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Titre : Mémoires de la Commission des antiquités du département de la Côte-d'Or
Auteur : Côte-d'Or. Commission départementale des antiquités. Auteur du texte
Auteur : Académie des sciences, arts et belles-lettres (Dijon). Auteur du texte
Éditeur : [Commission des antiquités du département de la Côte-d'Or] (Dijon)
Date d'édition : 1874
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32813215j
Notice du catalogue : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/cb32813215j/date
Type : texte
Type : publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 1874
Description : 1874 (T9)-1877.
Description : Collection numérique : Fonds régional : Bourgogne
Droits : Consultable en ligne
Droits : Public domain
Identifiant : ark:/12148/bpt6k408168d
Source : Académie des Sciences Arts et Lettres de Dijon
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 12/03/2008
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COMMISSION DES ANTIQUITÉS DU
MÉMOIRES
DE LA
DÉPARTEMENT DE LA COTE-D'OR.
MÉMOIRES
DE LA
COMMISSION DES ANTIQUITÉS DU
DÉPARTEMENT DE LA COTE-D'OR.
TOME NEUVIÈME
ANNÉES 1874, 75, 76, 77.
A DIJO1V,
CHEZ LAMARCHE, LIBRAIRE, PLACE SAINT-ÉTIENNE.
COMPTE RENDU
DES TRAVAUX
DE LA
COMMISSION DÉPARTEMENTALE
DES ANTIQUITÉS DE LA CÔTE -D'OR
du 1" juillet 18*3 au f" juillet 1894.
Permettez-moi tout d'abord de vous remercier, Messieurs. Toujours agréable, puisqu'il s'agit, dans cette causerie périodique, de repasser rapidement dans notre mémoire des travaux dont nous avons tous été participants, vous m'avez rendu cette année ma tâche exceptionnellement facile. Je vais vous retenir un peu longtemps peut-être, et je m'en voudrais beaucoup d'abuser ainsi de vos instants, si je ne me rassurais par la pensée qu'en tout ceci, les vrais coupables c'est parmi vous que je les trouve.
Je me bornerai à analyser, à reproduire quelquefois, soit par fragments, soit en entier, les communications aussi variées qu'intéressantes qui vous ont été adressées dans le courant de cette année. Vous verrez que la récolte a été abondante, et vous vous féliciterez avec moi de pouvoir constater que les graves et pressantes préoccupations qui, dans un domaine heureusement étranger à nos travaux, ne s'en imposent pas moins à tous les esprits, n'ont point enrayé parmi nous ce mouvement d'investigations patientes et de recherches désintéressées, qui sont la raison même de notre existence.
J'entrerai donc, sans autre préambule, dans l'examen de vos travaux, en vous proposant, si vous le voulez bien, de les grouper sous trois titres différents 1» Polé-
mique, 2» Histoire, 3° Fouilles et Découvertes. Cet ordre est un peu différent de celui que j'avais adopté dans les Comptes-Rendus précédents. Vous verrez par la suite de ce travail si j'ai eu raison de rompre avec mes anciennes habitudes, et vous m'absoudrez. si vous le jugez convenable.
§ 1. – TRAVAUX DES MEMBRES.
lre Partie. Polémique.
Je ne connais point dans toute l'antiquité païenne de parole plus odieuse que le Vœ victis du conquérant gaulois. Gardons qu'elle puisse jamais trouver son application dans ces débats souvent passionnés, dans ces luttes animées mais toujours courtoises qui divisent parfois le monde des érudits et des savants. Qu'ai-je besoin, Messieurs, de vous rappeler cela ? Mais je vais plus loin, et je confesse volontiers le sentiment en quelque sorte instinctif qui me porte vers les causes vaincues. Une certaine opiniâtreté dans la défaite ne messied pas assurément aux opinions consciencieuses, et ce serait mal estimer nos adversaires que d'exiger d'eux, après la lutte, l'aveu instantané d'une subite conversion. Il est pourtant à ce point de vue certaines limites qui s'imposent naturellement aux controverses désespérées. La vérité a des droits qui ne sauraient être méconnus, et c'est bien le moins, quand une cause a triomphé, que ses défenseurs se montrent toujours prêts à répondre aux attaques posthumes qui viendraient encore à se produire.
Ces réflexions, Messieurs, c'est la question d'Alise, l'éternelle question d'Alise qui r me les suggère et vous voyez de suite où je veux en venir. Dans une des dernières publications d'une Société voisine, très active, très laborieuse, faisant beaucoup et faisant bien, la Société d'Emulation du Doubs, l'un des inventeurs les plus autorisés de l'Alaise franc-comtoise, M. Delacroix, a inséré dans un travail de stratégie sur Besançon place forte (1), quelques considérations incidentes sur l'Alesia de César, qu'il maintient énergiquement sur les bords du Lison, revendiquant pour cette façon de voir, bien compromise aujourd'hui, pour ne rien dire de plus, tout le bénéfice d'une victoire incontestée, et en prenant texte pour lancer un coup détourné, mais violent, à l'une des œuvres qui font assurément le plus d'honneur à la science topographique moderne je veux parler de notre belle carte de l'état-major. S'attaquer tout à la fois à l'Alaise du Mont-Auxois et à la carte de l'état-major, (1) Mémoires de la Société d'émulation du Doubs, 4» série, tome VI, années 1870 et 187t.
c'était piquer au vif et piquer doublement un de nos honorables confrères que vous avez déjà nommé. Pour avoir trop tardé au gré de son auteur, la riposte n'en fut pas moins vigoureuse.
Adsum. adsum qui feci.
A notre séance du Ie' mai dernier, M. le lieutenant-colonel de Coynart vous donnait lecture d'une note très courte, mais très substantielle, et trop importante, ç'a été l'avis de votre Comité de lecture, pour ne pas trouver place tout entière dans ce Compte-Rendu. Après avoir exposé en peu de mots l'occasion du débat, M. de Coynart laisse un instant la parole à son adversaire, de qui il lui importait avant tout de ne point affaiblir l'argumentation.
L'auteur, vous a dit M. de Coynart, dans le paragraphe intitulé Moyens d'étude, s'exprime ainsi
II ne faudrait pas compter absolument sur le secours des cartes topographiques » actuelles pour entreprendre une étude du Jura. La meilleure d'entre elles, celle qui » semble avoir été faite pour nos armées, et que l'on connaît partout sous le nom de » carte de l'état-major, ne donne pas une idée claire de la disposition du Jura. » Inexacte quelquefois sur les points les plus essentiels quant à l'écriture des cotes » d'altitude, elle a le défaut plus grave encore de manquer totalement de qualité D synoptique et de provoquer même ainsi des erreurs d'analyse, quand elle rend » compte du relief d'un pays accidenté. Cet inconvénient, si dangereux pour une D appréciation militaire à faire loin des lieux, se manifeste dans l'ensemble comme » dans les détails. Je ne citerai qu'un seul exemple à l'appui de mon assertion, per» suadé qu'il sera concluant pour prouver l'insuffisance de la carte d'état-major à » fournir des renseignements dignes d'une confiance illimitée.
» Durant cette longue lutte archéologique, où les partisans d'Alaise ont eu tant de » peine à rester maîtres du champ de bataille, la résistance de leurs adversaires ne » provenait pas uniquement de l'espoir des faveurs dont elle était presque toujours D récompensée; elle avait aussi pour point de départ des plus honorables convictions, » les vices de la carte d'état-major, et le résultat fut de porter l'erreur dans les » travaux historiques du Chef de l'Etat. »
» Ala suite de cette affirmation, vient le passage de la Vie de César, où est rapporté le mouvement du général romain contre Arioviste mention est faite d'une énorme montagne située sur la rive droite de l'Oignon, suivant la carte annexée au texte impérial. L'auteur ajoute quelques détails sur ce terrain et cite (page 18) des altitudes prises évidemment sur la partie sud-est de la feuille 113 (Gray) et sur la partie sudouest de la feuille 114 (Montbéliard) de cette carte si défectueuse selon lui il est
COMPTE-RENDU DES TRAVAUX non. 11. 11 11 11 11
vrai qu'il diminue de 328 à 300 l'altitude des hauteurs de Quenoche et de 294 à 274 celles d'Aubertans; toutes les autres sont exactement copiées sur la gravure. La carte du second volume de la Vie de César est à l'échelle de Bnnnm, c'est-à-dire au-dessous de la proportion topographique, et ne ressemble ni à la grande carte à g^gj-, ni à la réduction à 3^ ni aux cartes de la Commission des Gaules elle est spéciale. Si l'auteur de la Vie de César vivait encore en possession de sa puissance, ou s'il fût mort sur le trône, je pourrais indiquer l'origine de la montagne au bord de l'Oignon. J'affirme, et l'auteur dont je m'occupe le sait comme moi, que la carte de l'état-major est innocente de cette fantaisie. L'exemple, choisi et cité seul à l'appui du blâme infligé à la carte de l'état-major, ne prouve donc rien du tout l'assertion doit avoir un autre motif; examinons.
L'hypothèse d'Alesia à Alaise est topographiquement d.'une impossibilité absolue la plus simple inspection de la carte le démontre, mais l'auteur de l'hypothèse n'en convient pas et taxe d'inexactitude le travail de l'état-major; il a joint à sa première brochure un croquis du terrain qui donne de tout autres formes aux accidents du sol. J'ai voulu vérifier le blâme et la rectification, mais avant de commencer, j'ai soumis à M. Quicherat les minutes de la carte de France, feuille n° 126 (Besançon), en le priant de me signaler les erreurs qu'il avait pu remarquer. Quelques jours après j'ai parcouru la contrée et fait une reconnaissance minutieuse, j'ai complété le nivellement de manière à déterminer la pente de toutes les vallées ou ravins aucune des observations de M. Quicherat n'était fondée. Toutefois, j'ai constaté une erreur grave dont aucun des partisans d'Alaise ne s'est aperçu; je n'ai pas dissimulé cette erreur, mais sans l'indiquer précisément. La carte annexée au travail primitif en faveur d'Alaise la reproduit en l'accentuant.
» Hors ce point, qui n'a aucun rapport avec la question historique, j'affirme que la carte de l'état-major reproduit exactement le massif d'Alaise et ses environs. » Déjà, en 1862, répondant à un travail que j'ai publié dans le Moniteur de l'Armée, à la demande de la rédaction, l'inventeur de l'Alesia de Franche-Comté avait dit « La plaine de Charfoinge, Séchin, Planche et Charrière est topographiquement un versant de colline, en ce sens qu'elle penche presque tout entière d'environ cinq » pour cent à ce titre elle devait être figurée sur la carte de l'état-major par un » travail de ligne indiquant les pentes. Eh bien ici commençait le danger. La carte trompe facilement en pareil cas et donne parfois à croire tout d'abord à un état » du sol qui n'existe pas. »
» Cela n'est pas très clair, mais c'est une première critique contre la carte de l'étatmajor, critique absolument dépourvue de sens comme de raison en effet, cette carte est exacte et indique à Charfoinge une colline de 148 mètres de relief avec des
versants à pentes rapides et souvent escarpées, là où l'auteur avait besoin d'une plaine.
» La première carte fournie par lui porte les altitudes de l'état-major avec une légère indication de pentes la seconde, annexée au volume qui a pour titre Alaise et Séquanie, indique un terrain horizontal et n'a plus aucune cote de hauteur, entre la prairie enclavée dans les bois sous les rochers d'Anerche et le moulin de Myon. La surface ainsi aplanie est de cent onze hectares, soit 1,110,000 mètres carrés. La hauteur est de 148 mètres. La masse est donc approximativement celle d'un cône de mêmes dimensions, dont le volume est égal à la base multipliée par le tiers de la hauteur, ou 49 mètres or
1,110,000 X 49 = 54,390,000.
̃ Les partisans d'Alaise ne seront maîtres du champ de bataille que quand ils auront prouvé que ces cinquante quatre millions trois cent quatre-vingt dix mille mètres cubes de terres ou de roches ont poussé ou sont tombés depuis la guerre des Gaules à leur place actuelle. Cette preuve faite, il faudrait encore démontrer que le massif d'Alaise, qui a 23,400 mètres de pourtour, a pu être enfermé par une contrevallation de 16,291 mètres. Je ne m'arrête pas, bien entendu, à l'invention qui consiste dans le fractionnement de la contrevallation, laquelle n'aurait fermé que des issues praticables c'est contraire au texte de César.
» La possession du champ de bataille ne peut être proclamée qu'à ces deux conditions, et fussent-elles satisfaites, il y en aurait encore d'autres non moins importantes et non moins difficiles.
» Tels sont les éléments de l'antipathie d'Alaise pour la topographie de l'étatmajor.
» L'auteur dit en terminant « L'usage de la carte de l'état-major a donc été pour • l'Empereur et pour ses dessinateurs l'occasion de commettre les plus monstrueuses » erreurs.
» On doit comprendre, d'après ces précédents, comment le Jura français n'étant » pas connu en France, et la topographie officielle ayant fourni des documents sujets » à des erreurs d'appréciation des reliefs, notre armée de l'Est s'est trouvée trop • souvent, dans son propre pays, jouer une affreuse partie de collin-maillard, luttant » avec un bandeau sur les yeux contre des officiers prussiens éclairés d'avance par » des études traditionnelles et par des explorations. »
» Je répète ici que la carte à g^1^ annexée à la Vie de César est une fantaisie indépendante de l'état-major.
» J'ai indiqué une erreur grave près d'Alaise, je conviens donc que la carte de France
COMPTE-RENDU DES TRAVAUX .1_ 'l'1~ --=- =_a __fl.J.
de l'état major a quelques imperfections, mais ces imperfections n'ont pas les inconvénients sur lesquels l'inventeur d'Alaise appuie avec tant d'insistance pour arriver à établir une plaine (j'ai dit ailleurs à fabriquer une plaine), à h place de la colline de Charfoinge. La carte si vivement critiquée a servi aux études de tous les chemins de fer dont elle a fait déterminer les avant-projets C'est avec son secours que la Commission de la topographie des Gaules a retrouvé les traces des voies romaines et a pu dresser les itinéraires du V siècle; elle est la base et l'élément principal des reliefs départementaux, qui seraient impossibles sans elle, et que le même auteur désire voir entreprendre dans toutes les contrées. Elle ne peut être rendue responsable du grand désastre de l'armée de l'Est, qui n'en possédait qu'un petit nombre d'exemplaires. Par une des fatalités de la terrible guerre de 1870, l'armée française avait des cartes d'Allemagne et peu ou pas de cartes de la France, tandis que les Allemands étaient abondamment pourvus des unes et des autres. Les études traditionnelles ne sauraient faire connaître un pays comme nos ennemis connaissaient le nôtre quant aux explorations, elles ne peuvent être que partielles, et ne se sont jamais portées au delà d'une zone étroite autour des places fortes. C'est au moyen de la carte de l'état-major que les études ont été faites depuis vingt-cinq ans dans toutes les écoles militaires de l'Allemagne; cette carte a servi à tous les auteurs des projets d'invasion de notre territoire. Loin de paraître manquer totalement de qualité synoptique, on lui a trouvé, au-delà des frontières, la perfection et l'exactitude désirables on a cherché partout à l'imiter en se servant de méthodes analogues aux nôtres, pour exécuter la topographie de chaque pays.
» Quoique je ne sois pas partisan des grands établissements militaires fortifiés, parce qu'ils exigent trop de troupes pour être gardés et affaiblissent d'autant les armées actives qui font aujourd'hui la sécurité des Etats, j'ai trouvé dans le travail aux critiques duquel je réponds, des considérations dignes de remarque. Je sortirais de mon sujet si je les examinais en détail, mais j'y reste en faisant observer que la carte de France a été souvent consultée par l'auteur, et que si les idées de celui-ci n'ont pas tout le succès qu'il doit désirer, la topographie de l'état-major n'en sera certainement pas responsable. »
2e Partie. Histoire.
Mon intention est de vous donner sous ce titre l'analyse succincte d'une monographie du prieuré de Saint-Bernard de Montréal, qui vous a été envoyée par M. l'abbé Breuillard, curé de Savigny-en-Terre-Plaine.
Fondé, selon toute probabilité, au commencement du xie siècle, le prieuré
hospitalier de Saint-Bernard de Montréal n'a pas complétement disparu, comme tant d'édifices du même genre, dans la tourmente révolutionnaire. Vendu nationalement à cette époque, ainsi que les biens fonds qui en dépendaient, et qui suffirent à former plusieurs lots d'une certaine importance, il a passé successivement entre les mains de divers propriétaires, qui ont conservé dans un état fort satisfaisant, tout en leur faisant subir certaines modifications nécessaires, la plus grande partie des bâtiments conventuels, y compris l'habitation particulière des anciens prieurs. Un don pieux les avait destinés, il y a quelques années, à l'établissement, sous le patronage du Conseil municipal de Montréal, d'une école de filles placée sous la direction des Sœurs de Saint-Vincent-de-Paul Diverses circonstances, qu'il est inutile de relater, s'opposèrent à l'exécution de ce projet, qui a été repris depuis dans des conditions un peu différentes pour le compte d'une institution particulière. Au moment où écrivait M. l'abbé Breuillard, un pensionnat de jeunes filles venait d'être établi dans les anciens bâtiments du prieuré, comme une sorte de succursale de l'institut des Ursulines d'Avallon, et une dizaine d'élèves y étaient déjà installées. L'antique établissement n'aura donc guère été détourné de sa primitive destination.
La chapelle du prieuré, style xvi" siècle, subsiste encore. La partie anciennement destinée aux fidèles a été transformée en une chambre d'habitation, séparée par une simple cloison du chœur resté absolument intact. Ce chœur, où l'on remarque une fort belle piscine, mesure 9 mètres 90 de long sur 9 de large il ne reçoit le jour que par une seule fenêtre à meneau, à droite et à gauche de laquelle, et presqu'à son sommet, sont disposés deux socles en pierre. Sur l'un d'eux se dresse l'image du prophète Isaïe, tenant de ses deux mains un phylactère qui porte l'inscription suivante Ecce Virgo concipiet et pariet; sur l'autre sont figurés deux anges qui soutiennent également une banderolle disposée en forme de chevron, sur laquelle se lisent ces autres paroles de l'Ecriture Ecce ancilla doni. Fiat michi secud. Enfin sur la plate-bande qui couronne le chevron, la légende Nostre-Dae de BonnesNouvelles, allusion, suivant M. l'abbé Breuillard, à un épisode de la vie du roi Robert-le-Pieux (1), et qui semble indiquer dans la famille des seigneurs de Montréal quelque événement du même genre. M. l'abbé Breuillard conclut en outre de là que le prieuré de Saint-Bernard avait été premièrement placé sous le vocable de Notre- Dame de Bonnes-Nouvelles, et que saint Bernard, non pas le saint Bernard bourguignon, mais saint Bernard de Menthon, le prototype des grands fondateurs hospitaliers, n'en était que le patron secondaire, ce qui se trouve vérifié d'ailleurs par d'autres titres cités plus loin. Indépendamment des statuettes qui viennent d'être (1) Histoire de la Mère de Dieu, par l'abbé Orcini, p. 509.
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décrites, on remarque encore au-dessus des deux socles, d'un côté une statue de sainte Anne apprenant à lire à la Vierge, de l'autre celle de la Mère de Dieu tenant l'enfant Jésus sur le bras gauche. Rien, dans le travail de M. l'abbé Breuillard, ne nous permet d'apprécier la valeur intrinsèque de ces différents objets d'art, et nous n'en savons pas davantage à ce point de vue d'un Ecce homo, d'une sorte de Père Eternel, attaché au meneau de la fenêtre, et enfin des statues des treize Apôtres, y compris saint Paul, qui décorent également la chapelle et sont toutes placées sur une sorte de redent, de chaque côté de la fenêtre absidale. M. Breuillard signale en tout dix-sept statuettes, dont chacune mesure 40 centimètres de hauteur, y compris le socle sur lequel elles reposent les socles sont décorés d'un écusson de forme gracieuse, mais dont le champ est vide, à l'exception d'un seul, sur lequel est figurée une salamandre surmontée de deux roses. M. Breuillard se borne à dire que ces statuettes sont du genre de celles qui se voient encore dans une foule d'églises de campagne. Plus intéressants nous apparaîtraient d'autres écussons également sculptés de chaque côté de la fenêtre, si une main maladroite, sous prétexte de restauration, n'avait tout récemment fait disparaître sous une couche épaisse de couleurs criardes ce que la Révolution avait respecté de ces curieux emblêmes.
Quelques notes d'un amateur du lieu et les dessins relevés par M. l'abbé Breuillard avant cette regrettable transformation, permettent heureusement de restituer la physionomie primitive de quelques-uns d'entre eux.
Au côté droit de l'autel, les armes de Vienne, un écu en champ de gueules chargé d'une aigle d'or, membrée de sable, les ailes étendues. Tout auprès de sable, à trois bandes de gueules chargées de 11 coquilles d'or, posées 3, 5 et 3; enfin l'écu de France. Au côté gauche sont les armes des Chastellux et celles de Ragny ancien. M. Petit, dans son étude sur la Seigneurie de Montréal- en- Auxois (1) signale encore d'autres blasons, spécialement celui des Anséric, qui furent les principaux bienfaiteurs du prieuré. Les dessins de M. l'abbé Breuillard sont trop incomplets pour nous permettre de tenter la restitution des autres écussons. Chapelle bien modeste, ajoute M. Petit, mais qui n'en attirait pas moins, autrefois, un grand nombre de visiteurs, à tel point que le Pape Léon X l'enrichit d'indulgences en faveur de ceux qui y venaient en pèlerinage.
Au moment de la Révolution, le prieuré de Saint-Bernard de Montréal, bénéfice régulier, fondé à titre d'hôpital, était placé dans la dépendance de la congrégation des chanoines réguliers de France, et sous le patronage du prévôt du Grand-SaintBernard de Montjoux, dans les Alpes. Les documents concernant ce bénéfice sont (1) Auxerre, 1865, Extrait du Bulletin de la Société des sciences historiques et naturelles de l'Yonne.
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peu nombreux et peu importants, presque tous conservés aux archives de l'Yonne, où M. l'abbé Breuillard a pu les consulter, s'aidant d'ailleurs, pour la rédaction de sa Notice, d'un travail manuscrit, malheureusement mutilé et incomplet, qu'il a eu à sa disposition.
Courtépée signale une fondation faite en 1012 par un seigneur de Talecy. C'est le titre le plus ancien. L'abbé Breuillard transcrit ensuite d'après le Reomaüs (1) une transaction de l'an 1182, passée entre Renaud, prieur de Moutier-Saint-Jean, et Lambrot, prieur de Saint-Bernard de Montjoux, relative aux dîmes de Sanvignes. Puis vient en 1201 une sentence de Gautier, évêque d'Autun, constatant entre autres choses le droit qu'avait le prieur de Montréal, de prendre sur le moulin du pont de Montréal, in molendino de ponte Montis Regalis, un muid de blé, moitié froment et grosse mouture (2). Il est probable que cette redevance est la même que celle dont Anséric, sixième du nom, seigneur de Montréal, se reconnut en 1205 débiteur envers le prieuré de Saint-Bernard, à charge de deux messes par semaine à célébrer dans l'église du prieuré, avec dispense pour les religieux de payer le droit de mouture au moulin de Montréal, donation confirmée par une bulle du Pape Alexandre IV. Elle continua d'être payée aux religieux après que les Ducs de Bourgogne furent devenus propriétaires de la seigneurie de Montréal, comme on le voit par les comptes de leurs châtelains, où elle était marquée chaque année en dépense au chapitre des fiefs et (1) Reomaüs, pages 217 et 218. Ce titre, quoique déjà publié, nons a paru assez important pour être reproduit ici à titre de renseignement; il est d'ailleurs très court. « Notum sit omnibus tam prsesentibus quam futuris quod discordia quae inter ecclesiam S. Joannis Reomaensis, et domum quamdam S. Bernardi de Alpium jugis, quae in Monte Regali habetur, pro decimis domus ejusdem sancti Bernardi qu2e sunt in villa vocabulo Sinevineis nuncupata, quas canonici debebant et minime reddebant, ita pacificata est, utriusque igitur domus assensu est definitum, et sigillorum prsesentium auctoritate firmatum quod domus sancti Bernardi pro decimis praedictis quas ecclesia prsefati S. Joannis debebat annuatim, ipsi ecelesiae pro unaquaque carruca tres sextarios redderet, mediam partem frumenti et mediam hordei. Si autem terram praedicti S. Joannis exercere vellent, jus ecclesise redderent. H2ec concordia facta est istis audientibus et laudantibus, ex parte domus S. Bernardi, prior ipsius domus Lambertus, et Amalricus et Arnulplus et alii conversi ex parte autem ecclesiae S. Joannis, testes isti fuerunt, Rainaldus, abbas ipsius ecclesiae, Petrus, monachus, Vtiillelmus, monachus, et alü monachi ejusdem ecclesiae, Teredus, major, Achardus, cocus, et alii quam plurimi. Haec pax facta est in tempore prsedicti Rainaldi abbatis, et Petri praepositi Montis Jovis, ipsis laudantibus et concedentibus, anno incarnati verbi millesimo centesimo octogesimo secundo.
(2) Archives de la Côte-d'Or, H. 34. Vidimus Ego Gualterus Dei gratia Eduensis episcopus notum facimus presentibus et futuris quod querela qu2e vertebatur inter prepositum Montis Jovis et canonicos beat* Marise de Monte Regali super molendino de Parrendio (Parrigneio) quod dictus prepositus calomniabatur eisdem canonicis, nobis mediantibus, ad hanc finem devenit quod dictus prepositus et capitulum suum illud molendinum quittavit ecclesiae beatse Mariae de Monte Regali. Dominus Ansericus de Monte Regali in presentia nostra recognovit se debere ecclesiae beati Bernardi quae est apud dictum castrum sita unum medium frumenti et medium grossse molturse in molendino de ponte Montis Regalis annuatim persolvendum. Actum est hoc incarnati verbi anno milesimo ducentesimo primo.
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COMPTE-RENDU DES TRAVAUX In hnnnon ane Fn~nnne rin 1~ I_ûnûr~lilW ln
aumônes. Un arrêté du bureau des finances de la Généralité de Bourgogne, en date du 9 juin 1695, leur en confirma la jouissance au vu de l'acte de fondation, qu'on leur avait demandé de produire pour justifier de leur droit.
L'abbé Breuillard a recueilli les noms de quelques-uns des prieurs de Saint-Bernard de Montréal. En novembre 1303, frère Martin, qualifié recteur de la maison de SaintBernard, traite avec Hugues de Boissieux, au sujet d'un droit d'annates qui se percevait à Blacy. Trois ans plus tard (1306), les revenus du prieuré ayant été reconnus trop modiques pour suffire à l'entretien du prieur, l'official de Foulchères, en qualité de commissaire apostolique, et avec l'autorisation du Saint-Siège, dispense le prieuré du droit, alors fort onéreux, de procuration (1). En 1429, Thomas Vuillequin s'étant démis du prieuré, est remplacé, sur la nomination de l'adminis.trateur de l'hospice de Montjoux, par Etienne Le Masle, qui obtient en 1486 un mandement du bailli d'Auxois, et meurt l'année suivante, le 21 novembre. Sa succession, recueillie par François de Savoye, alors grand prévôt de Montjoux, fut vendue à Léon Josserand, qui l'avait remplacé dans l'office de prieur de Saint-Bernard. Ce dernier s'étant placé en 1493 sous la sauvegarde du Roi, obtint en conséquence deux mandements du bailli d'Auxois, qui lui permirent, selon l'usage, de faire apposer le panonceau des armes de France sur les bâtiments du prieuré. Trois ans plus tard il reconnaît au terrier de Montréal tenir du domaine diverses propriétés, toutes grevées de menus cens, et il meurt enfin le 17 février 1501, comme le constate l'inscription de sa tombe, que l'on voit encore à l'entrée de la chapelle. C'est sous l'administration et à la prière de son successeur, Guillaume Josserand, sans doute de la même famille, que le Pape Léon X accorda au prieuré les indulgences dont il a été question ci-devant.
On trouve ensuite Jean Baudelot, pourvu en 1559, Claude du Prey, qui lui succéda peu de temps après, et fut remplacé en 1569 par Mathieu Combes. En avril 1575, ce dernier reconnait avoir reçu des habitants de Montréal, par la main du châtelain, la somme de sept vingt livres, pour laquelle il avait remis aux habitants le revenu de son prieuré. Hubert Regnard était prieur en 1587. Roch de Montenat, simoniaque, dut céder la place en 1607 à André Regnard. Ce dernier eut à lutter contre les prétentions des échevins de Montréal, prétentions qui dataient de loin, puisqu'on les voit se produire dès le temps du priorat de Mathieu Combes. M. Petit affirme même que la commande ayant été introduite dans le prieuré au xve siècle, les (1) II fut reconnu qu'alors le prieuré n'avait pas 25 fr. de revenu. Seigneurie de Montréal, par M. Petit. Le même auteur rapporte cependant que les religieux possédaient d'assez nombreuses propriétés, telles que les métairies de Saint-Bernard-des-Champs et dçs Fourches, terres, prés, vignes, rentes en grains, dîmes de Talecy, droit de la foire de Sainte-Croix, usages dans la forêt de Vausse, maison assise
habitants se mirent en possession du prieuré-hôpital en payant aux religieux une pension annuelle de 42 écus. Il ajoute qu'une Charte du roi Charles IX, à la date du 12 juillet 1573, confirma ce privilége des échevins et les mit sur ce point à l'abri de toute attaque. On pourrait citer plusieurs arrêts du Parlement de Bourgogne rendus dans le même sens, tout au moins à titre de provision. C'est ainsi qu'un arrêt du 15 juin 1587, confirmant un état de choses antérieur, ordonna que Hubert Regnard, alors prieur, et ses successeurs, jouiraient du tiers des revenus du prieuré par leurs mains, et que les deux autres tiers seraient régis et gouvernés par les échevins, pour être employés, à la nourriture des pauvres et autres charges, ce dont ces officiers seraient tenus de rendre compte par devant le juge d'Avallon, le prieur restant chargé du service divin.
Cette dépossession ne fut pas de longue durée, comme on le voit par un arrêt du Conseil, du 26 septembre 1624, rendu au profit du prieur hospitalier de SaintBernard de Montréal, André Regnard, et de Rolland Viot, alors prévôt de SaintBernard de Montjoux, plaidant, d'une part contre un certain Jean Regnard qui avait été pourvu du bénéfice contre la règle de l'ordre, par le grand aumônier de France, de l'autre contre les échevins et habitants de Montréal, qui s'étaient mis indûment en possession des titres et revenus du prieuré. Cet arrêt porte expressément qu'André Regnard jouirait de tous les fruits, revenus et émoluments du prieuré hospitalier de Montréal, les échevins étant condamnés à lui rendre les fruits et revenus par eux perçus depuis leur dernier compte, et à remettre entre ses mains tous les titres, papiers, enseignements, meubles et ornements du prieuré, à la charge par lui d'y faire résidence, d'y faire célébrer le service divin accoutumé, et d'y exercer l'hospitalité envers les pauvres passants, suivant l'institut de l'ordre de Montjoux. L'arrêt maintient en outre le prieur de Saint-Bernard des Alpes au droit de conférer le prieuré de Montréal, vacation advenant, à personne capable et régnicole. André Regnard résigna son bénéfice en faveur d'un certain Michel Regnard, homme, parait-il, de mœurs peu édifiantes, et qu'un arrêt du Parlement en débouta en décembre 1654 en faveur d'André de Fontaines. La prise de possession de ce dernier ne se fit pas sans peine il ne fallut rien moins que l'intervention du châtelain pour forcer les portes du prieuré, derrière lesquelles se tenaient fièrement cantonnés la gouvernante des pauvres passants et les gens du prieur débouté. André de Fontaines passe pour avoir achevé l'éducation du maréchal de Vauhan, qui, réduit dans son au donjon de Montréal, devant l'église, en laquelle on tient l'escolle dudit Montréal. Le prieur de SaintBernard avait fondé plusieurs maisons du même ordre; il y avait entre autres une cella à Etivey avec trois métairies.
COMPTE-RENDU DES TRAVAUX 1 '1 1 "1.
enfance à un état voisin de la misère, avait reçu du modeste curé de son village, l'abbé Orillard, les premiers éléments des sciences. Il résigna en 1666, en faveur de son neveu Jacques Quarré, de la famille des Quarré d'Aligny, pour se consacrer uniquement à l'administration du prieuré de Saint-Jean de Semur, dont il était également pourvu.
En 1674, Jacques Quarré, jusque-là paisible possesseur du prieuré, est assigné par les chevaliers de l'ordre de Saint-Lazare, prétendant s'emparer de son bénéfice en vertu de l'édit de décembre 1672, qui réunissait à cet ordre tous les hôpitaux et maladreries de France, où l'hospitalité n'était pas gardée. D'humeur sans doute pacifique, Jacques Quarré courba la tête; une transaction du 8 mai 1674 constate la cession consentie par lui au profit des chevaliers de Saint-Lazare, qui le déchargent en conséquence de l'administration de l'hôpital, tout en l'y retenant pour y faire le service divin sa vie durant. Une pension de 250 livres lui était assignée sur les revenus du prieuré, avec la jouissance de la maison prieurale, des jardins et vergers en dépendant, dont il devait assurer l'entretien, et sous la simple réserve d'une chambre pour loger les religieux de l'ordre passant à Montréal. On avait, comme on le voit, fait un sort assez acceptable au prieur dépossédé. Les choses, toutefois, ne demeurèrent pas longtemps dans cet état. Un arrêt du Conseil du 3 juillet 1693, rendu en conséquence d'un édit du mois de mars précédent relatif à la désunion, dans de certaines conditions, des biens de l'ordre de Saint-Lazare, rétablit Jacques Quarré dans la possession du prieuré et de ses revenus, comme il l'était avant la transaction de 1674. Il fut également ordonné que les chevaliers de Saint-Lazare auraient à lui remettre les titres, papiers et enseignements de son bénéfice, à condition que l'hospitalité y serait strictement gardée, conformément aux prescriptions formelles de l'arrêt du Conseil du 26 septembre 1624. L'édit de 1693 et plusieurs déclarations rendues en conséquence avaient, en outre, prescrit d'obliger les pourvus de l'administration des hôpitaux désunis à représenter leurs titres de fondation et à faire constater l'état des bâtiments dépendant de leurs bénéfices. C'est en exécution de ces déclarations, et conformément à un ordre de l'intendant de Bourgogne, que le sieur Vaussin, lieutenant civil aux bailliage et chancellerie d'Avalon et subdélégué de l'intendant, accompagné du Procureur du Roi et du greffier du même siège, vint se présenter par une belle matinée du mois de janvier 1696 à la porte du prieuré, où Jacques Quarré s'efforça de l'accueillir de son mieux. Les visiteurs se retirèrent satisfaits, après avoir reçu communication des titres du bénéfice, pris connaissance de l'état des revenus et des charges qui y étaient affectés, procédé à la visite des bâtiments du prieuré et de l'hôpital, constaté qu'ils étaient en bon état et qu'on y donnait l'hospitalité depuis dix-huit mois à une femme infirme ce qui assurément n'était pas onéreux dont procès-verbal, etc.
Jacques Quarré meurt subitement le 10 avril 1708; il a pour successeur un sieur Gabriel Anthonin, dont la tombe se voit encore dans la chapelle priorale, avec une inscription fixant au 21 juin 1743 la date de sa mort.
Enfin, vient François Mynard, que Courtépée qualifie un peu pompeusement de restaurateur du prieuré de Montréal. Le fait est qu'il s'intéressait à son bénéfice et qu'il lui fit du bien jusqu'au jour où quelqu'un de ses parents sans doute, Jacques Regnard, chanoine de la collégiale, l'acquit de la nation pour l'ajouter au sien. Cette fin prosaïque est celle de la plupart des établissements du même ordre. 3e Partie. Fouilles et Découvertes.
J'ai fait la part, et j'ose espérer, Messieurs, que vous ne trouverez pas que je l'aie faite trop large, aux études que je vous proposais en commençant de classer dans ce Compte-Rendu, sous les deux titres de Polémique et Histoire; études accessoires en quelque sorte, si je me place au point de vue de ce qui fait le plus souvent l'objet de vos recherches. Nous allons maintenant, si vous le voulez bien, nous placer, pour ne le plus quitter, sur le terrain de l'archéologie pure. Nous abordons le chapitre des fouilles et découvertes. Ici les documents abondent, et je n'ai d'autre souci que de vous les présenter dans un ordre qui ne vous paraisse pas trop arbitraire. Venez avec moi aux portes mêmes de Beaune, au lieu dit la Maladière, petite localité très riche en débris antiques, et, remontant par la pensée de quelques années en arrières, nous pourrons, en compagnie et sous la conduite d'un de nos correspondants, M. Charles Aubertin, assister à la découverte d'un objet peut-être unique, à coup sûr très curieux, et qui a fourni à notre confrère la matière d'une intéressante communication. Je ne saurais mieux faire pour vous signaler les circonstances de cette découverte, que de laisser un instant la parole à M. Aubertin. « Le 16 mars 1869, des vignerons occupés à creuser ce qu'on appelle des preux, pour la plantation de la vigne, au clos Chameroy, assez vaste terrain contigu à la voie d'Augustodunum à Vesontio, découvrirent un squelette portant aux vertèbres cervicales un collier composé de dents humaines. Cet ornement, d'aspect si imprévu, ne pouvait manquer d'attirer leur attention. Enlevé par eux, il fut presque aussitôt transporté à Savigny-sous-Beaune, et vendu à un archéologue de cette dernière ville, M. Changarnier-Moissenet, qui se hâta de le céder au prix d'achat à la municipalité, pour être placé dans une des vitrines du Musée archéologique. »
Vous savez aussi bien que moi, Messieurs, que ce Musée était alors placé sous le patronage de la Société d'histoire et d'archéologie de Beaune, et sous la direction
fort zélée de M. Aubertin. Supprimé depuis brutalement, les objets antiques qui le composaient furent en partie égarés, en partie disséminés dans les autres collections publiques de la ville, telles que le cabinet d'histoire naturelle. Disons de suite, pour n'y plus revenir, que le collier en question fut transporté dans ce dernier dépôt, où notre confrère, qui le croyait irrévocablement perdu, eu la bonne fortune de le retrouver dernièrement, jeté négligemment et comme un objet sans valeur dans le coin d'un vieux meuble.
« Ce collier, ajoute M. Aubertin, était formé de quatre-vingt-deux dents humaines, dont presque toutes avaient appartenu à des sujets adultes et portaient des traces de carie plus ou moins étendues détail important et qui vient merveilleusement à l'appui de la thèse développée par notre confrère c'est ce qu'on verra plus loin. Toutes ces dents étaient également percées au foret et reliées entre elles par les tenons d'une chaînette en bronze, dans un bon état de conservation. La longueur de la chaîne était de 1 mètre 45 cent. »
L'intérêt de cette découverte sautait aux yeux; M. Aubertin en fut vivement frappé. Heureux possesseur d'un objet dont il ne connaissait, et dont, vérification faite, il paraît effectivement n'exister nulle part d'analogue, notre confrère voyait aussitôt se dresser devant lui de formidables points d'interrogation. Quelle date fallait-il donner à ce singulier objet ? Question préjudicielle difficile à résoudre. Appartenait-il à la haute antiquité? Devait-on l'attribuer, au contraire, à une époque plus ou moins moderne? Et, à un autre point de vue, dans quelle catégorie le classer symbole, attribut jouet, que sais-je?
M. Aubertin poursuit en ces termes L'examen du milieu d'où l'objet était sorti, l'enquête faite de visu près des inventeurs, c'était là le seul moyen d'arriver à la vérité, ou tout au moins de soulever un coin du voile. »
MM. Aubertin et Changarnier .se rendent aussitôt sur le lieu de la découverte. Quatre jours à peine s'étaient écoulés depuis lors; ils s'abouchent avec les ouvriers qui ont mis l'objet au jour, et les investigations commencent aussitôt en présence de ces braves gens et sur leurs renseignements, où le caractère de la bonne foi apparaissait dans toute sa plénitude.
« La fosse s'offrait de prime abord à notre inspection. Elle n'avait pas été comblée, et au fond, qui ne descendait pas à 80 centimètres, gisaient les débris du squelette. Ces ossements, extrêmement friables, avaient beaucoup souffert des atteintes de la pioche; le crâne, bien que présentant plus de résistance, et d'une assez forte épaisseur, était rompu en plusieurs morceaux. Nous n'avons remarqué ni clous ni détritus de bois, et à coup sûr aucun soin pieux n'avait honoré cette sépulture.
« Dans l'espoir que la terre restituerait soit quelques monnaies le fait n'est pas
rare au clos Chameroy, soit quelque autre objet indicatif d'une époque, nous avons procédé sans désemparer à une fouille de seconde main le terrain où avait reposé le cadavre a été déblayé et examiné avec le soin le plus minutieux. Nous en avons retiré, mêlés aux ossements, huit fragments de poterie rouge, de l'espèce dite Samienne, sans dessins, provenant tous de petits vases réduits en morceaux, et une douzaine d'autres fragments, de pâte commune, jaunâtre ou grisâtre. C'étaient des fonds et des goulots de récipients. L'art gallo romain s'y révélait à ne pas s'y méprendre, et ce fait dûment constaté il était évident que nous nous trouvions en présence d'une sépulture postérieure à la conquête romaine Ces fragments, sans valeur par eux-mêmes, peu gracieux à la vue, assez mal conservés M. Aubertin le reconnaît aisément, furent recueillis au Musée archéologique de Beaune, et c'était justice; à défaut d'autres indications, ils servaient de date, et, se rapportant à une période bien constatée de l'art antique, ils permettaient, à deux ou trois siècles près – ce qui est, en pareille matière, une approximation suffisante de déterminer l'époque même de la sépulture. C'avait donc été une bonne pensée de les réunir au collier, dans une même vitrine, pour lui servir en quelque sorte de témoin. Ils ont malheureusement disparu lors de la regrettable dispersion du Musée de Beaune.
« Et maintenant, se demande M. Aubertin, que pouvait être le personnage qui avait emporté dans la tombe le bizarre attribut qui vient d'être décrit? » La première idée qui s'imposa aux réflexions de notre confrère fut celle-ci les ouvriers n'auraientils pas ouvert la fosse d'un empirique, d'un de ces circulatores, de ces circumforanei, de ces medicamentarii, d'un de ces arracheurs de dents, en un mot, dont la profession et les exploits nous sont signalés dans maint endroit des auteurs anciens? Il ne m'appartient pas, Messieurs, de suivre notre confrère dans la dissertation sur l'art médical à Rome, dont il a fait suivre les détails qui précèdent. Vous trouverez aisément, avec ou après lui, dans Gruter, des inscriptions, dans Pline ou Cicéron, dans Plaute ou Suétone, dans Celse ou dans Varron, des indications suffisantes sur l'exercice de cet art dans l'antiquité et sur le peu d'estime dont paraissent avoir joui les savants, les artistes ou les charlatans qui s'appliquaient alors à soulager les misères du corps, et plus spécialement à guérir ou à restaurer les avaries de la mâchoire humaine.
Assurément, Messieurs, l'hypothèse est séduisante, et c'est là ce qui m'engage à reproduire in extenso les conclusions de notre confrère
« Revenons donc, continue-t-il, au sujet principal de ce travail, et posons nos conclusions.
» N'est-on pas fondé à croire, sans témérité, que la sépulture qui nous occupe
était celle d'un dentiste gallo-romain, pauvre, ou tout au moins d'une humble condition, mort peut-être de misère, surpris dans une de ses circulations aventureuses, lors de la tenue des nundince du lieu, et inhumé précipitamment avec les quelques vases qui composaient son officine et le trophée dentaire qui indiquait sa profession à la foule? »
M. Aubertin a toute la conscience de l'archéologue convaincu. Non content de l'exploration de la fosse elle-même, il a soumis au plus scrupuleux examen tout l'espace circonscrit par les murs du clos Chameroy. Cette besogne a duré plusieurs jours; notre confrère a constaté que dans ce lieu, véritablement archéologique, les débris céramiques abondaient, depuis les anses, les goulots, les quilles d'amphores, jusqu'aux tessons de vases de toutes pâtes et de toutes capacités or, de l'énorme quantité de débris jonchant la terre, qu'il lui a été loisible de voir et de déterminer, tout se réfère aux temps gallo-romain; l'époque mérovingienne ne s'y montre pour ainsi dire pas. Voilà un supplément d'informations qui a bien sa valeur, et sur lequel, si vous le voulez bien, je terminerai cette partie du Compte-Rendu.
Ce n'est pas en 1869, c'est hier que l'on découvrait à Meloisey, près Beaune, nous ne sortons pas de la même région, une stèle en pierre blanche, dont notre honorable Président vous a présenté, à votre avant dernière séance, un dessin au crayon noir fort bien exécuté. Cette découverte paraît fort étrangère à celle du clos Chameroy; elle s'y rapporte cependant en un point, c'est qu'ici et là on doit à la pioche d'un vigneron la mise au jour de ces débris antiques au clos Chameroy, on creusait des preux, à Meloisey, on faisait des provins; la différence du patois au bon français. – Convenez-en, Messieurs, c'est affaire à des archéologues bourguignons. Or donc, la stèle en question représente un jeune homme abondamment chevelu la gallia comata du ve siècle mais absolument imberbe. Le personnage est vêtu d'une longue tunique à manches il est assis, le pied gauche reposant sur un globe d'assez grande dimension la main droite semble caresser deux fruits de grosseurs inégales qui sont posés sur l'extrémité du bras droit de son siège, et de la gauche, étendue sur le genou, il tient une patère entre le pouce et l'index.
Ce monument funéraire, c'en est un évidemment, n'a rien, ni par le sujet ni par l'exécution, qui le distingue des monuments du même genre que l'on trouve un peu partout et dont le sol dijonnais spécialement a été si fécond. Ce qui lui assigne une place à part et assez distinguée parmi les stèles de l'époque galloromaine, c'est d'abord son excellent état de conservation, ce sont ensuite et surtout ses dimensions tout-à-fait anormales il ne mesure en effet que 35 centimètres de haut sur 20 centimètres et demi de large son épaisseur est de 4 centimètres, une
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véritable mignature. Ce serait assurément une excellente acquisition pour notre Musée. Ajoutons qu'il a été trouvé dans un lieu dit le Camp de César, et notons ce détail sans prétendre toutefois en tirer des conséquences aventurées. Vous devez à M. Ladrey, professeur à la Faculté des sciences et membre de l'Académie de Dijon, l'indication de découvertes assez intéressantes faites au mois de novembre dernier dans le jardin de MM. Chambrette, constructeurs-mécaniciens, à Bèze (Côte-d'Or), et résumées dans une lettre adressée par ces derniers à l'honorable professeur. Des ouvriers occupés à des travaux de terrassement y ont mis au jour, à deux mètres environ de profondeur, une subfctruction divisée en plusieurs galeries bien conservées. On se crut tout d'abord en présence d'un four destiné à la cuisson de la poterie, mais la forte vitrification des briques intérieures montra bientôt que cet ouvrage devait avoir quelqu'autre destination. Tel est du moins l'avis du propriétaire. Ajoutons, et ce détail a son importance, qu'autour de ces restes de constructions on a rencontré des débris de tuiles romaines qui permettaient de déterminer à peu près la date des vestiges découverts.
Au même lieu de Bèze, et à peu près dans le même temps, MM. Chambrette vous ont également signalé, par l'intermédiaire de M. Ladrey la découverte d'un fragment de sculpture qui paraît appartenir à l'art antique. Il s'agit d'une plaque en marbre blanc sur laquelle est représenté un Hercule coiffé d'une tête de lion. Cette détermination est due à notre honorable Président, qui a eu cette sculpture à sa disposition et s'est fait un plaisir de la soumettre aux appréciations de ses confrères. Ce morceau est d'une bonne exécution et remarquablement fouillé Hercule est coiffé des dépouilles du lion de Némée. et sa barbe abondante paraît caressée par une main de femme Omphale – dont il ne reste malheureusement qu'un doigt d'une exquise délicatesse.
Vous m'en voudriez, Messieurs, si je ne vous rappelais en passant plusieurs autres découvertes qui ont été faites ces derniers temps sur divers point du département, et qui, d'une minime importance à la vérité, n'en méritent pas moins une mention sommaire. A Saint-Martin-de-la.Mer, traces évidentes d'habitations gallo-romaines avec fragments de poterie et de médailles du Haut et Bas-Empire. Ces objets ont été trouvés en assez grande abondance au lieu dit le Chatais des Buis, et M. le vicomte de Sarcus. à qui vous devez cette communication et qui vous a gracieusement offert le produit de la fouille, vous a fait remarquer à ce sujet que la présence de bouquets de buis dans des terrains granitiques, tel que celui qu'on rencontre à Saint-Martin-de-Ia-Mer, indique ordinairement l'existence de constructions gallo-romaines.
A Chivres, près Seurre, substructions assez considérables dont la découverte 3
récente vous a été signalée par M. Baudot, et qui sont considérées dans le pays comme les fondations d'un ancien château. Ne seraient-ce pas plutôt les ruines de l'ancien prieuré de Chivres, dépendant de celui de Larrey et par suite de l'abbaye de Saint-Bénigne, et dont l'existence est signalée par Courtépée? L'opinion de notre confrère, M. J. Garnier, est tout-à-fait dans le sens de cette hypothèse. Il n'est toutefois pas indifférent de constater que les objets trouvés dans ces substructions proviennent d'époques très diverses, et constatent la présence d'habitations dans cette localité bien longtemps avant la fondation du prieuré C'est ainsi que la période celtique y est représentée par des haches en silex, l'ère gallo-romaine par des fragments de poteries samiennes présentant des reliefs d'animaux et d'ornements de divers genres le fond d'un de ces vases porte une inscription. Il s'y rencontre en outre de nombreux fragments de poteries grossières, toujours de la même époque. Enfin c'est au moyen.âge qu'il convient d'attribuer certains pavés émaillés trouvés au même endroit, de même qu'une pe'ite statuette en bronze d'un assez joli travail qui parait avoir servi de pied à un chandelier ou à une coupe à trois pieds. Ce dernier objet fait aujourd'hui partie de la collection de notre honorable Président.
Ce qui va suivre présente, je ne dis pas un plus sérieux, mais à coup sûr un plus puissant intérêt. Il s'agit d'un monument qui se rattache, de la manière la plus intime, aux origines mêmes de la puissance de nos Ducs.
Le 15 janvier dernier, M. Garnier vous faisait prévenir que les restes de l'ancien palais du Parlement de Beaune, successivement affecté depuis aux séances du bailliage et du tribunal civil, étaient en voie de démolition. Il semblait à notre confrère qu'il y aurait grande utilité, avant leur complète disparition, de faire relever le plan et dessiner les parties les plus importantes de ces débris très importants assurément, surtout au point de vue historique Cette proposition trouva parmi vous le favorable accueil qu'elle méritait, et M. Humbert, architecte à Beaune, et l'un de nos correspondants, fut officiellement chargé de satisfaire, sur ce point, au désir de la Commission. Plusieurs mois s'étaient écoulés depuis lors, et M. Humbert n'avait point encore donné signe de vie, lorsqu'à votre dernière séance, M. Paul Foisset vous donna l'avis que l'état de santé de votre honorable confrère ne lui avait pas permis encore et ne lui permettrait pas sans doute de sitôt, de mener à bonne fin le travail dont on l'avait chargé. Il y avait urgence cependant, urgence de constater l'état des lieux, sans attendre qu'ils fussent complètement défigurés Aussi, en même temps que sa lettre, M. Foisset vous adressait-il une note sur la démolition du palais. Ce n'est là évidemment qu'un travail préparatoire, mais il contient sur les restes qu'il s'agissait non de sauver, mais de décrire in extremis, passez-moi l'expression, des détails trop
DE LA COMMISSION DES ANTIQUITÉS. :c_~
précis et trop circonstanciés pour qu'il ne soit pas d'un réel intérêt d'en donner dès maintenant une suffisante analyse.
« La destruction de l'ancien palais de justice de Beaune, ainsi s'exprime M. Foisset, vient de mettre à jour deux vestiges généralement ignorés et tous deux d'un ordre différent.
Il s'agit d'abord d'un parement de mur dont l'appareil, évidemment gallo-romain, ne laisse aucun doute sur sa provenance il consiste en de petits moellons cubiques. Ce parement est un débris du revêtement extérieur de l'enceinte castrale, dont le tracé à cet endroit était chose parfaitement connue. Ce que l'on ne savait pas, et ce dont il est permis aujourd'hui de juger, c'est l'épaisseur de la muraille ou du rempart, qui mesure 4 mètres environ, c'est aussi la nature de l'appareil, lequel, quoique remanié, rappelle les parties correspondantes du Castrum Divionense. Je dis les parties correspondantes, parce qu'à Beaune aussi bien qu'à Dijon, on trouve aux racines des murailles romaines, bien qu'en beaucoup moindre abondance, un grand appareil fourni par des démolitions d'édifices.
» Maintenant, quelle relation existait-il entre cette partie méridionale des murs romains et le bâtiment qui, depuis le xive siècle, a successivement abrité le Parlement, le bailliage et le tribunal civil ? Une tradition constante, en effet, veut qu'en ce lieu même, le Parlement ducal ait tenu ses jours, les juges d'appaulx rendu leurs sentences, et les documents écrits semblent sur ce point confirmer la tradition. Que l'on se rapporte au plan joint au travail de M. Foisset, et l'on verra que la salle du Parlement paraît avoir été primitivement accolée aux fortifications, tout en les respectant. Plus tard, sans doute à la fin du xve siècle, l'édifice est remanié en entier; on y installe le bailliage, et, pour utiliser le vieux rempart, dès longtemps abandonné, on établit sur son assiette une galerie bordant d'un côté l'auditoire royal, et de l'autre s'éclairant sur la rivière par une arcature ouverte en forme d'anse de panier. » Le bailliage, et après lui le palais de justice, étaient établis à la hauteur d'un premier étage très distinct dans la vue cavalière de Saint-Julien-de-Baleure. Le rez-de-chaussée consistait en un porche fort vulgaire accompagné de celliers sans valeur.
Le second débris, que les démolitions de 1874 ont fait découvrir, appartient au xiii' siècle. C'est une tour sur l'origine et la signification de laquelle M. Foisset émet une hypothèse dont il a paru prudent à votre Comité de lecture de ne pas s'occuper pour le moment. Ce qu'il importe de constater avec M. Foisset, c'est qu'il n'en reste plus aujourd'hui que la partie inférieure, et qu'elle a été fort anciennement englobée dans la masse de la bâtisse épaisse et longue dont les deux parties extrêmes se dressent encore en face de l'église Notre-Dame et des deux côtés
de la rue que l'on vient de faire passer au travers. On ne peut guère, en effet, considérer que comme le rez-de-chaussée d'une tour importante la salle voûtée qu'on a rencontrée à cet endroit, se révélant pour ainsi dire au moment même où elle allait disparaître. « C'est, ajoute M. Foisset, le pendant de la salle basse de la Tour-de-Bar, avec un siècle de plus et une simplicité correspondant à cette différence de date. Au centre, la colonne cylindrique, mais privée de base et de chapiteau, reçoit de vigoureuses nervures à pans coupés, dont les extrémités opposées, privées de consoles, se voient distinctement dans le mur. La cheminée, relativement petite (1™ 80), fait écarter l'idée d'une cuisine. Toute simple qu'elle paraisse aujourd'hui, ce devait être la partie soignée de l'appartement. Deux consoles, ou plutôt deux corbeaux d'une seule pierre mince mais très allongée, se projettent en avant par une courbe concave. Les arrêtes sont chanfreinées avec indication de volutes aux extrémités des chanfreins.Ceci repose sur une moulure d'imposte en façon de cymaise, qui est l'intermédiaire entre le corbeau au-dessus et le petit cul-de-lampe final. Ce dernier est décoré d'un feuillage peu abondant mais encore estimable.
» Dans cette haute et large salle, le jour ne pénétrait, en dernier lieu du moins, que par une baie rectangulaire, étroite à l'excès, mais aussi démesurément allongée (0m 04 de large sur 3m de haut) elle était grillagée, bien que regardant l'intérieur de la place. A la hauteur du premier étage, une fenêtre, toujours de forme rectangulaire, mais d'assez grandes dimensions cette fois, et à croisillons chanfreinés, éclairait une pièce de mêmes proportions que celle du bas. La maçonnerie de cet étage indique assez bien la continuation du même œuvre, et nous attribuerions volontiers tout cet ensemble au commencement du xiu* siècle. Au dedans, la salle supérieure n'avait rien de saillant. Notons cependant quatre dés de pierre correspondant aux quatre clefs des voùtes de la salle basse et qui servaient de bases à un même nombre de poutres destinées à étayer les charpentes. D
M. Foisset termine sa Notice en rappelant que les bâtiments du domaine ducal à Beaune, c'est-à-dire l'hôtel ou maison du Duc d'une part, de l'autre sa cour de justice, – bâtiments qu'il n'est pas facile de distinguer d'après les monuments écrits, quoiqu'ils dussent être essentiellement différents, il rappelle, dis-je, que ces bâtiments finirent par être accensés et que le domaine n'en avait conservé que les parties indispensables pour le service du bailliage. Tout le reste était demeuré jusqu'à ces derniers temps propriété privée.
M. Foisset a joint à la note qui vient d'être analysée 1° une vue cavalière de l'ancien bailliage et des bâtiments environnants d'après le plan de Saint-Julien de Baleure; 2U le plan de l'ancienne enceinte du castrum Belnense, avec indication du bailliage et de l'église Notre-Dame 3° enfin le plan, sur une plus grande échelle, du
palais de justice et de ses annexes, avec le tracé de la rue qui le traverse aujourd'hui de part en part.
Cette note, Messieurs, je l'ai dit, je le répète, c'est surtout à titre de renseignement qu'elle a trouvé place dans ce Compte-Rendu. Elle contient de précieuses indications sur l'état des bâtiments au moment même de leur destruction mais le travail de notre confrère n'est pas complet et n'a pas la prétention de l'être. Il existe dans divers dépôts un nombre assez considérable de documents dignes de fixer l'attention et la curiosité des amateurs de nos antiquités nationales, et qui fourniraient les plus précieux éléments pour une monographie compète de l'ancien palais du Parlement de Beaune. Cette monographie serait assurément très bien accueillie du public.
La lice est ouverte
Il y aura bientôt un an que M. le Curé d'Aiserey, en même temps qu'il nous invitait à prendre en quelque sorte possession du très curieux retable de Baissey, me fit savoir que des peintures murales d'un caractère assez original venaient d'être découvertes sous une épaisse couche de badigeon dans l'église d'un petit village du Châtillonnais, Thenissey. M. le marquis de Villefranche, propriétaire du château de Thenissey, pourrait sans doute, ajoutait-il, me renseigner exactement à cet égard il m'engageait à lui écrire, ce que je fis aussitôt, et quelques jours après je recevais de M. de Villefranche la lettre suivante
« 11 est vrai, Monsieur, qu'on a découvert dans l'intérieur de l'église de Thenissey des fresques qui ont un certain mérite et ne manquent pas d'être remarquables par leur ancienneté. Je crains seulement que l'état de détérioration dans lequel elles se trouvent ne puisse permettre une restauration. L'une d'elles représente une danse macabre, sujet que je crois très rare dans son genre une autre est une chasse de Saint Hubert. La restauration de l'église, qui doit s'effectuer d'un moment à l'autre, ferait disparaître ces précieux vestiges, à moins que la Commission d'antiquités ne prît des mesures de conservation; il serait donc urgent de s'en occuper. Je vais prier le maire de Thenissey de ne pas activer les travaux afin qu'on laisse les choses dans l'état actuel, et que la Commisssion puisse juger par elle-même de ce qu'il y aurait à faire. D
La Commission était alors en vacance; aussitôt la rentrée je me suis empressé de porter ces faits à votre connaissance. L'examen, et le prompt examen des lieux était commandé. Vous désignâtes pour le faire notre confrère M. Vionnois, que ses con. naissances spéciales et ses fonctions administratives indiquaient tout naturellement. M. Vionnois a consigné le résultat de son examen dans un très intéressant rapport qui doit être reproduit in extenso.
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Rapport de l'architecte chargé par M. le Président de la Commission archéologique de l'examen de l'église de Thenissey.
Le village de Thenissey est situé à mi-côte du versant Est .de la vallée qui relie Verrey et Darcey, arrondissement de Semur. Son église, que nous avons examinée avec soin, offre plus d'un aspect intéressant le clocher qui la surmonte, ainsi que l'abside carrée, méritent une description minutieuse par la variété et le fini des styles qui les composent.
Au-dessus du transept s'élève le clocher roman la flèche carrée en maçonnerie s'appuie sur une corniche formée de corbeaux simples bien motivés. Il est percé sur chaque face de deux baies circulaires géminées. Quoique d'une proportion générale un peu lourde, ce clocher rappelle ceux des xie et xne siècles, les premiers où l'on suspendit les cloches destinées à appeler les fidèles au saint lieu.
La porte latérale de l'église indique le xive siècle le chœur, style xv. siècle, est flanqué de deux contreforts à 45 degrés, surmontés de hiboux la fenêtre milieu est divisée par un meneau portant deux flammes au-dessus desquelles se découpe un trèfle soigneusement mouluré, le tout en parfait état de conservation.
Il est regrettable qu'on ait construit pour les nécessités d'un agrandissement de l'église, une façade moderne absolument dénuée de caractère.
En somme, l'extérieur de l'édifice ne présente qu'un intérêt médiocre, relativement aux précieux vestiges artistiques récemment découverts à l'intérieur, sous de grossiers badigeons. Ce sont ces vestiges, peintures décoratives d'une valeur incontestable, que nous allons essayer de décrire, tout en les signalant à l'attention des membres de la Commission qui trouveront, nous en sommes convaincu, des sujets d'études variées dans ces fresques formées de scènes détachées.
INTÉRIEUR. Si l'on considère le côté droit de la nef, le regard se porte tout d'abord sur une peinture en partie dégradée, mais où l'on retrouve encore l'image d'un saint à cheval, le bras droit levé, dans une attitude pleine de noblesse, la tête légèrement inclinée çà et là quelques silhouettes des jambes du cheval, mais les accessoires ont tout à fait disparu. Cette figure doit représenter saint Georges de Cappadoce, martyr. Elle fait pendant à un chasseur également à cheval, coiffé d'une toque à grand panache. Cet homme est fièrement campé et d'une allure martiale. Ces deux pendants étaient reliés entre eux par deux sujets, dont un seul est encore visible c'est un piqueur armé d'une lance et qui regarde le cavalier, auquel il indique d'un geste la direction à suivre. A ses pieds, deux chiens s'élancent vers
l'entrée d'une forêt d'où l'on voit sortir un cerf. Cette scène représente évidemment la chasse de saint Hubert.
En prolongement de ce tableau, deux grisailles sont séparées par la porte latérale: A gauche, une sainte debout tient un instrument de musique, attribut de sainte Cécile. A droite, une scène de martyr. Un bourreau lève la main droite, tandis que de la gauche, il tient un instrument de torture en forme de coin, appuyé sur la gorge du patient, dont les bras et les pieds sont engagés dans une sorte de cep. On ne voit que la moitié de son corps l'autre partie est encastrée dans un nouveau motif formé de plusieurs sujets indescriptibles, surmontés d'un fronton circulaire style renaissance, qui vient se relier avec le chambranle de la porte.
On ne distingue, dans ces allégories, aucune coloration un simple trait affirme une silhouette d'un beau caractère.
En entendant cette description, il y aurait tout lieu de croire que ces peintures sont d'époque moyen-âge telle a été notre impression. Néanmoins, la présence des frontons qui encadrent les motifs indique évidemment une époque beaucoup plus récente.
Si nous examinons maintenant le côté gauche de la nef, nous y remarquons encore, au-dessus d'une frise courante, symétriquement reproduite au côté droit, une autre fresque, mais d'une disposition toute différente. Ainsi, au lieu d'une sorte de panathénée de sujets filant dans un même cadre, ce tableau est au contraire subdivisé en trois motifs couronnés chacun d'un fronton Celui de l'axe est surélevé d'environ vingt centimètres, il forme sujet principal et contient une figure plus grande que toutes les autres et dont la tête touche au cadre l'attitude en est digne, la pose majestueuse, la résignation est empreinte sur son visage malheureusement très détérioré une roue brisée, dans le bas, symbolise le martyr de grandes lignes de draperies complètent ce tableau, dont le sujet est attribué à sainte Catherine. Le motif de droite représente un guerrier, se détachant en lumière vive sur un fond noir des flammes l'environnent, le mouvement peint l'angoisse et le désespoir le détail est difficile à saisir dans ces dégradations.
De l'autre côté, deux figures en bon état de conservation un saint et une sainte avec le nimbe caractéristique. La sainte, à genoux, pénètre dans le motif milieu, et a les mains jointes dans la direction de sainte Catherine, qu'elle implore. Elle porte le costume de religieuse voile noir et vêtement brun. Le saint tient de la main droite un sabre dentelé l'autre main est ramenée au corps. C'est ainsi que saint Simon, apôtre, est généralement représenté.
Ces deux figures sont les plus remarquables les têtes sont d'un fort beau dessin, modelé en manière plate, très pur de lignes. Les traits du saint respirent la candeur
et la foi la barbe, les cheveux et accessoires sont traités avec art de larges draperies bien conçues ornent ces sujets, dont l'ensemble est fort remarquable. C'est certainement le morceau capital parmi les fresques de cette église, et c'est ce tableau-là surtout qu'il serait intéressant de restaurer.
Nous voyons encore, dans la partie sise en prolongement de ces peintures, de l'autre côté de la chaire à prêcher, un évêque debout, la tête inclinée, tenant sa crosse de la main droite, de l'autre un marteau. C'est saint Eloi, remplissant la double fonction d'évêque et d'orfèvre.
Saint Eloi est suivi du martyr Adrien, qui est symbolisé par une roue et une enclume. L'enclume serait cet objet difficile à distinguer que le martyr porte sur le bras gauche. Ses yeux sont tournés du côté d'un autre évêque qui tient un livre ouvert. Ce dernier personnage doit être un fondateur d'ordre ou un docteur de l'Eglise, qui aurait en même temps rempli les fonctions d'abbé ces attributs pourraient convenir à saint Robert de Molesme, fondateur de Cîteaux, ou à saint Bernard, docteur de l'Eglise et fondateur de Clairvaux. Nous inclinerions vers cette seconde hypothèse, ce dernier personnage étant plus connu dans nos contrées. Enfin, certains détails feraient supposer que ces décorations se prolongent, car on aperçoit plus loin le haut d'une crosse, et quelques taches isolées çà et là indiquent d'une façon incontestable la présence d'autres sujets, qu'il serait sans doute possible de découvrir sous les badigeons.
Il nous reste à décrire la plus originale des scènes qui sont représentées dans les fresques de cette église. Au-dessus des peintures dont nous venons de parler, et séparée d'elles par un filet brun (amorce indicatrice d'autres sujets superposés), on aperçoit une croix élevée sur des marches d'escalier. De chaque côté, deux suppliants agenouillés réclament la protection, et, suivant une direction latérale, un cheval au galop s'élance sur la croix, tandis que la mort se tient à droite à quelque distance. Cette scène nous semble représenter le triomphe de la croix sur le monde et sur la mort. Les deux suppliants peuvent figurer l'ancien et le nouveau Testament, la croix est en effet le lien de l'un et de l'autre.
Çà et là quelques détails isolés, tels sont les traits saillants de cette peinture dont le haut se perd dans la voûte.
En résumé, on voit que toute la partie intéressante de ces fresques est située entre les arcs latéraux et le transept quant au reste de l'église, c'est-à-dire la partie comprise entre les axes latéraux et l'entrée du portail, elle ne contient que quelques rares vestiges artistiques, tels que la croupe d'un cheval qui pose les pieds sur un fronton en spirale, quelques taches à moitié décolorées, puis des restes de filets, des lambeaux de draperies et autres détails à peu près sans valeur.
DE LA COMMISSION DES ANTIQUITÉS. a_ o_ r__· ..1- .1-
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Les armoiries qui se trouvent dans la frise, au-dessous de toutes ces fresques, sont surmontées d'une couronne de duc à huit feuilles d'ache. Elles sont d'or, avec deux léopards de gueules placés l'un sur l'autre et deux barres également de gueules sous leurs pattes.
La construction de cette église n'offre rien de particulier les voûtes, en berceau cylindrique, avec charpente apparente, n'ont aucun caractère spécial, et le chœur, restauré sous Louis XV, n'a conservé aucune trace intéressante de l'époque moyenâge, à l'exception des panneaux décoratifs sculptés qui accompagnent l'autel. Nous ne voyons dans cette architecture aucun morceau à signaler.
CONCLUSIONS. Bien que l'église de Thenissey soit d'une construction défectueuse, nous croyons néanmoins qu'il y aurait lieu de tenter une restauration des peintures qui en font ou plutôt qui en faisaient l'ornement.
Qui sait ce que cachent ces badigeons, et s'ils n'ont pas été appliqués sur ces fresques tout simplement par une main protectrice, en vue des orages révolutionnaires.
Quoiqu'il en soit, un artiste habile, armé des documents nécessaires, pourrait rétablir ces scènes pour la plupart fort intéressantes, et ajouter ainsi aux nombreux chefs-d'œuvre qui ornent notre département, si fertile en curiosités, et qui font la splendeur de l'art bourguignon.
Félix Vionnois.
Les conclusions de notre confrère devaient être et furent en effet adoptées à l'unanimité La Commission a décidé qu'il y avait lieu de prendre les mesures nécessaires pour assurer la restauration, ou tout au moins la conservation aussi intégrale que possible des curieuses peintures murales de Thenissey, peintures dont il importe avant tout de mettre à découvert toutes les parties encore cachées par le badigeon. Une note rédigée dans ce sens, par M. Vionnois, a dû être adressée offi. ciellement, en quatre expéditions, à l'autorité diocésaine, à M. le marquis de Villefranche, à M. le Curé et à M. le Maire de Thenissey.
Vous voyez, Messieurs, que l'affaire est en bonne voie et qu'on en peut espérer la prompte et heureuse solution. Si les peintures de Thenissey peuvent être sauvées de la destruction, vous aurez rendu un vrai service à l'histoire de l'art dans nos contrées. A tout hasard, votre Comité de lecture a résolu de faire reproduire, par la lithographie, le dessin que M. Vionnois a joint à son rapport, et qui représente fidèlement, d'un crayon élégant et habile, les détails de cette curieuse page de l'art. Cette planche vous sera distribuée avec le présent Compte-Rendu.
Et maintenant, Messieurs, que nous avons terminé notre tournée annuelle dans le i
département, et que nous revenons avec une ample moisson de documents nouveaux et de matériaux pour notre carte archéologique, est-ce à dire qu'il soit temps enfin de nous reposer ? Vous ne l'attendez pas assurément, car vous savez que chaque année Dijon figure pour une large part au chapitre des découvertes, et je n'ai rien dit encore de Dijon. Venez-y donc un instant, Messieurs, je vous promets de n'en plus sortir.
Il a été question, dans le dernier Compte-Rendu, de travaux qui s'exécutaient, au moment même où nous allions suspendre nos séances, dans des terrains situés au débouché du boulevard Carnot, sur la place Saint-Pierre. Explorateur infatiguable du sous-sol dijonnais, notre confrère, M. Lory, s'était empressé de vous signaler, dans un rapport verbal, la découverte qui venait d'être faite dans cet endroit d'un certain nombre d'objets antiques et d'un parement de mur appartenant à l'ancienne enceinte fortifiée de Dijon. M. le lieutenant-colonel de Coynart avait joint à cette communication quelques indications sommaires sur la disposition de la muraille, en se plaçant surtout au point de vue de la théorie de la défense des places fortes. Depuis lors, M. Lory vous a communiqué le procès-verbal détaillé de la découverte avec la liste des objets trouvés. C'est cette note dont je me propose de vous présenter la consciencieuse analyse.
M. Lory commence par bien préciser l'emplacement des fouilles à droite, en débouchant de la place Saint-Pierre sur le boulevard Carnot, fouilles de la maison Vignet; à gauche, fouilles des bâtiments de la nouvelle Caisse d'épargne, et un peu plus loin fouilles du Temple israélite; c'est dans les deux premières de ces fouilles qu'ont été faites les principales trouvailles. « La plupart des objets, vous a dit M. Lory, étaient mélangés dans une couche de déblais de 2 mètres 50 environ, qui sépare, dans cette partie de notre ville, le sol actuel de celui de l'ancien Dijon. Disons cependant que les médailles romaines ont été rencontrées dans la couche de terre végétale qu'on trouve à 2 mètres 50 du niveau du boulevard et qui repose sur le sable vif non fouillé. Le mélange de ces objets, provenant d'époques bien distinctes, s'explique facilement quand on sait combien le sol de ce quartier a été creusé et remué pour l'établissement des fortifications, commencées en 1137, continuées au xm* siècle, et depuis plusieurs fois remaniées, notamment au xive et au commencement du xvi", à la porte Saint-Pierre. »
L'emplacement des trois fouilles plus haut mentionnées coïncide exactement avec celui de la butte des marronniers, élevée en 1750, devant la maison de M. de Bourbonne, aujourd'hui propriété de M. le baron de Cernon, et rasée récemment pour donner passage au boulevard Carnot. C'est dans la partie la plus méridionale du terrain occupé par les bâtiments de la Caisse d'épargne qu'a été découvert le parement
oriental du tambour ou avancé qui couvrait la porte Saint-Pierre, construction élevée en 1515 et démolie en 1826, après avoir été augmentée successivement de divers ouvrages en pierres, ajoutés à l'enceinte en 1555, ou en terre, dans le système Deville, vers 1640. « Au pied de la muraille, d'une épaisseur de 6 mètres et très solidement construite en courbe elliptique. se trouvait le fossé en défendant l'approche. Ce fossé a été comblé par un remblai dont on voit très bien les couches successives. Les ouvriers ont creusé à une profondeur de 5 mètres, sans trouver le fond. On peut, d'ailleurs, se rendre facilement compte de l'ancien état des lieux en consultant les plans de Dijon, depuis celui de Bredin en 1574 jusqu'à celui publié en 1867.
» A l'angle oriental de la fouille, du côté opposé à celui où se voient les assises inférieures du bastion, le remblai a 2 mètres 50 de profondeur à partir du niveau du sol actuel. Sous ce terrain rapporté, on aperçoit une couche plus épaisse de graviers reposant sur un lit de marne qui n'a jamais été fouillé. A l'examen, on reconnaît qu'autrefois, à cette profondeur, devait passer un cours d'eau qui a charrié les graviers en question. Ce cours d'eau était un bras de Suzon entourant les fortifications. L'existence d'un sous-sol marneux dans ce quartier de la ville, au milieu de la couche sablonneuse sur laquelle Dijon est en partie bâti, a été constatée sur une plus grande étendue lors des travaux entrepris un peu plus loin pour le détournement de la partie du cours de Suzon qui longeait anciennement le bastion Richelieu. »
Après avoir donné la liste des objets recueillis dans les fouilles, et dont on trouvera l'indication ci-dessous (1), M. Lory termine ainsi sa communication
(1) 1° Objets trouvés sur l'emplacement de la Caisse d'épargne un petit bijou en bronze ouvragé, se composant d'une plaque carrée percée à chacun des angles d'un trou rond; trois crochets de même métal formant pendeloques sont suspendus à trois des trous le quatrième devait recevoir le cordon ou le crochet suspendant le tout. Cette pièce doit remonter à l'époque du Moyen-Age ou, au plus tard, aux premiers temps de la Renaissance; elle ressemble à l'ornement dont les anciens se servaient pour suspendre différents objets à leur ceinture un morceau de verre irisé provenant du pied d'un vase ancien médaille de Constantin Ier, petit bronze, mauvaise conservation denier de Hugues II, publié par A. de Barthélemy, dans ses Monnaies de Bourgogne, Ire planche, n° 5; un demi-double d'Auxonne du duc Philippe-leBon, aussi publié par Barthélemy, planche VI, n» 9 deux pièces delphinales en billon, xvi' siècle jeton imitation de types romains face deux personnage debout l'un représente Apollon tenant une lyre, l'autre Diane tenant une lance, derrière elle un grand lévrier; légende APOLLO DIANA. Au revers une femme couverte d'une tunique elle porte de la main gauche une corne d'abondance et de la droite une balance légende EX S C XV VIR MON jeton de la Chambre des Comptes de Claude de Longvi, cardinal de Givri, pour l'évêché de Langres, dont il a été quelque temps titulaire. Face dans le champ, les armes du cardinal; légende PRO CAMERA COM DE GIVRI EPISC L G Revers fruste.
2° Objets trouvés sur l'emplacement de la maison Vignet un éperon à molette dont une des branches est brisée. La tige a 15 centimètres de longueur la molette devait avoir six pointes et il en reste quatre seulement, toutes de 2 centimètres de long. Les éperons de cette forme et de cette dimension appartiennent
COMPTE-RENDU DES TRAVAUX 1
« Ces différents objets ont assurément un certain intérêt au point de vue historique et archéologique, mais ce qu'il importe surtout de noter avec soin dans l'étude des fouilles du boulevard Carnot, ce sont les profondeurs auxquelles on rencontre l'ancien sol dijonnais La couche de terre végétale qui en composait la partie supérieure et qui a une épaisseur variant de 60 centimètres à un mètre est à une profondeur de 2 mètres 50 dans l'emplacement de la Caisse d'épargne, de 2 mètres 60 à 2 mètres 30 dans celui de la Synagogue, enfin de 2 mètres 30 également dans celui de la maison Vignet. C'est le cas de rappeler que le tronçon de voie romaine trouvé en 1869 dans les fouilles de la maison Nicolas, limitant au nord le terrain de la Synagogue, était à une profondeur de 2 mètres 70. Les vieilles murailles dont nos Ducs avaient commencé, dès le milieu du XH" siècle, d'enceindre leur capitale agrandie, et que les fouilles du boulevard Carnot nous ont montrées par fragments aux alentours de la porte Saint-Pierre, ces murailles, dis-je, n'étaient pas encore achevées (première moitié du xme siècle) lorsque quelques religieux de cet ordre nouveau que venait de susciter l'hérésie Albigeoise, trois ou quatre frères prêcheurs, soutenus par la sympathie des populations et patronnés par la duchesse Alix de Vergy, alors veuve du duc Eudes III, vinrent jeter, à l'abri de cette enceinte, les premiers fondements d'un monastère longtemps resté fameux dans nos fastes municipales, et destiné à disparaître sous nos yeux sans qu'il nous ait été raisonnablement permis de rien tenter pour faire obstacle à sa démolition.
Le projet de construction d'un marché couvert sur l'emplacement de l'ancienne au xve siècle. On s'en servait en Allemagne surtout, au temps du plus haut développement des armes de tournois une clef en fer de 12 centimètres de longueur une autre petite clef en fer de 5 centimètres médaille romaine de Claude II tête tournée à droite, avec couronne radiée, petit bronze, mauvaise conservation; – médaille de Gratien, petit bronze, conservation passable denier de Robert II, duc de Bourgogne, publié par Barthélemy, planche II, n" 7 jeton du duché de Bourgogne d'un côté, dans le champ, croix fleurdelysée, légende VIVE AMANT VIVE AMOVR VIVE Au revers, le briquet de Bourgogne, avec la légende VIVE BOVRGOGNE VIVE Bonne conservation jeton à compter, de France, avec la légende GETTES ENTENDES AV COMPTE GARDE TOI DE MESCOMPTE jeton aux armes de France, sans valeur jeton de Nuremberg, mal conservé pièce de Louis XIII, mauvais état monnaie de Henri, souverain des Dombes, xvu" siècle quatre baronnales frustes; jeton à l'écu écartelé aux 1er et 4' de France, avec Bourgogne en abyme, aux 2" et 3" armes de Ctteaux, surmontées d'une crosse et d'une mitre; au revers, 5 églises. Légende LVDVOVICVS DE BAISSEX ABB CI revers VIVE VT POST VIVAS 1500 Notons que cette dernière -légende a été relevée l'année dernière, par le secrétaire de la Commission, au-dessus de la porte d'une pauvre maison de la ville de Semur, située dans l'une des ruelles étroites qui descendaient de l'ancien château à l'Armançon. Ajoutons que la plupart des objets qui viennent d'être mentionnés sont entrés au Musée de la Commission et que les médailles ont été déterminées par notre confrère, M. Rabut.
église des Jacobins et sur les terrains environnants, est depuis longtemps à l'étude dès avant l'année 1872, il en était sérieusement question vous vous en étiez préoccupés, Messieurs, et, prévoyant qu'il y aurait de ce côté quelque intérêt archéologique à sauvegarder, vous aviez désigné une Commission chargée d'étudier toutes les questions que pouvait, d'un moment à l'autre, faire naître l'exécution des travaux projetés. C'est à la séance du 15 avril 1872 que cette Commission fut nommée, sur la proposition de M. Lory. Elle se composait de MM. Garnier, Lory, Paul Foisset, Rabut, Dameron, Chevrot, Belin et Sirodot. Sa mission spéciale était de prendre toutes les mesures qu'elle jugerait utiles pour assurer la conservation des inscriptions, pierres tombales, fragments de sculptures et autres objets d'art provenant de la démolition de l'église et qui pourraient être utilement transportés au Musée de la Commission. Vous étiez, sur ce point, Messieurs, pleinement assurés du bienveillant concours de l'administration municipale, qui résolut, sur notre demande, de faire de la conservation et du transport des fragments anciens qui seraient indiqués par vos Commissaires, l'objet d'une clause spéciale imposée par le cahier des charges aux entrepreneurs de la démolition. Votre Commission était également chargée de faire relever le plan de l'édifice avec coupes et détails d'architecture. L'objet de son mandat, en un mot, était aussi étendu que possible. Pendant près de deux ans, elle n'eut qu'à se croiser les bras mais, au mois de janvier dernier, il devint urgent de renouveler ses pouvoirs; les travaux allaient commencer. Aujourd'hui sa mission est bien près d'être terminée; la vieille église des Jacobins git presqu'entièrement à terre. Rassurez-vous d'ailleurs, Messieurs, on en a sauvé ce qu'on a pu et, grâce aux bons soins de quelques amateurs zélés de nos antiquités, le souvenir n'en est plus exposé à se perdre jamais. Voici d'abord une intéressante monographie de M. Paul Foisset, qui ne s'est pas borné à rappeler l'origine du monastère, et à tracer à grands traits l'histoire de l'institut dominicain parmi nous; ce qui le préoccupe surtout, c'est l'édifice, sa description dans son état actuel, sa restitution tentée d'après d'anciens documents, l'indication des objets d'art qu'il contenait avant la Révolution, l'emplacement des chapelles très nombreuses qu'y avait édifiées ou consacrées la piété des particuliers et des confréries, les pierres tombales dont certains recueils imprimés ou manuscrits y signalaient l'existence, etc., etc. Il ne m'appartient pas, Messieurs, de vous entretenir plus longuement de ce travail, qui a été renvoyé à votre Comité de lecture, pour être, selon toute apparence, inséré dans vos Mémoires. Ce qui y figurera non moins utilement, ce sont les réductions des dessins exécutés sur votre demande par M. Degré fils, architecte à Dijon ces dessins se composent de cinq feuilles donnant à une assez grande échelle les plans, coupes, élévations et détails des bâtiments
claustraux déjà démolis ou qui doivent bientôt disparaître, avec essai de restitution d'après des plans anciens de l'état des lieux avant la Révolution.
M. Degré n'était pas encore des nôtres, Messieurs, lorsque ces dessins ont été soumis à votre examen il n'a donc pu connaître que par intermédiaire, mais il a certainement connu l'excellente impression qu'ils ont laissée sur nos esprits c'est une œuvre qui lui fait vraiment honneur nous le savions bon architecte ce jour-là, il est passé archéologue, et vous lui en avez depuis conféré le brevet. Et maintenant, que vous dirai-je encore de cette église depuis longtemps condamnée, aujourd'hui disparue? c'est notre destinée, Messieurs, de vivre au milieu des ruines et de ne recueillir que des débris, que vous en dirai-je, sinon qu'on sauvera de la destruction ou qu'on a même sauvé déjà tout ce qui le mérite quelques curieuses peintures de la voûte; les colonnettes et les voussures du portail, charmant et délicat spécimen de l'art au xm. siècle, et, chose remarquable, merveilleusement conservé, les pierres tombales enfin, qu'on a rencontrées en assez grand nombre sous le sol prodigieusement surexhaussé de l'église, presque toutes intéressantes à l'un ou l'autre point de vue, et s'échelonnant dans un ordre régulier depuis le xiv siècle presque jusqu'à nos jours. Toutes les conditions sociales figurent sur ces tombes religieux et laïques, grandes dames et modestes artisans, magistrats et bourgeois, tous apparaissent aux explorateurs, couchés dans leurs amples vêtements, sur leurs dalles historiées, et figurant le long de ces murailles nues qui les avaient si longtemps abrités comme la chaîne fantastique d'une vaste danse macabre, dont nous allions bientôt, hélas! être forcés de rompre les anneaux. Ces anneaux rompus, on les a recueillis un peu partout deux des tombes les plus grandes ont été entreposées à Saint-Etienne; il y en a d'autres dans un des corridors dépendant de notre Musée, d'autres encore plaquées contre le mur des cuisines ducales, dont, pour le dire en passant, grâce à la bienveillante initiative de l'administration municipale, la Commission a aujourd'hui la libre et entière disposition (1). Quelques-unes de ces tombes mériteront assurément d'être reproduites par le dessin ou tout au moins décrites avec soin la science épigraphique, l'histoire du costume, la généalogie y trouveront bénéfice. Que cela suffise pour le moment, je ne voudrais pas déflorer un travail qui vous sera certainement donné.
Permettez-moi de n'en pas user de la sorte à l'égard d'autres tombes découvertes récemment dans un lieu où le hasard seul les a fait rencontrer. Elles nous ont été signalées par M. Fétu fils, après avoir été par lui décrites dans un journal de la localité. Cette circonstance ne me semble pas de nature à m'empêcher (1) Délibération du Conseil municipal, du 17 novembre 1873.
DE LA COMMISSION DES ANTIQUITÉS. 1 _1_ I1_a_ T_ -Il--
d'en reproduire les inscriptions dans ce Compte-Rendu, où elles seront à leur vraie place.
Ces tombes ont été découvertes dans les jardins de l'Ile, près la porte d'Ouche, dans l'endroit même où existait avant la Révolution un hôpital pour les pestiférés elles ont été rencontrées à une profondeur de 1 mètre environ, et on a immédiatement constaté qu'elles recouvraient toutes les squelettes de personnages décédés à Dijon lors de la peste qui sévit en cette ville au cours des années 1636 et 1637. Les corps n'étaient pas ensevelis dans des cercueils ils reposaient à nu dans le sol, immédiatement au-dessous des dalles. Celles-ci sont au nombre de quatre en voici la description sommaire
La première mesure 1 mètre 50 de long sur 84 centimètres de large. Elle est dans un état de conservation parfaite et porte encore la marque du crayon dont le tailleur de pierres s'est servi pour aligner les caractères de l'épitaphe
CY GIST LE CORPS DE DAMOISELLE MARGVERITE MARC FEMME DE IEAN MORTAINE CONEB DV ROY CONTROLLEVR ORDINAIRE DES GVERRES FILLE DE M" ESTIENNE MARC BOVRGEOIS DE DIION ET DE DAMOISELLE ANNE DE VAVTINE LAQVELLE DECEDA DE CONTAGION LE 12MB NOVEMBRE 1636. PASSANS PRIER DIEV POVR ELLE.
Au bas de cette inscription sont gravées deux branches de laurier embrassant un écu en losange et mi-parti on ne distingue qu'une moitié de croissant dans la première partition, tout le reste est fruste.
La deuxième pierre a 1 mètre 10 de haut sur 79 centimètres de long la partie supérieure a été brisée, de telle sorte que l'inscription n'est pas entière ET HONESTE DAME MICHELLE GVELAVD SA FEMME QVI DECEDA EN LAD MAISON LE 19" DE MAY AVD AN DIEV LEVR FACE PARDON. –ET DAMlLB PHILIBERTE CLEMENCEAV LEVR FILLE FEME DE M~BE ESTIENNE BVISSON CHIRVGIEN DV ROY ET IVRE A DIION QVI DECEDA LE 28" MARS 1637. – CÔE AVSSY MICHELE BVISSON ET ANTHOINE BVISSON LEVRS ENFAN DIEV LEVR FACE MISERICORDE AMEN
Au centre de la seconde partie de l'inscription est gravé un écusson mi-parti Au 1er un lion et en chef un croissant surmonté d'une étoile à cinq raies; au 2e, un chevron accompagné en chef de deux croix pattées, en pointe d'un croissant, et surmonté d'une tête de lion arrachée.
CONPTE-RENDU DES TRAVAUX ~t-~<')~~)~r!T~t:–n-
La troisième a 1 mètre 13 de long sur 77 centimètres de large. L'épitaphe est ainsi conçue
CY GIST CLAVDE DEREQVELEYNE FILZ DE FEVZ HONORABLE HOMME MICHEL DEREQVELEYNE MARCHAND A DIION ET DAM GVIETTE CANABELIN SES PERE ET MERE QVI DECEDA DE CONTAGION EN LA MAISON DE SON PERE LE 11MB SEP"R".
La quatrième, de 1 mètre 73 sur 75 centimètres, est la moins bien conservée, on n'y peut lire que les mots suivants
CY GIST FRANCOIS NO QVI DECEDA LE 19 OCTOBLE L L'écusson gravé au bas de la pierre tombale paraît porter un arbre élevé sur une terrasse
Relever les noms de quelques personnages parfaitement obscurs, à la vérité, mais appartenant presque tous à de vieilles familles dijonnaises, les Marc, les Guelaud, les Derequeleyne, les Canabelin, réveiller pour un instant le souvenir d'une époque désastreuse entre toutes, où la peste était dans nos murs et la guerre à nos portes, tel est le seul intérêt de cette découverte. Vous saurez gré toutefois à M. Fétu de vous l'avoir signalée elle devait trouver place dans cet inventaire des vieux souvenirs bourguignons que vous tenez toujours ouvert.
Et maintenant que notre tournée archéologique est terminée, Messieurs, permettezmoi de ne point quitter la plume sans vous avoir entretenu un instant de travaux d'un autre ordre, auxquels vous avez tous participé dans le cours de cette année et qui vont témoigner à leur tour de votre zèle aussi constant qu'éclairé pour les intérêts sérieux dont le soin vous est confié.
Prévenus de certaines modifications que l'on se proposait d'introduire dans la distribution intérieure de l'église Saint-Jean, vous vous préoccupez de ne rien laisser entreprendre qui puisse compromettre la solidité de cet édifice si heureusement et si libéralement rendu au culte depuis quelques années, et que son caractère de monument historique place directement sous votre surveillance. Rassurés sur ce point et désireux de concilier tous les intérêts, vous autorisez l'établissement d'une porte de communication entre deux des chapelles latérales du côté droit, tout en émettant le vœu que l'exécution d'autres projets moins heureusement conçus, et qui tendaient à isoler complètement de la nef l'une de ces deux chapelles, ne viennent point rompre cette simple et majestueuse harmonie qui fait le principal mérite du monument, en vous réservant le droit de statuer ultérieurement sur ce point.
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M. le Curé de Prissey demande l'allocation d'une somme modique pour la restauration de son église, simple et rustique monument dont le portail, qui tombe littéralement en ruine, passe à bon droit pour un rare et curieux spécimen de l'art roman dans nos campagnes. Hélas! vos ressources sont restreintes, elles ont d'ailleurs une destination spéciale, vous n'en pouvez rien distraire, et, pour tout le reste, il est clair, passez-moi le mot, que vous ne tenez pas les cordons de la bourse. Laisserez-vous cependant cet appel sans réponse ? Poser la question, c'est la résoudre espérons que votre intervention empressée auprès de l'autorité compétente sera profitable à la pauvre église de village, qui ne s'abusait pas assurément en comptant sur votre sympathique intérêt.
Relativement à la colonne de Cussy, pleine satisfaction ne vous a pas encore été donnée; vous vous rappelez qu'il s'agit d'une clôture dont vous demandez l'établissement pour mettre ce précieux monument à l'abri des insultes des passants. Bien mutilé déjà, il est de la dernière importance de ne l'y pas laisser exposé plus longtemps. Mais enfin, l'affaire est en bonne voie le Conseil général en a été saisi et son concours vous est acquis pour solliciter du ministère de l'instruction publique l'allocation des fonds nécessaires.
Le même ministère résolut, dans le courant de l'année dernière, de faire dresser la liste définitive et sérieusement révisée des monuments historiques de la France, Il avait besoin, pour mener à bonne fin cette grande et utile entreprise, du concours des Sociétés savantes des départements. C'est ainsi que vous fûtes invités officiellement, par l'intermédiaire de M. le Préfet de la Côte d'Or, à produire un état des monuments de notre région qui vous sembleraient dignes de figurer sur cette liste.
Ce projet de classement devait attirer toute votre attention; une Commission fut immédiatement chargée de préparer les bases de ce travail, Commission dont firent naturellement partie tous les membres survivants de l'ancienne Commission du Répertoire archéologique, avec adjonction de quelques membres nouveaux pour combler les vides qui s'y étaient produits.
Le projet adopté par vous est entièrement conforme aux instructions ministérielles. Il se divise en quatre parties principales d'inégale importance, savoir restes galloromains, architecture militaire, édifices religieux et monastiques, architecture civile. Le troisième chapitre est de beaucoup le plus considérable; on a pris soin d'y ranger autant que possible les monuments par ordre chronologique, en plaçant pour ainsi dire en vedette les monuments types immédiatement suivis de ceux qui peuvent en être considérés comme les dérivés. Vous proposez en tout le classement de 49 édifices, dont les notices fort courtes, mais très substantielles, ont 5
COMPTE-RENDU DES TRAVAUX
~.B.s. V V 1.LL i L 1·L·W V liLy7 ..I.a.
été rédigées par notre confrère M. Paul Foisset, et sont plus que suffisantes pour motiver chacune de nos propositions. Ces 49 édifices se répartissent de la façon suivante restes gallo-romains, 2; architecture militaire, 4; édifices religieux et monastiques, 31 – architecture civile, 12 – en tout 49, sur quoi il y a vingtdeux propositions nouvelles de classement, le reste figurant déjà sur les anciennes listes.
Il ne m'appartient pas, Messieurs, de vous rappeler ce qu'il faut entendre par monuments historiques, et au sens archéologique et au sens légal du mot. Sur ce point, chacun d'entre vous pourrait m'en remontrer. Laissez-moi cependant me féliciter avec vous des heureux résultats que nous sommes en droit d'attendre de ce nouveau classement. Vous n'avez pas seulement attiré l'attention du gouvernement sur des édifices dignes de tous points de sa protection et au besoin de sa libéralité, vous avez fait plus, vous avez signalé à tous, et mis en quelque sorte hors de pairs, par un choix éclairé, tous ceux des édifices de notre région, témoins intacts ou mutilés des vieux âges, qui sont, dans le vrai sens du mot, une date pour l'histoire du pays ou pour celle de l'art.
Je voudrais avoir fini, Messieurs, je voudrais n'être pas obligé, en prolongeant encore cet entretien, de raviver dans vos cœurs de douloureux souvenirs. Il le faut cependant, et vous m'en voudriez de rompre sur ce point avec de pieuses et respectables traditions.
Deux de vos associés correspondants vous ont été enlevés dans le courant de cette année, M. l'abbé Minot, curé de Quetigny, et M. le docteur Duret, de Nuits. Botaniste distingué, M. Duret est, comme on sait, l'un des auteurs de la Flore du département de la Côte-d'Or; il s'intéressait vivement aux études archéologiques et a surveillé diverses fouilles utilement faites sur certains points de notre contrée. La Commission regrettait de ne pas entretenir, avec ces deux excellents confrères, des relations aussi suivies qu'elle l'eût désiré.
A Dijon même, la tombe s'est fermée sur un des membres les plus anciens de notre Société.
Historien local, magistrat érudit, et par-dessus tout criminaliste éminent, M. le président de La Cuisine, hàtons-nous de le dire, n'était pas un archéologue. Pour faire un archéologue, il faut un peu de beaucoup de choses et beaucoup de certaines autres. Au sens général des grands aperçus de l'histoire, il faut joindre, dans une large proportion, la science exacte des textes, et surtout la connaissance approfondie des monuments. Beaucoup de lecture, et plus encore d'observations, du flair, passez-moi le mot, et de la patience, voilà tout l'archéologue, c'est là ce qui lui permet d'imprimer à ses travaux le double caractère de l'autorité et de la durée. Eternus quia patiens.
DE LA COMMISSION DES ANTIQUITÉS.
Y.
Est-ce à dire qu'un esprit vif et ouvert, accessible aux impressions les plus diverses, et se répandant volontiers au service de toutes les causes généreuses, ne puisse apporter son contingent dans ce travail de laborieuse restitution, auquel nous sommes tous attachés, et dont les phases diverses se présentent tous les jours devant nous sous des aspects nouveaux ? 2
Assurément, Messieurs, vous ne le pouviez pas admettre et je ne veux pour preuve du contraire que la large part qu'a prise M. de La Cuisine aux travaux de la Commission.
M. de La Cuisine était inscrit, depuis l'année 1851, sur la liste des membres titulaires de notre Société il a fait partie pendant longtemps de notre conseil d'administration, où sa grande habitude des affaires donnait à ses avis une autorité toute spéciale enfin, ce n'est qu'aux plus jeunes ou aux plus récents de nos confrères que j'apprendrai peut-être qu'aussi longtemps que l'âge et la maladie le lui ont permis, M. de La Cuisine assista régulièrement à nos séances, aimant à prendre part à nos pacifiques discussions, et les éclairant souvent d'aperçus ingénieux et en quelque sorte primesautiers qui rentraient volontiers dans la nature de son esprit. C'est ailleurs, Messieurs, que la mémoire de M. de La Cuisine a dû recevoir tout entier l'hommage des regrets que sa mort a suscités dans notre ville, c'est au sein d'un corps de magistrature dont il a été pendant longtemps l'une des lumières, c'est aussi et surtout au sein d'une autre Société savante, société sœur en quelque sorte, avec laquelle nous nous plaisons à entretenir d'agréables et utiles relations, et dont la présidence, par une flatteuse et unique distinction, lui a été décernée pendant douze années. Pour nous, Messieurs, nous nous contenterons de déposer sur la tombe de cet éminent confrère le témoignage de nos regrets unanimes, et de constater le vide sensible que sa perte a laissé parmi nous.
§ 2. NOTES, DESSINS ET COMMUNICATIONS DIVERSES.
Ont été présentés à la Commission, à titre de communication
Par M. Ernest Mathieu, associé résidant, deux anges en bois doré, dont l'un porte un phylactère et l'autre une viole. Ces deux statuettes, d'une gracieuse exécution, faisaient partie d'un ancien retable de l'église du château de Couches, retable dont parle Courtépée, et qui fut brûlé pendant la Révolution.
Par le même membre, une agraffe de ceinturon, en cuivre, qui fait partie de sa collection, de même que les deux anges dont il vient d'être question, et qui a été écemment trouvée dans le département du Jura Cette pièce, d'une admirable
conservation, parait remonter à la période mérovingienne, et présente un type peu connu elle affecte la forme d'un rectangle allongé avec une bordure curieusement ciselée, et au milieu un animal fantastique représentant un lion ou un léopard. Par M. Chevreul, membre titulaire, deux très belles haches antiques, l'une en silex, trouvée à Lay, dans les environs de Paris, l'autre en diorite, découverte près de Pithiviers.
Par M. Lory, une pièce de monnaie espagnole en or, sans intérêt archéologique, trouvée à Venousse, canton de Ligny-le-Châtel.
Le même membre a fait à la Commission une communication verbale relative à un coffre ancien, placé dans le bureau du receveur des postes à Dijon, bureau qui fait partie, comme on sait, de l'Hôtel-de- Ville. Ce coffre, qui se transmet depuis un temps immémorial d'un receveur à l'autre, doit avoir fait partie, dans l'opinion de M. Lory, de l'ancien mobilier du logis du roi il est surtout curieux par son système de fermeture.
Note de M. l'abbé Clémencet, curé de Puligny et membre correspondant de la Commission, signalant la présence, dans la carrière de sable de Puligny, soit dans le sable même, soit dans des failles de terre végétale encaissées dans le rocher, jusqu'à 12 mètres de profondeur, d'un grand nombre d'os de bœuf, de cheval, de cerf, de chien, de lièvre, etc., etc. Au milieu de ces ossements, dont l'accumulation à certains endroits semble cependant l'indiquer, M. Clémencet n'a pu encore constater avec certitude la présence de l'homme ainsi, point de silex travaillés cependant, quelques ossements en forme de lime pourraient avoir été disposés intentionnellement de la sorte.
M. Charles Rouhier a adressé les communications suivantes Note relative à la composition du chapitre de Grancey-le-Château en 1787, avec les noms du doyen, des chanoines, au nombre de six, du chapelain ou prébendier et des deux curés, chanoines honoraires il y avait eu anciennement neuf chanoines et quatre prébendiers description de plusieurs pièces de monnaie et médailles de diverses provenances, savoir moyen bronze d'Adrien, mal conservé, trouvé à Recey, deux autres médailles en argent, signalées par un habitant du même lieu de Recey; un jeton de la Chambre des comptes de Bourgogne plusieurs monnaies en argent. des rois Charles IX et Henri III, trouvées à Beaune; jetons de Et. Humbert, vicomte maïeur de Dijon en 1612, avec la légende ET SINE FASTV SCRIPTVS. BIS FASTIS – médaille religieuse en bronze, de forme à peu près carrée, présentant d'un côté l'image de Notre-Seigneur et de l'autre la Sainte-Vierge portant l'enfant Jésus sur le bras gauche caractères grecs et russes, style bysantin. Du même membre, note sur des objets antiques trouvés en Hanovre, et signalés à
DE LA COMMISSION DES ANTIQUITÉS. -u- .1
tort ou à raison comme ayant appartenu à Varus note sur plusieurs découvertes d'objets antiques, savoir à Etrochey, près de Vix, deux haches polies à Chamesson, une flèche munie d'un pédoncule à la ferme de Sèche-Bouteille (commune de Leuglay), un grattoir; à l'entrée de la grotte d'Arcy-sur-Cure (Yonne), plusieurs instruments tranchants, accompagnés d'ossements de renne, de cheval, etc. Ces détails ont été communiqués à notre correspondant par M. Camus-Lapérouse, qui poursuit avec succès ses recherches sur la montagne de Vix dessin à la plume de quatre flèches en silex, trouvées sur la montagne de Vix par le même M. Camus-Lapérouse; texte de deux inscriptions figurées sur des cadrans solaires et recueillies, la première à Châtillon-sur-Seine, la seconde à Bourbonne Quota sit hora peto ? Dum petis hora fugit. Ultima latet. Nulla fluat cujus non meminisse velis; pièce de vers de M. Guillemin (Alexandre), avocat à Paris, à qui le P. Lacordaire fut adressé lorqu'il se rendit à Paris pour faire son stage copie de l'acte de naissance du P. Lacordaire, Recey, 22 floréal an X; note sur une inscription recueillie sur la montagne de Vix, et ne comprenant que les mots Christus hic est. Dans une communication faite à son sujet à l'Académie des inscriptions et belles lettres, par M. Leblanc, le savant épigraphiste attribue cette inscription au V siècle, et conclut, par un rapprochement des textes, que celui-ci indique le dépôt dans la tombe, de l'Eucharistie elle-même, fait qui s'est effectivement produit.
M Clément-Janin a adressé à la Commission deux notes, dont la première, en date du 13 mars 1874 fait mention, 10 de la découverte d'une fontaine en vieux Moustiers, déterrée en 1872 par M. Ledeuil-Rattel, dans sa houblonnière de Pont-Rion, ce qui permet de fixer aux premières années du xviii" siècle la destruction des habitations modernes de ce lieu-dit, les fabriques de Moustiers n'ayant été établies qu'à la fin du xvne siècle 2° d'une seconde découverte faite en décembre 1873, lieu dit au GrandPré, climat contigu au Pré-Déclaire ou Pont-Rion, à cent pas des substructions. C'est une tête de jeune fille en marbre blanc, mesurant avec le cou 15 centimètres de hauteur. Cette tète est gallo-romaine et de la bonne époque. La bouche est très fine, la chevelure, retenue par la vitta, d'une grande élégance, malheureusement le nez a été brisé par la pioche. Ce fragment gisait à une profondeur de trois fers de bêche. M. Clément-Janin fait observer que c'est une preuve de plus de la richesse de l'habitation dont on a trouvé les restes au Pont-Rion, et que c'est là surtout ce qui donne quelque intérêt à ce débris.
Dans sa seconde communication, M. Clément-Janin signale la découverte de trentecinq pièces de monnaie d'argent, faite au mois d'avril 1874 dans la forêt de Velours, lieu dit en Beucheret, près du puits de Grand-Jour et des ruines d'Antua. La plupart de ces pièces, appartenant presque toutes à l'époque des guerres de religion, étaient
frustes, et sont trop connues pour mériter une description. Elles se répartissent ainsi François 1", 1, Henri II, 5, Charles IX, 9, Henri III, 19, Louis des Dombes, 1. Voici l'inscription de la dernière LVDO D MONTIS P P DOMBAR et au revers t DNS ADJVTOR ET REDEM MEVS 1 75. M. Clément-Janin pense très justement qu'il faut lire 1575, et que la pièce en question doit être attribuée à Louis II, duc de Montpensier, et prince des Dombes, qui épousa Catherine-Marie de Lorraine.
M. Aubertin a signalé, de la part de M. le Curé de Corgoloin, l'existence, dans l'ancien cimetière de ce village, d'une tombe que ce dernier attribue au xrve ou au xv siècle. Malheureusement elle ne présente aucune inscription, ni rien qui permette de vérifier cette attribution.
M. l'abbé Barbier de Montault a adressé diverses notes et observations sur plusieurs passages du dernier Compte-Rendu et du dernier fascicule de nos réunions elles ont été déposées aux archives de la Commission. Dans une autre communication, M. Barbier de Montault donne quelques détails sur une inscription bourguignonne conservée au château d'Oiron, département des Deux-Sèvres. Ce château a été construit par Claude Gouffier, grand écuyer de France, dans la première moitié du xvie siècle. L'oratoire particulier est de la même date dans le pavé en carreaux émaillés, dont M. de Montault a donné des échantillons au Musée de Cluny, est encastrée une petite plaque de marbre, gravée en majuscules maigres, qui est l'écriture de la Renaissance. Le millésime qu'elle porte n'est certainement pas celui de la date de la pose de ce trop modeste monument.
M. de Montault estime que la Commission pourrait se procurer aisément l'estampage de cette inscription, ou mieux encore la plaque de marbre elle-même, à laquelle les propriétaires du château d'Oiron ne paraissent aucunement tenir. Pour le moment on se bornera à en reproduire le texte d'après la copie de M. de Montault, et quoiqu'elle ne soit pas inédite, ayant déjà été publiée par M. l'abbé Carrière, dans les Mémoires de la Société archéologique du Midi, tome X, p. 257.
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PHILIPPES CHARLES FILZ
FILZ DE DE PHILIPES
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BOVRGONGNE BOVRGONGNE
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§ 3. OBJETS OFFERTS A LA COMMISSION.
Ont été offerts par M. Charles Rouhier, correspondant plusieurs menus objets antiques, parmi lesquels une monnaie gauloise en bronze, découverte à Recey.surOurce les moulages en cire de deux médailles gauloises en bronze, trouvées à la ferme de Renille. commune de Grancey-le-Château – le moulage d'un moyen bronze apporté de Dijon à Recey, et qui a déjà fait l'objet d'une communication du donateur plusieurs fragments 4e fibules en cuivre ou en bronze, trouvés dans les ruines de Velay, près Beneuvre, plus trois grains de collier de même provenance une clef en fer, trouvée dans le cimetière de Grancey-le-Chàteau – une large plaque en cuivre, représentant les armes de M. de Tourny, provenant de la même localité un petit crochet en cuivre, présentant l'image d'une fleur de lys, trouvé près de Grancey-le-Château – un jeton portant les effigies en buste de Henri IV et de Marie de Médicis, avec les légendes HENR IIII R CHRI MARIA AVGVSTA REGIS SACRA FŒDERA. MAGNI – une médaille' frappée à l'occasion de la fête de la Fédération une monnaie obsidionale de Mayence (1793), valant 5 sols une médaille de Charles X, frappée à l'occasion d'un voyage de ce monarque à Beauvais une monnaie égyptienne moderne.
Par M. Garnier, membre titulaire, deux verres à vitre provenant d'une très vieille maison de la rue du Bourg, et qui donnent une idée très exacte et très nette du mode ancien de fabrication du verre. On remarque en effet, au milieu de chacun d'eux, une sorte de loupe ou de lentille large et épaisse, indiquant le point où se faisait le dépôt du verre en fusion, à l'extrémité de la canne ou baguette à soufflet. Le liquide amassé en cet endroit en plus grande quantité, y affectait en se refroidissant la forme lenticulaire, et le point d'attache était ensuite cassé.
Par le tuteur des héritiers Gossin, une tête sculptée, en pierre, provenant de l'ancien portail de Saint-Bénigne, et qui est restée encastrée pendant de longues années dans un mur de l'hôtel Gossin, rue Cazotte, à Dijon. En se reportant au dessin du portail de Saint-Bénigne, gravé dans l'Histoire de Bourgogne, de Dom Plancher, M. Paul Foisset a fait observer à la Commission que cette tête ne devait pas être celle de saint Grégoire de Langres, comme on l'a cru généralement jusqu'ici, mais bien plutôt celle de saint Bénigne lui-même, c'est-à-dire de notre apôtre national, du grand apôtre de la Bourgogne, ce qui augmente encore la valeur de ce fragment antique. Il n'est pas inutile de rappeler que c'est grâce aux soins de notre regretté
COMPTE-RENDU DES TRAVAUX 1
confrère, M. le conseiller Foisset, heureusement continués par son fils, que cette sculpture a été cédée à la Commission.
Par le conseil de fabrique de la paroisse Notre-Dame, plusieurs fragments de sculptures provenant de cette église, et qui n'ont pu trouver place dans les travaux de restauration de l'édifice. Ce sont les mêmes fragments dont il a été fait mention au dernier Compte-Rendu.
Par M. le docteur Marchand, membre titulaire, de la part de M. le Maire de Dijon, divers objets trouvés dans les fouilles du nouveau marché, savoir un méreau d'un type rare deux monnaies malheureusement assez frustes, de Robert II un objet en cuivre, d'un usage indéterminé une sorte d'estampage également en cuivre, avec plaque inférieure d'un sceau rond, portant l'empftinte de l'écu de France surmonté de la couronne royale.
Par M. le vicomte de Sarcus, membre titulaire, un nombre assez considérable d'objets antiques, trouvés dans la commune de Saint-Martin-de-la-Mer, au lieu dit le Chatais-des-Buis. Ces objets consistent en plusieurs fragments de mortier et ciment plaques de marbre d'applique débris de poterie une brique creuse pour hypocauste une médaille de Faustine, grand bronze vingt-trois petits bronzes, de la période des trente tyrans, dont 2 Claude le gothique, 1 Quintinus, 8 Tetricus, 1 Tetricus fils, le tout en mauvais état de conservation, le reste complétement fruste.
Par M. le docteur Teinturier, propriétaire de l'ancien hôtel Baudot, rue du VieuxCollége, un certain nombre de cippes juifs, avec inscriptions hébraïques, semblables ou analogues à ceux qui figuraient déjà dans le Musée de la Commission, et provenant comme eux des anciens murs du Castrum Divionense.
Par M. Lory, plusieurs objets trouvés dans les fouilles du boulevard Carnot, et dont il est question ci-devant.
Par M. le baron de Bretenières, une plaque en marbre noir, provenant de l'église du village de Bretenières, où elle était encastrée dans un des murs de la chapelle du donateur elle portait du côté visible une inscription moderne qui depuis a été effacée. Ce n'est qu'en la décelant qu'on s'est aperçu qu'elle portait sur l'autre face une inscription plus ancienne, indiquant qu'elle provient de la chapelle de l'Immaculée Conception fondée par la famille de Mucie, dans l'ancienne Sainte-Chapelle de Dijon.
Voici le texte de l'inscription primitive
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D 0 M
BEATAM HIC RESURECTIONEM EXPECTANT
VIR ILLUSTRISSIMUS
JACOBUS DE MUCIE
EQUES, DOMINUS NOBILIACI &C.
IN SUPREMO BURGUNDLE SENATU PRISES INFULATUS,
ET CONJUX EJUS BENÈ – MERITA
BENIGNA DE LA MARE,
QUI
PARIBUS VOTIS ET IMPENSIS,
IN HOC SIBI SUIS-QUE CONCESSO SACELLO,
A DUOBUS PRESBYTERIS, HUIC ECCLESLE JAM ADDICTIS,
ALTERNA VICE
i
QUOTIDIE DIVINA MYSTERIA CELEBRARI
ET PSALMUM de profundis, ORATIONES-QUE PRO DEFUNCTIS RECITARI IN PERPETUUM CONSTITUERUNT,
AC PItE INSTITUTIONIS PATRONOS CURATORES-QUE SEDULOS
DEINCEPS ESSE VOLUERUNT.
§ 4. OUVRAGES OFFERTS A LA COMMISSION.
Odet et Jacqueline, conte chalonnais, par M. J. Guillemin, hommage de l'auteur. – Clotilde de Surville, par le même.
M. de Chastaigner, par M. Al. Albrier, hommage de l'auteur.
Les dépouilles de Charles-le-Téméraire à Berne, par M. Henri Beaune, hommage de l'auteur.
Emblèmes attribués à des objets gallo-romains. Bases frontales de bois de cerf. Inventaire des archives départementales de la Côte-d'Or, par M. Garnier les trois premiers volumes offerts à la Commission par le Conseil général de la Côte-d'Or. Quelques Mailles de Tavernier en Savoie, par M. F. Rabut, offert par l'auteur. Sixth annual report of the united stats geological surrey, of the territories, 1 vol., 1873.
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Annual report of the board of regents of the Smithsonian institution 1873, 1 vol. Cadran solaire en plomb portant la date 1514, à Varzy (Nièvre), par M. Grasset aîné, offert par l'auteur.
Annuaire départemental de la Côte-d'Or, 1874, par M. J. Garnier, offert par l'auteur.
Procès-verbaux des délibérations du Conseil général de la Côte-d'Or, 1873. Rapport du Préfet et documents annexés, 2 vol., offerts par M. le Préfet. Note sur la Chapelle des Chevaliers de Malte, à Beaune, par M Aubertin, don de l'auteur. Notice sur une sépulture célèbre à Beaune, par le même.
De la conservation des objets d'archéologie, par Raoul Guerin, brochure offerte par le docteur Marchant.
Histoire des impôts aux comté et élection d'Auxonne au xvie siècle, par Max. Quantin, offert par M Garnier au nom de l'auteur.
La géographie et l'esprit public en France, par M. Pingaud, don de l'auteur. La politique de saint Grégoire-le-Grand, par le même.
Congrès archéologique de France, XXXIXe session.
Les rues de Dijon, par M. Milsand, don de l'auteur.
Quelques mots aux habitants des campagnes Lettre d'un rural, 1870-71, 1872-73; – Etude sur le développement artistique et littéraire de la société moderne; De la liberté dans l'enseignement; Du morcellement à propos de l'enquête agricole; ces cinq ouvrages offerts par l'auteur, M. le vicomte de Sarcus. Notice sur la mosaïque de Lillebonne, par M. Chastel offert au nom de l'auteur par M. Rabut.
Inventaire des églises de Jarrie et de Marix, par M. l'abbé de Montault, don de l'auteur.
Notice sur l'orfévrerie du Puy, par A. Chassaing, don de l'auteur.
Petit supplément aux Mémoires de l'Académie de Troyes, pour faire suite à l'histoire de l'Académie de Châlons en Champagne.
Inventaire des titres de Nevers, de l'abbé de Marolles, édité par M. le comte de Soultrait don de l'éditeur.
L'âge de bronze à Santenay (Côte-d'Or), par M. Henry de Longuy, don de l'auteur. Note sur un temple romain découvert dans la forêt d'Halatte (Oise), par M Cayx de Saint-Aymour, don de l'auteur.
Rapport du Préfet. Délibération du Conseil général de la Côte-d'Or, 1«* session de 1874
Dictionnaire topographique du département de la Dordogne, par M. le vicomte de Gourgues, don du Ministère de l'instruction publique.
§ 5. – PUBLICATIONS DES SOCIÉTÉS SAVANTES ET PÉRIODIQUES. Annales de l'Académie de Mâcon, tome XI, 1872, 1873, deux fascicules. Annales de la Société des lettres, sciences et arts des Alpes-Maritimes, tome II. Annales de la Société historique et archéologique de Château-Thierry, 1870-71. Annuaire de la Société philotechnique, 1873.
Association française pour l'avancement des sciences. Documents et informations diverses, n° 5.
Bulletin de la Société académique de Boulogne-sur-Mer, tome I" et partie du tome II. Mémoires de la même Société, tome IV et partie du tome V. Bulletin de la Société archéologique de Touraine. Mémoires de la même Société, partie du tome XXIII.
Bulletin de la Société archéologique de l'Orléanais, partie du tome V.
Bulletin de la Société archéologique du Midi de la France, 1874, n° 1. Mémoires de la même Société, partie du tome X.
Bulletin de la Société archéologique, historique et scientifique de Soissons, 2e série, tome III.
Bulletin de la Société archéologique, scientifique et littéraire de Béziers, partie du tome VII.
Bulletin de la Société d'agriculture, sciences et arts du département de la HauteSavoie, 3e série, n° 4.
Bulletin de la Société d'études d'Avallon, 1871-1872.
Bulletin de la Société des Antiquaires de l'Ouest, premier trimestre 1874. Bulletin de la Société des Antiquaires de Picardie, 1873 et partie de 1874. Bulletin de la Société des sciences historiques et naturelles de Semur, neuvième année, 1872.
Bulletin de la Société des sciences historiques et naturelles de l'Yonne, 27° vol. Bulletin de la Société d'horticulture de la Côte-d'Or, partie des années 1873 et 1874.
Bulletin de la Société historique de Compiègne, tome I", premier fascicule. Bulletin de la Société historique du département du Nord, tome XII.
Bulletin monumental abonnement,
Communications de la Société historique de Styrie. Supplément aux publications de la même Société. Deux fascicules de publications historiques faites à Graetz.
Indicateur de l'Archéologue et du Collectionneur.
Journal d'Agriculture de la Côte-d'Or, partie des années 1873 et 1874. Journal de la Société d'archéologie lorraine, 1873. Mémoires de la même Société, 3e série, 1" vol.
Mémoires de l'Académie des sciences, belles-lettres et arts de Savoie, 2' série, tome XII. Album du même volume, deux fascicules.
Mémoires de la Société d'agriculture, commerce, sciences et arts du département de la Marne.
Mémoires de la Société des Antiquaires de Normandie, 23' vol. – Discours d'ouverture, par Mgr Bravard, évêque de Coutances, directeur de la Société, séance du 21 novembre 1872.
Mémoires de la Société d'émulation d'Abbeville, 3° série, 1er vol. 1859-1872. Mémoires de la Société d'émulation de Montbéliard, 2e série, 5' vol.
Mémoires de la Société d'émulation du Doubs, 4e série, 7e vol.
Mémoires de la Société Eduenne, tome II, nouvelle série.
Mémoires de la Société littéraire, historique et archéologique de Lyon, 18721873.
Mémoires de la Société littéraire, scientifique et artistique d'Apt, tome 1er, n° 1. Mémoires de la Société nationale des Antiquaires de France tomes XXXIII et XXXIV.
Mémoires de la Société royale des Antiquaires du Nord, nouvelle série, 1870 à 1872.
Mémoires et documents publiés par la Société savoisienne d'histoire et d'archéologie, tomes XIII et XIV.
Mémoires des Sociétés de Boulogne, de Touraine et du Midi de la France. (Voir Bulletins.)
Publications de la Société historique de l'Institut royal du grand duché de Luxembourg, années 1870 à 1872.
Revue archéologique abonnement.
Société des sciences et arts de Vitry-le-Français, juillet 18 0 – octobre 1872. § 6. – MOUVEMENT DU PERSONNEL.
Ont été nommés
Associé résidant
M. P. Milsand, sous-bibliothécaire de la ville de Dijon, 2 février 1874.
M l'abbé Clémencet, curé de Puligny, 1er décembre 1873.
M. Pingaud, professeur à la Faculté des lettres de Besançon, 3 mars 1874. NOTA. C'est par erreur que dans la liste des membres de la Commission, qui a été publiée à la fin du 8° volume de ses Mémoires, on a omis les noms de MM. de Surigny, correspondant à Prissé, près Mâcon (Saône-et-Loire), et Charles Lucas, architecte à Paris, comme associés correspondants.
Associés correspondants
J. D'ARBAUMONT.
COMPTE-RENDU
DES TRAVAUX
DE LA
COMMISSION DÉPARTEMENTALE
DES ANTIQUITÉS DE LA CÔTE D'OR
du 1er juillet 1894 au 1" juillet 1995.
MESSIEURS,
L'archéologie est surtout œuvre de patience et de critique. Si parfois elle étonne par la nouveauté, par l'imprévu, par l'importance de ses découvertes, qui peuvent aller jusqu'à bouleverser les données communes de l'histoire, ou à les asseoir au contraire sur des bases désormais inébranlables, le plus souvent c'est par l'étude patiente des monuments, par l'interprétation des vieux textes. par une application constante à recueillir avec un soin pieux les débris des temps passés, qu'elle est appelée à rendre à la science de modestes, mais d'incontestables services. N'est-ce pas là, d'ailleurs, un terrain assez vaste, un champ d'exploration assez fertile pour tenter les plus nobles ambitions? Et pour n'en citer qu'un exemple, quand donc, depuis bientôt un demi-siècle que notre Société est constituée, quand donc vous est-il arrivé d'avoir sérieusement à tous plaindre de la stérilité du sol natal ? Combien de fois, à la fin d'une année, avez-vous dû coter en néant le bilan de vos découvertes? J'en appelle à vos souvenirs, et vous me sauriez mauvais gré d'insister davantage sur ce point. Chaque jour apporte son contingent, et tous, fidèles héritiers des traditions de vos devanciers, vous vous efforcez de contribuer pour votre part, à grossir les fascicules du répertoire permanent que vous avez ouvert.
Mon seul but, dans ce compte-rendu, sera de vous montrer, par une rapide analyse, que l'année qui vient de s'écouler n'a pas été moins que les précédentes, féconde en résultats utiles et qui méritent d'être livrés à l'appréciation du public. Je le ferai en ne perdant pas de vue ce que vous êtes surtout en droit d'exiger d'un pareil travail la brièveté dans l'exactitude.
Le Monnayage chez les Gaulois, tel est le titre d'un mémoire que M. de La Blanchère, récemment nommé associé correspondant de la Commission, vous avait adressé à l'appui de sa candidature.
Dès le début de son travail, l'auteur, apologiste convaincu de ce que nous appellerons avec lui, si vous le voulez bien, la civilisation gauloise, s'applique à nous montrer l'aptitude qu'il pense reconnaître chez nos premiers ancêtres pour les travaux industriels. Leur art monétaire spécialement lui paraît digne d'une sérieuse attention. Leurs monnaies, bien loin assurément de reproduire des types aussi perfectionnés que ceux des monnaies romaines ou grecques, se présentent le plus souvent chargées de grossiers emblèmes et de légendes indéchiffrables, mais il ne les croit pas néanmoins inférieures à celles de beaucoup de peuples anciens, et pense retrouver à Rome même ou dans la Grèce, des types qui ne l'emporteraient pas de beaucoup sur les leurs par la beauté du coin et le fini de l'ouvrage.
D'ailleurs, ces qualités-là ne constituent pas tout le succès du travail monétaire; les monnaies antiques peuvent être étudiées à un point de vue tout différent et dont jusqu'ici on paraît s'être peu préoccupé, au point de vue de leur mode de fabrication. Voilà assurément un côté tout à fait neuf de la question, c'est lui qui fera le principal objet, et non pas le moins intéressant, du mémoire de M. de La Blanchère. Avant de porter des jugements radicaux sur le mérite relatif du travail monétaire chez les différents peuples de l'antiquité, ne serait-il pas juste, se demande l'auteur, de ne pas s'arrêter uniquement au fini de l'exécution, mais de s'inquiéter encore de ce qu'il considère comme la partie essentielle de la fabrication, à savoir la préparation des matières premières et les moyens métallurgiques mis en œuvre pour faire et pour marquer les pièces ?
« Malheureusement, ajoute-t-il, jusqu'ici toute espèce de documents avait entièrement fait défaut, lorsque la découverte d'un atelier monétaire gaulois a jeté enfin quelque lumière sur cette question aussi intéressante qu'inconnue.
D En 1867, un vigneron du Rouergue trouva, en bêchant. sa terre, une grande quantité de monnaies d'argent avec des lingots de même métal. Quelques-unes de ces mon. naies, évidemment gauloises, furent acquises par la Société des lettres, sciences et arts de l'Aveyron, et déposées au musée de Rodez. Une centaine sontaux mains d'un actif archéologue du pays, M. l'abbé Cérès. Depuis lors, le vigneron a trouvé un nombre
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considérable de ces monnaies, 20,000 environ, et les a vendues à un bijoutier qui, tout en en fondant la plus grande partie, s'en est conservé une collection et en a vendu un assez grand nombre, lesquelles sont actuellement dispersées. La vigne où fut faite cette importante découverte est située dans l'arrondissement de Rodez, à Goutrens, dans le canton de Rignac, petite ville non loin de la station de SaintChristophe, près des mines d'Aubin. Jamais le propriétaire n'a consenti à désigner l'endroit exact où il avait trouvé ces monnaies, de crainte qu'on n'y fît des fouilles et que l'Etat, par un pouvoir chimérique que lui supposent tous les paysans rouergats, ne mît la main sur un domaine qui recélait des trésors.
» Si nous avons donné ainsi, dans tous ses détails, l'extrait de naissance des monnaies de Goutrens, c'est que leur étude est du plus haut intérêt et jettera une lumière, nous l'espérons, très vive sur une question encore inexplorée. Il résulte en effet de la nature et des circonstances de la découverte que là se trouvait un atelier de fabrication monétaire. Les pièces sont neuves; avec elles étaient enfouies les saumons d'argent qui servaient à les faire seuls, les poinçons au moyen desquels on frappait les types manquent à ce remarquable ensemble les monnayeurs, probablement dérangés dans leur fabrication par uue guerre peut-être par l'invasion romaine, –ont dû enfouir les espèces fabriquées ainsi que le métal préparé mais ils auront sans doute emporté avec eux les coins, afin de pouvoir continuer leur travail dans quelque autre lieu plus sûr. Cette perte est des plus regrettables. Telle qu'elle est cependant, la découverte de Goutrens présente une haute importance et mérite toute attention car c'est l'art métallurgique et monétaire des Gaulois pris sur le fait. Et l'on va voir si cet art était aussi grossier que des préjugés vulgaires pourraient le faire croire.
» L'analyse faite par le président de la Société de l'Aveyron, M Boisse, ingénieur, a permis de reconnaître que l'argent des lingots trouvés a 964,75 millièmes, plus 1,5 millième d'or « Or, dit M. Boisse, l'affinage de l'argent constitue une des » opérations les plus délicates de la métallurgie, et la pureté du métal employé par » les Gaulois à la fabrication de leurs monnaies doit nous donner une haute idée du » degré d'avancement qu'avaient atteint chez ces peuples les connaissances métallur» giques. C'est une éclatante affirmation, une preuve matérielle des paroles de » Strabon
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» qui nous indiquent chez les Ruthènes l'existence de gisements argentifères et d'une » industrie métallurgique sérieuse. »
» Cette citation nous montre que l'antiquité elle-même aurait pu indiquer le
Rouergue comme la contrée d'où devait venir la révélation la plus complète sur l'état de l'art monétaire chez les Gaulois. L'antiquité ne nous aurait point trompés, car la découverte de Goutrens n'est pas la seule de son genre. D'autres monnaies, sinon semblables, au moins fort analogues, ont été trouvées, et toujours par amas, en d'autres parties du Rouergue, particulièrement dans les environs de Villefranche. » Comme on peut le voir par les figures que nous donnons, si le métal des monnaies de Goutrens est des plus purs, leur forme en revanche est des plus irrégulières; mais c'est cette irrégularité même qui nous aide à retrouver la manière dont les Gaulois s'y prenaient pour les frapper. Sortant pour ainsi dire des mains du monnayeur, ces pièces ne peuvent donner à penser que leur irrégularité tienne à l'usure. D'ailleurs, l'inspection des bords ferait immédiatement écarter cette hypothèse. Sans nous arrêter dans une discussion de détails aride et peu intéressante pour le lecteur, nous croyons qu'il vaut mieux lui en exposer les conclusions; et, l'introduisant pour ainsi dire dans l'atelier des monnayeurs gaulois, le faire assister au travail monétaire de cette époque.
» L'un des bouts du lingot, long d'à peu près 12 à 15 centimètres, est aplati, soit avec le marteau, soit par la pression. Alors on le pose sur une enclume qui présente en creux le type du revers. Un ouvrier place dessus un coin qui porte le type de la face; un second ouvrier frappe à coups de maillet, et les deux empreintes se forment à la fois.
» La monnaie ainsi marquée, un coup de ciseau la détachait du lingot; s'il ne suffisait pas, un second coup était appliqué à l'envers du premier. Un autre ouvrier procédait ensuite au pesage. La pièce, jetée dans une balance, était rognée sur les bords jusqu'à ce qu'elle fut réduite au poids réglementaire. On conçoit que, dans ces diverses opérations, l'intégrité des types devait avoir beaucoup à souffrir mais cela importait assez peu. L'on sait, en effet, combien il est rare, dans l'antiquité, de voir spécifiée la monnaie usitée, quand il s'agit de fortes sommes le poids était la règle principale d'évaluation.
» Les types des monnaies de Goutrens sont tous tronqués de cette façon. Elles se divisent en deux grandes catégories celles qui portent au revers le sanglier celles dont le revers est divisé par une croix en quatre cantons, chargés chacun d'un emblème. Aux revers à fa croix correspondent toujours des faces de même grandeur qu'eux Il n'en est pas de même pour les revers au sanglier. Sur certaines de ces pièces, la face est considérablement plus petite que sur d'autres, et parmi celles-ci même, une se distingue en ce qu'à une figure plus barbare correspond chez elle une légende indéchiffrable, mais dont on voit le rudiment sous le sanglier du revers.
Les types de ces pièces ont été complétés et restaurés, ce qui a permis deux remarques générales
» 10 Dans les monnaies de Goutrens, à la croix, le revers est beaucoup trop grand pour la pièce
»2° Il y avait des faces appropriées aux petites pièces comme aux grandes. » Ainsi, pour les monnaies au sanglier, par exemple, il est évident que le grand type, qui est celui des pièces à la croix, correspondait comme surface à une monnaie qui serait quelque chose comme notre pièce de un franc et le petit à notre pièce de cinquante centimes. Quant au revers, c'était toujours l'emblème national du sanglier, toujours de la même grandeur. Sur les grandes pièces, il se présentait en entier sur les petites pièces, il en tombait ce qui pouvait. Il arrivait même quelquefois que l'on usait du grand type pour frapper les petites pièces, probablement parce qu'on le trouvait plus beau et moins grossier, ce qui est vrai. »
Vous ne vous plaindrez pas assurément, Messieurs, de la longueur de cette citation, qui vous initie complétement au secret de la fabrication des monnaies chez les Gaulois Dans la suite de son travail, M. de La Blanchère passe en revue les types les p'us importants de la numismatique gauloise, sans du reste nous en signaler de nouveaux; se contentant pour ne pas trop s'écarter de son point de vue, de rechercher d'où ils viennent et d en examiner l'exécution. M. de La Blanchère ne s'écarte point de l'opinion généralement reçue, en attribuant à des artisans grecs l'importation des premiers types qui servaient aux Gaulois à frapper leurs monnaies, en même temps qu'ils leurs apprenaient l'art même de la frapper. Le revers à la croix, dont le type peut aussi bien avoir été imité des monnaies de Marseille, que de celles de la colonie marseillaise de Rhoda, en Espagne; les revers aux emblèmes animaux, bien plus fréquents encore, semblent indiquer pour la plupart une importation phénicienne ou macédonienne; ces emblèmes animaux semblent avoir tenu une très grande place dans les travaux de ces monnayeurs indigènes; lorsqu'ils voulaient représenter des animaux de pays dont les types étaient étrangers à l'art monétaire des Grecs, alors ces artistes inhabiles se livraient à leur propre inspiration, mais avec plus de bonne volonté que de succès, comme M. de La Blanchère est obligé de le reconnaître lui-même c'est ainsi que furent gravés des sangliers, des têtes de bœufs, des oiseaux et certains autres animaux, dont la représentation est si vague, qu'il a été impossible d'en déterminer l'espèce.
On retrouve également au revers des monnaies gauloises des types de guerriers, des chars, des cavaliers et autres représentations de la forme humaine, dont les originaux figuraient sur les statères macédonniennes.
Quant aux faces des monnaies, l'imitation souvent réussie des types grecs y est
COMPTE-RENDU DES TRAVAUX .1.
également évidente, mais non pas sans un certain esprit d'initiative qui les accommodait tant bien que mal à leur nouvelle destination, en allongeant. par exemple, les boucles de la chevelure, ornement de la gallia comata, ou en suspendant le torques au cou du personnage comme signe de sa naturalisation dans sa nouvelle patrie. Voilà pour les pièces frappées des Gaulois, vestiges d'un art d'imitation, sans doute, mais qui était en voie réelle de progrès quand l'invasion romaine vint la supprimer pour jamais. A côté de ces pièces frappées, on en trouve d'autres où les figures d'animaux sont fort peu reconnaissables, et où la forme humaine grossièrement traitée le plus souvent, rappelle très exactement les statuettes gauloises en plomb de la même époque. Or ces pièces étaient fondues et il se trouve qu'on les rencontre le plus habituellement chez les Eduens, les Ambarres, les Helvètes, c'est-à-dire dans les tribus les plus orientales de cette grande branche des Gaulois, connus plus spécialement sous le nom de Galls et où devait s'être incarné et avoir persisté avec le plus de constance le génie vraiment original de la race celtique
Des pièces fondues, voilà donc d'après M. de La Blanchère « le véritable monnayage des Gaulois, leur monnayage vraiment national, qu'ils ont pratiqué les premiers, tout seuls, sans modèles et sans maîtres, bien avant que les Grecs vinssent leur apprendre à frapper des empreintes. Les Galls l'ont conservé à travers les âges et jusqu'à la fin. M. de Saint-Remy, de Villefranche (Aveyron), à qui M. de La Blanchère a fait de nombreux emprunts pour la rédaction de son mémoire, possède une monnaie qu'il attribue à Orgélorix, c'est-à-dire au milieu du premier siècle avant l'ère chrétienne, quelques années à peine avant la conquête des Gaules par César. Or cette monnaie est fondue rien n'est plus évident la forme du relief et surtout le fer, parfaitement visible, t'indiquent suffisamment. Chose curieuse, ajoute M. de La Blanchère, ce sont les Helvètes qui nous offrent le dernier et le premier spécimen de ces monnaies fondues. » On en a retrouvé dans les stations lacustres de la Suisse qui présentent, à la vérité, un type franchement barbare, mais dont la haute antiquité ne saurait être mise en doute.
Toulefois, que si on les compare aux monnaies les plus anciennes de l'Europe, aux pièces d'Egine, par exemple, ou d'autres villes grecques portant la chèloué, emblème bien connu des Pélasges, eh bien, on ne saurait trop en faveur desquelles faire pencher la balance. L'analogie est des plus grandes, et l'exécution n'est pas plus grossière chez les Helvètes que chez les Pélasges.
Les conclusions de M. de La Blanchère vous ont paru reposer sur des inductions assez plausibles. N'oublions pas toutefois, qu'en pareille matière, on est toujours exposé à procéder par à peu près, et à s'égarer dans des rapprochements arbitraires, faute de pouvoir s'appuyer sur des données chronologiques certaines.
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En terminant son mémoire, M. de La Blanchère rappelle qu'il n'a pas entendu faire un traité de numismatique gauloise, si succinct fût-il il s'est contenté de nous donner quelques indications sur leur mode de fabrication des monnaies, montrant ainsi l'une des faces les moins connues, et non pas assurément la moins originale, de ce génie gaulois, sitôt et si malheureusement arrêté dans son essor.
M. de La Blanchère n'aime pas le peuple romain, et il ne fait point mystère de son antipathie. Ce serait tomber dans le plus vulgaire des lieux communs, que de rappeler après tant d'autres, de quelle puissante et indélébile empreinte la plupart des nations modernes ont été marquées au front par la Rome des Césars. Il serait moins vulgaire assurément de se demander quelles eussent été sans Rome les destinées da monde. C'est là une question dont la solution a tenté de nobles esprits et provoque d'étonnantes contradictions Les Romains, a dit Bossuet, n'étaient pas « de ces conquérants brutaux et avares qui ne respirent que le pillage ou qui établissent leur domination sur la ruine des pays vaincus. Les Romains rendaient meilleurs tous ceux qu'ils prenaient, en y faisant fleurir la justice, l'agriculture, le commerce, les arts même et les sciences, après qu'ils les eurent une fois goûtées (1). » Qu'il y a loin de ce jugement à l'apostrophe véhémente d'un autre grand orateur chrétien, qui a consumé sa vie à la défense de deux grandes causes, la cause de l'Eglise et celle de la liberté.
Exposant dans son dernier ouvrage (2) les origines chrétiennes de la libre Angleterre, « le droit civil de Rome, s'écrie Montalembert, dont le joug pèse encore, après dix-huit siècles écoulés, sur la France, l'Espagne, l'Italie et l'Allemagne, a sans doute régné en Bretagne, pendant l'occupation romaine, mais il en a disparu avec le régime des Césars. Les malfaisantes racines n'y ont jamais enlacé, étouffé ou empoisonné les vigoureux rejets de la liberté domestique, civile et politique. Pas plus dans les institutions que dans les monuments de la Bretagne, Rome impériale n'a laissé aucune trace de sa hideuse domination. Il était réservé à Rome catholique, à la Rome des papes, d'imprimer une ineffaçable empreinte sur cette île célébre et d'y revendiquer pour l'immortelle majesté de l'Evangile, l'influence sociale qui partout ailleurs lui a été disputée ou dérobée par l'héritage fatal de la Rome des Césars. » Que M. de La Blanchère ait rêvé pour la Gaule restée libre de plus nobles, de plus glorieuses destinées, je n'ai point à y contredire c'est là une vue de l'esprit ouverte à toutes les hypothèses, mais qui échappe aux données de l'histoire et reste, à plus forte raison, absolument fermée aux appréciations critiques de l'archéologie (1) Bossuet, Discours sur l'histoire universelle, troisième partie, VII.
(2) Les Moines d'Occident, tome III, p. 11.
Nous continuerons à étudier la Gaule romaine sans préjugés, comme sans esprit de parti, laissant à d'autres de rechercher ce qu'aurait gagné le monde à ce que la louve du Palatin fût étouffée dans son berceau.
M. de La Blanchère vous a adressé un second mémoire, intitulé les Aiguilles de Figeac, et qui mériterait assurément une reproduction presque intégrale, s'il ne se rapportait à des monuments fort curieux assurément, mais complétement étrangers à notre pays où nous ne leur voyons pas d'analogues. Les aiguilles de Figeac ont torturé plus d'une fois l'imagination des érudits et fait naitre les hypothèses les plus diverses sur leur origine et leur destination.
Il ne sera pas inutile d'en donner une courte description.
L'une de ces aiguilles s'élève environ à un kilomètre et demi au sud-ouest de la ville de Figeac c'est la plus haute, elle peut avoir 17 à 18 mètres, tout compris elle est formée d'assises de moyen appareil, taillées à joints étroits et consiste en pierres de grès blanchâtre très différentes du calcaire jurassique, composant l'assise même du rocher sur lequel elle repose; dans deux de ses faces sont creusées de petites niches trilobées, très-peu profondes et dont l'arcature semble indiquer le xm* ou le xrv" siècle. La seconde aiguille est située à deux kilomètres et demi au sud de la ville plus petite que la première, elle est construite comme elle en grès blanchâtre, mais elle ne porte point de niches et, au lieu d'une base carrée à deux marches, elle repose sur une sorte de perron composé de cinq gradins octogones. L'une et l'autre affectent du reste dans leur ensemble la forme octogonale, et se composent de deux parties bien distinctes un soubassement à pans perpendiculaires et un pyramidion assez aigu. La corniche qui sépare ces deux parties diffère de l'un des édicules à l'autre.
Quelle a pu être la destination de ces singuliers monuments ?
D'après la tradition populaire, c'étaient autrefois de véritables lanternes munies de fanaux qui signalaient au loin pendant la nuit la proximité de l'abbaye de Figeac, alors entourée de vastes forêts. La situation même des aiguilles dominées de différents côtés et qui ne se voyaient bien que depuis la ville, empêche M. de La Blanchère d'adopter cette opinion. Faut-il les considérer, ainsi que l'ont avancé quelques savants, comme les limites d'une sorte de terrain de sauvegarde, d'une sauvetas, pour employer la langue du pays, analogue aux sauvetas de Trajer, près de Bordeaux, de Mimizan, dans les Landes, et à celle qui fut concédée en 1119, par le pape Calixte I1, à l'abbaye deMarmouliers? – Pas davantage La concession d'un privilége aussi considérable à l'abbaye de Figeac, aurait laissé sans doute des traces dans les chroniques locales or il est impossible d'en trouver aucune. Deux aiguilles seulement n'auraient pas suffi d'ailleurs pour un semblable usage il en faudrait au moins rencontrer une
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troisième, et de cette troisième, c'est en vain qu'on en cherche les restes sur les puechs voisins et le souvenir dans la tradition du pays.
M. de La Blanchère ouvre un troisième avis. Passant rapidement en revue l'histoire de Figeac, il rappelle que cette petite ville doit son origine à une abbaye fondée sous la première race, restaurée selon toute apparence sous Pépin 1", fils de Louis le Débonnaire, en 817, saccagée un peu plus tard par les Normands et enfin affiliée vers la fin du ix" siècle, à l'ordre de Cîteaux. La fidélité des abbés de Figeac envers la couronne de France, leur valut la concession ou la confirmation de priviléges étendus, auxquels participaient les habitants qui demeurèrent leurs vassaux jusqu'au xive siècle. Sous Philippe-le-Bel, le roi de France devient seigneur direct de la ville de Figeac par suite d'une cession de l'abbé, et quelques années après, Philippe-le-Long lui accorde une charte de communes. C'est à cette époque de grande prospérité que datent la plupart des monuments de Figeac, civilsou religieux, tels que Notre-Damedu-Puy et l'église Saint-Sauveur, toutes deux presque entièrement restaurées, le palais de justice, ancien château de la famille de Balène, etc. etc. Or l'établissement de la commune ayant créé au profit des habitants des droits désormais complétement distincts de ceux de l'abbaye, n'est il pas naturel de penser qu'il devint nécessaire de délimiter le territoire où ils se devraient exercer; c'est à cette délimitation des deux territoires et partant des deux juridictions, c'est à ce bornement solennel, dont la mention cependant, M. de La Blanchère se hâte de l'avouer, n'a pu se retrouver encore ni dans les archives de la ville ni dans celles de l'abbaye, qu'auraient été destinés les deux édicules problématiques qui font l'objet de son mémoire
M de La Blanchère fait remarquer en terminant, que la première de ces deux aiguilles est située exactement sur l'ancienne limite des Cadurces et des Ruthènes. L'analyse des deux mémoires de M. de La Blanchère nous a fait sortir du cercle habituel de nos études, non pas qu'il vous déplaise d'aborder quelquefois les questions d'un intérêt général ce serait se montrer trop exclusif et s'exposer à verser dans la monotonie que de les écarter, de parti pris, et de se cantonner en quelque sorte dans les limites d'un département, dont l'exploration archéologique vous est plus spécialement confiée. Convenez toutefois, Messieurs, que c'est avec un vrai plaisir, et guidés en quelque sorte par le sentiment instinctif d'une plus parfaite sécurité, qu'après ces courtes excursions au dehors, vous vous retrouvez chez vous au milieu de vos richesses acquises, et désireux d'en augmenter le nombre par la patience et la continuité de vos recherches.
Parmi les fouilles archéologiques dont la Commission a pris l'initiative, et qu'elle poursuit avec une louable persévérance, il n'en est pas de plus importantes pour le moment que celles de Velay. Tous les ans, à l'automne, lorsque la terre dépouillée 8
de ses récoltes livre plus facilemfnt à l'explorateur les richesses qu'elle contient dans son sein, vous voyez deux de vos plus zélés confrères se diriger vers ce territoire de Beneuvre qui, tant de fois remué déjà, nous promet encore pour de longues années de riches moissons archéologiques.
A l'une de vos dernières séances, vous avez entendu le rapport présenté par MM. Lory et de Coynart sur les fouilles de l'automne dernier. Il ne m'appartient pas de vous donner l'analyse détaillée de ce mémoire, qui doit être mis en réserve pour servir plus tard au travail d'ensemble dont les conclusions, lorsque de plus nombreuses découvertes auront permis de les asseoir sur des bases inébranlables, doivent fixer un des points assurément les plus intéressants de notre géographie galloromaine Permettez-moi, cependant, de vous rappeler en quelques mots les résultats les plus importants de la dernière exploration.
Vous connaissez de longue date, et vous avez pleinement approuvé la façon de procéder de nos confrères. Une méthode rigoureuse, qui se résume dans un ensemble de tranchées parallèles ou perpendiculaires ouvertes à partir de points fixes soigneusement notés sur le plan cadastral, et qu'il est facile de retrouver sur le sol, leur permet d'avancer pas à pas au milieu des nombreuses substructions gallo-romaines, dont le territoire de Velay est littéralement encombré. En procédant de la sorte, il paraît impossible que rien puisse échapper à l'attention de nos confrères sans doute, il doit résulter de là certains retards qui décourageraient peut-être l'ardeur d'un archéologue primesautier, trop ardent à se jeter dans la mêlée pour choisir avec discernement le point précis de son attaque. Ici, cette furia n'est pas à craindre si la marche de nos confrères est lente, elle n'en est que plus sûre, et un jour viendra où il leur sera facile de placer sous vos yeux un plan soigneusement divisé en quarrés réguliers, les insulœ de la cité antique, et où viendront s'inscrire dans un ordre où la fantaisie n'aura aucune part, les linéaments complétement restitués de la vieille ville gallo-romaine.
Je ne vous dirai pas entre quelles parallèles s'est exercée l'année dernière la pioche des ouvriers. Ces détails, sans doute, ont leur intérêt ils doivent être notés avec soin sur le plan des terrains explorés, mais vous conviendrez qu'ils allongeraient démesurément, ce rapport. Ce qu'il importe pour le moment de constater, c'est qu'on a rencontré, dans un espace relativement restreint, d'assez nombreuses substructions provenant, selon toute apparence, d'un groupe de maisons qui faisaient partie d'un même ensemble de constructions, peul-êlre d'une exploitation rurale. A dire le vrai, rien dans les objets mis au jour, ne nous a paru digne d'une particulière attention. Ce sont tous objets fréquemment rencontrés dans les fouilles de ce genre; débris céramiques, outils ou instruments gravement altérés par la rouille, tuiles et briques
point de monnaies ni d'objets d'art à proprement parler, mais, par contre, deux plaques de marbre blanc qui paraissent provenir d'un dallage d'une certaine élégance, et de nombreux fragments d'enduits coloriés, dont vos confrères ont mis sous vos yeux divers échantillons. La plupart de ces fragments ne sortent pas de ce qu'on rencontre tous les jours dans les constructions gallo-romaines de la dernière période. On y retrouve, selon l'usage, un système très simple d'encadrements de couleurs variées généralement assez éclatantes, vertes, jaunes ou rouges, se détachant sur un fond plus sombre, brun ou gris foncé. Plusieurs d'entre vous se rappellent sans doute que des fragments analogues ont été retirés des fouilles entreprises il y a quelques années à Dijon, près de la rue de la Monnoye, et qu'ils provenaient d'une étroite et modeste cella, dont les murailles nous apparurent à peu près intactes sur un bon tiers de leur hauteur, après un enfouissement de près de douze ou de treize siècles. Ces sortes d'enduits, très répandus dans l'antiquité, sont encore en usage dans un grand nombre de villes d'Italie, et l'on ne saurait mieux les comparer qu'aux papiers à un franc le rouleau qui servent couramment à dissimuler la nudité des murailles dans la plupart de nos maisons bourgeoises. Notons cependant, qu'à côté de ceux-là, on a trouvé dans les ruines de Velay, quelques fragments d'enduits indiquant un léger progrès dans l'art du décorateur. Le système d'ornementation rectiligne y fait place à un semé de fleurettes assez platement dessinées, du reste, et dont la rareté fait tout l'intérêt.
Permettez-moi enfin de vous rappeler, avant de terminer ce très court exposé, que nos confrères ont eu la bonne chance de rencontrer, rangés dans un des coins de l'une des cellules explorées, toute une série de coquillages fossiles, tels qu'on en trouve en grand nombre dans les environs de Velay. Que cette accumulation soit le fait du hazard, c'est ce qu'il vous sera difficile d'admettre, et vous préférerez y reconnaître avec vos confrères la main d'un naturaliste collectionneur du temps qui ne s'attendait pas sans doute, dans ses excursions géologiques, à travailler pour le plus grand profit d'une postérité aussi reculée.
Bien plus souvent qu'à la main d'un collectionneur, c'est aux soins pieux que nos ancêtres prodiguaient à la mémoire de leurs morts, que nous devons la connaissance des indications les plus précises, touchant les mœurs, les coutumes, les langues, l'histoire même des vieux temps. Ne pourrait-on pas dire avec quelque justice, et sans forcer la note, bien entendu, que la nécropole antique est le vrai sanctuaire de l'archéologie ?
Transportons-nous pour un instant dans celle, dont une communication récente du même M. Lory vous a, non pas révélé, mais confirmé l'existence au sud de notre ville, sur le territoire de Marsannay-la-Côte, et conséquemment non loin de cette
grande voie d'Agrippa que nous considérerons, si vous le voulez, et toutes proportions gardées, comme la voie Appienne de la Côte-d'Or.
C'est à la fin de l'année 1874 et aux premiers mois de l'année courante que se rapportent les découvertes signalées par M. Lory. Avec ses habitudes courantes de précision et de clarté, votre confrère vous en a indiqué l'emplacement de manière à ne s'y pouvoir tromper Au levant le chemin de Marsannay à Longvic, au couchant la grande route de Dijon à Beaune, servent de limites à un champ que son propriétaire était occupé à défoncer pour y planter de la vigne, lorsqu'il a rencontré tantôt à 0,80, tantôt à un mètre de profondeur, un certain nombre de sépultures, les unes par inhumation, les autres par incinération, qui indiquaient clairement l'emplacement d'un ancien cimetière
M. Lory, à qui je laisse la parole, ajoute qu'on a recueilli au même endroit « quarante trois médailles romaines de moyenne grandeur, onze médailles du Bas-Empire, des fragments de stèles sculplées en bas relief, représentant des personnages et très analogues, quant à la forme, aux petits pyramidions triangulaires qui ont été rencontrés très souvent aux portes de Dijon, dans le cimetière gallo-romain des Allées de la Retraite et des Lenlillières.
» Des cercueils en bois avaient servi dans les sépultures par inhumation à l'enfouissement des cadavres, comme l'indiquent les clous trouvés à côté des ossenents. Quelques squelettes étaient protégés par deux rangs de pierres plates, placées sur champ. Dans les fosses il y avait des tuiles creuses qui servaient à surélever les tètes des morts, près desquels étaient déposés des vases en terre et en verre. Plusieurs de ces vases sont bien conservés et présentent des formes gracieuses et assez rares. Des médailles romaines en bronze, des grains de collier étaient mélangés avec les os les plus intéressants de ces objets sont un bracelet en pierre de schiste et le fond d'un vase en verre portant une inscription. » Ils font tous partie aujourd'hui de collections particulières; mais M. Lory vous a donné l'espoir qu'il pourrait vous les présenter en communication, et en même temps que le plan des lieux explorés, il se propose de vous en offrir les dessins qui ont été exécutés par M. Gaitet, professeur à l'Ecole des beaux-arts de notre ville, et possesseur d'une partie des objets, dont il vient d'être question.
Les fosses dans lesquelles les petites médailles du Bas-Empire ont été rencontrées étaient superposées, fait que notre confrère a déjà constaté lors des fouilles par lui exécutées aux Allées de la Retraite, où les cadavres étaient en outre placés en croix, ce qu'il a dû considérer comme un signe caractéristique des premières sépultures chrétiennes. Malheureusement M. Lory n'a pu s'assurer qu'il en fût de même à Marsannay.
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A côté des sépultures par inhumation, il y avait une assez grande quantité d'urnes en verre de moyenne dimension, renfermant chacune des os brûlés, des cendres et une ou deux médailles au plus.
M. Fournier, propriétaire du terrain exploré, porte à soixante le nombre des fosses mises au jour sur l'emplacement principal des fouilles. On en a rencontré cinq autres dans une vigne voisine, située un peu plus au midi.
En terminant sa communication, M. Lory a émis l'avis que toutes ces sépultures et les objets qu'elles renfermaient ont le caractère gallo-romain. Le doute à cet égard ne paraît pas possible, et il vous a suffi, Messieurs, de la description de votre confrère, pour donner votre plein acquiescement à ses conclusions.
On s'étonne parfois du nombre considérable de constructions gallo-romaines dont les traces se rencontrent dans le sol de notre département. Il est certain que la population de nos contrées était plus dense dans ces temps reculés qu'on ne pourrait le conclure, au premier abord, des simples données de l'histoire. Le versant oriental de la Côte-d'Or, notamment, a été de bonne heure et abondamment peuplé les découvertes signalées par M. Lory viennent heureusement confirmer sur ce point les prévisions de plusieurs d'entre vous, et ce n'est pas là h côté le moins interessant de sa communication elles servent aussi à nous faire mieux connaître l'importance de la nécropole de Marsannay, d'où provenaient déjà plusieurs stèles funéraires et autres objets antiques entrés il y a peu d'années dans nos collections.
C'est à une période plus reculée de l'occupation romaine dans les Gaules, qu'il faut rapporter sans aucun doute une statuette en bronze, trouvée à Mirebeau au mois de septembre 1 87 i et faisant aujourd'hui partie du cabinet de notre honorable président, qui s'est fait un plaisir de la placer sous vos yeux, en même temps qu'il vous en donnait une exacte et intéressante description. Cette statuette, qui a 17 centimètres et demi de hauteur, présente cette particularité non pas très rare assurément, mais digne néanmoins d'être notée, que les yeux en sont d'argent Elle représente, vous a dit M. Baudot, un homme debout entièrement nu, la main droite élevée à la hauteur de la tête, paraissant tenir un instrument de jet, brisé aux deux extrémités, et dont il ne reste que la partie qui est dans la main le bras gauche est plié au coude, la main fermée comme pour tenir une hampe qui a disparu. »
« La coiffure de ce personnage est singulière et très originale; le front est surmonté d'une espèce de diadème festonné allant d'une oreille à l'autre une cordelière entoure la tête et forme un nœuf saillant dans le haut. Le sommet et tout le derrière de la tête sont recouverts de nombreuses écailles. » M. Baudot s'est demandé si cette statuette, représentant sans doute une divinité, ne pourrait pas faire pendant à la Vénus de Pontailler donnée au musée de Dijon par M. le marquis de La Marche. Peut-
être faut-il y voir une effigie particulière, toutes questions sur laquelle notre président a cru utile de garder la réserve, estimant qu'un examen plus approfondi pourrait seul en donner la solution.
Pendant longtemps placée dans un tiroir où son propriétaire la gardait comme un trésor inappréciable en lui attribuant une valeur vénale exagérée comme font souvent les personnes étrangères aux études archéologiques, il y a peu de temps que cette curieuse statuette a été communiquée à M. Baudot on y avait joint une fibule romaine en bronze et quinze médailles de même métal parfaitement conservées, savoir six Constantin, trois Gallien, deux Maximien, un Dioclétien, un Aurélien, un Claude et un Probus Tous ces objets ont été trouvés avec la statuette à Mirebeau même, dans le jardin de M. Foutlet. Çà été là pour notre président une excellente occasion de vous rappeler que Mirebeau a été pendant longtemps occupé par la huitième légion, comme l'attestent les nombreuses tuiles à rebord que l'on trouve sur son territoire portant l'estampille de cette légion. La voie romaine, les ruines d'un théâtre, les médailles et les nombreux débris d'antiquités romaines, recueillis à Mirebeau et dans les environs, nous montrent clairement la présence et le séjour prolongé des Romains dans ces contrées.
Arrivé à ce point de mon rapport, vous allez comprendre, Messieurs, que je me sois trouvé cruellement embarrassé. Quelque habitué que je vous doive paraître à ce travail de soudure que m'imposent tous les ans, à pareille époque, mes fonctions de secrétaire, il me semblait vraiment impossible de vous faire accepter une transition honnête entre deux sujets aussi disparates. Me sera-t-il permis, pour sortir d'embarras, de vous indiquer discrètement quelques lointains rapports entre la symbolique de l'antiquité païenne, qui servira peut-être quelque jour à déterminer la statuette aux yeux d'argent de Mirebeau, et la symbolique chrétienne du moyen âge ? Car enfin, c'est de cette symbolique chrétienne, dont j'ai maintenant à vous entretenir je le ferai brièvement, d'ailleurs, car le mémoire de M. l'abbé Patriat, auquel je fais allusion, ne me paraît pas susceptible d'une bien longue analyse.
La symbolique chrétienne a été l'objet de nombreux travaux, dont quelques-uns se recommandent aussi bien par l'étendue de l'érudition que par la sûreté de la critique. Après les consciencieuses recherches du Père Cahier, il n'y a plus vraiment qu'à glaner dans ce champ d'ailleurs si vaste, puisqu'il confine aux régions les plus extrêmes de l'histoire religieuse et artistique du moyen âge. M. l'abbé Patriat n'a pas entendu refaire ce qui avait été si bien fait avant lui il se contente, restreignant son sujet aux proportions d'une courte et modeste étude, de rechercher, en quelques pages, quels sont les types de reptiles sous lesquels la capricieuse imagination de nos ancêtres se plaisait à reconnaître et à figurer le démon dans la littérature savante ou
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populaire, aussi bien que dans les manifestations extérieures de l'iconographie. Il passe ainsi successivement en revue le dragon, ce monstre hybride à la queue de serpent, premier tentateur de notre faible humanité l'aspic, perfide et sourd instigateur des suggestions mauvaises le basilic, qui porte sur sa tête la crête de l'orgueil, tandis que sa queue ne quitte point la terre, où sa nature immonde le force à ramper; le céraste, aux cornes puissantes la guivre, aux fantastiques enroulements, dont l'art héraldique n'a pas dédaigné l'emploi le scorpion, à la piqûre envenimée le serpent enfin, serpens antiquus, comme l'appelle l'Apocalypse, l'éternel tentateur que Dieu condamne à se nourrir de la terre, et que l'on retrouve à l'origine de toutes les théogonies antiques.
Avant de devenir une simple tradition d'école, la symbolique, chez les peuples croyants, a été une véritable science, une science hiératique en quelque sorte, aux formules cachées, mais aux manifestations multiples. Le secret de ces formules, ce n'est pas seulement aux traditions incertaines que M. l'abbé Patriat l'est allé chercher il en demande l'explication à quiconque la lui peut fournir, aux écrivains de l'antiquité, aux Pères de l'Eglise, aux bestiaires, ces étranges et si instructives encyclopédies du moyen âge, aux livres saints eux-mêmes. Pourquoi, creusant davantage son sujet, tout en donnant à ses théories une application immédiate, n'est-il pas allé droit aux monuments, et aux monuments de notre pays surtout? C'est un regret qu'il nous est permis d'exprimer à nous autres archéologues car nous aurions assurément trouvé notre profit à cette recherche de manifestations vivantes de la symbolique chrétienne dans notre art national.
M. l'abbé Patriat nous signale un sceau du xtne ou du xiv siècle qu'il a possédé quelque temps, et qui est aujourd'hui conservé au musée d'Avallon. Il représente la lutte de l'archange saint Michel avec le dragon. Le dragon a un corps d'oiseau, les ailes au repos il est pourvu de deux pattes aux griffes puissantes sa queue de reptile s'enroule en spirale et remonte vers les ailes de l'archange, sa tête de serpent porte une crête. L'auteur ajoute que c'est là, suivant lui, le type régulier. Voilà assurément une bonne et intéressante indication ce serait rendre un véritable service aux études archéologiques, que de relever de la même façon la liste de tous les monuments sculptés ou gravés, du même genre, qui se peuvent rencontrer dans notre région.
Votre sollicitude constamment éveillée, d'ailleurs, n'a pas eu l'occasion de se manifester cette année dans l'intérêt des monuments, dont la conservation vous est plus spécialement confiée. Permettez-moi cependant, en entrant dans cet ordre d'idées, de vous rappeler en quelques mots que j'ai eu l'honneur de vous entretenir d'un retable d'autel en pierre, qui était conservé jusqu'à ces derniers temps dans la
maison des sœurs de la paroisse Saint-Pierre de Dijon, où M. Gleize, conservateur de notre musée municipal, a eu récemment, si je puis ainsi parler, la bonne fortune de le découvrir. Ce retable, curieux et intéressant spécimen de l'art de la Renaissance, était en effet resté jusqu'ici complétement ignoré du public, et avait même échappé à l'attention des artistes et des archéologues de notre ville. Outre qu'il provient, selon une tradition constante, de l'ancienne église Saint-Pierre, détruite comme on sait au moment de la Révolution, et qu'il paraît même être le spul objet d'art qui ait survécu à cette destruction le retable en question se recommande encore par de remarquables qualités de composition et d'exécution. Tout n'y est pas sans doute également bon, mais quelques-unes de ses parties sont excellentes, et l'ensemble est du plus heureux effet. On y voit figurées, dans une série de six tableaux superposés en deux rangées, les principales scènes de la vie du Christ, savoir, dans la partie supérieure la Circoncision, la fuite en Egypte, Jésus au milieu des docteurs, et au-dessous Jésus portant sa croix, Jésus crucifié, et l'ensevelissement.
Les personnages sont sculptés pour la plupart en haut relief, et la façon dont quelques-uns d'entre eux sont traités, décèle assurément le faire d'un artiste exercé Enfin, il n'est pas jusqu'aux détails d'ornementation des colonnettes et des platesbandes qui servent d'encadrement. soit à l'ensemble du retable, soit aux six tableaux dont il est composé, qui ne frappent aussi bien par la finesse de l'exécution, que par le goût heureux et délicat de l'agencement. Sur le soubassement sont sculptées les armes de la famille Le Marlet, qui a fourni au xvi' siècle un vicomte-mayeur et un bailli à la ville de Dijon. L'écu porte trois pals avec un chef chargé de trois croix de Saint-André.
Le retable de l'église Saint-Pierre avait subi depuis le commencement du siècle de regrettables mutilations il y avait urgence à le soustraire à de nouvelles chances de ruine aussi le bureau de bienfaisance de Dijon, propriétaire de l'immeuble où il était conservé, n'a-t-il pas hésité, sur la demande de M. Gleize, à le céder pour notre musée municipal, où il occupe aujourd'hui une place distinguée, après avoir été l'objet d'une très intelligente restauration
Enfin, notons en passant que vous avez eu le regret de constater l'impossibilité où s'est trouvée l'administration municipale de Dijon, de donner satisfaction au vœu par vous émis pour la conservation intégrale du portail de l'ancienne église des Jacobins. Un moment, vous avez espéré que les pierres sculptées provenant de ce portail, pourraient être mises en réserve et déposées dans un local où elles se fussent trouvées à l'abri de toutes dégradations ultérieures, jusqu'au jour où l'on aurait pu en tenter la reconstruction dans l'une des promenades publiques de notre ville. Malheureusement, à peine les travaux de démolition commencés, on reconnut bien
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vite que la plupart de ces pierres étaient dans un état complet de dégradation, les bases, notamment, pourries de telle sorte que toute idée de conservation a dû être immédiatement abandonnée. On s'est borné à mettre de côté quelques pierres sculptées, entre autres une belle série de chapiteaux dans un état de conservation relativement satisfaisant, lesquels ont été déposés au musée de la Commission, ainsi qu'un nombre assez considérable de pierres tombales trouvées sur ou dans le sol de l'ancienne église, et deux inscriptions avec dates commémoratives.
Ce qui diminuera vos regrets de n'avoir pu conserver en son entier l'ancien portail des Jacobins, c'est que vous en devez avoir, grâce à l'obligeance de notre jeune confrère, M. Degré, une très fidèle reproduction. Ce dessin, ainsi que divers plans par terre, coupes et élévations, exécutés par le même artiste, seront joints au travail de M. Paul Foisset, sur l'église elle-même; ce travail, dont j'ai déjà eu l'honneur de vous entretenir dans le dernier compte-rendu, s'imprime en ce moment; il doit faire partie du fascicule de vos Mémoires qui sera mis en distribution à la rentrée prochaine Votre Comité de lecture a décidé qu'il serait complété par le texte des inscriptions tumulaires provenant de la même église et, si faire se peut, par la reproduction en fac-simile de celles des pierres tombales qui présentent le plus d'intérêt pour l'histoire des costumes et des mœurs.
En terminant ce compte-rendu, j'espère ne point dépasser les bornes de la plus stricte discrétion, en vous rappelant, Messieurs, que la Commission des Antiquités de la Côte-d'Or ne tardera pas à inaugurer la série des concours ouverts sous ses auspices pourla délivrance du prix fondé en 1865, par le testament de M. le marquis de Saint-Seine, votre ancien et si profondément regretté vice-président Vous savez qu'il s'agit d'un prix d'environ 1,000 francs, qui devra être attribué tous les cinq ans à l'auteur du meilleur ouvrage paru en France dans la période quinquennale précédente sur un point quelconque de l'histoire politique, artistique, religieuse ou littéraire de l'ancienne Bourgogne. Grâce à des arrangements de famille, dont notre confrère M. le vicomte de Saint-Seine s'est empressé de nous faire connaître la teneur, les obstacles qui s'étaient opposés jusqu'à ce jour à la réalisation des libérales intentions de M. le marquis de Saint-Seine, viennent d'être levés. Vous vous devez à vous-mêmes, vous devez à la mémoire de votre ancien vice président, d'entrer sans plus tarder dans l'exercice du droit qui vous est conféré; vous vous êtes déjà engagés dans cette voie en chargeant une Sous-Commission de rédiger un projet de règlement pour le prochain concours. Ce projet ne tardera pas à être soumis à l'approba. tion de la Société. Vous y trouverez l'occasion toute naturelle de vous associer aux sentiments de vive reconnaissance, dont notre vénérable président s'est déjà fait l'interprète au sein de votre Comité d'administration, envers M. le vicomte Raoul de Saint-Seine et ses co héritiers
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Qu'après quarante-trois années d'existence et d'une application constante à l'exercice de sa mission, la Commission des Antiquités de la Côte-d'Or soit appelée à son tour à décerner des récompenses, il n'y a rien là qui doit étonner, et vous le ferez, restez-en bien convaincus, aux applaudissements universels. J'en ai, Messieurs, pour sûr garant la parole autorisée d'un des maîtres de la science, qui proclamait naguère dans une circonstance solennelle l'importance et la diversité des services qu'elle a » rendus et rend tous les jours. Votre modestie ne s'offusquera pas de cette allusion à la distinction si flatteuse et si enviée, dont la Commission a été l'objet au dernier concours des Sociétés savantes des départements. Vous avez été compris, laissez-moi vous le redire, pour une somme de mille francs dans la répartition des prix distribués par le ministère, sur la proposition du Comité des travaux historiques, aux Sociétés savantes dont les travaux ont le plus contribué au progrès de l'archéologie nationale. Vous voilà donc hors de pages et vous avez conquis vos galons. Que cette flatteuse distinction vous apparaisse comme la récompense vivement appréciée d'un passé qui vous honore, je n'y trouve rien à redire. Mais pour la Société en général, pour chacun de vous en particulier, ce sera plus encore vous y verrez surtout un encouragement à persévérer dans ces efforts, vous souvenant sans cesse d'une parole que vous ne sauriez faire mentir Noblesse oblige.
Je voudrais, Messieurs, vous pouvoir quitter sur cette parole. Les circonstances ne me le permettent pas Plusieurs de vos confrères ont été à la peine qui ne seront pas à l'honneur. Qu'il me soit permis, avant de nous séparer, de payer à leur mémoire un juste tribut de regrets.
Vous avez perdu, dans le courant de cette année, trois de vos correspondants, M. l'abbé Boulot, curé de Thorey-sous-Charny, à qui vous veniez à peine d'ouvrir vos rangs, dans l'espoir aussitôt trompé que vous trouveriez de réels avantages dans son active collaboration; M l'abbé Cochet et M. l'abbé Dubois, curé de Messigny. Je ne vous apprendrai rien, Messieurs, en vous disant qne M. l'abbé Cochet a consacré une vie tout entière de labeur et de dévouement à des travaux auxquels le préparaient merveilleusement les deux qualités maîtresses de son esprit, la persévérance dans l'observation et la sagacité dans la critique. Il s'est spécialement appliqué à l'exploration des cimetières de la période gallo-romaine et des temps mérovingiens, et il s'était fait une sorte de spécialité de cette étude si féconde en résultats utiles, et dans laquelle il a trouvé parmi vous, qu'il me soit permis de le proclamer en passant, je ne dirai pas des rivaux, mais des émules Vous aviez tenu à honneur de vous associer cet homme éminent, dont le nom restera marqué dans la mémoire de tous ceux qui s'intéressent aux progrès des études archéologiques.
M. le curé de Messigny n'était point, comme M. l'abbé Cochet, un archéologue dans
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le sens strict du mot. La pente naturelle de son esprit le poussait vers les études d'histoire, de biographie et d'apologétique religieuse. C'est bien plus par l'estime qu'il faisait de vos travaux que par la part qu'il y pouvait prendre directement, qu'il s'est montré digne d'être des vôtres. Vous souvenant que toutes les sciences sont soeurs, vous aviez été heureux d'ouvrir vos rangs à l'ingénieux historien d'une abbaye qui a joué un rôle important dans les annales d'une province voisine de la nôtre, et dont le nom reste attaché à l'une des places de notre ville. Dans sa Vie de l'abbé de Rancé, M l'abbé Dubois ne s'est point borné à retracer les phases diverses d'une existence tourmentée qui finit p3r se retremper dans les aspirations d'un ascétisme surhumain; il s'est plu, en outre, à éclairer d'un jour nouveau les horizons d'une époque de notre histoire, dont le mondain épanouissement a trop longtemps laissé dans l'ombre les trésors de foi vive et de rénovation religieuse dont elle a été capable M. l'abbé Dubois avait enfin préparé les matériaux d'une histoire générale du sacerdoce, où il aurait assurément déployé toutes les ressources d'un esprit ingénieux et ardent, et à laquelle il est infiniment regrettable qu'il n'ait pu mettre la dernière main. Honneur à ce savant modeste, qui loin des sources de recherches et d'informations a su transformer une humble cure de campagne en un véritable foyer de lumières et de sciences.
Vous avez été frappés plus directement encore, Messieurs, par la mort aussi regrettable qu'inattendue de notre cher et excellent confrère M Jules Simonnet. C'est au congrès scientifique de 1854 qu'il a été donné àïplusieurs d'entre nous de connaître et d'apprécier pour la première fois les qualités de cet esprit fin et délicat, qui joignait à une remarquable faculté d'assimilation le don de se répandre en d'intéressantes et originales dissertations. Nommé secrétaire de la section de philosophie, littérature et beaux-arts du congrès, M. Simonnet ne s'était point borné à reproduire, avec une fidélité scrupuleuse, la physionomie des débats, il y avait pris une part plus active, intervenant par des aperçus neufs et variés dans les discussions les plus diverses, et bien jeune encore, se mettant d'emblée au niveau des anciens par l'étendue de ses connaissances et la sûreté de ses appréciations. Dès lors, la place de M. Simonnet était marquée parmi vous, Messieurs, comme elle le fut aussi dans le même temps au sein d'une Compagnie dont la vôtre est issue et avec laquelle vous aimez à entretenir les plus cordiales et les plus sympathiques relations. Lauréat dans un des concours de notre Ecole de Droit, notre jeune confrère venait d'entrer dans la magistrature, signalant, par une constante application aux austères devoirs de son état et par la publication de travaux juridiques de diverse importance, les débuts d'une carrière qu'il devait parcourir avec honneur Attaché successivement aux parquets de plusieurs tribunaux du ressort, nous le vîmes enfin se fixer, pour ne la
plus quitter, dans cette ville de Dijon qu'il aimait comme sa patrie d'adoption, heureux d'y goûter en retour les douceurs de la vie de famille et d'y trouver dans le riche dépôt de nos bibliothèques et de nos archives, le propice aliment de sa vive et active intelligence.
Je dépasserais assurément les bornes de ce compte-rendu, si je voulais, même dans un rapide aperçu, énumérer tous les titres de notre savant confrère à nos unanimes et sympathiques regrets; la liste seule de ses ouvrages serait trop longue à reproduire. Les beaux-arts et la philosophie, l'archéologie et l'histoire, le droit étudié dans ses applications ou dans ses origines historiques, ont tour à tour captivé l'attention de cet esprit éminemment investigateur, et sa plume, à quelque sujet qu'elle se soit attaquée, l'a fait toujours avec exactitude et sincérité, souvent avec un rare bonheur d'expression ou de recherches. Permettez-moi de vous rappeler, Messieurs, que la Commission des antiquités lui doit une bonne étude sur les voies romaines du département de la Côte d'Or. Ce travail marqué au coin d'une saine érudition et d'une sage critique, sert en quelque sorte de frontispice au répertoire archéologique dont vous avez entrepris et bien avancé déjà la publication. Mais, je n'hésite pas à le dire, c'est à l'Académie que M. Simonnet a donné la plupart et les plus importants de ses ouvrages, c'est dans les mémoires de cette société notamment, qu'ont été publiés les documents inédits pour servir à l'histoire des mœurs et des institutions en Bourgogne au xiv et au xv' siècle, étude d'un réel intérêt sur des matières neuves, et qui, après avoir conquis les suffrages des juges les plus compétents a valu à son auteur une mention très-honorable de l'Académie des inscriptions et belles-lettres. Au moment où la mort est venue surprendre notre confrère d'une façon si imprévue, il venait de mettre la dernière main à un grand travail historique et généalogique sur les sires de Joinville; cette dernière production d'une plume naguère encore si pleine de vie sera bientôt livrée au public grâce aux soins pieux d'une amitié dévouée.
Je dois m'arrêter, Messieurs, aussi bien il en faudrait trop dire et j'ai dû me borner, dans cette revue rapide, à ceux des ouvrages de M. Simonnet qui rentrent le mieux dans le cadre habituel de nos études. C'en est assez d'ailleurs pour vous faire apprécier l'érudit. Que vous dirais-je de l'homme de bien, de l'ami dévoué, du confrère sympathique qui savait joindre à la sûreté des relations, le charme toujours apprécié d'un caractère aimable et d'une bienveillance à toute épreuve? Vous conserverez longtemps le souvenir de cet homme excellent et rien ne l'effacera jamais de la mémoire de ceux qui ont eu, comme moi, le bonheur de l'approcher souvent et auxquels il a laissé en nous quittant qu'un seul regret, celui de ne l'avoir pas assez connu.
NOTES, DESSINS ET COMMUNICATIONS DIVERSES.
M. l'abbé Breuillard, curé de Savigny-en-Terre-Plaine, associé correspondant, a envoyé le dessin d'un heurtoir rencontré à Montréal par un brocanteur, qui n'a pas tardé à le revendre à un professeur de Lisieux, originaire d'Avallon le levier de ce heurtoir est orné d'un reptile sans pattes, dont la queue est repliée en anneau, et le corps entièrement recouvert d'écailles rondes. Le monstre a la tête munie d'oreilles, la gueule armée de dents puissantes, et la partie supérieure du museau relevée en trompe. On peut y reconnaitre une salamandre ou un dauphin. A la partie supérieure du levier, au-dessus de la queue du reptile, par conséquent, est sculpté un écu de forme écrasée, qui porte un chevron renversé accompagné de trois fleurs de lys posées une et. deux.
Note de M. le curé de Meloisey, sur une stèle antique trouvée en 1873 à Maitranceaux, commune de Meloisey, et dont la description figure au dernier compterendu des travaux de la Commission. Au même endroit, avait été trouvée antérieurement une statuette qui a été cédée à un amateur de Beaune.
Note de M. Mathieu, associé résidant, sur l'ancien ostensoir de l'église SaintEtienne de Dijon cette note est tirée du procès-verbal de la municipalité de Dijon, contenant inventaire des effets qui appartenaient à la confrérie du Saint-Sacrement de la paroisse Saint-Médard, paroisse alors annexée, comme on sait, à l'église Saint.Etienne.
Ce procès-verbal mentionne les objets suivants
1° Le grand ostensoir d'argent dont les rayons sont dorés, orné de diamants et pierres fines, dont on joindra ici la description il y a une croix de cristal de roche qui y est aussi attachée
2° Une couronne de vermeil qui est portée par deux anges de la gloire; 3» Une gloire composée d'anges, chérubins et nuages qui servent de couronnement elle est en bois argenté, c'est un beau modèle sculpté par Dubois, il devait être exécuté en argent, etc.
Au-dessus de la lunette de l'ostensoir était une croix composée de cinq gros diamants et quatre petits, et autour de cette même lunette, disposée dans l'ordre suivant, en allant de droite à gauche un gros diamant un gros diamant, quatre moyens et quatre petits; un gros diamant et sept moyens; une émeraude et huit entourages de diamants une grosse topaze, et au-dessous un beau grenat une émeraude et sept entourages de diamants un gros diamant,
quatre moyens et quatre petits au col du pélican est attachée une croix d'or émaillée de rouge, qui est celle de l'ordre du Christ – enfin un gros diamant avec entourage de dix petits.
On cite encore deux saints en bois doré, sous les noms de saint Etienne et de saint Médard.
Cet inventaire fut dressé le 20 juin 1792 par les commissaires de la confrérie du Saint-Sacrement de la paroisse Saint-Médard, les sieurs Tainturier, Richard, Arthaut et Jacquinot, et remis avec les objets inventoriés au notaire Bouché. Ce dernier dut les remettre l'année suivante aux commissaires susdits, qui lui en accordèrent décharge, à la date du 20 mai 1793.
Le même M. Mathieu a offert un dessin exécuté par lui, et représentant une agrafe mérovingienne qui fait partie de sa collection. Cet objet, découvert à Darbonnay (Jura), a été décrit dans un précédent compte-rendu.
Les communications de M. Charles Rouhier, correspondant à Recey-sur-Ource, ont été, comme tous les ans, fort nombreuses. Il a adressé à la Commission 1° le dessin de plusieurs sceaux conservés aux archives de l'Aube; 2° la photographie d'une trentaine de monnaies gauloises, provenant des différentes localités du département de la Haute-Marne 3° l'original d'un acte concernant le village de Bussières (canton de Grancey-le-Château) 4° une courte note de M. Gaveau, de MagnyLambert, relative aux grottes et aux abris sous roche situés sur les bords du confluent de la Seine avec la Coquille et le Revinson M. Gaveau estime que ces rochers, dits de Tarperon, ont servi d'habitation à l'homme primitif, et que des fouilles entreprises sur les bords des rivières qui se réunissent à leurs pieds, procureraient sans doute des preuves de son séjour 5° l'indication de plusieurs objets en silex, tels que flèches, nucléus, grattoirs, fragments préparés pour la fabrication, etc., etc., trouvés à Buncey, à Recey, Saint-Germain-le-Rocheux, sur la montagne de Vix, toutes localités dépendant de l'arrondissement de Châtillon-sur-Seine à Buncey, on a trouvé notamment un éclat servant à volonté d'instrument coupant et perforant, plus un silex brut ayant la forme d'un cylindre un peu applati, terminé en pointe à l'une de ses extrémités, et probablement choisi avec intention. parce qu'il n'exigeait qu'un médiocre travail pour être utilisé 6° la description de plusieurs médailles et jetons de diverses provenances, savoir médaille d'argent trouvée dans la combe Saint-Mamès (territoire de Châtillon) tête tournée à droite, légende IVLIA PIA FELIX. AVG au revers DIANA LVCIFERA dans le champ, une femme debout tient de la main droite un objet fruste ou à peu près, peut-être Diane tenant une torche; petit bronze trouvé à Sacquenay au droit, une tête couronnée tournée à droite, avec la légende IMP C VICTORINVS P F AVG au revers, la
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Santé debout tendant une coupe à un serpent, avec les mots SALVS AVG un outil est figuré devant la déesse – un petit bronze de Dioclétien, à la légende SALVS AVGG un autre petit bronze de Licinius, légende GENIO POP ROM – monnaie de Nancy au droit, les armes de Lorraine, légende R DVX LOTORENGIE au revers, mêmes armes deux fois répétées et accompagnées d'un épi, avec la légende MONETA DE NANCEI jeton assez fruste, portant la date de 1584, et la légende CATHARINA D G FRANCOR RIGIN autre jeton frappé aux noms de Louise de Racine et de Guillaume, seigneur de Rivauldes autre jeton trouvé à Recey, paraissant représenter la paix, la justice et la guerre, entourées de ces deux légendes IVSTITIA IN SESE VIRTVTES CONTINET OMNES 1584. = NOS THEMIS ET. PAX ALINA (sic) FOVENT BELLONA FACESSAT médaille religieuse en cuivre, représentant le buste de saint Sigisbert, avec les mots S SIGISBERTUS AVSTRASIAE REX au revers, une croix et la légende CRUX EST VNICA AD COELVM VIA 7» copie d'une pièce de vers sur le même roi Sigisbert, extrait intitulé Des roys et ducs d'Austrasie depuis Théodoric I", par Nicolas Clément, traduit en françois par François Guibaudet, dijonnois, un vol. in-4°, 1617 8« Note relative à Jean de Watteville, singulier personnage qui, après avoir été profès à la chartreuse de Lugny, prit le parti des armes pour aller guerroyer en Hongrie, rentra depuis dans l'Eglise, devint abbé de Beaume, haut doyen de Besançon, et maître des requêtes au Parlement 9° Notice sur la famille Bouchin, originaire de Beaune, qui a possédé pendant près de cent ans, de père en fils, la charge de procureur du roi au bailliage de cette ville, depuis Etienne Bouchin qui l'exerçait en 1550. Cette famille a, en outre, fourni un lieutenant général au même bailliage et un président à la Chambre des Comptes de Dijon; 10° copie du catalogue des reliques qui composaient le trésor de l'église collégiale de Saint-Jean l'Evangéliste de Grancey-le-Chàteau – 11° copie d'une inscription romaine conservée au musée d'Autun.
Par M Lacordaire, associé correspondant, une note manuscrite sur l'église de Bellenod, canton d'Aignay. Cette note sera déposée aux archives de la Commission, où elle pourra être consultée pour la rédaction de l'article de Bellenod, dans le Répertoire de l'arrondissement de Châtillon-sur-Seine.
Note de M. le colonel de Coynart, relative à deux brochures de M. Marlot, aujourd'hui notre associé correspondant à Cernois, près Semur. Dans l'une de ces brochures, M. Marlot donne la description de diverses substructions gallo-romaines trouvées dans les environs de sa résidence l'autre a pour objet le merveilleux et les légendes dans l'Auxois
M. Chevreul a présenté en communication une boucle de ceinturon de la période
mérovingienne, portant quelques traces de damasquinerie en argent. Cette boucle a été trouvée à Belleneuve, sous un tumulus au sommet duquel était planté un noyer, et qui a été récemment nivelé par suite de travaux d'appropriation exécutés dans la partie nord du cimetière de ce village, où il était situé. On a entièrement découvert, à Belleneuve, quelques débris gallo-romains auxquels se trouvaient mêlées des coquilles d'huîtres, mollusques dont les Romains faisaient grand usage, et qu'on rencontre souvent dans les localités qu'il ont occupées, notamment les huîtres dites d'Ostende, et provenant réellement des côtes d'Angleterre.
OBJETS OFFERTS A LA COMMISSION.
Ont été offerts
Par M. Lory, un pavé émaillé trouvé dans les fouilles de l'église des Jacobins et qui doit sans doute provenir d'une des anciennes chapelles de cette église ce pavé porte l'image d'un cavalier couvert d'une armure, xme siècle, tenant d'une main une lance en arrêt et de l'autre un bouclier sur lequel on distingue deux chevrons superposés.
Par MM. Lory et de Coynart, de nombreux objets antiques provenant des fouilles de Velay et parmi lesquels on distingue deux plaques de marbre blanc, des fragments d'enduits coloriés, des outils et instruments en fer de diverses natures, des fragments de vases en terre, etc., etc.
Par M. Bresson, associé résidant: 1° un cachet en cuivre trouvé dans les fouilles de l'ancienne église des Jacobins. Ce cachet triangulaire sur axe tournant peut remonter au commencement du xvn' siècle il porte sur une de ses faces un monogramme, sur la seconde deux petits personnages assez grossièrement gravés; la troisième est ornée d'une quintefeuille gravée au trait; – 2° une série de huit monnaies ou jetons provenant également des fouilles des Jacobins et qui ont été déterminés par M Prisset de la manière suivante un jeton de France fort intéressant; d'un côté écusson aux trois fleurs de lys, avec ces mots en légende CVRIA MONETAR FRANCISE au revers un personnage qui semble représenter la France; c'est une femme tenant dans l'une de ses mains des balances et dans l'autre la corne d'abondance, pour légende l'inscription MONETAL LIBELLAE VSV RESTIT. à l'exergue, 1587; un autre jeton d'un intérêt moindre également, à l'effigie de Louis XIV, la famille de Nuremberg; un autre jeton de Nuremberg; une petite monnaie de cuivre de Charles VI ou de Charles VII et enfin quatre liards frustes.
Par M. Aubertin, offertes en son nom par M. Albert Albrier, quarante-trois pièces romaines, et deux gauloises trouvées à Boncourt-le-Bois, canton de Nuits, par
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M. Friandet, instituteur. Ces médailles ont été déterminées par M. Prisset qui a pu les classer malgré leur très mauvais état de conservation, en voici l'énumération grand bronze Antonin le Pieux, Marc-Aurèle, Lucile, Alexande-Sévère, Hadrien (?) tête de femme; moyen bronze colonie de Nismes, Auguste, Marc-Aurèle, Trajan, au revers S P Q. R OPTIMO PRINCIPI petit bronze quatre Gallien, Trilicus jeune, Claude le Gothique, Quintillus trois Constance-Chlore neuf Constantinle-Grand, Constantin junior, Gratien, douze entièrement frustes Une monnaie du Leuks et une des Séquanes.
Par M. Foisset LOUIS XIIII, 1649. 1/2 louis d'argent.
LUD XIIII, D G FR ET NAV REX Buste enfantin à droite, lauré, une méche de cheveux descend3nt plus bas que le menton, cuirasse, croix du SaintEsprit, épitoge. Revers légende circulaire à droite SIT NOMEN DOMINI. (exergue A) BENEDICTUM 1649. Ecusson aux trois fleurs de lys, couronné. Jeton de cuivre, LUDOVICUS MAGNUS REX. Tête laurée à droite, col tranché, au-dessous. Revers CHARA IOVI NATO QUE IOVIS, dans le champ, olivier sur un trait, dessous 1689.
CH EMA DE MOÎSGEY C EN PARL VIC MAIEUR DE DIJON. Armoiries Revers NULLA PERIT VULE PARS; ces quatre mots sont séparés par des rosaces. Ce jeton de cuivre est de mauvaise conservation.
Jeton de cuivre beau. Légende DE M" OUDART LE FERON PR' DE LA PREVOSTE Armoiries. Revers TUTA DIOSCURIS. Vaisseau, à l'exergue 1641. Par M. de Chalus, une statuette en albâtre et un bas-relief en marbre, sur lesquels le donateur se propose de rédiger une notice.
Par M Charles Rouhier, un jeton de la foraine de Dijon, 1552 un jeton de François, duc d'Alençon, 1577; – plusieurs autres monnaies; – une médaille d'Antonia. grand bronze recueilli dans le tronc de l'une des églises de Chàtillon-surSeine un liard de Montbéliard, 1710 – une monnaie de Parme, 1795, représentant la Sainte-Vierge, avec cette légende VITAM PRE PVR – le surmoulage d'une de ces médailles carrées que les Russes portent au cou, représentant la Madone.
OUVRAGES OFFERTS A LA COMMISSION.
Notes pour servir à l'étude de la haute antiquité en Bourgogne les fouilles de Magny-Lambert, par M. Flouest.
Annuaire départemental de la Côte-d'Or, pour l'année 1875, par M. Joseph Garnier.
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COMPTE-RENDU DES TRAVAUX 11 •f.rtlll*.» 1 v~*
Trois rapports sur les travaux de la Société de l'histoire de France pour les années 1872, 1873 et 1874, par M. Desnoyers, membre de l'Institut.
Topographie ecclésiastique de la France, 3 vol. in-8., par le même, tirage à part des annuaires de la Société de l'histoire de France.
Note sur la dalle funéraire d'Etienne Quarré, par M. Charles Aubertin.
Rapport de M. le Préfet de la Côte d'Or, pour la seconde session ordinaire du Conseil général (année 1874) Procès verbaux des délibérations du Conseil général de la Côte-d'Or, même session.
Etude sur les monnaies gauloises trouvées en Poitou et en Saintonge, par M Anatole de Barthélémy.
Dictionnaire topographique du département de l'Aube, par MM. Théophile Boutiot et Emile Sicard, envoi du ministère de l'instruction publique.
Lettres d'un rural, 1874, par M. de Sarcus.
Dictionnaire topographique de l'ancien département de la Moselle, par M. de Bouteiller, envoi du ministère de l'instruction publique.
Sur l'usage des bâtons de main, par M. Chabas.
Rapport au Ministre sur la collection des monuments inédits de l'histoire de France, et sur les actes du Comité des travaux historiques. Envoi du ministère. PUBLICATIONS DES SOCIÉTÉS SAVANTES ET PÉRIODIQUES.
Annual report of the board of regents of the Smithsonian institution, 1873. Bulletin de la Société académique de Brest, 1871, tome 1er, seconde série. Bulletin de la Société archéologique de Touraine, 1873. Réunion de la même Société, tome XXV.
Bulletin de la Société archéologique du midi de la France, 1870 à 1875. Tables générales des mémoires de cette même Société.
Bulletin de la Société archéologique et historique de l'Orléanais, tome VI. Mémoire de la même Société, tome XII, avec album.
Bulletin de la Société archéologique, scientifique et littéraire de Béziers, 2™' série, tome VII, 2e liv.
Bulletin de la Société d'agriculture, sciences et arts de la Haute-Saône, troisième série, n° 5. Catalogue des ouvrages composant la bibliothèque de la même Société, par M. le commandant Noirot.
Bulletin de la Société d'émulation de l'Allier, tome XIII, 1" et 2* liv.
Bulletin de la Société des antiquaires de France, 3' et 4' trimestres de 1874. Mémoires de la même Société, tome XXXV
Bulletin de la Société des antiquaires de l'Ouest, 1874, 2* trimestre.
Bulletin de la Société des antiquaires de Picardie, 1871 à 1875.
Bulletin de la Société des sciences historiques et naturelles de l'Yonne, 1874. Bulletin de la Société des sciences historiques et naturelles de Semur, 1873. Bulletin de la Société des sciences, lettres et arts de Pau, 1872, 1873, 1874. Bulletin de la Société d'études d'Avallon, 1873.
Bulletin de la Société d'horticulture de la Côte-d'Or, partie de 1874 et 1875, Bulletin de la Société historique de Compiègne, tome II, 1" fascicule
Bulletin de la Société historique du Périgord, tome I", lr' livraison.
Bulletin de la Société pour la conservation des monuments historiques d'Alsace, tome IX, lr# liv.
Bulletin monumental abonnement.
Congrès archéologique de France, XL' session, siégeant à Châteauroux. Compte-rendu de la Commission impériale archéologique de Saint-Pétersbourg, pour les années 1870 et 1871, avec atlas.
Comptes-rendus de la Société française de numismatique et d'archéologie, tomes III et IV.
Excursions archéologiques dans les environs de Compiègne, 1866-1874. Indicateur de l'archéologue, périodique.
Journal d'agriculture de la Côte-d'Or, partie de 1874 et 1875.
Journal de la Société d'archéologie lorraine, 23' année. Mémoires de la même Société, 3' série, 2' volume.
L'Instruction publique, 2' année, no 14.
Mémoires de l'Académie des sciences, belles-lettres et arts de Savoie, 2* série, tome XII.
Mémoires de l'Académie de Montpellier, section des lettres, tome IV, 3* et 4' fascicules, et partie du tome VI.
Mémoires de l'Académie du Gard, 1872.
Mémoires de la Société académique d'archéologie, sciences et arts du département de l'Oise, tom. VIII, 3m° partie.
Mémoires de la Société d'émulation de Monlbéliard, 2me série, vol. 6 et 7. Mémoires de la Société d'histoire, d'archéologie et de littérature de Beaune, 1874. Mémoires de la Société historique de Styrie, 1874.
Mémoires de la Société historique et archéologique de Langres, 1874. Mémoires de la Société littéraire, scientifique et artistique d'Apt, nouvelle série, tom I", n01 2 et 3. Bulletin de la même Société, 9™€ et 10™' années. Procèsverbaux des séances de la même Société, 2– série, tom. II, 1872 et 1873.
COMPTE-RENDU DES TRAVAUX. ~<)~J~1~T~) Il--
Mémoires de la Société royale des antiquaires du Nord, Copenhague, 33 volumes ou fascicules.
Mémoires et documents publiés par la Société archéologique de Rambouillet tome II, 1873-1874.
Mémoires et documents publiés par la Sociéléd'histoire et d'archéologie de Genève, tome XIX, liv. 1".
Répertoire des travaux de la Société de statistique de Marseille, tomes XXXV et XXXVI.
Revue archéologique abonnement.
Revue des Sociétés savantes du département, partie de 1874 et de 1875. Envoi du ministère.
Revue savoisienne.
Société d'agriculture, sciences, arts et belles-lettres de Bernay, concours de 1874. Société des sciences et arts de Vitry-le-Français, tome VI, 1873-1874. Société des sciences naturelles et historiques, des lettres et des beaux-arts de Cannes, tome III, no 3.
MOUVEMENT DU PERSONNEL.
Ont été nommés
Associés résidants
MM. Degré fils, architecte, ioraoût 1874.
Clément-Janin, négociant, 1" février 1875
Suisse fils, architecte, 1" mars 1875.
Associés correspondants
MM. l'abbé Boulot, curé de Thorey-sous-Charny, 1" décembre 1874.
l'abbé Garreau, curé de Rochefort, 15 décembre 1874.
l'abbé Morillot. curé de Beire-le-Chàtel, 15 février 1875
de La Blanchère, propriétaire à Paris, 15 mars 1875.
Chabas, correspondant de l'Institut, à Chalon-sur-Saône, 15 mai 1875. Marlot, domicilié à Cernois, commune de Vic-Chassenay, 25 juin 1875. MM. Beaune, aujourd'hui procureur général à Alger, et Duméril. nommé professeur à la Faculté des lettres de Toulouse, ont été portés sur la liste des associés-correspondants.
J. D'ARBAUMONT
LES
DEUX PREMIERS HOTELS DE VILLE DE DIJON
ÉTUDE HISTORIQUE PAR H. Joseph GABUIER, MEMBRE TITULAIRE.
En 1833, mon savant maître et prédécesseur, M. Joseph Boudot, publia dans les mémoires de cette compagnie, une courte notice sur les deux Hôtels de Ville de Dijon (1). C'était, il faut le dire, un travail tout de circonstance La mairie venait de quitter l'ancienne résidence du chancelier Rolin, pour s'installer au Palais des Etats, et elle avait aliéné cet hôtel au département, afin d'y établir le précieux dépôt de nos archives. M. Boudot, dont les démarches actives n'étaient point restées sans influence sur cette détermination du Conseil général, avait saisi avec empressement l'occasion de faire connaître aussi bien ce qu'il savait du passé de cet Hôtel de Ville, que de celui qui l'avait précédé. – Malheureusement, pressé par le temps, bien des sources furent négligées, et parmi elles les archives même de la cité.
On sait que si sous le rapport architectonique, ces deux édifices n'occupèrent jamais le premier rang parmi nos monuments publics en revanche, peu ont conservé d'aussi nobles souvenirs. En effet, ils ont abritè l'édilité dijonnaise durant près de cinq siècles ils furent les témoins de ses luttes (l) Tome I" de la collection in-8% p S5-103.
pour défendre nos franchises municipales toutes les séditions grondèrent à leur porte, et depuis la guerre des Anglais jusqu'à la révolution de 1830, toutes les commotions politiques y trouvèrent un écho retentissant. Aujourd'hui, il ne reste rien de la maison au Singe, et depuis sa conversion en dépôt d'archives, l'hôtel Rolin a subi des modifications qui ont profondément altéré son ancienne physionomie. Je me propose donc, tout en complétant l'oeuvre de mon devancier, de reprendre la monographie de ces deux édifices de les décrire tels qu'ils existaient à diverses époques, et de retracer les événements dont ils furent les témoins. Ce sera encore une page inédite de notre histoire municipale, et peut-être à ce titre ne paraîtra-t-elle pas indigne de figurer dans ces mémoires.
1.
LA MAISON AU SINGE
Parmi les prérogatives qui formaient jadis l'apanage des grandes communes, on peut citer au nombre des plus considérables celles d'avoir un beffroi d'user d'un sceau particulier – de lever une bannière et de posséder un Hôtel de Ville.
Dijon, la plus ancienne et la plus importante des communes de Bourgogne, ne faisait point exception à la règle.
Elle avait son beffroi au clocher de l'église Notre-Dame, première paroisse de la ville. Le sceau dont elle authentiquait ses actes, montrait son maire, chevauchant le faucon sur le poing, au centre d'un cordon de têtes des vingt échevins qui formaient son Conseil. – Elle déployait, en bataille et dans les cérémonies publiques, une bannière mi-partie verte et fauve, en tête de laquelle flamboyait un écu de gueules, auquel le duc Philippe-leHardi ajouta, en 1391, un chef de ses propres armes.
Quant à l'Hôtel de Ville, il fut le dernier à paraître.
Pendant longtemps, les affaires d'ailleurs peu nombreuses de la commune
se débattirent sans exception devant l'assemblée des habitants présidée par le maire, qui cumulait alors les triples fonctions d'administrateur, de juge et de capitaine. Le cimetière de Saint-Bénigne, qui était le forum de la cité, tenait lieu de maison commune (1). Mais vers la fin du xme siècle, la gestion du patrimoine de la ville, l'exercice de la justice, les conflits qui en naquirent, le vote et la répartition des impôts, joints à ces nombreux détails d'une administration qui grandissait à mesure que ses relations s'étendaient au dehors toutes ces causes, dis-je, nécessitèrent de la part des maire et échevins des réunions plus fréquentes et pour en délibérer un lieu plus sûr et moins incommode que le portail de l'église Saint-Philibert. Le secret (2) de la ville se tint donc tantôt chez le maire, tantôt au cloître de la SainteChapelle, aux Cordeliers, mais plus souvent aux Jacobins.
Seulement, comme en définitive et si peu prodigues d'écriture que fussent nos pères, ces actes multiples de la vie administrative se traduisaient en écrits d'un usage journalier, qui par conséquent ne pouvaient être déposés au Trésor, dont l'ouverture était toujours entourée de grandes formalités ces pièces accumulées chez le maire en exercice ou au logis du scribe, étaient exposées à toutes les chances de destruction. D'un autre côté, la mairie, si fière de ses droits de justice, n'avait point encore d'auditoire où elle put les exercer et y réunir les prisons, qu'on suppose avoir été jusque-là reléguées dans une des tours de l'enceinte.
Bref, toutes ces raisons déterminèrent, en l'année 1350, les maire et échevins à acquérir une maison pour assurer ces divers services. Mais soit que l'argent leur manquât pour en bâtir une à leur convenance, soit qu'ils tinssent à s'établir dans l'ancien castrum, qui était toujours le coeur de la cité, ils décidèrent J. Géliot, riche bourgeois, à leur céder, moyennant une plus-value de 30 florins, « une maison de pierre avec une maiserotte en bois (1) M. Boudot avance dans sa notice, que les maire et échevins s'assemblaient en 1260 dans la Maison au singe. Seulement comme il oublie de mentionner la source où il a pris ce renseignement, et qu'il est le seul de tous ceux cités dans son travail qui ait échappé à mes recherches, je suis porté à croire que par inadvertance l'auteur a confondu le chiffre 2 avec le chiffre 3.
(2) Le registre des délibérations de la chambre de ville s'appelait, le secret et des peines sévères atteignaient ceux qui divulguaient son contenu.
LES DEUX PREMIERS HÔTELS DE VILLE .7:· .4. 1~1.4.1
derrière, meix, jardins et appartenances, sise en Chateaul, emprès la maison de Guy Rabby, chanoine de la Sainte-Chapelle (1) et la voie commune. » Géliot l'avait acquise un mois auparavant (7 mai 1350) de Guillaume d'Auvillars, écuyer, au prix de 220 florins (2). L'acte en fut passé le 24 juin, le jour même de l'élection du maire Richard de Courcelles, par devant HuguetPoissenet, coadjuteur du tabellion de Dijon (3).
Cette maison, connue dans les actes du XIIIe siècle sous le nom de Maison au Singe (4), provenait de l'abbaye de Fontenay, laquelle l'avait acquise en 1265, des fils de Jean, vicomte de Latrecey, un tiers par don et les deux autres tiers moyennant 190 livres tournois. L'acte dressé en présence de Hugues IV, duc de Bourgogne, la désignait ainsi Une « mayson de « pierre, les celiers, les apertinences de cele mayson. Laquels mayson est « assise à porte Vacange, au chastiaul de Dyjon (5), de les le mayson « Monseignor Haymmont de Marigni d'une part et deles le maison que on « apale la maysons as damoisiaul de Coches, d'autre part et orendroit est « apalée la Mayson au Singe ou la Moyson roige (6). » Un acte de l'année 1268, rédigé en latin, l'appelle « Domus juxta portam Vacange que domus vulgariter domus Symie nuncupata.
Il en résulte que le pourpris du nouvel Hôtel de Ville avait pour limite, au Nord, la rue qui communiquait de la porte Vacange à la Portelle, aujourd'hui rue l'Ecole-de-Droit à l'Est, la rue qui de cette même porte menait au centre du castrum, aujourd'hui rue Chabot-Charny au Sud le mur même du castrum et à l'Ouest la maison des damoiseaux de Couches, qui devint (1) Aujourd'hui la maison n° 38 de la tue Chabot-Charny. Avant 1366, les écoles de la ville se tenaient dans cette maison. Protocole de H. Poissenet, coadjuteur du tabellion de Dijon. Arch. dép., B 11,230, fol. 45.
(2) Protocole de Huet de Salon, notaire à Dijon. Arch. dép., B 11,246, fol. 88.
(3) Arch. de la ville. Trésor des Chartes. K. 19. 3.
(4) Probablement à cause d'une sculpture placée au dessus de la porte d'entrée, laquelle, dit le Mémorial de la Chambre des comptes (1396), représentait un singe jouant avec une boule enchaînée. (5) Cette, porte qui avec la portelle du Bourg, la porte aux Lions et la portelle Saint-Michel, desservait le castrum décrit par Grégoire de Tours, s'ouvrait au point d'intersection de la rue Chabot-Charny et des murs gallo-romains que délimitent encore aujourd'hui les maisons 37, 39, 36 et 38 de cette même rue. (6) Arch. dép. H. Abbaye de Flavigny. Cart. 572.
plus tard l'Hôtel de la Trémouille ou le Collège des Godrans (1). Ces limites sont encore aujourd'hui celles de la maison Koch, sise rue Chabot-Charny, n° 36, et dont l'entrée principale était, avant 1819, rue de l'Ecole-de-Droit. Mais, pour être devenue l'Hôtel de Ville, la Maison au Singe ne perdit point son ancien nom. Il semblerait même que la magistrature tint à honneur de maintenir une dénomination qui perpétuait en quelque sorte le renom de li moqueurs, acquis aux Dijonnais depuis déjà bien longtemps. Un singe jouant avec une boule enchaînée surmonta la porte de la prison (2). Quatre singes en bois décorèrent l'auditoire de justice (3). De plus, la cariatide de pierre qui supportait la poulie du puits principal de la rue, représentait un homme à la torture, accosté d'un singe tenant le bout de la corde qui le liait (4), et enfin, quand en 1448 la Chambre de Ville, pour punir l'offense dont Jean de Drogues, c'est-à-dire Juan de la Huerta dit d'Aroca (5), s'était rendu coupable envers le maire; elle ne trouva rien de mieux que de le condamner à faire, « sur le devant de la Maison de Ville, une belle ymaige « de N.-D., de deux pieds et demy de hault, assise sur une belle soubasse, « et soubs icelle les armes de la ville, accostées de deux singes (6). » Il y avait vingt-cinq ans que la commune était en possession de la Maison au Singe, lorsque l'ancien palais ducal échut à la famille de la Trémouille, venue en Bourgogne à la suite de Philippe-le-Hardi. Guy, favori de ce prince, voulant étendre le pourpris de son hôtel, demanda aux magistrats de lui (1) M. Boudot affirme qne l'hôtel de la Trémouille succéda au palais des Rois et des premiers ducs de Bourgogne. Selon lui, Hugues III l'abandonna pour établir sa résidence au nord du caslrum, au lieu occupé aujourd'hui par le palais ducal. Ce qu'il y a de positif, c'est qu'en 1265, la plus grande partie de l'espace compris entre le mur du castruni, les rues Chabot Charny, Amiral-Roussin et Madeleine, appartenait aux héritiers d'Alexandre de Bourgogne, seigneur de Montagu, fils puîné de Hugues III.
(2) Note marginale du xvi» siècle en regard d'une mention de la prison au Singe, dans le l"r vol. des registres de la Chambre des comptes, années 1396. Arch. dép. B 15. Fol. 41 verso.
(3) Délibération de la Chambre de ville de l'année 1390, B 23 et K. Pièces concernant la Maison au Singe, année 1478.
(4) Voir dans le 1" volume des Mémoires de la Commission (in-8°), la notice de M. le docteur Vallot, sur la dénomination de la rue des Singes, et l'explication plus curieuse que concluante qu'il donne de ce morceau de sculpture.
(5) Artiste espagnol, auquel le duc Philippe-le-Bon avait confié la sculpture du tombeau de son père, le duc Jean-sans-Peur.
(6) B 23. Registre du secret de la ville. 13 janvier 1448.
abandonner le meix et les jardins de la Maison au Singe, qui le joignaient à l'Est. C'était payer bien cher les « grans et agréables services que, suivant la délibération du 23 juin 1395, il pouvait avoir rendus à la ville car cette cession toute gratuite, rendait impossible tout agrandissement futur d'un local, dont l'insuffisance n'était déjà que trop évidente.
En effet, l'enceinte du nouvel Hôtel de Ville, réduite ainsi à environ 900 mètres, la mairie dut s'en contenter pour installer ses prisons, l'auditoire et la Chambre de Ville. Comment y réussit-elle? quelles dispositions furent prises ? c'est ce que je me propose d'étudier, non point à l'aide de plans ou de descriptions qui vraisemblablement n'existèrent jamais; mais par la comparaison de tout ce que j'ai pu rassembler de documents contemporains conservés dans nos dépôts publics (1).
La Maison au Singe, située comme je l'ai dit plus haut, dans l'enceinte même du castrum, dépendait de la paroisse Saint-Médard, dont elle formait l'extrême limite (Sud). Son entrée principale était dans la rue de l'Ecole-de-Droit. On y pénétrait par une porte munie d'un guichet (2), surmontée dans le principe du bas-relief dont j'ai parlé plus haut, auquel on substitua, en 1443, le groupe sculpté par Juan de la Huerta, et qu'une lambroisserie préservait des injures du temps (3).
En 1495 (4), la mairie fit élever au-dessus de cette porte, pour la commodité du public et des plaideurs, un « chappot » (auvent) en charpente d'une longueur totale de six toises et demie et de sept pieds de « dessandue » (hauteur). Ce chappot abritait deux bancs à dossier et « escoutures » (accoudoirs), placés de chaque côté de la porte et dont le plancher, plus élevé que le sol de la rue, avait en avant un « pauseur » (main-courante) (1) Principalement les registres des délibérations de la mairie, les comptes des Receveurs de la ville et les pièces à l'appui de ces comptes. Ces dernières, qui m'ont fourni les éléments les plus précieux de ce travail de restitution, ont été réunies et classées par ordre chronologique, sous la rubrique Maison au Singe et Hôtel de ville, dans la série K Patrimoine et biens communaux, des archives municipales. (2) Archives municipales. K. Pièces concernant la Maison au Singe, 1437, 1462, 1482, parties de comptes.
(3) Idem. 1462.
(4) Archives munie K. Maison au Singe.
r.·n,. ,a.
avec une base ornée de moulures. Elle autorisa six échevins à y faire peindre, à leurs frais leurs propres armoiries (1).
En prolongement du banc le plus voisin de l'hôtel de la Trémouille, une pièce de bois, enfoncée horizontalement dans la muraille, soutenait deux carcans, auxquels on attachait les condamnés à l'exposition, et tout auprès, on y vit pendant un certain temps l'appareil du supplice de l'estrapade (3). La porte franchie, donnait accès dans une petite cour carrée, qui se rétrécissait à son extrémité pour former une allée séparant deux édifices, qui semblaient les avant-corps d'un bâtiment principal, auquel aboutissait ce passage. Un mur intérieur assez élevé ne permettait d'apercevoir de cette dernière construction, que le haut de la façade et les deux « tournotes » qui l'accompagnaient."
Ce bâtiment, c'était la Maison au Singe proprement dite, sur laquelle je vais bientôt revenir.
Des deux annexes, celle à droite, adossée à l'hôtel de la Trémouille, renfermait les Chambres du Conseil et des Comptes, l'autre regardant la rue des Singes. était consacrée à l'auditoire.
Celui-ci, de très médiocre étendue, était dallé en pierre de Gemeaux (4) et soutenu par un pilier au pied duquel on mettait quelquefois « es grésillons » certains délinquants en pleine audience (5).
Des verrières aux armes de la ville l'éclairaient des deux côtés (6), ses parois étaient revêtus d'une peinture verte (7). Quatre singes en bois, dus au ciseau de l'imaigier Guillaume Taillebou (8), se dressaient aux quatre coins. Au fond, sur une estrade entourée de bancs, s'élevait la chaire du vicomte mayeur, (1) Archives munie. K. Maison au Singe.
(2) Idem, année 1505.
(3) Idem, année 1509.
(4) M. Comptedes Receveurs. 1413.
(5) Id. et C. Registres de Justice. -1403. M. Parties de comptes. Les grésillons étaient ce qu'on appelle encore aujourd'hui les menottes ou les poucettes. Ils servaient aussi en certains cas d'instruments de torture.
(6) 1416. Registre des délibérations; 1426, 1434. Arch. munie. K. Pièces relatives à la Maison au Singe.
(7) 1478. Idem.
(8) Pour se rédimer d'une amende à laquelle il avait été condamné le 6 décembre 1390. Registre du secret.
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surmontée d'un écu également aux armes dijonnaises, timbrées d'une couronne (1). Le siège de cette chaire renfermait la layette des treizaines, qui étaient les épices du premier magistrat de la ville (2). Il suffit de parcourir les registres des causes du temps, pour reconnaître combien la récolte en était fructueuse.
En avant de ce siège se trouvait le bureau sur lequel on déposait les évangiles (3) destinés à recevoir le serment des parties et les sceaux dont on revêtait les actes de justice (4).
En face, sur un petit banc, avec deux marchepieds, « se assoyoient les clercs en escripvant devant M. le Maire (5), » et à l'extrémité des bancs des échevins, qui flanquaient des deux côtés la chaire magistrale, siégeaient le procureur syndic de la commune et ses substituts, qui remplissaient devant ce tribunal les fonctions du ministère public (6).
A côté de l'estrade et adossé au mur latéral, se trouvait un long banc en pierre, plus élevé que le pavé de la salle, qu'on appelait le « pauseur des sergents. » Ils devaient s'y tenir debout durant l'audience, prêts à exécuter l'ordre des magistrats. Seulement, une pièce de bois placée à hauteur d'appui leur donnait la faculté de s'appuyer ou de cr s'acother (7).
(1) 1478. Arch. munie. K. Maison au Singe.
(2) 1489. B. Mobilier de la Chambre de ville. Appartient à M.le Mayeur, dit un ancien style de la ville, à cause de son estat, par toutes personnes adjournées par devant lui, XIII deniers pour toutes présentations, tant que la cause dure, s'il n'y a réadjournement ou interruption de cause. Il percevait aussi ce droit sur les amendes. 1505. Réparation de la serrure du coffre des treizaines, K, Maison au Singe.
(3) 1487. Séries B. L. J. C. 72, et K. Maison au Singe.
Ces évangiles, dont un exemplaire existe encore aux archives de la ville, consistaient simplement en deux feuilles de parchemin sur lesquels étaient écrits les premiers versets de l'évangile de saint Jean, avec des ornements rehaussés d'or et des plus vives enluminures. Deux miniatures occupaient le centré des deux pages, lesquelles étaient collées à la manière de canons d'autel, sur deux cadres en bois peints, ornés des armoiries de la ville et reliés par des charnières qui en faisaient une sorte de dyptique. Celui que nous mentionnons a 31 centimètres de hauteur sur 22 de largeur.
(4) Jusqu'à la fin du xiv siècle, la mairie de Dijon, qui n'avait qu'un sceau unique pour authentiquer tous ses actes, introduisit l'usage de sceaux plus petits, destinés aux pièces administratives et surtout à la Justice.
(5) 1460, 1462. M. Comptes des Receveurs de la ville et série K. Maison au Singe.
(6) C. Registres de Justice.
(7) 1460. M. Parties de comptes. 1462 K. Pièces concernant la Maison au Singe.
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Des bancs de bois pour les assistants (1), des buffets et des « aumaires, » à l'usage du greffier, garnissaient le pourtour de la salle (2).
Telle que je viens de la décrire, cette modeste enceinte fut longtemps regardée comme le palladium de la cité et le sanctuaire réservé de sa justice c'est-à-dire du droit le plus précieux qu'elle eut conquis, et pour le maintien duquel elle lutta avec le plus d'énergie. En effet, sans la possession de l'auditoire, symbole de sa juridiction, que devenaient les autres franchises ? Dès le milieu du xrve siècle, des conflits incessants, suscités par les officiers du duc, toujours enclins soit à revendiquer à leur profit les prérogatives dont le prince s'était dessaisi en érigeant la commune, soit à s'immiscer dans ceux de ses actes qu'ils jugeaient excessifs, dégénéraient en lutte ouverte dont presque toujours les immunités municipales sortaient amoindries. En France, où le pouvoir royal était depuis longtemps hors de pages, une pareille situation n'eut pas été possible, et la commune de Dijon n'aurait pas tardé à partager le sort de ces grandes communes du Nord, qui donnèrent le signal de l'émancipation mais en Bourgogne, la chose était plus difficile, parce que ses principales communes, Dijon en tête, avaient été placées sous la sauvegarde du Roi, dont l'intérêt politique, était de maintenir un état de choses, que pourtant il ne tolérait plus chez lui.
Il en résultait que, ne pouvant supprimer la commune, nos ducs la décapitaient volontiers, c'est-à-dire qu'ils substituaient au maire élu dont ils avaient à se plaindre, un de leurs propres officiers. Donc, quand pour punir ce qu'ils appelaient une injure à leur autorité, réprimer un excès de pouvoir, ou bien mettre fin à des querelles intestines, nées presque toujours de compétitions électorales, nos ducs mettaient la main sur la mairie le bailli de Dijon se faisait ouvrir les portes de la Maison au Singe, et siégeant sur la chaire magistrale, il faisait lire sa commission, saisissait de fait les évangiles et les sceaux, faisait arborer les pannonceaux du prince au-dessus de la porte et ne quittait la place qu'après avoir investi un de ses officiers du gou(1) U62. K. Maison au Singe.
(2) 1460 M. Parties de compte.
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vernement de la mairie, lequel administrait la commune de concert avec les échevins, jusqu'à ce qu'il plût au souverain de lever sa main, ce qui s'accomplissait avec la même solennité (1).
C'était aussi dans l'auditoire, qu'avait lieu chaque année la cérémonie de l'installation du vicomte mayeur. Lorsque le nouvel élu, proclamé au cimetière de Saint-Bénigne et confirmé par le bailli, avait prêté sur l'autel de NotreDame, « en présence du précieux corps Dieu, » le serment de remplir avec fidélité le mandat dont il venait d'être investi, le corps municipal, les officiers des paroisses et les habitants l'amenaient à l'auditoire en grand appareil. Il prenait possession de l'autorité en jugeant une des causes portées au rôle. Cet acte était suivi du renouvellement des pouvoirs des portiers, toujours choisis parmi les plus notables bourgeois. A cette époque, où la défense de la ville demeurait uniquement confiée au courage des habitants, la garde des portes était l'objet d'une surveillance qui ne pouvait être mieux exercée que par les plus intéressés à la conservation de la cité. Ces mandataires devaient donc veiller à l'entretien de leur porte respective et des fortifications qui en défendaient les abords, s'assurer de la vigilance des gardiens et apporter chaque soir leurs clefs à l'hôtel du maire, pour les reprendre le lendemain à l'heure de la messe du matin, sonnée à l'église Notre-Dame. Comme rémunération d'un service aussi attachant, ils étaient autorisés à percevoir certains droits sur les denrées qui pénétraient en ville.
Le tournier ou geolier, revêtu de sa robe aux livrées de la ville, se présentait ensuite. Il déposait ses clefs sur le bureau du vicomte mayeur et ne les reprenait qu'après avoir juré de bien garder les prisonniers remis à sa surveillance et de ne les mettre en liberté sans licence des magistrats. Puis venaient les sergents, aussi en robes de livrées, qui déposaient également leurs verges devant le maire et prêtaient serment de remplir fidèlement leur office.
On procédait enfin à l'amodiation des fermes de la commune. Au xve siècle, elles comprenaient seulement les halles, la poissonnerie, la charbonnerie, (1) Archives départementales. Chambre des comptes de Dijon. B 11,266, f° 39 V. – Archives municipales, série B. 1.
les moulins de Suzon, les prisons, quelques places communales, le reverchage des porcs (1) et, chose singulière, la maison des fillettes communes. Puis, la délivrance finie, le maire levait la séance par une distribution de pain, de vin, de cerises au populaire, qui ne faisait jamais défaut à cette partie de la cérémonie (2). C'était ce que Millotet appelait encore au xvne siècle Faire des libéralités au peuple (3).
Le bâtiment en face de l'auditoire et adossé à l'hôtel de la Trémouille était, comme je l'ai dit, réservé à la Chambre du Conseil et à l'audition des comptes. Il fut élevé de 1410 à 1412, en bois et en torchis (4), n'ayant qu'un rez-de-chaussée de seize pas de large, avec combles mais comme il devint bientôt insuffisant, la mairie, faute de l'espace nécessaire, le suréleva d'un étage, vers 1432, en même temps que l'auditoire qui lui faisait face (5). Ces deux étages furent alors desservis par une vis en pierre formant tournelle (6), coiffée d'un toit en tuiles plombée (7), qu'on bâtit dans l'encoignure de la cour, à droite de la porte d'entrée (8). Son huis était protégé par un « chappot (9). » Cet escalier débouchait non point dans la salle même du Conseil, qui lui était contiguë, mais sur une galerie couverte qui régnait tout le long des façades, de manière à assurer une communication de plein pied avec toutes les parties de la maison (10). Ainsi, la galerie de gauche (1) C'est-à-dire le renversement des porcs mis en vente, afin de s'assurer par l'inspection de la langue s'ils n'étaient pas infectés de ladrerie. Le préposé à cet office prit plus tard le nom de « languayeur. n (2) Au xvie siècle, certains maires parcimonieux, ayant voulu esquiver cette redevance, les vignerons et gens de labeur, adressèrent une requête au Parlement contre cette infraction à la coutume, et ils obtinrent gain de cause. Cette prestation consistait ordinairement en sept tines de vin (vaisseau de bois dont on se servait aux vendanges pour transporter le vin du pressoir à la cave), sept douzaines de pains, sept jambons et sept benatons de cerises, qu'on allait manger aux halles. Reg. des délibérations de l'année 1558. (3) Tous ces détails sont emprunl és aux Registres des délibérations de la Chambre de ville, qui débutent tous par le procès-verbal de l'élection du Maire et des Echevins.
(4) Arch. munie Série B, Registres des délibérations de ces années et K. 1411, 1412, 1415. Maison au Singe.
(5) 1432, 1434, 1434. K. Maison au Singe et M. Parties de comptes.
(6) 1434, 1482, 1492. Idem.
(7) 1434. Idem.
(8) 1434. Idem. Le dessous de cet escalier, qui était fermé par une porte, servait à renfermer les batons invasifs de la ville. » 1488. K. Maison au Singe.
(9) 1434. K. Maison au Singe. (10) 1432, 1434. K. Maison au Singe.
passait par dessus la porte d'entrée, dont elle desservait l'étage. Les treize fenêtres qui l'éclairaient à son passage au-dessus de la porte (1) indiquent qu'elle était éclairée des deux côtés, ce qui suppose qu'elle servait de promenoir ou de salle d'attente. – On retrouvera la même disposition à l'hôtel Rolin. Quant à la galerie de droite, elle ne dépassait pas non plus la façade du bâtiment de la Chambre. Seulement, lorsque par un degré de bois pratiqué dans le bucher contigu à la Chambre des comptes, on parvenait au galetas (2) un huis ouvrant sur une galerie supérieure, établissait une communication avec la maison des prisons, dont elle suivait la galerie haute jusqu'à la tour qui servait de logis au geolier (3).
Bien que de dimension moindre et d'une décoration plus modeste que celle qui lui succéda à l'hôtel Rolin, la Chambre du Conseil était encore digne de recevoir les élus de la cité. Si le pavement était en dalles, qu'on jonchait de paille à l'occasion, en revanche, ses parois en galandages disparaissaient sous des courtines de laine bleue semée de fleurs de lys jaunes (4), que relevait encore un beau tableau donné par l'échevin J. Murgault, représentant les quatre évangélistes (5). Une cheminée, dite « chauffedoz, » occupait une des faces (6). La chaire du maire y était adossée devant un bureau recouvert d'un tapis fleurdelysé (7) à l'autre extrémité duquel siégeait le scribe de la ville (8). Les échevins, les Conseils, le procureur syndic et les prudhommes prenaient place sur les « archebans (9) » du pourtour, qui étaient garnis de carreaux « emplumés de même étoffe que le tapis et bordés en corduan rouge (10). La Chambre « a ouyr les comptes, » séparée de celle-ci par une petite antichambre commune (11), qui devait servir aux buvettes dont nos pères (1) 1439. Arch. munie. K. Maison au Singe.
(2) 1415, Idem.
(3) 1485, 1492, 1495 Idem.
(4) 1487. Idem.
(5) 1482. Chambre de ville, Mobilier K, 1518. Maison au Singe.
(6) 1488, 1495, K. Maison au Singe.
(7) 1492. Idem.
(8) 1487. Idem.
(9) 1488, 1497. Maison au Singe. Ces meubles servaient à la fois d'arches (coffres) et de bancs pour s'asseoir.
(10) 1492 K. Maison au Singe.
(11) 1445, 1485, 1493 K. Maison au Singe.
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faisaient une large consommation (1), n'étalait pas un aussi grand luxe. Elle avait bien aussi ses vitraux armoyés (2), son « chauffedoz » avec un « ostevent à deux ventaux pour se garantir du froid de la porte (3), mais la tapisserie était remplacée par des aumaires (4) et des buffets (5). Seulement, au lieu de dalles, son plancher étincelait avec ses carreaux émaillés, fabriqués à Aubigny, « à la devise du levrier et du cerf (6). » Un bureau de huit pieds de long sur quatre de large, occupait le milieu de la pièce, et son tapis vert (7) disparaissait sous les papiers et les parchemins qui l'encombraient, de même que les jetoirs pour la vérification des comptes et sept paires de bésicles, achetées six blancs, et destinées aux auditeurs dont les yeux étaient affaiblis (8). Ce bureau était en outre flanqué de deux bancs. Celui à dossier de même forme que ceux de la Chambre des comptes des ducs, était destiné au maire et aux échevins (9) l'autre, simplement « tournis et garni de sa perche, recevait le contrôleur, le receveur, les auditeurs des comptes ou bien, lorsqu'il s'agissait de « geter » l'impôt, les répartiteurs et les collecteurs des paroisses (10).
A l'extrémité du passage dont j'ai parlé plus haut, une porte massive avec un guichet orné d'un lourd marteau (11), marquait l'entrée de la prison, dont le bâtiment, c'est-à-dire l'ancienne Maison au Singe, s'élevait au fond d'une cour intérieure qui servait de préau (12). Cette maison, bâtie sur le mur même du castrum, qui la séparait au Midi d'une maison de la Sainte-Chapelle (13), faisait un retour d'équerre et s'adossait à l'hôtel de la Tré-
(1) Arch. munie. B. Chambre de ville. Buvettes.
(2) B. 1446, 1484, K. Maison au Singe. 1445, M. Parties de comptes.
(3) 1443 B. Chambre de ville. Mobilier. 1488 K. Maison au Singe.
(4) 1443 B. Chambre de ville. Mobilier. 1488, 1500. K. Maison an Singe.
(5) 1443, 1487. B. Chambre de ville. Un de ces buffets était en forme d'escabelle.
(6) 1446 K. Maison au Singe.
(7) 1446 M. Parties de comptes.
(8) 1487 K. Maison au Singe.
(9) 1445-1446. M. Parties de comptes et B. Mobilier de la Chambre de ville.
(10) 1446. M Parties de comptes.
(11) 1493, 1497 K. Maison au Singe.
(12) 1462, 1497 K. Maison au Singe.
(13) 1416 M. Parties de comptes et 1446, 1448 K. Maison au Singe.
mouille (1). Elle consistait primitivement en un rez-de-chaussée en surélévation du sol, un étage et des combles, auxquels on ajouta un nouvel étage en 1446. Une tour à quatre pans, qui avait vraisemblablement succédé à une tour gallo-romaine, affrontait la rue des Singes (2), tandis qu'une autre tour, appelée la « Tournote du Crot (3), » s'élevait à l'intersection des deux portions de l'édifice et aussi sur l'ancien mur d'enceinte. Le toit était recouvert en tuiles blanches, noires, vertes et rouges, et ses arêtiers en plomb, décorés de « pommeaulx et de bannerottes (4). »
Néanmoins, c'était un bâtiment du plus sinistre aspect, tellement que les magistrats, qui ne péchaient point par excès de sensibilité et qui n'avaient rien épargné pour lui imprimer ce cachet, tenaient conseil le moins qu'ils pouvaient dans son enceinte. Ils lui préféraient de beaucoup le couvent des Jacobins ou le cloître de la Sainte-Chapelle. En effet, vu de la cour, il présentait une noire façade irrégulièrement percée d'étroites ouvertures fortement treillissées (5), devant lesquelles couraient deux galeries couvertes, desservies par une vis en bois placée à l'angle de la cour (6).
Le geolier ou « tournier » habitait le rez-de-chaussée de la tour à quatre pans, dont les fenêtres donnaient sur la rue et sur la cour en face de l'auditoire (7). Le premier et le deuxième étage renfermaient les détenus (8). Au-dessus se trouvait un colombier (9). A la fenêtre du premier étage, qui donnait sur la rue des Singes (10), était suspendue par une chaîne la boîte en fer, destinée à recueillir les aumônes, « que les bonnes créatures » voulaient donner aux prisonniers (11). (1) 1416. Registres des délibérations 1415, 1416, 1417. Parties de comptes. 1413, 1416, 1434 K. Maison au Singe.
(2) 1506. Arcti. munie. K. Maison au Singe.
(3) 1416, 1429, 1492. K. Id.
(4) 1466. K. Id.
(5) 1410, 1433, 1480, 1509, 1511. K. Id.
(6) 1415,1436. 1466, 1470. K. Id.
(7) 1396, 1397, 1429, 1466, 1467, 1489, 1493. K. Id.
(8) 1466, 1472, 1490, 1491. K. Id.
(9) 1429, 1474, 1491, K. Id.
(10) 1490 K. Id.
(11)1482, 1512 K. Id.
Un petit corps de logis, formant comme une courtine entre les deux tours, servait, au rez-de-chaussée, de prison pour les femmes (1), et on parquait le jour tous les détenus dans une grande salle qui occupait l'étage supérieur (2), et qu'on appelait la Chambre de Limosin (3).
La tour, ou plutôt la tournote (4), qui suivait, marquait l'endroit où avait été creusée « la fosse ou le crot » destiné aux a prisonniers criminels (5). Ce « crot, » l'épouvantail des malandrins du pays, consistait en un caveau souterrain, de forme circulaire, ayant un diamètre de 6 mètres sur 5 mètres 40 de hauteur (6), entièrement revêtu d'épais madriers (7). On y pénétrait de la cour, par un escalier droit d'une vingtaine de marches (8), dont deux lourdes portes munies de guichet défendaient l'accès (9). Quatre énormes chaînes étaient scellées aux murailles (10), et de chaque côté une paire de « ceps » entr'ouvraient leurs tenailles, pour entraver les malheureux qu'on y amenait.
Ces ceps, dont il est si souvent question dans nos annales judiciaires, se composaient d'un banc à dossier en charpente, au-devant duquel était une pièce de bois échancrée pour recevoir les cuisses. L'homme étant assis les pieds enchaînés, on rabattait devant lui une autre pièce, tenant à la précédente par une charnière, et échancrée aux mêmes endroits. On arrêtait ces deux branches au moyen d'un cadenas, ce qui ne laissait plus au prisonnier que la liberté de s'adosser ou de s'accouder (11).
La chambre sur le crot, celle de l'étage, étaient réservées aux détenus (12). La portion de la maison contiguë à l'hôtel de la Trémouille, renfermait (1) 1473. Arch. munie. K. Maison au Singe.
(2) 1485. K. Maison au Singe.
(3) 1492. K. Maison au Singe.
(4) 1416. Parties de comptes. M. 1429, 1492. K. Maison au Singe.
(5) 1466. K. Maison au Singe.
(6) 1466, 1467. K. Maison au Singe.
(7) 1407, 1408. M. Comptes du Receveur et K. Maison au Singe.
(8) 1482. M. Parties de comptes.
(9) 1413. M. Comptes du Receveur. 1408, 1469. K. Maison au Singe.
(10) 1408, 1490. K. Maison au Singe.
(11) 1490 K. Maison au Singe.
(12) 1466, 1469, 1491, 1492. K. Maison au Singe.
au premier étage une chambre de détenus (1) et la chapelle, érigée seulement vers 1460. Déjà en 1436, la mairie, pour seconder les pieuses intentions d'une « bonne personne, » avait consenti à ériger un autel pour la desserte de trois messes par semaine qu'elle voulait fonder mais qui dura peu, puisqu'en 1465, Jean Gérard, chanoine de la Sainte-Chapelle, mu de pitié envers ces malheureux privés des consolations de la religion, obtint de la mairie, la permission d'y placer un autel, qu'il décora d'une image de Notre Dame (2). Pierre Marriot, sous la magistrature duquel cela se passait, ayant, l'année suivante, agrandi les prisons devenues insuffisantes (3) depuis qu'indépendamment de ceux de la justice municipale, le bailli de Dijon y logeait ceux du duc Pierre Marriot, dis-je, convertit en chapelle une des nouvelles salles, puis, de concert avec sa femme, Marguerite de Poupet, non-seulement il y fonda soixante-trois messes par an, mais il la dota de ses principaux ornements (4).
Ses confrères de la Chambre de Ville ne voulurent pas demeurer en reste, ils décorèrent la chapelle d'un beau buffet d'autel (5), de trois grandes (1) 1466. Arch. munie. K. Maison au Singe.
(2) 1463. M. Parties de comptes.
(3) 1466. K. Maison au Singe.
(4) Le souvenir de cette fondation fut consacré par une inscription gravée sur une pierre et placée dans la chapelle. En voici la teneur
LAN MIL CCCC SOIXANTE SEPT PIERRE MARRIOT ESCUIER
JADIS MAYEUR DE DUO ET DAMOISELLE MARGUERITE DE POUPET
SA FÀllE ONT FÔDÉ CElS SOIXATE ET TROIS MESSES CHUN AN
ASSAVOIR TOUS LES DIMACHE DE LA A CHUN DESD JOURS UNE
MESSE LE. JOr DE LA. NATIVITÉ NRE S UNE ES V FESTES DE NRE DAME CHUN DESD JORS le. MESSE LE }' DE TOUSSAINS !• LE JOr DU S SACREMAT i« LE JOr DE S JEHA BAPTISTE 1" LE JOr DE S .PIERRE ET S POL 1« ET LE JO' S SYMÏÏ ET JUDE 1'. ET FEURENT DONES PAR LES FODEURS LE CALICE DARGENT ORNEMS ET AUTs HABILÉMS POr DESSERVIR LESD.
MESSES LESQUELS MESS" LES MAYEURS ET ESCIIEVINS DOIVET
DORESNAVAT ËTRETENIR ET MAÎTENIR PRES PO' LES FÔDEURS.
Lors de l'abandon de la Maison au Singe par la mairie, on transporta cette inscription au nouvel hôtel de ville et on la plaça au-dessus de la porte de l'auditoire, qui communiquait avec la chapelle de la prison. Elle y est restée dans son encadrement, soutenu par deux consoles décorées des armes de P. Marriot (3 boutons de fleurs) et de Marguerite de Poupet (un chevron accompagné de 3 aiglettes). (5) 1466. K. Maison au Singe.
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verrières représentant le crucifiement de Notre Seigneur, une Notre-Dame et saint Jean (1), et ils confièrent aux religieux du Val-des-Choux la desserte des services, dont la direction leur resta (2).
Au contraire, le rez-de-chaussée avait une destination bien opposée (3). C'était là qu'avait lieu l'interrogatoire des accusés, dont la torture était toujours le dernier mot. Aussi en faisait-on un usage tel, que souvent, au xve siècle, et nos registres en font foi, maire et échevins assemblés à la Maison au Singe, alternaient une délibération sur les affaires de la cité avec l'application d'un malheureux à la torture. Et quelle torture ? Un acte de 1411 la définit avec cette effrayante concision « Que l'on face en la Maison de la ville quatre agneaux, pour tirier gens à la courtepinte (4) D Un peu plus loin a Que Pierre de Salins soupcionnez d'avoir dérobé à Simon le Tisserand, soit mis en l'echielle et qu'on lui donne à boire (5). » C'était, comme on le voit, la question de l'eau et de la corde (6), et voici, d'après nos documents, comment on l'appliquait. Le prévenu refusant de faire des aveux ou n'en faisant que d'incomplets, on l'attachait sur un banc ou sur une courte échelle. Quatre cordes, fixées à des anneaux (7) scellés à la muraille, tenaient ses bras et ses jambes écartées et dans la plus grande tension possible. On l'adjurait alors de dire la vérité et, sur son refus, le tourmenteur lui serait les narines et lui versait à petites gorgées dans la bouche le contenu de plusieurs pintes (8). S'il persistait, on doublait la dose en exerçant une tension plus énergique au moyen de chevalets qu'on glissait sous les cordes. Parfois, quand le prévenu était recommandé, ou si l'on voulait obtenir des aveux par l'appareil seul de la torture, on se contentait de l'attacher sur l'échelle et de lui jeter de l'eau au visage ou sur le ventre, (1) Arch. munie. 1466, 1474, 1503. K. Maison au Singe.
(2) K. Pièces relatives à la Maison an Singe. Quittances données par les religieux.
(3) 1490, 1466, 1493. K. Maison au Singe.
(4) Registres des délibérations, 1411.
(5) Id.
(6) 1403. M. Parties de comptes K. Maison au Singe. C. Procès criminels. Registres de Justice. (V) Registre des délibérations de 1411.
(8) Idem.
•1
« quitte à le gehinner le plus gracieusement possible, » si ces moyens d'intimidation ne réussissaient pas (1).
Au milieu du xve siècle, l'appareil de torture fut modifié (2), en ce sens que les deux pieds furent attachés ensemble à une grosse corde qu'on passait dans une boucle scellée tout près du sol, et qu'on tirait à force de bras. On y substitua, en 1487, un treuil autour duquel s'enroulait cette corde, et on abandonna la question à l'eau. Du moins, nos documents n'en font plus mention.
A cette époque où la mairie n'avait point de questionnaire en titre, le premier venu, parfois les sergents, le bourreau peut-être, en tenaient lieu (3). Or, avec un appareil aussi énergique entre des mains inexpérimentées, la question préalable, qui n'était en définitive qu'un procédé d'instruction, dégénérait souvent en supplice, au grand effroi des magistrats qui, toujours préoccupés de l'intervention de la justice supérieure, n'épargnaient rien pour en dissimuler la trace. Ils n'y réussissaient pas toujours, témoin l'animation avec laquelle ils poursuivirent un des leurs, Jean Félix, solliciteur des causes du Roi. Ils l'accusaient ouvertement d'avoir poussé les habitants à refuser l'impôt, mais son véritable crime était d'avoir dit à Jean d'Amboise, évêque de Langres et lieutenant général du Roi en Bourgogne, que pour contraindre Antoine Michelot à renoncer à un appel, « ils l'avaient tellement « gehinné et tiré, qu'il en estoit affolé de sa personne. Ce dont on ne « devait s'émerveiller, car cela leur arrivait souvent, notamment pour un « personnage étranger qui, à force d'avoir esté géhinné, avoit eu les membres « rompus, et porté à l'hôpital de Notre-Dame, y estoit mort et y avoit esté « enterré de nuit, pour cacher ce maléfice (4). »
La question à la corde fut remplacée, au xvie siècle, lorsque la mairie s'installa à l'hôtel Rolin, par celle dite « du moine de camp (5), » qui en (1) Arch. munie. Registre des délibérations de 1403, 1168 et Registres de Justice, procès criminels. (2) 1487. Arch. munie. K. Maison au Siuge.
(3) Id. C. Procès criminels.
(4) Id. B 20. Chambre de ville, n» 25.
(5) 1534, 1591. Id. K. Pièces relatives à l'Hôtel de ville.
était une variété. Je me propose de la décrire ici, pour en finir avec ces tristes souvenirs de notre ancienne criminalité.
Dans la question du moine de camp, l'accusé, après les adjurations ordinaires, était attaché par les pieds et par les mains à une boucle en fer scellée dans une pierre d'un poids considérable (1). Dans cette situation, on lui passait autour du corps une corde fixée à un cable qui descendait d'une poulie fixée au plafond, au-dessus même de la pierre (2\ Ce cable s'enroulait au moyen d'un crampon (3), sur le tambour d'un treuil en forte charpente arrêté dans un massif en maçonnerie (4).
L'extrémité de ce tambour, qui touchait à la muraille, était revêtue d'une roue dentée en fer armée d'un déclic (5).
Quand donc, sur l'ordre du juge, le tourmenteur mettait le treuil en mouvement, il s'arrêtait à chaque cran pour donner le temps au juge d'interroger le patient, et il continuait jusqu'à ce que le corps du malheureux, distendu et suspendu, entraînât la pierre à laquelle il était attaché. C'était là la question ordinaire. Pour celle dite extraordinaire, on se servait d'une pierre encore plus lourde (6).
Nos documents nous apprennent qu'au xvie siècle, alors qu'on ne connaissait encore ni éthers, ni vinaigres concentrés, on faisait respirer aux malheureux pâmés à la suite de la question, de l'eau ardente (7), c'est-à-dire une solution d'eau forte à la dose supportable par le patient. On leur administrait aussi des bols ou des pilules de savon rouge, c'est-à-dire rougi avec du cinabre, afin de rendre aux parties le mouvement qu'elles avaient perdu (8). La question du moine de camp est celle dont on se servait au Parlement. L'une et l'autre furent en usage jusqu'à l'édit de Louis XVI (1788), qui l'abolit avec toutes les autres.
(1) Arch. munie. 1592, 171*, 1739. K. Pièces relatives à l'Hôtel de ville.
(2) 1516, 1683, 1714, 1732, Id.
(3) 1516. Id.
(4) 1510, 15iO, 1624. K. Pièces relatives à l'Hôtel de ville, et L. Comptes du Patrimoine. (5) 1534, 1732. K. Pièces relatives à l'Hôtel de ville.
(6) 1739 Id.
(7) Registres des délibérations, 1575, 2 août.
(8) Dictionnaire de Trévoux.
Le dernier questionnaire avait 200 livres de gages et la mission de fustiger sans rétribution les condamnés par forme de correction, dans l'intérieur et sous le custode des prisons (1).
Pour revenir aux prisons de la Maison au Singe, il me reste à dire ici quelques mots de leur gouvernement intérieur et du régime imposé aux prisonniers. C'est un côté curieux et encore bien peu connu de nos institutions judiciaires, et à ce titre il mérite de nous arrêter quelques instants.
Dans le principe, alors qu'une des tours de la ville tenait lieu de maison de détention, prévenus et condamnés étaient entassés, sans distinction de sexe, dans un espace resserré, et livrés à la discrétion du geolier qui, n'ayant d'autre responsabilité que de les représenter à la justice, les rançonnait à merci. L'établissement de la prison dans la Maison au Singe fut donc un premier adoucissement apporté à ce régime barbare. Placée désormais sous l'œil des magistrats, ceux-ci y apportèrent peu-à-peu les améliorations compatibles avec l'état des mœurs de la société d'alors. Le nouveau local, plus étendu, permit tout d'abord sinon d'établir des logements plus sains, et surtout de séparer les sexes.
Afin de mettre un terme aux exactions du gardien et avoir en même temps une part dans les bénéfices considérables qu'il réalisait, le maire convertit le géolage en ferme (2) et imposa au preneur un tarif et une règle qu'il lui fut défendu d'outrepasser (3).
Les prisonniers furent alors divisés en deux catégories ceux constitués par autorité de justice, payèrent au geolier un droit d'entrée de 12 deniers et autant pour la sortie.
Ceux arrêtés par mesure de sûreté publique, en temps de guerre, ou envoyés en prison pour des fautes légères, en furent exempts.
Mais tous, sans exception, devaient payer, à leur entrée, la cimaise de (1) 1717. 1783. K. Hôtel de ville et L. Comptes du Patrimoine.
(2) La première amodiation connue remonte à 1432. Elle eut lieu pour quatre ans et moyennant 240 francs par an.
(3) Règlement du 26 juin 1452.
bienvenue à leurs co-détenus, avec défense au geolier d'y rien prétendre, non plus qu'aux aumônes qu'on distribuait.
En revanche, il prélevait chaque soir deux blancs pour le gîte et la garde du prisonnier étranger à la ville, et un seulement de l'habitant.
L'étranger qui vivait à sa table lui payait un blanc par soir, et l'habitant la moitié.
Cependant, les uns comme les autres, avaient la faculté de se faire apporter leur nourriture du dehors, sans que le concierge put s'y opposer. Il devait seulement s'assurer s'il n'y entrait rien de suspect, et interdire cette faveur aux criminels et à ceux « pour lesquels il y avait défense de non parler. Dans ce cas, on lui remettait les vivres, et il jurait de les e bailler loyalement, » sans en rien réserver.
Si le détenu n'avait pas d'argent, le geolier était en droit de le retenir jusqu'à l'entier payement de son dû, la mise en liberté eut-elle été prononcée par la justice. En cas seulement d'indigence bien reconnue, la mairie prenait cette dépense à sa charge.
Quant aux mesures de sûreté prises pour empêcher les évasions qui, dans certaines circonstances, pouvaient entraîner la peine de mort; on se contentait d'enferrer les criminels et de mettre au « crût » les récalcitrants et les plus dangereux. Le reste était rassemblé le jour dans une grande salle, au-dessus de la chambre des femmes (1), et parqué le jour dans des chambres garnies, pour tout mobilier, de grands chalits en bois avec une paillasse sur laquelle les détenus se couchaient par deux ou trois, selon le nombre $). De la paille dans un coin du crot, recevait ceux qui y étaient enfermés. Pour que le règlement que nous venons d'analyser, si primitif qu'il fût, put, sinon mettre fin à des abus invétérés, du moins en atténuer l'excès, i 1 eut fallu une surveillance continuelle et sévère, ce qui n'était pas possible avec une administration aussi variable que la mairie de Dijon, qui se renouvelait pour ainsi dire chaque année. Or, comme la ferme des prisons ne manquait jamais d'enchérisseurs, le preneur, pour peu que la mairie parut (1) 1485. Archiv. munie. K. Maison au Singe.
(2) 1467. Id
fermer les yeux, trouvait toujours moyen d'esquiver le règlement, et, partant, d'augmenter ses bénéfices aux dépens des détenus. On vit parfois les geôliers convertir la prison en « lieu public, où toutes manières de gens repairiaient ( 1 ) » D'autres essayèrent d*en faire une succursale de « la Maison des Fillettes (2). » Dans tous les cas, et qu'ils fussent tolérés ou non, ces rapports directs entre les détenus et les gens du dehors déroutaient toute surveillance et favorisaient les évasions, qui y arrivaient souvent, nonobstant la peine terrible dont on les punissait (3).
Pourtant, et bien qu'ils n'apparussent qu'à de longs intervalles, il y avait des jours où la prison entrait en liesse. C'était lors de la première entrée du souverain, ou des princes de sa maison. En effet, lorsque le duc, son serment prêté à Saint-Bénigne, avait regagné son palais, le premier chapelain se rendait à la Maison au Singe et faisait mettre en liberté tous ceux qui y étaient enfermés pour cas criminels. Quand Jean-sans-Peur, alors comte de Nevers, sorti des prisons du sultan Bajazet, à la suite de l'expédition de Hongrie, fit sa rentrée à Dijon, aux acclamations d'un peuple qui avait longtemps désespéré de le revoir il vint lui-même à la prison de la ville, accompagné du comte de La Marche, des sires de Vienne, de Pagny, de Chalon, de La Trémouille, du maréchal de Boucicaut, que suivaient un nombreux cortège, et il en jeta « hors, de sa propre main, » tous ceux qui s'y trouvaient (4).
En 1450, Marie de Clèves, nièce du duc Philippe-le-Bon et femme de Charles, duc d'Orléans, en agit de même dans des circonstances qui témoignent, d'abord que le reproche qu'on fait aux avocats de briguer toutes les positions ne date pas d'hier en second lieu, que de tout temps, il a été dangereux de s'attaquer aux gens de robe.
En effet, comme on procédait aux élections municipales, qui avaient lieu, suivant la coutume, au couvent des Jacobins un nommé Philippot Martin, (1) 1452. Archiv. munie. Registres des délibérations de la Chambre de ville.
(2) 1470. C. Procès criminels.
(3) K Pièces relatives à la Maison au Singe. C. Registres de Justice. Procès criminels.
(4) Acte dressé le 23 février 139-j- à l'heure des Vêpres. Registre du secret de la ville. B.
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interpellé par le garde des Evangiles, d'avoir à exprimer son suffrage, s'écria à haute voix II n'y a besoin d'avoir à mayeur, avocat ne procureur qui sont tous des rongeurs. Nous voulons Philippe Machefoing(l) et si on en fait un autre, il y aura des têtes rouges. Martin n'avait pas fini sa motion, qu'il était saisi par les sergents et écroué aux prisons.
Son procès s'instruisait avec toute la célérité qu'y mettait le procureur syndic, et on ne parlait rien moins que de le pendre, lorsqu'on apprit la venue de la princesse. Aussitôt le nouveau maire, Guillaume Chambellan, et les échevins, presque tous gens de robe, sachant que la duchesse avait le droit d'ouvrir les prisons, délibérèrent, pour assurer leur vengeance, de transférer Martin au château de Rouvres et de l'y laisser jusqu'au départ de la princesse. Mais, s'ils se montrèrent âpres à la poursuite, la femme et les amis de Martin ne leur cédèrent point par l'activité de leurs démarches. Arrivée le 10 juillet à Dijon et logée à l'hôtel de la Trémouille, c'est-à-dire à côté même de la prison, Marie de Clèves ne pouvait oublier la prérogative dont elle était investie. Aussi, à peine avait-elle reçu les hommages et les présents du corps de ville, voulut-elle l'exercer en demandant la liberté des prisonniers, et nominativement de Philippot Martin. Les magistrats, qui ne s'y attendaient point, offrirent bien au maître d'hôtel de la duchesse les clefs de la prison, sans parler de Martin mais comme la princesse insistait, en s'étonnant qu'on lui fit attendre « ce qui convenait aux dames, nos magistrats partagés entre la rancune inassouvie et la crainte de heurter une princesse du sang royal, recoururent au chancelier Rolin, qui, en homme avisé, leur fit cette réponse Baillez Philippe à Madame, car c'est son droit. Si ainsi vous ne le faites et le bannissez, le duc à sa requête remettra le ban, et vous perdrez leurs bonnes grâces. Force donc leur fut de s'exécuter, ce qu'ils firent en dissimulant de leur mieux. Ce dont Madame fut bien joyeuse et les remercia grandement (2).
Il y avait encore un autre mode de sortir de prison, bien différent de (1) Garde des joyaux du duc et châtelain de Rouvres. C'était le maire sortant.
(2) Arch. munie. Registres des délibérations et C. Procès criminels.
LES DEUX PREMIERS HÔTELS DE VILLE ~1_ -1-
celui dont nous venons de parler, c'était celui du condamné à mort se rendant au lieu du supplice, et que la mairie environnait toujours d'un cérémonial bien propre à frapper l'imagination.
En cédant à la commune de Dijon ses droits de totale justice, le duc de Bourgogne s'était réservé le droit souverain, celui du glaive, c'est-à-dire de l'exécution des sentences criminelles prononcées par la justice municipale. Bien qu'elle eut le bourreau à ses gages, la mairie ne pouvait l'employer à sa volonté. Quand donc une sentence de mort était prononcée, les magistrats mandaient le prévôt du duc, qui arrivait escorté de ses archers et du bourreau. Le maire descendait dans la cour de la prison et se faisait amener le condamné, auquel on lisait sa sentence. Puis le maire, prenant le patient par la manche, le remettait au prévôt et en demandait acte au tabellion appelé tout exprès. Le prévôt le livrait alors au bourreau, et le cortège se dirigeait aussitôt sur le lieu du supplice (1).
Au commencement du xvie siècle, la mairie, qui aspirait depuis longtemps à sortir de la Maison au Singe, où elle étouffait, saisit avec empressement l'occasion qui lui fut offerte d'acquérir l'ancien hôtel du chancelier Rolin, où elle centralisa bientôt tous les services que l'exiguité de la Maison au Singe l'avait contrainte à disperser dans la ville. Celle-ci fut abandonnée et presque immédiatement mise en vente. Le siège que la ville venait d'essuyer, la peste qui l'avait suivi, les dépenses considérables nécessitées pour la réparation des murailles et de plus les frais qu'occasionnaient l'entretien d'un édifice « antique, obscur et commynant ruyne, » tellement qu'on n'avait pu l'amodier au-delà de 12 livres tous ces motifs déterminèrent la magistrature à s'en défaire. Elle accepta les offres de Pierre de Xaintonge, conseiller au Parlement, et lui céda pour 500 livres payées comptant, « icelle maison des vieilles prisons aultrement dicte et appellée la Maison aux (1) Arch. munie. C. Pièces relatives aux droits de justice et Procès criminels.
» Singes, scituée et assise en la paroisse Saint-Médard, près la maison de » La Trémouille d'une part et la rue commune par le devant et à costière » du long d'icelle d'autre part férant par derrière sur les maisons d'Estienne » Berart et sa femme, avec ses aisances, appartenances et dépendances (1). » Pierre de Xaintonge, qui n'avait eu en vue que l'emplacement, rasa tous les bâtiments, peu compatibles avec la résidence d'un parlementaire, et les remplaça par une habitation, qui, pour être tombée dans le domaine privé, était encore réservée, comme on va le voir, à quelque célébrité. Elle demeura plus de 120 ans dans sa famille. Anne de Xaintonge, fille de Jean, petit-fils du fondateur, y naquit en 1561, et c'est de cette maison qu'elle s'enfuit à Dôle, pour fonder, en dépit de tous les obstacles, un couvent d'Ursulines qui bientôt rayonna dans toute la Frauche-Comté.
Pierre, son frère, reçu avocat-général au Parlement en 1614, résigna, l'an 1641, en faveur de Gaspard Quarré d'Alligny. Etant mort peu après sans laisser de postérité, sa veuve et héritière, Vivante de Brouillard, vendit au même Quarré la maison que celui-ci céda, le 12 mai 1653, à François Baudot, procureur au Parlement, moyennant la somme de 8,400 livres. François Baudot, son fils unique, conseiller maître à la Chambre des comptes, fut élu maire de Dijon en 1690, 1691 et de 1694 à 1702. Durant douze années, les fleurs de lys d'or, qui désignaient, à Dijon, la demeure du vicomte mayeur, décorèrent les deux côtés de la porte de l'ancienne Maison au Singe. Baudot sortit de cette charge, si difficile partout, et à Dijon en particulier, avec la réputation d'un administrateur habile et dévoué aux intérêts de ses concitoyens; et quand après sa mort, arrivée en 1711, La Monnoye composa son épitaphe, il ne fit que consacrer l'opinion de ses compatriotes. François Baudot sacrifiait aussi aux Muses Papillon nous a donné la liste de sonnets, élégies et hymnes qu'il composa ou traduisit mais ce qui lui fait le plus d'honneur, ce sont ses lettres à Pierre Taisand et à de Requeleyne, sur l'ancienneté de la ville d'Autun et l'origine de celle de Dijon. Baudot, en ce qui concerne cette dernière, reprenant le thème commencé (1) Acte reçu Demongeu, notaire à Dijon, le S avril 151-J.
plus d'un siècle auparavant, par J.-B. Richard, prenait texte des antiquités gallo-romaines découvertes par lui. dans sa propre maison, pour faire remonter l'origine de sa ville natale jusqu'au second siècle de notre ère. La Maison au Singe resta dans la famille Baudot jusqu'au 22 frimaire an VII (22 décembre 1798). Elle fut achetée par M. et Mme Miellé, sur Mlles Anne et Pétronille Baudot, en qui s'éteignit un nom respectable et cher à l'édilité dijonnaise.
Jusqu'à cette époque, la Maison au Singe, devenue la maison Miellé, quoique profondément modifiée par des constructions successives, n'avait rien perdu de son ancien périmètre mais le moment approchait où les exigences d'une circulation de plus en plus active, allait lui imposer des sacrifices réclamés depuis longtemps par l'opinion publique.
Quand on jette les yeux sur un ancien plan de Dijon, on voit que la rue qui porte aujourd'hui le nom de Chabot-Charny formait trois sections de rues, de dimensions et de noms différents.– La rue Saint-Etienne, qui n'avait, comme encore aujourd'hui, qu'une largeur de 10 mètres à son origine, sur la place de ce nom, s'élargissait peu à peu, de manière à arriver à plus de 20 mètres, à l'angle de la rue des Jésuites (Ecole-de-Droit), en face de la Maison au Singe. Là tout près de l'endroit où s'élevait jadis la porte Vacange, elle se resserrait brusquement à son milieu pour devenir la rue des Singes c'est-à-dire un véritable couloir qui, au droit de notre maison, avait seulement 4 mètres de large et un peu plus de 9 à son débouché au carrefour des rues du Grand-P autel (Buffon), du Petit-Potet et des Dames Saint-Julien.
Cette dernière, belle et spacieuse, continuait jusqu'au bastion de la porte Saint-Pierre, qui était traversée par un boyau coudé au-delà duquel existait la porte et le pont encore plus étroit jeté sur le fossé.
On voit quels dangers, même en temps ordinaires, offrait la circulation publique dans cette rue étranglée sur deux points de son parcours, de façon à ne permettre que le passage d'une seule voiture. Ils s'accrurent encore davantage, quand elle devint la traverse de la route de lre classe de Paris à Genève, surtout enfin lorsque le parc, acquis par la commune, fut devenu la
promenade favorite des habitants et le lieu obligé de toutes les fêtes publiques. Sous ce dernier rapport, les vieux dijonnais se rappellent encore les accidents nombreux qui ne manquaient jamais d'arriver, lorsqu'une foule pressée s'engageait dans ces étroits défilés.
Ce qu'il y avait de plus regrettable, et de notoriété publique, c'est que si l'administration municipale de 1 794 à l'an VIII, au lieu de se laisser absorber par la passion politique, se fût préoccupée davantage des intérêts de la cité, la question eût été résolue. Elle le pouvait, et dans des circonstances les plus favorables. En effet, le bastion de la porte Saint-Pierre ayant été mis en vente, rien ne l'empêchait de le soumissionner en tout ou en partie? – En ce qui concerne la rue des Singes comme la plupart des maisons situées à l'Est, et provenant de communautés religieuses, devaient être aliénées, il est bien permis de supposer que le gouvernement, qui avait autorisé gratuitement la percée de nouvelles rues au travers, de la plupart des anciens enclos religieux, ne se serait pas refusé à imposer aux acquéreurs des maisons de la rue des Singes la servitude d'un nouvel alignement. Quoiqu'il en soit, l'occasion était manquée, et on pouvait penser qu'elle l'était pour longtemps, vu le mauvais état des finances de la ville, lorsque l'Ecole des Beaux-Arts mit au concours de l'année 1809 un projet de rélargissement de la rue des Singes. Jacques Caumont, qui mourut en 1859, architecte-voyer adjoint de la ville et membre de cette compagnie, remporta le prix. Les plans et le mémoire qui les accompagnait présentés à M. Lecouteulx, préfet du département, déterminèrent ce magistrat à appeler sur ce point l'attention de M. Mole, directeur général des ponts et chaussées et son prédécesseur dans la Côte-d'Or. M. Molé, qui connaissait les lieux, entra dans les vues du Préfet, de telle sorte que le 22 mars 1813, parut un décret impérial, qui ordonnait la démolition aux frais de l'Etat, d'une partie des maisons de la rue des Singes, de façon à donner à cette partie de la traverse une largeur moyenne de 10 mètres. Les événement qui suivirent empêchèrent l'exécution de ce premier projet, qui fut repris en 1819, alors que sur les suggestions de M. Caumont, devenu voyer adjoint, la ville ayant acquis le restant des maisons entamées par ks décret de 1813, une ordonnance royale
du 11 août, porta la largeur à 15 mètres. L'année suivante, la voie était déblayée et une façade régulière prit la place d'échoppes et de misérables masures.
Le redressement de la rue des Singes nécessitait forcément celui de la porte Saint-Pierre. Là encore, l'Etat vint au secours de la ville. Mais cette fois, les choses marchèrent d'autant plus rapidement, que tout le monde était d'accord. En 1822, la mairie saisissait le Préfet de la question en 1823, elle acquérait le bastion et le faisait disparaître en 1826, pour faire place à un nouveau quartier.
Quant à l'ancienne Maison au Singe, l'alignement nouveau lui enleva diagonalement une superficie de 38 mètres 25 centimètres carrés, qui nécessitèrent la reconstruction d'une façade plus régulière que celle qui existait, et le retrait de ce porche qui avait abrité tant de générations. La porte d'entrée fut reportée rue Chabot-Charny.
M. Koch, ancien bâtonnier des avocats à la Cour, est depuis 1838 le propriétaire de cette maison, dont les origines et l'ancienne destination étaient, au commencement du siècle, tellement ignorées que Girault, l'auteur des Essais historiques sur Dijon (1), non-seulement la passait sous silence, mais, ne sachant à quoi rapporter cette singulière dénomination de rue des Singes, avait imaginé d'en faire l'ancien quartier des maîtres couvreurs, parce que, disait-il, le non de Singe était donné populairement à Dijon à tous ces chefs ouvriers.
(1) Essais historiques et biogi aphiques sur Dijon. Dijon, 1814. Victor Lagier. 1 vol. in-12, p. 439.
Depuis longtemps, les magistrats municipaux, trop à l'étroit dans la Maison au Singe, songeaient sérieusement à l'abandonner, lorsque dans le courant de l'année 1500, sous la magistrature de Jehan Aigneaul, ils furent informés du dessein de M. Gaspard de Talaru, de mettre en vente l'hôtel dont sa femme Marguerite, avait hérité de son père Guillaume Rolin, seigneur de Beauchamp. Ils firent donc des offres, qui furent d'autant mieux accueillies que M. et Mme de Talaru n'habitant plus la Bourgogne, se souciaient peu de garder une propriété, dont l'entretien dépassait de beaucoup le revenu (1); qui se trouvait de plus grevée d'un droit de passage au profit des habitants, droit suspendu, il est vrai, mais pour le rétablissement duquel la mairie allait engager un procès. Donc, suivant un acte reçu le 9 décembre par Gastereaul, notaire à Dijon, le marché fut conclu au prix de 3,175 livres. M. de Talaru reconnut la servitude dont l'hôtel était grevé il fit connaître que s'il n'exigeait pas une plus-value, c'était par considération des bons rapports qui avaient toujours existés entre la famille Rolin et la ville. L'hôtel, en effet, était estimé par les contemporains valoir au moins 20,000 livres (2), aussi la mairie, qui le savait bien, prit-elle ses précautions (1) Dans l'acte de partage des biens de la succession de Guillaume Rolin, l'hôtel fut estimé valoir en revenu la somme de 30 titres.
(2) Archives de la ville. K. Hôtel de ville. Enquête de 1502.
ACQUISITION DE L'HÔTEL PAR LA MAIRIE. SA DESCRIPTION ET SA CONVERSION EN MAISON COMMUNE.
L'HOTEL ROLIN
CHAPITRER
1500-1559
H.
pour qu'aucun retard ne fut apporté au paiement. Elle emprunta et s'ingénia de telle sorte qu'au jour nommé et nonobstant le péril des chemins (1), deux échevins et le procureur syndic arrivèrent à Lyon et en rapportèrent une quittance générale et la ratification du contrat par Mme de Talaru(2). Seulement, la mairie avait compté sans François Rolin, seigneur de Beauchamp, frère de Marguerite, qui, désireux de ravoir à bon compte l'hôtel paternel ou de bénéficier de cette plus-value, abandonnée par son beau-frère, prétendit, en vertu du droit lignager, rentrer en possession de la résidence, en remboursant à la ville la somme qu'elle avait payée. Le débat s'engageait devant la chancellerie du duché, quand, informé des démarches tentées par les magistrats vers M. de La Trémouille-Jonvelle, pour le déterminer à leur céder son hôtel joignant la Maison au Singe (3), Rolin, qui en réalité ne voulait que de l'argent, offrit aux magistrats de retirer sa demande moyennant 300 écus qu'on lui paya sur le champ (4).
Néanmoins, la mairie fut encore longtemps sans avoir la jouissance complète de son nouvel hôtel. Dès 1482, le maréchal Jean de Baudricourt, gouverneur de Bourgogne, en avait fait sa « demeurance (5) » son successeur, Engilbert de Clèves, comte de Nevers, et sa femme, s'y étaient réfugiés après l'incendie du Logis du roi, allumé par leurs gens (6), et après eux Louis de La Trémouille y marqua son logis (7). Ce fut seulement après 1511 que les magistrats de la ville purent sérieusement penser à leur installation. Pour parer aux dépenses qu'elle devait nécessiter, « bastir et édiffier, » comme ils le disaient, à l'honneur et réputation de la ville, » le roi Louis XII leur permit, par ses lettres du 22 décembre 1500, de prélever pendant quatre ans la somme de 500 fr. sur le produit des octrois (8). (1) Les routes étaient couvertes de soldats que le roi envoyaient en Italie.
(2) Archives municipales. K. Hôtel de ville.
(3) Délibération de la Chambre de ville.
(4) Idem.
(5) Archives de la ville. K. Pièces concernant l'hôtel de ville.
(6) Idem. Année 1503.
(7) Idem. Année 1506. On achète un banc de 13 pieds de long, pour mettre dans la grande salle où boit et mange M. de la Trémoille, gouverneur de Bourgogne. 1507.
(8) Archives de la ville. Trésor des chartes. K. 33.
Parmi les motifs invoqués par les maire et échevins à l'appui de cette demande, figuraient celui de ne point avoir a une Maison de Ville, honneste » et souffisante pour le traitement des affaires communes et y recevoir les » gens du Parlement. » Or, peu s'en fallut que ces derniers les prissent au mot. Ils étaient, en 1507, réfugiés à Beaune, à cause de la peste, et souhaitaient fort de revenir à Dijon, où ils n'avaient cependant alors aucun auditoire. Le président, Humbert de Villeneuve, qui partageait l'impatience de ses confrères, saisit avec empressement l'occasion que lui offrit l'arrivée à Beaune d'un des échevins de la ville, pour lui insinuer qu'à l'exemple des gens du Mâconnais, qui avaient offert au roi la somme de 10,000 écus pour y ériger un Parlement, ceux de Dijon devraient bien, ou leur céder l'hôtel de Beauchamp, ou leur faire bâtir un auditoire. L'échevin Le Lièvre transmit fidèlement cette communication à ses collègues, lesquels, il faut le dire à leur louange, plus soucieux des avantages réels de la ville que de leur propre commodité, l'accueillirent volontiers (1). Heureusement les choses restèrent en suspens jusqu'à la décision royale de 1511, qui réunit le Parlement et la Chambre des comptes dans le même pourpris et permit enfin à la Chambre de Ville d'aménager à sa volonté l'hôtel de Beauchamp.
L'acte de vente désignait ainsi cet immeuble « Une maison sise en la » rue des Folz, avec ses maisonnements, fonds, meix, caves, cours, jardins, » étables, aisances et appartenances, férant par derrière sur la rue es » Prêtres (2). » En d'autres termes, l'hôtel Rolin, dont l'entrée principale, en face de la rue Saint-Nicolas, n'a point changé, était moins étendu que l'hôtel qui subsiste aujourd'hui sa façade principale sur la rue aux Folz (Jeannin), s'étendait du vestibule actuel jusques au mur séparatif des deux anciennes salles des Commissions départementales, du côté de la rue Guyton Morveau. A partir de ces deux points extrêmes, deux lignes droites aboutissaient sur la rue aux Prêtres (Longepierre).
L'hôtel avait été acheté et construit par Kicolas Rolin, vers 1440 (3). C'était (1) Archives de la ville. Délibération de la Chambre de ville. 1507. «
(2) Idem. Trésor des chartes. K. 32,
(3) A défaut des actes de propriété qui ont disparu, voici le témoignage que nous invoquons à l'appui de
LES DEUX PREMIERS HÔTELS DE VILLE 1
une habitation somptueuse qui lui avait coûté, disent les contemporains, de 15 à 20,000 livres (1). Aussi lui et Guigonne de Salins, sa seconde femme, y résidaient-ils toutes les fois qu'ils venaient à Dijon (2). A cette époque, la rue Guyton Morveau et la partie de celle de La Monnoye, qui borde les Archives, n'étant point encore percées, la rue Saint-Nicolas, qui vient aujourd'hui butter contre la grande porte, traversait l'hôtel de part en part jusqu'à la rue des Prêtres, d'où, par un léger coude, elle débouchait par la rue du Cloître de la Sainte-Chapelle sur la place Saint-Etienne (3), c'est-à-dire au centre de la ville.
Rolin, comme il commençait l'édifice de son hôtel, demanda aux maire et échevins la faveur de comprendre cette portion de rue dans sa propriété. Ceux-ci, qui à tout autre eussent opposé un refus formel, n'osèrent se le permettre vis-à-vis d'un homme aussi puissant. Ils stipulèrent seulement le maintien du droit de passage pour les gens de pied et de cheval. Rolin y accéda volontiers (4) mais quand il eut acquis la conviction que lui et Mrae Guigonne ne pouvaient se présenter aux fenêtres (5), sans exciter la curiosité des passants, et ils étaient nombreux, surtout les jours de marché (6), il voulut à tout prix s'affranchir de cette servitude, et dans ce but il proposa notre dire En 1436, Liénart Ducret, auditeur aux Comptes et voisin immédiat de l'hôtel Rolin est le seul 1 habitant de la rue aux Fols porté comme exempt dans le Rôle de l'aide octroyé au duc par les Etats (Archives de la ville. Reg. n° 6). En 1443, un rôle semblable (Reg. n° 8) désigne la maison Ducret et ensuite l'hôtel du chancelier.
De plus, les Rôles des marcs de la ville, conservés aux archives du département, pour les années 1424, 1432 et 1433 (B. 11,584, 11,585, 11,586), mentionnent seulemeut Ducret parmi les exempts en leur qua'ité d'officiers ou commensaux du duc. L'hôtel Rolin ou de Beauchamp ne figure que dans ceux postérieurs à 1465. J'ignore donc d'après quel document M. Maillard de Chambure, successeur de M. Boudot, a écrit dans sa notice sur les archives, que l'hôtel avait été construit vers 1298.
(1) Arch. munie. K. Hôtel de ville. Enquête de 1502.
(2) Idem.
(3) Idem. Les témoins déposent que plusieurs fois, lors de la Fête-Dieu, la procession de la paroisse Saint-Michel, dont l'hôtel formait la limite, usa d'un droit de passage commun à tous les habitants. (4) Idem.
(5) Idem.
(6) Le marché au blé se tenait rue Proudhon, jadis du Vieux-Marché. Un passage qu'on appelait le treige de la Fleur de lys, établissait une communication entre le marché et les halles de Champeaux, qui couvraient l'Ilot circonscrit entre la rue Saint-Martin, la rue Chaudronnerie et la rue Saint-Nicolas, entre cette dernière voie et le coin des Cinq-Rues.
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à Liénart Ducret, auditeur des comptes, son voisin immédiat du côté de NotreDame, de lui vendre sa maison moyennant 1,000 riders (1), dans l'intention disait-il,. de la démolir et d'y pratiquer une autre rue en remplacement de celle qui lui avait été cédée. Malheureusement, la négociation échoua (2), de telle sorte que le chancelier en fut réduit à solliciter des magistrats la permission de tenir ses portes fermées, durant tout le temps qu'il passait à Dijon. La même faveur fut octroyée à son fils Guillaume, qui avait été capitaine de la ville. Puis, quand les gouverneurs s'y établirent, non-seulement ils usèrent de cette faculté, mais ils l'aggravèrent en supprimant complètement le passage. C'est donc contre cette usurpation favorisée par les propriétaires de l'hôtel, que la mairie voulait réagir, et qui fut, comme on l'a vu, une des causes déterminantes de l'aliénation consentie par M. et Mme de Talaru (3). Avant donc de retracer les modifications successives apportées par la magistrature dijonnaise dans cette résidence où elle allait désormais régner sans partage; je me propose de faire connaître, à l'aide des documents rassemblés sous mes yeux, des portions de l'édifice que j'ai vu debout et de ce qui a survécu, en quoi consistait l'ancienne résidence du chancelier, lors de la cession qu'en fit sa petite-fille.
La façade principale, qui avait, comme le porte l'acte de vente, son aspect sur la rue des Fols, consistait en quatre corps de logis de dimension et d'alignement différents (4^, savoir la loge du portier, les deux corps de bâtiments consacrés à l'habitation principale et les étables. Tous avaient un rez-de-chaussée, un étage et des combles éclairés par des louvres en manière de fenêtres « flamances » (5), et uniformément couverts en tuile vernissée noire et blanche (6).
La porte d'entrée, qui n'a point changé, s'ouvrait en face de la rue du Pilori. Elle était surmontée d'un écu en pierre sur lequel se détachaient les trois clefs de Rolin (7).
(1) Monnaie d'or de Flandre qui valait 24 sols de monnaie blanche (Ducange).
(2) Enquête de 1502. (3) Idem..
(4) Voir l'ensemble des pièces relatives à l'hôtel de ville, série K des archives municipales et les plus anciens plans de Dijon.
(5) 1518 K Pièces relatives à l'hôtel de ville.- (6) 15C5. Idem. (7) 1510, Idem.
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LES DEUX PREMIERS HÔTELS DE VILLE .1.
Elle donnait accès dans un passage voûté qui traversait le bâtiment (1), pour entrer dans la cour en face la porte de derrière, qui menait à la Sainte-Chapelle (2).
A droite, sous le passage, existait la loge où résidait le portier (3), dont les fonctions n'étaient point une sinécure, alors que les portes, fermées pour une cause quelconque, il lui fallait les ouvrir à toute heure, aux gens peu soucieux de gagner le quartier Saint-Etienne, par les rues du Secret (4) ou de la Serrurerie (5).
Plus loin et toujours sous le porche, l'entrée d'une grande salle basse éclairée par la cour (6).
En face de la loge se trouvaient d'autres salles basses, qui prenaient leurs jours sur la rue et sur la cour. C'était d'abord la grande salle avec sa cheminée monumentale (7), véritable salle des gardes, où se tenaient les gens de service et les archers du chancelier, quand ils n'étaient pas à chercher querelle aux habitants et faire noise dans la maison des fillettes (8). Celle-ci était suivie d'une autre plus grande qui, divisée par des tendues en galandages, servait de cuisine (9) et d'échansonnerie (10). Au delà se trouvaient les étables (11).
En sortant du passage et faisant saillie dans la cour, se voyait à gauche, à l'encoignure d'une galerie dont nous allons parler, la cage carrée à toit aigu de la grande « vis » en pierre, qui desservait les étages supérieurs (12). L'huis en était protégé par un « chappot(13). » Elle débouchait à hauteur du premier étage dans cette galerie. Une grande porte, richement décorée, se trouvait à gauche et donnait entrée dans une vaste salle qui répondait à la (1) 1510, K. Pièces relatives à l'Hôtel de ville. (2) 1504, 1505, 1517,1521. Idem. (3) 1504, 1506, 1510. Idem.
(4) Cette rue commençait à l'extrémité sud de la rue Verrerie depuis la rue Jeannin. bordait le mur du jardin du Paiais, aujourd'hui place des Ducs, et empruntait le tracé actuel de la rue Longepierre, jusqu'à la rencontre de la rue Lamonnoye.
(5) On appelait de ce nom, la portion de la rue Vannerie actuelle comprise ei.tre la rue Jeannin et la place Saint-Michel.
(6) 1506, 1509. K. Hôtel de ville. (7) 1502. Idem.
(8) Registres des délibérations de 1451.
(9) 1503, 1507. K. Hôtel de ville. (10) Idem. (II) Idem. (12) 1510, 1515, 1516, 1519, 1529, 1 531. 154Î. Idem. (13) 1516, 15i6. Idem.
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première salle basse du rez-de-chaussée et ne lui cédait point en grandeur. C'était la Chambre haute (1) ou de « parement, » avec sa cheminée monumentale. Des trois autres portes qui la desservaient, celle à gauche, en entrant, conduisait dans une grande salle dite la Salle Haute (2), qui s'étendait sur le porche, prenait ses jours sur la rue et sur la cour et communiquait avec les chambres qui régnaient au-dessus de la loge (3), dont la principale s'appelait Chambre de Beauchamp (4). Celle de droite conduisait à la chapelle, dont il ne reste aujourd'hui que le fenestrage ogival, et où se voyaient en ce temps deux verrières représentant, l'une « le Crucifiement de Notre Seigneur, » l'autre « l'histoire de M. saint Sébastien. » Leurs a remplages » (compartiments supérieurs) étaient garnis d'anges tenant a les Mystères de la Passion (5). » Enfin la troisième porte, au delà de la cheminée, du côté de la rue des Fols, menait aux chambres d'habitation. L'une, de même grandeur que la chapelle, dont une seule tendue la séparait, regardait sur la rue des Fols, tandis que la chambre derrière la chapelle, située au-dessus des étables, était éclairée sur la rue et sur la cour (6). C'était l'appartement du maître. Après les Rolin, les gouverneurs de Bourgogne Baudricourt, Nevers et La Trémouille l'habitèrent (7). La chambre du fond fut notamment occupée par Charlotte de Bourbon, comtesse de Nevers (8).
Quand on pénétrait dans la cour, on voyait au fond, à droite de la porte de sortie, le bâtiment du four (9) et, séparé de lui par une « vis » (10), un grand « maisonnement » servant à la fois de grange et d'habitation pour les gens de service (11).
Ces deux constructions répondaient, de l'autre côté de la cour, à un grand pavillon trapéziforme (12) construit sur la rue des Prêtres et comprenant une (i) 1502. K. Hôtel de ville. (2) 1502. Idem. ^3) 1504. Idem. (4) 1513. Idem. (5) 1521. Idem. (6) 1502. Idem.
(7) 1483, 1503, 1505, 1506, 1507. K. Hôtel de ville. Cette année, La Trémouille fit enlever le fumier des étables qui infectait tellement la rue aux Fols, qu'il ne pouvait ouvrir ses fenêtres pour regarder dans la rue. (8) Le comte de Nevers y fit faire dans ce but, un huis et un tournevent. 1503. K. Hôtel de ville. (9) Arch. munie. 1502, 1507. K. Piéces relatives à l'hôtel de ville. (10) 1506. Idem. (11) 1506, 1507. Idem.
(12) 1506. Idem. Il avait 10 mètres 80 de face sur la rue des Prêtres, 11 mètres 20 du côté de la
chambre basse sans souterrain, un étage et des combles élevés, dont les quatre arêtiers, dentelés de plomb, étaient surmontés d'une girouette aux armes du chancelier et de sa femme (1). L'étage était desservi par un escalier de pierre dont la cage carrée, presque en face du bâtiment principal, s'ouvrait sous la galerie mentionnée plus haut et dont nous parlerons bientôt (2).
L'énorme pièce de l'étage, coupée en deux par une tendue, était l'appartement de Guigonne de Salins. On voyait encore, en 1832, aux trois fenêtres ogivales qui l'éclairaient du côté de la rue, des fragments de vitraux où se lisait cette devise Je suis seule, alternant avec le monogramme du Christ, des N i Nicolas) et des G (Guigonne), prénoms des maîtres de la maison. Ces deux chiffres, l'étoile et le mot seule, se reproduisaient encore sur les carreaux vernissés du pavement, qui étaient semblables à ceux que l'on remarque dans les salles de l'Hôtel-Dieu de Beaune, fondé comme on sait par ces deux personnages (3).
L'appartement de Guigonne était en communication directe et de plein pied avec la chambre de parement, au moyen d'une galerie en galandage suspendue sur un double rang de robustes colonnes en pierre, dont les chapiteaux, allongés en forme de corbeaux, recevaient les sommiers qui portaient tout l'édifice (4).
Cette galerie, de 10 mètres 40 d'élévation sous toit, avait à la hauteur du premier étage, entre la cage de l'escalier en pierre et la porte d'entrée de la chambre de parement, une longueur de 13 mètres 50 sur 2 mètres 70 de large dans œuvre. Elle était éclairée des deux côtés par quatre verrières (5) et elle déversait ses eaux à l'est sur les jardins et les bâtiments du commun, à l'ouest sur la cour principale, près du puits (6).
cour, 11 mètres 80 du côté de la prison et 12 mètres 20 sur la galerie qui la reliait au corps de logis principal
(1) 1506. K. Hôtel de ville. (2) 1538. Idem.
(3) Tous ces détails ont été consignés dam la Notice de M. Boudot et je puis en constater la parfaite exactitude.
(4) Deux de ces piliers sont encore debout.
(5) Une d'elles repr sentait l'Annonciation. K. Arch. munie. Pièces relatives à l'hôtel de ville. (6) 1506, 1507, 1509, 1515. Idem.
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De plus, une autre galerie, mais plus étroite, établissait une communication sinon directe, du moins de plein pied entre le grand corps de logis, le pavillon et les chambres de la grange. Elle s'embranchait sur la galerie principale, du côté de la chambre de Guigonne, contournait le pavillon, suivait le mur donnant sur la rue des Prêtres, passait par dessus la grande porte de sortie et débouchait dans la « vis » du bâtiment de la grange (1).
Enfin, le jardin s'étendait le long du mur de la rue aux Prêtres entre le pavillon, la grande galerie et les murs qui limitaient la propriété au levant. Il était planté de rosiers, « d'amandeliers » et de cerisiers (2). De l'autre côté et lui faisant face, une cour étroite servait de dégagement aux cuisines et aux étables.
Maintenant, quand on connaît la fortune proverbiale de Rolin et le faste dont, à l'exemple de son maître le duc Philippe-le-Bon, il aimait à s'entourer, on peut s'imaginer quelle vie, quel mouvement régnaient dans toutes les parties de cet hôtel durant le séjour qu'y faisaient les maîtres. Qu'on se représente ces vastes salles aux carreaux noirs et blancs (3) quand, tendues des plus riches tapisseries, remplies de meubles précieux, de vaisselle où l'art le disputait à la matière, elles s'ouvraient pour recevoir les personnages les plus considérables du pays, conviés, par le maître du lieu, soit pour conférer des affaires publiques, soit pour assister à ses fêtes.
Ces splendeurs, il faut le dire, furent de courte durée, car Nicolas Rolin étant mort en 1461, l'hôtel échut à son fils aîné Guillaume, seigneur de Beauchamp, qui résidant plutôt dans l'Autunois qu'à Dijon, en retira la part de mobilier qui lui avait été adjugée, de telle sorte qu'après la réunion du duché à la couronne, lorsque les gouverneurs se logèrent à l'hôtel force fut à la mairie de s'ingénier pour en meubler quelques salles, du mieux qu'il lui fut possible. L'église Saint-Jean consentit bien à lui confier à cet effet ses tapisseries historiées (4); mais pour le reste, elle ne put guère fournir que des (1) 1506, 1529, 1651. K. Arch. munie. Pièces relatives à l'hôtel de ville. (2) 1506, 1515, Idem. (3) 1507 Idem.
(i) Arch. de la ville. K. Pièces concernant l'hôtel de ville. Années 1505,1506,1507.
'ïneubles dépareillés, loués à grands frais, et encore bien peu confortables, puisque tous les chalits avaient leurs sommiers rembourrés avec du -iàrment (1),
,ao Cependant, si gênante que fût cette cohabitation, les magistrats municipaux /n'avaient pas attendu qu'elle cessât, pour s'installer à l'hôtel de Beauchamp. rk peine eurent-ils reçu l'acte de rectification de la vente par Mme de Talaru, qu'ils y transférèrent le siège de la mairie. Le 3 avril 1501, ils inaugurèrent oleur prise de possession par une délibération relative à l'entrée solennelle du .rai Louis XII et d'Anne de Bretagne, laquelle eut lieu le 23 du même mois. àiô Toutefois, comme M. de la Trémouille ne retourna au Logis du roi 1 que vers 1512 (2), nos édiles durent ajourner l'exécution complète de leurs projets. Ils s'étaient contentés jusque là de réparer, d'entretenir ce qui ̃ésistait, de faire transporter petit-à-petit le mobilier et les papiers déposés à .la Maison au Singe (3), de convertir la grange en arsenal (4) et de faire :peindre aux abords des deux grandes portes, des croix et des imaiges, a afin os fd'empescher le dépôt d'ordures, lesquelles sentoient très mauvais et h*! n'estoient pas chose honneste (5). »
ùo Libres enfin de disposer de l'hôtel à leur gré, les maire et échevins ^affectèrent au service des prisons tout le rez-de-chaussée compris entre la igalerie et l'hôtel Moisson. Nous y reviendrons tout à l'heure, et ils disposèrent du surplus comme il suit
ni!* La grande salle basse, sous la chambre de parement, devint l'auditoire de ?• justice et des jours. Afin d'en faciliter l'accès, on ouvrit, en 1510, sous le J-porche, une grande porte monumentale (6), protégée par un tournevent (7). i-On y rapporta de l'ancien auditoire, l'estrade, la chaire du maire, les jiVangiles (8), les a pauseurs » sur lesquels se tenaient les sergents (9), les iiîancs et parmi eux celui établi en 1495 devant les prisons (10). Les verrières 8S3
£^1(1) Arch. de la ville. K. Pièces concernant l'hôtel de ville. Achat d'un buffet de bois fermant à clef, de bancs « tournis garnis de leur perche, de tables, de trétaux, de chaires, d'escabelles et de chalits. 1 507. (2) Idem.
.«>$) Registres des délibérations. 1502. K. Hôtel de ville. 1510. – <*) Idem. 1506. – (5) Idem. 1501. (6) 1510. Arch. munie. K. Hôtel de ville. (7) Idem. (8) Idem. 1516,1518. (9) Idem. 151S –(10) Idem. 1516, 1517.
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des quatre fenêtres furent réparées, une d'elles reçut les armoiries de la ville (1). dia L'inscription commémorative des fondations faites par P. Marriot, pouç:fô chapelle des prisons, fut également distraite de la Maison au Singe et plaçgg au-dessus de l'huis qui, de l'auditoire, communiquait avec la prison (2). ob Au premier étage, « la chambre à oyr les comptes » (3), fut installée dans l'ancienne chambre de Beauchamp, sise en face des appartements. ComDaç elle était assez obscure, on l'éclaira par un jour pris dans la toiture (4)., §a vieille porte fut remplacée par un « huis arrasé par dedans, à panneau^ à double draperie par le dehors » (5), protégée au dedans par un tourne-: vent (6). On y replaça le bureau amené de la Maison au Singe, les aumairg§ qui renfermaient les registres et les pièces comptables (7), puis, quand lç§ bancs, qui étaient garnis en drap vert, maintenu par des bandes clouées d§ cuir rouge, eurent été rembourrés au moyen de feutres gris, de trois doigts d'épaisseur (8); la mairie y ajouta des eseabelles destinées aux échevin,s mandés par les auditeurs (9) et une « escrinie » (écran) fut placée devant la cheminée, « au dos de Messieurs, afin que le feu ne gastat point leurs robes (10). )m Enfin, vers 1538, elle compléta la décoration par deux imaiges, l'une du « Trespassement de Notre-Dame, » l'autre d'un Dieu de pitié, acheté-; à J. Legrenu, vendeur d'imaiges(ll). oq La première grande chambre d'en haut devint la salle d'attente, la grande salle, comme on continua de l'appeler (12), en attendant celui qu'on lui donna plus tard de Salle des Pas-Perdus. On la garnit de bancs, on mit les armoiries de la ville à ses verrières (13), on y déposa les piques qui n'avaient pu prendre place à l'arsenal (14), les seaux pour la rescousse du feu (15) » et les trente cimaises en étain, qui servaient à présenter les vins d'honneur (16).
(1) Arch. munie. K. Hôtel de ville. 1517. – (2) Idem. 1 516. Elle existe encore au même lieu. – (3) Idem. 1510. (4) Idem. 1516. (5) Idem. 1510. (6) Idem. 1510.- ("!) Idem 1510.– (8) Idem. 1510. (9) Arch. munie. B Chambre de ville, mobilier, 1512. (10) Idem. 1508.– (11) Idem. 1538. seqb (12) Arch. munie. K. Hôtel de ville, 1510, 1511, 1517, 1524, 1528, 1548. (13) Idem. 1531.–(14) Idem. 1574. (tb) Idem. 1578.
(16) Chacune contenait la quantité de 6 bouteilles.
LES DEUX PREMIERS HÔTELS DE VILLE n.,lln n..n.4n n~nn4 ,7:n l~n.,n.n. "1.l,n
La grande salle ensuite, c'est-à-dire l'ancienne chambre de parement, située au-dessus de l'auditoire, fut réservée pour tenir les assemblées de la Chambre de Ville. De même qu'à celle des comptes, on remplaça l'ancien huis par un nouveau, décoré de sculptures (1), avec un tournevent surmonté d'une claire-voie (2).
On établit au milieu un parquet (3), au centre duquel on plaça un vaste bureau pourvu d'aumaires à quatre layettes (4), que flanquaient trois longs bancs à dossier, de chacun vingt pieds de long, placés, l'un devant la cheminée, l'autre en face, du côté de la porte, et le troisième du côté de la cour (5). Dans l'encoignure, en face de la porte de la chapelle, s'élevait, élevée d'un degré, la chaire du maire accompagnée de l'indispensable layette des treizaines (G). A droite siégèrent les échevins, suivant leur ordre de nomination, à gauche, les échevins ecclésiastiques députés par les églises, les Conseils de la ville, et lors des assemblées générales, les prudhommes, les notables et les officiers de la milice bourgeoise (7), Quant aux députés que le Parlement déléguait à la Chambre en des circonstances solennelles, ils prenaient place immédiatement à la droite du maire. Par un singulier sentiment d'orgueil de robe, la Cour voulut longtemps exiger qu'un intervalle de deux places fût laissé entre ses délégués et le premier échevin, prétention vivement combattue par la Chambre de Ville, qui finit pourtant par l'emporter (8). Le procureur syndic siégeait à l'extrémité du bureau, en face du maire et à côté de lui, le secrétaire greffier « sur un retour de banc sans dossier. Son clerc l'assistait en dehors du parquet (9).
Ces sièges étaient uniformément recouverts d'une tapisserie de laine bleue semée de fleurs de lys jaunes (40).
Le pourtour de la salle, en dehors du parquet, était garni de bancs et de d' « archebans » ramenés, la plupart, de l'ancienne Chambre de la Maison au (1) Archives municipales. K. Hôlel de ville, 1510. (2) Idem. 1510. (3) Idem. 1518. (4) Idem. 5181 (5) Idem. 1518.
(6) On appelait treizaines le produit de la treizième partie des amendes adjugées par la justice municipale. C'était un des bénéfices de la charge du vicomte Mayeur, qui en faisait son profit.
(7) Registres des délibérations, Passlm. (8) Idem. et Registres du Parlement.
(9) Archives municipales. K. Hôtel de vi le, 1518. (10) Idem.
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Singe (1). Aux verrières toutes fleurdelysées, resplendissaient les armoiries de la reine Anne de Bretagne, avec sa « coronne et sa devise (2). Celles de la ville n'y faisaient pas défaut, non plus qu'au-dessus des portes (3). Le tableau donné en 1484 par Jean Murgault, décorait. le manteau de la cheminée (4). Enfin, pour la tenture, nos magistrats, qui avaient pu choisir entre la tapisserie aux fleurs de lys de l'ancienne salle (5), celle des Lions rampants (6), celle qu'ils venaient d'acheter de M. de Rothelin (7) et les trois « drapelets des histoires des Troys Roys, d'Oloferne et de Moyse (8), » leur préférèrent, en 1568, une tapisserie de toile peinte (9).
La chapelle ensuite fut religieusement conservée à sa destination primitive, elle fut reblanchie 10 on la pava en beaux carreaux rouges (11), et sa verrerie restaurée (12), on y éleva une tendue à hauteur d'appui (13), puis on y replaça l'autel de l'ancienne chapelle (14). En 1520, « comme plusieurs de Messieurs venoient au Conseil sans avoir ouï la messe, » la Chambre délibéra qu'on choisirait un chapelain pour la célébrer tous les jours, au prix de six blancs, et dans ce but elle se pourvut d'un calice en vermeil, de chandeliers, d'un « aiguerot à mettre eau benoiste avec son asperge, et de tous les a habillements et ornements nécessaires. On l'inaugura le 17 mai 1522, et ce service fut continué jusqu'à la Révolution (15).
La salle à laquelle elle répondait du côté de la rue, et qu'avaient habité Rolin et les gouverneurs, devint une dépendance de la salle du Conseil, qui la divisa par une tendue (16). La première pièce servit de bûcher (17), et dans la suivante, après y avoir établi pendant quelque temps une des a gennes » (question) (18), on finit par la transformer en chambre des buvettes (19).
Enfin, la chambre qui fut habitée par la comtesse de Nevers, devint chambre (1) Archives municipales. K. Hôtel de ville, 1513. (2) Idem 1518.– (3) Idem. 1517, 1521. (4) B. Chambre de ville. Mobilier. K. Hôtel de ville, 1513, 1418.
(5) Archives municipales. K. Maison au Singe. 1487.
(6) B. Chambre de ville. Mobilier.
(7) 1519. K Hôtel de ville. (8) 1521. Idem (9) 1568. Idem. (10) 1515. Idem. (11) 1515. Idem (12) 1515. Idem. (13) 1521. Idem. (14) 1516. Idem.
(15) Délibération du 16 novembre 1520, et K. Hôtel de ville.
(16) 1510. K. Hôtel de ville. (17) 15Q2, 15i9. Idem. (18) 1516, 1518. Idem. (18) 1571. Idem. 6
sur la prison (1). Elle servit de dépôt. On chargea son plancher pour le « sehurtey » des détenus (2 et la fenêtre sur la cour fut fortement barrée et treillagée (3).
La galerie qui établissait une communication entre la chambre du Conseil et celle de Guigonne devint une sorte d'annexe de la première (4). Dans certaines circonstances, des publications s'y firent au peuple amassé dans les cours, et quand, et cela arrivait souvent, des discussions personnelles ou de préséance troublaient les délibérations de la Chambre. Celle-ci, avant de statuer, invitait les parties à se retirer dans la galerie, d'où on les rappelait pour leur signifier la décision intervenue. Elle servait aussi de promenoir et d'antichambre. En 1513, aux approches du siège, on la convertit en magasin de blés (5).
Rien, au surplus, ne fut changé dans sa disposition intérieure, si ce n'est ses fenêtres qui, du côté de la prison, furent solidement barrées et treillissées (6).
Quant à la chambre de Guigonne, la mairie y établit la Chambre des pauvres (7).
C'était une institution nouvelle, à laquelle le roi François 1er avait, en 1522, confié l'administration temporelle des hôpitaux de la ville, et qui se composait du vicomte mayeur, de deux échevins, d'un président et de deux conseillers au Parlement, de deux officiers de la Chambre des comptes et d'un membre du Bureau des finances. Elle y demeura jusqu'en 1755 (8).
En ce qui concerne les autres parties de l'hôtel, le concierge continua de résider dans l'ancienne loge (9).
Les chambres basses qui se séparaient de la « vis » furent occupées par le secrétaire.
La grange reçut les deux moulins à bras, qui furent bientôt portés à quatre (10,.
(1) 1515. Archives municipales. K. Hôtel de ville,- (2) 1515 Idem. (3) 1518 Idem. (4) 1568, 1600. Idem. (5) 1513. Idem. (6) 1539. Idem. (7) 1574. Idem. (8) Les combles furent utilisées pour recevoir le bois des pauvres. K. Idem. – (9)1510, 1515, 1516. Idem. – 10) 1513, 1515. 1516, 1525, 4545. Idem.
La maison des fours, qui lui était contiguë, fut démolie et reconstruite de l'autre côté, contre le pavillon de Guigonne, à l'équarie de l'escalier qui le desservait (1). Puis, dans l'intervalle qui existait entre l'équarie de la grange et la « maison du portier, la mairie fit élever un bâtiment en appentis, de 06 pieds de long sur 22 de large, afin d'y renfermer ses trente canons montés (2), les Q hacquebutes » sur chevalets, les maillets de plomb, les pics, pelles; pioches, civières, les moules à projectiles et en un mot tout le matériel de son arsenal, qui jusqu'alors était dispersé dans les tours de la fortification (3).
En 1531, elle fit clouer l'étalon du pied de la ville contre le mur de façade de ce magasin, « pour hoster de débat les gens en ayant à faire (4). Quant au puits de la cour, situé à égale distance de la galerie du corps principal et des bâtiments qui lui faisaient face, on le répara tout à neuf (5), et c'est autour de sa margelle que s'accomplirent désormais certains actes de justice correctionnelle. On y fouettait publiquement les jeunes gens dont les délits n'atteignaient ni l'amende ni la prison, de même que les filles de joie et leurs pourvoyeurs. Sous ce dernier rapport, l'assistance était toujours nombreuse, car nos registres témoignent entre autres faits, que le 21 avril 1571, une si grande affluence de peuple se porta à l'Hôtel-de-Ville, pour voir fouetter deux procureuses, que les portes en furent « froissées. »
Enfin, maire et échevins, après avoir, en 1510, fait descendre du fronton des portes les armoiries des Rolin (6), leur substituèrent, en 1517, comme marque définitive de leur prise de possession, les armes de la ville sculptées par J. Dubuc, imageur (7), lesquelles étaient soutenues, non plus par des singes, mais par deux enfants (8).
(1) Archives municip. K Hôtel de ville. 1515,1516.
(2) L'artillerie de la commune de Dijon, par J. Garnier. Dijon, E. Jobard, 1863. Broch in-8". (3) Archives municipales. K. Hôtel de ville. 1515. (4) Idem. 1531. (5) Idem. 1507. (6) Idem. 1510. (7) Idem. 1517.
(8) M. le docteur Vallot rapporte en note de son mémoire sur la dénomination de la rue des Singes, publié page 176 du premier volume in-8° des Mémoires de la Commission des Antiquités, que l'écusson qui existait encore en 1790 au-dessus de la porte de sortie, fut détruit par les volontaires, appelés serfs du Jura. La découverte du document que je viens de citer, détruit son assertion que ce bas relief était celui exécuté par Jean de la Huerta, et rapporté de la Maison au Singe.
LES DEUX PREMIERS HÔTELS DE VILLE .¿ ~1- ,~m~·
Quatre ans auparavant, ils avaient délibéré que tout maire ou échevin verserait, à sa réception, une somme de cent sols pour l'entretien de l'hôtel (1).
La mairie installée, nos magistrats s'occupèrent de la prison, reléguée dans la partie orientale de l'hôtel.
On commença par isoler de la cour, l'emplacement qui lui était réservé, en élevant sous la galerie un double mur a traversain » de 60 et 80 centimètres d'épaisseur (2), qui ne laissait du côté de la mairie qu'une espèce d'auvent, sous lequel on plaça les échelles et les crochets servant à la « rescousse du feu (3). L'intervalle entre les deux murs forma un étroit couloir qui conduisit au rez-de-chaussée du pavillon de Guigonne, lequel prenait ses jours sur le jardin. C'est là qu'on établit la question (4). Puis le rez-de-chaussée sous la mairie, entre l'auditoire et l'hôtel Moisson, fut distribué comme il suit
Des trois huis ouverts sur la rue des Fols pour le service de la cuisine et des écuries, la mairie conserva celui du milieu (5), qui était surmonté d'une galerie (6). Elle fit peindre au-dessus les armoiries de la ville (7) et à côté une main et un « escripteaul » indiquant la boîte aux aumônes, suspendue tout auprès avec sa chaîne de fer (8). Cet huis fut défendu par une porte épaisse dont le chêne disparaissait sous le fer qui la recouvrait et à laquelle on adapta le marteau de l'ancienne prison V9). Une seconde porte non moins solide, posée plus en arrière, constituait une sorte de porche, derrière lequel se trouvait une allée en galandage, qui traversait tout le bâtiment, pour déboucher dans la cour intérieure (10).
Elle partageait ainsi l'ancienne cuisine en deux portions inégales, recoupées par des tendues qui y formèrent quatre pièces.
(1) Registres des délibérations de la Chambre de ville.
(2) 1510. K. Hôtel de ville et plàn dressé par le génie militaire en 1829.
(3) 1529. K. Hôtel de ville. (4) 1515, 1519, 1535. Idem. – {$< 1515. Idem
(6) 1515. Idem. Cette porte a été remplacée par la quatrième fenêtre de la façade, à partir de la rue Guyton-Morveau.
(7) 1521. K. Hôtel de ville. (8) 1515. Idem.
(9, 1516. Archives municipales. K. Hôtel de ville. (10) 1515, 1589. Idem.
La première à droite en entrant et qui touchait à l'auditoire de justice, dont une porte la séparait (1), devint la chapelle basse .'2), ayant son service, ses ornements et son mobilier distincts de la précédente (3;. Celle à la suite fut, avec la cuisine qui lui faisait face (4), affectée au logement du geolier (5). On pratiqua dans le mur de cette dernière deux portes pour communiquer avec les anciennes étables, qu'on divisa en deux au moyen d'un mur épais, élevé jusqu'à hauteur du plancher de la salle supérieure 6).
Toutefois, comme ces deux pièces et celle sise en face de la chapelle, qui prit bientôt le nom de Chambre des hôtes (7), étaient loin de suffire au nombre des prisonniers qu'on y amenait, plus encore pour le compte de la justice du roi que pour celle de la ville la mairie y suppléa par des constructions sur la cour et le jardin, en regard de la galerie et adossées à l'hôtel Moisson, contre lequel elle avait déjà élevé un solide et épais contremur (8). Le crot fut d'abord rétabli en avant des étables. C'était, comme son nom l'indique, un cachot souterrain, entièrement construit en maçonnerie solide et revêtu sur toutes ses faces de plateaux de chêne de cinq pouces d'épaisseur. On y arrivait par un étroit degré dont les deux issues intérieure et extérieure étaient protégées par d'énormes portes munies de barres, de serrures et de verroux. Le jour, ou plutôt l'air, n'y pénétrait que par des tuyaux en terre placés à hauteur du sol (9;. On rapporta dans cet horrible lieu, qui prit bientôt le nom de Cachot d'enfer (10), les ceps, les grésillons et les lourdes chaînes qui, fixées à la muraille, ôtaient toute faculté de se mouvoir aux misérables qu'on y enfermait (H). Puis, sur cette construction, on éleva quatre cellules dites Jacquelles, en troncs d'arbres, calquées sur celles du couvent des Chartreux (12). ·
Ces jacquettes, étagées par paire, avaient chacune 15 pieds de long, 9 de (1) Archives municipales. K. Hôtel de ville. 1523. (21 1515, 1520. Idem. – (3) 1516. Idem. (4) 1513, 1515. Idem. Cette cuisine conserva jusqu'à la fin l'immense cheminée qui remontait aux Rolin. On voyait au milieu de la pièce une table massive de 6 pieds de long et de 2 et demi de large, sur laquelle on distribuait aux prisonniers leurs parts de nourriture et d'aumônes, 1562.
(5) 1513, 1515. Archives municipales. K Hôtel de ville. (6) 1510, 151^, Idem. (7) 1543. Idem. (8) 1518. Idem. (9) 1515. Idem. (10) 1612. Idem. – (11) 1514. Idem.
(12) Archives municipales. Délibération du 26 septembre 1511.
large et 7 1/2 de hauteur (1). Elles recevaient leurs jours de larmiers pratiqués dans le mur du jardin, qui les fermait au midi i2). Puis on établit encore sur ces jacquettes deux autres chambres, destinées aux détenues, et dont les fenêtres donnaient sur la cour (3).
Ces cellules furent desservies par une vis en bois, placée entre ce bâtiment les étables et fermées par une porte (4). Afin d'empêcher les évasions, on revêtit les parois de ces prisons et du mur d'enceinte de madriers semblables à ceux du cachot d'enfer (5).
La cour intérieure, entre le jardin et les bâtiments, fut divisée en deux par une cloison percée d'un huis, pour communiquer de l'une à l'autre \§\. Celle contiguë au nouveau bâtiment servait de préau un second puits y fut creusé (7).
L'autre, qui était plus petite, et où se trouvait l'ancien puits (8), reçut le nom d'avant-cour. Le couloir d'entrée y aboutissait. Des deux portes ouvertes dans le mur qui la fermait au midi, l'une était celle du jardin (9), l'autre, placée dans l'encoignure, sous la galerie, était celle du couloir qui menait au rez-de-chaussée du pavillon de Guigonne, converti en chambre de question et dont vers 1540 on prit la moitié pour y réinstaller la chapelle avec l'ancienne verrière qui représentait le « crucifiement » (10).
CHAPITRE II.
L'HÔTEL DE VILLE AU TEMPS DES GUERRES DE RELIGION
ET SOUS LA FRONDE.
«60-1668
Définitivement installés dans un édifice spacieux, ayant tous leurs services réunis sous la main, nos magistrats renoncèrent à leurs habitudes séculaires (1) 1515. K. Hôtel de ville. –(2) 1515, 1520. Idem. (3) 1515, 1519, 1521, 1526,1543. Idem. 4) 1514,1529, 1536. 1520. Idem. (5) 1510, 1515. Idem. (6) 1515, 1516. Idem. –(7) 1515. Idem. (8) 1515. Idem. En 1516, on ferma par mesure de sûreté l'ouverture de ce puits, qui donnait dans la cave du geôlier.
(9) 1515, 1520. Archives municipales. K. Hôtel de ville, Vers 1540, le jardin fut converti en préau et les murs sur la rue des Prêtres exhaussés d'une toise. Idem. (10) 1543. Idem.
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de tenir le secret de la ville tantôt dans un endroit, tantôt dans un autre. Il n'y eut d'exception que pour certaines cérémonies, comme par exemple la remise des pouvoirs du maire sortant de charge, la proclamation de son successeur, la nomination du procureur syndic et l'élection des vigniers, qui continuèrent d'avoir lieu sous le porche de l'église Saint-Philibert de même que l'élection du maire au couvent des Jacobins.
C'est à la nouvelle Chambre de ville que s'accomplirent désormais aussi bien tous les actes de la municipalité, que les notifications directes du pouvoir souverain et de ses délégués. Certes, et on le verra plus loin, s'il y en eut de très flatteuses pour l'édilité dijonnaise, il s'en trouva parfois de bien sévères, voire même d'infiniment désagréables, témoin celles qui lui arrivèrent en 1536 et 1574, dans des circonstances analogues. Cette dernière année, Maillard, général des finances, impatienté des lenteurs que la mairie apportait au recouvrement d'un impôt, vint lui-même à la Chambre de ville, où tous les officiers municipaux étaient rassemblés. Il les somma de s'exécuter; et, n'en obtenant qu'une réponse évasive, il les y renferma sous clefs, mit un gardien à la porte, avec défense expresse de par le Roi d'en sortir avant complète satisfaction. Ils y restèrent huit jours enfermés, jusqu'à satisfaction. Qu'on juge par ce seul fait, du degré d'abaissement où en étaient arrivées nos grandes communes.
Le premier personnage connu, auquel les maire et échevins firent les honneurs de leur Hôtel-de-Ville, fut Claude de Lorraine, duc d'Aumale, qui depuis 1550 gouvernait la Bourgogne. C'était en octobre 1560, le roi François II venait d'entrer à Orléans pour y tenir les Etats généraux. On y attendait les Bourbons, dont on espérait bien se défaire, et les Guise, qui dissimulaient à peine leurs desseins de s'emparer du pouvoir, ne négligeaient aucune précaution pour étouffer dans son germe le soulèvement qu'une telle catastrophe ne pouvait manquer de produire.
D'Aumale voulut donc visiter l'IIôtel-de-Ville et surtout l'arsenal. Après une longue station dans ce dernier, il traversa la galerie, jeta un écu d'or aux prisonniers qu'il voyait dans la cour et, émerveillé de ce qu'il venait d'inspecter, il dit aux magistrats en les quittant a Je n'eusse pas voulu,
» pour bien grand'chose, n'avoir pas vu cet approvisionnement, car je » n'estimais pas que vous fussiez si hon ménagers et si bien que vous » êtes (1 ) »
Certes, la précaution était bonne, car si la Bourgogne traversa en paix les années 1560 et 1561 en revanche, celle que marqua le massacre de Vassy la soumit à une rude épreuve. Ce ne fut pas trop de l'énergie et de l'habileté du fameux Gaspard de Saulx-Tavannes, lieutenant du duc d'Aumale, pour l'arracher des mains des protestants. La ville de Dijon, dont la population s'était toujours montrée peu sympathique aux nouvelles doctrines, seconda son action de tous ses efforts (2), et on peut dire qu'à partir de ce moment, l'accession aux fonctions municipales ne fut plus possible qu'aux partisans inflexibles de l'ancien culte.
Aussi, et cela jusqu'à la promulgation de l'édit de Nantes, c'est constamment de la Chambre-de-Ville que partirent ces adjurations incessantes au pouvoir royal et à la justice, de ne rien céder aux réformés et de sévir toujours cette opposition non déguisée aux édits de tolérance, et comme conséquence, ces mesures acerbes contre les nouveaux sectaires, mesures, il faut le dire, qu'exaltait encore l'horreur des outrages envers les choses saintes, auxquels se livraient les Réformés (3).
Six jours après la saint Barthélemy et au sortir de cette fameuse conférence où l'avocat Jeannin venait de s'immortaliser en conseillant à Chabot-Charny, successeur de Tavannes, de surseoir aux ordres de la cour, le maire, Guillaume Millière, mandant ses confrères de la Chambre-de-Ville, leur exposait a ce qui estoit advenu à Paris sur la conspiration de ceux de » la nouvelle opinion, contre le Roy, Monsieur son frère et généralement » contre les princes, officiers, seigneurs et sujets du roy catholiques, et » comment l'Amiral, La Rochefoucauld et autres seigneurs, capitaines et » gentilhommes avaient esté tués. » II terminait en leur transmettant l'ordre (1) Registre des délibérations.
(2) La meilleure partie de son artillerie fut employée par Tavannes dans la campagne.
(3) Registres des délibérations du Parlement et de la Chambre de ville, Journal de Breunot et Mémoires du temps.
7
de faire immédiatement arrêter tous ceux de la religion, « mesme les plus apparents (1), » ce qui fut exécuté sur le champ, et comme les prisons du château de la ville ne suffirent pas, on en renferma à l'Hôtel-de-Ville. Cette mesure de Chabot-Charny était dictée autant par précaution contre un soulèvement que pouvait faire naître l'explosion de la nouvelle que pour soustraire les réformés aux fureurs d'une populace fanatisée. Quoiqu'il en soit, ils demeurèrent incarcérés plus d'un mois, et il fallut les ordres exprès du lieutenant général, pour que la mairie consentit à relâcher sa proie (2).
Ce fut bien pis quand, sous la Ligue, les haines politiques vinrent s'ajouter aux haines religieuses. Depuis trente ans que la Bourgogne était entre les mains des Guises, rien n'avait été épargné pour accroître le nombre de leurs partisans, et Mayenne, qui succéda en 1573 à son oncle d'Aumale, n'était pas homme à laisser l'oeuvre inachevée. Il le parut bien en 1585, lorsqu'à la première explosion de la Ligue, il s'empara de Dijon sans coup férir. Toutefois, comme il se proposait d'y introduire une garnison, la mairie, qui n'entendait pas changer de maître, se prononça d'une façon si énergique que, jusqu'à la fin de son gouvernement, Mayenne n'osa jamais passer outre.
L'affaiblissement du pouvoir royal, en Bourgogne, avait eu pour effet de raviver les franchises municipales, réduites par la monarchie à l'état de lettre morte, et de donner l'essor à une démocratie qui, si elle se montrait aussi vague dans ses aspirations, qu'indéterminée dans son but, se manifestait toujours par une haine implacable contre tout ce qui émanait du Valois ou du Navarrois. Ces sentiments, favorisés et exploités par les Lorrains, partout où ils avaient pu prendre pied, assurèrent leur popularité et le triomphe momentané de la Ligue.
A Dijon, il ne suffit plus d'être reconnu bon catholique, pour briguer l'entrée de la Chambre-de-Ville. L'ancienne majorité, jusque-là formée d'une oligarchie de riches bourgeois, de magistrats, de gros marchands, fit place (1) Registres des délibérations. (2) Idem.
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LES DEUX PREMIERS HÔTELS DE VILLE –
à des éléments nouveaux, parmi lesquels dominèrent les avocats et les procureurs. Beaucoup d'entre eux, doués d'une intelligence remarquable, saisirent avec ardeur l'occasion d'allier la défense de leurs vieilles croyances, avec le désir de profiter des horizons nouveaux que cette époque troublée offrait à leur ambition. Tous s'attachèrent à la fortune de Mayenne et lui prêtèrent, pour le triomphe de la cause, le concours le plus actif et le plus énergique.
L'Hôtel-de-Ville, jusque-là si paisible, demeura fermé et militairement occupé. Il servit de quartier-général à la milice bourgeoise, réduite à rester constamment sous les armes, car elle avait à se défendre aussi bien de ses amis que de ses ennemis.
Là dominent tour à tour, le vicomte mayeur Jacques La Verne, avocat, grand seigneur, véritable tribun du peuple, moins le courage, dont il dissimule l'absence sous des emportements et des violences qui l'entraîneront à sa perte (1). « L'antique » (2) Guillaume Royhier, avocat renommé, député du Tiers aux premiers Etats de Blois, sombre ligueur toujours enclin aux mesures violentes, Bernard Coussin (3), Jean Jacquinot (4), aussi avocats, les procureurs René Fleutelot (5) et Michel Bichot (6), Pignallet, capitaine des murailles, le Tristan de ces dictateurs, le receveur Carrelet et bien d'autres, signalés dans les écrits du temps. Mais tous sont dominés par la grande figure d'Etienne Bernard, l'une des gloires du barreau dijonnais, politique habile, qui, s'il eut été servi par les circonstances, se fut montré l'émule de Jeannin. Orateur de son ordre aux seconds Etats de Blois, il l'avait dirigé avec éclat après le meurtre des Guises et, dans une harangue publique, il n'avait pas craint d'évoquer devant Henri III, le souvenir d'Etienne Marcel.
(1) Maire en 1566, 1587, 1588, 1589, 1590, 1591, 1593. Registres des délibérations. Mémoires du temps.
(2) On désignait de ce nom le maire de l'année précédente. Royhier fut maire de 1581 à 1587. (8) Maire en 1598.
(4) Maire de 1599 à 1602.
(5) Maire en 1594.
(6Î Maire en 1602.
C'est aussi à l'Hôtel-de-Ville que se tenaient d'habitude les réunions du Conseil général de la Sainte-Union, auquel Mayenne avait confié la direction des affaires politiques dans la province. Aux noms qui précèdent venaient donc s'ajouter ceux de Bernard d'Esbarres (1), président au Parlement, aussi savant qu'éloquent, et que l'ardeur passionnée qu'il déployait en toutes circonstances, avait fait surnommer le Gon falonnier de la Ligue (2). Les conseillers au Parlement Jean Fyot l'aîné et Perpetuo Berbisey, le premier magistrat aussi distingué que fanatique, le second apportant au service de la cause une activité que rien n'arrêtait Guillaume Legouz de Vellepesle, avocat général, aussi disert que d'Esbarres, aussi politique, mais plus audacieux. Jean Petit, seigneur de Ruffey, dévoué jusqu'au fanatisme Franchesse, capitaine du chàteau, condottiere italien au service de Mayenne, Gentil, recteur du collège des Jésuites, et quand ils étaient à Dijon, les lieutenants généraux Fervaques, Sennecey et Tavannes qui, tout puissants qu'ils fussent, étaient souvent obligés de subir la volonté des précédents.
Or, on comprend qu'avec de tels éléments, les actes devaient répondre aux paroles. Aussi, quand on parcourt les registres de cette époque (1588-1595), on se croit transporté en pleine Révolution de 1793 comités de surveillance, port obligé d'insignes, – emprunt forcé, maximum, violation des correspondances, listes de suspects, visites domiciliaires, arrestations, détentions sans jugement, expulsions, confiscations et ventes des biens des réfugiés, rien n'y manque, pas même l'échafaud politique, non plus que les clubs, représentés par les sermons des « prêcheurs » et les assemblées des confréries.
Mais il y avait trois personnages, dont les noms seuls, prononcés au cénacle, y soulevaient toujours une explosion de tempêtes. C'était ceux de Guillaume de Saulx, comte de Tavannes, du président Fremyot et de son collègue Baillet de Vaugrenant. Ces trois hommes, en effet, s'étaient, dès le début, courageusement jetés à la traverse, et le triomphe de la Ligue, qui sans eux eut été complet en Bourgogne, ne put jamais aboutir. Guillaume de Saulx, à la (1) Il avait été élu maire en 1573 et 1574.
(2) Journal du Conseiller Breunot.
LES DEUX PREMIERS HÔTELS DE VILLE a. 1_ J T»l 'à. J) 1 T\
nouvelle de la catastrophe de Blois, avait essayé d'enlever Dijon à Mayenne il tenait la campagne; Vaugrenant, jetant la robe pour endosser le corselet, avait organisé la résistance, et Fremyot, contraint de quitter Dijon en fugitif, avait, avec ce qui était demeuré de conseillers fidèles, constitué un parlement royaliste à Flavigny. Aussi, conseil et chambre de Ville se donnèrent-ils carrière pour empêcher de nouvelles défections et imprimer partout la terreur. Par leurs ordres, Fervaques, commandant pour Mayenne, contraint l'épée sous la gorge, les membres du Parlement restés à Dijon, à dénier toute obéissance au roi (1). Ils menacent Fremyot de lui envoyer la tête de son fils, s'il ne rompt avec les royalistes (2). Fervaques, dont les allures équivoques les alarme, est aussitôt mis dans l'impossibilité de nuire, et ils le gardent un an en prison, sans se préoccuper des ordres contraires de Mayenne. Ils accueillent avec enthousiasme le commandeur de Dyo, envoyé de la Ligue à Rome, qui vient à la Chambre narrer avec complaisance l'exécrable attentat de Jacques Clément (4). Puis, lorsque le cardinal Cajetan, légat du pape en France, de passage à Dijon, sollicite, dans l'intérêt de la cause catholique, un rapprochement entre les deux fractions du Parlement, La Verne lui répond par un refus aussi net que peu déguisé dans la forme (5). Bref, en relations constantes avec les Seize de Paris, nos < zélés s'inspirent des mêmes fureurs et font peser sur la ville un joug qui finit par devenir intolérable, même aux plus exaltés. Puis, quand à bout de forces, les deux partis conviennent d'une trêve, la chambre de Ville et le conseil montrent tant de mauvaise foi, au témoignage même de Sennecey, qu'elle ne tarde point à être rompue.
On pourrait croire que, pour peser d'une façon aussi désastreuse sur le pays, ces nouveaux décemvirs avaient conservé jusqu'au bout l'accord indispensable en de telles circonstances il n'en était pourtant rien. Toujours unis, il est vrai, quand il s'agissait de sévir contre leurs adversaires, des (t) Registres des délibérations du Parlement et de la Chambre de ville.
(2) Correspondance de la Mairie de Dijon. II* vol. page 211.
(3) Correspondance et délibérations de la Chambre de ville.
(4) Reg. des délibérations de la Chambre de ville. (5) Idem et correspondance.
divisions s'accentuaient chaque jour davantage entre les pensionnés de l'Espagne, qui, comme les Seize de Paris, ne reculaient même point devant un démembrement de la France, et les autres qui, désireux d'avoir un roi catholique, le voulaient avant tout prince français. Les progrès incessants de la cause royaliste y ajoutaient encore un nouveau dissolvant, en ce sens que les habiles ou les moins compromis, en vue d'une restauration imminente, tournaient au « politique, » tandis que le plus petit nombre, se raidissant contre l'évidence, voulaient, à l'exemple du maître, lutter jusqu'au bout, quittes à se faire acheter plus cher au moment décisif.
Toutes ces discordes, qui n'étaient un secret pour personne, commençaient à dessiler bien des yeux, lorsqu'un événement tragique, qui se dénoua à l'Hôtel-de-Ville même, vint fournir de nouvelles armes à la réaction. En octobre 1591, au moment où le maréchal d'Aumont investissait la ville, alors livrée à ses seules forces, et que la population en alarmes s'était portée sur le rempart, Chantepinot, avocat du roi au baillage et zélé ligueur, rencontra le maire La Verne devant sa maison. Les paroles qu'ils échangèrent à ce sujet dégénérèrent bientôt en violente altercation, que Chantepinot termina par un soufflet sur la joue du maire. La foule accourt, on traîne Chantepinot en prison. La Verne, outré de colère, l'y suit, mande le bourreau et, sans forme de procès, fait étrangler Chantepinot, dont le cadavre encore chaud est aussitôt enfoui dans le cimetière Saint-Michel (1). Chose incroyable et qui suffit pour peindre cette époque, trois magistrats, les présidents d'Esbarres et de Montculot, le conseiller Berbisey restent témoins impassibles d'un pareil assassinat juridique.
La Verne venait néanmoins de signer son propre arrêt. La terreur qu'il répandait autour de lui, comprima pour un moment l'indignation générale mais quand, après la conversion du roi Henri IV, les politiques commencèrent à se compter, les parents que Chantepinot avait au Parlement, s'opposèrent à la réception de La Verne comme conseiller, avant qu'il ne se fut lavé de ce meurtre. Les événements marchèrent, Paris se rendit, nombre de villes (1) Journal du Couseiller Breunot.
suivirent l'exemple La Verne, devenu insupportable aux siens, et qui sentait d'ailleurs le sol trembler sous ses pas, crut se sauver en écoutant les propositions que lui fit Vaugrenant de livrer la ville en échange de ses lettres d'abolition. Mais, comme un lâche, le cœur lui faillit au moment décisif, la conspiration fut découverte, et ses anciens collègues l'envoyèrent d'une voix unanime à l'échafaud.
Cet échec, loin de déconcerter les politiques, leur imprima au contraire une ardeur d'autant plus grande que le peuple, dégouté de la Ligue, prenait décidément parti pour eux. En vain Tavannes et les exaltés recourent aux moyens d'intimidation, Franchesse menace de faire descendre la foudre sur la ville. Efforts impuissants, quand le maréchal de Biron se présente, le maire lui-même lui fait ouvrir les portes (28 mai 1595).
Des lettres de noblesse, son maintien comme maire et une charge de président à la Chambre des comptes furent la récompense du procureur Fleutelot. D'Esbarres et Berbisey, voyant leur cause perdue, payèrent d'audace et furent des premiers à complimenter Biron Legouz de Vellepesle fit mieux encore, il se battit aux barricades contre les soldats de Tavannes, tandis que Fyot, à demi mort de peur, se coulait dans une cave (1). Le demeurant des « zélés » ceignit spontanément l'écharpe blanche et prêta sans hésiter le serment de fidélité que Biron, venu à l'Hôtel-de-Ville, exigea d'eux, et pour témoigner leur royalisme de fraîche date, on les vit aussitôt réagir contre leurs anciens partisans (2). Seuls, Bernard, Rouhier, Pignallet et Petit se montrèrent fidèles à leurs principes. Bernard, retiré dans sa maison, poursuivi pour le fameux libelle qu'il avait publié à l'occasion de l'assassinat de Henri III, fut obligé de chercher son salut dans la fuite; Rouhier fut évincé de toutes fonctions publiques, Petit et Pignallet bannis.
Fleutelot ne jouit pas longtemps des dignités sous lesquelles on venait de l'accabler. Les émotions de toute nature qui l'avaient assailli durant sa magistrature le laissèrent sans force pour résister à la contagion qui se déclara peu après et qui l'emporta le 12 septembre 1595.
(1) Mémoires du Conseiller Breunot.
(2) Registres des délibérations. 1895-1596.
DE DIJON.
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Cette mort inopinée fut sur le point de rallumer des feux encore mal éteints. Le président Fremyot, qui redoutait une manifestation ligueuse, convoqua extraordinairement la Cour, pour aviser à ce que les clefs de la ville ne tombassent point entre des mains suspectes. Il émit l'opinion que la Cour y pourvut elle-même. De son côté, la Chambre de Ville, tout en reconnaissant la gravité des circonstances, refusait de laisser entreprendre sur ses privilèges. Il y eut donc à cet égard de grandes « contentions » avec les députés de la Cour, venus tout exprès à l'Hôtel-de-Ville. Fremyot, que la Cour avait désigné pour garde des évangiles, était surtout antipathique à ceux des échevins « ci-devant ligueurs, » qui se rappelaient avec quelle animosité ils l'avaient naguère poursuivi, redoutaient des représailles. Néanmoins, il fallut céder sous la pression de l'opinion, surtout quand le président, venu lui-même à la Chambre, eut déclaré qu'il ne regardait sa mission que comme « provisionnelle. » Ils ratifièrent donc l'arrêt dela Cour, admirent Fremyot au serment et le reconduisirent à sa demeure avec tous les insignes de la magistrature. Singulier retour des choses d'ici-bas, qui faisait, au moment même, écrire au conseiller Breunot « II est remarquable que celui qu'on voulait effigier à » la ville, il y a quelque temps, ayt à présent les clefs et toute l'autorité » d'icelle Sic mutat fortuna vices. »
Fremyot fut élu maire à la Saint Jean de 1596, et quand il quitta ses fonctions, on put dire que la Ligue était enterrée à Dijon.
Par malheur, il en fut bientôt de même des libertés municipales reconquises durant les troubles. Le Parlement, qui gardait un amer souvenir et de l'indépendance dont la Chambre de Ville s'était targuée vis-à-vis de lui, et des avanies qu'il avait essuyées, se fit l'auxiliaire bénévole des projets de la royauté, contre tout ce qui, dans la constitution des communes, pouvait encore contrarier ses volontés. Il faut dire aussi que ce qui se passait, notamment aux élections, lui fournit plus d'un prétexte qu'il ne manqua point de colorer du bon ordre et de la morale publique. En effet, depuis le jour où le pouvoir s'était trouvé impuissant à diriger les élections du maire et des échevins, les brigues et les monopoles, comme on disait alors, avaient pris un tel développement, qu'on ne pouvait aborder les fonctions municipales, qu'au prix
de grands sacrifices. Banquets somptueux, présents de vin, distribution d'argent, promesses d'un côté, intimidations de l'autre, tout cela se pratiquait au grand jour, sans plus de souci du gibet dressé tout exprés pour les « brigueurs, » devant le portail des Jacobins (1).
Ce fut sur ce point vulnérable que le Parlement commença sa campagne. En 1599, sans se préoccuper si le mode suivi jusqu'alors pour les élections, avait été consacré ou non par l'autorité souveraine, il rendit un arrêt de règlement qui en modifiait la forme et prescrivait que dorénavant les noms des trois candidats qui auraient obtenu le plus de suffrages a seraient mis dans un chapeau, » et que le maire serait celui dont le nom sortirait le premier.
Le maire Bernard Coussin retrouva toute sa vieille énergie de ligueur pour défendre les privilèges menacés. Une assemblée générale des habitants, convoqués aussitôt, décida l'envoi immédiat d'un échevin au roi, pour se plaindre de cette entreprise.
Henri accueillit ce député en même temps que celui envoyé par la Cour. Il leur déclara sa volonté de respecter les priviléges de la ville, comme aussi de maintenir l'autorité de la Cour, et les renvoya au chancelier.
Or, comme celui-ci tardait d'expédier les lettres de ce qui avait été décidé au Conseil, le Parlement, informé que la mairie avait fait annoncer les élections suivant la forme accoutumée, lui signifia de publier son arrêt. Celle-ci, au lieu d'obéir, en référa au maréchal de Biron, qui, déjà mécontent de cette ingérence des gens de robe dans une affaire qu'il estimait de son ressort, prit parti pour la mairie avec la violence qu'il apportait en toutes choses. Il eut à ce propos des scènes d'une vivacité inouie avec la Cour, qui néanmoins battue pour la forme, n'en triompha pas moins par le fond, car tous ces débats aboutirent à donner le choix du maire au roi, à évincer du rôle des électeurs, ceux qui ne payaient pas une taille au-dessus de 4 livres, et à replacer les élections aussi bien que l'administration municipale sous le (1) Registres des délibérations de la Chambre de ville et du Parlement. Mémoires du Conseiller Breunot et Livre de souvenance du chanoine Pépin.
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bon plaisir du gouvernement et le contrôle jaloux des cours souveraines (1).
Cette exclusion de vignerons et de petits artisans, dont tout le crime était d'avoir servi d'instruments aux passions de plus puissants, ne rendit les élections ni moins briguées, ni plus sincères. Elle eut en outre le grave inconvénient de créer dans la ville une nouvelle classe de privilégiés, et de omenter de mauvaises passions, qu'on vit se faire jour toutes les fois que l'occasion s'en présenta. Ainsi, à la sédition du Lanturelu, arrivée en 1630, quand le « Roi Mâchas » et sa bande pillaient et brulaient les maisons de ceux qu'on leur avait désignés comme les promoteurs de l'édit des élections, et cela à deux pas de l'Hôtel-de-Ville c'est au cri de vive l'empereur, qu'ils accueillirent le maire, lorsqu'il se présenta, accompagné des députés du Parlement, pour arrêter la dévastation. La façon insultante avec laquelle ils les contraignirent à quitter la place, témoigne le cas qu'ils faisaient d'un magistrat qui leur était devenu étranger. Ils le payèrent cher, et les officiers municipaux, témoins trop longtemps impassibles de ces désordres, encore bien davantage. Louis XIII déclara la ville déchue de ses privilèges, bannit les vignerons, confisqua l'artillerie, et il fallut qu'à son passage à Dijon, deux cents des principaux habitants, réunis à l'Hôtel-de-Ville, allassent au Logis du roi, le maire en tête, demander en suppliants, un pardon qu'on leur accorda, après avoir réduit la Chambre de Ville et changé la forme des élections.
Ces rigueurs ne furent heureusement pas de longue durée. L'année suivante, la ville rachetait sa faute en fermant ses portes à Gaston d'Orléans, en révolte contre son frère. Elle méritait ainsi les félicitations du roi, qui, convaincu, d'un autre côté, de l'impopularité du système des élections, qu'il voulait établir, laissa au prince de Condé, nouveau gouverneur du duché, les pouvoirs nécessaires pour tout pacifier. Donc, aussitôt que les Etats eurent voté la somme demandée par le roi pour le rachat de l'édit, Henri de Bourbon, accompagné de l'intendant du Châtelet, se rendit à l'Hôtel-de-Ville, (1) B. Archives municipales. B. Pièces relatives à l'élection du maire.
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où l'attendaient les maire, échevins, conseils, officiers de milice. Entré dans la Chambre, le prince prit place sur la chaire du maire, toute tendue en velours violet, puis l'assistance restant debout, il annonça que le roi, malgré son indignation de ce qui était arrivé l'année précédente, averti que les bons habitants n'y avaient pris aucune part, et que toute la faute devait en être attribuée aux magistrats d'alors, qui s'étaient montrés trop tardifs voulant, d'un autre côté, les récompenser de la fidélité dont ils venaient de faire preuve, il l'avait chargé de rétablir la ville en tous ses privilèges, et fit aussitôt donner lecture de l'ordonnance préparée à cet effet.
Cinq ans plus tard, à l'issue de cette terrible invasion des Impériaux, qui remplit une partie de la province et de sang et de ruines, ce même prince, sur le point de se rendre auprès du roi, voulut donner aux magistrats municipaux un témoignage public de sa satisfaction, du concours dévoué qu'ils n'avaient cessé de lui prêter. Au lieu donc d'aller au palais, suivant la coutume ordinaire des gouverneurs comme il avait vivement à se plaindre de Messieurs du Parlement, qui s'étaient montrés peu patriotes durant les épreuves qu'on venait de traverser le prince de Condé vint à l'Hôtel-de-Ville, où tout avait été préparé pour le recevoir. Installé dans la chaire magistrale, Condé fit asseoir et couvrir toute l'assemblée. Puis, après lui avoir offert ses bons services auprès du roi, il discourut sur la part qu'il avait prise au rétablissement entier des privilèges, à la suppression de l'édit des élections, et sur son opposition aux projets du Parlement « ennemi des magistratures populaires, » de confisquer à son profit la connaissance des armes et celle de la police. Parlant ensuite des armements considérables que le roi avait été obligé de faire pour lutter contre la maison d'Espagne, lesquels avaient nécessités des édits excessifs, il donna librement carrière aux sentiments amers qui débordaient en lui. Il ne craignit pas d'accuser ces privilégiés d'avoir, par de faux rapports au roi et contre son avis, provoqué la rupture de la neutralité des deux Bourgognes, et causé les malheurs qu'on déplorait. Il peignit leur obstination à refuser les subsides qu'on attendait d'eux pour la défense de la ville, leur prétention de se croire, même hors du palais, autres que de simples citoyens, et partant obligés de contribuer aux charges publiques.
Ces gens, dit-il en terminant, qu'on a vu acheter 20,000 livres des offices qui n'en valent que 1200 ou 2,000, sont comme des éponges sèches qui, dans la douceur de la paix, tirent toute la substance de la province, et dans la mauvaise saison, ne veulent pas rendre un quart d'eau, à moins que ne les y force pour leur propre sûreté.
On devine l'effet d'un tel langage tombé de si haut, en présence de magistrats jusque-là déshabitués des louanges du pouvoir, et quel retentissement il eut au dehors. Le maire, François Moreau, remercia le prince de l'honneur insigne qu'il avait fait à la Chambre, en venant lui-même exprimer les intentions du roi il lui exprima sa reconnaissance de ses efforts pour maintenir l'autorité des magistrats, soulager le peuple, et protesta tant en son nom qu'en celui de ses confrères, d'employer leur vie et leurs biens pour le service du roi et le contentement particulier de Son Altesse.
Condé avait raison de compter sur un tel engagement, car lorsque trois mois après, il fermait le palais pour refus d'enregistrement d'édits, il n'eut pas la peine de faire venir le régiment de Normandie, pour assurer l'exécution de ses ordres, l'attitude de la mairie de Dijon suffit.
Le grand Condé, qui succéda à son père au gouvernement de Bourgogne, continua ses bons offices envers la magistrature municipale. Il s'y créa de nombreux partisans qui, lorsqu'éclatèrent les troubles de la Fronde, n'épargnèrent rien pour lui en donner d'éclatants témoignages. Une ville qui avait été le boulevard de la Ligue, et dont les habitants frondeurs avaient depuis pris goût à la politique, ne pouvait rester indifférente quand toute la France était en feu. Aussi, à la nouvelle de l'arrestation du prince, les personnages les plus considérables s'émurent-ils pour soulever la province et résister au duc de Vendôme, envoyé par la reine, en Bourgogne, en remplacement de Condé mais à Dijon, cette tentative échoua par l'attitude énergique que prirent, dès le début, les deux avocats généraux du Parlement, d'Alligny et Millotet. Ni le Parlement, ni la Chambre de Ville, pourtant remplis des amis du prince, n'osèrent lever ouvertement l'étendard de la révolte, et si le sang coula en Bourgogne, la ville tout au moins en fut préservée.
La tranquillité rétablie dans la province, le duc de Vendôme, voulut avoir, à la mairie de Dijon, un homme sur lequel il put compter dans les circonstances difficiles où il se trouvait placé. Il pressa donc Millotet de se mettre sur les rangs, et il usa de toute son influence pour assurer son élection (20 juin 1659). Seulement il avait compté sans le premier président, Bouchu, l'âme du parti de Condé, l'ennemi juré de Millotet, et sans les échevins, dont la majorité, également dévouée à ce prince, se montrait peu disposée à seconder les vues du nouveau vicomte mayeur. Celui-ci, qui n'ignorait rien de ces dispositions malveillantes, avait pris ses précautions pour les déjouer. En effet, invité trois jours après son élection, à se rendre à l'Hôtel-de-Ville, afin de procéder au renouvellement des officiers, il déposa sur le bureau une lettre de cachet, par laquelle le roi invitait la Chambre à nommer les échevins qui y étaient désignés, et il en requit l'enregistrement immédiat. C'était une violation flagrante des priviléges de la ville, avec cette circonstance fâcheuse, qu'elle avait pour auteur celui-là même qui devait les défendre. Aussi provoqua-t-elle dans la Chambre, des protestations d'autant plus énergiques, que le prétexte de défendre les franchises menacées, permit de couvrir la passion politique. Millotet prétendant que, la lettre lue, les échevins avaient perdu tout pouvoir, ceux-ci lui répliquèrent qu'ils le conserveraient jusqu'à leur remplacement légal. Bref, sans s'arrêter aux protestations de Millotet, le docteur Rappin, garde des évangiles, qui en cette qualité présidait l'Assemblée, fit décider que de très humbles remontrances seraient adressées au roi, sur cette infraction aux priviléges de la commune, et que nonobstant on procéderait au renouvellement de la Chambre, en présence de deux conseillers délégués par le Parlement. Ceux-ci étant arrivés, le garde des évangiles requit le maire élu d'avoir à présenter les six anciens échevins, et sur son refus réitéré à plusieurs reprises, la Chambre désigna non-seulement ces six, mais les quatorze nouveaux qui devaient la remplacer. Pendant que cette scène se passait à l'Hôtel-de-Ville, le procureur général Guillon, excité par Bouchu, interjetait appel à la cour de l'élection de (1) Sur 1175 suffrages exprimés à haute voix, suivant la coutume, Milltoet en obtint 1380.
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Millotet, sous prétexte que cette fonction était incompatible avec celle d'avocat général. Il le fit aussitôt signifier aux anciens échevins. Ceux-ci, heureux d'une mesure qui servait si bien lenrs passions, décidèrent « que pour révérence dudit appel, » il serait sursis à la réception du maire, et qu'une assemblée générale des officiers de la Chambre et des notables, serait convoquée le jour même à l'Hôtel-de-Ville, pour rédiger les remontrances arrêtées.
Dans l'état d'agitation où se trouvaient les esprits, on comprend que la réunion fut nombreuse. Frondeurs et Principions encombraient la Chambre de Ville et ses abords. Millotet, « quoyque non invitté, » y figurait au premier rang. Quand le docteur Rappin, qui présidait toujours, eut exposé le motif de la réunion et terminé en demandant son avis à M. « l'antique D de Frasans, qui siégeait à sa droite, Millotet l'interrompit, pour narrer à son tour ce qui s'était passé à la séance de la veille et insista pour qu'on déférât à la volonté du roi. Rappin n'en tint compte, et comme il continuait à demander les avis, les partisans de Millotet, qui étaient là en majorité, commencèrent à a tumultuer » et à mener si grand bruit, que toute délibération devint impossible. Rappin et d'autres échevins, les ayant sommé d'avoir à donner leurs opinions et à se retirer aussitôt pour faire place à d'autres, il y eut échange de paroles vives un greffier du parti de Millotet franchit le parquet et vint se placer près du secrétaire, dans l'intention de contrôler son procès-verbal les têtes se montèrent. On signifia à Rappin que ses pouvoirs avaient cessé quelques-uns parlaient même de le faire sauter par la fenêtre. Bref, le tapage devint tel que le docteur et ses adhérents durent lever la séance et se retirer au plus vite, laissant la place à Millotet qui, sans désemparer et avec l'assistance de trois anciens échevins, reçut les opinions de tous ceux qui étaient demeurés et en fit dresser procès-verbal par un notaire.
Battus à l'Hôtel-de-Ville, les anciens échevins espéraient bien prendre une revanche au Parlement, en lui dénonçant les violences dont ils se prétendaient victimes. Malheureusement, les ordres du roi étaient formels et ne laissaient prise à aucune équivoque. Tout ce que put faire Bouchu, fut de recevoir
leur plainte et de leur conseiller de députer au roi. Mais le voyage devint inutile, car le Parlement reçut, dans l'intervalle, un arrêt du Conseil qui prescrivait l'envoi des « motifs de l'appel, » ordonnait par provision la réception de Millotet, cassait l'élection faite par la Chambre et décidait que la nomination des échevins aurait lieu en présence du gouverneur. Conformément donc aux ordres du roi, l'ancienne Chambre, réunie au couvent des Jacobins, conduisit Millotet sous le portail de l'église SaintPhilibert où, en présence d'une foule énorme, elle lui remit les insignes de la magistrature elle l'accompagna à l'auditoire du baillage, où son élection fut confirmée, et à l'église Notre-Dame, où il prêta serment, suivant la forme ancienne, et le ramena avec la même cérémonie à l'Hôtel-de-Ville. Le calice n'était pas encore vidé pour elle. Quelques jours après, le duc de Vendôme, étant arrivé, fit savoir sa volonté de se rendre à l'Hôtel-de-Ville. Rappin et d'autres échevins furent désignés pour lui faire cortège, tandis que le maire l'attendait, avec le reste des échevins, à la porte de la Maison de Ville. Le duc était accompagné de M. de Nevers, maître des requêtes de l'hôtel du roi, qui remplaçait l'intendant de La Marguerie, de son capitaine des gardes et d'une suite nombreuse. Introduit dans la chambre du Conseil, il prit place sur la chaire du maire, qui était ornée de tapis et de carreaux en velours rouge à crépines d'or, fit asseoir M. de Nevers à sa gauche, le maire à sa droite. Puis l'assemblée ayant pris place, il ordonna la lecture des lettres de cachet, de l'arrêt du Conseil et de la commission qui lui avait été donnée. Prenant ensuite la parole, il fit connaître que LL. MM. avaient trouvé fort étrange l'audace d'une compagnie comme celle-ci, d'outrepasser leurs commandements, quand naguère les Etats de la province, pour témoigner de leur fidélité et de leur obéissance, n'avaient pas hésité à changer leurs usages ordinaires; que l'intention de LL. MM. n'ayant jamais été de changer leurs priviléges, il y avait lieu de s'étonner du peu de déférence que l'on avait montré pour leurs ordres souverains. Il termina en disant qu'il était heureux qu'il se fût trouvé des gens pour adoucir l'esprit de LL. MM., et que quant à lui, il avait reçu ordre d'exécuter leurs commandements, et qu'il ne croyait pas trouver une personne assez hardie pour s'y opposer.
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Rappin et Bourrelier s'étant levés pour représenter qu'ils étaient prêts à obéir, mais en suppliant le prince de leur promettre la liberté des suffrages, Vendôme ne leur laissa d'autre alternative que d'obéir ou de se retirer. Ces deux échevins et dix autres, préférèrent prendre ce dernier parti. Alors Millotet, assisté des cinq qui étaient demeurés, complète le Conseil en conformité de la lettre de cachet. Les nouveaux élus furent mandés, Vendôme descendit à l'auditoire et reçut lui-même leur serment.
Le triomphe de Millotet était complet, mais il fut de courte durée. Huit mois plus tard, la politique avait tourné, Mazarin partait pour l'exil, et Condé mis en liberté, reprenait possession de son gouvernement. Un de ses premiers soins fut de faire rapporter l'arrêt du Conseil et de rétablir l'ancienne chambre de ville, qui élut Bourrelier comme maire. Toutefois, mécontent du peu d'enthousiasme que sa cause avait trouvée en Bourgogne, il échangea ce gouvernement contre celui de Guyenne, dans lequel le duc d'Epernon s'était rendu impossible, et en exigea la promesse de ne jamais consentir à la réélection de Millotet. Les circonstances en décidèrent autrement, et lui-même ne tarda pas à y donner les mains par sa nouvelle révolte. D'ailleurs quelques précautions qu'il eût prises il était difficile de réduire un homme résolu comme Millotet, entouré de la confiance générale et décidé à ne point rester sous le coup d'une révocation que rien ne justifiait. Quoi qu'il en soit, la Cour, pour tenir la balance égale entre les deux partis qui divisaient la ville, ayant cru devoir exclure Millotet et de Frasans, candidat du prince, de toute compétition aux fonctions municipales, le premier disposa des 2,000 voix de ses partisans en faveur de l'avocat Malteste, son « alter ego. » Un arrêt du Conseil rétablit la chambre de ville, qu'il avait choisie, et quand à la nouvelle de la révolte du prince, le duc d'Epernon accourut en Bourgogne, il n'eut rien de plus pressé que de se mettre en rapport avec les anciens amis du duc • de Vendôme. Non-seulement donc il recourut en toutes circonstances aux conseils de Millotet, mais il fit casser l'arrêt qui l'avait évincé de la mairie, sous prétexte d'incompatibilité, et voulut qu'il se représentât aux élections de 1652. Réintégré dans sa chaire magistrale, Millotet seconda le duc dans
tous ses efforts pour pacifier la province et mérita, par les services qu'il rendit à la cause royale, d'être encore une fois désigné aux suffrages de ses concitoyens. Il en profita pour mettre un terme aux abus séculaires qui s'étaient glissés dans la gestion des finances de la ville, et pacifier les longs débats avec le Parlement, touchant l'administration de la justice.
Malheureusement, il ne put lui rendre aussi la plénitude de ces libertés, que lui-même avait contribué à affaiblir. Depuis l'ordonnance de 1599 qui, pour empêcher les brigues et les cabales, avait fait brèche à l'antique constitution municipale, les compétiteurs aux offices de la Chambre de Ville n'avaient pas plus respecté cette décision que les privilèges dont ils devaient jurer avant tout la conservation. On les avait vu, en maintes circonstances, recourir eux-mêmes à l'autorité royale, toutes les fois que ces règlements gênaient leur intérêt personnel ou celui de leur parti. Aussi ne faut-il point s'étonner si, au sortir des troubles de la Fronde, le gouvernement de Louis XIV voulut en finir avec des institutions sapées par ceux-là même qui devaient les garder, et qui presque partout s'étaient montrées peu affectionées, sinon hostiles envers la couronne. Donc, en ce qui concerne Dijon: en 1668, au lendemain de la première conquête de la Franche-Comté, un arrêt du Conseil et des lettres patentes modifièrent considérablement la Chambre de Ville. Elle fut réduite à un maire élu tous les deux ans, suivant la forme accoutumée, à six échevins au lieu de vingt, recrutés dans certaines classes de la bourgeoisie, à un procureur syndic, un secrétaire et un receveur. L'exécution de ces mesures fut confiée au prince de Condé, qui depuis la paix des Pyrénées avait été réintégré dans son gouvernement de Bourgogne, ainsi qu'à l'Intendant, ce nouveau et réel représentant d'un régime de plus en plus absolu. Aussi, quand les avocats Calon et Siredey, mandataires de près de 200 habitants, voulurent protester contre une pareille • innovation, un arrêt du conseil leur défendit brutalement de se pourvoir, sous peine de 2,000 livres d'amende, et leur enjoignit d'avoir à remettre leur mandat entre les mains de l'Intendant.
Ce fut la fin des libertés municipales à Dijon.
Par contre, et de même que dans l'antiquité, on couronnait les victimes
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destinées aux sacrifices, le Roi, en même temps qu'il dépouillait la ville de ses libertés, autorisa ses magistrats à se parer, dans les cérémonies publiques, le maire, d'une robe de satin violet doublée de satin cramoisi, avec un chaperon de même étoffe, doublé d'hermine, et les autres d'une robe de gros de Naples violet, avec un chaperon aussi doublé d'hermine (1). CHAPITRE III.
L'HÔTEL DE VILLE SOUS LA MONARCHIE ABSOLUE. SA RECONSTRUCTION. RÉGIME DES PRISONS.
•1662-1789
Dépossédée de ses prérogatives les plus précieuses, réduite à n'avoir d'initiative que sous le contrôle de l'Intendant, l'édilité dijonnaise dut se borner au régime intérieur de la cité et à la restauration de ses finances, obérées par près d'un siècle de troubles.
Cette situation, du reste, était celle de toutes les communes de France. Aussi fallut-il la volonté inflexible d'un ministre comme Colbert, pour mettre fin aux dilapidations, dont les biens et les finances communales avaient été l'objet, et par des règlements sévères en interdire le retour. Dès 1662, un arrêt du Conseil, rendu sur sa proposition, avait commis l'Intendant et les Elus de la province, pour dresser l'état des dettes de la ville. Elles s'élevaient à la somme de 523,621 livres, c'est-à-dire au décuple du revenu d'une année ordinaire. L'arrêt du Conseil, du 11 août 1664, réduisit cette somme à 287,521 livres et pourvut aux voies et moyens d'en opérer la prompte liquidation. Il astreignit les magistrats à ne plus dépasser le chiffre des dépenses ordinaires, lesquelles furent désormais arrêtées par un état, qui était une sorte de budget permanent. Tous emprunts, toutes • tailles extraordinaires, à moins d'autorisations expresses, leur furent égale-* ment défendues sous les peines les plus sévères (2).
(t) Archives de la ville. Trésor des Chartes. B.
(2) Arrêt original. Archives départementales. Bureau des finances. Liquidation des dettes des communautés.
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Si la liberté souffrit de ces mesures qui mettaient la ville en tutelle et anéantissaient ce qui avait survécu de ses anciennes franchises, il y eut du moins cette sorte de compensation, que l'ordre ramené aussi bien dans l'administration que dans les finances, lui permit bientôt de réaliser maintes améliorations demeurées jusque-là impossibles. Les bâtiments communaux, qui tombaient en ruine, le pavé, devenu impraticable, furent réparés, et, en 1671, sans nuire au service courant, la mairie achetait les terrains sur lesquels allait s'ouvrir le cours du Parc.
Du reste, elle n'avait pas attendu jusque-là pour s'occuper de l'Hôtel-deVille. Si depuis le commencement des guerres de religion et des troubles qui les suivirent, la ville, obligée de réserver toutes ses finances aux nécessités de la défense, s'était vue forcée d'ajourner les améliorations projetées; elle avait néanmoins toujours saisi l'occasion favorable d'en réaliser quelques-unes. Ainsi, en janvier 1589, au lendemain du meurtre des Guises, elle obtenait du chapitre de la Sainte-Chapelle la cession d'une partie de la maison canoniale contigue à l'Hôtel-de-Ville, afin de prolonger la rue du Cloître jusqu'à la rue des Fols et établir aussi une communication plus directe entre les portes Saint-Pierre et Saint-Nicolas (1).
En 1024, dans le but d'isoler autant que possible la Chambre du Conseil, qui était comme une sorte d'antichambre de toutes les salles de la mairie, et partant fort incommode lors des réunions des magistrats ceux-ci firent élever, en retour d'équerre de la grande galerie, un couloir en parpaing, décoré de balustres en bois formant balcon, avec un plancher carrelé, couvert en ardoises, ce qui établit une communication directe entre la cage de l'escalier et la grande salle au-dessus du porche, laquelle devint alors la réelle antichambre de la mairie (2). En même temps, elle passa marché avec le peintre Florent Despeches qui, moyennant 40 livres, s'engagea à peindre ce passage en brun et jaspe, rechampi de filets blancs, à bronzer les balustres (1) Registre des délibérations. Cette rue, ou plutôt cette ruelle à ligne brisée, avait seulement 12 pieds de largeur, dimension qui, du reste, était la même que celle de la rue du Pilori, située devant l'hôtel de ville avant son rélargissement, en 1757.
(2) 1624. Archives municipales. K. Hôtel de ville.
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ainsi que la figure qui décorait la cheminée de la salle, et à nettoyer les écussons et les tableaux qui en revêtaient les parois (1). Parmi ces derniers devaient figurer sans doute les portraits des maires, qui s'étaient succédés depuis 1606, époque à laquelle il avait été décidé, « que pour la bienséance » honneste, et pour décorer cette salle, les vicomtes mayeurs seraient » autorisés à se faire tirer et représenter en ung tableau, avec l'année de » l'exercice, pour en perpétuer la mémoire (2). »
Cinq ans auparavant, elle avait converti les chambres au-dessus des moulins, en salle des peintures, laquelle n'était point un musée, comme on pourrait le croire, mais un magasin où l'on entassa les colonnes, corniches et autres décorations qui servaient aux solennités publiques. Les Despeches, les Dubois et autres artistes du pays en furent les premiers conservateurs (3).
Dans le même temps, afin de donner plus de place au secrétaire, la mairie transporta le greffe et la loge du concierge dans la maison des Fours, qui joignait le pavillon de la Chambre des pauvres (4), et comme cette dernière n'avait point de local sûr pour y renfermer ses papiers, elle bâtit un cabinet tout en pierre au-dessus de la grande porte de sortie, lequel était desservi par l'escalier de la grange (5).
En 1651, elle avait démoli et reconstruit, sur des dimensions bien moindres, l'arsenal de la cour où elle renfermait son artillerie (6). Donc, en 1669, la nouvelle administration municipale voulut inaugurer son régime en rajeunissant l'Hôtel-de-Ville, qui d'ailleurs tombait en ruine. Toutefois, comme les ressources dont elle pouvait disposer étaient limitées, non-seulement la transformation fut lente, elle dura près de cinquante ans (1669-1719); mais, dans l'impossibilité où elle était d'élever un monument digne de la première magistrature de la province, elle dut se contenter de (1) WU. Archives munie. K. Hôtel de ville.
(2) Délibération du 12 juin 1606.
(3) 1619, 1629, 1636,1654. K. Hôtel de ville.
(4) 1619. 1626, 1627, 1636, 1639. Idem. Le pavillon du greffe fut entièrement reconstruit en 1655. On y fit des appropriations en 1660. Idem.
(5) 1647. K. Hôtel de ville. (6) 1651. Idem.
LES DEUX PREMIERS HÔTELS DE VILLE p- 1 1 '1
relever, sur les anciennes fondations, sans lui donner plus de hauteur et en le rajeunissant, l'édifice très simple qui subsiste encore aujourd'hui. De 1669 à 1670, on bâtit la portion de façade principale comprise entre l'ancien hôtel Moisson, devenu l'hôtel Bernardon, et le porche de l'entrée (1). Elle comportait au rez-de-chaussée les prisons, auxquelles on ne toucha point, l'auditoire .qui les joignait, au premier étage, la salle de dépôt, qui allait devenir le magasin des chandelles de l'éclairage public (2), la chambre des buvettes, toutes deux régnant sur les prisons, ensuite la chambre du Conseil qui dominait l'auditoire.
Ce fut là le premier effort.
Dix ans plus tard, alors qu'il leur fut possible de terminer la chambré du Conseil, nos magistrats voulurent, par amour propre municipal, qu'elle ne cédât en rien à celles dans lesquelles le Parlement et la Chambre des comptes tenaient leurs audiences solennelles. Ils demandèrent des projets à tous les sculpteurs qui peuplaient la ville, et dont le vénérable Jean Dubois était encore la plus glorieuse personnification. L'appel fut entendu le choix tomba sur le dessin présenté par Honoré Rancurelle (3), et l'exécution confiée, suivant délivrance publique, le 16 décembre 1680, à Abraham et Bernard Rollin frères, sculpteurs, et Jean Dodin, menuisier, moyennant la somme de 2,030 livres (4).
Les travaux commencés, la mairie traita, en 1681, avec le sculpteur A. Guion, pour la décoration de la cheminée (5), et l'année suivante, avec le menuisier Dodin, pour l'achèvement du lambrissage en chêne et l'ornementation des portes (6).
(1) Registres des délibérations de 1669.
(2) Etabli en 1697.
(3) Ce dessin lui fut payé 40 livres. K. Hôtel de ville.
(4) Archives de la Ville. K. Hôtel de ville.
Les travaux furent reçus le 13 septembre 1682. 432 livres de fer entrèrent dans l'armature qui soutient le plafond.
(5) Moyennant 600 livres, l'ouvrage fut reçu le 19 novembre 1682. K. Hôtel de ville.
(6) Le marché montait à 820 livres. Il ne comportait que le lambrissage des baies des quatre fenêtres sur la rue et l'achèvement du lambrissage de la frise commencée en 1670 par Ponavoy, menuisier, qui avait lambrissé, moyennant 525 livres, la majeure partie de la salle. K. Hôtel de ville, et L. Comptes du Patrimoine.
core dans son
Cette salle, qui subsiste encore dans son entier, sauf les modifications apportées par les différents gouvernements qui se sont succédés depuis, offre un grand caractère. Elle forme un parallélogramme rectangle de 10 mètres 30 sur 9 mètres 80. Elle est revêtue d'un lambris de chêne, surmonté d'une frise, le long de laquelle court une trainée de fleurs de lys encadrées dans un cercle, et qu'accompagnent des rinceaux. Cette frise soutient l'édifice du plafond, dont la hauteur est de 5 mètres 35 au-dessus du parquet (1). Ce remarquable spécimen de la sculpture bourguignonne au xvlie siècle, comporte douze caissons reliés entre eux par des guirlandes de feuilles d'olivier, que de petits pendantifs maintiennent aux angles. Chaque caisson se compose d'un encadrement soutenu par des modillons et des fleurons. Ils offrent au centre de losanges ou d'octogones allongés, rehaussés de fleurs ou de fruits, et symétriquement disposés, tantôt des trophées militaires, tantôt des figures de femmes, des armoiries et autres emblêmes féodaux (2). Ces derniers, détruits en 1792, furent remplacés au commencement du siècle par des faisceaux consulaires cantonnés d'abeilles, des sceptres en sautoir et les armes impériales, où se sont successivement substitués l'aigle, les fleurs de lys et le coq gaulois.
La disposition de la cheminée monumentale, qui occupe tout un côté de la pièce, ne déparait pas cette magnificence.
Elle fut également élevée sur les dessins de Rancurelle (3). Deux termes robustes, en pierre d'Asnières, à têtes barbues protégées par un coussin, soutiennent un entablement en chêne dont la frise pointillée est décorée de rinceaux hardiment découpés (4). Le manteau, que remplissent aujourd'hui les portraits des quatre derniers ducs de Bourgogne, était couronné d'un fronton surmonté des armes de la ville, cantonnées de celles du maire Joly et (1) Les gaines des deux termes et l'épaisseur qui règne entre le parquet et le plafond du rez-de-chaussée, témoignent que ce parquet fut exhaussé postérieurement, peut-être en 1715, après l'achèvement de l'Hôtelde-Ville.
(2) Un pendentif, traversé par une tige en fer à laquelle on suspendait les lustres, occupait le centre des deux du milieu.
(3) 1683. K. Hôtel de ville.
(4) La « taque ou plaque en fer de la foyère, posée en 1676, coûta 33 livres. K. Hôtel de ville.
de Claude Bouchu, alors intendant de Bourgogne (1). Ce manteau est en outre flanqué de deux niches, dont les socles sculptés offrent l'un des balances, et l'autre un écrin d'où s'échappent des médailles et des bijoux. Une tapisserie bleue, semée de fleurs de lys jaunes, encadrée dans la boiserie, remplissait la paroi qui fait face à la rue. Le portrait de Louis XIV s'étalait sur la cheminée (2), en face de ceux des rois Henri IV, Louis XIII, de Henri de Bourbon, du grand Condé et de son fils Henri-Jules, tous resplendissants dans de riches cadres dorés (3).
L'ancienne estrade, qui depuis la réduction du nombre des magistrats, n'avait plus raison d'être, disparut pour faire place à une balustrade sculptée (4), encadrant un riche bureau autour duquel étaient rangés des sièges fabriqués sur cr un dessin tout exprès (5). »
Enfin, pour donner en quelque sorte une consécration à ce nouveau sanctuaire de l'édilité dijonnaise, la Chambre fit placer au-dessus des portes qui desservaient la salle quatre grandes tablettes de bois, à fond d'azur, sur lesquelles se lisent encore les inscriptions suivantes, peintes en lettres d'or:
(1) 1681, 1683. K. Hôtel de ville.
(2) Acheté en 1669. B. Chambre de ville. Son cadre fut sculpté en 1683 par Rancurelle. K. Hôtel de ville. Plus tard, quand la salle fut convertie en Chambre d'audience, le portrait du Roi fut remplacé par nn Crucifix. K- Hôtel de ville.
(3) 1671. Compte du Patrimoine, série L. Finances.
(4) 1680, 168Î. K. Hôtel de ville.
(5) 1686. B. Mobilier de la Chambre de ville.
I.
LONGTEMS LA LIGUE
MECONNUT HENRY IV
ENFIN PAR LES SOINS
DU MAIRE FLEUTELOT
CE BON PRINCE ENTRA
DANS DIJON EN JUIN
1595.
A cette inscription, qui subsiste encore en lettres noires, on superposa celle-ci, qui était plus conforme à la vérité
JACQUES LAVERNE •
MAIRE DE DIJON
VOULANT RAMENER LA
VILLE A L'OBEISSANCE
DUE AU ROY, PÉRIT
SUR L'ECHAFAUD
LE 23 8BMt 1594.
SEMUR A VU LE pdi
FREMIOT FIDELE ET
COURAGEUX PENDANT
LA LIGUE NOS PERES
RENDUS A LEUR DEVOIR
L'ONT ELU MAIRE EN
PIERRE JEANNIN
EMPÊCHA PAR SA
SAGESSE QUE LA
VILLE DE DIJON
n'éprouvât LES
HORREURS DE LA
SAINT BARTHELEMY
EN AOUT 1572.
II.
1596.
III.
Une autre, mais de dimension différente, placée sous la frise, vis-à-vis de la cheminée, est ainsi conçue
MARC AN"* MILLOTET MAIRE PAR SA COURAGEUSE FERMETÉ MAINTINT EN 1648(2>A DIJON L'AUTORITÉ DU ROY PENDANT LES GUERRES DE LA FRONDE. En décorant avec autant de magnificence le lieu destiné à leurs réunions, nos édiles ne pensaient guère que les exigences de service allaient bientôt les en évincer. En effet, depuis le jour où la mairie avait installé son auditoire de justice dans l'ancienne salle des gardes, aucun changement n'y avait été apporté. La population s'était accrue, et avec elle le nombre des plaideurs. Le Code Louis, qui avait refondu l'instruction et la procédure des affaires, venait d'être promulgué, et bien que le vicomte mayeur rendit la justice dans son hôtel, l'auditoire était devenu insuffisant pour l'expédition des causes de six heures, de sept heures, de midi, de quatre heures, sans préjudice de celles extraordinaires et par commissaires. D'un autre côté, les règlements militaires exigeaient que tout gîte d'étape où les troupes séjour(1) Erreur, c'était en 1630.
(2) Nouvelle erreur de l'auteur de l'épigraphe, qui a confondu la Fronde du Parlement de Paris, avec celle du prince de Condé, arrivée en 1650.
IV.
NOS PÈRES
MÉCONNURENT UN
MOMENT LEUR
DEVOIR EN 1631 (I)
LE ROY LEUR PARDONNA
CÉDANT AU
PATRIOTISME
ÉLOQUENT DE
CHARLES FEVRET
-)-–J~ T
10
naient fut pourvu d'un corps de garde. Le corps municipal étant juge de police et commissaire aux revues, ce corps de garde ne pouvait être qu'à l'Hôtel-de-Ville. Il y avait donc nécessité de pourvoir à ces nouveaux besoins, auxquels la mairie avait dû songer dans ses projets d'aménagement de l'hôtel. Malheureusement, pour les accomplir à bref délai, on avait compté sans l'avalanche d'édits bursaux, que pour faire face aux dépenses d'une guerre implacable, le gouvernement de Louis XIV précipitait sur le pays. Parmi eux figuraient celui du mois d'août 1692, qui érigeait en offices les charges municipales derniers débris des anciennes franchises, que le roi mettait à l'encan, comme il l'avait fait du privilége de noblesse. Dans ces circonstances, la ville de Dijon n'avait point hésité à racheter ce fantôme de ses anciennes libertés, au prix exorbitant de 142,000 livres. Elle payait, l'année suivante, une somme de 110,000 livres pour le rachat des droits de censes et rentes, une autre de 13,800, en 1699, pour réunir au corps de ville l'office de garde du petit scel, et 80,000 livres, en 1707, pour la confirmation de ses octrois (1).
Néanmoins, quelques lourds que fussent ces sacrifices et la perturbation qu'ils apportaient dans ses finances, il faut croire que la nécessité d'assurer les services fut bien grande, puisque l'année même où elle accomplissait ce dernier paiement, la mairie reprenait la restauration de l'Hôtel-de-Ville. Cette fois, la reconstruction confiée, dit-on (2), aux soins de Gabriel, architecte du roi (3), s'étendit des deux côtés du bâtiment, depuis la Chambre de Ville, jusques et y compris le vestibule actuel. L'antique porche, audessus duquel se voyait encore, au centre d'un ciel d'azur semé d'étoiles d'or, le portrait du roi Henri IV, peint en 1609, par A. de Recouvrance (4), disparut, ainsi qu'une plaque commémorative en bronze (5), pour faire face au portail sur lequel règne la salle des Pas-Perdus. Celle-ci reçut une (1) Archives de la Ville. Trésor des Chartes, séries B.
(2) Girault Essais sur Dijon.
(3) Gabriel donnait vers le même temps les projets du pavillon du Palais des Etats, comprenant le vestibule, l'escalier d'honneur, l'antichambre et la salle d'assemblée des Etats.
(4) Registres des délibérations. 1609 et B. Mobilier de la Chambre.
(5) 1676. K. Hôtel de ville.
10
restauration complète et fut éclairée largement au moyen de six grandes fenêtres (1).
Ce portail, en saillie sur la rue, se compose d'une baie arrondie, de 4 mètres 72 de hauteur sous clef, ouverte au milieu de deux larges pilastres formant trumeau dans toute leur élévation. Ils sont à refends jusqu'au cordon du premier étage et lisses jusqu'à l'architrave où ils étaient couronnés de cartouches figurant des armoiries entourées de palmes, et des colliers des ordres du roi (2). Ces pilastres soutiennent, à la hauteur de la corniche, un fronton triangulaire dont le tympan, qui offrait jadis les armoiries de la ville, montre aujourd'hui les faisceaux consulaires qui leurs ont été substitués pendant la Révolution.
Deux trophées d'armes surmontent les pilastres du rez-de-chaussée et concourrent, avec la baie de la fenêtre, percée dans l'axe de la porte, et plus richement encadrée que les autres, à la décoration de ce petit édicule.
Une plaque en marbre, scellée au-dessus de la tablette supérieure de cette fenêtre, portait ces mots gravés en lettres d'or Hôtel-deVille, remplacés de nos jours par ceux de Palais des Archives.
La porte franchie donne accès dans un grand péristyle (18 mètres 15 sur 9 mètres 45 et 10 mètres 50 de hauteur), orné de sept colonnes doriques. Quatre supportent le plancher de la salle des Pas-Perdus, qui occupe à peu près le tiers de ce vestibule et bordent le passage qui menait en droite ligne dans la cour vis-à-vis la porte de sortie sur la rue des Prêtres. Les trois autres soutiennent le palier du bel escalier qui se déroule à droite et qui, commencé en 1707, fut seulement terminé en 1714 (3). Les magistrats firent alors poser, au milieu des constructions nouvelles, une plaque de marbre (4) avec cette inscription en lettres dorées
(1) K. Hôtel de ville.
(2) 175* Archives municipales. K. Hôtel de ville.
(3) Archives municipales. K. Hôtel de ville. La rampe en fer forgé, qui date du même temps, était décorée, dans le principe, de deux vases en cuivre. 1717. K. Hôtel de ville.
(4) Payée 90 livres. K. Hôtel de ville.
L'établissement d'un vaste escalier, à droite du péristyle, entraînant forcément la suppression des locaux situés à droite du porche, la mairie résolut d'acheter la maison de la Sainte-Chapelle, qui la joignait à l'ouest, et dont portion lui avait été déjà cédée en 1589. Cette acquisition était commandée par le besoin de trouver la place qui lui manquait pour loger le secrétaire, l'audition des comptes et y installer une nouvelle institution charitable appelée Y Aumône générale, dont elle voulait doter la ville. En effet, à la suite du terrible hiver de 1709, qui avait multiplié les pauvres dans une proportion inquiétante pour la population, le Parlement avait, par un arrêt du 29 mai de la même année, renouvelé celui du 14 novembre 1693, par lequel, au moyen de secours organisés dans chaque paroisse, la mendicité demeurait interdite.
D'après ce règlement, un Comité formé du curé, des fabriciens et des notables de chaque paroisse, dressait la liste de tous les pauvres domiciliés dans la circonscription. Ceux que leurs infirmités rendaient incapables de travailler devaient être reçus dans les hôpitaux. On évaluait ensuite la dépense à laquelle pouvaient s'élever les secours à distribuer pendant un an aux mendiants valides, et cette somme était répartie d'après un rôle des habitants de la paroisse, sans en excepter les corporations et les communautés religieuses. Le rôle arrêté devenait obligatoire, et les contestations, si elles surgissaient, portées devant le juge royal (1).
(1) Bibliothèque de la ville. Recueil des arrêts du Parlement.
REGNANTE LUDOVICO MAGNO
AUSPICIIS SERENISSIMT HENRICI JULII
BORBONII PRINCIPIS CONDEI, jEDEM
HANC MUNICIPALEM, VETUSTATE CADUCAM,
VICE COMES MAÏOR ET SEX VIRI
DIVIONENSES, CUM PROCURATORE,
REI COMMUNIS UTILITATIS PUBLICA
CAUSA RESTITUENDAM CURAVERUNT.
ANNO SALUTIS M D CC VII
LES DEUX PREMIERS HÔTELS DE VILLE ..1 -o. ,·
Mais comme à Dijon, où il existait sept paroisses, cette division avait tout aussitôt amené des abus, la mairie, sur les conseils du Père jésuite Dunod, mandé de Dole tout exprès (1), prit la résolution de centraliser les secours à l'Hôtel-de-Ville Elle en confia la direction à un bureau spécial, formé des délégués de la Chambre de Ville et de celle des pauvres, des sept curés et de notables pris dans les paroisses.
Secondés par le prince de Condé Louis-Henri, dont la mère, Louise de Bourbon, avait accepté le patronage de l'œuvre, et de l'avis du Parlement, les maire et échevins rendirent, le 11 août 1711, une ordonnance qui prescrivait aux pauvres et mendiants étrangers, de quitter la ville dans les vingt-quatre heures, sous' peine de fouet interdisait la mendicité publique sous les peines les plus sévères, avec défense expresse aux habitants de faire directement l'aumône aux pauvres.
On arrêta en même temps par chaque paroisse, le rôle des pauvres sujets à l'assistance. Les plus âgés, les infirmes, qui remplissaient les conditions voulues d'habitantage, furent admis dans les hôpitaux. Les autres reçurent chaque dimanche une quantité de pain suffisante pour la semaine, et le bureau se procura des métiers, afin d'en occuper un certain nombre.
On pourvut aux dépenses de l'institution, d'abord au moyen du rôle mentionné plus haut, puis de quêtes faites dans les églises les jours de dimanches et fêtes, et par des secours que des commissaires quêteurs allaient recueillir à domicile.
La vicomté-mairie, qui voulait conserver et qui conserva en effet jusqu'à la fin, le caractère municipal de la nouvelle institution, entendit, comme pour la chambre des pauvres, l'avoir toujours à sa portée. Elle acquit donc, en 1712, la maison canoniale de la Sainte-Chapelle, dont j'ai parlé, la démolit pour la plus grande partie, et sur l'emplacement termina la façade de la rue Jeannin et construisit celle sur la rue, qui prit plus tard le nom de rue de la Monnoye. Elle affecta au service de l'Aumône (J) Archives municipales. E. Etablissement de l'aumône générale.
générale tout l'espace compris entre le bâtiment des moulins et le logement du secrétaire et y éleva, avec le concours de deux bourgeois, Balthasar Bernard et Francoise, sa sœur(l), une chapelle dédiée à saint Alexis, qui fut bénie le 17 juillet 1715, par Jean Bouhier, alors vicaire général de l'évêque de Langres, en attendant d'être, seize ans plus tard, le premier évêque de Dijon. >
Cette chapelle, dont l'entrée principale était dans la cour de l'Hôtelde-Ville, avait 18 mètres de long sur 10 de large, et 9 mètres 42 de hauteur sous plafond. La distribution des secours, qui avait lieu, comme je l'ai dit, tous les dimanches, était toujours précédée d'une messe suivie d'instructions, auxquelles tous les malheureux secourus devaient assister. Afin que nul n'ignorât la destination du lieu, on lisait au-dessus de la porte cette inscription gravée en lettres d'or
D 0 M
SUB PATROCINII S ALEXII
PAUPERUM SALUTI CONSULANTES
LABOTTE QUESTOR REGIUS, URBIS ET ANNONCE PRŒFECTUS
VICE COMES MAJOR
ET SEX VIRI DIVION CONSTRUI GG ANNO
M D CC XIV
Louis XIV, auquel les officiers municipaux avaient demandé la reconnaissance légale de la nouvelle institution, s'empressa de la leur octroyer en des termes qui durent singulièrement les flatter, et c'était justice. Voulant, y était-il dit, contribuer autant qu'il est en nous à un établissement si utile et si avantageux et donner des marques aux exposants de la satisfaction que nous avons de voir notre zèle pour le soulagement des pauvres et pour la tranquillité publique, si heureusement secondée par leur attention et la charité des habitants de Dijon, en approuvons la fondation, etc. Il la déclara en même temps capable de recevoir les dons et legs qui pourraient (1) Ils donnèrent une somme de 1017 livres.
lui être faits, et autorisa le bureau à édicter des règlements, sans cependant toucher à ceux homologués par le Parlement ni à la juridicticn qui appartenait aux officiers municipaux.
L'exécution de ces règlements et des mesures de police concernant les pauvres, demeura confiée à six agents qu'on nommait officiellement gardes de l'aumône mais que le peuple dijonnais, toujours enclin à la malice, continuât d'appeler jusqu'au dernier jour et nonobstant amende et punitions, chasse-coquins ou chevaliers de l'écuelle.
Ces aménagements qui complétaient l'Hôtel-de-Ville, enfin terminés, la mairie convertit la chambre du Conseil en salle des audiences publiques, et se retira dans la chambre des buvettes qui, par ses proportions moins vastes, lui convenait d'autant mieux que de 38 personnages dont elle se composait jadis, elle avait été réduite à 12. Elle y transporta donc son bureau, ses tapisseries, une partie des tableaux (1), et elle ménagea, pour le cabinet du vicomte mayeur une partie de la chambre à la suite. Au rez-de-chaussée, l'ancienne loge, les chambres qui en dépendaient, toutes situées en face de l'auditoire, ayant disparu pour faire place au vestibule, le secrétariat fut reporté au fond et amalgamé avec ce qui restait du bâtiment de la SainteChapelle. L'ancienne vis, qui n'avait plus de raison d'être, disparut aussi avec la tour, la galerie à balcon, de même que l'arsenal devenu aussi inutile depuis que Louvois, par une raison d'Etat déguisée sous de puérils prétextes, avait enlevé les canons qui le remplissaient.
Le vieil auditoire devint l'auditoire de police. Des deux cabinets qui le flanquaient, celui du côté de la rue fut converti en corps de garde, l'autre servit à la distribution du pain des pauvres. En 4769 (2), on le transféra au premier étage vis-à-vis l'entrée de la salle des Pas-Perdus, au-dessus du bureau du secrétaire et où s'était tenu jusque-là la Chambre des Comptes. (1) Elle laissa dans la salle sculptée, les portraits des Rois qui s'augmentaient à chaque règne, auxquels elle ajouta plus tard les bustes de Louis XIV et Henri IV, montés sur des piédestaux, et elle garnit sa nouvelle salle des portraits des gouverneurs (les Condé), de certains ministres, des bienfaiteurs de la ville, comme les présidents Godran et de la Motte-Jacqueron, sans oublier ceux des anciens maires et échevins. Sous ce dernier rapport, la délibération de 1605 étant tombée en désuétude, elle la renouvella en 1671. (2) K. Hôtel de ville.
Quant à cette salle des Pas-Perdus, on continua de l'appeler de ce nom, bien qu'elle servit à la fois de salle d'attente, de lieu d'assemblée pour les corporations, de salle pour le tirage de la milice, de bureau des logements militaires et de chambre aux vingt sergents qui étaient en même temps valets de ville, huissiers et agents de police (1).
Le greffe fut maintenu dans le bâtiment joignant la porte de sortie et ses archives dans la galerie (2).
La chapelle se ressentit aussi de ces améliorations. Déjà en 16251a mairie avait fait lambrisser son plafond en chêne et remplacer par une tapisserie fleurdelysée les peintures « à la destrempe de diverses façons et peu convenables dont ses murailles étaient couvertes (3). Elle y ajouta en 1711 un tableau peint par Héros (4).
L'Hôtel-de-Ville offrait donc dès cette époque une suite de trois vastes salles de plain pied, richement décorées, desservies par un vestibule spacieux, et pouvant se prêter à toutes sortes de transformations. Aussi ne faut-il pas s'étonner si la Chambre de Ville n'attendit pas qu'on y eut mis la dernière main pour en faire les honneurs au prince de Condé. Louis-Henri de Bourbon venait pour la première fois présider les Etats de la Province, et comme il n'avait pas vingt ans, la mairie crut devoir lui donner un bal (5), qui fut des plus brillants, car la présence du prince et la réunion des Etats, avaient amené à Dijon toute l'élite de la société bourguignonne. Cette fête ne fut pas la dernière du même genre. Nos registres témoignent que, nonobstant la gravité du lieu, les Saulx-Tavannes, qui pendant une longue suite d'années remplirent les fonctions de commandants de la province sous les gouverneurs, mirent souvent la complaisance des magistrats à l'épreuve. Aussi quand aux Etats de 1766, le prince de Condé, Louis-Joseph de Bourbon, eut témoigné le désir d'entendre les jeunes enfants du maître de musique de l'archiduc de Salzbourg, qui revenaient de Paris, et dont on (1) K. Hôtel de ville. (2) K. Idem.
(3) Registres des délibérations,
(4) C. Mobilier de la Chambre de ville.
(5) 1713. K. Hôtel de ville.
disait merveille, la mairie s'empressa de préparer la salle des audiences, où le concert eut lieu. Nos magistrats reçurent le prince à la descente de son carosse et le conduisirent au fauteuil qui lui avait été réservé, mais comme, pour plus d'honneur, on l'avait placé sur une estrade, le prince, qui était galant, le fit aussitôt enlever et fut se placer au milieu des dames, auxquelles il fit les honneurs du concert et des rafraîchissements préparés par les magistrats. On a deviné qu'il s'agissait ici de Mozart, qui débutait dans la carrière, et de sa jeune sœur Nanerl. L'assemblée était aussi nombreuse que. choisie, et nous eussions bien désiré pouvoir rappeler les noms des beautés qui attirèrent les regards du prince. Malheureusement nos magistrats, qui eurent grand soin de consigner sur le registre, le costume à la Pontchartrain qu'ils avaient revêtus pour la circonstance, passèrent ce détail intéressant sous silence, aussi bien que la composition du programme (1).
Une cérémonie d'un genre diamétralement opposé, motivait aussi, bien qu'à des intervalles assez éloignés, la réunion des officiers municipaux à l'Hôtel-de-Ville. C'était quand les fabriciens de Saint-Michel, dont cet hôtel dépendait pour le culte, apportaient au Vicomte Mayeur le chanteau du pain bénit de la paroisse.
Au jour fixé, nos magistrats, revêtus de leurs robes d'honneur, se rendaient à l'église sous l'escorte de la milice bourgeoise. Le cortège était précédé des tambours et des trompettes en livrée, que suivaient les sergents en hallebardes. Six portaient sur des brancards trois énormes pains ornés de guidons de taffetas bleu aux armes de la ville. Reçus par le clergé de la paroisse, des députés de la fabrique en robes les conduisaient aux hauts (i) Registre des délibérations de la Chambre de ville. Voir Lecture sur Mozart à propos du 116e anniversaire de la naissence de ce maître par M. Ch. Poisot. Dijon 1872.
M. Charles Poisot, qui professe un grand culte pour le talent de Mozart, a demandé et obtenu de l'administration départementale, l'autorisation de placer dans cette salle, une inscription qui rappelle cet événement. Elle est ainsi conçue
A MOZART
SOUVENIR DU CONCERT
DONNÉ PAR LUI DANS CETTE SALLE
LE JEUDI 16 JUILLET 1766.
CH. POISOT DEDIT 1872.
if
sièges du chœur, qui était gardé par les sergents. On célébrait une grande messe en musique. Le maire offrait quatre écus d'or. On présentait le pain bénit au corps de ville, sur un plat d'argent décoré de banderolles bleues. Puis la cérémonie terminée, les fabriciens reconduisaient jusqu'au parvis le cortége municipal, qui rentrait dans le même ordre à l'IIôtel-de-Ville (1). Des différents services que la mairie avait installé à sa suite, en prenant possession de l'hôtel Rolin; deux seulement étaient restés en dehors des changements que j'ai exposés plus haut, savoir la Chambre des pauvres et les prisons. La première, formée comme on sait des délégués des cours souveraines et de la Chambre de Ville, avait été confinée, faute d'un local plus convenable, dans l'ancienne chambre de Guigonne, immense galetas mal éclairé, qui avait en outre l'inconvénient d'être desservi par un escalier obscur, encombré aux jours de réunion par les pauvres qui s'y rendaient pour obtenir des secours, et dont la communication avec les prisonniers déjouait toute surveillance (2). Ce fut seulement en 1755, qu'il fut possible à la mairie de la transporter dans l'ancienne chambre des peintures, située au-dessus des moulins, et qui était contigue à la chapelle Saint-Alexis. Son appropriation coûta 1,525 livres. On lisait, sur la tablette en pierre noire de Vitteaux, qui décorait la cheminée, le mot Charitas, gravé en lettres d'or. Cette chambre y demeura jusqu'à la Révolution, époque à laquelle on transporta son siège à l'hôpital général (3).
Quant aux prisons, telles on les avait établies au commencement du xvie siècle, telles on les retrouvait encore au milieu du xvine. Seulement, les « jacquettes et les constructions en bois adossées à l'hôtel Moisson, avaient été rebâties en 1683 et 1707; mais ni plus sûres, ni plus spacieuses, le terrain manquant, ni surtout plus salubres.
Il en était de même du régime intérieur. Nos magistrats avaient pu, à la longue, introduire ça et là quelques réformes, au point de vue de la justice et de la police, essayé de mettre un frein à la rapacité du geôlier mais comme je l'ai dit à propos de la Maison au Singe, il eût fallu, pour extirper des abus (1) Registres des délibérations.
(2) 1699. Archives municipales. K. Hôtel de ville. (3) 1755. Idem.
il
invétérés, une surveillance plus constante et une suite d'idées, incompatibles avec une administration aussi changeante que la mairie. Ce ne fut pas trop de la toute-puissance royale, aidée du Parlement, pour y mettre fin, et encore cela n'arriva-t-il que dans la seconde moitié du xvne siècle.
Ainsi, vers 1530, les maire et échevins, frappés des inconvénients qui naissaient de la « laichance » du geôlier à ne point tenir les criminels « serrez, à à les laisser librement « constabuler, discorir et vaguer, à per» mettre l'entrée des prisons aux étrangers, qui conseillaient les détenus, » dont plusieurs, par tels moyens, évadaient la punition des cas par eux » commis, au grand intérêt de la justice et de la chose publique. » Les magistrats, dis-je, avaient, par un nouveau règlement, maintenu les dispositions anciennes relatives aux droits d'entrée, d'issue et de gîte, à la table du geôlier, dont on avait renouvelé le tarif, à la faculté laissée aux prisonniers de se faire apporter leur nourriture du dehors, aux bienvenues, aux aumônes qui devaient être distribuées par le plus « souffisant (1), » au droit du geôlier de retenir son débiteur; mais on avait exigé qu'il fut marié, constamment revêtu de sa robe de livrée, et qu'il répondit de gens à ses gages.
On l'oblige à tenir un registre d'écrou, sur lequel il enregistre lui-même ou par un clerc, s'il ne sait pas écrire, le nom des prisonniers qui lui sont annexés, leur qualité. Il doit indiquer s'ils sont clercs tonsurés, le jour de leur sortie, consigner sur ce registre, pour en prendre charge, l'argent, les bijoux et les armes dont ils sont porteurs. Les prévenus de crimes doivent être tenus en chartre privée. Les communications ne sont permises, et encore en sa présence, qu'avec les parents ou les procureurs. Tout message, toute correspondance sont sévèrement défendus. Cette dernière, quand elle est permise, doit, avant son envoi, être soumise à la justice. Les prisonniers sont logés selon l'ordre du juge. Le geôlier ne peut pas faire coucher plus de trois personnes dans un même lit. Les exactions des prisonniers entre eux et les dépenses superflues sont rigoureusement interdites, de même que. le (1) Archives municipales. C. Prisons et gefllage.
DE DIJON.
LL' L1JV1~. uu
« parler jargon ou latin. » Les seuls jeux tolérés sont ceux de tables ou d'échecs. Tout détenu convaincu de blasphème est privé de vin, et si le geôlier néglige d'appliquer la punition, il est tenu de payer 5 sols pour deux messes en l'honneur des cinq plaies, qui seront célébrées dans la chapelle des prisons.
Défense expresse de laisser les femmes « hanter, reparer et converser avec les hommes (1). » Enfin, il est interdit au geôlier de mettre en liberté un prisonnier pour dettes, à l'élargissement duquel il aura été formé opposition (2).
J'ai dit que ces prisons n'étaient pas sûres. En effet, et nonobstant l'ordonnance municipale de 1545, qui punissait de mort la négligence du geôlier, les évasions n'étaient pas moins fréquentes qu'à la Maison au Singe.
Parmi celles signalées au xvie siècle, deux surtout, eurent un certain retentissement, emprunté l'un au héros principal, devenu depuis un personnage historique l'autre aux circonstances dans lesquelles cette évasion s'accomplit.
Geoffroi de Barry, seigneur de la Renaudie et M. de Beaulieu, son frère, gentilhommes du Périgord, plaidaient, en 1546, au Parlement de Dijon, contre le greffier du Tillet, au sujet d'un bénéfice. Ils commirent la faute de produire des pièces qui, reconnues fausses, les firent succomber et condamner à la prison. Ils subissaient leur peine à l'Hôtel-de-Ville, où vraisemblablement ils, occupaient la chambre des hôtes (3), voisine de l'auditoire et donnant sur la rue, lorsque, fatigués d'une détention dont ils ignoraient le terme, ils mirent tout en œuvre pour la faire cesser. Ils avaient dans la ville des amis, des protecteurs occultes qui leur vinrent en aide, tellement que le 10 novembre, à onze heures du matin, étant parvenus à rompre leur clôture, ils trouvèrent des chevaux et sortirent (1) Les registres des délibérations mentionnent plusieurs scènes de désordres, causées par la négligence du geôlier.
(2) Archives municipales. C. Justice municipale. Prisons et geôlage.
(3) Idem. K. Hôtel de ville. ?
de la ville par la Porte-Neuve, l'épée au poing, sans que personne osât les arrêter. Le procureur syndic de la ville, aussitôt mandé, en saisit le Parlement. Mais, avant qu'on pût envoyer à leur poursuite, les prisonniers avaient pris de l'avance. D'ailleurs, on sut bientôt que le gouverneur Claude de Lorraine, duc de Guise, avait favorisé cette fuite, et chacun dut fermer les yeux (1). Toute mauvaise action porte sa peine. Si le duc de Guise, en se substituant à la justice, crut se créer un partisan, l'événement prouva qu'il s'était bien trompé. La Renaudie gagna Genève, il y embrassa la Réforme, dont il fut un ardent sectaire, en attendant de devenir l'âme de la conspiration d'Amboise qui, si elle eût réussi, entraînait fatalement la ruine de la maison de Lorraine.
L'autre évasion, qui arriva trente-deux ans plus tard, fut également favorisée par deux petits-fils du même Claude, mais plus ouvertement, puisque l'un d'eux ne craignit pas d'en être le principal complice. C'était en 1578, un nommé Lazare de Tirecuir, dit La Barre, était emprisonné à l'Hôtel-de-Ville, sous la prévention d'assassinat sur la personne de Claude de Montbaloux, seigneur de Santigny. Le Parlement instruisait l'affaire, et une condamnation paraissait imminente, lorsque le 19 août, entre quatre et cinq heures du soir, le jeune Charles de Lorraine, duc d'Elbeuf, arriva à la prison suivi d'un nombreux cortège. Il se la fit ouvrir, sous prétexte d'y distribuer ,des aumônes, s'entretint avec Labarre, amusa le geôlier et, au moment de se retirer, fit enlever le prisonnier par ses gens, qui le conduisirent au château, d'où il sortit le lendemain, « au grand scandale du peuple et de la justice. »
Cette fois, le Parlement indigné résolut de sévir; ses commissaires se rendirent auprès du duc de Mayenne, gouverneur de la province, pour lui faire « entendre l'injure commise par son cousin, au roy, à justice et à luy mesmes en face. » Scandale inoui, dont on ne connaissait point d'exemple depuis la création du Parlement, et il commença aussitôt les poursuites. Mayenne accoumt au palais, il protesta qu'il était demeuré étranger à un (1) Registre des délifcé.-ations.
accident que plus que personne il déplorait, et supplia la cour de croire que des considérations de famille n'entraveraient jamais de sa part l'action de la justice. Mais quand, sur cette assurance, le Parlement voulut mettre le principal auteur en cause, il se hâta d'intervenir en déclarant la cour incompétente pour juger un prince. De telle sorte que, comme le rapporte le conseiller Breunot (1), solutus erat senatus, l'affaire dut en rester là. Ce dernier incident s'était passé à l'époque des guerres de religion, qui souvent avaient peuplé les prisons de la ville de réformés des deux sexes. Celles de la Ligue, qui suivirent, les remplirent bientôt de suspects, « de mal affectionnés à la Sainte-Union, » de prisonniers de guerre et jusqu'à des malheureux, dont tout le crime était d'habiter des lieux soumis au parti contraire. Aussi devinrent-elles insuffisantes. On convertit alors la maison d'un « réfugié » (émigré) en prison pour les femmes (2), on en établit une autre au couvent des Jacobins (3), et une autre à la tour de la porte Fermerot (4). Des échevins eurent mission de les visiter fréquemment, à l'effet de faire exécuter la règle et recevoir les plaintes des détenus (5). La plupart réclamaient leur mise en jugement. Mais les « zélés » de la mairie, préoccupés d'autre soin que de celui de rendre la justice à des ennemis politiques, fermaient souvent les oreilles. D'où il arriva qu'en 1590, des détenus ayant fait parvenir une requête au baron de Senecey, lieutenant de Mayenne en Bourgogne, il en demanda des explications aux magistrats, à quoi ceux-ci se contentèrent de répondre que la plupart des plaignants ne méritant que la corde, ils feroient bien mieux de se contenir comme ils estoient (6).
Ce régime ne prit fin qu'après l'entrée de Henri IV, en 4595. On a sans doute remarqué, dans l'analyse du dernier règlement, l'absence de toute disposition relative à l'alimentation des détenus indigents. Cela tenait à ce que la mairie en avait dès le principe, remis le soin à la charité (1) Journal du conseiller Breunot. T. 1. p. 241 et suivantes.
(2) Registres des délibérations. (3) Idem. – i) Idem.
(5) Archives municipales. C. Justice municipale. Prisons et geôlage.
(6) Délibération du 8 juin 1590.
publique. C'était plus économique, puisqu'elle intervenait seulement pour combler le déficit et nommer le comptable qui centralisait la recette et la dépense.
Il faut le dire, cette charité n'y faillit jamais, et pour un sire d'Igornay (1), qui recula devant la dépense d'une fondation, que d'autres, moins fortunés peut-être, prirent de longues années pour leur compte, une charge bien autrement lourde.
On voit, d'après des comptes des années 1530 et suivantes, déposés aux Archives municipales, que les ressources dont on on disposait provenaient
Du produit des aumônes recueillies dans la boîte en fer suspendue à la porte de la prison
Des quêtes, que de pauvres femmes faisaient dans les églises les jours de dimanches et de fêtes
Des collectes en argent et victuailles, dont étaient chargés des « porteurs de besace, » qui parcouraient les rues les lundis, mercredis et vendredis de chaque semaine
Enfin, des repas fournis certains jours de la semaine par des personnes charitables.
Avec l'argent, le receveur achetait du pain, du sel, de l'huile et quelquefois de la viande et du charbon, lesquels, avec le produit des « besaces, » étaient consommés les jours qui n'étaient pas remplis par une dotation charitable (2).
(1) En 1486, Guillaume de Villers, sire d'Igornay, offrit aux magistrats une certaine rente pour l'achat de 13 robes qui devaient être distribuées, chaque année, le jour de la Toussaint, à un nombre égal de prisonniers. La Mairie accepta et fit graver une pierre destinée à en perpétuer le souvenir. Mais, dans l'intervalle, la rente ayant été reconnue insuffisante et le sire d'Igornay refusant de souscrire davantage, la Chambre obtint la résiliation du contrat et envoya la pierre aux décombres. Archives municipales. C. Juridiction. Prisons et geôlage.
(2) Ainsi, dans la période du 10 juin au 1 octobre 1530, les prisonniers avaient
Le lundi, A dlner de MM d'Esbarres.
A souper de M. l'avocat Pâris Jacob, avec une miche de pain.
Plus la besace des paroisses Saint-Jean et Saint-Philibert.
Le mardi, Rien au dtner.
Le souper était fourni par les bouchers, avec une miche de pain.
En 1603, Guillemette de Carmone, veuve du président Noblet, des Comptes, légua une rente de 37 livres pour la fondation d'un diner en pain, vin et viandes les jours de dimanche.
Vingt ans auparavant, Bénigne Jacqueron, président aux Comptes, avait également légué une rente de 16 écus 2/3, destinée à acheter du bois, du charbon, et fournir aux menues nécessités des pauvres prisonniers. Mais, peu de temps après la fondation de la présidente Noblet, vers 1608, le Parlement, qui avait aussi à se préoccuper des prisonniers de la justice royale détenus à la Conciergerie du palais et à l'Hôtel-de-Ville, imagina, de concert avec la mairie, de mettre cette dépense à la charge de tous les habitants aisés, sans distinction aucune. A cet effet, les échevins en dressèrent le rôle dans chacune de leurs paroisses, et on établit pour toute la ville un roulement analogue à celui qui se pratique dans les paroisses pour le pain bénit. Elle s'accomplissait, pour toute la ville, dans une révolution de dix mois. Le dîner devait être apporté à la prison avant midi. Les habitants les moins aisés avaient la faculté de se réunir un ou deux, pour accomplir leur prestation, mais les plus riches la fournissaient pendant deux jours. Cette coutume, qui soulevait de nombreuses réclamations de la part des intéressés (1), prit fin lorsqu'à la suite de la promulgation de l'ordonnance criminelle de Louis XIV (août 1670), le service des prisons fut enfin réglementé.
D'après cet édit, la nourriture des prisonniers du Roi ayant été mise à la charge du domaine, la mairie n'eut plus à se préoccuper que des siens propres, la nouvelle loi obligeant les créanciers à nourrir eux-mêmes les débiteurs qu'ils faisaient incarcérer. On laissa toute latitude à la charité Le mercredi. Le dlner « apportey de chey l'avocat Saumaise, • avec une miche de pain.
L'antique mayeur P. Sayve, fournissant le souper avec une miche de pain.
Plus la besace des paroisses Saint-Médard et Saint-Pierre.
Le jeudi, Rien tout le jour.
Le vendredi, Dlner donné par le Receveur de Champcourt, avec une miche de pain.
Souper, rien.
Le samedi, Rien.
Le dimanche, Rien.
(t) Archives municipales. C. Prisons etgeôlage.
LES DEUX PREMIERS HÔTELS DE VILLE Il- 1
publique d'améliorer le sort des pauvres prisonniers. Mais la justice se contenta de leur fournir régulièrement et au moyen d'adjudications publiques, le pain qui servait à leur consommation, et de confier aux administrateurs des hôpitaux, le soin de les approvisionner de paille et de charbon. A parttr de cette époque, le régime des prisons alla sans cesse en s'améliorant. Sans doute, l'ordonnance ne détruisit ni tous les abus, ni ne prévit toutes les difficultés. Néanmoins, le coup était porté, l'Etat comme le Parlement ne cessèrent d'avoir l'œil ouvert sur les prisons, soit pour réprimer les désordres, soit pour y prescrire telles mesures commandées par l'hygiène, tel adoucissement compatible avec les formes si rigoureuses de la justice d'alors. Et cette surveillance, elle l'exerça jusqu'à la Révolution. Je ne quitterai pas cependant la prison, sans parler d'une cérémonie touchante, empruntée au mystère de la Passion, qui s'y accomplissait chaque année le dimanche des Rameaux. Elle est mentionnée pour la première fois dans les registres municipaux, en l'année 1651 mais tout porte à croire qu'elle existait déjà à une époque beaucoup plus éloignée". Quoiqu'il en soit, ce jour-là, les officiers municipaux, en grand costume, suivis du corps de ville, se rendaient, précédés des sergents, à l'église abbatiale de Saint-Etienne. On leur distribuait des rameaux de buis, après quoi la procession se mettait en marche sur Notre-Dame, où avait lieu la bénédiction des rameaux, puis elle gagnait l'église Saint-Michel par la rue de l'Hôtel-de-Ville, et s'arrêtait devant la prison. A un signal donné, la porte s'ouvrait pour donner passage à un prisonnier pour dettes, qui prenait place, tête nue, entre deux sergents de garde, et était conduit processionnellement à Saint-Michel, où avait lieu le sermon. La procession rentrait ensuite à Saint-Etienne, puis toute la Chambre reconduisait le maire à son domicile. Celui-ci retenait le prisonnier, auquel il « baillait à dîner, » et lui donnait après la liberté de se retirer. Enfin, en 1758, des circonstances favorables s'étant présentées, la mairie put réaliser un projet conçu cinquante ans auparavant, sous l'intendance de M. de La Briffe (1). Elle acquit l'hôtel Moisson, devenu l'hôtel Bernardon, et (1) Archives municipales K. Hôtel de ville.
connerie.
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elle se procura ainsi l'espace nécessaire pour abriter ses archives, créer des magasins (1), mais surtout agrandir les prisons, dont le mauvais état et l'insalubrité excitaient de plus en plus les plaintes de l'autorité supérieure (2). On démolit donc une partie du vieil hôtel et on éleva, en prolongement de la façade de l'Hôtel-de-Ville, sur le même plan et suivant les dessins d'Antoine, architecte de la province (3), une salle voûtée, close par une porte de fer, laquelle reçut les Archives. Le rez-de-chaussée fut affecté au service des réverbères. Vers le même temps, les bâtiments de la prison adossés au même hôtel, furent jetés bas et reportés plus en arrière, de façon à donner à la cour une plus grande étendue. On construisit à leur place un pavillon de 25 mètres de long, composé d'un rez-de-chaussée divisé en quatre chambres ou cabanons, avec un étage, de même desservi par un escalier extérieur appuyé au mur de l'enceinte, et des combles auxquels on arrivait, au moyen d'un autre escalier contigu à la salle des Archives. Les cachots furent établis dans les souterrains. Celui qu'on appelait le Cachot noir ou le Galbanum (4), était destiné aux condamnés à mort. Rien n'avait été épargné pour en augmenter l'horreur. On y pénétrait par un degré de vingt marches, pratiqué à côté de celui des combles et défendu à l'extérieur par une lourde porte en chêne, munie de verrous et de barreaux de fer d'un poids énorme. Au bas du degré et à droite, une seconde porte, encore plus solide que la précédente, donnait accès dans un cabanon carré, en taille, de 6 mètres 50 de long, 5 mètres de large et 2 mètres 50 de hauteur, qui ne recevait d'air et de lumière que par les jours étroits ménagés dans les deux portes. Cette nouvelle prison pouvait recevoir 120 détenus, non compris ceux qu'on pouvait loger dans la portion située sous les salles de la mairie. Après avoir ainsi complété son hôtel, la mairie voulut en dégager les abords. Déjà en 1752 et 1757, elle avait acquis et démoli toutes les maisons de la rue Ramaille (5), de façon à porter sa largeur de 4 à 10 mètres et à (1) Archives municipales. K. Hôtel de ville. (2) Idem. C. Prisons et geôlage.
(3) 1765 Archives municipales. B. Archives.
(4) Archives municipales. K. Hôtel de ville.
(5) Portion de la rue Saint-Nicolas actuelle, comprise entre la rue Jeannin et la rue Chaudronnerie. 12
ménager, devant l'entrée principale de la maison commune, une petite place en hémicycle. La reconstruction, en 1788, par M. de La Goutte, conseiller au Parlement, de l'hôtel Loppin de Montmort, lequel bordait la rue ouverte en 1589, lui donna la facilité de convertir cette ruelle de 4 mètres de large, en une petite place régulière de 1,250 mètres de superficie (1), à laquelle la voix populaire donna le nom du maire Moussier (2), pour le changer, cinq ans après, en celui de place de la Commune. On touchait alors à la Révolution, dont ce dernier fait était déjà une manifestation éclatante mais avant d'aborder cette nouvelle phase de l'histoire de notre monument, il convient de jeter un coup-d'œil en arrière et de rappeler en peu de mots, quels furent les événements, en dehors des fêtes ou cérémonies officielles, auxquels, depuis la fin du règne de Louis XIV, la mairie ou les habitants prirent part ou se trouvèrent mêlés.
A la suite des guerres de la Fronde et depuis que les intendants avaient pour ainsi dire absorbé tous les pouvoirs publics, la vie politique s'était graduellement retirée des villes, pour céder la place aux questions économiques. En ce qui concerne Dijon, si, à partir de cette époque les fêtes publiques ou les entrées des grands personnages remplissent à peu près ses annales, on y trouve cependant de loin en loin certaines pages qui témoignent d'une part, que les magistrats savaient au besoin retrouver de l'énergie pour lutter contre les puissants, et de l'autre que la population n'avait pas perdu tout souvenir de son passé.
Ainsi, en 1668, au lendemain de la réduction des magistrats municipaux, les vignerons et les petits artisans, se prétendant lésés dans la répartition des tailles, se soulèvent contre les « asséeurs, » et s'ils ne renouvellent point les scènes du « Lanturelu, » dont le nom est dans toutes les bouches, c'est que le maire Joly, qui s'en souvient aussi, les prévient en faisant militairement occuper la ville et défendre les rassemblements sous peine de mort. En 1692, la création des offices de jurés crieurs, qui étaient des sortes (t) Archives municipales. J. Voirie. Cette cession fut faite moyennant la somme de 10,000 livres, suivant acte administratif passé le 9 février 1788, approuvé le 21 par l'Intendance.
(î) Le jour de la fête célébrée à l'occasion de la rentrée du Parlement.
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de commissaires priseurs, d'huissiers de saisies, de crieurs publics et de préposés aux pompes funèbres, causa dans le menu peuple une grande effervescence, sur le bruit répandu que les fermiers se proposaient de prélever le même droit sur tous les enterrements, sans distinction. Là encore, le nom de Lanturelu est prononcé, mais la sédition avorte, grâce aux mesures prises par la mairie, de concert avec l'intendant. Il est vrai que la première rachète presqu'aussitôt le malencontreux office et enleve ainsi tout prétexte à de nouveaux troubles (1).
Trente-sept ans plus tard, la prétention de Henri-Charles de Saulx-Tavannes, lieutenant général en Bourgogne, d'être traité de monseigneur, sous prétexte qu'il représentait le prince de Condé, gouverneur de la province, fut l'occasion de débats très vifs avec les Cours souveraines, qui lui refusaient cette qualification, et auxquelles la mairie s'associa, par le motif que son chef était président-né du Tiers-Etat. Il fallut, pour y mettre fin, la toutepuissance du Roi qui, déjà mécontent des Cours souveraines, donna gain de cause à son lieutenant.
Elle ne montra pas moins d'énergie, lorsqu'il lui fallut défendre l'intégralité des droits de justice de la ville, menacés par le premier président Fyot de La Marche, qui voulait ériger en fief son domaine de Montmusard. Ici encore, la lutte fut des plus accentuées. Plutôt que de laisser amoindrir le patrimoine de la ville, le maire et la plupart des échevins préférèrent la révocation et l'exil. Mais du moins ils emportèrent dans leur retraite la satisfaction de penser que leur sacrifice n'avait pas été inutile, car leur vainqueur n'osa point donner suite à ses prétentions (2).
Ceci se passait juste au milieu du XVIIIe siècle.
Jusqu'alors, la commune de Dijon avait seule occupé la scène, mais le temps approchait où d'autres personnages allaient y paraître à leur tour, non plus pour le soutien de la même cause, mais sous l'influence des idées qui (1) Une émeute à Dijon en 1692. Notice insérée par M. de Gouvenain, archiviste de la ville, dans l'Annuaire départemental, année 1873.
(2) Voir: Une Page de l'Histoire municipale dijonnaise, par M. Lory. Dijon. Imp. de Marchand, 1869, 1 vol. in-8°.
débordaient de toute part, lutter à outrance pour le maintien plus ou moins justifié de leurs prérogatives, passionner la multitude, sans prévoir qu'ils allaient ébranler en même temps les fondements de la monarchie, et de péripéties en péripéties, précipiter la catastrophe finale qui devait tous les engloutir.
Dès 1762, le Parlement entre en lutte avec les élus des Etats au sujet de l'abonnement du Vingtième, consenti par ces derniers, nonobstant le refus d'enregistrement par la Cour. Les deux parties échangent des mémoires où, pour la première fois, les conditions principales du pacte de réunion du duché à la couronne sont niées d'un côté et affirmées de l'autre avec une violence sans égale. Comme toujours, le gouvernement, juge et spectateur du combat, en recueille le bénéfice, et le Parlement, satisfait d'avoir éloigné Varenne, secrétaire des Etats, et son plus redoutable adversaire, s'attribue la victoire et s'apprête à de nouveaux exploits.
Il n'avait jamais été si proche de sa ruine. Arrivent les troubles de Bretagne, le Parlement de Dijon prend fait et cause pour celui de Rennes, de même que toutes les autres Cours du royaume, il fait corps avec celle de Paris, pour demander des réformes qui, au fond, n'étaient rien moins qu'un changement de gouvernement. Celui-ci, acculé dans une impasse, en sort par un coup d'Etat. Le 20 janvier 1771, le Parlement de Paris est dissous et reconstitué sur des bases nouvelles. Celui de Dijon proteste en des termes des plus énergiques et va jusqu'à réclamer les Etats généraux. La réponse à de pareilles remontrances ne se fait point attendre le 5 novembre, La Tour du Pin, commandant de la province et l'intendant Amelot entrent au palais, dispersent les magistrats les plus compromis et installent à leur place un nouveau Parlement. Cinq ans plus tard, ce dernier faisait place à l'ancien, qui rentrait pour ainsi dire en triomphe. La bourgeoisie dijonnaise, aussi avancée que celle de Paris, et qui avait avec les gens de robe des affinités et des relations de toute nature, n'était point restée indifférente à ces débats elle en suivait les phases avec un intérêt passionné, sans vouloir reconnaître dans l'attitude du Parlement autre chose que son opposition à des taxes nouvelles. Elle avait également applaudi
à la chûte des Jésuites, pour lesquels cependant la ville s'était si fort compromise sous Henri IV. Aussi, quand après un exil plus ou moins prolongé, les parlementaires rentraient au palais, leur retour était l'objet de fêtes populaires qui, symptôme grave, semblaient célébrer, toujours en s'accentuant davantage, une victoire remportée sur la royauté.
Quant au peuple, bien qu'il prit sa part de toutes ces fêtes, au fond leur motif lui importait moins que les oscillations du prix des grains, attribuées selon les uns à la liberté du commerce, mais pour le plus grand nombre aux accaparements des affidés du Pacte de famine.
Au mois d'avril 1775, presqu'au temps où le Parlement ancien se réinstallait au Palais de Justice, une sédition, causée par une cherté que rien ne justifiait après une récolte abondante, éclata tout-à-coup. Des bandes affamées, repoussées avec dédain de l'Ilôtel-de- Ville par des magistrats inintelligents, rencontrèrent le meunier du moulin d'Ouche, qui passait pour le factotum du conseiller Fijan de Sainte-Colombe, accusé de connivence avec les accapareurs. Elles le poursuivirent et l'assiégèrent dans une maison où il s'était réfugié. Le guet, accouru, est repoussé à coups de pierres, de même que La Tour du Pin, commandant militaire, et le maire Raviot qui, au lieu de ramener cette multitude par de bonnes paroles, avaient eu la maladresse de l'injurier. Le sac recommençait, quand parut l'évêque d'Apchon. Ses exhortations arrêtèrent ce désordre, mais elles furent impuissantes pour empêcher ces furieux de se diviser en deux bandes, dont l'une courut dévaster le moulin d'Ouche, tandis que l'autre marchait droit sur l'hôtel du conseiller, situé à deux pas de I'Hôtel-de- Ville, dans l'intention hautement proclamée de lui faire un mauvais parti. Sauf l'incendie, on y renouvela les scènes du Lanturelu, sans que le commandant et le maire, tous deux affolés de peur, osassent rien tenter pour l'empêcher. Ce fut seulement le soir que, sur un nouvel appel, l'évêque accourut avec son frère, le chevalier d'Apchon, sur ce lieu de dévastation, et fit enfin cesser le désordre (1). Si cette émeute, digne pendant de celle de 1630, n'avait pas coïncidé avec (i) Voir Correspondance de la Mairie de Dijon, Tome III. Précis historique, p. CXXVII et suivantes.
LES DEUX PREMIERS HÔTELS DE VILLE
d'autres, qui éclatèrent presque en même temps sur plusieurs points du royaume, elle eût pu avoir pour la ville des conséquences fâcheuses. Un seul paya pour tous. Mais le peuple, qui attribuait son malaise à l'incurie ou à la complicité des gouvernants, en conserva un long ressentiment, qui le rendit plus accessible aux passions politiques qui bouillonnaient au sein de la bourgeoisie, et quand sonna l'heure de la Révolution, l'un et l'autre étaient préparés à tout événement.
CHAPITRE IV.
l'hôtel DE ville SOUS LA révolution, L'EMPIRE
ET LA RESTAURATION.
1789-1830
La lutte, qui avait recommencé plus vive que jamais entre la Cour et les Parlements, le renchérissement des denrées, cause fréquente de nouvelles émeutes la polémique ardente qui s'était établie au moment de la convocation des Etats généraux, entre la bourgeoisie et les représentants de la noblesse et du clergé, opposés au doublement des députés du Tiers, au vote par tête et à l'abandon de leurs priviléges féodaux ces différentes causes entretenaient dans la ville une fermentation sourde, qui peu à peu pénétrait toutes les classes, en attendant qu'elle fit explosion. Comme aux temps de la Ligue, les avocats dirigeaient le mouvement sous l'empire duquel s'accomplirent les élections. Mais, celles-ci terminées, les partis demeurèrent en présence.
A la nouvelle de la prise de la Bastille, le vicomte mayeur Moussier donna sa démission (1). Un comité, formé des députations des corps constitués et des corporations, s'adjoignit alors aux échevins et s'empara de l'administration municipale. On organisa aussitôt une garde bourgeoise et on se mit en (1) 17 juillet 1789.
rapport direct avec les villes de la province. Bientôt, l'ancienne administration ayant déclaré vouloir abdiquer entre les mains du peuple, une assemblée générale des corporations se tint à 1 Ilôtel-de-Ville Le clergé, la noblesse et les cours souveraines tinrent à honneur d'y être représentés, et donnèrent pour la première fois le spectacle des Trois Ordres réunis et confondus dans une pensée commune.
Les pouvoirs des anciens échevins furent maintenus, et le comité réduit à trente membres (1).
Ce comité continua ses fonctions jusqu'au 27 janvier 1790, date des premières élections municipales. Chartraire de Montigny, trésorier général de la province, élu maire par 1,187 suffrages sur 1,756 votants, prit possession de l'Hôtel -de Ville, en compagnie de 12 officiers municipaux et de 24. notables (2), parmi lesquels figuraient des membres du clergé et des cours souveraines.
Quand on parcourt les écrits officiels de cette période de notre histoire, on est frappé du caractère de dignité et de grandeur dont se revêtent les sentiments qui y sont exprimés et, chose digne de remarque, les faits répondent aux paroles. On dirait que le souffle de la liberté a rompu toutes les vieilles barrières et fait éclore, avec les idées de confédération des villes et des provinces, des sentiments de conciliation, de fraternité et de bienfaisance qui ne s'arrêtent plus aux limites du territoire, et auxquelles tous s'associent, sans distinction d'origine.
Malheureusement, elle fut de courte durée, car tous les problèmes posés par la Révolution étaient loin d'être résolus. Entre le Tiers Etat, qui revendiquait sa part légitime dans la conduite des affaires du pays, et les castes privilégiées qui la lui disputaient, l'accord ne pouvait être de longue durée. Bientôt, la lutte engagée à l'Assemblée nationale, ne tarda point à déborder au dehors, et de paroles dégénérer en actions. A Dijon, dominait une bourgeoisie avancée qui, ayant la conscience de sa valeur et le sentiment de sa force, (1) Registre de la mairie et du comité.
(2) Premier registre de la municipalité.
LES DEUX PREMIERS HÔTELS DE VILLE il 1- 1
voulait à tout prix rompre avec le passé et briser à jamais les liens dans lesquels les privilégiés l'avaient maintenu jusque-là. Maints de ses représentants acceptaient la Révolution dans toutes ses conséquences. Aussi les clubs n'étaient pas installés dans la capitale, qu'ils fonctionnaient à Dijon. Celui des amis de la Constitution, affilié dès le principe avec celui de Paris, qui prit plus tard le nom célèbre de club des Jacobins, eut une grande part dans la direction de l'opinion publique. On jugera de l'esprit qui l'animait, puisque de son sein sortirent, en 1792, les noms de Bazire, de Prieur, de Guyton-Morveau, de Berlier, d'Oudot, etc., tous membres de la Convention, demeurés célèbres, Il ne faut donc point s'étonner si, après moins de deux ans de magistrature, un grand seigneur financier comme Chartraire, dévoué à la maison de Condé, était, nonobstant son ancienne popularité, tombé en suspicion, dénoncé, emprisonné et évincé des fonctions municipales.
Le 14 novembre 1791, 507 électeurs sur 757 votants le remplaçaient par Minard, homme de loi, et sur son refus, un mois plus tard, lui substituaient le commerçant Gérard Champagne, dit le Romain, en l'assistant d'un conseil, où des chefs d'atelier avaient en grande partie éliminé l'élément purement bourgeois (2).
Un an plus tard, Champagne, qui pourtant avait failli perdre la vie dans une émeute suscitée par les partisans de Chartraire, était écarté, comme trop tiède, par le parti avancé qui, maître des élections par l'abstention du plus grand nombre (3), lui préféra un artisan du Bourg, et renouvela le Conseil en y introduisant les plus sûrs et les plus ardents partisans de la Révolution.
Pierre Sauvageot, simple chapelier, n'était dénué ni d'instruction, ni même d'une certaine culture littéraire, ce qui, disons-le en passant, n'avait rien (i) Election du 19 décembre 761 votants, 402 suffrages.
(2) Registre de la municipalité.
(3) D'après le recensement de 1792 à l'an II, la population de Dijon s'élevait à 19,800 âmes, et le nombre des électeurs à 4,437, plus 960 soldats ou défenseurs de la patrie total, 5,397. 733 seulement prirent part aux élections municipales du 3 décembre 1792, et 373 donnèrent leurs suffrages à Sauvageot.
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d'étonnant à Dijon, où tous les enfants de la ville, étaient admis gratuitement et sans distinction à suivre les cours du collége des Godrans. Il avait débuté dans la carrière politique par une ode sur le départ des députés de la province aux Etats généraux, où éclatait l'expression du plus pur royalisme. La plupart de nos plus farouches tribuns avaient ainsi commencé. Chez Sauvageot, ces sentiments furent, il est vrai, de courte durée, car dès que la Révolution commença à s'accentuer, on le vit mêlé à toutes les manifestations qui éclatèrent à Dijon, pour en précipiter le mouvement. Il figure parmi les fondateurs du club des Amis de la Constitution, il est le délégué habituel de sa section aux assemblées électorales, bientôt notable, puis officier municipal, son audace bien connue, l'exaltation de ses opinions, l'avaient naturellement désigné aux yeux de son parti comme le plus capable de remplir les redoutables fonctions qui venaient de lui être dévolues.
Secondé par des hommes qui, comme lui, avaient conçu une haine implacable contre tout ce qui, de près ou de loin, touchait à l'ancien régime. Tous, arrivés au pouvoir, n'eurent qu'un but, une pensée, se modeler sur Paris, pour faire marcher le char de la Révolution coûte que coûte, et en brisant toutes les résistances, hélas, sans songer que, par une loi fatale, tout excès en matière politique amène nécessairement une réaction.
Durant près de deux années, Sauvageot, bien que le représentant d'une faible minorité, régna en maître dans la ville. Sans entrer dans des détails que ne comportent pas notre sujet, les actes placés sous nos yeux témoignent qu'il appliqua dans toute sa rigueur et avec une inflexibilité constante la célèbre maxime d'alors Le gouvernement est révolutionnaire jusqu'à la paix. Aussi les représentants du peuple en mission, Fouché, Prost, Léonard Bourdon et ce farouche Bernard de Saintes (qui le déclara à la tribune), n'eurent jamais besoin d'exciter ou de réchauffer des passions toujours incandescentes.
Quand éclata la Révolution du 9 thermidor, l'anarchie la plus complète régnait dans la ville. Toutes les administrations de département et de district n'existaient pour ainsi dire plus, les tribunaux, à force d'avoir été épurés, se trouvaient dans la même situation, et la municipalité annihilée. La société 13
populaire qui siégeait au bailliage, avait tout absorbé, et encore aucune motion importante n'y était proposée, avant d'avoir été soumise au cénacle des purs qui, Sauvageot en tête, se réunissait au Marais, chez le traiteur Goustard. Bref, le système de terreur, étendu sur toute la ville, avait tellement paralysé l'esprit public, qu'il persistait encore longtemps après la la chute de Robespierre. Il fallut, pour y mettre fin, l'envoi d'un délégué spécial de la Convention.
Le représentant du peuple Calés, arrivé à Dijon, convoqua aussitôt toutes les sections et, sur les résultats de cette enquête, il cassa la municipalité et la remplaça par une nouvelle, à la tête de laquelle il mit Durande père, « homme de loi (1). » Il rétablit les directoires du département et du district, réorganisa les tribunaux et licencia les six compagnies de canonniers soldés qui formaient la garde prétorienne de nos décemvirs. Sa mission fut reprise par son collègue Mailhe, qui continua d'éliminer des administrations publiques, tous ceux des terroristes qui avaient échappé à une première épuration.
Quant à la société populaire, elle s'éteignit bientôt d'elle-même (5 frimaire an m), après avoir donné le triste spectacle de ses membres les plus compromis, se rejetant tout l'odieux des actes criminels, auxquels ils avaient participé (2) Un arrêté de Calès, en date du 1er nivôse, la déclara dissoute.
Mais, pour avoir été rejeté des fonctions publiques, le parti extrême ne se considérait pas comme battu, il espérait bien prendre sa revanche à la faveur des troubles que l'on pressentait à Paris. Non-seulement les événements déjouèrent ce calcul, mais la journée du 1er prairial vint fournir à leurs adversaires le prétexte d'en finir avec eux et de les réduire à l'impuissance (3).
Sur ces entrefaites, on proclama la Constitution de l'an m, en conformité de laquelle l'administration municipale, réorganisée par Calès, dut faire (1) Arrêté du 16 brumaire an III. Registre du conseil de la commune.
(2) Registres de la Société populaire et journal Le Nécessaire N"1 8, 9, 10, 11, 12, 13 et 14. (3) Registres de l'administration municipale. Séances des 4 et 7 messidor an III.
place à une administration de sept membres, élue par les assemblées primaires (1). Trois partis se trouvèrent en présence, les patriotes de 1789 ou les thermidoriens, les jacobins et les monarchistes qui, depuis la fin de la Terreur, relevaient à l'envi la tête. Les seconds, profitant des divisions qui s'étaient déjà glissées dans les rangs de leurs adversaires, l'emportèrent dans trois des six sections dont se composait alors la ville (2). Chose inouïe, Sauvageot, à peine amnistié, figurait en tête des élus et revenait triomphant prendre à l'Hôtel-de- Ville une place dont on pouvait le croire à jamais banni. Enivré par le succès et toujours audacieux, il parvint à écarter ceux de ses collègues qui lui faisaient ombrage, et redevint bientôt, sous le titre de président, le maître de la place. Sous ses inspirations, le service de la police demeura confié aux plus compromis de ses anciens partisans l'administration toléra la réouverture d'un club, où se prêchaient les plus détestables doctrines (3). Elle fermait l'oeil sur l'arrivée et l'enrôlement à Dijon d'une foule de réfugiés de Lyon et de Marseille, qui • y étaient dirigés, en vue du mouvement que Gracchus Babœuf préparait à Paris.
Par contre, l'administration départementale, qui était animée d'un tout autre esprit (4), n'ignorait aucune de ces manoeuvres elle se contentait de les surveiller, attendant pour y mettre fin l'occasion favorable, qu'elle trouva bientôt dans la découverte de la conspiration de Babœuf. Par un arrêté du 7 messidor, an IV, elle suspendit l'administration municipale de Dijon, et elle en référa aussitôt au Directoire exécutif. Celui-ci, déjà travaillé par les partis extrêmes n'osa approuver une mesure aussi radicale il prononça l'exclusion de Sauvageot et maintint les autres administrateurs (5)
Comme toutes les demi-mesures, celle-ci ne satisfit personne et en particulier les monarchistes, dont les rangs s'étaient grossis, et qui parvinrent (t) Election du 12 brumaire an IV.
(2) Archives départementales. Série L. Administration municipale de Dijon.
(3) Registres de l'administration municipale de Dijon. Archives départementales. Série L. Administration municipale de Dijon. (4) Idem. (5) Idem.
à l'emporter aux élections de l'an V. Usant à leur tour de cette faculté déplorable laissée par la Constitution (1) à tous les corps électifs, de combler eux-mêmes les vides qui se produisaient parmi eux dans l'intervalle des élections (2), ils s'adjoignirent de leurs partisans pour réagir autant que possible contre ce qui avait été fait par leurs devanciers. C'était au moins prématuré, sinon téméraire, car si la grande majorité des habitants n'avait jamais pactisé avec les terroristes, elle tenait fermement aux conquêtes de la Révolution, et elle n'entendait point s'en départir. Quoi qu'il en soit, l'administration départementale ayant, au commencement du mois de prairiale cru devoir interdire la représentation d'une pièce de circonstance, intitulé, La pauvre femme, celle de la ville ne prit aucune mesure pour en assurer l'exécution. D'où il arriva que le 9, il y eut au théâtre du tumulte et des rixes entre les Réveilleurs (3), qui par bravade, exigeaient la représentation et les autres, qui voulaient l'empêcher. Ces troubles, dont la pièce n'était que le prétexte, ravivèrent des dissensions toujours ardentes, entre des partis qui ne s'abordaient plus que la menace à la bouche, et se traduisirent en collisions sanglantes, que l'administration municipale, emportée par l'esprit de réaction, eut le tort irrémissible de provoquer.
Le Directoire s'en montra fort irrité. Il blâma « les précautions inconvenantes prises par la municipalité, prescrivit au ministre de la justice de provoquer la poursuite des fauteurs des deux partis, et ordonna une enquête. On ne parlait rien moins que de mettre les officiers municipaux en jugement, lorsque le coup d'Etat du 18 fructidor les rejeta dans la vie privée, sans toutefois les amnistier car par un arrêté du 27 germinal, le Directoire, instruit que l'enquête dirigée par le jury d'accusation, incriminait plusieurs de ces officiers, ordonna qu'ils fussent traduits devant les tribunaux. Ils (1) Article 188 de la Constitution de l'an III.
(ï| Sur sept membres élus du 14 brumaire an IV, il n'en restait qu'un seul au 9 germinal an V, et il y avait eu dans ces cinq mois quinze nominations successives pour remplacer Sauvageot ou ceux qui avaient démissionné ou acceplé d'autres fonctions. Registres de l'administration municipale de Dijon.
(3) Nom qu'on donnait à Dijon aux Royalistes, auxquels le chant du Réveil du Peuple servait de cri de ralliement par opposition aux Thermidoriens qui chantaient la Marseillaise, et aux Jacobins le Çà ira.
eurent la bonne fortune d'y échapper, mais plusieurs de leurs volontaires furent condamnés pour homicide par imprudence (1).
Le 23 fructidor, an V, cinq jours après le coup d'Etat, Gabet, nommé commissaire du Directoire près l'administration municipale, la reconstituait toute entière avec des éléments opposés à la précédente, ce qui n'empêcha point les élections du mois de mars 1797 (7 germinal, an VI), d'être si vivement débattues que, dans trois sections, les électeurs se séparèrent en deux assemblées. Toutefois, leur résultat se ressentit du tumulte de prairial et du coup d'Etat, non-seulement la grande majorité appartint aux républicains, mais Sauvageot lui-même sortit le sixième de l'urne électorale, porté par 860 suffrages sur 1,137 votants, chiffre qu'il n'avait jamais obtenu, même au temps de sa toute-puissance. Mais, quoi qu'on fit, ce nom, qui symbolisait la Terreur à Dijon, était devenu impossible, et le Directoire, qui l'avait déjà exclus, ne voulut pas se déjuger. Un arrêté du 15 ventôse, an VII, rendu pourtant onze mois après l'élection, prononça sa révocation.
Sa retraite, du reste, qui cette fois était définitive, précéda de peu de temps celle de la plupart de ceux qui, depuis 1796, avaient géré les affaires de la cité. Sauf la guerre extérieure, celles-ci offraient en petit ce que le gouvernement du Directoire montrait en grand, c'est-à-dire le pouvoir disputé par des partis irréconciliables, des troubles permanents, des administrations sans cesse en conflit, les finances ruinées, le désordre partout, et pour couronnement la misère et la famine. Qu'on juge, d'après ce tableau adouci, si un an après, la Révolution du 18 brumaire, qui mettait fin à ce chaos, était bien accueillie.
Mais, avant de continuer ce récit, il convient de faire connaître ici, quelles modifications furent apportées à l'IIôtel-de-Ville sous l'empire des événements accomplis depuis 1790, d'autant mieux que ces premières dispositions furent presque toutes maintenues, jusqu'au jour où la mairie quitta l'hôtel Rclln, pour s'installer au Palais des Etats.
(1) Archives municipales. Registres de l'administration municipale. Archives départementales, série L. Administration municipale de Dijon, L. 51. Série M. Police. Journal de la Cdle-d'Or.
J'ai rapporté plus haut comment, au commencement du XVIIIe siècle, la Chambre de Ville avait affecté aux audiences de la justice municipale, la salle qu'elle avait fait décorer pour son usage personnel, et s'était retirée dans la salle contiguë, donnant sur la rue des Prisons. Mais, lorsque le 17 juillet 1789, il lui fallut s'adjoindre un comité, formé des délégués des compagnies et des corporations des métiers, elle devint insuffisante, et il convint de se réunir dans l'ancienne salle de la Chambre, qui redevint salle publique du Conseil et retentit bientôt de motions et de propositions, dont les vieux ligueurs qui les y avaient précédés eussent pu revendiquer la paternité. Cette salle était, comme je l'ai dit, splendidement ornée de tapisseries, de portraits de rois, de princes et de personnages célèbres, dont l'aspect ne tarda point à offusquer les regards de nos nouveaux édiles, qui, après avoir fait mutiler les sculptures du plafond et du portail, firent enlever tous ces « emblèmes de la tyrannie, » pour y substituer une tenture en papier, ornée de bonnets phrygiens. Plus tard, le buste de Marat détrôna le crucifix qui décorait le manteau de la cheminée, et en 1793, en même temps qu'on y plaçait le tableau allégorique offert par le peintre Gagnereaux, représentant la réconciliation du Directoire du département avec la commune, lors de la promulgation de la Constitution de 1793 (1); le Conseil, sur la proposition du représentant du peuple Fouché, venu à Dijon lors de l'insurrection du Jura et de Lyon, y joignit un tableau d'honneur, où figuraient le nom « de tous les citoyens de la ville partis pour combattre les tyrans coalisés (2). »
Après le rétablissement de la mairie, en l'an VIII, les choses furent rétablies comme avant 1789, et cette salle fut affectée à la célébration des mariages civils.
La chapelle, ayant été supprimée, devint le bureau de l'état-civil et des contributions.
L'auditoire de justice, qui faisait face à la salle des Pas-Perdus, fut affecté au secrétariat, situé jusqu'alors au rez-de-chaussée, et dont le local fut converti en auditoire des justices de paix.
(1) Délibération do i1 juillet 1793.
(2) Délibération du 23 juillet 1798.
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Le bureau militaire prit la place du greffe de la justice municipale, situé dans la cour, à gauche de la porte de sortie, sur la rue des Prêtres.
On installa la police dans la salle de la chambre des pauvres, au-dessus des moulins, et la chapelle Saint-Alexis fut convertie en magasin. Devosge, consulté sur le mérite des tableaux qui décoraient la chapelle, les ayant reconnus bons, on les lui abandonna pour le Musée. Quant aux bustes, aux portraits dont j'ai parlé, aux armoiries, livres, tapisseries, médaillons, objets d'art et jusqu'à ces vénérables enseignes sous lesquelles nos pères avaient combattu et défendu leurs remparts bref, à tout ce qui, dans le langage du temps, était entaché de tyrannie, de féodalité ou de fanatisme, on commença par les soustraire au regard puis, un jour, dans un accès de fièvre révolutionnaire, on en entassa la valeur de deux charrettes, qui servirent, le 10 vendémiaire an II (1er octobre 1793), à faire, sur la place du Morimont, un magnifique auto-da-fé, auquel le bourreau mit solennellement le feu, en présence des autorités constituées.
Mais revenons la période de notre histoire municipale qui s'étend de 1800 à 1830, présente dans son commencement un contraste frappant avec celle qui précède, et, pour retrouver quelque chose d'analogue, il faut remonter à deux siècles en arrière, c'est-à-dire au temps qui suivit la réduction de la ville sous l'obéissance de Henri IV.
Les partis, épuisés par des luttes sans merci, et dans l'impossibilité de rien fonder de leur chef, ont abdiqué entre les mains d'un dictateur, imbu du principe d'autorité et bien résolu à le faire prévaloir. Il impose une Constitution qui, dix ans plus tôt, eut soulevé des tempêtes, puisqu'en somme la liberté en était bannie. Elle est le renversement à peu près complet, sinon des principes, tout au moins des formes qui avaient présidé à la formation de l'autorité. En effet, et pour ne parler ici que de ce qai se passa à Dijon, à une administration départementale issue de l'élection, succédait un préfet, représentant direct et responsable du gouvernement, et qui concentrant sous sa main toutes les branches du service administratif, est au moins aussi omnipotent que les intendants de l'ancien régime,
car, quel contrôle peu sérieux peut exercer sur ses actes un Conseil général, non plus élu, mais choisi par le pouvoir, sur une liste d'éligibles, demandée à l'élection, et dont les attributions ont été parcimonieusement départies.
Il en est de même du maire, lequel n'est plus l'élu de ses concitoyens, mais le délégué du préfet et comme lui nullement gêné par le Conseil municipal, issu de la même origine, et qui n'a guère ponr mission que de voter chaque année le budget de la commune (1). Le peuple, évincé du scrutin, n'a plus ni comices, ni délégués. C'en est fait de ces assemblées bruyantes d'où, par malheur, la politique avait chassé l'administration. La place publique ne retentit guère que du bruit des fêtes officielles. Les clubs ont disparu, et la presse locale, baillonnée, a pour surveillants le préfet et le maire, toujours intéressés à son silence. Enfin, quand on parcourt les actes de cette administration, on remarque une tendance marquée à y introduire, par préférence, des hommes de l'ancien régime, à faire revivre les vieilles coutumes et à réagir autant que possible contre toutes les nouveautés de la Révolution. Aussi la vie politique s'éteint-elle peu à peu, pour ne renaître qu'après de nouvelles et de tristes épreuves.
Martin Léjéas Charpentier, beau-frère de H.-B. Maret, depuis duc de Bassano, fut le premier maire du nouveau régime. Nommé législateur en l'an X, il fut remplacé par Pierre Bernard Ranfer de Bretenière, ancien conseiller au Parlement, qui mourut en 1806, victime du zèle qu'il avait apporté dans l'exercice de ses fonctions. L'instruction publique fut l'objet de sa constante sollicitude. Il réorganisa les écoles et contribua à doter sa ville natale du Lycée et de l'Ecole de Droit ses monuments publics, et l'Hôtelde-Ville en particulier, furent restaurés par ses soins et, dans son amour pour tout ce qui touchait aux gloires de la Patrie, il voulut qu'un monument commémoratif en consacrât le souvenir au cœur même de la cité. C'est dans (t) Dans la période de 1800 à 1815, les arrêtés du maire fournissent chaque année la matière d'un registre in-folio, tandis qu'un seul suffit aux délibérations du conseil. De 1815 à 1830, les arrêtés continuent à remplir chaque année un volume, mais les délibérations du conseil, dont le cadre s'est un peu élargi, atteignent quatre volumes.
ce but qu'il composa lui-même et fit graver sur une plaque de marbre noir, au-dessus de la première salle de la mairie, aujourd'hui la première salle de la Chambre des comptes, l'inscription que voici
(1) En 1815, on substitua à cette ligne RANFER DE BRETENIERE.
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H
FUERUNT URBIS HONOR PRŒS1DIUM ET DECUS,
TAM SANCTITATE MORUM, AC PIETATE,
QUAM DOCTRINA, ET BONIS ARTIBUS,
DIV. BERNARDUS, JAC. BEN. BOSSUET,
JOAN. BOUHIER, JOAN. DUBOIS,
CLAU. FYOT,
CAR. FEVRET, ANDR. FREMIOT,
C. LUD. LECLERC-BUFFON, B. LEGOUZ-GERLAND,
PROS. JOLYOT-CREBILLON,
PHIL. DELAMARRE, BER. DE LA MONNOIE,
PET. ODEBERT, ALE. PIRON,
BER. POUFFIER, NIC. QUENTIN,
JOAN. BAP. RAMEAU,
INTER ALIOS COAEVI NOSTRI
JOAN. BANNELIER, CARO. DEBROSSES,
HUGO MARET,
NON OMNES QUIA MULTO PLURES
QUAM TABULA CAPERET.
TANTORUM AC TALIUM EXEMPLO
MELIORES FIANT POSTERI,
ILLORUM MEMORIAE
IIUNC LAPIDEM IN ŒTERNUM VOVET
PRIMARIUS URBIS ADMINISTER ET MAJOR.
REGN. NAPOLEONE AN 10 "».
REPAR. SAL. 1805.
PUBLICAE QUE REI REST. VI.
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LES DEUX PREMIERS HÔTELS DE VILLE 7.r,r; t·TV t.,
Enfin, sous son administration (an XI), la prison municipale, qui avait, dans la Révolution, renfermé tant de victimes de nos discordes civiles, fut définitivement convertie en prison militaire de la 18e division (1).. Jusqu'en 1814, la magistrature du docteur Claude-Auguste Durande, successeur de Ranfer, n'offre, en ce qui concerne notre histoire municipale, rien qui mérite d'être remarqué. Il n'en pouvait guère être autrement, avec un pouvoir jaloux de toute initiative, qui avait confisqué une à une le peu de libertés du pays, pour y substituer sa propre volonté. Le despotisme impérial avait fait oublier les beaux jours du Consulat, et la France, épuisée par plus de vingt années de guerres, fatiguée du joug qui lui était imposé, ne retrouvait plus, pour résister à l'Europe coalisée, son ancienne énergie de 1792. Déjà tout le nord-est de l'empire était envahi, lorsque le 19 janvier, un parlementaire autrichien se présenta à la porte SaintNicolas. Conduit à l'Hôtel-de-Ville, il somma les magistrats d'ouvrir leurs portes au prince de Hesse-Hombourg, qui entra le jour même, à la tête d'un corps de 8,000 hommes.
Le 4 avril, une proclamation du maire annonçait l'entrée des alliés à Paris. Devançant les résolutions du gouvernement provisoire, il invitait ses concitoyens à arborer la cocarde blanche et à proclamer les Bourbons. La fièvre du royalisme, qui avait envahi nos administrateurs, trouva un écho dans une grande partie de la population, déçue de ce qu'elle avait espéré au début du régime impérial. Aussi, dans un accès d'enthousiasme d'avoir si bien réussi, le préfet nommé par l'ennemi et son Conseil prescrivirent de placer, dans la salle d'honneur de la mairie, l'inscription suivante, qui ne fut peut-être point étrangère aux paroles sévères, qu'au retour de l'île d'Elbe, Napoléon dicta contre la ville, dans son manifeste du 22 mars 1815 AU MOIS DE JANVIER 1814, M. DURANDE, MAIRE DE LA VILLE DE DIJON, S'EST OPPOSÉ A LA LEVÉE EN MASSE. PAR SA SAGESSE ET SON COURAGE, IL A ÉPARGNÉ A SES CONCITOYENS LES MALHEURS DE LA GUERRE. (1) Depuis l'an IV, les prisonniers militaires y avaient été reçus à titre de dépôt.
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LE 4 AVRIL SUIVANT, IL A ARBORÉ LA COCARDE BLANCHE ET FAIT PLACER LE DRAPEAU BLANC SUR LES TOURS DE LA VILLE.
SON EXEMPLE A FAIT RENTRER DIJON SOUS LA DOMINATION DU ROI. MM. TARDY ET LUCAN, ADJOINTS, ONT PARTAGÉ SES TRAVAUX, SES DANGERS ET SON DÉVOUEMENT.
̃ M. DE MONTHEROT, COLONEL DE LA GARDE NATIONALE, A PUISSAMMENT SECONDÉ LE ZÈLE DES MAGISTRATS (').
On sait le reste. Le 16 mars 1815, sur l'ordre du maréchal Ney, qui, après avoir promis d'arrêter la marche de Napoléon, avait arboré à Dijon la cocarde tricolore, Hernoux, ancien adjoint, remplaçait Durande et la garde nationale était dissoute mais trois mois plus tard, à la nouvelle du désastre de Waterloo, Durande reprenait possession de la mairie, et la réaction royaliste commençait.
Un événement inattendu, arrivé le lendemain de cette réinstallation, troubla profondément la ville en excitant encore les haines politiques. Un parti de déserteurs de l'armée de la Loire se présente le 12 juillet au matin à la porte Guillaume sommé par le poste d'avoir à déposer ses armes, il s'y refuse, bouscule les gardes nationaux et, croisant la baïonnette, il entre dans la ville aux cris de Vive l'Empereur, tirant des coups de fusil à toutes les croisées où flottait le drapeau blanc. Ces déserteurs traversèrent la place d'Armes, pour gagner l'Hôtel-de-Ville, où le poste qui l'occupait prit les armes pour leur barrer le passage. Il y eut échange de coups de fusil, plusieurs gardes nationaux furent blessés (2). Mais, chargés à leur tour, les déserteurs gagnèrent la porte Saint-Nicolas, non sans laisser plusieurs prisonniers, parmi lesquels était le trompette qui marchait à leur tête. C'en fut assez pour mettre la ville en rumeur. La gendarmerie, la garde nationale à pied et à cheval se rassemblèrent, le Conseil municipal se déclara en permanence, on battit l'estrade sur toutes les routes, (1) Registre des arrêtés de la mairie. 25 mai 1814.
(2) Un des battants de la grande porte intérieure du vestibule de l'hOtel garde encore la trace d'une des balles.
et on profita de l'émotion, pour désarmer tous ceux qui, sous le nom de « fédérés, » avaient donné des marques de sympathie au gouvernement déchu.
Cet épisode et les événements de juillet 1830, qui se bornèrent, pour la mairie, à une seconde répétition de ce qui arriva en 1789, à la nouvelle de la chûte de la Bastille, closent l'histoire politique du second Hôtel-deVille, qui ne revit plus dans son enceinte les représentants élus de la cité. Le régime administratif inauguré par la loi de pluviôse, an VIII, offrait à tous les gouvernements trop d'avantages, pour que celui de la Restauration, nonobstant ses promesses, songeât à le modifier. Pourtant, en 1828, un ministre libéral et intelligent des besoins de son époque, voulut essayer de rendre aux communes le droit de nommer leurs administrateurs. Mais, qui le croirait, ce projet échoua devant l'attitude de l'opposition, et quand, en 1831, celle-ci, alors toute-puissante, le reprit pour l'adopter, la mairie avait quitté l'hôtel Rolin pour n'y plus rentrer.
Cette détermination avait été amenée par les mêmes causes qui motivèrent, en 1500, l'abandon de la Maison au Singe. En effet, par suite des attributions plus étendues du Conseil municipal, de la création de nouveaux services et du "tléveloppement considérable qu'avaient pris les différentes branches du service administratif, l'hôtel Rolin était devenu insuffisant, et la mairie aspirait d'autant plus à l'abandonner qu'elle avait à sa disposition une autre résidence beaucoup plus vaste, située au cœur même de la cité, et où déjà, en l'an IV, un caprice du directoire du district avait voulu la cantonner. C'était le palais des Etats, l'ancien Logis du roi, que les contemporains de la Révolution appelaient toujours la « Maison nationale. » Un décret du 28 février 1809 avait cédé à la ville, moyennant une rente annuelle de 5,000 francs au profit de la Légion d'honneur, toute la portion du palais circonscrite entre et y compris la grande salle d'assemblée des Etats et la place du Théâtre. En 1829, elle voulut y joindre le surplus, c'est-à-dire les bâtiments affectés au service de l'ancienne sénatorerie, (1) Délibération du Conseil municipal du 5 mai.
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limités à l'est par la grande salle et à l'ouest par la rue Porte-aux-Lions, afin d'y transférer l'IIôtel-de- Ville. Ses propositions furent acceptées. Une ordonnance royale du 2 février 1831 autorisa l'aliénation, qui fut consentie par acte du 19 avril suivant, reçu Gaulot, notaire à Dijon, au prix de 120,381 francs.
La mairie s'y installa le 11 juillet de la même année. Peut-être la suivrons-nous un jour dans ce palais où, vivante incarnation de la démocratie, elle a remplacé la royauté.
Quant à l'hôtel Rolin, les Dijonnais n'eurent pas un instant la crainte de voir leur vieille maison commune convertie en magasins, ou devenir la proie de la bande noire. La mairie venait à peine de l'abandonner, que le Conseil général du département, sollicité par l'archiviste Joseph Boudot (1 ) lui en proposait la cession, pour y renfermer les archives départementales, exposées à plus d'un danger, dans le lieu où elles étaient établies.
En effet, ce vaste dépôt, formé des titres et papiers des corporations civiles et religieuses, supprimées par la Révolution, occupait, depuis 1790, le deuxième étage et les combles de l'aile orientale du Logis du roi. On y avait réuni, en 1831, les papiers provenant des administrations départementales qui s'étaient succédées depuis 1790 et qui, accumulés jusque-là dans les communs de l'hôtel de la Préfecture, avaient dû être évacués pour l'agrandissement des bureaux. Il en résultait que l'une des plus riches et des plus importantes collections d'archives du royaume se trouvait concentrée dans les combles d'un immense édifice, habité sur tous les points et exposé par là à des périls auxquels il n'avait jusque-là échappé que par miracle (2).
D'un autre côté, le Conseil municipal, charmé d'une résolution qui lui (1) Délibératiou du 7 juin 1882.
(2) Voir les brochures de l'archiviste Boudot De la Nécessité d'un noureau local pou?- le placement des Archives. Lettre à M. le marquis d'Arbaud-Joucques, conseiller d'Etat, préfet du département de la Côte-d'Or, 1829. Dijon, imprimerie de Carion. Mémoire à M. le Pré fet et à M31. les Membres du Conseil général du département de la Côte-d'Or, sur la nécessité d'acquérir un local sain, à l'abri du feu et de la pluie, pour le placement des Archives. Dijon, 1831, imprimerie de Simonnot.
donnait la possibilité d'aménager bientôt toutes les parties de sa nouvelle résidence, et tout en sauvegardant ses intérêts, de rendre un service considérable au département, accueillit sans hésiter les offres du Conseil. Celui-ci, dans sa séance du 7 juin 1832, ratifia le projet d'après lequel le département acquérait l'ancien Hôtel-de-Ville, moyennant une rente annuelle et perpétuelle de 3,000 fr., au capital de 70,000 fr., et avec faculté d'entrer immédiatement en jouissance. Donc, celles-ci, sans attendre, prirent possession au mois d'octobre 1832. Une ordonnance royale du 22 mars 1833 autorisa l'aliénation, dont le contrat définitif fut reçu par M. Chevalier, notaire à Dijon, le 18 avril 1833.
Le Conseil général ne s'était pas contenté de cantonner ses archives dans un hôtel bordé par trois rues, il avait encore exigé, pour obtenir un isolement plus complet, la cession d'une largeur de 4 mètres de terrain entre la prison militaire et les masures de l'hôtel Bernardon, que la ville allait mettre en vente mais celle-ci, ayant décidé dans l'intervalle des deux actes l'ouverture d'une rue de 12 mètres sur ce même emplacement, le Conseil général lui rétrocéda ces quatre mètres, qui furent englobés dans la nouvelle rue, qui prit le nom de Guyton-Morveau.
Cependant, nonobstant toutes ces précautions, les archives se retrouvaient en face d'un danger sérieux, résultant de leur proximité avec la prison militaire établie, comme on sait, dans une partie du rez-de-chaussée de l'hôtel, précisément au-dessous des salles renfermant les papiers les plus précieux, et dans des bâtiments dont elles n'étaient séparées que par la galerie gothique et le pavillon de Guigonne de Salins, véritables galetas qui tombaient en ruine et sans affectation possible. Aussi l'archiviste Boudot poussa-t-il bientôt le cri d'alarme (1). Or, comme le bail passé par la mairie avec l'administration de la guerre finissait en 1839, des dispositions furent prises pour faire cesser ce dangereux voisinage. La prison fut transportée, cette même année, à la caserne des Carmélites. De 1842 à 1843, la galerie gothique, qui menaçait d'une chûte prochaine, le pavillon de (1) Mémoire sur les Archives du département de la Céte-d'Or, présenté à M. le Préfet et à MM. les Membres du Conseil général du département. Dijon, 1833, imprimerie des Archives.
DE DIJON.
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Guigonne et les constructions qui y étaient accolées furent jetés bas. Enfin, en 1846, les bâtiments de la prison disparurent à leur tour, et tout cet espace converti en cours et jardin.
Bref, de tout l'ancien hôtel Rolin, il n'est resté debout que deux colonnes de la galerie et le fenestrage ogival de la chapelle. Quant à ces vastes salles où s'agitèrent pendant plus de trois siècles les destinées de la ville, et qui retentirent de tant de débats passionnés elles sont redevenues silencieuses, leurs échos ne sont plus troublés que par les pas de l'administrateur ou du savant qui viennent y consulter les richesses historiques dont elles sont maintenant les dépositaires.
COMPTE RENDU
DES TRAVAUX
DE LA
COMMISSION DÉPARTEMENTALE
DES ANTIQUITÉS DE LA CÔTE D'OR
du 1er juillet 1894 au 1er juillet 1895.
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MESSIEURS,
L'archéologie est surtout œuvre de patience et de critique. Si parfois elle étonne par la nouveauté, par l'imprévu, par l'importance de ses découvertes, qui peuvent aller jusqu'à bouleverser les données communes de l'histoire, ou à les asseoir au contraire sur des bases désormais inébranlables, le plus souvent c'est par l'étude patiente des monuments, par l'interprétation des vieux textes, par une application constante à recueillir avec un soin pieux les débris des temps passés, qu'elle est appelée à rendre à la science de modestes, mais d'incontestables services. N'est-ce pas là, d'ailleurs, un terrain assez vaste, un champ d'exploration assez fertile pour tenter les plus nobles ambitions? Et pour n'en citer qu'un exemple, quand donc, depuis bientôt un demi-siècle que notre Société est constituée, quand donc vous est-il arrivé d'avoir sérieusement à vous plaindre de la stérilité du sol natal ? Combien de fois, à la fin d'une année, avez-vous dû coter en néant le bilan de vos découvertes ? J'en appelle à vos souvenirs, et vous me sauriez mauvais gré d'insister davantage sur ce point Chaque jour apporte son contingent, et tous, fidèles héritiers des traditions de vos devanciers, vous vous efforcez de contribuer pour votre part, à grossir les fascicules du répertoire permanent que vous avez ouvert.
Mon seul but, dans ce compte-rendu, sera de vous montrer, par une rapide analyse, que l'année qui vient de s'écouler n'a pas été moins que les précédentes, féconde en résultats utiles et qui méritent d'être livrés à l'appréciation du public. Je le ferai en ne perdant pas de vue ce que vous êtes surtout en droit d'exiger d'un pareil travail la brièveté dans l'exactitude.
Le Monnayage chez les Gaulois, tel est le titre d'un mémoire que M. de La Blanchère, récemment nommé associé correspondant de la Commission, vous avait adressé à l'appui de sa candidature.
Dès le début de son travail, l'auteur, apologiste convaincu de ce que nous appellerons avec lui, si vous le voulez bien, la civilisation gauloise, s'applique à nous montrer l'aptitude qu'il pense reconnaître chez nos premiers ancêtres pour les travaux industriels. Leur art monétaire spécialement lui paraît digne d'une sérieuse attention. Leurs monnaies, bien loin assurément de reproduire des types aussi perfectionnés que ceux des monnaies romaines ou grecques, se présentent le plus souvent chargées de grossiers emblèmes et de légendes indéchiffrables, mais il ne les croit pas néanmoins inférieures à celles de beaucoup de peuples anciens, et pense retrouver à Rome même ou dans la Grèce, des types qui ne l'emporteraient pas de beaucoup sur les leurs par la beauté du coin et le fini de l'ouvrage.
D'ailleurs, ces qualités-là ne constituent pas tout le succès du travail monétaire les monnaies antiques peuvent être étudiées à un point de vue tout différent et dont jusqu'ici on paraît s'être peu préoccupé, au point de vue de leur mode de fabrication. Voilà assurément un côté tout à fait neuf de la qutstion, c'est lui qui fera le principal objet, et non pas le moins intéressant, du mémoire de M. de La Blanchère. Avant de porter des jugements radicaux sur le mérite relatif du travail monétaire chez les différents peuples de l'antiquité, ne serait-il pas juste, se demande l'auteur, de ne pas s'arrêter uniquement au fini de l'exécution, mais de s'inquiéter encore de ce qu'il considère comme la partie essentielle de la fabrication, à savoir la préparation des matières premières et les moyens métallurgiques mis en œuvre pour faire et pour marquer les pièces ?
« Malheureusement, ajoute-t-il, jusqu'ici toute espèce de documents avait entièrement fait défaut, lorsque la découverte d'un atelier monétaire gaulois a jeté enfin quelque lumière sur cette question aussi intéressante qu'inconnue.
D En 1867, un vigneron du Rouergue trouva, en bêchant sa terre, une grande quantité de monnaies d'argent avec des lingots de même métal. Quelques-unes de ces mon. naies, évidemment gauloises, furent acquises par la Société des lettres, sciences et arts de l'Aveyron, et déposées au musée de Rodez. Une centaine sont aux mains d'un actif archéologue du pays, M. l'abbé Cérès. Depuis lors, le vigneron a trouvé un nombre
considérable de ces monnaies, 20,000 environ, et les a vendues à un bijoutier qui, tout en en fondant la plus grande partie, s'en est conservé une collection et en a vendu un assez grand nombre, lesquelles sont actuellement dispersées. La vigne où fut faite cette importante découverte est située dans l'arrondissement de Rodez, à Goutrens, dans le canton de Rignac, petite ville non loin de la station de SaintChristophe, près des mines d'Aubin. Jamais le propriétaire n'a consenti à désigner l'endroit exact où il avait trouvé ces monnaies, de crainte qu'on n'y fit des fouilles et que l'Etat, par un pouvoir chimérique que lui supposent tous les paysans rouergats, ne mît la main sur un domaine qui recélait des trésors.
Si nous avons donné ainsi, dans tous ses détails, l'extrait de naissance des monnaies de Goutrens, c'est que leur étude est du plus haut intérêt et jettera une lumière, nous l'espérons, très vive sur une question encore inexplorée. Il résulte en effet de la nature et des circonstances de la découverte que là se trouvait un atelier de fabrication monétaire. Les pièces sont neuves; avec elles étaient enfouies les saumons d'argent qui servaient à les faire seuls, les poinçons au moyen desquels on frappait les types manquent à ce remarquable ensemble les monnayeurs, probablement dérangés dans leur fabrication par une guerre peut-être par l'invasion romaine, ont dû enfouir les espèces fabriquées ainsi que le métal préparé mais ils auront sans doute emporté avec eux les coins, afin de pouvoir continuer leur travail dans quelque autre lieu plus sûr. Cette perte est des plus regrettables. Telle qu'elle est cependant, la découverte de Goutrens présente une haute importance et mérite toute attention car c'est l'art métallurgique et monétaire des Gaulois pris sur le fait. Et l'on va voir si cet art était aussi grossier que des préjugés vulgaires pourraient le faire croire.
» L'analyse faite par le président de la Société de l'Aveyron, M Boisse, ingénieur, a permis de reconnaître que l'argent des lingots trouvés a 964,75 millièmes, plus 1,5 millième d'or « Or, dit M. Boisse, l'affinage de l'argent constitue une des » opérations les plus délicates de la métallurgie, et la pureté du métal employé par les Gaulois à la fabrication de leurs monnaies doit nous donner une haute idée du » degré d'avancement qu'avaient atteint chez ces peuples les connaissances métallur» giques. C'est une éclatante affirmation, une preuve matérielle des paroles de » Strabon
mxpà toîç 'Poutt)voî; àpYupeïot
qui nous indiquent chez les Ruthènes l'existence de gisements argentifères et d'une industrie métallurgique sérieuse »
» Cette citation nous montre que l'antiquité elle-même aurait pu indiquer le
Rouergue comme la contrée d'où devait venir la révélation la plus complète sur l'état de l'art monétaire chez les Gaulois. L'antiquité ne nous aurait point trompés, car la découverte de Goutrens n'est pas la seule de son genre. D'autres monnaies, sinon semblables, au moins fort analogues, ont été trouvées, et toujours par amas, en d'autres parties du Rouergue, particulièrement dans les environs de Villefranche. » Comme on peut le voir par les figures que nous donnons, si le métal des monnaies de Goutrens est des plus purs, leur forme en revanche est des plus irrégulières; mais c'est cette irrégularité même qui nous aide à retrouver la manière dont les Gaulois s'y prenaient pour les frapper. Sortant pour ainsi dire des mains du monnayeur, ces pièces ne peuvent donner à penser que leur irrégularité tienne à l'usure. D'ailleurs, l'inspection des bords ferait immédiatement écarter cette hypothèse. Sans nous arrêter dans une discussion de détails aride et peu intéressante pour le lecteur, nous croyons qu'il vaut mieux lui en exposer les conclusions et, l'introduisant pour ainsi dire dans l'atelier des monnayeurs gaulois, le faire assister au travail monétaire de cette époque.
L'un des bouts du lingot, long d'à peu près 12 à 15 centimètres, est aplati, soit avec le marteau, soit par la pression. Alors on le pose sur une enclume qui présente en creux le type du revers. Un ouvrier place dessus un coin qui porte le type de la face un second ouvrier frappe à coups de maillet, et les deux empreintes se forment à la fois.
La monnaie ainsi marquée, un coup de ciseau la détachait du lingot s'il ne suffisait pas, un second coup était appliqué à l'envers du premier. Un autre ouvrier procédait ensuite au pesage. La pièce, jetée dans une balance, était rognée sur les bords jusqu'à ce qu'elle fût réduite au poids réglementaire. On conçoit que, dans ces diverses opérations, l'intégrité des types devait avoir beaucoup à souffrir mais cela importait assez peu. L'on sait, en effet, combien il est rare, dans l'antiquité, de voir spécifiée la monnaie usitée, quand il s'agit de fortes sommes le poids était la règle principale d'évaluation.
Les types des monnaies de Goutrens sont tous tronqués de cette façon. Elles se divisent en deux grandes catégories celles qui portent au revers le sanglier celles dont le revers est divisé par une croix en quatre cantons, chargés chacun d'un emblème. Aux revers à la croix correspondent toujours des faces de même grandeur qu'eux II n'en est pas de même pour les revers au sanglier. Sur certaines de ces pièces, la face est considérablement plus petite que sur d'autres, et parmi celles-ci même, une se distingue en ce qu'à une figure plus barbare correspond chez elle une légende indéchiffrable, mais dont on voit le rudiment sous le sanglier du revers.
Les types de ces pièces ont été complétés et restaurés, ce qui a permis deux remarques générales
» 1° Dans les monnaies de Goutrens, à la croix, le revers est beaucoup trop grand pour la pièce
»2° Il y avait des faces appropriées aux petites pièces comme aux grandes. » Ainsi, pour les monnaies au sanglier, par exemple, il est évident que le grand type, qui est celui des pièces à la croix, correspondait comme surface à une monnaie qui serait quelque chose comme notre pièce de un franc et le petit à notre pièce de cinquante centimes. Quant au revers, c'était toujours l'emblème national du sanglier, toujours de la même grandeur. Sur les grandes pièces, il se présentait en entier; sur les petites pièces, il en tombait ce qui pouvait. 11 arrivait même quelquefois que l'on usait du grand type pour frapper les petites pièces, probablement parce qu'on le trouvait plus beau et moins grossier, ce qui est vrai. »
Vous ne vous plaindrez pas assurément, Messieurs, de la longueur de cette citation, qui vous initie complétement au secret de la fabrication des monnaies chez les Gaulois Dans la suite de son travail, M. de La Blanchère passe en revue les types les p'us importants de la numismatique gauloise, sans du reste nous en signaler de nouveaux se contentant pour ne pas trop s'écarter de son point de vue, de rechercher d où ils viennent et d'en examiner l'exécution. M. de La Bianchère ne s'écarte point de l'opinion généralement reçue, en attribuant à des artisans grecs l'importation des premiers types qui servaient aux Gaulois à frapper leurs monnaies, en même temps qu'ils leurs apprenaient l'art même de la frapper. Le revers à la croix, dont le type peut aussi bien avoir été imité des monnaies de Marseille, que de celles de la colonie marseillaise de Rhoda, en Espagne les revers aux emblèmes animaux, bien plus fréquents encore, semblent indiquer pour la plupart une importation phénicienne ou macédonienne; ces emblèmes animaux semblent avoir tenu une très grande place dans les travaux de ces monnayeurs indigènes; lorsqu'ils voulaient représenter des animaux de pays dont les types étaient étrangers à l'art monétaire des Grecs, alors ces artistes inhabiles se livraient à leur propre inspiration, mais avec plus de bonne volonté que de succès, comme M. de La Blanchère est obligé de le reconnaître lui-même c'est ainsi que furent gravés des sangliers, des têtes de bœufs, des oiseaux et certains autres animaux, dont la représentation est si vague, qu'il a été impossible d'en déterminer l'espèce.
On retrouve également au revers des monnaies gauloises des types de guerriers, des chars, des cavaliers et autres représentations de la forme humaine, dont les originaux figuraient sur les statères macédonniennes.
Quant aux faces des monnaies, l'imitation souvent réussie des types grecs y est
également évidente, mais non pas sans un certain esprit d'initiative qui les accommodait tant bien que mal à leur nouvelle destination, en allongeant, par exemple, les boucles de la chevelure, ornement de la gallia comata, ou en suspendant le torques au cou du personnage comme signe de sa naturalisation dans sa nouvelle patrie. Voilà pour les pièces frappées des Gaulois, vestiges d'un art d'imitation, sans doute, mais qui était en voie réelle de progrès quand l'invasion romaine vint la supprimer pour jamais. A côté de ces pièces frappées, on en trouve d'autres où les figures d'animaux sont fort peu reconnaissables, et où la forme humaine grossièrement traitée le plus souvent, rappelle très exactement les statuettes gauloises en plomb de la même époque. Or ces pièces étaient fondues et il se trouve qu'on les rencontre le plus habituellement chez les Eduens, les Ambarres, les Helvètes, c'est-à-dire dans les tribus les plus orientales de cette grande branche des Gaulois, connus plus spécialement sous le nom de Galls et où devait s'être incarné et avoir persisté avec le plus de constance le génie vraiment original de la race celtique
Des pièces fondues, voilà donc d'après M. de La Blanchère le véritable monnayage des Gaulois, leur monnayage vraiment national, qu'ils ont pratiqué les premiers, tout seuls, sans modèles et sans maîtres, bien avant que les Grecs vinssent leur apprendre à frapper des empreintes. Les Galls l'ont conservé à travers les âges et jusqu'à la fin. M. de Saint-Remy, de Villefranche (Aveyron), à qui M. de La Blanchère a fait de nombreux emprunts pour la rédaction de son mémoire, possède une monnaie qu'il attribue à Orgétorix, c'est-à-dire au milieu du premier siècle avant l'ère chrétienne, quelques années à peine avant la conquête des Gaules par César. Or cette monnaie est fondue rien n'est plus évident la forme du relief et surtout le fer, parfaitement visible, l'indiquent suffisamment. Chose curieuse, ajoute M. de La Blanchère, ce sont les Helvètes qui nous offrent le dernier et le premier spécimen de ces monnaies fondues. » On en a retrouvé dans les stations lacustres de la Suisse qui présentent, à la vérité, un type franchement barbare, mais dont la haute antiquité ne saurait être mise en doute.
Toutefois, que si on les compare aux monnaies les plus anciennes de l'Europe, aux pièces d'Egine, par exemple, ou d'autres villes grecques portant la chèloué, emblème bien connu des Pélasges, eh bien, on ne saurait trop en faveur desquelles faire pencher la balance. L'analogie est des plus grandes, et l'exécution n'est pas plus grossière chez les Helvètes que chez les Pélasges.
Les conclusions de M. de La Blanchère vous ont paru reposer sur des inductions assez plausibles. N'oublions pas toutefois, qu'en pareille matière, on est toujours exposé à procéder par à peu près, et à s'égarer dans des rapprochements arbitraires, faute de pouvoir s'appuyer sur des données chronologiques certaines.
En terminant son mémoire, M. de La Blanchère rappelle qu'il n'a pas entendu faire un traité de numismatique gauloise, si succinct fût-il; il s'est contenté de nous donner quelques indications sur leur mode de fabrication des monnaies, montrant ainsi l'une des faces les moins connues, et non pas assurément la moins originale, de ce génie gaulois, sitôt et si malheureusement arrêté dans son essor.
M. de La Blanchère n'aime pas le peuple romain, et il ne fait point mystère de son antipathie. Ce serait tomber dans le plus vulgaire des lieux communs, que de rappeler après tant d'autres, de quelle puissante et indélébile empreinte la plupart des nations modernes ont été marquées au front par la Rome des Césars. Il serait moins vulgaire assurément de se demander quelles eussent été sans Rome les destinées dH monde. C'est là une question dont la solution a tenté de nobles esprits et provoque d'étonnantes contradictions Les Romains, a dit Bossuet, n'étaient pas « de ces conquérants brutaux et avares qui ne respirent que le pillage ou qui établissent leur domination sur la ruine des pays vaincus. Les Romains rendaient meilleurs tous ceux qu'ils prenaient, en y faisant fleurir la justice, l'agriculture, le commerce, les arts même et les sciences, après qu'ils les eurent une fois goûtées (1). » Qu'il y a loin de ce jugement à l'apostrophe véhémente d'un autre grand orateur chrétien, qui a consumé sa vie à la défense de deux grandes causes, la cause de l'Eglise et celle de la liberté.
Exposant dans son dernier ouvrage (2) les origines chrétiennes de la libre Angleterre, le droit civil de Rome, s'écrie Montalembert, dont le joug pèse encore, après dix-huit siècles écoulés, sur la France, l'Espagne, l'Italie et l'Allemagne, a sans doute régné en Bretagne, pendant l'occupation romaine, mais il en a disparu avec le régime des Césars. Les malfaisantes racines n'y ont jamais enlacé, étouffé ou empoisonné les vigoureux rejets de la liberté domestique, civile et politique. Pas plus dans les institutions que dans les monuments de la Bretagne, Rome impériale n'a laissé aucune trace de sa hideuse domination. Il était réservé à Rome catholique, à la Rome des papes, d'imprimer une ineffaçable empreinte sur cette île célébre et d'y revendiquer pour l'immortelle majesté de l'Evangile, l'influence sociale qui partout ailleurs lui a été disputée ou dérobée par l'héritage fatal de la Rome des Césars. » Que M. de La Blanchère ait rêvé pour la Gaule restée libre de plus nobles, de plus glorieuses destinées, je n'ai point à y contredire c'est là une vue de l'esprit ouverte à toutes les hypothèses, mais qui échappe aux données de l'histoire et reste, à plus forte raison, absolument fermée aux appréciations critiques de l'archéologie (1) Bossuet, Discours sur l'histoire universelle, troisième partie, VII.
(2) Les Moines d'Occident, tome III, p. 11.
Nous continuerons à étudier la Gaule romaine sans préjugés, comme sans esprit de parti, laissant à d'autres de rechercher ce qu'aurait gagné le monde à ce que la louve du Palatin fût étouffée dans son berceau.
M. de La Blanchère vous a adressé un second mémoire, intitulé les Aiguilles de Figeac, et qui mériterait assurément une reproduction presque intégrale, s'il ne se rapportait à des monuments fort curieux assurément, mais complétement étrangers à notre pays où nous ne leur voyons pas d'analogues. Les aiguilles de Figeac ont torturé plus d'une fois l'imagination des érudits et fait naitre les hypothèses les plus diverses sur leur origine et leur destination.
Il ne sera pas inutile d'en donner une courte description.
L'une de ces aiguilles s'élève environ à un kilomètre et demi au sud-ouest de la ville de Figeac c'est la plus haute, elle peut avoir 17 à 18 mètres, tout compris elle est formée d'assises de moyen appareil, taillées à joints étroits et consiste en pierres de grès blanchâtre très différentes du calcaire jurassique, composant l'assise même du rocher sur lequel elle repose; dans deux de ses faces sont creusées de petites niches trilobées, très-peu profondes et dont l'arcature semble indiquer le xme ou le xiv' siècle. La seconde aiguille est située à deux kilomètres et demi au sud de la ville plus petite que la première, elle est construite comme elle en grès blanchâtre, mais elle ne porte point de niches et, au lieu d'une base carrée à deux marches, elle repose sur une sorte de perron composé de cinq gradins octogones. L'une et l'autre affectent du reste dans leur ensemble la forme octogonale, et se composent de deux parties bien distinctes un soubassement à pans perpendiculaires et un pyramidion assez aigu. La corniche qui sépare ces deux parties diffère de l'un des édicules à l'autre.
Quelle a pu être la destination de ces singuliers monuments ?
D'après la tradition populaire, c'étaient autrefois de véritables lanternes munies de fanaux qui signalaient au loin pendant la nuit la proximité de l'abbaye de Figeac, alors entourée de vastes forêts. La situation même des aiguilles dominées de différents côtés et qui ne se voyaient bien que depuis la ville, empêche M. de La Blanchère d'adopter cette opinion. Faut-il les considérer, ainsi que l'ont avancé quelques savants, comme les limites d'une sorte de terrain de sauvegarde, d'une sauvetas, pour employer la langue du pays, analogue aux sauvetas de Trajer, près de Bordeaux, de Mimizan, dans les Landes, et à celle qui fut concédée en 1119, par le pape Calixte II, à l'abbaye deMarmouliers? – Pas davantage La concession d'un privilége aussi considérable à l'abbaye de Figeac, aurait laissé sans doute des traces dans les chroniques locales or il est impossible d'en trouver aucune. Deux aiguilles seulement n'auraient pas suffi d'ailleurs pour un semblable usage il en faudrait au moins rencontrer une
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troisième, et de cette troisième, c'est en vain qu'on en cherche les restes sur les puechs voisins et le souvenir dans la tradition du pays.
M. de La Blanchère ouvre un troisième avis. Passant rapidement en revue l'histoire de Figeac, il rappelle que cette petite ville doit son origine à une abbaye fondée sous la première race, restaurée selon toute apparence sous Pépin 1", fils de Louis le Débonnaire, en 817, saccagée un peu plus tard par les Normands et enfin affiliée vers la fin du ix* siècle, à l'ordre de Citeaux. La fidélité des abbés de Figeac envers la couronne de France, leur valut la concession ou la confirmation de priviléges étendus, auxquels participaient les habitants qui demeurèrent leurs vassaux jusqu'au xive siècle. Sous Philippe-le Bel, le roi de France devient seigneur direct de la ville de Figeac par suite d'une cession de l'abbé, et quelques années après, Philippe-le-Long lui accorde une charte de communes. C'est à cette époque de grande prospérité que datent la plupart des monuments de Figeac, civils ou religieux, tels que Notre-Damedu-Puy et l'église Saint-Sauveur, toutes deux presque entièrement restaurées, le palais de justice, ancien château de la famille de Balène, etc. etc. Or l'établissement de la commune ayant créé au profit des habitants des droits désormais complétement distincts de ceux de l'abbaye, n'est il pas naturel de penser qu'il devint nécessaire de délimiter le territoire où ils se devraient exercer; c'est à cette délimitation des deux territoires et partant des deux juridictions, c'est à ce bornement solennel, dont la mention cependant, M. de La Blanchère se hâte de l'avouer, n'a pu se retrouver encore ni dans les archives de la ville ni dans celles de l'abbaye, qu'auraient été destinés les deux édicules problématiques qui font l'objet de son mémoire
M de La Blanchère fait remarquer en terminant, que la première de ces deux aiguilles est située exactement sur l'ancienne limite des Cadurces et des Ruthènes. L'analyse des deux mémoires de M. de La Blanchère nous a lait sortir du cercle habituel de nos études, non pas qu'il vous déplaise d'aborder quelquefois les questions d'un intérêt général; ce serait se montrer trop exclusif et s'exposer à verser dans la monotonie que de les écarter, de parti pris, et de se cantonner en quelque sorte dans les limites d'un département, dont l'exploration archéologique vous est plus spécialement confiée. Convenez toutefois, Messieurs, que c'est avec un vrai plaisir, et guidés en quelque sorte par le sentiment instinctif d'une plus parfaite sécurité, qu'après ces courtes excursions au dehors, vous vous retrouvez chez vous au milieu de vos richesses acquises, et désireux d'en augmenter le nombre par la patience et la continuité de vos recherches.
Parmi les fouilles archéologiques dont la Commission a pris l'initiative, et qu'elle poursuit avec une louable persévérance, il n'en est pas de plus importantes pour le moment que celles de Velay. Tous les ans, à l'automne, lorsque la terre dépouillée 8
de ses récoltes livre plus facilemfnt à l'explorateur les richesses qu'elle contient dans son sein, vous voyez deux de vos plus zélés confrères se diriger vers ce territoire de Beneuvre qui, tant de fois remué déjà, nous promet encore pour de longues années de riches moissons archéologiques.
A l'une de vos dernières séances, vous avez entendu le rapport présenté par MM. Lory et de Coynart sur les fouilles de l'automne dernier. Il ne m'appartient pas de vous donner l'analyse détaillée de ce mémoire, qui doit être mis en réserve pour servir plus tard au travail d'ensemble dont les conclusions, lorsque de plus nombreuses découvertes auront permis de les asseoir sur des bases inébranlables, doivent fixer un des points assurément les plus intéressants de notre géographie galloromaine Permettez-moi, cependant, de vous rappeler en quelques mots les résultats les plus importants de la dernière exploration.
Vous connaissez de longue date, et vous avez pleinement approuvé la façon de procéder de nos confrères. Une méthode rigoureuse, qui se résume dans un ensemble de tranchées parallèles ou perpendiculaires ouvertes à partir de points fixes soigneusement notés sur le plan cadastral, et qu'il est facile de retrouver sur le sol, leur permet d'avancer pas à pas au milieu des nombreuses substructions gallo-romaines, dont le territoire de Velay est littéralement encombré. En procédant de la sorte, il paraît impossible que rien puisse échapper à l'attention de nos confrères sans doute, il doit résulter de là certains retards qui décourageraient peut-être l'ardeur d'un archéologue primesautier, trop ardent à se jeter dans la mêlée pour choisir avec discernement le point précis de son attaque. Ici, cette furia n'est pas à craindre si la marche de nos confrères est lente, elle n'en est que plus sûre, et un jour viendra où il leur sera facile de placer sous vos yeux un plan soigneusement divisé en quarrés réguliers, les insulœ de la cité antique, et où viendront s'inscrire dans un ordre où la fantaisie n'aura aucune part, les linéaments complétement restitués de la vieille ville gallo-romaine.
Je ne vous dirai pas entre quelles parallèles s'est exercée l'année dernière la pioche des ouvriers. Ces détails, sans doute, ont leur intérêt ils doivent être notés avec soin sur le plan des terrains explorés, mais vous conviendrez qu'ils allongeraient démesurément, ce rapport. Ce qu'il importe pour le moment de constater, c'est qu'on a rencontré, dans un espace relativement restreint, d'assez nombreuses substructions provenant, selon toute apparence, d'un groupe de maisons qui faisaient partie d'un même ensemble de constructions, peut-êlre d'une exploitation rurale. A dire le vrai, rien dans les objets mis au jour, ne nous a paru digne d'une particulière attention. Ce sont tous objets fréquemment rencontrés dans les fouilles de ce genre; débris céramiques, outils ou instruments gravement altérés par la rouille, tuiles et briques
DE LA COMMISSION DES ANTIQUITÉS. 1. '1
point de monnaies ni d'objets d'art à proprement parler, mais, par contre, deux plaques de marbre blanc qui paraissent provenir d'un dallage d'une certaine élégance, et de nombreux fragments d'enduits coloriés, dont vos confrères ont mis sous vos yeux divers échantillons. La plupart de ces fragments ne sortent pas de ce qu'on rencontre tous les jours dans les constructions gallo-romaines de la dernière période. On y retrouve, selon l'usage, un sjstème très simple d'encadrements de couleurs variées généralement assez éclatantes, vertes, jaunes ou rouges, se détachant sur un fond plus sombre, brun ou gris foncé. Plusieurs d'entre vous se rappellent sans doute que des fragments analogues ont été retirés des fouilles entreprises il y a quelques années à Dijon, près de la rue de la Monnoye, et qu'ils provenaient d'une étroite et modeste cella, dont les murailles nous apparurent à peu près intactes sur un bon tiers de leur hauteur, après un enfouissement de près de douze ou de treize siècles. Ces sortes d'enduits, très répandus dans l'antiquité, sont encore en usage dans un grand nombre de villes d'Italie, et l'on ne saurait mieux les comparer qu'aux papiers à un franc le rouleau qui servent couramment à dissimuler la nudité des murailles dans la plupart de nos maisons bourgeoises. Notons cependant, qu'à côté de ceux-là, on a trouvé dans les ruines de Velay, quelques fragments d'enduits indiquant un léger progrès dans l'art du décorateur. Le système d'ornementation rectiligne y fait place à un semé de fleurettes assez platement dessinées, du reste, et dont la rareté fait tout l'intérêt.
Permettez-moi enfin de vous rappeler, avant de terminer ce très court exposé, que nos confrères ont eu la bonne chance de rencontrer, rangés dans un des coins de l'une des cellules explorées, toute une série de coquillages fossiles, tels qu'on en trouve en grand nombre dans les environs de Velay. Que cette accumulation soit le fait du hazard, c'est ce qu'il vous sera difficile d'admettre, et vous préférerez y reconnaître avec vos confrères la main d'un naturaliste collectionneur du temps qui ne s'attendait pas sans doute, dans ses excursions géologiques, à travailler pour le plus grand profit d'une postérité aussi reculée.
Bien plus souvent qu'à la main d'un collectionneur, c'est aux soins pieux que nos ancêtres prodiguaient à la mémoire de leurs morts, que nous devons la connaissance des indications les plus précises, touchant les mœurs, les coutumes, les langues, l'histoire même des vieux temps. Ne pourrait-on pas dire avec quelque justice, et sans forcer la note, bien entendu, que la nécropole antique est le vrai sanctuaire de l'archéologie ?
Transportons-nous pour un instant dans celle, dont une communication récente du même M. Lory vous a, non pas révélé, mais confirmé l'existence au sud de notre ville, sur le territoire de Marsannay-la-Côte, et conséquemment non loin de cette
grande voie d'Agrippa que nous considérerons, si vous le voulez, et toutes proportions gardées, comme la voie Appienne de la Côte-d'Or.
C'est à la fin de l'année 1874 et aux premiers mois de l'année courante que se rapportent les découvertes signalées par M. Lory. Avec ses habitudes courantes de précision et de clarté, votre confrère vous en a indiqué l'emplacement de manière à ne s'y pouvoir tromper Au levant le chemin de Marsannay à Longvic, au couchant la grande route de Dijon à Beaune, servent de limites à un champ que son propriétaire était occupé à défoncer pour y planter de la vigne, lorsqu'il a rencontré tantôt à 0,80, tantôt à un mètre de profondeur, un certain nombre de sépultures, les unes par inhumation, les autres par incinération, qui indiquaient clairement l'emplacement d'un ancien cimetière
M. Lory, à qui je laisse la parole, ajoute qu'on a recueilli au même endroit « quarante trois médailles romaines de moyenne grandeur, onze médailles du Bas-Empire, des fragments de stèles sculptées en bas relief, représentant des personnages et très analogues, quant à la forme, aux petits pyramidions triangulaires qui ont été rencontrés très souvent aux portes de Dijon, dans le cimetière gallo-romain des Allées de la Retraite et des Lenlillières.
» Des cercueils en bois avaient servi dans les sépultures par inhumation à l'enfouissement des cadavres, comme l'indiquent les clous trouvés à côté des ossenents. Quelques squelettes étaient protégés par deux rangs de pierres plates, placées sur champ Dans les fosses il y avait des tuiles creuses qui servaient à surélever les tètes des morts, près desquels étaient déposés des vases en terre et en verre. Plusieurs de ces vases sont bien conservés et présentent des formes gracieuses et assez rares. Des médailles romaines en bronze, des grains de collier étaient mélangés avec les os les plus intéressants de ces objets sont un bracelet en pierre de schiste et le fond d'un vase en verre portant une inscription.. Ils font tous partie aujourd'hui de collections particulières mais M. Lory vous a donné l'espoir qu'il pourrait vous les présenter en communication, et en même temps que le plan des lieux explorés, il se propose de vous en offrir les dessins qui ont été exécutés par M. Gaitet, professeur à l'Ecole des beaux-arts de notre ville, et possesseur d'une partie des objets, dont il vient d'être question.
Les fosses dans lesquelles les petites médailles du Bas-Empire ont été rencontrées étaient superposées, fait que notre confrère a déjà constaté lors des fouilles par lui exécutées aux Allées de la Retraite, où les cadavres étaient en outre placés en croix, ce qu'il a dû considérer comme un signe caractéristique des premières sépultures chrétiennes. Malheureusement M. Lory n'a pu s'assurer qu'il en fût de même à Marsannay.
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A côté des sépultures par inhumation, il y avait une assez grande quantité d'urnes en verre de moyenne dimension, renfermant chacune des os brûlés, des cendres et une ou deux médailles au plus.
M Fournier, propriétaire du terrain exploré, porte à soixante le nombre des fosses mises au jour sur l'emplacement principal des fouilles. On en a rencontré cinq autres dans une vigne voisine, située un peu plus au midi.
En terminant sa communication, M. Lory a émis l'avis que toutes ces sépultures et les objets qu'elles renfermaient ont le caractère gallo-romain. Le doute à cet égard ne paraît pas possible, et il vous a suffi, Messieurs, de la description de votre con.frère, pour donner votre plein acquiescement à ses conclusions.
On s'étonne parfois du nombre considérable de constructions gallo-romaines dont les traces se rencontrent dans le sol de notre département. Il est certain que la population de nos contrées était plus dense dans ces temps reculés qu'on ne pourrait le conclure, au premier abord, des simples données de l'histoire. Le versant oriental de la Côte-d'Or, notamment, a été de bonne heure et abondamment peuplé les découvertes signalées par M. Lory viennent heureusement confirmer sur ce point les prévisions de plusieurs d'entre vous, et ce n'est pas là le côté le moins interessant de sa communication elles servent aussi à nous faire mieux connaître l'importance de la nécropole de Marsannay, d'où provenaient déjà plusieurs stèles funéraires et autres objets antiques entrés il y a peu d'années dans nos collections.
C'est à une période plus reculée de l'occupation romaine dans les Gaules, qu'il faut rapporter sans aucun doute une statuette en bronze, trouvée à Mirebeau au mois de septembre 1871, et faisant aujourd'hui partie du cabinet de notre honorable président, qui s'est fait un plaisir de la placer sous vos yeux, en même temps qu'il vous en don.nait une exacte et intéressante description. Cette statuette, qui a 17 centimètres et demi de hauteur, présente cette particularité non pas très rare assurément, mais digne néanmoins d'être notée, que les yeux en sont d'argent « Elle représente, vous a dit M. Baudot, un homme debout entièrement nu, la main droite élevée à la hauteur de la tête, paraissant tenir un instrument de jet, brisé aux deux extrémités, et dont il ne reste que la partie qui est dans la main le bras gauche est plié au coude, la main fermée comme pour tenir une hampe qui a disparu. »
La coiffure de ce personnage est singulière et très criginale le front est surmonté d'une espèce de diadème festonné allant d'une oreille à l'autre une cordelière entoure la tète et forme un nœuf saillant dans le haut. Le sommet et tout le derrière de la tête sont recouverts de nombreuses écailles. » M. Baudot s'est demandé si cette statuette, représentant sans doute une divinité, ne pourrait pas faire pendant à la Vénus de Pontailler donnée au musée de Dijon par M. le marquis de La Marche. Peut-
être faut-il y voir une effigie particulière, toutes questions sur laquelle notre président a cru utile de garder la réserve, estimant qu'un examen plus approfondi pourrait seul en donner la solution.
Pendant longtemps placée dans un tiroir où son propriétaire la gardait comme un trésor inappréciable en lui attribuant une valeur vénale exagérée comme font souvent les personnes étrangères aux études archéologiques, il y a peu de temps que cette curieuse statuette a été communiquée à M. Baudot on y avait joint une fibule romaine en bronze et quinze médailles de même métal parfaitement conservées, savoir six Constantin, trois Gallien, deux Maximien, un Dioclétien, un Aurélien, un Claude et un Probus Tous ces objets ont été trouvés avec la statuette à Mirebeau même, dans le jardin de Ai. Foutlet. Çà été là pour notre président une excellente occasion de vous rappeler que M:rebeau a été pendant longtemps occupé par la huitième légion, comme l'attestent les nombreuses tuiles à rebord que l'on trouve sur son territoire portant l'estampille de cette légion. La voie romaine, les ruines d'un théâtre, les médailles et les nombreux débris d'antiquités romaines, recueillis à Mirebeau et dans les environs, nous montrent clairement la présence et le séjour prolongé des Romains dans ces contrées.
Arrivé à ce point de mon rapport, vous allez comprendre, Messieurs, que je me sois trouvé cruellement embarrassé. Quelque habitué que je vous doive paraître à ce travail de soudure que m'imposent tous les ans, à pareille époque, mes fonctions de secrétaire, il me semblait vraiment impossible de vous faire accepter une transition honnête entre deux sujets aussi disparates. Me sera-t-il permis, pour sortir d'embarras, de vous indiquer discrètement quelques lointains rapports entre la symbolique de l'antiquité païenne, qui servira peut-être quelque jour à déterminer la statuette aux yeux d'argent de Mirebeau, et la symbolique chrétienne du moyen âge ? Car enfin, c'est de cette symbolique chrétienne, dont j'ai maintenant à vous entretenir je le ferai brièvement, d'ailleurs, car le mémoire de M. l'abbé Patriat, auquel je fais allusion, ne me paraît pas susceptible d'une bien longue analyse.
La symbolique chrétienne a été l'objet de nombreux travaux, dont quelques-uns se recommandent aussi bien par l'étendue de l'érudition que par la sûreté de la critique. Après les consciencieuses recherches du Père Cahier, il n'y a plus vraiment qu'à glaner dans ce champ d'ailleurs si vaste, puisqu'il confine aux régions les plus extrêmes de l'histoire religieuse et artistique du moyen âge. M. l'abbé Patriat n'a pas entendu refaire ce qui avait été si bien fait avant lui il se contente, restreignant son sujet aux proportions d'une courte et modeste étude, de rechercher, en quelques pages, quels sont les types de reptiles sous lesquels la capricieuse imagination de nos ancêtres se plaisait à reconnaître et à figurer le démon dans la littérature savante ou
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populaire, aussi bien que dans les manifestations extérieures de l'iconographie. Il passe ainsi successivement en revue le dragon, ce monstre hybride à la queue de serpent, premier tentateur de notre faible humanité; l'aspic, perfide et sourd instigateur des suggestions mauvaises le basilic, qui porte sur sa tête la crête de l'orgueil, tandis que sa queue ne quitte point la terre, où sa nature immonde le force à ramper; le céraste, aux cornes puissantes la guivre, aux fantastiques enroulements, dont l'art héraldique n'a pas dédaigné l'emploi le scorpion, à la piqûre envenimée le serpent enfin, serpens antiquus, comme l'appelle l'Apocalypse, l'éternel tentateur que Dieu condamne à se nourrir de la terre, et que l'on retrouve à l'origine de toutes les théogonies antiques.
Avant de devenir une simple tradition d'école, la symbolique, chez les peuples croyants, a été une véritable science, une science hiératique en quelque sorte, aux formules cachées, mais aux manifestations multiples. Le secret de ces formules, ce n'est pas seulement aux traditions incertaines que M. l'abbé Patriat l'est allé chercher il en demande l'explication à quiconque la lui peut fournir, aux écrivains de l'antiquité, aux Pères de l'Eglise, aux bestiaires, ces étranges et si instructives encyclopédies du moyen âge, aux livres saints eux-mêmes. Pourquoi, creusant davantage son sujet, tout en donnant à ses théories une application immédiate, n'est-il pas allé droit aux monuments, et aux monuments de notre pays surtout ? C'est un regret qu'il nous est permis d'exprimer à nous autres archéologues car nous aurions assurément trouvé notre profit à cette recherche de manifestations vivantes de la symbolique chrétienne dans notre art national.
M. l'abbé Patriat nous signale un sceau du xine ou du xiv siècle qu'il a possédé quelque temps, et qui est aujourd'hui conservé au musée d'Avallon. Il représente la lutte de l'archange saint Michel avec le dragon. Le dragon a un corps d'oiseau, les ailes au repos il est pourvu de deux pattes aux griffes puissantes sa queue de reptile s'enroule en spirale et remonte vers les ailes de l'archange, sa tête de serpent porte une crête. L'auteur ajoute que c'est là, suivant lui, le type régulier. Voilà assurément une bonne et intéressante indication ce serait rendre un véritable service aux études archéologiques, que de relever de la même façon la liste de tous les monuments sculptés ou gravés, du même genre, qui se peuvent rencontrer dans notre région.
Votre sollicitude constamment éveillée, d'ailleurs, n'a pas eu l'occasion de se manifester cette année dans l'intérêt des monuments, dont la conservation vous est plus spécialement confiée. Permettez-moi cependant, en entrant dans cet ordre d'idées, de vous rappeler en quelques mots que j'ai eu l'honneur de vous entretenir d'un retable d'autel en pierre, qui était conservé jusqu'à ces derniers temps dans la
maison des sœurs de la paroisse Saint-Pierre de Dijon, où M. Gleize, conservateur de notre musée municipal, a eu récemment, si je puis ainsi parler, la bonne fortune de le découvrir. Ce retable, curieux et intéressant spécimen de l'art de la Renaissance, était en effet resté jusqu'ici complétement ignoré du public, et avait même échappé à l'attention des artistes et des archéologues de notre ville. Outre qu'il provient, selon une tradition constante, de l'ancienne église Saint-Pierre, détruite comme on sait au moment de la Révolution, et qu'il paraît même être le seul objet d'art qui ait survécu à cette destruction le retable en question se recommande encore par de remarquables qualités de composition et d'exécution. Tout n'y est pas sans doute également bon, mais quelques-unes de ses parties sont excellentes, et l'ensemble est du plus heureux effet. On y voit figurées, dans une série de six tableaux superposés en deux rangées, les principales scènes de la vie du Christ, savoir, dans la partie supérieure la Circoncision, la fuite en Egypte, Jésus au milieu des docteurs, et au-dessous Jésus portant sa croix, Jésus crucifié, et l'ensevelissement.
Les personnages sont sculptés pour la plupart en haut relief, et la façon dont quelques-uns d'entre eux sont traités, décèle assurément le faire d'un artiste exercé Enfin, il n'est pas jusqu'aux détails d'ornementation des colonnettes et des platesbandes qui servent d'encadrement. soit à l'ensemble du retable, soit aux six tableaux dont il est composé, qui ne frappent aussi bien par la finesse de l'exécution, que par le goût heureux et délicat de l'agencement. Sur le soubassement sont sculptées les armes de la famille Le Marlet, qui a fourni au xvr° siècle un vicomte-mayeur et un bailli à la ville de Dijon. L'écu porte trois pals avec un chef chargé de trois croix de Saint-André.
Le retable de l'église Saint-Pierre avait subi depuis le commencement du siècle de regrettables mutilations il y avait urgence à le soustraire à de nouvelles chances de ruine aussi le bureau de bienfaisance de Dijon, propriétaire de l'immeuble où il était conservé, n'a-t-il pas hésité, sur la demande de M. Gleize, à le céder pour notre musée municipal, où il occupe aujourd'hui une place distinguée, après avoir été l'objet d'une très intelligente restauration
Enfin, notons en passant que vous avez eu le regret de constater l'impossibilité où s'est trouvée l'administration municipale de Dijon, de donner satisfaction au vœu par vous émis pour la conservation intégrale du portail de l'ancienne église des Jacobins. Un moment, vous avez espéré que les pierres sculptées provenant de ce portail, pourraient être mises en réserve et déposées dans un local où elles se fussent trouvées à l'abri de toutes dégradations ultérieures, jusqu'au jour où l'on aurait pu en tenter la reconstruction dans l'une des promenades publiques de notre ville. Malheureusement, à peine les travaux de démolition commencés, on reconnut bien
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vite que la plupart de ces pierres étaient dans un état complet de dégradation, les bases, notamment, pourries de telle sorte que toute idée de conservation a dû être immédiatement abandonnée. On s'est borné à mettre de côté quelques pierres sculptées, entre autres une belle série de chapiteaux dans un état de conservation relativement satisfaisant, lesquels ont été déposés au musée de la Commission, ainsi qu'un nombre assez considérable de pierres tombales trouvées sur ou dans le sol de l'ancienne église, et deux inscriptions avec dates commémoratives.
Ce qui diminuera vos regrets de n'avoir pu conserver en son entier l'ancien portail des Jacobins, c'est que vous en devez avoir, grâce à l'obligeance de notre jeune confrère, M. Degré, une très fidèle reproduction. Ce dessin, aiusi que divers plans par terre, coupes et élévations, exécutés par le même artiste, seront joints au travail de M. Paul Foisset, sur l'église elle-même ce travail, dont j'ai déjà eu l'honneur de vous entretenir dans le dernier compte-rendu, s'imprime en ce moment; il doit faire partie du fascicule de vos Mémoires qui sera mis en distribution à la rentrée prochaine Votre Comité de lecture a décidé qu'il serait complété par le texte des inscriptions tumulairfs provenant de la même église et, si faire se peut, par la reproduction en fac-simile de celles des pierres tombales qui présentent le plus d'intérêt pour l'histoire des costumes et des mœurs.
En terminant ce compte-rendu, j'espère ne point dépasser les bornes de la plus stricte discrétion, en vous rappelant, Messieurs, que la Commission des Antiquités de la Côte-d'Or ne tardera pas à inaugurer la série des concours ouverts sous ses auspices pour la délivrance du prix fondé en 1865, par le testament de M. le marquis de Saint-Seine, votre ancien et si profondément regretté vice-président Vous savez qu'il s'agit d'un prix d'environ 1,000 francs, qui devra être attribué tous les cinq ans à l'auteur du meilleur ouvrage paru en France dans la période quinquennale précédente sur un point quelconque de l'histoire politique, artistique, religieuse ou littéraire de l'ancienne Bourgogne. Grâce à des arrangements de famille, dont notre confrère M. le vicomte de Saint-Seine s'est empressé de nous faire connaître la teneur, les obstacles qui s'étaient opposés jusqu'à ce jour à la réalisation des libérales intentions de M. le marquis de Saint-Seine, viennent d'être levés. Vous vous devez à vous-mêmes, vous devez à la mémoire de votre ancien vice président, d'entrer sans plus tarder dans l'exercice du droit qui vous est conféré; vous vous êtes déjà engagés dans cette voie en chargeant une Sous-Commission de rédiger un projet de règlement pour le prochain concours. Ce projet ne tardera pas à être soumis à l'approba. tion de la Société. Vous y trouverez l'occasion toute naturelle de vous associer aux sentiments de vive reconnaissance, dont notre vénérable président s'est déjà fait l'interprète au sein de votre Comité d'administration, envers M. le vicomte Raoul de Saint-Seine et ses co héritiers
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Qu'après quarante-trois années d'existence et d'une application constante à l'exercice de sa mission, la Commission des Antiquités de la Côte-d'Or soit appelée à son tour à décerner des récompenses, il n'y a rien là qui doit étonner, et vous le ferez, restez-en bien convaincus, aux applaudissements universels. J'en ai, Messieurs, pour sûr garant la parole autorisée d'un des maîtres de la science, qui proclamait naguère dans une circonstance solennelle l'importance et la diversité des services qu'elle a » rendus et rend tous les jours. Votre modestie ne s'offusquera pas de cette allusion à la distinction si flatteuse et si enviée, dont la Commission a été l'objet au dernier concours des Sociétés savantes des départements. Vous avez été compris, laissez-moi vous le redire, pour une somme de mille francs dans la répartition des prix distribués par le ministère, sur la proposition du Comité des travaux historiques, aux Sociétés savantes dont les travaux ont le plus contribué au progrès de l'archéologie nationale. Vous voilà donc hors de pages et vous avez conquis vos galons. Que cette flatteuse distinction vous apparaisse comme la récompense vivement appréciée d'un passé qui vous honore, je n'y trouve rien à redire. Mais pour la Société en général, pour chacun de vous en particulier, ce sera plus encore vous y verrez surtout un encouragement à persévérer dans ces efforts, vous souvenant sans cesse d'une parole que vous ne sauriez faire mentir Noblesse oblige.
Je voudrais, Messieurs, vous pouvoir quitter sur cette parole. Les circonstances ne me le permettent pas. Plusieurs de vos confrères ont été à la peine qui ne seront pas à l'honneur. Qu'il me soit permis, avant de nous séparer, de payer à leur mémoire un juste tribut de regrets.
Vous avez perdu, dans le courant de cette année, trois de vos correspondants, M. l'abbé Boulot, curé de Thorey-sous-Charny, à qui vous veniez à peine d'ouvrir vos rangs, dans l'espoir aussitôt trompé que vous trouveriez de réels avantages dans son active collaboration M l'abbé Cochet et M. l'abbé Dubois, curé de Messigny. Je ne vous apprendrai rien, Messieurs, en vous disant qne M. l'abbé Cochet a consacré une vie tout entière de labeur et de dévouement à des travaux auxquels le préparaient merveilleusement les deux qualités maîtresses de son esprit, la persévérance dans l'observation et la sagacité dans la critique. Il s'est spécialement appliqué à l'exploration des cimetières de la période gallo-romaine et des temps mérovingiens, et il s'était fait une sorte de spécialité de cette étude si féconde en résultats utiles, et dans laquelle il a trouvé parmi vous, qu'il me soit permis de le proclamer en passant, je ne dirai pas des rivaux, mais des émules Vous aviez tenu à honneur de vous associer cet homme éminent, dont le nom restera marqué dans la mémoire de tous ceux qui s'intéressent aux progrès des études archéologiques.
M. le curé de Messigny n'était point, comme M. l'abbé Cochet, un archéologue dans
le sens strict du mot. La pente naturelle de son esprit le poussait vers les études d'histoire, de biographie et d'apologétique religieuse. C'est bien plus par l'estime qu'il faisait de vos travaux que par la part qu'il y pouvait prendre directement, qu'il s'est montré digne d'être des vôtres. Vous souvenant que toutes les sciences sont sœurs, vous aviez été heureux d'ouvrir vos rangs à l'ingénieux historien d'une abbaye qui a joué un rôle important dans les annales d'une province voisine de la nôtre, et dont le nom reste attaché à l'une des places de notre ville. Dans sa Vie de l'abbé de Rancé, M l'abbé Dubois ne s'est point borné à retracer les phases diverses d'une existence tourmentée qui finit par se retremper dans les aspirations d'un ascétisme surhumain; il s'est plu, en outre, à éclairer d'un jour nouveau leshorizons d'une époque de notre histoire, dont le mondain épanouissement a trop longtemps laissé dans l'ombre les trésors de foi vive et de rénovation religieuse dont elle a été capable. M. l'abbé Dubois avait enfin préparé les matériaux d'une histoire générale du sacerdoce, où il aurait assurément déployé toutes les ressources d'un esprit ingénieux et ardent, et à laquelle il est infiniment regrettable qu'il n'ait pu mettre la dernière main. Honneur à ce savant modeste, qui loin des sources de recherches et d'informations a su transformer une humble cure de campagne en un véritable foyer de lumières et de sciences.
Vous avez été frappés plus directement encore, Messieurs, par la mort aussi regrettable qu'inattendue de notre cher et excellent confrère M Jules Simonnet. C'est au congrès scientifique de 1854 qu'il a été donné à:plusieurs d'entre nous de connaître et d'apprécier pour la première fois les qualités de cet esprit fin et délicat, qui joignait à une remarquable faculté d'assimilation le don de se répandre en d'intéressantes et originales dissertations. Nommé secrétaire de la section de philosophie, littérature et beaux-arts du congrès, M. Simonnet ne s'était point borné à reproduire, avec une fidélité scrupuleuse, la physionomie des débats, il y avait pris une part plus active, intervenant par des aperçus neufs et variés dans les discussions les plus diverses, et bien jeune encore, se mettant d'emblée au niveau des anciens par l'étendue de ses connaissances et la sûreté de ses appréciations. Dès lors, la place de M. Simonnet était marquée parmi vous, Messieurs, comme elle le fut aussi dans le même temps au sein d'une Compagnie dont la vôtre est issue et avec laquelle vous aimez à entretenir les plus cordiales et les plus sympathiques relations. Lauréat dans un des concours de notre Ecole de Droit, notre jeune confrère venait d'entrer dans la magistrature, signalant, par une constante application aux austères devoirs de son état et par la publication de travaux juridiques de diverse importance, les débuts d'une carrière qu'il devait parcourir avec honneur Attaché successivement aux parquets de plusieurs tribunaux du ressort, nous le vîmes enfin se fixer, pour ne la
plus quitter, dans cette ville de Dijon qu'il aimait comme sa patrie d'adoption, heureux d'y goûter en retour les douceurs de la vie de famille et d'y trouver dans le riche dépôt de nos bibliothèques et de nos archives, le propice aliment de sa vive et active intelligence.
Je dépasserais assurément, les bornes de ce compte-rendu, si je voulais, même dans un rapide aperçu, énumérer tous les titres de notre savant confrère à nos unanimes et sympathiques regrets; la liste seule de ses ouvrages serait trop longue à reproduire. Les beaux-arts et la philosophie, l'archéologie et l'histoire, le droit étudié dans ses applications ou dans ses origines historiques, ont tour à tour captivé l'attention de cet esprit éminemment investigateur, et sa plume, à quelque sujet qu'elle se soit attaquée, l'a fait toujours avec exactitude et sincérité, souvent avec un rare bonheur d'expression ou de recherches. Permettez-moi de vous rappeler, Messieurs, que la Commission des antiquités lui doit une bonne étude sur les voies romaines du département de la Côte d'Or. Ce travail marqué au coin d'une saine érudition et d'une sage critique, sert en quelque sorte de frontispice au répertoire archéologique dont vous avez entrepris et bien avancé déjà la publication. Mais, je n'hésite pas à le dire, c'est à l'Académie que M. Simonnet a donné la plupart et les plus importants de ses ouvrages, c'est dans les mémoires de cette société notamment, qu'ont été publiés les documents inédits pour servir à l'histoire des mœurs et des institutions en Bourgogne au xiv et au xv' siècle, étude d'un réel intérêt sur des matières neuves, et qui, après avoir conquis les suffrages des juges les plus compétents a valu à son auteur une mention très-honorable de l'Académie des inscriptions et belles-lettres. Au moment où la mort est venue surprendre notre confrère d'une façon si imprévue. il venait de mettre la dernière main à un grand travail historique et généalogique sur les sires de Joinville; cette dernière production d'une plume naguère encore si pleine de vie sera bientôt livrée au public grâce aux soins pieux d'une amitié dévouée.
Je dois m'arrêter, Messieurs, aussi bien il en faudrait trop dire et j'ai dû me borner, dans cette revue rapide, à ceux des ouvrages de M. Simonnet qui rentrent le mieux dans le cadre habituel de nos études. C'en est assez d'ailleurs pour vous faire apprécier l'érudit. Que vous dirais-je de l'homme de bien, de l'ami dévoué, du confrère sympathique qui savait joindre à la sûreté des relations, le charme toujours apprécié d'un caractère aimable et d'une bienveillance à toute épreuve? Vous conserverez longtemps le souvenir de cet homme excellent et rien ne l'effacera jamais de la mémoire de ceux qui ont eu, comme moi, le bonheur de l'approcher souvent et auxquels il a laissé en nous quittant qu'un seul regret, celui de ne l'avoir pas assez connu.
NOTES, DESSINS ET COMMUNICATIONS DIVERSES.
M. l'abbé Breuillard, curé de Savigny-en-Terre-Plaine, associé correspondant, a envoyé le dessin d'un heurtoir rencontré à Montréal par un brocanteur, qui n'a pas tardé à le revendre à un professeur de Lisieux, originaire d'Avallon; le levier de ce heurtoir est orné d'un reptile sans pattes, dont la queue est repliée en anneau, et le corps entièrement recouvert d'écailles rondes. Le monstre a la tête munie d'oreilles, la gueule armée de dents puissantes, et la partie supérieure du museau relevée en trompe. On peut y reconnaître une salamandre ou un dauphin. A la partie supérieure du levier, au-dessus de la queue du reptile, par conséquent, est sculpté un écu de forme écrasée, qui porte un chevron renversé accompagné de trois fleurs de lys posées une et. deux.
Note de M. le curé de Meloisey, sur une stèle antique trouvée en 1873 à Maitranceaux, commune de Meloisey, et dont la description figure au dernier compterendu des travaux de la Commission. Au même endroit, avait été trouvée antérieurement une statuette qui a été cédée à un amateur de Beaune.
Note de M. Mathieu, associé résidant, sur l'ancien ostensoir de l'église SaintEtienne de Dijon; cette note est tirée du procès-verbal de la municipalité de Dijon, contenant inventaire des effets qui appartenaient à la confrérie du Saint-Sacrement de la paroisse Saint-Médard, paroisse alors annexée, comme on sait, à l'église SaintEtienne.
Ce procès-verbal mentionne les objets suivants
1° Le grand ostensoir d'argent dont les rayons sont dorés, orné de diamants et pierres fines, dont on joindra ici la description il y a une croix de cristal de roche qui y est aussi attachée
2° Une couronne de vermeil qui est portée par deux anges de la gloire; 3° Une gloire composée d'anges, chérubins et nuages qui servent de couronnement elle est en bois argenté, c'est un beau modèle sculpté par Dubois, il devait être exécuté en argent, etc.
Au-dessus de la lunette de l'ostensoir était une croix composée de cinq gros diamants et quatre petits, et autour de cette même lunette, disposée dans l'ordre suivant, en allant de droite à gauche un gros diamant; un gros diamant, quatre moyens et quatre petits; un gros diamant et sept moyens; une émeraude et huit entourages de diamants une grosse topaze, et au-dessous un beau grenat – une émeraude et sept entourages de diamants un gros diamant,
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quatre moyens et quatre petits au col du pélican est attachée une croix d'or émaillée de rouge, qui est celle de l'ordre du Christ – enfin un gros diamant avec entourage de dix petits.
On cite encore deux saints en bois doré, sous les noms de saint Etienne et de saint Médard.
Cet inventaire fut dressé le 20 juin 1792 par les commissaires de la confrérie du Saint-Sacrement de la paroisse Saint-Médard, les sieurs Tainturier, Richard, Arthaut et Jacquinot, et remis avec les objets inventoriés au notaire Bouché. Ce dernier dut les remettre l'année suivante aux commissaires susdits, qui lui en accordèrent décharge, à la date du 20 mai 1793.
Le même M. Mathieu a offert un dessin exécuté par lui, et représentant une agrafe mérovingienne qui fait partie de sa collection. Cet objet, découvert à Darbonnay (Jura), a été décrit dans un précédent compte-rendu.
Les communications de M. Charles Rouhier, correspondant à Recey-sur-Ource, ont été, comme tous les ans, fort nombreuses. Il a adressé à la Commission 1° le dessin de plusieurs sceaux conservés aux archives de l'Aube; 20 la photographie d'une trentaine de monnaies gauloises, provenant des différentes localités du département de la Haute-Marne 3° l'original d'un acte concernant le village de Bussières (canton de Grancey-le-Chàteau) – 4° une courte note de M. Gaveau, de MagnyLambert, relative aux grottes et aux abris sous roche situés sur les bords du confluent de la Seine avec la Coquille et le Revinson M. Gaveau estime que ces rochers, dits de Tarperon, ont servi d'habitation à l'homme primitif, et que des fouilles entreprises sur les bords des rivières qui se réunissent à leurs pieds, procureraient sans doute des preuves de son séjour 5° l'indication de plusieurs objets en silex, tels que flèches, nucléus, grattoirs, fragments préparés pour la fabrication, etc., etc., trouvés à Buncey, à Recey, Saint-Germain-le-Rocheux, sur la montagne de Vix, toutes localités dépendant de l'arrondissement de Châtillon-sur-Seine; à Buncey, on a trouvé notamment un éclat servant à volonté d'instrument coupant et perforant, plus un silex brut ayant la forme d'un cylindre un peu applati, terminé en pointe à l'une de ses extrémités, et probablement choisi avec intention. parce qu'il n'exigeait qu'un médiocre travail pour être utilisé; 6° la description de plusieurs médailles et jetons de diverses provenances, savoir médaille d'argent trouvée dans la combe Saint-Mamès (territoire de Chàtillon) tête tournée à droite, légende IVLIA PIA FELIX. AVG au revers DIANA LVCIFERA dans le champ, une femme debout tient de la main droite un objet fruste ou à peu près, peut-être Diane tenant une torche petit bronze trouvé à Sacquenay au droit, une tête couronnée tournée à droite, avec la légende IMP C VICTORINVS P F AVG au revers, la
Santé debout tendant une coupe à un serpent, avec les mots SALVS AVG un outil est figuré devant la déesse un petit bronze de Dioclétien, à la légende SALVS AVGG un autre petit bronze de Licinius, légende GENIO POP ROM – monnaie de Nancy au droit, les armes de Lorraine, légende R DVX LOTORENGIE au revers, mêmes armes deux fois répétées et accompagnées d'un épi, avec la légende MONETA DE NANCEI – jeton assez fruste, portant la date de 1584, et la légende CATHARINA D G FRANCOR RIGIN autre jeton frappé aux noms de Louise de Racine et de Guillaume, seigneur de Rivauldes autre jeton trouvé à Recey, paraissant représenter la paix, la justice et la guerre, entourées de ces deux légendes IVST1TIA IN SESE VIRTVTES CONTINET OMNES 1584. = NOS THEMIS ET PAX ALINA (sic) FOVENT BELLONA FACESSAT médaille religieuse en cuivre, représentant le buste de saint Sigisbert, avec les mots S SIGISBERTUS AVSTRASIAE REX au revers, une croix et la légende CRUX EST VNICA AD COELVM VIA 7° copie d'une pièce de vers sur le même roi Sigisbert, extrait intitulé Des roys et ducs d'Austrasie depuis Théodoric I", par Nicolas Clément, traduit en françois par François Guibaudet, dijonnois, un vol. in-4°, 1617; 80 Note relative à Jean de Watteville, singulier personnage qui, après avoir été profès à la chartreuse de Lugny, prit le parti des armes pour aller guerroyer en Hongrie, rentra depuis dans l'Eglise, devint abbé de Beaume, haut doyen de Besançon, et maître des requêtes au Parlement 9° Notice sur la famille Bouchin, originaire de Beaune, qui a possédé pendant près de cent ans, de père en fils, la charge de procureur du roi au bailliage de celte ville, depuis Etienne Bouchin qui l'exerçait en 1550. Cette famille a, en outre, fourni un lieutenant général au même bailliage et un président à la Chambre des Comptes de Dijon 10° copie du catalogue des reliques qui composaient le trésor de l'église collégiale de Saint-Jean l'Evangéliste de Grancey-le-Château – 11° copie d'une inscription romaine conservée au musée d'Autun.
Par M Lacordaire, associé correspondant, une note manuscrite sur l'église de Bellenod, canton d'Aignay. Cette note sera déposée aux archives de la Commission, où elle pourra être consultée pour la rédaction de l'article de Bellenod, dans le Répertoire de l'arrondissement de Châtillon-sur-Seine.
Note de M. le colonel de Coynart, relative à deux brochures de M. Marlot, aujourd'hui notre associé correspondant à Cernois, près Semur. Dans l'une de ces brochures, M. Marlot donne la description de diverses subslructions gallo-romaines trouvées dans les environs de sa résidence l'autre a pour objet le merveilleux et les légendes dans l'Auxois
M. Chevreul a présenté en communication une boucle de ceinturon de la période
mérovingienne, portant quelques traces de damasquinerie en argent. Cette boucle a été trouvée à Belleneuve, sous un tumulus au sommet duquel était planté un noyer, et qui a été récemment nivelé par suite de travaux d'appropriation exécutés dans la partie nord du cimetière de ce village, où il était situé. On a entièrement découvert, à Belleneuve, quelques débris gallo-romains auxquels se trouvaient mêlées des coquilles d'huîtres, mollusques dont les Romains faisaient grand usage, et qu'on rencontre souvent dans les localités qu'il ont occupées, notamment les huîtres dites d'Ostende, et provenant réellement des côtes d'Angleterre.
OBJETS OFFERTS A LA COMMISSION.
Ont été offerts
Par M. Lory, un pavé émaillé trouvé dans les fouilles de l'église des Jacobins et qui doit sans doute provenir d'une des anciennes chapelles de cette église ce pavé porte l'image d'un cavalier couvert d'une armure, xnr siècle, tenant d'une main une lance en arrêt et de l'autre un bouclier sur lequel on distingue deux chevrons superposés.
Par MM. Lory et de Coynart, de nombreux objets antiques provenant des fouilles de Velay et parmi lesquels on distingue deux plaques de marbre blanc, des fragments d'enduits coloriés, des outils et instruments en fer de diverses natures, des fragments de vases en terre, etc., etc.
Par M. Bresson, associé résidant: 1° un cachet en cuivre trouvé dans les fouilles de l'ancienne église des Jacobins. Ce cachet triangulaire sur axe tournant peut remonter au commencement du xvn' siècle il porte sur une de ses faces un monogramme, sur la seconde deux petits personnages assez grossièrement gravés; la troisième est ornée d'une quintefeuille gravée au trait; – 2» une série de huit monnaies ou jetons provenant également des fouilles des Jacobins et qui ont été déterminés par M Prisset de la manière suivante un jeton de France fort intéressant; d'un côté écusson aux trois fleurs de lys, avec ces mots en légende CVRIA MONETAR FRANCLE au revers un personnage qui semble représenter la France c'est une femme tenant dans l'une de ses mains des balances et dans l'autre la corne d'abondance, pour légende l'inscription MONETAL LIBELLAE VSV RESTIT. à l'exergue, 1587 un autre jeton d'un intérêt moindre également, à l'effigie de Louis XIV, la famille de Nuremberg; un autre jeton de Nuremberg; une petite monnaie de cuivre de Charles VI ou de Charles VII et enfin quatre liards frustes.
Par M. Aubertin, offertes en son nom par M. Albert Albrier, quarante-trois pièces romaines, et deux gauloises trouvées à Boncourt-le-Bois, canton de Nuits, par
DE LA COMMISSION DES ANTIQUITÉS. '1 °'111 Il..
M. Friandet, instituteur. Ces médailles ont été déterminées par M. Prisset qui a pu les classer malgré leur très mauvais état de conservation, en voici l'énumération grand bronze Antonin le Pieux, Marc-Aurèle, Lucile,Alexande-Sévère, Hadrien (?) tête de femme moyen bronze colonie de Nismes, Auguste, Marc-Aurèle, Trajan, au revers S P Q. R – OPTIMO PRINCIPI -petit bronze: quatre Gallien, Triticus jeune, Claude le Gothique, Quintillus trois Constance-Chlore neuf Constantinle-Grand, Constantin junior, Gratien, douze entièrement frustes Une monnaie du Leuks et une des Séquanes.
Par M. Foisset LOUIS XIIII, 1649. 1/2 louis d'argent.
LUD XIIII, D G FR ET NAV REX Buste enfantin à droite, lauré, une méche de cheveux descendant plus bas que le menton, cuirasse, croix du SaintEsprit, épitoge. Revers légende circulaire à droite SIT NOMEN DOMINI. (exergue A) BENEDICTUM 1649. Ecusson aux trois fleurs de lys, couronné. Jeton de cuivre, LUDOVICUS MAGNUS REX. Tête laurée à droite, col tranché, au-dessous. Revers CHARA IOVI NATO QUE IOVIS, dans le champ, olivier sur un trait, dessous 1689.
CH EMA DE MONGEY C EN PARL VIC MAIEUR DE DIJON. Armoiries. Revers NULLA PERIT VITjE PARS ces quatre mots sont séparés par des rosaces. Ce jeton de cuivre est de mauvaise conservation.
Jeton de cuivre beau. Légende DE. M" OUDART LE FERON PR'. DE LA PREVOSTE Armoiries. Revers TUTA DIOSCURIS. Vaisseau, à l'exergue 1641. Par M. de Chalus, une statuette en albâtre et un bas-relief en marbre, sur lesquels le donateur se propose de rédiger une notice.
Par M Charles Rouhier, un jeton de la foraine de Dijon, 1552 – un jeton de François, duc d'Alençon, 1577; – plusieurs autres monnaies; – une médaille d'Antonia, grand bronze recueilli dans le tronc de l'une des églises de Chàtillon-surSeine un liard de Montbéliard, 1710 une monnaie de Parme, 1795, représentant la Sainte-Vierge, avec cette légende VITAM PRE PVR le surmoulage d'une de ces médailles carrées que les Russes portent au cou, représentant la Madone.
OUVRAGES OFFERTS A LA COMMISSION.
Notes pour servir à l'étude de la haute antiquité en Bourgogne les fouilles de Magny-Lambert, par M. Flouest.
Annuaire départemental de la Côte-d'Or, pour l'année 1875, par M. Joseph Garnier.
Trois rapports sur les travaux de la Société de l'histoire de France pour les années 1872, 1873 et 1874, par M. Desnoyers, membre de l'Institut.
Topographie ecclésiastique de la France, 3 vol. in-8°, par le même, tirage à part des annuaires de la Société de l'histoire de France.
Note sur la dalle funéraire d'Etienne Quarré, par M. Charles Aubertin.
Rapport de M, le Préfet de la Côte d'Or, pour la seconde session ordinaire du Conseil général (année 1874) Procès-verbaux des délibérations du Conseil général de la Côte-d'Or, même session.
Etude sur les monnaies gauloises trouvées en Poitou et en Saintonge, par M. Anatole de Barthélemy.
Dictionnaire topographique du département de l'Aube, par MM. Théophile Boutiot et Emile Sicard, envoi du ministère de l'instruction publique.
Lettres d'un rural, 1874, par M. de Sarcus.
Dictionnaire topographique de l'ancien département de la Moselle, par M. de Bouteiller, envoi du ministère de l'instruction publique.
Sur l'usage des bâtons de main, par M. Chabas.
Rapport au Ministre sur la collection des monuments inédits de l'histoire de France, et sur les actes du Comité des travaux historiques. Envoi du ministère. PUBLICATIONS DES SOCIÉTÉS SAVANTES ET PÉRIODIQUES.
Annual report of the board of regents of the Smithsonian institution, 1873. Bulletin de la Société académique de Brest, 1871, tome 1er, seconde série. Bulletin de la Société archéologique de Touraine, 1873. Réunion de la même Société, tome XXV.
Bulletin de la Société archéologique du midi de la France, 1870 à 1875. Tables générales des mémoires de cette même Société.
Bulletin de la Société archéologique et historique de l'Orléanais, tome VI. Mémoire de la même Société, tome XII, avec album.
Bulletin de la Société archéologique, scientifique et littéraire de Béziers, 2"" série, tome VII, 2e liv.
Bulletin de la Société d'agriculture, sciences et arts de la Haute-Saône, troisième série, n° 5. Catalogue des ouvrages composant la bibliothèque de la même Société, par M. le commandant Noirot.
Bulletin de la Société d'émulation de l'Allier, tome XIII, 1" et 2* liv.
Bulletin de la Société des antiquaires de France, 3* et 4* trimestres de 1874. Mémoires de la même Société, tome XXXV.
Bulletin de la Société des antiquaires de l'Ouest, 1874, 2' trimestre.
Bulletin de la Société des antiquaires de Picardie, 1871 à 1875.
Bulletin de la Société des sciences historiques et naturelles de l'Yonne, 1874. Bulletin de la Société des sciences historiques et naturelles de Semur, 1873. Bulletin de la Société des sciences, lettres et arts de Pau, 1872, 1873, 1874. Bulletin de la Société d'études d'Avallon, 1873.
Bulletin de la Société d'horticulture de la Côte-d'Or, partie de 1874 et 1875. Bulletin de la Société historique de Compiègne, tome II, 1" fascicule
Bulletin de la Société historique du Périgord, tome I", lre livraison.
Bulletin de la Société pour la conservation des monuments historiques d'Alsace, tome IX, lr< liv.
Bulletin monumental abonnement.
Congrès archéologique de France, XL* session, siégeant à Châteauroux. Compte-rendu de la Commission impériale archéologique de Saint-Pétersbourg, pour les années 1870 et 1871, avec atlas.
Comptes-rendus de la Société française de numismatique et d'archéologie, tomes III et IV.
Excursions archéologiques dans les environs de Compiègne, 1866-1874. Indicateur de l'archéologue, périodique.
Journal d'agriculture de la Côte-d'Or, partie de 1874 et 1875.
Journal de la Société d'archéologie lorraine, 230 année. Mémoires de la même Société, 3' série, 2- volume.
L'Instruction publique, 2' année, no 14.
Mémoires de l'Académie des sciences, belles-lettres et arts de Savoie, 2' série, tome XII.
Mémoires de l'Académie de Montpellier, section des lettres, tome IV, 3' et 4" fascicules, et partie du tome VI.
Mémoires de l'Académie du Gard, 1872.
Mémoires de la Société académique d'archéologie, sciences et arts du département de l'Oise, tom. VIII, 3=e partie.
Mémoires de la Société d'émulation de Montbéliard, 2me série, vol. 6 et 7. Mémoires de la Société d'histoire, d'archéologie et de littérature de Beaune, 1874. Mémoires de la Société historique de Styrie. 1874.
Mémoires de la Société historique et archéologique de Langres, 1874. Mémoires de la Société littéraire, scientifique et artistique d'Apt, nouvelle série, tom I", n"1 2 et 3. Bulletin de la même Société, 9°" et 10"' années. Procèsverbaux des séances de la même Société, 2"" série, tom. II, 1872 et 1873.
COMPTE-RENDU DES TRAVAUX. -1~, 1 1 1
Mémoires de la Société royale des antiquaires du Nord, Copenhague, 33 volumes ou fascicules.
Mémoires et documents publiés par la Société archéologique de Rambouillet tome II, 1873-1874.
Mémoires et documents publiés par la Société d'histoire et d'archéologie de Genève, tome XIX, liv. 1".
Répertoire des travaux de la Société de statistique de Marseille, tomes XXXV et XXXVI.
Revue archéologique abonnement.
Revue des Sociétés savantes du département, partie de 1874 et de 1875. Envoi du ministère.
Revue savoisienne.
Société d'agriculture, sciences, arts et belles-lettres de Bernay, concours de 1874. Société des sciences et arts de Vitry-le-Français, tome VI, 1873-1874.
Société des sciences naturelles et historiques, des lettres et des beaux-arts de Cannes, tome III, n» 3.
MOUVEMENT DU PERSONNEL.
Ont été nommés
Associés résidants
MM. Degré fils, architecte, 1er août 1874.
Clément-Janin, négociant, 1" février 1875
Suisse fils, architecte, 1er mars 1875.
Associés correspondant
MM. l'abbé Boulot, curé de Thorey-sous-Charny, 1" décembre 1874.
l'abbé Garreau, curé de Rochefort, 15 décembre 1874.
l'abbé Morillot, curé de Beire-le-Châtel, 15 février 1875
de La Blanchère, propriétaire à Paris, 15 mars 1875.
Chabas, correspondant de l'Institut, à Châlon-sur-Saône, 15 mai 1875.
Marlot, domicilié à Cernois, commune de Vic-Chassenay, 25 juin 1875.
MM. Beaune, aujourd'hui procureur général à Alger, et Duméril. nommé professeur à la Faculté des lettres de Toulouse, ont été portés sur la liste des associés-correspondants.
J. D'ARBAUMONT.
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COMPTE-RENDU
DES TRAVAUX
DE LA
COMMISSION DÉPARTEMENTALE
DES ANTIQUITÉS DE LA CÔTE D'OR
du 1er juillet IS95 au 1er juillet 1898.
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MESSIEURS,
Mon intention, en abordant cette revue périodique de vos travaux, est de dresser, tout d'abord, le bilan sommaire des fouilles et découvertes archéologiques qui ont attiré, à divers titres, votre attention dans le courant de l'année qui vient de s'écouler.
Les fouilles entreprises sur le territoire de Beneuvre ont plus d'une fois déjà sollicité votre légitime intérêt. Commencés sous vos auspices, continués avec le généreux concours de la Commission de la topographie des Gaules, les travaux de recherches et de déblaiement auxquels ces fouilles ont déjà donné lieu, ont pleinement répondu jusqu'ici à votre attente, et vous savez aussi bien que moi qu'ils n'ont pas encore dit leur dernier mot. A diverses reprises j'ai eu l'heureuse occasion de vous en entretenir et chaque fois la tâche m'était rendue bien facile. Je n'avais qu'à puiser à pleines mains dans les intéressants rapports soumis chaque année à votre bienveillante et juste appréciation, par ceux de nos confrères qui ont plus spécialement accepté la mission laborieuse de restituer au grand jour les vestiges, depuis si longtemps enfouis, de l'antique cité de Velay, d'en déterminer le caractère, et d'en montrer la réelle importance.
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Des circonstances indépendantes de leur volonté ont malheureusement empêché vos deux commissaires attitrés de continuer, à l'automne dernier, le cours de leurs patientes et fructueuses investigations. Mais, rassurez-vous, la campagne n'a pas été perdue pour autant, et vous avez eu la bonne fortune de rencontrer, l'année dernière, sur le terrain des fouilles, à la place de vos troupes régulières, des auxiliaires de bonne volonté, qui ont pris courageusement en main le soin de vos intérêts et auxquels je me fais tout à la fois un plaisir et un devoir d'adresser ici publiquement, au nom de la Commission tout entière, le témoignage de notre vive reconnaissance.
Je fais appel à vos souvenirs et je me persuade que vous n'aurez pas oublié l'aspect inusité que présentait notre bureau lors de la séance du 15 janvier dernier. Au milieu de la table était étalé un plan dressé sur une vaste échelle et où vous n'avez pas hésité à reconnaître, au premier coup d'œil, le relevé cadastral de la commune de Beneuvre avec l'indication des points de repère déterminés par nos confrères, MM. de Coynart et Lory, pour l'exploration méthodique et raisonnée de ce territoire qui bientôt vous appartiendra tout entier par droit de conquête. A côté de cette première feuille, d'une exécution irréprochable, s'en trouvait une autre, c'était un plan détaillé de fouilles récemment entreprises au même lieu et qui ont abouti à la mise au jour de quelques substructions gallo-romaines d'une certaine importance. Joignez à cela le dessin merveilleusement touché de quelques fragments de poteries antiques, ajoutez-y des débris en grand nombre provenant des fouilles dont il vient d'être question, et vous comprendrez que votre bureau ait littéralement disparu sous les pièces multiples de cette exposition improvisée. Or, messieurs, tous ces objets vous étaient offerts par Mme la comtesse de Grancey et Mme de Dentergheim, sa fille, de qui M. le lieutenant-colonel de Coynart a bien voulu se faire, dans cette circonstance, l'obligeant intermédiaire.
Rien de ce qui concerne les fouilles de Beneuvre n'est étranger à Mmes de Grancey et de Dentergheim. L'appui et le concours effectif de ces dames a toujours été assuré à nos confrères dans leurs travaux d'exploration, et c'est justice de proclamer qu'elles ont plus d'une fois puissamment contribué à faciliter leurs recherches et à en assurer les heureux résultats.
Je ne me propose pas de dresser ici le catalogue complet des objets provenant de ces nouvelles fouilles. La liste en serait trop longue. Je me contente de vous rappeler qu'entre autres débris intéressants on a découvert un fût de colonne d'une facture, du reste, assez grossière, deux ou trois pièces de monnaie de la période gallo-romaine, de nombreux fragments de poteries, comme on en rencontre tou-
DE LA COMMISSION DES ANTIQUITÉS. -1- 1- -o! z_ ..J'
jours dans les constructions de la même époque, un vase d'une forme élégante et d'une pâte très fine, qui a été malheureusement brisé par la pioche des ouvriers, etc., etc.
Le dessin dont il a été question plus haut a particulièrement attiré votre attention. Les fragments de poterie samienne qui y sont représentés portent les empreintes en relief d'une ornementation animale ou végétale d'une excellente facture et qui dénote évidemment une des grandes époques de l'art sur l'un de ces fragments est représentée une chasse, sujet qu'on retrouve, du reste, souvent, sur les vases de cette espèce; l'autre est orné de masques de théâtre encadrés dans une décoration végétale de bon goût.
A propos de ce dessin, notre honorable président n'a pas manqué de faire observer qu'il a souvent rencontré, dans des sépultures parfaitement intactes et inviolées, de la période mérovingienne, non pas des vases entiers, plus ou moins bien conservés, mais de simples fragments de poteries samiennes, dans le genre de celles qui viennent d'être décrites, ce qui donnerait à penser qu'ils ont été déposés dans ces sépultures comme des objets précieux auxquels la foi naïve de nos ancêtres attachait, sans doute, quelque idée symbolique ou superstitieuse. Cette observation de notre président présente un intérêt réel elle doit être signalée à tous ceux qui s'occupent de débrouilller le chaos encore assez obscur des coutumes et des usages de ces peuplades à demi sauvages qui ont jeté bas, au ve siècle, le colosse romain.
Il n'appartient pas, Messieurs, au secrétaire d'une société telle que la vôtre de trop insister sur le merveilleux parti que la science archéologique a su tirer dans ces trente dernières années de l'exploration des sépultures antiques. A cet égard, vous avez fait vos preuves, et je me borne à suivre une tradition qui, depuis longtemps, a pris droit de cité parmi vous, en m'efforçant, dans mes Comptes-Rendus s annuels, de ne rien négliger de ce qui concerne spécialement cette branche si intéressante de nos études. Assurément les découvertes de ce genre ne présentent pas toutes la même importance, mais il est excessivement rare qu'on n'ait pas quelque chose d'utile à y prendre. Ainsi je me reprocherais de ne pas vous rappeler qu'une tombe, datant probablement de la période mérovingienne, a été mise au jour au mois de septembre dernier, sur le territoire de la commune de Pluvet. Cette trouvaille vous fut signalée presque simultanément par le mair£ de Pluvet et par un de vos membres titulaires, M. le docteur Lépine, alors en résidence dans la commune voisine de Longeault. J'ai sous les yeux les deux lettres qui vous furent adressées à ce sujet et dont les renseignements se complètent les uns les autres. On y lit que la tombe en question a été rencontrée sur la route nationale
n° 5, de Paris à Genève, à 500 mètres environ de la 1138 borne kilométrique, entre le chemin de la Verpillière et celui du Bas-de-Lit, au lieudit le Champ Dominique. Elle était située à une profondeur de 30 à 40 centimètres seulement, et.c'est au hasard seul qu'en est due l'exhumation. Elle a été mise au jour par un ouvrier qui pratiquait des trous pour une plantation d'arbres dans les accotements de la route.
Du reste rien ne distingue cette tombe des sépultures gallo-romaines ou barbares qu'on rencontre fréquemment dans nos environs. Elle consiste en une auge en pierre blanche, beaucoup plus large à la tête qu'aux pieds, et dirigée du nord au midi on a remarqué que les bords en étaient peu élevés et présentaient des traces de cassure, ce qui ferait supposer qu'elle a été anciennement violée. Elle était recouverte, selon l'usage, de pierres plates, dont quelques-unes manquaient déjà. M. le docteur Lépine vous a donné quelques détails sur les objets qu'elle contenait. On y a trouvé un squelette de jeune homme; entre les premières côtes gauches et l'humérus était placée une lame en fer fortement oxydé, mesurant 30 centimètres de longueur, et présentant la forme des couteaux qui accompagnent d'ordinaire les scramasaxs, ce qui permet de fixer approximativement la date de la sépulture. Au surplus, point de médailles ni d'inscriptions; mais, sur l'une des pierres, une image grossièrement gravée dont M. Lépine a relevé l'empreinte. Votre confrère se propose de vous adresser une description plus complète de la tombe de Pluvet, avec des dessins dont l'exécution, vous le savez d'avance, ne laissera rien à désirer.
M. Lépine a joint une indication très utile aux renseignements dont je viens de vous donner l'analyse. Suivant lui, la tombe en question a été trouvée sur le bord de la voie romaine, qui se dirigeait d'Arc-sur-Tille sur Pagny, voie qui porte sur la carte archéologique du département le n° 32, mais dont le tracé se perd à partir de la commune de Genlis; il ajoute qu'on a trouvé, il y a une quarantaine d'années, dans un champ situé en face, lieu dit à la Croix d'argent, une grande quantité de tombes semblables; ce qui semblerait indiquer dans cette localité l'existence d'un ancien centre de population assez important. Il n'est fait aucune mention de cette station dans votre Répertoire, non plus que des nombreuses sépultures signalées par M. Lépine. La communication de votre confrère vous permet de combler cette lacune, et voilà, assurément, son principal intérêt.
Un intérêt du même genre s'attache à une autre communication qui vous a été faite par M. Garnier, à votre séance du 15 novembre dernier. M. Garnier vous a offert, au nom et de la part de M. Jean-Baptiste Barbier, propriétaire à Plombières, une médaille moyen bronze de l'impératrice Faustine, trouvée dans les environs de
ce village. Cette médaille est très commune, mais ce qui en rend la découverte intéressante c'est qu'elle a été rencontrée sur un tronçon de voie ferrée et pavée, recouverte elle-même par le chemin de Plombières à Velars, vis-à-vis le climat de Saligny où des substructions gallo-romaines ont été récemment mises au jour. M. Garnier a très justement insisté sur l'importance de cette découverte qui se rapporte probablement à la voie romaine de Dijon à Mâlain, par la vallée de l'Ouche, voie dont l'existence ne fait de doute pour personne, mais dont le tracé est encore inconnu et n'a été relevé sur aucun point de son parcours dans la carte archéologique du département. M. Barbier a fait remarquer que cette voie ressemblait aux chemins comtois en ce qu'elle est sillonnée de deux ornières, caractère commun, du reste, à un grand nombre de voies romaines.
M. Hippolyte Marlot, votre correspondant à Cernois, vous a adressé une notefort intéressante sur d'anciennes meules de moulins à bras, découvertes sur le territoire des communes de Courcelles-lez-Semur et de Vic-de-Chassenay. Je me borne à reproduire, en l'abrégeant un peu, la communication de votre confrère. Il y est question d'abord de meules trouvées près de Courcelles. « En arrachant des cailloux qui gênaient sa charrue, un cultivateur a rencontré deux grandes meules de moulins à bras, ayant chacune 95 centimètres de diamètre et qui étaient accompagnées de plusieurs fragments d'autres meules. Dessous gisait un marteau en fer qui a sans doute servi à les tailler cet outil était pointu des deux bouts, pour piquer, dans le genre de celui des tailleurs de pierres d'aujourd'hui. Il n'offre de remarquable que la petitesse du trou d'emmanchement qui n'a dû servir qu'à un manche en fer, lequel n'a pas été retrouvé. »
« Déjà l'année dernière deux meules semblables, dont l'une en morceaux, étaient sorties de terre le précédent fermier nous a dit en avoir déjà rencontré plus de vingt dans le même endroit. »
« Ces meules en arkose ou grès à grands éléments (grès du lias en Bourgogne) étaient extraites et fabriquées sur place ainsi que le démontrent les nombreuses dépressions du sol, produites par des travaux anciens. »
M. Marlot fait observer que les meules en question ont été trouvées près de la ferme de Cernaisot, dans une localité que les habitants du pays désignent en leur patois sous le nom de Es molères, appellation très caractéristique, maladroitement transformée par les indicateurs du cadastre en celle de Mouillères, et qui se rapporte, selon toute apparence, à l'existence dans cet endroit d'une ancienne fabrique de meules.
« A 1,500 mètres de distance, continue M. Marlot, sur le territoire de la commune de Vic-de-Chassenay, dans un lieu pareillement appelé Es molères, on remar-
que de nombreuses fouilles anciennes où l'on a extrait des meules, dont plusieurs ont été rencontrées par la charrue. Nous en avons vu plusieurs simplement ébauchées et non percées de nombreux débris de tuiles à rebords et une voie romaine existent dans le voisinage. »
« Au lieu dit la Borère, près Cernois, il y a environ trente ans, un ouvrier en extrayant des pierres dans des laves d'arkose, a rencontré des traces d'anciennes fouilles et, à une profondeur de 2 mètres 90, un nombre assez considérable de meules à bras, qu'il évalue à plus de soixante, les unes ébauchées et les autres mieux travaillées ou complétement finies. Ces dernières étaient soigneusement placées les unes sur les autres par rangées et prêtes à être livrées au commerce. » M. Marlot, qui a vu quelques-unes de ces meules, déclare qu'elles indiquent une fabrication intelligente et soignée et qu'elles ont en moyenne de 90 à 95 centimètres de diamètre. Il estime que des fouilles entreprises au même endroit en feraient rencontrer encore beaucoup d'autres.
« Ces exploitations, ajoute-t-il, si l'on en juge par les travaux qui ont laissé des traces dans le sol de ces trois localités, ont dû être considérables. On se demande maintenant à quelle époque elles ont eu lieu. Nous n'en avons jamais vu parmi les nombreuses meules retirées du milieu des fouilles romaines de l'Auxois, de semblables par la roche et la grandeur. Les meules, du moins la meule supérieure du pistrinum des Romains, étaient de granit gris ou rose et ordinairement de petite dimension. Les meules de Courcelles et de Vic-de-Chassenay appartiendraient donc au moyen âge, mais à des temps assez anciens et antérieurs au xv. siècle, époque où l'on a reconnu la supériorité des meules en calcaire siliceux ou meulières, dont l'usage est encore général de nos jours. »
Telles sont, Messieurs, les principales découvertes qui se sont produites ou qui vous ont été signalées depuis mon dernier Compte-Rendu, dans les limites de votre juridiction. J'en connais bien une autre encore et vous la connaissez comme moi, mais il ne m'appartient pas de vous en entretenir en ce moment. Vous avez déjà compris que je fais allusion à cette belle et curieuse pierre tombale récemment trouvée, presque sous nos yeux, à l'ombre des platanes de la porte Saint-Pierre et dont vous devez la possession aux bons soins de notre confrère, M. Lory. Par son merveilleux état de conservation, par le nom du personnage qui y est représenté, par d'autres circonstances encore sur lesquelles il n'est pas temps d'insister, ce monument funéraire méritait assurément d'entrer dans nos collections il doit faire l'objet d'une notice que je me borne à vous annoncer aujourd'hui, bien certain que pour s'être fait un peu attendre, elle n'en paraîtra que plus attrayante aux amateurs de nos antiquités locales.
Abordant maintenant un autre ordre de travaux, j'ai à vous donner l'analyse succincte de quatre communications, dont les deux premières se rapportent à des sujets d'épigraphie gallo-romaine ou du moyen âge, tandis que l'iconographie symbolique étudiée sous deux aspects bien différents fait tout l'objet des deux autres.
La première de ces communications se rapporte à une inscription provenant d'un petit sarcophage qui fut découvert au siècle dernier sur le territoire de la commune d'Auxey, canton de Beaune, au pied du Mont-Mélian, climat dit des Antétes, et qui, d'après une tradition constante, contenait des ossements calcinés. M. l'abbé Bavard, auteur d'une histoire de Volnay, rapporte que la pierre qui recouvrait cette sépulture, d'abord transportée dans ce dernier village, fut depuis déposée au musée de Beaune où on la voit encore aujourd'hui. L'inscription qui y est gravée est de celles qui solliciteront, sans doute, pendant longtemps encore, la sagacité des érudits ne la pouvant interpréter selon les règles usuelles de l'épigraphie gallo-romaine, la plupart d'entre eux se sont résolus à la considérer comme celtique, et la déclarent absolument inintelligible. Tel n'est pas l'avis, vous le savez, Messieurs, denotre confrère M. Protat, correspondant à Brazey. M. Protat est du nombre de ces épigraphistes intrépides que n'arrête aucun obstacle. Il a publié, il y a quelques années, une traduction de l'inscription d'Auxey qu'il considère comme gallo-romaine et proclame parfaitement explicable.
Je me déclare inhabile à intervenir dans un tel débat je ne suivrai donc pas notre confrère dans l'exposé de son système, ni dans les différentes hypothèses qu'il vous a soumises au mois de décembre dernier, soit sur l'interprétation de quelques-uns des sigles de l'inscription d'Auxey, soit sur le lieu même d'origine du monument dont elle provient. Mais ce que je m'empresse de constater avec lui c'est que cette inscription a été jusqu'ici mal lue et que le texte en est incorrectement reproduit à la page 165 du Répertoire archéologique publié sous vos auspices. M. Protat insiste avec raison sur cette considération qu'un recueil de ce genre n'est autre chose qu'un assemblage de matériaux dont la mise en œuvre est réservée aux lecteurs, et que, par suite, il est du plus haut intérêt que ces matériaux soient présentés avec la plus scrupuleuse exactitude si l'on ne veut qu'au lieu d'en faire sortir la vérité, ils ne servent au contraire qu'à l'égarer.
Or il est incontestable que, dans le texte du Répertoire, la lettre N a été omise à la seconde ligne de l'inscription, entre les lettres C et 0, et qu'il faut lire PIANICNOS, au lieu de PIANICOS: c'est ce qui résulte clairement de l'examen de l'estampage que M. Protat a fait exécuter sous ses yeux au musée de Beaune, et qu'il vous a communiqué à l'appui de son mémoire.
Vcici donc, d'après M; Protat, le texte restitué de l'inscription d'Auxey ICCAV OS OP
Je termine cette courte analyse de la communication de M. Protat, par deux observations qui, je me hâte de le dire, me sont absolument personnelles. Il m'a paru: 1* qu'au bout de la troisième ligne de l'inscription, il se trouve un espace assez considérable pour avoir été occupé par une lettre dont je crois reconnaître la trace très effacée 2° qu'à la quatrième ligne, la sixième lettre ne peut pas être prise pour un R, si on la compare surtout aux deux R très distincts de la ligne précédente. Je lirais plutôt un I ou un L.
L'épitaphe de haute et puissante dame Jeanne de Hocbert, duchesse de Longueville, ne présente pas les mêmes difficultés de lecture que l'inscription d'Auxey, et ne donnera pas lieu assurément à d'aussi pénibles interprétations. En voici le texte tel que vous l'a communiqué votre confrère, M. Rabut, et qu'il l'a lu dans l'église paroissiale d'Epoisses, ancienne chapelle centrale, contre un pilier à droite, à l'entrée du chœur, sur la face qui regarde l'autel.
Jeanne de Hocbert ou Hochberg eut pour père Philippe de Hochberg, comte de Neuchatel et maréchal de Bourgogne, qui acheta en 1484 la seigneurie de Seurre. Par sa mère, Marie de Savoie, elle était petite-fille de Yolande de France, et petite-
PIANICNOS IEV
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SA LE 5 IVLLET 1545
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DE LA COMMISSION DES ANTIQUITÉS. -1.~
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nièce de Louis XI. Par son père, elle était petite-fille de Rodolphe de Hochberg, par lequel le comté de Neuchatel était entré dans sa famille, et de Marguerite de Sienne, sortie de la maison des comtes de Chalon. Dans l'acte de confirmation des franchises d'Epoisses (1537), elle est en outre qualifiée de vicomtesse de Melun, dame de Seurre, Saint-Georges, Noyers, Epoisses, Montbard, Villeneuve, Saumaise, Montcenis, Château-Chinon, etc. Elle avait épousé Louis d'Orléans, duc de Longueville, qui mourut en 1536. Un de ses fils, Claude d'Orléans, fut tué à Pavie (1524) un autre, Louis, premier époux de Marie de Lorraine, mourut la même année que son père sa fille Charlotte épousa le duc de Savoie-Nemours. Vous avez reçu de M. l'abbé Patriat, membre correspondant de la Commission, une étude intéressante sur les curieuses sculptures qui décorent l'une des portes de l'église Notre-Dame de Semur, dite porte des Blés, et dont l'ensemble constitue, comme le fait justement observer votre correspondant, un véritable calendrier symbolique.
Je laisse la parole à M. l'abbé Patriat.
« On rencontre quelquefois dans les livres d'heures manuscrits à miniatures la représentation allégorique des douze mois de l'année. Ces mêmes scènes se trouvent assez souvent sculptées ou peintes sur des monuments religieux jusqu'au seizième siècle. Les détails peuvent varier tel épisode peut être transféré d'un mois à un autre, mais le fond est le même, et les mois d'été, notamment, sont d'habitude représentés de la même manière. Cet usage est-il d'ancienne tradition chrétienne? Faut-il y voir au contraire une innovation du moyen âge ? La solution de cette question peut rester indécise. En effet, les calendriers symboliques n'apparaissent qu'au XIe siècle environ, mais il est certain d'autre part, que sur quelques monuments funéraires des premiers temps du christianisme, on voit la représentation des saisons, considérées au rapport des interprètes les plus autorisés de l'antiquité chrétienne, comme des emblèmes de la résurrection future. »
Cette observation de M. l'abbé Patriat se trouve corroborée par de nombreux exemples que M. l'abbé Martigny a publiés dans son excellent Dictionnaire des antiquités chrétiennes, page 586 et suivantes, et qui sont tous empruntés aux auteurs les plus compétents. C'est à l'exemple des peuples de l'antiquité et des Romains en particulier, mais dans des vues bien différentes, que les premiers chrétiens avaient, d'après M. l'abbé Martigny, adopté l'usage de représenter les emblèmes des quatre saisons sur leurs monuments et notamment sur leurs tombeaux, ainsi que sur les parois de leurs chambres sépulcrales.
Examinant dernièrement la porte dite des Blés de l'église de Semur-en-Auxois, l'attention de M. l'abbé Patriat fut fixée sur la série de sculptures qui en ornent fi
le tympan, et où se déroule en une suite de tableaux isolés l'histoire allégorique des douze mois de l'année. Ce calendrier lapidaire a paru à notre confrère assez curieux pour être annoté avec soin, d'autant plus que les sculptures symboliques sont rares dans les églises de Bourgogne, et que celles de la collégiale de Semur sont dans un assez bon état de conservation malgré leurs dix siècles d'âgé, pour attirer à tous les points de vue l'attention des érudits. En voici du reste la description exacte.
« Le mois de janvier est figuré par un homme assis tête nue devant une table hexagonale recouverte d'une nappe et sur laquelle sont posés trois plats. La main gauche manque ainsi que la main droite.
» Pour février, on voit un personnage assis sur un vaste siège à dossier élevé, et se chauffant paisiblement. La tête est brisée. Une miniature d'un livre d'heures du XIe siècle gravée dans la Caricature au moyen âge de M. Champfleury, offre un siège analogue sur lequel sont assises deux personnes qui se chauffent, symbolisant également le mois de février.
» Mars, époque du réveil de la nature et de la reprise des travaux des champs, est représenté par un homme la tête couverte d'un capuchon, un laboureur ou un frère lai qui marche dans la campagne. Deux arbres sur l'un desquels est posé un oiseau forment le fond du paysage.
» En avril, un jouvenceau à longs cheveux bouclés, vêtu d'une ample robe à longues manches, également entre deux arbres, tient de la main gauche une fleur à cinq feuilles et à haute tige, la main droite est posée sur son cœur.
» Comme d'habitude, le mois de mai, favorable aux voyages, est représenté par un jeune et fringant cavalier.
» En juin, un paysan en chapeau rond fauche un pré. La faux a disparu en partie, ainsi que l'avant-bras droit du travailleur.
» En juillet, un homme, les reins ceints, les manches retroussées, moissonne. Derrière lui une gerbe courte, sans doute d'avoine, car des calendriers écrits fixent pour ce mois la moisson d'avoine.
» En août, javelles couchées devant un travailleur près duquel se dresse une haute et longue gerbe. Les bras du personnage ont disparu, de sorte qu'on ne peut dire s'il bat en grange ou s'il moissonne. Dans ce dernier cas, ce serait la moisson du blé.
» En septembre, un vendangeur au milieu de sa vigne, tient une grappe de raisin; à ses pieds est déposé un panier de vendange.
» Le mois d'octobre est encore consacré aux soins viticoles. Un vigneron entonne du vin dans un tonneau.
̃» Novembre nous offre un homme debout, levant un instrument indéterminé, sur la tête d'un porc aussi debout à côté de lui.
» Enfin, décembre est symbolisé par un individu placé entre deux portes, figurant l'une l'année qui finit, l'autre l'année qui va s'ouvrir.
Dans la dernière partie de son travail, M. l'abbé Patriat s'attache à mettre en relief les points de ressemblance et de dissemblance que l'on peut constater entre le calendrier de la porte des Blés et les représentations symboliques du même genre qui décorent le grand portail de l'église cathédrale de Sens ou que l'on retrouve sous forme de peinture dans les très curieuses fresques de l'église de Bagnot. Inutile de vous dire, Messieurs, que ces fresques ont été décrites et gravées dans le tome VI de vos Mémoires. Pour quiconque est amateur des rapprochements de ce genre, il sera facile de s'y reporter.
Si, comme l'insinue M. l'abbé Patriat, l'Histoire de la caricature au moyen âge eût pu faire légitimement quelques emprunts au calendrier symbolique de la porte des Blés, quel parti n'aurait-elle pas tiré de certaines peintures murales découvertes l'année dernière dans une maison du village de Morey, et dont je voudrais, en terminant ma revue, vous dire quelques mots.
Depuis longtemps, les riches vignobles de cette partie de notre département, que nous autres Bourguignons nous appelons la Côte, ont été possédés par des propriétaires aisés ou opulents. La population sédentaire des villages de cette région jouit communément d'une aisance relative, et nous savons que de tout temps la haute bourgeoisie des villes les plus proches, Dijon, Nuits, Beaune, qui aimait à s'y retirer pendant la saison des vacances, s'est plu à y construire des maisons d'agrément, non pas somptueuses assurément, mais confortables, d'un aspect riant et souvent décorées avec goût ou originalité.
Il paraît que le village de Morey, au canton de Gevrey-Chambertin, contenait un grand nombre de ces demeures exceptionnelles il est vrai que beaucoup d'entre elles ont à peu près perdu tous leurs caractères, mais il en reste quelques-unes qui en conservent assez pour qu'on puisse, sans hésiter, reconnaître leur âge; les plus anciennes remontent à la fin du xve siècle.
Or, dans l'une d'elles, qui doit dater du siècle suivant, si l'on en juge à la forme de sa principale fenêtre, on a fait l'année dernière une découverte archéologique assez intéressante, dont M. l'abbé Denizot, curé de Morey, et correspondant de la Commission, s'est empressé de vous faire part.
La fenêtre en question éclaire au premier étage une grande chambre, avec plancher à solives apparentes, et munie d'une de ces vastes cheminées qu'on rencontre fréquemment dans les habitations de cette époque.
Des travaux de réparation et de grattage entrepris dans cette chambre, y ont révélé l'existence, sous une couche de badigeon blanc, de toute une suite de décorations murales qui primitivement devaient sans doute garnir toute la chambre, mais dont il ne reste plus que la moitié. Le propriétaire a eu la bonne idée de les faire entièrement dégager, et M. l'abbé Denizot l'idée non moins heureuse d'en relever le dessin et de vous l'envoyer.
A dire vrai, le mot de peintures murales me paraît ici un peu ambitieux, et votre correspondant en convient lui-même. « Je ne pense pas qu'on puisse les appeler peintures à fresques, vous dit-il, d'abord parce que l'enduit sur lequel elles sont, n'est dur et poli qu'à la superficie, et ne paraît pas avoir été peint à frais, ensuite parce qu'il n'y a aucune couleur proprement dite. M. l'abbé Denizot propose de les appeler simplement dessins au trait noir. J'ajoute que tout au moins dans quelques-unes de leurs parties, ces dessins offriraient plutôt le caractère des grafitti des monuments antiques. C'est en effet un ensemble de sujets juxtaposés, sans rapports entre eux, figures ou paysages, scènes religieuses ou bouffonneries grossières, le tout surmonté d'inscriptions sérieuses ou burlesques, parfois difficiles à lire ou à comprendre. On constate également un manque absolu de proportions, soit entre les différents sujets, soit même entre les parties d'une même composition. D'autre part, l'exécution laisse beaucoup à désirer et semble dénoter chez l'artiste inconnu dont l'oeuvre nous occupe, plus d'humour que de science.
M. l'abbé Denizot n'a pas reculé devant la description minutieuse des différents sujets. Il serait peut-être bien long de le suivre dans ce détail, je me contenterai d'indiquer les plus intéressants. Ainsi, sur l'un des grands murs de côté, la partie haute de la muraille est presque tout entière occupée par une longue composition où l'on voit d'abord à gauche l'entrée d'une place forte avec tours et créneaux, deux bourgeois se tiennent sous la voûte de la porte, observant un homme d'armes, l'épée au côté, la hallebarde sur l'épaule, qui se dirige rapidement vers eux. A côté de ce premier sujet sont représentées en grand les armoiries de la ville de Dijon; l'écusson à l'antique, sommé de la couronne ducale, est accosté à droite, comme tenant, d'une sorte de page armé d'une dague, et à gauche d'une simple banderolle portant le mot Divio. Tout auprès, un autre écusson entouré d'un cordon d'ordre est suspendu à un arbre; sur le champ on distingue deux fasces surchargées d'un chevron, plus un chef losangé. Je n'ai pu faire l'attribution de ces dernières armoiries. Quant au sujet qui termine à droite la partie haute de ce premier panneau, l'étrangeté des personnages, la bizarrerie de leurs allures, la grossièreté des légendes, défient toute description. M. l'abbé Denizot y veut voir une allégorie de l'église attaquée par les mauvais esprits.
Un buste d'évêque avec l'inscription S. Martinus ora pro nobis, le martyre de saint Sébastien, un prêtre portant le bénitier et le goupillon, un page ou varlet, toque en tête, dague à la main, tels sont les sujets qui remplissent toute la partie basse de ce premier tableau.
Parmi les compositions qui décorent l'un des petits murs de bout, je citerai un fragment d'une scène représentant sans doute la décollation de saint Jean-Baptiste, une chasse, divers portraits assez grossièrement exécutés, un château devant lequel une femme aux cheveux épars, se lave les mains dans un jet d'eau, etc., etc., le tout entremêlé d'inscriptions peu lisibles. L'autre petit mur de bout est entièrement occupé par un Christ en croix; ce dernier sujet est assurément le mieux réussi; la figure du Christ ne manque pas d'expression, le dessin du corps est assez correct; au pied de la croix se tiennent debout la sainte Vierge et Marie-Madeleine, dans une attitude de douloureux recueillement que l'artiste a su rendre assez saisissante.
M. Denizot n'a relevé aucune date sur ces dessins, mais la forme des lettres et la coupe des costumes lui font penser qu'on les doit tous rapporter au xvie siècle, ainsi que la maison elle-même. Je ne crois pas qu'il soit possible de s'inscrire en faux contre cette opinion.
« En ce temps, ajoute-t-il, on ne connaissait pas encore le papier de tenture, on ne décorait les appartements qu'avec des boiseries, des tapisseries ou des décors de soie. Mais ces ornementations coûtaient cher, c'est ce qui explique l'habitude assez générale de couvrir les murs des appartements de dessins ou de peintures pour en dissimuler la nudité. Ces peintures et ces dessins ne sont pas rares dans les églises, mais en est-il de même pour les édifices profanes ? »
Le mot de la fin est le mot vrai. C'est bien là ce qui fait le véritable intérêt de la communication de M. l'abbé Denizot. Les peintures décoratives, très appréciées de nos pères, sont devenues rares dans les habitations particulières, et notamment dans les anciennes maisons bourgeoises il est donc vraiment utile de conserver et de décrire tous les monuments de ce genre que le hasard fait découvrir et quelle qu'en puisse être d'ailleurs la valeur intrinsèque.
Chaque année, Messieurs, votre comité de lecture fait deux parts dans les communications manuscrites qui vous sont adressées. Celles qui, par leur moindre étendue, ou par l'intérêt plus restreint des sujets qui y sont abordés, ne lui paraissent pas de nature à être publiées intégralement, sont remises à votre secrétaire qui s'efforce, dans ses analyses, de leur conserver leur vraie physionomie; les autres sont réservées pour vos Mémoires. Il importe donc, si l'on veut se rendre
un compte exact de l'ensemble de vos travaux et de la diversité des sujets dont l'étude est successivement abordée au cours de vos séances, il importe, dis-je, de ne point séparer dans une revue de fin d'année ces deux ordres de documents les seconds, à la vérité, ne demandent qu'une mention sommaire, destinés qu'ils sont à passer entièrement sous vos yeux. Pour cette année comme pour les années précédentes, un simple aperçu suffira.
Deux Mémoires sont actuellement sous presse dans l'un d'eux, M. ClémentJanin nous a donné des renseignements tout à fait inédits sur la charmante maison de la rue du Bourg que nous avons tous connue sous le nom de maison Cromback, et que, sur la foi d'un dessin de Cambon, on s'accordait généralement à regarder comme contemporaine du règne de Louis XIII. M. Clément-Janin prouve aisément, par l'examen de certains détails de sculpture, que cette maison remonte à une époque plus reculée. Elle fut probablement construite entre les années 1554 et 1560, sur l'emplacement d'une maison beaucoup plus ancienne dont l'existence nous est certainement révélée, sous le règne de Philippe-le-Bon, par un acte authentique de l'an 1460, et qui dès cette époque appartenait à une vieille famille de la bourgeoisie dijonnaise, la famille Chicheret, ou plus récemment Chisseret. Ce doit être un membre de la même famille qui la fit reconstruire au xvie siècle. Votre comité de lecture a décidé qu'une reproduction photographique de la maison en question sera jointe à la courte mais substantielle notice de M. Clément-Janin. Le fascicule de vos Mémoires en cours de publication comprendra en outre une étude très intéressante de M. Paul Gaffarel, professeur à la faculté des lettres de Dijon et associé résidant de la Commission, sur un Portulan inédit conservé dans notre bibliothèque municipale.
Le travail de M. Gaffarel est divisé en deux parties la première comprend l'étude critique du Portulan et a donné lieu à des développements du plus haut intérêt la seconde se compose d'un tableau comparatif où sont inscrits les noms de lieux relevés sur le Portulan lui-même, avec la concordance des noms anciens, de ceux de la Carte catalane de 1375, et enfin des noms modernes.
Le Portulan, ou carte marine, en question, provient des archives de la ville de Dijon, où il faisait primitivement partie d'un fonds de documents particuliers recueillis dans ce dépôt. M. Garnier, notre savant archiviste, a bien voulu en consentir la cession au profit de notre bibliothèque municipale, où il est assurément mieux à sa place. Les pays compris dans cette carte s'étendent depuis la côte de Syrie, à l'extrémité orientale, jusqu'aux îles Açores et aux Canaries, et dans la direction opposée, c'est-à-dire du midi au nord, depuis les côtes de Guinée, le Sahara et la mer Rouge, jusqu'au nord de l'Ecosse et aux rivages de la Baltique.
Ces différentes contrées ne sont pas décrites dans tous leurs détails; l'auteur n'a voulu dresser qu'une carte indicative des villes maritimes, et plus spécialement des ports de la Méditerranée, avec le profil des principales sinuosités côtières. Un examen attentif de ce curieux document a permis à M. Gaffarel d'affirmer qu'il remonte aux dernières années du xiv° siècle, qu'il a sans doute été composé par un navigateur génois, et qu'enfin, remanié à plusieurs reprises, et notamment par un personnage initié à la connaissance de la langue arabe, il ne faut pas le considérer comme une simple carte de parade, mais bien comme un instrument très réel et très sérieux de navigation.
Comment cette carte marine se trouve-t-elle en notre possession? C'est là une question sur laquelle il est à peine permis, jusqu'ici, de faire même des conjectures. Quelques indications fournies à cet égard par notre confrère M. Garnier, devront être soigneusement recueillies, parce qu'elles serviront peut-être de point de départ pour de nouvelles et plus fructueuses recherches. Le monde de l'érudition vous saura gré, Messieurs, d'avoir pris l'initiative de cette publication, qui, si elle ne rentre pas rigoureusement dans le cadre habituel de vos travaux, n'en était pas moins de nature à provoquer toute votre sollicitude, parce qu'elle présente un intérêt général au point de vue des études géographiques sur le moyen âge, et qu'en outre elle se rapporte à un document devenu dijonnais, si je puis m'exprimer ainsi, par droit d'épave.
Enfin, le prochain fascicule comprendra une étude intéressante de M. Marlot, correspondant de la Commission, sur les roches dites pierres à bassin ou à écuelle, que l'on rencontre en grande quantité dans le Morvan. L'auteur énumère et décrit particulièrement ceux de ces curieux monuments qui appartiennent au département de la Côte-d'Or la liste qu'il en dresse peut être considérée comme complète. Il arrive ensuite à l'examen des questions délicates que soulèvent l'origine des pierres à bassin, les usages auxquels elles ont pu servir, les légendes dont l'imagination superstitieuse de nos pères s'est plu à les entourer, etc. Votre comité de lecture aura prochainement à se prononcer sur la publication de plusieurs autres Mémoires qui vous ont déjà été présentés ou promis. C'est ainsi que M. Paul Foisset a soumis à votre appréciation un Mémoire sur les bâtiments de l'ancien Palais de Justice de Beaune, avec plans, dessins et notes sommaires sur l'origine des parlements et des bailliages. Vous avez admis en principe l'impression d'un travail proposé par M. Gabriel Dumay, correspondant à Autun, sur l'épigraphie funéraire de l'église et de l'ancienne abbaye de Saint-Bénigne, d'après un manuscrit inédit de la Bibliothèque nationale. Ce travail devra sans doute être accompagné de planches de blasons et autres, et vous avez émis le vœu qu'il fût collationné avec
soin sur le relevé des tombes encore existantes dans cette même église, relevé que notre confrère M. Garnier conserve depuis longtemps dans ses cartons et qu'il a dressé conformément aux instructions de la Commission elle-même, pour servir à un travail d'ensemble alors projeté sur l'épigraphie dijonnaise.
Enfin, Messieurs, qu'il me soit permis, en terminant, de vous rappeler que notre honorable président a récemment commencé la lecture d'un travail, consciencieusement étudié, sur la pratique des inhumations par incinération chez les différents peuples de l'antiquité.
La Commission a fait depuis un an des pertes sensibles. A la séance du 17 août dernier, notre président vous rappelait, en termes émus, les services d'un de vos plus anciens confrères, récemment enlevé à l'estime de ses concitoyens. Ancien élève de l'Ecole polytechnique, M. Gaulin, après avoir servi quelque temps dans l'armée en qualité d'officier d'artillerie, était venu s'établir à Dijon, consacrant ses loisirs volontaires à l'étude des questions d'économie politique et d'administration, dans lesquelles il fut bientôt passé maître. Servi par une intelligence heureusement développée et par une rare aptitude au travail, M. Gaulin ne devait pas tarder à appliquer, au profit de notre cité, ses connaissances acquises. Chez les esprits de cette trempe, de la théorie à la pratique il n'y a qu'un pas. De toutes les fonctions gratuites qui, dans une ville de l'importance de la nôtre, peuvent être décernées par le libre suffrage des habitants ou par la confiance éclairée des chefs de l'administration, j'en connais peu dont M. Gaulin n'ait été honoré. Successivement adjoint au maire de Dijon, conseiller général, administrateur des hospices et du lycée, président du comité central d'agriculture de la Côte-d'Or, président de la société dijonnaise d'assurance mutuelle pour les cas de maladies et d'accidents, notre confrère n'a pas cessé, dans ces diverses fonctions, de se faire remarquer par la lucidité de son esprit, la sûreté de son jugement et un dévouement absolu à la chose publique. Il était membre de notre Académie, qui se plaisait à entendre ses rapports sur les ouvrages scientifiques dont l'examen lui était ordinairement confié; enfin, il appartenait à la Commission des antiquités depuis 1843.
Malgré ses nombreuses occupations, M. Gaulin fut toujours parmi nous l'un des plus assidus. Il suivait nos travaux avec intérêt, et y prit part plus d'une fois il aimait à se tenir au courant de nos études, source pour lui d'un bien légitime délassement, au milieu des préoccupations et, si je puis ainsi parler, des ennuis de la vie publique. Toute votre sympathie lui était acquise, acquis aussi lui ont été vos regrets.
La tombe se fermait à peine sur M. Gaulin, que déjà deux autres de vos confrères
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vous étaient enlevés coup sur coup. Vous avez nommé M. le comte de Sarcus et M. le président Grasset. C'étaient deux vides de plus à combler dans vos comités d'administration et de lecture, dont ces trois éminents collègues faisaient depuis longtemps partie, à un titre ou à un autre.
M. le comte de Sarcus n'a rien publié dans nos Mémoires, mais on lui doit une étude d'un réel intérêt sur le château de Bussy-Rabutin, dont il a entrepris et mené à bonne fin l'intelligente restauration. Notre confrère aimait à s'entourer dans cette demeure, spécimen remarquable des grandes habitations seigneuriales du xvie et du xvne siècle, des souvenirs d'une société trop brillante pour n'avoir pas été un peu légère, et dont le spirituel auteur de YHisloire amoureuse des Gaules est resté pendant longtemps l'enfant gâté et le héros adulé, avant de s'en faire, à ses dépens, le trop véridique pourtraiteur. Type accompli de l'ancien gentilhomme français, M. de Sarcus, par l'exquise urbanité de ses manières, par la sûreté de ses relations et l'affabilité de son caractère, s'attirait sans efforts la sympathique et respectueuse estime de tous ceux qui avaient l'honneur de l'approcher. Il est resté parmi nous comme l'un des derniers représentants de ces races chevaleresques qui ont profondément gravé leur empreinte à toutes les pages de notre histoire. Il y a d'ailleurs des traditions de famille qui ne se perdent pas, et vous en avez la preuve ici même.
C'était aussi un homme de vieille roche que M. Grasset, ou pour parler plus exactement, c'était un magistrat de vieille roche. Les parlements sont morts depuis longtemps; le chancelier Maupou n'a pas attendu les décrets de l'Assemblée constituante pour leur donner le coup de grâce, et à dire vrai je ne sache pas que nous eussions rien à gagner à les voir revivre; mais il ne me déplaît pas d'avoir connu tel de nos contemporains qui n'y aurait pas fait trop mauvaise figure et y eût porté dignement le mortier de président. M. Grasset a mis pendant de longues années au service de notre société les qualités d'esprit et la rectitude de jugement qui lui avaient acquis une autorité incontestable au sein de la haute compagnie judiciaire dont il a été l'un des chefs les plus considérés. Très assidu à nos séances vous aimiez à recueillir ses avis dans toutes ces questions d'administration générale ou de règlement intérieur que vous êtes souvent appelés à résoudre, et vous conservez le meilleur souvenir du soin extrême qu'il prenait à dissimuler, sous la parfaite urbanité des manières, ce qu'il y avait quelquefois d'un peu trop absolu peut-être dans l'expression de ses idées.
M. Grasset ne manquait d'ailleurs aucune occasion de vous tenir au courant des découvertes archéologiques qui pouvaient venir à sa connaissance c'est à ce titre que son nom figure plus d'une fois dans nos Comptes-Rendus; enfin, vous lui i2
devez quelques pages d'un piquant intérêt sur un curieux épisode de notre histoire municipale, à propos de sa belle propriété de Montmusard.
Vous rappellerai-je, en terminant, que M. Grasset avait été appelé en 1867, par le suffrage unanime de ses collègues, à remplacer notre regretté confrère M. le marquis de Saint-Seine dans la vice-présidence de notre compagnie? NOTES, DESSINS ET RENSEIGNEMENTS DIVERS.
M. Gleize, conservateur du musée de Dijon, associé résidant, a offert, au nom et de la part de M. Yves Fresneau, chef de pension à la Souterraine, département de la Creuse, le dessin, de grandeur naturelle, du scel en bronze de la ville de Breith, l'ancien Pralorium des Romains. Ce scel, anépigraphe, est couvert de figures d'une interprétation difficile; on y voit comme deux fûts de colonne surmontés chacun d'un fleuron, tournés bout à bout et réunis ensemble par une bande étroite; une rangée de quatre perles coupe à angle droit cette première figure. Enfin, sur l'un des côtés du champ on remarque un objet qui pourrait bien être le manche d'un bourdon de pèlerin.
M. Chevreul, membre résidant, a présenté en communication une pointe de flèche en silex, provenant d'Irlande et qui se fait remarquer aussi bien par sa forme particulière que par son excellent état de conservation.
Le secrétaire de la commission a signalé la découverte de plusieurs fragments de statues trouvés, au mois d'avril 1876, dans les fondations d'une maison en construction rue Saumaise ce sont 1° une tête de moine séparée du tronc qui n'a pas été retrouvé; 2° un buste d'évêque dont la main droite est levée pour bénir, et la tête coiffée de la mitre. La tête et la main sont séparées du tronc, mais avec des cassures assez nettes pour qu'il soit très aisé de les rajuster. Ces fragments paraissent remonter au xve siècle, et proviennent probablement soit de l'église des Minimes, qui était située dans la même rue, soit de l'ancienne église Saint-: Michel, démolie au xvie siècle. Du reste, ils n'ont point paru assez intéressants pour qu'on ait cru devoir en proposer l'acquisition.
Le même membre a rappelé que M. Franois, demeurant au faubourg SaintNicolas (Dijon), possède deux sièges liturgiques en pierre qui proviennent, d'après une tradition constante et qui paraît bien justifiée, de l'ancienne crypte de SaintBénigne. Ces objets, sans valeur au point de vue artistique, sont vénérables par leur antiquité et parce qu'ils se rattachent directement aux origines du christianisme dans notre cité. Deux membres de la Commission ont été désignés pour en négocier l'acquisition.
DE LA COMMISSION DES ANTIQUITÉS. i n !1_ ~f_
M. Charles Rouhier, correspondant à Recey-sur-Ource, n'a pas manqué d'adresser à la Commission, comme il le fait tous les ans avec un zèle digne d'éloges, de nombreuses communications relatives à des sujets d'archéologie ou d'histoire en voici l'indication sommaire
1° Note contenant la description détaillée de plusieurs médailles romaines ou du moyen âge et de plusieurs jetons dont, pour la plupart, le correspondant ignore la provenance. Voici le signalement des plus intéressantes de ces pièces argent au droit imp. TRAJANO. AUG. GER. DAC. P. M. au verso COS. V. P. P. S. P. Q. R. OPTIMO PRINC., trouvée à Bure argent au droit IMP. GORDIANUS. PIUS. FEL. AUG. tête couronnée tournée à droite; au revers: autour d'un personnage assis et tenant une palme de la main droite P. M. TR. P. cos. II. P.P., trouvée à Essarois au droit une croix et la légende HLUDOWICUS IMP; au revers dans le champ, les caractères suivants, figurés transversalement, PHPIH., argent, trouvée à Essarois – deux jetons à compter, l'un d'eux porte les légendes Av. MARIA GRACIA PLENA # GETES SEUREMENT GETES; l'autre A\E MARIA GRACIA. Quatre médailles, grand, moyen et petit bronze, des empereurs Trajan, Marc-Aurèle et Probus, sans indication de provenance, ne méritent pas d'être décrites. 2° Dessin à la plume représentant la tombe de Philippe de Baissey, abbesse de Colonges, près de Renève, morte en 1493 et inhumée dans le chœur de son église. Cette tombe, très remarquable, a été découverte en 1840 le dessin qu'en donne M. Rouhier, est la simple reproduction d'un fac-simile publié par M. l'abbé Mouton, curé de Poyans, dans son Histoire de la Seigneurie d'Autrey.
3° Note contenant l'indication sommaire d'une douzaine d'actes relatifs aux seigneurs de Baissey, tels que reprises de fiefs, affranchissements, etc., etc., tous compris entre les années 1501 et 1573. Ces documents sont empruntés à des notes rédigées par Jacques Venot, maître des comptes à Dijon en 1604.
4° Notes sur les familles Begat, Catherine, Fyot, Contault, etc., etc.
M. Détourbet a envoyé la copie d'inscriptions gravées sur trois plaques en métal en forme de cœur trouvées sous la chapelle du château de Vantoux et replacées au même endroit avec une inscription commémorative. Ces trois plaques indiquaient le lieu où reposaient les cœurs de Jaques de Berbisey, chevalier, baron de Vantoux, conseiller au Parlement de Bourgogne, décédé en 1672, de son fils Jean de Berbisey, aussi baron de Vantoux, président à mortier, mort en 1697, et de N. Bouhier, femme de ce dernier, qu'elle précéda de longtemps dans la tombe, étant morte en juillet 1671.
M. Protat a adressé à la Commission plusieurs dessins inachevés du plafond de la bibliothèque de l'ancien collée des jésuites à Dijon, avec description sommaire.
M. le docteur Marchand a donné lecture d'une notice très intéressante sur un diadème antique, qui a été trouvé dans la Saône près de Lamarche. Ce travail fait suite à une série d'études déjà publiées par le même auteur sur divers objets antiques provenant de son cabinet.
OBJETS OFFERTS A LA COMMISSION.
Ont été offerts:
Par M. Rouhier plusieurs médailles modernes frappées en commémoration de divers événements de la République de 1848 et du second empire; empreintes en plomb de deux médailles en argent trouvées à Velay, savoir un Gordien Pie et un Elagabale; un disque, des agrafes et fibules en bronze, et divers autres objets, au nombre de dix-sept, appartenant, pour la plupart, à la période galloromaine et provenant des fouilles de Velay empreinte en plâtre d'une plaque en nacre de style bysantin comprenant quatre médaillons ronds où sont représentés différents sujets religieux. Cette plaque provient de Jérusalem, d'où elle a été rapportée par M. Guiter, en 1858 – deux vases de pharmacie, en verre, qui, après examen, ont été proclamés anciens, sans toutefois qu'on puisse les considérer comme antiques.
Par M. Barbier, propriétaire à Plombières, une monnaie romaine, dont il a été question plus haut, page Lxxvm.
Par Mmes de Grancey et de Dentergheim, de nombreux objets provenant des fouilles de Velay. Voyez page LXXVI.
OUVRAGES OFFERTS A LA COMMISSION.
Répertoire archéologique du département de la Nièvre, par M. de Soultrait; publication et envoi du ministère.
Instructions du ministre de l'instruction publique, des cultes et des beaux-arts (Comités des travaux historiques et des Sociétés savantes). Envoi du ministère. Lettre à un curieux de curiosités, par M. Boyer de Sainte-Suzanne.
Essai historique et pittoresque sur saint Bertrand de Comminges, par M. Morel. Histcire du comté de Tonnerre, par M. Challe.
Notice sur l'aqueduc romain de Sens, par MM. Julliot et Belgrand.
La découverte du Nouveau-Monde par les Irlandais, par M. Beauvois. Courrier du Nord, parle même.
Cartulaire général de l'Yonne, par M. Quantin, 2 vol.
Recueil de pièces pour faire suite au Cartulaire général de l'Yonne, par le même. La vie et les œuvres de A.-T. Maire, par M. Cherest.
Bibliothèque historique de l'Yonne, par M. l'abbé Duru, 2 vol.
Histoire naturelle des diptères des environs de Paris, œuvre posthume de M. Robineau-Desvoidy.
Lettres de l'abbé Lebœuf, publiées par MM. Quantin et Cherest, 2 vol. (NOTA. Les six derniers numéros ont été offerts à la Commission par la Société des sciences historiques et naturelles de l'Yonne.)
Note sur trois marques de fabrique de verriers et une marque probable de jaugeage, par M. Flouest.
Notes pour servir à l'étude de la haute antiquité en Bourgogne. Tumulus de la Bosse du Meuley, à Chambain, par le même.
Matériaux pour l'histoire primitive et naturelle de l'homme.-Revue mensuelle. Compte-Rendu, par le même M. Flouest.
Statuts de la société pour la publication de textes relatifs à l'histoire et à la géographie de l'Orient latin.
Rapports du Préfet au Conseil général de la Côte-d'Or, 1875 et 1876, 3 vol. Procès-Verbaux des délibérations du Conseil général de la Côte-d'Or, sessions d'avril et août 1875, 2 vol.
Annuaire départemental de la Côte-d'Or, par J. Garnier.
La recherche des feux en Bourgogne aux xive et xve siècles, par le même. Huit brochures offertes par M. Anatole de Barthélemy, savoir
Rapport sur deux inscriptions gallo-romaines trouvées à Saint-Meloir et à Corseul, 1871. Note sur une sépulture antique découverte à Berres en 1872. La numismatique de 1859 à 1861. Carreaux émaillés du xive siècle, provenant du musée de Saint-Germain-en-Laye. Etude des monnaies gauloises trouvées en Poitou et en Saintonge. Chartes de Conan IV, duc de Bretagne, relatives aux biens de l'ordre du Temple et de l'ordre de Saint-Jean-de-Jérusalem. – Le tombeau de l'église de Saint-Dizier. Liste des mots relevés sur les monnaies gauloises, 1871.
Premier fascicule de l'Inventaire sommaire des archives de la ville de Dijon, offert par M. le Maire de la même ville
Les Sobriquets des villes et des villages de la Côte-d'Or, première partie, arrondissement de Dijon, recueillis par M. Clément-Janin.
De Dijon à Rome et à Naples, notes de voyage d'un musicien, par M. Charles Poisot.
Sur les silex taillés du cimetière franc de Calanda, par M. Millescamp.
Charles Theveneau de Morande, par M. Albert Albrier.
La commune de Jaulnay, par M. l'abbé Barbier de Montault.
Lettres d'un rural, 1875, par M. le vicomte de Sarcus.
Rapport sur la restauration de l'arc de triomphe de Besançon, par M. Marnotte. Mythes de la tortue dans l'Amazone, par M. Th.-Fréd. Harth, professeur de géologie à Ithaque (Etat de New-York), texte espagnol.
Lettres et Notices sur l'isthme de Suez, par M. Guiter, ingénieur civil. Restauration du château de Dijon, par M. Charles Suisse, architecte diocésain. Mémoire sur sainte Colombe, par M. l'abbé Breuillard, curé d'Etaules. PÉRIODIQUES ET PUBLICATIONS DES SOCIÉTÉS SAVANTES.
Annales de l'Académie de Mâcon, tome XII.
Annales de la Société des lettres, sciences et arts des Alpes-Maritimes, tome III. Annales de la Société historique et archéologique de Château-Thierry, 1873. Bulletin de la Commission des antiquités de la Seine-Inférieure, t. III, 2e liv. Bulletin de la Société archéologique de Touraine, partie de 1874 et de 1875. Bulletin de la Société archéologique du midi de la France.
Bulletin de la Société archéologique et historique de l'Orléanais, partie des années 1875 et 1876.
Bulletin de la Société archéologique, historique et scientifique de Soissons, t. IV, 2e série.
Bulletin de la Société archéologique, scientifique et littéraire de Béziers, 2' série, tome VIII, 1re liv.
Bulletin de la Société d'agriculture, sciences et arts de la Haute -Saône, 2e série, n° 6.
Bulletin de la Société des antiquaires de l'Ouest, 1875, 1876.
Bulletin de la Société des antiquaires de Picardie, 1875, 1876.
Bulletin de la Société des sciences historiques et naturelles de l'Yonne, 28* et 2ge vol., et tables de 1857 à 1867.
Bulletin de la Société des sciences historiques et naturelles de Semur, 1874. Bulletin de la Société des sciences, lettres et arts de Pau, 1874-1875.
Bulletin de la Société d'études d'Avallon, 1874.
Bulletin de la Société d'horticulture de la Côte-d'Or, partie des années 1875 et 1876.
Bulletin de la Société historique de Compiègne, t. II, 2e fascicule.
Bulletin de la Société pour la conservation des monuments historiques d'Alsace, partie des années 1875 et 1876.
Bulletin monumental (abonnement).
Congrès archéologique de France, 40'session, 1873.
Eight and ninth annual report of the trustee of the peabody museum of american archœology and ethnology, 1875 et 1876, 2 broch.
Journal d'agriculture de la Côte-d'Or, 1875, 2' et 3" trimestres.
L'Indicateur de l'archéologue, novembre et décembre 1874.
Mélanges de la Société littéraire, historique et archéologique de Lyon, 1874-1875. Mémoires de l'Académie du Gard, 1871, 1873, 2 vol.
Mémoires de la Société académique d'archéologie, sciences et arts du département de l'Oise, t. IX, 1" partie.
Mémoires de la Société académique de Boulogne-sur-Mer, 1870-1872. Mémoires de la Société archéologique du midi de la France, t. XI, livraisons 1 à 4.
Mémoires de la Société archéologique et historique de l'Orléanais tomes XIII et XIV.
Mémoires de la Société d'agriculture, commerce, sciences et arts de la Marne, 1874-1875.
Mémoires de la Société des antiquaires du Centre, 1869.
Mémoires de la Société éduenne, 4 volumes.
Mémoires de la Société historique de Styrie. Matériaux pour les sources de l'histoire de la Styrie, 2 vol., texte allemand.
Mémoires et documents publiés par la Société archéologique de Rambouillet, tome III.
Mémoires et documents publiés par la Société savoisienne d'histoire et d'archéologie, t. XV.
Publications de la section historique de l'Institut royal grand-ducal de Luxembourg, 1874, 1875.
Revue archéologique, nouvelle série, 17e année (abonnement).
Revue savoisienne, partie des années 1875 et 1876.
Société archéologique de Sens. Musée gallo-romain.
MOUVEMENT DU PERSONNEL.
MM. Chevrot, Mathieu et Sirodot ont passé au rang des membres titulaires, 3 janvier 1876.
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M. Paul Foisset, membre titulaire et secrétaire adjoint, a passé au rang des associés correspondants, en résidence à Bligny-sous-Beaune, 15 juin 1876. Ont été nommés
Associés résidants
MM. Gleize, conservateur du Musée de Dijon, 16 décembre 1875.
Paul Gaffarel, professeur à la faculté des lettres de Dijon, 3 janvier 1876. Associé correspondant
M. l'abbé Bourgeois, curé de Mirebeau, 2 décembre 1875.
Le Secrétaire
J. D'ARBAUMONT.
COMPTE RENDU
DES TRAVAUX
DE LA
COMMISSION DÉPARTEMENTALE
DES ANTIQUITÉS DE LA CÔTE-D'OR
du 1" juillet 1896 au le, juillet 1899.
MESSIEURS,
J'espère ne point passer à vos yeux pour un esprit paradoxal en affirmant qu'il n'y a pas, en archéologie, de découverte absolument indifférente, quelle que soit d'ailleurs la valeur intrinsèque des objets découverts. Que ceux-ci viennent heureusement compléter une série de monuments antiques dont la provenance est, du reste, bien constatée, – qu'ils nous mettent au contraire sur la voie d'un filon encore inexploré, peu importe; dans l'un et l'autre cas je sais le bon accueil qui leur doit être fait et le soin que mettra la science autorisée à leur donner une place dans l'inventaire de ses richesses. Mais pour cela une chose est indispensable c'est que les circonstances de la découverte soient exactement notées et le lieu scrupuleusement indiqué. C'est ce qu'ont bien compris les correspondants de la Commission, et ce qui donne un véritable intérêt à la plupart des communications qu'ils veulent bien vous adresser. Les exemples abondent, j'en ai quelques-uns sous la main, et c'est par eux que je voudrais commencer cette année le compte-rendu de vos travaux. Voici, par exemple, une courte note sur quelques objets celtiques dont la découverte récente vous a été signalée avec le plus louable empressement par l'un des vétérans de la compagnie, M. Caumont-Bréon, associé correspondant à Meuilley.
COMPTE-REÎSDU DES TRAVAUX 1- 1 1-
Un dessin est joint à cette note vous le devez au crayon de l'auteur même de la découverte, M. Fornerat, dont le nom se présente pour la première fois sous ma plume. Nos compliments à ce jeune volontaire de l'archéologie dont les efforts méritent assurément d'être encouragés.
Les objets en question sont au nombre de cinq 10 Une hache en galet erratique poli, de 9 centimètres de longueur sur 5 et demi de largeur au tranchant; 2° une seconde hache de même matière, mesurant 7 centimètres de longueur sur 4 centimètres au tranchant; 3° une petite hachette de 3 centimètres de haut sur 2 et demi de large 4' un polissoir en granit d'une moyenne grosseur, c'est le seul objet qui n'ait pas été dessiné; 5' enfin un grattoir en silex.
Assurément, Messieurs, il n'y a rien là de bien nouveau pour vous haches celtiques, grattoirs à peine ébauchés ou polissoirs en granit, tous ces objets vous sont connus, vous avez eu maintes fois l'occasion d'en examiner de semblables, et les vitrines de vos collections en regorgent. La mode est au silex. En soi, la communication de M. Caumont-Bréon n'a donc rien de bien saisissant. Mais je vous ferai observer qu'on connaît exactement la provenance des objets décrits par lui, que ces objets ont tous été trouvés, soit à Chevrey-lez-Arcenant dans une carrière près du village, soit à Arcenant même dans une fosse à provins; si j'ajoute à cela que la période celtique était jusqu'ici cotée en zéro sur le territoire de ces deux villages, qu'il y a lieu conséquemment de faire une addition à notre répertoire, voire même au grand dictionnaire des antiquités gauloises, publié par le ministère, la question change immédiatement de face et vous en comprenez l'intérêt. Voilà le filon inexploré dont je vous parlais tout à l'heure.
Qu'au contraire, une station archéologique bien connue, bien déterminée, vienne à nous fournir, par le fait du hasard ou tout autrement, des révélations nouvelles, vous ne les accueillerez pas avec moins d'intérêt jugeant avec raison qu'elles peuvent servir à compléter une série interrompue ou tout au moins à suggérer d'utiles confrontations. Il se passe peu d'années où je n'aie à vous entretenir de découvertes semblables. C'est ainsi qu'à votre séance du 16 décembre dernier, M. Paul Foisset vous a annoncé qu'on venait de recueillir à Beaune, dans le lit de la Bouzaise, un petit Mercure en bronze, et plusieurs médailles des ma et iv" siècles de notre ère. Il était important de constater, comme l'a fait M. Foisset avec le tact de l'archéologue, que ces objets, peu importants en eux-mêmes, avaient été trouvés près de l'emplacement de l'ancien Castrum belnense dont notre confrère s'est appliqué à restituer la véritable physionomie, au moment même où les derniers vestiges en allaient disparaître.
Dans le même ordre d'idées, je vous signalerai les cercueils trapézoïdes en pierre,
DE LA COMMISSION DES ANTIQUITÉS. _s <i
que la pioche des ouvriers mettait au jour, à peu près dans le même temps, dans une sablière située sur le territoire de Dijon, près du chemin de fer de Langres, au nord de la nouvelle manufacture de tabacs. Ces monuments funéraires n'offrent rien de particulièrement intéressant, la forme en est bien connue; ils avaient été anciennement violés, et l'on n'y a rien trouvé que des débris informes d'ossements. Il serait superflu d'en encombrer notre musée mais ils serviront de complément aux découvertes semblables qui se sont produites, à différentes époques, dans la même région et accusent l'existence à l'est de notre cité, sur les bords de la grande voie d'Agrippa, d'une vaste nécropole qui pendant plusieurs siècles a reçu les restes de nos premiers ancêtres.
Ces sépultures datent évidemment des premiers siècles de notre ère c'est sans doute à la même époque ou à peu près qu'il convient de faire remonter un fragment d'inscription funéraire trouvé en 1873 sur le territoire de Fénay, petite commune du canton de Gevrey, au climat dit les Combetles, c'est-à-dire dans une localité où la présence de monuments de ce genre n'avait pas été signalée jusqu'ici. La pierre qui porte cette inscription a été, pendant quelque temps, conservée par M. Fion, instituteur à Fénay elle vous a été récemment offerte par M. l'abbé Denizot, curé de Morey et correspondant de la Commission, qui a eu l'heureuse pensée de joindre à cet envoi un estampage fort bien réussi de l'inscription.
La pierre en question mesure 35 centimètres de largeur sur 42 de hauteur; elle est assez bien polie, mais sans aucune trace d'ornementation. L'inscription, en lettres rustiques, est malheureusement mutilée la première ligne est presque entièrement illisible, la partie inférieure des caractères ayant été seule conservée. Pour tout le reste, la lecture n'offre point de difficultés. La voici telle qu'elle nous a été proposée par M. l'abbé Denizot
MEM
RIAE BAVDERRIMA PVELA
QVI VIXIT ANNVS DECE SE
PTE ET REQVIIVIT IN PA
CE IN MENS IVLIO DI
E A SABATO
Le caractère chrétien de cette inscription est hors de doute, et d'autre part, la forme des lettres qui se terminent toutes en tètes de clou, et dont quelques-unes sont conjointes, empêche de l'attribuer à une époque trop rapprochée du moyen âge proprement dit. M. l'abbé Denizot n'est donc pas éloigné de la vérité lorsqu'il
propose d'en fixer la date aux temps mérovingiens du ve au vme siècle de notre ère. Dans mon opinion personnelle, c'est au commencement plutôt qu'à la fin de cette période qu'elle doit avoir été gravée. Peut-être même serait-il convenable de remonter un peu plus haut. En tout cas, il me paraît superflu de discuter l'avis de quelques amateurs le mot est de M. l'abbé Denizot, et je le maintiens parce qu'il me semble juste qui prétendent reconnaître, dans les quatre dernières lettres de l'avant-dernière ligne, la date de 1041. Il n'est pas nécessaire d'être très versé dans les secrets de la science épigraphique pour faire bonne justice d'une pareille interprétation.
C'est encore d'un monument funéraire que vous a entretenu M. Garnier à la séance du 15 février dernier. Mais quelle différence dans les dates, quelle opposition dans les personnages dont l'un et l'autre de ces monuments rappellent le souvenir Là, une jeune fille, enlevée à la fleur de l'âge, et, qu'en aiguillonnant un peu notre imagination, nous nous représenterions volontiers au moment où la Parque cruelle a tranché le fil de ses jours, comme parée de toutes les grâces de son sexe et de ses dix-sept ans. Ici, un de ces êtres déshérités, à l'aspect repoussant, dont nos pères fuyaient avec soin le contact, et qu'ils parquaient dans des enceintes reculées pour n'en point être souillés au passage, un lépreux La tombe du misérable a été découverte dans la caserne des Capucins, en démolissant un mur de clôture intérieure, dans lequel elle était encastrée. La partie inférieure n'existe plus; mais ce qui reste est bien suffisant pour juger de l'ensemble. L'image, gravée sur la dalle, représente un personnage couché, la tête nue, vêtu d'une robe serrée à la taille par une ceinture d'où pend la cliquette traditionnelle les mains sont jointes un phylactère déroulé au-dessus de la tête porte ces mots MISERERE MEY DEVS SECVNDVM MAGNA MISERICORDIAM TVAM L'inscription en lettres gothiques qui entoure la tombe et lui sert de bordure est ainsi conçue CY GIST JHAN BETHVOT NATIF DE DIJON QUI FVT RENDV SEANS LE XE JR DE JANVYER MIL. DIEV AIT. SON AME AMEN
On lit au registre des procès-verbaux de rendues des lépreux à la Maladière, conservés aux archives de l'hôpital, que Jehan Berthiot, vigneron, fut inscrit en 1481 sa tombe doit donc être de quelques années postérieure à cette date. Elle fut placée vraisemblablement dans la nef de la chapelle dans la suite, on dut l'enlever lors de la conversion de la Maladière en ferme, et elle fut sans doute abandonnée avec d'autres matériaux aux religieux capucins, dont le couvent, comme on sait, était proche, et qui l'employèrent sans scrupule pour leurs travaux de construction. L'administration de la guerre a gracieusement fait don de cette tombe à la Commis-
DE LA COMMISSION DES ANTIQUITÉS. -L- _J. 1_ --1_ .J
sion, qui en est déjà entrée en possession, et lui réserve une place dans son musée à côté des autres tombes de lépreux qui y ont été installées il y a quelques années. Dans le même temps que Jehan Berthiot, vivait et mourait à Dijon un personnage dont la destinée fut bien différente. Je veux parler de frère Guyenot de Monjeu, religieux de l'ordre de Saint-Jean de Jérusalem, qui, né à Dijon, devint maître de Fauvernay et de l'hôpital de Sombernon, trépassa le 24 juin 1498, et fut inhumé dans la petite église de la Madeleine, anciennement située près du boulevard de la porte Saint-Pierre, et démolie en 1515 par suite des travaux de fortification entrepris alors dans cette partie de la ville. Ce détail est emprunté à une très curieuse pierre tombale qui a été découverte dans le courant de l'année dernière, et dont j'ai déjà eu l'occasion de vous dire quelques mots. Au lieu de la sinistre cliquette pendant à la ceinture du lépreux, ce qu'on remarque tout d'abord sur la tombe de son contemporain, c'est l'alternance symétrique aux quatre angles de la pierre, d'un blason héréditaire avec la croix de Malte que sa profession autorisait le défunt à accoler à ses armes.
Vous vous rappelez, Messieurs, les détails de la découverte, et comment, grâce aux bons soins de notre confrère M. Lory, la tombe en question, seule digne d'être conservée parmi d'autres débris de monuments funéraires exhumés dans le même temps aux abords de la porte Saint-Pierre, est entrée dans nos collections où elle est assurément destinée à garder un rang des plus honorables. M. Lory en a bien jugé ainsi, lorsque, vous faisant une promesse, dont j'avais l'honneur, il y a un an, de me porter le garant, il s'engageait à vous donner bientôt, avec la description de la tombe en question, une courte notice sur le personnage dont elle rappelle le souvenir. M. Lory a fait mieux encore, il a complété cette notice par une étude d'ensemble sur l'établissement des Frères hospitaliers dans le Dijonnais ce travail, dont les éléments sont empruntés presque exclusivement à nos archives départementales, doit figurer dans le dernier fascicule du tome IX de nos mémoires il ne m'appartient donc pas de vous en parler davantage. Je ne veux point toutefois passer à un autre sujet sans adresser nos remercîments collectifs à M. Gaitet, dont M. Lory a eu l'heureuse idée de s'assurer la collaboration en demandant tout à la fois au crayon et au burin de cet obligeant confrère, la reproduction fidèle de la tombe si curieuse de Guyenot de Monjeu.
Deux autres notices sur des sujets à la vérité moins importants, mais qui méritent néanmoins qu'on s'y arrête un instant, complètent la part de contribution de notre confrère M. Lory à nos travaux de l'année courante je vous en dois la rapide mais exacte analyse.
La première se rapporte à une découverte faite récemment à Dijon,
COMPTE RENDU DES TRAVAUX n"a c.i ~T:m., r" l'
dans les terrains du nouveau boulevard Saint-Nicolas, sur l'emplacement même d'une voûte destinée au passage du cours dévié de Suzon. En creusant la tranchée pour l'établissement de cette voûte, les ouvriers ont rencontré à quatre mètres de profondeur les ruines d'une maison dont les murs étaient en grande partie conservés. L'intérieur était littéralement rempli de tuiles, des restes du toit et de la charpente, et de pierres noircies et calcinées montrant très visiblement que la maison avait été détruite par le feu.
Au pied même de cette ruine, on a recueilli les restes d'une ancienne armure, savoir 10 une haute pièce de casque, autrement dit une demi-mentonnière, qui devait se raccorder, selon toute apparence, soit à une bourguignotte du xvie siècle, soit à une de ces salades allemandes qu'on voit figurer au siècle précédent, dans les armures de guerre et de tuurnois; 2° une cotte de maille avec le gorgerin auquel elle devait être attachée, quelques fragments y adhérant encore; 3° enfin un mors de cheval qui, de tous les objets provenant de cette fouille et aujourd'hui déposés dans notre musée, est assurément le plus intéressant. Cette pièce, non moins curieuse par son exécution que par son poids et ses dimensions, a été fort habilement dessinée par M. le professeur Gaitet.
<< Ce mors, vous a dit M. Lory, a '23 centimètres de longueur et 15 de largeur; il pèse 780 grammes, et se compose, sans compter la gourmette et les anneaux où passent la bride et les rênes, de vingt et une pièces jouant les unes dans les autres. L'ouvrier, tout en visant à l'ornementation, a cherché, parla mobilité de quelquesunes de ces pièces, à diminuer autant que possible la gêne que doit éprouver le cheval muni d'un appareil aussi lourd et aussi embarrassant. »
« Une chaînette comprenant sept anneaux de quatre centimètres de longueur et de quinze millimètres de largeur chacun, forme la gourmette. Les branches sont contournées dans leur partie centrale. L'embouchure est à pas d'âne. Les canons sont remplacés de chaque côté par deux barres parallèles terminées par des anneaux dans lesquels passent les branches et le pas d'âne Sur chacune de ces barres, roulent deux olives cannelées. Une troisième olive se trouve à l'extrémité supérieure du pas d'âne. »
Et maintenant, s'est demandé M. Lory, quelle est la provenance de ces objets ? La présence du mors au milieu des débris d'armes exclut toute idée d'une sépulture régulière On a bien raconté que des ossements gisaient près de là mais alors que conclure sinon à la mort accidentelle de quelque malheureux homme d'armes qui sera resté enseveli dans les ruines de la maison brûlée. Impossible d'arriver sur ce point à quelque certitude; au surplus il importe peu il serait assurément plus intéressant de pouvoir fixer tout au moins la date de l'incendie. A cette question
que s'est naturellement posée notre confrère, il croit avoir trouvé la réponse et il pourrait bien l'avoir trouvée en effet.
Quiconque s'est tant soit peu occupé de notre histoire locale, se rappelle qu'en 1636, à l'approche des Impériaux, commandés par Galas, qui jetaient l'épouvante sur les frontières des deux Bourgognes, la ville ne paraissant pas suffisamment embastionnée, on résolut, dans un conseil de guerre tenu le 9 septembre sur l'ordre du roi, de construire à la hâte quelques travaux avancés pour la mettre à l'abri d'un coup de main. Pour cela il fallait jeter bas quelques maisons inopportunément construites aux approches des anciens remparts, et comme il y avait urgence, de tous les moyens de destruction, on employa le plus expéditif, le feu. Il fallut ensuite dédommager les propriétaires on dressa procès-verbal des dommages causés, et les pièces de cette affaire ayant été conservées dans nos archives municipales, M. Lory a pu y constater que les seuls chevaliers de Saint-Jean de Jérusalem n'en avaient pas été quittes à moins de vingt et une maisons brûlées, dix-huit au faubourg Saint-Pierre, et trois au faubourg Saint-Nicolas. Après cela, il était assez aisé de conclure, et M. Lory n'a pas hésité à le faire.
La troisième et dernière communication de M. Lory va nous permettre de faire, contrairement à nos habitudes, une courte excursion en dehors des limites de notre département. En effet, le petit village d'Occey, sur le territoire duquel ont été faites les découvertes dont notre confrère vous a entretenus dans la séance du 15 décembre dernier, est situé dans le département de la Haute-Marne, mais si près de la Côte-d'Or, deux kilomètres à peine l'en séparent, que c'est là tout d'abord une circonstance atténuante. Vous êtes certains, d'ailleurs, que nos collègues de la Société Lingonne ne sauraient nous imputer à crime ce léger empiétement de juridiction. Ils nous connaissent, ils savent qu'entre des mains telles que les vôtres, les intérêts de la science archéologique ne seront jamais compromis, et je ne crains pas, d'autre part, de me rendre garant pour vous des facilités qu'à votre tour et par une cordiale réciprocité de sentiments, vous seriez tout prêts à leur accorder en pareille occurrence.
Donc, c'était au mois de novembre 1876. M. Lory fut prévenu qu'on venait de tirer du fond de quelques tranchées très vulgairement ouvertes sur le territoire d'Occey pour y planter du houblon, un certain nombre d'objets en bronze ou en fer, d'apparence tout au moins antique, dont quelques-uns lui furent immédiatement communiqués, et auxquels l'inventeur, comme il est d'usage, paraissait attacher une grande importance. Prévenir du fait les chefs de notre Compagnie, soumettre à leur examen les quelques objets qui lui avaient été confiés, arrêter avec eux le plan d'une petite excursion archéologique aux lieux mêmes de la trouvaille,
fut pour notre 'zélé collègue l'affaire d'un instant. Vous savez, qu'en pareil cas, il n'est pas dans l'habitude de marchander ni ses démarches ni ses peines. Le voyage de Dijon à Occey n'est d'ailleurs ni long ni périlleux; comme de juste, notre confrère prit la voie de fer qui devait le conduire très rapidement à sa destination, sans plus se soucier qu'il ne le fallait pour l'heure des deux voies romaines, dont il aurait pu à la rigueur faire usage, passant l'une et l'autre non loin du village d'Occey, savoir la grande voie d'Agrippa, de Chalon à Langres, et celle de Langres à Mirebeau.
A peine arrivé à Occey, M. Lory, guidé par un habitant du lieu, dont il se plaît à louer l'obligeance, le sieur Claude Lieutet, se rendit au climat des Fossés, dans un terrain situé au nord-est du village et faisant partie d'un clos entouré de murs. C'était le lieu de la trouvaille. L'endroit même où celle-ci a été faite est limité sur toute sa longueur par un chemin descendant du village vers une fontaine publique destinée à l'abreuvage des bestiaux. C'est à 0m50 de profondeur environ, que, dans deux endroits différents, au milieu d'un amas de pierres calcinées, provenant de carrières voisines, ont été trouvés les objets en question. De plus, il est important de noter, comme l'a fait M. Lory, qu'à 100 mètres de là on rencontre les fossés, encore très visibles, de là le nom de climat des Fossés, d'un ancien château qui, au dire des habitants, aurait jadis été fortifié.
Voici maintenant l'inventaire sommaire des objets trouvés, objets dont quelquesuns, vous vous en souvenez, Messieurs, ont été déposés sur votre bureau, mais qui, pour la plupart, ont passé entre les mains d'un brocanteur du voisinage. Vous allez juger par vous-mêmes si la perte est aussi regrettable qu'on aurait pu le craindre au premier abord
« Quatre mors de chevaux, un filet de bride de grande dimension et grossièrement travaillé, plusieurs étriers en fer, une pioche ou hoyau ressemblant beaucoup au fesou de nos vignerons, deux clefs en fer de moyenne grandeur, un verrou en fer de 32 centimètres de longueur, avec sa poignée et un anneau dans son milieu, sept fers de chevaux de petite dimension, un gond de porte, une dent de herse, une râcle de pétrissoire, -un fer de lance, une lame d'épée ou plutôt de dague, de 41 centimètres de longueur, non compris la soie, deux lampes en bronze de 14 centimètres de hauteur, l'une à trois becs, l'autre à quatre, imitation de la lucerna polymyxos des anciens, un certain nombre d'anneaux en fer semblables à ceux qui sont attachés aux mangeoires des chevaux pour y passer les longes, enfin un certain nombre d'autres objets d'un usage indéterminé. »
De tous ces objets, Messieurs, c'étaient assurément les plus intéressants qui
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avaient passé sous vos yeux on vous avait envoyé, passez-moi l'expression, le dessus du panier. Mais à considérer l'ensemble, il était facile de voir, et notre confrère en eut bien vite la conviction, qu'aucun d'eux ne remontait à l'antiquité le moyen âge, tout au plus, voilà l'époque extrême à laquelle il était possible de les faire remonter. Tout, d'ailleurs, venait à l'appui de cette opinion. En examinant avec soin la direction des substructions auxquelles ces objets étaient mêlés, M. Lory put constater qu'elles appartenaient soit au pignon, soit au mur de façade d'un édifice détruit par le feu et situé au pied des glacis de l'ancien château fort d'Occey. La taille des pierres leur provenance de carrières relativement peu anciennes, empêchent absolument de considérer comme antique l'édifice dont ces matériaux faisaient partie. Mais alors, qu'était-ce que ce bâtiment et à quelle époque pourraitil bien avoir été détruit? A la première de ces questions la réponse est aisée. La nature des objets trouvés dans le sol et appartenant presque tous à une exploitation agricole, montrent bien que nous avions simplement affaire à quelque maison de culture, ferme, grange, écurie, dépendant, selon toutes probabilités, du château voisin, et détruite avec ce dernier dans quelque fait de guerre dont le souvenir s'est perdu.
Il était moins commode assurément de répondre à la seconde des deux questions posées plus haut. Toutefois, par une suite d'ingénieux rapprochements et de déductions bien conduites, M. Lory, armé de citations empruntées soit à l'histoire générale, soit aux récits de nos chroniqueurs locaux, en est venu à conclure, sans que rien jusqu'ici soit venu infirmer son avis, que l'enfouissement des objets trouvés à Occey doit remonter à cette longue période de guerres civiles ou étrangères qui ont fait couler tant de flots de sang depuis les premiers jours de la. Ligue jusqu'au traité de Westphalie, guerres toutes pleines de massacres, de pilleries et de brûlements, et qui, à diverses reprises, ont sévi avec toute leur rage sur les frontières de la Champagne et de la Bourgogne.
Notre excellent confrère ne fera pas difficulté de convenir avec moi que le résultat des fouilles d'Occey lui a procuré une légère déception. On ne s'en va pas impunément à la conquête de la vénérable antiquité pour ne rapporter autre chose de son expédition qu'un peu de ferraille rouillée et relativement moderne. Ceci est le point capital! Mais qu'on se rassure. M. Lory est homme à prendre sa revanche, et je le soupçonne d'ores et déjà de dresser ses plans en conséquence.
Les destinées archéologiques du petit village d'Occey pourraient bien en effet n'être pas enfermées tout entières dans les ruines d'une baraque brûlée au xvr siècle. C'est là ce que M. Lory s'est appliqué à nous montrer dans la dernière partie de son mémoire. Au nord-est et à l'est du village se trouvent des plateaux dominant 14
la plaine ondulée d'Izomes, et sur lesquels une fantaisie assez inexpliquée du dernier historien de César a fait camper les Gaulois, à la veille de la bataille qui détermina la retraite de Vercingétorix sur Alise. Il est certain que cette région tout entière est riche en sépultures antiques. De nombreux tumuli y ont été fouillés à diverses époques, et les habitants ne doutent pas que sur plus d'un point, des recherches sérieusement entreprises ne fussent couronnées de succès. Non loin de là, Rivièreles-Fosses doit son nom aux sépultures antiques qui abondent sur son territoire. La vierge de Dommarien est élevée sur l'emplacement d'un tumulus; on trouve des tumuli dans toute la contrée à Cussey, à Chamberceau, à Prauthoy, à Dardenay, où sais-je encore? bref, sur les rayons d'une vaste circonférence dont Occey occupe le centre.
Enfin, Messieurs, rappelons-nous que deux voies romaines traversaient le territoire d'Occey, deux des plus importantes artères de la vieille Gaule; râppelonsnous que nous sommes sur la limite du pays lingon et de la Séquanie, plus tard sur la frontière de trois provinces la Champagne, la Franche-Comté et la Bourgogne, et convenons que bien peu de localités se présentent mieux prédestinées que celle-là aux découvertes archéologiques.
J'ai terminé, Messieurs, l'analyse de la plus grande partie des communications qui vous ont été adressées depuis le mois d'août de l'année dernière. Quoique sommaire, je me suis appliqué, comme toujours, à la rendre aussi exacte que possible. Ce serait sortir des limites de mon mandat que d'aborder maintenant l'examen des travaux de plus longue haleine, dont votre Comité de lecture a ordonné l'impression intégrale. Ces travaux, selon l'usage, ont été lus en séance en entier ou par fragments; vous en avez déjà très vivement apprécié l'intérêt vous pourrez bientôt en prendre une connaissance plus approfondie quand sera mis en distribution, ce qui ne saurait beaucoup tarder, le dernier fascicule du tome IXe de vos Mémoires. J'ai déjà eu occasion, au cours de mon dernier compte rendu, de signaler en passant quelquesunes des publications qui feront partie de ce fascicule, telles, par exemple, que l'étude de M. Gaffarel sur un Portulan dijonnais inédit, et le grand travail de notre honorable président sur les différents modes de sépultures pratiqués dans l'antiquité. Je vous aurai donné, par anticipation, une table des matières, à peu près complète, du fascicule en question, quand vous saurez qu'il sera complété par la publication 1° de la notice de M. Lory sur les Chevaliers de Saint-Jean de Jérusalem, dont il a été question plus haut 2° d'un texte inédit d'Olivier de Lamarche, présenté par M. Rabut 3° entin d'une courte note de M. le lieutenant-colonel de Coynart sur les hipposandales, en réponse à un article de M. le colonel de Sailly inséré dans les comptes-rendus du Congrès archéologique pour l'année 1876.
Le neuvième volume terminé, il ne vous sera pas difficile, Messieurs, d'entamer l'impression du suivant. Votre secrétaire a entre mains deux mémoires assez étendus, sur lesquels le Comité de lecture aura bientôt à se prononcer l'un est dû à M. Paul Foisset j'ai déjà eu occasion d'en entretenir la Commission c'est une étude sur l'ancien Palais de justice de Beaune; l'autre concerne la petite commune d'Orret, dans le Châtillonnais, il vous a été adressé par M. l'abbé Lereuil, curé de Baigneuxles-Juifs.
C'est ainsi, Messieurs, que vous poursuivez le cours de vos travaux, et que chaque année vous ajoutez quelques pierres au laborieux édifice dont vous avez entrepris la construction. En même temps, votre musée se complète et s'enrichit; je vous ai donné, au cours de ce compte rendu, l'indication sommaire de quelques-uns des objets dont vous avez depuis un an acquis la possession, vous en trouverez plus loin le catalogue complet, mais je manquerais assurément à ce que vous attendez de moi, si je ne réservais pas ici une place d'honneur à la belle série de médailles que vous devez à la générosité de l'un de nos plus anciens et de nos plus sympathiques confrères, M. de Charrey.
Ces médailles, au nombre de onze cents, sont contenues dans un coffret de grand prix, et réparties dans dix-sept cartons dont votre confrère, M. Prisset, s'est chargé de faire le classement; ce sont toutes monnaies grecques ou romaines généralement en bronze, et quelques-une» d'une beauté exceptionnelle.
Dans la lettre qui accompagnait cet envoi, et dont lecture a été donnée dans la séance du 1er mai dernier, M. de Charrey a pris soin de rappeler qu'il fait partie de notre Société depuis 1848, époque où le souvenir de son père, qui l'y avait précédé, était encore vivant chez beaucoup de nos confrères. Il ajoutait que le coffret dans lequel sont enfermées les médailles, avait été donné à son père par son parent, M. Perreney de Grosbois, ancien premier président du Parlement de Besançon, et que ce curieux objet, qui date évidemment de la fin du xvne siècle, faisait partie du cabinet du roi avant la Révolution. Ce petit meuble, de forme élégante, est recouvert d'un maroquin rouge semé de fleurs de lys d'or.
M. de Charrey a exprimé le vœu très légitime que cette belle collection de médailles ne fût pas confondue avec celles que possède déjà le musée de la Commission, mais demeurât telle qu'elle se trouve renfermée dans le coffret. La Commission, acceptant avec la plus vive reconnaissance le don de M. de Charrey, a chargé son président de lui adresser l'expression de sa gratitude. Elle a décidé, en outre, comme il était juste, que les intentions du donateur relativement au mode de conservation des médailles seraient scrupuleusement accomplies, et que, de plus, une inscription posée sur le coffret rappellerait la libéralité de notre honorable confrère.
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Puissent de tels exemples être largement suivis pour le grand profit de la science
En évoquant le souvenir de son vénérable père, M. de Charrey nous invitait naturellement à nous reporter vers une époque où notre Société en était encore pour ainsi dire à ses débuts que de chemin parcouru depuis lors que de découvertes intéressantes! que de travaux inspirés par une noble émulation! que de labeurs consacrés à la description de nos monuments ou de zèle employé à en assurer la conservation Ces vues rapides sur le passé ont une merveilleuse puissance, je ne connais pas pour des esprits bien faits d'aiguillon plus acéré.
Ces sentiments étaient les vôtres, Messieurs, et ces généreuses pensées animaient vos esprits dans cette fête de famille qui nous réunissait tous, le 23 avril dernier, autour du chef vénéré de notre compagnie. Une récompense justement méritée venait de couronner une carrière tout entière consacrée au culte désintéressé de la science archéologique à l'issue des séances solennelles de la Sorbonne, Son Excellence le Ministre de l'instruction publique, organe du chef de l'Etat, avait conféré à M. Baudot les insignes de la Légion d'honneur. Conquises dans de telles conditions, des récompenses comme celles-là n'honorent pas moins ceux qui les décernent que ceux qui les ont méritées.
La nouvelle de cette nomination fut accueillie dans notre cité et dans le monde savant tout entier avec un applaudissement unanime, et tout aussitôt surgit au milieu de nous un projet dont la réalisation ne'se fit pas attendre. Un banquet fut organisé avec le concours empressé de la plupart de nos confrères, et, pour la première fois depuis la fondation de notre Société, nous pûmes, dans de simples et modestes agapes, faire un cordial échange de nos vues, de nos sentiments, de nos projets. Jamais occasion plus favorable ne se pouvait présenter d'inaugurer enfin ce fraternel usage.
Au dessert, M. Garnier, qui présidait le banquet en qualité de vice-président de la Commission, prit la parole et s'exprima en ces termes
« Monsieur LE PRÉSIDENT,
» C'était jadis une coutume de nos pères de célébrer dans de joyeux banquets, qui, le saint patron d'une confrérie, qui, l'anniversaire d'un jour heureux. Elle était particulièrement chère à la Bourgogne, où la nature s'est montrée si prodigue de ses dons; elle contribuait enfin à entretenir cette cordialité qui faisait le fond de notre caractère national.
» Aussi plusieurs d'entre nous caressaient-ils la pensée de faire revivre un usage
DE LA COMMISSION DES ANTIQUITÉS. 1. 1 Il ,1 il 1
auquel d'autres Sociétés sont restées fidèles, et, comme elles, de resserrer chaque année autour d'une table commune les liens de bonne confraternité qui nous unissent.
» C'est vous dire, Monsieur le Président, combien nous avons été heureux de la double occasion qui nous était offerte de réaliser ce projet et de pouvoir vous témoigner tous ensemble la satisfaction que nous éprouvons d'une récompense saluée dans la ville d'un concert unanime et à laquelle tout le monde savant a applaudi.
» En vous décernant les insignes de la Légion d'honneur, le Gouvernement a voulu couronner toute une vie de dévouement au culte des beaux-arts et aux études archéologiques. Mais vos compatriotes ont associé à votre succès la mémoire de deux êtres qui vous furent bien chers. Je veux parler de Louis-Bénigne Baudot, votre respectable père, qui fut notre premier Président. Antiquaire émérite, il consuma sa vie à disputer à l'ignorance et au vandalisme de précieux débris de notre passé, et ne craignit pas, pour défendre la vérité historique, de se mesurer avec le plus redoutable archéologue de son temps. Je veux parler aussi de votre oncle Pierre-Louis Baudot, le digne émule des Pasumot, des Moreau de Mautour, des Legouz de Gerland et autres antiquaires bourguignons.
» Vous avez été, Monsieur le Président, parmi nous, leur digne continuateur. Appelé en 1841 à la direction de cette Compagnie, vous avez, dès le premier jour, consacré à la guider dans l'accomplissement de sa mission tout ce que Dieu vous donna d'intelligence et de volonté. Nous vous avons vu constamment à notre tête lorsqu'il s'agissait de défendre nos vieux monuments menacés. Hélas! si ces efforts n'ont pas toujours été couronnés de succès, avons-nous du moins lutté jusqu'au bout pour leur conservation. D'autre part, un musée a été créé, nos collections se sont enrichies, et grâce à votre impulsion, nos Mémoires ont conquis un rang distingué dans la science. Aussi, permettez-moi de vous le dire, si, il y a deux ans, la Commission des Antiquités obtenait au concours de la Sorbonne un succès aussi envié qu'honorable, c'est que la Description du château de Pagny, le Rapport sur les fouilles aux sources de la Seine, et les Sépultures mérovingiennes, celles-ci, devenues classiques, avaient déterminé le suffrage des juges.
Président de cette Société depuis plus de trente-six ans, vous offrez l'exemple bien rare à notre époque d'un mandat aussi prolongé. L'exprimer c'est tout dire. C'est pourquoi vous goûtez aujourd'hui l'intime satisfaction de voir réunis autour de vous et dans une même pensée tous ceux, sans exception, auxquels vous avez ouvert les portes de la Société, tous qui, durant ce long espace de temps, ont pu apprécier la sûreté de vos connaissances, la délicatesse de votre goût, votre urbanité
parfaite et l'esprit de conciliation qui n'a cessé de présider à vos actes. Ce m'est donc comme doyen un insigne honneur de pouvoir vous exprimer les vœux que nous formons de vous conserver longtemps à notre tête et de profiter de votre expérience et de vos lumières. »
M. Baudot, se levant à son tour, fit au discours de M. Garnier la réponse suivante
« MONSIEUR LE VICE-PRÉSIDENT, MESSIEURS ET CHERS CONFRÈRES.
» Je ne saurais vous exprimer combien je suis touché des marques de sympathie dont vous voulez bien m'entourer. C'est pour moi la plus douce récompense de mon inaltérable dévouement aux intérêts de notre Société.
» Cette croix d'honneur que le ministre a daigné m'accorder, c'est à vous que je la dois, car c'est à la Commission tout entière que s'adresse cette distinction. Qu'aurais-je fait seul sans votre concours et vos encouragements?
» Nous avons toujours été unis par une même pensée, tous nos efforts ont tendu au même but Faire revivre l'histoire du passé de notre chère Bourgogne. » Notre Vice-Président vous l'a dit tout à l'heure notre réunion d'aujourd'hui rappelle un ancien usage de nos pères, puissions-nous maintenir parmi nous ces bonnes et heureuses traditions de confraternité!
» Notre confrère vient de me rappeler de bien précieux souvenirs; c'est, en effet, dans le cabinet de mon père, dans ses nombreux manuscrits que je conserve religieusement, dans ses conversations si instructives avec son frère, que j'ai puisé le goût de ces connaissances qui ont fait le charme de ma longue carrière. La Commission des Antiquités a eu une grande part dans ces jouissances intellectuelles.
» Mais dans ce monde tout n'est qu'heur et malheur, et, comme l'a rappelé notre confrère, la Compagnie a eu des luttes à soutenir, ses comptes-rendus et ses mémoires en fournissent les preuves réitérées; elle a sauvé aussi de la destruction bien des monuments intéressants en éclairant l'autorité sur leur importance. D'un autre côté, des instructions répandues dans toutes les communes du département ont arrêté la destruction des monuments religieux et la dispersion de leur ancien mobilier. Vous avez, Messieurs, entrepris des fouilles qui ont produit des résultais inattendus. Je ne rappellerai pas enfin les travaux importants que contiennent les neuf volumes de notre collection et la flatteuse distinction dont ils ont été l'objet.
Noblesse oblige, dit-on. Persévérons dans cette bonne voie, nous avons pour nous guider dans nos travaux les riches dépôts de nos archives départementales et communales, la bibliothèque publique de Dijon, nos propres collections, déjà riches en documents de tout genre. Continuons donc à travailler de concert, soyons assidus aux séances, que chacun de nous y apporte le tribut de ses connaissances, soyons toujours unis, car c'est par cette bonne harmonie et des efforts communs que nous nous maintiendrons au rang distingué que nous avons conquis parmi les sociétés savantes de la France. »
Avec quels applaudissements furent accueillies tour à tour les paroles de nos éminents confrères, je n'ai pas besoin, Messieurs, de vous le redire; elles auront un long retentissement dans nos cœurs
Tous ceux de nos confrères que de sérieux empêchements ne tenaient pas à l'écart, avaient tenu à honneur de participer au banquet du 23 avril. Une seule place y restait vide; pourquoi faut-il que je me voie contraint, en terminant, d'évoquer ce triste souvenir! Vous vous rappelez encore les paroles émues avec lesquelles notre digne Président, en inaugurant, le 16 novembre dernier, la reprise de nos travaux, vous annonçait la mort de l'homme éminent qu'une longue et douloureuse maladie avait récemment enlevé à l'affection et à l'estime de ses concitoyens.
M. Tissot, doyen honoraire de la Faculté des lettres de Dijon, était inscrit depuis le 14 avril 1840 sur la liste de nos membres titulaires. Plusieurs fois lauréat de l'Institut avant d'en être nommé correspondant, M. Tissot appartenait à cette phalange d'esprits curieux et avides de savoir, qui se sont vigoureusement appliqués, depuis le commencement du siècle, à la rénovation parmi nous des études philosophiques. Quelle que soit l'opinion que l'on se puisse faire sur le fond même de ses doctrines, il est impossible de méconnaître le talent réel qu'il a mis à leur service. Le nombre des ouvrages signés de son nom est considérable, la plupart d'entre eux ont eu pour objet la vulgarisation de la philosophie kantienne, et, chose digne de remarque, appréciés de nos compatriotes comme ils méritaient de l'être, c'est toutefois en Allemagne qu'ils ont eu le plus de vogue. Il va de soi que la nature très spéciale de ses études et le temps considérable qu'il y consacrait, ont constamment empêché M. Tissot de prendre une part active à nos travaux; aussi ne trouverez-vous rien dans nos Mémoires qui soit sorti de sa plume; ses écrits s'adressaient toujours directement au public quand il ne les réservait pas pour notre Académie.
Depuis longtemps M. Tissot se tenait éloigné de nos séances; son état de santé lui faisait de cette abstention une nécessité absolue contre laquelle son bon vouloir
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ne cessait pas de protester. Mais, du moins, il lui était resté possible de participer aux travaux de notre Comité de lecture, où la sûreté de son jugement et l'étendue de ses connaissances lui assuraient une autorité considérable.
NOTES, DESSINS ET RENSEIGNEMENTS DIVERS.
M. Degré fils, architecte et associé résidant, a offert à la Commission, pour ses archives, le dessin très réussi de deux arcades du rez-de-chaussée d'une ancienne maison de la rue des Forges portant les nOS 54, 5G et 58. On n'est pas fixé sur la date de la construction de cette maison ni sur le nom de ses plus anciens propriétaires, mais il est hors de doute qu'elle tient un bon rang dans la série des nombreux et remarquables spécimens d'architecture civile du moyen âge et de la renaissance, que notre ville est si justement fière de montrer aux étrangers. Il faut féliciter M Degré d'avoir compris tout d'abord l'intérêt qui s'attache aux arcades en question et d'avoir heureusement profité pour en relever le dessin de travaux de réparations qui avaient eu pour effet de les dégager momentanément. M. le professeur Gaitet a offert le dessin d'un mors de cheval, trouvé dans des fouilles récentes au faubourg Saint-Nicolas. Ce dessin accompagne une note de M. Lory, dont l'analyse détaillée figure dans la première partie de ce compte-rendu. Le dessin de la tombe publiée dans le dernier fascicule de nos Mémoires est dû également au crayon de M. Gaitet.
M Garnier, vice-président, a présenté en communication de la part de notre compatriote M. Sauvageot, ancien officier de marine, deux objets fort curieux provenant d'Islande. L'un de ces objets est une ceinture de femme en métal avec sujets moulés, montés sur velours l'autre est un collier de corporation avec une grande médaille sur laquelle se lisent les deux premiers chiffres d'une date 15. L'examen de ces objets d'un style tout particulier et dont les analogues pourraient bien être encore en usage dans leur pays d'origine, a vivement excité l'intérêt de la Commission, et M Garnier a été chargé par ses collègues d'adresser leurs remercîments à M. Sauvageot, pour avoir bien voulu les lui confier.
Fidèle à ses laborieuses habitudes, M. Rouhier n'a pas manqué cette année, comme toujours, de nous communiquer le produit de ses recherches. Outre quelques objets antiques ou autres, destinés à notre musée, nous lui devons plusieurs notes se rapportant d'une façon plus ou moins directe à l'histoire ou à l'archéologie Les objets en question seront inventoriés plus loin, les notes prendront place dans les cartons de nos archives, où nous pourrons les consulter à notre aise; qu'il nous suffise, pour le moment, de savoir qu'on y trouvera des renseignements plus
ou moins circonstanciés, mais tous parfaitement authentiques et puisés à bonne source sur différents sujets, notamment sur le serment que les nouveaux vicomtesmayeurs de Dijon prêtaient très solennellement en l'église Notre-Dame, après leur élection. M. Rouhier ne néglige point de recueillir les anecdotes qui peuvent apporter quelque lumière sur les mœurs, les usages, ou bien encore sur l'état des esprits à telle ou telle époque de notre histoire, à la veille de la Révolution par exemple. L'une d'elles, fort touchante, date à peine d'hier. Elle a pour héros notre regretté confrère, le brave colonel des mobiles de la Côte-d'Or, Antonin de Grancey Signalons encore, toujours à l'actif de notre zélé correspondant, de courtes notices biographiques sur deux conseillers du duc Philippe le Bon, Nicolas Bastier ou Le Bastier, et Pierre Berbis, qui reçurent tous deux de ce prince des lettres d'anoblissement, le premier en 1440, le second en 1435. Nous apprenons également par M. Rouhier, que Jean de Martigny fut établi capitaine pour le roi du château de Saulx-le-Duc, en l'an 1567. Ce Jean de Martigny, qualifié écuyer, était seigneur de Montigny et Villeneuve en partie. Il portait d'argent, à un arbre de sinople, tenu el adextré d'un lion de sable. Cimier un saint Antoine de demi-corps, de front, de carnation, la barbe blanche, entre deux cornes de cerf au naturel. Supports deux griffons de gueule.
Enfin, la Commission n'a pas entendu sans intérêt le curieux dizain placé en tète du Dictionnaire des Rimes françaises de Jean Le Fèvre, dizain composé par un enfant âgé de dix ans qui naquit à Dijon en 1529, fut vicomte-mayeur de la même ville en 1581-82, et avait nom Guillaume Royhier ou Rouhier.
M. Baudot, président de la Commission, a présenté en communication un mors de bride en fer, qui fait depuis quelque temps partie de son cabinet, mais dont il ignore malheureusement la provenance; il a spécialement appelé l'attention de ses collègues sur la forme singulière de cet objet, dont il ne se rappelle pas avoir jamais vu d'analogues. M. de Coynart, de son côté, a présenté quelques considérations sur l'usage probable de certaines pièces accessoires qui y sont attachées, et sur la question assez délicate de sa date et de son origine. Il ne pense pas qu'on puisse le faire remonter à plus de deux cents ans quelques membres de la Commission le croient d'origine étrangère.
Enfin, la Commission doit à M. l'abbé Denizot l'estampage de l'inscription tumulaire de Fénay, qui est reproduite page ci du présent compte-rendu, et à M. Fornerat le dessin de plusieurs objet en silex dont il a été question plus haut p. c.
OBJETS OFFERTS A LA COMMISSION.
Ont été offerts
Par M. Charles Rouhier un poinçon en bronze trouvé à Velay, près de Beneuvre trois médailles des empereurs Constantin, Valentinien et Théodose, trouvées dans les ruines de Bubaste, vallée de Gessen le moulage en métal d'une médaille d'argent provenant des environs de Dijon et portant l'effigie d'Auguste et des deux fils d' Agrippa plusieurs empreintes de cachets modernes – trois monnaies frappées pour les colonies sous les règnes de Louis XVI, Charles X et LouisPhilippe une médaille commémorative de la mort du duc d'Orléans en 1842 une monnaie étrangère en argent une monnaie de Ferdinand, duc dé Parme, Plaisance et Guastalla, qui porte d'un côté l'image de l'apôtre saint Thomas, de l'autre les armes du duc (1795) deux monnaies de Lucerne (1647, 1796); –deux jetons des Etats de Bourgogne des années 1605 et 1609, portant les armes de Bourgogne avec les légendes SALVS POP SVPR LEX ESTO – ET SI QVID VLTRA GALLIARVM SECVRITAS;– la reproduction d'un jeton de F. de Gissey, élu du tiers-état de Bourgogne; ce jeton porte la légende FIRMAT SOL EDVCAT IMBER; à l'exergue 1623, et de l'autre côté les armes de l'élu trois flambaux surmontés de trois étoiles, avec la devise A CGELO LVX MEA plusieurs autres jetons plusieurs monnaies coloniales, etc., etc.
Par M. Meurgey, entrepreneur de travaux publics à Venarey un trousseau de huit clefs provenant de la Bastille.
Par M. Pouchetty, de la part d'un propriétaire de la rue Chabot-Charny un chapiteau sculpté représentant des singes, et provenant, selon toute probabilité, de l'ancienne maison des singes qui a joué un rôle important dans l'histoire municipale de Dijon.
Par M. Rabut l'empreinte d'un sceau de l'abbaye de Saint-Symphorien d'Autun, portant la date de 1547.
Par M. de Chalus un petit coffret en bois avec armature en fer.
Par M. l'abbé Denizot un fragment d'inscription funéraire dont il a été question plus haut page ci.
Par M Bouchard un fragment de plaque de cheminée armoriée, provenant d'une maison de la rue des Forges.
Voir aussi plus haut l'indication de divers objets entrés récemment au musée de la Commission, savoir page en, une tombe de lépreux trouvée dans l'ancien cou-
vent des Capucins de Dijon page cm, la tombe de frère Guyenot de Monjeu, découverte près la porte Saint-Pierre; page crv, un mors de cheval et d'autres objets provenant de fouilles exécutées au boulevard Saint-Nicolas.
OUVRAGES OFFERTS A LA COMMISSION.
Inventaire des archives départementales de la Côte-d'Or, par M. Joseph Garnier, tome IV, offert par le Conseil général.
Matériaux pour l'histoire primitive et naturelle de l'homme. Revue mensuelle, août 1876, don de M. Flouest.
Note sur le premier âge de fer dans l'Auxois, par M. H. Marlot, don de l'auteur. Le Dimanche des Brandons, par le même.
Notes d'un curieux de curiosités sur les tapisseries tissées de haute et basse lice, par M. Boyer de Sainte-Suzanne. Don de l'auteur.
Notice sur la chapelle des Chevaliers du Temple à Beaune, par M". Aubertin. Don de l'auteur..
Note sur la chapelle des Chevaliers de Malte, par le même.
Chronique de l'abbaye de Saint-Pierre-le-Vif, de Sens, par M. Julliot. Lettres inédites de Mme de Sévigné, par M. Capmas. Don de l'auteur.
L'Hermitage Notre-Dame du Val-de-Seine, par M. Girardot Don de l'auteur. Annuaire du département de la Côte-d'Or, par M Garnier, année 1877. Don de l'auteur.
Rapport du Préfet au Conseil général de la Côte-d'Or, seconde session ordinaire de 1876, et première session de 1877.
Procès-Verbaux des délibérations du Conseil général de la Côte-d'Or, seconde session de 1876 et première session de 1877.
Annuaire des Sciences historiques, par M Cayx de Saint-Amour.
Histoire ancienne des peuples d'Orient jusqu'au ier siècle avant notre ère, 1876. Jean de Léry, 1877. La mer des Sargasses, 1873. Notice sur l'histoire de Bourgogne, ces trois ouvrages offerts par M. Gaffarel qui en est l'auteur. Etat des paroisses et communautés du bailliage d'Autun en 1646, par M. Gabriel Dumay. (Extrait des Mémoires de la Société Eduenne.) Don de l'auteur. Lettres d'un Rural, 1876, par M. de Sarcus. Don de l'auteur.
Découverte de Caranda, par M. Moreau. Don de l'auteur.
Antiquités et monuments de l'Aisne, première partie envoyée au nom du Conseil général et de l'auteur, M. Edouard Fleury, secrétaire de la Société académique de Laon.
Deux Poëtes bourguignons, par M. de Gouvenain, brochure. Don de l'auteur. Tableaux généalogiques et sceaux des seigneurs de Chevreuse, par M. Moutié. Don de l'auteur.
Rapport sur le service des Missions et Voyages scientifiques en 1876, par le baron de Watteville. Envoi du Ministère.
Sur les monuments mégalithiques de Thimécourt, par M. Millescamps. Envoi de l'auteur.
PÉRIODIQUES ET PUBLICATIONS DES SOCIÉTÉS SAVANTES.
Académie de Montpellier, section des lettres, tome VI, 1er fascicule.
Annales de l'Académie ethnographique de la Gironde. lr* année, n° 3. Annales de la Société des lettres, sciences et arts des Alpes-Maritimes, tome IV. Annales de la Société historique et archéologique de Château-Thierry, 1874-1875. Archives du Musée national de Rio-Janeiro, 1876.
Bulletin de la Commission des antiquités de la Seine-Inférieure, 1873.
Bulletin de la Société académique de Brest, tome III, 1875 1876.
Bulletin de la Société académique du Var, tome VII, 2e fascicule.
Bulletin de la Société archéologique de Tarn-et-Garonne, tome IV, 4e trimestre de 1876.
Bulletin de la Société archéologique du Limousin, partie du tome XXIII et tables des tomes XI à XXII.
Bulletin de la Société archéologique du midi de la France, partie de 1876 et 1877. Bulletin de la Société archéologique et historique de l'Orléanais, partie des années 1876 et 1877.
Bulletin de la Société archéologique, historique et scientifique de Soissons, 2* série, tomes V et VI.
Bulletin de la Société archéologique, scientifique et littéraire de Béziers, 2° série, tome VIII, 2e liv.
Bulletin de la Société Borda, à Dax, 2e année, 1er trimestre.
Bulletin de la Société d'agriculture, sciences et arts de la Haute-Saône, 3e série, n° 7.
Bulletin de la Société d'émulation de l'Allier, partie des tomes XII et XIII. Bulletin de la Société des antiquaires de l'Ouest, partie de 1876 et 1877. Bulletin de la Société des antiquaires de Picardie, partie de 1876 et 1877. Bulletin de la Société des sciences historiques et naturelles de l'Yonne, tome XXX.
Bulletin de la Société des sciences, lettres et arts de Pau, 1875-1876.
Bulletin de la Société d'études d'Avallon, 16» année.
Bulletin de la Société d'horticulture de la Côte-d'Or, partie des années 1876 et 1877.
Bulletin de la Société pour la conservation des monuments historiques d'Alsace, partie des années 1876 et 1877.
Bulletin monumental (abonnement).
Congrès archéologique de France, 42e session.
Journal d'agriculture de la Côte-d'Or, 1876.
Matériaux de l'archéologie, 2e série, partie du tome II.
Mémoires de l'Académie du Gard, 1874.
Mémoires de la Société académique d'archéologie, sciences et arts du département de l'Oise, tome IX, 2* et 3' parties.
Mémoires de la Société archéologique du midi de la France, partie du tome XI. Mémoires de la Société d'agriculture, commerce, sciences et arts de la Marne, 1874-1875.
Mémoires de la Société des antiquaires de France, tome XXXVI.
Mémoires de la Société des antiquaires de Picardie, tome V, 3e série.
Mémoires de la Société des antiquaires de Zurich, XL et XLI.
Mémoires de la Société d'émulation de Montbéliard, 4e vol. et partie du 5e. Mémoires de la Société d'émulation du Doubs, 1873 et 1874, 2 vol. 1er vol. de la 4e série.
Mémoires de la Société Eduenne, nouvelle série, tome V, 1876.
Mémoires de la Société des sciences et arts de Vitry-le-Français, tome VII. Mémoires de la Société littéraire, scientifique et historique d'Apt, nouvelle série, partie du tome I.
Mémoires et documents publiés par la Société d'histoire et d'archéologie de Genève, tome XX, liv. 2.
Publications de la section historique de l'Institut royal grand-ducal de Luxembourg, 1876, XXXI.
Revue archéologique (abonnement).
Revue savoisienne, partie des années 1876-1877.
Société des antiquaires du Nord à Copenhague, six brochures.
Titres de la famille de Reinach déposés aux archives du grand-duché de Luxembourg, 1er fascicule.
MOUVEMENT DU PERSONNEL.
Ont été nommés
Membres titulaires.
MM. Jeanniot, conservateur du Musée, 15 décembre 1876.
Clément-Janin, négociant, 15 décembre 1876.
Associés résidants.
MM. Gaitet, professeur à l'Ecole des beaux-arts, 4 janvier 1877.
Misset, professeur à l'Ecole de médecine, 4 janvier 1877.
Associés correspondants.
MM. Meray, artiste peintre à Nuits, 15 décembre 1876.
Girardot, notaire à Baigneux, 15 janvier 1877.
M. Mathieu a été nommé secrétaire-adjoint en remplacement de M. Paul Foisset qui a quitté Dijon (le 15 décembre 1876).
Le Secrétaire,
J. D'ARBAUMONT.
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ÉGLISE DES DOMINICAINS A DIJON
DITE DES JACOBINS
PAR M. Paul FOISSETj SECRÉTAIRE ADJOINT DE LA COMMISSION.
I.
LA FONDATION.
Les Dominicains furent appelés à Dijon, en 1237, par Alix de Vergy, veuve du duc de Bourgogne, Eudes III.
Ce prince juste et intrépide a laissé son nom à l'histoire, par son intervention considérable et désintéressée dans la Croisade contre les Albigeois, et par l'exceptionnelle bravoure qui le signala à Bouvines. Il allait partir pour la Palestine, lorsqu'il fut surpris par la mort. C'était en 1218.
Restée veuve Alix accomplit avec intelligence tous les devoirs que lui imposait le gouvernement du duché mais à peine le jeune Hugues IV, son fils, fut-il majeur, qu'elle quitta la scène du monde, et c'est alors que se vouant plus librement aux saintes entreprises que lui suggérait sa foi, elle gratifia Dijon d'un couvent de Frères Prêcheurs.
Cet Institut nouveau, qui ne comptait encore que vingt années d'existence 15
canonique (1), était pourtant déjà célèbre; et ce que la renommée rapportait partout de son fondateur frappait les imaginations si fortement chrétiennes de l'époque.
On sait quel est le but de cet Ordre, et sous l'empire de quelles graves conjonctures il vit le jour. Un prêtre espagnol, Dominique, traversait l'Albigeois, au temps même où le duc de Bourgogne guerroyait contre les hérétiques. Saintement ému du désordre croissant dont cette région était le théâtre, il découvrit la source du mal, et résolut d'appliquer lui-même le remède. Au scandale d'un clergé simoniaque et méprisé, il opposerait des apôtres dont les austérités feraient comme le fond de la vie, et dont la pauvreté irait jusqu'à devoir le pain à l'aumône et il opposerait de même à l'ignorance des masses des missionnaires résolus à descendre jusqu'aux plus faibles intelligences, à affronter le plus endurci des cœurs. Telles furent les armes avec lesquelles Dominique entreprit de lutter contre les hérétiques c'étaient bien là les armes d'un saint. Guerre sans éclat, qui n'avait pour appareil ni l'acier ni le sang, mais le froc et le crucifix. Quelque temps comme perdue dans le bruit des batailles, une campagne aussi pacifique devait passer inaperçue jusqu'au moment où éclata cette clameur qui ne saurait manquer longtemps aux grands succès.
La promptitude avec laquelle les Dominicains apparurent à Dijon n'en est pas moins digne de remarque. Il est difficile, en effet, d'isoler entièrement ce fait de l'expédition d'Eudes III en Languedoc, et des rapports qu'il dut avoir avec les premiers Prêcheurs, rapports entretenus sans doute par sa veuve. D'intimes relations unirent d'ailleurs Cîteaux au berceau du nouvel Ordre. Ce sont des religieux cisterciens que Dominique rencontra dans l'Albigeois, luttant sans succès, hélas contre les hérétiques. Du reste, la personne même du saint fondateur aurait été vue deux fois en Bourgogne. Il fait halte à Cîteaux quand, en 1204, il parcourt la longue route de l'Espagne au Danemark, portant déjà dans le cœur son grand dessein. Plus tard, de Paris il se rend à Rome, traverse encore la contrée et laisse à Châtillon-sur(1) On possède, aux Archives de la Côte-d'Or, les actes d'acquisition des terrains. Le premier remonte à juin 1237.
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Seine un miracle pour trace de son passage. La route de Bourgogne fut donc de bonne heure fréquentée par les nouveaux moines se rendant de la Méditerranée à l'Ile de France et de l'Ile de France à la Méditerranée. Les villes épiscopales de Sens, de Troyes, celle de Langres enfin, eurent leur couvent de Frères Prêcheurs. Dijon devenait pour eux une étape toute naturelle (1). Un des traits caractéristiques de la règle dominicaine, c'était le voeu d'une pauvreté absolue, qui exclurait entièrement la possession de la terre, en sorte que l'Ordre ne devait subsister que d'aumônes en quelque sorte quotidiennes. Toutefois une exception parut indispensable les Dominicains furent autorisés à posséder les bâtiments à leur usage combien modestes cependant ne devaient pas être des constructions créées pour des hommes qui s'honoraient du nom de Mendiants! Tout au moins était-il nécessaire d'élever un sanctuaire spacieux, capable de réunir un grand auditoire au pied de la chaire, cet objectif principal des Frères Prêcheurs. Ainsi l'église sera vaste, mais elle restera pauvre. Surtout il importe qu'elle s'élève vite sans église, que feraient des religieux ?
Grandeur du vaisseau, simplicité du détail, construction rapide, voilà bien en effet et en trois mots le résumé du monument que nous avons eu sous les yeux. Avec lui a disparu le type devenu si rare d'une vaste église de Moines mendiants au xme siècle. Donnons donc à ce monument un de ces regards d'adieu qui fixe pour longtemps un souvenir. Détachons des papiers du Monastère, dont la collection nombreuse se conserve aux Archives départementales, quelques lignes qui nous permettent de retracer les plus grandes vicissitudes qu'il a souffertes, comme la sollicitude aussi il fut pendant six siècles le pieux et continuel objet.
Dijon dépendait de l'Evêché de Langres, et les relations les plus étroites unissaient ces deux villes. Les Evéques préféraient Dijon au rude climat de la (1) Voici, dans la seule province de France, quelles furent les villes qui précédèrent Dijon dans l'établissement d'un couvent de Dominicains: Paris, Lyon, Reims, Metz, Poitiers, Orléans, Besançon, Rouen, Angers, Lille, Sens, Clermont, Loudun, Gand Le Mans, Saint-Quentin, Troyes, Chartres, Caen, Langres, Beauvais, Dinan, Châlons, Arras, Bruges, Verdun.
montagne lingonne, et ils y conservèrent toujours un hôtel, même après que cette ville eut cessé de leur appartenir, et fut devenue la capitale du duché de Bourgogne. S'adresser aux Dominicains établis depuis peu (1) dans la ville épiscopale fut donc pour la duchesse Alix une chose toute naturelle et un certain Frère Garin, du couvent de Langres, fut mandé à Dijon, afin de convenir de toutes choses avec elle.
En juillet 1237, Hugues IV intervint. Il ratifia l'acquisition des terrains, et adressa lui-même au Provincial de l'Institut de Saint-Dominique en France une instance pour obtenir l'érection d'un couvent dans sa capitale. La lettre fait mention du Frère Garin comme ayant déjà pris possession des lieux au nom de son Ordre. Bref, en août 1239, les Frères Prêcheurs avaient à Dijon une église et un monastère, dont le Frère Garin était le Prieur (2). Il est toutefois une hypothèse que nous ne saurions passer sous silence. Une sédition assez violente, indirectement provoquée par la Jacquerie, éclata en 1358 dans la ville, et l'église des Frères Prêcheurs devint la proie des flammes (3). Ce fait nous est révélé par les Archives. Elles nous font connaître ceux qui participèrent de leurs deniers à la restauration du vaisseau. On cite notamment un religieux qui, en raison de son vœu de pauvreté, dut aller jusqu'en Cour romaine pour qu'il lui fût permis d'hériter de sa famille à la condition toutefois qu'il consacrera ce bien à faire disparaître les dégâts causés par l'incendie à l'église de son couvent et l'on sait même que l'argent fut employé à réparer la nef centrale. L'édifice que nous avons sous les yeux daterait-il donc de ce moment? Faudrait-il en avancer la date de cent vingt années, et au lieu de nous représenter l'architecture du pays dans la première moitié du xme siècle, nous offrirait-il seulement une œuvre de la seconde moitié du xive ? Je ne le crois pas. Car, s'il est mille traces de remaniement (1) L'établissement des Dominicains à Langres date de 1232.
(2) Archives de la Côte-d'Or. Il est vrai que d'après un passage de l'Almanach de la Province de Bourgogne, que nous citons du reste plus loin, un Oratoire provisoire aurait précédé la grande église; mais il est dit aussi que l'édifice définitif n'en fut pas moins fondé dans le même temps.
(3) En 1358, Philippe de Rouvres était encore mineur, et le roi Jean était prisonnier. Jeanne de Boulogne, mère du premier, et devenue, après la mort d'Eudes IV, épouse du second, ne put maltriser l'émeute qu'en appelant à son aide Jean de Sombernon et sa compagnie de quarante nobles. Au reste, les archives du couvent sont muettes sur les détails et sur l'importance du sinistre.
dans ce vaste corps d'église, les parties essentielles, au point de vue de la construction comme de l'art, sont d'un bout à l'autre du même faire, de la même venue, et partant de la même époque, et cette époque est bien le XIIIe siècle. Il ne nous semble pas possible d'ajourner toute cette œuvre jusqu'au milieu du siècle suivant.
II.
LE MONUMENT.
Il est difficile d'être plus maltraité que ne l'a été cette église, surtout depuis la retraite de ses anciens maîtres. Elle est acquise par la ville, le 9 mai 1807, et devient la halle aux comestibles, le pavé intérieur fut exhaussé et mis en rapport avec la rue. Dès lors les pierres tombales, si nombreuses et si intéressantes, disparurent avec la base de tous les piliers. Le chevet carré à la mode cistercienne, et les chapelles qui bordaient le bas-côté droit, furent détruits pour donner passage à des voies de desserte.
On parut craindre pour la solidité de la construction, et l'on jeta bas tout à la fois et le clocher qui s'élevait à l'intertransept, et les voûtes de cette partie de l'édifice.
Est-ce encore aux architectes municipaux d'alors qu'il faut reprocher l'état lamentable des colonnes qui bordent la grande nef et dont les fûts emplâtrés et cerclés de fer ont perdu jusqu'à leurs chapiteaux ? Peut-être le vandalisme remonterait-il ici plus haut. Ce qui s'est produit si souvent ailleurs, et à Saint-Philibert de Dijon notamment, nous permet de former une conjecture. On connaît le mépris du XVIIIe siècle pour l'art gothique. Moderniser son église, c'était alors le rêve de tout Prieur, de tout Doyen de Chapitre. Avec le plâtre, on transformait une honteuse ogive en un plein-cintre irréprochable, et, sur les vieux profils mutilés tout exprès, on allongeait des corniches dignes de Vitruve et du siècle d'Auguste. Enfin, les piliers, débarrassés de toutes leurs saillies, recevaient fréquemment une sorte d'enveloppe dont le cylindre fort correct a pu parfois être comparé aux jambes d'un pantalon.
Telle qu'elle est, cette église n'en mérite pas moins une attention sympathique, non-seulement pour le Dijonnais, mais pour l'archéologue quel qu'il soit. C'est le type, nous l'avons dit, d'une grande église de moines prédicateurs, et aussi de moines pauvres. De plus, ce vieil édifice corrobore, sur plus d'un point, les impressions que l'on reçoit à Notre-Dame, construction à peu près du même temps. D'ailleurs, nous n'avons pas assez de monuments du xme siècle à Dijon pour refuser de l'attention à celui-ci. Tâchons de le décrire. Extérieur. La façade de l'église des Dominicains est tournée vers l'ouest. C'est un large pignon compris entre deux contreforts, et se prolongeant à droite et à gauche par deux murs moins élevés. Ces trois divisions verticales indiquent nettement les trois nefs de l'intérieur mais, de ces trois parties, les deux latérales sont récentes et misérables celle du milieu présente seule de l'intérêt, intérêt qui se concentre sur une porte de grandes dimensions, surmontée d'une fenêtre également considérable par l'étendue de son ouverture.
La porte était précédée d'un auvent détruit en 1807. Si l'on en juge par les empreintes qu'il a laissées sur les murs de la façade, cet appentis aurait, à son origine (1456), égalé en largeur le monument tout entier mais le plan de Dijon de 1759 nous le représente déjà réduit à la travée centrale. Il y est en outre figuré ouvert sur sa face et sur sa droite, et s'appuyant en avant sur deux piles rectangulaires. Enfin le plan de 1791, que l'on conserve aux archives, montre le porche clos sur le devant et ne communiquant au dehors que par le flanc méridional, côté par où l'on arrivait de la rue GrandePoissonnerie au couvent. Des degrés étaient établis à l'entrée de cet atrium de l'église pour racheter l'infériorité du niveau de celle-ci par rapport à celui de la cour du monastère. Ainsi avant la révolution, le terrain extérieur était déjà surélevé, comme on le voit aujourd'hui, et cette différence des deux plans est de 1 m. 20 c. environ.
C'est là, du reste, une condition fréquente des monuments d'une date quelque peu reculée. Lorsqu'ils furent construits, nul doute que leur aire ne fût établie au-dessus bien plutôt qu'au-dessous du sol extérieur. Cepen-
dant nous voyons presque toujours le niveau de ces monuments, et tout particulièrement le pavé des vieux sanctuaires, comme enfoncé en terre. C'est là un des signes les plus constants des vicissitudes dont les constructions anciennes sont frappées, et comme une suite naturelle de l'exhaussement provoqué notamment par le pavage des rues avoisinantes. La grande porte qui du porche donne accès dans la nef centrale date, selon toute apparence, de la première époque (1237); elle a probablement survécu à l'incendie de 1358, qui n'atteignit sans doute que les parties hautes de l'édifice. Nous allons essayer de la décrire c'est le morceau capital de l'édifice elle est excellente. Malheureusement, on ne peut juger de tout son effet, puisque la partie basse en est profondément engagée dans le sol. L'ouverture ogivale pénètre, par huit retraits successifs, dans l'épaisseur calculée de la muraille. Le tympan et le pilier central ont disparu. Chaque retrait porte sa colonne et sa moulure d'archivolte. Mais, pour éviter la monotonie d'une telle suite de moulures, les tores sont alternativement épais et ronds, ou minces et à arêtes. De même, les colonnes sont alternativement fortes et posées en délit, ou minces et taillées dans l'appareil.
Il faudrait déblayer le terrain pour reconnaître les bases (1) des colonnes quant aux chapiteaux, ils se recommandent par une élégante simplicité. Leurs corbeilles sont uniformément composées de feuilles entablées qui se recourbent sur les angles en crochets prononcés. L'intervalle entre les crochets est indiqué par une large feuille indigène les tailloirs sont carrés, et de la famille de ceux de Notre-Dame de Dijon.
Ainsi la pierre est dure le dessin, ferme et sans caprice, est clair et raisonné à la feuille idéale dérivée de l'acanthe, qui persiste si longtemps chez nous, s'ajoute ici la reproduction fidèle de la feuille d'érable. En résumé, on a dans ce portail un échantillon, soit des profils, soit de la sculpture bourguignonne au meilleur temps de l'art gothique.
(1) L'auteur de cette Notice était absent quand ce portail a été démoli. Il n'a donc pu, à son grand regret, étudier les bases des colonnettes, lesquelles ont paru trop fortement détériorées pour être transportées au Musée de la Commission.
ÉGLISE DES DOMINICAINS
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Pour être complet, ajoutons que deux petites arcades aveugles occupent de chaque côté l'espace laissé libre entre la porte et le contrefort. Voilà bien une façon vraiment magistrale de traiter l'entrée d'un temple. Elle consiste à doubler et à tripler même l'épaisseur des maçonneries à l'endroit où se trouve percée l'embrasure de la porte, et de multiplier ainsi le nombre soit des colonnettes, soit des arcs d'archivolte. C'est là une des inventions les plus heureusement fécondes de l'architecture des xne et xme siècles.
S'il fallait aux maçonneries une épaisseur, une profondeur extrême à l'endroit même où se trouvait pratiquée la baie d'entrée, plus haut le mur devait reprendre ses proportions normales. Ce recul de l'un des parements du pignon au-dessus des grandes portes se produisit d'abord du côté extérieur, où ce fut, dans plus d'une église, l'origine d'une galerie. Souvent aussi le retrait est utilisé dans l'intérieur du vaisseau et, comme à Saint-Philibert de Dijon, il devient les premiers éléments de la tribune. Aux Jacobins, c'est ce dernier parti qui prévalut. Seulement la muraille ne donnant pas une assiette suffisante, on dut y suppléer par une œuvre de charpente, ce qui est attesté par la présence de deux corbeaux de support. Au-dessus de la grande porte que nous venons de décrire, et sous un gâble de pignon peu aigu et privé de tout ornement, s'ouvre une immense fenêtre ogivale, jadis garnie de meneaux, mais aujourd'hui uniquement décorée par un tore, à l'archivolte, et, le long des pieds-droits, par une colonnette annelée, posée en délit. Le chapiteau en est revêtu d'une simple feuille d'eau. La base, fort aplatie, et que nous retrouverons ailleurs, saillit en dehors du socle, où une toute petite console le soutient.
Par quels compartiments de pierre le vide énorme de cette ouverture était-il divisé ? C'est ce qu'il est difficile de dire. Toutefois, la tablette en biseau de la fenêtre porte les amorces de trois meneaux. La baie était donc partagée en quatre divisions verticales, sans doute couronnées par une rose car l'importance de la partie courbe de la fenêtre semble l'indiquer.
A l'extrémité opposée à la façade l'église se terminait, selon l'usage cister-
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cien, par une grande abside et deux absidioles carrées. Ces deux dernières subsistent seules la grande, détruite à l'issue de la révolution, nous est connue par les deux plans déjà cités.
Constatons que partout les contreforts d'angle ne sont point placés sur l'angle même mais comme tous ceux de la bonne époque, placés en prolongement de la muraille de plus, ils sont coiffés d'un couvre-chef à double versant.
Pour la corniche, là où elle existe encore, on voit qu'elle était en écusson, et franchement bourguignonne. La même corniche existe aux absidioles de Notre-Dame. Elle se compose, en résumé, d'une tablette portée par des corbeaux (modillons) juxtaposés sans intervalle entre eux à leur origine, mais qui s'éloignent les uns des autres en s'allongeant par suite d'un amincissement progressif obtenu par des évidements concaves. Carré à sa sortie de la muraille, le corbeau devient aussitôt pentagonal et s'éfile peu à peu le long de cinq arêtes concaves, tellement qu'à son extrémité il projette un bec assez analogue à la forme de l'écusson. « Ces corniches, » bien que simples, à tout prendre, dit M. Viollet-Leduc, ont une apparence » de fermeté et de richesse en même temps, qui satisfait les yeux elles » couronnent les murs d'une façon monumentale, en produisant un jeu » de lumière et d'ombre très-piquant, et qui contraste avec la nudité des » parements. »
Nous en aurons fini avec cet extérieur de toutes parts mutilé, quand nous aurons parlé du pignon du transept méridional. Sous le gâble est un à-jour en forme de croix pour l'éclairage du comble. Le reste de l'espace, jusqu'au sol, est divisé en deux parties par un cordon horizontal d'une forte saillie, sur lequel reposent trois arcades plein-cintre. Celle du milieu est seule ouverte en deux lancettes les deux autres sont aveugles et purement décoratives. Tout cet ensemble se compose de moulures et de colonnettes analogues à celles de la façade. On y remarque notamment l'élégance du tore aplati des bases, porté, dans sa plus forte saillie, par une petite console s'appliquant contre le dé carré qui reçoit la base. Au-dessous du cordon règnent trois larges fenêtres de la plus grande simplicité. t6
ÉGLISE DES DOMINICAINS
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Intérieur. Pénétrons dans cette église. Nous voici en présence d'un vaisseau actuellement désolé.
Trois nefs, de six travées de longueur, conduisent aux transepts. Ceux-ci ne débordent point les bas-côtés mais ils s'accentuent, dans le sens vertical, par une hauteur égale à celle de la nef du milieu. A l'orient, les deux absidioles carrées subsistent encore quant à la grande abside, on n'en voit plus que le commencement le vide est fermé par un mur moderne. Il n'y a jamais eu de voûte en pierre dans la nef, non plus que dans les collatéraux. Dès lors les piliers, n'ayant à porter que de simples murs surmontés de charpentes, ne nous donnent point ces formes compliquées, cette puissance d'assiette qui intéressent si fort nos regards dans d'autres vaisseaux, où les piliers ont à soutenir la rencontre d'arcs arrivant sur eux de toutes parts. En somme une face latérale de la nef dominicaine consiste en un mur uni et divisé en deux étages par un mince cordon. Au rez-de-chaussée, six arcades ogivales conduisent sous le bas-côté. Elles se décomposent en une archivolte aux arêtes simplement rabattues, et en une colonne de 0 m. 80 c. de diamètre. La base de cette colonne a disparu dans le sol quant à son chapiteau, les mutilations l'ont presque partout rendu méconnaissable. On distingue cependant çà et là quelques restes de tailloirs, quelques débris de crochets si vigoureusement détachés dans la pierre dure, qu'ils ne seraient point dépaysés à Notre-Dame de Dijon. Ces échantillons nous permettent de reconstituer par la pensée ces chapiteaux en entier on peut les rapprocher de ceux qui à Notre-Dame occupent une place analogue et les bases des piliers de cette dernière église nous donnent sans doute la reproduction des mêmes bases dans la nef qui nous occupe. A l'étage supérieur, six fenêtres pareilles correspondent aux six arcades du rez-de-chaussée, et constituent la claire-voie. La disposition de ces fenêtres est très simple et cependant originale. Ce sont des baies à pleincintre, simplement figurées par un léger retrait dans la muraille qui est chanfreiné. Dans ce cadre s'inscrivent deux lancettes jumelles chanfreinées de même et qui donnent le jour.
Actuellement la nef est couverte par un berceau plein-cintre fait d'un
merrain orné de peintures décoratives et maintenu par des entraits apparents. Cette clôture, par cela seul qu'elle affecte la forme demi-circulaire, indique assez qu'elle ne saurait remonter à l'origine du monument, mais qu'elle appartient à l'une des restaurations du XVIe siècle. Rien ne nous indique au juste quelle fermeture a précédé celle que nous voyons. Au début, la charpente dut être apparente, car les voûtes en lambris ne nous paraissent point avoir été pratiquées dans le pays avant le xve siècle, où elles nous arrivèrent comme une importation flamande.
Les peintures polychrômes dont il vient d'être parlé sont appliquées à la détrempe sur le chêne, dont la couleur naturelle sert de fond. La moulure en bois qui recouvre les extrémités du merrain est chargée de petites rosaces le tout rehaussé de couleurs et orné de galons fleuronnés. Le champ, entre deux de ces moulures, est occupé par des fleurs de lys. Une seule fois le champ reçoit des écussons. Nous n'avons pu en distinguer le sens, mais ils sont accompagnés de la devise S'il plaît à Dieit, plusieurs fois inscrite en caractères de la Renaissance.
De la grand'nef, passons à la région des transepts et du chœur. Ici les voûtes sont en pierre et les grands arcs chanfreinés qui les soutiennent reposent sur de courtes colonnettes formant culs-de-lampe.
Quant aux absides de côté, quant à ce qui reste encore de l'abside centrale, ces parties sont voûtées, non en arêtes, mais en simple berceau ogival, comme on l'eût fait un siècle auparavant.
A l'intérieur de cet édifice si simple, il n'y avait de sculptures qu'aux chapiteaux. On peut admirer aux transepts, où ils ont été conservés, leur élégance judicieuse et virile. Cette décoration sculptée, qui ne dément en rien celle de la porte d'entrée, nous fait vivement regretter la destruction des chapiteaux de la grand'nef.
Plus de trace du clocher qui surmontait l'intertransept, et dont la petite flèche carrée figure dans les anciennes vues de Dijon. Toutefois la faiblesse des piliers qui le portaient ne permet pas de lui supposer une grande importance.
Que dire des nefs latérales ? Elles ont été comme renouvelées. Les berceaux cintrés et lambrissés qui les couvrent, les fenêtres ouvertes sur leurs flancs, les œils-de-bœuf pratiqués dans le rampement même de la voûte, tout cela est moderne, et sans doute contemporain du monastère entier dont le cloître longe le bas-côté septentrional.
Seul le bas-côté sud offrait quelque intérêt avant la suppression des chapelles qui le bordaient en entier. Nous n'en apercevons plus que les ouvertures ogivales irrégulièrement percées dans le mur latéral et décorées uniquement d'un tore, plus souvent même d'un simple biseau analogues enfin à celles qui donnent accès dans les chapelles de l'église Saint-Jean. Ces chapelles, dont aucune ne paraît avoir existé avant le xve siècle, étaient toutes voûtées.
Une remarque est à faire en terminant c'est l'emploi systématique de l'arc semi-circulaire en plein xme siècle. C'est un plein-cintre, en effet, qui inscrit les lancettes géminées de la claire-voie supérieure; c'est le plein-cintre aussi qui constitue l'arcature extérieure du transept méridional. Cette particularité n'est pas spéciale à l'église des Jacobins. Le plein-cintre Mais on le trouve installé dans les absidioles de Notre-Dame de Dijon, et c'est là un point qu'il ne faut pas oublier quand on s'occupe du XIIIe siècle bourguignon.
Nous ajouterons à cette description trop courte un aperçu des dimensions les plus importantes du monument, tel qu'il était en 1791.
Façade. Hauteur du pignon occidental 22 m. » Hauteur de la grande porte, à l'extérieur de l'ébrasement 6 90 Id. des pieds-droits de cette porte. 4 » Largeur de cette même porte, à l'extérieur de l'ébrasement.. 5 50 Id. à l'intérieur dudit ébrasement 2 78 Profondeur de l'ébrasement, garni de colonnes. 50 Vide de la grande fenêtre, 7m80 sur 5m50. Hauteur des pieds-
droits seuls, 3m90 de l'archivolte, 3m90 également.
Intérieur (plan). Longueur totale 57 m. 50 Longueur du bas de la nef aux transepts 39 » Id. des transepts 9 50 Id. du chevet 9 » Epaisseur d'une colonne de la nef. » 80 Id. d'un pilier des transepts. 1 70 Largeur dans les nefs comme aux transepts. 21 60 Id. de la grande nef seule. 9 30 Id. d'un bas-côté 5 50 Intérieur (élévation). Hauteur totale de la nef 17 7 75 Hauteur du rez-de-chaussée seul 9 70 Id. d'une des arcades de communication entre les nefs. 8 » Largeur d'une de ces arcades 5 60 Hauteur des pieds-droits desdites arcades 4 » Id. de leur archivolte 4 » Id. de l'étage supérieur où se trouve la claire-voie 5 75 Dimensions des fenêtres hauteur. 3 50 Id. largeur. 2 40 Hauteur de la voûte lambrissée 2 20 Hauteur totale des transepts et du chevet (sous clef). 15 70 Id. des pieds-droits, dans la même région. 9 70 Id. du bas-côté, sous voûte 10 70
in.
LES SOUVENIRS.
Confréries. Le tire-ligne et le crayon nous conserveront, peut-être (1), un exact souvenir des formes du vieux sanctuaire des Dominicains est-ce bien là toutefois l'église entière? C'est, j'en conviens, le corps du monument, (1) Un jeune architecte, élève distingué de l'Ecole des beaux-arts de Paris, M. Pierre Degré, vient, en effet, d'offrir à la Commission des Antiquités, dont il est devenu l'associé résidant, de fort remarquable.
mais un corps privé de l'âme qui l'animait. La sève chrétienne, si puissante du xme au xvme siècle, circulera longtemps à flots pressés dans ces nefs et y déposera, comme par couches, de religieux témoignages. La piété s'est toujours particulièrement complu dans les églises de moines les petites comme les grandes familles aimaient, on le verra plus loin, à y installer leurs morts, et les corporations, qui s'étendaient aux gens du même métier dans toute la ville, trouvaient au Monastère un terrain neutre qui leur convenait par cela même qu'il ne dépendait d'aucune paroisse en particulier. Nous avons compté jusqu'à trente-quatre de ces confréries établies aux Jacobins (1), ayant un autel pour deux, bien souvent, et des bancs réservés au chœur; elles assistaient à des messes fréquentes et à des bénédictions solennelles. Il ne sera peut-être pas sans intérêt de donner ici le nom de ces associations, avec l'année où les archives les mentionnent pour la première fois
Confrérie de Sainte-Barbe, des arbalétriers (armuriers). 1406 Id. de Notre-Dame. 1444 Id. de Sainte-Barbe, différente de celle des arbalétriers.. 1471 Id. de Saint-Crépin, des cordonniers 1471 Id. de Saint-Denis 1493 Société des officiers de la milice bourgeoise 1591 Association des tondeurs de draps. 1594 Confrérie de Saint-Honoré, des boulangers 1598 Id. du Rosaire. Chez les Dominicains, cette confrérie était
la première de toutes elle existait assurément bien
avant cette date (2) 1607
lavis reproduisant le plan, les coupes, les aspects différents de l'église des Dominicains au moment où l'on commençait la démolition de cet édifice (avril 1874). Il a même recomposé, par analogie, les parties antérieurement disparues et sur lesquelles on n'avait que des données incomplètes, telles que les détails du cloître, du porche de l'église et de son abside. Mais à part ces restitutions, que l'auteur a soin d'indiquer du reste comme étant de son fait, ces beaux dessins nous donnent une idée exacte et saisissante du monument disparu.
(1) On sait que le nom vulgaire des Dominicains de Paris vient de leur couvent, établi rue Saint-Jacques. Cette dénomination les suivit en plusieurs lieux. De plus, à Dijon, le grand autel était dédié à saint Jacques. (2) La confrérie du Rosaire joua un rôle considérable à Dijon durant les troubles de la ligue. Voir le journal du conseiller Breunot, passim.
Confrérie du Saint-Nom de Jésus 1608 Id. des tripotiers, à l'autel Sainte-Barbe 1613 Id. des chevaliers de l'Arquebuse 1613 Id. de la Purification, des épiciers. 1615 Id. du'Saint-Sacrement 1624 Id. de Saint-Adrien, des taillandiers. 1625 Id. de Notre-Dame de la Nativité, des tailleurs d'habits.. 1632 Id. de Saint-Luc, des peintres et sculpteurs 1635 Id. de Saint-Jacques, des maîtres charpentiers 1635 Id. de Notre-Dame de la Paix 1640 Id. de Saint-Marc, des vitriers.. • 1679 Id. de Saint-Fiacre, des jardiniers. 1685 Id. de Saint-Vincent, des vinaigriers 1699 Id. des maîtres paumiers. 1700 Id. de Saint-Eloi, des maîtres pochers et forêtiers 1741 Id. du même saint, des selliers. Id. de Saint-Antoine, des jardiniers 1741 Id. de la Sainte-Trinité, des maîtres pelletiers Id. de Saint-Jean Porte-Latine, des notaires Id. de Sainte-Madeleine, des maîtres sapiniers Id. de Saint-Côme et de Saint-Damien, des chirurgiens..
Enfin les apothicaires avaient leur chapelle On le voit, jusqu'au xvme siècle la vie chrétienne ne faiblit pas.
Sans doute l'œuvre dominicaine, à Dijon comme partout, ne devait point échapper aux défaillances inhérentes à tout ce qui vient de l'homme toutefois si en 1791 le souffle saint n'habitait plus qu'à peine le vieux sanctuaire d'Alix de Vergy, la révolution, en s'en emparant, ne le trouva pas moins jonché des souvenirs que cinq siècles de ferveur y avaient amoncelés.
Chapelles et Vocables. A ce moment suprême, où toutes ces richesses allaient être ou dispersées ou détruites, un homme se rencontra au milieu
de ce désarroi et de cette intimidation générale (1), qui seul, rempli de respect et d'inquiétude, s'élança à la suite des barbares nouveaux, jeta un regard furtif sur ces nefs encore intactes, et consigna en quelques notes et comme il put le résultat de ce rapide examen. Grâce à lui, grâce à Courtépée, aux Archives, à l'Almanach de la Province, nous avons pu nous former quelque idée de cet intérieur d'église, tel qu'il était au moment où la dévastation révolutionnaire s'en empara, pour le rendre aussi vide et aussi nu qu'édifice puisse être.
Voici, à cet égard, le résultat de nos recherches.
Le porche était de 1456. Il fut élevé par un Godran, mais aux frais du Monastère (2). D'abord aussi large que la façade, ce porche communiquait, par trois portes, aux trois nefs de l'église. Il se composait donc de trois arceaux. Le centre fut seul conservé. La division de droite disparut, celle de gauche fit place à une chapelle qui, prolongée par l'adjonction d'une salle contiguë, devint la chapelle dite de Notre-Dame de Bonne-Nouvelle ou du Rosaire.
A propos de cet oratoire important, on lit dans l'Almanach de la Province de Bourgogne, de 1778
« C'est une tradition constante, soutenue par plusieurs monuments du » temps, que la chapelle ou oratoire qui se voit à l'entrée du cloître, connu » sous le nom de Notre-Dame de Bonne-Nouvelle, a été la première église de » cette maison et bâtie par la duchesse Alix. A celle-ci succéda bientôt l'é» glise que nous voyons aujourd'hui, et on la croit également fondée par cette » princesse dont le zèle et l'attachement aux Frères Prêcheurs ne se démen» tirent jamais, et qui vécut jusqu'en 1251. » Devenue inutile par la construction de la grande église, cette chapelle fut sans doute peu à peu négligée. Renouvelée au xvie siècle, agrandie aux dépens du porche, elle reçut le nom de N.-D. de Bonne-Nouvelle, et l'on y installa la dévotion du Rosaire. En 1669, les vocables furent transférés, comme on le verra, dans l'église (1) M. Baudot, père du président actuel de la Commission des Antiquités.
(2) Archives de la Côte-d'Or. Odinet Godran, que nous retrouverons élevant une chapelle à Notre-Dame de Pitié. Il fut l'ancêtre du fondateur du Collége.
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même, et l'oratoire extérieur devint un parloir, dénomination que nous trouvons inscrite sur le plan de 1791.
Dans cette ancienne chapelle du Rosaire, deux tombeaux ont frappé M. Bau-?dot. C'est d'abord celui de la duchesse de Nemours. « Ce tombeau, dit» il, est dans une arcade renfermée. La duchesse est représentée à genoux » mais la statue, qui est en albâtre, n'a plus ni tête, ni bras, ni pieds. Le cœur » et les entrailles de Charlotte d'Orléans, duchesse de Nemours, comtesse » douairière de Genève, trépassée à Dijon le dimanche huitième jour de sep» tembre 1549, ont été effectivement déposés dans cette chapelle. On en voit » l'épitaphe gravée sur une pierre décorée et armoriée, adossée au mur d'àD côté de la porte du cloître. Mais rien n'annonce que le mausolée, qui est » vis-à-vis sous une arcade, appartienne encore à la duchesse; il est sans in» scriptions et le mauvais état de la figure empêche qu'on la reconnaisse. » Elle est portée sur une grande table de marbre noir élevée de terre d'envi» ron trois pieds. On voit encore la place des écussons, qui ont été arra» chés. »
C'est encore dans ce lieu que M. Baudot signale la tombe de Marguerite de Vienne, épouse de.Guillaume de Saulx, morte en 1290 (1).
Entrons maintenant dans l'église même.
Six chapelles se succèdent le long du bas-côté droit. M. Baudot nous apprend que la première était dédiée au Saint-Sépulcre mais il ne nous en dit rien de plus, et cependant les sculptures qu'elle devait contenir eussent mérité, ce semble, une description.
Venait en second lieu la chapelle dite des Peintres. Elle s'appela d'abord chapelle des dix mille martyrs, ou encore des onze mille vierges. En 1460, elle reçut les reliques de saint Pierre martyr. En 1708 enfin, elle fut confiée à la confrérie de Saint-Luc établie dès 1635 par les peintres, sculpteurs et doreurs. Voici ce qu'en dit M. Baudot
« L'autel est orné d'un tableau de M. Lebault, qui représente saint Luc pei(1) La présence d'une tombe de 1290 dans une chapelle du XVIe siècle ne nous surprendra plus si nous songeons que là fut établie l'église provisoire de 1237. An reste, l'épitaphe que nous donnons plus loin est moderne, ce qui pourrait faire supposer une translation de sépulture.
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j> gnant la sainte Vierge, un grand ange est près de lui et semble diriger son » pinceau, d'autres anges occupent le fond (1). Vis-à-vis ce tableau se voit un s grand paysage, et aux quatre angles, quatre toiles moins grandes qui repré» sentent les Evangélistes. Le devant de cette chapelle est orné d'un rideau » figuré relevé par deux anges, et au-dessus on voit un écusson nouvellement » placé. »
Lebault peignait dans la seconde moitié du XVIIIe siècle ainsi, on le voit, cette chapelle était tout fraîchement décorée quand éclata la révolution.
M. Baudot se tait sur le réduit obscur placé à la suite de la seconde chapelle et qui ouvrait sous le collatéral par un petit arc en accolade du xve siècle.
Le troisième sanctuaire est celui de Notre-Dame de Pitié. M. Baudot nous apprend que sur l'autel était « une Vierge de Dubois, haute de cinq pieds et » demi. En avant, se voit un Christ étendu mort peinture d'une main très » savante. Au coin de la chapelle sont les armes de la famille Godran. » En effet, on peut lire dans VAlmanach de la Province, de 1778 « La famille » Godran doit être regardée comme principale bienfaitrice de cette maison. »Odinet Godran y fit bâtir une chapelle en 1437 (2), sous le nom de Notre» Dame de Pitié; et Jacques Godran, seigneur d'Antilly, conseiller garde des » Sceaux au Parlement, en fit élever une autre avant l'an 1551 auprès de » celle-ci, et sous le vocable de Notre-Dame de Délivrance. L'un et l'autre ont » fait plusieurs fondations dans cette église. » Plus tard, en 1581, le président Odinet Godran, fondateur du Collège des Jésuites, fut à son tour inhumé en grande pompe dans le caveau de famille. Cette race si persévéramment généreuse, le cœur si constamment tourné vers les entreprises de bien, avait un cadran pour blason, avec cette devise J'attends mon heure. Armoiries qui, (1) Ce tableau est au Musée (salle des Tombeaux). Il porte le n° 124, et mesure 2m92 sur 1">84. Lebault était bourguignon, mais de quel lieu? On l'ignore. Ce peintre n'est point sans mérite; sa plus ancienne composition connue porte la date de 1770.
(2) Néanmoins Odinet se serait fait inhumer à Saint-Jean, en 1470. Jacques Godran était son frère. D'abord conseiller au Parlement en 1484, il fut ensuite chef du Conseil de Maximilien d'Autriche en 1496, et président du Parlement de Dole en 1498. (Courtépée, 2* édition, t. II, page 58.)
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sculptées en tête de leurs tombes, empruntaient du lieu et des circonstances un à-propos touchant.
L'oratoire qui suit (le 4e) doit être celui de Jacques Godran, dont il vient d'être parlé. Il possédait, dit M. Baudot, un assez bon tableau, où l'on voit le martyre de plusieurs Dominicains.
La cinquième chapelle, d'une grandeur double, était au Nom de Jésus. La confrérie fut érigée solennellement en 1607. En 1613, les Chevaliers de l'Arc s'y installèrent aussi. M. Baudot nous apprend que leur drapeau était suspendu à la tribune des orgues, en face de celui de la ville. On voyait sur l'autel une Circoncision, de Quantin. Deux sujets sur bois, du même peintre, la Présentation et Sainte Marguerite, accompagnaient le tableau central. Ces trois ouvrages sont au Musée (1).
Nous venons de nommer Quantin. Son histoire est aussi obscure que celle de Sambin et de Lebault. On sait seulement qu'il était estimé de ses contemporains. De même que Lesueur, il ne visita point l'Italie, circonstance malheureuse pour lui, si j'en crois le mot du Poussin (2), mais heureuse pour nous, Bourguignons. S'il eût quitté la province, nous l'eussions sans doute perdu pour toujours, ou du moins nous n'eussions plus retrouvé en lui cette sève bourguignonne, un peu âpre peut-être, mais qui a bien son charme, et qui consituait au peintre une partie de son originalité.
Quantin mourut à Dijon en 1636. Son chef-d'œuvre connu est la Communion de sainte Catherine de Sienne, qui se voit à Sainte-Anne et qui fut, diton, composée pour le maître-autel des Dominicaines puis à la suppression de (1) Nous nous sommes donné la tâche de rechercher, partout où l'idée nous en pourrait venir, les épaves de l'église des Dominicains. Ici le nom de Quantin favoriserait, pensions-nous, l'entreprise. Au Musée, nous trouvâmes, à gauche et à l'entrée de la grande galerie, la Circoncision portant le n" 187. De plus, le Livret nous indiquait au n° 185 une Présentation, et au n° 186 une Sainte-Marguerite par le même auteur. Il nous fut d'abord impossible de découvrir ces deux dernières compositions. Elles étaient au grenier. Ce sont des panneaux de bois fort longs et très étroits (2°29 de haut sur 0m89 de large), à l'envers desquels se voient peints en grisaille des fragments d'une résurrection de Lazare. Chacun des panneaux reproduit une partie de la scène miraculeuse tous deux juxtaposés ne suffiraient point, toutefois, à reconstituer en entier le sujet.
(2) En voyant la Sainte-Catherine de Sienne de Quantin, le Poussin se serait écrié « Que ne va ce peintre en Italie; il y ferait fortune. » A ce moment les grands talents ne manquaient pourtant pas en Italie.
ces religieuses, en 1768, le tableau fut recueilli par les Jacobins (1). M. Baudot, qui le cite dans sa nomenclature, ne' nous dit pas le lieu qu'il occupait dans l'église.
Enfin le long de cette nef méridionale, il était un sixième et dernier sanctuaire formé à la suite de celui du Nom de Jésus, et donnant sous le transept même. M. Baudot se tait à ce sujet, mais le plan de 1791 est formel. D'ailleurs nous avons une lacune à combler. Les titres parlent d'une chapelle de Bonne- Nouvelle fondée par un duc de Longueville en 1550; or cette chapelle est la même que celle de la Nativité qu'avaient adoptée les tailleurs en 1632. Lorsqu'en 1669 l'oratoire extérieur fut supprimé, la dévotion au Rosaire, qui est de premier ordre chez les Dominicains, fut transférée à l'autel de la Nativité en réservant, est-il expressément dit, les droits des tailleurs. Nous attribuons donc volontiers la chapelle qui reste à définir aux vocables dont nous venons de parler.
Nous sommes loin d'avoir épuisé le nombre des autels et des vocables de cette église. Un document conservé aux Archives nous donne en effet la nomenclature suivante
Autel de la Vierge, à la sacristie, de 17..
Maître-autel en l'honneur de saint Jacques le Majeur, patron de l'église (2) Autel de saint Hyacinthe, absidiole du nord
Id. de saint Raymond, absidiole du sud
Id. de Notre-Dame de Bon-Secours
Id. du Nom de Jésus
Id. de Notre-Dame de Délivrance
Id. du Saint-Sépulcre
Id. de saint Pierre, martyr
Id. de sainte Barbe
Id. de saint Crépin
(1) Les Jacobines (comme on les nommait) furent bien établies rue Charbonnerie dès 1612, mais dans une simple maison particulière, celle de la fondatrice. Elles ne prirent possession de leur couvent qu'en 1642, et leur église fut consacrée sous le vocable de sainte Catherine de Sienne. Il faut donc supposer que le tableau, commandé à l'avance, fut l'un des derniers ouvrages du peintre, mort en 1636. (S) Voir aux Archives, note CI.
Autel de saint Adrien
Id. de saint Fiacre
Id. de la Sainte-Trinité
Id. de saint Vincent Ferrier, qui avait prêché à Dijon
Id. de saint Pie V, pape dominicain canonisé en 1713.
En outre, deux autels se voyaient à droite et à gauche à l'entrée de la nef (1).
Nous avons l'acte de consécration du grand autel dédié à saint Jacques, et des autels de saint Raymond et de saint Hyacinthe, qui occupaient le fond des basses nefs. La date est de 1633, et la description que donne M. Baudot du grand autel s'accorde avec cette date. Le contre-retable en boiserie se dressait en demi cercle à quelque distance du fond de l'église (2).
Alors tous les autels étaient faits de même, et nous souhaitons à celui-ci le sort de beaucoup de ses pareils, qui décorent actuellement quelque sanctuaire rural, comme celui des Minimes, que l'on peut voir à Corgengoux, près de Seurre, ou celui des Jésuites, à Lux, près d'Is-sur-Tille. M. Baudot nous montre le grand autel des Jacobins « orné de plusieurs statues. » Sur la boiserie sont deux bas-reliefs en ovale représentant Jean prêchant dans le désert, et Dieu donnant à Moïse, sur la montagne, les tables de la loi. Le tableau central offre une Présentation au Temple. La description des stalles rappelle ce qu'en dit Courtépée « Quatorze » bas-reliefs, dont dix représentent quelques traits principaux de la vie de » Jésus-Christ. Les quatre autres sont l'Annonciation, la Visitation, la » Pentecôte et l'Assomption.
» Au-dessus on remarque quatorze médaillons sortis, ainsi que les bas» reliefs, du ciseau de Dubois, fils de Jean Dubois. »
On le voit, cette décoration est postérieure d'un siècle à celle de l'autel. (t) Il ne faudrait point attacher trop d'importance aux dénominations des autels, voire même des chapelles. Nous avons sous les yeux la liste prodigieusement étendue des messes votives que les religieux avaient à célébrer dans leur église en 1660, et nous y lisons plusieurs vocables nouveaux. (S) Voir le plan de Dijon de 1759.
Arrêtons-nous. Nous ne pouvons suivre M. Baudot dans l'énumération de toutes les œuvres d'art, médiocres ou non, que recélait la vaste basilique des Frères Prêcheurs, notamment les nombreuses statues brisées sur place par les modernes iconoclastes, et dont les vestiges seraient plus difficiles à retrouver que ne le sont les tableaux.
Dijon possède encore un bon nombre d'épaves arrachées au sanctuaire dominicain comme à tant d'autres. Ce sont de bien faibles souvenirs pour rappeler la longue et puissante existence des Frères Prêcheurs dans la cité. A Notre-Dame, la chaire trahit son origine dominicaine par deux reliefs représentant Thomas d'Aquin et Vincent Ferrier (1).
A son tour la cathédrale contient trois tableaux que peut revendiquer l'ancienne église dominicaine. Ce ne sont pas de ces sujets banals, parce qu'ils sont sans cesse reproduits et sous les mêmes formes. Le Mariage mystique de sainte Catherine de Sienne peut remonter au xvie siècle. Le Saint-Thomas d'Aquin recevant l'inspiration des saints apôtres, serait déjà du siècle suivant. La troisième composition tire son intérêt de la singularité de l'action représentée. Il s'agit de l'un de ces innombrables miracles attribués aux saints de l'Institut, de l'un de ces traits tout à la fois simples et pourtant ingénieux qui portent avec eux une grave leçon. Ici le dominicain est saint Antonin, archevêque de Florence; il porte la chape et la mitre sa main droite bénit, sa main gauche tient des balances suspendues en face d'un homme pétrifié d'étonnement. C'est que cet homme avait présenté au saint une corbeille de poires, et que le saint, en sa qualité de moine mendiant, s'était borné, pour tout salaire, à le remercier par (1) On ne peut prononcer ce dernier nom sans rappeler l'étonnant phénomène dont Dijon fut deux fois le témoin (en H17 et 1426). Ce prédicateur en plein air, cet apôtre de la pénitence qui remua successivement toutes les provinces de France, tonnant contre les mœurs détestables de son temps, et convertissant les populations entières par sa parole et par ses miracles. Précédé d'une renommée immense, accompagné de la troupe de repentants qui lui faisaient cortége, Vincent Ferrier accomplit, dans ce pays comme partout, une commotion bienfaisante dont la trace se perpétua dans la ville et surtout au couvent des Jacobins. De curieux détails nous sont parvenus sur son passage à Dijon. On peut lire ce qu'en dit Courtépée (t. I, p. 167). L'affluence était telle, durant les huit jours de prédication, que trois portes de la ville devaient seules rester ouvertes, et alors gardées par des archers qui ne laisseront entrer que les gens dépourvus de toutes armes. Toutes les confréries doivent faire le guet, la lanterne doit être allumée toute la nuit devant chaque maison. (Archives de la Côte-d'Or.)
Il. »
la formule Deo gratias. Le rustre n'étant point satisfait, l'évêque saisit des balances, place les fruits dans l'un des plateaux, dans l'autre les mots Deo gratias écrits sur un parchemin, et voici que le Deo gratias se trouve être plus lourd qu'une corbeille de poires.
La chapelle des Jésuites de la rue Saint-Philibert renferme, elle aussi, une toile d'origine dominicaine c'est une Apparition du Christ et de la Vierge à un religieux de l'Ordre.
Les orgues des Dominicains occupaient la tribune en bois qui dominait la grande porte. Les Archives nous ont conservé sur l'histoire de cet instrument plusieurs documents curieux. C'est d'abord un marché passé en 1516 avec un certain Dupré, qui s'intitulait marchand à Dijon. Il s'agissait d'une restauration. Il y avait donc des orgues aux Jacobins antérieurement à l'année 1516; et ces orgues devaient avoir la même puissance que les nouvelles, puisque Dupré put se contenter de l'ancien buffet le fût, comme il est dit en ce marché. C'était un huit pieds, et Dupré devait renouveler en entier l'instrument pour la somme invraisemblable de 400 livres (1) en y joignant toutefois le bénéfice des vieux tuyaux. Il faut l'avouer, cette qualification de marchand, quand il s'agit d'un facteur d'orgues, sonne mal à nos oreilles.
Nos craintes sur la valeur du travail de Dupré semblent d'ailleurs se justifier, puisque trente-cinq ans plus tard (3 octobre 1650), nous voyons le R. P. Marguery, prieur du couvent, obtenir des Frères de Grenoble qu'ils lui cédassent un jeune convers très-habile en matière d'orgues et le besoin était si pressant, qu'on ne laissa pas frère Anselme Mérel terminer son noviciat. Par une dispense il obtint de faire sa profession au bout de la deuxième année et partit aussitôt pour le couvent de Dijon.
Le travail de frère Anselme Mérel semble avoir satisfait aux besoins du culte dans l'église dominicaine jusqu'au milieu du XVIIIe siècle. Alors parut à Dijon un facteur renommé, Charles-Robert Riepp, qui, en 1753, dota (1) Ce qui répondrait de nos jours à une dépense de 2,140 fr. environ. (Calculé d'après M. C. Leber; Publication des Mémoires présentés à l'Instilut, t. II.)
l'abbaye de Saint-Bénigne d'un instrument de premier ordre que l'on admire encore aujourd'hui.
Nos Frères Prêcheurs appelèrent à leur tour l'artiste éminent qui restaura une troisième et dernière fois les orgues de leur église, où figurait déjà un jeu de voix humaines, qui datait sans doute du frère Mérel. C'était là le jeu par excellence, le complément très envié de tout orgue, la pierre d'achoppement du facteur aux xvne et XVIIIe siècles. Ce fut le 23 mai 1761 que Riepp reçut la somme de 600 livres, prix total des importantes réparations qu'il avait menées à fin.
Sépultures. On dit quelquefois « Cet édifice est autant en terre que hors de terre, » faisant ainsi allusion à l'importance extrême des maçonneries souterraines. Expression exacte en vérité pour nos églises du moyen-âge, au point de vue des souvenirs. Le lieu saint assemblait nos pères vivants, et il les retenait encore après la mort. On ne peut remuer les alentours d'un sanctuaire sans exhumer des os et pour peu que le défunt eût laissé une lignée convenable, il lui fallait sa dalle gravée sous le toit même du temple. C'était là un luxe pour lequel, convenons-en, la piété entrait pour une très-grande part. Des aumônes faites au monastère, des fondations de messes à dire sur la tombe même, pour ainsi parler, étaient la conséquence voulue de ces inhumations privilégiées. Dès lors un lien indissoluble unissait la famille de ce défunt au couvent qui l'avait reçu chez lui.
Cependant le droit de sépulture n'appartient qu'au curé. Dans une ville, tout couvent se trouve établi sur un territoire de paroisse. De là des conflits qu'il est aisé de saisir. Ici, le Curé, c'était l'abbé de Saint-Etienne car Saint-Médard et Notre-Dame ne furent, pour ainsi parler, que les délégations de la mère église, l'abbaye de Saint-Etienne (1).
Ceux qui sont curieux de ces sortes de débats, d'où les Frères Prêcheurs (1) La grande entrée du Monastère se trouvait, d'autre part, sur la paroisse Saint-Jean.
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ne devaient sortir victorieux qu'a demi, ceux-là trouveront aux Archives de quoi se satisfaire.
Des sépultures qu'abritai l'église des Jacobins, quelques-unes, sans doute les plus importantes, nous sont révélées grâce à M. Baudot et à Courtépée. Sur quel point précis du sol convient-il de les chercher ? C'est ce qui ne peut se dire. Bornons-nous à transmettre là-dessus ce que nous savons. 1255. Guy de la Palu, archidiacre de Lyon en 1255.
1290. Marguerite de Saitlx, fille de Hugues de Vienne. Nous l'avons vu, cette tombe se trouvait dans la chapelle du Rosaire. M. Baudot nous en donne l'inscription Ci-gît Madame Marguerite dame de Saulx, fille du comte de Vienne, trépassée l'an de grâce 1290, au mois de septembre. Priez pour l'âme que Dieu l'aie (1).
1333. Alix de Frolois (relaté par Courtépée et par M. Baudot). Il paraît que l'épitaphe était celle-ci Ci-gît noble dame Alix de Frolois, qui trépassa en ce même lieu le sambadi après la Saint-Martin d'hiver, l'an de grâce MCCCXXXIII, et fut ensevelie ce vanrdi après ladite fête. Dieu ait l'âme. Les armes sont l'écu d'ancienne Bourgogne d'une part, et un lion de l'autre. Dans Courtépée la date est 1354.
1393. Aubriot, chantre de la chapelle du duc (Courtépée).
1399. Sur une tombe, dans la nef, devant la chaire, dit Courtépée, on voit l'épitaphe singulière de Robert de Saint-Jean, dominicain, mort en 1399, qui obtint en Cour de Rome un bref lui permettant d'hériter de ses parents. Nous avons déjà fait allusion à ce fait.
« Dans le collatéral de la nef, à droite, est le tombeau fort ancien de (I) II est aisé de voir que cette inscription n'est pas l'épitaphe primitive. Cette tombe a dû être déplacée et restaurée.
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» Guillaume, jacobin, puis évêque. Il est couché les mains jointes, sur » une table élevée de terre de trois pieds et demi. Les pieds sont appuyés » contre un lion, et aux quatre coins du mausolée sont quatre petits » anges. » (M. Baudot.)
Large tombe, placée à peu de distance de la dernière chapelle à droite, et sans épitaphe. La pierre représente uniquement des ronds de lunettes, avec ces mots Dieu y voye. Courtépée et M. Baudot s'accordent à désigner cette tombe. Ils en signalent d'autres analogues mais ces emblèmes peuvent fort bien ne concerner que de simples marchands.
1456. Philippe de Vienne, évêque de Langres. Il est représenté en relief sur son tombeau avec cette inscription Hic jacet Philippus de Vienna quodam episcopus dux Lengonensis qui obiit 1456. Ce tombeau était derrière le chœur. Ce serait par erreur que la Gallia Christiana donne la date de 1446. (Baudot.)
1549. Charlotte d'Orléans, duchesse de Nemours. Sépulture dont nous avons parlé à l'occasion de la chapelle du Rosaire.
1581. Odinet Godran. On est assuré que le fondateur posthume du collége des Jésuites fut inhumé aux Jacobins, dans la sépulture de sa famille, le 2 février 1581 (1).
Les Le Compasseur de Courtivron avaient leur caveau aux Jacobins, dit Courtépée mais il leur donne aussi une sépulture à Saint-Michel. Signalons enfin la sépulture de Marie de Savoie, nièce de Louis XI, femme de Philippe de Hochberg, qui avait été maréchal de Bourgogne sous Charlesle-Téméraire.
(1) D'après le journal de Pépin, chanoine de la Sainte-Chapelle, qui va de janvier 1571 jusqu'en octobre 1601, et publié dans les Analecta divionensia par M. Garnier.
IV.
BATIMENTS CLAUSTRAUX.
Un mot, en terminant, sur les bâtiments claustraux des Dominicains. Ceux qui viennent de disparaître n'étaient point antérieurs au xvne siècle. Les constructions primitives de 1237 subirent en 1358, nous l'avons vu, un grand désastre, qui malheureusement ne fut pas le dernier. En 1595, la population dijonnaise, excédée de la Ligue, ouvre ses portes au maréchal de Biron; seul le château résiste, et les Jacobins essuient le feu de ses batteries nouveaux dégâts qui motivent de la part des Etats une indemnité de 400 livres.
En 1651, la Fronde amène une nouvelle lutte entre le château et le pouvoir royal. Le Monastère dominicain est criblé de boulets. L'on peut juger de son état pitoyable à la sortie des troubles, par la nouvelle requête des religieux aux Elus de la Province. C'est à la suite de tant de malheurs qu'une reconstruction totale des bâtiments claustraux est résolue. L'oeuvre commence par le corps de logis situé au levant (1657). Vient ensuite l'aile du cloître qui s'appuie sur le bas-côté gauche de l'église (1659-1660). Puis c'est le tour du bâtiment tourné vers le nord (1682). Enfin le dernier côté du quadrilatère, inutile aux moines, dut attendre l'occasion favorable. Elle s'offrit, en 1722, à la fondation de l'Université. Ainsi ce ne sont pas seulement les mœurs privées, ce sera la vie municipale elle-même qui demandera aux Dominicains un asile fraternel. Ce couvent semble avoir été de beaucoup le plus populaire de la cité. Il fait partie, en quelque sorte, de la vie municipale. Dès le milieu du xrve siècle (1342) la commune, renonçant au cimetière Saint-Bénigne, s'assemble au préau des Jacobins. La chapelle extérieure est le lieu où se retirent les Echevins, et le besoin d'une Maison de ville ne se fera sentir que plus tard. Du reste, jusqu'à la fin, c'est au préau des Jacobins qu'on élira chaque année le Vicomte-Mayeur de Dijon.
En 1722, Dijon, au lieu de l'Université complète qu'elle réclamait, obtint à grand'peine une Ecole de droit, et c'est encore aux Frères Prêcheurs que l'on s'adresse pour fournir les locaux nécessaires. L'aile occidentale du Monastère, le plus extérieur des bâtiments du cloître, si je puis ainsi parler, attendait, on l'a dit, sa reconstruction. Un marché est conclu entre les Jacobins et les Etats de la Province. L'opération est à frais communs. Bientôt la jeune école se voit installée. Chaque année la rentrée des cours est signalée par une messe en musique très-solennelle, et une nouvelle vie semble tromper un instant la décadence de l'Institut dominicain.
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NOTE
SUR
LE COMBAT QUI A PRÉCÉDÉ LE SIÈGE D'ALÉSIA PAR LE LIEUTENANT-COLONEL R. DE COYSART; MEMBRE TITULAME.
On pouvait penser que la question d'Alésia était résolue, après toutes les considérations sérieuses énoncées sur l'emplacement de la ville célèbre, après la démonstration militaire topographique et matérielle sur l'impossibilité absolue de trouver près de Salins les dispositions clairement indiquées par César. Il paraît qu'il n'en est rien et que les partisans d'Alaise se croient maîtres du champ de bataille. Je leur ai prouvé la profonde erreur où ils sont tombés, et je ne poursuivrai pas la discussion. La cause est entendue et l'arrêt définitif rendu.
Toutefois, il est un point d'un haut intérêt qui n'a pas été jugé, c'est le lieu où les Romains ont battu les Gaulois venus de Bibracte, sous les ordres de Vercingétorix, et campés à dix mille pas de leur ennemi les uns ont mis cette bataille sur la Brenne, près de Perrigny d'autres l'ont placée sur l'Ource (duc d'Aumale), sur la Coquille (général de Gœler), à Dijon (M. Gouget), en dernier lieu sur la Vingeanne je ne parle pas du mont Colombin, ni de l'Ognon où l'auteur de l'Alésia franc-comtoise suppose l'action engagée. Le combat décrit aux chapitres LXVI à LXVIII du septième livre des Commentaires ne peut pas plus avoir été livré sur ce terrain, qu'il n'a été possible d'enfermer les 22,000 mètres de pourtour du massif d'Alaise dans la contrevallation de 12,588 mètres donnée par le général romain. 19
Bien que j'aie examiné depuis longtemps les conditions topographiques du champ de bataille et que j'aie indiqué son emplacement, adopté par la Commission de la topographie des Gaules, je reprends ici la question à son origine afin de la traiter complètement.
Voici la traduction comparée du texte latin
« LXVI. Pendant que ces choses se passaient, les troupes envoyées par » les Arvernes se rassemblèrent ainsi que les cavaliers demandés à toute la » Gaule. Quand ces forces considérables furent réunies, et tandis que César » se rendait chez les Séquanes par l'extrême frontière du pays des Lingons, » pour porter plus facilement secours à la province, Vercingétorix, en » trois journées de marche, vint s'établir à dix mille pas des Romains; » il réunit en conseils les commandants de la cavalerie et leur démontre » que le jour de la victoire est arrivé « Les Romains fuient vers leur » province et abandonnent la Gaule. Cela suffit pour la liberté du moment, » mais c'est trop peu pour la paix et le repos de l'avenir, car ils reviendront » après avoir réuni de plus grandes forces et ils ne cesseront pas leurs » attaques. Il faut les attaquer dans l'embarras de leur marche. Si l'infan» terie s'arrête pour protéger la retraite, les Romains ne pourront pas » avancer; s'ils abandonnent leurs bagages, ce qui lui paraît le plus » probable, ils perdront à la fois l'honneur et les choses les plus néces» saires. Quant à leurs cavaliers, pas un seul d'entre eux n'osera seulement » s'avancer hors des lignes, on ne doit point en douter. Pour leur inspirer » encore plus de confiance, il rangera toutes ses troupes en avant du camp, » ce qui épouvantera l'ennemi. Les cavaliers s'écrient que chacun doit » s'engager par les serments les plus sacrés à ne point se retirer sous son » toit, à ne point approcher de ses enfants, de ses parents, de sa femme, » avant d'avoir fait passer son cheval à. travers les rangs de l'ennemi. » » LXVII. Cet avis fut approuvé tous prêtèrent le serment. Le lendemain, » Vercingétorix partage sa cavalerie en trois corps deux de ces corps » se montrent sur nos ailes le troisième se présente de front à l'avant» garde pour lui fermer le passage. César forme également trois divisions » de sa cavalerie et l'envoie contre l'ennemi. Le combat s'engage sur tous
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s> les points l'armée fait halte les bagages sont placés entre les légions. » Partout où les nôtres fléchissent ou sont trop vivement pressés, César » fait porter de ce côté les enseignes et y fait marcher les cohortes. Cette » manœuvre ralentit la poursuite et ranime les nôtres par l'espoir d'un » prompt secours. Enfin les Germains gagnent le haut de la colline qui » était à droite, en chassent les ennemis, les poursuivent jusqu'à la rivière » où Vercingétorix s'était placé avec son infanterie et en tuent un grand » nombre. A la vue de cette déroute, les autres craignent d'être enveloppés » et prennent la fuite. Ce n'est plus alors que carnage Trois Eduens de la » plus haute distinction sont pris et amenés à César Cotus, chef de la » cavalerie, qui, dans la dernière élection, avait disputé la souveraine » magistrature à Convictolitan, Cavarillus, qui, depuis la défection de » Litavicus, commandait l'infanterie, et Eporédorix que les Eduens avaient » eu pour chef dans leur guerre contre les Séquanais, avant l'arrivée de » César. »
« LXVIII. Vercingétorix voyant toute sa cavalerie en fuite, fit rentrer les » troupes qu'il avait rangées à la tête du camp, et prit aussitôt le chemin » d'Alésia, place forte des Mandubiens, en même temps il se fit suivre par ses » bagages. César laissa les siens sur une hauteur voisine, sous la garde de » deux légions; il poursuit l'ennemi tant que dure le jour, lui tue environ » 3,000 hommes. Le lendemain il campe devant Alésia, il reconnaît la » situation de la ville, et comme l'ennemi était démoralisé parce que la » cavalerie sur laquelle il comptait principalement avait été battue, César » exhorta ses soldats au travail et il fit commencer les travaux de circon» vallation. »
Il me serait difficile de ne pas répéter ici ce que j'ai dit dans le mémoire relatif à l'hypothèse émise par M. Defay, adoptée dans la Vie de César, et qui place la bataille à Prauthoy ce mémoire est publié dans votre huitième volume. Il est inévitable, à propos d'Alésia, de redire toujours la même chose, car c'est toujours la même chose.
Les Romains, marchant par l'extrême frontière des Lingons, suivaient une ligne parallèle à la rivière du Serein, qui était elle-même une portion de cette
limite, César avait rallié Labienus non loin de la même ligne et se dirigeait au sud-est. Les Gaulois étaient campés à dix mille pas après trois jours de marche les armées devaient se rapprocher soit par un double mouvement, soit par celui de l'un des deux, et très probablement la marche des Romains. J'ai expliqué ailleurs pourquoi César a voulu dire par trinis castris trois campements ou étapes et non trois camps je ne reviendrai pas sur ce point.
En étudiant avec attention la topographie indiquée dans le texte, ce qui est toujours important avec les Commentaires de César, il est facile de conclure que les Romains n'ont pas trouvé les Gaulois en bataille sur leur route, ils ont été attaqués par les trois corps de cavalerie de Vercingétorix dont l'un « en se portant vers la tête des colonnes romaines commença à fermer le D passage. » Le passage paraissait donc libre à César l'armée gauloise n'était pas là, elle était alors sur un des flancs, dans une position telle qu'en se retirant le soir elle put arriver à, ou près d'Alésia. Ces conditions placent les Gaulois à l'est, et près de l'extrême frontière des Lingons. Vercingétorix avait annoncé aux chefs de sa cavalerie que, « pour leur » inspirer encore plus de confiance, il rangerait toutes ses troupes en avant » du camp, ce qui épouvanterait l'ennemi. »
Pour que ces paroles aient un sens, il faut que les camps soient placés de façon à être vus de la route que suivaient les Romains, car on ne peut être épouvanté de ce qu'on ne voit pas. Au chapitre suivant, il est dit que la cavalerie gauloise est « chassée par les Germains d'une hauteur à la droite de César, poursuivie « jusqu'à la rivière près de laquelle Vercingétorix » s'était posté avec les troupes de pied. »
Autant de mots, autant de données topographiques nettes et précises qui peuvent se résumer en ces termes
Un cours d'eau à peu près parallèle à la direction du Serein à l'est, une chaîne de collines assez élevées pour offrir des avantages à la défense, tout en favorisant l'assiette des camps. A l'ouest du cours d'eau, un terrain en pente douce, reliant la limite des Lingons prolongée au fond de la vallée et permettant d'apercevoir celui-ci du haut de la pente. Au sud
QUI A PRÉCÉDÉ LE SIÉGE D'ALÉSIA.
,i.
(vers la droite du spectateur placé sur le terrain en pente douce), une hauteur, mamelon ou contre-fort d'un relief sensible et dont les versants soient praticables à la cavalerie.
On peut tracer la carte de ce terrain les données sont suffisantes, on pourrait même évaluer les reliefs en reprenant les indications du texte. Les hauteurs à l'est peuvent avoir jusqu'à 200 mètres au-dessus de la vallée la partie supérieure à l'ouest doit avoir une altitude inférieure la distance au mont Auxois ne doit pas être de plus de 20 kilomètres. Avec ces éléments, les camps gaulois peuvent soutenir et repousser une attaque les troupes rangées près de la rivière seraient vues de tout le terrain situé à l'ouest la route eût paru libre aux Romains et la défaite des Gaulois sur la hauteur à droite serait possible enfin la retraite de Vercingétorix sur Alésia, pour laquelle on a écartelé l'expression infortunée altero die, qui signifiait, jusqu'aux discussions actuelles le lendemain, et dont on a fait, suivant les besoins de la cause, le surlendemain ou même un jour plus éloigné la retraite, dis-je, serait possible et rationnelle. Quel terrain autour d'Alésia satisferait à de telles conditions ? C'est ce que nous devons chercher en nous servant de tous les moyens possibles d'investigations.
Le premier, le principal de ces moyens, est l'étude de la carte topographique dite de l'état-major, carte dont l'exactitude est incontestable, malgré les critiques violentes des partisans d'Alaise, qui s'en prennent à ce travail de ce que leur terrain ne peut s'accorder avec le texte des Commentaires. J'ai dit plus haut que le Serein était la limite du territoire lingon l'objectif de César étant la Séquanie, il devait éviter de se porter sur le territoire éduen et son itinéraire était naturellement la ligne de partage entre le Serein et l'Armançon, à peu près par Sarry, Châtel-Girard et Vassy il devait descendre à Moutier-Saint-Jean, gagner Vic-de-Chassenay et l'espèce de plaine onduleuse qui se dirige vers le sud, en la quittant à Vitteaux pour arriver sur la Saône sans passer près d'Autun ni s'engager dans le massif du mont Afrique.
Le voisinage de la limite d'une contrée est certifié, près de Moutier-SaintJean, par le nom de Fam-lès-Moutier, que porte un village situé à 2 kilomètres vers le nord.
Moutier-Saint-Jean est bâti dans une dépression sensible du terrain qui descend jusqu'à l'Armançon à Athie-sous-Moutier, entre Senailly au nord et Viserny au sud. De tous les points qui dominent ce village, on voit le cours de l'Armançon et les collines de 180 à 200 mètres de relief qui sont à l'est sur la rive droite. Il y a, au sud-est de Moutier-Saint-Jean, un contre-fort à pentes douces, partant d'un mamelon élevé dit le Télégraphe de Bar, et se dirigeant vers Athie-sous-Moutier. Le relief de cette colline est de 50 à 60 mètres. Toutes les indications du texte se retrouvent sur ce terrain les trois corps de cavalerie gaulois ont pu attaquer de front la colonne romaine marchant sur la crête du terrain entre Vassy et le mamelon de Bar, tout ce que dit le texte des phases du combat est applicable à la contrée les Romains repoussent la cavalerie gauloise entre Vassy et le mamelon de Bar, vers Moutier-Saint-Jean cette cavalerie se reforme sur le contre-fort sud-est pour laisser agir l'infanterie et prendre en flanc les Romains s'ils l'attaquaient. Enfin, la disposition du sol permet aux cavaliers germains de César une action vigoureuse en contournant le mamelon de Bar et abordant l'ennemi à Tivauche-le-Haut.
Je ne crois pas qu'il y ait d'attribution plus satisfaisante, d'un fait à un terrain, que celui du combat de cavalerie des Romains contre les Gaulois, à Moutier-Saint-Jean.
La retraite de l'Armançon sur Alésia s'explique avec la plus grande facilité, quoique le terrrain offre des accidents nombreux et d'une grande importance militaire. A l'est de l'Armançon, les collines ont leurs versants découpés par de nombreux ravins le plateau central est divisé par la vallée profonde de la Daudarge qui vient, du sud au nord, tomber dans la Brenne à Montbard le versant oriental est découpé par trois vallées également profondes et escarpées qui arrivent sur la Brenne en face d'Alésia.
Champ-d' Oiseau est à la partie supérieure de la première vallée; Lantilly, Villars-Pautras et Massingy sont à l'origine des trois autres.
En quittant leur position, les Gaulois ont pu gravir les pentes de Viserny et se diriger sur Champ-d'Oiseau et Lantilly la poursuite, sur un semblable terrain, devait leur coûter beaucoup de monde. Toutefois, il est plus probable
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que, sans rien faire de semblable au prodigieux mouvement supposé dans la Vie de César pour amener Vercingétorix de Prauthoy à Alésia, les Gaulois ont quitté la vallée de l'Armançon par la dépression de Villaines-les-Prévôtés, qui se trouve directement en arrière de la colline située au sud-est de MoutierSaint-Jean. Cette seconde ligne, qui se confond avec la première à partir de Champ-d'Oiseau, est tout aussi favorable à une poursuite meurtrière telle que César la rapporte, en évaluant à trois mille le nombre des hommes tués à l'arrière-garde gauloise entre l'issue de la bataille et la nuit. La distance d'Athie-sous-Moutier à Alise est d'environ 19 kilomètres, ce qui s'accorde facilement avec le récit des Commentaires. La poursuite ne doit pas avoir été continuée au-delà de 8 à 10 kilomètres dans un pays aussi accidenté que celui de Villaines-les-Prévôtés aux Laumes. Les Romains ont dû camper sur le plateau de Lantilly.
J'ai fait remarquer ailleurs que les descriptions topographiques de César font connaître le point d'où il a vu les lieux. Les détails sur Alésia sont pris de Venarey ou de Mussy-la-Fosse et l'orientation en est donnée par cette phrase « Sous la muraille, la partie de la colline qui regardait le soleil levant D était garnie de troupes gauloises. etc. »
Ce détail, venant après la mention des deux rivières et de la plaine, donne le droit de conclure que les Romains sont arrivés par le côté occidental du terrain. César a vu la ville sur le mont Auxois, l'Oze à gauche, l'Ozerain à droite, la plaine de trois mille pas en avant, les collines d'égales hauteurs qui entourent l'ensemble; tout cela se découvre de Venarey, c'est la première partie de la description, mais elle n'est pas complète, elle ne donne pas l'orientation, elle ne dit pas ce qu'il y a derrière la ville, elle ne fait connaître que trois côtés, un mot la termine, je viens de le citer.
Depuis dix-sept ans, j'ai beaucoup cherché l'application du texte des Commentaires au terrain, soit à propos d'Alésia, soit dans les travaux auxquels s'est livrée la Commission de la topographie des Gaules à laquelle j'appartenais. Je ne crois pas avoir trouvé nulle part une conformité plus exacte, plus entière entre le récit de César et le sol qu'à Moutier-Saint-Jean, à Venarey et sur le mont Auxois.
Je ne sais pas si des recherches ont été faites autour de Moutier-Saint-Jean, si la terre a restitué quelques débris d'armes, quelques médailles, quelques vestiges enfin d'une bataille; il serait peut-être utile de se renseigner sur ce point, soit par des investigations directes, soit par une enquête auprès des habitants du pays. Cela aiderait probablement à prouver une fois de plus qu'Alésia occupait le mont Auxois.
Juin 1875.
1-
La bibliothèque de la ville de Dijon possède une carte manuscrite sur vélin (cotée 313 ms.), qui mesure dans sa plus grande longueur 1 mètre 9 centimètres et dans sa plus grande largeur 68 centimètres. Cette carte, fort endommagée par endroits, mais généralement bien conservée, appartenait aux archives de la ville de Dijon. Lors du classement définitif de ces archives, comme elle ne rentrait dans aucune des catégories, elle fut attribuée à la bibliothèque de la ville, qui la possède depuis cette époque (8 juillet 1852). Malgré son authenticité incontestable et les précieux renseignements géographiques qu'elle contient, cette carte n'a été ni décrite, ni même signalée par aucun érudit. En 1851, l'archiviste en chef de la Côte-d'Or, M. Garnier, espérant être fixé sur la valeur et l'origine de ce document, le communiqua à M. de Santarem mais le savant portugais se contenta d'un examen superficiel, et sa réponse, qui d'ailleurs n'a jamais été publiée, contient de nombreuses erreurs que nous aurons occasion d'indiquer. Nous avons donc le droit de considérer ce monument géographique comme entièrement inédit.
UN PORTULAN INÉDIT DE LA BIBLIOTHÈQUE DE DIJON
PAR Paul GltFFtnEL, ASSOCIÉ RÉSIDANT DE LA COMMISSION DES ANTIQUITÉS DE LA COTE-D'OR. PREMIÈRE PARTIE.
ÉTUDE SUR LE PORTULAN DIJONNAIS.
ÉTUDE
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Les pays dessinés sur la carte sont compris entre la côte de Syrie à l'extrémité orientale, les Açores et les Canaries à l'extrémité occidentale, au nord l'Ecosse et la Baltique, au sud les côtes de Guinée, le Sahara et la mer Rouge, c'est-à-dire que toute l'Afrique septentrionale, la Syrie, l' Asie-Mineure et l'Europe centrale et méridionale sont indiquées. Mais ces diverses régions ne sont pas décrites dans tous leurs détails; la Carte Dijonnaise, en effet, ne ressemble pas à nos cartes actuelles. L'auteur ne s'est préoccupé ni des montagnes, ni des fleuves, ni des villes situées à l'intérieur, ni des démarcations polit'ques il n'a même pas désigné chaque pays par son nom, il a seulement nommé l'Europe et l'Afrique, sans tenir compte de l'Asie, et si parfois il a tracé le cours d'un fleuve, tel que le Nil ou le Rhin, ou bien il en a seulement indiqué la direction, ou bien il l'a dessiné au hasard mais les rivages baignés par la mer sont marqués avec un soin minutieux, et tous les ports, petits ou grands, qui pouvaient servir ou de refuge ou de station commerciale, énumérés avec fidélité. A vrai dire, l'auteur de cette carte n'a voulu dresser que ce qu'on nomme un Portulan, c'est-à-dire une carte où ceux de ses compatriotes qui cherchaient fortune sur mer pourraient trouver les ports dont ils avaient besoin, et suivre les principales sinuosités de la côte. Ce Portulan n'a donc de valeur que comme indication des ports fréquentés par la marine de l'époque, et spécialement des ports de la Méditerranée, car cette mer était encore le centre du commerce du monde et le rendez-vous des négociants et des navigateurs. Les côtes de la Méditerranée constituent donc la partie principale du Portulan Dijonnais, les côtes des autres pays en forment la partie accessoire.
§ I.
Au nord-ouest, la première région décrite est l'archipel britannique. Les marins d'alors fréquentaient peu ces parages, si du moins on en croit le Portulan, car la Grande-Bretagne est mal dessinée. Sa largeur est exagérée aux dépens de sa longueur, et, à l'exception des côtes de la Manche, dont les ports sont énumérés, quelques noms à peine sont jetés presque au hasard
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sur les côtes de la mer du Nord et surtout de la mer d'Irlande. On dirait presque qu'il s'agit encore de quelque terra incognita ou de Yultima Thule des anciens. L'auteur de la carte paraît avoir rédigé cette partie de son œuvre d'après des traditions un peu confuses. En Scotia (Ecosse) flotte un pavillon à champ de gueules, avec la croix blanche de saint André; ce sont les armes du pays. Londres est surmontée d'un pavillon blanc avec croix de gueules. Ce pavillon, qui se retrouve dans neuf autres endroits, désigne, nous le pensons du moins, les résidences consulaires de Gênes. L'Irlande est peut-être représentée plus fidèlement. Les principaux de ses golfes, même ceux de l'Atlantique, ne sont pas oubliés. Au milieu de l'île, mais sur aucune ville en particulier, flotte encore le pavillon génois. Cette partie du Portulan est fort endommagée la plupart des noms sont à peu près illisibles. On croirait presque qu'elle a été rédigée plus tard et par une autre main, car l'écriture ne ressemble nullement à l'écriture du reste de la carte elle est plus grosse et plus courante.
Toute la région du nord-est est également incomplète. On distingue bien dans la Baltique les deux péninsules de la Suède et du Danemarck, qui semblent courir au-devant l'une de l'autre, mais elles n'ont aucune dénomination. Des îles de forme singulière, fortement teintées en vert et en rouge, sont semées au hasard dans cette mer, et leur position ne correspond à aucune des îles ou des archipels qu'on y trouve réellement. Quant aux fleuves, il serait imprudent d'y reconnaître l'Oder, la Vistule ou le Niémen, pas plus que l'Elbe ou le Rhin dans la mer du Nord, car ils ne sont désignés par aucun nom; ils se confondent tous dans un lacis inextricable de branches ou d'affluents, et prennent leurs sources dans d'immenses forêts ou lacs, teintés en vert, et qui occupent sur le Portulan des positions fantastiques. Assurément l'auteur a, de parti pris, négligé cette partie de son œuvre, ou bien il ne possédait sur l'Allemagne et les Etats scandinaves que des notions incomplètes.
La Hanse teutonique pourtant était déjà organisée, et non seulement les principales villes commerçantes du Nord y avaient successivement adhéré, mais encore les avantages qui en résultaient pour les associés avaient
engagé un grand nombre de ports de l'Atlantique et de la Méditerranée à entrer dans cette ligue. Il est singulier que l'auteur du Portulan n'ait pas songé à tirer parti des communications régulières qui sans doute existaient déjà entre les négociants des mers du Nord et ceux de la Méditerranée, pour donner à ces derniers quelques renseignements précis sur les contrées encore peu connues, qui s'ouvraient à leurs explorations.
Même insuffisance pour la côte des Pays-Bas les îles et les rivages ne sont pas séparés. Les estuaires des divers fleuves sont groupés au hasard. A peine le nom de quelque ville est-il de loin en loin jeté sur le vélin. Ces erreurs et ces omissions nous étonneront d'autant plus que les Pays-Bas étaient le centre d'un commerce immense, surtout depuis qu'ils appartenaient à la puissante maison de Bourgogne.
Avec la France, au contraire, nous entrons dans un pays mieux connu. Les côtes de l'Atlantique sont étudiées avec soin. Les deux presqu'îles du Cotentin et de l'Armorique projettent leurs pointes au milieu des flots les estua res de la Seine et de la Gironde décrivent leurs larges entrées; nos diverses îles sont citées et indiquées. Des îlots, tels que Sanmarco ou Corodan (Saint-Marcouf et Cordouan), des passages dangereux, tels que celui d'Oforno (le Four), y figurent même. On y remarque des villes, qui ont disparu non seulement de la carte mais encore de l'histoire, ainsi Santa-Maria de Solach, que les dunes ont envahie et ensevelie. C'est surtout sur nos côtes méditerranéennes que les détails abondent. Entre le cap Creux et Vallefranca (Villefranche), abstraction faite des mots effacés ou illisibles, on compte jusqu'à dix-huit ports ou stations énumérées, et, parmi ces stations, quelques-unes d'une grande valeur historique ainsi le cap de Secha, non loin de l'emplacement de la future Cette Magalona, jadis l'une des plus importantes cités de la Septimanie, et dont il ne reste plus aujourd'hui qu'une église à demi ruinée; Lattes, dont un des faubourgs de Montpellier a conservé le nom; et Torom, sans doute l'antique colonie phocéenne de Tauroentum, dont les ruines, encore presque inexplorées, sont aujourd'hui recouvertes par les sables non loin du petit village des Lecques. Dans l'intérieur du pays aucune indication, pas même celle de la contrée ou de
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la capitale. Trois villes seulement figurent, et elles doivent cet honneur à leur proximité de la côte, Roam, Bordeo et Avinhom. Avinhom est même une des neuf cités dont l'auteur du Portulan a donné une description particulière. A l'exemple de certaines villes qu'on trouve ainsi représentées sur quelques cartes du moyen âge, par exemple sur la carte de Peutinger, Avignon est entourée d'une muraille flanquée de six grosses tours, au milieu desquelles s'élève un château gigantesque surmonté de deux pavillons et de quatre banderolles vertes. Il est impossible de ne pas reconnaître dans ce château le fameux palais fortifié à l'abri duquel les papes de la captivité de Babylone bravèrent si souvent les fureurs de leurs ennemis; car sur l'un des deux pavillons, les clefs de saint Pierre sont dessinées avec soin, et sur l'autre, nous retrouvons la croix de gueules sur fond blanc, que nous avons déjà remarquée à Londres et en Irlande.
Aucun des royaumes espagnols ou portugais ne porte sa dénomination géographique mais la péninsule ibérique tout entière est dessinée avec un soin extrême, et dans ses véritables proportions. Il est fâcheux que l'usage ou qu'un accident quelconque ait fort endommagé la partie de la péninsule qui correspondait aux côtes portugaises, car il est à peu près impossible de lire le nom de la capitale du pays. Pourtant la ville dessinée sur le Portulan, à l'embouchure d'un grand fleuve, avec une enceinte flanquée de quatre tours et surmontée de deux pavillons et de deux banderolles vertes, ne peut être que Lisbonne, à l'embouchure du Tage, d'autant plus que de ces deux pavillons l'un est le pavillon portugais, reconnaissable à ses cinq besants d'or mis en croix, et l'autre le pavillon blanc à croix de gueules que nous avons déjà signalé. Quant à la partie méridionale de la péninsule, elle présente une particularité que nous ne retrouverons nulle part ailleurs sur le Portulan le massif des Alpujarras et de la Sierra-Nevada, peut-être même celui de la Sierra-Morena, sont indiqués par une large couche de couleur verte, que domine une ville considérable, entourée d'une double enceinte de murailles, et flanquée de neufs tours d'inégale grandeur. Quelle est cette ville ? On l'ignore. Ce ne peut être Grenade, puisque Grenade appartenait encore aux Musulmans, comme nous essaierons de le prouver tout à l'heure,
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et que les principales villes musulmanes, indiquées sur le Portulan Dijonnais, portent toutes le croissant, tandis que cette cité anonyme est surmontée de six banderolles vertes et d'un double pavillon, le pavillon blanc à croix rouge déjà connu, et un pavillon en quatre parties, fort maltraité par le temps, mais dans lequel il est possible de reconnaître le pavillon espagnol. Cette ville appartenait donc à l'Espagne. Serait-ce Madrid? Mais Madrid est située beaucoup plus au centre de l'Espagne, et d'ailleurs elle ne jouit du rang et de l'importance d'une capitale qu'à partir du milieu du XVIe siècle. Serait-ce Tolède ? On le croirait plus volontiers, car Tolède fut longtemps capitale, et sa position réelle correspond à peu près à celle qu'elle occupe sur le Portulan; mais l'auteur du Portulan n'a jamais mentionné les capitales situées à l'intérieur du pays. Nous croirions plutôt qu'il a voulu indiquer Cadix, ou Malaga, ou Valence, ou tout autre grand port de la côte espagnole, et qu'il a cédé à un caprice artistique, en attribuant à cette ville, sur cette carte, une importance trop considérable.
Les îles Baléares sont énumérées et décrites avec un soin extrême, mais les noms de ces îles ou de leurs ports ont à peu près complètement disparu, et, comme il était impossible de se servir de réactifs chimiques, il nous a fallu nous résigner à ne pas les déchiffrer.
La péninsule italienne est également décrite avec une grande précision, mais sans aucune démarcation politique. Deux villes seulement, et c'étaient les seules qui pouvaient intéresser les marins ou les négociants d'alors, ont été dessinées par l'auteur du Portulan, Gênes et Venise. Ni Rome, ni Naples ne figurent autrement que par leurs noms. Gênes a été l'objet de soins tout particuliers on dirait une miniature. Il est même facile de distinguer l'entrée du port, avec le môle et la citadelle qui le défend, les chantiers de construction qui bordent la rive, les quais et les maisons en amphithéâtre. Neuf grosses tours ornées de trois banderolles protègent la ville. Le pavillon national, d'argent à croix de gueules, se déploie fièrement au-dessus de ces tours. Quant à Venise, elle n'a que quatre tours à son enceinte et deux banderolles vertes au sommet de ces tours. Ce n'est point son pavillon qui la décore (d'azur au lion ailé assis d'argent, tenant un livre ouvert d'argent
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sous sa patte), mais un drapeau de fantaisie, et le pavillon génois. Depuis Vallafranca jusqu'à la presqu'île d'Istrie, au nord de l'Adriatique, on suit les côtes italiennes. Leur direction est conforme à leur direction réelle. Peutêtre reprocherait-on à l'auteur du Portulan d'avoir exagéré l'épaisseur de la péninsule.
Les îles qui, géographiquement, dépendent de l'Italie, Corse, Sardaigne, Sicile, archipel napolitain, etc., sont énumérées avec soin, mais, de même que pour les Baléares, l'écriture a été singulièrement altérée par le temps. De plus, comme l'auteur, afin de multiplier les noms, s'est servi de caractères plus fins que d'habitude, il est à peu près impossible, même avec une loupe, de distinguer les noms des ports et des stations insulaires. Aussi bien, à l'exception de l'archipel britannique, des côtes portugaises et des îles appartenant au bassin antérieur de la Méditerranée, tous les autres noms se lisent avec facilité, surtout à partir de la presqu'île de Trieste jusqu'à Constantinople. Dans cet immense triangle, dont les rivages sont baignés par l'Adriatique, la mer Ionienne et l'Archipel, les moindres sinuosités sont indiquées avec un soin extrême, et, certes, nous n'énoncerons pas un paradoxe en affirmant que, pour cette partie du Portulan, bien des atlas contemporains seraient consultés moins utilement. Les îles de l'Adriatique, par exemple, et les côtes albanaises sont étudiées avec exactitude. Nous ne trouverons de pavillon indiqué que sur la ville de Salmessa, sur l'Adriatique, et c'est encore le pavillon blanc à croix de gueules. Salonique est représentée avec une enceinte de murailles et trois tours, avec quatre banderolles; au milieu de la ville se dresse une église surmontée d'un haut clocher. Mais Constantinople n'est désignée que par son nom et à sa place dans le Portulan. L'auteur du Portulan n'a pas jugé digne d'une représentation particulière la capitale des successeurs dégénérés des Césars.
Les îles de l'Archipel sont, à peu près sans omission, toutes indiquées, et cette énumération est d'autant plus importante que, dans un des principaux monuments géographiques de l'époque, la Carte Catalane, ou un accident ou la volonté de l'auteur a fait disparaître les îles de l'Archipel. Nous insistons sur l'importance de cette partie du Portulan Dijonnais, car ce précieux
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document permet de suivre dans ces mers et dans ces parages, qui n'ont pas cessé d'être fréquentés par les négociants de l'Europe occidentale, les traces et les souvenirs de leurs relations commerciales. C'étaient les échelles du Levant du moyen âge.
A partir de Constantinople, nous entrons dans la mer Noire, dont les côtes européennes ou asiatiques sont dessinées avec un soin extrême et une exactitude presque absolue. Il semble que l'auteur du Portulan se sentait sur son terrain, car les noms se pressent et se multiplient on en compte jusqu'à cent soixante-quatre, dont beaucoup d'oubliés aujourd'hui, mais dont on referait l'histoire en fouillant les vieilles archives italiennes. En Crimée surtout il y a surabondance de renseignements. Remarquons toutefois que l'auteur du Portulan a donné à la mer d'Azoff plus de profondeur qu'elle n'en comporte réellement. Il est vrai que cette mer se modifie incessamment, grâce aux alluvions des fleuves qui lui apportent le tribut de leurs eaux. On sait, à ne pas en douter, qu'elle occupait une superficie plus considérable au temps d'Hérodote. L'auteur du Portulan s'est peut-être scrupuleusement conformé à ce qu'il avait sous les yeux, et, en ce cas, nous ne pouvons que le féliciter de son exactitude.
Si les côtes sont dessinées avec soin, il n'en est pas de même pour l'intérieur du pays. Le cours des principaux fleuves qui se jettent dans la mer Noire est pourtant indiqué, mais si on reconnaît le Danube à sa direction de l'ouest à l'est, on ne sait trop quelle est la forêt gigantesque où il prend sa source, ni surtout les deux lacs de forme circulaire qu'il traverse dans son cours. Quant au Dnieper, au Dniester et au Don, ils suivent bien la direction générale du nord au sud, mais tous ces fleuves sont singulièrement confondus, réunis les uns aux autres par des canaux intérieurs, et ils prennent leur source dans les mêmes marais que les fleuves de la Baltique. Une sorte de mer intérieure, de forme rectangulaire, fortement teintée en bleu, donne même naissance à quatre grands fleuves qui courent en sens opposé, aux quatre points cardinaux. Il est vrai que la grande plaine russe présente une pente à peine sensible, et qu'il a été facile de creuser des canaux entre les tributaires de la mer Noire et de la Caspienne et ceux de
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la Baltique et de l'Océan glacial mais l'auteur du Portulan ne connaissait probablement pas cette particularité, et il ne faut voir dans cette partie de son ouvrage que de la fantaisie ou de l'ignorance.
La presqu'île d'Anatolie dessine ensuite sa courbe harmonieuse. De Scutari à Tarso, les golfes et les sinuosités se succèdent avec leurs noms retentissants et leurs poétiques souvenirs. Mais tant d'invasions se sont abattues sur cette malheureuse contrée, elle a si souvent subi le joug des barbares, et tant de races opposées s'y sont donné comme rendez-vous, que, dans cette mêlée de civilisations opposées, les expressions géographiques ont souvent varié. Aussi ne reconnaissons-nous que peu de villes parmi toutes celles qu'énumère le Portulan Dijonnais. Comme ce Portulan a été composé à l'époque où les Turcs s'établissaient définitivement dans le monde oriental, que les croisés avaient un instant cru pouvoir conserver comme les noms antiques et les noms adoptés par les croisés n'avaient pas encore fait place aux dénominations actuelles, il nous est à peu près impossible de saisir un fil conducteur au milieu de ces termes géographiques qui, depuis plusieurs siècles, sont hors d'usage. Aussi bien l'auteur du Portulan s'est contenté d'énumérer les ports, sans s'arrêter à décrire telle ou telle ville. Il savait trop bien que ses compatriotes ne se hasarderaient pas volontiers dans ces parages jadis si hospitaliers. Partout la croix a cédé la place au croissant. A Comano et à Platana, sur la mer Noire, flottent deux pavillons, sur le fond rouge desquels se détache un croissant argenté. Sur le golfe de Macri et à Tarso, le croissant est encore argenté, mais la couleur du fond a été modifiée, ici bleue, là verte.
La côte de Syrie, de Tarso à Gazara, profile ensuite, avec une admirable netteté, ces rivages enchanteurs qui, de tout temps, furent le siège d'un si grand commerce. Antioche, la puissante Antioche, si célèbre au temps des croisades, et Jérusalem, la cité sainte, objet des vœux et des convoitises de l'Europe chrétienne, ne sont pas mentionnées sur le Portulan Dijonnais, mais les vieilles villes phéniciennes, Tripoli, Baruti, Saïtos, Sin et Acco, y figurent avec honneur. Sur Lalilitia flotte un pavillon rouge avec un croissant blanc.
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Nous abordons le rivage africain. Sur la côte méridionale de la Méditerranée, c'est-à-dire sur cette longue bande de terrain qui s'étend de l'Egypte au Maroc, en passant par les anciens Etats barbaresques, l'auteur du Portulan a dessiné trois villes Alexandrie, une ville algérienne et Ceuta. Alexandrie, surmontée d'un pavillon vert avec croissant blanc et de deux banderolles, est entourée d'une forte muraille flanquée de cinq tours. La ville algérienne est située entre Bone et Bougie et, par exception, un peu à l'intérieur des terres. Elle paraît correspondre à la position de Constantine, l'antique Ceuta. Surmontée d'un pavillon rouge avec croissant blanc et de quatre banderolles, elle compte six tours et un fort château. A Ceuta, nous rentrons, mais pour un moment, en terre chrétienne. En effet, le pavillon portugais reconnaissable à ses cinq besants d'or, et le pavillon blanc à croix rouge flottent sur ses deux tours et son château. Partout ailleurs reparaît le drapeau détesté. A Texuta, près de Tripoli, est un pavillon rouge avec croissant blanc, le même qu'à Comano, Platana, Lalixtia et la ville algérienne. Au cap de Ras-Aourim, le pavillon est vert et le croissant blanc à Mazagran, dans cette petite ville destinée à une moderne célébrité, le pavillon est blanc, et, par une exception unique, le croissant vert. Bien que l'Afrique, sauf Ceuta, appartînt tout entière aux Musulmans, et que ses rivages en fussent par conséquent fermés aux chrétiens, ils sont néanmoins décrits avec une grande exactitude. Il paraîtrait même que la navigation y était plus fréquente que de nos jours, car, sur bien des côtes, aujourd'hui presque abandonnées, figurent, dans la Carte Dijonnaise, des ports et des villes importantes. L'Algérie attire spécialement notre attention. Alguer est marquée entre les deux caps Mettefins et Caxines, ainsi qu'Oram et plusieurs autres points importants. Aucune ville n'est marquée dans l'intérieur, à l'exception de lo Caire, sur le Nil. Inutile de faire remarquer que, si le cours du Nil suit à peu près exactement la direction du sud au nord, ni ses principales courbures, ni son delta, ni, à plus forte raison, ses sources, ne sont indiquées, même approximativement. On observe, à l'est du Nil, comme une sorte de coin qui pénètre profondément en Egypte. C'est la mer Rouge, et il est difficile de ne pas la reconnaître, car l'auteur, sans la nommer, l'a suffisamment désignée par une épaisse couche de verm lion.
Restent les côtes africaines de l'Atlantique et les archipels qui se rattachent à ces côtes. Ici nous entrons tout à fait en pays inconnu. L'auteur du Portulan a pourtant indiqué la courbe que décrit le rivage au sud du cap des Palmes, quand au Sénégal succède la Guinée, et il a de beaucoup dépassé le fameux cap Bojador qui, pendant si longtemps, fut comme la limite extrême des connaissances géographiques dans cette direction. Il sait aussi que les indigènes ont accepté la foi musulmane, car, sur le cap des Sept-Cabos, flotte un drapeau rouge avec croissant blanc. Quant aux îles, trois archipels sont indiqués celui des Canaries avec le même pavillon que sur la cité anonyme que nous avons signalée en Espagne celui de Madère avec le même drapeau qu'à Lisbonne, et celui des Açores.
Tel est l'ensemble des contrées décrites par l'auteur du Portulan dijonnais. Remarquons encore qu'une sorte d'échelle des grandeurs, mais sans chiffre marqué, est dessinée à l'est de l'Irlande, et, à gauche de cette échelle, une rose des vents, ou plutôt une boussole surmontée de la fleur de lis. Au sud de la côte septentrionale de l'Afrique, est une seconde échelle des grandeurs et une autre boussole, mais cette fois sans la fleur de lis nous retrouvons, sans doute à titre d'ornement, la même boussole à quatre positions différentes dans le continent africain, trois dans l'intérieur du pays et une sur la côte du Maroc. En Afrique encore, nous remarquerons, cinq fois répété, un ornement singulier on dirait une sorte de tente renversée, avec des parements rouges, verts et blancs. Deux de ces tentes sont surmontées du pavillon rouge à croissant blanc; une troisième, du pavillon vert avec croissant blanc; une quatrième, d'une boule dorée, et la cinquième est à moitié détruite. L'auteur du Portulan a peut-être voulu désigner par ces tentes que les indigènes de cette partie de l'Afrique étaient adonnés à la vie nomade. Enfin, sur toute la carte et dans toutes les directions, sont tracées de grandes lignes qui, sans doute, servaient de point de repère aux navigateurs de l'époque et remplaçaient nos degrés de longitude et de latitude. On retrouve des lignes analogues sur plusieurs cartes du moyen àge (Catalane, Pizzigani, etc.).
Un examen attentif du Portulan Dijonnais permet d'avancer qu'il a été
remanié à plusieurs reprises. Chacun de ses possesseurs l'a enrichi de noms nouveaux ou a corrigé des erreurs. Plusieurs positions sont, en effet, rectifiées, et le même nom, qu'on a oublié d'effacer, se retrouve à quelques millimètres de distance. De plus, le Portulan porte des traces nombreuses de grattage et de corrections. Enfin, on peut distinguer jusqu'à quatre écritures différentes une première très nette, très régulière à l'encre rouge, pour les grands ports une seconde, également régulière, pour les ports de moindre importance une troisième, plus large, irrégulière, et spécialement réservée aux îles et aux côtes de l'Atlantique. Enfin un Arabe, ou du moins quelqu'un qui savait l'arabe, a eu quelque temps cette carte entre les mains, car il a inscrit quelques noms sur les côtes espagnoles et portugaises, et à Ceuta. Cette carte n'a donc pas été une carte de parade, mais un instrument très réel et très sérieux de navigation. Ce n'est pas l'action du temps qui seule l'a détériorée, mais plus encore un usage constant et répété. A ce double titre, elle mérite nos égards et notre étude.
§11.
Une double question se présente tout d'abord 1° Quel est l'auteur du Portulan ? 20 A quelle époque a-t-il été composé ? Nous allons essayer de les résoudre successivement, et, pour plus de clarté, nous répondrons tout de suite 10 que le Portulan fut composé par un Génois; 20 qu'il le fut dans les premières années du xve siècle.
L'auteur du Portulan Dijonnais n'a pas signé son œuvre, ou du moins, s'il l'a fait, la partie du vélin qui contenait sa signature a disparu, en sorte qu'il est impossible de désigner le Portulan par le nom de son auteur au moins nous sera-t-il permis de rechercher sa nationalité.
M. de Santarem croyait notre Portulan d'origine catalane. Il lui trouvait de grandes ressemblances avec la carte catalane de 1375, éditée par M. Buchon dans le tome XIV des notices et extraits des manuscrits inédits de la Bibliothèque royale Mêmes pays décrits, mêmes tracés, souvent mêmes détails. Il faisait de plus remarquer que l'usage de marquer en vermillon
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la mer Rouge était comme le signe distinctif de cette école hydrographique. Mais la carte catalane de 1375 est rédigée en catalan, tandis que le Portulan Dijonnais ne l'est pas. La carte catalane est beaucoup plus étendue que la nôtre elle est couverte de dessins et d'explications que la nôtre ne comporte pas c'était une carte ornementale, la nôtre est un instrument nautique. D'ailleurs un mot suffira pour prouver que le Portulan Dijonnais n'est pas d'origine catalane il est rédigé en italien. L'attribution de M. de Santarem est donc mal fondée, et c'est en Italie et non en Catalogne qu'il nous faut diriger nos recherches.
Plusieurs cités italiennes se sont adonnées au commerce pendant le moyen âge, et on a trouvé, dans la plupart de ces cités, des cartes anciennes fort curieuses et très intéressantes. Est-il besoin de citer la carte ancônitaine conservée à Weimar (1424), la carte des frères Pizzigani (1347), la carte du Vénitien Andréa Bianco (1436), la mappemonde vénitienne de Fra Mauro (1457), la carte génoise de Beccaria (1435), et toutes les cartes italiennes dont Lelewel dans sa Géographie du moyen âge, Santarem dans son Histoire de la géographie et de la cartographie au moyen âge, et Jomard dans son Recueil d'anciennes cartes orientales et européennes, ont conservé les précieuses reproductions? Deux de ces villes surtout, non-seulement par l'étendue de leurs relations commerciales, mais aussi par la longue durée de leur domination, se partagèrent l'empire de la mer ce sont les deux républiques, longtemps rivales, de Gênes et de Venise. Sur le Portulan Dijonnais ces deux républiques, seules en Italie, ont eu l'honneur d'être figurées par le dessinateur; mais il nous semble que Gênes a été traitée avec plus de prédilection, et l'examen attentif du Portulan nous démontrera que l'auteur du Portulan était Génois d'origine. Voici les principales de ncs raisons
1° Gênes est dessinée sur le Portulan avec un soin extrême. Des neuf cités que le dessinateur a honorées d'une représentation particulière, Gênes seule figure avec son port, le môle qui défend ce port et les cales de construction pour les navires. Gènes est bâtie, comme on le sait, sur les gradins arides et brûlés de l'Apennin. Elle s'étend comme en amphithéâtre
sur un cirque formé par les deux petits fleuves de la Polcevera et du Bisagno. L'auteur a pris soin de marquer ses maisons et ses monuments étages en terrasse; en un mot il a représenté Gênes d'après la réalité, tandis que les huit autres villes (Lisbonne, une ville espagnole, Avignon, Venise, Salonique, Alexandrie, une ville algérienne et Ceuta) sont comme jetées au hasard avec leurs monuments ou leurs fortifications.
2° Les environs de Gênes sont dessinés avec le même soin non-seulement les villes et les villages de la rivière du Ponant et de la rivière du Levant, mais aussi ce petit archipel situé entre la Corse et la côte ligurienne et toscane, et qui figure à peine sur nos atlas. Voici Caprera et Monte-Cristo tout à côté se dressent les Formigas, Planesa, la Gorgona, Elbe, etc. On voit que l'auteur du Portulan connaissait ces parages et qu'il a voulu les indiquer à ses compatriotes dans tous leurs détails. Il s'en faut de beaucoup que les îles de la rade de Naples ou celles qui prolongent dans l'Adriatique les lagunes vénitiennes, soient indiquées avec la même exactitude. Si donc l'auteur du Portulan a tellement insisté sur un point particulier de sa carte, n'est-ce point déjà une présomption en faveur de notre opinion? 3° Que penser de ce pavillon à fond rouge et croix blanche qui se trouve reproduit si souvent et à tant d'endroits différents ? Or ce pavillon n'est autre que celui de Gênes. Ne semble-t-il pas que l'auteur du Portulan a voulu indiquer soit les contrées où ce pavillon était connu et respecté, soit les villes où ses compatriotes étaient assurés de trouver des secours? A Londres, en Irlande, au Portugal, en Espagne, à Avignon, à Venise, à Salmesa, à Ceuta, c'est-à-dire dans tous les endroits où les négociants génois se rendaient de préférence, il déploie ses plis glorieux. C'est donc que le Portulan Dijonnais, composé par un Génois, était destiné à des Génois.
4° Nous pourrions à ces preuves morales ajouter des preuves historiques Les pays décrits avec le plus de détails par l'auteur du Portulan sont en effet les côtes de la mer Noire, les îles de l'Archipel et les côtes d'Anatolie, c'est-à-dire les régions que fréquentaient de préférence les négociants génois. Depuis les croisades, et surtout depuis que, en haine des Vénitiens, ils avaient aidé les Paléologue à reprendre Constantinople aux Latins, ils
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s'étaient attribué comme le monopole du commerce dans ces lointains pays. Venise, il est vrai, leur disputait encore la prépondérance dans l'Archipel, mais à Constantinople ils étaient les maîtres. Ils y possédaient même tout un quartier, celui de Pera, qui est marqué avec soin sur notre Portulan. Sous le règne d'Andronic-l'Ancien, ils avaient entouré leur ville naissante d'abord d'une double, puis d'une triple enceinte de murs. Les maisons élevées en terrasse jouissaient de la vue de la mer. Chaque année voyait s'accroître leur nombre et leur magnificence. Profitant de la pitié méprisante qu'inspiraient aux Grecs la fatigue et les misères d'une vie consacrée au négoce, les Génois établis à Pera avaient accaparé le commerce de l'Orient, et, si l'empire grec n'eût tout à coup succombé, la colonie génoise aurait promptement égalé en splendeur et en population la capitale de l'Orient. C'est surtout dans la mer Noire qu'ils avaient concentré leur activité. A vrai dire les côtes de cette mer étaient autant de fiefs génois. En Crimée ils avaient fondé un véritable empire. En 1266, sur les ruines de Theodosia, ils avaient bâti la ville de Caffa qu'ils possédèrent jusqu'en 1475, et qui devint entre leurs mains une importante cité de plus de cent mille âmes de population. C'était comme le rendez-vous des tribus caucasiennes et arméniennes, qui venaient s'y approvisionner des denrées et des marchandises italiennes. Elle devint le marché où s'échangeaient les peaux de la Russie, les soies de la Perse, les étoffes et les produits de l'Inde. Or non-seulement Caffa est marquée sur le Portulan Dijonnais, mais encore tout autour de cette ville, nous dirions presque dans sa banlieue, Calitra, Palormo, Conestas, Cipro, Asperomonte, Pandico et bien d'autres stations commerciales prouvent la présence des Génois dans ces parages éloignés.
5° A l'autre extrémité du Portulan, dans l'Océan atlantique, nous trouverons une preuve nouvelle des navigations génoises, et par conséquent de la nationalité de l'auteur de cette carte. On sait que les Vénitiens n'aimaient pas à sortir de la Méditerranée. On cite, il est vrai, les voyages d'Antonio et de Nicolo Zeno dans les mers du Nord, et celui de Ca da Mosto le long de la côte occidentale d'Afrique jusqu'au cap Vert mais ce n'étaient là que des exceptions. Les Génois, au contraire, n'hésitèrent pas à se lancer dans
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l'Océan, surtout quand ils eurent à leur disposition la boussole, ce merveilleux instrument de découverte. On connaît mal ces hardies expéditions. Il semble que les Génois, afin d'éviter la concurrence, aient gardé le silence sur les contrées et les îles qu'ils découvraient. On a pourtant conservé le souvenir de l'expédition tentée en 1275 par un chevalier génois, d'origine française, Lancelot Maloisel, qui aurait découvert une partie des Canaries et laissé son nom à une des îles de l'Archipel. En effet, sur toutes les cartes postérieures, Lanzarota est désignée par un pavillon blanc à la croix rouge, c'est-à-dire aux armes de Gênes. Dix ans plus tard, vers 1285, deux autres Génois, Tedisio Doria et Ugolino Vivaldo, armaient à leurs frais deux galères, passaient le détroit de Gibraltar et cherchaient la route de l'Inde en contournant l'Afrique mais leurs vaisseaux échouèrent et leurs équipages furent faits prisonniers. En 1341, le Florentin Tegghia de Corbizzi, au service d'Alphonse IV de Portugal, explorait de nouveau l'archipel des Canaries, et c'était un Génois, Niccoloso de Recco, qui servait de pilote à l'expédition. C'est ce même Génois qui, à son retour, en raconta les divers incidents. Les Génois naviguaient donc dans ces parages de préférence à tout autre peuple, et, s'ils ne les entreprenaient pas à leur compte, au moins consentaient-ils à diriger ces expéditions aux frais d'autres souverains. Or, dans le Portulan Dijonnais, nous distinguons trois des archipels de l'Atlantique, vers lesquels les Génois aimaient à naviguer, bien avant que les puissances occidentales se fussent enhardies, à leur exemple, jusqu'à tenter des expéditions analogues. Ce sont les Canaries, très bien dessinées et avec beaucoup d'exactitude, Madère et les Açores. Dans les Açores, nous remarquerons l'île de Saint-Georges, qui porte le nom du patron de Gênes. Le dessinateur du Portulan a donc eu l'intention bien arrêtée de désigner des îles fréquentées par ses compatriotes, et ces compatriotes ne peuvent être que des Génois. Nous avions espéré découvrir dans les archives de Bourgogne la meilleure preuve de la nationalité de l'auteur du Portulan Dijonnais. Si, en effet, dans quelque inventaire après décès, et en vertu du droit d'aubaine, nous eussions constaté la présence, à Dijon ou dans toute autre ville de la province, de négociants italiens conduits par leurs affaires au centre de la France,
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non seulement on comprendrait comment un monument géographique, destiné à une ville maritime, s'est ainsi rencontré dans une ville de l'intérieur, mais encore on saurait de quel pays étaient originaires les auteurs du Portulan. Or les relations entre la Bourgogne et l'Italie étaient fréquentes. Les ducs avaient à leur service des mercenaires et des condottieri piémontais ou lombards. De nombreux aventuriers florentins ou napolitains servaient à leur cour. Le Lucquois Dyne Rapondi fut le banquier de Philippe-le-Hardi et de Jean-sans-Peur. Il est plus que probable que des négociants génois se hasardèrent à tenter les chances du commerce en Bourgogne, soit en franchissant les Alpes, soit plutôt en remontant le Rhône. On a conservé le nom du Génois Antonio Gentile, qui, en 1397, vendait à Philippe-le-Hardi un gros rubis, qui devint le principal ornement de l'anneau ducal. Mais nous ne savons pas à qui appartenait le Portulan nos recherches n'ont pas abouti, et nous l'avouons en toute sincérité. Il est vrai qu'à défaut de documents authentiques, l'ensemble des arguments que nous avons déjà présentés suffira peut-être à établir que l'auteur du Portulan était d'origine génoise. §111.
Il est plus difficile de préciser l'époque à laquelle fut composé le Portulan, car nous ne pouvons procéder que par élimination. M. de Santarem, dont l'autorité est grave dans la matière, et qui avait été spécialement consulté, se prononçait pour une date postérieure à 1492, et il se fondait sur ce que la ville d'Espagne marquée dans le Portulan était Cordoue, enlevée aux Musulmans en 1492, et surmontée en effet des armes d'Espagne. Or nous n'apprendrons rien à personne en faisant remarquer qu'il a pris Cordoue, enlevée aux Maures et presque détruite dès 1236 par Ferdinand III de Castille, pour Grenade, effectivement conquise par Isabelle et Ferdinand en 1492. D'ailleurs, cette ville espagnole est un port de mer et nullement une ville de l'intérieur. La prétendue preuve de M. de Santarem tombe donc d'elle-même.
D'ailleurs, en 1492, Constantinople appartenait aux Turcs depuis trente-neuf 32
ans (1 4-53) le croissant, qui figure partout ailleurs dans les pays occupés par les Mahométans n'est pas dessiné à Constantinople. Assurément, si la capitale de l'empire eût appartenu aux Turcs au moment où l'auteur du Portulan composait son œuvre, il n'aurait pas oublié de mentionner un fait aussi important, et qui intéressait si directement ses compatriotes, les Génois. Il aurait indiqué la présence des Turcs à Constantinople, comme il l'a fait pour Platana, Lalilitia, le cap Ras-Aourim ou les nomades africains. On peut donc affirmer que le Portulan Dijonnais a été composé avant 1453.
Il l'a été également avant 1429, époque de la prise de Salonique par le sultan Amurat II. Car le croissant ne surmonte pas les murailles de cette ville, chrétienne encore.
M. de Santarem remarquait que le pavillon portugais flottait sur Madère, découvert en 1419 et peuplé en 1425. Il en concluait que le Portulan avait été composé après cette date A-t-il donc oublié que toutes les cartes maritimes du xive siècle indiquaient déjà l'archipel de Madère, et que toutes les dénominations, quelle que fût l'école hydrographique d'où nous venaient ces cartes, appartenaient à la langue italienne? Insula de Legname, Porto Santo, insule deserte, insuie salvatage, etc. Donc il n'est pas nécessaire de descendre jusqu'aux premières années du xve siècle pour fixer la date de la composition de ce Portulan, puisque les Italiens, et spécialement les Génois, connaissaient Madère depuis fort longtemps.
Que si, d'un autre côté, nous cherchons à fixer la date la plus reculée à laquelle aura été composé notre Portulan, on pourrait croire qu'il l'a été avant la destruction du port de Pise par les Génois, vainqueurs de leurs rivaux à la bataille de la Meloria, c'est-à-dire avant 1284, car le port de Pise figure encore sur le Portulan mais des villes détruites ont souvent été dessinées sur des atlas, même après leur disparition; Thérouanne, par exemple, ruinée de fond en comble par Charles-Quint en 1553, figura longtemps sur les cartes postérieures, et ne trouvons-nous pas encore marqués sur tous les atlas les emplacements de Sagonte ou de Carthage? Il n'est donc pas nécessaire de supposer que le Portulan Dijonnais ait été composé avant 1284, parce qu'il contient le port de Pise détruit en 1284.
La meilleure preuve en est qu'Avignon n'a commencé à être la résidence des papes qu'en 1309, avec le pape Clément V, et que cette ville est indiquée sur le Portulan Dijonnais comme le siège de la catholicité. L'étendard pontifical avec les clefs de saint Pierre flotte au sommet du château. Le Portulan a donc été composé, non seulement après 1284, mais aussi après 1309. Or les papes sont restés à Avignon de 1309 à 1378, c'est-à-dire pendant l'époque désignée dans l'histoire sous le nom de captivité de Babylone. Quand éclata le grand schisme d'Occident, Clément VII, Benoît XIII et Clément VIII, de 1378 à 1429, continuèrent à y résider. Le Portulan Dijonnais fut donc certainement composé dans la période qui s'étend de 1309 à 1429, puisque Rome, la vraie capitale du monde catholique, est seulement mentionnée sur le Portulan, sans aucun signe distinctif, et comme une ville ordinaire, tandis qu'Avignon y figure avec honneur et en qualité de capitale en quelque sorte officielle.
L'examen attentif du Portulan nous permettra de préciser davantage. Dans les premières années du xve siècle, en 1415, Jean Ier le Grand, roi de Portugal, s'empara de Ceuta sur les Mores ce brillant fait d'armes, qui ouvrait l'Afrique aux chrétiens, eut un grand retentissement en Europe. L'auteur du Portulan s'est bien gardé de l'oublier. Seule, parmi toutes les cités africaines, Ceuta figure dans son œuvre sans être surmontée du croissant. Au contraire le pavillon Génois flotte sur ses murailles, ce qui indique, à ne pas en douter, que Ceuta appartenait déjà aux chrétiens à l'époque où fut composé le Portulan nous avons donc le droit d'affirmer que le Portulan fut composé après 1415.
Nous savons déjà que Salonique ne fut prise par Amurat II qu'en 1429, et que, sur le Portulan, elle est encore marquée comme ville chrétienne nous n'avons pas oublié que le pape avignonnais Clément VIII n'abdiqua qu'en 1429, et qu'Avignon est encore, sur notre Portulan, la capitale pontificale. Il nous sera par conséquent permis de conclure, en vertu de ces éliminations successives, que le Portulan Dijonnais a été composé après 1415 et avant 1429.
Nous avons pensé qu'il ne serait pas sans intérêt de faire connaître cette
oeuvre importante de la cartographie du moyen âge, et, afin de mieux établir la concordance, ou plus souvent encore les différences des dénominations géographiques, nous avons divisé notre publication en quatre colonnes. La première comprend les noms du Portulan Dijonnais tels que nous avons pu les déchiffrer, la seconde les noms antiques, la troisième les noms de la carte catalane de 4375, et la quatrième les noms actuels. Les mots en caractères italiques sont ceux qui, sur le Portulan, sont écrits en caractères spéciaux et à l'encre rouge. Les points d'interrogation désignent les déchiffrements difficiles ou les concordances géographiques dont on n'est pas assuré, et les lignes ponctuées celles qu'on n'a pu établir.
-^A-rsas^-»– –
SECONDE PARTIE.
LE PORTULAN DIJONNAIS.
Côtes Espagnoles (Méditerranée).
Portulau Dijonnais. Noms antiques. Carte Catalane. Noms actuels. Gebeltar. Calpe. Mont Gibeltar. Gibraltar. Une couche de couleur
verte ayant effacé plu-
sieurs mots. Malicha. Malaca. Malicha. Malaga. Nouvelle couche de vert. Ilhas7 Jarfalquiza. Guavardiqneya. Cap de Guardas Viejas. Nouvelle couche de vert. Armeria. Murgis. Almeria. Almeria. C. de Gata. Cap de Gata. Nouvelle couche de vert Cartagena. Carthago Nova. Cirtagenia. Cartagena. C. de Palo. Cap de Palo. C. de Palos. Sept mots illisibles. Denia. Hemeroleopium, Dianium. Denia. Denia. Albaferia. Lac d'Albufera. Grao. Valentia. Grao de Valentia.
Portulan Dijonnais. Noms antiques. Carte Catalane. Noms actuels.
Un mot illisible.. M. Verde. Sagontum. Montuedre. Murviedro.
Bauriana. Boriana. Burriana.
Aurepassa. Aurpessa. Oropesa.
Corpe. Corp. Deux mots illisibles. Tortossa. Dertosa. Tortossa. Tortosa.
Rio de l'Istro. Rioduyastre. Embouchure de l'Ebre? Villages. Villasecas.
Taraujon. Terragona. Tarraco. Teragona. Tarragona.
Tamarti.. Tamarit.
Civitas. Cabellas?
Segnis. Siges. Sitjas.
Barcelonna. Barcino. Barcellona. Barcelona.
Sam Paulo. Sanpoll. S. Pol de Mar. Sam Felio. Sanfelio. S. Felice de Guixols. C. d'Agoas Frias. C. d'Aygua freda. C. S1- Sebastien on C. Bagnr. Medes. Medes. Iles de las Medas. C. de (mot illisible). Templum Veierii Pyrenaeœ C. Creuz.
Côtes Françaises (Méditerranée).
Leuza. ̃ ̃ Lanza. Lanza.
Coluira. Caucoliberis. Copliura. Collioure.
Un mot illisible. • Sagno Lucate. Leocata. Leocata. Etang de Leucate. Nerbona. Narbo Martius. Nerbona. Narbonne.
Samper. San Per. Saint-Pierre. C. de Secha. Setium Prom. C. de Seta. Cap de Cette. Magalona. Magalona. Maguelone.
Lattes. Lates. Lattes.
Msp.l. Monpesler. Montpellier.
Ayva. Aquae Mortuae. Ayges Mortas. Aygues-Mortes. Avinhom. Avenio. Vinyo. Avignon.
Arela. Arelate. Arles.
Deux mots illisibles..
Marcelha. Massilia. Marsela. Marseille.
Carces. Carsicis Portus. Cassis.
Un mot illisible. Torom. Taoroenlum ou Telo Martin Ruines de Taurwnlum on Toulon. Ilhas Mores. I» Staechades. Iles d'Hyères. Un mot illisible.
ÉTUDE SUR UN PORTULAN INÉDIT wr"s .ee r.m rw.e
Portulan Dijonnais. Noms antiques. Carte Catalane. Noms actuels. Frezuli. Forum Julii. Fréjus. Sa Margarita. I* Lertase. Santa Margalitha. Iles de Lérins. Vallefranca. Portus Avisio. Villafranca. Villefranche. Un mot illisible. Côtes Italiennes.
P. Moris. Mauritii ad costam. Porto Moris. Porto Maurizio. Senia. Sene. C. Cremendora. Mere d'Andora. Andora. Arlenga. Albium Intemelium. Albengrina. Albenga. Final. Ad Figlinas. Finar. Finale Borgo. Saona. Sava Maritima. Saona. Savona. G. P. D. Golfe et port de Gênes. Janea. Genua. Janua. Genova. Camogi? P. d'Afiri. Port d'Arfi. Portofino. Rapallo. Rapalo. Rapallo. Levanto. Sinus Ligusticus. Levanto. Riviera di Levante. P. Veneri. Portus Veneris. Porto Vener. Porto Venere. Spetza. Ericis sinus intima. G. de Speza. La Spezzia. Reno. Sarzana? 7 Magra. Macra. Magra. La Magra. Motrem. Motron. Pira. Pisa. Pisa.
P. Pisom. Port Pisam. Montenegro. Montenegro. Montenegro. P. Barato. Balatero. Porto Baratto. Piobino. Populonium. Plunbi. Piombino. C. de Troja. Trojani portus. Cavo de Troïa. Cap. Troja. Castilhom. Castiglione. Talamon. Telamon. Talamon. Talamone. M. Argental. Mons Argentarius. Monte Argentaro. P. Ercoli. Portus Herculis. Port Ercori. Porto Ercole. Corneto. Cornetum. Corneto. Corneto. Civita Velha. Centum cellae. Civita Veya. Civita Vecchia. C. del Mar. Cavo del mar. C. Linaro. S. Savera. Santa Severa. Santa Severa. Roma. Roma. Roma. Roma.
Ostia. Ostia. Hostia. Ostia.
C. d'Ansa. Antium. Cavo d'Ansa. Porto d'Anzio. Estura. Stura. Stora. Torre d'Astura. M. Cercelli. Promont. Circaeum, Cerea. Monte Circello.
Portulan Dijonnais. Noms antiques. Carte Catalane. Noms actuels. Terrasina. Auxur. Terracine. Terracina. Gaita. Caietae portus. Gayta. Gaeta.
Garilhano. Liris. Le Garigliano. Abata. Zpocollo ? Acoma. Cyme. Napoli. Neapolis. Napoli. Napoli.
tora? Torre del Greco? Sorient. Syrrentum. Sorenti. Sorrento. Maiori. Maiori.
Menerva. Prom. Minervae. Minerba. C. della Campanella. Salerno. Salernum. Salerno. Salerno.
C. de Licosa. Prom. Posidium. Cavo de Licosa. C. della Licosa. Passoto. Pœstum. Ruines de Pœstum. Foresta. Forest. Cape. la Capreae. Capri. Capri.
S. Nicolo. Sancto Nicolao. Belveri. Belver. Belvedere. Sammatea. Mantea. Amantea. Femina. Laüs Sinus. Sancta Femina. Santa Eufemia. Bibona. Bibonas. C. Zambrone ? Turpia. Tropœa." Turpia. Tropaea.
Comni. Columna? Rezo. Rhegium. Rezo. Reggio.
Rolla. Locri. Peloria. C. Pellaro. Colsam? Caulonia. Girax. Girazo. Gerace.
Stilacismo. Sinus Scyllacius. Schilazo. Golfe de Squillice. Castelle. Castra Hannibalis? Castelle. La Castella. Collone. Prom. Cocintum. Cavo de Colonie. C. di Nao. Cotrom. Croton. Cotrom. Cotrone.
Lenna. Prom. Licinium. Lezza. C. dell'Alice. Roximo. Roscianum. Rossano. Coriliano. Corigliano. Roxeti. Roseto.
Tore. Tybaris postea Thurii. Tor de mar. Taranto. Tarentum. Taranto. Taranto. C. Sta.m. Prom. lapygum. C. Santa Maria di Leuca. Otranto. Hydruntum. Otranto. Otranto.
Brindis. Brundusium. Branduzo. Brindisi.
? Gnaza Egnatia. Egnatia.
?Petr. Petrola. Santov. Santo Vita. San Vito.
ÉTUDE SUR UN PORTULAN INÉDIT
1/2 ETUDE SUK UN FUKTULAN INEDIT
Portulan Dijonnais. Noms antiques. Carte Catalane. Noms actuels. Bar. Barium. Bari.
Iovenaco. Iovenazo. Giovinazzo. Cezene. Bisceglie? Tran. Turenum. Trayn. Trani.
.leto? Barolum. Barlet. Barletta. Manfredonie. Sinus Urias. Manfredonia. Vestia Apenestae. Vieste. Punta. Prom. Garganum. Punta de Vina. Cap. Gargano. Mura. Myria. Sannic. San Nicaudro. Campo Mari. Campo mari. Campo Marino. M. renho? Biferno ? Sangueno. Sagrus. Sangro. Ortona. Ortona. Ortona. Francavilla. Francavilla. Francavilla. Pescaria. Aternum. Pescayra. Pescara. Saline. SaUnae. Salino Maggiore. P. di Seno ? Civita Nova. Castrum novum. Civita nova. Civita Nuova. Potenca. Pollentia. Potencia. Potenza. Ancona. Ancona. Anchona. Ancona. Flumeneno. Falconara? Senigalla. Sena Gallica. Senigaya. Sinigaglia. Fano. Fanum Fortunae. Fano. Fano.
Pexaro. Pisaurum. Pezano. Pesaro. Catolica. Cattolica. Gradara. Fovea? Fogara. Foggia? Rinaro. Ariminum. Rimano. Rimini. Zezenigo. Cesena. Cesenatico. Cesenatico. Ravena. Ravenna. Ravena. Ravenna. P. Mara. Primaro. Po di Primaro. Mamaujan. Maujavoch. Porto di Magna Vacca. Vrolleno. Volanum Ostium. Pô di Volano. Gorom. Goram. Pô di Goro. Loreto. Laureto. Loreo. Focam. Brondello. Brundulus Portus. Brundolo. Brondolo. Ortolona. Pelestera. Palestrina. San Romana. Malamoco. Madamog. Malamocco. Venezia. Venecia. Venezia.
23
Côtes Illyriennes et Grecques, jusqu'au cap Matapan.
Portulan Dijonnais. Noms antiques. Carte Catalane. Noms actuels. Istria. "̃ Istria. Istria. Istrie.
Montananova. Montona. Parenza. Parentumi. Parenzo. Parenzo. P. Polar. Pietas Julia. Pola. Pola.
San Marti. Bocarissa. Bocari. Buccari. Lucarno. G. de Toimoli. Sinus Flanaticus. G. de Quarnero? Santa Como. Nove Gradi. Drugnoiay. Dragove ou Novegrade. Maimi. Nanna? Sanzorzo. Insola de Albi. Ie Arba. Albi. I* Arbatia. Zara. Iadera. Jayra. Zara.
Zara Velha. Blandona. Jayra Veya. Zaravecchia. Sardona. Scardona. Scardona. Sebenico. Tariano. Sibenicho. Sebenico. Murata. P. Cavalier. Prom. Diomedis. Punta della Planca. Traur. Tragurium. Tragiel. Trau.
Spalato. Aspalatos. Spalato. Spalato. Sola. I» Olyntha. l' Sseta. Lesne. la Pharus. l' Lesina. Salmeza. Damesa. Almissa. Labraca. I" Brallia. le Brazza. Sa'nzorzo. G. Narenta. Narona. Golfo de Narent. Canal de la Narenta. Stanhum. Ragusa. Rhausium. Ragosa. Ragusa. Moline. Raguzim. Epidaure. Ragosa Veya. Ragusa Vecchia. Malonco. Melita. Malont.. I* Meleda. Catato. Cataro. Cattaro. Trafta. Trafta. Budua. Bodoa. Budua. Aqua. Val de Noxe. Valle de Noxe. Val de Noxe. Lamador. Slanastaxi. C. Lipari. C. Rodoni. 23
Portulan Dijonnais. Noms antiques. Carte Catalane. Noms actnels. C. de Laque. Cave de l'Aqui. Cap Laghi. Mollini. Levalli. Carpioni. Polina.
Lavellona. La Velona. Avlonia.
Lerigo. I» Merlera. Lorigo. I- Erikusa. Orsara. Palormo. Palormi. Pointe Palerimo. Protanto. Buthrotum. Protanto. Butrento.
Frasque. 1« Prasudi. Voliqui. L?.guiliqui. G. Amosto. P. Larta. Ambraciotes Sinus. Larta. G. de l'Arta. C. Figo. Cavo Figalo. C. Fico.
Exisco. Astakos. Ascipo. Astako.
P. Scuria. Prom. Araxus. C. Kalogria. Stretto. Sinus Corinthius. Entrée du golfe de Patras Grazosa. Glarentsa. ? Genu. Gastuni ?
C. d'irenas. C. Chelonatas. C. Katakolo. G. Carlom. Sinus Cyparissus. Golfo de Carbum. Golfe d'Arkadia. P. Ronco. I. Sphacteria. Punta de Jonchs. 1. Sphagia. Modom. Methone. Modom. Modoni.
C. Gallo. Pr. Acritas. Cavo Gallo. Cap Gallo.
Calomati. Pharai ? Kalamata. Mattapa. Prom. Taenarium. Matapa. C. Matapan. Côtes Européennes de l'Archipel.
Pagama. Prasiae. Pascania. Pagania.
S* Angelo. C. Amastur. Amorea. Golf. Naupl. Sinus Argolicus. Golfo de Napoli. Golfe de Nauplie. Quineli. Demala. Trezene. Damala. Damala.
Fanar. C. Collone. Prom. Sunium. C. Kollonas. G. Marco. Sinus Marathonius Marathon.
C. Talandi. la Atalante. Talandi. Atalanti.
Bondania. Bondeniza. Mendenitza. Ladena. Lolena. Guardia. Larissa. Guardica. Gardiki.
DE LA BIBLIOTHÈQUE DE DIJON. u"
Portulan Dijonnais. Noms antiques. Carte Catalane. Noms actuels. G. Nicolle. Sinus Pagaseticus. Santo Nicolao. Golfe de Volo. G. de Lamiro. Sinus Maliacus. Lamiro. Lamia.
Dimitrata. Demetrias. Dimitrata. Damastitiae. Sanzorzo. C. Mosler. Moster. Monester. C Xiliqui. Cavo Verliqui. C. Kissovo Plantamor. Dium? Plantamo. Platamona. P. Quiro. Methone? Quitori. Kitro.
G. Salloniq. Sinus Thermaeus. Golfe de Saloniki. B-illata. Volado. Vollada.
Granea. Granea. Granea.
Angra. Saloniq. Thessalouicea. Salonick. Saloniki. Mot illisible. Sanzorzo. Sanzorzo. San Jordi. Ca ra. Acontamar. Prom. Caxtastraeum. Punta de Sabium. Cap Paliuri. Tasiar. Anistra. Castelfama. G. d'Acopta. Toronaïcus-Sinus.. G. de Kassandra, Nicallidi. Sandino. Grisopoli. Crisopol. Ri&topoli. Cristopol. Langufsto. G:wrilli. G. Astoso. Strymonicus Sinus. Golfe de Rendina. Jonar. Orfani.
Angra. Macri. Milori.
G. de Maritza. Hcbros. La Maritza. Passi. C. Paxi.
Cassarm. Cardia? Angra. G. d'Acardi. Melas sinus. Golfe de Saros. Galipolli. Callipolis. Gallipolli. Gallipoli.
Sanzorzo. Sanzorzo. Monast. de St-Georges. Poletta Polisto. Polisto.
COtes de la mer Noire.
Coslaatlinopoli. Ryuntiam, Connaatiaopoli~. Costantinopoli. Istambul. Pea. Pera.
Pa Malatar. Malatra. Malitra.
Portulan Dijonnais. Noms antiques. Carte Catalane. Noms actuels. Politi. Phrygia? Podima.
Stanhaira. Salmydessus ? Midia.
Agatopoli. Aulaeiteichos ? Gatopoli. Agathopoli. Sisopuli. Apollonia. Sisopol. Sisebolu. Scafidia. Mesembea. Mesanbria. Misiwri? C. de Lemano. Prom. Haemi. C. Emineh. Mauro. Toxito. Varna. Oiessus. Varna. Varna.
Castria. Catreni. Tarlona. Zanarna. Gavari. Kawarna. Lossilusito. Lossilunca. Costanza. Tomes. Costanza. Kostendsche. Zanavardo. Zanano. Grossea. Grosea. Grosea.
Stranico. Lasprea. Laspera. Spera.
Sanzorgo. Sacrum ostium. San Zorzo. San Giorgio. Solinar. Pulchrum ostium. Selina. Salina.
Licostoma. Psilon ostium. Lichostoma. Kilia.
Salline. Falconara. Farconayre. Laxenestria. Portus Isiacicus ? Zinestra. La Ginestra. Flol d Uis. Tyras. Flor de Lis. Dniester. Barbari. Barbarexe. Balabanka. P. Lon. Port de Lono. Owidiopol. Elloixe. Erexe. Magaripe. Pula. Pidea. Pideya.
Ilha Roixa. Insula Rossa. I» Rossa. G. de Magropoli. Cercinites sinus. Golfo de nigro pilla. G. Karkinit on de Perekop. Saline. Saline. • Larosa. Lagraxea. Grossida? C. Rosafat. C. Céphalonèse. Cavo lo Rosofar. Cap Tarkan. Trimichi. Termich. Trinici.
Salini. Salina. Cenbaro. SymbolonouPalakion. Cenbaro. Balaklawa. C. de Malilla. C. Parthenium. Laïa. Criumetopon prom. Laya. C. Aïa.
Sanduro. Sancto Dero. Santodero. Pangopoli. Pagropoll. MangropoK.
Portulan Dijonnais. Noms antiques. Carti Catalane. Noms actuels. Meganome. Meganone. C. Tschuban Basty. Calitra. Caletra. Palormo. Port des Taurotcy thes? Cafa. Theodosia. Caffa. Caffa.
Conestas. Cazeta? Sorestaye. Cipro. Cipreo. Ciprico. Asperomonte. Acra. Aspromitrije. Aspromiti. Pondico. Panticapée. Pondico. Pontico. Caramogi. Carcanœni. Jschani. Comania. Iazyges? Cumania. La Cumanie. San Zorgo. San Zorzo. Lena de Cospori. Lena de Cospori. Lena de Gospo. Porteti. Porteti. Palomissi. Polonisi. Palastra. Palastra. P. de Locata. Locaché. Papagmo. Pjpacomo. Flum. Bog. Hypanis. Le Boug. Cabardi. Cabardi. La Kabardie. P. Pisam. Porto Pisam. Taganrog ou Mariupo!? Magromissi. Magemissi. Atuna. Tanaïs. Atuna. Don.
Casa di Liroxi. Paniardis? Jeiak.
Cacaria. Iacaria. Achtari. Carmanho. Tarpurao. Temrjurk? San Zorgo. San Zoizo. S. Gorki. Irxo ? 7 Tancopa. Phanagoria. Copa. Taman? Badaer? Bâta. Buga.
Armischa. Hermonassa? Dschemitei? C. da Croxe. Cavo de Croxe. C. Kamenoï. Mopat. Sindique Aborace. Mapa. Anapa. Torma. Calo Limene. ifauro loco. Mavrolacho. Mauri.
Gosseto. Pagres? Gelendschick? Maurazachia. Vetus Lsz:ca ? Maurazecchia. Nebug. Albazachia. Flum Condino. llypanis ou Vardanes. Le Kuban. Porto de Susaco. Porto de Susacha. Sougoudjat. Alba Zachiu. Askasy.
ÉTUDE SUR UN PORTULAN INÉDIT
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Portulan Dijonnais. Noms antiques. Carte Catalane. Noms actuels. Ganna. C. de Cuba.. Heracleum prom. Cuba. Cap. Constantinowski. Costo. Costo. Alayaso. Layiso. S» Sofia. Sancta Sofia. C. de Giio. Giro. Giandilli. Pezonda. Pityus. Pezenda Pizunda. Civo Buxo. Cavo de Bux. C. Souckhoum. Flum Nicolas. Flum Nicola. L'Ingur? t Angea. Sarastopoli. Dioscurias. Favafta. Iscourias. poli. Cicabaty. Bathys port. Cicaba. BatounBouroun. Gotto. Apsarus f. Gota. Choppa. Tamasa. Tamara Corerendia. Corerendia. (Trois mots effacés). Go.mea? Gamea. Gunieh? Arch avi? Archavis Xyline. Archavi. Arkhava. Angr Cuissa. Cissa. Juissa. Witze.
Sontina. Sentina. Santina. Euxira. Caloviso. Kalos f. Stillo. Stillo. Giimena. Silsurmaena. Surmene. Fronda. Trapasonda. Trapezus. Traposonda. Trabezon. Platena. Hermonassa? Platena. Platana. Giro. Inopoli. Tarabulus. Vicopolli. Tireboli. Sammeste. Laitos. Laytos. Lartos.
Zefano. Stephanos. Zeffanol. Zefano. Chirasonda.- Cerasus. Chirizinda. Kiresun. Omidie. Omidie. Homidi. Bazavquin. Cotyora. Bazar. Buzuck-Kaleh. San Tomao. Leona. Pr.Iasonium. Lavona. C. Iason-Burun. Portomon. Polemonium. Pormon. Faduca. Phadisane. Vathiza. Fatisa.
Hunio. Œnoë. Honio. Unieh.
Lamiro. Themycire Lamyron. L'Amiro. Armiro.
DE LA BIBLIOTHÈQUE DE DIJON.
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Portulan Dijonnais. Noms antique». Carte Catalane. Noms actuels. Limanla. Liminia. Limina. Lirio. Iris f. ou Lycus. Ickil Irmack fi. Sinisso. Amisus ou Enète. Sinuro. Samsun. Platagonia. Platagona. Pratagona. Languissi. Naustathmos. Languisi. Langasisoé. Lalli. Halys f. Lali. Kizil Irmack Il. Panigero. Panigerio. Pangero. Calipol. Zagora. Calipol. Caplopli. Carosa. Carusa. Chrosa. Gherzeh ou le Karasou. Sinopi. Sinope. Sinopi. Sinub
Ermime. Armene. Erminio. Akliman. Losseti. Sam Stefano. Stephanos. Stefinio. Istifan. Quinolli. Cinolis et Anticinolis. Quinolli. Kinoli.
Ginopoli. Ahonutichos. G;nopolli. Ineboli. Corami. C. Cirambis. Carami. C. Kerempeh. Girapetrino. Girapetrino. Grapelino. Castelle. Castelle. Calletas. Comano. Comano. Comano. Tripisili. Tripisilli. Tripoli. Samastro. Amastris. Samafto. Amassera. Parthemi. Parthenius fi. Partalli. Le Bartan Tchai. Thio. Tuim. Thio. Filijas. C. Picolo. Cavo Piselo. C. Pisello. Moline. R p Luixa ? Lycus f. Le Kilideh. Ripa. Lirio. Lilœum? Lirio. Liro.
Zagari. Sangarius fi. Zajam. Le Sakaria. Aqua. Funoxio. Calpé ou Chélès. Fenossia. Sesoxia. Cilacr. Cale acra. Giro. Giro. Fanaraki. CStes d'Asie-Mineure.
Scutari. Chilcédoine. Scutari. Uskudari. Tercha. Kartal ? Rachia. Rachia. Heraclée. G. da Comidia. Golfe d'Astacos. Golf de Comidos. Golfe d'Ismid. Comidia. Nicomédie. Ismid.
C. Tiano. Bos Burun. Christo.
Portulan Dijonnais. Noms antiques. Carte Catalane. Noms actuels. Landor. Landaz. Palolime. L. Ascanios ? Palolimea. Lac d'Isnick. Quio. Cios. Gemlick. Suquim. Sechim. Sequino. Dia d'Ilha. Dascylion? Diaschillo. Mudania. Calolilimo. I. Besbicos. Calolimo. Iles Kalolimni. Lupanto. Lupanto.. Ulubad. Lupadi, Lac Apolloniatis. Lupay. Lac Ulubad. Palorini. Panormus. Palbrini. Panormo. Lartasi. Cyzicus. L'Artazi. Artaki. G. Spiga. Golf de Spiga. Paris. Pariom. Para. Lar. Larissa. Larco. Bargas? Remissi. Remisio. Menischer? Mortana. Mortani. Landermiti. Adramyttium. Landermiti. Edremid. Stan Anane. Santa Armatica. Aywalick ? San Jordi. San Zorzo. I- Saint Georgio3. Stingam. Stingari. Eslingan. Cristo. Cristo. Foca vella. Phocaea. Foya veya. Phokia Vieja? Lauro. Liuro.
Stellar. Stelat. C. Stelat. Spiti. Alto Lago. Smyrna? Alto logo. Port de Smyrne? Finhella. Figuela. Figella. Deraonari. Demoniayre. Demoniara. Cosino. Casino. Anga. fiardanello. Dardanella. Malfato. Marfitani. Traqueo. Traquia. Traqua. P. Fisco. Fisco. G. Karagatch. Larosa. Larosa. • • ̃ Licia. Lacia. Lamia. Prepia. Prepia. Prepria. Metirome. Metireme. Mitemremi. G. Mac. Glaucus Sinus. Golf de Macri. Golfe de Makri. C. Patria. Corumele. Stanelle. Astamirle. Myra. Gironda. • • • Jeromia. Sillidone. Chelidonium pr. Sillidoni. Cap Chelidonia.
U
Portulan Dijonnais. Noms antiques. Carte Catalane. Noms actuels. Proconezia. Aratia. Aratia. Ernatia ou Arasa. Quirpastor. Quirpastor. Agiopendi. Agiopendi. I* Ag'opente. G. de Satalia. G. d'Altalia. Golfe d'Adalia. Satalia Velhî. Attalia ou Olbia. Satallea veya. Eski Adalia. San Grigor. San Grigor. Agio Gregorio. Son Nicola. San Nicolao. Agio Nicolao. Escandelor. Candelor. L'Escandelor. Antiochia. Antioceta. Dragan'o. Charadrus. Calandro. Le Kharadran. Sequin. Sechim. Selindi ? la de Limen. la de Olliva. Spurio. Spurie. P. Palopoli. Pallopoli. P. Papoli. P. Padola. Papadolla. C. Anamur ou Kisliman. P. Cavaler. Aphrodisias acra. Porto Cavaller. Porto Cavalière. P. Povençar. Le Proensal. l' Proeuza. P. Piu. Porte Piu. Sandero. Santodero. Lemo. Lanuzzo. Lanusso. Lurco ? Boulo? Bonlolûzo. Bonbolisso. Tarsso. Tarsus. Tarsso. Tarsous. Âdana. Adana. Malo Malmistro. Mallus ? Malo malnustro. Malmistra. P. de la Panis. P. de Pals. Layam (?) JEgseœ. Layazo. Bajas.
Monte Gaibo. M. Amanus. M' Gaybo. Mont Aima. Côtes de Syrie.
Alexandreta. Alexandria minor. Iskanderun. Candeliona. P. Ronco. Areus? Rauxacaxir. Ras el Chausir. Solim. Seleucia? Solam. Soldeni. P. Vallo. Porto Vallo. P. Ullo. Gloriata. Gloriata. Groriata. Lolilitia. Laodicea olim Pella. Lalixta. Latakieh. Beone. Gabala? Beona. Beona. Bdlinea. Balansea. Valinea. Banias. Margaio. Marathus? '1 Margate. Markab. Tortosa. Orthosia. Arthusi. U
Portulan Dijonnais. Noms antiques. Carte Catalane. Noms actuels. Larcha. Eleutherus fl. Larcha. Nahr el Arka. Tripolli de Soria. Tripoli. Tripolli de Suria. Tarabolos. Neffi. Nofim. Podro. Botrys. Bodron. Batrun. Todro. Flum Canis. Flum Canis. Nahr el Kelb. Baruti. Berytos. Barut. Beirut. Damor. Tamyras fi. Danior. Nahr el Damur 10 Rai el Damor. Saitos. Sidon. Saytos. Saïda.
Serafeut. Sarepta. Sarafeut. Sarafend. Sur. Tyr. Sur. Sur.
Cabo Iancho. Cavo Iancho. Ras en Nakura. Acri. Ptolemais. Acre. Akka.
Taïfata. Haïfa.
Carmeni. Carmelus mons. Carmen. Cap et mont Carmel. Castel Pellegrin. Castel pellegri. Athlit? R Cessaria. Caesarea. Cesaria. Kaisarijeh. Iaffa. Iope. Iaffa.. Jafa.
Castel Levarolo. Beroardo ? Escalona. Ascalon. Eschalon. Askulan. Gacara. Gaza. Gatzara. Ghazzeh. Darom. Darom. Deir Belah. Berto. Berto. T. de Besos. Côtes d'Afrique (Méditerranée).
G. de Larisa. Rhinocolura. Golfo de Larisa. Golfe d'El Arish. Cabo Gallo. Stanho. Lacus Serbonis. Stagnom. Ras al Casero. Ras al casero. Ras Kasaroun. Faramia. Faramia. Al Faramah. Eaet. Peluse. Enes. Tineh. Amata. Thamialos. Damiat. Damiat. Casar Bucher. Canopus. César Bocher. Abukir. C. de Bûcher. Ras Abnkir. Alexandria. Alexandria. Alexandria. Lkanderia. P. Nello. Torre. Taposiris. Tore del Arab. Abusir. C. Arob. Cynossema. Cavo Berio. Al Clunio. Ripe Albe. Glaucus. Ripe albe. Erab. Kullut. P. d. Roxia. Hermaeum prom. P. de la Roxa. Ras el Kanaïs. la de Caleto. la Pedonia ? I" de Colomi. I* Kaleka. Lago Sego. Lageseggio.
Portulan Dijonnaft. Noms antiques. Carte Catalane. Noms actuels. Languissi. Legussi. P. Alberti. Parœtonium. P. Alberton. El Baretam. 1° de Camoli. le Delphines. Ilha de Colon-à. Carto. Carto. Sallonez. Sallones. Cazalles. Casâtes. P. d' ~rameda. Punta de Rameda. P. Salloni. Catabathmus. Porto Salom. Akabah es Sollum. P. Massolomar. Panormus. Porto Rio Solomar Marsa Soloum. P. de Luco. PuntadeLuch. Luco. Luch. Luch.
P. de Rabnico. P. Patarca. (Mot illisible). Dafne. Le Dafneh. Bas Aourim. Chersonesus. Ras elTin. Samara. Naustathmos ? Forcelli. Forcelli. Ilha de Caralx. la Aphrodisias ? la de Crasse. Lunandria. Benandrea. Bonandrea. Marsalias. Apollonia. Marzasuse. Mirsa Susa. Ivora. Lananea. Lananea. Ca6o Rasaouti. Phycos prom. C. de Ras Aosem. Ras el Rasat. Iungi furia. Iungi farie. adra. Balacrae. Zadra. Belendsch. Talamuta. Ptolemaïs. Tolometa. Tolmita. Taocaro. Teucheira ou Arsinoë. Taocara. Tokra. Bersetem. Berenice. Berzezem. Bengazi. Bernye. Bryon Fgialos. Beynick. Birka.
Teirones. Boræum. prom. Teiones. Ras Teionas. Miles. Miles. Carcora. Drepanum pr. Carcora. Mirsa Karkora. Carcorela. Carcorela. Serabus. Serapeum. Sarabium. Sarabius. Zinbra. Canbra. Zanara. Zimara. Ilha de Ocits. la Pontia. Ilha de Ocels. Saline. Salines. Baïda. Bayda. P. de Sablo. Punta de Sablo. Sidra. Syrtis major. Sidra. Golfe de la Sidre. G. Tini. G. de Tim.
Portulan Dijonnais. Noms antiques. Carte Catalane. Noms actuels. Ijcodia. Lichodia. Ichudia. C. da Sorta. Cavo de Sorta. Sibeca Sibechi. Dschebbah. G. Setigo. Syrtis Major. Golfo de Zedico. Golfe de la Sidre. C. de Lalart. t. Charax. Cap de l'Alart. Ras. Kharrah. Colbene. Aspis? Colbene. Casa amaomet. Casar Amet. Casa Mohamed. Mensurata. Cephalae prom. Meserata. Misratah. Lasueca. Lasuecha. Port Titalitah. Prata. Brata. Soraick P. Magro. Porto magro. Marsa Ugra. Lebida. Leptis. Lebida. Lebda.
P. Samissi. Prom. Gaphara. P. Ras Amussem. Ras Esfarrah. Texuta. Tesuta.' Raxuta. Ras axara. Ras al Tadschura. Truira. Tunis ad algam. Tejura. Tajourah. T.polli de Barbaria. Mil Tripol de Barbaria. Tarabolos. Casar Senser. Casar sensur. Kasr. Seusur. Tripolli Velho. Sabratha ou Abrotonum Tripoli vell. Iawa Tarabolos. Casar Nilo. Casar ilho. P.deSoiara. Punta d'Arzogara. Ras a Malhes. Ras al mabes. Ras Mahmora. Palmeria. Palmes. Portent. Portetz. Scalalis. Scala de Ris. Sarsis? Ilha Ierbi. Meninx I". Ilha de Gerba. I* Djerbah. Muroto. Muroto. Casar Nacor. Casar nacar. Kasr Natah. Capsa. Capsa. Capsa. Gafsa.
/Mots effacés). Ilha de Fraixo. la Cercinnitis. Ilha de Frixal. les Ramlah et Kerkennah. I.a Fachis. Taphrura. Fachis. Sfaks.
Capulia. Caput vadorum. Capullia. Kapudiah. Africa. Thtpsus. Africha. Mahadiah. Comera. I* Tdrichiœ. Conjeras. l" Conigliera. Monestari. Monestir. Monastir. Susa. Hadrumetum. Sussa. Susa.
Maometa. Siagul. Mameta. Haunnamet. Quipia. Carubis. Quipia. Kurba.
Nubia. Nubia. G. de Tunis. Sinus Carthaginiensis. Golf de Tuni Golfe de Tunis. Tunis. Carthage. Tunis. Tunis.
Ras al mor. Prom. Pulchrum. Rasai Giber. Ras Sidi Ali.
Portulan Dijonnais. Noms antiques. Carte Catalane. Noms actuels. Longerr? Gourdia. Gerardia. Ras el Kerun. Doc solor. Doc solor. l' Fratelli. (Cinq mots effacés.) G. de Bona. Hippo Regius. Golf de Bona. Golfe de Boue. Marcora? P ar Petra de l'Alarb. Cabo Ferra. Cap de Fer. G. de Stora. Rusicada. G. de Stora. G. de Stora. Telizen. Telizem. Geberame. Giberame. Cap Bougaroni. Giger. Igilgilis. Giger. Djidgelli. (Deux mots effacés.) G. de Bugia. Sinus Salda. Golf de Bugia. Golfe de Bougie. Ilha Salda? Bougie. Cabo Carbon. Carbon. Cap Cirbon. Zafon. Zafon. Zefform. Tedellis. Rusucurrus. Tedellis. Dellys. (Mot effacé ) Merenguier. Berengero. Cap Bengut. Mette fins. Metifux. Cap Matifou. Alguer. Icosium. Alger. Alger. P. Caxines. Caxines. Cap Caxines. Bixmes. Bixmes. Cabo Balun. C. de l'Abbatal. Marsolas. Malsolaz. Breschi. Brisch. Monte Sinel. Mons Atlas. Mac Sinnel. Le Petit-Atlas. Tenes. Cartenna? Tenes. Tenes. Coloms. Coloms. I" Palomas. Tadra. Tadra. Sillef. Chinalap. f. Silef. Le Cheliff. Mostfgrani. Cirtenna? Mostegrani. Mostaganem. (Un mot effacé.) Masagrani. Masagrani. Mazagran. (Un mot effacé.) Golfe d'Arzeu? Oram. Kouiza? Oram. Oran. T. d. Falco. Cab. de Falco. C. Falcon. Serem. Oni. Gypsaria ou Caecili. One. Iloneïn. Tegonis. Tegon. Ageddim? Milona. Mulucha. Miluya. La Molouïa. Jaffarius. Iaffarini. I" Chaffarinas.
DE LA BIBLIOTHÈQUE DE DIJON. ~e, r.e r.w.e
Porinlan Dijonnais. Noms antiques. Carte Catalane. Noms actuels. P. Rello? Mililha. Russadiron? Milella. Melilla. C. d. III Furchs. Prom. Metagonium. Cabo de III Forches. Ras el Deir. Alcudia. L'Alcudia. Alcudia. Feris. Feris. Bot~cmas. Motzema. Alhucemas? Baxencov. Busencor. Ne Kor. Fagasa. Fagasa. (Mot effacé.) Bedis. Bedis. Badis. Taag. Tetuan. Iagath ? Tetuan. Cepta. Septum. Septa. Ceuta. (Deux mots effacés.) Iles de la Méditerranée.
ILES DANS LE SUD DE L'ARCHIPEL.
Chipri. Cyprus. Kybrys. Gambrosa.. Gambrusa. Sam Stefano. Leconenesto. Strombillo. Castrongo. Porcelli. Puelis. Megatico. Megatico. Rodes. Rhodos. Rodus. Rhodos. Lindigo. Lindos. Leudogo. Lindo. Tranquillo. Ialysos? Traquillo. Saro. Sarea. Apistora. Furana. Foa. Scarpanto Karpathos. Scarpanto. Karpatho. Caxo. Kasos. Kaso. Morona. Candia. Crète. Candia. Cabo Gallino. Prom. Samomon. C. Salamone. Farilhoni. Estram. Guardaronis. Gaydeloms. Gaidaronisi. Cabras.
Portulan Dijonnais. Noms antiques. Carte Catalane. Noms actuels I. Gando. Gandos. Gando. Gequello. Gandopoulo. Pandiko. Pondikonisi. Magados. Amores. 2° cyclades.
Stamfane. Astypalaïa. Astropalia? I. Cani. Kumpia. Plena. Syrnai. Syrmâ. Naufi. Anaphé. Anafi. Santo. Thera. Sancto Cirmo. Santorin. Sicino. Sicinos. Sikinos. Cristiani. Leia. Cristiari. Christiana. Policandro. Pholegandros. Polykandro. Sicandro. Siphnos. Siphono. Polino. Polyaygos. Polino. Peteni. Kimolos ? Kinulo. Sermomill. Milos. Milo. Falconaria. Gerakunia. Falkonera. Mago. Amorgos. Amurgo. Arenose. Donussa. Denusa? Nausia. Naxos. Naxia. Perelle. Oliaros. Antiparos? Paris. Paros. Paros. Traun. Sura. Syros. Syra. Erana. Tinosa. Tenos. Tinos. Andria. Andros. Andros. Calogero. Kalogeri. Desle. Delos. Delos. Micalea. Myconos. Mycono. Antidili. Rheneia. Megala Dili. Qutin. Gyaros. Giura? Cisano. Keos. Tzia. Thermia. Kythnos. Thermia. 3' ILES o'asik MINEURE.
IaCo. Cos. Istankoi. Calamo. Kalymno. Calamo. Kalymno. Ia Lera. Lero.
Portulan Dijonnais. Noms antiques. Carte Catalane. Noms actuels. Nicara. Ikaria. Nikaria. Gatoni. Pathmos. Pathmos. Samo. Samos. Syssam. S:o. ̃ Cbios. Sr.io. Mastico. • • C. Mastico. Sapanaï. Cap. Phanaï. Pxara. Psyra. Psara. Hetelni. Lesbos. Mitilen. Midillu. Caxilico. Mdimini. Lemnos. Melimni. Tenedo. Tenedos. Tenedo. 4' spoiudes.
Lobro. Imbros. Imbro. Samadrai. Samothrace. Samotraki. Coxena. • • Taxo. Thasos. Thiso. Molosto. Hagiostrati? Losti. Fratti. Soror. Adelphi. Piper. Pipero. Piperi. Lirgu. Larsur. Psathura. Psathura? Stirpo. Skiathos. Ssiatho. Standollo. Skandile. Skantzura? Glosso. Selimis. Glosso. Scopol. Peparethos. Scopelo. Giura. Gyaros. G:ura. Stanel.
Sqniro. Skiros. Skiro. Gorom. Chora. Seraquim. Peristera. Sarakiao. 5* ILES DE LA MER IONIENNE.
Celand. Cylhere. Cerigotto. Certill. Cerigo. ? Amores. Sannenetico. Theganusa. Venetico. Venetica. Crava. I nin^cc» t Crava. Schiza ou Caprera. Sapien:a. æ. Sapienzia. Sipienza. Prede. Prote. Prodano.
U1U.
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Portulan Dijonnais. Noms antiques. Carte Catalane. Noms actuels. Leberassa. Stamfanie. Stanfanie. Stamphanas. Jacanto. Z'lcynthos. lazanto. Zakynto. Trapano. Trapano.
Samsidro. Sancto Sidro. Siderokastro. Cafalonia. Kephalenia. Cifallonia. Kephalonia. Iducass. Ithaque. Thiaki. Cocra. Leucas' Santa Maura. Parsio. Paxos. Paxo. Paxo.
Corfo. Corkyra. Curfo. Corfou. Formigas. P. Tunera. Cap. Hagia Katarina. Fano. Othronos. Fano. P. Fano. Soafna. 6' ILES DE L'ADRIATIQUE.
Sam Pellegrin. Sanpelegrin. SlHleda. Meleda. Melada. Meleda. Agostim. Agostin. Agosta. Agosta. Ladesta, Agosta. Lagosta. Casolle. Cazola. Cazziol. Cassa. Casa. Caiola ? Pellagossa. Pelagossa. Pelagosa. Boxio. Buxa. Busi.
S* Andrea. Sancto Andreo. S. Andrea. Mixtosello. Melixelo. Almissa? Sorta. Olyntha. Sorta. Solta.
Lisari. Issa. Lissa.
Lincorona. Scardona. Leucorona. Incoronata. Preverso. Preversa. Prevosa. Sam Stefano. Li Templt. Templi. Melle. Palmoda. I« Melada. Sampitello. Prom. Hyllis. Ianpontello. Presqu'ile Sabioncello. Querda. Crespa. Schordo. Ie Chersso. Velia. Curieta. Nia. l'Veglia. Sansego. Sanyeli. Ie Sansego. Premanzer. Absyrtides ? Prementor. Ie Premuda. Monia. Id. Ie Unie. Sanzoane. Id. Sancto Aoca. San Nicolo. I« San Nicolo. 25
7* (LES DE LK MER TYRRHÉNIENNE.
Sicile.
Portulan Dijonnais. Noms antiques. Carte Catalane. Noms actuels. Messina. Messana. Mesina. Messina. Tangino. Tauromenium. Taumena. Taormina. Calania. Catana. Catania. Catania. Agosta. Augusta. Agoastro. Agosta. Ferago. Saragosa. Syracusae. Scalagrega. Siracusa. Cabo Passaro. Pr. Pachynum. Cavo Paser. C. Passaro. Six mots illisibles. Agrigenti. Agrigentum. Girgent. Girgenti. Deux mots illisibles. Trapieno. Drepanum. Trapani. Palermo. Panormus, Palerm. Palermo. Deux mots illisibles. Sefalo. Cephalœdis. Cefalu. Cefalu. Deux mots illisibles. Nando. Naso? Un mot illisible. Pati. Patio Patti. Tandaro. Tyndaris. Tendero. C. Tindaro. Salines. Melazo. Mylae. Melaz. Milazzo. Iles au sud de la Sicile.
Pantalairea. Cossyra. Pantalonea. Pantallaria. Linosa. Lopadousa. Limassa. Linosa. Lamposa. Aithousa ? Larpossa. Lampedusa. Quequi. Ilhaverba. Gozo. Gaulos. Goy. Gozo. Camin. Cumin. Malta. Melita. Malta. Malta. Piper. Piper. Port Saint-Paul. Marzolilio. Marsasiloch. Port Marsasirocco. Iles au nord de la Sicile.
Oitiga. Ustica. Ustica. Alicudi. Ericusa. Alicur. Alicudi. Policudi. Phœnicusa. Pelicur. Filicudi. Saline. Didyme. Salnie. Salina.
Portulan Dijonnais. Noms antiques. Carte Catalane. Noms actuels. Lipari. Lipara. Lipara. Lipari. Sîrombolli. Strongylos. Strangoli. Stromboli. Capri. Crapi. Capri. Isola. Ichia. Deux mots illisibles. Ponsa. Punza. Ponza. Palmerola. Palmayra. Palmarola. Sardaigne.
Bocas d'Amfacio. Taphros fretum. Détroit de Bonifacio. Lintpara. Turris Libissonis. Deux mots illisibles. Mancorro. Cap Mamuc. Aristany. Arborea. Aristany. Oristano. Vestam t?) Sam Redro. Cap Sandalo ? Trois mots illisibles. Callari. Caralis Callari. Cagliari. Colbellas. I. Serpentaria. I. di Serpentara. Sensaira (?) Carbonaira. Carbonari. Cap Carbonara. Monte S". Mont Sancto. Cap Monte Santo. Cabo Comi. Cap Comino. Sassi. Sulchi ? Cavo de Com. Sassari ? Terran». Terranova. Farconaira. Falconayra. Cap Falcone. A l'intérieur, rien de lisible n Corse.
Manezi. Sancta Amanza. G. de Santa Manza. Bonfzo. Taphros. Bonif?c'o. Aiazo. Adjacium. Ajazo. Ajaccio. Tous lei autres mots effacéi • Autres Ces à l'est de la Corse.
I- Zelara (au nord). I* Giraglia. Gorgona. Gorgona. Gorgona. Gorgona. Capraia. Capraria. Capraja. Elba. Ilva ou yEthalia. Leuba. Elba. Pianesa. Planasia. Planesa. Pianosa. Formigue. Formicse. Formiguera. Formica. Monte Chr. Oglasa. Montecr. Monte Cristo. Zilho. Igilium. Zigie. Giglio.
Les Baléares étaient marquées avec soin, mais sont effacées par l'usage. On ne distingue plus que les noms suivants
Portulan Dijonnais. Noms antiques. Carte Catalane. Noms actuels. Formentaria. Ophiusa Minor. Formentera. Tago Mago. Ile Tagomago. Cabraria. Capraria. Ile Cabrera. Laspera. Cap de Péra. La Molla. Cap de La Mola. Côtes de l'Atlantique.
ESPAGNE ET PORTUGAL.
Cades. Gades. Cadis. Cadix.
1. San Pedro. la Erythia. I. San Pietro. I. Santi Petri. Salmedina. T. de Almahadra? Larrameda. Baramida. S. Lucar de Barrameda. Arenas Gredos. Las Arenas Gordas. Sinora. Gabralia. Gablaleon. Giblaleon. Angra. Saltas. Saltes. Saltes.
Sanmigel. Losti. Odianas. Anas. Gadiana. Guadiana. Villareal. Villareal de S. Antonio. Tavila. Tavilla. Tavira.
Fero. Faraum. Faro.
Lagos. Lacos. Lagos.
C. S. Vicenz. Prom. Sacrum. Cap San Vicens. Cap S. Vincent. Aveiro. C. de Pisi. Barbarium prom. Cap de Pitxer. Cap Spicàel. Etivia. Plusieurs mots illisibles. I8 Berlingas, 1. Berlingas. Paredes. Paredes. Un mot illisible. Puarcos. Buarcos. Ancora. Cabedes. Oporto. Portus Calle. Porto.
Notona. Un mot illisible. Fano. Fao.
Viana. Vianna.
Portulan Dijonnais. Noms antiques. Carte Catalane. Noms actuels. Acunha. Caminhi? Jiaiona. Bayona. Pa de Baiona. Baona de Minor. I"" Bayona. Radondella. Radondella. Redondela. Pontevedra. Pantavedre. Pontevedra. Paroni. Lapeyrom. Rio San Payo. Corovedo. Corovedro. C. Corrobedo. Noya. Noya. Noya. Muras. Muras. Rias de Muras. C.Ortigera. Cap Ortegal. Mot illisible. C. de Finistera. Nerium prom. Finisterra. Cap de Finisterre. Deux mots illisibles. Vivero. Vivero. Vivero. Bibados. Rivadeo. Ribadeo. Juan. Varedo. Barramo. Aviles. Aviles. Aviles. C. Spenas. Senes ? C. de Penas. Torres. C. Torres. Santa Maria. Llaïanos. Lianes. Lianes. Sam Vicente. San Vicenzo. S. Vicente de la Barqutra. Sam Marti. San Marti. Calo litto. Santandre. Portus Blendium. Santo Ander. Santander. Santonha. Santogna. Santona. Laredo. Leredo. Laredo. Castro. Castro. Castro de Urdiales. P. Galetto. Galetto. Portugilete. Birbao. Flaviobriga. Birbao. Bilbao. Limosi..̃; Liquosi. Lequeytio. Guataria. Cataria. Guitaria. San Sebastian. Izurum? San Selestia. S. Sebastian. Passagem. Los Pasages. Iuenterabia. Fons Rapidus, Mîio. Fontarabia. Fuenterrabia. FRANCE ET PAYS-BAS.
San Johan. Sm Johan. S. Jean de Luz. Olron. Iluro. Oloron? Baionna. Lapurdum? Baionna. Baymne.
Portulan Dijonnais. Noms antiques. Carte Catalane. Noms actuels. Velvarrom. Un mot illisible. Arcaxam. Arcbjao. Arcachon. Billenay. S:a Ba de Solac. Saneta Yaria de Solaeh, Soulac. Bordeo. Burdigala. Bordaux. Bardeaux. Rica de Codia. Blavia Blaye. Corodan. Cordan. Cordouan. Royaa. Novio regum. Roauj. Royan. MaHagna. Marenne. Formeq. Rochella. Santonum portus. Roquella. La Rochelle. Stosa. Plom. Plumbo. Pointe du Plomb. Mots illisibles. Agrelhas. Sabara. Torredon.a. Arecse olenenses. Tor~elona. Sables d'Olonne. Mots illisibles. 7\'aK.e~M. Condivicuum. Nantes. Sanazar. Portus Namnitum. Sannazar. Saint-Nazaire. Caranda. Cuanda. Guérande. Co-Maca. Carnac. Morbian. Morbihan. Pombar. Stock de Pomarch. Penmarck. Odàerna. Odierna. Audierne. Mots illisibles. Rateno. Bresti. Gesobrivates. Brest. Brest. I.Orcania. Archania. I. Ei. Ja 0.~ia. 1- d'Yeu. I. R1. la Cracina ou Rea. Rey. l'de Ré. 1. Olras. la Uliarius. Layron. 1° d'Oléron. I. Piler. l' Belailha. Calonesus. Balila. I" Belleisle. l'Broia. Groya. Il de Groix. l' Glaro. Granam. l'GIenan. 1° Sain. Sena. Seim. Il de Sein. 1, de Bas. l'deBatz. Guarnazoi. Sarnia. Granexe. l'Guernesey. Casquet. Gaschet. Les Casquets. Sanmore. Samae. Pl Saint-Mathieu. 0/br!to. Forno. Passage du Four.
Portulan Dijonnais. Noms antiques. Carte Catalane. Noms actuels. Mots illisibles. S. Mallo. Aletum. San Malo. Saint-Mâlo. G. de Sanmallo. Sinus Aleticus. Golfo de Sa Malo. G. de Saint-Mâlo. Sanananulo. Briovera. SanLo? ? Hanga. Cur de Laga. La Hougue. Sanmarco. San Marco. le Saint-Marcouf. Mots illisibles. Cam. Cadonum. Cam. Caën.
Ostram. Ostran. Ouistreham. Gilio. Tocca. Toca. La Touques. Am froi. Honflorium. Onefroy. Honfleur. Quilla. Chiribcy. Quillebœuf. FI. de Seina. Sequana. La Seine. Boam. Rotomagus. Roam. Rouen. Mots illisibles. Fuecam. Fisci campus ? Fecamp. Fécamp. Sollato. St-Valéry-en-Caux ? Diepa. · Diepa. Dieppe. Fano. Trepo. Ulterior Portus? Le Tréport. Bo!onna. Itins Portus? Bellogna. Boulogne. Caalez. Caletum. Calles. Calais. Marseto? Ostende. Oitende. O^tende. Raves? Sa Calalina. Bruges. · Bruges. Deux mots illisibles. Sallandia. Sallanda. Zélande. Anvers. Antuerpia. Anvers. Deux mots illisibles. Bregeo. Brevet. Berg-op-Zoom! ira Vrendiel. rondert. Dordracum. Dordrecht. Dimana. Gravell. Grevelet. S'Gravesande? Ollenda. Batavia. Ollanda. Hollande. Fedda. Frise? ANGLETERRE ET ÉCOSSE.
Scocia. Caledonia. Schocia. Ecosse. Seocia. Caledonia. Ecosse. Granira?
Portulan Dijonnais. Noms antiques. Carte Catalane. N')msactae)s. Uilna. Blaraca. BarvicumouTue~is. Bervich. Berwi(k? Deux mots illisibles. Tera Omeilha. Artech. Arois. Harwich. Londres. Londinium. Londres. London. Londres. Londinium. London. Doitra. Durovernum. Dobla. Dover. F.dumi. Tamisis. La Tamise? j)/ac&ear. Sulduga. Arforda. Soforda. Seaford. Oida de Busa? Postemia. Portus Adurnus. Portamua. Portsmouth. Antona. Clausentum. Anthona. Southampton. Huic. la Vectis. Huic. l'Whigt. G. de Pola. Sancta Polla. Pola. Poole. G. de Porta. Cavo de Porlan. C. de Portland. C. de Puelos? Tapi? Pillent ? Sergo ? Artama. Artmua. Axmouth? Goedester. Isca Dumnonirum. Godester. Exeter. Stam. C. de Faredo. Cenonis ostium. Falenno. Falmouth. Deux mots illisibles. Lizardo. Domnonium promontorium. C. Lizart. C. Lizard. Sorlinga. la Cassiterides. Sorlinga.' 1" Scilly. 7 ~edras. Lonxi. Londey. 1. Lundy. Caldas. Coldey. Bristol. Bristolium. Bristo. Bristol. Valez. Cambria. Galles. Bristol. Bristolium. Bristol. Tanali. Forda. Miraforda. Milford. Carar. Cardigan? 7 Mot illisible. Brem. Mot illisible. Carnaa;aa. Caernarvon.
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Portulan Dijonnais. Noms antiques. Carte Catalane. Noms actuels. Calnene. Plusieurs mots illisibles. Caquet. Acures ? Skosa. Arorinas ? IRLANDE.
Deux mots illisibles. Tordos. I.Tory. Moles. Dimolov. Daquila. Donegal? G. Samto. Cavo Seligra. Sligo ? Esquerdas. Erris Head. F. Grigon. Galway ? Deux mots illisibles. P. Xarenas. Il Aran. Lamariq. Laymeurich. Limerick. jP.~o'eMt. Casques. ,Sh'<M<M. PMeHM 7ormo. Dozzei. Drorazei. le Durzey ? Fo!<<Ma. Fastnet Rock. G.<t'4war' P Amanho. Dunmanus Bay. Elxillo. Gisicalla. Kinsale? Corco. Corch. Cork. Micola. Mongaluam. Gafa forda. Gataforda. Waterford. forda. Vexford? Plana. Un mot illisible. Don. Eblana? Douvelin. Dublin. Dronda. Drozda. Drogheda. Dgrd. (?) Durdalk ? P. Menami. Vafor. Verforda. Wexford. Un mot illisible. oa
Portulan Dijonnais. Noms antiques. Carte Catalane. Noms actuels. Momolo. Gia? Deux mots illisibles. le Salta. Saltey. Côtes Africaines de l'Atlantique.
Tangier. Tingis. Tanjer. Tanger. Mot effacé. Cap Spartel? Arsella. Zilos. Arzila. Arzilla. Larac. Lixus. Laray. Elarish. Mamo. Thymiaterium silva. Mamora. Manaora. Cale. Sala. Salle. Rabat-Salé. Macora. Fadala Hermaeurn. Plagadala. Fidallah. A1tasi. C. de Camelo. Azamor. Gytte? Zamor. Mogador? Mazagam. Rusibis. Mesegan. Mazaghan. Azamor. Mazagam. Teti. Tete. Tit. C. des Cavaleim. Cap Blanc? C. de Cantin. Prom. Soloïs. Ras el Hudick. Casini. Saffi. Asfi. C. de Sanis. Amotanta. C. de Sem. · · Tafatana. Taftana. Esquerebi. · Cabo de Guer. Cabo de guer. Cap Ghir. Un mot illisible. · Meca. Messo. Merah. Algasi. Acra. Algausim. Agadir. C. de Guarta. Sinna. Samotirial. Alolo. C. de Non. Prom. Ryssadium ? Cavo de No. Cap Noun. Resam. Attoler. Albune. Montas. Urais ?
DE LA BIBLIOTHÈQUE DE DIJON.
av
Portutan Dijonnais. Noms antiques. Carte Catalane. Noms actuels. Dlarcoquino.. C. de Cabiana. Deux mots illisibles. C. de Ilaidor. Cavo de Buyetder. Cap Bojador. 7Cabos. Pedieiras. Teratf3. Omeida. G. de Sotttos. Iles Africaines de l'Atlantique.
GROUPE DES CANARIES.
F'ero. Ferro. la Palma. Palma. Gomeira. Gomera. Satt'aye. Nivaria ? Teneriffa. Gran Canaria. Canaria. Gran Canaria. Fortaventura. Pluitalia. Fuerteventura. Lansarot. Ctpraria. Lanzerote. Alagranza. Aprositos. Alegranza. GROUPE DE MADÈRE.
la da D2adeira. Hesperidas ? Madeira. P. Samto. Id. Porto Santo. GROUPE DES AÇORES.
Santam" S. Maria. S. MigeL. S. Miguel. 5<tHtJorye. S. George.
Î7
NOTICE
SUR
LES PIERRES A BASSINS DU MORVAN
PAR M. Hippolyte MABLOT ASSOCIÉ CORRESPONDANT DE LA commission DES antiquités DE LA COTE-D'OR.
Le Morvan, dans ses forêts sombres et sauvages, renferme des rochers fort singuliers, qui, maintenant encore, sont, de la part de ses rustiques habitants, l'objet de pratiques superstitieuses et le sujet des plus merveilleuses légendes. Ce sont les rochers à bassins que nous n'osons qualifier de monuments, car leur véritable origine est restée, malgré les efforts de la science, plus ou moins obscure. Depuis plusieurs années nos recherches se sont portées sur ce sujet intéressant, et nous avons décrit dans deux courts articles insérés dans les Matériaux pour servir à l'histoire primitive de l'homme (1), les résultats principaux de nos premières recherches. La faveur avec laquelle ces premiers essais ont été accueillis, nous a encouragé à poursuivre nos investigations et à les faire connaître dans un travail d'ensemble plus complet. Nous sommes heureux d'en offrir l'hommage à la Commission archéologique de la Côte-d'Or.
(1) Pierres à bassins du Morvan, dans les Matériaux pour l'histoire primitire de l'homme, revue mensuelle, publiée à Toulouse par M. Cartailhac, l"note, numéro de novembre 1871, p. 506. 2e note, août 1872, p. 353, tirage à part A la suite de notre première communication, la direction de cette revue a réclamé de ses lecteurs des renseignements sur les faits pouvant éclairer la question. Un petit nombre a répondu à cet appel, et la question n'en est pas plus avancée.
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Les pierres à bassins, nommées aussi pierres à écuelles(l), sont des rochers le plus souvent granitiques, dont la surface plane est creusée plus ou moins régulièrement d'une ou plusieurs cavités circulaires ou ovoïdes de dimensions diverses. La régularité de leurs contours et leur disposition parfois groupée, a fait attribuer leur évidement à la main de l'homme. Ces rochers curieux ont été signalés sur beaucoup de points on les rencontre en Océanie, à l'île des Amis (2), en Suède, en Angleterre, en Suisse. En France on les trouve disséminées en Bretagne, en Auvergne, dans les Cévennes, aux pieds des Pyrénées et enfin dans le Morvan: ce sont ces dernières que nous allons décrire dans ce mémoire. D'éminents archéologues nous ont précédé dans cette voie de recherches, nous citerons M. Aymard du Puy, dont les études ont été publiées dans les mémoires de la Société académique de la HauteLoire, dont il est président; M. le docteur Fouquet de Vanves et M. de Cessac, dont les observations sont consignées dans les mémoires de la Société polymathique du Morbihan et dans ceux de la Société des sciences naturelles et archéologiques de la Creuse. Nous regrettons de n'avoir pas eu ces divers mémoires à notre disposition.
Les historiens du Morvan ont tous parlé de nombreux dolmens, ou de monuments appelés du nom de druidiques. C'est une grave erreur qu'ils ont commise, car dans la partie de ce pays comprise dans le département de l'Yonne et de la Côte-d'Or que nous avons parcouru dans tous les sens, on ne rencontre que des pierres à bassins, et c'est à elles vraisemblablement qu'on a donné cette fausse attribution. Les seuls monuments dits celtiques encore existants que nous y connaissons, sont, dans la commune de Sussey, le menhir de pierres jointes; au Bou-ru la pierre Charles, dont nous parlerons plus loin et qui a l'apparence d'un dolmen. M. Grasset de Varzy (Nièvre) signale encore près de Lormes la pierre aux Loups qu'il regarde comme un monument semblable, mais la description qu'il en donne laisse des doutes à (f ) On a remarqué, parait-il, de pareilles excavations sur les dolmens, dont l'origine n'est pas mieux expliquée.
(2) Philippe-Henry de Sidney, article sur une pierre à bassins de 111e des Amis, dans le London Illustrated News, du 10 mars 1860.
cet égard (1). Nous citerons enfin comme mémoire, les pierres levées des bruyères de Valères, dans la commune de Laroche-en-Brenil, détruites il y a trente ou quarante ans.
Il existait autrefois dans le Morvan un grand nombre de ces rochers singuliers; beaucoup ont disparu sans' laisser aucune trace, d'autres sont encore menacés d'une destruction prochaine. Néanmoins, au milieu des grandes forêts éloignées des villages, il en subsiste des spécimens fort remarquables, que les propriétaires tiendront sans doute à faire respecter. Voici l'énumération des plus importants avec leurs légendes et les détails que nous y avons remarqués
1° Dompierre-en-Morvan. Le Fauteuil du Diable ou du Loup, est un demibassin de vaste dimension, 4 mètre de large sur 0 m. 70 c. de profondeur. Il ressemble à un fauteuil, c'est de là qu'est venu son nom. A sa partie inférieure se trouve une petite rigole lui servant de déversoir. Ce lieu est l'objet d'une légende appliquée à plusieurs autres du Morvan. Le dimanche des Rameaux qu'on appelle du nom charmant de Pâques Fleuries, la roche se fend au moment de la procession des Rameaux, et s'ouvre un instant en découvrant dans ses flancs une caverne remplie de riches trésors. Mais aussitôt que la procession est rentrée à l'église de Laroche-en-Brenil et que le chant à'Atlolite portas a cessé, elle se referme brusquement et malheur à l'imprudent qui aurait osé y pénétrer.
2° La Cour-d'Arcenay (2). Le Perron de la Louise ou de la Fée, est un bloc énorme de forme elliptique, disposé comme une pierre tournante sur un rocher enfoncé en terre, où il est parfaitement d'aplomb. Il est placé comme le Fauteuil du diable sur une pente assez raide, de laquelle on jouit d'une vue étendue du côté du couchant. Deux grands trous à peu près ronds existent à sa partie supérieure. Le premier a 0 m. 70 c. de large sur 0 m. 40 c. de (1) Grasset ainé, Musée de la ville de Varzy, dolmen situé dans le département de la Nièvre et objets d'art attribués aux Celto-Gaulois, 1873, in-8", 19 pages, 2 gravures.
(2) On a trouvé dans cette commune, il y a plusieurs années, isolé à la surface du sol, un demi-statère en or Gaulois, inédit, qui a été acquis par le musée de Semur. Des renseignements pris par nous sur place, il résulterait qu'une autre petite monnaie d'or aurait été trouvée au même endroit et par la même personne, qui l'aurait perdue. Cela ferait supposer qu'un trésor aurait été caché dans ce lieu.
profondeur il est accoté au second un peu plus profond, leur jonction se fait par un rétrécissement de 0 m. 20 c. une petite chute ou cascade de 0 m. 03 c. laissait tomber le liquide dans celui-ci placé sur le bord, où existe le plus charmant déversoir qu'on puisse rencontrer le rocher s'avance de cette face et est élevé de terre d'environ 2 m. 50 c. Une personne pouvait se placer dans cette dépression et recevoir par le déversoir l'ablution provenant du sang de l'immolation des victimes. En grattant au pied avec un bâton nous avons reconnu les traces d'un foyer et retiré un petit tesson de vase grossier, mal cuit, ayant l'apparence d'une haute ancienneté; sa présence dans cet endroit, on peut le penser du moins, n'est pas accidentelle, et une fouille pourrait y amener d'intéressants résultats.
Dans les environs on trouve une roche à peu près semblable appelée le Perron de la Jaquette; notre guide n'a pu nous la faire voir et la retrouver dans l'épaisseur du taillis.
La Louise, selon la légende, était une méchante et redoutable sorcière; elle faisait sa cuisine dans ces espèces de chaudrons. La nuit, montée sur la pierre et sous l'aspect d'une dame blanche, elle cherchait par ses cris à égarer ou effrayer les voyageurs.
3° Laroche-en-Brenil. Cette commune possède trois groupes de roches à bassins.
Le rocher des Champs-Chevrons, sur une bruyère près du hameau de BierreLégaré, porte trois creux mal conservés le plus grand, de forme ovalaire, est placé au milieu. On m'a assuré que plusieurs autres avaient été brisés, il y a peu d'années, en débitant des moellons.
Le rocher Rochefort, exposé au couchant sur une pente comme le précédent, dont il est distant d'un kilomètre. Comme son nom l'indique, il est formé par plusieurs pierres énormes, placées les unes sur les autres. Dans le milieu sauvage qu'il domine, son aspect est des plus imposants. Il présente trois cavités très régulières placées sur une même ligne et séparées les unes des autres par un intervalle de quelques centimètres. La plus grande, véritable auge et qui occupe le milieu, a 3 mètres de tour et 0 m. 32 c. de profondeur. Une autre dépression ayant 0 m. 60 c. de largeur et 0 m. 36 c. à la partie la plus large,
et 0 m, 17 c. de profondeur, a la forme régulière d'un œuf. Toutes ont leurs bords intérieurs un peu voûtés et parfois polis.
Dans les champs du voisinage j'ai recueilli plusieurs morceaux de silex, de la craie, dont un assez bien taillé en forme de pointe. Ils ont été abandonnés par la population préhistorique qui a parcouru le pays, mais je ne pense pas que ces objets aient quelques rapports avec nos bassins.
Le Perron-Merger, isolé sur un point culminant, est le plus beau rocher du pays. Du haut de sa plate-forme, on a sous les yeux un vaste panorama. Il est creusé de plusieurs bassins, mais une dizaine seulement sont assez bien conservés. Un bien plus grand nombre de bassins sont fort altérés et sans contours bien réguliers; un surtout, fort grand, est un véritable chaudron, il a 1 mètre de diamètre et 0 m. 35 de profondeur les autres petites cuvettes ont de 0 m. 15 à 0 m. 25 de profondeur, et de 0 m. 80 à 1 mètre de tour. On doit remarquer surtout les vestiges d'un bassin à demi détruit superposé à un autre bien conservé et parfaitement rond. Une semblable particularité a son importance et pourrait aider probablement, en l'étudiant minutieusement, à expliquer une origine aussi douteuse.
Ce rocher vénéré de la superstition a sans doute donné son nom au village de Laroche-en-Brenil (1). cr Selon la légende, le diable avait été chercher ce rocher pendant la messe de la Fête-Dieu avec le dessein d'en fermer la porte de l'église de Laroche-en-Brenil. Le bon Dieu lui avait promis, s'il pouvait le faire avant que la cloche ne sonnât, que tous ceux qui étaient dans l'église lui appartiendraient. La cloche ayant sonné quand il n'était encore qu'à cette place, il fut obligé de laisser tomber son fardeau. Les creux sont les empreintes de ses épaules, ou les marques de ses efforts que dans sa colère il fit pour le ressaisir. » Un lieudit du voisinage s'appelle le Rébraiement. C'est là qu'il se retira à la suite de cette déconvenue et où on l'entend encore quelquefois pousser des cris affreux qui n'ont rien d'humain.
(1) Selon M. J.-J. Locquin, avocat à Saulieu, le mot de Breny ou Brenil viendrait des Arbrennes, tribu des Edues, qui serait le premier peuple historique connu ayant habité l'Auxois. Voir l'Ethnographie de VAuxois de cet auteur, page 75, dans les Bulletins de la Société des Sciences historiques et naturelles de Semur, première année.
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4° Saint-Andeux. Xavier Girault, dans l'Archéologie de la Côte-d'Or, imprimée en 1823, y signale « L'énorme pierre Culin, comme un monument druidique. Le peuple croit y voir les traces des pieds du diable. » C'est probablement une pierre à bassins. Nous n'avons encore pu la visiter, nous savons seulement qu'on raconte sur elle une légende à peu près semblable à celle que nous venons de rapporter, à propos du Perron-Merger.
5° Saint-Didier. Une pierre d'écuelles dite druidique, existe dans le bois de la Prinssance, non loin des Carrons. Nous ne pouvons en parler de visu, ne l'ayant pas visitée.
6° Saint-Germain-de-Modéon. Dans cette commune beaucoup de roches à bassins ont été brisées. Parmi celles qui subsistent près du hameau de Romanet, est l'énorme bloc Sassédin que le diable a transporté au bout de son pouce sur les bords d'un étang. Les gens de l'endroit ont grand soin de montrer cette empreinte, avec une sorte d'orgueil, et même la trace de l'ongle qui y est restée gravée.
7° Précy. Près de ce bourg, à Pont-d'Aisy, existe un beau bassin; on l'appelle le Cuvier de la Fée c'est le plus avancé du côté de l'Auxois il est situé sur le petit ruisseau de Golaffre, dont le nom provient sans doute de ce bassin appelé aussi l'assiette du Goulu et de Gargantua.
8° Saint-Léger-Vauban (Yonne). Cette commune, située sur les confins de notre département, possède quatre groupes de roches à bassins.
La Pierre-qui-Vire, devenue célèbre par le monastère fondé par le R. P. Muard dans le voisinage, est une véritable pierre tournante (1) sur laquelle les moines ont élevé une statue à la sainte Vierge. Cette pierre est unie sur le milieu, mais les bords sont couverts d'une quinzaine de bassins mal conservés. On y peut remarquer une assez singulière superposition de quatre de ces récipients (1) M. de Bonstellen, dans son bel ouvrage sur les dolmens, considère les pierres tournantes comme de. jeux de la nature. Nous partageons cette opinion. Elles ne sont pas rares dans le Morvan où on les connalt sous le nom de pierre qui vire, tourne, rocs branlants, du diable, pierre folle ou sans raison, perron qui danse, etc. La plupart ont des légendes, rien donc d'improbable à ce qu'elles aient été aussi en vénération. Nous connaissons plusieurs cas où des fontaines dans leur voisinage sont dédiées à des saints ou saintes, témoin celle de la Pierre-qui-Vire, portant le nom de Saint-Marie. C'étaient sans doute des fontaines sacrées, et les noms de saints qu'ils portent aujourd'hui ont remplacé ceux de divinités païennes.
étagés les uns au-dessus des autres sur la même pierre, si bien que le plus élevé déversait son trop-plein dans le second et ainsi de suite.
Au hameau du Bou-ru, on rencontre une roche analogue, la pierre Charles. De forme circulaire et plus massive encore, elle est posée sur deux quartiers de rocher, comme une table sous laquelle on peut s'abriter. C'est probablement un dolmen. Sur son sommet, qui est très plat, on voit une dépression allongée figurant assez bien une jambe humaine, que les paysans disent être celle du diable. Un bloc gisant sur le sol et paraissant avoir été culbuté est couvert en dessous de plusieurs bassins.
Les roches de Godeaux forment un groupe nombreux. Trois des plus élevées ont plusieurs dépressions altérées par le temps. Deux d'entre elles représentent une forme de pied humain. La célébrité en est grande dans la région, car c'est le soulier du diable. A peu de distance, dans une clairière, notre guide nous a montré un bloc couché, appelé la Pierre-Vieille, qui n'offre absolument rien de remarquable qu'une croix gravée en creux à sa surface un exorcisme sans doute, comme le christianisme en a tracé sur certains monuments qui étaient l'objet des coutumes superstitieuses des adorateurs des pierres.
La pierre des Trois-Fontaines, près du ruisseau de Vermidard, est certainement la plus curieuse et la plus belle que nous ayons vue. Ce bloc allongé est d'une hauteur d'environ 2 m. 50 à 3 mètres, abrupt sur toutes ses faces. On ne parvient à son sommet qu'avec beaucoup de peine, en se servant pour se hisser avec les mains des dépressions taillées sûrement dans cette intention, à une époque inconnue. Tout au milieu sont trois bassins d'une conservation admirable, aux bords très réguliers, vu que l'eau de pluie s'y conserve fort longtemps, ils en étaient remplis lors de notre visite. Leur disposition ne saurait être l'effet d'un pur hasard et est semblable à celle qu'on remarque sur les rochers des Champs-Chevrons et Rochefort, de Larocheen-Brenil. Le plus grand bassin, de forme ovale, qui occupe le centre, mesure 0 m. 80 c. de longueur, 0 m. 30 c. de large et 0 m. 19 c. de profondeur. Les deux autres, parfaitement ronds, placés de chaque côté comme deux assiettes autour d'un grand plat, ont chacun 0 m. 40 c. de diamètre et
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0 m.^15 c. de profondeur. Deux autres blocs placés auprès sont couverts de cavités d'un intérêt secondaire.
M. l'abbé Henry Vaast, curé-doyen de Quarré-les-Tombes, raconte dans sa notice sur Saint-Léger de Fourcheret (1) une légende sur une pierre à bassin détruite aujourd'hui. Il n'est pas sans intérêt de la comparer à celle de Laroche-en-Brenil. (Le diable s'était engagé par un pacte passé entre lui et les habitants, à transporter à Saint-Léger, un dimanche entre messe et vêpres, une énorme roche de granit prise dans la forêt. Il la charge en effet sur ses épaules, et marche en toute hâte, mais arrivé à l'endroit où l'on en voit encore les restes, il entendit sonner les vêpres à grande volée, aussitôt il laissa tomber son fardeau et s'enfuit. On y voyait, dit-on, avant qu'on ne l'eût brisée, les traces des épaules du diable, tant elle était pesante). Singulière prédestination Ce que le démon n'avait pu faire a été accompli par les habitants. Ils ont débité cette pierre en détail et l'ont fait servir à construire leur maison d'école. Ce vieux bloc, objet de craintes superstitieuses, abrite donc aujourd'hui de ses débris les jeunes générations, qui, grâce à l'instruction, n'auront plus les craintes chimériques des vieux âges.
D'autres pierres non moins curieuses existent dans la partie du Morvan de Saône-et-Loire, à Uchon, si célèbre par sa pierre tournante, sur laquelle se trouvent une vingtaine de bassins dans la Nièvre, au Mousseau, sur le domaine des Laumes, etc. Nous ne les avons pas visitées, mais elles présentent toutes des caractères semblables à celles citées plus haut. De nouvelles descriptions n'apprendraient rien et pourraient fatiguer le lecteur. ORIGINES DES PIERRES A BASSINS.
Après avoir donné la description de ces singuliers rochers, nous devons maintenant nous demander quelle est l'origine de ces excavations dont ils sont recouverts. Ont-elles été creusées par la main de l'homme, ou ne doiton y voir que l'action lente de la désagrégation des parties tendres des roches (1) Notice sur la commune de Saint-Léger-de-Fourcheret, par M. l'abbé Henry. Bulletin de la Société d'études d'Avallon, année 1866, page 111. Voir la note 2 de la page 120.
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sous l'influence des agents atmosphériques. Ces deux questions sont difficiles à résoudre, nous allons les discuter avec la plus grande impartialité, et on verra toute la difficulté de se prononcer sur un sujet qui est aussi du domaine de la géologie. Cette dernière science n'ayant éclairci en rien le problème dont nous cherchons la solution.
A la première question nous répondrons que le granit gris est d'une grande dureté, qu'il ne paraît pas susceptible de semblables et si profondes détériorations et ensuite, que ces sortes de dépressions n'existent que sur les roches élevées, d'un accès ordinairement difficile et dominant les localités où elles se trouvent. Les roches basses, particularité que nous croyons d'une grande importance, en sont totalement dépourvues. Pourquoi donc se trouvent-elles sur les roches élevées et non sur les autres, et avec une orientation à peu près régulière au couchant? Ce nombre de trois bassins groupés est-il seulement un produit de la nature? Nous avouons que nous avons assez de peine à le croire; c'est aussi l'opinion de M. Aymard du Puy, un des savants les plus autorisés en cette matière.
On oppose de sérieuses objections au second mode de formation. M. le docteur Noulet, de Toulouse, bien connu par ses recherches préhistoriques, a observé dans l'Ariége, à Aulus, sur des blocs erratiques, des bassins semblables à ceux du Morvan (1). Tout à côté, dit-il, des blocs qui présentaient ces bassins, on en voit d'autres offrant des boules et des demi-boules dont la couleur verte tranche avec l'aspect d'un beau pointillé de gris du granit qui les enveloppe. Or il arrive que ces noyaux amphiboliques, moins résistants que leur gangue, se désagrègent parfois et finissent par laisser ces bassins creux que l'on croirait, à cause de leur régularité, avoir été creusés de main d'homme. »
Si M. Noulet a eu la bonne fortune de saisir la nature sur le fait, nous n'avons pas eu cette chance dans le Morvan. De pareilles boules sur les roches y font complétement défaut. Nous avons pourtant remarqué de profondes stries verticales et même des rigoles réunissant les bassins entre eux, mais nous ne (1) Docteur Noulet.- Bassins, ouvrage de la nature. Matériaux pour l'histoire de l'homme. FévrierMars 1872, page 77.
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voyons dans ces sinuosités que la décomposition irrégulière de parties plus tendres de la pierre. Le séjour prolongé de l'eau dans leur intérieur et sa congélation ont bien pu aussi les agrandir. On m'a dit avoir remarqué, après le dégel, dans le fond de ces rigoles une poussière blanchâtre provenant sans nul doute de cette détérioration, mais le fait aurait besoin d'être confirmé. Quelquefois aussi le bassin, au lieu d'être à plat, se trouve sur la tranche dans une position inverse, comment alors expliquer sa formation par le séjour de l'eau? Nous n'avons remarqué ces cavités que sur le granit; s'il en existe sur d'autres roches moins dures, elles ont dû s'altérer et disparaître très vite on ne saurait autrement expliquer cette absence. Ces roches sont en outre bien en place et ne portent pas d'autres traces de la main de l'homme.
Laquelle de ces deux opinions prévaudra lorsque les observations seront plus complètes? Dans l'état actuel de nos connaissances à cet égard, nous nous abstiendrons de nous prononcer d'une manière absolue. Si les hommes n'ont pas creusé ces rochers, ces singulières excavations ont dû dans tous les temps attirer leur attention et exciter leur étonnement.
USAGES DES PIERRES A BASSINS.
Si ces bassins ont été creusés par l'homme, ils n'ont pu l'être qu'aux âges préhistoriques, et alors dans quel but ou pour quelle destination? Ont-ils servi aux primitifs habitants de mortiers pour broyer leurs aliments, ou d'auges à des époques plus récentes ? Leur position sur des blocs d'un accès toujours difficile, donne peu de poids à cette manière de voir, malgré les habitudes de certains peuples qui pilent encore actuellement des aliments farineux dans des mortiers à peu près semblables, tels sont les Algériens, les Indiens de la Californie en France même, M. Bouvet a vu dans beaucoup de villages de la Marche berrichonne (aujourd'hui département de l'Indre), à la porte de chaque maison, des blocs où est creusée une cavité en forme de mortier, dans laquelle on triture des céréales avec lesquelles on fait une bouillie connue sous le nom de Fromentée, en raison du froment qui entre dans sa composi-
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tion (1). Autrefois, dans le Morvan, et cela existe encore aujourd'hui sans doute dans certains villages arriérés, M. J.-J. Locquin, avocat à Saulieu, m'a assuré qu'il y avait d'énormes et épaisses tables de chêne dans lesquelles étaient creusées autant d'écuelles qu'il y avait d'habitants dans la maison et où chacun recevait sa nourriture, et cela par économie, la vaisselle étant très rare. On voit leur analogie avec les écuelles de pierre qui nous occupent.
Sans doute aussi à des époques diverses, ces cavités ont pu être adaptées à des usages divers. M. le professeur Strobel, de Buénos-Ayres, a rencontré dans la République Argentine des pierres à bassins servant de nos jours aux Indiens tout à la fois à broyer des aliments, les minerais aurifères et à diverses pratiques religieuses sur lesquelles on peut regretter qu'il n'ait donné aucun détail (2).
Les appellations propres, les légendes merveilleuses avec le prestige superstitieux qui s'attache à ces roches, nous portent à croire, suivant en cela l'opinion de plusieurs archéologues éminents, qu'elles furent des autels et l'objet d'un certain culte. On ne saurait attribuer à l'imagination ignorante des paysans ces traditions immémoriales, certainement fort défigurées, mais qu'on reconnaît, à leur ressemblance, sorties d'une source commune c'est toujours le diable qui en est le héros principal. Le contraire a lieu dans les plaines de l'Auxois où certains blocs d'apport et d'origine plus ou moins problématiques y sont transportés par sainte Christine. Jamais, à notre connaissance, il n'est question du diable dans les légendes qui sont attachées à ces pierres.
Les pierres à bassins sont appelées par les paysans du Morvan Fontaines des Rochers, à cause de l'eau qui, à la suite des pluies, s'y réunit et y séjourne plus ou moins longtemps. Elles sont qualifiées d'un nom semblable dans la Haute-Loire et la Lozère. Mais la plus importante des analogies est de voir (1) Le Bouvet. Piles ou pierres à fromentée, pierres à bassins actuelles, lettre du 20 avril 1866 à M. de Mortillet. Matériaux. Deuxième année, pages 361 à 362.
(2) Pélégrino Strobel. Pierres à bassins de l'Amérique du Sud. Matériaux. Troisième année, page 398.
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dans ces divers pays cette eau recherchée pour la guérison des maladies cette pratique superstitieuse existe aussi en Suède.
Dans les bois du hameau de Vaupitre, commune de Saint-Germain-des-Champs (Yonne), se trouve un rocher ayant une fente et une cavité oblongues, où l'eau de pluie s'accumule et possède, selon la tradition, la propriété de guérir les dartres. Sa célébrité était grande bien en dehors de cette partie du Morvan, et elle était le but d'un pèlerinage. Naturellement, comme tous ceux du même genre, il a sa légende. Voici comment M. l'abbé Henry, curé-doyen de Quarré-les-Tombes, la raconte (1 ) « Une vierge nommée Diétrine, vivait en paix dans la solitude de ces bois. Un chasseur la découvre et la poursuit pour lui faire violence. Arrivée devant la roche aujourd'hui en vénération, elle s'écrie « Ah si tu voulais t'ouvrir et me cacher dans ton sein » Aussitôt la pierre se fend et la vierge s'y précipite. S'étant refermée aussitôt elle y demeure ensevelie. »
« Les malades atteints de dartres, s'ils n'y vont pas eux-mêmes, y envoient quelqu'un à leur place. On récite devant la pierre, en l'honneur de sainte Diétrine, neuf Pater et autant d'Ave. Si le malade doit guérir, la pierre sue de grosses gouttes si au contraire elle demeure sèche, tout remède est inutile. On boit de l'eau puisée dans la fontaine ou dans le ruisseau qui coulent auprès on en porte aussi au malade celle de la cavité de la pierre est préférée. Si elle n'en contient point, on y verse celle de la fontaine pour lui faire toucher la sainte renfermée dans la roche, puis on la reprend pour s'en servir au besoin. En se retirant, comme dans tous les pèlerinages du pays, on laisse l'offrande obligée c'est une pièce de monnaie dont s'emparent les pauvres ou autres visiteurs. Courtépée dit que de son temps cette eau était recherchée pour guérir les dartres. Des étrangers viennent de fort loin pour s'en procurer. Cette confiance dans les eaux de Vaupitre peut remonter à une superstition païenne à laquelle on a ajouté quelques pratiques de pèlerinages chrétiens. »
Dans le département de la Lozère, M. de Malafosse a recueilli des faits (1) Notice historique sur la commune de Saint-Germain-des-Champs, par M. l'abbé Henry, page 81. Voir page 111, dans le Bulletin de la Société d'études d'Avallon. Troisième année, 1 863.
semblables qu'il n'est pas sans intérêt de comparer (1) à ceux que nous venons de passer en revue
« Ce pays, dit-il, a la bonne fortune de posséder sur ce sujet des documents qu'on chercherait vainement ailleurs pour expliquer l'origine et l'usage de ces roches.
» Grégoire de Tours (Liber in gloriâ beatorum confessorum, caput II) raconte assez longuement que dans le pays des Gabales (le Gévaudan), était un lac adoré des populations voisines qui venaient tous les ans y accomplir des pratiques superstitieuses. Or un prêtre chrétien des premiers temps, ne pouvant abolir ces coutumes et voulant désormais les diriger vers un but pieux, bâtit une chapelle près du lac et la dédia à saint Hilaire, auquel désormais s'adressèrent les prières des Gabales.
» Ce lac non-seulement existe encore, mais les paysans de nos jours viennent chaque année, le premier dimanche de juillet, accomplir dans ses eaux les mêmes rites que, d'après le chroniqueur, accomplissaient leurs pères les Gabales. Ce lac est célèbre dans les trois départements du Cantal, de l'Aveyron et de la Lozère c'est le lac de Saint-Andéol, nom qu'il porte depuis qu'un évêque de Mende dédia à ce saint la chapelle primitive de saint Hilaire.
» Il a cela de particulier que, creusé en entier dans le basalte, d'une contenance d'une vingtaine d'hectares et d'une profondeur de quinze mètres au centre, il ressemble à une vaste coupe d'où ne s'échappe aucun courant d'eau, et les deux sources qui l'alimentent suffisent seulement à remplacer l'eau évaporée sur sa superficie.
» Or, sur un des chaînons de la Margeride, et auprès de la petite ville de Grandrieu, est une vaste roche à bassin creusée en forme d'auge, dédiée à sainte Mène ou saint Meu, roche dans laquelle se ramasse l'eau pluviale, et qui a la réputation, comme l'eau de Saint-Andéol, de guérir les maladies cutanées. Je n'ai pas à examiner ici ce que peut signifier ce mot de saint Meu ou Mène, inconnu dans le martyrologe; mais ce qu'il y a d'étrange, c'est (1) L. de Malafosse. Les Pierres à bassins de la Lozère. Matériaux. Février et mars 1872, page 78.
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que les mêmes pratiques des Gabales, vis-à-vis des eaux salutaires du lac, pratiques, ainsi que je l'ai dit, exactement conservées de nos jours, sont aussi en usage à Sainte-Mène.
» A une autre extrémité du département, auprès du village de Terme (Ferme, Meu, Mène?..) est aussi un autre bassin taillé dans le granit où l'eau de pluie conservée a la réputation, auprès des paysans, de guérir les maux d'yeux. Toutefois, là on ne laisse point dans l'eau, après avoir baigné la partie malade, la même offrande qu'à Saint-Andéol ou Sainte- Mène, mais bien une épingle.
» Ces trois superstitions me paraissent trop avoir la même origine pour que je ne les attribue pas aux Gaulois, ainsi que le fait le chroniqueur de Tours. Or ce qui existe aujourd'hui pour deux roches à bassins, devait, selon moi, exister autrefois pour toutes celles auxquelles s'attache un souvenir superstitieux, mais au sujet desquelles les pratiques sont tombées en désuétude. Il me paraîtrait donc que ces cavités creusées sur des rocs élevés, vénérés sans doute par les Gaulois, adorateurs d'arbres et de rochers, devaient servir à contenir l'eau de pluie, devenue ainsi une eau consacrée. » M. H. Hildebrand a fait à la huitième session du congrès international d'anthropologie et d'archéologie préhistorique de Stockholm, une intéressante communication sur les pierres à bassins de la Suède (1). La population actuelle de ce pays montre beaucoup de vénération pour ces pierres en déposant dans les écuelles de petites offrandes pour obtenir la guérison des maladies. On a étendu ce culte aux grandes et profondes excavations faites par les eaux dans les rochers. On appelle les unes et les autres Chaudrons des Géants, et elles appartiennent également au culte des Elfes (Fées). Les faits constatés dans des contrées éloignées ont une trop grande analogie pour qu'ils ne dérivent pas d'une volonté commune. Rien n'empêcherait de reconnaître dans les pierres à bassins (2), qu'elles aient été ou non creu(1) Compte-rendu du Congrès international d'anthropologie et d'archéologie préhistorique. VIIIe session, Stockholm, dans les Matériaux. Dixième année, page 293
(2) Le concile d'Arles, tenu en 452, dit que si les fiJèles allument des flambeaux ou révèrent des arbres, des pierres ou des fontaines, et que l'évêque néglige d'abolir cet usage dans son diocèse, il doit savoir qu'il il est coupable de sacrilége. En 567, le concile de Tours enjoignait aux prêtres de chasser de leur église tous
sées de main d'homme, des autels vénérés par les habitants primitifs de notre pays. Le fétichisme, connu chez toutes les nations primitives, a précédé en Gaule l'adoration de la divinité. Plus tard les druides, dont, suivant les auteurs, les rochers les plus abrupts étaient les autels, auraient pu les approprier à leur culte. La nécessité des sacrifices humains, s'il faut en croire ces mêmes auteurs, était un dogme établi par les druides eux-mêmes. Tacite a parlé d'autels des forêts de l'île de Man, qui ruisselaient du sang des captifs. César insinue le même fait pour ceux qui étaient abrités sous les bois du territoire de Marseille, et que ses soldats, retenus par une crainte superstitieuse, n'osaient abattre. Jusqu'à des temps récents, les plus graves historiens voyaient dans les dolmens, les tables de sacrifices de cette religion barbare. Depuis qu'ils ont été reconnus comme étant des monuments funéraires, on ne saurait, il nous semble, mieux appliquer cette destination qu'aux rochers-autels à bassins (1).
A son introduction dans le Morvan, le christianisme eut à lutter avec le druidisme qui avait su se retirer et résister, au milieu des forêts sauvages et inaccessibles, à l'envahissement du paganisme introduit par les vainqueurs de la Gaule. Les premiers apôtres qui évangélisèrent cette contrée ne durent rien négliger pour les détruire tout à fait, et tous les moyens furent sans doute employés pour arriver à ce résultat. De là cet assortiment bizarre de superstitions alliées au christianisme, qu'on retrouve dans le Morvan. Beaucoup de ces roches'en vénération furent détruites, d'autres furent le sujet ceux qu'ils verront faire devant certaines pierres des choses qui n'ont pas de rapport avec les cérémonies de l'église. Dans les capitulaires de Charlemagne, on trouve un passage ainsi conçu: « A l'égard des arbres, des pierres, des fontaines, où quelques insensés vont allumer des chandelles, nous ordonnons que cet usage soit aboli. Mais s'agit-il des pierres à bassins? C'est une question à éclaircir.
(1) Ces attributions paraîtront sans doute exagérées et trouveront probablement des contradicteurs, Nous nous rallierons volontiers à eux, s'ils en donnent de meilleures. En attendant, nous croyons devoir reproduire dès à présent l'opinion contradictoire de M. du Cleuzion, page 9 de l'avant-propos de son remarquable ouvrage sur la poterie gauloise, Etude sur la colleclion Charvet. Quant aux autels avec cuvette et rigoles, destinées au sang des victimes, il suffit d'avoir visité les cOtes de Bretagne, d'avoir gravi les rochers de Ploumanarch, de Saint-Mathieu, de Crozon ou d'ailleurs, pour comprendre l'inanité de l'hypothèse du sacrifice dans ces cuvettes. Le granit en se désagrégeant sous l'action des pluies, creuse un petit trou qui s'agrandit toujours, l'eau cherchant une issue forme la rigole, et il y a dans les falaises dont nous parlions tout à l'heure, nombre de bassins formant les plus beaux autels du monde, dans des situations oit jamais druide, eùt-il cent pieds de haut, n'aurait pu sacrifier la moindre victime.
de légendes effrayantes et marquées d'exorcismes qui devaient peu à peu en éloigner les populations; on finit par les mettre sous la protection d'un saint, et l'ont vit se continuer les pratiques anciennes qui, dirigées vers un but innocent et vieux, reçurent pour ainsi dire une nouvelle consécration. Telles sont les observations que nous a suggérées l'étude des pierres à bassins duMorvan. Assurément ces observations sont loin d'être complètes, et certains points peuvent en rester douteux. Je me contente ici d'en exposer les termes principaux, sans chercher à entrer dans les discussions qu'elles soulèvent nécessairement, et encore moins à les trancher mais on peut croire que des archéologues plus compétents sauront entreprendre et mener cette tâche à bonne fin.
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LES
VIEILLES MAISONS DE DIJON
PAR CXEMEXT-JAU'Ilï} ASSOCIÉ RÉSIDANT DE LA COMMISSION DES ANTIQUITES
DE LA CÔTE-D'OR.
–––––––––M<=~j~~<=a-~–––––––––
Parmi les riches demeures du xvie siècle, si nombreuses à Dijon, il en est une que nos historiens ont oubliée. Seul, M. J. Bard lui consacre ces lignes, dans son Dijon, histoire et tableau
« Rue du Bourg (jadis au-dessus du Bourg), n° 8, remarquons la maison Cromback, délicieuse épreuve, ornée d'une charmante petite retraicte. » Mais, cette maison ne pouvait échapper au baron Taylor. Il en donne, en effet, une vue intérieure, dans son bel ouvrage Dijon, ses monuments divers depuis son origine jusqu'au règne de Louis XIII, avec cette légende Cour d'une maison du temps de Louis XIII, rue Condé, à Dijon. Le dessin est de Cambon, les figures de Gaildrau.
Malheureusement, nul texte n'accompagne le dessin de Cambon. L'artiste est satisfait; le curieux ne l'est pas. Voici donc quelques notes qui, peutêtre, ajouteront encore un peu d'intérêt à cette maison déjà si intéressante. Sous Philippe-le-Bon, elle appartenait à Jehanne Tadrouse, femme de Huguenin Marriot. Il reste, de cette époque, quelques ogives en accolades, et une immense cheminée, dans un bâtiment de l'arrière-cour. La maison avait, comme aujourd'hui, deux issues l'une sur la rue du Bourg l'autre sur une impasse qui s'ouvre au bas de la rue des Forges. C'est ce qui résulte d'un acte du 30 janvier 1460, par lequel Jehannin Chicheret, bourgeois de 39
Dijon et héritier de Jehanne Tadrouse, reconnaît que « Thevenin Censier, orphèvre, a droit au treige qui part hors de la maison et porte de la dicte Jehanne Tadrouse, laquelle voye demeure commune. »
Les Chicheret, à partir du XVIe siècle on écrit Chisseret, étaient une des bonnes familles de Dijon. Un Pierre Chisseret y prête serment, le 24 novembre 1439, en qualité de changeur; Jehannin Chisseret obtient des titres de noblesse et prend pour armes d'azur ait cerf d'or. Le 27 mars 1554, la maison de la rue du Bourg fut partagée en six lots par les enfants de Jehannin Chisseret. Quatre seulement nous sont connus c'est à savoir Bénigne, procureur et plus tard échevin Philibert, conseiller au Parlement; Jehan, avocat, et Claudine. Tous étaient protestants. Bénigne Chisseret vendit peu après sa part à un marchand nommé Claude Theivard, moyennant 400 livres.
C'est de 1554 à 1560, que, selon nous, Philibert Chisseret fit bâtir la maison qui nous occupe. En effet, ce qui frappe tout d'abord, c'est l'attribut de Diane que l'on voit encore sur le louvre de la cour c'est le chiffre de Henri II et le croissant qui étaient sculptés dans les cartouches, et que Cambon a reproduits dans son dessin.
Ces insignes sur une maison du temps de Louis XIII ne s'expliqueraient pas ils paraîtront au contraire tout naturels, quand on saura qu'Henri II ayant, en 1554, créé trois charges de conseillers laïcs au Parlement de Bourgogne, une de ces charges fut attribuée à Philibert Chisseret. Il aura voulu prouver sa reconnaissance envers le roi et envers celle que sa beauté avait faite plus que reine de France.
Il est vrai que la jolie rampe en fer forgé, de l'escalier, est ornée d'un entrelacs des lettres A. P. C., qui nous déconcerte un peu mais Palliot donne-t-il bien tous les prénoms du conseiller au Parlement, et ne s'appelait-il pas Antoine-Philibert Chisseret?
Quoi qu'il en soit, cette maison fut vendue, après la mort de Philibert Chisseret, en 1571, au même Theivard, qui avait déjà acquis la part de Bénigne et celle de ses cohéritiers. Elle passa ensuite à Loys Vallot, puis à Guillaume Cuyer, dont la fille Claire épousa Alexandre Tabourot, écuyer,
LES VIEILLES MAISONS DE DIJON. 1 1 1
conseiller du roi, lieutenant général au siège de la table de marbre du Palais, à Dijon, et neveu du seigneur des Accords.
Le 4 mars 1641, Alexandre Tabourot vendit la maison Chisseret à Michel Petit, marchand, et à Anne Cuisenier, sa femme, moyennant 10,000 livres tournois.
Michel Petit eut trois fils Etienne, Bernard et Paul. Etienne devint prieur de Mirebeau, et Bernard prit la robe d'avocat au Parlement. Quant à Paul, enfant de la vieillesse de Michel Petit (1), il étudia à Paris, s'y fit recevoir licencié en Sorbonne et revint à Dijon, où il fut bientot cité parmi nos abbés beaux-esprits.
Papillon en fait cet éloge singulier « S'il eût cultivé les heureuses dispositions qu'il avait pour les sciences, on lui auroit vu occuper une des premières places de la république des lettres. » Même en tenant compte de la valeur des mots à l'époque où Papillon écrivait, ces lignes font sourire, et surtout quand le bon chanoine avoue qu'elles lui ont été soufflées par l'auteur des Noëls bourguignons.
Lamonnoie, en effet, ne semble pas avoir tenu en grande estime la traduction de l'Enéïde en patois, qui est le principal titre littéraire de Paul Petit. Il ne cite pas une seule fois le jeune poëte dans son Glossaire des Noëls, tandis que Pierre Dumay, qui a donné le premier livre du Virgille virai, y est mentionné avec éloges.
Le public a ratifié le jugement de Lamonnoie. Non seulement l'œuvre de Paul Petit n'a pas eu de succès de son vivant, puisque Antoine de Fay en interrompit l'impression; mais encore l'édition qu'en 1831 en donnèrent deux savants dijonnais, ne popularisa pas le nom du poëte.
C'est que le Virgille virai n'a de bourguignon que l'habit. Il n'en a ni la verve, ni la finesse railleuse; ni ce sel qui abonde dans les Noëls. Qu'on (1) Voici son extrait de baptême, copié sur les registres de la paroisse Notre-Dame
«Paul, filz dhonorable Paul Petit (lisez Michel) marchand et honneste Anne Cuisinier a esté baptisé le jeudi vint et uniesme de janvier 1671; a esté parrain Richard Petit, clerc chanoine de leglise de Saint-Denys à Nuys filz dhonorable Michel Petit aussi marchand, et marraine honneste Anne Duprey vefve de François Cuisinier aussi marchand. Signé P. Guenot (curé) A. Dupbey, R. PETIT, PETIT. »
s'étonne, après cela, que Lamonnoie ait reconnu à son jeune émule tant d'aptitude pour les sciences
Mais revenons à la maison Chisseret. Michel Petit consacra l'appartement du premier à ses fils chacun y avait sa chambre.
Celle dans le bâtiment entre deux cours, construction nouvelle, était ornée d'un Christ en croix c'était la demeure du prieur de Mirebeau. Dans la grande salle à la tourelle, au-dessus « d'une cheminée toute sculptée de figures en relief et de guirlandes, et dont les deux pilliers sont deux grandes figures servant d'apuis, » on voyait un panneau représentant Thémis. L'avocat s'y essayait à l'éloquence.
Enfin la chambre contiguë, ayant aspect sur la cour, était « boisée du haut en bas, avec sculptures; au-dessus des portes, attiques ovales avec ornemens. » Dans cette chambre, au milieu de la cheminée, et entouré d'un cadre doré, était un Cupidon forgeant des cœurs.
C'est là que fut virai le Virgile; c'est là que Paul Petit mit cette plainte dans la bouche de Didon
La gaîté, – même la gaîté bourguignonne, a des bornes. Autant le public lettré du vieux Dijon applaudissait aux créations charmantes, savamment épicées de ses poëtes, autant il demeura froid devant cette parodie grossière, devant cette caricature d'un chef-d'œuvre.
Dôble pandar, tu vai pati
Et san me dire ein gran-marci
Tu laisse, aipré l'aivoi grugée,
Tai fanne aivô deù pié de née.
Seù-je veille? seù-je édantée?
Me trôve-tu si déchirée
Anco si, po me consôlai,
J'aivoo ein tô petiôt Ainiai,
Qui peùsse regaudi sai meire,
Et qui ressanneusse ai son peire 1
Vo devrein du moin demeurai
Jeùsqu'ai ce qu'i l'ein échevai 1
LES VIEILLES MAISONS DE DIJON. *y»r»î + lo innAn ot 1 oîoon /»r»mmn An l'a
Paul Petit comprit la leçon et laissa, comme on l'a vu, son œuvre inachevée.
Le 29 novembre 1718, les fils Petit vendirent leur maison à Sébastien Rostaing. Elle passa le 8 juillet 1749 à Christine Boyer, puis à Christine Rostaing, qui la céda le 2 août 1787 à Louis-Joseph Drevon, orfèvre. Vers 1730, elle avait été louée à Thévenot, libraire, et, le 1er juillet 1737, à François Desventes, son successeur, qui s'intitulait libraire de S. A. S. M9r le prince de Condé. Son enseigne était A l'Image de la Vierge. Sous la Révolution, une des quatre sections de la Société des Amis de la Constitution s'installa dans la vieille maison Chisseret. C'est le dernier souvenir que nous évoquerons ici.
COUP D'ŒIL GÉNÉRAL
SUR
L'INHUMATION ET L'INCINÉRATION CHEZ LES PEUPLES DE L'ANTIQUITÉ
SUIVI DE LA
DÉCOUVERTE D'USE AGGLOMÉRATION DE SÉPULTURES GALLO ROMAINES PAR INCINÉRATION A CHARNAY (Saône-et-Loire)
ET DE LA DESCRIPTION DES OBJETS QUI Y ONT ÉTÉ TROUVÉS
PAR Henri BAUDOT, PRÉSIDENT DE LA COMMISSION DES antiquités DU DÉPARTEMENT DE LA côte-d'or. C'est dans la poussière du tombeau que l'observateur, curieux de connaître l'histoire des anciens habitants de la terre, va puiser les documents les plus certains sur ces peuples des temps antiques qui, la plupart, n'avaient aucuns moyens de transmettre à leurs descendants des documents écrits ou figurés de leur histoire.
Leurs sépultures nous révèlent leurs habitudes plus ou moins sauvages nous font voir leur état de civilisation, leurs pratiques religieuses, leurs mœurs, leurs coutumes, leur industrie, leurs arts qui étonnent lorsqu'on réfléchit à l'imperfection des moyens qu'ils avaient à leur disposition. Avant de connaître la fusion des métaux, la pierre et l'os furent les matières de leurs premiers instruments de même qu'avant la construction des huttes, les grottes furent leurs premières demeures ainsi, après leur décès, la terre reçut leurs dépouilles mortelles et fut leur première sépulture. Plus tard se produisit l'usage de brûler les corps, fruit d'une civilisation plus
avancée. A quelle époque et comment cet usage se produisit-il ? Dans quelle circonstance et comment se généralisa-t-il ? Voilà des questions difficiles à résoudre, des problèmes dont-la solution doit exciter le zèle et la curiosité des archéologues.
Nous nous bornerons en ce moment à jeter un léger coup d'œil sur la manière d'ensépulturer des anciens, et particulièrement des Romains, qui ont établi leur domination sur une grande partie de l'univers alors connu, spécialement en Gaule, où ils ont implanté leurs mœurs, leur religion et leurs usages.
Voyons d'abord l'Asie, berceau du genre humain.
PREMIÈRE PARTIE.
ASIE.
Le mode de sépulture le plus ancien fut sans contredit l'inhumation, injicere corpus in terram la Bible nous fournit à ce sujet les documents les plus précis. Ce mode de sépulture était généralement pratiqué chez les Hébreux, qui recherchaient les grottes pour y enterrer leurs morts. On voit le patriarche Abraham, qui est considéré comme le père de la nation juive, acheter d'Ephron moyennant 400 sicles d'argent, un terrain dans lequel était une grotte destinée à recevoir la sépulture de sa famille. Moïse, le chef des Hébreux, qui ne put entrer dans la terre promise, fut enterré dans la vallée de Moab, sans qu'aucun indice pût mettre sur la voie du lieu précis de sa sépulture. Josué, son successeur, fut inhumé dans un tombeau construit dans le roc et ignoré jusqu'à nos jours c'est à M. Victor Guérin que l'on en doit la découverte; M. de Saulcy, qui l'a visité en 1862, donne la preuve de son authenticité (1).
(1) Voyez une note de M. de Saulcy, insérée dans le Bulletin de la Société des sciences historiques et naturelles de l'Yonne, année 1874, 28" vol., p. 388. « L'Ecriture sainte, dit ce savant, parle deux fois du » sépulcre de Josué et nomme le lieu où se trouvait ce sépulcre, Timnath Ileras (Juges, h, 9) ou Timnath» Serah (Josué, xix, 50, et xxiv, 30) Par ;suite d'une transposition de lettres, le Timnah biblique n'est » autre chose que notre Tibneh dont les ruines couvrent, ainsi que je l'ai dit, une colline fort peu élevée, que les fellahs nomment encore de nos jours Ei-ras. Cette dénomination moderne rappelle incontesta» blement le nom biblique Heras nommé plus haut. »
ET L'INCINÉRATION CHEZ LES PEUPLES DE L'ANTIQUITÉ. a_v_ n_t_ tta _m_ T\1 La_'a
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Le tombeau que Salomon fit construire pour son père David était d'une richesse et magnificence que rien ne pouvait égaler il y choisit lui-même sa sépulture près de celle de son père. L'entrée de ce tombeau était si bien dissimulée qu'il était impossible de trouver dans cette espèce de labyrinthe le lieu précis où reposaient les corps. Cependant, Hérode, poussé par une curiosité sacrilège ou plutôt par l'espoir de trouver des trésors, fit briser les pierres qui recouvraient l'entrée du caveau des gaz renfermés depuis longtemps dans cette demeure souterraine, s'enflammèrent, et deux hommes furent tués instantanément. Hérode s'enfuit épouvanté et lança un édit qui défendait, sous les peines les plus sévères, de faire à l'avenir de pareilles recherches (1).
Vous voyez Tobie se livrant à des œuvres pies, ensevelir et enterrer les morts.
Le prophète Baruch, disciple de Jérémie, s'adressant à Dieu « Seigneur, disait-il, jetez les yeux sur nous. Considérez que parce que les morts sont dans le sépulcre, etc. »
Le prophète Daniel, captif à Babylone, devenu favori des rois de Perse, se fit construire à Ecbatane, un tombeau en forme de tour d'une si grande magnificence, que les rois de Perse voulurent y avoir leur sépulture (2). L'historien Josèphe, qui a vu ce monument après plusieurs siècles, rapporte qu'il était encore d'une conservation si parfaite, qu'il semblait sortir des mains de l'ouvrier.
Le grand-prêtre Simon fit construire, à Modin, un magnifique tombeau tout en marbre blanc, où il réunit les ossements de ses pères, de ses frères, et où il fut lui-même enseveli.
Il est certain que les Hébreux n'ont jamais pratiqué l'usage de brûler les corps (3). Ils les renfermaient dans des grottes, puis leur élevèrent de somptueux monuments. Les gens pauvres et les étrangers sans ressources étaient (1) V. Muret, p. 172 Céremonies funèbres de toutes les nations, 1 vol. in-12, Paris, 1679. (2) Thevet, dans sa Cosmographie universelle, les qualifie les plus beaux du monde (livre IX, p. 309). Voyez Muret, p. 171.
(3) Si l'on peul citer quelques exemples d'incinération parmi les princes de la nation juive, ce sont de très rares exceptions et dans des circonstances tout à fait particulières.
na
enterrés dans des lieux communs en pleine campagne. On voit dans le livre des Evangiles que les trente pièces d'argent qui avaient été le prix de la trahison de Judas, furent employées à acheter le champ d'un potier pour y enterrer les étrangers.
Outre la richesse des tombeaux et les dons précieux particulièrement consacrés aux morts, les Hébreux avaient coutume d'y placer leurs trésors particuliers, dont ils usaient suivant leurs besoins, ils les croyaient plus en sûreté dans ces asiles sacrés que dans leurs propres habitations. Muret rapporte que le grand-prêtre Ilircanus, se voyant assiégé dans Jérusalem par Antiochus-le-Pieux, tira du tombeau de David, 900 ans après sa mort, trois mille talents dont il donna une partie à Antiochus, pour lui faire lever le siège, et l'autre partie fut employée à former une armée pour se mettre à l'abri d'une pareille entreprise.
Les Juifs ne déployaient pas une grande pompe dans les cérémonies de leurs funérailles, ce qui cependant n'excluait pas la manifestation de leurs regrets. L'ancien usage était de déchirer ses vêtements au moment où expirait un de leurs parents, et lorsque, descendu dans la fosse, on recouvrait de terre le cercueil. Ils avaient soin d'éviter de se faire la moindre égratignure, parce qu'il est écrit au chapitre xiv du Deutéronome Vous ne vous ferez pas d'incision. Les plus proches parents du mort, de retour chez eux, ôtaient leur chaussure, s'asseyaient à terre, et pour se conformer à ces paroles du livre des Proverbes Donnez à boire aux misérables et du vin aux affligés, ils se faisaient servir un modeste repas composé exclusivement de pain, de vin et d'œufs cuits durs.
Cette frugalité n'a pas toujours été observée, car Léon de Modène, rabbin de Venise, qui rapporte cette coutume, ajoute que « dans le levant et en plusieurs autres lieux, les parents et les amis ont accoutumé d'envoyer sept jours durant, soir et matin, aux parents du défunt, de quoi faire de grands et somptueux repas et même ils vont manger avec eux pour les consoler (1). »
(1) V. Cérémonies et Coutumes qui s'observent aujourd'hui parmi les Jui fs, traduites de l'italien de Léon de Modène, rabbin de Venise, par le sieur de Simonville. Paris, MDCLXXXI, chap. ix.
Le peuple chinois, qui date des temps les plus anciens et qui occupe une vaste partie de l'Asie, a conservé à travers les siècles l'usage de l'inhumation.
On lit dans l'Histoire générale de la Chine (1), que le P. Amiot, après de longues et pénibles recherches, a démontré que l'origine des Chinois doit remonter à plus de 4000 ans, et que tout porte à croire que ce sont les premiers descendants de Noé qui formèrent la première colonie qui alla peupler la Chine. Leurs mœurs, leurs usages portent le cachet de l'antiquité la plus reculée aussi l'usage d'enterrer les morts s'est toujours maintenu parmi eux; ils tiennent à ce que leur corps soit enseveli en entier ce serait une profanation d'en détacher le cœur ou les entrailles, en un mot, la moindre partie, à moins que par suite d'un combat ou d'un accident quelconque, ils fussent privés d'un membre.
Le cercueil est pour le Chinois le meuble auquel il tient davantage. Les gens riches le font faire eux-mêmes à l'avance en bois des plus précieux et d'une ornementation très remarquable, suivant leur fortune et leur position. Les gens du peuple sont aussi très jaloux de rendre ce dernier devoir à leurs parents on a vu des fils vendre leur liberté pour acheter un cercueil à leur père.
Les funérailles chez les Chinois sont l'objet de cérémonies très pompeuses, très compliquées et très propres à frapper l'esprit de ce peuple ancien et stationnaire on voit figurer dans le cortége qui accompagne le défunt à sa dernière demeure, toujours située hors des villes et ordinairement dans les lieux élevés, des représentations les plus bizarres peintes sur des cartons, des étendards, des banderolles; on dispose près du corps du défunt des cassolettes où brûlent des parfums des musiciens précèdent le cercueil placé sous un dôme de soie violette et porté par un personnel toujours nombreux chez les gens riches. Les femmes font retentir l'air de leurs gémissements jusqu'à ce que le cercueil soit déposé dans la tombe voûtée à la manière de nos caveaux funèbres ces cérémonies terminées, alors a lieu le repas obligé auquel preni
(t) Tome XIII, in-4., volume de supplément, rédigé par l'abbé Grosier, chanoine de Saint-Louis du Louvre, p. 542.
nent part tous ceux qui ont fait partie du cortége et dont le nombre s'élève quelquefois à plusieurs milliers.
Les tombeaux des grands seigneurs et des mandarins du Céleste Empire sont construits avec plus de luxe que de goût. Sur le caveau voûté qui renferme le cercueil, on élève un massif de terre argileuse bien battue, de quatre mètres au moins d'élévation qui se termine en cône le tout enduit d'un mastic de chaux et de sable qui donne à cette masse une grande solidité. On place sur le devant une grande table de marbre blanc, bien polie, chargée d'ornements variés ce sont des cassolettes à brûler des parfums, des candélabres, des vases du travail le plus recherché. « On range autour du tombeau quantité de figures d'officiers, d'eunuques, de soldats, de chevaux sellés, de chameaux, de lions, de tortues, etc., etc., etc., » qui doit produire plus d'effet sur la multitude que sur les gens de goût; des arbres de différentes espèces, plantés autour du monument, complètent cette décoration plus théâtrale que vraiment imposante.
Les citoyens de condition moyenne construisent leurs tombeaux en forme de fer à cheval, bien blanchis, et avec une certaine symétrie, d'après les missionnaires qui ont visité les lieux les pauvres se contentent de placer le cercueil sous un toit de chaume (1).
Dans les différentes provinces de ce vaste empire, il peut y avoir quelques variantes dans les cérémonies des obsèques, mais c'est toujours l'inhumation. Les différents peuples de l'Asie avaient des idées très différentes les uns des autres à l'endroit de la sépulture les uns y attachaient une grande importance, brûlaient ou enterraient les corps de leurs parents avec de grandes cérémonies, les entourant de tout ce qu'ils avaient de plus cher et de plus précieux, et leur élevaient de magnifiques tombeaux tandis que d'autres méprisaient les dépouilles mortelles, dont ils ne tenaient aucun compte, c'était pour eux un embarras dont il fallait se défaire au plus vite, ils (1) Voyez pour de plus amples détails l'Histoire générale de la Chine ou Annales de cet empire, traduites du texte chinois par le feu père Joseph-Anne-Marie de Moiriac de Mailla, jésuite françois, missionnaire à Pe-King. Tome XIII sup., in-4% chap. xi, p. 679 et suivantes.
jetaient les cadavres dans les champs loin de leurs habitations où ils étaient dévorés par les animaux sauvages.
On voit dans la Cyropédie de Xénophon que le roi Cyrus voulut être enterré sans ostentation. Voici comment le docteur Guichard a traduit le passage où sont exprimées les dernières volontés de ce puissant souverain « Au » demeurant, mes enfants, dit ce grand monarque, quant à mon corps, ne » l'enchassez point en or, ny argent, ny en autre chose quelconque mais » rendez-le tout incontinent à la terre, tenans pour certain qu'il n'y a rien » plus sainct après la mort que d'estre bien tost meslé avec la terre, qui » produit et nourrit toutes les plus belles et précieuses chauses du monde, » car je me suis tousjours estimé mortel; et comme j'ai esté par-cy devant B humain et non ingrat envers ceux qui m'ont faict plaisir, aussi mainte» nant je recevrai grand contentement de retourner à celle qui fait tant de » bien aux hommes. » On voit par ses dernières dispositions que ce grand roi ne partageait pas les préjugés de son peuple qui déployait un si grand luxe dans les cérémonies des funérailles. Sa tombe en offre une nouvelle preuve, car, lorsque Alexandre-le-Grand, ayant conquis la Perse, se fit ouvrir le tombeau de Cyrus, où il s'attendait à trouver des trésors considérables, il fut bien surpris de ne trouver près du corps d'un si grand monarque que ses armes de guerre, au lieu des trésors qu'il s'était imaginé.
Les habitants de la Colchide enveloppaient les corps morts avec des peaux de bêtes fraîchement écorchées et les suspendaient à des arbres éloignés de leurs habitations. D'autres égorgeaient les vieillards et les souffreteux pour les soustraire aux misères de la vie. Les Derbyces, qui habitaient la côte orientale de la mer Caspienne, aujourd'hui le pays des Turkomans (GrandeTartarie), poussaient la barbarie jusqu'à manger les corps de leurs parents et amis après les avoir fait rôtir. Les Galates mangeaient également leurs pères et mères trépassés. Ces peuples s'imaginaient que ces corps recevaient ainsi une sépulture beaucoup plus honorable que s'ils eussent été mangés par les vers. Ils invitaient leurs proches et leurs amis à partager cet abominable festin (1).
(1) Voyez, pour plus de détail sur ces abominables et barbares coutumes, le curieux ouvrage de Thomaso Porcacchj, un volume in-i° intitulé Funerali antichi di diversi popoli e nazioni; forma, ordine
La reine Artémise, épouse de Mausole, roi de Carie, partageait ces préjugés elle recueillit les cendres de son époux, qu'elle mêla à son breuvage pour lui donner une sépulture digne de son amour. Cette veuve inconsolable mourut deux ans après son mari, sans avoir vu complètement achevé le magnifique tombeau qu'elle fit élever à sa mémoire.
Dans certaines îles habitées par des anthropophages, les habitants vendaient leurs morts au marché comme viande de boucherie, pour être mangés par les habitants du pays (1).
Dans d'autres îles du grand Archipel d'Asie, on brûlait les corps des trépassés comme chez les Grecs et les Romains, nous dit Thevet dans sa Cosmographie (2) dans d'autres, on mettait les corps en terre, « non sans grandes lamentations des parents et amis et toujours pleurs de femmes, et sitôt que le corps étoit couvert de terre, les plus proches parents apportoient plusieurs choses aromatiques, lesquelles ils brûloient sur la fosse avec les armes du défunt, auquels ils disoient faire plaisir avec cest honneste devoir, et pensent que l'esprit du trépassé a ces bonnes odeurs pour très agréables, étant persuadez par instinct naturel de l'immortalité des âmes. »
La plupart des peuples de l'Inde brûlaient les corps des trépassés, les femmes tenaient à honneur d'être brûlées avec le corps de leur mari elles se précipitaient volontairement dans les flammes du bûcher élevé pour cette cérémonie celle qui se serait soustraite à cet usage, eût été à jamais déshonorée. Cet usage était et est encore tellement enraciné chez ces peuples, que, malgré tous leurs efforts, les Anglais ne sont pas parvenus à détruire entièrement cette barbare coutume dans les contrées qu'ils occupent.
Les brames philosophes on prêtres indiens, dont l'existence remonte à une haute antiquité, montraient l'exemple d'un grand mépris de la vie ils se brûlaient volontairement pour éviter les maladies et les infirmités de la vieillesse ils pensaient qu'en sortant de cette vie corruptible, sains de corps et e pompa di sepolture, di essequie, di consecrazioni antiche e d altro, descrilti in dialogo da Thomaso Porcacchj da Castiglione- 4relino, con le figure in rame di Girolamo Porro, Padouano, con privilegio. In Venelia, CIO 13 LXXIV.
(1) V. Guichard, liv. III, chap. v, page 393.
(2) V. Thevet, liv. XII, chap. xiv, p. 450.
d'esprit, leur âme purifiée par le feu, allait sans aucun retard, dans le paradis qu'ils s'étaient créé, jouir de toutes les félicités que pouvait concevoir leur imagination. Il en était de même au Japon, où certains bonzes fanatiques se précipitaient dans la mer après s'être attaché une grosse pierre au cou d'autres se laissaient mourir de faim.
Certains Indiens, que Quinte-Curce appelle les Norites, jetaient au loin les corps de leurs morts pour être dévorés par les animaux sauvages, d'autres les suspendaient à des branches d'arbres pour être mangés par les vautours et autres oiseaux carnassiers, puis mettaient en terre leurs ossements. Le naturaliste Belon prétend avoir vu en Phrygie un grand nombre de buttes de terre, sortes de tumuli plus ou moins élevés qui avaient servi de sépultures aux anciens habitants du pays.
Sans nous étendre davantage sur cette partie du monde la plus considérable, on voit qu'en Asie tous les modes de sépulture étaient anciennement pratiqués.
AFRIQUE.
On trouve également chez les anciens peuples de l'Afrique, l'inhumation et l'incinération, pratiquées simultanément, puis un mode de conservation particulier aux Egyptiens, le seul qui jusqu'à ce jour présente toutes les conditions d'une durée indéfinie. Ces derniers croyaient s'éterniser en conservant leurs morts par un espèce d'embaumement ils enduisaient les corps d'un bitume asphaltique qui les rendait incorruptibles par une sorte d'assimilation dont les procédés nous sont inconnus. Enveloppés de bandelettes de toile, ils étaient enfermés dans des cercueils en bois plus ou moins précieux, ornés de peintures et d'inscriptions hiéroglyphiques, puis placés ainsi dans leurs propres demeures ou dans des tombeaux particuliers, des grottes ou lieux communs de sépulture situés au-dessus du niveau du débordement du Nil. C'est de là que nous viennent ces momies dont les Arabes faisaient un commerce fructueux, surtout à l'époque où la momie pulvérisée était admise en médecine comme un précieux spécifique pour
guérir certains maux, comme par exemple les contusions, les meurtrissures et même les chutes.
Cependant les Egyptiens, comme presque tous les peuples civilisés, regardaient comme un crime la violation des sépultures, et à plus forte raison l'enlèvement des momies et leur exportation en Europe où ce remède, une fois adopté par les médecins de ce pays, eut une vogue considérable. Cet engouement provoqua une consommation telle, que les véritables momies ne pouvaient y suffire et avaient conséquemment acquis un prix tellement élevé, qu'il excita la cupidité de certains juifs, qui imaginèrent d'en fabriquer avec des corps d'esclaves et même de gens morts de maladies contagieuses comme la lèpre et la peste (1).
Toutefois, ce remède n'eut pas une longue vogue, comme on peut le voir dans un mémoire de Legrand-Daussy, sur les sépultures nationales. L'Europe n'en fut pas moins inondée de fausses momies, qui jetèrent un certain discrédit sur les véritables, à moins que l'authenticité n'en fût bien démontrée. Dans d'autres contrées de l'Afrique, on retrouve l'usage de brûler les corps ou de les faire dessécher et embaumer à la manière des Egyptiens, pour les conserver dans des cylindres en verre. Diodore de Sicile dit aussi qu'en (1) Legrand-Daussy, qui a traité avec détail la question des embaumements dans son ouvrage intitulé Mémoire sur les anciennes sepultures nationales, etc., par le citoyen Legrand-Daussy, inséré dans le Recueil des Mémoires de l'Institut national des sciences et arts, tome II, p. 411, rapporte plusieurs passages des ouvrages de Guyon et de Paré, qui expliquent comment de leur temps les momies ou soi-disant telles, étaient devenues si communes en France (on prétend même que l'on en fabriquait dans le pays même).
C'est vers le milieu du xvr siècle que cette fraude se propagea en France. Belon, qui publia en 1553 un ouvrage sur les embaumements, rapporte que ce médicament était importé en France depuis peu d'années seulement avant lui la vogue ne fut donc pas de longue durée, puisqu'en 1 625, Guyon, de son côté, rapporte ainsi dans ses Diverses leçons, p. 25, la circonstance qui fit tomber ce commerce frauduleux. « Un juif de Damiette qui faisait le commerce de fausse momie avait un esclave chrétien qu'il maltraitait souvent parce qu'il voulait l'obliger à se faire circoncire. Celui-ci, pour se venger, alla au bacha dénoncer son maître et l'adultération qu'il commettait en cette puante marchandise. Le juif fut mis en prison et n'en sortit qu'après avoir payé au bacha trois cents sultanins d'or. Mais quand les gouverneurs d'Alexandrie, de Rosette et des autres villes d'Egypte furent instruits du fait, ravis d'avoir aussi à leur tour un prétexte pour extorquer de l'argent, ils rançonnèrent chacun de son côté ceux des juifs qui étaient marchands de momies. Depuis cette aventure le trafic cessa, parce que les juifs, dans la crainte d'éprouver une avanie nouvelle, n'osèrent plus le continuer ainsi, les momies cessant d'arriver en Europe, elles cessèrent d'y être employées comme médicament. Sans doute aussi parce qu'on reconnut l'inanité de ce remède.
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certaines régions de l'Afrique on salait les corps entiers que l'on plaçait ensuite dans de grands vases de verre. On se servait aussi de vases d'or, d'argent, et même de terre pour conserver les cendres des défunts. Au dire d'anciens voyageurs, certains peuples de l'Ethiopie n'attachaient pas une grande importance à leur sépulture. Ils portaient les corps de leurs parents défunts dans des lieux élevés, les couvraient de pierres sans plus de cérémonie, et plaçaient au-dessus de cette sorte de tumulus une corne de chèvre.
Le docteur Guichard s'exprime ainsi dans son ouvrage déjà cité (1) Les Arabes et les Mores noirs de la haute Ethiopie eslisent volontiers leurs sépultures en quelques endroits eslongnés de leurs demeurances, et principalement ès montagnes et grotesques où il ne croist rien. Les autres, au contraire, se font ensenvelir dans leurs jardins, hors des villes, et pour petit d'autorité qu'eust le défunct, il a tousjours quelque lieu à part où il eslit sa sépulture, sans aucune benisson. D'où vient qu'à l'entour des grosses cités, tant en Asie qu'en Afrique, tout est plein de sépultures, n'estant loisible d'ensevelir dedans l'enceinte d'icelles. »
Les gens riches et les hauts fonctionnaires font construire des temples, des caravansérails et des hôpitaux où ils établissent leur lieu de sépulture, afin d'obtenir par ces libéralités et ces aumônes les faveurs du saint prophète de Dieu et éviter, comme dit Thevet, algenas alsaltanas, c'est-à-dire le royaume de Satan.
Le même auteur rapporte que les Arabes et les Mores, bien qu'il y ait quelque différence dans leur religion, « suivant le parti qu'ils tiennent, soit du turc ou du sophy, s'accordent et ont un même chant et façon de faire les obsèques et funérailles des trépassés (2). » Ces Arabes et ces Mores, qui enterrent dans leurs jardins, dressent des pierres, sortes de stèles sur lesquelles sont gravés les noms du défunt, et rappellent les établissements qu'ils ont fondés.
En Afrique comme en Asie, on retrouve toujours l'inhumation et l'inciné(1) V. lv. III, p. 414.
(2) V. Thevet, livre X, p. 34, au verso.
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ration, sans pouvoir déterminer l'époque où ces différentes coutumes se sont introduites on les voit régner simultanément dans certaines contrées, d'après les croyances et les usages traditionnels dont l'origine se perd dans la nuit des temps.
AMÉRIQUE.
En Amérique, on brûlait aussi les corps et on conservait les cendres dans des vases d'or, d'argent, et même de terre, suivant la condition du défunt.
On plaçait aussi des corps entiers dans de grandes urnes, ayant soin de plier les membres et de les lier fortement avant qu'ils n'aient atteint la rigidité cadavérique, pour former un bloc qui remplissait l'urne destinée à leur servir de tombeau. Ailleurs on faisait dessécher les corps pour les conserver dans les maisons. Pour arriver à cette dessiccation, on attachait le corps debout à un poteau, puis on allumait un grand feu tout autour, et on l'entretenait jusqu'à ce que les parties grasses et charnues fussent anéanties et qu'il ne restât plus que la peau et les os alors on enveloppait ces tristes dépouilles dans des bandes de toiles de coton à la manière des momies d'Egypte ou dans des couvertures, puis on les conservait dans des salles mortuaires, où les parents se livraient à des démonstrations d'un chagrin plus ou moins sincère c'étaient des pleurs, des cris, des chants et toutes sortes de contorsions qui avaient lieu à des époques fixées, et se terminaient invariablement par un festin et des libations. Après quelques années (deux ou trois ans), le deuil était achevé alors on enterrait le corps dans un coin du jardin et il n'en était plus question.
Chez certains peuples de l'Amérique où l'or n'était pas rare, comme au Pérou, les Espagnols ont trouvé plus de richesses dans les tombeaux que dans les mines. L'or y était prodigué avec une telle profusion, que nulle part on n'a vu réunis de pareils trésors. Des salles mortuaires étaient resplendissantés d'or et de pierreries; non seulement les murs étaient
tapissés de lames d'or, mais les pavés en étaient aussi revêtus. Sur des tables d'or reposaient les corps embaumés des défunts, près desquels étaient placés des vases d'or massif, des plats et des cruches de même métal remplis de nourriture et de breuvage pour le trépassé. On y accumulait ses plus précieux trésors, ses vêtements les plus riches. On avait bien soin de placer près du corps et à sa portée les armes du guerrier, pour qu'il pût se défendre contre les ennemis qu'il pourrait rencontrer en se rendant de la tombe au paradis.
Ce n'est pas tout, la cruauté avait sa part dans ces somptueuses funérailles on enfermait vivantes, dans ces tombeaux, les plus belles femmes du défunt, celles qu'il avait le plus aimées pendant sa vie, et des esclaves pour le servir dans l'autre monde.
Ces fastueuses sépultures, comme on le pense bien, étaient réservées aux rois et aux grands seigneurs. Belleforest, dans son Histoire universelle, nous dit que généralement les habitants du Pérou mettaient leurs morts en terre; comme partout, les funérailles variaient suivant la richesse et la position du défunt (1).
Dans certaines contrées, au lieu de caveaux, les fosses étaient creusées en forme de puits, les parents et amis du défunt s'assemblaient autour de cette excavation circulaire, se livraient aux démonstrations les plus extravagantes, les uns pleuraient, d'autres chantaient, dansaient, au son d'une musique des plus discordantes, entretenant cette excitation par des libations réitérées. Puis le corps du défunt, enveloppé d'un grand nombre de couvertures, dans lesquelles il était fortement lié, était descendu au fond du puits, dans lequel on ne manquait pas d'amonceler ce qu'il avait de plus précieux, ainsi que ses femmes et ses serviteurs, surexcités par la boisson et qui souvent s'y précipitaient d'eux-mêmes, sans oublier les provisions de bouche. La terre remplissait le reste de la fosse, qui était recouverte d'un tertre plus ou moins élevé, dans lequel on enfonçait un tube formé d'une grosse tige de canne à sucre. Dans ce tube, on versait une boisson que les habitants du (1) V. Guichard, 3* liv., chap. ix.
pays s'imaginaient devoir être ingurgitée par le défunt à mesure que le tube se vidait (1).
La sépulture variait selon les contrées, les mœurs et les croyances des habitants dans les contrées septentrionales et montueuses, on plaçait les corps dans les grottes dont l'ouverture était exposée aux vents du nord, dont la température paraissait favorable à la conservation des corps, tandis que dans les contrées méridionales, on enterrait très profondément pour éviter les exhalaisons miasmatiques dangereuses pour la santé des vivants. Dans tous les cas, en Amérique comme ailleurs, les funérailles étaient toujours accompagnées de festins plus ou moins somptueux; la gloutonnerie et l'ivresse avaient une large part dans ces agapes désordonnées. EUROPE.
En Europe, comme dans les autres parties du monde, les mêmes pratiques se sont perpétuées; ici, l'inhumation; là, l'incinération; on voit même l'un et l'autre mode se produire simultanément; l'embaumement, réservé aux personnages riches, ne s'est pratiqué que plus tard et encore n'a jamais atteint la perfection des Egyptiens, dont les procédés, comme nous l'avons dit plus haut, sont tombés dans l'oubli. Malgré les progrès de la science, on n'a pu produire après eux que des conservations momentanées, d'une durée plus ou moins longue.
Les habitants de la Scandinavie avaient primitivement la coutume d'enterrer leurs morts; ce n'est qu'après l'arrivée d'Odin que ce guerrier législateur fit généralement adopter le mode d'incinération, qui dura environ six siècles après lui. Cet usage s'accommodait mieux avec les mœurs guerrières de ce peuple qui croyait que la mort n'était que le passage de cette vie dans une autre meilleure, où le courage et la valeur dans les combats seraient (1) Les fosses circulaires ou puits sont encore en usage de nos jours dans la haute Egypte. Un rapport de sir Samuel Backer donne le détail des funérailles récentes du roi de Mazindy « On creuse un puits, dit-il, dans lequel on fait descendre les épouses du feu roi, on place son cadavre sur leurs genoux, on amène au bord du puits les prisonniers que l'on a faits sur les tribus voisines, on leur brise les bras et les jambes et ils sont jetés en cet état sur le cadavre du roi, puis on comble la fosse, les assistants piétinent la terre et tout est terminé. » – Voir le Soleil du 20 janvier 1874.
ET L'INCINÉRATION CHEZ LES PEUPLES DE L'ANTIQUITÉ. 1
largement récompensés. Ces peuples fanatisés s'imaginaient aussi que tout ce que l'on brûlait avec le défunt sur son bûcher l'accompagnait dans l'autre monde, tels que ses armes et ses trésors, et même son cheval, sa femme et ses esclaves, comme cela se pratiquait en Asie.
Les Germains ne déployaient pas un grand luxe dans leurs funérailles. Tacite nous apprend que l'on se contentait de placer sur le bûcher, près du défunt, ses armes, quelquefois son cheval, et pour monument on élevait sur cette sépulture une butte de terre recouverte de gazon (un tumulus) (1). Les Gaulois enterraient aussi les corps et les brûlaient dès les temps très reculés. Dom Jacques Martin nous apprend, d'après Diodore de Sicile, que les Gaulois écrivaient aux morts des lettres qu'ils faisaient brûler avec le corps, croyant que ces défunts les liraient dans l'autre monde. Ils attribuaient aux âmes de grands pouvoirs elles pouvaient à leur gré conjurer les tempêtes, les éléments semblaient leur être soumis, on leur sacrifiait des victimes humaines pour se les rendre favorables (2).
Les sépultures de Cocherel, découvertes en l'année 1685 en Normandie, dans le diocèse d'Evreux, prouvent que les Gaulois pratiquaient l'inhumation et l'incinération simultanément, dès l'époque que l'on est convenu d'appeler l'âge de pierre, puisque l'on a trouvé dans ces sépultures l'urne sépulcrale contenant des cendres, des charbons et des os calcinés, puis tout auprès, des squelettes entiers, des haches en pierre, des pointes de lances et de flèches, mais aucune trace d'objet en métal, bronze ou fer, ne s'y fit remarquer (3).
En 1791, deux amateurs d'antiquités découvrirent à Noyelle, près d'Abbeville, des sépultures présentant les mêmes particularités urnes remplies de cendres et os calcinés, « armes faites avec des cailloux aiguisés. » César, dans ses Commentaires, confirmant ces faits, nous dit qu'il trouva l'usage de brûler les corps établi en Gaule avant son arrivée dans ce pays. Les monuments funèbres des Gaulois consistaient en des éminences en (t) Tacite, de Moribus Germanorum, chap. xxvn.
(2) Voir les Commentaires de César, liv. VI, de Bello gall.
(3) Voir Montfaucon, Antiquité expliquée, tome V, chap. ix, p. 194.
terre ou pierrailles, plus ou moins élevées, qui recouvraient la fosse les plus importants étaient des men-hirs qui, en celtique, signifie pierres longues; c'étaient d'énormes pierres brutes de forme allongée, d'un poids tellement considérable, que l'on ne peut expliquer l'érection de ces monolithes, avec les ressources si bornées que nos ancêtres avaient alors à leur disposition (1). Dans les temps les plus reculés, en Grèce comme ailleurs, l'inhumation était seule pratiquée. On mettait les corps en terre sans aucune espèce de cérémonie; les Grecs jetaient simplement sur la fosse quelques fleurs et quelques fruits pour offrande aux dieux infernaux. On ne sait à quelle époque et par quelle circonstance l'incinération commença à se produire. Le luxe, qui peu à peu s'introduisit en Grèce, engendra les bûchers qui n'étaient destinés qu'aux personnes riches et de condition élevée. Néanmoins, l'incinération doit remonter chez ce peuple à une époque très ancienne, puisque dès les temps héroïques l'inhumation et l'incinération se pratiquaient simultanément. Sans déterminer aucune époque précise, les anciens auteurs parlent des motifs qui ont engagé les Grecs à adopter l'incinération. Ils croyaient généralement que le feu était une sorte de divinité, et avait le pouvoir de tout purifier. On voit, dans Euripide, que le corps de Clytemnestre fut puri fié et nettoyé par le feu de toutes ses souillures.
Les Grecs, alors, attachaient une grande importance à leurs sépultures le législateur Solon rendit des édits très sévères contre les violateurs de sépulture. Ses concitoyens croyaient que si le corps n'était pas inhumé, l'âme ne pouvait avoir accès dans les champs Elysées.
Homère, en racontant le siège de Troie, parle d'engagements meurtriers (1) Il existe un grand nombre de ces monuments, sous le nom de pierres druidiques, « en Normandie, le Maine, l'Anjou, la Touraine, le Poitou, la Saintonge et particulièrement la Bretagne.. On pense généralement que c'étaient des monuments religieux. Des fouilles récentes ont établi que la plupart de ces monuments marquaient des lieux de sépulture. (V. J. Oudin, Manuel d'archéologie, 1 vol. in-8°, page 66, Paris, 18i5.)
Sérieys, dans les Eléments de FBistoire des Gaules (v. chapitre XL, p. 1951, prétend que les Gaulois affectaient une grande simplicité dans la confection de leurs tombeaux. Avant l'arrivée des Romains, ils n'avaient aucun principe d'architecture; ce n'est, d'après Sérieys, qu'après l'arrivée des Phocéens que la sculpture fit son apparition dans les Gaules, avant l'invasion des Romains. »
ET L'INCINÉRATION CHEZ LES PEUPLES DE L'ANTIQUITÉ. _a ,· 1.11- _a_
qui avaient souvent lieu après la bataille, pour reprendre les corps des soldats qui avaient été tués dans le combat, afin de pouvoir les inhumer. On vit Simon, fils de Miltiade, reprendre volontairement les fers de son père qui était mort en prison, afin que celui-ci pût recevoir une honorable sépulture (1).
Platon le philosophe recommande expressément de visiter et d'honorer les sépultures des citoyens qui se sont distingués et qui ont rendu des services à la patrie. Les Grecs considéraient les tombeaux comme des monuments aussi respectables que les temples des dieux, et les gens poursuivis s'y réfugiaient comme dans un asile sacré.
Lorsqu'un individu venait de rendre l'âme, son plus proche parent lui fermait la bouche et les yeux, puis son corps était lavé, parfumé et conservé plusieurs jours avant d'être conduit au sépulcre ou au bûcher (2). On voit dans Homère que le corps d'Achille fut gardé dix-sept jours avant d'être conduit au bûcher. Ce temps d'exposition était plus ou moins long, suivant la qualité du défunt. Platon, retranchant les dépenses superflues qui se faisaient aux funérailles, a écrit que trois jours étaient plus que suffisants pour pouvoir constater le décès d'une personne et pourvoir à ses obsèques (3). Le fait est qu'il n'y avait pas de temps déterminé pour conserver les corps et procéder aux funérailles.
On plaçait le corps des personnages de distinction sur des brancards garnis de feuillage, ou petits lits appelés hexaphores losqu'ils étaient portés par six hommes, et octophores lorsqu'ils l'étaient par huit (4). On mettait du rouge sur les joues du défunt pour dissimuler la pâleur de la mort, on lui couvrait entièrement le visage lorsque la contraction des traits l'avait par trop défiguré, sans oublier de mettre dans sa bouche l'obole destinée au nautonier Caron. Une musique funèbre, composée de flûtes, cors, fifres, (1) V. Funerali antichi di diversl popoli e nazioni, par Tomaso Porcacchj.- Id. Muret, page 17. (2) Les corps des rois et des grands personnages étaient enduits de miel ou de cire pour les préserver de la corruption.
(3) V. liv. XIII, de Legib.
(4) V. Nouveau Aecueil d'antiquités grecques et romaines en forme de Dictionnaire, par Furgault, 3« édition, Paris, 1824.
chants lugubres et lamentations des parents, accompagnait le cortége qui se rendait au tombeau ou au bûcher, sur lequel on jetait des parfums et des objets précieux. On immolait aussi des victimes. Homère raconte qu'Achille égorgea douze jeunes prisonniers troyens sur le bûcher de Patrocle, persuadé que cet acte de cruauté réjouirait l'âme de son ami..
On célébrait aussi près du bûcher, pour amuser le peuple, des jeux scéniques et combats, comme on le voit dans Plutarque, lorsqu'il décrit les funérailles de Démétrius. Pendant que le peuple jouissait de ces spectacles, les flammes faisaient leur office; le corps étant consumé, on recueillait les cendres du défunt dans des vases que l'on plaçait dans le tombeau, situé ordinairement hors des villes.
Il est plus que probable que le corps du défunt était enveloppé dans un tissu ou matière incombustible pour que les cendres ne pussent être mélangées avec celles des victimes et des objets précieux déposés près du corps et consumés avec le bûcher.
Chez les Grecs, les sépultures étaient généralement personnelles pour peu que la famille du défunt jouît d'une certaine aisance. Chacun enterrait dans son terrain, soit en pleine campagne, soit sur le bord de la mer ou des fleuves et des grandes voies de communication. Dans la plupart des villes, il y avait au dehors des lieux communs de sépulture où l'on inhumait, où l'on brûlait sans aucune espèce de cérémonie les gens du commun et les pauvres qui n'avaient pas le moyen de se faire inhumer.
Il n'en était pas de même à Lacédémone, où Lycurgue avait établi des lois somptuaires qui avaient accoutumé les Lacédémoniens à une grande simplicité dans tous les actes de la vie civile ils ne déployaient aucun luxe dans les cérémonies funèbres, et affectaient même une grande retenue dans l'expression de leur douleur. Dans ces tristes circonstances, aucun cri n'était proféré, aucune larme n'était versée publiquement le mort, revêtu d'une robe de pourpre, était porté sur un lit de feuilles d'olivier, sans ostentation et sans bruit, dans le tombeau de sa famille. A l'encontre de ce qui se pratiquait généralement ailleurs, ces tombeaux étaient situés dans l'intérieur des villes, de préférence près des temples des dieux. Les lois l'ordonnaient ainsi afin
que les Lacédémoniens ayant sans cesse sous les yeux le souvenir de leurs ancêtres, n'oubliassent pas leurs belles actions et fussent portés à les imiter. Les rois et les héros avaient seuls le privilége des démonstrations publiques, leur mort étant considérée comme une calamité qui devait affecter tous les citoyens. Aussi, à peine le roi avait-il rendu le dernier soupir, que des cavaliers lancés dans toutes les directions annonçaient à haute voix la triste nouvelle aussitôt, chaque citoyen, homme et femme, se croyait obligé de faire paraître la plus profonde douleur; des cris affreux retentissaient de toute part, on s'arrachait les cheveux, on se meurtrissait le visage, on se précipitait au palais du roi, où son corps était exposé pendant dix jours sur un lit de parade recouvert des plus riches étoffes, puis on le transportait dans le tombeau des rois, suivi d'un nombreux cortège. Qu'il eût bien ou mal gouverné, ou chantait ses louanges comme si c'eût été le meilleur des monarques.
Dans les temps primitifs, les Grecs n'élevaient pas des monuments extérieurs sur leurs sépultures un simple tertre plus au moins considérable leur paraissait suffisant pour indiquer le lieu où reposait leur dépouille mortelle. On construisit plus tard des caveaux de famille, où chaque membre tenait à honneur d'avoir sa place et d'être réuni un jour à ses ancêtres. On choisissait aussi le voisinage des temples comme un abri protecteur une table de marbre marqua d'abord la sépulture, puis on en vint aux colonnes, aux obélisques, le luxe emprunta à l'architecture ses formes les plus variées, la sculpture enrichit les monuments, dont la somptuosité et l'étendue finit par dégénérer en abus, que les lois essayèrent de réprimer (1). On sacrifiait tout pour avoir un tombeau qui attirât les regards. Euripide fait dire à la princesse Hécube que peu lui importe de passer le reste de ses jours dans la médiocrité, pourvu qu'elle eût après sa mort un tombeau digne d'elle et qui fût admiré. Des tables de marbre portaient (t) Nous lisons dans Homère que le bûcher de Patrocle avait cent pieds de front de côté et d'autre, tant il était magnifique. Il en était de même des tombeaux, qui rivalisaient d'étendue et d'ornementation avec les temples des dieux.
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des inscriptions qui rappelaient le nom et les qualités du défunt dans la forme la plus concise. Des figures allégoriques, comme des casques, des boucliers, des lances, des épées, annonçaient un guerrier, des tablettes un législateur, un magistrat civil. Les Grecs étaient très ingénieux dans leurs allégories le docteur Guichard rapporte, d'après Pausanias, que « la belle courtisane Laïs avait sur son tombeau une lionne tenant un bélier des deux pattes de devant, pour montrer que cette courtisane, figurée par la lionne, attrapait et assubjectissait à soi les plus eschauffés et eshontés muguets de son temps, dénotés par le bélier. »
Il nous reste à parler des Romains, ce peuple qui a le plus étendu ses conquêtes et porté sa civilisation, sa religion et ses usages jusqu'aux extrémités de la terre. Nous nous étendrons davantage à son sujet, parce qu'il a pour nous un intérêt particulier et a laissé dans le sol que nous foulons des traces les plus caractéristiques de son génie, dont il a puisé chez les Grecs de nombreuses inspirations.
Chez les Romains, comme chez les autres peuples, l'usage de brûler les corps remonte à un temps fort éloigné. Les anciens auteurs ne nous ont rien laissé de bien précis sur l'époque de l'introduction de cette coutume parmi les Romains. Il règne dans leurs écrits une telle confusion, qu'il n'est pas possible de fixer positivement l'époque à laquelle cet usage a dû commencer. Nous voyons dans Plutarque que le corps de Numa n'a pas été brûlé, parce qu'il en avait fait la défense formelle dans son testament (672 avant J.-C.). D'un autre côté, Pline nous dit que de son temps l'usage de brûler les corps ne datait pas d'une époque fort éloignée, ce qui nous reporte au siècle qui précéda la venue de Jésus-Christ, puisque Pline est mort 79 ans après Jésus-Christ, et qu'il rapporte, livre VII, chapitre Liv, que Sylla fut le premier dont le corps fut brûlé après sa mort, qui arriva 78 ans avant Jésus-Christ; le même auteur dit plus loin, livre XIV, chapitre xn, que Numa rendit un édit qui défendait d'arroser de vin les feux que l'on dressait pour brûler les corps. Donc cette coutume existait du temps de Numa, mort 672 ans avant Jésus-Christ (cinq à six siècles avant Pline).
Si nous en croyons Cicéron, nous voyons dans son livre Ier de Legibus, que le dictateur Sylla voulut être le premier brûlé, tous ses devanciers ayant persévéré dans l'ancienne coutume.
La loi des Douze Tables promulguée, d'après Aulu-Gelle, 300 ans après la fondation de Rome, défendait de brûler les corps dans la cité. Quand Pline et Cicéron nous disent que Sylla voulut être le premier dont le corps fût brûlé après sa mort, il ne faut pas l'entendre, je crois, d'une manière trop absolue et en conclure qu'ils ont voulu dire le premier des Romains, mais le premier de son rang, le premier qui occupa à Rome le pouvoir suprême, tous ses devanciers ayant persévéré dans l'ancienne coutume. Sylla avait un puissant motif pour en agir ainsi. Il se rappelait sans doute dans cette circonstance que, par un sentiment d'une vengeance impie et abominable, il avait fait arracher de leur tombeau et jeter au loin, dans la rivière du Tévéron, les restes de Marius. Il craignait, sans doute, une représaille qui n'eût été que trop bien méritée.
On voit, par ce qui précède, que sans vouloir fixer l'origine de l'incinération chez les Romains, on doit admettre que cet usage y existait avant Numa et que, comme dit le docteur Guichard dans son ouvrage déjà cité, « du commencement, les Romains pratiquaient l'une et l'autre manière d'ensépulturer, bien qu'il soit vraisemblable que du commencement le nombre était plus grand de ceux qui étaient enterrés tout ainsi, que depuis il y en eut peu qui ne fussent brûlés. »
Quant aux motifs qui ont fait adopter l'usage de brûler les corps, Plutarque nous apprend que l'un de ces motifs, qui nous paraît des plus puissants, est l'insalubrité des miasmes qui s'échappent de la terre naturellement poreuse, sous l'influence des rayons d'un soleil brûlant.
Pline nous donne aussi un motif très puissant pour l'adoption de cet usage (dans son livre VII, chapitre déjà cité) c'était la crainte qu'avaient les Romains de voir leur sépulture violée et leurs ossements jetés au vent, comme fit Sylla des restes de Marius. Les anciens historiens rapportent beaucoup d'autres faits de ce genre, qui prouvent que malgré les lois les plus sévères portées contre la violation des tombeaux, les sépultures des rois
COUP d'œil GÉNÉRAL SUR L'INHUMATION j • t f j T
eux-mêmes n'ont pas toujours été respectées. On sait que Lysimaque, étant en guerre avec Pirrhus, roi d'Epire, porta une main sacrilége sur les tombeaux des anciens rois du pays et fit jeter au vent leurs ossements. Les Romains eux-mêmes, si jaloux de leur sépulture, ne respectaient pas pour cela celle des autres vous voyez, après la prise de Corynthe, les chefs de l'armée romaine se livrer à tous les excès, jusqu'à piller les tombeaux, sans respect pour la cendre des morts. Sans remonter bien haut, n'avons-nous pas vu dans des combats récents, des actes de barbarie qui font honte à l'humanité? Ceci nous prouve assez quelle est la fragilité des choses humaines et que rien n'est plus vrai que cet avertissement du Psalmiste Memento, homo, quia pulvis es et in pulverem reverteris. Telle est notre destinée « le temps emporte dans son cours l'inviolabilité du tombeau, » a dit un auteur moderne, c'est une incontestable vérité. La science elle-même ne va-t-elle pas fouiller la tombe pour y chercher les secrets du passé, les moeurs, les usages, les arts, l'industrie d'un peuple, sa conformation même? Ces choses ne nous sont souvent révélées que par l'examen de ces restes funèbres, qui nous feraient éprouver une horreur instinctive si le temps n'avait effacé un sentiment si naturel à notre pauvre humanité. Ne sommesnous pas poussière, et retourner en poussière engraisser le champ qui produit le grain dont nous vivons est la loi de nature. Mais ne nous égarons pas dans ces pensées philosophiques qui nous mèneraient trop loin et arrivons aux sépultures des Romains.
Les Romains avaient trois sortes de funérailles Les Indictives ou Eocequiœ, qui étaient annoncées à son de trompe par le crieur public, afin que le peuple fût averti qu'il y aurait à ces funérailles de première catégorie des jeux théâtrals, des courses de chars autour du bûcher, des combats de gladiateurs et une pompe inusitée. Plus tard, sous les empereurs, on appela ces funérailles Censoriennes.
Celles de la seconde catégorie se nommaient Simpludiaria ou Translatilia; elles étaient beaucoup plus simples et moins dispendieuses que les précédentes cependant, pour attirer la foule des curieux, on y produisait quelques bouffons ou saltimbanques qui amusaient le peuple par leurs lazzis, leurs gambades et leurs grimaces.
ET L'INCINÉRATION CHEZ LES PEUPLES DE L'ANTIQUITÉ. 1 _1 J.. ..J-
Les sépultures de la dernière catégorie étaient celles des gens de basse condition, des pauvres, des esclaves et de ceux qui voulaient être inhumés sans la moindre cérémonie apparente. Ils étaient portés en terre le soir, à la lueur des torches, par des employés subalternes qne l'on appelait Sandapilarii. Catulle les appelle Demirases ou Bertondus.
Plutarque nous apprend qu'il y avait à Rome une véritable organisation du service des pompes funèbres, dont le siège était dans le temple de la déesse Libitine (1). A la tête de cet établissement, d'une grande importance, étaient des fonctionnaires nommés par le prince, connus sous le nom de Designatores c'étaient les maîtres des cérémonies; ils avaient la haute main sur tout ce qui concernait les cérémonies des obsèques, désignaient les places que chacun devait occuper dans le convoi, se chargeaient de tout ce qui avait rapport aux sacrifices, aux jeux funèbres, courses de chars, combats de gladiateurs exécutés près du bûcher, eux-mêmes y présidaient, comme on le voit dans Tertullien (2).
Les Libitinaires, qui jouissaient aussi d'une certaine considération, étaient les fonctionnaires chargés d'inscrire le nom des morts sur des registres spéciaux, conservés dans le temple de la déesse Libitine. Ils avaient des employés subalternes, Pollindores, qui, sous leur surveillance, lavaient le corps des trépassés, l'embaumaient, le vêtissaient et préparaient tous les objets nécessaires à la cérémonie des obsèques. Ces mêmes Libitinaires avaient aussi des serviteurs, Ustores, chargés d'entretenir les bûchers et d'en éloigner les voleurs et les affamés, qui cherchaient à enlever quelques bribes de la chair des victimes, ils veillaient à la combustion du corps et des objets déposés sur le bûcher. Les Vespillones ou Sandapilarii, qui étaient chargés des enterrements de la dernière catégorie, ceux du menu peuple, étaient aussi sous la dépendance des Libitinaires.
Comme il n'y avait aucun besoin de garder les corps sept jours entiers (1) Cette déesse, d'après Plutarque, n'était autre que Vénus sous un nom particulier, qui préside au commencement et à la fin de l'existence d'autres prétendent que c'était Proserpine. (Voyez Abrégé de la mythologie universelle ou Dictionnaire de la fable, par Noël, inspecteur général des études. Paris, Lenormant, 1815.)
(2) V. Liber de Spectaculis, cap. de Theatro.
pour préparer les funérailles, les Sandapilarii préposés à cet office, les portaient en terre dans la bière commune, un jour ou deux après leur décès, la nuit tombée et sans aucune espèce de cérémonie que les regrets de leur famille, regrets sincères qui n'étaient point achetés, ni le produit d'une vaine ostentation.
Lorsqu'un malade était sur le point de rendre le dernier soupir, un de ses plus proches parents ou amis se penchait sur son corps, la bouche sur sa bouche, pour recevoir son âme et lui donner le dernier baiser. Après l'avoir appelé à plusieurs reprises à haute voix, le corps du défunt était alors lavé, embaumé et habillé suivant sa condition. Ces opérations étaient faites par les personnes de la maison pour les gens peu fortunés. Les gens riches s'adressaient au temple de la déesse Libitine et trouvaient là des employés spéciaux qui, moyennant finance, se chargeaient des ensevelissements, embaumements et de tout ce qui avait rapport aux funérailles, comme nous l'avons dit plus haut.
Le corps embaumé et vêtu de blanc, si c'était un simple citoyen, ou, s'il avait rempli des fonctions dans l'Etat, du costume qui désignait ces fonctions les plus élevées, était placé sur un lit de parade entouré de flambeaux, de parfums et de pleureurs à gages, exposé ainsi pendant sept ou huit jours dans la maison mortuaire avant d'être porté au bûcher ou directement au tombeau.
Le désignateur ou maître des cérémonies, ayant disposé le cortège et fait placer chacun selon son rang, le convoi se mettait en marche pour se rendre à la place des Rostres, où il stationnaît pendant que l'on prononçait l'oraison funèbre du défunt.
Voici l'ordre du convoi des trompettes ouvraient la marche, d'autres musiciens les suivaient en jouant des airs funèbres; puis venaient les porteurs des objets précieux qui devaient être brûlés avec le corps, tels que parfums, aromates, mets recherchés, liqueurs dans des vases d'or et d'argent, objets mobiliers des plus précieux, la plupart offerts par les parents et amis pour faire honneur au défunt. On portait aussi les portraits des ancêtres,
effigies, placés sur des lits qui, en grand nombre, accompagnaient celui du trépassé (1). Si le défunt était un guerrier, on portait des banderolles sur lesquelles était inscrit le nom des victoires qu'il avait remportées, le nom des peuples qu'il avait vaincus; on exhibait aussi les étendards pris sur l'ennemi, les récompenses, les couronnes qu'il avait reçues, en un mot tout ce qui pouvait faire honneur à sa mémoire.
Les prêtres venaient ensuite, puis les grands de l'Etat vêtus de deuil, et les licteurs portant les faisceaux renversés, précédaient le corps placé sur un lit garni de riches étoffes.
Il arrivait souvent que les enfants, pour faire preuve de piété filiale, portaient eux-mêmes le lit sur leurs épaules, ou, à leur défaut, les plus proches parents; les affranchis s'offraient ordinairement pour cet office, par reconnaissance envers leur bienfaiteur. Pour faire plus d'honneur au défunt et par une vaine ostentation, les membres de la famille cherchaient à augmenter le nombre de ces affranchis et amenaient leurs esclaves pour figurer à la cérémonie. Cet abus prit une telle extension, qu'il devint nécessaire d'y mettre un terme. A cet effet, une loi fut rendue qui déclarait libre et citoyen romain tout esclave qui avait assisté à un convoi, coiffé du bonnet de laine blanche, qui était la marque distinctive des affranchis; plusieurs d'entre eux entouraient le lit funèbre pour chasser les insectes qui auraient pu se poser sur le visage et sur les mains du défunt. Le deuil était conduit par une personne désignée à l'avance par le défunt lui-même, ou si nul n'avait reçu cette charge, par son plus proche parent, son héritier vêtu d'une robe noire bordée d'écarlate, ce qui indiquait que les funérailles étaient indictives et qu'il y aurait autour du bûcher des spectacles et des jeux pour amuser le peuple. Après le deuil des hommes venait celui des femmes, conduit par la plus proche parente en grand deuil, les cheveux épars, et donnant les marques d'une profonde douleur. Après les membres (1) Cette exhibition des portraits de famille était un droit, un privilége inhérent à la noblesse on l'appelait jus imaginum.
Le nombre de ces lits, luxueusement décorés, paratt vraiment fabuleux. Valère Maxime, livre II, chap. v, rapporte qu'au convoi de Marc Marcel, fils d'Octavie, soeur d'Auguste, ils étaient au nombre de six cents, et qu'au convoi du dictateur Sylla, il y en avait six mille.
de la famille venaient les pleureuses à gage, prœfixœ, qui faisaient retentir l'air de leurs gémissements, chantaient des complaintes à la louange du défunt sur des airs lugubres. Ces préfixes étaient tenues de présenter les signes extérieurs de la plus grande désolation, leur zèle allait parfois jusqu'à se frapper la poitrine et s'arracher les cheveux.
Le peuple, attiré par cette pompe inusitée, ce déploiement de luxe, ces chants, ces cris, cette musique, ces trompettes qui sonnaient à tous les carrefours, les places et les rues principales où l'on avait soin de faire passer le cortége, suivait cette foule qui, sans cesse accrue, était innombrable lorsque l'on arrivait près du bûcher là, le corps était placé au milieu des parfums et des objets précieux qui l'entouraient; tout devait être consumé, sans excepter la chair des victimes offertes en sacrifices aux mânes du défunt et aux dieux infernaux.
L'un des plus proches parents, après avoir mis le feu au bûcher en s'en approchant à reculons pour éviter cette triste vue, s'étant retiré, les Ustores faisaient leur office, entretenant le feu avec soin jusqu'à ce que le corps fût convenablement brûlé. Pendant que cette combustion s'opérait, les spectacles annoncés avaient lieu autour du bûcher les courses à cheval et en char, les combats de gladiateurs, que le peuple romain recherchait avec une si avide curiosité, occupaient la foule (1).
Le bûcher consumé, on éteignait le brasier avec du vin, on recueillait les cendres du défunt avec quelques débris de ses os calcinés, que l'on renfermait dans des vases d'or, d'argent, de verre et même de terre, qui étaient placés dans le tombeau de sa famille. Toutes ces cérémonies des funérailles se terminaient invariablement par un banquet plus ou moins somptueux.
Dans de rares circonstances, lorsqu'un citoyen avait rendu de grands services à la patrie et n'avait pas les moyens nécessaires pour pourvoir à la dépense de telles funérailles, le Sénat ordonnait qu'elles seraient faites aux (1 ) Quelquefois des dons généreux étaient distribués au peuple. Pline, livre XIII, chap. x, rapporte que l'empereur Adrien, aux obsèques de sa belle-mère, fit distribuer au peuple romain des dons d'épicerie et de drogueréea aromatiques.
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dépens du trésor public c'est ce que l'on appelait funus publicum (1), telles furent celles de Valère Publicola, Agrippa Menenie.
Cependant ce luxe effréné et ces dépenses exorbitantes occasionnèrent plus tard une sorte de réaction plusieurs citoyens éminents protestèrent en insérant dans leur testament une clause qui ordonnait que leurs funérailles fussent accomplies avec la plus grande simplicité. La loi des Douze Tables et les édits des empereurs proscrivirent ce déploiement d'un luxe insensé mais rien ne put mettre un frein assez puissant pour arrêter ces excès qui étaient passés dans les mœurs.
Les Tombeaux. De même que les Grecs, les Romains avaient le plus grand respect pour les tombeaux qu'ils considéraient, après les temples, comme les monuments les plus inviolables. Ils étaient protégés par les lois les plus sévères, la moindre dégradation en était rigoureusement punie si quelqu'un se permettait d'enlever le moindre morceau de marbre ou de bronze, la moindre pierre à un tombeau, soit pour le vendre ou pour l'employer à une construction quelconque, il était condamné à une amende de dix livres pesant d'or, et si l'on reconnaissait l'édifice quel qu'il fût, maison, métairie, ou toute autre construction auquel il avait été employé, cette construction était confisquée au profit du trésor public, d'après le code de Sepulcro violato. Toutefois, les sépultures des ennemis faisaient exception à la règle, n'étant pas considérées comme lieux saints.
Les Romains n'avaient pas de cimetière proprement dit, si l'on entend par le mot cimetière un espace de terrain circonscrit et clos, appartenant à une communauté d'individus professant la même religion, terrain béni et consacré à l'avance d'après les rites particuliers à la religion de cette communauté (2).
(1) V. Plutarque, livre V Pline, livre XIII, chap. x.
(2) Les chrétiens plaçaient ordinairement leur cimetière autour des églises, si elles n'étaient elles-mêmes bâties sur le lieu déjà consacré pour la sépulture des martyrs; de là l'usage de placer des reliques sous les autels en les consacrant. Ce fut très tardivement, et sous Grégoire-le Grand, que s'introduisit le pernicieux usage d'enterrer dans les villes et même dans les églises, malgré les nombreux inconvénients qui en résultaient. Ce n'est que dans le cours de l'année 1776 qu'il a été question en France d'éloigner des villes ces foyers de corruption.
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Chez les Romains, chaque famille, chaque individu pouvait choisir le lieu de sa sépulture où bon lui semblait, tout en se conformant aux prescriptions de la loi. Cette sépulture recevait une consécration particulière se rattachant à la cérémonie des funérailles, et acquérait par là une protection toute spéciale des lois romaines, qui étaient religieuses en même temps que civiles. Mais l'on entend généralement par le mot cimetière toute agglomération de sépulture, sans distinguer les lieux circonscrits, désignés par l'autorité civile et consacrés par la religion, des lieux particuliers choisis et appartenant en propre à chaque famille ou individu. C'est ce qui a fait dire à M. Chayes, dans le tome Ier de son Histoire de l'Architecture en Belgique, que « les Romains n'avaient pas de cimetière. »
La consécration était donc chez les Romains particulière à chaque sépulture et en dehors de la communauté, quoique ces sépultures fussent souvent agglomérées, particulièrement sur le bord des grandes voies de communication, qui étaient les lieux préférés, surtout à l'approche des grandes villes, où les monuments les plus somptueux étaient disposés pour attirer les regards des passants et faire admirer la richesse et la beauté de leur décoration.
Les Romains déployaient un luxe inouï dans les monuments qu'ils élevaient à la mémoire de leurs morts ils choisissaient donc de préférence les lieux les plus fréquentés, les uns par une vaine ostentation pour rappeler une grandeur passée; quelques-uns, se défiant de la postérité souvent oublieuse, ont eux-mêmes édifié leur tombeau; d'autres, mus par un pieux sentiment, avaient pour but de solliciter des passants une invocation aux dieux infernaux en faveur de l'âme du défunt, ainsi que l'attestent les nombreuses inscriptions tracées sur la plupart de leurs monuments funéraires.
Chez les Romains, les tombeaux se divisaient en trois catégorie* les grands, les moyens et les petits.
Les tombeaux ou sépultures de la première catégorie se nommaient mausolée, du nom de Mausole, roi de Carie, auquel sa femme Artémise avait fait construire un tombeau d'une telle magnificence, qu'il était considéré
comme l'une des sept merveilles du monde. Ces lieux funèbres comprenaient un vaste espace de terrain et pouvaient recevoir plusieurs sépultures.
Les mausolées n'étaient destinés qu'aux souverains, rois ou empereurs, aux princes ou aux citoyens qui s'étaient illustrés par de grandes actions. L'un des tombeaux romains de la plus grande magnificence est celui que César-Auguste fit édifier pour lui-même; on le nommait, d'après Strabon, mausoleum Cœsaris. Il était construit sur le bord du Tibre, près de la voie Flaminienne, tout en marbre blanc et occupait un vaste terrain. Des jardins disposés à l'entour offraient de splendides ombrages et devinrent la promenade favorite des Romains. Au faîte du monument de forme circulaire, dominant la cité qui résumait l'empire, était placée une statue en bronze de grandeur colossale, représentant César-Auguste; une terrasse environnait le monument, et au pied de cette terrasse, on avait pratiqué des tombes où furent inhumés Auguste, les membres de sa famille et la plupart des empereurs qui lui succédèrent, ainsi que leurs enfants, jusqu'à Adrien. Quelque vaste que fût l'espace, il avait fini par se remplir.
L'empereur Adrien, voulant que sa sépulture pût rivaliser avec celle d'Auguste, fit élever dans ce but, hors des murs de Rome, près la porte JElia, un nouveau mausolée de forme carrée, d'une immense étendue et d'une hauteur prodigieuse; il était à plusieurs étages de colonnes superposées, d'une grande richesse d'architecture, le tout en marbre blanc, orné de statues, parmi lesquelles on distinguait celle de l'empereur placée au faîte du monument; elle était en marbre de Paros d'une éclatante blancheur et de la plus admirable exécution.
L'empereur Adrien voulut donner l'exemple, en se soumettant lui-même à la loi qui interdisait d'inhumer les corps dans la ville de Rome il étendit même cette défense à toutes les villes de son empire et ordonna qu'une amende de |40 écus d'or fût prononcée contre celui qui enfreindrait cette défense; il n'y avait d'exception que pour les empereurs et les vestales. L'empereur Septime-Sévère fit aussi construire un monument somptueux, mais, moins scrupuleux qu'Adrien, il voulut profiter de l'exception qui
COUP D'CEIL GÉNÉRAL SUR L'INHUMATION 1.
existait en sa faveur et fit élever son monument dans l'intérieur de Rome, sur le mont Palatin (1).
Les tombeaux de la seconde catégorie se nommaient moles, tumuli, arcas ils étaient le plus ordinairement élevés sur le bord des grandes voies romaines et rivalisaient pour la richesse et la splendeur des ornements avec les mausolées. Leur forme était des plus variées, tantôt c'était une pyramide à l'imitation de celles des Egyptiens, mais de dimension bien inférieure à celles des rois d'Egypte, une colonne unie ou portant des bas-reliefs, très souvent surmontée de la statue du défunt un obélisque monolithe plus ou moins élevé, de forme quadrangulaire des temples même d'une architecture souvent très riche et inusitée, car chacun s'efforçait d'attirer les regards des passants, non-seulement par la beauté, mais aussi par l'originalité du monument.
Malgré la sévérité des lois édictées contre les violateurs de sépulture, on établissait encore des gardiens qui avaient leur habitation près des tombeaux et veillaient à leur conservation.
De vastes monuments possédaient aussi des caveaux dont les parois étaient garnies de rayons ou de petites niches pratiquées dans le mur pour placer les urnes cinéraires; ces caveaux étaient souvent surmontés d'étages où des salles étaient disposées pour recevoir les parents du défunt, qui s'y réunissaient pour célébrer des fêtes funèbres, des aniversaires et évitaient ainsi la présence des restes mortels, dont la vue aurait pu attrister l'assemblée. Ces tombeaux destinés aux gens riches et de nobles familles offraient un coup d'œil des plus pittoresques et des plus variés, surtout dans les environs de Rome et aux abords des grandes villes de l'empire.
Un genre de monument qui appartenait aussi à la seconde catégorie était X arcas, que l'on pouvait placer dans un édifice plus ou moins somptueux c'était un coffre en marbre, en pierre, ou même en terre cuite, ils étaient formés de deux parties, le coffre et le couvercle. Les plus riches étaient (1) V. Bartolomeo Rosso, son livre intitulé Fabbriche antiche di Roma, où les monuments sont gravés.
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v.J. ,i. taillés dans un bloc de marbre blanc et couverts de bas-reliefs d'une exécution souvent très remarquable; ces coffres en marbre contenaient ordinairement les corps de grands personnages; c'est ainsi que l'on voyait, à Reims, dans l'église du monastère de Saint-Nicaise, le coffre en un seul bloc de marbre blanc, orné d'un beau bas-relief représentant une chasse, lequel avait reçu la dépouille mortelle de l'empereur Jovin; cet usurpateur, l'un des plus puissants seigneurs de la Gaule, affectionnait particulièrement le séjour de Reims il avait fait bâtir dans cette ville un palais magnifique, ainsi que l'église de Saint-Nicaise, où il devait être inhumé.
L'impératrice Marie, femme de l'empereur Ilonorius, eut aussi un tombeau de même forme et de même matière, que l'on voyait jadis dans l'église Saint-Pierre de Rome. Autour du corps de cette impératrice, on trouva des vases et des bijoux d'une grande valeur, entre autres une émeraude sur laquelle était gravé le buste de l'empereur Honorius. L'intérieur du coffre contenait ces inscriptions, rapportées par Gruter, DOMINO NOSTRO HONORIO d'un côté, et de l'autre DOMINA NOSTRA MARIA de riches bas-reliefs ornaient la face extérieure de ce sarcophage.
Les musées contiennent de nombreux spécimens de ce genre de tombeau, plus particulièrement encore en Italie que dans les pays conquis. Les tombeaux de la' troisième catégorie étaient ceux des personnes qui n'étaient pas favorisées des dons de la fortune et des gens de basse condition; ils étaient très variés de forme, mais toujours pauvres d'ornementation et taillés par des mains inexpérimentées; on les nommait cippi, stelœ, columellœ, masses, mensce, labelli, circulai, saxi, et pour les incinérations urnœ, ampullce, phiolœ.
Les cippes, cippi, étaient des pierres quadrangulaires allongées, plus étroites dans la partie supérieure qu'à la base qui se trouvait tout simplement fichée en terre sans autre ornement qu'une inscription portant sur l'une des faces le nom du défunt.
Les stèles, stelœ lapidece, comme Pline les nomme, étaient des pierres plates d'une certaine épaisseur, plus ou moins élevées, portant sur la face
principale, creusée en forme de niche, un bas-relief d'un travail ordinairement grossier, représentant le défunt en buste ou en pied, souvent accompagné de quelques attributs indiquant sa profession; plusieurs personnages s'y trouvent quelquefois réunis, Je mari, la femme et l'enfant. Le peu de perfection que l'on remarque dans la sculpture de ces monuments, provient sans doute du peu de fortune des défunts, car l'importance que les Romains attachaient à leur sépulture, les engageait à faire les plus grands sacrifices pour honorer leurs morts et perpétuer leur mémoire. Ces monuments se trouvent parfois fixés dans une autre pierre creusée à cet effet et qui leur sert de base, comme M. Protat, notre confrère, nous en a signalé la découverte à Brazey-en-Plaine (département de la Côte-d'Or).
Les petites colonnes columellœ, ces petites colonnes, comme on en fait encore de nos jours pour marquer la sépulture des enfants, munies d'une simple base, étaient des colonnes tronquées qui ne dépassaient pas la hauteur des cippes.
Les cercueils en pierre creusée labelli, arculœ, étaient de forme variée, tantôt carrée, ronde ou ovale; ils avaient quelque analogie avec les coffres dont il est question dans la deuxième catégorie. Bergier les considère comme ressemblant à des bassins de fontaine, parce qu'ils ont ordinairement les parois arrondies et qu'ils sont souvent portés sur quatre griffes de lions ou d'autres animaux.
Les tables, mensce, étaient de grandes pierres quadrangulaires allongées, posées à plat, de manière à couvrir le corps, taillées en table comme il est encore aujourd'hui d'un commun usage dans nos cimetières chrétiens. Les blocs de maçonnerie, massce, étaient un assemblage de pierres maçonnées établi sur la fosse sans forme architecturale.
Les blocs de pierre, saxi, une grosse pierre non taillée, placée sur la fosse, était la marque de sépulture la plus simple et la moins dispendieuse. Les malheureux qui n'avaient aucun moyen de se procurer un lieu de sépulture, étaient jetés dans des fosses communes, ossuarice, espèces de charniers, hors des murs de Rome, au mont Esquilin. Varron les appelle puticuli, parce qu'ils étaient creusés en forme de puits et que la décompo-
sition des corps répandait dans le voisinage une odeur fétide (1). Horace en parle aussi dans ses satires; d'autres auteurs font mention de charniers semblables, établis dans différents lieux aux environs de Rome un seul, en effet, n'aurait pas suffi pour recevoir les dépouilles mortelles des pauvres gens sans aveu et des esclaves abandonnés de leurs maîtres, qui étaient en si grand nombre chez les Romains, tandis que les esclaves qui s'étaient fait distinguer par leurs services ou leurs talents étaient honorablement inhumés, comme on le voit par les inscriptions gravées sur leurs tombeaux, mais ceux-ci étaient en petit nombre.
Il y avait aussi un lieu nommé sestertium, où l'on jetait les corps des suppliciés; c'est là qu'après mille insultes, les satellites de Vitellius jetèrent la tête de Galba.
Dans certains cas exceptionnels, par une faveur tout à fait spéciale et en vertu du droit pontifical, on pouvait suppléer à la sépulture exigée par la religion païenne, pour que l'âme du défunt fût admise dans les Champs Elisées, par exemple, lorsqu'un individu noyé en pleine mer, ou tombé dans un précipice, ou égaré de telle sorte que son corps ne pût être retrouvé dans ce cas, on remplaçait la sépulture par certaines cérémonies que l'on appelait injectio glebœ on élevait un simulacre de tombeau, espèce de tumulus en pierres ou en terre, couvert de gazon, et les prêtres y jetaient quelques mottes ou quelques pelletées de terre, en prononçant les paroles de consécration, avec les mêmes cérémonies et le même appareil que si le corps eût été présent. Ce simulacre d'inhumation avait pour effet de procurer à l'âme du défunt les mêmes avantages que si son corps eût été réellement inhumé. L'action de jeter la terre, injectio glebœ, constituait la consécration, qu'elle fût feinte comme dans ce dernier cas, ou réelle, comme dans les cas ordinaires.
Nous ne parlerons pas des cénotaphes ou tombeaux vides qui pouvaient être élevés dans des lieux différents pour la même personne ces monuments étaient seulement destinés à rappeler la mémoire du défunt, ils étaient (1) Ce lieu fut plus tard converti en jardin par Mécène, auquel Auguste l'avait donné.
simplement commémoratifs. Suétone les appelle honoraires dans la Vie de l'empereur Claude.
Nous avons déjà vu que les gens peu fortunés étaient obligés de se contenter d'un monument d'une grande simplicité pour marquer leur sépulture, pour la mettre à l'abri de toute profanation, et la recommander au respect des populations. Les monuments d'une certaine importance se recommandaient par eux-mêmes, et la garde en était souvent confiée à des préposés; il ne pouvait en être de même des modestes monuments de la troisième catégorie c'est sur ceux-ci, qui avaient le plus besoin d'être protégés, que l'on remarque particulièrement inscrite la formule Sub acia dedicavit. N'était-ce pas pour rappeler que cette tombe était consacrée, puisque l'acia était l'instrument avec lequel on avait pris la terre que le prêtre avait jetée sur la sépulture, car, comme nous l'avons dit précédemment, c'est cette action de jeter la terre, injectio glebœ, qui constituait la consécration de la sépulture et conséquemment la mettait sous la protection de la religion et de la loi qui ne permettait pas d'y toucher (1).
Un monument, quelque simple qu'il fùt, n'était pas nécessaire pour constituer la sépulture exigée par la religion païenne. Virgile nous en donne la preuve dans la rencontre aux enfers d'Enée avec son pilote et ami Palinure. Ce pauvre Palinure dont l'âme errante et sans repos ne pouvait être admise à passer le Styx et reposer en paix dans le séjour des morts, demande avec instance à Enée de vouloir bien à son retour sur la terre, jeter un peu de terre (1) Voyez au sujet de cette formule, dans les Mémoires de la Société littéraire, historique et archéologique de Lyon, année 1870-1871, in-8°, Lyon, 1872, une dissertation de M. Martin d'Aussigny, résumée par M. Douët-d'Arcq, dans la Revue des Sociétés savantes, 5* série, tome IV, septembre-octobre 1872, Paris, 1873. Dans son travail, M. Martin d'Aussigny rapporte plusieurs opinions émises à ce sujet, entre autres celle de M. Anatole de Barthelemy, qui nous parait la mieux fondée. La dédicace Sub Acia, dit l'auteur, est un acte de consécration par lequel le défunt et le monument sont placés sous la protection des dieux infernaux. Sans avoir eu connaissance de l'opinion de M. de Barthelemy, nous nous en sommes singulièrement rapproché, tout en donnant les motifs de notre manière de voir.
L'ingénieux rapprochement que fait M. Emile Guyet, de l'Acia égyptienne et de l'Acia romaine, est un détail intéressant sur l'instrument, mais n'explique pas les motifs et le but de la formule dédicatoire, aussi son opinion reste flottante entre plusieurs interprétations.
Nous avons remarqué souvent, comme l'a fait M. d'Aussigny, que l'on rencontre fréquemment l'instrument isolé et sans inscription. Cet instrument isolé suffisait comme expression graphique de la formule dédicatoire.
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sur son corps Miki terrant injice sedibus ut saltem placidis in morte quiescam (1). Il n'en fallait pas davantage pour constituer la sépulture exigée par la religion païenne et être admis à passer le fleuve redoutable du Styx sans errer cent ans sur ses bords.
DEUXIÈME PARTIE.
SÉPULTURES PAR INCINÉRATION, DÉCOUVERTES A CHARNAY.
La situation du village de Charnay indique assez que cette localité devait être habitée à l'époque de l'occupation romaine sa position entre deux rivières, la Saône et le Doubs, à l'entrée de la presqu'île formée par ces deux cours d'eau qui se réunissent à cinq kilomètres plus loin, près de la petite ville de Verdun, avait une certaine importance. Placé sur un léger coteau, en face du pont construit par les Romains sur la rivière du Doubs, qui sépare la commune de Charnay de celle de Pontoux (2), de cette position élevée on domine la plaine et on commande aux deux rivières. Il ne reste aujourd'hui du pont romain que quelques piles que l'élévation des eaux ne permet pas toujours d'apercevoir. Charnay, traversé par la voie romaine de Chalon à Besançon, était un point stratégique que les Romains ne devaient pas avoir négligé, comme nous l'avons dit ailleurs.
La présence des Romains à Charnay s'est révélée de temps immémorial des découvertes nombreuses accusent la présence d'habitations ruinées, et sur lesquelles la charrue passe depuis des siècles, ramenant de temps à autre à la surface du sol des fragments de poterie, de briques, de tuiles, dont l'épaisseur et les rebords latéraux indiquent la fabrication romaine. Quelques substructions nous ont même révélé un luxe inusité dans certaines (1) V. Enéide, livre VI, vers 365.
(2) Pontoux tire son nom de cette construction romaine; il se nommait primitivement Pont-Dubis, puis Pont-Doubs et enfin aujourd'hui Pontoux.
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habitations. Il y a une trentaine d'années, lorsqu'on abaissait le niveau d'une rue située près de l'église, nous avons trouvé nous-mêmes des marbres blancs taillés en moulures et en plaques destinées à revêtir les murs, une meule en granit, plusieurs tuiles à rebord, quelques fragments en fer oxydés et autres objets insignifiants. Les fouilles n'avaient pu être continuées à cause du voisinage du cimetière qui entoure l'église et des habitations particulières réunies sur ce point culminant du territoire.
Cependant, à peu de distance, dans un jardin voisin, on a découvert des conduites d'eau en terre cuite formées de fortes tuiles creuses recouvertes de tuiles plates à rebords cimentées avec soin (1). Des médailles en or, en argent et en bronze ont été trouvées dans des temps éloignés sur différents points du territoire, n'ayant pour les inventeurs d'autre mérite que celui de la matière. La plus grande partie, si ce n'est le tout, a passé par le creuset du fondeur, et n'a laissé d'autre trace que dans la mémoire des vieillards qui se sont transmis d'âge en âge et confusément, quelques traditions relatives à l'origine de la localité. D'après ces traditions, Charnay tirerait son nom d'un vaste charnier qui aurait existé dans le pays, ce qui n'est pas tout-àfait dénué de vraisemblance, si l'on considère les nombreuses sépultures que j'ai fouillées dans la contrée. La tradition d'un trésor caché motivait aux yeux des habitants du pays ma persistance à chercher, car ils ne comprenaient pas que l'on pût attacher tant d'intérêt à remuer la cendre des morts pour en retirer quelques objets insignifiants à leurs yeux, et pour lesquels ils n'auraient pas donné une journée de travail.
L'existence de l'occupation romaine à Charnay étant bien constatée, il me restait à trouver le lieu de sépulture des habitants de cette localité, car, quoique les Romains ne fussent pas astreints à enterrer ou brûler leurs morts dans un lieu désigné et consacré à l'avance, les petites localités, surtout, avaient pour usage de réunir leurs sépultures; voilà, comme je l'ai dit plus haut, pourquoi on appelle ordinairement cimetière toute agglomération de sépulture.
(1) J'ai recueilli plusieurs de ces tuiles dans un état parfait de conservation, ainsi que des plaques et des moulures en marbre blanc.
Chez les Gallo-Romains, comme chez les Romains, chaque famille ou chaque individu pouvait choisir où bon lui semblait le lieu de sa sépulture, tout en se conformant aux prescriptions de la loi cependant on rencontre souvent ces sépultures réunies. C'est une de ces agglomérations qu'un heureux hasard nous a fait découvrir à une faible distance du village, sur le territoire de Charnay.
Nous l'avons dit dans un précédent Mémoire, sur les sépultures des barbares de l'époque mérovingienne découvertes en Bourgogne et particulièrement à Charnay. Après avoir établi que Charnay avait dû être occupé par les Romains (1) 11 est incontestable, disions-nous, qu'une localité habitée par une population quelconque dut posséder un lieu de sépulture pour satisfaire aux exigences de la loi commune. Ce lieu, indispensable aux générations qui se sont succédé pendant l'occupation romaine, doit exister, dans les environs de Charnay.
Nos recherches à ce sujet avaient été jusqu'alors infructueuses, et nous perdions l'espoir de voir se réaliser, dans un délai relativement rapproché, l'objet de nos prévisions, ayant sondé sans succès les terrains qui longent la voie romaine du côté opposé aux groupes des sépultures mérovingiennes, qui m'avaient si largement récompensé de mes labeurs; j'avais donc abandonné la place et dirigé mes travailleurs d'un autre côté sans être plus heureux, tandis qu'à quelques mètres au delà de mes fouilles gisait l'objet de mes recherches.
Il a fallu un hasard vraiment providentiel pour m'affirmer de nouveau qu'un chercheur ne doit jamais se laisser décourager, et que le succès est souvent le fruit de la persévérance. J'attendais donc ce hasard lorsque M. Bourgnier, alors curé de Charnay, vint m'apporter quelques fragments de poterie, parmi lesquels j'en distinguai en terre fine et rouge généralement connue sous le nom de terre de Samos. Ces fragments avaient été recueillis sous les yeux du curé, par un habitant du pays qui défonçait son champ pour y planter de la vigne. M'étant rendu sur les lieux, je fis élargir la (1) Voir les Mémoires de la Commission, tome V, p. 1Î7.
surface de la fouille et je remarquai une couche de cendre mélangée de quelques petits fragments de charbon et de débris d'ossements calcinés. Des fouilles commencées et reprises à des époques différentes, à des distances plus ou moins éloignées de la voie romaine, ont toujours présenté les mêmes circonstances couche de cendre, débris de charbon et ossements calcinés. C'est sur cette couche qu'étaient parsemés des tessons de vases brisés, en terre et en verre. Il ne pouvait y avoir aucun doute que ce fut là qu'était cette agglomération de sépultures gallo-romaines que j'avais annoncées et que j'avais vainement cherchées jusqu'alors.
Les champs voisins, fouillés en plusieurs endroits, présentèrent des médailles frustes mais évidemment romaines, des fragments de fibules aucun cercueil, aucun corps entier ne s'offrirent aux regards attentifs des chercheurs. De nouvelles fouilles ont été successivement exécutées, malgré la difficulté que présentait un terrain que la culture de la vigne commençait à envahir. Cependant, secondé par la bonne volonté des propriétaires, j'ai pu avec le temps recueillir encore de précieuses épaves, parmi lesquelles deux vases à personnage, l'un en verre, qui a été l'occasion d'une Notice insérée dans les Mémoires de la Commission (1); l'autre en terre samienne, qui n'est pas moins digne de fixer l'attention des archéologues les bas-reliefs qui ornent ce vase, représentent des scènes théâtrales de belles fibules en bronze, une épée repliée à la pointe et mise hors de service, des urnes cinéraires, des vases à parfum en verre et en terre, de pâte fine et grossière, une torque renfermée dans un beau vase en terre, des clous en fer et des médailles romaines, etc. et une foule de fragments en métal, en verre et en terre. Nous donnerons plus loin la description des principaux objets que nous avons recueillis et dessinés. La plupart des vases étaient brisés et le verre fondu en partie par l'action d'un feu violent, comme nous le verrons plus loin.
Ces sépultures remontaient évidemment à l'époque de l'incinération. Les Gaulois avaient eux-mêmes pratiqué ce genre de sépulture avant l'arrivée (t) Voir tome VII, p. 205.
DÉCOUVERTES A CHARNAY.
de César dans les Gaules. Mais ici les objets recueillis ne laissent aucun doute sur l'époque romaine.
Il y avait plusieurs manières de procéder à l'incinération Dans le principe, on brûlait les corps sur le lieu même de l'inhumation, avec toutes les cérémonies usitées en pareilles circonstances, on recueillait les cendres et débris d'ossements dans une urne où l'on plaçait ordinairement une pièce de monnaie destinée au nocher Caron pour prix du passage du Styx. Cette urne était placée dans la fosse, et on déposait à l'entour les vases qui avaient servi à la cérémonie et qui avaient contenu l'eau lustrale, les parfums, les larmes de pleureurs, ainsi que des mets et des boissons les parures et autres objets qu'avaient particulièrement affectionnés le défunt, ses armes s'il appartenait à l'armée, et quelquefois son cheval de bataille, étaient aussi déposés dans la tombe.
On appelait Bustum le lieu où le corps était brûlé et enseveli, c'est le cas des sépultures de Charnay, tandis que Ustrina ou Ustrinum se disait du lieu où le corps avait été brûlé pour transporter les cendres dans un tombeau particulier ou dans un Colombarium.
L'ustrine était souvent voisine du sépulcre, et le feu pouvait occasionner des dégradations aux tombeaux voisins. On cherchait à se défendre de ce voisinage dangereux par des inscriptions formulées en ces termes rapportés par Guichard, d'après Scaliger Huic monumento ustrinum applicari non licet, ou ceux-ci Ad hoc monumentum ustrinum applicari non licel, qui étaient les formules généralement adoptées.
On reconnut bientôt la nécessité d'éloigner l'ustrine des lieux de sépulture; des locaux particuliers furent alors assignés pour brûler les corps. A Rome, par exemple, le Champ de Mars était le lieu destiné à brûler les corps des grands personnages de l'Empire, et le mont Esquilin pour ceux des personnes de condition inférieure chacun, au surplus, pouvait choisir le lieu de cette cérémonie, suivant sa position, pourvu toutefois qu'il fût éloigné des maisons appartenant à autrui d'au moins soixante pas.
Les Romains, qui attachaient une haute importance aux cérémonies des funérailles, déployaient un si grand luxe dans la confection des bûchers, que
l'autorité se crut obligée d'intervenir, et la loi des Douze Tables interdit de bâtir les bûchers avec des bois précieux et travaillés; mais cette défense ne fut guère mise en pratique, et chacun déployait dans ces cérémonies autant de luxe que ses ressources pouvaient le lui permettre. On voit dans Pline (1) que l'on poussait l'exagération jusqu'à peindre le bûcher de diverses couleurs et l'orner de figures de cire. On y prodiguait aussi les parfums qui avaient l'avantage de neutraliser la mauvaise odeur qui devait s'échapper du cadavre en combustion.
Voilà donc deux époques distinctes la première, où l'on brûlait les corps sur le lieu même où l'on enterrait l'urne contenant les cendres du défunt avec les vases qui avaient servi à la cérémonie, et les autres objets qui devaient accompagner le défunt dans l'autre monde la seconde, où les corps étaient brûlés dans un lieu particulier destiné à cet usage, puis les cendres recueillies et transportées dans le tombeau (2).
Les sépultures gallo-romaines de Charnay doivent remonter à la première de ces époques, celle où l'on brûlait sur place. Cette couche de cendre, ces charbons épars sur le sol, ces vases en terre et en verre, la plupart brisés, qui paraissent avoir été jetés dans la fosse auprès de l'urne cinéraire, et surtout ces fragments de verre déformés et tordus qui ne peuvent avoir subi cette détérioration que par l'effet d'un feu violent, tout cela nous paraît indiquer évidemment sur place la présence du bûcher.
La disposition du mobilier de la tombe vient aussi corroborer cette manière de voir sur la couche de cendre provenant de la combustion du bûcher et des objets accessoires, j'ai remarqué au milieu de la fosse l'urne principale, contenant indubitablement les cendres du défunt, quelquefois accompagnée d'autres vases contenant aussi des cendres. Dans ces vases on remarque souvent, posée sur la cendre, une médaille romaine, rarement plusieurs, (1) Livre XXXV, chapitre vu.
(2) On doit admettre que le corps du défunt était enveloppé d'un tissu ou matière incombustible pour que ses cendres ne puissent pas être mélangées avec celles du bûcher et des autres objets brûlés simultanément.
quelquefois un objet de parure, torque, bague ou fibule. A l'entour de ce groupe principal paraissent avoir été jetés pêle-mêle les vases de matière et de formes variées qui, sans doute, avaient servi à la cérémonie funèbre. Ce pêle-mêle et ces nombreux fragments occasionnent une confusion qui rend les observations difficiles, et bien rares les objets qui n'ont pas été endommagés dans ce désordre de la tombe. Quelques vases ont aussi été trouvés isolément en dehors du groupe principal. Un heureux hasard nous a permis d'observer toutes ces choses pour nous initier aux usages, aux coutumes et à l'industrie de nos ancêtres.
Voyons maintenant les objets retirés des fouilles.
PLANCHE 1 ET 2, GRANDEUR RÉELLE.
Vase à personnage en terre rouge, dite de Samos, parce que l'on prétend que c'est dans l'île de ce nom qu'ont été faits les premiers essais de cette belle poterie. Ce vase a été brisé en plusieurs fragments qui, soigneusement recueillis, ont permis de le rétablir dans son intégrité; sa hauteur est de 9 centimètres 5 millimètres, le diamètre de son ouverture 9 centimètres 7 millimètres, et sa base 4 centimètres. Ce vase offre un intérêt tout particulier, non seulement par sa forme peu commune et l'extrême finesse de sa matière, mais plus encore par les sujets qui y sont représentés, quoiqu'ils n'aient pas encore été interprétés d'une manière satisfaisante. Rien n'est si commun dans les sépultures gallo-romaines que les fragments de ces vases en terre rouge à sujets en bas-reliefs, dont il est rare de rencontrer des spécimens complets (1). Notre vase, fort heureusement, a pu (1) Une longue expérience me porte à croire que les personnes qui n'étaient pas à même de se procurer ces vases entiers, dont le prix devait être fort élevé, se contentaient de placer dans les tombes de leurs parents et amis, un simple fragment de cette belle poterie à laquelle ils attachaient probablement des idées superstitieuses ou talismaniques. J'ai remarqué dans un grand nombre de sépultures romaines, celles particulièrement qui ne paraissaient pas avoir une grande importance, des fragments isolés de cette belle poterie, et malgré de minutieuses recherches on n'a pu, dans la plupart des cas, réunir plusieurs fragments du même vase. Ces fragments sont plus ou moins intéressants et couverts d'ornementations obtenues par le moyen d'un moulage, offrant des sujets les plus variés ce sont tantôt des détails d'architecture, des rinceaux, des guirlandes, de lignes ponctuées, cordées, des grénetis, des fruits, des fleurs, des animaux de toute sorte, quadrupèdes ou volatiles, fréquemment des chasses au cerf ou au sanglier, des êtres humains et même des divinités païennes dans toutes sortes d'attitudes.
SÉPULTURES PAR I~CI~ÉRÀTIO~ _u 'tt–t'f c._ r_ __n_ a>
être rétabli dans son état primitif. Sa forme est celle d'un verre à boire ou gobelet à pied sa surface est divisée en quatre compartiments séparés par autant de petites cariatides, représentant des enfants posés sur une espèce de console, tenant une torche de la main droite et soutenant de la main gauche un masque scénique placé sur le sommet de la tête. Chaque scène est composée de deux personnages la première représente Mars et Mercure Mars est reconnaissable au casque qui couvre sa tête et à la lance placée à son côté; il est assis et vêtu d'un manteau jeté en arrière et agrafé sur l'épaule gauche, de la main droite il tient un petit objet de forme cylindrique qu'il est difficile de déterminer. En face du dieu Mars, et reconnaissable au caducée qu'il tient de la main gauche, Mercure entièrement nu, debout, penché près du guerrier, par un geste de la main droite, semble lui expliquer le sujet d'un message.
Dans le compartiment suivant, de gauche it droite, on voit un homme nu, à part un pli de manteau jeté sur l'épaule gauche, qui paraît s'entretenir avec une femme vêtue d'une longue robe et coiffée d'un voile qui descend sur ses épaules; leur conversation semble animée, l'homme fait un geste de surprise. Le sujet suivant représente deux hommes l'un, revêtu du scigum, paraît être un esclave qui reçoit les ordres d'un personnage barbu drapé à la romaine, dont le bras droit levé semble indiquer un geste de commandement. Enfin le quatrième compartiment contient, comme les autres, deux personnages têtes nues, revêtus d'un manteau, le premier jeté sur les épaules, laissant les jambes et le bras droit à découvert, tandis que le second, qui porte la barbe, a le haut du corps nu et les jambes drapées jusqu'aux pieds. Dans la partie supérieure du vase, entre les têtes des personnages, on remarque des lyres alternées de masques scéniques. Dans le premier compartiment, au-dessus de la tête casquée, on lit l'inscription suivante en caractères romains, en relief OF (oficina) ALBERTI; d'autres lisent OP (opus) LIBERTI. Dans tous les cas, ce ne peut être que le nom du fabricant.
Ces lyres, ces masques scéniques annoncent évidemment des représentations théâtrales dont les sujets peuvent être interprétés par une imagination
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plus ou moins féconde. C'est une énigme qui trouvera peut-être un nouvel Œdipe quant à moi, qui ne pourrais présenter que des conjectures plus ou moins vraisemblables, j'y renonce, aimant mieux déclarer franchement mon insuffisance.
PLANCHE 3.
N° 1 – Vase en forme de colombe, dont les ailes sont attachées au corps de l'oiseau, l'anse et le goulot sont placés sur la partie supérieure du corps, les pattes sont à peine indiquées, à la place qu'elles doivent occuper, par deux aspérités sans formes particulières. Ce vase a été moulé en deux parties rapprochées longitudinalement avant la dessiccation de la terre. Sa forme peu usitée annonce une certaine recherche dans son contenu; il renfermait sans doute quelques parfums précieux.
N° 2. Vase de forme ovoïde, en terre noirâtre, à fond étroit, 4 centimètres et demi de diamètre, 6 centimètres à l'ouverture et 9 centimètres et demi de hauteur, 30 centimètres de tour, contenant des cendres mélangées de terre.
N° 3. Petite écuelle à quatre pieds, en terre brune assez grossière, à bords rabattus diamètre à l'ouverture, 7 centimètres et demi hauteur, sans les pieds, 5 centimètres et 28 centimètres de tour.
N° 4. Vase à panse large, portant une dépression circulaire pour tout ornement à la partie la plus large, qui a 47 centimètres de tour, 16 centimètres de hauteur, 8 centimètres de diamètre à l'ouverture et 5 centimètres 2 millimètres à la base ce vase contenait des cendres et quelques petits fragments d'os calcinés mélangés à la terre sablonneuse qui le remplissait. N° 5. Vase en terre fine, grisâtre, de forme allongée sa hauteur est de 10 centimètres et demi, son ouverture à rebord étroit porte 5 centimètres 3 millimètres de diamètre, tandis que la base n'a que 3 centimètres, la panse, dans sa partie la plus forte, a 27 centimètres de tour. Ce vase est orné dans son pourtour de trois rangées d'écailles saillantes, au bas desquelles on a ajouté quatre cercles ponctués en creux. On trouve assez fréquemment des vases de cette forme dans les sépultures de l'époque gallo-romaine. 35
PLANCHE 4.
N° 1. – Vase de forme ovoïde, terre jaunâtre très fine, 12 centimètres et demi de haut, diamètre de la base, 5 centimètres, et 37 centimètres de tour, la panse est ornée de doubles traits saillants disposés et alternés en six groupes formant des croix de Saint-André et des lignes verticales. Ce vase a été brisé dans sa partie supérieure, dont la plupart des fragments ont pu être rajustés. On remarque au fond du vase un petit fragment d'os qui y est resté adhérent.
N° 2. Petit vase cinéraire rempli de cendre la base n'a que 4 centimètres de diamètre et son ouverture 8 centimètres, sa hauteur est de -11 centimètres et 42 centimètres de tour; il avait pour couvercle le fond d'un vase brisé c'est le seul vase sur lequel nous avons pu constater cette précaution, au milieu du désordre qui régnait généralement dans ces sépultures.
N° 3. Grande et belle urne en terre brunâtre à large ouverture de 15 centimètres de diamètre, dont la base porte 10 centimètres et demi, la hauteur 25 centimètres sur 61 centimètres de tour dans la partie supérieure qui va en se rétrécissant vers la base. Ce vase contenait des cendres et des fragments d'os calcinés mélangés avec la terre sablonneuse de la fosse. N° 4. Petite buire en terre jaunâtre, de forme basse, à base étroite de 2 centimètres de diamètre ouverture, 2 centimètres hauteur, 8 centimètres 2 millimètres sur 23 centimètres de tour. Ce petit vase était sans doute destiné à contenir quelque huile parfumée.
N° 5. Petit pot à pommade (unguentum) terre couleur brun-jaunâtre, de forme ovoïde à léger rebord; base de 2 centimètres 8 millimètres de diamètre ouverture, 3 centimètres 2 millimètres hauteur, 9 centimètres sur 22 de tour.
PLANCHE 5.
Nos 1, 2, 3 et 4. Ces vases, reproduits à moitié sur hauteur et largeur de leur grandeur réelle, contenaient des cendres et des petits fragments
d'os calcinés. Le n° 1 est en terre noire très fine; le n° 2, en terre jaunâtre, porte un filet creux au milieu de la panse. Le n° 3 paraît fait la main sans l'emploi du tour; en terre mal préparée, rugueuse et de couleur noirâtre, trouvé dans d'autres conditions on le qualifierait de celtique, tant il en a les apparences. Le n° 4 est en terre grise, à panse anguleuse, ornée de deux filets creux à la partie supérieure.
N° 5. Joli petit vase en terre noire très fine, de forme sphérique, sans rebord rabattu à son ouverture, malheureusement fragmenté hauteur, 6 centimètres ouverture, 4 centimètres de diamètre et 3 centimètres à sa base, et 23 centimètres et demi de tour.
N° 6. Petite coupe en terre rouge dite de Samos, dont le fond étroit et concave porte en dessous une empreinte mal venue dont on ne peut distinguer les lettres qui formaient sans doute le nom du potier. Ce petit vase n'a d'autre ornement que deux petits cordons saillants au-dessus et au bas de ses parois qui sont droites, et un filet creux au milieu. Sa hauteur est de 4 centimètres et demi le diamètre de son ouverture porte 6 centimètres et demi, celui de la base moitié et le développement du tour offre 20 centimètres 5 millimètres. Dans cette coupe on a trouvé une médaille en argent portant autour de la tête laurée, tournée à droite, la légende Antoninus pius aug. Nos 7 et 8. Fragments en cette même terre rouge, ceux-ci avec basreliefs le premier présente deux anneaux superposés au-dessus desquels on voit la partie inférieure d'un enfant; le haut du corps manque, le sujet est entre deux lignes de grénetis. En dehors, à gauche, on voit seulement la jambe, le bras et la main d'un personnage qui tient l'extrémité inférieure d'une hampe et paraît être en attitude de combat à droite, deux oiseaux sont superposés, l'un au bec crochu doit être un aigle.
Le second fragment, n° 8, paraît être la répétition du même sujet dans sa partie supérieure et provient très probablement du même vase. Les deux lignes du grénetis sont également espacées; entre ces lignes, on voit aussi un enfant qui tient de sa main droite un objet indéterminé; du même côté, en dehors du grénetis, on remarque la main qui tient l'extrémité d'une hampe à droite l'oiseau est complet la pose, la queue et les pattes sont identique-
ment semblables à ce qui reste sur le premier fragment, ce devaient être la partie supérieure et la partie inférieure du même sujet reproduit sur le même vase. Ces reliefs s'obtenaient par le moyen d'une empreinte répétée dans le même moule autant de fois que la surface le permettait (1). PLANCHE 6.
N° 1 Beau vase en terre noire très fine, de forme cylindrique, avec dépressions longitudinales séparées par une espèce de chaîne formée d'anneaux saillants qui tombent perpendiculairement du haut en bas jusqu'au rétrécissement qui forme la base d'un diamètre de 6 centimètres, tandis qu'à l'ouverture il est de 8 centimètres; la hauteur du vase donne 18 centimètres et le développement du tour est de 36 centimètres. Ce vase contenait des cendres, des fragments d'os brûlés, un moyen bronze de Trajan et une torque en fer brisée en trois morceaux posés sur les cendres à l'ouverture du vase. (V. n° 2.)
Non loin de là on a recueilli une épée en fer de 64 centimètres de longueur, y compris la soie qui porte à son extrémité un petit ornement en cuivre. La lame a 7 centimètres dans sa plus grande largeur, la pointe en a été recourbée et les deux côtés tranchants rabattus en plusieurs endroits on voit que cette arme a été mise hors de service avant de la placer dans la fosse.
Ne 3. Un clou à tête plate à tige quadrangulaire de 11 centimètres de long. On en a recueilli d'autres de moindre dimension dans le voisinage de celui-ci.
Nos 4 et 5. Deux fibules allongées à tige étroite, ressort à boudin, l'une en bronze bien conservée, l'autre en fer très oxydé, dont l'extrémité inférieure a été brisée.
(1) Le Musée de la Commission des Antiquités de la Côte-d'Or possède une de ces matrices en terre rouge, destinée très probablement à former ces empreintes dans l'intérieur des moules, dont le creux ne rendait pas toujours d'une manière bien nette le relief du vase qui en sortait ceci explique la répétition identique des figures d'hommes, d'animaux et d'ornements que l'on trouve reproduits sur les vases en terre rouge, dite de Samos.
N° 6. Un petit grelot en argent.
N° 7. Un grain de collier en émail, cotelé.
N° 8. Un anneau en fer très oxydé.
Ces objets ont été recueillis dans le voisinage du vase n° 1.
Coupe couleur vert clair, de forme cylindrique, hauteur 5 centimètres et 23 centimètres de tour, en verre coulé et moulé, représentant en bas-relief des courses de chars attelés chacun de quatre chevaux dirigés par un conducteur (auriga) debout sur le devant de son char chaque quadrige est séparé par une et trois pyramides alternativement. Une bande circulaire de feuilles et fleurs décore le bas de la coupe qui se rétrécit vers le fond. La partie supérieure du vase fait complètement défaut et paraît avoir été brisée vo!ontairement, comme on peut le croire, pour enlever les noms des conducteurs de chars qui, ordinairement, sont inscrits sur cette zone supérieure. Ces courses, très probablement, n'avaient pas eu lieu, et ces noms eussent été déplacés en pareille circonstance. Le fait est que cette brisure paraît intentionnelle par sa régularité relative et aussi parce que l'on n'en a trouvé sur place aucun débris, malgré de minutieuses recherches.
Des coupes exactement semblables de forme et de fabrication, variant de la couleur vert clair au jaune transparent, et représentant des combats de gladiateurs, ont été recueillies dans des sépultures et dans les mêmes conditions que celle de Charnay on ne connaît encore que onze spécimens des unes et des autres, tous plus ou moins endommagés; quatre conservés dans les musées de Sèvres, de Rouen, de Londres et de Vienne ne sont que des fragments isolés, mais ces fragments suffisent pour que l'on puisse reconnaître le galbe du vase et le sujet qui y est représenté.
Cinq seulement de ces coupes identiques de forme et de fabrication représentent des courses de char et sont de couleur vert clair; il est à remarquer que le seul vase trouvé en Angleterre au comté de Kent, villa de Ilartlipe, n'est aussi qu'un beau fragment qui accuse la forme ovoïde et offre les deux sujets réunis; sur la zone supérieure sont les
PLANCHE 7. VASES EN VERRE.
courses de char et sur la zone inférieure les combats de gladiateurs, ce qui indique la prééminence des courses de char qui n'avaient lieu que dans les cirques et non dans les amphithéâtres. Guichard, dans son livre des funérailles, appelle ces jeux de grandes dépenses magnifiques et rares le Sénat en ordonna en l'honneur d'Auguste on les appela Circenses augustales, Tacite les nomme simplement Augustales. C'était donc le plus haut et le plus magnifique hommage que l'on pouvait rendre à la mémoire d'un défunt que de célébrer de tels jeux à ses funérailles.
Quoiqu'il y ait eu à Charnay des établissements romains d'une certaine importance, comme nous l'avons dit plus haut, aucune trace de cirque n'a été remarquée dans la contrée. La présence de ces vases dans les sépultures n'indique donc pas, partout où on les trouve, l'exécution de jeux funèbres qui y sont représentés c'était peut-être dans quelques circonstances un vœu ou tout simplement un vaniteux hommage rendu au défunt plutôt qu'un souvenir réel de la cérémonie des funérailles.
Ces vases sont tous plus ou moins fracturés, soit par un mouvement du sol ou plutôt par l'ardeur du foyer; l'action du feu se fait remarquer sur le vase de Charnay par une courbure anormale d'un des fragments, qui ne peut être que l'effet d'une chaleur intense.
En parlant de l'origine de ces vases, nous avons établi que cette origine ne pouvait remonter au delà du règne de Néron et que leur usage avait dû cesser sous Constantin, qui après avoir embrassé la religion chrétienne, s'empressa d'abolir les jeux sanglants du cirque et de l'amphithéâtre, si contraires aux principes de la morale évangélique et cela, peu à peu avec tous les ménagements nécessaires. Les cérémonies funèbres, comme nous l'avons dit ailleurs, ayant cessé d'être des fêtes mondaines et ayant un caractère exclusivement religieux, l'usage de ces vases a dû naturellement cesser avec les jeux qui y étaient représentés (1). On peut raisonnablement en conclure que les sépultures qui les recèlent doivent dater du temps qui s'est écoulé entre les règnes de Néron et de Constantin.
(1 ) Voyez tome VII, page 205, des Mémoires de la Commission des Antiquités du département de la Côte-d'Or, ma notice sur les vases antiques en verre représentant les jeux du cirque et de l'amphithéâtre. Pour ne pas nous répéter ici, nous y renverrons le lecteur.
PLANCHE 8.
N° 1. Vase en verre de forme cylindrique avec goulot étroit, à bord large, au bas duquel s'attache la queue plate et large, à petite cannelure, qui vient s'adapter au bord du cylindre. Hauteur du vase, 26 centimètres et demi, sur un diamètre de 10 centimètres et demi et 35 centimètres et demi de tour le fond est plat, uni, sans aucune aspérité la conservation du vase est parfaite, son goulot étroit (2 centimètres d'ouverture) indique qu'il devait contenir une matière liquide.
N° 2. Urne cinéraire dont les fragments recueillis ont permis de reconstituer la forme sphérique divisée par des nervures, peu saillantes; sa hauteur devait être de 11 à 12 centimètres, son ouverture d'un diamètre de 10 centimètres, et le tour de 56 centimètres dans sa plus grande largeur. N° 3. – Vase de forme sphérique en verre dépoli, soit accidentellement par le voisinage de quelque agent chimique, soit par la main de l'ouvrier. Ce qui pourrait faire admettre cette dernière hypothèse, c'est la présence de deux cercles tracés en doubles filets creux, qui ne peuvent être que le résultat d'un travail manuel. Ce vase a été brisé en bien des morceaux, dont la plupart ont pu être heureusement rapprochés pour reconstituer la forme primitive de ce curieux et rare spécimen de la verrerie romaine. L'ouverture d'un diamètre de 10 centimètres n'a qu'un léger rebord; la hauteur du vase est de 10 centimètres et mesure 45 centimètres de tour; le fond n'est indiqué que par une faible dépression sur laquelle il repose. N° 4. – Col fragmenté d'une fiole brisée.
N° 5. – Parties supérieure et inférieure d'un lacrymatoire.
N° 6. – Anse très délicate d'un vase en verre.
Nos 7, 8 et 9. Trois fragments de vases en verre déformés, tordus et fondus en partie par l'action d'un feu violent; le n° 8, côtelé, devait appartenir à une urne cinéraire analogue aux fragments n° 2.
PLANCHE 9. FIBULES EN BRONZE.
N° 1. – Cette fibule, d'une dimension peu ordinaire, a 11 centimètres de haut, y compris l'appendice qui cache l'épingle et le crochet qui la retient
au vêtement; cette fibule est formée d'un disque qui a 6 centimètres et demi de diamètre et ornée de trois cercles concentriques, dont le plus rapproché du centre est rapporté, large et bombé; il porte des échancrures symétriques et circulaires, d'un heureux effet; au centre du disque, une large bande cannelée, bombée et recourbée, vient s'adapter à un tube horizontal qui surmonte la fibule et renferme le ressort à boudin, dont le prolongement forme l'épingle qui sort du tube et descend derrière la fibule pour s'accrocher à l'appendice qui la termine au bas dans le crochet ajouré qui la fixe. Ce bijou, gravé dans plusieurs de ses parties, devait être d'un aspect très riche et très beau.
N° 2. Cette fibule, dans des dimensions plus restreintes, est exactement semblable à la précédente sa hauteur est de 8 centimètres 6 millimètres et le diamètre de son disque a 5 centimètres.
N° 3. D'une forme analogue aux deux premières, cette fibule est beaucoup plus simple sa hauteur est de 0 centimètres 4 millimètres, son disque a 5 centimètres 3 millimètres de diamètre il est formé de cercles concentriques, sans échancrures, gravures ni ornements; le tube horizontal placé dans la partie supérieure est fracturé aux deux extrémités et laisse voir le ressort à boudin qu'il renferme son appendice inférieur, qui porte le crochet, n'a dans son milieu qu'une cannelure accompagnée de deux traits gravés. N° 4. La partie supérieure de cette fibule est identique à celle des nos 1 et 2 ici le disque est remplacé par une plaque de forme carrée, placée en manière de losange, dont l'angle supérieur porte le tube horizontal d'où sort l'épingle dont la pointe vient s'ajuster à l'angle inférieur qui porte le crochet. Cette plaque est ornée d'une bande très mince, échancrée en dent de scie, rapportée au bas sur deux faces. L'absence de l'appendice, qui porte ordinairement le crochet qui retient l'épingle, donne à cette fibule un aspect singulier qui ne manque pas d'un certain cachet d'originalité que rehaussent encore deux traits gravés qui suivent le contour des dents de scie. Cette curieuse fibule, vue par derrière, laisse apercevoir sous l'arcade cannelée deux petits anneaux qui ne paraissent avoir d'autre but que celui de consolider le tube horizontal qui repose sur la pointe supérieure de la plaque carrée. C'était une ingénieuse précaution de solidité.
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N° 5. Plaque très mince, légèrement bombée, détachée d'une fibule circulaire, dont elle formait le centre, orné tout simplement de deux cercles repoussés. Diamètre, 5 centimètres et demi.
N° 6. Petite fibule de forme losangée, ornée dans son milieu d'une ligne de trois petits cercles concentriques, et aux trois extrémités supérieures et latérales, de trois petits boutons à col allongé; celui du bas forme une petite base qui porte par derrière le crochet auquel l'épingle vient s'ajuster. Hauteur, 4 centimètres; largeur, 3 centimètres 3 millimètres.
N° 7. Fibule de forme allongée; la partie supérieure offre un carré long, bordé d'un large trait, recourbé dans le haut, portant un petit tube fermé par les deux bouts, où se cache le ressort à boudin qui fait mouvoir l'aiguille. La fibule se termine au bas par une espèce de feuille renversée, dentelée de chaque côté, qui se réunit à la partie carrée par une sorte d'embase et se termine par un bouton; derrière cette feuille est placé le crochet qui retient l'épingle. Longueur, 7 centimètres 7 millimètres.
N° 8. Fibule de forme étroite et allongée. C'est une tige unie à arête triangulaire, qui porte dans sa partie supérieure le tube qui contient le ressort à boudin et au bas le crochet ajouré de huit trous carrés qui cache la partie inférieure de l'aiguille. Longueur, 7 centimètres et demi. On a retiré de ces sépultures un certain nombre de fibules de ce genre, de dimensions variées, plus ou moins bien conservées, dont le ressort est caché ou apparent, analogues au nos 4 et 5 de la planche 6.
Nous ne mentionnerons que pour mémoire une quantité considérable de fragments insignifiants de vases en terre, de dimension, de couleur et de pâte plus ou moins fine.
Les fragments de vases en verre sont moins nombreux. Nous avons cru devoir reproduire trois de ces derniers qui ont subi des torsions et déformations par suite d'un commencement de fusion, qui ne peut laisser aucun doute sur la combustion sur place du corps des décédés, ce qui contribue puissamment à déterminer l'époque de ces sépultures.
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Tous ces vases ont pu être brisés soit en les jetant dans la fosse près de l'urne qui contenait les cendres du défunt, soit par la pression des terres qui recouvraient la fosse.
Les médailles nous ont fourni aussi des renseignements qui ne font que confirmer l'opinion que nous avons déjà émise sur l'époque de ces sépultures. La plus ancienne médaille est de Néron et les plus récentes datent des Antonins; quelques-unes sont d'une belle conservation beaucoup sont frustes, les légendes en partie effacées mais le caractère des têtes suffit pour caractériser l'époque où l'on brûlait les corps sur place, et c'est plus tard qu'en ayant reconnu ces inconvénients, des lieux particuliers furent désignés pour cette opération, les cendres recueillies et transportées dans les tombeaux. Comme on le voit, il n'en était pas ainsi à Charnay, où les traces du feu sont incontestables.
M. le curé de Charnay, qui a bien voulu surveiller les fouilles en mon absence, a distribué quelques médailles à ses confrères, tout en retenant les noms des empereurs qui tous appartiennent à la même période, celle du HautEmpire les revers étant omis, je n'en donnerai pas ici une nomenclature inutile.
Ces médailles sont pour la plupart des moyens bronzes et quelques grands bronzes; un Trajan, par exemple, fleur de coin; un Antonin pie en argent trouvé dans la soucoupe en terre samienne la plupart étaient répandus sur le sol parmi les nombreux fragments des vases qui les contenaient très probablement.
Charnay justifie donc l'origine de son nom; c'est bien, comme disent les habitants du pays, un véritable charnier dont le territoire contient une immense agglomération de sépultures. Peut-être doit-il à ces circonstances l'extrême fertilité de son sol.
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ÉTUDE
SUR L'ÉTABLISSEMENT
DES CHEVALIERS DE SAINT JEAN DE JÉRUSALEM A DIJON
A L'OCCASION DE LA DÉCOUVERTE DE PIERRES TOMBALES DANS LE TERRAIN DE LA PLACE SAINT-PIERRE
PAR Ernest -Léon lory, BIBLIOTHÉCAIRE-ARCHIVISTE DE LA COMMISSION DES ANTIQUITÉS
DE LA C6TE-D'OR
AVANT-PROPOS
La découverte de plusieurs pierres tombales, rencontrées, au mois de mai 4876, à une certaine profondeur dans le sol dijonnais; le rapport que la Commission des Antiquités de la Côte-d'Or m'a chargé de faire sur ces objets des renseignements très sommaires fournis par Courtépée sur la question historique que soulève une des tombes une interprétation trop étendue donnée par le même auteur à une charte de la fin du xne siècle, m'ont amené à étudier les origines de la maison des Hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem, à Dijon.
L'archéologie et l'histoire sont sœurs elles se donnent la main et se complètent souvent l'une par l'autre. L'étude qui va suivre le prouve. Elle se divise en deux parties la première s'occupe, au point de vue archéologique, des objets trouvés, de leur emplacement, de leur intérêt artistique la seconde indique les recherches faites sur l'établissement des Chevaliers de SaintJean de Jérusalem dans notre ville. Mon intention n'a pas été d'écrire leur 37
ÉTUDE SUR l'établissement DES CHEVALIERS 1 11 T"- .1 1
histoire dans la Capitale Bourguignonne, un pareil travail demanderait de plus grands développements.
Les Frères Hospitaliers de Dijon ont existé pendant plus de trois cents ans à la porte Saint-Pierre, au pied de l'enceinte ducale; à partir de 1515, ils ont encore vécu près de trois cents ans dans l'intérieur du vieux Castrum, contre ses murs, à l'ombre de la tour Saint-Bénigne, le plus antique monument de notre histoire locale depuis le xne siècle, ils ont élevé dans notre cité successivement un hôpital, une chapelle, une église, de vastes dépendances dans lesquelles le premier grand séminaire a été installé (1); ils ont possédé de nombreuses propriétés dans le pays les noms de plusieurs de leurs Commandeurs sont inscrits aux livres d'or de l'Ordre. Une Commanderie de cette importance mérite une notice spéciale.
CHAPITRE I<t.
DÉCOUVERTE DE TOMBES.
DÉTERMINATION DE L'EMPLACEMENT DE LA COMMANDERIE DE SAINT-JEAN DE JÉRUSALEM, DÉMOLIE EN 1515.
GUÉNOT DEMONJEU, MAITRE DE FAUVERNEY ET DE L'HOPITAL DE SOMBERNON.
Des fouilles, faites pour l'établissement d'un aqueduc dans les terrains de la place Saint-Pierre, ont mis au jour, à une profondeur de 1 mètre 90 centimètres du niveau du sol actuel, cinq pierres tombales, orientées dans la direction del'E. S. E.
L'emplacement de cette découverte est, en arrivant par la rue ChabotCharny, du côté gauche de la promenade du Jet-d'Eau il se trouve, lorsqu'on se dirige vers les rues d'Auxonne et de Longvic, entre les lisses du (t) Jean-Baptiste Gonthier, vicaire général du diocèse de Langres, prévôt et chanoine de la Sainte-Chapelle, fonda, en 1659, dans la maison de la Madeleine à Dijon, un séminaire destiné à former de jeunes ecclésiastiques pour le diocèse.
trottoir et les second et troisième platanes de l'allée circulaire entourant les jardins et le jet d'eau de la promenade.
On retrouvera le centre de cet emplacement au sommet d'une perpendiculaire de 9 mètres abaissée sur une ligne droite formant le prolongement de la ligne de façade de la maison Bavelier, et ayant une longueur de 27 mètres à partir de l'angle S. 0. de cette maison. (Voir le plan.) Une seule de ces pierres tombales méritait par elle-même d'attirer l'attention des archéologues. Elle était engagée, en grande partie, sous le massif de maçonnerie d'un conduit qui, de ce côté, va se souder à l'aqueduc conduisant les eaux du jet d'eau au lavoir de la porte Saint-Pierre. Elle nous montrait une inscription en lettres gothiques, avec abréviations, très bien gravées et surtout parfaitement conservées. M. Chapuis, directeur du service des eaux de la ville, ayant eu l'obligeance de me faire prévenir de la découverte, je me rendis sur les lieux et je relevai le plan des fouilles. Je prévins à mon tour M. Garnier, archiviste du département et vice-président de la Commission départementale des Antiquités. Nous descendîmes ensemble dans la tranchée, et, après examen, il fut décidé que je demanderais au Maire l'autorisation de faire enlever celle des tombes portant une inscription. M. Enfert s'empressa de m'accorder l'autorisation demandée, et il mit très généreusement les ouvriers de la ville à notre disposition.
L'enlèvement a été fait avec soin, et notre Musée archéologique s'est enrichi d'une pierre curieuse par elle-même et intéressante, comme nous allons le voir, au point de vue de l'histoire dijonnaise.
La pierre tombale retirée du sous-sol de la place Saint-Pierre a 1 mètre 59 centimètres de longueur sur 84 centimètres de largeur son épaisseur est de 18 centimètres. Rarement on en trouve d'aussi bien conservées. Au premier coup d'œil, on croirait qu'elle sort des mains de l'ouvrier. Elle est fort bien gravée, et quoiqu'une ancienne brisure transversale la partage en deux parties, on ne distingue pas moins bien un homme d'un âge avancé, portant une longue robe de religieux. Ce personnage est debout, il a les yeux baissés, les mains jointes et est dans l'attitude de la prière une ceinture, terminée par une passementerie bien ouvragée, lui ceint les reins et supporte une aumônière.
Il porte sur sa robe un long et large manteau. Sur l'épaule gauche de ce vêtement de cérémonie, on voit la croix des Hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem (1).
Aux quatre angles de la tombe sont gravées quatre circonférences dans la première et la quatrième, deux croix de Malte sont inscrites dans la seconde et la troisième se trouve un écu chargé d'une fasce il porte trois petites figures, posées deux en chef et une en pointe. Le graveur a voulu probablement représenter des trèfles.
Sur le pourtour de la tombe, on lit l'inscription suivante, gravée en lettres gothiques avec abréviations
« Cy gist frère Guyénot Demonjeu religieux de l'ordre Saint-Jehan de Jérusalem natif de Dijon maistre | de Fauvernay et de lospital 1 de Sombernon (1) Les religieux de Saint-Jean de Jérusalem portaient sur l'épaule gauche de leurs vêtements une croix blanche à huit pointes. Depuis 1530, elle a été appelée croix de Malte, nom qui lui est resté, même après que l'ordre dont ellî était le signe distinctif eut quitté l'Ile de Malte.
DE SAINT-JEAN DE JÉRUSALEM A DIJON. °1
lequel trespassa + le + vingt quatrieme de jung + mil + quatre cent quatre vingt et dix huit. »
La découverte faite sur la place Saint-Pierre est, comme je l'ai dit, intéressante à plusieurs points de vue. Comme tombe, on en trouve rarement dont la gravure et le dessin soient aussi corrects. C'est un beau spécimen de la gravure sur pierres tombales à Dijon, dans les dernières années du xve siècle.
La profondeur à laquelle les tombes ont été rencontrées, leur orientation, leur situation non loin des fossés de nos anciennes fortifications, le même niveau où nous les retrouvons, méritent un examen détaillé.
La profondeur nous permet de constater une fois de plus un des anciens niveaux du sol dijonnais. Les cinq tombes étaient à lm90 en contre-bas de la route actuelle. Toutes étaient orientées à l'E. S. E. et rangées régulièrement. Elles faisaient partie assurément d'un même dallage et avaient été placées avec précaution sur un sol uni.
Mais comment expliquer leur présence, sinon dans l'emplacement des fossés, tout au moins contre les fossés des fortifications de l'ancienne porte SaintPierre, dont plusieurs personnes peuvent encore, à Dijon, se rappeler la disposition ?
L'inscription de frère Guyénot Demonjeu et la croix de Saint-Jean de Jérusalem, gravée aux angles de sa tombe et sur l'épaule gauche de son manteau, nous fournissent des renseignements qui nous permettent de résoudre la question que soulève notre découverte.
En parlant des monastères d'hommes et de l'ordre de Malte à Dijon, Courtépée nous dit
« La Commanderie des Religieux Hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem » a été fondée par le duc Hugues III, vers 1190, en reconnaissance des ser» vices qu'ils lui avaient rendus en son premier voyage de la terre sainte. » Il l'établit entre les mains de maître Ogier, prieur de Saint-Gilles, en don» nant des fonds à Thorey, Fenay, Marsannay. »
« Leur maison était d'abord au faubourg Saint-Pierre, au sud de l'église
» paroissiale. Louis de la Trémouille la fit démolir pour en faire un boulevard » en 1515. François Ier leur fit rebâtir, pour mille écus soleil, en 1516, » l'église telle qu'elle subsiste aujourd'hui, longue de 78 pieds, large de 29, » haute de 36, sur un terrain qui appartenait anciennement aux Vicomtes, » appelé Meix de Magny. Guy et Jean de Pontailler le vendirent 250 livres à D Jean Bonnot, maître aux comptes, qui en fit donation aux Hospitaliers en » 1430. » (1)
Ces deux citations, rapprochées de l'inscription du frère Demonjeu, nous donnent l'explication de la découverte de nos tombes.
Dans.les extraits que j'ai empruntés à Courtépée, nous voyons en effet que la Commanderie des Hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem se trouvait au faubourg Saint-Pierre. Selon l'historien bourguignon, leur maison et ses dépendances, notamment leur chapelle, s'élevaient au sud de l'église paroissiale Saint-Pierre. Nous savons que cet ancien édifice occupait, entre le rempart du Tivoli et la rue à laquelle il a donné son nom, l'emplacement du café des Arts, des maisons François et Tixier, des dépendances de l'hôtel de l'Europe et une partie de la propriété Diestch. Or, en examinant les lieux et surtout le plan que je joins à mes notes, nous voyons que les tombes se trouvent, en relevant leur orientation, à l'E. S. E. de l'église mais il faut remarquer qu'elles étaient dans un pourpris de constructions dont l'ensemble, à vue d'ceil, était bien au midi de la paroisse Saint-Pierre et seulement à une distance de 80 mètres de cette dernière.
Nos tombes, rencontrées toutes à une égale profondeur, toutes régulièrement placées et orientées, nos constatations rapprochées du texte de Courtépée, nous autorisent à dire que les pierres tombales retirées des fouilles de la place Saint-Pierre, et plus spécialement celle de Guyénot Demonjeu, nous ont fait retrouver l'emplacement très probablement de la chapelle, mais à coup sûr de l'ancienne Commanderie des Religieux Hospitaliers de SaintJean de Jérusalem.
Cette Commanderie, comme le dit l'auteur que je cite, a été détruite pour (1) La donation est du 27 juin 1433.
DE SAINT-JEAN DE JÉRUSALEM A DIJON. n o '1 n '1 '1- '1 1""10_ n_o- T'h_- T__ 1-
l'établissement du boulevard de la Porte Saint-Pierre. Des lettres-patentes du gouverneur de Bourgogne, Louis de la Trémouille, conservées aux Archives, nous apprennent qu'en l'année 1515, les Religieux de l'ordre de Saint-Jean de Jérusalem de Dijon furent obligés de quitter leur église, leur maison et leur logis de la porte Saint-Pierre, par suite des travaux de fortification entrepris dans cette partie de la ville ils se retirèrent dans leur hôtel du Meix de Magny, situé dans l'intérieur des murs.
Voici un extrait de ces lettres-patentes qui complète et justifie ce que je viens de dire
« Comme pour la construction du boulevart naguère encommencé devant » la porte Saint-Pierre de cette ville il ayt esté besoing et urgente nécessité » de abatre et desmolir lesglise de la Magdeleine qui estoit ou pourpris dudit » boulevart, ensemble les maisons et logis où se trouvent les religieux de » lad. esglise de l'ordre de Saint-Jehan de Jérusalem. Parquoi lesd relligieulx » ayant estez contraincts d'eulx retirer en l'ostel de Meix de Magny séant en » cested ville de Dijon à eulx appartenant. Et il sort aussi que le roi notre » seigneur après ce qu'il a esté de par nous adverty ayt donné et ordonné ) certaine somme et deniers pour encommencer et ayder à faire et édifier » oud. Meix de Maigny une autre esglise en l'honneur de Dieu et de saincte » Marie-Magdeleine et icelle somme avoir à prendre sur ses finances du pays » de Bourgogne en cette présente année et autres années en suivant. » (1) Notre plan nous montre que les fouilles ont été faites dans le pourpris du boulevard construit en 1515 là où étaient la maison, l'église et les dépendances de la Commanderie des Frères Hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem, le tout démoli pour l'établissement de la fortification destinée à défendre les abords de la porte Saint-Pierre. C'est dans l'intérieur de ce boulevard qu'aujourd'hui nous retrouvons les tombes des Hospitaliers (2).
(1) Chambre des Comptes, série B, 11680. Compte de Jehan Saumaise. Archives de la Côte-d'Or. (2) A partir de 1310, les Hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem, repoussés de Chypre, comme ils l'avaient déjà été de Limisso, de..Saint-Jean d'Acre, de Margat et de la terre sainte, vinrent s'établir à Rhodes. Depuis cette époque, ils sont généralement désignés sous le nom de Chevaliers de Rhodes. Ce n'est qu'après 1530, année où Charles-Quint leur céda l'lie de Malte, qu'ils sont connus sous le nom de Chevaliers de Malte.
ÉTUDE SUR l'établissement DES CHEVALIERS 'Ia." 1 1.. 1
Le Meix de Magny, où les Chevaliers transportèrent leur maison et leur chapelle, était « assiz au chastel de Dijon ». Il était limité au midi par la muraille du Castrum et la tour désignée sous le nom de tour Saint-Bénigne il appartenait aux Hospitaliers depuis l'année 1433; son pourpris, avec les constructions qu'il renfermait, leur avait été donné par Jean Bonost, conseiller et maître des comptes du Duc de Bourgogne, et par Guillemotte Le Masson, sa femme. La donation avait été faite entre les mains du frère Jean de Robercourt, alors Commandeur de la maison de Dijon. Nous voyons dans l'acte de 1433, qui porte la date du 27 juin, que, dès cette époque, les Frères de Saint-Jean désiraient transporter leur maison dans l'intérieur de la ville. Jean Bonost et sa femme s'étaient dessaisis de leur propriété pour faciliter l'exécution de ces intentions. La force des circonstances et la libéralité de François 1er permirent aux Hospitaliers, près d'un siècle après la donation du maître des comptes bourguignon, de mettre leur projet à exécution.
Dans l'acte de 1433, il est dit
« Nous ayons secu que leur chapelle, maison et hospital de la dite Com» manderie sont situés dehors et au plus près de la porte de la dite ville » de Dijon, qui n'est pas grande seurté eue considération aux guerres qui » sont présentement en ce royaume et que par plusieurs fois ont esté en » adventure de démolir pour éviter plusieurs grands périls à ladite ville » pour laquelle cause et autres a ce eux mouvans ils voudroient bien » avoir trouvé une bonne place à eux propre dedans la dite ville pour eux » y retraire en temps de guerre et pour y faire leur chappelle, maisons et » hospital pour la demeurance et résidence d'eux et de leurs successeurs » pour faire et célébrer en la dite chappelle le service divin et le dit hos» pital pour y haberger les pauvres de Notre-Seigneur tout ainsy qu'ils ont » tousiours faict et font de présent en leur dite chappelle, hospital et mai» sons estans dehors la dicte ville et pour ceste cause ont veue et visitez » les dites tour (1), chappelle, maisons et meix par nous acquis des dits (1) La tour Saint-Bénigne.
DE SAINT-JEAN DE JÉRUSALEM A DIJON. wr_ ~W _a 1_ 1 1~ ..a
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» seigneurs de Magny (1), et leur a semblé y avoir bon et convenable lieu » spatieux et bien situé pour y faire leur dite chappelle, hospital et maisons » pour leur demeurance (2). »
Voyons maintenant quel était cet enfant de Dijon, devenu religieux de l'ordre de Saint-Jean de Jérusalem, maître de Fauverney et de l'hôpital de Sombernon, et dont la tombe, après avoir été recouverte de terre pendant trois siècles et demi, vient nous apprendre le lieu de sa naissance, ses titres et le jour de son décès.
Guyénot Demonjeu appartenait à une famille dijonnaise. Un de ses parents, Jehan Demonjeu, vivait à la même époque que lui et était notaire à Dijon, ainsi que le constatent des actes conservés aux Archives de la ville et portant les dates des années 1495 (3), 1499 (4), 1500, 1501, jusqu'en 1524. En même temps que tabellion, Jehan Demonjeu était scribe de la Mairie. Ses fonctions correspondaient à celles d'un secrétaire, dont la mission était (1) Les chevaliers Guy et Jean de Pontailler, seigneurs de Magny, avaient vendu leur meix du chastel de Dijon à Jean Bonost et à dame Le Masson, son épouse, moyennant 520 livres tournois, monnaie royale courante, ainsi que le constate un acte passé en la ville de Prissey-les-Nuyt, par-devant Jean Bellien, juré de la cour de Monseigneur le Duc de Bourgogne, à la date du 28 novembre 1429. Les vendeurs en étaient propriétaires « à cause de leurs prédécesseurs, jadis vicomtes de Dijon. » Une des conditions de la vente imposait aux acquéreurs la fondation d'une messe quotidienne dans la chapelle « en l'honneur du glorieux martyr saint Bénigne, qui fut mis en chartre (en prison) en la tour de ladite chapelle. »
Au point de vue du vieux Dijon, il n'est pas sans intérêt de donner ici la désignation du meix de Magny. Les sires de Pontaillier cédaient leurs « maisons, tours et chappelle assizes au chastel de Dijon tenant et » enclavées dedans les murs du dit chastel ensemble tout le meix de la cloison appartenant à leurs dites » maisons, tours et chappelle tenans d'une part pardevers la tour de leur dite chappelle à un meix que Ion dit estre du Temple de Dijon et d'autre part à la rue par laquelle Ion va par une poterne estans es » murs dudit chastel en la rue des Frères Mineurs aboutissant pardevant sur la rue par laquelle Ion va à a la poterne du Bourg aussi comme tout le dit meix et les dites maisons et chappelle se comportent du » long et du large et haut et bas, ensemble tout le droit qu'ils ont avaient pouvaient et devaient avoir en » certaines portions qui du dit meix avaient este baillees par aucuns deux et de leur prédecesseurs a Jean • Branchet vigneron à Jean le Baillyot Jean Lomhard et Huguenin Desaux pour certaines censes ou rentes » quils leur en devoient payer dont ils etoieut tenus de en repondre aux dits achepteurs leur payer la cense ou rente en la manière contenue ès lettres qu'ils en ont. (Voir aux Archives départementales d« la Côte-d'Or. Commanderie de la Madeleine. Registre de 1669, n° 238.)
(2) Voir aux Archives de la Côte-d'Or. Commanderie de la Madeleine. Registre 238.
(3) Archives de la ville de Dijon. Inventaire du trésor des Chartes, A. B. Lettre D de la table n° 664. Acte reçu le 2 août 1495, par J. Demonjeu et Jean Boisot, notaires, en l'hôtel de J. Aigneaul, vicomte majeur, constatant la réparation d'injures envers le majeur par Jehan d'Apremont, homme d'armes de la compagnie de Montgazon.
(t) 1499-1500. Vidïmus donné le 26 février sous le scel de la chancellerie du duché, par J. Michelin et 38
de retenir les ordonnances de la Chambre de ville et de minuter comme libellance ou greffier les sentences de la Cour de la Mairie. C'était à lui qu'était confiée une partie des papiers de la ville.
L'inscription gravée sur la tombe de Guyénot Demonjeu nous apprend qu'il n'était pas simple religieux les mots maître de Fauverney et de l'hôpital de Sombernon nous indiquent qu'il était dans les honneurs de l'Ordre. Le mot maître, magister, est employé dans les anciens titres en latin, comme synonyme de prieur, de commandeur, de chef de la maison religieuse, mais dans le cas particulier, pour ce qui concerne Fauverney, il me semble avoir eu un sens spécial. Dans les titres du xive siècle, concernant ce village, il est remplacé par l'expression de gouverneur d'autres fois par celle de commandeur (1), mais je ne crois pas qu'il avait alors chez les Frères de Saint-Jean de Jérusalem, établis à Dijon, une aussi grande importance que celle attachée ordinairement à ce titre. Le mot maître désignait le religieux chargé plus spécialement de l'administration du domaine et de la seigneurie de Fauverney, mais non un chef spécial, indépendant, égal, quant à la position honorifique, au Commandeur de la maison de Dijon, et ne relevant que du grand prieur de Champagne. Maître de Fauverney est un titre, un honneur donné à un frère de la maison de Dijon, choisi et nommé par le Commandeur de la Madeleine et dépendant de lui. C'était un administrateur auquel sa situation, outre son titre, devait procurer certains droits, certains priviléges. Le titre était une réminiscence de celui que portait le religieux placé à la tête des affaires de Fauverney lorsque ce pays appartenait en partie à l'Ordre du Temple.
Les Templiers avaient des droits seigneuriaux sur Fauverney dès l'année Demonjeu, notaires à Dijon. Lettres-patentes de Louis XII, roi de France, en date du mois de juin 1498. Archives de la ville de Dijon. Inventaire du trésor des Chartes, A. B., page 59.
1502. 10 juin. Contrat reçu Demonjeu, notaire à Dijon, constatant la vente d'une maison pour la boucherie des Halles.
1505. 7 janvier-16 février. Délibération de la chambre de ville désignant les députés, MM. de Cirey et Berbisey, pour assister à l'assemblée des notables convoqués par le roi François I". Le scribe Demonjeu est désigné pour accompagner les députés avec Etienne de Frasans, conseiller de la ville. Archives de la ville. Inventaire du trésor des Chartes, A. B., p. 336.
(t) En 1415, frère Jean Jacquelin est commandeur de Fauverney.
Plus tard, nous voyons frère Nicole de Buyners, gouverneur de la maison du Temple de Fauverney.
1199. Une donation faite à cette époque par Pierre de Ravière, seigneur de Magny, aux Frères du Temple et à leurs hommes de Fauverney, nous le prouve.
Au mois de novembre 1293, Robert, duc de Bourgogne, cède à frère Hugues de Parant, Commandeur des maisons de la Chevalerie du Temple, en France, la haute justice de Fauverney pour la terre, la justice et la seigneurie de Cemarey, appartenant aux Frères de la milice du Temple. Lors de la suppression de l'ordre des Templiers, en 1312, tout ce que ces derniers possédaient en pleine propriété et justice à Fauverney, passa entre les mains des Chevaliers de Saint-Jean de Jérusalem et entra dans le domaine de la Commanderie de Dijon, qui possédait déjà, dans le même village, la basse justice, le moulin, des terres et des prés, ainsi que cela résulte d'une donation de Eudes, duc de Bourgogne, en date du 1er avril 1208.
CHAPITRE II.
ÉPOQUE DE l'établissement DES FRÈRES HOSPITALIERS DE SAINT-JEAN DE JÉRUSALEM DANS LE DIJONNAIS ET A DIJON. LIBÉRALITÉS FAITES A LEUR PROFIT.
IMPORTANCE DES PROPRIÉTÉS DE LA COMMANDERIE DE DIJON. SON REVENU DANS LES DERNIÈRES ANNÉES DE SON EXISTENCE.
SUPPRESSION DE L'ORDRE EN 1790. VENTE DE L'ÉGLISE, DU COUVENT ET DE SES DÉPENDANCES EN L'AN IV.
La découverte de la tombe de Guyénot Demonjeu m'a amené à parler des Frères de Saint-Jean de Jérusalem je profite de l'occasion pour dire quelques mots sur leur établissement à Dijon et dans les villages de Crimolois et de Fauverney.
Suivant la version de Courtépée, ce serait Hugues III, sixième duc de Bourgogne de la première race, qui aurait été le fondateur de la Commanderie des Hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem à Dijon. Il fixe l'époque de cette fondation vers l'année 1190; il lui donne pour motif les services que les Chevaliers Hospitaliers auraient rendus à notre Duc lors de son premier voyage en terre sainte, pendant les années 1171, 1172.
Si nous devions accepter l'année 1190 comme étant celle de la création de la Commanderie des Frères de Saint-Jean de Jérusalem à Dijon, ce serait au moment de son départ avec le roi Philippe-Auguste pour la terre sainte qu'Hugues III aurait installé la maison des Hospitaliers dans la capitale de son duché. L'Ordre des religieux fondateurs de l'hôpital Saint-Jean, à Jérusalem, lui avait rendu des services le duc avait été en relation avec les Frères, il leur payait, en agissant ainsi qu'il le faisait, une dette de reconnaissance et méritait de nouveau leur amitié et leur dévouement, dont il allait avoir besoin. La chose paraît vraisemblable tout d'abord, surtout quand l'historien bourguignon précise le fait en nous disant que la fondation eut lieu entre les mains de maître Ogier, prieur de Saint-Gilles, par une donation de fonds dans les villages de Thorey, Fénay et Marsannay. Courtépée a fait beaucoup pour notre histoire de Bourgogne; comme Garreau, mais d'une manière plus complète que celui-ci, il nous a conservé de nombreux et importants documents son ouvrage sera toujours un bon guide, le meilleur et le plus complet que nous ayons jusqu'à présent, pour tous ceux qui voudront étudier notre histoire locale; cependant, dans le cadre restreint où il a dû placer la multitude de renseignements qu'à grand'peine et pendant la plus grande partie de sa vie il a recueillis, il en est beaucoup qui ne présentent pas toute l'exactitude qu'on pourrait désirer; il en est un certain nombre qui doivent être rectifiés. Dieu me garde de lui en faire un trop grand reproche! -Je me rends trop bien compte de la difficulté et de l'importance de ses travaux pour en diminuer la valeur, mais on comprend très bien qu'il ait pu commettre quelques erreurs, et si parfois, nous, dont la mission est aussi de rechercher, de vérifier, de contrôler, nous croyons devoir rectifier une date ou un fait indiqué par lui, cette rectification ne doit pas être considérée comme une critique; elle ne peut diminuer en rien une autorité légitimement acquise elle nous permet au contraire de rendre une fois de plus un public hommage de reconnaissance à sa mémoire.
J'ai recherché, dans les Archives départementales de la Côte-d'Or, le titre dont parle Courtépée, celui contenant la fondation, entre les mains de maître
DE SAINT-JEAN DE JÉRUSALEM A DIJON. TT 11 '1
Ogier, de la Commanderie des Religieux Hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem à Dijon. J'ai retrouvé, non pas l'original de cette pièce, mais un vidimus ou plutôt une copie collationnée sur l'original lui-même par un des Commandeurs de la Madeleine de Dijon, le frère Languet, en 1669. Ce titre ne parle nullement de la fondation de la Commanderie de Dijon; il constate seulement que Hugo dux Burgundice et Alboni cornes, pour le remède de son âme et des âmes de ses prédécesseurs et de ses successeurs, donne à Dieu et à la sainte Maison Hospitalière de Jérusalem tout ce qu'il possède en justice et en propriété à Thorey, à l'exception d'une réserve existant au profit de Pierre de Ville il y ajoute l'avena sur Fénay et Marsannay, c'est-à-dire le droit de prélever une certaine quantité d'avoine sur la récolte de ces pays.
Cet acte de libéralité fait à Dijon, approuvé et confirmé par Eudes, fils du duc Hugues III, ne peut être considéré comme la fondation officielle de la maison des Hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem dans notre ville (1). Au reste, cette donation n'était pas la première faite dans le pays à l'Ordre des Hospitaliers. Hugues III lui-même, environ quinze ans auparavant, avait prouvé ses sympathies aux Chevaliers de Saint-Jean en leur concédant, en 1170, sous le règne de Louis VII de France, le droit de pâturage pour leurs bestiaux, tant dans ses forêts que dans tous autres lieux de ses domaines, et de plus une exemption générale de tous droits de péage, passage et de toutes redevances quelconques sur les choses qu'ils pourraient vendre ou acheter dans les foires et marchés de Bourgogne (2). (1) Nous n'avons qu'une copie de cette donation. Collationnée en 1669 par le commandeur Languet, elle porte la date suivante: Anno verbi incarnali millesimo cenlesimo X'V° (1115). Si cette date était exacte, elle prouverait que les Chevaliers de Saint-Jean de Jérusalem avaient des propriétés dans le Dijonnais dès l'année 1115. Ce ne serait plus Hugues III, mais Hugues II qui leur aurait fait l'acte de libéralité dont nous parlons. Les Frères Hospitaliers seraient arrivés dans notre pays quelques années après la première croisade.
La date de 1115 est erronée. La donation commence par ces mots Ego Hugo dux Burçundix et Albonij coma. Or, ce n'est pas Hugues Il, mais bien Hugues III, qui a été comte d'Albon par son second mariage avec Béatrix, comtesse de Vienne et d'Albon. Ce comté n'est pas resté entre les mains de la maison de Bourgogne. André, fils de Hugues III et de Béatrix, le reprit dans le partage de la succession de sa mère avec sa sœur Mahaut.
Au lieu de 1115, lire 1185.
(2) Archives de la Cote-d'Or. Madeleine. Reg. n° 238, folio 12. Voir aux pièces justificatives.
ÉTUDE SUR l'établissement DES CHEVALIERS a.. --e-- -1-- _w. a_ a_
Dans le cours de la même année, du consentement de la duchesse Alix et d'Eudes, son fils, en présence de Eudes de Champagne, d'Anséric de Montréal, d'Ayme de Dijon, il avait encore donné alors qu'il se disposait à partir pour la Palestine « iturus Iherosolimam » – « fratribus hospitalis » iherosolimitani sancti Johannis Baptiste apud Divione », par une autre charte, entre les mains de Guido, venerabilis prœceptor fratrum hospitalis, deux hommes de mainmorte avec leurs lenements et leurs héritiers. C'est dans ce dernier titre qu'il est fait mention pour la première fois des Hospitaliers de Dijon (1).
Avant le Duc de Bourgogne, Audo (Eudes), frère de messire Hugues de Magny, avait fait abandon aux Frères Hospitaliers de son fief, de sa maison et de son moulin de Crimolois. Le titre qui constate cet acte de générosité porte la date de 1163; c'est le plus ancien que la Commanderie conservait dans ses archives.
Je crois que cette date de 1463 nous indique plus exactement que la note de Courtépée, je ne dirai pas la fondation de la Commanderie des Religieux Hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem à Dijon, mais le premier établissement de ces Religieux aux environs de Dijon.
Les propriétés de Crimolois, données par Eudes, frère de messire de Magny, entrèrent dans la juridiction du grand prieur de Champagne ne doit-on pas admettre que celui-ci envoya immédiatement quelques Frères prendre possession de la donation ? Les Chevaliers de Saint-Jean de Jérusalem, installés dans leur nouveau domaine, durent rechercher l'amitié de nos Ducs et des seigneurs du pays leur réputation, du reste, à cette époque, ne faisait que grandir, et leur Ordre était connu et considéré dans toute la Chrétienté. Ils étaient habiles, ils rendaient des services ils surent faire leurs affaires. Si nous suivons leur développement, nous les voyons arrondir, par des donations successives, le petit fief de Crimolois. Outre les actes de 1170 dont j'ai parlé, nous trouvons qu'en 1182, Hayme de Magny continue les traditions de sa famille. A son retour de Jérusalem, ce seigneur bourguignon, arrêté par (1) Archives de la Côte-d'Or. Madeleine. Carton 1201. Voir aux pièces justificatives.
DE SAINT-JEAN DE JÉRUSALEM A DIJON. n~~ ..J_ iw _1~ a_ -&. TT.
la maladie à Brundusium (1), donne à son lit de mort, aux Hospitaliers chez lesquels il avait reçu l'hospitalité, pour leurs frères de Crimolois, toute la terre et justice de ce pays avec trois hommes, leurs enfants et leurs biens du village de Magny. En 1208, la libéralité de Hayme de Magny donna naissance à des difficultés entre sa fille Nicolle, alors épouse de Pierre de Ravières, et les Frères de l'hôpital de Saint-Jean de Jérusalem. Eudes III, duc de Bourgogne, y mit fin par une transaction, et au mois de septembre de la même année, il augmenta encore les droits de propriété et les droits seigneuriaux des Chevaliers en leur donnant lui-même « le chasleau et l'isle » d'Ousche », avec le moulin et la justice haute et basse de Crimolois (2). Des renseignements fournis par les pièces conservées aux Archives, il y a lieu de croire que la première installation des Chevaliers de Saint-Jean de Jérusalem dans le Dijonnais se fit à Crimolois, que pendant un certain nombre d'années ils s'occupèrent seulement de prendre pied dans le pays et d'augmenter leur domaine.
C'est vers l'an H 70, et peut-être même dans cette année, à l'époque où Hugues III leur fit des libéralités, que les Hospitaliers fondèrent d'abord un hôpital à Dijon, à l'entrée de la ville, proche la porte Saint-Pierre, ouverte dans la nouvelle enceinte ducale. Dans sa charte de 1170, par laquelle il donne deux hommes de mainmorte aux Frères Hospitaliers, le Duc nous apprend que ceux-ci étaient déjà installés à Dijon Concessi Deo et fratribus hospitalis iherosolimitani sancti Johannis Baptiste apud Divione. Les Chevaliers de Saint-Jean de Jérusalem profitèrent, pour venir dans la capitale du duché, du moment où le prince bourguignon venait de décider son premier voyage en terre sainte. En prenant la croix, Hugues avait cédé au goût du temps, il avait été entraîné par ce grand courant qui, pendant plus d'un siècle et demi, poussa la noblesse de notre pays en Palestine; mais je ne suis pas éloigné de penser que ses relations avec les Chevaliers de Crimolois exercèrent une certaine influence sur sa détermination.
Une fois leur hôpital établi, les Frères de Saint-Jean finirent par trans(1) Brindisi (Italie).
(2) Archives de la Côte-d'Or. Madeleine. Registre n° 238, page 51. Voir aux pièces justificatives.
porter le centre de leurs affaires dans notre ville, et leur ordre y créa définitivement une Commanderie.
De bonne heure la maison de la Madeleine posséda une grande partie des terrains situés au pied des murailles entre la tour Fondoire et l'emplacement du boulevard Richelieu. Au commencement du xvne siècle, elle avait six quartiers de terre devant la tour Fondoire, une pièce de dix journaux sous les murs d'enceinte de la ville, près de la porte Saint-Pierre ce terrain était en grande partie planté en vigne. Plus près de la porte, les Chevaliers de Saint-Jean avaient trois maisons aboutissant sur la rue Arbelin-Picard derrière ces édifices, il y avait des jardins d'une contenance d'un journal et demi. Ces propriétés étaient à gauche en entrant en ville. L'hôpital, le couvent, la chapelle, qui fut une véritable église après les réparations et reconstructions entreprises aux frais du duc Philippe-le-Bon, se trouvaient presque en face de la porte Saint-Pierre. Les meix, jardins, verger, potager, vignes, chenevières y attenant, étaient entre la porte et le bastion Richelieu, le tout formait un ensemble entouré d'un mur de huit pieds de hauteur et désigné sous le nom de clos de la Madeleine. Près de cet enclos, du côté de l'Est, toujours le long du fossé creusé au pied de la muraille de la ville, la Commanderie avait encore une pièce de terre de trois journaux et demi et une chenevière sur le terrain de laquelle fut élevé le bastion Richelieu. Toutes ces propriétés représentaient une contenance de dix-sept journaux trois quarts, non compris l'emplacement de l'hôpital, du couvent, de l'église et du clos de la Madeleine
Sans la grande voie sortant de la porte Saint-Pierre, elles auraient formé un seul pourpris autour de la maison hospitalière de Saint-Jean de Jérusalem. Outre ces terrains, les Frères de Saint-Jean possédaient encore au faubourg Saint-Pierre, un grand logis où « pendait pour enseigna le Berger ». C'était une vaste construction avec des dépendances elle était désignée sous le nom des Estableries de la Madeleine. C'est là où se trouvaient le pressoir et le four du couvent.
Il est intéressant d'étudier combien notre noblesse bourguignonne a eu à coeur de faire des libéralités aux Chevaliers de Saint-Jean de Jérusalem depuis
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leur établissement à Crimolois et à Dijon combien elle a tenu à honneur d'augmenter leurs possessions au détriment de sa fortune personnelle. Au xiie et au xme siècle, Eudes, frère de Hugues de Magny; Hayme de Magny, Hugues III, duc de Bourgogne Eudes III, duc de Bourgogne Hugues d'Arc; Maneth, fils de Guiber, major de Fauverney; Pierre de Ravière, seigneur de Magny Jean de Montréal, Jean de Beaumont, Guy de Saulx, Milo de Saint-Florentin, seigneur du Puys Humbert de Villanes, Guillaume de Vergy, sénéchal de Bourgogne; Eudes de Beire, Eudes de la Marche, Guy de Loon, Laurent, seigneur de Mirebeau Odo, Jean, Henry et Huguenin, fils de Laurent de Mirebeau Jean de Tart, Jean, cuens (comte) de Bourgogne; Pierre, fils de Hue d'Arceau; Gualterus, seigneur de Fauverney Dominique, fils de Tiebaud de Flacey Marceaul de Maille, seigneur de Pluvet et de Lonjeau Barthelemy de Cussey, Huguetus de Boisse, Jean de Vergey, Aalis, sœur de Calon de Saulx, leur font des donations.
Cet exemple fut suivi par des bourgeois, des cultivateurs, des artisans, propriétaires à Dijon, à Clénay, à Crimolois. Les titres, conservés aux Archives, nous donnent leurs noms et les dates de leurs libéralités.
Pendant tout le xnr3 siècle, je n'ai trouvé que trois acquisitions à titre onéreux faites par les Hospitaliers la première, de l'abbé Theuley, en 1243 la seconde, de Noolotte, fils de Garnier Bécon de Mirandes, en 1256 la troisième, de Hugues de Longchamp, en 1289.
C'est ainsi que nos Chevaliers de Saint-Jean de Jérusalem par des libéralités successives, reçues pendant les xne et xme siècles, eurent des propriétés et des droits seigneuriaux à Crimolois (1), Thorey (2), (1) 1163. Donation. Voir aux Archives du département de la COte-d'Or. Commanderie de la Madeleine de Dijon. Registre 238, page 49.
1182. Donation. Archives COte-d'Or. Madeleine. Registre 238, page 50.
1183. Id. Id. Id. Id. id. 50.
1208. Confirmation de donation. Archives. Madeleine. Registre 238, page 51.
1208. Donation. Archives Cote-d'Or. Madeleine. Registre 238, page 88.
1208. Id. Id. Id. Id. id. 52.
1226. Id. Id. Id. Id. id. 52.
1232. Id. Id. Id. Id. id. 54.
1241. Id. Id. Id. Carton 1201.
1296. Id. Id. Id. Id.
(2) 1185. Donation. Archives COte-d'Or. Madeleine. Registre 238, page 32.
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Fénay (1), Marsannay (1), Sacquenay (2), Varanges (3), Fauverney (4), Dijon (5), Gemeaux (6), Saint-Julien (7), Villers-les-Pots (8), Mirebeau (9), Fontaine-Française (10), Beire (11), Tarsul (11), Neuilly (12), Salins (13), Arcelot(14), Flacey (15), Pluvet (16), Bressey ('17).
La fortune de la Commanderie s'accrut de la même manière pendant les XIVe et xve siècles. Ses titres nous apprennent qu'elle avait alors des terres à Cromois, à Nuits, à Argilly, à Orgeux, à Rouvres, à Marliens, à Genlis, à Romprey, sur les territoires de Courchamp et de Percey-le-Petit. A Dijon, sans compter la maison hospitalière, son église, ses estableries, les dépendances de ces propriétés, elle possédait encore dix-huit maisons au faubourg Saint-Pierre presque toute une rue elle avait d'autres maisons au fau(1) 1185. Donation Archives Côte-d'Or. Madeleine. Registre 238, page 32.
(2) 1185. Donation. Archives Côte-d'Or. Madeleine. Registre 238, page 13G.
1239. Id. Id. Id. Id. id. 137.
1271. Id. Id. Id. Id. id. 140.
1275. Id. Id. Id. Id. id. 139.
(3) 1189. Donation. Archives Côte-d'Or. Madeleine. Registre 238, page 87.
1208. Id. Id. Id. Id. id. 88.
(4) 1199. Donation. Archives Côte-d'Or. Madeleine. Registre 238, page 73.
1208. Id. Id. Id. Id. id. 85.
1260. Id. Id. Id. Id. id. 55.
(5) 1170. Donation. Archives Cote-d'Or. Madeleine Registre 238, page 12.
1208. Id. Id. Id. Id. id. 32.
1229. Id. Id. Id. Carton 1201. Dijon.
1234. Id. Id. Id. Id. Id.
1242. Id. Id. Id. Id. Id.
(6) 1212. Donation Archives Côte-d'Or. Madeleine. Registre 238, page 122.
(7) 1220. Donation. Archives Côte-d'Or. Madeleine. Registre 238, page 213.
1225. Id. Id. Id. Id id. 114.
(8) 1220. Donation. Archives Cote-d'Or. Madeleine. Registre 238, page 97.
(9) 1224. Echange. Archives Côte-d'Or. Madeleine. Registre 238, page 125.
1226. Id. Id. Id. Id. id. 226.
1298. Id. Id Id. Id. id 227.
(10) 1224. Echange. Archives Côte-d'Or. Madeleine. Registre 238, page 125.
1224. Id. Id. Id. Id. id. 124.
(11) 1225. Donation. Archives Côte-d'Or. Madeleine. Registre 238, page 238.
(12) 1232. Donation. Archives Cote-d'Or. Madeleine. Registre 238, page 54.
(13) 1252. Donation. Archives Côte-d'Or. Madeleine. Registre 238, page 43.
(14) 1257. Donation. Archives Côte d'Or. Madeleine. Registre 238, page 118.
(15) 1262. Donation. Archives Côte-d'Or. Madeleine. Registre 238, page 215.
(16) 1266. Donation. Archives Côte-d'Or. Madeleine. Registre 238, page 93.
(17) 1259. Donation. Archives Côte-d'Or Madeleine Carton 1205. Crimolois.
DE SAINT-JEAN DE JÉMJSALEM A DIJON. 'Y. 1 '1
bourg Saint-Nicolas, au faubourg Saint-Michel, à l'intérieur de la ville, dans la rue du Château, près de l'hôtel des seigneurs de Magny proche de l'église Saint-Pierre, devant le champ de Suzon, près du pont Arnault dans les rues des Nonnains de Tart, de la Roulotte, dans celle appelée rue des Grands-Champs. Dès avant le xvie siècle, elle avait, sur le territoire de la commune, environ quinze journaux de vigne, situés sous les murs de la ville, en Loichères, aux Argillières, aux Poussots, aux Violettes, aux crais de Pouilly. Elle possédait aussi des terres au faubourg Saint-Pierre et au Pâquier de Bray. En 1636, la maison de la Madeleine vit diminuer notablement son domaine de Dijon. Des terres et un certain nombre de maisons lui furent prises pour l'établissement des bastions et des chemins couverts autour de la ville. Ses pertes furent estimées 17,100 livres; son revenu diminua de 1,000 livres par an. Quelques années plus tard, elle toucha des indemnités, mais celles-ci ne compensèrent pas les dommages qu'elle avait éprouvés (1).
(1) Nous avons vu qu'en 1515, l'église, l'hôpital, le couvent de la Madeleine avaient été démolis pour l'établissement du boulevard de la porte Saint-Pierre. Le siège des Suisses, en 1513, avait démontré l'insuffisance des fortifications de la capitale de l'ancien duché. Le château, grande et belle forteresse, commencé sous Louis XI, ne pouvait à lui seul protéger la place. Il avait du reste été établi autant pour maintenir la ville que pour la défendre. Les Suisses s'étaient bien gardés de l'attaquer sa masse imposante et ses caronades, ne les avaient pas empêchés de battre nos murailles. La Trémouille, voulant que la ville principale de son commandement fùt en état d'arrêter sérieusement l'ennemi, avait commencé de mettre son projet à exécution en couvrant la porte Saint-Pierre par un gros ouvrage. Nous savons que d'autres boulevards furent élevés en 1547, en 1552 et 1558. Depuis cette dernière année, et pendant près de trois quarts de siècle, aucun travail n'avait été entrepris pour protéger, ainsi que l'exigeait l'art des fortifications d'alors, les murailles et les nouveaux boulevards.
En 1636, les succès des Impériaux en Bourgogne, la terreur qu'inspirait Galas, leur général, causèrent une panique générale dans la capitale de la province. La ville était bien protégée par les armées commandées par le cardinal de la Valette et le duc de Veymar les Suédois, nos alliés, étaient placés en éventail dans les villages les plus rapprochés de Dijon, mais on n'avait pas en eux une entière confiance les exactions qu'ils commettaient chez les paysans ne les faisaient pas voir d'un bon œil. Les Dijonnais et ceux chargés de la défense de la place, comprirent qu'ils devaient avant tout compter sur eux-mêmes. Le 9 septembre 1636, sur un ordre du roi, un conseil de guerre se tint dans la ville on y décida qu'une ceinture de bastions serait établie devant la ligne des murailles. La conséquence de cette résolution était la démolition d'une partie des faubourgs. Le lendemain 10 septembre, le vicomte-majeur annonça la décision du conseil de guerre à la Chambre de ville et aux habitants. On ne perdit pas de temps. La situation semblait tellement critique, que les magistrats et l'autorité militaire firent immédiatement commencer, aux faubourgs Saint-Pierre et Saint-Nicolas, les démolitions des maisons qui se trouvaient dans les terrains sur lesquels allaient s'élever les nouvelles fortifications. Pour aller plus vite, on mit le feu à la plupart des propriétés bâties. Le 24 octobre 1636, on apprit la prise de Mirebeau par les ennemis. Le péril était grand. Dans une journée les Impériaux pouvaient arriver devant Dijon. La ligne de défense décidée en septembre était loin d'être terminée. Les travaux faits jusqu'alors n'étaient que provisoires.
ÉTUDE SUR L'ÉTABLISSEMENT DES CHEVALIERS 1 1 1 .1.1 '1 '1 '1
Malgré les énumérations des propriétés de la Commanderie de Dijon, n'allons pas croire que celle-ci était riche, si cependant nous partageons l'opinion et la manière de voir des Chevaliers de Saint-Jean de Jérusalem. Dans une sentence rendue à Malte au conseil ordinaire de l'Ordre, à la date du 30 juillet 1556 (1), contre le frère Léon de Montalembert, grand prieur de Champagne, au profit de frère Nicole Babel, commandeur à Dijon, « au faict dit membre » de Fauverney », on nous apprend que « Dicta commenda de la Magda» lena est tenuissimi valoris et mullis oneribus obnoxia nempe alendis qua» tuor religiosis et eorum clerico seu famulo ad sacra peragendum in templo » dictœ comme~ida'. La Commanderie de la Madeleine est d'une très modique importance elle a de nombreuses charges, car elle est tenue de nourrir quatre religieux avec un clerc ou un serviteur.
Malheureuse Commanderie! En 1787, un état d'améliorissement du 13 mai constate que ses revenus étaient de 20,457 livres 3 sous 8 deniers ses dépenses, de 7,758 livres 48 sous 8 deniers, et que, toutes défalcations faites, il restait seulement au commandeur Tenuissimum valorem de 12,698 livres 5 sous (2). -Modique revenu. Pauvre commandeur! Le 25, ordre fut donné aux vignerons, artisans, filles, femmes, enfants, de se trouver à l'hôtel de ville avec pioches, pelles, etc., pour porter la terre et travailler aux fortifications la nuit et le jour. Cet ordre ne dut pas produire un grand résultat, car le lendemain, 26, le commandant de la place, M. d'Aspajon, vint déclarer à l'hôtel de ville que si l'on voulait qu'il répondit de la ville, il fallait encore démolir les faubourgs et employer 7,000 à 8,000 hommes aux fortifications.
Je n'ai pas l'intention d'indiquer le nombre des constructions qui furent sacrifiées pour le salut du pays et la conservation de la capitale de la province de Bourgogne, mais pour ce qui concerne la Commanderie de la Madeleine, un procès-verbal d'expertise, en date du 30 septembre 1636, dressé régulièrement pour constater les dommages que l'établissement des bastions causait aux Chevaliers de Saint-Jean, alors désignés sous le nom de Chevaliers de Malte, nous apprend qu'on leur prit tout ce qui restait de l'ancien enclos de la Madeleine à la porte Saint-Pierre, la presque totalité des 17 journaux 3/4 situés proche de cet enclos, et qu'on leur brûla 21 maisons tant au faubourg Saint-Pierre qu'au faubourg Saint-Nicolas. L'expertise de 1636 avait été faite pour fixer le chiffre de l'indemnité due au Commandeur de la Madeleine, mais l'état des finances était tel, qu'en 1641 les Chevaliers de Saint-Jean n'avaient encore rien touché. Leur commandeur Brunet, désespérant d'obtenir ce qui lui était dû, adressa à la date du 27 décembre de cette année une supplique au gouverneur de la province, en lui déclarant qu'il s'en rapportait, pour la somme à recevoir, au bon plaisir de Monseigneur le gouverneur. Il prenait de plus l'engagement de ne faire l'emploi de la somme qui lui serait versée que pour l'acquisition d'autres fonds au profit de la Commauderie. Le chevalier Brunet reçut plus tard une partie de son indemnité, qui servit à l'acquisition de terrains sur le territoire de Courchamp.
(1) Voir Archives de la Côte-d'Or. Madeleine. Reg. 238, page 82.
(2) Voir aux Archives Côte-d'Or. Madeleine. Liasse 1200, 3* cahier.
DE SAINT-JEAN DE JÉRUSALEM A DIJON. pnnti *Y\ rvr^t r»/\lînfi Al TV T»O nAH CCI nlnc In Tï rvrtlQC*0O
Lorsque le sentiment religieux ne poussa plus la noblesse à donner ses propriétés, nos Chevaliers de la Madeleine de Dijon cherchèrent et trouvèrent d'autres moyens pour entretenir la prospérité de leur maison. Ce fut tantôt par des lettres d'amortissement, tantôt par des exemptions de contribution aux réparations des murailles (1), des ponts, des routes par les remises des autres impôts par l'obtention de lettres-patentes, portant concession d'indulgences (2) par des autorisations de faire prêcher et de faire des quêtes que les Commandeurs de la Madeleine surent diminuer leurs charges et augmenter leurs revenus.
La Commanderie de Dijon subsista jusqu'en 1790, époque de la suppression des congrégations et ordres religieux. Le 20 frimaire de l'an II de la République, un expert nommé par arrêté du directoire du district de Dijon, à la date du 2 brumaire de la même année, procéda à la visite, à la reconnaissance, au toisé et à l'estimation de l'église, du couvent et de ses dépendances. L'estimation s'éleva à 17,600 livres. L'expert proposa de vendre ces immeubles en deux lots qui seraient séparés par une rue qu'on percerait en face de celle derrière la Conciergerie. Dans une note sur l'église de la Madeleine, lue par M. l'archiviste Rossignol à la Commission des antiquités de la Côted'Or et publiée dans les mémoires de cette dernière, nous voyons que la vente eut lieu le 4 messidor an rv.
L'ensemble des notes qui précèdent nous fait voir que notre découverte archéologique de la porte Saint-Pierre a son importance. Elle nous a amené à déterminer l'emplacement et le pourpris de la première maison des Frères (1) Voir aux Archives Côte-d'Or. Madeleine. Registre n° 238, page 29.
(2) Voir aux Archives Côte-d'Or. Madeleine. Liasse 1,200, 2° cahier (Mobilier, Justice), un bref de l'évêque d'Egée, dans l'archipel des Iles de l'Ordre de Saint-Jean de Jérusalem, portant vidimus des lettres-patentes du révérend père en Dieu, seigneur Guy, évêque-duc de Langres, pair de France, du 21 septembre 1460. Dans ce titre, il est dit que l'église de la Bienheureuse Vierge Marie (l'église des Frères Hospitaliers de Dijon) avait été fondée par très illustre prince et seigneur Philippe, duc de Bourgogne. II ne faut pas prendre cette indication à la lettre. Nous savons que, bien avant cette époque, les Chevaliers de Saint-Jean avaient leur chapelle dans la capitale du duché. Philippe-le-Bon ne peut donc être considéré comme le fondateur de l'église de la Madeleine. Notre Duc a dû faire exécuter de grandes réparations dans la chapelle primitive il a peut-être fait construire sur l'emplacement de cette chapelle une église plus importante, celle qui a été détruite en 1515. C'est en souvenir de ses libéralités qu'il il est considéré comme le fondateur de l'église de la Madeleine, et qu'on lui donne ce titre dans le bref de 1460.
de Saint-Jean de Jérusalem, à Dijon. Les anciens titres cités ne laissent aucun doute sur ce point. Le dépouillement des chartes et des parchemins de la Commanderie de la Madeleine a donné des renseignements qui ont aussi permis de fixer l'époque de l'établissement des Frères Hospitaliers dans le Dijonnais.
Les fouilles de la porte Saint-Pierre nous prouvent, une fois de plus, combien la moindre découverte dans le sol de notre ville doit être surveillée et étudiée avec soin.
C'est en recueillant tous ces débris épars, toutes ces épaves du passé; c'est en les soumettant à des études historiques et comparatives que nous arrivons lentement, il est vrai, mais sûrement à reconstituer notre vieille cité et son histoire (1).
(1) A mes notes, je joins un plan au l/500e indiquant, par des lignes rouges, l'état des lieux en 1515, et par des lignes noires celui du Dijon actuel.
Mon travail est très heureusement complété par une gravure de la tombe de Guyénot Demonjeu. Nous la devons au burin de M. Gaitet, professeur à l'Ecole des beaux-arts de Dijon, membre de la Commission des antiquités de la Côte-d'Or.
LISTE
DES
COMMANDEURS DE LA MADELEINE DE DIJON 1-170 (1} Guido, prseceptor; 1241-1242 Frère Jacob, id.;
1249 Odo de Chantenai, magister; 1270 Jean de Caprie, commandeur; 1289 Frère Milo de Sacey, id.;
1332-1346 Jean de Amancia, prseceptor; 1374 Gérard de la Bretennière, commandeur; 1393-1398 Jacques de Ville-sous-Gevrey, id.
1408-1415 Frère Jean Mutrot, de Morrey, id.;
1423-1433 Frère Jean de Robercourt, id.;
1444-1460 Frère Hugues d'Arcy, id.
1475-1486 Frère Jehan Beart, id.;
1515-1517 Frère Jean de Dalmes, id.;
1519-1549 Frère Claude Colin, id.;
1551-1561 Frère Nicolle Babel, id.;
1565 Frère Pierre Horrier, id.
1566-1571 Frère Pierre Ouvrier, prieur de Corbeil, id.
1582-1584 Frère Claude Jobelin, id.
(1) Les aimées indiquent les dates des titres dans lesquels sont cités les Commandeurs.
1597-1608 Frère Moillet, commandeur; 1633-1650 Frère Philibert Brunet, id. 1665 Frère Fabrice Calioga, id.; 1665-1670 Frère Claude Lebret, id.; 1678 Frère Zacharie Jabol, id. 1678-1699 Frère Charles Languet, id.; 1 720-1 726 Frère Claude Languet, id.; 1742-1745 Frère Pierre Suguenot, id. 1762 Frère Claude Girardin, id. 1769 Frère Louis Prinstet, id. 1787 Le chevalier de Damas Daulezi, id.
U1UB1IUCI 40
PIÈCES JUSTIFICATIVES
1°.
Donation faite par Messire Audo, frère de Messire Hugues, seigneur de Magny, des fief, maisons et moulin de Crimolois aux Frères de l'hôpital Saint-Jean de Jérusalem.
ANNO 1163.
In nomine Domini anno ab incarnatione Domini nostri Jesu Christi millesimo centesimo sexagesimo tertio. Ego G. Dei gratia lingonensis Episcopus tam futuris quam prœsentibus notum facere decreuj Audonem fratrem domini Magnei Ugonis scilicet, seipsum domui sancti hospitalis Hierusalem in nostri preesentia reddidisse certum non desit omnibus, domum suam de Cremolex sicut aggeribus circum septa est cum molendino quod in capite villae situm est et mansum ipsius cum omni tenore pro redemptione animea suae fratribus praedicti hospitalis libere et absolute cum hsec omnia proprium sint ejus elodium dedisse. Cum his et enim eisdem fratribus Lambertum villicum suum et Petrum fratrem eius cum eorundem possessionibus, nouem denarijs exceptis, et vini sextario dimidio excluso quae annuatim reddere Lambertus solebat praefatus et Ricardum seruientem suum, Jordanum uero et quidquid horum uterque possidet mansum itaque Pétri..Sancto Benigno Diuionensis Ecclesiœ X et octo denarij in omnium sanctorum festiuitate die uidelicet sequenti redduntur cum novem denarijs quos pro censa quse infra villam eandem est praenominatus miles singulis annis die prima omnium sanctorum sollempnitate per acta recipit cum X uni denarijs quos Ricardus praedictus et Jordanus cognatus suus die eadem eidem Audonj debent remoto cuiuslibet an
ÉTUDE SUR l'établissement DES CHEVALIERS L n 1 1 1 u 7 7 f n '1- · n £8_-
contradictionis obstaculo dedit. Huius itaque doni et confirmationis testes sunt Joannes divionensis decanus Arnaudus Cannei decanus Constantinus frater eius Orgeoli capellanus et eiusdem villae dominus Haymo Rufus, Humbertus de Porta, Petrus prœpositus Guido sacerdos Joannes prsesbiter Lambertus villicus et caeteri quamplurimi. Hoc factum est Raimero flandrense baiulationem hospitalis in episcopatu nostro ohtinente.
2°.
Donation et concession faite aux Frères de l'hôpital de Saint-Jean de Jérusalem par Hugues, d'heureuse mémoire, duc de Bourgogne, du pâturage pour leurs bestiaux, tant en toutes ses forêts que en tous autres lieux de ses domaines, avec exemption de péage et passage et de toutes exactions quelconques des choses qu'ils pouvaient vendre ou acheter dans les foires et marchés de ses pays.
ANNO 1170.
Inter insignia charitatis dona nullum donum Deus quantum eleemosinam approbare videtur, igitur ego Hugo dux Burgundiae quorundam sacrum ammonitionibus instructus intuens sanctam domum jerosolimitani hospitalis tam in eleemosinis quam in cœteris misericordiae fructibus Deo placere ut beneficiorum eiusdem loci particeps existerem fratribus praescripti hospitali libere et absolute concessi ut pro rebus proprijs tam vendendis quam emendis fone terrae mese quaemea dominia sunt absque ullius pedagij requisitione ualeant exercere et quidquid de rebus eorum sicco vestigio seu navigio per terram meam delatum fuerit ab omni exactione quantum ad me pertinet liberum permanebit, prsecedenti etiam dono subsequens aliud adicci quod iam dictis fratribus ad nutrimentum propriorum animalium tam in nemoribus quam in alijs locis pascua prsestiti, et quidquid a militibns terrae mese uel aliis libere conditionis hominibus eis iuste collatum fuerit saluo iure feodi mei et casamenti saluoque hsereditamento meo libere et absque totius contradictionis obstaculo possideant hoc autem donum pro meis et parentum meorum excessibus instituj in manu fratris Oldini prioris sancti Egidij, Rogero de Molinis jerosolimitani magistro qui me in uita et post decessum in percipiendis
beneficiis eiusdem domus constituit fratrem anno ab incarnatione Domini millesimo centesimo septuagesimo regnante christianissimo Francorum rege Ludouico huius autem rei testes sunt Girardus de Greium magister Hugo frater Petrus capellanus frater Gerento de Beluze Barnurus de Drees Symon de Bello, Joco Radulfo de Pomaroso ut autem donatio ista rata et illibata consistat ad dirimendam totius litis occasionem prsesens cartula sigilli mei authoritate munita ubique testis accedat.
3°
Donation de Hugues de Bourgogne de deux hommes de mainmorte avec leurs biens fit leurs héritiers à la Commanderie de la Madeleine de Dijon.
ANNO 1170.
Quoniam facta hominum sive dicta in scripto commendentur facile elabuntur a memoria. Cuapropter ego Hugo dux Burgundiae notum fieri volo cunctis presentibus et futuris. Quod Dei inspirante Iherosolimam iturus pro remedio anime mee patrisque mei et omnium antecessorum meorum assensu et laude Aalydis uxoris mee et Odonis filii mei, libere dedi et in perpetuum concessi Deo et fratribus hospitalis iherosolimitani sancti Johannis Baptiste apud Divione duos homines fratres Guibertum scitum piperarium et Martinum fratrem ejus cum omnibus tenementis suisque in presenti habent et que in futuro adquirere poterunt et cum omnibus heredibus suis et ipsos ab omnia justicia et consuetudine liberos feci, cum omnibus rebus suis. Et ut donum istud ratum et inconcussum in posterum permaneat, sigilli mei auctoritate confirmavi. Hujus doni testes sunt. Odo campanensis. Gerardus de Reun. Ansericus de Monte Regali. Aymo de Divione. Villermus de Orgeolo. Villermus de Riuel. Nicholaus capellanus meus. Bartholomeus camberlanus meus. Factum est hoc in manu Guidonis venerabilis praceptoris fratrum hospitalis. Anno ab incarnatione Domini m0 c° lxx°.
4»
Donation faite parMessire Hugues de Magny de toute la terre et justice de Crimolois avec trois hommes, enfants et biens d'iceux au lieu de Magny, aux Frères de l'hôpital Saint-Jean de Jérusalem.
ANNO 1183.
In nomine Domini nostri Jesu Christi amen. Ego Haymo de Magneio per meum reditum de Hierusalem in extremis apud Brundusium laborans pro salute animse meae et parentum meorum dedi et concessi in eleemosinam Deo et sanctse domus hospitalis Hierusalem totam uillam de Crimolaio in perpetuum. Addo etiam huic eleemosinse post obitum filise mese tres homines cum suis tenementis ad Magneium scilicet Theobaudum et Ebrardum de ultra aqua et Johannem sororium maioris de Magneio. Hujus rei testes sunt frater Helias prior domus hospitalis in Rossiaj qui hoc donum recepit et suo sigillo quia meo carebam hanc cartem meo iussu corroborauit. Frater Nicolaus capellanus qui hoc scripsit Fulco de Barolo. Gaufridus nauta maris. Dominus Guillermus Boguerels de Aspero Monte. Garnerius famulus eius. Bartholomseus clerius cognomine Capra. Odo de Valans. Henricus de Chenleio. Galeronus filius Robini Dominus Haymo Bornus. Dominus Bartholomseus de Montibus. Dominus Odo Grossus. Bornardus famulus Dominj.
5».
Confirmation de la donation de Hayme de Magny aux Frères de l'hôpital de SuintJean de Jérusalem par le ministre de l'église de Brunduse.
ANNO 1183.
Ego Johannus Dei gratia brundisiensis Ecclesiae humilis minister notum facio prsesentibus et futuris quod dominus Haymo Maneum dedit et concessit sanctae domui hospitalis Hierusalem post obitum matris suœ villam de Crimolois cum omnibus eiusdem uillse pertinentijs in perpetuum post
DE SAINT-JEAN DE JÉRUSALEM A DIJON. n où Hrmonit ut prmpooeit froc ViAminoo iotyï /lînfiQ
obitum filne suae donauit et concessit tres homines iam dictse domui hospitalis apud Maneium Theobaldum nomine cum suo tenemento manentem ultra aquam cum liberis suis Ebrardum de ultra aqua cum suo tenemento et liberis suis, Joannem Sororium maioris de Magneio cum suo tenemento et liberis suis. Praedictam villam de Crimoloy ita libere donauit et concessit ut in taillijs et iusticijs et dominio in perpetuum sit sanctse domui hospitalis subdita. Quia uero proprio carebat sigillo rogauit legatum suum et heleemosinam suam sigillo nostro corroborari. Actum circa festum sancti Petri. Huius rei testes sunt. Odo Grossus. Haimo Bornus. Bartholomseus clericus cognomine Capra. Bricius cliens. Dominus Guillermus Boguerellus de Aspro Monte. Garnerius famulus eius. Odo de Valans. Henricus de Genleio. Galeronus filius Robini. Bartholomseus de Montibus. Bonardus de Nuleio. Fulco de Barolo et Gaufridus nauta maris. Frater Poneius magister Pulliei. Frater Nicolaus Capellanus. Galo de Dumeis. Anno incarnati verbi millesimo centesimo octagesimo tertio.
6°.
Donation de la justice et de la pleine propriété à Tliorey, à Féuay et à Marsannay par Hugues III, duc de Bourgogne, à Ogier, prieur de Saint-Gilles.
ANNO 1185.
Ego Hugo dux Burgundiae et Albonij cornes notum facio tam prsesentibus quam futuris quod ego pro remedio animae meae et praedecessorum ut successorum meorum dedi et in perpetuum habendum concessi Deo et sanctœ domui hospitalis Hierusalem per manum dilecti mej Ogerij venerabilis vir dictse domus tune apud sanctum Jlgidium prioris quidquid ego habebam apud Thoreiacum in justicijs uel in dominio cum omni prouentu inde exempte absque auena quam dederam Petro de Ville et quidquid ego habebam apud Faenay de avena et similiter quidquid ego habebam de avena apud Marcennaium. Praedictus uero Ogerius dictœ domus apud sanctum ^Egidium prior de consilio fratrum missam unam mihi dedit et
concessit singulis diebus celebrandam, huius rei testes sunt magister Hugo capellanus meus. Joannes clericus et notarius meius. Robertus de Tullini carnerarius meus. Haymo de Monte regali. Bernardus tune praepositus divionensis. Ut autem hoc ratum sit stabile perseveret sigillo meo confirmauj. Ego uero Odo praedicti ducis filius praedictam eleemosinam laudauj et sigillo meo confirmavj. Actum est hoc apud Diuionem anno uerbi incarnati millesimo centesimo X. V°. (1).
7°.
Donation faite aux frères de l'hôpital de Saint-Jean de Jérusalem par Eudes, de glorieuse mémoire, duc de Bourgogne, du château et de l'île d'Ousche, avec la justice haute et basse de Crimolois.
Anno 1208.
Ego Odo dux Burgundiae notum facio praesentibus et futuris quod ob reuerentiam passionis Domini nostri Jesu Christi et tuitione fidei catholiese dedi et concessi pro me et successoribus meis et pro remedio animarum meorum antecessorum in perpetuam eleemosinam irreuocabilem inter uiuos et mortuos Deo et Magistro hospitali hierosolimitano pro se et successorihus praeceptoribus beatae Maria3 Magdalenes divionensis Castrum nostrum et insulam hoscariae contiguam dicti castri cum villagio de Crimoleto et molendino cum riparia et alta justicia et bassa fundum et territorium nostri dominij de dicto Crimoleto videlicet tamen quod dicti hospitalarij non poterunt uendere permutare nec castrum prœdictum cum insula alicuj tradere sine nostra uel nostrorum successorum licentia. Huius rei sunt testes Theobaldus miles de Manygneto marescallio nostro. Euerardus de Tarsuto. Petrus de Nulleio. Odo Grossus. Haymo Bornus. Bartholomaeus clericus cognomine Capra. Bricius cliens. Dominus Guillermus de Saulx. Garnerius de Aspero Monte. Bonardus de Nnlleio. Gaufridus nauta maris. Acta sunt anno iucarnati verbi millesimo ducentesimo octauo sub sigillo nostro armis nostris impresso hic apposito die prima mensis septembris. Sic signatum per me S. de Monte L. Peltrem.
(1) Voir note ire, p. 287.
8°.
Donation faite à la Commanderie de lu Madeleine de Dijon de la sainte maison do l'hôpital de Jérusalem, de la busse justice, du moulin, des terres, fonds et domaines situés au village et finage de Fauverney, par Eudes, de glorieuse mémoire, duc de Bourgogne, le i" avril 1203.
ANNO 4208.
Ego Odo dux Burgundiae, notum facio pnesentihus et futuris quod ob reuerentiam passionis Domini nostri Jesu Cristi et tuitionem fidei catholicae dedi et concessi pro me et successoribus meis et pro remedio animarum meorum antecessorum in perpetuum eleemosinam irrevocabilem inter vivos et mortuos deo et magistro hospitali Iherosolimitani pro se et successoribus suis preceptoribus beatae Maria; Magdalense divionensis, in villagio de Fauverneyo molendinum riparia et justitiam bassam fundum et territorium nostri dominij de dicto Fauverneo, videlicet tamen quod dicti hospitalarij non poterunt vendere permutare nec alicuis tradere sine nostra vel nostris successoribus licentia. Hujus rei sunt testes Theobaldus Miles de Magneyo, mareschallo nostro. Euvardus de Tarsito. Petrus de llelleyo. Odo Grossus. Haymo Bornus. Bartholomaeus clericus cognomine Capra. Bricius cliens. Dominus Guillermus de Saut. Garnerus de Aspremonte. Bernardus de Milleyot. Geofridus, nauta maris. Acta sunt anno incarnati verbi millesimo ducentesimo octavo sub sigillo nostro armis nostris impresso. Hic apposito die prima mensis septembris sic signatum per me S. de Monte. 9°.
Donation faite aux Frères de l'hôpital Saint Jean de Jérusalem par Mcssire Odo, seigneur de la Marche, de tout ce qu'il avait tant en fief, hommes, terres, que autres choses qu'il possédait à Crimolois.
1226.
Ego Odo dominus Marchiae omnibus presentes literas inspecturis notum facio quod ego quittaui et concessi fratribus hospitalis Hierusalem quidquid
iuris habebam in uilla de Crimoloy et toto territorio eiusdem uillse siue in hominibus siue possessionibus terris rebus alijs quocumque modo eœdem res ad me pertineant, seu eorundem proprietas nostra sit, seu de jure feodali uel alio modo ad nostrum dinoscantur ius et iurisdictionem pertinere sicut etiam Aimo Coluns miles et fratres ejus tenebant a me in feudem in finagio dictae villae et pertinentijs quod ut ratum maneat et firmum praesentibus literis in testimonium sigillum meum apposui. Datum apud Marchiam anno Domini millesimo ducentesimo vicesimo sexto mente februari.
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NOTE
SUR
LES HIPPOSANDALES
PAR LE LIEUTENANT-COLONEL B. DE COVNAHT, MEMBRE TITULAIRE.
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Le volume reproduisant les séances générales du Congrès archéologique de France pendant sa XLHC session, contient deux mentions sur les appareils que les anciens mettaient aux pieds de leurs chevaux et auxquels on a donné le nom d'hipposandales ou de solea ferrata.
Le premier travail est signé par M. le colonel de Sailly, directeur d'artillerie à Châlons-sur-Marne le second est une simple note de M. Nicaise. M. le colonel de Sailly conteste nettement l'usage des hipposandales pour garantir les pieds des chevaux « archéologue d'instinct et centaure de profession », dit-il, cette double qualité lui fait nier les solea comme chaussures des chevaux selon lui, ces pièces servaient à enrayer les roues des véhicules; il décrit les solea de diverses dimensions trouvées jusqu'à ce jour, avance qu'elles sont trop petites même pour le pied d'un âne et qu'il serait impossible à l'animal le plus docile de faire dix pas sans se débattre et disloquer ses solea ainsi que leurs attaches.
Je ne nie pas qu'un cheval garni de solea doive marcher difficilement ces appareils sont incompatibles avec les allures vives, mais la muraille de corne qui enveloppe le pied du cheval ne peut pas résister au contact fréquent du sol elle est usée en quelques jours jusqu'aux parties molles qui se trouvent à l'intérieur du pied, et le cheval est pour longtemps hors de service. Les solea sont de beaucoup préférables rien ne prouve, d'ailleurs, que tous les chevaux en fussent pourvus on avait des procédés pour durcir la corne et la rendre plus résistante. On pouvait ainsi retarder le moment où le cheval était condamné au repos pour donner le temps au sabot de se reformer, mais on ,il
NOTE SUR LES HIPPOSANDALES.
V V V 1\V 11I ~v.& .&I.L.t~ lail 1 VUO1W uLILLV.
ne pouvait empêcher ce sabot de diminuer et d'exposer l'intérieur du pied à l'action du sol.
Je ne répéterai pas ici les considérations énoncées dans le travail que vous avez inséré au Ville volume de vos Mémoires M. le colonel de Sailly ne les a pas combattues, il fait plus et autrement au lieu de solea, il avance que ces pièces de fer étaient des suf flamen ou sabots d'enrayage.
A l'appui de sa critique sur l'usage des solea, il cite l'opinion des trois plus intrépides défenseurs d'Alaise-las-Salins prise pour Alesia il y ajoute l'opinion de M. Duplessis, vétérinaire principal attaché aujourd'hui à l'école de cavalerie de Saumur. J'ai rendu compte du savant travail de ce dernier, dans l'étude à laquelle je faisais allusion tout à l'heure j'ai cité quelques passages du mémoire dont il a donné lecture à la Sorbonne en 1866, et j'y ai trouvé des preuves que les chevaux des anciens n'étaient pas ferrés au moyen de clous.
Les appareils en fer que le sol restitue de temps en temps peuvent-ils avoir servi à enrayer les roues des voitures ?
Pour un certain nombre d'appareils, cet usage n'est pas absolumeut impossible on peut trouver, dans l'intérieur de la solea, la place d'un segment de roue qui aurait porté comme sur un sabot moderne les solea données aux numéros 1, 3 et 5 des planches annexées au travail déjà cité, sont de ce nombre mais celles que représentent les figures 2 et 4, portant à la partie antérieure une tige perpendiculaire à la base et haute de dix à quinze centimètres, ne pourraient en aucune façon être appliquées à une roue, excepté le cas plus qu'improbable d'une roue à très court rayon. M. le colonel de Sailly ne fait pas la moindre mention des tiges verticales de l'avant.
Je ne donne pas l'analyse critique du travail ni des opinions de M. le colonel de Sailly. Je me borne à montrer que certaines solea, très nombreuses, ne pourraient être employées comme appareil d'enrayage. Je crois devoir ajouter que l'ouverture entre la partie supérieure des oreilles se réduit quelquefois à moins de six centimètres comment y faire entrer une jante de roue ? L'opinion du colonel de Sailly ne me paraît pas admissible les solea fer rata se fixaient aux pieds des chevaux.
L'auteur mentionne les trois solea empruntées à une collection et « se place aussitôt derrière Messieurs » Ce sont les partisans d'Alaise dont je viens de parler leur unanimité contre les hipposandales a son origine dans la première brochure publiée, il y a plus de vingt ans, pour placer Alesia dans le Jura. L'auteur, enflammé par son sujet, affirme avec une assurance naïve que des fers de chevaux trouvés dans le dépôt marneux de Routelle, au bord du Doubs, non loin de Saint-Vit, attestent le passage des armées gauloise et romaine on a fini par reconnaître que les Romains ne clouaient pas les fers sous les pieds de leurs chevaux, mais on a persisté à soutenir que les Gaulois pratiquaient cette méthode, comme on persiste à critiquer la carte topographique de France, avec laquelle l'hypothèse de l'Alesia du Doubs n'est pas plus soutenable que sur le terrain même, pour qui n'est pas étranger à la nomenclature des accidents du sol.
J'ignore si M. le colonel de Sailly est favorable à l'Alésia de FrancheComté, mais après avoir montré que son opinion sur les hipposandales ne pouvait être admise, il m'a semblé que je devais signaler « les savants » derrière lesquels le colonel se place en y ajoutant M. Duplessis, dont l'opinion est absolument opposée.
La solea présentée par M. Nicaise, à la séance suivante du 24 août, comme appartenant à un type inconnu jusqu'à ce jour, est tout simplement celle que reproduit la figure 5 de mon travail, inséré dans votre Ville volume de Mémoires. M. le colonel de Sailly en fait également un sufflamen, ce qui n'est pas plus admissible que pour les autres.
DESCRIPTION INÉDITE
DES
FÊTES CÉLÉBRÉES A BRUGES EN 1468 A L'OCCASION
DU MARIAGE DU DUC CHARLES-LE-TÉMÉRAIRE AVEC MARGUERITE D'YORK
PAR OLIVIER DE LA MARCHE
PUBLIÉE PAR Auguste DUFOUn, GÉNÉRAL D'ARTILLERIE, ET François HABUT, MEMBRE DE LA COMMISSION DES ANTIQUITÉS.
La bibliothèque de l'Université de Turin, qui est très riche en manuscrits, en possède un certain nombre en langue française. Parmi ces derniers, il en est un qui est intitulé Recueil en prose et en vers, par Olivier de la Marche (1). M. Paul Lacroix l'a signalé à l'attention des travailleurs dans le tome III des Mélanges historiques de la Collection des documents inédits sur l'histoire de France (2). On trouve dans ce recueil huit pièces, dont quelquesunes ont été imprimées, comme le Chevalier délibéré (3), et dont quelques autres sont inédites, comme celle qui figure sous le n° 4 de l'énumération faite par M. Paul Lacroix de la manière suivante
Récit des Noces du duc Charles de Bourgogne, commençant par ces mots Les fais et aduenues loables.
(1) Manuscripm Gallicor- codex XXI, L .Y. I.
(2) Supplément, page 322.
(3) Imprimé à Paris en 1489.
C'est cette narration très curieuse que nous publions aujourd'hui. Elle est, comme tout le recueil, sur papier et d'une écriture du quinzième siècle. Son titre particulier est en latin HISTORIA nuptiarum CAROLI DUCIS burgundle AUTORE OLIVERIO DE LA MARCHE. Elle se termine par ces mots CY FINE LE TRAICTIE DES NOPCES DE MONSEIGNEUR LE DUC DE BOURGOINGNE ET DE BRABANT.
Ce récit diffère en quelques passages du chapitre IV du livre second des Mémoires d'Olivier de la Marche, consacré au Mariage du duc Charles de Bourgogne avec madame Marguerite d' Yorck, sœur du roi d'Angleterre, et des magnificences qui lors furent faites en la maison de Bourgogne. Ce chapitre des Mémoires imprimés plusieurs fois d'Olivier de la Marche, est une reproduction, nous apprend-il lui-même, de la lettre qu'il écrivit à l'époque de ce mariage à son confrère le maître d'hôtel du duc de Bretagne, Gilles du Mas. Le manuscrit de Turin paraît être aussi une relation contemporaine du mariage qu'Olivier de la Marche aurait envoyé à la cour de Savoie.
Les deux descriptions se complètent l'une par l'autre. Ainsi celle des Mémoires imprimés contient de plus nombreux détails sur les journées des tournois de l'Arbre d'or que celle du manuscrit de Turin, mais celui-ci fait connaître les dix louables histoires que le cortége rencontra dans différentes rues de la ville de Bruges, tandis que les Mémoires n'en signalent que deux. On pourrait multiplier les indications des passages du manuscrit de l'Université piémontaise qui font défaut dans le chapitre IV des Mémoires. Tels sont ceux qui se rapportent aux difficultés de l'abordage de la flottille anglaise au port de l'Ecluse la description de cette flotte et l'énumération de ceux qui la montaient; la réception à Dam; le défilé des colons étrangers; les trois choses requises au chevalier de l'arbre d'or les noms des nobles qui servent les chevaliers combattant au tournoi une infinité de menus détails qui complètent ou rendent plus clairs ceux qui se rapportent à l'ordonnance des
repas, à l'énumération de la vaisselle, aux costumes, aux meubles, aux harnais, aux armures, etc. Nous nous contenterons ici d'attirer l'attention sur la longue requête adressée par la dame de l'île celée au duc de Bourgogne, pour lui demander de permettre le pas d'armes de l'arbre d'or, spécimen très curieux de la littérature allégorique en usage dans ce genre de divertissement et qui doit avoir été rédigée par Olivier de la Marche, auteur de toute la partie littéraire de ces fêtes, comme on le voit dans un passage du manuscrit que nous publions. Ce passage est celui qui est relatif à l'entrée en champ clos de Monseigneur de Ravenstein, entrée des plus singulières, dans laquelle lisit une lettre messire Olivier de la Marche vestu d'une robe de velours bleu. L'on doit ajouter que la similitude de certaines tournures et, parfois aussi, l'identité de quelques phrases et expressions, viennent confirmer l'attribution de cette narration à Olivier de la Marche.
Olivier de la Marche était Bourguignon. Il naquit vers l'année 1422 et mourut en 1501, fut longtemps attaché à la maison des ducs de Bourgogne, servit Philippe-le-Bon, fut maître d'hôtel et capitaine des gardes de Charlesle-Téméraire, qui le créa chevalier, passa au service de Maximilien d'Autriche, époux de Marie, fille et héritière du dernier duc, puis à celui de leur fils, Philippe-le-Beau. Son œuvre est considérable, et certaines pièces n'ont pas encore été imprimées. Celle que nous éditons aujourd'hui est un récit fait au jour le jour par un témoin des choses qu'il raconte et empreint d'un caractère de vérité plus grand que celui qui se trouve dans le travail plus soigné, qui a été imprimé dans les Mémoires. On y trouve plus de petits détails, de noms de rues, de portes, de personnes. L'auteur y parle volontiers de la pluie, de la marée et des autres accidents non mentionnés ailleurs. En un mot, il est plus personnel.
Il convient de rappeler ici en quelques lignes les traits principaux de la
vie du duc Charles-le-Téméraire qui ont précédé son mariage avec Marguerite d'York.
Ce prince, qui, du vivant de son père, portait le titre de comte du Charollais, avait succédé à ce dernier en 1467. Il continua alors avec plus de puissance la lutte féodale qu'il avait entreprise contre le roi Louis XI. Il avait déjà été marié deux fois en premières noces, avec Catherine de France, morte en 1446; en secondes noces, avec Isabelle de Bourbon, qu'il perdit en 1465. Il était veuf pour la seconde fois depuis trois ans quand il épousa, en 1468, Marguerite d'York, qui lui survécut.
En Angleterre, la célèbre querelle de la rose rouge et de la rose blanche n'était point terminée, bien qu'un prince de la rose blanche fût alors sur le trône, le roi Edouard IV, frère de la princesse Marguerite. Comme Louis XI favorisait la maison de Lancastre, le duc Charles-le-Téméraire, adversaire persévérant du roi de France, rechercha naturellement l'alliance de la maison d'York. De là le nouveau mariage qui devait l'unir plus étroitement à cette famille, et qui amena en France la princesse anglaise dont les noces furent célébrées avec une pompe extraordinaire. Elles eurent lieu quelque temps avant la seconde guerre féodale à laquelle une flotte anglaise vint prendre part.
Ce mariage donna lieu aux fêtes somptueuses dont Olivier de la Marche a multiplié les récits qu'il envoyait aux principales cours féodales alliées de la cour de Bourgogne. Charles-le-Téméraire n'était point encore alors brouillé avec la maison de Savoie, dont il convoita plus tard les possessions pendant la régence d'Yolande de France, tutrice du duc mineur Philibert 1er. Les relations étaient bonnes encore alors entre les cours de Dijon et de Chambéry, et l'on comprend l'envoi à cette dernière d'un récit des fêtes qui furent célébrées à l'occasion du mariage du duc Charles, envoi qui pourrait, au reste, n'avoir été qu'un acte de courtoisie personnelle d'Olivier de la Marche envers un sien confrère ou ami de la cour de Savoie.
LES FAITS et aduenues louables ne se doibuent des bons souffir (1) extaindre, mais collegier et mettre par escript, affin de perpetuelle memoire, especialment quant cest chose catholicque si digne que sacramentele, on en doibt reciter la solempnite esmouuant les corraiges des hommes a louer Dieu, en vertu du quel ce se fait. Pour tant je moindre entre les plus petis me suis entremis descripre vne haulte feste et sollempnite de mariage, qui fut celebree le dimence iije jour de jullet l'an mil iiijc soixante huit. En lostel de treshault trespuissant et excellent prince Charles par la grace de dieu duc de bourgoingne de brabant etc. Touchant le mariage d'icellui auec noble et puissant princesse Marguerite dyorc suer au Roy Edouart dengleterre, lequel mariage auoit este pourparle traictie et conclud longuement au parauant entre ceulx des deux parties a grant deliberation de conseil du quel demene je me passe (2) Et commence ad ce que lade dame et princesse arriua au port de lescluse, courssairement selon ma Rudesse, suppliant aux lisans quilz veuillent suppler les faultes et obmissions saulcunes en ya.
LE VING ciNQme Jour du moys de jung oudt an (3) soixante huit a leure du matin lade tresnoble princesse ma tresredoubtee dame madame la ducesse Marguerite auant dicte, au gre de dieu par le vent qui lui fut propice, sans auoir eu aulcun encombrier se trouua a quatre lieues pres de lescluse en la mer, la ou II lui fut mestier dactendre le maree qui estoit retraicte, puis auec lade maree retournant entra ou hauene (4) dudit lieu de (1) Souffrir.
(2) Du quel demene je me passe, dont je me dispense de traiter.
(3) Audit an.
(4) Au Havre.
H1ST0RIA NUPTIARUM CAROLI DUCIS RURGUNDI.E AUTORE OLIVERIO DE LA MARCHE.
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t.1. M_
lescluse entre cinq et six heures du soir, a grant et puissant estat Car elle auoit en sa compagnie xiiij nauires. Desquelz il en y auoit les sept bien puissans, Et par especial les quatre estoient grans cranelles (1) moult aptes a la guerre, esquelz bateaulx estoient pour laccompagnier pluiseurs nobles cheualiers escuiers, dames et damoiselles, archiers de la couronne, officiers darmes, menestrelz et huit clarons qui sonnoient tresmelodieusement lors quelle arriua et descendit en terre, Desquelz seigneurs et dames dessusdt estoient les principaulx monsgr descalles monsgr Ducres messire Jehan doudeuille (2) messire Jehan Hanart admirai dengleterre, et messire thomas de Montgommry, Et des dames la ducesse de Nortfolle madame de Scalles et madame du Cres.
EN LADICTE ville de lescluze (3) auoit au parauant enuoye mon tres redoubte sgr monseigr le duc pour recepuoir madte Dame, monsgr le conte de Charny, messire symon de Lalaing, messire glaude de Thoulongeon seigr de la bastie, et messire Jehan de Roubempre Et aussy madame de Charny et madame la vidame damiens et mademoiselle de Bergues, et sestoit audt lieu de 1 esclnse madame de Montigny, lesquels seigneurs et dames en grant honneur et reuerence vindrent bienvieugnier (4) madicte dame, la cond uire, et entretenir, Et vindrent au deuant delle les pourcessions, ensamble les estas et mestiers de ladicte ville portans grans nombre de torsses en la conduisant joieusement, jusques a lostel Guy de Baeust, ou elle fut par lesdts seigneurs et dames logie et festoye la nuit.
LE lendemain xxvje jour de jung qui estoit dimence vint madame la ducesse mère a mondt seigr et mademoiselle de bourgoingne avec grant nombre de dames et damoiselles visiter madicte dame Marguerite audt lieu de lescluse, ou elles furent auec elle deuisant par lespace de quatre ou cinq heures, puis sen retournerent a Bruges.
(1) Crenelle, sorte de vaisseau de guerre.
(2) Jean de WoldviUe, frère de la reine d'Angleterre.
(3) L'Ecluse, ville maritime du nord de la Flandre, aujourd'hui dans le royaume de Hollande. (4) Bien recevoir, faire la bienvenue.
LE LUNDI, monseigneur le duc a priue estat ala audit lieu de lescluse, et hu la venu enuiron leure de dix heures de nuit alla visiter les dames et sen retourna enuiron mienuit, Et le lendemain s'en reuint à bruges. LE JEUDI ensieuant y retourna encores mondit seigr a plus grant quantité de gens quil ne fist la premiere foiz, car il y ala de chascune chambre trois hommes, lesquelz la venus firent grant chiere de danser et esbatre la nuit, Et le lendemain vint de rechief mondit seigneur vers les dames prendre congie puis s'en retourna vers Bruges.
LE SAMEDI enuiron midi, que le marée commenchoit a bouter avant (1) se mist madame en bateau elle et son estat, et s'en vint par eaue jusques en la ville du Dam (2) a vne lieu pres de Bruges, la ou selon la faculte de ladicte ville elle fut tres honnourablement receue, Car auec ce que les pourcessions vindrent au deuant en grant reuerence, et les bourgois et mestiers de la ville portans grant quantité de torsses et flambeaux, les rues estoient toutes tendues et parées tres richement, et en grant jubilation fut menee au logis, ou les dis de la ville le festoierent de toute leur puissance.
LE DIMENCE iije de Jullet monseigneur le duc se parti de bruges enuiron chine (3) heures du matin et sen ala princement vers la dicte ville du dam, la ou hu venu ains comme vers sept heures, en lostel de madicte dame en la salle disposee a ce, les espousa leuesque de Salsebery (4), qui scet franchois et anglois, oyrent la messe, laquelle finee mondt seigneur reconuoya jusques a la chambre madame sa mere menga vng petit, puis a priue estat s'en retourna a Bruges en son hostel, dont il ne se partj ne ne se monstra jusques il sera dit cy apres.
(1) Monter.
(î) Damme, entre l'Ecluse et Bruges.
(3) Cinq.
(4) Salisbury.
APRES le departement de mondit seigneur se partit madte dame en vue lictière portee de deux cheuaulx richement doree et estopfee de drap dor moult riche, laquelle lictiere estoit conduicte daulcuns cheualiers tant anglois co mme de lordre de la thoison, du capictaine et xx archiers de mondit seigneur a piet, Et estoit en ladicte littiere madicte dame assise vestue de drap dor blanc couronne dor en teste cheueulx pendans moult honnourablement, Et ainsi ayans tambourins trompettes clarons et menestrelz sen vint jusques à la porte saincte croix audit lieu de Bruges asses legierement pour ce que pendant sadicte venue il fist vne tresgrosse pluye.
Au VENIR de madicte dame se vindrent pluiseurs presenter aux champs en grant point, Mais pour ce que partant de lade porte jusques a la court chascun tint ordre et sen peult mieulx faire declaration jen diray le commenchement ce que jen vis.
Premièrement, a la dicte porte et es rues rengies attendoient les collieges dudit Bruges tant possessans comme mendians euesques abbez aultres prelats et gens deglise reuestus en grant reuerence pour jllec recepuoir madicte dame pourcessionnellement et attendoient aussi les gens de lostel de mondit seigneur et aultres qui estoient a court pour lors, lesquelz par cheualiers commiz a ce faire furent mis en ordonnance pour cheminer deuant made dame en la maniere que sensieult.
DEUANT en ladicte ordonnance estoient et chascun a cheual premièrement les bailli et escouttete (1) de bruges, et aprez aulcuns gentilz hommes tant de lostel de monseigneur de Rauenstain, de monseigneur le bastart, comme ceulx comptez par les estroes de mondit seigneur.
EN APRES les archiers de corps de monseigneur le bastart en nombre de xij et leur capittaine.
(t) Le guet, les soldats du guet.
LESQUELZ auoient journades (4) vestues semees habondamment dorfaurie blanche, et ou milieu deuant et derriere vng grant arbre dore le tout assis sur palletos (2) vermaulx ayans lesdis archiers pourpoins de satin noir, bonnes jaunes, chausses de plusieurs couleurs et chascun portant vouge (3). APRES lesdts archiers commenchierent a sieuir (4) demourant desdis gentilz hommes comptez en lostel de mondit seigneur chascun vestu en la maniere quj sera dicte cy apres tant diceulx comme des cheualliers et aultres. ENSIEUANT lesdts gentilz hommes cheuauchoient les cheualiers des pays estans a la feste et en apres les chambellans de mondt seigneur. APRES lesdts chambellans ceulx du sang de mondit seigneur, puis juoient (5) tambourins menestrelz trompettes de guerre, et clarons en grant nombre, tant des nostres comme dengleterre, et ensieuant Iceulx les officiers darmes, desquelz tant dun coste que daultre Il en y auoit xxiij a cheual en cottes darmes, dont les six estoient Roys darmes, et se y estoient tous les archiers de corps de mondit seigneur et les deux capitaines, auec aussi certaine quantité des archiers de corps du Roy dengleterre.
PUIS VENOIT madicte dame en ladicte lictiere acompagnie des seigneurs que comme dit est vindrent auec elle dengleterre en especial monseigr de scalles, et nos seigneurs de lade thoison dor Et après madicte dame xiij haquenees richement parées de drap dor cramoisi, dont on menoit les deulx en main, et les aultres cheuauchoient lesdictes dames dengleterre, Et si auoit chine chariots dorez moult richement et couuers, esquelz estoient les dames desdts pays desquelles mondict seigr auoit mande largement a lade feste.
(1) Surtout, casaque.
(î) Hoquetons, saies à manches, descendant à mi-cuisses, sur lesquels était brodé un arbre. (3) Sorte d'arme, épieu de veneur à large fer.
(4) Suivre.
(II) Jouaient.
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EN TEL ESTAT, se partit madicte dame de lad" porte a laquelle neantmoings lestoient et bien prez du dam venu querre les nations qui sont audit Bruges, cest assauoir florentins qui vindrent premiers, espagnars osterlings (1) venissiens et Jeneuoys en grand honneur, Mais Hz vindrent en ladicte ville apres ledit estat pour mieulx abregier. Si sen vinct madicte dame passant lesdictes rues qui estaient tendues de tous riches draps et decorees de verdures et fleurs habondamment, Et si estoient entre ladicte porte et ladicte court en diuers lieux assises dix grandes louables histoires, desquelles Je feray declaration pour tant quelles estoient seruans audit mariage et fondees en saincte escripture.
LA première histoire prouchaine de la porte estoit comment dieu conjoingnoit Eue et Adam au paradis terrestre selon genese.
LA SECONDE deuant les jacoppins estoit moult excellente cestoit comment Cleopatre fut donnee en mariage a Alexandre, et si auoit escript en latin au destre coste. Alexander Rex obtenta victoria super deometrium regem ad ptholomeum egipti regem legatos destinauit vt cleopatram eius filiam sibi daret in vxorem. Et au senestre estoit escript, Qualiter Rex ptolomeus ptolomaidam venit et cleopatram eius filiam alexandro regi dedit in vxorem primo machabeorum xmo Et au dessus estoit escript. Gaudeamus et exultemus et demus gloriant deo quia venerunt nuptie agnj et vxor eius preparattit se apocalipsi xix°. Et plusieurs aultres menues escriptur.es desquelles Je m'en passe a tant.
LA TIERCHE estoit des cantiques de Salomon, et y auoit escript, vulnerasti cor meum sponsa mea et letificasli animam meam filie annunciate dilecto tvieo quia amore langueo.
LA QUARTE estoit de leuangille Johannis secundo Nuptie fade sunt in chana galilee, etc.
(11 Espagnols, Autrichiens.
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LA 5e estoit encores des cantiques canticm tertio, etc. Pulcra es arnica mea suauis et decora jnuenj quem diligit anima mea tenebo eum nec dimiltam. LA vie estoit deuant Saint Donas ou il estoit escript. Ciuitas solis vocabitur vna in die illa erit altare dominj in medio terre et tytulus dominj juxta terminum eius Ysaie xix°.
LA septiesme estoit dessoubz les prisons qui disoit, Moyses postquam diutius obsedisset ciuitatem Saba tarbis filia regis egiplj in eum oculos jniecit, J quam ipse moyses postmodum in vxorem duxit, petrus commestoris in hisloria sco lastica.
LA viie estoit deuant la halle ou marchie ou il auoit vne femme tenant plain son geron de lions ou il auoit escript. Leo et pardus se mutuo inuenerunt et amplexi sunt se inuicem sub lilio (1).
LA ixe estoit en la fin du marchié vers la court le mariage de Hester qui disoit, Assuerus Rex persarum cui hester formosa omnium oculis gratiosa placuit ducta ad eius cubiculum dyadema regnj capitj eius imposuit cunctis principibus conuiuium nuptiarum preparauit hester secundo.
LA xe pres de la court disoit, Benedictio super vxorem tuam et super parentes tuos vt videatis filios filiorum vestrorum vsque in tertiam et quartam generationem Thobie ix°.
Esdictes rues aussi qui ne fait à oublier estoient aulcunes maisons en especial decorees de taintures et riches draps, et grans alumeries de torsses siccome es maisons des Cathelans, des ceciliens, des lucois et des portugalois sur le marchie, Et si estoient sur ledict marchie rengies lesdts seigneurs de la ville, et les seremens siccome archiers et arbalestriers, Toutes lesdes rues passées, histoires et seremens ma dicte dame vint à lade court, A la porte de (1) Allusion aux armes d'Angleterre, de Flandre et de Bourgogne.
DESCRIPTION INÉDITE
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laquelle estoit faicte nouuellement ung riche ouurage de fin or, en quoy sont et demeurent a perpetuel les armes tymbres de mondt seigneur enuironnees des armes de ses pays tenues de deux grans lions et sa deuise desoubz en lettre antique Je lay emprins, Et à lun coste desdes armes estoit vng archier tyrant vin blanc et a lautre coste estoit ung crennequinier tyrant vin vermeil (2) tout le jour que le commun recepuoit partant de leur trait Si entra madicte dame par ladicte porte en lostel et tout lestat, et la mist on hors de lade lictiere, Et lemmenerent monseig Adolf de Cleues, et mondt seigneur de Scalles en chambre soy retraire jusques au disner qui fut tost apres. ET DEUEZ scauoir aussi quen ladicte court estoit vng pellican moult riche quj par la poitrine jettoit ypocras.
MADICTE dame entree dedens ledt hostel de mondit seigneur le duc passerent par deuant la porte pour monstrer deuoir, les nations dont deuant est faicte mention en lestat qui sensieult Premiers les venissiens.
LES VENISSIENS estoient eulx dix marchans à cheual vestus de velours cramoisi, après eulx x seruiteurs vestus de drap vermeil et aloyent deuant deuant eulx trois poursieuans et cinquante hommes à piet vestus de vermeil portans chascun vne torsse.
LES FLORENTINS faisoient porter deuant eulx chinquante et quatre torsses, ceulx qui les portoient tous habilliez de bleu drap et quatre paiges vestus de pourpoins de drap dargent cramoisy mantelines de satin blanc, leurs cheuaulx houssiez de satin blanc bordez de satin bleu Puis venoient xj marchans, Thommas Portmaire premier habilliez comme conseiller de monseigr le duc qu'il est, et les x vestus de satin figure cramoisy et pourpoins de satin noir, Apres eulx xj facteurs vestus de satin simple cramoisy, et pourpoins de satin noir, et au derrenier xxiiij seruiteurs habilliez de bleu et tous a cheual. (i) Le mémoire imprimé dit l'inverse, savoir vin de Beaune, sortant du trait de l'archer, et vin du Bhin, sortant du mattras du crennequinier.
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LES ESPANGUARS estoient xxxiiij marchans à cheual vestus de damas violet, ayans xxxiiij paiges a piet chascun le sien, vestus lesdts paiges de pourpoins de satin noir, et jacquettes de velours cramoisi, Si faisoient lesdts marchans porter deuant eulx soixante torsses les porteurs vestus de robes de drap violet et vert.
LES jenneuois faisoient cheuaucher tout deuant la pucelle et saint Jeorge, vestus lade pucelle de damas blanc, son cheual houchie de velours cramoisi, Et saint George arme, son cheual couuert de damas blanc à la grande croix de cramoisi, Puis sieuoient trois paiges vestus de pourpoins de damas blanc, journades de velours cramoisy, Et si estoient xviij marchans a cheual vestus de robes de damas blanc doublees de velours noir, les six longues, et les aultres courtes, et pourpoins de satin noir, Et xviij varlets a piet vestus de drap blanc à manche rouge vng saint Jeorge broudes dessus.
LES OSTERLINGS faisoient porter deuant eulx lxxij torsses les porteurs vestus de violet, et cheuauchoient apres six paiges vestus de pourpoins de satin violet, et robes de damas violet, Puis sieuoient les marchans en nombre de cent et huit à cheual tous vestus de drap violet.
ET N'EST PAS a oublier mais est raison que je die, que tous les prinches chambellans gentils hommes officiers et seruiteurs de mondt seigr meisme tous ceulx qui furent a court comptez ou nom furent du don de mondt seigneur à lade feste habilliez comme il sensieult Aussi tous les anchiens seruiteurs de feu monseigr le duc que dieu absoille qui y furent estoient tous vestus comme les aultres chascun selon son estat. C'est assauoir les chambellans et princes longues robes de velours noir, pourpoins de velours cramoisi, les gentilz hommes satin noir, pourpoins de damas violet, le conseil velours noir et tous seruiteurs robes de drap noir et violet et pourpoins de camelot violet. Ladicte entree ainsi faicte et la messe chantee en la chapelle ou riens ne fut fait touchant les nopces, le disner estoit prest en la court et fist on seoir 43
en diuers lieux, Premièrement mondit seigr le duc disna seul en la sallette prez de ladicte chapelle soy faisant seruir comme il est de coustume, Et madicte dame accompagniee de madame la ducesse mere de mondit seigneur, et mademoiselle de Bourgoingne, lesdes dames dengleterre, et grant nombre de celles de pardeca vint en la grande salle faicte nouuelle pour les nopces en laquelle estoit la haulte table, et deux aultres de longueur de lade salle, Sy laua madicte dame et puis fut menee seoir a ladicte haulte table, puis sassist madicte dame la mere a sa destre, et au senestre madicte damoiselle, Et oultre madicte dame la mere a dextre madame darguel, et demourerent droites contre le leson derriere madicte dame la ducesse vne dame dengleterre et made de Scalles, Et a lune desdes tables a dextre en entrant sassirent chinquante deux nobles femmes de pardeca, et viij dengleterre a lautre table seulement, Sy fut seruie madicte dame a grant honnour et a grant bruit desdes trompettes clarons et menestrelz, par les maistres dostel de mondit seigneur et delle tres honnourablement de moyen seruice. EN vne chambre qui est ordinairement pour monseigr le bastart furent seruis les seigneurs dengleterre, les prelats et gens deglise, en la gallerie ou gardin, monseigneur le chancellier en vng lieu con dist la bagnerie, et les chambellans et ceulx de la chapelle en la salle sur le court pres de mondt seigr, en la salle bas les anglois et les archiers, et en aultres chambres comme desdis maistres dostelz jusques a xij assietes ou tresplenierement furent seruis premiers et derreniers jusques a chincq heures apres nonne et plus.
LA GRANT SALLE dont jay fait mention estoit moult noblement paree, elle estoit tendue de la tapisserie de Gedeon qui est comme pluiseurs sceuent tres riche, dor et de soye, Et dempres ladicte haulte table estoit vng treshault dressoir fait a trois quarres con dist losengue. chascun quarre de quinze pies de large, et ix degrez de hault en estroicissant jusques a pointe, Sur lesquelz degrez estoit vaisselle dor et dargent garnie de riche pierrie, au tant quil si en pouoit bouter, et en chascun quarre deux cornes de licorgne dressees comme
chierges moult longues Et sur le sommeron (1) dudt dressoir faisant la fin, vne tres grande et tres riche couppe dor, de laquelle vaisselle dicte je men passe en brief pour ce qu'il mest jmpossible de declairier la valeur. EN LADICTE SALLE y auoit pluiseurs chandelers pendus de bois comme il est dusage, entre lesquelz il en y auoit deux merueilleuz qui estoient fais a facon de fort et puissant chasteau assis sur roce et soubz chascun vers les gens y auoit sept miroirs assis en roze, et lesquelz estoient grans et ronds comme de piet et demj en rondeur Et la sambloit a regarder en chascun quil y eust dix mil hommes et tournoient lesdts chastiaux si dru con vouloit.
Ceditt JOUR apres disner a six heures ou enuiron sen ala madicte dame a chariot vestue dune robe de drap dor cramoisy en chapiau dor sans couronne a vng tresriche collier garnj de pierrie, et toutes les dames et damoiselles tant a chariot comme sur haquenees a vng pas de jouste que commenchoit monseigneur le bastard de Bourgoingne et quil maintint jusques a ce quil ot jouste contre xxiiij cheualiers sur le tiltre de larbre dor, a laquelle jouste je reuendray pour jcelle poursieurre, et aultres fais darmes ensieuans en vng traictie a part comment ladicte jouste fut demenee chascun jour et les bancquets qui si firent, qui neantmoins estoient desdes nopces, mais je men passe icy pour abregier lentree, Puis aprez le partement de madite dame partit monseigr le duc a cheual vestu dune robe a longues manches ouuertes jusques en terre de drap dor fourre de tres fines martres sabelines, et sen ala a ladicte jouste, laquelle finee pour le jour retournerent les seigneurs et dames a court ou estoit prepare vng bancquet duquel il me samble honneste den faire la declaration. QUANT il fut temps monseigr le duc et madame la ducesse madamoiselle, et generalement tous les seigneurs et dames vindrent audit bancquet qui se fist en la grant salle moult excellent en la maniere que sensieult. (1) Au sommet.
A LA haulte table y auoit assises six grans nauires a facon de grandes naues a trois hunnes ressamblans celles de la mer faictes et garnies moult richement de toutes choses quelzconques qua nauires telles peult et doit appartenir, Ou sur chascune ou milieu estoit assis vng plat de viande et a chascun plat embas sur la table y auoit seze sieultes sans les entremes, ayant chascune caruelle (1) aupres delle quattre botquins plains despicerie ou fruiterie, Et au milieu a chascun seruice, Cest assauoir entre deux nauires y auoit vne grande tour, non pas pareilles les vnes aux aultres, Si estoient lesdts bateaux et tours representans pays ou ville, appartenans a mondit seigneur portant auec les banieres dicellui seigneur, les banieres et escucons et le nom par escript ce que representoit.
ITEM A CHASCUNE longue table dont il en y auoit deux en ladicte salle dont j ay fait mention au fait du disner y auoit xij desdictes nauires et douze tours pareilles a ceulx dessudts, ainsy en y auoit xxx nefs en somme et xxx tours, Si debuez scauoir quauoent lesdts pays que lesdts nauires representoient dont chascun scet les noms Il y auoit Bethune Signy Ostreuant Faulquemont Aussonne Ponchien Charollois Aussous Boulougne Mascon Alost Arlerele le Gaude le Leyde la Brielle Courtray Dourdrecht Douay herlem audenarde Bruges Lille Mons Bois-leduc Gand Dijon Brouxelles Louuain Anuers Roterdam Midelbourg lescluse Aaras Valentheim Trecht Saint omer Aellremare Austredam Yppre et Delst Ce sont les lieux qui estoient nommez esdts nauires et caruelles.
ITEM AU deuant de ladicte haulte table estoit le dressoir dont ou chapittre du disner est faicte mention sans estre plus grant ne plus petit, Ainsi ledit bancquet dispose aprez lauer sassist mondt seigr madicte dame a ladicte haulte table le legat, leuesque de Mes, leuesque dutrecht, monseigr Adolf de cleues, monseigr de scalles la duchesse de nortfollc madamoiselle de Bourgoingne, madame darguel, madame de Montignj, madame darssy, la vicontesse de Furnes, et les aultres seigneurs et dames aux aultres deulx (1) Caravelle, sorte de navire.
DES FÊTES CÉLÉBRÉES A BRUGES EN 1468. 1 1 .L 1 1 n
tables tous meslez englois et aultres tant que tout estoit plain Se fist chascun grant chiere, Et ne fault pas demander comment toutes manieres de menestrelz faisoient deuoir, Et quand ce vint a la fin, entra dedens ladicte salle vne licorgne grande et bien artificielment faicte sur laquelle seoit vng lupart tenant à vne pate banerolle de mondit seigneur, et a lautre vne marguerite de laquelle deuant la table il fist a jcelluy seigneur present. APRES ladicte licorgne retraicte entra vng lion, dedens lequel estoient deux chantres chantans vne chanson qui disoit, Bien vieugnant la doulce bergiere, Si fist ledit lion son tour et puis sen retourna.
TiERCEMENT et derrenier entra vng dromedaire chargie de deux panniers plains de volille menue, et vng homme dessus lequel prendoit dun pannier, et daultre dragie quil jectoit, et aussi lesdes volilles jectoit voller parmj ladicte salle, quj fut bien plaisant, lequel dromedaire retrait, ledit bancquet fina et commencha la danse, laquelle finee on prist vin et espices, et enuers trois heures apres mienuit on sen ala coucher.
LES AULTRES. bancques festes et esbatemens seront Jour pour jour declarez en lautre traictié du fait des joustes et tournoy qui se feront Journellement tant que les nopces dureront.
TOUCHANT le fait des Joustes qui furent aux nopces de monseigneur le duc dont la feste sentretint par lespace de neuf jours elles furent entreprises par monseigneur le bastart de Bourgoingne sous vmbre du commandement dune dame qui se nomme De lille cellee, laquelle pour certaines causes ad ce mouuans auoit requis audit cheualier trois choses, Est assauoir quil se volsist trouuer pour amour delle en vne jouste ou cent et une lanches fussent rompues sur lui ou quil les rompist sur aultre Apres quil se trouuast en vng fait darmes, ou cent et vng cops despees fussent par lui ferus ou quon les ferist sur lui Tiercement que vng arbre dor quelle lui bailleroit qui estoit en son tresor, fust par ses fais encores plus enrichi, et plus noblement decores
quil nestoit se lui bailla ledit arbre dor, et vng poursieuant nomme ainsy Arbre dor Et pour lesdictes armes regarder, vng Jayant quelle auoit prisonnier qui se nommoit le jayant de la forest douteuse lequel jayant (1) est par ladicte dame baillie a conduire tout lige a vng nain quelle auoit, et aussi audit nayn lesdictes armes a regarder, pour lui en faire record, Et affin que mieulx lesdes armes se peussent acomplir en la tres noble maison de Bourgoingne que ledt chevalier auoit esleue pour ce faire, ladicte dame de lille celee en rescripuit au duc, en lui requerant que jcelles armes volsist souffrir publier et acomplir, desquelles lettres la teneur sensieult.
TRES EXCELLENT et tres uictorieux prince je me recommande humblement à vostre bonne grace, et vous plaise scauoir tres excellent prince, que comme des diuverses parties du monde, nouvelles vont et courent en pluiseurs lieux, est venu a ma cougnoissance comment vng noble cheualier mon seruiteur et de singuliere recommendation de vous nagaires doit auoir prins son acces par deuers vostre tres noble et tres haulte seignourie. Et ce a cause et en espoir de soy pouoir deschargier en vostre tres fameuse maison daulcunes haultes et glorieuses emprises, et charges peult estre a lui enjointes et dont le execution telle quil plaira a dieu lui en garder il en est a sa merchi, et en lactente de son aduenture non cougneue dont et affin que vostre tresclere et tresrenommee haultesse soit et puist tant mieulx estre informee et aduertie de la matiere de cestui cas ensamble de la qualité et estat dudit noble cheualier et de la cause de son louable et courageux emprendre, ou de son venir vers vous, jenuoie presentement pardeuers vostre haultesse vng mien herault nomme Arbre d'or acout (2) ces presentes par lesquelles de vostre grace et soubz vostre princial benigne humilité pouez clerement et tout au vif comprendre et estre infourme de ceste matiere. Tres excellent prince ce cheualier droit cy comme apres longs et diuers voyages par les diuerses parties du monde et apres multitude de haulx et louables fais et prouesses en armes aduenture lait mene finablement (1) Géant.
(2) A coup, à une fois; una, simul, uno eodemque tempore. (Mohnet, Paralléle des langues.)
deuers moy a ma grant joye qui par vng cruel et inhumain tyrant longuement ay este persecutee deshiretee et destruite et menee a miserable désolation toute confuse, aduint lors que lui meu vng jour de noble et vertueulx esperit et de singuliere compassion en mon triste cas, tendant a soy esprouuer en vertueuse oeuure caritable, et a moy releuer de ma ruyne par sa diligence se rendj a moy, me requist de retenance et dentretenement en ma desolee maison, et apres foy presentee et promise de loyaulment me seruir, me promist aussi et jura soubz mon plaisir perpetuel contendement pour venir a ma grace, laquelle au prix de son noble et francq corraige, et a la mesure de mon honneur tant que je pouoie et deuoie licitement je lui accorday, Et considerant ma basse desconfortable fortune et les estrois dangiers esquelz je me trouoye glorieuse fille de roy le retins mon seruiteur par condition telle, que tout en chief et premierement il se mettroit en paine et assay de moy deliurer et releuer hors de la cruelle main dudit jayant ramener ma personne en sa franchise, et mes terres et possessions remettre et releuer hors de sa tyrannie, de laquelle chose toutesfoix louenge a dieu en peu de temps apres tellement le regarda et compleut que de son hault emprendre il en paruint en glorieuse fin, Et de son valereux executer jen ay tire leffect de ma desirance dont jamais nen sera heure que je ne soye son obligee. Et que je ne labeure en ma pensee comment je lui polray satisfaire a son condigue, dont et comme ce noble cheualier en mon regard tant personnaige comme de meurs, et par ses haulx et singuliers fais que je perceus en lui, me sambloit digne encores auecques oeures passees damonceler encores et dactraire deuers lui le sourplus de lonneur du monde, et de venir en la cougnoissance de tous les meilleurs Je lui requis, et pour le magniffier tant plus quen la plus cheualereuse maison de la terre jl feist tant que cent et vne lanches feussent rompues sur lui, Ou que lui se meist en assay de les rompre, Et autant des cops despees par arroy de bataille lun contre lautre, laquelle chose faite et emprinse a faire luy tourneroit et poulroit tourner ce lui dis je en grant auancement de sa ricquesse, comme doncques ce second point declaire Je desirasse tousiours plus et plus gloriffier encorres et grandir ce noble cheualier et le pourueoir daulcune singuliere retribution pour benefice
receu de lui, mavisay dun arbre dor que jauoye et lequel pour decoration de la future emprinse en aulcune glorieuse maison je concluds de lui mettre en main, par condition telle, que ly de toutes ses vertus et vigueurs se doneroit traueil de le moy rendre plus digne encores et plus precieux que receu, dont et de la richesse et de la dignité la ou jl la vouldra trouer je mattendoye bien a luy, croyant veritablement que ce feroit il de plus pretieuse estoffe que de mille gemmes, Or est ainsi tres excellent prince que comme renommee porte ce noble cheualier droit cy, sur et deuant toutes crespiennes (1) maisons a choisi et esleue la vostre, et a conclu comme jentens de mon arbre dor en vostre cheualereuse court gloriffier droit et grandir jcelluy de precieulx et non communs estoremens portans mistere, Et de quoy le jayant mon prisonnier sera garde et administrateur jusques au retour dudit noble cheualier vers moy que dieu donist tost Sy vous prie tresexcellent prince et requiers en toute humilité quen lauanchement de lemprinse dudit noble cheualier vers vous comparu, et en magnification de son arbre dor par la nature que lui est baillie II vous plaise a lui prester faueur expedition et adresse telles que gloire et exaltation de vostre tresnoble renommee, et a ma joye et a son preu il puist tresbriefment et tost retourner vers moy pour le plus hault de mes desirs et dont de lonneur que de vostre grace vous plaira a moy y faire jen rendray les louenges a dieu et a vous les remerciemens condignes a vostre noble estat que dieu veulle conseruer et parmaintenir en félicite sempiterne Escript en mon chasteau de bonne esperance le viije jour de januier lxvij ainsi subscriptes La toute vostre tres humble recommanderesse la dame de lille celee. Et pareillement subscriptes a tresexcellent tres uictorieux et trespuissant prince Charles par la grace de dieu duc de Bourgoingne et de Brabant etc.
LESDICTES lettres receues de mondit seigneur le duc et presentees par ledit arbre dor poursieuant, jcelles lettres leues mondit segr saccorda a la volente de lade dame de lisle celée, Ainsi fut sur le marchie de Bruges dresse (1) Chrétiennes.
ledt arbre dor auquel pour le decorer et enrichir selon le desir de ladicte dame furent successiuement pendus les escus armoies des armes des nobles cheualiers et escuiers qui se vindrent presenter à la jouste pour furnir lentreprinse dudt cheualier, Et empres ledit arbre vng peron a trois pillers sur lequel durant ladicte jouste seoit ledit nayn en vne tresriche chaiere a tout vng orloge deuant luy et vng cor pour sonner entree et yssue sur le champ du cheualier a larbre dor, autour du peron escript ainsi De ce peron nul nen prende merueille,
C'est vne emprinse qui nobles cuers resveille,
Pour sonuenir de la tant honnoree
Dame dhonneur et de lille celee.
Au DEUANT dudit arbre estoit lie ledit Jayant et empres estoit vng grant hourt ouquel estoient les Juges commis pour lesdts fais darmes de par mondit seigneur, Assauoir monseigr de Mirammont comme lieutenant de monseigr le marescal de Bourgoingne messire Glaude de Touleugeon seigneur de la Bastie le baillj de Caen, et monseigr de la Roche, Et empres eulx en vng aultre hourt les officiers darmes.
AINSI les choses ordonnees on commença le dimence jour desdes nopces iije jour de jullet par la maniere qui sensieult.
MONSEIGNEUR Adolf de Cleues seigneur de Rauenstain fut le premier venant pour jouster contre le chevalier de la dame de lille celee qui est monseigr le bastart, Si debuez scauoir quant vng combatant venoit a la porte du parc a larbre dor le poursieuant venoit parler a lui lors quil auoit busquie (1) dun maillet dor qui pendoit a ladicte porte, lui demandoit son nom, et puis laloit dire au defendeur, et de la sen retournoit querre le nayn et le jayant qui venoient mectre ens ledt assaillant Ainsi vint hurter a lade porte mondt seigneur de Rauenstain laquelle fut ouuerte apres lesdes solempnites. (t) Heurté.
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MONDIT SEiGNr de Rauenstain entra ou champ moult richement en vne lictiere portée a deux cheuaulx, lade lictiere painte de bleu et blanc, qui sont ses couleurs et armoyes de ses armes, couuerte dun drap dor velours cramoisy, garnie de pluiseurs gros pommeaulx tous de fin argent, La dedens estoit il couchies sur deux grans coussins de drap dor cramoisy, et estoit arme, et sur son harnas vne robe de camelot de soye fourrée dermines, les deux cheuaulx de ladicte lictiere harneschiez de velours bleu garny de platines dargent, deux paiges sus vestus comme ses aultres paiges, est assauoir de palletes de velours bleu, la moitié semée dorfaurie blanche, a vng collier dorfaurie dorre, et de chascun costé de lade litiere aloient deux gentils hommes vestus de velours bleu a tout chaines dor, Avec lade lictiere estoit mené vng cheual en main pour monter ledt cheualier, houssie de drap dor, bleu velours, chargie de grosses campanes dargent, et vng aultre houssie de drap dor velours violet chargie de campanes dargent a maniere de poires grosses, sur lequel estoit vng paige vestu comme dessus, et vng aultre cheual portant deux panniers couuers de velours noir, chargie de campannes comme dessus, vng petit fol dessus habilliez comme les paiges, En tel estat le conduisi deuant les dames, et la lisit vne lettre messire Oliuier de la Marche vestu dune robe de velours bleu, Puis salla ledt cheualier heaulnier et reuint faire son debuoir, Auquel le seruirent de lances, messire anthoine et messire Josse de Lalaing monseigr de Peruvvez de Haynaut monseigr de IIerchoubbez et ledit messire Oliuier habilliez de mantelines de velours bleu pourpoins de satin cramoisy, harnas de cheuaulx de velours bleu bordez de blanc, tous chargiez de campanes dargent Et le seruoit aussi le bastart de Saueuse son escuier descuyrie habilliez de velours bleu. QUANT jay dit de monseigneur Adolf, a ce commencement je doy dire de nostre cheualier a larbre dor, comment Il vint pour le receuoir tres honnorablement vuidant hors dune porte doree a vng arbre dor qui estoit a lautre part du champ.
Monseign1" le bastart se fist amener ou champ en vng riche pauillon de
damas blanc et jaune, a vne gouttiere de drap dor violet, borde par bas de velours vert, et si fut lors seruy de monseigr de Cohein, monseigr de Montaurel, messire Hugues de Lannoy seigneur de Biaumont, messire Phelippe de Cohein, et messire Josse de Varsennare ayant chascun demie houssure de velours violet bordez de tresee blanche, chargie de grosses campanes dargent, et de Jehan de Maulpas et Alardin Bornel ses escuyers descuyerie ayans harnas de cheuaulx chargiez aussi de pareilles campanes dargent, et mondit seigneur ayant sondit cheual couuert dune riche houssure dorfaurie a vng arbre dor, et portoit vng escu vert et toute la feste durant. EN TEL ESTAT assamblerent ces deux nobles cheualiers, et jousterent tres puissamment lun contre lautre par lespace de demie heure, qui estoit le temps ordinaire pour chascun et non plus, mais des lances quilz ne aultres rompoient je ne fay nulle mention affin que mon escript nen soit a nul desplaisant, Ainchois poursieuray de jour en jour sur le fait de leurs estas a venir, et quant au fait aussy des heraulx tamburins et trompettes qui venoient acompagnier les Jousteurs vous debuez scauoir vne fois pour toutes que chascun qui venoit en estoit grandement acompagnies, les aulcuns pour ce qua eulx meismes appartenoient, les aultres pour les dons quilz en esperoient, Si men remetz en la consideration des lisans.
LEDIT TEMPS de demie heure passee le nayn corna, les seigneurs dessusdts coururent les planchons pour les dames comme chascun fist et que les chapitres contenoient Et ce fait se departit la seignourie et sen reuint a court, ou le soir on fist le riche et solennel bancquet dont deuant est faicte mention, La se trouua chascun fort en point, mais je seroye trop prolixe a declairer les riches robes et habillemens dorfaurie de brodure de drap de diuerses sortes et grosses chainnes que chascun portoit a ces haulx estas, Si ne my suis point arrestez fors seulement aux houssures et parures desdes joustes et declaration des bagues.
LE LUNDI iiije Jour monseigr le duc les dames et les juges vindrent sur
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les rens si vint hurter en soy presentant a la porte monseigr de Chastiauguyon frere au prince dorenge moult gentement en point. Il auoit sept seruiteurs de lances habillies de pourpoins de damas violet et mantelines de satin vert chascun trois tours de chaine dor au col, et plumes blanches, Son cheual estoit houssie de drap dor bleu, et auoit aprez lui deux paiges portans pourpoins de satin noir et mantelines de satin vert comme dessus. barettes de velours noir et plumes blanches et autour de leurs colz plusieurs tours de chaines dor. lun des cheuaulx desdts paiges houssie de drap dor cramoisi, lautre de drap dor violet.
A LENCONTRE de mondit seigr de Chasteauguion vint monseigr le bastart t tousiours seruj desdis escuiers descuierie en especial son cheual houssie de drap dor cramoisy.
Ensieuant mondit seigneur de Chasteauguion vint sur le champ charles de Visaen acompaignies des capitaines et archiers de corps de mondit seigneur le duc, chascun a'piet vne branche de may en la main et nauoit que vng seruiteur vestus de palletos dorfaurie, et lui auoit son cheual houssie dorfaurie blanche et doree assise par bendes.
CONTRE ledit charles de visaen vint monseigr le bastart harnaschie dorfaurie a campanes dargent.
LE JOUSTEUR du lundj fut monseigneur de Fiennes, lequel servirent monseigr de Roussy monseigr Jacques de Luxembourg son oncle, messire Jehan de Luxembourg son frère, et monseigneur le marquis de Ferare habilliez de hoctons de velours noir et tane, et vng collier dor de brodure deuant et derriere brode de fin or, ayans desoubz vestus pourpoins de satin cramoisy, et les cheuaulx de messire Jehan de Luxembourg et de monseigr le marquis auoient harnas de velours noir brodez, a xxiiij cloches dargent pendans sur chascun, celuj de messire Jacques de Luxembourg estoit de drap dor de velours cramoisy, et celuj de monseigr de Roussy de velours noir
brandé, et avoit sept cheuaulx moult richement houssies que cheuauchoient t quatre paiges et palefrenier habilliez de palletos de velours noir tous chargies dorfaurie blanche, et gros bastons de brodure dor fin et vng large collier de pareille brodure, capronceaulx (1) en teste de satin tane et noir bordez de semence de rozettes, Sa houssure de velours noir a grandes descendues de brodure de fin or, portans dessus la couppe jusques à la bordure qui estoit de bordure pareille grossement esleuee, la seconde de velours bleu seme de campanes blanches, le iije dermines borde de drap dor bleu, le iiije semee de talloces en brodure dargent, le ve dorfaurie blanche, le vje de satin noir borde et entreseme de bouillons dargent, le vij de drap dor cramoisy. A LENCONTRE de mondit seigr de siennes vint mondit seigr le bastart houssie de drap dor vert brode dorfaurie dargent Cy sont les trois jousteurs du lundj.
LESQUELZ aians fait leur debuoir mondit seigneur et chascun senreuint a court ou on fist ce jour vng bancquet de xxx plas de viande furnis de xiij mes sans les entremes Et si estoit nouueau dressoir, et de nouuelle vaisselle, pendant lequel bancquet il vint en salle vne grande beste comme vng griffon faire vng tour seulement pour resiouir la compagnie, Et si jua on audit bancquet vne partie de lenfance de Hercules comme jl est en la poetrie traictant dicelluy, puis se fist la dansse en fin dudit bancquet jusques quon ala couchier.
LE MARDI ve jour de jullet vint à la jouste mondit seigneur cest assauoir en vne maison sur le marchie ou lui et les dames tant ce jour comme les aultres regarderent lestat, lequel venu et lesdts juges se vint presenter monseigr darguel filz au prince dorenge nepueu au duc de Bretaigne, lequel auoit ses seruiteurs vestus de pourpoins de satin noir et hoctons de velours vert ayant chascun son harnas de cheual chargie de campanes dargent a façon de poire, entre lesquelz en estoit monseigr de Rauenstain, jl estoit houssie (1) Petits chaperons.
de drap dargent cramoisy chargie de campanes, son escu estoit cramoisy blanc et vert, sauoit vng gros plumas sur son heaulme, et apres lui estoient trois pages vestus de robes de velours vert a deux plois de velours blanc barettes de velours cramoisy en teste rebrassees (1) de velours noir lun de leurs cheuaulx houssie de drap dor cramoisy, lautre de drap dor bleu, et le tierche de drap dor velours violet.
CONTRE mondit seigneur darguel vint monseigr le bastart houssie de damas blanc borde de velours cramoisy a vne crois saint andrieu sur le dos semes de larmes dargent dorez à vne fiolle dargent qui les espandoit. LE SECOND de ce jour fut messire Anthoine de Halevvin qui fut seruy a la jouste du visconte de Furnes, de monseigr de Halevvin, monseigr de liâmes, et monseigr destrees, vestus de pourpoins de satin cramoisy, journades de velours noir et tane a vng y deuant et derriere de brodure dor, chascun vne chaine dor en son col, lui monte sur vng cheual houssie de velours noir et broude de feullages de fil dor, vmbree de grans y et sur chascun feullage vne campane dargent a fachon dancolies jusques au nombre de L. et sy auoit trois paiges vestus de pourpoins de velours noir, robes de drap violet broudees dorfaurie, le premier cheual desdts pages houssie de violet velours cramoysi atout un bort dorfaurie, lautre j. ygre de drap dor noir, lautre de satin violet seme de bouillons dargent dore borde de fil dor, a taches de cramoisy frangees a lenuiron. Et vint monseigr le bastart contre lui ayant vne houssure dorfaurie assise a facon de drap dargent.
CE JOUR fut le tierch jousteur messire Jehan de Luxembourg lequel seruirent monseigr de Roussy monseigr Jacquesso n oncle monseigr de Fiennes et monseigr le marquis de Ferare vestus de pourpoins de satin noir et hoctons de satin bleu, a vne fleur d'or, deuant et derriere, vng fol deuant eulx vestu dorfaurie, et si auoit quatre paiges et son palefrenier vestus de paletos de (t) Le bord relevé.
DES FÊTES CÉLÉBRÉES A BRUGES EN 1468. _1_- -"l-L' Li_L_ _a 1. .1~ ,aa__ _a
velours noir chargiez dorfaurie blanche, et barettes de sattin vert rebrachees de velours noir a grandes chiffres dor deuant et derriere, ledt messire Jehan ayant houssure toute dorfaurie doree tres riche, son escu violet, lun desdts aultres cheuaulx houssie de velours cramoisy borde de drap dargent bleu, le ije de satin bleu a tout tronchons dargent et a chascun vne campane dargent le iije de marties sables, le iiije de drap dor cramoisy velours, le ve de velours noir seme de grandes lettres dor, Ce sont ceulx qui jousterent ce jour et non aultres.
MONSEIGNEUR le bastard venant a lencontre dudit messire Jehan etoit houssie de velours tane chargie de brodure en barbequesnes, et ses lettres auec son mot a bordure de velours vert.
APRES ladicte jouste que les seigneurs et dames furent retournez a court, Il auoit en la grant salle vng riche bancquet prepare, aux deux grandes tables, et a la haulte estoient assises en maniere que furent les grandes naues pour les plas de viande grandes tentes de soye a deux mas banerolles dessus et pour les partes pauillons parez dorez et jolyez richement Et si fut le seruice de xv mes de cuisine, et y auoit encoires nouueau dressoir assis et nouuelle vaisselle, A la dextre partie de la haulte table dessusde, et droit deuant icelle estoit vne grande puissante et haulte tour representant celle de gorchem (1), a facon de pierre bleue, bachicolemens, faulces braies, et tout, sur laquelle tour en lesquarguette auoit vng homme qui fist plusieurs remonstrances servans au pourpos tant desdes tentes et pauillons comme desde tour, et aux fenestres dicelle tour se monstroient premierement grans souglers (2) sonnans trompettes de guerre, bien et par ordre, puis apres Iceulx retrais, lors que ledt guet ledist, se monstrerent chievres jouans comme menestrelz tres melodieusement, tierchement loups jouans de fleutes et quartement asnes qui chantèrent vne chanson tres plaisante, Et en la fin sallirent hors de lade tour six hommes en guise de singes et dansserent et firent merueilles.
(1) Gorcum.
(2) Sangliers.
LE mercredi le premier venant sur les rens fut messire Jehan de Chassa seigneur de Monnet, serui de quatre gentilz hommes habilliez de bien riches robes a facon de turs, et estoient deuant lui quatre moriens (1), et sur vng gros cheual a panniers en auoit deux et vng fol jouans de diuers instrumens, ledit cheual houssie de velours violet broudee de lettres dor et y auoit j cheual houssie de velours cramoisy broude de nuees dor, sur lequel cheual seoit vne pucelle vestue de drap de soye vert royee, atout vne grosse chaine dor au col habilliee a la maniere de turquie, laquelle dame menoit ledit cheualier Icelluj vestu aussy comme turcq sur son harnas son cheual houssie de velours noir seme de hault en bas dorfaurie, et auoit deux pages apres portans chausses et robes dorfaurie branlant, et puis auoit quatre aultres aprez lui habilliez comme turcqs de bien riches robes chascun dart ou poing et ceulx de deuant aussi qui estoit riche et nouuelle chose a veoir.
A LENCONTRE dudit monseigr de monnet vint monseigr le bastart houssie de drap dor velours cramoisy borde dermines.
LE SECOND de ce jour fut monseigr Jacques de Luxembourg, lequel fut seruj de monseigr de Scalles messire Jehan doudeuille son frere monseigr de Roussy monseigr de Fiennes messire Jean de Luxembourg et monseigr le marquis de Ferare, portans hoctons de satin bleu, ledit monseigr Jacques auoit iiij pages et le palefrenier vestus de pourpoins de damas noir mantelines de velours bleu chausses de violet et bonnez vers, mondit seigr Jacques houssie de drap dor pers borde de drap dor violet, plumas pers chamfrains de brodure, lun paige houssie de velours cramoisy borde dermines ledit houssure ayant vne branche lestoc sur le crupe du cheual de brodure dor sespandant aual, le feullage gros esleue entresemé de feuilles de chesne dor, lautre de bleu et brun violet a larges feulles dorfaurie semé de bouillons dargent et bordee de velours noir, semé de grosses larmes de fin or en broudure, le tierch houssie de velours noir chargie de chiffres (1) Maures.
DES FÊTES CÉLÉBRÉES A BRUGES EN 1468.
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dudt seigr et de y. les chiffres dores, les y blans et largement campanes a demi dorees, le quatre de satin violet seme de cardons dorfaurie borde de velours noir broude de larmes et de franges dor, le ve de drap de damas noir a chiffres et chardons de mondt seigr en brodure semé de campanes dorees borde de damas blanc semé des meismes campanes, le vje que menoit le palefrenier en main estoit houssie de drap dor noir et violet cramoisy, en tel estat entra sur le champ.
A lencontre de lui vint monseigr le bastart houssie de drap de velours bleu, sur crupe et cringne ayant vng rabot, et toute la houssure semee de rabotures dargent. tu
LE TIERCII venant sur le champ fut messire Philippe de Poitiers seignr de la Frete (1), seruj de monseigr de Dormans son frere le visconte de Furnes messire Anthoine et messire Josse de Lalaing portans pourpoins de satin noir palletes de taffetas vermeil, et chaines dor en leur col, Et estoit amene dune filliere sur le champ par vne pucelle a cheual, vestue de taftas blanc, cheueulx pendans chapiau de roses en teste, vng coler dor au col, son cheual couuert de tollectes de soye tout seme de violettes. Ledit seigneur ayant escu blanc, lui houssie de satin cramoisy brochie dor seme de campanes de vaches dargent Et auoit deux paiges habilliez de robes volans le corps de castas vermeil et noir et petites chapes de satin noir, lun des cheuaulx desdts paiges houssie de velours noir, et vne descendue sur la cruppe de velours cramoisy violet, le second houssie dun drap dpr bleu.
SI VINT monseigr le bastart contre ledt Poitiers houssie de velours noir seme dorfaurie blanche.
LE quatriesme ledit jour fut messire glaude de Vauldre (2) ayant dix seruiteurs habilliez de mantelines de damas deuant vert et derriere violet, sa hous(1) De la Ferté.
(2) De Vaudrey.
sure de velours sanguin et vert seme de coquilles dor en brodure entreseme de campanes d'argent.
CONTRE ledit Vauldre jousta monseignr le bastart houssie de drap dor cramoisy et borde de cresee blanche.
CELUI jour se fist le souper a court et ny eut point de bancquet jusques a lendemain.
LE JEUDI jousta le premier monseigr le conte de Saulme (1) lequel seruirent quatre nobles hommes habilliez de hoctons de damas noir et violet sestoit ledit conte houssie de drap dor bleu velours, vng paige vestu de damas noir et violet, houssie de velours violet seme de grosses campanes dargent enuiron de cent.
ENCONTRE lui vint monseigr le bastart houssie de satin cramoisy et chargie a facon de gorgerins de haubergerie dargent.
LE deuziesme fut messire Bauduin bastart de Bourgoingne qui fut seruj ce jour de monseigrde Monserrant le bailli de Bruges guillaume de Ternay et Guiot de Fougny vestus de mantelines de velours bleu a lettres de brodure deuant et derriere porpoins de satin cramoisy les trois, ledit Monferrant de drap dor, et chascun harnas de cheual chargie de campanes dargent, capelets de satin vers et plumes blances, et chascun vne grosse chaine dor aux colz, ledit messire Bauduin houssie de velours bleu seme de plumes en brodure qui sont sa liuree ayant vne longue banerolle de samis vert sur le heaulme, et apres lui trois paiges vestus de robes de velours bleu seme de chiffres dorfaurie blanche et doree le second de drap dor cramoisy borde de satin figure noir les figures rouges, le tiers de velours violet seme de campanes dargent, et vne tres grosse sur le dos du cheual, le iiije houssie de velours noir broudee dorfaurie a sa deuise.
(1) Le comte de Solm.
Monseign1" le bastart jousta contre ledt messire Bauduin portans harnas de cheual de damas blanc chargie de brodure et seme de campanes dor. LE TIERCH de ce jour monseigr de Rentj serui a lade jouste de monseigr Adolf de Cleues monseigr Jacques de Luxembourg, monseigr de Bieures monseigr de Fiennes et messire Jehan de Luxembourg vestus de pourpoins de damas noir mantelines de satin blanc, a tout chaines dor aulx colz, lui houssie de velours noir decope tout en figure de Y monstrant sur satin blanc, et auoit trois paiges portans porpoins de satin noir et mantelines de satin blanc, lun houssie de drap dor cramoisy, lautre de velours bleu seme de tout a. b. c. d. etc en brodure d'or, lautre de drap dor vert. ET CONTRE mondit seigr de Rentj jousta monseig1" le bastart houssie de velours tane chargie en maniere de testes de lions plattes tenant chascune teste vng aneau ront en sa bouche dargent borde de tafetas vert. LE JOUR meismes apres que monseigr le duc et les dames eurent veu les joustes Ilz vindrent a vng tres gracieulx bancquet qui estoit prepare au lieu que dessus lequel touchant le seruice fut tres grant Car on y seruit de xxiiij mes, Et pour nouuellite y ot sur les tables aultresfois dictes olifans licorgnes Dromedaires et cherfs grans et richement fais chascun portans coffres sur le dos plains despicerie et homme dessus, cheuauchant lesd bestes entresemees de paons et chisnes (1) moult riches, toutes lesdictes armoiez des armes des seigneurs de la toison dor, et de pluiseurs aultres nobles Et en tant con estoit assis audit bancquet furent parjouez encores certains fais dercules, siccomme quant il ala querre sa dame en enfer etc. Audit bancquet fut on jusques a deux heures aprez mienuit. LE VENDREDI y ot tres noble assamblee sur les rens car monseigr de Scalles anglois y vint pour lade iouste, mais a cause que lui et monseigr le bastart sont freres darmes monseig Adolf de Cleues soustint le pas, dont (1) Cygnes'
il aduint que mondt seigr le bastart estant en robe sur les rens regardant sondt frere darmes vng cop de piet de cheual qui lui mist tres uilainement le genoul hors du lieu et ne pot faire plus auant, mais fournirent ceulx qui seront dits.
Monseign1" de Scalles vint donc sur les rens tres honnourablement car premierement Il auoit seruice de tous les anglois et les notres de grant couraige lui faisoient compaignie, Ses seruiteurs estoient douze pour le lance, monseigr Jacques de Luxembourg y est et monseigr de Fiennes monseigr le marquis, les aultres anglois, et messire Jehan de Luxembourg, portans palletos vers a vne ancolie de brodure aulcuns de damas, aultres de satin figure et leurs cheuaulx auoient harnas de velours tane a tout xij fleurs dancolies dargent sur chascun harnas et chascun vne chaine dor au col. Et auoit six paiges vestus de pourpoins de satin noir mantelines de satin figure vert, semees dancolies dargent, barettes de velours noir rebratees de drap dor cramoisy a plumes jaunes et houseaux blans, ledit seigr auoit son escu de drap dor cramoisy et bleu, houssie de drap dor velours cramoisy et bleu, lesdts paiges, lun houssie de velours tane, seme de grosses campanes et grosses ancolies dargent, lautre de drap dor cramoisy velours borde de velours noir seme dorfaurie blanche, le tierch de drap dargent violet borde de drap dor bleu, a grandes estendues de velours cramoisy seme de campanes, lautre de velours cramoisy seme de ses chiffres en brodure dor a grans estendues de drap dargent et velours noir semees de houpes dor, lautre de velours gris semees de grans pièces de drap dor noir et de campanes dargent, lautre de velours bleu seme de larmes dargent bende partout dermines, borde de damas gris seme de ses chiffres en brodure dor.
ITEM contre lui joustant fut monseigr de Rauenstain houssie de velours cramoisy chargie dorfaurie dor et dargent a feullages.
LE SECOND de ce jour fut monseigr de Roussy lequel se fist amener sur
le champ en vng tres grant chastiau a quatre tours et vne grosse au milieu, Et estoit le chasteau quarré de machonnerie de pierre noire bien fait et bien garny de tout ce qua veue de chastiau appartient, la dedens vint jusques sur le champ deuant les dames ou il saillait dehors arme et monte, Si estoit à son deuant le nayn dengleterre vestu dune robe de velours noir a vng ploy (1) blanc, et quatre chevaliers qui le seruirent Cest assauoir monseigr de Fiennes messire Jehan de Luxembourg monseigr le marquis de Ferare, et messire Anthoine de IIalevvin vestus de pourpoins de satin cramoisy et hoctons de satin noir a vng ploy blanc et auoit ledt seigr sept cheuaulx couuers, le sien estoit houssie de damas blanc traillie de fil dor semé de a e. partout en brodure, et auoit sur son heaulme vng long volet, Puis auoit quatre paiges et son palefrenier et vng varlet a piet menant vng destrier, ledit varlet vestu de velours noir a vng ploy blanc, le premier desdts cheuaulx desdts paiges houssie de velours noir borde de velours cramoisy chargie de campanes dargent, le second chargie a force dorfaurie blance, le tierch de satin cramoisy a vne grosse branche ou estoit de brodure dor haultement esleuee Jettant ses feullages tout auant la houssure, lautre estoit aussi de brodure dor entierement toute faicte de gaufrure quarelee comme machonnerie entresemée de larmes dargent et de fenestres a deux testes de dames et vne dhomme et de seme a e, tousiours brodure, ladicte houssure dune galerie de brodure faicte a gros pillers en chascun parquet vng grant pot de violiers en lettres et tout de brodure dor dargent et de soye semée aussi de larmes, lautre encores estoit de brodure dor hault eleuee de grandes feulles entresemees de lettres et larmes dargent de brodure ayant sur la coingne (2) vne grosse fleur dor faicte a laguille bordee de satin cramoisy entresemee que dessus fringie de noir. Le destrier en main houssie de drap dor cramoisy, et pon.. scauoir que lesdts paiges et palefrenier auoient vestues mantelines de pareille estoffe chascun a sa houssure pourpoint de satin noir et barettes de velours noir decoppées dessus de drap noir et blanc.
(1} Une bande.
(2) L'angle.
A LENCONTRE de mondit seigr de Roussy jousta pour monseigr le bastart Charles de Visaen houssie de damas blanc semee darbres dor, atout vng bort de velours violet a arbres dor.
LE TIERCH pour le jour fut Jehan de Rochefay dit Rosquin premier escuier descuierie a monseig le duc. Seruy de monseigr daussy, messire Philippe de Crèuecuer Drieu de Humieres et Simon frère audit Rosquin vestus de pourpoins de velours cramoisy, hoctons de velours vert seme dorfaurie blance, atout deux lettres lescu dudt Rosquin et sa houssure de velours vert borde de velours tane chargie dorfaurie et par dessus lettres dofraurie lune douree et lautre blanche et nauoit nulz paiges.
LEDIT Charles de Visaen jousta encoires contre ledit Rosquin houssié dermines a bordure de martres sables, ainsi la jousta fina pour le jour sen reuint on souper a court, Et ny eult ce vendredi ne le semmedj point de bancquet.
LE SEMMEDJ reuint monseigr le duc sur les rens les dames et lesdis juges. Puis vindrent ou champ deux cheualiers ensamble dont lun estoit nomme messire Jehan de Ligne seigneur de Rely et lautre messire Jacques de Harchies ces deux sont compagnons si se habillerent pareilz Est assauoir quilz auoient six seruiteurs pour la jouste vestus de hoctons le dessus de velours violet, et le desoubz de velours noir a vne chiffre dor deuant et derriere a vne chaine dor es colz chascun, leurs houssures de velours violet borde de velours noir chargie de campanes dargent les escus noirs, et la chiffre dor deuant dite.
PHELIPE de Poictiers jousta pour monseigr le bastart contre messire Jehan de Ligne ayant harnas de cheual dorfaurie dargent.
ET CONTRE messire Jacques de Harchies ledit Poitiers houssie de satin de couleur de fleurs de peschier a grosses feulles dargent comme brodure pendans au col du cheual colier de campanes dorees.
APRES ces deux vint ou champ messire Phelipe de Crieuecuer ayans douze compaignons a piet deuant lui vestus de paletos de tafetas blanc et vert, et pour seruiteurs monseig daussy monseigr de la Roche Guillaulme Bournet et Rosquin portans pourpoins de damas tane et hoctons de drap dor cramoisy, ayans trois paiges vestus de pourpoins de satin cramoisy mantelines de damas blanc semmees de larmes dorfaurie doree a vng collier dorfaurie doree en facon de gorgerin barettes de velours vert et plumes verdes et blanches, lun houssie de drap dor vert, lautre de drap dor noir, le tierch de drap dor bleu, et lui de drap dor cramoisy son escut de drap dor vert.
ITEM jousta contre lui ledit Poitiers houssie de velours bleu chargie de campanes dorees et blanches.
LE QUART jousteur de ce samedj fut messire Jehan doudeuille (1) frère a monseigr de Scalles lequel fut amene a toute solennite tant des nôtres comme des anglois, et le seruirent monseig de Scalles monseigneur Jacques de Luxembourg monseig de Roussy et sept anglois vestus de satin figure par moitié ressamblant drap d'or et l'autre moitie de drap d'argent Si estoit ledit seigr houssie de drap dor velours blanc bordé de drap dor cramoisy, après luy quatre paiges habilliez de pourpoins de satin noir mantelines telles que lesdts seruiteurs, le premier houssie de drap dor velours moitié cramoisy moitié bleu, le ije de drap dor noir velours, le tierch de drap dor cramoisy velours. Item lui menoit on en main vng destrier couuert de très riche drap dor, la selle garnie de drap dor bleu a chamfrain de brodure dor fin, celui qui le menoit vestu dune longue robe de velours noir, son cheual houssie de velours violet seme de campanes dorees et blanches.
EN TEL estat fut ledt messire Jehan receu a la jouste dudit Phelippe de Poitiers houssie de martes sablees borde dermines.
(1) D'Ondeville dans le mémoire imprimé; c'est de Wodville, le frère de la reine d'Angleterre.
LE cinquiesme ce jour fut monseigr de Ternant seruy de monseigr Darguel messire Mile de Bourbon messire Jehan de Bourbon chevr de Rodes et Phelipe Copin portans palletos de satin violet, ledit seigr houssie de drap dor cramoisy chargie de campanes dargent et dessoubz la houssure vng harnas de cheual pareil qui demoura au jousteur quand on osta la houssure.
CONTRE mondt seig de Ternant jousta Poitiers ayant vng harnas de cheual dorfaurie dargent a rennes pendans ainsi fina la journee car il estoit bien tart quand les seigneurs et dames reuindrent a court et bien largement heure de souper.
LE dimence apres disner a heure acoustumee les seigneurs et dames venues vint soy presenter a la jouste pierre de bourbon seigr de carensy, lequel seruoit Phelippe de Bourbon son frere, messire Anthoine et messire Josse de Lalaing et mile de Bourbon vestus de palletos de satin cramoisy bajoes de bestes deuant et derriere en brodure dor, lonnes blans en teste, son escu de velours cramoisy et vne bajoe (1) et vng fl dor, et estoit houssie de velours cramoisy borde de drap dor noir, Si auoit trois paiges habilles de pourpoins de satin noir mantelines de satin figure bleu, et bonnets blans, houssies lun de drap dor velours noir, lautre de velours bleu chargie de tres grosses campanes dargent aussi grosses que testes denfans et grandes bajoes dargent, le tierch houssie de drap dor bleu velours.
EN CE POINT le receupt Phelippe de Poitiers houssie de drap dor bleu velours a vng sautoir et borde de velours violet.
LE SECOND de ce jour fut monseigr de Contay ses seruiteurs habilliez de velours noir en hoctons, lui houssie de drap dor noir, et j paige houssie de drap dor cramoisy velours, ledt paige vestu de velours noir, Et de la premiere course que ledt monseigr de Contay courut contre Phelippe de Poitiers Il le desarma et fut blechie ou corps tant quil le conuint cesser. (1) Le mémoire imprimé dit un os de cheval.
DES FÊTES CÉLÉBRÉES A BRUGES EN 1468. 1- -J~ ..1~ l'a. t_
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I.D~ a~amu~ uuuumuuu.~ n uaavwuv um u-rvv.r.
Ainsi demoura la mondit seigneur de Contay jusques que tost apres entra monseigr le marquis de Ferare.
Led1 Phelippe de Poitiers ou nom que dessus auoit vne houssure de drap dor velours vert atout vng bort de damas blanc et vne crois de sainct andrieu sur le dos du cheual de damas blanc.
Monseign1" le marquis a sa venue estoit gentement en point II fut seruy de monseigr de Roussy monseigr Jacques de Luxembourg monseigr de Fiennes, et messire Jehan de Luxembourg, vestus de palletos de satin bleu a e m en brodure dor, capronceaux rebrates de velours noir decoppez de drap violet, ayant xij cheuaulx parmj le sien quil cheuauchoit, les six houssies, et les aultres harnaschies, ceulx qui les cheuauchoient vestus de robes toutes chargees dorfaurie blanche a manches de velours noir, capronceaux telz que dessus et pourpoins de velours, les six harnas de cheuaulx tous de brodure, et les houssures, la sienne de satin bleu semee de seruiettes dor et de brodure de miroirs et fleurs pareilles entrefournie dorfaurie blanche, brodee de grans chiffres dor et brodure pareille tres large et haulte, lun de ses paiges houssie de velours violet chargie de roses dorees boutans hors gros aneaux dargent a trois neulx dorez, lautre de velours noir seme de grosses pommes dargent a quoy on gette feu es bateaux en la mer de nuees et campanes tout dargent, le tierch de satin figure gris chargie de reschauffoirs dargent a demie dorure gettans flambe en hault semee en la brodure de chardons dor, la quarte de damas jaune semee de lunes gettans rays et larmes dargent, le ve de velours vert semee de chardons dorez de campanes et de feulles de chardons dargent.
EN TEL ESTAT jousta mondt seigneur le marquis contre monseigr de Contay lequel ne chambga point sa houssure.
APRES la retraite de monseigr le marquis fist on armer monseigr Glaude de Vauldre pour jouster pour larbre dor contre monseigr de Contay et vint 46
ledit messire Glaude sur le champ houssie de drap dor vert seme de campanes dargent.
LEDIT jour de demence aprez la jouste finee se fist vng bancquet a la court ou les seigneurs et les dames furent seruis tres plentureusement seulement en vaisselle sans personnages et y fut seruy tant de cuisine comme de fruiterie et espicerie de xxiiij mes et pendant ledit bancquet se parjoua listoire dercules qui estoit commencee au parauant.
LE LUNDJ xje jour nul ne jousta que monseigr le duc lequel comme auoient fait les aultres cheualiers vint ou champ a tres grant estat, car auec loffice darmes quil auoit deuant lui et de toutes sortes de menestrelz trompettes et clarons xij cheualiers le seruirent, cest assauoir monseigr descalles monseigr darguel monseigneur de Chasteau guiaut messire Jacques de Luxembourg monseigr de Fiennes monseigr de Roussy, messire Jehan de Luxembourg, monseigr le marquis de Ferare, messire Bauduin le bastart, messire Phelippe Pot monseigr de Ternant, Jehan de Rochefaix dit Rosquin lesquelz estoient vestus de pourpoins de satin cramoisy et de hoctons tous charges dorfaurie dor sur champ violet, et dix paiges habilliez de mantelines pareilles a barettes de velours bleu et plumes blanches, lequel mondit seigr estoit houssie dune houssure de menue orfaurie dor en brodure bordee de deniers dor assis en branlant, vne aultre de velours cramoisy a grans fusilz dor en brodure et le feu partout seme, vng de velours bleu fait d'orfaurie dor en facon de drap dor, vng aultre de drap dor noir, lautre de drap dor cramoisy, lautre en brodure de petits fusiz, le destrier en main de velours cramoisy plain de deniers dor branlans, les aultres cheuaux tous houssies dorfaurie en plusieurs façons, ledit palefrenier habillié comme les paiges, et chascun cheual chamfrain de brodure de soye, et la houssure et plumas de la couleur.
AINSI mondit seigr venu sur le champ vint contre lui monseigr Adolf de Cleues seigneur de Rauenstain faisant porter sur lui vng riche pauillon pale
DES FÈTES CÉLÉBRÉES A BRUGES EN 1468. '1- 1 1 .1 1 1- ,11~
de damas blanc et violet duquel il vuida pres de la toille prest pour courre. Si auoit sept paiges et aultres tant cheualiers comme escuiers jusques a xx cheuaulx portans les meismes houssures ensamble qui lune aprez lautre auoient seruy a la Jouste precedente, En tel estat saillant dudit pauillon jousta contre mondt seigr le duc.
Si DEBUEZ scauoir que cedt Jour des deux heures aprez midy se fist apporter monseigr le bastart qui auoit le genoul hors du lieu en vne riche lictiere painte comme drap dargent et couuerte de drap dor sur le champ lui vestu dune riche robe dorfaurie dor.
QUANT mondt seigr le duc et monseigr de Rauenstain eubrent jouste leur temps le nayn corna, si jousterent pour les dames puis se retrairent. ET jncontinent ce fait vint hors de la porte de labre dor vng destrier bay chargie de deux panniers de cuir plain du harnas et lescu dessus, Sur quoy et en quoy jousta monseigr le bastart contre monseignr darguel, ledit destrier houssie de- velours noir chargie d'orfaurie lesdts paniers couuers dun velours violet, lequel destrier couuert et harnas et escu les officiers darmes le nayn et le jayant apres grant deliberation et pluiseurs manieres obseruees presenterent sur le champ deuant les dames a mondit seigneur darguel pour le plus auoir rompu de lanches a lade jouste.
LADICTE jouste faicte mondt seignr sen ala desarmer entrement que on deffist la toille et despeca tout le champ, Si sen ala chascun armer pour le tournoy meismes mondt seigr le duc, et habillier chascun des xxiiij deuant nommez en la jouste de labre dor de demies houssures de violet aulcuns de velours aultres de damas ou satin. Tous semez darbres dor, car les chapictres estoient telz quaprez ayant jouste Ilz deuoient compagnier le cheualier entrepreneur audit tournoy. Ainsi enuiron leure de six heures et demie xxiiij nobles hommes de dehors desquelz estoit capitaine messire Charles de Chalon comte de Joingny lesquelz se rengierent sur le champ
comme pour bataille, et leur furent presentees chascun lance ressamblant a fers esmolus, Et auoient chascun epee rabatue sans pointe, lesquelles Ilz presenterent aux Juges pour eschieuer (1) vileunie et puis les reprindrent, et tantost aprez vindrent les xxiiij de larbre dor vuydans hors de la porte dont vuydoit tousiours le champion, et se rengièrent pareillement que les aultres enuoierent leurs espees, et prindrent leurs lances, ainsi regardoient lun lautre, Et monseigr le bastart les regardoit en sade lictière. ET EN tant quil touche de la venue de mondt seigr le duc sur les rens pour ce tournoy. Il estoit de sa personne habillies comme les aultres Mais aprez lui auoit x paiges et vng destrier quon menoit en main, lesquelz paiges varlet de piet 'et palefrenier estoient vestus de robes de velours cramoisy le desoubz brode de fin or, et lesdts paiges a cheual chascun collier de grosses roses de fin or au martel pendant au derriere Jusques sur le cheual a deux fillandres de feulles de chesne dor, leurs cheuaulx et ledt destrier en main houssie de velours cramoisy seme chascun de cent campanes de fin or pesans chascune vng marc menans vng merueilleux bruit.
LESDIS xlviij nobles hommes assamblez ainsi lun deuant l'autre la trompette de guerre sonna, lors se ferirent en lun lautre des lances tres victorieusement puis ferient des espees lun sur lautre chascun a son pouoir vne bonne espace de tous costez du champ tant que le nayn corna, Et les dames faisoient signe dun volet, Apres quoy a grant paine on les fist abstenir et retraire chascun a son rent, lors osta monseigr le duc son habillement de teste et vint dun rent a lautre si en fist pluiseurs par couples venir lun contre lautre corps a corps qui se batoient des dictes espees vilainement, Tant que le plaisir de mondt seigr fut de fere retraite, Lors deux a deux rentrerent en la porte de larbre dor et passerent deuant les dames en ce point, et ramenerent mondt seigr a court, et mondt seigr le bastart en lictiere, puis salla chascun desarmer pour venir au bancquet et aux danses.
(1) Eviter.
ET EN tant quil touche des dictes joustes et tournoy la chose en la maniere que dit est fut honnorablement conduicte en toute doulceur, et en plus grant richesse quil ne mest possible descripre que il ne fusse trop long. Car il ne fut oncques jour que sur les rens ausdes Joustes et aux bancquets pluiseurs ne fussent habilliez de riches vestemens dorfaurie de brodure de pitorie de riches draps de houssures de harnas de cheuaulx vng jour lun aultre jour lautre, et pareillement aux bancquets et aux danses meismes mondt seigr le duc et monseigr le bastart et leurs paiges chascun jour nouueau, et en ensieuant les aultres princes et seigneurs, Pensez que chascun se monstroit dont je men passe de la declaration excepte du fait des armes et ce que y seruoit.
LE JOUR dessusdt apres le tournoy on auoit prepare a court vng bancquet qui fut bien gracieux, premierement on auoit dressie vng riche dressoir garny de riche vaisselle, Et sur les trois tables de la grant salle dont aultres fois jay fait mention y auoit assis xxx arbres de chire (1) portans de toutes manieres de fruits autour de la rachine desdls arbres la viande mise, Dont Il y auoit xx mes de cuisine, et pour les entremets y auoit personnages d'hommes et de femmes entresemez qui portoient lun en vne hotte lautre en vng chapiau, lautre en son geron fruiteries et espiceries lesdits personnages pains de fin or de fin argent et azur tres richement, Et deuant monseigr à sa table y auoit vne tour sur quoy estoit vng homme tenant vng dard, et de ladicte tour comme dune fontaine partoit eaue rose tres habondamment, et dedens lun des chandelers pendans a miroir dont jay parlé au premier bancquet y auoit vng dragon en la roche qui gettoit feu et de lade roche respandoit eaue et feulles de roses sur les gens. Item deuant lade table vint vne tres grande balaine, gardée de deux jayans laquelle auoit dedens son ventre deux seraines et xij ou xiij hommes habilliez estrangement lesquelz hommes et seraines vuiderent hors de lade balaine pour danser chanter et esbatre, Et desdis hommes auoit qui se combattoient et les aultres dansoient.
(1) De cire.
EN la fin dudit bancquet se commenca la dansse a laquelle le pris fut donne par les dames a messire Jehan Dondeuille frere a monseigr descalles, le pris du tournoy, Et apres firent quatre cheualiers aduentureux crier vne Jouste a lendemain, puis sen ala on couchier enuiron a trois heures.
LE lendemain aprez messe dicte, monseigr le duc fist en la grant salle vng tres riche disner, auquel seoit auec lui le legat de nostre sait pere, Et les prelats princes et seigneurs aux aultres tables. Apres lequel disner qui fut plentureusement seruy et longuement dura, mondit seigr le duc donna aux officiers darmes trompettes et menestrelz vjg francs en monnoye, Et lors commencerent ilz a crier largesse largesse a puissance, Et si donna mondit seigr a Cestre le herault auglois vne longue robe dun riche drap dor vert fourre dermines.
EN lapres disner on ala a la jouste laquelle tindrent monseigneur darguel monseigr Jacques de Luxembourg, monseig de Rentj et monseigr de Lens, mais il ny vint guaires de jousteurs, que monseigr de Roussy et le forestier de Bruges nommé monseig Dunttrertre, ainsi je me retrays et cessay descripre, Car a lendemain, siccome on disoit, se debuoit la feste rompre, et monseigr partir de Bruges.
CY FINE LE TRAICTIE DES
NOPCES DE MONSEIGNEUR
LE DUC DE BOURGOINGNE
ET DE BRABANT.
LA COMMISSION DÉPARTEMENTALE DES ANTIQUITÉS DE LA CÔTE-d'oR ET DES SOCIÉTÉS CORRESPONDANTES
M. Henri BAUDOT.
M. Joseph Garnier.
M. Jules d'ÂRBAUMONT.
MM. MARCHANT et Mathieu.
Conservateur du dépôt des Antiques. M. PRISSET.
M. LORY.
Monseigneur F.-V. RIVET, évêque de Dijon.
M. VERNIER, ancien conseiller d'Etat, ancien député et ancien maire de Dijon.
LISTE DES MEMBRES
COMPOSANT
Arrêtée au 1" juillet 1877.
COMPOSITION DU BUREAU.
M. le PRÉFET de la Côte-d'Or, président honoraire.
Président.
Vice-Président.
Secrétaire
Secrétaires-adjoints.
Bibliothécaire-archiviste.
Trésorier.
M. Henri JOLIET.
Conseil d'administration.
MM. Henri BAUDOT, président; CHEVREUL, PltlSSET, DE SaRCUS, GARNIER,
DE Saint-Seine, MARCHANT.
Comité de lecture.
MM. Henri BAUDOT, président; d'ARBAUMONT, secrétaire CHEVREUL, GARNIER,
GuiGNARD, DE CHARREY, CaPHAS, RABUT,
MARCHANT, JOLIET, LORY.
MEMBRES HONORAIRES.
MEMBRES TITULAIRES.
MM.
BAUDOT (Henri), « (0. Inst.), avocat 20 mars 1833. Garnier (Joseph), $ (0. Ac.), archiviste du dé-
partement. 14 avril 1840.
PRISSET, numismate 2 juillet 1845. MIGNARD, propriétaire 1er avril 1851. MORELET (Arthur), #, propriétaire 1er avril 1851. CHARREY (DE), propriétaire 1er avril 1851. Behn, architecte 1er avril 1851. GiiGNARi), bibliothécaire de la ville. 15 janvier 1853. Suisse, #, ancien architecte du dé-
partement. 15 janvier 1853.
MORELOT (l'abbé), ancien élève de l'Ecole des
Chartes. 3 janvier 1857.
Ciievreul, chevalier de l'ordre du Christ,
ancien magistrat 3 janvier 1857.
MUTEAU (Charles), (0 Ac.), conseiller à la Cour
d'appel, membre du Conseil
général de la Côte-d'Or 16 juin 1859.
Poisot (Charles), compositeur de musique 1er juillet 1859. ARBAUMONT (Jules d'), (0. Inst.), chevalier de l'ordre
d'Isabelle la Catholique et
de Saint-Grégoire le Grand,
propriétaire 15 décembre 1859.
S»RCus (le vicomte DE), ancien officier de cavalerie.. 16 avril 1862. CAPMAS, $$, prof. à la Faculté de droit. 15 janvier 1866. SAINT-SEINE (le vie. Raoul DE), propriétaire 3 janvier 1867. Lépime, docteur-médecin 3 janvier 1867. MARCHANT, docteur-médecin 3 janvier 1867. Gueneau d'Aumont (Philibert), (0 &), intendant militaire en
retraite. 1er juin 1868.
COYNART (R. DE), (0 »), lieutenant-colonel d'é-
tat-major en retraite 1er juin 1868.
Lory (Ernest), avoué 15 décembre 1871.
RABUT (François), professeur d'histoire au Lycée 15 décembre 1871. JOLIET (Henri), docteur en droit, propriétaire. 15 décembre 1871. Fétu (Nicolas), commis-greffier au Tribunal. 1er juillet 1873. Gouvenain (DE), archiviste de la ville 1er juillet 1873. CHEVROT, architecte 15 janvier 1876. SIRODOT (A.), architecte. 15 janvier 1876. MATHIEU (Ernest), avocat 15 janvier 1876. Jeanniot (Alexandre), (0. Ac.), directeur de l'Ecole
des beaux-arts 15 décembre 1876.
Clément-Janiiv, négociant 15 décembre 1876. ASSOCIÉS RÉSIDANTS.
GRAPIN, géomètre forestier 20 août 1834. POUPIER, ancien receveur de l'enregt 16 mai 1853. Bresson, avocat 1er mai 1857. Dhétel, ancien maire de Saint-Jean-
de-Losne. 3 janvier 1863.
MARLET (Adolphe), conseiller de Préfecture 15 mars 1864. CARRA (l'abbé), aumônier du Lycée. 15 juin 1868. DAMERON (François), professeur de sculpture à
l'Ecole des beaux-arts 15 janvier 1872.
Vioni\ois (Félix), architecte du département 15 février 1873. Bonvalot (Emile), $s, conseiller à la Cour d'appel. 16 juin 1873. Milsand (Philibert), bibliothécaire adjoint de la
ville 2 février 1874.
DEGRÉ (Pierre), architecte 1er août 1874. Suisse fils, architecte diocésain 1er mars 1875. GLEIZE (Emile), conservateur du Musée 16 décembre 1875. GAFFAREL (Paul), (0. Ac.), professeur d'histoire
à la Faculté des lettres 3 janvier 1876.
Gaitet, professeur de dessin à l'Ecole
des beaux-arts 4 janvier 1877.
MISSET (Camille), docteur-médecin, professeur
aux Ecoles de médecine et
des beaux-arts 4 janvier 1877.
DANS LE DÉPARTEMENT DE LA CÔTE-D'OR.
ARRONDISSEMENT DE DIJON.
Aiserey.
MM.
RENAUD (l'abbé), curé.
Cessey-sur-Title.
Claudon (l'abbé), curé.
Fontaine- Française.
MAGNIEUX, propriétaire. ·
Gascon, agent voyer.
Is-sur-Tille.
Mochot (Auguste), propriétaire.
Mnxilly.
VINCENT (l'abbé), curé.
Mirebeau.
BOURGEOIS (l'abbé), curé.
Morey.
Denizot (l'abbé), curé.
Orain.
VIARD, maire.
Plombières.
PERREAU, propriétaire.
Pontailler-sur-Saâne.
GAUTHIER, propriétaire.
Selongey.
REQUICHOT, docteur-médecin, maire. Val-Suzon.
MASSON (l'abbé), curé.
Vantoux.
DÉTOURBET, ancien membre du Conseil général de la Côte-d'Or.
ASSOCIÉS CORRESPONDANTS
ARRONDISSEMENT DE BEAUNE.
Beaune.
MM.
Rigarne, ancien greffier du juge de paix. CARLET (Joseph), sous-ingénieur des ponts et chaussées.
HUMBERT, architecte.
Bligny-sous-Beaune.
FOISSET (Paul), propriétaire.
Brazey.
PROTAT, propriétaire.
Corberon-les-Seurre.
Beauvois( Eugène), propriétaire.
Liernais.
ESPIARD DE Montpreseuil, propriétaire. Meuilley.
Caumont-Bréon, propriétaire.
Nuits.
Mérat, peintre.
Premeaux.
GARRAUD, curé.
Puliyny.
CLÉMENCEY (l'abbé), curé.
Santenay.
Longuy (Henri DE).
Seurre.
Girard, receveur de l'enregistrement. Sivry, commune de Saint-Prix, par Arnay-le-Duc.
Albrier (Albert).
ARRONDISSEMENT DE f.H.VTILLON.
Âignay-le-Duc.
MM.
FLEUROT, ancien percepteur.
Roger-Michelot, propriétaire.
Bnigneux.
LEREUIL (l'abbé), curé.
GIRARDOT, notaire.
Belan-sur-Ource.
EUVRARD (l'abbé), curé.
Brion-sur-Ource.
Garnier, propriétaire.
Châtillon-sur-Seine.
LEROY (Arthur), avoué.
P, usly-sur-Ource.
LAPÉROUSE, ancien sous-préfet.
Becey-sur-Ow ce.
Roiihier (Charles) docteur-médecin.
ASSOCIÉS CORRESPONDANTS HORS LE DÉPARTEMENT.
Alby (Tarn).
̃Tolibois, archiviste du département.
Ancy-le-Franc (Yonne).
Clermokt-Toisnerre (DE), propriétaire. Autun (Saône-et-Loire).
CHARLEUF, propriétaire.
DESPLACES DE CHARMASSE (Anatole), secrétaire de la Société éduenne.
DESPLACES DE CHARMASSE (Charles', ancien chef de bureau de la sous-préfecture. ESPIARD (Jean-Henri D'), ancien officier de cavalerie.
FEURTET, ancien juge de paix.
ARRONDISSEMENT DE SEMUR.
Buffon.
MM.
Poulin, propriétaire.
Chanceaux-
BENOIST, propriétaire.
Epoisses.
Guitaud (le comte Ch. DE), propriétaire. Montigny-Montfort.
Patriat (l'abbé), curé.
Noidan.
Landrot (l'abbé), curé.
Semur.
Bizard, professeur de peinture.
Vic-de-Chassenay.
Marlot fils, propriétaire.
DUMAV, juge au tribunal.
Saint-Gérand (DE), ancien inspecteur des eaux et forêts.
GANAY (le comte uE), propriétaire.
REPoux DE Chevaines, propriétaire.
Metmann (Etienne), procureur de la République.
Auxrre (Yonne).
CHALLE, président de la Société des sciences historiques et naturelles de l'Yonne.
LEBLANC, ingénieur des ponts et chaussées.
QUANTIN, archiviste du département.
PRÉJEAN, propriétaire.
CHARDONNET (de), propriétaire.
CLERC, #, président à la cour d'appel. JALLERANGE (Paul DE), propriétaire.
MARNOTTF., architecte.
Pingaud (Léonce), professeur d'histoire à la faculté des lettres.
Thonnier (Adolphe), artiste graveur. Bourbon-Lancy
ROSSIGNOL, ̃&, ancien archiviste.
Baux (Jules), anc. archiv. du départemt. Cahors (Lot).
CARRÉ, inspecteur des contributions. Cercy (Saône-et-Loire).
Contenson (uE), propriétaire.
Ap.noult (Stéphen), homme de lettres. Chalon-sur-Saône (Saône-et-Loire).
Canat (Marcel), président de la Société archéologique de Chalon.
CHABAS, correspondant de l'Institut.
FLOUEST, $, procureur général près la cour d'appel.
AUBERTIN, juge de paix.
SOULTRAIT (Comte DE), trésorier payeur général du département.
Avallon (Yonne).
MM.
Besançon (Doubs).
Bourbon-l'Archambault (Allier).
Bourg (Ain).
Chagny (Saône-et-Loire).
Chambéry (Savoie).
Châtillon-de-tlfichaille (Ain).
Chaumont (Haute-Marne).
Dole (Jura).
MM.
VALDAHON (DE), officier d'état-major. Doulevant (Haute-Marne).
MALLARD, juge de paix.
Equevilley (Haute-Saône).
LIÉNARD, ̃&, ancien agent voyerchef du département de la Côte-d'Or.
Epiry, commune de Sainl-Emiland (Saône-et-Loire).
Loisy (Edouard DE), propriétaire.
Fays-Billot (Haute-Marne).
GABUT, propriétaire.
Langres (Haute-Marne).
PECHINET, architecte.
Lille (Nord).
Baecker (Louis DE), inspecteur des monuments historique du Nord.
Lons-le-Saulnier (Jura).
MARGERiE, ancien inspecteur des lignes télégraphiques.
Lyon (Rhône).
Cochard, négociant.
Beaune (Henri), $, procureur général à la cour d'appel.
NIEPCE, conseiller à la cour d'appel. Montbeliard (Doubs).
WETZEL, président de la Société d'émulation de Montbéliard.
Montpellier (Hérault).
PRÉVOST, capitaine du génie attaché à l'école de Montpellier.
Moris (Vienne).
BARBIER DE MONTAULT, camérier d'honneur de Sa Sainteté Pie IX.
MM.
MOUGENOT, secrétaire de la Société d'archéologie de Nancy.
PATRON, chanoine d'Orléans.
Bougaud (l'abbé), vicaire général. Paris (Seine).
Barthélémy (Anatole de), $ membre du comité des travaux historiques.
Barthélémy (Edouard DE), membre du comité des travaux historiques.
BLANCHÈRE (DE la), membre de plusieurs Sociétés savantes.
COLIN, o &, inspecteur général des ponts et chaussées, en retraite.
Delvincourt, chef de bureau à la Préfecture de police.
DESNOYERS, $ bibliothécaire du muséum d'histoire naturelle.
Egger, #, membre de l'Institut.
EspiARD (Edouard d'), ancien officier de cavalerie.
Forgeais, fondateur de laSociété desphragistique, quai des Orfèvres, 56.
Gaslonde, $, ancien député.
GOUJET, archiviste au ministère de l'instruction publique.
HoussET (du), commandant.
Lareaume, homme de lettres.
L AVERGNE (Léonce DE), membre de l'Institut.
LEMAIRE-CHARLUT, architecte, rue Ménilmontant, 55.
MOREAU, sculpteur.
Nancy (Meurthe-et-Moselle).
Orléans (Loiret).
MM.
Pylaye (nE LA), propriétaire.
Salmo* (Ph.).
SICARD, sous-intendant en retraite.
VIDAL, homme de lettres.
Percey-le-Grand (Haute-Marne).
DECUSSY (Joachim), propriétaire.
Rennes (Ille-et-Vilaine).
Nadaud DE BUFFON (Henri), o avocat général.
Rheims (Marne).
Brunette, architecte.
Riceys (Les) (Aube).
ROYER, géomètre.
PRIÉ, docteur-médecin.
Tavernoy (Saône-et-Loire).
REY, ancien notaire.
Toulouse.
DUMÉRIL professeur à la Faculté des lettres.
Troyes.
Sangmer, ingénieur civil.
Veausse (Yonne).
PETIT (Ernest), archéologue.
Verdun-sur-le-Doubs (Saône-et-Loire). Jeandet (Abel), docteur-médecin.
Vesoul (Saône-et-Loire).
DEY, archéologue.
Vienne (Isère).
DELORME, conservateur du Musée.
GUYPER (Léonard DE), statuaire, membre de plusieurs académies.
DIÉGÉRICK, vice-président de l'Académie d'archéologie de Belgique.
GENS (Eugène), professeur d'histoire à l'Athénée d'Anvers, secrétaire perpétuel de l'Académie d'archéologie.
Van-der-Heyden, généalogiste, membre de plusieurs Académies et sociétés savantes.
Amiens. Société des Antiquaires de Picardie.
Autun. Société Eduenne.
Auxerre. Société des sciences historiques et naturelles de l'Yonne. Avallon. Société d'études.
Beauvais. Société académique d'archéologie, sciences et arts du département de l'Oise.
Besancon. Société d'émulation du Doubs.
Béziers Société archéologique, scientifique et littéraire.
Bordeaux. Commission 'des monuments et documents historiques et des bâtiments civils du département de la Gironde.
Boulogne-sur-Mer. Société académique de l'arrondissement.
Caen. Société des Antiquaires de Normandie.
Castres. Société littéraire et scientifique.
Chalon-sur-Saône. Société d'histoire et d'archéologie.
Chdlons-sur-Marne. Société d'agriculture, commerce, sciences et arts du département de la Marne.
Chambéry. – Société savoisienne d'histoire et d'archéologie.
CORRESPONDANTS ÉTRANGERS.
Anvers (Belgique).
MM.
Bologne (Italie).
MM.
Castagivoli (Achille), docteur.
Genève (Suisse).
Gosse, conservateur du Musée de Genève.
Monaco.
BOYER DE Sainte-Suzanne (DE), gouverneur de la Principauté.
SOCIÉTÉS CORRESPONDANTES (en France).
Société d'archéologie.
L'Académie de Savoie.
Château-Thierry. – Société historique et archéologique.
Compiègne Société historique.
Dijon. Académie des sciences, arts et belles-lettres.
Bibliothèque publique.
Archives départementales.
Lyon. Société littéraire, historique et archéologique.
Langres. Société historique et archéologique.
Lille. Commission historique du département du Nord.
Mâcon. Académie des sciences, arts et belles-lettres.
Marseille. L'Union des arts.
Société de statistique.
Mayenne. Société d'archéologie, sciences, arts et belles-lettres.
Melun. – Société d'archéologie, sciences, lettres et arts du département de Seine-et-Marne.
Montbéliard. Société d'émulation.
Montpellier. Société archéologique.
Académie des sciences et lettres.
Moulins. Société d'émulation du département de l'Allier.
Nice. Société des lettres, sciences et arts des Alpes-Maritimes.
Nîmes. Académie du Gard.
Nancy. Société archéologique.
Orléans. – Société archéologique de l'Orléanais.
Paris. Société de sphragistique, 56, quai des Orfèvres.
Société des antiquaires de France.
Société de l'histoire de France.
Société de numismatique et d'archéologie, 34, rue de Lille.
Pau. Société des lettres, sciences et arts.
Rambouillet. Société archéologique.
Rennes. Société archéologique d'Ille-et-Vilaine.
Rouen. Commission départementale des antiquités de la Seine-Inférieure. Semur-en-Auxois. Société des sciences historiques et naturelles.
Sens. Société archéologique.
Soissons. Société archéologique, historique et scientifique.
Strasbourg. Société pour la conservation des monuments historiques d'Alsace. Toulon. Société des sciences, belles-lettres et arts du département du Var. Toulouse. Société nationale du midi de la France.
Tours. Société archéologique de Touraine.
Verdun-sur-Mcuse. – Société philomatique.
l'esoul. Société d'agriculture de la Haute-Saône.
Vitry-le-Français. Société des sciences et arts.
SOCIÉTÉS CORRESPONDANTES (à l'étranger).
Anvers (Belgique). Académie archéologique de Belgique.
Rio-Janeiro (Brésil). Commission archéologique de l'empire.
Copenhague (Danemark). Société des Antiquités du Nord.
Gond (Belgique). Comité central des inscriptions funéraires et monumentales de la Flandre orientale..
Genève (Suisse). Société d'histoire et d'archéologie.
Gratz (Autriche). Société historique pour la Styrie.
Luxembourg. Société archéologique, section historique de l'Institut du grandduché de Luxembourg.
Saint-Pétersbourg (Russie). – Société impériale d'archéologie.
Zurich (Suisse). Société des Antiquaires.
DES MATIÈRES CONTENUES DANS LE NEUVIÈME VOLUME. – =»-=«s>aaMBas»o-=-<™
Compte rendu des travaux de la Commission archéologique de la Côle-d' Or, du \™ juillet \$1 3 au \»r juillet 1814 i Id. du 1er juillet 1874 au 1er juillet 1875 XLVIl Id. du 1« juillet 1875 au \<* juillet 1876 lxxv Id. du ^juillet 1876 au 1er juillet 1877 xcix Les deux premiers Hôtels de ville de Dijon, étude historique par M. Joseph Garnier, membre titulaire de la Commission. La Maison au Singe. L'hôtel Rolin, acquisition de l'hôtel par la mairie. Sa description et sa conversion en maison commune (1500 à 1559). L'Hôtel de ville au temps des guerres de religion et sous la Fronde (1560 à 1568). L'Hôtel de ville sous la monarchie absolue. Sa reconstruction. Régime des prisons (1662 à 1789). L'Hôtel de ville sous la Révolution, l'Empire et la Restauration (1789 à 1830) 1 Eglise des Dominicains, à Dijon, dite des Jacobins, par M. Paul Foisset, secrétaire-adjoint de la Commission. Sa fondation. Le monument. Les souvenirs. Bâtiments claustraux. 113 Note sur le combat qui a précédé le siége d'Alésia, par M. le lieutenant-colonel de Coynart, membre titulaire 141 Etude sur un Portulan inédit de la bibliothèque de Dijon, par M. Paul Gaffarel, associé résidant de la Commission. PREMIÈRE PARTIE Etude sur le Portulan dijonnais. SECONDE PARTIE Le Portulan dijonnais 149 Notice sur les pierres à bassins du Morvan, par M. Hippolyte Marlot, associé correspondant de la Commission 201 48
TABLE
~u 48
Les Vieilles Maisons de Dijon, par M. Clément-Janin, membre titulaire de la Commission 217 Coup d'oeil général sur l'inhumation et l'incinération chez les peuples de l'antiquité, suivi de la Découverte d'une agglomération de sépultures gallo-romaines par incinération, à Charnay (Saôneet-Loire), et de la description des objets qui y ont été trouvés. –Première PARTIE Asie. Afrique. Amérique. Europe. –SECONDE PARTIE Sépultures par incinération découvertes à Charnay. Description des objets retirés des fouilles (planches), par M. Henri Baudot, président de la Commission 223 Etude sur l'Etablissement des Chevaliers de Saint-Jean de Jérusalem, à Dijon, à l'occasion de la découverte de pierres tombales dans le terrain de la place Saint Pierre par M. Lory, bibliothécairearchiviste de la Commission 275 Note sur les Hipposandales, par M. le lieutenant-colonel de Coynart, membre titulaire de la Commission. 307 Description inédite des Fêtes célébrées à Bruges en i468, à l'occasion du mariage du duc Charles-le-Téméraire avec Marguerite d'York, par Olivier de la Marche, publiée par MM. Auguste Dufour, général d'artillerie, et François Rabut, membre titulaire de la Commission 311 Bureau, Liste des membres de la Commission et des Sociétés savantes correspondantes. 353 FIN DE LA TABLE DU TOME NEUVIÈME.
Imp. Jobard.