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Titre : Notices, mémoires et documents publiés par la Société d'agriculture, d'archéologie et d'histoire naturelle du département de la Manche

Auteur : Société d'archéologie et d'histoire de la Manche. Auteur du texte

Éditeur : Imprimerie d'Elie fils (Saint-Lô)

Date d'édition : 1903

Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34460585f

Notice du catalogue : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/cb34460585f/date

Type : texte

Type : publication en série imprimée

Langue : français

Format : Nombre total de vues : 7182

Description : 1903

Description : 1903 (VOL21).

Description : Collection numérique : Fonds régional : Basse-Normandie

Droits : Consultable en ligne

Droits : Public domain

Identifiant : ark:/12148/bpt6k486570b

Source : Bibliothèque nationale de France

Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France

Date de mise en ligne : 24/09/2008

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NOTICES

MÉMOIRES ET DOCUMENTS

PUBLIÉS PAR LA SOCIÉTÉ

D'AGRICULTURE, D'ARCHÉOLOGIE ET D'HISTOIRE NATURELLE DU DÉPARTEMENT DE LA MANCHE

VINGT-ET-UNIÈME VOLUME


La Société n'est pas engagée par les opinions des auteurs dont elle publie les mémoires.


MÉMOIRES ET DOCUMENTS

d'Agricnltore, d'Archéologie et d'Histoire Naturelle

DU DÉPARTEMENT DE LA MANCHE

VINGT-ET-UNIÈME VOLUME

IMPRIMERIE JACQUELINE, RUE DES IMAGES, 23

NOTICES

PUBLIÉS PAR LA SOCIÉTÉ

SAINT-LO

MDCCCCIII


STATUTS

DE LA

Société d'Agriculture, d'Archéologie et d'Histoire naturelle Du Département de la Manche

Adoptés le 4 juin 1840 et modifies le 9 novembre 1903 DISPOSITIONS GÉNÉRALES

ARTICLE PREMIER

La Société d'Agriculture, d'Archéologie et d'Histoire natu-

relle du département de la Manche s'occupe de la recherche et de la conservation des monuments anciens, de favoriser le développement de l'Agriculture et de l'Industrie, de réunir dans un Musée tous objets d'art, d'antiquité et d'histoire naturelle, notamment ceux qui intéressent le département de la Manche. Elle ouvre des concours, donne des récompenses et publie les résultats de ses travaux.

ART. 2

La Société est composée de membres titulaires, de membres honoraires, et, à titre transitoire, de membres correspondants. ART. 3

Toute personne qui désire faire partie de la Société doit être présentée par un membre titulaire à l'une des séances, ou au moins un mois avant sa réception qui n'a lieu, au scrutin secret, qu'à la séance suivante; son nom reste inscrit pendant


cet intervalle de temps, sur un tableau placé dans la salle des délibérations.

ART. 4

Les élections et admissions ont lieu à la majorité des trois quarts des membres titulaires présents à la séance. ART. 5

II est remis un diplôme aux membres de la Société indistinctement.

ART. 6

Les membres titulaires seuls paient une cotisation annuelle de dix francs. Cette cotisation est exigible en totalité pour l'année de la réception inclusivement, n'importe à quelle époque elle ait lieu.

ADMINISTRATION

ART. 7

La Société est administrée par un Conseil composé d'un Président, de deux Vice-Présidents, d'un Secrétaire-Général, d'un Secrétaire-Adjoint, d'un Trésorier, d'un Conservateur, de deux Conservateurs-Adjoints, d'un Bibliothécaire-Archiviste et des Classificateurs de chaque section.

ART. 8

Les Administrateurs sont nommés pour trois ans. ART. 9

Le Conseil est chargé d'autoriser les dépenses, de recevoir les comptes du Trésorier, de fixer les jours des réunions ttimestrielles et de faire exécuter les statuts.


Le tiers, au moins, des membres du Conseil est nécessaire pour délibérer. 11 est donné lecture à la séance qui suit, du procès-verbal de toute délibération du Conseil.

ART. 10

Le Président, ou en son absence, l'un des Vice-Présidents, dirige les travaux de la Société, signe tous les actes, convoque le Conseil, fixe les réunions extraordinaires toutes les fois qu'il en est besoin, ordonnance les dépenses autorisées. En cas d'urgence, il peut mandater toute dépense non encore autorisée qui n'excéderait pas cinquante francs, sauf à en rendre compte au Conseil lors de sa prochaine réunion. Il préside toute réunion de la Société en assemblée générale, en section ou en commission.

En cas d'absence des titulaires désignés ci-dessus, cette fonction est dévolue au plus âgé des Classificateurs, ou, à leur défaut, au plus âgé des membres présents. Dans toute délibération, la voix du Président est prépondérante en cas de partage.

ART. 11

Le Secrétaire-Général rédige les procès-verbaux des séances, rend, dans la première séance de l'année, un compte général et annuel des travaux de la Société, tient la correspondance, signe tous les actes avec le Président et dirige avec lui la rédaction et la publication de tout ce qui doit être imprimé.

En cas d'absence, il est remplacé, dans toutes ses fonctions, par le Secrétaire-Adjoint.

ART. 12

Le Trésorier ne fait ses paiements que sur mandats signés du Président et du Secrétaire.


ART. 13

Dans la seconde séance de l'année, le Trésorier présente ses comptes au Conseil qui nomme, au scrutin secret, trois de ses membres pour les vérifier, et, dans la séance suivante, ils sont définitivement arrêtés pour la décharge du comptable; il en est rendu compte en assemblée générale.

ART. 14

Les Conservateurs sont chargés de la conservation des objets qui composent le Musée.

Les mémoires, livres, manuscrits et archives sont confiés â la garde et aux soins du Bibliothécaire-Archiviste. Il peut délivrer, aux membres de la Société seulement, sur récépissé et pour un temps déterminé, les livres et mémoires; les manuscrits ne devant, en aucun cas, être déplacés.

CATALOGUE

ART. 15

Les objets provenant du Département sont classés méthodiquement ils portent une étiquette indiquant, autant que possible, le lieu d'où ils partent, leur nom, celui de la personne qui les a donnés, et un numéro renvoyant au catalogue général.

Les objets étrangers au Département sont classés séparément avec les mêmes indications.

8

ART. 16

Aucun objet, moins ceux mentionnés à l'article 14, ne doit être enlevé du Musée. Des doubles peuvent être échangés après décision du Conseil.


La Société a, par an, quatre réunions trimestrielles.

Ces réunions sont annoncées au moins huit jours d'avance parle Secrétaire. Les membres titulaires doivent y être convoqués, les autres membres peuvent y être invités. Ces derniers n'ont que voix consultative. Les réunions ont pour but de mettre de l'ensemble dans les travaux de la Société. On y entend 1° La lecture des rapports faits par les Secrétaires de section sur les travaux de leur section pendant le trimestre écoulé. Ces rapports sont déposés aux archives pour servir au compte rendu annuellement par le Secrétaire-Général; 2° La lecture, autorisée d'avance par le Conseil, des mémoires ou notices et des autres ouvrages que les membres veulent bien lui soumettre, et dont le dépôt doit avoir lieu dans les archives.

Les membres qui ne peuvent assister aux séances envoient leurs ouvrages au Président qui en ordonne la lecture, s'il y a lieu.

La Société se divise en trois sections, savoir

D'Agriculture et Industrie;

D'Archéologie

D'Histoire Naturelle.

Les membres peuvent prendre part aux travaux de plusieurs sections et assister à leurs réunions.

RÉUNIONS

SECTIONS

ART. 17

ART. 18

ART. 19


ART. 20

On nomme, pour chaque section, un Classificateur chargé de classer méthodiquement tous les objets dépendant de la section; il en dresse un catalogue raisonné et le remet au Conservateur pour former le catalogue général.

Le Classificateur préside, sauf le cas prévu par l'article 10, la section à laquelle il appartient; il en dirige les travaux et peut la réunir toute, les fois qu'il en est besoin, en en donnant avis au Président.

IMPRESSIONS

ART. 21

La Société imprime et publie ses travaux au moins tous les deux ans. Ces publications sont remises gratuitement aux membres titulaires les autres les reçoivent, sur leur demande, au prix qui est fixé par le Conseil.

ART. 22

Aucun membre ne peut faire imprimer ou publier d'ouvrage, de notice, de discours, au nom de la Société ou en sa qualité de membre de cette Société, sans l'autorisation du Conseil.

ART. 23

En cas de dissolution de la Société, tous les objets dont on lui aura fait don ou qui auront été achetés par elle, appartiendront à la ville de Saint-Lo, à condition de les déposer dans un musée public.

ART. 24

Aucun changement ou addition ne peut être fait au présent Règlement, si la proposition n'est signée par le quart des


membres titulaires et adoptée par les trois quarts des membres présents à la séance.

DISPOSITION TRANSITOIRE

ART. 25

Les anciens membres non résidants prendront le titre de membres correspondants. Il n'en sera pas, à l'avenir, créé de nouveaux.

Extrait du Recueil des Actes Administratifs de la Préfecture de la Manche (1903, n° 23, p. 484).

lre Division. 240. ASSOCIATIONS Société d'Agriculture, d' Archéologie et d'Histoire Naturelle du département de la Manche.

Exécution de la loi du 1er juillet 1901. Extrait du Journal Officiel du 3 décembre 1903.

Déclaration du 16 novembre 1903. Société d'Agriculture, d'Archéologie et d'Histoire Naturelle du département de la Manche. But Développement de l'Agriculture. Conservation des monuments et Musée.

Siège à Saint-Lo, rue des Halles, au musée.

Pour copie conforme

Saint-Lo, le 19 décembre 1903,

Le Secrétaire-Général,

Signé FACON.



L'Instruction Publique

dans les diocèses de Coutances et d'Avranches avant 1789

II y a dans toute l'éducation française un vice de constitution qui subsistera et rendra l'in/luence religieuse trop souvent inefficace je veux dire l'absence de proportion entre l'éducation de chacun et son avenir.

FRANZ DE CHAMPAGNY.

Des documents nombreux établissent surabondamment combien les écoles rurales étaient multipliées au xme siécle et aux siécles suivants en Normandie.

LEOPOLD DELISLE.

Introduction

L'instruction populaire a la plus grande obligation au clergé qui a constamment été l'ami de tout véritable progrès intellectuel et scientifique c'est lui qui a couvert le sol de la France de congrégations enseignantes et de ces innombrables établissements consacrés à l'éducation de la grande majorité des jeunes gens du pays. Tel chanoine, ou tel curé modeste et obscur de nos provinces, a plus contribué, lui seul, au progrès de l'instruction populaire, que les plus célèbres docteurs, avec leurs théories et leurs livres ceux-ci ne contiennent que des méthodes et des systèmes ceux là, avec leurs milliers de frères enseignants et de sœurs institutrices, donnent tous les jours


un véritable enseignement à des millions d'enfants du peuple, qui, sans eux, croupiraient dans une brutale ignorance. Il existe un nombre infini de pensionnats, de communautés, de congrégations enseignantes, d'écoles de tout genre qui, sous l'influence du catholicisme, propagent les éléments des sciences dans tous les coins de l'Europe et jusque dans les contrées les plus reculées du globe. Il n'y a pas d'exagération à avancer que l'état de progrès sans cesse croissant de lumières où est parvenue l'Europe chrétienne, est dû, en grande partie, à l'influence du clergé, qui est l'instituteur de la moitié du genre humain c'est lui qui l'a tirée de l'ignorance et de la barbarie pour l'élever à ce haut point de civilisation nous la voyons de nos jours c'est ce qui a justement mérité à l'Église le titre glorieux de magistra gentium.

Cela n'empêche pas d'impudents ennemis de crier à la multitude que le système du clergé est de tenir le genre humain dans l'ignorance pour mieux l'asservir. Cette vieille calomnie, longtemps accréditée et répétée à satiété par tous les échos d'une presse irréligieuse, est tout à fait démentie par des faits historiques et par des documents d'une autorité incontestable. C'est ce qui ressortira avec évidence de la lecture de notre travail. Nous l'aurions voulu plus digne de l'importance du sujet; on y trouvera du moins de la sincérité et la conscience la plus scrupuleuse dans les témoignages allégués et dans les documents que nous avons mis en œuvre. Puissent nos modestes pages contribuer à la gloire de l'Église de France


PREMIÈRE PARTIE

L'INSTRUCTION PRIMAIRE AVANT 1789

DANS LES DEUX ANCIENS DIOCÈSES DE COUTANCES ET D'AVRANCHES

CHAPITRE I.

– Moyen-Age.

L'histoire de l'instruction à tous les degrés dans le moyenâge est uniquement celle des efforts tentés par l'Église pour conserver les sciences et sauver la civilisation menacée. Du ve au XIIe siècle, le clergé seul s'occupe des choses de l'enseignement, et si nous voulons avoir une idée de l'état intellectuel de nos pères en ces siècles reculés, c'est uniquement aux documents ecclésiastiques qu'il faut recourir, ce sont les collections des conciles qu'il faut étudier (1).

Avec Charlemagne, l'enseignement jette un vif éclat. A Aixla-Chapelle, en 789, l'empereur ordonne aux prêtres de tenir école dans leurs paroisses, de mettre entre les mains des enfants des livres purgés de toute faute, et de veiller à ce que leurs élèves ne les altèrent pas en les lisant ou en écrivant (2). Encouragés par un tel exemple, les évêques ne purent moins faire que d'exhorter leur clergé à exécuter fidèlement les ordres du souverain.

Riculfe, évêque de Soissons, rappelle aux prêtres, en 889, la modestie qu'ils doivent toujours garder, en gouvernant leurs écoles et leur défend d'y recevoir des filles avec les garçons. (i) E. Allain, l'Instruction primaire en France avant la Révolution, Paris, 1881, p. 21.

(2) Baluze, Capitularia regum, t. I, p. 238.


Il faut en conclure que, dès cette éqoque, l'étude des lettres était en honneur dans nos contrées. Quelles étaient les écoles épiscopales de Coutances et d'Avranches, quand elles furent anéanties sous les coups des barbares? Les documents de l'église de Coutances ayant péri par suite des invasions normandes, nous manquons de détails sur les événements de cette époque. Il nous reste un monument épigraphique de l'année 679, neuvième année du règne de Thierri III. C'est un autel d'une abbaye de filles que saint Fromond, évêque de Coutances, avait fondée en la paroisse du Ham. Il dédia cet autel, le 15 août 679, comme le porte l'inscription gravée en lettres onciales sans intervalle ni ponctuation, et placée sur la tranche du carreau. Cette inscription est plus importante que la signature d'une charte ou des actes d'un concile (1).

Elle établit, à la fin du vue siècle, l'existence dans le diocèse, d'une pieuse communauté de religieuses, et par suite, d'un foyer intellectuel.

Un autre foyer de science sacrée existait à Coutances au viie siècle. Il avait été fondé vers l'an 600 par un disciple de saint Colomban, abbé de Luxeuil. Saint Potentier ou Potentien, jeté par la tempête sur la côte de Neustrie, s'arrêta à Coutances, et y fonda un monastère où il réunit beaucoup de moines.

Dans le même siècle, Aut-Bert (2), issu d'une puissante amille du pays d'Avranches, vers 660, donna naissance, sur le Mont-Tombe, à une célèbre collégiale de douze chanoines. Il était mort le 10 septembre 723. L'Avranchin, ignora très longtemps les Normands, mais à la fin et après tous les autres pays, il fut livré à une dévastation complète. Heureusement pour la Neustrie, le Xe siècle fut un siècle réparateur. Aussitôt que furent dissipées les vaines frayeurs de l'an mil, (1) Ce monument est déposé à la bibliothèque publique de Valognes.

(2) Suffixe teutonique, bert veut dire maître. Il se retrouve dans les noms: Robert, Fulbert, Childebert, Regnobert, Albert, etc.


les églises se relevèrent, les forêts incendiées reverdirent, les champs devenus stériles se couvrirent de nouvelles moissons, et dans cet âge de prospérité et de paix, les écoles sortirent de leur long assoupissement.

En l'an 1105, Richard de Vernon fonda une église collégiale à l'entrée de son château de Néhou. Cette fondation fut faite de l'avis de Henri Ier, roi d'Angleterre et duc de Normandie, de Raoul, évêque de Coutances, et de tous les vassaux nobles de la baronnie de Néhou (1). Cette collégiale fut dotée d'un vaste logement pour les chanoines, ainsi que de quatre prébendes auxquelles le seigneur de la Beurrière, premier vassal noble du fondateur, ajouta une cinquième. Elles furent possédées par cinq chanoines. Il paraît que le 4e chanoine de Richard de Vernon était plus distingué par sa science que le commun des clercs à cette époque. Il l'appelle constamment « Radulphus drammaticus, Raoul le grammairien ». Ce seigneur ayant fondé à Néhou un établissement où l'on enseignait les langues, sans doute, le donna à la prébende de ce chanoine. Cette école fut, sur la demande que lui en avait faite Richard de Vernon, autorisée par Raoul, évêque de Coutances, de l'avis de Gosselin et de Pierre, ses archidiacres, et à la recommandation de Henri Ier, roi d'Angleterre et duc de Normandie. On ignore combien de temps dura cet établissement. Voici le texte de la fondation Hic supradictus episcopus laude Henrici Régis Anglorum et mea prece, consilio Gosselini et Petri, archidiaconorum suorurn, dedit mihi in feodo tenere scholas in Nigelli humo. Has scholas concessi prcebendœ Radulphi (2).

Quelques années auparavant, le frère de Guillaume le Conquérant, Robert, comte de Mortain, avait été royalement récompensé de sa bravoure par le Conquérant. Celui-ci lui avait donné neuf cent soixante-treize manoirs en Angleterre. Enrichi de la sorte, Robert songea à relever l'ancien monastère de (t) Cartulaire de l'abbaye de Montebourg.

(2) Apd. Cartular Montisburg.

2


Saint-Hevroult, dont les ruines dominaient son château. Guillaume assista à cette fondation de la collégiale de Mortain. Le comte Robert, la comtesse Mathilde de Montgommeri, sa femme, le vicomte Guillaume, son fils et les barons du comté fondèrent seize prébendes canoniales.

Les trois premières, savoir celles du doyen, du chantre et de l'écolàtre furent les mieux partagées. Tous trois furent institués dignitaires du chapitre. Le comte en fit ses chapelains, à charge de les traiter comme tels et de les admettre à sa table tant qu'il résiderait à Mortain

La prébende de l'écolâtre fut de toutes la plus richement pourvue; mais à charge de donner l'instruction à la jeunesse et à la condition de surveiller les écoles dans tout le val de Mortain, de supprimer celles qui seraient à détruire, de les fermer et de saisir les livres. Telle fut l'origine du collège de Mortain (1).

Tel était à Coutances et à Mortain l'état de l'enseignement, lorsque, en 1179, le troisième concile de Latran ordonna à chaque église d'avoir un maître chargé d'instruire gratuitement les clercs et les écoliers pauvres (2).

Le quatrième concile de Latran imposa la même charge aux monastères et aux églises qui possédaient autrefois des fonds affectés à cette destination (3).

Pour obéir à ce décret, les évêques de Coutances et d'Avranches eurent leurs écoles à l'ombre de leurs cathédrales. En 1204, G., chantre, R., maître des écoles et G. de Bourgachard, chanoine, sont députés par le pape Innocent III, à l'effet de terminer canoniquement un litige survenu entre l'abbé de Blanchelande et Guillaume de Rothor, curé de Montgardon (4).

(1) Charte de fondation, lllémoires des Antiquaires de Aormandie,lle série, VIIe vol., p. 332,

(2) Hardouin, Concil. collect., t. VI, p. 1080 et 1681. (3) Hardouin, Concil. collect., t. VII., p. 30.

(4) Annuaire de la Manche, 1859, p. 118.


En 1238, l'archidiacre, le scolastique et l'official de Coutances sont encore nommés juges par le pape dans un différend relatif à la chapelle de Notre-Dame de la Lande (1). L'écolâtre de Coutances interdit l'école d'Appeville-enBauptois et déclare que les enfants de cette paroisse doivent suivre l'école de Coigny, ce qui fut confirmé par sentence de l'échiquier de Normandie (2). Charles Turgot est écolâtre en 1593, tandis que dans le même siècle, en 1537, nous voyons figurer dans le chapitre d'Avranches l'écolâtre Robert Goullet, titres qui impliquent nécessairement l'existence d'écoles rattachées au chapitre de la cathèdrale.

L'exemple donné par les chapitres de Coutances, d'Avranches et de Mortain avait porté ses fruits. Plusieurs paroisses des deux diocèses possédaient des écoles.

Dès le XIVe siècle, en effet, il est question des écoles de Coigny, de Montgardon (1398), de la Haye-du-Puits (1399) (3). Chose digne de remarque, les luttes de la guerre de CentAns qui auraient dû être fatales à l'enseignement, ne paraissent pas avoir empêché l'instruction de se développer en basse Normandie. Saint-Sauveur-le-Vicomte a ses écoles en 1529. Eloy Dumont, recteur des écoles à Saint-Sauveur, composa et fit graver sur un pilier de la chapelle Sainte-Barbe une inscription en mémoire de sa femme Louise, morte la veille du jour Saint-André 1529 (4). Si nous consultons le journal manuscrit du sire de Gouberville et du Mesnil-au- Val, de 1553 à 1562 (5)_, nous y trouvons quelques indications sur l'état des écoles. Il ne cite nominativement ni le maître, ni l'école du Mesnil-au-Val mais il y avait là certainement l'un et l'autre, d'après ce qu'il répète tous les ans à l'occasion du jour de l'an. Le 31 décembre, les écoliers allaient chanter des (1) Annuaire de la Manche, 1851, p. 604.

(2) L. Delisle, Etudes sur la condition de la classe agricole, etc., p. 175.

(3) Annuaire de la Manche, 1861, p. 63.

(4) De Pautaumont, Histoire de la ville de Carentan, p. 153. (5) 2e édition, Abbé Tollemer, i880, p. 216.


Noëls c'était leur manière de demander des étrennes. En 1555 « Je donne 15 soldz, à plusieurs foys, aulx enfants qui vindrent chanter dic{iers de Noël céans », les enfants sont des écoliers il le dit l'année suivante « Je donne 20 soldz en liards aux escoliers qui vindrent chanter des dictiers de Noël». La même note se retrouve presque mot pour mot en 1557. Au 1er novembre 1559, il dit qu'après vêpres « il donne 10 soldz en liards et en doubles aux petits enfants de cette paroisse ». Si l'on en juge par la somme distribuée « en liards » à ces chanteurs, l'on peut présumer que les écoliers étaient fort nombreux, ce qui prouve que l'ignorance était alors, au fond de nos campagnes, beaucoup moindre qu'on ne se plaît à le dire.

La note de Gilles de Gouberville, 11 septembre 1559, paraît nous donner le nom du maître d'école de Mesnil-au-Val « Missire Jéhan Fréret, dict, en faisant le prosne que si on voulo) t luy envoyer les enfants à l'église, il leur montreroit leur leçon ». On sait que l'instituteur d'alors était prêtre ou même vicaire le plus souvent.

Il y avait école et maître d'école à Mesnil-au-Val. Il en était de nrême dans les paroisses de ces parages. Il le dit formellement pour Carneville, au 19 mai 1560 « Comme nous souppions, arriva Pierre Voysin, et quant et luy, Robert Leblacher, maistre d'escolle à Carneville. » On peut en dire autant de Gouberville, d'après la note du 23 décembre 1556, où il montre sa reconnaissance pour ses maîtres « Charlot Gaillard, fils Joret, de Gouberville, m'apporta cinq butors, que Paris de Gatteville m'envoyet et remporta des poyres pour nostre maistre Textoris qui est malade. »

Enfin, si on ne le savait d'ailleurs, sa note du 10 avril 1554 nous apprendrait aussi qu'il y avait des écoles* à Valognes « Je party de Vallongnes, nous dit-il, à l'heure de mydi, apprès avoir esté à une expédit'on entre maistre Raoul Dager et le curay de Canteloup, pour les escolles de Vallongnes. »


Toutes ces écoles n'étaient que ce que nous appelons aujourd'hui nos écoles primaires.

Dans le cours du xvie siècle, Périers eut aussi son école de garçons, dirigée par Thomas Lestorey, décédé en 1533. On lit dans l'église de Monthuchon, l'inscription suivante sur le mur méridional de la nef

« Cy devant gisent et reposent les corps des vénérables et discrètes personnes Messieurs Thomas et Guillaume Lestorey. Ledit Monsieur Thomas vivant licencié aux droits et docteur en médecine, ca (sic) tenu plusieurs années les escholes à Périers, lequel décéda le 23e jour de novembre 1533 (1). En 1587, Messire Bon de Broé, conseiller au Parlement et président aux enquêtes, charge par testament du mois d'octobre de cette année, Jacques de Serres son neveu et son successeur sur le siège abbatial de Montebourg, « de faire construire et accommoder une escholle à Montebourg pour l'instruction de la jeunesse » (2).

Trois ans plus tard, en 1590, Berthelot Pinabel donne à l'école ou collège de la ville de Cherbourg, trente livres de rente pour aller au profit des maistres, à charge par eux de recevoir les pauvres enfants orphelins natifs de l'endroit qui n'auraient pas moyen de payer leur ècolage. (3)

En 1598, le procureur Jean Dubois, à qui la ville de SaintLo doit tant de reconnaissance, fonda une rente de 100 livres pour l'ouverture de petites écoles et l'augmenta d'année en année, à mesure que ces établissements se multipliaient dans la ville.

A Carentan, Jean Loret, le poëte chroniqueur, dont la versification facile et naïve réjouit tout Paris au xvne siècle, avait simplement appris à lire et à écrire dans l'école du pays, ce qui faisait dire plus tard à un de ses amis, dans le prologue à l'édi- tion de la Muze historique « Il n'a point passé de longues (1) Lerosey, Histoire religieuse et civile de Périers, p. 193 (2) Annuaire de la Manche, 1873, p. 64.

(3) Id. id. p. 65.


années dans les collèges, et il n'a point feuilleté les livres grecs et les latins » (1).

Tels sont, avant le xvne siècle, les écoles dont nous avons constaté l'existence. Le nombre, sans doute, en est restreint mais si l'on considère, et la rareté des documents remontant à une époque si éloignée, et la nature des textes que nous avons étudiés et qui ne contiennent que par hasard la trace d'une école ou d'un régent, on sera forcé d'avouer que nous avons dû passer sous silence bien des fondations.

« A chaque instant, dit M. Siméon Luce (2), il est fait mention d'écoles rurales dans les documents où l'on s'attendrait le moins à trouver des renseignements de ce genre, et l'on ne peut guère douter que, pendant les années même les plus agitées du xivc siècle, la plupart des villages n'aient eu des maîtres enseignant aux enfants la lecture, l'écriture et un peu de calcul. M. Dubosc, archiviste de la Manche établit d'après des documents authentiques, qu'avant les troubles du xvi8 siècle, il y avait des écoles dans toutes les paroisses.

En 1576, l'évêque d'Evreux, Claude de Saintes, rappelle dans un mandement qu'autrefois dans son diocèse, il ne se trouvait pas, pour ainsi dire, une paroisse qui n'eût une maison et une fondation affectées aux écoles, où l'on formait la jeunesse à la foi, à la piété, à la science (3). »

Mais pendant les guerres de religion qui éclatèrent à la fin de ce siècle, il n'y avait plus ni autorité, ni gouvernement.

Dans cette sorte d'anarchie, nobles, gens d'église et paroissiens s'entendirent pour vendre les maisons d'école et leurs dotations, de sorte qu'il n'en resta aucune trace. Grandes et petites écoles étaient ruinées.

Les évêques mirent tout en oeuvre pour relever ces écoles (1) La Mme historique, T. I.

(2) Vie de Bertrand Du Guesclin, pp. HS, 16, 17.

(3) Annuaire de la Manche 1884, p. 330.


et restituer leurs biens. Ils enjoignirent même à leurs curés et vicaires de tenir les classes.

Ces efforts produisirent d'heureux résultats.

II. xvne et XVIIIe siècles.

Au xvii8 et au xvme siècle, malgré les luttes de la Fronde

et la longue querelle du Jansénisme, l'instruction populaire favorisée par le concours effectif de l'Église et de l'État prit, jusqu'à la Révolution, un développement considérable. Jusqu'en 1560, l'école était restée sous la tutelle exclusive de l'Église; le pouvoir civil s'était abstenu de toute intervention dans le fonctionnement de l'enseignement à ses divers degrés.

On va faire des réglements répondant au vœu des populations du Cotentin. Nous en avons la preuve dans un cahier des Etats du bailliage du Cotentin réunis à Saint-Lo, en 1614, pendant la minorité de Louis XIII. Ce cahier est intitulé Moyens pour acquitter le Roy, lus el délibérés en la conoention des trois estats du baillage de Costentin à Saint-Lo. On y lit « Qu'il soit permis à chacune ville d'avoir ung collège et des escholles pour l'instruction de la jeunesse et que, à ceste fin, les bourgeois, manants et habitants des villes pourvoient par élection de personnes ydoines. (1). » A partir de cette date et de l'ordonnance d'Orléans (2), qui ouvre la série des mesures édictées par la royauté en faveur de l'enseignement, la préoccupation d'instruire le peuple devient, chez nos rois, une véritable aflaire d'état. L'édit de 1608 et les déclarations de 1657 et de 1666 (3), confirmèrent les réglements établis déjà pour la nomination et la révocation des maîtres.

M) Archives du département de la Manche. (2) G Picot, Histoire des Etats-Généraux, T. II, p. 97 (3) Mémoire du Clergé, T. II, p. 976.


En 1698, Louis XIV prescrivit l'établissement d'écoles dans toutes les paroisses & Voulons, dit l'article 9 de cette déclaration, que l'on établisse autant qu'il sera possible, des maîtres et des maîtresses dans toutes les paroisses. et que dans les lieux où il n'y a point d'autres fonds, il puisse être imposé sur tous les habitants la somme qui manquera pour leur subsistance, jusqu'à la somme de 150 livres par an pour les maîtres et de 100 livres pour les maîtresses » (1). Une ordonnance de Louis XV rendit la même imposition obligatoire (14 mai 1724).

Le but direct de ces ordonnances était la propagande religieuse et la conversion des protestants. Elles ne reçurent pas partout leur application, surtout en ce qui concerne les maîtresses, car nous voyons que dans les 493 paroisses du diocèse de Coutances, il n'y avait encore que 32 écoles de filles, en 1675

Ces ordonnances royales relatives à l'enseignement fortifièrent l'autorité épiscopale au moment où les attaques de l'incrédulité allaient essayer de l'ébranler et mirent les prélats en état de faire instruire une multitude d'enfants qui auraient vécu dans l'ignorance. C'est ce que comprit l'évêque de Coutances, Charles de Loménie de Brienne. En 1676 et 1682, il exigea de ses curés l'établissement de deux cents écoles de garçons et de cent soixante-seize écoles de filles pour les doyennés de son diocèse (2). L'effort demandé au clergé de Coutances était vigoureux.

L'evêque d'Avranches, Gabriel de Froullay de Tessé, dans ses statuts synodaux de 1682, fait cette prescription « Nous ordonnons à tous les curez de notre diocèse, conformément aux règles de l'Église, de tenir par eux-mêmes ou de faire tenir de petites écoles dans leurs paroisses, dans lesquelles on recevra indifféremment les enfants des pauvres et des riches (3). (1) Mémoires du Clergé, T. II, p. 982, 983.

(2) Annuaire de la Manche 1854, p. 3-28.

(3) Id. id. 1854, p. 332.


Ce n'était pas sans raison que les évêques de Coutances et d'Avranches stimulaient le zèle de leurs prêtres pour l'enseignement du peuple. Il existe un état officiel dressé d'après les renseignements pris sur place, vers 1675, par les quatre archidiacres du diocèse de Coutances, dans leurs tournées annuelles.

On y voit que le diocèse, composé de 493 paroisses, avait alors 104 écoles de garçons et 32 écoles de filles.

389 paroisses étaient donc complètement privées du bienfait de l'instruction. Le doyenné de Cérences, par exemple, qui comptait 22 paroisses, n'avait pas une école. Il n'y avait qu'une école de garçons et une école de filles dans les 29 paroisses du doyenné de Gavray. Si dans le doyenné de Carentan, composé de 14 paroisses, il y avait 7 écoles de garçons, il ne se trouvait dans la ville de Carentan ni collège, ni école de garçons. Les religieuses y instruisaient les petites filles. Pour les 112 paroisses de l'archidiaconé de Coutances, il n'y avait que 17 écoles de garçons et 3 écoles de filles. Charles de Loménie de Brienne en demandait 45 nouvelles pour les garçons et 36 pour les filles.

L'archidiaconé du Bauptois comptait 84 paroisses, dans lesquelles existaient 19 écoles de garçons et 5 de filles. L'évêque en demandait 30 de garçons et 32 de filles.

Dans l'archidiaconé du Val-de-Vire, il y avait 128 paroisses, qui possédaient 26 écoles de garçons et 4 écoles de filles. L'évêque en faisait ajouter 57 pour les garçons et 42 pour les filles.

L'archidiaconé du Cotentin avait le plus grand nombre de paroisses: 169. Elles aie possédaient que 42 écoles de garçons et 22 écoles de filles. L'ordonnance épiscopale en créait 68 autres pour les garçons et 66 pour les filles.

Nous allons indiquer par doyennés (1) les noms des paroisses pourvues d'écoles à la fin du XVIIe siècle. Dans le doyenné (1) Nous prenons le mot doyenné, non dans le sens actuel, mais anoien.


de Coutances, il y avait 5 écoles de garçons à Coutances (1685), Saint-Pierre, Saint-Nicolas, Courcy, Cambernon, etc. Périers, dans son doyenné, possédait 5 écoles de garçons à Feugères, Saint-Sauveur-Lendelin, Ilauteville-la-Guichard, Mesnilbus, Saint-Michel-de-la-Pierre et une école de filles à Périers (1674).

Le doyenné de Cenilly avait 4 écoles de garçons à NotreDame de Cenilly, Montpinchon, Dangy et Carantilly. Cérences ne possédait pas une seule école dans son doyenné, Saint-Pair en comprenait 3 pour les garçons à Saint-Pair, Saint- Aubin-d es-Préaux.

Le doyenné de Barneville comptait 4 écoles pour les garçons, à Barneville, Gouey, Besneville et Fierville. Il n'y avait pas d'école de filles.

Saint-Sauveur-le-Vicomte avait dans son doyenné 2 écoles de garçons à Saint-Sauveur-le-Vicomte et à Néhou. Le doyenné de la Haye-du-Puits possédait 3 écoles pour les garçons à la Haye-du-Puits (1692), Lithaire et Saint-Patricede-Claids.

Le doyenné du Bauptois possédait 5 écoles de garçons à Coigny, Beuzeville-en-Cotentin, Crelteville^ Gorges (1600) et Saint-Jores.

Carentan et son doyenné possédaient 7 écoles de garçons et 2 écoles de filles à Brévands, Beuzeville-sous-les-Veys, Catz, Montmartin-en-Graignes.

Une école de filles était à Carentan (1635), et une autre à Montmartin-en-Graignes.

Le doyenné du Hommet avait 8 écoles pour les garçons à Hébécrévon, le Mesnil-Durand, Saint-Fromond (1630), le Mesnil-Vigot, Saint-Aubin-de-Losques, Graignes, Tribehou. Le doyenné de Saint-Lo possédait 6 écoles de garçons, à Saint-Lo, Quibou, Saint-Samson-de-Bonfossé, Canisy (1689), Saint-Gilles.

Le doyenné de Gavray avait une seule école de garçons, à Villedieu.


Le doyenné de Percy possédait 3 écoles de garçons au Guislain, à Villebaudon.

Le doyenné de Montbray comptait 4 écoles pour les garçons. Le doyenné du Val-de-Vire possédait 5 écoles de garçons et une école de filles.

Le doyenné des Pieux avait 6 écoles de garçons à Rauvillela-Bigot, Quettetot, Pierreville, Tréauville et Flamanville. Le doyenné de la Hague comprenait 4 écoles de garçons à Cherbourg, Vasteville, Siouville et Flottemanville. Cherbourg possédait une école de filles (1693).

Dans le doyenné de Valognes, il y avait 15 écoles de garçons à Valognes, Montebourg.

Le doyenné d'Orglandes possédait 7 écoles de garçons, à Orglandes, Colomby, Etienville, Picauville, Amfreville, La Bonneville et Biniville Il y avait 4 écoles de filles dans le même doyenné.

Le doyenné du Plain comptait dans ses 26 paroisses 4 écoles de garçons à Sainte- Marie-du-Mont (1610), Saint Martinde-Varreville, Fontenay et Fresville. Sainte-Marie-du-Mont possédait en outre une école de filles, dans le château des seigneurs du lieu (1686).

Dans le doyenné du Val-de-Saire, il y avait 5 écoles de garçons à Saint-Pierre Eglise (1643), Théville (1681), Gourbesville, Le Vast et Brillevast.

Avant la fin du XVIIe siècle, le curé de Barenton, Pierre Crestey, établit une école de garçons et une école de filles dans sa paroisse. Cette fondation est de 1678. A Carnet et à Isigny, au diocèse d'Avranches, il existe des écoles.

Est-il à croire que les diocèses de Coutances et d'Avranches aient répondu aux désirs de leurs évêques et que la charité ait fondé 200 écoles de garçons et 176 écoles de filles dans l'un, et doté l'autre d'autant d'écoles qu'il y avait de paroisses? f Nous ne le pensons pas. Du moins les documents nous manquent pour l'affirmer. Ce qui ressort des titres que nous avons consultés, c'est que le XVIIIe siècle vit fonder un certain


nombre d'écoles de garçons et de filles, dans les deux diocèses. Le 20 mai 1702, à Bailleur, devant François Le Mignot, notaire, messire David Fossard, prêtre, curé de Néville, versa 1200 livres pour la fondation d'une école en ladite paroisse de Néville, pour l'instruction gratuite de la jeunesse et principalement en faveur des pauvres dont il ne pourra être exigé aucun salaire (1).

En 1720, une école existait à Angoville.M. Biville, sieur du Marais, vicaire d'Ango ville, y tenait la classe (2). En 1721, l'école de Valognes était tenue par un prêtre (3). Le 12 novembre 1702, messire Philippe Dubost, curé de Maupertus, fonda, devant Mignot, notaire à Barfleur, une rente de 55 1i\res, au profit d'un ecclésiastique qui, entre autres charges, devait enseigner gratuitement aux pauvres dudit lieu, ou autres pauvres voisins dicelui, leur faire prier Dieu en commun, matin et soir (4).

Elisabeth Surville, Marie-Louise Auvray, Marguerite Brétot et Marie Foucher, quatre filles appartenant au tiers état, s'associent, en l'an 1712, à Saint-Lo, pour s'y consacrer à l'instruction de la jeunesse et soulager les pauvres malades de la paroisse de Notre-Dame.

En 1726, l'évêque de Coutances les voyant occupées à ces actes de charité ainsi qu'à la formation de maîtresses d'école destinées à répandre l'instruction dans les campagnes, sollicite et obtient des lettres patentes qui confirment leur établissement. Ce sont les commencements de la maison du Bon-Sauveur. Quelques années après, en 1749, Catherine Scelles, de Saint-Lo, Gillette Paquier, de Quibou, et Françoise Dufresne, d'Evreux, s'associent pour fonder à Saint-Lo un établissement de petites écoles gratuites, où les jeunes filles pauvres de la (1) Drouet, Recherches historiques sur les 20 communes du canton de Saint-Pierre-Eglise, p. 165.

(2) Id., p. 105.

(3) Le Canu, Ilistoire du diocèse de Coutances, t. II., p. 412. (4) Drouet, Iiecherclies historiques sur les 'iO communes du canton de Saint-Pierre Eglise, p. 160.


ville et des environs puissent apprendre à lire, à écrire, à calculer et à travailler manuellement, afin d'être mises en état de gagner plus facilement leur vie. Plus tard, Anne Marie Damemme, de Saint-Georges, devient associée de Catherine Scelles. L'évêque de Coutances, considérant sa capacité et son zèle pour l'instruction gratuite des pauvres filles, approuve en 1759 cette association sous le nom de « Providence ». Les Frères des écoles chrétiennes sont appelés à Cherbourg par Maistre Michel Lehéricey, curé de Cherbourg et doyen de la Hague. Le 17 octobre 1736, il donne à la communauté des Frères des écoles chrétiennes et charitables de Saint-Yon, établie en la ville de Rouen, la somme de 6.500 livres, pour servir à la pension, nourriture et entretien de deux frères de ladite communauté, chargés de tenir dans la ville de Cherbourg des écoles chrétiennes et charitables, et instruire gratuitement les garçons dudit lieu. Le curé déclare que la somme par lui versée lui a été mise aux mains par des personnes qui ne veulent point être nommées (1).

En 1743, le grand doyen du chapitre de la cathédrale d'Avranches, Gabriel-Arthur de la Villarmois, appelle les frères des écoles chrétiennes dans cette ville. Il fait les frais de cette fondation (2).

Le 13 juillet 1706, Messire Guy César de la Luzerne, seigneur et patron de Beuzeville, Aunville, Le Lorey et autres lieux, fait la fondation et la dotation d'une école de filles. La maîtresse sera tenue de faire gratis l'école pour les pauvres filles de Beuzeville et d'Auville (3).

Toutes les conditions sociales concourent à répandre les bienfaits de l'enseignement populaire. Au clergé et à la noblesse se joignent médecins et simples propriétaires. Philippe Hérouard, médecin, originaire de Marigny, lègue par son testament en date du 8 novembre 1739, quinze livres de rente à la (1) Annuaire de la Manche 1873, p. Oti

(2) Lecanu, Ilistoire du diocèse de Coutances, t. II, p. 52, 11(5. (3) Annuaire de la Manche 1873, p. 70.


maîtresse de l'école de charité des pauvres filles de sa paroisse natale de plus, il assure au maître de l'école de charité des garçons de la même paroisse la possession d'une maison, d'un jardin et de diverses portions de terre (1).

En 1740, François Jouenne, de Gonneville, marchand-libraire à Paris, fonda 3 écoles, une pour les garçons et deux pour les filles dans sa paroisse natale. La fondation pour ces établissements scolaires était de 456 livres, 400 à prendre sur la fabrique de l'église Saint-Séverin, à Paris, et le reste sur les représentants Simon Jouenne, à Gonneville (2). François Jouenne, né dans une condition précaire, était allé s'établir à Paris. Il édita le premier les Etrennes Mignonnes, en 1724. Cette publication eut une vogue considérable et fit la fortune de l'éditeur. Il en devait profiter pour faire beaucoup de bien aux siens et à sa paroisse natale.

A Avranches, damoiselle Marie Lancezeur, demeurant en la paroisse de Saint-Saturnin d'Avranches, voulant contribuer à l'instruction et éducation des jeunes écoliers qui sont pauvres, donne et délaisse par donation entre vifs à perpétuité, aux frères des écoles chrétiennes établis en cette ville, le nombre de cent sols de rente pour la fourniture des livres nécessaires à remplir le but qu'elle se propose. (13 octobre 1748). Les écoles de Bricquebec furent fondées avant 1750, par le marquis de Matignon. Le 25 mars de cette année, Févêque de Coutances approuve le règlement de la Maison.

En 1764, le même seigneur Messire Marie-Thomas-Auguste, marquis de Matignon, qui avait déjà fondé des écoles à Bricquebec et à Gacé, fonde à perpétuité dans la paroisse de Montmartin-en-Graignes, deux maisons d'école pour l'instruction gratuite des pauvres filles de ladite paroisse, l'une dans le bourg, l'autre dans le canton de Saint-Nicolas. Nous reviendrons sur cette fondation et sur le règlement dressé par le (1) Annuaire de la Manche, 1873, p. 72.

(2) Drouet, Recherches historiques sur les 20 communes du canton de Saint-Pierre-Eglite, p. 166.


fondateur pour le fonctionnement de ces deux écoles de filles (1). Une école de filles est établie en 1762, à la Haye-du-Puits. Dame Catherine Lemouton, veuve de M. de la IIoussaye, fonde une école de charité pour l'instruction gratuite des pauvres filles de la Haye-du-Puits. M le marquis de Thienville, s'associant à cette bonne oeuvre, achète en 1764, une maison située dans le bourg, maison dans laquelle sera donnée l'instruction à toutes les jeunes filles de la paroisse. En 1780, le marquis de Caillebot-La Salle, lieutenant-général des armées du Roi sollicite l'octroi de lettres-patentes confirmant cette fondation (2).

En 1772, la jeunesse de Carentan, qui était très nombreuse, manquait absolument d'éducation et était abandonnée à ellemême. Il n'y avait dans la ille aucun commerce, aucune manufacture où les pères et les mères pussent occuper leurs enfants, qui se livraient, sur le pavé, du matin au soir, aux excès les plus condamnables. Vivement touché de cette douloureuse situation, Maître Pierre Lecouvey, curé de la ville, achète une maison propre à loger des maîtres et à recevoir des écoliers de plus, il offre de doter l'école d'un revenu de 500 livres. De leur côté, le maire et les échevins s'engagent à ajouter à ce fonds le revenu nécessaire pour l'entretien de trois frères de la Maison de Saint-Yon, de Rouen. Les lettres-patentes d'approbation sont du mois de février 1773 (3).

Le ler octobre 1732, Messire Pancrace Dubreuil, docteur de Sorbonne, chanoine théologal de Coutances, donne la somme de 8.600 livres aux frères des écoles chrétiennes de la Maison de Saint-Yon, qui prennent l'obligation de fournir à l'avenir et à perpétuité deux frères de leur communauté pour enseigner et instruire les pauvres jeunes garçons de la ville, faubourgs et villages des paroisses de Saint-Pierre et de Saint-Nicolas-de(1) Annuaire de la Manche, 1873, p. 73.

(2) Id. id. p. 76.

(3) Langevin de Pontaumont, Histoire de la ville de Carentan, p. -212.


Coutances, des premiers éléments et principaux devoirs de leur religion, leur apprendre à lire et à écrire, l'orthographe et l'arithmétique, le tout gratuitement et sans aucune rétribution ni récompense (1).

Une école de filles fut établie à Canteloup, par le curé Nicolas Le Flamand, près le presbytère, en 1785 (2). On raconte que ce prêtre possédait une voix remarquable. Louis XVI le manda à Versailles pour l'entendre.

En l'année 1754, la paroisse du Theil fut pourvue de deux écoles, l'une pour les garçons et l'autre pour les filles, par la générosité de Jean-Louis Allain, qui venait d'être nommé curé de la paroisse. Il fonda une rente de 200 livres pour l'entretien de ces deux écoles de charité, afin de venir en aide à la classe indigente qu'il voyait croupir dans l'ignorance (3). Mlle Marie Françoise-Léonor Vigla, née à Villedieu le 9 mai 1767, mérita d'être nommée la « servante des pauvres », et « l'ange de la charité dès l'âge de 22 ans. Elle recueillait et instruisait les enfants abandonnés, soignait les vieillards et faisait le bien avec un zèle infatigable (4).

Dans les 20 paroisses du canton actuel de Saint-PierreEglise, il y avait des instituteurs et des institutrices qui, moyennant un maigre salaire ou des dons en nature, enseignaient aux enfants la lecture, l'écriture, le calcul. On trouve leurs noms en feuilletant les registres de catholicité. Sous le régime de la Terreur, les classes devinrent désertes fautes de ressources. Les fondations avaient été abolies et les immeubles affectés à ces fondations, vendus au profit de la nation. De 1790 à la fin de 1792, nous voyons, à Canisy, remplir les fonctions de maître d'école par Remy Basnier, sous-diacre, aux appointements de 150 livres, fruit d'une fondation remontant à l'année 1689.

(1) Annuaire de la Manche, 1873, p. 7t.

(2) Dr«uet, Recherches historiques sur les 20 communes du canton de Saint-Pierre-Eglise, p. 201).

(3) Déclaration du 2 septembre 1790, à la municipalité du Theil. (4) Grente et 0. Havard, Villedieu-les-Poëles, etc., T. II, p. 616.


CHAPITRE II

ORGANISATION DES PETITES ÉCOLES

DES DIOCÈSES DE COUTANCES ET D'AVRANCHES AVANT J789

1. Fondations.

Pour subvenir aux frais qu'entraînait l'instruction gratuite des enfants, les communautés paroissiales, dans nos diocèses, n'avaient pas ordinairement besoin d'ajouter de nouvelles charges à leur maigre budget. Presque toutes les écoles, avant 1789, avaient été fondées et dotées par la charité individuelle. Tantôt c'est par testament, tantôt c'est par donation spontanée que les fondateurs viennent au secours de l'enfance, eu lui assurant le double avantage de l'instruction et de l'éducation. Toujours le donateur obéit à un sentiment profondément chrétien. Il suffit, pour en juger, de jeter les yeux sur les vieux titres qui garantissent les fondations.

En 1630, Joachim de Mathan, prieur de Safnf-Fromônd et conseiller du roi au Parlement de Normandie « reconnaissant à Dieu des bienfaits, des grâces et des miséricordes qu'il en a reçues, donne, quitte et cède à Jacques Raoul, prestre, licencié aux droits, natif de la Mancellière, la maison et la terre appelée le lieu de la Boidrerie (1), pour par le dit Raoul s'y habituer et tenir l'école le temps advenir, luy et ses successeurs (2), Mme de Ventadour établit, le 9 juin 1686, dans son château de Sainte-Marie-du-Mont, un séminaire de jeunes personnes nobles et indigentes. Voici les considérants de sa fondation Considérant le grand nombre de pauvres damoiselles dont les parents n'ont pas le moyen de leur faire donner une édu(1) Un hameau contigu s'appelle encore, de nos jours, La Régence.

(~2) Annuaire de la Manche 1873, p. 63.

3


cation chrétienne et conforme à leur naissance qu'elles sont en danger de tomber dans des désordres où bien souvent la pauvreté expose de jeunes personnes qu'on élève dans l'oisiveté et l'ignorance des principes du salut et de la morale chrétienne » (1).

Quelques-unes de ces donations sont fort importantes. Joachim de Mathan ajoute, en 1630, à la maison qu'il a déjà donnée, une maison et 45 vergées de terre situées en Saint- Fromond 16 vergées de terre en Saint-Georges-d'Elle, et il ajoute encore 35 boisseaux de froment, 38 boisseaux d'avoine et 50 sols tournois de rente.

Le maître d'école ou régent de Sainte-Marie-du-Mont qui devait toujours être un prêtre, était tenu d'entretenir, nourrir et élever deux jeunes gentilshommes pauvres. Son bénéfice était d'une valeur considérable et de beaucoup supérieur à celle de la cure ou archiprêtré du lieu.

« Noble seigneur messire Jean de Longaunay, capitaine et gouverneur de Carentan, seigneur de Sainte-Marie-du-Mont et noble dame Suzanne Aux-Epaules, voulant le maintien à l'avenir du collège de la paroisse de Sainte-Marie-du-Mont, afin que les enfants soient instruits et enseignés aux bonnes lettres, moeurs et instructions requises et nécessaires pour l'augmentation de la foy, entretien de la religion catholique, apostolique et romaine et stabilité du bien public, s'engagent à faire construire une maison manable, propre pour l'habitude et demeure du maître d'école et donnent au maître un jardin et une pièce de terre. »

En 1671, Mme la comtesse de Saint-Géran, ajoute aux hbéralités de ses prédécesseurs différents herbages nommés le Clos-à-Trois-Corniers, l'Herbage-de-la-Buissonnerie, l'Her bage-d'Estoquebutte, les Champs-des-Fresnes, le tout loué pour une somme de 313 livres. Elle y ajoute encore 35 livres de rente foncière.

(i) Annuaire de la Manche, 1873, p. 68.


Tantôt ce sont des rentes qui sont attribuées aux maîtres, nous l'avons vu plus haut dans la fondation de l'école de Saint-Fromond tantôt la fondation est faite aux fabriques. Telle est celle de Michel Gavey, prêtre et natif de Gorges. Il fonde dans sa paroisse natale une école publique en 1600 1° devant Jacques Ion et Jean Deslandes; 2° devant Guillaume Mesme et Deslandes, 1608; 3°, devant Eustache et Louis Salmon, 1619. Cette fondation est attestée par l'inscription gothique suivante qui se lit sur le mur méridional de la nef de l'église

« Michel Gavey, prêtre natif de ceste parroisse recongnoissant des biens qu'il a reçus de la main libérale de Dieu a delaissey une maison et jardin prèz leglize pour tenir escole publique et cent soulx de rente sur une piece de terre qui butte au chemin Gohier dont jouist Fran- pour celebrer une messe du SaintSacrement chacun jeudi de la s. par le maistre descole item et cent soulz de rente sur une maison et jardin C. butte le chemin dAuxais dont jouit Pierre Leroux. Et pour avoir droit de sepulture a ceste eglize lui Pierre et Elie Gavey ses frères et successeurs et entretenir 2 cierges au grand autel aux festes solennelles et faire un service de 2 messes à notte chacun an le lundi de Pasque et dire une messe le jour de lassomption une par le maistre descole. »

A Périers, c'est aussi au trésor et à la fabrique de l'église que fut attribuée la fondation de M. Dupont, supérieur du grand séminaire de Coutances, en faveur de l'école des filles de la paroisse (1674) (1).

Ailleurs, le fondateur de l'école verse une somme entre les mains d'une communauté qui s'engage à fournir à perpétuité des maîtres d'école. Ainsi fait à Coutances, le 1er octobre 1732, Messire Pancrace Dubreuil, qui donne la somme de 8.600 livres à la maison de Saint-Yon de Rouen. Le 17 octobre 1736, Messire Michel Lehéricey, curé de Cherbourg et doyen (1) Lerosey, Histoire religieuse et civile de Périers, p. 197.


de la Hague, donnait à la même communauté de Saint-Yon, la somme de 6.500 livres pour l'entretien de deux frères chargés de tenir dans la ville de Cherbourg, des écoles chrétiennes et charitables (1).

Souvent ce sont des bénéfices qui sont fondés avec cette condition formellement exprimée que le titulaire sera chargé de l'instruction de la jeunesse; telles sont les écoles de Beuzeville-sur-le-Vey, de Bricquebec, de Théville et de Saint-Fromond.

Laurens Colombel, curé de Beuzeville-sur-le-Vey, donne et aumône pour la fondation et dotation de la chapelle SaintSébastien une pièce de terre nommée la Pièce-Neuve, de valeur de 200 livres de revenu annuel Le chapelain sera à la nomination du dit fondateur et de ses successeurs curés de la paroisse. Il dira et célébrera chaque semaine cinq messes dans ladite chapelle. Sera aussi obligé ledit chapelain de tenir l'école en ladite paroisse aux jours ouvrables, sans intermission, le mois d'août seulement excepté, pour l'instruction ce qu'il fera gratuitement pour le regard des pauvres (2). II. Gratuité.

La gratuité de l'instruction primaire est un bienfait qui a précédé la Révolution de six siècles au moins. Déjà en 1179, le concile de Latran (3), et plus lard, en 1546, le concile de Trente (4) imposaient aux églises cathédrales la charge d'enseigner les clercs et les pauvres écoliers.

« Il y a, dit l'abbé Allain, deux gratuités fort différentes. D'abord celle qui résulte des largesses privées et des fondations accumulées par la piété des siècles celle-ci est la gratuité véritable, car elle ne coûte absolument rien à celui qui en (1) Annuaire de la Manche, i 87 S, p. US.

(2; Id. id. 1873, p. 70.

(3) Hardouin. Concilior, collectio, T. VI, 1680 et 1681. (4) I. Contilii Trident. Canones et décréta. (Sess. S), Dereform., Ch.r.


bénéficie puis celle dont les frais sont faits par le budget, et celle-là est tout à la fois une sottise et une injustice. Une sottise, car elle contraint à un enseignement gratuit ceux qui n'en ont que faire et instruit, aux frais de tous, ceux qui peuvent et doivent s'instruire à leurs dépens. Une injustice, car elle aurait pour conséquence une augmentation de charges pour les familles indigentes, coïncidant avec une diminution correspondante en faveur des riches » (1).

Cette gratuité, ruineuse pour le budget, était inconnue jadis. C'est la gratuité, restreinte aux classes pauvres ou peu aisées, qui était pratiquée dans nos écoles urbaines et rurales. La gratuité est mentionnée dans presque tous les actes de fondation. A Saint-Fromond, il est dit formellement « Ils sont tenus encore à montrer à ceux qui seront jugés propres à chanter en l'église et à psalmodier le plain-chant avec tout le soin qu'il sera possible, sans y rien omettre par négligence, et le tout sans pouvoir rien exiger des enfants, de leurs parents ou de leurs tuteurs » (1630).

En 1590, Berthelot Pinabel donne à l'école ou collège de la ville de Cherbourg trente livres de rente pour aller au profit des maîtres, à charge par eux de recevoir tous pauvres enfants orphelins, natifs de l'endroit, qui n'auraient pas moyen de payer leur écolage.

En 1635, dame Marthe de Faoucq fonde à Carentan une communauté de religieuses de la congrégation de Notre Dame et leur impose l'obligation d'instruire gratuitement les jeunes filles des familles pauvres de la ville, des faubourgs, villages et paroisses circonvoisines. L'école des garçons et celle des filles de Beuzeville-sur-le-Vey, les écoles de filles de Périers et de Cherbourg, de Montmartin-en-Graignes, de Marigny, de La Haye-du-Puits, de Saint-Lo et de Gonneville doivent être gratuites, d'après le titre de leur fondation. Ainsi en était-il des écoles de garçons de Marigny, de La Haye-du-Puits, de (t) Allain, L'Instruclion primaire en France, pp. 185, 186.


Saint-Pierre-Eglise, de Carentan, de Coutances, de Neville, de Théville, de Bricquebec, du Vast, du Theil et de Gonneville. Il est touchant de voir quel soin les fondateurs prennent des pauvres. Il est dit dans le règlement du marquis de Matignon, arrêté le 20 mai 1765, à propos des deux écoles de filles qu'il a établies à Montmartin-en-Graignes

cc On ne souffrira pas que celles dont les parents sont aisés méprisent les pauvres, d'autant que les écoles sont fondées pour les pauvres et que les autres n'y sont admises que par tolérance.

» Les maîtresses s'occuperont uniquement de l'éducation de toutes les femmes et filles pauvres ou riches de la paroisse qui voudront aller à leur école, sans que lep dites maîtresses puissent prendre des pauvres, ni de leurs parents, aucune rétribution, ni récompense, quand même elles seroient offertes, ni rien exiger de celles dont les parents sont en état de reconnaître leurs peines et soins, sauf à ces derniers à faire sur cela ce qu'ils jugeront à propos selon leur pouvoir, à quoi ils seront exhortés.

« Et néanmoins, comme les pauvres sont le véritable objet de la fondation desdites deux écoles, et comme les écoles ne sont point dotées pour les riches qui n'y sont admis que par tolérance, les seigneurs fondateurs demeurent réservés à perpétuité d'ordonner le renvoi de celles dont les parents connus pour aisés auroient assez peu de sentiments pour profiter desdites écoles sans reconnoître, suivant l'usage dudit lieu, les peines et soins des dites maîtresses.

c Et afin d'éviter toute équivoque sur la valeur du terme de pauvre, les dites maîtresses réputeront pauvres tous manœuvres ou autres qui ne vivent que du travail de leurs journées ou qui ne peuvent plus travailler, à cause de leur âge ou de leurs infirmités, ainsi que ceux dont la pauvreté est notoire » (1).

(i) Annuaire de la Manche, 1873, p. 74.


L'école n'était pas seulement gratuite, elle était souvent bienfaisante. L'école fondée en 1702, à Maupertus, par le curé, Messire Philippe Dubost, valait 55 livres de rente à l'ecclésiastique instituteur qui devait enseigner gratuitement. faire le catéchisme dans la classe le jour qu'il voudra et distribuer, à la fin de cet exercice, 10 sous chaque fois, en Avent et en Carême, aux plus pauvres (1).

Il existait à Gonneville trois écoles, une pour les garçons et deux pour les filles. Les fondations pour ces écoles étaient de 450 livres. De cette somme, en prélevant les honoraires des instituteurs et institutrices, il restait 70 livres, destinées par le fondateur « à entretenir les pauvres écoliers et écolières de livres, papier, plumes et encre, et ce fait, s'il restait quelque argent, on l'employait à acheter des sabots ou de la toile pour les mêmes » (2).

A Avranches, il est établi, par une lettre de l'instituteur, le citoyen Julien, qu'on fournissait aux écoliers pauvres du pain et du papier, le 22 thermidor an III (3).

III. Condition matérielle

Grâce aux fondations faites par les bienfaiteurs et aux sacrifices que s'imposaient parfois les maires et échevins, on comptait beaucoup d'écoles dans les paroisses des diocèses de Coutances et d'Avranches.

Quels étaient ces modestes établissements ? Sans doute, ils laissaient souvent à désirer, et pour la construction et pour l'hygiène. Ils étaient loin d'égaler ces beaux édifices que l'on élève aujourd'hui, jusque dans les plus humbles campagnes. A Saint Pierre-Eglise, le maître d'école habitait depuis 1664, l'ancien presbytère, rue Nicolas Dubosq, maison plus que (1) Drouet, Recherches historiques sur les 20 communes du canton de Saint Pierre-Eglise, p. 165.

(2) Id. p. 166.

(3) Annuaire de la Manche, 1873, p. 72.


suffisante, puisqu'il en affermait une partie à son bénéfice (1).

A Montebourg, Messire Bon de Broé a chargé, par testament ,du mois d'octobre 1587, son neveu, Jacques de Serres, « de faire construire une escholle ».

Cette école se bâtit et acquiert l'importance d'un collège, pourvu de régents, qui enseignent le latin à certains enfants. L'instruction primaire et l'instruction secondaire s'y donnaient gratuitement à tous les pauvres (2).

Le 17 octobre 1736, Louis Girard, prêtre de Cherbourg, ajoute à la donation faite le jour même par son curé une maison à lui appartenant, assise en la place du Calvaire, avec deux cours et un jardin, le tout estimé à 45 livres de revenu (3). L'école de Sainte-Mère-Eglise « est une maison manable à trois pignons, avec salle basse, deux celliers, trois chambres, le tout situé sur une pièce de terre de vergée et demie, au village de la Capellerie » (4).

A Montmartin-en-Graignes, il y a deux maisons d'écoles de filles, l'une dans le bourg et l'autre dans le canton, au hameau de Saint-Nicolas (5).

Le fondateur de l'école de filles de Périers, en 1674, achète une maison et un jardin situés près de l'église paroissiale, pour la somme de 1.000 livres, sans compter 200 livres qu'il consacre à la même entreprise (6).

Au mois de novembre 1774, le curé de Carentan fournit aux frères des écoles chrétiennes qui viennent d'ériger l'établissement scolaire de sa paroisse, un mobilier complet pour la chambre des exercices, l'oratoire, le dortoir, le réfectoire, la cuisine, l'infirmerie, le cellier, la grande classe et la petite (1) Drouet, Recherches historiques sur les 20 communes du canton de Saint-Pierre- Eglise, p. 1G3.

(2) Annuaire de la Manche, 1873, p. 61.

(3) Id. id. p. 6.S.

(4) Id. id. p. 0(5.

(5) Id. id. p. 73.

(6) Lerosey, Histoire religieuse et ctvile de Périers, p. {96.


classe. Il fournit de plus un bois de bibliothèque et 22 volumes (1).

Quant à la salle de classe, nous pouvons nous faire une idée de son mobilier par le passage suivant du règlement dressé le 20 mai 1765 pour les écoles de filles de Montmartin-enGraignes « Les maîtresses fourniront et entretiendront leurs écoles de toutes les choses nécessaires à la tenue d'icelles, armoires, tablettes, tables, bancs, cornets de plomb ou écritoires, portefeuilles, pupitres, bois, chandeliers, chandelle, canifs, exemples, papiers, plumes et encre, livres, manuscrits, sentences, images, cartes murales et tableaux » (2). C'est à peu près tout ce que nous savons sur la disposition intérieure de nos maisons d'école Qu'il nous soit permis de compléter notre description par cette page que nous a laissée M. l'abbé Allain, d'après un vieux traité de pédagogie « Eschole Paroissiale. La classe doit être divisée en trois parties. La première pour ceux qui apprennent le latin ou sont disposés pour l'apprendre. 11 y aura pour eux trois ou quatre tables à escrire qui seront empiétées de bons pieds de chesne et posées sur des tresteaux, lesquelles tables seront larges de quinze pouces. Il y aura des laiettes tout le long pour mettre leurs livres et un siège à chacune des dites tables » Dans la seconde partie de l'école, « il y aura des tables larges de trois pieds, où les plus grands escriront des deux costés, avec des sièges à proportion, de sorte qu'on puisse trouver en une escole de cent escoliers, place pour faire escrire pour le moins soixante escoliers ensemble » Les petits enfants qui lisent seulement, doivent avoir des bancs à leur taille. Une place est réservée aux nouveaux venus on les y laisse « cinq ou six jours pour les reconnoître et les faire instruire des devoirs et des coustumes de l'escole, et ensuite de cela, on leur donnera place selon leur capacité D. Les paresseux incorrigibles ne sont pas oubliés. C:est à eux qu'est destinée « la place de l'âne ». (1) Annuaire de la Manche, 1873, p. 76.

(2) Id. id. p. 75.


« Une clochette pour les signaux, des tablettes pour marquer les absences, des cornets pour l'encre, les ustensiles nécessaires pour nettoyer l'école en complètent le mobilier (1) ». IV. Discipline.

Nous trouvons dans les actes de fondation de nos écoles et dans leurs réglements le fonctionnement intérieur de ces mêmes écoles.

Une règle unanimement suivie, au moins autant que les ressources le permettaient, était la séparation des écoles de garçons et des écoles de filles.

Gabriel-Philippe de Froullay de Tessé, rappelle dans ses statuts en 1682, que garçons et filles doivent être séparés. « Pour nous conformer aux anciens statuts de notre diocèse, nous défendons expressément de recevoir, en la mesme école, les garçons et les filles (2).

Tous nos évêques défendaient aux maitresses d'admettre les garçons et aux maîtres d'admettre les filles de quelque âge qu'elles fussent: « considérant qu'il vaut mieux que les filles qui n'auraient pas de maîtresse se sauvent en n'apprenant que le catéchisme à l'église, que de se damner pour apprendre davantage (3). On n'avait pas encore trouvé le secret de séparer les enfants des deux sexes par une cloison. Il est douteux que Robert Ceneau, malgré son grand amour pour l'instruction populaire s'en fût contenté.

Malgré tous leurs efforts, nos évêques ne purent jamais réformer complètement cet abus et longtemps encore, les garçons et les filles continuèrent à fréquenter les mêmes classes. L'école paroissiale de Théville est établie, en 1674, par Guillaume Renouf, « qui a fondé et fonde par les présentes pour toujours une eschole qui sera tenue au lieu qu'il a bâti et (1) Allain, L'Instruction primaire en France, pp. 1M3-1S1. (2) Annuaire de la Manche 18S4, p. 333.

(3) Id. Id. p. 334.


préparé pour cet effet, au bout de la chapelle et non ailleurs, au maître de laquelle et pour aider à sa subvention, il a donné et donne plus de 50 livres de rente.. aux charges qui en suivent, c'est à savoir que tous les enfants pauvres et riches y soient reçus, les pauvres de quelque paroisse qu'ils soient, gratuitement, sauf à lui d'exiger de ceux qui auroient moyen bon salaire » (1). L'expression « tous les enfants » indique évidemment les écoliers des deux sexes.

Cette règle si sage de la séparation des sexes est encore aujourd'hui la nôtre mais elle ne pouvait être appliquée partout.

Les classes avaient lieu comme aujourd'hui, deux fois par jour. Les heures pouvaient varier selon les saisons et les localités.

A Montmartin-en-Graignes, d'après le réglement déjà cité, la durée de la classe pour les maîtresses est de trois heures le matin, de 8 heures à 11 et d'autant l'après midi, depuis une heure jusqu'à quatre.

A Bricquebec, la durée des écoles de garçons est moins longue elle n'est que de deux heures et demie le matin et de deux heures l'après-midi (2).

Voici l'horaire de la journée dans l'école de filles de Périers « On se lèvera à cinq heures du matin, mais les petites pensionnaires ne se lèveront qu'à six heures et demie. On entendra la messe à la paroisse tous les jours et on assistera à tout l'office les jours de fête.

L'école s'ouvrira à neuf heures et finira à onze. Les récréations se passeront à faire quelque petit ouvrage, sans garder le silence.

L'école de l'après-midi commencera à deux heures en hiver, et à deux heures et demie en été (3).

(2) Drouet, Recherches historiques sur les 20 communes du canton de Saint-Pierre-Eglise, p. 164.

(2) Annuaire de la Manche 1873, p. 73.

(3) Lerosey, Histoire religieuse et civile de Périers, p. 204.


A Néville, d'après l'acte de fondation de l'école de garçons, « le maître emploiera, par chaque jour ouvrable, au moins quatre heures le matm et autant l'après-midi pour instruire et catéchiser les enfants et apprendre à quelques-uns le plainchant pour le service divin » (1).

Il y avait partout un jour de congé chaque semaine. L'acte des fondations le stipule généralement. Il y avait aussi des vacances dont la durée égalait les nôtres et dont l'époque variait suivant les localités.

Le règlement des écoles de garçons de Bricquebec porte « On donnera un jour de congé par semaine lorsqu'il ne se rencontrera point de feste.

« Les vacances commenceront le 15 juillet et finiront le der- nier août » (2).

Autre est le réglement des deux écoles de filles de Montmartin-en-Graignes « L'école se fera tous les jours de la semaine, excepté le jeudi. Les vacances commenceront le 15 août et finiront le dernier septembre (3) »

Pour encourager les enfants, les bienfaiteurs de nos anciennes écoles n'avaient pas oublié les récompenses. L'article 26 du règlement des écoles de filles de Montmartin-en-Graignes est ainsi conçu

« Pour encourager au travail tous les enfants des deux écoles, qu'ils soient riches ou pauvres, les maîtresses distribueront à la fin de chaque année scholastique, trente prix de mémoire à celles qui se seront le plus distinguées, à raison de quinze en chacune des dites écoles, savoir trois dans chacune des cinq bandes de chacune des écoles » (4).

C'est aussi dans le but de stimuler la jeunesse de ses écoles que M. Crestey, curé de Barenton depuis 1678, leur faisait déclamer des tragédies sur des matières de piété, où la vie ou (1) Drouet, Recherches historiques sur les vingt communes du canton de Saint-Pierre-Eglise, p. lOfi.

('2) Annuaire de la Jlanche, 1873, p. 73.

(3) Id. id. p.74

(4) Id. id. p. 78.


bien le martyre d'un saint était représenté. Puis, à la fin de l'année, il faisait la distribution des prix à ceux qui les avaient mérités (1).

Il est rapporté du même saint instituteur de la jeunesse qu'il faisait venir dans son cabinet les écoliers et qu'il leur donnait des livres, des chapelets et des images.

Si nos pères savaient bien récompenser la docilité et le travail de leurs élèves, ils étaient sans pitié pour l'indiscipline et la paresse. En un mot, ils comprenaient et exerçaient le devoir de la correction.

Les statuts de Gabriel-Philippe de Froullay de Tessé, évêqued'Avranches, publiés en 1682, disent « Que les curés qui ne tiendront point eux-mêmes les écoles auront soin d'en faire souvent la visite pour connaître si les maîtres s'acquittent soigneusement de leur devoir, s'ils gardent une juste médiocrité entre une trop grande sévérité et une trop grande indulgence, si les enfants sont dociles, respectueux, soigneux de se rendre à l'école et s'ils se corrigent de leurs vices et mauvaises habitudes » (2).

V. Programmes.

Sous l'ancien régime, les programmes de nos petites écoles n'étaient pas très étendus. L'ouvrier et le paysan ne rêvaient pas da participer à la direction plus ou moins bruyante des affaires publiques. Ils se contentaient des notions absolument indispensables à la conduite de leurs affaires personnelles. Les maîtres n'étaient pas tentés de faire de leurs élèves des savants, pour ne pas dire des pédants qui apprennent tout et ne' savent rien.

L'enseignement était très simple; il s'adaptait aux besoins de ceux qui le recevaient il comprenait, avec l'instruction religieuse et l'histoire sainte, la lecture, l'écriture, le calcul élé(i) Blouet, La vie de Messire Pierre Crestey, p. 86.

(2) Annuaire de la Manche, 1854, p. 333.


mentaire et la civilité. Ajoutons à ces connaissances, pour leb garçons, des notions d'enseignement professionnel, et pour les filles, l'apprentissage des travaux manuels.

En tête de tout enseignement primaire venait l'instruction religieuse.

Daniel Huet, évêque d'Avranches, prescrit à ses maîtres d'école, en 1693, d'enseigner aux enfants les principaux articles du catéchisme et les prières du soir et du matin, à lire, à écrire et à servir !a messe (1).

L'acte de fondation de l'école de garçons de Saint-Fromond porte L'acceptant et les successeurs seront tenus de tenir école ouverte pour tous les enfants et la jeunesse de la paroisse de Saint Fromond aux jours ouvriers sans intermittence, les instruire à lire, écrire, leur montrer à craindre et honorer Dieu, leur apprendre leur service et croyance, les catéchiser et leur montrer en quoy consiste la foy, la loy et l'obéissance qu'ils doivent à Dieu, à l'Église, à leurs pères, parents, anciens ecclésiastiques et magistrats, notamment combien ils sont obligés à prier Dieu pour la Couronne et Etat de la France (2).

A Beuzeville-sur-le-Vey, d'après l'acte de fondation de l'école de garçons, « sera obligé le dit chapelain de tenir l'école. et de faire le catéchisme une fois par semaine » (3). En 1685, les frères des écoles chrétiennes de Coutances sont chargés par le fondateur Jean Hélye, curé de SaintPierre-de-Coutances, d'instruire les enfants des premiers éléments et principaux devoirs de leur religion » (4). Philppe Dubost, curé de Maupertus, fonde en 1702, une rente de 55 livres, au profit d'un ecclésiastique qui, entre autres charges, « devait enseigner gratuitement aux pauvres du dit lieu ou autres paroisses voisines d'iceluy, leur faire prier Dieu (1) Annuaire de la Manche, 18Si, p. 333.

(2) Id. id. 1873, p. 63.

(3) Id. id. 1873, p. 70.

(4) id. id. p. 71.


en commun, matin et soir. leur faire le catéchisme dans la classe le jour qu'il oudra » (1).

L'enseignement religieux tenait donc une place importante dans le programme de l'enseignement primaire, mais il ne prenait qu'un temps limité. Il restait un temps considérable pour l'étude des matières scolaires.

Dans les écoles de filles de Montmartin-en-Graignes, les femmes étaient admises avec les enfants. La demi-heure destinée, le matin, aux grandes personnes, sera employée à leur apprendre la lecture et le catéchisme, la demi-heure de l'après midi sera consacrée à l'écriture et à quelques règles de l'arithmétique (2).

Dans les deux écoles de Bricquebec, on défend aux maîtres de prendre sur le temps destiné au programme ordinaire un temps plus ou moins long pour l'enseignement du latin. « On ne pourra montrer le latin à qui que ce soit pendant la durée des écoles, afin que les maistres ne soient point détournés ni surchargés, sauf aux autres ecclésiastiques du bourg à vaquer à cette bonne œuvre » (3).

Au Mesnil-au-Val, Gilles de Gouberville « bailloyt à Julian (un de ses domestiques), 4 solds, pour payer lescollage de son fils, au 30 mai 1558 » (4). Ces quatre sous représentaient le prix du mois scolaire pour un enfant qui débute. Car « l'usage était de payer par mois cinq sous pour les apprentis, pour les écrivains 10 sous et pour l'arithmétique 12 sous » (5). Les droits d'écolage étaient donc plus ou moins élevés suivant le plus ou moins d'instruction donnée à l'élève. Le tarif était à peu près le même en Anjou à Tiercé, par exemple Ceux qui apprendront a, b, c, payeront cinq sols pour chaque, (I) Drouet, Rcchcrclics historiques sur les vingt communes du canton de Saint-Pierre Eglise, p. 105.

(2) Annuaire de la Manche 1873, p. 75.

(3) id. id. p. 75.

(4) Journal manuscrit d'un sire de Gouberville, p. 217. (5) Registre municipal de Saint-Pierre-Eglise, 25 septembre 1790.


huit sols pour ceux à qui il (l'instituteur) montrera à lire en les papiers de main et à écrire, et ceux qui apprendront l'arithmétique 15 sols » (1).

La coutume de lire dans les papiers de main ou vieux manuscrits était générale dans les provinces. « La lecture des manuscrits ou des papiers, dit M. Babeau, complétait l'enseignement de la lecture on allait chercher dans les greniers ou au fond des armoires de vieux registres ou des contrats poudreux écrits souvent en caractères presque impossibles à lire, et quand l'élève parvenait à les déchiffrer couramment, le maître n'avait plus rien à lui apprendre » (2).

Les livres en usage dans nos anciennes écoles sont connus depuis longtemps pour la plupart. C'était l'alphabet, dit Croix de Jésus ou Croix de par Dieu; le Petit Latin, qui contenait les offices du dimanche et les psaumes en latin; le Petit Français ou très dévot qui renfermait une collection de pensées pieuses, imprimées en gros caractères et dont les syllabes étaient séparées les unes des autres.

Parmi les livres usités dans nos écoles, nous mentionnerons une Manière d'apprendre à bien lire, prononcer et écrire qui comprend les neuf premières pages d'une Civilité honnête pour les enfants, in-18, imprimée en écriture manuscrite, à Caen, chez P. Chalopin, imprimeur-libraire, rue Froide-Rue. Ces quelques pages nous offrent une des méthodes employées dans nos écoles, aux xvne et xvnie siècles En tête du premier chapitre, une vignette représente un magister orné d'une férule. Le titre porte « De quelle manière doioent gouoerner ceux qui enseignent les petits enfants ». L'auteur ajoute « Celuy qui commence d'instruire la jeunesse doit avoir soin que ses disciples prononcent bien distinctement et à loisir, les mots les uns après les autres, soit en francais, soit en latin.

(1) Abbé Urseau, L'Instruction primaire en Anjou avant 1789, page 128.

(2) L'Instruction primaire dans les campagnes avant 1789, p. 40.


« Il faut pareillement accoutumer les enfants dès le commencement, à bien accentuer, en les avertissant d'élever un peu leur voix, quand ils prononcent les syllables sur lesquelles ils voyent des accents, comme on dira ci-après par ce moyen l'enfant apprendra facilement à bien prononcer, si le maistre prend soin de lui faire observer ces choses, et de cette sorte il déchargera sa conscience.

« Au contraire, si par paresse ou ignorance, il ne s'acquitte de son devoir, il est certain qu'il en rendra compte devant Dieu, lequel ne veut pas que cette jeunesse soit ainsi corrompue par une mauvaise doctrine, vu que le maistre est comme un second père à l'enfant, pour l'instruire dans la crainte de Dieu et dans l'exercice des bonnes mœurs. C'est pourquoi le maistre pourra se servir de cette manière d'apprendre ». Loué soit le saint nom de Dieu.

Le premier jour. a b c d e

Le second f g h i k

Le troisième. l m n o p

Le quatrième q r s t u

Le cinquième v w se y z

Le sixième jour il faut réduire toutes les lettres ensemble, afin de rendre le disciple plus diligent à les distinguer. « II est à propos de montrer de la sorte, faisant connoistre par jour, une, deux, trois ou quatre lettres, ou bien davantage, selon le jugement de celui ou de ceux que l'on enseigne ». Viennent ensuite les lettres de diverses sortes », françaises, romaines et capitales, les « consonnantes », les syllabes de deux lettres seulement, huit autres syllabes de quatre lettres, bail, fait, quil, mail, pail, rail, tail, oail, et les mots d'une syllabe, comme blanc, bleu, bien, bœuf, etc.

L'arithmétique enseignée dans nos écoles était fort simple ellenecomprenait quela numération et les trois premières règles. Nous ne devons pas passer sous silence la civilité puérile et honnête, autre partie de l'enseignement et complément nécessaire de la bonne éducation.

4


L'ouvrage que nous avons cité La civilité honnête pour enfants, contient sur cette matière tous les détails désirables. L'enseignement professionnel n'était pas négligé dans nos écoles. Nous pouvons affirmer, preuves en main, que dans un certain nombre de nos écoles de filles, avant 1789, on apprenait aux enfants la couture et les travaux manuels. A Barenton, dans l'école de filles fondée par M. Pierre Crestey, vers 1678, la maîtresse d'école enseignait aux jeunes filles à travailler à de petits ouvrages qui convenaient à leur âge, à leur condition et à leur sexe, comme brocher, filer et coudre (1). On en faisait autant dans les écoles de filles de Périers (2), de Saint-Lo, de Montmartin-en-Graignes, de Carentan (3), etc. Les fondateurs des écoles de filles de Montmartin-enGraignes ont en vue cet enseignement professionnel quand ils disent dans l'acte d'établissement de leurs écoles « Les maisons affectées aux écoles avec les cours, les jardins et les dépendances serviront au logement des maîtresses, de leurs parents, amis et domestiques et des pensionnaires qu'elles voudront prendre, même au logement et usage d'une seconde maîtresse que chacune des maîtresses pourra prendre, si bon lui semble, pour l'aider à tenir l'école, et aussi au logement et usage de toute autre maîtresse qui par la suite, pourrait être prise pour faire travailler, dans chacune des dites maisons, les filles et femmes de ladite paroisse à quelque ouvrage des mains qui les occupe et leur fasse gagner leur vie; et attendu que le donateur veut que l'union et la paix régnent dans les dites maisons, cette dernière maîtresse sera également choisie dans chacune d'icelles, par la maîtresse d'école sous ses ordres et destituable à sa volonté, et celle qui présidera au travail des mains ne pourra jamais y employer les enfants de ladite école pendant la tenue d'icelle, mais seulement avant et après, les jours de congés et pendant le temps des vacances et afin que (1) Blouet, Vie de Messire Pierre Cresley, p. 88.

(ï) Lerosey, Histoire religieuse et civile de Périers, p. 205. (3) Annuaire de la Manche, 1873, pp. 69, 73, 77.


l'appât du gain que les enfants pourraient faire au dit travail, ne porte pas leurs parents à leur faire quitter l'école à demeure, avant qu'elles soient suffisamment instruites, celles qui n'auraient point été à ladite école ne seront reçues au travail pendant la tenue d'icelle, que lorsqu'elles auront atteint l'âge de 15 ans, et celles qui la fréquenteront ne pourront pareillement y être reçues pendant la tenue de l'école avant le dit~âge, si ce n'est seulement lorsqu'elles seront dans le premier banc de la grande classe désignée au règlement, et sur le certificat de la maîtresse d'école qu'elles sont suffisamment instruites pour quitter l'école à demeure, sauf à recevoir en tout temps, au dit travail, toutes les autres femmes et filles de ladite paroisse qui voudront s'y présenter, et sauf aussi le renvoi de celles que la maîtresse du travail conjointement avec la maîtresse d'école estimeraient être dans le cas de ce genre de punition ') (1). En résumé, nos petites écoles vivaient des ressources que la charité avait créées elles n'étaient jamais une charge pour le budget public l'enseignement qu'on y donnait était profondément et avant tout religieux et pratique. Si les maîtres et les maîtresses se distinguaient moins par l'étendue de leur science que par leur dévouement et leur régularité de vie, ils ont formé des générations fortes, dont nous avons lieu d'être fiers.

(1) Annuaire de la Manche, 1873, p. 73.


CHAPITRE III.

LES ÉCOLIERS ET LES MAITRES D'ÉCOLE DES DIOCÈSES DE COUTANCES ET D'AVRANCHES AVANT 1789. On a prétendu qu'avant la Révolution, l'instruction primaire était nulle et que le peuple croupissait dans une ignorance, favorisée à dessein par la noblesse et le clergé.

D'autre part « les écrivains de l'école révolutionnaire font un triste tableau de la condition de l'instituteur sous l'Ancien Régime. S'il faut les croire, admis sans examen, renvoyé sans motifs, ignorant, pauvre, méprisé, il dut son émancipation et la situation si importante qui lui est faite aujourd'hui aux principes proclamés par la Convention, dans les lois immortelles par lesquelles elle a organisé l'enseignement primaire f (1).

Justice a été faite de ces affirmations par MM. Allain, Urseau, Maggiolo, Fayet, Babeau, Charmasse, etc. C'est à la suite de ces érudits consciencieux et d'après leurs méthodes que nous étudierons d'abord la condition des écoliers, puis celle de leurs maîtres.

I. Condition des écoliers.

L'ignorance était-elle aussi grande au fond des campagnes qu'on se plaît à le dire? Non, assurément, si nous consultons les documents qui attestent la vérité sur ce point.

Sans doute il y eut un temps où la féodalité, toute entière aux services de la guerre, estimait peu l'étude et la science et se faisait presque un point d'honneur de ne savoir lire ni écrire. On réservait aux clercs et aux gens d'église la culture intellectuelle. De là le préjugé populaire qui éloignait égale(i) Allain, L'Instruction primaire avant la Révolution, p. i2i.


ment des lettres les manants et les bourgeois. De là encore l'application des écolâtres de nos cathédrales à surveiller l'enseignement de nos petites écoles avec un soin jaloux, tant au point de vue de l'orthodoxie, que de la discipline et du nombre.

L'usage et l'autorité ayant fixé le nombre des écoles, il était interdit d'en ouvrir de nouvelles ainsi la chrétienté d'Appeville-en-Bauptois ayant voulu en établir une, l'écolâtre de Coutances s'y opposa, alléguant que les enfants de cette paroisse devaient suivre l'école de Coigny et conformément à ces prétentions, l'Echiquier jugea qu'on ne pouvait pas fonder une école à Appeville (1).

Mais bientôt le préjugé populaire qui avait favorisé l'ignorance, même dans les classes élevées de la Société, fit place au désir de savoir. Et ce fut partout une louable émulation à laquelle correspondit l'Eglise.

« L'on ne peut guère douter que, pendant les années même les plus agitées du xiV siècle, la plupart des villages n'aient eu des maîtres enseignant aux enfants la lecture, l'écriture et un peu de calcul.

« C'est même en ce siècle que le titre de Clerc, auquel une certaine instruction fort restreinte avait coutume d'être inhérente, commence à de~ enir très fréquent, en dehors du clergé proprement dit, c'est-à-dire des prêtres et des moines. En Normandie, un certain nombre de riches paysans sont à la fois clercs et vavasseurs. A Louviers, à Tournoi, on trouve des clercs jusque parmi les teinturiers et les apprentis teinturiers. A Saint-Martin-de-Soleire, c'est un simple valet de cultivateur qui tient la comptabilité d'une fabrique. Il savait donc un peu lire et compter, et c'est une nouvelle preuve que les plus humbles au Moyen-Age n'étaient pas aussi étrangers à toute espèce d'instruction, qu'on le croit généralement (2). (1) Léopold Delisle, Etudes sur la condition de la classe agricole et <'e'<a< de l'agriculture au ~oyen-~e, p. 17S.

(2) Siméon Luce, Vie de Bertrand Du Guesclin, pp. i5, <6, 17.


Les petites écoles se maintinrentjusqu'aux dernières années duxvi~ siècle, où les guerres de religion vinrent les ruiner dans nos contrées.

Toutes les paroisses avaient leurs écoles au xvi" siècle et les écoliers y étaient nombreux. Le sire de Gouberville consigne dans son livre de raison, les distributions de liards qu'il faisait aux escolliers du Mesnil-au-Val, lorsqu'ils venaient lui chanter des Noéls en 1555, 1556, 1557, 1558 et 1561. En 1556, il donne 20 solz en liards aux escolliers qui vinrent chanter des dictiers de Noël ~1). Vingt sols faisaient 80 liards. Il y avait donc à l'école de Mesnil-au-Val, près de quatre-vingts écoliers.

A cette époque, même les domestiques avaient à cœur de faire instruire leurs enfants. Le même seigneur ne donnait-il pas à Julien, son serviteur, « 4 soldz pour payer l'escollage ». du fils de ce dernier ? (2).

Ce n'était pas seulement aux enfants que l'on procurait le bienfait de l'instruction. Chose digne de remarque, le clergé la faisait donner aux grandes personnes, autant qu'il le pouvait. Tel était le zële de M. Crestey, curé de Barenton, pour la diffusion de l'instruction, qu'il la distribuait même aux pauvres de son hôpital (3).

A Saint-Pierre-Eglise, Charles Castel et sa femme fondent un hôpital et y créent « une école chrétienne pour enseigner les articles de la foi aux ignorants de tout âge et de tout sexe, pour les porter tous à bien croire, pour apprendre divers ouvrages aux jeunes filles et les moyens de gagner leur vie. » (4) Nous avons vu plus haut le zële du fondateur des écoles de filles de Montmartin-en-Graignes pour l'instruction des grandes personnes.

Dans les écoles de village, comme à Gouberville, toutes

(t ) Journal manuscrit d'un ~t't'ede Gouberville, 1880, p. 2tG. (2) id. id. id. id

(3) Blouet, La vie de ~Mtre Pierre Cresté, p. 87.

(4) Drouet, Op. cit., p. 98.


les conditions sociales étaient confondues. Le gentilhomme G. de Gouberville avait fréquenté l'école de maître Textoris et s'y était trouvé avec les représentants des plus humbles çonditions (1).

Il paraît constant qu'il y avait alors dans tous les rangs un certain degré d'instruction et que les seigneurs des paroisses, loin de chercher à le restreindre, en encouragèrent le développement, non seulement pour eux et les leurs, mais même pour les enfants de leurs serviteurs.

Au reste, il faut bien qu'il en fût ainsi. Si les populations de la Basse-Normandie avaient croupi dans une ignorance absolue, comment le Calvinisme aurait-il pu les convier à la lecture de la Bible, comme principal moyen de se faire leur croyance et leur règle de conduite ? 1

II. Condition des maîtres c~eo~e.

Leur admission, leur situation financière et sociale. ADMISSION. C'étaient les habitants des communes ou communautés qui choisissaient leurs instituteurs en assemblée générale. Sur l'invitation du syndic, le curé annonçait au prône de la messe paroissiale qu'il y aurait, le dimanche suivant, une assemblée générale des habitants à l'effet de procéder à l'élection d'un maître d'école, et que tous et chacun étaient priés de présenter le sujet qu'ils croiraient capable de remplir le rectorat de la paroisse. Nos pères étaient si jaloux de leurs droits en cette matière, qu'après l'élection faite à haute voix, si le choix était douteux, s'il suscitait des réclamations, l'intendant en appelait à une autre assemblée.

Souvent le candidat était l'objet d'un examen de la part d'un jury composé de magistrats, de tabellions, d'avocats, de prêtres et des habitants les plus intelligents et les plus instruits.

(i) Drouet, Op. cit., p. 3i7.


L'Assemblée ne fixait son choix qu'après s'être informée des mœurs « vie, conversation et suffisance du candidat.

L'instituteur prêtait serment à l'Assemblée qui l'avait élu. Il jurait de professer la religion catholique et romaine. Quelquefois même, il s'engageait à faire le lendemain, pendant une heure, une leçon publique dans le prétoire du palais de justice. Ces précautions n'étaient possibles que dans les grands centres, bourgs ou petites villes.

Mais, jusque dans les paroisses rurales, alors même que l'école est due à la libéralité du seigneur du lieu, il ne nomme le maître d'école que sur la présentation des habitants. Ainsi furent nommés à Sainte-Mère-EgIise, en 1653, Maistre Laurent Lagoulle, prestre; en 1743, M. Bucaille en 1746, Maistre Pierre Mauger, prestre (1).

A Sainle-Marie-du-Mont, le régent de l'école est choisi dans les mêmes conditions. En 1669, l'élu de Marie de la Guiche, duchesse de Ventadour, du curé et des principaux habitants de la paroisse, est Maistre Michel de la Mache.

Il faut le reconnaître, et c'est le côté faible de l'enseignement primaire sous l'ancien régime, il n'y avait pas encore d'écoles normales. Aussi, à part les ecclésiastiques qui avaient reçu une instruction complète et qui heureusement dirigeaient la plupart de nos anciennes écoles, les maîtres laïques laissaient bien à désirer au point de vue de leur formation pédagogique, sinon de l'intégrité morale.

Le mal était en partie atténué, pour les maîtresses d'école, par la formation qu'elles recevaient dans plusieurs communautés des deux diocèses. Dès 1783, il se formait à l'école de Périers des sujets qui allaient fonder des petites écoles dans les campagnes (2).

Les filles associées à Saint-Lo pour l'instruction gratuite de la jeunesse et le soulagement des malades formaient, avant (i)~HMMaM'e~e/<a))cAe, d873, p. G6.

(2) Lerosey, //M<oire religieuse et civile de Périers, p. 208.


1726, des maîtresses d'école destinées à répandre l'instruction dans les villages (1).

Avranches de son côté, fondait une école normale d'institutrices. Jean Fleurye, prêtre de Vernix, après avoir exercé le ministère à Avranches, était allé à Paris dans la communauté des prêtres de la paroisse Saint-Paul. Il avait contribué puissamment à l'établissement des bonnes sœurs, chargées des écoles dans les campagnes, quand il en envoya deux à Avranches, en 1686, sous la protection de l'évêque d'Avranches, Gabriel Philippe de Froullay de Tessé. La première directrice, Marie Robert de Passemer, fonda une école normale d'élëvesmaîtresses, qui devait, en 1706, s'établir sur des bases plus solides. (2).

SITUATION FINANCIÈRE. Les revenus de nos anciens instituteurs provenaient de deux sources principales le traitement fixe et la rétribution scolaire.

Peu fréquent avant le XVIIIe siècle, l'usage du traitement fixe se généralisa à partir des déclarations royales de 1698 et de 1724, qui en déterminaient le montant à 150 livres pour les maîtres et à 100 livres pour les maîtresses.

En 1643, à Saint-Pierre-Eglise, l'instituteur recevait 100 livres de rente.

L'instituteur de Gonneville a 140 livres de rente et les institutrices chacune 120 livres.

Les écoles du Theil (1755) rapportent 100 livres à l'instituteur et à l'institutrice. A Maupertus (1702), la rente annuelle n'est que de 55 livres au profit du maître d'école (3). A Beuzeville-sur-le-Vey, le chapelain maître d'école a par fondation (1665) 250 livres de revenu annuel.

Le recteur de l'école de Sainte-Marie-du-Mont a 498 livres de rente, en 1671.

(t) Annuaire de la ~TaHC/ie, 1873, p. 77.

(~) ~mo!'?'M de la Société ct'~re/~o/o~t'e d'Avranches, t. Il,p. 433. (3) Drouet, Recherches historiques ~r les ~0 communes du canton de Saint-Pierre-Eglise, p. t~7, H4, 16S.


Le fondateur de l'école de Sainte-Mère-Eglise assure à l'm-.tituteur 100 sous de rente. Celui de Gorges a 200 sous de revenu (1).

A cette rente fixe, il faut joindre un revenu éventuel, qui \ariait d'après les lieux, le nombre des élevés et leur degré d'instruction. C'est ce qu'on appelait la rétribution scolaire, elle était fournie mensuellement par tous les enfants qui n'étaient pas réputés pauvres. Elle était de 4 ou 5 sous par mois pour les débutants et de 12 à 15 sous pour les plus avancés. Il y avait des contributions en nature. Le fondateur de l'école de Saint-Fromond ajoute aux 2 maisons et à la terre qu'il a données à l'instituteur, 35 boisseaux de froment, 38 boisseaux d'avoine et 50 sols tournois, le tout de rente (2).

Quelquefois le prêtre instituteur était en même temps sacristain. En 16G3, Anne Bonhomme construit une maison à Angoville, pour loger un prêtre-custos, chargé d'assister et d'aider le curé dans ses fonctions. Elle constitue une rente de 100 livres en faveur de ce custos, par contrat du 31 mars 1655. Plus tard une école était établie dans cette maison, et en 1720 le prêtre qui l'habitait était M. Biville, sieur du Marais, qui y faisait la classe (3).

A Villedieu, le professeur Jacques Iluard, qui mourut en 1708, était aussi greffier de l'officialité du lieu (4). Ce cumul des fonctions pouvait augmenter les revenus du maître d'école, qui était souvent ou curé, ou vicaire, ou chapelain et percevait à ces diSérents titres des émoluments. On a remarqué que les maîtres d'école jouissaient parfois de l'exemption totale ou partielle de l'impôt. Nous n'avons pas trouvé trace de cette faveur dans nos diocèses. Au contraire, à Angoville, nous voyons une école taxée à 5 livres de décimes (5). (1) Annuaire de la Manche, 1873, p. C6, (i7. 69.

(~) Annuaire de la Manche, 1873, pp. CC, 67, (i9.

(3~ Drouet, Op. cit. p. US.

(4) Grente et Havard, Vt~ee~'eM-~M-.Poe'/M, p. 100.

(S) Drouet, Recherches At'~o?'MM sur les 20 communes du canton de Saint-Pierre-Eglise, p. Ifiti.


La situation faite à nos anciens régents était convenable. Ils ne se plaignaient pas, et beaucoup d'entre eux conservaient leur poste longtemps.

Pierre Doyard fut maître d'école depuis 1643 jusqu'en 1679, à Saint-Pierre Eglise Pierre Fleury, de 1679 à 1697. En 1776, M. Charles Levacher occupait cette place de maître d'école depuis 25 ans (1).

Il en était de même à Gouberville, où le maître d'école Textoris se trouvait encore le 23 décembre 1556, après avoir fait l'école à Gilles de Gouberville avant l'année 1530 (2). SITUATION SOCIALE. L'ancieninstituteum'étaitpointune sorte de troisième pouvoir dans la commune en face du maire et du curé.

Il n'avait pas la prétention de diriger la communauté paroissiale et de se faire l'âme de l'administration.

Ce qui valait beaucoup mieux et relevait la condition des anciens maîtres, c'est « qu'ils jouissaient, dit M. l'abbé Allain, d'une certaine instruction qui les élevait fort au-dessus du ni.veau intellectuel des paysans qu'ils avaient quelque peu initiés aux connaissances humaines. Témoins obligés des actes principaux de la vie religieuse, baptêmes, mariages, sépultures, ils entraient par là même, avec un certain prestige, dans l'intimité des familles. Ils étaient en relations constantes avec les autorités du village, avec le curé surtout qui devait visiter assidûment l'école s (3).

Honorés du sacerdoce, ou du moins engagés dans les ordres, comme l'étaient presque tous nos anciens régents, ils semblaipnt en faisant leur école, remplir quelque fonction sacrée et, dans un pays de foi comme le nôtre, ils étaient forcément entourés d'un respect religieux.

A l'église, ils occupaient la première place après le curé. (i) Drouet, Recherches historiques sur les 20 eommMHM du canton de ~a!tM<<e?')'c-~h'~e, p. 163.

(2) ~/<tHMM)'t/ d'un sire de Gouberville, 1880, p p. 217, 218. (3) Allain, Op. cit. p. 143.


L'assemblée générale du Clergé de France avait décidé que « les maîtres d'école revêtus de leurs surplis seraient encensés dans les églises et auraient les honneurs avant les laïques et les seigneurs des paroisses eux-mêmes. x (1)

Chose digne de remarque et propre à relever le prestige de la corporation les diocèses de Coutances et d'Avranches comptaient parmi les maîtres d'école nombre de prêtres gradués dans les Universités, ou d'un mérite éprouvé C'est à Sainte-Marie-du-Mont, Michel de la Mache, prestre, maistre aux arts en l'Université de Paris et professeur en icelle, qui se charge, en 1669, de régenter dans l'école paroissiale du lieu. A Saint-Fromond, en 1630, Jacques Raoul, prestre licencié aux droits, natif de la Mancellière, se charge de diriger l'école. (2)

A Saint-Pierre-Eglise, Pierre Doyard, premier instituteur ecclésiastique, est appelé à la cure de la paroisse en 1651. Un de ses successeurs, Charles Levacher, ne quitte la place de maître d'école, en 1776, que pour devenir curé de Cherbourg. (3) Sans être prêtres, d'autres instituteurs se recommandaient d'eux-mêmes par leurs titres et la gravité de leur vie. « Vénérables et discrètes personnes, Messieurs Thomas et Guillaume Lestorey. Ledit Monsieur Thomas, étant licencié aux droits et docteur en médecine, a (sic) tenu plusieurs années les escholes à Périers (1533) (4).

Les maîtresses d'école méritaient la reconnaissance des paroisses par leur dévouement professionnel et par les soins qu'elles donnaient souvent aux malades.

En 1690, les dames de la communauté de la Propagation ou de l'Union chrétienne, enseignent et se dévouent à procurer du soulagement aux pauvres malades et surtout aux pauvres mères de famille.

(1) Collection des procès-verbaux du Clergé, t. V, p. 60?, 603. (2) Annuaire de la Manche, 1873, p p. 63, C7.

(3) Drouet, 0/). cit. p. 163.

(4) Lerosey, Ilistoire religieuse et civile de Périers, p. 193.


Le Bon-Sauveur, à l'instruction gratuite, joignait le soulagement des pauvres malades de la paroisse Notre-Dame (1). A Barfleur, Julie Postel fondait l'école, vers 1774, et elle donnait ses soins charitables aux malades de la paroisse. C'est pendant qu'elle exerçait ce ministère de charité au chevet d'une pieuse enfant de neuf an~, qu'elle mérita de connaître les desseins de Dieu sur son avenir, La maîtresse et le confesseur ont jugé l'enfant digne de faire sa première communion sur son ht d'agonie. Elle va expirer; la charitable institutrice, penchée sur le lit de la douce enfant lui dicte les plus suaves expressions d'amour envers Jésus, qui l'a visitée et l'invite à l'éternel festin. Alors l'angélique mourante, ouvrant ses yeux presque éteints, les fixe sur sa maîtresse, et poussée comme par une inspiration du ciel, elle lui dit clairement Mère, vous formerez une communauté à travers de grandes difficultés. Vous demeurerez à Tamerville. Pendant de longues années vos filles seront très peu nombreuses et on n'en fera nul cas. Des prêtres vous conduiront dans une abbaye. Vous ne mourrez qu'à un âge très avancé et vos religieuses seront alors les plus nombreuses du diocèse. Dans les dernières années de votre vie, vous vous occuperez constamment de votre église. »

Dieu venait de déchirer le voile de l'avenir devant le regard limpide de l'enfant prédestinée.

La femme à qui elle s'adressait allait être la fondatrice et la mère d'une communauté nombreuse (2).

La fondatrice de l'école de filles de Périers, Jeanne Langlois, originaire de Sainteny, mourut en 1707, à 88 ans, dans les sentiments d'une pure piété. Des témoins dignes de foi ont rapporté qu'étant tombée malade, trois ans auparavant, elle était réduite à une telle extrémité qu'on n'attendait que le moment de sa mort. Tout à coup elle se réveilla comme d'un (1) Annuaire de la ~/aKeAe, 1873, p. 77.

(2 Lerosey, Histoire de l'abbaye bénédictine de Saint-Sauveurle- Vicomte, p. 216.


profond sommeil et dit tout haut devant une autre fille qui l'assistait « C'est donc aujourd'hui, mon Dieu, que la sentence a été prononcée et qu'il faut que je sois encore trois ans sur la terre pour faire pénitence. Ces paroles furent regardées comme lui ayant été divinement inspirées. Elle mourut, en eSet, trois ans après jour pour jour, comme elle l'avait annoncé. Ce fait augmenta encore la vénération que sa vertu avait toujours inspirée (1).

Ces citations un peu longues nous montrent la considération dont on entourait, aux siècles passés, ceux et celles qui se consacraient à l'instruction de la jeunesse.

(1) Lerosey, Histoire religieuse de Périers, p. 203.


CHAPITRE IV.

L'ÉGLISE ET LES PETITES ÉCOLES DE ]\OS DIOCÈSES D'AVRANCHES ET DE COUTAïtCES AVANT 1789. I. Sollicitude de l'Éqlise.

La sollicitude de l'Eglise pour l'instruction du peuple est un

fait désormais acquis à la science. Les conciles et les synodes proclament la nécessité de l'instruction primaire les évêques et les prêtres fondent des écoles, les dotent, les surveillent et les congrégations religieuses élément par millions les enfants du peuple. Autant de faits que nous étudierons en restreignant nos recherches à la seule province de Normandie. STATUTS SYNODAUX ET MANDEMENTS ÉPISCOPAUX. Le chartrier de l'abbaye de Savigny contenait un manuscrit sur parchemin, grand in-folio, qui est un recueil des conciles et des statuts synodaux des sept anciens diocèses de Normandie, depuis les temps les plus reculés jusqu'en 1714. Il est intitulé

Conciliorum Rothomagensis P/'oot/tc:'a? et statutorum s~MOdalium omnium ejusdem froo!KC:d? ~'o?ces. a remotissimis temporibus usque et hodiernum diem collectio (1). Nous allons mettre à profit de nombreux passages de cette collection. Ils serviront à l'histoire encore imparfaitement connue de l'instruction primaire dans notre province. Nous ne remonterons pas au delà du xvie siècle.

En 1576, l'évêque d'Evreux, Claude de Saintes, se plaint de la triste situation de l'enseignement primaire dans son diocèse. (1) Annuaire de la ~/aMcAe, 18S4, p. 330.


Autrefois dans son église, il ne se trouvait pas, pour ainsi dire, une paroisse qui n'eût une maison et une fondation affectées aux écoles où l'on formait la jeunesse à la foi, à la piété, à la science, où l'on élevait des prêtres pieux et capables, des juges et des administrateurs, mais dans ces malheureux temps de discordes et de dissensions, où le prêtre ne connaît plus la foi, le juge la jurisprudence, l'administrateur la sagesse et la prévoyance, dans ces temps désastreux, les nobles, les gens d'église, les paroissiens, tous se sont entendus pour s'approprier et vendre les maisons d'école et leurs fondations, de sorte qu'il ne s'en rencontre plus dans les villages, plus dans les bourgades, plus même dans les villes les plus grandes. Une seule voie se présente pour remédier à ces maux qui conduiront l'Etat à une perte certaine il faut accoutumer les hommes, dès leurs plus tendres années, à venir étudier dans les mêmes écoles comme dans un même troupeau, à boire à la même coupe le lait de la science et de la religion, il faut les accoutumer à sentir et à vouloir de la même façon. En conséquence, l'évêque ordonne de rechercher et de rendre, sans délai, à leur première destination, sous les peines les plus sévères, les biens ayant appartenu aux écoles, qui, toutes, seront rétablies. Les anciens instituteurs possédant encore les revenus et les bénéfices qui étaient attachés à leurs fonctions se rendront à leurs postes pour se livrer immédiatement à l'instruction de la jeunesse En un mot, il y aura des écoles dans chaque ville, chaque bourgade, chaque village du diocèse. On les pourvoira de personnes capables qui recevront un juste salaire aux frais communs des habitants si les fondations ne suffisent pas.

En 1581, l'archevêque de Rouen ordonne à ses suffragants de rétablir dans leurs diocèses, les vieilles écoles, de procéder, par censures ecclésiastiques contre tous les détenteurs des revenus appartenant à ces écoles et de donner tous leurs soins à en faire ouvrir dans tous les endroits où il n'en existe pas. En 1660, François de Péricard, évêque d'Avranches, dé-


crète que « les écoles seront remises aux sièges qu'elles avaient accoustumé d'estre, que les pères de famille des paroisses affectées auxdits sièges, y envoyeront leurs enfants pour estre instruits en payant les taxes accoustumées; qu'il sera fait des recherches de toutes les fondations des dites écoles et des legs testamentaires et autres dons qui leur ont été faicts et laissez, afin de les faire payer et qu'il sera procédé, par censures ecclésiastiques contre ceux qui les retiendront ou seront refusant de les payer.

Quand on lit ces ordonnances épiscopales, on se demande comment le clergé a pu être accusé d'avoir placé la lumière sous le boisseau et, si c'est par la Révolution seulement que la Providence a voulu l'émancipation d'un grand peuple. En 1676 et 16S2, Charles-François de Loménie de Brienne, évêque de Coutances, proscrivait les dîners des calendes, qui ne devaient durer qu'une heure au plus, la trop grande abondance des viandes, les pâtisseries et les confitures, mais il réservait à ses curés la douceur beaucoup plus grande de surveiller les écoles de les tenir, eux ou leurs vicaires, d'en établir dans toutes les paroisses, si faire se pouvait, pour les garçons et pour les filles et d'y affecter une fondation capable d'attacher le maître et la maîtresse aux fonctions si importantes d'instruire la jeunesse, l'espoir de la religion et de la société. En 1682, Messire Gabriel-Philippe de Froullay de Tessé, évêque d'Avranches, représente aux curés et aux vicaires de son diocèse, qu'il est de leur devoir de prendre soin de l'ins tion des enfants de leurs paroisses et de leur apprendre non seulement les points fondamentaux de notre foi, mais encore, autant qu'il se peut, à lire et à écrire, afin qu'ils soient en état de chanter les louanges de Dieu et d'éviter les tromperies qui ne sont que trop fréquentes parmi les hommes. Il leur enjoint, en conséquence, de tenir eux-mêmes ou de faire tenir les petites écoles.

Les statuts synodaux de 1682, en ce même diocèse, rappellent plusieurs fois aux prêtres cette obligation

S


« Les pasteurs de l'Eglise étant, en effet, les pères des peuples et plus particulièrement encore des enfants des pauvres, dont les parents prennent fort peu de soin, soit à cause de la négligence qui leur est naturelle, ou à cause de la nécessité où ils sont d'être assidus à leur travail, nous ordonnons à tous les curez de notre diocèse, conformément aux règles de l'Eglise, de tenir par eux-mêmes ou de faire tenir de petites écoles dans leurs paroisses, dans lesquelles on recevra indifféremment les enfants des pauvres et des riches pour leur enseigner les principaux points de la foi catholique, les prières du soir et du matin, à lire, écrire et servir la messe que dans ces écoles, on n'exigera aucune rétribution des enfants des pauvres dont on prendra beaucoup de soin, dans la vue de plaire à Dieu que les curez qui ne tiendront point eux-mêmes les écoles auront soin d'en faire souvent la visite pour connaitre si les maîtres s'acquittent soigneusement de leur devoir s'ils gardent une juste médiocrité entre une trop grande sévérité et une trop grande indulgence. Et pour nous conformer aux anciens statuts de notre diocèse, nous défendons expressément de recevoir, dans la même école les garçons et les filles et nous enjoignons aux maîtres et maîtresses desdites écoles d'apprendre à lire à leurs écoliers et écolières dans des Heures approuvées par les docteurs ou autres ministres de l'Eglise, ou dans d'autres livres de piété pareillement approuvés. Nous supplions tous les curez de notre diocèse de considérer attentivement devant Dieu l'obligation où ils sont d'enseigner ou faire enseigner tous les enfants de leurs paroisses et de chercher tous les moyens defaire instruire les filles par une fille ou une femme vertueuse qui ait les conditions requises pour cet emploi. Cette obligation nous a paru d'une si grande importance qu'encore que nous en ayons parlé ci-devant nous avons jugé nécessaire d'en faire, en cetendroit, une ordonnance plus particulière. A son tour, le célèbre Daniel Huet, le successeur de Messire Philippe de Froullay, s'occupe tout spécialement de l'instruction primaire.


En 1693, il ordonne à tous les curez de son diocèse de tenir ou faire tenir par leurs vicaires ou autres personnes capables et approuvées, les petites écoles pour l'instruction des enfants de leurs paroisses, et, pour cet effet, il déclare qu'aucun ecclésiastique ne sera reçu à l'avenir, pour faire les fonctions de vicaire, que sous la condition de tenir les écoles quand il en sera requis. Il enjoint à ceux qui tiendront lesdites écoles d'y recevoir les pauvres et les riches et de n'exiger des pauvres aucune rétribution. [1 prescrit d'enseigner aux enfants les principaux articles du catéchisme, les prières du soir et du matin, à lire, à écrire, à servir la messe. Il veut de plus qu'on enseigne les principes de la langue latine et la note du plainchant aux enfants qui paraîtront y avoir quelque disposition, moyen de préparer pour les séminaires des sujets qui feront plus tard l'édification du prochain, comme de faire service agréable à Dieu et utile au public.

Il exhorte aussi les curez à employer tous leurs soins pour trouver une fille ou femme pieuse qui veuille se charger d'instruire les petites filles.

En 1714, un autre évêque d'Avranches, Messire RolandFrançois de Querohant de Coëtanfao, renouvelle ces ordonnances au sujet de l'éducation de l'enfance.

II. Concours du Clergé à ~ceMo~e des écoles. Il est constant que les prêtres se sont employés, en BasseNormandie, à multiplier en tous lieux les foyers d'instruction populaire.

Sur 35 fondations prises au hasard, 20 au moins sont dues à la générosité du clergé

En 587, un abbé de Montebourg, Messire Bon de Broé, par un testament du mois d'octobre, charge son neveu et successeur sur le siège abbatial de bâtir une escholle à Montebourg pour l'instruction de la jeunesse.

En 1602, Jean de Saint-Simon, archiprêtre et prieur des


Bohons, curé de Sainte-Mëre-Eglise, donne par don gratuit et libéral, au bien et profit de la paroisse de Sainte-MëreEglise, pour l'instruction des enfants d'icelle paroisse, et autres qui y pourront et vouldront venir pour être instruits aux lettres divines et humaines, une maison manable à trois pignons. »

Messire François Lagalle, prestre, laisse en 1650, à la communauté de la ville de Cherbourg toute la liberté d'élire non seulement un maistre d'école, mais deux ou plusieurs, s'ils le jugent à propos pour instruire la jeunesse aux lettres humaines seulement, et non à la philosophie qui se peut apprendre dans les universités.

En 1608, Michel Gavey, prêtre de Gorges, « laisse une maison et jardin près l'églize pour tenir escole publique. » Joachim de Mathan, prieur de Saint-Fromond, conseiller du Roi au Parlement de Normandie- donne quitte et cède à Jacques Raoul, prestre, licencié aux-droits, natif de la ManceDière, la maison et la terre appelée le lieu de la Boisdrerie pour tenir l'école le temps advenir. L'acte est de l'année 1630. En 1667, Messire Laurent Colombel, curé de Beuzevillesur-le-Vey, fonde une école de garçons dans sa paroisse. Au mois de mars 1674, « Guillaume Renouf, sieur de la Madeleine, prestre et prédicateur misssionnaire, a fondé et fonde pour toujours une eschole qui sera tenue au lieu qu'il a bâti et préparé pour cet effet au bout de la chapelle et non ailleurs, » dans la paroisse de Théville (1).

En 1674, le sieur Dupont, supérieur du grand séminaire de Coutances, donne la perfection à l'établissement qu'il avait commencé au bourg de Périers, vingt-deux ans auparavant pour y tenir une école de filles. Le fondateur la remit à la compagnie des Eudistes.

En 1678, Messire Pierre Crestey, curé de Barenton, fonde dans sa paroisse des écoles de garçons et de filles. (1) Drouet, op. cit., p. 16't


En 1685, Jean Hélye, curé de Saint-Pierre de Coutances, achète une maison et un jardin, dans la rue Saint-Pierre et y établit une école.

Le 6 octobre 1688, Julien Nicole, curé de Carnet, fonde dans sa paroisse une école de filles et la place sous le patronage de l'évêque d'Avranches.

A Canisy, en 1689, une fondation d'école est faite, dont le produit, en 1789, était de 150 livres.

Le 12 mai 1692, < Maître Louis Noël, prestre, bachelier en théologie, conseiller, lecteur et professeur du Roy en philosophie au Collège royal de France, natif du bourg de la Hayedu-Puits, fonde à perpétuité dans ledit bourg, une école publique pour y estre continuellement et gratuitement enseignez tous les enfants, tant dudit lieu que de la paroisse par un prestre de capacité et de probité fecongneue. et afin que le maistre d'école ne soit point distrait de son emploi qui doit être continuel, ledit fondateur veut et entend expressément qu'il ne puisse être ni curé, ni vicaire de ladite paroisse de la Haye, ni d'aucune autre paroisse, autrement il serait destitué de son employ (1) s.

En 1693, nous voyons s'établir, à Cherbourg, une école de Elles Maître Antoine Pasté, curé, assure, avec le concours de personnes charitables, un logement aux maîtresses choisies par lui pour enseigner gratis les pauvres filles de la ville. En 1696, le même donne à l'hôpital général une rente de 20 livres, à charge de laisser tenir l'école des petites filles, les jours ouvrables, dans une salle joignant à la chapelle de l'établissement.

En 1702, David Fossard, prestre, curé de Néville, verse 1200 livres « pour la fondation d'une école en ladite paroisse de Néville pour l'instruction gratuite de la jeunesse, et principalement en faveur des pauvres dont il ne pourra être exigé aucun salaire.

(1) Annuaire <~ la Manche, 1873, p. 71.


Messire Philippe Dubost, curé de Maupertus fonde, le 12 novembre 1702, une rente de 55 livres au profit d'un ecclésiastique qui entre autres charges « devoit enseigner gratuitement aux pauvres dudit lieu.

Par acten otarie, le 11 juillet 1711, Mlle Gillette Cousin donne une maison et 30 livres de rente pour servir à l'établissement d'une école de filles dans la commune du Luot. En 1739, Mlle Françoise Payen ajoute 75 livres de rente à cette donation. Le 17 octobre 1736, Maistre Michel Lehéricey, curé de Cherbourg, verse la somme de 6.500 livres pour avoir des frères des écoles chrétiennes et charitables de Saint-Yon. Le 1' octobre 1732. Messire Pancrace Dubreuil, docteur de Sorbonne, chanoine théologal de Coutances, donne la somme de 8.600 livres aux frères des écoles chrétiennes de la maison de Saint-Yon, qui prennent l'obligation de fournir à l'avenir et à perpétuité deux frères de leur communauté, pour enseigner et instruire les pauvres jeunes garçons de la ville, faubourgs et villages des paroisses de Saint-Pierre et SaintNicolas de Coutances. »

Jean-Louis Allain, curé du Theil, constitua, en 1755, une rente de 200 livres en faveur de deux écoles de charité, une de filles, l'autre de garçons, pour instruire gratuitement les pauvres et mendiants (1).

En 1772, Maistre Pierre Lecouvey, curé de Carentan, achète une maison propre à loger des maîtres et à recevoir des écoliers; de plus, il offre de doter l'école d'un revenu de 500 livres. L'autorisation par lettres patentes est du mois de février 1773. En 1774, le curé fournit aux frères des écoles chrétiennes leur mobilier (2).

Jean-Baptiste Gardin-Dumesnil, chanoine de Notre-Dame de Paris, ancien principal du collège Louis-le-Grand, prit sa retraite à Saint-Cyr, sa paroisse natale, et y fonda une école gratuite, quelques années avant la Révolution.

(1) Déclaration du t3 septembre 1790 à la municipalité du Theil. (2) ~HMMai're de la A~aMcAe, 1873, p. 76.


Le 20 octobre 1777, Messire N. Godard de Belbeuf accepte pour la dotation d'un maître d'école dans la paroisse de Vains, l'union de la propriété de Guetny et une rente de 40 livres sur le clergé général de France, n° 7.310, léguées pour des œuvres pies (1).

Les actes de fondation exigent souvent que l'école soit tenue par un prêtre ou un ecclésiastique. Dans les paroisses dépourvues de fondations, ce sont des ecclésiastiques qui le plus souvent dirigent les écoles.

Sur les 35 écoles dont nous avons parlé plus haut, il y avait 25 écoles de garçons toutes tenues par des prêtres ou des frères des écoles chrétiennes. Quand il n'y avait pas de maison d'école, le presbytère en tenait lieu ordinairement. Parmi ces bienfaiteurs de la jeunesse, il convient de citer M. Germain Le Bacheley, né à Flamanville, le 1~ janvier 1671. Il fut un de ces maîtres d'école qui se dévouent spontanément à l'instruction des enfants, tout en menant de front les fonctions de curé ou de vicaire. On vit l'abbé Le Bacheley, jeune prêtxe, se consacrer au service de sa paroisse natale, en reconnaissance des bienfaits dont il lui était redevable. Il se voua à l'éducation gratuite des enfants, et déclina de bons vicariats qui lui étaient offerts, disant qu'il se devait avant tout à ceux qui lui avaient donné du pain et procuré l'honneur du sacerdoce. Ces faits se passaient en 1698. Nommé à la cure de Baubigny, il en fut le maître d'école. Il ne se départit jamais de cette fonction par laquelle il témoignait à Dieu sa gratitude pour l'éducation qu'il avait reçue lui-même. Il eut à Baubigny, comme à Flamanville, des élèves pensionnaires, auxquels il enseignait le latin. Il mourut le 19 mars 1703, à l'âge de trente-deux ans (2).

Parmi les élèves de ces humbles maîtres d'école, il en est qui firent leur gloire. On peut citer le célèbre abbé de ~) Deschamps-Dumanoir, Nouvelles feuilles détachées, p. i82. (2) Trigan, La vie et les actes de M Antoine Pasté, Coutances, 1747, p, 4SO.


Saint-Pierre, Charles-François Castel, qui eut pour premier précepteur M. Pierre Doyard, curé de Saint-Pierre-Eglise (1). Citons encore Pierre Houyvet, né à Saint-Pierre-Eglise et devenu curé de Notre-Dame de Saint-Lo; Jacques Mauger, élevé de l'école de Sainte'Marie-du-Mont, sa paroisse natale, avant d'être un élève distingué de l'Université de Caen et un professeur émérite de seconde au collège de Coutances. M. Jean-Louis Burnouf, un des plus célèbres professeurs de l'Université de Paris au xix" siècle, sortit de l'école primaire de Saint-Cyr, près Montebourg, école qui devait son existence à M. Gardin-Dumesnil, ancien principal du collège Louis-le-Grand, à Paris.

CONGRÉGATIONS ENSEIGNANTES

ORIGINAIRES DES DIOCÈSES DE COUTANCES OU D'AVRANCHES Il se fonda, aux derniers siècles surtout, des communautés religieuses qui se dévouèrent au soulagement des malheureux et à l'instruction des enfants, principalement des jeunes filles. e On en compte plus de cinquante pour la France seulement, en moins de cent cinquante ans (2).

Chaque diocèse avait son ordre particulier, composé partout de femmes admirables, prêtes à tous les sacrifices et capables de tous les dévouements.

Les diocèses de Coutances et d'Avranches n'avaient rien à envier, avant 1789, aux diocèses voisins. Cinq communautés, vouées à l'enseignement, s'épanouirent, au souffle de la grâce, dans le \vn° et le XVIIIe siècle, à Périers, à Saint-Lo et à Avranches.

En 1674, M. Dupont, supérieur du Grand-Séminaire de Coutances, donna la perfection à l'établissement qu'il avait (i) Drouet, Recherches /t:~0?'t'~MM sur les vingt COMMMMM du canton de Saint .P~'re-.E'~t'M, p. 99.

(2) A. Ravelet, llistoire du ~M~'aA/e J.-B. de la Salle, p. S8.


commencé vingt-deux ans auparavant dans le bourg de Périers, pour y tenir une école de filles. Dès l'année 1652, Jeanne Langlois, originaire de la paroisse de Saint-Eny, était venue demeurer à Périers en la compagnie d'une autre fille, nommée Barbe Lair. Leur dessein était d'ouvrir une école pour les filles. Elles travaillèrent à la réalisation de leur projet jusqu'en 1661, époque à laquelle elle s'unirent en société de biens. Onze ans après, elles eurent une troisième compagne, nommée Barbe Rault. Ce fut alors que M. Dupont résolut d'affermir l'œuvre de l'école de Périers. Il le fit aux dépens de son patrimoine qui était considérable Mais ces filles étaient séculières et n'ayant pas de lettres patentes, elles ne pouvaient pas constituer une communauté capable de posséder. Le fondateur eut égard à cette situation dans le contrat d'acquisition des immeubles; il céda ce fonds au trésor et à la fabrique de Périers. Il se réservait par le même acte le droit de choisir le lieu le plus propre à l'entreprise. Lui-même et ses successeurs dans la supériorité du Séminaire de Coutances devaient nommer des filles capables de faire cette fonction, conformément aux règlements et aux statuts qui leur seraient prescrits par lesdits supérieurs. L'acte est du 14 novembre 1674. M. Dupont choisit pour supérieure Barbe Lair, donnant la charge de l'école à Jeanne Langlois. M. Moisson fut chargé de dresser le réglement. Plus tard, vers 1692, M. Blouet devenu vicaire général du diocèse de Coutances et archidiacre du Cotentin, y mit la dernière main.

Dès l'année 1690, M. Blouet avait changé la première supérieure, Barbe Lair, pour lui substituer la sœur Barbe Rault. En 1697 il nomme supérieure Jeanne Langlois.

En 1702, les sœurs étaient au nombre de cinq, sous le titre de sœurs de l'Institution chrétienne. En dépit de bien des obstacles, la communauté prospérait. En 1729, elles construisaient l'école et possédaient un pensionnat. En 1738, elles demandaient à ouvrir une chapelle, mais le mauvais vouloir des habitants fit ajourner ce projet jusqu'en 1760.


De 1760 à 1783, le modeste institut continue sans bruit son œuvre de dévouement. Quelques membres se détachèrent pour fonder de petites écoles semblables à celles de Périers. C'est ce qui amena Mgr de Talaru à faire de l'établissement de Periers une maison-mère, où ;-e formaient des sujets destinés adx écoles et aux hospices Le prélat érigea formellement l'établissement en communauté, en 1783 il donna aux sœurs des règlements plus amples, qu'il fit imprimer. H changea leur nom de Filles de l'Institution chrétienne en celui de Sœurs du Sacré-Cœur de la Providence. Il soumit les religieuses aux vœux temporaires, sous la direction des Eudistes de son grand séminaire et il leur accorda le costume religieux. La communauté depuis longtemps existante était désormais établie. Elle se répandait et possédait un certain nombre de postes dans le diocèse avant la Révolution (1).

C'est à une femme des plus spirituelles et des plus accomplies du xvne siècle que Saint-Lo fut redevable de l'établissement de l' Union chrétienne ou Propagation de foi ou des Nouvelles catholiques.

Anne de Malon, veuve de François de Matignon, comte de Torigni, de Gacé et de Montmartiu, baron de Saint-Lo, veut fonder en 1680, dans la ville qu'elle affectionne, une congrégation religieuse. De ces sœurs, les unes s'occupent à donner aux jeunes filles des instructions qui les conduisent à la pratique de la vertu et des bonnes mœurs, les autres montrent aux filles externes de la ville à lire, à écrire, à coudre, à broder et autres semblables ouvrages, et enfin à procurer du soulagement aux pauvres malades et surtout aux pauvres mères de famille (2). Mme de Matignon choisit elle-même à Paris, les sœurs Martine, Berruyer ét Jeanne Tonnelier, pour sa maison de Saint-Lo. Elle leur acheta, au mois de novembre 1681, de M. de Vermanoir, plusieurs maisons situées sur la place des Beaux-Regards. C'est là qu'elles ouvrirent d~s ()) Lerosey, //t's<o!')'e religieuse et civile <<e.ff'ter~, pp. dOG-209. (2) Annuaire <~e la Jlanche, 1873, p. 77.


classes externes et un pensionnat pour les enfants de la ville et des environs. Cette communauté s'adressait surtout aux classes aisées.

Louis XIV avait donné des lettres patentes pour cet établissement, dès le mois de février 1681. Il lui accorde « toutes grâces, franchises et libertés, exemptions et privilèges )) des hospices de province et de la maison de Saint-Germainl'Auxerrois de Paris. Les sœurs de cet institut avaient été établies à Paris, vers 1650, par Mme de Polaillon. Elles prenaient indifféremment les trois noms que nous avons indiqués plus haut.

En 1686, un institut nouveau prenait naissance à Avranches, sous les auspices de MM. Philippe de Froullay de Tessé et sur l'initiative de M. Jean Fleurye, né le 21 août 1627, à Vernix. Après avoir exercé le ministère ecclésiastique dans son diocèse d'origine, M. Fleurye était allé à Paris où il était entré dans la communauté des prêtres de la paroisse de Saint-Paul. Il contribua puissamment à l'établissement des bonne sœurs chargées des écoles dans les campagnes. C'est lui qui conçut et réalisa la pensée d'en envoyer deux à Avranches. La première directrice venue de Paris en 1686 se nommait Marie Robert de Passemer. Elle fonda une école normale d'élèves-maîtresses, qui ne tarda pas à prospérer sous son habile direction. Si plus tard, en 1706, la congrégation dut s'établir sur des bases plus solides en devenant régulière, elle n'en doit pas moins reconnaître l'abbé Fleurye pour son premier instituteur. Les institutrices de Jean Fleurye devinrent les Sœurs du Tiers-Ordre du Carmel. La commuLtauté était dans l'état le plus prospère, à l'époque de la Révolution. Saint-Lo avait déjà une communauté religieuse depuis 1680. La ville allait en voir surgir une autre, qui devait être le BonSauveur de Saint-Lo.

Elisabeth de Surville, Marie-Louise Auvray, Marguerite Bretot et Marie Foucher, s'associent en 1709. Les lettres patentes sont de 1710. Le 20 janvier 1711, le maire et les échevins


de Saint-Lo autorisent M. de Gouey, curé de Notre-Dame, à acheter une maison située rue de la Grande-Rue. Désormais l'cou\ re du Bon Sauveur était fondée. Elle allait grandir sous la protection du curé de Notre-Dame et sous la direction du P. Hérambourg.

Elisabeth de Surville s'était adjointe à Mme de la Monderie avec Marguerite Diguet du Manoir'. Ce ne fut qu'en 1712 qu'on put ouvrir la première école, car les sœurs plirent officiellement le nom de « Sœurs associées pour les petites écoles. On les appela communément Sœurs du Bon-Sauveur, à cause de leuroratoiredédiéau Saint-Sauveur. M. de Loménie de Brienne nonnua Elisabeth de Sur, ille supérieure de la communauté naissante. Le curé de Saint-Lo avait donné la vie à la communauté extérieure au P. Hérembourg était laissé par la Providence le soin de lui donner sa forme et son esprit. Un bref du pape encouragea le pieux institut, le 16 avril 1714. La pieuse fondatrice mourut, le 18 mars 1718 En 1726, l'évêque de Coutances voyant les sœurs occupées aux actes de charité ainsi qu'à la formation de maîtresses d'écoles destinées à répandre l'instruction dans les campagnes, sollicite et obtient des lettres patentes qui confirment leur établissement. Ces lettres sont datées de Fontainebleau, au mois de novembre 1726. Les règles et constitutions données par l'évêque sont de l'année 1733.

Telle fut, dans ses commencements, l'oeuvre importante qu'est le Bon-Sauveur de Saint-Lo.

Catherine Scelles, de Saint Lo, Gillette Pasquier, de Quibou et Françoise Dufresne, d'Evreux, s'associent pour fonder à Saint-Lo un établissement de petites écoles gratuites, où les jeunes filles pauvres de la ville et des environs puissent apprendre à lire, à écrire, à calculer et à travailler manuellement afin d'être mises en état de gagner leur vie.

Cette association date de l'année 1749.

Plus tard, Anne-Marie Damemme, de Saint-Georges, devient associée de Catherine Scelles. L'évêque de Coutances,


Jacques Le Fèvre du Quesnoy, considérant sa capacité et son zèle pour l'instruction gratuite des pauvres filles, approuve l'association, en 1759, sous le nom de la Providence (1). Nous pourrions ajouter à cette nomenclature la communauté des filles de la congrégation de Notre-Dame, fondée à Carentan, en 1644, par Mme de Faoucq, veuve de Jacques d'Auxais, seigneur de Notre-Dame-d'Allonne, de Saint-Pierred'Arthéglise et de Sortosvile. EUe avait un pensionnat et donnait l'instruction gratuiteaux filles de Carentan et des environs. L'abbaye de Notre-Dame-de-Protection, à Valognes, de l'ordre de Saint-Benoît, rendit service aux familles par l'éducation des jeunes filles. Cette maison, demeurée pauvre, sut se créer un supplément de ressources par l'éducation. L'abbaye fut érigée en 1646.

Une autre abbaye de l'ordre de Saint-Benoît, Notre-Damedes-Anges, à Coutances, érigée en 1660, n'avait qu'un revenu de 4.000 livres, mais elle se procura le supplément nécessaire par l'instruction de la jeunesse. Elle eut même plus de vogue que Notre-Dame-de-Protection (2).

Un vicaire de Saint-Laurent-de-Cuves, M. Gabriel de la Robichonnière, docteur en philosophie et en droit canon, entreprit, dès l'année 1700, la fondation d'une communauté destinée à former des institutrices. Cette maison, dont le fondateur conserva la direction toute sa vie, c'est-à-dire jusqu'en 1743, rendit de bons services au diocèse d'Avranches.

Nous avons fait à grands traits l'histoire de l'instruction primaire dans les deux diocèses de Coutances et d'Avranches. On peut dire que c'est l'Eglise qui a formé nos pères à l'art de parler et d'écrire, tout en déposant dans leurs âmes les semences de la foi. Elle a droit, pour cette œuvre tant de fois séculaire, au respect de tous et à la reconnaissance de ceux qui ont au cœur l'amour de la France (3).

(!) Annuaire de la ~/a?tc/te, i873, p. 77.

(2) Lecanu, /y~<ou-e du Diocèsede Coutances, T. II, p. 104. (3) Urseau, L'7~<y-M<on ~n'wMwe avant 1789, p. 204.


III..– Ecoles professionnelles.

Ecole ~<fro~rapAte de Cherbourg.

La ville de Cherbourg possédait, avant 1789, une école d'hydrographie pour la formation des marins. C'est en partie pour exciter l'émulation de ses élevés, que fut fondée la Société académique de Cherbourg par l'abbé Pierre Anquetil, en 1755. Les lettres patentes d'établissement ne sont que de l'année 1756 Le but de la fondation nouvelle était de faire servir la société à donner une noble et utile émulation aux élevés de l'école d'hydrographie, qui se destinaient à la marine. Pouratteindre ce but, Louis XVavait accordé à l'académie de Cherbourg le privilège de présenter tous les ans au ministre de la marine le jeune élève qui s'était rendu le plus recommandable par sa conduite et par ses succès dans l'école. Avec cette recommandation, il obtenait la dispense d'une ou de deux campagnes de service sur les vaisseaux de l'Etat, campagnes qui étaient toujours exigées avant la réception d'un capitaine au long cours. Cette dispense était considérée comme une grande faveur. M. Postel, ancien capitaine du port de commerce de Cherbourg, avait joui de ce privilège, avant 1789. Parmi les professeurs de cette école d'hydrographie, nous citerons en 1755, Jean-Thomas Voisin-la Hougue, un des fondateurs de l'Académie de Cherbourg; en 1767, Poittevin, sieur de Beuzeville, et en 1775, Laureau, tous deux membres de la même société (1). Henri Poittevin, sieur de Beuzeville, né à Cherbourg en 1713, fut professeur d'hydrographie dans sa ville natale pendant cinq ans. De là il fut envoyé à Marseille, où il publia un livre intitulé Description et usage de l'octant. Il mourut à Marseille, en 1778.

Jean-Thomas Voisin-la Hougue, présenta à la Société académique de Cherbourg une carte hydrographique des côtes de la Hougue et du Val de Saire (2). (A suivre). A. LcHOSEY, Chanoine honoraire.

(t) Mémoires de la Société académique de Cherbourg, 1833, p 1, (2) Annuaire de la blanche, 1830-31, p. 202.


Les Origines de Barbey d'Aurevilly

On a beaucoup parlé de Barbey d'Aurevilly depuis quelques mois, et le grand romancier bas-normand, surnommé avec tant de justesse le Walter Scott du Cotentin, a été, c'est le mot, « chicané sur son nom et ses prétentions nobiliaires dont il avait peut-être eu la faiblesse d'exagérer l'importance. Le même reproche avait été déjà fait à Balzac et bien que la solution de pareils problèmes ne soit pas de nature à augmenter ou diminuer en rien une gloire littéraire, je vais essayer, dans l'intérêt de la vérité, d'apporter un peu de lumière en un débat où, de part et d'autre, il semble que l'on n'ait pas été suffisamment documenté (1).

Je vais tâcher de démontrer

I. Que Jules Barbey d'Aurevilly était d'origine noble; II. Qu'il n'avait pas usurpé son nom.

1

Je possède un dossier, composé de pièces originales, tant en parchemin qu'en papier, dont voici l'analyse

1° Partage, devant Georges de La Fontaine et Jehan Mahy, taboUions en la vicomté de Saint-Sauveur le-Vicomte pour le siège de Néhou, des biens provenant de la succession de Pierre (t) Cf. notamment, pour t902 articles de MM. Ledrain (Illus/rN<to?t du 2 août), Doumio (Revue des D<'M.E-J/o?M<M du Hi septembre), Biré (Gazette de France du 27 octobre).


Barbey, entre honorable homme Georges Barbey, de la paroisse de La Bonneville et Guillaume Barbey, frères, ses enfants (iS8i). 2° Vente, devant Jean-François Le Véel, notaire à Valognes, par Marie Charlotte Lelandais, bourgeoise du dit lieu, fille majeure de feu Jean-Robert et de Marie Françoise Vicq, à maître Vincent Barbey, avocat aux juridictions royales de Valognes, de divers immeubles situés audit lieu, à la Croix-Morville. Passé a Valognes, en la maison du sieur Barbey, rue du Vey-Salmont (i7a2).

Jusque cette époque, les Barbey ne sont donc que les petits bourgeois terriens dont on a parlé. Continuons à feuilleter notre dossier

3° Bail sous seing privé consenti par le sieur Barbey, écuyer, à Jean Hamel, aubergiste, bourgeois de Valognes, de quatre pièces do terre sises audit lieu, triage de la Lande-du-Genest (1767). Vous avez bien lu le sieur Barbey, écuyer; quel événement s'est donc passé dans la vie de l'avocat aux juridictions royales de Valognes, entre les années 1752 et 17671 Une note insérée dans le volume 57 des Carrés ~b~t'ey(l) va nous l'apprendre.

Elle constate, en effet, que le 24 mai 1756, Vincent Barbey fut pourvu de l'office de Conseiller secrétaire du Roi, maison, couronne de France, en la chancellerie établie près la cour des aides de Clermont-Ferrand, aux lieu et place de Nicolas Feullye, décédé le 19 novembre précédent, pour en jouir, disent les provisions, aux honneurs, pr:'o:~e de noblesse et autres droits y attribués ».

Vincent Barbey prêta serment, le même jour, < es mains » du Garde des Sceaux.

Voilà donc le mot de 1~ énigme en 1756, Vincent Barbey se fit pourvoir d'une charge anoblissante de secrétaire du Roi. Aussi, neuf ans plus tard, d'Hozier fut-il en droit de lui délivrer un brevet d'armoiries timbrées dont la minute se trouve aux manuscrits de la Bibliothèque nationale, Nouveau d'Hozier_, dossier Barbey.

(1) Bibliothèque Nationale. Mss.


Ce brevet commence ainsi

Louis-Pierre d'Hozier, chevalier, conseiller du Roi en ses Conseils, juge d'armes de la noblesse de France, sur ce qui nous a été représenté par Vincent Barbey, écuyer, qu'il est en droit de jouir des privilèges, honneurs, prérogatives réservés à la noblesse du Royaume et entre autres au droit de porter des armoiries timbrées, mais que n'ayant trouvé dans sa famille aucun monument qui constate celles qu'il peut porter, etc. Nous, comme juge d'armes de la noblesse de France, avons réglé pour armoiries audit sieur Vincent Barbey un eeM d'azur à deux &ay~ adossés d'argent, et un chef de gueules chargé de trois besans d'or. Cet ecM timbre et'MH casque de profil orne de ses lambrequins d'or, d'azur, d'argent et de gueules.

Poursuivons l'analyse de notre dossier

4" Ratification devant Ambroise-Yve (sic) François Le Uarbanchon et Jean-Louis Burnouf, notaires à Valognes, d'une vente consentie par Jean Barbey, écuyer, sieur des Tesnières et N. Barbey, écuyer, sieur du Mottel, frères, demeurant à SaintSauveur-le-Vicomte, porteurs de la procuration de Vincent Barbey, écuyer, conseiller secrétaire du Roi, maison, couronne de France et de ses finances en la chancellerie prés la Cour de Clermont, leur père, passée devant de Glatigny, notaire à Saint-Sauveur-le Vicomte, à François Alexandre d'Aigremont, bourgeois de Valognes, de pièces de terre sises audit lieu, près l'enclos des dames religieuses. (Petit et Grand-Clos, La Quaisne, La Franquise), le tout contenant iS vergées environ (1771).- Quittance d'amortissement donnée à M. d'Aigrement par MM. Barbey, pere et fils (1773).

Enfin si l'on parcourt la liste publiée par MM. de La Roque et de Barthélémy, des nobles du bailliage du Cotentin qui participèrent à l'élection des députés de leur ordre aux Etats généraux de 1789, on y rencontre le nom de la dame Barbey, laquelle se fit représenter pour son fief de Taillepied situé près de Saint-Sauveur-le-Vicomte (1).

(t) 1604. Aveu rendu au Roi en sa vicomté de Saint Sauveurle-Vicomte par Anne Lambert, veuve de noble homme Julien Poërier, sieur de Sortosville, Taillepied et Curtot, pour le fief de Taillepied, quart de fief de haubert qui s'étend aux paroisses de Pierrepont, Neuville et Fresville moulins à eau, à vent et à tan, 6


Pour ne dater que de 1756, la noblesse de l'écrivain n'en était donc pas moins, ce semble, bien réelle, et l'on ne peut plus dire maintenant que sa famille « n'avait jamais possédé ni titres, ni charges, ni omces a (1).

II

Avait-il aussi droit à son nom ? C'est ce que je vais m'efforcer d'éclaircir à présent.

En 1813, le maire de Saint-Sauveur-le-Vicomte s'appelait Barbey Daurvilly (sic); il était né en 1778, marié, et riche de 4.000 francs de rente.

Ce renseignement officiel (il provient du préfet de la Manche) se trouve aux Archives Nationales sous la cote F9 395. Ce même personnage figure dès 1808 sur la liste des gardes d'honneur à cheval de première formation du département de la Manche son nom est orthographié, cette fois, BarbeyDaMyeo~t et suivi de cette mention .S'at~S'aMoeM/ propriétaire, fils de famille, soumis au Gouvernement (2). Remarquons, en passant, que sur les listes des gardes d'honneur, la particule est souvent réunie au nom propre, remplacée par un trait ou supprimée. Ce nom d'M~eot/ (3) qui semble être un diminutif ou une variante d'A ureville, hameau de 62 habitants dépendant de Saint-Sauveur-le-Vicomte (4) droits de chasse et de garenne, service d'un homme armé pendant sept jours à la quatrième porte du château de Saint-Sauveur. (Archives de la MHeAe. A, 3488, i p. parchemin).

En 1690, Jacques Poërier, écuyer, bailli de Saint-Sauveur-leVicomte, était seigneur et patron de Taillepied. Ce nom de Taillepied revient souvent dans les romans de Barbey d'Aurevilly. (1) Article de M. Doumic dans la Revue des Deux-Mondes du ia septembre d902.

(~ Archives Nationales. F9 379.

(3) Les Pièces or~MM~M de la Bibliothèque Nationale renferment le dossier d'une famille Barbey d'Aurilly qui habitait Paris au xvn° siècle et n'a jamais eu rien de commun avec les Barbey du Cotentin.

(4) Cf. Dictionnaire des Postes.


était donc officiellement porté, sous le Premier Empire, par la famille du romancier; peut-être son acte de naissance n'en fait-il pas mention Cette lacune, si elle existe, n'étonnera pas quiconque est un peu au courant des anciens usages, alors que les surnoms terriens variaient souvent d'une génération à l'autre et ils auraient tort d'en triompher trop bruyamment, ceux que Victor Hugo baptisa un jour « Les chercheurs de poux dans la crinière des lions ».

G. DU BOSCQ DE BEAUMONT.


Le Château de Saint-Lo (Manche) ET SES CAPITAINES GOUVERNEURS

(Suite) (1)

En présentant à nos chers et très honorés Confrères la suite de notre Etude sur la Forteresse de Saint-Lo et ses Capitaines, nous tenons tout d'abord à leur offrir l'expression de notre vive gratitude pour avoir bien voulu nous accueillir tout récemment au nombre de leurs associés titulaires. Pour répondre à une aussi haute bienveillance de leur part, nous ne pouvons que leur faire la promesse de joindre nos efforts aux leurs, afin de maintenir le renom de la Société qui rayonne sur notre département entier.

Il nous a paru indispensable de faire précéder cette dernière partie de notre long travail par un complément dans lequel nous avons indiqué un certain nombre de faits nouveaux sur plusieurs des personnages dont nous avions déjà tenté de reconstituer l'existence. Ces détails, qui nous étaient révélés par des chartes inédites, offraient de l'intérêt et il nous fallait les relier à ce qui nous était connu.

C'est ainsi que nous avons pu retrouver quatre capitaines de Saint-Lo qui avaient échappé à nos premières recherches; de telle sorte que le nombre des capitaines de la forteresse de Saint-Lo, pendant la durée de la seule guerre de Cent-Ans, s'est trouvé porté à vingt au lieu du chiffre primitif que nous avions nxé à seize.

(1) Cf. XIX" et XX" volumes de ces ~MM'rM.


Nous ne dissimulons pas que nous avons été étrangement surpris de n'avoir pas pu découvrir un seul de ces capitaines avant cette période désastreuse de notre histoire nationale. Il y a là une lacune importante que les Archives départementales peuvent seules combler, car nous devons en faire l'aveu, il ne nous a jamais été donné d'en pouvoir étudier les richesses. De même, il est inévitable pour nous de laisser également de nombreux vides dans la succession des capitaines de SaintLo depuis le milieu du xve siècle, jusqu'au déclin du xvni~ siècle, quand la Révolution renversa les derniers vestiges de l'antique cas~e~MM, édifié par Charlemagne, à l'aurore de la féodalité.

Notre travail n'aura ainsi esquissé que les grandes lignes de cette longue série de près de dix siècles, durant lesquels Saint-Lo, justement renommé, sut déployer toujours un caractère de grande énergie et d'un patriotisme indomptable. Puissent nos successeurs compléter notre propre entreprise pour laquelle nous n'avons pu qu'indiquer notre bonne volonté, dans laquelle nous avons été surtout encouragé et soutenu par notre vénéré Président, M. Lepingard, sans lequel nous nous fussions concentré dans les limites de la seule guerre de CentAns. Il a multiplié pour nous ses incessantes communications et ses plus flatteurs encouragements aussi nous avons à cœur de reporter vers lui la pensée et le vrai mérite de notre reconstitution historique, trop hâtive, à laquelle nous eussions voulu consacrer un long temps.

Hippolyte SAUVAGE.


CHAPITRE 1~

Compléments et additions à la première partie.

Il. HENRI DE TmÉVILLE

1360-1374.

Déjà, dans la première partie de notre étude sur Les Capitaines et Gouverneurs du e/id<eaM de Saint-Lo pendant la guerre de Cent-Ans (1), nous avons pu, dans quelques grandes lignes rapides, retracer l'existence peu connue de Henri de Thiéville.

Pourtant, nous avons négligé de dire quel fut le point de départ de son heureuse fortune.

Alors que tout jeune encore il avait, en effet, combattu aux côtés du roi Jean-le-Bon, à la désastreuse bataille de Poitiers, le 19 septembre 135G, il avait été fait prisonnier et conduit en Angleterre, en même temps que le Roi, puis contraint de payer une forte rançon pour recouvrer sa liberté (2).

Nous avons dit déjà que Thiéville fut l'un des personnages désignés pour les négociations diplomatiques relatives à la rançon du roi Jean. Ces circonstances lui valurent bientôt le titre honorifique de maître d'hôtel du Roi.

Plus tard encore, vers juin ou juillet 1372, lorsqu'il fut question d'obtenir le retour à la France du très important château de Saint-Sauveur-le-Vicomte, alors occupé par les armées anglaises, les Etats de la Basse-Normandie déléguèrent les deux baillis de Caen et du Cotentin, avec Louis Tésard, (1) A/0!')'M~e la ~oe«M(<'j4rc/te<~o~e de la ~/aHC/<e, 1901, T. xix, p 3

(~) M. Léopold Delisle, //M<ot're du château de Saint-Sauveurle- Vicomte, p. t8S. M. L. Delisle, Mandements et Actes de Charles V, 3 mars 13S7.


évêque de Bayeux, qui fut appelé l'année suivante au siège archi-épiscopal de Reims, pour être leurs interprètes auprès de Charles V, de l'absolue nécessité de réoccuper cette place de premier ordre.

Dans les conférences qui suivirent, les députés de la BasseNormandie s'adjoignirent deux des plus illustres chevaliers du Cotentin et du Bessin, notre Henri de Thiéville et Henri de Colombiëres, Charles V disait, du premier dans une lettre du 4 décembre 1364 < C'est un des chevaliers du païs qui mielx nous a servi et dont nous nous povons mielx aidier (1) ». Thiéville n'eut probablement pas à s'occuper autrement du siège de Saint-Sauveur. Cependant il se trouve mentionné au nombre des personnages qui eurent à réclamer des indemnités pour divers voyages exécutés à l'occasion de cette forteresse. Une lettre de Charles V, datée de Paris le 7 septembre 1372, en rappelle le souvenir (2).

A cette date de 1372, Henri de Thiéville était-il toujours capitaine du château de Saint-Lo ? Rien ne l'assure, quoique ce soit bien probable, puisque nous avons vu des quittances datées de lui en mars 1371, et mars 1372.

Il n'eut pas à s'occuper directement des opérations du siège de Saint-Sauveur qui furent sous la direction générale de l'amiral Jean de Vienne, et non du connétable Du Guesclin, comme l'ont affirmé à tort Froissart et Jean des Novelles. Une imposition de 40.000 livres fut levée sur le territoire de la Normandie, pour faire face aux frais de cette très importante opération de guerre. On sait notamment que, le 7 mars 1375, Jean Le Mercier, bourgeois de Gisors, qui, par ses importants services administratifs, était devenu l'un des principaux personnages de l'Etat, jaloux d'imprimer la plus grande activité aux opérations du siège de Saint-Sauveur, accourut en Basse(i) Bibl. Nationale. Cabinet des Titres. Pièces originales. V° Colombières. M. Léop. Delisle, Histoire de Saint-Sauveur, p.18S.

(2) M.DelisIe, id.p.20).–BibI. Nat. Lettres de Charles V. Vt~t'MM~, orig. du 20 novembre d373.


Normandie où il reçut à cette époque, à Saint-Lo, une somme de 27.000 livres tournois, que Raoul Campion, receveur général de la Basse-Normandie, avait apportée de Caen, pour payer les troupes commandées par Jean de Vienne (1). Comme dernier détail, disons aussi que ce fut au siège de Saint-Sau\ eur que, pour la première fois, en Normandie, on fit usage du canon contre les murs d'une forteresse. Les commissaires du Roi ordonnèrent même à Girard de Figeac, le 9 mars 1375, de confectionner, pour y être employés, des canons, aussi bien à Caen qu'à Saint-Lo. Un très gros canon, un terrible engin, jetant cent livres pesant de mitraille, fut entre autres préparé dans cette dernière ville. La quittance des frais que provoqua ce travail, porte la date du 3 mai 1375 (2). III.–JEAN DE LA IIAZARDIÈRE, CONNÉTABLE DE SAINT-Lo 1384

Toustain de Billy, dans son Histoire de la Ville de Saint-Lo (3), fait mention d'un connétable de Saint-Lo, du nom de Jean de la Hazardiëre, au cours de la première période de la Guerre de Cent-Ans.

A tort peut être, nous avions négligé de l'inscrire lors de notre précédente étude. Cependant, à la réflexion, ce guerrier doit être rangé au catalogue des capitaines de notre citadelle. Son titre de connétable devait effectivement lui faire occuper le second rang dans la défense de la forteresse, c'est-à-dire qu'en l'absence du capitaine gouverneur il devait se trouver instantanément sub&tiiué à Iuip/'c~)r<o motu.

La commission de cet oflice, par le roi Charles VI, datée du 18 février 1384 (nouv. st.) (4), indique d'une façon positive (1) Bibl. Nat. Cabinet des Titres. Pièces originales. Quittances. (2) BibI.Nat Cabinet desïitres. Pièces originales. V°I'igeac. (3) Mémoires publiés par la Société d'Archéologie de la Manche, 1864,pp. 4(i et 47.

(4~ Voir nos Pièces justificatives, n" 1.


que le titre de connétable avait été constitué au pront de Jean de la Hazardière sur l'instante demande du capitaine de Saint-Lo, pour le bien et la seureté de la pille, et avec l'assentiment des bourgeois et des habitants. Mais bien évidemment il n'avait pas la suprématie autoritaire sur le gouverneur lui-même.

Il ne faut pas perdre de vue que la qualité de connétable~ comportait autrefois diverses acceptions. Dans l'usage, le titre de connétable du royaume de France indiquait bien une fonction de premier ordre dans la hiérarchie de la France Militaire; ainsi Du Guesclin, le célëbre connétable breton, fut parfaitement le principal chef des maréchaux et des généraux Français. Mais cette dénomination était donnée souvent par les grands feudataires du royaume, et, même à certains gouverneurs de villes et de places fortes. Parfois encore, cette dénomination était prise dans l'ancienne artillerie, par des officiers subalternes, qui présidaient à la distribution de la poudre, des boulets et de tout ce qui concernait le canon.

Afin de bien faire comprendre notre pensée, nous rappelons ici, que par une charte de Richard-Cœur-de-Lion, de 1190, l'office de connétable de Normandie appartenait, à titre héréditaire à la famille du Hommet (1), originaire des environs de Saint-Lo.

Rappelons encore que le mot connétable vient des mots latins comes stabuli et désignait dans le principe le commandement de la cav alerie. Toustain de Billy a fait la même observation (2). Par suite, nous pouvons en induire que le rôle du connétable de la Hazardière put se restreindre aux troupes montées de la forteresse et de la ville de Saint-Lo. Dans tous les temps on a toujours établi une distinction entre les fantassins et les cavaliers rangés sous l'autorité suprême d'un même chef.

(1) Guizot, Histoire de la ctt~~t~a~'oM en France, T. leçon 6, Paris, i8S7.

(') Mémoires, déjà cités, p. 47.


VI. REGNAULT WEST

1417-1421

A coup sûr, nous pouvons étendre la date du commandement de RegnaultWest jusqu'au 3 mai 1421, puisque ce jour-là, au nombre des habitants de Notre-Dame de Saint-Lo, il reçut

la soumission que lui fit, comme au représentant du roi d'Angleterre, le nommé Colin Sanson, qui passa sa déclaration d'homme lige et subjet du Roy. Le vidimus en fut délivré par Richard de Beuseville, tabellion au siège de Sainte-MèreEglise (1).

Les armoiries de Wcst, en Angleterre, étaient D'argent à lajasce vivrée ou denchée de sable (2).

VII. WILLIAM DE LA POLE, COMTE DE SUFFOLK 1422-1433

Le dossier de Suffolk, au cabinet des Titres de la Bibliothèque Nationale,estassez volumineux.Il ne contient qu'un seul détail cependant que nous tenions à rappeler, parce qu'il est particulier à Saint-Lo. C'est la quittance de 1122 livres, Mn~y sol, 8 deniers tournois, pour prêt (3), et payement des gaiges et regars des hommes sous les ordres de Guillaume de la Pole, comte de Suffolk. Cette pièce est datée de Saint-Lo, le 4 avril, avant Pâques 1429 (n. s. 1430). Elle qualifie ce capitaine du titre de lieutenant du Roi, pour le fait de la guerre ès bailliages de Caen et du Cotentin. Nous pourrions, croyons-nous, ajouter que Suffolk était bien, à cette date, capitaine de Saint-Lo (4~.

(1) Bibt.Nat.F.Franc.Cab.dcsT.P 0.3019, dossier 67827, n<'2. (2) Bibl. N. F. Franc. Ûab. des T. P. 0.3049, dossier n~ 3 et 4. (3) On voit que le mot prc< s'employait déjà dans le sen'! de payement de solde que le Hoi faisait faire par avance aux soldats, pour suppléer aux montres et pour les attendre.

(4) BiN. Nat. Fonds Français, 29533. Cabinet des Titres. Pièces originales. 3049, dossier 67.842, n° 9.


X. EDOUART WEURE

1429-1430

La multiplicité de nos chartes datées de 1429 et de 1430 présenterait quelques obscurités si l'on ne se rendait pas un compte exact, tant du désarroi qu'avait dû subir l'armée anglaise au combat de la Brossiniëre, où le comte de Suffolk avait été fait prisonnier, que du retour de Raoul Tesson à la cause patriotique de la France.

Dans le but de réparer, autant que possible, le grave échec éprouvé par l'Angleterre, le duc de Bedford, régent du royaume de France, s'empressa de désigner de nouveaux capitaines pour occuper les offices dont Suffolk était pourvu. C'est évidemment dans ce sentiment qu'intervint la convention ou plutôt l'endenture dont nous donnons un long fragment à nos pièces justificatives, d'après le texte original (1), qui peut apporter quelque lumière au milieu de faits imparfaitement dénnis jusqu'ici.

Cette charte, datée du 17 novembre 1429, constate en effet que dès une époque antérieure, pouvant remonter à quelques mois et même à plus d'une année, Edouard Weure était demeuré devers (venu cers) le Régent, qui l'avait nouvellement, c'est-à-dire à une période peu ancienne, fait capitaine de la ville et forteresse de Saint-Loo. Le 17 novembre, la confirmation de son office lui fut donc renouvelée, au nom du Roi, jusqu'au jour de la Saint-Michel suivante (1430) (2). Mais il est bien présumable que Weure ne put pas conserver ce commandement jusqu'au moment prévu par oo document, puisque d'abord il fallut en faire expédier un vidimus par le garde du scel de la vicomté de Carentan, le 8 février suivant (1430), et qu'ensuite une autre charte du 7 avril 1430 nous fait connaître que Jehan Harpeley, bailli du Cotentin, fut

(1) Voir nos Pièces Justificatives, n° 3 (2) Id. id. id.


délégué avec Edouart Wynoc, ou Wynoë, chevalier, capitaine de Saint-Lo, pour faire les montres ou revues de la garnison d'Avranches, et des hommes d'armes, sous les ordres du comte de Suffolk, capitaine, alors, de cette place forte. Or, comme nous avons constaté précédemment que Suffolk avait fait une campagne active emmenant avec lui, le 15 mars 1430, Raoul Tesson, aussi bien que Edouard Weure l'un et l'autre successifs capitaines à Saint-Lo, nous sommes forcément amenés à fixer la cessation du commandement de ce dernier officier entre ces deux dates du 15 mars et du 7 avril 1430.

XI EDOUART WYNOC OU WvNOË

Capitaine anglais de Saint-Lo. 1430

Le nom de ce capitaine nous a été revélé par une charte unique, du 7 avril 1430, qui lui confie le soin de passer les revues des garnisons du château d'Avranches.

L'année suivante, il ne commandait plus à Saint-Lo, puisque Jehan IIarpeley en avait la capitainerie jointe à son titre de bailli du Cotentin, le 14 août 1431.

XI!. JEHAN HARPELEY, CHEVALIER

Capitaine anglais de Saint-Lo. 1431

Une vingtaine de chartes nous montrent Jehan Harpeley comme lieutenant de la ville et du château de Rouen, avant octobre 1422, sous le commandement du duc de Glocester, capitaine de la capitale de la Normandie; il est ensuite capitaine et bailli d'Evreux, depuis cette époque, ainsi qu'en 1423, bailli du Cotentin, en 1424, 1426, 1427, 1428, 1429, 1430, et enfin bailli de Caen.

La plus grande partie de ces actes sont des pièces de comptabilité.


Une seule se réfère directement et spécialement à la forteresse de Saint-Lo. Elle est du 14 août 1431. Nous la donnons à nos pièces justificatives (1), De même que diverses autres, que nous avons eues sous les yeux, elle porte la signature :y.77arpe/ey.

Quant aux deux dossiers Harpelay, .Harpe~ ou Har~e~e~ (2), de la Bibliothèque Nationale, leurs premiers éléments classés sous les numéros 2, 3, 4, 7, 8 et 9, ne regardent que les capitaineries et les bailliages de Rouen et d'Evreux nous ne les citons que pour mémoire.

Au contraire, les numéros 5, 6, 10, 11, 12, 14 à 19, sont spéciaux au bailliage du Cotentin, et plusieurs d'entre eux présentent un certain intérêt. Pour les numéros 19 et 20, ils concernent Jehan IIarpeley en sa qualité de bailli de Caen. Ainsi le parchemin coté 12 est le vidimus d'un acte solennel, nommé endenture, d'après les termes de la Diplomatique (3).

L'original, daté de Rouen, le 22 septembre 1427, était scellé d'un sceau en cire vermeille, appendu à un lacs à simple queue. II émanait de très haut, très excellent et puissant prince, Afo~se/teMr le Duc de Betfort. régent du royaume de France, et conférait, au nom du roi d'Angleterre, à Jehan Harpeley, chevalier, le bailliage de Constantin pour un an entier commençant à la Saint Michel venant MCCCC~XXVIf T et finissant à la Saint-Michel après ensuivant. Pour la sauve-garde, seurté et ~e~ense de son office, le bailli du Co~ tentin était tenu d'avoir continuellement en sa compagnie deux hommes d'armes à cheval (4) et vingt-quatre archiers montés

(1) Voir les pièces justificatives, 3.

(3) B N. Cab. des Titres. F. Franc. 27971. Pièces origin. 1487, dossiers 37617 et 37618.

(3) L'~K~eH<M~ ét.~it une charte écrite généralement en double exemplaire, comme nos contrats synalagmatiques, mais dont ta marge détachée de la souche était dentelée, c'est-à-dire en forme de dents et non coupée en ligne droite.

(4) Anciennement on désignait sous le nom d'homme d'armes, un cavalier armé de toutes pieces. Nous croyons devoir ajouter ·


et arnachés (1). Leur solde était fixée, pour le chevalier bachelier à deux soulz d'esterlings, par jour (2), et pour chaque homme à cheval, à 12 deniers d'esterlings et pour chaque archer, à six deniers.

Une seconde charte, datée de Paris, le 6 février 1428 (nouveau style) offre un intérêt plus particulier pour notre BasseNormandie et pour notre Avranchin. C'est l'ordre donné par Hemon Belle Knap, gouverneur des finances du roi d'Angleterre, à Jehan Harpeley, chevalier, bailli du Cotentin, et à Victor de Saint-Gabriel, vicomte d'Avranches, de, pour lui et en son nom, prendre et recevoir les montres, c'est-à-dire les revues de Thomas Bonneg, capitaine de la place et forteresse d'Avranches. Et ce, pour ce que nous /:e pouvons aller audit lieu d'Avranches, déclare le délégué du Roi et du régent du Royaume, il délègue aux sus-nommés, tous ses pouvoirs et autorité (3).

L'année suivante, le 3 avril 1429, Harpeley, et Nicolas François, contrôleur, passèrent la revue des gens d'armes et de trait de Saint-Lo (4). Quatre jours plus tard, le 7 avril 1429, avant Pâques, Thomas Blount, trésorier général des finances royales, en Normandie, confiait de nouveau une semblable mission à Messire Jehan Harpeley, bailli de Coutances, ainsi qu'à Edouard Wynoc ou Wynoë, capitaine de Saint-Lo, afin de se rendre une seconde fois à Avranches et d'y faire les montres de Monseigneur le comte de Suffolk et de Dreux, capitaine du dit lieu d'Avranches. Il s'agissait alors d'y passer en revue une véritable petite armée et le corps que l'homme d'armes appartenait presque toujours à la noblesse, qu'il avait le titre et le rang d'officier, qu'aussi il était toujours accompagné de cinq servants qui constituaient son personnel domestique et de défense.

(i) Harnachés, équipés de harnais de cheval.

(2) Sterling, monnaie de compte en Ang!eterre. La livre sterling vaut environ 2S francs.

(3) Bibl. Nat. Cab. des Titres. F. F. 2797~ Pièces orig. i487, dossier H3C17, pièce i4.

(4) Quesnault. Les grands baillis du Cotentin, p. 20. Pièces anglaises des Archives de France, p. 381.


des troupes rangées sous leurs ordres pour la sauvegarde et seurté d'icelle place d'Avranches. Ces soldats sont au nombre de trente hommes d'armes et de quatre Vlngs et dix archiers à cheval. En outre, il y a encore un autre bataillon de dix hommes d'armes et de p:s archiers à pied. Enfin, une dermëre compagnie comprend trente-huit hommes d'armes et cinquante-quatre archers à cheval, plus huit autres hommes d'armes, a\ ec vingt-quatre archers à pied (1).

Vers l'automne de la même année 1429, le 14 septembre, Jehan Harpeley délivre quittance de 290 livres, 2 sous, 6 deniers pour les frais qu'il a déboursés à l'occasion d'une autre revue de 17 hommes d'armes à cheval et de 71 archers réunis à Caen (2).

Le lendemain, 15 septembre 1429, le bailli de Coutances se trouve à Mantes. Il y passe encore une nouvelle inspection d'un homme d'armes et de sept archers à cheval, également sous ses ordres.

Mais ce que nous remarquons de plus notable dans ce dossier 33.617 du Cabinet des Titres, que nous venons d'analyser, et ce qui y provoque surtout notre attention, c'est que pour les deux capittineries et les bailliages d'Evreux et de Coutances, les commissions que reçut Harpeley ne lui furent constamment données que pour la durée d'une année. Nos chartes en fixent toujours les dates de mises à exécution, aussi bien que les dates terminales. Nous en tirons la conséquence que c'était la règle adoptée en principe dans la province de Normandie entière.

Ce fait nous explique dès lors pourquoi durant la période de la guerre de Cent-Ans, de 1419 à 1450, un si grand nombre de capitaines reçurent successivement la direction de chacune de nos forteresses normandes, notamment à Saint-Lo Il semble qu'une sorte de roulement fut alors organisé comme est (1) Bibl. Nat. Cab. des Titres. Pièces orig., 2898 Fonds franc. ~9380, dossier 643SH, n° 14.

(2) Mêmes sources, dossier 64,355, iS.


conçu actuellement dans nos armées modernes le mode du séjour temporaire de nos régiments dans leurs garnisons et par le fait de l'établissement d'une périodicité régulière. Nous ne croyons pas que cette remarque ait été faite jusqu'ici, en ce qui touche le xve siècle. Mais nos chartes semblent l'indiquer d'une façon très claire et presque indiscutable.

XIII. THOMAS TUNSTALLE, CHEVALIER

Capitaine anglais de Saint-Lo. 27 Novembre 1431 Nous n'avons rencontré aucun document qui concerne ce guerrier.

Cependant le n° 21184 du catalogue de la librairie Saflroy, au Pré Saint-Gervais, de Paris, de novembre 1903, a signalé la déclaration par Thomas Tunstalle, chevalier, bailli de Cotentin et capitaine de Saint-Lo, de sa prise de possession, saisine et garde de cette ville, à la date du 27 novembre 1431. Il avait reçu les clefs des mains de Thomas Chisnolle, écuyer, au nom de Jean Harpeley, précédemment capitaine de cette place. Cet acte fut rédigé à Saint-Lo même. Malgré notre empressement à tenter de l'acquérir, nous n'avons pu l'obtenir; il avait déjà disparu de la vente.

Au Cabinet des y:es, de la Bibliothèque Nationale (1), il n'y a que le dessin du blason de cette famille anglaise, dont lenomestorthographié Tunstal De sable, au chevron d'argent accompagné de 3 peignes de même, posés 2 et 1. XIX. GUILLAUME POITOU, CHEVALIER

Capitaine anglais de Saint-Lo

A notre précédent article concernant Guillaume Poitou, qui dut capituler pour le château de Saint-Lo, rendu au duc de Bretagne et au connétable de Richemond, le 15 septembre (t) F. Franc. 29,380. Pièces orig. 2,8i)G. Dossier G4,3SS.


1449, nous n'avons à ajouter qu'un seul détail, faisant mention d'un événement beaucoup plus lointain.

D'après un mandement original, porté au catalogue de vente de la librairie Ern. Dumont, rue Barbet-de-Jouy, à Paris (1), et inscrit sous le n° 1151, le roi Henri VI, d'Angleterre, avait donné pouvoir à Jean Stanlaw, trésorier général en Normandie, de traiter avec Guillaume Poitou, chavalier, ou avec tout autre, pour la garde et capitainerie de Creully (2). XX. JEHAN D'ESTOUTEVILLE, SEIGNEUR DE BRICQUEBEC 1450-1479

Depuis la publication de nos Capitaines et Gouverneurs du château de Saint-Lo pendant la guerre de Cent-Ans, en 1901, M. de la Morandière a fait paraître un ouvrage fort important, sur la maison d'Estouteville (Paris, 1903).

Il y parle très longuement de Jean d Estouteville, le second fils de Louis d'Estouteville, l'illustre défenseur du Mont-SaintMichel. Désigné constamment par les chroniqueurs sous la qualification de sire de Bricquebec, tandis que son aîné, Michel, n'est connu que sous le nom de M. de Moyon, ce guerrier, qui fut plus tard admis dans l'intimité du roi Louis XI, suivit toujours les armées françaises dans les luttes qui surgirent sous les règnes de ce prince et de son père, Charles VII.

Bricquebec fut donc en grande faveur près de ces deux souverains, et il en obtint notamment la capitainerie du MontSaint-Michel, à la mort de son père, survenue le 21 août 1464.

M. de la Morandière a même fait le portrait de Bricquebec, qu'il nous a dépeint comme l'un des héros de la Journée dite des Bouteilles (29 août 1475) « ou le Roy envoya au roy (1) Catalogue n° 133. Années 1903-t904, p. 45.

(2) Creully, chef-lieu de canton dans l'arrondissement de Caen (Calvados).

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d'Angleterre trois cents chariots de vins des meilleurs qu'il fût possible de trouver

D'après Philippe de Commines, l'historien de Louis XI, Bricquebec apparaît à l'entrevue des deux rois sous un aspect ventripotent, apoplectique et le nez rouge. Hissé sur deux jambes courtes et pentelantes, il doit être d'une stature peu élevée, mais comme un véritable personnage de l'une des kermesses de Teniers et fort loin de l'idéal romantique du Mont-Saint-Michel. Surtout, ce qu'il faut dire également, c'est qu'il sert son prince comme celui-ci veut être servi. Bricquebec, dans ces agapes, sait se multiplier, et les Anglais fort satisfaits des bons vins de France qu'il leur a versés en abondance, et des beaux écus d'or qu'ils ont encaissés dans leurs coffres, acceptent enfin une trêve de neuf ans, conclue le 13 septembre 1475. En récompensede ses officieux services, Bricquebec voit alors ses pensions, qui jusque-là n'ont été que de 3.000 livres tournois, s'élever à 7.000 livres. Malgré de nombreux détails sur ce guerrier, M. de la Morandière n'a cependant dit nulle part qu'il ait eu le titre de capitaine de Saint-Lo. M. le président Lepingard, d'après les Archives de la Manche, nous en a donné cependant l'affirmation, et tout nous autorise à croire qu'il en conserva le gouvernement depuis la pacification de la Normandie (1450) jusqu'à sa mort, survenue le 10 décembre 1479.


PIÈCES JUSTIFICATIVES

?1.

COMMISSION DE CAPITAINE DE SAINT-Lo

(9/eor:ey~3~)

Charles, par la grâce de Dieu, roi de France.

A tous ceulx qui ces présentes lettres verront, salut. Scavoir faisons que, comme le cappitaine de nostre ville de Sainct-Lo, pour le bien et seureté de la dicte ville, par le conseil et assentement des bourgeois et habitans ou de la plus saine partie diceulx, ayt faict et ordené connestable de la dicte ville nostre bien amé Jehan de la Hazardière, escuyer Nous, pour le bon rapport que nous avons eu de sa personne, et pour la contemplation des bons et agréables services qu'il nous a faicts dans noz guerres, et par especial dans la dernière chevauchée que nous avons faicte en Flandre, et que nous espérons qu'il nous faira pour l'advenir, le dict office de connestable avons confirmé et par ces presenter confirmons, et de nouvel le donnons, si mectier est, au dict escuyer, pour icelluy office tenir et exercer aux gaiges, prouficts et émoluments accoutusmez, au cas où le dict capitaine peult de son droict mettre connestable en icelle ville.

Si donnons en mandement, par la teneur de ces présentes, au bailly de Constantin ou son lieutenant, que du dict office fasse saisir et jouir et user paisiblement le dict escuyer, au cas susdict, et lui fasse faire satisfaction en payement des dicts gaiges par ceulx à qui il appartiendra, en les contreignant à ce par toutes voyes deues et raisonnables.

En tesmoing nous avons faict mettre notre scel ordinaire a ces présentes en l'absence du grand.

Donné à Paris le IXe jour de febvrier l'an de graces mil ccc mi troys (nouveau style 1384), et de nostre regne le IXe.


Ce même acte fut vu, lu et con6rmé par ce même roi, le 17 février 1391 (1392 n. s.), et de son règne le onzième. (Toustain de Billy, Mémoire sur Saint-Lo, p. 47). N° 2

QUITTANCE DÉLIVRÉE PAR GUILLAUME DE LA POLE, COMTE DE SUFFOLK, DE LA SOMME DE 1122 LIVRES TOURNOIS Datée de Saint-Lo, le 4 o!ort/ ~4~9 (n. st. 1430) (Bibliothèque Nationale. Fonds Français. 28,802. Cabinet des Titres. Pièces Originales. 2,318. Dossier. 52,327. ? 14). Nous Guillaume de La Pole, comte de Suffolk et de Dreux, lieutenant du Roy, nostre Sire et souverain Seigneur, pour le faict de la guerre ès bailliages de Caen et Costentin, donnons quittance de 1122 livres ung sol huict deniers tournois pour prest et payement des gaiges et regars des hommes d'armes soubz nos ordres.

Donné à Saint-Lo, le quatre apvril, avant Pasques, l'an mil cccc et vingts neuf.

Par Monseigneur le comte. Signé Depasse.

Scellé du grand sceau de cire rouge.

Original, parchemin.

N« 3

COMMISSION DE LA CAPITAINERIE DE SAfNT-Lo POUR EDOUARD WEURE

Rouen, le 17 nooembre 1429

(Bibliothèque Nationale. Fonds Français. 29,533. Cabinet

des Titres. Pièces originales. 3,049. Dossier 67,842). Extrait par analyse. Vtdimus délivré, le 8 février 1430 (n. st.), par le garde du scel des obligations de la vicomté de Carentan, d'une endenture scellée du sceau du duc de Bedford, régent du royaume de France, portant « qu'entre le duc de Bedford, d'une part, et Messire Edouard Weure, chevalier, d'autre part, fut arrêté ceci


« Ledit Messire Edouard est demeuré devers ledit seigneur le Régent, lequel l'a nouvellement fait, ordonné et retient capitaine de la cille et forteresse de Saint-Loo et lui a baillé en garde icelle pour et en nom du Roy nostre souverain seigneur du jour duy, date de ceste presente endenture, jusques au jour de Sainct-Michel prouchain venant, qui sera l'an mil quatre cens et trente.

« Parmy ce que en ladicte place et à la sauve garde d'icelle, le dict chevalier aura et tendra continuement cinq hommes d'armes et quinze archiers a cheval, sa personne en ce comprise et cinq hommes d'armes et quinze archiers à pié, montez, armez, esquipez bien et souffisamment comme à leur estat appartient. Pour lesquelx ledict chevalier prendra gaiges, etc., « Lesquelles choses le dict capitaine a promis et promet de garder bien et loyalement à son povoir la dicte ville et forteresse de Saint-Loo au compteux et prouffit du Roy nostre Sire et de mon dict sieur le Régent et en leur obéissance de nous la livrer sinon aux dicts seigneur ou à leur instant commandement le dit temps durant. Et icelles restituer et délaisser le dit jour de Sainct Michel à celui à qui il plaira aus dicts seigneur ordonner.

« En tesmoing de ce de la partie de ceste endenture demeurant devers le dict temps mon dict sieur le Régent a faict mettre son sceel.

« Donné à Rouen, le xvne jour de novembre, l'an de grâce mil cccc vingt et neuf.

« Ainsi signé par Monseigneur le Régent le Royaume de France, duc de Bedford. Signé Bradshawe.

« En tesmoing de laquelle chose nous garde dessus dict avons scellé cest présent transcript du sceel des dictes obligacions, le vuie jour de febvrier, l'an de grâce mil cccc vingt neuf (nouveau style 1430).

« Collation faite. Signé Cauvelande. »

NOTA. Cette charte est très longue et réduite ici au tiers environ. Original, parchemin.


4

QUITTANCE DE JEHAN HARPELEY, CAPITAINE DE Saint-Lo Le 14 aoùt mil cccc irente un

(Bibliothèque Nationale. Fonds Français. 27,971. Cabinet des Titres. Pièces originales, 1487. Dossier. 33,617. N° 6 ). Nous Jehan Harpeley, chevalier, capitaine de Saint-Lo, promectons et nous soubzmectons par ces présentes de bien et deument parer les hommes d'armes et de trait de nostre retenue pour la sauvegarde dudict lieu de Saint-Lo pour le dict payement nous aistre fait par Pierre Surreau, receveur général de Normandie, pour ung quartz d'an finy le xxne jour de juing dernier passé et chacun d'eulx par testes sans fraude de leurs gages et regards dudict quartier et d'eulx envoyer audict receveur quitances bonnes et valables au premier et prouchain compte qui nous sera fait des gages et regards des gens de nostre dicte retenue, par lesquels il apparaîtra tous lesdicts hommes d'armes et de trait estre bien et deument payez de leurs dits gages et regards dudict quartier. En tesmoing de ce, nous avons signé ces présentes de nostre saing manuel et scellées de nostre signet. Le quatorziesme jour d'aoust l'an mil cccc et trente ung. Signature originale J. Harpeley.

Sceau coupé. Original, parchemin.


CHAPITRE II.

LES CAPITAINES DE SAINT-LO

DEPUIS LA GUERRE DE CENT-ANS JUSQU'A LA SUPPRESSION DE LA FORTERESSE.

XXI. GUILLAUME LE JOLIS

1489-1493

Aucune indication, autre que celle que nous a donnée M. le Président Lepingard, ne nous est connue sur Guillaume Le Jolis. Il a vu son nom cité, en 1489 et 1493, dans des actes des Archives de La Manche, avec cette qualification « d'écuyer, garde et capitaine de Saint-Lo (1). »

De notre côté, nous ne savons sur la famille Le Jolis rien au delà des lettres d'anoblissement que le roi Henri IV donna, en janvier 1595, à Guillaume Le Jolis, sieur du Jonquay. Il y a une remarque à faire sur ces mêmes prénoms de Guillaume portés par deux personnages du même nom, à cent ans de distance, et nous nous demandons s'il ne serait pas possible que ce ne fût qu'un seul et même individu, puisque les dates, sauf celle d'un chiffre, seraient à peu près les mêmes. Cependant rien n'empêche qu'ils ne soient, l'un l'aïeul et le second le petit-fils. Nous sommes pourtant surpris que dans ces lettres de noblesse le nom du premier n'ait pas été rappelé.

Toutefois, l'anobli de 1595 était un homme d'une certaine valeur et il eût parfaitement pu mériter son élévation au commandement de la forteresse principale de son propre pays, fonction qu'il eût alors remplie en sous ordre, sous la direction (1) Archives de l'hôpital de Saint-Lo. Registre de M. David Vaudevire.


supérieure de ses anciens chefs militaires le Maréchal de Matignon, ou le comte de Thorigny, Charles de Matignon, fils de celui-ci.

Archer des ordonnances du Roi, à la suite du comte de Thorigny, il avait pendant dix-huit ans, sous ces deux généraux en chef, aussi bien que sous le gouverneur de Cherbourg, le sieur de La Chaux, pris part à de nombreux faits de guerre et d'assaults de villes, tant en Normandie, qu'en Picardie. Au siège de La Fère, notamment, il s'était distingué plusieurs fois d'une façon exceptionnelle dans diverses rencontres, de même que lors de quelques autres sièges de forteresses. Ses actes de bravoure et de courage, attestés par ses chefs, lui méritèrent donc un brevet d'anoblissement pour lui et ses enfants. Aux lettres qui lui en furent délivrées se trouvaient décrites ses armoiries d'azur, au chevron d'or, accompagné de trois aigles d'argent aux ailes éplotjées. L'écu était surmonté d'un casque de profil, orné de lambrequins d'azur, d'or et d'argent, avec tète et col de licorne d'argent, et deux licornes pour supports, les têtes tournées en dehors. Ces actes furent enregistrés à la chambre des Comptes, le 28 mai 1596, puis à la cour des Aides de Normandie, le 21 janvier 1597 (1).

Guillaume Le Jolis, écuyer, prenait la qualification de sieur du Jonquay, qui fut plus tard remplacée par celle de Villiers-Fossard (2), que prit en mars 1693, son arrière petitfils, François-Alexandre Le Jolis, capitaine de dragons, dans le régiment de Morsan.

Cette famille était, en 1817, représentée par FrançoisAlexandre-Léonard ou Léonor Le Jolis de Villiers, alors député pour le département de la Manche, qui avait, le 2 septembre 1787, épousé Anne-Marie-Pierrette-Catherine de (1) Bibl. Nationale. Manuscrits. Cabinet des Titres. Nouveau d'Hozier. 191. Pièces originales, n° 1583.

(2) Villiers-Fossard, au canton de Saint-Clair- sur-l'Elle, arrondissement de Saint-Lo.


Géraldin, l'une des filles du dernier grand bailli du comté de Mortain.

Sous la réserve de nos observations, nous maintenons sous les dates de 1489 à 1493, le nom de Guillaume Le Jolis, sur la liste des capitaines de Saint-Lo.

XXII. – JEHAN DE CONTEVILLE

1495

D'après une communication de M. Lepingard, Jehan de Conteville, fils et héritier de Jourdain de Conteville, aurait été capitaine gouverneur de Saint-Lo. Avec cette simple donnée, nous ne pouvons indiquer nulle autre date que celle de sa mort en 1495. L'abbé Pigeon le signale également dans le nobiliaire qu'il a composé.

D'autre part, les Manuscrits de la Bibliothèque Nationale (1) ne nous révèlent que le nom d'Arthur de Conteville, écuyer, remplissant aux années 1497,1503 et 1504, l'office de receveur ordinaire du domaine de Saint-Sauveur-Lendelin (2). Quelques autres pièces du même dossier, de 1509 et de 1515, ne regardent comme les précédentes que les comptabilités de Valognes, ou encore le bailliage de Saint-Sauveur-Lendelin. Nous ne saurions comment rattacher ces Conteville à ceux du xie siècle qui donnèrent des comtes de Mortain. XXIII. François HERBERT, seigneur DE Bréan 1513-1525

Une sentence des pieds de Beuzeville (3), du 22 avril 1513, nous fait connaître que noble homme François Herbert, sei(t) Bibl. Nat. Manuscrits. Cabinet des Titres. Pièces orig. 845 Dossier 18,920.

(2) Chef-lieu de canton, arrondissement de Coutances (Manche). (3) Dans l'arrondissement de Valognes se trouvent Beuzevilleau-Plain et Beuzeville-la-Bastille


gneur de Bréan et baron de La Ilogue, possesseur d'une vavassorie sise à Saint-Pellerin, canton de Carentan, fut capitaine de Saint-Lo.

Ce gentilhomme appartenait à une famille nombreuse, venue de Picardie en Normandie, fort riche et dont la situation était très considérable au commencement du xvie siècle, puisque deux de ses frères furent l'un, Geffroy Herbert, évêque de Coutances, de 1478 à 1510 l'autre, Louis Herbert, évêque d'Avanches, de 1511 à 1526. Leur généalogie leur donne plus communénent le nom patronymique de Hébert, mais les listes de nos évêques et divers actes originaux de la Bibliothèque Nationale, y ajoutent la lettre r et l'orthographient Herbert. D'après ce document (1), Jean Hébert, dit d'Assor.villiers(2), receveur général des finances de Louis XI, eut sept enfants 1 l'aîné, Jean, seigneur d'Assonvilliers et baron de Courcy (3), fut chambellan ordinaire de Louis XII et gouverneur de la ville de Mortagne, au Perche, en 1522. Il épousa, en premières noces, Jeanne de Semilly, et en deuxième mariage, le 28 septembre 1510, Marie de La Trémouille, dite de Lhibergement, fille d'honneur de la reine Anne de Bretagne, qui assista au mariage et fit à la jeune épouse, qu'elle avait élevée, cadeau de 5,000 livres tournois. Jean fit son testament en 1516 (4) 2° Geffroy, l'évêque de Coutances, qui acquit en 1507, la baronnie de Courcy,et fut président de l'Echiquier de Normandie; 3° Louis, l'évêque d'Avranches; François, dont il s'agit ici 5° Antoinette Hébert, femme de Claude Sanguin, (1) Bibl. Nat. Manuscrits. Cabinet des Titres. Dossiers bleus, 382. Portefeuille 9.083.

(2) La seigneurie d'Assonvilliers se trouvait dans le comté de Clermont, en Auvergne. Jean Herbert mourut en 1484, et sa femme, le 17 août lb'10. Ils furent inhumés dans la chapelle Saint Jérome qu'ils avaient fait édifier en l'église Saint-Paul à Paris.

(3; Courcy, au canton de Coutances (Manche).

(4) Le roi Louis XI1, de son côté, dota son chambellan Je cinquante mille sous tournois. Bibl. Nat. Manuscrits. Fonds français, 31,068. Cab. des Titres. Cabinet d'Hozier, 187. Dossiers 4,748, 4,749.


seigneur de Basmont, vicomte de Neuchâtel, en 1490 6° Jeanne Hébert, femme d'Antoine de Sillans, baron de Creully, capitaine de Tombelaine 7° Marguerite Hébert, femme de Jacques du Moulin, échanson du duc d'Orléans. Jean fut le seul d'entre tous qui laissa une postérité. L'un de ses enfants, Louis Hébert, eut l'évêque d'Avranches, son oncle, pour son tuteur, en 1522. Plus tard, en 1545, il épousa Gillette de Saint-Amadour, fille de Jean de Saint-Amadour, vicomte de Guingamp.

Les armoiries des Herbert étaient d'azur, au sautoir d'or, cantonné de quatre merlettes de même (1).

Quant à François Herbert, seigneur de Bréan et baron de La Hogue, qui épousa Catherine Courtin, nous le voyons figurer dans certains actes, qui tous lui donnent la qualification de noble homme.

Ainsi, le 19 juin 1498, il avait donné à Jacques Hurault, trésorier du Roi, quittance de 356 marcs, 2 gros, de vaisselle d'argent (2).

En 1514, le 14 octobre, il acquiert de Pierre Dubois, tailleur d'ymages, bourgeois de Paris, et de Marie de L'Orme, sa femme, ung arpent et demy de terre, en trois pièces, à la mesurée, assis au terroir de Mietry (ou Mutry) (3) en France, plus une autre pièce d'un demi arpent, situé entre les vignes des Fontannes et le chemin des Reuilles. Ces pièces limitaient pour partie aux chanoines de Dampmartin. Le prix de la vente était de trente livres tournois, payés comptant (4). Un autre acte de 1518 prouve que François Herbert avait le droit de percevoir une rente de neufsoh parisis, sur certaines vignes existant aux mêmes lieux (5).

il) Bibl. Nat. Mêmes indications. Doss. bleus, 352. F. F 9 083. (2) Bibl. Nat. Manuscrits. Fonds français, 27.984. Cabinet des Titres, 1,800. Dossier, 33,978, n° 9.

(3) Peut-être Mitry-Mory, arrondiss. de Meaux (Spine-et-Marnn). (4) Bibl. Nat. Mss. Cabinet des Titres. Pièces originales, 1,500. Dossier 33,983, n° 10.

(5) Bibl. Nat. Mss. Cabinet des Titres. Pièces originales. 1,500. Dossier 33,983, n° 12.


Quelques années plus tard, le capitaine de Saint-Lo paraît avoir fixé définitivement sa résidence à Paris, où bien probablement il avait pris sa retraite, à raison de son âge déjà avancé. Effectivement, d'après un acte du 17 novembre 1525, qui porte les signatures de deux notaires, il donne à titre de ferme et moisson de grain, à Jehan Le Sellier, laboureur, demeurant à Mietry ou Mutry en France, tout un domaine d'une certaine importance dépendant de la succession de la feue « Damoiselle Jehanne Guérin (1), sa mère, et lui appartenant depuis le trespas de celle-ci ». Ces biens consistent en maison, cour, granche (grange), estables, bergeries et jardin, avec sept vingts dix arpens de terre, sis au lieu et terroir de Mutry.

Voici du reste les conditions de ce contrat de louage Sa durée était de douze années, pendant chacune desquelles le preneur devait livrer au bailleur, en son hostel, à Paris, au jour Saint-Martin d'hiver, la quantité de sept mur/ts et derui de grain récolté, les deux pars blé froment et le tiers avoyne, mesure de Paris, bon grain loyal et marchand, à douze deniers par chacun an (2).

XXIV. RICHARD DU BOIS, seigneur DE l'Epiney 1532

L'unique renseignement que nous possédons sùr Richard du Bois, seigneur de l'Epiney, capitaine de Saint-Lo, nous le fait apparaître au milieu du brillant cortège qui se forma aux environs de la ville, pour y recevoir avec un grand apparat le roi François 1er, arrivant de Bayeux, le 15 avril 1532. Le souverain résida deux jours à Saint-Lo, d'où il partit pour Hambye le 21 du même mois, il faisait son entrée à (1) Jeanne Guérin descendait de N. Guérin, chancelier d«j France, vers 1273.

(2) Ribl. Nat. Mss. Cabinet des Titres. Pièces originales. 1509. Dossier 33,983, 13.


Coutances. Le but principal de ce voyage était la Bretagne il dut alors passer par Avranches.

Déjà nous avons rappelé quelques-uns des détails de cet événement notab!e (1), en nous appuyant sur les récits de Toustain de Billy et du procès-verbal de cette mémorable réception royale, publiée par M. Denis, avocat à Saint-Lo (2). C'est ainsi que nous avons indiqué la composition du cortège du Roi qui était accompagné du Dauphin, de plusieurs princes et de divers dignitaires de la Cour.

Mais nous ne nous étions pas préoccupé de certains faits que nous tenons à rappeler ici.

Par exemple, nous n'avions pas dit que les préparatifs de la réception avaient été concertés dans de nombreuses réunions préliminaires du conseil de ville, auquel s'étaient réunis, en la Maison commune, bon nombre de notables habitants de SaintLo, pris dans le Clergé, dans l'ordre de la Noblesse et dans le Tiers-Etat.

Entre tous y figura naturellement noble homme Richard du Bois, chevalier, seigneur de l'Epiney-Tesson, capitaine du château de Saint-Lo, auquel incombait, de droit, un rôle principal dans la cérémonie. Il descendait de Jehan du Bois, qui vivait sous Charles VII, et qui avait épousé Françoise Tesson. Sa famille possédait la seigneurie de l'Epiney, dès le milieu du XIVe siècle.

D'un commun accord, ils arrêtèrent le cérémonial qui serait suivi et dont on connaît l'ensemble.

En effet, le cortège se rendit sur l'ancien chemin de Bar/eux, jusqu'à la barrière comme l'on Da à la Léproserie de La Madeleine, située à un kilomètre et demi de la ville de Saint-Lo. Les membres du clergé vêtus de chappes, avec croix et bannières, précédés des enfants des écoles, devaient, à l'ar(t) Mémoires de la Société d'Archéologie de Saint-Lo, 1902, T. XX, p. 13.

(.>) Id Id. Id, 18G8, T. III, p. 187. Sous le titre François I" à Saint-Lo.


rivée du Roi, chanter le Te Deum. Venaient ensuite, les bourgeois et les habitants de la ville, montés à cheval et rangés deux à deux, en bon ordre, puis le capitaine de la forteresse de Saint-Lo, Richard du Bois et noble homme Jean de SainteMarie, seigneur d'Agneaux, son lieutenant et connestable, suivis de bien d'autres qui, arrivés dès trois heures de l'après midi, attendirent jusqu'à environ six heures du soir. A cet instant, dit le procès-verbal, le sieur du Bois, capitaine de la forteresse, s'avança vers Sa Majesté,, « lui rendant et faisant l'obéissance qu'il devoit ».

« Et par semblable se présenta devant le Roy, Denis Périer, bourgeois et l'un des ordonnés de la ville, lequel présenta au Roy de la part de la ville, les clefs des chaisnes de la dite cité lesquelles clefs, tant des portes que des dites chaisnes furent rendues et laissées par le Roy, respectivement aux dits capitaine et bourgeois, pour les garder, faire et user ainsi que d'ancienneté

Après un assez bref discours du souverain, le cortège suivi d'une troupe d'arquebusiers, en bel et bon ordre, sous le commandement de Richard de Pelvey (Pellevé), seigneur de Tracy, prit la direction de la ville.

Son arrivée sous les remparts fut alors le signal de l'explosion générale de toutes les pièces d'artillerie, tant grosses que petites, qui garnissaient les bords des fossés et des murailles de la forteresse redoutable, aussi bien que celles de l'enceinte de la ville. Cette artillerie se composait de vingt-cinq couleuDrines à croc.

Enfin sur la porte de la cité, dominant le pont jeté sur la Vire, furenl tirées dix-huit bouettes d'artillerie, tant grosses que petites, qui firent merveilleuses et grandes tempestes. On s'explique facilement quel tapage durent produire de telles explosions.

Entré dans l'enceinte de la cité, un dais ou poële de damas rouge, avec pendants de soie rouge, de la largeur de deux aunes et demie et de la longueur de deux aunes, fut porté par


quatre bourgeois au-dessus delà tête du Roi, « qui fut conduit ainsi jusqu'à l'entrée de la Cour de l'Evesque,où le dit Sire fust logé ».

Nous avions pensé tout d'abord que François Ier avait dû, comme plusieurs de ses successeurs, séjourner à Saint-Lo dans la forteresse même. Quelques auteurs, notamment Toustain de Billy, leur avaient assigné le logis de La Vaucelle, tandis que le procès-verbal de la visite royale de 1532 indiquait d'une façon précise et formelle le Palais Episcopal, désigné sous le nom de La CourL'E\esque, édifié, rebati ou restauré, à la fin du xve siècle par Geoffroy Herbert, qui fut évêque de Coutances, de 1478 à 1510. Cette habitation devait être en 1532 en fort bon état. Il n'en reste plus aujourd'hui qu'une très minime partie, qui est contigue au chevet de l'église Notre-Dame le surplus a été démoli vers 1750 ou 1760. Richard du Bois et son lieutenant de Sainte-Marie, durent occuper ensemble à Saint-Lo, jusqu'en 1561, le premier, la charge de capitaine de la forteresse, le deuxième, celle de son lieutenant, d'après Toustain de Billy (1).

Cela constituait pour eux un exercice de trente années au moins, ce qui était fort possible. Cependant il faut admettre quelques interruptions à cette durée, à raison des troubles civils de cette époque tourmentée. Nous sommes persuadé qu'il y a là une méprise de Toustain de Billy qui a confondu Du Bois de l'Espiney avec Du Bois d'Elle. Ce sont deux hommes différents qui appartenaient à deux familles bien distinctes l'une de l'autre.

XXV. JEAN dk SAINTE-MARIE, seigneur D'AGNEAUX 1532-1542

Les documents abondent sur la famille de Sainte-Marie, l'une des principales de notre Basse-Normandie. Nous pou(1) Mémoires sur Saint-Lo, p. 84.


vons croire même, d'après les Manuscrits de la Bibliothèque Nationale, que dans le Cotentin il s'en est trouvé deux différentes portant ce nom, et qui ont du se différencier par la dénomination de Sainte-Marie d'Agneaux (1) et de SainteMarie d'Esquilly (2).

La généalogie des Sainte-Marie d'Agneaux (3) revendique pour eux Jean de Sainte-Marie, seigneur d'Agneaux et de Canchy, qui fut lieutenant du capitaine de Saint-Lo, en 1532 et 1542.

A cette dernière date, et en cette qualité, il fit exécuter, le 5 décembre 1542, par les habitants de cette ville, l'ordre qui lui avait été donné le 28 novembre précédent, par Charles de Mouy, vice-amiral de France, et lieutenant général pour le Roi en Normandie. Cette mesure concernait la réglementation des portes, ponts, chaussées et barrières de Saint-Lo. Le procès-verbal de la venue de François 1er à Saint -Lo, en avril 1532, le qualifie lieutenant et connétable de Richard Du Boys, capitaine de Saint-Lo. A propos de Jean de la Hazardière, nous avons indiqué le sens réel que nous attachons à cette qualification de connétable. Mais la généalogie, déjà citée, doit commettre une erreur en qualifiant Jean de SainteMarie de lieutenant général du capitaine de Saint-Lo ce doit être dans un but laudatif et inexact que ce terme a été employé par l'employé héraldiste.

L'historien de Saint-Lo (1) rapportant le témoignage d'un jeune homme, âgé de 17 ans, dit que vers la fin de l'année 1561, Sainte-Marie d'Agneaux était lieutenant de LespinéDu Boys, qui était capitaine de Saint-Lo, se fit huguenot et fit surprendre la ville par Montgommery. Le roi Charles IX ayant envoyé une armée de Bretons, commandés par le duc d'Etampes, la cité fut bientôt reprise d'assaut. Mais un an (1) Agneaux est au canton de Saint-Lo (Manche).

(2) Esquiily, canton de Bréhal, arrondissement de Coutances (Manche).

(3)Bibl.Nat. Mss. Cab. des Titres. F. Franc. 29,243. p. orig. 2761. Port. 61,680, p. 41.


après, Saint-Lo fut reconquis sur les Bretons par le même Montgommery.

C'est dans ces circonstances, c'est-à-dire en 1561, que Du Bois reçut la capitainerie de Saint-Lo, pour récompense de son abjuration. D'un caractère plus doux que Montgommery, ce nouveau chef des novateurs, devenu gouverneur de la place, modéra les désordres qui furent beaucoup moins graves qu'à Caen et que dans d'autres villes. Les emportements et les violences ne* lui plaisaient pas, dit Toustain de Billy (2), et quand il se ait maître de Saint-Lo, ajoute notre chroniqueur, et chef du parti le plus fort, il songea seulement à s'y maintenir et à s' y fortifier en cas qu'on entreprît de l'en déloger. Il dut conserver ce gouvernement pendant fort peu de temps, puisque au dire de plusieurs témoins, Perrette Leroi et Jean Louis, un nommé Cantrainne fut bientôt le capitaine des Huguenots, et bien probablement le capitaine du château de Saint-Lo.

Du reste, dès que Matignon eut repris possession de la ville, au moyen du corps d'armée venu de Bretagne, la Cour lui transmit ses instructions lui ordonnant de chasser SainteMarie de Saint-Lo, non par la force, mais par adresse (3). Naturalisé dans cette place depuis plus de trente années, il devait y avoir une certaine influence et il fallait le ménager et avoir même quelques égards pour lui.

Mais plus tard et dans une dernière circonstance, d'Agneaux se trouva encore mêlé aux événements relatifs à Saint-Lo. Ce fut en 1574, au moment où Matignon arriva devant la forteresse redoutable, pour en faire le siège. Or il prévoyait que la défense en serait énergique, car il n'ignorait pas qu'elle était pourvue de très nombreux belligérants. Le général eut recours à la ruse et à l'adresse pour rendre la résistance moins

(1) Toustain de Billy, Mémoire sur Saint-Lo, p. 84. (2) Id. id. p. 80. (3) Id. id. p. 86. 8


opiniâtre. C'est Toustain de Billy (1) qui nous fait connaître le moyen qu'il sut employer:

« II envoya un courrier à Rampan-Clérel, voisin de Saint-Lo, « et lui manda que son dessein étoit d'assiéger Carentan. Il le « pria en même temps, lui et Sainte-Marie d'Agneaux, de « venir le trouver, avec ce que l'un et l'autre pourroient « ramasser de leurs amis. Mais surtout qu'ils eussent à tenir « la chose secrète, jusqu'à ce qu'il eût passé le Vey, où il alloit. « Connoissant le génie de Sainte-Marie, qui étoit Huguenot, « mais en secret, paroissant à l'extérieur dans les intérêts du « Roy, Matignon eut l'idée qu'il ne manqueroit pas de révéler « au moment mesme ce prétendu secret à Montgommery et à « Colombières, ses amis ».

En effet, ceux-ci affaiblirent la garnison de Saint-Lo, en en détachant cinq cents hommes qu'ils expédièrent aussitôt à Carentan. C'était ce que souhaitait Matignon. Ses adversaires étaient tombés dans le traquenard qu'il leur avait ainsi tendu. C'était de bonne guerre.

XXVI. CHRISTOPHE DE LOSPITAL,

SIEUR DE LA Rouardière

1553

D'après les précieuses indications que nous avons reçues de M. Lepingard, et qu'il a bien certainement puisées aux Archives de la Manche, Christophe de Lospital, sieur de la Rouardière, serait mort capitaine de Saint-Lo. Notre aimable correspondant nous a en même temps indiqué la date du 7 décembre 1553, mais sans préciser si ce serait celle de sa mort, ou bien de la pièce à laquelle il y a lieu de se reporter. Toujours est-il que nous n'avons vu nulle part la moindre trace de ce capitaine.

(t) Toustain de Billy, Mémoire sur Saint-Lo, p. 93.


XXVII.- N. DE BRICQUEVILLE, SEIGNEUR DE Laulne 1553

A deux reprises, ou plutôt dans trois circonstances notables, le nom de Bricqueville se trouva mêlé d'une manière intime aux évènements qui concernent le château de Saint-Lo. Notre devoir est donc de faire la part des incidents qui les accompagnent.

S'agit-il d'un seul et même personnage? Bien que les prénoms soient les mêmes, nous n'osons l'affirmer parce qu'il y eut plusieurs branches dans cette famille. Chacune d'elles fut surtout distinguée par des dénominations différentes. Ainsi, François de Bricqueville qui nous a été signalé comme capitaine de Saint-Lo, en 1553, est désigné sous la spécification de seigneur châtelain de Laulne et Auzeboscq (1). Au contraire, François de Bricqueville, le lieutenant de Montgommery, est plutôt connu sous la qualification de baron de Colombières. Celui-ci a conquis une certaine célébrité nous parlerons de lui avec quelques détails.

Pour le seigneur de Laulne, qui nous apparaît à la date de 1553, nous ne savons rien, car nous ne voyons quoique ce soit qui puisse fixer l'attention à son égard.

XXVIII. JEAN DE SAINTE-MARIE D'AGNEAUX

1561-1562

Pour mémoire, nous rappelons que Jean de Sainte-Maried'Agneaux que nous avons classé précédemment (2) comme lieutenant et connétable de Richard Du Boys, fut capitaine de la citadelle de Saint-Lo pendant très peu de temps, vers (1) Nous ne connaissons qu'une paroisse d'Auzebosq, dans l'ar. rondissement d'Yvetot.

(2) Voir le n° XXV de nos capitaines de Saint-Lo.


1561-1562. Nous croyons bon de lui donner en conséquence un numéro double.

XXIX. MICHEL DU BOIS D'ELLE, dit CANTERAYNE 1561-1562

Une enquête faite vers l'année 1631, dans laquelle figurent Perrette Leroi, âgée de 84 ans, aussi bien que Jean Louis, âgé de 87 années, révèle qu'au temps où les Bretons vinrent faire le siège de la forteresse de Saint-Lo sur les Calvinistes, qui s'en étaient emparés l'année précédente, un nommé Cantrainne ou Canterayne était dans cette ville capitaine des insurgés, sous le seigneur de Montgommery. Perrette Leroi ajouta de plus à sa déposition que les Huguenots avaient formé le projet de tuer Lucas Du Chemin, qui habitait sa terre de La Vaucelle, près de la cité. Ils incendièrent alors tous les ornements de la chapelle Sainte-Pernelle, où l'on allait beaucoup en pèlerinage (1).

Jean Louis fut encore plus précis dans ses déclarations. Il affirma que Miette-Groucy et Cantrainne faisaient à Saint-Lo et aux environs toutes sortes d'outrages et de violences aux prêtres et aux catholiques « Pourquoi le Roi envoya une « armée de Bretagne assiéger la dicte ville de Saint-Lo qui « fut prise d'assaut, » mais un an après elle fut reconquise sur les Bretons par Montgommery (2).

Cela nous reporte parfaitement au mois de septembre 1562, où le capitaine Michel du Bois d'Elle, dit Canterayne défendit énergiquornent Saint-Lo contre l'armée royale commandée par le duc d'Etampes et Matignon (3).

Canterayne était en 1591, capitaine d'une compagnie (1) Toustain de Billy, Mémoire sur Saint-Lo, p. 83.

(2) Id. id. p. 84.

(3) M. Lepingard, Aoles au procès-verbal des troubles de SaintLo, p. 41.


d'arquebusiers et faisait partie de la garnison de SaintValery (1).

XXX. MIETTE DE GROUCY

1561-1562

Si nous avons admis Canterayne au nombre des capitaines de Saint-Lo, Miette de Groucy, son compagnon d'armes et son coreligionnaire, doit y figurer au même titre, puisque d'après l'historien principal de cette ville, Toustain de Billy, ils s'y partagèrent l'autorité, jusqu'au moment où ils furent expulsés l'un et l'autre ensemble de cette vaillante forteresse. Ces deux guerriers ne doivent donc pas être séparés, dès qu'ils combattirent pour la même cause et unirent leurs efforts. Rien de plus précis sur Miette ne nous est connu. Cependant, les documents abondent sur cette famille Miette, qui appartient depuis des siècles à la région Saint-Loise. Nous les puisons surtout dans un précieux manuscrit de la Bibliothèque de Rouen, où il se trouve classé au Fonds de MartintVle. Il nous apprend que le 28 juillet 1523, Mathurin Miette, écuyer, sieur de Groucy, produisit ses justifications devant les Elus de Saint-Lo, pour y réclamer ses privilèges de gentilhomme et leur maintien en sa faveur.

Mathurin, en effet, affirmait que Perrin Miette, son aïeul, avait profité des faveurs de la charte des Francs-Fiefs, promulguée à Paris, le 3 janvier 1470, par le roi Louis XI. En qualité de possesseur du fief de Boscbramy, précédemment nommé de Bonneville, ou de Saint-Vaast, situé terroir de Saint- Vaast, il avait au nom de cette charte réclamé le droit de l'anoblissement qui lui demeurait acquis ipso facto. Il présentait donc les pièces de l'enregistrement régulier de sa demande, ainsi que la quittance des droits fiscaux perçus par le receveur, le 2 décembre 1471.

(1) Saint-Valery-sur-Somme. Lettres de Henri IV, i" décembre 1591, T. III, p. 23.


En outre, Gilles Miette, père de Mathurin, avait appartenu à l'administration supérieure et royale de la Monnaie de Saint-Lo. Ce lui était un double titre, carde même que les gentishommes verriers, les employés des ateliers monétaires français jouissaient, croyons-nous, des privilèges de la noblesse. En tout cas, ils se trouvaient exempts de toutes « tailles, fouages, aides de ville, quatrièmes, huitièmes, douanes et assiettes d'impôts, impositions, pacages, passages, services d'ost, chevances, guet et gardes de postes, emprunt et tous autres impôts, subsides et subjections quelconques », qui constituaient l'arsenal du fisc et frappaient la classe des vilains, aux termes d'une charte spéciale d'août 1494, édictée par Charles VIII. Mathurin Miette avait été reçu lui-même monnoyer à la monnaie de Saint-Lo, où il avait produit son chef-d'œuvre en mai 1500.

A titre additionnel et complémentaire, ajoutons que le nom de Lérie avait été celui de cette famille avant qu'elle adoptât la dénomination de Miette. Plus tard, encore, en 1603, elle obtint de la chancellerie des lettres de commutation de ce nom de Miette, en celui de Lauberie.

Chamillart, en 1667 maintint dans tous ses droits Jacques de Lauberie, écuyer, seigneur et patron du Mesnil-Raoult, alors âgé de 45 ans, et demeurant à Geffosses. Il constata parfaitement que les noms de ses auteurs étaient bien autrefois Lérie et Miette.

Leur blason était de gueules à trois moutons passants d'or, posées 2 et 1 (1).

XXXI. LE capitaine LA BRETONNIÈRE

· 1563

Ici nous devons inscrire le nom du capitaine La Bretonnière, sur la foi d'Aristide Guilbert qui n'a pas fait connaître les sources auxquelles il a puisé.

(1) Chamillart, Réforme de la Généralité de Caen. p. 054. La Chesnaye-Desbois et Badier, Dictionnaire de la Noblesse.


D'après cet auteur, notre nouveau capitaine prendrait rang immédiatement après les luttes ardentes que provoquèrent, dans l'intervalle de deux ou trois années (1560-1563\ l'occupation successive de la citadelle de Saint-Lo, tour à tour par les Protestants et les Catholiques; ce fut comme un jeu de paume entre les divers partis.

Cela se passait après la mort du roi François II, et dans les premiers temps de la minorité de Charles IX.

Guilbert a narré ces faits dans un récit alerte dont nous rappelons les diverses phases

« Les Protestants se saisirent ouvertement, au mois de mai 1562, de la forteresse de Saint-Lo ils mirent à feu et à sac les églises ainsi que les maisons de leurs principaux adversaires et travaillèrent à restaurer les fortifications, pour en faire un des boulevards du protestantisme dans le Cotentin. « Mais le comte de Matignon, l'un des chefs des Catholiques de la Normandie, la leur enleva quelque temps après, avec l'aide du duc d'Etampes et de ses Bretons, et y exerça de cruelles représailles.

« L'année suivante, La Bretonnière, à qui Matignon en avait confié la garde, prenant l'alarme, s'enfuit avec la garnison sur un faux bruit que toute l'armée des Protestants était en marche pour en venir faire le siège.

« Montgommery courut sur le champ à Saint-Lo, et comme les forces des Religionnaires n'avaient guère diminué, il put y entrer sans coup férir. Les vengeances qu'il tira des Catholiques furent sanglantes.

c Deux édits de pacification replacèrent tour à tour SaintLo sous l'obéissance du Roi (1563-1570) (1). »

Il est regrettable, nous le répétons, que cet historien n'ait pas fait connaître d'autres détails sur ce capitaine La Bretonnière.

(1) Guilbert, Histoire des villes de France, T.V, p. 733. Saint-Lo.


XXXII. NICOLAS DE Chauraiz

1570

L'existence du capitaine Nicolas de Chauraiz nous est révélée par les lettres de commission délivrées le 19 juin 1570 à Georges de Mathan. Elles disent en termes formels que la fonction de capitaine de Saint-Lo était vacante par suite du décès de Nicolas de Chauraiz, sieur de Cherperimé (1). Les manuscrits de la Bibliothèque Nationale indiquent bien une famille du même nom, seulement elle appartient à la Touraine et les peu nombreuses indications qu'on trouve ne portent sur aucun personnage ayant le prénom de Nicolas, ni de seigneur de Cherperimé. Quant à ce domaine, nous n'avons rencontré nulle part de dénomination semblable.

XXXIII. GEORGES DE MATHAN, SEIGNEUR DE SEMILLY 1570-1584

Georges de Mathan, capitaine du château de Suint-Lo, fut l'une des premières victimes des guerres de religion en notre Basse-Normandie. A ce titre, il réclame une étude particulière, car il fut l'objet de l'un des épisodes les plus imprévus et les plus violents de cette époque féconde en faits étranges. Fils de Nicolas de Mathan, chevalier, baron de SaintOuen-le-Brisoult, châtelain de Mathan (2), de Semilly, de Coulons etc, et de Marguerite, ou d'après d'autres de Madeleine d'Espinay, fille de Henri d'Espinay, chambellan du roi Louis XII, il avait épousé en premier mariage, le 4 juillet 1551, Claude des Asses, fille de Claude des Asses, conseiller au parlement de Paris (3); puis en deuxièmes noces, en 1583, (1) Bibl. Nat. Cabinet des Titres. Chérin, 13-2, n° 21. (2) Le fief de Mathan était situé sur la rivière de l'Odon, près de l'abbaye d'Aunay, à six lieues de Caen.

(3) Contrat de Le Manier et Soullard, notaires à Noyon, au bailliage de Vermandois. Bibl. Nat. Manuscrits. Cabinet des Titres. Nouveau d'llozier, n° 228.


Françoise de Créquy, sœur de Jean de Créquy, seigneur de Raimboval (1). De son premier lit, il eut quatre enfants et six du second.

Né en 1528, et tout jeune encore en 1551, Georges, le troisième enfant issu d'un deuxième mariage avait l'honneur d'appartenir par sa propre mère aux maisons royales de Valois et de Bourbon, aussi bien qu'à celle de Lorraine. Dans ces conditions, il devait compter sur une brillante carrière militaire, grâce aux faveurs de la Cour et de sa très grande distinction personnelle.

Incorporé dans les légions de l'arrière-ban du bailliage de Caen, il fut bientôt cornette du capitaine-commandant de cette compagnie. Cependant il lui fallut obtenir du Roi des lettres de surséance, au moment de partir pour le service de Sa Majesté, hors du Royaume. Le brevet était daté de Rouen, le 17 novembre 1555 (2). Plus tard, il fut maître d'hôtel ordinaire et intendant du duc et de la duchesse de Longueville et d'Estouteville (3). Quaire mois après son mariage avec Françoise de Créquy, par brevet du Roi, daté d'Argentan, le 19 juin 1570, il recevait la capitainerie de la ville de Saint-Lo, vacante par le décès de Nicolas de Chauraiz, sieur de Cherperimé. Enfin, le 3 juillet suivant, Georges de Mathan obtenait de Charles IX, sa nomination de chevalier de l'ordre de Saint-Michel, dont la commission, contresignée de Neuf cille, lui était expédiée de Gaillon. Le même jour mission spéciale était donnée au duc de Longueville de conférer au titulaire les insignes de cette distinction et de procéder à la réception officielle du nouveau dignitaire (4).

(1) Bibl. Nat. Manuscrits. Cabinet des Titres. Pièces orig. 1887. Chérin, 132. fo 21

(2) Bibl. Nat. Manuscrits. Cabinet des Titres. Nouveau d'Hozier. (3) Marie de Bourbon, duchesse de Longueville et d'Estouteville, était également comtesse souveraine de Neuchâtel. (*) Bibl. Nat. Manuscrits. Cacinot des Titres. Chérin 132. f° 21. Original sur parchemin.

(4) Bibl. Nat. Manuscrits. Cabinet des Titres. Carrés d'Hozier, 420. Chérin 132.


Georges de Mathan résigna son titre de capitaine de SaintLo dès les premiers mois de 1584, en faveur d'Adrien de Mathan, son fils, puisque la commission de celui-ci est du 9 juin. Cependant il est à noter qu'il ne mourut qu'en 1595. Nous ne saurions affirmer si, dès 1584, il était gentilhomme de la chambre du Roi. Mais il en avait toujours le titre lorsque, le 26 février 1593, il fit au château de Semilly, qu'il habitait, son testament qui fut reçu par Pierre La Quièze et Jean Guillaumette, tabellions royaux de la sergenterie de Saint-Clair. Dans cet acte, il avait fait plusieurs legs pieux, notamment au profit de l'Hôtel-Dieu de la Trinité, fondé par son père, en la paroisse de Saint-Pierre de-Semilly (1).

Il mourut le 15 février 1595, âgé de 67 ans. Son inhumation se fit dans l'église de Semilly, où l'on voit son tombeau, près de celui de Claude des Asses, sa première femme, morte le 27 janvier 1569, âgée de 36 ans, et dont il avait eu douze enfants (2). Le partage de sa succession s'opéra le 6 mars suivant, entre ses quatre fils Adrien, Robert, Joachim et Jacques de Mathan, qui réglèrent en même temps le douaire de Françoise de Créquy, leur belle mère, par acte passé devant de La Quièze et Guillaumette, notaires (3).

Ce capitaine de Saint-Lo avait formé la tige des seigneurs de Semilly, qui se sont perpétués jusqu'à nos jours et se trouvent représentés dans notre Société par notre distingué collègue, le comte Jean de Mathan.

Leur blason est de gueules à deux jumelles d'or, au lion d'or passant, enchef, armé et lampassé de même. Devise: Au fidel rien ne fault (4).

Deux mots encore sur la famille de Mathan Dès le 6 mai 1519, Nicolas de Mathan, père de Georges, avait fait à Fran(1) Bibl. Nat. Manuscrits. Cabinet des Titres.

(2) La Chesnaye-Desbots et Badier, Diclionnaire de la noblesse de France.

(3) Bibl. Nat Manuscrits. Cabinet des Titres. Pièces originales, 1887. f° 64. Et carrés d'Hozier, n° 420.

(4) Bibl. Nat. Mss. Cabinet des Titres. Dossiers bleus. 434.


çois Ier l'hommage du fief de Semilly. A la mort de Madeleine d'Espinay, veuve de Nicolas, survenue le 20 janvier 1538, la garde noble de leurs neuf enfants mineurs fut déléguée par le Roi à Catherine d'Estouteville, leur aïeule maternelle (1). Le fait le plus notable de l'existence de Georges de Mathan, fut peut-être le coup de main qui le dépouilla par surprise de son titre de capitaine du château de Saint-Lo.

Ce fut presque au début de la septième reprise des guerres de religion en Normandie, qui se manifesta dans des circonstances bien connues que nous voulons rapidement rappeler. C'est à La Rochelle que la plupart des chefs des Huguenots vinrent chercher un refuge. Montgommery fut l'un d'eux. Poursuivis vainementpar l'armée catholique du duc d'Anjou (2), qui sacrifia la vaillante cité, défendue par Lansac, les rebelles obtinrent un traité de paix qui leur assura plusieurs places fortes (1573).

Peu après, au printemps de l'année suivante, Montgommery organisa, dans les îles de Jersey et de Guernesey, une nouvelle insurrection, pour laquelle il compta de très nombreuses adhésions dans la presqu'île du Cotentin et dans ses principales villes, notamment à Saint-Lo De son point d'observation, au jour choisi par lui pour en venir prendre la direction suprême, il lui suffira d'un bon vent favorable, et, tout au plus de quelques heures pour la traversée. D'ailleurs ses lieutenants sont envoyés à l'avance par lui sur le terrain où tous attendent le signal.

Mais au gré des impatients, il se fait attendre et c'est de Saint-Lo que part la première fusée qui éclate le 2 mars 1574. Le premier drame qui s'y déroule proclame cette ville comme le rempart de la cause protestante. La scène se passe au centre de la citadelle, dans les locaux mêmes du gouverneur, où les insurgés font irruption dès la première heure. Par (1) Bibl. Nat. Chérin, 432.

(2) Il devint plus tard le roi Henri III.


surprise et violence, ils s'emparent des clefs de la forteresse, en même temps que de celles des portes de la ville « qui furent ravys et ostez par force au sieur de Mathan, le jeune, ayant charge en l'absence de son père, capitaine de la dite ville » La victime est Adrien de Mathan, fils de Georges de Mathan, le gouverneur de la place le chef du complot est Antoine de Thère, écuyer, seigneur de Thère. Celui-ci est suivi d'une douzaine de conspirateurs, entre lesquels Nicolas Grente, qui fut plus tard condamné à mort, par sentence de justice.

Une fois maîtres de ces clefs, ils jettent Mathan et ceux de son entourage dans les cachots; puis faisant appel à leur adhérents de la ville et du dehors, ils expulsent de la citadelle et de la cité la garnison catholique et ceux des habitants dont ils soupçonnent les opinions hostiles.

Thère, pendant quelques jours, se constitue le capitaine du château-fort de Saint-Lo et l'exécuteur de la vindicte protestante. Il préside à tous les actes, « toutes voyes et façons « de guerre et hostillités par ruines et abattement de églises, «. fortifications, mutations, et remparements de murailles, bou« chements de portes, pontz et passages, sacrilèges, ravisse« ments de biens et rançonnements de personnes et générale privation de la liberté des obéissants] serviteurs du Roy » (1). Alors faisant entrer François de Bricqueville, sieur de Colombières, puis cinq jours plus tard, le 7 mars, François de Montmorency, sieur de Hallot, dans la place, avec des renforts, Thère dépose entre leurs mains le fardeau de sa capitainerie et de ses responsabilités.

Montgommery quitte enfin Jersey et vient débarquer, le 11 mars au havre de Linverville (2). Colombières reçoit alors de lui le titre de capitaine de Saint-Lo.

(1) Procès-verbal des troubles de Saint-Lo. MémoiresdelaSociaé d'Archéologie de Saint-Lo. T. IX. p. 10.

(2) Linverville, canton de Saint-Malo-de-la-Lande, arrondissement de Coutances.


On sait le reste. La forteresse est bientôt investie par Matignon, lieutenant-général du roi Charles IX et gouverneur de la Normandie. Montgommery s'échappa de Saint-Lo et s'enfuit à Domfront où il se fit capturer par son vainqueur. Enfin, après six semaines de siège, Saint-Lo capitule le 10 juin 1574. Nous reviendrons sur quelques uns des épisodes de ces guerres civiles avec les personnages qui y participèrent et que nous retrouverons en scène.

Quant à Georges de Mathan, dépouillé violemment de son titre de capitaine de Saint-Lo, il dut reprendre son office après la pacification, soit parce qu'en fait il dut être toujours considéré comme le gouverneur titulaire de la place, soit qu'il ait reçu une nouvelle commission du roi Henri III, puisqu'en 1584, il donna sa démission afin de pouvoir transmettre son épée de commandement à son fils aîné, Adrien de Mathan, celui-là même auquel était arrivé l'accident du 2 mars 1574. Nous avons dit déjà que Georges de Mathan ne mourut qu'en 1595. XXXIV. ANTOINE DE Thèrk, SEIGNEUR DE Thèke ET dk LA MEAUFFE

1574

L'audacieux coup de main qui lui permit de s'emparer des clés de la citadelle de Saint-Lo et même de la ville, le 2 mars 1574, nous est déjà connu. Directeur du complot qui lui permit de chasser de la place Adrien de Mathan et d'en expulser les défenseurs catholiques au profit des Huguenots, auxquels il en ouvrit les portes, Thère se constitua lui-même capitaine du château et disposa de tout dans la cité, jusqu'au moment où Colombières, le lieutenant de Montgommery, eut fait appel à son chef qui était à Jersey, dans l'attente des résultats. Son pouvoir fut de très courte durée. Il cessa dès que Colombières et Hallot furent entrés à Saint-Lo, le 7 mars 1574 (1). (1) Il mourut quelques mois après sur la brèche, en défendant le château de Domfront avec Montgommery. M. Lepingard, Notes au Procès-verbal des troubles de Saint-Lo. p. EO.


XXXV.- FRANÇOIS DE MONTMORENCY, SIEUR DE HALLOT 1574

Le procès verbal des troubles à Saint-Lo, dressé par Dancel, en juin 1574, p. 12, nous apprend que dès le 7 mars précédent, et avant la venue de Montgommery, dans la forteresse de cette ville, « le filz aisney du sr de Crevecœur, « appelé Hallot, surnommey de Mémorency, entra en ladicte « ville, avec 40 ou 50 hommes à cheval, portant armes. » Il y fut reçu « avecques grant respec » par Colombières. Hallot se déclara aussitôt l'un « des chefs des dits rebelles « commandant, et baillant, en son nom, sauvegardes, « ordonnances et mandementz ».

Quoiqu'un peu confus dans ses termes et manquant de précision, ce précieux document nous démontre que ce pourfendeur, nouveau venu et véritable fanfaron, s'empara aussitôt du titre de capitaine de la forteresse, et voulut tout mener à la cravache, multipliant en tous sens ses sauvegardes, ordonnances et mandements.

Tout d'abord, ilfit régler par Hommet, receveurdesfinances, les appointements du capitaine de Thère, du jour de sa prise de possession, le 2 mars 1574 (1). Toustain de Billy fait même une longue énumération des dépenses commandées par lui pour montages de canons sur leurs roues, pour serrures des portes, pour réparations de murailles, même pour les pilons du moulin à poudre, et pour 200 fagots destinés aux soldats du corps de garde.

Montgommery mit bientôt ordre à cette exubérance d'action, en constituant Colombières pour capitaine de la forteresse et en relégant Hallot sur les remparts de combat.

Mais celui-ci, plutôt que d'occuper un rang aussi secondaire, préféra se remettre à la tête des recrues qu'il avait amenées à Saint-Lo et de là prendre la direction d'Angers, où nous (1) Toustain de Billy, Mémoires sur Saint-Lo, p. 101, 102, 103.


savons, d'après les Chroniques Angevines, qu'il se livra à de nombreuses prouesses.

François de Hallot était, avons nous dit, le fils aîné de François de Montmorency, baron d'Auteville et de Bouteville. Plus tard, il se fit accueillir à la Cour et fut fait chevalier de l'Ordre du Roi, chambellan de François, duc d'Anjou, frère des rois François II, Charles IX et Henri III, bailli et gouverneur de Rouen et de Gisors, et lieutenant général de la Normandie. Il mourut assassiné à Vernon, le 22 septembre 1592. En 1589, il reçut la charge de l'arrière-garde des troupes que le duc de Montpensier menait au siège de Falaise il combattit à Arques et assista à la prise de Senlis (1). XXXVI. François DE BRICQUEVILLE,

BARON DE Colombières

1574

Disons tout d'abord quelques mots sur le capitaine François de Bricqueville, baron de Colombières, que les écrivains de son parti ont dépeint comme l'un des plus grands capitaines de son temps. Il poussa jusqu'aux limites les plus extrêmes de la témérité, sa valeur militaire. Jamais il ne recula devant le danger et il en fut la victime. Seulement, comme il ne reçut dans aucune circonstance un commandement en chef, ni une direction générale en bataille rangée, nous pouvons dire que les sentiments politiques et religieux de ses panégyristes ont peut-être été trop loin.

Fils de Guillaume de Bricqueville et de Françoise de Blosset, dame de Torcy, François dut naître vers 1525. Il fut surtout connu sous le nom de baron de Colombières, et il embrassa avec ardeur la carrière des armes. Ses premières campagnes remontent au temps de François Ier et de Henri II, comman(i) M. Lepingard, Notes au procès verbal des troubles de Saint-Lo p. 63.


dant d'une compagnie de cent lances, sous François II et de divers corps séparés, sous Charles IX, if se signala dans les guerres de religion, où, d'après Le Laboureur (2), il fit prisonnier Michel de Castelnau, seigneur de Mauvisière, qui commandait pour le Roi.

Dès les premières manifestations des Religionnaires, Colombières, qui était parent de la princesse de Condé, Eléonore de Roye, suivit, sur ses conseils, le parti de Louis de Bourbon, son mari, et se mit avec Gabriel de Montgommery, à la tête des Huguenots, en Normandie. En se déclarant ainsi contre la Cour, il perdit la part qu'il aurait eue dans le riche héritage de son oncle paternel, le baron de Torcy.

En 1563, Colombières fit aborder au Hâvre de Grace, une flottille anglaise portant deux régiments d'infanterie auxiliaire, 14 pièces de canon, 150 000 ducats et des munitions de guerre importantes pour son parti. Ainsi qu'on le voit, il employait tous les moyens pour seconder puissamment ceux auxquels il se dévouait. Il se rendit même, en 1568, avec les Calvinistes normands, au rendez-vous général indiqué à La Rochelle, pour les appuyer de ses conseils.

Avec les chefs du parti protestant, il se trouva au mariage de Marguerite de Valois avec Henri, roi de Navarre. Mais il eut le bonheur d'échapper aux massacres de la Saint-Barthélémy.

En représailles, lui et Montgommery firent alors, pendant deux ans, une guerre à outrance aux Catholiques avec autant de cruauté que de succès. Colombières, du reste, portait au plus haut degré la bravoure et la fermeté. A cet égard, sa réputation était parfaitement établie.

Après une lutte de deux années, et sur l'appel de son coreligionnaire Montgommery, il accourut à Saint-Lo, vers les premiers jours de mars 1574. Il en reçut le commandement lorsque Hallot l'eut abandonné, mais évidemment de con(2) Mémoires de Michel de Castelnau.


cert et sous la direction supérieure de Montgommery, jusqu'au moment celui-ci crut devoir se rendre à Domfront, puis de là à Alençon. Il comptait y rejoindre Hallot qui lui avait promis de lui amener des renforts considérables de partisans du Maine, du Perche, de la Bretagne et de l'Anjou. Son but était donc de revenir vers Saint-Lo, pour y surprendre Matignon à revers et le contraindre à quitter la place.

On sait le reste écrasé par six mille combattants, sous le feu d'une solide artillerie, Montgommery fut fait prisonnier à Domfront et ramené sous les murs de Saint-Lo, qui résistait toujours.

Ce fut alors que Matignon voulut tenter d'amener les assiégés à une capitulation. La situation était telle que pour éviter un suprême effort qui devait provoquer des résultats sanglants et très meurtriers de part et d'autre, Matignon insista vivement auprès de Montgommery pour le prier d'inviter luimême Colombières à se rendre.

Les historiens se sont ingéniés à reproduire les réponses hautes et fières que Colombières fit à son ami et ancien chef. Elles furent d'une grande énergie et d'une suprême hau teur, quoique empreintes d'une certaine forme académique peut-être employée après coup. Cependant il est certain que Colombières refusa toute concession et qu'étendant le bras, dans un geste homérique, il dit « Voilà la brèche sur laquelle je me résous à mourir, peut-être demain, entre mes deux fils auprès de moi »

Colombièrcs tint sa parole.

Le jour même de cette entrevue, les feux de quatre coulevrines et de dix-huit canons des assiégeants firent bientôt deux larges brèches aux remparts, l'une près de la tour de la Rose, et l'autre près de la tour de Beauregard.

Trois assauts successifs furent repoussés par le courage désespéré des assiégés. Enfin, dans une quatrième tentative, Colombières atteint d'un coup d'arquebuse, pénétrant par l'un des yeux jusqu'à la cervelle, tomba mort dansles bras de ses fils. 9


Peu d'instants après la ville était enlevée par les assaillants. Trois cents Calvinistes périrent les armes à la main, au moment de l'entrée des vainqueurs dans Saint-Lo et dans la première fureur des soldats (1). On raconte qu'une femme nommée Julienne Couillard s'était signalée pendant le siège. Elle portait un corsage rouge. Aussi toutes celles de ses compagnes trouvées avec le même costume furent passées par les armes.

Du côté des Catholiques, il n'y eut dans ce siège, qui avait duré du 1er mai au 10 juin, jour et fête du Saint-Sacrement, que 60 hommes tués et autant de blessés. Hiberneau qui avait laissé échapper Montgommery et Sacy, fut du nombre des premiers. Le sieur de Lavardin, Villiers-Emmery et le capitaine Hette, ne reçurent que des blessures.

XXXVII. JEAN DE GOURFALEUR, SIEUR DE BONFOSSÉ. 1574 -1584

Une fois maître de la forteresse de Saint-Lo (10 juin 1574), Matignon accorda huit jours d'un repos bien mérité à son armée. Il fit traiter les blessés et relever les démolitions faites aux murailles et aux remparts.

Puis il se dirigea vers Carentan, pour en faire le siège; c'était la dernière place que les Huguenots tinssent dans la province.

Avant son départ, il établit Jean de Gourfaleur, sieur de Bonfossé, pour capitaine-gouverneur de Saint-Lo. Tel est le sentiment de Toustain de Billy (2), opinion qu'a adoptée également M. G. Le Hardy (3).

L'historien de Saint-Lo rappelle divers actes de son administration. Ainsi, dans une lettre datée de Bonfossé, des premiers jours de novembre 1580, il réclama des échevins de la (1) Toustnin de Billy. Mémoires sur Saint-Lo, p. î'3

(-2) Mémoires sur Saint-Lo, p. 108

(3) Histoire du Protestantisme en Aormandie, 1869, p. 271.


ville un logis alléguant pour motif que celui qu'ils lui avaient donné appartenait à M. de Crux, qui s'y était réinstallé. Gourfaleur, selon sa propre expression, leur disait sans ambages « De ceste heure me voilà au milieu de la rue. de sorte que ce m'est une honte et à vous aussy. je ne puis trouver logis où faire mettre mes meubles, ny mes armes (t). Le nom de Jean de Gourfaleur et son titre de gouverneur de Saint-Lo étaient gravés sur l'une des cloches de l'église de Notre-Dame de Saint-Lo, qui avait été fondue en 1584. Cette cloche fut brisée six ans plus tard.

Lorsqu'il fut question du démantellement et même de l'entière suppression par démolition de la citadelle de Saint-Lo, Bonfossé appuya de tout son crédit et de son autorité la délibération de la maison de ville de Saint-Lo, pour faire obstacle à l'exécution de l'ordonnance royale rendue sur un premier rapport de Hervé de Longaunay, alors gouverneur de la Basse-Normandie (2).

Que survint-il à Gourfaleur à cette époque ? Nous l'ignorons. Mais le 9 juin 1584, il eut un successeur dans Adrien de Mathan, seigneur de Semilly. Le motif de ce changement imprévu n'est pas connu. Tient-il à la démission ou à la mort de Jean de Gourfaleur ou à toute autre cause, ce nous est un mystère. Après tout, on sait que la Ligue produisit en Normandie des troubles qui ne furent guère qu'une reproduction des luttes provoquées déjà par le Protestantisme. XXXVIII -ADRIEN DE MATHAN, SEIGNEUR DE SEMILLY. 1584-1585

Né en 1552, Adrien de Mathan fut l'aîné des enfants de Georges de Mathan et de demoiselle Claude des Asses. Il contracta deux mariages l'un le 23 avril 1577, avec (1) Toustain de Billy, Mémoires, p. 108.

(2) Toustain de Billy, Mémoires sur Saint-Lo, p. 117.


Jacqueline Guiton, fille de Gilles Guiton, seigneur de Montaigu, d'une famille de l'Avranchin. Le contrat en fut rédigé par Pierre de la Quièze et Jean Guillaumet, tabellions à Thoxigny(l); l'autre, le 16 juillet 1596, avec Françoise d'Acher, petite fille de Charlotte de Montmorency (2).

C'est de cette dernière union que descendait à la 4e génération, Bernardin de Mathan, auquel Louis XV accorda en 1736 des lettres-patentes d'élévation du domaine de Mathan, en marquisat. Bernardin avait épousé sa cousine, IsabelleCatherine de Mathan.

Ces lettres ont été imprimées (3). Leur date est de Versailles, février 1736, et contresignées Chauvelin. Elles rappellent notamment que Georges et Adrien de Mathan avaient été gouverneurs des ville et château de Saint-Lo, depuis 1570 à 1625, et que ces deux ancêtres avaient constamment donné à la Couronne des marques de fidélité, jusqu'à laisser aux insultes des Huguenots les terres qu'ils possédaient. Pour Bernardin, il était lieutenant de Roi au gouvernant de Caen, et chevalier de Saint-Louis.

Lorsqu'Adrien de Mathan obtint le 9 juin 1584, ses provisions de gouverneur et capitaine de Saint-Lo, il était gentilhomme servant de Mme de Longueville. Les lettres datées de Saint-Maur-des-Fossés, signées sur le repli par Henri III, étaient contresignées par Saint-Marc (4).

Adrien fit son testament au manoir seigneurial de Semilly, le 23 janvier 1625, devant Pierre de la Quièze et Guillaume Du Manoir, tabellions à Saint-Clair. Dans cet acte, il avait manifesté la volonté d'être inhumé dans le tombeau élevé par son père. Il ne mourut qu'en 1630.

(1) Bibl. Nat. Cabinet des Titres. Pièces originales. Carrés d'Hozier. Nouveau d'Hozier et Chérin.

(2) Bibl. Nat. Cabinet des Titres. Mss. Pièces originales. (3) Bibl. Nat. Cabinet des Titres. Mss. Dossiers bleus. (4) Bibl. Nat. Cabinet des Titres. Mss. Pièces origin ,1887.– Et Nouveau d'Hozier, 228, n° 9.


XXXIX. ANTOINE LA BASTIDE

1585

On ne saurait douter que les lettres patentes de 1736, délivréespar Louis XV, pour le marquisat de Mathan, contiennent une inexactitude absolue quand elles affirment qu'Adrien de Mathan resta capitaine de Saint-Lo de 1584 à 1625, puisque dans ce laps de temps une dizaine de personnages exercèrent le même emploi. Tout autorise donc à dire que le gouvernement de Mathan fut très court, et qu'il ne dépassa même pas deux années.

En effet, d'après ce qui est appris par les chroniqueurs, la confiance manquait et l'on craignait que la ville de Saint-Lo ne fût pas en sûreté sous la sauvegarde seule des bourgeois. On ordonna la formation de détachements des paroisses voisines de la ville, afin de renforcer cette garde. Malgré toutes ces précautions, la défense de la forteresse était mal faite, les bourgeois et les détachés refusaient d'obéir au capitaine de Mathan, que Longaunay leur avait donné pour commandant. Mathan s'en plaignit par une lettre qu'il écrivit au Maire et aux Echevins, le 17 octobre 1585. Il leur ordonna de prêter de nouveau le serment de fidélité entre ses mains, et leur enjoignit de faire un mémoire exact qui lui serait envoyé. Il ajouta qu'à l'égard des Religionnaires, il voulait qu'il fissent monter la garde en leur place par des Catholiques qui seraient payés pour cela, et que lui, capitaine, choisirait (1).

Un mois plus tard, Mathan était remplacé à la forteresse il était évidemment révoqué.

D'après la lettre officielle que Longaunay adressa le 28 novembre 1585, aux échevins de Saint-Lo, La Bastide fut en effet envoyé par lui avec sa compagnie pour prendre le commandementde leur château. Cette missive manifestetout l'intérêt que (l) Toustain de Billy, Mémoires sur Saint Lo, p. 119.


le gouverneur de la Basse-Normandie portait à la conservation de leurs droits (1).

Elle ne faisait au surplus que transmettre les ordres reçus par lui, le 16 novembre précédent, du duc de Joyeuse, gouverneur général de la province, lui annonçant que la compagnie de La Bastide devait aller incessamment tenir garnison à Saint-Lo (2).

Notre Basse-Normandie fut sans guerre pendant une partie de la Ligue, mais non sans alarmes. On eut avis, entre autres, que le jeune Henri III en remplaçant Mathan dans son gouvernement de Saint-Lo, lui donnait pour successeur Antoine La Bastide, qui, peu de semaines plus tôt avait reçu de lui une commission de gouverneur de la citadelle de Metz, le 9 septembre 1585 (3).

Dans la situation difficile où se trouvait le château de SaintLo, il fallait au Roi un homme de valeur et d'une certaine énergie il ne pouvait faire un meilleur choix que celui de La Bastide.

Dès le 13 décembre 1567, il avait en eflet reçu sa commission de capitaine d'une compagnie de 300 hommes de guerre à pied. Cette compagnie de création nouvelle se trouvait être du nombre des dix qui venaient d'être organisées sous le commandement du che\ alier de Montluc. Le brevet en était signé à Paris, par le Roi et contresigné de Neufville (4). En même temps, et dès le lendemain, 14 décembre, La Bastide reçut l'ordre de lever ces 300 miliciens qu'il devait conduire au sieur de Brissac, colonel général des bandes françaises. Le capitaine Antoine se mit alors en campagne et il recruta bientôt ses hommes parmi les Gascons.

En janvier J568, alors que La Bastide se trouvait sous les (1) Toustain de Billy, Mémoires sur Saint-Lo, p. 118. (2) Bibl. Nat. lUs. Fonds Franc. INouvelles acquisitions, 6.f46, n°211.

(3) Bibl. Nit. Mss. Carrés d'IIozier 66, p. 104 et 170. Fonds Français, 30.20S.

(4) 'Bibl. Nat. Mss. Carrés d'IIozier, GG. p. 105.


ordres du colonel chevalier Du Moulin, en garnison à Troyes en Champagne, il délivrait quittance à Nicolas Molé, trésorier de l'Extraordinaire des Guerres, de 2.390 livres tournois, pour lui et sa compagnie. Le paiement en avait été fait en présence de Talon, contrôleur ordinaire des Guerres (1). L'année suivante, par acte conclu et arrêté dans le château et repaire (2), de Saint-Quentin, le 14 septembre 1569, noble Antoine La Bastide avait devant le notaire royal de la juridiction de Castilhonoys, en Agenais, stipulé les conventions de son mariage avec Foy Le Bigot, damoyselle, et fille de Jean Le Bigot, écuier, seigneur de Saint-Quentin, habitant comme le futur époux en la même paroisse de SaintQuentin (3).

Il est à remarquer au surplus que le château de La Bastide, dont Antoine portait le nom, se trouvait également dans la même paroisse, conséquemment en Agenais (4). Cependant, nous croyons que La Bastide était plutôt originaire du Périgord, car nous avons vu de très nombreux actes d'une famille La Bastide, qui, nous le croyons, était la même que celle à laquelle il appartenait (5).

Le capitaine La Bastide est qualifié écuyer dans une transaction faite le 4 avril 1571, à propos d'un procès débattu entre lui et Bertrande La Coste et Jeanne La Fosse, devant la cour ordinaire de Castilhonoys.

Antoine La Bastide fut le quatrième aïeul de Pierre-Valentin de La Bastide, seigneur du Périer, chevalier de Saint-Louis, mestre de camp de cavalerie et maréchal des logis des deux cents hommes de la garde royale, auquel Louis XV délivra à (1) Bibl. Nat. Mss. Fonls Français 26,696. Pièces originales, 212,dossier 4.765.

(2) Cette indication de repaire nous porte à croire que le château /tait situé sur une montagne escarpée et inaccessible. (3) Bibl. Nat. Mss. Carrés d'Hozier, 66, p. 167.

(4) Bibl. N;vt Mss. Cib. des Titres. Fonds Français, 31.282. Nouveau d Hozier, 27. dossier 589.

(8) Bibl. Nat. Mss. Cab. des Titres. Fonds Français, 31.252. Nouveau d'Hozier 27, dossier 559 p. 180.


Versailles, en février 1773, des lettres de noblesse, qui répètent que cette famille était bien du Périgord, et qu'elle s'y était fait connaître dès le XVIe siècle.

Les armoiries qui lui furent réglées par Antoine d'Hozier de Sérigny, le 14 avril 1773, étaient d'argent à un pin de sinople et un chef de gueules, chargé de trois étoiles d'argent (1).

Comme on vient de le voir, les renseignements abondent sur certains de nos capitaines de Saint-Lo, et nous pouvons dire que, pour cette période de leur histoire, nous sommes cousu de documents et cuirassé de dossiers.

Quant à définir quelle y fut la situation de La Bastide, il est assez difficile de la préciser.

Après les luttes violentes de 1574, et jusqu'à 1580, la citadelle de Saint-Lo resta dans un état déplorable et dans l'impossibilité de pouvoir faire face à de nouveaux événements, s'il en était survenu. Cependant plusieurs capitaines furent nommés pour parer aux circonstances mais leur action fut nulle et ils n'eurent qu'un titre nominal, d'après les probabilités.

Ce fut alors que Hervé de Longaunay, ou d'O, gouverneurs l'un de la Basse, l'autre de la Haute-Normandie, adressèrent au Roi, en mai 1580, le mémoire très important que nous faisons connaître in extenso pour la première fois (2). Le tableau que l'auteur fait de notre antique forteresse et de ses ruines, aussi bien que de l'état des défenses de la ville, est chargé de bien sombres couleurs. Ses conclusions tendent à un démantèlement général et à un abattis des murailles qui en restent.

Cependant le Roi assembla son conseil afin d'examiner la requête qui provoqua son intérêt d'une façon pressante et suscita des craintes sérieuses dans son esprit.

(1) Bibl. Nat. Mss. Cab. des Titres. Fonds Français, INouveau d'Hozier.

(2) Voir notre pièce justificative A.


Le maréchal de Matignon, présent à la réunion, calma les craintes royales et promit de se charger de la garde et seureté de la place. C'était un atermoiement et une tentative de restauration qu'il proposait.

Mais Longaunay craignant d'être débordé par la Ligue qui surgit menaçante de tous côtés, et par la venue présumée du prince de Condé, jette bientôt le cri d'alarme.

Henri III y répond par une ordonnance du 21 octobre 1585 (1), qui commande la destruction immédiate du châteaufort six fois séculaire. Tout au moins Sa Majesté entend qu'il soit fait « si bien et amplement qu'on ouvre les bresches qui ont « esté cy devant faictes que l'on ne se puisse plus se servir de « la forteresse »

M. de Carrouges reçoit par le même courrier l'ordre d'exécuter en toute diligence cette résolution souveraine. Désormais Saint-Lo, la vaillante cité d'autrefois, demeura ville ouverte, et sans défense aucune.

Cependant Longaunay se multiplie pour résister au cas les sectaires viendraient à se présenter. Et quand le danger s'est éloigné avec eux, Sa Majesté rapporte, moins d'un mois après, sa précédente décision (2).

Le Roi prodigue alors à son lieutenant général ses témoignages de félicitations pour l'énergie qu'il a su déployer afin de sauver Saint-Lo et Pontorson. Et afin d'inspirer toute confiance dans l'avenir, il envoie dans sa bonne ville de Saint-Lo une compagnie d'arquebusiers à cheval dans le but de la lui conserver. Or cette compagnie est celle de Bidon, qui se trouve ainsi jointe à celle de La Bastide, pour la seconder (3). Du reste, les populations avaient, dès la nouvelle du démantellement qui allait être opéré de leur forteresse, multiplié de toutes parts les pétitions. Les conseils de la ville s'étaient

(1) Voir notre pièce justificative B. (2) Id. id. C. (3) Id. id. D.


réunis et avaient envoyé des délégués vers le Roi, pour le faire revenir sur la décision qu'il avait prise.

Longaunay qui avait dirigé lui-même les enquêtes et constaté que l'effet produit par la menace avait été déplorable, envoya alors un rapport favorable à la Cour, le 22 novembre 1585.

Trois jours après Henri III lui adressait une nouvelle dépêche pour lui confirmer sa décision irrévocable de surseoir définitivement à la démolition (1).

L'amiral de Joyeuse, gouverneur général de la Normandie, fut lui aussi, de son côté, mis au courant des décisions ro}*ales. 11 dut se mettre en relations directes avec Longaunay afin de lui prêter au besoin la main et écarter les difficultés qui pourraient survenir à l'av enir.

En fin de compte la forteresse fut désormais conservée. Pour notre capitaine Antoine La Bastide, il est certain qu'il a\ait été envoyé à Saint-Lo dès le 16 novembre 1585, afin d'y occuper le château. La missive de Joyeuse en fait foi (2). Mais son séjour ne dut pas y être de longue durée, puisque dès le 9 janvier 1586, Joyeuse autorisa Longaunay à disposer des compagnies des capitaines La Bastide et Bidon pour la garde de Cherbourg et de Granville (3).

Cependant tout porte à croire qu'en mai 1586, La Bastide était encore à Saint-Lo, puisqu'à cette date Longaunay reçut de Joyeuse l'ordre de dissiper, avec sa compagnie et le ban de la noblesse du pays, les bandes armées qui jetaient le désordre dans le Cotentin (4).

Et le succès du capitaine La Bastide fut d'autant plus certain que le 1er juin suivant, Joyeuse faisait connaître à son lieutenant général les plaintes que lui avaient portées quelques (1) Voir notre pièce justificative D.

(2) Bibl. Nat. Mss. Fonds français. Nouvelles acquisitions, 6.646, n°211.

(3) Id. id. 0.010,248. (i) Id. id. 6.646, n° 220.


gentilshommes appartenant à la religion réformée contre cet officier « comme s'il avait été l'instigateur des troubles et des révoltes provoquées par ceux-ci au préjudice du service du Roy (1) ». Le commandement de La Bastide à Saint-Lo n'avait donc pas duré au-delà du cours de mai 1586 (2). XL. LE CAPITAINE BIDON.

1585-1586

Sur la demande pressante de Longaunay, Henri III avait cru nécessaire d'envoyer à Saint-Lo une compagnie d'arquebusiers à cheval (3), d'après sa lettre du 18 novembre 1585. Mais ce secours avait été insuffisant. Une levée de trente autres arquebusiers avait été ordonnée le 11 mai 1586 (4). La garnison réunie au château comportait donc un effectif assez respectable d'au moins 250 soldats. Il dut être réduit au départ de La Bastide. Bidon, qui s'y trouvait déjà le 25 novembre 1585 (5), dut alors s'y trouver seul, pour que probablement Longaunay ne mit pas à exécution l'autorisation de Joyeuse d'envoyer à Cherbourg et à Granville les deux compagnies dont il disposait (6).

Tout porte à penser que Bidon n'était à ce moment arrivé que récemment, puisque l'amiral donnait à cette date du 25 novembre l'ordre de commander au bailly du Cotentin d'ouvrir une information judiciaire contre les fauteurs de volleries et de violences exercées par les habitants du bourg d'Ecouché (7) contre les soldats de la compagnie du capitaine Bidon. (1) Bibl. Nat. Mss Fonds français. Nouvelles acquisitions, (5.616, n° 2-21.

(2) Id. id. 6.646, n° 220. (3) Voir notre pièce justificative C.

(4) Bibl Nat. Ms. Fonds Fnncais, Nouvelles Acquisitions. 6.646, n° 218.

(5) Voir notre piece justificative E.

(6) Id. id.

(7) Ecouché, chef lieu de canton, arrondissement d'Argentan (Orne).


Joyeuse réclamait un exemple sévère pour la répression de pareils actes (1).

Bidon dut quitter définitivement Saint-Lo, d'après les ordres de Henri III, transmis à Longaunay, le 8 juin 1586 (2). Les motifs de son départ en sont expliqués par Joyeuse dans sa dépîche à Longaunay. Il lui dit que Sa Majesté avait ordonné que la compagnie du capitaine Bidon rejoindrait l'armée de Rouergue, dont lui Joyeuse avait le commandement général. Il ajoute que Bidon allait immédiatement la retirer de sa garnison et la conduire au rendez-vous qui lui était assigné. En conséquence il demandait son exeat pour pouvoir quitter Saint-Lo (3).

Une nouvelle dépêche de Joyeuse, du 17 février 1587, permet de croire, ou que la précédente n'avait pas reçu d'exécution, ou que la compagnie d'arquebusiers de Bidon était revenue occuper ses premiers emplacements. Ces deux alternatives sont fort admissibles.

XLI.- LE CAPITAINE Bonfossé.

1586

Le 8 juin 158G, le duc de Joyeuse annonçait à Longaunay (t) que le Roi venait de donner la capitainerie de Saint-Lo à Bonfrisse, ou à Bonfoisse, d'après la lecture de M. Léopold Delisle (5). M. le président de la salle des Manuscrits de la Bibliothèque Nationale, auquel nous avons fait appel pour examiner cette question assez délicate, a, comme nous, vu que le texte original porte bien le nom de Bonfoisse. Mais comme dans tous ces actes transcrits des correspondances de Longaunay il n'existe aucune accentuation, nous en avons conclu (1) Voir notre pièce justificative E.

(2) Id. id.

(3) Id. id. E bis.

(*) Id. id. E bis.

(5) Papiers de Hervé de Longaunay 1897, p. 14, n° 223.


que ce nouveau capitaine est bien Bonfossé que Toustain de Billy a retrouvé, lui aussi, dans ses annales historiques (1). A défaut toute fois d'autre prem e, nous ne pouvons affirmer s'il s'agit !à du retour de notre ancien gouverneur, Jean de Gourfaleur, seigneur de Bonfossé, capitaine de Saint Lo de 1574 à 1584, ou bien d'un autre membre de sa famille, de l'un de ses fils ou neveux, par exemple, sentiment pour lequel nous inclinerions plutôt

Ce qui est certain, c'est que Jean de Bonfossé qui fit partie du conseil de ville de Saint-Lo, jouissait d'une grande considération auprès de ses compatriotes II est regrettable que l'on ne sache pas le prénom de ce capitaine qui fut nommé par Henri III, en 1586 cette seule indication eût pu nous servir de fil conducteur.

Toujours est-il que la Basse-Normandie fut sans guerre dans cette période des événements de la Ligue, mais elle ne fut pas exempte d'alarmes. On eut avis, entre autres, que le jeune Colombières, fils du vaillant capitaine, dont nous avons rappelé la mort héroique sur les remparts de Saint-Lo, recrutait secrètement des troupes et l'on eut peur pour Saint-Lo. Longaunay en écrivit à Bonfossé et aux bourgeois de cette ville. « J'ay reçeu hier le soir, dit Toustain de Billy (2), des nou« velles qui sera occasion que ce soir je seray à coucher à «Saint-Lo, auquel je vous prie que je vous trouve pour les « faire entendre et ad viser à ce qui est besoin pour le service «du Roy. »

Longaunay ordonnait particulièrement au Conseil de Ville de recevoir le capitaine Bidon et sa compagnie, qui étaient envoyés en garnison par l'amiral de Joyeuse.

Il ordonne également, par un mandat. particulier, du mois d'octobre 1587, de délivrer 20 livres tournois au poudrier, et encore par une autre déclaration de fournir pareille somme au salpêtrier.

(1) Mémoires sur la ville de Saint-Lo, 1864, p. 121.

(-Ï) Toustain de Billy, Mémoires sur Saint-Lo, p. 121.


Ces précautions furent inutiles il n'y eut aucune attaque contre Saint-Lo.

La succession très fréquente de ces nombreux gouverneurs et capitaines de Saint-Lo nous fournit la preuve indiscutable que leur nomination dans les châteaux forts et dans les villes fortifiées de la France, appartenait sans conteste au Roi seul et constituait pour lui l'un des plus précieux privilèges de la souveraineté. Ce droit lui avait été conquis par Louis XI, dans sa lutte contre les grands vassaux, qui, jusque-là avaient contrebalancé l'autorité royale. Plus tard, après les guerres de religion et de la Ligue, Richelieu eut à faire disparaître les nombreux châteaux fortifiés qu'élevaient encore en grand nombre dans les provinces de plus modestes gentilshommes. Mais depuis, l'autorité suprême fut respectée dans la possession exclusive de toutes les citadelles et villes fortes. Enfin, avec la Bastille, disparut le dernier rempart de la féodalité. Il avait ainsi fallu plusieurs siècles pour obtenir ce résultat. XLII. – Charlks DE Thiévillk, seigneur DE GRAIGNES 1589

Tout ce que l'on sait de Charles de Thiéville, capitaine de Saint-Lo, c'est qu'il était mort le 17 octobre 1589. Il est aussi distingué des autres membres de sa famille par son titre de seigneur de Graignes (1). Il n'est pas douteux, du reste, qu'il se rattachait à Henri de Thiéville, le second de nos capitaines de Saint-Lo, mais par une branche collatérale, puisque le rameau de celui-ci était tombé en quenouille.

D'après les registres de la réforme de la noblesse delà généralité de Caen que l'intendant de Roissy fut chargé d'instruire en 1598, Charles de Thiéville, fils du seigneur de Graignes, demeurant à Lasselle, en la sergenterie de Lessay, dans l'élec(1) Graignes. Paroisse du canton de Saint-Jean-de-Daye (Manche).


tion de Carentan, fut en procès devant la Cour des Aides de Rouen pour le fait de dérogeance de sa noblesse. Il obtint un délai de deux mois pour avoir un arrêt sur cette contestation(l). D'un autre côté, Gilles de Thieuville, seigneur de Bricquebosc (2), bien certainement aussi de la même famille, rendit un aveu devant la cour des comptes de Normandie, et fit le dénombrement le 6 janvier 1612, du fief de Salmonville, situé en la paroisse de Bricquebosc, mouvant par un demi fief de chevalier de la chatellenie de Brix, dépendante de la vicomté de Valognes (3)

XLIII.-JEAN-Luc Du CHEMIN, sieur DE LA IIAULLE 1589-1590

Seul, M. Lepingard a attiré notre attention sur Jean Du Chemin, en nous communiquant tout ce qu'il savait sur lui. Evidemment il a puisé ses sources aux Archives départementales qu'il connaît à fond.

Jean-Luc Du Chemin de La Haulle, nous écrit notre cher correspondant, est celui-là même qui fut chargé par Henri III de se rendre à Granville pour veiller au débarquement des troupes que lui envoyait la reine Elisabeth d'Angleterre. Comme récompense, La IIaulle reçut du souverain le gouvernement de Saint-Lo, avec le soin de remettre les fortifications en bon état, notamment « le côté du Neufbourg où il a fît édifier un pont-levis, établir une demi-lune et construire «un cavalier. Vraisemblablement, pour ne pas dire certai« nement, d'après ce que nous a écrit notre cher président, « ces derniers travaux de Du Chemin furent ceux qu'en « 1900, il y a quatre ans à peine, des travaux de voirie (1) Archives Nationales. MM, 700" B Nobiliaire. Mss de Caen. (2) Bricquebosc. Canton des Pieux, arrondissement de Cherbourg (Manche).

(3) Bibl Nat. Cab. des Titres. Mss. F. français, 30,8-29. Carrés d'Hozier, 600.


exécutés dans la partie de la rue de la Préfecture sise entre celle-ci et la prison, mirent à découvert.

« Cette fortification avait la pointe tournée vers le Neufbourg, de façon que celle-ci fut prise en enfilade. Or, le cavalier se trou\ait placé presqu'en ligne avec la tour actuelle de la Préfecture au Nord, et celle dont la base se voit entre le palais de justice de Saint-Lo et la rue SaintThomas.

« Rien d'étonnant à ce que tours et cavalier fussent contemporains, c'est-à-dire remontant à la fin du XVIe siècle, et les tours coiffées entièrement d'une couverture en pointe, quoique les anciennes furent munies de créneaux à leurs parties supérieures et à leurs sommets.

« C'est du reste ce qui résulterait d'une vue de Saint-Lo, datée de cette époque. Ce dessin montre à l'est de l'église de Notre-Dame deux tours reliées par un mur, qui l'une et l'autre ont des toits en pointe, situation et disposition que l'on retrouve dans une autre vue de la cité saint-loise, remontant au commencement du XIXe siècle. Les deux tours sont toujours surmontées de la même façon ». Durant les troubles de la Ligue, au dire de Toustain de

Billy (1), les habitants de Saint-Lo et de sa région restèrent fidèles au Roi. Ils le durent particulièrement aux soins de de Du Chemin, de Michel Le Mennicier, écuier, sieur de Martigny, de Charles Le Painteur, ècuier, sieur de Boisjugan, de Jacques de Sainte-Marie, écuier, sieur d'Agneaux, de Jean Dubois, procureur du Roi au bailliage de Saint-Lo, et de divers autres.

La Haulle fut toujours l'objectif et la victime des Ligueurs à deux reprises différentes, il fut enlevé par eux et retenu leur prisonnier au château de Neuilly-l'Evêque, puis à Fougères. Tous ses meubles furent perdus et probablement incendiés. Enfin, il lui en coûta 7.000 livres pour solder ses rançons. (1) Mémoires sur Saint-Lo, p. 12i.


Les témoins entendus dans une enquête reportent à l'année 1590 la première incarcération de La Haulle.

La généalogie de la famille Du Chemin (1) ne donne à ce personnage que le seul prénom de Jean. Elle le qualifie Noble homme Jean Du Chemin, écuyer, seigneur du Féron, de La Haulle, de Semilly, etc. D'après cet état, Jean Du Chemin prit une part très active aux guerres qui signalèrent la fin du règne de Henri III et le commencement de celui de son successeur il les servit avec dévouement.

Il en donne comme témoignages en premier lieu, un acte du 22 août 1589, émanant du lieutenant-général de Saint-Lo, qui atteste que Jehan Johanne fut envoyé par La Haulle en Bretagne afin d'y acheter des chevaux pour le service du Roi. Son mandataire fut détenu prisonnier en ce pays. La Ilaulle était grandement recommandé par le maire, les échevins et les autres officiers de la ville de Saint-Lo.

En deuxième lieu, un mandement du lieutenant- général du bailli de Caen, daté de Thorigny, le 4 février 1591, affirmait qu'à ce moment il servait sous les ordres du duc de Montpensier. Son nom se rencontre en effet dans la liste des combattants qui furent au siège du château d'Avranches, au commencement de cette même année (2)

Enfin, tandis que le roi Henri IV était, en 1592, occupé au siège de Rouen, Odet de Matignon, fils aîné du maréchal, amena à ce prince un corps de 7.000 Français et Anglais, que Du Chemin de La Haulle, l'un des capitaines de son régiment, gentilhomme estimé, avait fait débarquer à Granville (3). Jean Du Chemin épousa, le 23 février 1610, Marthe Le Mazurier, fille de Christophe Le Mazurier, sieur de Duredent, conseiller au parlement de Rouen.

(1) Bibl. Nat. Mss. Cabinet des Titres. Fonds Français 26 726. Dossiers bleus, 181. Portefeuille 4 701.

(-2) Bibl. Nat. Mss franc. Nouvelles acquisitions, 6.64(5, fol. 330. – M Léopold Delisl'e, Papiers de Hervé de Longaunay, p 2i.– H. Sauvage, Ilevue de l'Avranchin, T. VIII, 1898, p. 435. (3) Bibl. Nat. Mss. Dossiers bleus, 181. Portef. 4.701. 10


Le blason des Du Chemin était de gueules à un lion d'hermines.

XLIV. Charles DE MATIGNON, COMTE DE THORIGNY 1590

Charles de Matignon, le troisième des enfants de l'illustre maréchal de Matignon, fut, d'après divers généalogistes français, nommé gouverneur de Saint-Lo en 1590. Le P. Anselme, dans son Histoire de la Maison de France et des grands dignitaires de la Couronne (1) a fait de lui un bel éloge que la plupart des chroniqueurs ont reproduit.

Tout d'abord il est qualifié comte de Thorigny, baron de Saint-Lo, de La Roche-Tesson, prince de Mortagne et sire de l'Esparre.

Nous résumons son existence

Né à Torigni, en 1564, il embrassa la carrière des armes et combattit en Guyenne, sous les yeux de son père. Bientôt il fut capitaine de 100 hommes d'armes des ordonnances, en 1579, gouverneur de Saint-Lo, capitaine de Cherbourg et de Granville, en 1596, chevalier des ordres du Roi, le 2 janvier 1590, lieutenant-général au bailliage du Cotentin et au duché d'Alençon, en l'absence du Dauphin, en 1608 et lieutenantgénéral au gouvernement de Normandie, en 1609. Il fut aussi élu pour assister, à Paris, aux Etats généraux qui y étaient convoqués en 1614, et pour tenir ceux de Rouen, aux années 1616, 1623 et 1624.

En considération de ses signalés services, le roi Louis XIII lui accorda le 8 mars 1622, un brevet de retenue de maréchal de France, c'est-à-dire, si nous ne faisons pas erreur, la promesse de sa nomination à l'une des vacances de ces hautes fonctions. En outre, il le fit conseiller en ses conseils. Charles de Matignon mourut à Torigni, où il fut inhumé le 9 juin 1648.

(t). Tome V, pp. 385-386.


Il avait épousé, en 1596, Eléonore d'Orléans, fille puînée de Léonor d'Orléans, duc de Longueville et de Marie de Bourbon, duchesse d'Estouteville.

XLV. JACQUES DE MATIGNON, MARÉCHAL DE FRANCE 1593

La grande renommée de Jacques de Matignon dépasse celle de tous ses collègues au gouvernement de Saint-Lo. Elle tient à ses hautes qualités personnelles, à ses talents militaires, à son incomparable bravoure et par dessus tout, à son généreux caractère qui lui conseilla de ne pas faire exécuter dans Alençon, ni dans Saint-Lo, les ordres odieux qu'il avait reçus pour la nuit à jamais néfaste de la Saint-Barthélemy de 1572. Il vécut comblé d'honneurs par tous les rois auxquels il avait su inspirer la plus entière confiance, et il sut toujours se maintenir au premier rang au milieu de la considération universelle. La vie du maréchal se trouve dans toutes les biographies françaises. Elle est bien connue cependant nous désirons y ajouter quelques détails ignorés, ou tout au moins donner une esquisse rapide de ses actions principales.

Jacques de Matignon devint possesseur de la baronnie de Saint-Lo, par l'acquêt qu'il en fit de l'évêque de Coutances, Arthur de Cossé, le 22 mai 1576. 11 fut en outre investi du titre de capitaine et de gouverneur de la citadelle, qui était dépendante de l'autorité royale, et dont la nomination appartenait au souverain. La quittance du 10 août 1593 (1) fournit la preuve de notre affirmation.

Fils unique de Jacques de Matignon et d'Anne de Silly, le futur maréchal de France n'avait que six mois quand il perdit son père. Femme d'un rare mérite, sa mère prit soin de son éducation qui fut supérieure, sous le rapport des études, à celle que les gentilshommes recevaient alors.

(1) Voir notre pièce justificative F.


Placé très jeune auprès du Dauphin, depuis Henri II, comme enfant d'honneur, il fit ses premiers débuts sous ce prince à la prise des Trois-Evêchés (1), et il se signala la même année 1552, aux sièges de Montmédy, de Troisemars et d'Ivoy, à la tête d'une compagnie de chevau-légers avec laquelle il se jeta dans Metz menacé par les Impériaux. 11 fut envoyé ensuite au secours d'Hesdin, d'où il s'échappa par ruse, après s'être battu avec acharnement contre les troupes du duc de Savoie. Moins heureux à la bataille de Saint-Quentin, où il combattit vaillamment, il resta au nombre des prisonniers, et ne recouvra sa liberté qu'après la prise de Cateau-Cambrésis. Le jour même où elle fut conclue (13 avril 1559), il succéda à Martin Du Bellay, comme lieutenant-général en Normandie. Dans ce temps où toute la noblesse de France était partagée entre le duc de Guise et le connétable de Montmorency, Matignon prit le parti le plus prudent et ne voulut se prononcer ni pour l'un ni pour l'autre. Il ne s'attacha qu'au Roi, n'eut d'autre but que d'affermir son autorité contre les factions, et cette conduite, la seule qui fût digne, fut aussi la plus sage elle lui mérita plus tard la réputation d'un grand politique. Aussi obtint-il la confiance de la reine Catherine de Médicis qui sut le défendre avec énergie contre les plaintes ou les attaques de la Cour.

Ce fut lui qui, après la conférence de Pontoise, où il se trouva, révéla à la Reine l'alliance passagère des Guise avec le connétable et conseilla la paix, en établissant une égale balance entre les factions.

En 1562, Matignon contribua à la prise de Blois, de Tours et de Poitiers. Peu après, il reprit Vire et Samt-Lo sur les Calvinistes, et les empêcha de s'emparer de Cherbourg par la trahison du gouverneur, tandis qu'en même temps il sauvait le château de Falaise, vivement pressé par les Anglais, qu'il mit en déroute.

(1) On désignait sous ce nom les trois villes lorraines de Metz, Toul et Verdun qui furent réunies à la France par Henri II.


En 1567, il eut une part notable à la réduction de Rouen. La même année, il empêcha d'Andelot d'opérer sa jonction avec le prince de Condé, avant la bataille de Saint-Denis, et, par cette manœuvre, il sauva Paris, dont la prise eût pu avoir des conséquences importantes.

Il se signala encore en 1569 aux combats de Jarnac, de La Roche-Abeille et de Moncontour. A Jarnac, il battit l'arrièregarde de Coligny à Moncontour, il sauva la vie au duc d'Anjou, qui plus tard fut Henri III.

En 1574, presque toute la Normandie ayant échappé à l'autorité royale, sous la pression de Montgommery que soutenait l'Angleterre, Charles IX en confia la pacification à Jacques de Matignon qui, avec 7 à 8.000 soldats, rentra en campagne, prit Falaise et Argentan, investit Saint-Lo, et s'attacha surtout à Montgommery qu'il poursuivit et fit prisonnier dans le château croulant de Domfront. La pacification de la province entière lui fut ensuite facile, sans effusion de sang. A la paix générale, le bâton de maréchal de France fut donné à Matignon, le 14 juillet 1579 le brevet lui en avait été remis dès l'année 1575, avec le cordon de l'Ordredu SaintEsprit comme haute récompense de ses éminents services. Puis, reprenant bientôt le cours de ses exploits militaires, Matignon reçut le commandement général de l'armée de Picardie et réduisit cette province sous l'autorité royale. Nommé en 1585, lieutenant-général dans la Guyenne, il s'empara par artifice du Château-Trompette, en chassa le commandant, ligueur déterminé, et par ce moyen, sauva Bordeaux des horreurs de la guerre civile. Il s'y montra du reste, comme toujours, habile, ferme, tolérant et préoccupé uniquement du bien de l'Etat.

Matignon se trouvait à une lieue de Coutras qu'il venait secourir, lorsqu'il apprit la perte de la bataille que Joyeuse avait livrée sans vouloir l'attendre (1587). Ralliant aussitôt les débris de l'armée royale, il se replia sur la Guyenne, mais après s'être assuré qu'aucun danger ne menaçait sous les murs


de Nérac. Le 31 décembre suivant, il força le roi de Navarre à la retraite, après un combat acharné (1588).

Lors de l'assassinat de Henri III, le maréchal maintint la province dans l'obéissance du souverain légitime Henri IV qu'il sollicita plusieurs fois de rentrer dans la communion romaine. Il reprit Agen et Blaye aux Ligueurs et battit sur la Gironde une flotille espagnole.

Matignon représenta le connétable de France à la cérémonie de l'abjuration et du sacre du nouveau roi, entré à Paris à la tête des Suisses et fut chargé d'en faire sortir les troupes étrangères.

En 1595, il passa la Garonne, joignit le duc de Ventadour, qui assiégeait Castanet, et fit reconnaître l'autorité du Roi à Rodez et dans l'Albigeois.

Le maréchal se préparait à poursuivre les Espagnols au delà des frontières, lorsqu'il mourut au château de l'Esparre, le 27 juillet 1597, frappé d'une attaque d'apoplexie, au moment où, d'après Brantôme (1) « il venoit de se mettre à table pour « y souper d'une gélinotte. Il se renversa tout à coup sur sa « chaise, tout roide mort ».

« C'étoit, dit le même historien, le capitaine le mieux né et « acquis à la patience que j'aie jamais vu, et très habile. Il « est mort le plus riche gentilhomme de France car, de « 10.000 livres de rente qu'il avoit quand il alla en Guyenne, cr il en acquit 100.000 en douze ans de temps qu'il en a été « gouverneur ».

A propos de ses heureux résultats dans toutes ses entreprises, le peuple en tira la conclusion qu'il avait fait un pacte avec le diable. Brantôme rapporte à cet égard des détails nombreux et très fantaisistes (2).

Ce que nous pouvons dire de très certain, c'est que Matignon reçut à diverses reprises quelques gratifications relativement même assez modestes et qui ne furent en réalité que la juste (1) Vie des grands capitaines français. IX. 167.

(2) Brantôme, id. Discours 84.


compensation de certaines avances faites par lui pour l'entretien et la solde des troupes à son service.

Ainsi, le 7 août 1574, la reine Catherine de Médicis lui délivra des lettres-patentes de 20.000 livres pour son remf boursement de pareille somme qu'il a employée en plusieurs <f frais et mises qu'il a faitz durant la guerre qui a eu cours < en Normandie pour le service de Sa Majesté à la prinse et réduction en son obéissance des villes de Saint-Lo, Carentan a et Domfront occupées par les ennemis et perturbateurs du < repos publicq (1) ».

L'année suivante, lorsqu'Henri 111 eut pris possession du trône, reconnaissant sans doute que cette première somme n'avait été qu'une simple dette acquittée, il crut de son devoir de reconnaître au vaillant chef de ses armées une plus large gratitude de ses immenses services. Alors, en plein conseil tenu le 12 août 1575, Sa Majesté lui accorda 100.000 livres à recevoir sur les biens du feu comte de Montgommery. Un mandat de 50 000 livres fut délivré, séance tenante, a Matignon.

Les récépissés sont joints à ces ordonnances (2).

Plus tard encore, le souverain eut également à cœur de lui offrir 16.000 écus pour le relever de la perte de sa maison de Paris, du tout ruynée et desmolie durant les troubles et /My donner moien de /<a!e rebastir.

De plus, dans le but de permettre à Matignon de satisfaire à ses engagements personnels envers M. de Veillac, naguères capitaine du Château-Trompette de Bordeaux, Henri III lui fit don de 12.000 écus montant de son obligation contractée pour cette capitainerie (3).

Ces documents sincères, indiscutables et qui se retrouvent à point, doivent à notre sens justifier entièrement des calomnies (1) BiM. Nat Mss. Cabinet des Titres. Fonds Français. 28,374. Pièces originales. 1990. Dossier 43,MC, n° 12. Pièce originale. (2~) Bibl. Nat. Mss. Mêmes sources, n°~ 13, t4,1S, 16. Originaux. (3) Bibt. Nat. Mêmes indications, n° 21. Titre original.


répandues sur la mémoire du maréchal par ses ennemis politiques et religieux.

XLVI. N. DES ROZIERS

1594

Tout ce que l'on sait du capitaine des Roziers, c'est qu'il tenait garnison pour le Roi à Saint-Lo, le 11 novembre 1594. Qui était-il et d'où venait-il? No')s l'ignorons. Cependant il existait vers ce temps plusieurs maisons de ce nom, qui toutes avaient des roses, en plus ou moins grand nombre, dans leurs armoiries.

L'une d'elles, entre autres, était représentée aux environs de Clermont en Auvergne, par Jean des Roziers, sieur de Laval (1).

Il avait épousé Jacquette Auriouse. Leur fils, Jacques des Roziers, seigneur de Laval, épousa Jeanne de Villemontée, par contrat du 17 décembre 1584 (2).

Il serait bien possible qu'il fût notre capitaine de Saint-Lo. En 1667, M. de Machault, intendant d'Orléans, trouva une famille noble des Roziers, demeurant à Etampes (3). XLVII. ODET DE MATIGNON, COMTE DE TIIORIGNY 1595

Fils aîné du maréchal de Matignon, Odet, comte de Thorigny, prit part au fameux siège de Saint-Lo, de 1574. Son régiment, dont il était mestre de camp, y donna l'assaut définitif.

()) Lava), fief noble des environs de Clermont, en Auvergne, Bibl.Nat, Cab. des Titres, Mss., Fonds Franc., 3<7:)t, Carrés d'Hozier CM, p. 4.

C2)Bib!.r\:)t.,rab. des Titres, Mss, Fonds Franc., ~S6, Dossiers bleus, !j0i.

(3) titbt. Nat., Cab. des Titres, Mss., Fonds Franc. 3i.Mt, Nouveau d'Hozier 296, carton 6.787.


Des auparavant, il avait fait ses premiers débuts, en qualité de capitaine de 50 hommes d'armes des ordonnances et de 100 arquebusiers à cheval. Gentilhomme de la chambre du Roi, en 1582, il se distingua à l'affaire des Gautiers, en 1588, au combat d'Arques, en 1589 et à la bataille d'Ivry, en 1590. Il fut également aux sièges de Rouen, d'Alençon, de Lisieux et de Laon.

Nommé gouverneur de Cherbourg, puis bailli d'Evreux, conseiller d'Etat le 31 octobre 1591, maréchal de camp, et chevalier des ordres du Roi, enfin lieutenant-général au gouvernement de la Normandie, sa fortune militaire pouvait grandir rapidement, lorsqu'il mourut le 7 août 1595. Né en 1559, il n'avait encore que trente-six ans.

Odet fut fort regretté du Roi. C'était, d'après de Thou (1), un jeune seigneur de grande espérance, d'une prudence et d'une valeur au-dessus de son âge.

Au dire de La Roque, Histoire de la Maison d'Harcourt, p. 1257, Odet de Matignon fut amiral de France. Par nous-même, nous n'avons pas la preuve directe qu'il ait été capitaine de Saint-Lo. Cependant on nous l'a indiqué comme devant être inscrit avec cette qualité, d'après évidemment les Archives départementales de la Manche. De plus il est certain que Charles de Matignon, son frère, reçut après sa mort la survivance de ses charges et lui fut substitué dans ses dignités. Cette preuve est donc concluante.

XLVIII.- CHARLES DE iMATIGNON, COMTE DE THORIGNY 1596

Succédant à son frêre aîné, Odet, Charles de Matignon reçut positivement du Roi la survivance des charges que celui-ci remplissait. Alors il dut avoir le titre de capitaine de SaintLo et se trouver investi de cet honneur une deuxième fois, (t) De Thou,orM mei <eM~o?'M, lib. U2.


puisqu'il en avait été déjà pourvu en 1590, d'après le P. Anselme, La Chesnaye-Desbois et autres chroniqueurs. Quant à ses états de services, nous les avons déjaénumérés, sous le n° 44 de notre liste.

D'après la Nouvelle Biographie Firmin-Didot, Charles de Matignon, frëre cadet d'Odet, et mort en 1622, reçut le bâton de maréchal de France. Ce serait donc quatre personnages de cette famille qui auraient été honorés de cette insigne et très haute fonction aux dates de 1579, 1622, 1708 et 17. Mais ces troisième et quatrième maréchaux, Charles-Auguste de Matignon, comte de Gacé, non plus que le fils de celui-ci Louis Jean-Baptiste, nommé maréchal en survivance de son père (1) ne furent pas capitaines-gouverneurs de Saint-Lo. XLIX. ÏROÏLUS Du MESGOUËZ, MARQUIS DE LA ROCHE 1597

L'existence de ce nouveau gouverneur de Saint-Lo dénote chez lui un esprit d'aventures dignes d'échafauder un véritable roman de cap et d'épée qu'on en juge.

Appartenant par sa naissance au sol breton, Troilus Du Mesgouëz comptait au nombre de ses domaines le marquisat de la Roche-Helgomarc'h, dont il prit le nom. Il possédait en outre les fiefs du Mesgouéz, de Kermoalec et de Coëtarmoual. Page et favori de la reine Catherine de Médicis, en 1550, il obtint par elle de multiples faveurs. Ainsi, il devint capitaine de 50 hommes d'armes de ses ordonnances, gouverneur de Morlaix en 1568, chevalier de l'Ordre du Roi en 1569, président de la noblesse de Bretagne aux états de Nantes en 1574, viceroi de Terre-Neuve et du Canada en 1579, gouverneur de Saint-Lo et de Carentan en 1579 et vicomte des mêmes villes; puis enfin lieutenant-général, au nom d'Henri IV, et gouverneur du Canada. Il fut marié, en 1560, à Claude du JucI), (1) Le Père Anselme, Histoire générale de la maison de France, T. S, p. 392.


veuve de Rolland de Lezongar, et en deuxièmes noces, à Marguerite de Tournemine. Sa mort survint au cours de l'année 1606 il n'eut pas de postérité (1).

Avec la passion des entreprises que les chroniqueurs ont reconnue chez lui, Du Mesgouëz n'a pas dû laisser de traces nombreuses dans ses capitaineries de Saint-Lo et de Carentan, dont en réalité il semble avec intention avoir voulu se désintéresser, lorsque dès 1596 et 1598 il prépara ses incessantes pérégrinations en Amérique, à Terre-Neuve et au Canada. Bornons-nous donc à analyser rapidement les principaux faits qui ressortent des actes qui nous sont particulièrement connus de lui.

Ainsi, dans l'espoir de hâter les armements maritimes qu'il préparait, il dut séjourner pendant l'hiver de 1596, à Ilonfleur, où le 12 novembre, il donna devant les tabellions de la vicomté d'Auge une procuration à Guillaume Ravend, sieur de Crussy, à l'effet de recevoir la somme de 5.500 écus, qui lui était due par la maréchale de Matignon.

Quatre mois plus tard, dans le même port de Honneur, où il se trouvait encore, avec un congé de l'amiral, daté du 16 février 1597, et avant sa comparution devant le parlement de Rouen, le 17 avril suivant, Du Mesgouëz arrêtait les conditions de l'affrètement du navire La Catherine, du port de 160 à 180 tonneaux. Le capitaine Thomas Chefdostel, qui résidait habituellement à Vatteville, s'adonnait comme lui aux voyages lointains.

Le marché conclu entre eux disait ceci

Le bâtjment devra être prêt à faire voile à une époque que l'acte ne précise pas. II ira au Brouage prendre son sel, et de là il cinglera dans les parages de l'Ile de Sable, pour faire sa pêche. Son équipage sera de 33 matelots.

Le marquis de la Roche se réservait la faculté d'emmener une compagnie d'hommes' de guerre, sous le commandement (1) M. Pol Potier de Courcy, Nobiliaire de Bretagne.


du capitaine Kerdement, du lieutenant de Keroual et de l'enseigne de Mondreville, ce dernier des environs de Caen. Il devait fournir les vivres de l'équipage et des soldats, plus la moitié des gages des compagnons ou mariniers. Un premier à-compte devait être payé à ces derniers pour les encourager à faire le voyage.

Chefdostel, de son côte, louait son navire en bon état et muni de tous les ap/MraMa' nécessaires et il prenait l'engagement de payer la moitié des gages des compagnons. Il était tenu de suivre la route indiquée et son retour à Honneur. Enfin les profits de la p~'che devaient être partagés par tiers. Séance tenante, Chefdostel reçut une somme de 350 écus pour achat de biscuit &t avances aux matelots.

On a fait remarquer que cette première expédition dirigée vers l'Ile de Sable, située au sud du Cap-Breton, avait précédé d'une année environ la remise des lettres de commission par lesquelles Henri IV établit Troilus Du Mesgouëz son lieutenant-général à la Nouvelle-Orléans. En effet, celui-ci avait exécuté un premier voyage dans ces contrées dès 1577, puis il avait, le 3 janvier 1578, reçu les premiers pouvoirs du Roi, et ce fut sur ses rapports d'une réussite certaine pour une colonisation sérieuse qu'il reçut le renouvellement d'une dernière commission, datée du 12 janvier 1598, qui, sous le titre de lettres patentes royales, contenant pleins pouvoirs, le nommaient lieutenant-général au pays de Canada, d'Hochelaga, de Terre-Neuve, de Labrador, etc. Il était donc permis au marquis de la Roche de tout entreprendre et le résultat de cette haute mission fut nul.

D'après les relations de Champlain et de Lescarbot, le marquis s'embarqua de sa personne avec une cinquantaine de colons pris dans les geôles et dans les prisons, lorsqu'il eut reçu cette dernière mission.

C'est dans cette prévision d'aller coloniser que furent redits deux nouveaux contrats des 1G et 18 mars 1598, dans lesquels il prend ce titre de lieutenant-général pour le Roi au pays de


Canada, Ile de Sable et pays adjacents. Les actes furent encore libellés par les notaires de Honfleur et Thomas Chcfdostel, lesquels, ainsi que Jean Girot traitèrent avec le marquis en faveur de ~'am~t'ë et service ~M'~s ~Mt doivent selon leur propre expression qui témoigne de leur reconnaissance antérieure.

Ils s'engagèrent à mettre à ses ordres les navires La Ca<Aerine et La Françoise, de 180 et de 90 tonneaux. Tout d'abord, ils devaient se rendre à La Ilougue, puis de là, faire voile, de conserve avec les autrcs caMsec'Ma? dudit seigneur, pour l'Ue de Sable et l'y mettre à terre, lui et ses gens. Une fois la saison de la pêche terminée, les capitaines devaient rembarquer le marquis et le ramener à IIonileur. Les prix convenus étaient, pour le premier, de 1800 livres et pour le second, de 1200 livres. En réalité, Du Mesgouéz faisait tous les frais de l'entreprise. En retour, il prenait sa moitié des profits commerciaux, pour se récupérer.

Du reste, il semble prouvé que le marquis de la Roche inspirait quelque confiance au commerce, puisqu'il attirait les capitaux des marchands de Rouen, de Caen et de Lisieux. Mais au point de vue de la colonisation militaire du lieutenant-général, les résultats en sont restés assez obscurs. On sait seulement qu'il avait reconnu « les côtes du continent le plus proche, qui sont celles de l'Acadie ».

Sans aller plus avant et repoussé par les violences d'une tempête, il reprit alors la route de France.

Ce qui est certain et incontestable, c'est l'abandon dans l'Ile de Sable, des cinquante malheureux colons qu'il avait amenés avec lui, dans l'espérance de leur créer une nouvelle patrie. On peut se demander quel fut le motif de son action. Céda-t-il au découragement de ne pouvoir les ramener en France, ou le fitil avec le désir de ne pas les avoir à sa charge pendant le trajet (i) Champlain (*). Lescarbot. Lharicvoix ('*)

(') "j/ay~ du <t<M)' de C4am;)y<!M ou Journal <~< Wcox; « ?! à la WoM elle France. (") /7M<ctn* géaerale de la Aot<f~/e-f)a;M'e, ~7~.


du retour? Ou bien de la part de ceux-ci, y eut-il tentative d'insubordination ou même des menaces ? Mystère. Toujours est-il que onze d'entre eux seulement purent être recueillis et rapatriés par Chefdostel, cinq années plus tard, en 1603 (1).

On raconte qu'ils furent reçus par Henri IV, dans un équipement qui, au dire des anciens auteurs, les rendait assez semblables aux e~t'eHa? marins, c'est-à-dire, couverts de peaux de bêtes sauvages, les cheveux et la barbe d'une prodigieuse longueur. Le Roi, touché de leur état de misère, leur fit donner à chacun cinquante écus, et les déchargea de toutes poursuites de justice, ce qui autoriserait à dire qu'ils avaient, par leur conduite, mis Troilus Du Mesgouëz dansl'absolue nécessité de commettre un acte odieux d'inhumanité On a conservé les noms de ces malheureux exilés (1).

Le mauvais succès des tentatives diverses du marquis de la Roche n'empêcha point qu'après sa mort de nombreux postulants sollicitèrent cependant la commission qu'il avait reçue du Roi (2).

L. PIERRE DE MARSE1LLES, SIEUR DU PERREY 1597-1602

Un document des Archives de la Manche, daté du 16 janvier 1597, constate que noble homme Pierre de Marseilles, sieur du Perrey, agissant en qualité de capitaine commandant, occupait alors la citadelle de Saint-Lo, pourle service du Roi. Nul autre détail ne nous renseigne sur ses faits et gestes jusqu'en 160~, qu'il y était encore; c'est bien sommaire.

De même, à la Bibliothèque Nationale, une généalogie qui n'indique aucune date, ni aucune espèce d'origine, se borne à cette seule filiation.

(i) Gosselin, Documents t'ne'~t~, pp. 16 et 17.

(2) MM. Charles et Paul Bréard, Documents relatifs à la M~'tMe normande, p. 74 et suivantes.


Pierre de MarseiDes, père de Nicolas, épousa Françoise Chastel.

Ils eurent pour fil-! Pierre de Marseilles, qui épousa Jeanne de Guerville. D'eux naquit François de Marseilles, sieur de la Cbastelliëre, demeurant à Notre-Dame des Chastelliers. Ce dernier produisit une demande de maintenue dans sa noblesse.

Le dossier en question n'indique, ni devant quel intendant il se présenta, ni à quelle époque.

Ces Marseilles avaient pour armes, d'azur à trois ~er&es d'or (1).

Et c'est tout. Les généalogistes en général n'en disent pas davantage.

LI. JACQUES DE MATIGNON, COMTE DE THORIGNY 1612-1626

Le second fils de Charles de Matignon et de Eléonore d'Orléans fut Jacques, comte de Thorigny, né le 20 mars 1599. Elevé comme enfant d'honneur auprès du jeune roi Louis XIII, il fut capitaine de 1U0 hommes d'armes, lieutenant-général du gouvernement de Normandie et gouverneur de Cherbourg et de Granville, qui formaient avec Saint-Lo une véritable tnlogie intangtbie, en survivance à son père, dès l'année 1612.

Tout jeune encore, il exerça par commission la charge de mestre de camp de cavalerie légère, dans l'armée d'Italie, en 1625 et fut tué en duel par le comte de Boutteville, le 25 mars 1626 (2)

(i) Bibl. Nnt., Cab. des Titres, Mss Fonds Franc., 29.97S, Dossiers bleus, carton H.SSG.

(~ François, comte de Montmorency-BouteviHe, ayant voulu brj\'er l'édit de 10~7, sur le duel, se battit au milieu de la PlaceRoyale, à Paris, avec le marquis de Beuvron. C'était son vingtdeuxième duel. Arrêté par ordre de Richelieu, il fut condamné à mort et exécuté.


avait épousé Henriette de la Guiche, fille de Philibert de la Guiche, grand maître de l'artillerie de France et gouverneur du Lyonnais.

LU.– JEAN HOUEL, SIEUR DE HOUESVILLE.

1637

Le nom de Houël me rappelle avec un grand plaisir deux membres très distingués d'une famille que j'eus l'honneur de connaître et de pouvoir apprécier, il y a plus de cinquante ans. L'un, M. le chevalier Houël, alors âgé de 80 ans, voulut parcourir avec moi nos sites merveilleux de la ville de Mortain, et malgré une longue course à travers nos cascades torrentueuses de la vallée de la Cance, il n'hésita point d'un pas alerte à gravir notre chaîne de montagne abrupte et à pénétrer jusqu'à la grotte presque inaccessible des Sarrasins. J'avoue que je redoutais un accident possible, et j'éprouvai quelques difficultés à l'introduire dans la caverne, dont l'accès était périlleux.

Le second, M. Ephrem IIouël, officier de la Légion d'honneur, alors président de notre chëre Société, me fit un accueil charmantlorsque j'eus l'honneur de me présenter à son manoir de la Trapinière, près de Saint-Lo rarement, je puis le dire, j'ai rencontré un homme plus aimable et plus sympathique. Bien que nous ayons quelques raisons de penser que Jean Houël, sieur de Houesville, capitaine de Saint-Lo en 1637, appartenait à la même famille, nous ne saurions l'affirmer d'une façon positive, car tout ce que nous savons sur son compte provient d'un extrait de généalogie Folliot, communiqué par M. du Boscq de Beaumont, d'où il résulte que Marie Martin (de Saint-Lo), veuve en premières noces de M. Le Monnier de La Croix, s'était remariéeavec noble homme Jean Houël, sieur de IIouesville, capitaine de la citadelle de Saint-Lo. Jeanne Martin, sœur de M"" Houël, était, en 1G02, femme de Pierre Folliot; elles étaient toutes deux filles de


Pierre Martin, procureur fiscal de la baronnie de Saint-Lo. Cette famille Martin devait être une branche des Saint-Martin de Cavigny dont descendait le célèbre abbé de Saint-Martin. Ils avaient obtenu commutation de leur nom de Martin en celui de Saint-Martin. On voit, en effet, figurer comme cousin au mariage de Gratienne Folliot, fille de Pierre et de Jeanne Martin avec Eustache Feuillet en 1637, noble homme Michel de Saint-Martin, sieur des Hayes et de Cavigni, receveur du taillon en l'élection de Carentan. Jean Houél dut rester plusieurs années dans son commandement de la forteresse de Saint-Lo. Cependant, d'après un document de 1641, il ne se disait que lieutenant de Monseigneur de Matignon en la ville et citadelle de cette place (1). Nous pensons que c'était par pure déférence.

La famille de notre ancien président, M. Ephrem Houël, était originaire de la paroisse de RouxeviMe, près Saint-Lo, où elle avait possédé au xve siècle la seigneurie de Grouchy, et la vavassorie du Breuil (2). Elle donna au xvn~ siècle un juge-garde à la monnaie de Caen en la personne de Charles Houël, sieur de la Houssaye (1694).

LUI.– FRANÇOIS DE MATIGNON, MARQUIS DE LONRAY 1639-1651

Connu sous le nom de marquis de Lonray, François de Matignon était le quatrième des fils de Charles de Matignon et d'Eléonore d'Orléans, et le second frère de Jacques, comte de Thorigny, qui précéde.

Il naquit à Saint-Lo, le 17 mars 1607.

Parti pour les armées, il se distingua dès l'âge de 16 ans aux guerres d'Italie, sous les ordres de son frère aîné, mestre (t) Archives de la Manche (Fonds Barrey).

(2) Cf. La /a~cAe vavassorie ef<t .CreM~ eH la paroisse de Rouxeville, par M. G. du Boscq de Beaumont. XVHI" vol. de ces Mémoires.

H


de camp de cavalerie légère, et fut blesse en 1625, aux approches de Gavy. En 1628, il prit part au siège de La Rochelle puis l'année d'après, il suivit le Roi en Savoie et se signala au combat de Rouvray, en 1C32.

Gouverneur de Cherbourg, en 1638, et capitaine de SaintLo et de Granville, en 1639, il devint mestre de camp d'un régiment d'infanterie, en 1643, conseiller d'Etat et appelé aux conseils privés du Roi, le 21 juillet de la même année; il fut promu lieutenant-général des armées royales, le 10 juillet 1652 et capitaine de 100 hommes d'armes des ordonnances, le 9 septembre suivant.

Reçu chevalier des Ordres, le 31 décembre 1661, François de Matignon mourut à Torigni, le 19 janvier 1675. Il avait eu 12 enfants d'Anne Malon de Bercy, fille de Claude Malon de Bercy, président au grand conseil, qu'il avait épousée en 1631.

Suivant un acte des tabellions royaux de Saint-Lo, du 18 février 1652, François de Matignon acquit, pour le prix de 48.500 livres les fiefs et terres nobles de Bonfossey et de La Montpinsonnière. Le vendeur était Thomas Loisel (1). LIV. HENRI DE MATIGNON, COMTE DE THORIGN'Y 1651-1665

Sur la démission de François de Matignon, son père, Henri, sire de Matignon, comte de Thorigny, né au château de Lonray, reçut en 1643 son brevet de colonel d'infanterie. Huit ans plus tard, en 1651, il fut fait lieutenant-général de la Basse-Normandie, et la même année, il devint gouverneur des villes de Cherbourg, Granville et Saint-Lo, ainsi que de l'île de Chausey. Il se trouva à l'attaque des lignes d'Arras, en 1654, et aux capitulations de Montmédy, de Dunkerque et de Gravelines, en 1658. Peu après, il obtint des lettres de conseiller d'Etat, (1) Arch. Nat. Papiers séquestres des Grimaldi-Matignon.


et le droit d'avoir ses entrées au parlement de Rouen. Enfin, il se fit remarquer à la déroute du comte de Marsin, en 1667. Henri de Matignon fit foi et hommage au Roi de son comté de Thorigny, le 9 février 1668, et mourut à Caen le 28 décembre 1682.

Sa femme fut Marie-Françoise Le Tellier, dame de la Luthumière. L'une de leurs filles, Charlotte, épousa Jacques de Matignon, son propre oncle.

LV. RAPHAEL LE PAINTEUR, ÉCUYER, SEIGNEUR DE LAUNAV-BOIS-JUGAN

1668

Capitaine et gouverneur de Saint-Lo, Raphaël Le Painteur remplissait ce commandement le 26 février 1668, au dire de certains actes des Archives de la Manche.

Nous ne savons rien de plus. Il appartenait aux Le Painteur de l'Election de Bayeux qui avaient pour armoiries d'or au chef de gueules, chargés de deux aigles du premier (1). LVI. JACQUES DE MATIGNON, COMTE DE THORIGNY 1693-1713

Jacques de Matignon naquit à Torigni, le 28 mai 1644. Seigneur du duché d'Estouteville, comte de Thorigny et baron de Saint-Lo, il fut lieutenant-général des armées du Roi et de la province de Normandie, en 1693, et gouverneur des villes et châteaux de Cherbourg, de Granville, de Saint-Lo et de l'île de Chausey.

Reçu chevalier de l'Ordre de Saint-Jean de Jérusalem, au grand prieuré de France, à Paris, le 11 mai 1651, et plus tard chevalier des Ordres du Roi, en 1686, il avait débuté comme (1) Armorial de Le Z.a&oMt'cM)'. Bibl. Nat., Cab. des Titres, Mss Fonds Français, 30,707. Carrés d'Hozier, 478.


guidon des Gendarmes Ecossais. H prit part, en 1G64, à la prise de Gigery, en Barbarie, sous le duc de Beaufort, et en Portugal, sous le comte de Schomberg.

Au sacre de Louis XV, il fut de ceux qui portèrent les honneurs et les insignes royaux. Il mourut à Paris, le 14 janvier 1725 et son corps fut transporté à Thorigny, lieu de la sépulture de sa famille. Sa femme fut Charlotte de Matignon, sa nièce, qu'il épousa par dispense en 1675. Elle lui avait apporté le comté de Thorigny et ils formèrent la branche de leur maison, désignée sous le nom de Thongny.

En 1687, Jacques de Matignon habitait à Paris, dans son hôtel, rue Saint-Dominique, en la paroisse de Saint-Sulpice. Le 23 juin de cette année, par devant les notaires du Châtelet, M. de Majainville, trésorier du duc d'Orléans, délivrait quittance à Matignon de 2.00'.) livres pour un semestre du loyer de l'hôtel de la Rocheguyon, situé rue des Bons-Enfants, près le Palais Royal (1).

LVII.–jACQUES-FRANÇOIS-LEOr~OR DE MATIGNON-GRIMALDI, PRINCE DE MONACO, DUC DE VALENTINOIS

1713-1731

Né à Torigni, le 22 novembre 1689, Jacques-FrançoisLéonor de Matignon fut pourvu en 1713, par la démission de son père, des charges de gouverneur des villes et châteaux de Cherbourg, de Gran\ ille et de Saint-Lo, et des îles de Chausey.

Jusque là, il avait été colonel d'un régiment d'infanterie, en 1702, mestre de camp du régiment Royal-Etranger (cavalerie), en 1710, à la tête duquel il fit, en Flandre, les campagnes de 1711 et 1712, et se trouva au combat de Denain et aux sièges de Douai, du Quesnoy et de Bouchain puis en Allemagne, en 1713, aux sièges de Landau et de Fribourg. Il passa en(t) Bibl. Nat., Cab des Titres Mss. Fonds Franc. 28.37t. Pièces orig. 1990. Doss. 43.S26, n° 48.


suite en Espagne, en 1719, sous les ordres du maréchal, duc de Berwick.

Son mariage, accompli le 20 octobre 1715, avec Louise Hippolyte Grimaldi, duchesse de Valentinois, fille d'Antoine, prince souverain de Monaco, combla sa fortune.

Toutefois la condition d'une substitution de nom lui fut imposée dans cette circonstance et il dut prendre pour lui et ses héritiers le nom et les armes de Grimaldi. A cette occasion encore, le Roi en faveur de cette union, par brevet du 27 juillet 1715, accorda à Léonor une nouvelle constitution personnelle du duché de Valentinois, qu'il éleva en pairie.

Après l'accomplissement des formalités nécessaires et l'enregistrement des lettres patentes qu'il en avait reçues, il fut admis aux conseils de la pairie, le 14 décembre 1716. Son beau-père, le prince de Monaco, étant mort en 1731, il prit possession de sa principauté le 30 mai de cette année. Deux années plus tard, au mois de décembre 1733, il abandonna Monaco à son fils aîné, en reprenant le titre de duc de Valentinois. Il mourut à Paris, le 23 avril 1751.

LVIII.–LUC-FRANÇOIS Du CHEMIN, SEIGNEUR DE LA TOUR. 1718-1731.

Déjà nous avons signalé un membre de la famille Du Chemin, le sieur de la Haulle, comme gouverneur de Saint-Lo, en 1589 et 1590 (1).

Luc-François, dont il est question ici, appartenait à la branche cadette de la même maison, laquelle s'était divisée dès la première génération qui avait suivi La Haulle, parce que le propre fils de ce premier capitaine avait eu deux enfants, Luc et François. Cette seconde branche des Du Chemin fut désignée sous la dénomination de seigneurs de La Tour; elle y ajouta même les domaines de Bahais et de la Vaucelle.

(1) Vnir notre article n" XLIII.


Quant à Luc-François, chevalier de Saint-Louis, commandeur des ordres de Notre-Dame du Mont-Carmel et de Saint-Lazare de Jérusalem, il fut lieutenant-général d'épée du bailli de Coutances et lieutenant des maréchaux de France, depuis 1725, et même grand bailli de Coutances, en 1718, au dire de l'historien Chantereine (1). M. Léopold Dehsie (2) a eu cependant quelques doutes sur cette dernière qualité, parce que son nom ne figurait pas dans la liste donnée par l'Almanach de Coutances. Il est pourtant certain, et nous en avons la preuve, qu'il remplit cette dernière fonction.

Lorsqu'il reçut les insignes des Ordres royaux, il dut fournir les justifications de sa noblesse et il présenta ses titres au maréchal duc d'Estrées, dont le procès-verbal porte la date du 25 janvier 1720 (3). Ces titres et la généalogie qu'il fit dresser, furent vérifiés par D'Hozier. Son brevet des Ordres du Roi, était daté du 17 janvier 1720 et la cérémonie de la remise de ses insignes, avec l'accolade du duc d'Estrées, eut lieu le 25 du même mois.

Né le 22 janvier 1684, Du Chemin avait, en considération de ses services, obtenu de Louis XIV, le 1er avril 1704, une commission de colonel d'un régiment d'infanterie, pour servir en Normandie. En cette qualité, il avait été sous les ordres de Vassan, commandant de l'armée normande et du comte de Moncault, directeur général des troupes de cette province, chargé de veiller à la défense des côtes maritimes. Il présentait deux certificats de son service, qui lui avaient été délivrés les 12 avril 1706 et 18 juin 1707.

Pourvu le 19 mai 1708 de l'office de lieutenant-général du baillage du Cotentin, au siège de Saint-Lo, il y avait été reçu au parlement de Rouen, le 5 juin suivant.

Louis XIV l'avait, le 27 décembre 1709, par lettre spéciale, (1) Chronologie manuscrite des baillis du Cotentin. (~) M Léopoid Miste, ~emo!')'e sur les baillis dit Co<eM<t?), p. S9

(H) Bib). Nat.,C:u) des Titres, Mss Fonds Franc.,2G,7~C, Dossiers bleus, carton 4.701.


nommé commissaire pour la répartition de la capitatiou sur la noblesse de l'élection de Saint-Lo.

Déjà commandant pour le Roi au gouvernement de cette ville, le parlement de Rouen rendit un arrêt le 2 juillet 1718, qui décida que le marquis de Crévant, bailli du Cotentin, étant mort, Luc-François Du Chemin jouirait jusqu'au remplacement à cette charge, de tous les honneurs attribués à ce haut magistrat.

La même année, et ceci nous intéresse plus particulièrement –il reçut sa commission, datée de Paris le 12 décembre 1718, qui lui donnait le titre de gouverneur commandant des ville et château de Saint-Lo.

Enfin, deux certificats lui furent délivrés les 24 et 25 juillet 1719, par le duc de Luxembourg, gouverneur de Normandie et lieutenant-général de cette province, qui constataient, nonseulement qu'il avait servi sous ses ordres, en qualité de colonel sur les côtes, depuis l'année 1704, jusqu'à la paix, mais de plus, qu'il remplissait alors (1719), les fonctions de bailli du Cotentin et de commandant de la noblesse de ce bailliage.

Ses états de services étaient importants. Aussi, comme récompense de son zèle et de son application, sur l'instante sollicitation du maréchal d'Estrées, Sa Majesté lui avait accordé la croix de l'ordre de Saint-Michel.

Luc-François Du Chemin avait épousé à Paris, le 23 décembre 1713, Marie-Anne-Henriette Pellé, fille de Edme Pellé, secrétaire du Roi, maison et couronne de France (1). Nous tenons surtout à signaler deux documents qui émanent de lui, parcequ'ils intéressent particulièrement Saint-Lo. Le premier, daté de l'hôtel habité par Du Chemin, le 20 novembre 1702, outre l'énonciation de ses qualités, nous fait connaître la Place Royale de la ville de Saint-Lo (2). Or, (1) Bibt. Nat. Mss. Cab. des Titres. Fonds Franc. 26.726. Dossiers bleus, 181. Dossier 4.701.

(2) Voir notre pièce justificative G.


nous doutons que dans le département actuel de la Manche, aucune de ses places soit quaIiEée de Royale, et nous ne connaissons à Saint-Lo que son unique Place du champ de Foire, titre qui nous semble bien vulgaire pour une ville chef-lieu départemental.

Notre deuxième acte, du 14 janvier 1707, est le procèsverbal d'une information dressée contre trois cavaliers du régiment Le Colonel-Général, qui s'étaient évadés des prisons de la ville. Accusés de faux saunage, ils avaient été enfermés par l'ordre du marquis de Magny, intendant de la généralité de Caen. Dans les pièces de cette procédure judiciaire, Du Chemin prend les titres de maire et colonel perpétuel de la ville de Saint-Lo, et de subdélégué de l'intendant de Caen (1). En résumé, voici les dates des principaux brevets possédés par Luc-François Du Chemin de La Tour

2 avril 1704, commission de colonel d'infanterie.

27 février 1707, brevet de chevalier de justice de l'Ordre de Saint-Lazare.

12 février 1718, commission de commandant pour le Roi au gouvernement de Saint-Lo.

26 janvier 1720, brevet de chevalier de l'Ordre du Roi. LIX.-CHARLES-MAURICE GRIMALDI, CHEVALIER DE MONACO 1751-1771

Frère cadet du prince de Monaco, Charles-Maurice Grimaldi, dit le chevalier de Monaco, fut connu sous le nom de comte de Valentinois et de sire de Matignon, qualités qui lui sont données dans l'acte d'acquêt passé à Paris, devant Delaleu et Leclerc, notaires, d'un hôtel situé grande rue du Faubourg Saint-IIonoré, comprenant jardin et dépendances. Son vendeur était Etienne Bouret, chevalier, (t) Bibl. !at. Mss. Cab. des Titres. Fonds Franc. 27.21S. Pièces originales, 731. Doss. iR (i76, n°4.


secrétaire du Roi (1). Au moment de cette acquisition, il habitait son hôtel, rue du Bac, paroisse de Saint-Sulpice. Dans cet acte, il prenait les titres de grand d'Espagne de 1"' classe, chevalier de Saint-Louis, brigadier des armées royales, et lieutenant-général de la Normandie.

De plus, il était gouverneur des villes et citadelles de SaintLo, de Cherbourg, de Granville et des îles de Chausey (2). Né à Paris, le 14 mai 1727, il n'avait que 18 ans lorsqu'il prit part, en qualité de guidon de gendarmerie, à la bataille de Fontenoy, ou. il fut blessé ainsi que son frère. Il nous est possible de rappeler ses débuts à l'armée

8 mars 1746, enseigne des gendarmes de Bretagne. 8 mars 1747, sous-lieutenant de la même compagnie. 10 février 1759, brigadier de cavalerie.

A Paris, il avait épousé en la chapelle de l'hôtel de SaintSimon, Marie-Christine-Chrétienne de Rouvroy de SaintSimon, fille unique de Jacques-Louis, duc de Saint-Simon, dit le duc de Ruffec, pair de France, chevalier de la Toison d'Or et maréchal de camp des armées du Roi.

LX. HONORE-GABRIEL DE GRIMALDI, PRINCE DE MONACO 1771-1793

Succédant à son père, Honoré-Gabriel de Grimaldi prit alors les titres de prince souverain de Monaco, duc de Valentinois et d'Estouteville, comte de Thorigny et baron de Saint-Lo. Il dut, de plus, recevoir, en 1771, le gouvernement du château de Saint-Lo après la mort ou la démission de CharlesMaurice Grimaldi, son oncle.

Ce prince est le dernier que Saint-Lo et Torigni virent (t) Archives Nationales. Papiers séquestrés de la famille de Grimaldi-Matignon.

(2) Archives Nationales, mêmes fonds. Archives de la Manche.


jouir avec éclat des dignités et de l'immense fortune que lui avaient acquis et légués ses ancêtres.

Très jeune encore, il avait été blessé à Fontenoy, le 11 mai 1745, en chargeant, à la tête de quatre escadrons de gendarmerie, la fameuse colonne de la coalition des Anglais, des Autrichiens et des Hollandais. Dans cette bataille, l'une des plus mémorables des annales de France, le maréchal de Saxe se couvrit de gloire.

C'est du duc de Valentinois que Voltaire a dit, dans son poëme sur cette journée

Monaco perd son sang, et l'amour en soupire

II était doué, en effet, d'un physique remarquablement beau, plein de grâce et d'une aménité qui lui faisait une renommée universelle. Son portrait existe et il égale tout au moins les figures de Louis XV, dans sa jeunesse, du chevalier d'Aydie, l'amant de l'incomparable Aïssé, et du duc de Pentbiëvre, qui sont les types les plus ravissants que nous ayons rencontrés.

Mais mieux que ces avantages dûs à la nature, il était instruit, spirituel et possédait un cœur excellent et charitable qui lui faisait attirer vers lui tous ceux qu'il approchait et qu'il fascinait de ses charmes.

Honoré attéignit au grade de maréchal de camp dans l'armée française.

Tour à tour, il habitait Paris, Monaco et Torigni. Sa résidence à Paris devait être bien probablement à l'hôtel de la grande rue du Faubourg Saint-Honoré, paroisse de la Madeleine de la Ville l'Evêque, qu'il avait dû trouver dans l'héritage de Charles-Maurice, son oncle, qui l'avait acquis le 13 mars 1771.

En 1789, le prince de Monaco se montra favorable aux idées nouvelles qui se manifestèrent alors Il eut le courage et la loyauté d'accompagner Louis XVI au Ch~mp-de-Mars, à l.L Fédération du 14 juillet 1790. Il n'émigra pas et se vitnéan-


moins confisquer tous ses biens et incarcérer. Les populations de Torigni et de Saint Lo réclamèrent en vain sa mise en hbetté. Il mourut en prison avant d'avoir été appelé devant le tribunal révolutionnaire.

Les traités de Vienne (1815) restituèrent à ses fils la partie de sa fortune qui n'avait pas été aliénée, avec l'Etat indépendant deMonaco. La principauté est actuellement, rappelons-le ici, entre les mains de S. A. S. le prince Albert, un savant de premier ordœ, qui, en mémoire de ses ancêtres, a daigné accepter le titre de membre honoraire de notre Société.

PIÈCES JUSTIFICATIVES

A

10 Mai 1580.

Mémoire adressé au Roi par d'O, ou par Longaunay, sur les mesures à prendre pour mettre les places de la Basse-Normandie à l'abri d'un coup de main.

(Bibliothèque Nationale Mss. Fonds Français. Nouvelles Acquisitions. 6.646, n° 99).

SIRE,

Pour ce que Vostre Majesté désire pourveoir à Ij garde des places de ce royaulme pour empescher qu'aucuns qu'elle est advertye prendre les armes contre son autorité et le repos pubitcq, et au préjudice de son dit édic de pacimcation s'en puissent prevalloir, j'ay pensé que pour le debvoir de ma charge de l'advertir de l'estat des illes et places de mon gou-


vernement dont en général il n'y a pas une où il ne soit besoing de grandes réparacions pour la mectre au point qu'il seroit bien à désirer pour la seure garde d'icelles. Mais pour congnoistre vos affaires si necessiteuses qu'elles ne pourroient porter telles despenses je m'arresterai seulement à vous ad viser de celles ausquelles il fault de nécessité pourveoir. Et pour ce vous dirai-je, Sire, que la ville de Saint-Lo est demeurée et est encore à présent, depuis la prise d'icelle sur ceulx de la relligion prétend ne reS'ormée par Monsieur de Matignon avec la mesme bresche qui fust faicte pour y entrer, sans que l'on y ait rien réparé. Mais au contraire l'injure du temps l'a tellement augmentée qu'elle est maintenant de trois à quatre cens pas, et de si facille accez qu'il e~t aussy aysé d'entrer en la ville par là que par les portes, qui sont aussy demeurées sans pontz, barrières ny portes, ce qui a rendu la ville comme déserte, pour n'y estre les habitans non plus cioz et en seuretté que dans ung villaige. Et pour ce que demeurant en l'estat où elle est, il seroyt fort aysé de s'en emparer, et avecq les moiens dont usent les ennemys, la fortiffier, de façon que vostre service en recevroit beaucoup d'incommodité, il est necessaire que Vostre Majesté la face reparer, et y mettre garnison et à ceste fin en faire adviser et ordonner le moien au plus tost qu'il sera possible ou bien, pour oster du tout l'espérance que l'on pourroit avoir de s'en prevalloir et fortiffier contre vostre dit service, la demanteller et abbattre les murailles qui en restent.

La ville de Quarentan, etc. Vostre Majesté advisera donc s'il luy plaist.

Réponses du Roi, mises en marge du Mémoire. I. Le Roy estant en son conseil a faict lire et proposer cest article sur lequel monsieur le mareschal de Matignon, qui y estoit, à qui appartient le dit Sainct-Lo, s'est chargé de la garde et seuretté de la dicte place, en luy faisant fournir mil ou douze cens livres. Il a esté advisé que l'on prendroit des


deniers commungs et patrimoniaulx de la dicte ville, et que, s'ilz n'y pou voient satisfaire, que l'on leveroit le reste sur les habitans de la dicte ville et lieulx circonvoisins.

Faict à Paris, le Roy estant en son con-ieil, le Xc may 1580. Signature, HENRY, NM~O~OipAe. Con~eSt~Më, PINART. B

21 octobre ~5M.

Lettre de Henri 111 à Longaunay.

Ordre de démantèlement du château de Saint-Lo. (Bibliothèque Nationale. Manuscrits. Fonds Français. Nou-

velles Acquisitions, 6.646, n° 130).

J'ai receu les lettres que m'avez escriptes le jour de ce présent mois. Ausquelles je vous diray qu'ayant considéré l'advis que vous me donnez du danger qu'il y auroit que ceulx de la nouvelle relligion se saissisent de ma ville de Saint-Lo, comme ilz ont faict durant les preceddens troubles, j'ay resollu de la faire desmanteler, ou moings faire si bien et amplement ouvrir les breches qui y ont esté cy-devant faictes que l'on ne se puisse plus servir de la forteresse de la dicte ville. A ceste fin, j'ay faict expédier mes lettres patentes de commission addressantes au sieur de Carrouges et en son absence à vous que je vous envoye, suivant lesquelles vous ferez besogner en toute ddligence à lad. desmolicion et ouvertures, afin qu'il ne puisse arriver aulcun inconvénient d'icelle ville.

Qnand à celluy de lad. nouvelle religion que m'escripvez qui va pour les maisons de ceulx de sa relligion, il sera bien faict de le faire observer et sçavoir à quelle fin pour m'en advertir incontinent et selon cela je vous feray entendre mon intention, etc., etc.

Escript à Paris le XXI" jour d'octobre 1585.

Signature, IIENHY, autographe. Contresigné, PINART.


18 novembre 1585.

Lettre de Henri III à Longaunay.

Ordre de surseoir à la démolition du château de Saint-Lo. (Bibliothèque Nationale. Manuscrits. Fonds Français. Nouvelles Acquisitions. 6.646, n° 133).

A Monsieur de Longaunay, gentilhomme ordinaire de ma chambre et mon lieutenant au gouvernement des bailliages de Gisors et Costentin.

Monsieur de Longaunay, je vous sçay bon gré que vous ayez si bien pourveu à la garde et seurté de ma ville de SaintLo et de Pontorson, que ceulx de la nouvelle oppinion qui s'estoient desbandez d'avec mon cousin le prince de Condé n'ayant peu s'y retirer et s'en emparer comme vous m'escriviez qu'ilz estoient en ceste vollonté et dellibération et puisque vous ne trouvez pas qu'il soit à propos de desmanteller lad. ville de Saint-Lo et que vous avez diSëré de la faire sur ce que je vous en avais escript et mandé, à tout le moins faut-il que les habbitans cathollicques d'icelle facent si bon debvoir de la garder avec la compagnie d'harquebouziers à cheval que je y envoie, que soient et seront bien paiez encore pour deux mois, qu'il n'en puisse arriver aucun inconvénient, etc. Je prie Dieu, Monsieur de Longaunay, vous avoir en sa sainte et digne garde. Escript à Paris, le XVIIIe novembre 1585.

Signature, HENRY, autographe. Co/eS:M~, PINART. D

25 novembre ~5<S5.

Autre lettre du Roi à Longaunay.

(Bibliothèque Nationale. Manuscrits. Fonds Français. Nou-

velles Acquisitions. 6.646, n° 134).

Je vous ay faict une semblable depesche que celle cy-dessus

c


et combien qu'elle satisface au contenu de la lettre du XXII' de ce mois que j'ay receue par ce porteur. Touttefois je vous diray que puisqu'il n'est pas à propos de faire à présent le démantellement de Saint-Lo, il fault que les habbitans dud. Saint-Lo y facent si bonne garde qu'il n'en puisse arriver inconvénient. Pendant que la compagnie d'harquebouziers à cheval que je y envoie y demeurera il y aura plus de seureté. Mais pour ce qu'elle n'y peult pas estre toujours, il fauldra bien que ayez soigneusement l'œil ad ce que lesd. habbittans cathollicques y facent si bonne garde qu'il ne y rien adrive. Et de ce que je m'en reposerai sur vous. A qui je diray pour le regard des quarante harquebouziers que demandez pour y mettre et pour vous en servir, comme pour garde, en l'estendue de vostre charge. Estans lesd. harquebouziers à cheval en garnison aud. Saint-Lo, vous vous en pourrez tousiours ayder en ce qui sera besoing.

Esciipt à Paris, le XXV" de novembre 1585. Signature, HENKY, aM<o~fap/<e. Contresigné, PINART. E

25 Mooe/K&ye 1585.

Lettre de l'amiral de Joyeuse à Longaunay.

(Bibliothèque Nationale. Manuscrits. Fonds Français. Nou-

velles Acquisitions, 6.646, n° 213).

Monsieur de Longaunay, vous avez maintenant esté averty de l'intention de Sa Majesté sur le démantellemeutde la ville de Saint-Lo. Et comme suivant l'aviz que vous luy en donnez et les remontrances qui luy en ont esté faictes par les habitans, il trouve bon de faire surseoir. Cependant, pour plus de seureté de lad. ville, vous establirez en garnison la compaignie du capitaine La Bastide, de laquelle et de celle de Bidon, vous vous ser\ irez à toutes occazions pour le ser\ ice de Sa Majesté, et comme vous connoitrez estre nécessaire.


Je loue Dieu de ce que vous m'escrivez touchant la réunion des gentilshommes de la nouvelle oppinion à l'église catholicque. L'intention du Roy est que ceulx qui se réduiront et baieleront bonnes cautions et assurances de ne porter plus les armes, ne soient aucunement molestez. Ce que je vous prie leur faire entendre au reste.

Je vous prie semblablement de commander au vy-bailly au sujet de la vollerie et des violances qui ont esté commizes par ceux du bourg d'Escouchay (Ecouché) contre les soldats de la compaignie dud. cappitaine Bidon. Vous savez combien telle charge est de mauvais exemple.

Me recommandant à voz bonnes graces et priant Dieu, Monsieur de Longaunay, vous avoir en sa garde.

De Paris, le XXVe novembre 1585.

Votre entier et plus parfait amy.

Signature, Amiral DE JOYEUSE, 6tM<o~ro!p/ie.

E (bis)

8 Juin 1586.

L'Amiral de Joyeuse à Longaunay.

(Bibliothèque Nationale. Manuscrits. Fonds Français. Nouvelles Acquisitions, 6.646, n° 223).

Monsieur, ayant le Roy ordonné la compagnie du cappitaine Bidon pour servir en l'armée de Rouergue, dont il a pieu à Sa Majesté me donner le commandement, il s'en va par dellà pour la retirer de sa garnison et la conduire au rendez-vous que je luy ay donné. C'est pourquoy je vous fais la présente pour luy permaïtre de la sortir de Saint--Lo, et pour vous pryer de faire pourvoir à la garde de la place, en attendant que le sieur de Bonfoisse (sic) auquel le Roy en a donné la cappitainerie puisse estre par dellà pour en avoir soing. A quoy m'assurant que vous scaurez fort bien donner l'ordre requis, en conséquence je ne vous feray la présente


plus longue que pour me recommander à vous, pryant Dieu qu'il vous donne, Monsieur, une parfaite santé, heureuse et longue vie.

A Paris, VIIIe juin 1586. Vostre plus affectionné à vous servir.

Signature Amiral DE JovEUSE, autographe.

F

10 ~OM< 1593.

Quittance donnée par le maréchal de Matignon, d'un quartier de sa solde de capitaine et gouverneur de Saint-Lo. (Archives Nationales. K. 105, n° 29).

Nous Jacques de Mathignon, mareschal de France, cappitaine et gouverneur pour le Roy, de la ville de Saint-Lo, confessons avoir eu et receu comptant de M" Estienne Regnault, conseiller du dit Seigneur, et trésorier de l'extraordinaire de ses guerres, la somme de cent escus sol. (1), à nous ordonnée pour nostre estat et a ppoinctement decappitaine et gouverneur sus dict durant trois mois de la présente année composez de XXXV jours chacun commencez le seiziesme jour d'avril et finis le dernier juillet ensuivant qui est à raison de XXXIII livres tournoys pour chacun d'iceulz, de laquelle somme de cent escus tournois nous tenons pour content et en quictons le dict sieur Regnault, trésorier général susdict et tous autres.

En tesmoing de quoy nous avons signé la présente de nostre main et icelle fait cachetter du cachet de noz armes, le dixiesme jour d'aoust mil cinq cents quatre vingts treize. Signature Jacques Du MATIGNON. Cachet effacé. Au dos Pour servir de quittance à messire Estienne Regnault, conseiller du Roy et trésorier général de l'extraor(i) Au soleil, monnaie du temps.

ia


dinaire de ses guerres, de la somme de cent escus sol. (e~) pour mon estat de cappitaine de Saint-Lo, durant trois moys comprenant trente cinq jours chacun commencez le XVIe jour d'avril et finissant le dernier jour de juillet de la présente année mil V" IIII xx treize.

G

23 novembre 1702.

Certificat délivré par Luc-François Du Chemin, sieur de La Tour.

(Bibliothèque Nationale. Manuscrits. Cabinet des Titres. Fonds Français, 27.215. Pièces originales, 731. Dossier 16.676, n° 3).

Nous Luc-François Du Chemin, écuyer, sieur de La Tour, conseiller du Roy, maire et colonel perpétuel de la ville de Saint-Lo,

Attestons à tous qu'il appartiendra que.. de Chantelou, fils Claude, tenant hôtellerie de la Place-Royale, en cette ville, est actuellement lieutenant du détachement de la bourgeoisie de la dite ville, en conséquence de la commission qui lui en a été expédiée par Monsieur de Matignon, et qu'il en fait même les fonctions toutes les fois que les ordres du Roy le requièrent. En foy de quoi, nous avons signé le présent et apposé le cachet de nos armes.

Fait en notre hôtel, au dit Saint-Lo, le vingt-troisième de novembre 1702.

'S~a/Mre DE LA TouR.

Cachet de cire rouge, dont une partie seule subsiste.


LISTE

DES

CAPITAINES ET GOUVERNEURS DU CHATEAU DE SAINT-LO (1)

Pages

I. Herpin, sire d'Erquery, 1355-1356. 9 II. Henri de Thiéville, 1360-1374. 86 III. Jean de La Hazardière, 1384. 88 IV.-V. Jean Tesson et Guillaume Carbonnel, 1417 21

VI. Regnault West, 1417-1419. 90 VII. William de La Pole, comte de Suffolk, 1422-1433. 90

VIII. Thomas Blount, 1423. 25 IX. Raoul Tesson, 1429-1430. 26 X. Edouard Weure, 1429-1430 91 XI. Edouard Wynoc ou Wynoë, 1430 92 XII. Jean Harpeley, 143l. 92 XIII. Thomas Tunstalle, 1431. 96 XIV. Hue Spencer ou Spencier, 1432-1433.. 31 XV. Jean Hastm ou Hasting, 1437-1438. 35 XVI. Jean Robessart, 1438-1440. 35 XVII. Bérart de Montferrant, 1441-1443. 36 XVIII. Simon Morhier, 1445-1446. 37 XIX. Guillaume Poitou, 1449. 96 XX. Jean d'Estouteville, 1450-1479. 97 XXI. Guillaume Le Jolis, 1489-1493. 103 XXII. Jehan de Conteville, 1495. 105 XXIII. François Herbert, 1513-1525. 105 XXIV. Richard Du Bois, seigneur de l'Epiney, 1532. 108

(t) La pagination des n°s 4, S, 8, 9, dt, 15, <6, 17, i8, correspond au T. XtX des J/emo!'rM de la Société.


Pages

XXV. Jean de Sainte-Marie, seigneur d'Agneaux, 1532-1545. 111

XXVI. Christophe de Lospital, sieur de la Rouardiëre, 1533-1553. 114

XXVII. N. de Bricqueville, sieur de Laulne,1553. 115 XXVIII. Jean de Sainte-Marie d'Agneaux, 15611562. 115

XXIX. Michel Du Bois-d'Elle, dit Canterayne, 1561-1562. 116

XXX. N. Miette de Groucy, 1561-1562. 117 XXXI.-LaBretonniere.l563. 118 XXXII. Nicolas de Chauraiz, 1570. 120 XXXIII. Georges de Mathan, seigneur de Semilly, 1570-1584. 120

XXXIV. Antoine de Thère, 1574. 125 XXXV. François de Montmorency, sieur de Hallot, 1574. 126

XXXVI. François de Bricqueville, baron de Colombiëres,1574. 127

XXXVII. Jean de Gourfaleur, seigneur de Bonfossé, 1574-1584. 130

XXXVIII Adrien de Mathan, seigneur de Semilly, 1584. 131

XXXIX. Antoine La Bastide, 1585. 133 XL. N. Bidon, 1585-1586. 139 XLI. N. Bonfossé, 1586. 140 XLI 1. Charles de Thié ville, seigneur de Craignes, 1589. 142

XLIII. Jean-Luc Du Chemin, sieur de La Haulle, 1589-1590. 143

XLIV. – Charles de Matignon, comte de Thorigny, 1590. 146

XLV. Jacques de Matignon, maréchal de France, 1593. 147

XLVI. N. des Roziers, 1594. 152 XLVII. Odet de Matignon, 1596. 152 XLVI II. Charles de Matignon, maréchal de France, 1596. 153


Pages

XLIX. Troïlus Du Mesgouez, marquis de La Roche,1597. 154

L. Pierre de Marseilles, sieur du Perrey, 1597-1602. 158

LI. Jacques de Matignon, comte de Thorigny, 1612-1626. 159

LII. Jean Houël, sieur de Houesville, 1637.. 160 LIII. François de Matignon, marquis de Lonray,1639-1651. 161

LIV. Henri de Matignon, 1651-1665. 162 LV. Raphaël Le Painteur, sieur de LaunayBoisjugan,1668. 163

LVI. Jacques de Matignon, démissionnaire en 1713,1693-1713. 163

LVII. Jacques-François-Léonor de MatignonGrimaldi, prince de Monaco, 1713-1731 164

LVIII. Luc-François Du Chemin, seigneur de La Tour,173]. 165

LIX. Charles-Maurice Grimaldi, chevalier de Monaco, 1751-1771. 168

LX. Honore-Camille-Léonor Grimaldi, prince de Monaco, 1771-1793. 169


Extrait des Procès-Verbaux l'JALidjib HuO iiUtjuO tCIDujUA

DES SÉANCES DE LA SOCIÉTÉ

Le quatorze octobre mil neuf cent trois, à trois heures de l'après-midi, la Société s'est réunie au lieu ordinaire de ses séances, en exécution de la délibération qui précède (celle prise par le Bureau le 7 du même mois) et sous la présidence de M. le docteur Bernard, l'un des Vice-Présidents.

Présents MM. le chanoine Blanchet et Bernard, Vice-Présidents les abbés Le Monnier et Savary, chanoines honoraires; Rauline, député; Alfred Dieu, Joseph et Ernest Bosq, le docteur Le Clerc, Thouroude, le vicomte d'Osseville, du Boscq de Beaumont, Sébire, Vallée, Onfroy et Gambillon, secrétaire. La séance déclarée ouverte, M. Bernard dit que, comme chacun des sociétaires l'a appris par sa convocation, l'objet de la réunion est de prendre connaissance de la démission donnée par M. Lepingard de ses fonctions de Président et d'en délibérer.

Il lit aussitôt la lettre contenant cette démission. Elle est à l'adresse de M. le Curé de Sainte-Croix, en sa qualité de VicePrésident, et ainsi conçue

Saint-La, S août 1903.

« MONSIEUR' LE CURÉ ET HONORÉ COLLÈGUE,

J'ai fait, jusqu'à présent, tous mes efforts dans l'intérêt de la Société d'Archéologie et d'Histoire Naturelle de la Manche.


« J'aurais voulu les continuer, mais ma santé, et surtout la « vue, deviennent tellement mauvaises, que je me trouve dans « l'impossibilité de prendre part à des travaux trop appliquants. J'ai donc l'honneur de vous prier d'accepter ma démission « de Président et d'en informer les membres de l'Association. « Veuillez agréer, etc.,

Signé LEPINGARD.

La lecture terminée, l'assemblée, à l'unanimité, exprime ses vifs regrets de voir M. Lapingard quitter le fauteuil de la Présidence qu'il occupait si bien et à si juste titre. Malheureusement, il n'y a pas à insister pour le lui faire conserver; mais la Société ne perdra pas complètement M. Lepingard il lui restera de longues années encore, espère-t-elle, comme membre actif.

Elle n'oublie pas en ce moment qu'il lui appartient depuis plus de cinquante ans; qu'il n'a cessé de lui être extrêmement dévoué; qu'il a fait pour elle de très nombreux et remarquables travaux, fruit de recherches journalières et d'un labeur considérable enfin qu'il est, parmi ses membres passés et actuels, un de ceux qui ont jeté sur elle le plus de lustre. Elle lui en a constamment manifesté une sincère reconnaissance elle lui en renouvelle aujourd'hui l'expression. Mais, puisqu'il le faut, elle accepte sa démission et décide de procéder, séance tenante, à son remplacement, après, toutefois, l'avoir nommé, par acclamation. Président honoraire. A ce moment, M. le docteur Le Clerc, dont la candidature avait au dehors, parait-il, été posée par quelques membres, remercie tous ceux qui auraient pensé à lui et déclare nettement que ses nombreuses occupations ne lui permettraient pas d'accepter la fonction.

Ensuite. la Compagnie. passe au vote.

Il y est procédé, en un seul tour de scrutin, par bulletins secrets, dont le dépouillement révèle que le nombre des votants, égal à celui des présents, est de 16; que M. du Boscq de


Beaumont a obtenu 11 suffrages; M. Le Clerc, malgré sa déclaration, enaréum3; M. Dieu en a eu 1 et qu'il s'est trouvé 1 bulletin blanc.

M. le Vice-Président Bernard, après avoir énoncé ce résultat, proclame élu M. du Boscq de Beaumont et l'invite à prendre place au fauteuil, ce qu'il fait immédiatement. En prenant possession du siège, M. de Beaumont remercie ses collègues de la confiance qu'ils veulent bien lui témoigner, puis il promet de faire tous ses efforts pour la justifier. Sa première pensée, dit-il, se porte vers son honorable prédécesseur et les traditions par lui laissées, traditions dont il s'inspirera dans la direction de la Société, à laquelle il apporte à la fois toute sa sollicitude et le plus complet dévouement. La séance est levée à cinq heures.

Signé: Du BOSCQ DE BEAUMONT.

Pour extrait conforme

Le Président,

Le Secrétaire général,

Signé E. GAMBILLON.


Nécrologie

MM. le baron Pron, Quenault de la Groudière, Rauline.

Pendant le cours de l'année 1903, notre Société a eu à déplorer la mort de l'un de ses membres d'honneur, M. le baron Pron, ancien Préfet de la Manche, qui a laissé dans notre département les meilleurs souvenirs et la réputation d'un excellent administrateur.

Nous avons, en outre, éprouvé une perte bien sensible en la personne de M. Gabriel Quenault de la Groudière, membre titulaire. Fidèle aux traditions de sa famille, M. de la Groudière fit vaillamment son devoir pendant la guerre francoallemande en qualité de capitaine adjudant-major du bataillon de la garde mobile de l'arrondissement de Saint-Lo. Notre collègue avait su se concilier l'estime et la sympathie de tous, et sa mort prématurée n'a laissé parmi nous que d'universels regrets.

M. Gustave Rauline, député de la Manche et membre titulaire de notre Société, étant décédé en février 1904, il paraîtra peut-être singulier de voir son éloge funèbre figurer dans un volume portant, pour ordre, le millésime de 1903. Mais ce volume étant sous presse au lendemain de ses obsèques, nous n'avons pas voulu attendre un an pour rendre à sa mémoire


\bnérée, l'hommage qui lui est dû, et cet hommage, nous pensons ne pouvoir mieux l'exprimer qu'en reproduisant une partie du discours si éloquent prononcé sur sa tombe par M. Alfred Dieu, son collègue et ami

« La vieille et solide amitié qui m'unissait depuis longtemps à Gustave Rauline m'impose de vaincre l'émotion qui m'étreint pour dire un dernier adieu à l'homme de bien que la mort vient de ravir à mon affection.

< Gustave Rauline était un loyal. C'était l'être bon par excellence. Il gagnait tous les cœurs par sa bonhomie, par sa franchise, et il suffisait de l'avoir approché pour qu'il devint aussitôt un ami.

« Son ardeur à s'employer au service d'autrui était proverbiale. Il n'avait pas d'ennemis, ou, s'il en avait, il ne les connaissait pas et n'eût pas voulu les connaître.

« II s'employait pour eux avec un zèle égal à celui qu'il mettait à la cause de ses amis les plus dévoués. Jamais il ne connut le ressentiment ou la vengeance il ignorait de pareils sentiments.

« Au cours de sa longue carrière, il a servi avec un dévouement qui ne s'est jamais démenti les intérêts de ses concitoyens pendant 27 ans il a servi la France comme député. « Cet esprit large et plein de délicatesse n'éprouvait que des sentiments élevés. Sans parti-pris, sans autre ambition que celle du bien, il ne brigua pas les honneurs dans un but personnel. Il en fit mépris pour lui-même il ne s'en servit qu'en faveur de ceux qui se réclamèrent de sa situation pour en tirer service et profit.

« S'il ne fit qu'un séjour relativement court aux affaires municipales, il faut lui rendre cette justice qu'il s'occupa très activement des intérêts de la ville et de ses administrés. < N'est-ce pas à lui, en effet, que nous devons, aujourd'hui, de posséder la garnison ? 9

Lorsque Cherbourg et Saint-Lo se disputaient l'honneur de devenir le centre d'un de nos nouveaux régiments, nous


n'avions pas de casernes. Obtiendrait le régiment celle des deux villes qui se serait distinguée par sa diligence. Gustave Rauline, avec la nnes~e de vue qui lui était familière, se hâta de faire élever des bâtiments provisoires. Et de la sorte, nous pûmes recevoir et loger un premier bataillon.

« C'en fut assez pour décider de notre sort. Si les commencements furent difficiles, l'avenir couronna nos efforts. « La vie de Gustave Rauline, soit comme député, soit comme maire, a été bien remplie.

« Il laisse une mémoire pure et sans tache. »

Le Bureau.



LISTE DES MEMBRES

DE LA

SOCIÉTÉ D'AGRICULTURE, D'ARCHÉOLOGIE ET D'HISTOIRE NAtURELLE

<tm Hépem*tc]aat~ttt de la IMteunch~

au 31 décembre 1903

PRÉSIDENTS D'HONNEUR

MM. Le Préfet de la Manche,

Le Maire de Saint-Lo,

LEPINGARD.

MEMBRES D'HONNEUR

S. A. S. Mgr le prince de Monaco, comte de Torigni, baron deSaint-Lo,etc.,G. C. Correspondant de l'Institut. M. Léopold DELISLE, G. 0. Membre de l'Institut, Administrateur général de la Bibliothèque Nationale.

ADMINISTRATION

Président M. DU BOSCQ DE BEAUMONT.

Vice-Présidents MM. l'abbé BLANCHET, Chanoine honoraire, Curé de Sainte-Croix de

Saint-Lo.

le D'' BERNARD, 0. Conseiller

général.

Secrétaire ~ëMera~ M. GAMBILLON.

Secrétaire adjoint M. le Docteur LE CLERC.

Trésorier: M. E. LE COMTE D'OLONDE.

Conservateur M. G. GUILLOT.

Conservateurs adjoints MM. A. DIEU.

ONFROY.

Bibliothécaire-Archiviste M. le Docteur Louis ALIBERT. Classificateur de la section d'Agriculture N. Classificateur de la section d~~cA~o~o~te M. P. DERBOIS. Classificateur de la section d'HistoireNaturelle M. SÉBIRE.


MEMBRES TITULAIRES

MM.

ADIGARD (Pierre), Avocat, Conseiller d'arrondissement, Domfront (Orne).

ALIBERT (le docteur Louis), Saint-Lo.

BARBAROUX, Imprimeur, Propriétaire et Directeur du Messa~ey de la Manche, Saint-Lo.

BERNARD (le docteur), 0. Conseiller général et Conseiller municipal de Saint-Lo.

BIARD (J.), Notaire, Saint-Lo.

BLANCHET (l'abbé), Chanoine honoraire, Curé de SainteCroix de Saint-Lo.

Bosco DE BEAUMONT (Du), Le Mesnil-Vitey, Airel (Manche), et 15, rue Greuze, Paris, XVIe.

BosQ (J.), Conseiller municipal et Président du Tribunal de Commerce de Saint-Lo.

BosQ (E.), Banquier, Saint-Lo.

CHARDON (H.), 0. Maître des Requêtes au Conseil d'Etat, 81, Boulevard Saint-Michel, Paris, Ve.

COMMINES DE MARStLLv(de), 80, avenue Kléber, Paris, XVI". DELAUNAY (P.), Notaire, Saint-Lo.

DERBois (P.), ancien Professeur, Saint-Lo.

DESPLANQUES (A.), Maire d'Airel (Manche).

DIEU (A.), Avocat, Conseiller municipal de Saint-Lo. DOYNEL DE LA SAUssERtE (le vicomte Georges), Maire de Saint-Eny (Manche).

DuBois (G.), Propriétaire, Saint-Lo.

FABRE (II.), 0. Commissaire général du Canada, 10, rue de Rome, Paris, VIII".

GAMBiLLON (E.), Chef de division de la Préfecture de la Manche, en retraite, Saint-Lo.

GUILLOT (G.), 5, rue Crevaux, Paris, XVI*

HÉDOuiN (l'abbé), Curé de Dangy (Manche).

HÉRissÉ (Georges d'), Inspecteur de la Banque de France, en retraite, 66, rue de Miromesnil, Paris, VIII". JACQUELINE (P.), Orfèvre, Saint-Lo.

JouANNE (L.), Avoué, Saint-Lo.


L.ABBEY (A.), Négociant, château de Couvains (Manche), et 5, place de la Bourse, Paris, 11~.

LE CLERC (le docteur R.), Conseiller municipal de Saint-Lo. LECLERC (A.), Notaire honoraire, Saint-Lo.

LE COMTE D'OLONDE (E.), Propriétaire, Fervaches, par Tessysur-Vire (Manche).

LEFÈVRE, Docteur ès-Sciences Naturelles, Pharmacien, SaintLo.

LE FORESTIER D'OSSEVILLE (le vicomte Raoul), Conseiller général, château de Thère, par Pont-Hébert (Manche). LE GOUT-GÉRARD (Fernand), Artiste Peintre, 93, rue Ampère, Paris, XVIIe.

LE MENUET, Conseiller municipal de Paris, 67, rue de Rivoli, Paris, 1~.

LEMERRE (Alphonse), 0. Libraire-Editeur, passage Choiseul, Paris, Ile.

LE MONNIER (l'abbé), Chanoine honoraire, Supérieur de la Communauté du Bon- Sauveur, Saint-Lo.

LEPINGARD (E.\ Avocat, Chef de division de la Préfecture de la Manche, en retraite, Saint-Lo.

LEROSEY (l'abbé), Chanoine honoraire d'Angers, Curé de Saint-Hilaire, Loudun (Vienne).

LE TuAL, Imprimeur, Conseiller municipal de Saint-Lo. LHOMOND (le docteur), Saint-Lo.

MARIE, Maire d'Agneaux, par Saint-Lo.

MATHAN (le comte Jean de), château de Semilly, par Saint-Lo. O.~FROY, Propriétaire, Saint-Lo.

PAXNtER-LACHAUssÉE, Avocat, Saint-Lo.

PÉROCHE, Directeur honoraire des Contributions indirectes, 7, rue de la Bassée, Lille.

PoREL (Paul Parfouru), Directeur du Vaudeville, 15, avenue d'Antin, Paris, VIlle.

POULAIN, Juge de paix d'Octeville, en résidence à Cherbourg.

RAULINE, Député de la Manche, manoir de Champeaux, Saint-Lo, et 2, rue de Vienne, Paris, VIII".

REGNAULT (J.), Procureur de la République à Coutances. SAUVAGE (H.), ancien Juge de Paix, 53, boulevard Bineau, Neuilly-sur-Seine.


SAVARY (l'abbë), Chanoine honoraire, Supérieur du Collège diocésain de Saint-Lo.

SÉBtRE, Propriétaire, Saint-Lo.

SICOT, Négociant, Conseiller municipal de Saint-Lo. SIMON, Propriétaire, Saint-Lo.

SINEL, Huissier, Saint-Lo.

THOUROUDE (A.), Greffier en chef du Tribunal de première instance, Saint-Lo.

TRAVERS (Emile), Archiviste-Paléographe, ancien conseiller de Préfecture, 18, rue des Chanoines, Caen.

TpÉFEu (Etienne), 0. Directeur de la Marine Marchande au ministère de la Marine, 67, rue de Passy, Paris, XVIe.

VALLÉE, Propriétaire, Saint-Lo.

VIALATTE, Directeur d'assurances, Saint-Lo.

ViBEpT (A.), Pharmacien, Saint-Fromond, par Airel (Manche). VIEILLARD DE BoiSMARTIN, 162, rue Lafayette, Paris, X~. MEMBRES CORRESPONDANTS (1)

ADAM (l'abbé J.-L.), Aumônier des Augustines de Valognes. Bouts, (capitaine Raymond), Escoville, par Hérouvillette (Calvados).

CLÉRET DE LANGAVANT (J.), capitaine au 47° régiment d'infanterie-, Saint-Malo.

CRÉANCES, Principal honoraire, 115, boulevard Longchamp, Marseille.

COURSON (A. de), ancien Sous-Préfet, château des Planchessous-Amblie, par Creully (Calvados), et 26, rue de l'Orangerie (Versailles).

DALIMIER (Henri), Professeur de Première au Collège d'Avranches, 7, rue du Séminaire, Avranches.

FiERviLLE, Proviseur honoraire, 241, rue de Charenton, Paris, XIIe.

jAMBOis (Charles), Conseiller à la Cour d'appel de Paris, 13, rue Littré, Paris, VI".

(1) Les Membres Correspondants dont le nom est précédé d'une astérisque sont abonnés aux publications de la Société.


LAPPARFNT (Albert de), Membre de l'Institut, 3, rue Tilsitt, Paris, VIIK

LECORNU (Léon), Ingénieur en chef des Mines, 3, rue Gay-Lussac, Paris, Ve.

LEGOUX (Mgr), Protonotaire apostolique, Chanoine honoraire de Coutances, 60, rue de Picpus, Paris, XIIe.

LEGUILLOCHET (l'abbé), Curé de Gerville, par La Haye-duPuits (Manche).

LE Jons, Directeur de la Société nationale des Sciences Naturelles et Mathématiques de Cherbourg, 29, rue de la Duché, Cherbourg.

LEMARQUAND, Juge de Paix, Président de la Société archéologique de Valognes.

LENNIER (G.), Conservateur du Muséum du Hâvre, 22, route de la Hëve, Sainte-Adresse.

LE MOYNE (Eugène), Président du Tribunal civil de Ploërmel (Morbihan)

MOREL (l'abbé L.), Aumônier des Sœurs de Saint-André, 133, rue du Cherche-Midi, Paris, XV~.

PILLET (J.), Principal du Collège de Saint-Maixent (DeuxSëvres).

VACANDARD (l'abbé E.), Aumônier du Lycée de Rouen.

SOCIÉTÉS CORRESPONDANTES

FRANCE

Aisne. Société Académique de Laon.

Société Historique et Archéologique de Château-Thierry. Algérie. Académie d'Hippone.

Allier.- Société d'Émulation et des Beaux-Arts du département de l'Allier.

Alpes-Maritimes. Société des Lettres, Sciences et Arts des Alpes-Maritimes.

Ariège. Annales Agricoles, Littéraires et Industrielles de l'Ariège.

Basses-Pyrénées. Société des Sciences, Lettres et Arts, à Pau.

d3


Bouches-du-Rhône. Acadén"e des Sciences, Agriculture, Arts et Belles-Lettres d'Aix.

Société de Statistique de Marseille.

Caloados. Académie nationale de Caen.

Société des Beaux-Arts de Caen.

Société des Antiquaires de Normanc''e.

Société des Sciences, Arts et Belles-Lettres de Bayeux. Côte-d'Or. Académie des Sciences, Arts et Belles-Lettres de Dijon.

Doubs. Académie des Sciences, Belles-Lettres et Arts de Besançon.

Drôme. Société départementale d'Archéologie et de Statistique de la Drôme.

Société d'Histoire Ecclésiastique et d'Archéologie Religieuse des diocèses de Valence, Gap, Digne, Grenoble, etc., à Romans (M. U. Lcchevalier, présidée!).

Eure. Société d'Etudes Préhistoriques, aux Andelys. Gard. Académie de Nîmes.

Société d'Etudes des Sciences Naturelles de Nîmes. Gironde.- Société des Sciences Philosophiques et Naturelles de Bordeaux.

Haute-Garonne. Société d'Archéologie du Midi de la France, à Toulouse.

Société d'Histoire Naturelle de Toulouse.

Haute-Loire. Société d'Agriculture, Sciences, Arts et Commerce du Puy.

Hérault. Société Archéologique, Scientifique et Littéraire de Béziers.

Ille-et-Vilaine. Société Archéologique d'Ille-et-Vilaine, à Rennes.

Société Historique et Archéologique de l'arrondissement de Saint-Malo.

rndre-et-Loire. Société d'Agriculture, Sciences, Arts et Belles-Lettres du département d'Indre-et-Loire.

Jura. Société d'Emulation du Jura, à Lons-Ie-Saulnier. Loire. Société d'Agriculture, Industrie, Sciences, etc., de la Loire.

Loire-Inférieure. Société Académique du département de la Loire-Inférieure.

Société Archéologique de Nantes.

Société des Sciences Naturelles do l'Ouest de la France, à Nantes.


Loir-et-Cher, Société des Sciences et Belles-Lettres de Loir-et-Cher.

Zo~ye. Société dAgriculture, Industrie, Sciences et Arts du département de la Lozère.

Maine-et-Loire. Société d'Agriculture, Sciences et Arts d'Angers.

Manche.- Société Archéologique d'Avranches et de Mortain. Société Académique de Cherbourg.

Société des Sciences Naturelles de Cherbourg.

Société Académique du Cotentin, à Coutances.

Société Archéologique, Artistique, Littéraire et Scientifique de l'arrondissement de Valognes.

Marne. Société d'Agriculture de la Marne.

Société d'Agriculture, Commerce, Sciences et Arts du département de la Marne.

A~orc~ – Société centrale d'Agriculture, Sciences et Arts du Nord.

Pyrénées-Orientales. Société Agricole, Scientifique et Littéraire des Pyrénées-Orientales.

7?/!d/M. Société Littéraire, Historique et Archéologique de Lyon.

Sadne-et-Loire. Société Eduenne des Lettres, Sciences et Arts à Autun.

Société d'Histoire Naturelle d'Autun.

Société d'Histoire et d'Archéologie de Chàlons-sur-Saône. Société des Sciences Naturelles de Saône-et-Loire. Sarthe. Société d'Agriculture, Sciences et Arts de la Sarthe.

Seine. Société de Saint-Jean, 35, rue de Grenelle, à Paris. « Ornis Bulletin du Comité Ornithologique et International, Paris, Masson, 120, boulevard Saint-Germain. < La Pomme », Société Littéraire et Artistique, 54, avenue de Breteuil, Paris.

< Romania », Recueil trimestriel consacré à l'étude des Langues et des Littératures Romanes, Emile Bouillon, éditeur, 67, rue de Richelieu, Paris.

Seine-et-Marne. Société d'Archéologie, Sciences et Arts de Seine-et-Marne.

Seine-et-Oise. Société Archéologique de Rambouillet. Seine-Inférieure. Académie des Sciences, Belles-Lettres et Arts de Rouen.


Société des Sciences et Arts Agricoles et Horticolesdu Havre. Société Géologique de Normandie, au Hâvre.

Société Hâvraise d'études diverses.

Société d'études des Sciences Naturelles d'Elbeuf. <S'o~me. – Société des Antiquaires de Picardie, à Amiens. Société des Sciences, des Lettres et des Arts d'Amiens. Société ~'Emulation d'Abbeville.

Tarn-et- ~roKMe. Société Archéologique de Tarn-etGaronne.

Var. Société Académique du Var, à Toulon.

Yonne. Société des Sciences Historiques et Naturelles de l'Yonne.

ÉTRANGER

~/Mce-Lo~a<7!e. Société d'Histoire Naturelle de Metz, 25, rue de l'Evêché.

Etats-Unis d'Arnérique. The Smithsonian Institution. Minnesota Academy and Natural Sciences.

Bureau d'Ethnologie (au Directeur), à Washington. Geological Survey (au Directeur), à Washington. Jersey. Société Jersiaise pour l'étude de l'Histoire et de la Langue du pays.

Uruguay. Musée National de Montevideo.


TABLE DES MATIERES

Statuts de la Société. 5 L'Instruction publique dans les diocèses de Coutances et d'Avranches avant 1789, M. l'abbé A. LEROSEY 13 Les o/'t'tes de Barbey e~M~eo! M. G. Du Bosco DE BEAUMONT 79 Le Château de Saint-Lo et ses Capitaines-Gouverneurs (suite), M. Hippolyte SAUVAGE 84 Extrait des procès-oerbaux des séances de la Société. 182 Nécrologie. MM. le baron Pron, Quenault de la Groudière, Rauline, LE BUREAU 185 MM.

Statuts de la Société. 5

L'abbé A. LERosEY. Z'7y:s~Kc~o~ pK6~:a'Me dans les diocèses de CoM-

tances et d'Aoranches

avant 1789. 13

G.DuBoscQDEBEAUMONT.–Les origines de Barbey d'Aurevilly 79

Hippolyte SAUVAGE. Ze Château de Saint-Lo et ses Capitaines-Gou-

cer/:eM/'s (suite). 84

Extrait des pyocés-oer-

&aM.c des séances de

la Société. 182

LE BUREAU –A~cro~te.–M M. le baron Pron, Quenault de

la Groudière, Rauline 185


NOTICES

MÉMOIRES ET DOCUMENTS PUBLIÉS PAR LA SOCIÉTÉ

d'Agricultore, d'Archéologie et d'Histoire Naturelle DU DÉPARTEMENT DE LA MANCHE

VINGT-ET-UNIÈME VOLUME

SAINT-LO

IMPRIMERIE JACQUELINE, RUE DES IMAGES, 23 MDCCCCIII