Titre : Le Courrier français
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1848-02-11
Contributeur : Chatelain. Directeur de publication
Contributeur : Durrieu, Xavier (1814-1868). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32749956z
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 11 février 1848 11 février 1848
Description : 1848/02/11 (N42). 1848/02/11 (N42).
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k4709716j
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-166
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 01/10/2017
Supplément au COURRIER FRANÇAIS du vendredi 11 Février 1848.
TRIBUNAUX.
Juridiction criminelle.
COUR D'ASSISES DE LA HAUTE-GARONNE.
PRÉSIDENCE DE M. DE LA BEAUME.
Affaire Cécile Combettes.
( Correspondance particulière de l'Union-Monarchique. )
,f ^ Ainsi que nous l'avons annoncé hier, les débats de cett,
. grave affaire sont maintenant commencés; l'acte d'accusatioi
a été lit; il ne peut donc y avoir aucun inconvénient à le pu-
blier. Nous croyons, en même temps, devoir donner la cor-
respondance qui s'était établie entre M. le garde des sceaux
et Mgr l'archevêque de Toulouse. Nous tenons à être exacts e
impartiaux dans cette déplorable an'.'ire. A la suite du réquisi-
toire de M. le procureur-général, le frère Philippe, supérieur-
général de la doctrine chrétienne, adressa à la Gazette det
Tribunanx la lettre suivante :
Avignon, le 17 décembre 1847.
Monsieur le procureur général,
Dans le cours d'une tournée de visite, la Gazette dis Tribu-
naux, numéro 40 courant, m'a été présentée par diverses per-
sonnes, surprises d'y trouver une accusation des plus graves
contre nos règles. Evidemment, monsieur le procureur géné-
ral, votre bonne foi a été suprise, puisque vous avez cru de-
voir vous exprimer ainsi dans votre plaidoyer contre le pour-
voi du frère Léotade : « Il suffit de lire l'arrêt de renvoi et
l'acte d'accusation pour se convaincre du soin scrupuleux, etc...
et des obstacles nés pour la découverte dè la vérité, de l'allé-
gulion d'une prétendue règle (non soumise assurément au con-
trôle de l'autorité publique) qui ne permettrait pas aux frères
de rien révéler de ce qu'ils auraient vu ou entendu dans l'in-
térieur de la communauté, si ce n'est avec l'autorisation de
leur supérieur et dans la mesure qu'il juge utile ou avanta-
geuse. »
Nos statuts sont tous imprimés, tout le monde peut les con-
naître, ils ont reçu la double sanction de l'Eglise et de l'Etat,
ils ne peuvent donc renfermer la prétendue règle citée, règle
qui serait d'ailleurs nulle de plerfi droit, puisqu'elle serait op-
posée à toutes les lois naturelles et divines. Aussi, quoique je
ne connaisse point la procédure, je ne crains pas d'assurer
nu aucun frère n'a prétexté d'une règle quelconque pour se
dispenser de répondre aux interpellations des magistrats.
- Il m'est pénible, Monsieur le procure-général, d'avoir à
rendre publique cette protestation ; la cra mode voir compro-
mettre Je bien que l'Institut est appelé à fanp; peut seule m'y
déterminer; aussi osai-je espérer que vous voudrez bien a-
voir pour agréable l'expression de mes regret ainsi que l'hom-
mage du profond respect avec lequel j'ai . honneur d'être,
Monsieur le procureur général, votre très humble et très obéis-
salIt serviteur, pmuppE,
« Dans un mémoire publié par la défense du frère Léotade
se trouvent insérées d'autres lettres qui indiquent quelles péri-
(leties peuvent naître dans cedébat. Nous les donnons ici sans
commentaires. La première est de M. le ministre de la jus-
tice, qui écrivait à M. l'archevêque de Toulouse dans les ter-
mes suivans :
Paris, 22 mai 1847.
ç Monseigneur,
Une procédure s'instruit en ce moment a Toulouse, à raison
d un double crime d'assassinat et de viol commis sur la per-
sonne de Cécile Combettes, et la justice a été amenée, d'après
les indices que cette procédure a recueillis, à porter ses re-
cherches chez les Frères de la doctrine. chrétienne.
Assurément, si le crime avait été commis dans cette maison,
1 institut des Frères ne pourrait avoir aucun autre intérêt que
celui de la justice elle-même; car il"ne pourrait convenir à ses
membres. de 'recéler parmi eux un coupable, pour le dérober
aux. investigations judiciaires. Ce n'est point parce que l'un
de ses membres se serait rendu criminel qu'un corps honora-
ble serait compromis ; il ne pourrait l'être que dans le cas où,
en étendant sur ce membre sa protection, il s'associerait,
pour ainsi dire, à son crime, et s'en rendrait en quelque sorte
complice.
Cependant, M. le procureur général me fait connaître que
l instruction rencontre à chaque pas des obstacles de la part
du supérieur de cette maison, qui ne raraît avoir qu'un seul
but, celui d'écarter l'accusation des membres de la commu-
nauté.
Il arrive sans cesse que les interrogatoires successifs des
ïreres présentent des réponses contradictoires, parce que
< ans 1 'iiitervalle, ils ont rendu compte de leurs premières
déclarations, et ont reçu l'ordre de les modifier.
Il arrive également que les faits qui étaient acquis à l'infor-
mallon, sont démentis aussitôt que le supérieur aperçoit qu'ils
deviennent des indices accusateurs.
Il semble que tous les Frères, sous l'influence d'une même
instigation, n'ont qu'une même pensée, celle d'égarer la jus-
tice et d effacer toutes les traces qui pourraient.faire remonter
jusqu a l'auteur du crime.
C est cette influence blâmable, Monseigneur, que je viens
vous signaler. Ua crime très grave a été commis, sa répression
est une nécessité de!l'ordre social, et tous les intérêts, fussent-
ils reels, que cette répression pourrait froisser, doivent s'in-
cliner devant le premier de tous, celui de la justice. C'est le
devoir des Frères, si le soupçon plane sur l'un d'eux, d'aider
loyalement 1 instruction judiciaire, à découvrir LI vérité quelle
qu elle soit. Je crois donc pouvoir vous demander votre con-
cours pour éclairer M. le supérieur de la maison des Frères,
■ *E comprendre que sa conduite, outre qu'elle est
('t CQntraIre promet a un devoir qu'il ne devrait pas méconnaître, com-
P < pins qu elle ne sert la position des inculpés.
nt'A^r^r vouloir la bien lui recommander également de
EM à la justice tout l'appui qu'elle doit attendre
des membres de maison.
ration.Agréez, ' Monseigneur, l'assurance de ma haute considé-
Le garde-des-sceaux, ministre de la justice et des cultes,
Signé HÉBERT.
« Mgr a archevêque de Toulouse adressa à son tour au direc-
teur des Frères )a lettre suivante :
Toulouse, 26 mai 4 847.
Mon cher Frère directeur,
Vous connaissez tout l'intérêt que je porte à votre Institut
et spécialement à votre communauté de Toulouse. J'ai mis
grandement part avec lobs les gens de bien, à l'affaire extrê- '
mement affligeante par laquelle la Providence a voulu vous
éprouver; c est toujours dans cet intérêt que je dois voit,
communiquer la lettre que Monseigneur le garde des sceaux
m a écrite relativement à cette malheureuse affaire. Je crois
même ne pouvoir me dispenser de TOUS envoyer en une copie
exacte ; l'affaire est trop délicate pour que j'ose me permettre
de rien retrancher de ce que me dit Son Excellence. Je joins
donc ici cette copie, en vous déclarant, mon très cher frère
directeur, que je ne sais m'expliquer les reproches qui vous
sont faits, savoir : que « l'instruction de la justice rencontre
à chaque pas des obstacles de votre part ; que vous paraissez
n'avoir qu'un seul but, celui d'écarter l'accusation des mem-
bres de votre communauté; que les interrogatoires successifs
des frères présentent sans cesse des réponses contradic-
toires... parce qu'ils ont eu l'ordre de les modifier. »
En agir ainsi, mon très cher frère, ce serait manquer à la
justice, à la vérité et à la simplicité chrétienne, qui sont les
vertus propres de votre état ; aussi ne puis-je m'expliquer les
plaintes de M. le procureur-général.
Je désire vivement que vous me mettiez en état de vous jus-
tifier sur ces divers points auprès de M. le garde-des-sceaux.
Recevez l'assurance du parfait attachement et de la consi-
dération distinguée avec laquelle j'ai l'honneur d'être.
Mon très cher frère directeur,
Votre très humble et très obéissant serviteur,
Signé, P.-T.-D. ARCHEVÊQUE DE TOULOUSE. i
« Voici maintenant la réponse des Frères à Mgr.' l'arche- I
vêque ; ' j
Monseigneur, 1 I
Nous avons reçu votre lettre datée du 26 du courant ; elle
a été pour nous un dédommagement au surcroît de douleur
que les plaintes et le blâme de M. le ministre de la justice
devaient nous apporter.
Il paraît, Monseigneur, qu'on a surpris la bonne foi de son
excellence par des rapports faux ou exagérés. I
Nous répondons principalement par des faits aux accusa-
tions dirigées contre nous par M. le procureur-général, et
consignées dans la lettre de son excellence.
Ces accusations se'réduisent, ce nous semble, à deux chefs
principaux 10 Le supérieur des frères « entrave les opéra-
tions de la justice., ses recherches, ses investigations ; 2° Le
supérieur ordonne aux frères de modifier leurs déclarations,
et fait démentir les faits acquis à l'information, en sorte que
les interrogatoires successifs des frères présentent des réponses
contradictoires. »
S'il en était ainsi, Monseigneur, nous avouerions que nous
aurions manqué, ainsi que vous le dites fort bien, à la justice,
à la vérité et à la charité chrétienne, vertus qui sont comme
l'apanage de notre état. Mais heureusement rien de-tout cela
n'existe ; car, d'abord, il n'y a pas un superieur unique pour
les frères de Toulouse, puisqu'ils composent plusieurs com-
munautés et habitent dans des établissemens distincts et sépa-
rés. Ils sont donc sous l'autorité de plusieurs directeurs ou
supérieurs différens, et nous ne savons quel est celui qu'on
veut désigner,.,v uand on dit que le supérieur « entrave les in- j
vestigations dé la justice, » puisque nous leur avons tous prêté
un concours également franc et Jopl. Nos établissemens ont
été visités avec la plus scrupuleuse attention par la justice et
la police, qui ont examiné surtout notre linge sale, nos lits,
nos dortoirs, nos magasins et nos procures. Les visites de
messieurs du parquet et de la police ont été presque journa-
lières pendant douze ou quinze jours ; ensuite elles sont de-
venues moins fréquentes ; mais elles se sont prolongées jus- I *
qu'au 18 mai. Quand ces messieurs nous ont permis de les '
accompagner, loin de nous opposer à leurs investigations, nous
les avons excités à les étendre, -et nous les leur avons facili- Î
tées en ouvrant de force plusieurs portes, dont nous n'avions 1
pas momentanément les clés, et en en brisant d'autres que r
nous ne pouvions pas ouvrir. Au reste, Monseigneur, est-ce 1
bien sérieusement qu'on ose parler d'obstacles de la part i
des supérieurs des frères, lorsque nous nous sommes soumis £
avec cent quatre-vingts frères à une visite personnelle....? 1
Mieux que personne vous comprenez, Monseigneur, combien
une telle mesure devait nous affliger, et trouver d'opposans c
dans nos nombreuses communautés? Néanmoins, sur la de- r
mande que lui en fit M. le procureur-général, le frère Irlide, c
directeur du pensionnat, osa bien s'engager, au nom de tous 1
les directeurs, à en assurer l'exécution. Vous voyez donc,
Monseigneur, que si nous avons usé, et peut-être abusé de r
autorité que le voeu d'obéissance nous donne sur nos frères, Ii
2e n'a été que pour faciliter les recherches de la justice. Au v
reste, nous ne pouvions point en agir autrement; c'était le ji
rœu du très honoré frère supérieur-général, « que kla justice r
;oit pleinement satisfaite.... Prêtez-vous à tout... que rien ne £
;oit négligé pour prouver l'innocence de vos frères et de vos 1
lovices, ou bien pour découvrir celui qui, dans la maison, se c
;erait rendu coupable d'un pareil attentat..., de grand cœur
10US livrerions à la rigueur des lois ce misérable... » c
C'est ainsi qu'il s'exprime dans une lettre, quelques jours n
'près le triste événement du 15 avril. d
M. le procureur-général se plaint, en second lieu, des « ré- d
tonses contradictoires que présentent les interrogatoires suc- P
:essifs des frères, parce que dans l'intervalle ils ont reçu l'or- il
Ire de modifier leurs déclarations, de démentir les faits qui ti
liaient acquis à l'information. »
N'ayant pas entre les mains îles déclarations de nos frères, c
1ous ne pouvons ni apprécier, ni expliquer ces contradictions, p
[ui ne sont vraisemblablement que des explications des faits, o
.u des additions que-la réflexion aura naturellement amenées; s
nais ce que nous pouvons, ce que nous devons faire, c'est de c
protester hautement contre l'hypothèse par laquelle on vou- I n
Irait expliquer ces prétendues contradictions. Aucun de nous, h
lonseigneur, n'a cherché à influencer ni nos frères, ni les au- a
res témoins qtii ont été entendus, et nous sommes tellement g
ssurés de notre innocence à cet égard, que nous osons porter v
s défi le plus formel à M. le procureur-général de produire p
limais une preuve claire et précise qui justifie son accusa- C
ion. d
Et d'ailleurs , Monseigneur, si, contrairement aux ordres L
ormels de notre général, à nos devoirs et à nos vrais inté- I ti
êts, quelqu'un avait eu la fatale pensée d'influencer les dé- fi
:larations de nos frères, il lui eût été impossible de la réaliser, I le
:ar il est au moins absurde de prétendre que parmi les deux I p
:ents frères qui composent nos communautés, pas un n'eût été I u
évoltéipar 1 énormité du forfait qu'on lui aurait commandé, I fi
lue pas un n'eût protesté contre la violence qu'on aurait voulu I le
aire à sa conscience, et qui même n'eût fui aussitôt ces lieux I d,
jueM. le procureur-général appelle vénérés, mais qui seraient
:n réalité des lieux infâmes s'ils ne renfermaient que des 1 fc
to m mes assez pervers pour se jouer d'un acte religieux qui I h
ait Dieu lui même notre caution et le garant de nos paroles, la
qous terminons cette lettre , Monseigneur, en appelant sur I ei
ious vos bénédictions et vos prières; elle soutiendront notre
;ourage pour attendre avec résignation le jour de la vérité et vi
le la justice, ce jour où nos larmes seront essuyées , et l'inno- la
:ence de nos frères clairement démontrée. I q
Mais ce jour-là aussi la justice et la société auront à déplo- I d,
er que de:? indices trompeurs ou de malheureuses préventions I ci
lient égaré des magistrats chargés de rechercher et de punir
,e crime, qui a profité de cette erreur pour se cacher, et peut- I fi
lire, pélas ! s'enhardir davantage. . | d
Daignez agréer l'hommage de la vénération profonde avec
laquelle nous avons l'honneur d'être,
Monseigneur,
De Votre Grandeur,
Les très humbles et très obéissans serviteurs
Signés, F. IRLIDE, Dr du Pensionnat;
F. LIÉFROI, Dr des Ecoles communales;
F. LÉANDRE, Dr de l'Ecole normale et de
l'Ecole d'adultes;
F. ADAUCTE, Dr des Novices.
Toulouse, le 28 mai 1847.
Nous donnons le texte de l'acte d'accusation.
. Ce document est ainsi conçu (1) :
ACTE D'ACCUSATION.
Le 16 avril dernier, à six heures et demie du matin, le
j_ nommé Raspaud entra dans le cimetière Saint-Aubin : il
était accompagné du sieur Lévêque, concierge du cimetière,
et du sieur Laroque, menuisier. Ils se dirigèrent tous les
trois vers l'oratoire (2), dont la porte fait face au mur qui sé-'
' pare le cimetière du jardin des Frères de la Doctrine chré-
i tienne. Pendant que Lévêque etLardtyue entrèrent dans l'ora-
toire, Raspaud, demeuré en dehors, s'étant retourné du côté
j du jardin des Frères, aperçut vers l'angle de jonction de ce
I mur avec celui qui sépare le cimetière de la rue Riquet, le
cadavre d'une personne du sexe, dans une position qui lui fit
e dire au premier aspect : « Voilà une femme qui dort....
r •
3 Mais s'étant rapproché du point où reposait la personne
qu'il avait aperçue, Raspaud reconnu que c'était le cadavre
t d'une jeune fille (3). Ce cadavre paraissait reposer sur ses ge-
noux et sur l'extrémité de ses pieds, la semelle obliquant et
en l'air; sur ses coudes; la face contre terre ; les pieds étaient
l dirigés du côté du jardin des Frères; la tête, par son sommet,
était dirigée du côté de la chapelle ou oratoire : l'ensemble du
corps était placé obliquement par rapport aux deux murs du
jardin des Frères et de la rue Riquet; au pied du mur de la
rue Riquet, et dans l'intérieur du cimetière, étaient placés trois
piquets : au sommet de l'un de ces piquets on remarquait un
mouchoir fond bleu, à pastilles blanches, suspendu par son
centre ; les deux extrémités, encore nouées, se dirigeaient du
côté de la tête du cadavre.
Raspaud ayant voulu examiner de plus près la position du
cadavre, lui imprima un mouvement de rotation en le pre-
nant par l'épaule gauche. Ce mouvement, sans rien changer
à la position du corps relativement aux deux murs, avait ce-
pendant modifié la situation de la face, qui, au lieu d'être ap-
piyée contre la terre, se trouvait ainsi tournée en l'air, de
manière que les yeux se dirigeaient vers le mur de la rue Ri-
quet. Sauf cette modification qui n'affectait que sa partie su-
périeure, le cadavre est demeuré dans la même position, et
c'est dans cette position ainsi modifiée qu'il a été vu succes.-
sivement par le commissaire de police à sept heures et demie,
par M. le juge d'instruction à huit heures, et enfin par les mé-
decins à deux heures de l'après-midi : le premier examen qui
fut fait de ce cadavre ne laisse pas de doute qu'il ne fût celui
d'une jeune fille qui avait succombé victime du double crime
de viol et de meurtre.
Ce cadavre fut bientôt reconnu pour être celui de Cécile
Combettes, née le 6 novembre 1832, et par conséquent âgée de
moins de quinze ans, le 1 5 avril dernier.
Cécile Combettes était fille de deux honnêtes et modestes
artisans de cette ville. Son père, Bernard Combettes, était em-
ployé comme ouvrier à l'usine de M. Talabot. Sa mère, Marie
Terisse, exerçait l'humble profession d'allumeuse de réver-
bères. A l'époque où elle fut si cruellement frappée par la
mort de sa fille, Marie Terisse était au terme d'une laborieuse
grossesse; elle accoucha en effet le5 mai, vingt jours après l'é-
vénement.
Cécile Combettes etait employée comme simple apprentie
dans l'atelier du sieur Conte, relieur: son apprentissage,com-
mencé au mois d'avril 1846, devait finir à la même époque de
cette année, c'est à dire, peu de jours après la catastrophe qui
lui a ravi la vie.
Le 15 avril dernier Cécile devait, selon son habitude, se
rendre dans l'atelier de son maître. Elle fut réveillée à six
heures par sa grand'mère ; à sept heures, sa grand'mère re-
vient, voit sa petite-fille habillée avec son costume de tous les
jours : Elle mangeait un petit morceau de pain, ayant son
panier; sans doute avec son déjeuner dedans, à côté d'elle. »
Après avoir été chercher une cruche d'eau à la fontaine de
Peyrolière, Cécile partit avec son panier pour aller chez Conte,
où elle arriva vers sept heures et demie.
Conte était le relieur de la maison des Frères de la Doctrine
chrétienne de Toulouse. Le jeudi 15 avril, il devait remettre
une grande quantité de livres qu'il avait reliés. Le frère Liéfroi,
directeur du Noviciat, l'avait engagé à venir avant dix heures
du matin. Vers neuf heures, Conte se dispose à partir : il fait
préparer deux corbeilles, l'une très grande, où il place la ma-
jeure partie des livres, l'autre plus petite, où il dispose la par-
tie des livres qui n'a pu se placer dans la plus grande.
La femme Roumagnac dite Marion, prend sur sa tète la
corbeille longue; Cécile est chargée de la plus petite. Accom-
pagné de ses deux ouvrières, Conte se dirige vers la rue Riquet,
où est placée l'entrée du Noviciat (4). La porte, fermée à clef,
s'ouvre pour le laisser entrer, et se referme ensuite. Les deux
corbeilles sont déposées à terre. Conte dit à Marion : « Retour-
nez au magasin; » et.se tournant vers Cécile, il lui remit à
la main le parapluie qu'il avait déposé contre le mur pour
aider Marion à décharger sa corbeille, et lui dit : « Cécile,
garde mon parapluie ; attends-moi là pour porter les corbeilles
vides, » Marion ressort aussitôt; la porte se referme sur ses
pas : el'e affirme qu'elle est sortie seule, et qu'elle a laissé
Cécile dans le corridor. Conte, aidé du portier, monte les
deux corbeilles de livres dans la procure du frère directeur.
Le portier redescend aussitôt : Conte prolonge son entre-
tient avec le frère directeur. Il avait non-seulement à véri-
fier les livres qu'il venait lui remettre, mais encore à débattre
le prix de deux mille volumes à relier pour la distribution des
p rix. Conte demeura avec le frère directeur jusqu'à dix heures
un quart et quelques minutes. Cette heure est fixée par le
frère Lorien, qui a vu descendre Conte, et qui, à ce moment,
les yeux tournés vers l'horloge, a vu qu'elle marquait am delà
de dix heures un quart. 10 I
C$nte portait à la main les deux corbeilles vides : il s'in- I
forme auprès du portier de ce qu'est devenue Cécile. Le portier <
lui répond : « Elle sera peut-être sortie pendant que je par-
lais à un monsieur; ou peut-être est-elle allée au pensionnat,» <
en indiquant du doigt le tunnel.
Conte ne trouvant pas Cécile pour emporter les corbeilles <
vides, les dépose dans le corridor, et les envoie chercher dans <
la journée par un de ses jeunes apprentis. Quant au parapluie <
qu'avant de monter chez le directeur il avait remis aux mains i
de Cécile, il le retrouva contre le mur, à la place même qu'oc- <
cupait Cécile. 4
Conte, qui était resté plus d'une heure chez le directeur, ne i
fut pas surpris de ne plus trouver Cécile. Il pensa qu'ennuyée (
de l'attendre, elle était sortie et s'était rendue au magasin. En ]
(
sortant du Noviciat, Conte s'arrête chez son oncle, le sieur
Maître, ancien charron, rue de l'Etoile; de là, il va arrêter sa
place pour Auch, et enfin il entre chez lui vers onze heures.
La dame Conte n'ayant pas vu Cécile, s'informa à son mari :
celui-ci, de son côté, exprima la croyance qu'elle était ren-
trée. Vers une heure, Cécile n'ayant pas reparu, sa famille en
est instruite; la dame Conte, ainsi que la femme Baylac, cette
dernière, tante de Cécile, vont la demander successivement,
soit au pensionnat Saint-Joseph, soit au noviciat. Au pension-
nat, le portier déclare qu'il ne l'a pas vue; au noviciat, le por-
tier l'a vue, mais ne peut affirmer qu'elle soit sortie. La fem-'
me Baylac insiste pour 'que des recherches soient faites. Le
directeur est prévenu; la seule réponse que la femme Baylac
reçoit pour calmer ses pressentimens, c'est que les femmes ne
peuvent pas circuler dans l'établissement, et que si Cécile y
eût pénétré le matin, elle aurait été rencontrée, et qu'on l'au-
rait obligée à ressortir.
D'après les indications de Conte, des recherches furent faites
dans plusieurs maisons, dans l'une surtout située rue de l'E-
toile, qui était désignée comme suspecte. Toutes ces recher-
ches furent infructueuses. Conte, que des affaires appelait à
Auch, auprès du frère directeur de la maison des Frères, éta-
blie dans cette ville, partit le 15 avril au soir. Il revint à Tou-
louse le 16 au soir, et il y arr'Ya le 1 7 au malin.
Il n'est pas inutile pour l'intelligence des faits qui vont se
dérouler, de connaître les relations de Conte avec la maison
des Frères de la Doctrine chrétienne.
Conte n'était pas seulement employé comme relieur, appor-
tant chez les Frères son ouvrage pour en recevoir le salaire ;
il était attaché à cet établissement depuis onze ans ; ses rap-
ports avaient commencé avant que le pensionnat Saint-Joseph,
dirigé par les Frères de la Doctrine chrétienne fût formé. Des
rapports d'intimité s'étaient établis entre Conte et le directeur,
et même la plupart des frères du noviciat et du pensionnat. Il
existait entre eux un échange continuel de bons offices et de
petits services. Il n'était pas chargé seulement de la reliure
des livres : il préparait des objets nécessaires aux classes. Ces
opérations si multiples entretenaient des communications quo-
tidiennes entre la maison des Frères et l'atelier de Conte. Ses
ouvrières ou apprenties allaient fréquemment, soit au noviciat.
soit au pensionnat. Cécile, notamment, avait été le mercredi
1 4 au noviciat, pour rapporter des cahiers rognés.
Si Conte avait besoin de quelques avances, il n'avait qu'à
s'adresser à l'un des directeurs. C'est ainsi que quelques jours
auparavant il avait obtenu un prét de 160 fr., en un mandat
sur le directeur de la maison de Rodez.
Enfin, chaque fois qu'une fête était célébrée dans la maison,
Conte y était convié. -
Les bénéfices que cette position procurait à Conte, ne peu-
vent pas être évalués à moins de denx mille francs par an.
Son père, au jsi relieur, recevait la partie de l'ouvrage que son
fils ne pouvait pas faire.
Les explorations auxquelles la justice s'est livrée à l'occa-
sion de la découverte du cadavre de Cécile Combettes, ont eu
un double but :
1° Rechercher d'abord le lieu où le crime a été commis;
2* Découvrir ensuite l'auteur ou les auteurs du crime.
PREMIÈRE PARTIE.
Résumé des faits qui démontrent que le double attentat commis
le 15 avril dernier sur la personne de Cécile Combettes, a
été accompli dans la maison des Frères de la Doctrine chré-
tienne.
Nous avons laissé le cadavre de Cécile Combettes étendu
dans le cimetière Saint-Aubin, presqu'à l'angle de jonction
des deux murs, dont l'un est mitoyen entre le cimetière et la
rue Riquet, et l'autre entre le cimetière et le jardin des"
Frères.
A huit heures du matin, M. le juge d'instruction arrive sur
les lieux et constate la position du cadavre telle que Raspaud
l'a décrite. M. le juge d'instruction se préoccupant d'abord de
l'hypothèse où le cadavre aurait pu être apporté et dépose
dans le lieu où il a été trouvé, examine avec le plus grand soin
le mur de clôture du cimetière. Aucune lésion, aucun désor-
dre ne se prêtent à cette hypothèse. Une brèche placée au
point où le mur joint l'oratoire, situé dans le cimetière, fixe
son attention. Mais cette brèche, déjà élargie par les curieux
qui l'ont escaladée ou qui s'y sont appuyés, ne saurait se prê-
ter à la pensée que le corps de Cécile ait pu la traverser, pour
être ensuite transporté et placé au point où il a été vu. Le
terrain placé au pied de ce mur, recouvert d'herbes, et à l'é-
tat d'humidité, esLexempt d'empreintes qu'on y aurait certai-
nement remarquées si le meurtrier eût traversé et foulé celte
partie du sol. Les mêmes explorations avaient déjà été faites
par les soins et sous l'inspection de M. Lamarle, commissaire,
de police.
Mais arrivé vers l'angle de jonction du mur de la rue Rique .
et du jardin des Frères, M. le juge d'instruction constate su
le parement extérieur du mur du jardin des Frères, et pat
conséquent du côté du cimetière, une surface de lerre fraîche..
ment tombée; cette terre, qui forme une espèce de monsse oif
moisissure que l'humidité a produite sur la paroi de ce mur,
s'est détachée et s'est arrêtée en poussière sur les aspérités du
mur. Cette croûte a été enlevée par le frottement produit par
l'extrémité des branches de cyprès qui forment le couronne*
ment du mur de la rue Riquet; ces branches, en s'affaisant,
rencontrent la paroi du mur du jardin des Frères du côt<
du cimetière, et parles râclures qu'elles y provoquent, elles
ont détaché la croûte dont nous venons de parler.
Sur le sommet du mur du jardin des frères, le magistra
constate quelques plantes froissées.
La justice pouvant recueillir d'utiles renseignemens de l'é-
tat des plantes qui couvrent les murs, M. le juge d'instruction
a invité les médecins appelés à lui donner leur avis sur les di-
vers accidens qu'ils pourraient remarquer. t
Les médecins, après avoir décrit la pose du cadavre, cons-.
taté que la tête était nue et les cheveux épars, font remarquer
que « sur les cheveux étaient des parcelles de terre de forme
et de volume variable. ».
A travers les cheveux ils ont trouvé :
« 4° Des parcelles de feuilles de cyprès; 20 un pétale de
leur ; a0 un faisceau de filasse long de trois centimètres,
[ormé de quelques brins, mais paraissant avoir été détaché
l'une corde. »
Les médecins examinent successivement les deux murs, soit , I
lu eôté du cimetière, soit du côté opposé. f
Du côté du cimetière, ils constatent les mêmes accidens que
:eux qui sont consignés dans le procès-verbal de M. le juge
l'instruction, c'est à dire l'ablation d'une croûte de terre ver-
iâtre sur la paroi du mur du jardin des frères. Après avoir
rapproché les parcelles de terre trouvées à travers les cheveux
ie la victime, de cette surface du mur, les experts ont re
connu sur le plus gros de ces fragmens, un côté verdâtre, pré
;cntant l'aspect de la surface intacte du mur, et un autre côtè
de la' couleur et de l'aspect de la partie du mur qui leur *
paru écorchèe,
TRIBUNAUX.
Juridiction criminelle.
COUR D'ASSISES DE LA HAUTE-GARONNE.
PRÉSIDENCE DE M. DE LA BEAUME.
Affaire Cécile Combettes.
( Correspondance particulière de l'Union-Monarchique. )
,f ^ Ainsi que nous l'avons annoncé hier, les débats de cett,
. grave affaire sont maintenant commencés; l'acte d'accusatioi
a été lit; il ne peut donc y avoir aucun inconvénient à le pu-
blier. Nous croyons, en même temps, devoir donner la cor-
respondance qui s'était établie entre M. le garde des sceaux
et Mgr l'archevêque de Toulouse. Nous tenons à être exacts e
impartiaux dans cette déplorable an'.'ire. A la suite du réquisi-
toire de M. le procureur-général, le frère Philippe, supérieur-
général de la doctrine chrétienne, adressa à la Gazette det
Tribunanx la lettre suivante :
Avignon, le 17 décembre 1847.
Monsieur le procureur général,
Dans le cours d'une tournée de visite, la Gazette dis Tribu-
naux, numéro 40 courant, m'a été présentée par diverses per-
sonnes, surprises d'y trouver une accusation des plus graves
contre nos règles. Evidemment, monsieur le procureur géné-
ral, votre bonne foi a été suprise, puisque vous avez cru de-
voir vous exprimer ainsi dans votre plaidoyer contre le pour-
voi du frère Léotade : « Il suffit de lire l'arrêt de renvoi et
l'acte d'accusation pour se convaincre du soin scrupuleux, etc...
et des obstacles nés pour la découverte dè la vérité, de l'allé-
gulion d'une prétendue règle (non soumise assurément au con-
trôle de l'autorité publique) qui ne permettrait pas aux frères
de rien révéler de ce qu'ils auraient vu ou entendu dans l'in-
térieur de la communauté, si ce n'est avec l'autorisation de
leur supérieur et dans la mesure qu'il juge utile ou avanta-
geuse. »
Nos statuts sont tous imprimés, tout le monde peut les con-
naître, ils ont reçu la double sanction de l'Eglise et de l'Etat,
ils ne peuvent donc renfermer la prétendue règle citée, règle
qui serait d'ailleurs nulle de plerfi droit, puisqu'elle serait op-
posée à toutes les lois naturelles et divines. Aussi, quoique je
ne connaisse point la procédure, je ne crains pas d'assurer
nu aucun frère n'a prétexté d'une règle quelconque pour se
dispenser de répondre aux interpellations des magistrats.
- Il m'est pénible, Monsieur le procure-général, d'avoir à
rendre publique cette protestation ; la cra mode voir compro-
mettre Je bien que l'Institut est appelé à fanp; peut seule m'y
déterminer; aussi osai-je espérer que vous voudrez bien a-
voir pour agréable l'expression de mes regret ainsi que l'hom-
mage du profond respect avec lequel j'ai . honneur d'être,
Monsieur le procureur général, votre très humble et très obéis-
salIt serviteur, pmuppE,
« Dans un mémoire publié par la défense du frère Léotade
se trouvent insérées d'autres lettres qui indiquent quelles péri-
(leties peuvent naître dans cedébat. Nous les donnons ici sans
commentaires. La première est de M. le ministre de la jus-
tice, qui écrivait à M. l'archevêque de Toulouse dans les ter-
mes suivans :
Paris, 22 mai 1847.
ç Monseigneur,
Une procédure s'instruit en ce moment a Toulouse, à raison
d un double crime d'assassinat et de viol commis sur la per-
sonne de Cécile Combettes, et la justice a été amenée, d'après
les indices que cette procédure a recueillis, à porter ses re-
cherches chez les Frères de la doctrine. chrétienne.
Assurément, si le crime avait été commis dans cette maison,
1 institut des Frères ne pourrait avoir aucun autre intérêt que
celui de la justice elle-même; car il"ne pourrait convenir à ses
membres. de 'recéler parmi eux un coupable, pour le dérober
aux. investigations judiciaires. Ce n'est point parce que l'un
de ses membres se serait rendu criminel qu'un corps honora-
ble serait compromis ; il ne pourrait l'être que dans le cas où,
en étendant sur ce membre sa protection, il s'associerait,
pour ainsi dire, à son crime, et s'en rendrait en quelque sorte
complice.
Cependant, M. le procureur général me fait connaître que
l instruction rencontre à chaque pas des obstacles de la part
du supérieur de cette maison, qui ne raraît avoir qu'un seul
but, celui d'écarter l'accusation des membres de la commu-
nauté.
Il arrive sans cesse que les interrogatoires successifs des
ïreres présentent des réponses contradictoires, parce que
< ans 1 'iiitervalle, ils ont rendu compte de leurs premières
déclarations, et ont reçu l'ordre de les modifier.
Il arrive également que les faits qui étaient acquis à l'infor-
mallon, sont démentis aussitôt que le supérieur aperçoit qu'ils
deviennent des indices accusateurs.
Il semble que tous les Frères, sous l'influence d'une même
instigation, n'ont qu'une même pensée, celle d'égarer la jus-
tice et d effacer toutes les traces qui pourraient.faire remonter
jusqu a l'auteur du crime.
C est cette influence blâmable, Monseigneur, que je viens
vous signaler. Ua crime très grave a été commis, sa répression
est une nécessité de!l'ordre social, et tous les intérêts, fussent-
ils reels, que cette répression pourrait froisser, doivent s'in-
cliner devant le premier de tous, celui de la justice. C'est le
devoir des Frères, si le soupçon plane sur l'un d'eux, d'aider
loyalement 1 instruction judiciaire, à découvrir LI vérité quelle
qu elle soit. Je crois donc pouvoir vous demander votre con-
cours pour éclairer M. le supérieur de la maison des Frères,
■ *E comprendre que sa conduite, outre qu'elle est
('t CQntraIre promet a un devoir qu'il ne devrait pas méconnaître, com-
P < pins qu elle ne sert la position des inculpés.
nt'A^r^r vouloir la bien lui recommander également de
EM à la justice tout l'appui qu'elle doit attendre
des membres de maison.
ration.Agréez, ' Monseigneur, l'assurance de ma haute considé-
Le garde-des-sceaux, ministre de la justice et des cultes,
Signé HÉBERT.
« Mgr a archevêque de Toulouse adressa à son tour au direc-
teur des Frères )a lettre suivante :
Toulouse, 26 mai 4 847.
Mon cher Frère directeur,
Vous connaissez tout l'intérêt que je porte à votre Institut
et spécialement à votre communauté de Toulouse. J'ai mis
grandement part avec lobs les gens de bien, à l'affaire extrê- '
mement affligeante par laquelle la Providence a voulu vous
éprouver; c est toujours dans cet intérêt que je dois voit,
communiquer la lettre que Monseigneur le garde des sceaux
m a écrite relativement à cette malheureuse affaire. Je crois
même ne pouvoir me dispenser de TOUS envoyer en une copie
exacte ; l'affaire est trop délicate pour que j'ose me permettre
de rien retrancher de ce que me dit Son Excellence. Je joins
donc ici cette copie, en vous déclarant, mon très cher frère
directeur, que je ne sais m'expliquer les reproches qui vous
sont faits, savoir : que « l'instruction de la justice rencontre
à chaque pas des obstacles de votre part ; que vous paraissez
n'avoir qu'un seul but, celui d'écarter l'accusation des mem-
bres de votre communauté; que les interrogatoires successifs
des frères présentent sans cesse des réponses contradic-
toires... parce qu'ils ont eu l'ordre de les modifier. »
En agir ainsi, mon très cher frère, ce serait manquer à la
justice, à la vérité et à la simplicité chrétienne, qui sont les
vertus propres de votre état ; aussi ne puis-je m'expliquer les
plaintes de M. le procureur-général.
Je désire vivement que vous me mettiez en état de vous jus-
tifier sur ces divers points auprès de M. le garde-des-sceaux.
Recevez l'assurance du parfait attachement et de la consi-
dération distinguée avec laquelle j'ai l'honneur d'être.
Mon très cher frère directeur,
Votre très humble et très obéissant serviteur,
Signé, P.-T.-D. ARCHEVÊQUE DE TOULOUSE. i
« Voici maintenant la réponse des Frères à Mgr.' l'arche- I
vêque ; ' j
Monseigneur, 1 I
Nous avons reçu votre lettre datée du 26 du courant ; elle
a été pour nous un dédommagement au surcroît de douleur
que les plaintes et le blâme de M. le ministre de la justice
devaient nous apporter.
Il paraît, Monseigneur, qu'on a surpris la bonne foi de son
excellence par des rapports faux ou exagérés. I
Nous répondons principalement par des faits aux accusa-
tions dirigées contre nous par M. le procureur-général, et
consignées dans la lettre de son excellence.
Ces accusations se'réduisent, ce nous semble, à deux chefs
principaux 10 Le supérieur des frères « entrave les opéra-
tions de la justice., ses recherches, ses investigations ; 2° Le
supérieur ordonne aux frères de modifier leurs déclarations,
et fait démentir les faits acquis à l'information, en sorte que
les interrogatoires successifs des frères présentent des réponses
contradictoires. »
S'il en était ainsi, Monseigneur, nous avouerions que nous
aurions manqué, ainsi que vous le dites fort bien, à la justice,
à la vérité et à la charité chrétienne, vertus qui sont comme
l'apanage de notre état. Mais heureusement rien de-tout cela
n'existe ; car, d'abord, il n'y a pas un superieur unique pour
les frères de Toulouse, puisqu'ils composent plusieurs com-
munautés et habitent dans des établissemens distincts et sépa-
rés. Ils sont donc sous l'autorité de plusieurs directeurs ou
supérieurs différens, et nous ne savons quel est celui qu'on
veut désigner,.,v uand on dit que le supérieur « entrave les in- j
vestigations dé la justice, » puisque nous leur avons tous prêté
un concours également franc et Jopl. Nos établissemens ont
été visités avec la plus scrupuleuse attention par la justice et
la police, qui ont examiné surtout notre linge sale, nos lits,
nos dortoirs, nos magasins et nos procures. Les visites de
messieurs du parquet et de la police ont été presque journa-
lières pendant douze ou quinze jours ; ensuite elles sont de-
venues moins fréquentes ; mais elles se sont prolongées jus- I *
qu'au 18 mai. Quand ces messieurs nous ont permis de les '
accompagner, loin de nous opposer à leurs investigations, nous
les avons excités à les étendre, -et nous les leur avons facili- Î
tées en ouvrant de force plusieurs portes, dont nous n'avions 1
pas momentanément les clés, et en en brisant d'autres que r
nous ne pouvions pas ouvrir. Au reste, Monseigneur, est-ce 1
bien sérieusement qu'on ose parler d'obstacles de la part i
des supérieurs des frères, lorsque nous nous sommes soumis £
avec cent quatre-vingts frères à une visite personnelle....? 1
Mieux que personne vous comprenez, Monseigneur, combien
une telle mesure devait nous affliger, et trouver d'opposans c
dans nos nombreuses communautés? Néanmoins, sur la de- r
mande que lui en fit M. le procureur-général, le frère Irlide, c
directeur du pensionnat, osa bien s'engager, au nom de tous 1
les directeurs, à en assurer l'exécution. Vous voyez donc,
Monseigneur, que si nous avons usé, et peut-être abusé de r
autorité que le voeu d'obéissance nous donne sur nos frères, Ii
2e n'a été que pour faciliter les recherches de la justice. Au v
reste, nous ne pouvions point en agir autrement; c'était le ji
rœu du très honoré frère supérieur-général, « que kla justice r
;oit pleinement satisfaite.... Prêtez-vous à tout... que rien ne £
;oit négligé pour prouver l'innocence de vos frères et de vos 1
lovices, ou bien pour découvrir celui qui, dans la maison, se c
;erait rendu coupable d'un pareil attentat..., de grand cœur
10US livrerions à la rigueur des lois ce misérable... » c
C'est ainsi qu'il s'exprime dans une lettre, quelques jours n
'près le triste événement du 15 avril. d
M. le procureur-général se plaint, en second lieu, des « ré- d
tonses contradictoires que présentent les interrogatoires suc- P
:essifs des frères, parce que dans l'intervalle ils ont reçu l'or- il
Ire de modifier leurs déclarations, de démentir les faits qui ti
liaient acquis à l'information. »
N'ayant pas entre les mains îles déclarations de nos frères, c
1ous ne pouvons ni apprécier, ni expliquer ces contradictions, p
[ui ne sont vraisemblablement que des explications des faits, o
.u des additions que-la réflexion aura naturellement amenées; s
nais ce que nous pouvons, ce que nous devons faire, c'est de c
protester hautement contre l'hypothèse par laquelle on vou- I n
Irait expliquer ces prétendues contradictions. Aucun de nous, h
lonseigneur, n'a cherché à influencer ni nos frères, ni les au- a
res témoins qtii ont été entendus, et nous sommes tellement g
ssurés de notre innocence à cet égard, que nous osons porter v
s défi le plus formel à M. le procureur-général de produire p
limais une preuve claire et précise qui justifie son accusa- C
ion. d
Et d'ailleurs , Monseigneur, si, contrairement aux ordres L
ormels de notre général, à nos devoirs et à nos vrais inté- I ti
êts, quelqu'un avait eu la fatale pensée d'influencer les dé- fi
:larations de nos frères, il lui eût été impossible de la réaliser, I le
:ar il est au moins absurde de prétendre que parmi les deux I p
:ents frères qui composent nos communautés, pas un n'eût été I u
évoltéipar 1 énormité du forfait qu'on lui aurait commandé, I fi
lue pas un n'eût protesté contre la violence qu'on aurait voulu I le
aire à sa conscience, et qui même n'eût fui aussitôt ces lieux I d,
jueM. le procureur-général appelle vénérés, mais qui seraient
:n réalité des lieux infâmes s'ils ne renfermaient que des 1 fc
to m mes assez pervers pour se jouer d'un acte religieux qui I h
ait Dieu lui même notre caution et le garant de nos paroles, la
qous terminons cette lettre , Monseigneur, en appelant sur I ei
ious vos bénédictions et vos prières; elle soutiendront notre
;ourage pour attendre avec résignation le jour de la vérité et vi
le la justice, ce jour où nos larmes seront essuyées , et l'inno- la
:ence de nos frères clairement démontrée. I q
Mais ce jour-là aussi la justice et la société auront à déplo- I d,
er que de:? indices trompeurs ou de malheureuses préventions I ci
lient égaré des magistrats chargés de rechercher et de punir
,e crime, qui a profité de cette erreur pour se cacher, et peut- I fi
lire, pélas ! s'enhardir davantage. . | d
Daignez agréer l'hommage de la vénération profonde avec
laquelle nous avons l'honneur d'être,
Monseigneur,
De Votre Grandeur,
Les très humbles et très obéissans serviteurs
Signés, F. IRLIDE, Dr du Pensionnat;
F. LIÉFROI, Dr des Ecoles communales;
F. LÉANDRE, Dr de l'Ecole normale et de
l'Ecole d'adultes;
F. ADAUCTE, Dr des Novices.
Toulouse, le 28 mai 1847.
Nous donnons le texte de l'acte d'accusation.
. Ce document est ainsi conçu (1) :
ACTE D'ACCUSATION.
Le 16 avril dernier, à six heures et demie du matin, le
j_ nommé Raspaud entra dans le cimetière Saint-Aubin : il
était accompagné du sieur Lévêque, concierge du cimetière,
et du sieur Laroque, menuisier. Ils se dirigèrent tous les
trois vers l'oratoire (2), dont la porte fait face au mur qui sé-'
' pare le cimetière du jardin des Frères de la Doctrine chré-
i tienne. Pendant que Lévêque etLardtyue entrèrent dans l'ora-
toire, Raspaud, demeuré en dehors, s'étant retourné du côté
j du jardin des Frères, aperçut vers l'angle de jonction de ce
I mur avec celui qui sépare le cimetière de la rue Riquet, le
cadavre d'une personne du sexe, dans une position qui lui fit
e dire au premier aspect : « Voilà une femme qui dort....
r •
3 Mais s'étant rapproché du point où reposait la personne
qu'il avait aperçue, Raspaud reconnu que c'était le cadavre
t d'une jeune fille (3). Ce cadavre paraissait reposer sur ses ge-
noux et sur l'extrémité de ses pieds, la semelle obliquant et
en l'air; sur ses coudes; la face contre terre ; les pieds étaient
l dirigés du côté du jardin des Frères; la tête, par son sommet,
était dirigée du côté de la chapelle ou oratoire : l'ensemble du
corps était placé obliquement par rapport aux deux murs du
jardin des Frères et de la rue Riquet; au pied du mur de la
rue Riquet, et dans l'intérieur du cimetière, étaient placés trois
piquets : au sommet de l'un de ces piquets on remarquait un
mouchoir fond bleu, à pastilles blanches, suspendu par son
centre ; les deux extrémités, encore nouées, se dirigeaient du
côté de la tête du cadavre.
Raspaud ayant voulu examiner de plus près la position du
cadavre, lui imprima un mouvement de rotation en le pre-
nant par l'épaule gauche. Ce mouvement, sans rien changer
à la position du corps relativement aux deux murs, avait ce-
pendant modifié la situation de la face, qui, au lieu d'être ap-
piyée contre la terre, se trouvait ainsi tournée en l'air, de
manière que les yeux se dirigeaient vers le mur de la rue Ri-
quet. Sauf cette modification qui n'affectait que sa partie su-
périeure, le cadavre est demeuré dans la même position, et
c'est dans cette position ainsi modifiée qu'il a été vu succes.-
sivement par le commissaire de police à sept heures et demie,
par M. le juge d'instruction à huit heures, et enfin par les mé-
decins à deux heures de l'après-midi : le premier examen qui
fut fait de ce cadavre ne laisse pas de doute qu'il ne fût celui
d'une jeune fille qui avait succombé victime du double crime
de viol et de meurtre.
Ce cadavre fut bientôt reconnu pour être celui de Cécile
Combettes, née le 6 novembre 1832, et par conséquent âgée de
moins de quinze ans, le 1 5 avril dernier.
Cécile Combettes était fille de deux honnêtes et modestes
artisans de cette ville. Son père, Bernard Combettes, était em-
ployé comme ouvrier à l'usine de M. Talabot. Sa mère, Marie
Terisse, exerçait l'humble profession d'allumeuse de réver-
bères. A l'époque où elle fut si cruellement frappée par la
mort de sa fille, Marie Terisse était au terme d'une laborieuse
grossesse; elle accoucha en effet le5 mai, vingt jours après l'é-
vénement.
Cécile Combettes etait employée comme simple apprentie
dans l'atelier du sieur Conte, relieur: son apprentissage,com-
mencé au mois d'avril 1846, devait finir à la même époque de
cette année, c'est à dire, peu de jours après la catastrophe qui
lui a ravi la vie.
Le 15 avril dernier Cécile devait, selon son habitude, se
rendre dans l'atelier de son maître. Elle fut réveillée à six
heures par sa grand'mère ; à sept heures, sa grand'mère re-
vient, voit sa petite-fille habillée avec son costume de tous les
jours : Elle mangeait un petit morceau de pain, ayant son
panier; sans doute avec son déjeuner dedans, à côté d'elle. »
Après avoir été chercher une cruche d'eau à la fontaine de
Peyrolière, Cécile partit avec son panier pour aller chez Conte,
où elle arriva vers sept heures et demie.
Conte était le relieur de la maison des Frères de la Doctrine
chrétienne de Toulouse. Le jeudi 15 avril, il devait remettre
une grande quantité de livres qu'il avait reliés. Le frère Liéfroi,
directeur du Noviciat, l'avait engagé à venir avant dix heures
du matin. Vers neuf heures, Conte se dispose à partir : il fait
préparer deux corbeilles, l'une très grande, où il place la ma-
jeure partie des livres, l'autre plus petite, où il dispose la par-
tie des livres qui n'a pu se placer dans la plus grande.
La femme Roumagnac dite Marion, prend sur sa tète la
corbeille longue; Cécile est chargée de la plus petite. Accom-
pagné de ses deux ouvrières, Conte se dirige vers la rue Riquet,
où est placée l'entrée du Noviciat (4). La porte, fermée à clef,
s'ouvre pour le laisser entrer, et se referme ensuite. Les deux
corbeilles sont déposées à terre. Conte dit à Marion : « Retour-
nez au magasin; » et.se tournant vers Cécile, il lui remit à
la main le parapluie qu'il avait déposé contre le mur pour
aider Marion à décharger sa corbeille, et lui dit : « Cécile,
garde mon parapluie ; attends-moi là pour porter les corbeilles
vides, » Marion ressort aussitôt; la porte se referme sur ses
pas : el'e affirme qu'elle est sortie seule, et qu'elle a laissé
Cécile dans le corridor. Conte, aidé du portier, monte les
deux corbeilles de livres dans la procure du frère directeur.
Le portier redescend aussitôt : Conte prolonge son entre-
tient avec le frère directeur. Il avait non-seulement à véri-
fier les livres qu'il venait lui remettre, mais encore à débattre
le prix de deux mille volumes à relier pour la distribution des
p rix. Conte demeura avec le frère directeur jusqu'à dix heures
un quart et quelques minutes. Cette heure est fixée par le
frère Lorien, qui a vu descendre Conte, et qui, à ce moment,
les yeux tournés vers l'horloge, a vu qu'elle marquait am delà
de dix heures un quart. 10 I
C$nte portait à la main les deux corbeilles vides : il s'in- I
forme auprès du portier de ce qu'est devenue Cécile. Le portier <
lui répond : « Elle sera peut-être sortie pendant que je par-
lais à un monsieur; ou peut-être est-elle allée au pensionnat,» <
en indiquant du doigt le tunnel.
Conte ne trouvant pas Cécile pour emporter les corbeilles <
vides, les dépose dans le corridor, et les envoie chercher dans <
la journée par un de ses jeunes apprentis. Quant au parapluie <
qu'avant de monter chez le directeur il avait remis aux mains i
de Cécile, il le retrouva contre le mur, à la place même qu'oc- <
cupait Cécile. 4
Conte, qui était resté plus d'une heure chez le directeur, ne i
fut pas surpris de ne plus trouver Cécile. Il pensa qu'ennuyée (
de l'attendre, elle était sortie et s'était rendue au magasin. En ]
(
sortant du Noviciat, Conte s'arrête chez son oncle, le sieur
Maître, ancien charron, rue de l'Etoile; de là, il va arrêter sa
place pour Auch, et enfin il entre chez lui vers onze heures.
La dame Conte n'ayant pas vu Cécile, s'informa à son mari :
celui-ci, de son côté, exprima la croyance qu'elle était ren-
trée. Vers une heure, Cécile n'ayant pas reparu, sa famille en
est instruite; la dame Conte, ainsi que la femme Baylac, cette
dernière, tante de Cécile, vont la demander successivement,
soit au pensionnat Saint-Joseph, soit au noviciat. Au pension-
nat, le portier déclare qu'il ne l'a pas vue; au noviciat, le por-
tier l'a vue, mais ne peut affirmer qu'elle soit sortie. La fem-'
me Baylac insiste pour 'que des recherches soient faites. Le
directeur est prévenu; la seule réponse que la femme Baylac
reçoit pour calmer ses pressentimens, c'est que les femmes ne
peuvent pas circuler dans l'établissement, et que si Cécile y
eût pénétré le matin, elle aurait été rencontrée, et qu'on l'au-
rait obligée à ressortir.
D'après les indications de Conte, des recherches furent faites
dans plusieurs maisons, dans l'une surtout située rue de l'E-
toile, qui était désignée comme suspecte. Toutes ces recher-
ches furent infructueuses. Conte, que des affaires appelait à
Auch, auprès du frère directeur de la maison des Frères, éta-
blie dans cette ville, partit le 15 avril au soir. Il revint à Tou-
louse le 16 au soir, et il y arr'Ya le 1 7 au malin.
Il n'est pas inutile pour l'intelligence des faits qui vont se
dérouler, de connaître les relations de Conte avec la maison
des Frères de la Doctrine chrétienne.
Conte n'était pas seulement employé comme relieur, appor-
tant chez les Frères son ouvrage pour en recevoir le salaire ;
il était attaché à cet établissement depuis onze ans ; ses rap-
ports avaient commencé avant que le pensionnat Saint-Joseph,
dirigé par les Frères de la Doctrine chrétienne fût formé. Des
rapports d'intimité s'étaient établis entre Conte et le directeur,
et même la plupart des frères du noviciat et du pensionnat. Il
existait entre eux un échange continuel de bons offices et de
petits services. Il n'était pas chargé seulement de la reliure
des livres : il préparait des objets nécessaires aux classes. Ces
opérations si multiples entretenaient des communications quo-
tidiennes entre la maison des Frères et l'atelier de Conte. Ses
ouvrières ou apprenties allaient fréquemment, soit au noviciat.
soit au pensionnat. Cécile, notamment, avait été le mercredi
1 4 au noviciat, pour rapporter des cahiers rognés.
Si Conte avait besoin de quelques avances, il n'avait qu'à
s'adresser à l'un des directeurs. C'est ainsi que quelques jours
auparavant il avait obtenu un prét de 160 fr., en un mandat
sur le directeur de la maison de Rodez.
Enfin, chaque fois qu'une fête était célébrée dans la maison,
Conte y était convié. -
Les bénéfices que cette position procurait à Conte, ne peu-
vent pas être évalués à moins de denx mille francs par an.
Son père, au jsi relieur, recevait la partie de l'ouvrage que son
fils ne pouvait pas faire.
Les explorations auxquelles la justice s'est livrée à l'occa-
sion de la découverte du cadavre de Cécile Combettes, ont eu
un double but :
1° Rechercher d'abord le lieu où le crime a été commis;
2* Découvrir ensuite l'auteur ou les auteurs du crime.
PREMIÈRE PARTIE.
Résumé des faits qui démontrent que le double attentat commis
le 15 avril dernier sur la personne de Cécile Combettes, a
été accompli dans la maison des Frères de la Doctrine chré-
tienne.
Nous avons laissé le cadavre de Cécile Combettes étendu
dans le cimetière Saint-Aubin, presqu'à l'angle de jonction
des deux murs, dont l'un est mitoyen entre le cimetière et la
rue Riquet, et l'autre entre le cimetière et le jardin des"
Frères.
A huit heures du matin, M. le juge d'instruction arrive sur
les lieux et constate la position du cadavre telle que Raspaud
l'a décrite. M. le juge d'instruction se préoccupant d'abord de
l'hypothèse où le cadavre aurait pu être apporté et dépose
dans le lieu où il a été trouvé, examine avec le plus grand soin
le mur de clôture du cimetière. Aucune lésion, aucun désor-
dre ne se prêtent à cette hypothèse. Une brèche placée au
point où le mur joint l'oratoire, situé dans le cimetière, fixe
son attention. Mais cette brèche, déjà élargie par les curieux
qui l'ont escaladée ou qui s'y sont appuyés, ne saurait se prê-
ter à la pensée que le corps de Cécile ait pu la traverser, pour
être ensuite transporté et placé au point où il a été vu. Le
terrain placé au pied de ce mur, recouvert d'herbes, et à l'é-
tat d'humidité, esLexempt d'empreintes qu'on y aurait certai-
nement remarquées si le meurtrier eût traversé et foulé celte
partie du sol. Les mêmes explorations avaient déjà été faites
par les soins et sous l'inspection de M. Lamarle, commissaire,
de police.
Mais arrivé vers l'angle de jonction du mur de la rue Rique .
et du jardin des Frères, M. le juge d'instruction constate su
le parement extérieur du mur du jardin des Frères, et pat
conséquent du côté du cimetière, une surface de lerre fraîche..
ment tombée; cette terre, qui forme une espèce de monsse oif
moisissure que l'humidité a produite sur la paroi de ce mur,
s'est détachée et s'est arrêtée en poussière sur les aspérités du
mur. Cette croûte a été enlevée par le frottement produit par
l'extrémité des branches de cyprès qui forment le couronne*
ment du mur de la rue Riquet; ces branches, en s'affaisant,
rencontrent la paroi du mur du jardin des Frères du côt<
du cimetière, et parles râclures qu'elles y provoquent, elles
ont détaché la croûte dont nous venons de parler.
Sur le sommet du mur du jardin des frères, le magistra
constate quelques plantes froissées.
La justice pouvant recueillir d'utiles renseignemens de l'é-
tat des plantes qui couvrent les murs, M. le juge d'instruction
a invité les médecins appelés à lui donner leur avis sur les di-
vers accidens qu'ils pourraient remarquer. t
Les médecins, après avoir décrit la pose du cadavre, cons-.
taté que la tête était nue et les cheveux épars, font remarquer
que « sur les cheveux étaient des parcelles de terre de forme
et de volume variable. ».
A travers les cheveux ils ont trouvé :
« 4° Des parcelles de feuilles de cyprès; 20 un pétale de
leur ; a0 un faisceau de filasse long de trois centimètres,
[ormé de quelques brins, mais paraissant avoir été détaché
l'une corde. »
Les médecins examinent successivement les deux murs, soit , I
lu eôté du cimetière, soit du côté opposé. f
Du côté du cimetière, ils constatent les mêmes accidens que
:eux qui sont consignés dans le procès-verbal de M. le juge
l'instruction, c'est à dire l'ablation d'une croûte de terre ver-
iâtre sur la paroi du mur du jardin des frères. Après avoir
rapproché les parcelles de terre trouvées à travers les cheveux
ie la victime, de cette surface du mur, les experts ont re
connu sur le plus gros de ces fragmens, un côté verdâtre, pré
;cntant l'aspect de la surface intacte du mur, et un autre côtè
de la' couleur et de l'aspect de la partie du mur qui leur *
paru écorchèe,
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