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Titre : Figaro : journal non politique

Éditeur : Figaro (Paris)

Date d'édition : 1938-10-01

Contributeur : Villemessant, Hippolyte de (1810-1879). Directeur de publication

Contributeur : Jouvin, Benoît (1810-1886). Directeur de publication

Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34355551z

Notice du catalogue : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/cb34355551z/date

Type : texte

Type : publication en série imprimée

Langue : français

Format : Nombre total de vues : 164718

Description : 01 octobre 1938

Description : 1938/10/01 (Numéro 274s).

Description : Note : supplément illustré.

Description : Collection numérique : BIPFPIG63

Description : Collection numérique : BIPFPIG69

Description : Collection numérique : Arts de la marionnette

Description : Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine commune

Description : Collection numérique : La Commune de Paris

Description : Collection numérique : France-Brésil

Droits : Consultable en ligne

Droits : Public domain

Identifiant : ark:/12148/bpt6k409997t

Source : Bibliothèque nationale de France

Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France

Date de mise en ligne : 15/10/2007

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FOCH

Par le Commandant LHOPITAL

ancien officier

d'ordonnance du Maréchal

LA PAIXiy

Foch devant le Conseil suprême des Alliés

Le 6 mars, Clemenceau ouvrit la cinquantième séance du Conseil suprême des Alliés en donnant la parole au maréchal Foch pour exposer les conditions militaires imposées à '̃ l'Allemagne dans les préliminaires de paix.

Le maréchal Foch rendit compte que, conformément à la décision prise par le Conseil suprême des Alliés dans sa séance du 3 mars, il avait réuni à nouveau les comités militaire, aérien et naval en vue de coordonner leurs travaux. Les clauses présentées aujourd'hui avaient été établies à la suite de cette réunion.

Le général Degoutte exposa les légères modifications apportées à la rédaction primitive du statut, elles se bornaient au changement de quelques phrases l'article premier du chapitre I du texte primitif stipulait que « l'effectif total de rarmée de terre de l'Allemagne, fixé de manière que l'Allemagne puisse assurer l'ordre et la police à l'intérieur de son territoire est au maximum de deux cent mille hommes, officiers non compris ». Les délégués britanniques ayant fait observer que cette disposition pouvait donner lieu à une discussion, la rédaction suivante avait été adoptée « L'effectif total de l'armée de terre de tous les Etats constituant à présent et dans l'avenir l'Allemagne, fixé de manière que l'Allemagne puisse assurer l'ordre et la police à l'intérieur de son territoire, est au maximum îS.de deux cent mille hommes. » Il A la demande du délégué américain l'article premier du chapitre V avait été également modifié de la façon suivante « Toutes les prescriptions de la présente convention sont applicables dans tous les territoires constituant l'Allemagne, telle qu'elle sera à la signature du traité de paix, ou telle qu'elle puisse être constituée à un moment quelconque dans l'avenir. » Lloyd George, prenant alors la parole, dit qu'il estimait que la discussion ellemême du projet ne devait pas avoir lieu dans une assemblée aussi nombreuse, mais devrait se développer seulement entre les hommes d'Etat responsables des décisions qui seront prises.

Il ajouta que le texte proposé contenait des conditions inacceptables dans leur forme actuelle avant d'entrer dans des questions, souvent des questions de principes de la plus grande importance, H demandait au maréchal Foch comment, d'après lui, les Allemands pourraient lever leur armée, cette armée qui ne dépassait pas ces deux cent mille hommes. LE MARÉCHAL Focs. Il est probable que cette armée sera levée par le recrutement, et pour la durée maximum que nous autorisons, c'est-à-dire pour un an. M. CLEMENCEAU. Voulez-vous dire que le recrutement sera obligatoire ? 2

LE MARÉCHAL Foch. Le recrutement

il Clemenceau

pourra se faire par voie de tirage au sort ou par tout autre procédé, mais les effectifs seront limités à deux cent mille hommes et la durée du service à un an. M. LLOYD GEORGE. La limite maximum fixée pour la durée du service est d'un an, par suite deux cent mille hommes ne serviront qu'un an, mais au bout de dix ans les Allemands auront deux millions d'hommes instruits, dans vingt ans, quatre millions. Est-ce vraiment là ce que proposent les conseillers militaires? Le maréchal Foch répondit qu'il y aurait bien deux millions d'hommes après dix ans et quatre millions au bout de vingt ans, mais que ce n'était pas le sol.

(1) Lire le 'Figaro Littéraire du 24 septembre.

L'A RM 1 S TIC E ET LA PAIX

D'APRES

dat qui faisait la qualité d'une armée, mais les cadres qui, avec ce système, seraient difficiles à former. En augmentant l'effectif permanent que les Allemands pourraient maintenir sous les drapeaux, on leur permettrait d'avoir, au bout de cinq ou dix ans, des cadres puissants. Il ajouta qu'il fallait évidemment considérer la situation actuelle et celle de l'avenir. Il est certain, dit-il, que si l'Allemagne veut réarmer, elle dispose de milliers d'officiers et de sous-officiers instruits et de millions de soldats entraînés, et aura donc pendant quelque temps -une armée en état de fonctionner, cela est incontestable, c'est une situation que l'on ne peut éviter par aucun procédé.

Si l'on permettait à l'Allemagne de constituer une armée permanente de quarante mille, cinquante mille ou soixante mille soldats, elle pourrait former quarante mille, cinquante mille ou soixante mille sous-officiers. Ce qui importe, c'est d'éviter non l'entraînement des cadres qu'elle pourrait avoir actuellement, mais la formation de nouveaux cadres. Le projet soumis au Conseil a été arrêté après consultation des généraux en chef, du général Pershing, du maréchal sir Douglas Haig, du maréchal Pétain, du général Diaz et

Raymond Poincaré

de tous les délégués spéciaux désignés pour la circonstance. Ce n'est donc pas mon opinion personnelle, ajouta le maréchal Foch, que j'apporte ici, mais le résultat de l'accord qui a été réalisé entre les conseillers militaires.

Lloyd George déclara que ni la personne du maréchal Foch ni le haut commandement de l'armée n'étaient en cause, mais cette question étant une des plus importantes que le Conseil ait à discuter, en raison de l'aspect politique aussi bien que militaire qu'elle présentait, il comptait donner des ordres aux généraux anglais pour qu'ils préparent un autre projet de désarmement de l'Allemagne qui pourrait être examiné demain ou aprèsdemain. Il demandait au Conseil de vouloir bien ajourner la suite de la discussion.

Le maréchal Foch, se levant, après avoir rangé ses papiers et plié sa serviette, déclara « DANS CES CONDITIONS, je n'ai PLUS RIEN A FAIRE ICI », et il sortit. Clemenceau proposa alors d'accueillir la demande de Lloyd George et de renvoyer la suite de la discussion au lendemain.

« Une seule barrière naturelle le Rhin » A

Le 3B mars, le maréchal Foch, qui avait été inscrit sur la liste des délégués plénipotentiaires mais qui, en fait, ne semblait l'être qu'honoris causa, étant tenu à l'écart de tous les pourparlers dont, selon son expression propre, « il ne saisissait que les échos », et « voulant éviter de se trouver en présence 'd'un fait accompli aux graves conséquences », écrivait au président de la Conférence la lettre suivante

« 30 mars 1919.

» Monsieur le président,

» Je serai amené sans doute à partir le 2 avril pour Spa.

» D'ici là, et avant que la question ne s'engage davantage, je vous demande à être entendu par les chefs de gouvernement sur la nécessité d'une frontière militaire sérieuse pour les pays de, l'Europe occidentale.

» Recevez, etc.

» F. Foch. s

Et le maréchal, dans ses notes personnelles, ajoute

« Trente-deux Etats alliés allaient être appelés à signer le traité de Versailles et la clause fondamentale du traité, qui devait interdire le retour de l'invasion dévastatrice et de la guerre contre laquelle ils* s'étaient dressés, n'allait être discutée que par trois chefs de gouvernement. A quel degré pouvait-elle répondre à son objet et s'imposer aux, préoccupations de ces trois hautes personnalités ?

» Le président de la République des Etats-Unis avait vu triompher à la confé-

DES NOTES ET DOCUMENTS INEDITS

Clemenceau, le président Wilson, M. Lloyd George sortent du château de Versailles après la signature du traité de paix.

rence ses généreuses idées sur la Société des nations. Il prenait des engagements nouveaux par le traité de garantie consenti à la France. Serait-il suivi par son Parlement dans ses nobles efforts ? 7 » Le chef du cabinet britannique, après avoir fait des réserves relativement au principe de la liberté des mers, après avoir acquis la flotte allemande à l'armistice, allait gagner à la paix la plus grande partie des colonies allemandes.

» Les deux grands Etats que l'une et l'autre personnalité représentaient, distincts et distants du continent européen, étaient grandement protégés par la mer. Partageraient-ils, dans la discussion en cours, les inquiétudes et les angoisses des Etats au contact de l'adversaire ? Le chef du gouvernement de la France victorieuse, mais meurtrie, pourrait-il à lui seul convertir ses deux puissants collègues à sa thèse de la sécurité et de la garantie de réparation, nécessaires non seulement à la France, mais aussi, des Etats moindres, fortement éprouvés et grandement menacés ?

» Que représentaient ces gages, du point de vue militaire ? Ce sera l'objet de la note du 31 mars. Elle établira que les gages étaient inopérants, que les alliances prévues, jouant à plein, ne pouvaient produire des effets capables de soustraire les Etats contigus à l'Allemagne à des échecs ou à des ravages tels que ceux de 1914 en Belgique et en France.

» N'y avait-il pas lieu, dès lors, d'intéresser ces Etats à l'examen de la question ? Et pouvait-on, en tout cas, renoncer à un gage solide conquis sur l'ennemi au prix du sang de nos soldats, pour des garanties proposées par ceux de nos alliés déjà reconnues inefficaces, dont la plus importante restait incertaine et devait du reste bientôt être répudiée par les Parlements ? »

Le 31 mars, le maréchal Foch est convoqué devant les chefs de gouvernement (France, Grande-Bretagne, Etats-Unis, Italie) et leur donne connaissance de la note suivante qui, selon son expression, établissait « l'inanité des tractations en cours ».

L'inanité des transactions

« Par la note du 10 janvier, on a montré la nécessité pour les puissances occidentales d'avoir comme frontières militaires une barrière naturelle (et il n'y en a qu'une, le Rhin) pour arrêter l'invasion d'une masse germanique de 70 millions de sujets environ qui peut, en outre, être augmentée d'une masse slave d'un chiffre plus élevé.

» Comme on le verra dans la présente note, toute autre combinaison semble insuffisante, soit par son inefficacité, soit par le temps qu'elle demanderait à jouer. » Telle la simple neutralisation des

La rive gauche du Rhin'

provinces rhénanes, consolidée par une forte alliance.

» Si l'on suppose, en effet, une zone neutre de 50 kilomètres de largeur sur la rive gauche et la rive droite du Rhin, libérée ainsi de toute garnison, il est certain que le jour où un commandement allemand est décidé à reprendre l'attaque, il peut, sans manifestation évidente, prendre des dispositions qui lui permettent, sans coup férir, de se saisir des passages du Rhin, d'une zone d'action suffisamment large sur la rive gauche pour en faire le point de départ d'une attaque rassemblée d'autre part, et nous mettre en un moment en présence d'un fait accompli dont la discussion tardive ne peut plus rien produire. Il est également évident que ce commandement a dès lors en main l'obstacle franchi et par là, la possibilité non seulement de s'y défendre avec fruit, mais encore d'en faire déboucher avec avantage ses masses.

» En partant de cette situation défavorable qui équivaut ail lendemain d'une grande bataille perdue, que nous reste-t-il à faire ? A concentrer au plus tôt les armées alliées à la frontière de nos Etats. Malheureusement, nous ne trouvons aucun obstacle naturel pour y couvrir une opération toujours longue et périlleuse pour les Etats les premiers engagés, France et Belgique, et à plus forte raison pour y attendre les armées de nos alliés Angleterre, Amérique, plus longues à -venir. En admettant même que cette première opération réussisse, c'est un total inférieur que présenteront encore la France et la Belgique, puisqu'il ne résultera que d'une population de 50 millions d'habitants, devant une supériorité de population allemande incontestable. C'est donc une bataille perdue si elle est engagée par ces seuls Etats. Pour éviter une pareille surprise, d'où découlent toutes ces conséquences, et qui ne réclame de l'adversaire aucune capacité extraordinaire, il n'y a qu'un moyen c'est de rester nousmêmes sur le Rhin.

» Le secours d'une alliance ne peut compenser au moment voulu l'infériorité de la situation car il est douteux que l'Angleterre puisse mettre, comme premier secours au service d'une guerre européenne plus de forces qu'elle n'en avait en 1914, en raison de son obligation de tenir un vaste empire et en l'absence du service obligatoire. Mais, en outre, ce se- cours insuffisant ne pourra qu'être tardif, par suite de la distance, de la traversée de la Manche, et parce que, dans l'hypothèse même d'un tunnel sous-marin d'une destruction toujours possible d'ailleurs le rendement d'une seule ligne même à deux voies ne permet pas de dépasser la rapidité de transport que nous avons connue en 1914.

» Quant au secours américain, ce ne

sont pas des semaines qu'il exigera, mais bien des mois.

» Et dans ces conditions, par suite, c'est une bataille à notable infériorité numérique, sans aucun obstacle naturel pour la rendre plus facile, qu'il nous faudra supporter dans les plaines de la Belgique. C'est de nouveau la Belgique et le nord de la France transformés en champ de bataille, en champ de défaite, c'est bientôt l'ennemi atteignant les côtes d'Ostende et de Calais, les mêmes pays ravagés une

fois de plus.

» Si, en 1914, nous avons pu durer le temps nécessaire à l'Angleterre pour faire ses grandes armées, si nous avons pu tenir à la Marne, à Arras, et finalement sur l'Yser, c'est que la Russie, de son côté, retenait une notable partie des forces allemandes, envahissait la Silésie et menaçait Berlin.

s> Ce contrepoids n'existe plus, pour longtemps sans doute. Peut-être même viendra-t-il s'ajouter à la masse ennemie pour la renforcer. Par là se montre, sur la frontière occidentale de l'Allemagne, le danger d'une situation plus grave pour nous qu'en 1914. Elle résulte des modifications politiques des Etats et des alliances. Cette situation nouvelle ne peut être méconnue il ne peut y être remédié qu'en utilisant, pour la renforcer, la seule frontière que la nature ait créée dans le nord-ouest de l'Europe la barrière du Rhin.

» En résumé, si nous ne tenons pas le Rhin d'une façon permanente, il n'y a pas de neutralité, de désarmement, de clause écrite d'une nature quelconque qui puissent empêcher l'Allemagne de se saisir du Rhin et d'en déboucher avec avantage.

Le président Wilson

II n'y a pas de secours suffisant, arrivant à temps d'Angleterre ou d'Amérique, pour éviter un désastre dans les plaines du Nord, pour éviter à la France une défaite complète ou l'obligation, pour y soustraire ses armées, de les replier sans retard derrière la Somme, ou la Seine, ou la Loire, en vue d'y attendre le secours de ses alliés.

» Le Rhin reste donc aujourd'hui la barrière indispensable au salut des peuples de l'Europe occidentale, et par là de la civilisation. Il n'y a pas, d'autre part, de principe supérieur qui oblige un peuple victorieux, quand il a reconquis dans une guerre défensive les moyens indispensables à son salut, à les restituer à son adversaire. Il n'y a pas de principe qui puisse obliger un peuple libre à vivre sous une menace continuelle et à ne compter que: sur ses alliés pour lui éviter le désastre, quand il vient de payer son indépendance de .plus de 1,500,000 cadavres et d'une dévastation sans exemple. Il n'y a pas de principe qui puisse prévaloir contre le droit des peuples à l'existence, contre le.droit absolu qu'ont la France et la Belgique d'assurer leur indépendance.

» Dans ces conditions, il paraît difficile de refuser aux nations des nremiers rangs de la bataille, France et Belgique, la protection qu'elles jugent indispensable pour vivre et combattre jusqu'à l'arrivée de leurs alliés, de leur enlever le bouclier qui leur permettra de se défendre, mais non d'attaquer le Rhin.

» Il nous faut faire non seulement une paix juste, mais une paix durable que les populations de la rive gauche du Rhin restent, ou non, allemandes, la frontière politique des nations de l'ouest de l'Europe contre la Germanie est au Rhin. » II appartient d'autre part à la conférence de régler le sort politique des Etats de la rive gauche du Rhin et de leur donner une constitution compatible avec le principe de la liberté des peuples. Ils n'ont d'ailleurs jamais constitué que des Etats indépendants, ou des appoints pour les puissances centrales de l'Allemagne. » Je demande instamment aux gouvernements alliés et associés qui, aux heures les plus critiques de la guerre, ont remis entre mes mains la conduite de leurs armées et l'avenir de la cause commune, de considérer que cet avenir n'est assuré d'une façon durable, demain comme aujourd'hui, que par la frontière militaire du Rhin et son occupation par les alliés. Cette situation indispensable est donc à maintenir. »

Foch devant le Conseil

des ministres

fie maréchal, en faisant intervenir le Président de la République, obtient, en avril 1919, d'être entendu par le Conseil

des ministres. Clemenceau lui donne la parole mais n'accepte pas qu'il discute les délibérations ministérielles antérieures. Si, dit le président du Conseil, cette discussion devait se faire, il se retirerait. Le maréchal vient seulement pour donner. son opinion.

M. le maréchal Foch ne pouvant examiner le projet de traité en préparation puis,qu'il n est pas présenté, va exposer les conditions militaires qu'il a toujours cru nécessaire d'y insérer. Il donne lecture de la note du 10 janvier (cette note est remise à MM. les ministres). Au cours de cette lecture, il développe l'importance que, dans ses études militaires, le maréchal de Moltke a toujours attachée à la question du Rhin et resume ainsi son exposé entre Paris et Berlin, le débat est au Rhin celui des deux adversaires qui a le Rhin dominera toujours l'autre (1).

Le maréchal donne ensuite lecture de la note du 31 mars dans laquelle il réfute certaines clauses du traité de paix en préparation (cette note est remise à MM. les ministres). Le maréchal a lu cette note le .31 mars aux chefs de gouvernement qui ne lui ont rien répondu. C'était leur droit. Que les gouvernements alliés se désintéressent de cette question, c'est leur affaire. Mais le gouvernement français ne peut s'en désintéresser. Conserver une frontière ouverte comme elle l'était en 1914 et en présence d'une situation plus menaçante en l'absence de l'appui russe, exposer de nouveau la France à subir les ravages qu'elle a subis pendant ces cinq années, serait un crime de lèse-patrie.

Le maréchal ne connaît à ces dangers qu'un remède, l'occupation du Rhin. M. le Président de la République demande au maréchal Foch si, en admettant que les gouvernements anglais et américain préparent une alliance défensive, garantissant qu'ils viendront au secours de la France attaquée, ces garanties peuvent suppléer à celle que donne le Rhin. M. le maréchal Foch ignore les termes dans lesquels seraient conclues ces alliances il attend de les connaître pour en discuter. Mais, en admettant que ces alliances soient aussi parfaites que possible, il s'écoulera toujours un an avant que l'Angleterre ait une armée importante en France. La situation de l'armée britannique sera toujours la même pas d'armée permanente, un immeuse empire colonial à maintenir et d'où il faut la faire venir en partie. Quant à l'armée américaine, c'est deux ans qu'il lui faudrait.

Le maréchal est donc, sur ce point, formel les alliances ne donnent aucune des garanties nécessaires.

M. le Président de la République demande au maréchal Foch si la neutralisation de la rive gauche du Rhin est une garantie qui peut compenser la non-occupation du fleuve.

M. le maréchal Foch. Cette garantie est égale à zéro comme il est indiqué dans la note du 31 mars.

Devant le Conseil des ministres de France, il faut s'occuper des intérêts de la France. Les armées ont pris cette barrière indispensable à la France la quitter serait un crime de lèse-France.

Le Conseil des ministres peut assumer cette responsabilité. Le maréchal Foch lui déclare nettement son opinion. L'abandon du Rhin est inadmissible.

M. le ministre demande comment le ma- réchal Foch conçoit l'occupation du Rhin. M. le maréchal Foch. De quoi s'agit-

M. Lloyd George

il ? de garanties défensives ? Pour cela, il faut occuper les ponts du Rhin. De garanties du paiement de la dette allemande ? Pour cela, il faut maintenir cette occupation tout le temps nécessaire à ces paiements, et également le temps nécessaire à l'établissement en Allemagne d'un ordre de choses qui nous rassure sur ses intentions.

M. le ministre. Dans l'hypothèse des alliances, il se peut que l'Angleterre et l'Amérique offrent des garanties. QueP"~ garanties peut-on demander aux A une fois le Rhin abandonné ? 7

M. le maréchal Foch. Il n'y en 4. La défense de l'Angleterre, comme t de la France, est au Rhin.

M. le ministre. Le maréchal a ent ployé l'expression «tenir le Rhin jusqu'à nouvel ordre. Quelle est son idée ? M. le maréchal Foch. Il s'agit de garantir un paiement dont je ne connais pa» les termes. | (1) C'est ce péril qui suggéra la construction de la ligne Maginot. ̃;


M. le ministre. Supposons qu'il s'agiste de trente, quarante, cinquante ans. M. le maréchal Foch. Nous ne travaillons pas pour l'éternité. Mon idée est celle-ci maintenir l'occupation tant que les paiements ne seront pas effectués et tant que l'état des esprits en Allemagne ne donnera pas toute sécurité.

M. le ministre suppose qu'avec l'aide des Etats-Unis, les Allemands puissent payer 300 milliards en un an. Que deviendrait alors l'occupation ?

M. le maréchal Foch fait ses réserves sur la réalisation d'une telle hypothèse. Mais dans un autre ordre d'idées, pour reconstituer l'industrie et les habitations des provinces ravagées, il faut être à l'abri. Il faut que les populations à qui l'on demande de faire ce travail énorme, qui durera dix ou vingt ans, aient de sérieuses garanties contre l'invasion. Sans quoi elles n'entreprendraient pas la tâche.

Les garanties illusoires

Le 6 mai enfin, luttant jusqu'au bout et m'ayant du reste pas plus connaissance de l'ensemble des clauses du traité qu'à la séance du 25 avril il n'avait eu commun i-

Le général Degoutte

fcation de la formule provisoirement arrêtée des gouvernements alliés relativement aux clauses militaires du traité, le maréchal Foch fit entendre à la séance plénière de la Conférence qui précédait de vingtquatre heures la remise du traité aux Allemands, la déclaration suivante telle qu'elle est résumée par le procès-verbal de la Conférence.

Le président. La parole est à M. le maréchal Foch.

Le maréchal Foch. Messieurs, j'aurais quelques observations à présenter, je crois, si j'avais en main le texte du projet de traité, mais je dois avouer que je ne l'ai pas encore. Au point de vue militaire, il y a des clauses que je ne connais que par des rumeurs, elles appelleraient des obseryations, je vais m'efforcer de préciser. Pour contraindre l'ennemi à tenir ses engagements il n'y a qu'un seul moyen militaire c'est de maintenir l'occupation du Rhin. Au Rhin, en effet, on peut, avec peu de forces, interdire toutes actions à l'Allemagne et on se les réserve toutes. .Quand on est maître du Rhin, on est maître de tout le pays. Quand on n'est pas sur le Rhin, on a tout perdu.

w ̃ ̃̃̃

A l'issue de la séance, comme on prenait le thé dans le salon voisin, le maréchaf Foch alla trouver Clemenceau et lui dit J'ai eu l'honneur de poser une question, je voudrais bien une réponse. M. Clemenceau se tourna alors vers M. Wilson et M. Lloyd George avec lesquels il causa un moment avec animation, puis il revint et déclara au maréchal Notre réponse est qu'il n'y a pas de réponse.

Foch lui répliqua

Monsieur le président, je me deman'de si je vous accompagnerai demain à Versailles. Je me trouve dans le cas de conscience le plus grave que j'aie connu dans mon existence. Ce traité, je le répudie, et je ne veux pas, en m asseyant a vos côtés, en partager la responsabilité. Le soir, Clemenceau envoya au maréchal M. Jean Dupuy, qui lui parla avec une réelle émotion. Alors le maréchal se dit Les gouvernements alliés vont se présenter devant les Allemands pour leur imposer un traité. Est-il possible qu'ils se présentent sans le chef de leurs armées ? Je n'en ai pas le droit, ce serait les affaiblir devant l'ennemi.

Quand la cérémonie de la remise du traité de paix aux Allemands fut finie, le maréchal, qui se trouvait à côté de M. Klotz, lui dit

Monsieur le ministre des finances de la République française, avec un pareil traité, vous pourrez vous présenter aux guichets de l'Empire allemand, vous serez payé en monnaie de singe.

M. Klotz lui répondit alors aigrement •– Ce n'est pas dans mes habitudes. Il faudra vous y faire, lui répliqua maréchal.

Quelques semaines plus tard, le 28 juin, les conditions de paix réunies en un texte qui formait le Traité de Versailles étaient acceptées par la délégation allemande. Le traite recevait ce jour-là, du côté de l'Entente, la signature de trente-deux Etats alliés ou associés.

i A suivre.), Commandant Lhopltal.

LA V I E L I T T E R AIR E

BRUNO GAY-LUSSAC i Les Enfant* aveugles (Grasset)

M. François Mauriac n'est pas seulement l'un de nos tout premiers écrivains peut-être le grand prosateur Be son temps c'est un chef de famille littéraire. Entendez-le comme il ;vous pîaira c'est vrai de toutes façons. Son fils aîné s'est déjà fait une signature, certains de ses frères aussi; ses neveux entrent à l'envi dans la carrière de la plume oncle François est un père gigogne de jeunes romanciers. En outre, il n'est pas moins exact que, ^31 y a un mauriacisme, une tendance ^riacienne, la famille littéraire de mriac en subit parfois l'influence. /man de M. Bruno Gay-Lussac en dn ardent témoignage.

ies lecteurs du Figaro ont pris connaissance ici même, il y a quinze jours, de la véhémente préface que M. Mauriac a écrite pour ce livre. (Cette véhémence n'épargne pas les critiques, flu'elle oppose aux écrivains « inspités ». Les critiques ne sont-ils donc gne des parasites ? Répondons simple-

CHOSES ET GENS DE LETTRES

QUI REPONDRA ? Dans la Tribuna d'Italia, un des écrivains italiens les plus distingués de l'heure actuelle, M. Antonio Aniente, lance à ses confrères de France un fervent manifeste pour le prompt rétablissement de l'union complète entre son pays et le nôtre. « Nous sommes pour la paix, écrit-il, pour la paix à n'importe quel prix entre la France et l'Italie. Car nous sommes persuadés que de bons rapports entre les deux pays latins peuvent seuls sauver notre vie morale et quand nous parlons de notre vie morale, nous faisons allusion à la civilisation vraie et unique qui gouverne le monde. S'il doit y avoir antagonisme entre Italiens et Français, ce doit être entre deux intelligences créatrices jamais dans la vulgarité et la bagarre. Et c'est pourquoi nous exhortons Italiens et Français à accepter les sacrifices nécessaires qui sont à la base de notre salut. » Déclarations reflétant, trait pour trait, ce que pensent, ce que ressentent, depuis des années, quantité d'auteurs français, malgré les heurts d'ordre politique ou diplomatique qui, par moments, divisaient les deux nations sœurs.

Seulement à la généreuse intervention de M. Antonio Aniente, un de nos écrivains en vue va-t-il répondre ? Ou, plutôt qu'un écho isolé, pour cette réponse, ne vaudrait-il pas mieux la voix d'une de nos grandes associations littéraires et notamment de la première d'entre elles j'ai nommé la Société des Gens de lettres. Au cours des pathétiques journées récentes, soit esprit de modestie, soit crainte de gêner l'action de nos gouvernants, le Comité de la rue Saint-Jacques s'est confiné dans le silence. Mais, quand un des plus importants écrivains d'Italie adresse aux nôtres un si noble, un si affectueux appel, ne serait-il pas conforme au rôle moral de la Société comme à l'autorité que lui confèrent ses cinq mille adhérents de prendre la parole et de crier sans retard à M. Antonio Aniente « D'accord >

· Fernand Vandérem.

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La traversée de la Méditerranée en aéroplane.

Sous ce titre, le Figaro du 24 septembre publie un article de son collaborateur Frantz Reichel, qui commence par ces lignes « il n'y a plus de Méditerranée (?). En moins de huit heures de vol et malgré un vent contraire, l'aviateur Roland Garros est allé de Saint-Raphaël à Bizerte sans faire escale en Corse ou en Sardaigne et dédaignant même de consentir à se détourner de sa route maritime pour voler au-dessus des terres. Il a parcouru ainsi 780 kilomètres au-dessus de la mer. » Avec la traversée de la Manche par Blériot et la traversée des Alpes par Chavez, la traversée de la Méditerranée est la plus probante victoire de l'aviation française, une de ces victoires qui comportent un enseignement et déchirent les voiles de t'avenir. »

Les séances du Dictionnaire. Dans le Figaro du même jour, cet écho t < L'Académie française se décidera-t-elle quelque jour à convier le public aux séances du Dictionnaire ? Il serait intéressant pour des Français, et même pour des étrangers, d'assister à la discussion préalable qui doit fixer pour l'avenir la discipline de la Umgue française. » Hélas! La tradition en ce cas, si fâcheuse que d'aucuns l'appellent la routine, s'oppose d la publicité du travail du dictionnaire. » C'est grand dommage. Et eest beaucoup d'esprit perdu. »

Sans doute. Mais il s'en perdra encore plus désormais puisque l'Académie vient de décider que même la presse ne serait plus informée de ces séances.

Les minorités en Albanie. e

Une dépêche de Janina du 23 septembre relate que la situation en Albanie devient de plus en plus insupportable

« Il n'y a pas de mesures qui ne visent à rendre plus intolérable la vie des milliers de Grecs résidant dans le pays au delà de la zone occupée par les troupes helléniques. Tous les moyens sont employés pour anéantir complètement cette population laborieuse et vigilante qui a su, pendant de si nombreuses années, sous le joug ottoman, conserver au plus haut degré, en luttant infatigablement contre l'assaut des influences extérieures, contre les pressions et les violences, un caractère purement national, intellectuel et civilisé. » Les Grecs qui habitent les pays contestés s'élèvent au nombre de 316.651. »

Toujours le problème des minorités t Jacques Patin.

ment à M. Mauriac que son Jean Racine, ouvrage de critique, n'est pas le moins bon de ses livres, ni le moins inspiré. Et revenons à notre sujet, qui est le roman de M. Gay-Lussac.) A vrai dire, M. Mauriac ne pouvait pas ne pas prendre feu pour ces Enfants aveugles, frères cadets de « l'Enfant chargé de chaînes », qui se débattent dans les plis de « la Robe prétexte » et s'affolent devant les problèmes posés par « la Chair et le sang ». Les Enfants aveugles, c'est l'expression de l'épouvante que tous les drames latents dans l'avènement de l'amour humain inspirent à des adolescents dont la pureté se sent menacée. Il suffirait de relire tel poème des Mains jointes ou de l'Adieu à l'adolescence pour comprendre ce que M. Mauriac a retrouvé dans ce livre, où brûle la flamme inquiète d'un cœur d'enfant à l'aube de la vie. Je ne dis pas cela pour reprocher à M. Bruno Gay-Lussac de marcher sur des chemins battus. Les grands sujets littéraires ne sont pas nombreux. Il a choisi pour ses débuts l'un des plus grands, et il a eu raison. Sans doute ne l'a-t-il pas choisi, d'ailleurs, et c'est encore mieux on a le sentiment que son livre s'est imposé à lui, comme il arrive à un véritable écrivain, dont les

En relisant l'histoire de la littérature tchèque. Conséquences incalculables d'une mystification littéraire. Du poème de « La Rose » à l'ultimatum de M. Hitler. Naïveté, rouerie et bonnes intentions des libraires allemands. Apprendre à lire. Apprendre à lire à ceux qui apprennent à lire.

En attendant les informations de la T. S. F., j'ouvre, assis près de mon appareil, La Littérature tchèque contemporaine de H. Jelinek, préface d'Ernest Denis, professeur à la Sorbonne.Je lis dans cette préface « Je doute qu'il soit possible de parcourir ce volume sans éprouver un sentiment de respect et de sympathie pour cette nation, petite par le nombre et grande par le cœur qui, tenace et vaillante, supporte sans faiblir depuis dix siècles l'assaut de la masse germanique. Fluctuai nec mergitur, elle aurait droit elle aussi de revendiquer cette fière devise. Que de fois les flots de la tempête allemande ont recouvert ses rochers escarpés et que de fois le vainqueur a cru avoir enfin terrassé son ennemi Meurtri, saignant, le Slave se relève d'abord sur les genoux et sur les mains, puis il se dresse de toute sa hauteur pour crier à l'envahisseur « Non, la Bohême n'est pas morte. » En somme, depuis des siècles, les Tchèques, plantés en face des Allemands, ont la conviction entière, absolue, qu'ils sont profondément différents d'eux et le désir acharné et ardent de se distinguer le plus nettement possible de leurs voisins. Nous trouvons dans le livre de M. Jelinek plus d'une leçon. Il nous apprend ce que peuvent la volonté obstinée, le dévouement tenace, l'amour de la patrie, le sacrifice. Gœthe disait que l'on ne meurt que quand on le veut bien. Le peuple tchèque a prouvé qu'en effet un peuple qui ne veut pas mourir réussit en dépit de tout à vivre. C'est un grand et noble exemple qu'il est bon de méditer. »

Ces lignes d'Ernest Denis portent la date de février 1911.

L'importance de la littérature dans la formation de l'âme tchèque moderne a été grande, mais il n'est pas moins remarquable que, dans la formation de la littérature tchèque, non moins importante ait été une mystification littéraire, œuvre du poète et bibliothécaire Vaclav Hanka, qui, en 1817, dit avoir retrouvé des manuscrits du treizième siècle contenant de très anciens poèmes tchèques, épiques et lyriques. Cette prétendue exhumation souleva l'enthousiasme de toute l'Europe et fut le point de départ en Bohême d'une renaissance littéraire qui dure encore, après avoir entraîné avec elle une renaissance politique dont la crise actuelle forme le plus tragique épisode. C'est il y a un demi-siècle seulement que la supercherie de Vaclav Hanka, fort analogue à celle de Macpherson, l'auteui des poèmes d'Ossian, fut découverte. Ainsi un bibliothécaire qui occupait ses veilles à composer des pastiches de poésie populaire et à les recopier laborieusement sur de vieux parchemins, a engendré sans le vouloir un renouveau national d'une telle force que les fondements de l'Europe s'en trouvent, cent vingt ans après, ébranlés. Niera-t-on encore l'efficacité de la poésie ? >

De cette poésie tchèque prétendue ancienne qui est à l'origine, peut-on dire, du formidable drame européen de 1938, voici un échantillon

LA ROSE

Ah l rosé, belle rose,

Pourquoi t'es-tu épanouie si tôt ? 7

Epanouie, pourquoi as-tu gelé 7

Gelée, pourquoi t'es-tu fanée ? 7

Fanée, pourquoi t'es-tu effeuillée 7

Le soir, je me suis assise. Longtemps, Jusqu'au chant du coq, je suis restée, Et dans ma vaine attente,

J'ai brûlé tout mon bois de résine.

Je me suis endormie. J'ai fait un rêve. Infortunée, j'ai rêvé qu'une bague d'or Avait glissé du doigt de ma main droite, Et que la pierre précieuse en était tombée. Je n'ai plus retrouvé la pierre.

Mon bien-aimé n'est pas venu.

La Semaine allemande du Livre s'est terminée sur une déclaration solennelle de tous les éditeurs et libraires allemands réunis à Weimar. Ils se sont engagés à ne publier ni diffuser aucun ouvrage susceptible de porter atteinte, par une déformation volontaire de la vérité historique, au prestige d'un chef d'Etat ou à celui d'une nation étrangère. Ils ont pris le même engagement en ce qui concerne la publication d'ouvrages qui tendraient à mésestimer ou à rabaisser le caractère des institutions et

pages les plus vives, j'allais dire les plus saignantes, semblent demeurer toujours un peu en deçà de tout ce qu'il aurait voulu dire et crier. Les critiques à faire à M. Gay-Lussac il faut lui en faire d'autant plus que son jeune talent nous retient davantage porteront sur d'autres points (1). D'abord, on souhaiterait que dans la famille littéraire de M. Mauriac s'établît une distinction entre les thèmes mauriaciens et l'ambiance mauriacienne. Les thèmes sont à tout le monde, répétons-le ils le sont d'autant plus qu'ils sont plus élevés. Mais l'ambiance doit correspondre à l'expression personnelle de l'écrivain. On pense trop souvent à un reflet de Mauriac chez M. Gay-Lussac, devant telle évocation satirique d'un repas de famille, telle allusion à Mozart (de grâce, n'abusons pas de Mozart !), et surtout quand les héros de M. Gay-Lussac cultivent leur pureté dans les boîtes de nuit. N'insistons pas. Ce dernier point est un de ceux sur lesquels M. Mauriac lui-même a subi des critiques qui

(1) Laissons de c6té les négligences de grammaire et d'orthographe. De nos jours, cela n'empêche d'être ni romancier ni bachelier. Mais n'y a-t-il plus de correcteurs dans les maisons d'édition et les imprimeries R

PR OPOS D U SAMEDI

des traditions d'un autre peuple. Ils se sont de plus déclarés disposés à entrer en contact, sur ces points, avec les éditeurs et libraires de l'étranger. Les éditeurs et libraires allemands sont de braves gens, à moins que ce ne soient des fumistes, mais l'une de ces deux hypothèses n'exclut pas l'autre, car on peut être un fumiste et nourrir de bonnes intentions, ce qui n'empêche pas non plus de pratiquer en même temps la plus naïve hypocrisie.

Ou les libraires allemands sont des imbéciles, mais j'en doute, ou ils savent fort bien que s'engager à ne pas éditer ni vendre de livres dont les auteurs ont déformé sciemment la vérité historique, c'est ne s'engager en somme à rien, la déformation de la vérité historique étant quasi impossible à prouver, comme la vérité elle-même, surtout la déformation volontaire, puisque le plus fieffé menteur peut toujours soutenir qu'il n'a pas menti exprès. Qui exercera la censure au nom des éditeurs et libraires allemands ? Et peut-on imaginer que lesdits éditeurs et libraires refuseront d'éditer et de vendre un ouvrage ayant reçu l'estampille du parti nazi ? Refuseront-ils d'éditer et de vendre Mein Kampf où la France est si maltraitée ?

La déclaration des éditeurs et libraires allemands est, à supposer qu'elle soit sincère et réalisable, bien curieuse à un autre point de vue. Elle nous montre, en effet, les éditeurs et les libraires s'érigeant en juges, non seulement des historiens et des politiques, mais de l'histoire, sans qu'ils aient apparemment la moindre qualité pour cela et comme si une censure gouvernementale n'existait pas déjà en Allemagne. Jusqu'à plus ample informé, nous serons donc obligés de considérer la déclaration de Weimar comme moralement et pratiquement dépourvue de valeur. Ce n'est pas encore elle qui donnera le signal de la concorde et de la tolérance réciproque entre les hommes.

M. Roland Alix, rédacteur en chef du Bulletin du Livre français, voudrait que l'année scolaire supplémentaire votée il y a deux ans fût mise à profit par les maîtres pour apprendre aux enfants à lire, en d'autres termes pour donner aux enfants le goût de la lecture.

Une circulaire de M. Jean Zay datée d'octobre 1936 précisait le triple but de la scolarité prolongée renforcer et compléter les notions déjà acquises donner à tous le goût et le moyen de continuer leur instruction après l'école orienter professionnellement les élèves au mieux de leur intérêt propre et de l'intérêt général. M. Alix estime que le second de ces buts mériterait une circulaire spéciale. Comment donner à tous le goût et le moyen de continuer leur instruction, sinon en leur donnant le goût de la lecture ? Mais comment leur donner le goût de la lecture ? Il est vrai qu'un arrêté ministériel du 23 mars de cette année s'est proposé d'encourager la lecture et la récitation à la maison et dans les écoles, voire la lecture silencieuse, mais ce n'est pas suffisant, estime avec raison M. Alix « Il semble très possible de donner à nos instituteurs des instructions plus détaillées et de leur demander de mettre la lecture au premier rang de leurs préoccupations. »

De leurs préoccupations professionnelles, s'entend. J'ajouterai de leurs préoccupations personnelles. Je pose en fait qu'un instituteur ne communiquera à ses élèves le goût de la lecture que s'il l'a lui-même. Malheureusement, le ministre de l'Education nationale est sans autorité sur les instituteurs pour faire d'eux des lecteurs passionnés et des amateurs de littérature. Et pourtant.

Ici, je reviens à ma vieille idée il faut intéresser les instituteurs aux lettres. Comment ? Par des conférences. Faites par qui ? Par des écrivains. Organisées par qui ? A Paris, par des écrivains et des membres du corps enseignant sur place, en province, avec le concours des inspecteurs primaires.

Je sais que le ministre et la direction de l'Enseignement primaire verraient d'un œil favorable la réalisation de ce projet

ne furent pas toujours compréhensives. Le défaut de la pureté distillée au bord d'un cocktail, c'est d'être une pureté déjà un peu démantelée. A cet égard, la jeune fille des Enfants aveugles me paraît une jeune fille trop compromise pour être intéressante en tant que jeune fille. Me comprendra-t-on si je dis que ce n'est pas par pudibonderie mais par goût de certaine délicate vérité morale que je sourcille sur un passage comme celui-ci « Nue, elle se regarda dans la glace et s'admira. Elle pensa à sa pureté, et plus que jamais s'eé sentit avare. » Nous ne voudrions pas remettre en circulation le terme fâcheux de demi-vierge pour cette jeune fille qui, finalement, ne sera même plus vierge à moitié et si la peinture de M. Gay-Lussac n'a que trop de modèles réels à notre époque, nous répondrons que c'est tant pis. La vérité particulière, produite par un mauvais exemple, illustre mal la vérité générale si troublante du grand problème moral qui est ici en jeu le passage de l'âge de la pureté idéale aux compromissions de la vie. Cette crise d'une âme vraiment pure a été exprimée récemment par un personnage littéraire beaucoup plus beau et significatif c'est Emmanuèle, d'Asmodée. Mais

qui a déjà r.eçu ici et là, notamment dans le département de la Manche, un commencement de mise en pratique. Une grande association littéraire lui accorderait volontiers son patronage officiel. Il ne manque qu'un homme de bonne volonté prêt à lui consacrer ses loisirs.

En règle générale, ce n'est pas la bonne volonté qui manque dans nos milieux, ce sont les loisirs.

André Billy.

AUX

QUATRE VENTS Le fauteuil Bédier

Un mois déjà s'est écoulé depuis la mort de Joseph Bédier. C'est le temps durant lequel l'Académie porte le deuil, selon le protocole de l'Institut. Autrement dit, le fauteuil de l'éminent médiéviste pourrait être déclaré officiellement vacant à partir de jeudi prochain. Les candidats qui tâtent discrètement le terrain pourront alors se révéler. On ne sera guère surpris si M. Louis Artùs et M. Fernand Gregh se mettent sur les rangs. A l'un, la succession au fauteuil Bédier apparaît comme une affaire de famille. A l'autre, l'opulente minorité acquise en juin dernier donne l'espoir que la majorité n'est pas impossible à atteindre.

M. Jérôme Tharaud sera sans doute prié par de nombreux amis de se présenter. Si ces amis sont aussi nombreux que les électeurs de M. Maurras reconnaissants à M. Tharaud de s'être effacé devant celui-ci une belle majorité serait constituée à l'avance. Pour un musée Verlaine

On vient de démolir, à Londres, la maison de Howland Street, où Verlaine vécut avec Rimbaud. Une plaque avait été posée sur cet immeuble M. Paul Valéry était allé l'inaugurer en 1922. On y lisait cette phrase « Paul Verlaine, poète français, vécut ici et écrivit Romances sans paroles 1872 à 1873. Il faudrait ajouter, d'ailleurs, que de cette même maison sortirent les Illuminations et la Saison en Enfer.

La plaque a été recueillie dans le chantier de démolitions par notre confrère anglais M. V. P. Underwood, qui a l'intention, croyonsnous savoir, de l'offrir au musée de Metz, ville natale de Paul Verlaine. C'est l'occasion de regretter qu'il n'y ait pas un musée Verlaine pour recueillir de tels documents. Mais ne songe-t-on pas à créer un tel musée ? On dit que « les verlainiens » s'en occupent. Il faudrait que le musée Verlaine fût fondé avant que les souvenirs du poète ne risquent de se trouver dispersés.

L'heure de l'astrologue

Quelqu'un qui a bien choisi son heure, c'est l'astrologue qui vient de publier un livre de prédictions pour l'année 1939. Des prédictions pour la fin de l'année 1938 suffiraient à nous intéresser.

On soupçonne à vrai dire M. Gabriel Trarieùx d'Egmont de seconder l'astrologie par une fine observation de la politique. Car il avait écrit dans son livre, bien avant les événements de cette semaine

« Ce n'est pas Hitler, c'est Mussolini qui est l'arbitre des destinées de l'Europe. Tout le désigne pour un rôle d'arbitre secret, auquel il est si bien adapté. »

Il paraît que le Soleil, Vénus, Mercure, la Balance et Saturne ne permettaient pas d'en douter.

En ce qui concerne M. Daladier, c Pluton est conjoint à Vénus radicale et à Jupiter radical » (radical-socialiste, probablement.). Mais il ne faut pas en plaisanter cela signifie que l'homme de ce thème astrologique rencontrera l'occasion de sa vie et n'en aura plus d'aussi belle.

Pour M. Neville Chamberlain, ils prédisent en 1938-39 c une intense période, difficile mais féconde (on s'en doutait). Ils sont plus redoutables à l'égard d'Hitler, pour qui l'hiver 1939 pourrait être critique.

Toutefois, l'astrologie annonce que l'Europe n'a rien à craindre de vraiment grave avant 1961. D'ici là.

Quand Maurice d'Ocagne

plaisantait

Notre très regretté collaborateur était un grand géomètre. Il écrivit, on le sait, de graves et savants ouvrages, mais, jusqu'à ses derniers jours, les équations plutôt sévères n'avaient pas eu raison de sa bonne humeur. Tout jeune, il écrivit une petite comédie fort gaie sous le pseudonyme de Pierre Delix. Traduisez c de l'X », et l' « X égale Poly.technique.

C'est au théâtre de Cluny qu'on la joua, et avec un joli succès. Cependant, les applaudissements n'avaient pas cessé que Maurice d'Ocagne disparut. Quelque six mois plus tard, un de ses interprètes le rencontra un beau matin, rue Saint-Jacques, une grosse serviette sous le bras, l'air absorbé.

Mais que devenez-vous, lui dit l'acteur vous ne faites donc plus rien ?

Maurice d'Ocagne venait d'être nommé professeur à Polytechnique et allait faire son cours.

c'était là une vraie jeune fille. Or, certains de ses cris d'angoisse devant la vie ouverte sous ses pas n'étaient pas moins admirables parce qu'elle était parfaitement intacte et ignorante. Le garçon dont M. Bruno Gay-Lussac évoque la crise douloureuse me paraît, au contraire, correspondre corps et âme au drame humain dont il est le héros. Lui reprochera-t-on la sensibilité excessive qui se joue parfois à la surface de cette chair en transes au sujet d'elle-même ? S'offusquera-t-on aussi d'une sensualité d'autant plus réaliste en imagination qu'elle est plus réservée dans la pratique ? Je ne le crois pas. La pureté troublée des adolescents a de ces mouvements-là, comme elle peut avoir de ces élans vers un salut total, tels que M. GayLussac en donne la pathétique indication vers la fin, au chapitre de la confession d'Edouard. Edouard, au fond, tout misérable qu'il soit, possède assez d'héroïsme intérieur pour n'être pas indigne du défi insensé qu'il a lancé aux misères de l'amour.

J'aime moins qu'il y ait en lui un enfant gâté par une vie trop facile. Ce jeune homme n'a-t-il donc rien d'autre à faire que d'épier son âme oisive ? 2

MOTS CROISÉS LITTÉRAIRES

Problème n" 184

i nuiiv'vvivnviiiK x*xi

Horizontalement. 1. 'Roman romantique. 2. Pan figure toujours parmi elles. 3. Son chef-lieu vit naître un poète de la Pléiade S'entoure d'une ceinture de corail. 4. Sont bizarres chez un symboliste Fourche. 5. Entre un cul-de-lampe et la table des matières Fin de participe. 6. A la niche Dans le domaine d'une reine de France Celui d'un personnage de Racine parut à un autre plein de modestie. 7. Conjonction Servajt un personnage d'Homère Symbole. 8. Désigne certaine courbe. 9. Début d'une pensée de l'Art poétique Ane. L'héroïne d'Offenbaûh qui le fut, fit mentir d'avance Giraudoux Pièce nordique. 11. Chacune d'elles prétend avoir la police la mieux faite du monde.

Verticalement. I. Victime d'une héroïne de Bernstein. II. Hôte des eaux douces Symbole. III. Celles de Poil-de-Carotte étaient faibles Sans valeur. IV. Romains Comment finissent des fugues. V. Retourné petit poème Selon le sens, émet de la chaleur ou du froid Traduction d'un mot de César. VI. Les plus connus sont ceux de Haydn et de Rossini. VII. Aristote ou Stuart Mill Voyelles. VIII. Ce qu'était Ruy Blas, s'il faut l'en croire Certain évoque un soldat fêté le 11 novembre. •– IX. Prix Goncourt L'écueil du bâtiment. X. Particule Revient dans quatre titres romantiques Petit journal. XI. Réservés aux initiés.

Solution du problème n° 183

i nmivvvivnvniixxxi-

COMMENTAIRES V

Horizontalement. Un 2 Charles Nodier. Six 1 « Mangeront-ils ? ». Huit 2 Terenzio Mamlanl. Verticalement. Huit 1 Saint Antoine. Neuf 1 Quos Ego.. Onze 2 L'Aventurière et la Prisonnière.

A l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres

La Topographie d'Athènes

M. Ch. Picard a étudié deux inscriptions qui peuvent apporter des précisions sur leso problèmes actuels de la topographie athénienne (Agora), et accessoirement sur un groupe de statues d'Alcamène, dont l'une connue par une réplique de Cherchel (Algérie). -M. Coville a rendu compte du congrès des Sciences historiques à Zurich, auquel il avait été délégué par l'Académie.

Maison d'édition ne pratiquant pas le « compte d'auteur » et désirant s'intéresser à des oeuvres de jeunes, demande manuscrits romans, théâtre, nouvelles, essais critiques, poèmes.

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Roger MESGUICH, 138, rue.de Rivoli, Paris.

IL FAUT LIRE. NOUVELLE REVUE FRANÇAISE (N° du 1" octobre 1938). Jean Giono Les grandeurs libres André Suarès Gabriele d'Annunzio Henri Michaux Quelque part, quelqu'un Charles Mauban L'Incendiaire Alain Le Roi Pot (II) André Chamson La Galère (V). Chroniques Essais critiques, par Marcel Arland La pensée magique de Jean Giono, par Henri Pourrat Résurrection de Corneille, par Roger Cail.lois Fils du Ciel, fils de Dieu, par P. MassonOursel. Notes L'air du Mois.

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Le roman se déroule durant des vacances, dans l'atmosphère énervée et licencieuse des plages de notre temps. La vie des vacances, aujourd'hui, estelle donc si représentative de la vie tout court ? Il est vrai que, dans une existence plus occupée, le problème ne serait pas si aigu qui, dans un cœur ravagé, fait de la chair et de l'âme des ennemis et des complices à la fois. Y a-t-il problème plus redoutable, au fond, que celui de l'avènement de l'amour ? C'est pour l'avoir si vivement senti, si intensément exprimé, que M. Bruno Gay-Lussac nous donne un roman dont l'importance me paraît dé?passer celle des livres de débutants. Par là ses héros en rejoignent beaucoup d'autres dans les lettres contemporaines aussi bien les jeunes gens de Mauriac que les jeunes filles de Giraudoux, dont les mains se tendent également contre l'amour, minotaure des cœurs virginaux. Et peut-être rejoignent-ils l'éternel enfant du siècle, avide de protéger les désirs, les espoirs, les illusions de ce que l'enfance détient d'incorruptible, contre ce que le siècle, quel qu'il soit, apporte de consomptible et de dévorant. André Rousseaux.