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Titre : Lyon-revue : recueil littéraire, historique & archéologique : science et beaux-arts / directeur Félix Desvernay ; illustrations de B. Froment

Éditeur : [s.n.] (Lyon)

Date d'édition : 1880-10-01

Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32810113v

Notice du catalogue : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/cb32810113v/date

Type : texte

Type : publication en série imprimée

Langue : français

Format : Nombre total de vues : 4948

Description : 01 octobre 1880

Description : 1880/10/01 (A1,N4)-1880/10/31.

Description : Collection numérique : Arts de la marionnette

Description : Collection numérique : Fonds régional : Rhône-Alpes

Droits : Consultable en ligne

Droits : Public domain

Identifiant : ark:/12148/bpt6k405911p

Source : Bibliothèque nationale de France

Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France

Date de mise en ligne : 15/10/2007

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§Pg| Abonnement 20 fr. par an. Le Numéro 2 francs [plgi 1" Année. N" 4. Octobre 1880. LYON-REVUE

HISTORIQUE & ARCHÉOLOGIQUE • ILLUSTRATIONS DE E. FROMENT

RÉDACTION & ADMINISTRATION

1880

LYON. IMPRIMERIE A. STORCK, 78, RUE DE l'hÔTEL-DK-VILLE \<^m 'f~~

RECUEIL LITTÉRAIRE

SCIENCES & BEAUX-ARTS

Vita sine Htteris mors est.

(Ce.)

Directe Feux DESVERNAY

Membre de k Société littéraire, historique et archéologique de Lyon

10, Rue de la Préfecture

LYON

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Lyon-Revue paraît à la fin de chaque mois par livraison de 64 à 80 pages, grand in-8".

Lyon, un an. 20 fr. Départements, un an 22 fr. Etranger. id le port en sus. Chaque livraison 2 francs.

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Chez M. Storck, imprimeur, rue de l'Hôtel-de- Ville 78, et chez tous les libraires.

Les manuscrits ne seront pas rendus. Il sera rendu compte de tous les ouvrages dont on nous aura adressa deux exemplaires. LES ANNONCES DE LYON-REVUE

SONT REÇUES

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Classiques français publiés d'après les éditions originales. Romans classiques du xvm" siècle. Recueil des Fabliaux. Les conteurs français. Cabinet du Bibliophile. Les petits chefs-d'œuvre: Le Philosophe sans le savoir, de Sedaine (dernier paru). Nouvelle bibliothèque classique. Editions originales de Molière. Théâtre de Molière. Petite bibliothèque artistique de contes et romans. Poètes de ruelles aux vie siècle. Les petits chefs-d'œuvre inconnus Le tombeau de M*1" de Lespinasse (dernier paru). ÉMILE BLOUEST

ABONNEMENT AUX JOURNAUX DE MODES S Patrons découpés et montés grandeur naturelle

4, Place des Terreaux, 4


LE BON ANGE

Mon amie a-t-elle peur des morts !“•

Non mais laisse donc les morts en paix.

Burgek, Ballade de Lénore.

Mère, quand il fait noir, et qu'on entend la bise

Gémir à travers l'huis comme une femme en pleurs. Et que ton voit danser sur la muraille grise

De l'âire qui s'éteint les dernières lueurs;

Que faut-il qu'un enfant dise dans sa prière

Pour qu'il puisse, la nuit, sans frayeur sommeiller, Et que le revenant qui déserte sa bière

Ne vienne pas s'asseoir, pâle, à son oreiller i

LYON-REVUE Ociobre 1880. !j \n&# Or 4 ° f ~'S


Chasse au loin, cher mignon, cette frayeur étrange; Que craindrais-tu des morts habitants du tombeau } Pour tes petits enfants n'est-il pas un bon ange Qui se tient, l'œil ouvert, auprès de leur berceau ? Un bon ange ?. oui, souvent la nuit, quand je repose, Dans mes songes trop courts j'ai vu ses cheveux d'or, Son aile blanche et molle, et sa bouche de rose Où la parole chante en merveilleux accord.

Dès qu'il vient, son front pur illumine mon rêve; Je le sens d'un vol doux planer sur mon chevet; Son souffle est un parfum qu'à la fleur il enlève, Et son baiser sur moi glisse comme un duvet.

Mais pourquoi s'enfud-d sitôt que je m'éveille,

Et n'est-il près de moi que la nuit seulement ?

Enfant, la nuit, le jour, sans cesse il te surveille, Mais ce bel ange là ne se voit qu'en dormant.

Entends comme au dehors la raffale tournoie Du vieux chêne rompu le bois siffle et bruit.

Mère, il va me tarder qu'un beau songe m'envoie Le bon ange qui doit me garder cette nuit.

Et l'enfant s'endormit, caressant l'espérance

Que son ange viendra dans un rêve trompeur D'un fantôme hideux son rêve eut l'apparence Et s' éveillant soudain, l'enfant cria « J'ai peur »


Mais un ange était là, calmant ses vaines craintes,

Et pour le rendormir, dans ses bras le berçant,

Sa mère, le couvrant des plus folles étreintes,

Le pressait sur son cœur comme un bien qu'on défend. Du fantôme en ton sein j'ai bravé la furie

O ma mère, dit-il, mon bon ang e, c'est toi

Puis il s'agenouilla. Que fais-tu là ? Je prie

Pour l'enfant qui n'a pas un ange comme moi.

1838. Joséphin SOULARY.

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Le hasard n' est pas toujours inintelligent il nous a fait découvrir dans une Revue Musicale qui'se publiait à Lyon, il y a déjà bien des années, une pièce de poésie que nous n'hésitons pas à considérer comme un petit chef-d 'œuvre de grâce naïve et de simplicité charmante. Cest LE BON ANGE qu'on vient de lire, d' admirer et que tout le monde voudra savoir par cœur, ne serait-ce que pour prouver à notre collaborateur et ami, M. Joséphin Soulary, si bienveillantpour tous, mais trop sévère pour lui-même, combien il a eu tort de n'avoir pas réservé dans son œuvre une place à ce délicieux tableau qui était, croyons-nous, si digne d'y figurer. F. D.


HYLA

HISTOIRE VÉRITABLE

Jai toujours pensé qu'elle avait eu quelque

~j~j~~ t grande peine de cœur. Sa physionomie

~*fj~~ )[ rêveusé et mélancolique, son amour des bos-

~y~ quets mystérieux, les longues heures qu'elle

e~C~U~f passait, les yeux levés au ciel, contemplant

'< les nuages qui fuient, sans changer d'atti-

tude et paraissant livrée à de profondes méditations, tout me dit que je ne m'abuse pas. Elle me faisait songer à Mignon dans le poétique tableau d'Ary Scheffer. Comme elle, elle était toute jeune; comme elle, sans autre éducation que celle de la nature; comme elle, paraissant t aspirer à un état supérieur, à un monde moins vulgaire que le nôtre et où elle eût rencontré une âme sœur de la sienne.

On s'était habitué à la voir promener sa douce tristesse. Elle ne demandait rien à personne, ne causait avec personne, mais elle n'était pas sauvage non plus; elle ne fuyait pas les hommes, comme ces êtres que le malheur rend injustes et misanthropes. C'est le propre des âmes supérieures d'être affinées par le chagrin, non d'en être ulcérées. Chose


extraordinaire, on ne l'entendit jamais chanter, au rebours de la plupart des personnes de son sexe et de son âge, qui aiment à livrer au vent les échos de leur âme. Il y a longtemps qu'on a dit que les grandes douleurs sont muettes.

Elle se nommait Hyla, nom poétique, charmant. Je n'ai jamais connu son nom de maison. La première fois que je la vis, il y a dix-huit mois, c'était un matin d'avril. Il y avait eu un peu de rosée. Un frais pontias (c'est le nom d'un vent léger qui, dans ce pays, se lève chaque matin pour saluer l'aurore) faisait frissonner les feuilles. Je l'aperçus sur un géranium vert sur vert, émeraude sur velours. Un peu effarouchée par la présence subite d'un homme, elle sauta pudiquement du géranium sur un grand rosier qui le touchait et balançait sa corbeille rose. Car vous ai-je dit qu'Hyla était une rainette ? Mais quel amour de rainette Elle était grande à peu près comme la phalange de mon pouce. Rien ne peindra jamais l'éclat du vert de son dos, la blancheur mate de sa gorge, le rosé tendre de ses cuisses. Une ligne jaune et noire de chaque côté du cou, semblait les bandelettes sacrées qui tombent sur les épaules des prêtresses d'Isis dans les représentations égyptiennes. Foin des immondes grenouilles de marais, gluantes, vaseuses, aux pattes sales, qui font coax, coax coax. Hyla ne trempa jamais son corps pur dans une eau fétide. Elle ne faisait sa toilette qu'avec de la rosée. Pauvre innocente, qui n'avait pas même de dents pour mordre, au rebours de ses prétendues cousines des grenouillères Ses doigts délicats étaient terminés par de petites pelottes qui lui permettaient, en adhérant aux branches, de monter sur les arbustes. Elle adorait les lauriers-roses, et grimpait lentement le long d'une branche jusqu'à l'extrémité. Là, sous l'abri d'une fleur rougissante, elle levait sa petite tête au ciel, joignait ses pattes de devant et, je n'en doute pas, se mettait en prière. Car Hyla avait des sentiments religieux. Elle priait toujours à voix basse, fuyant l'ostentation du pharisien. On voyait très distinctement, pendant des heures


entières, s'agiter les muscles de sa gorge, au fur et à mesure que passaient les paroles pieuses. C'était si long que j'ai pensé souvent que ce n'était pas seulement une prière, mais quelque litanie, quelque office matines le matin, vêpres à la vesprée. Elle n'en finissait plus. #

Par quelle singulière fantaisie était-elle venue se fixer à la porte de la maison, pour ainsi dire dans la maison même, car les branches des lauriers-roses y pénètrent sans façon ? Pour vous faire comprendre les mœurs assez singulières d'Hyla, je serai obligé de vous dire tout à l'heure comment sont faits les lieux qu'elle avait choisis pour sa résidence. Tout bon romancier doit en effet à son lecteur de lui faire une description minutieuse des endroits habités par ses héros. A bien plus forte raison ici, où il ne s'agit point de roman, mais d'histoire, bien plus véridique assurément que l'histoire des historiens. C'est qu'entre l'âme d'un être et les sites qu'il a hantés dans sa jeunesse, ou mieux encore qu'il s'est choisis pour y vivre, il y a des corrélations indéniables. L'école de Darwin a depuis longtemps démontré les effets des actions de milieu. Les milieux font les âmes à leur image. Supposez Lamartine ou Mistral nés au fond d'une allée de la rue de l'Enfant-qui-pisse, ce n'eussent été ni le Mistral ni le Lamartine que nous connaissons. Mais comme, d'après le grand Hégel, une proposition ne saurait jamais être vraie que si la proposition contraire est indiscutable, on ne choisit soi-même que les milieux qui vont à votre âme. Jamais, pour se retirer au sein de la nature, Lamartine ou Mistral n'eussent pris Venissieux.

Expliquez-moi par quelles mystérieuses affinités Hyla n'aimait-elle que les rosiers, les aloès, les lauriers-roses, et pourquoi n'aimait-elle précisément que les lauriers-roses, les aloès, les rosiers qui ombragent ma chaumière, couverte en tuiles, selon l'usage du pays? Il y a là pour sûr une raison cachée. Des lauriers-roses, elle en aurait eu cinquante autres à son choix, où elle eût cent fois moins eu à craindre d'être dérangée dans ses prières. Des aloès et des rosiers, cinquante


autres aussi. Pourquoi Hyla, que la nature avait façonnée pour les lieux humides, les sources ombragées, était-elle venue se fixer à la rage du soleil, dans un coin séché, grillé, brûlé, rissolé, où l'eau n'est mesurée que d'une main avare par les soins de ma cuisinière ? A ce joli petit être, il aurait suffi d'une petite promenade pour trouver, chez mon voisin d'aval, une source toujours courante, des lauriers-roses plus beaux et toujours humectés, un bassin d'eau vive pour se baigner, d'autres Hyla pour babiller avec, et de jeunes et beaux Hylos pour aimer.

Vous ne m'ôterez pas de la tête que cette intéressante créature n'était venue se fixer près de moi que parce qu'elle se sentait dans un milieu approprié, et chez quelqu'un qui la comprenait. Pour se plaire dans l'asyle du Sage (par uny), il faut avoir des goûts du sage évidemment elle se plaisait dans le voisinage d'un hôte aimant comme elle le silence et la retraite, comme elle inoffensif, sans dents, sans griffes; comme elle perdu dans de longues rêveries, fuyant comme elle les plaisirs vulgaires de l'amour et de la société. Il n'y avait de différence que dans l'âge, mais on a vu des enfants aimer la société des vieillards. Si la pauvre Hyla eût su lire, comme son hôte elle aurait eu le goût des vieux livres, et si on lui eût appris à parler, elle aurait parlé lyonnais. Nos âmes avaient une parenté secrète.

Puis elle savait, à n'en pas douter, que c'était la maison des bêtes. Elle savait qu'on n'y contrariait personne, qu'on n'y sauvageait personne; qu'il n'y avait là ni chiens, ni chats, animaux que j'ai en horreur parce qu'ils sont domestiques. Là où il n'y a ni chiens, ni chats, ni femmes, on peut espérer de vivre à peu près en paix. Du haut de son rameau de laurier-rose, Hyla avait pu souvent contempler la petite larmise, couleur du gris de la pierre sur laquelle elle se couche, comme Hyla, du vert de la feuille où elle perchait. L'agile petite Lacerta (c'est son nom) habite dans le joint de deux marches de


mon escalier. A midi, Hyla la regardait curieusement venir s'étendre au soleil, s'aplatir, promener sa petite langue leste à trois fines pointes sur ses lèvres sans défense, et boire en paix son rayon de soleil. Si ma rainette avait l'œil perçant, elle pouvait aussi distinguer parfois, sortant d'entre les pervenches qui tapissent le talus de l'allée, un gros lézard vert, dont nos stupides paysans ont grand'peur et qu'ils appellent arassd. De même les stupides paysans du Bugey ont peur de cet innocent petit serpent gris de fer, serpent de verre, disent les savants, que dans le Lyonnais nous nommons yïc/e ou âne vieux. Maître Arassâ aurait pu être un ennemi dangereux pour la frêle Hyla, mais soit qu'il ressentît du respect pour l'hôte du propriétaire, soit qu'il craignît de s'aventurer trop près des lieux habités, il la laissait tranquille, Il se nourrissait seulement d'insectes, happant volontiers la petite sauterelle que je lui offrais poliment au bout brillant d'une épée tirée d'une canne. Par exemple, monsieur, de palais difficile, n'appréciait que la côtelette d'agneau et le filet tendre et saignant. Si je lui présentais une sauterelle un peu vieille, coriace comme les vieillesfemmes, ou seulement trop grosse, il détournait la tête dédaigneusement. Ainsi l'ogre du petit Poucet ne voulait-il que de la chair fraîche.

Parfois aussi venaient s'aventurer dans notre voisinage de ces jolies couleuvres verdâtres, si timides, si peu méchant es et qui faisaient pousser d'horribles cris aux femmes de la maisonnée. Si la petite Hyla se fût un peu écartée, d'infortune, la couleuvre en eût fait un bon repas. Mais Hyla ne voulait point nous quitter et, de dessus son laurier rose, elle narguait les dangers et, pour si peu, n'interrompait point ses matines.

Des oiseaux, on n'en parle pas nids de rossignols dans l'épais rosier de Chine; dans les branches pendantes, aux feuilles lisses et vertes en dessus, en dessous cotonneuses et couleur d'amadou, de cet arbuste charmant auquel les savants ont donné l'horrible nom i'celeagnus reflexa; nids de chardonnerets dans les cyprès; nids de petits becfis dans les lentisques nids de fauvettes calés entre trois branches de


lauriers-roses, et deux cents nichées de moineaux sous les tuiles. Quelquefois les oiseaux s'entreregardaient curieusement avec Hyla, et ils semblaient tout étonnés qu'elle n'eût pas de queue.

Mais quand venait la tombée de la nuit, alors sortait gauchement, je ne sais d'où, notre gros ami Bufo. Bufo est aussi laid qu'Hyla était jolie. C'était le Caliban de cet Ariel. Gros, visqueux, baveux, urineux, ventru, couvert de papilles et de pustules, il se traînait en bottant parmi les plants de violettes et d'oeillets, gagnait le tamaris voisin, puis le romarin, puis l'alaterne, puis se fixait près du trou de la pompe au pied d'un rosier blanc grimpant qui, du côté de la cuisine, est monté jusque sur le toit et a fini par s'enrouler autour de la cheminée. Mais mon ami Bufo est la preuve qu'il ne faut pas juger de l'âme par le corps. Non moins inoffensif qu'Hyla, il travaillait pour nous, en mangeant le plus d'insectes qu'il pouvait. Le service rendu, avant jour il rentrait chez lui, comme quelqu'un qui se sait laid et ne veut point exposer à d'indécentes railleries un physique disgracié. Il y a du philosophe dans ce gros Bufo.

Vous n'échapperez point à ma description. Sachez qu'on parvient à l'Asyle du Sage par un degré de dix marches, collées le long de la maison. Je ne vous ferai pas grâce d'une. Pour y monter, il faut d'abord se courber sous le tamaris et incliner la tête à gauche, afin de ne pas être graffigné au visage par le rosier qui, touchant le degré, a voulu, pour nous contrarier, pousser par dessus au lieu de se jeter en dehors. Ce rosier doit être une femelle.

Sur chaque marche, un pot de vulgaire géranium. Cela sent un peu son épicier en retraite, mais que voulez-vous, on a tout l'été de belles fleurs voyantes. Sur le palier d'arrivée, cependant, un latanier, dans un pot de faïence qu'on n'achètera pas pour le musée japonais menace, de sa tige dure et charnue, de faire éclater les parois. De son centre, jaillissent les feuilles digitées sur un pétiole à épines crochues. Deux arallias dans des pots, arbustes du Midi, font, comme les pal-


miers, sortir du cœur leurs feuilles vert lisse, découpées à la façon de celles du figuier, et juchées en bouquet au sommet d'une canne. Et vous voilà sous la loggia.

Loggia, mot ambitieux, car celle d'ici ne rappelle que vaguement ces loggias, que les Italiens considèrent comme l'indispensable complément d'un palais, d'un casin, d'une vigne. Mais comment nommer en français ce qui n'existe pas en France, les Français, même ceux du Midi, ayant la sottise de ne jamais rien faire de semblable dans leurs maisons. Enfin, quoi! la mienne est une pièce longue et étroite, une galerie, ce que vous voudrez, ouverte au soleil par un grand arc qui ressemble à un immense portail de grange. # #

Là on lit, on fume, on devise, on ne fait rien, on regarde le temps qu'il fait. On coule la vie. Chaque jour, le plus fidèle des amis y vient passer deux heures avec moi, sole fruens sifrigus eritj si messis, in umbra. Là, nous résolvons tranquillement tous les grands problèmes de l'ordre religieux, moral, politique et philosophique qui agitent l'humanité. Si l'on nous écoutait, tout irait bien: il n'y aurait plus de méchants; la République n'aurait plus d'ennemis, pas même parmi les républicains; tout le monde serait tolérant, tout le monde aimerait la paix; on nous rendrait à l'amiable l'Alsace et la Lorraine toutes les difficultés seraient dénouées la France et le monde marcheraient comme sur quatre roulettes. Mais voilà on ne nous écoute pas! Là, on dîne huit mois de l'année. On y pourrait quelquefois déjeûner douze. C'est une trappe à rayons de soleil. Des fois qu'il y a, le pays est couvert de neige, car le Midi connaît aussi, à leur heure, la neige et les sols durcis par la gelée, et vous êtes enveloppés, baignés de rayons bienfaisants, au chaud comme la petite Lacerta sur sa marche.

Assis ou debout, élevé comme on l'a vu, d'un demi petit étage, on peut, entre les branches des oliviers et des lauriers-roses, contempler à loisir ce paysage un peu gris d'amiante, mais éclatant de soleil, aux formes


amènes, creusé comme une baie, dont nous occupons le centre, à mihauteur. A gauche, nous touchons de la main le massif de GardeGrosse, montagne assez respectable avec ses trois mille pieds au-dessus du niveau de la mer, couverte de jeunes chênes, roux l'hiver, gris et rosés aux premières pousses du printemps. Là-bas, l'Aygue, au moyen-àge le Figre, torrent de Provence, dessine parmi les graviers blancs les méandres de son argent liquide.

Or, c'était sur les trois lauriers-roses, dont on cueille les fleurs en étendant la main de la loggia, qu'Hyla avait fixé son domicile électoral, allant parfois à la campagne dans un rayon de quelques mètres #

Les lauriers-roses! quel nom, quels souvenirs! A Lyon, nous les dénommons laureïles. C'est moins poétique, mais les souvenirs que le mot rappelle sont encore plus doux que ceux de la Grèce et de l'Eurotas. C'est que de laurelle à recuite il n'y a qu'un pas, si vous songez que c'est avec une ou deux feuilles de laurelle que les bonnes femmes de Ste-Foy parfument ces adorables recuites blanches, dans de petits plats de faïence que, recouverts d'une légère mousseline humide, elles portent sur leur tête pour vendre à Lyon. Les recuites sont alignées sur de petites planchettes minces dans un grand panier. La mousseline imprime sur leur surface le réseau de son léger tissu. Il y a deux sortes de recuites, celles de deux sous, celles d'un sou. Il faut toujours prendre de celles de deux sous, parce qu'elles sont plus grosses. Oh les recuites, qui me les rendra

Sur ces rives désertes,

Qui n'ont point d'algues vertes

Oh qui me les rendra

a dit le poète.

Oh! mourrai-je donc sans manger encore une fois de vous, ô recuites si fraîches, avec votre pàte si blanche, si suave, si délicate, si jeune


(le mot est à sa place), avec votre petit parfum amer 0 recuites, ô Sainte-Foy! 0 Sainte-Foy, ô recuites!

#

Ici les lauriers-roses ne sont pas, comme chez nous, piqués dans des caisses peintes en vert, que les gros négociants qui ont des campagnes font rentrer à la Toussaint, et d'où s'élève un pied unique portant sa ramure en façon de boule. Plantés en pleine terre, il surgit de leur pied une multitude de drugeons vigoureux et ils poussent en cépée, en touffe, qui, vienne juillet, se couvre littéralement de fleurs. Les nôtres sont modestes pour le pays. Le terrain est maigre et sans eau. L'arrosage artificiel, pour ces sortes d'arbustes, est à l'arrosage naturel, ce qu'est l'art à l'inspiration, et l'hymen à l'amour. L'amour vient quand il veut, l'hymen quand on le demande. Dans la « villa des Trois-Platanes » illustrée par un roman de M. Cherbuliez, et qui est à un kilomètre d'ici, un laurier-rose, qu'on n'a jamais pensé à arroser, envoie jusque par dessus le toit de la maison ses'gerbes épaisses et parfumées. Pourtant ceux qu'habitait Hyla ont encore quelque trois mètres de haut, et le spectacle de leurs fleurs d'un rouge tendre si délicat, qui le soir répandent leur parfum léger, est quelque chose qui ne se peut exprimer, les mots disant bien ce qu'on voit, non ce qu'on sent.

#

Dans la vie, rien n'est complet, simultané. Tout n'est que succession, rotation, alternance: vie et mort, mort et vie; mais le cycle se ferme par la mort. La vie de l'homme elle-même n'en est pas une; c'est une suite de vies mises bout à bout, et c'est notre misère. Dix ans écoulés, et tout est changé autour de vous le milieu, les relations, le genre d'existence. Les êtres que vous aimiez ont disparu. Vousmême n'êtes plus vous-même. Vous ne pensez plus de même, vous ne sentez plus de même. Que dis-je, s'il en faut croire les chimistes, jusqu'à votre corps qui n'est plus votre corps chacune de ses molécules a été changée


Ainsi vont se succédant 'les unes aux autres toutes nos floraisons, celles des plantes, celles de l'âme. Chaque fleur a sa saison, avec qui elle est en harmonie. Celles du printemps sont tendres, fines, délicates, transparentes. Celles d'automne, alourdies et épaisses comme des vieillards. Les dahlias, les marguerites, tristes fleurs de Toussaint, sont raides, durcis, sans grâce, au prix des pâquerettes, des primevères et des muguets de mai.

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Le premier qui se réveille devant notre porte, c'est le tamaris. L'aurore d'avril ne fait que poindre, déjà il revêt l'extrémité de ses rameaux de grappes odorantes, légères comme des souffles, chinées de gris et de mauve tendre. Dans ma lointaine enfance on faisait des robes d'été de ces couleurs mêlées, qu'on appelait robes de chailli, et qui auraient pu figurer de loin les touffes des tamaris. Tout petit, la vue de ces robes me causait del'émotion, tant je les trouvais jolies.N'était-ce bien l'effet que de la robe ? On en rencontrait beaucoup le dimanche après-dînée, sur le cours d'Herbouville, alors la promenade favorite des élégantes. Du quai, je regardais curieusement sur le Rhône rapide ces hauts moulins, aux toits pointus en bardeaux de châtaignier recouverts de mousse et saupoudrés de farine. Des petites lucarnes du haut partaient des volées de colombes blanches, tandis que la grande roue tournait sous le courant de l'eau bleuâtre et glacée. La promenade faite, on buvait de la bière d'Arnet à la salle Gayet, dont la haute terrasse fourmillait de monde. Eh eh il y a quelque temps de cela

#

Mais quoi la dernière grappe du tamaris n'a pas fini d'éclore, à peine s'il pointe quelques fines aiguilles vertes le long des branches, que déjà les grappes joyeuses et parfumées sont roussies, tristes et puantes. Le printemps n'est pas commencé, et déjà la mort 1 Vite au tour du rosier Bank, de ces rosiers grimpants, rosiers de Provence, à


myriades de roses microscopiques d'un jaune étincelant. Du coté de matin, la façade de l'Asyle du Sage est un mur d'or. Mais vraiment trois jours, et l'or n'est plus que du jaune sale. Les corymbes flétris pendent languissamment. Et pendant ce temps, les rosiers du Bengale, que le sécateur ne mutile jamais, et qui se donnent des façons d'arbres, précipitent leurs boutons qui erêvent tous à la fois. On est plongé, baigné dans les fleurs. Sous le rose, disparaît le vert. Elles s'effeuillent encore plus vite, laissant les squelettes de leurs calices lancer en étoile leurs cinq pointes desséchées. C'est ce qu'attendaient les lauriers-roses pour pousser leurs fins bourgeons. Arrive juillet et ses soleils; sur ce feuillage glauque tout éclate en fleurs rougissantes, charnues, fines, plus douces que des lèvres de vierge. Elles répondent à cette saison mûrissante de la vie où le corps etla raison sont en équilibre, dans la plénitude de leurs forces. En septembre, devenues rares, elles ont encore la beauté des belles choses qui finissent. #

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Il ne reste plus que les vigoureux daturas que l'on a semés dans des caisses, autour de jeunes dattiers, et qui jettent si drues leurs larges feuilles d'un vert bleu, sur de grosses tiges, en lignes brisées, lavées de coups de pinceau violets. Ils s'élancent à un mètre. Chaque soir à la tardée, ils déroulent leurs fleurs soigneusement enroulées en spirales, gigantesques convolvulus à bords festonnés et dont le bleuâtre gaufré vient expirer en blancheurs éclatantes au fond du calice. Elles dureront jusqu'au lendemain onze heures, qu'elles commenceront à se pencher défaillantes et à laisser tomber le pollen de leurs lourdes étamines parfumées.

Avec le datura expirent les floraisons de notre loggia. En voilà jusqu'au tamaris prochain. si nous le voyons refleurir!

Hyla avait vu s'accomplir deux fois le cycle des fleurs de la loggia.


Le dernier jour que nous l'aperçûmes, c'était dimanche dernier, au retour de la messe. Mademoiselle était allée en villégiature. Il faut que vous sachiez que le dernier laurier-rose, au matin de la loggia, va effleurer un rosier au bas d'un talus planté d'aloès et de grenadiers. Entre le rosier et le laurier il y avait jadis un large sentier, qu'en grandissant les arbustes ont obstrué. Du laurier-rose au rosier ce n'était donc qu'un saut; du rosier au grenadier voisin, un saut encore, et de grenadier en aloès, d'aloès en grenadier, Hyla avait fini par arriver sur Moustapha-pacha. Moustapha-pacha est un aloès énorme qui, dans sa suffisance, a voulu absolument s'égaler aux plus beaux de Monaco. Quand je dis aloès, c'est pour me conformer, selon mon usage, au parler vulgaire, car vous savez tous que ces prétendus aloès sont des agavés du Mexique.

Donc Hyla avait grimpé sur Moustapha-pacha, bien en beau devant. Vous n'êtes pas pour ignorer que les femmes les plus vertueuses, les plus dévotes, voire parfois les plus plongées dans le chagrin, ne vont pas sans un scrupule de coquetterie. Il n'y a pas à douter qu'Hyla ne sût parfaitement que le vert d'émeraude de son dos faisait une opposition merveilleuse au vert léger, fin, cendré de la feuille roide et charnue, hérissée d'épines redoutables, sur laquelle elle s'était juchée, et qu'elle ne fût venue là pour se faire admirer a notre retour. Les femmes sont toutes des coloristes achevés quand il s'agit de leur personne. Telle qui ne connaîtrait pas un Véronèse d'un Bonnefond choisit entre mille rubans celui qui fait le mieux valoir son teint. Quand je l'eus admirée suffisamment, Hyla s'en alla.

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Ma chambre, qui est à la fois ma chambre, mon salon et mon cabinet de travail, est sise sur la loggia. Une fenêtre du côté de vent, au-dessus du portail de grange de la loggia; une fenêtre du côté de matin, donnant sur les montagnes. De cette façon, on recueille le premier rayon de soleil, on en recueille le dernier. Fermant une fenêtre,


ouvrant l'autre, selon les saisons, on fait le soleil ou l'ombre à sa volonté. C'est contre le mur, du côté de matin, qu'est le rosier grimpant à fleurs jaunes, dont je vous ai entretenu. A force de grimper, grimper, il a envahi la fenêtre. On l'a dirigé à droite et à gauche pour laisser la place d'ouvrir les volets extérieurs, qu'à Paris ils appellent des contrevents, et on le rogne impitoyablement à la hauteur de la coudière. Quand la saison des nids est passée, ils sont là, cinquante oiseaux, qui de son feuillage épais ont fait leur dortoir. Si l'on ouvre la croisée lorsqu'ils sont couchés, c'est des frrr, frrr, des envolées pendant demi-heure.

Or, avant-hier au soir, fermant mes volets, ils furent accrochés en dessous par des rameaux égarés du rosier. Je repoussai les branchages avec un peu d'impatience, et le volet, pour venir à moi, les racla fortement. En tâchant à serrer l'espagnolette, je sentis une résistance; le volet ne voulait pas joindre. Bon! me dis-je, encore la maison qui aura fait des siennes 1 le volet qui se sera abattu; la couverte qui aura baissé la façade qui aura donné coup La peste soit de mon architecte qui m'a fait dépenser tant d'argent pour de si mauvais ouvrage

Et je tirai d'une forte secousse. Le volet ferma cette fois.

#

Hier matin, à l'aube, suivant ma coutume, je me levai et fus ouvrir la croisée au matin. Voir le temps qu'il fait. Dans le demi-jour du crépuscule j'aperçus, sur la coudière, un objet vert et rouge que je pris pour la pelure d'un fruit desséché. Tiens, dis-je, comment ce fruit est-il venu là cette nuit? Serait-il tombé du ciel ? Et me baissant pour l'examiner, je vis

A n'en pas douter, Hyla avait grimpé la veille au soir, tout en haut du rosier (contre ses habitudes), à seule fin de venir me dire un petit bonsoir au moment où je fermerais la fenêtre. Le volet, en raclant brusquement, comme on l'a vu, les rameaux du rosier, avait, sans que je m'en aperçusse, chassé Hyla sur la coudière. Là, saisie entre la pierre


et le dessous du contrevent, elle avait été pressée d'une force d'autant plus terrible que, la coudière étant taillée en biseau pour rejeter les eaux au dehors, le volet agissait en façon de coin. Pour qu'il pût se fermer, il fallait que la pauvre petite créature fût écrasée, aplatie comme une feuille de papier!

Non pas même un cadavre, mais une peau séchée, maculée d'un sang rougeâtre, voilà tout ce qui demeurait de l'hôte délicat de nos lauriers-roses.

Mais, le plus horrible encore, qu'est-ce qu'Hyla mourante a dû penser de son meurtrier ? 7

PUITSPELU.


ANDROMÈDE

RÊVE ANTIQUE

CHŒUR PROLOGUE

Andromède expiant lai4dace de sa mère

Qui croyait de Junon égaler la beauté,

Enchaînée à son roc, seule avec l'onde amère,

Levait ses tristes yeux vers le ciel irrité l

Les vents indifférents qui sou0aient autour d'elle

Jouaient dans ses cheveux flottants

Les flots à ses seins palpitants

Jetaient leur écume éternelle,

Et, devant le trépas, songeant aux étres chers,

Interrogeant des yeux la mer retentissante,

Elle était là, debout, vainement gémissante

Tordant ses beaux bras nus tout meurtris par ses fers l

La scène représente la mer infinie. Au milieu, Andromède attachée à son roc.

Cette magnifique pièce est inédite. M. Charles Grandmougin a bien voulu la détacher du nouveau volume qu'il prépare en ce moment et qu'il publiera bientôt sous ce titre, Nouvelles Poésies, pour l'offrir à Lyon-Revue. Nous le remercions de tout cœur.


ANDROMÈDE

Encore un soleil qui décline

Hélas encore un jour écoulé dans les pleurs

Rien ne peut donc fléchir l 'injustice divine

Qui m' abandonne en proie à toutes les douleurs t 0 vieil Océan solitaire l

Calmes horizons d'or d'où la clarté s'enfuit

Beaux soirs que j'aimais tant jadis. 0 grande Nuit Dont je chérissais le mystère!

Astres mystérieux aux doux rayonnements,

Votre splendeur ajoute encore à mes tourments O désespoir de vivre ainsi, seule, éperdue,

Sans rien voir que. la mer et l'infini des deux,

Et par d'impitoyables dieux

Ne pouvoir même être entendue! 1

Veiller quand tout s'endort autour de moi! Souffrir Lorsque mon cœur est sans reproche!

Et sur cette lugubre roche

Languir ignorée et mourir

(Ecoutant.)

Mais quelles sont ces voix innombrables et vagues ? g Quelles formes sans nombre ont glissé sur la mer fi Et quel est donc là-bas ce rire doux et clair

Qui se mêle au murmure harmonieux des vagues t (La rumeur approche.)

Néréides essaims légers douces beautés

Aux yeux d' argent pareils aux étoiles limpides, Et dont les corps, dansant ainsi que des clartés Sur les gouffres obscurs ondulent intrépides

Est-ce pour moi que vous chantez? 8


LES NÉRÉIDES

C'est pour toi, fille abandonnée

C'estpour railler ta destinée

Et pour remplir tes nuits d'insomnie et d'effroi Tu peux gémir: ta plainte est vaine

Et c'est notre fidèle haine

Qui va veiller autour de toil

ANDROMÈDE

Que vous ai-je donc fait divines créatures t Par quel crime ai-je mérité

Que votre amère cruauté

Vienne rire de mes tortures

LES NÉRÉIDES

Tes pareils nous sont odieux

Nous saurons châtier cette race éphémère Qui voulut, coupable chimère

Lutter contre la force et la splendeur des dieux! Souffre pour les tiens Andromède

Et qu'en ton cœur désespéré

Sous un noir firmament sous un ciel azuré La douleur sans relâche à la douleur succède Nous aurons chaque nuit de joyeuses chansons Qui t'empêcheront bien de fermer la paupière! C'est l'humanité tout entière

Qu'en toi-même nous haïssons

ANDROMÈDE

Cruelles!


Ton sort s1 accomplira les dieux sont résolus ¡ Tu ne verras plus jamais plus

Ni les tiens, ni le sol aimé de la patrie

Dieux immortels!

Tes lamentations charment leur sombre haine! ANDROMÈDE

Maudits soyez-vous donc par delà les étoiles, Tyrans qui sur ce roc m'enchaînez lâchement Maudite sois-tu, Nuit, dont les immenses voiles N'ont pas endormi mon tourment!

Maudits soyez-vous, flots aux profondeurs nacrées Dont les divinités ont trahi mon amour!

LES NÉRÉIDES

Maudis, pleure ou prie

ANDROMÈDE

LES NÉRÉIDES

N'attends rien deux, ni de leur Roi!

ANDROMÈDE

Grâce

LES NÉRÉIDES

Ils sont heureux de ta peine >"

Justice

LES NÉRÉIDES

Il n'en est plus pour toi!

ANDROMÈDE


Vents légers Astres d'or Merveilleuses soirées!

Eternelle splendeur du jour

ISP est-il donc pas au monde un héros juste et libre

Qui me puisse venger des maux que je ressens

Et dont Tâme indignée et palpitante vibre

Au désespoir de mes accents!

LES NÉRÉIDES

Gémis, Andromède! Personne

N'entendra tes sanglots sous la voûte des deux

Pleure dans la nuit et frissonne

Dans nos flots se perdront les larmes de tes yeux 1

neftune apparaissant tout à coup au-dessus

des vagues.

Déités dontje suis le maître, Néréides

Glissez au fond des eaux par tourbillons rapides

Et cessez de railler celle qui doit mourir!

Les abîmes mouvants des mers vont s'entr'ouvrir

Et vers elle, restée en larmes, toute seule J

Un monstre s'en ira, tortueux et fumant,

Déchirant l'infini de son mugissement

Et répandant un feu liquide par la gueule

Du ciel épouvanté pâliront les flambeaux

Les vents flagelleront les flots hurla?its et sombres

Andromède par lui sera mise en lambeaux

Pour descendre sanglante au royaume des ombres Les dieux ont assez vu les maux

Que la captive en Pleurs a subis sur la terre

Qu'elle expire donc solitaire,

Pour souffrir aux enfers des supplices nouveaux.

(Les Néréides disparaissent dans des tour-

billons d'eau, et Neptune s'enfonce len-

tement sous les flots.)


ANDROMÈDE

a dit vrai La mer écume,

Les astres sont voilés et le roc a frémi!

Des vents impétueux ont sifflé dans la brume Dans cette immensité tout m'est donc ennemi Et, là-bas, l'Océan se soulève en colline! C'est le monstre! Sous lui, les flots sont enflammés! La nuit de sa clarté de pourpre s'illumine Ah! mes yeux, malgré moi d'horreur se sont fermés! pkrsée, très haut dans l'espace, sur Pégase,

Femme! je suis celui qui périt ou qui venge ANDROMÈDE

Quelle voix pénétrante a vibré dans les airs f PERSÉE

Regarde à l'orient!

ANDROMÈDE

Quel cavalier étrange

Parcourt, éblouissant et beau, les cieux déserts! PERSÉE

Espère et sois sans peur, Andromède je t'aime 1 ANDROMÈDE

Les éléments, les dieux, il ose tout braver! 1

Ah pour luijefrissonne autant que pour moi-même;, II se perdra sans me sauver

Il approche Et le monstre avance! La tempête Contre le cavalier redouble son effort .1


Mais il passe, terrible, et sans courber la tête! Du ciel me vient la vie et des vagues la mort! LE CHtEUR

Ils sont là, tous les deux Pégase aux blanches ailes Brille comme la neige au milieu de la nuit Avec son seul désir le héros le conduit }.

Et son armure d'or jette mille étincelles

Sur le monstre qu'elle éblouit!

Léger comme la libellule

Et hardi comme le vautour,

Le cavalier bondit, voltige et plane autour De la bête en courroux qui se dresse recule, Et, par ses palpitants naseaux

Ou le trou monstrueux de sa béante gorge, Crache un feu qui, pareil ait métal de la forge, Siffle en retombant sur les eaux!

Mais le beau combattant garde un divin silence Fn éclairs radieux tous les coups de sa lance Resplendissent autour du monstre épouvanté Il est là pur comme l'aurore

Calme et si souriant qu'on croirait qu'il ignore L' effroyable péril l'amour l'a jeté

Cependant la belle captive

A senti tout son sang refluer vers son cœur Inclinant son beau corps, pâle, à peine plaintive, Elle se sent mourir d'amour et de terreur. Mais un cri de Persée a relevé sa tête 1

Eperdue, elle ouvre les yeux

Son amant, superbe et joyeux,


7 1

Vient de planter sa lance au ventre de la bête Qui se tord, vomissant son âme vers les cieux Avec un hurlement qui couvre la tempête

Andromède frissonne encor, que son amant A déjà fait tomber ses fers d'un coup d'épée II l 'enlève d'un bond, à sa roche escarpée Et l'emporte avec lui vers le clair firmament .1 PERSÉE

Partons!

(Il l'enlève sur Pégase)

Mon bras puissant t'enlace

Fuyons épanouis sur mon cheval ailé 1

Regarde sans effroi T espace

Vois comme nous montons vers le ciel constellé La mer vainement se courrouce ,1

Les astres sont plus près les horizons plus grands! Et la lune, paisible et douce,

Argente autour de nous les nuages errants! Viens, je suis le divin Persée I

Sous ma cuirasse d'or entends battre mon cœur! Et, loin des mortels caressée,

Reçois dans T infini le baiser du vainqueur Reste ainsi sous mes yeux éblouissante et nue Sous mes lèvres en feu ta bouche a palpité 1 Je {aime doublement puisque tu m'es connue Par ta souffrance et ta beauté

ANDROMÈDE

Ton haleine me rend la vie

Triomphateur mystérieux


Presque éperdue encore et cependant ravie

Je m'abandonne à toi sous la splendeur des cieux N'est-ce rien pourtant qu'un beau rive ? 1

Parle-moi toujours parle encor 1

Est-ce toi vraiment toi, dont l'invincible essor Vers l'azur à travers les ténèbres, m'élève t PERSÉE

Oui! c'estavec moi que tu fuis!

Enlaçons nos deux corps et mêlons nos pensées! Sur les ailes du vent des nuits

Nos extases s'en vont bercées

Dans un ciel à la fois solennel et charmant! Immense oubli de tout!

ANDROMÈDE

Céleste enivrement

PEKSÉE

Qu'il m'est doux de te voir, ma pâle bien-aimée, Meurtrie encor, les seinsfrissonnants et pâmée Dans une palpitante et rêveuse langueur

ANDROMÈDE

Oh! quand viendra la mortpour faucher ma jeunesse, Qu'elle me prenne ainsi, chaude de ta caresse Ce serait encor le bonheur!

LE CHŒUR

Au-dessus de la mer ténébreuse et sonore

Et du fuyant amas des dormantes cités,


Ils allèrent longtemps par Pégase emportés

Jusqu'au rose lever de la prochaine aurore!

La nuit fut plus douce pour eux, J

Le vent les caressa d'une tiède harmonie

Et, dans le bleu désert de la plaine infinie, J

Moururent sans écho leurs soupirs amoureux.

Mais, quand lejour parut, Andromède et Persée Dans un palais d* Argos reposaient mollement, J

Le jeune dieu tenait son épouse pressée

Dans un suprême embrassement!

Frissonnantau premier zéphir, les lauriers-roses S 'éveillaient côté des pâles oliviers, J

Les flots de YInachus murmuraient à leurs pieds J Mais les époux malgré le beau réveil des choses Confondant leur haleine et les paupières closes, J

S'étaient dans leur amour longuement oubliés

Charles GRANDMOUGIN.


UN COIN DU FOREZ

«-«SIMS-^Jfe^^Sk ouLEZ-vous avoir une idée exacte du type USjSjfî ï$Êmmy$% parfait de la cité moyen-âge ? i'

^Wll^r Dirigez-vous sur Saint-Bonnet-le-Châ-

/^y^K\ teau, la pittoresque et vieille ville fièrement

^X^ campée sur un haut mamelon de basalte,

\S lave figée d'un ancien volcan détaché de la

grande chaîne de l'Auvergne, et dominant un paysage sévère, âpre et sauvage.

Saint-Bonnet-le-Château a vu passer les légions romaines, car sa rue principale faisait partie de la belle route ouverte par Agrippa, qui conduisait de Lyon en Auvergne dans l'Aquitaine et jusqu'à l'extrémité de l'Espagne et du Portugal.

Si vous y faites votre entrée sur le tard (à la vesprée), par la porte de Firminy, l'illusion rétrospective est complète et cela sans grand effort d'imagination. Pour un peu, avant que de vous présenter sous la herse, vous sonderiez votre escarcelle afin d'acquitter le péage d'entrée.

Vous chercheriez, vers la poterne, les gens du guet: arbalétriers et soudars, le casque en tête, cuirasse au dos, buvant frais et jouant aux dés, en sacrant comme des païens.


Le veilleur de nuit jetterait aux échos sa note monotone et triste en trébuchant sur le pavé inégal des noires ruelles bordées de curieuses et fantastiques maisons d'une architecture originale, en encorbellement, percées de petites fenêtres géminées, croisillonnées et quelquefois grillées au rez-de-chaussée.

Des ouvertures pratiquées depuis peu à la ceinture de ses remparts n'ont presque pas altéré le vieux cachet romantique de cette cité. C'est une Pompéï, xm" siècle, moins le lourd et épais suaire vomi par le Vésuve.

Pointe, crayon, plume, pinceaux peuvent s'y donner rendez-vous et faire là ample moisson de croquis, d'études à ravir feu Viollet-le-Duc, Nanteuil, Théophile Gautier. Cadart et sa phalange d'aquafortistes devraient y tenir leur garnison permanente.

Les maisons, noires d'une patine cinq à six fois séculaire, se chevauchent du haut en bas de la colline et ont l'air de poser devant un artiste invisible elles se sont pour ainsi dire groupées pour l'arrêter au passage et le provoquer par une disposition heureuse, bizarre et inattendue des lignes et détails de construction.

Si ces vieilles pierres ne vous tentent point, accourez quand même, car j'ai à vous présenter, sans aller plus loin, la quasi-huitième merveille. Celle-ci est toute moderne.

Pour ne pas mettre votre curiosité à plus longue épreuve, je l'annonce sur-le-champ c'est la voie ferrée qui relie Bonson à SaintBonnet-le-Château.

Bonson est à l'altitude de 367 mètres et St-Bonnet à 890 mètres. Pour racheter cette énorme différence de niveau, entre deux points distants de six lieues seulement, on a donné, en employant force rampes et courbes, un développement de 27 kilomètres au railway qui nous occupe.

C'était un véritable tour de force. Les difficultés de toutes sortes devaient élever une barrière insurmontable même à l'ingénieur le plus téméraire. Vains obstacles, tout a été aplani tranchées, remblais et tunnels ont eu raison des points les plus accidentés, et depuis six ans,


la lourde locomotive, sans trop souffler à la peine, vous mène d'un trait, en une heure et demie, de Bonson à St-Bonnet-le-Château. Ne vous cantonnez pas dans un angle du confortable véhicule que vous occuperez, mais admirez plutôt le joli panorama fuyant et toujours nouveau que la vitesse du train fait se dérouler sous vos yeux.

A droite, Saint-Marcellin, ses tuileries et ses maisons entourées de jardins clos de murs blancs comme du lait plus loin, au nord, le pic de Saint-Romain-le-Puy, portant son antique prieuré en ruines; à gauche, le château de Batailloux où les chroniques placent le lieu d'une sanglante rencontre survenue pendant les guerres de religion nous arrivons à La Roche, petite station qui dessert les hameaux voisins Périgneux et ses carrières de grès propre au pavage Nus, petite halte sans grande importance Luriecq et son vieux clocher; Valenckes, où derrière un bouquet d'arbres se cache le joli château de M. d'Assier. Encore quelques tours de roues, puis, au sortir d'une écorchure de la montagne, Saint- Bonnet-ïe- Château vous apparait sur son noir et gigantesque support de basalte.

Durant le trajet, vous aurez certainement remarqué ces damiers de terre divisés à l'infini, fermés par de petits murs de pierres sèches et disposés en gradins sur le flanc des collines. C'est bien là la note révélatrice du vif attachement qu'a le paysan forézien pour le sol natal et son besoin impérieux de posséder un maigre lopin de cette terre qu'il cultive à grand renfort de soins et de peines.

J'allais oublier les bouquets de pins qui couronnent les hauteurs et donnent une physionomie alpestre au paysage.

Ouvrez vos poumons tout larges, au passage, et faites provision du bon air imprégné d'effluves résineuses qui s'en dégage. Pauvres conifères, nous les reverrons à la gare de Saint-Bonnet, gisant à terre, privés de leur pied et la cime veuve de son aigrette, attendant que la vapeur les emporte au loin.

Les pins (buttes), dans le pays, encombrent les abords de la petite vitesse. Une innovation heureuse permet aux wagons de s'encastrer


dans le massif du quai découvert et de présenter ainsi leur plate-forme au niveau même des bois à charger. Cela facilite beaucoup l'opération d'arrimage et de billage. Ces buttes sont employées au revêtement des galeries dans les houillères du bassin de la Loire.

Il n'y a pas longtemps encore qu'on incisait ces malheureux pins, pour en extraire la résine qui entrait dans la fabrication de la poix à calfater et à goudronner les bateaux.

C'est à la gare de Saint-Bonnet-le-Château que sont concentrés les services de la traction, de l'exploitation et des magasins des chemins de fer de la Loire et de la Haute-Loire.

Nous voici arrivés. Où descendre ? 7

J'avoue que ma perplexité est grande

Tous les hôtels sont de bonne tenue il s'y trouve même un hôtel EXQUIS j c'est le nom du propriétaire, et tradition oblige. Ne pouvant en pratiquer plusieurs à la fois, le sort m'a dirigé sur l'hôtel des Arts, appartenant au grand Pounot.

Cela est un sobriquet, car j'ai su plus tard, que Thavaux était son véritable nom. Cuisine et chambre luttent de propreté, l'ordinaire est confortable.

A une pareille altitude, les apéritifs ne jouissent pas de grande vogue et, sans leur secours, vous abordez la salle à manger avec une précipitation remarquable. La cave de l'hôtel des Arts est réputée. On y a placé tout récemment certain vin du Midi dont vous me donnerez des nouvelles c'est tout à la fois du velours et du feu emprisonnés dans une bouteille.

Jetez un coup d'œil sur le dressoir, à la cuisine, où sont étalés d'originales faïences et un grand plat en métal, sorte de disque assez curieusement buriné.

Dès que vous vous serez suffisamment réconforté, prenez canne et bâton et grimpez vite jusqu'à l'église paroissiale qui occupe le point culminant du mamelon.

C'est un bel et vaste édifice de construction gothique (xV siècle), surmonté de deux clochers inégaux; les nefs sont séparées par d'énor-


mes piliers octogones. On y trouve une crypte avec peintures murales remarquables.

N'oubliez pas de consacrer quelques instants au caveau de la chapelle des morts et à ses cadavres momifiés.

La bibliothèque de l'ancien chapitre offre quelques ouvrages manuscrits rares et précieux.

Un des deux clochers, privé de sa flèche, est garni d'une terrasse; installez-vous au sommet de ce belvédère et laissez errer vos yeux sur le grandiose panorama qui s'offre à vous.

Pour mon compte, je m'y suis oublié une grande demi-heure. L'enceinte fortifiée possède deux portes encore assez bien conservées aujourd'hui l'une est désignée « sous la Double » près du café Vernaison, l'autre dite « de Firminy ou de la Châtelaine » est située dans la partie la plus pittoresque de la vieille ville.

Mais quel est ce bruit de marteaux ?

Suivez-moi et nous allons faire connaissance avec la principale industrie du pays. Sur notre demande, on nous ouvrira obligeamment les ateliers où se fabriquent ces serrures « du Forez » dont Saint-Bonnet a eu de tout temps le monopole.

Il est à regretter que les procédés modernes, plus rapides et économiques, aient chassé de cette ville ces habiles ouvriers qui martelaient jadis des grilles, balcons et rampes en fer forgé d'un fini et d'une délicatesse inimaginables. Quelques spécimens de leurs travaux ornent encore çà et là les vieilles demeures seigneuriales de Saint-Bonnet et des environs.

Les femmes du Forez et de la Haute-Loire passent les trop longues veillées d'hiver à faire des dentelles, imitation de Valenciennes. Vous verrez ces patientes travailleuses aux prises avec des centaines de fuseaux piqués à un petit tambour et former peu à peu par mille combinaisons, du bout de leurs doigts agiles, ces ouvrages si fins, si légers qu'on achète au poids de l'or.

Une nouvelle ère d'activité va s'ouvrir pour Saint-Bonnet. Il est question de prolonger sa voie ferrée sur Arvant, Massiac, par Cra-


ponne et la Chaise-Dieu. Toutes les études ont été faites. Lorsque ce nouveau et important tronçon sera achevé, la ligne Bonson, SaintBonnet, Arvant offrira le chemin le plus court entre l'Océan et la Suisse, Bordeaux et Lyon.

Mais ne reculez pas trop votre visite à ce vieux nid du moyen-âge, car j'ai grand'peur que, sous le pavillon moderne de l'hygiène et du confortable, d'affreux maçons ne viennent bientôt barbouiller, salir et gâter toutes ces adorables vieilleries, et ne convertissent Saint-Bonnetle-Château en une vaste et monotone caserne, piquée de becs de gaz ou de réverbères, nette, luisante, tirée au cordeau et assommante. Prenez vite votre billet

MICHELON.


BOHÊME

Ce sont deux Amours du Quartier Latin Près d'un feu brillant, épanchant leur âme Ils ont pris leur air déplus grand dédain, Leurs yeux insolents fixés sur la flamme. L'un de son Cu jas a fait un coussin

L'autre est un artiste en peinture ou drame; Mollement couchés et la pipe en main, Ils ont dit: « Il pleut, si nous causions femme Voulez-vous vous taire, indignes païens 1 Ne rougissez-vous de tels entretiens ? Mais, faut-il tonner sur leurs épigrammes } Car s'ils vont, parfois, trop loin, j'en conviens, Entre nous, voyons, qui de vous, mesdames, Fermerait l'oreille à ces doux vauriens? a A. STORCK.


L'AUTEUR DES PEINTURES

DES

GRANDES HEURES DE LA REINE ANNE DE BRETAGNE

$*S> t0$^i ES amateurs des produits délicats de l'art de la

&<gg^àki£J^s<$%£ peinture à l'époque de la Renaissance, connaissent le splendide volume conservé au dél •> wSk partement des manuscrits de la bibliothèque t HOT?! nationale. Les descriptions et les imitations jRj J& de cette œuvre précieuse sont en nombre, ir IL ï I tant en France qu'à l'étranger. Les érudits

feg^Xj; \Jisff en quète du nom de l'artiste exécuteur de

ce beau livre, n'ont pu le révéler et ont dû se contenter de simples conjectures en faveur de tel ou tel peintre connu par des travaux similaires.

La solution de ce problème d'attribution était réservée à un archéologue, artiste lyonnais bien connu par. ses savantes publications historiques, ses gravures et dessins fort estimés.

M. André Steyert eut cette bonne fortune, que ses goûts éclairés lui méritaient, de trouver dans une liasse de vieux parchemins par lui acquise à un marchand de Lyon, certaine petite pièce oblongue qui avait


fait partie de plusieurs collections particulières. Les aveugles possesseurs de ce trésor n'en soupçonnèrent point l'importance. Mais le nouvel acquéreur plus clairvoyant se hâta d'en envoyer bonne copie savamment annotée à MM. Guiffrey et de Montaiglon, directeurs des Nouvelles archives de l'art français publication trop peu connue quoique très instructive.

La reproduction de ce document figure dans la première livraison de l'année courante, la huitième de ce journal édité à Paris par le libraire Baur.

Cette pièce intéressante est un mandat original de 1,050 livres tournois ou 600 écus d'or (environ vingt mille francs de notre monnaie), daté de Blois le 14 mars 1507 (vieux style), signé Anne et contre-signé Delaforest, en faveur de Jean Bourdichon, peintre et valet de chambre du roi, pour avoir richement et somptueusement enluminé une "grandes heures où il a mis et employé grand temps. La révélation est d'autant plus curieuse que le nom de Bourdichon, connu par d'autres travaux d'enluminure, fut particulièrement mis à l'écart par les faiseurs de conjectures.

Les grandes heures sortent donc de l'atelier de cet artiste habile qui en a exécuté de sa propre main les plus belles peintures, laissant à ses premiers apprentis ou élèves l'exécution d'une partie de cette œuvre admirable dont toutes les pages n'offrent pas le même fini, la même délicatesse artistique.

V. DE VALOUS.


ART & TOURISME

LA MONTAGNE LYONNAISE

Le crest des Jumeaux.

(Troisième article)

xfîfôtok ux environs immédiats de Lyon, nous ne connais^S*rtM sons pas de station qui soit plus gaie,plus vivante,

/Ç-3–xr<i_\ plus pittoresquement animée que celle de Tassin,

T|Wr par une belle matinée d'été, à l'heure où sont réu(1 /jry nis, devant la gare, tous les omnibus qui mènent au fff\CT\ pied des montagnes. Il sont quatre ou cinq qui

attendent l'arrivée du train, sans compter les breacks *~î– -^iis_– ]^* et les chars à bancs destinés aux familles riches de la contrée.

Quand on sort du train, on se précipite, pèle méle, vers la voiture que l'on doit prendre et il y a là cinq minutes d'un tumulte charmant que l'on n'oublie jamais on se trompe de véhicule, on se cherche, on s'interpelle, on se salue d'une voiture à l'autre, on se case tant bien que mal, on s'entasse au besoin, mais enfin tout le monde partira, et


tout cela pendant que les chevaux grattent la terre du pied, chassent les mouches et secouent leurs grelots, que les conducteurs comptent leurs voyageurs, parlent à leurs bêtes et prennent les commissions des gens de Tassin.

Toute cette scène, vivement éclairée par un soleil déjà brûlant, s'enlève en vigueur sur les verdures voisines et les vapeurs bleuâtres qui voilent les coteaux du Point-du-Jour, de Chaponost, de Francheville et ceux de Craponne au-dessus desquelles émergent une à une les cimes des montagnes. C'est charmant et l'on ne songe déjà plus au départ, quand tout à coup succède au tumulte de tout à l'heure un moment de silence; puis les voitures s'ébranlent une à une, on part, on est parti.

Nos omnibus prennent la petite route assez verdoyante qui mène à Pont-d'Alaï, ils se suivent à la file indienne et malheur aux voyageurs du voiturin parti le dernier, ils ont la poussière de tous les autres. A Pont-d'Alaï, le conducteur de la voiture sur laquelle nous nous trouvons est hèlé par un cabaretier de l'endroit et il arrête ses chevaux pour répondre. Cela nous rappelle le temps où florissaient les diligences. Bien mieux encore quand, après avoir traversé le pont, on nous prie de descendre pour monter la côte de Bel-Air.

Avant d'arriver en haut de la montée, nous dépassons une bonne vieille voiture de famille que remorque un' gros cheval plus habitué à traîner la charette que la calèche; attelage et équipage sont lourds, mais solides, aussi emportent-ils une nichée d'enfants que surveillent deux adolescents, garçon et fille. Tout ce petit monde s'en va passer quelques jours chez de grand parents, dans une de ces maisons de campagne que l'on trouve de distance en distance sur les premiers ressauts de la montagne; ils sont attendus avec impatience, leurs chambres sont prêtes et sur la table autour de laquelle ils s'assoieront, dans une heure ou deux, pour déjeuner, on a déjà placé les plus beaux fruits et les meilleurs gâteaux aussi ont-ils hâte d'arriver et parfois gourmandent-ils le vieux serviteur qui tient les rênes pour qu'il donne à son cheval une allure plus vive, mais lui qui tient à ce qu'il ne survienne pas


d'accident, ménage prudemment sa bête et la laisse marcher son pas d'habitude, lepetit trot. Cette voiturée, joyeuse ainsi que notre manière accidentée de voyager, nous rappelle le temps, déjà bien éloigné, où, nous aussi, nous quittions avec bonheur et le collège et la ville pour aller passer nos vacances chez nos grands parents. Aussi est-ce le cœur plein de doux souvenirs que nous arrivons à la Table de pierre. A partir du groupe de maisons auquel une table de cabaret a donné son nom, la route suit à peu près le sommet d'une grande arête qui s'allonge et va toujours s'élevant entre les vallées que les eaux de l'Yzeron àgauche et celles du ruisseau de St-Genis-les-Ollières à droite, ont creusées dans les contreforts et dans la base même de la montagne, et c'est tout à l'heure cette même arête qui va nous aider à en gravir les pentes et nous amener, en nous faisant passer parle Recret, entre les deux sommets du grand Saint-Bonnet.

Nous sommes alors sur le territoire de Craponne et sur l'ancienne grande route de Bordeaux; en face de son interminable ruban qui se développe, tout droit devant nous, la course de Lyon à Vaugneray qui ne dépasse pas trois heures, prend les proportions d'un véritable voyage, surtout pour ceux d'entre les voyageurs qui, partis de Perrache, SaintGeorges ou Bellecour, en sont, ayant pris la mouche pour se rendre à St-Paul, à leur troisième moyen de transport.

Le chemin, comme toute grande route en général, est assez monotone et cela d'autantplus que, presque constamment bordé de maisons ou de murs, c'est à peine si, à droite, on a un peu de vue sur St-Genisles-Ollières et, à gauche, sur la vallée de l'Yzeron dont un de nos paysagistes les plus distingués, M. Charles Beauverie, a bien voulu dessiner pour Lyon-Revue un charmant souvenir. (i)

A la Tourette l'endroit s'appelait autrefois chez Jambon –les omnibus de Thurins se séparent de nous et prennent la route qui s'y dirige par Brindas et Messimy. Peu après, nous traversons Gros(t) Nous publierons dans notre prochain numéro cette fraîche et délicate étude. F. D.


Buisson, et au Tupinier c'est l'omnibus de Grézieu-la-Varenne qui nous quitte. La caravane se trouve alors réduite à une ou deux voitures suivant le nombre des voyageurs qui se rendent à Vaugneray. A partir du Tupinier, les maisons cessent, la route constamment en ligne droite depuis Bel-Air, change de direction, incline à gauche et, à son extrémité, ce n'est plus le Saint-Bonnet, c'est le Pié froid qui se dresse devant nous; dès lors le regard embrasse une agreste campagne toute coupée de haies buisonneuses et de bouquets d'arbres au travers desquels on distingue, d'un côté Brindas, les collines de Soucieu et le massif de Riverie, de l'autre Grézieu, son église et quelques habitations de plaisance assez originales.

Bientôt un nouveau groupe de maisons se présente, c'est la Maison blanche, nous l'atteignons et nous laissons la grande route pour un chemin de grande communication qui monte à Vaugneray. Nous ne tardons pas à arriver sur la place principale du bourg qui est le chef-lieu d'un des plus pittoresques cantons du département du Rhône, et c'est avec bonheur que nous quittons la voiture dans laquelle nous étions emprisonné depuis Tassin.

Aussitôt descendu, nous entrons à l'Hôtel du Nord pour y déjeûner ce n'est pas qu'on y soit mieux qu'ailleurs, mais il y a, chose assez rare en Lyonnais, une fenêtre de la salle à manger qui donne sur la vallée de l'Yzeron et nous aimons fort pouvoir, tout en prenant notre repas, jouir d'une vue agréable de la campagne, plutôt que de contempler les maisons de la rue ou de la place d'une petite ville. Notre déjeuner terminé, nous commençons notre excursion. En face de notre auberge est l'église que longe le chemin que nous allons suivre. Cette église, plus ou moins romane de style et assez grande, ne fait pas mal quand on pénètre dans Vaugneray elle domine la partie du bourg que traverse la route et est presque entièrement construite, à l'extérieur du moins, en vaugnerite, granit noir du pays; elle aurait un certain air de vétusté qui ne nuirait pas à l'effet, si elle n'était pas couverte en tuiles de Montchanin d'un rouge cru, que le temps ne parvient pas à assombrir. A l'intérieur elle est revêtue de cal-


caire blanc qui fait ressortir la couleur sombre des colonnes et des colonnettes. Ceci est assez bien entendu; malheureusement, malgré une certaine harmonie dans les proportions, malgré des vitraux d'un joli ton, il nous a semblé, -cela tenait-il à l'heure du jour ou à la disposition de notre esprit ? qu'il manquait à ce temple moderne ce caractère de réligiosité qui impressionne tant dans les vieux sanctuaires ;Tarchitecte n'a point animé son œuvre et la pensée de Dieu ne descend pas des voûtes pour vous saisir dès votre entrée comme dans d'autres édifices, vous étreindre et vous prosterner en vous arrachant, presque à votre insu, le cri de la Pythonisse antique: Deus! ecce Deus! Une porte latérale nous met sur la coursière que nous avions quittée pour entrer dans le temple. Nous sommes sur le flanc méridional du grand contrefort du Recret qui descend du St-Bonnet jusque dans la plaine et dont les pentes, relativement assez douces, ont fait naturellement un des principaux marchepieds de la montagne. Autrefois même, il a dû, en donnant passage à une grande voie de communication, contribuer au groupement des différents centres de population qui existent des deux côtés de la montagne.

Nous montons donc lentement, tournant le dos a Lyon et au Dauphiné et n'ayant devant nous que les pentes même que nous allons gravir; cependant un lacet du chemin nous met, pour un instant, en face du val de Vaugneray dans lequel le regard plonge comme dans une coupe dont un des côtés aurait été brisé. Par cette cassure la vue plane sur les plateaux du Lyonnais qui ondulent jusqu'aux collines de Fourvières, de Ste-Foy, de Chaponost et de Soucieu; entre Ste-Foy et Oullins, la trouée de l'Yzeron nous permet de voir le Rhône et nous retrouvons, plus loin à droite, le fleuve encaissé dans les collines qui le bordent entre Givors et Vienne. Au delà, la plaine du Dauphiné, toute bossuée de mamelons, s'étend entre les balmes viennoises au sud, et les hauteurs calcaires de Bourgoin, de Morestel et de Crémieu à l'est; au dessus, lorsque le temps le permet, s'élèvent les Alpes dont les cimes neigeuses terminent l'horizon.

Mais le lacet menaçant de prolonger notre route, nous prenons une


sente qui le coupe et nous conduit droit sur une lande qui couvre une partie du contrefort, au-dessus du hameau du Recret. Sur cette lande poussent, entre de grosses roches noires, des pins rabougris, des genêts trapus et des genévriers à demi-étêtés que l'on sent habitués à plier sous le souffle puissant de l'orage. C'est d'une sauvagerie on ne peut plus romantique et c'est dans un site semblable que durent apparaître à Macbeth les fatales sorcières.

La lande traversée, notre sente aboutit à un chemin, qui monte de Grézieu. C'est la Via Romana, l'antique route qui menait en Auvergne et en Aquitaine les légions romaines. Elle sortait de Lyon par StJust, nous dit M. Guigue, dans son livre sur les voies antiques du Lyonnais, ou par la porte de St-Irénée, passait par Francheville, Grézieu, St-Bonnet-le-Froid et Chevinay. A Chevinay, elle se bifurquait: un embranchement allait rejoindre la grande voie à ou près de Brulliolles, en passant par Courzieu et Brussieux l'autre tendait sur Feurs par Bessenay, Montrotier, Longuessaigne, Chambost et Essertines. La route avait dû être creusée dans le roc vif et ce roc n'est autre que du gneiss rubané dont les rubéfactions souvent assez vives ont injecté par places, de teintes roses, violettes ou orangées, les veines de quartz hyalin qui le traversent. Elle suit pendant un certain temps le sommet de l'arête et nous permet d'apercevoir à droite, le Mont-d'Or, la Bresse, le cours de la Saône et une partie de la chaîne du Beaujolais et à gauche le crest des Jumeaux et celui de la Proty dont la forme rappelle celle du Châtel qui £e dresse entre le grand St-Bonnet et la Brévenne. La Proty s'élève entre les Jumeaux et l'Yzeron répétant exactement le mouvement du Châtel et obéissant ainsi à la loi du rythme qui régit les montagnes.

Sur les flancs des Jumeaux et de la Proty s'étalent, au milieu des bois qui revêtent entièrement la montagne de ce côté, de grandes taches, qui rappellent, par leur teinte, les places usées d'un vieux velours d'Utrecht vert. Ce sont des chirats, comme on les appelle dans le Lyonnais (i), et qui ne sont autre chose que des amoncellements de (l) Les Allemands les désignent sous le nom de Mers de Pierres.


roches provenant des crètes sans cesse effritées sous l'action de la pluie et du soleil, du gel et de la chaleur. Ces roches entraînées par les eaux des orages, ont glissé sur les flancs de la montagne; elles se sont allongées dans les plis du terrain ou se sont accumulées au-dessus d'un rocher plus résistant dont la saillie les a arrêtées. Quand on monte de Vaugneray au col de Malaval par le château Bénévent, la Croix de la Fosse et la Proty, elles semblent des coulées de lave figées au milieu de la forêt.

Au-dessus des pentes inférieures du crest de la Proty, on voit se profiler le Pié froid avec ses deux sommets et tout le contrefort qui lui fait suite et qui, de ressaut en ressaut, descend jusqu'à Brindas; en avant de la montagne, sur une manière d'éperon qui semble s'en détacher, se groupent les maisons de Chàteauvieux et le blanc campanile de sa petite église se détache nettement sur les bois aux teintes vert bouteille qui la dominent. Ces bois eux-mêmes, qui, à l'automne, se colorent de tons roux, s'enlèvent sur deux ou trois cimes du massif de Riverie dont les forêts, passées légèrement à l'indigo, font valoir les transparences cristallines de la masse du Pilat dont l'azur sombre se découpe sur l'azur tendre de la coupole céleste. Quant aux taillis qui recouvrent la Proty et les Jumeaux, ils sont, en été, d'un vert d'émeraude, mais, à l'arrière-saison ce vert éclatant est mélangé de jaune d'or, de terre de Sienne, d'amarante et d'un peu de bleu; on dirait alors avoir sous les yeux un immense tapis fait avec ces mousses en laine tricotée dont la mode commence à disparaître. Tout ce paysage se présente à nous au travers des éclaircies faites par l'ouragan dans un bois de pins que le moindre vent fait chanter. Aux pins succèdent des taillis mêlés de baliveaux, composés de diverses essences ce bois continue ceux du Fumoy, et c'est à l'ombre des chênes des hêtres et de quelques sorbiers aux fruits rouges que nous atteignons la dépression qui sépare les deux sommités du grand Saint-Bonnet. Vis-à-vis de nous, nous retrouvons les bâtiments d'exploitation qui dépendent du château; au-dessus se dresse le clocher de la chapelle et à deux pas de là est le chemin que nous


prîmes, lors de notre première excursion, pour descendre sur Chevinay. Aujourd'hui, nous tournons à gauche, et reprenant la coursière qui suit la crête de la montagne depuis le Mercruy jusqu'au col de Malaval (i), nous entrons dans les bois de la Brelandine. Laissant à droite le crest coté 787 m. sur la carte de l'Etat-major, la coursière monte d'abord, atteint un petit plateau, puis se met à descendre sur le col on se trouve alors sur le revers méridional du Saint-Bonnet, et au bout de quelques minutes on sort du bois. On n'a plus, à sa gauche, que des cultures qui couvrent les pentes presque à pic de la montagne et, à droite, des genêts et de jeunes pins. La vue de ce point est très belle on sent que l'on va cesser de courir sur des crêtes ou des cimes isolées, mais bien que l'on va entrer dans la montagne même c'est elle seule que la vue rencontre: en face de vous se dresse le crest des Jumeaux qui, par son isolement, ses formes vivement et régulièrement accentuées, et la pointe assez aiguë qui le termine, semble encore plus élevé qu'il né l'est réellement. D'un côté du Crest, entre ses pentes et le grand ressaut du mamelon conique de la Proty, nous retrouvons les déclivités du Pié froid derrière elles se dessinent toujours les dentelures du massif de Riverie au-dessus desquelles l'éternel Pilat estompe ses lignes majestueuses de l'autre, se succèdent les versants occidentaux des hauts sommets du massif d'Izeron, tandis que presque à vos pieds vous voyez le dernier lacet de la route qui va de Vaugneray à Courzieu et, nous cachant le col, le mamelon extrême du Saint-Bonnet, tout couvert de grands chênes et de beaux châtaigniers derrière lesquels fuient, en s'abaissant du côté de la Loire, les hauteurs qui dominent Sainte-Foy-l'Argentière puis, au-delà, toute la chaine du Forez et les neiges de Pierre-sur-Haute. Cependant, en se retournant un peu à gauche, on plonge de nouveau ses regards dans le val de Vaugneray, sur les plateaux et les collines du Lyonnais, et sur le Dauphiné que terminent les Alpes et le Bugey. (1) Etnon Malval, comme nous le désignera tout à l'heure Vécriteau de MM. des Fronts et Cliaiissées.


Au-dessus de ce dernier, surgit le Mont-Blanc, au-dessous s'étendent la Bresse et les Dombes dont les étangs étincellent au soleil comme des miroirs, et plus bas le Rhône, divisé en plusieurs bras, enserre tout l'archipel de Miribel.

La vue embrasse donc un paysage immense et de plus, particularité à noter, de la place où nous sommes, du 12 au 15 septembre (i), on voit le soleil se lever derrière le Mont-Blanc. C'est fort beau avant que le mouvement de la rotation terrestre ait fait apparaître l'astre au-dessus du dôme, les rayons solaires dont on ne voit pas encore le foyer vont, à droite et à gauche de la montagne géante, éclairer la chaîne des Alpes et dorer ses neiges. Puis le globe flamboyant, après avoir fait étinceler pendant quelques minutes les nuages qui semblent le dominer, s'élève rapidement, les Alpes semblent pâlir et tout ce qui est en deçà des monts rougit sous le premier baiser du jour. C'est fort beau, nous le répétons, mais, à notre avis, on ne doit pas faire de ce spectacle, assez rare du reste, le but d'une visite au Saint-Bonnet. On s'expose à trop de déception, on risque trop de perdre son temps et sa peine et de n'avoir sous les yeux que des brouillards ou des amoncellements de nuages qui laissent à peine transparaître une lueur rougeâtre qui s'éteint aussitôt comme pour vous dire que vous ne verrez rien et que vous n'avez qu'à vous en retourner. Certes nous sommes aussi matinal que qui que ce soit, et souvent nous sommes parti en excursion bien avant l'aube, mais jamais avec la pensée préconçue d'assister au spectacle en question aussi, sans les chercher, avons-nous vu probablement plus de splendides levers de soleil que bien des touristes d'occasion qui, sur la foi de certains guides, croient que c'est la condition sine qua non de l'ascension de telle ou telle montagne.

A mesure que l'on avance dans la saison d'automne, il est aussi donné, parfois, de voir des effets de brouillards fort curieux. Entre (1) Ou du 12 au 15 mars, le mois de mars correspondant au mois de septembre pour les heures du lever et du coucher du soleil.


tous, nous en citerons un. C'était en octobre, le temps était doux et nous avions gravi le Recret avec des alternatives de pluie et de soleil, nous espérions même que le temps se dégagerait tout à fait quand, au sortir des bois de la Brelandine, nous vîmes qu'il n'y fallait pas compter un immense brouillard, couleur gris de cendre, couvrait toute la vallée du Rhône entre les premières balmes alpestres et la montagne lyonnaise à nos pieds il conservait encore une certaine transparence, et de sa masse s'échappaient, par moments, des vapeurs qui montaient tantôt comme des buées de chaudière, tantôt comme des fumées d'incendie, s'arrêtaient à une altitude de 500 à 550 mètres environ et se dissipaient après avoir erré pendant quelques instants à la base des crests. Au sommet du nuage qui s'épaississait jusqu'à la densité, courait un rayon lumineux qui blanchissait sa cime immobile, et au delà, en allant du nord au sud, émergeait la cime les Alpes dauphinoises, le Glézin, le Taillefer, le massif du Pelvoux, le Vercors et la crête des monts de Chabeuil; toutes les neiges éblouissaient au-dessus de pentes teintées de gris lapis foncé. Les montagnes se détachaient sur une bande de ciel d'un bleu verdàtre comme une turquoise morte striée par des bandes de petits nuages roux qui peu à peu se confondaient avec les brumes gris de fer qui, comme une épaisse tenture, nous cachaient l'azur du ciel. C'était fantastique et c'est tout ému, tout songeur, que nous reprîmes notre route.

Elle descend assez rapidement vers le col et passe entre de beaux chênes. Le col traversé, elle remonte rapidement sur un des flancs du pic, dépasse une source où viennent boire les petits oiseaux et descend brusquement vers le hameau des Jumeaux qui a donné son nom au crest. A quelques pas de la source on trouve un sentier, un petit chemin vert, comme on dit dans l'Ile de France, on le suit et bientôt il vous amène, sans trop de fatigue, jusqu'au chirat qui termine la montagne et à l'extrémité duquel surgit une grosse roche sur laquelle il faut monter pour jouir de la vue sur tout le haut massif d'Yzeron, dont les crests s'entrecroisent derrière le Chatelard et le Saint-Clair. Ils vont toujours augmentant d'altitude en s'éloignant vers le sud,


obéissant ainsi à la loi géologique qui régit non seulement toutes les chaînes de montagnes qui se trouvent en deçà du pli de l'Europe, mais encore la plupart des massifs qui les composent. Au-delà d'Yzeron que l'on nevoit pas, mais dont on devine la position, les contreforts de la montagne de Duesne s'abaissent vers l'Est, et à leur gauche s'allongent les grands plateaux qui, entre St-André-la-Côte et Larajasse, occupent les sommets du massif de Riverie derrière on revoit le Pilat et sa masse imposante. Enfin, à notre droite, s'ouvre la profonde vallée de Courzieu qui se creuse jusqu'à la Brévenne, nous donnant ainsi une vue sur le Forez qui confine à l'Auvergne et sur le massif de Tarare.

Cet ensemble de monts, ce plateau central du pays Gaulois dont nous foulons une sommité et dont nous contemplons une partie, c'est, qu'on le sache bien, la montagne française par excellence. Son sommet le plus élevé est presque au centre de la France et pas, un de ses massifs, pas un de ses contreforts ne va s'égarer à l'étranger. C'est dans cette montagne que la nationalité gauloise lutta contre César: elle y succomba, c'est vrai, mais pour se retremper dans la civilisation du vainqueur et, au jour de sa chute, renaître pour devenir la nationalité française. Puis, un jour, quand cette nationalité elle-même, épuisée par les discordes civiles et les désastres de la guerre de Cent ans, semblait prête à sombrer, c'est au pied de cette montagne qu'elle se réfugia, se recueillit et retrouva cette foi qui, ramenant la victoire, lui fit chasser les Anglais de tout le sol du royaume.

Dans la dernière guerre, n'est-ce pas sur ses limites que s'est arrêtée l'invasion et, si de nouveaux malheurs venaient à nous frapper, n'est-ce pas dans ses flancs que nous devrions nous retirer comme dans une citadelle, nous défendre, nous refaire, et n'en sortir que pour reconquérir, pied à pied, sur ses envahisseurs le sol bien aimé de la patrie.

Voilà ce que nous nous disions à nous-même tout en descendant du crest et c'est tout en rêvant pour notre pays victoires éclatantes et paix profonde, prospérité sans nom et grandeur inouïe, que nous


suivons un sentier qui rejoint un chemin venant du col de Saint-Clair et par lequel nous sommes ramené sur la route qui va de Vaugneray à Courzieu, route que nous avons traversée il y a près d'une heure au col de Malaval.

Cette route qui d'abord traverse d'assez beaux bois, et est presque constamment bordée de superbes châtaigniers, rappelle beaucoup celle que nous suivîmes pour descendre du col de la Luire sur Bessenay. La vue que l'on a de ses lacets nous est également connue c'est le massif da Tarare qui nous fait face, mais il se présente plus de profil et il y gagne en pittoresque et en élégance.

Au bout d'une demi-heure de marche, nous retrouvons l'ancienne voie d'Aquitaine au moment où venant de Chevinay, elle se précipite en droite ligne et presque à pic sur Courzieu ou, pour mieux dire, sur les Hôtelleries; c'est la descente de Longecombe. Nous la prenons, d'abord pour abréger un peu notre chemin, puis surtout pour jouir du très beau point de vue qu'elle présente. Elle est presque constamment ombragée d'un côté par des arbres, fruitiers pour la plupart, qui, plantés dans l'étroit ravin que nous longeons, ont poussé avec furie pour trouver l'air et la lumière, et de l'autre par de vieux chênes étêtés et tortus qui ont peine à vivre dans la roche sur laquelle nous marchons. Entre cette double haie de végétation, nous découvrons toute la vallée de Courzieu, la vallée du ruisseau des Eaux profondes et au-delà s'élève, tout revêtu d'épaisses forêts, le gros crest des Verrières sur les flancs duquel les vapeurs qui montent des fonds humides jettent, presque constamment, un voile de gaze bleu tendre qui l'éloigne, le grandit et donne à tout ce paysage, passablement sauvage, une douceur et une harmonie de tons incroyables.

Quant au village de Courzieu, comme il est bâti dans les replis d'une étroite fissure, nous ne le voyons que lorsque la route que nous avons retrouvée à mi-côte de la descente de Longecombe, vient à former une terrasse du parapet de laquelle nous plongeons nos regards dans ses rues étroites, ses escaliers et ses maisons.

Notre chemin, qui remonte plus loin vers Yzeron et Montromant,


aboutit tout à côté de l'église du pays. C'est un petit temple sans grand caractère, mais pittoresquement bâti sur une roche. Remanié à différentes époques, il n'a de remarquable extérieurement que deux fenêtres et une porte à accolade du xve siècle et, intérieurement, que la crypte assez originale dans laquelle est placé le maître-autel. Nous y remarquons aussi de petites statuettes en faïence coloriée qui nous disent la légende de saint Isidore le saint, vêtu de bure brune, est en prières et pendant ce temps un ange aux draperies bleues conduit au labourage Deux grands bœufs blancs marqués de noir.

Il y a une certaine grâce dans ces figurines et nous les signalons aux amateurs. Un vieux chapiteau, assez brutalement sculpté, y sert de bénitier. En somme, toute fruste qu'elle soit, c'est une église à conserver, à restaurer même elle est en rapport avec tout ce qui l'entoure, maisons et paysage, et vaut mieux cent fois, avec son campanile traditionnel, que toutes les églises normandes, à clocher pointu, dont on a inondé la contrée depuis trente ans et qui ne s'harmonisent nullement avec elle. Disons également un mot des restes d'un vieux château fort qui dépendit autrefois de la puissante abbaye de Savigny une tour ronde qui surveillait Longecombe et la vallée, une porte en ogive et, deux étages au-dessus, une galerie couverte faite de poutres régulièrement entrecroisées et dont l'encorbellement s'appuie sur de frustes consoles en bois que le temps a noircies.

De Courzieu à la Giraudière où nous prendrons le train tout à l'heure, la route offre, à chaque pas, de charmants paysages tout intimes, pas de grandes lignes, mais des roches moussues, des arbres superbes, des eaux bondissantes, des sentiers qui s'enfoncent sous des berceaux de verdure et, dans tous les prés, de petits pâtres et des bestiaux, vaches, chèvres et moutons que n'aurait pas dédaignés le crayon de Duclaux.

EDMOND JUMEL.


DOCUMENTS INÉDITS

LES LYONNAIS DIGNES DE MÉMOIRE (Suite)

yq^SEœ^ IERRE SIMON BALLANCHE, l'ami de

-SfPwfi madame Récamier et de Châteaubriand, f^W. lÈÊSb&jp [ l'auteur des entretiens du Vieillard et du

̃ 7^ /) jeune homme, du Sentiment de l'essai sur les

/o/^Pf 1 vS) Institutions sociales, de cette large étude sur

^£^ les transformations subies par les sociétés

humaines, intitulée la Palingénésie sociale, et dont Orphée Antigone, la Vision d'Hébalns sont quedes fragments épisodiques – l'un des caractères les plus honorables et les plus purs de ce siècle. M. de Barante a dit un beau mot sur lui il vivait dans un nuage, mais le nuage s'entr'ouvrait quelquefois Né à Lyon, le 4 août 1776 mort à Paris, le 12 juin 1847.

Acte de baptême

Le cinq août j'ai baptisé Pierre Simon né hier, fils d'Hugue Jean Balanche, marchand de drap et de Claudine Poulat son épouse. Parrein M" Pierre Simon Balanche prêtre du diocèse de Besançon représenté par Guillaume François Gaulard marchand marreine Agathe Poulat fille illiterée de ce enquise. Le père et le parrein ont signé Gaulard; Ballanche Michard Boyriven vicaire. (Extrait des registres paroissiaux de St-Nizier. Vol. baptêmes, I77^j f°li° l21-J Félix DESVERNAY.


BULLETIN

BIBLIOGRAPHIQUE, ARTISTIQUE ET ARCHÉOLOGIQUE ARIE-LiTCRÈCE et le grand Couvent de la Monnoye,

tM~SM par Nizier du Puitspelu, avec un~la~a en couleurs

f ~t~f par ll~ Termorel. Lyon, Meton, éditeur, 35,

t ~~y rue de la République, 35, l83o.

je Je n'aime dans l'histoire que les anecdotes, et

~~)/ (W~ parmi les anecdotes je préfère celles où j'imagine

~M~ trouver une peinture vraie des moeurs et des carac-

tères à une époque donnée. Voilà ce qu'écrivait dans sa préface de la Chronique du règne de Charles IX, Prosper Mérimée et ce qu'aurait pu écrire aussi bien M. Nizier Puitspelu, dont le talent d'ailleurs en ses formes variées et ses ressources multiples, a plus d'un lien de parenté avec celui de l'illustre auteur de Carmen et de Colomba. Dans les Vieilleries ~'OKK~MM, un livre qui restera et qu'on peut considérer a bon droit comme un desmeilleurs qu'ait produit l'archéologie, nous allions dire la littérature lyonnaise, ces dernières années, il a montré quel parti, au profit de l'histoire, on pouvait tirer d'une simple légende, d'une tradition, d'épisodes réputés insignifiants et partant jugés inutiles.

Avec ces riens que les grands dédaignent, il a pu, bien mieux que certains historiens à manchettes et cravate blanche, entamer l'histoire dans ses parties les plus difficiles et ses portions les plus délicates.


Ainsi, il a reconstitué un monde à peu près disparu aujourd'hui, le vieux monde lyonnais qu'il a fait revivre pour ainsi dire et qu'il aurait ressuscité depuis longtemps, s'il n'avait tenu qu'à lui.

Mais il y a plus qu'un historien chez M. Puitspelu, il y a un écrivain, un délicat, un littérateur exquis, correct, ayant un esprit, un style qui n'est qu'à lui et que nous aurons soin de définir bientôt en étudiant V~ar:é-Lucréce que nous ne pouvons qu'annoncer dans ce bulletin et saluer en passant.

L'hôtel et la prison de Roanne. Le prieuré de Saint-Alban et le Palais de justice actuel dè Lyon, par M.-C. Guigue. Lyon, Meton, libraire, rue de la République, 35, 1880.

Si cette brochure, qui se compose de 20 pages au plus, tombait aux mains de lecteurs qui aiment peu les notices courtes; si, d'après ce préjugé qui, grâce à certains archéologues s'empare des esprits chaque jour et qui consiste à croire que dans les gros volumes seuls se trouvent les bonnes études, on se mettait à attaquer le savant archiviste de notre ville et lui demander compte du genre nouveau et presque inconnu qu'il a introduit à Lyon, il aurait à répondre d'un mot que, chargé par tous de construire un monument vraiment national, c'est-. à-dire l'histoire de notre ville et de notre province qui, malgré bien des tentatives faites, est encore à faire, il lui a fallu adopter une méthode nouvelle qui malheureusement ne lui laisse que peu le loisir d'être long et encore moins celui d'être ennuyeux; qu'il a tout au plus le temps de dire ce qu'il veut dire, de le dire bien et de pouvoir appeler un chat, un chat et. nous allions dire quelque sottise. Pour M. Guigue, il faut s'y résigner, l'histoire est avanttout, pardessus tout une science une science presque identique à l'algèbre et à la géométrie et une de ses préoccupations constantes est de la. traiter comme telle toutes les fois qu'il le peut. Ainsi l'a-t-il envisagée dans son travail sur les Voies romaines, qui n'est, à tout bien prendre, qu'une admirable démonstration dialectique où tous les syllogismes se


tiennent, s'enchatnent et conduisent à une conclusion inexorable, certaine et déduite de chacun d'eux. Dans le présent travail, même méthode, même logique, même conséquence. Il faut lire cette notice sur l'hôtel et la prison de Roanne qu'il a rédigée complète, définitive en 20 pages et que d'autres (nous en connaissons) n'auraient pu écrire qu'en mettant plus de pages et moins de temps.

Ainsi que nous l'avons annoncé dans le dernier numéro de LyonRevue, nous signalons à ceux de nos lecteurs qui ont quelque souci de l'art, ce qui a pu et peut encore mériter l'attention chez nos principaux marchands de tableaux.

Comme le mois dernier, nous citerons encore parmi toutes celles exposées chez M. Dusserre, deux toiles dignes d'être remarquées une marine, par Vollon, le port de Marseille, qui, avant que l'on ait vu la signature, attirait le regard par son ciel limpide, sa mer huileuse, ses fabriques couleur d'or et son fourmillement de mâts d'une vérité saisissante; et une chasseresse, par M. Mazeran. Cette figure, d'un dessin très pur et d'un coloris très sobre, est la réduction d'une grande étude envoyée par l'artiste au salon de cette année.

Parmi les œuvres de peintres lyonnais que l'on peut voir chez M. Vincent, nous indiquerons une étude de paysage par Seignemartin, une pochade devrions-nous dire, brossée avec furie sous le coup de l'impression, vraie de ton et sentant bon comme la montagne qu'elle représente. Dans le même sentiment impressionniste, des Fleurs enlevées au couteau à palette, par Sibuet, et d'une fraicheur de coloris qui ne pâlit pas à côté d'un grand vase tout ruisselant de roses et de capucines et tout serti de pierres précieuses, comme Domer seul sait les peindre. Un groupe d'animaux, dessiné à la mine de plomb par Duclaux, avec cette délicatesse et cette fermeté de crayon qui caractérisent son talent si hollandais et si français tout à la fois. Et enfin un clair de lune, la chute du Rhin à Schajfouse, peint à la gouache, par Bidault et dans lequel se retrouve le soin minutieux de la plupart des artistes du commencement de ce siècle.


1-

N'oublions pas, dans le même magasin, un petit tableau peint avec habileté par un italien, de l'école de Fortuny, M. Matania, et qui nous représente une halte de femmes et d'enfants en promenade aux environs de Naples, qui se reposent et devisent assis sur l'herbe, à deux pas de la mer bleue, au-dessus de laquelle se profilent le Vésuve et la fumée de son cratère. Il y a dans le groupe une jeune fille à demi couchée et un garçonnet d'une grâce exquise.

Chez M. Méra, nous ne pouvons laisser disparaître de la montre, sans en parler, deux petits tableaux, dus encore au pinceau d'artistes lyonnais, nous voulons parler du moine en prière par Claudius Jacquand, et du coucher de soleil, par Dubuisson. Le moine de Jaequand est évidemment un homme du monde qui a cherché dans la solitude du cloître l'apaisement de peines cruelles. L'a-t-il trouvé? Lui seul et Dieu qu'il implore, le savent. C'est peint avec finesse, distinction, mais un peu léché, comme beaucoup des œuvres de l'artiste. Il y a plus de vigueur dans le tableautin de Dubuisson, la lumière y est éclatante, et la plaine qu'elle dore de ses rayons fuit à l'infini.

Mais où le talent du paysagiste lyonnais se montre dans toute sa force, c'est dans une simple mine de plomb exposée chez M. Duperray. Il y a un entrain et une vigueur remarquables dans ces quelques traits rapides qui nous montrent un site tout italien des bords du Rhône, qu'anime, au premier plan un troupeau de bœufs conduit par un homme à cheval, comme les buffles de la campagne de Rome. Sur la place des Jacobins, les échafaudages destinés à la construction de la fontaine seront complètement montés dans quelques jours et si l'hiver n'est pas rude, le monument conçu par M. André, pourra être terminé avant la fin de l'année prochaine.

A deux pas de la place des Jacobins, dans la salle agrandie et remaniée du Casino, les décorateurs sont à l'œuvre et les peintures du plafond con-


fiées à M. Doraer, sont commencées. C'est une bonne nouvelle dont nous sommes heureux de donner la primeur aux lecteurs du Lyon-Revue. Le jury chargé de se prononcer sur le concours organisé dans le but d'élever une statue de .la République sur la place de la République, s'est réuni le n octobre. Il a été décidé que le premier prix ne serait attribué à aucune des oeuvres exposées.

Les maquettes qui ont attiré son attention ont été classées comme suit

2' prix: maquette de MM. Guilbert, sculpteur, et Bréasson, architecte à Paris

3' prix: maquette de M. Clésinger, sculpteur à Paris;

i™ mention honorable maquette de M. Fourquet, sculpteur à Paris

2* mention honorable maquette de M. Pagny, sculpteur à Lyon; 3* mention honorable maquette de M. Pézieux, sculpteur à Paris; 4° mention honorable maquette de M. A. de Gravillon, sculpteur à Vernaison.

Le concours est donc à recommencer. Il a été décidé qu'il serait restreint entre les six concurrents primés.


REVUE MUSICALE

LE MOIS THÉATRAL A LYON o~toa.e ~aso

~.aj~ ES théâtres municipaux, pardon, le théâtre

*) municipal, l'incendie et d'autres raisons

encore, m'obligent à employer le singulier

y~M quand il m'aurait été si agréable de parler au

pluriel. Le théâtre municipal de Lyon tente

~~j cette année un nouveau mode d'exploitation.

f 1)~r TH Nous n'avons plus affaire à un directeur

~L~ )L,~ responsable, l'administration municipale a ~°~ concédé au nouveau directeur le droit de

constituer les artistes en Société.

Ce système, qui offre quelques avantages que l'on doit toujours nous démontrer et beaucoup d'inconvénients qui se démontrent tout seul sera étudié par un des collaborateurs de Lyon-Revue, M. P. Bertnay, très au courant de la question. Je n'ai pas à m'en occuper aujourd'hui. Je ne retiens de la lettre du nouveau directeur, que la phrase suivante c'est que ce système est le seul moyen d'éviter les catastrophes. Je ne vois pas bien pourquoi il est évident qu'avec deux cent mille francs de subvention, et un théâtre unique, sans compter une foule d'avantages que la ville ccncède au directeur, et les menus frais qui sont en sus à sa charge, la catastrophe ne sera toujours pas pour le


directeur, ni ses collaborateurs de l'administration. Nous ferons donc volontiers crédit à la nouvelle direction, qui doit être portée d'autant plus de bonne volonté qu'elle ne risque personnellement rien du tout, et nous l'attendons à l'œuvre.

Elle prétend que le nouveau mode est le seul moyen d'obtenir la participation de tous pour l'œuvre commune au profit du plaisir du public, et qu'elle ne doit pas banalement solliciter notre bienveillance parce qu'elle doit la mériter.

Eh bien mais voilà qui est tout à fait rassurant, et Lyon va certainement avoir la place qu'elle mérite la première parmi les théâtres de France.

Nous ne voyons pas bien comment, par exemple, lanouvelle direction va s'y prendre; cela ne nous regarde pas, mais parmi les reprises importantes qu'on nous annonce, vu les nouveautés que l'on veut nous donner, nous sommes déjà surpris que l'on ne tienne pas un peu plus compte de la nouvelle tournure d'esprit du public. C'est en vain que l'on veut se boucher les oreilles, pour ne pas entendre. Il faut aujourd'hui se rendre à l'évidence. L'évolution des esprits et de toute la jeune école musicale vers de nouvelles formules, devient révolution.

Le théâtre musical veut se renouveler, et si le public français se cabre encore devant les oeuvres nouvelles, il ne veut plus des oeuvres anciennes qui ont charmé sa jeunesse ou que ses prédécesseurs lui avaient trop vanté. Je n'en veux pour témoin que le discrédit complet dans lequel est tombé l'opéra-comique. Cette façon de vaudeville, où tout était réglé d'avance, comme un menu de table d'hôte, ici une cavatine, là un duo, plus loin un quintetto et un final, nous paraît aujourd'hui démodé comme un costume empire ou une défroque du vieux temps. Nous demandons à la musique des sensations fortes et puissantes, et nous sommes subjugués quand nous sommes émus tout autant que charmés.

Les yeux vont se dessillant de jour en jour, les préjugés fondent comme la neige aux premiers rayons de l'avril. Il faut au public des


œuvres d'une conception entraînante. C'est par l'audace des sonorités harmoniques, par le souffle dramatique, par la variété d'invention, que le compositeur moderne vaincra l'apathie du spectateur et qu'il arrivera à faire circuler dans ses veines la chaleur et l'inspiration qui l'ont approché de la Muse. C'est alors qu'en communion tous les deux, l'on verra ces masses indolentes ou facilement endormies aux mélodies sans ressort et sans caractère du vieuxjeu, se réveiller, comme le bœuf du labour, sous l'aiguillon de la douleur, et crier d'enthousiasme aux accents mâles et fiers de la nouvelle harmonie, ou bien se pâmer de plaisir à ces accords enfiévrés d'amour qui vont se traduisant en sonorités exquises dans les masses orchestrantes.

Paris a fait de grands pas vers la nouvelle école musicale la province suit pede claudo, il est vrai, mais elle suiU C'est la loi éternelle, la loi du mouvement, et il est aussi impossible de l'enrayer que de vouloir arrêter la rivière qui marche.

Les compositeurs de musique y sont venus d'eux-mêmes pousses par cette force instinctive qui est le génie chez les uns, et le travail chez les autres. Une foule de jeunes et de vieux musiciens, les uns déjà célèbres, les autres en train de le devenir, mais entre tous et au sommet, Verdi en Italie, Wagner en Allemagne et Berlioz chez nous, ont senti cette révolution qui va réussir et devenir la règle. C'est cette révolution dans les idées comme dans les formules dont il faut désormais tenir compte.

#

Je reviens à mon sujet dont je m'étais éloigné et je constate tout d'abord que la troupe d'opéra et celle d'opéra-comique sont toutes deux formées d'excellents sujets, de pas mal de médiocrités, mais pas une étoile. Cela vaut-il micux, cela aura-t-il plus d'effet sur le public ? 7 C'est encore une question. Si l'ensemble est satisfaisant, le public qui aime l'opéra, quoi qu'on en dise, viendra, et si les nouveautés qu'on a en préparation, ou les reprises importantes qu'on compte lui donner, sont de son goût, la saison théâtrale se soldera par un bénéfice raisonnable, sans qu'il ait rien .d'extravagant.


La troupe d'opéra, si l'on peut mettre la main sur un ténor sérieux, fera beaucoup pour la réussite générale.'

Je ne parlerai pas de M. Clodio qui a résilié depuis son engagement, et je n'ai entendu le nouveau ténor, M. Salvani, que dans la Juive et dans Lucie. A eux deux ils auraient fait un sujet remarquable. Si l'on pouvait donner la voix de M. Clodio à M. Salvani, et l'expérience, la manière de chanter, de déclamer surtout de ce dernier à M. Clodio, nous aurions un ténor.

M"' Marguerite Baux nous est revenue avec sa belle voix au timbre éclatant, chaude et sonore, et en grand progrès sur l'année dernière et non pas seulement comme chanteuse, mais encore comme tragédienne lyrique. Si la jeune et intelligente artiste veut prendre garde à quelque exagération dans le sentiment dramatique, et rester toujours lyrique, même au moment le plus pathétique, elle fera preuve de cette mesure et de ce bon goût dont elle nous a déjà donné tant de preuves. Mais nous sommes heureux de la voir devenir tout à fait grande artiste, car elle est dans le chemin qui mène aux sommets élevés de l'art.

M. Monfort, notre nouvelle basse, est une acquisition précieuse pour notre troupe de grand opéra. La voix est superbe, un peu dure pourtant, mais quelle sonorité et quelle ampleur dans le registre grave Comme toutes les basses profondes, à partir du de la portée, la voix hésite et crécelle légèrement. Il faut veiller avec soin à l'émission du registre aigu, et à l'intonation des attaques. L'artiste fera bien de soigner sa tenue et sa démarche qui laisse à désirer. Mais M. Monfort est un artiste de grande valeur, un comédien intelligent, amoureux de son art, et qui est appelé à faire la plus brillante carrière. Comme toutes les années, grâce au dur climat de Lyon, si peu favorable aux artistes lyriques, la chanteuse légère de grand opéra et le baryton se sont trouvés indisposés. La chanteuse n'est pas encore remplacée, et le baryton nous a joué Guillaume Tell. C'est encore un atout dans le jeu de la direction. M. Seguin est un jeune homme qui en est à sa deuxième année de théâtre, je crois, et qui donne les plus brillantes espérances.


Sa voix, d'une étendue remarquable, éclatante, bien timbrée, est un peu sourde dans les cordes basses, sonorité qui lui viendra avec l'âge. L'émission est bonne, la manière de phraser correcte et de bon goût. Sobre d'effet, pas d'exagération, ni d'éclat, ce jeune homme, encore inexpérimenté, n'a pas les défauts de la province, qu'il évitera toujours, nous l'espérons. Nous en reparlerons plus longuement. Nous n'avons encore ni basse, ni baryton d'opéra-comique. Le deuxième ténor a été refusé à tort, selon nous, et il sera difficile à remplacer. Nous n'avons pas encore eu l'occasion d'entendre la contralto. Voilà pour l'opéra.

L'opéra-comique a moins bien réussi que l'opéra, mais c'est plutôt la faute du genre, comme je le disais plus haut, que la faute des interprètes. La prima-donna de l'opéra-comique est Madame Dereims (Jeanne Devriès), que le public lyonnais a déjà fort appréciée, et qui est revenue sur le théâtre de ses premiers succès avec une voix aussi jeune et aussi fraîche que par le passé. C'est une virtuose que M™ Dereims, et de la bonne école, de cette école' qu'ont illustrée les Miolan-Carvalho, les Duprez, les Marimon et les Marie Batter de nos jours. Mais Mm* Dereims me permettra-t-elle de la rappeler au respect des maîtres, au respect de la tradition ? Quand on a nos atlent, son expérience de la scène, et qu'on jouit d'une aussi grande réputation, on se doit à soi-même de laisser à des cantatrices de second rang tous ces effets de mauvais goût, ces trilles audacieux, ces jongleries, ces tours de force, qui ne prouvent rien en faveur de l'artiste et qui laissent les amateurs froids et indifférents. Je ne peux que m'incliner, par exemple, devant la façon supérieure avec laquelle M"" Dereims a interprété la reine Marguerite des Huguenots. Depuis M"" MiolanCarvalho, la reine de Navarre n'avait pas eu pareil honneur. A côté de M™ Dereims-Devriès, nous trouvons un artiste de race, un ténor à la voix charmante et fraîche, qui n'a contre lui que le physique le plus anti-ténor que la nature ait pu lui infliger.


M. de Keghel est assez intelligent pour le faire oublier. Je n'ai pas compris l'espèce de défaveur qu'on lui a montrée même après son admission, qui ne pouvait pas faire l'ombre d'un doute. Les ténors sont rares, et refuser M. de Keghel, qui est un des bons représentants de l'espèce, était une spéculation malheureuse.

Quand nous aurons dit un mot de bienvenue à notre charmante dugazon de l'année dernière, M1" Henriette Gérald, que nous aurons applaudi à la rentrée de Nerval, du comique si fin et si discret, nous. aurons fini de passer la troupe en revue.

Il manque donc un baryton à l'opéra-comique, une basse et un ténor. Nous verrons comment on les remplacera; mais il est temps de se hâter et de sortir de cette période des débuts, toujours si pénible et pour les artistes et pour le public.

Le ballet est le même que l'année dernière, heureusement pour nous. La grâce un peu majestueuse de M"" Lamy, la sveltesse de M"10 Juliani, toujours en progrès, et quelques paires de jambes nouvelles, en remplacement des anciennes, voilà qui est parfait pour le plaisir des yeux.

Nos meilleurs compliments sont pour l'orchestre qui, refondu, remanié sous une direction habile, intelligente et sympathique, finira par devenir ce qu'il doit être, le premier orchestre de province. M. Alexandre Luigini, a la tête d'artistes comme les Lapret, les Roy, les Bedetti, les Forestier, les Fargues, les Ritter, les Schneegans et tous les chefs de pupitre, a su tirer de ses collaborateurs de talent tout le parti possible. Il faudra pourtant de temps en temps et dans les ensembles tumultueux veiller à ce que les sonorités de l'orchestre ne couvrent pas la voix des chanteurs. Il est vrai que maintenant que tout le monde fait sa partie, nous remarquons davantage la puissance et la force d'un orchestre qui est pourtant le même, numériquement parlant.

Les représentations de début n'ont offert rien de remarquable, sinon rien de bien mauvais. A part le troisième acte des Huguenots grâce à M'" Baux et à Montfort, le deuxième acte dû tout entier à la maestra


de M" Devriès-Dereims, nous n'avons eu que des spectacles médiocres sinon mauvais. Nous avons vécu des Huguenots, de la Juive, des éternels Mousquetaires, de la Traviata qui se démode, de la Dame blanche, et puis voilà tout. On nous promet la Flûte enchantée, Jérusalem de Verdi. Nous nous permettrons de dire que ce sont là des choix malheureux. La Flûte enchantée ne fera pas dix représentations, parce qu'on ne peut montrer ce chef-d'œuvre qu'à Paris, à cause des difficultés de l'interprétation. Et quel besoin de reprendre Jérusalem, cet opéra de la première manière de Verdi, médiocre et si peu intéressant ? Pourquoi pas tout de suite le Bal Masqué, Don Carlos, des opéras consacrés par le succès et qui sont dans la voie du progrès, et un acheminement à la grande orchestration d'Aïda Aida, le Prophète, qui n'ont pas été joués depuis quatre ans à Lyon, et encore dans quelles conditions, nous paraissent appelés à remplir les coffres de la société, beaucoup plus sûrement.

Mais, je l'ai dit en commençant, il faut faire crédit à la direction, en faveur de ses bonnes intentions et la voir à l'œuvre. Qu'on ne nous donne pourtant plus de représentations des opérettes modernes, comme celle de la Fille de Madame Angot. Si le théâtre doit jouer l'opérette, il faut au moins s'en rapporter aux bonnes traditions des Célestins. Mais jouer avec des choristes qui étaient au sacre de Charles X, et remplacer les petites femmes du Petit Duc par des contemporaines de Clodion-le-Chevelu, il ne faut pas compter ramener le public au théâtre avec des attractions de ce genre. A moins que ce ne soit pour dégoûter le public de l'opérette. La tentative quoique morale ne réussira pas, et il faut avoir autre chose que des Martha ou des Jérusalem à offrir au public en échange.

Nous verrons bien.

C.-A. RAYMOND.


LE MOIS THÉATRAL

A PARIS

Septembre-Octobre i88o

~S ;< A saison n'est pas encore assez rigoureuse pour

~ây4 que l'Opéra et la Comédie-Française lancent

leurs nouveautés; ils laissent à leurs seconds, l'Opéra-Comique et l'Odéon, le soin de prou-

'KN~ ver au public que les subvéntions qui leur

'j sont accordées servent à quelque chose.

( n A côté de ces quatre scènes subventionnées

t!Q'J~9 les théâtres non soutenus par l'Etat donnent nouveautés sur nouveautés, dont quelques-

unes sont infiniment supérieures aux deux ou trois pièces nouvelles représentées sur le théâtre de l'Opéra-Comique et de l'Odéon. Que mes confrères qui défendent le système des subventions d'Etat concluent.

Moi, j'en reviens à mon dada que chez elles, pour leurs intérêts personnels, les municipalités subventionnent leurs théâtres, libre à elles, mais que l'on n'oblige pas tous les contribuables français à soutenir de leurs deniers quatre scènes parisiennes qui pour leur défense,


ne peuvent même pas prétendre aider au développement de l'art dramatique et lyrique, pas plus qu'elles ne peuvent alléguer la production d' œuvres d'auteurs et de compositeurs inconnus.

M. de la Rounat, qui prenait possession de l'Odéon, a monté les Parents d'Alice et la Peau de PArchonte. De tout ce spectacle je n'ai retenu qu'un prologue en vers de M. Théodore de Banville, bien dit par M. Porel.

L'Opéra-Comique a été plus heureux le Bois, d'Albert Glatigny, musique de M. Albert Cahen, et M. de Floridor, de MM. Nuitter et Tréfeu, musique de M. de Lajarte, sont deux petits actes charmants. J'insisterai plus particulièrement sur la partition de M. de Lajarte qui renferme des morceaux savamment écrits.

Mais de ces deux théâtres on est en droit d'exiger des oeuvres plus importantes et plus parfaites.

Au théâtre du Vaudeville, on s'occupe de la question du divorce, mais ce n'est certainement pas la spirituelle comédie de MM. Gondinet et de Margaliers, les Grands Enfants, qui lui fera faire un pas en avant ou en arrière. On en parle beaucoup dans ces trois actes; il n'est pas jusqu'aux enfants de six ans qui ne discutent la loi Naquet. Mais il est impossible de savoir si les auteurs sont pour ou contre. M"1 de Morangis, abandonnée par son mari se fait passer pour veuve et habite avec son frère.

Or un soir, M. de Morangis rencontre son épouse et apprend que lorsqu'il l'a quittée elle était enceinte. Il veut connaître son enfant et, entendant encore la voix qui cria Cherchez, vous trouverez il cherche, trouve son enfant, demande pardon à sa femme et la réconciliation a lieu.

Que l'on ajoute à cela deux petites intrigues charmantes, des phrases spirituelles comme M. Gondinet sait les faire et l'on aura une bonne CQmédie supérieurement jouée par MM. Dieudonné, Delannoy et par. M"" Monnier, Lesage et Alice Lody.


C'est le théâtre du Château-d'Eau qui nous a montré les premiers drames nouveaux de la saison. Je ne dirai rien du Cardinal Dubois drame assez pauvre de M. Belle, et j'arrive tout de suite à Casque-enfer, 5 actes et 7 tableaux, de mon confrère Edouard Philippe. Casque-en-Fer est le surnom d'un magnétiseur qui se trouve arrêté et condamné aux galères pour un crime qu'il n'a pas commis. Le véritable assassin, après avoir fait passer Casque-en-Fer pour mort et fabriqué un faux acte de décès, épouse sa femme et essaie de faire assassiner son beau-fils. Le sort de ce dernier est remis entre les mains d'un chenapan repenti (une nouvelle institution); ce qui fait que, lorsque Casque-en-Fer est libéré, il fait reconnaître son innocence, arrêter le véritable assassin, et marie son fils à la fille de la victime. Cette action n'est pas nouvelle, mais elle est présentée avec une habileté tellement remarquable, que le public, empoigné, a fait au drame de M. Edouard Philippe un accueil des plus chaleureux. Les artistes sociétaires du Château-d'Eau ont joué avec talent, et je tiens à citer M. Pericaud et M"' Honorine, qui ont fait de leur rôle deux belles créations.

A présent que ceux de mes lecteurs qui veulent connaître le nouveau drame du théâtre des Nations, les Nuits du Boulevard, se donnent la peine de lire le roman de M. Pierre Zaccone, ils en sauront plus que les spectateurs parisiens qui voient la pièce et auront l'avantage inappréciable de ne pas entendre les acteurs inexpérimentés de M. Ballande.

#

#

La Porte-Saint-Martin a remplacé le drame par la féerie et ce sont MM. Mortier, Leterrier et Vanloo qui ont été chargés de cette besogne.

L'Arbre de Noël est construit avec l'intrigue plusieurs fois centenaire des féeries, j'en fais donc grâce aux personnes qui m'honorent de leur lecture. Je ne rééditerai pas non plus les exclamations enthousiastes d'un public que l'or, la grandeur. et la lumière électrique


rendent heureux. Je n'achèverai pas la phrase légendaire: "Jamais décors et costumes ne furent, etc., etc. Je constaterai seulement un succès plus mérité par la direction et les artistes que par les auteurs. #

# #

Diana, drame en 5 actes et 7 tableaux de MM. d'Ennery et Brésil, vient de remporter un immense succès à l'Ambigu.

Voici l'intrigue résumée: Armand de Maillepré, officier de la marine royale a, tandis qu'il sauvait M"" Henriette d'Armagny d'un incendie allumé par des esclaves, manqué à son poste de combat sur l'Astrée, attaquée et coulée bas par des pirates. La désertion d'Armand a été consignée sur le livre de bord, lequel est tombé entre les mains d'une nommée Diana, fille de Carbacena, un chef deforbans, mort par ordre du père d'Armand de Maillepré.

Diana brûlera la feuille du livre de bord constatant la désertion d'Armand, si celui-ci consent à l'épouser. Mais Armand, qui est amoureux d'Henriette d'Armagny, refuse.

Alors Diana jure d'aller, dès l'aube, livrer la feuille accusatrice au lieutenant criminel.

Agité, Armand se promène la nuit dans le parc du château; soudain il entend un cri, se retourne et voit son père qui, dans un accès de somnambulisme, plonge son épée dans le corps de Diana et le précipite dans un ravin.

Le lendemain Diana est retrouvée mourante, elle a encore la force d'étendre sa main du côté du comte de Maillepré, afin de désigner l'assasssin; mais Armand se place devant son père et se fait arrêter comme étant l'auteur du meurtre.

La veille du jugement de son fils, M. le comte de Maillepré apprend qu'il n'y a d'autre coupable que lui, et qu'il a tué Diana pendant son sommeil de somnambule. Le défenseur d'Armand, M. de Malesherbes, arrive pour débrouiller tous ces fils; comme il vient d'être nommé ministre, il use de son autorité pour faire mettre Armand de Maillepré en liberté, puis il se porte garant du comte.


Ainsi se termine ce superbe drame bâti sur une invraisemblance que seul le talent de MM. d'Ennery et Brésil pouvait faire triompher. M. Lacressonnière est toujours ce grand artiste que l'on applaudit dans toutes ses créations; MM. Abel Delessart, Gaspari et Vollet jouent très convenablement.

Diana est représentée par M11' Lina-Munte, dramatique dans la scène de l'agonie, M"" Jane Essler est sympathique dans le rôle de la comtesse; quant à M"' Harris elle n'a cessé, pendant les 5 actes, de me rappeler une charmante blanchisseuse qui déchirait mes mouchoirs avec une grâce si parfaite que je n'avais pas la force de lui faire des reproches.

J'ai gardé Ravel pour la bonne bouche. Il est dans l'habit du chevalier de la Tourette, aussi comique que dans la cuirasse du chevalier Baptiste et son rire stéréotypé est toujours aussi communicatif. #

Maintenant je suis tout aux opérettes nouvelles.

Il y a d'abord à citer le Ménétrier de Meudon 3 actes, représenté aux Fantaisies-Parisiennes. Le livret qui est de MM. Marot et Jonathan, contient des situations un peu veillottes, mais amusantes. Quant à la musique, elle manque d'originalité; M. Laurens ne faisant que de débuter au théâtre il n'est que charitable de l'attendre à sa seconde œuvre pour le juger.

Le Beau Nicolas, opéra-comique en 3 actes de MM. Leterrier et Vanloo, musique de M. Lacome, ne sera qu'un demi-succès pour les Folies-Dramatiques. Ce n'est pas que le livret soit banal, il renferme des situations assez heureuses; ce n'est pas non plus que la musique n'ait aucun charme, la partition de M. Lacome renferme au contraire des morceaux charmants, dés mélodies très gracieuses, mais il manque quelque chose. MM. Simon-Max, Maugé, Montaubry fils, M"" Simon Girard, Dharville et Réval ont beau tirer le meilleur parti de leurs rôles, la pièce n'a pas de chien (qu'on nous passe l'expres-


sion), et diable aux Folies-Dramatiques, après la Fille deM"" Angot, les Cloches de Corneville, etc., le public de l'endroit a besoin d'être remué, d'être enlevé et je crois que M. Lacome en est incapable. La place de ce charmant compositeur est à l'Opéra-Comique et c'est sur cette scène que j'espère pouvoir bientôt applaudir ses ceuvres nouvelles.

NÉCROLOGIE. Quelques décès à enregistrer au Gymnase, Nina la Tueuse; au Vaudeville, PHeure du Pdhssier; à Déjazet, la Tarentule.

Pauvres petites pièces que Dieu ait leur âme {

BERTOL-GRAIVIL

POUR PARAITRE DANS LYON-REVUE: Rêves ambitieux; Rimenbranza, sonnets par Joséphin Soulary; dessins par Eugène Froment.

Poésies de François Coppée, Eugène Manuel, Jean Tisseur. Le Théâtre des Minimes, par Elysée Pélagaud.

A propos d'un ouvrage du comte Cozzadini sur les luttes entre la noblesse de Bologne et la papauté, lors de la réunion de cette ville aux fiefs de par Elysée Pélagaud.

Sous le gui, nouvelle inédite, par M" Stella Blandy.

Ce que c'est que hes~res bouddhiques, par Emile Guimet. La Légende de saint Antoine, par M.-C. Guigue.

L'abondance des matières nous oblige à renvoyer au prochain numéro la fin de Georgette, roman de Louisa Siéfert. IMPRIMERIE A. STORCK, RUE DE L'HÔTEL-DE-VILLE, 78.


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SOMMAIRE DU 4" NUMÉRO

ILLUSTRATIONS DANS LE TEXTE PAR E. FROMENT

I. POÉSIE: Le bon ange, par Joséphin Soulary.

II. HYLA Hzstoire véritable (écrite spécialement pour LyoteRevue), par Puitspelu.

III. ANDROMÈDE: Rêve anh'gue, par Charles Grandmougin. IV. UN COIN DU FOREZ Saint-Bonrzet-le-Château par Michelon. V. PoÉsiE: Bohême, sonnet par A. Storck.

VI. L'auteur des pezittzares des grandes Heures de la Reine Anne de Bretagne, par V. de Valous.

VII. ART ET TOURISME: La Moutagne lyonnaise (3° article) le Crest des ~umeaux, par Edmond Jumel.

VIII. Les Lyonuais dignes de mémoire: Ballanche. Documents inédits publiés par Félix De vernay.

IX. BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE, ARTISTIQUE ET ARCHÉOLOGIQUE llTarzi-Gucréce et le grarad Couvent de la ~l~ouraoye, par Nizier du Puitspelu; l'Hdtel et la Prz'son de Roaune (Palais de Justice actuel, par M.-C. Guigue: Tableaux de Vollon, Mazeran Seignemartin, Domer, Dubuisson, Duclaux, Bidault, Jacquand. Les peintures du plafond du Casino confiées à M. Domer. La Fontaine de la place des Jacobins.

X. REVUE MUSICALE Le mois thérPfral à Lyoza, octobre r880, par C.-A. Raymond.

XI. Le mois théâtral à Paris, septembre-octobre 1880 par BertolGraivil.

PRINCIPAUX COLLABORATEURS

ADAM (E.-F.). AUBE12T (Alfred). BARANCY (Jean). MI BLANDY (Stella). BAYET(Ch.), professeur à la Faculté des lettres de Lyon. BELLIV (Gaspard), juge suppléant au tribunal civil. BERTNAY (Paul). BER-1-OL-GRAIVIT,. BOUCHOR (Maurice). BESSON (Louis.) BoDI2GOIN. D' CAZENEUVE, professeur à la Faculté de Médecine. CLAUDE (A. G.) CLAVEI. (Victor), professeur à la Faculté des lettres. COPPÉE (François). DAURIAC (Lionel), maitre de conférences de philosophie à la Faculté des lettres. DERRIAZ (J.) DESPREZ (Adrien). DESVERNA (Félix). -DtSSAED (Paul), conservateur du musée des antiques de Lyon. DupASQUIER. DUVAND (Adrien). ESSARTS (Alfred DES). ESSARTS (Emmanuel DES), professeur à la Faculté des lettres de ClermontFerrand. GAREL (D' Jean). GnORGE (Gaspard). GIRARD (Alexine). GiRAUu, conservateur des musées du Moyen-Age et de la Renaissance de Lyon. GRANDMOUGIN (Charles). GuIMET (Emile). JuMEL (Edmond). MAGNIN (D' Ant.) MANUEL (Eugène). MARIOTTE. METZGER (Albert). MtCHELON. –PALLIAS (H.) PEYROUTON (Abel). PEYRET PÉLAGAUD (Elysée). PICARD (Germain). PUITSPFI.1.11. QujvoGNE. –RAVERAT (baron). RAYMOND (C.-A.) RËvn.Lox ('l'ony).-–RosIN (Frédéric).–RoussET (Alexis). –SARRAZfN.–M"°SoucHlER (Adèle). –SouLARY (Joséphin). STORCK (A.) VALOUS (V. de). VAYS (Charles). VÉRICEL (GUStaVe). VICAIRE (Gabriel). COLLABORATEURS-ARTISTES

AppïAN.– AKMBRUSTER.– BEAUVERIE (Charles). DOME (Joanny). FROMENT (Eugène). SAINT-CYR GiRIER. GUY (Louis). JUBIEN. –REiTHOFER. SÉON (Joanny).