HISTORIQUE ET ARCHEOLOGIQUE Dl] MAINE DEUXIÈME SÉRIE. – TOME HUITIÈME (LXXX1V TOME DE LA COLLECTION)
MAISON dite DE LA reine Béhengèue, Grande-Rue, 17, AU MANS
REVUE
AU SIÈGE DE LA SOCIÉTÉ
IMPRIMERIE MONNOYER
12, Placiî DES Jacobins, 12. – LE MANS
1928
REVUE
HISTORIQUE ET ARCHÉOLOGIQUE D[] MAINE DEUXIÈME SÉRIE. – TOME HUITIÈME (LXXX1V» TOME DE LA COLLECTION)
AU SIÈGE DE LA SOCIÉTÉ
MAISON DITE DE LA REINE Bérengêhe, Grande-Rue, 17, AU MANS
IMPRIMERIE MONNOYER
12, PLACE DES JACOBINS, 12. – Le MANS
1928 ^–
LISTE DES MEMBRES
DE LA
SOCIÉTÉ HISTORIQUE ET ARCHÉOLOGIQUE DU MAINE Membres du Bureau.
MM. Marquis de Bkauchesne, ) 1
D i ̃ t ̃ S Vice-Présidents.
Raoul de Linieke, Ice- reSI ents.
Gaston Leroux, Secrétaire général.
Edouard de Lorikre, Secrétaire général honoraire. Albert Leroux, Trésorier.
André L'ELEU, Bibliothécaire.
Chanoine GIRARD, Secrétaire de la lre Section.
Xavier Gasnos, Secrétaire de la 3e Section.
Membres fondateurs.
MM. De BEAUCHESNE (marquis), lauréat du Concours général, maire de Souvigné-sur-Sarthe, château de la Roche Talbot, par Sablé (Sarthe), et 8, avenue Marceau, Paris, VIIIe.
Des CARS (duc), ^(1), iï< C, château de Sourches, à SaintSymphorien (Sarthe), et 45, avenue d'Iéna, Paris XVIe. GASSELIN, Lieut.-Colonel, 0, maire de Saint-Jean-desEchelles, château de Courtangis, par Lamnay (Sarthe), et 13, rue de Paris, Le Mans.
(1) Les médailles des guerres del870-71 et de 1914-1918, les croix de guerre et les décorations académiques étant très nombreuses, n'ont pu être indiquées sur cette liste de peur d'oublis inévitables. Légion d'honneur *j£; décorations étrangères >£.
MM. De Limêre (Raoul), »)£, 23, rue de Tascher, au Mans, et château du Maurier, à La Fontaine Saint-Martin (Sarthe). De LA Rochefoucauld, duc de Doudeauville, >J< C, maire de Bonnétable, conseiller général, château de Bonnétable (Sarthe), et 47, rue de Varenne, Paris, VIIe. Mme A. de Vaublanc, 21, rue de Tascher, Le Mans, et les Talvasières, par Le Mans.
Membres Titulaires.
Mmes D'Ailliêres (Fernand), château d'Aillières, par Mamers (Sarthe) et 16, rue Bayard, Paris, VIIIe.
D'ANGÉLY-SÉRILLAC (comtesse), château de Sérillac, par Beaumont-sur-Sarthe (Sarthe).
MM. D'Argence (marquis), château de Touvoie, par Savignél'Evêque (Sarthe).
D'Ahtigues, Lieut. d'Artill. 102, rue de la Fuie, au Mans. Assicot (Jean), 5$, avocat, 5, rue des Jacobins, au Mans. AunuRTiN (Albert), président honoraire du Tribunal, 8, place Girard, au Mans.
Auburtin (Georges), 8, place Girard, au Mans.
Augu (Henri), notaire, 15, rue Gougeard, au Mans. Bachelier (Jean), 25, rue du Bourg-d'Anguy, au Mans. DE LA BARRE de Nanteuil (vicomte), château de Moire, par Coulombiers (Sarthe).
De BASTARD-D'EsTANG (comte), ancien président de la Société, château de Dobert, par Avoise (Sarthe).
BATARD (Henri), 12, rue de Solférino, Laval (Mayenne). De BAUDREUIL (Jean), château de la Cour de Broc, par le Lude (Sarthe). J.
Béalet (Henri), 1, rue de la Mariette, au Mans.
M"" DE Beaumont, 39, rue Pierre-Belon, au Mans. Mme De Beaubepos (comtesse), château de Cerisay, par Fresnay (Sarthe).
MM. BEILLARD (Albert), 13, rue de la Motte, au Mans. Bkillard (Frédéric), 21, rue du Docteur-Leroy, au Mans. Belin (abbé), curé de Coulaines, par Le Mans.
MM. De Bellemake (capitaine), Commandant la marche de Tiznit, par Agadir(Maroc), et 31, rue d'Avesnières, Laval. BIDON (Rémy), notaire, boulevard de Saumur, Angers. Bidon (Léopold), 20, rue de Courthardy, au Mans. BLANC (Maurice), ancien juge au tribunal de commerce, 30, quai de l'Amiral-Lalande, au Mans.
M1|e Blanchard (Simone), 42, rue Victor-Hugo, an Mans. MM. Blétry (René), 13, rue Chanzy, au Mans et château de la Freslonnière, à Souligné-sous-Ballon, (Sarthe).
Blouère (Raphaël), ancien magistrat, à Ecommoy(S.). M1"1 Bodin (Edouard), 54, avenue Léon-Bollée, au Mans. BOUCHET, château de la Boisardière, à Bazouges (Sarthe). MM. BOUDET (chanoine), vicaire général honoraire, 158, avenue Léon-Bollée, au Mans.
BOUDET (Maurice), 32, rue du Bourg-Belé, au Mans. BOUDET (Jacques), 26, place de l'Eperon, au Mans. De LA Bouiixerie (baron), château de la Bouillerie, à Crosmières (Sarthe).
Bouju (Georges), à Malicorne (Sarthe).
Boulard (Félix), L'Ermitage, à Bburg-le-Roi (Sarthe). Mme Boulay DE LA Meurthe (comtesse), château du Frétay, par Loches (Indre-et-L.), 7, rue de Villersexel, Paris, VII". M'" Bourdon, à la Vieillère, par Château-du-Loir (Sarthe). MM. Bourguignon (commandant), >jfe, chef d'escadron au 31e d'artillerie, 31, rue Joinville, au Mans.
Bourguin (docteur), directeur-adj. de la Section d'Hygiène des Sociétés de la Croix-Rouge, docteur en droit, 33, rue Saint-Placide, Paris, VIe.
BOURIAT (comte), château des Arches, par Yvré-l'Evêque (Sarthe).
BOUTON (André), notaire, rue Hémon, au Mans.
Bouvier-Desnos, 30, rue Joinville, au Mans.
Boyeh (Louis), 32, rue Julien-Bodereau, au Mans. Biiaconnot (abbé), curé de Verron (Sarthe).
Branchu (abbé Georges), curé de la Chapelle-Saint-Aubin, par Le Mans.
Branciiu (René), 11, rue Saint-Charles, au Mans. M"e De BREUIL (comtesse), »{«, château de Pescheseul, par Avoise (Sarthe), et 12, rue de Bourgogne, Paris, VIIe.
MM. Bheux, 16, rue Saint-Bertrand, au Mans.
BRICHET (René), 27, avenue Léon-Bollée, au Mans. BRUNEAU (chanoine), 19, Grande-Rue, au Mans.
BiiHLEK (général), $fe C. »£, 43, rue des Chalets, au Mans. Galexdini (abbé Louis), curé-doyen d'Yvré-l'Evêque (S.). Calendini (abbé Paul), à Yvré -l'Evêque (Sarthe). De Carini (prince), 50, avenue Emile-Augier, Paris XVIe, et château de Vaulogé, par Noyen (Sarthe).
Cabré (Léon), $fc, 17, rue Marengo, au Mans.
Celieb (comte), >î«, avocat, ancien secrétaire de la Société, 40, boulevard des Invalides, Paris, VIIe.
CEUNEAU (abbé Augustin), vicaire à Evron (Mayenne). Chamaillard (René), 7, rue Robert-Triger, au Mans. Chamrois (abbé Emile), curé de Saint-Georges-du-Bois (Sarthe).
Chappe d'Auterociie (baron François), 11, quai d'Orsay, Paris, VIIe, et château de Vert, à Brûlon (Sarthe). CHARDON (Charles), à Marolles-les-Brault (Sarthe), et chemin de Sinault, au Mans.
CHARDON (Charles), avocat, 6, rue de Villersexel, Paris, VIIe.
CHAROST (S. E. le Cardinal), $fe, (fa, archevêque de Rennes. Mme Chartier, 23, rue des Minimes, au Mans.
MM. CHAUDOURNE (Léon), imprimeur, 15, rue Marchande, au Mans.
De Chauvigny (René), château de Chauvigny, par Savigny-sur-Rraye (Loir-et-Cher), et 80, rue de Grenelle, Paris, VII'.
M1" CHESNEL (Yvonne), à Sainte-Suzanne (Mayenne), et 62, rue Julien-Bodereau, au Mans.
MM. CLOUET (baron), château du Grand-Logis, à Mayenne. Cordonnier-Détrie (Paul), à Bufîard, Guécélard (Sarthe). Corniileau (Robert), 33, rue de Vaugirard, Paris, VIe. M™" Cornu (Henri), à Joué-en-Charnie (Sarthe).
M. CossoN, notaire, à Mézeray (Sarthe).
Mme Courcoux, 21, rue Prémartine, au Mans.
MM. De COURDOUX (André), 10, rue Albert-Maignan, au Mans et château de la Bretonnière, par Domfront (Sarthe). De Courtilloles, château de Courtilloles, par Alençon.
M. Des COURTIS (marquis), îj£O., 10, rue Prémartine, au Mans et château de la Bertraic, Clefs (Maine-et-Loire).
M"e DAGUES DE LA Hellbbib, 10, rue Jeanne-d'Arc, au Mans. MM. DAMOISEAU (Paul), expert, 7, rue Gougeard, au Mans. David (abbé), curé de Vallon-sur-Gée (Sarthe).
DAVY DE Virville (Adrien), 40, rue Crossardièrc, Laval. DÉAN-LAPORTE, 44, rue Victor-Hugo, au Mans.
Debains (colonel), 0., 34, rue de la Mariette, au Mans. DELAUNAY (docteur), président de la Société d'Agriculture, Sciences et Arts de la Sarthe, 3G, rue Chanzy, au Mans. DEMAS (E.), sculpteur, 115, rue de Flore, au Mans. Denis (abbé), chanoine honoraire de Bourges, 10, rue d'Hauteville, au Mans.
DENIS DU PATY, 97, rue de Flore, au Mans.
DESCLÉs(André), 21, rue des Champs, au Mans.
Ms' DESHAYES, vicaire-général honoraire, 21, rue Lionel-Royer, au Mans.
DESNOS (Georges), château de Bézonnais, par Ecommoy (Sarthe).
DIDION (chanoine), curé-doyen de Fresnay (Sarthe). M"" Dheux-Menget, 20, rue de la Rivière, au Mans. Mme Drouin, 89, boulevard Négrier, au Mans.
MM. Drouin (Emile), avoué, 8, rue des Ursulines, au Mans. Drouin (Docteur), 26, rue de l'Etoile, au Mans.
Dubois (S. E. le Cardinal), C, >î<, archevêque de Paris, 32, rue Barbet-de-Jouy, Paris, VII".
Dilong DE Rosnay (Joseph), château de Frazé (Eure-etLoir).
Dumant (Jacques), banquier, 1, rue Bruyère, au Mans. DURAND (Georges), £)£, président fondateur de la D. A. S., 5, bis, rue Chanzy, au Mans.
Duval (Ambroise), à Sillé-le-Guillaume (Sarthe).
Echivakd (Albert), peintre-verrier, 3, rue de la Mariette, et 6, rue Saint-Charles, au Mans.
EDELINE (Paul), vice-président du tribunal, 17., rue EmileBarrier, au Mans.
Mme D'ELVA (comtesse Olivier), château de Coulans (Sarthe). M. D'ESTAIS (commandant), $£, ancien officier de marine, 41, rue des Maillets, au Mans.
M|le DE l'Estoile, 102, rue de Flore, au Mans, et château de Corbohay, à Conflans, par Saint-Calais (Sarthe).
MM. EïNAUD(Pierre), château de Coudreuse, Chantenay(Sarthe). FEUTELAIS (docteur), 17, rue Montauban, au Mans. FONTEIX (Pierre), entrepreneur, 39, rue Pasteur, au Mans. DE LA Force (duc), membre de l'Académie française, 55, rue Pierre-Charron, Paris. VIII0,
M"e Fouchard (Marcel), 2, rue Maupertuis, au Mans. MM. Fouchahd (André), 25, rue Clapeyron, Paris, VIIIe. Fouché (Ernest), ancien député, 75, boulevard Malesherbes, Paris, VIII' et château des Roches, par Le Mans.
Fournier (Jacques), avocat, 37, rue Pierre-Belon, au Mans. FRANÇOIS (Pierre), architecte, 4, rue de la Mariette, au Mans.
DE FRESNAY (marquis), château de la Ragottière, par Cosséle-Vivien (Mayenne).
DE Fromont DE Bouaille (Maurice), château de la Beunèche, par Spay (Sarthe).
M" Galpin (Gaston), château de Fontaine, par Fresnay (S.). MM. Gasnos (Xavier), 1, rue de l'Herberie, au Mans. De Gastines (comte), château de la Denisière, par Chauffour-Notre-Dame (Sarthe).
De Gastinf.s-Dom.maigné (comte), >$j-, 101, rue Julien-Bodereau, au Mans, et ch. d'Ardenay, par le Breil (Sarthe). De Gastines-Dommaigné (comte Jean), ancien élève de l'Ecole des Charles, 19, avenue d'Eylau, Paris, XVIe et château de la Forge, à Cheméré-le-Roy (Mayenne). M"e Gaultier (Alice), licenciée ès-lettres, 18, boulevard d'Ornano, Paris, XVIII".
M111" Gazeal (Arthur), 27, rue de l'Herberie, au Mans. MM. Girard (chanoine), professeur au Grand Séminaire, 158, avenue Léon Bollée, au Mans.
GIRARD (René), 71, rue Chanzy, au Mans.
Giraud (Pierre), à Parcé (Sarthe).
GIRAUD (chanoine), docteur ès-lettres, aumônier du Prytanée militaire, à La Flèche (Sarthe).
GIRAULT (abbé), aumônier de la maison Bonnière, 109, rue de Flore, au Mans.
GOUGAUD (docteur), 30, avenue Léon-Bollée, au Mans.
MM. Goupil. (Albert), licencié ès-lettres, imprimeur, 2, quai Jehan-Fouquet, Laval (Mayenne).
GOUTARD (Armand), 30, rue Lionel-Royer, au Mans. Mme Van der Gracht, au Gué-Rernisson, au Mans. Mgr Giiaffin, camérier secret de S. S., chanoine honoraire du Mans, professeur à l'Institut Catholique, 47, rue d'Assas, Paris, VIe.
MM. GIIAFFIN (Xavier), château de la Roche, à Mayet (Sarthe). Griffaton (Julien), 14, rue Béclard, Angers.
Du Guerny (René), 6, rue du Chapitre, Rennes.
GuEiuuER (M.), 10, rue du Père-Mersenne, au Mans. Guilloheau (René), 247, avenue Léon-Bollée, au Mans. Guillot (capitaine), $fi, 31e d'artillerie, 14, rue du Cirque, au Mans. ·
M"" Guii.lotin, 57, rue Prémartine, au Mans.
MM. Glittet (Albert), 52, rue Victor-Hugo, au Mans. Haca (commandant), chef de bataillon au 117e d'infanterie, aux Cerisiers, 207, route de Bonnétable, au Mans. Hébert (Georges), avoué, 21, rue de Paris, au Mans. IIELBERT (Constant), 145, rue Gambetta, au Mans. HENNET DE GOUTEL (baron Etienne), 95, rue Royale, Versailles (Seine-et-Oise).
IIéry (docteur Lucien), ^,59, rue de Maubeuge, Paris, IXe. Hkurtebize (R. P. dom), secrétaire honoraire de la Société, à Solesmes,par Sablé (Sarthe).
Heuzard (Gaston), 1, place de la Préfecture, au Mans. Hitter (abbé), 1, rue Desportes, au Mans.
Hubert (Gabriel), 59, Grande-Rue, à Mayenne (Mayenne). Husset (chanoine), curé de Saint-Benoit, au Mans. Janvier (Anatole), industriel, au \'al-de-l'IIuisne, au Mans. Jouet (Maurice), 11, rue de la Juiverie, au Mans.
Jolais (Georges), directeur d'Assurances, 74, rue de la Mariette, au Mans.
Joly (Louis), 33, avenue Thiers, au Mans
Joly-Lyautey DE Colombe (colonel), C. i%, 9, rue Erpell, au Mans.
De JuiCNÉ (marquis), $)«c, député, château de Juigné (Sarthe), et 137, faubourg Saint-Honoré, Paris VIIIe.
Kën/.inckh (docteur J.), 15, rue Berthelot, au Mans.
MM. De KERPEZDRON, (baron Marc), 18, rue Prémartirïe, au Mans.
LABICHE (colonel), 0, 80, rue des Fontaines, au Mans. De LA Choix (abbé), 69, rue des Fontaines, au Mans. Lagarde (général baron), C. »ï«, 15, rue Robert-Garrier, au Mans.
M™* Laigneau (Marcel), les Bizerays, Spay (Sarthe). MM. LAjus (Jean), président du Tribunal, 36, boulevard Négrier. au Mans.
LA MACHE (Charles), avocat, maire du Tronchet, château du Tronchet, par Assé-le-Riboul (Sarthe), et 24, rue de Civry, Paris, XVIe
LAMBERT DU Chesnay (Marcel), au Chesnay, à Torcé (S.). Mm* DE LANDEVOISIN (baronne), château des Places, à Daon (Mayenne), et 25, rue de Lubeck, Paris, XVIe.
MM. LANGERON, instituteur, à Courcebœufs (Sarthe). Langf.vin (docteur), $£, 2, rue Pierre-Belon, au Mans. De Lantivy DE Trédion (vicomte), 0, château des Perrais, Parigné-le-Pôlin (Sarthe), et 43, faubourg Saint-Honoré, Paris, VIIIe.
LAPIERRE (William), ^4, 297, avenue Léon-Bollée, au Mans. De LAUNAY (Louis), membre de l'Institut, château de Villehémon, par La Chapelle-Huon (Sarthe).
M11" Latouche (Marguerite), 4, rue des Arènes, au Mans. MM. LATRON (docteur), 65, avenue Léon-Bollée, au Mans. LEBLANC, notaire, 23, rue de l'Etoile, au Mans,
LEBOLRDAis'(Frantz), notaire, Le Pin-la-Garenne (Orne). LE BRUN (Marcel), 21, rue des Arènes, au Mans.
LEBRUN (Paul), avoué, 11, rue Gougeard, au Mans. Lecointke (Georges), maire de Saint-Germain, château de l'Isle, à Saint-Germain-du-Corbéis (Orne).
Mme Lecomte, 14, rue Victor-Hugo, au Mans.
MM. LE Cornu (Henri), 14, rue Albert-Maignan, au Mans. L'Eleu (André), avocat, 29, rue Berthelot, au Mans. LE FAUCHEUX (Louis), 19, rue Berthelot, au Mans. LEFEBVRE (chanoine), vicaire-général honoraire, 4 bis, place du Château, au Mans.
Legoué (abbé), curé de Maresché, par Beaumont-surSarthe (Sarthe).
MM. Legros (abbé), curé d'Arçonnay, par Saint-Paterne (Sarthe).
Legros (docteur), 2, rue des Arènes, au Mans.
MmB Lehoux, 35, avenue Léon-Bollée, au Mans.
MM. Lemai (Louis), 30, rue des Plantes, au Mans. Lemercier (abbé), curé de Saint-Lazare, au Mans. LE More (comte), château de la Fougeraie, à Saint-Paterne (Indre-et-Loire).
Lenoble (Albert), 12, avenue Rapp, Paris, VIIe.
Lepron(R. P. Léon), missionnaire, La Chapelle-du-Chêne, par Vion (Sarthe).
Leret D'AuBiGNY (baron), ancien député et ancien Soussecrétaire d'Etat, château de Rivesarthe, par Malicorne (Sarthe), et 51, rue de Bellechasse, Paris, VIIe.
Leret d'Aubigny (baron Lucien), château de Boisdoublet, par Torcé (Sarthe).
LEROUX (chanoine), directeur au Grand-Séminaire, 158, avenue Léon-Bollée, au Mans.
Leroux (Albert), 1, rue du Tertre-Saint-Laurent; au Mans. Leroux (Gaston), 1, rue Dumas, au Mans.
Leroux (Georges), 20, rue Sainte-Croix, au Mans. LEROUX (Joseph), architecte, 17, rue Berthelot, au Mans. DE LESTAPIS (colonel), château d'Amenon, à Saint-Germain-d'Arcé (Sarthe), et 42 bis, rue Cardinet, Paris, XVIIe.
Letourneux (Emmanuel), 21, rue de la Paix, au Mans. Letourneux (Georges), 88, boulevard Lavoisier, Clermond-Ferrand (Puy-de-Dôme).
Leverkieux (Gaston), 30, rue du Docteur-Leroy, au Mans. De Linière (Jacques), aux Ruelles, au Mans.
Lorieii (docteur), ï$< 0, 54, rue Joinville, au Mans. De Lokière (Edouard), ,maire d'Asnières, ch. de MoulinVieux, par Avoise (Sarthe), et 20, rue Berthelot, au Mans. LOUVEL (Albert), 113, rue Denfert-Rochereau, au Mans. Mmes Louvel, 16, quai Louis-Blanc, au Mans.
Maignam (Albert), 1, rue La Bruyère, Paris, IXe, et à SaintPrix (Seine-et-Oise).
De Maii.lebois (marquise), château de Bougeance, à SaintPavace, par Le Mans.
SIM. Maillet (Joseph), directeur de la Banque de France en retraite, 3, square du Tunnel, au Mans.
MALHERBE (Pierre), négociant, à Conlie (Sarthe).
Mme» Mai.let-Lemesle, 90, rue de Varenne, Paris, VIIe. Mallet (Charles), place Renaud-Morlière, à Ernée (M.). MM. MARÉCHAL (commandant), chef d'escadron au 31«d'artillerie, 25, rue Joinville, au Mans.
DE MASCAREL (docteur), 24, rue Chanzy, au Mans. Mauduit (Roger), docteur en droit, licencié en philosophie, 10, avenue Léon-Bollée, au Mans.
DE Mazenod (commandant), 5, rue de Flore, au Mans. M"e DES Mazis (Françoise), les Douves, à Savigné-l'Éveque(S.). MM. Mémix (Marcel), avocat, 9, rue de la Motte, au Mans. Ménage (Louis), »jfc, 77, rue de Flore, au Mans.
Mexjotd'Elbenne (vicomte), $fè, >î<, maire de Beillé, secrétaire d'ambassade, château de Couléon, par la ChapelleSaint-Rémy (Sarthe).
Meunier du Houssoy (comte Georges), >J( C., château de la Blanchardière, à Sargé, par Le Mans, et 5, rue Beaujon, Paris, VIlle.
Meyer (docteur), 5, rue Chanzy, au Mans.
M*r Mignon, protonotaire apostolique, vicaire-général, 21, place du Château, au Mans.
MM. Miriel, directeur de la Banque de France, place LionelLe Coûteux, au Mans.
Moisy (Gaston), 88, rue La Fayette, Paris, IX..
Mme DE Monchy, château de la Grifferie, par Le Lude (Sarthe). MM. DE Monhoudou (vicomte), 92, rue de Flore, au Mans, MONNOYER (Charles), 12, place des Jacobins, au Mans. M"e Monsimier (Bathilde), 23, rue des Chanoines, au Mans. MM. DE Montécler (marquis), >ï< C, château de Montécler, par Evron (Mayenne). f
De Montesson (marquis), 11, rue Pierre-Belon, au Mans, et château du Bois-Maquillé, par Louplande (Sarthe). De Montesson (comte), château du Bois-Maquillé, par Louplande (Sarthe).
MORANÇAIS (Henri), 5, rue Sainte-Croix, au Mans. MORANCÉ (Charles),^ 0, artiste. peintre,au Grand-Lucé(S.). Mohtagne (général), >fc 0, 56, rue Victor-Hugo, au Mans.
MM. Morin (Gaston), libraire, 9, rue Auvray, au Mans. Mobisset (docteur Martial), ^0,5, rue des Pescheries, à Mayenne (Mayenne).
Mm9 MOUETTE, 15, avenue Léon-Bollée, au Mans.
MM. MULOCHEAU (chanoine), directeur de l'Ecole libre de N.-D. de Sainte-Croix, 6, Grande-Rue, au Mans.
DE MURAT DE l'Estang (comte), chàteau de Vadré, à Courcelles (Sarthe).
NEAU (Maurice), pharmacien, 25éi's,r.Prémartine,au Mans. NEULAT (colonel), 0, 24, rue de Flore, au Mans. DE Nicolay (comte), !$t, >î<, maire de Montfort, château de Montfort-le-Rotrou (Sarthe), et 2, avenue Bosquet, Paris, VIle.
Nivert (Henri), notaire honoraire, 46, rue Victor-Hugo, M""e DE NOAILLES (vicomtesse), château de Saint-Aubin-deLocquenay, par Fresnay (Sarthe), et 43, rue de l'Université, Paris, VIle.
M. 'Nouton (colonel), 0, 19, rue de l'Etoile, au Mans. M""e De Nuc.ENT (comtesse), 9, place Girard, au Mans. MM. OGER (Emile), 5, rue Paul-Beldent, au Mans. OLIVIER (lieut.-colonel), >$̃ 0, 45, rue Pierre-Belon, au Mans.
Ory (Joseph), ^<, 8, rue Albert-Maignan, au Mans. PAGEOT (général), O, >î«, 2, rue Saint-André, au Mans, et château de Cherbon, par Coulongé (Sarthe).
M°" PAIGNARD (Léopold), Savigné-l'Evêque (Sarthe). MM. Pallu DU BELLAY DE Beaupuy (Joseph), jj£, 10, rue SaintDenis, à Poitiers (Vienne), et château de la Boissière, par Noyant (Maine-et-Loire).
PARENT, notaire, 26, boulevard René-Levasseur, au Mans. Mme PASSAVANT, 18, rue du Bourg-d'Anguy, au Mans. MM. PASSE (Maurice), à Evron (Mayenne), et 2, rue Rosa-Bonheur, Paris, XVe.
PATAIID (abbé), chapelain épiscopal, à la Providence, La Flèche (Sarthe).
PICARD (A.), 82, rue Bonaparte, Paris, VIe.
PLAISANT (docteur), $fc, 36, rue Victor-Hugo, au Mans. Planchenault (René), archiviste paléographe, à la Section historique du Maroc, 101, rue du Bac, Paris, VIIe.
MM. Poix (docteur), $J, 84, boulevard Raspail, Paris, VIe. Potel (Raoul), îjf inspecteur des forêts, 41, avenue LéonBollée, au Mans.
MmC DE LA POTERIE, 17, rue de Tascher, au Mans. MM. Pottier (docteur), ifc, conseiller d'arrondissement, 16. rue de l'Etoile, au Mans.
QUATECOUS (Adolphe), rue de la Rochclle, à Conncrrc (S.). Queruau-Lamérie (E.), 6 bis, rue des Arènes, à Angers. Quinton (R.), 3, rue Barbier, au Mans.
Ramard (Guy), bâtonnier de l'Ordre des avocats, secrétaire. de la Commission historique et archéologique de la Mayenne, 19, place Hardy-de-Levaré, Laval.
RAYNAL DE BàvRE (baron), château du Tertre, par Pezou (Loir-et-Cher).
RENARD (Adolphe), président du Comité de l'Union des grandes Associations, 122, rue des Fontaines, au Mans. RENARD (Pierre), 35, rue Auvray, au Mans.
RENAUDIN (Rme P. Dom.), ancien abbé des Bénédictins de Clervaux, 1, rue de Lausanne, Fribourg (Suisse).
HENOU, à la Vieille Abbaye de Champagne, à Tennie (S.). RÉVEILLANT (André), 7, rue Gambetta, au Mans.
RIALLAND (Georges), directeur du Comptoir d'Escompte de la Sarthe, 32, rue Dumas, au Mans.
Ricault, château de Douillet-le-Joly, par Fresnay (Sarthe). RINJARD, avocat, 3, rue des Chanoines, au Mans.
RIONDEL (commandant), 1, rue des Arènes, au Mans. De Romanet DE BEAUNE (vicomte), >î», château des Guillets, par Courgeoust (Orne).
M"* Romet (Etiennette), 1, rue du 33e-Mobiles, au Mans. MM. ROMET (Paul), conseiller général, 54, rue du Mans, Alençon, et château de Saint-Denis-sur-Sarthon (Orne). RONDEAU DU Noyer (Marc), 6, rue du Saint-Gothard, Paris, XIVe.
Roncin (Georges), 2j£, avoué, 7, rue de laBarillerie, au Mans. ROQUET (Henri), à Laigné, par Saint-Gervais-en-Belin (S.). Mgr Rousseau (S. G.), évêque du Puy (Haute-Loire). Mm" De Rudevai. (vicomtesse), à La Fontaine-Saint-Martin (S.). De Saint-Exupéry (vicomtesse), 15, rue de Tascher, au Mans.
Mmes De SAINT-PIERRE, 84, rue de Flore, au Mans. De Saint-Rkmy, >î<,25, rue de Tascher, au Mans, et la Cour, à Saint-Pavace, par Le Mans.
De SAINTE-PREUVE (baronne), 3, rue de Bretagne, Alençon (Orne).
MM. SAVARE (colonel), $£ 0, &, château de la Ménarderie, par Beaumônt-sur-Sarthe (Sarthe).
SAVARE (Louis), les Aigremonts, par Beaumont-sur-Sarthe. DE LA SELLE (chanoine), Supérieur des Missionnaires, N.-D. du Chêne, par Vion (Sarthe).
De Semallé (comte), secrétaire d'ambassade, château de Frebourg, par Mamers (Sarthe), et 16 bis, avenue Bosquet, Paris, VII'.
Sénart (Emile), $j 0, ffr C., membre de l'Institut, château de la Pelice, par La Ferté-Bernard (Sarthe), et 18, rue François Ier, Paris, VIIIe.
SERGENT (abbé), curé de Saint-Mars-sous-Ballon (Sarthe). Mm« De LA SERRE, 12, avenue Léon-Bollée, au Mans. MM. SEVESTRE (abbé), professeur au Collège Saint-Louis, rue Auvray, au Mans.
SINAN (docteur), 10, rue Erpell, au Mans.
SINGHER (Gustave), $fe, tff C, directeur général de la Mutuelle du Mans, président de l'A. C. de l'Ouest, 37, rue Chanzy, au Mans.
DE Souancé (comte), château de Mondoucet, par Souancé (Eure-et-Loir).
TAILLARD, chef de division, Préfecture de la Sarthe au Mans. De Talhouet-Roy (marquis), ^£, »î< C., maire du Lude, château du Lude (Sarthe), et 2, avenue Bosquet, Paris, VIIe. Tkrmeau (Maurice), licencié ès-lettres, 104, rue de Vaugirard, Paris, VI', et à Sillé-le-Guillaume (Sarthe).
Tézé (Henri), 30, rue Auvray.
Mme THORÉ, 9, rue Montauban, au Mans.
M. THURILLET (Lucien), ingénieur, 8, rue des Noyers, au Mans. MmM Torchet-Royer (Paul), 5, avenue de Villars, Paris VIIe. De Torcy (marquise), château de Bois-Claireau, à Teillé, par Ballon (Sarthe).
M. De LA TouANNE (comte), 15, rue de Tascher, au Mans, et château de la Paillerie, par Changé (Sarthe).
Mm* DE LA TOUANNE (comtesse Maurice), 2, rue Girard, au Mans. M. TouBLANC, château de Vernie, par Ségrie (Sarthe). M"cl Touchard (Georges), 45, rue Henri-Heine, Paris, XVIe, et château de la Bussonnière, par Noyen-sur-Sarthe (Sarthe). Touchahd (Léon),12, rue Puvis-de-Chavannes, Paris, XVIIe. MM. Tournoueh (Henri), ifc, président de la Société historique et archéologique de l'Orne, château de Saint-Hilaire-desNoyers, par Colonard (Orne), et 5, boulevard Raspail, Paris, VIK
Trégaho (Louis), 42, rue de Flore, au Mans.
Tual (Henri), $fe, président de l'Association du 33' Mobiles, château de la Futaye, près Le Mans.
Vaidie (Vital), 5, rue du Tertre-Saint-Laurent, au Mans. De Vaissièbe (Georges), maire de Rouessé-Vassé, château de Vassé, par Sillé-le-Guillaume (Sarthe).
VALLÉE (Eugène), 6, rue des Bergers, Paris, XV'.
Mm" De VAUBLANC, 2, rue du33'-Mobiles, au Mans. De Vacguion, 52, avenue Léon-Bollée, au Mans.
MM. VAVASSEUR (abbé), curé de Crannes (Sarthe). VERDIER (Paul), à Saint-Jean-de-Braye (Loiret).
Mme Vérel, 21, avenue Léon-Bollée, au Mans.
MM. Vérité (Pierre), architecte des monuments historiques, 15, rue des Fossés-Saint-Pierre, au Mans.
VÉTILLARD, procureur de la République, 31, rue Prémartine, au Mans.
M™18 Vétillart (Joseph), à Château-Lavallière (Indre-et-Loire). MM. De Vésins (marquis), $fe, >f<, château de Malicorne (Sarthe), et 69, avenue Marceau, Paris, XVI0.
VIEILLE (Ludovic), à Sablé-sur-Sarthe (Sarthe).
DE Viennay (comte), maire de Saint-Christophe, château de Saint-Christophe-du-Jambet, par Ségrie (Sarthe). M°" De Villiers-Terrage (vicomtesse), château de la Rochère, par Saint-Gervais-en-Belin (Sarthe) et 30, rue Barbet-de-Jouy, Paris, MI".
MM. VINCENT (Louis), 9 ter, rue Robert-Triger, au Mans. De LA Vinctbib (vicomte), château de la Groirie, par Le Mans.
Voisin, aux Aulneaux, par la Fresnaye (Sarthe).
REV. HI8T. ARCH. DU MAINE. 2
M. De Wailly-Wandonnk (Joseph), château de Verchin, par Fruges (Pas-de-Calais).
Mme De Waresquiel (comtesse), 7 Ws, placedu Palais-Bourbon, Paris, VIIe, et château de Poligné, Forcé (Mayenne). MM. Williot, industriel, château de Sablé (Sarthe). Foxtaine (Renéj, receveur de l'Enregistrement, 41, rue de la Mariette, Le Mans.
Mmei Gaudineau (Louis), 34, rue Berthelot, Le Mans, et château de Bouchevereau, par la Flèche (Sarthe).
Salomon, 34, boulevard du Général-Négrier, Le Mans. Archives départementales DE LA SARTHE, 1, rue GermainPilon, au Mans.
Archives départementales DE L'ORNE, à Alençon. ASSOCIATION DE LA JEUNESSE CATHOLIQUE, 14, rue du Docteur-Leroy, au Mans.
CERCLE DE l'UNION, 48, place de la République, au Mans. Institution Saint-Louis, rue Auvray, au Mans.
INSTITUTION Notre-Dame, à la Flèche.
PRYTANÉE MILITAIRE, à la Flèche.
GRAND Séminaire DU MANS, 158, avenue Léon-Bollée, au Mans.
Membres honoraires.
MM. Aubert (Marcel), professeur à l'Ecole du Louvre et à l'Ecole nationale des Chartes, conservateur-adjoint au Musée du Louvre, directeur de la Société française d'archéologie, 8, cité Vaneau, Paris, VIIe.
De BÉTHUNE (baron), 34, rue de Bériot, à Louvain (Belgique).
Bilson (John), vice-président de l'Institut royal archéologique de la Grande-Bretagne, à llessle, Yorkshire (Angleterre).
De Gbandmaison (Louis), président honoraire de la Société archéologique de Touraine, 43, rue Emile-Zola, Tours. Mgr GRENTE (S. G.) >%i, évêque du Mans, au Mans. LaURaiN (Ernest), président de la Commission historique et archéologique de la Mayenne, 7, rue du Lycée, Laval. LECESNE (Henri), président de la Société Dunoise, à Châteaudun (Eure-et-Loir).
n
Pelham-Maitland (John), ingénieur, directeur général de la Baillol Earthworks Survey, Lestrem house, Hove, Sussex (Angleterre).
Abonnés.
MM. Asher (E.), libraire, 8, Behrenstrasse, Berlin.(Allemagpe). Baer et G0 (Joseph), 6, Hochstrasse, Francfort-sur-le-Main (Allemagne).
Bibliothèque de la Ville d'Alençon,
– – d'Angers.
– – de Laval.
– – du Mans.
BRITISH Muséum (librairie Champion, 5, quai Malaquais, Paris, VIe).
CLEVELAND public library, 325, Supérieur avenue N. E., Cleveland (Ohio), Etats-Unis d'Amérique.
Giibsquière (librairie Champion, 5, quai Malaquais, Paris, VI8).
Nijhoff (Martinus), libraire, 9, Lange Voorhout, 'S-Gravenhage (Hollande).
Stéchert et C (G. E.), 16, rue de Condé, Paris-VIe. Stéchert et Ci' (G. E.), 16, rue de Condé, Paris-VI". Sociétés savantes et Etablissements publics. Ministère de l'Instruction publique et des Beaux-Arts (Direction de l'Enseignement supérieur, 5e Bureau), Paris.
Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, 23, quai Conti, Paris, VIe.
Comité des Travaux historiques et des Sociétés savantes à- la Bibliothèque nationale, 58, rue de Richelieu, Paris, Ile. Bibliothèque de la Sorbonne, 5, rue Saint-Jacques, Paris, Ve. Société nationale des Antiquaires de France, 11, rue de Lille, Paris, VIIe.
Le Polybiblion, 5, rue Saint-Simon, Paris, VIIe.
Société de l'histoire du Protestantisme, 54, rue des Saints-Pères, Paris, VII..
Alençon. Société Historique et Archéologique de l'Orne. Amiens. Société des Antiquaires de Picardie.
Angers. Société d'Agriculture, Sciences et Arts. Angers. Revue de l'Anjou, 83, rue Saint-Laud.
Angoulême. Société Archéologique et Historique de la Charente.
Arras. – Académie d'Arras.
Arras. Commission départementale des Monuments historiques du Pas-de-Calais (M. de la Charie, Sainte-Austreberthe, par Hesdin, P.-de-C.).
Aulun. – Société Eduenne des Lettres, Sciences et Arts. Auxerre. Société des Sciences Historiques et Naturelles de l'Yonne.
Bayeux. Société d'Agriculture, Sciences, Arts et BellesLettres.
Beauvais. Société Académique d'Archéologie, Sciences et Arts de l'Oise.
Belfort. Société d'Emulation.
Besançon. Société d'Emulation du Doubs.
Blois. Société des Sciences et Lettres de Loir-et-Cher, Bordeaux. – Académie des Sciences, Belles-Lettres et Arts. Bordeaux. Société Archéologique.
Bourges. Société des Antiquaires du Centre.
Brest. Société Académique.
Caen. Académie des Sciences, Arts et Belles-Lettres. Caen. Société des Antiquaires de Normandie.
Cambrai. Société d'Emulation.
Chalons-sur-Saône. Société d'Histoire et d'Archéologie. Chambéry. Académie des Sciences, Belles-Lettres et Arts de Savoie.
Chambéry. Société Savoisienne d'Histoire et d'Archéologie. Chartres, – Société Archéologique d'Eure-et- Loir. Cherbourg. Société Académique.
Chinon. La Société des Amis du Vieux Chinon. Clermont-Ferrand. Académie des Sciences, Belles-lettres et Arts.
Gompiègne. – Société Historique de Compiègne.
Constantine. – Société Archéologique de Constantine. Dijon. Académie des Sciences, Arts et Belles Lettres. Fontainebleau. – Société Historique du Gâtinais.
Granville. Société d'Etudes Historiques et économiques (M. le Paumier, 73, route de Coutauces).
Grenoble. Académie delphinale.
Laval. Commission Historique et Archéologique de la Mayenne (M. Laurain, président, 7, rue du Lycée, Laval).
Le Havre. – Société d'Etudes diverses.
Le Mans. – Société d'Agriculture, Sciences et Arts de la Sarthe, Hôtel de Tessé.
Le Mans, La Province du Maine, 26, rue des Chanoines. Limoges. Société Historique et Archéologique du Limousin. Lyon. Société Littéraire, Ilistorique et Archéologique. Lyon. Académie des Sciences, Belles-Lettres et Arts. Màcon. Académie de Màcon.
Marseille. Académie des Sciences, Lettres et Beaux-Arts, 40, rue Adolphe-Thiers.
Montauban. Société Archéologique de Tarn-et-Garonne. Mortagne. Société percheronne d'Histoire et d'Archéologie. Nancy. – Académie Stanislas.
Nantes. – Société Historique et Archéologique de Nantes et de la Loire-Inférieure, rue Jean-V.
Noyon. Comité Historique et Archéologique.
Orléans. – Société Archéologique et Historique de l'Orléanais. Périgueux. Société Historique et Archéologique du Périgord. Poitiers. Société des Antiquaires de l'Ouest.
Quimper. Société Archéologique du Finistère.
Rennes. Société Archéologique d'Ille-et- Vilaine. Saint-Brieuc. Société d'Emulation des Côtes-du-Nord. Saint Omer. Société des Antiquaires de la Morinie. Toulouse. Académie des Sciences, Inscriptions et BellesLettres, Hôtol d'Assézat.
Tours. Société Archéologique de Touraine, 8, place Foirele-Roi.
Vannes. Société Polymathique du Morbihan, 2, rue Noè'. Vendôme. – Société Archéologique Littéraire et Scientifique du Vendômois.
Versailles. Société d'Histoire de Versailles.
Bruxelles. Société Royale d'Archéologie (Musée de la Porte de Hall).
Bruxelles. Les Bollandistes, 24, boulevard Saint-Michel. Washington. – Smithsonian Institution. Etats-Unis d'Amérique.
ROBE.RT TRIGER
Le premier juillet 1926, la Société historique et archéologique dit Maine fêtait joyeusement le Cinquantième anniversaire de sa fondation et en même temps les noces d'argent de son président.
Six mois après, le 15 janvier 1927, elle avait la douleur profonde de voir disparaître, alors que rien ne faisait prévoir une fin aussi prématurée encore, l'homme de haute intelligence et de grand cœur qui, depuis plus de vingt-cinq années, avec une autorité incontestable et un dévouement sans bornes, conduisait ses destinées en maintenant ses traditions. Aucune épreuve ne pouvait lui être plus sensible, car sa vie même semblait reposer sur celle de ce chef qui avait assumé presque à lui seul les responsabilités et les charges d'une direction lourde et pesante et lui avait assuré, entre toutes les associations savantes de province, une place prépondérante. Mais, en raison même de cette impulsion puissante et personnelle, rendue efficace par sa longue continuité comme par son adaptation à un plan scrupuleusement observé, la Société historique et archéologique du Maine ne faillira pas à son passé.
Elle aura toujours devant les yeux les exemples de ses fondateurs et présidents auxquels est venu s'ajouter le grand nom de Robert Triger, intimement lié désormais à son histoire. Si tous ceux qui l'ont connu ou qui, associés de près à son existence, l'ont vu à l'œuvre, gardent de lui le souvenir le plus attachant et l'admiration la plus justifiée, ils ne savent pas encore tout ce qu'il y avait, dans cette âme d'élite, de richesses intellectuelles et morales. Il faut pour cela, avoir été amené à pénétrer au tréfonds de sa vie pour en découvrir toutes les beautés et toutes les délicatesses. Elle fut en réalité un sacri-
fice perpétuel, accepté courageusement, stoïquement même, tempéré et consolé par une foi inébranlable et par l'amour inné du travail, secours précieux auxquels l'avait initié et préparé une forte éducation familiale.
Privé des joies les plus intimes et les plus douces qu'il ne fit qu'entrevoir, sans frères, ni sœurs, sans proches même, il dut orienter son existence dans la solitude, sans qu'elle lui pesât trop. Mais, ayant eu le bonheur de conserver longtemps le père admirable auquel il devait tout, ayant su, par son aménité et le don de soi-même, s'attirer des amitiés et des sympathies nombreuses, gardant avec ses parents des relations aussi affectueuses que possible, sachant se rendre utile à tous, et, par-dessus tout, voilant d'une inaltérable sérénité son cœur meurtri, il poursuivit sa route jusqu'au bout, sans une faiblesse, sans cesser de fixer le but qu'il s'était proposé d'atteindre.
Sa chère société devint alors sa vraie famille, à défaut de celle qu'il ne lui fut pas donné de fonder à son foyer. Jamais cependant homme ne fut plus attaché que lui à ses origines, à ses ancêtres et à ses souvenirs d'enfance. Il recueillait tout ce qui les remémorait avec un soin pieux et vigilant, comme d'ailleurs il se plaisait à conserver les moindres traces des évènements auxquels il avait été mêlé, comme il enregistrait scrupuleusement ses actes et ses gestes propres, tenant constamment à jour le livre de raison de sa vie.
Chargé par la confiance de mes confrères et amis du Maine, témoins de la vieille et fidèle affection que je portais à leur président mais dont ils ont trop présumé de parler de lui et de ses œuvres, je n'ai eu qu'à ouvrir les multiples dos- • siers qu'il nous a laissés, sources abondantes et limpides où se reflètent toutes ses pensées, où se mesure tout son labeur. Sa vie, nous semble-t-il, peut se résumer en trois parties. Dans la première, nous verrons l'enfant et l'étudiant, le suivant depuis sa précoce jeunesse jusqu'au moment où se dessinera sa vocation dans une seconde, nous étudierons l'historien, l'homme politique, le président, trois rôles qu'il a remplis avec
une grande conscience et une réelle valeur; dans la dernière enfin, nous montrerons plus particulièrement les hautes qualités morales et religieuses qui se sont manifestées en tant de circonstances, faisant de lui un vrai patriote et un chrétien militant.
1
L'enfant L'étudiant.
Robert-Gustave-Marie Triger-Hirbonde (1) naquit au Mans le 26 février 1856(2), carrefour de l'Etoile, chez ses grands-parents (1) Le nom d'Hirbonde, qui figure dans l'acte de naissance à la suite de celui de Triger, était le nom d'une métairie sise au Perche, en la paroisse de Chemilly (aujourd'hui canton de Bellème, Orne) qui fut acquise le 17 octobre 1724 par Noël Triger, marchand tanneur, demeurant à Mamers, moyennant ll.OOOlivres, de dame Marguerite Sevin,veuve de M" Jacques de Guéroust, ec. sieur deBoisclereau, seule héritière de defîunl Jean Davoust,ec., sieur d'Hirbonde, ancien commissaire de la Marine. Cette terre fut revendue le 10 juin 1816 par les enfants de Pierre Triger et de Madeleine Petibon, à un cultivateur de Saint-Rémy-du-Mont, nommé Nicolas Lamare, moyennant 15.125 fr. Le fils de Noël Triger, François, se qualifia de seigneur d'FTirhonde. Ses descendants se contentèrent de maintenir ce nom à la suite du leur sur les actes officiels, sans le porter.
(2) « Du vingt-neuf février mil huit cent cinquante-six, deux heures du soir, par devant nous, Philbert-Honoré Lelasseur, adjoint, faisant par empêchement de M. le Maire, les fonctions de l'Etat-civil de la ville du Mans, est comparu Gustave-Isidore-Pierre Triger-Hirbonde, âgé de trente-un ans, inspecteur du télégraphe, demeurant ville d'Agen (Lot-et-Garonne) lequel nous a déclaré que Marie-Garoline-Fréderïca Haumunt, âgée de vingt ans, son- épouse, mariée au Mans le vingt-un mars mil huit cent cinquante-cinq, est accouchée au domicile de M. Charles Thoié, carrefour de l'Etoile, le vingt-six de ce mois, à trois heures du soir, d'un enfant du sexe masculin auquel il a déclaré donner les prénoms de Robert-Gustave-Marie, la dite déclaration faite en présence d'Auguste-Casimir Trotté de la Roche, âgé de soixante-un ans, propriétaire, et Charles Thoré, âgé de cinquante un ans, directeur de la succursale de la banque de France, chevalier de la Légion d'honneur, demeurant en cette ville, rue du Mail et carrefour de l'Etoile. Dont acte que nous avons signé avec le père et les témoins après lecture ». [suivent les signatures]. (Extrait des registres de l'Etat civil de la ville du Mans.)
Le 26 février 1856, également, à neuf heures du soir, Mm« Triger donnait le jour à un autre fils jumeau qui porta les noms de Charles-AlphonseMarie il ne vécut que quelques mois, et mourut à Rennes, 14, rue de Corbin, paroisse Saint-Germain.
Robert et son frère furent ondoyés le 26 février 1856, ainsi qu'en témoignent les registres de baptêmes de la cathédrale du Mans.
maternelsThoré,où sa mère était venue de très loin faire ses couches (1). M. Gustave Triger, sorti de l'Ecole Polytechnique en 1847, au titre d'ingénieur des Lignes télégraphiques, remplissait, en effet, alors, ces fonctions à Agen, après avoir résidé à Tours, Paris et Dijon. Il était naturel que cet évènement si désiré s'accomplit au pays d'origine de la famille, non loin de son second berceau, Douillet-le-Joly.
Les Triger étaient bien du Maine. On les voit dès lexvn' siècle à Mamers, où Louis, conseiller du Roi, né en 1660, fonda (2) le collège, où Gabriel (3), son frère, donna naissance à une longue lignée de contrôleurs au grenier à sel, où, plus tard, en 1801, vit le jour Jacques Triger, l'auteur de la carte géologique de la Sarthe(4). Douillet parait être devenu la résidence de la famille lorsque le grand'père de Robert, Robert-Pierre, né en 1792, y fut nommé percepteur et en devint le premier magistrat (5). (1) M. Trotté de la Roche, arrière grand-père maternel de Robert Triger, père de M'ut Thoré, directeur de la succursale de la Banque de France au Mans, avait acquis, au nom decet établissement en 1846, moyennant 80.000 fr. la maison de la place de l'Etoile, dont la construction était duc à M Mauboussin, notaire, et qui est restée jusqu'à nos jours, l'habitation du directeur. Cette place a été dénommée depuis place Lionel-Lc Couteux. (2) C'est le 2 septembre 1733 que Louis Triger fonda, de concert avec J. B. Laperdrix, prêtre de la Congrégation de la Mission, une école de garçons à Mamers. Il donna, à cette occasion 30 livres de rente. (3) D'un Gabriel-Alexandre Triger, né en 1738, conseiller du Roi, contrôleur au grenier à sel, à Mamers, et de Charlotte Jeanne Brunet, naquit Charlotte-Jeanne, qui épousa, le 9 juin 1789, Charles Monnoyer, imprimeur du Roi, an Mans.
(4) Au xviii" siècle les Triger, outre plusieurs maisons à Mamers, possédaient des terres sur les paroisses de Sure, de blarolettes, de Moncé, de Saint-Longis et d'Origny-le-Butin. A cette époque Antoine-René Triger (1742-1820;, greffier en chef du grenier à sel de Mamers, épousa ElisabethJudith Camusat. Cette famille Camusat, originaire de Sezanne-en-Brie, émigra au début du xvne siècle à Alençon, où elle occupa une certaine situation. On voit parmi ses membres des greffiers au grenier à sel, un procureur au présidial, un secrétaire de l'hôtel de ville, un avocat au Parlement et aux bailliage et siège présidial de Mamers. Ce dernier, Pierre Michel, s'unit en 1754 à Marie -Marguerite Clément, de Mortagne, dont la nièce devait, par son mariage avec Pierre Desnnyers, devenir la grand'mère du bibliothécaire du Muséum, membre de l'Institut, Jules Desnoyers (18001887) et l'arrière-grand'mère du grand savant Milne Edwards. (5) Le mariage de Gustave Triger et de Marie Haumont eut lieu au Mans le 21 mars 1855. Gustave Triger, né à Douillet le 12 février 1825, était inspecteur des télégraphes ù Agen et Marie Haumont, née à Paris le 25 septembre 1835, demeurait au Mans chez sa mère, carrefour de l'Etoile. Elle perdit son père en 1839.
La mère de Robert, Marie-Caroline-Frederica Haumont était fille de Bernard-Charles-Elisabeth Haumont et de Adèle-Caroline Le Brun (1). Son arrière grand'mère, une Rigault de Beauvais, mariée à Joseph-Charles Le Brun, médecin au Mans, avait épousé en secondes noces M. Trotté de la Roche, maire du Mans et directeur de la succursale de la Banque de France, qui possédait aux environs de la ville la propriété des Talvasières. De ce côté encore, Robert pouvait se dire manceau.
La communauté d'origine, la similitude de goûts et d'habitudes, l'influence de l'éducation sérieuse qu'ils avaient reçue l'un et l'autre, ne contribuèrent pas peu à faire de ses parents le ménage le mieux assorti et le plus uni. Dans leur intérieur paisible et modeste où dominaient des convictions religieuses, saines et profondes, se maintenait à un très haut degré le sentiment de l'honneur et du devoir. On ne savait pas transiger avec sa conscience, alors que l'Eglise ou la Patrie réclamait un sacrifice ou un dévouement. Le père, d'une intelligence supérieure, appelé à des postes de toute confiance, savait donner à ses subordonnés le plus bel exemple de la discipline et de la droiture c'était en outre le plus parfait des éducateurs, et il le prouva. La mère, douce et tendre, mais souvent maladive, ne vivait que pour son fils, lui inculquant les principes qui devaient le guider toute sa vie.
A côté de ces êtres que Robert chérissait de toute son âme, ses aïeules et bisaïeule paternelles et maternelles (2), parvenues toutes trois à un âge avancé, mêlées fréquemment à son existence, semblaient auprès de lui comme des fées bienfaisantes, gardiennes des traditions. Il ne parle d'elles qu'avec vénération il en était l'enfant gâté. Ne l'était-il pas d'ailleurs pour tous, ce (1) Adèle-Caroline Le Brun (1815-18/8) était fille de Joseph-Charles Le Brun, docteur en médecine au Mans, et de Caroline Rigault de Beauvais, remariée à M. Trotté de la Roche, maire du Mans, puis directeur de la succursale de la Banque de France. Elle-même convola en secondes noces, en épousant Charles Thoré.
(2) M-' Trimer, à Douillet-le-Joly, M"' Charles Thoré et M«" Trotté de la Roche, au Mans.
fils unique, sur lequel reposaient toutes les espérances? On sent que dans le foyer où se fondaient tant d'affections, il était l'objectif en même temps que la fierté de ceux qui l'entouraient. Je dis fierté parce qu'il répondait pleinement à leurs attentes. Dans un tel milieu, en effet, l'enfant pouvait grandir en toute sécurité et son avenir être envisagé sans crainte, malgré le contact, parfois difficile à éviter, d'ambiances pernicieuses. Mais Robert avait, dès l'enfance, en germes, les qualités remarquables qui devaient s'épanouirchez l'homme. La semence tombait sur un tèrrain bien préparé. C'était l'enfant soumis, docile, aimant, Iranc de nature, droit d'instinct c'était aussi le travailleur modèle, ne perdant jamais de vue cette sorte de devise traditionnelle dans sa famille, souvent redite: « Tout ce qui est Triger, doit travailler ». Plus tard, dans ses « Souvenirs de la guerre de 1870 », il s'en souviendra lorsqu'il écrira « Je travaille depuis ma huitième comme j'espère bien travailler encore jusqu'à la fin de mes jours ». Nous savons comment il tint parole. Le travail fut sa loi. Il fut aussi sa consolation et sa sauvegarde. Toutefois le labeur ne le prenait pas au point de ne pas lui faire apprécier les moments de détente. On sait que les meilleurs élèves sont ceux qui s'amusent le mieux. Robert ne s'en fit pas faute non plus. Il était espiègle, farceur même et s'adonnait au jeu avec la même ardeur et le même succès qu'il s'appliquait à ses leçons et à ses devoirs. Avec cela toujours gai, toujours de bonne humeur, tel que nous l'avons connu. Une semblable nature ne pouvait que lui attirer des affections. Nous le verrons bientôt.
M. Gustave Triger ayant été appelé en 1862, à exercer ses fonctions dans le Calvados, c'est à Caen que Robert commença ses études en suivant les cours de la pension Pierre, rue Guilbert. Dès 1864, un nouveau changement de résidence le fit entrer au lycée de Laval, dans la classe primaire préparatoire et son premier bulletin (1) porte la mention suivante du proviseur (1) Robert Triger avait conservé, soigneusement classés, tous ses bulletins de lycée. C'est ce qui nous a permis d'entrer dans des détails aussi précis sur ses études.
Ses purenta habitaient à Laval, rue de la Gare.
« Elève modèle. Je me réjouis tous les jours de compter le jeune Triger au nombre de nos élèves. Aucun n'a plus que lui la passion de son travail, des récompenses et des louanges de ses maîtres. Joignez à cela de l'intelligence, une éducation et une instruction première excellentes. Je le regarde comme appelé à nous faire honneur, et ce m'est un bonheur de le constater dans ce premier bulletin que j'adresse à sa famille. » Ne voit-on pas déjà, dans ces débuts brillants, les fruits de l'éducation familiale? Ils se traduisent en fin d'année par trois prix et cinq accessits.
Mais l'avancement se fait rapide pour M. Triger. L'année suivante, sa nomination à Alençon l'oblige à mettre son fils au lycée du Mans, durant quelques mois, qui suffisent à le faire qualifier « très bon élève sous tous les rapports », jusqu'à ce qu'il puisse le faire entrer en celui d'Alençon pour une longue période, cette fois.
Dans cette excellente maison, bien dirigée, dotée d'un personnel enseignant de réelle valeur, d'où sortirent bon nombre d'esprits distingués et de grands érudits (1), Robert devait achever ses études. Il y débute par la septième et suivra, avec une régularité parfaite, d'année en année, toutes les classes jusqu'à la rhétorique, sautant cependant la quatrième. Ses bulletins accusent les remarques les plus flatteuses et les plus encourageantes « Enfant sérieux et docile, travaillant avec soin et avec goût » – « Elève studieux et plein d'ardeur » « Fait preuve d'intelligence et d'activité. » – En troisième « Esprit net et sensé, travail persévérant et intelligent. Du zèle, de l'ardeur, de l'opiniâtreté. Progrès remarquables. Le voilà aujourd'hui, et pour longtemps sans doute, le premier de sa classe. » On ne pouvait désirer mieux.
L'année 1867 lui fut particulièrement chère ce fut celle de sa première communion. Il la fit, sans aucun doute au lycée, «
(1) Du lycée d'Alençon sont sortis MM. Galpin, député de la Sarthe, Le Meunier de la Raillière, conseiller général de l'Orne, Léon de La Sicotière, sénateur, fondateur de la Société Historique et Archéoloffique de l'Orne, le général de Boisdeffre, le général de Lagarenne.
et, nous le pensons, de la main de l'Aumônier, M. l'abbé Dupuy, qui devait devenir t'intime ami de la tamille et qui lui voua, toute sa vie, une affection particulière. Ce grand acte, auquel l'avait préparé la pieuse sollicitude de ses parents, Robert ne l'oubliera jamais. Au plus fort de la grande guerre, il notera sur ses cahiers, le 16 juin 1917 « Journée très mémorable. Cinquantième anniversaire de ma première communion. Emouvants souvenirs du 16 juin 1867 » (1).
En 1870, il entrait en seconde. Il allait bientôt atteindre ses 15 ans. Les solides études qu'il poursuivait si heureusement n'avaient pas été troublées par les déplacements forcés de ses parents, parce que, comme nous l'avons déjà constaté, parallèlement à renseignement du collège, l'influence paternelle agissait puissamment sur cette nature d'élite. Le père complétait l'oeuvre du maître, collaboration nécessaire, dont Robert ressentit tous les bienfaits. En sorte qu'il arrivait en seconde très mûri. Ses supérieurs l'avaient souligné, les évènements terribles et douloureux qui allaient s'accomplir, le prouvèrent. M. Gustave Triger se trouvait à cette époque à Alençon, inspecteur, chef du service télégraphique de l'Orne, fonctions importantes que l'invasion prussienne devait rendre lourdes de responsabilité. Mais l'homme était à la hauteur de là tâche. Ce n'est pas le lieu ici de rappeler le rôle qu'il joua dans la défense du pays aux heures tragiques dont le souvenir ne s'est pas effacé, même après la lutte victorieuse de 1914 il a d'ailleurs été retracé, sous l'inspiration même de son fils, en des pages qui resteront le plus touchant et le plus bel hommage à sa mémoire (2). Toutefois, à côté du récit, en quelque sorte officiel, auquel, dans sa modestie, Robert a voulu qu'on se bornât, ne convient-il pas, puisque nous abordons la vie intime de notre ami, de parler des souvenirs personnels qu'il nous a laissés, où il nous communique, le plus simplement du monde, ses impressions de (1) Souvenirs de guerre.
(2) Xavier Rousseau, Le service télégraphique de l'Orne pendant hi guerre Î8~O-11, et son chef, M. l'Inspecteur Triger, avec notes sw les opérations du 19° Corps d'armée dans le département, Alençon, A. Pinson, 1922, in-12, 156 p.
collégien, en même temps qu'il nous met devant les yeux un tableau vivant et animé de l'existence, semée d'alertes et d'angoisses, de ses parents ? Il attachait à cette narration (1), qui dénote chez lui un don très averti d'observation et de précision et aussi l'expression du plus pur patriotisme, un grand prix. Rédigée en décembre 1871 et dédiée à « sa chère maman » (2), il la complète de mai à octobre 1881, en y ajoutant une sorte de préface que nous ne pouvons passer sous silence, tant il y a de noblesse et d'élévation dans les sentiments qu'il traduit « Je veux, écrit-il, conserver religieusement, avant qu'elles ne s'effacent, mes impressions premières mûries par l'âge et par les incomparables leçons de mon père. Malheureusement trop jeune en 70 pour prendre une part active à la défense du pays, j'ai pu du moins voir et observer, et les désastres foudroyants auxquels nousassistions ont vivement frappémonimagination de quinze ans. Je veux ensuite esquisser plus exactement l'histoire de la famille pendant la guerre, rappeler nos espérances et nos tristesses et dire quels furent notre conduite et notre sort en présence de l'ennemi. Je crois, en effet, que la famille, comme la patrie, doit avoir son histoire, source inépuisable de grands enseignements et de précieuses leçons. Je crois surtout que l'histoire concourt puissamment à entretenir l'esprit de famille et le patriotisme qui sont, avec la religion, les seules bases de toute société. Or, il m'incombe, à ce point de vue, un devoir qui me rend bien heureux et bien fier, conserver pour (1) Dossier Voyages, Excursions, Souvenirs.
(2) Il lui présentait ainsi son travail
« J'ai voulu profiter des derniers jours de liberté que me laissent des études qui vont devenir sérieuses, pour écrire le résumé de notre vie pendant l'invasion prussienne. J'espère te faire plaisir en te l'offrant. Il te rappellera sans doute des moments bien pénibles, mais aussi il te prouvera que j'ai su tirer quelque profit des tristes événements de l'année dernière et que le châtiment infligé par Dieu à notre chère et coupable France ne m'a pas trouvé indifférent.
« Plus tard, si comme je le désire, je suis appelé à la venger, je me souviendrai, en relisant ces quelques notes, de toutes les misères que nous avons eu à supporter et j'y puiserai un nouveau courage pour accomplir dignement la mission qui nous est réservée, à nous jeunes gens. « Vive la France ». R. TRIGER.
la famille le souvenir de la remarquable habileté et du dévouement si absolu et si modeste dont mon père a tait preuve pendant l'invasion. C'est une page à inscrire en lettres d'or dans l'histoire de la famille ».
Quelles plus touchantes marques de piété filiale 1
Et le récit commence. On habitait alors rue Cazault, 92 (1). Robert suivait, comme externe, les cours du Lycée, sous la direction pleine de sagesse de son père et de sa mère. « Tous les trois, dit-il, nous étions beaucoup plus occupés, dans notre modeste intérieur, de mes études d'écolier que des combinaisons fantaisistes de la politique intérieure ou extérieure. Dans ces longues promenades du soir où mon père prenait soin de compléter mon instruction par des conversations si variées et si intéressantes, il me laissait entrevoir parfois toutes les complications que prévoyaient sa clairvoyance et son expérience Je l'écoutais attentivement et, le soir, je rêvais guerres et batailles. » La seule distraction alors était un voyage au Mans. C'était pour Robert le comble du bonheur. Il y étaitadulé par ses grand'mères Mm° Thoré et M"1" Trotté de la Roche, et non moins par les serviteurs qui l'avaient élevé. Mais le plaisir qui aurait pu le lendemain troubler les études de bien d'autres, n'avait pas de prise sur lui. « Rentré à Alençon, écrit-il, je me remettais sans peine au travail, grâce aux exemples et aux recommandations de mon père et de ma mère ». Ces noms sacrés reviennent souvent sous sa plume. Il a pour ces deux êtres auxquels, après Dieu, il doit la vie, plus que de la vénération, un culte. Tout ce qu'il fait, tout ce qu'il accomplit de bien, il le rapporte à eux. Leurs images se reflètent en lui.
Les vacances de 1870 arrivèrent. Malgré la déclaration de guerre et la gravité des événements qui se préparaient, M1"1 Triger et Robert partirent pour Saint-Aubin-sur-Mer. Ils y retrouvèrent un ami, l'abbé des Graviers. Mais le 15 août ils regagnent Alençon, sur les conseils de M. Triger qui y était (1) Les Triger se fixcrent tout d'abord à leur arrivée à Alençon au numéro 34 de cette môme rue. Nous pensons qu'en 1870, ils s'étaient déjà transpor- tés au numéro 92.
resté. Lors de l'arrivée de l'armée prussienne sous les murs de Paris, le 14 septembre, l'effroi se répandit dans les départements voisins, si bien que les habitants ne songeaient qu'à fuir ou qu'à mettre leur fortune en sûreté. M. Triger était à son bureau tout le jour et une partie de la nuit; sa femme, inquiète, ne savait quel parti prendre. Ils découvrirent chez eux un petit caveau voûté dont l'entrée était dissimulée, cachette excellente. Là, ils enfouirent leurs plus précieux objets et même une partie des ornements de Notre-Dame, confiés à leur garde Toutes les légendes de la Révolution me revenaient, s'écrie Robert, et ce n'était pas sans impression que j'aidais maman ». Le 20 septembre le caveau est mûré; on attend plus tranquillement les événements. Jusqu'en novembre, aucune alerte. Le 22 de ce mois, l'ennemi est signalé à Bellème, puis à Mortagne, ce qui décida Mme Triger à se réfugier avec son fils au Genest, près Laval, tandis que son mari se replierait en emportant tout son matériel et en disputant le terrain pied à pied.
Sur ces entrefaites, M"" Triger, très frappée, tombe malade, et le départ semble ajourné. Mais la grand'mère Thoré, bravant les dangers de la route, accourt la soigner et on peut quitter Alençon, en voiture, conduits par le fidèle Joseph Bansard. Clémentine, la bonne, est du voyage et, en supplément, sœur Eurosie, de la Miséricorde.
Après un arrêt à Fresnay, pour déjeuner, on débarque à l'hôtel de l'Ouest de Sillé-le-Guillaume, avec l'espoir d'y pouvoir prendre le train. Impossible, la voie est réservée aux troupes envoyées de Rennes au secours du Mans. Monsieur le Curé, un ami de la famille, conseille alors la direction de Vilaines-laJuhel. Nouvelle déception, la diligence est partie que faire ? Un voyageur, semeur de paniques, annonce à ce moment les Prussiens sur ses talons. Le seul salut semble alors Douillet, malgré son isolement. On y part. Mais dans la forêt, on se perd et l'haridelle s'arrête, épuisée. on s'en tire quand même et à dix heures du soir, après un trajet de quinze lieues, la grand' mère Triger reçoit avec émotion les fugitifs.
Au bout de quinze jours passés dans l'incertitude sur le sort
d'Alençon, M. Triger y ramène son monde. Les vacances de 'janvier 1871 se passèrent au Mans près des grand'mères. Les angoisses s'y renouvellent, car l'ennemi menace sérieusement la ville. Au moyen d'un laisser-passer que, providentiellement, procure le secrétaire général de la préfecture de l'Orne, M. de Lagarenne, par hasard au Mans pour une réquisition de chevaux, le retour peut s'effectuer le 10, à Alençon. Il était temps. Peu après ce départ, 150 soldats prussiens envahissaient la demeure de Mme Trotté de la Roche, et par leurs exigences, mettaient le personnel sur les dents. La fidèle Manette, depuis trente-deux ans à son service, y meurt à la peine. Robert a soin de le consigner comme un deuil de famille.
Alençon se sent maintenant visé. La défense s'y organise. Le commandement militaire est confié au général de Malherbe, dont le fils, Paul (1), est camarade de Robert. On passe en revue la garde nationale les 2000 francs-tireurs du colonel Lipowski arrivent. M. Triger devant s'absenter, redoute de laisser les siens dans l'isolement rue Cazault et obtient pour eux du proviseur, M. Porcherot (2), un asile dans le lycée même près de l'infirmerie où ils seront en sécurité. Le déménagement s'opère. Avec humour, Robert raconte « Papa portait un édredon, Clémentine une marmite et moi. mes armes La maison de la rue Cazault restait pendant ce temps à la garde d'une dame Courval qui y fit preuve d'un dévouement rare. Au lycée, grâce aux attentions du proviseur, qui mettait tous ses soins à rendre le séjour moins pénible, grâce aussi à l'aide de deux sœurs de la Providence, tout se passa bien. L'ennemi pourtant approche on est au 15 janvier. (1) Paul de Malherbe fit sa carrière dans les Consulats, en Amérique. En 1909 Robert Triger eut la grande joie de recevoir inopinément sa visite au Mans. lia ne s'étaient pas vus depuis le collège la rencontre fut émouvante.
(2) M. Porcherot resta un fidèle ami de la famille. Le 28 août 1875, alors qu il était à Saint-Quentin, il écrivait à Robert « Vos succès ne m'étonnent pas. vous avez vraiment un excellent cœur. Vous serez heureux, car vous avez le don bien rare de savoir aimer. Ceux qui vous ont connu ne vous oublient pas il faut qu'ils vous aiment. Devinez la séJuisante perspective que nous a laissé entrevoir votre projet à demi formé de venir un jour jusqu'à Saint-Quentin. Voyons un peu de courage ? Prenez votre excellent abbé Dupuy par le bras et partez. »
M. Triger, au risque de se laisser surprendre, est contraint d'abandonner Alençon pour Sées.
La séparation sera longue, elle ne se fait pas sans déchirement ni sans danger. Les obus pleuvent sur la ville et Robert, dans son ardeur juvénile, bien française, se voit déjà au milieu de la lutte. Il n'a pas l'âge où l'on paie de sa personne, mais il bataillera quand même et se fera entraîneur d'hommes. Le voilà qui organise au lycée « le jeu des soldats » et sa « bravoure bien connue, surtout la merveilleuse facilité avec laquelle il sait allonger un coup de poing » lui vaut l'inappréciable honneur d'être élu commandant des « francs-tireurs ». A la tête d'un petit groupe de camarades, superbement équipés, au nombre desquels se distinguent Paul de Malherbe, André de France et Eugène Tourangin, il parcourt tous les environs d'Alençon, faisant des patrouilles, des reconnaissances, présentant les armes aux officiers, chargeant audacieusement tous les chats du pays et cherchant partout des ennemis dignes de lui et de ses camarades.
Bientôt, le canon tonne de près et pour de bon, le combat est engagé, le jeu se transforme en réalité. Notre héros en herbe veut être tout au moins spectateur et une idée folle lui traverse l'esprit. « Sur l'ancienne chapelle du Collège construite par les Jésuites, narre-t-il, s'élevait un petit clocher. De là, on devait voir la bataille. Sans penser un seul moment au danger, sans même le soupçonner, je grimpe à tâtons l'escalier tortueux, puis je m'installe paisiblement dans cet observatoire d'un nouveau genre, ma lorgnette à la main. Il était environ quatre heures, le combat était au plus fort. les obus commençaient à éclater dans la ville. Dans une seconde, mon clocher pouvait être foudroyé. Heureusement pour moi, le surveillant général m'aperçut et m'envoya au plus vite l'ordre de descendre. Habitué à respecter toujours l'autorité, je dégringolai quatre à quatre, terrifié par la crainte d'une punition (1). » C'était, nous l'avons (1) Au cours d'une conférence qu'il fit à Alençon le 11 mars 1917, Robert Triger rappela cet épisode émouvant de sa jeunesse. Mais là, il dit que trois de ses camarades accomplissaient avec lui cette périlleuse ascension.
dit, le 15 janvier. Le lendemain de ce combat où les nôtres furent repoussés, les uhlans parurent à Montsort, suivis des troupes prussiennes qui occupèrent la ville. Ce jour là Robert, toujours à l'affût, assiste des fenêtres de l'infirmerie au défilé sur la place de la mairie. Le 20, l'ennemi évacue Alençon et se dirige sur Sées et Rouen. Notre collégien en profite, le 22, pour aller visiter le champ de bataille, accompagné du bon abbé Dupuy. Mais, Je 24, la ville est réoccupée et elle le sera jusqu'à la cessation des hostilités. C'est alors que l'héroïque maire d'Alençon, M. Eugène Lecointre (1), dont le fils deviendra plus tard le cousin de Robert, est emmené en ôtage avec cinq de ses conseillers.
Les occupants du petit appartement du Lycée voient leur maison de la-rue Cazault occupée par quatre uhlans qui se montrent particulièrement aimables pour le jeune commandant de francs-tireurs. A leurs avances, celui-ci sait répondre: « Nous, jeunes gens, nous irons un jour en Prusse vous rendre ce que vous nous faites ». A quoi les Prussiens de se récrier « Non, France abattue, plus canons, ni mitrailleuses, ni drapeaux. Bismark grand homme! » On comprend la joie que dut éprouver, comme nous le verrons plus loin, l'administrateur de l'infirmerie de la gare du Mans le 11 novembre 1918, date qui scellait la Revanche.
La vie à Alençon, durant l'occupation, était assez monotone pour la famille Triger. A 8 heures le matin, Robert allait en classe tandis que sa mère se rendait à la me.sse. On déjeunait à 10 heures comme on pouvait. Dans la journée, M"e Triger travaillait ou bien allait chez la femme du proviseur, Mme Porcherot, qui avait recueilli chez elle une bande de dames et d'enfants étrangers que les Prussiens avaient dévalisés. Le soir, on dînait parfois en ville chez Mme Beaudouin, chez Mme de Vischer ou chez Mmo Mariette. C'était la plus grande distraction (1) Robert ne se doutait pas qu'il consacrerait à ce grand patriote l'un de ses plus beaux livres Un maire d' Alençon pendant l'invasion 'allemande. M. Eugène Lecoin/re (1826-1902). Alençon, Lecoq et Mathorel. Mademoiselle de Vaublanc, qui épousa Monsieur Georges Lecointre était, par les Le Brun, la cousine de Robert Triger.
avec les visites aux blessés de l'ambulance. Enfin, le 8 mars,Alençon était libéré.
Si nous avons autant insisté sur ces années douloureuses, qui, pour la génération actuelle, cruellement atteinte par les horreurs d'une guerre infiniment plus atroce et plus longue, du moins victorieuse, ne peuvent être ressenties comme il convient, années, pourtant où il fallait désespérément aussi, lutter jusqu'au bout, pour n'aboutir, hélas! qu'à la défaite et qu'à la spoliation c'est que Robert en garda une impression intense et qu'elles restèrent, sans nul doute, pour lui, de graves leçons et de puissantes directives.
La guerre n'avait pas interrompu ses études. Il fit, malgré les agitations du pays,une bonne seconde.Un an plus tard, en juillet 1872, il sortait de rhétorique avec le premier prix d'histoire qui lui valut la médaille d'honneur des Antiquaires de Normandie (1), et passait brillamment son baccalauréat ès lettres le 20 novembre à Caen. Dès le lendemain de la distribution des prix, ses parents l'avaient emmené dans les Pyrénées. Pour la première fois, il voyait Lourdes il ne semble pas avoir rap porté de ce sanctuaire privilégié, l'impression si forte qu'il devait ressentir bien longtemps après. Un petit incident, toutefois, témoigne de la grande foi dont il était déjà pénétré. Il y perdit sa médaille, «mais, dit-il, j'invoquais alors N.-D. de Lourdes, persuadé qu'elle ne pouvait me causer un si grand chagrin ». Effectivement, il apprenait bientôt qu'un pieux pèlerin de Castres l'avait retrouvée, et on la lui restituait. Au retour de ce voyage, il entra en mathématiques élémentaires. Le 13 juin 1873, il obtenait le deuxième prix de géographie au concours académique (2) ouvert entre les quinze lycées ou collèges de l'Académie de Caen et il était admis au (1) Le sujet de la composition était la Prusse et l'Autriche au XV M* siècle. Il obtint en outre la médaille d'honneqr accordée par l'Association des Anciens élèves du collège et du lycée d'Alençon à l'élevé qui s'était le plus distingué par sa conduite et son travail.
(2) Il eût pour sujet La Grande Bretagne. Les principales divisions administratives. Importance militaire et commerciale des Colonies anglaises.
concours général pour la composition en cette même matière (1). Le moment était venu pour Robert d'orienter sa vie. Muni de son premier diplôme qu'il avait conquis facilement, il devait se demander maintenant ce qu'il adviendrait de lui. Les succès constants qu'il avait remportés dans ses études dès sa prime jeunesse, les notes toujours élogieuses de ses maîtres, ses aptitudes, on peut le dire, aussi bien portées vers les sciences que vers les lettres, son ardeur au travail qui ne se démentait pas, toutes ces considérations réunies lui laissaient le choix d'une carrière. Il en était une pourtant qui, plus que tout autre, devait se présenter naturellement à son esprit. Son père était passé par Polytechnique, et aussi, l'un de ses oncles, sorti dans l'arme du génie (2). Ne devait-il pas suivre cette voie toute tracée? C'était le plus cher désir de M. Triger. Etait-ce vraiment celui de son fils? 11 nous est permis d'en douter. Mais Robert, quoique assez indépendant de caractère, n'aurait en rien voulu contrarier son père, tant il avait de confiance en son jugement. Toutefois, s'il consentit à envisager ce but, il ne le fit, et nous le savons de l'un des confidents de ses pensées, qu'avec l'espoir de prendre la carrière des armes et de se mettre tout entier au service de la patrie. Le souvenir des journées vécues à Alenç.on,au milieu des batailles et de la griserie de la guerre, le hantait. Il voulait être un jour de ceux qui prendraient la Revanche. Aussi eùt-il préféré Saint-Cyr. Par soumission, il tenta Polytechnique.
Il avait fait, nous l'avons vu, une année de mathématiques élémentaires à Alençon. Il reprit donc ce cours, mais, cette fois, à l'Ecole Sainte-Geneviève de la rue des Postes où il entra le 14 octobre 1873. Ce fut la pierre d'achoppement, non pas qu'il s'y montrât inférieur à lui-même le seul bulletin qui nous soit parvenu témoigne de sa même ardeur au travail mais (1) Sujet Le bassin du Danube. L'examinateur nota à la fin de la copie u Quelques erreurs, des omissions, mais, il y a du talent, un incontestable talent dans cette copie qui peut avoir un accessit ».
(2) Alphonse Triger, né à Douillet, le 13 mars 1826. Il fut lieutenant au 1er régiment de génie et mourut à Raye en 1853.
parce que le régime de l'internat, si opposé à son tempérament comme à son besoin d'affection, altéra sa santé. En sorte qu'il quitta l'Ecole dès le 5 avril 1874. Dieu lui réservait une autre destinée où il lui serait donné aussi d'être utile à son pays et de satisfaire ses plus nobles aspirations. Pour l'instant, un repos prolongé lui était nécessaire. Il le prit et attendit l'année suivante pour se présenter au baccalauréat ès-sciences qu'il emporta le 12 août 1875. L'objectif à atteindre se présenta de nouveau impérieusement et les hésitations recommencèrent. Le fils rêvait sans cesse de l'Ecole militaire, le père paraissait tenir bon de son côté Que se passa-t-il ? Nous l'ignorons. En tout cas, nous voyons Robert faire une fois de plus le sacrifice de ce qui lui tient le plus au cœur, en consentant à faire à Caen son droit, tout en ne cachant pas que ses goûts ne l'y portaient nullement. Cette aversion ne l'empêcha pas de passer sa licence, le 17 août 1877 et d'être reçu docteur le 24 juin 1879 (1). Malgré ces nouveaux succès et l'intérêt qu'il avait pu prendre aux études juridiques, Robert se sentait attiré ailleurs. L'histoire autant que l'armée le passionnait et, puisqu'il ne pouvait servir son pays par l'épée, il le servirait par la plume. Il semble au surplus que ces deux vocations ne faisaient qu'une chez lui. Ne l'avons-nous pas vu en 1870, soldat en herbe, ne rêver que guerres et batailles et en même temps, apprenti-narrateur et témoin consciencieux, consigner par écrit, ce qui se passait sous ses yeux d'enfant. Et ne le verrons-nous pas, quelques années plus tard, d'abord en décembre 1874, rédiger tout un mémoire sur la fonte d'un canon (2) qu'il voulait construire de toutes pièces pour permettre à « Son Douillet » de célébrer ses joyeux anniversaires et ses fêtes paisibles, puis, en septembre 1876, donner un récit détaillé, avec relevés à l'appui, des grandes manœuvres des 3' et 4e corps exécutées près de Dreux, (1) Sa thèse de licence avait pour sujet « De l'Administration du tuteur » parue à Caen, chez Valin en 1877, in-8", 106 p. Celle pour le doctorat « Du Domaine public munieipal ou de ses dépendances ». Saint-Lô. Delamarre, 1879, in-8\ 289 p.
(2) Mémoire très curieux resté manuscrit. Il ne s'agissait d'ailleurs que d'un amusement. Robert se défend d'écrire une notice sur les opéra-
auxquelles son père l'avait emmené pour le récompenser d'un examen de droit(1)?
« Mon Douillet! » Cette expression câline, qu il employa, comme celle d'une mère pour son petit, marque joliment toute l'affection qu'il porte à ce vieux village où son grand père a transporté le berceau de la famille, où s'élève au cimetière la chapelle funéraire, dernier lieu de repos des siens, à l'abri de la croix ». C'est là son vrai foyer; il en aura d'autres, mais « Son Douillet » est le dépositaire de ses souvenirs les plus lointains et les plus heureux. Malgré les déceptions qu'il y rencontrera, au cours de luttes politiques ou de querelles de clocher, il lui gardera toujours ses préférences. Faut-il donc s'étonner qu'il lui consacre son premier essai historique (2) et qu'il le dédie à celle qui était l'âme du logis « tant aimé » « A sa chère grand-mère »? C'était en 1873. L'enfant allait devenir un homme. Il entrevoyait déjà la fin de ses études tions si compliquées que nécessite la fabrication des pièces d'artillerie. « Il serait ridicule, écrit-il, de m'en occuper sérieusement, surtout maintenant que j'ai renoncé à l'Kcole Polytechnique pour devenir procureur! » Il s'agissait de construire, avec les seules ressources dont il dispose à Douillet, un petit cauon qui se rapprocherait le plus possible d'une véritable pièce par les dimensions et son effet. Pour cela il s'inspire des cahiers de l'Ecole de Metz qui ont appartenu à son oncle Alphonse. Son but est, par ce canon, « de célébrer les joyeux anniversaires et d'annoncer les fêtes paisibles et honnêtes de sou Douillet. » II passe alors en revue le choix du métal qui serait la fonte de fer, le moulage du canon, le centrage, le forage, le tournage, le poids, le prix, la charge et les affûts. Il désigne même les ouvriers de Douillet capables de construire l'affût et il dresse ses plans et ses relevés. Il va jusqu'à lui choisir un nom. Ce sera le Saint-Michel. Pour l'exécution le directeur de l'usine de Cordé est consulté et celui-ci lui désigne M. Doré, du Mans. Là s'arrête son bel élan et il en arrive à ces conclusions Donner la forme d'un cauon à une grosse pièce de bois, dans l'intérieur de laquelle il fixerait un canon, de fusil de munition. Passer sur le tout une couche de peinture grise qui donnerait à ce nouvel engin l'apparence exacte d'une pièce en acier. Suit la façon dont on y mettrait le feu, le nombre des servants firés à quatre, commandés par un brigadier et la tenue qu'ils porteraient, tunique bleue et béret béarnais bleu. (1) Ces notes sont d'une précision remarquable et dénotent chez Robert un vrai don d'observation Ces manœuvres importantes s'exécutèrent du 5 nu 2î septembre, en présence du maréchal de Mac-Mahon, alors président de la République. Y assistaient le maréchal Canrobert, le duc de Chartres, lieutenant-colonel au Se dragons, le duc d'Alençon, capitaine au 12e d'artillerie, et le duc de Nemours. Robert y rencontra l'abbé Dumaine, aumônier de la garnison d'Alençon.
(2) Dossier Voyages. Excursions. Souvenirs.
c'est-à-dire l'éloignement avec ses tristesses. Sa dédicace est une sorte d'adieu, mais non sans espoir de retour « C'est avec un regret bien naturel que je vois approcher à grands pas le moment si longtemps redouté d'une séparation qui sera pour moi la fin des plus beaux jours de ma vie. Dans quelques mois qui, hélas vont être bientôt écoulés, il va me falloir vous quitter tous et dire un dernier adieu à ces belles campagnes de Douillet où j'ai passé de si heureux jours. J'ai voulu auparavant employer mes dernières récréations à écrire une petite notice sur ce cher pays. Plus tard, au milieu des épreuves et des préoccupations, je trouverai une grande consolation à relire ces quelques lignes qui me rappelleront mon bon temps. Je me souviendrai des liens sacrés qui m'attachent à ce petit coin de terre qui fut doublement ma patrie et jamais, quoi qu'il arrive, je n'oublierai le pauvre Douillet où reposent les restes si chers dont on m'a confié la garde.
« Permets-moi donc, ma chère grand'mère, de te dédier ce petit essai qui sera pour toi un faible témoignage de la reconnaissance de ton cher petit-fils. a
Nous avons laissé Robert docteur en droit en 1879. Agé de plus de 23 ans, il dut obtenir un sursis pour son' service militaire, car c'est alors seulement que nous le voyons, engagé conditionnel, accomplir ce que l'on appelait en ce temps-là son volontariat d'un an. Il le fit au 103e régiment d'infanterie qui résidait à Alençon. Bien que cette période dut combler un instant ses vœux, il ne nous en a laissé aucune impression. Mais nous savons qu'il sortit premier au concours des engagés conditionnels, avec le grade de sergent et la note très bien. Par décret du 29 avril 1883, il devait être nommé souslieutenant de réserve au 124e d'infanterie(l). Ainsi il se dédommageait dans une certaine mesure des regrets qu'il avait éprouvés de ne pouvoir s'enrôler dans l'armée active. Il en avait après tout, pris bravement son parti. Ses premiers travaux, (1) Au cours d'une période d'instructions il fit des manoeuvres è Douillet et s'y montra particulièrement ardent. Mais, à la suite d'ennuis qu'il eut plus tard, il donna sa démission.
auxquels il convient d'ajouter l'étude qu'il remit à la Société historique et archéologique du Maine dès 1878, consacrée à l'une des figures qui attirèrent le plus son attention, Ambroise de Loré (1), l'encouragèrent à persévérer. Ses parents euxmêmes se montraient ravis de ces débuts, signes manifestes et présages heureux d'une vocation, qui, au fond, s'accordait entièrement avec ses qualités maîtresses et son amour du sol natal.
Mais aux humanités fortes qu'il avait faites brillamment, à l'enseignement du droit qui devait lui être d'un grand secours, il sentait qu'il devait encore ajouter d'autres connaissances indispensables à la tâche envisagée. L'École des Chartes, véritable école des historiens, l'attirait, par son programme, par la méthode qui se dégageait de ses cours, par l'étude de la paléographie qui lui permettrait d'aborder aisément la lecture des manuscrits et de recourir plus sûrement aux sources, par les principes d'archéologie, enfin, auxquels il était resté étranger. Son âge ne lui permettant plus d'y entrer comme élève, il se fit auditeur libre en 1882.
Muni d'un tel bagage, Robert Triger allait pouvoir désormais entreprendre son oeuvre. On a dit, mais à tort, qu'il eut la pensée d'entrer dans une administration et même qu'il fût quelque temps attaché à un ministère. Rien ne peut le laisser supposer. Après mûres réfléxions, il avait trouvé sa voie. Malgré tout, l'atavisme puissant dominait en lui ses rêves de jeunesse. Il est manceau par sa naissance, comme par ses ancêtres, il le restera. Il sera de ceux qui, fidèles à leur terre d'origine, ne l'abandonnent pas, qui lui consacrent généreusement leurs forces, leur dévouement et leur intelligence et qui la font aimer. Nous allons voir maintenant comment il se donna tout entier à la sienne. H. Tournoûer. (à suivre).
(t) « Les coups de muin d'Ambroise de Loré en Basse-Normandie (1431). » Revue Hist. et Arch. du Maine, 1878.
L'UNION
DE SAINT-GILLES-DE-LA-PLAINE ET DE SAINT-PATERNE Par Geoffroy de XjO-u.c3.Tj.ri..
M. l'abbé H.-M. Legros a publié, dans la Revue historique et archéologique du Maine de janvier 1927 (tome LXXXIII, page 37), un acte inédit de Geoffroy de Loudun, évêque du Mans, daté du 28 janvier 1241 (n. s.). Cet acte nous est parvenu en une copie du xvii' siècle, conservée aux Archives départementales de l'Orne, parmi les titres de la fabrique de Montsor (cote provisoire G 805). Les titres en question n'étant ni classés ni inventoriés au moment de la rédaction du Catalogue des Actes des Evèquesdu Mans, la pièce, bien que mentionnée par quelques historiens manceaux, avait échappé à mes recherches. Je suis très reconnaissant à M. l'abbé Legros, d'avoir apporté ce complément à un travail déjà ancien et certainement imparfait. La découverte est d'autant plus importante que l'acte dont il s'agit n'est pas, comme tant d'autres, un simple acte privé, revêtu d'un sceau épiscopal, mais bien, chose plus rare, un véritable acte de juridiction de l'évèque. Dès la première lecture, il m'a paru si curieux que j'ai cru bon de l'étudier de plus près. Les résultats de cette étude, pour laquelle mes confrères Jouanne, d'Alençon, et Sauvage, de Caen, ont bien voulu me procurer des renseignements précieux, dont je les remercie, sont peutêtre de nature à intéresser les lecteurs de la Revue. Qu'ils me permettent, tout d'abord, de remettre sous leurs yeux le texte même de l'acte, tel que la copie nous le fait connaître.
Cela est nécessaire pour l'intelligence des remarques qui vont suivre. La première publication présente, du reste, par rapport à l'unique source, de menues différences qui, à la vérité, n'affectent pas l'essentiel, mais qui pourraient cependant induire en erreur dans l'examen détaillé des formules et du texte. 22 janvier 1648.
Copie notariée du vidimus, fait par deux notaires du Mans, le 15 mai 1508, d'un acte de Geoffroy de Loudun, évêque du Mans, daté du 28 janvier 1241 (n. s.), ordonnant l'union de l'église de Saint Gilles-de-la-Plaine à celle de Saint-Paterne, et le paiement annuel par le curé de Saint-Paterne à celui de Saint-Pierre-deMontsor, de six septiers de grain.
Copie. A tous ceux qui ces presentes lettres verront, nous notaire cy soubzsigné, certifions avoir veu, tenu et leu une lectre en parchemin sans marge en hault, scellée en queue double de cire verte. In prima facie omnis suspectionis carentes apparebant., desquelles la terreur ensuit de (1) mot à mot Universis presentes litteras inspecturis et audituris Gaufridus, Dei gratia cenomanensis episcopus, salutem in Domino. Cum ecclesia Sancti Egidii de P4ana adeo sit (2) in redditibus pauper et tenuis, quod de portionibus et proventibus eiusdem ecclesise non possit presbiter desserviens commode sustentari, et abbas et conventus de Lonbeyo (3), ad quos jus patronatus dictae ecclesiae tune temporis pertinebat, nobis supplicaverint quod praedictam ecclesia malicuidevicinisecclesiis(4)nos/rae dioecesis uniremus, nos, veritate diligenter inquisita, justis petitionibus dictorum abbatis et conventus annuentes, de bonorum virorum coiisilio, supracZictam ecclesiam Sancti Egidii de Plane (5) ecclesœ Sancti Paterni, cuius jus patronatus ad abbatem et conven(1) De omis dans le texte imprimé.
|2) Fit dans le texte imprimé,
(3) Texte imprimé: Lonlayo.
(4) De vieinils nostrae (texte impr.).
(5) Plana (texte impr.).
sum Sancti Martini Sagiensis pertinere dignoscitur, quœ similiter minime sufficientes habebat redditus, considéra ta paupertate utriusque ecclesiœ, et loci propinquitatc, de consensu et voluntate dictorum patronorum, et Odonis, tune temporis archidiaconi eiusdem loci, cum jure patronatus duximus uniendum, ita ordinantes quod praesbiter Sancti Paterni, qui pro tempore fuerit, portionem et proventus, quos presbiter dictae ecclesia; Sancti Egidii de Plana a parrochianis percipiebat, integre percipiens, hic presbiter (1) ecclesise de Monte Soyo, qui pro tempore fuerit (quœ in redditibus minime erat sufficiens et supradictae ecclesise Sancti Paterni vicinus), singulis annis dimidium modium bladi tertionarii ad mensuram dallencon, scilicet duo septuaria frumenti et duo septuaria ordei et duo septuaria avenœ, ad festum Sancti Dionisii solvere teneatur. Quod ut robur firmitatis obtineat, presentes litferas sigilli nostri munimine duximus roborandum. Actum (2) mensejanuarii, in crastino beati (3) Juliani, anno Domini millesimo ducentesimo quadragesimo.
Desquelles lettres venerable et discrete persone Mae Guillaume Judel, prestre, à présent curé de la cure et benefice dudit lieu de Montsort nous a demandé le present transcript et vidisse, que luy avons octroyé, pour luy valloir et servir, et à plus grande confirmation, fait sceller des sceaux royaulx du Mans, dont feusmes notaires, le vingt-neufviesme jour de may, l'an mil cinq cents et huict et signez Pierrier et Lemercier.
Collacion faicte sur l'original en papier par moy soubzsigné, notaire apostolique en l'evesché de Lisieux, instance de noble personne Ma. Jaques Amyot, prestre, chanoine et chevecier de l'Eglise cathédrale de Lisieux et official dudit evesché de Lisieux et prieur de Saint-Gilles-de-la-Plaine, diocèse du Mans, pour luy valloir qu'il appartiendra, auquel ledict original a esté rendu après ladicte collacion faicte, ce vingt-deuxiesme jour de janvier mil six cent quarante-huit (signé :) illisible (et plus bas :) de la (1) preabylero (texte impr.l.
(2) Datam (texte impr.).
(3) Sancti (texte impr.
Flèche, notaire apostolique. Scellé à Mamers, le treize mai 1726 (signé :) Gouget.
Les formules qui constituent le « protocole » de l'acte sont en petit nombre, et courtes, comme il est habituel dans la chancellerie des évêques du xm° siècle (1). Elles ne paraissent, à première vue, prêter à aucune observation notable. On peut cependant y relever quelques anomalies
1" L'évêque se qualifie « Dei gratia cenomanensis episcopus », alors que les actes de Geoffroy de Loudun portent, de règle, la formule « cenomannensis ecclesie minister humilis (ou indignus ».
2° II n'y a aucune notification l'exposé commence, ex abrupto, aussitôt après la salutation.
3' La date comporte les éléments suivants dans cet ordre mois, quantième indiqué par une fête liturgique, année de l'incarnation. Or, d'une manière très habituelle, Geoffroy de Loudun date par l'année de l'incarnation seule ou suivie du nom du mois, sans quantième. Quand, exceptionnellement, figure l'indication d'une fête, le mois disparaît. Sur les 21 actes originaux que nous possédons de cet évêque, aucun ne contient les trois éléments qui se trouvent ici. Parmi les 62 actes qui ne nous sont connus que par des copies plus ou moins fidèles, 3 seulement sont datés à la fois par le nom du mois et par une fête liturgique.
Comme il s'agit ici d'une copie, et d'une copie qui s'annonce elle-même comme étant de seconde main, les trois irrégularités relevées n'ont pas, à elles seules, une valeur critique décisive il convient d'étudier le texte sur ce terrain, la lecture attentive de l'acte suggère des remarques de forme et de fond. De forme d'abord le latin est extrêmement mauvais il est certainement très inférieur à celui que l'on est habitué à rencontrer sous la plume des clercs du xme siècle le vocabulaire de (1) Sur la diplomatique des évêques du Mans au xm" siècle, Cf. Catalogue des Actes de. Evêques du Mans. Introduction p. LXXIII-LXXVI.
ceux-ci est différent de celui des auteurs classiques, mais leur syntaxe est généralement assez correcte. Or, ici, nous avons des solécismes, des fautes d'accord, des fautes de temps « Adeo sit. tenuis quod.
« Suppliquaverint quod. uniremus.
« EcclesiseS.Paternicujus jus. pertineredignoscitur, quae. habebat redditus. duximus uniendum.
« Presbiter ecclesie de Monte-Soyo, qui pro tempore fuerit, quœ minime erat sufficiens et supradictae. vicinus teneatur. »
Outre ces fautes de grammaire, il y a des expressions surprenantes pour l'époque ainsi presbiter deserviens, portionem, mensuram d'AUencon(en français), etc.
De plus, l'acte contient, à côté de phrases au présent, des phrases au passé et à l'imparfait, comme s'il s'agissait du récit d'une ancienne affaire. La traduction rigoureuse serait bien malaisée. Il est très curieux, notamment, de voir l'évêque, parlant du moment (actuel) où se fait l'union de Saint-Gilles et de Saint-Paterne, employer deux fois l'expression tunc temporis, d'abord pour parler du patron de la première paroisse, puis pour désigner l'archidiacre dont elle relève.
Quant au fond, à l'objet même de l'acte et à la manière dont cet objet est rempli, rien de plus étrange. Qu'un évêque supprime une paroisse de sa propre autorité, au xm" siècle, ce n'est pas invraisemblable, mais on s'attendrait à le voir tenir un compte quelconque des intérêts religieux de la population pas un mot de cela dans l'acte. Les cures ne sont que des bénéfices et les paroissiens que des contribuables.
En outre, l'abbé de Lonlay, patron de Saint-Gilles-de-laPlaine, en demande lui-même l'union à une autre église. Cette union est prononcée au profit de Saint-Paterne, qui appartient à l'abbaye de Saint-Martin de Séez. Or, l'abbé de Lonlay acquiesce gracieusement à cette diminution de son patrimoine ecclésiastique, sans qu'il soit stipulé pour lui aucune compensation, et sans que soient mentionnés les droits qu'il pourrait avoir conservés (et nous verrons qu'en eHet il en avait). Qui-
conque connaît les habitudes juridiques du moyen âge et l'énergie avec laquelle les églises avaient coutume de défendre leurs biens et leurs privilèges sera surpris de ce désintéressement. Au reste, les revenus unis ne sont pas spécifiés c'est la « portion » du curé de Saint-Gilles, mais quelle était-elle ? Avec qui et dans quelle mesure partageait-il les dîmes ? Pas un mot de tout cela. La vacance'de la cure supprimée n'est même pas mentionnée, bien qu'elle ait "dû être une condition préalable de la suppression tout, dans la manière dont cette affaire d'union est menée, porte la marque d'une administration très négligente. Au contraire, il y a une précision remarquable dans une disposition additionnelle, étrangère à l'objet principal et dont la seule présence est assez étonnante. L'évèque, en effet, après avoir fait cadeau du territoire et des revenus de Saint-Gillesde-la-Plaine au curé de Saint-Paterne, trop pauvre, dit-il, pour subsister, grève cette même église de Saint-Paterne d'une redevance assez lourde au profit d'un tiers, le curé de Montsor, qui n'avait point été nommé et semblait bien étranger à l'acte. Et il ne s'agit pas d'un partage des revenus de Saint-Gilles, mais bien d'une rente que le curé de Saint-Paterne devra acquitter intégralement, indépendamment de ce qu'il aura ou n'aura pas perçu des paroissiens de l'église supprimée. Le texte ici est en effet fort clair, et la redevance est fixée de la façon la plus nette: tous les ans un demi muid de blé, mesure d'Alençon, soit deux septiers de froment, deux d'orge et deux d'avoine, le tout payable à la Saint-Denis.
En somme, à bien lire l'acte, il est clair qu'il n'a pu être utilement invoqué que par le curé de Montsor contre celui de Saint-Paterne les droits curiaux de celui-ci sur Saint-Gilles n'ayant été et ne pouvant avoir été contestés par personne. Et c'est, en effet, dans les papiers de la fabrique de Montsor, et là seulement que nous trouvons notre acte mentionné et copié.
Un exemplaire aurait pu, sans doute, se trouver dans le chartrier de Saint-Martin de Sécz, une autre pourrait et, s'il faut en croire un document que nous allons rencontrer, devrait exister
dans les archives de Lonlay on n'en trouve absolument aucune trace.
La plus ancienne mention datée qui en soit faite consiste en une courte analyse, insérée dans une sorte de terrier de l'église de Montsor, de l'an 1543 (1). On y lit (fol. 4) « La première dismerye est en Saint-Pater, qui est six charges de blé metaye, c'est assavoir deux charges de fourment, deux charges d'orge et deux charges d'auoyene, à prendre les dictes six charges sur les dismes de Saint-Gile, comme apparest en l'union que fist Saint Geffroy, evesque du Mans, lequel unit ladicte église de SaintGile avec ladite église de Saint-Pater et lessa à la cure de Montsor les dictés six charges de blé métaye et est la chartre de icelle union de l'abbaye de Lonlay, laquelle fut decretée et faicte par lesdiz (sic) Saint Geffroy, l'an mil deux cens quarante, et se désista l'abbé et convent de Lonlay dupatronayge qu'il avoit en ladicte cure de Saint-Gile pour la trinité des fruitz et revenus d'icelle, et le céda et quicta à l'abbé et couvent de Saint-Martin de Sees, excepté une chappelle qui est demeurée audit abbé de Lonlay (2).
Voilà donc un curé de Montsor car le terrier est l'œuvre du titulaire de la paroisse – qui nous affirme que l'acte d'union est en l'abbaye de Lonlay. 11 faut y aller voir. L'abbaye de Lonlay avait des archives considérables. Même après les incendies partiels de 1553, 1563 et 1574 (3), le chartrier était assez imposant pour qu'un inventaire, fait en 1774 et conservé jusqu'à nosjours (4), contienne l'analyse de onze mille pièces. La liasse 110 de cet inventaire est consacrée à Saint-Gilles-de-laPlaine (5). Les documents analysés y sont au nombre de 167 le plus ancien est la confirmation d'une chapelle par Geoffroy (1) Pappier du revenu de la cure de Monsor. » Cahier de 16 ffos. Arch. de l'Orne. G 805.
(2) Les droits de l'abljaye de Lonlay à Saint-Gilles étaient évalués à 400 Il. par an au xvnie siècle. V. Arch. de l'Orne, H. 470, 478 et 502. L'abbaye percevait alors les 2/3 des grosses dimes.
(3) Inventaire sommaire des Archives de l'Orne, série Il, t. I, p. 97, 99 et 263).
(4) Arch. de l'Orne. H 476-478.
(5) Arch. de l'Orne, Il. 478.
de Loudun en 1248 (1) il y a une provision du bénéfice ne 1296 d'une église paroissiale, de sa suppression, de l'union avec Saint-Paterne et de la redevance au profit de Montsor, nulle trace. Si l'acte analysé dans le terrier de 1543 a existé dans les archives de Lonlay, il faut admettre que l'un des incendies qui ont dévasté ces archives a fait disparaître cet acte et avec lui tous les autres documents qui pouvaient exister sur la même affaire ou sur ses suites.
Ce qui est plus troublant encore que cette disparition, c'est que, s'il faut toujours en croire le terrier de 1543, l'acte conservé à Lonlay différait assez notablement de celui dont le texte nous est parvenu. Le terrier porte en effet que, pour récompense de son droit de patronage perdu, l'abbé de Lonlay reçut une part des fruits que, de tait, il garda jusqu'à la Révolution et qu'il conserva une chapelle celle-là même, sans doute, qui lui fut confirmée en 1248.
Le texte publié ne contient aucune clause de ce genre. Or, d'où nous vient-il et comment le connaissons-nous ? Il vient de la cure de Montsor et nous apparaît sous la forme d'une copie de l'an 1648, sous le seing d'un notaire apostolique de Lisieux, copie établie à la demande d'un certain Amyot, official de Lisieux et prieur de Saint-Gilles-de-la-Plaine, lequel fournit le texte à copier, qui lui fut rendu. Ce texte lui-même était, nous dit le copiste du xvne siècle, un transcrit fait par deux notaires royaux du Mans, Pierrier et Lemercier (2), à la date du 29 mars 1508, sur l'original même de l'acte, en parchemin scellé en cire verte en double queue, produit par le curé de Montsor. Or, il faut remarquer 1° Que cet original, qui se serait trouvé en 1508 entre les mains du curé de Montsor, était inconnu à son successeur 35 ans plus tard, puisque celui-ci nous affirme que la charte d'union est à Lonlay et qu'il en résume les dispositions, différentes de celles du texte qui aurait été présenté aux notaires par son prédécesseur.
(1) Catal. des Actes des Eviques du .Mans, n° 652.
(2) Les noms de ces notaires ne figurent pas dans la table des minutes anciennes des notaires du Mans de M. l'abbé Esnault.
2° Que toute trace de l'acte avait disparu des archives de Montsor au xvii' siècle, puisque le curé de 1648 allait chercher jusqu'à Lisieux une copie de la pièce même que le curé de 1508 aurait possédée.
3° Que ce texte venu de Lisieux et signé de la Flèche, notaire apostolique, est accompagné d'une lettre d'envoi du 27 janvier 1649, signée « Saint Pierre (sic) Amyot, official de Lisieux » (1). Or, cette lettre et la copie notariée sont de la même main, celle d'Amyot lui-même, qui a donc fait simplement authentiquer par un notaire apostolique son propre travail et demeure ainsi le seul garant du texte attribué à Geoffroy de Loudun.
Nous n'avons pas de documents sur cet Amyot, ni sur les démêlés qu'il a eus avec les paroissiens de Saint-Paterne, démêlés auxquels sa lettre fait allusion il n'est donc pas possible d'aller jusqu'au fond de cette affaire, mais, à ne regarder les choses que du point de vue de la diplomatique, les conclusions que l'on tirera des remarques ci-dessus ne peuvent être que défavorables au texte fourni par l'official de Lisieux. S'il a existé un acte d'union de Saint-Gilles et Saint-Paterne, daté ou non de 1241 nous n'en possédons qu'une réplique infidèle ou une imitiation maladroite.
Léonce CELIER.
(1) Arch. de l'Orne. G. 805. On lit dans cette lettre « au surplus, je vous envoyé un extrait qui concerne la pension que vous avez à prendre sur le bien du curé de Saint-Pater, comme vous me l'avez demandé. »
A PROPOS DES BRODERIES
ATTRIBUÉES A MARGUERITE DE LORRAINE En 1921, à l'occasion des fêtes en l'honneur de Marguerite de Lorraine, dans une conférence sur les rapports de la Bienheureuse Duchesse avec la dentelle, nous exposions que les broderies, présentées au public comme reliques de la célèbre Clarisse, paraissaient être le premier essai connu d'un ouvrage d'aiguille préludant à notre merveille Alençonnaise, les origines du Point d'Alençon se trouvant ainsi reportées aux xve-xvie siècles. Nous fondions notre thèse sur l'authenticité de ces broderies, attestée par Robert Triger, alors président de la Société Historique du Maine, et sur la présence aux dits ouvrages des armes de Marguerite de Lorraine.
Or, il arrive que, dans une plaquette intitulée A propos d'un ouvrage récent (1), la date attribuée aux armoiries en question se trouve contestée par M. E. des Robert, président de la Société d'Archéologie Lorraine.
Nous nous proposons d'examiner ici le travail du très honoré contradicteur de notre regretté Président.
Avant Robert Triger, un homme considérable, le continuateur de de Caumont pour l'Archéologie Normande, Léon de la Sicotière, le fondateur de la Société Historique de l'Orne, n'avait pas hésité à faire état du blason de Marguerite de Lorraine, tel qu'on le voit aux broderies des Clarisses d'Alençon (2).
(1) « A propos d'un ouvrage récent sur la Bienheureuse Marguerite de Lorraine. Les Armoiries de la Maison de Lorraine. » Nancy, 1927, par E. des Robert.
(2) « Vie de lu Bienheureuse Marguerite de Lorraine )>, par l'abbé Laurent.
Notre insuffisance, au regard de notre éminent adversaire, se réclame d'abord de l'autorité de ces deux savants maîtres. Dans un dessin de méthode et de clarté, nous condenserons l'essentiel du travail de M. E. des Robert en quatre propositions.
♦ ♦
La première proposition de M. E. des Robert, tendant à l'établissement de sa thèse, se trouve formulée comme suit, au 2" alinéa de la page 6, après la description du seul blason (1) o
° ;•=! ^w^ Parti d'ALEr*Ç°N
( \?i5v et de LORRAINE
Armoiries de Marguerite de Lorraine, duchesse d'Alençon.
(Cloche de l'Hôtel de Ville d'Alençon)
qu'il paraisse vouloir attribuer à Marguerite de Lorraine « Bien qu'il soit peu vraisemblable qu'après son veuvage (René d'Alençon mourut le 1er novembre 1492), Marguerite ait modifié ses armoiries. »
Or, un second blason de notre Duchesse nous est présenté, dans la note 4 de la page 5, sous l'autorité du P. Anselme (2). Et, à la page 14, dans une sorte de supplément, on nous décrit un troisième blason de Marguerite, lequel porte la date (1) Le blason relevé, par l'abbé Legros, sur une cloche de l'Hôtel de Ville d'Alençon, blason attribué à Marguerite de Lorraine parti, à dextre Alcnçon; à senestre, Lorraine simple, c'est-à-dire la bande aux trois alerions. (2) Le P. Anselme, au T. I, page 275 de son Histoire généalogique et chronologique delà Maison Royale de France. 3° édit. 1720*1733, donne à notre Duchesse un écu écartelé, au 1 et 4 Lorraine simple au 2, Alençon, au 3> de gueules à deux faces d'or, qui est Harcourt.
de 1511, c'est-à-dire qu'il apparaît dix-neuf ans après la mort de René d'Alençon, son époux, dans un sceau appendu au bas d'un reçu délivré à Alençon par Marguerite, duchesse douairière d'Alençon (1).
Ce sceau, dessiné par Gaignières, et décrit par un historien érudit, M. Besnard, est parti au I, d'Alençon, au II, de Lorraine, tel qu'il est dessiné ci-dessous.
Pjjjjjl ngftwfr! Il Coupé de six pièces aux quatre
r*jjtt3^W. '̃'•' Il royaumes en chef de Hongrie, d'A/t-
l|ffl™^î|Ms'tV H ou ancien, de Jérusalem, cTAragon;
I1kI«*^tw35 §^ aux deux duchés 'en pointe d'ANJOU
i!ifevvfe^i'"J^S T^fgj moderne et de BAR; sur le tout de
LORRAINE,
Armoiries de Marguerite de Lorraine, duchesse douairière d'Alençon. (Sceau de 1511).'
Nous avons donc finalement trois blasons différents de Marguerite de Lorraine, au lieu de l'unique blason dont M. E. des Robert semble d'abord vouloir faire état.
Nous osons penser qu'on en puisse admettre un quatrième, aux quartiers.de Gueldres et de Juliers celui des broderies d'Alençon. C'est là toute l'affaire.
Ce blason ne diffère du précédent que par l'addition des quartiers 6 et 7, GUELDRES et JULIERS.
René II de Lorraine, frère de la bienheureuse Marguerite, épousa en 1485 Philippe de Gueldres, de la maison d'Egmont, en possession des duchés de Gueldres et de Juliers. Ce blason complet de Lorraine est relevé sur un teston du duc de Lorraine, daté de 1545, mais à la suite du mariage de René II, les deux quartiers de Gueldres'et de Juliers ont pu (1) Bibi. nat. (Fonds Gaignières). Ms. français, n° 20,371, fo 52. Sceau rond de 82 millimètres de diamètre. Dans une rosace à quatre lobes le champ est rempli par un écusson rond, mi-parti d'Alençon et de Lorraine,
être introduits dans le blason de Lorraine pour former l'écus[~7~|ff|jL iSI.ti j I Coupé de huit pièces, aux quatre
I TajkiJjjflW' ̃ I royaumes en chef de Hongrie, d'AN-
WB^Kffl^: = jou ancien, de JERUSALEM, d'ARAGON
ID(/1k ̃'̃̃l I jM aux quatre duchés en pointe d'ANJOU
W^lJÉ^i^fc I H moderne, de Gukldres, de Juliers et
\n3sil§i,-3B' SËar de ^AI! 8U1 le tout de Lorraine.
Armoiries de la maison de Lorraine figurant sur les broderies du Carmel d'Alençon.
son complel de Lorraine tel qu'il figure aux broderies du Carmel d'Alençon.
La deuxième proposition de M. E. des Robert, à l'appui de son opposition, contre la reconnaissance d'armoiries de Marguerite de Lorraine portant quartiers de Gueldres et de Juliers, se présente à la page 7, dans les termes suivants « L'explication concise, mais cependant détaillée, des modi« fications ou plutôt des adjonctions successives apportées aux « armes de Lorraine, au cours du xve siècle et dans la première « moitié du xvi°, nous fournit la preuve annoncée ». Cette explication ne nous semble être qu'une description de blasons en série chronologique, et non pas un enchainement déductif rigoureux, nécessitant une conclusion quelconque, en bonne logique.
La troisième proposition servant de base à M. des Robert n'est pas formellement énoncée, mais elle paraît bien ressortir du texte, pouvant être formulée comme suit « Tous les témoi« gnages invoqués en faveur d'un blason de Marguerite aux « quartiers de Gueldres et de Juliers sont faux, a priori, en « vertu de la quatrième proposition » (1).
(1) Voir plus loin « En 1485, etc.
Cette affirmation vise les auteurs, graveurs, artistes, cités par le chanoine Guérin, dans son célèbre ouvrage La Bienheureuse Marguerite de Lorraine.
Cette façon de raisonner nous semble constituer une pétition de principe, la fausseté des témoignages fournis ne pouvant, en l'occasion, ressortir que de la véracité de la thèse qu'on leur oppose, établie d'abord en valeur propre incontestable. Les auteurs invoqués par le chanoine Guérin sont Anselme (Pierre de Guibours, dit le Père) (1), Augustin déchaussé, auteur d'une « célèbre et utile » (2) Histoire Générale el Chronologique de la Maison de France et des grands officiers de la Couronne.
La Rocque est l'auteur d'un ouvrage, publié en 1626, Les blasons des Armes de la Maison Royale et de ses alliances. Il vivait encore plus près de Marguerite que le P. Anselme. Les deux héraldistes en question semblent avoir été mieux placés que tout homme de notre temps pour connaître des blasons des xve et xvie siècles.
Les témoignages de ces auteurs ne sont d'ailleurs pas restés sans contrôles.
Au xvme siècle, les P.P. Ange de Sainte Rosalie et Simplicien donnèrent une nouvelle édition de l'ouvrage du P. Anselme, en le complétant (1726-1733).
Il est évident que le travail comportait d'abord la vérification de l'œuvre précédente et sa mise au point, d'après les observations qu'elle avait pu occasionner.
Or, cette deuxième édition ne change rien à celle du P. Anselme quant aux blasons de Marguerite de Lorraine portant quartiers de Gueldres et Juliers.
Enfin, une administration d'Etat fonctionna jusqu'à la Révolution pour la vérification des titres nobiliaires, dont l'usage était contrôlé par un agent en charge.
Or, aucune opposition administrative ne paraît avoir été faite (1) Le P. Anselme naquit vers 1625 à Paris et mourut dans la même ville en 1691.
(2) Dictionnaire Larousse.
au blason que les auteurs et les artistes ont publiquement attribué à Marguerite de Lorraine, avec une préférence marquée, celui qui porte les quartiers de Gueldres et Juliers. Après ces constatations, il nous semble permis de conclure que les témoignages dont il s'agit restent à notre disposition, avec l'autorité qui leur est conférée par le consentement commun, tant qu'ils n'auront pas été discutés et infirmés, séparément et directement.
Cette autorité nous suffit, comme à tous ceux qui en ont usé depuis trois siècles, sans opposition.
+
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La quatrième proposition capitale de M. E. des Robert, celle qu'il considère comme décisive, se rencontre au 2e alinéa de la page 10
« En 1485, René II avait épousé Philippe de Gueldres, mais « n'ayant ni droit, ni prétention sur les duchés de Gueldres et « de Juliers, ni lui, ni ses fils, pas plus le duc Antoine que « Claude de Lorraine, premier duc de Guise, ne firent figurer « officiellement les quartiers Gueldres et Juliers sur leurs armes. »
Nous devons d'abord déclarer que cette proposition nous contente, le mot officiellement nous donnant toute satisfaction. L'expression doit en effet signifier ceci « les quartiers en « question ne pouvaient pas figurer dans les pièces officielles. » Nous le voulons bien, provisoirement. Mais, que peut-il y avoir de moins officiel qu'un ouvrage d'aiguille soigneusement gardé dans le secret d'un cloître? La présence des quartiers de Gueldres et .Juliers se trouverait expliquée par le caractère d'intimité de la pièce.
Mais, nous ne voulons pas paraître nous soustraire à la discussion par un moyen de fortune.
Assurément, Philippe de Gueldres n'eut ni droit, ni prétention sur les quartiers de sa Maison. Mais, était-elle par rapport à son frère, Charles d'Egmont,
en situation autre que Marguerite de Lorraine par rapport à son frère, René II de Lorraine? Non certainement. Cependant, nous voyons que Marguerite apporta le quartier de Lorraine à son mari, qui n'avait ni droit, ni prétention sur la dite province.
Pourquoi Philippe n'aurait-elle pas pu en faire autant des quartiers de Gueldres et de Juliers, à l'égard de son conjoint? Mais, il y a mieux.
Nous savons par le second blason, donné par le P. Anselme et admis par M. E. des Robert (1), qu'en plus du quartier de Lorraine Marguerite apporta le quartier d'Harcourt, sur lequel le duc d'Alençon n'avait pas davantage droit ou prétention.
Et il y a mieux encore.
Nous savons par le troisième blason (Sceau de 1511) que Marguerite apporta aux armoiries de son époux les quartiers du Duché d'Anjou et ceux des quatre royaumes de Hongrie, de Sicile, de Jérusalem et d'Aragon, qui n'étaient plus que des souvenirs pour la famille de Lorraine.
En effet, le grand-père de Marguerite, René d'Anjou, avait à sa mort (1480) légué à son neveu, Charles du Maine, ses droits et prétentions sur les dits états, et ce dernier les avait légués à la couronne de France, par un testament célèbre (1481), à l'exclusion de la Maison de Lorraine.
Tout ne peut-il pas s'expliquer par le fait que les armoiries ne s'établissaient pas seulement d'après les droits et prétentions. Elles pouvaient être en outre de concession, de patronage, de famille et d'alliance, telles raisons justifiant toutes les fantaisies.
Les blasons semblent bien n'avoir alors été, comme aujourd'hui encore, que des attributs de convenances et de mondanité auxquels on n'attachait pas une autre importance. (1) « A propos d'un ouvrage récent », page 5, note 4.
Nos sceptiques contemporains souriraient sans doute des prétentions du bon roi René sur le royaume de Jérusalem, supprimé depuis près de trois siècles, à l'époque en question. Pourquoi serions-nous plus regardant sur la légitimité des quartiers, mis aux blasons, que le Roi de France, Charles VIII, qui ne s'aperçut même pas de l'emprunt fait à la Couronne par Marguerite de Lorraine et sa famille?
Mais, il y a un fait, nous dit-on; celui-ci
« Les princes de Lorraine n'ont pas fait figurer les quartiers « de Gueldres et Juliers sur leurs armes avant 1545. » Ce fait n'importe pas à notre thèse, à laquelle suffit que les dits quartiers aient pu figurer, sans opposition péremptoire, aux blasons de Lorraine, après le mariage de Philippe de Gueldres avec René IL
Pourquoi ce dernier, qui conserva, sans scrupule, dans ses armes après 1480-81, les quartiers des Etats légués à la Couronnne (1), se serait-il refusé les quartiers apportés par sa femme?
Pourquoi, du moins, M. E. des Robert n'a-t-il pas rencontré, avant 1540-45, des blasons de René II ou de ses fils, aux quartiers en question, prodigués à Marguerite de Lorraine par l'archéologie?
Ainsi que nous le disait Robert Triger, dans sa conférence sur Marguerite de Lorraine
« L'Histoire a souvent des mystères insondables. » Et tout n'a pas été dit sur la question, qui ne sera jamais fermée.
Demain peut-être, un archéologue, favorisé par la fortune, découvrira le blason de Lorraine aux quartiers de Gueldres et de Juliers correspondant à la période du temps où vécut Marguerite.
(1) Voir le premier alinéa de la page 10 de l'A propos, par M. E. des Robert.
Au surplus, avant d'ajouter aux énigmes historiques, analysons la quatrième proposition et voyons ce que vaut le fait énoncé.
M. E. des Robert nous dit que René II, ni ses fils, ne firent figurer sur leurs armes les quartiers de Gueldres et Juliers avant 1545.
Cette action des princes de Lorraine est-elle bien réelle? Quelle part leur volonté eut-elle en l'affaire? Et comment le savoir?
Le fait exact ne serait-il pas plutôt celui-ci?
M. E. des Robert, ne découvrant pas de blasons aux quartiers en question, de 1485 à 1545, imagine, de la meilleure foi du monde, une explication de ce défaut.
Or, ce défaut est tout ce qu'il y a de plus naturel son explication est tout simplement dans la caducité fatale et universelle des choses, aussi bien que des hommes.
Que nous est-il parvenu des objets créés par l'activité humaine au cours de ladite période, si courte et reculée? En particulier, comment nous étonner de la rareté des armoiries qui furent vouées, par la Révolution, à .une destruction farouchement poursuivie?
Ce qu'on peut encore rencontrer actuellement, en l'espèce, constitue l'objet rarissime.
C'est pourquoi le sceau de Marguerite daté 1511, découvert en ces derniers temps par l'érudit M Besnard, nous est présenté par M. E. des Robert lui-même, comme le fruit heureux de recherches favorisées (1)
Et que dire du « seul » blason que notre honorable opposant nous déclare retenir (en principe), celui de la cloche d'Alençon relevé par l'érudit abbé Legros? Il constitue l'unique exemplaire connu du genre, dans le cours des siècles.
En résumé
1° La quatrième proposition ne nous semble être autre chose que l'énoncé d'une hypothèse.
(1) « A propos d'un ouvrage récent ». Note supplémentaire, page 14.
2° Les blasons que M. E. des Robert se trouve admettre, formellement ou accessoirement, ne sont pas moins rares que celui dont il nous conteste l'authenticité, pour cause de rareté, croyons-nous.
Enfin, une dernière remarque s'impose. En refusant d'accepter pour authentiques les armoiries non justifiées par les droits ou les prétentions des titulaires, on ne laisse aucun blason portant quartiers à Marguerite de Lorraine (1), pas plus qu'à Philippe de Gueldres.
Et combien, à ce compte, se trouvera-t-il d'armoiries valables dans l'Histoire?
Telles sont les raisons qui ne nous permettent pas de considérer comme décisive l'opposition du président de la Société d'Archéologie Lorraine, si qualifié spécialement qu'on veuille le reconnaître. L'Histoire ne peut tout expliquer elle relève elle-même de la discussion et de la logique.
Ces mêmes raisons nous déterminent à préférer l'opinion du défunt président de la Société Historique et Archéologique du Maine, opinion non moins autorisée, en soi, par une connaissance très poussée du sujet, auquel notre savant maître avait consacré une étude particulièrement documentée, La Bienheureuse Marguerite de Lorraine, Duchesse d'Alençon (Le Mans, 1921).
Nous y relevons ces lignes
« Je conserve. souvenir. de ces séances. qui me permi« rent de rendre un si juste hommage à Marguerite de Lorraine, « an nom des historiens du Maine; de tenir longuement dans mes « mains et d'examiner attentivement. une garniture d'autel « brodée de ses mains. »
Jusqu'à nouvelle information, nous croyons pouvoir conti(1) Marguerite de Lorraine a bien possédé en propre (de 1499 à 1510), la huronnie de Mayenne, qui lui fut engagée par son frère, en compensation des 50.000 livres sa dot. (P. Maréchal, René II de Lorraine et les possessions de la Maison d'Anjou dans le Maine). Mais le caractère provisoire de cette possession ne permit sans doute pas l'établissement d'un blason.
nuer à penser, avec Robert Triger et suivant la tradition, que les broderies conservées au monastère Alençonnais sont l'ouvrage de Marguerite de Lorraine.
Félix BOULARD,
ex-administrateur adjoint de l'Ecole dentellière d'Alencon.
Novembre 1927.
NOTE DE LA RÉDACTION
[Nous ne voulons pas intervenir dans la controverse qui pourrait se poursuivre entre notre honorable collègue, M. Boulard et le président de la Société d Archéologie Lorraine, au sujet des dentelles du Carmel d'Alençon.
Notre point de vue est cependant que si ces broderies avaient dû reproduire les armoiries personnelles de la Bienheureuse, Duchesse d'Alençon, elles eussent dû porter les armes d'Alençon, parties ou accolées à celles de Lorraine, comme l'indiquent la cloche de l'Hôtel de Ville d'Alençon, ou le sceau de 1511, et suivant toutes les règles héraldiques. Le blason brodé doit donc être celui d'un prince de la maison de Lorraine.
Ce fait n'empêcherait que la broderie aurait pu être exécutée de la main ou par ordre de la Bienheureuse Duchesse, à l'honneur de sa Maison, à moins qu'il ne soit établi que l'introduction des quartiers de Gueldres et de Juliers ne puisse avoir été opérée antérieurement à l'année 1521, époque de la mort de Marguerite de Lorraine.]
LE CHATEAU DE VERNIE
ET LES FROULLAT, Comtes DE TESSÉ (Suite)
IV
Le comte et la comtesse de Tessé sous le Directoire, le Consulat et l'Empire.
Pendant qu'on vendait en France, au nom de la Nation, leurs propriétés, que faisaient en Suisse, en attendant la fin de la tourmente révolutionnaire, René-Mans de Froullay et sa femme Adrienne-Catherine de Noailles ? Grâce au journal de Mme de Montaigu, nièce de celle-ci, publié il y a un certain nombre d'années, nous sommes heureusement renseignés de la façon la plus intéressante sur la vie qu'ils menaient en exil. Ils avaient d'abord, comme nous l'avons vu au chapitre précédent, trouvé une retraite à Loffenberg, près de Morat, où ils habitaient depuis l'été de 1790.
Cet endroit, selon Mme de Montaigu, n'était pas à vrai dire un séjour de plaisance, quoique le paysage environnant « ne fut pas dépourvu de quelques-unes des sombres et majestueuses beautés qui caractérisent. » toutes les parties de la Suisse. C'était plutôt une grande ferme, entourée de quelques pâturages où l'on élevait quelques troupeaux.
Mmo de Tessé, plus prévoyante que son frère, le duc d'Ayen, et que la plupart des émigrés, avait eu la précaution, en quittant la France, de se munir de certaines valeurs qui, bien ménagées, devaient suflire pour la mettre à l'abri du besoin et lui procurer ensuite le bonheur d'être utile aux autres. Elle avait placé ce capital sur le sol hospitalier de la Suisse, et elle vivait sans luxe, mais commodément, du produit de son domaine dont la direction et la surveillance fournissaient d'ail-
leurs un élément indispensable à son activité. Le principal inconvénient de cette demeure, aux yeux de Mme de Montaigu, c'est qu'elle était éloignée de plusieurs lieues de l'église de Gourmond, qui était cependant la plus voisine, inconvénient moindre, observe avec malice l'auteur du journal, pour Mme de Tessé qu'on voyait moins souvent que sa nièce sur le chemin des églises.
Voici d'ailleurs, toujours, dans la bouche de Mme de Montaigu, un excellent portrait de la comtesse de Tessé à l'époque de sa vie où nous sommes arrivés « Mme de Tessé était à tous égards une personne singulièrement remarquable, petite, les yeux perçants, d'un joli visage gâté à vingt ans par la petite vérole (ce qui, dit-on, ne fut point un chagrin pour elle, grâce à sa raison prématurée), la bouche fine. mais légèrement tiraillée par un tic nerveux, qui la faisait grimacer en parlant, et, malgré tout cela, l'air imposant, de la grâce et de la dignité dans tous ses mouvements, et surtout infiniment d'esprit. » C'était une de ces femmes de l'ancien régime, conquises par les idées philosophiques du siècle et enivrées des séduisantes innovations qui devaient préparer, à leurs yeux, la régénération et le bonheur de notre pays. En un mot, elle était libérale et philosophe. En philosophie, Voltaire avec qui elle avait été très liée, était son maître; en politique M. de La Fayette, son neveu, était son héros.
Du reste, on remarquait chez Mme de Tessé des contrastes fréquents. C'était un grand caractère elle avait l'esprit élevé jusqu'à être chimérique, mais sa fermeté imposait, et on avait toujours près d'elle le sentiment de sa supériorité. J'étais souvent frappée, dit Mrae de Montaigu, du contraste de sa conduite avec ses discours. Dès qu'elle agissait, c'était avec une sagesse positive, un jugement sain et une complète absence de préjugés. Mais, dans la conversation, elle semblait souvent hors du vrai, sophistique et paradoxale. Au demeurant une forte tête et une. grande âme.
En religion, son esprit raisonneur ne pouvait se résoudre à abdiquer devant les dogmes de la foi, mais, tout en se croyant
incrédule, elle ne laissait pas de faire un grand signe de croix derrière ses rideaux chaque fois qu'elle prenait une médecine. Elle n'aimait pas les prêtres, mais, contradiction charmante, elle nourrissait des fruits de son potager trois prêtres déportés qui habitaient Gourmond.
Il y avait chez la comtesse de Tessé de grandes qualités, de l'âme et du cœur, la bonté, la générosité, la sensibilité, l'élan de dévouement et de sacrifice, qui dominaient et qui corrigeaient tout le reste.
Elle aimait à s'occuper, nous l'avons dit, de la gestion de sa ferme; elle s'occupait aussi des soins du ménage, mais elle ne touchait jamais à une aiguille. Elle ne s'asseyait que pour lire ou pour faire la conversation qui avait toujours été sa grande affaire et où elle brillait, moins encore par les trésors de sa mémoire que par l'abondance, le tour piquant et la virilité de ses pensées.
Elle avait attiré dans son désert, afin d'avoir sous la maiu quelqu'un qui lui donnât la réplique, un vieil ami, le marquis de Mun, jadis beau cavalier et toujours beau causeur, beau joueur, esprit plein de saillies, caractère bienveillant et d'un sang-froid imperturbable. Cet ami vivait chez elle avec son fils et devait la suivre plus tard jusqu'aux rivages de la Baltique. Quant au comte de Tessé, grand d'Espagne de 1" classe, chevalier des ordres du Roi, lieutenant-général de ses armées, premier écuyer de la Reine, et naguère député du Maine aux Etats généraux, il surveillait l'exploitation, faisait au besoin quelques voyages, mais au salon, il tenait peu de place, et faisait peu de bruit.
Tels étaient, d'après Mme de Montaigu, les anciens châtelains de Vernie à l'époque de leur séjour forcé en Suisse, et telle était la vie qu'ils menaient dans leur résidence, moitié château, moitié ferme, de Loffenberg. Ils n'y vivaient pas seuls, puisqu'ils avaient comme hôtes et commênçaux, outre leur nièce de Montaigu, le vieux marquis de Mun et son fils. Cependant ils n'avaient pas été sans éprouver quelques tracasseries tant de la part du gouvernement de Fribourg, que de
celle d'un certain Suisse qui se prétendait créancier de la maréchale de Noailles, morte récemment. Le gouvernement de Fribourg ayant su qu'ils abritaient dans leur retraite Mme de Montaigu, nièce propre, nous l'avons dit, de la comtesse de Tessé, mais en réalité proscrite par la Révolution française, exigeait impérieusement le renvoi de celle-ci de Loffenberg. Mais les nobles exilés tinrent bon et on finit par les laisser tranquilles. Quant au créancier en question, il avait émis la prétention de se faire rembourser par la femme du comte de Tessé, des hypothèques qu'il avait prises autrefois de la feue maréchale, bien que la comtesse de Tessé n'eût rien touché de l'héritage maternel. Là encore les exilés de Loffenberg ne se laissèrent pas intimider et résistèrent non moins dans l'intérêt des autres émigrés que dans le leur. Mais toutes ces tracasseries avaient dégoûté de la Suisse le comte et la comtesse de Tessé et ils ne tardèrent pas à vendre leur terre de Loffenberg à MM. de Rougemont de Neufchâtel, banquiers à Paris.
Le prix en fut versé chez un banquier de Hambourg, et dans les premiers jours de l'année 1795, toute la colonie à laquelle s'était joint depuis le duc de Noailles, frère de Mme de Tessé, après avoir fait ses préparatifs de voyage, se dirigea du côté de Berne.
Ce ne fut pas sans une vive appréhension de se voir arrêtée dans leur fuite, que celle-ci s'éloigna de Loflenberg. Elle ne fut pleinement rassurée que lorsqu'elle eut mis le pied sur le territoire de Berne. On passa deux ou trois jours dans la capitale de ce canton, où les Tessé retrouvèrent un de leurs grands amis, le célèbre constituant Mounier. Puis on gagna successivement Schaffouse, Ulm, Nuremberg, Erfurth, où la comtesse de Tessé eut le plaisir de revoir la duchesse de Bouillon, ce qui la détermina à passer avec ses compagnons un mois dans cette ville. Elle y eut peut-être passé plus de temps, mais le bruit courait que Pichegru, déjà maître de la Hollande, allait envahir la Thuringe. Alors, sur le conseil du prince de Dalberg, la colonie errante se remit en route en se dirigeant vers le nord, car on ne croyait pouvoir être en sûreté que de l'autre côté de l'Elbe.
On s'arrêta à Altona, où l'on se mit en quête d'un domaine à acheter. Des champs, des bœufs, des étables, c'était le rêve de M"1" de Tessé. Le difficile était de trouver, parmi les terres à vendre, une maison commode et assez spacieuse pour y loger, avec la maîtresse de maison, toute sa suite. Le printemps de 1795 s'écoula, puis l'été, sans qu'on se fût décidé à prendre un parti.
Sur ces entrefaites, Mme de La Fayette et ses deux filles, échappées à une longue captivité, arrivèrent, elles aussi, à Altona, et furent l'objet de la plus bienveillante curiosité de la part du comte et de la comtesse de 'l'essé.etde ses compagnons, qui ne cessèrent de les interroger sur ce qu'elles avaient souffert. On ne tarde pas du reste à savoir le but de leur voyage qui était d'aller s'enfermer avec le général, alors, comme on sait, détenu dans la forteresse d'Olmûtz. Ce fut en vain que M. de Tessé et M. de Mun, les sages de la compagnie, selon l'expression de Mme de Montaigu, tout en admirant leurs sentiments, s'efforcèrent de les détourner de leur projet.On quitta Altona au commencement de mars pour se rapprocher d'une résidence qui semblait enfin avoir fixé le choix de Mwe de Tessé. Toutefois celle-ci, avant de se remettre en route, jugea à propos, nous fait remarquer sa nièce, d'augmenter le personnel, déjà nombreux, de sa maison. Elle emmena avec elle un vieux prêtre déporté, l'abbé Luchat, pour en faire son chapelain. C'était chez elle, observe encore malicieusement Mme de Montaigu, un luxe tout nouveau, et pour le prêtre promu à cet emploi, c'était, est-il besoin de le dire, une véritable sinécure.
Mais revenons à nos voyageurs. On alla passer une grande partie des années 1795 et 179(5(9 mars 1795 à 24 sept. 1796) dans la petite ville de Ploén, près du lac de ce nom, à 25 lieues au nord d'Altona. Ce n'est pas sans peine que Mmc de Tessé parvint à installerdans un logement étroit et incommode, et pourtant un des beaux de l'endroit, sa nombreuse caravane. Il fallut que chacun payât de sa personne dans les fatigues de l'aménagement. M. de Mun s'amusait à lire, en haut d'une échelle, les
livres qu'il avait mission de ranger, l'abbé de Luchat était fort gauche et fort distrait M. Boutelaud faisait plus de bruit que de besogne, M. de Tessé contrecarrait sans le vouloir les plans de sa femme enfin M. de Montaigu qui était venu depuis quelque temps rejoindre sa femme et faire partie de la colonie, se multipliait, et, grâce à son bon goût et à son adresse, réparait un peu le désordre, à la grande satisfaction de Mme de Tessé, qui, sans lui, en eut perdu la tête enfin Mmede Montaigu, pour sa part, déballait, comptait le linge, et en écrivait l'état. Dès qu'on fut à peu près installé, il parut convenable de faire une visite d'étiquette à S. M. le duc d'Oldenbourg qui habitait le château de Ploën, et qui était plus qu'à moitié fou. Il offrit des rafraîchissements à ses hôtes, et leur débita cent extravagances. Après le duc, on alla voir M. le bailli, et Mme la baillive, braves gens un peu lourds, très bienveillants, très polis, mais d'une politesse à outrance et à n'en plus finir. Dans la disette où l'on était de toute compagnie, sur cette plage triste et presque déserte, c'était une ressource à ménager que 'Mraa la baillive. Mme de Tessé lui rendit avec profusion et le plus sérieusement du monde ses révérences, et depuis lors, sans rien rabattre de la cérémonie, on devint assez grands amis. On fut des dîners de M. le bailli et deMme la baillive. M"1" de Montaigu nous a raconté dans son journal comment la petite colonie de Ploën passait ses soirées. La principale distraction était la lecture en commun. On y lut pendant toute une semaine les Chevaliers du Cigne de Mme de Genlis. On y lut ensuite Clarisse Harlow, lecture qui dura un mois. A Cla. risse Harlaw succéda Tristram Shandy, et à ce dernier roman, la Vie des hommes illustres de Plutarque, que l'on interrompit pour revenir à la littérature romanesque,. mais entre chaque roman on intercalait tantôt une brochure nouvelle, tantôt une tragédie, quelquefois une oraison funèbre de Bossuet. Des conversations suivaient les lectures. Ce n'était d abord qu'un commentaire de la dernière lecture, mais ce commentaire ouvrait la porte à une foule de digressions qui faisaient bientôt oublier le livre, et l'on passait, sans s'en apercevoir, du roman le plus froid à une philosophie grave et animée.
Il y avait près de dix-huit mois qu'on campait ainsi aux bords du lac de Ploën quand Mme de Tessé et son mari se décidèrent à acheter sur la rive septentrionale de ce lac la terre de Witwold, dont, il est vrai, on ne prit possession que vers la fin de l'été (26 septembre 1796). Pour s'y rendre il avait fallu prendre un bateau, et on débarqua après une heure de navigationOn n'aperçutd'abord qu'une plaine immense couverte au loin de paturages et d'étangs. Ce paysage tranquille, à demi éclairé par le soleil, à demi noyé dans la brume, était sans doute beau à contempler, mais un peu triste. Le domaine où l'on s'établit s'étendait à l'est de cette plaine et formait une presqu'île sur le lac. Il y avait là une basse-cour, des vacheries, des prés bordés de pins et de pommiers, des champs de houblon, de lin, de froment et d'autres cultures. On y trouvait tout ce qu'il fallait pour vivre et on n'avait presque rien à demander à la ville. Le comte de Tessé trouva des barques, des filets, et l'ancien lieutenant-général au gouvernement du Maine se fit pêcheur. Les premiers mois de ce séjour furent assez agréables, mais c'étaient les plus beaux de l'année. L'hiver parut long, le lac était gelé, les chemins pleins de neige, et l'âpre vent de la Baltique souftlait autour de la maison avec une incroyable violence. L'été revint enfin, puis s'en alla encore, et tout compte fait, on ne resta pas moins de quatre ans dans cette « petite Sibérie ». La vie qu'on y menait était assez monotone, et comme les distractions n'y abondaient pas, on n'était pas difficile sur celles qu'on pouvait trouver.
C'est ainsi que Mme de Tessé s'avisa de donner un bal rustique à ses moissonneurs après la récolte du blé. Le moment le plus pénible pour nos émigrés à Witwold, comme à Ploën, c'étaient les soirées au salon. Tant que durait la partie de whist, cela allait encore; mais après ce whist on lisait, on causait, et c'était pour elle le moment critique. Variété, instruction, esprit, grâce, finesse, rien ne manquait à ces entretiens, hormis, faut-il s'en étonner? un peu de religion, et, comme on peut le croire sans peine, un peu de charité. Ces longues conversations de l'exil ne durèrent pas
moins de cinq heures par jour. Elles n'étaient pas du reste le seul inconvénient de ces réunions du soir. La fatigue, à la longue, s'y faisait sentir. Elles devenaient monotones, car on n'entendait plus parler de ce qui arrivait au loin. C'est à peine si l'écho de tout ce qui se passait en France arrivait jusqu'à Wilwold.
Cependant les terribles portes de la forteresse d'Olmütz s'étaient ouvertes pour le général de La Fayette et Mme de Tessé n'avait pas été étrangère à cet heureux évènement. Elles et sa nièce Mme de Montaigu ne s'étaient point lassées de multiplier leurs démarches et leurs efforts en faveur de ce célèbre personnage. Elles en avaient fait en Amérique, en Allemagne et en Angleterre où elles avaient invoqué avec profit l'influence de Fox dans la chambre des communes. Enfin, le 10 octobre 1797, Mme de La Fayette arriva à Witwold avec son mari et ses filles. Mm' de Tessé attendait sa nièce sur la rive même, où elle la reçut avec une vive tendresse, et ce fut ce jour là et les suivants fête à Witwold.
Il y eut pendant ce séjour un moment où le comte et la comtesse de Tessé et leurs commensaux ne furent pas sans inquiétude. C'est lorsqu'en 1799, après l'invasion de la Suisse par les Russes et la campagne victorieuse de Masséna qui les en chassa, les émigrés réfugiés sur le sol helvétique se virent refoulés en Allemagne. On ne savait où s'arrêteraient les armées de la Révolution, et le comte et la comtesse de Tessé parlaient déjà de vendre Witwold et d'aller garder leurs vaches à Astrakan. Mais, grâce au 18 brumaire (9 nov. 1799) qui tout à coup mit fin au gouvernement tour à tour faible et violent du Directoire, le moment semblait venu où les portes de la France allaient enfin s'ouvrir pour nos exilés.
(A tuivre).
A. DE BEAUCHESNE.
DÉCOUVERTE DE TOMBEAUX MÉROVINGIENS A CONNERRÉ (1)
L'occupation humaine est fort ancienne à Connerré. Une hache de silex poli, recueillie en 1904 à la Milandrière, et conservée dans la collection Aubry, témoigne du séjour des populations néolithiques encore attesté, aux environs, par les mégalithes de la Pierre Fiche et de la Pierre couverte, en Duneau.
Plus tard, à l'époque Gallo-Romaine, Connerré, (Conedralium), était l'un des vies d'une condita située le long de la grande voie du Mans à Chartres, sur laquelle s'embranchait, au Groseillier, une voie en direction d'Orléans. Des tuiles, des pierres de petit appareil, des médailles diverses (Colonie de Nîmes, Marc- Aurèle.Dioclétien, Postume,Constantin, Fausta, Maxime), recueillies de 1870 à 1903 et placées dans la collection Menjot d'Elbenne, sont les vestiges de cette période.
A 1ère mérovingienne, Saint Innocent, huitième évoque du Mans (533-550), possédait une maison de campagne à Connerré. Le 18 messidor au XI (7 juillet 1803), on découvrit une quarantaine de tombeaux mérovingiens en calcaire coquillier dont trois purent être extraits. Deux d'entre eux étaient pourvus d'un couvercle. Ils renfermaient, avec les ossements, des poteries fines à deux anses contenant du charbon. Renouard, envoyé sur les lieux par le préfet Auvray, signale aussi une (1) Cf. RENOUARD, Tombeaux découverts à Connerré, département de la .Sar<A~ ta ~H~Mfttre ~e D< ~e /ft 5ar<Ae pOMr /'anMe'c A' de /'c/*e /roMfatNe Sarthe, in Annuaire de Dép. de la Sarthe pour l'année XIIe de l'ère française Le Mans, Monnoyer, an XI. p. 61-6'i. – Pcsche, Dictionnaire topogr., hist. et, slatisi. de la Sarthe, t. II. 1829, art. Connerré, p. 86-87. –A. Ledru, Répertoire des monuments etobjets anciens. dans les dép. de la Sarthe et de la Mayenne, Le Mans, archives hist. du Maine, t. XI, 1911, p. 62-63. – R. Verdier, Etudes locales, Connerré, in Bull, paroissial de Connerré, févr. 19231926, paesim.
médaille trouvée dans la terre, et dont il ne donne aucune description.
En décembre 1862, lorsque fut ouverte la place du marché, sur l'emplacement de l'ancien cimetière, abandonné depuis vingt-cinq ans, de la chapelle Sainte-Anne, et des dépendances du prieuré de Saint-Symphorien, dont la chapelle est devenue l'église paroissiale, on exhuma derechef des tombeaux en forme d'auge l'un en grès roussard, d'autres en calcaire coquillier, tendre et friable. M. Charles déterra peu après, au même endroit, un nouveau cercueil en calcaire coquillier, renfermant encore un squelette orienté E. W. Une dizaine de plaques, boucles ou fibules en bronze, une perle en verre bleu, et une monnaie médiévale furent découvertes à cette occasion. Le notaire Goudeau, maire de Connerré, offrit quelques-uns de ces objets au Musée archéologique du Mans (1), Charles considérait ces sépultures comme mérovingiennes ou carlovingiennes (2).
Vers 1885, l'abbé R. Charles et M. d'Elbenne exhumèrent d'autres sarcophages en pierre aufaubourg du Groseillier. Mais M. R. Verdier, considérant que là était le centre du bourg à l'époque gallo-romaine, estime que ces derniers tombeaux devaient être antérieurs à l'ère mérovingienne, et qu'il y a eu probablement des cimetières successifs, en divers emplacements (3). En 1900, lors de travaux exécutés à la pharmacie Aubry, place de la République, on déterra cinq sarcophages, dont l'un en grès roussard.
Le 8 février 1920, M. Verdier signalait à son tour à la Société d'Agriculture, Sciences et Arts de la Sarthe (4), une découverte (1) Hucher. – Catalogue du Musee archéologique du Mans, Le Mans, Mon. noyer, et Paris, 1869, in. 8", p. 43, u<" 235-238.
(2) L. et R. Charles. Sépultures mérovingiennes et autres antiquités de Connerré (Sarthe), Tours, Impr, Bouserez, 1875, 31 p. in. 81. (Extr. du Bulletin monumental, n° 1, 1875) – Cf. A propos de la mise à jour de quatre sarcophages, La Sarthe; 17 janvier 1928.
(3) R. VERDIER. propos de la découverte de quatre sarcophages, La Sarthe, 19 janvier 1928.
(4) Procès verbaux de la Soc. dagric. Se. et Arts de la Sarthe, 8 février 1920, Reg. XVII, p 81.
de squelettes faite par M. Ferré et lui, à deux reprises, dont la dernière en octobre 1918. Ces débris furent exhumés d'une sablonnière sise à mi-chemin de Connerré et de Thorigné, après le passage à niveau de la ligne de Mamers à Saint Calais, dans les sables à Sabalites, et coupée par le chemin creux reliant la route à la ferme du Gland. Les deux squelettes repérés lors de la première fouille par M. Ferré était juxtaposés, couchés sur le flanc droit. La deuxième fouille procura quatre crânes, et la partie inférieure d'un squelette, avec orientation Sud Nord. Aucun débris ne permit de déterminer l'âge de ces sépultures, évidemment hâtives, peut-être faites au cours d'une guerre ou des maladies épidémiques qui désolèrent maintes fois la région(l). Enfin, vers la mi-janvier 1928, M. Pottier, maire de Connerré faisant creuser les fondations d'un garage sur la place de la République, en face de l'église, à côté de la pharmacie Aubry a également mis au jour une dizaine de sarcophages de pierre, dont quatre sont figurés sur une photographie de la fouille, publiée dans la Sarthe du 14 janvier 1928. Ces cercueils renfermaient, nous a-t-on dit, avec les ossements, quelques vases de terre, qui furent malheureusement emportés par les ouvriers. M. Eugène Aubry a pu sauver un petit fragment de poterie. Aucun objet métallique, fibule, agrafe, ou médaille, n'a été recueilli.
Lorsque nous avons pu, huit jours après, nous rendre sur les lieux, il ne restait de visible que la tranche de deux de ces cercueils, d'environ 1 m. 70 de profondeur, dans un humus noir empâtant d'autres ossements humains et animaux. Ces deux sarcophages, demeurés partiellement en place, étaient en calcaire coquillier friable, et orientés N.-W.-S.-E. Parmi les débris exhumés, obligeamment prélevés par MM. Pottier et Aubry, nous avons noté 1° ceux d'un cercueil en grès roussard. vide, placé perpendiculairement aux précédents 2° ceux d'un cercueil en calcaire jaunâtre tendre 3° Un cercueil brisé en trois morceaux, mais presque complet, avec son squelette, et (1) Rapport sur les fortilles faites sur la commune de Thorigné, par A. Ferré et R. Verdier, G"11- manuscrite de M. Verdier.
que M. Pottier a bien voulu offrir au Musée archéologique du Mans.
Sur les dix sarcophages retrouvés, quatre avaient une dalle de couverture, plus ou moins effondrée. Six, dont le cercueil en roussard, vraisemblablement violé et déplacé, en étaient dépourvus. Le corps des sarcophages, en forme d'auge, est d'une seule pièce. Aucun d'eux ne présentait de motifs ornementaux comme ceux qu'avait notés Renouard en 1803. Au reste ni le roussard, ni le calcaire coquillier, très friable, ne se fûssent prêtés au burin. La matière première a été empruntée aux strates géologiques des environs. Le grès roussard cénomanien constituant le cercueil n' 1 affleure aux alentours de Connerré. Le cercueil n° 2 est fait d'une craie jaunâtre, sableuse, avec un très net et très fin piqueté vert de glauconie, et quelques paillettes de mica blanc, provenant des sables et grès du Perche, égalemeut cénomaniens, très bien représentés sur la butte de Duneau, le long de la route de Connerré au Luart, non loin de la Pierre Fiche. La pierre coquillière du 3' cercueil semble identique à celle des sarcophages découverts en 1803 et en 1862. Renouard, qui la rapprochait des Falnns de Touraine, rapporte qu'elle est nommée « Male dans le pays, du nom d'une carrière distante de Connerré de cinq à six lieues » C'est une lumachelle très friable, grossière, à ciment calcaire, empâtant des grains de quartz, et pétrie de débris coquilliers méconnaissables. Charles la rapproche des roches analogues de Dollbn. Il s'agit vraisemblablement d'un grès cénomanien, dont il serait intéressant de repérer le gisement, mais ici décoloré et altéré dans l'humus du cimetière.
De l'étude des crânes et autres ossements recueillis soit dans les cercueils, soit dans le sol encaissant, on ne saurait tirer aucune conclusion anthropologique. Il s'agit d'un terrain de sépulture utilisé pendant des siècles, fortement remanié, où se sont acumulés, jusqu'à l'époque contemporaine, des débris d'âges très divers. Les sarcophages sont vraisemblablement mérovingiens, et font partie du même ensemble que'ceux de 1862.
Dr Paul DELAUNAY.
CHRONIQUE
Le Bureau a prononcé l'admission de
MM. l'abbé Georges Branchu, curé de La Chapelle-Saint-Aubin. René Fontaine, receveur de l'enregistrement, 41, rue de la Mariette, Le Mans.
Mme Louis Gaudineau, 34, rue Berthelot, Le Mans et château de Bouchevereau, La Flèche.
MM. Constant Helbert, 145, rue Gambetta, Le Mans. le Dr Lucien Héry, 59, rue de Maubeuge, Paris IXe, le Dr Kenzingcr, 15, rue Berthelot, Le Mans.
Mme Marcel Laigneau, aux Bizerays, à Spay (Sarthe). M"e Françoise des Mazis, les Douves, à Savigné-l'Evêque (Sarthe).
MM. le Dr Morisset, 0, 5, rue des Pescheries, à Mayenne. Rinjart, avocat, 3, rue des Chanoines, Le Mans.
La Société a eu le regret de perdre deux de ses membres M. Emile Senart, membre de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, président de la Société asiatique, président duComité de l'Asie française, etc., ancien conseiller général de la Sarthe, officier de la Légion d'honneur, décédé le 21 février 1928, à Paris, dans sa 81e année, inhumé à Cherreau (Sarthe).
Notre savant confrère avait étudié le sanscrit dans les Universités allemandes. Il avait complété ses études par des voyages effectués aux Indes de 1887 à 1890, et il put ainsi recueillir des documents relatifs à l'histoire et à la littérature de l'Inde, qui firent de lui un des premiers orientalistes de notre temps. Il était membre de plusieurs académies étrangères, notamment de celles d'Amsterdam, de Pologne, de Saint-Pétesbourg, de Belgique, de Grande-Bretagne. Il a publié de nombreux et intéressants ouvrage sur l'Orient entre autres des Notes d'épigraphie indienne et un livre sur les Casles dans l'Inde,
Membre titulaire de notre Société depuis 45 ans, il était certainement l'un de ceux qui lui faisaient le plus d'honneur. M"'e la comtesse d'ANGÉLY-SÉRiLLAC, née Marie de Faudoas, est décédée le 2 mars 1928, en son château de Sérillac, âgée de 85 ans, et a été inhumée à Doucelles.
Elle était la dernière descendante de l'antique maison de Faudoas en Guyenne, de la branche des barons de Sérillac, qui s'était implantée par alliance dans leMaine, à la fin du xvie siècle; une autre branche de sa famille y posséda dans le même temps le comté de Belin et la seigneurie d'Averton.
Mmed'Angély, guidée par son goût des recherches historiques, prépara pendant vingt ans, avec une ténacité remarquable, l'Histoire de la Maison de Faudoas, publiée en 1908 par le chanoine Ledru, en trois volumes réunissant plus de 2.000 documents historiques.
Elle était présidente d'honneur du Comité du Mans de la Société de secours aux blessés militaires.
On a justement rendu hommage à ses obsèques, à la grâce souriante et au charme inexprimable émanant de la personne de cette femme distinguée, qui évoquera pour nous le souvenir d'une époque disparue et d une élégance de bon ton qui sut ne pas vieillir.
L'Assemblée générale de la Société a été tenue le 12 mars le compte rendu en sera donné dans le prochain Bulletin. Au cours de la réunion, M. Tournoûer, président de la Société historique et archéologique de l'Orne, a lu quelques pages de la vie de Robert Triger, formant le premier chapitre de sa biographie.
M"e Alice Gaultier, membre titulaire, a fait ensuite une conférence, sur les Tombeaux de Saint-Denis.
Le président a soumis un programme d'excursion à faire dans le Perche, à Bellème et dans ses environs. Ce projet a été accepté et la date en a été fixée en principe, au jeudi 28 juin.
REV. UIST. ARCH. DU MAINE. 5
LES CITADELLES DU MANS
PENDANT LA DOMINATION NORMANDE 1063-1100
La mort imprévue de M. Robert Triger a fait échouer l'échange de conversations que nous avions avec lui sur la disposition des forteresses de Guillaume le Conquérant au Mans, question d'importance pour tous ceux qui étudient l'époque Anglo-Normande.
A la demande pressante des vice-présidents de la Société Historique et Archéologique du Maine, nous avons résolu de_ communiquer aux membres de cette Société le résultat de nos travaux sur ce sujet pendant l'annce 1927.
Remarquons toutefois, avant d'aborder cet obscur et difficultueux sujet, que l'absence presque totale de renseignements précis de l'époque, rend cette étude malaisée et qu'il ne sera possible d'émettre des conclusions vraisemblables qu'après avoir choisi des points de comparaison avec beaucoup de judicieuse retenue.
Feu M. le Professeur Freeman, d'Oxford, semble avoir été le premier à signaler l'importance de l'histoire du Comté du Maine relativement à celle de la conquête de l'Angleterre par les Normands.
Son œuvre magistrale The Norman Conquest et ses Sketches of travel in Normandy and Maine ne cessent d'insister sur cette idée et le savant historien, au cours de son récit, ne manque aucune occasion pour exhorter ses élèves à se rendre en personne dans le Maine et les régions avoisinantes. C'est pour suivre ces conseils que nous nous sommes rendu en la ville D'D" .e" v.a
du Mans, où nous avons contemplé avec beaucoup d'intérêt les vestiges d'architecture du xie siècle encore debout, et en particulier ceux de la motte du Mont-Barbet, sur lequel Ordérie Vital nous a laissé de si précieux renseignements. Grâce à l'extrême obligeance de M. Crochard, propriétaire du Mont-Barbet, nous avons pu faire scientifiquement un plan de cette motte élevée sur les ordres pressants de Guillaume le Conquérant lui-même. Pour bien comprendre le rôle quejoua le Mont-13arbetdans les projets de Guillaume, rappelons-nous que la première conquête du Maine par les Normands se fit en 1063. Afin de maintenir les Manceaux sous son obéissance, Guillaume fit construire une enceinte fortifiée hors des murs de la ville. Cette enceinte, désignée par MM. Gabriel Fleury et Robert Triger sous le nom de « Le Camp retranché du Mont-Barbet », se développait en forme de rectangle irrégulier, renforcé à l'angle sud est. Dans le plan de M. Fleury reproduit par M. Robert Triger (1), les côtés est et ouest de notre enceinte se prolongent jusqu'au mur gallo-romain de la ville. Ceci n'est pas exact. L'enceinte des Monts-Barbet fut absolument indépendante de celle de la ville. Le côté sud de notre enceinte suivait, en partie, la ligne de la rue Neuve de l'Evêché (2) y constituant à proprement parler un « boulevard » (3) contre la ville et renforçant ainsi les défenses du Petit Mont-Barbet. En 1787 s'y voyait encore une partie de talus.
Mais le « Camp » des Monts-Barbet appelle une attention spéciale il offre, en effet, l'exemple unique de deux mottes contemporaines dans la même enceinte. Il y a en France et en Angleterre (4) des dispositions analogues d enceintes, mais dans celles-ci l'une de ces mottes est bien moins ancienne que l'autre.
(1) R. Tkiger. – Les anciennes enceintes. Le Mans, 1924, p. 5. (2) H. TRIGER. Op. cit., p. 2. Comparer avec le plan II de cet article. (3) Viollet-le-Duc, – Dictionnaire raisonné de l'Architeclure, Art. « Boulevard ».
(4) En France le Mont-Barbet (Le Mans, Sarthe), Saint-Cénéri-le-Géréi (Orne), et Vismémont (Somme). En Angleterre, à Lewes (Sussex). Au pays de Galles, à Deganwy. Il ne s'agit pas ici de fortins de blocus temporaires, mais de châteaux permanents.
Il n'est pas difficile de trouver la raison de l'existence de ces deux mottes contemporaines.
Guillaume duc de Normandie redoutait beaucoup le courage et l'énergie des Manceaux, il redoutait aussi et surtout leur disposition à se soulever en masse pour s'affranchir de son joug. Guillaume établit donc le Petit Mont-Barbet (Mons Barbatulus) comme précaution extraordinaire contre une émeute inattendue des citoyens, et qui devait en bastion avancé, retarder au moins l'avance des assiégeants et permettre la consolidation des défenses du Mont-Barbet lui-même. Mais cet essai naïf échoua complètement lors du soulèvement des Manceaux en 1073. Il est facile d'en discerner la raison la disposition du camp fortifié de deux mottes violait le principe essentiel du château à motte un donjon, une citadelle, un seul lieu de refuge pour la dernière extrémité.
Malgré les efforts héroïques de Turgis de Tracy et de Guillaume de la Ferté (1), commandants des deux mottes, la division du commandement fit perdre l'ensemble de la forteresse. Le résultat fut aussi désastreux qu'à York en 1069, où les guerriers éprouvés du brave et habile Guillaume Malet furent taillés en pièces par une nuée d'Anglo-Saxons et de Danois réunis (2). Il y eut cependant peu de morts à la prise des Monts-Barbet en 1073. La vulnérabilité des Monts-Barbet étant ainsi démontrée, Guillaume se résolut à construire la Regia Tun-is, Tour Royale, appelée depuis Tour Orbrindelle. Avant d'étudier celle-ci, faisons connaître les aspects des Monts-Barbet avant la campagne de 1073. Les deux grandes mottes établies sur le point culminant de la crète dominant la Sarthe, portaient chacune une forte palissade de troncs de bois, aigus et taillés en pointe, entourant la plate-forme, de la butte sur laquelle s'élevait le donjon de bois, demi(1) ORDERICUS VITALIS. Historia ecclesiastica. Lib. IV, cap. 18 (apud Migne, Pat. Lat. tom. 188, col. 349).
(2) Armitage. – Early Norman Castles, Londres, Murray 1912, page 242. Les deux mottes de York sont dans deux enceintes contiguës mais indépendantes. Il ne s'agit pas ici de fortins de blocus temporaires mais de châteaux permanents.
maison, demi-tour, de quatre étages. La palissade était reliée à un mur semblable, également de bois, couronnant le rempart principal de l'enceinte (vallum); sur la contrescarpe se voyait le hérisson, formidable haie-vive de ronces et d'épines. Partout on voyait des remparts et des bâtiments de bois et de terre, mais aucun de pierre. A l'exception du revêtement des puits du Mont-Barbet, nous n'avons rien trouvé qui pût rappeler de primitives constructions en pierre, grès ou silex. Le mur de soutènement de la butte qui l'entoure en partie est moderne. La superficie totale de l'intérieur de l'enceinte ne dépassait guère 75 ares (7500 ™2); celle de la plateforme du Mont-Barbet était de 1668012. Par la suite, l'étendue de la motte, remparts et hérissons extérieurs compris, ne devait atteindre que 23001»2.)
Remplacé effectivement par la Tour Royale (Regia Turris), l'enclos des Monts-Barbet, après la mort en 1099 de Guillaume II le Roux, roi d'Angleterre, fut bientôt abandonné. En 1138, Geoffroy Plantagenêt le cède à la Cathédrale du Mans tout en se réservant les deux mottes (1). Celle du Petit Mont-Barbet survécut jusqu'en 1681 quand on la démolit pour élever sur son emplacement la Chapelle de l'Oratoire, aujourd'hui le Lycée. C'est en vain que nous avons cherché des indications pouvant nous aider à déterminer même approximativement ses dimensions.
Rappelons ici l'opinion de M. Freeman, qui prétend que la campagne de 1063-1064 menée dans le Maine par Guillaume n'aurait été faite que comme coup d'essai pour 1 invasion de l'Angleterre qu'il prévoyait lors de la mort du Roi Edouard le Confesseur alors régnant mais de très faible santé. Notons encore que c'est hors de la ville de Londres que Guillaume fit construire en 1066 un château à motte auquel succéda, en 1077, la vaste et célèbre Tour de Londres où, seul parmi les grands donjons romans de l'Europe, la vie, le (1) Charte DE GEFFROY Plantagenèt, dans Revue histor. et archéol, du Maine, t. XXI, p. 284.
rituel et les cérémonies féodales se voient encore pleinement observés (1).
La question de la Tour Royale (Regia Turris) a été tranchée plusieurs fois par des archéologues manceaux, et surtout par M. Gabriel Fleury. Il faut regretter la disparition des notes relevées par M. Hucher lors des excavations de 18(îO. Présentons ici, du moins, quelques réflexions positives sur ce monument disparu. Après avoir étudié les œuvres des chroniqueurs régionaux et contemporains, il est révélé que seul Ordéric Vital, moine anglais de l'Abbaye de Saint-Evroult dans le Hiémois, nous donne des renseignements de quelque valeur. Notre compatriote dit catégoriquement que c'est Guillaume le Conquérant qui est le fondateur des trois citadelles du Mans, la Regia Turris, le Mont-Barbet et le Petit Mont-Barbet. Jamais il ne parle de la « Tour Orbrindelle », nom qui parait bien postérieur à cette époque, mais toujours il nomme la Tour Royale ou la Turris Cenomantiica, de la même façon que l'on parle aujourd'hui de la Tour de Londres. Les fouilles ont révélé qu'elle fut, à proprement parler, une grande tour carrée (2) de quatre étages au moins, sans doute, assise à cheval sur le mur gallo-romain de la ville, comme il en existe d'ailleurs de nombreux exemples en Angleterre. La basse-cour se développait en hémicycle vers le nord; les murs du xv' siècle encore existants indiquent l'emplacement approximatif des remparts qui, eux-mêmes, portaient primitivement des palissades. Sa superficie était très restreinte, moins de 20 ares. Cette nouvelle enceinte fut entièrement indépendante de celle des Monts-Barbet, et il apparaît que cette dernière ne servit que comme une sorte de cour de munitions après la construction de la Tour Royale. Toutefois, les défenses de l'enceinte des Monts-Barbet furent gardées et bien munies jusqu'au commencement du xnB siècle.
La Tour-Royale achevée ne se signale pas avant 1098. Les (1) Armitacf.. – Op. cit., p. 222.
(2) La projection arrondie de la Tour en plun (voir Utvue hisl. et arch. du Maine, t. XXI, p. 145), aurait été ajoutée au xivc ou au XVe siècle.
attaques des armées Angevines et Mancelles alliées ayant échoué devant Ballon, gràce aux fortifications inexpugnables du château reconstituées quelques mois auparavant par Robert de Bellème (1), la Tour Royale, le Mont-Barbet et le Petit Mont-Barbet furent rendus à Guillaume le Roux, roi d'Angleterre. Celui-ci s'empressa de nommer Gauthier de Rouen, fils d'Ansger, commandant de la Citadelle du Mans. Ce choix sera
bientôt mis à l'épreuve. En effet, au mois de juin 1099, les troupes d'Hélie de la Flèche avancent vers la ville du Mans. Gauthicr les rencontre à Pontlieue (2), mais voyant ses adversaires beaucoup plus nombreux que ses propres gens, il ordonne la retraite vers le château, dans un mouvement qui fut difficile d'exécution à cause du soulèvement général qui venait d'éclater dans la ville en faveur du Comte Hélie. Néanmoins, les Anglo -Normands de Gauthier, aguerris et disciplinés, se {1) Ohderk.us VITALIS. – Op. cil., lib. X, cap. 7 (Migne P. L. 188/734. (2) Ordericus Vitalis. – Op. cil., lib. X, cap. 8 (Migne P. L. 188/738.
retirent en bon ordre, et gagnent sains et saufs les enclos de la Tour Royale et des Monts-Barbet. Les troupes d'Hélie volent à l'attaque et en particulier contre la Tour Royale qui est le symbole détesté de la domination étrangère. Mais tout est vain. La tactique de Gauthier en face de ce danger extrême contraste fort avec celle de Guillaume Malet à York en 10(i9 Malet, brave soldat, ordonne, selon toutes les règles, la sortie; Gauthier, habile ingénieur, reste sous la protection de ses remparts, et utilise des moyens scientifiques pour se défendre de l'ennemi. Mais les'Manceaux s'inquiètent de la sourde résistance offerte par les hommes de Gauthier. Désespérés, ils font monter de l'artillerie jusqu'au sommet de la Tour nord de la Cathédrale (1), d'où ils se mettent, d'une hauteur plus grande à bombarder la Tour Royale.
Devant cette attaque imprévue, les défenseurs commencent à fléchir; la citadelle détestée est sur le point d'être enlevée, quand le génie de Gauthier se montre encore une fois. Il ordonne sur-le-champ à ses forgerons de chauffer tous les débris de fer qu'iis peuvent rencontrer et commande à ses balistaires de lancer les scories ardentes sur la ville. Un affreux incendie se déclare et les Manceaux volent au sauvetage de leurs biens. La crise est passée, l'attaque se ralentit, la Tour Royale est sauvée. Le récit de ces faits émouvants énoncé par Ordéric Vital, si court soit-il, rend un éclatant témoignage à Gauthier de Rouen, qui, dans la suite se distinguera par sa loyauté et par sa bonne foi dans les négociations avec le « Blanc Bachelier » (2).
(1) II faut voir là la raison de l'homérique querelle entre le Bienheureux Hildebert, évêque du Mans, et Guillaume le Roux. La cathédrale d'Exeter, en Angleterre, possède deux tours de transept romanes qui par leur aspect général offrent une vive ressemblance avec celles du xie siècle de la Cathédrale du Mans.
(2) ORDERICUS Vitalis. Op. cit., lib. X, cap. 14 (Migne, P. L., t. 188, col. 755, 756).
Pendant toutes ces convulsions de la ville du Mans, le château de Ballon tenait bon pour Guillaume le Roux. C'est de Ballon, que le commandant de cette place, Robert de Bellème, fit partir un courrier, Amalgise, pour chercher du secours auprès de Guillaume. En arrivant en Angleterre, le courrier trouve Guillaume à la chasse. Ce dernier se rend aussitôt en France pour
Mais l'épopée de la défense de la Tour Royale ne doit pas détourner notre attention des considérations pratiques qu'elle éveille. Tout près de la cathédrale de Rochester (comté de Kent, Angleterre) se voit encore la base d'une grosse tour, semblable à un donjon féodal. Le but primitif de cette tour est incon-
nu. Vers la fin du xnc siècle on y installa des cloches, mais il est plus que probable que l'architecte du XIe siècle la destina à garder le trésor capitulaire, comme en un vaste cofire-fort. Elle porte encore le nom de « Gunduli's Tower ». Ce Gundulph, ou Gondolphe, ancien élève du célèbre Lanfranc au Bec-Helluin, fut nommé par celui-ci évêque de Rochester. Il reconstruisit de fond en comble l'église cathédrale entre 1077 appuyer de sa propre personne la garnison assiégée. Il fut toujours possible de communiquer par signaux optiques entre le donjon de Ballon et la Tour Royale du Mans. (Observation personnelle du 27 juin 1927.)
et 1107, mais la grande [tour paraît avoir été achevée en 1081 (1)(2).
Principal architecte militaire de Guillaume le Conquérant, il établit les plans de la Tour de Londres, œuvre qui rendra sa mémoire impérissable la chapelle de la Tour de Londres s'inspire directement du chœur de Notre-Dame de la Couture du Mans.
Il sera intéressant pour nos lecteurs de prendre connaissance de la table suivante des dimensions de la Tour de Gondolphe et de la Tour Royale.
Rochester {Eglise Cathédrale) Le Mans
« Gundulf's Tower » Tour Royale
mètres mètres
Longueur extérieure 11.00 24.00 Longueur intérieure 6.70 15.00 Largeur extérieure 11.00 22.50 Largeur intérieure 6.70 13.50 Epaisseur moyenne des murs. 2.35 4.55 Ces dimensions ne sont qu'approximatives et sont sous toutes réserves. Remarquons que les dimensions linéaires de la Tour Royale sont à peu près doubles de celles de la « Gundulph's Tower ». Mais le point de ressemblance le plus remarquable entre les deux tours est l'appareil des murs. Il nous paraît plus que probable que c'est Gondolphe lui-même qui fit élever la Tour Royale. De par sa qualité d'architecte militaire officiel, il devait naturellement s'occuper d'aussi importantes questions, d'autant plus importantes que les donjons de pierres sont encore fort rares pendant le règne de Guillaume Ier. A la (1) Voir LE Chevalier Saint-John HOPE, Tite Cathedral Church of Sainl-A adrem al Rochester, Londres 1900, p. 8.
(2) La ville de Rochester s'élevait en un endroit très propice aux razzias des Danois, qui, à cette époque projetaient une descente en Angleterre. L'enceinte du château a motte primitif, le Boley Ilill, se trouve, par rapport à la cathédrale, dans la même disposition topographique, que l'enceinte des Monts-Barbet relativement à la Cathédrale du Mans. Elevée en 1067-68, cette enceinte fut abandonnée vers 1088, pour un site avoisinant, où, au XIIe siècle, s'éleva le beau donjon roman encore existant. Les constructions de fortification suivirent le même cours à Rochester et au Mans.
mort de celui-ci, en 1087, il n'y a que quatre exemples de donjons de pierres dans toute l'Angleterre (1).
Mais la Tour Royale ne resta intacte que peu d'années. Avant 1138, elle était abaissée jusqu'au niveau de l'enceinte de la ville. La base resta découronnée jusqu'à sa complète et entière démolition en 1617. La Tour de Gondolphe, à Rochester, faillit subir elle-même le même sort (2). Vers 1785, un étage lui fut enlevé et en 1909 elle menaça de s'écrouler. Mais des travaux de rétablissement dans son premier état furent bientôt commencés (3) et le vénérable monument fut encore une fois sauvé' Cette restauration de sauvegarde devrait servir de modèle à toutes les opérations du même genre.
L'étude des enceintes anglo-normandes du Mans nous fait connaître un peu plus les châteaux primitifs de l'Europe occidentale dits « châteaux à motte ». Les récits d'Ordéric Vital nous donnent des renseignements précis sur l'époque de leur construction, détails 'qui manquent complètement dans la plupart des exemples d'ailleurs. Ce n'est, pour ainsi dire, qu'hier qu'on détermina le but véritable de ces grands mamelons de terre ou de craie, si nombreux dans la Grande-Bretagne et même en Irlande. M. de Caumont aborda la question sans la pousser à des conclusions logiques (4) MM. Viollet-le-Duc et Freeman n'ont pas réalisé nos conceptions actuelles. Chaque exemple de château nettement déterminé et étudié devient ainsi une acquisition sensible pour l'histoire de la France et de l'Angleterre.
(1) La Tour de Londres, les Donjons de Colchester et de Pevensey et peutêtre celui de Kichmond dans le Yorkshire.
(2) Heureuse église de Rochester de n'avoir jamais possédé de grands biens semblables à ceux des riches Chapitres de l'Angleterre! A Salisbury, au xtiii6 siècle, on fit abattre le clocher isolé, merveille de son genre, parce qu'il gênait la vue d'une maison canoniale.
(3) C'est grâce aux précieux concours des Loges maçonniques régionales (notons qu'il n'y a aucune comparaison entre les Loges anglaises et les Loges françaises) que les travaux purent s'accomplir d'une manière si rapide et complète. Elles ont, en outre, offert une série de très beaux vitraux pour orner les baies du transept, dont celui de l'évêque Gondolphe passe pour un véritable chef-d'oeuvre.
(4) Abécédaire d'Archéologie (civile et militaire), pp. 376 et suivantes.
II semble ainsi que le château à motte est l'emblème visible de la primitive féodalité tandis qu'à l'opposé nous trouvons la « chevalerie », créée en grande partie par les Troubadours. Cette question générale des châteaux à motte doit intéresser les Membres de la Société historique et archéologique du Maine, qui possèdent dans leur région un véritable trésor de ces fortifications dont les plus belles sont dues à un seigneur de Sussex, Robert II de Bellème, comte d'Arondel (1) le plus habile ingénieur militaire de son temps. Malgré la haine de la Communauté de Saint-Evroult envers Robert II de Bellême, Ordéric Vital ne cesse de témoigner en faveur de son génie, ni de citer, de la façon la plus précise les châteaux construits ou reconstitués par lui (2).
Pour conclure, nous sera-t-il permis d'ajouter un corollaire à la thèse de M. Freeman? Nous voudrions voir ses conseils réciproquement suivis par les manceaux amateurs d'histoire et d'archéologie qui viendraient contempler en Angleterre, à Exeter, les tours du xic siècle de leur cathédrale, à Londres, la Chapelle de la « Tour blanche », à Rochester les dispositions encore à jour et analogues aux célèbres citadelles du Mans de l'époque si mouvementée et si séduisante de Guillaume le Conquérant, d'Hélie de la Flèche et d'Hildebert de Lavardin (3).
Mars 1928.
J. Pelham-Maitland,
Ingénieur, membre honoraire
de la Société historique et
archéologique du Maine.
v
(1) La vaste et haute motte relevée par lui à Arondel existe encore, for bien conservée, dans le centre de la cour principale du château actuel. (2) ORDEIIICUS Vitalis. – Op. cit., lib. X, cap. 6, 7 (Migne P. L. 188/731735).
(3) Aux Manceaux qui s'iutéressent aux questions de tactique et de stratégie, nous conseillons l'étude plus approfondie des opérations militaires d'York entre 1068 et 1070, eu un excellent résumé, dans Armitage, op. cti., p. 2^2 à 250 il s'y trouve de nombreuses références pour ceux qui voudraient pousser leur recherches plus avant.
Nous ne voulons pas terminer ces lignes sans témoigner notre vive reconnaissance à M. Paul Cordonnier-Détrie, qui a bieu voulu se charger de retoucher le texte de cette étude.
LE MOBILIER D'UNE CHAPELLE RURALE A LA FIN DU XVIie SIÈCLE
Parmi les chapelles que possédait la paroisse de Saint-Marssous-Ballon, celle de Notre-Dame des Champs était l'une des plus vénérées.
Située sur la route de Courcebœufs, à huit kilomètres du bourg, elle était de vastes proportions, avait un autel central et deux chapelles latérales, et conséquemment trois autels elle avait une chaire à prècher, un clocher avec deux cloches. Supprimée la Révolution, elle vit une dernière fois, les fidèles de la contrée réunis pour la Rétractation solennelle du curé de Saint-Mars.
La statue de Notre-Dame des Champs qui faisait son ornement et attirait les pieux pèlerins, est actuellement renfermée dans une armoire de l'église de Ballon (1).
Le titulaire de la chapelle de Notre-Dame des Champs était en 1690 le sieur Dagues, bénédictin, qui au dire de l'abbé Aubry fut un des derniers titulaires. Elle était alors desservie par Me Julien Bellanger, décédé cette année-là, et le fut ensuite par les vicaires de Saint-Mars.
A la mort de Me Bellanger fut dressé un inventaire des « ornemens et ustencilles servant à la décoration de ladite chapelle », et destiné à Me François Arondeau, curé de SaintMars, le 4 décembre 1690.
Ce dernier demande tout d'abord de prendre le calice « qu'il (1) Abbé AUBRY. Ballon, Saint-Mars et Saint-Ouen, pp. 331-333.
s'offre faire rasserer dans la sacristie de l'église dudit SaintMars avec ceux d'icelle, crainte qu'il fut voilé en ladite chapelle ».
Voici cet inventaire (1)
« C'est trouvé un calice d'argent avec la plataine d'argent fort petit et non doré avec son etuy de vieil cuir bouilly. « Six corporeaux de toille blanche commune, garny de petite dantelle ansienne et de peu de valleur douze purificatoires tant bons qu'usés et de même toille trois palles de linge, quatre veilles servant au calice, un de buscau rouge a fleurs double, l'autre bleu, et 1 autre blanc avec leurs croix, avec deux bonnes servant à serrer les susdits ornemens; une vieille chasable rouge avec la stole et manipule, une autre chasuble rouge de service avec la stole et manipule une autre chasuble dont le corps est noir et la barre blanche, garny de stole et manipulé deux autres chasubles de camelot, l'une fort antienne, et usée sans stole, l'autre plus ncufve et garnie de stole et manipule une autre chasuble à fleurs étoffe meslc de faux argent, garnie de galon et frange de même, etolle et manipule. « Trois vieils missels dont il y en a deux en petit vollume en lettre gothique un grand, aussi en lettre gothique de peu de valleur. Cinq coissinets pour soutenir le livre de peu de valleur, deux desquels sont de linge ouvré rompus, deux de toille peinte d'un côté, et l'autre de vieille broderie.
« Un vieil tapis de bergame sur le grand autel.
« Huit nappes d'autel, y compris les trois qui sont sur les trois autels, desquelles y en a une de toille ouvrée, toutes de service six petites serviettes a essuier les mains du prestre six devants d'autel, trois desquels sont de toille peinte, un autre blanc de toille ouvrée, un autre blanc de vieil rais, et l'autre dont le font est d'etamine noire rais blanche et garnie de testes de mort, la plus grande partie de peu de valleur « Deux autres petits tapis de bergame, et des coissins à sup(1) Dressé devant M" D. Poisson, notaire à Saint-Mars.
porter le livre, de peu de valleur. Deux aubes avec leurs amis, l'une de toille de meslinge, brin et lin, et l'autre de brin. « Deux chopinettes avec le petit bassin à laver d'étain, un vieil canon a dire la messe quatre petits chandeliers deux bouquants d'étain, plusieurs morceaux de linges servant aux images, de peu de valleur.
« La plus grande partie des susdits étaient renfermés dans un vieil coffre dancelet fermé avec un petit cadegnat, deux rideaux de peu de valleur qui se tirent devant le grand autel, une vieille petite lampe dont le corps est de cuivre, cassée, deux petites cloches dans le clocher, sonnantes et hendantes et les cordes à les sonner ».
Ce curieux inventaire qui nous fait connaître ce que pouvait être le mobilier d'une chapelle rurale à la fin du xvir5 siècle, nous apprend, en outre, que la porte en était fermée à clef, et que cette clef, celle du coffre, et le calice étaient déposés dans la sacristie de l'église de Saint-Mars.
Louis CALENDINI.
LE CHATEAU DE VERNIE
ET LES FROULLAY, Comtes DE TESSÉ CHAPITRE IV
(Suite et fin)
Déjà, à la nouvelle de l'avènement de Bonaparte et des preactes de son gouvernement pacificateur, les émigrés se rapprochaient de la frontière. Les anciens châtelains de Vernie, en ce qui les concernaient, brûlaient, sinon de'retrouver leurs biens qu'en restait-il après les ventes révolutionnaires? du moins de rentrer enfin dans leur patrie.
Il est vrai que, pour pouvoir, même alors, résider en sûreté sur le sol où ils étaient nés, il était indispensable qu'auparavant ils obtinssent leur radiation de la liste des émigrés.
Aussi, afin d'être en mesure de pouvoir faire efficacement les démarches nécessaires pour obtenir leur radiation, M. et Mme de Tessé commencèrent-ils, selon les formalités alors exigées par la loi, par solliciter du nouveau gouvernement une surveillance pour chacun d'eux avant de franchir la frontière. Cette surveillance leur avait sans doute été accordée avant le 22 février 1800 (3 ventôse an VIII), date à laquelle nous les voyons pourvus par le premier magistrat de S.- M. Danoise à Ploën d'un certificat attestant que le citoyen René-Mans Froullay-Tessé et sa femme, la citoyenne Adrienne-Catherine Noailles, ont habité sans interruption à Wittword, près de Ploën, depuis le 2(5 septembre 17% jusqu'à ce jour (22 février 1800). Mais on était alors encore en hiver, et leur âge ainsi que
leurs infirmités ne leur permettant pas de voyager en cette dure saison, ils durent attendre le retour du printemps pour profiter de la surveillance en question.
Du reste le Comte de Tcssé ne tarda pas il trouver en cette circonstance un appui tout spontané chez son ancien collègue de la Constituante, Eustache Livré (1), qui avait été depuis président de l'administration municipale de la commune du Mans et qui était alors juge au tribunal criminel du département de la Sarthe. Dès que ce dernier eut connaissance de l'arrêté des Consuls du 11 ventôse, il crut de son devoir d'adresser au ministre de la police générale à Paris la lettre suivante (2) accompagnée d'un long et chaleureux plaidoyer en faveur de celui qui avait été le dernier châtelain de Vernie Citoyen ministre,
« Rien n'est plus propre à réparer ou au moins à adoucir le sort les individus émigrés par la crainte ou par toute autre cause forcée que ce soit, que l'arrêté paternel des consuls du 11 ventôse dernier.
« Telle va devenir sans doute la situation dictée par cet amour de la vérité et de la justice dont vous êtes sans cesse animé et par la connaissance intime que j'ai des faits.
« Pour accomplir le vœu de cet arrêté, je vous prie, citoyen ministre, de faire passer cette attestation au ministre de la justice, qui voudra bien la soumettre à l'examen de la commission créée à cet eflet.
Salut et respect »
Livré
(1) Eustache Livré, appartenait une famille du Mans qui y était ancienne et fort honorable et dont les principaux membres s'y étaient fait connaître comme apothicaires ou médecins. Lui-même, dès le début de la Révolution avait été nommé 'député à l'Assemblée Constituante et avait aussitôt accepté les doctrines de la Révolution. (Voir Mémoires de Nepveu de la Mannuillière t. II, p. 133, note.)
(2) Tous les documents que nous reproduisons ici ou dans les pages suivantes relativement à la radiation du Comte de Tessé de la liste des émigrés, sont tirés d'un dossier conservé aux Archives nationales sous la cote
Attestation ponr M. de Tessé ex constituant, inscrit sur la liste des émigrés.
« Dans l'incertitude absolue où je suis que M. de Tessé, membre démissionnaire de l'Assemblée constituante pour cause de maladiegrave, inscrit par ttn effet de la plus insigne malveillance sur la liste des émigrés, soit rentré sur le territoire de la République française, je saisis avec empressement les circonstances du salutaire arrêté du 11 du présent mois des Consuls de la République pour développer à son égard des vérités peu connues, invoquer en sa faveur la justice qui lui est due et rendre à la patrie un de ces hommes les plus propres à l'honorer par leur civisme et leurs vertus.
« En conséquencej'atteste à qui il appartiendra que M. de Tessé, député de la ci-devant noblesse du Maine à l'Assemblée Nationale, s'est soumis sans restriction à la vérification en commun de cette assemblée.
« Qu'il y a constamment voté pour l'établissement de l'égalité et de cette liberté légale qni ne dégénère point en désordre « Que, dans la séance du 4 août 1789, il était un de ceux qui, les premiers, firent le sacrifice de la chasse, l'abandon de leurs droits féodaux, et stipulèrent leur renonciation aux privilèges et immunités pécuniaires;
« Que, dans le cours des autres séances, où il a constamment assisté, il a toujours manifesté le patriotisme le plus pur, le plus éclairé, et la volonté bien prononcée de contribuer au bonheur commun des Français, à lagloireet à la prospérité de la France;
« Qu'il a prêté les sermnets civiques requis par l'assemblée, notamment celui du 4 février 1790;
« J'atteste également que ce digne citoyen, attaqué depuis bien des années d'une maladie grave, dont les accès devinrent plus fréquents par son assiduité aux séances de l'assemblée, fut forcé d'y renoncer pour ne s'occuper que de sa santé entièrement délabrée
Que je remis sa démission au président de l'assemblée où elle fut acceptée dans la séance du5 mai 1790. »
Ici le citoyen Livré expliquait comment le Comte de Tessé ayant été obligé par une ordonnance du D' Tissot d'aller prendre les bains de Loèche, dans le Haut Valais en Suisse, s'était trouvé ensuite, toujours à cause de sa santé, contraint de prolonger son séjour dans le pays bien au-delà de la durée du congé a lui accordé par l'Assemblée Constituante, et comme nous avons déjà, au chapitre précédent, cité dans notre récit une grande partie des faits et certificats de médecins auxquels fait allusion la partie de l'attestation que nous sommes en train de reproduire concernant la maladie de l'ex constituant, nous n'insisterons pas davantage, et arrivons sans plus tarder à la dernière partie de cette même attestation qu'il est utile de faire connaître ici
«Je déclare en outre que la bienfaisance et les vertus civiques de M. de Tessé étaient parfaitement connues dans toute l'étendue du département de la Sarthe et des environs bien longtemps avant la Révolution c'est une vérité que l'immense majorité de ceux qui habitent ces cantons attestera toutes les fois que le gouvernement voudra.
« Je déclare aussi 'que la présente attestation ne m'a point été mendiée, ni directement ni indirectement, que depuis le mois de septembre 1791 je n'ai absolument eu avec M. de Tessé aucune relation ni correspondance, mais qu'elle m'a été suggérée par la lecture de l'arrêté du 11 du présent des Consuls de la République, dictée par la connaissance que j'ai des vérités qu'elle contient et par la vénération que j'ai toujours conservée pour les vertus de ce respectable citoyen. Donné au Mans le 23 ventôse de l'an VIII de la République française »
Livré, ex-Constituant.
Quelques semaines après qu'Eustache Livré eut ainsi fait spontanément auprès du ministre de la police générale la helle et généreuse démarche que nous venons de voir, un certain Resnier, demeurant à Paris, rue Saint-Joseph n° 17, et agissant comme fondé de pouvoir du Comte de Tessé, présentait de la part de celui-ci au même ministre la pétition suivante, datée
du 29 ventôse, et à laquelle il avait ajouté les apostilles de quelques anciens députés de la province du Maine à la Constituante, tels que Ménard de la Groye, Gournay, Dumans, S. R. Guérin, Delalande, Cheuon de Beaumont, Meaupetit, Cornilleau, de Choiseul-Praslin, auxquels s'étaient joints en cette circonstance le Consul Lebrun et le citoyen Sédilly, chargés en 1792 du rapport sur la loi du Séquestre. Voici la pétition de Besnier.
«An citoyen ministre de la police générale»
« Citoyen ministre,
René-Mans Froullay-Tessé, ex constituant, connu par son patriotisme et par l'énoncé constant de ses opinions en faveur de la liberté, a les titres nécessaires pour regarder comme personnellement applicable à sa position, l'arrêté des consuls du 11 ventôse an VIII, qui rangedans une classe particulière ceux des membres de l'assemblée constituante qui les premiers ont reconnu et proclamé les principes de l'égalité. « René-Mans Froullay-Tessé, député de laci-devant province du Maine, est arrivé aux Etats généraux, avec une réputation antécédente de patriotisme; il n'a point tardé à énoncer hautement ses principes en laveur de la Révolution alors qu'il y avait quelque péril à les proclamer. Les constituants ses collègues, se rappelleront que sa maison devint dès lors à Versailles le rendez-vous de l'opposition, et que lui et ses amis furent signalés par la cour comme les chefs du parti populaire.
« René-Mans Froullay-Tessé suivit dans toutes les discussions et opérations de l'Assemblée la ligne que son civisme notoirement reconnu devait lui tracer il se joignit à cette fameuse minorité de la noblesse qui, par sa réunion avec le peuple, hâta la destruction des ordres et prépara l'anéantissement complet des classes privilégiées.
« Il prêta à l'assemblée le 4février 1790 le serment de fidélité etd'attachement aux principes de liberté et d'égalité; la prestation de son serment est signée dans les procès-verbaux
de l'assemblée; ce même serment civique fut encore prêté par lui à son district lors de son départ pour la Suisse il est également consigné dans les procès-verbaux de ce district. « René-Mans Froullay-Tessé n'a signé dans aucun temps aucunes des protestations contraires à la liberté; il s'est montré le courageux ami des mesures qui ont tendu à l'établissement de l'égalité et à l'abolition desprivilèges héréditaires. Son patriotisme est tellement notoire que, lorsqu'il fut menacéd'être inscrit sur la liste des émigrés, tous les députés ses collègues, membres de son département, réclamèrent contre cette iniquité l'assemblée législative avait même nommé une commission à cet effet, et le rapport le plus favorable devait être présenté à l'assemblée lorsque les événements qui suivirent arrêtèrent cette mesure de justice. »
Cette pétition était, nous l'avons dit, accompagnée d'apostilles des anciens collègues du Comte de Tessé à l'assemblée constituante, et même de Lebrun et de Sédilly, mais nous craindrions d'allonger par trop notre récit en les reproduisant ici d'autant plus qu'elles ne font que confirmer ce qui était énoncé dans la pétition.
Peu de temps après l'envoi au ministère de la police générale de la pétition qui précède, René-Mans de Froullay fut informé qu'il manquait à celle-ci quelque chose, s'il voulait que sa radiation s'étendît aussi à sa femme qu'on avait oublié d'y mentionner.
Il chargea donc leur ami Adrien de Mun qui les avait devancés à Paris et habitait rue d'Anjou-Saint-Honoré, n° 928, de transmettreau ministèrede la police la réclamation suivante complétant sa pétition.
« L'ex-constituant René-Mans Froullay-Tesséjoint à sa pétition une réclamation en faveur d'Adrienne Catherine Noailles Tessé sa femme, âgée de 58 ans, qui ne l'a pas quitté dans son exil. Tous les deux, vieux et sans enfants, espèrent de la justice du gouvernement qu'il ne séparera pas leur cause, et que le même arrêté, qui rappellera l'ex-constituant Tessé, sera commun à sa femme. L'ex-constituant Tessé n'a besoin person-
nellement que du certificat de civisme qui lui est délivré par ses collègues, et notamment des trois pièces n° 5, attestant leur résidence non interrompue en Suisse et en Holstein, pays neutres et leurs réclamations ultérieures. Au reste tous les deux ont déjà obtenu du gouvernement une surveillance pour chacun d'eux dont ils auraient pu profiter depuis trois mois, si leur âge et leurs infirmités leur avaient permis de voyager en hiver. Le fondé de pouvoir sollicite la communauté de leur radiation, et l'attend de la bienveillance et de la justice du gouvernement. »
Adrien df Mun.
rue d'Anjou-Saint-Honoré, n' 928.
Est-il besoin d'ajouter que la commission chargée de statuer au ministère de la police sur la pétition des ex châtelains de Vernie n'avait'pas tardé à donner un avis favorable que le ministre s'empressa aussitôt de mettre sous les yeux du premier Consul le général Bonaparte. Or les intéressés en furent paraît-il, informés au commencement de Fructidor de cette même année an VIII. Mais, pour éclairer d'autant la religion du chef suprême de l'Etat, et corroborer les avis de la commission lorsque l'examen en serait fait par lui, on leur conseilla dejoindre à la pétition les trois pièces suivantes extraites des archives des anciens comités de législation déposées au ministère de la justice.
La première, dont la date remontait au courant de l'été 1792, était un projet de rapport par le citoyen Sédilly, la seconde, du mois de mai 1793, était un autre rapport du même citoyen, alors membre de la convention et du comité de législation, et la troisième, du 5 nivôse an III, était au procès-verbal du comité de la convention.
Et c'était ces trois pièces que le 5 fructidor an VIII, Tessé et sa femme adressèrent au premier consul dans une lettre où ils exposaient les raisons qu'ils avaient de recourir directement à lui, et qui se terminait ainsi:
« Et, comme il résulte de ces pièces, général, que l'exposant et sa femme qui, liée à son sort depuis 45 ans, n'a jamais
vécu séparée de lui, et a dû surtout lui prodiguer ses soins quand ses jours étaient menacés par la maladie que ce n'est pas en haine de la Révolution qu'ils ont quitté le sol français, mais sur une autorisation de l'assemblée constituante ellemême que jamais ils n'ont varié dans leurs principes ils attendent de votre justice que vous confirmerez l'avis de votre Commission étayé sur votre arrêté du 11 ventôse, dans les dispositions duquel se trouvent les exposants, et qu'ils n'avaient pas même besoin d'invoquer, attendu qu'ils sont en règle par une réclamation bien antérieure du 26 floréal de l'an III, adressée à la première des autorités constituées d'alors, la représentation nationale, et sur laquelle réclamation deux comités de cette représentation ont prononcé successivement d'une manière formelle. ».
On aurait pu croire qu'après toutes les démarches qui précèdent, la religion du général Bonaparte était suffisamment éclairée et qu'ilallaitprcsqueaussitôt effacer d'un traitde plume Tessé et sa femme de la liste des émigrés; mais il n'en fut rien; il fallut encore en faveur des pétitionnaires qui nous intéressent deux autres interventions que nous voyons relatées dans le dossier relatif à cette affaire qui se trouve aux archives nalionales. C'est d'ahord celle de deux envoyés du département de la Sarthe, Hardouin et Emile Moreau qui adressèrent au général Bonaparte la lettre suivante
t Général,
« Le citoyen René-Mans Froulay, propriétaire dans le département de la Sarthe, s'était toujours distingué par des sentiments patriotiques et des actions généreuses, même avant de se montrer ami de la liberté et des droits du peuple dans l'Assemblée Constituante. Jamais l'opinion publique dans notre département ne l'avait considéré comme émigré, lors même que ses biens, aujourd'hui vendus en presque totalité, subissaient la loi rendue contre les absents, parce qu'on savait que le mauvais état de sa santé avait été l'unique cause de son éloignement de sa patrie. Nous sommes en conséquence con-
vaincus que la prompte radiation de cet intéressant citoyen causerait une vraie satisfaction dans notre département. « C'est pourquoi nous osons prendre la liberté de vous supplier de l'accorder, nous appelons la même faveurpour Adrienne Catherine Noailles, sa femme, que nous jugeons estimable de n'avoir pas abandonné son mari mourant.
« Salut et respect ».
HARDOUIN, envoyé du département de la Sarthe.
Em. Moreau, envoyé du département de la Sarthe. Cette intervention émanait, à la vérité, de deux personnages qui devaient être assez peu connus du premier consul mais il n'en était assurément pas de même de celle du général de La Fayette, qui dans les mêmes jours, le 14 vendémiaire, an IX, lui envoyait de son côté la requête suivante
Paris, 14 vendémiaire, an 9.
« Général,
Vous avez accueilli ma demande pour des parents chez qui, après vous avoir dû ma délivrance, je trouvai un asile dans le Holstein.
René-Mans Froullay Tessé, âgé de 64 ans, ex constituant, et Adrienne Catherine Noailles Tessé, sa femme, âgée de 60 ans, tous deux très infirmes, réunissent les titres et les circonstances les plus favorables à leur radiation.
« Hâter pour eux ce moment est le bonheur que j'ai sollicité. Agréez, général, l'expression de ma reconnaissance. « Salut et respect ».
LA FAYETTE.
Nota. On lit en haut de cette lettre, sur la date, à côté du mot « général v
Recommandé au ministre de la police générale pour en faire un rapport. Paris, le 11) vendémiaire,
Le premier consul,
BONAPARTE.
Est-ce cette dernière requête qui détermina le Premier Consul à accorder enfin la radiation qui lui était ainsi demandée? Ce qui est certain, c'est que cette radiation ne tarda pas à être prononcée, en voici les termes
« Les Consuls de la République française, vu la réclamation de Rëné-Mans Froullay-Tessé et de Catherine Noailles, son épouse, tendant à obtenir leur radiation de la liste des émigrés vu le rapport du ministre de la police générale, arrêtent Article 1. Les noms de René-Mans Froullay-Tessé et de Adrienne Catherine Noailles sont définitivement rayés de la liste des émigrés.
Article 2. Ils rentreront dans la jouissance de ceux de leurs biens qui n'auraient pas été vendus, sans néanmoins prétendre aucune indemnité pour ceux qui se trouvent aliénés. Article 3. Les ministres de la justice; des finances et de la police générale sont chargés, chacun en ce qui le concerne, de l'exécution du présent arrêté qui ne sera point imprimé ». Ainsi le Comte de Tessé et sa femme purent, à partir de 1801, habiter en France où bon leur semblait, mais non se remettre en possession de cellcs de leurs terres qui avaient été vendues nationalemeut, notamment de la terre de Vernie. C'était au mois de juin 1800 que le Comte et la Comtesse de Tessé étaient arrivés à Paris avec leur suite ordinaire. Ils n'avaient pas encore, comme on l'a vu, obtenu leur radiation définitive, mais la mesure de surveillance dont ils avaient été l'objet équivalait à une radiation provisoire. Ils avaient donc pu louer une maison dans la rue d'Anjou-Saint-Honoré, près de celle de leur ami Adrien de Mun. Puis au début de l'année suivante, quand ils apprirent leur radiation définitive, ils quittèrent cette maison pour aller s'établir dans une maison à eux rue Verte. En outre, en 1802, éprouvant le besoin d'avoir une résidence à la campagne pour y passer la belle saison, ils achetèrent à Aulnay, près de Chatenay, non loin Paris, une très agréable habitation.
Mme de Tessé qui avait pris décidément pendant ses séjours forcés à l'étranger le goût de diriger un faire valoir, y avait des vaches, mais elle n'en vendait plus le lait, n'en ayant pas trop
pour ses hôtes alors plus nombreux que ceux qu'elle avait eus à Loffenberg et à Wittwold. Comme nous l'apprend Mme de Montaigu, indépendamment de ses nièces et neveux, petits neveux et petites nièces dont elle aimait à se voir entourée, quantité d'amis venaient chaque jour pour la voir et l'entendre. Elle lisait dans son lit, un crayon à la main,toutes les matinées, et vers midi elle se rendait dans un kiosque élégant, bâti sur une éminence, au milieu des ombrages du jardin, avec des points de vue délicieux, et qui variaient à chaque fenêtre. C'est là qu'elle recevait ses visites. On y restait jusqu'à l'heure du dîner. Après le dîner, le whist, la lecture et la causerie. C'était, avec plus d'aisance, plus de calme encore et plus de gaieté, le même train de vie que sur les bords du lac de Ploën. Rien n'était changé dans les habitudes de Mine de Tessé, si ce n'est qu'elle allait très régulièrement, chaque dimanche, entendre la messe au village et qu'elle y amenait son mari. On pouvait aussi remarquer dans ses entretiens toujours pleins d'élévation, de force et d'intérêt, moins de traits contre les dévots, plus de douceur et de sérénité. Elle avait même, au milieu de ses petits neveux, les scrupules d'une mère de famille, et n'avait garde de dire un mot qui pût étonner la foi d'un enfant. Il semblait qu'elle commençait à comprendre et à sentir que la religion est aussi une philosophie, ou du moins, selon le mot connu, que si un peu de philosophie éloigne de la religion, beaucoup de philosophie y ramène.
Peut-être la lecture du Génie du Christianisme, qui venait alors de paraître et qu'une femme intelligente comme elle avait dû beaucoup admirer, n'avait-elle pas été étrangère à cette demie conversion?
Quant au comte de Tessé, le premier consul ayant organisé dans les départements les Conseils généraux, il avait été appelé par le gouvernement à faire partie de celui de la Sarthe et avait ainsi plusieurs fois par an l'occasion de se rendre dans l'ancienne capitale du Maine où les sympathies de ses ex-collègues à la Constituante ne devaient pas lui manquer et cherchaient à le consoler de la perte des nombreuses
terres qu'il avait autrefois possédées dans le pays. Fût-il, une fois ou l'autre, tenté de revoir ce magnifique château de Vernie où ses ancêtres avaient fait tant de séjours! Hélas, s avait obéi à cette tentative, il eût vu un spectacle qui lui eut certainement fendu le cœur. Non seulement son château était passé en des mains étrangères, mais une grande partie de celui-ci était en proie à la pioche ou à la hache des démolisseurs.
Resté au Mans, il avait du moins la satisfaction, entre deux séances du conseil général, de revoir au musée de la ville la plupart des tableaux qui ornaient autrefois les appartements de Vernie et de constater qu'ils y étaient conservés dans les conditions les meilleures.
L'hôtel de Tessé, lui avail été rendu par le gouvernement consulaire après son retour de l'émigration. Mais son état présent de fortune, ne lui permettait plus alors de l'habiter convenablement, d'autant plus qu'il n'avait pas d'enfants. Enfin en juillet 1810, le comte et la comtesse de Tessé se décidèrent-ils vendre ce magnifique hôtel familial pour 64.000 fr. aux dcux départements de la Sarthe et de la Mayenne, représentés en cette circonstance par le préfet de la Sarthe Auvray, afin d'y établir, en exécution de Concordat, un évêché et un séminaire pour le diocèse du Mans.
Cependant, dans les années 1804 à 1808, en même temps que l'Empire succédait à la République, la société se réorganisait. Partout à Paris se formaient dans les salons de petits groupes, où, sous l'inspiration des émigrés récemment rentrés de leur exil, on voyait revivre les manières et les brillantes conversations d'autrefois. Or parmi ces divers groupes M""3 de Tessé ne tarda pas à avoir le sien.
Elle donnait aussi, de temps à autre, de jolies fêtes dans sa maison de campagne d'Aulnay, par exemple au printemps de 1805, à l'occasion du cinquantième anniversaire de son mariage et en 1813 pour fêter le mariage de sa petite fille de Montaigu avec M. de la Romagère. Mais cette fête de 1813 devait être la dernière de celles qui furent célébrées à Aulnay. t
Le comte de Tessé mourut en effet à Paris le 21 janvier 1814, à la suite d'une attaque de paralysie, pendant la campagne de France. Sa femme ne devait lui survivre que très peu de temps, car elle mourut elle-mème presque subitement le Ie' février suivant.
D'après Mme de Montaigu, elle était attachée à son mari plus qu'on ne le croyait et qu'clle ne le croyait peut être ellemême. Quand il ne fut plus, elle éprouva un vide inexprimable; ni l'Empire qui s'écroulait, ni le bruit des armées qui envahissaient la France, aucun de ces grands évènements si dignes d'exciter l'attention d'un esprit comme le sien, ne fut capable de la distraire. Une habitude de cinquante-huit ans « disaitelle, n'est pas de celles qu'on peut perdre ». Elle ajouta, car elle avait conservé, dans sa douleur, toute sa fermeté et toute sa raison « J'ai beaucoup d'affaires à régler, il faut se presser je sais que la mort me talonne ». Mme de Montaigu, sa nièce, avait passé trois jours avec elle, écrivant sous sa dictée ses dispositions testamentaires.
Nous avons dit que le comte de Tessé était mort à Paris le 21 janvier 1814. Il avait institué son épouse sa légataire universelle. De son côté M'1 de Tessé laissait un testament olographe ainsi conçu ·
« Je donne au fils aîné de feu M. Perre de Chavagnac et à l'aînée des filles de M. de Monteclerc, tous les biens et tous les droits dont je suis en possession dans le département de la Sarthe et celui de la Mayenne, en vertu du testament du comte de Tessé mon mari, à la charge par eux d'acquitter les legs suivants à M. Louis d'Espinchal. à Mme de Montaigu. à Mmes de la Tour Maubourg. et de Lasteyrie. à Mme de Lafayette. »
Comme on le voit, les Chavagnac se trouvaient dès lors les héritiers les plus proches de ces Tessé-Froullay dont René Mans III avait été le dernier représentant direct, Gilles-Henri-Louis Claude de Chavagnac en Auvergne, capitaine des vaisseaux du roi, grand-père du fils aîné en 1814 de feu M. Pierre de Chavagnac, avait en effet épousé à 1728 Anne-Angélique«
Renée de Froullay-Tessé née le 19 juillet 1712 du mariage de René-Mans, comte de Froullay avec Marie-Elisabeth-ClaudePétronille Bouchu, dont tous les frères et sœurs, sauf RenéMans HI, père du dernier comte de Tessé, étaient morts sans alliance.
Aujourd'hui le chef du nom et des armes de la maison de Chavagnac, dans laquelle se sontéteintsles anciens seigneurs de Vernie, esl le marquis de Chavagnac, qui habite le beau château historique de la Ilongère, àVilliers-Charlemagne dans la Mayenne. Il y conserve de nombreux portraits des différents membres de l'illustre famille de Froullay, entr'autres ceux du fameux maréchal de ce nom, et de son fils René-Mans I, filleul de la ville du Mans, qui y ont figuré à l'exposition rétrospective de 1923, au Mans (1).
A. DE BEAUCHESNE.
(1) Un autre portrait de René-Mans 1 de Froullay, comte de Tessé, se trouve au château de la Groirie à 'l'rangé. Il est en tout semblable à celui qui est la propriété du marquis de Chavagnac au château de la Rongère. Nous avons dit que ce comte de Tessé, fils du maréchal. était mort à l'hôtel de,Tessé au Mans le 22 septembre 1746 et était filleul de la ville du Mans. Nous avons dit aussi que dans son testament olographe du 10 janvier 1743 il avait institué M. de Samson de Lorchère comme son exécutent* testamentaire. Il l'avait même prié de recevoir un diamant de 10.000 livres (voir Robert Triger l'Ancien hôtel de Tessé au Mans, pages44 et suivantes). Or M. de Lorchère était propriétaire du château de la Groirie, et l'on s'explique facilement que ce dernier ait pu recevoir de la famille de Tessé, en remerciement de ce qu'il avait pu faire comme exécuteur testamentaire de René-Mans 1, le beau portrait que ses successeurs, les propriétaires du château en question, se sont transmis jusqu'à nos jours et qu'il soit ainsi parvenu au propriétaire actuel le vicomte Bayard de la Vingtrie.
COMPTE RENDU DE LA RÉUNION et de l'Assemblée Générale du 12 Mars 1928. La réunion annuelle et l'Assemblée Générale des Membres de la Société ont eu lieu le lundi 12 mars, sous la présidence de M. de Linière, Vice-président de la Société.
En prévision d'une affluence comparable, et peut-être supérieure, à celle de l'année précédente, le Bureau avait cru prudent de choisir un local plus vaste et plus confortable que la salle de la Maison dite de la Reine Bérangère. L'événement devait justifier cette heureuse précaution. Plus de cent cinquante personnes, en effet, se trouvaient réunies, à 14 heures, dans la salle Saint-Jean, obligeamment mise à la disposition de la Société, pour son Assemblée générale, par M. l'Archiprêtre de la Cathédrale.
Les regrets qu'avait suscités l'abandon de la Maison de la Reine Bérangère, où tant de réunions semblables avaient été tenues, étaient en partie compensés par le plaisir d'inaugurer, ou plutôt de réinaugurer la salle Saint-Jean, encore toute fraîche des travaux d'agrandissement qui venaient d'être faits. M1"" Henri le Cornu, à qui nous tenons à adresser ici l'expression de notre sincère gratitude, s'étaittrès aimablement chargée de disposer les décors, dont elle sut tirer un très heureux parti. M. de Linière, de son côté, avait eu la délicate attention de faire placer sur l'estrade le beau portrait de Robert Triger, par M. Charles Morancé. Chacun revit ainsi avec émotion les traits de celui qui présida si longtemps, avec tant de compétence et d'affabilité, les réunions de la Société.
M. de Linière ouvrit la séance en ces termes
Mesdames, MESSIEURS,
L'empressement continu que vous mettez à assister à nos réunions, nous a forcés, comme vous le voyez, à sortir de notre cadre ordinaire et familier, et à émigrer dans une salle aux plus vastes proportions.
Le succès obtenu par de brillants conférenciers comme M. Hennet de Goutel et M. André l'Eleu, mon distingué collègue, nous a démontré que cette petite salle de la maison, improprement dite delà Reine Bérengère,- bien qu'elle renfermât pour nous tant de souvenirs qui nous sont chers, n'avait ni l'ampleur, ni la disposition suffisantes pour faire apprécier le talent de nos confrères et donner satisfaction à des auditeurs pourtant très attentifs.
Nous avons dû chercher ailleurs un local mieux approprié, rapproché autant que possible de notre vieux logis. Grâce à l'amabilité bien connue de M. l'archiprêtre dont nous sommes les paroissiens, nous avons pu vous recevoir dans cette jolie salle voisine de la nôtre, et dont vous aviez déjà fait connaissance lors des fêtes du Cinquantenaire, le 1er juin 192(5. Nous vous avions offert ce jour-là un goûter qui fut fort apprécié. Aujourd'hui nous vous offrirons avec les deux conférenciers que je salue ici un régal1 bien supérieur.
Vous me permettrez donc, enouvrant notre séance, Mesdames, Messieurs, de remercier très vivement M. le chanoine Vallée, de son aimable hospitalité, et de le féliciter du parti qu'il a su tirer de l'adjonction d'une vieille maison à cette salle moderne. Nous inaugurons aujourd'hui la Salle Saint-Jean agrandie. Puisse-t-elle accueillir souvent de nombreuses et brillantes réunions comme la nôtre!
Mais avant de donner la parole à nos distingués conférenciers, je voudrais recréer l'ambiance de nos séances ordinaires, et je saluerai d'abord la mémoire de deux de nos confrères dont la disparition toute récente nous cause des regrets sensibles. M. Emile Senart, membre de l'Institut, président de la Société
« L'Asie française », ancien conseiller général de la Sarthe, officier de la Légion d'honneur, décédé le 21 février dernier, dans sa 81 année.
Ce savant, que nombre d'académies étrangères s'étaient attaché, était l'un des premiers orientalistes de notre temps Membre titulaire de notre Société depuis 45 ans, il était certainement l'un de ceux qui lui faisaient le plus d'honneur. Mme la comtesse d'Angély-Sérillac est décédée le 2 mars à Doucelles. On a justement rendu hommage à ses obsèques au charme prenant de son amabilité souriante, de sa bonté toujours prête à l'indulgence, de sa parfaite courtoisie. Elle évoquera pour nous le souvenir d'une époque disparue, d'une société qui fut peut être plus frivole que la nôtre et d'une élégance de bon ton qui sut ne pas vieillir. Elle se montra fidèle jusqu'à la fin à nos réunions et à nos banquets. L'année dernière, âgée de 84 ans (qui aurait pu le croire?), elle présidait à Evron la table de notre banquet et faisait l'admiration de tous par son entrain et sa vaillance infatiguable.
Puis, M. de Linière souhaita la bienvenue aux nouveaux Membres admis dans le courant de l'année sociale 1927-1928, et il ajouta
Depuis notre dernier Bulletin notre Bureau a prononcé l'admission de
M. l'abbé Georges Branxhu, curé de la Chapelle-Saint- Aubin M. René Fontaine, receveur de l'Enregistrement, au Mans Mme Louis Gaudineau
M. Constant Helbeht
Le D1 Lucien Hehv;
Le Dr Kenzinoer
M'°° Marcel Laiuneau, qui a bien voulu remplacer sur nos listes, son mari, notre regretté confrère
M'" Françoise DES Mazis
Le Dr Morisset, de Mayenne, qui avait été l'un des fondateurs de notre Société et revient à nous
M. Rinjaht, avocat au Mans.
Je souhaite la bienvenue à ces dix nouveaux confrères et je suis heureux de saluer ici la présence de plusieurs membres de la Société d'agriculture, sciences et arts de la Sarthe, qui sont venus écouter quelques pages de la vie de Robert Triger, viceprésident de cette Société, amie de la nôtre et aussi des membres du Bureau de la Société des Archives du Maine 'Nous entretenons, comme vous le voyez, avec ces deux Sociétés du Mans les meilleurs rapports.
Je ne puis remercier personnellement tous ceux qui nous font l'honneur d'assister à cette réunion, j'en excepterai cependant les membres de la famille de notre regretté Président, particulièrement Mme Adrien de Vaublanc, qui nous a confié le précieux dépôt des documents et archives de Robert Triger, maintenant installés dans notre grande salle du rez-de-chaussée et qui sont une mine bien précieuse pour les travailleurs du Maine.
Enfin, M. de Linière présenta les excuses de plusieurs membres absents
M. le marquis de Beauchesne, vice-président de la Société, M. Edouard de Lorière et M. le chanoine Girard, membres du Bureau;
M. le comte de Bastard d'Estang, ancien président de la Société, dont le portrait vient de prendre place parmi ceux des anciens présidents, dans notre salle d'honneur MM. le baron d'Auteroche, marquis d'Argence, Henri Bâtard, comte Celier, Paul Cordonnier-Détrie, Dr Delaunay, Laurain, Frantz Lcbourdais, colonel de Lestapis, général Pageot, etc., etc. Le président donna alors la parole à M. Georges Leroux, secrétaire général, pour la lecture du rapport sur la situation de la Société en 1927.
Nous reproduisons ci-après les principaux passages de cet exposé
MESDAMES, MESSIEURS.
Les réunions brillantes du Cinquantenaire sont encore trop présentes à toutes les mémoires pour que l'on ne soit pas tenté
de considérer l'année sociale 1927-1928 comme un peu terne auprès de sa devancière. Et pourtant, ce serait faire là une très injuste comparaison, car peu d'années ont marqué comme celle-ci la force et la volonté de vivre de notre Société Historique et Archéologique du Maine.
Vous vous souvenez des conditions difficiles dans lesquelles cette année s'est ouverte. Notre Société venait d'être doulourcureusement atteinte par la mort de son Président, M. Robert Triger. Par surcroît, un fâcheux accident, heureusement sans suites graves, tenait éloignée d'elle un de ses vice-présidents, M. le Marquis de Beauchesne. Il semblait que son développement dût être momentanément arrêté au moment même où tous les espoirs paraissaient permis.
Cette inquiétude, heureusement, n'était pas justifiée. Notre Société a porté courageusement son deuil elle ne s'est laissé ni démoraliser, ni affaiblir. Sous la direction de son vice-président, M. de Linière, qui, dès le début, assuma avec le plus grand dévouement toutes les responsabilités et toutes les charges, elle a poursuivi sa tâche et fait de sensibles progrès. Qu'il me soit permis ici d'exprimer respectueusement à M. de Beauchesne, revenu depuis quelques mois dans nos réunions, mais actuellement dans le Midi, la joie que nous a apportée le rétablissement de sa santé à M. de Linière, notre vive reconnaissance et aussi nos félicitations pour les résultats obtenus. Malgré le grand vide creusé dans nos rangs par la mort de M. Robert Triger, .nous savons que nous pouvons maintenant, sous une ferme et sage direction, envisager l'avenir avec une pleine confiance.
Cette confiance dans l'avenir, il était déjà possible de l'avoir au début de l'année, lors de votre dernière Assemblée générale. Pour la première fois, la grande salle de la Maison de la Reine Bérangère se trouvait trop petite. Beaucoup d'auditeurs ne pouvaient suivre, comme ils l'auraient voulu, la très belle conférence de.M l'Eleu, Bibliothécaire de la Société, sur Caroline de Froullay, Marquise de Créquy. Cette année, vous le voyez,votre Bureau a pris ses précautions. Il vous a réunis dans
cette salle Saint-Jean récemment agrandie, et obligeamment mise à sa disposition par M. l'Archiprêtre de la Cathédrale. Et les deux conférenciers d'aujourd'hui pourront être suivis, je l'espère, dans de meilleures conditions d'acoustique et de confort, que le brillant conférencier de l'an dernier.
Le mois de Juin vit, cette année, deux séries de réunions l'excursion traditionnelle, qui se déroula dans la Charnie, et la réception des Membres de la Société Anglaise « Balliol Earthworks Survey ».
L'excursion est, vous le savez, la grande manifestation de l'activité de notre Société. Elle est toujours attendue avec curiosité et suivie avec entrain. Mais cette année le succès dépassa toutes les espérances. Cent quarante personnes y prirent part et visitèrent, sous la direction de M. de Linière, le château et les fortifications de Sainte-Suzanne, l'Eglise et le Monastère d'Evron, le château de la Roche Pichemer, et finalement le château de Montécler où un goûter leur fut aimablement offert par M. le marquis et Mme la marquise de Montécler. Quelques jours plus tard, la Société avait le plaisir de recevoir les membres de la Société Anglaise « Balliol Earthworks Survey », venus dans le Maine pour étudier les châteaux et les fortifications édifiés par Guillaume le Conquérant et les monuments laissés par Robert de Bellème sur la frontière Mancelle. Très sympathiques, parfaitement organisés et même spécialisés, nos hôtes passèrent dans le Maine trois journées qui furent pour tous ceux qui les vécurent pleines d'intérêt et d'agrément.
La réception eût lieu le troisième jour, au Siège de la Société. Elle fut suivie d'un goûter à « l'hostellerie des Ifs dont tous les assistants garderont le plus sympathique souvenir. Des relations amicales s'établirent entre les deux sociétés, et les lettres échangées depuis cette visite semblent indiquer qu'elles seront durables. Pour les resserrer et garder le souvenir de cette agréable et utile réception, votre Bureau a d'aillenrs tenu à nommer M. John Pelham Maitland, directeur général de la Société Anglaise, membre d'Honneur de notre Société.
Voici, Mesdames et Messieurs, rapidement résumés, les principaux événements de l'année. Il est d'autres événements de moindre importance que, dans mon souci de brièveté, je ne puis rappeler ici. Permettez-moi toutefois de vous dire encore que votre Bureau a tenu à se faire représenter à toutes les réunions ou cérémonies auxquelles il a été convié, notamment à la Séance du Centenaire de la Société de Médecine du Mans. Enfin, ses Membres présents se sont fait un devoir d'assister à la Messe anniversaire de la mort de M. Robert Triger, célébrée le 16 janvier à la Cathédrale du Mans.
Votre Bureau a procédé, au cours de cette année, au classement et au rangement des collections de M. Robert Triger, que Mme de Vaublanc a bien voulu remettre à la Société. Il les a placées, en deux corps de bibliothèques, dans la salle du rezde-chaussée de la Maison dite de la Reine Bérangère. En même temps il a modifié l'aménagement de cette salle, afin de mettre mieux en valeur les oeuvres d'art et souvenirs qui s'y trouvaient exposés.
La Société a poursuivi en 1927 ses publications trimestrielles, qui forment un volume de 240 pages. Elle a fait paraître encore la Table des Matières des derniers Bulletins de la première série, établie par dom Heurtebize. Pour l'année à venir, la publication du Bulletin est largement assurée, grâce aux nombreux envois d'articles et de travaux qui ont été faits. Les premiers numéros contiendront la biographie de Robert Triger, dont l'auteur, M. Tournoüer, a bien voulu accepter de nous lire tout à l'heure quelques pages. Mais il sera fait une publication à part de cette Biographie, que tous les Membres de la Société tiendront à posséder et conserver comme un précieux souvenir du Maître disparu. Enfin, vous trouverez dans un prochain Bulletin les noms et adresses des Membres de la Société et la liste des Sociétés correspondantes.
En ce qui concerne notre effectif, j'ai le grand plaisir de vous dire que, malgré un certain nombre de deuils et de changements de résidence, notre chiffre est passé de 348 à 362. Tout semble indiquer qu'il croîtra encore. Vous pouvez faire beaucoup.
d'ailleurs, pour ce développement, et je n'hésite :pas à faire appel à votre concours pour la propagande nécessaire. Notre Société, déjà vieille par l'âge, est jeune encore par toutes les possibilités qui sont devant elle. En émigrant, pour son Assemblée générale, de la salle de la Reine Bérangère, devenue trop petite, en cette salle plus grande, elle a fait, semble t-il, un nouveau pas vers de plus vastes destinées. Faites que, par votre assiduité à ses réunions et par votre propagande, elle puisse ainsi, chaque année, marquer quelque progrès. Plus son essor sera rapide et sa prospérité certaine, plus notre travail sera intéressant et notre effort utile. Apçès avoir très aimablement remercié le Secrétaire Général, M. de Linière invita le premier conférencier, M. Tournoûer, président de la Société Historique et Archéologique de l'Orne, auteur de la Biographie de Robert Triger, à prendre place sur l'estrade et à lire quelques pages, encore inédites, de ce très remarquable ouvrage.
M. Tournoûer, bien que souffrant, avait eu la grande amabilité et l'énergie de venir de Paris pour faire applaudir par ses confrères du Maine son beau talent. Aussi le Président, en le présentant à l'auditoire, tint-il à lui exprimer la sincère reconnaissance de la Société. Il le remercia également et le félicita d'avoir bien voulu accepter d'écrire la Biographie de Robert Triger. « Nul autre que M. Tournoûer, dit-il, ne pouvait entreprendre à la satisfaction de tous, d'écrire la vie extraordinairement féconde du cher Président dont vous voyez ici les traits et que la plume de notre distingué confrère va faire revivre pour la postérité ».
Nous ne résumerons pas ici le texte de la conférence faite par M. Tournoûer; nos lecteurs ont eu la bonne fortune de le trouver dans le précédent Bulletin et pourront le retrouver encore dans la Biographie complète, qui sera publiée par tes soins de la Société. Nous nous bornerons à dire que la lecture des belles pages du premier chapitre de la Biographie de Robert Triger, « l'Enfance et la Jeunesse », fut écoutée avec émotion par tous
les assistants. M. de Linière remercia très chaleureusement le conférencier. « Notre cher Maître, lui dit-il, aura trouvé en vous un historien à sa taille et nous lui aurons élevé, par votre plume et votre talent, un véritable monument de piété et de reconnaissance ».
La seconde conférence fut faite par Mlle Alice Gaultier, licenciée ès-lettres, diplômée d'études supérieures et ancienne élève de l'école du Louvre.
Mlle Gaultier, bien que parisienne et de famille parisienne, n'est pas étrangère à la ville du Mans où sa famille, ainsi que M. de Linière se plut à le rappeler, habite depuis un quart de siècle et est hautement estimée. Elle-même y a vécu quelques années, se préparant aux hautes études auxquelles elle a consacré sa vie.
Comme M. Tournoûer, M|Ie Gaultier avait bien voulu venir de Paris pour répondre à l'invitation de la Société. Le sujet de sa conférence « Les Tombeaux de Saint-Denis », convenait admirablement à la réunion, et l'assistance prit un plaisir extrême à en suivre le développement, qui fut fait avec beaucoup de science et un très agréable enjouement.
Successivement furent décrits et l'origine des Tombeaux de Saint Denis, qui remonte au bon roi Dagobert; et le cérémonial funéraire, si majestueux, d'une inhumation royale; et le' caractère artistique des principales tombes de la fameuse Basilique. Ces tombes, presque semblables jusqu'à Philippe III, sauf celle de Dagobert, ont ensuite un caractère individuel. Plusieurs de leurs architectes ou sculpteurs sont connus et les grands noms de Philibert Delorme et de Germain Pilon disent assez la valeur artistique de quelques-unes d'entre elles. Dans leur suite impressionnante, elles permettent d'admirer la continuelle évolution de l'art funéraire en France, surtout à l'époque de l'influence italienne.
La Révolution saccagea Saint Denis. La Restauration remit les pierres en place, mais les ossements sont àjamais dispersés. Ainsi la Basilique, autrefois si célèbre, a perdu sa raison
d'être. Elle demeure toutefois comme une preuve de la continuité du pouvoir royal; et la longue suite de ses tombes sans ossements rappelle encore, à grandes étapes, l'histoire de la Monarchie Française, qui fut celle de la France.
De vifs applaudissements saluèrent la péroraison de M11" Gaultier. Le Président se fit l'interprète de tout l'auditoire en adressant à la Conférencière ses félicitations et ses remerciements. Nous espérons d'ailleurs que la Revue Historique et Archéologique du Maine, exauçant le désir de nombreux auditeurs, pourra reproduire le texte de cette intéressante conférence, dont le succès fut pleinement mérité.
La réunion des Membres de la Société et de leurs invités était terminée. L'ordre du jour appelait ensuite les délibérations de l'Assemblée générale. La parole fut tout d'abord donnée à M. Albert Leroux, trésorier de la Société, pour l'exposé de la situation financière.
Voici les principaux chiffres donnés par le Trésorier et commentés par le Président
Les recettes de l'année se sont élevées à 6.712 fr. 20 et les dépenses à 9.457 fr. 65. L'excédent des dépenses est dû aux frais extraordinaires provenant de l'édition de l'ouvrage de M. P. Cordonnier-Détrie sur le château de Courcelles, qui a été offert à nos sociétaires, des obsèques de M. Robert Triger et de l'aménagement de sa bibliothèque. Le déficit sera très probablement comblé, au moins en grande partie, au cours de l'année 1928.
L'actif de la Société au 1er janvier 1928 s'élève à 8.563 fr. 35. Ce chiffre est rassurant et permet d'envisager l'avenir avec confiance. Aussi, le Président demanda-il à l'Assemblée d approuver la gestion de l'année 1927.
Les comptes furent approuvés à l'unanimité et le Président en donnant acte au Trésorier de cette approbation tint à le remercier de son concours actif et dévoué.
M. de Linière proposa ensuite les modifications suivantes aux statuts.
Article 4.
La rédaction du 1er de l'Art. IV est modifiée comme suit « La Société se compose de Membres d'honneur, fondateurs, titulaires et honoraires ».
ARTICLE 5.
La rédaction de l'Art. 5 est modifié comme suit
« Art. 5. Sont membres titulaires toutes personnes qui, en en acceptant ce titre s'engagent à payer la cotisation qui sera fixée par l'Assemblée générale et qui leur donnera le droit de recevoir la Revue historique et archéologique du Maine ».
ARTICLE 14.
4e Section dite de la publication des textes.
La dernière phrase du § 1, est ains,i modifiée
« Son budget, qui lui est particulier, est alimenté par une cotisation facultative supplémentaire qui pourra être demandée aux membres titulaires, et éventuellement »
Ces modifications furent adoptées à l'unanimité.
Enfin, M. de Linière soumit à l'Assemblée le projet d'une excursion en forèt de Bellême, fixée en principe au jeudi 28 juin 1928 (1). Ce projet fut également accepté à l'unanimité. Avant la clôture de la séance, M. Tournoùer demanda la parole et en quelques mots très aimables, félicita la Société de sa décision en ce qui concerne l'excursion de 1928. Le pays de Bellème est riche non seulement en beaux sites, mais encore en manoirs très intéressants, et la Société historique et archéologique de l'Orne sera très heureuse de guider celle de la Sarthe dans cette jolie région. Ce sera une occasion de plus de resserrer les liens entre les deux Sociétés.
(1) L'excursion a été reportée depuis au mercredi 27 juin.
L'assistance se montra très sensible à ces marques de sympathie. M. de Linière traduisit une fois de plus les sentiments de tous en exprimant à l'historiographe de M. Robert Triger la reconnaissance de la Société Historique et Archéologique du Maine.
Il prévint en même temps l'Assemblée que le travail de M. Tournoüer serait publié dans les prochains bulletins et invita les membres présents, qui désireraient le recevoir en tirage à part, à donner leurs noms à M. Georges Leroux, secrétaire général.
La séance fut alors levée et, avant de se séparer, les membres de la Société visitèrent leur salle d'honneur, dans la maison de la Reine Bérangère. Ils purent ainsi apprécier la nouvclle disposition qui a permis en même temps que l'installation des collections de Robert Triger, très aimablement laissées à la Société par M"" de Vatiblanc, la mise en valeur des œuvres d'art et souvenirs archéologiques exposés dans la salle. Georges Leroux.
CHRONIQUE
Ont été admis comme membres titulaires
M01' la comtesse Georges Meunier du Houssov, château de la Blanchardière, à Sargé, par Le Mans, et 5, rue Beaujon, Paris, VIII'.
M"6 Louis SALOMON, 34, boulevard du Général-Négrier, au Mans.
M. CHAZALON, 75, rue du Bourg-Belé, au Mans.
M. Choplin, 21, rue Gambetta, au Mans.
M. Hubert LE MOTHEUX du Pleksis, 90, rue de Flore, au Mans.
Addition et Rectifications d'adresses.
MM.
HERY (docteur Lucien), O., 59, rue de Maubeuge, Paris, IXB.
DE LA CROIX (A.) (1), 16, rue de Turbigo, Paris, IIe, et « Les Ormeaux », à Villiers-sur-Marne (Seine-et-Oise). MALHERBE (Pierre), à la Pancherie, Bernay-en-Champagne (Sarthe).
Poix (docteur Gaston), $£, ifr C., 130, avenue de Suffren, Paris XVe, et à Saint-Mars-d'Outillé (Sarthe).
Quatecous (Adolphe), 142, avenue Léon-Bollée, Le Mans. Sevestre (abbé), curé de Champagne (Sarthe).
(1) Le nom de M. A. de la Croix avait été omis par erreur dans la liste des membres de la Société publiée dans le premier fascicule de 1928.
M. DE Lorikre ayant donné sa démission de secrétaire-général, a été nommé par le Comité secrétaire-général honoraire et reste membre du Bureau de la Société.
Dans la même séance, M. Georges LERoux a été nommé secrétaire-général.
Le 23 mai 1928, la Société d'Agriculture, Sciences et Arts d'Angers (ancienne Académie d'Angers) a célébré solennellement le centenaire de sa fondation.
Cette Société, présidée par M. le chanoine Urseau, est une sœur jumelle de la Société d'Agriculture, Sciences et Arts de la Sarthe et a été fondée comme elle en 1761 toutes deux sont des filiales de la Société royale d'Agriculture de la Généralité de Tours, qui fut divisée en trois bureaux établis à Tours, au Mans et à Angers.
Notre Société, qui avait été conviée à cette solennité, adresse à sa savante voisine ses vœux bien cordiaux de prospérité et de longévité.
Le baron Raynal de Bâvre, notre confrère, a bien voulu nous faire savoir qu'avec la subvention que la Société lui avait offerte, à l'occasion de sa visite en 1926, il avait fait dégager le soubassement d'un bâtiment, à proximité de l'Escalier d'honneur du château de Lavardin (Loir-et-Cher).
La disparition des terres et débris a amené la découverte d'une jolie porte donnant accès surune grande salle, aujourd'hui disparue.
En même temps s'est trouvée dégagée une petite fenêtre, ou meurtrière, éclairant l'escalier qui descend à l'étage inférieur.
La suite de ces travaux a permis, en recherchant le sol primitif du grand souterrain, côté pont-levis, de trouver les
tondations d'une tour semi-circulaire dans laquelle on ne pénétrait que par ce que l'on croyait être l'entrée du souterrain. Cette tour, dont la convexité était tournée vers le pont-levis, était parfaitement inconnue.
Ces déblaiements ont fait découvrir des ouvertures au ras du sol et une belle niche en ogive donnant sur le chemin de ronde de la deuxième enceinte.
Nous félicitons notre confrère de ces travaux si heureusement poursuivis, qui témoignent combien l'héritier des Querhoent-Montoire s'intéresse aux souvenirs historiques et archéologiques de Lavardin.
Journée du Mont-Saint Michel.
A l'occasion du septième centenaire de l'achèvement de la Merveille, la Société Française d'Archéologie organise, sous les auspices de l'Administration des Beaux-Arts, une journée au Mont-Saint-Michel, le lundi S juillet prochain selon le programme indiqué ci-après.
Les membres de la Société historique et archéologique du Maine sont invités à y prendre part.
PROGRAMME. 14 heures 30. Réunion à l'abbaye Conférence de M. MARCEL AUBERT, professeur à l'Ecole des Chartes, Directeur de la Société Française d'Archéologie La Merveille; Sa construction, sa place dans l'architecture du moyen âge.
A la suite de la conférence, visite de l'abbaye et de ses dépendances, sous la direction de M. MARCEL AUBERT et de M. PAQUET, architecte en chef du Mont-Saint-Michel. Le matin à 9 heures 30, office pontifical célébré dans l'abbatiale par S. G.'Mgr L'Evêque DE Coutances. Allocution du R™' Dom F. Cabrol, abbé de Farnborough La vie monastique au XIIIe siècle.
A 'partir de 11 heures 30, le déjeuner sera servi à l'Hôtel Poulard pour les participants à cette journée.
CONDITIONS d'adhésion. Les personnes qui désireront prendre part à la Journée du Mont Saint Michel, sont priées de remplir un bulletin d'adhésion et de l'adresser avant le 28 juin, dernier délai, à M. R. Pillault, trésorier adjoint de la SOCIÉTÉ Française d'Ahchkolooie, 6, rue Grison, à Orléans (Loiret), accompagné de la somme de 50 francs représentant le prix du banquet et la participation aux frais (le versement de cette somme peut être fait au compte de chèques postaux Société Française d'Archéologie, à Paris C. C. 278-21 Paris). Il ne sera tenu compte d'aucune adhésion non accompagnée du versement total.
BIBLIOGRAPHIE
Dans un volume intitulé Arts et artistes du moyen âge (Paris, 1925, petit in-8", VI-328 p.), M. Emile Mule a réuni quelques articles parus en diverses revues et qu'il pense avec raison pouvoir être de quelque utilité pour faire connaître et apprécier les richesses artistiques de notre pays. L'un d'eux a pour titre « Les Cathédrales françaises étudiées par une Américaine »,, et est consacré à l'ouvrage de Mlle Elisabeth Doyle 0' Reilly « How France built her Cathedrals, in-8°, New-York et Londres (Comment la France a bâti ses Cathédrales.) ».
Voici, résumé par M. Emile Mâle, le jugement qu'elle porte sur LE chœur DE LA Catiiédhale DU MANS, « qui fut ajouté au xIIIe siècle à la vieille nef du xne et qui est un chef-d'œuvre de l'architecture française. Ce chœur, avec ses doubles bascôtés, est conçu comme la net de Bourges, c'est-à-dire que le premier bas-côté est beaucoup plus élevé que le second. L'effet de crescendo se retrouve ici, mais la forme tournante du déambulatoire lui donne une beauté sans égale. Dans ce merveilleux chœur, qui est sorti tout entier d'une tète de génie, on reconnaît, à quelques particularités, la main de trois exécutants. Les chapelles rayonnantes sont l'œuvre d'un architecte de l'Ile de France. Les colonnes du pourtour du chœur et du double déambulatoire avec leurs chapiteaux circulaires, ont été élevées par
un architecte normand. Enfin les parties hautes du choeur trahissent de nouveau la main d'un architecte de l'Ile-de-France. « On voit que M"e 0' Reilly, offre à son lecteur autre chose que de délicates aquarelles, autre chose que des « intérieurs de cathédrales » elle l'instruit, elle résume pour lui, en une page, les longs travaux de nos archéologues et leurs fines analyses. »
Dom B. H.
M. Ernest Laurain, archiviste de la Mayenne, vient de publier un très intéressant travail Chouans et Contre-Chouans, qui a été luxueusement édité par la maison Goupil, de Laval, et est le troisième volume d'une série dite des Editions des Arts Réunis.
Cet ouvrage, in-8° (16 X 21) de 212 pages, est imprimé sur vélin teinté fort et est illustré de plus de 60 gravures, frontispices, plans, fac-similés de signatures. On y remarque le portrait en couleurs de Daniel (Ehlert, dit le grand Pierrot, l'un des deux héros de cette période si mouvementée de la Chouannerie mayennaise, et une fort jolie reproduction du portrait du prince de Talmont.
Cette étude captivante est'écrite d'un style alerte et fait le plus grand honneur à l'érudit président de la Commission historique et archéologique de la Mayenne, comme à l'éditeur qui a su si bien l'habiller.
M. Paul Cordonnier-Détrie vient de publier Le Vieux Château de la Suze et la Gendarmerie à l'époque révolutionnaire, in 8" de 22 pages, imp. Lebreton, au Mans.
C'est un nouveau chapitre aux travaux qu'il a publiés dans ces dernières années sur les Chamillart et le château de Courcelles.
Il y donne des, aperçus très intéressants sur la législation révolutionnaire et impériale, relative aux droits de propriété des émigrés.
De jolies vignettes et un plan, dûs au talent bien connu de notre confrère, rehaussent cette plaquette.
ROBERT TRIGER
(suite)
II
L'historien. L'homme politique.
En reconnaissance du patriotisme et de l'habileté dont M. Gustave Triger avait fait preuve dans l'Orne, au cours de la guerre de 70, le Conseil général, en sa séance du 8 novembre 1871, sur le rapport du Comte de Contades, déclarait que « le Service de la télégraphie avait bien mérité du département ». Toutefois, ce'fut seulement en 1878 que le brillant inspecteur reçut un avancement bien mérité en devenant Directeur des postes et télégraphes du département de la Sarthe. Cette nomination ne fut pas sans lui causer une grande joie. Il revenait dans son pays avec la seule ambition d'y gagner sa retraite et d'y finir ses jours. (1) N'avait il pas le pressentiment de ce retour désiré lorsqu'il acquerrait, dès 1876, l'une des habitations les plus agréables de la ville (2) ? Elle était située à la (1) M. G. Triger prit sa retraite en 1884, avec le titre envié de Directeur des postes et télégraphes du département du Nord.
(2) Dans ses « Etudes historiques et topographiques sur la ville du Mans », qu'il publia en 1926, Robert Triger parle de cette acquisition (p. 12). La maison en question fut élevée par M. Lepelletier sur les douves mêmes de l'Ancien évêché qui furent, en 1788, traversées par une rue nommée rue du Boulevard ou rue Neuve-de-l'Evèché, devenue rue de l'Ancien-Evéché, puis, à la mort de notre ami, par une heureuse et délicate attention du Conseil Municipal, rue Robert-Triger. « L'Ancien évêché, acheté en 1793, comme bien national, par le député à l'Assemblée législative, Bardou-Boisquetin, était devenu, en 1808, la propriété de la famille Lepelletier. » Bien que la maison de M. G. Triger n'en ait jamais fait partie, le fait qu'elle avait été construite sur un terrain en dépendant, a sans doute engagé Robert Triger à la léguer à l'évèché du Mans.
rencontre de la rue de l'Ancien-Evêché et de la rue de Tessé, non loin de la vaste place des Jacobins, agrémentée d'un jardin exhaussé en parterre et terrasse, libre de tout voisinage, à l'ombre de l'une des plus belles cathédrales du monde, dont la haute silhouette se profilait imposante à quelques pas, dominant le mouvement citadin sans en être incommodée, avec cela, bien bâtie dans sa simplicité et bien comprise; c'était la demeure idéale, faite assurément pour ceux qu'elle devait abriter, amis du repos et du travail. M. Triger, dès son arrivée, s'y fixa. Quant à Robert, lorsqu'il revint un peu plus tard de son stage parisien où il avait puisé aux leçons incomparables d'un Quicherat, d'un Léon Gautier, d'un Paul Meyer ou d'un Jules Roy, de si forts enseignements, il trouva, près des siens, auxquels l'attachaient de plus en plus les résolutions prises, un foyer qui devait être le témoin constant de ses pensées. Dans la paix familiale que ne devaient plus troubler ni les soucis d'études ou d'examens, ni les préoccupations d'avenir, il allait enfin bientôt récolter les fruits d'un labeur obstiné, en appliquant, on peut le dire, toutes ses facultés à l'histoire comme à la glorification de sa petite patrie. Quelles douces satisfactions ne dut-il pas éprouver à se dite citoyen du Mans, à se mêler à sa vie intellectuelle et morale, à en découvrir toutes les richesses, à en sauvegarder toutes les reliques, à ressusciter ses traditions, à en saluer aussi les manifestations, et cela, avec le contentement, qu'il s'imaginait devoir durer très longtemps, de sentir encore à ses côtés ceux qui avaient guidé ses premiers pas, ouvert son intelligence, touché son cœur, et qui, maintenant, venaient de le conduire heureusement au port! Lorsqu'en 1883, la Société historique et archéologique du Maine vit débarquer ce jeune homme d'allure décidée, quelque peu militaire, au regard franc, enjoué d'humeur, pétillant d'esprit, ardent de parole, solidement charpenté et non moins solidement instruit, dont la valeur s'était, au surplus, déjà manifestée en certains écrits, elle n'accueillait pas un étranger. Dès 1875, l'année même de sa fondation, Robert s'était fait recevoir membre titulaire, et, trois ans plus tard adhérait à la Société
d'Agriculture, Sciences et Arts de la Sarthe, la doyenne des Associations mancelles (1).
Comme on l'a très justement fait remarquer au livre de son Cinquantenaire (2), la Société historique et archéologique du Maine, lorsqu'elle fut créée par l'abbé Esnault et M. DuboisGuchan, répondait à un réel besoin intellectuel, conséquence du grand mouvement né en Normandie quarante ans plus tôt, sous l'inspiration géniale d'Arcisse de Caumont. On sait l'action puissante que ce grand précurseur a exercée non tant dans sa province d'origine que dans la France entière, en ouvrant à ses compatriotes un horizon nouveau. Les siècles qui avaient précédé la Révolution, et la Révolution elle-même, avaient accumulé sur le sol national les ruines et les destructions, ruines de richesses monumentales, destructions de chartriers et de sources bibliographiques. Après de telles secousses, il convenait de sauver et de reconstituer, en veillant de près à la conservation des témoins encore debout et en rassemblant et utilisant les débris d'archives que le temps et la main des hommes n'avait pas encore détruits. D'où le besoin de refaire l'histoire locale et de garder, en dépit de la formation arbitraire des départements, le souvenir de ce que fut la province c'était déjà faire du régionalisme. Caen devint le grand foyer. C'est là que fut conçue la Société française d'archéologie, dont l'influence pénétrante sous des directions remarquables se fit sentir au loin c'est là que de nombreux groupements se formèrent qui essaimèrent dans les départements voisins. L'Orne fut le dernier de la Normandie à suivre l'élan donné. La Sarthe le précéda, parce qu'elle éprouva la nécessité de compléter au point de vue historique et archéologique, l'action agricole, scientifique et artistique de sa doyenne. Les deux compagnies s'accordèrent si bien qu'elles eurent alors un président commun (3).
(1) Fondée le 24 février 1761.
(2) « La Société historique et archéologique du Maine depuis cinquante ana (1875-1925) », par MM. de Linière et X. Gasnos, (Revue historique archéologique du Maine, 1926.)
(3) M. Armand Bellée, archiviste.
La collaboration de Robert Triger se manifestait donc à un moment propice. Nul n'était plus apte que lui à s'enrôler dans la croisade en chemin on eut pu le croire disciple de Caumont tant il avait, à son exemple, l'intuition des choses du passé et l'esprit provincial, au sens historique du mot. Sans doute, la pensée lui serait venue tout naturellement de créer la Société dont il devait devenir l'âme, s'il ne l'avait trouvée établie. Mieux valut peut-être qu'il n'en ait pas été le fondateur. Tout jeune, manquant encore de l'autorité et de l'expérience nécessaires pour assumer la charge et les responsabilités d'une direction, malgré tout ce qu'il promettait, c'était assurément une meilleure fortune pour lui de rencontrer, à ses débuts, un champ d'action tout préparé, où se mouvaient déjà des intelligences supérieures, et des maîtres dont il fut le disciple attentif, qui accueillirent le nouveau venu comme l'enfant sur lequel on fonde de grandes espérances. Certes, il les justifiait et on ne pouvait se dissimuler que ses premiers travaux, son érudition sure et son zèle débordant étaient les indices certains du rôle de tout premier ordre qu'il devait être appelé à jouer au sein des Compagnies, lières de lui ouvrir leurs portes. A partir de cette date de 1883 il ne cessera de produire dans leurs bulletins. Il fournira, chaque année, et cela sans un moment de répit, et l'on peut ajouter de repos, jusqu'à sa mort, une somme de travail considérable, abordant tous les domaines, l'histoire, l'archéologie, l'art, la sauvegarde des monuments, les légendes et les coutumes, la biographie et la bibliographie, l'agriculture, l'enseignement, les industries, les récits de guerre, les plus complexes comme les moindres problèmes, sans jamais sortir du cadre de sa province; Avant tout, c'est un passionné de son terroir et un passionné réfléchi. Jamais, il n'avancera rien sans preuve, en chartiste, ne se fiant qu'à ses observations et à ses recherches, soucieux d'accorder sa conscience d'historien avec la droiture de son caractère, ce qui lui fera dire, à la fin de sa vie « Je n'ai jamais rien écrit contre la vérité » De fait, la sincérité ne se dégage-t-elle pas de toutes ses publications? Et c'est cet amour
du vrai et du juste qui le fera, à l'occasion, le défenseur des plus nobles causes, car, au-dessus de la petite patrie, il y a la grande, il ne l'oublie pas. il sent qu'il a, comme français aussi bien que comme manceau, des devoirs à remplir. Aussi, nul événement, douloureux ou joyeux, nulle atteinte portée aux traditions du pays, nulle manifestation patriotique ne le laisseront indifférent. Sous sa plumc alerte les articles se multiplient dans les feuilles locales et nous le verrons, champion infatigable, ne négliger aucun moyen d'arriver au but qu'il se pro-pose. Qu'il s'agisse, d'ailleurs, de questions archéologiques à régler, comme la conservation d'un édifice, ou d'un courant d'opinion à établir, comme pour l'établissement d'une fête nationale en l'honneur de Jeanne d'Arc, il se montrera aussi ardentet aussi tenace. Mais son insistance n'aura rien d'importun. II sait plaider avec tant de cœur et de conviction et présenter ses arguments avec tant de tact et de courtoisie qu'on ne peut rien lui refuser. Au contraire, on viendra réclamer son concours en maintes circonstances, parce que l'on sait qu'il ne se dérobera jamais et qu'il saura payer, quand il le faudra, non seulement de sa plume, mais encore de sa personne et de sa parole.
Ce n'est pas encore le moment de dire l'influence heureuse qu'il exerça dans cette ville du Mans pour laquelle il se dépensa sans compter. Nous devons suivre pas à pas la vie de notre ami et revenir à ces années, que nous appellerons volontiers, de prise de possession.
L'ascension de Robert Triger dans la Société historique et archéologique du Maine devait être rapide. Le premier président, M. Bellée, étant mort en 1878, et son successeur, M. Eugène Hucher, s'étant retiré en 1883, un remaniement du bureau fut jugé nécessaire. Robert y entra le 29 novembre au titre de trésorier. Quatre ans après, le 24 novembre 1887, la perte de l'abbé Robert Charles le conduisait à la vice-présidence. Toujours fidèle à sa méthode d'avoir à sa portée tous les éléments susceptibles de faciliter sa tâche, il n'avait pas manqué de s'associer aux sociétés locales dont il escomptait
l'appui, de même que ses convictions religieuses très assises, le portaient à s'enrôler dans les Comités catholiques agissants. Son activité et son dévouement ne se bornèrent pas là. Nous avons souligné en son temps l'attachement qu'il avait voué, tout enfant à son Douillet », dont il ne pouvait prononcer le nom sans émotion. En grandissant, ses sentiments, loin de changer, s'étaient faits plus forts et le séjour à la grande ville n'avait pas atténué sa prédilection pour l'humble village que « quoiqu'il arrive » il s'était promis « de ne jamais oublier ». Il considérait le pays comme son fief, la vieille demeure comme l'écrin de ses souvenirs les plus chers. Tout le passé des siens se réveillait dans l'ambiance de ce berceau de famille et il n'était pas sans songer parfois que les fonctions de maire, remplies par son aïeul, Robert-Pierre (1), lui donnaient quelque droit à briguer, lui aussi, les suffrages de ses concitoyens.
Des élections municipales avaient lieu en 1884. Il se présenta porté sur la liste nettement libérale et catholique du Maire, M. de Rincquesen, et fut élu le 4 mai par 157 voix sur 193 votant, avec ses colistiers, contre l'opposition. Ce premier et beau succès ne grisa pas le nouveau conseiller. Il s'en réjouit, non pas pour sa personne, mais pour les intérêts qu'il aurait à défendre, bien décidé à ne taire en toutes circonstances ni ses opinions ni ses convictions. En attendant l'occasion qui ne devait pas tarder à se présenter, la visite à Douillet du cercle catholique d'Alençon, le 20 septembre 1885, sous la conduite (1) M. Gustave Triger, dans son ouvrage « Une vie sacerdotale dans le diocèse du Mans au xrxe siècle. M. l'abbé Dubois », parle de cet aïeul en ces termes ( M. Triger, en même temps qu'il remplissait, au gré de tous, ses fonctions de percepteur, se dévouait sans réserve à la gestion des affaires de la commune. Son esprit pénétrant, correct et scientifique en embrassait merveilleusement l'ensemble, dans les proportions à leur attribuer et la suite à leur donner. On peut le dire, sans exagération, il était l'âme de l'Administration municipale. Celle-ci pouvait changer de nom avec les fluctuations politiques, mais, grâce à l'immutabilité de son pilote, elle ne déviait jamais de sa marche régulière, prudente, et toujours conforme aux meilleures aspirations de la population ».
(2) Compte-rendu par Robert Triger dans la Semaine du fidèle du 26 septembre 1885.
du vieil ami, l'abbé Dupuy (1), lui permit d'exprimer dans une véritable profession de foi, les tendances de son esprit « Vous prouvez, Messieurs, disait-il en recevant cette jeunesse, que le sentiment religieux seul est susceptible de grouper des intérêts divers autour d'un même drapeau, de préparer le succès en assurant l'union qui fait la force, d'établir cette égalité parfaite que les hommes, malgré bien des tentations, ne peuvent encore trouver que devant Dieu (2). »
En 1886, un projet de loi sur l'enseignement primaire, portant, à l'un de ses articles, que la direction des écoles publiques, devra être confiée à un personnel exclusivement laïque, allait être présentée au Parlement. Robert, aussitôt, prend, dans le canton de Fresnay, l'initiative d'une pétition contre, et recueille 2297 signatures, dont 321 à Douillet. Il fait ensuite approuver à l'unanimité, le 10 juin, par son conseil, un vœu tendant à ce que l'article en question « soit modifié dans un sens plus libéral et que les Conseillers municipaux, représentants directs de la population, conservent le droit d'option entre Ics instituteurs laïques et les instituteurs congréganistes. » Cette campagne, qu'il menait hardiment, lui valut quelques attaques dans le Progrès de l'Ouest, mais plus niaises que méchantes.
Le 16 décembre 1885, il avait reçu une lettre vraiment singulière. Un de ses électeurs, M. C., de Fresnay, répondant sans doute à sa demande de faire partie de la Société historique et archéologique du Maine, envoyait son acceptation, subordonnée toutefois aux conditions suivantes « Triger s'enrôlerait tout d'abord dans différentes œuvres qu'il lui indique, il poserait ensuite sa candidature au Conseil d'arrondissement, « et la missive continuait, en lui donnant « le Conseil de ter(1) Au diner de 80 convives qu'offraient ses parents et M. et MmB de Rincquesen, Robert portait un toast à l'abbé Dupuy «. en faisant connaître à notre population un cercle catholique d'ouvriers vous lui rappelez les longs efforts que l'Eglise n'a cessé de faire pour anoblir le travail, lui enlever son amertume, donner aux travailleurs leur organisation chrétienne et transformer ainsi par ses encouragements un dur châtiment en un devoir des plus honorables et des plus méritants. »
miner au plus vite son étude sur Fresnay, de rééditer sa monographie sur les Bercons (1) et d'aller, en compagnie de M. Galpin, offrir ces deux brochures à chacun des Conseillers municipaux du canton ». L'électeur terminait par cette phrase encourageante « Je vous donne l'assurance que vous serez nommé. » Nous ne savons si cette invite fut la cause déterminante de ses résolutions. En dépit de l'amusement qu'elle dût provoquer chez notre ami, il put toutefois se demander si réellement la valeur que l'on voulait bien attribuer à ses travaux historiques n'aurait pas quelque poids dans la balance électorale. Son nom, en tout cas, était dans l'air, puisque le 5 juin 1886, dans une réunion de délégués conservateurs des communes, tenue à Fresnay, sous la présidence de M. Galpin, la candidature aux élections cantonales du 1er août lui était offerte et on l'acclamait à l'unanimité. Le 8, il répondait qu'il acceptait cet honneur. Les républicains lui opposaient lc Dr Horeau, adjoint de Fresnay.
Tout en prenant l'étiquette de conservateur, Robert avait soin de dire dans sa profession de foi (2): « la question politique ne (1) Robert Triger dans « La légende de la reine Berthe et la fondation des Eglises de M 'oitron, Segrie, Saint-Ckrîstopke-du-Jambet et Fresnay », publiée en 1883, a fait une sorte de monographie d'un pays dit des Bercons, qui i comprend sous ce nom de vastes landes incultes et désertes, au Nord-Ouest du département de la Sarthe entre les villes de Fresnay, Beaumont etSilléle-Guillaume. Il y a joint un plan des Landes des Bercons au xvme siècle. (2) Voici le texte de sa Circulaire. Nous en avons trouvé, dans ses papiers, un brouillon beaucoup plus important. IL le condensa pour l'impression
« Messieurs et chers Concitoyens,
« Sur l'invitation des délégués conservateurs de nos Communes, je viens solliciter l'honneur de vous représenter au Conseil d'arrondissement. « Depuis longtemps ma famille est connue dans le canton et les électeurs de Douillet, en souvenir de mon grand'père, qui fut, pendant quarante-cinq ans, percepteur et maire de Douillet, m'ont nommé Conseiller municipal. C'est au milieu de vous que j'ai passé une partie de ma jeunesse; soldat, j'ai porté le sac avec plusieurs d'entre vous, docteur en droit, j'ai étudié l'histoire et l'Administration du pays, afin de mieux connaître ses traditions et ses besoins. Par mes souvenirs de famille, par mes études, j'appartiens tout entier au canton de Fresnay et l'indépendance dont je m'honore ne peut être entravée par aucun intérêt privé.
« La question politique ne saurait dominer dans une élection au Conseil d'Arrondissement. Tous, d'ailleurs, nous avons le même drapeau, celui de
saurait dominer dans une élection au Conseil d'arrondissement. Tous, d'ailleurs, nous avons le même drapeau, celui de la France, et tous nous voulons, avec la prospérité du pays, des institutions véritablement libérales ». Il triompha par 1875 voix contre 1182 au Dr Horeau, avec une belle majorité de 693 suffrages, dans onze communes sur douze.
Depuis quatre ans seulement, Robert était fixé au Mans, et déjà il avait marqué sa place dans la société historique, dans sa commune de Douillet et dans son canton de Fresnay. Les ambitions qu'il aurait pu concevoir, si tant est qu'il en eût, étaient réalisées, sauf une, celle de fonder un foyer. Ayant dépassé la trentaine, il devait désirer maintenant associer à sa vie une compagne qui fut la collaboratrice de ses travaux en la France, et tous, nous voulons avec la prospérité du pays, des institutions véritablement libérales.
« Or, Messieurs, pour relever notre agriculture et notre commerce si rudement éprouvés, il faut d'abord conduire avec prudence et économie les affaires du canton, supprimer les dépenses inutiles, repousser les impôts nouveaux. L'intérêt financier de nos communes nous commande particulièrement d'éviter les travaux qui ne rapportent rien et de concentrcr nos ressources sur l'amélioration des chemins si utiles à l'agriculture. « D'autre part, afin d'assurer au canton la paix et la liberté, il est absolument nécessaire que votre Conseiller général et votre Conseiller d'arrondissement unissent leurs efforts dans une entente commune pour défendre vos intérêts. L'heure est venue de soustraire nos communes aux influences occultes qui cherchent à les diviser en mêlant la politique aux affaires les plus simples. Il faut que désormais l'administration soit impartiale et bienveillante pour tous, qu'elle reste étrangère aux passions politiques, qu'elle respecte toujours nos convictions religieuses et nos libertés municipales. « Tels sont mes sentiments. A vous, maintenant, Messieurs, de dire si vous les approuvez.
« Je ne chercherai jamais à surprendre vos suffrages par de vaines promesses. Mais j'ose affirmer que si vous me faites l'honneur de m 'accorder votre confiance, vous trouverez toujours en moi, quelles que soient vos opinions politiques, un défenseur dévoué de vos intérêts, de vos droits et de vos libertés.
Votre tout dévoué,
ROBERT TRIGER.
Conseiller municipal de Douillet-le-Joly
Docteur en droit,
Candidat Conservateur.
La Sarthe, du 30 juillet 1886, en annonçant s£»candidature, fait valoir ses « qualités de travailleur et son érudition », en même temps que les « charmantes qualités de l'homme qui est l'ami de tous ceux qui l'entourent ».
même temps que la confidente de ses pensées. De leur côté, ses parents rêvaient de chérir sous leur toit, la fille que la Providence leur avait refusée, et de perpétuer, avec leur nom, les traditions ancestrales dont ils avaient la garde et le culte. Ils rêvaient aussi de rencontrer dans cette alliance, communauté de sentiments, similitude de goûts et conformité de principes, ayant donné eux-mêmes le plus bel exemple d'une union parfaite. Sans doute le choix devait, de préférence, se porter sur une famille qui, au passé le plus honorable et aux qualités les meilleures, eut joint l'avantage d'être issue d'une même province et de s'être multipliée sur le même sol, mais comment ne pas accueillir une proposition qui semblait combler tous les vœux, alors même qu'elle se présentait loin du Maine ? 2 Aussi bien, d'ailleurs, le nom vénéré d'un évêque du Mans (1), que portait la jeune fille à laquelle on pensait, ne pouvait que faciliter le rapprochement entre deux foyers distants et que faire présager au futur ménage les plus heureuses destinées. Mademoiselle Laure-Marie-Isabelle Fillion appartenait à une vieille et excellente famille de Touraine (2). Fille unique, élevée dans un milieu où les deux mots de religion et de patrie tenaient, comme à Douillet, la première place, formée, elle aussi, à l'école de la vertu et du labeur, douée d'une intelligence au-dessus de la moyenne, et d'une vive imagination, gracieuse Heur du jardin de la France, ainsi la nommera son beau-père le jour de ses noces, – elle répondait de tous points à l'idéal que s'était fait Robert.
Le mariage eut lieu en l'église métropolitaine de Tours le 9 février 1887 (3). Il fut béni par le cher abbé Dupuy qui, dans (1) Monseigneur Charles Fillion, évêque du Muns, de 1862 à 1874. Il se trouva souvent en relations d'u-'uvre avec Madame Trotté de la Roche et Madame Le Brun, les deux aïeules de Robert. Chose singulière, sa signature, en qualité de vicaire général du Mans, figure au bas de l'acte d'ondoiement de Robert.
(2) Elle était fille de Anatole, Laurent Fillion et de Athalie, Isabelle Charpentier.
(3) Voici l'acte de l'état-civil
L'an 1887, le 8 février, à 4 heures du soir, par devant nous, adjoint an maire de Tours, officier de l'Etat civil, soussigné, dûment délégué, sont
une allocution où l'on reconnaissait l'ami autant que le prêtre, attribuait à la Providence la rencontre de ces deux âmes si bien faites l'une pour l'autre. Et, en effet, le jeune ménage rayonnait de bonheur. On le sent à chaque page des Souvenirs que les deux époux rédigèrent en collaboration au cours de leur voyage de noces en Provence. On s'étonne pourtant du début, sous la plume de la nouvelle mariée « la vie est une route semée d'épines. Pour nous, un de ces instants radieux entre tous, fut le 9 février 1887, jour béni où une union longtemps désirée vint mettre le comble à nos vœux, mais, si vivace que soit le germe qui Va fait éclore, le bonheur n'est sur la terre comparus eu la salle publique de cet Hôtel de ville, le sieur Robert, Gustove, Marie Triger-Hirbonde, âgé de trente ans onze mois, conseiller d'arrondissement, docteur en droit, demeurant au Mans (Sqrthe), avec ses père et mère, et précédemment en résidence à Douillet, même département, né au Mans, le 26 février 1856, fils majeur de Gustave, Isidore, Pierre Trigerllirbonde, directeur des postes et télégraphes en retraite, et de Marie, Caroline, Frederica Ilaumont, son épouse, sans profession, ci présents et consentant, d'une part, et demoiselle Marie, Isabelle, Laure Fillion, âgée de dix-huit ans un mois, sans profession, demeurant à Tours, rue Marceau n° 76, avec ses père et mère, née dite ville le 25 décembre 18G8, fille mineure de Anatole, Laurent Fillion et de Athalie, Isabelle Charpentier, son épouse, propriétaires ci-présents et consentant, d'antre part. Lesquels nous ont requis, etc. Aucune opposition au dit mariage ne nous ayant été signifiée, etc. Nous avons interpellé les contractants à l'effet de savoir s'ils avaient fait un contrat de mariage, à quoi ils nous ont répondu en avoir fait un devant maître Fontaine, notaire à Tours, le 7 de de ce mois, suivant son certificat ci-joint.
Nous leur avons demandé s'ils veulent se prendre, etc.
De quoi nous avons dressé acte en présence de Adrien Le Urun, âgé de soixante-dix ans, propriétaire, demeurant au Mans, grand oncle du contractant, René Desnoyers, âgé de trente-deux ans, auditeur au Conseil d'Etat, demeurant à Paris, quai Voltaire n° 25. Louis, Charles Moreau, âgé de cinquante-sept ans, docteur en médecine, demeurant à Chatellerault, et de Jules Chaleil, Agé de quarante-sept ans, négociant, demeurant à Tours, rue Paul-Louis Courier, n* 8; oncle de la contractante.
Lesquels, après leur avoir donné lecture, etc.
[Signé] Laure Fillion, R. Triger, Triger, Marie Triger, Fillion, A. Fillion, René Desnoyers, A. Le Brun, Ch. Moreau, Chaleil, E. Gorce, adjoint. Les parents de Lanre Fillion s'étaient mariés aux Ormes (Vienne^. Nous n'avons pas trouvé l'acte de décès de sa mère, mais nous savons que son père mourut, étant veuf, le 15 juin 1901 à Tours. Son grand'père paternel, Laurent Jacques Fillion, était négociant en cette même ville de Tours, 8, place Saint-Venant.
L'allocution prononcée par l'abbé Dupuy au mariage à l'église, fut publiée à Mamers; chez G. Henry. Sur son exemplaire, Robert transcrivit le toast de son père, au repas qui suivit.
qu'une plante exilée, une fleur délicate détachée dans les serres du Paradis. Pour le conserver dans toute sa fraîcheur, pour favoriser son épanouissement complet, il lui faut le gai soleil, la riante nature et le calme des âmes. » N'y a-t-il pas dans ces lignes où se mêle à la joie ressentie une sorte d'inquiétude du lendemain, comme un avant-coureur de l'avenir?. Mademoiselle Fillion apportait en dot à Robert des propriétés en Touraine au Mont Saint-Aventin, lui-même recevait celle des Talvasières (1), venue à sa famille par les Rigault de Beauvais. La demeure était modeste, petite maison de campagne, sans prétention, sur la route du Mans à Laval, entourée d'un parc agréable, de dimensions suffisantes. Encadrée de grands et beaux arbres qui lui faisaient une sorte de parure en lui donnant une apparence de vieux logis, située sur un sommet, elle eut pourtant gagnée à être dégagée et avancée plus au bord du plateau pour jouir d'une large vue sur la ville, au lieu, qu'en retrait, elle n'avait d'autre horizon que ses pelouses restreintes et son petit bois. La proximité du Mans, à deux kilomètres, en constituait le principal agrément avec le bon air que l'on y respirait.
C'est là que le jeune ménage s'installa. Robert y transporta ses livres. Cette retraite lui devint familière et il s'y plaira longtemps, car il aimait à s'imprégner de l'âme des choses et aux Talvasières, la chère aïeule, dont l'image vénérée se confondait avec ses souvenirs d'enfant, revivait partout. Nul lieu, d'ailleurs, ne convenait mieux aux études qui absorbaient sa vie comme au goût simple des deux jeunes gens. Pourtant, Mme Robert Triger eut volontiers mené, non pas la vie mondaine, mais, ce qui n'est pas la même chose, la vie du' monde et elle se faisait un plaisir des réunions que son mari provoquait rue de l'AncienEvêché, chez ses parents, toujours heureux de les posséder. Le Mans les attirait souvent. Robert y était constamment appelé par ses occupations, en sorte que le séjour de leur maison des (1) Dans le vestibule des Talvasières est conservée une pierre qui porte cette inscription « J'ai été posée le 7 may 1788 par M11* Marie Fay )>. Cette dernière, mariée en 1790, à Florent-Henri Rigault de Beauvais, était la trisaïeule de Robert.
champs s'éclairait des contacts fréquents de la grande cité. Au surplus, une collaboration étroite des époux venait adoucir ce que cette solitude pouvait avoir d'un peu austère pour eux. La rédaction en commun des souvenirs de voyage, auquel nous faisions allusion, atteste que Robert n'écrivait rien sans prendre l'avis de sa femme et sans recourir à son jugement; la confiance qu'il lui témoignait ainsi développait chez elle des dons heureux et des goûts littéraires.
En 1888, attirés sans doute par le « gai soleil » dont M01* Robert sentait le besoin désireux aussi de réaliser un rêve que tous trois caressaient, ils partirent avec M. Triger pour l'Italie.
Le voyage fut long; il dura six semaines, du 14 mars au 29 avril; on visita Gênes, Pise, Florence, Rome, Pompei,Naples, Assise, Bologne, Venise, Milan et on revint par Bàle. Ce fut un enthousiasme et on s'imagine sans peine les émotions de Robert à la vue de ces lieux que son imagination et ses lectures avaient conçus si beaux, qu'il était si bien fait pour comprendre et aimer. Son père en laissa le récit, impressions plutôt personnelles où se mêlent rarement des allusions, à ses deux compagnons déroute.
Au retour, le 6 mai, les électeurs de Douillet renouvelaient à leur jeune concitoyen, par 197 voix sur 207 votants, son mandat de conseiller. Ce fut, en cette qualité, qu'il fut désigné pour exprimer, le 19 août, l'hommage de reconnaissance de l'Assemblée communale à la Supérieure de l'école de filles, sœur Marie Bechet, de la Congrégation d'Evron, qui, depuis 1828, époque de la fondation de l'établissement, y enseignait. L'année suivante, le 16 septembre, il donnait, à Douillet, un déjeuner « électoral » à l'occasion du passage de M. d'Aillières qui se présentait à la députation. Comme on le voit, il ne considérait pas ses mandats comme des sinécures; il les remplissait avec son ardeur coutumière et une haute compréhension de ses devoirs. Les luttes étaient assez vives dans l'arrondissement et à Douillet même pour que d'aucuns cherchàssent à ménager, comme l'on dit « la Chèvre et le Chou ». Mais cette méthode
n'était pas dans le caractère loyal de Robert. Il ne connaissait, nous l'avons montré, que la franchise, et il ne voulait pas plus s'en écarter en politique qu'en histoire. Il allait donc droit son chemin. On ne lui sut d'ailleurs pas mauvais gré de cette attitude très nette, ne pouvant donner prise à aucun reproche. Sauf durant une période de quatre années, de 1900 à 1904, il resta conseiller municipal jusqu'en 1922, époque où de graves conflits entre le maire et le curé l'obligèrent à donner sa démission. Au Conseil d'arrondissement, réélu en 1892 contre M. Mabon, maire de Saint-Aubin-de-Locquenay, par 1429 voix contre 1385, secrétaire de ce même Conseil, membre de la Commission des soutiens de famille, il crut devoir pourtant, en 1898, se désister, au grand regret de ses amis qui estimèrent cette décision peu justifiée. Il invoquait des raisons de famille.
Sa rentrée au Conseil municipal en 1.904 se présenta dans des conditions particulièrement difficiles. La politique s'était de plus en plus immiscée dans les questions religieuses. D'une part, l'enseignement libre subissait de rudes assauts, de l'autre, les rapports entre 1 Etat français et le Saint-Siège devenaient singulièrement tendus, le Concordat menacé était sur le point d'être dénoncé et les catholiques ne voyaient pas sans inquiétude s'engager le débat passionnel qui, un an plus tard, devait aboutir à la loi de séparation. L'effervescence était grande dans les esprits; le canton de Fresnay était l'un de ceux où les divisions se faisaient le plus sentir. Robert Triger, comme il fallait s'y attendre, prit nettement position dans le parti de l'ordre et de la justice; il se posa en défenseur des libertés religieuses. Il ne craignit pas de se présenter comme tel « Notre commune, déclarait-il à ses électeurs, a besoin de tous ceux qui pensent défendre ses droits et affirmer notre respect de la liberté ». Son attitude courageuse lui valut 118 suffrages sur 214. Il n'avait pas, d'ailleurs, attendu cette consultation pour prendre en main la cause des catholiques. Une « ligue de défense des libertés d'enseignement, d'association et du domicile privé », s'était constituée au Mans en 1902, ayant pour but de réunir et de grouper les vœux des Conseils municipaux en faveur du main-
tien des écoles libres et des Congrégations- II en était devenu le secrétaire adjoint, et, en cette qualité, il avait entrepris une vaste campagne.
La loi de séparation fut votée le 6 décembre 1905 au Sénat par 179 voix contre 103; la promulgation ne s'en fit pas attendre. Les premiers mois de 1906 en virent l'application, c'est-à-dire la main mise de l'Etat sur les églises au moyen des inventaires qui provoquèrent, on se le rappelle douloureusement, dans la France entière, de nobles résistances et d'énergiques protestations. Lorsqu'il y fut procédé, le 15, février, en l'église de Douillet, Robert Triger se présenta. devant l'agent du fisc comme fabrieien, mandataire autorisé de M. Louis de Rincquesen, héritier de M. de Montesson et de dame Hérisson de Villiers, son épouse, qui rachetèrent l'église, vendue en l'an IV par la nation et la donnèrent à la commune le 23 mars 1810, avec condition de retour en cas de suppression du culte.
Nous avons empiété sur les années pour mieux montrer le rôle politique que joua notre ami dans son canton de Fresnay et dans sa commune de Douillet, rôle qui se transforma, par suite des événements, en celui d'avocat de la cause religieuse. Nous verrons plus loin comment, à cette occasion, son autorité déjà reconnue d'historien vint servir d'appui à ses revendications de catholique et comment il sut prêcher la croisade pour « la grande pitié » de nos églises.
Entre temps, au milieu des soucis électoraux, le jeune ménage se plaisait à voyager. La Bretagne les attira en 1890, du 30 août au 21 septembre. Ils passèrent à Angers pour y voir Mme Delacoudre, tante de Robert, au couvent des Dames Augustines, et, par Nantes, gagnèrent Vannes, Sainte-Anne-d'Auray, Carnac, Quiberon et Belle-Isle. Cette tournée, dans une région féconde en enseignements, où la beauté de la nature le disputait aux manifestations d'art et aux souvenirs historiques, devait se poursuivre un peu plus tard sur la côte Nord, vers Saint-Malo et Saint-Brieuc, mais aux joies qu'elle apportait vint se mêler le 27 juin 1891, une grande douleur. Mm° Gustave Triger, prématurément, après quelques jours de maladie, était enlevée à
l'affection des siens, Le mari et le fils se trouvaient profondément atteints de cette perte irréparable. Jamais épouse n'avait été plus fidèle et plus aimante; jamais mère ne s'était montrée plus tendre pour son enfant, plus attentive à la formation de son âme, plus soucieuse de son avenir. Et c'était au moment où, la tâche accomplie, elle commençait à jouir de son œuvre, que Dieu la rappelait à Lui. Peut-être voulait-il épargner à sa nature sensible et craintive le déchirement qu'elle n'aurait pas manqué de ressentir en voyant brisée si cruellement la vie de son Robert. Sa mort causa au Mans une affliction profonde. Elle était pour tous ceux qui la fréquentaient la personnification de la bonté, accessible à chacun, s'oubliant pour les autres, donnant l'exemple d'une haute vertu et entendant bien sa religion. Femme de foi et de devoir, on la tenait en particulière considération et on disait volontiers d'elle « qu'elle était sainte sur la terre ». Ses amies comme ses proches la pleurèrent et nous avons encore recueilli de la bouche de vieux serviteurs qui gardent pieusement sa mémoire, des témoignages touchants de la vénération qu'elle inspirait. Les deux êtres qu'elle chérissait le plus, qui étaient sa raison de vivre, supportèrent vaillamment l'épreuve de la séparation. M. Triger continua d'habiter rue de l'Ancien-Evêché où ses enfants venaient le plus souvent adoucir sa solitude. Le père et le fils se consolaient ensemble, dans un rapprochement que le malheur avait rendu plus intime, s'il se pouvait, de ne plus voir près d'eux l'ange gardien du foyer. C'est vers cette époque que l'on sentit très nettement l'influence exercée déjà par Robert au sein de la Société historique et archéologique du Maine, alors dans un plein développement. Les articles qu'il y avait publiés, la part prépondérante qu'il prenait à ses travaux comme à son action, l'avaient mis en évidence et ses confrères n'hésitèrent pas à placer la revue sous sa direction effective (1). En 1891, il fallut procéder à un renouvellement du bureau, car le président, dom Piolin, qui n'avait pas peu contribué par la haute autorité de son nom et (1) Voir le livre m du Cinquantenaire ».
par la valeur de ses écrits à attirer autour de lui de précieux concours, voyait ses forces diminuer et demandait son remplacement. Robert présida cette séance à l'issue de laquelle on le pria « de négocier une affaire qui devait avoir pour la société les plus heureuses conséquences ». Il s'agissait d'obtenir qu'elle eût son siège définitif dans la maison dite de la Reine Bérengère acquise et restaurée tout récemment par Monsieur Adolphe Singher. Le négociateur se montra aussi habile que le nouveau possesseur du charmant logis eut de générosité. Les portes en furent largement ouvertes aux historiens et archéologues qui allaient trouver en celui qui les accueillait si bien un véritable protecteur. Le 24 juin 1892 se tenait la séance solennelle d'inauguration sous la présidence du comte de Bastard d'Estang auquel, moins d'un an après, le 2 mai 1893 devaient être confiées les destinées de la Société jusqu'au jour où Robert les prendrait en mains, et pour longtemps.
H. Touhnouer.
(A suivre).
SAINT REGNAULD, L'ERMITE DE MÉLINAIS, ET IVES DE CHARTRES
Parmi les œuvres d'Ives de Chartres se trouve une lettre adressée à un certain Renaud qui, après avoir fait profession de la règle de saint Augustin dans un monastère dédié à saint Jean-Baptiste, songeait à quitter sa communauté pour mener la vie érémitique (1;. L'évêque s'efforce de le détourner de ce projet lui exposant que la vie cénobitique n'est pas inférieure à la vie anachorétique, et que celle-ci a bien ses dangers. Il lui rappelle que des religieux qui, après avoir vécu saintement dans un monastère, ont voulu vivre en ermites, ont été entraînés, de leur propre aveu, en des chutes lamentables. ,le ne condamne pas, dit-il encore, la vie anachorétique, mais je préfère la vie de ceux qui vivent en communauté, qui non seulement ont laissé tous leurs biens, mais encore ont abandonné leur volonté propre se renonçant eux-mêmes selon'le précepte de l'Evangile (2).
L'évêque de Chartres ne parvint pas à convaincre Renaud qui répliqua par deux écrits demeurés inédits jusqu'à ce jour. Au cours de ses longues et fructueuses recherches patristiques, le R. P. Dom G. Morin les a retrouvés en diverses bibliothèques (3). Le premier est une lettre en réponse à celle d'Ives de Chartres, et il la publie d'après un manuscrit de la bibliothèque Ambrosienne de Milan. Le second plus développé est (1) Migne. P. L., t. CCLVI, col. 260 Ivo, Dci gratia Carnotensis Ecclesix niiitister, frntri Rainaldo salutem et benedictionem.
(21 S. MiTHiF.u, ch. XVI, 24; S. Luc, ch. IX, p. 23.
(3) Revue Bénédictine, janvier-février 1928, p. 99-115 Rainaud l'ermite et h'es de Chartres. Un épisode de la crise du cénobitisnie aux XI* et XII" siècles.
édité d'après un manuscrit du xu'' siècle de la bibliothèque de Bruxelles, dont le contenu se rattache principalement à la région d'Angers. C'est une critique acerbe de la vie cénobitique comparée à la vie anachorétique. On y retrouve tous les arguments exposés dans la lcltre à l'évêque de Chartres, et l'auteur n'hésite pas à accuser les cénobites d'un relâchement universel, généralisant les abus, les désordres réels qu'il a pu rencontrer chez des moines ou chez des chanoines, oubliant qu'à son époque nombreux étaient les monastères fervents en France et dans les autres pays de la chrétienté.
Quel était ce Renaud, Regnault, Reginaldus, correspondant de l'évêque de Chartres ? Au xvme siècle, le Bollandiste Jean Stilting émit l'hypothèse qu'il pourrait bien être l'ermite de ce nom qui se retira dans la forêt de Mélinais, près de La Flèche, dans l'ancien diocèse d'Angers (1). Dom Morin se range à cette opinion tout en reconnaissant qu'elle peut prêter à controverse.
Né en Picardie. Regnault avait embrassé l'institut des chanoines réguliers de saint Augustin à l'abbaye de Saint-Jeandes-Vignes à Soissons. Après quelques années de vie cénobitique, il se résolut à suivre l'exemple de Robert d'Arbrissel et se retira dans la forêt de Craon qu'il quitta pour la solitude de Mélinais, dépendance du prieuré de Sainte-Colombe, près de La Flèche. Il y construisit un ermitage où il réunit quelques disciples, et où il- mourut le 19 septembre 1103ou 1104. Sur son tombeau, Henri II, roi d'Angleterre et comte d'Anjou, fonda une abbaye de l'ordre de saint Augustin qui subsista jusqu'au jour où Henri IV unit la mense abbatiale au collège de La Flèche (1604). En 1636, les religieux abandonnèrent aux chanoines réguliers de Sainte-Geneviève de Paris leur monastère qui devint un simple prieuré. A l'époque de la Révolution, les reliques de saint Regnault qui n'avaient cessé d'être l'objet de la vénération des fidèles furent déposées dans l'église de SainteColombe, puis soustraites à la profanation par un habitant du (1) Acla Sanctorum (Boll.),t. t. V de septembre (1755), p: 626-629.
village. Elles y furent replacées lorsque la paix fut rendue à l'Eglise et y demeurèrent jusqu'en 1830. A cette date, elles furent données à l'église de Candé (Maine-et-Loire) (1). A la demande de Mgr Angebault, évêque d'Angers, et sur le rapport du cardinal Pitra, le culte rendu au saint ermite de Mélinais fut confirmé le 26 septembre 1868(2).
Comme ses contemporains, Guillaume Firmat, Robert d'Arbrissel, Bernard de Tiron, Vital de Mortain, Regnault eut le dessein de faire revivre la vie anachorétique dans toute sa rigueur mais de nombreux disciples étant venus se ranger sous la conduite de ces saints personnages, la vie cénobitique s'établit bientôt dans les monastères fondés sous leur influence. Dom B. Heurtebize.
(1) Dom Chamard. Vies des samts personnages de l'Anjou, t. II, p. 89. (2) Analecta Juris Pontificii, 8«e livr., 1868, p. 952.
LES PANNEAUX SCULPTÉS DE L'ÉGLISE DE LA
CHAPELLE-SAINT-AUBIN
NOTES ET CROQUIS
La lecture d'un journal (1), la lecture du titre « La Bénédiction de l'Eglise de la Chapelle-Saint-Aubin »; m'ont remémore tout à coup des souvenirs de jeunesse, et m'ont fait me rappeler que j'avais pu prendre, avant la guerre, avant l'incendie qui détruisit totalement la petite église de la Chapelle -SaintAubin, quelques hâtifs croquis qui dormaient jusqu'ici dans mes cartons, et que je ne saurais plus garder pour moi seul. Ce sont les dessins de huit panneaux de bois sculptés et peints, provenant de l'ancien Couvent des Jacobins du Mans. Ces huit panneaux faisaient partie en 1791, des douze « figures » que le citoyen Lapaix acheta pour 56 livres 19 sols (2). Le même citoyen avait acheté le 2 novembre 1791, pour 110 livres 2 sols, les 55 stalles de l'ancien couvent des Frères Prêcheurs (3) qui, avec nos huit panneaux ornaient avant la destruction de 1916 l'église de la Chapelle-Saint-Aubin (4). Ces panneaux de bois représentaient des scènes de la Pas(1) I.a Sarthe du lundi 20 juin 1927.
(2) Abbé Ch. Girault, L'Eglise incendiée de La ChapeUe-Saint-Aubin, page 21.
(3) F. Legeay, Documents historiques, p. 8.
(4) Ch. Cosnard, Histoire du Couvent des frères Prêcheurs du Vans F. Legeay, le Couvent des Jacobins du Mans, L'Eglise de La Chapelle-SaintAubin se composait d'une seule nef d'origine romane, remaniée à différentes époques. Elle possédait, depuis la Révolution, des stalles en bois sculpté, du xvi« siècle et huit panneaux de bois sculpté de la même époque ou du début du xvil* siècle. L'église entière a été incendiée le 23 février 1916. Sur cet incendie, voir La Sarthe du 23 février 1916, le Nouvelliste de la Sarthe du 7 mars 1916, la Semaine du Fidèle des 4 mars et 1" avril 1916, Bulletin paroissial de La Chapelle-Sîiint-Aubin, n° d'avril 1916.
sion Entrée triomphale de Jésus à Jérusalem, le Jardin des Oliviers, le Baiser de Judas, Jésus devant Caïphe, Pilate se lavant les mains, la Flagellation, Ecce Homo, le Portement de Croix et Simon le Cyrénéen. L'ensemble de ces panneaux de la Chapelle-Saint-Aubin, n'avait certes pas une très grande valeur au point de vue artistique, mais au point de vue symbolique, en avait davantage par la réalisation de physionomies et de gestes très ohservés. D'une facture grossière et peu experte sans doute, les personnages étaient bien faits pour frapper l'imagination avec leur naïveté :t leur jovialité.
Une évidente parenté avec les dossiers des stalles de la Cathédrale du Mans (1) donnait à ces panneaux sculptés plus de valeur et plus d'intérêt.
Il est hors de doute, en effet, que nos panneaux de l'ancienne église des Jacobins sortaient du même atelier que les stalles de la Cathédrale. Celles ci furent commandées par le Chapitre après le pillage de 1562 par les Huguenots (2) et furent terminées en 1575 et 1576, au début du règne d Henri III (3). Nos panneaux durent être faits à la même époque, peut-être quelques années après, mais dans le même atelier. L'inspiration en effet est la même, quoique nos panneaux soient plus grossiers et plus simplifiés. Le sculpteur des personnages n'est certes pas le même les figures, les coiffures, les vêtements ne se ressemblent pas, et le coup de ciseau est bien différent, mais pour beaucoup de scènes l'inspiration est identique et les attitudes et gestes ont été copiés. Quant aux sculptures des fonds arbres, terre, collines ou montagnes, il semble bien que ce soit la même main, ou tout au moins une main apparentée, (1) Abbé Ch. Girault, L'Eglise incendier de La Chapelle Saint-Aubin, p. 22. (2) Le 15 décembre 1563, le Chapitre remerciait l'Abbé de la Couture pour le bois donné pour la confection des stalles, et invitait les moines de Saint-Vincent à en faire autant. Sur les stalles de la Cathédrale du Mans voir Amb. Ledru, la Cathédrale du Mans, 1895, pp. 105, 106, Abbé Ambi nise Ledru, La Cathédrale Saint-Julien du Mans, 1900, in-folio, pp. 454, 455, 456 A. Ledru, La Cathédrale du Mans, 1923, pp. 81, 82, 83, 84. (3) La stalle n° 26 porte la date de 1575, celle n* 42 porte 1576, et la stalle n" 49 porte un H majuscule.
qui ait fait ces arbres en boules, ces collines montrant des carrières ou fentes en forme de bouches édentécs.
La comparaison de ces panneaux avec les dossiers de la Cathédrale sera d'ailleurs intéressante.
Notre premier panneau, Y Entrée triomphale de Jésus à Jérusalem est certainement une réplique de la stalle de la Cathédrale (dossier n° 26). Jésus sur son âne est bien dans la même position et tient les guides de la même manière. Saint Pierre et sa mèche de cheveux, Saint Jacques (?) sont identiquement placés derrière la croupe de l'âne, et dans les deux panneaux « la foule nombreuse » qui « étendit ses vêtements sur le chemin » (1), se borne à un seul et semblable personnage. Le fond se compose d'égale façon à droite, des maisons et à gauche, des arbres avec le même petit personnage coupant une branche et la jetant sur le chemin (2).
Notre second panneau, le Jardin des Oliviers, n'existe pas dans les stalles de la Cathédrale. Au premier plan, Pierre, Jacques et Jean dorment. Jésus s'est éloigné de ses disciples pour prier. Un Ange portant une croix, tend un Calice à Jésus. Derrière un monticule de terre surmonté d'oliviers, Judas Iscariote se tient caché avec la « grande foule et troupe armée d'épées » (3), de hallebardes et de torches. l Notre troisième panneau, le Baiser de Judas, n'a pas de stalle semblable à la Cathédrale. Judas tient sa bourse aux trente pièces d'argent, et baise son Maître, tandis que les Juifs et les soldats « mettent les mains sur Jésus et le saisissent » (4). Au premier plan, Saint Pierre tire son épée et frappe un des personnages jeté à terre (5).
Dans le fond, Judas, par repentir, fuit devant le diable et, désespéré, se pend. Le même petit personnage pendu se voit en fond également dans la stalle (n° 32) de la Cathédrale. Notre quatrième panneau Jésus devant Caïphe, se retrouve (1) Evangile selon S. Matthieu. XXI, 8.
(2) S. Marc. Xl, 8.
(3) S. Marc. XIV, 43, S. Luc. XXII, 47.
(4) S. Matth. XXVI, 50.
(5) S. Matth. XXVI, 51.
à la Cathédrale (stalle n° 32). C'est, dans les deux panneaux, un dais semblable qui abrite Caïphe. Celui-ci, assis, a les mêmes gestes. Jésus, pieds nus, est dans la même position et les deux soldats le tiennent de façon identique. Dans notre panneau, un des princes des prêtres cherche sur ses doigts à énumérer de faux témoignages contre Jésus (1).
Notre cinquième panneau Ponce Pilate se lavant les mains, n'a pas de stalle semblable à la Cathédrale. Dans notre panneau, Pilate est assis à gauche sous un dais, il se lave les mains sur lesquelles un serviteur verse l'eau d'une aiguière. Jésus est nu; seul un manteau lui couvre les épaules et sa tête est couronnée d'épines (2). Un soldat tient un lien, et le peuple bruyant lève les mains pour approuver la condamnation. Certains costumes, dans la foule, rappellent ceux des moines, et certaines coiffures, celles d'évèques. Fut-ce du sculpteur une intention maligne? Dans le fond, un petit personnage chevauche sur un âne, peut-être en souvenir ou comme une allusion à ce même Jésus aujourd'hui condamné, après avoir été fêté le jour des Rameaux.
Notre sixième panneau, la Flagellation, est presque copié sur la stalle (n° 33) de la Cathédrale. Les deux flagellants ont respectivement les mêmes positions. Jésus lui-même est attaché de la même façon contre une même colonne. Le paysage du fond et les assistants seuls diffèrent.
Notre septième panneau Ecce Homo ne possède pas de stalle correspondante à la Cathédrale Jésus est sur une estrade à côté de Pilate. Celui-ci dit aux juifs qui occupent la gauche du panneau Ecce Homo, voici l'Homme, en montrant Jésus couronné d'épines et recouvert du manteau de pourpre (3). Le fond est entièrement occupé par des maisons.
Notre huitième, panneau, le Portement de Croix el Simon le Cyrénéen, n'est pas semblable à la stalle (n° 36) de la Cathédrale. A la Cathédrale, les personnages sont relativement fins et (1) S. Matth. XXVI, 59.
(2) S. Matth. XXVII, 28, 29.
(3) S. Jean. XIX, 5.
nommes et femmes (1) garnissent la totalité du panneau décoré Jésus marche de gauche à droite. Dans notre panneau plus grossier, Jésus porte sa Croix en T de droite à gauche; Simon le Cyrénéen, derrière lui (2) aide Jésus qui se retourne vers les femmes (3). Les soldats activent la marche. Un des deux voleurs, les mains liées derrière les reins, se montre de dos complètement nu. Le fond du panneau est décoré au centre par une colline et quelques arbres, et à droite et à gauche par de petits groupes de personnes dont beaucoup vues de dos. Après ces différentes comparaisons, après ces similitudes singulières, il semble donc bien hors de doute que les panneaux de l'ancienne église des Jacobins, transportés à La ChapelleSaint-Aubin, sont sortis du même atelier que les dossiers des stalles de la Cathédrale du Mans. Ce n'est certes pas le même artiste qui les sculpta, car si peu finement exécutées soient-elles, les stalles de la Cathédrale sont nettement supérieures et comme style et comme valeur à nos panneaux de La Chapelle-SainlAubin. Dois-je avouer néanmoins que ces huit panneaux m'avaient ravi par leur gaucherie, leur naïveté, leur franchise et leur simplicité ajoutées à l'air narquois et moqueur de chacun des personnages à l'égard du spectateur que j'étais devant ces véritables pantins et figurants de théâtre, acteurs pourtant de scènes sacrées.
Juin 1927.
(1) S. Luc. XXIII, 27.
(2) S. Luc. XXIII, 26.
(3) S. Luc. XXIII, 28.
PAUL Cordonxiek-Détrie.
LES TOMBEAUX DE SAINT-DENIS (1) Nous sommes au début du vu* siècle, d'après la légende, et le jeune Dagobert fuit au grand galop de son cheval la colère paternelle. Les cavaliers de Clotaire II le poursuivent âprement. Ils vont l'atteindre peut-être. Mais Dagobert, est-ce hasard ? est ce préméditation ? file vers le Nord de Paris, se précipite dans l'église dédiée à Monseigneur Saint-Denis, il est sauvé. Jusqu'à la mort de son père, il vivra en paix dans l'abbaye attenant à l'église et qui lui offrait un asile inviolable. Rendons grâce à Dieu et aux moines de Saint-Denis de nous avoir conservé « le bon Roi Dagobert ». La gaieté française y a gagné une chanson; le pays un des plus sages Mérovingiens; la Basilique de Saint-Denis sa parure funèbre.
Pour ce dernier point l'histoire vient rejoindre la légende, édifier ses constructions précises sur des fondations mystérieuses. Car, c'est un fait, Dagobert eut une prédilection pour l'Abbaye de Saint-Denis Il lui fit don de terres et de.sommes d'argent, orna les châsses qui renfermaient les reliques, en augmenta même le nombre. Il avait pris l'habitude de faire des séjours parmi les moines; et il mourut au milieu d'eux le 19 janvier 638
L'église abbatiale reçut et garda son cercueil. Une tradition était fondée. Sans doute, les Mérovingiens qui succédèrent à Dagobert ne furent pas tous inhumés à Saint-Denis; sans doute, divers monastères ou églises abritèrent, dans de lointains pays parfois, les ossements de quelques Carolingiens. Charlemagne, pour ne citer que lui, eut son tombeau à Aix-laChapelle. Depuis 638, ce fut pourtant l'église abbatiale de Saint(1 ) Conférence faite par M11' Alice Guullier, membre titulaire de la Société, le 12 mars 1928, le jour de l'Assemblée générale de la Société.
Denis qui s'ouvrit le plus souvent devant les dépouilles royales. Et à partir du règne des Capétiens, tous les Rois de France y furent enterrés, sauf trois Philippe Ier, dont les ossements reposent encore aujourd'hui à Saint-Benoît-sur-Loire; Louis VII, qui avait choisi pour sa dernière demeure l'Abbaye cistercienne de Barbeaux, près de Melun; Louis XI qui voulut être inhumé dans la collégiale de N.-D. de Gléry, près d'Orlé'ans. Par surcroît de précautions, il avait même commandé de son vivant la statue qui devait orner la tombe.
Dès le xe siècle, bien avant l'Escurial, bien avant Westminster, dont l'ancienneté fait l'orgueil des Espagnols et des Anglais, Saint-Denis fut une nécropole royale. Nos souverains, les premiers en Europe, eurent l'idée de réunir tous les morts de leur race dans une même église où, de génération en génération, les moines d'un même ordre viendraient prier pour eux. Aux Rois de France furent joints souvent des membres de la famille royale et, parfois, des serviteurs particulièrement vaillants. « Aux grands hommes la Patrie reconnaissante » offre aujourd'hui les profondeurs d'une cave Nos Rois eurent une idée peut-être plus heureuse. Ils leur ouvrirent les portes du domaine sacré qu'est une sépulture de famille; ils les firent reposer sous les voûtes de la Basilique royale de Saint-Denis, là où eux-mêmes devaient dormir, « dans l'attente de l'immortelle Résurrection ».
Les cérémonies qui précédaient le dépôt d'un cercueil de Roi dans la Basilique de Saint-Denis étaient longues et d'une tragique solennité. Elles se déroulaient dans un ordre immuable, suivant des traditions que chaque siècle interprétait d'après son caractère propre. Le décor en était au goût du jour. Et vraiment, « MM. des Menus-Plaisirs » qui, par une singulière ironie de langage, étaient chargés de l'aménagement de SaintDenis lors des cérémonies funèbres, eurent au XVIIe et au xvme siècles des inventions surprenantes pour notre goût moderne. Ils transformaient bel et bien le chœur de l'église en
salle de spectacle; dissimulant les arceaux gothiques sous de somptueuses tentures; accrochant des lustres où ils pouvaient; déplaçant les tombes qui les gênaient; appuyant même les échafaudages sur Ics gisants.
C'était dix-huit jours seulement après le trépas que le cercueil du monarque était enlevé de la demeure royale, pourêtre porté à Notre-Dame, où se faisait un premier service. Une longue procession le conduisait ensuite à Saint-Denis. En avant, marchaient quatre Rois ou Héraults de France, en casaque de velours, qui portaient, d'une main, un écusson aux armes de France ou aux armes de lcur pays, de l'autre, un bâton royal orné de crêpe noir. Vingt-quatre prieurs de Paris les suivaient. Puis venaient les quatre ordres mendiants, le clergé des paroisses de Paris, les chanoines de Notre-Dame et de la Sainte-Chapelle, les gentilshommes de la maison du roi, un cierge de cire jaune à la main, et précédant immédiatement le cercueil.
Celui-ci avançait lentement sur les épaules des Hannouards ou briseurs de sel de Paris, qui disparaissaient sous les pans des poëles. Il était surmonté de la « représentation » du défunt, statue de cire revêtue des insignes royaux, que portaient d'autres Hannouards. Le tout était sous un dais de brocard d'or tenu par les procureurs du roi, cinq officiers du Châtelet ou six religieux.
Aux quatre coins de ce véritable édifice, les personnages les plus importants du royaume, souvent des princes du sang, tenaient, sur des carreaux de velours, les « honneurs » du Roi. De chaque côté avançaient les membres du Parlement en robe rouge, la Chambre des Comptes, le Châtelet, l'Université. Par derrière suivaient, à cheval, l'Archevêque de Paris, des princes, des ambassadeurs, des cardinaux, des pauvres porteurs de torches; fermant la marche, les archers de la garde. Le cortège arrivait généralement à la nuit auprès de la CroixPenchée, dans le village de la Chapelle, où il rencontrait l'Abbé de Saint-Denis, ses religieux et des olîiciers laïques. A la lueur des flambeaux, qui faisaient luire dans l'ombre le velours des
robes et l'or des broderies, l'Evêque- Abbé de Saint-Denis recevait le cercueil royal, que lui remettait l'Archevêque de Paris. Il l'accompagnait jusqu'à une chapelle ardente dressée dans le chœur, derrière le maître autel de l'église abbatiale. Les Vêpres commençaient; pendant quarante jours et quarante nuits, les prières ne devaient plus s'interrompre autour de la dépouille du Roi.
Ce temps révolu, après l'oraison funèbre et la messe, le corps était descendu dans un caveau. Ensuite se déroulait une cérémonie curieuse et pleine de sens. Appelé par son nom, chaque officier du Roi défunt venait jeter sur le cercueil les insignes de sa dignité; au geste de chacun d'eux, répondait, du fond du caveau, un cri lugubre poussé par un héraut « Le Roi est mort, priez pour son âme ».
En dernier lieu s'avançait la bannière de France. Mais son porteur ne l'abandonnait pas; il l'inclinait un instant seulement sur l'ouverture béante. Le héraut criait, une dernière fois « Le Roi est mort », puis, après un instant de silence, comme il aurait jeté une exclamation de triomphe « Vive le Roi! » Alors le porte-bannière redressait allègrement la bannière cle France, et chacun reprenait ses insignes. Quelle que fut la perte que le pays eût faite, il pouvait continuer à vivre. Il avait son chef, son organisme restait intact; la mort, qui ruine tant de choses humaines, n'avait ni détruit, ni même menacé son existence.
La cérémonie des funérailles était terminée. Les moines fermaient le caveau; ils en gardaient une clef, le Roi de France en avait une autre. Plus tard, le cercueil était, sans grand apparat, transféré du caveau dans la tombe que le souverain ou ses descendants avaient fait élever.
Elles sont nombreuses et diverses les tombes des Rois et des Reines de France, de leurs enfants et de leurs serviteurs qui sont rangées de nos jours dans les chapelles, le chœur et les
deux bras du transept de l'église abbatiale. Elles le sont d'autant plus, qu'en les y ramenant, la Restauration leur a joint d'autres tombes provenant de l'Abbaye de Saint Germain-desPrés ou de celle de Royaumont. Comme elles sont d'âges divers, une promenade à Saint-Denis permet vraiment de suivre la magnifique histoire de la sculpture funéraire en France jusqu'au xvii" siècle. Ce n'est pas une des moins belles pages de notre histoire nationale.
Nous n'avons pas, d'ailleurs, les tombes authentiques des premiers souverains enterrés à Saint-Denis. Il est fort probable qu'elles présentaient peu, ou même pas de décoration sculpturale. Elles devaient être recouvertes d'une simple dalle ornée d'une inscription, ou d'un dessin gravé représentant le défunt dans son costume habituel; telles furent la plupart des tombes jusqu'au xmE siècle.
La plus ancienne de ce modèle que nous offre Saint-Denis est celle de la Reine Frédégonde, de sinistre mémoire. Des filets de cuivre dessinent les contours du personnage et les plis des vêtements, sur une mosaïque faite de marbre et de pâte de verre. Le visage, les pieds, les mains sont lisses, mais ils devaient être autrefois marqués de traits peints. C'est d'un art coloré, brillant, un peu barbare, qu'on a cru parfois contemporain de Frédégonde. En réalité, c'est tout simplement un spécimen rare d'un procédé qui fut employé dans la décoration des églises aux xi" et xiie siècles.
Il faut se résigner à ranger cette pierre dans le premier des groupes qu'on peut faire parmi les tombeaux de Saint-Denis celui qui ne comprend que des tombeaux rétrospectifs et qui nous mène jusqu'à la fin du xmc siècle. En tète du second groupe, de beaucoup le plus riche, se placera le tombeau de Philippe III le Hardi, fils de saint Louis.
Les monuments du premier groupe sont conçus suivant un même type. Ils sont presque tous dus à une pensée pieuse de saint Louis. Le bon Roi voulut, en effet, consacrer la mémoire de ses prédécesseurs, dans l'église récemment restaurée, de belles tombes neuves. Un seul atelier en eut, sans doute, l'en-
treprise, et fit, pour les coucher sur les dalles funéraires, une série de statues analogues à celles qui se dressent au seuil des Cathédrales aux Rois du portail méridional de Chartres ou du grand portail de Saint-Séuerin, à Bordeaux.
Les artisans les sculptèrent comme si elles devaient être debout et non gisantes, avec des plis de vêtements qui tombent droit, des pieds disposés pour se tenir sur le sol. Et ils donnèrent à toutes une gravité noble, empreinte de douceur, un visage souriant et serein. Ils les revêtirent toutes aussi du même costume pour les hommes comme pour les femmes, d'une grande robe serrée à la taille par une ceinture et d'un manteau fait d'une pièce d'étoffe semi-circulaire, qui ne varie que par l'arrangement des plis. Tels nous apparaissent encore Clovis II et Charles-Martel, Pépin le Bref et Berthe sa femme, Robert II et Constance d'Arles, Henri Ier et Louis VI le Gros.
Un monument de cette série rétrospective diffère pourtant des autres et amuse notre imagination. C'est celui de Dagobert. Il est fait d'une dalle étroite, où la statue du Roi est couchée sur le côté, et surmontée d'un tympan à trois registres qui conte la légende du délunt. Oh, nullement celle qu'a répandue la chanson populaire. Dagobert est mort, et un certain moine Jean, de l'île lointaine où il vit dans la Méditerranée, suit, grâce à un miracle du Ciel, les périgrinations de l'âme royale. Dans la première zone du tympan, saint Denis réveille le solitaire, qui aperçoit sur l'océan, dans une barque, l'âme du Roi tourmentée par les démons. Dans la seconde zone, accompagnés d'anges gracieux qui portent l'eau bénite, saint Denis, saint Martin, saint Maurice l'exorcisent en bonne forme. Dans la dernière, les deux évêques et le saint chevalier élèvent vers le Ciel l'âme du Roi qu'une main, celle de Dieu, s'apprête à saisir. Ce sont des scènes illustrées d'une façon vraiment très fine, où les anges servent les saints avec une conviction souriante où la laideur des démons semble notée avec ironie. Leur fantaisie, libre et exacte tout à la fois, fait un vif contraste avec l'uniforme noblesse des gisants du xme siècle.
Le tombeau de Philippe le Hardi nous fait aborder la série des figures où l'artiste a voulu rendre le caractère individuel de son modèle, où il a essayé de faire un portrait. Un moulage pris sur le visage du mort l'aida généralement à y arriver. Désormais nous sommes au début du xive siècle les gisants ne se contenteront plus d'un sourire anonyme où leurs yeux s'ouvrent à la béatitude éternelle. Ils ne s'étendront plus sous les plis réguliers des vêtements. Les étoffes qui les couvrent laissent deviner la forme du corps; elles sont, suivant la mode, moelleuses ou fines et retombent avec souplesse sur les pieds de la statue. Des coiffes brodées, des guimpes plissées encadrent le visage des femmes. Nous retrouvons à Saint-Denis, tels que leurs contemporains ont pu les voir, les frères, les fils, les descendants de saint Louis, un grand nombre de Valois et quelques Reines, leurs femmes. Nous savons aussi, très souvent, quel artiste les a « pourtraicturés » dans la pierre ou le marbre. Ils sont trop nombreux pour que nous puissions Icur accorder une longue attention. Ils la mériteraient presque tous cependant. Car André Beaunevenx de Valenciennes, par exemple, a vraiment taillé pour les tombes de Philippe VI et de Jean II le Bon des elligies puissantes. Il nous a fait connaître aussi, par le gisant de Saint-Denis, la physionomie du jeune Charles V que la Cathédrale d'Amiens, nous donne, quinze ans plus tard, altérée par l'âge et par la maladie.
Dans la même chapelle que le roi Charles V, qui l'avait ainsi voulu, deux imagiers parisiens représentèrent Bertrand Duguesclin, Connétable de France, comme le peignent les historiens, avec « sa taille médiocre et massive, ses épaules larges et un peu hautes, le col court, les joues bouffies, le front grand, les yeux sortants, les jambes grosses et mal tournées », bref, le plus laid de Rennes à Dinan.
Louis de Sancerre « vaillant homme et hardi chevalier, durement », d'après Froissard, et qui, par son courage, avait décidé du succès de la victoire de Rosebeke, reçut le même honneur que Dugucsclin, mais ne laissa pas une image plus flatteuse. Facie dispicabili et oculis aliquantiilum obliquiis, dit de lui la
Chronique du Religieux de Saint-Denis. L'artiste consciencieux, voulant « faire ressemblant », n'a eu garde d'oublier son strabisme.
A l'habileté professionnelle, à l'art de fixerles traits particuliers d'un homme, Pierre de Thury a joint une véritable péné- tration psychologique. Et il arrive à évoquer des caractères dans la figure lourde et empâtée du pauvre Charles VI et celle de la Reine Isabeau qui sourit durement.
Les occasions pour les sculpteurs d'exercer leur art sur des tombes royales furent, du reste, multipliées à partir du xive siècle par une étrange coutume celle d'ensevelir à part les entrailles du défunt. Sur les monuments qui les recouvraient, de grandeur très variable figurait toujours un gisant, tenart sur sur sa poitrine la représentation du sac de peau où étaient enfermées ses viscères. Des effigies qui surmontaient les tombeaux d'entrailles, nous avons un modèle à Saint-Denis la gisante expressive de Jeanne de Bourbon, femme de Charles V, sculptée peut-être par Jean de Lièges, pour l'église des Célestins, à Paris.
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Au xvi' siècle il y eut, de plus, un tombeau particulier pour le cœur, sur lequel figurait, naturellement, une représentation de cet organe. Le musée du Louvre garde le monument de marbre blanc où Germain Pilon, sur l'ordre de Catherine de Médicis, avait confié aux Trois Grâces l'urne qui renfermait le cœur d'Henri II. Etrange destinée des œuvres d'art il a été popularisé par la sculpture des jardins publics. Et vous pouvez en voir une reproduction, au Mans même, sur une des pelouses du Jardin d'Horticulture.
La Basilique de Saint-Denis conserve encore le vase sculpté par Pierre Bontemps où se trouva le cœur de François Ier, et les deux monuments exécutés successivement pour le cœur d'Henri III. Ils lui sont venus, après la Révolution, l'un de l'abbaye de Hautebruyère, près de Rambouillet; les autres de l'église collégiale de Saint-Cloud. Auparavant Saint-Denis n'avait jamais reçu que les tombeaux du corps des Rois.
Les urnes destinées aux cœurs royaux datent donc du xvie siècle, c'est-à-dire d'une époque où l'art français allait se transformer au contact de l'art italien. Cela devait se faire non par un brusque bouleversement, mais par une lente assimilation, et, pour la sculpture, en deux étapes. Le retour de Charles VIII après la bataille de Fornoue avait marqué le début d'une exode d'ouvriers italiens en France. Le Roi et les seigneurs de sa suite avaient embauché, un peu pêle-mêle, des artisans de toutes sortes des jardiniers, des brodeurs d'or, et même un « nègre habile à garder les papegaults ». Ils avaient aussi ramené avec eux des artistes, mats non pas des artistes du Nord de l'Italie des Napolitains pour la plupart, qui étaient heureux d'aller chercher fortune au loin. Or, les Napolitains. étaient surtout des ornemanistes. L'influence italienne sur la sculpture s'exerça d'abord, et très vite, sur la partie décorative des monuments. On abandonna, dès le premier quart du xvie siècle, les éléments empruntés à la flore du pays les feuilles de chêne, de platane, de lierre, de chou-frisé profondes ment taillées dans la pierre, qui s épanouissaient avec luxuriance aux corbeilles des chapiteaux, ou qui couraient le long des frises. Elles firent place à des vases à étages, à des emblèmes variés, à de fins rinceaux sculptés en méplat dont les modèles venaient d'Italie. Mais il fallut cinquante ans, et l'effort de l'école réunie par François Ier à Fontainebleau, pour que le goût italien se fit voir dans le style même des figures. Les tombeaux du xvi" siècle sont, en conséquence, particulièrement précieux pour l'histoire de la sculpture. On y voit, au début du siècle, la juxtaposition de deux arts différents et, dans une architecture italienne, ornée à l'italienne, des statues d'un caractère bien français. Puis l'infiltration se faisant lentement, l'idéalisme italien, la recherche de la grâce et de l'éjégance se mêler peu à peu dans les grandes figures au réalisme français, à la recherche de la vérité familière, s'y substituer parfois.
En outre, dès le début du xvi" siècle, sous l'influence des idées de la Renaissance, la conception de l'art funéraire se
modifie. Un certain goût de l'ostentation vient s'y mêler. Il s'agit, non plus seulement de laisser un portrait du défunt, mais de rappeler aux générations à venir ses actions d'éclat et ses vertus. Comme on ne recule pas devant les images brutales, on unit dans un même monument l'image de ce qu'il fut et de ce qu'il est devenu. On ne se contentera plus de coucher une figure sur sa tombe. On élèvera dans l'église de Saint-Denis les grands tombeaux de Louis XII et d'Anne de Bretagne, de François Ier et de Claude de France, d'Henri II et de Catherine de Médicis. Tous trois forment des édicules qui abritent les souverains représentés à l'état de cadavres, tandis que l'image de ces mêmes souverains est agenouillée à la partie supérieure du monument.
Le tombeau de Louis XII et d'Anne de Bretagne nous offre, sans doute, tout comme celui des parents de la Reine à Nantes, le résultat d'une collaboration entre ouvriers italiens et ouvriers français. Le monument se compose, au-dessus d'un soubassement, d'un édicule à arcades en plein-cintre. A qui est due l'architecture ? De qui sont les gisants d'un réalisme si brutal qu'on distingue sur leurs corps nus, les traces de l'embaumement ? La question reste pendante. Mais les statues des Apôtres assis sous les arcades du monument et des quatre Vertus Cardinales postées aux angles sont très probablement des Juste,' Italiens établis à Tours comme sont certainement de maind'œuvre italienne les tableaux de marbre du soubassement, souvenirs des guerres d'Italie, où Louis XII et ses soldats, costumés en soldats romains, combattent avec fougue. Par contre, on attribue généralement à un atelier français les priants qui surmontent le tout: ce Louis XII dont le visage souflreteux se contracte dans une prière ardente cette Anne de Bretagne, si pareille à ce que nous montrent la plupart de ses autres portraits, grave et un peu raide, avec toujours le même petit visage rond aux lèvres fortes, presque boudeuses.
Plus de précisions nous restent sur le tombeau de François Ier. Nous savons que la conception générale en est de Philibert Delorme et que Pierre Bontemps, sculpteur excellent dont les
œuvres certaines sont rares, eut une part prépondérante dans toute la décoration. Le monument a un plan cruciforme et est inspiré de l'arc de triomphe antique. Il comprend une voûte centrale, flanquée de deux voûtes plus basses qui servent de passages. Huit colonnes cannelées supportent un entablement et une corniche. Sur le soubassement, des bas-reliefs représentent également les campagnes de François I" en Italie mais le Roi et ses soldats sont en costume du temps. Ce sont de véritables tableaux, pleins d'une vie grouillante en même temps que savamment ordonnée, ces cinquante-quatre panneaux de dimensions différentes.
Sous la voûte gisent, encore à l'état de cadavres, le Roi et la Reine. Sur la plate-forme, ils sont agenouillés, avec trois de leurs enfants morts avant François Ier le Dauphin François, duc de Bretagne, la Princesse Charlotte de France et le Prince Charles, duc d'Orléans. Nous avons là le plus vaste, le plus somptueux des tombeaux du xvie siècle, un véritable monument triomphal, fait d'un beau marbre blanc, dont quelques touches de marbre noir et gris atténuent parfois l'éclat. Et ce tombeau garde, dans sa magnificence, la note de simplicité, presque de bonhommie, que n'aura plus le monument d'Henri II et de Catherine de Médicis.
Celui-ci se présente mal, d'ailleurs, à la place où il est relégué aujourd'hui. Il était fait pour s'élever, isolé de toutes parts, au milieu d'une chapelle. La Reine Catherine de Médecis, voulant en effet qu'il y ait à Saint-Denis la Chapelle des Valois, avait fait commencer par le Primatice un édifice qui s'ouvrait dans le flanc gauche du croisillon septentrional. Il fut continué et achevé par Jean Bulland et Baptiste Androuet du Cerceau. Mais il menaçait ruine dès la fin du xvi' siècle. Il fut démoli au xviii* et le tombeau d'Henri II tut placé dans le croisillon même où il manque de lumière et d'espace.
Comme les deux tombeaux précédents, il est à deux étages mais le style en est entièrement classique et l'essai de polychromie, qui se montrait discrètement dans le tombeau de François Ier, s'y affirme. Au marbre blanc, noir et gris, on a joint
du marbre rouge les quatre Vertus Cardinales, dont beaucoup ont perdu leurs attributs, se dressent en bronze brun aux quatre angles du tombeau.
Bien des artistes avaient du prendre part à la confection de ce monument. La besogne avait même été si bien partagée que toutes les sculptures devaient être de mains différentes Mais, l'un après l'autre, mourent Girolamo della Robbia, Dominique Florentin, Laurent Reynauldin, Ponce Jacquiot. Germain Pilon recueillit la succession de ses camarades. Je ne crois pas que nous devions le regretter. On lui doit les gisants du Roi et de la Reine, et les deux priants de la plate-forme, dans un style très différent, du reste, de celui de ses prédécesseurs. Le Roi est bien encore représenté à l'état de cadavre, mais sa tête est renversée sur un coussin, comme s'il venait d'expirer. Quant à la Reine, elle est simplement endormie; ses belles formes, admirablement modelées, se dessinent sous un léger voile et sa poitrine parait se soulever au rythme d'une respiration régulière. Lesdeux statuespriantes ont une ampleur inconnue jusqu'alors. Le bronze semble s'y assouplir pour représenter Henri II qui se penche sous une lourde draperie; la Reine qui, dans le costume du sacre, prend une majesté fastueuse.
Marie de Médicis manifesta bien l'intention de faire élever un monument grandiose à Henri IV. Elle en resta à l'intention. Louis XIV fit le projet de bâtir une vaste chapelle des Bourbons il n'essaya jamais de mettre au point les plans qu'avait tracé leBernin. Durant tout le xvne siècle et la première moitié du xviii*, les cercueils de Rois s'entassèrent, littéralement, dans le caveau funéraire. Bossuet n'usait pas simplement d'une image oratoire, quand il disait dans l'Oraison funèbre d'Henriette d'Angleterre, le 21 août 1670
« Elle va descendre à ces sombres lieux, à ces demeures sou« terraines, pour y dormir dans la poussière avec les grands « de la terre, comme par le Job, avec ces rois et ces reines
« anéantis, parmi lesquels à peine.peut-on la placer, tant les « rangs y sont pressés, tant la mort est prompte à remplir ces « places. »
Après la mort de la Reine Marie-Thérèse en 1683, on dut relier le caveau des cérémonies, où l'on déposait le corps des souverains après les funérailles, à une chapelle souterraine de la Vierge qui devient « le caveau des Bourbons ». Il l'est encore; le mur qui l'enclôt laisse distinguer dans l'ombre, par d'étroites ouvertures, des cercueils posés sur des pauvres tréteaux. Là sont les corps du Roi Louis XVI et de la Reine Marie-Antoinette, de Mesdames Adélaïde et Victoire filles de Louis XV, duDuc de BerryetdeLouis XVI.II, le dernierRoi de France enterré à Saint-Denis. Rien dans la Basilique n'est peut-être plus émouvant que ce triste caveau, ces « déplorables restes. »
Par un étrangeVetour des choses, les seuls corps qui restent à Saint-Denis sont ceux du Roi et de la Reine martyrs, de deux Princesses revenues d'exil, d'un Prince assassiné, du Roi auquel la France remit sa fortune après la grande tourmente. Et les vastes tombes de la Basilique sont vides, depuis que, en octobre 1793, dans des scènes d'une sauvagerie sinistre, elles furent éventrées par les émissaires de la Convention, qui jetèrent pêle-mêle les ossements dans une fosse commune. On n'avait pas attendu si longtemps pour s'attaquer aux monuments mêmes et pour détruire, autant qu'il se pouvait, ces témoignages de la gloire des Rois. Dans la séance du 1er août 1793, Barère avait proposé à la Convention, au nom du Comité de Salut public, de commémorer la chute de la royauté en détruisant les tombes de Saint-Denis
« Le Comité a pensé, disait-il, que, pour célébrer la journée « du 10 août, qui a abattu le trône, il fallait, dans le jour anni« versaire, détruire les mausolées fastueux qui sont à Saint« Denis. Dans la monarchie, les tombeaux mêmes avaient appris « ai flatter les rois. L'orgueil et le faste royal ne pouvaient s'a« doucir sur ce théâtre de ta mort et les porte-sceptres qui ont « fait tant de maux à la France et à l'humanité, semblent encore,
« dans la tombe, s'enorgueillir d'une grandeur évanouie. La « main puissante de la République doit effacer impitoyable« ment ces épitaphes superbes et démolir ces mausolées qui « rappelleraient encore des rois l'effrayant souvenir. » L'assemblée acquiesça et troisjours, les 6, 7 et 8 août suffirent aux ouvriers pour arracher les statues et les déposer en tas le long d'un des murs de la Basilique. Vingt-quatre d'entre elles n'ont jamais été retrouvées. Les autres, avec ce qui restait des ensembles dont elles faisaient partie, furent dirigées vers le Musée des Petits -Augustins, aujourd'hui l'Ecole des BeauxArts. Viollet-le-Duc les restaura et les fit rentrer à Saint-Denis au début du xixe siècle.
La Restauration a pu remettre une partie des pierres à leur place, elle n'a pu réunir les ossements dispersés. La Basilique qui vécut de et par les Rois de France; qui était au moyen âge plus connue que Paris et plus visitée, n'est guère maintenant qu'un vaste musée de sculpture funéraire. Elle est au nombre des monumentsauxquels la Révolution a retiré leurraison d'être, et qui ne l'ont pas retrouvée depuis. Telle qu'elle est pourtant, à cause de son ancienne destination, elle reste particulièrement propre à éveiller les souvenirs et riche d'cnseignements. Il fallait, nous sommes bien obligés de le reconnaitre, la stabilité qu'offrait l'Ancien Régime, la continuité qui fit sa force et celle du pays, pour que fut réunie et conservée une si complète collection de tombes. Aujourd'hui, nous ne pouvons errer parmi elles, sans que surgissent du fond de notre mémoire au hasard d'une inscription, une silhouette touchante ou robuste, des scènes où jouèrent un rôle ceux que veulent représenter de froides effigies. Les tombeaux de Saint-Denis, qui n'étaient pour nos Rois que des témoignages du respect qu'ils gardaient à leurs ancêtres, nous racontent donc, écrite à grands traits, l'histoire de la Monarchie Française, c'est à-dire celle de la France, pendant plus de six cents ans. Alice GAULTIEit.
Alice Gaultier.
BÉNÉDICTINS DE LA COAGRÊGATION DE SA1NT-MAUR ORIGINAIRES DU MAINE
(Diocéses actuels du Mans et de Laval).
En 1669 par ordre des Supérieurs Majeurs de la Congrégation de Saint-Maur fut imprimé un registre in-folio ayant pour titre: Matricula monachonun professorum Congregationis S. Mauri in Gallia, Ordinis Sancti Patris Bencdicti. Chaque double page contient vingt cases divisées elles-mêmes en neuf colonnes où se trouvent inscrits le numéro d'ordre du religieux, ses noms et prénoms, le lieu de sa naissance, son diocèse, son âge au moment de sa profession, le lieu, le jour et l'année de cette profession et enfin la date et le lieu de sa mort. Ce premier registre est complètement imprimé sauf naturellement lcs indications de la dernière colonne pour les religieux vivant encore en cette année. En même temps était imprimé un second registre ne portant que les traits verticaux et horizontaux avec les titres des colonnes. Un troisième sera édité en 1698. A l'époque des Chapitres Généraux qui se tenaient tous les trois ans étaient imprimées deux feuilles: Catalogusmonachorum inCongregatione Sancli Mauri ab ullimo Capilulo Generali professorum et Catalogus fratrum noslrorum ab ultimo Capitulo Generali de functorum. Elles étaient envoyées dans tous les monastères de la Congrégation et les secrétaires du chapitre devaient sans tarder inscrire toutes les indications transmises dans les registres dont nous avons parlé. Ainsi chaque monastère possédait un état complet de la Congrégation. Malheureusement en consultant les exemplaires des Matricules qui ont été conservés, on constate que les secrétaires n'ont pas apporté tout le soin désirable à remplir cette partie de leur office. En effet on y remarque
des différences dans les numéros d'ordre, dans l'ortographe des noms propres, des erreurs évidentes surtout dans la colonne des décès. Chacun des registres comprend trois parties la première de beaucoup la plus importante donne les noms des religieux de chœur la seconde ceux des frères convers; la troisième ceux des commis. A la fin du registre imprimé en 1693 se trouve en outre: Matricula servorum perpetuorum Congregationis S. Mauri in Gallia, Ordinis S. Benedicti. ab anno 1713 (jusqu'en 1764).
Il nous a paru intéressant pour l'histoire des familles de notre province du Maine de publier les noms des Mauristes qui en sont originaires, et nous y avons joint, en les marquant d'une astérisque, les religieux appartenant par leur naissance aux régions limitrophes qui, par suite de la division en départements, se sont trouvées incorporées dans les diocèses actuels du Mans et de Laval. Pour ce faire nous nous sommes servis des Matricules conservés à l'abbaye de Saint-Pierre de Solesmes et qui proviennent des anciens monastères de SaintEvroult, de Corbigny et de Conches. Elles donnent la liste des religieux profès jusqu'au 15 mars 1784: nousavons pu, grâce à des feuilles isolées, la compléter jusqu'au 17 juin 1788(1). Trop souvent dans ces registres le lieu de naissance n'est pas indiqué avec la précision désirable lorsque dans la province plusieurs localités portent le même nom ainsi Torcé, s'agit-il de Torcéen-Charnie, doyenné d'Evron, ou de Torcé, doyenné de Montfort Villaines, est-ce Villaines-la-Juhel ou Villaines-sous-Lucé, etc., etc. 0
Aux indications fournies par la Matricule nous avons ajouté quelques notes biographiques pour des religieux connus par les charges qu'ils ont occupées, leurs travaux, ou les évènements (1 ) Des travaux analogues ont été faits pour divers diocèses, et parmi eux: Les Bénédictins Champenois de la Congrégation de Saint-Maur, originaires de l'ancien diocèse de Reims, par le R. P. dom Albert Noël dans Travaux de l'Académie de Reims, t. XCVI1 (1894-1895) Les Bénédictins de la Congrégation de Saint-Maur, originaires de l'ancien diocèse de Séez, par le H. P. dom Paul Denis, Alençon, 1902, in-8" de 79 p., extrait du Bulletin de la Société historique et archéologique de l'Orne.
auxquels ils ont été mêlés. Nous avons dû nous borner à quelques renseignements bibliographiques si incomplets qu'ils soient, nous pensons qu'ils peuvent cependant être de quelque utilité. Rappelons enfin que dans l'ancien diocèse du Mans, appartenaient à la Congrégation de Saint-Maur l'abbaye de Saint-Vincent du Mans « qui est une des premières dignités de la Congrégation », les abbayes d'Evron, de la Couture, de Lonlay, de Saint-Calais et les prieurés de Solesmes et de Tuffé. Dom B Heurtebize.
I. LES RELIGIEUX DE CHŒUR
1. Dom Pierre-Maur Fontaine,
né à la Flèche à l'âge de 33 ans profès à Saint-Vanne de Verdun le 1er janvier 1614; mort à Sainl-Laurner de Blois le 5 août 1631.
Malr. n° 16. Matr. de la Cong. de S. Vanne.
2. Jean-Basile de MESLAY,
né à Saint-Fraimbault – à l'âge de 29 ans profès à Saint-Mausuylez-Toul,le20aoûtl616; – mort à Saint-Pierre de Bourgueil, ancien diocèse d'Angers, le 23 octobre 1648.
Matr, n° 28. Matr. de la Congr. de Saint- Vanne. 3. Urbain-Antoin Allard,
né à Saint-Martin de la Chartre à l'âge de 20 ans profès à Saint-Nicolas de N^adon, diocèse actuel de Soissons, le 19 octobre 1619 – mort à Saint-Denis le 24 décembre 1654. Matr. n° 55.
Saint-Nicolas de Nadon était un prieuré dépendant de Suint-Faron de Meaux. Une grave épidémie ayant éclaté à Paris, les Supérieurs y envoyèrent les novices des Bluncs-Mauleaux, – En 1633 Dom Allard fut nommé prieur de Saint-Faron; en 1639 et 1642 de Corbie. Il fut en outre supérieur des religieux réformés au t:ollège de Cluny, puis au collège de Marmoutier. Dans Y Histoire d'e l'Abbaye d' Avtnay t. II, p. 315o 17, M. Louis Paris a publié une lettre de Duin Allard écrite de Reims l0 21 novembre 16'i5 à Dom Anselme le Michel: il y raconte 1 ouverture de la chasse de saint Ilémi.
4. Etienne-Thomas Baudry,
né à Parigné – à l'âge de 34 ans profès à Saint-Augustin de Limoges le 2 décembre 1622; -mort à Saint-Sauveur de Redon le 31 décembre 1629.
Matric. n° 125.
Dom Thomas Baudry, ou Bauldry, appartenait à une honorable famille d'Evron. Il naquit le 13 novembre 1587 et entra dans la vie monastique à l'abbaye du Gué-de-Launay, dans le diocèse du Mans. Ses supérieurs l'envoyèrent au collège de la Flèche, puis à Poitiers pour étudier la philosophie, et enfin pour la théologie à Paris an collège de Cluny où il rencontra dom Laurent Besnard. Ayant ensuite été pourvu de l'office de sacristain de l'abbaye de Vendôme, il se rendit dans ce monastère avec le dessein bien arrêté d'y introduire la réforme. Lui-même dans ce but ne tarda pas a renoncer a son bénéfice et se rendit à Saint-Augustin de Limoges où il fit profession le 2 décembre 1622. Il ne tarda pas à être nommé prieur du séminaire de Saint-Louis de Toulouse. De 1624 à 1628, il fut prieur de la Trinité de Vendôme, et eut en outre à exercer en 1626 les fonctions de visiteur de ia province de Toulouse. En 1628 il fut nommé prieur de Saint-Sauveur de Redon et visiteur de Bretagne. Ce fut alors qu'il négocia l'union de la Société de Bretagne à la Congrégation de Saint Maur. Il mourut dans la nuit du 31 décembre 1629. avait pour frère aîné dom Mirliel Baudry. Celui-ci « grard prieur de Maillezais, homme savant et de probité, et assez connu par ses commentaires sur le cérémonial des Evêques passait pour le plus versé de son temps dans les cérémonies et aimait la Congrégation autant et plus que s'il avait porté notre habit ». Aussi favnrisn-t-il l'introduction de la réforme dans bon nombre de monastères. Il est l'auteur du Manuale sacrarum cœremoniar'um juxta ritum Romance ecclesiœ in-8°, Paris, 1039 une seconde édition a paru sous le titre Monnaie sacrarum cœremonlarum. Editio secunda qute venus prima, nain plus quant dimidia parte est aucta et addita est qmnta pars loco Cœremonialis Episcoporum serviens, in-4°, Paris, 1646 ouvrage qui eut de nombreuses éditions. Don Michel Baudry eut en outre la part principale dans la rédaction du Cœremojiiale monasticii/n, in-8°, Paris, 1063 2e éd., Paris, 1680. Pour Dom Etienne Baudry, voir Dom Martene, Vie des Justes publiée par Dom Heurtebize, t. I, p. 20 Angot, Dictionnaire de la Mayenne, t. X, p. 192. Pour Dom Michel Baudry, voir Dom Tassin, Hist. littéraire de la Congrégation de Saîni-Naur, p. 57 Ilauréau, Hist. littéraire du Maine, 2' édition, t. II, p. 225 Angot, Diction., t. 1, p. 172, t. IV, p. 40. 5. Claude-Faron de CHALUS,
né au Bourgneuf; – à l'àge de 24 ans profès de Saint-Faron de Meaux le 2 mai 1623; – mort à Saint-Martin-des-Champs à Paris le 8 novembre 1653.
Matr. n° 1M.
Dom Faron de Chalus débuta dès 1630 dans les charges comme prieur de Saint-Clément de Craon. Trois ans plus tard il alla en la même qualité û Tiron, puis en 1636 à Saïut-Murtin de Séez où il resta jusqu'en 1639, II combattit violemment et par tous les moyens certaines mesures prises par les supérieurs et fit uaître chez quelques religieux, appelés les Faronites, un esprit d'opposition qui ne disparut jamais complètement. Dom Farou de Chalus finit parquilter la Congrégation deSaint-Maurpour se stabiliser dans l'Ordre de Cluny dont dépendait le prieuré de SaintMartin-des*Champs. Angot, Diction. 1, p. 4W8 Wilhelm, Nouveau supplément à l'histoire littéraire de la Congrégation de Saint-Maur, p. 103, 365.
6. Jean-Barnabé COURTIN,
né à la Ferté-Bernard à l'âge de 18 ans profès de SaintAugustin de Limoges le 18 juin 1623; mort à la Trinité de Vendôme le 2 janvier 1653.
Malr. n° 138.
7. Pierre-Marcellin POISSON,
né à la Flèche; – à l'âge de 28 ans profès au Mont-Saint-Michel le 24 janvier 1626 – mort à Saint-André d'Avignon le 4 décembre 1641.
Matr. n°221.
8. Julien-Grégoire GUILLEPIN,
né à la Ferté-Bernard; – à )'âge de 17 ans profès de SaintAugustin de Limoges le 10 mars 1626 mort à Saint-Pierre de Corbie le 12 juillet 1637.
Matr. n" 225.
9. Pierre-Benoît LE Sçayurë,
né à Savigné; – à l'âge de 28 ans profès de Saint-Augustin de Limoges le 10 mars 1626; – mort le 25 avril 1649 à Saint-Serge d'Angers.
Matr. n° 226.
10. Etienne-Toussaint (Tussanus) Martin,
né à Pinona(?); à l'âge de 26 ans profès à Saint-Augustin
de Limoges le 2 novembre 1626; mort le 16 avril 1653 à Saint-Chinian de Thomières, diocèse de Saint-Pons. Malr. n" 219.
Nommé en 1639 et 1642 prieur de Saint-Etienne de Nevers; en 1645 et 16'i8 de Montmajour au diocèse d'Arles, et en 1651 de Saint-Chinian. 11. Louis-Antoine POTTIER,
né à Château-du-Loir; – à l'âge de 43 ans profès à Jumièges le 20 février 1627 – mort à Marmoutier le 8 septembre 1638.. Matr. 7i° 253.
Dom Antoine (ou Antonin) Pottier n'avait que douze ou treize ans lorsqu'il prit l'habit bénédictin à l'abbaye de Marmoutier le 3 août 1597. Il étudia au collège de la Flèche, puis à Puris. 11 vint ensuite au prieuré de Saint-Guingalois en sa ville natale mais désirant observer la règle monastique avec plus d'exactitude, il alla à l'abbaye de Jumièges où à l'Age de 43 ans il fit profession dans la Congrégation de Saint- Maur. Son prieur lui confia aussitôt l'administration de tout le temporel de ce grand monastère. En 1633 le chapitre général le nomma prieur de la Trinité de Vendôme et trois ans plus tard abbé de Chezal-Benoit. Il travailla ù l'introduction de la réforme à l'abbaye de Marmoutier et fut le premier prieur de la Congrégation de Saint-Maur en ce monastère. « C'était un homme d'un très rare mérite qui joignait une solide piété à une grande intelligence des affaires temporelles. » – D. Martène, Vie des Justes, t. I, p. 4.1 D. Martène, Histoire de Marmoutier, publiée par l'abbé Chevalier (1875), t. H, p. 481, 483, etc. Bulletin de Saint-Martin etde Saint-Benoît (Ligugé), 190'2, janvier, p. 85. 12. François-Simon Dommer,
né à Saint-Calais; – à l'àge de 21 ans profès de Saint-Augustin de Limoges le 1er novembre 1627 mort a Saint-Pierre de Bourgueil le 9février1655.
Malr. n' 269.
13. Gabriel-Odon Barillau,
né à Savigné; à l'âge de 17 ans profès de Saint-Augustin de Limoges le 1er novembre 1627 mort à Saint-Jean-d'Angély le 7 octobre 1629 étant simple clerc.
Matr. n° 270.
14. Etienne Petit,
né à la Ferté-Bernard – à l'âge de 18 ans profès de Sainte-
Croix de Bordeaux le 13 février 1628; mort le 3 décembre 1675 à Saint Sauveur de l'Evière près Angers.
Matr. n° 284.
15. Jean-Rupert Beslin,
né à Tuffé; à l'âge de 25 ans profès de Jumièges le 1er avril 1628 mort à Saint-Vincent du Mans le 23 janvier 1672. Matr. n° 286.
16. Antoine-Deïcole VOCELLE,
né à Savigné; à l'âge de 19 ans profès de Saint-Faron le 14 mai 1628; mort à Saint-Benoît-sur-Loire le 6 juillet 1670. Matr. n" 293.
17. Augustin-Hilarion CHERIER,
né à Sargé; âgé de 19 ans profès de la Trinité de Vendôme le 23 octobre 1628; mort à Saint-Vincent du Mans le 7 mai 1679.
Matr. n° 313.
18. François-Bernard Pattier,
né à Moulins; à l'âge de 31 ans profès de Notre-Dame-duBec le 10 août 1631; mort à Saint-Vincent du Mans le 12 mars 1664.
Matr. n° 475.
Dom Bernard Pattier fut nommé en 1633 et 1636 prieur de Saint-Junien de Nouaillé et en 1639 de Saint-Maixent, dans le diocèse de Poitiers. 19. François-Julien BUTTIER,
né à Solesmes; à l'âge de 26 ans profès du séminaire de Toulouse le 29 novembre 1631; mort à Saint-Savin en Poitou le 25 avril 1664.
Mair. n° 482.
20. Pierre-Dunstan DOHIN,
né à Evron; – à l'âge de 26 ans profès de Notre-Dame-du-Bec le 21 mai 1632, mort à Marmoutier le 5 novembre 1642. Matr. n° 4.99.
Dom Pierre Dunstan Dohin, nous dit Dom Martène, étnit un homme d une simplicité udimruhlc, obéissant, silencieux et dont on n'entendit jamais une parole qui put blesser tant soit peu la pudeur. Sa vie fut si pure et si innocente qu'on croit qu'il mourut avec son innocence ba~ ptismale. » Dom Martène, Mat. de MarmoutierfW, p. 541; Angot, Dict. I, p. 41.
A la même famille appartint Dom François Dohin qui fut le supérieur des Anciens religieux d'Evron qui n'adoptèrent pas la réforme de la Congrégation de SainlrMaur.
21. Julien-Anselme Dohin,
né à Evron à l'âge de 34 ans profès de Saint-Melaine de Rennes le 14 mars 1633; – mort à Saint-Martin d'Autun le 16 mai 1662.
Matr. n"551.
Frère du précédent, Dom Julien-Anselme Dohin avait fait profession à l'abbaye de Notre-Dame d'Evron et y exerçait les fonctions de prieur quand, poussé par le désir d'une vie plus parfaite, il se rendit à l'abbaye de Siiint-Melaine de Kennes et y renouvela sa profession dans la Congrégation de Saint-Maur le 14 mars 1633. Un an plus tard il était nommé prieur de Saint-Maixent, puis en 1639 de Saint-Julien de Tours, en 1642 de Marmoutier, en 1645 de Saint-Remi de Reims, en 1648 de Moustier-Saint-Jean, en 1654 de Saint-Médard de Soissons, en 1657 des Blancs-Manteaux et en 1C60 de Saint-Martin d'Autun. En 1651, il avait été désigné comme visiteur de la Province de lîourgogne et, pendant les trois années qu'il conserva cette charge, il mit la réforme à Ambournay au diocèse de Lyon, à Saint-Bénigne de Dijon et ù Ferrières, dans l'ancien diocèse de Sens. Dom B. Audebert, Ménzoires publiés par le R. P. Dom L. Guilloreau, in-8-, 1911, p. 198, 204, 256; Dom Martène, Hist. de Marmoutier, II, p. 484, 486; Angot, Dict. I, 551, IV, 295; Wilhelm, Nouveau supplément, p. 191.
22. Guillaume-Anastase Bourné,
né à Cliantenay; – à l'âge de. profès de la Trinité de Vendôme le 3 février 1634; mort à Notre-Dame d'Ambournay, au diocèse de Lyon, le 3 avril 1684.
Matr. n° 582.
23. Jacques-Calais CASSAC,
né à Saint-Calais; à l'âge de 33 ans profès de la Trinité de Vendôme le 24 novembre 1(535; mort a Saint-Vincent du Mans le 29 mai 1651.
Matr. n° 702.
24. Pierre-André Cadiec,
né à Saint-Victor; à l'âge de 19 ans profès de Jumièges le 3 décembre 1635 mort à Saint-Vincent du Mans le 29 janvier 1662.
Matr. n° 706.
25. Jacques-Arsène Moriceau,
né à Vibraye; à l'âge de 28 ans profès de Saint-Vincent du Mans le 4 août 1637; mort à Saint-Germain-des-Prés le 29 novembre 1675.
Matr. n" 801.
( Bon canoniste et d'un jugement solide », Dom Arsène Moriceau fut, en 1639, prieur de Saint-Sauveur de Redon, en 1642 de Saint-Eutrope de Saintes, en 1645 de Sainte-Croix de Chelles, en 1648, 1651, 1654 de Saint-Crépin-le-Grand à Soissons, et en 1659 de Saint-Fiacre. En 1660 il vint habiter Saint-Germain-des-Prés où pendant quelque temps il exerça les fonctions de sous-prieur. Vanel, Nècroloçe de l'Abbaye de Saint-Germain-des-prés, in-4', 1896, p. 30.
26. Jean-Laurent Croizé,
né à Chavagnes(?); – à l'âge de 20 ans profès à Saint-Vincent du Mans le 16 août 1637; mort à Sainte Colombe de Sens le 8 août 1652.
Matr. n° 807.
27. Jean-Louis PRUD'HOMME,
né à Madré à l'âge de 20 ans profès à Saint-Vincent du Mans le 16 août 1637; mort à Saint-Sauveur de Redon le 10 octobre 1680.
Mali: n° 808.
28. André BEAUDOUX,
né au Mans; – à l'âge de 34 ans profès à Saint-Augustin de Limoges le 28 septembre 1637; mort dans le prieuré de Gehart, dépendant de Marmoutier, le 11 janvier 1650. Matr. n° 819.
29. René-Ambroisc JANVIER,
né à Sainte-Osmane; – à l'âge de 23 ans profès de la Trinité de
Vendôme le 12 octobre 1637; mort à Saint-Germain-desPrés le 25 avril 1682.
Matr. n° 822.
» Iteligieux fort exact à remplir les devoirs de son état, il employa tout le temps qui restait après les exercices réguliers à l'étude de la langue hébraïque pour avoir une plus grande intelligence des divines Ecritures ». Il devint si habile dans ce genre d'études qu'il enseigna l'hébreu pendant plusieurs années dans différents monastères et fit imprimer, en 1666, une version lutine du commentaire hébreu sur les psaumes de Rabbi David Kirnclii. Nous avons encore de lui l'édition des ouvrages de Pierre de Celle, abbé de Saint-Remi de Reims, puis évêque de .Chartres, imprimée à Paris en 1671. Dom Ambroise avait fait plusieurs versions de différents auteurs hébreux qu'il supprima par modestie. Il mourut à Saint-Gcrmain-des-Prés dans de grands sentiments de piélé et fut enterré dans le cloître du côté de l'église. Voici les titres des deux ouvrages mentionnés plus haut Commentarii R. Davidis Kimchi in psalmos Davidis régis et prophétie ex hebrseo latine redditi, in-4*, Paris, 1666; • Pétri ab bâtis Cellensis primant, dein.de S. Remigii apud Retnos ac démuni episcopi Carnotensis opera onznia, \n-k°, Paris, 1671, reproduit dans Migne, Patrologie latine, t. CXX, col. 675. Hist. mas. de la Congrégation de Saint-Maur; D. Tassin, Hist. littér, de la Congrégation de Saint-Maur, p. 100, 446; D. Ph. Le Cerf, Bibliothèque historique des auteurs de la Congrégatinn de Saint-Maur, p. 181 D. François, Bibl. générale des écrivains de l'Ordre de Saint-Benoît, I, p, 526 Ilauréau, Bisl. HU. du Maine, VI, p. 167, 231; Vanel, Nécrologe, p. 37 Wilhelm, Nouveau supplément, p. 295.
30. Louis-Antoine LE GROS,
né à Mamers; – à l'âge de 18 ans profès de la Trinité de Vendôme le 15 janvier 1638; mort.
Matr. n° 833.
31. Guillaume-Fabien Guy,
né à Fyé; – à l'âge de 23 ans profès de Saint-Vincent du Mans le 22 janvier 1638 – mort à Saint-Fiacre le 22 décembre 1678. Matr. n° 534.
Dom Fabien Guy fut envoyé comme prieur à l'abbaye de Noyers, au diocèse de Tours, pour y introduire la réforme et prit possession de ce monastère le 4 avril 1659. Il fut maintenu en cette charge par le chapitre de 1663.
32. Léonard-Sébastien TERTREAU,
né à Louvigné; à l'âge de 22 ans profès de Saint-Vincent du Mans le 22 janvier 1638; mort.
Malr n° 835.
33. Servat-Célestin Lanolais,
né à Beaufay; à l'âge de 20 ans profès de Saint-Vincent du Mans le 31 mai 1638; mort à Saint-Valéry le 13 mars 1689. Mali-, n° 85A.
34. Pierre-Julien du CHEMIN,
né à Commer; – à l'âge de 22 ans profès de Saint-Vincent du Mans le 31 mai 1638; mort dans ce même monastère le 7 juillet 1684.
Matr. n" 855.
35. Jean-Germain Dupin,
né à Montoire à l'âge de 20 ans profès de la Trinité de Vendôme le 5 juin 1638; mort à Saint-Vincent du Mans le 19 janvier 1689.
Matr. n° 856.
36. Philippe-Colomban DiAis,
né au Mans; à l'âge de 22 ans profès de Saint-Faron de Meaux le 29 novembre 1638; mort à Saint-Pierre de Bourgueil le 11 novembre 1661.
Matr. n° 881.
37. Théobald-Vincent BONDONNET,
né au Mans; – à l'âge de 19 ans profès de Saint-Vincent du Mans le 23 décembre 1638; – mort à Saint-Michel du Tréport le 18 novembre 1666.
Matr. n" 884.
En 1660, Dom Vincent Bondonnet fut choisi pour aller préparer l'établissement de la Congrégation de Saiut-Maur il l'abbaye de Saint-Michel du Tréport, au diocèse de Rouen. Son supérieur, Dom -Bernard Coquelin dont ;1 avait partagé tous les travaux a fait son éloge en ces termes « II était abstinent, se contenlunt de peu, humble, ne s'en faisant point accroire quoique ce fut un des meilleurs esprits du temps et universel en tout,, chaste et éloigné de toute conversation des femmes,
laborieux et infatigable en tout ce qu'il entreprenait, exact aux observances et charitable envers les pauvres pour lesquels il avait un cœur tendre et de père ».
Dom Vincent Bondonnet était « neveu du fameux P. Bondonnet, ancien de Saint-Vincent qui favorisa avec tant d'ardeur l'établissement de la réforme dans sa maison », et qui depuis écrivit Les Vies des evesques du Mans, restituées et corrigées avec plusieurs belles remarques sur la chronologie, in-4«, Paris, 1651 et Réfutation des trois dissertations de M' Jean de Launoy. contre les Missions apostoliques dans les Gaules au premier siècle, Paris, 1653; et frère de François Bondonnet, curé de Moulins, auteur de la Lettre du solitaire Phdahte à un de ses amis touchant le livre de l'invasion de la ville du Mans, 1067, et du Triomphe di sainte Scholastique, in-4°, Le Mans, 1668. Hist. mss. de la Congr. de Saint-Maur Hauréau, Ilist. liti. du Maine, If, p. 138; Revue Bénédictine, 1900, p. 353; L. Denis, 'Dont Jehan Bondonnet, moine bénédictin de Saint-Vincent du Mans et prieur de Sarcé, dans Revue hist. et arch. du Maine, XXXIX, 1896, p. 197, 334.
38. Michel-Pascal GUERRIER,
né au Pré; à l'âge de 21 ans profès à Saint-Vincent du Mans le 1" avril 1638; – mort à Saint-Remi de Reims le 14 juin 1693. Matr. n° 899.
39. Mathurin-Joseph Foucqué,
né à Evron; à l'âge de 20 ans profès de Saint-Vincent du Mans le 10 mai 1639; mort en ce même monastère le 12 février 1689.
Matr. n° 903.
40. Claude-Bernardin BRUNEAU.
né à Château-du-Loir; à l'âge de 29 ans profès de la Trinité de Vendôme le 31 décembre 1639; – mort en ce même monastère le 2 août 1662.
Matr. n° 934.
Dom Bernardin Bruneau serait l'auteur de Petit office pour honorer la Sainte Larme de Vendôme, par un religieux de l'abbaye, in-12, Paris, 5fi. Willielm, Nouveau Supplément, p. 69 et 84.
(A suivre).
CHRONIQUE
Ont été admis comme membres titulaires
M""5 Clément Dkouard, à Foulletourte (Sarthe);
M. René LANCELIN, avoué, 13, place de la Préfecture, au Mans.
M. Maurice Termeau vient de publier Une petite ville du Haat-Maine au XVIIIe siécle, Sillé-le-Guillaume.
Nous nous proposons de donner plus.tard un compte-rendu de ce travail qui a valu à son auteur le titre de Docteur èslettres de l'Université et nous adressons à notre jeune confrère nos bien sincères félicitations.
Notre Société vient de faire une perte très sensible dans la personne de M. Marie-Joseph-René, marquis DE Moktesson, décédé le 22 septembre 1928 au Mans, dans sa quatre-vingtsixième année. Il faisait partie de notre Société depuis 1876, année de sa fondation.
Né au Mans le 15 décembre 1842, il était fils de CharlesRaoul, comte de Montesson, qui fut un bibliophile distingué et l'auteur du Vocabulaire du Hant-Ilfairte, et de Laure-BonncAgathe Ogier d'Ivry. Sa famille compte dans la plus ancienne noblesse du Maine et tire son nom du vieux château de Montesson, encore subsistant en partie, dans la commune de Bais (Mayenne).
Sorti de l'école militaire de Saint-Cyr, en 1862, dans la cavalerie, il fit la campagne de 1870-71, et donna sa démission après son mariage. Il fut chef d'escadron de territoriale et conserva toujours la silhouette très fine de l'officier de cavalerie d'autrefois.
Propriétaire du château du Bois-Maquillé, à Souligné-sousVallon, il fut conseiller général de la Sarthe.
Il était d'une parfaite urbanité et d'une rare distinction d'allure et de sentiments; il restera pour tous ceux qui l'ont connu le modèle du gentilhomme.-
R. L.
Le 28 juin, la Société a exécuté une Excursion dans le Perche. Le rendez-vous des automobiles était à la Perrière (Orne), où notre Société fut aimablement accucillic par le viceprésident et plusieurs membres de la Société percheronne. Visite de Bcllème. Après un déjeuner dans le Clos de la Grand Maison gracieusement ouvert par M. et M™" Bournisien, on visita le château des Feugerets (propriété de M. le vicomte Pierre de Romanet), le manoir de Langenardière, le prieuré de Saint-Gauburge et le manoir de Courboyer.
L'cxcursion se termina au château de Saint-Hilaire-desNoyers, où notre distingué confrère, M. Tournoüer, président de la Société historique et archéologique de l'Orne, offrit aux membres de notre société, auxquels s'étaient joints plusieurs membres des deux sociétés voisines, un goûter fort apprécié. Nous donnerons dans notre prochain Bulletin le compterendu détaillé de cette Excursion qui se déroula, pour la première fois dans nos annales, en dehors du Maine et obtint un plein succès.
Le 9 juillet dernier, la Société française d'Archéologie avait organisé une Journée du Monl-Sainl-Michel, pour fêter le septième centenaire de l'achèvement de la « Merveille ». Notre Société y avait été conviée avec les autres sociétés savantes de la région, et y fut représentée par cinq de ses membres MM. Henri Bâtard, du Guerny, de Linière, de Lorière et Georges Rialland.
Après un oflice pontifical célébré dans l'abbatiale par l'Evêque de Coutances et une allocution du Révérend Père dom Cabrol, abbé de Farnborough, sur la vie monastique au xme siècle, codifiée par saint Benoît, une conférence fut donnée dans la salle des Chevaliers par M. Marcel Aubert,
professeur à l'Ecole des Chartes, directeur de la Société française d'Archéologie, qui parla de la Merveille, de sa construction, de sa place dans l'architecture du moyen âge. La journée se termina par la visite de l'abbaye et de ses dépendances sous la direction de M. Marcel Aubert et de M. Paquet, architecte en chef du Mont-Saint-Michel. On put constater les importants travaux exécutés qui restituent à la célèbre abbaye une partie de son antique splendeur. M. John Pelham Maitland, directeur de la Balliol Earthworks Survey, le distingué archéologue anglais qui se livre à de savantes recherches sur les forteresses anglo-normandes de notre région, est revenu dans la Sarthe, dans le courant d août, pour y continuer le cours de ses recherches.
Accompagné de M. le marquis de Beauchesne, vice-président de la Société et de M. Maxy des Monstiers-Merinville, membre correspondant de la Commission de la Mayenne, son neveu, il est allé visiter le vieux donjon de Sainte-Suzanne, toujours subsistant dans sa masse imposante, et les retranchements en terre très bien conservés, situés à un kilomètre au Nord, à gauche de la route d'Assé-le-Bérenger, et connus sous le nom de camp de Baugy.
C'est là que se tenait avec sa troupe Guillaume le Conquérant, quand il assiégea vainement le château en 1083. Notre savant confrère a reconnu que c'était bien le donjon qui a résisté à la fin du xie siècle à une attaque aussi redoutable. Il alla jeter ensuite un rapide coup d'oeil sur le donjon de Thorigné, qui lui a paru de la fin du XII' siècle. Non loin de là, dans la direction de Thorigné, on voit des retranchements en terre presque semblables à ceux du camp de Baugy et de même importance.
M. Pelham Maitland prépare un rapport sur cette tournée dans la Charnie, les Coëvrons et le Passais, et notamment sur le donjon de Sainte-Suzanne, en comparaison avec les tours édifiées en Angleterre, à la même époque.
Quelques jours après, il visitait les substructions du château du Lude et l'emplacement présumé du château primitif. Il nous communiquera également son point de vue sur la résolution du problème de l'emplacement du château construit par Foulques Nerra.
M. le Préfet de la Sarthe nous a communiqué la copie d'un intéressant rapport à lui adressé par M. Rasson, instituteur à Courdemanche, sur la découverte de sépultures anciennes sur la propriété du maire de cette commune. Au cours de déblais pratiqués dans le coteau face à l'Est, à l'étage turonien, il a été découvert un cimetière disposé en amphithéâtre; les fosses grossières sont creusées dans le tuffeau.
Un puits rond se trouve placé au milieu de l'étage supérieur, ayant un mètre de diamètre et un mètre de profondeur; il renferme le squelette d'un bovidé assis et regardant l'Est comme les corps du cimetière environnant, il tient dans ses pattes le corps d'un oiseau.
La presse locale et même la presse parisienne ont consacré plusieurs articles aux Sépultures de Courdemanche. Nous tiendrons nos lecteurs au courant des résultats de cette découverte. Cinquantenaire de la fondation de la Commission Historique et Archéologique de la Mayenne.
La Commission Historique et Archéologique de la Mayenne, créée par arrêté préfectoral du 17 janvier 1878, a célébré avec une solennité particulière, lç 1er juillet dernier, la cinquantième année de son existence. Notre Société qui a toujours entretenu avec cette Société sœur, de très peu sa cadette, les plus cordiales relations, avait été conviée à y assister et elle y fut représentée par l'un de ses vice-présidents. M. de Linière. Le programme de la journée comprenait une réception officielle au Vieux-Château, un déjeuner, une visite, accompagnée d'explications historiques et archéologiques données sur les lieux, de l'ancien prieuré de Saint Martin, de la Tour Renaise
et du Vieux-Château, enfin dans la soirée une Conférencecauserie dans la sallc des Fêtes de l'Hôtel de Ville. Ce programme a été parfaitement exécuté. A la réception officielle le très distingué président, M. Ernest Laurain retraça dans un magistral discours la vie féconde de la Commission de la Mayenne pendant ce demi-siècle, et les services rendus par elle à l'archéologie et à l'histoire du Maine. M. René Gauchet fit un intéressant rapport sur les travaux de la Commission.
M. de Linière apporta ensuite le salut confraternel et les encouragements de la Société Historique et Archéologique du Maine, qui travaille parallèlement avec celle de la Mayenne à l'histoire de notre province. Il rendit hommage au zèle et à la compétence de son président, M. Laurain, qui fait partie de la Commission de la Mayenne depuis trente années et lui a donné une notoriété considérable.
Au cours de la visite de l'après-midi, au Vieux-Château des comtes de Laval, le récit des évènements historiques qui se sont passés au château de Laval fut donné par M. Laurain, et l'explication archéologique du château par MM. Alleaume et Guy Ramard. D'importants travaux ont permis de restituer, autant qu'il était possible, dans son aspect ancien ce beau château des comtes de Laval, actuellement musée de la ville. A la conférence du soir, notre confrère le Dr Paul Delaunay, président de la Société d'Agriculture, Sciences et Arts de la Sarthe, a donné, avec sa verve et son érudition habituelles, une causerie très goûtée sur Ambroise Paré.
Dans le but de faire connaître aux membres de la Société les Offres, Demandes et Communications pouvant faciliter les travaux et recherches relatifs à l'histoire et à l'archéologie, nous mettrons autant que possible, la 3' page de notre couverture à la disposition de nos confrères et de nos correspondants éventuels.
Les communications commerciales seraient soumises à un tarif d'annonces.
ROBERT TRIGER
(suite)
III
Le Président. Le défenseur des églises. Le Patriote.
L'entrée en fonctions du nouveau président de la Société historique et archéologique du Maine, le comte de Bastard d'Estang. devait se signaler par un Congrès qui eut un grand retentissement au Mans. La Société bibliographique et des publications populaires, fondée en 1868, dirigée, dès son berceau, par un homme de rare distinction et de haute valeur morale, le marquis de Beaucourt, avait décidé de tenir les 14 et 15 novembre 1893, en cette ville, ses quatrièmes assises provinciales, et d'appeler à y prendre part les départements de la Sarthe, de la Mayenne, de Maine-et-Loire, d'Indre-et-Loire, de l'Orne, de Loir-et-Cher et d'Eure-et-Loir (1). Le Comité de la Sarthe eut à sa tête le baron de la Bouillerie et, pour secrétaire, Robert Triger qui voulut bien assumeren outre la lourde charge de Secrétaire général du Congrès. Ce fut donc à notre ami que revinrent le soin et le souci de la préparation; on put reconnaître, chez lui, en cette circonstance, cette qualité précieuse qui n'est pas donnée à tout le monde, même aux plus érudits, de savoir être un organisateur attentif, joignant à l'art de ne négliger aucun élément de réussite, le tact et le doigté voulus, nécessaires (1) Congrès provincial de la Société bibliographique et des publications populaires. Session tenue au Mans les 9 et 14 novembre 1893. Le Mans, Monnoyer et Paris, 1894. Grand in-8-. Cette société, qui a pris un grand développement, et exerce, par toute la France et dans nos colonies, une action des plus salutaires pour la diffusion des saines lectures, au moyen de bibliothèque» circulantes, est aujourd'hui dirigée par M. Geoffroy de Grandrnaison, digne successeur du marquis de Beaucourt.
à la bonne entente et à la parfaite harmonie, II s'acquitta si heureusement de sa mission que lc marquis de Bcaucourt, dans son allocution à l'Assemblée générale, ne manqua pas de souligner son action, en disant: « Je veux surtout féliciter M. Triger de tout ce qu'il a fait, avec les dons si multiples que le Ciel lui a départis, pour assurer le succès de ce Congrès », éloge d'autant plus sincère qu'il émanait d'un étranger, frappé, comme pouvaient l'être tous ceux qui fréquentaient Robert, de la valeur de ses facultés vraiment exceptionnelles. Son rôle ne se borna pas à préparer les voies, à dresser des programmes, à veiller à leur exécution ou à prendre des dispositions matérielles. A la section de l'Etude, présidée par Emile Sénart, un sarthois, membre de l'Institut, conseiller général, dont le nom restera un honneur pour le département, il présenta, sous le titre d'« Esquisse du mouvement scientifique, historique et artistique dans la Sarthe au xixe siècle », un travail remarquable que l'on s'étonne de rencontrer sous la plume d'un jeune savant qui, depuis une dizaine d'années seulement, s'adonnait aux questions historiques locales. Ce volume, car ç'en est un, constitue la vision la plus complète et la plus claire des efforts intellectuels réalisés durant tout un siècle dans cette région travailleuse. Une telle analyse ne pouvait se tenter sans des recherches longues, sans la connaissance approfondie des personnes et des choses, sans l'observation attentive de l'âme du pays. Elle montre que le labeur obstiné de Robert n'était pas de surface et qu'il reposait sur des bases solides. Mieux que quiconque, il savait ce qu'avaient fait ceux dont il s'appliquait à suivre la voie il en donnait la preuve en apportant au Congrès bibliographique une contribution très opportune en même temps qu'un bel hommage à sa petite patrie (1). Les membres du Congrès eurent, au cours de leur passage, la bonne fortune d'être reçus, un soir, en la maison dite de la Reine Bérengère, à la suite d'un banquet dressé dans la salle (1) II saisit cette occasion, d'ailleurs naturelle, de pouvoir s'étendre sur les travaux scientifiques de son cousin, Jacques Triger, auteur de la carte trpnlnirwini» rlp la Sarl.lii* pi. ilfi la JVIavp.nni»
Maupertuis. Ce même jour, Robert avait déposé, sur la table des séances, l'histoire du célèbre logis qu'il venait d'écrire, acquittant ainsi la dette de reconnaissance de sa société vis-àvis de M. Singher.
On peut dire que cette monographie fut le point de départ de la grande œuvre qui, au milieu d'autres objectifs et attirances, domina sa vie intellectuelle. Il s'était pris de passion pour la ville du Mans. Dès son arrivée, séduit par tout ce qu'elle conservait encore, en dépit de son modernisme, de si vivant dans son passé églises, vrais joyaux où brillaient toutes les époques, vieille cité aux rues étroites et tortueuses, aux logis pressés, tout à la fois miséreux d'intérieurs et opulents de façades, demeures imposantes du grand siècle, remparts puissants rappelant la place forte et les luttes de jadis, mille reliques éparses dès son arrivée, dis-je, il s'étonnait avec son flair d'historien et d'archéologue que tant de souvenirs n'aient pas été mieux évoqués, que tant de richesses n'aient pas été mises en valeur et que l'on se soit si peu soucié d'en assurer la sauvegarde. Il entreprit alors de révéler Le Mans et, certes, c'est bien à lui qu'on doit de le connaître. Il fouilla les textes manuscrits, refit l'histoire de chaque habitation, de chaque quartier, reconstitua les plans anciens de la ville, empêcha des vandalismes, provoqua des restaurations, alla jusqu'à se faire le cicerone des visiteurs, bref, il s'employa tellement à remettre en honneur par la plume, par la parole et par des démarches incessantes, l'antique capitale du Maine, qu'à la veille de sa mort, bien que sa tâche fut admirablement remplie, il s'occupait encore de la réviser et de la compléter.
Il semble qu'il ait voulu mettre sous la protection spéciale de la grande patronne du Mans (1), « chère à l'ordre bénédictin », Sainte Scholastique, l'oeuvre qu'il concevait. C'est dans cette pensée, croyons-nous, qu'il entreprit, avec la collaboration de Dom Heurtebize, et qu'il fit paraître en 1897, à Solesmes, la vie (1) Un décret de la Congrégation des Rites, du 23 novembre 1876, décerna à Sainte Scholastique le titre de patronne de la ville du Mans.
de cette sainte, dont les éléments n'avaient jamais été coordonnés (1). Sous de tels auspices, cette biographie ne pouvait que répondre à l'attente des fils de Saint-Benoit comme à celle des historiens. Sa riche documentation, ses illustrations hors pair et sa rédaction impeccable en font un ouvrage de premier ordre. Certainement elle aura contribué à répandre la dévotion à cette âme privilégiée, qui ne fit sur terre que « prier, écouter et aimer », et à propager son culte en l'église de Saint-Benoît restaurée (2).
Pour être exact, nous devons dire que des études sur Le Mans avaient déjà précédé celles dont nous venons de parler. Dès 1884, Robert avait publié un écrit sur « la Procession des Rameaux (3) ». La recherché des vieux usages, des pieuses coutumes l'attirait volontiers, et c'est encore un côté à signaler de son esprit toujours curieux, toujours soucieux de contribuer au maintien des traditions. II se plut à rappeler celle qui, de (1) Sainte Scholastique, patronne du Mans. Sa vie, son culte, son rôle dans l'histoire de la Cité. Solesmes, imp. S. Pierre. 1897, in-4", 518 p. On en fit une édition abrégée pour la divulgation et on réédita l'ouvrage complet en 1922.
(2) En achevant cette vie, Robert souhaitait que la pauvre église fut remplacée par un sanctuaire digne d'un temps réputé pour sa générosité et pour ses goûts artistiques ». Ce vœu fut exaucé.
(3) Laprocession des Rameaux au Mans. Recherches sur la corporation des mézaigers et les Francs-Bouchers du Mans. Mamers, G. Fleury, 1884, in-8°. Supprimée à la Terreur, la procession des Rameaux fut rétablie avant le Concordat et s'est maintenue comme fête religieuse extérieure jusqu'à la loi de séparation. Par arrêté du 10 août 1904, elle fut interdite. Dans une réunion tenue le 7 avril 1906, à la suite d'une allocution vibrante de Robert, en présence de Mgr de Bonfils, 800 habitants du Mans protestèrent contre cette mesure et, le lendemain, à la Cathédrale, une imposante manifestation de foi venait accentuer le geste d'une population gardienne de ses traditions religieuses. Malgré cet élan généreux, la procession dut désormais se dérouler à l'intérieur de la Cathédrale sans pouvoir en sortir.
Ce sont aujourd'hui les « Porteurs du Christ » qui remplacent les Mézaigers (v. Sem. du fidèle^ 17 avril 1915). En 1923, Robert fut appelé à en faire partie. En 1925, on le nomma président d'honneur. Il donna, en 1926 une seconde édition de son livre où il dit « qu'après avoir publié l'histoire de Sainte Scholastique, c'est pour lui une vive satisfaction, à la fin de sa carrière, de donner une seconde édition de la a Procession des Rameaux » et d'avoir contribué à la conservation de deux des principales traditions religieuses de sa ville natale ». Cette réimpression, très augmentée et illustrée, a pour titre: La Procession des Rameaux de la Cathédralc du Mans du xiie au xx* siècle et les Francs du Mans ». Le Mans, Chaudourne, 1926. pet. in-4°.
temps immémorial, voulait qu'un grand crucifix, couronné de fleurs, fut porté à travers la ville, en souvenir de l'entrée triomphale du Christ à Jérusalem, par vingt bourgeois d'anciennes familles, ne se doutant pas qu'un jour cet honneur lui reviendrait.
L'année 1899 (1) fut pour notre ami la première et juste récompense de la collaboration active et laborieuse qu'il n'avait cessé d'apporter à la Société historique et archéologique du Maine, depuis qu'il en était devenu membre, et de l'impulsion qu'elle lui devait. Le 6 mai 1898, le comte de Bastard d'Estang avait démissionné. Un interrègne fut jugé nécessaire jusqu'au renouvellement intégral du Conseil. Lorsqu'il fallut y songer le 19 novembre 1899, Robert Triger, par 38 voix sur 41 votants, fut élu président (2). Ce choix, qui répondait au désir de ses confrères, ne devait pas le surprendre lui-même. La direction des travaux qui lui avait été confiée depuis plusieurs années, la participation qu'il avait prise, de ce fait, à la vie intime de la Société dont il connaissait maintenant tous les rouages, lui donnaient l'autorité et l'expérience indispensables à l'accomplissement de ses nouveaux devoirs. Au surplus, autour de lui, il ne rencontrait que sympathies, dévouements et appuis. Sa nature franchement ouverte, ses manières affables, son souci non seulement de ne jamais déplaire mais d'obliger, étaient bien faits pour lui créer des amitiés durables, en sorte que, président idéal, il donnait assurément l'impression de tenir pour longtemps le gouvernail,
Il a quarante-trois ans. Il est en pleine maturité de son âge et de son intelligence. Son activité, déjà grande pourtant, (1) Signalons en cette année la participation de Robert au Congrès des Sociétés savantes qui se tint à Toulouse au mois d'avril. Il s'y était rendu avec l'un des membres les plus actifs de sa société. Gabriel Fleury, et il y avait présenté un travail sur a l'origine du testament inédit de Louis I"* d'Amboise, évèque d'Albi », daté de 1481, possédé par M. Julien Chappée. Il devait, peu de temps après, être nommé membre correspondant de la Société archéologique du midi de la France.
(2) Il avait exercé les fonctions de président, sans encore en avoir le titre, depuis le départ du comte de Bastard d'Estang.
devient débordante. Elle se produira aussi bien au dehors que dans le silence de son cabinet, il attirera chaque année nombre de sociétés savantes dont il se fera, avec fierté, le guide dans la vieille cité, il provoquera ou prendra part à des manifestations religieuses et patriotiques, il deviendra l'homme sûr en érudition, sage en conseils, que l'on consulte avec profit, que l'on écoute volontiers, le conférencier recherché, l'entraîneur des nobles causes, et, en même temps, i1 trouvera le temps d'écrire sans relâche ajoutant toujours à son œuvre de nouveaux travaux, tout en gardant, pour lui seul, l'accablante besogne de préparer la revue trimestrielle et de susciter des collaborations.
En 1892, par arrêté ministériel du 5 avril, il avait été nommé, en qualité de membre de la Commission des Monuments historiques de la Sarthe (1), correspondant du Ministère de l'Instruction publique, titre qu'il conserva jusqu'en 1923, époque où, par un nouvel arrêté du 19 mai, il devint membre non résidant du Comité des travaux historiques et scientifiques. Ces distinctions successives montrent en quelle estime on le tenait en haut lieu.
Pendant l'intérim de la présidence (2), il eut à recevoir le 5 septembre 1899 les membres de la Société belge, nommée Gilde de Saint-Thomas et de Saint-Luc, au nombre d'une soixantaine, accompagnés de leur président, le baron Béthune de Villers. En leur souhaitant la bienvenue au logis dit de la reine Bérengère, il évoquait, non sans quelque pressentiment del'avenir « le souvenir des temps mérovingiens où belges et français ne formaient qu'un seul peuple, de même race », et il saluait dans ses hôtes « non plus des savants étrangers mais des amis de même sang, de vieux compagnons d'armes de Tolbiac leur exprimant toutes ses sympathies pour le vaillant (1) II était entré dans cette Commission dès le 18 juin 1883, par arrêté du préfet de la Sarthe.
(2) Il lui fut réservé aussi, à ce moment, de recevoir le 21 décembre 1898, l'évéque du Maus, Mgr de Boofils, qui, pour la première fois, rendait visita 6 la Société.
royaume de Belgique si utile à l'Europe contemporaine ». A son tour, le baron Béthune faisait éloquemment allusion aux entreprises militaires communes aux deux peuples. Robert pourra se rappeler ces échanges cordiaux le jour où il recevra à la gare du Mans les réfugiés belges et se fera leur Providence. Même accueil chaleureux fut réservé le 20 juin 1904, à une délégation de la Société royale d'archéologie de Bruxelles, dont, le 6 décembre 1908 (1), Robert reçut le titre de « Membre correspondant étranger sur la gracieuse proposition du vicomte de Ghellinck-Vaernewyck.
Le 1er octobre 1898, quelques semaines seulement après son élection et ce fut le premier acte de sa présidence, il eut à représenter sa Société à l'érection au manoir de Champmarin, près Aubigné, d'une plaque commémorative de la naissance, en ce lieu, du poète Racan.
En 1900, ce sont les élèves de l'Ecole des Chartes qui s'arrêtent au Mans le 19 juin, sous la conduite de leur professeur d'archéologie, le comte Robert de Lasteyrie. Ils y reviendront en 1903. Ces jours-là, Robert dut revivre délicieusement les heures passées jadis dans le vieil hôtel de la rue des FrancsBourgeois d'où il rapporta tant d'enseignements. Puis, visites de la Société Dunoise en 1901, de la Société archéologique de Touraine en 1902, de la Société Centrale des Architectes français en 1903, Le Mans devient un centre d'études pour les Sociétés savantes. Certes, des monuments, comme la cathédrale Saint-Julien et Notre-Dame de la Couture ou des souvenirs comme la vieille cité suffisaient à les y attirer, mais ne peut-on se demander si la réputation et la science du président de la Société historique et archéologique du Maine ne furent pas pour beaucoup dans ces fréquentations. A toutes, il se prodigue et, pour toutes, il renouvelle les promenades, ajoutant sans cesse de l'inédit à ses explications très écoutées. Néan(1) Il s'agit de la date officielle, que porte le diplôme, car, d'après le Bulletin de la Société (1904, t. LVI, p. 352), cette distinction lui fut décernée en la séance du 7 novembre.
moins, si l'antique cité pouvait, et cela, gràce à lui, exciter l'attention des étrangers, elle ne constituait pas pour les Manceaux le seul objectif à leur curiosité. Le Maine devait être aussi pour eux un champ d'exploration et Robert ne se fit pas faute de les mener à la découverte en organisant, à partir de 1898, des excursions dans la province, auxquelles se joignirent souvent des confrères voisins. Il avait compris, en effet, avec son sens averti des réalités, qu'il y avait, non seulement dans la masse du public, mais même au sein des sociétés, des enseignements à donner, de façon à inspirer toujours plus d'attachement au pays d'origine et plus de respect à ce qui en fait la beauté. On commençait à entrer dans cette voie. La Société française d'Archéologie, qui fit de Robert, en 1900, l'un de ses inspecteurs généraux (1), n'avait-elle pas été la promotrice de ce mouvement dans la France entière et formé une sorte d'école ambulante d'où sortirent les meilleurs archéologues et les plus ardents défenseurs de nos monuments ? L'initiative dans le Maine était donc heureuse et l'qvenir le prouva.
L'année 1901 vit Robert au Congrès des Sociétés Savantes de Nancy et à l'apposition sur la vieille porte, récemment restaurée, du château de Fresnay, d'une plaque à la mémoire d'Ambroise de Loré. Le général de Boisdeffre et Eugène LefèvrePontalis assistaient à cette manifestation. Ce fut pour notre ami l'occasion de l'une de ces harangues, dont il avait le secret, surtout lorsqu'il s'agissait, comme à Fresnay, de rendre un solennel hommage à un héros de la Patrie, compagnon de Jeanne d'Arc. Il le fit en termes émouvants que l'on ne peut s'empêcher de rapprocher encore une fois, en sa péroraison, des événements prochains « Si nous n'avons plus la bonne Lorraine, disait-il, nous avons encore des généraux de la race d'Ambroise de Loré, des soldats sans peur et sans reproche qui (1) II avait été admis comme membre eu 1877 et désigné comme inspecteur de la Sarthe en 1889. En 1900 il recevait la grande médaille de vermeil.
placent l'honneur au-dessus de tout. Nous avons encore le drapeau, plus aimé, plus respecté que jamais de tous les bons citoyens. Puissent les glorieux souvenirs du xve siècle nous grouper tous sous ses plis, en nous rappelant quele patriotisme est, à toutes les époques, le plus sûr élément de la résurrection nationale! » On retrouve dans ces élans l'enthousiasme du jeune élève du collège d'Alençon qui n'hésitait pas à escalader le clocher menacé par les canons allemands de 70 pour assister à la bataille engagée sous les murs de la ville.
Dès qu'il connut les hauts faits d'Ambroise de Loré, Robert dut taire de ce personnage très prenant son héros préféré. Et, en effet, ne le voyons-nous pas lui consacrer sa première étude dans la Revue de la Société historique et archéologique du Maine en 1878 (1), qu'il complètera en 1886 par un travail important sur l'occupation anglaise de Fresnay (2). Plus tard, après la grande guerre, il fera surgir, à Fresnay aussi, une noble figure, celle de Marguerite de Lorraine, dont la cause de béatification lui fut particulièrement chère. Une cavalcade y commémorera le passage de la duchesse d'Alençon et un témoin de cette journée écrira: « C'était un jour d'automne, glacial et pluvieux. Des sapins, plantés sur le trajet, des drapeaux arborés s'égouttaient tristement sous la pluie. La jeune personne qui représentait la bonne duchesse frissonnait sous son manteau de cour et piétinait, avec ses dames et ses pages, dans la boue. Les gens d'armes suivaient, penauds, penchant leurs casques ruis(1) Un coup de main d'Ambroise de Loré en Basse-Normandie (1431). Mamers, 1878. 111-8°.
(2) Une forteresse du Maine pendant C occupation anglaise. Fresnay-leVicomle de 14(7 à 1450. Mamers 1886, in-8°. M. l'abbé Dupuy rendit compte de ce travail dans le Bulletin de la Société historique et archéologique de l'Orne (1886 p. 284). Il le fit en termes que nous aimons à reproduire c< M. Triger se meut au milieu des évènements et des personnages du temps de Charles VII, avec l'aisance d'un savant qui parlerait de la France actuelle. On sent en lui l'honnêteté de l'historien qui ne veut rien avancer sans preuves, le chercheur passionné qui aborde les plus âpres sujets avec l'élan d'un zouave devant MalukolT, l'élève de l'école des Chartes qui groupe avec méthode ses documents de toute provenance, l'écrivain dont le style prend chaque jour plus d'élégance et de précision et qui lait parcourir avec charme le pays souvent si aride d'un ouvrage d'érudition. » On ne pouvait mieux résumer les qualités d'historien et d'écrivain de Robert.
selants, et, de la pointe de leurs hallebardes, menaçaient le ciel gris. Robert Triger guidait le cortège il était là chez lui, sur son terroir, et mille souvenirs d'enfance, mêlés au prestige de l'érudition, lui composaient une âme allègre. Il ne sentait point le froid et dédaignait l'ondée, et je le vois encore, brandissant son parapluie comme un glaive, entraînant les routiers de la duchesse d'Alençon à l'assaut de la bonne ville de Fresnay. » Tel nous le dépeint, avec humour; l'auteur de ce récit très vivant (1), tel nous l'avons toujours connu un animatenr incomparable. Ce qu'il fut à Fresnay, il le fut au Mans nous le constaterons en maintes circonstances (2).
Mais nous arrivons à cette année 1904 qui marque dans sa vie l'étape la plus douloureuse. Déjà, en 1894, la santéprécaire de sa jeune femme lui avait donné de telles inquiétudes qu'il s'était vu dans l'obligation de l'isoler de son foyer en lui assurant, au dehors du Mans, les soins qu'exigeait son état. Ce traitement avaitamenéune amélioration sensible, si bien,qu'au bout d'un an, Mme Triger pouvait reprendre sa vie aux Talvasières. La guérison pourtant n'était qu'apparente le mal s'aggravait peu à peu, et Robert dut envisager une nouvelle séparation. Elle eut lieu le 6 septembre 1904; elle devait être définitive.
Notre pauvre ami avait entrevu, peu de temps après son mariage, le calvaire qu'il aurait à gravir et, dès le début de la maladie, il s'était soumis à la volonté de Dieu. Sa foi inébranlable, son énergie, que rien ne faisait faiblir, et son amour du (1) Le D' Delaunay, président de la Société d'Agriculture, Sciences et Arts de la Sarthe.
(2) Le 16 novembre 1901, sur la proposition de l'un de ses membres, M. Le Feuvre, le conseil municipal du Mans prit l'heureuse décision de transférer le inusée archéologique de la ville, installé provisoirement sous le théâtre, dans l'ancienne crypte, de Saint-Pierre-la-Cour, dernier vestige de l'église de Sainte-Scholastique. Le 22 du même mois une commission de surveillance et de conservation était constituée, dont fit partie Robert. A la mort de M. Fernand Ilucher, fils du fondateur du Musée, il fut chargé, le 23 septembre 1903, de concert avec M. Morancé, de préparer la rédaction du nouveau catalogue de ce musée. Ce travail, qui s'ajoutait à tant d'autres, ne le rebuta pas et, sans attendre, dès le 19 mars suivant, il adressait un chaleureux appel aux membres de sa société pour solliciter d'eux des dons a et des concours.
travail le soutinrent constamment au cours de sa longue épreuve. Malgré la gravité de la situation, il gardait encore quelque espoir, dont il nous entretenait parfois confiant dans la Providence et dans l'apaisement que pouvaient amener les années. Chaque mois, il consacrait une journée à sa chère malade, cherchant à combattre par son dévouement, sa tendre affection et ses délicatesses infinies les ravages du mal et à lui rendre un peu des joies du foyer délaissé. Ces visites- étaient tout à la fois des adoucissements et des (déchirements elles amenaient souvent des larmes aux yeux de la pauvre femme au moment où il fallait se séparer, tandis que Robert revenait le cœur meurtri quoique résigné, reprendre son labeur quotidien.
Le coup qui venait de le frapper demandait une diversion. Il la trouva, telle qu'il la pouvait souhaiter, apaisante et réconfortante, dans un voyage à Rome.
Nous avons vu qu'il était rentré, cette même année 1904, le 1" mai, au conseil municipal de Douillet, dans des conditions assez scabreuses, à un moment où les questions religieuses étaient fortement en jeu et où la présence d'un homme de sa trempe devait faire surgir, devant les partisans d'une laïcité à outrance, un adversaire redoutable (1). Il n'avait pas hésité (1) Nous pensons utile de mettre sous les yeux de nos lecteurs sa profession de foi
« Messieurs et Chers Concitoyens,
« Un grand nombre d'électeurs de notre commune m'ont demandé de me représenter à vos suffrages.
« Après avoir refusé longtemps, j'accepte aujourd'hui la candidature. « Les derniers événements m'en font un devoir.
« Depuis quelque temps, tous les droits des pères de famille sur leurs enfants sont méconnus les libertés publiques sont attaquées, et, en chassant les Sœurs, on commence même la guerre aux femmes.
« Bien plus, tout récemment, par une suprême insulte aux croyances de nos pères, on a choisi juste le jour du Vendredi Saint pour donner l'ordre d'arracher les crucifix des tribunaux et des justices de paix « Ces mesures de violence détruisent la confiance et vont nous coûter très cher.
« Pour notre commune en particulier, la loi qui supprime l'enseignement congréganiste doit entraîner, dans un délai plus ou moins rapproche, la construction fortdispendieuse d'une nouvelle école de filles, alors que nous eu avions une qui était bien suffisante et qui ne nous coûtait rien
même à entrer dans « la Ligue de défense des libertés d'enseignement, d'association et du domicile privé », comme nous l'avons dit.
Ses convictions catholiques autant que ses chagrins intimes devaient donc bien s'accommoder d'un séjour à la ville de Lumière, riche de consolations. Aussi bien l'occasion ne pouvait être plus favorable. Le voyage s'organisait dans les meilleurs conditions matérielles et un groupe d'amis se disposait à l'entreprendre (1). Il s'exécuta du 30 novembre au 14 décembre. Inutile de dire que Robert se mit à la tête des pélerins et, qu'à Rome comme au Mans, il se fit leur guide, préparant avec le soin et la conscience que nous lui connaissons, les itinéraires de chaque jour, de façon que rien d'important ne fut négligé. Le 8 décembre ils assistèrent à la messe pontificale et bénéficièrent le 9 d'une audience de S. S. Pie X.
Le jour même de son retour d'Italie, Robert adressait au président de la Société d'agriculture, sciences et arts de la Sarthe, M. Gentil, sa démission de secrétaire dont il remplis« Cette politique, contraire à la vraie liberté, trompe toutes les promesses qui vous ont été faites.
« Beaucoup d'entre vous, de toutes les opinions, désapprouvent ses partisans.
« Beaucoup pensent que notre commune, dans les circonstances présentes, a besoin de tous ceux qui peuvent défendre ses droits et affirmer votre respect de la liberté.
Je ne puis leur refuser mon concours.
« Vous-mêmes, MM. les Electeurs, vous m'avez invité à me représenter en me plaçant par vos suffrages, il y a quatre ans, immédiatement après vos élus, avec deux voix seulement de différence.
« A vous maintenant, dimanche, de composer vos bulletins comme il vous plaira, pour le plus grand bien de la commune. Vous êtes toujours les maîtres d'inscrire sur une liste les noms qui vous conviennent. « Pour moi je n'ambitionne aujourd'hui qu'une chose: remplir mon devoir et vous être utile à l'occasion.
Robert Trigef,
docteur en droit,
ancien conseiller municipal.
(1) Entre autres compagnons de route, on peut citer: MOi de la Sicotière, la baronne de Sainte-Preuve. la comtesse d'Angély-Sérillac, la comtesse de Beaurepos, la baronne de Boutray, M. et Mm* R. de Linière, M. Le Brun, M. l'abbé Desvaux, curéde Montsort, à'Alençon, etc. Ils offrirent à leur cicerone, pour le remercier, un grand buvard en parchemin, avec ornements d'or gaufrés, où il conserva les souvenirs de ce voyage.
sait les fonctions depuis 1884. Les incidents politiques du moment ayant amené le département à supprimer les subventions allouées par lui aux sociétés savantes, « il ne voulut pas que sa présence au bureau passât pour compromettante » (1). Mais, dès le 15 janvier suivant, ses conlrères lui renouvelaient leur confiance en l'appelant à la commission de rédaction et, plus tard, le 8 décembre 1912, à la vice-présidence.
Robert fut toujours très attaché à la Société d'Agriculture, Sciences et Arts de la Sarthe, à laquelle il donna un certain nombre de travaux et de Conférences. « Dignitaire ou non, dit un de ses confrères, il fut toujours de nos fidèles, assidu aux séances. En dehors des réunions mensuelles, il venait fréquemment puiser dans notre bibliothèque ou nos archives quelque document pour ses travaux, et, je dois dire que lorsqu'il arrivait on ne besoignait guère; le cercle se formait et c'étaient d'interminables et savoureux propos sur les fastes de notre province et l'histoire de notre vieille ville qu'il possédait si bien. Il vivait, à vrai dire, tout autant dans le passé que dans le présent et redevenait, sans effort, un homme d'autrefois (2) ». Et, de fait, on se plaisait autant à l'entendre qu'à le lire. Sa parole était nette, précise, convaincante, sa mémoire fidèle, il avait le talent de ne pas ennuyer, sachant soutenir l'attention par des envolées, où revenaient souvent des émotions patriotiques, et par des instants d'humour communicative. Son langage était très français de tempérament et très jeune d'allure. On l'eût cru parfois le plus heureux des hommes, tant il avait de verve et d'entrain, mais, quand on le connaissait bien, il déchargeait son coeur dans l'intimité et on voyait alors ce que sa gaieté cachait de souffrances.
(1) La société historique et archéologique du Maine, en lu session d'août 1904 du Conseil général de la Sarthe, fut violemment prise à parti par un Conseiller général, qui lui prêta, en la personne de sou président, des tendances politiques et réclama, de ce chef, la suppression de la subvention de mille francs qui lui était votée chaque année. Après une longue et pénible discussion, et malgré les efforts de conciliation de M. Emile Senart, cette suppression fut décidée. Dans une brochure, parue le 28 août, Robert exposa les faits de la façon la plus claire et la plus impartiale. (2) M. le D' Paul Delaunay, président de la Société.
L'année 1905 débuta par la réception, le 11 janvier, au siège de la Société, d'un groupe d'anciens combattants de 1870, zouaves pontificaux et 33e mobiles de la Sarthe. Le général de Charette devait venir présider cette réunion. Empêché, il délégua le commandant Le Gonidec, le héros de Cercottes, député d'Illeet-Vilaine, assisté des lieutenants Ferdinand de Charette et Halgan. Le 33e mobiles était représenté par le colonel vicomte de la Touanne, le commandant de Montcsson, le capitaine Tuai, le lieutenant Bohineust et l'ancien sous-officier Denis Erard. Robert, dans son élément, sut trouver les paroles qui convenaient pour accueillir, au nom de sa Société, ces délégations militaires.
Quelques jours après, le général de Charette, en le remerciant de l'envoi du Compte-rendu de la réunion, lui écrivait « Je suis confus des éloges que vous voulez bien me décerner. Domine, non sum dignus. Mais je les accepte au nom de mon régiment, du 33' mobiles de la Sarthe, des bataillons des Côtesdu-Nord, du 10' bataillon de Chasseurs et de tous ceux avec lesquels nous avons été heureux et fiers de combattre pour la défense de la patrie envahie (1) ».
C'est, en l'année 1905, le 6 décembre, nous le répétons, que fut votée la loi de séparation de l'Eglise et de l'Etat. Si elle jeta un trouble profond dans les consciences catholiques, elle ne fut pas sans émouvoir fortement le monde savant par l'atteinte qu'elle. portait à la conservation des édifices religieux. Sans attendre le vote final de la loi, au courant même de la discussion des articles, les Sociétés locales, plus à même que d'autres de se rendre compte de ses effets néfastes, prirent l'initiative (1) Robert avait été présenté au général de Charette en janvier 1899, lors du 28e anniversaire de la bataille du Mans, à Auvours. Il rapporte dans ses souvenirs cette entrevue et les paroles qu'il lui avait adressées « Mon gênérai, j'ai un gros regret dans ma vie, celui d'être arrivé trop tard sur la terre pour avoir l'honneur de servir sous vos ordres ». Et il ajoute « Evidemment, sensible à la déclaraliun, le général me répond par une brusque pirouette de satisfaction n A partir de 1902, il est invité chaque année à prendre part ù la réunion des zouaves. En 1911 il publia dans la Revue Historique et Archéo logique du Maine Le général de Charette ait Mans, 11 uclobre-9 novembre 1870.
de vœux tendant à prévenir, si possible, ou à atténuer le danger menaçant.
Le mouvement se dessina tout d'abord au sein de la Société historique et archéologique de l'Orne à la suite d'un article du journal « l'Eclair qui attirait l'attention des groupements savants sur les conséquences du projet en question, et celle-ci émettait le vœu suivant, avec l'intention de le faire circuler et signer dans tout le département
« Les Soussignés, considérant que les monuments religieux de nos villes et de nos campagnes, depuis nos églises jusqu'aux plus humbles croix des routes et des chemins, ont presque tous leur valeur historique et, tous au moins, commémorent des évènements locaux dont le souvenir précieux pour nos populations doit être conservé,
« Emettent le vœu que tous les monuments religieux et richesses d'art qu'ils renferment, y compris les croix et calvaires de notre contrée, soient conservés et maintenus aux emplacements qu'ils occupent actuellement. »
De son côté, la Société historique et archéologique du Maine agissait. Son président lui faisait approuver ce vœu et provoquait dans la Sarthe une enquête sur la propriété des églises, au moyen d'un questionnaire, dressé par lui, sur l'état de ces églises avant et pendant la Révolution et depuis le Concordat. Bientôt d'autres Sociétés, comme la Dunoise et celle de Tarn-etGaronne adhéraient. Pendant ce temps le vœu de l'Orne était déposé le 1er juillet, couvert de signatures, sur le bureau de la Chambre, par le baron de Mackau, il était pris en considération et renvoyé par la Commission des pétitions au Ministre de l'Instruction publique et des Beaux-Arts. Mais une démarche isolée n'avait guère chance d'aboutir; aussi, Robert proposait-il de susciter un élan général en demandant à toutes les Sociétés savantes de se grouper pour adresser une nouvelle pétition au Sénat et de prier le Directeur de la Société Française d'Archéo.logie de prendre la tête de cette vaste campagne. L'idée adoptée fut mise à exécution si heureusement que notre ami, dans un rapport qu'il adressait le 31 mars 1906 à M. Eugène Lefèvre-
Pontalis, avait la satisfaction de constater que les Sociétés de 75 départements avaient répondu à l'appel (1).
Cette imposante manifestation ne put malheureusement avoir qu'un effet platonique en ce qui regardait le remaniement de la loi, mais elle fut comme le prélude de l'action énergique soutenue, quelques années plus tard, en 1911, idevant le Parlement par Maurice Barrès, qui devait entraîner l'opinion publique au secours de nos vieux sanctuaires.
L'enquête sur la propriété des églises, que Robert eut l'heureuse inspiration de provoquer, lui fournit la matière d'une étude excellente, aussi opportune qu'utile pour le département de la Sarthe, des articles 11 et 12 du projet de loi sur la Séparation.
En quelques pages, concises et claires, résumant bien la question, il sut montrer que ce projet ne pouvait aboutir qu'à de cruels mécomptes pour les catholiques aussi bien que pour les protestants, et même pour les ouvriers, puisque l'une des conséquences serait l'arrêt complet des travaux d'église. Cette brochure eut de nombreux lecteurs, elle servit au député Jules Auffray, lors d'un débat au Parlement, pour appuyer sa thèse; elle alla jusqu'au Vatican et valut à son auteur la croix de commandeur de Saint-Grégoire-le Grand, accompagnée d'un bref des plus flatteurs de S. S. Pie X, donné à Rome le 18 août 1905 (2).
(1) MM. Eugène Lefèvre-Pontalis, Triger et Tournoiier avaient adressé une circulaire à toutes les Sociétés savantes de France, en leur demandant d'adopter le vœu suivant, inspiré de celui de la Société Historique de l'Orne m Les soussignés émettent le vœu que tous les édifices religieux de la France et leurs richesses d'art, statues, monuments funéraires, vitraux, boiseries, stalles, retables, inscriptions, cloches, objets d'orfèvrerie, tableaux, bas-reliefs, les Croix et les Calvaires soient conservés et maintenus aux emplacements qu'ils occupent actuellement n.
(2) M. Edouard de Lorière se fit, en juin 1905, auprès de Mgr de Bonfils, évêque du Mans, l'interprète des amis de Robert Triger pour solliciter cette croix, en invoquant les motifs de la demande et en faisant surtout valoir la part prépondérante qu'il prit dans la Sarthe aux revendications des catholiques et des historiens lors de la loi de Séparation. « Lorsque le Ministre des Finances, dit M. de Lorière, eut distribué ù la Chambre un rapport sur les biens des congrégations en 1900. M. Triger, instamment prié par le Comité Catholique, donua en moins d'une semaine, un tableau statistique de tous
ÎI reviendra plus tard sur cette question d'une si haute portée, lors du Congrès régional du Mans, tenu en 1913; sous la présidence de Mgr de la Porte. Il y présentera un rapport sur les églises de l'arrondissement de Mamers où il prendra leur défense comme catholique et comme artiste. Il y laissera échapper ce,cri du cœur « Depuis la séparation, j'ai tant étudie les églises de la Sarthe, je me suis tant préoccupé de leur situation et de leur santé, que je les aime un peu comme mes filles » (1). C'était dire la conscience et la passion, si on peut s'exprimer ainsi, qu'il apportait à cette œuvre de préservation. S'il protesta en qualité de fabricien au moment de l'inventaire de l'église de Douillet-le-Joly le 16 février 1906, il protesta également le 14 janvier à Saint-Pavin du Mans, la paroisse des Talvasières, aux titres de président du Conseil de fabriqueetde les biens des Communautés existant dans le diocèse du Mans, en faisant ressortir avec clarté et lucidité les erreurs du travail officiel, les charges qui grevaient ces biens, les origines qui les rendaient inviolables il armait ainsi puissamment les députés catholiques pour combattre cette loi. L'effort fut extrêmement considérable et, si les résultats ne répondirent pas à ce qu'on désirait, le Ministre et ses agents furent du moins obligés de convenir que leur rapport renfermait des erreurs manifestes comme celle qui attribuait aux petites Sœurs des Pauvres un établissement qui est, de notoriété publique, propriété de la Ville du Mans.
« Mais surtout, lors des lois en préparation au sujet de la Séparation des Eglises et de l'Etat, son esprit vif, juste et pénétrant, a de suite vu que si l'on pouvait sauver quelque chose, ce serait la propriété des Eglises. Aussitôt, avec une ardeur inouïe, une science et une méthode supérieures, il a entrepris le travail de l'histoire de la construction des églises de la Sarthe à travers les âges, de leur vente et restitution au moment de la Révolution, et enfin de leur entretien ou reconstruction depuis le concordat. Ce travail énorme, qui demandait à être présenté rapidement, puisque les articles qu'il combattait étaient les 11' et 12° de la loi, a abouti à la production de ces rapports et brochures dont la lecture à la Chambre des Députés a soulevé tant d'interruptions et de colères. La justification de leur utilité a été prononcée par un membre de gauche de cette assemblée disant qu'heureusement ce travail était unique en France et n'avait pas été fait dans d'autres diocèses ». Le Saint-Père, dans son bref, soulignait l'action de Robert Triger en écrivant «. par des commentaires érudits vous avez contribué naguère à ce que la Chambre française, dans les lois qu'elle a votées, concède l'usage gratuit et indéfini des églises. »
Le marquis de Beauchesne traduisit le bref de Pie X et Robert fit enrichir cette traduction d'enluminures exécutées par une religieuse de la Visitation du Mans.
(1) Les églises de l'arrondissement de Mamers. Rapport présenté le 9 juin, Î9Î3 au Congrès régional tenu à Marnera. Le Mans, Monnoyer, 1913, in-8'.
représentant de la famille qui sauva cette église pendant la Révolution et la rendit à la commune après la restauration du culte. Cet honneur revint, en effet, à Jean-Baptiste Fay, propriétaire des Talvasières, ancien procureur au Présidial, devenu conseiller municipal du Mans (1). Sa petite fille, Mme Rigault de Beauvais (2) nomma en 1827 la nouvelle cloche avec le colonel baron Frappart.
C'est en considération de ces souvenirs que Robert, toujours respectueux des traditions, contribua de ses deniers à la construction d'une crypte en l'église nouvellement réédifiée, lors de la découverte, en 1902, d'un sarcophage de l'époque franque, que l'on reconnut être celui du patron du lieu, Saint-Pavin (3). Robert avait gardé le goût des voyages. C'était pour lui le vrai délassement au labeur incessant qui absorbait toute sa vie, c'était aussi le moyen d'enrichir sans cesse ses connaissances et d'amasser des matériaux. En juin 1906, la Belgique l'attira. Il s'y trouvait tout naturellement appelé par le souvenir agréable qu'il avait gardé du passage au Mans de la Gilde de SaintThomas et de Saint-Luc et par les marques flatteuses de sympathie que lui avait témoignées la Société royale d'archéologie de Bruxelles. Nul doute qu'il n'y rencontra des accueils chaleureux et qu'il n'en rapporta de précieuses documentations. Il devait y retourner l'année suivante « comme ambassadeur des habitants du Maine », écrit-il, pour assister à la bénédiction d'un manceau bénédictin, le R. P. DomRenaudin, nouvellement (1) Il avait épousé la fille de M. Charles Greslet qui était lui-même possesseur de la terre depuis 1754.
(2) Née Marie Fay, trisaïeule de Robert.
(ÎJ) C'est dans cette crypte que fut déposé le sarcophage de Saint-Pavin. Dans une brochure, publiée au Mans, chez Bienaimé, en 1905, on a réuni le rapport du secrétaire de la Commission Canonique instituée par Mrg de Bonfils pour la reconnaissance des reliques de Saint-Pavin, le jugement de l'évêque du Mans sur leur authenticité (6 septembre 1904) et le compterendu de la bénédiction de la nouvelle église.
Robert avait fait paraître en 1900 dans le Nouvelliale de la Sarthe et dans ta Sarthe (nêi des 9 et 13 février) un article sur l'église de Saint-Pavin, tiré à part, chez Blanchet, yuis dans la Repue historique et archéologique du Maine, en 1902 (t. LII, p. 49), des Notes ei Souvenirs sur cette même église où il fuit ullusion (p. 64), aux motifs qui attachaient à Suint-Puvin les propriétaires des Talvasières.
élu abbé de Saint-Maur, qui avait lieu le 7 avril à Saint-Hubertdes-Ardennes (1).
Mais les évènements politico-religieux qui venaient de se dérouler, lui faisaient désirer d'entreprendre un autre voyage, bien différent des précédents, où il pût satisfaire ses sentiments intimes et apaiser son cœur de catholique et de patriote. Lourdes, que cependant il n'avait pas revu depuis trentecinq ans, n'en conservant qu'une imagede jeunesse, assurément vive mais lointaine, Lourdes, dont il avait ressenti « plutôt des impressions que des élans de piété et de reconnaissance envers la Vierge », malgré l'évidence d'une guérison qui l'avait frappé, Lourdes exerçait sur lui, en ces années de troubles, une attraction singulière. Il décida de prendre part, en août 1907, au pèlerinage national, sans crainte d'avouer le motif qui le guidait « Nous partions, écrit-il, parce que le gouvernementétait devenu hostile aux pélerinages de Lourdes, parce que bon nombre de ses amis, à l'encontre de la vraie liberté de conscience, réclamaient leur interdiction », pénétrés « d'un sentiment très français et. très laïque d'opposition frondeuse » (2). Il devança les pèlerins du Mans en allant visiter le 16 août Fontarabie et SaintSébastien, et ne les rejoignit que le 17. Dès son arrivée, il est fortement remué par la guérison d'une religieuse de la Providence d'Alençon, accompagnée de son aumônier, le bon abbé Richer; le soir, à la Grotte, il est saisi par cette foule qui prie « au milieu du silence de la nuit et à la lueur discrète des (1) Si Robert allait au nom du Maine saluer le nouvel abbé de SaintMaur, il tenait aussi à donner en sa personne, à l'ordre bénédictin, une marque de son particulier attachement. On sait que les bénédictins prirent une part prépondérante à la fondation de la Société Historique et Archéologique du Maine et que deux de leurs éminents religieux, Dom Piolin, comme président, et Dom Heurtebize, comme secrétaire, y exercèrent une action des plus heureuses. Robert se félicitait de ses relations suivies avec Solesmes où il se rendait souvent, aimant à fréquenter cet asile de paix, de prière et de travail.
Nous devons à Dom Heurtebize, dont il appréciait tant les conseils, la collaboration et l'amitié, des témoignages précieux de la grande estime en laquelle il tenait Robert.
(2) Lourdes, 1812-0)01-1908. Impressions et souvenirs (conférences populaires). Le Mans, Monnoyer, 1909, p. 13.
cierges, par la récitation du chapelet que scandent de ravissantes voix d'anges, comme on doit le réciter au ciel », et, venu « en observateur très impartial et même en flâneur », il repart le 23 avril « sincèrement convaincu de ce qu'il avait vu ». Il l'est tellement que, six mois plus tard, il revient pour assister, les 10 et 11 février 1908, à la réception ollicielle du Légat du Pape, le cardinal Lecot, à l'occasion du cinquantenaire des apparitions (1), et qu'au mois d'août suivant, il revient encore avec le pèlerinage manceau. 11 assume alors la direction d'une équipe de volontaires pour assurer l'embarquement des malades, sorte d'apprentissage au grand rôle qu'il jouera bientôt en cette même gare du Mans, transformée en infirmerie. A Lourdes, il est attaché au service de la grotte; il y reste en fonctions du 20 août au 25 septembre. Sa consigne est de maintenir l'ordre et d'escorter le Saint-Sacrement dans toutes les processions. Or, un jour qu'il accompagnait, avec l'ombrellino, Mgr Morganti, archevêque de Ravenne, qui se rendait de la grotte au Rosaire, subitement, et tout contre lui, une malade d'Angoulême, atteinte de tuberculose généralisée, se dresse guérie. 11 faut lire les pages émouvantes qu'il consacre au récit de ce miracle sensationnel, il faut lire aussi la narration vécue de ces journées qui, pour 1 âme généreuse et profondément chrétienne de Robert étaient autant d'ascensions vers la Lumière. Il se fit, au retour, l'apôtre de ses impressions et de ses convictions, en donnant des conférences à Douillet, à SaintMartin de Pontlieue, au Mans. 11 voulait faire partager à ses compatriotes son enthousiasme et les entraîner vers les grottes de Massabielle. C'était pour lui un besoin de communiquer ce qu'il ressentait. On ne pouvait d'ailleurs, à l'entendre, qu'être (1) Il consigna ses impressions du cinquantenaire dans une brochure parue chez Monuoyer en 1908. Son ami, l'abbé Dupuy, en le remerciant de la lui avoir envoyée, lui disait « Ces pages me rappellent les récits que le Robert de 12 et 14 ans se plaisait déjà à composer sur ses voyages divers et ses plus ou moins graves aventures; avec les années et la pratique, l'enfaut est devenu un charmant et humoristique écrivain qui se fait toujours lire et à propos de tout. Le cas présent est empoignunt ». Il reçut d'ailleurs de très nombreuses félicitations à la suite de cette publication.
sous le charme de sa parole persuasive comme de ses pensées élevées.
Il semble que la Vierge de Lourdes ait voulu reconnaître sa foi ardente, en lui accordant la faveur, peu de temps après, de défendre deux grandes causes, celle de Marguerite de Lorraine, en tant que bienheureuse, et celle de Jeanne d'Arc, en tant que patronne officiellement reconnue de la France.
Nous allons y revenir. Mais, nous sommes en 1908, année où se consommera le plus grand peut-être de ses sacrifices puisque son foyer, animé jusque-là par la présence d'un père sur lequel se concentraient toutes ses affections, allait devenir désert. Une à une, les flammes qui lui apportaient chaleur, gaité et vie, s'éteignaient.
Le 24 avril 1908, au Mans, M. Gustave Triger était à son tour rappelé à Dieu. Il avait 83 ans. Nous avons, au début de cette biographie, dit ce que sa remarquable intelligence avait déployé de qualités et de ressources aussi bien dans la vie privée que dans les hautes fonctions qu'il eut à remplir. Nous avons surtout montré qu'il fut, auprès de son fils, un éducateur incomparable, sachant lui inculquer de bonne heure l'amour du travail, la conscience du devoir et le sentiment de l'honneur, faire de lui un chrétien vaillant, lui inspirer le respect et la confiance, en un mot, le modeler sur lui-même. Ce que nous pouvons ajouter c'est qu'avec les années, tant les relations du père et du fils étaient devenues intimes, leur vie intellectuelle se confondait et devenait une collaboration constante. Robert ne produisait rien qu'il ne consultât son père, et, réciprocité touchante, le père n'avait garde de livrer à l'impression quelque ouvrage sans avoir pris avis du fils. Nous en avons trouvé, tout au moins une preuve convaincante. C'est ainsi qu'en 1904, Robert écrit à M. Triger, à propos d'un article sur « le devoir électoral » qu'il lui avait soumis-: « Mon cher papa, j'ai relu deux fois très attentivement ton manuscrit et, à part deux observations qui m'avaient déjà frappé et qui me frappent plus encore il la seconde lecture, je le trouverais très bien » et, comme son pcrc n'avait pas voulu se ranger à son opinion, il
insiste « Bien que tu sembles disposé à n'en tenir aucun compte, je veux les renouveler, surtout parce que je trouve grand dommage de compromettre, par deux passages seuls, l'effet d'un travail excellent dans l'ensemble. » puis, il précise ses remarques, conseille des changements ou additions, aborde le choix d'un imprimeur et termine en l'embrassant « des millions de fois » (1). Ces échanges de vues sur leurs travaux devaient se renouveler souvent et nous pouvons aisément nous imaginer le tour des conversations, entre ces deux hommes si bien faits pour se comprendre, dans la vieille maison de la rue de l'Evêché où le travail était le grand consolateur. Cette séparation, bien qu'elle fût dans l'ordre de la nature, détachait d'autant plus cruellement Robert d'un passé cher à son cœur filial, que, dans le présent, et même dans l'avenir, aucune autre joie n'ensoleillait et ne devait plus ensoleiller son existence. Bien triste dût être son retour au logis, après que le caveau de famille de Douillet-lc-Joly,' se fut refermé sur la dépouille de son père. Il n'y rencontrait maintenant que la solitude, il n'y pouvait évoquer que les images voilées des disparus et sa pensée devait se tourner vers celle dont il avait espéré beaucoup de bonheur sans pouvoir jamais l'atteindre. A ces épreuves, Robert savait fort heureusement opposer une réaction forte duc à un moral extraordinaire et à un merveilleux emploi de son temps. Il allait être repris, plus que jamais, par sa Société, par ses travaux et conférences, par des manifestations soit religieuses, soit patriotiques ou encore par des réceptions d'hôtes de passage il allait se mêler de plus en plus à la vie de la cité et trouver ainsi un palliatif à ses peines dans une activité dévorante. C'est ce qui le sauva. Sur la requête des Clarisses d'Alençon, la cause de Marguerite de Lorraine venait d'être introduite en Cour de Rome. La (1) Robert se fit un devoir de mettre en ordre tous les papiers de son père et de réunir en volumes ses écrits divers, rapports de service, articles ayant trait à ses fonctions, études diverses, allocutions, manuscrit de son bel ouvrage sur M. l'abbé Dubois, doyen du Chapitre de la cathédrale du Mans, qui fut publié.
pieuse princesse, dès le lendemain de sa mort, en 1521, avait été nommée bienheureuse par ses contemporains qui se conformaient en cela à un antique usage. Bien que Rome ne se fut réservé ce pouvoir qu'en 1634, il n'était pas moins à désirer que l'Eglise confirmât la reconnaissance populaire. C'est pourquoi le procès fut entamé le 27 juillet 1908 (1). L'Evêque de Sées, Mgr Bardel, désirant l'entourer des témoignages les plus autorisés, sollicita, par l'entremise du chanoine Guérin, aumônier des Clarisses d'Alençon, celui de Robert (2). Le président de la Société historique et archéologique du Maine était, en effet, de ceux auxquels devait revenir l'honneur d'une telle proposition, il avait souvent aiguillé ses recherches vers la vie de cette princesse qui appartenait au Maine, par ses titres de vicomtesse de Beaumont et de baronne de Fresnay, et par les possessions qu'elle y avait. Il en était fier pour son pays. Aussi la demande de Mgr de Sées fut-elle accueillie avec empressement. Robert fut cité et prêta serment à Sées, le 29 octobre 1908, il témoigna le 9 novembre, puis les 5 janvier et 12 mars 1909 le 15, il assistait à l'examen fait à Argentan du cœur de la Bienheureuse. Sa déposition, soigneusement étudiée, reposait sur des textes formels et sur de rigoureuses observations elle montre à quel point ce choix était heureux. Lorsqu'en 1921, Rome confirma le culte de la Bienheureuse, Robert donna au Mans, le 27 avril, (1) Ce procès dura jusqu'au 26 mars 1909. La Sacrée Congrégation des Rites ne confirma la sentence du juge sagien que le 15 mars 1921 et le Pape Benult XV approuva définitivement le culte le 21 du même mois. (2) Le postuluteur fut le P. Paolini, postulateur général de l'ordre des FF. Mineurs, le vice-postulateur, M. le chanoine Guérin, aumônier des Clarisses d'Alençon, les témoins Le R. P. Norbert Monjaux, de l'ordre des F.F. Mineurs, le chanoine Dumaine, vicaire-général de Sées, le chanoine Blin, archiviste capitulaire, Sœur Marie de Saint-Pierre, religieuse professe des Clarisses d'Alençon, Sœur Sainte-Thérèse de Jésus, religieuse professe du Monastère d'Alençon, M. Robert Triger, M. H. Tournoiier, le R. P. DéodatMarie de Baliaco, de l'ordre des F.F. Mineurs, M. l'abbé Antoine, archiprèlre d'Argentan, M. le chanoine Guesdon.
Voir les dépositions écrites et orales de Robert dans le volume où furent rassemblés tous les documents relatifs à cette cause, intitulé Sagiensis seu Ordinis Minorum. Confinnationis cullus ab imniemoriabiU lernpore prœxtitl servx Dei Margaritm a Lotharingia, moniali professée Iï ordinis J. Francisci Assisiensis ;1/a/ay~.f a /.o~a~t'n~'a, mon~/t p/v/fs~~ 7f 1921, in-4°, p. 328.390.
une conférence dans laquelle il résuma sa vie et ses relations avec le Maine (1) l'année suivante, le 29 octobre, en la présence des évêques du Mans, de Sées et de Langres, des fêtes solennelles, dont nous avons déjà parlé, se déroulèrent à Fresnay-sur-Sarthe (2). 11 en fut certainement le promoteur et nous ne serions pas surpris qu'il ait été l'inspirateur et le metteur en scène du défilé guerrier qui nous fût si spirituellement conté. C'était bien dans sa nature.
Nous retrouvons encore cette ardeur belliqueuse dans la réception enthousiaste qu'il fait, sous son toit, à Douillet, au 130e d'infanterie, à l'occasion des manoeuvres de 1909. La chambre de Mme Triger est attribuée au colouel Plessis, et là repose le drapeau durant le séjour du régiment. Robert en voudra conserver le souvenir par cette inscription Cette Chambre
a eu l'honneur d'abriter
les 18-19 septembre 1909
le drapeau
du 130e régiment d'infanterie
en manœuvres à Douillet-le-Joly.
Quelques semaines après, les 3,4,5 octobre.il il accompagnait la délégation du 33° mobiles de la Sarthe dans un pèlerinage à Blois, où s'inaugurait un monument, à Coulmiers et à Loigny, en qualité de vice-président de la IIIe section des vétérans, et il en publiait la narration (3). « Nous garderons, écrivait-il, une profonde gratitude aux excellents concitoyens qui, par une très flatteuse exception, ont bien voulu admettre le conscrit de 1876 à marcher ainsi quelques instants à leurs côtés, sous les plis du drapeau du 33° mobiles. »
(J) La bienheureuse Marguerite de Lorraine, duchesse d'Alençon, vicomtesse de Beaumont, baronne de Fresnay. (Îb63-i52î). Ses relations ave", le Maine. Conférence faite le 27 avril Î021 à fa Société historique et archéologique du Maine. Le Mans, Monnoyer, 1921.
(2) Bulletin paroissial de N.-D. de Fresnay, novembre 1922. Article de Robert Triger.
(3) Un pèlerinage patriotique sous le drapeau du 33*> mobiles, Blois, Coulmiers, Loigny 3, 4, 5 octobre 1009. Le Maos, Moonoyer. 1909.
« A la suite de Jeanne d'Arc », tel est le titre de l'hommage que Robert rend, encore en 1909, à la Libératrice de la Patrie, au moment où l'Eglise venait de la proclamer aussi Bienheureuse (1).
Nulle expression ne pouvait mieux convenir à notre ami. Après Ambroise de Loré, après Sainte Scholastique, après Marguerite de Lorraine, la vierge de Domrémy devait le conquérir. Il n'attendait, semble-t-il, pour se mettre « à sa suite » que le jour glorieux où Rome, par une nouvelle consécration, préparerait à la future sainte la vénération de tous les Français. Toutefois, il participait depuis plusieurs années, en admirateur, aux fêtes d'Orléans et il ne manquait pas d'en consigner les souvenirs aimant à les rapprocher de ses impressions de Lourdes (1).
C'est le 18 avril 1909 que fut solennellement proclamée à Rome la béatification de Jeanne d'Arc. Si ce grand jour ne put être fêté comme il convenait dans la Sarthe, du moins, à Fresnay, où l'impulsion de. Robert se faisait sentir plus qu'ailleurs, l'élan se manifesta. Le curé, M. l'abbé Didion, lui demanda une conférence elle eut un tel succès qu'il fallut la redonner le surlendemain et la répéter douze fois, au cours de l'année sur différents points du département. Robert y développa l'amour passionné de Jeanne pour la France, la qualifiant de « martyre du patriotisme et de vierge inspirée de Dieu ». Dans toute sa campagne, il ne cessa de redire « que le sentiment religieux et le sentiment national pouvaient lui rendre hommage, en gardant chacun leur individualité distincte et que la Sainte de la Patrie se chargerait ensuite de fusionner les bonnes volontés dans un même idéal ». C'était préparer déjà la reconnaissance nationale et officielle de la grandeur de sa mission, c était trouver le chemin de tous les cœurs et placer Jeanne d'Arc au-dessus de tous les partis. Robert ne dévia jamais de cette pensée; elle lui assura un plein succès dans la (l)r A la suite de Jeanne d'Arc. Ses soldats et ses Amis du Maine (H29-19Û0). Orléans « la Fidèle » (7-8-9 mai 1909). Les Couleurs et les Armoiries de Jeanne. Le Mans, Monnuyer, 1909.
campagne qu'il mena avec une autorité et une habileté auxquelles ses adversaires durent eux-mêmes rendre hommage.
Fresnay avait créé le mouvement. Il fut suivi. Mais la plupart des communes attendaient pour agir l'exemple du Mans. Le bureau du Congrès diocésain prit l'initiative, en faisant appel aux catholiques de la ville pour la célébration d'une fête religieuse le 4 juillet. Robert, tout en s'associant pleinement à cette décision, voyait plus large. Ainsi qu'il l'avait exprimé dans ses conférences, il évoquait en Jeanne la sainte et la patriote il n'entendait donc pas que les catholiques seuls s'associassent à une telle fête, il désirait que tous y prissent part, croyants ou non. C'est alors que, spontanément, il prit le parti, assez osé avouons-le, d'aller de l'avant, sentant d'ailleurs derrière lui un courant favorable d'opinion. A titre privé il commence par adresser « à un certain nombre d'amis de Jeanne » une circulaire, ayant pour but la constitution de Comités de quartiers « comprenant des patriotes de toutes les opinions et de toutes les conditions sociales », et arrive ainsi à provoquer une réunion constitutive de ces comités à laquelle répondent cent cinquante hommes. Point de bureau, mais on le désigne agent de liaison et c'est lui qui dirige les comités, actionne les quartiers, la municipalité lui laissant toute liberté. Enfin, une affiche de la dernière heure, écho vibrant de son âme, et signée de lui, achevait d'entraîner la population. « L'appel, écrit-il, fut entendu, compris et suivi avec un élan inespéré ». Cet élan risqua cependant d'être fortement atténué par le rappel, dans « le Petit Manceau » et dans « la Sarthe » d'un arrêté du préfet de la Sarthe, daté de 1894, qui, s'appuyant sur la loi du 5 avril 1884, interdisait dans le département l'exposition et le port de drapeaux autres que les drapeaux aux couleurs nationales françaises ou étrangères et ceux des sociétés approuvées. C'était interdire l'étendard de Jeanne d'Arc. Robert s'empresse de protester en invoquant des raisons historiques la lutte n'en est pas moins vive, mais les Manceaux ont le bon sens de ne pas s'en émouvoir outre mesure et le 4 juillet fut une manifes-
tation bien digne d'eux et de celui qui l'avait organisée (1). Lorsque, dix-sept ans plus tard, Robert, à l'occasion de ses vingt-cinq années de présidence, recevra de ses confrères et amis la statue de Frémiet qu'il mettra à la place d'honneur de sa bibliothèque, il dira que le 4 juillet 1909 est resté « l'un des plus beaux jours de sa vie ».
Le 7 mars 1910, le directeur de la Société française d'archéologie était venu an Mans donner une conférence sur « les vieux châteaux de la France et l'architecture militaire au moyen âge ». Elle eut le succès que l'on pouvait attendre d'un maître tel qu'Eugène Lefèvre-Pontalis qui joignait à une grande érudition un don remarquable d'observation et une mémoire prodigieuse. Robert tint ce jour là son rôle d'inspecteur général, brillamment. Il ne se contenta pas d'accueillir en ami le conférencier et de dire que le fondateur de « l'aïeule très aimée » de nos sociétés savantes, Arcisse de Caumont, avait une prédilection marquée pour la ville du Mans, il crut le moment opportun d'attirer l'attention des autorités et des nombreux auditeurs qui se pressaient à la salle des concerts, sur le dégagement, qui lui tenait tant au cœur – et avec raison de l'enceinte galloromaine de la vieille cité, et sur les moyens à employer pour réaliser ce projet.
La question n'était pas neuve assurément. Arcisse de Caumont, Eugène Hucher, l'abbé Robert Charles, Gabriel Fleury et d'autres l'avaient déjà sérieusement étudiée, mfcis sans pouvoir, malgré leurs efforts, arriver à convaincre les diverses manicipalités qui s'étaient succédées, de l'intérêt d'une pareille entreprise. C'est en 1907 que Robert, après de longues études préalables, la reprit dans une conférence sur les grandes trans(1) Nous n'insisterons pas sur les incidents qui suivirent, amenés bien inconsciemment par un certain nombre d'habitants qui avaient arboré le drapeau du Pape et furent, à cet effet, poursuivis et d'ailleurs acquittés. Robert, là encore, se fit leur défenseur et on peut en lire, tout au long, la relation dans son beau volume « les Fêtes de Jeanne d'Arc, au Mans et dans la Sarthe (1909-1910) ». Le Mans, Monnoyer. On y verra aussi l'intensité du mouvement créé par notre ami. Sa conclusion est le vœu qu'une fête patriotique et officielle soit instituée en l'honneur de l'héroïne nationale, libératrice de la France. En cela encore il fut bon prophète.
formations du Mans elle fit une telle impression que, dès 1908, la municipalité, qui avait à sa tête M. Legué, inscrivit le principe des dégagements dans son programme de travaux. Ce fut le point de départ d'une campagne active, et la Société française d'archéologie vint à point au Mans, en 1910, pour la seconder en émettant le vœu d'une prompte exécution. La réponse de la municipalité ne devait pas se faire attendre, puisque l'année suivante la Tour du Tunnel était dégagée Deux ans après, la haute autorité de M. Camille Jullian, de l'Institut qui vint, à son tour, plaider la cause (1), ne fut pas sans influer sur la décision que prirent, en 1918, M. Buon, maire, et ses conseillers, d'acquérir un certain nombre de maisons dont la démolition permettrait d'autres dégagements que la guerre avait suspendus. Enfin, dans le livre du Cinquantenaire de la Société, presque à la veille de sa mort, Robert publiait, on peut dire, son dernier appel en faveur de l'une de ses conceptions les plus heureuses, dont, avoue-t-il lui même, il se fit « l'apôtre ardent et convaincu ». S'il n'eut pas la satisfaction de la voir entièrement réalisée, il put, en toute conscience, se dire que, sans son impulsion et sans sa ténacité, la question n'aurait pas avancé d'un pas. C'est ce qui nous faisait écrire qu'il avait la passion de la ville du Mans et que sa pensée d'historien en poursuivait sans cesse la glorification. Son rêve aurait été d'en publier une histoire générale. Il dut y renoncer, faute de temps. Il se borna à réunir, par quartiers, toutes les études sorties de sa plume sous le titre d'Etudes historiques el topographiques sur la ville du Mans. Si Dieu lui avait prêté une vie plus longue, il eut donné un autre volume consacré aux transformations du Mans, qui aurait été le premier de la série.
Revenons à la conférence que fit en 1910 Eugène LefèvrePontalis. Elle devait être le prélude de la journée que les (1) Cette conférence faite le 15 décembre 1913 avait pour objet Le Mans et le Maine sous les Celtes et sous les Romains, Elle fut publiée dans la Revue hist, et arch. du Maine, t. LXXVI, 1914 p. 3. Robert avait lui-même, le 7 décembre à la Société des Amis des Arts, parlé à nouveau de son projet traitant Les origines de l'art dans le Maine à l'époque gallo-romaine (Id, p. 20).
membres de la Société française d'archéologie, réunis en congrès à Angers et Saumur, allaient consacrer ait Mans le 18 juin. Ils y vinrent au nombre de deux cents. Robert, à leur tête, ne leur épargna aucune visite et sut exciter la vive curiosité des Belges, Anglais et Espagnols, confrères étrangers, non moins que celle des Français, par la façon dont il sut leur faire les honneurs des monuments. Le vicomte de Ghellinck-Vaernewyck, dans ses « impressions d'un archéologue belge » (1), saura gracieusement l'en remercier, en disant qu'il fut « toujours tout à tous » et en souhaitant que « le vaillant et l'intrépide lutteur qu'est M. Triger, arrive un jour à triompher de tous les obstacles et à rendre à la ville du Mans le joyau archéologique l'enceinte galloromaine aujourd'hui encore presque entièrement caché et voilé ». L'amitié des belges pour le président de la Société historique et archéologique du Maine savait saisir toutes les occasions de se manifester. Ce ne fut pas la dernière.
En 1911, de nouvelles sociétés se succèdent au Mans: le 29 juin, la société archéologique d'Ille-et-Vilaine, le 2 juillet, la société des arts réunis de Laval, le 6 juillet, la société historique et archéologique de l'Orne (2), de ce département d'où Robert rapporta tant d'impressions d'enfance et de jeunesse, le souvenir inoubliable de la noble conduite de son père en face de l'ennemi, et puis la vision saisissante de 70. Il aimait à revenir à Alençon et à s'associer aux travaux de ses confrères. N'avait-il pas le culte de deux d'entre eux ? Léon de La Sicotière et Eugène Lecointre, qui incarnaient si bien tous deux ce qu'il était lui-même, historien et patriote, ces deux hommes intègres, exemples de force, de droiture, de générosité française, ces deux normands fermes dans leur volonté autant que dans leurs convictions il les tenait en singulière estime. Retracer leur vie fut donc pour lui une tâche très douce, car il savait, mieux que (1) Le Mans et ses monuments. Impressions d'un archéologue belge {Revue hist. et arch. du Maine t. LXX, 1911).
(2) Ces visites coïncidaient avec l'exposition artistique et industrielle organisée par la Société des Amis des Arts. Robert y avait présenté le plan, dressé par lui, du dégagement de l'enceinte gallo-romaine.
personne, pour les avoir connues et fréquentées, tout ce qu'il y avait dans ces âmes privilégiées de valeur intellectuelle et morale.
En Lecointre, il revivait les impressions ressenties, les scènes tragiques dont il avait été le témoin, le combat d'Alençon, les heures angoissantes de l'occupation il comprenait, mieux que tout enfant, l'héroïque attitude de ce maire inflexible devant les exigences de l'envahisseur, et il l'enviait; il revoyait tout un passé auquel son existence avait été mêlée
En La Sicotière, il admirait ses longues années d'un labeur ininterrompu et fécond, comme il voulait que fut le sien, de recherches inlassables comme il les entendait, pour ajouter toujours des pages nouvelles au grand livre de l'histoire et en tirer des enseignements et des leçons. L'un et l'autre avaient bien travaillé pour le pays. Robert, dont nous ne saurions dire moins, laissa d'eux des biographies (1) qui resteront le plus bel hommage à ces intelligences d'élite.
Alors qu'il recevait, avec son amabilité coutumière, ses confrères voisins tout heureux de se mettre sous sa direction compétente, et de le féliciter de l'acquisition si opportune de la Maison d'Adam et Eve, sauvée ainsi d'une destruction imminente (2), Robert s'occupait activement de la reconstruction au cimetière de Douillet, de la chapelle érigée en 1855 par son grand'père, à la mémoire d'un oncle et où, depuis, furent inhumés tous les membres de sa famille. « C'est là, écrivait-il, que (1) Léon Duchesne de La Sicotière, avocat, sénateur de l'Orne, correspondant de l'Institut (1812-1895). Sa vie et ses œuvres. Alençon, E. Renaud-deBroiae, 1900, in-8*. 11 fut le fondateur, en 1882, et le premier président de la Société historique et archéologique de l'Orne.
Un maire d'Alençon pendant l'invasion allemande. M. Eugène Lecointre 1826-1902. Alençon, Lecoq et Mathorel, 1904, in-8".
Ecrire la vie de M. Lecointre c'était retracer l'invasion prussienne ù Alençon. Pour le faire et il le fit de main de maître Robert outre les documents officiels dont il sut se servir, n'eut qu'à puiser dans ses propres souvenirs que nous avons évoqués en parlant de ses années de collège. (2) Située Grande-Rue, G9. La façade allait être transportée à l'étranger. Robert en assura la possession à la ville, après lui. Il réussit aussi à sauver, en y contribuant de ses deniers, la ravissante statue de sainte Madeleine, du xv* siècle, placée dans une élégante niche sculptée rue de Vaux. La municipalité en fit l'acquisition.
nous viendrons nous reposer à l'abri de la Croix, au milieu de ce bourg de Dquillet que nous aurons tant aimé ». Elle était très simple. Le 28 février 1911, notre ami, voulant lui donner plus d'ampleur, fit l'acquisition de quelques parcelles de terrain à l'entour. Les travaux commencèrent en juin et le 15 août de l'année suivante, 1912, la procession de la paroisse pouvait s'y rendre. Le 2 novembre, le jour des morts, elle était achevée. Nous allons voir, qu'après avoir honoré ses chers disparus et préparé sa demeure dernière, Robert, quand il s'installa définitivement au Mans, entreprit une autre construction, celle de l'asile du travail où désormais il passera sa vie solitaire, n'ayant pour compagnons, que ses livres et ses souvenirs.
H. Tournouer.
(A suivre).
COMPTE RENDU
de l'Excursion de la Société Historique
et Archéologique du Maine
DANS LE PERCHE
27 juin 1928.
A la fin de l'Assemblée générale du 12 mars 1928 dans laquelle fut approuvé le principe d'une excursion dans la région de Bellème, M. Tournoüer, président de la Société Historique et Archéologique de l'Orne, avait, dans une aimable improvisation dont tous les assistants ont certainement conservé le souvenir, félicité ses confrères du Maine de leur choix, les assurant qu'ils trouveraient dans le Perche, en plus de nombreuses satisfactions artistiques, le plus sympathique et le plus cordial des accueils.
A leur tour, les membres de la Société Historique et Archéologique du Maine peuvent se féliciter de leur décision. L'accueil charmant et généreux qu'ils ont reçu le mercredi 27 juin de la Société Historique et Archéologique de l'Orne et de la Société Percheronne d'Histoire et d'Archéologie, dans cette région de Bellème aussi riche en beautés naturelles qu'en curiosités archéologiques, leur a laissé en effet un souvenir inoubliable. Nous aurons à dire au cours de ce récit quelles amabilités furent prodiguées à notre Société. Mais nous tenons dès maintenant à apporter aux deux sociétés amies l'hommage de notre vive gratitude. Grâce à elles, notre excursion fut jalonnée d'agréables et réconfortantes réceptions, et nous leur gardons une reconnaissance émue du charme tout particulier qui vint s'ajouter ainsi à l'intérêt de cette belle journée.
Nous devons pourtant reconnaître, pour le plus grand mérite de nos hôtes, que nous fûmes des visiteurs quelque peu. envahissants Notre troupe se composait en effet de près de
cent-soixante personnes (1) et notre matériel roulant de deux grands auto-cars et d'un nombre impressionnant de voitures de tourisme. Un semblable effectif, si supérieur à celui des années précédentes, montre bien la prospérité et l'heureux développement de notre Société. Mais il laisse aussi deviner quels efforts d'organisation et de direction eut à tournir notre vice-président, M. de Linière, et quelle grande part lui revient dans le succès de cette journée.
(1) Exactement 15" excursionnistes, dont voici les noms
1° Membres de la Société du Maine,
M. François d'Arsigny Mm" Bachelier Mm* Bouvier-Desnos M. Frédéric Beillard M. Boyer M. et Mme J. Boudet; Mme Bidon l'abbé de la Croix M"« Courconx Mlu> Cliesnel M. et Mme Carré M-e Chartier M. et MmRChazalon il. et M™1" Choplin M. et M"eP. Cordonnier-Détric; M11* Détric; M. et Mmo G.Desnos; M. Denis du Pasty; D', Mm* et M1Ib Drouin; Commandant d'Estais; M. Edeline; M"« Espenon; Mm« Fouchard; Mme Gazeau;- Mme van der Gracht; M. et Mme Guilloreau M. X. Gasnos M. et M™* Goutard M"e Guérin M. Paul Gaultier il. Helbert Colonel et Mm« Joly de Colombe et leur fils M. et Mmti de Linière M. et Mme Jacques de Linière M. et ,Mmo René de Linière M. de Lorière M. et M"e l'Eleu M A. Leroux; M. et M'ne Georges Leroux M. et Mme Gaston Leroux; M1'" Leroux; M111' Lecomte Mmr Louvel M11* Latouche M. Mme et M11* Levernieux M. et Mme Leblanc Mrae Lebrun; M. et Mme Lancelin Mlle Langevin M. et M'"e Hubert Le Nlotheux.du Plessis M11* Marie-Antoinette Le Motlieux du Plessis M»" Aline et Marie Le Motheux du Plessis M"« Laigneau M. et MmB Lambert du Chesnay; M H. Morançais M11" Françoise des Mazis; M. Malherbe et ses enfants; M. et MmeMirîel Mma Morancé M. Paul Monnoyer M. M^et MHe' Potel Mme et Mlu Pelicier; MB« de Perceval; M. et Mme R. Quinton M. Quatecous; Vicomtesse Ch. de Rudeval; Commandant, Mm" et MlleRiondel Mœ" G. Rialland M. Rinjard M. Rigault Commandant et M'ie Ricour; Mme de Saint-Rémy Abbé Sergent Mn*« Salomon M'»" Toublanc M. Toublanc M""6 Touchard M. et M11" Taillard; Comtesse Maurice de la Touanne; M"* Solange de la Touaune Vicomte et Vicomtesse de la Vingtrie MIU de la Vingtrie; Mme de Vauguion; M. et Mme Vaidie; Mme A. de Vaublanc; Mmo J. de Wailly de Wandonne.
20 Membres des Sociétés de l'Orne et Percheronne.
M. Tournoüer, président de la Société historique et archéologique de l'Orne, et Mme Tournoüer M. F. Lebourdais, vice-président de la Société Percheronne d'histoire et d'archéologie et sa fille; M. et Mme J. Bournisien; la Marquise et Mllc des Diguères de Ménilglaise; le Vicomte de Banville; le Vicomte et la Vicomtesse Pierre de Romanet de Beaune; M. Mme et M"BS Bourdon; Capitaine et Mme de Fontaines Lieutenant Thibault Commandant de Parfouru; M. et Mme Fergon Comtesse d'Annoux M. Levoyer. 3* Membres de la Commission historique et archéologique de la Mayenne. M. et Mme Hubert.
Ce n'est certes pas une chose aisée que de diriger une excursion comme la nôtre, entraînant le déplacement de tant d'automobiles, de puissances et de vitesses différentes. Surtout quand les passagers sont des archéologues, toujours un peu enclins, comme l'on sait, à s'attarder dans leurs contemplations Aux erreurs de route, si faciles en forêt, aux incidents de moteurs ou de pneumatiques, il faut alors ajouter bien d'autres causes de retard. Mais chaque année fournit son enseignement. En 1928, l'exemple des Sociétés de l'Orne et du Perche a fait apparaitre l'utilité d'un signal de reconnaissance pour les automobiles. Aussi un projet a-t-il pris naissance de doter chaque voiture d'un fanion aux insignes de la Société. Souhaitons que ce projet devienne réalité l'an prochain. Ainsi les automobiles pourront se suivre sans crainte d'erreur et leur pittoresque cortège y gagnera, en même temps qu'une marche plus régulière, une plus grande originalité.
Mais notre mission n'est pas de dévoiler les beaux projets formés pour 19291 Revenons donc sans plus tarder aux réalités de l'excursion de 1928, qui méritent bien de retenir l'attention exclusive de nos lecteurs.
PREMIÈRE PARTIE
LA PERRIÈRE
Au moment précis où sept heures et demie sonnaient à l'église de la Visitation, M. de Linière donnait l'ordre de départ aux deux auto-cars qui devaient former le gros de notre troupe et se trouvaient rangés, conformément au programme, sur la place de la République. Les deux vastes véhicules étaient bondés. Il avait même fallu demander l'obligeant secours de quelques voitures de tourisme pour transporter les passagers qui n'avaient pu trouver de places. Des inscriptions un peu tardives, le fâcheux remplacement au dernier moment d'un des auto-cars prévus, étaient venus, en effet, contrarier les précautions prises pour assurer une place confortable à chacun et une allure rapide aux véhicules.
A 9 heures, les premières voitures arrivaient à la Perrière, petit village plus connu peut être par le magnifique panorama que l'on découvre du haut de sa butte, que par ses curiosités archéologiques.
Pourtant la Perrière mérite l'attention des archéologues et des historiens. Cette bourgade, au caractère bien ancien, fut en effet autrefois une cité très puissante, chef lieu des trois doyennés du Corbonnais. Malheureusement il ne reste aucun vestige de ses fortifications élevées au cours du xie siècle par les seigneurs de Bellême et ruinées pendant la guerre de Cent ans. Sitôt descendus de voiture, les premiers arrivants s'empressent d'aller voir, près du cimetière bordé de grands pins, le magnifique panorama qui, embrassant tout l'ouest, s'étend, dit-on, par temps clair, de la cathédrale de Sées, au Nord, à la cathédrale du Mans, au Sud. Le temps, légèrement couvert, ne permet pas d'apercevoir les tours de ces deux monuments et les amateurs de beaux sites se contentent de fouiller de leurs jumelles les premiers et seconds plans, notamment la forêt de Bellème, qui s'offre tout entière à leurs regards charmés. Dès le début, les deux Sociétés amies de l'Orne et du Perche sont là pour nous recevoir. La Société de l'Orne est représentée par son Président, M. Tournoùer. La Société Percheronne, en l'absence de son Président, le vicomte de Romanet, a très aimablement délégué, pour nous souhaiter la bienvenue, son vice président, M. Lebourdais. Quelques membres des deux sociétés se sont joints à leurs Présidents et la fusion des trois sociétés se fait ainsi très intime et très complète. Après un échange de présentations et de compliments, M.Tournoiïer donne en quelques mots l'histoire de la Perrière. Puis il prend la tète de notre groupe et lui fait visiter l'église et le village. Que de fois, dans cette journée, devait-il nous permettre ainsi de profiter de sa grande compétence et nous servir de guide dans cette région de Bellrme qu'il connaît si parfaitement
L'église de la Perrière, de style roman., <;st attenante à une tour du xme siècle. La porte d'entrée est plus récente, mais on
voit encore, à l'extérieur, t ancienne porte principale romane, qui fut murée le siècle dernier.
L'intérieur date du xvc siècle, mais a été restauré rien n'y attire spécialement l'attention, sauf peut-ètre une Vierge du xvne siècle.
Le village lui-même a un caractère assez original avec ses maisons aux toits pointus. On y remarque un petit manoir à
tourelles, du xvie siècle, qui fut le logis de Guillaume Mauger, évêque de Sées, né à la Perrière.
Tandis que se font ces visites, le nombre des membres de l'excursion ne cesse de s'accroitre. Autour de l'église, et dans le village règne une joyeuse animation. Il manque toutefois les passagers d'un des auto-cars. Notre président s'inquiète mais sa crainte est de courte durée. Quelques instants plus tard, en effet, le lourd véhicule apparaît, grimpant avec effort la longue côte en lacets qui conduit au village de la Perrière. Rapidement les nouveaux arrivants jettent un coup d'oeil sur le village, son église et son splendide panorama. Puis le signal du départ est donné; chacun reprend sa place et une à une les voitures s'en vont vers Bellême, par le merveilleux chemin de forêt et Saint-Martin-du-Vieux-Bellême.
BELLÊME
A Bellême, le lieu du rendez-vous était la place de l'Eglise Saint-Sauveur, point central de la célèbre petite ville. Fidèles aux instructions du programme, de nombreux membres s'y trouvent bientôt réunis. En attendant ceux que les beautés de la forêt, une erreur de route, peut-être aussi. une lecture insuffisamment attentive du programme ont retardés ils devisent avec animation.
Le quart d'heure de répit qui résulte de ce retard, permet aux membres des trois Sociétés de faire plus amplement connaissance. C'est ainsi que de nombreux Manceaux ont l'occasion d'être présentés à un membre particulièrement aimable de la Société Percheronne d'Histoire et d'Archéologie, M. Bournisien, dont ils devaient être les hôtes, au cours du déjeuner, dans le beau logis de la « Grand'Maison ».
M. Bournisien n'est pas seulement le confrère très sympathique dont tous les membres de la Société du Maine devaient bientôt célébrer l'amabilité et l'entrain. Il apparaît encore, aux yeux des connaisseurs, comme l'archéologue très averti auquel Bellême doit la conservation de maint monument de valeur, dont il a fait l'acquisition.
L'historique de Bellême fut fait par M. Tournoüer du haut des marches qui donnent accès à l'église Saint-Sauveur. L'ancienne ville de Bellême se composait de quatre parties le château, la ville close et les deux faubourgs Saint-Sauveur et Saint-Pierre.
Le château est entièrement détruit aujourd'hui. Son enceinte couvrait la place actuelle des Halles, qu'elle débordait largement vers le Midi elle s'étendait jusqu'au boulevard des Promenades, construit. sur le nivellement des anciens fossés. Le donjon était isolé dans la partie Nord. A l'Ouest se trouvaient la Maison du Gouverneur et les casernes; au Midi, la collégiale Saint-Léonard, bâtie par Guillaume Talvas 1°' et saccagée de fond en comble en 1562 par les troupes de l'amiral Coligny.
Cette collégiale vaste et somptueuse était un lieu de pèlerinage fameux; elle possédait, au dire des chroniques du temps, une voûte majestueuse qui faisait l'émerveillement des pèlerins.
Le château communiquait avec la Ville close par une porte aujourd'hui démolie, dont on situe l'emplacement vers le milieu
de la rue du Château. Les murailles de la Ville close, dont une bonne partie existent encore, avaient environ huit cents mètres de tour. Une seule des deux entrées a été conservée; l'autre, située au bas de l'actuelle rue de la Ville close fut démolie récemment on peut toutefois en retrouver les traces. Cette partie de la vieille ville, en raison de sa faible surface, ne pouvait contenir la population de Bellême. Deux faubourgs se construisirent peu à peu et se développèrent l'un, SaintPierre, vers l'Est l'autre, Saint-Sauveur, vers le Nord. Chacun avait son église, mais les deux monuments furent détruits Saint-Sauveur lors du sac de la ville par les troupes de l'amiral Coligny, Saint-Pierre sous la Révolution. Seule, l'église de Saint-Sauveur fut reconstruite (xvie siècle) et devint par la suite le centre religieux de Bellême.
Dans les deux faubourgs subsistent plusieurs vieux hôtels qui appartinrent à des familles notoires dont quelques membres jouèrent un rôle important dans l'histoire de Bellême. Parmi ces célébrités, il y a lieu de nommer spécialement Pierre de Fontenay, gouverneur du Perche sous Henri IV et capitaine fameux, qui mérita de voir graver sur le fronton de sa demeure, cette belle inscription « Hic veius miles ». L'histoire de la famille de Fontenay ainsi que M. Tournoüer se plait à le rappeler-est intimement mêlée, pendant de longues années, à celle de Bellême.
Les deux faubourgs de Saint-Sauveur et de Saint-Pierre n'avaient pas de fortifications propres. Le système de défense de Bellême comprenait exclusivement le château et la Ville close. L'ensemble constituait d'ailleurs une place extrêmement forte, qui reçut des nombreux assauts. Sept fois la ville fut assiégée.
En 1112, la ville fut prise par Henri Ier, roi d'Angleterre. A cette époque le monarque anglais retenait prisonnier, au mépris des lois de la guerre, le vaillant Robert II, seigneur de Bellême, qui était venu le trouver comme ambassadeur du Roi de France. Plutôt que de tomber entre les mains d'un ennemi sans foi ni loi, les défenseurs de Bellême se firent tuer héroïquement.
Le second siège (1228) est demeuré célèbre dans les annales de Bellême, car il fut fait par Blanche de Castille, accompagnée de son jeune fils, le futur Saint-Louis. La reine entra triomphalement dans la ville en janvier 1229 et le souvenir de cette entrée est rappelé par la fameuse « Croix Blanche » ou « Croix Feue Reine », aujourd'hui propriété de M. Bournisien, située à proximité de la route du Mans.
Bellême fût pris en 1412 par le roi de Naples, Louis d'Anjou puis en 1417 par le roi d'Anglcterre, Henri V. Mais, en 1449, Jean II, duc d'Alençon le reprenait aux Anglais. Le siège de 1562, qui fit tomber la ville entre les mains de l'amiral Coligny, causa à la ville de très grands dégâts. Pendant vingt ans, Bellème appartint aux protestants. Ensuite elle fut reprise par les Ligueurs, puis restituée huit ans après au roi de France Henri IV, par le célèbre Pierre de Fontenay, qui en devint, de par la volonté royale, le Capitaine.
L'EGLISE SAINT-SAUVEUR
Nous avons dit que la première église Saint-Sauveur fût détruite, après le siège de 1562, par les troupes de l'amiral Coligny. Ce monument datait au moins du x" siècle. Il était en effet antérieur à la chapelle de Saint-Santin dont nous aurons à parler par la suite construite par le premier seigneur connu de Bellème, Yves de Creil, mort en 987.
L'église actuelle date du xvic siècle. Faute d'argent, elle fut édifiée très lentement. On construisit d'abord le corps principal, comprenant le chœur, la nef, le transept et les quatre chapelles attenantes à la nef du côté nord ce premier ensemble est abrité sous une même voûte en bois, richement décorée, et bien caractéristique du Perche; ensuite les quatre chapelles attenantes à la nef du côté sud; enfin, la tour, construite seulement en 1678.
A l'extérieur, cette tour est décorée de chapiteaux. On peut lire encore sur l'une de ses faces l'inscription de Robespierre « Le Peuple Français reconnaît l'Etre Suprême et l'immortalité
de l'àme. » A l'intérieur de la tour se trouve une cloche très ancienne, provenant du beffroi de l'Hôtel de Ville. L'église elle-même, assez riche, ne présente, au point de vue archéologique, qu'un intérêt de second ordre.
Le maître-autel, surmonté d'un baldaquin à six colonnes de marbre, est décoré de très belles sculptures sur bois, exécutées au Mans, et d'un grand tableau de Jacques Oudry, père du célèbre Jean-Baptiste Oudry, reproduisant la « Transfiguration» » de Raphaël. On remarque de chaque côté deux grandes et belles statues, représentant Saint Pierre et Saint Léonard. Le choeur est entouré de panneaux de bois sculptés provenant, semble-t-il, de la Chartreuse du Val Dieu. Deux trumeaux, signés de Guillaume de Montpellier et datés de 1768, surmontent les portes de la Sacristie. Par les scènes qu'ils représentent, l'une l'entrevue de Saint Antoine le Grand avec Saint Paul, l'autre Saint Bruno prosterné, ils confirment l'hypothèse faite sur l'origine des boiseries du chœur.
Les chapelles de la nef contiennent quelques beaux autels du xviii' siècle. On y remarque, avec quelques vitraux intéressants, d'assez jolies peintures
Dans la chapelle Sainte-Catherine « l'Adoration des Bergers », d'après Mignard.
Dans la chapelle Saint-Thomas, aujourd'hui chapelle du Sacré-Cœur « l'Apparition du Christ à Saint Thomas », d'après Salviati « le Christ au Jardin des Oliviers de Chassevent. Dans la chapelle Saint-Louis « Mater Dolorosa », de M"e Marguerite Bourdon de Launay, et une peinture sur porcelaine, d'après Murillo, « la Naissance de la Vierge». Une inscription rappelle la mémoire de Louis Petitgas, fondateur de la chapelle.
Dans la chapelle Saint-François de Paule, maintenant chapelle Saint-Joseph, la décoration est moderne.
Dans la chapelle N.-D. auxiliatrice la « Vierge », d'après Rubens et quelques vieux vitraux.
Dans la chapelle N.-D. de Pitié, aujourd'hui chapelle SaintLouis une copie par Charles du Fresne du Postel de la « Des-
cente de Croix », et un curieux tableau d'Eugène Isabey « Le Sauveur marchant sur les eaux ». Les vitraux rappellent le fameux siège de Bellème par Blanche de Castille et son jeune fils.
Dans la chapelle du Rosaire, la « Sainte-Famille », d'après Bouguereau. Cette chapelle est de beaucoup la plus riche. Sa décoration de marbres et de mosaïques, entièrement exécutée
par des artistes italiens, est due à la générosité du fondateur des magasins du Bon Marché, Aristide Boucicault, né à Bellème. Dans la chapelle des Ames du Purgatoirc une « Sainte Famille », considérée comme une des plus intéressantes peintures de l'Eglise.
La visite de l'Eglise Saint-Sauveur se lit sous la direction de M. Tournoùer. M le Curé et son Vicaire voulurent bien l'honorer de lcur présence, et nous leur renouvelons ici l'ex-
pression de la vive gratitude de la Société pour cette marque d'intérêt et de courtoisie.
Les membres de l'excursion, après les explications données par M. Tournoüer dans l'église même, se répandirent dans les chapelles pour étudier les détails sur lesquels leur attention avait été attirée. Avant de sortir, ils admirèrent encore les fonts baptismaux, œuvre originale et curieuse, exécutée en 1684 par le sculpteur manceau Durand.
L'HÔTEL DE VILLE
L'Hôtel de Ville actuel de Bellême, construit en 1780, était initialement la salle d'audience du Bailliage des Eaux et Forêts. Devenu mairie par la suite, il fut partiellement reconstruit sur de nouveaux plans au cours du siècle dernier.
Cette transformation amena la disparition de quelques parties intéressantes de l'édifice, notamment la chapelle de la prison et les fameux cachots de la châtellenie de Bellême.
Le bàtiment,«en lui-même, ne présente pas un grand caractère architectural, mais d'intéressants souvenirs y sont attachés. C'est en effet dans la salle d'audience du Bailliage des Eaux et Forêts que se sont tenus les Etats-généraux du Perche en 1789. Déjà Bellême avait été choisie en 1558, 1614, 1649 et 1651 comme lieu de tenue des Etats provinciaux et ses habitants voyaient dans ce choix une reconnaissance implicite du droit de leur ville au titre de capitale du Perche.
L'Hôtel de Ville contient aussi d'intéressants détails, notamment les belles boiseries anciennes de la salle de la justice de paix et le médaillon de marbre de la salle des séances. Ce grand médaillon ovale mérite de retenir l'attention entièrement en marbre noir, il est encadré de palmes et surmonté d'un écusson couronné. En son centre, une inscription en lettres d'or traduit la reconnaissance des habitants de Bellême envers trois notables de Mortagne, Bellême et Nogent-le-Rotrou François Berthercau, Pierre de Fontenay et Guéroult des Chabottières, qui furent députés par le Perche auprès 'du roi
Louis XVI pour demander l'abolition d'un impôt nouveau. La mission fut couronnée de succès et les habitants du Perche, dans leur enthousiasme, voulurent graver sur le marbre le souvenir de cet événement mémorable. Ils ne s'en tinrent d'ailleurs pas là. Trois médailles d'or, dont un exemplaire est encore possédé par la famille de Fontenay, et cent médailles d'argent, aujourd'hui très rares, furent gravées également et remises aux trois héros et aux témoins de cet événement.
Notons encore un souvenir conservé dans l'Hôtel de Ville de Bellème les fameuses cages de bois, qui formaient autrefois les cachots de la chàtellenie. Malgré leur accès difficile, elles reçurent la visite de la plupart des membres de la Société et eurent leur habituel succès de curiosité 1
LA MAISON DU GOUVERNEUR
Pour aller de l'Hôtel de Ville à la Maison du Gouverneur, on passe sous une des anciennes portes de la ville close. Cette porte, très épaisse, est formée de quatre ogives successives. La Maison du Gouverneur, comme d'ailleurs le porche de la ville close, est devenue depuis quelques années la propriété de M. Bournisien; elle a échappé ainsi à la pioche des démolisseurs ou à la ruine du temps.
De ce changement de propriété les visiteurs peuvent se féliciter doublement. Il leur vaut en effet, en plus du plaisir d'admirer ce bel hôtel ainsi sauvé de la ruine, l'agrément d'être les hôtes de M. Bournisien. Et les membres de la Société du Maine savent aujourd'hui ce que comporte d'affabilité et de courtoisie une semblable hospitalité.
L'heure toujours pressant, il fallut malheureusement traverser trop vite les pièces de la Maison du Gouverneur. A peine eût-on le temps d'admirer le salon du rez-de-chaussée, avec ses magnifiques boiseries et ses trumeaux du xvni" siècle la salle de billard, autrefois salle à manger, qui contient des boiseries et une serrure intéressantes la chapelle et le salon empire du premier étage, curieusement décoré de fort belles tentures en papier des
manufactures de Mulhouse, dont il ne reste en France que de très rares spécimens.
Les jardins en terrasse, d'où l'on a une très agréable vue sur les environs de Bellème, auraient mérité, eux aussi, un passage moins rapide. Malheureusement il fut impossible de s'y attarder. L'heure du déjeuner approchait et il restait encore une visite importante à faire celle de la Motte de Saint-Santin et de son antique chapelle de N.-D. du Vieux-Château.
Avec hâte chacun se dirigea vers ce lieu célèbre, dont la présentation devait clore dignement cette belle et intéressante matinée d'excursion.
LA MOTTE DE SAINT-SANTIN
Les travaux de la Société anglaise « Balliol Earthworks Survey », venue l'an dernier dans le Maine pour étudier les fortifications de l'époque de Guillaume le Conquérant, ont attiré l'attention de plusieurs membres de notre Société sur ces 4 ancêtres » des châteaux forts que sont les mottes féodales. Aussi la visite à la fameuse motte de Saint-Santin, première fortification élevée par les seigneurs de Bellême, était-elle attendue par plus d'un avec une vive curiosité.
A vrai dire, une visite à Bellême qui voudrait respecter exclusivement l'ordre chronologique, devrait avoir son début à la motte de Saint-Santin. Cette antique forteresse, simple butte circulaire en terre rapportée, jadis complétée par des palissades, est en effet la première fortification connue de Bellême. Elle apparaît dans l'histoire avec Yves de Creil, lui-même premier seigneur connu de Bellême. A ce moment existait un premier château, détruit au xv° siècle pendant l'occupation anglaise, et dont il ne subsiste qu'une très vielle chapelle, dite de N.-D. du Vieux Château.
La seconde forteresse, avec son donjon, ses murailles et ses fossés fùt construite ultérieurement par le fils d'Yves de Creil, Guillaume Talvas I, qui trouvait sans doute insuffisante et trop peu moderne la forteresse où son père s'était abrité.
La motte elle-même existe toujours On en suit parfaitement le contour circulaire et si le coquet manoir et la végétation qu'elle supporte aujourd'hui lui ont retiré tout aspect guerrier, du moins frappe-t-elle encore l'imagination par sa masse imposante, qui évoque un travail de manutention de terre considérable pour l'époque. Et des rapprochements que nos confrères anglais ne considèrent pas comme purement imaginatifs se font naturellement entre notre moderne système de protection par talus et tranchées, et ce système de défense par mottes et fossés imaginé par ces grands manieurs de terre que furent, il y a dix siècles, nos ancêtres.
De l'antique château, il ne reste, comme nous l'avons dit, que la chapelle de Notre-Dame du Vieux Château, chapelle infiniment curieuse, malgré de maladroites réparations, par ses origines qui remontent à la seconde moitié du xe siècle, par sa forme primitive, par sa charpente apparente et par sa crypte. A cette crypte, de caractère si ancien avec ses deux fenêtres basses et sa voûte en berceau que supportent des piliers simples et massifs, surmontés de chapiteaux carrés, donne accès un couloir de disposition assez curieuse prolongeant en effet l'allée centrale de la très courte nef, il pénètre dans le grand escalier, d'une dizaine de marches, qui sépare la nef du cheeur et le partage en deux parties.
Cette vieille chapelle, comme la motte elle-même, fût présentée à l'assistance avec beaucoup de science par M. Paul Cordonnier-Détrie, notre collègue. Malheureusement l'heure tartive ne permit pas à l'orateur de lire in-extenso les notes très documentées qu'il avait préparées. Il ne put que donner quelques substantiels renseignements sur ces monuments vénérables et sur leurs propriétaires, les fameux seigneurs de Bellême, dont le plus célèbre, injustement décrié par beaucoup d'historiens, est peut-être le rude Robert II, dit le Diable. Mais nos lecteurs auront le plaisir de trouver dans un prochain bulletin le texte de ce consciencieux et intéressant travail. M. Tournoûer prit ensuite la parole et dans un discours maintes fois applaudi rendit un bel hommage au vicomte du
Motey, l'historien de Robert II de lîellème, et au marquis de Chenncvières, membre de l'Institut, ancien propriétaire du manoir de Saint-Santin. Puis les membres de l'excursion pénétrèrent dans l'antique chapelle de Notre-Dame du Vieux Château dont la visite devait clore le programme de cette intéressante matinée.
LE DÉJEUNER A LA GRAND'MAISON
II était plus de midi quand se termina la visite à la Motte de Saint-Santin. Par un joli chemin qui permit de se rendre compte d'une façon plus précise de l'aspect général et du volume de
la fameuse fortification, les membres de l'excursion se dirigèrent vers le lieu du déjeuner. Les appétits étant aiguisés par cinq heures d'excursion, le chemin parut doublement agréable. Le déjeuner fût servi dans une partie du logis de la « Grand' Maison », mis très aimablement à la disposition de la société par M. et Mme Bournisien. Une grande tente avait été dressée en prolongement d'une des \astes pièces de cette belle demeure et l'ensemble, décoré de la façon la plus heureuse, formait un cadre fort agréable et du meilleur goût pour cette belle réunion.
Rapidement chacun choisit sa place et le déjeuner commença. Mais 'tandis que les convives faisaient honneur à la cuisine du maître d'hôtel de la Boule d'Or, M. Guilloux, et profitaient gaiement de cette heure de détente, inlassablement M. Bournisien passait derrière les tables, attentif à la bonne ordonnance du repas et au bien être de ses hôtes. Aussi, grâce à cette vigilance du maître de maison, le repas se déroula-t-il d'une façon parfaite.
Au dessert, une surprise attendait les convives le champagne, non prévu au menu, fût servi. Est-il besoin de dire que l'anonymat du donateur demeura de courte durée? Quelques minutes après toute l'assistance témoignait par ses applaudissements sa profonde reconnaissance à M. et Mme Bournisien pour cette nouvelle marque d'attention, qui complétait leur généreuse et cordiale réception.
L'heure des toasts était arrivée. Le premier M. de Linièrc prit la parolc et dans un discours plein d'à-propos, qui fut très goûté de l'auditoire, salua les hôtes de notre Société. '11 se fit d'abord l'interprète des sentiments unanimes en remerciant .M. et Mmo Bournisien de l'hospitalité si large et si gracieuse offerte à la Grand'Maison, dans ce cadre reposant et familial. Il pouvait dire que Bellême est le fief de M. Bournisien, car en outre de cette si agréable demeure, l'ancienne Grand' Maison Forestière de la Forêt royale de Bellême, n'est-il pas le propriétaire de la maison du Gouverneur, du vieux Porche de la ville close et des derniers remparts du Château-Fort disparu ? Il adressa ses remerciments à Mme Bournisien pour avoir bien voulu présider ce banquet si aimablement décoré par ses soins, et avoir fait couler dans leur verre un champagne si délectable. Puis le vice-président de la Société salua la Société percheronne d'histoire et d'archéologie dans la personne de M. Frantz Lebourdais, notre collègue, vice-président, remplaçant M. le vicomte de Homanet, son distingué président, actuellement éloigné du Perche. Il rendit un hommage de déférente sympathie à celui qui, en 1890, fondait en collaboration avec M. Tournoüer le Recueil des Documents sur la Province du Perche et qui, dix ans plus tard, fondait avec le même et trois aulres érudits la Société percheronne d'Histoire et d'Archéologie et peu après le Musée percheron de Mortagne.
C'est grâce à ces historiens que le Perche, démembré en 1790 entre quatre départements, doit d'avoir repris sa personnalité et de pouvoir célébrer les fastes de son histoire.
Après avoir rappelé la grande figure longtemps déformée de Robert de Bellême et les défenses érigées par lui contre toute tentative belliqueuse des Manceaux, l'orateur rappela l'anecdote du retour à Bellême le 2 avril 1788 de Louis-Jacques Bayard de la Vingtrie, lieutenant criminel de Bellême et de plus lieutenant général et maire de la ville, qui ramenait sa jeune femmequ'il avait épousée au Mans – escortée par un groupe de Manceaux, ses parents. Ceux-ci ne furent pas mieux fêtés par la ville de Bellême que ne l'est aujourd'hui la troupe de nos excursionnistes, parmi lesquels se trouve le descendant du dernier lieutenant criminel de Bellême..
M. le Dr Boutron, maire de la ville, en s'excusant de ne pas s'asseoir à cette table, a tenu a nous exprimer ses souhaits de bienvenue, tant au nom du Conseil municipal que de la population bèllemoise.
M. de Linière invita les membres de la Société percheronne à nous rendre dans le Maine, la visite faite aujourd'hui, et il salua les personnalités étrangères à la Sarthe qui sont venues les rejoindre et prendre part au déjeuner, notamment M. et M'"8 Tournoüer, le vicomte Pierre de Hornanet, qui nous ouvrira tout à l'heure le château des Feugerets et le lieutenant Thibault, le prieuré de Sainte-Gauburge. Il demanda que chacun apposât sa signature sur le Livre d'Or de la Grand'Maison et il leva son verre aux applaudissements de tous en l'honneur de nos très aimables hôtes et de la Société percheronne.
M. Bournisien répondit à M. de Linière par quelques aimables paroles de remerciement. Mais un regrettable souci de brièveté l'empêcha de développer le discours qu'il avait préparé. Heureusement le texte nous en est parvenu et nous nous faisons un plaisir d'en reproduire ici les principaux passages. Mesdames, MESSIEURS,
« J'aurais bien voulu ne pas retarder votre légitime impatience d'aller admirer les monuments que vous devez visiter dans quelques instants, mais comment ne pas me lever à mon tour après avoir entendu les paroles si flatteuses trop flatteuses – de votre cher Président. t.
Il me semble qu'il a interverti les rôles Nous remercier?
Mais au contraire, c'est nous qui devons adresser une gratitude et une reconnaissance méritée, à lui de nous avoir choisis pour recevoir la Société historique et arehéologique du Maine à vous tous, Mesdames, Messieurs, d'avoir bien voulu accepter notre invitation à venir prendre vos agapes fraternelles dans le clos de la Grand'Maison.
Vous qui êtes habitués à visiter des châteaux superbes où des princes, des grands seigneurs ont vécu; et à entendre le récit des réceptions d hôtes illustres qu'ils ont abrités. Que diriez-vous si je vous narrais les visites sensationnelles qui ont fait tressaillir cette vieille demeure ?
Avec une grande humilité je vous dirai que les hôtes royaux de la Grand'Maison n'étaient que des cerfs, habitants de notre belle Forêt.
J'ai retrouvé jadis dans de vieux papiers de famille un parchemin signé d'un nom, illisible pour moi profane, mais qui, précédé des mots « Pour le roi », devait avoir une grande valeur. J'ai trouvé, dis-je, un parchemin daté, si j'ai bonne mémoire, de 1684, où le roi donnait le droit au sieur de Lavie, maitre particulier des eaux et forêts en la maîtrise de Bellême (un de nos grands pères), propriétaire de la Grande Maison forestière au baillage de Bellème, « de conserver dans ses écuries le cerf dix-cors qui l'avait visité ».
Et j'ai encore connu avant la réfection de ces écuries, il y a cinquante ans environ, un réduit où le vieux domestique, qui déjà à cette époque était chez mes grands parents, me menaçant toujours de m'enfermer, disant « Mon petit gars, si tu n'es pas sage, je vas (sic) t'enfermer dans l'écurie au cerf ». Le 27 novembre 1911, l'équipage du comte de Levis-Mirepoix chassait en Bellème un beau dix cors. Sur ses fins, l'animal débouche sur la petite ville de Bellême et quand nous l'avons rejoint nous l'avons trouvé tenant tête aux chiens dans le clos de la Grand'Maison après une randonnée dans les rues de la petite ville. »
M. Bournisien voulut bien nous assurer en terminant que la visite de la Société du Maine, dans la vieille demeure de ses ancêtres, y laisserait un souvenir plus durable et encore plus mémorable que les incursions des cerfs et il adressa un merci très cordial à ceux qui avaient répondu à son invitation. M. Tournoùer prit le dernier la parole, en son nom personnel, dit-il, et aussi au nom de M. Lobourdais, vice-Président
de la Société Percheronne d'Histoire et d'Archéologie. Après avoir félicité et remercié M. de Linière de la façon la plus aimable, il rappela le souvenir d'une excursion faite en 1906 dans la région de Bellèmc par la Société de l'Orne et à laquelle avait pris part Robert Triger, président de notre Société. Le déjeuner, servi en foret, avait déjà permis d'applaudir le talent d'organisateur et l'amabilité de M. Bournisien.
Ce souvenir fût, pour l'orateur, l'occasion d'adresser un hommage ému au regretté Robert Triger. Par une délicate attention, il associa au nom du Président défunt celui de M. de Linière qui assume les charges d'une présidence effective et se montre le digne héritier du Maître disparu. Enfin, répondant au discours de M. de Linière, il fit allusion à son tour à Bavard de la Vingtrie qui purgea le pays de Bellèine de malfaiteurs dont les attaques rendaient peu sûres les routes avoisinantes.
Après ce discours, maintes fois applaudi, les membres de l'excursion se levèrent de table et allèrent signer dans la salle de chasse où se trouvent les nobles dépouilles du cerf mis
à bas le 27 novembre 1911 le Livre d'Or de la Grand'Maison. M. et Mine Bournisien ouvrirent toutes grandes les portes de leur belle demeure, dont Mme la marquise des Diguères, leur fille, fit avec eux les honneurs et chacun pût admirer les magnifiques collections, patiemment réunies, qui font de ce logis un véritable musée d'art, où sont notamment conservés de très intéressants et très précieux souvenirs de la famille royale.
Non loin de là, dans une dépendance du logis, la prévoyance de nos hôtes avait fait installer un bureau de tabac où de nombreux membres purent se procurer de jolies cartes postales des lieux visités par notre Société au cours de la journée, L'hospitalité de M. et Mme Bournisien est de celles auxquelles on s'arrache difficilement. Aussi ne regagna-t-on les automobiles qu'avec un certain retard sur l'horaire. Toutefois, grâce au réconfort de ces deux bonnes heures passées au logis de la Grand'Maison, on se remit vaillamment en route. Et l'on s'attaqua avec entrain à la seconde partie du programme, fort chargée elle aussi, mais non moins heureusement jalonnée d'arrêts hospitaliers et de courtoises réceptions
G. LEROUX.
DEUXIÈME PARTIE
LE CIIATEAU DES FF.UGERETS
La caravane se remit en route dans la direction de la FertéBernard, sous un soleil qui, mal assuré au matin, alors que les excursionnistes interrogeaient l'horizon du haut de la butte de la Perrière, affirmait sa force de plus en plus au fur et à mesure que la journée s'avançait. Et cette lumière croissante, parmi ces nobles paysages animés pour nous d'accueils si généreux, tout se réunissait pour faire de cette journée un de ces « clous d'or » dont parle le poète, auquel la mémoire continue à s'attacher indéfiniment, si loin qu'il s'enfonce dans le passé. La première étape de l'après-midi fût au château des Feugerets, situé sur le territoire de la commune de la Chapelle-Souëi, et où la Société reçut de M. le Vicomte et Mme la Vicomtesse Pierre de Romanet de Beaune l'accueil le plus affable. Campés à gauche de la route sur une motte, précédés, d'une terrasse à balustres qu'encadrent deux pavillons, les Feugerets dressent fièrement sur l'horizon leur masse de pierre blanche que flanquent de gauche et de droite une tour ronde en poivrière et une tour carrée à toit pyramidal
Le château est entouré de fossés larges et profonds. Un pont en pierre, bâti au-dessus des fossés, donne accès dans la cour dont une grille ferme l'entrée. L'aspect de la terrasse est vraiment seigneurial et rappelle d'autres siècles. Les balustres de pierre qui la bordent de toutes parts s'interrompent vis-à-vis du château pour faire place à un grand escalier en fer à cheval, par lequel on descend dans une seconde cour dominée par la terrasse et de chaque côté de laquelle s'étendent des bâtiments de dépendances.
L'ensemble est du xvie siècle, époque de la construction par Jean, seigneur du lieu depuis cette date lointaine, par un rare privilège, cette noble demeure n'a jamais connu la disgrâce des enchères. Pendant trois siècles, elle est restée la propriété de la famille même dont elle portait le nom, avant de passer par
des alliances tour à tour dans les maisons de Semallé, de Broc et de Romanet. Il en est des édifices comme des peuples, les plus heureux sont ceux qui ont le moins d'histoire. A défaut d'un passé compliqué, celui-ci s'enorgueillit du moins d'avoir vu passer tour à tour dans ses murs, sans doute Mignard, et en tout cas le Dauphin, fils du Grand Roi, qui y vint, dit-on, plusieurs fois. Surtout, la sérénité si rare de sa vie est inscrite dans ses beaux salons, dont l'ameublement harmonieux et l'ensemble des portraits de famille qui y sont conservés, donnent aux visiteurs émus l'impression la plus touchante à travers les siècles dont les modes changeantes dont ils sont revètus révèlent l'évolution, ces êtres tous d'un même sang, dont les images se succèdent sur ces murailles, témoignent de la longue durée du château où ils ont vécu tour à tour et où nous venons les surprendre. Leur ensemble compose une histoire vivante, et à les voir ainsi réunis et si heureusement continués par leurs petits enfants qui les remplacent aujourd'hui, l'on éprouve l'émotion respectueuse de se trouver en présence de cette grande force si rare dans notre univers de plus en plus chaotique la Tradition.
Cette impression fut heureusement traduite par notre VicePrésident, lorsqu'au nom de toute la Société, il adressa la parole à nos aimables hôtes.
« Vous continuez, nous le voyons, aux Feugerets, ces traditions d'urbanité, de large hospitalité, dont les Semallé et les Broc, vos parents, ont laissé dans ce pays un souvenir qui restera très profond et très durable.
« Ils avaient fait de cette maison un foyer de l'intelligence et de l'étude, où la littérature, la poésie, les arts, étaient en honneur. Leur salon tout peuplé des portraits des anciens seigneurs, leurs aïeux, toujours ouvert à leurs nombreux amis, restait comme imprégné de toutes les grâces des siècles passés. « Comment ne rendrais-je pas plus spécialement hommage à celui qui vous a précédés ici, au marquis Hervé de Broc, notre compatriote qui s'est distingué comme écrivain et comme historien (1), et a mérité pour ses volumes de « l'Ancienne France», une très haute récompense de l'Académie française. (1) Le marquis, alors vicomte, Hervé de Broc, a publié la Notice sur les seigneurs et le Château des Feugerets. suivie d'études sur la Province du Perche. (Le Mans, imprimerie Monnoyer, 1883).
« Nous constatons chez vous, mon cher cousin, ce respect des traditions, et nous n'en sommes pas étonnés du fils du Président de la Société percheronne.d'lIistoire et d'Archéologie. « Nous saluons aussi votre intelligente et moderne activité qui vous a valu, si jeune encore, d'obtenir par deux fois, le mandat de conseiller général, de la confiance bien justifiée de vos concitoyens.
« Madame de Romanet, descendante comme vous de la vieille lignée des marquis des Feugerets, saura mieux que toute autre, préserver de toute atteinte ce glorieux, mais lourd héritage, de vos communs ancêtres.
« Nous admirions l'année dernière, au château de Montécler, au Bas-Maine, l'effort continu des générations d'une même famille qui s'y étaient succédées pendant plus de quatre siècles. « Ici, avec une réelle ressemblance de style, nous retrouvons dans cette importante demeure, berceau de la famille des Feugerets et qui n'a jamais été vendue, les mêmes caractéristiques, les mêmes qualités, le même charme.
« Ce beau château, construit sous le règne de François 1er par Jean des Feugerets, premier du nom, est certainement l'un des mieux conservés et des plus séduisants du Perche. Avec ses assises puissantes, ses terrasses et ses balustres, il nous rappelle aussi le château de Courcelles au Maine, dont la disparition nous a causé tant de regret. »
Puis, il remercie les châtelains des Feugerets pour l'aimable accueil reçu et pour les rafraîchissements libéralement offerts dans l'hospitalière salle à manger (1).
Cependant, le temps inexorable courait, et notre programme encore très chargé exigeait que l'on se remit en route. Nous le fîmes, malgré les bruils sinistres qui couraient une fois encore au sujet de notre auto-car de rencontre, sur lequel semblait peser un sort néfaste, sous les espèces des plus modernes « pannes ». LE MANOIR DE LANGENARDIKRE
Après avoir traversé, sans avoir le temps de s'y arrêter le village de Saint-Cyr-la-Rosière (quel joli nom, évocateur à la fois de « casoars » et de couronnes de lys !), ceux d'entre nous (li Nous avons appris avec un très grand regret la mort de la vicomtesse Pierre de Romanet, née d'Oresmieulx de Fouquières, survenue le 13 décembre, et nous exprimons à sa famille nos douloureuses et bien sincères condoléances (N. 1). L. H ).
que favorisait encore la chance de véhicules complets se virent tout d'un coup, en rase campagne, en présence d'une vaste habitation à l'aspect féodal, d'un édifice de l'aspect le plus imposant deux tours du xvie siècle, garnies de meurtrières et de mâchicoulis, y dressent brusquement leurs hautes masses devant le visiteur intimidé, et évoquent en lui l'idée d'une redoutable forteresse. Forteresse jadis, hélas, car à l'heure
actuelle, cette construction guerrière est réduite au plus pacifique et plus modeste emploi. Cincinnatus est retourné à la charrue, et ce formidable engin de guerre civile est passé au rang d'humble ferme. Ainsi va-t-il en advenir, du reste, des autres monuments du passé que nous allons visiter tout à l'heure et vraiment, l'on peut se demander ce qui touche le plus les pèlerins que nous sommes, des édifices où, par une prérogative extraordinaire, la vie de jadis se perpétue et se révèle à nous avec tous ses anciens prestiges, ou de ceux que la solitude a repris et que la mort guette, mais dont les ruines parlent si haut à notre imagination.
Cette « folle du logis » a du reste le plus beau jeu à s'exercer à Langenardière car, par une disgrâce qui parait inexplicable, si avertis qu'ils soient des moindres détails de leur histoire provinciale, nos voisins percherons, sur le sol desquels il se dresse, confessent leur ignorance complète de ce que fut jadis ce manoir qui pouvait recevoir garnison et qu'ils reconnaissent comme l'un de leurs plus curieux. On sait qu'il appartint tour à tour aux familles de la Martellière et de Fontenay, deux des plus importantes de la région mais qu'en firent-elles? Il semble impossible que la vie trois ou quatre fois séculaire d'une construction si hautaine n'aie pas été marquée par quelque épisode pittoresque. C'est ce qu'a supposé naguère, parait-il, la fantaisie d'un conteur attaché au pays du Perche (1) et dont nous saluions tout à l'heure les successeurs aux Fcugercts. Mais il faut avouer que tout cela n'est que chimère. Pour le moment, montant et descendant à cœur joie l'étroit escalier de la tourelle qui les mène au dédale antique des greniers, les excursionnistes peuvent se borner à juger que Langenardière est le plus bel endroit du monde pour jouer à cache cache. Que l'on ne crie pas à l'irrévérence devant cette évocation familière est-ce que voici deux cents ans à peu près, la découverte du pavé en mosaïque de la basilique de Saint-Marc de Venise n'inspirait pas au grave magistrat qu'aurait dû être le Président de Brosses la réflexion inattendue qu'on n'eût trouvé nulle part ailleurs un sol si favorable pour jouer à la toupie? LE PHIEURÉ DE SAINTE-GAUBURGE
Revenue enfin à son effectif de départ, la Société se retrouva peu de temps après devant d'autres vestiges d'une grandeur déchue, au prieuré de Sainte-Gauburge, converti, lui aussi, en exploitation rurale. Que cette terre percheronne est donc riche en trésors d'histoire et d'art pour pouvoir en disposer avec une si prodigue libéralité
Cette fois, du moins, à l'inverse de Langenardière, nous (1) Vicomte Hervé de Broc, Au coin du feu, Histoires et nouvelles. Paris, V. Palmé, 1886.
savons au juste à qui nous avons affaire, et c'est avec tout le respect du à son illustre origine que nous saluons ce coin de terre où s'affirma jadis la souveraineté de l'Abbaye de SaintDenis. Le prieuré de Sainte- Gauburge, dont la fondation se perd dans la nuit des temps, en fut membre dépendant, « avec tous lcs droits de chatellenie, sceaux, marcs et mesures et juri-
dictions, de laquelle juridiction les appellations par privilège ressortissent directement au parlement de Paris, comme celles dudict Saint-Denys ». De nombreuses paroisses en relevaient, parmi lesquelles l'église de Bonnétable le château de cette villc servit plus d'une fois d'asile aux moines de Sainte-Gauburge pendant l'invasion anglaise. Après les guerres de religion le prieuré tomba en commande, et se perpétua longtemps comme un héritage personnel dans la famille Abot (1). C'est à ces deux époques du moyen âge et de la Renaissance (1) Abbé Bakret, dans le Bulletin de 1900 de la Société Historique et Archéologique de l'Orne.
que se rapportent les constructions encore existantes, et qui comportent deux groupes de bâtiments bien distincts l'église, d'abord, remontant au règne de Saint Louis, d'après M. l'abbé Barret, exécutée par les moines de Saint-Denis suivant la tradition de l'Ile-de-France, c'est-à-dire très simple dans sa construction sans moulures, sans chapiteaux, sans sculptures
à l'extérieur, pour économiser les frais d'édification, mais en revanche très harmonieuse, artistique et « finie » dans le détail de son exécution. Une tour aux ouvertures ogivales y fut ajoutée à la fin du xv1' siècle, au moment où on refaisait les bâtiments du prieuré voisin. Et :'i ce propos, M. l'abbé Barret fait remarquer avec infiniment de justesse combien grand est
le nombre des tours édifiées à cette époque qui marque l'heureuse délivrance d'une invasion centenaire; ce qu'il appelle joliment « des élans cristallisés vers le Dieu libérateur de la reconnaissance et de la foi ».
Au rez-de-chaussée s'ouvrc sur la nef de l'église, par une large arcature, une chapelle où se trouve la magnifique piscine dont M. de la Sicotière disait que c'était un bijou qu'il faudrait enchâsser sous verre. Par ses pieds droits, ses nervures, ses clochetons prismatiques, ses arcades incurvées et son bourdon. elle donne en réduction le dessin d'une des plus jolies portes ogivales du xve siècle qui se puisse voir. Sa conservation est parfaite.
L'église de Sainte-Gauburge a été classée, en ces dernières années, parmi les monuments historiques, et si le culte n'a malheureusement point recommencé à l'animer de ses solennités majestueuses, tout au moins son vide est-il respecté. En revanche, dès qu'on passe de là au prieuré, dont les bâtiments en équerre parachèvent l'encadrement de la cour voisine, on se retrouve dans une ferme. C'est d'abord, touchant l'église et communiquant jadis avec elle par une double arcade aujourd'hui comblée, une chapelle gothique à deux travées de voûtes, abritant une piscine surmontée d'un dais. A côté, une autre porte donne accès dans une ancienne salle capitulaire, aux voûtes retombant sur des colonnes centrales monocylindriques, construite comme la chapelle à la fin du xme siècle. Mais toutes ces merveilles presque intactes sont aujourd'hui affectées aux plus humbles usages là où chantaient les psaumes sur les lèvres des religieux les plus illustres de la vieille France, reposent sur la paille des animaux domestiques ou s'alignent des tonneaux. Il faut songer à la crèche de Bethléem pour pardonner ce qui apparaît de prime abord comme une profanation.
C'est du côté gauche de la salle capitulaire que part le second groupe de bâtiments, édifié comme la tour de l'église au xv* siècle, et qui parachevaient le prieuré une tourelle octogonale, d'abord, formant l'angle de la cour, et dans laquelle
monte un escalier jolie construction légère, aux fenêtres rectangulaires sculptées, comme la porte d'entrée, de motifs, qui dessinent des guirlandes de vignes et des formes humaines. Enfin, en continuant toujours sur la gauche, un bâtiment surélevé d'un étage où logent les fermiers trois pièces au rezde-chaussée, trois au premier, le composent. Celle où l'on accède d'abord, dite d'Adam et d'Eve, est fameuse par sa vaste cheminée de pierre blanche qui représente en groupes naïfs et expressifs les scènes bibliques de la Tentation d'Eve, du péché originel, et du Paradis Perdu. Après une seconde pièce, dite de l'Annonciation, dont la cheminée est également intéressante, une troisième qui forme le fond est surtout remarquable par son plafond de bois ouvragé, l'un des plus beaux travaux de charpente offerts par la fin du xve siècle. M. le lieutenant Thibault, propriétaire de ce vieux prieuré, avait bien voulu nous accompagner dans cette excursion et nous fit lui-même les honneurs de ces admirables reliques.
Cependant, l'heure marchait toujours, et quelque agrément que la compagnie prît à découvrir pas à pas toutes ces beautés devenues rustiques que le commentaire érudit et vivace de M.Tournoûcranimait au fur et à mesure, il fallait se résigner à presser le mouvement. Bien peu furent ceux qui montèrent jeter un coup d'œil furtif sur les trois pièces du premier, dignes pourtant, d'une plus longue contemplation.
L'escalier à vis qui y conduit est jalonné par des petits bancs de pierre, près de petites fenêtres rectangulaires, qui invitent à l'inspection des environs. Il dessert de larges pièces où se rencontrent encore de belles cheminées et des restes de riches peintures à fresques du xvi' siècle, curieux spécimens de décorations murales d'une époque dont il reste si peu de traces.
On dut renoncer à s'arrêter même un instant au manoir de Lubinière, prévu au programme primitif. C'est dans un fond de vallon verdoyant, à Nocé, qu'après quelques nouveaux tours de roues la société se retrouva groupée autour de son état-'major, devant la chapelle et le manoir de Courboyer.
LE MANOIR DE COURBOYER
Un peu antérieur à l'église Saint-Sauveur de Bellême, aux Feugerets, à Langenardière et à Lubinière, on peut l'attribuer à la seconde moitié du xv' siècle. Mais, plus heureux qu'à Langenardière, nous pouvons suivre ici d'une génération à l'autre l'histoire de cette demeure seigneuriale qui, après être passée au cours des âges des seigneurs de son nom aux mains des Fontenay, des Barville, des Mésenge et des Romanet, ne déchut que dans les temps modernes au rang de ferme, encore respectée, d'ailleurs, dans cette servitude, par son nouveau propriétaire.
Le manoir de Courboyer est sur le penchant d'une vallée qui mène à Nocé. Quoique fortifié et pouvant soutenir une défense sérieuse, on voit par sa position et sa construction même qu'il II n'était pas fait pour commander le pays et arrêter une armée. C'est un manoir seigneurial, une gentilhommière importante comme on en voyait beaucoup en France, où par tradition et par habitude on ne concevait pas alors qu'on put construire une habitation noble sans la mettre à l'abri des attaques possibles et soudaines de voisins guerroyeurs.
L'ensemble de la construction est d'une harmonie rare, sans adjonction les lignes sont pures, la sculpture simple. Elle date de la bonne époque et offre une harmonieuse silhouette en même temps qu'elle donne l'impression de la sécurité. Bien que des toits lourds aient remplacé la couverture primitive plus élancée, la masse reste élégante et imposante. Il faut dire que la solidité de ses matériaux brave les outrages des hommes et du temps. Nous n'en pouvons juger que du dehors, l'heure avancée ne nous permettant pas d'y pénétrer. Mais les deux tours, l'une polygonale, l'autre cylindrique qui, l'une en avant, l'autre par derrière, flanquent le corps central de la construction, le pignon aigu, accosté de tourelles en échauguettes, donnent une singulière impression de puissance.
Ici, comme à Langenardière, que l'on se sent loin des châteaux de plaisance que verra se multiplier le siècle suivant Et, à l'aspect de ces forteresses tapies comme des fauves au détour des bois, on constate avec étonnement ce qu'en cette époque .brillante, où renaissait dans la littérature comme dans les arts la culture antique, était encore, au moins dans la campagne, la vie de cette société toute pleine de la violence médiévale. Le tracé des fossés, qui se retrouve, devait englober la chapelle encore existante, quoique bien mutilée et même menaçant ruine. On y voit encore
des meurtrières. Cette
chapelle, un peu posté-
rieure au château, date
de 1500. Certains dé- .HÉflV?^,
tails dénotent l'apparition ^j^^H&Bv V de la Renaissance. Elle ^^B?^' r^^Mr ..jy était ornée de fresques, ÉK^^Efet< *H 'j^Um aujourd'hui presque com- ^E&Hlfl^l
plètementdisparues.dont wj^ I^HMH
l'une représentait une ^W^H|H| chasse et Saint Hubert, 3 l'autre Saint-Christophe ^fcî "uM
portant l'Enfant Jésus. ^HL j^H Au sommet du pignon l^BHBMBBB^BBI se trouve une disposition Cliché de M. de Cénival. de clocher surtout em- Manoir de Courl.oyer. ployée dans le midi de
la France, formant une arcade à deux baies destinées à supporter chacune une cloche. Cette chapelle aux lignes élégantes est appuyée par des contre-forts judicieusement placés qui l'ont préservée de la ruine complète (1).
(1) La monographie <hi manoir de Courboyer, accompagnée d'un fort joli dessin par l'auteur, a été fuite et publiée, en 1890, par M. H. Tournoüer. (Alenron. typographie Kenaut-de-Broise). Cette notice précéda une étude dont ce dernier, déjà président de la Société de l'Orne, donna lecture, le 5 septembre 1900, lors de l'excursion archéologique qui y fut faite.
KEV. HIST. AKCH. DU MAINE 16
Jetons un voile sur l'état de délabrement de cette chapelle, isolée du manoir, sise au-devant de la façade et de l'autre côté du chemin il est douloureux de voir se mourir ainsi un noble témoin de notre histoire. Cette impression allait heureusement se perdre, quelques instants après, lorsque remontés sur la crête où notre convoi attendait, une savante manoeuvre de demitour exécutée par nos équipes avec la régularité d'un régiment de chars d'assaut nous amenait, en passant sous les voûtes feuillues d'une fraîche avenue, à nous développer devant la façade d'un élégant château, celui-là bien vivant, Dieu merci, et nous souriant au soleil couchant de l'étincellement de toutes ses fenêtres l'ordre du jour appelait une visite au château de Saint-Hilaire-des-Noyers, où Mmeet M. Tournoüer, au bout de toute cette journée si remplie déjà de toute la savante assiduité et de l'inlassable complaisance de celui-ci, avaient l'amabilité extrême de nous offrir un « vin d'honneur », c'est-à-dire en réalité le plus opime goûter.
LE CHATEAU DE SAINT-HILAIRE-DFS-NOYERS
Après avoir jeté un coup d'oeil plein de sympathie sur la façade, dont un pavillon avec tour, du xvi" siècle, rappelle le souvenir de l'ancienne construction, la société gravit le perron. Elle tient à s'incliner d'abord, en lui exprimant par l'organe de son vice-président sa reconnaissance, devant la gracieuse châtelaine qui les accueille de la façon la plus affable. Puis M. de Linière se félicite de pouvoir ici-même, adresser à l'éminent président de la Société de l'Orne l'expression de la déférente sympathie et de la vive gratitude des membres de la Société tout entière.
C'est M. Tournoüer qui, après avoir inspiré et tracé cette belle excursion, les a guidés et leur a fait admirer les principales curiosités du pays, proches de sa demeure.
Il rend hommage aux vingt-neuf années de sa présidence dans une société qui peut être citée comme modèle à toutes les sociétés savantes de province. Il lui est agréable de saluer, à Dfv UIHT L-LrflM T1IT M k 11VI7 \p.
ses côtés, les membres de la Société de l'Orne qui leur ont fait le grand plaisir de les accompagner dans cette journée et particulièrement le secrétaire général, M. le vicomte Gérard de Banville.
Enfin, M. de Linière demande à associer dans notre reconnaissance M"'cTournoûcr à cclui dont elle porte le nom si hautement honoré et qu'elle seconde avec tant de tact et d'intelli«
gence. Il lui offre une gerbe de fleurs du Maine qui lui est gracieusement remise par M"e Noëlle L'Eleu.
Puis l'auditoire accueillit avec le plus vit intérêt la communication que M. Tournoüer voulut bien lui faire sur le passé de cette demeure, entrée dans sa famille depuis plus d'un demi siècle, et à laquelle il a consacré tant de soins. De tous les seigneurs successifs du fief de Saint-Hilaire depuis 1500, détachons un nom, parce qu'il frappe par les réminiscences qu'il éveille Saint-Hilaire fut aux dernières années du xvne siècle la propriété du marquis de Chaumont, ambassadeur de Louis XIV à Siam, et dont le voyage nous a été conté par son compagnon l'abbé de Choisy dans une relation qui se lit encore avec agrément. Pour évoquer avec tout son enchantement ici ce double éloignement du temps et de l'espace, que ne comptions-nous pas ce jour-là parmi nos membres quelque Henri de Régnier 1 Mais sans prétendre à d'aussi extrêmes mérites, tout ému encore de tous les trésors contemplés depuis le'matin, et tout vibrant de la chaude parole qui les avait tour à tour si pieusement célébrés, chacun de nous ne sentait-il pas, à cette dernière heure d'une belle journée d'été et dans un tel décor, s'émouvoir ce qu'il y avait de plus noble en lui ? Rassemblés dans le grand vestibule de pierres blanches, au pied de l'escalier à rampe de fer forgé sur les degrés duquel notre hôte ingénieusement éloquent se penchait vers nous, nos yeux erraient le long des murailles, sur tout l'ensemble harmonieux des tableaux, des gravures, des croquis, tous pleins d'enseignements, que la sollicitude du maitre de céans avait au cours des ans patiemment rassemblés. C'était un musée, mais un musée vivant, parce que l'on sentait que tous ces témoignages de la pensée humaine n'étaient pas abandonnés là, comme il arrive trop souvent, au hasard d'un clou vite oublié, mais qu'ils continuaient à être choyés et entourés du même amour qui les avait réunis. Et lorsque sous la conduite de leurs hôtes, les excursionnistes eurent été accomplir un pèlerinage à la chapelle, ancienne église de la paroisse disparue de Saint-Hilaire-desNoyers, et qui en conserve encore le rétable ainsi qu'une statue
de la Vierge du temps de Louis XIII, lorsqu'ils se furent attardés, avec le désir de s'y arrêter, le long de ces molles allées auxquelles les futaies, au bout des vastes pelouses, offraient de si beaux décors paysagers, quand enfin, après le goûter absorbé de grand appétit, l'on dut se résigner à prendre congé, ce fut le sentiment de la reconnaissance et de l'admiration générales que le signataire de ces lignes avait l'agréable mission de traduire en des développements qui, s'ils furent, eux aussi, ces jours-là, victimes de l'heure, pourront, après notre passage, et pour exprimer notre gratitude, ressortir des murailles, comme en ces contes féeriques des Mille et une Nuits que recueillit sans doute à son passage en Orient le marquis de Chaumont.
MADAME, Monsieur,
Au moment où m'échoit l'honneur de vous adresser, pour votre réception si affable, les remerciements de la Société Historique et Archéologique du Maine, je ne sais pourquoi me revient à la pensée ce passage fameux de Molière où M. Jourdain s'informe comment il pourra congrument exprimer son admiration à une dame de grande qualité. « Belle marquise, vos beaux yeux me font mourir d'amour. » En quels termes exprimer ce compliment d'une façon galante, claire, et académique à la fois? Or, il se trouve que les mots les plus simples et les plus naturellement ordonnés étaient par hasard les meilleurs, et M. Jourdain ne revient pas d'avoir fait de si bonne prose sans le savoir. Suivant un si illustre exemple, vous me permettrez, Madame et Monsieur, de ne point recourir inutilement à des imaginations compliquées, et de vous dire tout uniment, dans le plus humble et familier français, que nous vous remercions à la fin de ce beau jour, parce que l'hospitalité que vous nous avez offerte fut à la fois simple et large, large dans ses effets et simple dans son geste et qu'après une journée si laborieusement chargée, au moment de reprendre la grand'route, c'est comme un répit bienfaisant que nous apparurent ces quelques instants de détente à votre aimable foyer.
Et pourtant, Monsieur, nous avons autre chose encore à vous dire, parce que nous vous devons, d'aventure, un bienfait plus particulier. Imaginez vous que, sous notre apparence placide,
nous vous sommes arrivés tout à l'heure fort mortifiés ce qu'on est convenu d'appeler la « grande presse parisienne » n'avait-il pas publié hier, en un insolent article, que les Manceaux sont des gens lourds et replets, en qui toute flamme intellectuelle languit et meurt, sous le fâcheux effet de l'embonpoiut excessif et
de l'humeur atone, sous l'exclusif souci de l'intérêt matériel et du « trop manger» ? Que nous soyions ainsi férus de l'appétit culinaire, c'est ce dont nous pourrions douter déjà, malgré le légitime accueil que nous venons de faire à votre excellent goùter car, ce n'est tout de même point seulement en vue de cette collation, mais bien aussi un peu pour l'amour de vos monuments et de vos paysages, que de matin, dès la première heure, bravant la menace d'un temps incertain et de routes qui ne le sont
pas moins, à cent cinquante et plus, nous nous sommes mis en route et voilà déjà un démenti donné au pronostic de nos embonpoints Mais – et c'est ici que votre personnalité intervient, Monsieur, au moment où l'on prétend opposer à notre culte désintéressé de la beauté et de la science notre souci des considérations pratiques, votre exemple n'intervient-il pas de suite pour dissiper tous nos tourments ? Chartiste, mais diplomate, président respecté et érudit d'une société savante qui compte parmi les plus importantes de notre région, en même temps que vous prenez rang avec la même primauté dans le Conseil Général de l'Orne pareillement disert et compétent, qu'il s'agisse de tenir séance dans une assemblée historique ou dans un comice agricole, ah quel bel enseignement nous donne votre activité à deux fronts comme le Janus antique On peut donc être « pratique » sans cesser d'être « intellectuel », et, pour reprendre ma comparaison, les regards opposés de ces deux masques, s'ils contemplent des horizons différents, en transmettent les images à la même pensée où elles s'harmonisent et se complètent. Ces affaires, qui font la vie de la France d'aujourd'hui, et auxquelles on nous reproche de travailler, ne sont point des marques d'un béotisme humiliant, quand elles s'associent, comme en votre personne, à la pieuse curiosité de ce que fut la France d'hier. Il n'est que de veiller à tenir ouvertes toutes ses portes, voilà ce que vous nous assurez, Monsieur, et ce dont vous nous rassurez. Ah que nous aurions de choses à dire, en partant d'ici, à notre contempteur d'hier
Etonnez vous donc, Madame et Monsieur, qu'après un tel bénéfice, nous ayions tant de peine à vous quitter Pour traduire la peine que nous éprouvons, en cette lumineuse fin d'un beau jour d'été et dans ce vestibule large et harmonieux qui prend des grâces d'atrium, la réminiscence d'un spectacle contemplé ce matin me vient tout naturellement à l'esprit sur la tenture Empire de la Maison du Gouverneur à Bellêmc, les nymphes de Calypso brûlent, à l'effet de le retenir, les trirèmes d'Ulysse, cependant que le héros, pour vaincre le charme qui l'obsède, se jette désespérément à la mer. Nous serions à la vérité chagrinés que votre hospitalité allât jusqu'à mettre le feu aux véhicules compliqués par lesquels notre civilisation physicienne a remplacé les bateaux antiques mais croyez qu'il nous faudra le même élan qui emportait jadis le corps du fils de Laërte pour nous rejeter, enfin, du charme de vos salons, sur la route ingrate du retour
Le programme de la journée portait enfin, comme dernière étape, la contemplation, du haut des sommets de Colonard, du panorama du Perche, vue admirable, qui s'étend, en réunissant les clochers de nombreux villages, de Mortagne à Nogent-leRotrou et à la Ferté-Bernard, c'est-à-dire sur tout le centre de l'ancienne province. Sous ces derniers rayons d'un or à présent rouge, conduits par l'inlassable M. Tournoûer qui d'un bout à l'autre de sa journée ne cessa pas de se prodiguer à notre agrément, combien n'aurions-nous pas été heureux de dire, nous aussi, à ces instants « Arrête, tu es si beau ». Mais une fois encore, la raison dut être la plus forte, et ce fut elle qui inclina nos volants. Nous prîmes un dernier congé de notre hôte, nous effleurâmes une nouvelle fois Bellème, déjà ami et familier, et puis nous cinglâmes vers nos foyers, où nous pressait la nuit, laissant derrière nous la mémoire d'une radieuse journée, de multiples émotions d'art, d'une campagne admirable, enfin, autant et plus peut être encore que tout le reste, des pressantes et précieuses sympathies de nos collègues de l'Orne que nous avions été si heureux de sentir près de nous depuis le matin, et auxquelles, nous tenons à répondre en leur disant ici un dernier merci. La Société du Maine a contracté le 27 juin 1928 envers eux une nouvelle dette, dont un proche avenir, espérons le, nous permettra de nous acquitter. Et maintenant, pour faire, sinon mieux, ce qui ne se peut, du moins aussi bien, de quel côté les Victoires qui surmontent nos radiateurs pourront-elles tourner leur élan l'année prochaine ? 2
COLONARD
A. L'Eleu.
CHRONIQUE
Le Bureau a prononcé l'admission de M. le baron de MayNARD, château des Hunaudièrcs, par Le Mans.
La Société a eu !c regret de perdre deux de ses membres titulaires
Mme Edouard Bodin, née Deschamps-La Rivière, décédée le 15 octobre 1928, en sa propriété de La Rivière, à Lavaré, qui avait remplacé son mari dans nos rangs.
M. Pierre GIRAUD, de Parcé, qui depuis 1891 comptait dans notre Société et l'avait fait bénéficier plusieurs fois de son talent de photographe.
L'expérience de nos dernières excursions a fait reconnaître l'utilité et même la nécessité de doter d'un fanion les automobiles des excursionnistes, comme cela se pratique dans des sociétés voisines de la nôtre. Cela permettrait de grouper les voitures de nos membres et d'éviter de fâcheuses méprises dans les directions.
Le Bureau a décidé de soumettre un fanion à l'Assemblée générale de 1929. Il invite les sociétaires à lui envoyer le plus tôt possible un dessin en couleurs de fanion pour notre société.
Il semble indiqué qu'il devrait être aux couleurs de l'écusson du Maine fond bleu avec bordure rouge, et porter brodé le chiffre de la S. H. A. M.
La forme usitée est triangulaire, avec les dimensions 18 X 27.
Il doit être assez simple, de façon à être d'une exécution facile et obtenir un prix de revient peu élevé.
Dégagement de la Tour du Gros Pilier, près de l'Hôtel de Ville du Mans.
M. Le Feuvre, maire du Mans, a commencé très heureusement le dégagement de la Tour dite anciennement du Gros Pilier du Palais, en faisant abattre les masures vétustés et insalubres qui bordaient du côté Nord l'escalier du Petit PontNeuf, et celles en bordure de la rue des Filles-Dieu, jusqu'à l'ancienne salle de spectacle.
Cet ouvrage, sorte de bastion massif, flanqué de contre-forts à ses angles, date du xve siècle, et avait été édifié sur l'emplacement une tour plus ancienne, probablement gallo-romaine. On peut croire qu'il fut bâti sous Charles VII., pendant la deuxième période de la guerre de Cent-Ans; il est malheureusemcnt découronné.
La Tour du Gros-Pilier était accolée à la grande salle de de l'ancien Palais des Comtes du Maine, à l'appui du mur gallo-romain qui fait encore le tour de la Cité, et elle était désignée primitivement sous le nom de « Chappitreau de la Grant'Salle ». Elle est de forme rectangulaire.
Ce bastion était desservi par une vis, dont l'entrée se voit dans la cave de la maison portant le n° 1 de la place SaintPierre un autre escalier y conduit de la cour basse de l'Hôtel de Ville. Il avait pour but de défendre la poterne de SaintPierre-la-Cour, à l'entrée des Petits Ponts-Neufs, dont la rampe d'accès, sorte de viaduc sur arcades ogivales, fut substituée à l'antique Vis de Saint-Pierre.
Le bastion contient une salle basse voûtée de 6 mètres de large sur 15 mètres de longueur, dont la paroi septentrionale est le mur romain, qui est visible sur une longueur de6 mètres. On peut voir là, dans un état remarquable de conservation, un très intéressant spécimen des murailles de notre ancienne cité, ainsi que l'escalier de pierre qui y donne accès et qui monte presque au niveau de la place Saint-Pierre,
Cette salle basse devait être surmontée d'au moins deux
étages, comme en font foi une large fenêtre à moulures du xv. siècle, longtemps aveuglée, et diverses embrasures qui font face à la rue des Filles-Dieu. Une terrasse occupe le sommet du bastion, ainsi qu'un chemin de ronde du côté de l'escalier des Ponts-Neufs et un poste de guetteur.
..1.
État actuel de la Tour du Gros Pilier, vue de l'escalier des Ponts-Neufs. Dessin de M. le D' Sinan (1'.
Une petite cour sépare la terrasse du chemin (le ronde et dans le [noyau de la tour rectangulaire, qui semble être (1) M. le Dr Sinan a pris d'autres dessins de cette Tour, vue de la cour d'une des maisons actuellement détruites de la rue des Filles-Dieu, avec les immeubles pittoresques qui bordaient le côté de l'escalier des i onts-Neufs. Il a fait aussi an dessin de l'intérieur 'de la pièce voûtée du rez-de chaussée. Nous espérons que ces dessins figureront dans l'Album pittoresque que notre confrère se propose de mettre en souscription et de publier.
l'ouvrage primitif, une citerne a été aménagée au cours du xixc siècle.
M. le Maire du Mans a proposé au Conseil municipal de poursuivre le dégagement de cette partie des anciennes fortifications de la vieille ville, d'aménager un jardin dans le terrain rendu libre, et de continuer des recherches « qui réservent peut-être des surprises agréables ». Les conclusions de M. le Maire ont été adoptées et les crédits nécessaires ont été ouverts. Les archéologues, les artistes et tous les Manceaux, qui s'intéressent au passé et aux beautés de leur vieille ville, ne pourront que féliciter la Municipalité du Mans de cette heureuse décision qui témoigne de son souci des véritables intérêts de la Cité.
La Société historique et archéologique du Maine ne peut aussi qu'approuver cette intelligente initiative, et elle applaudit à ce commencement de dégagement des parties les mieux conservées de l'enceinte gallo-romaine. Cette partie du Testament archéologique de notre ancien président Robert Triger, va ainsi recevoir bientôt un commencement d'exécution. R. DE LlNlÈRE.
BIBLIOGRAPHIE
PaulCordonnier-Détrie. – Le Château de Courcelles-auMaine. IIe partie. Aveux et Inventaires. Imprimerie Daupeley-Gouverneur, à Nogent-le-Rotrou, 1928. In-4° carré de 208 pages avec 50 gravures.
L'important travail de M. P. Cordonnier-Détrie sur le Château de Courcelles vient d'êfre terminé. La première partie, publiée en 1927, contenait l'historique de Courcelles et de ses seigneurs, avec Notes et Croquis; la seconde partie présente une suite d'aveux, des inventaires et des documents inédits,
ainsi qu'une Table alphabétique des noms de lieux et de personnes des deux volumes.
Cette publication était nécessaire, avec ses précisions et ses minutieux détails, pour situer dans la pensée du lecteur « la prodigieuse étendue du domaine de Cou'rcelles, la formidable masse de constructions du château et la merveilleuse richesse des ameublements et des décorations intérieures. » Cet ouvrage, artistement édité comme le premier, contient une cinquantaine de gravures et vignettes inédites, de ses façades anciennes, des boiseries, peintures et sculptures de l'intérieur, des lettrines artistiques, etc., qui forment une documentation extrêmement précieuse, tout entière due au talent bien connu de notre confrère.
Ce travail dû à ses patientes recherches, à son amoureuse sollicitude pour ce joyau du grand art français, a été conduit et écrit avec émotion, devant les décombres de ces splendeurs passées. Grâce à lui, le château des Champlais et des Chamillart, dont les matériaux sont dispersés, n'est pas complètement disparu, et par ses beaux dessins comme par son texte, écrit avec le souci de la vérité historique, il survivra, à la grande satisfaction des archéologues et des artistes.
Cette deuxième partie est offerte aux membres de la Société, au prix de 55 francs. Elle a été tirée à un nombre très limité d'exemplaires. (S'adresser à l'auteur, à Buffard, Guécélard (Sarthe.)
Roger Rodière et Eugène Vallée. La Maison de Moy. Histoire généalogique, preuves et table. Imprimerie André Lebreton, au Mans, 1928. 3 volumes in-8° de XXX-326 pages pour l'histoire généalogique et de 352 et 348 pages pour les preuves et la table, avec 4 planches généalogiques, 14 illustrations hors texte et divers dessins.
La filiation de cette antique Maison, originaire du Vermandois, dans la Haute-Picardie, est donnée depuis le xie siècle. L'héritière de la branche aînée porta les biens et le titre du
marquisat de Moy dans la Maison de Lorraine, par son mariage en 1585 avec Henri de Lorraine-Vaudemont, comte de Chaligny. La branche de Véreines a possédé, par alliance avec la famille de Kaërbout, en 1638, la seigneurie de Gémasse, en Saint-Ulphace, au Perche (actuellement département de la Sarthe), et s'y fixa pendant près d'un siècle.
Le chef actuel de la famille, M. Charles-Marie, marquis de Moy, possède le château de Lalivaudière, à Fay, et est maire de cette commune.
L'histoire de la Maison de Moy n'intéresse donc pas seulement l'histoire de la noblesse française, mais aussi celle de notre département.
Cet ouvrage contient aussi l'histoire généalogique des de Sons, actuellement de Moy de Sons, dont la communauté d'ori- gine a été affirmée en 1668 par Le Fèvre de Caumartin, intendant de Champagne, et qui portent le nom de Moy de Sons depuis cette époque. Ils ont des représentants en France et en Bavière.
Ce travail d'érudition est écrit sans autre souci que celui de la vérité historique. Les noms de M. Rodière, le savant historien de l'Artois, et de M Eugène Vallée, notre collègue, qui a collaboré à d'autres travaux du même genre, confèrent à cet ouvrage une singulière autorité. On y trouve un armorial, un répertoire des sources, 1.558 preuves sur lesquelles s'appuie cette savante généalogie, et une table alphabétique, qui font de cet ouvrage un instrument de travail précieux.
Il a été commencé d'imprimer au Mans en 1910, par Eugène Benderitter et achevé le 25 octobre 1928, par André Lebreton, son successeur.
R. L.
TABLE DES MATIERES
Liste des membres de la Société historique et archéologique du Maine 3 ROBERT Tiuger, par M. H.Tournoùer 21, 12a, 189 L'Union de Saint-Gilles-de-la-Plaine et de Saint-Paterne, par Geoffroy de Loudon, par M.Léonce Cf.lier !\i A propos des broderies attribuées à Marguerite de Lorraine, par M. Félix BounaD. 50 Le château de Vernie et les Froullay, comtes de Tessé, par le marquis de Beauchesne (suite et fin) 62, 94 Découverte de tombeaux mérovingiens, à Connerré, par le Dr Paul DELAUNAY 70 Chronique: Nouveaux membres Nécrologie: M. Kmile Senart, M"" la comtesse d'Angely-Sérillac. 73 Les Citadelles du Mans pendant la domination normande, io631100, par M. John Pelham-Maitland 77 Le mobilier d'une chapelle rurale à la fin du xvn" siècle, par M. l'abbé Louis CALENI)INI 91 Compte rendu de la réunion et de l'Assemblée générale du 12 mars 1928, par M. Georges Leroux 94 Chronique Nouveaux membres addition et rectifications d'adresses Centenaire de la fondation de la Société d'agri- • culture, sciences et arts d'Angers; nouveaux dégagements au château de Lavardin (Loir et-Cher) Bibliographie 120 Saint-Regnault, l'ermite de Mélinais et Yves de Chartres, par dom B. HEURTEBIZE 142 Les Panneaux sculptés de l'église de La Chapelle-Saint- Aubin, par M. Paul Cordonnier-Détrie i45 Les tombeaux de Saint-Denis, par M"" Alice Gaultier 108 Bénédictins de la Congrégation de Saint-Maur, originaires du Maine, par dom B. Heurtebize 172 Chronique: Nouveaux membres Nécrologie M. le marquis de Montesson journée du Mont Saint-Michel; visite dans le Maine de M.John Pelham Maitland; les sépultures de Courdemanche Cinquantenaire de la fondation de laCommission historique et archéologique de la Mayenne. 184 Compte rendu de l'excursion de la Société historique ekarchéologique du Maine dans le Perche, 27 juin 1928, par MM. G. LEROUX et A. L'Éleu 220 Chronique: Nouveau membre; Nécrologie: Mm« Edouard Bodin, M. P. Giraud projet de fanion pour les automobiles dans les excursions; dégagement de la tour du gros Pilier, près de l'Hôtel de ville du Mans; Bibliographie: Le château de Courcelles au Maine, 2e partie: La maison de Moy.. 261
PLANCHES ET GRAVURES
Robert Triger, président de la Société (189g à 1927) 20-21 Broderie attribuée à Marguerite de Lorraine 5i Armoiries de Marguerite de Lorraine, duchesse d'Alençon 52,07 de la maison de Lorraine 54 Les tombeaux mérovingiens de Connerré. Vue des fouilles 73 Le Mont-Barbet, au Mans. Etat actuel. 78 Les Monts-Barbet et la Tour royale 80 Croquis du .Mont-Barbet. Etat actuel. 84 Le Mont-Barbet. Essai de reconstitution. 86 La Tour de Gondolphe à la Cathédrale de Rochester 88 Les Panneaux sculptés de l'église de la Chapelle-Saint-Aubin Entrée de Jésus à Jérusalem i46 Le Jardin des Oliviers 147 Le Baiser de Judas i4g Jésus devant Caiphe. i5o Pilate se lave les mains. i52 La Flagellation. i53 Ecce Homo • i55 Le Portement de Croix i56 Robert Trigerdans son cabinet de travail, r. de l'Aucieu-Evêché. 188-189 La Perricre (Orne) devant l'église 224 Bellême.Le Porche de la ville Close 226 Devant l'église 230 La Grand'Maison, à Bellème 235 Le déjeuner à la Grand'Maison 239 Le château des Feugerets. 243 Le manoir de Langenardière. 245 Prieuré de Sainte Gauburge. 247 – – porte de la Tourelle 248 .Manoir de Courboyer 2J2 Ancienne église de Saint Hilaire-des-Noycrs 254 Chàteau de Saint-Hilaire-des-Noyers. 256 – – – (Groupe des excursionnistes). 263 Dégagement de la tour du gros Pilier, vue des Ponts-Neufs. ^03 NOMS D'AUTEURS
Marquis de Beauciiesne 62,94 Dom B. Heurtebize. 123,142,172 Félix Boli.aiid .r>o André L'Eleu 241 Abbé Louis Calendini.. 91 Georges LEnoux. 94, 220, Léonce Celikr 41 Raoul de Linière.. 109,184,262 P. Cordonnier- Détrie.. i45 John Pelham-Maitland 77 D' Paul Dei.au.nay 70 H. Tolrnoïier 21, 125 Mlle Alice Gaultier. i58
J
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HISTORIQUE ET ARCHÉOLOGIQUE DU MAINE.
(Revue trimestrielle)
DEUXIÈME SÉRIE
TOME VIII. PREMIÈRE LIVRAISON
(LXXXIV" TOME DE LA COLLECTION)
Janvier, Février, Mars.
AU SIÈGE DE LA SOCIÉTÉ
MAISON DITE de la reine Béhexgèke, Grande-Rue, 17, AU MANS
IMPRIMERIE MONNOYER
12, PLACE DES Jacobins, 12. – Le MANS
1928
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s O i>I 1*1. AIRE
DE LA
PREMIÈRE LIVRAISON DU TOME VIII PAGES
i. Liste des Membres de la Société.. 3 ̃t. Robert Triger, par M. H. Touhnouer 21 3. L'union de Saint-Gilles-de-la-Plaine et de Saint-Paterne, par Geoffroy de Loudun, par M. Léokcï Célieh 41 4. A propos des broderies attribuées à Marguerite de Lorraine, par Al. F. Boulard • 5o 5. Le chàteau de Vernie et les Froutlay, comtes de Tessé, par le marquis de Beauchesne O2 C. Découverte de tombeaux mérovingiens à Connerré, par le DrPAULDELAUNAY 7O 7. Chronique: Admission de nouveaux membres décès de AI. Émile Senart et de Mme la comtesse d'Angély-Sérillac 73 MEMBRES DU BUREAU DE LA SOCIÉTÉ
Vice-présidents: MM. le marquis DE Beauchesne, château de la Roche-Talbot, par Sablé (Sarthe), et 8, avenue Marceau, Paris-VHP.
R. DE Liniëhe, 23, rue de Tascher, Le Mans, et château du Maurier, La Fontaine-Saint-Martin (Sarthe).
Secrétaire général M. Georges LEROUX (1), 20, rue SainteCroix, Le Mans.
Secrétaire générai honoraire M. Edouard DE Lorièhe, château de Moulin-Vieux, par Avoise (Sarthe), et 20, rue Berthelot, Le Mans.
Trésorier: M. Albert Leroux, 1, rue du Tertre-Saint-Laurent, Le Mans (compte chèques postaux n° 28.427, Paris).
Bibliothécaire: M. André I'Eleu, 25, rue Berthelot, Le Mans. MM. le chanoine GIRARD, 158, avenue Léon-Bollée, Le Mans. Xavier GasNos, 1, rue de l'Herberie, Le Mans.
(t) A la page 3, 7™e ligne, lire Geokges LEROUX, au lieu de Gaston Leroux.
Prix des cotisations.
Conformément aux décisions des dernières Assemblées générales, le prix de la cotisation est fixé, à partir de 1928, ainsi qu'il suit
Membre temporaire 20 fr Membre temporaire habitant l'étranger 25 fr. La cotisation de MM. les Ecclésiastiques est maintenue à 15 fr. Pour ceux habitant l'étranger 20 fr. La cotisation supplémentaire des Membres fondateurs est de 50 francs qui s'ajoute au prix de la cotisation ordinaire. Le prix des abonnements pour les non-sociétaires est le même que celui des cotisations des membres temporaires. On est prié d'adresser le montant des cotisations ou des abonnements à M. Albert Leroux, trésorier, 1, rue du TertreSaint-Laurent, Le Mans (Compte de chèques-postaux, n° 28/i27, Paris).
Les cotisations qui ne seraient pas payées dans le délai d'un mois, seront recouvrées par la poste, avec les frais en plus. Les sociétaires qui changent d'adresse sont priés de faire connaître leurs nouvelles adresses au Secrétaire général M. Georges LEROUX, 20, rue Sainte-Croix, Le Mans. BIOGRAPHIE DE ROBEKT TRIGEIÏ La Biographie de ROBERT Triger par M. Henri Tournoüer, président de la Société Historique et Archéologique de l'Orne, dont le premier chapitre est publié dans ce fascicule, paraîtra en tirage à part, à la fin de sa publication. Elle sera ornée de plusieurs portraits.
Nous pensons que de nombreux membres de la Société tiendront à avoir ce souvenir de notre éminent et regretté Président. Nous demandons à ces personnes de souscrire dès maintenant chez M. Georges Lbhoux, 20, rue Sainte-Croix, au Mans. Il sera fait des conditions plus avantageuses aux souscripteurs. Le gérant.
CH. MoNNOYEtV.
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HISTORIQUE ET ARCHÉOLOGIQUE ̃ DU MAINE
(Revue trimestrielle)
DEUXIÈME SÉRIE
TOME VIII. – DEUXIÈME LIVRAISON
(LXXX1V" TOME DE LA COLLECTION) r'
Avril, Mal, Juin,
AU SIÈGE DE LA SOCIÉTÉ
MAISON DITE DE LA REINE BÉRENGÈnE, Grande-Rue, 17, c. AU MANS
IMPRIMERIE MONNOYER
12, PLACE DES JACOBINS, 12. – Le MANS
1928 <>X^
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SOMMAIRE
DE LA
DEUXIÈME LIVRAISON DU TOME VIII PAGES
Les Citadelles du Mans pendant la domination normande, 1063-1100, par M. J. Peliiam-Maitland. 77 Le Mobilier d'une chapelle rurale à la fin du xvn* siècle, par M. Louis Calandini 91 Le Château de Vernie et les Froullay, Comtes de Tessé, par le marquis de Beauchesne 94 Compte rendu de la réunion et de l'Assemblée générale du 12 mars 1928, par M. Georges Leroux 109 Chronique 120 La suite de la Biographie de Robert Triger, sera donnée dans le prochain Numéro de la Revue.
Prix des cotisations.
Conformément aux décisions des dernières Assemblées générales, le prix de la cotisation est fixé, à partir de 1928, ainsi qu'il suit
Membre temporaire. 20 fr. Membre temporaire habitant l'étranger 25 fr. La cotisation de MM. les Ecclésiastiques est maintenue à 15 fr. Pour ceux habitant l'étranger 20 fr. La cotisation supplémentaire des Membres fondateurs est de 50 francs qui s'ajoute au prix de la cotisation ordinaire. Le prix des abonnements pour les non-sociétaires est le même que celui des cotisations des membres temporaires. On est prié d'adresser le montant des cotisations ou des abonnements à M. Albert Lehoux, trésorier, 1, rue du TertreSaint-Laurent, Le Mans (Compte de chèques-postaux, n° 28.427, Paris).
Les cotisations qui ne seraient pas payées dans le délai d'un mois, seront recouvrées par la poste, avec les frais en plus. Les sociétaires qui changent d'adresse sont priés de faire connaître leurs nouvelles adresses au Secrétaire général M. Georges Leroux, 20, rue Sainte-Croix, Le Mans.
OUVRAGES REÇUS
Paul Cordonnier-Détrie. – Le Vieux château de la Suze et la Gendarmerie ci l'époque révolutionnaire. Le Mans, imprimerie Lebreton, 1927.
Notes généalogiques sur la maison de PANTIN (Ile-de-France, Normandie, Poitou, Anjou, Bretagne, Berry). 1928, Imprimerie Ch. Barbier, 9-11, rue de la Pourvojrie, Versailles. Prix 2 francs.
Plan de la terre de Vernie, oflert par M. Toublanc. Le gérant.
CH. MONNOYER.
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HISTORIQUE ET ARCHÉOLOGIQUE DU MAINE
TOME VIII. TROISIÈME LIVRAISON
(r.XXXlVe TOMR DE LA COLLECTION)
AU SIÈGE DE LA SOCIÉTÉ
Maison DITE DE LA REINE Békengère, Ghande-Rue, 17, AU MANS
IMPRIMERIE MONNOYER
12, PLACE DES Jacobins, 12. – Le MANS
(Revue trimestrielle)
DEUXIÈME SÉRIE
Juillet, Août, Septembre.
1928
§OMλ1AIRE
DE 'LA
TROISIÈME LIVRAISON DU TOME VIII PAGES
Robert Triger (suite), par M. H. Tournoûer 125 Saint Regnanld, l'ermite de Mélinais et Ives de Chartres, par dom B. Hedrtebize 142 Les Panneaux sculptés de l'église de la Chapelle-Saint Aubin, par M. Paul Cordonnier-Détrie 145 Les Tombeaux de Saint-Denis, par Mlle Alice GAULTIER. 158 Bénédictins de la Congrégation de Saint-Maur, originaires du Maine, par dom B. Heurtebize 172 Chronique 184 Prix des cotisations.
Conformément aux décisions des dernières Assemblées générales, le prix de la cotisation est fixé, à partir de 1928, ainsi qu'il suit
Membre temporaire 20 fr. Membre temporaire habitant l'étranger 25 fr. La cotisation de MM. les Ecclésiastiques est maintenue à 15 fr. Pour ceux habitant l'étranger 20 fr. La cotisation supplémentaire des Membres fondateurs est de 50 francs qui s'ajoute au prix de la cotisation ordinaire. Le prix des abonnements pour les non- sociétaire est le même que celui des cotisations des membres temporaires. On est prié d'adresser le montant des cotisations ou des abonnements à M.-Albert Leroux, trésorier, 1, rue du TertreSaint-Laurent, Le Mans (Compte de chèques-postaux, n° 28.427, Paris).
Les cotisations qui ne seraient pas payées dans le délai d'un mois, seront recouvrées par la poste, avec les frais en plus. Les sociétaires qui changent d'adresse sont priés de faire connaître leurs nouvelles adresses au Secrétaire général M. Georges Leiioux, 20, rue Sainte-Croix, Le Mans.
COMMUNICATION
Le musée du Berry possède, par suite de don, une matrice de sceau en bronze qui porte la légende
f S' IOHIS TROVSSEVACHE CAN CENON
Sceau de Jean Troussevache chanoine du Mans. Cette matrice a été publiée dans le recueil des travaux de la Société de sphragistique de Paris, t. IV, p. 180.
La matrice de Bourges pourrait être un surmoulage de la matrice originale, jadis trouvée au pont Saint-Michel, à Paris (en 1849).
Cette dernière serait particulièrement intéressante pour le Maine. Sait-on ce qu'elle est devenue ? Le type, représente deux personnages debout dont l'un porte un écu en bannière (de. à la croix de.)
P. Chenu.
de la Société des Antiquaires du Centre
et de la Commission du Musée.
7, rue de la Grosse-Armée, Bourges.
DEMANDE
FAIRE-PART. Les faire-part imprimés de Mariages et de Décès sont des documents intéressants pour l'histoire des familles. Je demande à acheter ou échanger des collections. R. de Liniére, 23, rue de Tascher, Le Mans.
Le. gérant.
Ch. Monnoyek.
HISTORIQUE ET ARCHÉOLOGIQUE DU MAINE
TOME VIII. – QUATRIÈME LIVRAISON
Maison dite de LA keike Bérexgéhe, Grande-Rue, 17,
12, PLACE ues Jacobins, 12. – Le Mans -•̃̃ 1028
3 t. 7-
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DEUXIÈME SÉRIE
(LXXXIV» TOME DE LA COLLECTION)
Octobre, Novembre, Décembre.
AU SIÈGE DE LA SOCIÉTÉ
AU Mans
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PAIEMENT DE LA COTISATION DE
MEMBRE DE LA SOCIÉTÉ POUR 1929
La Revue historique et archéologique du Maine a l'honneur d'informer ses abonnés qu'afin de leur faciliter l'envoi du montant de leur abonnement, il est désirable de procéder dans les conditions suivantes
Verser le montant du mandat ci-joint, il la poste ou au facteur de campagne (droit 0 fr. 40).
Les abonnements qui ne seront pas payes par l'émission du mandat-chèque ci-joint, dans le délai d'un mois, seront recouvrés par la poste (frais en plus).
Le .Trésorier
A.LEROUX,
Titulaire du compte de Chèques postaux
n° 28427 à Paris.
1, rue du Tertre-Snint-Laurent,
LE MANS
PRIX DE L'ABONNEMENT
Pour la France 20 francs.
Pour l'Etranger 25 francs.
Prix spécial pour MM. les Ecclésiastiques
Pour la France: 15 francs.
Pour l'Etranger: 20 francs.
S O M SI A I R K
DE LA
QUATRIÈME LIVRAISON DU TOME VTII PAGES
ROBERT Triger (suite), par M. H. Touhnoùer 189 Compte rendu de l'Excursion de la Société historique et archéologique du Maine dans le Perche, 27 juin 1928, par MM. G. LEROUX et A. L'Eleu 220 Chronique: Nouveau membre Nécrologie Mnle Ed Bodin, M. P. Giraud; projet de fanion de la Société; dégagement de la Tour du gros l'ilier, au Mans; Bibliographie. 261
1> E JI A 3ï I> JE S
Certaines livraisons manquent à la réserve de nos collections Le tome XXXI (1892).
La ire livraison du tome XLIII (no i3^).
Le tome XL1V (1898).
Une livraison du tome XLV (nt> i3g).
– – LVII1 in» 180).
– – LXI (no 187).
– LXUI (n" 195).
Nous demandons à nos confrères qui ne tiennent pas à garder la collection de nos volumes de nous céder ces livraisons. ON DEMANDE
Les fascicules suivants du Bulletin de la Société d'Agriculture Sciences et Arts de la Sarthe
T. XIV (i85o) ̃•̃̃ Fasc. (pages 1 à 70).
T. XV 11860) 2" et 3'1 Fasc. (pages 101 à 3o2).
T. XIX (1867-68) 1" Fasc. (pages à 64).
Faire offre au baron de la Bouillerie, château de la Bouilleric, Oosmicres (Sarthe).
Echange de faire-part. M. de Linière remercie ses correspondants de Normandie pour l'échange de fairejpart qu'ils ont hicn voulu faire avec lui, en réponse à sa demande.
OUVRAGES OFFERTS A LA SOCIÉTÉ
André Bouton, membre de la Société de Statistique de Paris. La Colonisation rurale du sol français depuis la guerre. (Extrait de l'Economiste européen, du 3o octobre 192& au i5 janvier 1926. Brochure de 3i pages).
Paul CoHnONNiKn-DÉmiE. Le château (le Courcelles-au-M 'aine IIe partie, aveux, inventaires. Imp. Daupelej-Gouverncur, à Nogent-le-Rotrou.
Roger Rodière et Eugène Vallée. – La maison de Moy. 3 vol. avec planches et illustrations hors texte. Imp. André Lebrelon^ Le Mans.
Le tjérant.
Gh. Monnoyeîi.