, les dépouilla de leurs biens, et les chassa, comme de vils va-
gabonds, an delà de la frontière de leur patrie ?
Quel a donc été le rôle des juifs dans la guerre sournoise et détournée faite en Autriche aux institutions chrétiennes ? Le juif Arbib, rédacteur de la Libéria, qui, sans la magnanimité de Pie IX n'aurait jamais pu sortir de son Ghetto de Rome, n'était-il pas à la tête des scélérats qui dans la nuit de juillet voulurent jeter dans le Tibre les restes sacrés de Pie IX? '?
Aussi il sied mal aux juifs de se plaindre des excès antisémitiques dont les pays hérétiques et schismatiques se rendent particulièrement coupables. L'Eglise a toujours blâme ces excès et les blâme encore aujourd'hui, quoique elle sache qu'ils sont dus à la conduite imprudente des juifs, à l'attitude éhontéo de leur presse dans toute l'Europe.
Les juifs cette fois encore,etcommeau moyenâge, se sont adressés à l'Eglise pour implorer sa protection, sachant fort bien qu'Elle seule pouvait calmer la tempête qui gronde sur Israël. Au moins en Hongrie ils sont, devenus humbles et suppliants. Voici l'adresse qu'ils ont déposée aux pieds de Son Eminence le Cardinal Simon, archevêque de Gran, primat de Hongrie
« Eminence,
« Laissez-nous exprimer l'ardente gratitude qui remplit les cœurs de tous nos coreligionnaires, gratitude que nous devons au clergé catholique, animé d'un esprit si élevé et au Chef suprême qui se trouve à la tête de l'Eglise catholique, Chef orné de la triple couronne de la sagesse de la justice et de la crainte du Seigneur.
« Nous devons cette gratitude à celui qui, rempli de la sainteté de sa vocation et suivant l'exemple glorieux de ses nombreux prédécesseurs, a élevé la voix pour la protection des juifs persécutés et exposés à tant de souffrances, et a prêché d'une façon si efficace le sublime devoir de l'amour du prochain.
« L'intervention papale a raffermi et augmenté notre confiance inébranlable dans le clergé de Hongrie et en Votre Eminence, son suprême pasteur.
« L'intervention du Souverain Pontife a ravivé dans nos cœurs l'espérance que les nuages accumulés sur le peuple d'Israël se disperseront, et que l'esprit de la justice et
île l'amour du prochain remportera la victoire ici chez nous. »
Quel document quel langage Comparonsle aux attaques, lancées journellement par la presse juive libérale et internationale contre l'Eglise, son Chef et ses institutions. Oui c'est l'Eglise qui protège, encore aujourd'hui comme par le passé, le peuple d'Israël dont les enfants dégénérés lui font en retour une guerre acharnée, déloyale et impitoyable. Au milieu de cette tempête déchainée contre Israël, seule la voix de l'Eglise se fait entendre en leur faveur. Elle étend sa main protectrice sur eux, sur ces ingrats qui ont oublié que saint Grégoire Ier les délivra, dès l'an tJOO, d'un humiliant esclavage, qui n'ont en aucun souvenir qu'Innocent 111, lors de la persécution du moyen-âge, les protégea efficacement et les appela « les vivants témoins de notre foi. »
L'Eglise de nos jours fait de nouveau en leur faveur ce qu'ont fait Honorius III stigmatisant en 1220 les persécuteurs des juifs, Clément V en 1310 par ses bulles, et Jean XX11 en écrivant à tous les princes chrétiens en leur faveur.
N'est-ce pas Pie IX qui affranchit en 18ib' le Ghetto de Rome?
Les juifs de nos jours ont-ils donc oublié ce que le Grand rabbin de Turin, M. Belio Cantoni, disait en 1847, à l'inauguration du ••'̃ilège juif de cette ville
« Que le nom de Pie IX, a-t-il dit, soit gravé en caractères ineffaçables avec un ciseau
d'airain, avec un diamant, sur uni' plaque de marbre, qu'il soit rangé parmi les bienfaiteurs du peuple d'Israël. Pie IX a été de tout temps l'ange gardien de notre nation, même quand elle est heureuse et dans une situation tolérable. »
Avons-nous besoin de rappeler la généreuse offrande de Mgr le Cardinal-archevêque de Paris en faveur des juifs, expulsés de Russie? De même en Autriche et en Allemagne, l'épiscopat a fait entendre sa voix en leur faveur et les pays catholiques n'ont pas été attristés par des scènes de violence contre les enfants d'Israël.
Nous avons suivi et nous suivrons l'affaire en chroniqueur consciencieux, car nous y voyons un fait important de la vie nationale des juifs. Nous ne pouvons pas ignorer que le peuple juif est, malgré ses errements, le témoin vivant de la vérité historique de l'Eglise de Jésus-Christ. Pascal a fort judicieusement dit dans ses Pensées que, depuis sa dispersion, le peuple juif porte les livres sacrés, les aime, mais ne les entend point. Comme c'est le peuple désigné pour servir de témoin au Messie, tout ce qui se rapporte à son histoire intéresse a juste titre les fidèles de l'Eglise universelle. Et c'est pour cela que l'affaire de Tisza-Eszlar étant tout autre chose qu'une affaire criminelle, a causé une si grande sensation.
H. -G. Fromm.
LA PLACE DU PARADIS TERRESTRE
DK l'ATHMOS A JERUSALEM
De l'avis de tous. l'Asie est le berceau unique de toutes les races humaines disséminées dans les différentes contrées du globe. Pour cette- raison même, l'Asie est la grande terre des pèlerinages. Les principales religions y trouvèrent leur première origine, et y cherchent encore le lieu sanctifié par la présence et les œuvres des saints. Mais il n'y a en réalité qu'un pèlerinage parce qu'il n'y a qu'une religion vraie. Ce n'est ni Bénarès, niH'Lassu, ni La Mekke. C'est la ville dont le sol a été arrosé des larmes d'Adam et d'Eve pénitents, consacrée par les sacrifices non sanglants de Melchissédee, roi de justice et de paix, sanctifiée par la présence de l'unique temple élevé au seul vrai Dieu sur la terre, et enfin divinisée au contact du sang et des sueurs de l'HommeDieu. C'est Jérusalem, Orient véritable où toutes les âmes cherchent la lumière de justice qui porte la paix à tous les hommes de bonne volonté.
On a remarqué qu'une province de Thrace porlait le nom d'Europe, et que celui d'Afrique était donné de préférence à la région de l'Atlas. C'est aussi vers la province dite Asie-Mineure que se trouve le Mont-Araral d'où rayonnent toutes les races qui ont peuplé la terre. Très certainement ces désignations particulières indiquant le premier point de prise de possession, te nom d'Asie acquiert un caractère d'universalité qui n'appartient pas aux autres provinces de l'ancien continent. Mais ce caractère s'accentue par la situation particulière de l'Asie-Mineure aux temps apostoliques. Les grands courants politiques avaient amené dans ce pays une fusion des races et de toutes les doctrines. Il suffisait aux apôtres de répondre dans leurs écrits aux resoins particuliers de la société au milieu de laquelle se fit la première promulgation de
(f) La Direction iJc la Cm, Un^M- ix l'auteur toute la responsabilité de son opinion: elle suit en effet c/m1 sur cette question toute sneutitique il y a eu parmi les savants des avis divers. Nous pourrons revenir fin" C3 sujet.
l'Evangile, pour donner aussitôt aux saints livres une utilité universelle qu'ils possèdent ù bien d'autres titres.
L'Apocalypse adressé explicitement aux églises d'Asie porte surtoutle cachet particulier de son époque et de son milieu, et c'est peut-être cette raison qui en fait une clef de toutes les énigmes de ce monde. Etant généralement admis que ce livre conviendra surtout à la fin des temps, où la consommation de toutes choses dans le domaine des faits rendra nécessaire l'explication de tout dans celui des idées, on comprend assez pourquoi la révélation du Bienfaiteur divin des hommes ait été de préférence adressé aux églises d'Asie, par saint Jean, l'apôtre de ce pays.
Welstenius a remarqué que le pèlerin parti de Pathmos pour Jérusalem devait rencontrer successivement les sept villes dans l'ordre où elles sont placées au début de l'Apocalypse, Ephèse, Pergame, Thyatire. Sardes, Philadelphie et Laodicée. Si l'on compare les significations de Pathmos qui veut dire souffrance et de Jérusalem vision de paix, on est frappé du sens très philosophique de cette distribution.
Un pèlerinage de l'Ile de la souffrance, de la terre d'exil à la vision de paix, c'est la vie liumaine chrétiennement définie, c'est l'histoire des peuples, c'est le grand voyage de l'humanité chassée de l'Eden dans la terre d'exil et de souffrance, courbée sous le poids de sa misère dans son voyage de pénitence vers la consommation de toutes choses. C'est surtout la vie et le passage de l'Eglise dans cette vallée de larmes, depuis son berceau au Calvaire jusqu'à son triomphe dans les splendeurs de la vision céleste.
Il faut encore signaler la direction d'Occident vers l'Orient. Denys l'Aréopagite, qui, par son sang a marqué l'endroit où les peuples viendront vénérer le Cœur sacré dont il a défini si doctement l'inépuisable bonté et qui est contemporain de saint Jean à qui il
adresse une de ses épîtres, marquait déjà le sens symbolique de cette direction, qui est celle du mouvement diurne de la terre. Car les phénomènes physiques sont toujours en harmonie avec ceux du monde moral et spirituel.
Décrivant une cérémonie du baptême qui consistait à tourner le catéchumène d'abord vers l'Occident, ensuite vers l'Orient, il veut faire comprendre au nouveau chrétien comment, par ce rite, il a renoncé aux ténèbres de ce monde pour se tourner vers Jésus-Christ, véritable Orient des âmes. « Voilà l'homme, disait le prophète Zacharie, et Orient sera son nom. » (Zach. chap. 6, v. 12). Mais rapportons ici les paroles mêmes du théologien apostolique «Debout, en face de l'Occident, « le néophyte étend les mains pour renier « toute participation avec la malice des ténè« bres, il semble exsuffler l'état originel de « dissimilitude (avec Jésus-Christ), il prononce « les abjurations de tout ce qui est contraire « à la sainteté déiforme. Ainsi, délivré de tous « ses liens et de toutes ses chaînes, on le <( tourne vers l'Orient, pour lui indiquer que « par la fuite absolue du mal, il méritera, « grâce à sa pureté, d'habiter et de contempler « la divine lumière, et, après l'avoir ramené « à l'uniforme, on reçoit avec un véritable « amour, ses promesses sacrées de tendre de « toutes ses forces à l'unité en Dieu. » Cette idée fondamentale qu'en se tournant vers la lumière, on se dirige vers l'unité, nous la retrouvrons bien souvent dans le cours de cette étude, et pour cela il ne faudra pas toujours nous placer nécessairement dans le domaine des choses surnaturelles, à cause de l'harmonie que Dieu a répandue sur et entre toutes ses œuvres.
Dante, qu'il faudrait si souvent mettre en contact de rapprochement avec l'auteur inspiré du livre de l'Apocalypse où le poète itaj lien a puisé tant d'images et d'idées, chante aussi le pèlerinage de 1 âme pénitente vers le séjour de la lumière et de l'union à Dieu. Son Enfer est le Pathmos des âmes; le ciel est la vision des clartés de la paix éternelle, la céleste Jérusalem. Dans l'espace intermédiaire, se tronve la montagne du Purgatoire dont le sommet, dominant sept immenses gradins concentriques, est le terme d'un pèlerinage de pénitence, d'où le poète emporté par un rayon descendu de la région des célestes clartés, s'envole pour achever son pèlerinage dans l'union avec Dieu.
Au fond de toutes les doctrines religieuses, .et dans ce que les mythologies ont gardé de la révélation primitive, se retrouve cette idée, qui, dans toute doctrine hiératique, forme la loi et le sens symbolique du septenaire sacré. Mais ce début de l'Apocalypse en harmonie avec les traditions catholiques par excellence,
parce qu'elles sont éclairées merveilleusement dans l'enseignement traditionnel de l'Eglise et qu'elles se rapportent au trésor de la tradition universelle, cette suscription du livre adresse aux églises d'Asie ne peut plus se prendre uniquement, même dans ce qui s'adresse plus spécialement à l'évoque de chaque église, dans le sens restreint d'une simple épître d'un patriarche à ses sufl'ragants. La conduite de cettre première vision de l'Apôtre lui conserve du reste assez ce caractère universel. Car ces lettres sont écrites sous la dictée de Jésus-Christ lui-même. Or, le Christ de l'apparition ne s'offre plus aux regards ravis de l'Apôtre sous la forme personnelle du Fils de l'homme ressuscité et assis à la droite du Père, mais comme un Christ mystique dont les attributs symboliques ont une étendue de signification qu'il est impossible de restreindre au cercle étroit des intérêts d'une petite province de l'Anatolie. Nous trouvons en effet, réunis dans l'apparition du premier chapitre des visions de Pathmos, tous les symboles épars dans les Ecritures et la tradition des peuples pour désigner le Messie et son œuvre. Le Christ-soleil, qui tient dans sa main les sept pianètes. Le Christ médiateur et Pontife souverain qui seul a droit d'entrer dans le sanctuaire mystique où s'allument les sept chandeliers d'or. Le Christ-Docteur, vêtu de la ceinture d'or, symbole de sainteté et de vérité. Le Christ triumphateur, le Christ-Epée, vainqueur des armées ténébreuses mises en déroute par l'épée à deux tranchants qui est le Verbe de Dieu. Le Christcivilisateur aux pieds enflammés pour montrer sa marche conquérante au milieu des épines du désert, au milieu des ronces de la barbarie. Le Christ représentant de tous les peuples, dont la voix ressemble à celle de la mer.
« On a fait de nombreuses conjectures sur l'origine du nom donné à ce vaste continent. Les (irecs l'ont fait dériver d'Asia, fille de deux divinités fabuleuses, Océan et Thétis. D'autres, l'ont attribuée à Asia, fille d'Atys. roi de Lydie. Le savant Bochart croit qu'il vient du mot hébreu ou phénicien Asi qui veut dire milieu mais cette opinion n'est appuyée sur aucune preuve historique. Quoi qu il en soit, il paraît d'après Homère, Hérodote et Euripide, qu'on donna de bonne heure le nom d'Asie à une partie de la Lydie, où existait une tribu appelée Asioncs, et une ville du nom d'Asia. Par la suite, les Grecs appliquèrent cette dénomination à toute l'Asie-Mineure, et successivement, à toutes les contrées de l'Orient, au fur et à mesure de leur découverte. »
Rien de plus significatif dans la suite de l'Ecriture que les noms des peuples des grands personnages et même des contrées
géographiques du globe. A l'origine, il en est de même dans l'histoire profane, et si nos dénominations ont perdu leur valeur symbolique, c'est à cause du développement des races et des bouleversements politiques incessants. La Grèce, qraïa tellus, est toujours la vieille mère de la civilisation. La Judée était le pays de la louange, l'Orient le pays de la lumière, opou» et en hébreu "Iftf. 11 serait long d'expliquer ici comment l'Italie est la terre nourricière, et sous le nom d'OEnotrie qui est un synonyme attributif d'Italie, la terre de la sève divine, la terre du Saint-Esprit. Enfin, lu France dans le rapport de ce mot avec le nom symbolique d'une divinité septentrionale la divine Freia est à volonté la terre de la liberté, la terre vierge par excellence, le royaume de Marie Immaculée. Mais ces étymologies basées sur des données certaines prises daus l'ordre des harmonies historiques et traditionnelles ne peuvent être ici que des exemples qui nous amènent à la discussion du nom de l'Asie dans ses rapports de signification avec le souvenir des peuples dont ce pays est le berceau.
Le sens indiqué par Bochart, ne mérite pas le dédain avec lequel il est accueilli dans le docte recueil cité plus haut. Car il est loin d'être exact qu'elle ne s'appuie sur aucune preuve historique. La préférence d'une étymologie sémitique est tout d'abord corroborée par l'unanimité des auteurs anciens à donner à une province de Lydie, le privilège d'avoir porté le nom d'Asie. Car les Lydiens étaient fils de Sem. Tous les noms de l'histoire de Tantale, roi de Lydie, peuvent se ramener à l'hébreu. Il en est de même de ceux de Sardes et d'Ephèsc villes de ce pays. Sardes veut dire palais-royal, civitas régis maffia. Car ses princes prenaient le titre de GrandRoi. Ephèse (3SN en hébreu) située à l'extrémité occidentale de l'Asie offre l'équivalent des noms de Finistère, Lands'end, Lindesness qui désignent les pointes extrêmes de nos contrées occidentales, ce qui, soit dit en passant, établit assez la certitude d'un mouvement ethnographique primitif d'Orient en Occident.
L'étymologie indiquée par Bochart est au contraire une de celles qui s'accordent le mieux avec l'unanimité des traditions. Les Chinois n'ont pas d'autre manière de dési- gner leur pays. Regardant la Chine comme le centre du monde, ils l'ont appelée royaume du milieu ou fleur du milieu. L'un des descendants de Noé, Madaïa a donné son nom a une grande race asiatique, tes Mèdes, proches parents des Perses, des Hindous et des principales races de l'Europe, avec qui ils paraissent confondus à 1 origine sous le nom commun à tous d'Airyias ou Aryas, races de
seigneurs et de héros, comme le prouvent les sens particuliers des formes grecques, latines et allemandes, herr, herus, rtpi\t;. Ce mot est encore en rapport étymologique avec celui qui signifie «montagne» en différentes langues, et généralement les héros souche des grandes races étaient regardés comme nés sur les montagnes.
Le nom de Mèdes qui signifie les hommmes intelligents, la même signification que Arya, mais il veut dire aussi les hommes du milieu.
Nos Livres Saints regardent la Judée comme le milieu de la terre et avec un peu plus de raison. C'est là que doit s'opérer le salut du monde. Le Seigneur Dieu des armées, dit le prophète Isaïe, hâtera la solution de toutes choses, et l'accomplira au milieu de la terre (Isaïe, c. 10 v. 23). C'est ainsi que la Judée est encore désignée comme l'ombilic de la terre, dénomination que les Grecs accordaient au temple de Delphes, les Romains au Capitole, les Gaulois à Chartres. Les Phrygiens se disaient placés au plus élevé et au centre de l'Asie-Mineurc, là même où avaient vécu leurs premiers dieux Attys et Cybèle. Comment après ces témoignages clairs, bien connus, ose-t-on dire en parlant de l'opinion de Bochart qu'elle ne repose sur aucun fait historique.
Toutefois, discutons les origines mythologiques. Selon les Grecs, Asia est fille de l'Océan et de Thétis ou encore d'Atlys, roi de Lydie. La pensée du premier mythe est ''osmogonique et se rapporte au fait de l'errersion des terres. L'autre est plutôt ethnographique et marque l'origine d'une race. Quoique ces deux points de vue puissent le plus souvent être rattachés au même type symbolique, il ne faut jamais les confondre. La terre continentale est en général appelée fille de l'Océan, parce qu'elle en sort. La fi, le d'Attys, est moins une personnalité d'existence historique douteuse que la personnification d'une grande race descendant d'Altys. Or Atty.s roi de Lydie ou de Phrygie quoique représentant par son nom probablement un personnage réel, est cependant encore le type symbolique d'une divinité qu'on honorait par un culte analogue à celui qu'on rendait ailleurs à Adonis, à Osiris, Mithra et le reste. C'est le Dieu sacrifié pour les hommes et ensuite ressuscité souvenir évidemment défiguré d'une antique prédiction concernant le sauveur et l'humanité rachetée de sa déchéance. L'Asie rappelle donc la terre productrice chargée encore de ce limon humide qui y fut, déposé par les eaux de la mer et dont l'homme fut formé. « Si la terre est notre mère, dit quelque part dans son histoire de l'Océan, AI. Arthur Mangin, l'Océan doit être regardé comme notre aïeul. C'est dans cet ordre d'idées
qu'il faut se placer pour comprendre comment tous ces fils et filles de l'Océan dont les mythologies fourmillent, peuvent être les types de la race humaine en général ou d'une race en particulier.»
L'humanité native et l'humanité déchue et réparée, si bien distinguées dans les origines révélées du monde, le sont aussi bien souvent dans la mythologie, quoique fort confusément. Il est évident que Asia, fille du Dieu massacré, représente certainement le type de l'humanité rachetée de sa déchéance par le sang du Fils de Dieu. Attys ainsi que les Dieux appartenant au même cadre typique doit ensuite ressusciter. Et saint Jean qui, comme un peintre en présence d'un chef-d'œuvre gâté par les retouches d'une main inhabile, semble chargé de rétablir ce qui est altéré dans le domaine de la tradition universelle, saint Jean ne manque pas de rappeler souvent la résurrection du Fils de l'homme, en l'appelant le premier-né d'entre les morts. Parmi les races humaines, il en est une qui a conservé le nom d'Asie en le faisant remonter à ses origines. Les Scandinaves sont les fils des Ases vaillants et protecteurs, qui habitent la cité d'Asgard située au sommet de leur Olympe, la montagne Mitgard, centre du monde. Ajoutons en passant que chez les Hindous le mont Méiou est également une montagne qui s'élève au centre du monde et c'est aussi sur la montagne centrale que les Persans placent le Bordj, source de tous les fleuves. L'Asie des Scandinaves est la patrie primitive chantée dans l'Edda, premier séjour d' forte race de héros qui luttent sans ̃ contre Loki auteur du mal et les géants (tout il est le chef. Cette Asie ressemble évidemment beaucoup à celle de l'Apocalypse. Or ces attributs, qui, du reste, ont été défigurés mais non oubliés dans le Paganisme sont rapportés successivement à chacune des Eglises Les récompenses promises aux fidèles de chaque Eglise, offriraient une preuve analogue de cette manière de voir, confirmée pleinement du reste par un examen détaillé de la vision relative aux églises d'Asie. Ainsi l'Eglise de Philadelphie préservée d'une tentation qui ira dans l'univers entier éprouver les habitants de la terre, sera évidemment l'Eglise entière à une période de son histoire rapprochée de la fin des temps et de la consommation universelle.
Ces lettres sont donc des avis paternels envoyés d'avance aux différentes étapes du grand pèlerinage de l'humanité guidée par l'Eglise. Ce sont les provisions de route des pieux pélerins, utiles surtout à ceux qui se trouveront à chaque point marqué d'une route séculaire, utiles encore quoique moins spécialement dans la généralité aux pèlerins de tous les iiges.
ORIGINE DU NOM DE h ASIE
Le symbolisme admirable des noms de Pathmos et de Jérusalem, exil et patrie de l'Apôtre hien-aimé, intéresse à pénétrer le mystère du sens original et étymologique de ceux des sept villes et surtout de la contrée où elles se trouvent. Les matières de ce chapitre ne se rapportent qu'à ce dernier, nous réservant de revenir plus tard sur les sept villes et les lettres qui les concernent. Voici ce que dit l'Encyclopédie du XIXe siècle à l'article Asie, an sujet de la dénomination particulière de l'immense continent.
Même combat contre l'esprit de l'abîme (Loke, loch, lacus, abîme) et contre les enfants de la terre, le monde charnel qui n'apprécie pas la vertu qui est Dieu. Même récompense dans le séjour des élus. C'est le sens du Walhalla des Scandinaves, (de hall-palais, Wahélu) donné au héros qui remporte la victoire Vincenti dabo edere de lif/no vitx, quod est in Pnradiso dei mei. Toutes ces images étaient malheureusement prises dans le sens le plus matériel depuis que les peuples tombés dans le bourbier du Paganisme n'avaient plus le cœur assez pur ni l'esprit assez haut pour s'attacher aux réalités spirituelles dont elles étaient la figure.
Si nous cherchons maintenant les lumières des sources étymologiques, As est en sanscrit le nom de l'être par excellence désignant simplement la perfection des personnes et des choses, et par conséquent, dans toutes ses significations, il porte un sens divin. As, c'est l'être, c'est l'unité (as en latin et en français) c'est la bonté, c'est la gloire, c'est l'intelligence ('/Çw je révère, d'où Çîuç auto; le Dieu de toute majesté, as-ru, ville et finesse attique). Les racines hébraïques ont le même sens, et "]X az veut dire aussi gloire et bonté. Par l'étymologie on rapproche encore l'idée de milieu et Ics différentes significations qui rappellent la gloire et la grandeur des attributs divins. Masda (persan) usÇo; qui signitient grandeur se peuvent rapprocher de Mit avec ;.utx, médius aussi bien que de ^Soidat' intelligence. As en latin esse, est la racine unique de si; unité, et; intérieur. MEyaç grand peut être rapproché de ;vvu;iù et maynus en latin de mixtus, mélange! Les idées de grandeur et de concentration paraissent marcher fraternellement et côte à côte dans les différents dialectes. Nous reconnaitrons ici une preuve de l'harmonie qui règne entre les lois du langage et celles des êtres et des intelligences. Car l'être métaphysique dont les propriétés transcendantes sont la beauté, la bonté, l'unité, la vérité, se cache pour ainsi
dire sous la multiplicité des phénomènes dont il forme l'unité centrale et intérieure.
III
LES CENTRES GÉOGRAPHIQUES
C'est maintenant en faisant la synthèse de ces notions éparses que nous chercherons à écarter respectueusement le voile qui cache les trésors de la révélation apocalytique. Les centres géographiques sont en relation providentielle évidente avec les races qui les habitent. Qu'on remarque les délimitations très arrêtées de la France, de l'Espagne, de l'Italie, de la Grèce. Un coup d'œil jeté sur une carte persuade immédiatement que ces terres bien découpées, bien distribuées ont été faites pour recevoir de grands peuples, favoriser leur développement et l'exercice de leur activité. C'est là ce qu'aujourd'hui on a coutume d'appeler centres géographiques. Placée entre la Méditerranée, l'Archipel et la mer Noire, l'Asie-Mineure comme un grand nombre de ces centres forme une presqu'île dominée à l'intérieur par de hauts sommets, creusée de profondes vallées qui rayonnent des plateaux vers la mer comme les rayons d'un cercle antour de son point central.
Un de ces centres géographiques les mieux placés pour être aussi un centre politique, c'est notre belle et chère patrie qui semble former le torse robuste d'un corps auquel se rattachent l'Espagne et l'Italie, ainsi que des membres, mis en regard de la maritime Albion aussi changeante d'aspect que les flols de l'Océan, comme pour surveiller sa perfidie, adossé aux grandes plaines du Nord comme un géant contre la digue opposée à l'envahissement des eaux. Tout le rôle providentiel de la France est dépeint dans ces dispositions physiques de ses terres.
Mais le point central par excellence dans le monde antique depuis le déluge se trouve précisément en cet endroit plus particulièrement désigné sous le nom d'Asie. C'est là que l'arche s'est arrêtée. C'est là que Japhet fonda la ville qui s'appelle encore de son nom Jaflà, là que, en vénération des souvenirs antédiluviens, fut fixé le premier lieu consacré, à Jérusalem séjour probable du premier homme après sa chute, à peu de distance d'Hébron où le livre de Josué fixe l'emplacement du tombeau d'Adam (Josué, chap. XIX). C'est aussi à peu de distance de là que se forma la première ligue de la nouvelle race contre Dieu à Babel, dans la plaine des deux fleuves. C'est la enfin que se rejoignent les trois parties du monde connu des anciens. Aussi, tous les peuples ont conservé le souvenir d'une mi-
gration dont les directions rayonnantes convergent toutes à ce centre in medio terrx Nous voudrions pouvoir mettre en accord les renseignements de diverses sources en suivant l'opinion commune qui place le Paradis terrestre dans ces contrées, vers l'Arménie aux sources du Tigre et de l'Euphrate que l'Ecriture sainte nomme parmi les fleuves du Paradis. Malheureusement cette opinion laisse subsister la difficulté de fixer au juste les deux autres cours d'eau. Elle ne montre pas assez ce partage des quatre fleuves dirigés selon les quatre points cardinaux. Ce pays formé de montagnes dirigées en tous sens et coupé de vallées étroites, ne se prête guère plus a cette délimitation murée du jardin paradisiaque destiné à contenir la race humaine. Mais surtout cette opinion s'accorde peu avec les descriptions qu'on en trouve aux sources traditionnelles les plus variées d'origine, mais sur ce point en harmonie parfaite.
Depuis les découvertes nouvelles dans le domaine de la géographie, la terre apparait da,ns son ensemblc, sous un nouvel aspect immensémeut agrandi et change. La Méditerranée fut autrefois la seule mer importante dans les relations de la famille humaine. C'est là qu'ont régné successivement les marines phénicienne et carthaginoise, romaine et plus tard leurs héritières de Gênes et de Venise. Jusqu'à ces derniers temps, la Méditerranée était un véritable centre maritime, une sorte de continuation de l'empire romain d'autrefois, sans le pouvoir politique central Ho ],i ville éternelle. Aujourd'hui chacun sait qu'elle n'est plus qu'un lieu de passage où domine l'Angleterre, un trait d'union entre la métropole de l'extrême Occident et ses colonies de l'extrême Orient.
On connaît. l'histoire de ce pédant qui apprit à Charles-Quint où se trouve le milieu de la terre. « Sire, c'est l'endroit où vous êtes, disait-il. Car la terre est ronde et son centre est partout. C'était un manque de discernement total. La surface de la terre, quoique sphèrique, n'est pas homogène. Et si cette parole prouve l'intérêt qu'on attachait à la question du vrai centre du monde dans ce temps où le rêve de la monarchie universelle était à l'ordre du jour, elle laisse encore toute la difficulté à résoudre.
Trouver un pays, le plus riche par ses productions, le plus sain par son climat, le plus naturellement disposé pour une centralisation rayonnante et l'extension d'un réseau de communication facile, assez vaste pour être grand par rapport à tout le reste de l'univers, assez maritime pour entretenir dans ses ports la plus belle marine du monde; que ce pays soit également à la portée de tous les continents, séparés qu'ils sont par de larges océans: ce sera le vrai centre universel, créé pour com-
mander jusqu'aux extrémités du monde. 11 suffira pour cela que le progrès de la civilisation ait mis entre les mains des hommes des ressources assez puissantes pour faire en grand ce qui se pratique en petit dans nos centres de nationalités européennes.
Cette terre privilégiée existe, elle est à deux pas de la France et de l'Europe, et elle est demeurée longtemps plus ignorée que l'Amérique et la multitude des ilôts océaniens. Cette terre, c'est l'Afrique. Disposée comme un vaste triaugle irrégulier, elle présente son côté septentrional à l'Europe dont elle est séparée par la Méditerranée. Par sa côte orientale, elle regarde l'océan Indien et l'Australie et son troisième côté s'étend en face de l'Amérique dont elle est même plus voisine que nous.
L'Afrique est une immense montagne dont le pied vient se baigner dans les flots de l'Océan et qui s'élève de gradin en gradin jusqu'au large plateau central d'une fertilité incomparable. La chaleur torride des régions équatorialess'y trouve agréablement tempérée par une brise qui vient des grands lacs creusés sur la hauteur. De ceslacs s'échappent quatre grands fleuves dans des directions sensiblement orientées d'après les points cardinaux. Ce sont le Nil au nord, le Niger à l'ouest, le Congo et le Zanibèse au sud-ouest et au sudest. Presque sans métaphore, ainsi que nous le verrons, ce plateau est comme le sommet d'un piédestal majestueux que l'on devrait gravir par l'escalier des géants.
L'importance des destinées de l'Afrique échappe si peu à l'attention universelle du moment que toutes les nations se sont établies sur son pourtour, et que chacune d'elles semble prête à faire les plus énormes sacrilices afin de s'avancer vers le centre mystérieux et dans le désir évident d'y arriver en premier. Et l'Eglise les accompagnant tous ou mieux les précédant de longue date, vient de marquer sa prise de possession par l'établissement de la mission générale du grand continent africain dont le vicariat apostolique a été confié au vénérable archevêque d'Alger. Du reste la France catholique méritait cet honneur. Elle a noblement pris sa part au mouvement qui conduit l'œuvre de la civilisation chrétienne vers cette contrée. Par sa conquête de l'Algérie, elle semble avoir rompu le charme qui arrêtait l'extension de la lumière évangélique aux portes de la grande terre africaine. Est-ce pour la malheureuse famille des Bourbons un crime irrémissible d'avoir fait par ce magnifique fait d'armes, pius pour la prospérité future et la gloire de leur pays que ne fil tant de sang coulé en leur absence. Certainement, l'union étroite de la religion et du pouvoir séculier eût été d'une influence énorme sur le caractère reli-
gieux des mahométans dont la réligion basée sur le besoin social de l'esclavage est le plus formidable obstacle à la colonisation et à l'évangélisation de l'Afrique centrale. Ramenons maintenant les traditions à ce point de repère important.
IV
L AFRIQUE ET LK PARADIS TERRESTRE Dans le souvenir obscur de leur origine, tous les peuples passent immédiatement des formations cosmogoniqties à la naissance du premier ancêtre de leur race, dont ils font un Fils du ciel ou un Dieu qu'ils placent en un lieu quelconque situé au centre du monde. La perspective des événements échappant à distance comme celle des lieux, il est facile de comprendre comment on a confondu les deux origines du monde en une seule, Adam avec Noé, les traditions antédiluviennes avec les souvenirs plus rapprochés des temps postdiJuviens, et par conséquent le premier berceau de la race humaine avec le second.
Ici comme toujours, la Bible nous fournit les renseignements les pius certains et les mieux précisés. Consultons-là donc la première « Le seigneur Dieu, (lit la Genèse, avait planté un paradis (le délices, dès l'origine (d'autres traduisent en Urient). Il y plaça l'homme qu'il avait formé. Et le Seigneur Dieu fit produire à la terre toutes sortes d'arbres agréables à la vue et agréables au goût. Au milieu du paradis se trouvait l'arbre de la science du bien et du mal. Un fleuve sortait de ce lieu de délices pour arroser le Paradis, qu'il partage en quatre parties. Le premier cours d'eau s'appelle le Pinson; il entoure toute la terre d'Hédilath, pays de l'or natif. Et l'or de cette contrée est excellent. Ou y trouve aussi le lidellium et la pierre d'onyx. Le nom du second fleuve est le Géhou il entoure toute la terre d'Ethiopie. Le nom du troisième fleuve est le Tigre. Il longe la terre d'Assyrie, et le quatrième, c'est l'Euphrate. Rapprochons de ce document un autre passage des Saintes-Ecritures. Au livre de l'Ecclésiastique (chap. XXIV), c'est la Sagesse qui parle « Le Très-Haut, dit-elle, verse la sagesse en abondance comme (la source du Paradis) remplit d'eau le lit du Phison. Elle coule à pleins bords comme le Tigre grossi entre ses rives au printemps. C'est lui qui inonde les âmes de flots abondants comme ceux de l'Euphrate, qui multiplie les eaux de la Sagesse comme celles du Jourdain au temps la moisson, qui, enfin, fait éclater ses leçons ainsi que la lumière, me prêtant son secours comme le Géhon celui de ses eaux débordées au temps de la vendange.
« C'est moi, la Sagesse, qui ai répandu les fleuves. Je suis la trame immense des eaux formée autour du fleuve, je suis comme son canal, et je sors du Paradis comme l'aqueduc qui porte les eaux au loin. J'ai dit « J'arro« ser.ii le jardin de mes plantations et j'eni« vrerai les productions de mes prairie». Mais « voici que je me partage en canaux débor« dants et je viens me déverser dans la « mer. »
II ne faut jamais séparer ces deux passages précieux qui se complètent l'un par l'autre. Le Paradis y est représenté comme occupant un plateau élevé au milieu duquel se trouve une source abondante dont les eaux se partagent en quatre directions et descendent les lianes de la montagne arrosant an passage une île ou presqu'île immense pour venir se perdre dans la mer.
La tradition liturgique a conserve le sourenir de la direction orientée des quatre fleuves et l'Eglise en a consigné le souvenir dans les cérémonies du Samedi-Saint, où la prêtre, jetant l'eau des font- vers les quatre points cardinaux pour montrer que la grâce du Baptême est répandue par toute la terre, prononce ces paroles
« Je vous bénis, créature de l'eau. par le Dieu qui vous fit couler de la source du Paradis et vous divisant en quatre fleuves, vous commanda d'arroser toute la terre. » Le livre de l'Ecclésiastique entre dans de grands détails descriptifs. Il nous représente le plateau supérieur où est le Paradis comme sillonné en tous sens par la trame embrouillée d'une immense canalisation formée par l'écoulement des eaux de la source. Ego quasi trames aquec immensx de fliivio, ego quasi fluvii dioryx. Et cette eau ne reste pas enfermée dans le Paradis, mais elle s'ouvre un passage pour venir arroser la terre extérieure, et sicut aquœ ductus exivi de Paradiso. Dixi 7~'y<0 /<M'/WM /)~M~i'OM?W! et itzPbriabo prati mei fnicticm. Mais, avant d'arriver à la mer, voici encore que cette eau se multipliera pour former une nouvelle trame de canaux et enfin se plonge dans l'Océan. On reconuait ici un delta formé à l'embouchure d'un fleuve.
Il nous reste à éclaircir le sens du nom des quatre fleuves. Nous retrouvons dans le Pbison la racine du nom A'Ephèse, et il semble naturel de le regarder comme celui des quatre fleuves qui se dirige vers l'Occident. Le Tigre, dont le nom aryen signifie maître ou seigneur, s'appelle en hébreu hliidde fiel, l'aiguillon, et cette signification est peut-être un symbole harmonique de la dénomination indo-arménicnne à cause de l'importance des symboles du bœuf cl de la vache dans l'ordre d'idées hiératiques qui se rapportent à notre sujet. Il reste encore l'Euphrate et le Géhon.
L'Euphrale, sous sa forme hébraïque Phrath aussi bien qu'en grec Eù^pateî, porte un sens de fertilité, de bonheur, d'épanouissement universel. En égyptien, Phra est le soleil. Le fleuve de l'Euphrate est un des symboles de l'Apocalypse.
Géhon est un mot hébreu que Josèphe traduit « venu d'Orient » et qui se rapporte à la racine hébraïque dont le sens désigne le jaillissement, la sortie, la naissance. Ce fleuve, d'après l'Ecclésiastique a un débordement qui coïncide avec le temps de la vendange. Josèphe place le Paradis dans toute la contrée intermédiaire entre l'Occident proprement dit et l'extrême Orient, entre le Gange et la Méditerranée, c'est-à-dire dans le pays qui a conservé la propriété du nom à' Orient. Il prétend que le Géhon n'est autre que le Nil dont le débordement célèbre se fait, en effet, à la saison où se cueillent les raisins. Cette désignation se rapporte encore aux renseignements de la Genèse, qui place le Géhon autour de la terre de Cousch ou l'Ethiopie. Le Tigre et l'Euphrate sont deux fleuves bien connus qui prennent leur source en Arménie et traversent les pays à qui on a conservé le nom d'Orient ou pays de la lumière. L'Arménie a donc été un centre universel et plusieurs y cherchent l'emplacement du Paradis terrestre. Mais le nom des deux fleuves n'est pas une raison suffisante. Il faudrait savoir si les fleuves ainsi désignés depuis le déluge, sont bien les mêmes que ceux du Paradis. Il est vrai que Moïse, parlant du Tigre. dit que ce fleuve traverse l'Assyrie. Cette firmation a cependant laissé subsister la qis'v- • tion à l'état de controverse, preuve qiu; ies auteurs ont cru pouvoir admettre qu'en désignant les fleuves qui portent les noms de ceux du Paradis, l'écrivain sacré n'affirme rien sur leur identité avec leurs homonymes. Trois emplacements doivent être distingués dans ce qui se rapporte aux traditions relatives à l'origine des peuples. Le Paradis terrestre proprement dit, le lieu du séjour d'Adam chassé de l'Eden et celui de Noé et de sa famille au sortir de l'Arche. Pour ces deux derniers, il n'y a pas de doute possible. L'Ecri(ure affirme au livre de Josué qu'Adam mourut à Hébron, ainsi que nous le disions plus haut, et il ne paraît pas douteux qu'il vécut aux environs de Jérusalem.
Le berceau des races après le déluge est, sans contestation aucune, sur les plateaux de l'Arménie et du Turkestan, et cette raison suffit pour expliquer qu'on retrouve dans cette contrée les noms des quatre grands fleuves. Aussi pour prouver quelque chose par cette identité de noms, il faut pouvoir faire concorder tous les autres documents avec la disposition géographique de l'Arménie. Il serait très difficile d'v retrouver ceux dont l'Ecriture
nous a conserve le souvenir. Ou bien, il faut dire que le déluge a bouleversé l'état des continents. Nous n'aimons pas cette dernière hy- pothèse, pas plus que toutes celles qui isole- raient l'humanité antédiluvienne de la race issue de Noé. Elle ne se base du reste sur aucune observation géologique certaine, puisque la formation des continents actuels paraît avoir été dessinée par l'action du feu central et achevée par des actions océaniennes suc- cessives dont la dernière ne laisse aucune marque de bouleversements si accentués. Une tradition unanime du reste, qu'on trouve consignée dans l'Edda des Scandinaves comme dans l'Apocalypse de saint Jean, promet que la conclusion de toutes choses ici-bas doit s'achever par la conquête du Paradis terrestre. Terltillicn, expliquant le Ego sum A etii, donne la même interprétation. « Jean, dit-il, ramène tout dans son livre à JésusChrist. C'est le Christ qui ramène toutes choses à leur origine, afin que l'homme revienne au Paradis où il était auparavant. Prenant ce retour de l'humanité à elle-même dans tous les sens qu'on peut lui donner, nous croyons que le Paradis terrestre existe encore comme emplacement géographique et que le complément de l'oeuvre du Christ ici-bas sera d'en ouvrir les portes aux lumières de l'Evangile, afin que tout ici-bas soit replacé sur sa base la plus ferme. Instmirare omnia in Christo. »
Jérusalem ne pouvait être bien éloigné de la porte du Paradis. Josèphe nous a donné un renseignement qui peut nous mettre sur la voie, quoiqu'il ait visiblement confondu le berceau de la race issue de Noé avec l'empla- jcement du Paradis terrestre. Selon lui, le | Géhon n'est autre que le Nil. Il faudrait croire alors que la source du Nil résout le problème. 11 faut y retrouver le plateau, sillonné de nombreux cours d'eau, partagé en quatre parties par quatre fleuves orientés, servant de coupe à un vaste réservoir dont les eaux arrosent les flancs d'une montagne gigantesque. Géhon, selon Josèphe, signifie, avons-nous dit, venu d'Orient. Par sa racine hébraïque, ce mot, du reste, se rattache au sens général de sortie, naissance. La porte du Paradis serait alors sur le cours du Nil, pourvu que les textes sacrés soient conformes à la topographie du pays. Or, nous avons vu que le plateau central de l'Afrique répond à toutes ces condilions. Les voyageurs ont récemment découvert que cette contrée, la plus riche du globe, est couverte de lacs communiquants, vrai dédale de nappes et de cours d eau, au milieu desquels il a été impossible de suivre encore avec certitude le cours du Nil jusqu'à sa source, restée inconnue depuis la plus haute antiquité. Mais nous reconnaissons ici la trame 'le l'immense canalisation dont parle l'Ecclé-
siastique. Le Nil, traversant l'Egypte, pourrait être ce grand aqueduc sorti du Paradis. Le jardin de laSagesse, c'est l'Egypte, que sa fécondité proverbiale et la variété de ses fruits permettent d'appeler le Jardin de la terre. Le delta du Nil n'est pas même négligé. Et ecce factus est mihi trames abitndans, et fluvius meus appropinqtinvït ad mare. Enfin, les inondations célèbres du Nil se font de juin à septembre, c'est-à-dire au temps où mûrissent les raisins.
Mais le Nil, un fleuve si connu, comment n'a-t-il pas gardé, même dans l'Ecriture, son nom de Gehon? La raison est bien simple. Le déluge, en déplaçant le berceau des races, le lui a fait perdre. Pas assez complètement pourtant pour que toute trace de cette dénomination se soit perdue. Les anciens sachant vaguement que l'Océan entoure la terre, se la figuraient ronde de forme, élevée comme une montagne immense au milieu des eaux du « fleuve Océan ». Or on sait qu'Océan était le nom que les Egyptiens attribuent au Nil à l'origine. Oxeavoç diffère peu de Géhon. Mais la forme Ogen donnée à ce mot dans les fautes phéniciennes se rapproche encore davantage. O-xsxvoç, 0-gen se rapporte à Gehon comme A-naïta à Neith, A-ssuerus à SSers ou Xerxès. Ogex en phénicien signifie ceinture, mot qui se rapporte à cette croyance commune que le fleuve Océan forme la ceinture de la terre. Et cette idée d'enceinte, en hébreu gan **J jardin, ville murée était tellement reliée au souvenir laissé par le Gehon que Moyse le caractérise en disant qu'il forme la ceinture de la terre d'Ethiopie. Il faut encore apporter les lumières de la mythologie grecque. L'Ocean était fils du Ciel et de Vesta, c'est-à-dire dans le sens cosmogonique de l'éther actif (Agni, le remuant en sanscrit) et de la matière. Le nom d'Océan donné au Nil transporte le mythe dans le domaine particulier de la géographie, et le Ciel est le sommet de la montagne Sainte, la terre le continent sacré, chez les Hindous l'Aria-Vasta. Ce nom de la masse continentale a été conservé dans les diverses langues et Fest-land, l'étendue solide, designe encore aujourd'hui en allemand le continent parle nom de l'antique Vesta, personnification de la terre ferme. Pour être complet, ajoutons que Tethys (la nourrice), qui est l'épouse d'Océan, représente la partie limoneuse dissoute dans les eaux et dont toutes les productions de la terre se nourrissent après en avoir été formées.
Il y avait un Géhon à Jérusalem et un vers le Caucase, aux deux berceaux subséquents de l'humanité. Le Gôhon caucasien arrosait la Colchide, qui porte aussi le nom de Cousch ou Ethiopie, et selon toute probabilité, c'est ce nom qui est resté à la montagne du Cau-
case et aux peuples de cette Nouvelle-Ethiopie, encore appelés aujourd'hui d'un nom qui offre une légère modification de celui de Couschites ce sont les Cosak ou peuples du Caucase. Il y a aussi un Caucase indien qui s'appelle Hindou-Cousch.
A Jérusalem, leGéhon, torrentde la Géhenne ou vallée de l'étranglement, ne rappelle-t-il pas rO-kran de l'Egypte ou Matsor, qui signifie aussi vallée étranglée. Cousch veut dire noir et le Djoliba, ou Niger fleuve occidental de l'Afrique, a conservé ce nom de préférence. Nous verrons aussi dans l'Inde la couleur noire affectée au fleuve occidental dans la terre des quatre fleuves. Jérusalem avait aussi son fleuve noir dans lequel tombe le Gehon hiérosolymitain c'était le torrent de Cedron, le fleuve de Cédar, pays des noirs, pays de la tristesse. Et en le franchissant, chassé par la révolte de son fils Absalom, David figurait l'Homme-Dieu dans les tristesses de son agonie, à l'heure où ayant franchi le torrent il disait à ses disciples « Mon âme est triste jusqu'à la mort. »
L'Egypte resserrée entre deux montagnes, parsemée d'obstacles infranchissables est donc la véritable vallée de larmes qui reçut la première les exilés du Paradis. C'est la terre de ce fleuve Gehon s'ouvrant sur la mer par la trame compliquée d'un delta dont les rives remontent jusqu'à cette source mystérieuse et inconnue qui se cache dans une autre trame de cours d'eaux vers l'endroit où se trouvait la porte de l'Eden. Si l'on compare les vastes plaines ouvertes vers le nord avec les embarras montagneux dont le midi est généralement obstrué, si on particularise davantage encore et que vers le midi on cherche cette terre centrale qui mérite le nom de terre par excellence ou simplement la terre, si au sommet de cette terre, on va chercher le souvenir de ce Paradis que tous les peuples appellent le séjour de la lumière et des dieux, l'Orient véritable qui est le berceau de l'humanité, alors on trouvera peut-être dans l'Egypte cette voie étroite qui conduit à l'arbre de vie, type symbolique des voies pénibles de la vie véritablement chrétienne. « Entrez par la porte étroite, disait le Sauveur car elle est large et spacieuse la porte qui conduit à l'abîme de perdition et beaucoup la suivent. Qu'elle est étroite et resserrée la voie qui conduit à la vie! mais peu nombreux sont ceux qui la trouvent.» Ces analogies loin de détruire l'originalité et la force de la doctrine Evangélique, montrent au contraire en Jésus-Christ le véritable interprète des revélations universelles car lui seul conduit les symboles à leur véritable objet qui est non une vie matérielle et terrestre, mais la vie surnaturelle qui unit les âmes de Dieu.
LA TERRE SACREE DANS LES ANTIQUES TRADITIONS
La conformité de la topographie africaine avec les données de la Bible est palpable. Mais le langage de la tradition est en harmonie parfaite avec l'hypothèse que nous prenons à tâche d'établir dans le domaine des certitudes. Il faut commencer par l'Egypte, cette terre de la première Pâques ou du passage dont Dieu rappelle son fils Israël, pour le conduire à Jérusalem, au terme de son pèlerinage. Il nous souvient d'avoir traduit dans nos études classiques, un passage de Justin où les Scythes et les Egyptiens se disputent l'honneur de la. plus haute antiquité. Les raisons assez étranges alléguées de part et d'autre n'ont guère le don de captiver l'attention d'un petit élève de cinquième aux prises avec l'ennemi, c'est-,t-dire avec Fa version. Mais si l'on veut reconnaitre ici la marque d'une tradition antique chez les deux peuples, on les met d'accord en distinguant les origines anté et post-diluviennes et l'Egypte garde le droit de priorité.
C'est par conséquent dans ce pays que durent se conserver les souvenirs les plus précis, comme étant le plus rapproché de la source des traditions. Le fils de Sirach, initié aux enseignements ésotériques de cette terre de la sagesse où étaient venus s'instruire Hérodote. Pythagore et Platon, parait avoir connu «11placement du Paradis qu'il décrit si bien. Les Egyptiens avaient déifié le Nil comme leur père et leur bienfaiteur. C'est à lui, nous l'avons vu, qu'ils attribuaient le don de leur pays, la formation de la terre d'Egypte, En déposant les couches successives de limon qui l'agrandissent, le fleuve Océan refiurne une terre pour l'humanité sortie du Paradis comme l'Océan véritable avait formé la terre vierge de l'origine. C'est le Nil dont les eaux débordées apportent le limon fertile où le froment donne une production si abondante que l'Egypte a été de tout temps le grenier de réserve d'un grand nombre de peuples. N'ayant pu découvrir la source du lleuve, ils disaient cependant qu'elle était au ciel, mot qu'il ne faut pas prendre à la lettre. Car le ciel désigne aussi bien le sommet des montagnes sacrées que le firmament éthéréen. Les anciens plaçaient en effet leurs dieux sur le sommet des montagnes. Les monts Ida en Crète et en Troade, Olympe en Grèce, Mérou dans les Indes sont célèbres dans la mythologie dans un sens analogue à celui de la sainte Sion.
Le plateau africain était donc le séjour attribué à Osiris et à Isis, dieux protecteurs de l'Egypte. C'était eux, disait-on, qui avaient
donné les premières lois, institué le mariage, enseigné l'agriculture. Et Typhon, le génie du mal, jaloux, de son frère Osiris, l'avait tué et avait jeté son cadavre dont les débris furent entraînés par les eaux du fleuve. Isis, en larmes, avait cherché partout son époux, l'avait retrouvé enfin et rendu à la vie. Osiris et Isis sont un souvenir à peine défiguré d'Adam et d'Eve, perdus par le serpent. La sortie du Paradis terrestre par la vallée du Nil, qu'lsis traverse en versant des larmes, est également indiquée, mais non sans relation avec la punition d'Adam prise dans toute son extension, et la rédemption opérée par un fils du premier homme qui sera Horus, la lumière personnifiée.
On a reconnu depuis longtemps, dit le docteur Sepp, que le nom de Jao est un seul et même nom avec celui de Javeh ou Jehovah par contre, le nom du divin Isiris ou Osiris n'avait pas été reconnu jusqu'ici dans le nom d'Israël. En sanscrit Asuro Medhas (l'esprit sage et intelligent) correspond à Ahuro-Mazdao (Ormuz) et les deux noms ramèneut à la racine ah, en sanscrit as, qui signifient èlre, et désignent originairement le grand Etre, comme Jehovah chez les Hébreux. Comment donc expliquer cette indétermination des noms qui leur permet de designer à leur aide des personnages humains et l'être incommunicable de Dieu. Le symbolisme, dont nous donnons ailleurs la nature et la portée, l'explique. Pour désigner ce qu'il y a de plus élevé dans l'univers, notre faible langage n'a pas d'autre expression que celles qui désignent immédiatement les créatures images imparfaites des perfections de Dieu. Iao qui est le nom de Dieu chez les Chaldéens, est en phénicien le nom de la lumière intelligible. C'est ce que dit un auteur ancien, cité dans le passage du docteur Sepp que nous ne reproduisons pas en entier, preferant expliquer comment nous comprenons sa pensee dans ce qui n'est pas rapporte ici.
Le premier nom d'Adam et d'Eve était en effet Isch et Ischa qui se rapporte à la racine Iesse et Isaï, identique avec la racine As que nous regardons comme 1 origine de la dénomination de l'Asie. On peut donc reconnaître aussi bien dans l'Ischa de la Bible t'isis égyptienne que l'Asia grecque, l'Iça indoue que la mère des Eses étrusques et des Ases scandinaves. Isch-Horus ou Osiris peut être aussi comparé à Auro-Medhas et probablement aussi à Israël. Car ra hor Or, ver formant radius, horus le dieu lumière. Uranus le ciel et Ver le printemps ou Ver-bum la parole, désigne invariablement l'épanouissement et la splendeur des choses. ·
Le Verbe est en Dieu la splendeur du Père. La lumière est l'épanouissement de la nature, la sagesse l'épanouissement de l'âme humaine
et Israël, le peuple fort contre Dieu par le sacrifice et la pénitence l'épanouissement de l'humanité pénitente, le peuple du passage ou de la Pàque, le véritable conducteur du pèlerinage de l'humanité sur la terre sainte par excellence sur le sol de l'Asie sanctificatrice des âmes pénitentes qui remontent avec énergie le courant de la vallée de larmes. Quia puer Israël, et dilexi eum, et ex Mnt/pto vocavi filium meum. Sorti de la terre d'exil, le véritable Israël qui est Jésus-Christ, Conducteur du pèlerinage universel, fera rentrer son peuple dans le Paradis où le lion est doux comme un agneau, où règne la paix éternelle. Aussi Jésus-Christ est-il encore désigné comme la fleur de la tige de Jessé, l'épanouissement de l'Etre divin au chapitre onzième d'Isaïe, qui n'est que la description du Paradis terrestre, symbole des splendeurs du règne de Jésus-Christ.
Toutefois, il est étonnant que le nom du premier père soit passé à peu près inaperçu chez presque tous les peuples, excepté chez les Juifs dépositaires de nos Livres saints. Au moins, l'Egypte a-t-elle conservé un nom qui dût laisser quelque souvenir dans la famille humaine. Les Egyptiens appartenaient à la race de Cham et selon leurs traditions, ils vinrent dans leur pays par la haute Egypte qui doit être regardée comme rapprochée du centre d'établissement des fils de Cham. C'est de ce centre que les peuples Chamites rayonnent emportant dans leurs traditions au moins quelques souvenirs de cette région tropicale leur berceau.
Toutes leurs tribus éparses entre l'Inde et la Lybié s'accordent à se dire originaires des bords de la mer Houge. Nom qui convenait chez les anciens non au golfe Arabique, mais à tout l'océan Indien. Et on racontait que le nom de cette mer venait d'un ancien roi du pays que les Grecs appellent Erythras, traduction de l'hébreu Adam. Il est vrai que la plupart des auteurs disent que la mer Rouge c'est la mer d'Idumée on d'Edom et qu'elle tient son nom d'Esaii ou Edom fils d'Isaac,. Mais l'origine vraie est plus ancienne. Au temps d'Esaii, les ChamitesdeBabylone, de la Palestine et de l'Egypte étaient depuis longtemps séparés et dispersés loin du berceau de leur race, et cependant ces trois peuples ont également conservé le souvenir de cette terre et de cette mer, du vieux roi Erythras père de leur nation.
Les Chananéens recurent des Grecs le nom de Phéniciens qui veut dire rouge. Le rouge était aussi la couleur attribuée au phénix, oiseau fabuleux de la terre d'Egypte, magnifique symbole qui comme le nom d'Adam désigne l'humanité dans toute l'étendue de ses destinées et demeure une figure de la résurrection et de l'immortalité. Le phénix vivait
cinq cents ans et se bâtissant ensuite un nid que les rayons du soleil mettaient en feu, il disparaissait au milieu des flammes et renaissait ensuite de sa cendre. Mais le nom du phénix est encore celui du palmier, arbre des régions équatoriales qui renaît de sa racine restée vivace, même lorsque le tronc est tombé en poussière.
Le véritable phénix (ootvtï rouge) c'était t Adam né immortel. C'est encore Adam sorti du Paradis, avec l'espoir d'un sauveur qui reconquerra tous les droits de l'humanité et sera le vainqueur de la mort. Isaac sur le bûcher, douce figure de l'Homme Dieu attaché à la croix, et préservé de la mort dans le miracle de sa résurrection, éclaire ce type symbolique du phénix, symbole de résurrection' et d'immortalité. La jeunesse des saints, dit le Psalmiste par une allusion évidente à cette figure, doit être renouvelée comme celle de l'aigle. Et Job dans sa prospérité ne souhaite pas d'autre sort que celui du phénix (Job c. 29 v. 18). In niaulo meo moriar, et sicut phénix multiplicabo dies. Pas plus en Egypte qu'ailleurs ne se rencontre d'aigle rouge et immortel. Mais l'oiseau est un symbole de l'homme spirituel qui a reçu les ailes de la grâce et de la prière pour s'élever vers Dieu. Et la fable du phénix, oiseau de la terre d'Egypte, marquait le souvenir du passage d'Adam, père et représentant de l'humanité, dont les destinées seront consommées au ciel au jour de la résurrection.
Pour en revenir à Esaii, nous ne faisons pas difficulté de rapporter son nom à celui d'Adam, qui lui est identique en hébreu. Esaii et Jacob représentent alors le premier et le second Adam. Mais Esaii c'est l'humanité déchue de ses droits, c'est Adam chassé du Paradis, perdant son droit d'aînesse en.faveur d'un second Adam qui est aussi le vrai supplantateur, le véritable Jacob. Nous pourrions poursuivre le parallèle symbolique. Ce n'est pas le lieu. Qu'il nous suffise par ces rapports évidents, de pouvoir mettre en relation intime le nom providentiel du fils d'Isaac pour faire de lui un type figuratif de l'humanité déchue, fille du rouge, fille d'Adam.
En face du continent africain, l'Egypte est donc le trait d'union qui rattache la terre des sueurs et des travaux à la terre du repos et de l'immortalité. C'est un symbole équivalent à celui de la route de Pathmos à Jérusalem. Aimons à faire ressortir comment se retrouve e en cette terre, image de l'Eglise qui est la terre des àmes, la loi de progrès dont nous avons donné l'explication au chapitre « Le Verbe révélé dans l'évolution historique. » L'histoire en main, nous avons suivi la marche de l'Eglise guerrière des premiers siècles, conquérant l'empire romain à l'abri de l'élendard de la croix; de l'Eglise contempla-
tive du moyen âge groupant les peuples barbares en une forte unité, les amenant dans les sanctuaires des cathédrales et des couvents pour offrir l'hommage de leur adoration au Christ caché dans l'auguste sacrement des autels: de l'Eglise agissante de nos temps modernes, dévouée à manifester aux yeux de tout l'univers les trésors d'humanité de bénignité, d'ardente charité dont la source est au cœur sacré qui a tant aimé les hommes. Or, l'Egypte successivement habitée du sud au nord, a été guerrière au temps où se bornant à la HauteEgypte, elle avait pour capitale Thèbes aux cent portes. Elle est sacerdotale quand Memphis dans la Moyenne-Egypte domine sur le pays. Elle est la lumière universelle du monde à la période cosmopolite où Alexandrie dans la Basse-Egypte attire les étrangers de toutes nations qui viennent s'initier aux secrets de la sagesse égyptienne, auprès du tombeau célèbre du chercheur d'hommes, nom d'Alexandre conquérant de l'univers. Le sol de l'Egypte étant donc la première source des traditions symboliques, un grand nombre de symboles de l'universelle tradition trouvaient leur objet dans ce pays privilégié où tout aux yeux du peuple grossier offrait des attributs divins, parce que tout avait pour les initiés une valeur symbolique désignée. Aussi tous les sages de l'antiquité ont-ils tort estimé les traditions de ce pays et ont-ils pris à cœur d'y demeurer pour s'enrichir de ses trésors et les rapporter dans leur patrie.
Aujourd'hui encore, la curiosité des savants est vivement surexcitée en présence de celte terre antique où le sphinx à demi-enteiré é sous le sable, garde dans sa main fermée la plupart des secrets cachés sous cette multitude d'hiéroglyphes demeurés jusqu'ici presque entièrement indéchiffrables etindéchitlrés. La grande âme de Bonaparte vibrait au contact de ces mystères d'un passé lointain, qui parlent comme une langue inconnue d'accentuation saississante et majestueuse. Et tandis qu'il pesait en lui-même ces fortes ruines, ainsi que dit Lacordaire, il s'écria « Soldats du haut de ces Pyramides, quarante siècles vous contemplent. » De telles paroles jaillissent d'une grande âme fortement impressionne elles créent les héros et forcent la victoire. Car si le contact des grandes choses allume les grands sentiments, les grands sentiments engendrent les puissants héroïsmes. Les Gaulois, nos pères, quand on leur demandait le pays de leur origine, répondaient qu'ils étaient venus du Deffrobani, ce qui veut dire du pays d'été. Les autres peuples avaient des traditions analogues et de tout temps l'Orient, pays de la lumière et de toute origine (Oriri), laisse dans la mémoire des peuples un souvenir souriant comme les fraîches impressions d'une belle matinée, comme celles en-
core qu'on a recueillies à l'âge le plus voisin de notre berceau, au matin de la vie. Le véritable Orient géographique devrait désigner de préférence la zone tropicale qui est, par exceilence, le pays de la lumière. Toutes les autres régions de la terre ne reçoivent que des rayons obliques du soleil, et le voient passer au Sud ou au Nord de leur zénith selon qu'elles sont placées dans un hémisphère ou dans l'autre. Aussi tous les symboles qui se rapportent au nom d'Adam sont empruntés de préférence à la région des tropiques. A l'Orient sont opposées les régions hyperboréennes comme le symbole de l'enfer à celui du ciel. Et la langue grecque a conservé cette opposition en désignant le royaume de Saturne, dieu de l'Age d'or, sous le nom d'Ida, en lui opposant le nom Ida, l'Aïdès ou l'enfer que l'on plaçait vaguement vers les lacs Gimmériens, ou Palus-Méotides, c'est-à-dire vers le Nord. L'Olympe (OXujatoç), aussi bien que l'Ida est la montagne de la lumière, séjour des douze grands dieux. Mais ces faits n'appartiennent pas en propre à la Grèce. Nous avons également vu que l'Asgard des Scandinaves, montagne céleste où séjournent les douze principaux Ases, se trouve au centre du monde. Au-dessus de l'univers s'élève ce monde céleste où se trouve bâtie la cité d'Asgard, jardin des Ases, ombragée du frêne lggdrasill, arbre de vie dont le3 rameaux couvrent le monde.
L'arbre de vie du Paradis terrestre trouve toujours sa place dans ces descriptions du palais des dieux sur la montagne sainte. Les Grecs connaissaient le nectar et l'ambroisie que le génie de l'éternelle jeunesse distribuait aux dieux. Chez les Hindous et chez les Perses, l'arbre de vie a laissé aussi un souvenir. Ceux-ci lui donnaient le nom de Hum qui est le génie distributeur des eaux, chef des villes et des provinces', protecteur de la succession traditionnelle des vertus dans les familles. Adam, chef de la tradition humaine, la source du Paradis, l'arbre dont les fruits donnent l'immortalité, tout cela se réunit dans les seules attributions du Hom sacré. Ce génie avait son séjour sur le Bordj, montagne celeste primordiale d'où s'échappaient les eaux de tous les fleuves. Le sommet de celte montagne était pris également pour le ciel, et c'est de là que Alilhra, le soleil s'est élancé pour illuminer et vivitier l'univers.
Dans l'Inde, le Bordj s'appelle le mont Mérou, nom qui n'est pas inconnu en Perse et qui a été donné à l'antique Merv, capitale de la Margiane, province située vers les plateaux du Turkestan. Mais ici la note mythologique devient de plus en plus claire ct d'accord avec les faits. « Le Mérou, demeure ordinaire de Siva », dit M. Alexandre Bonneau dans l'Encyclopédie du dix-neuvième siècle,
est regardé comme la colonne du monde qui soutient le ciel, la terre et l'enfer. Le Merou même est le monde entier. Autour de sa pyramide gigantesque, s'étendent sept zones concentriques ou Douipas (îles), séparées par autant de mers, et bornées par sept enceintes de montagnes inférieures. La plus remarquable de ces zones est celle du Djambou, magnifique arbre de vie, des racines duquel s'echappent les quatre grands fleuves dont le Gange est le plus sacré et renferme la terre sacree de Bharata (l'Inde). Une autre classification admet neuf zones, et une troisième en admet quatre seulement, appeléesMahadouipas (grandes îles) placées aux quatre points cardinaux, contenant chacune un arbre de vie et arrosées par un des quatre grands fleuves qui, d'une source commune s'élancent du haut du Mérou par la gueule de quatre animaux la vache, l'éléphant, le lion et le cheval. Ces quatre grandes îles forment les quatre flancs de la montagne universelle. Celle du nord, OuttaraKourou, est rouge; celle de l'est, Bhadruva, est blanche; celle de l'ouest, Kotoumala, est brune ou noire; celle du sud, Djambou, est jaune; ce qui les met en rapport et dans le même ordre avec les quatre castes indiennes, kchatrias ou guerriers, brahmes ou prêtres, soudras ou esclaves, et vaïcias ou artisans, distinguées par les mêmes couleurs. C'est le mont Merou qui a donné lieu à la fable grecque de Bacchus renfermé dans la cuisse (p-jpoç) de Jupiter. Bacchus, en effet, ne diffère point de Siva, et son nom grec de Dionysios est une épithète même du dieu Hindou, souvent appele Déonach ».
Il serait difficile dédire, dans l'état actuel des connaissances, si réellement les zones de montagnes qui separent la côte allricaine du plateau central, forment moins ou plus de sept cercles concentriques, ou même si cette délimitation a jamais été parfaitement fixée. Mais les zones elles-mêmes existent. On peut s'en convamcre par un coup d'œil jeté sur la carte d'Afrique encore a peu près laissée en blanc vers le milieu, il est vrai, mais entourée d'une chaîne de montagne qui, vers l'Algérie, se forme des trois étages superposés de l'Atlas. Géologiquement parlant, l'oeuvre des six jours a superposé successivement en couches plus ou moins marquées dans le sol, les productions de chacune des six périodes, couronnées par le repos du septième jour, qui est le séjour de l'homme dans l'Eden. Toujours est-il que nous retrouvons sur le mon;, Merou, les quatre fleuves orientés, partis d'une source commune qui est située sur le sommet d'un plateau. Les quatre grandes îles qui forment les quartiers de la montagne centrale du monde, existent réellement dans la division orientée de l'Afrique, centre géographique véritable de la terre entière. Il est facile de voir
aussi l'influence décisive que le souvenir du Paradis exerca sur cette immuable civilisation de l'Inde, qui conserve encore la division profonde de ses castes, idée typique appliquée dans le système social, mais empruntée évidemment au symbole dont l'objet premier est la montagne sacrée.
Le mont Atlas, célèbre dans l'antiquité, se rapporte encore à cet'objet traditionnel. On avait personnifié la montagne, et on disait qu'un ancien roi Maure, nommé Atlas, était chargé de porter le ciel sur sa tête. On rapprochait encore de ce mythe l'histoire des pommes d'or du jardin des Hespérides gardé par un dragon et dont aucun mortel ne saurait franchir l'entrée. Mais Atlas put procurer les pommes d'or à Hercule, à qui la conquête de ces fruits avait été imposée comme l'un de ses douze travaux. L'Atlas qui ressemble assez au mont Mérou dans cette tradition, sans parler de l'identité étymologique du mont Mérou, et du pays Maure, se trouve encore plus rapproché du véritable Mérou, puisqu'il est une partie de cette mystérieuse terre d'Afrique dont le nom était attribué plus particulièrement a cette partie montagneuse du grand continent.
Migne, à l'article Simorgue du dictionnaire des sciences occultes, raconte aussi d'après les rabbins comment le monstre qui porte ce nom garde le Paradis terrestre situé aux sources du Nil. N'ayant pas le texte sous les yeux, il nous est impossible de fixer au juste la conformité même générale de cette tradition talmudique avec tout ce qui se rapporte à l'Eden. Mais le jeune prince qui pénètre dans le Paradis, malgré la vigilance du mauvais génie, doit gravir aussi sept montagnes avant d'arriver au sommet.
Il faut encore rapporter à ces traditions la construction des pyramides et des tours à étages. La pyramide, par ses quatre pans orientés, rappelle les quatre triangles formés de la source à la mer, par les quatre fleuves du Paradis, et désignés clairement par les données de la Bible, par la tradition hindoue, mais aussi par la topographie actuelle du continent africain qui n'est, après tout, qu'une pyramide écrasée à base irregulière, mais découpée en quatre triangles immenses qui se tiennent par un de leurs cûtés deux à deux, et se reunissent vers le sommet au plateau oit se trouve la source des quatre fleuves. La ligne de partage des eaux, entre deux vallées, forme en quelque sorte les arêtes de la pyramide.
Parmi les tours à étages, la plus célèbre est celle que les hommes constrmsirent à Babel, dans une pensée d'orgueil. Rien de plus certain que ce fait historique dont on retrouve le souvenir jusqu'au Mexique. Rien de plus douteux que l'objet précis de la pensée crimi-
nelle qui en fut l'inspiration et que Dieu confondit par une punition marquée. L'Ecriture rapporte simplement les paroles des hommes qui voulurent la construire. « Faisons une tour dont le sommet atteigne le ciel. » Nous ne prendrons pas cette parole dans le sens matériel qui attribuerait à un peuple encore dans l'enfance du développement intellectuel, la pensée d'atteindre le ciel, comme nous avons cru l'atteindre quelquefois dans notre jeune âge en gravissant les montagnes sur lesquelles le firmament parait posé. Mais ce qui lrappe au premier coup d'oeil, c'est l'analogie frappante de la tour de Babel, dont la plate-forme supérieure est « un ciel » placé au-dessus de sept étages de pierre superposés, avec le mont Mérou dont le sommet, séjour des dieux, surmonte sept étages de montagnes inferieures. C'est dans cette analogie qu'il faudrait chercher la pensée perverse dont le chàtiment est un événement marquant de l'histoire des âges primitifs.
On est assez d'accord à rapporter à ce fait historique les histoires de géants entassant montagnes sur montagnes pour escalader Je ciel. Cette forme nouvelle du récit rapporte mieux le symbole exprimé par la tour à son original qui est la montagne dont le sommet en quelque sorte porte le ciel. Si la route suivie par les différents peuples dans l'histoire vient aboutir à la tour de Babel, la montagne sacrée du Paradis est donc aussi le point central de toutes les traditions humaines. La forme conique ou pyramidale a son premier type dans le cône de lumière, qui, parti du soleil comme de sa source, entreposer sur le globe terrestre comrr: ;sur sa base circulaire. Et à ce cône de lumière répond le cône d'ombre sur l'autre hémisphère. Tous les objets de forme conique reçurent donc un nom et une signification symbolique qui se rapporte à celle de la lumière. La chaleur et la lumière qui procèdent du soleil, traversent l'air comme un cône lumineux, et viennent animer toutes choses sur la terre, sous la forme du fluide vital, principe du feu et du mouvement. Si l'on veut trouver ici une image de l'incompréhensible Trinité, le soleil représente la puissance du Père, source de l'être; la lumière atmosphérique, le Verbe qui est la vraie lumière, et le fluide actif des corps terrestres, l'eiïusion de l'Esprit rénovateur. Quoique profondément alterées, ces idées se retrouvent dans le symbolisme des mythologies persanes et hindoues. Adorant Dieu sous la forme sensible du feu matériel, audelà duquel le vulgaire n'élevait guère ses pensées, pas plus que les savants incrédules du reste, ne le firent en aucun temps, les Perses regardaient le cône lumineux comme lesynaboledeMilhra, média teurentre l'homme et Dieu. C'est même l'origine la plus certaine
du bonnet conique, qui après diverses transformations est devenu la mitre de nos Evêques.
Il n'est pas rare que les noms qui signifient montagne se rapportent à ceux qui signifient lumière. Ainsi en grec ozos montagne, o;ao> voir, en latin les mots', liions montagne, nionstro, je montre. En hébreu IIS or lumière et "D ar montagne. Aussi, après saint Jean qui dit de Jésus-Christ il était la vraie lumière, on peut encore, dans cet ordre d'idées, dire en suivant l'oraison liturgique de l'office de sainte Catherine Dieu, qui avez donné la loi à Moyse sur le sommet de Sinaï, et qui au même endroit avez transporté miraculeusement par le ministère des Saints Anges, le corps de la bienheureuse Catherine, Vierge et Martyre sur le mont Sina, accordeznous, nous vous en prions, par ses mérites et son intercession, de parvenir à la montagne qui est le Christ. Ad montent qui Christus est. Jésus-Christ est centre de tout et la montagne du Paradis est centrale pour être la figure la plus ancienne et la plus compréhcnsive de la mission du sauveur des hommes. Nous allons encore revenir au mont Mérou et l'envisager principalement dans ce qui a trait aux doctrines de Bouddha. D'après les livres sacrés de cette religion étrange qui endort l'Asie dans ses rêves au suc de pavot, le sommet de la montagne sainte est un séjour de lumière, qui se déverse su;- les êtres placés aux étages inférieurs. Mais cette lumière en les purifiant de leurs souillures, leur permet de gravir un degré de plus en plus élevé sur cette montagne destinée à servir d'ascension spirituelle vers l'idéal de la perfection, ou du moins de ce que le Bouddhiste regarde comme la perfection. Dante a reproduit le plan de l'Enfer, du Purgatoire et du Ciel Bouddhiste. Son Purgatoire est une montagne exactement dépeinte selon le cadre du mont Mérou, et de signification basée sur le fond d'idées de la doctrine de Bouddha. Eclairé par une lumière venue d'en haut, guidé par Virgile, symbole de la raison mise au service de la toi, Dante s'avance gravissant les pentes abruptes, se purifiant à chaque degré de la montée d'une tache imprimée sur son front, et il parvient enfin à travers la flamme purificatoire au plateau supérieur où se trouve le Paradis terrestre.
Dante qui connaissait la sphéricité de la terre et la géographie du monde connu de son temps, cherche la position géographique de la montagne du Purgatoire, qu'il regarde comme un continent de notre globe. Pour répondre sans doute aux idées communément suivies dans le symbolisme ancien, il la place vers 1 Occident, direction de l'empire des ténèbfts et (lu chemin des âmes. Charon le nocher des
enfers, parait avoir tiré son nom de l'hébreu Acharon }"HnX qui veut dire l'Occident. Les pêcheurs de Bretagne connaissent encore l'endroit du cap Finistère, d'où les ùmes sont transportées à travers la mer à leur dernière demeure.
Or, le poêle italien place son Purgatoire à mi-chemin entre l'Espagne et l'Inde à peu près vers l'endroit où se trouve réellement l'Amérique. Il ne semble pas douteux, après un examen approfondi, que l'Italien Christophe Colomb n'ait puisé son idée sublime dans le grand poème national. Il faut remarquer une tradition conservée par Dante qui précise la place du Paradis terrestre vers les régions tropicales, et porte à penser qu'Adam et Eve en sortirent du sud au nord, ce qui confirmerait encore le sentiment que nous avons développé. Car il parle des quatre étoiles de la Croix du sud, comme d'une constellation qu'Adam et Eve seuls ont pu voir au Paradis et qu'il est le premier à revoir depuis qu'ils en sont sortis. Ce renseignement est important. Car pour l'expliquer, il faut placer le Paradis vers ou au-delà de l'équateur, c'est-à-dire ou en Australie ou dans l'Amérique du sud, ou dans l'Afrique. Cette raison, en regard de toutes les autres, nous oblige de plus en plus à adopter ce dernier continent comme la véritable terre sacrée des traditions.
Les noms conservés à la montagne sainte ne sont pas indifférents, loin de là. En égyptien, la montagne de Sion, c'est la montagne de l'étoile; en hébreu, c'est la montagne exposée aux ardeurs du soleil, latera Aquilonis civitas régis magni. Il est remarquable que le mot latin qui traduirait cette expression, nions apricus paraît être une étymologie probable et peu signalée encore du nom de l'Afrique. Ou plutôt ces deux mots sont deux dérivés du nom égyptien Phra qui désigne le soleil. C'est de ce radical que dérivent une foule de mots qui se rattachent aux idées de lumière, d'abondance et de joie. Nous avons déjà rencontré le Phrath, nom du fleuve, qui est le symbole de la joie, de la richesse et du plaisir. En grec xup le feu, tpstpoç phare sont de la même famille. Chez les Scandinaves Frokdi dieu de l'âge d'or et Freia mère des dieux, rappellent les mots allemands modernes Freudc, la joie, et Freiung noce, ou Freiliait, liberté.
Le nom de Jérusalem qui était aussi, à n'en pas douter, un souvenir apporté du Paradis, veut dire vision de paix et toutes ces significations rappellent l'idée de la montagne de lumière. C'est aussi le sens du mot qui désigne la montagne sainte des hindous. Mérou composé des racines Me et rou veut dire source de l'effusion de tout bien. Source de lumière, car ora, rou signifie le rayonnement, radius le
prouve, source d'eau vive, car « rou, ru » veut dire écoulement, ruissellement. Ainsi le mot français rù, ruisseau, le latin rivus, le mot grec ssw, le mot persan roud, source de toute bonne parole, car pe<a, çy,;aï, sr,0o) rappellent cette signification. Source de force, Je vertu, de vie, car c'est de là aussi que vient robur, pojuTj, source de conseil, d'intelligence, de là vient rco/1 je pense, enallemand «liât h» leconseil. En de us mots, source de tout ce qui jaillit, de tout ce qui rayonne et par conséquent de tout ce qui anime, de tout ce qui vivifie. Ce nom convenait singulièrement à la montagne centrale. En plein midi, le soleil, placé au dessus de son sommet selon une verticale parfaite, verse. en effet ses torrents de lumière qui semble s'écouler de là sur tout le reste de la terre. Cette terre épanche de son sein la source unique dont les mille canaux portent partout la fécondité et la vie. De cette montagne, dont le sommet forme le plateau le plus riche du monde, le Nil e-nporte jusque dans la terre d'Egypte un limon fertile qui en a fait le pays le plus productif de l'univers. Mais c'est de cette terre centrale que procède également l'humanité pétrie de son limon, enrichie en ce lieu de délices de tous les dons de l'âme et du corps de l'esprit et du cœur, de la science et de l'industrie. Tout procède de là. et s'il faut parler le langage de SimonJe-Magicien, l'Eden a été la matrice de l'humanité.
Les anciennes mythologies ne tarissent pas d'éloge sur cette terre merveilleuse qu'ils appelaient Cybcle, Isis, Diane, mère des Dieux et des hommes. Le nom de Mérou n'est même pas perdu par la tradition. Nous avons remarqué dejà que l'Afrique était appelée le pays des Maures et cela de la plus haute antiquité. Atlas est roi du pays de Mauritanie. Le Mérou des Persans s'appelle mouru, mot qui, mieux encore que Mérou, se rapporte à celui des Maures. Mais les peuples de race Chamite, à qui cette portion de la terre était échue après le déluge, donnaient assez genéralement le nom de Myrrha à la mère de leur race, épouse ou fille d'Amon ou Cham, leur premier roi. Ce nom de myrrhe est aussi celui d'un parfum, symbole d'immortalité qui, à la crèche de Jésus, servit à figurer son humanité sainte et la tendresse inépuisable de son cœur sacré envers les hommes. Du reste, tout ce qui se rapporte plus particulièrement au Paradis terrestre offre une valeur symbolique analogue, à cause de l'arbre de vie, source réelle d'une véritable immortalité. Mor est encore le nom sémite du palmier qu'on retrouve dans le nom de la ville de Palmyre, en arabe Thadmor. Murex est aussi le coquillage qui donne la couleur de pourpre, symbole qui rappelle, avonsnous dit, le nom du premier homme.
Du reste, afin que ce nom de la montagne aux Sept-Assises lut une formule de la distribution septenaire des dons de Dieu, loi providentielle de toutes choses, Myrrha était encore regardée comme la déesse de l'harmonie. A Ecbatane, une tour à sept étages représentait cette idée par la couleur différente de chaque étage. Mais, en Egypte surtout, elle eut une expression curieuse dans la statue vibrante du colosse Memnon, aujourd'hui à demi enterrée dans les sables, mais visible encore de cinq lieues à la ronde. On faisait de ce dieu le génie de l'harmonie universelle, père des Sept-Muses de Sicile. Et de fait, sa statue rendait un son harmonieux au lever et au coucher du soleil. Or, le nom égyptien de Memnon, selon le docteur Sepp, était MériAmoiin, le bien-aimé de Dieu, dénomination qu'il n'est pas défendu de rapprocher du Mérou harmonieux et septénaire. Le bienaimé de Dieu, splendeur du Père, est l'archétype de tout écho harmonieux d'ici-bas. Ce nom de bien-aimé appartient encore à David, barde sacré dont la lyrc à sept cordes redit les grandeurs de Dieu et de son Christ, et c'est encore à l'apôtre Bien-Aimé [Jo-hanan bien-aimé de Dieu) que fut manifestée la Révélation du poème universel dont les harmonies sont constamment distribuées sur la gamme du septenaire sacré.
"Venons à des symboles d'un autre genre. En Egypte, Osiris était adoré sous la forme du bœuf Apis et Isis sous la forme de la vache. Il semblerait assez étrange au premier abord que ces animaux se rapportent à des idées si élevees. Mais nos poètes modernes eux-mêmes n'ont pas méconnu le symbolisme poétique des dons pacifiques de ces humbles animaux. Victor Hugo a une Ode où il compare la vache à la nature nourricière. Les quatre fleuves du Paradis étaient représentés par les mamelles de la vache; ses cornes eu croissant, placées sur son front, symbolysent les cornes de la lune apparaissant au sommet des montagnes. Entre celles du bœuf Apis, on représentait dans l'espace vide lo disque solaire qui, en plein midi, domine le plateau équatorial en passant au zénith. Bacchus, dieu du mont Mérou, est une forme latine de vaccits qui veut dire taureau. Nous développerons le symbolysme de cette figure dans un article consacré aux quatre animaux de la vision céleste. Ici, il faut se borner au strict nécessaire. C'est assez d'avoir montré comment la vache nourricière si célèbre, dans toutes les mythologies, est encore un souvenir visible de la montagne sainte qui nourrit l'humanité à son berceau.
LE PALAIS DE LA SAGESSE
Au livre des Proverbes de Salomon, chapitre IX, se trouve décrit le festin de la Sagesse et celui de la Folie bruyante. Millier stulta et clamosa. « Venez, dit la femme insensée. Et ceux qu'elle a trompés ignorent que sa maison est habitée par les géants et que ses convives sont dans les abimes de l'enfer. » Si l'un rapproche ces paroles des histoires de géants et de la tour de confusion élevée aux bords de l'Euphrate, il est impossible de ne pas reconnaître par l'antithèse même quel fut le type primitif de ce palais où la Sagesse offre son festin. « La Sagesse, y est-il dit, s'est bâti une demeure soutenue de sept colonnes, taillées de sa main créatrice. Elle v immole ses victimes, y verse le vin des libations sacrées, y dresse sa table. Elle a envoyé ses servantes pour faire appel à tous et amener les hommes dans sa citadelle et vers les murs de la cité. » « Venez à moi, dit-elle, vous tous faibles et petits. Venez, dit-elle aussi aux « insensés. Nourrissez-vous du pain que je « vous offre, buvez le vin de ma table. Sortez « de l'enfance, vivez et marchez dans les « voies de la prudence. »
Le festin auquel l'hnmanité fut conviée avait été servi par la main libérale de la Sa-gesse créatrice dans l'enceinte du Paradis. Sept colonnes superposées forment les gradins sur lesquels reposent les murailles de la cité qu'Adam et Eve durent abandonner après leur péché. Il est vrai que, transportée dans l'ordre surnaturel, cette image splendide sera le symbole transparent des sept sacrements superposés sur le mystère fondamental de la grâce du baptême, selon les phases successives de la vie humaine, et destinés à aider l'homme à gravir la sainte montagne de la perfection dont le sommet présent àson regard lui montre le terme qu'il faut atteindre pour s'unir irrévocablement avec son Dieu.
La montagne du Paradis était donc le symbole réel et le plus parfait des dons de la bonté divine et, par conséquent, la figure du plus excellent de tous, l'œuvre de la Rédemption opérée par Jésus-Christ et par son Eglise. Le souvenir qu'elle a laissé dans les traditions mythologiques elles-mêmes n'a pas d'autre raison ni d'autre valeur, quoique cette haute signification soit bien souvent méconnaissable et oubliée. Elle figurait dans toute son étendue cette effusion de la Sagesse divine qui s'y était accomplie aussi bien dans l'ordre des réalités physiques que dans les lumières du monde idéal, aussi bien selon les besoins des individus et des sociétés dans leur existence terrestre que cu égard aux exigences
particulières de leur être spirituel et de leurs destinées surnaturelles. Car le premier homme et la première femme résumaient en eux ces perfections d'ordre si divers, et la disposition de toutes choses au Paradis répondait nécessairement aux besoins de l'humanité en obéissant dans une certaine harmonie de toutes choses aux vues du Créateur manifestées dans la formation de la nature humaine. Mais en cessant d'être le séjour de l'homme en qui l'œuvre de la Sagesse est en grande partie détruite, l'Eden ne cesse pas de porter un reflet de la perfection idéale attribuée à l'humanité. Et il restera le but final de l'œuvre de réparation dont la promesse forme, après le péché, l'héritage des espérances humaines. Cet espoir semble s'être concentré universellement autour du nom béni de la femme privilégiée, désignée dans l'oracle prophétique de la Rédemption future Ipsa confère t caput tinim. Elle t'écrasera la tête. Marie apparait partout dans l'Evangile comme la personnification même de cet idéal de perfection que l'humanité déchue est appelée à reconquérir par une purification graduelle et en vue des mérites du rédempteur. Type accompli de l'œuvre de la Sagesse, elle est aussi sa coopératrice au même titre que l'Eglise dont elle fut plus que la figure, puisque dans l'Evangile elle apparait toujours comme accomplissant le ministère et le rôle de donner Jésus, de le présenter aux adorations et à l'imitation des peuples.
Mère de Jésus Sauveur, Marie peut être considérée comme la source de ses bienfaits, la distributrice de ses grâces et c'est à ce titre qu'elle est véritablement et dans un sens tout spirituel, la mère du Christ mystique, formé par l'union des âmes dans la grâce ot la vérité qui procédent de Jésus son divin Fils. La terre immaculée du Paradis, riche en toutes sortes de productions, Eve encore innocente et ornée de la grâce de Dieu, l'humanité réparée ou l'Eglise invisible des âmes saintes et pures, enfin Marie immaculée sont de grands objets, qui par un symbolisme légitime et fréquent dans les Saintes Ecritures et dans les écrits des Pères, s'identifient en un concert de louanges, par lesquelles sont exaltés les dons de Dieu. Que l'on suive par exemple les magnifiques leçons des offices de Marie au Bréviaire Romain, les versets et les psaumes empruntés a l'Ecriture; Marie y apparaît comme la Sagesse personnifiée, et tous les éloges que les Saints Livres font de la Sagesse,lui sont attribués. Toutes les splendeurs du Paradis matériel servant à y decouvrir et manifester les gloires spirituelles de Marie « Je vous salue, paradis suave et spirituel de Dieu, s'écrie saint Germain, planté aujourd'hui vers l'Orient par sa main bienfaisante et toute-puissante, paradis ou germe et s'épanouit en présence de
Dieu, le lis de suave odeur, et la rose impérissable pour la guérison de ceux qui ont bu vers l'Occident l'amertume pestilentielle et funeste à l'ànie, qui cause la mort paradis dans lequel fleurit pour la révélation de la vérité, l'arbre de vie qui donne l'immortalite à ceux qui goûtent de son fruit. Je vous salue, palais consacré, immaculé et d'une pureté parfaite dans son édiiîcation, élevé au Dieu Souverain Roi, orné de la magnificence de ce même roi, donnant à tous l'hospitalité, réconfortant les pieux pèlerins de ses délices mystiques, dans lequel se trouve la chambre nuptiale du divin Epoux, chambre élevée non de main d'homme et précieusement décorée d'une grande variété d'ornements danslaquelle le Verbe, voulant rappeler à lui la race humaine errante, s'unit à notre chair afin de réconcilier à son Père ceux qui s'étaient volontairement exilés de sa demeure sainte. Je vous salue, montagne féconde et ombragée, où fut nourri l'Agneau spirituel qui porte nos péchés et nos infirmités montagne d'où la pierre détachée sans le secours d'aucune main, roule en ce monde, brisant les autels des idoles au passage et qui est devenue la pierre de l'angle. prodige admirable à nos yeux. Je vous salue, saint trône de Dieu, effusion des grâces célestes, demeure de gloire, ornement d'une beauté incomparable, galerie des chefs-d'œuvre de Dieu, propitiatoire de tout l'univers, firmament qui raconte la gloire de Dieu. Je vous salue, urne formée de l'or le plus pur, contenant la douceur suave qui délecte nos âmes, le Christ qui est la véritable manne. 0 Vierge très pure et digne de toute louange et de toute vénération, source de biens consacrée à Dieu, supérieure à la condition de toute créature, terre non violée, champ intact au fer de la charrue, source versant son eau vivifiante, vigne en fleurs, vierge mère; mère ne connaissant point d'homme, trésor caché d'innocence, et rayonnement de sainteté. Par los prières très agréables et ton autorité maternelle auprès du Seigneur Dieu, créateur de toutes choses, ton divin Fils, né de ton sein virginal, dirige le gouvernail de l'ordre ecclésiastique et conduis-le au port de la paix. » Nous avons tenu à rapporter tout au long ce magnifique passage, d'abord parce que le dogme de l'Immaculée Conception y éclate dans chacune de ces images splendides, qu'il y est clairement exprimé sous la figure de cet édifice dont la consécration est failr dans son édification même et non après l'achèvement, ainsi qu'il en est des autres monuments sacrés. Mais aussi parce que ce dogme y est mis en relation avec tous les mystères de l'Eden, parce que Marie apparaît ici sous les images multiplies dont les objets sont empruntés au Paradis terrestre, et qu'elle y apparait non seulement dans les splendeurs de sa perfection
et de ses privilèges augustes, mais aussi dans son rôle de coopératrice à l'oeuvre du salut. Maris est le paradis planté à l'Orient. Marie est la montagne limoneuse et féconde, Marie est la source de toute effusion excellente. Pnr une permission de la divine Providence, le nom de Marie est en harmonie de signification avec ces images si souvent ramenées dans cette étude, par l'examen des antiques traditions. Reproduisant le sens du nom d'Eve, mère de la vie, le nom de la seconde Eve garde la forme et le sens de celui de l'antique Mérou, paradis, montagne et source, et de la Myrrha fabuleuse, qui représentant les grâces et les dons de la première Eve avec son souvenir, était une personnification de tous les bienfaits qui seraient procurés à l'humanité, par l'intermédiaire de la femme privilégiée, mère du Sauveur des hommes.
Nous n'avons pas encore eu le bonheur de voir le sanctuaire béni de Notre-Dame de Lourdes où Marie Immaculée attire les l'ouïes comme pour rapprendre aux hommes le chemin de l'antique Paradis de la montagne sainte, de la source immaculée où l'on ne revient que par les chemins de la pénitence. Mai> quelle image grandiose doit offrir cette longue suite de voyageurs affamés de prières, d'émotions saintes, d'immolations réparatrices, venant au Palais de la Sagesse, implorer Marie de prendre en main le gouvernail d« la barque de Pierre, fortement secouée par la fureur de la tempête qui agite violemment la surface et gronde sourdement jusque dans les profondeurs de l'abîme des sociétés. Sedes sapientiâe, ora pro noùis.
Il y a au livre de l'Ecclésiastique un chapitre qui mérite ici une attention particulière, celui où nous avons déjà trouvé une description si détaillée du Paradis, si conforme aussi à ce que nous savons de la terre d'Afrique « La Sagesse, y est-il dit, louera son âme et sera honorée en Dieu, et sera glorifiée au milieu de son peuple. » Et ce qui suit est sous la forme du voyage de la Sagesse, un magnifique éloge de ses bienfaits repandus sur toutes choses et pour tous les temps. Il y a dans ce magnifique morceau, une véritable profusion d'images tirées de la nature. Le ciel et ses ornements, la terre, les arbres, les fleurs, les parfums, les vertus, les sentiments les plus vifs de la nature humaine, un ensemble de tout ce qui se voit dans la création, dans les sociétés, dans l'histoire, une philosophie admirable du surnaturel, et enfin l'histoire de l'humanité depuis son départ du Paradis terrestre jusqu'à la restauration complète par la pénétration universelle de la Sagesse, tout cela y forme un tableau unique, où chaque mot a une portée intinie, où l'on retrouve tout ce qui se rapporte aux intérêts les plus généraux de l'humanité. Il semble que dans
ce tableau, la vérité et la, fable se soient données rendez-vous et que se reconnaissant enfin sœurs et filles d'un même Père qui est Dieu, elles se reunissent jusqu'à s'idenlifier parfaitement dans un seul et même objet, la Révélation parfaite des bienfaits de Dieu. Il serait difficile de trouver dans la mythologie un seul fait, un seul caractère, une seule croyance qui ne retrouve ici son objet typique. Il laudrait des volumes pour le montrer en détail, nous aimons mieux le prouver par une simple explication.
L'auteur du Livre de l'Ecclésiastique vivait à Alexandrie au milieu de ce peuple égyptien qui conservait enfouies dans ses sanctuaires, toutes les traditions sorties avec l'homme du Paradis, sicut <>qu<v duclus exivi de Païadiso. L'Egypte était la pépinière de la Sagesse traditionnelle, le jardin de ses plantations, la prairie enivrée de ses eaux vivifiantes. Dixi Riijabo 'lortwn rneum plantutionwn, et inrbriabo prati mei jructum.
Il en est des traditions comme des langues. Les racines de la langue primitive unique demeurent immuables, disséminées dans les dialectes variés nés au pied de Babel. La source des traditions aussi est unique. Les types conservés dans le lot traditionnel de tous les peuples, n'ont point été créés par leur imagimais perpétués parmi eux dans un état d'altération plus ou moins profonde. Les objets symboliques traditionnels sont tous emprunlésau berceau de l'humanité, et se retrouvent sur cette terre d'Egypte, voisine du Paradis.
Cependant ces objets variés avaient perdu vite aux yeux du peuple grossier et du savant orgueilleux leur signification surnaturelle. Le culte de la nature s'était étendu jusqu'à ses productions les plus intimes, jusqu'aux légrimes des jardins. Or cette description du Paradis et de l'Egypte, des œuvres de la Sagesse multipliées dans toute la création, on sont accumulés à dessein toutes les richesses de la nature, les fleuves, les arbres, les fruits, aussi bien que les trésors de l'âme, de l'intelligence et (lu cœur, tout ce tableau correspond parfaitement au caractère du culte de l'Egypte. L'Egyptien sous les yeux duquel tombera le livre du pieux auteur, le Juif peut être ébranlé dans sa foi par le contact journalier d'un peuple païen, trouveront ici des clartés surnaturelles, un enseignement éminemment propre
à. jeter du jour sur le côté erroné des croyances
>l des pratiques idolùlriques en conduisant
leur âme de la Créature visible au Créateur
dont la Sagesse se reflète en toutes choses. Dans le temple de Sais. se trouvait une statue voilée portant cette inscription « Je suis celui qui fut, celui qui est et qui sera. Nul mortel n'a soulevé mon voile. » Pour le peuple, c'était simplement la représentation d'Isis,
déesse populaire en Egypte. l'our les savants et les prêtres, cette statue était d'une haute signification. Noijs avons déjà vu que le nom d'Isis en hébreu 'Wï Isai signitie également « Celui qui a été, qui est et qui sera et cette signification doit s'attribuer particulièrement à Dieu, mais en tant qu'il est la source de la Sagesse éternelle et immuable, loi directrice et providentielle de tout ce qui a été, de tout ce qui est et de tout ce qui sera.
Cette statue était donc en quelque sorte un symbole unique auquel tous les autres viennent converger, un hiéroglyphe d'une compréhension universelle. Car tout ce qui est bon peut se ramener à la source archétype de toute perfection. Honorée sous le nom (le Neith, la déesse Isis est ici la personnification de cette terre des dieux d'où procède pour 1 humanité le trésor de tout ce qui l'orme son béritage traditionnel dans les différents ordres qui correspondent aux qualités de la nature complexe de l'homme. C'est donc la Sagesse figuree comme la terre productrice par excclience. Il est visible que le fils de Sirach a développé simplement la haute et divine signification de ce symbole religieux en prêtant à la Sagesse ce long et magnifique discours qui n'est qu'une amplification sublime de l'inscription de Saïs. L'auteur sacré, éclairé par la vision prophétique d'une autre Isis, à qui l'Eglise a attribué ses paroles, Marie, source et miroir de la Sagesse, a soulevé le voile que la religion égyptienne avait laissé sur le front de sa divinité.
Neith était vénérée à Babylone sous le même nom et en Perse sous le nom d'anaïs ou Anaïta qui signifie ['Immaculée, hommage rendu dans le lointain des âges à Celle dont la gloire rayonne sans voile et jette un si vit' et si doux éclat sur l'Eglise du siècle de l'inunacutée-Conception. Ne viendra-l-il pas un temps où tous ces vieux sanctuaires ressusciteront de leurs ruines séculaires? Anaïta l'Immaculée s'appelait aussi At/ienuïs et sous ce nom lui lut consacrée une ville célèbre, mère de la Sagesse antique, célèbre par son Parthenon ou Temple de la Vierge. Et voilà que NotreDame de Lourdes fait rayonner la gloire de son Immaculée-Conception à Constantinople. sur cette vieille terre delà civilisation grecque, et elle semble vouloir reconquérir l'antique Parthénon pour ramener à l'unité la Grèce schisniatique.
« J'ai tenu le premier rang parmi les peupies », dit la Sagesse, In omni tjmtc pr/matum habui. Marie, personnification des bienfaits de la Sagesse symbolisés au Paradis, parce qu'elle est la mère du Sauveur et la trésorière de ses grâces, Marie est le centre des promesses, la révélation de toutes les figures, l'objet de toutes les prophéties. Aussi saint
Tharais l'appelle le miroir des prophètes et le centre de la réalisation de leurs oracles. Marie, souveraine des cieux et de la terre, a été honorée par les rois sous le nom de NotreDame, et c'est cette auguste souveraine qu'honorèrent sans la connaître les peuples anciens et tous les siècles du passé, sous tous les noms et sous toutes les formes. La ville d'Ephèse dut sans doute la gloire du Concile célèbre qui confirma à Marie son titre de Mère de Dieu, au dévouement séculaire qu'elle garda envers celle à qui elle avait voué un temple superbe sous le nom de Nôtre-Diane, c'est-à-dire notre souveraine, Notre-Dame. Car souveraine, en langue sémite, se dit daïan ou dian, en hébreu ^*j. Toutes les statues de ces déesses portaient sur la tête la couronne murale qui représente l'enceinte du Paradis, cité placée sur la montagne.
La terre paradisiaque, source de tout ce qai est précieux ici-bas, est aussi le type primordial et central qui peut être regardé, à un certain point de vue, comme l'objet du discours de la Sagesse dont elle porte et communique aux hommes tous les bienfaits, cela résulte assez de tout ce qui précède, et il faut dire que la terre d'Afrique, bien connue et entièrement civilisée, serait un objet excessivement important pour la solution des énigmes d'icibas.. Oui elle a bien le droit de dire avec la Sagesse de l'Ecclésiastique J'ai tenu le premier rang en toute nation, In omni gente primatum hafnn. Car, d'après le langage unanime de la tradition universelle, c'est la terre qui a tenu le premier rang dans le souvenir des peuples. Les leçons de la Sagesse s'y reflètent et elle a guidé l'humanité en lui laissant l'héritage séculaire des enseignements qui la dirigent dans ses voies.
La sagesse de Dieu possède le véritable gouvernement de l'humanité qui marche, sous la conduite des lois providentielles, à l'accomplissement de ses destinées. Au nom de Jésus, sagesse incarnée tout cède ici-bas, car tout pouvoir a été donné h ce nom ait ciel, sur la terre et dans les enfers. L'Eglise à son tour partage ce pouvoir accordé au nom de Jésus, et elle voit graviter tous les événements dans le cercle de ses destinées surnaturelles. Et un instrument puissant dans cette marche de l'humanité, c'est cet attrait irréfléchi profondément établi dans l'âme des peuples qui les ramène instinctivement à leur berceau où ils espèrent rentrer sous la conduite d'un Ilot puissant. Il ne faut pas chercher d'autre cause de cette tendance séculaire et invincible des peuples du Nord à se ruer sur le Midi, quoique la nostalgie soit une maladie vraiment humaine, quoique l'habitant du Nord se fasse moins facilement au climat du Midi, que celui du Midi au climat du Nord. La nostalgie
de la nature est plus forte que celle de la race et de l'individu. Evidemment, tous les peuples ont conservé la mémoire vague et le sentiment intime de la promesse prophétique qui a été faite à l'origine de rentrer au Paradis sous la conduite du Christ, vers Ja fin des temps.
Les espérances messianiques expliquent la direction des grands mouvements de peuples au temps des invasions barbares pendant les siècles qui précèdent et suivent immédiatement l'ère chrétienne.
Et si l'on s'en tient à la rigueur de cette promesse, aussi ancienne que le monde, aussi universelle que l'humanité, viendra le jour où l'Afrique redeviendra la terre du milieu, tenant le premier rang parmi les contrées du globe et gouvernant l'univers entier soumis au Christ. Et in omni gente primatum habui.
Nous revenons maintenant aux révélations Apocalyptiques qui ont été notre point de départ.
L'Eglise universelle, mère de lumière de vie, foyer de toute vérité, de tout bien, centre de tout mouvement, est donc la fleur de Jessé, le véritable épanouissement de l'Etre, l'Empire et la fleur du milieu. Qu'elle porte justement ce nom d'Asie, qui indique l'unité, la sagesse, la vitalité organique! Ce nom seul est une condamnation de toute Eglise séparée de l'Unité romaine. Car, où retrouver ailleurs cette articulation puissante de force vitale et d'autorité légitime, qui du Souverain-Pontife, évêque par excellence, centre d'unité, où tout converge, chef de la réunion des Anges des Eglises qui forme le sommet de la hiérarchie, se continue par les sept degrés des Saints-Ordres ? C'est par cette canalisation mystique, par l'intermédiaire de cet organisme septenaire que la vie circule dans le corps mystique de Jésus-Christ, vie de lumière par la juste distribution de la vérité évangélique; vie de force et d'action par l'exercice de la juridiction hiérarchique, vie de subsistance surnaturelle par la circulation des grâces sorties des sources du Sauveur et répandues dans les âmes par le canal des sept sacrements établis en correspondance surnaturelle avec le développement progressif et périodique de la nature humaine. Qu'on étende aussi loin que possible le dogme de l'unité de l'Eglise, que les évêques assistés du Saint-Esprit remontent jusqu'à la source même de cette unité, affirmant que, de tout temps, on a regardé un simple mortel comme dépositaire d'un pouvoir divin et d'une infaillibilité surhumaine, parce qu'il est le vicaire de l'Homme-Dieu, son fondé de pouvoirs, le chrétien s'inclinera, le penseur même incroyant admirera la puissante organisation vitale d'une société qui tient d'ailleurs une si grande place ici-bas.
Mais armés de tout ce que nous fournit le trésor des traditions de diverses sources, comment ne serons-nous pas dans le ravissement en nous trouvant, nous catholiques, par nos croyances les plus spéciales et celles qui nous distinguent le plus à ce titre de toute autre société religieuse, même de celles qui se disent chrétiennes, par nos dogmes si consolants dans leur développement à travers les siècles, en harmonie avec ce qu'il y a de vraiment céleste dans le souvenir de tous les peuples, en nous voyant à !a portée de puiser à chaque instant à cette source de vie si merveilleuse, chantée par tous les interprètes providentiels des volontés divines, et qui s'épanche des sources du Sauveur. La fontaine vivifiante qui verse ses flots intarissables au milieu de l'Eglise. In medio EcclesicV apemit os ejus, c'est le cœur sacré de Jésus et c'est le cœur dont l'amour les attire et les exhausse sur les degrés de l'échelle mystérieuse qui ramène tout à lui.
Le corps mystique de Jésus-Christ, dont nous avons ailleurs signalé la marche victorieuse, a encore une extension vitale qui se consomme à travers l'histoire. Les Persans, d'accord en cela avec les idées fondamentales de toutes les philosophies, suivaient ainsi les progrès des lois de l'existence. D'abord l'être incommunicable et infini se posait lui-même comme principe de tout bien, Ormuz. D'Ormuz procède Honover, le Verbe ou la Pensée. La Pensée se matérialise dans Hom, qui est l'Arbre de vie. L'homme s'en empare. Ces idées, matérialistes dans le sens propre, sont d'accord dans le sens figuré avec ce que nous avons dit du voyage de la Sagesse divine répandue sur toute créature pour y être recueillie par l'homme. La sagesse de l'Ecclésiastique elle-même suit ce progrès dans sa manifestation. Or, le véritable Arbre de vie, c'est l'organisme de l'Eglise comparée par le Sauveur lui-même à l'arbre qui s'étend au loin, et les oiseaux du ciel viennent se reposer sur ses branches.
C'est par cette idée de la croissance graduelle de l'Eglise et d'après une loi analogue à la croissance d'un corps naturel, tel que le végétal ou le corps humain, que l'on est amené à distinguer dans ce développement normal
sept périodes correspondantes à celles de la vie humaine. La vie est un pèlerinage, vérité vulgaire et pourtant souverainement importante, qui doit diriger toute l'existence. Car. sortis des mains de Dieu, nous retournons à Dieu. Ce pèlerinage a sept étapes marquées la naissance et l'enfance, l'adolescence et la jeunesse, l'âge mur et l'àge social; enfin, la vieillesse, âge du repos. Tous ne sont pas appelés à franchir toutes les étapes heureux si l'on a été jugé digne d'arriver prématurément au terme du pèlerinage, porté par la main des Anges! In Paradhwn reducant te Anç/eli et citm Lazaro quondam paupere œtcrnam habeas requiem.
Mais l'Eglise, elle aussi, doit avoir sa jeunesse, son âge mur et l'âge de son repos. Son pèlerinage ici-bas sera marqué de sept étapes par lesquelles elle conduit l'humanité de la souffrance à la joie, du péché à la sainteté indéfectible, du Calvaire au Paradis, de Pathmos à Jérusalem. 0 véritable progrès accompli par l'influence rayonnante de Jésus-Christ sur cette grande terre d'Asie qui est le lieu de passage de tous les pauvres.pèlerins 0 lumière de l'histoire éclairée par le regard de Jésus-Christ 0 sublimes ascensions qui s'accomplissent dans le cœur de chaque pèlerin avant de se traduire dans les grands résultats amenés peu à peu à la suite des siècles, à travers la route du grand pèlerinage de l'humanité couduite à Dieu par Jésus-Christ et par son Eglise C'est cette épouse que JesusChrist a aimée, la purifiant dans le bain salutaire de son sang. Il la conduit dans la rude ascension, la soutient dans ses combats, il est avec elle hier, aujourd'hui et jusqu'à la consommation des siècles. C'est lui qui l'introduira dans la salle du festin des joies célestes et lui donnera son triomphe en la faisant régner dans la sainte Jérusalem, cité de la vision pacifique, après les fatigues, les troubles, les luttes du grand pèlerinage de l'humanité pénitente.
L. Lansard,
Cim; de Berlancourt (Aisne).
M0" PLANTIEZ
« II était de taille moyenne. Les rides sil.lonnaient son front large et élevé; les veines y étaient saillantrg. surtout vers les tempes, et révélaient le travail de la pensée. Son re gard était profond, vif et calme; son nez légèrement aquilin. Ses lèvres paraissaient quelquefois tendues comme les jnrdcs d'un arc; le plus souvent elles étaient souriantes. Toujours pâle et maladif, son teint avait une sorte de transparence comme le marbre de Paros. Ou le comparait saint Basile, à cause de son extrême maigreur et de l'austérité peinte dans ses traits. La démarche était grave et lente la voix, douce et harmonie use en conversation, sonore et pénétrante en chaire; le geste, expressif et animé; une belle chevelure noire encadrait son visage. Se montrait-il au loin, il inspirait le respect; s'approchait-il, on était captivé par son air de dignité; ouvrait-il la bouche,, on ne songeait qu'à jouir de l'élévation de ses pensees et de l 'élégance de sa parole. Toute sa personne exprimait je ne sais quoi de si imposant et de si noble, qu'il ne fallait que le voir ou l'entendre pour prendre l'idée de la grandeur (1\ »
Sa pose, même en conversation, était naturellement un peu solennelle. Il portait la tête un peu de prolil, à la manière d'un chevalier qui se tient en garde. « Mon fils, lui dit un jour son père, vous vous croyez toujours à la Faculté. »
« La nature avait été pour lui moins généreuse que la grâce; elle lui avait donné une constitution délicate, et ses organes ne fonctionnaient, ce semble, que pour le faire souf-
(I) Vie de momc'fpwur Plnntier, évrquc de Mines, par l'abbé J. Clnstron, vicaire général de Ninies et do .Montpellier Deux vol. in-8" XX.VI1I 1-iOO pages. Prcrï'ilc d'un beau portrait il l'eau forte et d'un aiitofrrn- Iilic. II. Oiidiu, odit. Paris. 51. rue Itonaparie.
frir [{). » On aurait pu lui appliquer ce que Chateaubriand a dit de Joubcrt « Il avait l'air d'une âme qui avait rencontré par hasard un corps, et qui s'en tirait comme elle pouvait (2) ».
La mort finit par séparer ces deux substances qui paraissaient si mal assorties. « Quand le corps eut été dépouillé de ses vêtements, les- assistants furent saisis de stupeur. Quelle maigreur effroyable! On eût dit un squelette que l'on viendrait d'exhumer après de longues années passées dans la terre. Les membres paraissaient si peu rattachés les uns aux autres, la colonne vertébrale avait, subi nne telle déviation, qu'il était difficile de s'expliquer comment le saint Prélat pouvait même se tenir debout, avec un corps pareil.. son âme avait vécu au milieu de ruines (3). » On avait appelé un médecin de Montpellier pour procéder à l'opération de l'embaumement. « Quand il vit le cadavre du vénérable M défunt Je voudrais, s'écria-t-il, que tous « ceux qui ne croient pas à l'existence de <( l'àmc eussent sous les yeux la dépouille « mortelle de Mgr Plantier. Avec un corps si « exténué et si disloqué, on ne conçoit pas « qu'il soit arrivé à soixante-deux ans et qu'il « ait pu remplir les fonctions épiscopales. « Quelle grande âme a dû régner sur cet as« semblage bizarre de membres faibles et « comme inachevés! Si j'étais matérialiste, je « rougirais de mon erreur devant cette noble « dépouille (<t). »
L'homme de science avait raison. Si la pensée était un produit de l'organisme, en d'autres termes, si c'était le corps qui informe l'âme, quelle pensee aurait jamais pu germer, quelle âme aurait pu naître de ce pauvre sys-
(!)̃ Vie, II. p. Gt.j. (2) tbirt.
(3) Ibid.
(\) Ibid. ji. 70.
tème d'organes, si frèles et si mal joints qu'on pouvait s'étonner de sa durée? Et d'où aurait pu provenir cette lutte douloureuse et permanente entre l'âme et le corps, entre la pensée et ses organes?
Non, c'est bien l'âme qui informe le corps, et Mgr Plantier en fut la démonstration vivante. Car, dans ce combat inégal, la victoire fut tou.jours du côté de la substance croyante, jusqu'à ce que, dans un suprême effort, brisant ses armes, elle en eut semé les débris sur le champ de son triomphe.
Le corps était chétif, mais l'âme l'avait revêtu de noblesse et de je ne sais quelle sympathique beauté! Tel on peut le contempler encore dans sa cathédrale, grâce au ciseau d'un artiste de grand talent (1).
Son âme! Elle vit dans ses propres œuvres, qui révèlent l'écrivain, le professeur, l'évêque, et signalent un maître; elle respire dans l'œuvre de M. Clastron, qui fait connaître l'homme.
Le style n'est l'homme tout entier que lorsque l'homme est un saint.
Ne connaissez-vous aucun de ces historiens habiles à tisser les faits, choisis et triés par eux, de telle façon que chaque détail soit vrai et que le tissu soit l'aux? Ils sont experts dans l'art de mentir, avec un accent de candeur. Salluste et Sénèque n'ont pas épuisé la liste des hommes pervers ou corrompus, dont le style correct fut toujours au service de la vertu. En 1793 et au lendemain, des littérateurs couverts de sang composaient des pastorales.
Le style sera toujours la physionomie de l'intelligence; mais il n'est que cela, chez la plupart des écrivains.
Au contraire, lisez saint Paul, saint Augustin, sainte Thérèse, et vous connaîtrez parfaitement, non seulement, ce qu'ils enseignent, mais encore ce qu'ils furent; non seulement, la tournure de teur esprit, mais encore les dons de leur âme.
Entre ces extrêmes, on rencontre toutes les nuances. L'âme se rapproche de l'œuvre, la parole intérieure de la parole extérieure, en proportion de la sainteté de l'écrivain. Et, en général, renseignement de la vie publique doit être précédé des exemples de la vie privée, dont il sera la fidèle manifestation, en
il) M. Cobuchet. L'eau-fortequeM. Glustron a placée en tête de son livre est d'une très remarquable expression et d'une ressemblance parfaite.
(.•onformité avec le divin modèle qui n'enseigna pendant trois ans qu'après avoir fait pendant trente ans (1). ¡.
Mgr Plantier partage cet honneur avec les grands écrivains de l'Eglise. Ce qu'il a enseigné, il l'avail cru fermement et le croyait toujours, il l'avait pratiqué et continuait à le pratiquer, avec une ferveur croissante. Sa biographie et ses œuvres se complètent; sa vie publique est le brillant épanouissement au dehors de ses vertus privées et de ses méditations les plus intimes. Tel il a paru dans l'Eglise, tel il était aux pieds de son crucifix.
Ne condamnez pas à la même épreuve la plupart de nos professeurs si vantés, ceux-là surtout qui se flattent de donner les formules scientifiques de la morale. Ne les poursuivez pas hors de leur chaire, ne les regardez pas dépouillés de la toge. Laissez-les se retrancher derrière le mur infranchissable de la vie privée. C'est ce qui rend parfois attrayante, pour les curieux, la lecture des mémoires secrets. On dirait que Dieu s'absente en même temps que le public. Que de vulgarités intimes! Que de contradictions misérables!
M. l'abbé Clastron a introduit dans son cadre l'analyse des oeuvres de Mgr Plantier, il en extrait de larges citations, qu'il fait entrer dans la trame de son récit. Bien loin de l'en blâmer, nous sommes de ceux qui croient devoir l'en féliciter, el cela pour les raisons que nous venons d'exposer.
Dans toute la vie de Mgr Plantier, nous ne trouvons ses lettres particulières qu'une seule fois, je ne dirai pas en opposition avec sa vie publique, mais renfermant des obscurités de style, peu familières à sa plume et peu en rapport avec sa situation devant le public. C'est une lellre par laquelle il annonce, à Mme Rieussec, sa nomination à l'évêché de Nîmes (2).
Plantier naquit le 2 mars 1813.
Le décret qui le nomma professeur d'hébreu est du 12 octobre 1838. Il est mort le 25 mai 1875. Sa v^e publique s'est écoulée entre ces deux dernières dates. Sa première
(1) (Juœ cœpit Jésus farere et ducere (Act. I, 1). Voilà pourquoi encore, dans le langage de l'Eglise, la naissance de Jésus, Verbe uic.trn> est appelée uue effusion virginal de lu lumière éternelle dans e monde Lumen seternum mundo effudii, Jesum Chrùtum (Préface des Fête* de la Vierge).
(2) T. Il, p. 138. La lettre est du (5 septembre 185. La notification du décret de nomination avait eu tien le 1er du même mois, par l'intermédiaire du sénateur prélVi du Uhôue.
production, Etudes sur les poètes bibliques, fut imprimée en 1842. Cet intervalle, d'environ 40 ans, se divise en deux parties presque égales. La première appartient tour à tour au professeur et à l'orateur; l'évêque remplit la seconde. Mais le succès fut naturellement inégal. Si l'évêque n'a pu faire oublier le professeur, il l'a du moins singulièrement effacé; disons plutôt qu'il a transformé son enseignement, en lui donnant plus d'étendue et incomparablement plus d'autorité.
D'ailleurs, les hommes qui, à la passion de l'étude et à une riche mémoire, joignent un grand esprit de foi, ne peuvent que se développer et grandir toujours. C'est ce qui frappe l'esprit à la lecture des œuvres et de la vie de Mgr Plantier. Le progrès ne cesse de s'accuser.
II
Mgr Plantier a bien mérité des lettres françaises et des beaux arts. Flandrin et Reboul ne sont plus là pour dire toutes les intuitions du beau, toutes les richesses d'imagination, tempérées par la sagesse d'un goût exercé, que contenait cette belle intelligence. Mais s'il existe un véritable amateur de notre langue classique, il pourra dire combien l'évêque de Nimes fut fidèle aux bonnes traditions de cette langue.
Devenu évèque, après avoir été professeur, il sentit s'accroître en lui, en même temps que son autorité, sa puissance de souffle oratoire. A l'exemple du Âlaître, il enseigne sicut potestalem habens (1). L'autorité sûre d'ellemême, tel est le caractère qui éclate à chaque page, dans ses écrits et dans ses discours. Il était plus orateur qu'écrivain, même dans ses lettres et jusque dans ses traités il est plus rare de rencontrer des hommes qui, en chaire et jusque dans leurs improvisations, sont plus écrivains qu'orateurs.
Sans doute, le style de Mgr Plantier reste toujours correct, élégant et en proportion avec sa pensée. Il comptera et compte déjà parmi les modèles. Mais on ne saurait disconvenir qu'il manque un peu de sobriété. L'excès de symétrie, la rigueur des divisions, le fréquent usage de la période, l'abondance des qualificatifs énergiques y introduisent une certaine uniformité, inaperçue dans la chaleur du débit, et qui se fait sentir à la lecture. On a cru y reconnaître la manière de Mas(i) Mattb. Vit.
sillon; révoque de Nimes aurait eu du goût pour ce modèle, il s'était nourri des œuvres de l'évêque de Clermont. Il nous semble que l'art est mieux dissimulé dans Massillon et qu'il y a un peu plus de chaleur et d'exaltation dans Mgr Plantier.
« Heureux l'écrivain à qui l'on ne peut reprocher que de n'être pas assez économe de ses richesses et qui a seulement besoin, pour satisfaire les goùls les plus difficiles, d'être plus avare de ses couleurs fl)I 1 »
III
En parlant des Conférences données à Notre-Dame de Paris, par l'abbé Plantier, son historien dit « L'Université pouvait s'énorgueillir d'avoir préparé, dans une de ses facultés, un orateur de ce mérite. »
La réciproque serait fausse de tout point. La gloire de Mgr Plantier a été de savoir se dégager de cette préparation universitaire. Sous le nom d'Université, Napoléon Ier voulut créer une armée de professeurs au service de l'Etat, une branche de l'administration préposée à l'instruction publique, enfin une sorte OC église laïque, comme disait déjà Lherminier. Singulière église, étrange université, dont le personnel se recrute comme les souspréfets ou les gardes forestiers. Le monopole des tabacs se justifie de lui-même, on conçoit que le chef des contributions indirectes change avec le ministère; la fabrication du tabac ne souffre pas trop des vicissitudes politiques. Le monopole des sciences et des lettres; lc monopole de la pensée; la morale, la philosophie et jusqu'à la religion placées sous la dépendance de l'empereur, du roi, du président ou des Chambres, voilà ce qui dépasse toute mesure. Seuls, la Révolution et Napoléon, son maître à la fois et son esclave, pouvaient en mesurer d'avance la portée. Eh bien! l'église laïque, c'est aujourd'hui le gouvernement atltée, sans que pour cela l'Université ait changé. Le tour est à peu près joué, la robe et le titre ne sont plus nécessaires, la franc-maçonnerie se montre à découvert, elle est l'Etat et l'Ecole, elle est tout. Et comme toutes les imprudences sont permises avec les niais, ou tolère encore un peu de religion facultative dans les lycées, pendant qu'elle est absolument exclue des écoles (1) T. ir, p. ne.
Msr Plantier, évèque de Nimes.
primaires. On estime sans doute qu'au lycée, il y a une mèche qui fume encore. Voilà pourquoi il y a des prêtres qui acceptent pour mission de demander poliment aux jeunes élèves s'ils veulent bien permettre qu'on leur parle du Bon Dieu à certaines heures, ou même qu'on les admette à confesser dans le secret du cabinet.
Parents chrétiens, croyez-vous qu'une niaiserie de cette force vous excusera, devant Dieu votre juge, d'avoir livré vos enfants h de tels maîtres.
Mais le masque tombe Satan se montre, tel qu'on l'adore dans certaines loges, tel qu'on l'invoque dans certains livres, tel qu'on le chante dans certains bouges, t?,\ qu'on le peint sur ses drapeaux, tel enfin qu'il apparait à la lueur du pétrole et aux éclats de la dynamite.
Des deux branches de « ce qu'on s'obstine a nommer l'Université », l'une, l'administration académique, a glissé dans la police l'autre, le personnel enseignant, ou n'a pas eu le courage de l'honneur, à l'exemple de tant de magistrats, ou n'a pas rougi de faire de la polémique contre les victimes. C'est ce que l'Université appelle la liberté et la concurrence. Elle est l'Etat et elle trouve bon, honnête et courageux d'employer toutes les forces de l'Etat contre l'enseignement de l' Eglise ministres et serruriers. recteurs d'Académie et mouchards, gendarmes et prefets, tout se rue sur l'ennemi et l'on continue a affirmer qu'il est libre.
En eflet, l'enseignement catholique est libre, il est libre par nature; il vit, il vivra; parce qu'il est le droit, parce qu'il est le principe. Et vous, qui n'êtes que la force, vous êtes déjà les vaincus de la conscience publique dans vos lycées, comme dans vos conférences, déjà la révolte est à l'ordre du jour, la peur vous gagne; c'est la mort à courte ech anct".
Obligé de parler des préjugés universitaires que M. Plantier tenait de son éducation, je suis involontairement conduit à m'attarder sur ce sujet, précisément parce que son historien me semble en avoir parlé avec une certaine réserve et je ne sais quelle timidité. Le gallicanisme et ce qu'on appelle l'Université ne sont pas, en France et à notre époque, sans avoir des relations qu'il est bon de signaler en passant.
Au premier abord, il pourrait paraître étrange que le gallicanisme du clergé ai' survécu à la Révolution française, si l'on ne sa-
vait combien il est difficile d'arracher des âmes les racines d'une éducation si longle.mps faussée. Il n'en est pas moins singulier que, la Révolution s'étant faite gallicane sous l'empire, ne pouvant plus se montrer athée, une partie du clergé soit restée attachée à des principes qui faisaient si bien le compte du persécuteur de l'Eglise. D'autre part, l'empire ayant débuté par le rétablissement du eidte, avait bien mérité de la religion et, à l'époque même, il était difficile de prévoir son jeu. Plus tard, lorsque la monarchie légitime fit parmi nous son apparition momentanée, l'attachement aux quatre articles parut se confondre avec la fidélité.
Toutefois, vers la fin de la Restauration, un écrivain de génie donna le signal d'un retour à Rome.
Au lendemain de 1830, l'école La Mennaisienne parut avec éclat, rompant en visière, et avec l'Université, etavec le gallicanisme. On sait comment, après la désertion du chef, les disciples surent donner l'exemple rare de la soumission et se maintenir dans l'Eglise en un bon poste de combat.
Les uns restèrent libéraux avec des nuances diverses. Parmi eux, le plus célèbre et leur gloire la plus pure, fut l'incomparable orateur de Notre-Dame, Lacordaire. Monlalembert y mit l'emportement naturel de son caractère. Il est permis de penser (pie, si la mort ne l'avait pas surpris, il aurait amèrement regretté, et certaines expressions indignes de ses éloquentes lèvres, et l'indiscrétion de coupables amis contre laquelle il ne sut pas se prémunir de son vivant. Quelques-uns de ses meilleurs titres à l'admiration publique et à la reconnaissance des chrétiens portent ça et là l'empreinte de ses rancunes politiques. 11 mêle à l'histoire du passé des allusions plus qu'inopportunes aux luttes du journaii-me contemporain.
Ainsi se formait l'école du libéralisme catholique, avec toutes ses nuances, qui ne craignit pas de s'allier aux nouveaux doctrinaires, tels que M. de Broglie et ses collaborateurs du Correspondant.
Les autres combattirent plus efficacement l'Université, en s'attachant de plus près et plus fermement à la Chaire de Rome. Ainsi (ierbet, évèquc de Perpignan, préludait au Syllabus, en signalant à son diocèse une série de propositions, presque identiques à celles dont Pie IX étendit dogmatiquement la censure à l'Eglise universelle.
L'abbéCombalot, Mgr Parisis, MgrPie,sedis-
tinguèrent aux premiers rangs, dans ce combat pour la liberté de l'Eglise. Louis Veuillot, redoutable entre tous, en fut le portedrapeau.
11 est plus difficile de classer Mgr Dupanloup. Il a rendu d'éclatants services, mêlés à de singulières faiblesses. Son parti lui appartenait et il attirait à lui les libéraux de toutes les écoles. Moins incisif, plus clair peut-être que Veuillot, il avait comme lui le trait rapide, mais moins profond. Ses brochures sont vives et le genre pamphlet lui réussit à merveille. Il s'est servi de cette arme pour combattre l'athéisme, jamais pour signaler les dangers du libéralisme le plus avancé. Il a défendu le pouvoir temporel du Saint-Siège, on ne sache pas qu'il ait mis le même talent à expliquer et à combattre les erreurs sociales flétries dans le Syllabus. Jusqu'au dernier moment, il fit tous ses efforts pour empêcher la définition de l'infaillibilité pontificale, et ne craignit pas d'agiter la chrétienté dans ce but.
En résumé, on peut dire que les universitaires étaient tous gallicans, mais que les gallicans n'étaient pas tous universitaires. Ce n'est un mystère pour personne que Mgr Plantier ne fut nommé évêque de Nîmes, que par suite de ses attaches universitaires et de ses opinions gallicanes. Le ministre, qui le désigna pour ce siège, M. Forloul, avait eu l'honneur d'ouvrir par la bifurcation la série des bouleversements de l'instruction publique. Ancien professeur, improvise par M. Guizot. il eut sans doute quelque plaisir à élever au trône épiscopal un professeur de l'Etat. Héritier d'une fonction qu'avait occupée jadis un évêque gallican, Mgr de Frayssinous, il choisit Mgr Plantier parce qu'il le savait gallican. Ancien radical, ancien serviteur de LouisPhilippe, alors serviteur du nouvel Empire, il crut être agréable en favorisant des doctrines chères à tous les pouvoirs qu'il avait tour à tour caressés pour en exploiter la faveur.
Est-il surprenant que « des appréhensions se soient mêlées, chez quelques-uns, au bonheur de voir cesser le veuvage de leur Eglise? (1)» Parmi ces quelques-uns, assez nombreux, il fallait compter les plus éminents par leur position et par l'influence légitime qu'ils exerçaient sur le diocèse de Nimes. Et pourquoi ne pas l'appeler par son nom? Le 11. P.d'Alzon, alors vicaire général de ce diocèse, (I; Vie, t. I, p.234.
ancien membre du Conseil supérieur de l'instruction publique, occupait en France et dans l'opinion une place assez considérable, pour que le ministre, qui le connaissait particulièrement, eût le devoir d'en tenir compte. Ce n était donc pas se laisser surprendre par de fâcheuses rumeurs, que dp se défier de? intentions du ministre et d'estimer qu'il avait voulu braver l'opinion de ceux que deux évèques avaient successivement maintenus à la tête du diocèse, puisqu'il ne craignait pas de la froisser ostensiblement. La chanté, qui est le lien de la perfection, commandait sans doute de rendre hommage aux vertus du nouveau prélat, mais elle permettait, si même elle n'en faisait pas un devoir, de se préoccuper des préjugés que le milieu où il avait pouvait avoir laissés dans son esprit. Ces légitimes appréhensions furent bientôt dissipées. Le nouvel évèque insista d'une manière absolue pour conserver le P. d'Alzon, ainsi que M. Boucarut, à la tête de son administration.
Cette nomination, disait-il, « est une justice rendue à des vertus éminentes, à un mérite incontesté de science, de sagesse el d'expérience, à de longs et honorables services inscrits dans la reconnaissance de tout le diocèse c'est une légitime satisfaction donnée aux vœux unanimes du clergé, qui tenait à voir rester aux affaires ceux qui depuis longtemps en avaient manié tous les fils et en possédaient tous les secrets. Enfin. c'est un témoignage de respect pour l'esprit de l'Eglise qui, vivant de traditions dans son ensemble. aime avoir les diocèses vivre aussi (le cet esprit traditionnel. » (1).
Par les généreuses initiatives, par son zèle sans bornes pour le salut des âmes et l'extension du règne de Jésus-Christ, par son attachement invincible aux pures doctrines de Home, le P. d'Alzon était naturellement devenu le centre du mouvement catholique dans le (iard. Pourvu d'avantages rarement réunis, fortune opulente, puissantes relations, esprit brillant appelé à de faciles triomphes, il avait tout mis au service de l'Eglise. Jamais un calcul humain ne vint amoindrir le mérite de ses sacrifices. Il n'y a peut-être point d'oeuvres à Nimes qu'il n'ait fondées ou soutenues dans une large mesure. Mgr Plantier devait être invinciblement attire vers une si noble figure. Les âmes saintes ne peuvent guère vivre de la même vie, (1) Vir, t. 1, p. 217.
sans que leurs regards arrivent à se rencontrer sur le même point, dans la contemplation de la même vérité.
Suivant l'heureuse expression de son historien, « cette vérité frappait chaque jour davantage Mgr Plantier il devenait Romain d'esprit, après avoir commencé à l'être de cœur » (1). Il n'y eut certes dans ces dispositions nouvelles « de l'évèque de Nimes, ni amour propre blessé, ni calcul, ni entraînement. » {~2j Dans un milieu plus favorable, plus aeessible aux libres effusions de cette lumière dont le centre est à Rome, sa conviction, une conviction approfondie, raisonnée, inébranlable, s'était formée bien avant le Concile. « Les études, écrivait-il à. Mgr Maret, l'ont jeté dans un courant meilleur » (3). Ce courant meilleur devint bientôt irrésistible. D'où procédait-il? De ses études, sans doute, de l'impression produite sur les nobles âmes par les infortunes et l'incomparable grandeur du Souverain Pontificat sous Pie IX. Mais enfin, croit-on que, s'il était resté aux Chartreux, s'il avait vécu auprès de M. Mioland, qui était un saint, le courant meilleur l'eût atteint avec la même facilité? Non, mais Dieu, qui voulait ménager à son Eglise un de ses plus vaillants défenseurs, permit qu'il fut envoyé dans un diocèse où les doctrines de Rome étaient enracinées dans les âmes, auprès du P. d'Alzon, qui était aussi un saint.
Ce changement dans les idées du nouveau prélat fut complet, et ce sera l'honneur de sa mémoire. Mais pourquoi en faire l'histoire ? il l'a écrite lui-même, il en a fait la confidence à tout son peuple dans une instruction pastorale. Le gallicanisme ne lui avait pas été officiellement enseigné, mais dans son éducation théologique, on ne lui avait répété que cela. Ce bruit emplissait seul l'atmosphère qui Venvironnait alors, et nul autre ne venait en distraire son oreille. A Nim^s, dans son évêché, il entendit un tout autre bruit et il acquit bientôt la conviction que les quatre articles de Bossuet ne résument point l'âme et les doctrines du vieux clergé de France, (i).
Aussi, lorsque s'ouvrirent au Vatican les grandes assises de l'Eglise enseignante, Mgr Plantier put dire « II est un peuple, dont
(1) T. I. p. 180.
(2) T. il, p. 335.
(3) T. H, p. 330.
(4) Vie, t. II, pp. :m et 333.
j'ai le droit et le devoir de rappeler la foi, cet admirable peuple de Nimes, qui, malgré mou indignité, a été confié à ma sollicitude. Ici je me présente comme témoin légal et véridique des désirs enflammés de sa foi. Oui. j'atteste devant Dieu, que dans mon diocèse, clergé et fidèles sont unanimes à solliciter et à attendre la définition de l'infaillibilité pontificale. » (1).
Pouvait-il confesser plus explicitement les influences salutaires auxquelles sa gloire fut d'être si naturellement accessible. L'histoire locale, dégagée de tout parti pris, dira un jour que cette so'lkitudc unanime dans l'attente, ce courant de désir enflammé, avaient été largement secondés et entretenus par ce qu'on est convenu d'appeler l'esprit de l'Assomption, c'est-à-dire par l'ascendant du père d'Alzon (2), avec ses prétendues exagérations qui consistaient à prévoir sagement la veille ce qui devait se faire le lendemain. Les rapports de Mgr Planticr avec l'Université ne perdirent que plus tard leur caractère de sympathie et de bienveillance, manifesté par une tendre sollicitude. Dans les dernières années de son épiscopat et de sa vie, il n'assistait plus aux séances de distribution des prix du lycée et. sauf une exception ou deux, sa réserve était imitée par tout son clergé. Qu'un prêtre doit souffrir, lorsqu'il est condamné à entendre des déclamations contraires à la foi et qu'il n'a pas la liberté d'y répondre
IV
Le courant meilleur, qui entraînait Mgr Plantier hors de l'Ecole gallicane et l'enlevait à l'Université, l'amenait invinciblement à Pie IX, ainsi que son historien en fait très judicieusement la remarque. La répulsion grandissait en proportion directe de l'attraction que le grand pontife exerçait sur lui, à partir surtout de la première visite à Rome en novembre 1858.
Depuis cette époque, Pie IX l'honora toujours d'une affection privilégiée. Ce grand Pape, qui donnait au P. d'Alzon le nom d'ami, appelait Mgr Plantier son cher fils,
(1) T. H, p. 381.
(2) « Cet éminent religieux, dit M. Clastron, jouissait à Nimes d'une influence considérable, et elle lui servait à maintenir une union étroite entre tons les membres du clergé dans les graves questions qui regardaient Rome. » Vie, t. I, p. 539.
et lui témoignait en toute occasion une tendresse paternelle.
Il s'en faut que les relations du prélat avec le gouvernement fussent empreintes du même caractère. L'un se rapprochait de Rome, l'autre s'en éloignait. César est toujours le même et, sur ce point, l'histoire ne varie que dans les détails. Jaloux du Souverain Pontife, il vise à en usurper les fonctions. Jusqu'en S!), nos césars français, le plus enclins à cet orgueil ou à cette malsaine envie, n'avaient pas franchi le Rubicon. Ils se bornaient à humilier et surtout à affaiblir l'action du pontificat suprême, en créant des barrières politiques entre les évêques et le pape, sauf à se servir de certains évêques eux-mêmes pour cacher le pape aux fidèles. Louis XIV parut aller plus loin dans cette voie si funeste mais il resta catholique et désavoua bientôt les excès où l'avaient poussé des prélats courtisans. Les pouvoirs issus de la Révolution ne tardèrent pas à dépasser cette mesure. S'étant de bonne heure livrés aux Juifs et à la franc-maçonnerie, ils se posèrent en continuateurs de Frédéric II et de Henri V. En Angleterre, en Russie, César s'est fait pape. En France, Napoléon III qui s'était servi de l'Eglise pour arriver, avait, lui aussi, son projet d'Eglise nationale. Ce projet, qui n'était pas douteux, fut révélé par un document que nous avons publié dans la seconde série de notre Revue. Il y marchait par des voies tortueuses et sa politique souterraine de carbonaro conduisit bientôt la France au déshonneur et à la ruine. Elle avait déserté son poste à Rome elle fut livrée à l'étranger. Et bientôt elle devint à l'intérieur la proie de quelques misérables intrigants qui, en dilapidant les finances, en corrompant l'esprit et les mœurs et brisant avec toutes ses traditions, font litière de toutes ses gloires. Comme toujours, la Révolution avait brisé son idole, qui mourut en exil, livrant à l'histoire un nom en qui se résument les plus nefastes souvenirs.
Sous l'influence des courants meilleurs, l'évêque de Nîmes démêla de bonne heure les lils de la conspiration impériale et, tout en observant les égards qui sont dus à César et que la religion prescrit, il ne tarda pas à donner l'éveil et à tenir son peuple en garde contre les empiètements du pouvoir civil. Il s'était associé à la joie publique en célébrant et en faisant célébrer dans son église la prise de Sébastopol. En invitant les fidèles de son diocèse su Te Deum prescrit eu ac-
tiens de grâces de la naissance du prince impérial, Mgr Plantier avait loué ce que l'Empereur avait fait pour la religion.
Tout cela était correct. Dans un mandement ou une circulaire, c'est l'évêque seul qui parle. Analyser les motifs d'une guerre, en apprécier la portée, se demander si elle n'a pas abouti à deux résultats également indignes du sang versé, celui d'aliéner la Russie et de servir les intérêts anglais, c'eût été de la politique pure, sans rapport direct avec la la religion. Dans un acte de son ministère, le prêtre peut y demeurer étanger, et Dieu, qui a ses desseins, a tiré parti et de la guerre, et de la victoire du 8 septembre, qui la couronna.
Quant à la naissance du prince impérial, on sait la phrase malheureuse sur les tiges royales que le souffle de Dieu dessèche oit féconde à son gré, dans laquelle beaucoup, à Nîmes et ailleurs, crurent voir une allusion qui n'était pas dans l'intention de l'auteur et qui fut désavouée par lui.
Mais le Congrès dé Paris, la place qu'y prit le gouvernement italien, les discours qu'y tinrent Walewski, ministre de Napoléon, et Cavour, so» complice, ne tardèrent pas à dissiper les illusions étranges qu'on s'etait faites en France sur le conspirateur connu de Boulogne et de Strasbourg, sur l'homme qui avait combattu contre le Pape et avait été gracié par lui, comme il le fut plus tard par le Roi des Français, sur le Chef d'Etat, qui avait écrit la fameuse lettre au colonel Edgar Ney et qui maintint de fort mauvaise grâce et en quelque sorte malgré lui les troupes que la République française entretenait à Rome pour la garantie du Saint-Siège.
A ce carbonaro couronné, qui avait écrit des insanités socialistes et n'avait jamais rien rétracté, on faisait honneur « de la part » qu'il faisait la religion, de « la piété de nos troupes qui forme autour du Vicaire de Jésus-Christ une garde de respect et de sécurité. »
En 1856, Mgr Plantier assista au baptême du jeune prince témoin de l'accueil que reçurent aux Tuileries les évoques et le cardinal Patrizzi (1), légat du Pape, il revint à Nîmes, disant « qu'il ne paraîtrait plus à la cour. » (1) Dans nue pièce de l'appartement réservée au léjint était appemluc une toile représentant Galilée dans uue attitude que t'histoire dénient et dont la pensée est notoirement hostile à Rome. C'était une prave inconvenance, Etait-elle réfléchie? J'en doute L'Empereur et ses gens savaient-ils seulement l'hisI toire de (ialilée?
En revanche, il entreprit six fois le pèlerinage de Rome. Son zèle pour les prérogatives j spirituelles et pour l'indépendance temporelle du premier siège ne fit plus que s'accroître, et, 1 en peu d'années, il s'éleva au premier rang parmi les défenseurs de cette grande cause si menacée.
La lettre pastorale sur la puissance spirituelle de la Papauté, fruit du premier voyage, à laquelle les scribes aux gages de l'Etat opposaient déjà des réserves diplomatiques, fut promptement suivie d'une autre sur le Pouvoir
temporel du Saint- ^iège.
Bientôt éclata, sans motifs aucuns, sans le consentement du pays, sans avis préalable des Chambres, la folle et funeste guerre de 18."i9, clôturée par une victoire brillante, mais plus funeste encore. La brochure le Pape et le Congrès, ce « monument insigne d'hypocrisie, ce honteux tissu de contradictions » (1),cachait sous le voile de l'anonyme un personnage trop haut placé pour signer son œuvre. Elle eut le don « d'empêcher le Congrès et de faire perdre au l'ape la moitié de ses domaines »(2). Napoléon 111 ne craignit pas d'en prendre la responsabilité en publiant dans son Moniteur une lettre au Pape d'une rare impudence. L'Univers eut. le courage de publier, malgré la défense qu'en avaient reçue les journaux et malgré l'appareil militaire déployé autour de ses bureaux, l'Encyclique iV«/#s certe vc-bis, qui répondait à l'impériale et inqualifiable agression. L'Univers fut supprimé.
Depuis cette époque, les lettres et les mandements se succèdent. Tout en conservant le calme et la dignité qui conviennent à son caractère et à son rang, Mgr Plantier ne laisse passer aucune erreur sans la réfuter, aucun mensonge sans le confondre, aucune agression nouvelle sans la signaler.
Il en recueillit, de la part des lidèles et du clergé, un redoublemeut d'affection, de la part de l'Etat une glorieuse disgrâce, un surcroit de gloire dans toute l'Eglise.
On voulut en 1803, au retour de Rome, empêcher les fidèles catholiques de Nimes de manifester leur amour et leur enthousiasme pour leur grand évoque et le pouvoir ne craignit pas de préparer contre eux une résistance urinée. Et, parce qu'il désespérait de les gagner à sa cause, il leur jetait à la face l'épithèle de masses peu éclairées.
̃ T, Parole de. pio IX.. [2) Lord Uu.-sdl.
Rouland, qui, plus tard, glissa dans la Banque et au-dessous, se permettait de gourmander les évoques; Bonjean, dont les erreurs ont été effacées par le martyre, faisait, hélas! de la théologie, et quelle théologie! Rouher, l'orateur ordinaire de l'Empire, le même quirépéta plus tard, avec tant d'énergie, le solennel mensonge jamais! jamais! jamais! ne craignit pas de dire « Au nom du Gouvernement, je le proclame, je ne regrette rien de ce qui s'est fait en Italie. » Et Baroche, le même dont le nom est inscrit sur le marbre de la crypte de Notre-Dame de la Garde, à coté de celui de l'Impératrice, Baroche, l'un des bienfaiteurs de l'insigne sanctuaire, s'associa à la déclaration de M. Routier. Que Dieu leur pardonne! Mais Mgr Plantierfut, en face d'eux, un témoin de l'honneur de l'épiscopat, de cet épiscopat qu'ils eussent voulu séduire pendant qu'ils faisaient tous leurs efforts pour le tarir dans sa source.
Mais pourquoi donner ainsi des aperçus nécessairement écourtés et imparfaits sur une lutte glorieuse, lorsque l'histoire en a été si heureusement conduite par l'auteur même de la Vie que tous nos lecteurs voudront lire eux-mêmes ?
Disons plutôt ce qui, dans ces deux beaux volumes, nous a paru susceptible de quelques appréciations critiques, soit que nous nous soyons placé à un point de vue un peu différent, soit que certains sujets de détails nous aient paru insuffisamment accentués.
L'historien ne procède jamais par allusions; les délicatesses de style, dont le panégyriste, avec un art et une habileté qui a son mérite, couvre une situation plus ou moins équivoque, conviennent peu au genre historique. Le lecleur veut connaître le fond des choses, il ne comprend pas pourquoi on ne lui dit qu'à demi ce dont on juge à propos de l'entretenir.
Ainsi,il aimerait à connaitre par tours noms ces i< quelques écrivains à qui l'on a fait trop d'honneur en attribuant à leur influence une action déterminée par .cette sagesse souveraine qui mène l'Eglise (1). » Certes, voilà qui est fort bien dit et figurerait à merveille dans une oraison du genre académique. Dans une
1) 1'. l,ii. 3i'J.
histoire, on préférerait savoir si l'auteur a voulu parler de tels et tels journalistes, de tels et tels laïcs ou de tels et tels évoques. Plus loin(l), M. Clastron peint à grands traits « l'agitation des esprits qui grandissait, à mesure que l'on approchait de l'ouverture du concile.
«. On chercherait vainement dans l'histoire de l'Eglise un exemple de cette attitude de défiance et de ces airs de commandement qu'une certaine opinion en France surtout, osait prendre à l'égard du concile. » Ces paroles sont fort sages et la page entière fait honneur à celui qui l'a écrite. Mais celui qui la lit voudrait savoir quelle est cette certaine opinion et quels en étaient les meneurs. Sans doute encore, il a pu exister de « certaines préventions que l'histoire n'a pas besoin de connaitre (2).» Mais l'historien est-il bien venu de s'en taire, alors qu'il en parle assez pour affriander notre curiosi!é? Nous apprenons que Pie IX voulait appeler Mgr Plantier à l'honneur de la pourpre, mais que ce projet vint « échouer à l'Elysée sur de de prétendus griefs que nous n'avons pas besoin d'apprendre.
Déjà, en 1865, lorsque Mgr Plantier eut publié sa mémorable lettre pastorale datée de La Porte flaminienne « quelques prélats courtisans firent des plaintes aux Tuileries contre leur collègue de Nimes, l'accusant de violence, dans des termes qui ne trahissaient pas chez eux une grande douceur (3),» Il y aurait de l'intérêt à connaître les noms de ces prélats qui ne craignaient pas de dénoncer un de leurs frères à César, et quel César ? Se trouvaient-ils parmi ceux qui prétendirent plus tard enfermer le concile dans un cercle de Popilius et créèrent autour de lui une agitation dont les ondes rayonnèrent jusqu'en Amérique, où elle se brisa contre le bon sens britannique et en Orient où elle ralluma le schisme.
Pie IX, en remerciant Mgr Plantier de sa lettre au ministre des cultes, bénit les évêques qui avaient parlé de l'encyclique et lui exprima l'espoir que « tous rempliraient ce devoir.» Des actes pareils ne sont pas en effet adressés au monde catholique pour que la connaissance en soit dérobée aux fidèles. Les journaux n'ont pas qualité pour en certifier 1 authenticité. Pie IX eut la consolation de
il) T. Il, p. p. :\ï:, et 326. (2) T. II, ]). :,2L
i:S)T. II, l. :!() et 31. i.
voir que les évoques français avaient déployé un grand zèle à défendre l'encyclique. «Le Pape, disait-il, n'a besoin ni d'excuse, ni de tempérament. Il va droit, et il doit le faire (l).i)
Le système des réticences trop prudentes offre deux inconvénients. Une prédispose pas favorablement le lecteur à qui l'on cache le dessous des cartes, après lui avoir fait entendre qu'il en y a un et que l'auteur le connaît. D'autre part, il laisse supposer que les affaires sont d'autant plus graves qu'ellessont plus mystérieuses.
Dans l'afl'aire trop célèbre du Cas de. conscience, Mgr Plantier « prit la plume dans un journal pour apprécier des décisions proposées à un grand diocèse, sous la responsabilité d'un archevêque, dont il estimait le caractère, sans partager, il est vrai, toutes ses idées, par un homme d'une science et d'une vertu rares, appartenant à une société justement vénérée en France (2).» Ces allusions, assez transparentes à l'heure qu'il est, deviendront des énigmes daus le lointain de l'histoire.
Le graud diocèse, c'est Paris, l'archevêque dont on ne partar/e pas toutes les idées. c'est Mgr Darboy, pourquoi ne pas le nommer ? Quel est le journal qui publia la lettre de Vlarensac ?Q uel est l'homme d'une vertu et d'une science rares et quelle est cette Société justement vénérée? La réponse à ces questions offre d'autant plus d'intérêt que «la polémique » soulevée par le Cas de Conscience était « regrettable et dangereuse (3).» Je ne vois pas trop non plus comment l'historien de Mgr Plantier, en parlant de l'acte très grave de juridiction supérieure de Pie IX, vis-à-vis de Mgr Lecourtier, peut éviter de nommer ce prélat, et passer sous silence la mission pénible confiée par Mgr l'évèque de Nîmes au T. H. P. d'Alzon et que celui-ci remplit avec une si grande délicatesse. Quel est « l'auteur illustre en Sorbonne » qui « hésite à faire le triage du bon grain et de l'ivraie ? (4'i »
On saurait gré à l'historien de signaler les auteurs qui, « trouvant le Syllabus trop en contradiction avec les idées du jour (5i », crovaient « nécessaire d'v découvrir des mé-
(1) T. tt, p. 30 et 31. (2)T. H. p. 27 i.
(3) T. lie p. 132 et suiv. (i) T. Il p. Hi.
[!>) T. Il, ]). 20.
nagements auxquels Pie IX n'avait pas songé.» Pourquoi laisser deviner l'auteur de la suppression, dans l'acte pontifical, des propositions 77 et 82 ? N'est-ce pas un cardinal qui en prit sur lui la prudente initiative? L'Eglise est la grande école du respect. L'on comprend qu'un écrivain se trouble en présence de la majesté des évêques et qu'il hésite à nommer ceux d'entre eux que, sur un point de tendance ou d'opportunité il ne lui est pas permis de suivre. Ce n'est pas une raison suffisante pour accabler les publicités laies qui ont eu le tort de suivre le courant imprimé par le Pape et la majorité de l'épiscopat catholique (1).
Il ne faudrait pas que les laïcs fussent toujours frappés, soit qu'en marchant avec le Pape, on les accuse de vouloir conduire le mouvement, soit qu'en suivant l'opposition de quelques évêques, on les qualifie de hautains et de remuants qui se mêlent de dogmatiser (2).
Parmi « ces écrivains dont les lettres s'étaient honorées, » on parle de ceux dont l'illusion allait « jusqu'à dire qu'ils obéissaient à l'ordre de Jésus-Christ, en protestant contre la définition de l'infaillibilité.» Et c'est le P. Gratry, qui seul est ainsi désigné, par voie d'allusion était-ce un laïc? La direction du mouvement contraire aux tendances de la majorité du concile appartenait à des membres de la minorité les laïcs qui marchaient à leur suite ne doivent pas être les seuls responsables. Le respect du rang hiérarchique ne saurait aller jusqu'à l'injustice.
Etait-ce des laïcs qui se servaient du long sonzmeil de la grande question, « pour diviser les évêques d'Orient, ceux d'Autriche et de Bavière, ceux d'Allemagne et ceux du Canada. Si l'on n'a pu entamer l'unité de l'épiscopat espagnol et italien, ce n'est pas faute de lui avoir porté des coups redoutables. An jeu de mille artilices, on a associé des prêtres qui se croient prophètes (3) et dont l'intuition consiste à fausser l'histoire de l'Eglise des laïcs en qui la légèreté annonce l'absence de sens chrétiens des femmes dont l'indiscrétion dépasse toutes les bornes. Enfin, l'on n'a pas reculé devant le recours aux gouvernements civils, pour que la crainte de quelques représailles temporelles eût auprès du concile le succès que n'obtient pas une dis-
1) T. I, N. 348 et suiv. 2) T. Il, p. 358.
a M. «rntrv.
cussion ne se soutenant plus que par le sophisme (!).»
L'un des centres principaux de cette opposition outrée, n'était-il pas à la villa Grazioli et n'existe-t-il pas des lettres de Mgr de Nîmes et de Mgr de Laval qui le signalent en termes indignés? Pourquoi les quelques laïcs associés, hommes ou femmes, porteraient-ils seuls tout le poids de nos censures rétrospectives ?
En somme, il y a eu plus de théologiens de profession, par devoir d'état « que de théologiens laïcs », qui aient paru s'effrayer d'avance, comme d'une hypothèse « terrible », de la proclamation de l'infaillibilité (2). Sans aucun doute, plusieurs de ceux « qui l'attaquaient dans les journaux faisaient de la théologie sans être théologiens, oubliant que les disciples n'ont qu'un devoir, celui d'écouler et d'obéir (S) ». Mais on l'a déjà remarqué « des prélats manifestaient beaucoup d'inquiétude sur les tendances que pouvaient prendre les débats conciliaires (A) ». Témoignant des .•ilarmes par avance, ils nous préparaient pour l'avenir des interprétations arbitraires; et les revues ou journaux, dont il s'agit, en recevaient les inspirations.
VI
AI. Clastron n'a pus manqué de faire ressortir tout ce que Mgr Plantier a fait pour l'enseignement à tous les degrés dans le diocèse de Nimes. Ce fut une des préoccupations constantes de son administration. Il faut lire les belles pages que son historien consacre à cette partie si importante de sa vie et nul ne s'étonnera que l'ancien professeur, avec son zèle, ses lumières supérieures, et sa compétence toute spéciale, ait pu faire fleurir dans son diocèse les bonnes études et la bonne éducation.
Sans être infaillible, Mgr Plantier était un maître, il prodigua des encouragements éclaires aux établissements diocésains, tels que le petit séminaire de Beaucaire, le collège SaintStanislas de Nimes, et le collège de Sommières. « En dehors de la direction immédiate du Prélat, mais sous la garde fidèle de son affection (5) », la Maison de l'Assomption ne cessait (1) T. II, pp. 372 et 373.
(2) Ibid., p. 321.
(3) Ibid p. 324.
(4) II»' p. 328.
(3) Ibid.. p. 113.
de poursuivre son œuvre propre, en imprimant aux études une sage direction, une forte impulsion, et un caractère solidement chrétien. Si « l'on y recrute des jeunes gens dans les meilleures familles du midi », si cette élite de la jeunesse est nourrie dans des sentiments généreux, on n'y sait pas moins allier, dans les études, l'éclat à la solidité. Ce qui la distingua surtout, ce fut d'avoir su réunir à l'enseignement des lettres, l'enseignement des sciences, si fort exigé à notre époque et souvent trop négligé ou trop faible dans les maisons ecclésiastiques. Ses succès aux examens excitèrent, autour de cette maison, une salutaire émulation; on trouvera équitable d'en remonter la source et de rendre ainsi cuiqtie suum.
M. Clastron cite, d'après Mgr Besson, les élèves ou mieux les disciples que cette Maison « a comptés dans l'épiscopat, dans la magistrature, dans les assemblées politiques, dans le barreau, dans l'armée, partout ou il faut être pieux, éloquent, savant et brave. » C'est d'elle surtout qu'on peut dire que l'Académie ne lui fut pas avare de ses diplômes. Pourquoi ne pas ajouter que plusieurs ne se contentaient pas du baccalauréat et qu'elle fournit au clergé diocésain deux docteurs èslettres qui sont l'honneur de leur grade (1)? Les faits ont prouvé que Y esprit chevaleresque, dont on fait honneur à cette Maison et à son fondateur, n'est pas un esprit d'imprudence et de témérité qui provoque les aventures, comme dans l'oeuvre de Cervantès. C'est l'amour généreux de l'Eglise et de la patrie, dont il entretient et nourrit la flamme, La science et les succès académiques n'ont jamais été le monopole des hommes sans initiative, je dirais volontiers des esprits mitoyens.
La direction des maisons d'éducation souLève des questions très variées, très complexes, et dont la solution pratique est souvent entravée par les circonstances. L'essentiel est, non pas de prétendre au plus parfait, mais de le connaitre et d'y tendre dans la mesure du possible. A des connaissances suffisantes dans les diverses facultés ou branches de l'enseignement des collèges, le directeur doit unir une
(n Notre ami rfg~tt.6, 11. l'alJhé Honri Sauvée mort ~ècrètaire de 1 évêché, et 1\1. le chanoine Camille Ferry, directeur de la Mftitrine fondée par Monseigneur l'un et l'autre, élèvr~ do l'Assomption, t. Il, p.ll2.
aptitude pédagogique toute spéciale, l'expérience dans la matière et un grand esprit de foi. Tout ce qui ne vous réussit pas, par suite de tels ou tels obstacles particuliers que vous avez rencontré, pourrait néanmoins, dans des conditions meilleures, offrir de sérieux avantages. Ainsi, par exemple, dans un petit séminaire ou dans tout autre établissement où l'on aurait plus en vue de conserver et de développer des vocations sacerdotales que de préparer des bacheliers, il est évident que le personnel des maîtres doit se composer à peu près exclusivement d'ecclésiastiques. Le T. R. P. d'Alzon, notre maître à tous dans l'art si difficile d'élever les jeunes gens, ne pensait pas qu'il en fût de même dans les autres collèges. Non seulement il n'estimait pas que « le mélange d'ecclésiastiques et de laïcs dut être malheureux et de courte durée, quand il est forcé », mais il le trouvait au contraire de nature à produire de très bons fruits. Il est très fort à regretter que son exemple n'ait pas été compris et suivi. Outre le parti qu'on peut tirer de l'exemple des laïcs, pour fortifier l'efficacité de l'action du sacerdoce, il y avait en outre à considérer l'importance de la coopération dont on se privait, soit par l'exclusion, soit par un accueil équivalent à l'exclusion de presque tout le personnel laïc d'une véritable valeur. Qu'en est-il résulté? Lorsque la liberté de l'enseignement secondaire, en 1850, vint frapper à la porte de l'Eglise, plusieurs personnages importants furent d'avis qu'il ne fallait pas lui ouvrir, parce qu'on n'était pas en mesure; ce qui était parfaitement vrai, dès que l'on refusait la coopération des laïcs. L'Eglise a néanmoins fait des merveilles, mais la Révolution a très efficacement exploité la barrière élevée ou, si l'on aime mieux, le fossé creusé entre les professeurs laïcs et les professeurs cléricaux. Nous en sommes là. Il est vrai qu'en 1875, il a bien fallu accepter à grands frais la collaboration des laïcs pour mettre en œuvre la liberté de l'enseignement supérieur. L'Assomption donna donc un exemple qui, s'il avail été compris et efficacement secondé, aurait mis de bonne heure, au service de l'Eglise, les meilleures troupes de l'université.
Il est difficile de s'engager dans l'histoire du diocèse de Nîmes, pendant les années qui suivirent la loi de 1830, sans rencontrer la question des classiques. Notre historien lui donne quelques lignes et se contente de blâmer des violences réciproques « qu'il excuse
par la bonne foi, mais qu'il convient de laisser dans l'oubli (i) ».
Nous comprenons que l'auteur n'ait pas voulu se prononcer entre tel ou tel journal de Paris, ni même entre M. Oaume et Mgr Dupanloup. Mais à Nîmes, nous n'avons pas cru devoir observer. sur la question de tond, la nu me règle de prudente neutralité. La première scrte de cv recueil (2) a été principalement consacrée à soutenir 1° qu'il était sage d'introduire dans l'enseignement un choix d'auteurs grecs et latins emprunté.-» à la littérature chrétienne: 2" que la pratique couImire, issue de la renaissance, et qui consistait à nourrir de littérature païenne l'esprit des jeunes enfants, avait porte et porterait oiii-nre de mauvais fruits; 3° qu'il était temps de revenir à de meilleures traditions et de considérer que quinze siècles de christianisme ont bien dû produire quelques œuvres de valeur dont il serait temps que les jeunes générations ne fussent pas entièrement privées. <*u n'a pas supprimé pour cela l'étude des i ̃lifls-d'auivre classiques des deux grands siè< les. grec ri latin, mais on n'en a pas fait la nourriture du premier âge, ni la nourriture exclusive des classes plus avancées, et l'on a pu constater qu'on los comprenait souvent mieux en les abordant un peu plus tard. Jamais à i 'Assomption, on ne s'est écarté de cette sage mesutv et c'est bien le sens dans lequel, sous Pie IX. Home elle-même s'est prononcée.
Vil
Si la vie de Mgr Planticr ressemble à. un long panégyrique, serait-il juste de s'en prendre à son biographe? Il est difficile de se défendre de l'admiration, lorsqu'elle est incessamment provoquée par les faits que l'on a mission d'esposer. Un habile j»eintre parvient à reproduire fidèlement les traits d'un homme supérieur et à recomposer 1 harmonieuse unité de sa physionomie l'accuserons-nous d'avoir flatté son hm».» ? 9
Assurément, non; tout se soutient dans cette vie, du berceau à la tombe; elle s'est écoulée tout entière au service de Dieu et de son Eglise, soit dans le recueillement du sanctuaire, soit dans ies combats livrés pour la plus sainte des c«um*s.
(!) T. 1, v- :tS1.
i^j Hccur tte ïrastiifncment chrétien, lre série.
Tout au plus résulte-t-il de la courte analyse que nous en avons faite, que les détails île l'œuvre sont un peu sacrifiés an relief de la ligure principale. Il y a des rôles trop effacés, le fond du tableau est fait de teintes un peu obscures ou affaiblies; tout ce qui n'est pas la personne même du héros est tenu dans une ombre discrète c'est comme un paysage oit l'image dominante serait isolée et semblerait rejeter dans lo lointain tous les accessoires qui pourtant sont appelés à l'embellir et
à
Mgr Plantier est un de ces hommes qui n'ont à envier la part de personne la gloire de son épiscopat n'a point à souffrir du rôle qu'y ont joué les hommes d'oeuvre qui l'entouraient et dont il sut toujours comprendre l'esprit et. seconder l'action.
Un. 'exemple. Son historien aurait pu dire (tue le P. d'Alzon fut le vrai fondateur de l'UlSuvrc de saint François de Sales. Mgr de Ségur l'a proclamé, et tout le monde à Nimes le sait. On sait moins peut-être le soin jaloux que mettait le P. d'Alzon à s'eîlacer pour laisser à d'autres l'honneur de continuer et de diriger les œuvres qu'il semait sur sa route. Le Carmel, le Refuge et tant d'autres fondations ont eu la même origine.
Ce n'est certes pas diminuer Mgr Plantier que de le proclamer. On doit attribuer à la riche fécondité de son épiscopat, et ses propres œuvres si nombreuses, et les œuvres de ses collaborateurs.
Disons donc encore que le pèlerinage diocésain de Rome fut une courageuse concelation du père d'Alzon, que les cent zouaves pontificaux, partis de Nimes, la veille de Mentaua, sortirent de l'Assomption, après en avoir salué le drapeau.
En revanche, il y a quelques noms justement célébres pour lesquels nous n'éprouvons pas le même genre de sympathie que l'auteur de cet ouvrage.
L'influence de Mgr Dupanioup, par exemple, a été des plus grandes dans noire pays, il serait puéril de le mettre en doute. Tour à tour supérieur de séminaire, professeur d'éloquence sacrée, évoque d'Orléans, académicien et député, il a, par ses discours et ses écrits, exercé une action puissante sur ses contemporains il a énergiquement lutté en faveur de la liberté d'enseignement et du pouvoir temporel des papes. Les athées et les libres penseurs ont trouvé en lui un redoutable adversaire.
n n'en est pas moins équitable d'ajouter
que, de Nimes, sous 31 gr Cari et sous Mgr l'Iantier, ont surgi des joûteurs moins brillants mais non sans énergie, en faveur de ces grandes causes. Nous l'avons déjà remarqué, le R. P. d'Alzon ouvrit à Nîmes la première maison d'instruction secondaire de plein exercice; membre du Conseil supérieur de l'instruction publique, il lutta avec ardeur et persévérance pour la liberté il fonda dans son collège une revue destinée à préparer dans de bonnes conditions l'exercice de cette liberté. l'lus tard, au lendemain de la Commune, il convoqua et tint à Paris, <-n 1872, un Congrès de l'Enseignement chrétien où se rendirent plus de trois cent chefs d'institution ou professeurs, parmi lesquels les délégués d'un graud nombre d'évèques. Des députés, que je pourrais citer, me disaient, à cette époque, qu'ils ne connaissaient pas la question avant ce Congrès, qu'ils t'avaient étudiée là, à la faveur de ses lumières et qu'ils seraient maintenant prêts à ta portera la tribune.
L'influence iucontcstabte de Mgr Dupanloup a-t-elle toujours été également heureuse; entre Rome et lui, n'y a-t-il pas eu des nuages? Jamais sans doute Jll. Clastron n'a hésité entre lcs deux.
Dès lors, pourquoi s'attache-t-il, dès les premières pages de son livre (l'j à faire ressortir un parallèle inattendu entre deux berceaux séparés par le lieu et par le temps, celui de Mgr Plantier dont rien n'a terni la gloire, et celui de Mgr Dupanloup qui a sans doute « rendu à l'Eglise tant de services dont la mémoire est impérissable », mais qui certes n'a pas ,joué au Vatican le même rôle que l'évèque de Nimes.
Né onze ans plus tôt, Mgv Dupanloup devait mourir cinq ans plus tard. Le parallèle, commencé autour des deux berceaux est repris et plus fortement accentué sur (e bord des deux tombes. « C'était pendant l'hiver de 187î>. » La Providence, « en leur ménageant la consolation de se revoir une dernière fois», voulut effacer la divergence momentanée qui s'était produite cuire eux pendant le Concile. Ce passage esl fort bien écrit, mais est-ce bien l'évêque d'Orléans, que ses idées et surtout son action et ses influences rapprochaient le plus de l'évèque de Nimes? Et, quand ils se demandaient si « la liberté ferait une alliance sincère et durable avec l'autorité», avaient-ils bien les mêmes vues? L'au(1) T. l, p. 5.
teur convient <|uc a l'évèque de Nimes accordait un peu moins à la liberté que l'évoque d'Orléans. Sa persuasion était que ni le tatent, ni le hon vouloir des hommes ne snl'(iraicnlpour mener à d'heureux résultats une politique flottant sur les principes modernes comme sur des vagues éternellement trou- 1- blées. »
La divergence, on le voit. était profonde et il est permis de s'étonner que, parmi tanl d'ouvriers sincères et infatigables de /7s'vangile, on ait choisi ceux dont l'action était si divergeute, pour les placer sur le même chandetier (l).
Dans la préface, fort bien écrite d'ailleurs comme tout le livre, Mgr Dupanloup est deux fois nommé, tandis que le nom du u P. d'Alzon en est absent. On ne peut que s'étonner.
PlantiiT et d'Alzon, unis dans la vie, ne sauraient être séparés dans la mort. L'étude parallèle de ces deux hommes s'imposait. L historien, sans doute, ne manque pas de sympathie pour ie grand religieux dont il a connu l'amitié et partagé les travaux. Plus d'une fois, son admiration et son respect pour cette grande mémoire éclatent en lignes (•mues.
Nous vouions dire seulement que «ou ouvrage si digne d'éloges eut encore gagné an rapprochement de ces deux figures, si différentes de caractère, mais, j'oserai dire, si ressemblantes par la direction du regard. On nous duit la Vie du P. d'Alzon, nous osons espérer qu'on ne nous la fera pas attendre plus longtemps. Elle sera le complément de cette que nous venons de lire, (/ouvrage de M. Ctastron a déjà sa place marquée dans toutes les bibliothèques sérieuses. Il est nécessaire à l'histoire ecclésiastique de notre temps, mais it eu appelle un autre qui prendra sa place côte à </ôlé flans le même ra von
VU!
S'il esl permis de penser que le portrait du grand évèqueeùtété mieux à son jour, en lerapprochant davantage de celui que l'on vit toujours à ses cotes et qui fut l'initiateur le plus actif de son épiscopat, il n'en est pas moins incontestable que M. Claslron nous offre une peinture fidèle, vivante et animée, où iLj T. Il, \>. 519.
1'homme, l'orateur, l'écrivain, l'évèquc se retrouve avec son caractère propre, sa générosité d'âme, l'exquise délicatesse de ses sentiments, et la noblesse de son esprit.
Sa vie intime y est décrite avec un art parfaitement naturel; ses œuvres y sont analysées avec une rare fidélité. Le directeur des ûmes nous y révèle ses secrets, l'évoque y apparait dans toute sa dignité.
Il faudrait citer les pages où l'auteur nous fait voir le jeune Plantier à Largentièrc et ces détails intimes où le futur évoque se peint lui-même et se juge si scrupuleusement (1). L'historien saisit a propos les occasions qui lui permettent de tirer des faits qu'il raconta un enseignement court et substantiel. Ainsi, à propos d'un mot prononcé au Sénat, en 1863, par le cardinal de Bonnechose, notre auteur ajoute
« Maintenant que les excès de la Révolution réalisent, avec une si douloureuse évidence, ces remarquables pressentiments, il n'est plus permis de dire que la publication du Syllabus fut intempestive. Et lorsque nous touchons aux extrémités que le courage et la prévoyance de Pie IX dénonçaient à la vigilance des peuples modernes, il faut reconnaître qu'il avait raison d'élever la voix et que notre orgueil est sans excuse de n'avoir pas tenu compte de ses avertissements (2). »
Mgr Plantier visitait souvent sa chère maison des Chartreux. « Quand il y revenait, il y observait cette parfaite régularité dont il avait donné l'exemple avant de la quitter. Il ne voulait pas que l'on eût l'air de remarquer sa présence; le seul privilège auquel sa dignité lui donnait droit, et dont il usait de bonne grâce, c'était d'adresser quelques pieuses exhortations à ses confrères, tantôt sur les épreuves de l'Eglise et les difficultés des temps, tantôt sur leur saint ministère. Quel que fût pour eux le bonheur de le recevoir, il leur semblait que ses conseils, si fermes, si élevés, étaient le principal bienfait de ses visites ils s'habituaient à goûter dans ses épanchements moins ce qu'il y avait d'agréable que ce qu'il y avait de grand, et derrière J'ami leur cœur cherchait l'évêque (3). » C'est parfaitement dit, dans le ton de la couleur locale et comme pris sur le fait.
Mgr Plantier n'avait pas sondé les plaies
(1) T. 1, p. 20-23. (2) T. II, p. 29.
(3) T. Il, p. H2.
sociales sans en tirer de sombres pronostics, hélas trop tôt justifiés. Il est difficile à un esprit supérieur, et dont aucune passion ne trouble la vue, de creuser le présent sans y remontrer l'avenir. « Des Sociétés sans Dieu, s'écriait le prélat, des empires sans limites, des gouvernements sans entrailles, des peuples sans liberté, un droit sans fondement et sans précision, une patrie sans souvenirs, une Eglise sans indépendance, voilà les principaux linéaments de la transformation que la Révolution voudrait accomplir, et dont nous sommes destinés à recueillir l'héritage, si Dieu n'arrête pas, dans sa miséricorde, le mouvement désastreux qui nous emporte. » 11 faut s'associer sans réserves aux sages réflexions de l'historien. « Ne dirait-on pas que ce tableau a été fait après coup, et que son auteur continue d'écrire à la lueur des événements contemporains?.. Nous pouvons sans injustice répéter avec lui, à cette heure, que l'on veut arracher à l'Eglise son pain de chaque jour, l'empêcher de parler et d'écrire, s'opposer à ce qu'elle s'emploie à l'éducation des générations nouvelles, la mettre dans l'impossibilité de retenir les cœurs des peuples par les œuvres de zèle et de charité, et surtout anéantir à jamais la liberté de son chef, en détruisant, jusque dans son dernier abri, le pouvoir temporel. C'est le but que l'on a. voulu atteindre par la réduction des traitements ecclésiastiques, prélude, hautement avoué, de la suppression du budget des cultes. Le même dessein a amené les décrets d'expulsion contre les ordres religieux, rendus avec tant de précipitation, et exécutés avec une si froide, mais si impitoyable exactitude. Et ce n'est pas un vain préjugé que d'attribuer la même signification à toutes les mesures qui mettent en suspicion le Sacerdoce, et arment contre l'Eglise les nouvelles couches sociales. Voilà ce que nous voyons, et voilà ce que Mgr Plantier annonçait, il y a près de quinze ans. On ne sait ce qu'il faut le plus admirer dans cette étude sur l'état du monde, ou de la justesse des vues, ou de la hardiesse avec laquelle elles étaient exposées. C'était la réponse anticipée de l'histoire aux efforts tentés par l'empire pour tromper l'inquiétude légitime du pays(l). »
Il faudrait citer le chapitre entier. Mgr Plantier décrit d'une manière saisissante la crise de transformation sociale que traversait le monde en 1860. Son historien nous (1) T. II, p. 2J2, clsuiv.
fait assister au mouvement général des peuples. on sent que le sol tressaille comme à la veille d'une convulsion.
Mais là où M. Clastron excelle, c'est dans l'art qui lui semble naturel de nous rendre présentes les grandes cérémonies religieuses, les fêtes intimes du sanctuaire auxquelles la parole épiscopale communiquait une splendeur particulière, soit qu'elle en expliquât le sens mystérieux, soit qu'elle en tirât de graves enseignements. Entre mille passages nous pourrions transcrire le récit de la fête de Slnanque où la Bénédiction abbatiale fut conférée à un humble moine. Le récit en est plein de charme (1).
Il nous en coûte de ne pas arrêter l'attention de nos lecteurs sur le chapitre consacré à la chute de l'empire et sur la noble tenue qu'y conserva Mgr Plantier. Un mot seulement donnera une idée de la manière de l'auteur « Entre ces deux figures de Napoléon III et de Victor-Emmanuel, flétris, l'un par la défaite, l'autre par la victoire, Mgr Plantier aperçoit une majesté pour laquelle l'infortune même est un piédestal. Pie IX est debout, témoignant, une indulgence magnanime au vaincu de Sedan, attirant vers le Saint-Siège, après la chute de Rome, des sympathies qui ont manqué au prisonnier de Cassel, protestant contre la violence qui (t) T. Il, p. 3io.
ouvre une brèche à la Porta Pia, le condamnant à une captivité dont la grandeur étonne et trouble ses ennemis (1). »
Le tableau de la mort du grand évêque, couronne dignement la description de sa vie. Il y règne une émotion qui a la vertu de se communiquer; on sent que c'est une douleur de famille et en même temps l'on éprouve je ne sais quelle impression mystérieuse. Cet évêque, si mal servi par son corps, commande encore le respect; c'est toujours le pontife qui lutta avec tant de courage et de noblesse pour le sacerdoce désarmé contre l'empire tout puissant.
Ses œuvres seront l'immortelle gloire (le son diocèse. Pie IX lui survécut pour le pleurer. La Cité de Nîmes perdait un cvèqnr, qu'elle aimait et dont elle était fière. L'Eglise perdait un héros.
Ses dernières lignes avaient été pour le Sacré-Cœur de Jésus à qui il avait consacré son peuple. Le Sacré-Cœur de Jésus, après avoir accueilli le Pasteur, veillera sur le troupeau. M. Clastron, en écrivant sa vie, a bien mérité de celte grande mémoire, et nous nous associons volontiers aux hommages de reconnaissance qui lui sont venus de plumes autrement autorisées que la nôtre.
L. Allemand.
(1) T. II, p. «5.
RÉUNIR POUR RÉGNER
LETTRE I) UN ROYALISTE A IN LIBKliAL Fils de votre siècle et de votre pays, je viens vous soumettre la solution d'un problème moderne et national qui a eu, pour vous et pour moi, les mêmes éléments, mais qui n'a pas donné, de part et d'autre, les mêmes résultats. Je ne dispose, il est vrai, pour vous parler ainsi, que d'une expérience bien jeune: mais, loin de trouver dans la considération de cette jeunesse la défiance et la crainte, j'y puise, au contraire, le courage de m'adresser à vous, persuadé que vous y puiserez vousmême. Monsieur, la bienveillance de me lire. Après avoir payé le tribut aux erreurs de mon temps, j'ai reconquis la vérité nationale, patrimoine séculaire dont, on nous a déshérités, et tels sont les bienfaits de cette conquête que je ne pourrais jamais sans égoïsme et sans lâcheté la conserver pour moi seul. Desireux de partager un trésor si précieux, j'ai conçu l'idee de le porter bien haut, afin de pouvoir le répandre bien loin. (l'est pourquoi je viens avec confiance le déposer entre vos mains. Puissiez-vous l'accepter comme une ollrande digne de vous, en excusant la main bien téméraire et bien indigne qui ose vous l'oflrir!
Depuis l'àge où l'homme affermit ses premiers pas sur le sol de la vie, je suivais tranquillement. dans le /lot de raes contemporains, cette voie douloureuse dont la Révolution de 178!) est le point de départ et dont fa perfection politique et sociale devait être le terme mais, pliant sous le faix dont j'avais trop tôt charge mes épaules et ne trouvant, d'ailleurs, dans mon bagage politique aucun guide certain, j'abandonnais de temps à autre, voyageur découragé, quelque lambeau des grands principes, sans que ces allégements successifs rendissent à mon âme lassée, autre chose
Suii.fi
qu'une passagère vigueur. Enfin, sentant me? forces s'épuiser de plus en plus à poursuivre un chemin de plus en plus obscur, je iinis par jeter aux quatre vents mon importun fardeau et je remontai tout à coup, jusqu'au point de départ, la route parcourue. Ainsi, je retournai jusqu'au siècle dernier et, dans la sincérité de mes désillusions, je serais retourné plus loin, si j'avais trouvé encore an delà quelques sacrifices à faire.
Et Dieu sait pourtant si de tels sacrifices étaient cruels à mon âme! La Révolution, qui remue les bas-fonds de la société en faisant couler, dans un triste mirage, des flots de sang et des flots d'or, a l'étrange pouvoir de fasciner aussi les classes supérieures en faisant miroiter à leurs yeux des théories et des systèmes Hélas dans ces rêves trompeurs, quels prestiges et quelles séductions! Et, s'il faut un jour en détacher son cœur, quels troubles et quels dôchiremenls! Mais aussi, le sacrifice une fois consommé, quelle paix, quelle certitude et quelle liberté Eh bien la société tout entière, qui s'est oubliée dans les enchantements de l'erreur, doit passer par les douleurs du sacrifice pour arriver à la liberté du renoncement. A celle œuvre réparatrice, nous pouvons tous apporter notre pierre; mais il est des ouvriers qui peuvent du même coup lui donner sa base et son commencement vous êtes, Monsieur, l'un de ces ouvriers-là, et c'est pourquoi je viens solliciter instamment votre indispensable concours.
Guide naturel de cette honnête et crédule majorité qui marche avec sécurité sur le grand chemin de la dévolution, donnez le signal de la retraite et vous serez suivi. Votre force réside tout entière dans la grande alliance qui doit rendre au parti du droit des soldats dévoués et non pas dans ces rapprochements de hasard qui ne donnent que des mercenaires et qui préparent des rebelles.
Ami de la Révolution et de la Royauté, ce qu'il y a de vraiment grand, de vraiment fort en vous, ce n'est pas ce qu'il y a de révolutionnaire, c'est ce qu'il y a de royal. En proclamant le droit révolutionnaire, vous abdiquez le droit monarchique. Gomment concilier, en effet, ces deux principes discordants ? Un triste et fatal logicien (1) démontra victorieusement un jour cette incompatibilité radicale ta conclusion fut détestable, mais le raisonnement demeure invincible. La souveraineté nationale, c'est la Révolution légale, la négation même de la souveraineté. Philosophiquement, il est insoutenable jusqu'à l'absurde que le principe du gouvernement réside dans les gouvernés. Politiquement, il est imprudent jusqu'à la folie de laisser le commandement entre les mains de ceux qui doivent obéir.
La Révolution repose sur un principe abominable, mais elle repose sur un principe. Or, les principes ne tombent jamais que sous le coup des principes. Le tort de la société moderne, c'est précisément d'admettre un principe et de vouloir ensuite en limiter, en immobiliser. en retourner les conséquences; c'est d'autoriser le mat en ne prohibant que le pire.
Nous sommes ici, Monsieur, dans le cœur de la question, dans le vif de la plaie; nous touchons aux grandes illusions de notre pays et de notre siècle révolution modérée, conservation libérale, parlementarisme, constîtutionnalisme, république conservatrice, etc. La républiqueeonservatrice, arrêtons-nous cette appellation quoiqu'elle s >it démodée et ne forme plus qu'un vêtement défraîchi à l'usage de quelques libéraux attardés, la république conservatrice n'est qu'une introduction à la république radicale, rouge, révolutionnaire et, par dessus tout. sociale. (Quelle différence et comme les ad.jec ifs «'alignent, cette fois, naturellement après le substantif!)
Depuis quatre-vingts ans, avec des intentions plus ou moins bonnes, les libéraux ne font que préparer les voies aux révolutionnaires ils croient en être les ennemis, ils n'en sont que les éclaireurs. On pourrait les appeler, en empruntant une figure expressive aux tristes souvenirs de la dernière guerre les Uhlans de la Révolution. La Révolution, '̃n effet, s'est si bien trouvée de leurs services dans sa lutte contre l'autorité politique,qu'elle a voulu les utiliser également dans sa guerre bien autrement acharnée contre l'autorité religieuse. Malheureusement, jusque dans les esprits le plus profondément et le plus vailtamment catholiques, il s'en est trouvé pour remplir un rôle tout au moins imprudent. Ce e '}) Pi'ouflhon.
sont les catholiques libéraux, phalange courageuse, mais trop chevaleresque, qui, après avoir rendu à l'Eglise les plus éclatants services, lui aurait fait courir les plus graves dangers, si toutefois l'Eglise de Dieu pouvait courir ici-bas de véritables dangers. Mais, sur ce nouveau terrain, la lutte a bien vite change île caractère. Le péril a été signalé dès l'origine avec une clairvoyance admirable; tes avertissements ont été renouvelés avec une persistance héroïque. Knlin. le Ilot sagilant de plus en plus autour de la barque mystique, le pilote suprême a rassemblé tout l'équipage et, du même coup, le monstre révolutionnaire et la Sirène libérale ont été frappés et confondus. Telle est ta hante et grande politique enseignée par l'Eglise aux nations de la terre, enseignement, hélas! entièrement perdu
Quoique destinée à se mouvoir dans une sphère distincte, l'autorité politique trouve ainsi dans l'autorité religieuse t'appui le plus solide. le secours le plus efficace et le plus dévoué, ce qui s'explique par les rapports d'origine et de fin qui unissent entre elles ces deux autorités.
La question politique se réduira bientôt à une question sociale c'est là ce que les habiles eux-mêmes finissent par comprendre i) mais ce que les habiles ne comprendront jamais, tant qu'ils ne seront qu'habiles, c'est • lue la question sociale elle-même, dernier mot de la question politique, se réduira finalement à une question religieuse.
La question religieuse est le'premier et le dernier mot, l'a et !'<•> de toute question humaine. Le problème contemporain, qui montre Dieu, à son point de départ, dans le protestantisme, montre encore Dieu, son terme, jusque dans l'athéisme.
La nature du problème en indique la solution. Si vous proposez des expédients politiques ou même sociaux, des moyens exclusivement humains, je ne les repousserai pas, mais je demanderai avant tout des moyens divins. Si vous dites: L'catre9air e.st aec piu.s sanr. (2),
(1) 11 est pourtant un habile qui ne lu comprend pas ou qui dut lie pli, comprendre. « II n'y a pas iln question sociale » s'est il 'écrié un jour, obéissant peut être à la disposition d'esprit qm faisait dire û Archias prévenu d'un péril imminent, ait milieu d'uu i festin « A demain les affaires sérieuses I Le mo1 de.me Axcîiias prûveuu, lui aussi, du péril imminent i do la Révolution dit aussi à ses convives « A demain les questions sociales! » L'homme auquel il est, filil allusion dans cette note, est mort misérablement à l'heure même, où elle sivHprima.it, non pas couinin on pouvait le croire, par le fait de la Réoolulion. mais par le fait do la n»t.u> Ainsi, ''tte fois, ce dr sont
pas les homme? qui ont tirrèté la conpfc .joyeuse sur
!)!lS Ics hommes qai out ¡¡rrété llien conpl~ joyeuse s's·a
les lèvres d''a convives, c'est Dieu Ini-uiûuio q>n si*t
fait troublrt-fôte. Ce. n'est plus le fosliu d Archias, c'est, (« festin de BalthnMr.
» ti) Parole fiimeuae de M. Tliier.-s.
je répondrai sans vous contredire L'avenir est au plus chrétien.
Mais, s'il est un pouvoir politique qui nie Dieu, qui insulte le Christ, qui se moque de l'Evangile et qui persécute l'Eglise, comment pourra-t-il remplir un programme qui n'est autre chose que sa condamnation et pour l'exécution duquel il devrait commencer par changer rie nature? Si ce pouvoir promet, en effet, de changer de nature, qui pourra croire à cette dérogation aux lois Je l'existence ? Et s'il promet, d'un autre côté, de faire des choses contre sa nature, qui croira davantage à cette exception aux règles de la vie? La République est évidemment ce pouvoir de nature anti-religieuse qui ne peut pas plus devenir religieux que le mauvais arbre ne peut se transformer en bon ou qu'il ne peut, en restant mauvais, produire de bons fruits. La République, en France, a été originairement impie, et, malgré quelques bons retours qui tiennent plutôt à la France qu'à la République, elle sera finalement impie. Cherchez dans le dictionnaire ce que veut dire impiété; cherchez, d'un autre côté, dans le recueil des lois révolutionnaires ce que signifie république, et dites-moi, la main sur le cœur, si ces deux expressions ne sont pas synonymes ?
Maintenant s'il existe, au contraire, un autre pouvoir qui se1 soit en quelque sorte identifié, non pas doctrinalement, ma;s historiquement, avec la Religion, qui ait ainsi confondu son histoire politique avec l'histoire religieuse un pouvoir qui ait combattu pour l'Eglise, souffert avec l'Eglise et régné par l'Eglise; un pouvoir enfin qui, étant né d'un acte de f.i, ne puisse pas renaître aujourd'hui sans un acte de foi; si ce pouvoir existe, n'est-ce pas lui qui sera appelé à réaliser lu magnifique programme qui se résume dans ces quatre mots Dieu, Christ, Evangile, Eglise? Ne peut-on pas, en effet. retourner en faveur de ce pouvoir éminemment religieux ce qui a été dit plus haut du pouvoir anti-religit-ux? Comment l'arbre de vie pourrait-il se changer en arbre de mort et comment pourrait-il encore, étant arbre de vie, donner des fruits de mort? Comment la nature du pouvoir chrétien ne serait-elle pas aussi substantiellement, aussi invariablement bonne que la nature du pouvoir anti-chrétien est invariablement et substantiellement mauvaise? Comment enfin ce pouvoir de nature chrétienne ne serait-il pas, en même temps, de nature immortelle ?
La monarchie est aussi évidemment ce pouvoir chrétien que la république, sa contradictoire, est le pouvoir anti-chrétien. A ceux qui nient maintenant ce caractère religieux de la monarchie, parce qu'ils craignent de le voir tourner à son avantage, je rappellerai
simplement qu'ils ne le niaient pas, quand ils espéraient le faire tourner à son préjudice. Ainsi, la monarchie est de race immortelle. On peut jeter hardiment à la face étonnée de la Révolution cette affirmation souveraine. La Monarchie est de race immortelle, parce qu'elle contient natureltementen elle-même le principe de la vérité politique; elle est de race immortelle, parce qu'elle s'est assimilé le principe de la vérité religieuse. L'histoire nous montre le trône et l'autel comme deux puissances e» quelque sorte solidaires, et certes le trône ne peut que profiter aujourd'hui de cette bienfaisante solidarité le trône, ayant été renversé à côté de l'autel, doit se relever tôt ou tard à côté de l'autel. Comme l'étendard de Patay (1), ayant été à ta peine, il doit être à r honneur.
Le souvenir de Jeanne d'Arc vient à propos pour confirmer ma thèse, et quelle thèse patriotique et religieuse ne confirmerait pas cc souvenir touchant? La vierge d'Orléans unit à un tel degré la cause de Dieu et la cause du Roi que le triomphe royal dont elle fut l'instrument revêtit les caractères mystérieux qui marquent ordinairement les triomphes divins.
Au dix-neuvième siècle, ainsi qu'au quinzième, le triomphe de la Monarchie se produira dans des conditions providentielles tellement remarquables qu'on pourra changer ainsi le mot de Fénelon L'homme s'agite et Dieu le sauve (2).
La légende rapporte que Romulus mourut dans une tempête pendant laquelle le héros romain fut enlevé aux cieux. La Monarchie française, elle aussi, personnifiée dans le RoiMartyr, est nrorte dans une tempête pendant laquelle son âme glorieuse s'est élevée au ciel. Depuis, elle a soulevé doucement la pierre du tombeau, mais ce n'a été que pour mourir de nouveau, pour remonter au ciel dans une autre tempête.
C'est aussi dans une autre tempête que la Monarchie ressuscitera, que son âme purifiée viendra ranimer le corps de la France. Tout fait craindre ce dénouement à la fois terrible et glorieux. Malgré des lueurs trompeuses et des souffles perfides, chaque jour nous laisse un horizon plus obseur, un ciel plus écrasant. S'il ne se produit une détente imprévue, on sent qu'il faudra les agitations de l'orage pour ramener d'un seul coup la fraîcheur et la sé-
(1) G'est au village de Patay que Jeanne d'Arc, précédée de son étendard, remporta sa plus belle victoire, en 1429; c'est encore à Patay (disposition providciitielln véritablement saisissante que les zouaves de Cuarette, précédés de l'étendard du SacréCœur, se sacrifièrent héroïquement pour sauver l'armée francaise, le 8 décembre 1810.
(2) I/komuie s'agite et Dieu le mène (Fénelon, Sermon sur C Epiphanie.)
rénité. Les présages sont si fréquents, qu'ils ne se comptent plus. Il n'est pas jusqu'à cet esprit prophétique qui ne cesse de s'agiter dans le monde et auquel Machiavel et Joseph de Maistre ont rendu le double témoignage du scepticisme et de la foi (1), il n'est pas jusqu'à cet esprit mystérieux qui ne nous ait jeté ses avertissements. Pas n'est besoin, d'ailleurs, de recourir au surnaturel et la simple raison, consciencieusement interrogée, répond avec une précision qui perce l'avenir.
L'époque révolutionnaire se divise en trois périodes
A la première période correspondent les plus grandes culpabilités. Le mal y est transmis sans y avoir été reçu, si ce n'est peut-être à l'état de germe et, si j'ose le dire, à l'état de miasme. C'est alors que s'opère, avec toute sorte de complaisances et de précautions aggravantes, la génération de !'erreur. Dans la seconde période, les responsabilités s'atténuent. L'erreur insensiblement remplit, pour ainsi dire, tous les intervalles de la vérité. Le bien voile sa beauté, le mal cache sn laideur. Tout est compromis transactions, expédients. Les sous-entendus produisent partout les malentendus. On sent que, pour rétablir l'ordre, il faudrait, comme au premier jour, débrouiller le chaos; que, pour ramener la lumière, il faudrait, une seconde fois, la séparer des ténèbres et voilà que les âmes tombées en prostration sont incapables de renouveler cette grande analyse Dans cette seconde période, une large part des responsabilités se déplacent et remontent, à travers l'histoire, pour retomber dans la première. 1830 est le point historique qui caractérise le mieux cette époque indécise où les bonnes intentions aboutissent rarement à de grandes actions et où les plus généreuses aspirations vers la vérité parviennent à peine à soulever le voile de l'erreur.
Pendant la troisième période, l'excès même de l'iniquité commence à ramener la justice. En atteignant son entier développement, la Révolution revêt une ignoble laideur qui la rend aisément reconnaissable à tous les yeux et qui rend par là même inexcusables ses derniers admirateurs. Cette époque extrême est évidemment la nôtre. La Révolution déchaînée va frapper son dernier coup. Le bien et le mal, trop longtemps rapprochés, se reconnaissant enfin dans la mêlée des consciences, vont se livrer une lutte mortelle. Sur ce juste milieu, naguère encore si florissant, sur ce juste milieu où tant de forces se neutralisent, où tant de faiblesses se dissimulent, où tant de vertus s'étiolent, sur ce juste milieu chan-
(1) Machiavel, Discours sur Tite-Live. I, 5G. Joseph <1<; Maistre, Soirées de Saint-Pclersbovrg, 11» Entrelien.
celant l'orage s'ammoncelle la foudre va tomber
Devant la solennité de l'avenir, l'Histoire semble interrompre un instant sa marche séculaire et s'arrêter haletante. Utilisons avec empressement cette halte suprême n'attendons pas les heures de trouble et d'angoisse il serait trop tard alors pour bien juger et bien agir. Que nos jugements et nos actes, faits en toute liberté, acquièrent toute leur valeur et produisent tous leurs effets. Un demi-jour effrayant est ouvert sur l'avenir. Profitons de ces lueurssinistres mais salutaires, pour explorer la route et découvrir le but. La parole est toujours à la France et Fheurc même semble, pour le moment, appartenir à l'homme bientôt elle ne sera plus qu'à Dieu (1).
Peut-être n'est-il pas trop tard. L'occasion manquée à Bordeaux par une Assemblée souveraine, qui ne sut pas répéter la puissante affirmation monarchique dont elle était issue, cette occasion manquée aussi en 1873, ne semble pas encore entièrement perdue, car l'étincelle foudroyante n'a pas encore jailli, tant est grande la longanimité de la Providence à l'égard d'un peuple qu'elle veut absolument sauver. Ce qu'on a appelé naïvement l'essai loyal de la République n'est qu'un délai successivement prolongé par la Providence pour restaurer la monarchie. L'œuvre ne serait pas aussi difficile que le prétendent les intéressés et que le redoutent les tièdes. La France est épuisée par le doute et la négation elle est avide d'affirmations, altérée de principes. Elle tend aux choses définitives, parce qu'elle aspire naturellement aux choses immortelles.
Avant 1789, la noblesse caressa bien étourdiment d'inexcusables erreurs Ramenée sévèrement au respect de la Royauté, elle crut prendre une revanche ingénieuse en se jouant un peu de la Divinité. Elle en fut certes rudement châtiée et même il faut le connaitre, de ce côté du moins, assez bien corrigée. Le Tiers-Etat en remplissant, vis-à-vis de la noblesse, le rôle de fléau de Dieu, se jeta dans des égarements plus criminels encore. Ces nouveaux venus s'installèrent sans façon dans le gouvernement et, pour s'y trouver plus à l'aise, après en avoir chassé es hommes, ils en bannirent Dieu. L'un d'entre eux, impassible théoricien de ces folles doctrines, les a résumées exactement dans une formule précise « Qu'est-ce que le Tiers-Etat? Rien. Que doit-il être? Tout.» Injustice et mensonge î Il n'était pas vrai de dire que le Tiers-Etat n'était rien; il n'était pas juste de vouloir qu'il fût tout: tout, c'est-à-dire peuple, clergé, (1) La parole est à la Frauce et l'heure à Dieu.» Lettre de M. le comte (le Chambord, mai 1871.
noblesse, magistrature, armée tout, c'est-àdire, Roi tout, c'est-à-dire Dieu. Il était encore moins juste de vouloir que le Tiers-Etat fût tout sans transition et sans préparation, qu'il eût un pouvoir à la fois immédiat et complet. Le Tiers-Etat devait revendiquer ses droits et faire son devoir à sa place, à une place qui se serait incessamment et, pour ainsi dire, indéfiniment élargie. Il pouvait s'étendre sans détruire et grandir sans renverser. Dans cette œuvre d'extension et d'ascensions légitimes, il aurait trouvé, sur !e trône et près de l'autel (le passé, sur ce point, répondait de l'avenir) des encouragements et des sympathies dont il devait rester digne. La progression sociale a des lois rigoureuses, mais sûres. Il y place pour toutes les aspirations généreuses au soleil de la liberté.
Hélas on sait ce qu'il est advenu du programme de Sieyès ét quelle application démesurée lui donne encore l'avenir; mais ce qu'il y a de plus étrange et de plus douloureux, c'est que les héritiers actuels de ce triste programme, loin de se montrer effrayés d'aussi terribles conséquences, restent dans un endurcissement qu'on peut appeler, avec juste raison, l'impcnitence politique.
Eh bien pense-t-on vraiment que la justice soit toujours en retard, parce que les coupables ne s'arrêtent jamais? Par un développement logique de' son usurpation, le Tiers-Elal, après avoir étéleiléau mérité de l'aristocratie, trouvera son fléau dans le peuple qui lui-même, à son tour, par une dernière et suprême expiation, attirera sur sa propre tète, la plus large part du châtiment qu'il sera charge d'infliger. Sur la pente où elle descend, la justice est maintenant à moitié chemin. C'est donc surtout à la classe moyenne (ou plutôt à la classe riche, car il n'existe pas aujourd'hui d'autre classe moyenne) qu'il convient d'arrêter actuellement sa marche vengeresse.
Examinons sincèrement notre conscience sans nous occuper toujours de la conscience d'autrui. Tant pis pour ceux qui n'auront pas la force de confesser leurs fautes et de les expier' Malgré les fautes royales, aristocratiques et même cléricales qui ont pu le préparer ou le développer, le crime révolutionnaire n'estdirectement imputable ni au Clergé, ni à la Nublesse, ni à la Royauté. Il serait bt:,iii de voir les représentants actuels des principaux coupables, de ceux qui changèrent les Etats-Généraux en Assemblée constituante, faisant ainsi, d'un rouage monarchique, un engrenage révolutionnaire il serait beau dis-je, de voir ces détenteurs actuels des forces nationales briser eux-mêmes le terrible instrument qu'ils ont mis en jeu et prendre désormais pour devise, au lieu de ilénolulion. modérée, le mot Révolution vaincu?.
11 me semble, monsieur, que cette dernière considération nous donne particulièrement le droit de vous demander un exemple. A vous l'honneur de briser solennellement ces traditions de caste, pour renouer avec éclat les vieilles traditions nationales où la France tout entière, la vraie France indivisible, a déposé, depuis des siècles, ses souvenirs et ses gloires. Un parlait, il y a cinquante ans, de royauté bourgeoise parlons seulement de royauté française.
Ecoutez, monsieur, votre haute intelligence écoutez surtout voire noble cœur; écoutez la voix de la France; écoutez la voix de Dieu. N'écoutez pas trop les voix libérales, quels que soient leurs prestiges et leurs enchantements. Dans votre pleine et libre volonté, aflirmez bien haut la pleine vérité. Par un grand acte personnel de souveraineté, reconnaissez, proclamez et restaurez la souveraineté. La France a commis un grand crime contre la Royauté mettez dans la réparation quelque chose de royal. Un jour peut-être aiderez-vous le Roi de France à nous rendre nos provinces aidez-le en attendant à nous rendre nos principes.
Vous pouvez, d'un seul mot, que la vraie France, monsieur, vous demande avec larmes, vous pouvez effacer tout un siècle de haines et préparer des siècles d'union. Vous est-il permis d'hésiter un instant, quand, pour faire rentrer la France dans l'harmonie générale, vous n'avez qu'à la livrer sans résistance à l'attraction naturelle du foyer royal qui lui-même alors, retrouvant son orbite, l'cntrainera, dans un magnifique élan, vers le foyer divin? l'eu à peu ce concert des peuples et des rois, par la force croissante de son mouvement, deviendra general. Ainsi se termineront enfin les perturba, ions et les commotions de 1 époque moderne; ainsi se rétablira doucement, monsieur, grâce à votre concours, cette admirable gravitation des mondes politiques qu'on appelait autrefois la République chrétienne (1).
Ah! monsieur, on est ravi de la couronne de gloire promise à votre front, mais on est épouvanté des responsabilités qui le menacent. Excusez ce cri d'alarme qui s'échappe de mon cœur à la tin de cette longue lettre et que je vous jette en terminant avec la plus respectueuse liberté, avec la plus suppliante insistance, avec la plus douloureuse anxiété. avec ta plus consolante espérance.
Armand Granbl.
il) O temps! O imruvs! 0 langues humaines! fV qn'on appelio aujourd'hui Héfjttblique. c'est précisément le contraire île la gravifcitiuii, l'opposé «In l'har- moine, c'est-i'i-dirc, 1<> désordre «,'t In ciiaus!
LA RÉVOLUTION ET LA FOI CATHOLIQUE
La Révolution avait promis des merveilles dans l'ordre religieux, la pleine et entière liberté des cultes dans l'ordre social la paix, l'harmonie entre les classes, la fraternité universelle dans l'ordre politique la suppression de tout arbitraire et de toute oppression dans l'ordre économique une prospérité inconnue jusqu'alors, le bien-être assuré à tous dans l'ordre intellectuel la diffusion la plus large de l'instruction à tous les degrés, un merveilleux essor des lettres, des arts et des sciences.
A-t-elle tenu, sinon tous ses engagements, au moins quelques-uns ? ou bien au contraire a-t-elle abouti à une complète et irréparable banqueroute?
Question grave, question capitale question brûlante aussi et très actuelle, car aujourd'hui comme à la fin du siècle dernier, il s'agit de savoir si notre bien-aimée patrie va redevenir la nation essentiellement catholique, la fille aînée de l'Eglise, sous le gouvernement de la monarchie très chrétienne ou si file sera désormais la nation essentiellement révolutionnaire, la fille aînée de la République (I), gouvernée par des franc-maçons crocheteurs de serrures et de consciences, briseurs de croix, laicisateurs d'écoles et d'hôpitaux.
L'histoire du siècle qui s'achève depuis la prise de la Bastille, comme les événements qui se sont déroutés d;puis 1870, annoncent également une solution radicale, définitive.
(1) Au banquet de clôture du Couvent général du 'iraiid-Orient de Fiance en 1880, le F. i'ost, présitlunt de l' Assemblée et du banquet a porté le premier toast la Fïi.nce qui, de fil e aînée de l'Eijiisc doit n devenir la. fille "inee de la République. Jamais la solidarité de la Révolution et Me la République ue -était si complètement iifticliéo dans toutes les eutreprises, assemblées, dans tous les discours maçoiii||iihs que depuis 1879. Monde Maronniqne, n'° du octobre 1880.
<l\ Cet article de notre collaborateur nous donne )' ~.asion de parkr du t il) iigii i liq Ili t- l,n H'n/o7i, publié par M. Dumoulin (rue des Urauds-Angustins. :i. ln-4°. 1883) Le teste, dû à MM. Chartes d'Héiïcault, Km. de Saint-Albin, V..Pierre, Arthur Loth, est illustré de chromolithographies, de gravures sur lois et de fac-similés d'après les monuments du temps, qni, h tons les points de vue, forment nue collection rare et intéressante. l\ n'y a pas. cette année, de pins beau livre à donner en cadra: car c'est curieux et instructif. Nous reviendrons rfiir cette iuiportuntu publication.
Ou la vérité totale triomphera dans le royaume de saint Louis qui est aussi le royaume de Marie et du Sacré-Cœur, ou ce sera l'erreur totale. Tout semble écarter les solutions intermédiaires.
Puisque, aujourd'hui comme à la fin du dernier siècle, et avec plus d'impudence encore, ialiévolutkm prétend demeurer la maîtresse absolue de noire patrie, c'est le moment de lui adresser la redde rationcm de l'Evangile.
Quels sont ses titres et quelles garanties offre son passé ? Nous allons interroger ce passé qui, grâce à l'érudition contemporaine, achevé de livrer ses secrets. Nous laisserons la parole aux faits, et dans cette enquête sommaire mais loyale, nous nous adresserons de préférence aux témoins les plus éloignés de nos convictions.
Tout homme de bonne foi doit désirer que dans le domaine de l'histoire la vérité chasse désormais la fable. C'est donc aux hommes de bonne foi de tous les partis et non pas seulement à nos amis politiques et religieux que s'adresse le présent travail.
de l'état religieux DE LA France EN 1789
En 1789, la France était encore foncièrement chrétienne, malgré tous les efforts tentés depuis la mort, de Louis XIV pour la déchristianiser. Les sarcasmes de Voltaire, les sophismes de Rousseau, les attaques des philosophes et des encyclopédistes, les travaux souterrains des loges maçonniques implantées dans notre pays depuis une soixantaine d'années (1), n'avaient eu de prise que sur une (\) La première lo^v. maçonnique fondée en Krance est celle de Dniikerqne, constituée en 1121. d-.Ho do i'ui-is date. de 172.Ï. Les Sociétés seen-les et la SocIété, pur Je P. Desdiamp.– 2nédk., t. H, p. 3.
partie des hautes classes. Une portion de la bourgeoisie lettrée, et une portion de la noblesse de cour préparée à l'incrédulité par l'inconduite, avaient seules déserté les vieilles croyances.
Les masses étaient resiée* profondément attachées à l'antique foi, et il n'était pas rare de trouver des paroisses entières aussi unanimement pieuses que celle dont un ecclésiastique de l'époque nous a laissé le touchant tableau (1).
« A mon arrivée dans ma paroisse, écrit l'abbé J.-P. Fleury, installé comme curé de Vieuvy (diocèse du Mans) en novembre 1788, tout le troupeau excepté deux ou trois mauvais sujets, approchait régulièrement des sacrements quatre fois l'année. Il y avait tous les dimanches et jours de fête des habitants prosternés devant le très saint sacrement. Tout le monde assistait exactement, hors le temps de la récolte, avec piété et recueillement aux offices et aux instructions tes hommes au haut de l'Eglise, les femmes au
bas.»
« L'observation des dimanches et fêtes était si scrupuleusement gardée, que dans presque tous les villages, on préparait le samedi au soir, la nourriture pour les bestiaux; Il en était de même au saint temps de Carême où tous jeûnaient, malgré la fatigue des travaux, et s'abstenaient de viande, même dans la maladie. Pendant le Carême, l'usage de notre diocèse était de faire trois jours par semaine l'absolution, qui consistait à réciter les sept psaumes pénitentiaux et les prières de l'absolution générale. Cet office, qui se faisait très matin dans les campagnes, était suivi d'une exhortation ou au moins d'une lecture édifiante, analogue au temps, et d'une messe chantée. Tout le monde y assistait avec empressement. »
« 11 y avait deux cabarets dans le bnitrrj, uniquement destinés aux voyageurs. Les habitants y allaient quelquefois, pendant la semainepour conclure des marchés. Mon prédécesseur ne badinait point il disait sans cesse talis pastor, talis populus.» « Pendant quatre ans que j'ai été au milieu (de cette population), je n'ai vu aucun ménage troublé par les disputes et les divisions la paix et la tranquillité régnaient partout. Les enfants, quelque âgés qu'ils fussent,
(1) Mémoires sur U Révolution et le Premier Empire, par Jacques- Pierre Fleui-v, publiés par 1). Piolin. Un vol. in-8», p. p. 2S, 2S".
i étaient soumis à leurs parents les parents de leur côté leur parlaient avec douceur. Je n'ai jamais entendu de jurements.»
« Je vis avec autant de surprise que de bonheur que le péché de pureté, si commun dans les villes et dans les grandes paroisses (Vieuvy avait 200 communiants) était inconnu parmi la jeunesse. La familiarité d'un jeune homme avec une jeune fille était regardée comme un déshonneur par la famille. On ne connaissait ni danse, ni mascarade au temps du carnaval. Les garçons n'étaient pas plus exempts de passions que dans les autres endroits mais d'un côté la fréquentation régulière des sacrements, de l'autre l'assiduité au travail et l'éloignement des mauvaises compagnies les retenaient dans le devoir. Ils vivaient sous ce rapport dans la plus grande ignorance.» « Ils savaient presque tous lire, écrire et chanter. Le vicaire faisait les écoles tous les jours un maître d'écriture, de mœurs réglées, parcourait les villages pour y donner des leçons sous -les yeux de la mère.» Tout n'était pas parfait cependant. J.-P. Fleury qui, janséniste et gallican, est peu porté à exagérer les vertus de l'humanité déclare que « le péché de l'ivrognerie était commun, » mais seulement « parmi les chefs de famille qui fréquentaient les foires et marchés; l'occasion faisait le larron.» Ce n'était point une oasis isolée, de pareils mœurs étaient habituelles dans les campagnes, on les retrouverait peut-être encore aujourd'hui dans quelques communes de l'Ouest, en Anjou, en Vendée, en Bretagne, dans ces provinces qui, un peu plus tard, défendirent avec la même énergie leur foi religieuse et leur foi politique, Dieu et le Roi. On priait Dieu et on saisissait toute occasion pour crier vive le Roi! ( Voir la. gravure ci-contre). Plus préservé que les autres classes de la contagion de l'impiété et de l'immoralité voltairiennes, le peuple n'était pas le seul a avoir conservé à la fin du siècle dernier ses vieilles croyances et ses vieilles mœurs.
Nombreuses étaient les familles bourgeoise? qui, s'élevant par le travail et la vertu aux richesses et aux honneurs, comme cette famille Chéron dont un de nos éminents amis nous a conservé l'attachante histoire (1), de(1) Mémoires cf Récits de François Chéron. membre du Conseil secret du roi Louis XVI fin 10 août, commissaire du roi Louis XVIII, i>rès le Théiltre-Frunçai*, de 1818 à 1821), auteur drauialique, critique de littérature, publias par M. Hervé-Buziu, professeur à IXniyersité catliolique d'Angers. Librairie <le la SooK'tô bibliographique, 1 vol. in-12.
Vive le Roi 1
D'après un dessin de Debucomt (dix-huitième siècle) Cette gravure est tirée du bel ouvrage la Révolution publié par M. Dumoulin.
mouraient comme ellc des pépinières de chrétiens fidèles à Dieu et de sujets fidèles au roi.
Qu'on nous permette de présenter ici ce type de l'ancienne bourgeoisie française, si peu semblable et si supérieur au type de la bourgeoisie moderne, né en 1830.
L'auteur des Mémoires et Récits publiés par M. Hervé Bazin est le petit-fils d'un obscur artisan des environs de Versailles. Son père, Marin Chéron, a débuté comme simple journalier dans les furets de la couronne. JI ne tarde pas à devenir piqueur, puis, ayant étudié assez de géométrie pour s'occuper ilarpentage, il mérite, par sa bonne conduite, toute la confiante de l'entrepreneur des forêts du roi. Bientôt, par sa laborieuse application et sa rare aptitude, il se fait distinguer du planteur en chef, qui prend l'habitude de s'en rapporter souvent à lui pour diriger des travaux fort importants, Ûe sorte qu'au moment du la retraite de ce chef, l'ancien journalier se trouve en état de le remplacer.
De <un mariage avec une petite bourgeoise comme lui, il a quatorze enfants, et il trouve encore moyen de recueillir chez lui, d'abord son beau-père auquel il donne une domestique pour le servir dans son appartement, sa cuisine en hiver, et en été le haut-bout de sa propre table; puis une cousine de sa femme, dont voici le portrait « Trois pieds au plus ̃ i de hauteur, double et triple boss«\ tes deux « jambe- en serpent de lutrin; le tout sur<< monté d'une tête fort grosse d'où sortaient deux yeux grands el vifs. au-dessous desquels une large bouche donnait passage à ̃< une voix forte et souvent glapissante, à rai« son d'une affection de poitrine dont les « quintes fréquentes brisaient les plus fermes « tympans et ne semblaient qu'un exercice « salutaire à la pauvre fille, puisqu'elle y réj « sisla pendant plus de trente ans ». Pas beaucoup plus aimable qu'elle n'était jolie, la cou-inv était traitée avec les plus grands égards, les domestiques étaient façonnés à lui obéir, et tout était combiné de manière qu'elle ne sentit jamais qu'elle était reçue par charité. Ce n'est pas tout encore, Marin Chéron faisait vivre quatre autres parents de sa femme, dénués de ressources, plus une cousine à lui « bonne femme bien commune », à laquelle illégua trois cents franesdepension (1). C'était
(1) Mémoires et Bt'vits. pp. lu à i:i.
donc en tout vingt-trois personnes dont cet homme de bien avait la charge.
Tons ces actes lui avaient été inspirés uniquement par le sentiment du devoir chrétien son fils en rend témoignage « Mon père. dit« il, n'était pas seulement vertueux selon le « monde, il était chrétien, et ce beau titre « impose des devoirs tout à fait méconnus par « des hommes sans religion et sans Dieu ». Ou vient de voir comment il savait remplir ses obligations de famille, et encore avonsnous omis un autre cousin, dont il fit son associé et qu'il conduisit par là à la fortulie (I).
Voici comment sa femme et lui comprenaient leurs devoirs envers Dieu « Sans par« 1er des prières du matin et du soir qu'ils « faisaient avec ferveur, il semblait, écrit « François Chéron, que toutes les pensées et « les paroles de mes parents fussent précédées « d'un acte intérieur vers l'auteur de tout « bien. S'il plaît à Dieu, grâce à Dieu, Dieu « aidant et autres locutions semblables revc« liaient sans cesse dans leurs discours et leurs « entretiens (2) ».
Les ouvrages si attachants et si concluants de M. de Hibbe ont démontré que ces habitudes de foi étaient encore maintenues, il y a rent ans, dans un grand nombre de familles de bourgeoisie et de petite noblesse. Plus entamée, la haute noblesse présentait cependant des modèles achevés de piété chrétienne, témoin cette petite-fille du chancelier d'Aguesseau, la duchesse d'Ayen et ses cinq filles, ce maréchal de Mouchy qui, conduit à l'échafaud avec sa femme accablée par les années, sourde et infirme, se retournait vers ses compagnons de prison tout en pleurs et leur jetait cet admirable adieu « A vingt ans « j'ai eu l'honneur de monter à l'assaut pour « mon roi, à quatre-vingts ans j'ai le bonheur « de monter à l'échafaud pour mon Dieu; nies « amis je ne suis pas à plaindre (3) ». C'était aussi une grande chrétienne cette Mme Mole, fille des Lamoignon. unissant dans sa personne deux des plus glorieux noms de (1) Ce cousin ne fut |ws uu ingrat. Rien u'êjinliiit
:IU re"ped pour son bienfaiteur et :;a reCOIIQllÍS:'IIIJI'I'
sou res^iert pour son bienfaiteur et sa rec.ounuissaiirr
débordait daus toutes ses actions et toutes ses paro-
les. Devenu veuf il demanda la maiu d'une petite iillr ruinée, de son parent disant « Je sais qu'elle n'a a n rien, mais je sais que j<- dois nia fortune il mon « oncle et je ne fais qne mon devoir ni i>ii faisant « profiter une de ses petites-tilles ». Mibnoimts et Récits, p. 13. Il l'épousa en effet.
(2) Mémoires et Récits, p. 26.
(.')) Voir ta vie de Anne-PauIoDaujinique de Nouil-
les marquise de Montagn.
la magistrature française au sortir des persécutions révolutionnaires on la vit fonder la congrégation des Filles de la Charité de saint Louis à Vannes, presque sur la tombe des viclimes de Quiberoti, en souvenir de ceux de sa famille qui avaient péri dans le massacre (i'i; c'était une grande chrétienne enfin, fondatrice d'une autre congrégation, Mme la duchesse de la RochefoucauK-Doudeauville, la descendante du plus grand ministre du grand roi, de Colbert (2:.
Faut-il rappeler la piété admirable du roi martyr, de la reine, de « l'Angélique Elisabeth », comme l'a si bien nommée Joseph de Maistre? lit ce bon et charitable duc de Penthièvre n'était-il pas un chrétien moilèlei;Ji?
Je ne dirai rien ici du clergé puisque je rappellerai dans ce travail son héroïque attitude devant le schisme, la pauvreté, l'exil, la prison, la guillotine et les pontons plus cruels cent fois que la guillotine.
Concluons donr qu'en 47KW, la France était encore très chrétienne et que les incroyants ne formaient qu'une intime minorité dans là uatti m.
PREMIERS ATTENTATS CONTRE I.A IJBERTK RRLHÏIKl TSK
La Révolution éclata et l'un des premiers actes de l'Assemblée constituante fut un acte solennel d'anti-christianisme; je veux parler de cette fameuse Déclaration des Droits do. T Homme, votée en août 1789; puis placée en tête de la Constitution (le 17!H, comme le portique de l'ère nouvelle qui s'ouvre pour l'humanité régénérée.
Mélange de banalités et d'erreurs, la Déclaration des Droits de l'Homme est avant tout la Négation, des Droits de Dieu. C'est une profession de foi rationaliste précédée d'une formule déiste.
Ainsi FtëglUi' catholique enseigne que tout pouvoir vient, de Dieu. Le peuple est parfois l'agent légitime de transmission du pouvoir; mais quel qu'ait êlê le canal de cette transmission suffrage populaire, force des choses, hérédité, etc., "Dieu reste toujours la source
Il Yiïir tu Vie ili' madame Mul<\ pur le marquis do s. ;ur. Uv.-iy c( Rctiiux, éditruiv.
[i Voir Madame ti duch>ss<! de la Rnchcfoucauldl>ùiid"aw)ille. Albunel, éditeur.
^t) Voir la Vie de la princesse rfe lamkalle, par 11, <le '.esciirs.
unique de toute autorité. La Révolution an contraire enseigna que « Le principe de toute autorité réside essentiellement dans la nation (Art. 3 de la Déclaration, paragra-
phe 11 ».
L'Eglise enseigne qu y a deux pouvoirs le pouvoir spirituel et le pouvoir temporel, le pouvoir de l'Eglise et le pouvoir de l'Etat, distincts mais non séparés, hiérarchiques bien qu'ayant chacun sa sphère spéciale et propre. La Révolution enseigna que « nul corps, nul individu ne peut exercer d'autorité qui n'émane expressément de la nation (Art. 3 in fuir) ». C'était à la fois la négation de l'autorité paternelle, qui n'émane nullement de la nation, de l'autorité royale héréditaire et de l'autorité ecclésiastique à tous les degrés Dès lors le clergé ne fut plus qu'un corps de fonctionnaires comme l'administration ou la police. Toute la Constitution civile était en germe dans cet article de la Déclaration d>s c Droits de l'Homme.
L'art. 6 est la contradiction formelle de la doctrine de saint Paul. « Il vaut mieux obéir à Dieu qu'aux hommes », a dit l'apôtre. « La loi est l'expression de la volonté générale », affirment les Constituants: c'est-à-dire (car selon eux la loi civile oblige toujours), le droit et la justice se confondent avec l'opinion de la majorité; et les législateurs de la troisième République se moquent ou s'irritent lorsque la conscience catholique oppose à leurs criminels attentats cette vérité qui mieux que toutes les Chartes et les Constitutions, met à l'abri de tous les despotismes vaut mieux obéir à Dieu qumt.c hommes.
Donc le Credo révolutionnaire est radicalement opposé au Credo catholique. C'est le dogme de la perfection originelle de l'homme, la négation (au moins par omission) de toute fia surnaturelle pour lui et l'al'lirmalion de son indépendance absolue C'est l'Humanité sans Dieu, bientôt ce sera l'Humanité se faisant Dieu, par conséquent l'Humanité contre Dieu remplaçant l'Humanité par Dieu et pour Dieu.
Afin d'appliquer les maximes posées, un décret du 7 août 178!l mit tous les biens ecclésiastiques a la disposition de la nation. Eu vain, l'arelievèque. d'Aix, Mgr d« Boisgclin, ofl'rit de solder à l'instant les trois cent soixante millions de la dette exigible, au moyen d'un emprunt hypothécaire de quatre cents millions sur les biens du clergé. L'expédient était bon, car le crédit du clergé restait intact, tandis que celui de l'Etat était ruiné. Mais
l'Assemblée refusa et préféra s'en tirer par la confiscation, c'est-à-dire par le vol (1). Le 26 août, la liberté des cultes était proclamée par la Constituante, conformément à l'arlicle 16 de la Décl»ration (les Droits de l'Homme: « Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses ». Le 29 octobre la Constituante viola la liberté qu'elle venait de proclamer, en suspendant « provisoirement» l'émission des vœux de religion dans tous les monastères des deux sexes. Le 2 novembre une loi, votée dans les salles de l'archevêché de Paris, confirma la spoliation du clergé, mais à la charge pour la nation de pourvoir à la subsistance des ministres de la religion des pauvres et à l'entretien du culte. Le 13 du même mois, obligation fut imposée ù tous les titulaires de bénéfices et aux supérieurs de maisons religieuses de faire une déclaration détaillée de tous leurs biens sous peine dé déchéance de tous droits à une pension. L'amendement Brisson n'est donc pas une invention moderne, il a presque un siècle de date.
Le 5 février 1790, cette obligation était étendue à tous les ecclésiastiques sans exception.
Le 13 février, une loi proscrivit définitivement les vœux monastiques solennels et déclara supprimer les congrégations régulières dans lesquelles on faisait des vœux de cette nature.
Le 12 juillet, cette première série des mesures attentatoires aux droits de la religion était couronnée par la Constitution civile du clergé. C'était le schisme obligatoire. Désormais, prêtres et évêques n'auront plus qu'une autorité « émanée expressément de la nation ». Ainsi l'exigeait l'article 3 de la Déclaration des Droits de l'Homme. Par conséquent ils seront élus comme le sont les représentants du peuple (comme le seront les magistrats et les officiers). Ils ne seront plus les ministres de Dieu, délégués par l'Eglise; mais des fonctionnaires préposés au culte. Tout au plus permettra-t-on à l'évêque de donner l'institution canonique aux curés de son diocèse, et au métropolitain, ou à son défaut, au plus ancien évoque de la province de donner l'institution aux évêques nommés par le peuple. Mais, pour bien affirmer que la Révolution entendait fonder une Eglise dépendante d'elle et schismatique, l'article 19 de la loi était ainsi conçu « l.e nouvel évêque ne (\) Tainc. la Révolution, t. T, p. 221.
pourra s'adresser au Pape pour en obtenir aucune confirmation, mais il lui écrira comme au chef de l'Eglise, en témoignage de l'unité (le foi et de la communion qu'il doit entretenir avec lui ». Donc plus de rapports hiérarchiques avec le Saint-Siège désormais tout se bornera à une simple lettre de faire part. Et ce clergé violemment séparé du SaintSiège, centre nécessaire et unique de toute doctrine, de toute autorité, de toute vie dans l'Eglise catholique, ce clergé sera nommé par un collège dont les membres n'auront pas besoin d'être catholiques, ni même chrétiens. « Peu importe que l'assemblée électorale contienne, comme à Nimes, à Montauban, à Strasbourg, à Metz, une proportion notable de calvinistes, de luthériens et de juifs, ou que sa majorité, fournie par le club, soit notoirement hostile au catholicisme, ou même au christianisme, elle choisira l'évoque et le curé, le Saint-Esprit sera en elle et dans les tribunaux civils qui, en dépit de toute résistance, pourront installer ses élus (1) ».
Si l'Assemblée n'alla pas plus loin, ce fut l par pure bonté « Nous pourrions changer la religion », dirent des députés à la tribune (2), Louis XVI opposa d'abord son veto. Mais, on le violentera jusqu'à ce qu'il cède. Camus déclara devant l'Assemblée, que la patrie serait en danger si le roi persistait dans son refus (3). Et le surlendemain l'infortuné monarque sanctionna cette loi funeste qui allait ouvrir l'èiv sanglante des persécutions.
Jusqu'alors la Révolution ne s'était attaquée légalement qu'aux biens de l'Eglise, à partir du 27 novembre 1790, elle s'en prit aux personnes des ministres de la religion.
Non seulement la loi destituait tous les ecclésiastiques qui, ayant refusé un serment schismatique et condamné par le Pape (i), « continuaient à s'immiscer dans aucune di1 leurs fonctions publiques, ou dans celles qu'ils- ('.tenaient en corps »; mais ils « seront poursuivis comme perturbateurs de l'ordre, condamnés comme rebelles à la loi », privés de tous leurs droits politiques, déclarés incapables de toute fonction publique. L'évêque insermenté qui, persistant à se croire èvêque, ordonnerait un prêtre, publierait un mandement le curé qui oserait baptiser, confesser,
(1) Taiue. La Muolution, t. 1, p. 235.
(2) M""iletir, séance du 1er juin 1700. Discours de Canins, Treilluird, etc.
(•) Séance du 2;i novembre.
''0 Brefs de Pie VI, des 10 mars et 13 mai 1791 et <ln I!) mars 1792.
dire la messe, tombent sous le coup de cette loi (1).
Tous les catholiques encouraient les mêmes poursuites et les mêmes déchéances, car tous les électeurs, les officiers municipaux et les fonctionnaires de tout ordre, étaient obligés au serment; or ce serment, leur conscience et les défenses formelles du Souverain Pontife leur interdisaient de le prêter. Les voilà donc légalement expulsés des administrations, des élections, et particulièrement des élections ecclésiastiques que le chsf de l'Eglise avait déclarées illégitimes et sacrilèges par son bref du 13 mai 1791.
« Admirable loi, dit M. Tainc, qui, sous prétexte de réformer les abus ecclésiastiques, met tous les fidèles, ecclésiastiques et laïques, hors la loi (2) ».
Ce début promettait; la Révolution a tenu ce qu'il promettait. Le 2',) novembre 171)1, la faculté accordée aux prêtres insermentés de louer des édifices pour y exercer le culte, leur fut enlevée, la petite pension alimentaire qui était la rançon de leurs biens confisqués, leur fut retirée; ils furent déclarés « suspects de « révolte contre la loi et de mauvaises inten« tions contre la patrie », ils furent soumis à une surveillance spéciale; les administrations locales étaient autorisées à les expulser sans jugement en cas de troubles, et s'ils étaient expulsés par les administrations locales, ils devaient être déportés.
La Révolution fit encore un pas en avant. Le G avril 1792, toutes les congrégations religieuses, que la loi du 13 août 1790 avait laissé subsister, étaient supprimées, c'est-àdire « toutes les congrégations séculières (dans lesquelles on ne fait pas de vœux solennels) d'hommes et de femmes ecclésiastiques ou laïques, même celles qui, vouées à l'enseignement public, au service des hôpitaux, au soulagement des malades, avaient bien mérité de la patrie. »
Le 6 mai suivant, tous les ecclésiastiques insermentés reçurent, par décret de l'Assemblée législative, l'ordre de se réunir aux chefslieux de district et furent placés sous la surveillance des municipalités.
(1) Loi du 1er avril 17!)1, ahrogée, il est vrai, la 7 mai I suivant, sur la motion de Talleyrand oui fait décréter (<w théorie) In liberté illimitée "des cultes, mais rétablie le 29 novembre de la même année. Taine, In Révolution, t. I, p. 237.
(̃2) lôid.
Le 24 mai, nouveau décret qui les condamnait en bloc à la déportation.
Mais le Roi résista; sa conscience, qui lui reprochait la sanction donnée à la Constitution civile du clergé, se révolta à la fin et il opposa son veto à tous les décrets de proscription.
N'importe; ils seront exécutés quand même. D'ailleurs, ils ne sont que la consécration légale d'excès déjà commis. Et puisque le Roi gêne, si réduit que soit son pouvoir, le Roi sera renversé. Le refus de coopérer aux attentats contre la conscience des prêtres fidèles sera un des principaux prétextes de l'émeute du 20 juin (1), et, dès que Louis XVI a perdu la liberté avec la couronne, l'Assemblée s'empressera de voter une seconde fois les mesures de proscription repoussées par l'infortuné monarque (2).
LES PREMIERS RÉSULTATS
Considérons tes premiers résultats de ces débuts de la Révolution dans l'ordre religieux.
Contre la suppression des ordres religieux, les réclamations populaires avaient été énergiques, touchantes, universelles. Les 'suppliques envoyées à la Constituante de tous les points de la France remplissent cinq dossiers aux Archives nationales. Partout, au nom de la charité et des pauvres, les pétitionnaires demandaient la conservation des moines, qui sont « les Pères des pauvres ». qui nourrissent des villages entiers pendant les années de disette, qui sont toujours les premiers « à réclamer leur part dans les charges publiques », qu'on trouve « partout où il y a des sacrifices à faire », qui se dépouillent de tout ce qu'ils possèdent pour secourir les habitants du voisinage et dont la suppression « serait une perte irréparable » pour le pays environnant,
(1) Tainc, ha Révolution, t. Il, cliap. vu, pp. 186209, passim, notamment p. 187 et 20(i « Sire, sire, dit au Roi un énerguniène pendant l 'envahissement des Tuileries, je vous demande, au nom de? cent mille hommes qui m'eutourent. :la sanction du décret contre les prêtres. » Et la foule hurle « A bas le Veto! Il faut q.'il signe; nous née sortirons pas d'ici qu'il ne l'ait fait. » Déposition des quatre gardes nationaux Lecrosnier, Gassé, Bichault, Guibault. Rapports d'Aclocqtie et Laehesnaye, chefs de légion. (2) Loi du 18 août 1792.
parce qu'ils en sont « les Pères communs et bienfaiteurs » (1).
Naturellement, l'Assemblée resta sourde aux prières des intéressés; elle aggrava le mécontement de tout ce qu'il y avait d'honnête en France par les mesures persécutrices que nous avons énurnérées, tandis que par la Constitution civile du clergé elle ouvrit le conflit entre l'autorité civile et l'autorité religieuse, entre la conscience et la loi. L'autorité civile eut pour elle cinq évoques sur cent trente-cinq, et quels évêques Talleyrand, le seul qui ait prêté le serment civique avant le refus du Roi; le cardinal Loménie de Brienne, archevêque de Sens, qui déshonorait la pourpre comme Talleyrand déshonorait l'épiscopat; Jareute, évoque d'Orléans, l'amant public et avoué d'une danseuse de l'Opéra, la Guimard Gobel, évêque de Lydda, « un intrigant » selon M. Thiers (2), dont la bienveillance est cependant sans bornes pour tous les hommes de la Révolution enfin, Lafont de Savines, évêque de Viviers, c'est-à-dire quatre incrédules débauchés et un fou, car le pauvre Lafont de Savines a déjà le cerveau détraqué. Bientôt, on sera obligé de l'enfermer à Charenton, et lorsque, après plusieurs années, il en sortira à peu près guéri, il déplorera amèrement ses fautes. Tels furent les Pères de l'Eglise constitutionnelle. Autour d'eux, se rangea tout ce qu'il y avait de prêtres pressés de jeter soutanes et célibat aux orties. Parmi eux, plusieurs avaient déjà pris des acomptes sur le mariage qu'ils contractèrent bientôt publiquement^), tous les ecclésiastiques interdits, tous les moines défroqués et aussi tous les prêtres peu courageux, tous ceux qui, par ignorance, incapacité, défaut de jugement, ne se rendaient pas compte de la portée du serment qu'on leur «demandait.
(11 Archives nationales i), XIX, car tous 14, lo, i'-i. Pétitions de 700 familles de Câteau-Camhrésis, des notables de 'Sierck, près de Thiouville des habitants de Domiùvrc en Lorraine, de Saint-Saviu dans les Pyrénées, de Moutiers-Saint-Jean. près de Seiuur en Bourgogne; de Morley en Uarrois; des officiers municipaux et de quantité de mauants et habitants (1 Airvault en Poitou. L'abbé de Domièvre, générales chanoines réguliiers de Saint-Sauveur, possède un revenu personnel de 23 mille livres. Eu onze ans. il a versé plus de 2<ï!i mille livres entre les mains des ouvriers et des pauvres. Mitf., carton 11, Taine, L'Ancien rêyime. p. \'i.
(2) Histoire 'in In Hrxolatiou, t. V. p. HP.
{') Le 22 janvier 11112. un prêtre, présente i\ I Assemblée légis! ativr. su femme et ses <|ti. lire enfants. (I est admis an: t honneurs de la séniice. WIIit, Iocj <:itato, 9.é:3.
Malgré toutes ces causes jointes à la décadence de l'ordre monastique (1), c'est à peine si un tiers du clergé de' France obéit à la loi schismatique; beaucoup se rétractèrent presque aussitôt.
Dans le diocèse de Besançon sur 1,400 prétres 1,000 refusèrent le serment, 330 le prêtèrent, et sur ces 330, 80 le rétractèrent. Dans le Doubs les jureurs formèrent le quart à peine des prêtres dans la Lozère, il n'y en eut que 10 sur 430.
L'autorité religieuse eut pour elle 131 évêques sur 135 et tout ce qu'il y avait d'honorable dans ce clergé et dont les vertus feront l'admiration de toute l'Europe (2). Autour de l'épiscopat quasi unanime, autour de ces quarante-six mille prêtres inébranlables (3) et de tous ceux qui se relevèrent après une première chute, se rangea (-4) l'unanimité des croyants, et de ceux qui, éclairés par la persécution ellemême, redevinrent croyants. Or, c'était « toutes les femmes de la classe inférieure « ou moyenne, et sans compter la noblesse « provinciale, la majorité des paysans, la po« pulation presque entière dans plusieurs « provinces à l'est, à l'ouest et au mi« di (o). »
Voilà donc la guerre ouverte entre la foi catholique et la Révolution, guerre violemment oflensive de la part de la Révolution, énergiquement défensive de la part de la foi catholique.
Partout le vide se fit autour des intrus. « En Vendée, sur cinq à six cents paroissiens « il y a dix à douze assistants. Le dimanche « et les jours de fête on voit des villages en« tiers aller à une et deux lieues entendre la « messe orthodoxe les paysans disent que si « on leur rend leur ancien curé « ils paieront « volontiers double imposition. » En Al« sace « les neuf dixièmes au moins des ca« tholiques refusent de reconnaître les as« sermentés. » Même spectacle en Franche-
(t) Voir sur la décadence de 1 ordre monastique au dix-huitième siècle, Moutalembert, Les Moines d'Occident. introduction, chap VII, passrm (2) « J'ai commencé t'étude de l'ancienne Société. plein de préjugés contre le clergé français; je l'ai finie plein de respect », avait écrit Tocqueville, L'ancien régime et la Révolution, p. 111).
(3) C'est le chiffre que donne Taine, La Révolution, t. I, 238.
(4) Le nombre eu était assez important dès le commeuceineut de IÏ92 pour que Pie VI pût alt'i* dans un Bref du 19 mars 17111 les féliciter publiquement.
('̃>) Taiue. ll,id. 1, 439.
« Comté, en Artois, et dans dix autres pro« vinces (1).
A la désertion, les sectateurs de l'intrus répondirent par la violence. Ils n'étaient point des paroissiens très fervents, mais ils étaient des protecteurs très ardents. « Sceptiques, « déistes, indifférents, gens du club, membres « de l'administration, ils viennent à l'église « comme à l'hôtel-de-ville ou à la société « populaire, non par zèle religieux, mais par « zèle politique. » (2). Pour soutenir la Constitution tous moyens leurs furent bons émeutes, expulsions, attentats à la pudeur et à la vie, assassinats.
Dès les premiers mois de 1791 la chasse commença contre les fanatiques, c'est ain,-i qu'on appelait alors les catholiques, aujourd'hui on tente d'émeuter le stultorum infinitus numerus en les affublant, du nom de cléricaux la loi était pour eux, car elle garantissait encore le libre exercice des cultes; mais la Révolution n'a jamais su observer et faire observer les lois favorables à ses adversaires, et, bon gré mal gré, ceux qui préférèrent la communion du Pape à la communion de la Constituante furent rangés parmi les adversaires de la Révolution.
La série d'épurations à contresens qui finira par donner à la lie de la nation tout, pouvoir sur la France était commencée (3), les administrations locales, làches ou fanatisées, laissaient faire le peuple, c'est-à-dire les vauriens de chaque commune ou les bandes dont c'est le métier parfois elles dirigent elles-mêmes les expéditions contre les orthodoxes, qui partout forment la majorité. A Paris, sous les yeux des législateurs, nue foule de femmes et d'hommes déguisés en femmes, envahit le 9 avril 1791 le monastère des Filles de la Charité, les poursuivit dans tous les coins de ta maison et du jardin, les accabla de coups et d'injures plus cruelles que la mort. Trois sœurs attachées à la paroisse de Sainte-Marguerite succombèrent des suites de ces indignes traitements (4).
(1) 'faine, lliiii. 2:s<i, d° après Bui-.lie.z ut Ronx, t. XII. 77. Rapports de (iallais et (iensonué envoyés dans la Yuudèe et tes D.uix-Sèvres (25 juillet llH'l). Arch. nat., f. 3.2o3. Lettre du Directoire du Bas-Rhin d'appel d'une lettre du 7 junv er 1792). Le District de M'ichccui, de 1788 ri 1703, par Laitier. ffstuire de Joseph lebon, par Paris. Sauzay, t. I et II tout untierc.
(2, /Ajd.,239.
Ci) ht. L* Rénulutinn, t. 11. cliap. XII. S S, qui décrit les produits de cette série d'épurations ù çoiitru-sens. (i) L'Eglise pendant la Révolution, par M. l'alibé •laser, t. Il, liv. Xllf, p. 274.
Un autre jour l'église des Théalins, louée par les orthodoxes avec toutes les formalités, fut envahie par une horde furieuse qui dispersa les prêtres et Içs asssistants, renversa l'autel, profana les vases sacrés. « Un harangueur en chef placé sur les marches. conclut, dit un témoin oculaire, qu'il fallait à tout prix empêcher le schisme (!), ne souffrir aucun autre culte que le sien, fouetter les femmes et assommer les prêtres » et aussitôt la populace passa de la théorie et à la pratique (1).
Mêmes attentats à la pudeur et à la vie contre les femmes catholiques de Lyon, le jour de Pâques 1701.
Mêmes ignominies cruelles en cent endroits à Sablé, en janvier 1792, contre des religieuses à Toulouse, le 23 février, contre les Carmélites à l'île de Ré, le 5 avril et à Bordeaux le 8, contre des femmes; au mois de mai, à Dinan, à Rennes, à La Rochelle, dans le Vaucluse, contre des religieuses, tantôt pour les forcer à aller à la messe schismatique, tantôt pour les punir de vouloir rester catholiques (2).
Cela devient une institulion; car ce genre d'attentats assouvissait les deux passions maîtresses de la canaille révolutionnaire la cruauté et la lubricité.
Des sociétés se formèrent pour exploiter la proie offerte à Montpellier, à Arles, à Uzès, à Alais, à Nîmes, à Carpentras, dans la plupart des villes ou bourgs du Gard, du Vaucluse et de l'Hérault. Toutes prirent le nom de Pouvoir exécutif; plusieurs firent porter à leurs membres un signe visible de reconnaissance, une médaille; elles déclarèrent qu'elles agissaient de leur propre autorité et qu'il fallait « brusquer la loi. » Leur prétexte était la protection des prêtres jureurs et, pendant vingt mois, elles les protégèrent en effet le jour en fustigeant les femm es dans les rues et en chassant, le sabre en main. les prêtres insermentés des autels et des églises; la nuit en envahissant les maisons « des citoyens suspectés d'incivisme », ecclésiastiques non jiircurs, Frères des écoles chrétiennes, etc. Armées de gros bâtons noueux hérissés de pointes de fer, sans compter les ̃sabres et les baïonnettes, on les vit briser ou voler (ont les maisons qu'elles <ivaliissaient, enjoignant au propriétaire de vider le pays dans les vingt-quatre heures, et j>ar-
il) Taiin:, llùil.< iil.
(i) Vetter, loi:, citât., jip, Ii;MU.
fois l'assommant par surcroit de précaution (1). ).
Mêmes scènes et plus odieuses encore se passèrent dans le Pas-de-Calais, le Bas-Rhin, rille-et-Vilaine, la Mayenne, l'Orne, la Moselle, les Landes, partout. Dans le Vaucluse, l'Ardèche, le Gard, le Cantal. la Corrèze, le Lot, la Dordogne, le Gers, la Haute-Garonne, l'Hérault, la persécution religieuse atteignit son maximum d'intensité. Prêtres, nobles, artisans, laboureurs, tous ceux « qui n'assistaient point à la messe du curé constitutionnel furent rançonnés, pillés, parfois tués. Aux pauvres gens, on prenait 5, 10, 20, 40 francs, tout le pain de la huche, tout le vin de la cave. Les riches virent leurs châteaux brûlés et démolis, plusieurs propriétaires furent tués, toujours et sous prétexte de chasser les curés qui n'ont pas prêté serment et leurs partisans » (2).
A tous ces attentats, le clergé répondit par une patience, peut-être excessive, mais à coup sûr extrême. C'est lui qu'on voulait rendre responsable de tous les troubles, et cependant il était impossible de le prendre en faute quelque envie qu'on en eût. Sauf la prestation du serment civique interdite par le SouverainPontife, il subit tout, souffrit tout, accepta tout. A deux reprises, le 18 février et le 6 mai 1792, le ministre de l'intérieur, M. Cahier, puis le représentant français de Nantes constatèrent officiellement à la tribune de la Législative que « pas un prêtre n'avait été puni « par les tribunaux comme perturbateur du « repos public, quoique plusieurs eussent été « accusés. »
Les fidèles ne furent pas toujours aussi patients, et souvent ils repoussèrent par la violence les indignes pasteurs que la Révolution prétendait leur imposer par la force. A Espagiaac (Lozère) les huées des femmes et des enfante, leurs menaces empêchèrent l'installation du curé jureur, on lui reprochait d'être protestant, marié, père de famille. Il ne put même entrer dans l'église, car un grand nombre tic femmes qui s'étaient assemblées devant If -s portes les obstruaient a dessein. Le lendemain on l'installa, mais à grand' peine, au. milieu des lamentations des femmes qui déploraient le remplacement de leur an-
(1) Taiuc, Ibirl., p. 443. Lettres des curés d'iizès et fl'Àlais. des administrateurs du Gard, du procureursyndic. Pétition de MM.Thueré et Devès au nom des opprimés de Montpellier, etc., etc.
\'i) T.'aiae, Jbid., p. 4'il-356. passim.
cien curé. Lors de son retour dans les rues, les passants détournaient la tète avec mépris, se couvraient le visage de leur chapeau ou se jetaient à terre pour ne pas voir le jureur. Il ne trouva personne pour lui servir la messe et pour sonner les cloches; le peuple menaça de le maltraiter s'il les sonnait lui-même. A Fan, district de Saint-Chély, même département, le curé constitutionnel se plaignit d'avoir été assailli la nuit, d'avoir vu « sa curé expoiiée », ses portes et vitres brisées. L'évèque jureur ne fut pas mieux traité. Les quatre vicaires furent comme lui insultés chaque jour dans leurs fonctions et ne purent faire un pas sans être hués. Ils prétendirent même que, s'ils étaient sortis, ils auraient couru le danger d'être assommés à coups de bâton. Dans les départements très catholiques du Haut et du Bas-Rhin, du Doubs, du Jura, des DeuxSèvres, de la Vendée, du Finistère, du Morbihan, des Cûtes-du-Nord, de pareilles scènes furent quotidiennes. « La malveillance publique interrompt la messe de l'intrus, dit un rapport, menace sa personne et finit par l'expulser (1) ».
Que font donc la Constituante et la Législative pour garantir les biens, la sécurité et la vie de prêtres contre lesquels on ne peut formuler de griefs et pour sauvegarder la liberté religieuse si solennellement promise par l'article 16 de la Déclaration des Droits de l'Homme devenu partie intégrante de la Constitution de 1791. Loin de réprimer les attentats de la population, la Constituante les amnistie en septembre 1891 et, deux mois après, le 29 novembre, la Législative les sanctionne par le décret que nous avons analysé, décret non-seulement exécuté, mais outrepassé malgré le veto du roi.
(A suture.)
(1) T.iine. t. T, p. 438. Archives nationales F. 7,3236 (Lozère, juillet-novembre 1791.) Délibération dn district de Florac, 6 juillet 17SI1 et procès-verbal du commissaire du département sur les troubles d'Espn^iiar. Lettre du curé de Fan, 8 sept. 1701. Le :i0 décembre un autre c.nrr qui vient prendre possession de sa cure est iissnilli à coups de pierre pnr soixante femmes et poursuivi ainsi jusque hors de la paroisse. Pétition do l'évèqnc constitutionnel de la Lozère et de ses quatre vicaires. A Saint-Dié. sur le passage de l'évèque constitutionnel on chantait: JJaudru, Maudrii, évêque intrus. (Le troisième vers rimait avec les deux premiers.; Le maire interdit de chanter désormais cette chanson. L'arrêté en reproduisait In texte. Alnis les enfants se mirent Ù réciter l'arrêté dès qu'ils apercevaient le piélat dont le nom rimait si malheureusement. F. Jiuruard. Le Clery constitutionnel.
VARIA
TRAVERSÉE D'UNE MONTAGNE PAR UNE FLOTTE
En 1438, les Vénitiens firent porter vingtcinq barques et six galères, depuis l'Adige jusqu'au lac Benaco, en traversant le mont Baldo. La République était en guerre avec Visconti de Milan et avec le duc de Mantoue. Brescia bloqué demandait du secours mais Piccinino, général des troupes lombardes, ayant occupé les terres de Lugana et de la Gardesana, les Vénitiens ne pouvaient secourir Brescia que par le lac, dont la partie supérieure seule était encore libre.
Dans cette extrémité, un certain Blaize de Arboribus et Nicolas Serbolo proposèrent au gouvernement de Venise de faire passer par les montagnes une flotte, depuis l'Adige jusqu'au lac. Elle se composait de 25 barques et de 6 galères. On les fit monter à peu de distance de Roveredo; mais il y avait encore une quinzaine de milles pour arriver à Torbole, à travers les crêtes des montagnes, au milieu desquelles se trouvent, dans le massif du mont Baldo, le lac de Saint-André dans lequel on voulait faire entrer la flotille. On réunit deux mille bœufs il en fallait deux cent quarante pour chaque galère. Une nuée de sapeurs, d'ouvriers, d'ingénieurs ouvrirent la route, aplanirent le terrain. Après des efforts inouis, après des travaux dont on ne peut se faire une idée, la Hotte arriva jusqu'au lac Saint-André. Il restait à faire l'ascension du mont Baldo on y parvint par l'industrie humaine et par une volonté de fer; les navires arrivèrent enfin au sommet de la montagne. De là il fallait les lancer dans le lac, opération rendue très-difficile par les dangers de la descente. Les navires furent attachés aux arbres et aux pointes de rochers et, en dévidant prudemment les cordages, on les glissa l'un après l'autre dans ces horribles précipices. Après quinze jours de voyage par terre, la flotte arriva sans accident jusqu'à Torbole, où elle fut lancée dans l'eau et équipée.
Cette merveilleuse opération coûta quinze mille ducats au gouvernement vénitien
(75,000 fr.), somme énorme pour l'époque. Le sénat accorda cinq cents ducats de pension à Serbolo pour sa merveilleuse et vraiment héroïque entreprise. Ceci en effet égale, surpasse peut-être en audace le passage des Alpes par Aniiibal, tant vanté j:ar les historiens. Certains auteurs ont raconté, entr'autres prodiges, qu'il faisait fondre la glace avec du vinaigre [chauffé?)
La bibliothèque capitulaire de Vérone conserve inédite la Historia de Belle Gallico, de Georges Belivaqua de Lacisio, qui rapporte les plus minutieuses particularités du fait. On peut consulter aussi Romanin, Storia docttmentata de Venezia, IV, 196. Un poète du même siècle, Lodovico Merchenti, chanta le merveilleux événement dans son Benacus qui est inédit et se trouve à la bibliothèque Marciana de Venise. La bibliothèque municipale de Vérone possède une copie du Benacus de Merchenti
L'abbé M. Maupin
LES SOURCES DU NIL AU XIIIe SIÈCLE Un savant catholique, qui vit retiré près de Tours, possède, entres autres richesses littéraires, une Bible in-folio écrite en hollandais, imprimée à Dordrecht en 1866 et magnifiquement reliée. Il y a dans ce livre une carte de l'Afrique où le Nil est indiqué comme prenant sa source dans deux lacs. L'un reçoit deux grandes rivières. La description de l'intérieur de l'Afrique est donnée il serait curieux de la comparer avec les relations de ce qu'on a récemment découvert, ou mieux, on le voit, retrouvé, car le grand fait du Nil prenant sa source dans deux grands lacs, est là nettement indiqué. Le docte propriétaire, en nous montrant cette carte. faisait seulement observer que les lacs au lieu d'être mis sous l'équateur, étaient placés de plusieurs degrés au sud; et que le lac Vittoria ne communiquait pas avec le lac Albert, mais que les deux fleuves qui prennent leur source dans ces lacs se réunissaient au Nord pour former le
Nil. Le même bibliophile possède aussi une géographie grecque par Dionysius, traduite en latin par Edouard Wells (Oxford, 17.'W). Dans la carte qui est jointe à l'ouvrage, le Nil est représenté comme prenant sa source dans deux lacs. Dionysius mentionne que le Nil passe au milieu rie deux chaînes de montagnes, mais il ne dil rien des lacs. Wells annonce qu'il a enrichi son édition des découvertes modernes en géographie. Il semblerait d'après cela, comme le faisait observer mon ami, que l'origine des sources du Nil a été connue, qu'il n'y a donc pas eu de découverte nouvelle, mais une confirmation d'un fait géographique qu'au dix-septième et au dixhuitième siècle on savait parfaitement, mais qu'au dix-neuvième, malgré l'instruction supérieure organisée par la Révolution, on avait oublié.
LE PROGRAMME ÉCONOMIQUE DES CATHOLIQUES ALLEMANDS
Au congrès d'Aulun beaucoup de résolutions ont été prises. La première à mettre en pratique est l'union de toutes les forces catholiques sur le terrain économique. Les catholiques allemands. si éprouvés par le Gultuikampf l'ont bien compris et ils puisent dans cette union une puissance qui se manifeste de plus en plus par leur succès aux élections et par le mouvement de rapprochement chaque jour plus sensible des partis hostiles à l'idée révolutionnaire.
Le programme suivant recommandé aux conservateurs par le Urischhofe est à cet égard un symptôme caractéristique
Maintien des prérogatives royales: maintien du caractère chrétien de !'Etat dans la société, l'école, dans la famille (abolition du mariage civil, exil des juifs);
Fin da Culturkampf par la révision des lois de mai;
Acceptation des réformes économiques proposées par l'Etat;
Protection de la classe ouvrière et agricole
Réforme du crédit agricole;
Abolition du colportage et du commerce à domicile (concernant le bétail, les objets metnufacturés, l'eau-de-vie).
Réunion des métiers en corporation; Etablissement de nouveaux canaux et voies d'intérêt local
Protection du travail et des productions nationales
Abolition du travail le dimanche.
Un résultat semblable se produira cri France lorsque li1 programme de» catholiques appa-
raîtra au grand jour avec l'éclat que donne un mouvement d'ensemble.
Le drapeau de la conservation, qui semble unir aujourd'hui tous les adversaires de la Révolution n'en est pas un en réalité il abrite sous ses plis une toute sans cohésion comme sans principes, jusqu'aux conservateurs même des plus criants abus.
L'armée ainsi formée n'est pas capable de résistance, elle cédera au premier choc sérieux. Mais ses débris flottants et inquiets se rallieront nécessairement au programme des catholiques dont la formule vient d'être acclamée au congrès d'Autun pour la troisième fois en quatre mois. {Association catholique,.
MÉMOIRES D'UN ACCUSÉ
Nous n'avons pas d'ouvre plus pressante à l'heure actuelle que d'essayer de sauver l'école chrétienne de la ruine dont la menace la Révolution. C'est l'avenir de la patrie qui est en jeu. Former dos chrétiens, c'est faire des Français.
Mais cette œuvre n'est pas la seule. A côté d'elle il en est d'autres, d'un intérêt aussi immédiat et dont la mise en oubli compromettrait le succès de l'enseignement chrétien luimême. Nous voulons parler de la réforme de l'usine et de l'atelier.
On cite les ateliers où la loi de Dieu est respectée, la religion honorée, où l'ouvrier et l'ouvrière ne sont pas fatalement condamnés à perdre leur foi et leurs mœurs. Ce sont de consolantes exceptions qui ne mettent que mieux en relief la cynique impiété, la profonde démoralisation qui régnent partout, dans les agglomérations d'ouvriers et d'ouvrières.
L'imprévoyance et la sotte infatuation des politiciens républicains qui se prennent et se donnent pour des hommes de gouvernement, ne se montrent, peut-être, dans aucun de leurs actes, avec plus d'évidence, que dans les rigueurs dont ils menacent les récidivistes, et à l'aide desquelles ils se flattent, sans doute, d'assainir et de régénérer la société. Il sied bien, en vérité, à des sectaires qui excluent le catéchisme de l'école et n'édictent pas une loi qui ne tende à proscrire la religion, de vouloir infliger dés châtiments exemplaires aux tristes victimes de l'impiété et de la corruption dont ils sont, eux gouvernants, les premiers et les plus ardents apôtres. Ils sapent les bases de la morale et ils se proposent de sévir contre ceux qui en méconnaissent les lois! Un peu plus de logique, ou un peu moins de mauvaise foi, leur permettrait de comprendre qu'en chassant Dieu de la société, ils se
sont enlevé le droit d'en chasser le vice et le crime.
La cour d'assises de la Seine vient déjuger un nommé Georges Gallois, accusé de vol avec effraction. Gallois est un récidiviste des plus dangereux, c'est-à-dire un des produits les plus authentiques de notre société sans Dieu et sans religion. Une fois déjà il avait été condamné à six ans de réclusion. Cette affaire, dit un journal de Paris, n'aurait présenté aucun intérêt sans la lecture qu'a faite l'avocat de l'accusé du mémoire que celui-ci lui a adressé.
Quelques extraits de ce mémoire nous paraissent contenir, en effet, le réquisitoire le plus écrasant qui ait jamais été prononcé contre la société, telle que les doctrines révolutionnaires l'ont faite, contre ce progrès moderne qui nous ramène au paganisme, contre cette civilisation qui n'est, suivant un mot connu, « qu'une barbarie éclairée au gaz ». Voici l'acte d'accusation de cette société marâtre, de ce prétendu progrès, de cette civilisation menteuse, le voici formulé par une de leurs victimes
« A l'âge où l'enfant inconscient quitte à peine l'asile, l'état de veuvage de ma mère joint à une profonde détresse me mettait dans la triste nécessité de courir les fabriques d'indiennes, de papiers peints et autres industries dans lesquelles on emploie les bras de l'enfance.
« Le produit de mon travail, sL.restreint qu'il fût, était alors indispensable à notre entretien journalier. Alors que mon intelligence eût eu besoin d'être développée par les bons conseils et les soins attentifs d'une mère, alors que ma raison recevait toutes les empreintes, je n'avais, pour frapper mon imagination, que les vices et l'abrutissement de ceux qui payaient mon travail.
« A chaque instant du jour mes yeux avaient pour spectacle les gestes obscènes de quelque brutal, mes oreilles étaient frappées de quelques propos décolletés, de récits de ribottes, de débauche et d'escroqueries commises au préjudice des hôteliers, qualifiées par ceux qui s'en rendaient coupables de bonnes farces et dont la plupart riaient à qui mieux mieux!
« A l'âge de huit ans, tels étaient mes professeurs 1.
« Le résultat fut trois mois, quatre mois, puis une année d'emprisonnement. J'eusse pu revenir au bien, mais la détention en commun, bien loin de me régénérer, eut sur moi une influence fatale!
« Je fus jeté à dix-sept ans en contact avec des hommes de cinquante ans, qui m'initiè-
« rent dans un style d'argot, neuf pour moi, « à des choses dont j'ignorais complètement « l'existence et qui parlaient de la prison « comme d'un jouet, bon tout au plus pour « effrayer les imbéciles. Ces hommes tarés « dont la carrière, est remplie de méfaits, ra« contaient devant moi leurs exploits, leurs « ruses pour dépister la police, ainsi que le <c détail de choses pour lesquelles il avaient « été condamnés plusieurs fois! Le tout était « rapporté de façon à excuser leur conduite « par une philosophie et des maximes à eux « propres, dans le genre suivant
« Le commerce, quel qu'il soit, est un vol « manifeste, etc. »
« J'appris à lire et à écrire, je ne sais où ni « comment, sauf quelques leçons reçues de ci « de là, d'un vieux chapelier voisin de ma « mère et presque aussi misérable que nous« mêmes! Dès que je sus lire un peu, je fis « grand usage de ce don et ce fut là où je « puisai le peu d'instruction que j'ai acquis, « n'ayant pas trouvé dans mon enfance ni le « temps ni les moyens de m'instruire! « En sortant de prison, le dégoût s'empara « de moi. lorsque, me rendant compte de ma « situation, je me vis forcé de décliner une « offre de mariage qui m'assurait pour l'ave« nir une position avantageuse et que mon « état de rupture de ban rendait impossi« ble.
« Porté au bien par nature bien plus qu'au « mal, si dans ma première jeunesse j'eusse « eu un guide attentif pour diriger mes pas « encore incertains, si on m'eût inculqué des « sentiments droits et loyaux. jamais je « n'aurais connu la souffrance dans ce qu'elle « a de pénible, la perte de l'estime sociale! « Jamais je ne sentis comme en ce moment « toute l'horreur de ma destinée. Jamais je « ne fis de réflexions aussi profondes qu'au « moment où je trace ces lignes! Jamais non « plus je ne ressentis plus vif le désir de ra« cheter le passé, de revenir au bien et de réi« parer, par une existence exemplaire, les « fautes que j'ai commises
« Dieu veuille qu'il ne soit pas trop tard! » Le jury n'en a pas moins rendu un verdict affirmatif en vertu duquel la Cour a condamné Gallois à vingt ans de travaux forcés.
Comme en présence de pareils aveux on apprécie mieux toute la beauté et l'opportunité des laïcisations forcenées exécutées par la Révolution Laïcisation de l'enfance par la suppression du catéchisme dans l'école, de la famille par le mariage civil et le divorce, de l'atelier et de l'usine par la franc-maçonnerie et l'Internationale, de la prison elle-même par la suppression de la prière.
(Le Citoyen de Mai,seille.)
LA COMÈTE DE 1882
Beaucoup de nos lecteurs ont vu la comète qui a paru dans le ciel l'automne dernier. Elle a été le sujet de nombreuses observations dé la part des astronomes, et à présent on peut connaître les plus intéressantes d'entre elles. La savante revue des pères jésuites italiens la Civil ta cattolica (n° du 16 décembre 1882) les a résumées en quelques pages pleines de précision. Nous sommes heureux d'en présenter une traduction libre en offrant nos félicitations au docte religieux dont la compétence en pareille matière est hautement reconnue.
« La grande comète qui vient de s'éloigner dans les profondeurs de l'espace, restera célèbre dans les fastes astronomiques par son aspect grandiose et par d'autres caractères que les astronomes ont remarqués en elle. La comète de Cruls, ainsi elle restera nommée de celui qui le premier la signala, a été vue pour la première fois à Melbourne, dans l'Australie, par l'astronome Ellery le 7 septembre, et le lendemain par Finlay, au cap de Bonne-Espérance. Mais ni l'un ni l'autre de ces deux astronomes ne pensa à annoncer par le télégraphe sa découverte, et quand la lettre écrite par Finlay arriva en Europe, on contemplait depuis un mois malgré la saison très défavorable, l'astre éblouissant. Le premier avis de son apparition fut envoyé par Omis, directeur de l'observatoire de Rio-Janeiro qui fut averti de sa présence le 10 septembre par une des stations astronomiques placées sous ses ordres. Mais il ne put, à cause des nuages, la voir que deux jours après. Dans les jours suivants au Brésil, à Santiago du Chili, en Algérie, en Espagne, en France, en Italie, lorsque la transparence et la limpidité de l'air le permit, on vit la comète en plein jour à peu de degrés du soleil. Les deux astronomes Thollon et Gouy annoncèrent de Nice qu'ils l'avaient vue à
midi le 18 septembre, et le même jour, à Joinville, dans le Brésil, le P. Cybeo, de la compagnie de Jésus, la voyait resplendissante à 3 degrés du soleil, de onze heures à quatre heures. On cite peu de comètes assez lumineuses pour avoir été vues dans le ciel en même temps que le soleil celle qui parut en l'an 43 avant Jésus-Christ après la mort de Jules César, celle de l'an 70, lors du siège de Jérusalem, les deux de l'année 1402, celles de 1532, de 1577, de 1618, de 1744, puis celle de 1843, en tout dix avec la comète de cette année pendant un espace de dix-neuf siècles, nombre bien petit si on tient compte de l'expression, pourtant exagérée d'Herschel, qu'il y a autant de comètes dans le ciel que de poissons dans l'Océan.
L'astrïfqui s'enfuit à présent dans sa course rapide vers les régions inconnues est sans doute un des plus brillants qui de mémoire d'homme ont visité notre sphère. Quelques observateurs ont dit que son éclat égalait celui de Sirius qui est la plus splendide des étoiles; d'autres l'ont comparé à Jupiter, qui est avec Venus la plus splendide des planètes. Mais pour se faire une idée de son éclat, voici une démonstration très curieuse et tout à fait particulière. On se rappelle que parmi les télégrammes envoyés par les astronomes qui, des divers points du monde, s'étaient mis à observer l'éclipse du 16 mai dernier, il y en avait un dans lequel M. Common annonçait qu'il y avait une comète près du soleil. Chacun comprend que ce voisinage pouvait être seulement apparent, car la comète, sans se trouver très près du soleil, devait, à l'oeil, le paraître, si elle se trouvait dans la même direction, encore qu'elle fut très loin de l'astre solaire. Mais, si on admet cette supposition, la preuve de l'éclat de la comète deviendra d'autant plus forte qu'on jugera l'astre plus éloigné alors du soleil, puisqu'il était cependant
capable de surpasser la lumière qui entoure le soleil, même pendant une éclipse totale. L'argument devint décisif lorsque quatre mois plus tard, après avoir parcouru des millions de kilomètres, la comète parut visible près du disque solaire.
Il faut ici rappeler que les astronomes distinguent dans les comètes non seulement la tête et la queue, comme on le dit vulgairement, mais dans ta tête ils distinguent le noyau
dans lequel, ù proprement parler, consiste l'astre, et la chevelure qui le couronne et ensuite se continue dans la queue. Or, le noyau de la comète de 1882, quand il fut observé par Cruls le 12 septembre, mesurait, au dire de cet astronome, 60 secondes d'arc. Thollon en l'observant le 18 septembre l'évalua seulement à 15 secondes. Cela posé, il est facile de calculer que le noyau avait 10,770 kilomètres de diamètre, c'est-à-dire 2.000 kilomètres de
moins que notre globe, si l'on se tient à l'évaluation de Thollnn, et quatre fois autant si le chiffre de Cruls n'est pas exagéré. Le lecteur observera que nous parlons de diamètre, par conséquent de volume et non encore de masse. De même qu'il y a sur la terre des corps oit la matière est si fluide que sous les formes les plus amples ils contiennent fort peu de substance, ainsi y en a-t-il dans le ciel, mais jamais on ne l'a vu a un aussi grand degré que dans notre comète.
Depuis longtemps, les astronomes attendaient l'occasion d'observer le passage d'un de ces astres devant le disque solaire. Si le noyau était solide on devait voir sur lui comme une tache obscure. Or, la comète de Cruls a rempli leur désir. Mais en démontrant que le noyau n'est pas solide, ils ont reconnu forcément son extrême fluidité. Le passage de la comète devant le soleil n'a été observé que par Gill et par Finlay au cap de Bonne-Espérance. Les deux astronomes ont suivi l'astre lorsqu'il s'approchait du bord du disque solaire et ils ont noté le moment du contact, mais quand, avec l'anxiété que tout homme qui aime ces études peut imaginer, ils attendaient de savoir quelle apparence prendrait la comète sur ce fond lumineux, ils ont constaté qu'elle était devenue invisible et elle ne reparut qu'en émergeant du côté opposé. Elle était donc d'une substance plus fluide que le nuage le plus léger qui, s'il ne peut intercepter les rayons solaires, paraît au moins éclairé. Du reste, si l'on tient compte de l'inconcevable chaleur que la comète a dû ressentir une telle proximité du foyer solaire, il semble qu'on ne pouvait rien attendre de plus. Eût-elle été de platine ou d'une autre substance la plus compacte et la plus réfractaire, elle aurait du à cette chaleur se désagréger en la plus légère vapeur. Nous ne savons à quel degré de densité et à quel état de consistance elle peut se resserrer par l'effet du refroidissement lorsqu'elle s'éloigne de nouveau dans les champs gelés de l'espace. Quant à la chevelure et à la tête tout entière, Cruls en la mesurant sur une ligne tirée a travers le centre du noyau verticalement à l'axe de la queue, en détermina la longueur à 20 minutes d'arc, c'est-à-dire à 860,000 kilomètres. Ce qui équivaut à deux tiers du diamètre solaire, mais la chevelure ne correspondant pas à la splendeur du noyau envoyait à peine un très léger éclat. La queue de cette comète fut très remarquable; laissons de côté diverses particularités relevées par plusieurs ob-
sénateurs, comme de s'étendre d'nne manière uniforme pendant 12 degrés environ, puis de se terminer tout à coup d'un côté- et de se prolonger de l'autre encore pendant quinze autres degrés; ne parlons pas non plus de l'inégalité de sa lumière, nette et bien définie dans l'un des côtés, plus pâle dans l'autre; omettons encore d'autres détails et disons | seulement que chacun a pu voir dans la comète de 1882 un nouvel exemple de queue recourbée, comme l'eurent entre autres les très belles comètes de 1811 et de 1858.
Quand les astronomes en virent une semblable en 1687, ils la comparèrent aussitôt à un cimeterre turc, pronostic évident, disaientils, de nouvelles invasions des Ottomans. Aujourd'hui ces cimeterres turcs ne donnent t point ces pensées aux astronomes, et ils cherchent en vain une explication à cette courbe, comme aux autres formes étranges que prennent quelquefois les queues des comètes. Une observation de Cruls parait être très importante pour mettre sur la voie des conjectures touchantla nature toujours mystérieuse de ces queues il dit en effet que « l'examen de la queue de la comète fait au télescope montre très évidemment et sans qu'il y ait la moindre illusion d'optique, l'aspect d'un courant de lumière très vive où l'on distinguait des fils plus lumineux que les autres, l'ensemble rappelant parfaitemeut l'aspect d'un jet de métal en fusion. Or, comme on ne peut avec probabilité regarder ce cQurant lumineux comme une émanation réelle de la matière, il reste à attribuer cette apparence de la queue à une action de lumière émanée de la comète, bien qu'aucune analogie d'autres phénomènes naturels n'aide ni à déterminer d'une manière plus précise la nature, ni à expliquer les particularités du phénomène. » La queue de la comète de Cruls mesurait en longueur environ 30 degrés, encore que nous la voyions quelquefois en biais si donc on tient compte de la distance où l'astre est de la terre et de la diminution due à la perspective, une facile opération d'arithmétique montre que sa longeur absolue est de plus de cent millions de kilomètres. Pour peu qu'elle fût plus longue, nous aurions pu quand l'astre passait entre le soleil et la terre la sentir sur notre visage. Il ne faut pas en douter quand on réfléchit que la queue des comètes a pour loi commune de s'étendre en droite ligne du côté opposé au soleil, comme si elle était une ombre lumineuse et que la distance entre le soleil et la terre est de 148 millions de kilomètres. Si
la queue était d'un tiers plus longue, nous aurions pu sans le concours de nos observatoires l'étudier à loisir et, pour ainsi dire, en faire même l'autopsie.
Les astronomes ont fait rire le public quand ils ont parlé de l'inimaginable vitesse avec laquelle la comète se dirigeait vers le soleil, courant en raison de 560 kilomètres en une seconde. Le son ne parcourt dans le même espace de temps que 13-iO mètres et un boulet de canon ne parcourt que 500 mètres. La vitesse de notre comète dans cette partie de sa course (encore qu'auparavant et après, elle a dû se ralentir en raison de la distance du centre d'attraction) dépassait donc de mille fois la vitesse d'un boulet de canon. Et cependant ce n'est rien en comparaison de la vitesse avec laquelle devaient courir les molécules extrêmes de la queue puisqu'elles avaient à parcourir deux mille millions de kilomètres dans le temps où le noyau en parcourait vingt millions.
Une autre particularité digne de remarque dans cette comète de 1882 c'est qu'on a découvert en elle comme dans la comète de Wells la présence du sodium outre celle du carbone et de l'hydrogène qui sont les éléments ordinaires que l'analyse de leur lumière révèle dans ces astres mais ce qui est encore plus remarquable c'est que les traces du sodium ont tout à coup disparu après avoir été vues clairement par divers astronomes. On peut en déduire que si les raies d'une substance montrées par le spectroscope prouvent l'existence de cette substance dans uu astre, le manque de raies n'est pas un argu-' ment suffisant pour nier l'existence de substances correspondantes: il se peut que pour iHre visibles elles aient besoin par exemple de plus haute température.
Enfin notre comète a présenté aux astronomes le phénomène de se diviser elle-même en deux, pour ainsi dire, sous leurs yeux, comme avait déjà fait en 1833 la comète dite de Biela. La comète de Cruls s'était présentée d'abord avec un noyau sphérique mais son passage à travers les incendies du soleil, bien
qu'elle en soit sortie saine et sauve, avait change son aspect. Quelques astrononomes ont observé que le noyau se trouvait allongé et le P. Ferrari le signala quand déjà il avait pris la figure d'un 8. La même observation fut faite à Palerme et le 5 octobre on vit comme deux noyaux, séparés par une zone obscure. Trois jours après l'astronome Schmidt annonçait d'Athènes qu'il avait vu une petite comète à 4 degrés seulement de celle que l'on connaissait et qui se mouvait de concert avec elle. Maintenant, que l'on sait les faits que nous venons d'indiquer, le doute sur l'origine de ce nouvel astre n'est pas permis.
Nous avons ainsi indiqué les particularités qui rendront fameuse dans l'avenir la grande comète de 1882: sa visibilité pendant le jour: sa double apparition durant l'éclipsé et quatre mois après; le passage du noyau sur le disque solaire les courants lumineux remarqués dans la queue le rapprochement de l'astre vers le soleil la vitesse prodigieuse les traces non constantes du sodium dans l'analyse spectrale la division de la comète en deux sous les yeux des astronomes. Que celui qui désire encore voir la mémorable comète de Cruls ne perde pas de temps, écrit le rédacteur de la Civilta du 16 décembre dernier, parce que, bien que ralentissant à présent son cours, elle marche sans s'arrêter vers d'autres mondes et elle ne reviendra peutêtre jamais plus dans le nôtre. Les astronomes ont bien tenté de recueill ir les éléments pour fixer la forme de son orbite, mais ils furent très contrariés par la saison défavorable et par la position même de l'astre, en sorte qu'ils ont eux-mêmes peu de confiance en la justesse de leurs calculs. Si l'orbite est elliptique, la comète reviendra et peut-être à une époque où elle pourra être revue par quelqu'un d'entre nous si elle est parabolique, elle ne reviendra pas, à moins que quelqu'autre soleil dont elle s'approchera trop, n'interrompe et ne trouble son cours indéfini.
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L'oiseau qui pénétrerait au commencement de 1883, chez les hommes d'Etat d'Europe découvrirait en son voyage diplomatique une préoccupation uniforme, se traduisant par une vive inquiétude et un malaise à l'endroit de notre république.
Les autres puissances vivent, en effet, auprès de cette voisine comme des voyageurs obligés d'être dans le même compartiment qu'un soldat armé, ivre, fantasque, auquel l'ébriété enlève la puissance, mais qui reste capable d'un mauvais coup. On peut le mépriser, mais en même temps, on le craint et il gêne.
Cette inquiétude est manifeste à notre endroit en Angleterre, en Allemagne, en Autriche, en Russie, en Turquie, en Italie et même en Chine et en Portugai, et de là, d'abord un sentiment de colère et ensuite la préoccupation de profiter à nos dépens.
L'Angleterre habituée au trafic a jugé qu'il ne fallait plus attendre, que le lion pourrait se réveiller, le soldat se dégriser, trouver des chefs et se fâcher, elle a donc commencé une série de petits profits, dont il faut d'abord entretenir nos lecteurs.
Le Léopard
Le Léopard britannique ne demeure pas oisif, il n'est pas une simple décoration aux armoiries, il sort de son cadre pour chasser, et depuis le commencement du siècle, il a trouvé de nombreuses proies sur tous les rivages du monde.
A la fin de 1882, cet adroit chasseur a fait un coup de maître Après avoir pris Chypre et nous avoir jeté en échange la Tunisie sur les bras, il s'est faufilé en Egypte et a mis la patte dessus.
Pour cela, il n'a pas combattu en preux chevalier comme saint Louis à Damiette, il a remporté une victoire de nuit à la suite de laquelle on ne paiera guère de pensions à des vainqueurs blessés, ni à des veuves éplorées, l'or tout entier a passé aux mains des vaincus qui se sont gardés de se défendre de le recevoir.
Suivant la tradition de la perfide Albion, on n'a d'ailleurs enlevé au khédive que sa souveraineté effective et on lui a laissé sa couronne et un palais y compris tous ses titres.
On exercera le métier de roi en son nom pour lui épargner les embarras.
Ce piège tendu à la vanité des princes afin de les rendre complices de la confiscation d'un peuple qui croit rester autonome, manque en soi de droiture politique, mais il ne manque ni d'habilité, ni de succès. En Chypre, aussi, le grand Turc qui a cédé 1 île, demeure suzerain, et l'Angleterre ne lui a demandé que la faveur de devenir sa vassale, avec des articles organiques au traité pour établir qu'elle est affranchie de toute dépendance.
Telle est la façon de chasser du Léopard anglais qui rétablit en ce moment sur son trône Cettivayo, le roi prisonnier desZoulous et c'est grâce à ce procédé que l'Europe, l'Egypte et le khédive mystifiés se trouvent en face d'un fait accompli l'Egypte anglaise.
La Méditerranée
Examinons ce qui résulte de cet événement capital de 1882.
Il y a quatre-vingts ans, Bonaparte, avec son coup d'œil discernait que la meilleure conquête à faire en Orient, c'était l'Egypte aux rives fertiles, c'était non seulement un grenier d'abondance, mais par Suez, c'était la clef de l'extrême Orient, de l'Afrique et de l'Asie.
De plus, l'Egypte, par sa position centrale sur la Méditerranée, domine tout le bassin de cette mer.
Or, qu'est-ce que le bassin de la Méditerranée ?
C'est un bassin délicieux entouré de rivages merveilleux sur les flots et sur les rivages duquel se dérouleront tous les grands événements du monde; il n'y aura pas une question importante qui n'ait son nœud près de ces eaux privilégiées.
C'est aux bords de la Méditerranée que Dieu planta le paradis terrestre (1); c'est sur (1) Nous reviendrons sur cette tradition qui repose sur des raisons et des textes dont l'ensemble a une grande autorité. Le paradis aurait été an sud de Bethléem. M. l'abbé qui le place au fond de l'Egypte ne contredirait pas d'ailleurs ce que nous disons des grandeurs historiques du bassin médi terranéen.
son rivage que Noé prépara l'arche à Jafla Abraham, sorti du pays d'Ur, l'a saluée en recevant la terre de la promesse Jacob a longé son rivage pour rejoindre son fils Joseph en Egypte, et le peuple de Dieu opprimé en cette Egypte sur la terre de Gesse, au bord de la Méditerranée, a repris avec Moïse le chemin de la terre promise, la terre baignée par les eaux choisies. C'est sur ces rivages que Dieu a dressé Jérusalem avec son futur Calvaire et c'est du sein des flots d'azur de cette mer que s'est élevée au Carmel, devant les yeux ravis d'Elie, la nuée mystérieuse qui signifiait la Vierge promise à la terre. La Grèce, ornée de ses poètes et de ses sages précurseurs de la vérité, semble avec ses promontoires et ses îles sortir des mêmes flots à travers lesquels Alexandre s'est élancé à la conquête du monde.
L'empire annoncé par le prophète pour succéder à celui d'Alexandre s'implante en Italie, au milieu même du bassin, et Rome devient le centre du monde. Elle l'emporte sur Carthage et elle règne seule sur la Méditerranée témoin de la grande lutte entre les deux empires rivaux.
Alors, Jésus naît là où naquit Adam, à Betléem non loin de ce rivage et bientôt il fuit le long de cette mer jusqu'en Egypte et lorsqu'il en reviendra, d'après une tradition, il suivra la côte jusqu'au Carmel et à Nazareth. Il meurt, il ressuscite, et la Méditerranée apportera à Jérusalem jusque la fin du monde des pèlerins ar. sépulcre glorieux.
Cependant, Jésus a envoyé Pierre remplacer César à Rome en cette capitale de l'univers, préparée pour lui, et « la coupole de SaintPierre verra un jour les flots de la Méditerranée que n'a jamais vu le Capitole de Romulus. »
Constantin laisse Rome au Pape et établit la capitale d'un empire qui doit être rivale de Rome sur les mêmes rives, à Constantinoplc.
Mahomet lève son étendard de guerre, et le croissant enserre le lac méditerranéen d'un côté jusqu'à l'Adriatique, et de l'autre jusqu'au cœur de la France.
Charles Alartel de France arréle les vainqueurs à Poitiers, et son petit-fils Charlemagne fonde l'Europe chrétienne qui a pour chef le Pape et pour bras la France que, depuis Clovis, le Pape nommait déjà sa fille aînée.
La France était reine de la Méditerranée, cependant la Méditerranée devait voir encore durant cinq siècles et plus, la lutte terrible
entre la Croix et le croissant. Lépante enfin rougit ses eaux de sang infidèle, et la Méditerranée engloutit à jamais la puissance de Mahomet.
De ces rivages d'où sont partis Pierre et Paul, Marie Madeleine et Lazare partent pour la conquête du monde, les missionnaires de tous ces siècles, et parmi eux Christophe Colomb.
Lorsque Louis XIV eut réuni à sa maison l'Espagne et Naples et demandé raison à Alger, on peut dire que la Méditerranée, la mer aux destinées providentielles était, devenue un lac français. Et partout en Orient la voix populaire ratifia cette parole et regarda la France comme la puissance maîtresse. La Corse donna Napoléon Napoléon prit Malte et l'Egypte et le premier, depuis tant de siècles, foula le sol de Palestine avec des soldats de France, mais s'il accrut un moment le nom français, s'il s'empara sur les rives de la Méditerranée de l'Espagne et de l'Italie, il ne garda rien, parée que Dieu n'était pas avec lui.
La Restauration nous donna Alger qui ne valait pas le Caire, mais qui était plus proche de nous et dont une colonisation intelligente aurait pu faire un pays fort riche.
La France enfin, malgré l'Angleterre, ouvrit le canal de Suez, et il semblait que Marseille devenait la reine incontestée de l'Orient. Nous avons dit quel éclat nouveau, le grand pèlerinage de France aux lieux saints avait projeté sur les rivages méditerranéens.
Sur cas entrefaites, en quelques mois, la Méditerranée dont la possession est liée à une action principale sur le monde, nous a été enlevée par l'Angleterre. Après Gibraltar et Malte, la prise de Chypre'et la possession de l'Egypte et de Suez font un lac anglais de la Méditerranée où il n'y avait qu'une grande puissance la France. Le léopard a vaincu. C'est le trop juste châtiment de la France persécutrice de l'Eglise, elle perdra encore bien d'autres prérogatives attaciiées seulement à sa mission, si elle continue à abdiquer son rôle de soldat de Dieu.
Ajoutons que l'Angleterre qui e substitue à elle protège bien autrement l'Eglise catholique que la France en ses colonies. Nos députés ont refusé avec acharnement 20,00t) fr. aux Lazaristes et filles de charité de Fiance qui ont porté si haut le nom de notre pays en Orient et à Alexandrie pendant la guerre;
certes l'Angleterre agira autrement avec ces instituts. Confessons notre honte et comprenons les récompenses temporelles transférées à d'autres.
Egypte.
La puissante Albion a donc occupé la capitale de Sésostris et les pyramides; elle vient de supprimer le contrôle que la France exerçait conjointement avec elle en ce pays avant la guerre, et elle déclare qu'elle suffira à tout et qu'elle donnera à la neutralité du canal de Suez un règlement qui satisfera le monde entier. Elle rompt les négociations entamées avec la France.
L'Europe qui regarde la France comme son ennemie et qui redoute sa république instable et ses menaces toujours à échéance, sent qu'elle est jouée; mais elle accepte le tour parce que nous sommes encore plus joués qu'elle et qu'on ne peut d'ailleurs compter sur nous pour s'opposer au fait accompli.
Allemagne Autriche
La France devient la cause d'une amitié tendre entre ces monarchies naguère ennemies d'Autriche et d'Allemagne; elles sont toutes préoccupées de s'unir pour empêcher l'alliance de la Russie avec nous.
La Russie est du reste tombée. comme la France, dans les déficits du budget, -et la France et la Russie sont deux peuples qui seront au moins unis pour courir ensemble à la banqueroute, s'ils ne sont plus assez riches pour faire les frais d'une guerre coûteuse. L'Allemagne est très mécontente de l'attitude de l'Alsace où les catholiques demeurent Français et où les libre-penseurs se font radicaux et viennent suivre le char de Gambetta, et elle signale, aux Alsaciens, par le gouverneur Manteuflel (homme du diable), qu'ils provoquent à une guerre dont ils seront certainement les premières victimes. Est-ce une menace?
L'Allemagne et l'Autriche viennent, d'autre part, d'être victimes en même temps ou successivement d'effroyables inondations, et en ce moment, de froids qui font périr quantité de personnes.
L'Autriche a eu un malheur d'un ordre à part son ambassadeur à Paris, M. de Wimpfen, s'est tué misérablement dans une des colonnes autour desquelles on colle des affiches. Quel désarroi dans les cervelles! Cet ambassadeur était devenu fou. Il était en grande relation avec le monde financier juif d'Autriche.
Italie
L'Italie, qui veut absolument conquérir son Tripoli pour compenser la douleur qui lui cause la prise de la Tunisie par la France et la prise de l'Egypte par l'Angleterre, a imaginé une insulte faite à son consul en Barbarie par une sentinelle turque, nous ignorons les conséquences de cette querelle d'Allemande faite par des Italiens à des Turcs.
Les irridenti, qui prétendent avoir hérité de la République romaine, la soif insatiable des conquêtes, demandent à grands cris qu'on fasse la guerre à la France, à l'Autriche et au grand Turc pour annexer la Corse, Nice, la Savoie, Trente, Trieste, l'Illyrie, la Dalmatie et la Tri poli taine, en attendant autre chose. Leurs colères sont venues à la suite de l'exécution à Trente d'un soldat autrichien déserteur, Oberdanck, envoyé par les sectes italiennes pour assassiner l'empereur d'Autriche et qui a manqué son coup.
On lui élève des monuments par souscriplion et l'on a insulté plusieurs fois l'ambassadeur d'Autriche à Rome et les consuls en d'autres villes.
A Ancône, le consul de France a été lui aussi gravement insulté et son écusson couvert d'ordures significatives.
Espagne
L'Espagne, qui pourrait couler des jours si doux loin du concert discordant qu'on appelle le concert européen, s'efforce de se déchirer.
Son ministère, qui avait une forte majorilé, s'est disputé avec lui-même et s'est donné cetle satisfaction, puisqu'il n'était point chassé par les Chambres, de se chasser lui-même. Après la démission collective, le même ancien président du conseil, M. Sagasta, a reformé un ministère plus libéral que le ministère défunt. Il faut bien donner satisfaction aux libéraux ardents qui s'agitent dans l'opposition pour arriver an pouvoir.
Au loin, (Jongo
M. de Brazza, dont nous parlons lungueiiient dans le précédent numéro, devenu riche de 1,200,000 francs qu'un lui a votés, s'embarque pour aller faire exécuter le traité par lequel le roi Makoko nous cède un vaste territoire. L'article si intéressant de M. le Vicomte de Bizemont, publié en la précédente livraison, devait être accompagné d'un dessin fait sur les indications de M. de Braz/.a et représen-
J
tant son entrevue avec le roi nègre. Par suite d'une erreur qui s'est déjà produite en une autre circonstance, la mise en pages a laissé de côté cette gravure que nous donnons aujourd'hui, selon le vieux proverbe mieux vau!, tard que jamais. L'expédition part. Malheureusement, M. de Brazza, Romain naturalisé Français, qui n'a pas voulu devenir sujet de Victor Emmanuel, lorsque ce roi gentilhomme vola Rome au Pape, M. de Brazza chrétien d'origine et de sentiments a été si chaudement fêté par les libres penseurs de Paris qu'il a consenti a emmener pour aidede-camp, le fils Rochefort arrêté autrefois dans les manifestations, chassé de son école préparatoire pour conduite scandaleuse. Espérons qu'il le convertira ainsi que le roi Makoko.
Mais notre rivale, l'Angleterre qui n'aime pas se battre en face vient d'imaginer une combinaison pour effacer l'expédition de Brazza, elle fait un traité avec le Portugal afin d'aider ;e dernier à revendiquer les pays du Congo qui lui appartiendraient d'après certaines cartes antiques dont on n'avait point parlé, lorsque Stanley cherchait à s'établir au nom d'une autre puissance au Congo. Pauvre France, personne en Europe ne te plaindra des mauvais tours qu'on te joue. Tu les mérites si largement.
Disons en passant que la même pplitiquv anglaise intervient à Maldagascar où la France a des droits incontestables écrits dans les traités.
Des ambassadeurs malgaches venus à Paris à nos frais et qui usaient largement dans ces conditions de notre hospitalité ont été invités à passer à Londres où on les a aussi amusés et où on leur a promis appui pour annuler les droits séculaires de notre pays sur la principale ile d'Afrique.
11 faut qu'on ait en Angleterre bien conscience de notre état de faiblesse: nous sommes un malade si avancé que les rats eux-mêmes peuvent venir lui mander jusqu'au visage sans qu'il ait la force de s'en débarrasser.
long Hinu,
Franchissons les aiers pour dire qui- nuire oflicier le commandant Rivière menace en nos possessions qu'il défend contre une invasion du Céleste Empire va recevoir un secours.
Il s'en est fallu de rien que les chinois m; nous culbutassent tout à l'ait et cet incident
le Gérant Deguv. 8. rue François I" Paris. Imprimerie P. Kaivre VA, quai Voltaire.
peut amener la fameuse guerre attendue entre la Chine et l'Europe.
Un article complet de M. le Vicomte de Bizemont sur le Tong King est sous presse et paraitra dans la prochaine livraison.
Rome
Lorsqu'on on a voltigé au dessus de ce monde pétri d'intrigue et d'injustice, de légèreté et de pourriture, qui prépare les guerres, fabrique et déchire les traités, organise les enfouissements, ou aime à se reposer sur les dômes du Vatican.
Là le Pape vient de protester solennellement deux fois devant les cardinaux et devant les patriciens, contre l'usurpation de l'Italie. Il sait qu'il durera LUI, et que le usurpateur» ne peuvent que mourir, et c'est pour cela qu'il leur prête son Quirinal. Ce mois on a fait, en ce palais usurpé, l'anniversaire de la mort de Victor Emmanuel qui a tremblé si souvent de la peur d'y mourir.
L.-i Russie qui se vante d'avoir un empire assez vaste pour que le soleil n'y disparaisse jamais, a renoué les négociations avec cette cour pontificale qui n'a qu'un peloton de soldats et pour territoire un jardin, un palais, une église. Il est vrai que cette église contient le tombeau de saint Pierre, c'est plus qu'un empire de Russie. La hiérarchie se rétablit et les évêques sont rappelés de Sibérie.
Le roi de Prusse a envoyé une lettre autographe au Pape en réponse à une lettre du Pontife. On commence à reparer.
L'Angleterre est amenée par les événements d'Irlande et par les innombrables retours au catholicisme à traiter avec le Pape. C'est en bonne voie, elle aura un ambassadeur. Elle traite mieux l'Eglise que la France ou ses colonies.
Le Pape béait, encourage le nouveau pèlerinage de la France catholique en TerreSainte.
Allons au secours de la France à Jérusalem
M. de Brazza reçu par le roi Makoko au Congo. «lu Umiin (v.iii- i, i;a» «t. ̃•
Le détroit de Messine.
La tour marque le point extrême de la Sicile, appelé Capo di Faro. En face, sur la côte d'Italie, se détache en noir le rocher de Scylla la petite barque, au premier plan, traverse le courant de Charybde.
Carte de la Palestine.
Paris. lm|irini»rie 1J. Fairre, 13, quai Voltaire. 31U12.