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Title : Collection des mémoires relatifs à l'histoire de France ; 21bis-30. Mémoires du Cardinal de Richelieu sous le règne de Louis XIII. 17-18 / , depuis 1610 jusqu'à 1619
Author : Richelieu, Armand Jean du Plessis duc de (1585-1642). Auteur du texte
Publisher : Foucault (Paris)
Publication date : 1823
Subject : France -- 1610-1643 (Louis XIII)
Set notice : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb401934997
Relationship : Titre d'ensemble : Collection des mémoires relatifs à l'histoire de France : depuis l'avènement de Henri IV jusqu'à la paix de Paris
Relationship : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb312125587
Type : text
Type : printed monograph
Language : french
Format : 10 vol. ; in-8
Rights : Consultable en ligne
Rights : Public domain
Identifier : ark:/12148/bpt6k36299g
Source : Bibliothèque nationale de France
Provenance : Bibliothèque nationale de France
Online date : 15/10/2007
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collection'
DES MEMOIRES RELATIFS
A L'HISTOIRE DE FRANCE.
MÉMOIRES DE RICHELIEU, TOME I II.
A PARIS, DE L'IMPRIMERIE DE A. BËLIN rue des Mathurins-Saint-Jacques, no.
DES MÉMOIRES RELATIFS
A L'HISTOIRE DE FRANCE, iiEruis l'avènement DE iienri iv JUSQU'A la paix DE pabis CONCLUE EN 1)63;
FOUCAULT LIBRAIRE RUE DE SORBONWE N». 9. i823.
COLLECTION
AVEC DES NOTICES SUR CHAQUE AUTEUR
ET DES OBSERVATIONS SUR CHAQUE OUVRAGE
PAR M. PETITOT.
TOME XXIII.
PARIS,
MÉMOIRES- DU.'
CARDINAL DE RICHELIEU.
• LIVRE XV.IL ̃̃̃
LE commencement de cette' année fut sixgnalé par deux actions importantes et peu attendues, qui donnèrent au Roi le repos au dehors et au dedans de son royaume et lui ouvrirent le chemin pour exterminer le. parti huguenot; qui; depuis cent ans divisoit son État:
Ces deux affaires furent la conclusion dé la paix avec Espagne, et celle avec les huguenots.
L'Espagne; qui jugeoit bien' que le Roi feroit la paix avec les huguenots si la guerre d'Italie tiroit de longue, et qui ne, eroyoit pas qu'il la voulût faire s'il n'y étoit forcé d'ailleurs, désirant de'lui-donner occasion de la continuer, hâta ,-tant qu'elle put, l'accommodement de l'affaire d'Italie.
Les Anglais, d'autre côté que l'acheminement du légat en Espagne mettoit en crainte qu'il ne terminât, en ce second voyage, ce qu'il n'avoit' pu faire au' premier envoyèrent leurs ambassadeurs en France, avec charge de solliciter les Rochelois de recevoir la paix que le Roi leur avoit offerte, et .n'oublièrent ni raisons ni menaces pour par,venir,-àtcette:fin;-d'où il .arriva que par une conduite pleine d'industrie inac-
coutumée, on porta les huguenots à consentir à la paix de peur de celle d'Espagne, et les Espagnols à faire la paix de peur de celle des huguenots.
En cela on peut voir clairement combien un bon conseil, donné à propos, produit d'effets salutaires; car tout ce bien arriva à la France en suite des ambassadeurs extraordinaires que, par invention, on fit que le roi d'Angleterre envoya.
Car ces ambassadeurs donnèrent jalousie aux Espagnols, et les firent hâter à condescendre à beaucoup d'articles qu'ils n'eussent jamais accordés-sans cela; et, d'autre part, firent mettre nos huguenots à la raison.;
La plus graride difficulté que le cardinal eut à sur-' monter fut dans le conseil du Roi où les principaux, par un trop ardent et précipité désir de ruiner les huguenots, ou par foiblesse, ou par une trop bonne et fausse o.pinion qu'ils avoient d'Espagne, vouloient, à quelques prix. et conditions que ce fût', qu'on s'accominodàt avec elle, sans se soucier de se relâcher à des choses désavantageuses à la réputation du Roi, lesquelles ils estimoient assez récompensées par le moyen que cette paix donneroit au Roi d'employer toutes ses forces pour nettoyer le dedans de son royaume.
Le garde des sceaux de Marillac étoit de cet avis, .et représenta, en plein conseil du Roi, qu'il falloir terminer le différend de là Valteline, en- quelque manière que ce fut, sinon en celle que l'on voudroit, en celle que l'on pourroit, ne refusant aucun parti honnête plutôt que de rompre;
Que cette guerre étoit, à l'extérieur, entreprise
-Pour la défense de nos alliés, mais en effet pour notre intérêt en la conservation des passagés; que l'une ni l'autre raison n'étoit considérable au prix de la ruine de l'hérésie, que nous pouvions extirper en France si nous faisions cette paix;
Que le Roi ne devoit pas abandonner ses amis., mais qu'il lie devoit pas aussi se ruiner pour l'amour d'eux;
Que les huguenots ne se soumettroient • qu!à de,s conditions honteuses, pour le Roi s'ils le voyoient engagé .contre le roi d'Espagne;
Que les princes protestans qui resteroient nos principaux alliés nous obligeroient à les recevoir; que le Roi n'avoit pas d'argent pour supporter les dépenses des deux guerres à la fois, qu'il en faudrait venir à de grandes exactions sur les peuples; .Qu'il falloit avoir quelque soin de la réputation des principaux du conseil du Roi qui seroient diffamés ,comme peu soucieux de la religion, si on s'affermissoit à vouloir conserver aux Grisons la souveraineté sur,la Valteline; que cela n'étoit pas juste, que Dieu ;y étoit offensé, et qu'il étoit craindre que ce ne fût l'heure que plusieurs âmes très-saintes prévoyoient -de la 'punition de cet Etat, si on négligeoit les moyens =.que Dieu présentoit de ruiner l'hérésie.
Tels avis fondés sur des raisons de pieté pleins -de doutes raisonnables et de craintes de toutes parts, .font voir manifestement quelle force et fermeté de .courage il a fallu avoir pour soutenir la réputation du Roi en cette affaire, et la terminer aux conditions glorieuses, à, la France que nous vous déduirons main-
Ce qui était le plus fâcheux au Roi, étoit que le 'Pape se.déclâroit pour le roi d'Espagne; envoyoit à 'la Valtêline les six mille hommes dout.il nous avoit 'menacés-par son nonce sur-quoi le Roi lui fit dire par son ambassadeur qu'il n'eût jamais cru que de -père commun il eût voulu devenir partial etsectateur d'Espagne; que rien ne lui fero.it perdre le respect et la révérence qu'il doit à Sa Sainteté mais qu'il étoit rprêt à faire connoître tout le monde qu'obéissant religieusement à- un pape es choses spirituelles, on peut s'opposer justement es desseins temporels qu'ils 'prennent pour favoriser ceux mêmes qui opprimoient '1'autorité de l'Eglise, quand ses prédécesseurs avoieiït les armes en main pour la défendre.
Qu'elle le défendroit bien de tous ceux qui voudroient faire contre elle', et s'y prépareroit d'autant plus puissamment, que peut-être, lorsque Sa Sainteté 'penserait à t'attaquer, auroit-elle besoin de ses armes pour la servir contre ceux qui, sous prétexte de lui nuire, vouloient perdre tout-à.-fait le Saint-Siège. Mais .taudis que Sa Sainteté et ses ministres far- soient courir le bruit qu'il étoit offensé que le voyage du légat en France n'y eût produit aucun fruit, et qu'il envoyoit lesdits six mille hommes en la'Valteline en faveur des Espagnols et d'autre part, que sous. ombre de tenir sur les fonts de baptême l'infante nouvellement née il se préparoit à envoyer le, même légat en Espagne, afin qu'en quelque manière que ce fût l'accommodement des deux, couronnes ne se fît point sans son intervention; Le FaTgis ensuite des pourparlers qu'il avoit eus par permission du Roi avec le comte Olivaies- sur ce
sujet, signa, sans avoir, charge de Sa Majesté un traité (1) qui lui sembloit n'être pas éloigné des in- tentions de Sadite Majesté, et le lui envoya pan une dépêche du 7 janvier, en laquelle pour toute raison, il allègue qu'il n'a pu se conformer aux ordres que lui prescrivoit Sa Majesté par sa, dernière dépêche, po.urce que cela eût donné beaucoup d'ombragepar delà, et qu'il se console en ce que le roi Henrile-Grand, en même sujet, se contenta à beaucoup^ moins; que ce q.u'il avoit obtenu du. comte Olivarès, et qu'il lui.sembloit qu'il n'ayoit rien oublié d'essen-. tiel puisque les Espagnols laissoient aux Grisons la souveraineté sur les Valtelins, et ne prétendoient aucun droit ni usage de leurs passages.. Le Roi et tout'son conseil furent fort. surpris l'arrivée de cette dépêche, qui .leur donnoit avis d'une chose qu'ils n'attendoient point, et le furent encore, davantage quand ils eurent vu le traité qui l'accompagnoit.• •̃. Il étoit défectueux en, beaucoup de points très' importans, comme ayant été fait à trois cents lieues du Roi, sans son su et sa communication, et, au cputraire, dans Le cabinet du roi, d'Espagne au milieu de son conseil, (t) Signa, sans avoir charge de.Sa Majesté, un traité: Ce traité fut signé le i". janvier de cette année. Richelieu avoit donné, des ordres vagues à du Fargis, afin de pouvoir désavouer le traité, et de se défendre d'y avoir pris part si les alliés se plaighoient de ne pas y être compris. Pour, parvenir ce bqt, il engagea le père de Bërulle à dire a la Reine-mère, qui. désiroit vivement tapait, que les Espagnols inclinoient vers un accommodement. D'après cet avis, Marie de Médicis chargea madamc du Fafgis d'écrire à son mari qu'il pouvoit entrer en négociation, et mêmesignernn traite, en l'assurant qu'elle le feroit agréer gar le Roi._
Au préambule de ce traité, les Espagnols' gardoient cet avantage que la proposition de la paix étôit faite par Le Fargisj étant dit: il proposa et proposèrent ensemble.
Én second lieu, la porte étoit ouverte aux Ëspagnols de prendre occasion de brouiller quand ils voudroiént, étant dit qti'en cas que les; Giisonscon-'(revinssent à ce traité, ils seraient privés de 'leur,- souveraineté. ̃ '̃ En troisième lieu, il n'avôit pas eu égard aux intérêts des alliés du Roi, comme il devait.
Le cardinal, appréhendant plus que personne les incôrivéniens qui pouvôieüt arriver de ce traité, l'impossibilité pour l'honneur du Roi lé recevoir, la difficulté qu'il y, auroit à le raccommoder, le sujet de plainte que nos alliés penseroiènt avoir de nous, estimant en avoir été délaissés ét méprisés et enfin cet accident àigrissant plutôt les esprits que de les disposer, à un bon accord, après avoir mûrement considéré en lui-même tous les moyens qu'il y avoit pour sortirde cette affaire, dit au Roi
Qu'il falloit proposer à l'ambassadeur d'Espagne deux partis: du de raccommoder maintenant le traité^ ou de le tenir secret jusqu'à tant qu'on eût fait ve-' 'nïf l'ambassadeur,'pour être informe plus particulierrement des motifs de son action Qui'en ce cas on pourroit mander à l'ambassadeur qu'il vît à-ràccommoder l'affaire avec Olivarès s'il pouvoit: s'il arrivoit, à la bonne heure; sinon il ial-loit se servir du temps qu'il lui falloit à arriver pour faire la paix avec les huguenots.
Si l'affaire se divulguoit, ou que l'ambassadeur
n'approuvât pas de la tenir secrète jusqu'au retour de Fargis, qu'il la falloit dire en grand secret aux ambassadeurs de- Savoié et de Venise, les assurer le Roi y vouloit remédier et en avoir raison;, les rendant capables que la France se servît d'une telle ,faute pour porter les huguenots à une paix honorable Qu'il avoit peur que; quand Venise et Savoie sau,l'oient le traité, ils ne pussent plus prendre confiance au Roi;
Qu'il était à craindre aussi qu'au mêmè instant ils regardassent à traiter avec le Pape
Et qu-'il 'ne voyoit point de moyen de remédier .ces maux, si on ne se lioit de nouveau à la guerre avec. eux, ce qui seroit s'embarquer plus que jamais .lorsqu'il y avoit'lieu de sortir d'affaires
Que le Roi po.urfoit déclarer par écrit lé traité avoir été fait sans soci pouvoir et consentement, promettre à ses collègues de faire voir cette vérité' si claire qu'ils n'en pourront douter,, eut, de plus, déclarer de tenir pour nul ledit traité
Que tous: ces remèdes einpiroient le mal; mais il étoit tel qu'il n'y en.àvoit point qui le pût guérir. Qu'il sembloit qu'il fallût donner permission à du ,Fargis d'aller prendre congé du roi d'Espagne, afin ,de' voir avec Qlivârès s'il pouvoit raccommoder sa faute lui faisant connoître que le Roi avoit trouvé son action si mauvaise. qu'elle rie pouvait subsister; .qu'il le ,conjurat de lui donner lieu de garantir sa réputation, et le décharger du blâme que tout le monde lui donneroit, et, au reste, que, puisqu'il désiroitla paix, il devoit consentir à1 des ̃tempéfariïèns qui la pussént établir
Que Sa Majesté eût agréable de dire à l'ambassadeur ,d'Espagne qu'elle écrivoit au Fargis; qu'il ta vînt trouver, pour lui rendre compte de sa faute qu'outre que le traité qu'il avoit envoyé étoit' défectueux en sa forme, il l'étoit encore en sa matière, y ayant à désirer plusieurs choses pour la satisfaction de ses alliés; qu'elle ne refuse point la paix; au contraire, que, n'ayant jamais eu autre dessein que de conserver à ses alliés ce qui leur appartient, elle serait bien aise que le Roi,, son frère, lui donnât contentement en ce que dessus
Que Sa Majesté, mandât au duc de Rohan qu'il se tint prêt pour passer en' Italie avec-les troupes dn Languedoc. Qu'on feroit aussi marcher le régiment de Normandie et d'Aquebonnes en la Valteline on manderoit à M. de Vignolés qu'il eût à border toute-la frontière des États de M. de Savoie,'du côté du Milanais selon que Son Altesse le désiroit, pour donner heu à Sadite Altesse de mettre toutes ses troupes en corps s'il en avoit besoin et qu'on enverroit pour faire faire montre à l'armée de Sa Majesté.
Que si l'Espagne refusoit à donner contentement sur ce qui étoiten ce traité justement désiré d'elle, l'armée du Roi seroit en état de faire grand effet dans le duché de, Milan.
Sa Majesté ensuite écrivit à Fargis qu'il essayât de raccommoder cette affaire avec le comte d'Olivarès, et, s'il ne le pouvoit, qu'il prît congé et revînt en France pour rendre compte de ses actions, et'qu'avant partir il fit entendre au nonce et aux ambassadeurs de ses confédérés qu'il avoit, sans charge et
au hasard de sa têle,.fait, conclu et signé ce traité, qu'il estime avantageux pour ses collègues, puisque les passages disputés, et la souveraineté des Grisons, demeurent comme ils sauroient souhaiter.
Les principaux points que le Roi demandoit., étoient qu'à l'entrée du traité la proposition en, fût faite de la part des deux rois ensemble et que les peines qui seroient imposées aux contraventions qui pourroient arriver de la part des Grisons, n'allassent pas jusqu'à la privation de leur souveraineté sur la Valteline, parce qu'il se feroit toujours en.cela de la fraude de la part du roi d'Espàgne; mais qu'il suffisoit qu'ils fussent privés de la somme d'argent qu'il étoit accordé que les Valtelins leur donneroient tous les ans pour le droit qu'ils leur relâchoient d'élire leurs juges et magistrats d'entre eux, ou qu'à l'extrémité ils se soumissent encore à perdre le droit qu'ils s'étoient réservé de les confirmer, et à telles autres peines que les deux rois arbitreroient en- semble.
Néanmoins afin de ne rien oublier qui pût amener une bonne paix, le Roi fit'mander.au Fargis qu'en, cas qu'il ne pût réduire les choses pleinement au point qu'il étoit désiré, il pouvoit condescendre, à faire un article secret qui portât qu'en cas que les Grisons, par résolution publique, dérogeassent aux présentes capitulations et ne voulussent s'en désister en l'instance qui leur en seroit faite par les deux rois, les deux rois les déclàreroient privés de leur autorité et prérogatives sur les Valtelins, comtés de Bormio et-de Çhiavenne. Auquel cas les Valtelins et comtés auroient toujours les mêmes obligations à la couronne
de France que les Grisons, en ce qui touché les alliances et passages, en fefoiènt serment solennel et en passeroient patentes atithentiqtiés, sur peine dedéchoir des privilèges qui leur étoien't accordés parle présent traité.
Oh lui manda aussi qu'il essayât avec dextérité à irién'àgér un point qui n'importait point à l'Espagne et donnerait contentement au Roi e'étoit que dans l'un des article, au lieu qu'il étoit pdrté absolument que les Valtêlins auroient pouvoir d'élire leurs juges,. gouverneurs est magistrats, oàdésireroit qu'ils eussent pouvoir de noiiimer trois Valtelins ou Grisons, tous, catholiques, ët non autres, dont les Grisons en pour-l'oient choisir un.
Ôu; s'il se poûvdit'fairë, que ce .fussent les Grison qui nommassent les trois susdites pour que les Valtelihs en choisissent un-, ce qui seroit encore le meilleur; est qu'en ce dernier cas on pourroit exempterles Valtelins de payer la somme dé deniers stipulée: pour cela.
• Et enfin que pour vider tout différend et épuiserles sources qui èri pourroient faire naître à l'avenir, il séréît bon de mettre un article par lequel les deux fois s'ô'bligêroient dé vider l'amiable le différend qui étoit entre les Grisions et l'archiduc Léopold que cet article pourroit se mettre dans le corps du traité ôti être secret, et le Roi pourroit se faire fort pour les Grisons, et le roi d'Espagne pour l'archiducTandis "que ces choses se passoieht avec le roi d'Espagne j et que tout s'acheminoit à la paix, les ambassadeurs d'Angleterre, qui n'en savoient rien,,
arrivèrent à Paris pour -rechercher une alliance défensive avec le Roi, traiter des affaires 'd'Allemagne et se plaindre de Blainvillé j rejetant sur lui toutes les fautes qu'ils àvoient faites et solliciter les huguenots de s'accommoder, quelque prix èe fût j avec le Roi.
Pour l'alliance défensive, lé Roi demanda que là restitution des vaisseaux qu'ils avôient pris seroit préalablement faite; mais que si leur humeur n'étoit pas qu'elle y fût mise, comme ils chicanent en toutes choses, il n'étoit pas honorable à S'a Majesté de renouveler cette alliance sans cela.
Sur les propositions qu'ils firent touchant les affaires d'Allemagne, on ne s'y arrêta guère-, étant ieconnus pour gens qui disent toujours beaucoup dé, choses, et ne proposent rien qui se puisse ou qu'ils veulent exécuter.
On donna ordre de leur faire ramener le's vaisseaux anglais qui avôient servi à l'armée riàvalé lesquels, ils redemandoient.
Et pour le regard de Blainville, le Roi leur fit sentir, auparavant que de les voir; qu'il étoit offensé du mauvais traitement qu'il avôit ieçu, et que tout J le tort étôit de leur côté. Ce qui léùr fi't changer le :langage qu'ils avoient prémédité-, ët dire au Roi en leur première audience, qu'ils avôient ordre de con-iinùer à Sa Majesté les plaintes que le Roi leur maître lui avoit déjà faites de la mauvaise conduite de Blainvill-e niâ'is qu'ayant su depuis que Sa Majesté avoit été autrement informée, et qu'on lui avoit voulu, persuader que sa dignité avoit été blessée en la ,qualité qu'il portoit de son ambassadeur, ils venoient
pour l'assurer que cela étoit tellement éloigné des intentions du Roi leur maître, qu'il recevrait des honneurs et des respects si publics que personne ne pourroit douter du dessein qu'il avoit de conserver par toutes voies son amitié et bonne intelligence, si nécessaire au bien de ces deux Etals et que pour cet effet .ils déclaraient Sa Majesté que le Roi leur maître n'avoit jamais entendu lui défendre les libertés permises et dues aux ambassadeurs. Et quant au secrétaire qui avoit été retenu, ils assuroient Sa Majesté qu'il n'avoit point été reconnu; que le Roi leur maître étoit très- fâché de cette méprise, et qu'il mettroit si bon ordre, que tels in-* convéniens n'arriveroient plus; et que, bien que les maires des lieux où il avoit été arrêté l'eussent fait innocemment, ils recevroient telle peine que voitdroit Sa Majesté. Il demandèrent après la .main-levée de toutes les. marchandises et navires appartenant aux Anglais qui avoient été arrêtés en cet état; et, pour empêcher semblables maux à l'avenir, que Sa Majesté eut agréable de. renouveler le traité fait en l'an 1610, l'assurant par ordre exprès qu'ils disoient en avoir reçu du Roi leur maître, que l'on restitueroit; dans trois semaines pour, tout délai les marchandises et naviresdétenus en Angleterre, et qui seroient justifiés appartenir aux sujets de Sa Majesté.
Le Roi la leur,accorda mais à-telle condition que-, si en Angleterre on n'exécutoit pas fidèlement ce qu'ils promettaient si solennellement, et que son anirbassadeur, pu l'évêque de Mende, qui, par le traité,
pouvoient assister au jugement, lui é,crivoient que l'on retînt quelque chose à ses sujets le Roi son frère trouveroit bon qu'il en fit de même.
Le Roi donna avis à Blairiville de tout ce qui s'étoit passé avec eux sur son sujet, et lui commanda de demander audience au roi d'Angleterre pour recevoir de lui les bonnes paroles qu'il lui diroit comme -ambassadeur conformément au langage tenu ici par les siens; après laquelle il demeureroit deux ou trois jours, plus ou moins, tant qu'il estimeroit à propos, puis demanderoit son audience de congé, et s'en viendroit.Si en partant il pouvoit obtenir la délivrance des marchandises françaises, ou de partie il seroit bon, sinon qu'il ne s'y arrêtât pas. S'il re•venoit ayant été satisfait; pour le; Roi Sa Majesté enverroit, peu après, le sieur de Fossé pour y être son ambassadeur ordinaire, sinon le parlement dudit sieur Fossé seroit fort difléré, Sa Majesté laissant à penser si elle voudroit envoyer un' ambassadeur en lieu où les siens seroient si maltraités. On traitoit la paix en Espagne avec un si grand secret, que non-seulement on ne le savoit, mais on ne s'en doutoit pas et le Roi se préparoit si fortement ,à la guerre, qu'il n'y avoit aucun qui ne crût que ce ne fût un dessein arrêté.
Le prince de Piémont même vint en cour, quelque artifice dont on pût user pour l'en empêcher et sollicitoit incessamment la charge de lieutenant général des armées du Roi en Italie.
̃ Les ambassadeurs d'Angleterre, pour ne laisser refroidir l'ardeur avec laquelle ils voient poursuivre ce dessein, menaçoient les huguenots de les abandonner
entièrement, 'si par la continuation de leur rébellioii ils divertiss,o|ent les armes de Sa Majesté. Le coi'- 1 uétable de Les.diguières y ajoutoit ses offices et craignoit que l'esprit du Roi fiît si ulcéré contre eux, qu'il eût peine se résoudre de leur pardonner l'atrocité de tant de crimes qu'ils avoient commis contre Sa Majesté. D'autre côté le maréchal de Thémines, qu'on avoit envoyé à La Rochelle au lieu du maréchal de Praslin, les resserra de si près dès qu'il fut arrivé, qu'ils abaissèrent leur orgueil et se soumirent à de plus équitables conditions qu'ils n'avoientfait jusques alors. Par ces moyens les choses furent si bien conduites, et si chaudement poursuivies, que la paix fut conrclue et signée le 5 février, avec les conditions avan- tageuses qui suivent.
Le Roi, désirent donner la paix à ses sujets de la ville de La Rochelle, dé la religion prétendue réformée- qui la lui ont demandée avec toutes sortes d'instances de. soumissions et de respects, la leuraccorde aux conditions qui ensuivent
Que le conseil et gouvernement de ladite ville sera remis et rétabli ès mains de ceux qui sont du 'corps d'icelle/ en la forme qu'ilétoit en Tannée Qu'ils recevront un commissaire poiir y faire exécuter les choses qui seront arrêtées pour l'exécution de la paix et y. demeurer tant qu'il.plairaàSa Majesté.
Qu'ils n'auront aucuns vaisseaux armés en guerre dans leur .ville, et observeront, pour, le trafic, les formes établies et usitées au royaume, sans déroger,- pour ce qui concerné ledit trafic, à.leurs privilèges. Qu'ils restitueront tous les biens ecclésiastiqites qui se trouveront par eux possédés, conformément à' redit dé 1598 et exécution d'icelui.
Qu'ils laisseront jo.uir pleinement et paisiblement les catholiques de l'exercice et fonction de la reli- gipn catholique, apostolique et romaine, et des biens qui leur/appartiennent en ladite ville, et leur resti-* tueront ce qui se trouvera être en nature, et raseront Je fort de Tadon par eux ripuvelleraent construit. VI.
Et Sa Majesté,,ne pouvant accorder le rasement au Fort-Louis, dont ceux de ladite ville de La Rochelle'fa'isoient instance, promettoit, par sa bonté de faire'établir un tel ordre dans les garnisons qu'il' lui plairoit laisser audit fort, comme dans les îles de Ré et d'Oleron, que les Rochelois ne recevroient aucun-trouble ni empêchement en la sûreté et liberté du commerce qu'ils voudroient faire suiya,nt les lois, .ordonnances et coutumes du royaume, non plus qu'en la jouissance des biens et-perception des fruits qu'ils ont dans lesdites îles.
Fait et arrêté à Paris, le 5 février 1626.
Il est bien juste de s'arrêter un peu ici à considérer la prudence et le courage que le cardinal a apportés en la conduite de cette affaire.
Il n'ignôrtiit point que, faisant, faire la paix avec les huguenots, et leur témoignant quelque inclination a les favoriser auprès du Roi, il ne s'exposât à se mettre en mauvaise réputation à Rome.
Mais il ne,pouvoit venir, par autre voie aux fins de Sa Majesté.
Sa robe le rendoit.suspect aux huguenots. Il étoit donc nécessaire qu'il se conduisît en sorte qu'ils crussent qu'il leur étoitfavorable; car, ce faisant, il avoit moyen d'attendre plus commodément le temps de les réduire aux termes où tous sujets doivent être en un Etat, c'est-à-dire de ne pouvoir faire aucun corps séparé, et dépendre des volontés de:leur sou-1 .verain.
Ce lui étoit une chose fâcheuse à supporter, de se voir si injustement suspect à la cour romaine et à ceux, qui, affectent autant le nom de zélés. catholiques (1) que. l'effet; mais il se résolvoit de prendre patience aux bruits qu'on faisoit courir de lui, d'au'tantque s'il eût voulu s'en purger par effet, il n'eût pas trouvé le compte de son maître ni celui du public. Ceux qiai affectent le nom cfe zélés, catholiques Ces catholiqn.es publièrent un grand nombre de libelles contre Richelieu. Dans l'un de ces écrits intitulé. Questions quolibétiques ils insistoient sur la fausse position d'tin prince de l'Eglise romaine qui se déclarait en :qnelque sorte le protecteur de'l'he're'sie,et ils l'appeloient ironiquement le-cardinal de la étaient prévoir que cette villé orgueilleuse seroit soumise par lui deux ans après, et que ses partisans lui donneroient avec enthousiasmé ce même' titre dont on s'étoit servi pour le dénigrer.
Il ménagea, par ce moyen, si sagement cette affaire que la paix se fit avec l'entremise des ambassadeurs d'Angleterre, sans toutefois qu'ils s'en mêlassent autrement qu'en témoignant aux huguenots que, quoi qu'on leur eût dit -par le passé, ils ne dévoient attendre aucun secours du Roi leur maître, qui, au contraire, assisteroit -le Roi de toutes ses forcès en cette occasion.
De sorte qu'ils agirent en cette affaire non comme arbitres, mais comme parties seulement.
L'on surprit un avis que le duc de Rohan en.voyoit à Soubise, par lequel il reconnoissoit que, sans la sollicitation desdits ambassadeurs, ils n'eussent jamais recula paix; mais qu'ils avoient peur, les re'fusant, d'offenser celui duquel seul La Rochelle avoit espéré assistance; mais que lesdits ambàssadeurs, !bien qu'avisés, se laissèrent décevoir par-la prudence du cardinal, pource qu'ils espéroient que le Roi, ayant la paix chez lui, se résoudroit plus facilement :d'entrer ,en ligue offensive avec l'Angleterre et d'embrasser la protection des Hollandais et des Allemands contre la maison d'tiaitriche, et qu'aprés on pourroit obtenir, par l'intercession du roi d'Angleterre, le raseméht du Fort-Louis, est faire remettre les îles de Ré et d'Oleron en-leur premier état, ce qui ne seroit pas..
/Cette paix, si désavantageuse pour eux, les met en 'tel désespoir, que madame de Rohan leur mère, ne 'sachant. plus quel conseil donner à Soubise, le persuade, par une lettre interceptée du 23 mai, de se joindre aux. corsaires, morisques, et se retirer en Barbarie. Et, pour pallier sou impiété, elle lui use de
ces paroles « C'est une chose approuvée en cas des .nécessité. Ils ne sont point Turcs mais les catholiques les.nomment tels parce qu'ils ne reconnoissent point le Pape. Mais, au reste leur religion est plus semblable à celle de ceux dé'la religion qu'à celle des catholiques. Ils n'ont aussi que le nom de Turc, car ils sont chrétiens, et négocient avec les Hollandais avec qui ils ont alliance. On ne vous propose pas de les aller trouver, mais de se trouver ensemble sur mer pour y chasser de compagnie. »
Mère indigne du nom de mère, dont la nature et le devoir est de procurer'du bien à ses enfans, elle, non contente d'avoir élevé le sien au mal voyant qu'il n'en peut plus faire à la France, le porte à nuire à toute la chrétienté; essayant néanmoins, pour sa consolation de se faire croire que les Turcs ne sont point Turcs, et qu'il n'est point jour en plein midi disant seulement vérité en une chose, que la religion huguenotte a de la conformité avec celle des Moris,ques, car l'une et l'autre vient d'un même principe, -qui est le malin esprit.
Si le Roi avoit donné la paix à ses sujets rebelles, il n'étoit pas moins nécessaire de la mettre entre le clergé et le parlement, qui étoient aux prises, bien avant, sur la censure que l'évéque de Chartres avoit fait imprimer.
Il s'étoit ému quelques paroles, le 1 janvier, entre les évêques de Soissons et de Langres sur le sujet de ,cette censure, laquelle celui de Langres improuvoit aux termes auxquels elle étoit couchée.
Le parlement, craignant que l'on y changeât quelque chose d'essentiel, et que les droits du Roi reçussent
quelque préjudice, fit défenses, par arrêtdu 21 janvier, à messieurs les prélats de s'assembler pour faire autre censure des libelles intitulés -.Mystères politiques et Admonition, que celle du i3 décembre ni d'en publier aucune autre que celle-là.
Les prélats, n'ayant pas cru devoir en cela déférer au parlement, étant assurés de la piété du Roi, qui veut que sous son règne l'Église soit conservée en ses priviléges et libertés, ne laissèrent pas de s'assembler chez le cardinal de La Rochefoucauld les 26et 27 février, et d'un unanime consentement désavouèrent la censure de l'évêque de Chartres, et en firent une.autre selon leur intention.
Le parlement l'ayant su donna un arrêt, le 3 mars par lequel il cassoit et annuloit ladite assemblée faite au préjudice de leur défense qu'elle réitéroit de nouveau pour l'avenir, et enjoignoit à tous les prélats de se retirer dans quinze jours en leurs diocèses, sur peine de saisie de leur temporel.
Cet arrêt leur ayant été signifié le. mars, le sieur Miron, évêque d'Angers, fit au nom d'icelle une réponse par écrit, avec tant de liberté et d'assurance, que le parlement, les chambres assemblées, condamna ladite réponse à être brûlée par l'exécuteur de haute justice et décréta ajournement personnel contre ledit évêque. L'évêque de Chartres, d'autre part; qui étoit en l'assemblée où on désavoua sa censure, ne se voulut pas rendre à la voix commune, mais dit seulenient qu'il souscriroit à leur avis, pourvu qu'ils demeurassent pareillement d'accord avec lui des trois propositions qui s'ensuivent:
La première, que, pour quelque cause et occasion
que ce puisse être il n'est permis de se rebeller' ët, éprendre les armes contre le Roi.
La deuxième, que tous sujets doivent obéir au Roi> et que personne ne les peut dispenser du' serment-de, fidélité. Là troisième, que 'le Roi ne 'peut. être déposé par ^quelque -puissance que ce soit ,ni sous quelque prétexte et occasion que ce puisse être.
Les évêques d'Avranches et de Soissons signèrent cette réponse avec Tévêque de Chartres. 'Cé différend caùsoit un grand bruit. Le clergé étoit divisé.. Le parlement s'animoit contre l'-Eglise; et la -matière de la dispute touchoit l'autorité et la personne du Roi. Il fâlloit empêcher le schisme, réunir le -clergé maintenir l'autorité de l'Eglise, et ne pas violer'celle du parlement, qui, en beaucoup d'occasioris-importantes, est nécessaire à la manutention de l'Etat.
Le cardinal, intéressé en ces deux corps par la dignité qu'il a en l'Eglise et par la qualité de premier .ministre de l'Etat, sans blesser les droits d'aucune des partie, par .un sage tempérament les mit d'accord. 'Il conseilla au Roi d'évoquer à sa propre personne -la connoissance de cette affaire; ce qui fut fait par arrêt du conseil du 6 mars. A quoi'le parlement ne déférant pas absolument, comme il eût dû, le cardinal -crut devoir conseiller au. Roi de mener cette affaire avec grande douceur et force tout ensemble. Il lui .'remontra que ce n'étoit pas d'aujourd'hui que les parlemens veulent prendre connoissance dès affaires générales 5
Qu'ils ne considèrent point qu'ils ne sont.pas ins-. titués pour cela;, et que les grandes compagnies sont bonnes à faire exécuter sévèremènt ce qui est délibéré et résolu par peu, étant de la multitude des conseillers au respect d'un Etat comme il est de celle des médecins au regard d'un malade, où le grand nombre est nuisible comme disoit un empereur en mourant, que la multitude des médecins l'avoient tué; et par- tant, qu'il étoit â propos que Sa Majesté, au conseil qui se tiendroit sur ce sujet, témoignât son indignation être grande contre eux,,
Ce qu'elle fit.; et peu de jours après envoya quérir quelques-uns du parlement qu'elle reprit de leur faute, puis messieurs du clergé, auxquels elle dit qu'elle les maintiendroit toujours en leurs immunités, n'âpprôuvoit par les arrêts du parlement contré eux mais aussi qu'ils se devoient abstenir en leurs réponses de termes qui piquassent cette compagnie. Cela mit bien une fin à la dispute du clergé avec le parlement; mais dans le clergé l'émotion s'augmentoit contre ce qu'avoit fait féyêque de Chartres, d'autant qu'il sembloit qu'en la censure qu'il avoit fait imprimer, il blâmoit d'hérésie quelques opinions qui sont tenues et, suivies pour bonnes en plusieurs lieux de la chrétienté, et particulièrement à Rome. 'Le cardinal étendit encore son soin sur ce sujet, et y trouva plus de difficulté qu'il n'avoit fait en tout le reste.de l'affaire; car il étoit question de faire rétracter un homme constitué en dignité, et qui se voyoit appuyé.de personnes puissantes qui eussent bien voulu que la dispute fût allée plus avant. Néanmoins, à la fin, moitié par douceur et moitié par autorité, il
obligea l'évêque dé Chartres à donner la déclaration suivante, écrite et signée de sa main
a Nous soussigné, évêque de Chartres, déclarons « qu'en ladéclaration que nous avons faite, par le corn-* « mandement du clergé pour réfuter et condamner «. les livres Admbnitio ad Regem, et Mjstica Poli-' « tica, souscrite de nous, en date du 3 de décembre « dernier, nous n'avons eu autre intention que de « suivre la doctrine qui a toujours été tenue en ce « royaume tant pour la sûreté de la personne de nos « rois que de leur Etat, sans avoir voulu ni entendu, « .en aucune façon, condamner ni l'opinion contraire « ni aucune autre d'hérésie.
« Fait à Paris; ce 29 de février 1626.
« L. D'ESTAMPES, évêque de Chartres. » Il s'éleva en même temps une dangereuse tempête contre les pères jésuites, les libelles dont nous avons parlé ci-dessus leur étant attribués, comme étant la pernicieuse doctrine qu'ils contiennent; la doctrine particulière de leur Ordre.
On prit le sujet de cette accusation sur le plus méchant de.tous les livres de cette sorte, qui fut envoyé de Rome en France, composé par un' d'entre eux, nommé Sanctarellus; et approuvé dé Vitelleschi, leur général.
Entre plusieurs fausses maximes que l'esprit de flatterie, non de vérité, lui fait écrire à Rome sont celles-ci:
« Que le Pàpe peut donner des curateurs aux empereurs et aux princes, quand ils sont inutiles à bien gouverner;
ç Qu'il peut punir et déposer quelque prince de
la terre que ce soit, quelque exempté qu'il puisse être; « Qu'il a pouvoir de déposer les rois, non-seulement pour hérésie et pour schisme, mais pour quelque crime intolérable, ou pour leur insuffisance, ou pour leur négligence;
« Qu'il à pouvoir d'admonester les rois et les punir de peine de mort; 0
« Qu'il peut non-seulement tout ce que les princes séculiers peuvent, mais en faire de nouveaux, déposer les autres et diviser les Empires; « Qu'il est serviteur des serviteurs de Dieu quant à l'humilité; mais quant à la puissance, il est seigneur des seigneurs, et quelque puissance qui soit sous le ciel est en lui;
« Qu'il a une puissance temporelle très-ample sur tous les princes rois et empereurs « Que tous les princes qui gouvernent les Etats les gouvernent comme en ayant commission de Sa Sain- teté qui les pourroit gouverner par elle-même. » Ces maximes sont capables de ruiner toute l'Eglise de Dieu, à laquelle les puissances-.temporelles doivent être soumises par amour qui est la soumission de la grâce, non par force et contrainte, qui est la soumission de l'enfer.
Il y auroit peu d'assurance dans les Etats si elles avoient lieu.
Qui est le prince à qui on ne puisse faussement imputer des crimes, plus facilement de l'insuffisance à gouverner, et davantage encore de la négligence à s'en acquitter comme il doit?
Qui seroit le juge de ces choses? qui les considé-
ref oit sans passïofr et sans intérêt ? Ce ne serpit pas le Pape, qui est prince temporel, et n'a pas tellemerit renoncé aux grandeurs de la terre qu'il y soit indifférent. Il d'y aïqué Dieu seul qui en puisse être juge; aussi les fois ne pèchent-ils qu'envers lui, à qui seul appartient la connoissance de leurs actions.. Comment les souverains pontifes auroientrils autorité de punir les princes de peine de mort, puisqu'ils sont vicaires de Jésus-Christ et pasteurs sous celui qui est venu au monde afin de donner vie et abondance de vie; et pour subir la mort plutôt que de la donner? = • Quant à l'appeler seigneur des seigneurs c'est vouloir faire d'un pape un roi de Perse, et d'un, vicaire de Jésus-Christ un lieutenant.de Mahomet;
Il est croyable que le Pape établiroit mieux son autorité légitime s'il arrêtoit le cours des écrivains qui ne lui prescrivent point de bornes, d'autant que çela donne lieu à beaucoup de gens mal affectionnés au Saint-Siège, dè ravaler sa puissance au-delà de ce qu'ellé doit être en effet.
C'est ce que dit saint Bernard en termes, exprès, lorsque, parlant au pape, il fait. comparaison d'un créancier qui, pour demander plus. qu'il ne lui est dû, oblige celui qui lui doit légitimement à nier la dette, et montre' au Pape que souvent les prétentions de celui qui veut tout sont réduites à rien..
Il est utile dans les Etats d'empêcher le cours des livres qui détruisent la légitime autorité des princes, et contiennent de pernicieuses maximes pour leurs personnes en faveur des papes; mais il le faut faire avec le moins de bruit et d'éclat qu'il est possible, de
peur qu'il ne se'trouve des furieux qui, sous prétexte dé défendre les droits de l'Eglise mal entendus par eux né se portent attaquer et opprimer les droits et les personnes des princes les meilleurs du monde. €e: méchant livre, composé par un .jésuite, fit émouvoir l'université contre eux, taxant leur doctrine, et soulever plusieurs autres qui déjà leur étoient mal affectionnés par là lassitude que chacun a de voir qu'ils se mêlent de trop d'affaires.
La cour de parlement fit brûler ce livre par arrêt du 13 mârs. La Sorbonné le censura comme contenant une doctrine nouvelle fausse erronée contraire la parole de Dieu, et qui rend la dignité du Souverain Poiitife odieuse; ouvré le chemin au schisme, dé-' toge à l'autorité souveraine des rois qui né dépend que de Dieu seul, ét empêché la conversion des princes infidèles et hérétiques trouble la paix publique, renverse les États, royaumes et républiques, détourne les sujets de l'obéissance qu'ils doivent à leurs souverains et les induit à des factions, rébellions et séditions, et à attenter à la vie de leurs princes. Cette censure fut faite le i"avril et r evue le 4. Le parlement envoya quérir les jésuites et les voulut contraindre à sôûssigner quatre propositions qu'il leur présenta /concernant l'autorité indépendante du Roi. Ils s'en excusèrent s'offrant d'y souscrire si le clergé de France et la Sorbonne faisoiènt de même. On vouloit passer outre a leur vouloir défendre de plus enseigner et ouvrir leurs écolés, ou à lès chasser même de France:
Le cardinal dit au Roi qu'il y a certains abus qu'on
abolit plus aisément en les tolérant qu'en les voulant détruire ouvertement;
Que bien qu'aucunes fois on sache des opinions être mauvaises, il est dangereux de s'y opposer, principalement quand elles sont colorées du prétexte de religion
Qu'il estimoit qu'il étoit bon que Sa Majesté louât le parlement de l'action qu'il avoit faite en faisant brûler le livre et empêchant que telle pernicieuse doctrine n'eût cours en ce royaume, mais qu'il falloit mettre ordre qu'ils ne passassent jusqu'à un'point qui pouvoit être aussi préjudiciable à son service comme leur action y avoit été utile. La raison de ce conseil aboutissoit à ce qu'il falloit réduire les jésuites en un état qu'ils ne puissent nuire par puissance mais tel aussi qu'ils ne se portassent pas à le faire par désespoir; auquel cas il se pourroit trouver mille amesfurieuses et endiablées qui, sous le prétexte d'un faux zèle, seroient capables de prendre de mauvaises résolutions qui ne se répriment ni par le feu ni par autres peines. •
Ensuite de quoi la cour se contenta d'une déclaration du 16 mars, que les jésuites donnèrent par écrit, par laquelle ils reconnoissoient que les rois relèvent, immédiatement de Dieu détestoient la mauvaise doctrine de Santarel, en ce qui concerne la personne des rois, leur autorité et leurs Etats et promettoient souscrire à la censure qui en pourroit être faite par le clergé et la Sorbonne, et ne professer jamais aucune doctrine contraire à celle qui seroit tenue en cette matière par le clergé les universités du royaume et ladite Sorbonne.
Ainsi on empêcha la ruine des jésuites, et on arrêta le cours de cette mauvaise doctrine sans nuire à aucun.
C'est assez parler .de la guerre entre ceux que la robe et leur profession obligent à la paig; parlons de la paix entre ceux que la conservation de leur grandeur oblige souvent à la guerre.
Le Fargis ayant reçu le désaveu de son traité qu'il avoit fait sans le su et consentement du Roi, les corrections que Sa Majesté désiroit y être apportées, et le commandement absolu de prendre congé,si on n'y vouloit pas condescendre, part de Madrid, s'en va en Aragon, en la ville,de Monçon, où lors étoit la cour, donne part au comte d'Olivarès de ses ordres; et ayant obtenu de lui, sans beaucoup de difficulté, de ,crainte de la continuation de la guerre, une partie de ce que Sa Majesté désiroit, se relâche encore, par une légèreté d'esprit et hardiesse non excusable, à quelques' conditions contraires à la volonté et aux ordres qu'il avoit de Sa Majesté; et ayant signé ce nouveau traité le 5 mars, l'envoie à Sa Majesté, s'ex-r cusant sur ce qu'il lui sembloit que ce qui' y manquoit au désir du Roi, étoit en choses légères et de peu de considération et accompagna sa dépêche de deux .lettres de la reine d'Espagne à la Reine-mère et au cardinal, par lesquelles elle leur témoignoit un extrême désir de la paix, et un grand ressentiment de ce qu'ils l'avoient facilitée, et prioit. Sa Majesté qu'elle eût agréable de lui renvoyer M. du Fargis. Le Roi fut si offensé de ce procédé, qu'il eut volonté dé punir Le Fargis de sa présomption, et dit à l'ambassadeur d'Espagne, qui lui parloit de .ce traité
comme s'il eût été tél que Sa Majesté désiroit, qu'elle eût voulu que Le Fargis eût été aussi Habile homme que lui, qui étoit fort sage, mais Lé Fargis .étoit un fou parfait; ̃ •̃ ̃ ̃- Que, la première fois, il avoit fait une chose de sa tête sans son sa • l La seconde il n'àvoit pas suivi ses ordres, qu'elle le èhâtieroit exemplairement.
Cependant le profit que les deux Rois tiroient de sa folie, étoit que maintenant ils connoissoient tous deux qu'il n'y avoit plus d'aigreur en leurs esprits, et qu'ils vouioient bien la paix •
} Et qu^afin de le lui témoigner de sa part par enet, bien qu'elle ne pût recevoir le traité qu'avoit fait ledit Fargis, elle en renverroit un autre en Espagne, signé d'elle, où elleapporteroit le moins de changement qu'elle pourroit; mais comme elle y ajoûteroit, le moins qu'il lui seroit possible, ce seroit aussi au Roi son frère de n'en faire aucune difficulté. Ce traité, ainsi corrigé, fut enfin reçu et ratifié en Espagne où ils avoient bien préjugé que le Roi ne l'accepteroit, pas miment, tel qu'ils le lui avoient envoyé. • ̃.̃ "̃̃" ',La plus grande difficulté (i) qui 'se rencontra eu cette affaire,,fuit de trouver le moyen de faire croire la vérité' de ce qui s'étoit passé aux ambassadeurs des princes 'alliés de Sa Majesté, que la nouvelle de Ce traité avoit surpris pour ce, qu'ils ne se doutoient aucunement de cette négociation, est l'imputoient au peu de compte que le Roi avoit fait d'eux, ayant traité sans leur en donner avis.
(1) 'La plus grande difficulté Voyez la note de la page 5.
Oh n'oublie rien pour leur faire comïoître la sincérité du procède de Sa Majesté, qui avoit," -la première été surprise par la précipitation du Fargis, et on leur remontra que leurs intérêts y avoient été conservés, bien que 'les choses ne fussent pas, en toutes leurs circonstances, au point que Sa Majesté les eût désirées;, et les y eût amenées sans l'inconsidération de son ambassadeur; néanmoins qu'il y .avoit plus de'faute en la personne qui 'avoititraité qu'au traité; Que la souveraineté étoit conservée aux Grisons, qui étoit le principal point;
Que les Espagnols étoient exclus des passages auxquels ils avoient prétendu; dépuis si long-temps, qui étoit tout ce en quoi consiste l'intérêt des Véni.-tiens, qui n'en avoient point d'autre que celui-là'; Qu'on avoit pourvu au différend de Zucarel, en 'sorte qu'il ne tiendroit qu'au duc de Savoie -qu'il n'eût contentement.
Le prince de Piémont, qui étoit à la cour, reconnoît bien que les choses étoient passées en la manière qu'on lui disoit, et demeuroiten son coeur satisfait de la sincérité du Roi.
Mais le duc de Savoie, pour l'espérance qu'il avoit eue que la guerré se porteroit dans le Milanais, de laquelle il se voyoit frustré, ne vouloit pas reconnoître la vérité mais, prenant divers prétextes faisoit paroître être offensé, et principalement de. ce qu'au temps même que la paix arriva, on donnoit dit prince son fils la commission de lieutenant -généràl pour le Roi en son armée de Piémont, laquelle il ïecherchoit très-Instamment.
Sa Majesté, pour. n'oublier aucun moyen de le gagner, lui envoya en ambassade extraordinaire M. de Bullion, pour lui représenter que, puisqu'elle avoit obtenu les principales fins pour lesquelles l'union étoit faite avec les collègues, il ne se pouvoit dire que, faisant la paix, il eût contrevenu à l'article qui porte que l'un ne fasse rien sans l'autre, vu que cela se doit entendre lorsqu'il est question de déroger aux fins générales qu'on s'est proposé de remporter, mais non pas quand on les obtient tout entières; Qu'il n'avoit point, de prétexte de mécontentement des conditions dudit traité, mais seulement dé la forme;
Que son ambassadeur avoit assez librement avoué que toutes les précautions qu'on pourroit prendre pour la sûreté de la Vallée ne pourroient pas empêcher que lesEspàgnols ne s'en rendissent toujours lés maîtres quandils voudroient;"mais que, pour y appor.ter un assuré remède, il falloit embrasser l'opportunité qui se présentoit de les chasser dé l'état de Milan. Or le défaut des formes, en une conjoncture si importante, ne devoit pas être la cause d'un si grand trouble dans-le public, et empêcher le fruit que Sa Majesté est assurée qu'elle et ses alliés recueilleront de cette paix -• Qu'en choses grandes il ne faut pas s'arrêter à des formalités, qu'on ne rend jamais raison d'un heureux événement,'non plus. que d'une victoire et d'une conquête le bien de l'Etat étant la loi souveraine Et partant, que n'ayant pas occasion.de se douloir de la conclusion dudit traité, il ne devoit faire aucune difficulté d'y donner son approbation.
Sa Majesté donna aussi charge audit sieur de Bullion de prier quant et quant, de sa part, ledit duc de choisir des arbitres pour le diflérend de Zucarel avec les Génois, et de lui dire franchement ses prétentions et intérêts, afin que Sa Majesté les soutînt et protégeât avec la même affection qu'elle faisoit les siens propres, comme aussi de le disposer à la suspension d'armes avec' lesdits Génois; Sa Majesté faisant donner charge au sieur de Vignoles, maréchal en ses camps et armées, et autres chefs et capitaines commandans, de garder la suspension promise par lé traité, et de veiller à la garde et sûreté des Etats dudit duc, mais de ne rien entreprendre, hors d'iceux, contre qui et pour quelque chose et prétexte que ce pût être; Qu'enfin, pour le contenter, il le flattât de l'espérance de la qualité de roi, que Sa Majesté lui pro- mettoit de favoriser à la cour de Rome.
Ce qu'elle fit aussi, et manda au sieur de Béthune, son ambassadeur à Rome, qu'après s'être plaint au Pape des 6,000 hommes qu'il avoit envoyés il la Valteline, et lui avoir fait connoître comme les Espagnols l'ont traité en ce fait, extorquant de lui ce secours, lorsque, traitant de paix, il savoitbien n'en avoir plus affaire, il lui donnât avis comme toutes choses s'étoient passées puis lui fît connoître que, pour humilier l'Espagne en Italie, et y rendre.le Saint-Siége, et particulièrement la personne de Sa Sainteté, plus puissant, le meilleur moyen étoit d'y élever le duc de Savoie, qu'elle s'attacheroit parce moyen, pour dépendre absolument de ses volontés. Sa Majesté, en même temps, dépêcha le sieur de
Châteauneuf ambassadeur extraordinaire à Venise, et de là aux Grisons, et lui donna charge de représenter à la république que, pour réparer le défaut (s'il y en avoit eu) de quelque formalité.en ce traité de paix, qui avoit été conclu sans qu'il en eût été préalablement averti Sa Majesté avoit voulu lés ho.norer de cette ambassade extraordinaire pour faire .une démonstration plus honorable vers la république, et donner à connoître en quelle estime et considération elle-la tient;
Qu'elle avoit voulu ,que ledit Châteauneuf 'passât -vers elle avant qu'il allât .aux ¡Grisons, afin de lui faire .voir et agréer le .traité auparavant que ,de -le porter aux autres pour en commencer l'exécution; ce qui montre assez que la paix ne s'est point- faite ^ansle-donâ.entemeh't.de la seigneurie.
Et pôurcê 'que la république trouvoit quelque chose à dire en 'deux articles de ce traité, l'un concernant les juges de la Valteline, qui, à l'avenir, ne pouvoient plus être élus. que par les ;Valtelins les Grisons étant exclus de les élire; l'autre concernant la démolition, des forts, en la conservation desquels la république croy.oit que consistoit la sûreté-de la Valteline, il fut donnéocharge audit Châteauneuf de dire, quant au premier, que la considération de la religion catholique avoit obligé le Roi d'y condescendre, sétant .certain que tous.les. désordres et troubles de la fValtéline n'ont été .excités que par les juges hérétiques grisons qui leur étaient donnés mais, néan;moins, .que la confirmation leur. en étoit donnée, ce qui étoit un grand droit.qui témoignoit leur souveraineté •
Quant au second, qu'au contraire de leur opinion le Roi croyoit que la sûreté de la Valteline consistoit en la démolition desdits forts;
Que la conservation en étoit onéreuse, non-seulement à raison de la dépense, mais de la perte des hommes qui se fussent consommés en ces lieux si malsains, qu'il n'eût pas été assuré qu'ils eussent pu suffire à fermer et empêcher le passage de la Vallée. Davantage, les forts eussent été sujets à être surpris par les habitans, dont le naturel est rude et ennemi de toute contrainte.
Les Espagnols eussent incessamment travaillé à même fin, et, quand l'opportunité se fût rencontrée, ils les eussent attaqués à force ouverte et les Grisons mêmes se fussent enfin ennuyés de voir leur pays tenu et gardé par des forces étrangères, dont l'envie', tant d'eux que du public, eût tourné sur Sa Majesté et la république.
Enfin que c'étoit laisser un sujet de trouble qui eût tenu la république en perpétuelles jalousies et inquiétudes, l'eût obligée à se tenir armée et à être incessamment sur leurs gardes contre les entreprises et vengeances des Espagnols, et lui eût fait, après plusieurs dépenses, désirer de venir au tempérament dont on est à présent convenu.
Il lui fut, en outre, donné charge de prier la république de déclarer franchement les choses qu'elle désiroit pour ses intérêts, sûreté et contentement; et que, s'ils ne se vouloient pas laisser entendre il leur dit que ce que Sa Majesté vouloit accorder a la république consistoit en trois choses
La première, employer l'autorité de son nom en-
vers les Suisses pour leur faire confir mer la résolution qu'ils ont prise de fermer leurs passages, aux troupes allemandes qui se pouboient présenter pour passer en Italie, et faire les mêmes offices au temps du renouvellement de l'alliance de Milan, pour essayer au moins de faire que les captons catholiques ne permettent le passage que pour la défense de l'état de Milan, lorsqu'il seroit assailli.
La seconde, que le Roi entrera volontiers en une ]igue,défensive,avec la république, et obligation d'assistance pour la défense de ses Eta^s.
La troisième, que l'alliance du Roi 'avec lesGrisqris lui donnant faculté de faire passer ses. amis et alliés par les Grisons et la Valteline, Sa Majesté donne pouvoir audiç Çhâteauneuf. de promettre, par un écrit particulier et secret entre eux, que, dgrant dix ans, elle leur moyennera la liberté du passage en vertu de son alliance sans que cela préjudicie au traité de paix fait en Espagne, les alliances de France avec les Grisons y demeurant, comme elles on t été par le passé, en leurentier de, sorte que, comme elle toujours, eu droit défaire accorder les passages à ses amis et alliés, elle en peut disposer sans contrevenir au traité.
Enfin, pource que Sa Majesté désiroit établir 11,11g union très-étroite avec, ladite répubjïque elle commanda audit Çhâteauneuf de les disposer à s'uniravec Sa Majesté. pour la défense des Grisons et- observation de ce traitédepaix; faisant aussi entrer, en cette ligue., s'il y trçuyoit jour les Suisses et les Grisons.
De la il eut charge de passer a,ux Grisons, et de
procurer, par lui-même, que la république donnât ordre aux ministres qu'elle tenoit auxdits pays, de s'unir avec lui pour faire approuver ledit traité, régler, équitablement la somme qui doit, être payée par lesValtelinsparchacurian, pour la faveur qu'ils reçoivent d'avoir à l'avenir le choix de leurs juges, et réformer leur gouvernement en une manière plus ordonnée que çelu,i qu'ils ont tenu par le passé, étant si tumultuaire qu'il est impossible d'y prendre assurance; en- fin les disposer à se tenir bien unis avec Sa Majesté et) les cantons des Suisses., pour le repos et la tranquillité de leur état des Grisons,. Il; eut ordre d'aller en Suisse pour leur proposer l'approbation dudit traité;que les cantons, catholiques ne faisoient pas difficulté d'agréer mais bien les protestans à, cause que l'élection des juges de la Valteline et des, comtés de'Çhiavenneet de B,ormio étoit ôtée aux Grisons.
Il eut commandement, de leur représenter que Sa, Majesté avoit trouvé cet article bien plus tolérable que celui qui étoit proposé par les cantons catholj-t ques., que lesdits officiers fussent Grisons et çhôisis; par eux, pourvu qu'ils fussènt catholiques; d'autant que cette distinction et différençe des catholiques d'avec les protestans pour être admis aux'charges,v eût pu çauser du trouble parmi les Grisons; 5 Que leur souveraineté est assurée,par la confirma-? tion qui leur doit être demandée de. l'élection des juges.
Au reste que ce tempérament rend l'établissement de la paix plus durable mettant les;Val.teli.çis en état de subsister avec, quelque, contentement., et les Qiisons ne,sont pas; exclus de pourvoir être élus, par les
Valtelüis; joint que, s'ils y reçoivent quelque perte, ils en sont récompensés par la somme raisonnable que les- Valtelins sont obligés leur payer annuellement; ce qui est, plus cher aux Grisons que leur juridiction puisque, moyennant de l'argent, ils avoient renoncé à leur souveraineté même par le traité qu'ils avoient fait-avec le duc de Féria à Milan.
Enfin, il eut charge de moyenner en faveur de Venise sur le fait du passage des Suisses ce que cidessus il leur a offert de la part de Sa Majesté. Mais le partement de l'un et de l'autre ne fut qu'à quelques mois de là, après que le second traité, renvoyé en Espagne pour y réformer ce qui y avoit encore été consenti par Le Fargis contre les ordres de Sa Majesté fut corrigé à peu près selon tout ce que Sa Majesté désiroit.
Voilà comme le Roi se gouverna pour donner contentement à' la plus grande partie de ses alliés et leur faire âgréer le traité de Monçon: Les ambassadeurs d'Angleterre, qui étoient à Paris lorsque le traité fùt fait, en furent plus surpris que tous les autres;' car ils avoient fait de puissans offices pour la conclusion *de la paix avec les huguenots, et se voyoient frustrés de la fin pour laquelle ils les avoient faits, qui étoit là continuation de la guerre en Italie. Mais on leur remontra qu'ils n'avoient point de sujet de se douloir du Roi et qu'il leur devoit suffire que Sa Majesté leur promît de ne discontinuer point le dessein d'Allemagne auquel on agiroit d'autant plus puissamment qu'on en seroit moins engagé ailleurs; Que Sa-Majesté y concourroit par bons effets avec tous ceux qiü voudrtiieüt procurer la liberté de J'Em-
pire, sans entrer néanmoins ouvertement en la ligue faite en Hollande à cette fin
Qu'il y avoit même nécessité de le faire, parce qu'à faute de son secours la perte d'Allemagne étoit assurée et si l'Espagne en étoit maîtresse, elle auroit .beaucoup avancé, le dessein qu'elle a à la mona.rchie universelle.
Mais que pour faire réussir ce dessein, il falloifc attaquer les forces ennemies des deux parts l'une du côté du nord par une armée puissante, composée des forces de Danemarck Suède Brandebourg Brunswick et autres princes associés et voisins l'autre du côté ,de deçà par les forces de France .Angleterre, Hollande, et de tous ceux qui voudront, prendre part en cette cause eommune •+
Que ces deux armées doivent agir à même temps par un dessein commun, et avec certitude-dune fidèle exécution des choses convenues
Que chacune d'icelles devoit être composée de vingt-cinq mille hommes de pied et trois mille chevaux.. Celle de Danemarck seroit entretenue aux dépens des rois de Da:nemarck, et de Suède. Brandebourg Brunswick,, villes unies, et de la contribution qu'ils recevront d'Angleterre..
Celle de deçà aux dépens de la France, Angleterreet Hollande
Que la France soudoieroit dix mille hommes de pied et treize cents chevaux l'Angleterre autant, et la Hollande cinq mille hommes de pied et quatre cents chevaux;
Que Venise et Savoie poçteroient partie de cette dépense, ou par nouvelles troupes renforceroient
cette armée, si on les peut faire entrer en ce dessein. Ceux qui sont les plus intéressés en cette affaire y dévoient aussi contribuer plus fortement 'que î'és autres et partant les Anglais, .qui, outre l'intérêt c'orri;rnun^ oiit le particulier du Palatinat, dont ils sont ôbligés, par honneur et par sang, de poursuivre la restitution, devoient faire davantage que la France; Qu'en cette considératiôn ce h'étoit pas merveille si par. ce traité les Anglais demeuroient obligés de continuer le secoures qu'ils donnoierit à Danérhârck, quoique la France n'en fît pas autant;
Que la: difliculté seroit à -convenir du lieu -pâr où .cette armée passéioit'en Allemagne', où elle* s'ë mëttroit ensemble, qui en auroit la conduite. Si on poùvoit convenir d'un chef allemand- qu'on pût juger n'avoir autre principal intérêt que la liberté de l'Empire on en tireroit de grands avantages;
Que les Anglais pourroient passer par la Hollande, venir à Juliers.,le laisser à main droite, passant entre Cologne qui est sur le Rhin et Lunebôùrg de là ils entreroient dans l'évêché de Trêves, passerôient la Moselle vers Coblentz ,et.vieridroiént joindre les troupes françaises entre Metz etWorms sur lé Rhin dans le bas Palatinat
'̃̃ Qu'il sembloit. que le marquis dé Bàdéri fût le meilleur qu'on pût prendre maintenant ep Allemagne^ et pour son expérience, et pour la créance qu'il a parmi lés gens de guerre
• Qui'uùe des .choses à qiiôi il fâlloit autant veiller étoit à ôter le soupçon aux princes catholiques qu'en procurant la liberté de i'Allemagne on n'établît l'hérésie, attendu .que cette appréhension avbit jùs-
qu'ici empêché les princes catholiques de s'unir à ce dessein ou si une fois on le lèvbit oh poürroit gagner en peu de temps quelques électeurs càtho-^ liques j ecclésiastiques ou séculiers.
Ce qui sembloit nécessaire à cette fin étbit de ne changer en aucun lieu la religion qui s'y trouverait établie ét ne point contrevenir, durant cette conquêté à là bulle d'or qui exclut les calvinistes debeaucoup de lieux où le luthéranisme est tolère. Quelque traité qu'on fît il falloit que ceux qui y entreroient donnassent chacun un banquier solvablè qui répondît et s'obligeât de faire téilic à tous les. lieux où sertiit l'armée lès montres dé chaque prince.. Il étdit bon aussi, pour éviter lës dépensés inutiles,, dé ne s'engager qu'à des conditions exécutables, au temps seulement que les intéressés feraient de leur part lés choses qui auroient été stipulées;
Que s'ils poû'vo'iëht porter lé Roi leur maître prendre quelque tempérament avec Bavière par lequel il eût contentement sur l'Élëctoràt, sans doutele dessein qu'on àvôit réussirolt, étant certains ou que lui-rirême y âidèroit, ou qu'il n'y séroit pas' contraire
Qu'il falloit aussi lever le soupçon què lés Allemands pourroient préildré qu'en chassant les Espagnols on voulût introduire une autre domination qui leur serbit également redoutable;
Et partant, qu'il seroit bon de déclarer ouvertement que la liberté de l'Empire pour laquelle on prenôit les armes consistoit a remettre les chose en l'état qu'elles dévoient être, sans qu'aucun étranger y pût prendre part.
Quant a ce qui étoit des affaires de la reine d'Angleterre, tant de celle de son domaine que des autres avantages qui concernoient sa maison, on ne leur en parlât point -le cardinal estimant qu'il éttiit bon de ne les procurer qu'à mesure qu'on pourroit obtenir du soulagement pour les catholiques, afin qu'ils vissent que quand ils souffrent elle est maltraitée et ainsi qu'elle est en une cause commune avec eux, et fait marcher leurs intérêts premiers que les siens particuliers. Si on faisoit autrement ils croiroient êtrè abandonnés.
Le Roi, ayant ainsi pacifié tous les troubles de son Etat, suscités au dedans par la rébellion des' hérétiques, et au dehors par l'entreprise des Espagnols en la Valteline, tourna les yeux de sa bonté sur sa noblesse, pour trouver moyen d'arrêter l'effusion qui se faisoit journellement de leur sang dans les duels, où ils ex- posoient, sans crainte ni de Dieu ni des hommes, et pour des causes légères, leur vie et leur salut. Les duels étoient devenus si communs si ordinaires en France, que les rues commençoient à servir de champ de combat, et, comme si le jour n'étoit pas assez long pour exercer leur furie, ils se bàttoient à la faveur des astres ou à la lumière des flambeaux qui leur servoit d'un funeste soleil.
La multitude de ceux qui se battoient étoit si grande et les peines ordonnées par les édits précédens si rigoureuses que le Roi avoit peine de les faire punir, d'autant que ce n'eût plus été un effet de justice, qui est d'en châtier un petit nombre pour en rendre sages beaucoup, mais plutôt un effet d'une rigueur barbare, qui est d'étendre la punition à tant
de personnes qu'il semble n'en rester plus qui puissent s'amender par l'exemple.
Cependant on n'entendoit retentir toutes lés églises d'autre chose que des plaintes que les prédicateurs faisoient sur ce'sujet, et des justes menaces de la part de Dieu sur ce royaume, si le Roi, qui avoit en main sa puissance n'y apportoit le remède qui y étoit né.cessaire. A quoi il étoit particulièrement obligé par l'exemple du feu Roi, la manière de la mort duquel éttiit quasi attribuée à punition de Dieu pour avoir toléré les duels.
Outre les larmes et les soupirs de toutes les fa,milles dans lesquelles les uns pleuroient leurs proches que le sort des armes, les autres que la rigueur de la loi leur avoit ravis, les uns conseilloient au Roi d'arrêter,. par une inflexible sévérité, le cours de ce mal, et qu'il n'y a rien qu'enfin la prévoyance d'une punition de mort inévitable n'emporte sur les esprits des homme.
Les autres proposoient au Roi de permettre les duels en certains cas, et ne punir que ceux qui les commettroient pour causes légères, ou qui auroient pu facilement tomber en accord, et ne se seroient adressés à ceux que Sa Majesté auroit ordonnés pour cet effet.
Ils apportoient pour raison que la rigueur, qui aigrit et désespère les esprits, seroit par ce moyen adoucie, et qu'un chacun, voyant que tout lieu de tirer raison de l'injure reçue ne lui seroit. pas fermé, se remettroit facilement au moyen que le Roi lui en auroit donné.
Et pour montrer que Sa Majesté en pouvoit juste-
ment user ainsi et qu'il s'en ensuivrait ce que nous disons, ils produisoient l'exemple, des siècles passés, èsquels l'histoire nous enseigne que lorsqu'on ne pôuvoit savoir la vérité d'un méfait, on en remettait le jugement au combat entré l'accusant et l'accusé, auquel celui qui'étoit vaincu soufiroii la peine. Et nos théologiens disent qu'ils appeloieht cette décision-là le jugement de Dieu et tandis que cette coutume â été observée; il ne se voyoit point de duels d'autorité privée.
Le cardinal trouva un tempérament entre ces deux avis opposés l'un a l'autre.
Punir de mort tous ceux qui se "sèroient battus, ou auroient appelé; lui semblait chose trop rigoureuse. D'autre part aussi permettre les duels pour quelque occasion que ce soit, lui seriîblbit être trop se relâ'cher de la droiture de la justice, laquelle ne permet point ah Roi d'en pouvoir user ainsi joint que cela ne guériroit pas le mal à l'avenir; car l'usage de ces permissions peu à peu se réndrbit si commun, qu'il eh faudroit bientôt arrêter lé cours, comme firent autrefois' les ëvêqùes dëFraricé, qui furent contraints, en l'ail de s'assembler à Valence pour défendre ces cô'mbàts-là, et sollicitèrent ardemment le Roi de ne les permettre jamais, et les rois saint Louis, PhilippeJé-Bel et autres, firent plusieurs édits pour retrancher ces abus. Tons les théologiens, disdit-il, conviennent que le duel pour cause singulière, ne peut être permis selon la loi de Dieu; mais je n'en ai vu aucun' qui en exprime bien clairement la vraie raison. ° Quelques-uns estiment qu'elle tire son origine de
ces mots mihi vind,ictafn et ego fetribûamj mais ils montrent bien que les particuliers dé leur autorité ne peuvent chercher par cette voie là vengeance des injures qu'ils ont reçues, mais non pas qu'un prince ne là puisse ordonner, ainsi qu'il peut commander à üri. exécuteur de justice tlë hiettre à mort celui qui aura violé la propre fille du même exécuteur: Auquel cas ledit ministre de justice venge non dé soi-même mais par autorité du prince l'injure que le public a récite en sa famille et ce sans péché pourvu qu'il rectifie son intention ce qui fait que si les duels h'étoient défendues qu'en vertu de ce principe, dit les pourroit pratiquer, par commandement du prince, avec les mêmes circonstances qu'un exécuteur de justice doit garder en sa conscience.
La vraie, primitivé et fondamentale raison est parce que les rois ne sont point maîtres absolus de la vie des hommes, et, par conséquent, ne peuvent les condamner à la mort sans crime cè qui fait que la plupart des surjets des querelles n'étant pas dignes de mort ils ne peuvent, en ce cas, permettre le duel qui expose à ce genre de peine. Qui plus est: quand même une offense seroit telle que l'offensant mériteroit la mort le prince ne peut pour celà permettre le combat, puisque le sort des armes étant douteux il expose, par ce moyen, l'innocent à la peine qui n'est méritée que du côupable ce qui est de toutes les injustices la plus grande qui puisse être faite. Les rois doivent la justice détérminément ;.et j par. conséquent, ils sont obligés de punir les coupables sans péril et hasard pour l'innocent. Si Dieu s'étoit obligé de faire que le sort des armes tombât toujours'
sur le coupable, on pourroit pratiquer cette voie mais, puisqu'il n'est pas ainsi elle est plus que brutale pour la raison susdite.
Il est vrai que cette raison montre bien que, pour une cause particulière, on ne peut permettre le duel, mais non pas pour un sujet public, comme pour éviter une bataille, puisque de deux maux on doit toujours choisir le moindre
Que le sort des armes est aussi douteux entre deux armées comme entre deux particuliers, et qu'il vaut mieux exposer deux hommes au péril de la mort, que vingt mille ames dans le nombre desquelles ils eussent ,été compris.
Il conseilla donc au Roi de ne permettre jamais les duels pour quelque cause que ce soit, de ne les laisser pas impunis, mais de les punir d'une autre façon que l'on avoit fait par le passé savoir est d'une peine plus douce puisque la rigueur des peines des autres édits les avoit rendus inobservables.
Suivant ce conseil l'édit fut dressé, qui portoit que, pardonnant, en considération du mariage de la reine de la Grande-Bretagne, à tous ceux qui avoient appelé, ou s'étoient battus jusqu'alors, ayant, au préalable satisfait à la partie civile, le Roi ordonnoit qu'à l'avenir ceux qui appelleroient ou se battroient demeureroient dès lors privés de toutes leurs charges s'ils en avoient, auxquelles à l'instant il seroit pourvu, et pareillement déchus de toutes les pensions et autres grâces qu'ils tiendroient de Sa Majesté, sans espérance de les recouvrer jamais.
Outre cela, il étoit remis à la conscience des juges de les punir selon la rigueur des édits précédèns,
ainsi qu'ils verroient que l'atrocité des crimes et circonstances d'iceux le pourroient mériter, hormis s'ils avoient tué auquel cas Sa Majesté entendoit qu'absolument la rigueur de ses édits précédens eîit lieu. Et en cas que ceux qui seroient, par ce moyen déchus des gratifications qu'ils auroient de Sa Majesté, se voulussent ressentir et se battre avec ceux à qui elle les auroit données, elle les déclaroit dé- gradés de noblesse, infâmes et punis de mort, encore qu'ils ne se fussent battus que par rencontre seulement.
Sa Majesté déclaroit aussi le tiers du bien des appelans et des appelés confisqué et les bannissoit pour. trois ans hors du royaume.
La cour de parlement ordonna la vérification de l'édit en ce qui concernoit l'abolition des crimes commis contre les précédens édits des duels et riencontres et que, quant au reste, qui consistoit en la modification des peimes remontrances seroient faites à Sa Majesté pour la supplier de ne rien relâcher dela rigueur.des précédens édits.
Sur quoi le cardinal dit au Roi
Que le. parlement refusoit l'édit parce que les peines y étoient trop douces et cependant il vérifloit le même édit quant au seul article qui étoit le plus doux, en tant qu'il abolissoit tous les crimes passés;t Qu'il ne vouloit pas vérifier l'édit, s'il ne portoit en termes exprès la peine de la mort aux délinquans; et cependant il vérifioit au même édit l'article qui absolvoit de la même peine tous ceux qui avoient délinqué
Que menacer de la mort tous ceux qui se battroient
à l'avenir, ét en absoudre tous ceux qui s'ëtoient battus par lé passé, donnoit lieu, ce sembloit, de ne croire pas que ces menaces eussent autre effet que celles qui les avoient précédées;
Qu'un médecin, qui par plusieurs expériences avoit reconnu un remède inutile, ne pouvoit être blâmé s'il en cherchôit et s'il en prescrivoit un nouveau, particulièrement s'il ne détruisoit point le premier mais qu'il le laissât en sa propre force Que celui à qui on demandoit un écu et qui en donnoit deux, ne donnoit aucun sujet de.plainte; Que le Roi s'obligebit à ne dispenser jamais de certaines peines qu'il établissoit- de nouveau; qu'il ne s'obligeoit pas à donner grâce des premières il làissoit son parlement en pleine liberté de les faire exécuter, et, partant, que ce nouveau remède étoit plus fort, et sembloit être plus proportionné au mal qu'on vouloit guérir, que les premiers;
Qu'on considéroit cet édit comme doux envers ceux qui se battoient; mais les raisons ci-dessus montroient qu'il ne l'étoit pas; mais, quand il le seroit, une augmentation de sévérité en l'exécution. d'une moindre peine rendoit une loi plus rigoureuse et plus propre aux fins pour lesquelles elle étoit faite. Faire une loi, et ne .la pas faire exécuter, c'étoit autoriser la chose qu'on vouloit défendre partant, il valoit .beaucoup mieux réduire l'édit en un point où il pût être infailliblement observé que le rendre plus terrible en apparence, pour n'être pas suivi d'effet; ce qui arriveroit si l'édit demeuroit tel qu'il étoit, puisque ce royaume étoit le même qu'il avoit été parle passé;
Que les conseil de prudence, dévoient venir de peu de gens ,.et qqç les, grandes compagnies n'étoient bonnes qu'à faire observer une règle écrite, mais non pas. à la faire. La raison étoit que comme les bons esprits sont beaucoup moindres en nombre que les médiocres ou les mauvais, la multitude de ceux de, ces deux derniers genres étouflbit les sentimens des premiers dans une grande çompagnie.
Le Roi, ayant entendu ces raisons, envoya au parlement une jussion en vertu de laquelle l'édit fut érifié, selon sa forme et teneur le 24 mars.
L'effet a montré combien, d'une part, la modération de la peine, et de l'autre, l'inflexible fermeté à n'en exempter aucun, ont été profitables, vu que, depuis ce temps, cette fureur, qui étoit si ardente, s'est ralentie et il ne s'est quasi plus, entendu parler de duels.
Prasli,n, le premier infracteur de fédit, quoiqu'il fût homme de considération pour les services de son père, et particulièrement en la bonne grâce du Roi, subit toutes les peines ordonnées sans qu'on lui en relâchât aucune. Il fut banni, perdit sa lieutenance de roi en Champagne, sa charge de bailli de Troyes, et le gouvernement de Marans, auxquelles charges le Roi pourvut incontinent.
Cette exacte observation de l'édit en sa personne en fit sages plusieurs autres., qui çroyoient que, le pardon seroit aussi facile à obtenir qu'auparavant. Mais, tandis que le Roi, croyant avoir apaisé toutes les tempêtes, étrangères qui étoient émues contre le repos de la Franche, s'appliquoit aux remèdes des maux internes, qui la travailloient, et des
duels qui éloignoient d'elle là bénédiction de Dieu, qui n'est jamais donnée à ceux qui, au milieu de la paix, versent le sang qui ne doit être épandu qu'en la guerre, voici qu'un-orage se forme de nouveau, d'autant plus à craindre que c'est dans le cœur même de l'Etat, qu'il enveloppe la personne qui y est la plus considérable après celle du Roi. L'auteur et le conducteur étoit le maréchal d'Ornano, que le cardinal avoit conseillé au Roi de délivrer de prison, et le mettre auprès de Monsieur, et, de plus, l'honorer encore de la charge de maréchal de France.
Cet homme, n'ayant pas un cœur sensible aux grâces qu'il avoit reçues du Roi, ou en surmontant le ressentiment par une ambition démesur ée osa bien secrètement s'élever contre Sa Majesté, et tramer une faction, la. plus étrange qui fut jamais vue dans l'Etat.
Cette faction étoit si grande, que non-seulement les princes, les grands du royaume,,les officiers de la maison du Roi, les princesses et les dames de la cour de la Reine, et le parti huguenot, mais les Hollandais, le duc de Savoie, l'Angleterre et l'Espagne en étoient.
Son dessein alloit à faire sortir Monsieur hors de la cour, non-seulement afin que, les armes à la main il obtînt du Roi de grands avantages, mais, s'il pouvoit, pour passer encore plus avant contre la personne même du Roi. Et, de peur que Monsieur ne fîit retenu par le mariage, ils le dissuadaient de se marier, et principalement avec mademoiselle de Montpensier, laquelle, après la mort de M. d'Orléans, lui fut destinée; attirant à eux, par ce moyen, M. le
comte, à qui ils disoient qu'elle devoit être laissée pour l'épouser.
Tousles.grands se jôignoient à eux' par la légèreté ordinaire des hrançais, le désir de changement, et le déplaisir de voir établir l'autorité royale, et que la liberté leur fût ôtée de la violer impunément, comme ils avoient fait depuis long-temps.
Les huguenots leur adhéroient par l'expérience passée d'avoir toujours profité dans nos troubles; Les Hollandais,, par le déplaisir qu'ils avoient de la paix d'Éspagne, et dé ce qu'on avoit refusé de faire une ligué oflensive et défensive avec eux
.Le duc de Savoie, par le désir de se venger des l'offènse qu'il prétendoit avoir reçue au traité de lapaix qui avoit été fait sans lui;
^Angleterre, par son infidélité seulement, et l'Espagne, par l'inimitié qu'elle nous porte, et les intérêts de son ambition; et tous ensemble, par la créance qu'un chacun d'eux'avoit que cette faction étoit si puissante au dedans, et si appuyée au dehors, qu'elle étoit capable de renverser l'Etat.
Et, pource qu'ils savoient bien qu ils né pourroient jamais venir à bout de ces malheureux desseins tan-. dis que lé cardinal vivroit, ils étoient résolus de le perdre.
Ceux qui conspirèrent contre César délibérèrent quant.et.quant de se défaire de Marc-Antoine, qu'ils savoient être homme de cœur et lui être fidèle leur' cruauté n'alla pas jusque-là; mais ils se contentèrent de-l'amuser cependant qu'ils exécutoient leur exécrable dessein dont mal leur prit, car Antoine yen- gea la mort de César.
Ceux-ci, qui croient bien ne pouvoir amuser le cardinal, qui avoit l'œil trop ouvert pour se laisser endormir, firent' complot de s'en défaire, soit en le disgraciant, soit en usant de violence en son endroit.
Dès le commencement de l'année c'étoit un bruit commun qui couroit par la cour et dans tout l'Etat, qu'il s'y formoit une grande cabale, ce que l'on méprisa d'abord; mais quand on vit qu'il s'augmentoit de jour à autre, que l'on considéra qu'en telles matières tels bruits sont d'ordinaire avant-coureurs des vérités, et que. celui-ci étoit accompagné de divers avis, tant du dehors que du dedans le royaume, il on jugea qu'on ne les pouvoit négliger sans péril pour la personne du Roi et son Etat, et sans crime à ceux qui se tairoient en une occasion si importante. Universellement tout le monde crioit cabale, et blâmoit les ministres comme ne voyant goutte; on dit qu'on va emmener Monsieur à Amiens, à Metz à Bourges, en Bretagne, en- Angleterre. Le cardinal n'y voit point d'apparence, et il tient que ceux qui ont ces pensées cherchent plutôt ce qui se peut que ce qui est.-
D'Andilly et du Verger disoient souvent qu'ils pensoient qu'on méditât quelque chose de grand, qu'ils avoient peur qu'on fut prévenu.
Verger dit, devant.Pâques, que si, dans la fête, on ne mettoit la. main sur le collet du maréchal, il craignoit qu'il ne fut plus temps.
Marcheville et Pas'sart disoient qu'il perdoit Monsieur, et qu'il lui mettoit de dangereuses impressions en la tête.
Passart rapportoit qu'il lui avoit ouï dire-que messieurs de Villeroy et le chancelier avoient chassé M. de Sully, le maréchal d'Ancre les avoit chassés, le chancelier avoit chassé Schomberg La Vieuville le chancelier, et La Vieuville avoit été chassé par le cardinal, et qu'ainsi, en un jour, il chasseroit ceux qui servoient maintenant.
Un homme, qui donnoit d'ordinaire des avis d'Espagne, disoit, depuis quatre mois persévéramment, qu'il se faisoit une union forte des princes ensemble et de Monsieur, par le moyen dudit maréchal. Bassompierre dit souvent à Bautru, pour le dire au cardinal, qu'il étoit aveuglé, qu'on cabaloit impunément de son temps, parce, disoient tous les cabalistes, qu'il n'étoit pas dangereux ennemi, est qu'il n'y avoit rien à craindre de lui.
Il dit à la Reine, le jour de la prise du colonel, qu'il venoit lui décharger sa conscience, qu'Obazine avoit été envoyé faire un voyage yers Saint-Géry pour aller trouver des grands et que le Roi ne pour- roit plus remédier aux cabales, quand il voudroit. Turgot, les fêtes de Pâques, dit au cardinal qu'il avoit quelque chose à lui dire d'important il ne le put écouter pour lors. Trois ou quatre jours après le rencontrant, il lui demanda ce que c'étoit; il lui répondit que c'étoient diverses conférences et cabales que le colonel faisoit avec plusieurs grands.
Ledit Turgot parla au Roi conformément à cela contre le colonel et le Roi en ayant averti le colonel, il répondit que c'étoit un méchant homme d'autant qu'il faisoit grande profession d'amitié avec lui ce qu'il dit pour empêcher qu'il ne fut cru.
On mit le colonel auprès de Monsieur, pour le corriger des, mauvaises habitudes qu'il semblôit contracter lorsqu'.il étoit sur sa foi et empêcher qu'il se portât dans les cabales avec les grands. Au lieu de le porter a ces fins ,lui-même adhère à toutes ses débauches et saletés ,pour lui plaire, jusque-là que Monsieur avoua au Roi et .à la Reine que peu s'en étoit .fallu, qu'il n'eût pris la vérole avec une femme que le frère du colonel lui avoit produite femme abandonnée non-seulement à toute la cour, mais à leurs valets.
Monsieur vivo.it fort bien avec le Roi et la-Reine sa mère auparavant sa délivrance; depuis .il' lui fit non-seulement perdre l'affection pour eux,, mais le respect; et le bruit commun étoit, entre les grands et les petits que Monsieur devoit sortir de la cour, qu'il seLdevoit plaindre de ce qu'on le traitoit eh enfant, qu'on ne lui donnoit aucun emploi ni dans les conseils,ni dans la guerre, où il en avoit demandé, qu'il étoit sans apanage, dans une nécessité extraordinaire.
Depuis quatre ou cinq mois le colonel avoit rompu d'amitié avec tous ceux qu'il savoit avoir les sentimens.au repos et à la paix, et avoit pris habitude avec Déageant et Mbdène, contraires au Roi et à la Reine sa mère, et aux ministres, esprits de division et de cabale. Ils s'enfèrmoient deux ou trois fois la, semaine régulièrement chez sa femme pour tenir des conseils, ce qu'on ne pouvoit ni devoit juger être fait, à.autre fin .que pour tramer un dessein semblable à celui qu'ils avoient fait par le passé sur quoi il plut au Roi
faire connoître, de son mouvement, à la Reine sa mère et à ses serviteurs qu'il'én prenoit un grand ombrage, d'autant, disoit-il, que Déageant et Modène étoient les mêmés qui avoient travaillé à lui donner de mauvaises impressions contre elle, que c'étaient eux qui avoient porté Luynes, pendant' le siége de Soissons, à le faire résoudre à s'en aller à Meaùx, ce qui lui faisoit croire le bruit qu'on faisoit courre de la retràite de Monsieur.. Après la mort de Luynes, Déageant et Modèné n'avoient point levé la tête. Depuis quatre mois ils se montroient ouvertement, agissôieht fortement comme étant appuyés, et Déageant ne craignoit point de dire parlant de Monsieur qu'il disoit qu'on al- téroit quelquefois contre le Roi et la Reine « Je le réduirai bien; il ne veut pas aller à Fontainebleau je le ferai partir dans deux jours. »
Sur l'opinion qu'il eut qu'on vouloit refuser l'entrée du conseil à Monsieur il dit à M. d'Effiat « Il faut qu'il vienne àParis pour huitjours, et je le réduirai. Il dit au même « Il faut faire venir M. le prince quand il sera ici nous' en viendrons'bien'à bout-. Il faut établir des diverses classes de conseils pour les princes; »' et plusieurs autres discours semblables', -faits à IVI. d'Effiat et au cardinal.
Le président Le Jay, qui étoit souvent vu par Déageant, dit à M. d'Effiat qu'il avoit soupçon de quelque grand dessein, qu'il craignoit pour la Reine, qu'il sembloit que quelque malheur menaçât cet Etat, •* Déageant écrivit une lettre à madame la connétable quinze jours avant la prise du colouel par laquelle il
lui mandoit qu'on ne faisoit pas cas de lui, qu'on le tenoit pour inutile mais qu'on verroit que dans peu de temps il seroit aussi utile qu'il avoit jamais été. Le colonel dit au père Joseph qu'il ne pouvoit répondre de Monsieur, qu'il étoit maître de ses volontés, qu'on le conseilloit de s'en aller hors la cour, qu'il ne seroit pas responsable de quoi qu'il arrivât. Le colonel, parlant au cardinal dix ou douze jours avant sa prison, fit semblant de s'ouvrir à lui, et pour toute ouverture lui dit que Desouches conseilloit à Monsieur de ne venir point où étoit le Roi, ains s'éloigner de la cour. Le colonel dit audit père qu'on donnoit conseil à Monsieur, sans dire qui.
Déagéant,.venu pour assurer le Roi du colonel, lui dit qu'on donnoit ce conseil à Monsieur; mais au lieu de dire que c'étoit Desouches, il dit que c'étoient les grands et madame la princesse d'où il étoit clair que l'on donnoit ces conseils-là et qu'on méditoit là-dessus, ce qui étoit si notoirement crime, que pour la même chose Coconas et La Mole furent exécutés à mort du temps de Henri ni.
En ce temps le cardinal donna divers avis au .colonel que la hantise de la princesse lui faisoit tort; que les familiarités qu'il avoit avec la Reine donnoient quelque ombrage. On le conseilla de se fami(t) Au père Joseph François Le Clerc du Tremblay embrassa d'abord la carrière des armes. Après avoir fait une campagne, il.se fit capucin à vingt-deux ans et obtint bientôt les premiers emplois de son ordre. Le couvent qu'il dirigeoit n'étant pas éloigné. de l'abbaye des Roches appartenant à l'évéque de Luçon, il fit connoissance avec ce prélat sous le ministère de Luyncs. Richelieu, frappé des graudes qualités du père Joseph se l'attacba quand il fut ministre,.et le chargea des affaires les plus importantes.
liariser avec le Roi jamais il ne s'est voulu séparer des conversations qu'on lui faisoit connoître lui être préjudiciables ni prendre intelligence particulière avec le Roi, tant il avoit peur que ceux avec qui il cabaloit en eussent du soupçon. Et de fait quand il fut fait maréchal de France, tous les grands furent étonnés, pensant qu'on l'avoit gagné', jusqu'à ce que trois jours après cet honneur reçu il les assura du contraire.
Qui plus est, trois jours avant sa prise, comme on lui disoit encore la même chose, qu'il devoit s'éclaircir avec le Roi de tout ce qu'il entendroit dire, il répondit qu'il le feroit dans un mois; ce qui donna occasion de croire que, pendant ce temps, il voulbit voir si ses cabales réussiroient, sinon s'accommoder avec Sa Majesté.
Le père Joseph avertit plusieurs fois le colonel que les pratiques de madame la princesse lui faisoient tort, qu'il s'en corrigeât, que cela perdroit sa fortune. Si cette pratique eût été sans dessein, la conservation de sa fortune la lui eut fait quitter. Mais, tant s'en faut, il continuoit toujours, et disoit pour ses excuses qu'il en étoit amoureux, prétexte qui n'est bon à prendre sur le sujet' d'une personne de cette qualité que pour couvrir un plus grand crime.
Il dit au même temps à la Reine, sur l'imagination qu'il eut qu'on faisoit difficulté de mettre Monsieur au conseil que si on ne le, faisoit Monsieur feroit une escapade.
Si telles menaces ne sont crimes en matière d'Etat rien ne le peut être que l'effet des. conspirations,
étant certain que par là il expf iirioit son désir ef non celui de. Monsieur,, sur qui il.avoit un tel pouvoir, qu'il a souvent,dit que si Monsieur faisbit mal, c'étoitàlui qui il s'en falloit prendre, qu'il avôit une entière) créance en lui et qu'il répondoit de ses comportemens.
Il proposa.au Roi, quant et quant, de mettre Monsieur au conseil,, de lui donner'son apanage, un don de 500,000 livres, de rétablir vingt-huit capitaines corses qu'on lui avoit retranchés en son: particulier, et le faire payer de toutes ses anciennes pensions demandes,faites hors de temps, expressément, pour engager, par raison, le. Roi à un refus, ou pour, en obtenant.cela de lui., se faire. planche tout ce que le dérèglement de son .ambition pourroit mettre en la tête de son maître.. Monsieur, d'autre part; devant que d'être du conseil dit au cardinal de La Valette et Bassompierre, le jour du festin qu'il Et pour sa naissayce « Je suis du conseil; je vous avois bien dit il y a trois mois, que .je me ferois valoir. Ceci ne sera qu'un degré pour monter à d'autres choses. »
Au même temps Escalurbes ouït Billard disant à Monsieur « Peu de temps après que vous serez au conseil il y, faut introduire le colonel; il en faut venir là. » Sur quoi une voix répondit « Il n'est pas temps d'en parler. »
Et pour faire voir qu'il y avoit quantité de personnes de qualité qui en étoient, et particulièrement M. le prince Çornillan L'Affemas et plusieurs autres semblables, disoient tous les jours que le coJonel tramoit quelque chose de grand, et voyoit ma-
dame la princesse et liôit Monsieur avec M. le prince.
Saintoul dit au Tremblay que le cardinal refusoit l'amitié dudit prince son maître, et que, dans trois mois/ il seroit bien étonné, qu'il le.verroit en cour plus puissant que lui..
Madame.la princesse là mère, et l'évêque d'Albi, dirent souvent a diverses personnes que, quand oh ne voudroit donner congé à M. le prince de venir à la cour, il ne laisseroit pas d'y venir, ayant assez d'amis pour cela.
Déageànt dit de plus que ledit sieur prince ne se ̃fioit point en sa femme, mais bien en sa.mère; que, pour cet effet, il avoit fait naître l'occasion du voyage de sa mère vers lui, sous prétexte du baptême de son fils, pour être informé de toutes clioses:par elle et lui dire ses volontés; qu'à son retour il la verroit, et apprendrait toutes nouvelles qu'il promettoit de dire au cardinal.
D'où, il est constant qu'il y àvoit quelque secret entre eux,,èt de grande importance, puisqu'on feint un voyabe, exprès pour les faire savoir; et on estime que Déageant terioit tellangage pour amuser le monde, sur. l'appréhension qu'il pouvoit avoir qu'on découvrît leurs affaires.
Du Plessis témoin irréprochable, avertit le cardinal, lorsqu'on commençoit à parler de la paix d'Espagne. et de celle des huguenots, que ledit sieur "le prince lui avoit envoyé un gentilhomme, nommé Saintoul, le prier de le voir en cachette à six lieuses de .chez lui, où il se trouveroit dans un bois, afin que de (là il pût aller vers quelque grand avec qui
il étoit besoin de faire union pour s'opposer au gouvernement présent. Du Plessis dit à Saintoul qu'il ne le pouvoit faire, n'ayant point d'ordre; qu'au bout du compte il ne vôyoit pas qu'on. pût rien faire d'assez fort pour le dessein qu'il témoignoit avoir, si Monsieur n'en étoit. L'autre lui dit deux ou trois fois qu'il ne se mît point en peine, et enfin, pressé par ledit du Plessis, lui déclara qu'ils étoient assurés du colonel par madame la princesse, que M. le comte en étoit moyennant un mariage en sa faveur, et qu'il y porteroit tous ses amis.
Saintoul le pria que puisqu'il ne vouloit pas aller trouver M. le prince, qu'il s'en retournât au moines en diligence vers le duc d'Epernon parce que son maître l'y enverroit, et qu'il seroit bien aise, quand il y arriveroit, d'y être introduit par lui. Cette preuve étoit évidente.
Il étoit aussi à noter, sur le sujet d'Obazine, que, deux jours avant la prise du colonel, Marsillac vit Saint-Gery, beau-frère dudit Obazine, en Gascogne, qui lui dit que M. le prince l'envoyoit quérir, et qu'il étoit nécessaire pour le service du Roi qu'il le vît. De plus, L'Afl»emas dit avoir su de du Vouldy, partisan, qu'un peu auparavant la prise du colonel il avoit vu M. le prince, lui sixième en un faubourg de Troyes.
Voici encore une chose plus remarquable Le duc de Guise, revenant de Provence, raconta au cardinal, à à Fontainebleau., qu'ayant vu M. le prince en s'en allant, il lui avoit dit, sur ce qu'il croyait qu'il fût mécontent, que, s'il ne pouvoit rentrer en grâce du Roi et de la Reine pour revenir en,cour, il feroit
contre eux ce qu'il pourroit; qu'il ne désiroit point que Monsieur épousât mademoiselle de Montpen- sier, non qu'il voulût que M. le comte l'épousât, mais parce que c'étoit un mariage présent pour Monsieur; qu'il étoit bien aise qu'il n'eût point d'en-.fans à son préjndice; que, s'il voyoit que Monsieur eût une autre femme prête, il aimeroit mieux que Monsieur épousât mademoiselle de Montpensier que M. le comte, parce que, si M. le comte l'épousoit, il se fortifieroit par ce moyen pour lui disputer un jour la couronne,' si le Roi et Monsieur n'avoient point d'.enfans.
Il lui a dit, de plus que ledit sieur le princé l'avoit assuré que le maréchal étoit à lui.
Toutes lesquelles choses ledit sieur de Guise rapporta aussi au Roi et à la Reine sa mère.
Un conseiller de la cour, nommé Grassetéau, intime ami du Coigneux qui buvoit et mangeoit avec lui quasi tous les jours, dit au Tremblay, qu'il savoit avoir été autrefois à M. le prince, qu'il falloit avouer que Le Coigneux étoit le plus généreux homme du monde; que, bien que M. le prince n'eût pas bien reconnu ses services passés, personne nel'avoit servi plus utilement qu'il avoit fait depuis peu. Le Tremblay lui demandant comment, l'autre lui répondit: « En ce que c'est lui qui a fait rompre le mariage de mademoiselle de Montpensier, et fait connoître au colonel qu'au lieu de celui-là il falloit faire celui <de Monsieur et de mademoiselle de Bourbon. Ce qui rendoit cela plus croyable, étoit le mécontentement que M. le prince avoit d'être éloigné, l'instance pressante qu'il faisoil d'y retourner, et les
mémoires que, depuis peu, il avoit fait, par sa femme, présenter au Roi sur ce sujet.
Quant à' M; le comte nous avons déjà vu ci-devant que Saintoul dit à du Ple'ssis qu'il étoit à eux. Davantage, madame de Lônguevillé la douairière avoitdit, il y avoit.plus de trois mois, que madanie la comtesse voulait faire sortir son fils de la cour, à quelque prix que ce fut, pour aller en Savoie; et que, s'y opposant'à. cause des mauvais bruits qui -couroient qu'il se formoit une cabale, elle lui répondit' que si, son fils étant dehors, l'effet de ces bruits arrivoit, on diroit qu'il seroit du parti. Mademoiselle de' Senetërre' répondit que cette râison-là devoit convier à le faire sortir, d'autant qu'en ce cas il vaudroit mieux qu'il fût dehors que de le faire par après.. ̃ • ̃• Voilà quant à Monsieur, M. le prince et 1\1. ,le comte voyons les autres qui étoient encore liés avec eux contre le Roi voyons les autres princes et grands. du royaume. M. de Cussé j premier président du parlement'de Bretagne, et l'évêque de Rennes, vinrent exprès eh cour'pour avertir que M. de Vendôme se fortifioit en Bretagne gagnait le tiers et lé quart par brigués et argent, pour'être eh état de s'en rendre maître à la première occasion qu'il attendoit; qu'ils sàvoierit même, par tin ministre confident, qu'il animoit lës huguenots à la guerre, et leur'faisoit espérer qu'il arriveroitr:des mouvemens en l'État qui les favoriseraient. Lcpremier dit aussi plusieurs fois qu'on Yaisoit un grand parti pour Monsieur.
De la maison de Guise, madame de Chevreuse
dit en-même temps, avec joie, chez la Reine,.qu'il falloit que le colonél fût du conseil, qu'il en. seroit, et .'qu'il avertirait de tout..
Quant aux seigneurs particuliers, premièrement pour messieurs d'Epernon et La Valette Desouches dit à. M. de Schomberg avoir ouï dire Monsieur qu'il avoit une porte de,derrièr.e savoir Metz. :Marillac," sans savoir ce di scours rapporta que La Valette étoit tout, pensif depuis deux mois qu'il avoit ôté de Metz tous ceux qui lui ,étaient suspects, tenoit deux mille hommes prêts et arrhes par deux chefs en Lorraine.
IVI..de Lorraine manda à Marillac qu'il avertît qu'il ne se mêloit point de l'intelligence du gouverneur de Metz et du prince. de Phalsbourg ce qui montroit qu'il falloit qu'il sût qu'il y avoit quelque chose de grand. et de mauvais puisqu'il s'en purgeoit. Ajôutez. que le gouverneur de Metz voulut gagner un capitaine qui étoit dans Verdun pour le- mettre dans la citadelle de Verdun quand il voudroit.
De la maison du Roi plusieurs en étoient Chalais (O, dont nous verrons -les preuves ci-après nous en est un évident témoignage..
De celle de Monsieur quasi tous y trerhpoient le-colonelDéageant, Modène, Puylaurens, Boitalmel, Le Coigneux même et Chaudebonne que Modène dit qui étoient,ceux qui avoient mis le colonel dans les cabales et étoient causç de son malheur.
Quant au parti huguenot, soit le Languedoc soit Chalais Henri de Taleyrand maître de Ici garde-robe. ll a:moit alors madame de Chevreusc.
La Rochelle, il avoit été gagné, on n'y avoit pas en grand'peine.
Toiras manda par son frère qu'il avoit vu des lettres qu'on écrivoit de Paris à La Rochelle, par lesquelles on mandoit qu'ils prissent courage, et qu'ils devoient avoir espérance en une grande brouillerie de cour qui arriveroit bientôt.
Marsillac de. M. le prince, vint de Languedoc donner le même avis que cette espérance étoit en ces quartiers-là, que M. de Rohan attendoit cette occasion, et que la plupart des grands étoient du dessein. Et comme si la France n'eût pas été suffisante, tournant ses armes contre soi-même/de se détruire entièrement ils appeloient encore tous les étrangers pour être de la partie.
Le duc de Savoie, son ambassadeur, étant dans le dégoût de la paix d'Espagne, dit à plusieurs personnes, et au cardinal même, qu'il avoit dit à son maître pour sa consolation que dans peu de temps nous aurions tant d'affaires en France, que nous aurions besoin de lui.
-L'Espagne 'le Rhingrave dit souvent à M. de Scbomberg, non de France, mais d'Allemagne, qu'il y avoit un grand parti qui remueroit bientôt, et qu'il savait que l'Espagne inter viendroit par argent. .Autant, en disoit sans. cesse un. homme qui servoit le Roi à lui donner des avis d'Espagne; il ne lui.sauroit rien particulariser, sinon qu'une grande cabale se formoit, que l'Espagne fomentait et aidoit par argent.
L'Angleterre,.le colonel. alla en ce. temps la visiter. M. de Chevreuse s'enquit soigneusement s'il
étoit pas vrai que les Anglais s'en étoient allés mal contens, et s'ils feroient .pas remuer les huguenots dans trois ou quatre mois. L'autre lui disant que non, il répliqua qu'il parloitdcontre sa créance et qu'indubitablement ils le ferolént.
Chevreuse lui disant sur ce sujet « Dites-moi ce que fera Monsieur dans quatre mois, et je vous dirai ce que feront les Anglais avec les huguenots, » il se prit à rire.
M. deMende, qui étoit lors en Angleterre grandaumônier de la Reine, écrivit lors plusieurs fois que le dessein du roi d'Angleterre étoit de mettre la guerre en France.
Blainville écrivït que Buckingham lui ayant proposé de faire union avec la France afin qu'elle lui aidât à ruiner les parlemehs d'Angleterre et qu'il aideroit aussi à la France à ruiner La Rochelle, il le trouva le lendemain refroidi, et lui dit qu'il le prioit d'attendre à une autre saison et qu'il continueroit à faire ces ouvertures.
Au même temps ceux du parlement, par gens affidés, envoyèrent savoir de Blainville s'il ne savoit point quelles nouvelles Buckingham pouvoit avoir reçues de France, parce qu'il leur avoit fait dire tout fraîchement qu'ils verroient dans peu de temps qu'ils ne devoient faire nul état des forces de-France, qu'elles étoient à mépriser que bientôt il y arriveroit quelque changement notable occasion en la- quelle il auroit lieu de se signaler de telle sorte à l'avantage de l'Angleterre, qu'elle auroit sujet de l'adorer et tout cela fut dit huit ou dix jours avant la prise du colonel.
De la Hollande; on n'en étoit pas encore si assuré, mais on avoit de grandes présomptions on voyoit Aersens s'être refroidi de la recherche d'une ligue qu'il avoit au,commencement poursuivie avec grande ardeur et leur procédé avec le Roi n'étoit pas avec l'observance accoutumée.
.Voilà la plus effroyable conspiration dont jamais les histoires aient fait mention; que si elle l'étoit en la multitude des conjurés elle l'étoit encore davantage en l'horreur de son dessein, car leur dessein alloit non simplement à élever leur maître au-dessus de sa condition mais à abaisser et'à perdre la personne sacrée du Roi.
Le jour qu'on en avoir étoit le mépris avec lequel on savoit qu'ils en parloient, particulièrement madame de Chevreuse.
Deux personnes de qualité vinrent supplier le Roi de leur pardonner une fauté qu'ils avoient commise en un dessein qu'ils découvriraient, pourvu qu'on ne les alléguât jamais. Le Roi .leur ayant donné sa parole, ils découvrirent qu'on vouloit l'abaisser pour élever Monsieur. 1 Des confesseurs du jubilé disent des personnes s'être adressées à eux, et s'être accusées, comme d'un grand crime, d'un grand dessein et parti qu'il y avoit pour élever Monsieur au préjudice du Roi; ils en avertirent avec permission, sans vouloir être nommés.
On fit un procès-verbal: à Moulins, qu'on mit entre les mains de le garde des sceaux d'un homme qui venant de Paris, 'passant par là découvrit que la partie des princes étoit si bien faite
qu'il y avoit cinquante mille hommes unis pour mettre le Roi dans un monastère.
Ils vonloient commencer par faire sortir Monsieur de la cour, qui étoit comme le signal pour allumer le feu chacun de son côté.
Le colonel, comme nous avons dit ci-dessus, en menaçôit déjà et disoit qu'on donnoit le conseil à Monsieur, et qu'il n'en pouvoit pas répondre. Et er- coré Passart a' dit plusieurs fois que Monsieur lui avoit dit qu'il n'avoir rien plus à contre -cœur que coucher hors de chez lui, aimant ses aises;, et cependant qu'on le vouloit accoutumer à ce faire, faisant semblant d'être surpris la- nuit aux chasses afiw qu'il fût prêt, quand on vbudroit de faire un trou à la nuit.
Le colonel, quinze jours devant que d'être emprisonné, demanda M. d'Herbaut un' passe-port, pour faire venir de Flandre des armes pour armer quatre mille liommes en suite', disoit-il, d'un marché qtfïl avoit fait, il y àvoit trois ou quatre jours, de ce nombre d'armes, sur un vieux passeport de M. de Puisieux il'en écrivit à Baugy résident pour le Roi Bruxelles. Ce qui est à remarquer en cela est pourquoi il avoit laissé écouler tant dé temps pour faire venir cés armes et les vouloit faire venir maintenant.
Or, pour faire réussir leur, dessein, faire sortir Monsieur hors de la cour et prendre les armes avec effet, il falloit premièrement venir a bout du cardinal, dragon veillant incessamment au- salui1 de son maître.
Ils s'en vouloient défaire en le disgraciant ou le
faisant tuer; en le disgraciant, nous avons vu cidevant les embûches qu'ils lui dressoient pour cela et comme Tronçon, Sauveterre et Baradas (1) y.travailloient et tenoiéiit quasi la chose pour assurée, parce que Sa Majesté ayant une ou deux fois prêté l'oreille sans rejeter ce qu'ils disoient, ils tiraient de là une conséquence que le cardinal étoit perdu, tenant pour maxime qu'entre écouter et être persuadé il y a peu de différence, et que qui peut être attaqué, quoique par de fausses apparences, est assurément ruiné.
Quant à la violence Monpiusonavoit donné avis à l'abbé de Foix qu'il y avoit deux hommes qui cherchoient l'occasion d'attenter contre la personne du cardinal. Plusieurs autres avis semblables étoient donnés de diverses parts, et les dépositions de Chalais et du grand-prieur que nous verrons ci-après les avertissemens du Coigneux et ce qui plut à- Monsieur en dire au Roi et à la Reine sa mère n'ont pas dû depuis donner lieu d'en pouvoir douter. Sur tout cela et plusieurs autres circonstances, le Roi prit résolution d'y pourvoir.
Il envoya quérir le cardinal de' Richelieu et le sieur de Schomberg pour avoir leur avis.
Tous deux, ayant eu connoissance de ce qui est ci-dessus, estimèrent qu'il étoit difficile en affaire pareille à ,celle-ci d'avoir des preuves plus concluantes que les susdites qu'en matière de conspirations il est presque impossible d'en avoir de mathématiques; que quand les conjectures sont prestO Baradas François-Antoine de Baradas, gentilhomme bourguignon. ll étoit alors favori de Louis XIII.
santes elles en doivent tenir lieu, lorsqu'on les juge telles considérées sans passion, car souvent on n'a l'entier éclaircissement d'une conspiration dans un État que par l'événement qui est incapable de remède..
Ils représentèrent au Roi qu'en telle nature d'affaires c'étoit lui, de son propre mouvement, à voir ce qu'il lui plaisoit faire; et à ses serviteurs à l'y servir, quoique par cette voie ils s'exposassent aveuglément à de très'grands inconvéniens pour eux, et quasi assurément à leur perte.
Ils' dirent que les remèdes pouvoiént être différens Je premier seroit de tâcher de gagner les malfaisans en les comblant de bienfaits.: ce remède étoit celui que volontiers on conseilleroit au Roi. Ils ajoutèrent qu'ils savoient bien qu'on répondroit peut-être que puisque la liberté, le rétablis< sèment les honneurs, dignités et bienfaits n'avaient. pu contenir le maréchal d'Ornano en son devoir, rien ne pourroit le faire à l'avenir'
Qu'ils n'ignoroiént pas qu'il seroit à craindre que la connoissance que ce personnage prendrait du seul remède dont on voudroit user en son endroit, lui fit. tous les jours entreprendre quelque chose de nouveau, pour obtenir par: ce moyen tout ce que bon lui semblerait.
Qu'ils craignoient que, se servant de ce seul remède, le Roi n'osât à l'avenir rien entreprendre d'important en son État parce qu'il auroit toujours lieu d'appréhender que cet homme ne remît sus la cabale qu'il avoit déjà formée, au préjudice de son service; mais que Sa Majesté voulant pour un
temps se contenter de ne rien entreprendre dans 'l'État, il pouvoit se servir de ce remède, qui âmol̃ Jiroit le cœur du maréchal ou au moins le rendroit-il d'autant plus condamnable que plus auroitil reçu de bienfaits de Sa Majesté.
Qu'ils savoient bien que si l'Espagne ou les huguenots faisoient quelque entreprise contre cet État, on ne pourroit plus leur résister et empêcher en même temps l'effet des cabales qu'on auroit tramées à loisir, vu qu'en ce cas au lieu d'avoir rien à craindre, on espéreroit par la rébellion, en tant qu'on auroit comblé de bienfaits les auteurs de celle-ci au .lieu de les châtier; ils avouèrent qu'on pouvoit faire une telle cabale, qu'en une occasion favorable pour eux ils pourroient révolter la moitié de la France, vu les mécontentemens ordinaires en ce royaume. Qu'il étoit à craindre que par cette voie il.faï*lût dépendrez de la miséricorde du maréchal, qui sans doute deviendroit absolu par ce moyen, et le plus puissant homme de l'État, puisque, quand on penseroit avoir contenté Monsieur en le mettant du conseil et lui donnant son apanage on n'auroit fait autre chose que de donner des forces au maréchal, pour le rendre en son particulier plus insolent; Qu'il y àvoit certaines personnes à qui on né pouvoit jamais faire autre chose que battre le chien devant le lion, et d'autres qui étoient bons sujets pour exemple, et qu'en matière de cabales il étoit nécessaire d'ôtei à ceux qu'on reconnoissoit être les boutefeu le moyen de l'allumer
Qu'il y avoit des maux qu'on guérissoit sans hasard, et d'autres où les remèdes avaneoiént la mort;
mais qu'il en falloit prendre le hasard quand on jugeoit qu'autrement la même mort arriveroit indubitablement, au lieu qu'il se pouvoit faire qu'on s'en garantiroit par le remède dont on se vouloit servir Que, depuis que les cabales ont pris racine dans les esprits si on ne les arrache tout-à-fait elles repoussent toujours partant qu'il semble y avoir grand, péril à ne déraciner pas celle-ci; péril pour le Roi, péril pour l'État, au bien duquel on est obligé en conscience de pourvoir; péril pour la Reine, péril pour Monsieur, qu'on vouloit perdre par ce moyen; Que, si ce remède ne sembloit bon, le meilleur étoit d'ôter ceux qui donnoient de mauvais conseils à Monsieur, le traiter parfaitement bien en son particulier, afin que son esprit fût content, ou qu'au moins tout le inonde eût lieu de juger qu'on n'oublioit rien de ce qu'on devoit à cette fin.
Ensuite ils dirent au Roi que, si Sa Majesté vouloit user de rigueur envers le maréchal, il falloit, auparavant de s'y résoudre, bien considérer les suites que cette affaire pourroit avoir.
Qu'il pourroit arriver que Monsieur, préparé par le maréchal aux événemens qu'il pourroit prévoir, lui devoir arriver de ses mauvais desseins, ou mal conseillé par des personnes de sa cabale et de son dessein, sortiroit de la cour avec plusieurs grands, qui considérant plus le futur que le présent, se joindroient à lui, ce qui pourroit apporter beaucoup de mal
Que la paix d'Espagne n'étant pas encore conclue, ni celle des huguenots bien affermie, il étoit à craindre qu'une escapade de Monsieur rompît l'une et l'autre;
qu'aussi pouvoit-il arriver que la prise du maréchal rompant ses factions, ôteroit toute espérance à ceux, tant du dedans que du dehors- du royaume, qui désiroient le feu'dans la France;
Que, comme il y avoit plusieurs personnes intéressées en cette faction, on' n'oublieroit rien à dire contre ceux qui auroient servi à la rompre en servant le Roi qu'ils tâcheroient de faire croire que la Reine seroit cause de l'éloignement du maréchal par ressentiment du passé, ou pour porter Monsieur au mariage dont il le détournoit ou pour s'assurer de sa personne et se fortifier de son affection en ce qu'il étoit probable qu'il oublieroit le maréchal quand il ne Tauroit plus;
Qu'ils savoient bien que la conduite que Leurs Majestés avoient eue jusqu'à présent, les garantiroit eux et son conseil de tout blâme puisqu'ils n'avoient rien oublié pour détourner le maréchal de mal fairè, par toutes sortes de bienfaits, qui n'avoient servi qu'à le rendre plus hardi et insolent; qu'il y avoit peu de gens dans la maison de son maître qui ne fussent contre lui, qui n'improuvassent sa conduite et à qui sa tyrannie ne fût insupportable.
On examina par après si devant que faire cette action, il seroit bon de faire revenir M. le prince auprès du Roi.
On disoit que s'il y étoit ilentreroiteh la garantie' de l'action qu'on vouloit faire; que, par ce moyen, Monsieur seroit privé de la retraite qu'il pourroit avoir en son gouvernement, et qu'on seroit exempt de la calomnie qu'il feroit courir qu'on éloignbit les princes du sang qu'on s'exempteroit par ce moyen
du péril qu'il y avoit que M. le prince et M. le comte s'unissent avec Monsieur en cabale hors la cour, ce qui renverseroit tout le royaume, M. le prince étant le seul capable de conduire l'esprit de Monsieur dans une rébellion
Que, s'il demeuroit-éloigné le coup que l'on vouloit faire faire lui donneroit le cœur et les volontés de tous les autres cabalans qui s'entendroient aveclui; Qu'il décrieroit cette action par manifestes comme violente puisqu'il avoit eu la hardiesse maintenant d'en faire un, et profiteroit du mal que les ministres du Roi recevroient pour l'avoir servi;
Enfin que sa venue ôteroit toute espérance aux brouillons, et que Monsieur ne seroitplus, ce semble, en hasard de s'en aller, tant parce qu'il n'auroit pas de retraite assurée, que parce qu'il craindroit que M. le prince prît sa place.
Le Roi n'estima point ces raisons, son. aversion étant telle contre M. le prince, qu'il ne voulut point entendre parler de son retour; qu'étant brouillon de son naturel et fort actif, il y feroit plus.de .mal cent fois qu'à la campagne, où il n'oseroit rien entreprendre à cause de son peu de courage.; qu'il empoisonneroit toute la cour de ses vices; qu'il n'y auroit plus de secret au conseil qu'il n'oublieroit rien de ce qu'il pourroit pour le brouiller avec la Réine; que tous les jours il feroit faire mille mauvais offices au tiers et au quart, par des petites gens qu'il possédoit par ses débauches, enfiri qu'il étoit aussi à craindre qu'étant à la cour il fît faire une escapade à Monsieur, que s'il en étoit dehors.
Partant Sa Majesté résolut que, sans faire venir
M. le prince, il falloit s'assurer de la personne du maréchal d'Ornano.
Ensuite de quoi, le 4 mai, Sa Majesté; .étant à Fontainebleau, envoya quérir, à dix heures du soir; ledit maréchal, lequel étant arrivé dans la chambre de l'ovale, fut arrêté par le sieur du Hallier, capi- tâine des gardes qui étoit lors en quartier, et mené en la chambre où fut aussi arrêté le maréchal de Biron. En même temps on .envoya se saisir de la personnes ,de Chaudebonne qui fut mené en la chambre du Hallier et le lendemain ils furent tous deux conduits au bois de Vinçennes.
On commanda à la maréchale ,d'Ornano de se retirer de Paris ce qu'elle fit, et elle alla à Gentilly, où à quelques mois de là, il lui fut enjoint d'aller en une de ses maisons en Dauphiné ou en Provence; mais, étant tombée malade, Monsieur obtint du Roi qu'elle se retirât seulemerrt à trente lieues de Paris.
Modène et Déageant confidens dudit maréchal, furent mis en la Bastille, comme aussi Ma^argues et d'Ornano ses frères.
:On s'assura du Pont-Saint-Esprit, Tarascon, SaintAndré; du Pont-de-1'Arche et Honfleur places dont ledit maréchal avoit le gouvernement.
Ledit maréchal, étant dans le bateau dans lequel on le conduisit au bois de Vincennes, dit qu'il eût bien voulu que les cardinaux et les princes qui étoient cause qu'il étoit là, fussent en sa place.
Il manda à sa femme qu'elle n'eût point de peur qu'il n'avoit fait que ce qu'elle savoit.
Mais elle, ayant appris la nouvelle de sa prise, dit: Mon mari est mort.
Dit à Chaudebonne l« Vous témoignerez que je suis innocent, je sais que vous l'êtes aussi. »
Puis il dit « Je n'ai jamais que bien servi si j'avois voulu faire ce à quoi on m'a iconvié je mériterois .être ici o ce dont il est coupable pour n'avoir pas averti du dessein qu'il savoit qu'on tramoit au préjudice du Roi et de l'Etat.
M. le prince dit à Tronçon « Le colonel .est un fourbe et méchant; le Roi a bien fait de tâcher à le gagner par bienfaits mais il n'eut jamais su le faire et, ne le pouvant, il a eu raison, c'est un méchant vous verrez que, dans un mois, il accusera le tiers et le quart, qui n'étoit point de cette affaire. »
La douleur de M. de Vendôme en Bretagne fut visible, celle de madame la comtesse ne se put cacher. Ayant été trouvé une lettre de la colonelle à Monsieur, avec deux mémoires d'instructions, l'un comme il devoit vivre avec la Reine sa mère, l'autre avec le cardinal; d'abord que l'on montra la lettre à Monsieur, il s'écria qu'elle étoit fausse qu'il çonnoissoit bien l'écriture, que ce n'étoh?point d'elle, et en jura; que si on v ouloit condamner le colonel sur des lettres et témoins cela étoit bien aisé, vu qu'il avoit quantité d'ennemis et qu'on pouvoit feindre des lettres. Il redit tant de fois cela, que cela donna toute occasion de croire qu'il savoit bien qu'ils avoient écrit et parlé autrement qu'ils ne dévoient.
Modène dit que, trois mois avant la prise du maréchal il avoit prévu cet orage, et le lui avoit dit, ce qui est une assez bonne preuve qu'il y en avoit sujet. Monsieur témoigna avoir un grand ressentiment de la prise du colonel.
Il alla trouver le chancelier d'Aligre, qui s'excusa et dit que cela n'avoit pas été fait par son conseil mais quand il fut vers le cardinal pour lui en faire ses plaintes, il lui répondit courageusement que, non-seulement il ne nioit pas que le Roi ne lui en eût demandé son avis auparavant, mais que, s'il ne l'eût fait en une chose si importante il eût cru avoir sujet de le supplier de lui permettre de se retirer, puisqu'il n'eût pas témoigné avoir une entière confiance en lui
Que Sa Majesté lui ayant fait l'honneur de lui en parler, il le lui avoit conseillé comme une chose non-seulement utile, mais absolument nécessaire à sa personne, au repos de son Etat et au bien particulier même de Monsieur.
Il ne le mésestima pas de cette réponse mais sa mauvaise volonté contre lui s'augmenta croyant avoir été seul cause de cette action.
Nous avons vu ci-dessus que cette cabale étoit si grande, que, non-seulement les princés, les grands du royaume, les officiers de la maison du Roi, les princesses et les dames. de la cour de la Reine, et le parti huguenot, mais les Hollandais, le duc de Savoie, l'Angleterre et l'Espagne en étoient; son dessein à faire sortir Monsieur de la cour, non-seulement afin que, les armes à la main, il obtînt du Roi de grands avantages, mais, s.'il pouvoit, pour passer encore plus avant contre la personne du Roi; et de peur que Monsieur ne fut retenu par le mariage, il le dissuadait de se marier, et principalement avec mademoiselle de Montpensier, laquelle après la mort de M.. d'Orléans lui fut destinée.
Il s'opposoit au mariage de Monsieur avec mademoiselle deMontpensier, et y intéressoitM. le prince, feignant que Monsieur se marieroit avec sa fille et M. le comte, par l'espérance qui lui restoit d'épouser mademoiselle de Montpensier.
Tous les grands se joignoient facilement à eux par la légèreté ordinaire des Français le désir de changement et le déplaisir de voir l'autorité royale s'établir, et leur ôter la liberté de la violer impunément, comme ils avoient fait long-temps auparavant. Les huguenots; par l'expérience passée d'avoir toujours profité dans nos troubles.
Les Hollandais, par le déplaisir qu'ils avaient de la paix d'Espagne, et de ce qu'on avoit refusé de faireune ligue offensive et défensive avec eux. Le duc de Savoie, par le désir de se venger de l'offense qu'il prétendait avoir reçue au traité de la paix, qui avoit été faite sans lui.
L'Angleterre, par son infidélité seulement.
Et l'Espagne, par l'inimitié qu'elle nous porte et les intérêts de son ambition.
Et tous ensemble par la créance qu'un chacun d'eux avoit que cette faction étoit si puissante au dedans et si appuyée au dehors, qu'elle étoit capable de renverser l'État. Entre plusieurs avis que le cardinal donna au Roi pour anéantir cette épouvantable faction, un des principaux fut qu'il falloit diviser ceux qui étoient liés ensemble, et, quand ils seroient séparés, diminuer la puissance d'un chacun.
Le premier point fut le sage conseil que le duc de Plilan donna à Louis xi qu'à quelque prix que ce
fût il deyoit séparer les princes conjurés contre lui en la ligue du Bien Public
Que cette division se pouvoit faire, ou en réunissant quelques-uns véritablement au service du Roi ou les mettant tous en jalousie et soupçon les uns des autres.
Et parce que la personne laplus importante qu'ils avoient ou pouyoient avoir étoit celle de M. le prince il conseilla au Roi de lui permettre une entrevue avec mondit sieur le prince qui la demandoit, laquelle seroit capable de produire l'effet désiré. Sa Majesté l'eut .agréable, et lui manda à Limours, où il étoit lors, qu'ileût à entendre ledit seigneur le prince en tout ce qu'il lui youdroit dire, excepté pour ce qui concefnerpit son retour.
M. le prince ensuite vint à Lim.ou.rs, lui parla avec grand témoignage d'affection au service du Roi et soumission à sa volonté. Le cardinal lui donna des assurances de l'amitié du Roi et de la Reine en son endroit; qu'il n'a voit rien à craindre de Leurs Majestés, mais beaucoup à e.spérer;
Que, quant à lui, il n'osoit proposer son retour de peur de jalousie qu'il y avoit des ministres .dont l'humeur, par excès d'amitié et de bonté, étoit jalouse de ceux en qui il se confioit;
x Que le temps apporte les choses que l'on désire souventefois lorsqu'on y pense le moins.
Il répondit qu'il étoit content d'être où le Roi voudroit de là entrant sur les affaires, il dit son avis de tous ceux qui servoient le Roi en son conseil, les uns desquels il estimoit intéressés et les autres bien foibles. Il conseilla fortement d'achever le procès du maré-
Chai d'Ornano que c'étoit un coup de maître qu'il lui falloit donner des commissaires qu'il ne falloit point laisser un mal si grand impuni
Qu'il falloit bien traiter Monsieur, mais d'autre part aussi faire tout ce qui étoit de besoin,. afin qu'il n'y eût aucune faction en l'État, les rois devant la paix à leurs sujets.
Enfin il lui dit qu'il le' mésestimoit d'une seule chose qui étoit qu'il offensoit pour le service du Roi force gens puissans sans penser aux moyens de se garantir à l'avenir
Qu'il devoit avoir soin de s'établir, autrement il seroit vieux misérable et persécuté.
Ou, s'il ne vouloit cela, qu'il ne devoit choquer le monde. Et sur ce qu'il lui dit qu'après que le' Roi seroit hors de cette affaire il vouloit se retirer, illui répondit que l'État seroit perdu s'il. se retiroit; qu'il avoit mis les affaires en un point si glorieux qu'il étoit. nécessaire pour les y conserver et leur y donner un ferme établissement.
Il demeura à coucher à Limours et le lendemain à dîner; et, ne se pouvant lasser -de louer publiquement devant un chacun le cardinal, s'il lui est permis de dire la vérité en ce sujet auquel il est intéressé, il disoit qu'il y avoit long-temps qu'il avoit désiré son amitié; qu'enfin il étoit venu là afin qu'un chacun le connût, et que ses glorieuses actions, qui étoient si.connues d'un chacun que ses ennemis ne les pouvoient nier, et étoient au-dessus de toute envie l'y.. avoient obligé qu'il ne fut jamais un si grand ministre que lui dans cet État, ni si désintéressé qu'il en parloit sans flatterie et pour l'avoir lui-même
éprouvé car, depuis sa conduite, le Roi l'avoit tenu bas comme il avoit voulu
Qu'il étoit en état qu'on ne sauroit penser'qu'il en parlât autrement qu'il ne croyoit; qu'il avoit vu, dès l'entrée de son ministère dans l'Etat, qu'en l'affaire d'Italie et des Grisons il avoit préféré la gloire du Roi et la grandeur de l'Etat aux intérêts -de Rome; lesquels sa propre dignité l'obligeoit d'affectionner. Il pouvoit appréhender en cette action le blâme des zélés.inconsidérés les calomnies des écrivains; il avoit généreusement tout méprisé pour effacer la honte des autres. traités, et en poursuivre un qui fût honorable au Roi; il avoit fait le mariage d'Angleterre,-nonobstant toutes sortes de contradictions, pour donner un contre-poids à la grandeur d'Espagne. Quand les Anglais avoient voulu s'échapper et faire la mine de favoriser les huguenots, pour obliger le Roi à faire une ligue offensive pour le recouvrement du Palatinat, il les avoit si heureusement maniés qu'il s'étoit servi d'eux pour faire que le Roi donnât la paix aux huguenots, comme de maître à valet, et qu'il retînt des avantages que nul n'eût osé espérer. Dès que les Anglais avoient voulu abuser du bon accueil qu'on leur avoit fait pour se servir d'eux, il avoit fait glorieusement la paix d'Espagne, où il, avoit retenu les avantages que les Espagnols nous avoient ôtés, et leur avoit fait renoncer à ceux qu'ils avoient' poursuivis et sans lesquels ils avoient toujours dit.qu'ils ne concluroient jamais la paix Il avoitfait monter l'affaire des financiers au double de ce qu'on s'étoit promis, et si avec tout cela il n'avoit pointde soindesafortune, etne regardoitqu'auRoi. Si
Monsieur avoit été ébranlé par quelques mauvais cou- seils, aussitôt il y avoit pourvu courageusement, et n'avoit été retenu d'aucune considération de ses intérêts présens ou àvenir, qu'il n'eût fait tout ce qu'un grand et fidèle ministre pouvoit faire et partant qu'il étoit résolu de l'aimer quand même il ne voudroit pas. Il écrivit au Roi conformément à tout cela, et particulièrement qu'il ne pouvoit prendre un meilleur conseil que de s'assurer de la personne du maréchal d'Ornano, et qu'assurément l'affaire finiroit par un témoignage de sa bonté ou par une ouverte justice, bien qu'il n'ait besoin de justifier ses actions qu'à Dieu qu'il ne doute point aussi qu'il ne sache bien empêcher toutes factions contraires à son service, comme il y est obligé devant Dieu, dans lesquelles son nom ne sera jamais trouvé, car il demeurera à jamais à lui envers tous et contre tous, absolument et sans condition. Il l'offre, et lui jure sur la damnation de son ame, aujourd'hui qu'il a communié, et le supplie d'en prendre créance, et à toutes les autres choses que le cardinal lui a communiquées, lesquelles il lui dira qu'il s'en remet sur lui, et lui dira que ses avis se sont trouvés fort conformes aux siens ne désirant rien tant que de voir régner Sa Majesté absolument et que chacun. sous lui tienne sa partie il ne veut aussi oublier de témoigner à Sa Majesté qu'en quelque lieu qu'il soit il sera toujours très-content, pourvu qu'il soit assuré de ses bonnes grâces, comme il est maintenant, assurant Sa Majesté que, quand il voudroit, il lui seroit impossible d'en douter le lieu où il lui sera le plus utile est celui où il souhaitera toujours plus être, lui avouant pourtant
que, plus de près il pourra' faire voir ses actions à Sa Majesté, plus aura-t-il de contentement.
Si l'entrevue de M. le prince avec le cardinal eut. une si heureuse fin, le voyage que Monsieur fit le même jour vers ledit cardinal, ne fut pas d'un moindre fruitpour le service et le contentement du Roi; car il sut si bien dissiper les nuages des mauvais conseils que les factions lui avoient donnés, et si bien remettre et gagner son esprit, que, dès le jour suivant, 3i mai,. jour de la Pentecôte, il alla trouver le Roi et la Reine sa mère, et, leur ouvrant son cœur, leur fit la déclaration suivante, que, pour gage perpétuel de sa' fidélité, il désira' être signée d'e la main de Leurs Majestés et de la sienne.
Sur les divers artifices et desseins de plusieurs mal affectionnés à la paix, à Ja grandeur et à la prospérité de la maison royale, qui désireroient la troubler par ombrages, soupçons et défiances, et voudroient donner lieu, par ce moyen, à ceux qui prennent les espérances d'une imaginaire grandeur sur sa ruine, singulièrement à l'occasion des mauvais bruits qu'on a fait courir du mécontentement de Monsieur pour ce qui' s'est passé depuis peu en l'affaire du sieur maréchal d'Ornano, Monsieur, désirant faire voir au Roi la sincérité de ses actions et ouvrir francheinent son cœur devant Sa Majesté, ayant une pleine confiance de sa bonté, de laquelle dépend le comble de toute sa grandeur et félicité, a promis Sa Majesté, non- seulement de l'aimer, mais le révérer comme son père, son roi et souve- rain seigneur; le supplie très-humblement de croire qu'il n'ignore pas le mauvais dessein de ceux qui
aspirent à s'agrandir par leur division et ruine; mais qu'il aimeroit mieux mourir que d'y contribuerjamais par un seul désir et consentement, directement ou indirectement, en quelque manière que cesoit qu'il est tout résolu de ne se séparer jamais de sa personne, de ses intérêts ni de ceux de l'Etat, n'avoir aucune intelligence ni union qui puisse être préjudiciable à l'Etat, ni donner ombrage à Sa Majesté
Qu'il veut soumettre de bon coeur ses volontés et ses affections à celles de Sa Majesté, qu'il aura toujours pour règle et pour loi de ses actions;
Qu'il ne lui, sera jamais dit, proposé, ou suggéré aucun conseil de la part de qui que ce soit, dont il ne donne avis à Sa Majesté, jusques à ne lui taire point les moindres discours qu'on tiendra pour lui donner des ombrages du Roi et de ses conseils, afin que n'étant entre eux qu'un cœur et une amè, n'ayant qu'un même secret, et vivant ensemble avec une' telle confiance que nulle sorte d'artifice ne la puisse rompre, ils puissent franchement dissiper les desseins de ceux qui voudroient s'élever,par leur ruine. De quoi il prie la Reine sa mère de vouloir répondre pour lui, la suppliant très-humblement de croire qu'il accomplira de bonne foi ce qu'il promet en ses mains et en sa présence, comme devant un autel où il voit l'image vivante de celui qui punit éternellement les parjures, où il a devant les yeux la mémoire très-glorieuse du feu Roi, son très-honoré seigneur et père, et qu'il n'a ni ne veut avoir pensée, mouvement ni dessein aucun, qui ne tende à l'aimer, honorer et révérer comme une bonne mère; qu'il y
est obligé par toutes les lois et principalement par le ressentiment naturel qu'il a dans le cœur, qu'il exprimera toujours plus par effets que par paroles. Pour faire encore voir à Leurs Majestés comme il désire leur complaire en toutes choses., il leur promet d'aimer et affectionner sincèrement ceux qu'ils aimeront, et se conduire en sorte qu'on connoîtra qu'il les tient pour ses serviteurs et qu'il ne met point de différence entre ses propres intérêts et ceux du Roi; qu'il veut être servi par ceux qui sont auprès de lui, autant et plus que lui-même, leur commandant à tous d'avertir Sa Majesté si jamais il pensoit à faire le contraire de ce qu'il promet, et l'abandonner en ce cas; remettant, au surplus, à la bonté du Roi de traiter favorablement ledit sieur maréchal d'Ornano,, en considération de la supplication qu'il en a faite à Sa Majesté,.
Sur quoi il a plu au Roi de donner sa foi et parole royale à Monsieur, son frère, qu'il le tient et veut tenir, non-seulement comme son frère mais comme son propre fils qu'il sait et r econnoît très-bien, que sa sûreté gît principalement en sa personne, qu'il. tient, par inclination et par raison, comme la. moitié de soi-même protestant devant Dieu qu'il consentiroit plutôt à recevoir du mal que de souffrir jamais qu'il lui en fût fait; qu'il connoît bien le dessein de ceux qui les voudroient voir en division ne tendre qu'à profiter- de leur perte; à quoi il sait n'avoir pas de plus assuré remède que d'aimer, chérir et affectionner Monsieur, son frère, comme celui sur lequel .il veut appuyer sa maison et la conservation de sa propre personne
Qu'il ne saura jamais, par rapport ou autrement, aucune chose qui le regarde, dont il ne lui donne avis, et qu'il ne lui dise franchement, afin qu'il nè puisse arriver entre eux aucune mauvaise intelli-' gence qu'il ne prendra jamais ni ne souffrira qu'on. lui donne aucun conseil contre le bien, l'avantage et la sûreté de Monsieur, qu'il veut aimer et chérir plus que jamais, sans que, par aucune voie que ce soit, il puisse changer de cœur ni d'affection envers Et pour étreindre cette union si sainte, si néces- saire à l'État et à la maison royale, il prie de toute son affection, la Reine sa mère d'intervenir, pour demeurer entre eux comme le vrai et l'unique bien de leur amitié indissoluble, et répondre, en qualité de mère de la sincérité avec laquelle Sa Majesté. gardera ce qu'il lui plaît promettre;
Désire en outre Sa Majesté, et commandé à ceux desquels elle se sert en ses plus importantes affaires et sur lesquels elle a toute confiance, qu'ils l'avertissent franchement s'ils s'aperçoivent que, par quelque mal- heur il vînt à se départir d'une si sainte résolution; leur commandant de n'avoir en cela autre but que de servir à l'amitié et très-étroite union avec Monsieur, son frère, laquelle Sa Majesté dépose entre leurs mains, pour avoir un soin très-exact de l'entretenir, et contribuer tout ce qui leur sera possible pour l'accroître.
Après ces promesses la Reine, joignant avec larmes sesmainsau ciel; et priantDieu pou'rl'union, grandeur ét félicité de ses deux enfans les a conj urés au nom de Dieu et par les plus tendres affections dé la nature
de vouloir être toujours bien unis, sans donner lieu s aucun soupçon ni défiance, et de vouloir s'entr'aimer cordialement et avec sincérité; leur protestant que c'est la plus grande joie qu'elle puisse jamais recevoir au monde, sans laquelle elle ne sauroit passer sa vie qu'avec toute sorte de misère et de déplaisir; qu'au contraire ils la combleront de bonheur qui leur apportera toute sorte de bénédictions, s'ils sont soigneux de garder inviolablement leur foi et leur parole, dont, comme mère elle se charge, et en répond à tous les deux réciproquement, désirant passionnément qu'ils croient que celui d'entre eux qui viendroit à manquer lui abrégeroit ses jours, desquels elle ne désire l'usage que pour les voir heureux et contens.
Leurs Majestés et Monsieur ayant juré ce que dessus sur les saints Evangiles, il leur a plu de signer l'écrit en témoignage de leur étroite union, et pour assurance qu'ils veulent inviolablement observer ce qui est porté en icelui. Fait à Paris, ce dernier de mai, fête de Pentecôte 1626. Ainsi signé, Louis, MARIE, GASTON.
Le lendemain, qui étoit le premier jour de juin, le Roi envoya demander les sceaux au chancelier d'Aligr e qui n'avoit pas osé soutenir à Monsieur la justice du conseil de Sa Majesté sur l'arrêt du maréchal d'Ornano, et les bailla à Màrillac, qui avoit la charge de ses finances le cardinal le lui ayant conseillé pour la réputation de probité où il étoit, et son ancienneté dans le conseil-
Cela fait, parce que le duc. de Vendôme se trouvoit bien avant et des premiers dans la cabale dudit.
maréchal, et essayoit de se fortifier en Bretagne et la soustraire du service du Roi, Sa Majesté se résolut de partir de Paris pour y aller, et là se saisir de sa personne, au cas qu'il ne vînt point la trouver sur le chemin.
Sa Majesté étoit déjà partie, et le cardinal étoit allé, quelques jours auparavant, prendre les eaux en sa maison de Limours.
Le grand-prieur qui connoissoit sa conscience chargée, et soupçonnoit sa perte et celle de son frère, se résolut d'aller le quérir en poste et l'amener par le chemin.
Il passa par Limours pour voir s'il connoîtroit point le dessein du Roi mais le cardinal prit une conduite qui lui étoit ordinaire, et telle qu'il lui fut impossible de rien connoître; car il ne fit point semblant de reconnoître qu'il eût peur,'aussi peu de s'apercevoir,que, par une fausse hardiesse il voulût prétexter une innocence pour son frère et pour lui, en venant franchement trouver le Roi.
Le grand-prieur lui disant qu'il alloit quérir son frère, il ne lui dit jamais qu'il faisoit bien ou mal, parce qu'il voyoit bien qu'ils ne pouvoient se sauver, ou résister à la puissance du Roi, quand ils fussent demeurés en Bretagne, et qu'il estimoit beaucoup meilleur que Sa Majesté eût cette peine de les aller quérir jusque-là,' où aussi bien falloit-il qu'elle allât quand elle les prendroit par chemin, que de leur donner prétexte de dire qu'on lés eût attirés par de belles paroles, trompés et pris sur de belles espérances. Est à noter que, dès qu'on commença à s'apercevoir de la faction dont il étoit question, Sa Majesté se
résolvant de la dissiper fut conseillée de dire au grandprieur un discours que le duc de Vendôme son frère avoit fait en Bretagne, qui aboutissoit à dire qu'il ne verroit jamais le Roi qu'en peinture. On prévit bien que le grand-prieur, entendant ces paroles en un temps où la faction n'étoit pas prête à jouer son jeu, seroit contraint de supplier le Roi de trouver bon que son frère se justifiât de ce.discours, et que, pour cet effet, Sa Majesté trouvât bon qu'il le vînt trouver. II arriva ainsi qu'on l'avoit jugé; et nonseulement le grand-prieur fit-il cette supplication au Roi, mais le duc de Vendôme, en ayant eu avis par lui, dépêcha; un courrier, et écrivit uue lettre pleine de belles; protestations, et conforme aux discours de son frère.
Le Roi fit une réponse au grand-prieur, par laquelle son frère ne pouvoit éviter de le venir trouver, si ouvertement il ne se déclaroit coupable; car Sa Majesté 1'ni dit qu'il demandoit permission que ledit sieur' de Vendôme vînt s.e. justifier; que cela étoit inutile que Sa'Majesté ne le désiroit point, étant tel qu'elle ne vouloit pas honorer de sa vue ceux qui ne désiroient pas de la voir.
Tarit plus le Roi témoignoit ne désirer pas,la. venue du duc de Vendôme, plus son frère en pr.essoitil,la permission. Sur; quoi Sa Majesté lui dit enfin que, s'il avoit dit ce qu'on lui avoit rapporté, il lui mandât qu'elle ne désiroit point qu.'il vînt, puisqu'en ce cas il ne la vouloit pas voir; s'il ne l'avoit point dit, qu'il fît ce qu'il, v.oudroit, Tel discours l'obligeoit à yenir par nécessité, puisqu'autrement il se fût déclaré coupable, au lieu qu'il, se tenoit fort innocent.
Le duc de Vendôme, ayant vu la prise du colonel,. se trouva fort en peine de s'être engagé à venir trouver le Roi, tant par ses lettres que par la réponse de Sa Majesté à son frère. Il commença à s'en excuser par lettres et prendre prétexte de- demeurer eu la province sur l'accident arrivé pour, empêcher qu'il n'yarrivât aucun trouble,; mais comme ils virent le Roi parti pour aller à Blois., ils se doutèrent bien que leRoi alloit plus lois, et se résolurent à. faire de néces-sité vertu..
Ils arrivèrent le i du mois, et furent arrêtés dès le 12. Le cardinal n'avoit pu encore joindre le Roi mais. il arriva le même jour de leur prise.
M. de Vendôme, aussitôt qu'il fut pris, dit aumarquis de Mauny « En quel état estMonsieur ? Estil arrêté ou non ? » Demande qui faisoit bien connoîtrequ'il y avoit quelque intelligence entre eux, qu'ils reconnoissoient de leur part être cr.iminelle.. En l'absence du cardinal on avoit conseillé à Sa Majesté de mander à M.le comte qu'il sortît de Paris, et à madame la comtesse qu'elle. se retirât en l'une de ses maisons.
Le cardinal fit changer ce conseil, pource qu'il eslima que ce commandement donneroit lieu à M. le comte de faire ce qu'il. désiroit le plus qui étoit de s'éloigner de la cour en laquelle il appréhendoit de se trouver par la connoissance qu'il avoit de l'union qu'ils avoient tous faite au préjudice de leur devoir; Que les ennemis du repos public diroient qu'on prenoitcertains princes, qu'on éloignoit ceux du sang, et par là tâcheroieht de faire croire aux plus grossiers que ce qui étoit justice étoit pure violence
Qu'il valoit beaucoup mieux donner sujet à M. le comte de demeurer avec honneur à Paris, où il ne pourroit mal faire quand il le voudroit, que de l'en éloigner, vu que, par là tout le monde reconnoîtroit la bonté extraordinaire du Roi et le respect qu'il portoit à son sang, en ce qu'il dissimuleroit la faute de M. le comte, et ne chercheroit autre voie pour le remettre en son devoir que celle de l'honneur et des bienfait.
Le Roi agréa cette proposition, qui fut exécutée avec tant d'heur que le conseil de M. le comte en fut surpris et étonné et ceux mêmes qui étoient les plus aigres avouèrent la conduite de Sa Majesté aussi pleine de bonté que de prudence.
Sa;Majesté continua son voyage; le maréchal de Schomberg demeura malade à Blois de la goutte le cardinal s'en alla à Richelieu et M. le garde des sceaux visita messieurs de Vendôme pour voir s'ils y voudroient décharger leur conscience et reconnoître si le Roi leur devroit pardonner, par leur in génueconfession, les fautes qu'il savoit assez d'ailleurs. Ils re;fusèrent au commencement de répondre; mais enfin ils répondirent, pour cacher avec d'autant plus d'artifice ce qu'ils savoient, qu'ils protestoient ne rien oublier en leurs réponses.
Le Roi poursuivoit son voyage; et ayant appris, par le chemin, diverses nouvelles des mauvais desseins auxquels certains esprits vouloient porter Monsieur contre son propre bien, il manda par trois fois au cardinal qu'il se hâtât de le venir trouver.
Sa Majesté étant arrivée à Nantes, et ses serviteurs l'y ayant jointe, elle leur dit le mécontentement qu'elle.
avoitde Chalais et les avis qu'elle avoit de ses menées. Dès Paris, Chalais s'étoit offert au cardinal de Richelieu de servir le Roi auprès de Monsieur; le commandeur de Valençai lui avoit porté parole de sa part, et depuis il l'avoit confirmée de vive voix.Il promettoit donner avis des mauvais conseils qu'on donneroit à Monsieur, et te temps et les moyens qu'il faudroit suivre pour y remédier.
Il avoit eu d'abord cette intention; mais il en fut détourné de telle sorte par un amour auquel il s'embarqua (1), qu'au lieu de satisfaire à ses promesses il faisoit le contraire; il servoit lui-même de conseil et d'instrument pour porter Monsieur à se séparer de la cour, et troubler le repos de la France au lieu d'en conserver la paix.
o Le cardinal, ayant connu cela, le fit sommer plusieurs fois de sa parole mais, voyant que ses effets n'y correspondoient pas, il le fit avertir par le chevalier de Valençai qui étoit le premier qui lui avoit parlé.de sa part, de n'estimer plus avoir sûreté à la cour sur la parole dudit cardinal;
Que le Roi étoit fort mal content de lui, et qu'indubitablement, s'il ne changeoit de procédé, il étoit au chemin de se perdre.
Rien ne put détourner ce pauvre gentilhomme aussi étoit-il trop embarqué car d.éjà il avoit envoyé La Louvière, un sien domestique, vers M. de La (1) Par un amour auquel il s'embarqua Chalais aimoit, comme on l'a dit, madame de Chevreuse. Il fut trahi par Louvigny, l'un de ses amis les plus intimes qui étoit amoureux de la même dame et n'en étoit pas bien traité. On prétend que Richelieu, épris lui-même de madame de Chevreuse, fut plus disposé user de rigueur contreWi rival heureux.
Valette, et le sieur d'Obazine étoit parti pour aller vers M. d'Epernon pour le même effet.
Le Roi, voyant son obstination à faire tout le contre de ce qu'il.lui avoit promis, le fit arrêter, et incontinent après fit expédier une commission du grandsceau, le 8 juillet, par laquelle il commit le garde des 0 sceaux Marillac pour informer des faits de conjuration, faction et soulèvement d'Etat, et autres crimes de lèse-majesté dont il étoit accusé, prenant avec lui Beauclerc, secrétaire d'Etat pour faire et parfaire le procès. aux coupables pour les procès instruits, et, en état de juger, être pourvu de tels juges que Sa Majesté verroit bon être.
Ensuite de cela Sa Majesté fit expédier des lettres, audit mois contenant l'érection d'une chambre de justice criminelle pour le jugement desdits procès lesquelles furent enregistrées au parlement de Rennes le 5 août, et le to autres lettres encore, contenant la commission et pouvoir des juges de ladite chambre, lesquels elle choisit de la plus grande réputation de probité qui fussent en sa cour de parlement de Bretagne et en son conseil, pour vaquer avec le garde des sceaux ladite commission.
Elle choisit de sa cour de parlement les sieurs de Cussé et de Bry, premier et second présidens, Des-càrtes et Hay, doyen et sous-doyen, et autres conseillers de son conseil d'Etat, les sieurs Fouquet, Machault et de Criqueville.
Attendons ce que feront les juges travaillant au procès de Chalais, et voyons cependant. ce qui se passe aux Etats de Bretagne, dont le Roi fit l'ouverlyre le lendemain 1 juillet.
Après que le Roi eut dit trois ou quatre paroles, il se remit à ce que le garde des sceaux leur déduiroit particulièrement de sa part.
Il leur dit que deux sujets menqient le Roi en cette province: l'un pour les voir, qui lui étoit chose très-agréable, l'autre, qui lui étoit plein de douleur, qui étoit pour prévenir les orages qui sembloient menacer cette province de désolation.
Il conclut en demandant une assistance extraordinaire pour le Roi en ses besoins extraordinaires. Le lendemain de l'ouverture des Etats les lettres de provision du gouvernement de Bretagne en faveur du maréchal de Thémines furent présentées et enregistrées; ils accordèrent libéralement au Roi une subvention extraordinaire. Et pource qu'à cause de la maison de Penthièvre dont madame de Vendôme est descendue ledit sieur de Vendôme avoit des prétentions, bien que clairement fausses et injustes, sur la Bretagne, à raison desquelles il s'étoit laissé emporter à l'exemple de M. de Mercure son beau-père, à s'y vouloir fortifier contre le Roi, les Etats supplièrent Sa Majesté qu'elle commandât que les fortifications non nécessaires de plusieurs villes et châteaux qui lui appartenoient en Bretagne fussent démolies; ce que Sa Majesté.leur accorda, et fit en- suite depuis raser Ancenis, Lamballe et quelques autres places.
Pendant sa prison, Monsieur qui étoit continuellement sollicité de la part de ceux qui étoient à Paris, de sortir de la. cour, méditoit sa retraite. On lui proposoit que, pourvu qu'il sortît de la cour-, (1) M. de Mercure NI. de Mcrcœur,
c'étoit assez à un homme de sa qualité pour faire un parti. Le déplaisir qu'il avoit de la poursuite de Chalais et de la découverte qu'on avoit faite de ses desseins lui faisoit prêter l'oreille à tout ce qu'en un autre temps il eût bien jugé n'être pas faisable. Enfin, pressé de ceux qui, sous prétexte de le vouloir servir, cherchoient leur salut dans sa perte, il se résolut de sortir.
Le cardinal étoit retiré pour ses incommodités à deux lieues de Nantes, en une maison nommée La Haye, où la veille de son parlement, il l'alla voir pour tâcher de découvrir de lui s'il étoit vrai qu'on eût quelque dessein de passer en l'affàire de Chalais plus avant que sa personne.
Le cardinal, jugeant son dessein par ses inquiétudes, prit la hardiesse de lui dire qu'assurément il avoit quelque chose en la tête, et prit occasion sur ce sujet, de lui faire voir le dessein que plusieurs, par cette voie, prenoient pour le perdre; qu'il n'y avoit salut pour lui qu'auprès du Roi; que sa personne étoit si nécessaire au Roi, qu'il étoit impossible qu'il pût penser à chose, qui lui pût être préjudiciable; que l'intérêt de la Reine sa mère, qui alloit à les conserver tous deux le devoit assurer; qu'il n'y avoit homme au monde qui dût ni pût, par raison donner aucun conseil contre lui, ni qui pût être assez hardi pour le pouvoir faire.
Sur cela, sans rien dire, il changea de dessein, comme il confessa depuis.
Cependant Monsieur fit nouvelles instances pour son apanage, à même, fn encore qu'il les faisoit à Blois car son esprit avoit été si débauché par' le co-
lonel Chalais, le grand-prieur et les autres de la cabale, que quelque bon dessein qu'il fit de vivre avec le Roi comme il devoit, il lui venoit toujours quelque pensée contraire à une heure de là; et Puylaurens et Boistalmet l'y fortifioient, jusque-là que le président Le Coigneux avertit le cardinal qu'ils s'engageoient à faire un manifeste contre lui Que l'esprit de Monsieur ne se guérissoit point, et qu'il témoignoit toujours en particulier lui vouloir grand mal, et qu'il ne lui pardonneroit jamais. Monsieur, étant en cette disposition-là, en faisant paroître une tout contraire, vint, le 23 juillet, voir le cardinal en févêché de Nantes où il étoit logé et après lui avoir fait plusieurs protestations de vouloir honorer et obéir à la Reine sa mère, lui dit que c'étoit maintenant tout de bon; qu'il étoit vrai que celle qu'il avoit faite par le passé n'avoit été que pour gagner du temps et que même la dernière fois qu'il lui avoit parlé, il avoit fait semblant d'avoir du mal, et le lui avoit dit en grande confiance, encore qu'il ne fût pas, parce qu'il avoit une extrême aversion du mariage, non à cause de la personne de mademoiselle de Montpensier mais, en général parce qu'il appréhendoit de se lier. Ensuite il prioit le cardinal d'assurer qu'il se marieroit quand on voudroit, pourvu qu'on lui donnât son apanage en même temps.
Sur quoi il dit que feu M. d'Alençon avoit eu trois apanages, savoir est le premier qui valoit cent mille livres de revenu; le second, celui du roi de Pologne, quand la couronne de France lui échut par la mort du roi Charles et le troisième, une augmenta-
tion qui lui fut donnée pour lui faire poser les armes. Sur cela le cardinal lui dit qu'il ne falloit pas prendre pied sur ces apanages, et qu'il y avait une considération particulière en son fait, qui n'empêcheroit pas le Roi de lui en donner un bon, bien qu'elle pût porter à ne le faire pas: s'enquérant soigneusement de ce que c'étoit, le cardinal lui dit que l'intention du feu Roi étoit qu'on lui donnât de grosses pensions, mais non pas un apanage, comme on avoit donné aux autres enfans de France. Il demanda si cette volonté du feu Roi étoit signée; le cardinal lui répondit que non, et que le Roi ne s'en vouloit servir. Ensuite de cela il lui dit force belles paroles pour l'assurer de son amitié; auxquelles le cardinal répondit avec le respect qu'il devoit. Etant parti d'avec lui, Le Coigneux lé vint trouver, et lui demander de sa part, pour apanage, l'Orléanais, le pays chartrain le Blaisois et la Touraine. Sur quoi le cardinal lui répondit qu'il ne falloit point qu'il espérât cela, la raison ne permettant pas un si grand apanage; que s'il le proposoit il se ruineroit auprès du Roi; qu'il estimoit que si Monsieur avoit l'Orléanais et le pays chartrain il devoit être content; toutefois qu'il ne rendroit autre réponse, sinon qu'il parleroit au Roi de ce que Monsieur lui commandoit.
Le cardinal en traita avec le Roi, qui eut agréable d'avantager Monsieur en son apanage tant qu'il pourroit; mais sur le fait du mariage, lè cardinal n'en voulut pas donner son avis il représenta seulement à Sa Majesté, en son conseil, toutes les raisons pour et contre, et lui fit le discours qui s'ensuit:
Pour ne faire pas ce mariage, on peut considérer l'intérêt du Roi, celui de Monsieur ou celui des princes du sang.
Pour le Roi, on peut dire que si Monsieur a des ° enfans il sera plus considéré que Sa Majesté Qu'il prendra une forte' liaison avec les princes qui entreront en l'honneur de son alliance ce qui lui donnerait diverses pensées dans le royaume pré-" judiciaires au repos de l'Etat et au bien du service de Sa Majesté.
Pour Monsieur, on peut considérer
L'imagination, quoique vaine, d'une meilleure fortune, dans laquelle on pourroit avoir pour lui des pensées d'une alliance plus haute.
Pour l'intérêt des autres princes du sang, il est évident à ne le faire pas, tant, parce que moins y auroit-il d'espérance que le Roi ou Monsieur aient- des enfans, lilus en auront-ils à la couronne, que parce aussi due, ce mariage rompu, il va directement à M. le comte qui, par ce moyen, augmentera beaucoup en autorité, en biens et en liaisons d'hommes et de gouvernemens considérables.
Pour le faire il faut considérer à l'opposite l'intérêt du Roi, celui de Monsieur, celui des princes et, de plus, celui de la France.
On a ouï dire à M. d'Epernon que le feu Henri m n'ayant point d'enfans c'étoit une'question du temps, savoir s'il devoit laisser marier M. le duc- d'Alençôivou non.
La plupart estimoient qu'un tel mariage étoit désavantageux au Roi, pour les mêmes raisons qui étoient appuyées, alors par les uns à bonne intention,
et par les autres comme partisans de ceux qui vottloient la ruine de la maison royale.
Lui, au contraire, disoit au Roi qu'un tel mariage ° lui étoit nécessaire, parce que si Monsieur avoit des enfans, cela ôteroit tout lieu aux étrangers de penser à la couronne, et par conséquent de faire aucun attentat sur les personnes royales.
Cependant le conseil de la plus grande part prévalut et, comme l'on sait, les deux frères finirent sans enfans, Monsieur le premier, après quoi fut commis le misérable attentat contre le feu Henri m. Lorsque M. le prince voulut faire aller Monsieur aux armées de Languedoc conjointement avec Sa Majesté, elle en fut divertie par cette considération, que l'assurance de l'un dépendoit de la conservation de l'autre.
Qui plus est, si le mariage ne se fait pas on laisse Monsieur en l'état de pouvoir écouter et entretenir des négociations en pays étrangers sous prétexte de mariage ce qui pourroit être avantageux pour lui mais non pour le Roi ni pour l'Etat.
On le laisse en outre en état de penser au mariage de la fille de M. le prince, qui seroit de bien plus périlleuse conséquence que celui qu'on veut faire à présent.
L'intérêt de. Monsieur se trouve en ce mariage, à raison de la sûreté qu'il lui apporte par les enfans qu'il en peut avoir.; mais autrement il semble n'y être pas, vu qu'il le prive de plus grande espérance de liaison tendante à négociations. qui pourroient diminuer le repos et la tranquillité du Roi et de l'Etat. L'intérêt des princes du sang ne s'y rencontre pas
d'autant qu'il les éloigne de la ligne, royale et empêché qu'ils ne se fortifient par des liaisons préjudiciables.
L'intérêt de la France y est évident, parce que, si. l'exemple de ce qui est arrivé au roi Henri III a lieu, ce mariage assure la personne du Roi, ôte le sujet de'craindre apparemment que cette couronne passe en une autre main'que celle de la ligne royale arrête les desseins des uns affaiblit les pensées des autres et, ôtarit toute occasion d'entreprise, conserve et affermit la paix.
Le Roi a besoin de grande prudence pour se ré- soudre sur ces diverses considérations car tel lui dissuadera le mariage sous prétexte de l'intérêt de Sa Majesté représenté ci-dessus qui le fera pour favoriser Monsieur son frère, lui donnant lieu de penser à une alliance étrangère, ou à celle de M. le prince, ou l'en dissuadera aussi peut-être pour favoriser M. le prince, ou par haine de la maison de Guise; tel aussi le fera innocemment et sans mauvais dessein.
Il se pourra faire aussi que, comme quelques-uns. le conseilleront sincèrement pour assurer la' personne du Roi et pour le salut de l'État d'autres encore le conseilleront pour rendre Monsieur plus considérable pour l'alliance qu'il prendra', et par les enfans s'il vient à en avoir.
Ceux qui seront dépouillés de passion, et n'auront devant les yeux que l'intérêt du Roi, appréhenderont tellement les calomnies ordinaires et les événemens incertains, qu'on ne' doit pas trouver mauvais si, en une affaire sidélicate, ils suspendent leurs jugemens.
Sa Majesté sait que, pour ces considérations, je n'ai jamais voulu lui donner aucun conseil en cette affaire, parce que à vrai dire il y a des inconvéniens à craindre, soit à faire le mariage, soit à ne le faire pas. Cependant il y a deux raisons pour lesquelles on peut juger que le Roi tirera avantage du mariage. Tandis que Sa Majesté n'aura point d'enfans, elle ne peut être assurée en son Etat contre les diverses pensées de ceux qui voudroient voir la fin de la maison royale, que par la conservation de la vie de Monsieur et d'autant que la vie d'une personne est incertaine, cette assurance ne sera point entière que lorsque Monsieur aura des enfans, puisque, en ce cas, il est difficile qu'on puisse faire des desseins pour venir à une succession où il y a plusieurs têtes. Outre cela, tant que le Roi et Monsieur n'auront point d'enfans, Sa Majesté sera.contrainte de souffrir de Monsieur tout ce qu'il voudroit faire vu que de sa conservation dépend la sûreté du Roi, au lieu que s'il a une fois des enfans quoique au berceau ils assurent Sa Majesté, et Iui donnentlieu de retenir salis crainte Monsieur dans les termes de son devoir, au cas qu'il s'en éloignât; ce qui n'est pas un petit avantage, puisque eu ce cas Sa Majesté pourra vivre eh maître sans qu'aucune considération l'en empêche. Il y a encore une raison considérable entre plusieurs autres, que j'ai ouï plusieurs fois dire à Sa Majesté lui avoir fait prendre la résolution de faire ce mariage c'est qu'il y a eu d'assez méchantes ames pour porter aux oreilles de la Reine que les rois, non plus, que les autres hommes, n'étant pas assurés de vivre longuement, elle devoit considérer Monsieur
comme une personne qu'elle pourroit épouser (0, si le malheur de la France nous privoit de celle du Roi, et devoit par conséquent empêcher qu'il ne se mariât. Bien qu'il n'y ait personne qui ne croie que la Reine n'a pas plutôt ouï cette proposition qu'elle ne l'ait condamnée comme diabolique, si est-ce toutefois que j'ai souvent ouï dire au Roi qu'il seroit .bien aise de fermer la porte à telles imaginations par le mariage de Monsieur, son frère, auquel il témoignoit aussi se porter pour les considérations suivantes
Que ce mariage sépare Monsieur et M. le comte qui espère maintenant épouser mademoiselle de Montpensier par le moyen de Monsieur, qui lui a promis de la refuser exprès pour la lui faire avoir; Qu'il ôte à M. le prince l'espérance de la couronne, laquelle il regarde ouvertement, ayant témoigné plusieurs fois croire et espérer certainement qdil la posséderoit un jour;
Que Sa Majesté aime beaucoup mieux, s'il ne doit point avoir d'enfans que la couronne aille un jour aux enfans de Monsieur qu'à ceux de M. le prince; Que si Monsieur en a le premier, le Roi les fera nourrir auprès de sa personne, ce qui lui donnera quelques sûretés des comportemens de Monsieur Que mademoiselle de Montpensier se sentira tellement obligée au Roi, qui aura vaincu toutes les difficultés qui auront été faites de la part de Monsieur en ce mariage, qu'elle n'oubliera rien de ce qu'elle pourra pour faire que Monsieur se gouverne bien avec lui. (1) Comme une personne qu'elle pourroit épouser. Madame de Motteville raconte qu'Anne d'Autriche, accusée d'avoir eu Icprojet d'épouscr Monsieur si Louis XIII mouroit, répondit fort irritée: « Je gagnerois trop peu au change.
Tout ce que je crains est que, bien que M. le comte espère le mariage pour fruit de l'union qu'il a avec Monsieur, je ne juge pas toutefois que, quand il sera privé de son attente en ce point, il se sépare tout-à-fait de Monsieur, vu qu'il n'y est pas attaché par cette seule considération mais encore par les intérêts de M. de Vendôme et particulièrement du. grand-prieur ce qui fera que, bien que dans son coeur il se tienne offensé de Monsieur à raison du mariage, il n'en fera pas semblant, et ne laissera pas de porter Monsieur aux extravagances qu'il pourra, pour montrer que c'est l'intérêt de ses amis et non le sienqui le pique.
Or, si Monsieur s'en va étant marié, bien que son mariage ne soit pas cause de cette faute et au contraire, fût plus capable de la commettre n'étant pas marié, beaucoup de gens le croiront et le publieront ainsi, et estimeront que la résolution que le Roi aura; prise touchant son mariage sera mauvaise, le vùlgaire voulant que les événemens et les succès justi-.fient les conseils.
Les judicieux auront beau voir que, si le mariage ne se fait point, Monsieur ne fera pas moins une escapade, et n'en sera pas moins puissant et moins fort; cette raison ne répondra pas à l'opinion commune du vulgaire, dont les jugemens sont appuyés sur ce qui paroît et sur les sens, et non sur la raison.
Partant ceux qui auront publié le mariage mauvais, soit selon leur conscience ou par inalice auront sujet de calomnier, non-seulement ceux qui l'auront conseillé., mais. aussi ceux qui ne s'y seront. pas opposées.
Après tout cela il ne reste rien qu'à espérer que D Dieu, qui seul ne se peut tromper en ses lumières, inspirera dans l'esprit du Roi ce qui est le plus expé- dient pour sa personne et pour son Etat.
Après ce discours, le cardinal en ayant reçu un autre qui lui étoit adressé, contenant les raisons qui en devoient détourner le Roi, il le donna à Sa Majesté, et Je lui fit lire par le sieur d'Herbaut secrétaire d'État, et en prit acte signé dudit d'Herbaut.
Le Roi, après l'avoir ouï lire, se résolut, pour l'affection qu'il avoit à Monsieur, de faire ce mariage nonobstant tout ce qui l'en pouvoit dissuader. Mais, pource qu'à ce mariage, comme nous avons -vu ci-devant, il y avoit beaucoup d'oppositions de la part de plusieurs personnes intéressées, et toutes avec mauvais dessein il y falloit mettre ordre particulièrement.
Aucunes-de ces personnes-là étaient auprès du Roi qui l'en dissuadôient d'heure à heure..
Les autres étoient auprès de Monsieur, qui l'ënéloignoient aussi.
Les principaux de ceux qui agissôient vers- Monsieur étoient déjà arrêtés 5 savoir est le maréchal d'Ornano, messieurs de Vendôme et le grand-prieur et Chalais.
Il restoit encore madame de Chevreuse M. le comte et autres princes, mais il n'y avoit que madame de Chevreuse à la cour; car, quant à Puylaurehs et Boistalmet ils étoient trop foibles pour agir sans être appuyés de puissances plus grandes.
Ceux qui gagnés par la faction trompèrent le Roi, et par toutes sortes- d?artifices et de faux rapports
essayèrent de lui donner des ombrages de ce mariage, étoient, principalement Tronçon lVIarSillac et Sauve- 0, terre, qui étoient d'autant plus dangereux instrumens, qu'ils étoient continuellement proches de la-personne du Roi, et qu'ils avoient attiré Baradas à leur cordelle. Il fut jugé absolument nécessaire, pour achever ce mariage, d'éloigner ces petites gens-là d'auprès Sa Majesté, qui abusoient si insolemment de son oreille, et travailloient son esprit sur les choses qu'il avoit résolues.
Dès Blois le cardinal s'aperçut de leurs menées et envoya au Roi un avis qu'on lui avoit donné de Paris, par lequel on lui mandoit que Tronçon et Marsillac, pour parvenir à leur fin, agissoient contre lui, et vouloient gagner Baradas.
Le Roi, se fiant en Baradas, lui montra le billet; Baradas, au lieu de faire profit de cet avis qu'on avoit donné ingénument tel qu'on l'avoit reçu dit à Tronçon que le, cardinal lui avoit fait un mauvais office ensuite de quoi Tronçon travailloit contre le cardinal avec plus de soin.
Or; que Baradâs ait commis cette infidélité envers le Roi, de découvrir à Tronçon ce que le Roi avoit communiqué touchant ce billet il est bien évident par la méprise que fit ledit Baradas car croyant que ce Marsillac, qui étoit nommé dans le billet, fût lVIarsillac qui étoit au cardinal, il l'envoya quérir; et, après avoir tiré serment de lui qu'il ne parleroit jamais de ce qu'il lui diroit il se voulut piquer contre son maître, et lui dit qu'il se méfioit de lui comme d'un homme qui le trahissoit auprès du Roi.
Baradas n'avoit pas toujours étébien avec Tronçon,
contre lequel le Roi fut une fois en grande colère pour ce que Baradas lui avoit rapporté qu'il lui avoit voulu faire faire des affaires sans le su de Sa Majesté mais cette cabale les réunit, et Buhy étoit l'instrument entre eux qui portoit les paroles de l'un à l'autre. Depuis ce billet ils se tinrent encore plus étroitement liés, et, poussèrent davantage à la roue, et crurent en être venus si avant qu'ils n'attendoient plus que le temps commode à faire éclore leur malice, et s'en tenoient si assurés que presque ils ne s'en: cachoient plus.
Ropré, ordinaire du Roi ouït Sauveterre chez Tronçon lui dire qu'il leur falloit courageusement poursuivre leur pointe contre le cardinal, et le faire chasser; et Louvigny dit clairement à Bernard qu'il le feroit chasser dans trois jours.
L'official de Sens, nommé Marc, dit à Paris au Terac, conseiller au présidial de Lyon, que, s'il avoit des affaires avec le cardinal, il en sortît bientôt, parce qne, dans peu on l'enverroit à Rome et la Reinemère en Italie.
Cet homme étoit toujours chez madame la princesse la n:ère qui l'envoyoit quérir souvent la nuit mente pour traiter avec lui sur les avis qui lui arrivoient.
Le commandeur de Valencai dit à Nantes au cardinal qu'ils tenoient sa ruine assurée; ce qu'il savoit de la part de Puisieux, dont il avoit toujours été confident, ponrce qu'il lui avoit mandé fraîchement qu'ils avoient trouvé moyen d'ouvrir l'oreille du Roi contre le cardinal.
Ensuite de quoi ils le pousseroient vivement et la
• Reine-mère aussi, laquelle ils ne pensoient rien moins que d'éloigner et faire-aller en Italie ce, qui étoit bien aise à croire de telles gens, qui n'ont jamais fait -autre chose que de pensér à telles conspirations, témoins celle du maréchal d'Ancre et celle plus pleine d'infidélité encore, que ledit Tronçon, le père Arnoux et Puisieux, faisoient contre le connétable de Luynes quand il chassa le père Arnoux.
Au même temps le cardinal fut encore averti à Nantes, d'une autre part bien assurée, qu'ils avoient dépêché vers M. le prince pour lui donner quelques avis sur le sujet de leur cabalé. Et, de fait, Saintoul, confident de M. le prince, partit de Nantes en si grande diligence qu'il revint quatre jours après et le père Arnoux, qui est-rame de Tronçon étoit lors près de mondit sieur lé prince, où Desplan mandoit qu'il étoit venu exprès pour quelque grande affaire, d'autant qu'ils étoient cinq heures par jour en grande conférence.
De fait, le Roi reconnut bien que tous ceux qui étoient liés audit sieur le prince étoient tous contre le mariage, et prenoient ce sujet pour dire mal du cardinal, comme s'il le conseillôit.
Tronçon étoit si hardi qu'il dit tout hautement à Ropré qu'il étoit marri de n'avoir pas parlé comme il- devoit contre le conseil que le cardinal donnoit de ce mariage.
Et Baradas osa bien dire à Bouthillier que le conseil du mariage étoit très-mauvais pour le, Roi, et qu'on avoit tort de le lui donner, qu'il étoit à l'avantage de la Reine-mère et non du Roi. Marsillaç fut si malavisé de dire à Ropré que le Roi devoit
prendre une garce pour voir s'il la pourroit engrosser, et, cela étant; répudier la Reine et épouser mademoiselle de Montpensier.
Tronçon avoit deux déplaisirs sensibles qui l'animoient en ce mauvais dessein l'un du procès de'Modène etde Déageant, danslequel il craignoit d'être enveloppé, à cause de leur ancienne conspiration contre la Reine-mère et la mort du maréchal d'Ancre l'autre, dubruitqu'on faisoitcourir d'un cinquième secrétaire autre que lui ce qui lui donnoit la mort, d'autant qu'il avoit toujours aspiré si avidement à cette charge, depuis que le père Arnoux la lui avoit voulu faire tomber entre les mains, que d'Auguerre disoit avoir de quoi vérifier qu'il donnoit de faux avis au Roi contre la fidélité de lui et des autres secrétaires d'Etat. Pour toutes les choses ci-dessus le Roi fit arrêter Marsillac le premier août et mener prisonnier à Ancenis, d'où il fut délivré quelque temps après, et commanda à Tronçon et Sauveterre de se retirer en leurs maisons, et donna la charge de secrétaire du cabinet, qu'avoit Tronçon, à Lucas, premier commis du sieur de Beaulieu Ruzé, et depuis du sieur de Loménie, secrétaire d'Etat..
Il restoit madame de Chevreuse, qui, comme femme, fiisoit plus de mal qu'aucun avoit un grand pouvoir sur l'esprit de Monsieur, et faisoit encore agir la .Reine en son endroit. Elle avoit confessé au cardinal, le 21 juin, à Beauregard, être vrai qu'il y avoit une union entre les princes pour empêcher ce mariage.
Chalais l'avoit accusée pour être celle qui avoit (1) D'Auguerre: Nicolas Potier, scigueurd'Ocqucrrc, secrétaire d'Elut.
dessein d'empêcher ce mariage, et faire* que M le comte épousât mademoiselle de Montpensier; faisoit l'union de tous les princes et des huguenots mêmes par madame de Rohan, ,et étôit la principale qui avpit porté Monsieur d'aller, depuis la prise du colonel, et avant le départ du Roy, à Fleury, où étoit le cardinal pour lui faire un mauvais parti et, depuis, avoir toujours sollicité Monsieur pour le grand-prieur, ou de sortir de la cour ou d'exécuter cette violence.
Aussi Chalais, du.commencement qu'il fut prisonnier, avoit-il tout son recours à elle; lui écrivit plusieurs lettres, qui furent surprises et mises entre les mains des juges, auxquels le Basque qui les portoit dit qu'elle avoit répondu ne vouloir récrire, pource qu'il y alloit de sa vie et de son honneur; mais qu'elle feroit merveilles. pour sa délivrance.
Il dit, en son interrogatoire du 1 août, que c'étoit elle qui l'avoit engagé en cette méchante affaire, et le grand-prieur avec elle, après que les Anglais s'en furent allés, disant qu'il falloit que cette femme fût occupée, et empêcher qu'un homme de cabale contraire ne prît la place des Anglais.
Monsieur dit à la Reine sa mère, le dernier juillet, que la Reine l'avoit prié deux fois, depuis trois (T) Pour lyifaire un mauvais parti: Plusieurs jeunes seigneurs attachés à Monsieur avoient forme le projet d'aller à Fleury sous le prétexte de demander a dîner au cardinal. Une querelle devoit avoirlieu, et Chalais auroit profité du désordre pour tuer Richelieu. Celui-ci averti par le commandeur de Valencai partit aussitôt pour Fontainebleau et alla trouver Monsieur. il lui dit qu'il auroit été chartné (le faire les honneurs de sa maison à son altesse, mais que, puisqu'elle vou-_ ioit s'y amuser en liberté, il la lui cédoit.
o
jours de ne pas achever ce mariage que le maréchal d'Ornano ne fût mis en liberté.
Depuis, il déclara que, lorsque madame de Che- vreuse et elle le virent résolu à consentir à ce ma- riage elles se mirent à genoux devant lui pour l'en détourner, à quelque prix que ce fût, et lui dire que ce qu'autrefois elles-mettoient une condition à leurs prières lui disant qu'il ne fît point ce mariage quepremièrement il n'eût délivré le, colonel c'étoit qu'elles l'estimoient impossible et que, partant, leur intention avoit toujours été de le détourner de ce mariage absolument.
Le dessein de madame de Chevreuse, qu'elle ne découvriroit pas à la Reine, étoit, à ce que dit Monsieur à Nantes, afin que, le Roi venant à mourir, la Reine pût épouser Monsieur.
Ladite dame de Chevreuse avoit une telle passion à cela, qu'autrefois, par le grand-prieur, par Chalais, et maintenant par elle-même, elle incitoit Monsieur à user de violence contre le cardinal, ayant, comme dit Chalais à son interrogatoire accoutumé avec Monsieur et les siens de lui dire « Ne vous souviendrez-vous jamais du colonel? » pour donner à entendre: ne vous déferez-vous jamais du cardinal ? .Outre ce furieux conseil, elle lui en donnoit encore un autre, qui étoit de se dérober du Roi et s'en aller à Paris; de sorte que l'esprit de Monsieur étoit toujours en incertitude s'il devoit s'en aller ou non, comme il avoua, le 25 juillet, dans le cabinet de la Reine sa mère, où il dit, en présence du cardinal et du maréchal de Schomberg, que depuis qu'il étoit à Nantes il s'étoit résolu diverses fois avec son
petit conseil de s'en aller. Une fois, il s'en vouloit aller avec cinq ou six gentilshommes sur des coureurs, mais il eut crainte qu'il pouvoit facilement être arrêté.
Une autre fois, il s'en vouloit aller avec toute sa maison, et, étant à Ingrande, dépêcher vers le Roi pour lui faire savoir que, lui ayant été dit qu'il n'y avoit point de sûreté pour lui à Nantes, il s'en alloit 'â Blôis, où il attendroit le retour de Sa Majesté, 'mais que son dessein étoit, après avoir passé Augers de prendre le chemin du Perche, droit à Chartres, et s'en aller à Paris en grande diligence; et, qu'afin qu'il fût plus secret, celui qu'il enverroit -d'Ingrande vers le Roi n'en devoit rien savoir; Qu'une fois il fut tout près de s'en aller, sans qu'on lui vint dire que ses maîtres-d'hôtel n'avoient pas dîné. Et comme M. le cardinal et le maréchal de Schomberg blâmoient les conseils qu'on lui donnoit, il dit « C'étoient conseils de jeunes gens; mais assurément, 'si on ne m'eûtdonné avis qu'il y avoit des compagnies de chevau-légers sur tous les chemins que je pourrois tenir en m'en allant, et si je n'eusse eu crainte d'être arrêté par lesdites troupes, je m'en fusse allé. » Monsieur dit de plus que, quand il fut voir le cardinal à La. Haye, il étoit résolu de partir l'aprèsdînée mais le cardinal lui dit tant de choses, et l'em'barrassa tellement, qu'il revint tenir son conseil, où Le Coigneux lui dit qu'il falloit voir s'il n'y auroit point moyen de le contenter plutôt que de se résoudre à s'en aller; et, comme cela, le dessein fut rompu. Or, si Monsieur s'en fût allé, difficilement eût-ou renoué le mariage.
Le Coignenx le dit franchement au cardinal, quand il falla voir, le 23 juillet, pource, lui dit-il, que M. le comte et autres personnes intéressées qui avoient pouvoir sur l'esprit de Monsieur, l'èn empêcheroient. Il ajouta que le Roi devoit vider l'affaire de Modène avant que retourner à Paris; renvoyer la colonelle et sa soeur en leurs maisons; ôter Cauau secrétaire de Monsieur, qui prenoit le parti de Modène tout-à-fait; et, avant toutes choses, éloigner Baradas, qui étoit si animé, qu'il excitoit tous les jours Monsieur à se ressentir de l'affaire de Modène et avoit pour fin de lui persuader que la principale chose à quoi un grand prince devoit penser étoit de se venger. '̃• Après quoi il proposoit le cardinal pour objet de sa vengeance, et l'excitoit contre lui; ce que Monsieur avoua et qu'il avoit répondu qu'au contraire un grand prince devoit penser à faire ses affaires par toutes sortes de voies même par le moyen de ceux qu'il n'aime pas que le cardinal étoit celui qui le pouvoit autant servir auprès du Roi partant qu'il se devoit prévaloir maintenant de lui et qu'après qu'il auroit fait ses affaires il verroit s'il se devroit venger ou non. a Enfin dit-il, ce coquin aiguise tellement son esprit qu'il faut se servir de tous moyens pour défaire ce qu'il a fait. »
La remarque qui se doit faire sur ce discours, est qu'il faut que la haine de Monsieur et son désir de vengeance fût bien enraciné, puisqu'on ne pouvoit en arrêter l'effet et le cours présent que lui en laissant l'espérance pour l'avenir. Pour ces menées, il fut nécessaire .d'éloigner ma-
dame de Chevreuse de la cour; ce qu'elle porla si impatiemment, que, transportée de fureur, elle dit à Bautru que du même pied qu'on la traitoit en France, elle feroit traiter les Français en Angleterre; Qu'il étoit en sa puissance de faire venir en France des armées anglaises quand elle voudroit; qu'on ne la connoissoit pas qu'on pensoit qu'elle n'avoit l'esprit qu'à des coquetteries; qu'elle feroit bien voir avec le temps qu'elle étoit bonne à autre chose;
Qu'il n'y avoit rien qu'elle ne fit pour se venger, et qu'elle s'abandonneroit plutôt à un soldat des gardes qu'elle ne tirât raison de ses ennemis.
Une de ses demoiselles, qu'elle a chassée depuis, dit en grand secret à la Reine-mère qu'étant piquée elle disoit quelquefois à Chalais que c'étoit une honte que le Roi étant idiot et incapable de gouverner ce faquin de cardinal gouvernât, qu'il ne le falloit pas soufFrir
Qu'ils avoient des rois pour eux, et qu'ils n'en dévoient pas demeurer la
Que, lors de la maladie duRoi à Villeroy, elle disoit qu'il mourroit et que lors on enverroit la Reine- mère en une maison, et qu'on dépêcheroit le cardinal, et ce avec des paroles outrageuses, tant contre le Roi que contre ledit cardinal;
Même elle disoit qu'il falloit poursuivre sa pointe et toujours hasarder., qu'enfin on rencontreroit. Elle avoit tellement animé la Reine en partant d'avec elle que cette princesse sage et modeste comme elle est, ne laissoit pas de jeter feu et flamme, disant à Nogent qu'elle imputoit au cardinal féloignement de cette femme, pource qu'il pouvoit bien
1 empêcher s il 1 eut voulu. Elle lui tint force mauvais discours par lesquels elle témoignoit aimer mieux n'avoir jamais d'enfans que d'être séparée de cette créature et menaçoit le cardinal de s'en venger à quelque prix que ce fût.
Ces personnes, les plus puissantes à empêcheur le bien du service du Roi et de l'État, étant éloignées, on pardonna aux autres bien qu'ils fussent en grand nombre et de bonnes qualités.
M. d.'Angoulême particulier ami de Tronçon, avoit délicatement parlé au Roi contre ce mariage. M. de Montmorency, le jour même du mariage, vouloit gager qu'il ne se feroit point, à ce que dit Monsieur. Un nommé Lucante, son domestique, et d'autres encore à ce que rapporta Desplan, allèrent trouver Brison qui tenoit encore Le Pousin nonobstant la paix faite avec les huguenots, et lui promirent de lui faire avoir des conditions beaucoup plus avantageuses que celles qu'on lui offroit de la part du Roi, s'il avoit courage de tenir un peu plus long-temps. Aussi Chalais en ses interrogatoires, avoit-il dit que les dames avoient un pouvoir absolu sur ledit duc, et que par lui elles faisoient l'union de Monsieur avec M. le prince. M. le prince étoit assez évidemment de cette cabale ainsi que nous avons dit. Aussi Le Coigneux dit-il au cardinal, à Nantes, que, pour étonner Monsieur, il lui falloit dire qu'on avoit découvertles négociations du mariage de lui avec la fille de M, le prince, par où Le Coigneux avonoit indirectement que cette négociation étoit véritable. M. le comte étoit un des principaux chefs de la ligue puisque Monsieur lui quittoit mademoiselle
de Montpensier, et Monsieur dit à la Reine-mère, le dernier juillet, qu'il lui offroit 4oo,ooo écus à prêter pour sortir de la cour si on ne le contentoit. Le Coigneux le 19 juillet, dit qu'on avoit conseillé à Monsieur, de la part de M. le comte, de se retirer à La Rochelle; et Chalais dit que de la part de M. le comte, il fut donné conseil à Monsieur,' à Saumur, de s'én aller, et que Sauveterre le savoir.. Monsieur, étant déjà résolu de se marier, dit à la Reine sa mère que M. le comte en serait bien fâché, mais qu'il n'osoit se séparer de lui pour cela, de peur qu'on ne crût qu'il se fût uni seulement avec lui pour épouser mademoiselle de Mpntperisier.
Pour M. de Longueville, la considération de M. le comté l'y\obligeoit. Monsieur dit au Roi, le r 2 juillet, que tandis qu'il seroit bien avec Sa Majesté, il lui ré pondoit desdits sieurs le comte et de Longueville lequel il disoit parlant du dernier qu'il mouroit de peur qu'on le prît peu de jours auparavant à Blois, où il n'avoit osé parler de lui, mais lui avoit laissé lVIontigriy, son lieutenant au gouvernement de Dieppe, pour lui parler quand il seroit pàrti ce qu'il âvoit fait Et .quand Monsieur alla à Limours voir le cardinal, ledit sieur de Longueville lui dit, en se moquant;:qu'il voudroit bien savoir si les affaires du colonel ën'alloient mieux. Aussi, lorsque Sa Majesté, le 2 août, tira parole de Monsieur de ne plus jamais donner lieu à aucune pensée contre son service, il; voulut qu'il promît, qúant et quant si jamais ledit sieur de Longueville lui donnoit aucun mauvais conseil, il l'en détourneroit, ou, s'il ne pouvoit, en avertiroit Sa Majesté.
Schomberg même, au préjudice des obligations qu'il avoit au cardinal, sembloit tremper en leurs entreprises.
Le maréchal de Créqui fit avertir le cardinal par Bullion qu'il y avoit en la cour une grande cabale pour lé ruiner en l'esprit du Roi laquelle devoit produire son effet-par le moyen des sieurs de Schomberg, Nevers, Longueville et autres.
Ledit sieur de Scliomberg dit en ce temps-là au, sieur de Fossé, comme s'en réjouissant, que le cardinal, étoit fort empêché et étonné, et qu'il y. avoit quelque chose de la part du Roi.
D'Ocquerre, secrétaire d'Etat participoit à leurs. desseins voyant Le Coigneux réduit dans les sentimens de Sa Majesté, il lui dit qu'il avoit tort de prendre un chemin contraire à celui qu'il avoit fait par le passé qu'il ne devoit pas abandonner ses vrais amis qui étoient M. le prince et sa cabale; que dans trois mois la face de la cour changeroit assurément, et que s'il continuoit dans le chemin qu'il tenoit, et ne reprenoit ses anciennes habitudes, il se perdroit. Pour témoignage qu'il se feroit une révolution en la cour, il lui dit qu'on avoit bien su que la disgrâce de Tronçon et de Sauveterre ne provenoit d'autres chose, que parce qu'on trouvà un jour le Roi refroidi, du mariage, que l'on crut qu'ils en étoient ..la cause, et, qu'on avoit pris de là sujet de leur faire mauvais office par où il montroit assez clairement qu'il espéroit que le changement arriveroit par le. dégoût que le Roi prendroit du mariage après qu'il seroit achevé, et que ce dégoût tomberoit sur ceux qu'il ,croyait qui l'avaient conseillé à Sa Majesté,
au préjudice dé M. le prince, dans 1 habitude duquel il vouloit porter Le Coigneux.
Tjres.mes, capitaine .des gardes, cousin germain dudit d'Ocquerre, dans le même dessein avec eux, .et disoit à Sa Majesté tout ce qui le pouvoit dégoûter de ce mariage, dont elle daigna faire l'hon¡leur au cardinal de l'avertir. Buhy, guidon de la compagnie de gendarmes du Roi, qui avoit conçu espérance que Baradas avoit quelque bonne volonté pour sa fille et pôûrroi't Tépduser, se mêlant aussi avec eux, dit à Ropré; quand Tronçon eut commandement de se retirer, qu'il âvoit envie de dire au Roi des merveilles du cardinal s'il n'avoit peur de perdre sâ charge, est qu'il feroit bien voir à Sa Majesté qu'il étoit trompé. Depuis il dit à Rancé que Tronçon etôit homme 'de bien, que le Roi l'avoit ôté 'd'auprès de lui contre 'son gré, pour plaire à Monsieur, mais qu'il èspvérôït de le voir bientôt rétabli. La conspiration était si générale, que Je connétable de Lesdiguières étant au lit de la mort, ditàBullion qu'il avertît le cardinal qu'il avoit su une grande entreprise sur sa personne qu'il avoit àttën'du jusquelà d'en mander les particularités parce' que Bolïier lui. avoit promis dé retourner après qu'il àuroït reçu un courrier de Monsieur, etun autre de M. le comte, qu'il attendoit. 'L'affaire dllbit, èiï effet,'à tuér le càr-dinal, pour venir bout de leurs mauvais desseins, estimant être le seul qui y âpportoit obstacle: Mais 'le cardinal ayant .pour maxime que tous les hommes, en tant que créatures, sont sujet à faillir, et que leur malignité bien soüvént n'est pas si
opiniâtre qu'elle ne puisse être corrigée, conseilla au Roi de n'étendre pas généralement la punition sur tous les coupables, et d'essayer de les rectifier et ramener au,droit chemin par bienfaits, puisqu'aussi bien, demeurant en leur malice, ne pourroient-ils pas, destitués de secours des autres, produire aucun effet, joint qu'un bon prince ne doit jamais punir que quand.la nécessité l'y oblige, et qu'on ne peut autrement éviter un grand mal.
Donc après avoir arrêté ou, éloigné les personnes seulement que nous avons dit ci-dessus, et par ce moyen dissipé cette puissante cabale, le mariage étant tout résolu, on commença, à, travailler à l'apanage de Monsieur, où le Roi le voulut gratifier en sorte que jamais fils de France avant lui n'eût reçu un si favorable traitement que celui qu'il auroit reçu de Sa Majesté. Depuis que les rois donnent des apanages à leurs .frères, il a toujours été pratiqué qu'ils, les leur ont donnés tels qu'il leur a plu et leurs frères n'ont eu aucun ;droit de s'en plaindre; et la dernière loi qui a a été établie pour,les apanages, l'a été par :Charles ix à cent mille livres de rentes en terres; et si le duc d'Alençon, à diverses reprises, en a extorqué davantage, sa vie, sa réputation et sa mort, sont telles qu'on ..ne le peut tirer en exemple.'
Les closes sont clairement déduites et prouvées en un discours que le lecteur pourra voir à la fin de cette année U).
Cela étant ainsi, il sera aisé à voir avec quelle grâce (ij -A la fin de cette année Cette pièce ne se trouve point dans le manuscrit original.
et faveur le Roi a trâité Monsieur en son apanage, et comme il a su avec dextérité, sans violer les lois et coutumes de son royaume en ce fait-là, user magnifiquement de sa libéralité royale vers mondit sieur son frère.
Sa Majesté, par, ses lettres expédiées en juillet, lui donna-pour son apanage les duchés d'Orléans, de Chartres et comté de Blois, jusques à la concurrence de 100,000 livres de rente, selon l'ordonnance de Charles ix, avec tous droits, sans en rien retenir, fors seulement les foi et hommage lige, droits 'de ressorts et de souveraineté la garde des églises cathédrales, et autres qui sont de fondation royale, ou autrement privilégiées, la connoissance des cas royaux, et de ceux dont, par prévention, les officiers du Roi doivent et ont accoutumé de. connoître. Par autres lettres du dernier juillet, le Roi lui accorde, sa vie durant, de nommer et présenter à Sa Majesté à tous bénéfices consistoriaux, excepté aux évêchés;-
-Et semblablement aussi la nomination des officeset commissions des juges, des exempts, présidens, conseillers et autres officiers des présidiaux établis dans les terres de son apanage, et même aux offices et commissions dépendant des aides, tailles, gabelles et autres extraordinaires le Roi ne se réservant de nommer qu'aux états des prévôts des maréchaux leurs lieutenans greffiers et archers
Et, par autres lettres du même jour, 100,000 livres de pension à prendre sur la recette générale d'Orléans
Et, outre tout cela, lui fit encore, le 5 août,
expédier un brevet de 56o,goo livres de pension annuelle.à prendre sur son.épargne.
Le Roi, après avoir fait toutes ces choses, envoya quérir Monsieur en son conseil', pour lui dire la résolution qu'il avoit prise de l'apanage qu'il lui vouloit donner, et approuver son mariage
Et les divers avis qu'on lui avoit donnés pour ne le. faire pas, dont même Sa Majesté en montra un qu'on avoit adressé au cardinal de Richelieu pour lui faire voir, duquel Monsieur lut la plus grande part. Mon-' dit sieur témoigna au Roi un extrême ressentiment de la bonté dont il usoit en son endroit, protesta' avoir un extrême déplaisir de toutes les pensées qu'il avoit eues, jura qu'il ne se sépareroit jamais du service du Roi, auquel il reconnoissoit être extraordinairement obligé.
Et sur ce que Sa Majesté lui dit « Parlez-vous sans les équivoques dont vous avez plusieurs fois usé ? » il jura solennellement que oui, qu'il donnoit sa parole nettement de tout ce qu'il disoit, et qu'on se pouvoit fier à lui quand il déclaroit donner sa parole sans aucune intelligence. «Et pour témoignage que je dis vrai, dit-il, c'est que je vous promets nettement que si M. le comte, 'NI. de Longueville et autres qui sont de mes amis me donnent jamais de mauvais conseils, je les en détournerai si je puis, et si je ne le puis faire je vous en avertirai. JI 1.1 promit et jura le contenu cidessus devant le Roi la Reine sa mère, le, garde des sceaux le duc, de Bellegardc., le maréchal de Schomberg et le président. Le Coigneux.
Ensuite de quoi le mariage se fit sans plus dé difficulté de la part de Monsieur.
Le cardinal les épousa le 5 août en la chapelle de la maison des pères de l'Oratoire à Nantes, où étoit logée la Reine-mère.
,'Le lendemain 6, il dit la messe au couvrent des Minimes, ou l'on fit les cérémonies' accoutumées, auxquelles assistèrent le Roi, les Reines et toute la cour.
On commanda d'en dire la nouvelle à Chalâis, qui, toûtsûrpris, s'écria .«Voilà une action de haut biseau, d'avoir non seulement dissipé une grande faction mais, en ôtant le sujet avoir anéanti l'espérance de la'rallier. Il n'appartenoit qu'à la prudence du Roi et dé son ministre d'avoir fait ce coup-là; il est bien employé qu'ils aient pris Monsieur entre bond et volée. ©"Roi trois fois heureux de se servir d'un si grand ministre 0 grand ministre digne d'un si grand Roi M.le'prinCe, quand il saura ceci, en sera bien marri, bien qu'il ne le dise pas, et M. le comte en pleurera avec sa mère. » Lamont exempt qui le gardoit a déposé cette réponse devant le 'garde des sceaux et Beauclerc, et l'ont signée tous trois.
1 Tandis qu'on travàilloit à l'apanage et au mariage de Monsieur, ôri instruisoit le procès dé Chàlais, que, de jour à autre, on trouvoit plus coupable.
Pàr information du 27 juillet, il appert qn'il envoya d'Obazïne à M: d'Epernon pouf avoir retraite dans Metz pour Monsieur. ̃
Par l'interrogatoire deChalais, dû 11 août, il confessa avoir envoyé La Louvière, qui étoit à lui, à M. de La Valette, pour recevoir Monsieur a Metz, qui lui dit que la place étoit à M. d'Epernon, puis
enfin, que si tout le monde étoit de cette cabale, il en seroit aussi..
Qu'après la prise du grand-prieur, il écrivit il. M. le comte par un gentilhomme des siens pour l'avertir qu'il ne vînt point à la cour, lequel arriva devant le courrier du Roi.
Monsieur déclara depuis au Roi que c'étoit de peur que, s'il venoit, on les prît tous deux ensemble, étant certain qu'on y pehseroit bien auparavant que de les prendre l'un sans l'autre, de peur que celui qui deraeurerpit libre ne fît un soulèvement dans ce royaume. Le 12 juillet, Monsieur dit au Roi et à la Reine sa ,mère qu'il avoit eu, depuis Blois, un dessein perpétuel de s'en aller lequel étoit connu audit Chalais et que ce dessein étoit pour aller à Paris tâcher de révolter le peuple publiant qu'on l'avoit voulu prendre prisonnier et M. le comte, et essayer de ,surprendre le de en faire; par.fice, sortir le bonhomme Hécour, puis, le présentant à la porte avec le poignard à la gorge, essayer d'obliger ses enfans d'ouvrir pour lui sauver la vie. Le jour de devant mondit seigneur déclara que Cbalais lui avoit donné avis à Nantes qu'on avoit mis ,des cheyau-légers de tous côtés pour l'empêcher de sortir. M. de Vendôme dit à Cliateauneuf-Préaux que • Chalais lui avoit donné avis que la Reine-mère, l'ayant vu arriver, avoit dit au Roi «Le voilà venu, mais nous ne laisserons pas de ledénicher de son gouver,nement; » ce qui étoit absolument faux.
Louyigny (0 déposa contre lui qu'il se leyoit s.oue (1) Loufigny Ou a vu que Louvigny, épris (le niaïladie «le Che-vreasc, et maltraiti; par elle, vouloit perdie bon rival heureux.
vent la nuit pour parler a Puylaurens et Boistalmet en lieu tiers et avoit des rendez-vous avec eux, trois ou quatre fois la semaine.
Louvigny lui étant confronté Chalais avoua sa déposition.
Monsieur, dès le 1 juillet, avoua au Roi et à la Reine-mère, en.présence du cardinal, du gardë des sceaux de Marillac et de Beauclerc, secrétaire d'Etat, qu'il étoit vrai que Chalais lui avoit'dit, dès Paris, qu'on le vouloit prendre prisonnier, et.qu'il avoit fait une grande faute de souffrir qu'on mît des exempts dans le Pont-de-l'Arche et Honfleur, pource qu'il se fût retiré dans l'une de ces deux places et que le Havre se, fût joint à lui;
Que lui monseigneur, devoit empêcher M. le comte de Soissons de venir à la cour,'de peur qu'on ne les prît tous ensemble;
Que ledit Chalais l'avoit convié à demander le marquis de Coeuvres pour premier gentilhomme de sa chambre, parce qu'il est parent de messieurs de Vendôme et grand-prieur
Que ledit Chalais vouloit vendre sa charge pour être plus attaché à lui, plus libre de le servir, et qu'étant en cette ville de Nantes il lui avoit dit qu'on avoit mis des compagnies de tous côtés pour l'empêcher de sortir.
Et Leurs Majestés, pour s'en souvenir mieux, le firent mettre par écrit qu2ils signèrent, et les susnommés qui étoient présens. Et le dernier juillet, Monsieur déclâra à la Reine qu'il falloit sauver Chalais, et qu'on lui mandoit de Paris que, s'il en laissoit faire justice, il n'auroit jamais plus.de serviteurs. Lamont;
exempt des gardes écossaises, et plusieurs autres, déposent qu'il parloit de se tuer, de s'empoisonner et de se.feridre la tête contre la muraille. Ceux qui étoient présens lui remettant Dieu devant les yeux, il dit force blasphèmes, et lui parlant de la clémence du Roi, il répondit qu'il étoit trop malheureux et trop coupable pour y espérer. Il pria le cardinal, le 3 aoîit, de le venir voir en la .chambre en laquelle il étoit arrêté, au château de Nantes lui avouant qu'il étoit coupable, qu'il avoit su les menées qui se brassoient contre le Roi en son royaume,' et nel'enavoit averti, comme le dépose Lamont en une information du 6 août.. Et, non content de se condamner par sa bouche, il se condamna encore par sa propre main, en deux lettres qu'il écrivit au Roi, l'une du 2 août, et l'autre du 8, dont j'ai pensé devoir mettre les copies ici. « SIRR, « L'extrême désir que j'ai de me rendre digne de, « servir votre Majesté, m'a fait supplier très-hum« blement monseigneur le cardinal d'obtenir d'elle « la permission de venir ouïr les derniers sacremens « de mon ingénuité, desquels je lui demande mille « pardons si j'ai été. si tardif, espérant que votre « Majesté ne me condamnera pas tout-à-fait, puisque « cela importe aux dames. Mais, ne pouvant sou« haiter pardon qu'en me vouant du tout à son ser« vice je proteste à votre Majesté me tenir pour « tout jamais indigne de ses bonnes grâces, si je fais <i nulle réserve dont il me souvienne. Permettez-moi « donc, Sire, cela étant, d'avoir recours à votre Ma-
« jesté,. les larmes aux yeux et lé plus repentant des « hommes, pour obtenir de son extrême bouté ma fc grâce. Et bien que j'en sois indigne, pour n'avoir « pas su mettre la différence qu'il y a entre votre Majesté et tous les hommes de son royaume, et entre les bons et sages conseils de. monseigneur le « cardinal et M. de Boistalmet qu'il vous plaise vous ;« souvenir que je n'ai été de la faction que treize jours, « laquelle étoitphilôt pour prendrele Grand-Seigneur « à la barbe que pour troubler l'Etat du plus grand « roi du monde, et que ces raisons avec ma frànchise avec les services que je puis rendre., me fait « espérer d'un maître tout clément et tout pieux, ,« la plus grande charité qu'il pourra jamais exercer « sur le très-humble et très-obéissant serviteur et « sujet. Chalais. » « SI]RE
« Après avoir rendu mille grâces à votre Majesté « de ce qu'elle m'a traité plus favorablement que ne « fut jamais misérable en ma condition, je lui dirai '« qu'il y à dans sa maison un sauvage aussi- bien que « du bonhomme Lansac. Il ne reste plus qu'à le mon« trier. Si c'est selon ses démérites, messieurs de La « Rocheguyon et chevalier de Souvré passeront « fort bien le temps. Si c'est selon la bonté- de votre « Majesté j'espère qu'elle 'en tirera plus de service « que d'aucun que mérite la qualité de votre Ma« jesté. Lé très-humble et très-obéissant -et très« fidèle 'serviteur et sujet. Chalais. » Le Roi permit à ses parons, et particulièrement sa
nièrè (1), de solliciter pour lui. Sa Majesté ne voulut jamais qu'aucun parlât aux juges de sa part; mais toutes ses bontés n'empêchèrent pas que, le 18 août, ils ne le déclarassent atteint et convaincu de crime de (t) Et particulièrement à sa mire Cette dame, qui étoit une Montluc écrivit au Roi la lettre suivante:
« Sire, j'avoue que qui vous offense mérite avec les peines tempo« relies celles de l'autre vie, puisque vons êtes l'image de Dieu. Mais « quand il promet pardon Il ceux qui le demandent avec une digne re« pentance, il enseigne aux rois comment ils doivent en user; car, cç puisque les larmes changent les arrêts du ciel,'les miennes-, Sire, « n'auront-elles pas le pouvoir d'émouvoir votre pitié? Ln justice est « un moindre effet de la puissance des rois que la miséricorde, le punir ci moins louable que le pardonner. Combien de gens vivent an monde, «.qui seroient sous la terre si votre Majesté ne leur eût pardonne Sire, vous êtes roi, père et maître de ce misérable prisonnier. Peut-il être « plus méchant qne vous n'êtes bon, et plus coupable que vous n'êtes « miséricordieux? Ne seroit-ce pas vous offenser que ne point espérer en « votre bonté? Les meilleurs exemples pour les bons sont de la pÍtié les « méchans deviennent plus fins et non pas meilleurs par les supplices « d'autrui. Sire, je vons demande, les genoux en terre, la vie de mon ci fils, et de ne permettre point que celui que j'ai nourri pour votre « service même .pour celui d'autrui, que cet enfant que j'ai élevé « si chèrement, soit la désolation de ce peu de jonrs qui me restent, « et enfin que celui que j'ai mis au monde me mette au tombeau. « Hélas! Sire, que ne mourut-il il en naissant, ou du coup qu'il cc reçut à Saint-Jean ou en quelque autre des périls ou il s'est trouve « pour votre service, tant à Montauban, Montpellier qu'autres lieux, « ou de la main même de celui qui nous a causé tant de déplaisirs. « Ayez pitié de lui. Sire son ingratitude passée rendra votre miséri« corde d'autant plus recommandable. Je vous l'ai donna à huit ans; « il est petit-fils du maréchal de Montluc, et du président Jeannin par « alliance. Les siens vous servent tons les jours, qui n'osent se jeter à « vos pieds de peur de vous déplaire ne laissant pas de demander en « toute humilité, révérence et la larme à l'œil, avec moi, la vie de ce et misérable, soit qu'il la doive achever dans une prison perpétuelle, ou « dans les armées étrangères en vous'faisant service. Ainsi votre Ma« jesté peut délivrer les siens de l'infamie et de la perte, satisfaire à « votre justice et relever, votre clémence; nous obligeant de plus en plus à louer votre bénignité, et prier Dieu continuellement pour la
lèse-majesté, pour réparation duquel ils le condamnèrent à avoir la tête tranchée en la place des Bouf-' feux àNantes; sa tête mise au bout d'une pique sur la porte de Sauvetour son corps mis en quatre quartiers chaque quartier attaché à des potences aux quatre principales avenues de la ville; et, auparavant l'exécution, mis à la torture; tous ses biens confisqués, sa postérité déchue de noblesse. L'arrêt lui fut seulement prononcé le lendemain parce que le Roi, sachant sa condamnation lui voulut, hormis la mort, remettre toutes les autres peines, en considération de sa mère et de plusieurs personnes de qualité, serviteurs de Sa Majesté, auxquelles il appartenoit. Incontinent que Chalais fut exécuté, le Roi partit de Nantes le août pour aller à Rennes, où il vou-, loit entrer en son parlement et s'asseoir en son lit de justice.
Le garde des sceaux eut commandement, du Roi de leur dire que Sa Majesté venoit en son parlement, parce qu'il ne penseroit point avoir fait un voyage complet s'il, ne voyoit sa bonne ville de Rennes, capitale de la province qui l'avoit amené en ces quartiers et s'il ne paroissoit aii milieu. de ceux qui en son absûreté et prospérité de votre rovale personne, et moi particulièrement qui suis, etc. Nantes, 9 août. j>
Cette mère infortunée ayant appris que Chalais étoit condamne' passa dans une église tout le jour de révocation; et, ayant reçu de son fils une lettre pleine de résignation, elle lui fit dire qu'elle étoit contente de V assurance qu'il lui donnoitde mourir en Dieu. Sesamis, dans l'espoir de le sauver, avoient fait cacher l'exécuteur on le remplaça par un criminel auquel on promit sa grâce. La tête du condamné ne fut séparée du corps 'qu'après plus "de trente' coups, et il donna des signes de vie jusqu'au vingtième. Cette exécution cruelle eut lieu le mercredi 19 aoAt t6aC.
sence administrent la justice, qu'il a prise de tout temps pour son partage;
Que, bien que .la peste le pût divertir de ce contentement, il a mieux aimé se priver des honneurs dus à sa personne que de manquer à les voir;
Qu'il y, vient, non pour faire passer, par son au-.torité, des édits. préjudiciables à ,la province, mais pour les remercier de ce que, de leur mouvement, ils en ont vérifié deux pour subvenir à ses nécessités; Qu'il y vient pour éteindre l'amirauté, dont les droits leur ont été quelquefois onéreux et pour rétablir tout-à-fait leur commerce, dont, eux-mêmes lui ont représenté l'anéantissement être un de leurs plus grands maux; ̃ <. Qu'il y vient pour leur faire connoître qu'il recherche leur soulagement et leur sûreté tout ensemble 'que leur sûreté l'oblige à laisser cette province fournie de gens de guerre pour garder leurs côtes par bonnes garnisons; qu'il avoit résolu à cet effet de lever des troupes en cette province, pour ne se servir pour eux-mêmes que d'eux-mêmes mais qu'ayant vu que le fond du paiement étoit difficile trouver, et que, sans être bien payés et disciplinés, ils pourroient être à charge du peuple, il a changé de dessein pour leur bien, aimant mieux prendre de ses vieux régimens payés de l'épargne et bien disciplinés, que de manquer à pourvoir à leur sûreté sans oppression pour eux. Que la difficulté en laquelle il se trouve est de pourvoir de vaisseaux gardescôtes qui rendent leur commerce libre et assurer leurs mers. Que s'il en avoit d'entretenus comme de gens de guerre, il pratiquent le même remède qu'il fait
pour les garnisons des ports de la province mais que, cela n'étant point il se trouve réduit à deux choses l'une ou à n'établir point de vaisseaux gardes-côtes, ce que le bien général de son royaume et particulièresment de la province, et l'état présent auquel il est avec ses voisins puissans en la mer, ne lui permettent pas, ou àrechercher de nouveaux moyens pour fournir aux frais d'une dépense si nécessaire. Que c'est â son grand regret qu'il y est contraint, vu le dessein général qu'il a pris de soulager son peuple de la plus grande partie des tailles ce qu'il a commencé dès cette année et qu'il veut continuer à l'avenir. Que si le retranchement de sa maison, de la Reine sa mère, et d'autres personnes qui lui sont si proches et si unies étoit suffisant de fournir à cette dépense du tout nécessaire à l'Etat, il ne rechercheroit point d'autre expédient, ce qu'ils verront, par expérience, ;trois semaines après son arrivée à Paris mais que ce -moyen ne suffisant pas, il est contraint de faire pour eux, par son autorité, ce que par leur bonne volonté ils ont fait depuis trois jours pour son service par celle qu'il leur a donnée, c'est-à-dire de vérifier trois édits 'pour l'entretien des vaisseaux qu'il veut établir, pour les garantir non-seulement de tout mal, mais de toute appréhension et alarme..
Le Roi veut vérifier deux édits, mais à quelles conditions ? A condition que les deniers n'en soient em'ployés que par eux, ce qui montre bien qu'il ne passe -pas les édits comme roi mais comme leur père-, que 'ce n'est pas lui mais leur bien et leur nécessité qui 'les fait.. • II en passe deux, et supprime plusieurs autres,
.au moins leur laisse-t-il pour les examiner à loisir les passer s'ils les estiment utiles, ou les supprimer s'ils le trouvent meilleur.
Il y a un'troisième édit, qui est celui de Morbihan, que l'on n'estime pas qui fasse nombre parce que c'est un édit' que toute la France recherche que tous les étrangers craignent, et dont l'exécution seule est capable.de remettre lé royaume en sa première splendeur.
• Cet édit étoit pour l'établissement d'une compagnie .de cent associés pour le commerce de toutes -sortes de marchandises, tant par mer que par terre en Portent Levant et voyages de long cours par lequel ils faisoient fonds de seize cent mille livres, avec 1a moitié des profits de ladite somme pour, l'augmenter continuellement.
ils dévoient faire le siège de leur compagnie à Morbihan, qui est un des plus beaux ports du monde, où le Roi leur permettoit de bâtir une ville avec beaucoup de priviléges, le principal desquels, qu'absolu·mentla compagnie demandoit, étoit qu'ils établiroient eux-mêmes leurs juges, l'appel desquels ne ressortirait à la cour de parlement de la province, craignant les -longueurs de là chicane, mais au conseil privé du Roi, où la justice est plus prompteméht administrée. Le -bruit de cet établissement alatmoit déjà les Anglais .et les Hollandais qui craignirent que le Roi, par ce moyen, se rendît bientôt maître de la mer; l'Espagne n'avoit pas moins de peur pour ses Indes.
Lé parlement, qui, selon les priviléges de la province, ne doit vérifier aucun édit que les États ne l'aient approuvé-, leur renvoya celui-ci pensant qu'ils le ïefu-
serolent. Mais eux, qui sont composés de trois corps, 'les deux principaux desquels sont l'église et la noblesse, qui n'ont point d'intérêt que celui du public et la grandeur de l'État, trouvèrent cet édit si avantageux, que non-seulement ils le reçurent, mais.députèrent vers le Roi pour lui en rendre grâces. Le parlement en fut si offensé qu'il leur témoigna que, dorénavant, il ne leur enverroit plus demander leur avis, puisque, ne s'étant pas voulu contenter de le leur mander, ils s'étoient avancés jusque-là que,de l'avoir approuvé, et envoyé en remercier le Roi; et, en effet, ne le voulurent jamais vérifier, empêchant seuls un si grand bien pour le dommage qu'il leur sembloit recevoir de la distraction des causes de cette compagnie qui leur eussent apporté de grands profits.
Le Roi étant en chemin pour revenir de Bretagne à Paris et sachant que M. le comte se sentant coupable, et présumant que les prisonniers l'auroient accusé, pourroit prendre conseil de n'attendre pas son ,retour, lui envoya le père deBérulle pourl'assurér de sa part qu'il pouvoit demeurer à la cour et à Paris en toute sûreté mais deux jours auparavant qu'il fut arrivé; il étoit parti dès le 27 août pour aller en son château de Louhans frontière de la Bresse, avec dessein de passer à Neufchâtel. Ce fut un effet du conseil que Monsieur avoua au Roi à Nantes qu'il lui avoit donné, que les princes ne se trouvassent pas ensemble à la cour, afin qu'on ne se saisît d'eux tous, ce que, étant séparés on n'osoit pas faire des uns pour la crainte des autres.
Chalais l'avoit beaucoup chargé, outre ce que Mon-
sieur en avoit dit; mais M. d'Alincour avoit, dès le 23 juillet, envoyé au Roi, ;par courrier, avis des maurvais desseins qu'il avoit sur le iDauphiné. L'avis contenoit ce qui s'ensuit:
Il a été ici cinq gentilshommes passés l'un après l'autre quï tous vont dans les provinces de la part de Monsieur,frère du Roi, et envoyés ;par M. le comte pour ar rher tous ceux qu'ils peuvent. L'un de .ceux-là s'est découvert à moi, et m'a dit que la résolution ,ëtoit prise que Monsieur se sauveroit .d'ayprès du Roi .en même temps que Sa Majesté :par,tiroit deNan,tes, et qu'il s'en iroit à La Rochelle et se saisiroit des îles de Ré; mais qu'il .essaieroit, avant que de se résoudre à s'en aller, de poignarder M. le cardinal dans le conseil et, s'il y failloit, qu'il partirait et s'en iroit à La Rochelle, et qu'en.même temps M. le comte partiroit de Paris pour aller trouver Monsieur, comme -dévoient faire beaucoup d'autres; qu'il y avoit à Paris en .une maison 800,000 écus prêts pour -employer à leurs desseins que ceux qui étoient les entremetteurs de ses affaires à Paris étoient Seneterre et. Sardini, et que Chalais qui:est pris savoit tout et étoit du des;sein ,et que les huguenots s'y joindront et que M. de i.Soubise en même temps se rendra à La Rochelle avec cinquante vaisseaux, et que les ambassadeurs de Venise et .de Savoie assurent de leurs maîtres, et qu'ils sont -aussi assurés d'Angleterre.. L',un de ceux qui sont passés a charge de voir Brison lui communiquer le dessein afin qu'il retarde la reddition du Pousin. Tout cela se traite avec Monsieur par deux jeunes hommes qui sont près de lui, auxquels l'on envoie tous les jours des mémoires de Paris, et y a sur le
chemin quatre ou cinq hommes exprès pour cela, surdes coureurs qui portent ses avis. Il a été estimé à -propos de. faire savoir celui-ci par courrier exprès comme important au service du' Roi et à la personne de M. le cardinal.
Le maréchal d'Ornano, qui étoit au bois de Vincennes, moarutle 2 septembre. La tristesse qu'il eut de sa prison, augmentée par l'accomplissement du mariage de Monsieur, fut'cause de sa mort. Le vertigo dont il étoit travaillé tourna en'haut mal, et sa gravelle lui apporta une suppression d'urine. Il fut assisté avec un grand soin parles sieurs Carré, médecin de Paris, Letellier, médecin du Roi, et Brayer, médecin du comte de Soissons et le père Gibieu prêtre de l'Oratoire, docteur de Sorbonne; fut toujours auprès de lui pour le consoler jusqu'au dernier soupir. Le Roi fut marri que la justice de Dieu eût- prévenu la sienne, et qu'il fût mort avant le jugementde son procès, qui eût justifié à toute la France sa détention, que les personnes conjurées contre le Roi et son Etat publiôient avoir été injuste Mais, afin de montrer combien ses crimes étoient énormes et les preuves évidentes,nous ajouterons ici les lumières que le Roi en eut encore depuis sa prise, outre celles qu'il en avoit eues auparavant, comme aussi du grand nombre de ceux qui trempoient en cette faction, et de la fin pernicieuse à laquelle elle tendoit.
Publiôient avoir été injuste. Il parut a cette époque beaucoup de libelles contre le ministre, entre antres un intitnlé Le Roi du roi. On y comparoit Richelieu au cardinal de Lorraine, qui avoit en quelque sorte régné sous le nom de François Il.
Chalais par sa confession l'avoit beaucoup charge, comme il.avoit fait encore messieurs de Vendôme et le grand-prieur; qui, de leur part aussi. Tavoient accusé, et de tous côtés le Roi avoit confirmatiari de leurs pernicieux desseins et dé ceux qui y étoient intéressés..
Bullion, revenant de Savoie, rapporta au Roi qu'il ne devoit point douter que Monsieur ne fût de toutes les brouilleries et desseins qui se sont passés depuis six mois en France
Que le colonel en fut le principal agent; M.' de Vendôme, aussitôt qu'il fut pris; le témoigna assez. Il dit au sieur de Tresmes que.le colonel méritoit la mort; et qu'il n'en avoit point douté.
Monsieur le témoigna aussi le vendredi 18 juillet quand, étant en bonne humeur, après avoir fait force protestations à la Reine sa mère qui étoit en. son lit, il lui avoua, le cardinal de Richelieu présent, qu'il étoit vrai que le colonel l'avoit porté à prendre habitude et liaison avec le plus de grands qu'il pouvoit dans le royaume et même avec les princès étrangers. Etant lors demandé Monsieur avec quelle foi il pouvoit jurer que le colonel étoit innocent, comme il avoit fait plusieurs fois, il répondit qu'il entendoit, quand il juroit cela, qu'il étoit innocent envers lui, parce qu'il le servoit, et non pas le Roi.
Le 23 juillet 1626, venant de discours en discours à parler du maréchal d'Ornano il dit que la plus grande faute qu'il eût commise étoit de traiter avec les étrangers sans le-su du Roi qu'il étoit vrai qu'il avoit écrit en Piémont, Angleterre, et Aersens en Hollande,
etquej sionavoit deses lettres'comme ïîtémoignoi le croire., on trouveroiten la plupart d'icelles qu'il a voit écrit une ligné ou: deux de recommandations païlicùlièréSj 'ou antres-choses semblables, pour donner croyance.
Sur cela, le cardinal lui disant que cettef aute du .colonel étoit capitale, il témoigna ingénument le savoir 'bien mais qu'il le faisoit pour lui acquérir plus d'amis et le rendre plus considérable.
Monsieur dit encore qu'une des mauvaises lettres qu'eût écrit le colonel, étoitàmadame la princesse, à laquelle il mandoit Assurez-vous que je vous.tiendrai ce que je vous ai promis. »
Ensuite de cela Monsieur dit « Je fus un soir bien embarrasse à Fontainebleau le Roi avoit donné le bon soir à tout le monde et étoit au lit; j'entrai dans sa chambre avec le maréchal d'Ornano et incontinent après je vis venir M. du Hallier, et le Roi demander :son habillement cela me mitbien en cervelle, et eusse voulu être hors de là, car nous savions bien que nous faisions mal, et ceux qui font mal sont toujours en crainte etont peur. »
Comme Monsieur faisoit ce conte, ,le 'Roi entra, et Monsieur lui dit « Monsieur vous souvient^! quand vous .donnâtes un soir à 'Fontainebleau une sérénade à la Reine? Je disôis Ici que cela me mit bien en peine; » et commença à dire quasi les 'mêmes choses qu'il avoit dites.. .•• Le dernier juillet 1626, Monsieur demanda -la Reine si on féroit leprocès au maréchal d'Ornano, et lui dit que tout ce qu'il avoit fait avoit été par son commandement, et que même il avoit des lettres
écrites de sa main, par lesquelles il avouôit tout ce qu'il avait fait.
Chalais confessa que toutes les intelligences de Monsieur avec les étrangers étoient par le maréchal qui étoit coupable de.tout;, Que si, depuis la prise du maréchal, on a traité avec eux, on n'a fait que suivre sa piste., et qu'il empêchoit le mariage de Monsieur avec mademoiselle de Montpensier.. Le Coigneux dit qu'il étoit vrai que si le maréchal fût demeuré près de-Monsieur, lé Roi et la France étoient perdus.. Quant à messieurs du Vendôme et le grand-prieur, Monsieur, dès le 1 juillet, avoua au Roi et à la Reine sa mère qji'il avoit été conseillé de demander le marquis de. Coeuvr.es pour premier gentilhomme de sa chambre,, parce qu'il est parent de M. de Vendôme et du grand-prieur. Monsieur dit aussi le même jour au cardinal que, lorsque messieurs de .Vendôme et le grand-prieur arrivèrent à Blois pendant que. le. Roi parloit à M. de Vendôme, U diso,it au grand-prieur que M. de Vendôme avoit grand tort.d'être venu trouver le Roi, et que s'il eût tenu bon en Bretagne, lui s'en fut allé à Paris et de là tâché de se jeter en quelque .place de Picardie, où il n'y avoit.point de citadelle, comme Saint-Quentin ouCompiègne, qu'il eût aisément surprise s'il n'en ecît eu d'autre assurée et que par ce moyen, le Roi ne pouvantaller à tous les deux à la fois ils se fussent sauvés les uns les autres « en tout cas, dit-il au cardinal, je croyois bien que M. de Xjongueville rieme dénieroit pas retraite dans Dieppe. ». ̃ NI. de Vendôme ne put cacher sa douleur à la prise
du colonel; elle fut si visible que chacun le connut. Dès,qu'il fut pris, il demanda au marquis de Mouny' si Monsieur étoit arrêté ce qui montroit bien la secrète intelligence qui étoit.. entre eux. Mais M. de Vendôme fut accusé et convaincu de tant de choses qu'il, vaut mieux que nous réservions parler de lui au commencement de l'année prochaine, lorsque la syndérèse lui fait avouer ses crimes et en demander au Roi l'abolition.
Quant au grand-prieur il étoit convaincu d'avoir conseillé à Monsieur de sortir de la cour. Le i3 de juin, le Roi étant à Blois, madame de.Rohan dit au cardinal que c'étoit le grand-prieur en propre personne et La Valette qui lui avoient parlé, à Fontine- bleau de faire que La Rochelle donnât retraite à Monsieur; que ledit La Valette avoit envoyé un .nommé Veltour pour en parler au duc d'Epernon, et promit d'en découvrir davantage.
Chalais l'en avoit chargé en ses interrogatoires; Lamont et Loustelnau disent le lui avoir ouï dire, qu'à la prise du colonel il avoit conseillé à Monsieur de sortir de la cour, et aller en quelque place forte, et là prendre les armes.
Le dimanche, 12 de juillet 1626, Monsieur dit au Roi que le grand-prieur savoit l'affaire de Metz et du Havre.
Monsieur, le 12 de juin, dit au Roi qu'il lui avoit. donné conseil d'aller à Fleury menacer le cardinal du poignard s'il ne moyennoit la liberté du colonel; à quoi il avoit été résolu..
Le 26 de juin, Monsieur avoua à la Reine-mère, le cardinal présent', que le grand-prieur l'avoit con^
seillé d'imputer'au cardinal tout ce qui arrivèrent, commencer par les prières, puis en venir aux menaces et aux violences.
Aussi s'enquéroit-il souvent pourquoi on l'avoitpris, et témoignoit bien, par ses appréhensions, qu'il y avoit quelque chose de particulier entre eux. Chalais l'accusa, le 6 d'août, de lui avoir parlé de deux moyens pour délivrer le colonel l'un qui étoit en faisant sortir Monsieur; l'autre, en attentant sur. la personne du cardinal, leur créance, étant que si on s'étoit défait de lui, il n'en viendroit jamais un autre qui portât l'autorité du Roi à un si haut point comme il faisoit; Que le jargon qu'il avoit avec Monsieur pour' le solliciter à exécuter un si méchantdessein, éloit K Ne vous souviendrez-vous jamais du colonel?»
Lamont et Loustelnau déposèrent lui avoir ouïdire qu'il avoit eu grand déplaisir de la prise du maréchal d'Ornano, et qu'il avoit conseillé à Monsieur d'user de menaces et violences envers le cardinal, qu'il avoit un grand déplaisir de n'avoir pu avoir l'amirauté. Dunault, secrétaire du grand-prieur, s'adressa à madame d'Elbeuf pour la prier d'intercéder envers le Roi pour ses frères et demander leur grâce et miséricorde, à la charge qu'ils confesseroierit leur faute, et demanderoient pardon au Roi, et même à M. le cardinal, des entreprises qu'ils ont faites contre sa personne.
Madame d'Elbeuf envoie quérir M. de Fosse, comme serviteur affidé au Roi et leur ami pàrticulier, lui a fait voir:ledit Dunault, lequel, en la présence de madame d'Elbeuf, dudit sieur de Fossé et du sieuir
de Chamleey, a reconnu que ce que madame d'Elbeuf a dit étoit véritable, que son maître n'étoit plus dans la prétention d'innocence, mais dans.le désir d'obtenir pardon et grâce par la reconnôissanee et ëonfession; de son crime. Sur quoi il usa de ces propres mots qu'il ne; falloit plus entrer pour son maître en prétention d'innocence la chose ayant été jusqu'à, ce. point que d'entreprendre contre la personne du Roi et l'Etat séparément. Sur quoi lui étant demande comme il pouvoit savoir'que son maître fut en intention de ce que dessus, il dit qu'il abandonnoit sa vie si son maître ne disoit la même chose audit sieur de Fossé, s'il pouvoit avoir permission de le voir avec lui,, et s'il né confessoit tout ce qu'il disoit; et le confirma plusieurs fois en diverses paroles, avec grande appréhension pour son maître et grand désir de son salut, témoignant ouvertement savoir ce qu'il disoit de la part de son maître. A quoi se rapporte ce que Laforêt avoua au cardinal, qu'on avoit vu un soldat, nommé La Planche, recevoir un papier dans sa pochette par un valet de chambre ce qu'il n'avpit su que par le valet de chambre du grand-prieur.
Madame d'Elbeuf en écrivit au Roi lalettresui'vante « Siée
« Votre Majesté me pardonnera bien si l'affection « que j'ai pour mon frère, le grand-prieur, m'oblige .« de l'importuner par cette lettre puisque je ne le « fais que sur une occasion qui se présente, dans lace quelle j'estime en servant votre Majesté pouvoir « soulager mondit frère. Il y a environ cinq ou six
« jours que Dunault, son secrétaire en qui il agrancle « confiance m'est venu prier de me mêler de ses af« faires et tâcher d'obtenir son pardon. Quoique « j'aime grandement mondit frère, et que je désire « passionnément sa délivrance je ,n'aurois pas ac« cep té cette condition, s'il ne m'avoit dit ensuite « que, mon frère reconnoissoit en avoir grand besoin « qu'il feroit pour l'obtenir, une vraie confession « des. fautes qu'il avoit commises tant contre votre « Etat, que contre votre personne; .qu'il ne parloit «pas-de lui-même, mais de la part de mondit frère, «, dont il av.oit su des nouvelles par voie qu'il ne me « voul,oi.t pas dire. Quand j'ai ouï. parler de la per«• sonne de votre Majesté, la passion et obligation «- que je lui ai m'ont fait résoudre à faire foffice que « désiroit ledit Dunault, pensant que peut-être vous vaudroit-il mieux découvrir tous les desseins qui « avoient été contre vous, et pardonner à une per« sonne que vous connoissez avoir l'honneur de vous .«appartenir, que d'en user autrement. Je vous sup« plie Sire ,.d'user de votre.bonté en cette occasion: « mon frère le grand-prieur, est jeune; c'est la pre« mièr.e faute, qu'il a commise il fera mieux à l'a!« venir. Dunault demande qu'il vous plaise envoyer « quelqu'un. avec lui pour voir monditfrère. Je pense .« que NI. de Fossé y seroit.bien propre; je l'ai prié. ,« à cet effet, comme, notre ami de vous porter cette « lettre, qui vous assurera que, quand tout le monde « manqueroit à vous: servir je serai, toute ma vie comme j'y suis obligée, Sire, votre très-humble et « très-obéissante sujette et servante.
Signé X. L. de France,
Ensuite le Roi permit audit sieur de Fossé d'y allerLe grand-prieur dit encore à M. de Tresmes, en pré- sence de M. de Loustelnau, qu'il ne demandoit point de justice au Roi mais le supplioit de lui pardonner et lui faire grâce; le suppliant aussi que ses ennemis ne pussent prendre avantage de tels termes qu'il choisiroit encore plus humbles pour le Roi, s'il en savoit.
Parlant à M. de Tresmes en particulier, il lui dit que, quand M. d'Angoulême faillit la première fois, le Roi lui pardonna; la deuxième même,,qu'il fut condamné, le Roi lui donna la vie, le laissant en prison. Ensuite de quoi il témoigna être résolu à tous événemens, espérant toutefois grâce de Sa Majesté. Le grand-prieur reconnut, devant lui, qu'il s'étoit opposé avec plusieurs autres au mariage de Monsieur; qu'il avoit conseillé Monsieur, depuis la prise du colonel, de traiter rudement les ministres, pour le ravoir par ce moyen 5
Que si cela manquoit, il lui avoit conseillé de sortir de la cour et de prendre les armes pour la même fin. Après avoir dit tout ce que dessus, il dit à M. de Fossé « Je ne crois pas que vous voulussiez redire tout ce que je vous dis. » Sur quoi M. de Fossé lui repartant que n'étant venu la que pour savoir ce qu'il voulait dire, pour le rapporter au Roi qui l'y avoit envoyé exprès, il étoit obligé de ne le celer pas, il répliqua « Pour mon secrétaire, j'ai de quoi le récuser; pour vous, je vous tiens si homme de bien que je Irai rien à dire, sinon que je n'en ai point parlé.» Sur cela M. de Fossé appela le sieur deLoustelnau,, qui étoit dans un petit retranchement qui est dans la
chambre, et lui dit « Monsieur de Loustelnau, je suis bien aise que vous sachiez, en peu de mots, ce que le grand-prieur nous vient de dire, à son secrétaire et à moi parce qu'il dit qu'il me niera mel'avoir dit, et donnera des causes de récusation contre son secrétaire. Je suis bien aise cependant que vous sachiez, en sa présence, qu'il m'a dit formellement qu'il avoit conseillé ce que dessus, » que ledit sieur de Fossé répéta tout au long. Pendant quoi, ledit sieur grandprieur dit d'abord « Vous direz ce que vous voudrez. » Et après que le rapport fut fini ledit sieur de Fossé lui disant « Monsieur est-il pas vrai que vous m'avez dit tout ce que je vous viens de dire?» il dit oui. Sur quoi il dit audit sieur de Loustelnau « Vous vous en souviendrez s'il vous plaît, et je m'en vais le dire au Roi. » Il dit encore, parlant de Chalais, qu'il étoitmortpour n'avoirpointeud'esprit, et que si on vouloit s'en servir .contre lui, il falloit le garder pour le lui confronter; d'avoir voulu empêcher le mariage de Monsieur, il le vient de confesser luimême de mauvais dessein contre la personne du Roi Lamont dit avoir ouï dire à Chalais que le grandprieur avoit grande aversion du Roi.
Dunault dit à madame d'Elbeuf', comme nous avons vu ci-dessus qu'il vouloit confesser ses crimes, et demander pardon d'avoir attenté contre la personne du Roi et l'Etat séparément. M. de Fossé dit qu'il ne lui voulut pas avouer avoir parlé audit Dunault contre la personne du Roi et dit Dunault « Mon ami, vous avez là dit une chose qui vous donnera bien de la peine et à moi. » Paroles qui témoignent qu'il le lui avoit dit, mais s'en repentoit.
Touchant M. le prince, on avoit appris de nouveau que l'ofïicial de Sens, nommé La Mare, confident de madame la princesse de Condé la douairière, parloit. comme d'une chose assurée du bannissement de lâ Reine-mère et du cardinal; conseillant à un sien ami nommé Terac, conseiller au présidial de Lyon que s'il avoit quelques affaires il les fît promptement, pource que l'état présent étoit prêt à changer. La même chose de l'éloignement.de la Reine en Italie et du cardinal à Rome, fut découverte à Nantes par Valençai comme projetée par M. le prince, Tronçon, Marsillac et autres et ce au même temps que Saintoul faisoit tous les. voyages,que nous avons dits ci-devant. Quant à M. le comte, la douleur que madame sa mère eut à la,prise du colonel ne se peut cacher. Chalais attribuoit audit sieur le comte le conseil clonhéà Monsieur de s'enfuir de Saumur à La Rochelle. Le grand-prieur, au commencement d'octobre l'accusa d'être de la même intelligence que lui avec Monsieur. Monsieur dit aussi au Roi que M. le çomte lui avait .fait dire à Paris qu'il ne lui parloit point, parce qu'il diroit toutes choses et.ne gardoit pas secret,, et qu'après qu'il eut été à Limeurs voir le cardinal de Richelieu, M. de Longueville lui dit en se moquant qu'il voudroit bien savoir si les affaires du'colonel en alloient mieux;
Le dimanche 12 de juillet 1626, que.M. le comte et M. de Longueville étoient tout à lui, et que maintenant qu'il étoit bien avec le Roi, il répondoit d'eux Sa Majesté.
M.' dé Vendôme dit à ChaleauneufrPréaux que
Chalais lui avoit donné avis que la Reine-mere, I ayant vu arriver, avoit dit au Roi « Le voilà venu, mais nous ne laisserons pas de le dénicher de son gouvernement n chose fausse encore.
Je ne rapporte point ici ceux qui sont nommés aux accusations que nous avons rapportées ci-dessus, pour n'user de redites.
Monsieur, dès le dimanche de juillet 1626, déclara que sa résolution étoit de ne point partir de Paris que quand le Roi reviendroit auquel cas il en fût sorti pour aller à Metz, à Dieppe pu Havre des- quelles places on lui avoit parlé pour .se retirer dès avant que le Roi partît de Paris que, pour cet effet, le Roi se souviendroit qu'il lui avoit demandé cent mille écus plusieurs fois dès Fontainebleau, et que c'étôit en intention de gagner madame de Villars par ce moyen ne se souciant pas du mari pourvu qu'il eût gagné la femme.
Chalais a rapporté que M. de La. Valette étoit Monsieur; que lui Chalais lui écrivoit souvent sans mettre son nom.
Le même a confessé que plusieurs promettaient à Monsieur de la cavalerie.en Normandie.
Le Roi étoit averti de tous.côtés que.le Havre étoit assuré, à Monsieur.
.M. l'évêque d'Orange, par lettre à JVI.rd'Herbaut, du 6 septembre .I626, avoit mandé que Bellujon avoit été en cette ville-là y avoit vu le gouverneur plusieurs fois, lui avoit dit qu'il avoit charge des églises de le prier de les protéger et défendre de l'oppression dont elles étoient menacées et que le connétable et M. de Rohan tiendroicnt la main et lui
donneroient, dans leur parti, un rang très-honorable et tel qu'il demanderoit.
Quant aux Rochelôis Monsieur dit à la Reine sa mère qu'eux et Soubise lui avoient fait offrir retraite à La Rochelle, 'et que Boistalmet et Puylaurens lui avoient dit qu'ils le suivroient partout, excepté en ce lieu-là.
Un gentilhomme de la religion prétendue réforméedonna avis qu'un ministre deLaRochelle, nommé Salebert étant revenu d'Angleterre au temps que le Roi étoit à Blois le'sieur de Londrières partit de La Rochelle et vint jusques en Touraine, où ayant conféré avec quelques-uns, ledit Londrières s'en alla à La Rochelle ety porta des nouvelles qui réjouirent extrê- mement la ville. Aussitôt après ceux de La Rochelle ont dépêché le ministre Chapelières en Angleterre. M. de Soubise a écrit à La Rochelle que si la ville n'avoit besoin de son service, il s'allait embarquer avec l'armée anglaise; mais que si on désiroit se servir de lui il étoit tout prêt à les aller trouver. Un ministre de La Rochelle a écrit à un ancien de l'église de La Rochefoucauld qu'il croyoit que l'on verroit bientôt quelque chose mais que c'étoient des affaires qu'il n'osoit pas écrire. Foularton Écossais réfugié à Paris et caché de peur d'être pris des Anglais, vu qu'il,a tué le cousin du'milord Maxiel pour avoir couché avec sa soeur, adécouvert à Dieppe'qu'un secrétaire de Soubise nommé Smith, a pris d'un banquier dudit Dieppe, Ecossais nommé Mel huguenot, trois mille pistoles. Monsieur dit devant le Roi la Reine et le cardinal de Richelieu que l'intelligence qu'il avoit en Angleterre étoit particuliè-
cernent avec le comte de Carlile qui étoit lié de grande affection avec lui, et que quand il entendoit parler des poursuites qu'on faisoit contre Buckingham,il n'en étoit pas fâché espérant que s'il venoit à être ruiné .Carlile viendroit en laveur, et qu'il pourroit beaucoup en son endroit.
Monsieur confessa à La Ferté à M. de Mende, revenantd'Angle.terre,que Montagu, au voyagedeNantes, lui avoit dit de la part du comte de Carlile, qui est celui avec lequel Monsieur a reconnu plusieurs fois que le colonel avoit formé étroite liaison, que.ledit comte de Carlile l'avoit chargé de lui témoigner. lue déplaisir qu'il avoit de le voir maltraité savoir ses sentimens sur ce sujet, et l'assurer que, pourvu qu'ils sussent ses intentions, il seroi t servi du côté d'Angleterre comme il pourroit désirer.
Toiras donnoit plusieurs avis qu'assurément les Anglais étoient à eux et que ceux de La Rochelle attendoient toujours un mouvement à la cour. Un jeune gentilhomme nommé La Motte-Fénélon estparti d'auprès de Monsieur depuis la prison du maréchal d'Ornano, et a visité beaucoup de noblesse du Limosin, pour la convier à monter à cheval et prendre parti à la première occasion. Il disoit même devoir avoir un régiment, et a offert une compagnie à un gentilhomme de la Marche.
Monsieur avoit dit plusieurs fois qu'il avoit fait des tentatives dans toutes les provinces du royaume, pour voir si on lui voudroit donner quelque sûre retraite; que jusques ici il n'avoit osé écrire, mais qu'il se résolvoit de le faire dès qu'il seroit parti de Nantes pour aller à Paris.
On a voit avis de Savoie par Bachelier qui'y avoi't été depuis un an de la part du Roi auprès du duc, à la poursuite de l'affaire du comte de Sommerive pour M. de qu'ayant eu le premier la nouvelle de là détention du colonel 'et en donnant aussitôt l'avis au secrétaire d'Etat du duc, qui ne l'eut que cinqjours après, cela mit cette cour en :grande confusion ce «qu'ayant remarqué, cela le fit mieux veiller pour en connoîtrè le sujet.
-Le jeune Rothelin a témoigné à M. de Schomberg qu'au même temps de cette grande conspiration du colonel M. de Savoie retira ses 'troupes du côté de Gêues, et les faisoit dëjà marcher vers France et quelques-uns'de ses capitaines et' colonels ne'se plurent tenir de dire le dessein 'que 'M. de'Savoie avoit d'entrer en France; le marquis de Vignoles le.sait. ° Le nonce avertit, sur la fin de septembre, 'que l'ambassadeur de Savoie traite en Espagne pour faire la paix des Anglais, et ce par le moyen de l'ambassaBullion dit au cardinal, avoir découvert par Ta-1 bouret et le secrétaire Pazé, que 'l'ambassadeur Scàglià écrivoit lettres sanglantes a son maître, qui ne promettoient rien moins qu'un cliangement absolu; et entré autres qu'il yen à voit1 une qui demàndoit s'il ne pouvoit pas assurer ceux qui entreprenoient telles choses d'une retraite en Savoie, au cas qu'ils faillissent leurs entreprises. '̃' •̃̃ '[' Par une autre il màndoît à son maître que le grandprieur étoit *le seul esprit de courage et'de ,jugéLe duc confessa à Bullion que les choses avoient o
réussi plus par forme de conduite que par moyen de. force et d'autorité, et que, se voyant privé des avantages qu'il espéroit dans la guerre, il avoit été réduit à cette extrémité de vouloir rechercher et pratiquer contre le cardinal, tous les moyens par lesquels on se peut venger d'une personne insinuant toutes voies violentes et cachées.
Cependant il loue infiniment hors de sa passion le cardinal, ef lui fait l'honneur de dire que c'estle plus grand des ministres que la France. ait jamais eus et que nul que lui ne pouvoit démêler cette affaire. Le prince lui a dit le même plusieurs fois:
M. de Savoie a reconnu à M. de Bullion que le mariage de Monsieur étoit utile au Roi et à la France. Le vendredi 18 juillet Monsieur dit au Roi qu'après que le prince de Piémont s'en fut allé mal content de la cour, ils avoient envoyé Valins, sous prétexte d'aller au Saint-Esprit, en Savoie pour former une étroite ligue et union avec M. le prince de Piémont, et que ses paquets furent portés par un homme qui partit trois jours après de peur qu'on ne dévalisât Valins.
Monsieur, sur la fin de septembre, dit que le Roi faisoit très-bien de désirer que l'ambassadeur de Savoie s'en allât que c'étoit un très-mauvais homme, qu'il en parloit comme savant, qu'il étoit passé en Angleterre au mois de décembre de l'année précédente et s'étoit fort mal comporté envers Blainville, se rangeant avec les Anglais contre lui.
Il envoya à son arrivée visiter Blainville et incontinent s'en r epentit; il ne voulut pas l'aller visiter qu'il n'eût été visité de lui ce que Blainville ne voulut pas
faire, disant qu'il y avoit de la différence entre eux deux, et qu'il ne vouloit ni l'aller visiter le premier ni lui donner la main droite chez lui, pource qu'ils ne devoient pas aller de pair ensemble.
Blainville fut maintenu du Roi, ayant agréable qu'il se fut comporté de la sorte.. Scaglia vivoit en Angleterre, non comme ecclésiastique', mais vêtu de cour, rii comme catholique, mais refusant absolument de s'employer à faire plaisir à aucun d'eux et en ses discours les scandalisa beaucoup.
Chalais, étant sur la sellette, confirma l'intelligence de Monsieur avec le prince de Piémont, lequel promettoit. dix mille hommes, et les Anglais donnoient de belles espérances e.t de faire mouvoir La Rochelle. Il dit aussi avoir ouï dire à Monsieur qu'il devoit venir d'Angleterre des vaisseaux à La Rochelle et en Normandie.
Monsieur, au même temps, étant au conseil à SaintGermain un jour que laReine avoit été saignée et étoit au lit, avoua franchement que Beaufort,.qui estdans la Bastille,faisoitdes levées, sous prétexte de l'Empereur, pour lui^en Picardie.
Le comte d'Egmont a dit à son retour d'Espagne que le Roi avoit obligation à son beau-frère qui avoit refusé retraite à plusieurs grands qui lia lui avoient demandée en ces occasions dernières; ce qui ne devoit pas faire croire qu'il fût vrai, mais bien étoit un témoignage que les conjurées avoient intelligence avec Espagne.
Par.information du 26 août, faite par le président de Monrave à Béziers, il est avéré que le sieur de Rohan
avoit dit à plusieurs que La Rousselière étoit arrivé d'Espagne, et que tout étoit en bon état;
Que si les désordres qui étoient à la cour continuoient, il faudroit prendre son temps et faire sa condition;
Qu'il leur commandoit de reconnoître et faire reconnoître des places pendant que le temps le permet.toit, et qu'il sauroit bien prendre l'occasion et ne la manqueroit pas;
Que les aflàires seroient bientôt en état dé prendre les armes; que le mariage dé Monsieur ue faisoit que retarder un peu les choses; que ];¡ ligue se renforceroit toujours, en crédit, en amis et en,argent; qu'ils ne pouvoient rieii faire sans lui; qu'ils lui dorineroient quelque bonne place, et qu'ainsi il essaieroit à se remettre.. Plusieurs autres déposoierit que Là Rousselièie, leur parlant de son voyage d'Espagne, leur dit qu'il avoit mis les affaires en tel état qu'il n'y. faudroit plus retourner que tout étoit fait, qu'on auroit de l'argent en abondance, ét que la ligue qui paroissoit en France avoit pris son commencement en Espagne, à ce qu'il avoit appris.
Leur dessein contre le cardinal est mêlé en toutes les choses que nous avons déduites, joint que Lé Coigneux disoit souvent qu'il ne voyoit point que l'esprit de Monsieur se guérit; mais qu'il témoignoit quand il étoiten son particulier, qu'il vouloit un grand mal au cardinal et qu'il ne lui pardonnerait jamais.1 Par divers avis de toutes parts on étoit assuré qu'ils avoient dessein de donner ombrage à Sa Majesté du crédit qu'avoitle cardinal auprès d'elle, disant que
c'étoit par une semblable jalousie qu'on, avoit autrefois perdu la Reine-mère auprès d'elle et que ce qui'avoit réussi envers elle pouvoit bien réussir une seconde fois en une autre, personne, bien qu'ils reconnussent en leur conscience que les choses n'allassent jamais si bien comme elles alloient, et qu'elles fussent, comme elles devoient être.
L'exécrable attentat contre la personne du Roi fut encore confirmé
Premièrement par Chalais, qui avoua formellement que madame de Chevreuse avoit une haine particulière contre Sa Majesté.
Dunault, secrétaire du grand-prieur, dit au sieur .de Fossé, en présence de madame d'Elbeuf, que son maître demandoit grâce, reconnoissant avoir entrepris contre la personne du Roi et l'État séparément. Un homme qui donnoit des avis d'Espagne avertit plusieurs fois qu'il y avoit une cabale contre la personne du Roi.
La Lande, prévôt de Saumur, ouït dire au cocher de M. dé Vendôme, en passant, lorsqu'il venoit « Yat-on pas bien rasé Louis-le-Fainéant ? Ce qui montre qu'il falloit qu'il y eût quelque dessein bien épandn elans la maison ou au moins qu'on y faisoit librement des discours criminels, puisque cela venoit jusques aux cochers..
Et Bullion rapporta au Roi le 17 octobre qu'on n'attendoit en Savoie autre chose, sinon un changement absolu de l'Etat au préjudice de la personne du Roi -qu'on parloit de reclure. A quoi on peut ajouter ce que nous avons dit ci-dessus sur un autre sujet, qu'on n'avoit point honte de parler ouvertement de marier
Monsieur avec la Reine, en cas de mort du Roi; ce que Monsieur, trois ou quatre jours avant la mortde Chalais, avoua quand, oyant dire devant la Reinemère que Chalais avoit dit que le fondement de l'opposition que les dames fâisoient à son mariage étoit, ce sujet, il confessa qu'il y avoit long-temps quemadame de Chevreuse lui en avait parlé.
Voilà les preuves dey effroyable faction de-laquelle, le maréchal d'Ornano étoit le chef.
De sa mort, que nous avons dit être arrivée au 2 de septembre, les conjurés prirent occasion d'animer, Monsieur contre le cardinal encore davantage qu'il n'étoit auparavant; de sorte-que, parleurs discours, ils témoignaient avoir dessein de s'assembler, et lui faire un mauvais parti en quelque logement sur le chemin, où il étoitpeu accompagné, nepouvantpas aller si vite; que le Roi à cause de ses incommodités; ce qui fit que quelque noblesse l'accompagna deux ou trois journées. depuis Le Mans.
Le Roi en fut si en peine, qu'il lui écrivit de sa main le 9 septembre, qu'il le prioit de prendre garde: à lui et se mettre en état qu'ils ne lui pussent faire un mauvais tonr que s'il avoit affaire de ses compa-j gnies (1) et de tout ce qu'il avoit, il le lui enverroit au moindre avis qu'il auroit de lui.
(t) S'il avoit affaire de ses compagnies. Après la conjuration de C;halais Richelieu eut cent gardes à cheval commandés par un capitaine, on lieutenant un enseigne, deux maréchaux des logis, et quatre brigadiers. En 1632, cette garde fut augmentée de deux cents mousquetaires commandés par un capitaine', un lieutenant, un enseigne et quatre sergens. Par la suite, Richelieu eut encore une compagnie de gendarmes et une de chevau-légers de cent vingt maîtres chacune. Ces gardes, lorsqu'ils étoient de service auprès'de lui, le suivoieut dans 1 appartement du Roi. r
Madame de Chevreuse, qui se sentoit trop coupable pour attendre à Paris la venue du Roi, en partit peu de jours auparavant et s'en alla en Lorraine. Sa Majesté arrivant à Paris le 14 septembre trouva que son absence n'avoit pas avancé l'exécution de la paix en Italie.
S'il y eut beaucoup de peine et de longueur à convenir des articles d'icelle il y en eut bien encore davantage à l'exécution de ce qui avoit été promis. La paix fut secrètement traitée entre les deux couronnes. Il ne pouvoit y avoir empêchement de dehors, parce qu'on ne le savoit pas; mais à l'exécution, outre les deux couronnes, Sa Sainteté, Venise, le duc de Savoie, Gênes les Grisons, les Valtelins et les Suisses devoient intervenir; joint que, naturellement, il y a moins de difficulté à promettre qu'à tenir, et que les Espagnols cherchent toujours l'avantage en l'exécution des choses au concert desquelles ils n'ont pas reçu tous les avantages qu'ils eussent bien désiré. La première peine fut à faire recevoir le traité au duc de Savoie, et lui faire accorder une suspension d'armes. avec Gênes, et embrasser la voie d'arbitragepour terminer leur différend.
Il- met en avant qu'il n'est pas formellement compris en ce traité; que les Espagnols sont hostilement entrés en son Etat, violant ouvertement la paix qu'ils lui avoient jurée avec approbation de Sa Majesté, qu'il ne sait quelle sûreté il peut avoir avec eux et que, les choses étant en ces termes, la suspension d'armes avec Gênes lui seroit dommageable joint qu'il lui semble qu'il faudroit commencer à rendre, de part et d'autre, les places prises, et remettre toutes choses
au même état qu'elles étoient auparavant la guerre, Bullion lui remontra qu'il étoit compris au traité comme l'un des collègues, les Etats duquel Sa Majesté veut; conserver comme les siens propres, et les assurer contre qui que ce soit; et partant, qu'il peut faire- la suspension d'armes avec toute assurance; néanmoins que s'il veut une déclaration particulière par laquelle le roi Catholique déclare qu'il est compris eu la paix, il n'y aura point de peine à l'obtenir. Quant à son difl`érend avec Gênes r il ne se peut traiter d'accord, et particulièrement de la restitution des places et des prisonniers., que la raison veut qui soit préalable, que la suspension d'armes ne soit ac, cordée par article secret ou autrement, et que Son, Altesse ne nomme des arbitres pour terminer cette affaire par un juste et honorable accommodement. Enfin la résolution fut que le Roi écrivît au roi d'Espagne pour avoir assurance de la continuation de la paix, l'ayant rompue par actes d'hostilité du c6té .d'Ast et siége de Vérue, et que Bullion écriroit à Milan pour être éclairci s'ils ont ordre de ne rien innover contre les Etats dudit duc; comme aussi de savoir de la part de Gènes, par le moyen de l'ambas· sadeur d'Espagne qui y réside, leur volonté sur le fait de la suspension d'armes et des moyens pour parvenir à un bon accommodement.
Du côté de l'Espagne et de Milan on eut les ré,ponses qu'on désira.
Pour le fait de Gênes il y eut de la difficulté sur le point de la restitution préalable de toutes choses comme elles étoient auparavant les premiers mouvemens.
Venise accepte avec contentement le traité. Elle se contenta de laisser ses troupes dans la Valteline sous la charge du marquis de Coeuvres; savoir, les auxiliaires jusqu'à la démolition des nouveaux for ts et celles dé^la ligue jusqu'à l'entière exécution du traité et ordonna à .ses ambassadeurs de joindre leurs offices, avec ceux du sieur de Châteauneuf envers les cantons'des Suisses pour les disposer à la clôture des passages dans l'état de Milan, ou du moins à faire qu'ils apportent telle restriction que lesdits passages ne soient ouverts qu'au cas que ledit Etat fût assailli. A quoi ils furent facilement persuadés moyennant la promesse portée par un écrit particulier et secret entre Sa Majesté et eux, que Châteauneuf leur accorda que Sa Majesté leur moyenneroit la liberté des passages des Grisons en vertu de son alliance. Mais ledit Châteauneuf fit la promesse pour tout le temps de la vie de Sa Majesté, quoiqu'il n'eût ordre de la faire que pour dix ans; Sa Majesté se voulant réserver cet avantage, que, de dix en dix ans, la répu- o blique fût obligée de la lui redemander, et fût, sous cette espérance, retenue en plus de respect envers Sa Majesté.
De plus eucore., il avoit ordre d'exprimer en la piomesse ces paroles sans gue cela préjudicie au traité de paix avec Espagne du 6 de mars dernier tant pour montrer que Sa Majesté le pourvoit sans déroger audit traité, attendu que, par icelui, les choses étoient remises en l'état qu'elles étoient auparavant les derniers mouvemens de la Valteline, et que lors elle avoit cette faculté -la, qu'afin de décharger par cette clause Sa Majesté envers les
Espagnols du prétexte qu'ils pourroient prendre, que, sans fondement de se plaindre, par cette nouvelle concession Sa Majesté eût altéré ledit traité de. paig; et néanmoins il consentit que cette clause fût ôtée.
En troisième lieu, la promesse étoit absolue sans aucune détermination et restriction au temps et aux occasions où la république en auroit besoin; ce'qui fit que Sa Majesté lui donna ordre de la faire réformer. Néanmoins, pour ne donner en cela aucun dégoût à la république, elle ratifia ladite promesse en forme qui suppléoit en partie seulement aux choses susdites. Elle se pourra voir à la fin de ce livre De là le sieur de Châteauneuf passa aux Grisons, où lui et le maréchal d'Estrées convoquèrent une assemblée à Poschiave le 12 de septembre, et leur représentèrent les articles du traité lesquels, après avoir rendu très-humbles grâces au Roi de la protection qu'il avoit daigné prendre d'eux ils dirent qu'ils les présenteroient à leurs seigneurs auxquels ils rapportèrent ce qui leur avoit été dit. Il se forma entre eux plusieurs difficultés qui enfin se terminèrent à envoyer des ambassadeurs vers le Roi, pour l'informer du préjudice qu'ils croyoient leur être fait par ledit traité.
La première chose qui les arrêtoit étoit que far-chiduc Léopold n'avoit encore donné aucun consentement sur les articles de paix, et partant qu'il ne se trouvoit aucune sûreté pour eux de ce côté-là. Les autres difficultés étoient qu'ils ne pouvoient (1) A la fin de ce livre Cette pièce ne sc trouve pas dans le manuscrit..
goûter que les Valtelins leurs sujets élussent des juges, et, s'ils manquoient auxdits Valtelins en ce qui étoit convenu par la' paix sur le fait de la religion Sa Sainteté en prendroit connoissance pour s'en plaindre aux deux Rois qui y mettroient le remède nécessaire. Sur quoi ils disoiént qu'ils étoient libres et ne vouloient point qu'aucun prince eût l'autorité de se mêler de leurs affaires.
Quanta la profession de la seule religion catholique'' apostolique et romaine ils s'y accordoient, pourvu qu'il n'y eût point d'inquisition: Le sieur de Châteaunèuf, étant retourné à Coire, y fit, au mois de novembre, une grande conférence avec les députés du conseil secret des trois ligues, sans qu'il en pût remporter autre chose:
En quoi il étoit aisé à voir qu'ils ne seportoient pas par leur propre jugement mais par le conseil d'autrui qui étoit ennemi du bien de la paix, vu qu'ils avoient, les années auparavant, flit un traité à Milan et un à Lindau, auxquels ils condescendoient à bien davantage; car, au premier, ils abandonnoient la souveraineté de la Valteline, et en l'autre celle d'une partie de leur propre pays.
Mais le duc dé Savoie, d'un côté leur faisoit entendre que, s'ils vouloient tenir bon, ils obligeroient le Roi à leur' faire accorder tout ce qu'ils demanderoient.
D'autre part, les Anglais avoient expressément, par l'avis du duc de Savoie, fait passer le milord Walke, leur ambassadeur, de Turin à Venise par les Suisses et les Grisons, pour, sous prétexte d'un simple pas- sage, faire des cabales avec eux et les détourner de-
la sincérité avec laquelle ils devoient embrasser ce qui leur étoit proposé de la part du Roi.
Ensuite de cet ordre, par les villes où il passoit, il faisoit appeler chez soi jusqu'à sept ou huit des principaux bourgeois de la ville, et leur remontroit que le duc de Savoie avôit contribué ce qu'il avoit pu, avec la ruine de ses Etats pour empêcher le progrès de l'Espagnol; mais que, contre son espérance, les aflàires avoient été réduites en autres termes, et partant qu'ils étoient à louer de la disposition en laquelle on les estimoit être de contredire à ce traité, étant assuré que tous les cantons protestahs, bien unis avec les Grisons Venise et Savoie, étoient suffisant d'empêcher ce traité, de tailler de la besogne à l'Espagnol et à ses adhérens..
Il fit ces offices avec si grande passion, passant à Berne, et de là aux autres cantons protestans et aux Grisons, qu'il empêcha le sieur de Château neuf de rien obtenir d'eux ce qui l'obligea d'aller à Soleure pour y convoquer une assemblée générale de tous lés cantons.
pour les obliger à consentir à leur propre bien, donna charge aux principaux ministres de son conseil de traiter avec le marquis de Mirabel, ambassadeur d'Espagne, pour la détermination de la somme que les Valtelins seroient obligés de payer par chacun an aux Grisons; pour le dédommagement du profit que le général et le particulier desdits Grisons recevoient dè l'administration et magistrature en la Valteline et es Comtés de Chiavenne et Bormio et convinrent à la somme de 25,ooo écus par an, qui étoit plus que ce
qu'ils recevoient par le traité de Milan pour l'absolue renonciation à la souveraineté de la Valteline. Quant à la démolition des forts de la Valteline est l'accord entre Savoie et Gênes il se rencontroit de grandes difficultés de la part d'Espagne et-du duc. Le Pape, entre les mains de qui on étoit convenu de rendre tous les forts de part et d'autre, et que, les ayant reçus, il les feroit démolir incontinent, refusa de le faire, et, quelque instance que le Roi en pût faire, ne voulut jamais se charger de la démolition. Le Fargis qui s'étoit accoutumé de traiter sans ordre, et, n'en ayant reçu aucune punition, croyoit que la licence lui en étoit donnée, s'avança de convenir avec le comte d'Olivarès que la charge de les démolir se'roit commise au roi d'Espagne et aux Val" telins.
Le Roi, fort offensé de cette présomption,.le désavoue, ne jugeant pas raisonnable que les uns et les autres, qui sont parties en ce sujet opposées à l'intérêt de Sa Majesté et des Grisons ses alliés deviennent dépositaires des forts et que la démolition en soit remise à leur discrétion joint que la réputation de Sa Majesté ne pourroit pas permettre qu'elle se démit des forts pour les voir, par après, entre les mains des Valtelins ou des Espagnols, chose toute contraire à l'intention du traité.
Mais Sa Majesté, ne voulant aussi en ce fait-là s'avantager aucunement, proposa, pour le plus juste et meilleur expédient, qu'après que les forts auroieut été mis ès mains du Pape pour sa satisfaction, .qu'ils fussent, par Sa Sainteté, rendus aux ministres des deux couronnes pour faire la démolition chacun de
ceux 4111 sont à présent en leurs mains, selon l'ordre, le temps et les circonstances qui seroient arrêtés de concert entre leurs ambassadeurs. à Rome ou en la Valteline, lesquelles Sa Majesté auroit toutes agréables, pourvu que la sûreté de la démolition des forts. et la décharge du Pape s'y trouvât comprise, et que la dignité des deux couronnes y fût également con` servée, suivant l'intention du traité et celle que doivent avoir les deux Rois.
Le marquis de Mirabel ambassadeur d'Espagne, eu témoigna du mécontentement, et représenta que, puis-' que le Roi son maître avoit fait le dépôt desdits forts entre les mains de Sa Sainteté, à laquelle il en devoit donner la décharge, il étoitconvenable que Sa Sainteté les lui reudît puisqu'elle ne le vouloit pas faire elle- même. Au moins le Roi ne devoit-il ce semble, re-.fuser que les forts fussent remis un à un, par Sa Sainteté, entre les mains des Valtelins pour les démolir; Que cela étoit à l'avantage de la France, puisque les Valtelins étant un corps avec les Grisons, et, pour ce respect, alliés de Sa Majesté, sous sa protection, il sembloit que cette démolition se fit plutôt par le commandement de Sa Majesté que par un accord entre les deug, et que cela donneroit plus de facilité en l'exécution, à cause que ce seroit un moyen proposé par les ministres de Sa Sainteté, en quoi il n'y pourroit avoir aucune opposition.
Sa Majesté demeura ferme en son premier avis, ne jugeant pas raisonnable que ladite démolition fût commise à l'une des parties à l'exclusion de l'autre. Ledit ambassadeur 'présenta en même temps au Roi, le 26 septembre une lettre de la république de
Gêries, pleine de soumissions et de respects q'tieledit ambassadeur rendoit, par laquelle il supplia le Roi en son nom, de recevoir en bonne part, et avoir agréable de croire qu'en toutes les procédures qui avoient été faites, contre Claudio Marini, la république y avoit' été forcée pour obéir aux lois; mais que le respect de Sa Majesté et l'emploi dudit Marini l'avoient retenue de plusieurs autres poursuites, n'ayant jamais pensé, comme le bruit en avoit couru, de mettre prix sa tête; et que, pour marque plus assurée du respect très humble de la république vers Sa Majesté, elle avoit cassé et révoqué toutes sentences et déclarations faites contré la personne 'dudit Marini, le remettant en ses anciens honneurs. Comme ils crbyoient avoir fait de leur part tout leur possible ils espéroierit aussi que Sa Majesté y côrrésporidroitdé son côté par son accoutumée grandeur et bonté, favorisant ladite république et lui faisant la grâce de casser et révoquer les édits qu'on avoit envoyé publier contre la liberté des personnes et facultés de ses sujets, lesquels, sous la parole de roi et la foi publique, résidoient en son royaume.
Sa Majesté ne voulut pas que la cassation de la susdite sentence contre Claudio Marini fût en forme de grâce et, d'abolition mais une révocation par forme de désaveu, qui confirmât, en termes honorables, ledit sieur Marini en ses biens, honneurs et dignités en la république, ensemble ses dëscendans, tout ainsi que si ladite sentence ne fût point avenue; ensuite de laquelle déclaration Sa Majesté forma la révocation de l'ordonnance et bans publics contre ladite république.de Gênes, et donna main-levée de tous
les biens, à 50,00o écus près-qui furent arrêtés pour le dédommagement des pertes dudit sieur Marini. Pour le regard du différend d'entre ladite république et M. de Savoie, ledit marquis, ambassadeur d'Espagne, proposoit que l'arbitre de part et d'autre fût de robe longue, et que, jusques à ce qu'ils eussent jugé, les choses demeurassent en l'état qu'elles étoiént. Le Roi, au contraire, jugea raisonnable qu'avant toutes choses les parties acceptassent la paix, qu'ensuite ils nommeroient et compromeltfoient dé la qualité des arbitres; mais qu'avant que d'entrer en négociation sur le fond du différend les choses soient rétablies en leur premier état, ainsi qu'il est ordi^haire et accoutumé en tous traités; savoir, que la restitution dés places seroit effectuée de part et d'autre, ce que Sa Majesté auroit à plaisir de proposec NI. de Savoie, si le roi Catholique demeuroit d'accord de faire le semblable à la républiquè de Gênes.
Et sur le sujet des saisies qui avoient été faites réciproquement des biens et marchandises appartenantes aux sujets des deux couronnes, on proposa de s'accorder d'un jour préfixe dans lequel on restitueroit de bonne foi la galizabre de Calais avec tous- les deniers qui étoient dedans, et qu'à même jour seroit donnée pleine et entière main-levée en Espagne de tous les biens, vaisseaux et marchandises des Français sans aucune réserve.
.Quant aux landes de Marseille, quoique Tes- Es-pagnols ne fussent point en droit d'en demander la restitution puisqu'elles ne leur appartenoient pas, ni à leurs sujets, néanmoins Sa Majesté trouva bon de
donner assurance de faire payer,; dans un aii 1 les sommes qui se trouveroient avoir été prises dans lesdites landes, suivant la liquidation qui en seroit faite compensation et déduction préalablement faite sur icelles des sommés.qui se trouveroient avoir été prises par ceux de Gênes aux habitans de Marseille, comme aussi de celles qui auroient été retenues par les ministres d'Espagne en tous les Etats dudit Roi sur les biens par eux saisis aux sujets de Sa Majesté. Le Roi n'avoit point encore envoyé en Espagne pour se conjouir de la naissance de l'Infante dont.la Reine étoit accouchée au mois de novembre, en l'année précédente.
Le marquis de Rambouillet avoitété dès lors destiné pour y aller ambassadeur extraordinaire à cet effet .maisla guerre et les mésintelligences survenues entre les deux couronnes ayant différé son voyage, le Roi se .résolut de l'y envoyer maintenant et, quant et quant, lui donna ordre de travailler à ajuster tous les différends qui se rencohtroient en l'exécution du traité de la paix. Il eut charge, si les Espagnols ne vouloient ac• cepter la proposition que le Roi leur faisoit sur la démolition des forts qui étoit qu'ils fussent rasés par les ministres des deux couronnes, et.insistoient. qu'ils le fussent par eux seuls ou les Valtelins de .proposer, à l'extrémité, un troisième parti, qui étoit, que lesdit forts seroient l'un après l'autre remis, pour les démolir, entre les mains des Suisses catholiques, non suspects des cantons, dgnt il pourroit être convenu par le marquis de Cœuvres avec les ministres .d'Espagne.
Et qu'enfin s'il ne pouvoit convenir avec eux de la forme de la démolition, il procurât au moins qu'il fût envoyé toutpouvoir aux ministres d'Espagne résidans à Rome ou à Milan, pour convenir de quelques bons, justes et raisonnables moyens avec le sieur deBéthune, ouleditsieur marquis de Cœuvres, pour exécuter promptement la paix sans en attendre autre ordre d'Espagne, Sa Majesté étant résolue de donner le même pouvoir auxdits ambassadeurs.
Et, principalement, que les ministres d'Espagne eussent pouvoir exprès de donner telle décharge au Pape qui seroit requise par Sa Sainteté, pour raison du dépôt des forts ci-devant faits ès mains de son. prédécesseur, ensemble des canons, munitions de guerre et autres choses qui étoient dans les forts, en sorte que Sa Sainteté s'en contentât, et que, moyennant icelle décharge, elle pût remettre les forts ès mains des ministres des deux couronnes, ou autres qu'il seroit avisé, pour en faire l'actuelle démolition sans aucun délai.
Surtout, il eut ordre de faire instance que le roi d'Espagne fît en sorte que l'archiduc Léopold déclarât qu'il se conformoit audit traité de paix, en expliquant la clause du premier article d'icelui, qui portoit cassation et annulation de tous traités faits depuis l'année 1617 avec les Grisons par qui que ce pût être ce qui s'entendoit, non-seulement des traités faits à Milan, mais aussi dès autres faits par l'archiduc Léopold avec les Grisons, et particulièrement de celui déLindau, dontil étoit nécessaire que ledit archiduc, en conformité du traité, déclarât la cassation ou du moins que le roi d'Espagne fit ladite déclaration
avec .promesse de la lâire ratifier audit archiduc. Enfin, il eut commandement de traiter avec le comte d'Olivarès avec les mêmes titres que l'ambassadeur de l'Empereur, et que s'il pouvoit encore ménager quelque chose de plus pour la dignité du nom de Sa Majesté elle lui en sauroit gré, et tiendroit ce service digne de recommandation.
Il partit avec cette instruction sur la fin d'octobre. Devant qu'il eût commencé à traiter en Espagne, les ministres des deux couronnes convinrent à Rome de. la forme de la démolition des forts par un traité qu'ils passèrent le 11 novembre, bien que l'exécution ne s'en soit ensuivie que l'année d'après comme nous dirons en son lieu.
Mais nos affaires n'alloient pas d'un même pied en Angleterre. Cette grande faction que l'unique prudence du Roi, assistée d'une manifeste bénédiction de .'Dieu, étoit capable de dissiper, et que tous les étrangers /croyoient devoir produire la ruine et la dissipation de l'Etat, donnoit courage aux 'Anglais- de continuer leur mauvais procédé envers la Reine, et le pousser. jusques au dernier point d'infidélité.
Ce Roi, ayant rigoureusement traité tous ceux qui avoient été contraires à Buckingham au parlement passé, ,en avoit convoqué un autre dès le commencement de cette année ayant pris soin d'y faire élire des députés à sa dévotion, espérant qu'il conserveroit, par ce moyen Buckingham et qu'il se feroit accorder tous les subsides dont il avoit nécessité pour la.guerre d'Espagne.
Peu de jours auparavant l'ouverture on fit la céré-
monie de son couronnement avec fort peu de magnificence, à cause de la pauvreté de l'Etat.
La Reine ne fut pas conseillée de se faire couronner avec lui, n'y trouvant pas la sûreté de sa conscience. Au couronnement des rois, ils ont accoutumé de faire en Angleterre des chevaliers, qu'ils appellent du Bain Buckingham pria la Reine d'y assister. Elle, qui ne sait pas s'il s'y fait des cérémonies pro-* testantes s'en excuse et va prier Dieu en son église de Saint- James; Buckingham fit trouver cela si mauvais au Roi qu'il ne se put tenir de lui en parler comme si elle lui eût fait une grande offense. A deux jours de là on fitune cérémonie digne d'être vue qui est l'entrée du parlement qui se fait à cheval.
La Reine la désira voir de chez elle le Roi lui témoigna qu'il eût é.té bien aise qu'elle l'eût été voir .chez la comtesse de Buckingham. Elle se met en chemin tout à l'heure; mais, la pluie survenant, elle pria le Roi de la dispenser de ce voyage de peur que sa coiffure se gâtât.
Il dit du commencement qu'il ne pleuvoit pas mais enfin, voyant le contraire, il lui permit de demeurer sans lui témoigner en aucune façon d'être marri. Buckingham, qui avoit dressé cette partie .pour faire que le parlement pensât qu'il étoit bien avec la Reine et toute sa maison, vint de colère trouver le Roi, lui faisant croire que ce lui étoit une grande honte que tout son parlement vît qu'il n'avoit pas assez de vigueur pour se faire obéir de sa femme; ce qui seroit cause aussi de les faire porter irisolemment contre leur devoir.
Ce bon prince le crut, et donna à Buckingham la commission de lui aller témoigner son mécontentement ce qu'il fit avec des paroles très-aigres, auxquelles elle répondit fort civilement.
1. Après avoir parlé seul quelque temps à elle, ils appelèrent Blainville qui dit à là Reine qu'il étoit encore assez temps d'y aller, et qu'il étoit bienséant qu'elle y allât puisque le Roi lui témoignoit le désirer, ce qu'elle fit incontinent.
Il n'y a barbare qui non-seulement n'eût été satisfait de cette action-là mais qui ne se fût senti obligé de la promptitude de son obéissance.
Mais la rage de Buckingham alla plus avant il persuada au Roi qu'il feroit un acte généreux si, à la face de son parlement, il faisoit un affront à sa femme. .Carlile met de l'huile dans le feu pour l'y animer. Il n'y avoit rien à reprendre ni en son action ayant .obéi, ni en ses paroles, ayant répondu modestement; ils prirent un autre biais et dirent qu'elle avoit en cela plus fait pour l'ambassadeur que pour le Roi, qui, se piquant de cette pensée, renvoya Buckingham lui dire qu'elle sortît du lieu où elle étoit.
Elle répondit qu'elle s'y trouvoit bien, qu'elle supplioit le Roi de lui permettre d'y demeurer, néanmoins que, s'il lui plaisoit, elle en partiroit tout à l'heure. Buckingham et Carlile font passer au Roi cette ré.ponse pour une seconde désobéissance, et font si bien qu'ils lui Envoient derechef commander., de la part du, Roi, qu'elle se retire, et que si elle ne le fait il remettra à un autre jour l'entrée de son parlement. Elle s'étonne de cette rudesse obéit néanmoins et s'en retourna en sa maison.
Buckingham ne fut pas satisfait, il s'imagina que c'étoit Blainville et non la pluie qui avoit empêché la Reine d'aller chez sa mère, et s'en veut venger, et par la Reine même.
Tant la passion l'aveugle, qu'à l'entrée d'un parlement dont il a beaucoup à craindre il veut désobliger et la France et la Reine sa maîtresse, qu'il fait servir d'instrument pour l'offenser.
IL] va trouver de la part du Roi, et lui dit que Sa Majesté désire qu'elle fasse fermer sa porte à Blainyille s'il la veut venir voir.
Elle répond fort sagement qu'elle auroit mauvaise grâce à faire affront à une personne qui lui représentoit le Roi son frère, et qu'elle ne le pouvoit faire. Puis, s'adressant à lui lui ditqu'elle s'étonnoit comme il se chargeoit de telles commissions, que les princes se raccommodoient toujours mais que souvent on payoit ceux qui avoient contribué à leur mésintelligence.
Nonobstant tout cela il la menace si souvent du Roi son mari, qu'enfin elle fut contrainte de dire qu'elle feroit prier Blainville de ne venir plus que si après cela il entreprenoit de venir elle lui feroit fermer la porte, mais qu'il étoit trop discret pour cela. Leur folie ne s'arrêta pas encore en ce point. Le roi d'Angleterre envoya Conoé, secrétaire d'Etat, dire à Blainville qu'il ne vouloit plus qu'il vînt en sa cour. Il lui répondit que c'étoit une parole qu'il ne pouvoit pas recevoir que de la bouche du Roi même qu'il lui enverroit demander audience., et que sur, ce qu'il diroit' il se gouverneroit comme il le jugeroit à propos.
Ils tinrent conseil pour résoudre s'ils la donneroient mais, craignant la dextérité de son esprit ils eurent peur de demeurer confus de ce qu'il leur diroit, et aimèrent mieux la lui refuser.
Sur quoi il donna congé aux' officiers du roi d'Angleterre qui le traitoient, quitta son logement, se retira aux champs, et dépêcha un courrier en France. Buckingham, non content de toutes ces extravagances, vint voir le comte deTillières lui demandant de la part du Roi son maître si, en cas que Blainville vînt voir la Reine il lui feroit pas fermer la porte. Il lui répondit plusieurs fois que Blainville après ce qui s'étoitpassé, n'entreprendroitpas semblable chose. Mais enfin] il le pressa si fort de parler franchement, qu'il fut contraint de lui répondre qu'il ne seroit jamais dit qu'il eût fait fermer la porte à ambassadeur du Roi son maître.
Cependant le Roi ne voit plus la Reine, veut qu'elle lui demande pardon elle se défend, disantne l'avoir jamais offensé; énfin elle le va trouver en sa chambre, où il la reçut fort froidement.
Elle lui ditn'avoir jamais eu intention de lui déplaire, que s'il l'avoit'cru autrement, elle le conjureroit de l'oublier.
Il persista qu'il vouloit qu'elle lui demandàt pardon. « Ce seroit m'accuser, répondit-elle; dites-moi donc en quoi je vous ai' offensé. »
H lui répliqua que c'étoit quand elle l'avoit assuré qu'il pleuvoit, lorsqu'il disoit qu'il ne pleuvoit pas. A quoi elle lui repartit qu'elle n'auroit jamais pensé qu'il eût pris cela pour une offense et qu'elle le supplioit de ne vouloir plus s'en souvenir.
Cependant ils continnoient, de jour à autre, à amener dans leurs ports les vaisseaux français qu'ils rencontroient, sous ombre qu'ils étoient chargés-, disoient-ils, des marchandises des Espagnols. Blainville n'en pouvoit avoir justice il n'étoit pas en état de la demander; il le mande en France à l'extrémité on s'en offense et on fait arrêter les marchandises des Anglais dans plusieurs ports, et même dans la foire Saint-Germain à la vue des ambassadeurs, qui n'osent quasi s'en formaliser, sachant qu'ils ont tort et promettent faire cesser tous les sujets de plainte. Le Roi y envoie Lafolaine pour voir l'effet deleurs promesses, il s'en revient commeily étoit allé. Mais le parlement, partie de haine contre Buckingham,partie aussi craignant la perte de leurs marchandises en France fait ajourner le juge de l'amirauté qui avoit arrêté les vaisseaux français, en fait relâcher la plus grande partie, et entre les charges qu'ils mettent sus à Buckingham, ajoutent celle-là: qu'après les avoir mis en rupture avec l'Espagne, il veut encore les mettre en rupture avec la France.
Dès qu'on eut commencé à l'attaquer, quantité de personnes de toutes qualités s'élevèrent contre lui, qui l'accusoient, tant de la perte du Palatinat que de la mort du Roi son maître.
Du commencement, il faisoit honteusement parler le Roi à tous ceux du parlement, les envoyant quérir' un à un et les priant ne le poursuivre point. Quand il vit que ce moyen étoit inutile il usa de menaces, et enfin porta le Roi jusqu'à cette extrémité, d'aller en plein parlement avouer toutes les actions deBuckinghametse chargerdetoutelahaine puhliquepbiir lui.
Cela ne servant de rien, il fait, contre la foi publique, emprisonner quelques-uns du parlement, qui en font un si grand bruit qu'il est contraint de les rendre. Après quoi ils le poussent avec encore plus d'animosité. Le Roi, le voyant sur le bord du précipice, aime mieux n'avoir aucun secours de son peuple, et rompre le parlement, que d'abandonner Buckingham. Sur la fin du parlement Buckingham vécut un peu mieux avec la Reine qu'à l'ordinaire et, feignant y vouloir bien vivre à l'avenir, pria la dame de SaintGeorges qu'elle voulût s'entendre avec lui, et qu'ils feroient, chacun de son côté, que Leurs Majestés seroient dorénavant enbonne intelligence. Ladite dame, qui étoit avisée, lui répondit que laReine n'avoitpoint .besoin de son conseil pour bien vivre avec le Roi parce qu'elle en ayoit l'intention tout entière mais que si quelquefois sa jeunesse faisoit qu'elle ne prît .pas garde si exactement à ce qui lui étoit agréable, elle-auroit soinde l'en avertir qu'elle le supplioit que de son côté il lui rendît service auprès du Roi. S'il s'en acquitta fidèlement il est difficile de le savoir; mais durant quelques jours le Roi fit meilleure chère .à la Reine, qui, pensant en avoir obligation à Buckingham, lui faisoit meilleur visage que par le passé, ce qui le rendit si présomptueux, que, violant le respect qu'il lui devoit il osa lui parler d'amour. Reconnoissaut sa façon qu'elle s'en tenoit offensée et qu'elle n'avoit osé lui répondre ce qu'elle eût bien voulu, de peur du Roi son mari, il changea de langage, etlui tint quelques propos au mépris de la religion catholique. Ce discours lui réussissant aussi mal que le premier, enfin il s'attaqua aux Français, et lui voulut
prouver par raisons qu'elle les devoit chasser, et prendre des Anglais en leur place ce qu'elle écouta aussi peu favorablement que le reste.
Par ces impertinens discours, leur bonne intelligence fut rompue, et Buckingham recommença à faire pis que jamais contre elle et toute sa maison. Il fit croire au Roi qu'il n'avoit point d'obligation à la Reine de l'amitié qu'elle lui témoignoit, pource que c'étoit à la persuasion de madame de Saint-Georges, et qu'il devoit trouver mauvais qu'autre que lui eût tant de pouvoir sur l'esprit de sa femme. D'autre côté, il venoit dire à ladite dame qu'elle étoit mal en l'esprit du Roi; qu'il ne pouvoit souffrir, pource que si la Reine lui faisoit bonne chère il croyoit que cela venoit de ladite dame ce qui les fâchoit et si elle lui faisoit. froid il lui en attribuoit la cause.
Il disoit tout cela afin qu'elle se dégoûtât de conseiller la Reine, et qu'il la pût gouverner à sa mode; mais ses finesses étant aperçuesne lui servirent de rien. Enfin, ne pouvant rien trouver à redire en tout ce qui se faisoit à la face du inonde, il tâcha à trouver à redire à ce qui se fait sous le voile des ténèbres. Il vient voir madame de Saint-Georges, et lui dit que le Roi se plaignoit de ce que la Reine sa femme vivoit avec lui quand ils étoient couchés ensemble avec trop de retenue; qu'il désireroit des caresses plus grandes d'elle.
Elle lui répondit qu'elle ne se méloit point des choses qui se faisoient dans le silence de la nuit. Il alla dire au Roi qu'elle lui avoit promis d'y remédier.
A quelques jours de là le Roi s'imaginant que la Reine lui avoit fait des caresses outre l'ordinaire, envoya quérir le duc à son lever et le lui dit. Ce méchant prit occasion de là de faire mauvais office à madame de Saint-Georges lui représentant qu'il n'étoit pas à propos de garder auprès de la Reine. sa femme une personne en qui elle eût une si absolue créance.
Ell, ce temps-là, l'évêque de Mende revint de France avec ordre et dessein de justifier, par la douceur de sa conduite, les actions des Français qui ne manqueroient d'être blâmés, bien qu'injustement, quand on en viendroit à une rupture, laquelle on jugeoit bien que Buckingham vouloit faire, et qu'il l'avoit projetée dès le commencement. Il àvoit ordre aussi d'accepter ses parentes pour dames du lit et de lui offrir toute assistance de la part de la France et auprès de la Reine sa maîtress'e. Ledit sieur évêque croyoit qu'il tiendroit ses offres à obligation, vu l'état où il se trouvoit mais il se trompa en sa pensée, parce qu'il jugeoit de lui par la raison, et les Anglais bien souvent en ont peu.
Il croyoit que le consentement pour les dames du lit étoit dû, et ne le tenoit pas à faveur;
Que la ligue qu'il avoit faite avec la Hollande lui sufïisoit contre la France et l'Espagne.
Quant au parlement, qu'il s'en démêleroit en le faisant rompre.
Néanmoins il remercia ledit évêque l'employa auprès du Roi son maître en certaines rencontres où il ne pouvoit pour son intérêt agir si librement, demanda l'intercession de la Reine, ce qu'elle fit
avec grande dextérité. Il l'en remercia et s'en témoigna obligé pource que le parlement duroit encore; mais dès qu'il fut rompu il fit paroître la même fureur qu'auparavant.
La nouvelle de la paix d'Italie arrivant, leurs ambassadeurs en France en furent surpris la mandèrent à leur. maître, qui se tenoit offensé de ce qu'on les avoit employés en celle des huguenots les remande en diligence; ils partent. La Reine-mère leur fait de grandes plaintes, et leur dit qu'elle voudroit avoir perdu un doigt de la main et n'avoir jamais marié sa fille en Angleterre. Ils s'excusent le moins mal qu'ils peuvent, et assurent que la Reine sa fille auroit plus de contentement à l'avenir qu'elle n'avoit eu par.le passé, et particulièrement qu'on remédieroit aux plaintes que faisoit Blainville du mauvais traitement que lui et les sujets du Roi avoient reçu.
Après leur arrivée, Blainville demande et obtient audience du roi d'Angleterre, où il est reçu avec des honneurs extraordinaires pour réparer le passé. A huit jours de là il demande une autre audience pour prendre congé. Il part caressé et honoré de présens de la part du Roi et de son favori.
Il est regretté des catholiques autant que Buckingham se réjouit d'en être délivré. Les moins intéressés jugèrent sa conduite pleine de vigueur, et de personne d'esprit et.de jugement.
Après son départ Buckingham se résout d'exécuter son dessein de renvoyer en France tous les plliciers delà Reine. Il en avoit été retenu jusqu'alors, partie par la crainte du parlement, partie par l'ap-
préhension de la paix d'Italie; maintenant tout cela est vidé, il. ne craint plus rien.
Il s'étoit déjà vengé de ceux du parlement; il avoit emprisonné les uns, banni les autres, et donné à la plupart des charges ruineuses lesquelles il n'est pas licite en Angleterre de refuser; il ne lui reste plus qu'à assouvir sa vengeance sur les Français.
Pour parvenir à son dessein, il ne lui manque plus que deux choses
L'une de trouver quelque prétexte apparent pour les chasser; l'autre, attendre qu'il y ait quelque conjoncture d'affaires en France qui l'empêche de s'en ressentir.
Cependant il commence à épandre un bruit en la cour qu'on ne peut plus sonffrir les Français ce ne sont que plaintès contre eux, mais sans rien particulariser.
On demanda au duc qu'il dît ce,que c'est; il répondit seulement qu'il ne peut plus ramener l'esprit du Roi il dresse force petites parties dont la Reine se démêle sagement.
On lui veut donner des dames du lit elle s'y ré- sout, mais elle désire qu'entre, les autres soit la duchesse de Buckingham, qui étoit une fort honnête darrie et catholique en l'ame. Le Roi lui veut donner la comtesse de Carlile (t) La conatesse de Carlile Cette dame étoit sœur du duc de Northumberland. La Reine sembloil prévoir les maux que madame de Carlile dçyoit attirer sur sa famille. En 1642 époque à laquelle les affaires de Charles Ier. étoicnt dans l'état le plus critique, ce monarque espéra pouvoir vaincre l'opposition du parlement, en allant lui-même faire arrêter cinq des membres les plus ardens. Ce projet ne fut confié qu'a 'ta Reine. Charles 1" étant sorti de son palais pour l'exécuter, la Reine
elle le supplie l'en excuser, parce qu'elle a aversion à cette femme-là. Sur quoi le Roi lui répond que ce nJétoit à elle à avoir des aversions qu'elle l'auroit puisqu'elle ne la vouloit point, et n'auroit pas la duchesse de Buckingham qu'elle demandoit. Elle témoigna son déplaisir par ses larmes, et son obéissance par son silence.
Cette invention ne leur ayant pas réussi, ils en cherchent une autre.
On doit donner des domaines à la Reine; elle doit pourvoir à tous ses officiers, fondée en son contrat de mariage, en une loi expresse d'Angleterre et en l'exemple de la feue Reine sa belle-mère.
Buckingham fait prétendre au Roi y devoir pourvoir. La Reine, un soir étant couchée lui en paçle et lui apporte l'exemple de sa mère et qu'elle croyoit qu'une fille de France valoit bien une fille de Danemarck.
Sur quoi il lui dit qu'elle h'é toit point à comparer à sa mère et qu'une fille de France étoit peu de chose. Sur l'effet de cette comparaison, elle repartit adroitement qu'elle seroit bien marrie de lui être comparée, ce qu'elle disoit pource que sa mère àvoit eu trèsmauvaise réputation.
Depuis il demeura fort long-temps sans lavoir; elle comptoit les instans. Au moment où elle croyoit l'atlâire finie; madame deCarlile entra dans sa chambre « Réjouissez-vous, madame, lui dit « la Reine, car a l'henre qu'il est le Roi est le maître de son Etat,. et « tels et tels sont arrêtés, Madame de Carlile, intimement liée avec un des membres menacés, sortit aussitôt, et alla lui écrire un billet. Cet avis arriva à temps parce que la marche du Roi avoit été retardé par quelques personnes qui lui avoient présenté des pétitions. Ainsi le coup manqua et ceux qui devoient être arrêtes curent le temps de s'échapper.
fut malade d'une fluxion sur le visage. Quand il la visitoit, quoique rarement, il se moquoit de son mal., et toujours lui reprochoit'qu'elle avoit'des conseillers, mais qu'il y mettroit bientôt ordre.
En ces entrefaites Montaigu, que Buckingham avoit envoyé en France, en apparence pour s'excuser envers la Reine-mère de ne lui avoir pu donner satisfaction sur une prière qu'elle lui avoit faite pour un nommé Beinsfield, qui étoit.un bien maigre sujet pour l'envoi d'un ambassadeur mais en effet pour apprendre particulièrement des nouvelles de la cabale et rébellion qui se couvoit, et de laquelle ils étoient; revint en Angleterre, et les assura que les cartes étoient brouillées; qu'il ne falloit point qu'ils eussent peur de ce côté-là.
Il ne lui reste qu'un prétexte en Angleterre, il ne le peut trouver; car la Reine s'accorde à toutes les volontés du Roi. Elle reçoit les dames du lit', elle consent qu'il homme à tous les officiers de domaine; néanmoins il aime mieux, contre toute apparence de raison; accomplir son dessein que d'én prendre le temps favorable qu'il en a du côté de la France. Ils renvoient Carleton, ambassadeur extraordinaire, sous prétexte de traiter des affàires d'Allemagné, mais en effet pour fomenter nos divisions, auxquelles l'histoire des siècles passés ne leur donne point d'exemple qu'il y eût en France des esprits capables de pouvoir remédier.
Quant et quant on lui donne charge de demander qu'on rappelle les Français et insinuer doucement que, si on ne le fait, on les renverra tous.
Ces mémoires sont remplis de sujets de. plaintes
imaginaires contre eux, et on remet à son invention d'en fournir encore davantage.
Les Français ne sont pas si aveugles qu'ils ne s'aperçoivent de leur dessein.
Le comte de Tillières sous prétexte de s'aller conjouir de la part de la Reine avec Monsieur, sur le sujet de son mariage, partit pour dissiper les nuages dé ces frivoles accusations, et représenter au vrai le procédé des uns et des autres.
Il étoit parti le samedi, et le lundi ensuivant, 9 août, ils exécutèrent ce qu'ils avoient résolu il yavoit longtemps, et ce avec tant de dureté et de barbarie, et envers la Reine et envers ses serviteurs que bien que l'action de soi fût pleine d'infidélité et d'inhumanité, la façon dont ils s'y portèrent l'étoit encore davantage.
Le matin, Buckingham fit tenir le conseil, auquel le Roi proposa ce dessein en peu de paroles; le duc les exagéra, disant qu'on devoit cela au contentement du Roi, au bien de l'Etat et à la satisfaction du peuple.
Carlile enchérit au dessus, et dit qu'il ne falloit craindre.la France, qu'elle étoit en état de ne point faire de mal à ses voisins; et quand cela ne seroit point, que l'Angleterre n'en pouvoit jamais recevoir, pour ce qu'il falloit un dessein de grande haleine pour cela, dont les Français, qui n'agissent que par boutades ne sont pas capables
Qu'il savoit qu'en France tout se passeroit en risée, et qu'on se moqueroit de ceux qui auroient .été chassés:
Quelques autres du conseil dirent franchement lenr
avis, qui étoit tout contraire;' mais ils furent empor-' tés par la violence de Buckingham.
-Cela étant résolu, le Roi incontinent après son dîner, vint trouver la Reine sa femme, ferme les portes sur lui, et lui prononça l'arrêt du bannissement de ses serviteurs.
Elle fut si surprise qu'elle tomba par terre, et fut long-temps sans parler.
Revenant à soi, elle éclata en cris qui étoient capables de faire fendre les rochers.
.Elle se jette en terre, lui embrasse les genoux, lui baise les pieds, lui demande pardon pour les siens s'ils l'ont offensé le fait souvenir des promesses portées par son contrat de mariage, et de ses sermens dont Dieti est le vengeur; mais tout cela en vain. On commanda en même temps à tous ceux de sa maison de se retirer en l'hôtel de Sommerset à l'heure même. On n'oyoit que cris, que plaintes, et principa-lement des filles de la Reine, qui, malgré ceux qui les en empêchoient, entrèrent en une petite cour qui répondoit à la chambre de la Reine leur maîtresse, et lui crièrent adieu.
A leur voix, cette pauvre.princesse s'élance à la fenêtre, et, rompant les vîtres dé la tête, se prend des mains aux grilles pour se montrer à elles et les voir pour la dernière fois. Le Roi indigné, la retira avec un si grand effort, qu'il écorcha toutes ses mains. Quand le commandement fut donné à l'évêque de Mende de ramener toute la famille de la Reine, 'il répondit qu'il étoit venu là par le commandement du Roi son maître, et qu'il ne pouvoit en partir avec les autres que par le même ordre; néan-
moins il fallut céder à la force et se retirer à Sommerset. La Reine, environnée d'Anglaises qu'elle ne connoissoit pas, et privée de toutes ses dames françaises proteste qu'elle ne mangera ni ne se couchera qu'on ne les lui ait rendues. Cette nécessité força fopiniâtreté de ces gens-là, qui en renvoyèrent quérir quelques-unes, et entre autres sa nourrice et une de ses femmes de chambre nommée Vantelet.
Elle avoit, dès le commencement, demandé son confesseur avec beaucoup d'instances pour la consoler il lui fut opiniâtrement refusé. Le lendemain on lui offre deux prêtres, l'un écossais, nommé Potel l'autre religieux anglais, nommé Godefroy, tous deux mal sèntant de la foi, qu'on lui avoit dit souvent que le roi d'Angleterre gardoit expressément auprès de lui, pour les lui donner quand on chasseroit ceux qui la servoient mais qu'elle se donnât de garde de les recevoir. Elle s'en ressouvint, et refusa d'en accepter aucun, qu'il ne lui fût donné de la part de son confesseur; ce qui fit que le Roi envoya le lendemain un nommé Dfomont, pour lui commander de lui nommer trois prêtres, dont il en choisiroit un pour confesseur de la Reine. Il les nomma en sorte qu'il fit tomber le choix sur son compagnon, qui étoit un prêtre de l'Oratoire; Écossais fort savant, et qui avoit autrefois été prisonnier, mis à la question, condamné et banni hors des Etats du roi d'Angleterre, pour le nom de Jésus-Christ. L'évêque de- Mende dépêcha, par deux diverses voies, deux courriers en France, pour donner avis de cette violence; mais les Anglais avoient si bien fait fermer les'passages qu'ils les arrêtèrent et les retinrent cinq ou six jours,
àfin de donner temps à Carleton, leur ambassadeur d'arriver à la coeur, et avoir sa première audience auparavant qu'on eût reçu cet avis.
Carleton fut bien reçu à son arrivée mais, quand on eut'appris que le mal dont il mehaçoit étoit déjà arrive, on ne lé voulut recevoir à traiter aucune chose de sa légation, que l'offense reçue de Sa Majesté au bannissement des Français ne fût auparavant réparée.
Et d'autant que sa commission sui' ce fait-là étoit de justifier par foibles raisons la violence qui avoit été faite on tie voulut pas traiter avec lui de la réparation qu'on en désiroit; mais on remit toute l'affaire sur un ambassadeur extraordinaire qu'on vouloit envoyer exprès en Angleterre sur ce sujet.
Incontinent après qu'ils eurent laissé passer lesdits courriers de Tévêque de Mende, ils envoyèrent en France Montaigu, qui âvoit intelligence particulière avec les dames qui étoient de la partie, et lui donnèrent chargé dé seconder Carletoil, et le fortifier des avis qu'il recëvroit d'elles.
Mais le voyage précédent qu'il avoit fait, où l'on avoit reconnu qu'il étoit un espion plutôt qu'un ambassadeur j est au retour duquel il avoit fait apprendre a Buekirigham la résolution à laquelle il n 'avoit osé de:lui-même se déterminer fit que le Roi lui envoya chez Carleton faire un commandement exprès de sortir incontinent de Paris; et retourner en Angleterre à quoi il obéit.
Toute 1â maison dé là Reine étant à Sommersfet, le Roi, mal conseillé par Buckingham alla lui-même leur .déclarer, qu'il Vouloit qu'ils se retirassent en
France, et qu'il leur pardonnoit les offenses qu'ils avoient commises contre lui.
A quoi ils répondirent qu'ils n'avoient point besoin .de ce pardon puisqu'ils n'avoient point faim. Le lendemain il envoya par Conway secrétaire. d'Etat, des présens aux principaux de la maison, qu'ils prirent à crédit sur la caution du comte de Pembrock. Ces messieurs du commencement en firent refus; mais enfin ils les .acceptèrent, avec protestation que ce n'étoit point en qualité de gratification mais en déduction de ce qu'ils avoient avancé à.la reine d'Angleterre pour subvenir à ses nécessités, qui avoient été telles, que bien souvent elle n'a voit pas de quoifaire acheter ce dont elle avoit nécessairement besoin. Cette réponse les offensa infiniment; mais, parce qu'elle étoit vràie, ils ne surent quelle réplique y faire. Sur ce qu'ils pressoient de jour en jour et d'heure en heure que l'on partît, on leur dit qu'on ne le pouvoit, sans avoir reçu le commandement de Sa Majesté à qui l'on avoit écrit, et davantage qu'il étoit raisonnable que les menus officiers de la Reine, que l'on chassoit, fussent au moins auparavant payés de leurs gages.
Ils avoient honte de refuser cette seconde demande. Et après avoir en vain cherché de l'argent à emprunter, ils envoyèrent faire une quête en l'Eglise, et trouvèrent ce qu'il leur falloit le leur distribuèrent et les pressèrent davantage de partir. Ils leur dirent qu'ils n'avoient point besoin d'attendre l'ordre du Roi, et quand ils virent qu'ils s'y aûermissoient, ils envoyèrent des gardes pour les contraindre par la force de s'en aller.
NI. de Mende et les autres ne jugèrent pas à propos d'attendre à recevoir cet affront,et crurent que c'étoit assez d'en avoir eu la menace pour obéir. Un officier du roi d'Angleterre les conduisit jusqu'à Douvres où il les fit embarquer sans aucun délai, et ne partit point qu'il ne les vît dans les vaisseaux et à la voile.
Le Roi, au premier avis qu'il reçut par le courrier que lui envoya M. de Mende du commandement qu'ils avoient eu de se retirer, prit incontinent réso- lution d'envoyer le maréchal-de Bassompierre ambassadeur extraordinaire au roi d'Angleterre, vers lequel il devoit s'acheminer en poste, pour arrêter le côurs de cette violence-
Et, afin de donner plus promptement consolation à la Reine, la Reine-mère lui dépêcha .La Barre, avec charge de l'assurer qu'elle ne l'abandonnerait point en son déplaisir;
Qu'elle avoit une grande passion de la voir, et iroit, pour cet effet, jusque'sur le bord de la mer, et là passeroit même s'il en étoit besoin.
Elle la louoit d'avoir, en ce fâcheux accident, recours à Dieu pour prendre force en lui, la prioit de ne recevoir aucun prêtre de la main des Anglais de témoigner son juste ressentiment à ceux qui avoient trahi les siens, et sa bienveillance vers ceux qui s'étoient, dès le commencement, comportés avec elle 'avec le respect qu'ils.devoient.
La reine d'Angleterre avoit écrit à Lieurs Majestés avec tant de douleur, qu'ils en avoient été sensiblement touchés.
Mais, quelque presse que le Roi fît au maréchal de
partir, et quelque volonté qu'il eût d'obéir promptement, les Français arrivèrent en France avant qu'il. fût en chemin.
Ces extravagances d'Angleterre coûtèrent cher toute la chrétienté; car tandis que Buckingham s'occupoit à faire mal, y suscitant des menées et trahisons contre le Roi et faisant violer toutes les choses promises par le Roi son maître au contrat de mariage avec Madame il ne pensoit point au recouvrement du Palatinat, ni à faire payer au roi deDanemarck ce qu'ils s'étoient, en leur ligue, obligés de lui payer tous les mois pour l'entretènement de son armée. En quoi il vérifioit bien cet ancien dire d'un sage que du même principe duquel les plus grands biens nous viennent, s'il est infecté nous en recevons les plus grands maux.
Le bon conseil est une chose divine, mais le mauvais conseil est la mort de celui qui le reçoit et si le sage conseiller est un trésor que le prince doit.chérir comme sa propre vie., il doit fuir un mauvais coinseiller comme la perte inévitable de son honneur et la ruine de son Etat.
Néanmoins, par un malheur fatal aux grands, il. arrive d'ordinaire, que le prince, en une chose importante, se gouverne avec si peu de prudence, qu'il prend pour son conseil celui qui a moins de capacité de le donner.
La cause de cette erreur est que tout homme et principalement un grand est désireux d'amour et d'honneur, et n'aime que celui qui le lui porte. Ce désir lui fait prêter facilement, l'oreille à la flatterie, et donner entrée 'en sa bonne grâce au flatteur qui,
avec beaucoup d'artifices, feint l'honorer et l'aimer. Or, dès qu'il y est entré, il devient son conseiller, pource que l'homme ayant un naturel instinct que ne s'estimer pas inférieur à un autre et demander conseil étant se soumettre à autrui, d'autant qu'on ne se conseille qu'à celui qu'on estime plus sage que soi s'il pouvoit il ne' demanderait conseil à aucun, et feroit toutes choses par son sens; et lorsque le poids des affaires lui fait ressentir et reconnoître, malgré lui, qu'il lui faut nécessairement recourir au conseil de yuelqu'un il incline toujours à choisir celui qu'il aime le mieux pource qu'il le réputé comme un autre lui-même. Semblablement, non-seulement nous sommes nés libres, maîtres de nous etennemis de reconnoître qu'un autre nous est supérieur en quelque chose, mais nous voudrions encore être suffisans à nous-mêmes, et n'avoir besoin de nous associer aucun en ce que nous faisons, si nous le pouvions faire seuls avec facilité.
Quand donc la grandeur des choses que nous avons faire surmonte nos forces seules nous convainc de notre foiblesse et nous oblige à nous associer quelqu'un pour entrer en part du travail et nous soulager, nous jetons incontinentles yeux, parla même raison, sur celui qui a plus de part eri notre cœur. D'où il arrive que le flatteur, qui, par ses feintes et ses artifices a dérobé la bonne grâce de son maitre devient ensuite son conseiller. Et c'est la plus ordinaire cause des ruines des Etats pource que d'un côté il ne se rencontre jamais qu'un flatteurait laprnd'homie et la fidélité requises pour unbon conseiller; et, d'autre part, comment pourroit réussir le choix
que le prince fait d un homme, lequel il estime capable de le bien conseiller pource qu'il a de l'inclination vers lui, au lieu que son amour et son estime doit être fondé sur l'espérance et assurance qu'il a de sa capacité
Buckingham étoit de cet ordre-la de conseillers et favoris. C'étoit unhomme de peu de noblesse de racle, mais de moindre noblesse encore d'esprit, sans vertu et sans étude, mal né et plus mal nourri. Son père avoit eu l'esprit égaré; son frère aîné étoit si fou qu'il le falloit lier. Quant à lui, il étoit entre le bon sens et la folie, plein d'extravagances, furieux, et sans bornes en ses passions.
Sa jeunesse sa taille et la beauté de son visage, le rendirent agréable au roi Jacques et le mirent en, sa faveur plus avant qu'aucun autre qui fût en lia cour. Il s'y entretint depuis par toutes sortes de mauvais moyens, flattant, mentant feignant des crimes aux uns et aux autres les soutenant imprudemment et, quand il ne pouvoit trouver invention. de leur rien imputer avec appârence il av.oit recours au poison, avec lequel il se défit du duc de Lenox et du marquis d'Hamiltqn de la naissance et ,de l'autorité desquels il avoit jalousie.
Etant tel, et le roi d'Angleterre abandonnant son Etat à sa .conduite ce n'est pas de merveille s'il .le, portoit à sa ruine contre toute raison.
Le cardinal, par l'autorité du Roi etla sagesse deses conseils, essayoit de soutenir les affaires, et avoit pitié de cet homme comme d'un furieux qui se déchire soi-même; mais il ne put pas tellement remédier a tout que la chrétienté n'en reçût un,notable dommage.
Quand le cardinal vit la paix d'Italie conclue, n'y ayant que peu dè choses à raccommoder à quoi il jugeoit bien que les Espagnols ne s'arrêteroient pas, mais donneroient à Sa Majesté le contentement qu'elle désiroit, il jugea à propos de ne pas discontinuer les autres desseins de SaMajesté,et seservir de cette paix pour le bien de ses affaires et de toute la chrétienté sans souffrir qu'elle produisît de mauvais effets, ni en Angleterre, ni en Hollande, ni en Allemagne, ni en-.vers les protes tans ni les princes catholiques ses alliés. Pour cet effet il dit au Roi dans 'son conseil Qu'il étoit à craindre que la paix d'Italie n'ébranlât grandement les esprits et les cœurs de ceux qui faisoient tête en Allemagne aux forces d'Espagne et de la maison d'Autriche, et partant qu'ils ne vinssent à suivre l'exemple de la France en ce qu'elle avoit fait la paix, mais non en ce qu'elle ne l'avoitjamais voulu faire qu'elle n'eût eu à l'avantage de ses alliés tout contentement sur le sujet de la guerre qu'elle avoit entreprise;
Que le but qu'on devoit avoir étoit de remettre l'Allemagne en la juste balance en laquelle elle devoit être, et partant, que les princes dépouillés fussent rétablis en leurs Etats
Qu'il étoit à souhaiter que la guerre se finît par une négociation qui produisît cet effet; mais que si la guerre cessoit en laissant le mal auquel on avoit voulu remédier, il empireroit de beaucoup, non-seulement au préjudicie de ceux qui seroient dépossédés, mais de toute la chrétienté et particulièrement de la France, qui devoit craindre que l'Espagne ne demeurât maîtresse absolue d'un si grand pays,' capable de lui faire
augmenter ses conquêtes à nos dépens, en ce qu'elle joighoit la plupart de ses Etats et que c'étoit une pépinière de soldats
Que jusques ici le Roi avoit eu la prudence et le bonheur de démêler les affaires de ses alliés, sans venir à une rupture ouverte avec ceux qui les opprimoient, qu'il falloit tâcher de faire le même; Qu'ily avoit deux choses à faire: l'une fairevoirà tout le monde qu'il ne tenoit point au Roi qu'on ne secourût bien plus puissamment qu'on ne faisoit l'Allemagne. Et cela étoit justifié à tous les ambassadeurs pour les offres qu'on avoit faites à l'Angleterre d'entrer avec une armée de vingt-cinq mille hommes du côté de l'Alsace, pourvu qu'ils en fissent autant du côté de la Flandre avec les Hollandais; l'autre étoit de faire réellement, et de fait quelque chose qui produisit l'effetqu'on désiroit, pour remettre les affaires d'Allemagne en balance. Que le plus sûr moyen étoit de donner un tel secours d'argent à Danemarck et à Mansfeld qu'avec ce qu'ils recevoient d'Angleterre ils se portassent à continuer la guerre. Mais il étoit à craindre que ce moyen seul ne fût pas suffisant, ni pour l'embarquer à la continuation de son dessein, ni de produire l'effet qu'on désiroit quand il le continueroit; qu'il falloit traiter avec Bavière le porter par son propre intérêt à un accommodement raisoiinable. Son principal dessein étoit de se conserver l'électorat à sa personne, assurer la religion catholique dans tout le Palatinat, et retirer une somme de deniers pour la restitution du Palatinat supérieur qu'il tenoit. Qu'il y avoit trois mois qu'il demandoit beaucoup davantage maintenant qu'il avoit peur que la France
lui tombât sur les bras, il se relâchoit â de plus raisonnables conditions.
La somme qu'il demandoit étoit indécise il l'avoit prétendue de dix millions maintenant il se réduisoit à quatre.
Qu'il falloit, d'une autre part, faire voir aux Anglais, qui le devoient connoître s'ils se connoissoient eux-mêmes, que les rodomontades qu'ils faisoient sans grand effet contre l'Espagne ne recouvroient pas le Palatinat qu'on ne voyoit pas qu'ils fussent en état de le faire par force ;lèur volonté n'étant pas suivie des moyens suffisais pour produire cet effet Qu'il valoit mieux tâcher de ménager un accommodement raisonnable qui rétablît le Palatin avec quelque perte, que non pas vouloir toujours le rétablir absolument sans le pouvoir faire
Que la France leur montroit bien le dessein qu'elle avoit d'entreprendre cette affaire par force s'ils. étoilent en état de la, seconder,, comme il dit ci-dessus que sans elle ils ne pouvoient venir à bout de cette affaires; que puisqu'ils ne pouvoient entretenir une armée pour entrer en Allemagne par la Flandre, comme on leur avoit proposé il ne leur restait au-cun moyen de porter le Roi à entreprendre cette affaire, qu'en se relâchant à des conditions d'accord modérées et si raisonnables, que le Roi se résolût de. les envoyer proposer à Bavière, demander la paix à l'Empereùr se tenant cependant avec .une armée. puissante sur la frontière pour rendre par la considération de ses forces les .offres qu'il feroit plus considérables, et disposer àles accepter plus volontiers; Qu'on avoit déjà fait ces propositions au comte-
de Holland et Carleton, qui les. avoient trouvées rai^sonnables, et avoient promis d'en rendre réponse huit jours après leur arrivée; témoignant ne douter point qu'ils ne la rendissent conforme à ce qu'on pouvoit désirer.
En ce cas, on estimoit que le Roi devoit penser à ce dessein pour plusieurs raisons; que la nécessité des affaires présentes l'y convioit, étant certain que l'exécution de la paix de la Valteline ne se feroit point si les Espagnols n'étoient occupés d'ailleurs; Que la considération du temps à venir l'y devoit porter, puisqu'il étoit indubitable que, si on laissoit perdre l'Allemagne et qu'on n'y rétablît les alliés de cette couronne, la puissance d'Espagne surpasseroit tellement celle des autres princes, que, n'y ayant plus de contre-poids, ils entréprendroient sans péril pour eux, tout ce que bon leur sembleroit au préjudice de ceux qui ne seroient pas liés avec eux ce qui nous feroit perdre tous nos alliés, de gré ou de force, et enfin peut-être nous perdroit nous-mêmes Que la gloire que le Roi pouvoit acquérir par cette action sembloit l'obliger à l'entreprendre, principalement si on pouvoit la mettre en un point qu'il le pût faire sans péril et sans s'embarquer en grande dépense ce qui se pouvoit en ajustant les choses comme est dit ci-dessus, avec Bavière et les Anglais; Que pour les réduire à ce point, il falloit envoyer promptement à Bavière pour empêcher qu'il ne se liât avec Espagne, en l'assemblée qu'on faisoit à Bruxelles à cet effet.
Pour ce faire., il falloit assurer qu'on n'entreroit jamais avec les Anglais en aucun dessein pour faire
restituer le Palatinat, qu'on n'eût parole d'eux qu'ils consentiroient à un accord aux conditions spécifiées ci-dessus, qui sont celles que raisonnablement Bavière pouvoit désirer;
Qu'il faudroit faire voir aussi Cologne, Trêves et Mayence; pour les rendre capables de ce dessein, et tirer parole d'eux qu'aux conditions susdites ils. obligeroient l'Empereur de venir, à la paix.
Cela fait, on estimoit qu'il falloit envoyer deux ambassadeurs de France et d'Angleterre, pour demander la paix à l'Empereur, et faire connoître à toute l'Allemagne qu'on n'avoit autre intérêt en cette affaire, que le rétablissement des princes.dé- pouillés, à conditions justes et raisonnables.. Pour animer Danemarck, il'falloit dès cette heure l'avertit qu'on enverroit pour demander.la paix, et que le Roi se tiendroit sur sa frontière avec une armée suffisante pour, au cas qu'on la déniât à conditions justes est raisonnables; faire ce qu'il estimeroit plus à propos-. pour l'y contraindre.
Au même temps, la paix d'Espagne étant acceptée, on feroit connoître au roi Catholique que c'étoit son avantage d'avoir la paix partout, et, qu'étant faite en Italie, le Roi étoit tout prêt, pour témoigner la bonne intelligence qu'il vouloit avoir avec lui, de contribuer avec lui tout. ce qu'il pourroit pour la mettre en Allemagne, et, de plus, la faire entre, l'Angleterre et lui;
Que .si, on goûtoit ce dessein, il falloit ajuster les affaires en sorte qu'au même instant que la flotte anglaise sortiroit de ses ports on stipulât avec les Hollandais, moyennant le traité qu'on flisoit avee
eux, qu'ils tiendraient cet été leur armée plus puis- sante et plus forte feroient quelque entreprise si considérable, qu'elle arrêteroit et occuperoit entièrement les armés dé Spinola en considération de quoi, les Anglais font état de leur donner six mille hommes d'augmentation.
Qu'il sembloit qu'il y eût des' considérations iuternes qui devroient empêcher ce dessein;- et les mêmes obligeoient aussi le Roi d'avoir une armée puissante en Champagne, et, par conséquent, il sembloit qu'on- s'en pourroit servir à l'une et à l'autre fin. Le Roi, ensuite de cetavis, qu'il trouva très-judicieux et très-utile, fit lever de nouvelles troupes qu'il mit avec celles qu'il avoit déjà en ses frontières de Champagne et Picardie et dépêcha secrètement le sieur de Marcheville au duc de Bavière, auquel, faisant entendre ses bonnes intentions, il proposa les articles suivans pour l'accommodement du Palatinat: Que la France voudroit que le duc de Bavière eût des conditions beaucoup meilleures que l'on ne peut obtenir d'Angleterre et elle juge les suivantes raisonnables
Que le, Palatin s'humilieroit et supplieroit l'Empereur, par homme exprès, d'être rétabli en ses Etats, .ce qui se feroit selon les conditions suivantes Que la religion catholique seroit établie dans tous les Etats du Paiatin les maisons religieuses et tous les ecclésiastiques qui y étoilent lors y demeureroient le luthéranisme y auroit cours selon les lois de l'Empire le calvinisme y seroit toléré au lieu de la,résidence du Palatin;
Que les biens des ecclésiatisques non contentieux
seroient restitués; et les contentieux seroient jugés à la chambre impériale.de Spire, qui est composée de catholiques et de protestaris
L'électorat demeureroit au duc de Bavière durant sa vie et à sa maison, si le Palatin ou ses successeurs re se faisoient catholiques, auquel cas l'électorat leur retourneroit après la mort du duc de Bavière; Que le Palatin paieroit 3,000,00o de livres pour le dégagement du Palatinat supérieur
Que le Roi entreroit caution du traité, s'unissant pour cet effet avec la ligue catholique, à laquelle il promettfoit, en cas d'inexécution secours par armes tel qu'il seroit avisé;
Que la France ne savoit pas assurément si l'Angleterre, voudroit consentir à toutes ces conditions mais bien. avoit-elle connôissance qu'elle ne s'éloigneroitdes principales;
Mais au cas que le duc de Bavière entendît à la raison et ne se liât point avec Espagne, mais voulût conspirer au dessein que le Roi avoit de procurer une paix assurée en Allemagne, le Roi lui promettoit de ne s'unir pas à l'Angleterre qu'elle ne consentît à un traité de -paix qui assurât l'électorat en la personne du duc de Bavière;
La religion catholique partons lesËtatsdu Palatin; Là restitution des biens ecclésiastiques non contentieux
Le paiement d'une somme raisonnable pour le dégagement du Palàtinat supérieur; et la .France se rendroit caution du traité.
Le duc de Bavière,.sur la réputation de la justice du Roi et delà droiture de ses conseils, ne s'éloigna
pas de la propositioti qui lui fut faite de sa part, et jugea à peu près tous lés articles recevables de sa part. Il ajoutoit seulement au premier, que le Palatin s'obligeroit dé ne s'allier jamais aux ennemis de l'Èinpereur, ni à ceux de la ligue catholique.
Au second, il désiroit qu'il ne fût point fait mention de la permission du luthéranisme dans le Pàlàtinat, attendu qu'il n'y avoit point de luthériens, et que la profession du calvinisme fût changée à une simple permission dè prêcher aux lieux de la résidencè du Palatin et durant icelle.
Au quatrième, il représenta qu'il àvoit beaucoup de raisons très-considérables de retenir l'électorat en la maison de Bavière; néanmoins, qu'il ne vouloit pas qu'il tînt à cela que la paix ne se conclût, pourvu toutefois que le Palatin catholique ne seroit admis à l'électorat qu'alternativement avec la maison de Bavière, comme autrefois il avoit été arrêté à Passau par les électeurs et confirmé par actes authentiques, mais empêché par la puissance des palatins.
Il désiroit aussi, afin que, si le Palatin se convertissoit, sa conversion fût plus assurée, qu'il fût déterminé un certain nombre d'années durant lequel l'électorat demeureroit à Bavière, l'alternative ne devant commencer qu'après ce terme-la; et enfin que tout cela fût à la charge que si à l'avenir un d'eux tomboiE en hérésie, l'électorat retourneroitentièremerit à celui qui. aurait gardé la foi.
Et, pour donner un bon acheminement à cette fin', il proposa que le Roi ràoyennât ;un désarmement de part et d'autre; Et qu'au lieu de donner secours au roi de Dané-
marck il le 'conviât de désarmer, avec cette condition, que désormais aucun différend ne fût plus vidé par la voie des.armes, mais remis à la décision des états de l'Empire, ou par la justice, ou par amiable composition;
Qu'il fit semblablement désarmer les catholiques sous la même condition, Sa Majesté promettant se joindre à celui des deux partis qui satisferoit au traité, contre celui qui manqueroit après s'être engagé; Qu'en cela ledit duc pouvoit plus servir, et de soi-même qu'en quelque autre proposition que l'on fasse, étant quasi, maintenant, la seule. ligue catholique armée, les troupes de l'Empereur étant occupées en Hongrie. Joint qu'il seroit maintenant plus facile à la ligue de faire condescendre l'Empereur à poser les. armes et se remettre, par un accord, par un traité amiable, que si on attendoit que l'Empereur eût envoyé partie de son armée dans le Brunswick, comme il avoit projeté de le faire à cette heure qu'il ne se pouvoit-plus rien faire en Hongrie. Car, cela étant, il se pourroit faire de tels progrès contre lé roi de Danemarck, et les Espagnols pourroient offrir tel parti aux catholiques, n'étant pas encore séparés, qu'il y auroit puis après, fort à faire aies persuader de ne pas poursuivre leur pointe; Et enfin que le Roi ne trouveroit. pas même, peut-être, beaucoup de difficulté de la part des protestans, pource que Saxe, qui avoit toujours été neutre, appuieroit cette proposition, comme étant selon son dessein, et y apporteroit beaucoup de poids
Que si Sa Majesté désiroit que cet expédient
réussît, il.ÿ falloit observer; le .secret et la diligence, pource que la plupart des .religieux -vouloient; la guerre, en laquelle ils voyoienf que les catholiques avoient; remporté tant.d'avantages sur les protestans, qu'ils croyoient que.c'étoit le seul moyen de les exterminer entièrement., et que Dieu le leur présentoit et le favorisoit.
Sa Majesté. trouva bon cet avis /tant ,pource que les protestans,, qui avoient été ceux qui -toujours avoient voulu éprouver la voie de la guerre contre les catholiques avoient néanmoins toujours émpiré leur condition, et ce à l'avantage de la maison. d'A'utriche; que pource que, d'autant plus la France- les soutiendroit et. fo.menteroit cette. guerre .d'autànt plus éloignoit-elle les catholiques de soi lesquels se tenant plus unis. av,ec, les. Espagnols, font leurs intérêts communs avec eux,: de sorte qu'il pouvoit .arriver qu'enfin ils entrerûient en une union indis< Davantage,ce moyen obllgeoit au Roi les princes de l'Empire qui ne souhaitoient rien plus passionnément que la paix, les tenoit toujours plus.prêts et plus prompts à entrer en la voie d'accord, qui seule restoit après la' déposition des armes et que si les catholiques, en la seule contemplation de la. paix, dé féroient la déposition de.léurs armes à l'entremise de Sa Majesté, il étoit bien certain qu'en ..la" manière, forme et moyens des traités, ils auroient grand:égard Sa. Majesté /qu'ils entrerôient en. confiance avec elle par ce désarmement,- et, invités par ce commencement d'un effet si souhaitable et agréable, seroient plus prompts et plus résolus dans'les conditions d'un
accord, céSseroient aussi les soupçons qu'ils avoient toujours eus, -qué, la France ne mettoit en avant un traité que pour gagner temps et les endormir, pour les entretenir et ne les aider pas; 'et l'Angleterre en entrant en jalousie s'en rendroit plus conforme et docile aux intentions, volontés et desseins du Roi.
Joint que, tandis que les armées demeureroient de part et d'autre sur pied quelques propositions de paix qu'on pût mettre en avant, elles seroient toujours plus difficiles à traiter et plus longues à résoudre et à exécuter chacun ayant toujours l'oeil sur les progrès et succès de ses armes et sur ce qu'elles font bu peuvent avancer, et les uns et les autres s'embarrassant toujours mutuellement dans des différens soupçons qui empêchent qu'ils ne viennent si aisément à une conclusion ou, au contraire les catholiques se' trouvant tout d'un coup, par ce désarmement, séparés des Espagnols les seuls arbitres de leurs affairés j s'accérderoient bien plus facilement et plus promptement à ce qui seroit proposé d'équitable et de juste.
Mais les folies, ou plutôt les furies des Anglais èmpéehèTent ce bon dessein; car d'une part faisant tout.eé qu'ils pouvoient pour nuire au Roi, et fomentant en son État les divisions qui y étoient tramées par l'infidélité des grands, et d'autre part s'imaginant des chimères de leur puissance, et que comme ils sont seigneurs d'un bien .petit monde de leur île ils le sont-en puissance de tout l'univers et de plus, croyant- que leur ligue avec Hollande et Danemarck étoit invincible; et que le Roi quelque mal qu'ils se
comportassent envers lui, ne les voudroit jamais ahandonner, ne voulurent point ouïr parler de ce désàr-mement quoique le Roi leiyr fît voir combien en icelui la ligue catholique recevoit de désavantage au prix d'eux et se relâchoit de ce qu'elle pouvoit'prétendre justement que les catholiques pouvoient, comme victorieux jusque-là et comme possesseurs, demeurer sur leurs avantages, et se remettre aux traités par les voies de droit, et néanmoins pour l'amour du Roi, ils se contentoient d'une amiable composition dans laquelle Sa Majesté auroit telle part qn'il lui plairoit.
Qu'ils pourroient prétendre l'exécution de la sentence, pour la restitution de plusieurs biens ecclésiastiques qui leur avaient été ôtés depuis la paix générale, et néanmoins ils se contentoient des derniers, qui n'étoient rien ou fort peu en comparaison des susdits.
Les catholiques pouvaient, en la restitution d'autres biens qu'ils prômettoient, prétendre plusieurs avantages par précaution; mais pour le respect de Sa Majesté ils n'en parloient point.
Ils pouvoient prétendre des protestans, comme de ceux qui avoient toujours commencé les premiers à remuer, de grandes sûretés; mais ils se contentoient d'avoir Sa Majesté pour caution.
Ils pouvaient dire « Si vous voulez traiter, proposez mais cependant nous demeurerons armés et-continuerons nos progrès. » Au contraire^ pour l'âmour du Roi, au point de leurs victoires et deleurs' prospérités, ils s'arrêtoient et désarnioient pour sortir de leurs diflérends par voies amiables..
Mais toutes ces raisons: ne servirent de rien; ils s'aheurtèrent au contraire interprétoient ces bons offices du Roi à une volonté qu'il avoit de les Iabandonner, et ne les voulurent recevoir en bonne .part. • Le duc de Bavière manda que si le Roi vouloit poursuivre sa bonne intention, on empêcheroit le dessein qu'a voient les Espagnols de se rendre maîtres .de Heidelberg et Manheim, et par conséquent de ;tout le bas Palatinat, et que* s'il étoit promptement .averti de la résolution de, Sa Majesté, il donneroit ordre que ses députés à Bruxelles tinssent en sus.pens la conclusion du traité qui s'y faisoit d'une ligue des princes catholiques d'Allemagne avec Es^pagne., pour s'opposer à celle d'Angleterre de'Hollande et de Danemarck; mais que l'affaire requéroit promptitude, pource qu'elle pouvoit recevoir en un instant un grand changement, à cause des armées proches les unes des autres, et par, les résolutions des assemblées de Bruxelles. Mais tout cela ne put persuader les Anglais, ni faire entendre raison, dont malheur leur en prit, et à toute la ligue protestante, car Danemarck fut défait, et toute leur espérance de la restitution du Palatinat perdue.
Le roi de Danemarck, sur la fin de février, partit de l'évêché de Warden et entra dans l'évêché de Hildesheim, et s'y empara dé plusieurs places.. Le duc Bernard de Veimar passa le Weser, entra dans l'évêché d'Osnabruck, prit la ville le mars et s'empara de tout l'évêché. Il:pouvoit passer outre jusqu'à Munster, et la prendre en cet effroi que donnoit l'exploit qu'il venoit de faire, ce qui eût ouvert
le chemin au roi de Danemarck d'aller dans le Palalinat. ̃ Mais 80,00a risdales dont ils se rachetèrent, l'arrêtèrerit et le firent retourner auprès du roi de Danemarçk. En même temps, Mansfeld ayant passé l'Elbé alla jusqu'à Zerbst, qu'il .emporta par escalade le 5 mars, et mit au fil de-l'épée toute-la garnison impériale. Le roi de Danemarck, en même temps, sur-: prit Tangermund sur l'Elbe, où il fit dresser 'un pont de bateaux pour avoir- communication avec Brandebourg. Jusque-là leurs affaires' alloient bien mais elles ne durèrent guères en ce bon état.
Mansfeld, pour avoir l'une et l'autre rive de l'Elbe libres, assiégea le port.Dessau. Friedland assembla toutes ses troupes qu'il avoit logées là à l'entour, et le 24 avril lui donna la bataille, mit toute son infanterie au fil de l'épée, poursuivit les fuyards jusques à Zerbst qu'il reprit, et tua tout ce qui étoit là-dedans. Mansfeld'avéc sa cavalerie s'enfuit, et se sauva en l,a Marche dé Brandebourg. Là il rassemblé en diligence quelques forces, et ayant,-avec le secours que le roi de Danemarck lui envoya., et trois mille Ecossais qui se joignirent à lui, ramassé neuf à dix mille hommes il s'achemine vers la Silésïe. Friedland le suit; il passé en Hongrie, où Betlem Gabor le; reçoit. A peu de temps de là, ses troupes étant quasi dissipées, il laisse. ce.qu'il luien restoit et son canon audit Betlem Gabor, et pensant se retirer à Venise, meurt de maladie à Seraïo, qui est la ville capital de la Bosnie. D'autre côté, Tilly, ayant grossi son armée de. six millejiommes des Pays-Bas, donne ha-
taille au roi de Danemarck le .27 août, en la plaine de Lutter, taille son infanterie en pièces, prend son canon .soixante drapeaux force prisonniers et entre autres le prince Maurice, fils du landgrave Maurice. Maurice de Hesse fut tué de sang-froid. Le roi de Danemarck s'enfuit avec sa cavalerie au-delà de l'Elbe, où il ramassa quelques gens de guerre, et eut bientôt refait une nouvelle armée. La cause de sa défaite fut que ses gens de guerre n'étoient point payés, et se débandoient tous les jours, à cause que les Anglais manquoient à leurs promesses, et ne tenoient rien de ce qu'ils lui avoient promis.. Les Hollandais firent aussi peu de chose durant cet état. Le a6 juillet, ils assiégèrent Holdenzell, et le prirent le premier jour d'août, par composition. Un des quartiers de leur armée fut enlevé par le comte Henri de Bergues, et ils firent une entreprise sur le fort de Caldereç, près de Houlst, qui ne réussit pas.
Ainsi tous les bons conseils qu'on avoit pris pour mettre la paix en Allemagne, et y empêcher les progrès de lamaison.d'Autriche, au préjudice delaliberté de l'Empire, furént détournés par les orages que causèrent les passions particulières d'un infidèle favori. Au temps que le mauvais procédé des Anglais vint à l'extrémité, et qu'ils prirent. la résolution de renvoyer en France tous les domestiques français de la reine d'Angleterre, le comte d'Olivarès, pour amuser le Roi et lui témoigner une sincère et cordiale affection de la part de son maître, espérant de faire, par ce moyen, relâcher Sa Majesté de quelqu'une des conditions desquelles, pour sa dignité, elle faisoit
instance, et d'autre côté la porter à refuser toute voie d'accord avec l'Angleterre, fit cônnoître à du Fargis que le Roi son maître avoit une grande indignation contre les Anglais, et particulièrement contre l'insolence du duc de Buckinghàm.
Le cardinal fit écrire au Fargis qu'il pouvoit ré-.pondre de bonnes paroles, sans s'engager détèrminément à aucune chose.
Depuis, ledit comte avoit encore continué à lui; en parler,-et d'une descente que le Roi son maître désignoit faire en Irlande.
Le Roi dépêcha de Nantes un courrier, le i5 août à du Fargis et lui manda que les propositions qu'il avoit écrites de la part dgdit cointe, sont bien reçues d,e là sienne;
Que ce qui a fait'diflereit la réponse a été le nuage domestique qu'on a voulu éclaircir auparavant que maintenant que Monsieur est content et marié, on est très-désireux d'y entendre;
Qu'il faut entrer dans l'éclaircissement des conditions de cette. entreprise pour laquelle la France a, de soli côté,: des expédiei?s et des pays favorables, comme l'Espagne en peut avoir;
Qu'on est prè's de se joindre avec l'Espagne, comme elle le désire, pour le bien et avantage de la religion, qui reçoit de nouvelles persécutions en. ce pays-la que le fruit qui en est désiré ne se peut espérer, si cette liaison qui se propose maintenant, et ce qui s'en doit ensuivre j.usques à l'exécution n'est prompt et fort secret. C'est pourquôil cette dépêche ne passe point par les voies ordinaires du secrétaire d'Etat; et il. est bon que, du côté d'Espagne ils observent.
la conduite qui leur est usitée aux plus grands secrets de leurs affaires que sitôt que l'on aura réponse claire et assurée par le retour de ce courrier et de. leurs volontés', et des conditions nécessaires à cette entreprise, on se résoudra^ deçà sans aucun délai; qu'il témoignât fort à l'Espagne qu'on a autant de volonté qu'ils en peuvent avoir à l'avancement de cette affaire, pour l'heureux succès de la religion et que; pour faciliter et avancer cette exécution, tant du côté de France que d'Espagne, il est très à propos que les deux rois renouvellent leurs ordres aux ministres qui les servent en la Valteline etItalie, pour diligenter l'exécution du traité de Monçon.
Depuis, le marquis de Mirabel parlant au père de Bérulle d'autre chose, tomba sur le sujet d'Angleterre', et lui dit qu'il n'y avoit aucune intelligence entre l'Espagne et elle, qu'au contraire il y avoit guerre ouverte; et même que l'Espagne étoit en dessein d'intenter quelque chose contre l'Angleterre,' et qu'il vouloit parler de cette affaire au Roi et au cardinal. Ils s'abouchèrent au Louvre, où, après que Mirabel eut fait sa proposition le cardinal lui répondit qu'il approuvoit le dessein que le roi d'Espagne avoit de se ressentir du mauvais procédé des Anglais qu'on disoit qu'il vouloit faire une descente en Irlande pour l'intérêt de la religion qu'il ne pouvoit assez louer son zèle, et crbyoitque Dieu demandoit quelque chose des deux couronnes en tel sujet, et pouvoit assurer que le Roi son maître y entendroit volontiers, et qu'il sembloit que les Anglais y vouloient forcer la France et l'Espagne; que si le Roi svoit des- vaisseaux, on poùrroit faire conjointement
un beau dessein pour la religion, qui étoit qu'au même temps que l'Espagne entreprendroit l'Irlande la France entreprendroit l'île de Wight, et par ce moyen on contraindroit l'Angleterre à rétablir la religion.' Il ajouta qu'il ne voyoit pas que cela se pût faire promptement, faute desdits vaisseaux que le Roi n'avoit pas mais qu'il vouloit s'en pourvoir;
Que le Roi ne vouloit pas aussi prier le roi d'Espagne son frère de retarder le cours de son dessein ni aussi précipiter son entreprise contre le bien de ses affaires; mais que, s'il étoit prêt à faire un effets il se pouvoit assurer de n'avoir nulle opposition de la part'de la France ains assistance de victuailles et autres choses dont un tel armement peut avoir besoin, aux conditions requises et accoutumées Que si on faisoit un traité entre lés deux couronnes' à cette fin, la première chose qu'il faudroit faire étoit' de se lier à ne faire aucun accord sans le consentement l'une de l'autre. ̃ Et que dès à présent on donnoit parole que, quand l'Angleterre satisferoit maintenant la France on ne s'opposeroit pas pour cela à la'descente projetée par' l'Espagne: Le Fargis dépêcha, le 7 de septembre, un courrier au Rôi et lui manda l'extrême contentement que leu roi d'Espagne et le comte d'Olivarès avoient eu, que Sa-Majesté voulût entendre aux propositions qui lui' avoient été faites sur le sujet d'Angleterre ̃ Que,'pour y garder un plus grand secret, qui'esttoût-à-fait nécessaire, il n'en seroit fait part qu'au seul comte d'Olivarès nôn pas même au marquis de Mirabe) en France et, pour ce sujet, 'qu'il étoit à
propos queleRoi envoyât auFargis instruction, avec autorité et pouvoir de conclure les affaires, afin qu'elles ne tirassent pas en longueur, et qu'on pût attaquer l'ennemi au dépourvu ce qui ne se pouvoit pas faire si on ne gagnoit le temps joint que le marquis de Mirabel, avec les instructions qu'on lui pouvoit envoyer du conseil ne pourroit pas se relâcher en beaucoup de choses, comme ledit comte pourroit faire étant proche du Roi son maître;
Que, dès cette année, le roi d'Espagne si on le jugeoit. propos, enverroit une puissante armée de mer. pourvu que la France s'engageât à faire le sem^ blable d'un autre côté, et si elle n'avoit des vaisseaux qu'ils en fourniroient;
Qu'il seroit bon au temps qu'on amasseroit les.troupes, de faire naître, pour couvrir ce dessein, un prétexte de division entre la France et fEspagne Que s'il survenoit en France quelques mouvemens, ils y assisteroient Sa Majesté de tout leur pou-voir. Il dit aussi qu'il avoit commencé quelque pratique en Angleterre pour l'amuser; mais qu'il la conduiroit avec tant d'art, qu'elle ne donneroit au Roison maitre ni à lui aucune sorte d'engagement,. afin que, lorsque les Anglais auvoiënt refusé de faire raison au Roi du violement de leur foi aux articles du mariage de la reine d'Angleterre, ce qui sans doute arriveroit parce que les mêmes raisons qui leur ont fait faire la folie les obligeraient à la continuer, on., mît lors sans délai les forcies, de l'une et l'autre coiw ronne dans le pays d'Angleterre. Pour s'assurer mieux les uns des autres durant cette entreprise, il pro-. posa que la France et l'Espagne fissent ligue oflen=
sive et défensive pour dix ans ou tel autre temps qu'il seroit avisé, tenant les amis et ennemis pour communs entre elles, à la réserve des plus anciennes alliances, comme celles des Suisses, des Vénitiens, de Savoie, et enfin ce qui regarde l'Italie sauf à déclarer ses amis et ennemis aux occurrences qu'il conviendroit, tenant jusque-là très-secrète ladite ligue. Pour lequel secret il jugeoit à propos de n'y convier ni le Pape ni, l'Empereur, jusqu'à ce que, par le progrès ladite union et ligue se publiât d'ellemême et d'autant que cette proposition et union doit être ainsi secrète, il jugeoit à propos de la traiter ainsi, sans en faire aucune apparence, et sans en faire passer aucun office extraordinaire vers le Roi. Il voudroit bien que cette ligue s'étendît en Allemagne contre les rois d'Angleterre, Suède,, Betlem Gabor et contre les Hollandais par cessation d'assistance offrant d'égaler, en autres choses, les avantages qui se tireroient de cette ligue par toutes voies. possibles soit qu'on prît nouvelles terres en Aile-, mague; soit qu'on demeurât en possession des usurpées, soit même qu'on fît conquête considérable eli Angleterre, ou qu'on entrât en traité du Palatinat pour Monsieur frère du Roi.
Qu'une seule chose mettoit en peine le comte d'Olivarès, que l'on, ne voulût en France se servir de ce qui se traitoit que pour en faire peur aux Anglais et, après avoir tiré d'eux la satisfaction qu'on en désiroit, se réunir avec eux contre l'Espagne même. Il y en eut qui, sur ces propositions d'Espagne, vouloient que le Roi quittât toute autre pensée pour s'y attacher et étoient d'avis qu'on ne leur refusât rien
de ce qu ils voudroient, mettant en avant que l'Espagne étoit moins offensée que nous par l'Angleterre, qui d'autre part la recherchait' de paix;'
Qu'ils faisoient attendre un courrier en Espagne, et en avoient ici un exprès, pour porter et rapporter toute résolution, laquelle ils demandoient formelle Que ne.1 la leur donner pas c'étoit tacitement la refuser et les obliger à prendre autre parti;
Que l'offre qu'ils, faisoient de leurs vaisseaux, sembloit ne. pouvoir être refusée sans leur donner sujet de croire qu'on se méfioit d'eux, et qu'on avoit peu de:dessein de conclure' avec eux en cette entreprise,: en laquelle seule consistoit le remède des déordres d'Angleterre, et l'assistance principale qu'on pouvoit rendre à la Reine pour la délivrer des maux et des périls qui la menaçôienf. • Mais le cardinal qui connoissoit l'Espagne et qui craignoit leurs ruses-, et savoit qu'il s'en falloit lors principalement défier qu'ils faisoient des-offres plus spécieuses, fut d'avis d'aller avec eux la sonde en' main, et, par'son conseil, il fut mandé au Fargis le ig' d'octobre pour réponse à sa lettre du septembre Que le Roi ne vouloit plus tomber dans, les incpnvéniens passés, se mettant en nouvelles peines de le, désavouer et partant qu'il ne lui vouloit point donner sujet de traiter, sans y spécifier et déterminer les choses qu'on vouloit'faire; avec défenses de passer outre à celui qui aurdit ce pouvoir que si l'Espagne trouvoitbon de commettre.un pouvoir ainsi absolu et non limité à son ambassadeur, elle le pouvoit faire, et on traiteroit pleinement avec lui Que ni le temps ni l'état dés. affaires n'avoient rien;
changé ni diminué de la résolution et diligence qui lui avoit été mandée le 15 d'août; mais que la France, à son grand déplaisir, ne pouvoit faire aucune entreprise cette année, pour n'avoir point de vaisseaux; qu'elle en faisoü faire en France qui né pouvoient être achevés que vers la fin de février quelque diligence qu'on y apportât elle en avoit en Hollande, qui étoient presque parachevés;. mais: qu'elle étoit obligée à se conduire fort délicatement avec les Anglais et Hollandais pour les pouvoir retirer ce qu'on ne pouvoit faire qu'en mars
Que l'offre que les Espagnols faisoient de leurs vaisseaux n'étoit pas suffisante pour une telle entreprise, en laquelle il étoit absolument nécessaire que le Roi en eût à lui, et grande quantité, étant la provision la plus nécessaire de toutes celles qu'il falloit faire pour un tel dessein
Que la bonne volonté que le roi d'Espagne avoit témoignée audit Fargis assister le Roi son frère contre ses mouvemens domestiques avoit été reçue avec beaucoup de sentiment et de contentement; que cette intention étoit digne de son zèle, de sa franchise, de sa magnanimité, et que ces qualités, jointes à la conduite et au pouvoir du comte d'Olivarès dans les af7 faires y faisoient prendre une entière assurance; qu'il en fit les remercîmens et les offres de pareille faveur, avec le soin le choix et l'étendue de paroles dignes de la grandeur, de la bonté et de l'amitié réciproque de ces deux rois; Qu'on eût désiré pouvoir retarder le voyage de M. le maréchal de Bassompierré pour s'accommoder à la conduite du comte d'Olivarès; mais qu'il avoit été
impossible ce voyage étoit déjà publié et lui prêt à partir mais qu'il fît connoître que cela ne portoit aucun préjudice au dessein proposé d'unir ces deux couronnes l'encontre d'Angleterre; car il n'étoit envoyé que pour mettre à la vue de toute la chrétienté, les Anglais plus en leur tort, leur demandant, sans aigreur et sans menaces, le rétablissement des Français et l'accomplissement des choses auxquelles ils étoient obligés par les contrats qu'on savoit bien qu'ils ne le feroient pas, mais cela donnoit plus de droit d'entreprendre contre eux; et cette sorte d'instance et de cérémonie publique étoit nécessaire pour gagner temps, afin de tirer nos vaisseaux et pouvoir faire notre armement;
Que la crainte du comte Olivarès, qu'on voulût ne faire que peur aux Anglais pour tirer raison d'eux et puis s'unir avec eux contre l'Espagne et la maison d'Autriche n'avoit ni n'auroit jamais aucun fondement et partant, qu'il lui fit perdre cette appréhension par toutes sortes de voies et industries étant certain, quelque traité qu'on fît, qu'on le garderoit fidèlement;
Qu'il étoit d'autant plus nécessaire que l'on ne pût éntrer présentement dans les voies proposées, en la manière qu'il les représentoit de leur part, que la ligue offensive et défensive dont ils parloient n'étoit pas utile aux deux couronnes. Il falloit sans la faire et sans en parler, en tirer les effets en certains temps et en certaines rencontres, autrement elle ruinoit au lieu d'aider.
Elle donnoit lieu à plusieurs princes de faire une ligue' contre celle des deux couronnés; elle arrêter
le cours des affaires qu'il sembloit que Dieu alloit préparant et disposant en la chrétienté; elle retardait plusieurs bons desseins les uns encommencés et les autres projetés elle apportoit un trop grand et trop soudain changement en la face des affaires présentes dont la chrétienté étoit occupée elle recevoit en elle-même beaucoup plus de difficultés que l'affaire présente d'Angleterre, à laquelle il sembloit toutefois que Dieu liât et obligeât les deux couronnes; et cette proposition, si élle n'étoit bien conduite et tempérée, étoit pour anéantir cette affaire par ses propres difficultés et faire perdre de belles occasions présentes.
Qu'il ne falloit donc pas attacher cette affaire d'Angletere à cette ligue, ni la rejeter aussi, mais en traiter séparément, sans rendre l'une dépendante de l'autre, prendre des expédiens par lesquels on la préparerôit et on la tempéreroit en sorte qu'elle seroit utile et ainsi on conviendroit de l'affaire; Qu'il ne falloit pas rompre maintenant avec les Hollandais que tandis qu'on agiroit contre les Anglais il se falloit donner garde qu'ils ne se potassent pour eux, comme aussi qu'ils ne réveillassent et n'assistassent nos huguenots si on n'avoit ce mal domestique, on entreroit en d'autres pensées mais que c'étoit un ulcère dans l'Etat qui l'affoiblissoit en ses mouvemens, et obligeoit à une autre conduite que celle qu'on voudroit prendre, et nous rendoit. plus. retenus et considérés, spécialement au respect de telles gens forts et puissans en la mer; de sorte qu'it faudroit trouver un tempérament qui ne nous obligeât point à rompre maintenant avec eux, et soulageât les
dépenses- des Espagnols,.pour rie point- affaiblir, ni troubler notre dessein, a quoi peut-être serviroit si nous nous employions puissamment à procurer, la trêve de Hollande avec Espagne; Que si on pouvoit trouver un tempérament pour les affaires d'Allemagne, et que la ligue se traitât en sorte que les,alliances de France comme-aussi d'Espagne.réciproquement, fussent mises à couvert, il n'y auroit pas grande difficulté à la faire-, et ce seroit.un dispositif à plus grande chose; car, Dieu est un grand ouvrier, et sait bien acheminer les Etats', les esprits, les .affaires à ses fins sans.qu'on s'en aperçoive, et qu'il sembloit que la bénédiction de ce siècle fût .en la ruine de l'hérésie,.et que Dieu voulo.it ruiner l'hérésie-par ses propres desseins conseils et prudence, comme il avoii fait en Béarn et en, Allemagne, et peut-être commençoit-ilen Angleterre, et ferpit le même ailleurs en son temps qu'il falloit attendre,- et par ses voies qu'il falloit suivre ̃ Que l'Espagne devoit considérer cette vérité et avoir cette prudence, et ne pas refuser ce; qui se pouvoit maintenant.parce qu'on ne lui donnoit pas ce qu'elle voudroit (bien qu'on le désirât), et ce qui n'étoit pas encore en la disposition présente des choses; Qu'enfin, pour conclure ce point de la ligue si elle se faisoit, qu'elle se fit; non-seulement la réserve des anciennes alliances des Suisses, Venise, Savoie et ce qui regarde l'Italie, mais encore n'en excepter pas Hollande ,ni' l'Allemagne .maintenant, et que Dieu en feroit l'exception peut-être en un autre temps, et par les voies, de sa prudence; et que,
tandis que la France et l'Espagne se prépareroient au dessein commun, sans l'altérer ni réparer en rien on penseroit à la trêve de Hollande et à la tranquillité d'Allemagne ou par une paix.si elle se pouvoit ou par une-surséance de part et d'autre, sans toutefois que la longueur et la difficulté qui se pouvoit rencontrer à moyenner ou cette trêve ou cette paix ou surséance, intéressât ni retardât en rien la liaison et les effets qu'on projetoit au regard d'Angleterre; que si l'Espagne s'accommodoit à ces conditions-là qu'il le mandât par homme exprès, afin qu'on envoyât un pouvoir avec les limitations nécessaires. Quant aux propositions qu'il a envoyées, des offres que 1'.Espagne fait de donner part aux conquêtes d'Air lemagne, et particulièrement ail Palatinat; qu'elles ne sont pas assez éclaircies et qu'on ne lui peut mander là-dessus rien de'particulier.
En général on lni dira que .la première pensée qu'on a eue sur icelle est de chercher voied'accommodemerit, en conservant les avantages qui doivent être ménagés pour la religion catholique qu'il faut établir publiquement partout; et si, par .la faute d'Angleterre et du Palatin, cela ne peut être promptement exécuté, la France se laisseroit aller à recevoir une partie du Palatinat, la maison d'Autriche et là ligue, catholique s'accommodant du reste; et de là on pourroit venir à tel point, que si Dieu nous fait la grâce de prévoir la fin du parti de ceux qui sont rebelles à l'Etat et à l'Eglise, comme nous espérons on entendroit volontiers à ce que l'Espagne peut désirer pour autre chose. Cela n'empêcha pas qu'en même temps le maréchal de Bassompierr.e 'ne reçût commandement du Roi
de par tir promptement pour aller trouver le roi de la ,Grande-Bretagne et se plaindre de l'inobservation de ses promesses, et en ce qui regardoit les catholiques, et eri ce qui concernoit la Reine et sa maison; lui dire que le Roi étoit certain qu'un tel procédé ne venoit pas de son mouvement, poürce qu'ayant déclaré la guerre aux Espagnols, et étant obligé par honneur, réputation et intérêt, de procurer en quelque manière que ce fiît le rétablissement de son beau-frère le comte Palatin, en ses Etats, et ayant fait ligue avec le roi de Danemarck et les états de Hollande pour ce sujet, il étoit peu croyable qu'il eût de gaîté de cœur voulu aliéner ou refroidir l'affection du Roi, qui étoit le plus puissant et cordial ami qu'il eût, et cela au préjudice de la foi d'un traité, de ses paroles, écrits et sermens. De dire qu'ils feroient la paix avec Espagne quand ils voudroient, c'étoit chose qui ne pouvoit réussir avec honneur aux Anglais, n'y ayant point d'apparence que les Espagnols voulussent entendre à la restitution du Palatinat, tant qu'ils auront l'avantage qu'ils avoient maintenant sur les protestans d'Allemagne, et particulièrement les voyant destitués de l'assistance conjointe de ces deux couronnes, par les divisions que les violences susdites mettoient entre elles et partant qu'il ne faisoit point de, douté qu'il ne commandât que toutes les contraventions susdites fussent rétablies, tantpourle conten"tement de Sa Majesté que pour sa propre réputation. Sa Majesté lui commanda aussi que s'il voyoit ledit roi d'Angleterre résolu à ladite paix, il n'en montrât aucun souci ni jalousie, mais au contraire y offrît l'entremise de Sa Majesté, laquelle, en cas que la-
dite paix ne se fit, pourroit conjointement avec ledit Roi donner assistance aux princes d'Allemagne et aux Hollandais pour réduire les Espagne^ 'aux termes d'un honorable accord, et procurer le rétablissement du Palatin en ses Etats. Et sur ce qu'ils se pourroient plaindre que le Roi avoit refusé d'entrer dans le traité de La Haye avec eux, Danemarck et les Etats, il leur dît que le Roi n'avoit pas jugé à propos d'y entrer, sachant que cette démonstration, peu convenable ait rang et titre qu'il tenoit en l'Eglise catholique pouvoit produire plus de préjudice que d'avantage à ce parti, en ce que Sa Majesté eût indubitablement induit les princes catholiques d'Allemagne à faire une contre-ligue avec les Espagnols, sous prétexte de leur défense commune, dont les derniers avoient toujours recherché les autres, comme ils faisoient encore ceux-ci n'en étant détournés que parles offices de Sa Majesté; et d'ailleurs qu'elle s'étoit mise en état de faire les mêmes effets du traité, ayant proposé de faire une ofl're d'un million de livres de secours annuels auxdits Etats durant le temps de la durée de la guerre, renouveler le traité de la ligue défensive entre la France et l'Angleterre, et fait proposer aux comte de Hollande et chevalier Carleton, ambassadeurs extraordinaires, toutes sortes'de partis pour secourir les princes de la Germanie, conjointement ou séparé- ment, soit en hommes ou en argent.
Dequoilesdits ambassadeurs ayant promis de fairé rapport à leur maître à leur retour, au mois d'avril dernier, Sa Majesté n'en avoit reçu depuis aucune réponse, n'ayant pas laissé toutefois d'envoyer de notables sommes d'argent au roi de Danemarck-et
au comte de Mansfeld, quoiqu'elle' fût bien avertie, par les'plaintes mêmes .desdits intéressés, que le roi d'Angleterre avoit discontinué depuis un long temps à les assister comme il étoit obligé. De manière qu'il étoit aisé à juger quel des'deux rois avoit en effets pris m'eilleure part au secours des princes d'Allemagne quoique ledit roi de la Grande-Bretagne eût en cette cause, outre l'intérêt d'Etat, celui de la réputation et de parenté étroite; et que, pour toutes ces raisons, il étoit obligé de donner contentement Sa Majesté., et réparer les contraventions par lui faites au traité de mariage avec la Reine sa femme. Ledit maréchal'partit le 27 septembre, et arriva à Douvres le 2 octobre. Par la mort du connétable deLesdiguières, qui décéda en septembre, vaqua cette grande charge autrefois si utile à la France, lorsqu'elle étoit dans la nouveauté de son établissement, mais qui depuis a été très-dommageable, par l'abus de l'absolue autorité qu'elle donnoit des armes du Roi. Le roi Henri-le-Grand reconnoissant bien le pré- judice que cette charge portoit à son Etat, ne l'eût jamais-fait revivre si la nécessité de ses affaires ne l'y eût obligé, n'ayant autre moyen de retirer M. de Montmorency du Languedoc, où il vivoit avec une licence qui étoit hors des bornes d'un sujet.
Depuis sa mort, la vanité de Luynes fit renouveler • cette charge eh lui, bien. que toute la France sache qu'il n'eut jamais vu ennemi l'épée à la main. Lesdiguières lui succéda, dont l'expérience au fait delta guerre le grand nombre des combats et les heureux services que durant tout le cours de sa vie il avoit
rendus à l'Etat faisoient approuver le choix. Asa mort le cardinal fit agréer 'au Roi qu'il fût le dérnier des connétables de France et que cette charge fût sup-primée à l'avenir.
Il donna le même conseil pour la charge d'amiral, dont le pouvoir sur la mer étoit égal à celui de connétable sur la terre et toutes deux partagéoiént l'autorité royale qui sembloit tellement résider en ces deux seules personnes-la, que le Roi en étoit comme dépouillé, et ce d'autant plus qu'étant charges de la couronne, il ne les leur pouvoit ôter- que par crime et avec la vie.
Elles portoient un second désavantage, non si grand que le premier, mais très-considérable pourtant c'est qu'elles mettoient une confusion sans remède dans les finances du Roi.
La dépense de l'ordinaire de la guerre n'étoit connue que par le connétable et par le secrétaire d'Etat qui en a le département et celle de la marine étoit si grande, que l'année et les suivantes encore montoient à un million d'or chacune, et cela dépendoit ile l'amiral seul qui en usoit comme bon lui sembloit. D'où venoit que ces charges demeurant en leur entier, le surintendant ne pouvoit faire aucùn règlement parmi les gens de guerre, de terre ou de mer, d'autant que ledit surintendant voulant, dans les comptes des trésoriers et receveurs, entrer en la connoissance du détail de ce qu'ils avaient fourni ils renvoyoient à ces chefs de charge, desquels la naissance et l'autorité étoient si grandes, qu'ils luifermoient la bouche, luidisant qu'ilsne rendoientcompteà personne qu'au Roi. De l'abus de ces puissances sont arrivés les dé-
sordres qui ont mis en'arrière les finances du Roi ? mais la charge d'amiral n'étant pas vacante comme celle de connétable on convint avec M. de Montmorency à la somme de douze cent mille livres pour son remboursement; somme qui bieh-qu'elle parût grande, non-seulement a été bien petite, mais un grand gain au Roi pour les glorieux succès des années suivantes, qui ne fussent pas arrivés sans cela. L'une et l'autre donc de ces charges étant vacantes, le Roi les supprima toutes deux, et par un édit solennel, qui fut enregistré en la cour de parlement, comme nous dirons ci-après, en l'année suivante. Parcourons maintenant ce qui se fit en ce petit reste' d'année, premièrement à la cour, puis en Angleterre où Bassompierre est arrivé.
Le Roi étant à Versailles où il traitoit les Reines, le jour Sâint;Hubert, le duc d'Halluin et Cressias (*) eurent quelques pàroles dans la chambre de Sa Majesté, sur lesquelles Liancourt l'appela.
Le cardinal n'eut jamais en aucune affaire l'esprit si combattu qu'en celle-ci pour l'affection qu'il portoit à M. de Schomberg (2), et pour plusieurs conséquences capables de le ruiner quoiqu'il fit mieux'que jamais, et qu'il espérât rendre des servicés- dans peu de temps, qui n'ont pas seulement été pensés par ceux qui ci-devant ont été au ministère. Mais, considérant l'intérêt et la réputation du Roi il n'eut point de peine à fermer les yeux (t) Cressias c'étoit nne des filles de la Reine-mère, dont Baradas étoit amoureux. (a) Pour V affection qu'il portoit à M. de Schomberg Le duc d'Hâllüin étoit fils de Schomberg. Le duc de Liancourt .étoit son beau-frère.
à quoi qui lui pût arriver, puisqu'il y avoit appel, que toute la cour le croyoit et le savoit; qu'elle savoit, de plus, que le Roi en avoit connoissançe qu'elle savoit qu'il avoit été fait dans la propre chambre de Sa Majesté par l'un de ses principaux officiers, et en sa présence. Il étoit certain que si cette action demeuroit impunie, non-seulement la licence des duels reviendroit-elle, mais on se moqueroità l'avenir de tous les établissemens qu'on sauroit faire; il ne faudroitplus parler d'obéissance, et y avoit crainte que la personne du Roi vînt mépris.-
Comme il importoit à Sa Majesté de témoigner fermeté en l'exécution de ses volontés, il lui importoit aussi de justifier toutes ses actions, afin qu'on vît que nulle passion ne l'avoit portée faire ce qu'elle faisoit,. seulement pour la légitime jalousie que tousles grands rois doivent avoir de leur autorité. Pour cet effet il conseilla Sa Majesté de dire à diverses personnes qu'il avoit fait un édit nouveau, par icelui il s'obligeoit par serment de le faire exécuter qu'il l'avoit promis à Dieu entre les mains de son confesseur, qu'il ne le pouvoit violer que beaucoup croyoient que Dieu avoit permis la malheureuse mort du feu Roi son père, parce qu'il n'avoit pas fait ce qu'il avoit pu pour empêcher les duels.
Que, prévoyant la peine qu'il y avoit à prouver une chose véritable, et comme, faute de témoins qui voulussent déposer, tous les édits passés avoient été sans effet, il avoit mis exprès dans l'édit des punitions qui dépendoient de lui savoir est la privation des charges, afin que quand un duel ou un appel lui seroient connus, bien qu'il n'y eût point de témoins qui
voulussent déposer, il pût punir les contreyënans. ». Que quand le petit Praslin se battit à Blois on ne pouvoit trouver de preuves, bien qu'il y eût eu combat, on lui'avoit couvert le visage tandis qu'un chirurgien l'avoit pansé. Que sur cela tout son conseil, le cardinal le garde dés sceaux, M. de Schomberg ;;lui dirent, quand une chose étoit connue et notoire, encore qu'on ne p'ût avoir de preuves, lesquelles on divertissoit toujours en tels cas il étoit obligé én. conscience de faire exécuter, fédit quant à ce qui dépendoit de lui et que dé fait, sans qu'il y eût. information, on lui conseilla de donner la charge de. Prasiin, et le fit. Q u'aussi, maintenant qu'il savoit l'appel fait en sa chambre, commuent ne ferôit-il pas ce qu'on lui avoit conseillé de faire une autre fois? Qu'il n'y avoit personne au monde qui pût répondre à ces raisons. Il dit aussi à Sa Majesté qu'il étoit nécessaire qu'il en parlât au cardinal de La Rochefôucaùld et au père Suffren (1), qu'il falloit'par nécessité faire venir, cette affaire le méritant. Qu'il seroit aussi bon qu'il vît le procureur général, ou qu'en tout cas il .'envoyât Aumont vers lui, et le premier président; pour savoir si sachant un appel fait par l'un de ses domestiqués en sa propre chambre lui présent, et fait avec tant d'éclat qu'il ne le pût ignorer, il n'étoit pas obligé de faire exécuter l'édit, en privant celui qui avoit fait l'appel des charges qu'il avoit en sa, maison et si au cas qu'il n'en usât pas ainsi tout le monde ne penseroit pas avoir la licence de. violer l'édit impunément..
(t) Au père Suffren Le père Snffren jésuite, étoit confesseur'de la Reine-mère,
Que cela fàit, Sa Majesté exécuteroit ce qu'selle avoit résolu, faisant donner congé à Liancourt, et rayant la charge dont il étoit question.
Que si on disoit a Sa Majesté qu'elle pratiquoit ce qu'elle n'avoit pointencore fait, elle pourroit répondre que l'exemple du petit Praslin justifioit le contraire. Qu'il n'y avoitpoint d'information, bien qu'il y eiîteu combat que cet appel fait en sa chambre et en sa présence l'offetisoit plus.
Si l'on disoit qu'il avoit ignoré quelques appels par le passé, Sa Majesté pourroit répondre que s'il en avoitignôré c'avoit été quand il ne les avoit pas connus' ouvertement et quand la chose avoit été doute use j'mais maintenant elle ne pouvoit ignorer ce qui s'étoit fait en sa présence et que plusieurs avoient ouï et vu; et de plus, que son plus grand déplaisir étoit que, pour avoir dissimulé l'appel que Liancourt avoit fait aii Pont-de-Cé, il en avoit abusé en sorte que d'en venir faire un dans sa chambre.
Quant au fait de Louvigny et du sieur de Candale à Nantes qu'il ne se trouva jamais personne qui dît avoir connoissance de l'appel, mais qu'en ce ce fait-ci plusieurs l'avoient ouï et vu et qu'il le savoit. •
'̃̃ Sa Majesté suivit cet avis dont il fut loué de tout le monde, et par ce moyen retint la fureur ordinaire des duels, et empêcha, par la crainte de cet exemple, que la noblesse ne s'y abandonnât comme elle avoit fait auparavant.
Peu après, Baradas, qui avoitcommencé à desservir le Roi dès Nantes prenant intelligence avec ses mauvais serviteurs pour empêcher le mariage de
Monsieur et perdre le cardinal, ayant toujours continué de mal en pis, reçut enfin le 2 décembre commandement du Roi de se retirer (1).
C'est une chose étrange que ce jeune homme de nul mérite, venu en une nuit comme un potiron, non élu, mais, par une bonne fortune, reçu du Roi en l'honneur de sa bonne grâce étoit si méconnoissant de soimême qu'il pensoit mériter être mieux aimé du Roi que le cardinal. Et ce qui est le. dernier terme de la. fôlie, il l'osoit dire même à Sa Majesté, et portoit envie au cardinal comme s'il tenoit le lieu qui lui étoit dû et dit impudemment à Sa Majesté que s'il eût été en sa place il l'eût aussi bien servi que lui. Sa Majesté dès. Nantes dit au cardinal que Baradas étoit insatiable et croyoit que c'étoit lui qui l'empêchoit de s'agrandir selon sa fantaisie et pour ce sujet lui vouloit mal qu'il lui avoit dit souvent que le cardinal étoit son favori et son ministre toutensemble, et que s'il savoit que le Roi l'aimât mieux. que lui, il enrageroit contre lui. A quoi Sa Majesté lui répondant qu'il étoit bien juste qu'il l'aimât mieux puisqu'il le servoit si bien il lui repartit qu'il commettoit en cela un grand défaut pource qu'en son amitié il considéroit son propre intérêt et ne se soucioit pas de la personne qu'il avoit essayé de faire Commandementdu Roide se retirer. Baradas, en six mois, avoit fait à la cour la plus grande fortune. Il étôit devenu premier écuyer, premier gentilhomme dela chambre, capitaine de Saint-Germain et lieutenant de roi en Champagne. Il perdit tout en un moment, et à peine eut-il de quoi payer ses dettes. Ce jeu du sort fit donner long-temps à une fortuné 'aussi promptement dissipée qu'acquise le nom de fortune de Baradas. Ce gentilhomme âlla servir dans les pays étrangers, où it acquit beaucoup de réputation.
plusieurs mauvais offices audit cardinal s'allioit et faisoit amitié avec tous ceux qu'il savoit qui ne l'aimoient point et qu'ayant porté autrefois grande envie à Bautru et Toiras, il l'avôit maintenant toute déposée, et n'avoit plus d'autre but d'envie et de haine que contre le cardinal.
Il dit à Sourdis que le cardinal lui étoit beaucoup plus obligé qu'il ne lui étoit, parce que quand il avoit eu brouillerie avec Monsieur, il lui avoit offert deux cents chevaux pour l'assister, comme si une offre imaginaire étoit une grande obligation.
Le Plessis dit au cardinal que le cardinal de La Valette avoit su de M. de Bellegarde que ledit Baradas avoit dit à la Reine, lorsqu'elle pensoit être grosse « Maintenant que vous êtes grosse souffrirez-vous que le cardinal vous fasse maltraiter comme vous êtes
II dit à madame de Séneçai au même temps « Le Roi verra maintenant le mauvais conseil que le cardinal lui a donné de marier son frère » en quoi paroissoit son peu de jugement, vu que si le conseil du mariage étoit mauvais la grossesse de la Reine empêcheroit que l'événement le pût être..
Il disoit souvent au cardinal que Sa Majesté étoit un étrange homme qu'il n'aimoit rien qu'il falloit par nécessité qu'il changeât souvent de serviteurs, et n'avoit rien agréable que le changement.
Il dit à la Reine-mère, àFontainebleau, que lorsqu'il s'étoit adressé à elle et au cardinal pour le réconcilier avec le Roi lorsqu'il étoit brouillé, Sa Majesté luiavoit dit que c'étoit un mauvais moyen de se raccommoder avec lui que d'avoir recours à cette intervention.
II dit âussi à Nantes, à ladite Reine-mère que le Roi disoit que s'il croyoit que le cardinal ne l'aimât pas mieux qu'elle, il ne l'aimeroit jamais. » Il accusoit le Roi d'ingratitude et d'avarice extraordinaire, comme si lui avoir donné en deux ans plus de 300,000 écus vaillant,. n'étoit pas plutôt une marque de prodigalité que d'avarice.
Il disoit que le cardinal àvoit trouvé le foible du Roi en ne lui demandant rien, qu'il prétendoit user pour un temps de même expédient pour avoir sa revanche.
Le Roi même dit à la Reine-mère que Baradas ne l'aimoit pas et étoit venu à tel. excès.contre lui qu'il l'avoît appelé tyran.
̃ Quant à la Reine-mère, il lui vouloit mal aussi le Roi lui en donna avis; lequel elle avoit reçu d'autres endroits, et particulièrement depuis que, pour l'honneur de sa maison, elle avoit, par le conseil du Roi, fait défense de laisser entrer ledit Baradas en la chambre. de ses filles.
Sur quoi le Roi avertit la Reine sa mère que Baradas lui avoit dit que, s'il aimoit La Cressias' comme elle pensoit; il ne se soucieroit guère de ses défenses, et y entreroit au préjudice d'icelles..
Bref, il étoit si hors du sens qu'il estimbit que ceux qui étoient bien auprès du Roi, sans exception même de ceux que la nature excepte, lui faisoiént tort, cette place.lui étant uniquement due; et le déplaisir qu'il en avoit étoit si grand, qu'il ne pouvoit cacher sa rage, et eût perdu s'il eût pu tous ceux qui étoient bien auprès de Sa Majesté.
Puisqu'il étoit si insolent que de porter si peu de
respect et d'affection à Leurs Majestés, cé n'étoit pas chose frange qu'il voulût mal au cardinal. Il étoit si présomptueux eu la possession des bonnes grâce's'.du Roi, qu'il osa écrire à un de ses amis qu'il avoit tels avantages, lesquels il ne lui avoit' jamais dits, sur l'esprit du Roi, qu'il rie sauroit jamais l'éloigner de' sa présence, et qu'il espéroit que, jouant d'esprit comme il feroit, 'il ruineroit absolument la Reinemère et le cardinal en l'esprit de Sa Majesté: t La raison pour laquelle il haïssoit le cardinal étoit la présomption de ce jeune écuyer, qui, n'estimaut rien de trop grand pour soi, vouloit monter au plus haut degré de grandeur où, ne pouvant par venir, parce que le Roi ne le vouloit pas, il imputoit la disproportion qui se trouvoit entre son ambition déréglée et l'état où il demeuroit- aux conseils du cardinal, qui avoit plusieurs fois proposé au Roi ;de l'avancer à certaines charges non disproportionnées; ce que Sa Majesté n'avoit pas voulu.
Le Roi dit plusieurs fois au cardinal qu'il connoissoit tellement le naturel et la portée de ceux qui étoient le mieux auprès de lui, qu'il ne vouloit pas trop les élever, d'autant qu'assurément ils en abuseroient et se rendroient insupportables à lui même. Auparavant que d'avoir cette connoissance et savoir la volonté de Sa Majesté il faisoit quelquefois des propositions à leur avantage; depuis qu'il sut le dessein du Roi il s'y conforma; les volontés du maître devant servir de loi et dé raison aux bons serviteurs aux choses indifférentes. Cependant, si telles gens ne s'agrandissoient à leur gré, ils croyoient qu'il les en empêchoit, et.lui imputoient le retardement de leur
fortune, bien qu'en cela il ne fit autre chose que complaire à son maître, et le servir selon son goût. Ainsi, en faisant son devoir, il s'exposoit à recevoir de mauvais offices de ceux à qui non-seulement il ne faisoit point de mal mais à la fortune desquels il contribuoit autant qu'il lui étoit possible et qu'il ledevoit.
Cependant leur mécontentement lui pouvoit être d'autant plus préjudiciable, que c'étoient ceux qui avoientplus d'accès et de familiarité auprès du Roi. Il dit à M. dé Bellegarde, étant en colère et pestant contre sa mauvaise fortune, que c'étoit le cardinal qui l'empêchoit que, s'il étoit au conseil, il serviroit aussi bien que lui et au chevalier de Souvré, que, sans le cardinal, il auroit un gouvernement; qu'il avoit parlé de Saumur au Roi, qui lui avoit fait froide réponse; que ce méchant prêtre l'en empêchoit, le Roi se laissant toujours aller à ses avis par foiblesse. Il menaçoit de dire au Roi que le cardinal faisoit tout, qu'il avoit fait avoir la Bastille au Tremblay et Montpellier à Fossé; comme si Fossé étoit parent ou -allié du cardinal, et comme s'il avoit été mis là par autre considération que d'y être jugé propre. Ainsi, à un homme comme celui-là, qui n'est pas content, les meilleurs services sont des crimes, n'y ayant rien de si blanc qu'on ne puisse faire paroître noir j par un faux jour à ceux qui ne prennent pas la peine d'y regarder de près. Cependant il étoit impossible au cardinal de remédier à semblables mécontentemens.
Sa Majesté dit au cardinal une fourbe qu'avoit faite leditBaradas sur le sujet de La Cressias. Il vint dire au
cardinal que ce n'étoit pas lui, mais le Roi qui en étoit amoureux mais qu'il n'en fit pas semblant a Sa Majesté, parce qu'elle lui voudroit mal si elle pensoit qu'il le sût: c'étoit recommander le secret au cardinal par une voie infaillible, que le lui recommander sous la crainte de la disgrâce du Roi. Il alla incontinent après donner avis à Sa Majesté de ce qu'il avoit dit au cardinal, et ce afin de montrer à Sa Majesté que le cardinal, qui ne lui en ose^roit parler, ne lui disoit pas tout, èt, qui plus est, bien qu'il ne lui en eût parlé qu'un jour auparavant que le Roi découvrît au cardinal ce beau tour, il lui avoit rapporté qu'il le lui avoit dit plus de quinze jours auparavant. Et il avoua au Roi la veille de la Toussaint, que Tronçon et Sauveterre avoient commencé à lui parler a Blois, quand on alla en Bretagne, pour le disposer à parler à Sa Majesté contre le gouvernement, ou pour faire qu'il les introduisit au Roi pour lui parler eux-mêmes reconnoissance bien importante, .puisqu'elle fait voir que les avis que Sa Majesté avoit d'ailleurs des négociations que ces personnes faisoient étoient véritables. Chose étrange que deux personnes de cette basse condition entreprissent de vouloir aborder le Roi, pour lui faire changer la face de la cour s'ils eussent pu au propre temps que Sa Majesté recevoit de ceux à qui ils en vouloient les plus signalés services que ministres aient rendus de long-temps.
Le même jour il reconnut aussi au Roi que Blainville étoit enragé contre le gouvernement; qu'il l'avoit sondé pour savoir s'il seroit sûr à lui parler sur ce sujet, lui disant qu'on .lui communiqueroit beau-
coup d'affaires si on pouvoit s'assurer qu'il ne dît au Roi'que ce qu'il faudroit; mais qu'on lui taisoit beaucoup de choses importantes, parce'qu'il disoit tout au Roi et le Roi tout à la Reine et au cardinal.
Ledit Blairiville dit à Sourdis que quand il voudroit. rendre de mauvais offices'au cardinal les sujets ne lui en manqueroient pas; qu'il pourroit dire. que les mauvaises intelligences qu'il paroît avoir-avec Monsieur ne sont que feintes qu'il prend des placés de sûreté pour s'en prévaloir quelque jour contre le ser- vice de son maître.
Que, sous le titre du commerce, il s'étoit approprié le commandement sur la mer.
Il ajouta « Quand je dirai ces choses au.Roi,.vraies ou non, je lui partirai l'esprit; » qu'il lui étoit honteux qu'un homme de sa naissance et qualité en fût deineuré où il étoit, et que, sans les artifices du cardinal, il seroit duc et pair; que le traité du duché de Fronsac n'avoit été rompu que par ses inventions, et jamais le cardinal n'en avoit ouï parler ce qui jnontroit clairement qu'il avoit dessein de faire valoir en l'esprit du Roi les maux que les ennémis que le cardinal acquéroit en servant le Roi disoient de lui, et faire passer..pour gens apostés ceux qui parlant sans passion, et regardant ses actions sincèrement, en disoient du bien à Sa Majesté.
Le maréchal de Schomberg dit au cardinal, le i4 novembre, qu'il y avoit trois mois que Chaban etBuy, le croyant mal content sur l'affaire de ses enfans l'avoient tous deux abordé séparément et commencé à parler assez librement
Que Buy lui avoit fait reconnoître clairement que-
lé cardinal empêchoit Monsieur, le premier de faire sa fortune, que c'étoit lui qui détôurnoit le Roi de lui faire du bien •. Que Chaban passa plus avant,et lui dit clairement que le premier vouloit un extrêmement grand anal au cardinal qu'il croy oit qu'il èmpêchoitsa fortune, et que, pour cet effet., il étoitrés'olù de:faire:tout ce qu'il pourroit contre •̃̃' Qu'il àvoit parlé au Roi, -et lui vouloit encore parler pour mettre le cardinal en soupçon; Qu'il avoit un mémoire pour montrer au Roi contre ledit cardinal .lequel lui avoit:été donné par :Cressias, qui vouloit mal au cardinal pour deux rais'onsi l'une que ledit Cressias et le premier croyoierit embarquer le Roi, à Blois" en- l'amour de Cressias sa fille', ce dont il pensoit ,qu'il' avoit été détourné par le cardinal 5 l'autre qu'il.croyoit qu'il eût eu le Pontde-l'Arche sans ledit cardinal.
Il dit que -le mémoire portoit que le Rpr devoit prendre-garde au' cardinal', vu qu'outre le Havre il' vouloit avoir. Brest, Brouage est autres places maritimes, et qu'il vouloit, parié moyen, de la charge qu'il avoit au commerce, et ces places, brider la France. ':̃̃'̃̃• Toutes ces choses mettoient l'esprit du cardinal en inquiétude. • ̃ .S'il pensoit au dessein de fa mer; ils essayaient de le faire passer pour un crime; cela fâisôit qu'il n'y osoit travailler- si fortement qu'il l'eût fait. Ils disoient qu'il falloit dire au Roi qu'il se vouloit faire connétable; en se moquant. « Nous dirons, di-' soient-ils, qu'il'se veut fortifier puis dans trois mois
nous dirons qui! se veut appuyer des grands, même dé Monsieur-, maintenant qu'il veut ruiner.les princes du sang, une autre fois qu'il veut relever la Reine; », ^Cependant tout cela arrêtoit, et il est vrai qu'à ne faire* les choses. qu'à 'demi il.vaudroit mieux ne les point faire du tout, et à:les faire tout-à-fait, la malice de ceux qui veulent faire leurs affaires aux dépens du Roi met en grand hasard. Il faut agir fortement,, se préparer à des choses de loin, dont il ne faut pas dire les fins, et quand les méchans esprits les sauroient bonnes comme elles. sont, ils les cacheroient. au Roi, et les découvriroient à tout le monde pour ruiner les desseins.. .,• Sans argent ori ne fait rien: proposez de grands moyens extraordinaires, :les pârlemens s'y opposent, ils, font crier lès peuples; cependant il faut pour un temps mépriser cela et se laisser calomnier passant outre.
.De la' puissance de la mer dépend l'abaissement de l'orgueil d'Angleterre et de Hollande contre noues et la ruine des huguenotes.
Cependant on n'osoit y travailler fortement à cause. des calomnies. Baradas dit à Marsillac en jurant plusieurs fois qu'on ne l'aidoitpas, mais. qu'il viendroit un temps auquel on auroit affaire de lui, que chacun auroit son tour qu'il viendroit.:une maladie au cardinal, qu'il étoit mieux avec le Roi que jamais, que le Roi lui disoit tout, et ceux, mêmes. qui parloient de lui. Il dit la même chose.quasi en pleine table, où étoit Blàinville, qui le rapporta, à l'évêque <!§̃ Mende disant publiquement, que chacun auroit son. tour,,
Sur quoi M. d'Elbeuf lui parlant en particulier, et¡lui disant qu'il recÓnnoissoit üiàl les bons offices .qui lui avoiént été' rendus par le cardinal et'par la Réiné même, il lui parla encore plus insolemment, disant que si oh l'avoit aide ce n?avoit pas été pour l'amour de lui, mais pour l'amour du Roi,, et partant qu'il n'en àvoit point d'obligation; comme si.la corisidé^ ration du Roi 'rendait les offices qu'on. lui rendoit moins récommandables; que le Roi l'écoiïtoit 'sut toute cbosé; qu'il défioit qu'on le pût mettre mal avec lui, à quoi le Roi savoit bien qu'on n'avoit jamais tâché, ains, au contraire qu'on lui avoit fait plusieurs:fois des propositions avantageuses.pour lui; qu'il avoit refusées-• • Il dit, ien jurant, à-Biïy que le Roi auroit la guerre, qu'il ne la po'uvbit éviter, que les 'choses ne pou^ voient demeurer. comme elles étoiént: toutes parolis dont le ton faisoit voir clairèment qu'elles ne sigriifioiënt pas tant ce qu'il jugeoit, comme ce que sa' passion lui faisoit désirer si ce n'étoit que son juge- ment et sa passion ne fussent qu'une même chose. Un' de ses parens fut si impudent que de dire «Voiciun étrange siècle, nous n'oserions parler du pauvre Tronçon, on n'oseroit parler des serviteurs du Roi estimant par là seuls serviteurs du Roi ceux qui méditoientdes cabales dans sa maison. Enfin tous les siens trouvoient à redire à tout ce qui se faisait ét ce qui étoit approuvé de toute la France, et admiré de toute la chrétienté, étoit blâmé d'eux parce :qu'ils n'y trouvoieat pas leur compte, et nepartageôieht pas tout cè qui venoit à vaquer comme leur étant' dû.' Le Roi commanda a Bautrù, lé 26 octobre d'écrire'
au cardinal qu'ilravoit dità Bàradas qu'il y avoit trois ou'quatre jours que Blainville: a'voit>dit>, :en pleine table; qu'il avoit réduit lès choses â: tel >poirit,' qu'il falloit que le-cardinal ou le premier prîticorigé'deja compagnie. -Sur quoi lé premier lui dit que c'étoit un fourbe, qu'il ne savoit' pourquoi il disoit cela, que -pas de son consentement, et que Blainville haïssoit le cardinal plus.que le diable; que s'il falloit que l'un des deux délogeât il reconnoissoit que*- ce seroit à lui àdéloger, et qu'il s'en irôit-,encecaSj sans dire.' adieu Sa Majesté, parce que le cardinal est si nécessaire à son service et à l'Etat,' qu'après lui tout 1er conseil -ne seroit plus-rien qu'il nedisoitpascela pour l'amour de lui, parce qu'il en étoit mal satisfait, mais parce que là chose étoit véritable: Et, sur ce que le Roi lui'demanda pourquoi il étoit mal satisfait du cardinal; il lui' dit que c'étoit à cause de la manière dont il: avoit répondu l'autre jour aux complimens qu'il lui faisoit sur le fait de son frère, d'autant qu'il avoit vu par là-qu'il le tenoit pour un stupide,croyant qu'il ne pouvoit rien faire qu'étant sifflé quec'éfoit cevqui le fâchoit, et non la considération dé son' frère, pour qui il avoit été, la'vérité obligé d'essayer de faire quelque -chose; mais que chacun ayant reconnu qu'il n'avoït .manqué de bon .naturel, 'et que le mal de son frère venoit de 'ce qu'il étoit une bête il en étoit'quitte et qu'il voudroit qu'il fiît au diable.' • • Le cardinal enfin, voyant là continuation de'toutes ces menées, qui étoient préjudiciables au repos de l'Etat* dit-au Roi qu'il étoit nécessaire qu'il arrêtât le cours de tels méçontêntemens afin que cette per-
sonne, laquelle, à.cause de l'amitié 'que Sa Majesté lui portoit, il falloit conserver, ne se perdît-pas soi- même et nuisît par même moyen aux affaires .pu-. bliques que le remède de ce mal consistoit à faire de grands biens, non-seulement à sa: personne, mais. encore à.ceiles de'ses parens, parce qu'il.témoignoit clairement que, leur donner. des charges médiocres, c'étoit plutôt l'irriter que le contenter. 1 • Si la disgrâce du cardinal, le. satisfaisoit aussi pleinement comme la grande croyance que le Roi témoignoit avoir en lui le blessoit le désir qu'il avbit, que l'esprit du Roi ne fût point agité au préjudice de; sa santé, qu'il avoit.déjà.cru deux/ou trois fois ébran-. lée par telle voie ,le porteroit à proposer, sôusle bon' plaisir de Sa Majesté,cet expédient pour sa satisfaction, pourvu que cette. disgrâce ne.consistât qu'en'un retranchement d'apparences extérieures, ou. un éloigne- mentlocal qui ne le privât pas d'avoir au cœur du Roi la'place qu'il mériteroit toujours par ses. services. -Le cardinal avoit toujours dit à Sa Majesté que; bien qu'il y eût dedans et dehors l'Etat plusieurs ennemis de sa grandeur, de sa prospérité, et de sa. personne, il se promettait qu'on en viendroitâbout, la foréé, son autorité et la .conduite de. ses serviteurs, étant suffisantes pour cela;.mais qu'il.craignoit extrêmement les cabales de son cabinet; qu'en telles menées les artifices et les mensonges y;peu.vent beaucoup plus que la raison et la vérité., qui:.en effet se trouvent souvent n'y avoir point dé.lieu.. Il dit encore, et.il est vrai, que. sien acqûéraut force ennemis pour le bien 'de)'Etat,; des..mauvaises volontés desquels on se défendroitvolo.ntiers;, quel-
que; pëf il -qu'il s'y pût rencontrer, il falloit encore se défendre des artifices de ceux qui, dans le cabinet, ne seroiéritpas contens quoiqu'ils le.dussent être, il vâudroit beaucoup mieux quitter la partie, que d'entrer en cette lice -/que plusieurs raisons lui dev:oient donnêr.cè conseil,. et son naturel l'y portait.' ̃̃ f'Il'étbit des niéconteiis comme des pourceaux, qui se réunis.soient et crioient tous ensemble quand un. d'entré" eux. commençoit. r -Pûisqu'Àristote enseigne'qu'il y a des faussetés quïotit plus de vraisemblance que des vérités, il:est aïsié.à juger quel péril on court: parmi plusieurs, esprits qui'n'ont d'autre but que de faire ,paroître les: plus signalés services des crimes, principalement quand ~ïls1 ont l'oreille de leur .maître! • On.s'unit volontiers pour mal faire, eticeux qui plus d'envieux que de protecteurs. .•:̃: Les'renards .de: Samspn s'accordèrent jusques.' au nombre dé: :deux' cents: pour:bciiler. les blés.des Philistins et jamais deux ne s'accordèrent pour garder une'poule. •" ••
.^Le Roi qui depuis long-temps désiroit congédier Baradas, ce que le cardinal seul âvoit empêché, ïeprésentâat;à'Sa Majesté, ..lorsqu'elle lui disait ses paroles et pensées malicieuses et extravagantes qu'il fall'Oit pardonner quelquechose à la jeunesse, se résôM qu'il s'emporta encore en quelques ifo'us discours lui commanda de se retirer dé sa présence ce qu'il ne fit pas sans repaWïr "selon lés càpf ices dé son esprit. Etant arrivé au PëtitTBôùrlWn'; il eut commandement de s'en aller
hors de sa cour en une de ses maisons lors. il eut recours aux soumissions et aux larmes, et à toutes sortes de recherches mais en vain; car il n'y a point d'autre sortie de la bonne grâce de son' maître: giié le précipice, duquel il n'y a plus d'espérance de revenu. .;Mais il y a long-temps que la reiné'd'Angleterre, affligée., attend la venue du maréchal de Bassompierre;; qu'élle espère par l'autorité du Roi et de la Reine sa mère, dévoir apporter le remède à ses déplaisirs.Il arriva à Boulogne le dernier septembre; il n;y trouve :point de vaisseaux d'Angleterre pour l'y. passer; 'bien que :Carlèton ambassadeur. d'Angleterre, le lui eût promis en partant de là cour. • jBfubreçu à Douvres comme un simple passager et ^Du-moulin, qui avoit été secrétaire du comté de Tiilièr es lorsqu'il y éttiit ambassadeur se trouvas son débarquement, qui lui dit qu'on avoit:résolu.:au conseil de né. le point envoyer recevoir* et qu'il ne .seroit logé ni défrayé à Lohdres;. • Arrivant à jGravèsande.i Lucnaf conducteur des ambassadeurs le vint trouver de la- part du roi;d'.AnLé&it maréchal avoit avec, lui le dé Sancy, qui au départ du père de Bérullé-, fut établi confesseur de la Reine, et depuis chassé avec les autres, auquel le,Roi avoit commandé de. l'accompagner 'pour sur les impostures, qu'ils lui pourroient mettre iani avant sur le sujet des choses passées, l'instruire..de. -la tyérité du fait comme témoin, oculaire. ^ucnar lui f commandement très-exprès delà part du Roi son maîtcé>de Renvoyer incontinent .hors de
aes Etats ce. que le ;maréchal refusa absolument de faire,' ét:dit-que si Carleton avoit. enduré qu'on- fît uriisemblable'commandement en son. logis Mon-. taigu il.n'étoit pas résolu-de stiuffrir' le même; -:ArrivantàLondres, on ne lui donna point dé logis. Il s'en fit apprêter un par ses gens, où on lui offrit de le défrayerjusqu'à la première audience, mais il le refusa. ..En,sa première, audience, il. trouva le roi d'Angleterre'fort rude et d'un esprit arrêté à ne donner •point de-contentement à Sa Majesté, disant qu'il étoit le maître chez soi; que le Roi n'avoit que faire de se mêler de la. maison de là Reine sa sœurj et que quant à sa religion, elle étoit assurée, et qu'il ne lui en parleroit jamais! ;̃:̃ ̃ j Le maréchal' lui répondit que le Roi ne sé mêloit de la maison de laReine sa sosur., qu'en tant qué;son contrat de mariage l'obligeoit dele faire et lui'deile trouver, bon. l. 1 ̃ ̃.]?̃.<: :'y:, • i:Bûckihgham y.qui vav.oit; toujours désir d'aller, en France dit audit maréchal que le Rouspn maître enverroit quelque homme de créance en France 'qui •accommoderoit toutes choses.: ̃ *•' ;.••. Sur quoi le maréchal répliqua qu'il croyoit. qu'il ne seroitpas le bien venu, si on ne savoit qu'il eût ordre absolu de donner au Roi la'satisfaction que •justement il demandait:- ..•>.̃ '̃> L'ambassadeur de Danemarck faisoit, en même temps de grandes poursuites pour être;.payé de risdales qui maître pour la contribution de dix-sept mois pour'l'entreQui avoit'toùjours désir d'aller en France .•"Buckingham y étoit attire par sa folle.passion pour Anne d'Autriche.
tènement de son armée, et protestoit que le Roi son maitre qui étoit sollicité par le duc de Saxe de s'accommoder avec l'Empereur, s'y porteroit si on ne lui donnoit contentement. On avoit avis, que le colonel Bennguestein, favori dudit Roi, à la déroute duquel il avoit été -pris prisonnier, et renvoyé par Tilly honorablement sans rançon, étoit depuis quelque temps revenu trouver Tilly, ce qu'ils savoient bien ne pouvoir être que par ordre de son maître et les mettoit en grand soupçon que ce fût pour traiter d'accommodement.
Il faisait de grandes plaintes aussi des voleries que les Anglais faisoient. sur ses sujets, dont ils emmenoient les vaisseaux comme s'ils étoient ennemis. .Les Hollandais et les Français faisoient les mêmes plaintes: ce qui montroit et la misè,re en laquelle étoit réduit cet Etat, qui ne pouvoit subsister que par les brigandages qu'ils exerçoient envers tous leurs alliés,- et leur mauvaise foi, traitant leurs amis comme leurs ennemis et leur aveuglement courant sus à ceux-là mêmes par les armes desquels ils étoient protégés-, se faisant, par ce moyen plùs due dommage qu'à eux.- ••-•••̃̃• • ̃ Une nouvelle flotte 'qu'ils avoient faite pour aller en Espagne partit en ce temps-là. Elle n'y fit autre effet que de prendre trois riches vaisseaux normands qui revenoient d'Espagne, chargés d'argent et marchandises subtiles et quelques autres vaisseaux olonais de moindre considération, lesquels ils amenèrent tous en leurs ports à la vue dudit maréchal, qu'ils entretenoient de belles paroles tandis que leurs effets étoient contraires.' • ••• •
Cependant ils traitaient secrètement avec Espagne pour faireia paix. • .̃̃ ̃ ̃ Le comte d'Arcuéil, qui avoit un régiment; d'Irlandais au service de l'Infante, envoya un' gentils homme à Londres, qui traita secrètement avec le duc. Incontinent après; luiaiitré gentilhomme irlandais partit d'Angleterre avec unpasse-portpour aller trou- ver ledit comte sous prétexté d'àfTaires'partiGulièïêSt Le maréchal de Bassompierre ayant, selon son instruction. dit à Buckinghàm et autres du conseil' qu'il ne recevait pas ce que le roi d'Angleterre' -lui avoit dit pour une réponse absolue et qû;ïl; tfpoyoit qu'après y avoir mieux pënseil donner oit pliis.dè*-côi> tentemèritanilôi-, enfin, après plusieurs cônféiïencêsr, ceux du conseil lui' donnant espérance de quelque de donner par écrit'!ce qu'il avoit il. demander de là part du Roi et établirent des commissaires pour lë-cônsidérér.ét examiner', i-'j Il le leur donna trois 'Semaines après ils lui'vin'reht apporter la réponse' par, écrit et làlùilùf-ent.IlsS-'ex*ciisoient bien que sans âucuflé 'apparence de ivéfité:^ avec hardiesse pourtant-, fautes aux Français qu'ils avoient éloignés- e& plai>gnoiéht" des manqùèmens qu'ils prétendôient-qué la France avoit faits eu-ce- qui' avoit-ëté convenu^, dû secours qui d'evoit être donné -au !-fdirdë Dànema'fëk>, à -quoi elle n'âvoit pas satisfait et priiicipa'lënientide cë que Te Roi n'a voit pas voulu -ouïr -parler' d'une "ligu'è' offensive et défensive avec eux, à làqùelle-ils vle.tràité de mariage. seroit:fait'eÉ parfait. Ils promet^ toient généralement de 'donner au Roi;, nëânïnoJns,
toute la satisfaction possible, espérant que nous vivrions à l'avenir ensemble avec meilleure intelligence quejamais. Comme tout ce qu'ils disoient contre noûs' étoit faux il fut aisé à Bassompierre d'y répondre au long et sur-le-champ, et leur montrer qu'ils avoient tort en tout concluant à leur demander une réponse déterminée et précise à ce qu'il leur avoit justement demandé de la part du Roi.
Le lendemain Carleton vint trouver le maréchal delà part des commissaires du Roi son maître, et lui dit,qu'il;étoit supplié de faire trouver bon à Sa Majesté Très-Chrétieine que la Reine n'eût point d'évêque qu'elle-n'eût que huit prêtres, qu'ils fussenf séculiers et nommés par le roi d'Angleterre, qui les choisiroit gens de bien, et qu'entre eux il méttroit Potier et Gpdefroy, qui étoiént, ce dit-il, personnes sans reproché et non de l'Eglise rômaine mais bien de la catholique gallicane et sorboniqué. Le :ïnaréchâi remontra la nécessite d'un évêque pour avoir autorité sur. les prêtres, et qu'il falloit pour. le moins douze prêtres mais qu'ils ne poùvoiërit être;au choix dit roi delà Grande-Bretagne que cette proposition étoit hors de sens commun': un roi protestant nommer des prêtres, c'éttiit cômme si le Pape erivoyoit des ministres pour instruire et catéchiser en Angleterre, ̃
Qué'de faux ecclésiastiques qui avoient trahi et abandonné l'Eglise pourroient plus faire de mal sous ce faux masque et dissimulation, que les ministres mêmes par leurs disputes et inductions;
Que Potier et Godefroy étoient des premiers de
ce nombre, comme il paroissoit par la profession.de foi qu'ils avoiént faite, par là bouche de Carleton, de n'être pas de l'Eglise romaine, mais bien de la gallicane-et sorbonique; ̃
Que. la France. n'avoit point eu depuis mille ans ni la Sorbonne depuis qu'elle étoit établie, une autre religion que la catholique, apostolique et romaine. Quant à nos vaisseaux q.u'ils avoient pris ils.promettoient de les rendre est entretenoient de-paroles ledit, maréchal) le remettant de jour à autre sans effet. • Enfin ils passèrent, sous leybon plaisir du Roi, .le 21 novembre un écrit par lequel ils accor-doient, qu'on envoyât, pour le service de la chapelle de'la Reine, douze prêtres et un évêque pour son, 'grand aumônier et qu'on lui envoyât ou qu'il choisît' encore un certain nombre d'officiers français: pour la servir, et deux dames de lit et.quelques, filles de -̃ chambre.
Des autres sujets de plainte, ni du soulagement des catholiques il n'enfut pas fait mention. Bassompierre partit peu de jours après, et.reçut du roi d'Angleterre un présent estimé 3b,ôoo;.écùs ,avec promesse qu'on déliyreroit tous les. prêtres des prisons, ce que l'on exécuta en partie'. Le duc de Buckingham se laissa entendre de devoir bientôt partir en qualité d'ambassadeur extraordinaire, en France pour apporter la perfection cet accommodement èt à la bonne intelligence entre cers deux couronnes. -̃̃ II fut contraint de séjourner trois semaines à Douvres à cause du mauvais temps, où il vit prendre par
deux pinasses qui y étoient quantité de vaisseaux français. Cette longue demeure donna loisir au ducde Buckingham de prendre un prétexte pour s'aller aboucher avec ledit maréchal, qu'il alla rencontrer à Cantorbery. Le duc lui dit que sur l'avis qu'il avoit eu que l'on avoit arrêté à Blaye quelques vaisseaux anglais chargés de vin, pour représailles des vaisseaux français que leur flotte avoit pris, il s'étoit résolu, pour remédier à ces désordres, desquels il craignoit qu'on ne-vînt à une rupture entière, d'accepter la charge d'ambassadeur extraordinaire, et passer en France avec ledit marééhal.
Il lui répondit qu'il ne croyoit pas qu'il fût de la bienséance qu'il y allât sans être assuré qu'il y seroit très-bien venu-; que cela dépendroit de la façon avec laquelle le Roi recevroit le traité qu'il avoit fait en Angleterre; qu'il iroit devant, et incontinent après qu'il seroit arrivé en la cour lui manderoit son avis sur son voyage.
Ainsi 'se sépara de lui le 20 décembre, et retourna à Douvres où peu après il s'embarqua pour passer en'France et retournera trouver sa Majesté.
LIVRE -XVIII.-
CETTE année est, pour le bonheur de là France une des plus remarquables, non-seulement de ce siècle, mais de tous les siècles passés.
Des tempêtes dangereuses s'élevèrent contre elle que la bénédiction de Dieu, se servant du courage du Roi et de la prudence de son conseil non-seulement calma, mais les fit servir d'affermisseraent'à cette couronne, et, de preuve manifeste que toutes les puis- sances de la terre conjurées ensemble sont trop foi- bles pour l'ébranler.
Mais auparavant que d'entrer eh la narration de cès choses qui ne ,commencèrent qu'assez avant dans l'année. racontons premièrement le fruit que produisitl'ambassade extraordinaire du sieur de Châteauneufaux Grisons,, où il fut envoyé Tannée précédente pour leur r faire agré er le traité de Monçon; L'ordre que le Roi mit pour terminer le différend qui ,s'étoit mû entre les ecclésiastiques sur le sujet dé la censure de Santarel, et qui étoit venu si avant qu'il y avoit danger de schisme;
L'empêchement que l'évêque de Verdun suscité par les ennemis du Roi tâcha par ses prétendues excommunications, de donner à la construction de la citadelle de Verdun;
Et la justification de l'emprisonnement de M. de Vendôme, laquelle il fait par sa propre déclaration. Le sieur de Châteauneuf n'ayant pu obtenir des Grisons qu'ils acceptassent le traité de Monçon con-
voqua à Soleure une assemblée générale de tous les cantons, tant catholiques que protestans, le 17 janvier, éri laquelle il déclara ce que de la part du Roi il avoit proposé aux Grisons. pour leur acçommodement,avec les Valtelins, qui étoit
Que par le traité accordé sur ce sujet entre l'es deux couronnes a NIonçori, les affaires dés Grisons, de la Valteline et des conités. devoient être remises au même état qu'elles étoientl'an i6y entendant ma7 rüfestement lesdites deux couronnes que toute l'autorité convenable et souveraine des Grisons sur la Valteline etlesdits comtes, laquelle, de ce temps-là et toujours, les Grisons ont eue en ce lieu-la leur demëUreroit propre et assurée en la même manière, sans aucun! changement, fors ce qui en ensuit. Qu'il n'y auroit exercice que de la seule religion catholique et que l'élection des juges de la Valtelinè appartiendroit aux Valtelins, qui seroient obligés d'en demander la confirmation aux Grisons, ce qui faitcohnoître' que l'entière supériorité et souveraineté est réservée âuxdits Grisons, sans y comprendre les Valtelins, tout ainsi qu'elle étoit ci-devant, puisque les exceptions qui y sont faites ne touchent aucunement ladite souveraineté. Car, quant à la différence de la religion, plusieurs cantons ont des sujets qui ne se conforment pas à eux en icelle, ce qui n'affoiblit aucunement leur souveraineté.
Quant à l'élection elle ne leur fait non plus de préjudice j puisque la confirmation se doit faire par eux 'et la justice être rendue en leur nom, ce qui tant s'en faut qui diminue le droit'de souveraineté, qu'au contraire il l'amplifie par le droit annuel que;
les Valtelins sont obligés .de leur en payer par chacun an. ̃ Davantage, qu'il est dit par le premier article que, tous et chacun, les. traités faits depuis l'année avec les Grisons par- qui que ce puisse être sont annulés; et partant', sans qu'il soit besoin de déclaration nouvelle, il est certain que le traité de Lindau fait avec l'archiduc Léopold demeure nul; puisqu'il est fait depuis. Toûtefois qu'il avoit offert aux Grisons, comme il faisait encore de nouveau, au nom de Sa Majesté d'obtenir du roi 'd'Espagne toute nécessaire et convenable ratification de l'archiduc Léopold. Les sept cantons catholiques, avec les catholiques de Glaris, Appenzel abbaye de Saint-Gall'et pays de Valais répondirent qu'ils ne doutoient point que si leurs seigneurs et supérieurs eussent été informés de ces choses, et de la déclaration qu'on venbit de leur faire sur ledit traité, ils ne leur eussent-donné tout pouvoir de déclarer qu'ils en demeurerpierit satisfaits. Pour eux, qu'ils ne jugeoient pas que ledit traité pût être désagréable aux Grisons, ni à leurs seigneurs supérieurs.
Quant aux députés des cantons protestans, ils remirent à donner leur déclaration après une assemblée qu'ils devoient tenir'pour ce sujet en la ville d'Arau. • ̃<"̃ Ensuite de ces choses, les forts furent au commencement de mars, remis v entre les mains de Sa Sainteté pour être démolis à la diligence des deux Rois leurs ofliciers ayant charge de faire démolir chacun celui°qu'il 'occupôit'; commençant partout en
même jour; ce qui ayant été exécuté les troupes de' Sa Majesté et des princes alliés se retirèrent et celles de Sa Sainteté aussi.
Le marquis de Coeuvres, passant par Coiré'en son' retour le 10 de mars, convoqua messieurs des trois' ligues pour les exhorter à accepter ledit traité de" Monçon mais ils demeurèrent fermes à vouloir envoyer leurs ambassadeurs au Roi pour lui repré- senter leurs intérêts.
Ils.eurent audience le i5 avril, et représentèrent' au long à Sa Majesté tout ce qu'ils croyoient leur' faire préjudice dans ledit traité, s'arrêtant particulièrement sur ce qu'ils désiroient que ledit traité fût ratifié par l'Empereur et l'archiduc Léopôld, et qu'ils renfonçassent au traité de Lindau, et leur, rendissent les lettres et les sceaux qu'ils en avoient d'eux. Ces difficultés obligèrent le Roi de mander aux Valtelins qu'ils lui députassent quelques-uns d'entre eux, afin que, par leurs réponses à ce que les Grisons mettoient en avant, Sa Majesté fût amplement informée, de la vérité. Mais ceux qui furent envoyés n'ayant pas les pouvoirs nécessaires, Sa Majesté se contenta'de donner satisfaction aux Grisons au point principal qu'ils demandoient, leur accordant une déclaration du grand sceau en date du 14 septembre, par laquelle elle faisoit savoir que, par le premier article du traité de Monçon, étoit entendue la révocation et cassation des traités faits à Lindau et à Coire par l'archiduc Léopold, et de ceux qui ont été faits à Milan avec liés trois ligués grises depuis Fan jusques au jour dudit traité de Moncon; et promettait Sa Majesté de faire jouir les Grisons de l'effet de ladite révocation
et de les protéger par toutes voies raisonnables, même par armes contre qui que ce fût qui voulût entreprendre de les molester, au préjudice de la révocation susdite. Conformément à quoi Sadite Majesté fit.demander par ses ambassadeurs en Espagne, un-écrit signé de don Juan de Billela, secrétaire d'Etat, en date dugjuillet, par lequel il déclaroitauxdits ambassadeurs du Roi; de la part du Roi son maître qu'il consentoit à la révocation et cassation de tous les traités qui ont été faits depuis l'année 1617 tant par les ministres que par les autres princes ses alliés et confédérés, en tant qu'ils pourroierit être contraires au traité de Monçon, et que l'intention de Sa Majesté étoit de comprendre en la susdite révocation le traité de Lindau fait par l'archiduc Léopold, comme aussi quelque autre traité que ce pût être fait par lui ou par qui que ce fût s'il se trou voit contraire aux articles de Moncon. Voilà la fin que cette affaire eut pour lors; venons à celle de Santarel.
Nous avons rapporté, en l'année précédente, que le livre du jésuite Santarel, approuvé par leur général, avoit été, au mois de mars, par arrêt du parle- ment, brûlé par l'exécuteur de la haute justice et en avril censuré par la Sorbonne.
Tous les docteurs étoient d'accord de la censure mais non des termes èsquels elle étoit conçue. Un mois après ils voulurent encore censurer la Somme théologique du père Garasse du même ordre, de laquelle ils avoient commis la lecture à deux docteurs, pour leur en faire le rapport deux mois après, lesquels, étant échus en mai, ils furent tous d'opinion qu'il fût censuré.
Néanmoins ceux qui l'avoient approuvé demandant encore du temps pour se préparer à le défendre, on leur donna deux autres mois.
Ce, terme échu qui étoit en juillet, il se trouva si grand nombre de docteurs religieux qui prenoient tous part à cette affaire, qu'ils emportèrent à la plu- ralité des voix qu'on donneroit encore deux mois de délai.
Cela donna sujet aux docteurs séculiers de présen.ter requête au parlement, à ce que dorénavant, en chaque assemblée de la faculté de théologie, il ne pût y avoir de chaque maison de religieux que deux docteurs pour y assister et y avoir voix délibérative. Les religieux mendians se pourvoient au conseil du Roi, qui étoit à Nantes, contre cette requête, obtiennent lettres d'évocation au préjudice desquelles le parlement donne arrêt le 24 juillet, conformément àia requête.
En l'assemblée suivante, qui fut en août, les religieux ne laissèrent pas de s'y trouver en plus grand nombre.
La cour ordonne que deux conseillers s'y transporteront l'après-dînée pour faire procès-verbal de ce qui s'y est passé le malin.
Sur leur rapport, elle réitère ses défenses le premier août.
Le premier septembre, la Somme théologique dudit Garasse est condamnée, comme contenant plusieurs propositionshérétiques, erronées, scandaleuses, téméraires, et plusieurs passages dé l'Écriture-Sainte et des saints pères mal cités, corrompus et détournés de leur vrai sens et des bouffonneries sans nombre
qui sont indignes, d'être écrites et lues par des chrétiens et par des théologiens. Cette condamnation est revue et confirmée le: 16,' dudit mois.
Si les docteurs séculiers avoient obtenu du parlement deux arrêts en leur faveur les docteurs men-. dians en obtinrent aussi deux autres en la leur du conseil du Roi, l'un du 18 juillet, par lequel le. Roi évoquoit à sa personne la connoissance de tous ces différends, qu'elle interdisoit à sa cour. de parlement? et aux autres juges; l'autre, du 2 novembre, par' lequel Sa Majesté ordonné que les docteurs mendians iront à l'ordinaire, comme ils ont accoutumé' de tout temps aux assemblées de la faculté de théologie. Mais pource que toutes ces disputes vendent ensuite du livre de Santarel Sa Majesté fit défense, par ledit arrêt, de composer, traiter ni .disputer de; l'affirmative ou négative des propositions concernant le pouvoir et l'autorité souveraine-de Sa Majesté et- des autres rois et souverains, sans expresse permission de Sa Majesté par ses lettres-patentes en commandement, à peine d'être punis comme séditieux et' perturbateurs du repos publie. La faculté reçut avec respect cet arrêt.du conseil, mais elle différa de l'enregistrer, ordonnant que la, cour dé parlement en seroit premièrement avertie pour les décharger d'un. autre arrêt, donné en ladite) cour. Cet arrêt du conseil ne mettoit pas encore là: dernière main à la composition dé ce différend; les; évêques sé plaignoient toujours des termes de la censure de Santarel, et ne les pouvoient approuver
pource qu'il sembloit qu'ils portassent au schisme. Par cette censure ils condariinoient comme hérétiques beaucoup de propositions ensemble de l'avis d'aucuns, desquelles plusieurs, et la plupart des docteurs de l'Église, ont été et aucuns saints et doctes personnages sont maintenant., Et si bien cette opinion est mauvaise et non réce• vable en France, il est permis de n'être pas d'une opinion sans condamner l'autre d'hérésie, qui divise la robe de Jésus-Christ qui est son Église.
Le nonce en étoit en une grande peine, et craignoit l'ardeur avec laquelle il voyoit qu'aucuns des docteurs vouloient défendre ce qu'ils -avoient fait étant soutenus de la cour, qui croyoit en les défendant maintenir l'autorité royale.
Le plus grand nombre et les mieux sensés des docteurs, d'autre côté, gémissoient et se plaignoient que 'la faculté avoit été surprise en cela par la violence et l'astuce de quelques-uns, et demandoient liberté de se pouvoir assembler pour mûrement délibérer sur ce sujet, et censurer ce détestable livre en la manière qu'il mériteroit de l'être.. Pource que le parlement mâintenoit la première censure, ils avoient recours au Roi et lui demandoient l'appui de son autorité pour, sous son ombre, agir en ce fait à la décharge de leur coriscience.
Il en écrivit au cardinal, qui ne voulant en cette affaire agir,que par l'expresse volonté du Roi, ne put Pas sitôt, a cause de l'éloignement de Sa Majesté, leur procurer ce qu'ils désiroient, mais les remit à quand Sa Majesté seroit de retour à Paris.
«- Quand elle y fut arrivée, il l'informa dé l'impor-
tance de cette affaire, qui étoit telle que de ces étincelles il pouvoit naître un grand embrasement, ce qui fit que Sa Majesté, sur un nouveau sujet qui sè présenta, envoya le 2 janvier l'évêque de Nantes à l'assemblée de la faculté pour remédier à tous ces désordres en une fois.,
Ce nouveau sujet qui survint fut qu'un jacobin nommé Têtefort, avoit inséré en.une thèse que la Sainte-Écriture,étoit celle qui étoit contenue en partie dans les bibles sacrées, en partie dans les épîtres décrotales des souverains pontifes, en tant qu'elles expliquoiént la Sainte-Écriture. La faculté de théologie le fit"appéler, il s'expliqua et essaya de, donner quelque satisfaction néanmoins on trouva sa proposition rude et non recevable. L'université en ayant avis s'assemble, condamne ledit Têtefort à rétracter ladite proposition de paroles et par écrit,,comme étant éloignée de la vérité, et à déclarer que les épîtres .décrétâtes ne sont. point YÉ-?critare-Sainte ou partie d'icelle, et que le vrai sens et explication de l'Ecriture n'y est point contenu. Les évêques, qui étoient lors en cour, en firent plainte au conseil du Roi comme d'une entreprise de dangereux exemple, n'appartenant à l'université à résoudre des points de théologie.
Sa Majesté, par arrêt du i3 décembre, casse et annule ledit décret, défend au recteur et tous autres d'en poursuivre l'exécution, fait défense de l'imprimer et publier, à peine de la vie et aux recteurs et assemblées de l'université, présens et à venir, d'agiter, disputer et résoudre aucune proposition ni question concernant la théologie à peine d'être punis
comme séditieux, renouvelle encore ses premières défenses de proposer-ni traiter aucune chose concernant le pouvoir et autorité souveraine de la couronne de France sous les mêmes peines 'et envoie l'évêque de Nantes à la faculté, avec une lettre de sa part, par laquelle elle leur commande de faire un réglement pour la publication et impression des thèses à l'avenir, afin que les choses étant dorénavant conduites avec plus de prudence on ne tombât plus en pareils inconvéniens. Leur enjoignit, sous peine d'encourir son indignation d'enregistrer, à leur première assemblée, l'arrêt de son conseil donné le 2 novembre, dont ils avoient différé l'enregistrement, et de toutes ces choses et autres se remit à ce que leur en dirait plus amplement ledit évêque de Nantes, au- quel il leur commandoit de croire en tout ce qu'il 1 leur diroit de sa part.
Ledit évêclue après la lecture de ladite lettre, dit à l'assemblée qu'il avoit commandement de Sa Majesté de savoir l'opinion de tous les docteurs, touchant les termes èsquels étoit conçue la censure du livre de Santarel.
De soixante-huit qu'ils étoient, les cinquante n'approuvèrent pas les termes.*
La délibération ayant été dressée selon le plus grand nombre des voix, ledit évêque demanda au doyen de la faculté l'original d'icelle pour la porter au Roi, ce qu'il fit.
La cour de parlement, dès le 24 janvier, ordonne que le décret de la faculté de théologie des premier et 4 avril sera enregistré au greffe d'icelle, fait défenses à toutes personnes d'écrire -ou mettre en dis-
pute proposition .contraire à ladite censure, sous peine de crime de lèse-majesté,, et annule la délibération du 2 janvier,.ordonnant que la minute sera rapportée. Le Roi, pour imposer silence à la cour et mettre fin,à toutes ces disputes, donne un arrêt en son conseil. le 13 janvier, par lequel il défend à la faculté de traiter dorénavant de ladite matière en.quelque sorte et manière que ce soit ni publier aucuns actes de leurs délibérations des premier et 4'avril dernier, et autres faits sur ce sujet, ni en délivrer aucuns extraits ou copies à qui que ce soit, et quelque commandement qui leur en puisse être fait, sans l'expresse et particulière permission de Sa Majesté et jusques à tant qu'ils en aient d'autres commandemens d'ellé, à peine de nullité et de désobéissance, et d'encourir son indignation. Et par un autre du 29 janvier, évoque à soi et à son conseil tous les différends concernant cette matière, défend à la cour d'en plus connoître et ordonne q,u'il ,sera décidé et jugé par les cardinaux, prélats*et autres qu'il députera à cet effet, en quels termes sera conçue la censure de la détestable et pernicieuse doctrine contenue au livre dè Santarel, pour ce fait être par Sa Majesté ordonné ce qu'il appartiendra par raison.
.Ainsi fut terminée cette longue dissension, en laquelle, on se portait de part et d'autre avec une animbsité si grande qu'il y avoit à craindre qu'elle ne produisît quelque mauvais effet.
Venons maintenant à.celle que l'évéque de Verdun, suscita contre le Roi en la ville de Verdun; 5 celle-là, ne consistant pas en simples-interprétations de pa-
roles comme 1 autre,-mais en faits et attentats contre l'autorité de Sa Majesté, fut de plus dangereuse suite, et de plus difficile accommodement.
L'an. 1 3 17, l'évêque de Verdun qui étoit lors mit cette ville et tout l'évêché en la protection du Roi, à cause des troubles qui lui étoient suscités par les habitans et par son chapitre. Cette protection fut souvent et de temps en temps demandée au Roi par les successeurs évêques, et renouvelée sur le sujet des oppressions qu'ils recevoient des Lorrains. et des Allemands, et- des divisions dudit chapitre et habitans avec l'évêque.
Le nom du Roi y a toujours été honoré et aimé jusqu'à ce que, depuis l'an r5o8, cetévêché, venantà être possédé par un de la maison de Lorraine nommé Louis. a toujours été conservé par continuelles résignations de l'un à l'autre à ceux de ladite maison. Depuis ce témps, ils ont essayé de gagner le cœur des sujets dudit évêché et l'éloigner du Roi, à'cause de la grande importance dont il est à leur Etat, dans lequel il est bien avancé, et sur la Meuse; les seuls environs et de la ville-pouvant nourrir une armée de dix ou'douze mille hommes, et la prée seule étant capable de nourrir huit mille chevaux.
Pour y mieux.,parvenir, les évêques de ladite maison ont de temps en temps fait des aliénations des places et seigneuries plus importantes, dépendantes dudit évêché, aux ducs de Lorraine, ce que partie la négligence ordinaire de France a souffert partie aussi les grandes guerres qu'elle a eues sur les bras. L'évêque d'à présent, voyant qu'en son temps le Roi iéloit mieux servi, et son autorité plus respectée,
et qu'on veilloit soigneusement sur les droits de sa couronne, sans qu'aucuns intérêts particuliers en pussent détourner celui à qui la charge en étoit commise; et principalement voyant que, pour assurer entièrement à l'avenir cette ville en l'obéissance et protection de Sa Majesté, on y faisoit parachever une citadelle commencée il y a près d'un siècle, pour l'accomplissement de laquelle feu M. de Guise avoit touché ioo,ooo écus de Henri m, en l'an 1 585, dont les troubles de la ligue empêchèrent l'effet, chercha des apparences de zèle et de justice pour y apporter des obstacles, prit prétexte que le bâtiment de la citadelle ruinoit plusieurs maisons et lieux dépendant de, l'église, et qu'on restreignoit la demeure des religieux en une clôture plus étroite qu'ils ne la pouvoieht souffrir, lesquelles choses il appeloit entreprises et nouveautés, ne sachant ou ne voulant pas savoir que déjà dès long-temps cette citadelle étoit commencée, et partant que la construction, d'icelle n'étoit point une nouveauté, et semblablement faisant semblant d'ignorer que, par un contrat du a5 septembre l'évêclue, lors abbé de Saint-Vanes (dont l'église est enfermée dans la citadelle.), promet à tout le clergé, et s'oblige, lui et tous ses successeurs, qu'en cas que la citadelle soit achevée, et que les religiens non-seulement soient enclos en trop. petit espace mais contraints par le trop .grande nombre de gens de guerre, ou autre légitime occasion, d'aller faire leur résidence ailleurs, de leur fournir de lieu et les accommoder d'église et manoirs pour y faire leur résidence et continuel service divin, et exercer leur communauté à ses dépens et de
ses successeurs, ensuite duquel autres contrats semblables ont été faits depuis et confirmés par le SaintSiège.
Mais, nonobstant toutes ces choses, ledit évêque, mû d'une mauvaise volonté contre le bien de cet Etat, et par les intérêts de sa maison, ne pouvant inventer autre prétexte, prit celui-là pour décerner un monitoire portant inhibitions et défenses, sous, peine d'excommunication contre tous ceux qui trayailloient à ladite citadelle, et y donnoient aide, conseil et faveur, publiquement ou en cachette directement ou indirectement, et, le dernier décembre, le fit attacher à la porte de la grande église, et aux places publiques. Le substitut du procureur du Roi à Verdun le fit arracher de la porte de l'église et en appelle comme d'abus; l'évêque le déclare excommunié le substitut en fait sa plainte au sieur Charpentier, président pour le Roi aux trois évêchés de Metz, Toul et Vérdun, lequel après avoir considéré l'importance de l'affaire, l'entreprise séditieuse contre l'autorité royale, la légèreté et nullité du prétexte pris par févêque, prononça, le 3 février, un arrêt pour contenir le peuple en son devoir, et empêcher la sédition qui en pourvoit naître par lequel il ordonne que le monitoire et excommunication seront lacérés et b'rûlés en la place publidae de Verdun par. l'exécuteur de la haute justice défenses faites à toutes personnes, de quelque qualité qu'elles soient, d'en retenir aucunes copies, aux curés et ecclésiastiques de les publier ou souffrir être publiés sous peine de crime de lèse-majesté; ordonne que, pour réparation de cet attentant, l'évêque sera mené, sous bonne et sûre
garde, en la ville de Paris, le revenu temporel de ses -bénéfices mis sous la main du Roi èt le condamne ,en livres d'amende envers Sa Majesté ordon,nant de plus qu'il séra amplement informé contre les complices hauteurs et adhérens audit attentat, pour être procédé extraordinairement contre eux, selon. la rigueur des ordonnances, comme perturbateurs du repos public.
L'évêque,'ayant reçu cet affront pour juste punition de son audace, se retire à Nancy, et de là passe à Cologne et en Allemagne, cherchant d'intéresser l'Empereur en sa cause ,et- le faire entrer en guerre avec le Roi. M. de Vendôme cependant fit tout au contraire; car, étant arrêté pour avoir desservi le Roi, et ayant toujours jusqu'alors soutenu son innocence, il reconnut sa faute, et recourut à la clémence de Sa Majesté.
Depuis sa prise, on avoit eu de .grandes preuves des accusations qui étoient faites contre lui, tant des prétentions qu'il publioit avoir sur la Bretagne, et dessein de s'en emparer à la première occasion, que des paroles de mépris que lui et les siens disoient.de Sa Majesté et du gouvernement, des violences'.qu'il exerçoit en Bretagne pour s'y faire craindre, des entreprises qu'il faisoit sur l'autorité du Roi, y établissant la sienne par actions contraires aux lois du royaume, des pensions qu'il donnoit à quantité de noblesse, des deux entreprises sur la ville de SaintMalo, d'un dessein de s'emparer de Brest, du château de Nantes et de Blavet, des levées des gens de guerre qu'il faisoit sourdement, de l'intelligence qu'il avoit
eue avec Soubise pour le faire descendre à Blavet, de l'empêchement qu'il apporta à ce que les forces duRo,i ne lui fissent, et à ses vaisseaux, le dommage qu'elles eussent pu, et de la facilité qu'il lui donna d'en enlever les vaisseaux de Sa Majesté.
Ledit duc, sachant en partie que tout cela avoit été déposé contre lui par plusieurs témoins, commença à rentrer en lui-même; et, descendant de l'audacieuse prétention d'innocence qu'il avoit aupara- vant professée, avoua, dès le mois de décembre de l'année 1626, que justement le. Roi l'avoit arrêté comme coupable, et qu'il avoit recours à sa clémence ,pour en recevoir le pardon.
Il s'adressa aux sieurs de Loustelnau et Lamont pour le faire entendre à Sa Majesté, qui, sur ce qu'ils lui rapportèrent de sa part, lui écrivit une lettre du, 28 décembre, par laquelle il lui mandà que les dessusdits lui ayant dit qu'il avoit volonté de déclarer à Sa Majesté; à la décharge de sa conscience, les desseins qu'il avoit eus contre son service il lui promettoit de lui pardonner ce qui se seroit passé sans le vouloir tirer à conséquence, contre sa vie ou ses biens, pourvu qu'il n'oubliât rien de tout ce qu'il savoit avoir commis et avoir été fait, projeté ou entrepris contre son service, le repos de l'Etat et le devoir de tout sujet. Mais puisqu'elle lui accordoit ce qu'il désiroit en cela, elle le prioit aussi, pour 1,'amour de lui-même, de n'oublier ni déguiser aucune chose; car, si elle le pouvoit convaincre juridiquement de dissimulation, elle ne s'obligeoit à aucune chose envers lui.
Ayant reçu cette lettre de Sa Majesté, il demanda
à parler au père Eustache, feuillant, son confesseur Sa Majesté l'eut agréable, et lui en envoya une permission par écrit, du 15 juin en laquelle elle lui protesta que, comme elle désiroit que ledit sieur, 'de Vendôme lui déclarât tout absolument, sans réserve, aussi ne voudroit-elle qu'il dît.aucune chose contre qui que ce pût être qui ne fût véritable. Après cette permission donnée, ledit sieur de Vendôme forma une nouvelle difficulté, et dit qu'en. vain co'nfesseroit-il ses fiutes, s'il n'étoit assuré d'en recevoir le pardon; que toujours en ne s'accusant point soi-même, seroit-il moins coupable d'une preuve qui seule équipolle toutes lés autres; mais que si Sa Majesté fassurôit qu'en lui avouant la vérité il lui feroit grâce, il la lui diroit sans en rien déguiser..
Madame d'Elbeuf et M. de Bellegarde portèrent cette parole au Roi et ladite dame lui fit si grande instance de lui accorder sa demandé, que' la bonté de Sa Majesté ne l'en put refuser, et-écrivit audit duc une lettre signée de sa main par laquelle elle lui promettoit de lui pardonner, et lui feroit expédier sa grâce de tout ce qu'il avoueroit avoir méfait contre le service de Sa Majesté.
La lettre fut donnée à ladite dame pour lui porter, avec ordre de lui dire expressément qu'elle n'avoit la permission du Roi de le voir, qu'à condition de rapporter fidèlement à Sa Majesté et faire voir, par un mémoire bien exact ce qu'il lui aura dit, dont elle l'avertissoit, afin que, s'il vouloit prendre le chemin de la rigueur, il ne lui dit aucune chose qui lui pût préjudicier; comme aussi, s'il vouloit prendre la voie
de la clémence, il dît ingénument tout ce qu'il sauroit sans réserve que son salut ou sa perte dépendoient de lui, et que le Roi vouloit qu'il choisît librement le chemin qu'il vouloit prendre; Sa Majesté estimant meilleur de .lui faire faire son procès s'il estimoit cette voie plus avantageuse pour lui et d'autre part ne lui déniant pas sa clémence, s'il se mettoit en état auquel elle pût lui en faire recevoir les effets.
Ladite dame accompagnée du sieur de Bellegarde, lui porta la lettre du Roi et lui dit, en présence des sieurs de LoustelnaLi et Lamont, ce qui lui avoit été enchargé. A quoi, après avoir bien pensé le sieur de Vendôme fit une déclaration, signée de sa main, par laquelle il avouoit à Sa Majesté tout ce qu'il avoit fait et dessein de faire contre son service et le bien de l'Etat; ce qui fit que Sa Majesté, selon sa promesse ne poursuivit pas aussi à lui faire son procès, mais commanda qu'on lui fit expédier,lettres d'abolition générale, au mois de février ensuivant.
Il présenta requête la cour de parlement le 3o mars, pour les faire entériner. Diverses difficultés qui se présentèrent sur les formes, firent différer cette affaire jusqu'au commencement de l'année 1629, où nous en parlerons.
Mais laissons là les grands, qui, abusant des biens que le Roi leur a faits,.et de la puissance qu'ils tiennent de Sa Majesté, ne s'en sont servis que pour se rendre criminels, au lieu d'en avoir un perpétuel ressentiment, et parlons des bienfaits du Roi envers une personne plus recounoissante.
Nous avons dit, à la fin de l'année dernière que
le Roi récompensa la charge d'amiral afin de la supprimer, pour les raisons que nous y avons déduites.: Mais parce que, n'y ayant point d'amiral, il étoit nécessaire que quelqu'un eût le soin de la marine, tant pour le trafic que pour les vaisseaux de guerre; le Roi fit choix de la personne du cardinal pour s'en refiér en lui, lui donnant le même pouvoir que celui d'amiral, hormis en ce qui étoit préjudiciable à son service; qui est qu'il n'étoit plus chef des armées navales, comme étoit l'amiral, le Roi en pouvant désormais donner le commandement à qui il lui plairoit, et que toùs les grands appointemens qui étoient attachés à cette charge retournèrent au profit de Sa' Majesté. En conséquence de quoi ce titre d'amiral fut changé en celui de grand-maître, chef et surintendant général de la navigation et commerce de France.
A peine étoit-il quasi entré en charge, que, dès le commencement de cette année, la mer porta rompreaux rivages de la Guienne deux grandes carraqùes' portugaises qui. remplirent toute la côte de dépouilles et de richesses si grandes, qu'on lui en offrit, pour son droit, 200,000 livres. Mais lui, reconnoissant que cet accident arrivé à son entrée en cette charge étoit comme un témoignage que la puissance' maritime d'Espagne venoit rendre hommage à celle qui commençoit à naître en France voulut que tous ce qui lui en appartenoit en 'son particulier fût employé en l'établissement de cette puissance-la; et! quoique Sa Majesté, très-libérale en son endroit voulût qu'il fît son profit de ses droits, si est-ce que, par les continuels refus qu'il ,en fit, elle se
sentit obligée de condescendre en cela à son désir. Le cardinal ne reçut cet emploi que pour s'adonner tout à y servir le Roi. Plusieurs autres se cherchent dans les charges il y pèrd la considération de soimême et n'a autre but que l'avantage de son maître, lequel quand il l'a procuré il est content. Comme un capitaine mis dans une place pour la garder la, visite incontinent, et reconnoît soigneusement sa force et sa foiblesse et à ce en quoi elle est bonne ce en quoi elle manque, et ce qu'il faut faire pour la rendre parfaitement bonne ainsi le cardinal regarde les fautes que les autres ont faites, qui l'ont précédé, ce qu'ils ont fait de bien, ce qu'ils eussent pu faire davantage leur soin, leur négligence, et ce qu'il faut apporter pour mettre en France la marine à son dernier.point.
Cette grande connoissance qu'il avoit prise de la mer fit qu'il représenta, en l'assemblée des notahles qui se tenoit lors, plusieurs propositions nécessaires, utiles et glorieuses, non tant pour remettre en France la marine en sa première dignité, que par la marine la France en son ancienne splendeur. Il leur remontra que l'Espagne n'est redoutable, et n'a étendu sa monarchie au levant, et ne reçoit ses richesses d'occident que par sa puissance sur mer; que le petit Etat de messieurs des états des Pays-Bas ne fait résistance à ce -grand royaume que par ce moyen; que l'Angleterre ne supplée à ce qui lui défaut et n'est considérable quepar cette voie; que ce royaume étant destitué comme il est de toutes forces de mer, en est impunément offenséparnos voisins, qui tous les jours font des lois et ordonnances nouvelles contre nos mar-
chands, les assujettissant de jour en jour à des impositions et à des conditions inouïes et injustes; pillent nos vaisseaux et prennent nos hommes sous divers vains prétextes; l'Angleterre, sous celui qu'ils portent du blé en Espagne.; les Dunkerquois, qu'ils en portent en Hollande; les Hollandais, plus audacieusement encore s'entendent avec les infidèles, et souvent, après nous .avoir volés, prennent des turbans pour feindre qu'ils sont Turcs; outre que nos voisins, qui sont foulés sur mer, peuvent quand ils voudront porter la guerre en quelque partie qu'il leur plaira de cet Etat; Qu'il n'y a royaume si,bien situé que la France et si riche de tous les moyens nécessaires, pour se rendre maître de la mer que pour y parvenir il faut voir comme nos voisins s'y gouvernent, faire de grandes compagnies, obliger les marchands d'y entrer, leur donner de grands priviléges comme ils font que faute de ces compagnies, et pource que chaque petit marchand trafique à part et de son bien et partant pour la plupart en des petits vaisseaux et assez mal équip'és, ils sont la proie des corsaires et des princes nos, alliés, parce qu'ils n'ontpas les reins assezforts, comme auroit une grande compagnie, de poursuivre leur justice jusques au bout;
Que ces compagnies seules ne se voient pas néanmoins suffisantes si le Roi de son côté n'étoit armé d'un bon nombre de vaisseaux pour les maintenir puissamment en cas qu'on s'opposât par force ouverte à leurs desseins outre que le Roi en tireroit.cet avantage qu'en un besoin de guerre il ne lui soitpas nécessaire d'avoir recours à mendier l'assistance de ses voisins i-
Que pour cela il faudroit entre autres choses, bannir les changes simulés et supposés dont le gain injuste est si grand, qu'en moins de cinq ans, si on ne souffre point de banqueroutes, on double sôn bien ce qui a fait quitter la marchandise à plusieurs pour s'y employer: aussi sont-ils défendus, sous peine de confiscation, en Espagne, Portugal, Angleterre et Hollande;
Qu'il suffiroit qué le Roi eût quarante-cinq vaisseaux, l'entretien desquels ne lui reviendroit pas, les douze mois de l.'an, à ce que cinquante voiles ont coûté à Sa Majesté pour six mois seulement sans compter l'avantage que Sa Majesté en recevroit de l'augmentation de ses fermes pour la liberté du commerce et les richesses que les sujets de Sa Majesté acquerroient par ce moyen; ce qui seroit encore d'autant plus aisé -à faire, que les dépenses de l'amirauté n'étoient plus si grandes que par le passé et qu'au lieu que l'état ancien des officiers de ladite amirauté montoit à cent cinquante tant de mille livres celui que le cardinal avoit dressé pour l'année présenté ne montoit qu'à soixante-deux mille cinq cent quatrevingt-deux livres, ce qui provenoit, tant de la quantité des officiers inutiles qu'il avoit retranchés que ,des grands gages que tiroit l'amiral, au lieu qu'il n'y en a point d'attribués à la charge qu'il possède comme aussi de ce que dans les précédens états on employoit force personnes qui ne servoient point, là où on ne couchoit maintenant dans l'état que ceux qui étoient nécessaires pour servir actuellement.
Ces choses ainsi représentées, on proposa à l'assemblée à résoudre, savoir si le Roi devoit souffrir
17,
les déprédations continuelles qui se faisoient sur ses sujets, et les impôts que les étrangers mettoient tous les jours sur nos marchandises ou si nous leur en devions faire le même sur celles qu'ils nous apporteroient, et si, pour nous garantir de ces maux, il n'étoit pas expédient que Sa Majesté entretînt perpétuellement à l'avenir une flotte telle qu'elle paroissoit par l'état qui en avoit été présenté et s'il n'étoit pas utile et nécessaire d'établir de fortes compagnies en ce royaume, avec les priviléges et avantages qu'elles avoientdans les mêmes étâts à quoi l'assemblée, après avoir approuvé et loué le bon ordre et le ménage rior table que le cardinal avoit déjà commencé d'apporter en la dépense de l'amirauté, fut d'avis de la proposition en toutes ses parties, en la résolution de laquelle elle supplie Sa Majesté d'autant plus instamment de demeurer ferme, que les étrangers en montroient déjà une extrême jalousie.
Voilà ce qui s'y passa. pour la marine. Quant à toutes les autres choses qui y furent proposées de la part du Roi, et la harangue même que le cardinal y fit pour chercher les moyens de soulager le peuple et augmenter néanmoins les revenus de Sa Majesté, les avis des notables sur toutes les choses proposées toute la déductionentière que fitle cardinal du fait de la marine, et la même réponse des notables, lesquelles nous n'avons ici rapportées qu'en général, les états des dépenses de ladite marine durant quelques années par lesquels se voit le ménage et l'ordre que le cardinal y a apportés, et l'état des armemens de mer ès années 1622, i6i'5, 1625, 1626 par lesquels il se voit la dépense ruineuse que Sa Majesté a sup-
portée toutes ces choses un peu trop longues pour être rapportées dans le cours de cette histoire, seront mises à la fin de ce volume (1)..
J'ajouterai ici seulement ce que je crois ne devoir pas être oublié, de plusieurs- avis que M. le prince donna sur l'assemblée, les propositions qui y furent faites, et toutes les affaires présentes.
Le cardinal avoit conseillé à Sa Majesté d'envoyer vers lui pour lui donner avis de ladite assemblée lui communiquer l'état des affaires et des bons desseins de Sa Majesté, pour savoir son sentiment sur iceux. Il crut qu'il étoit convenable de rendre ce respect à sa qualité, et pour alléger le déplaisir qu'il avoit de son absence de la cour, afin que, s'il en étoit éloigné de présence, il ne le fût pas de la connoissance de ce qui s'y passoit.
Guron lui fut dépêché pour ce sujet, qui rapporta' à Sa Majesté, pour réponse de la part dudit seigneur le prince:
Que le cardinal étoit le plus heureux ministre qui eût jamais servi les rois mais que c'étoit aussi un grand avantage à Sa Majesté que Dieu lui eût donné un tel ministre;
Que l'utile et excellente proposition qu'il faisoit à l'assemblée du rétablissement du commerce et de rendre Sa Majesté forte sur la mer, lui faisoit reconnoître que l'avantage que les Espagnols avoient eu sur nous jusques ici, étoit remporté par Sa Majesté sur eux maintenant;
Que jusques ici ils avoient accoutumé en leurs (1) Sèront mises a la fin du volume Ces pièces ne se trouvent pas dans le manuscrit.
plus grandes entreprises, de représenter au monde une apparence qui amusoit un chacun, leur donnant sujet de parler .diversement, niais de conserver en eux secrètement la fin à laquelle ils tendoient, sans que personne la pût pénétrer;
Que maintenant le cardinal leur avoit ravi cette prudence, qui lui peut véritablement être attribuée en ses desseins de la mer, dont les Anglais, les Espagnols et les Hollandais murmurent, chacun d'eux en leur particulier, ne considérant que la jalousie de la force du Roi qui s'élève, en sorte que bientôt elle sera plus grande que la leur, sans qu'eux ni les huguenots s'aperçoivent que le Roi, ,par le moyen de cette puissance maritime se met en état de prendre La Rochelle quand il lui plaira, et se faire en un instant plus puissant en deniers que roi de la chrétienté, mettant la gabelle sur le sel dans la saline même d'où l'emporte l'étranger aussi bien que les .Français ce dont il tirera un revenu de dix millions d'or; Que le Roi avoit été bien conseillé de retirer Brouage et le mettre entre les mains du cardinal pource que, ce faisant, il rendpit la prise de La Rochelle assurée, et facilitoit l'exécution de cet autre grand dessein du sel, qui est l'unique moyen de soulager le peuplé qui, par tant de charges qu'il porte; se sent accablé sous le faix, et ôteroit la gabelle des provinces exemptes par la diminution des tailles^ qui seroit peu de chose au prix du profit présent que recevroit le Roi;
Qu'il louoit ce grand secret, qui ne lui étoit pas secret parce qu'il savoit bien ce qu'il falloit faire, et que le cardinal se pouvoit souvenir qu'à Limours
il lui dit qu'il falloit prendre M. de Vendôme, sans que le cardinal lui répondît sur cette matière par où il se voit qu'il savoit bien ce qu'il falloit faire encore qu'on ne lui dît pas ainsi jugeoit-il des préparatifs qui se font, qu'il loue, qu'il approuve, et les tient les seuls capables de faire admirer le Roi et d'agrandir son Etat
Que sous un autre gouvernement que celui d'à présent, il eut toujours trouvé l'entreprise de La Rochelle impossible; mais qu'il ne fait point de doute que le cardinal n'en vienne à bout, parce qu'il est si prévoyant et si heureux, que peu de choses lui faillent de celles qu'il entreprend; qu'on ne croyoit jamais qu'il pût démêler les affaires de la Valteline, qui sembloient porter Sa Majesté à une rupture avec les Espagnols Que le mariage d'Angleterre étoit traversé de toutes parts, et plus des Français que des Espagnols, qui appréhendent la grandeur du Roi.
Pour la paix des huguenots, on ne la tenoit pas impossible, mais bien de porter les Anglais et Hollandais contre eux mais là où la plupart du monde croyoit qu'il dût faire'naufrage, c'est en ces dernières menées où il a tout mis pour en sortir Sa Majesté s'étant mis de grands ennemis sur les bras qu'il a méprisés, et sa vie pour servir le Roi.
Il proposa pour trouver de l'argent un autre expédient prompt et sans nécessité de vérification d'édit, non ,plus que celui du sel, lequel d'abord disoit-il semble avoir quelque face d'injustice,, mais en effet n'en a point, qui est de s'emparer dès maintenant des rentes qui sont sur les tailles et sur le sel, qui montent à plus de quinze ou vingt millions, qui
se prendroient dès le courant de l'année prochaine, et après on en assureroit le remboursement sur les avis proposés, et cependant on paieroit l'intérêt de la finance au denier vingt.
Qu'on crieroit de cela mais aussi feroit-on de toutes choses qui iroient à nouvelles crues, partis extraordinaires, de créations d'offices, à quoi le Roi doit prendre garde parce que les parlemens s'y opposeront et c'étoit chose à éviter de faire en toutes rencontres effort de sa puissance.
Qu'en ces deux moyens le Roi pouvoit cette année faire un fonds de 50,000,000, sans avoir besoin de l'assemblée, laquelle il conseilloit de licencier promptement, avec quelques édits favorables à tout. le monde et que les officiers s'en retourneroient contens en leurs provinces pour éviter que Monsieur ne tirât avantage de leurs mécontentemens.
Que Sa Majesté devoit apporter ordre à sa maison pour ôter les abus de ceux qui en manient les deniers; mais de faire des retranchemens généraux qu'il ne croyoit pas pour son service que cela se dût faire; la conséquence rie sauroit aller à j,5oo,ooo livrés et cela ne vaut pas la peine d'offenser tant de grands et autres, et que cela pourroit produire des dépenses qui iroient au quadruple.
Qu'il tient tous les autres inutiles pour un secours pressant d'argent,, qu'il faut un grand temps devant qu'en tirer profit les avances consomment tout, et jamais le Roi n'en reçoit le tiers qu'ils sont bons en l'abondance, parce qu'on il. loisir d'attendre et de les bien examiner.
Que pour toutes ces choses. il faut de la résolution,
et ne se soucier pas de ce qu'on dira. Qu'il sait bien que M. le cardinal a ses pensées fort élevées, mais qu'il sait aussi qu'il faut qu'il fasse tout, ou que rien ne se fait. Qu'il seroit pour se charger de toutes les commissions périlleuses que lorsqu'en présence de Sa Majesté les choses seroient résolues elle verroit si elle auroit le talent de l'exécution, quoi il prendroit grand plaisir voyant qu'on ne procède pas lâchement comme autrefois, mais avec dignité et majesté.
Qu'il se vantoit ,de seconder le cardinal en une grande action, comme il dit qu'il a témoigné en avoir le coeur en ce que, lorsqu'il servoit le'Roi contre les huguenots, ses amis lui disoient qu'il faisoit comme un homme qui découvroit sa maison pour être noyé de la pluie et brûlé du soleil mais qu'il n'avoit jamais eu devant les yeux que la grandeur de soriroi et de son Etat; et n'avoit jamais eu aucun égard à son particulier; qu'on voit maintenant que les huguenots sont un peu affoibljs et que le cardinal a affermi l'autorité du Roi qu'il est comme un particulier dans' son gouvernement, et que sans cela il auroit tous les jours des courriers pour le rappeler comme, on, faisoit à feu Monsieur, au roi de Navarre et à feu M. son père.
• Qu'ainsile cardinal, a fait un grand coup d'Etat pour le mariage de Monsieur. « Je le dis disoit-il il est contre moi mais c'est un coup pour sauver l'Etat mais que le cardinal ne se trompe pas, c'est le plus méchant coup qu'il pouvoit faire pour lui il le hait et le haïra toujours. »
Qu'en cela le cardinal a regardé au présent pour'le
Roi au présent et à l'avenir pour l'Etat mais point au présent ni à l'avenir pour lui car il se vengera tôt ou tard.
Que pour le présent il conseille de maintenir la paix'avec les huguenots, et cela jusqu'à ce que le Roi soit en état d'y aller pour la dernière fois, et, cependant, ne se formaliser point ni des conseils de Nîmes et de 'Montauban ni de choses semblables leur laisser faire ce qu'ilsvoudront, jusqu'à ce qu'avec trente mille hommes on les aille réformer.
Pour les grandes villes comme Paris ne leur rien accorder de nouveau et des choses acquises les y faire languir et ennuyer dans les poursuites pour les leur faire quitter, adoucir messieurs de Rohan, leur donner quelques commodités, et leur ôter le désespoir jusqu'à ce qu'on soit en état de paix.
Que pour la sûreté de l'Etat, le Roi doit toujours avoir un corps de dix mille hommes de pied et quinze cents chevaux pour aller au premier bruit, Sa Majesté à la tête; que le corps doit être en lieu où le Roi le voie souvent pour le tenir complet, autrement que les troupes dispersées seront toujours dans la bourse des chefs et le Roi mal servi; voudroit seulement quelques troupes en Poitou, aux Cevennes et Languedo,c et que pour leur marche il y eût des hommes qui seroient tenus avertis des routes, ou qui leur fourniroient de vivres, foin et,avoine à certain prix, et que le plus de la valeur fut liquidé au conseil et payé par le Roi dont seroit fait levée particulière après, par les endroits où auroient passé les troupes.
Qu'on décrie à Rome le cardinal comme hérétique,
parce qu'on ne leur fait pas entendre le secret des affaires et qu'il s'étonne qu'il ne procure envers le, Roi un ambassadeur auquel on puisse confier ledit secret, et qui fasse valoir les bonnes intentions du cardinal.
Que Béthune est frère de Sully qui ne l'aime point, n'est point content de sa fortune, et voudroit voir tous les jours les choses changées.
Il importe par personne confidente éclaircir Rome sur plusieurs points et du Roi et de son principal ministre.
Que les mauvais desseins ne sont pas éteints, que le Roi doit prévoir et prévenir; que ce sont deux paroles que Guron devoit bien peser et retenir, et les faire entendre au Roi comme très-importantes, et aussi au cardinal.
Que le grand-prieur est un esprit.dangereux, qu'il n'y a point de sûreté à le garder s'il est coupable; qu'il prie néanmoins qu'on ne l'accuse point de l'avoir dit.
Pour le @due de Vendôme qu'il a bien l'esprit porté à de petites redites de cour, mais que d'un grand dessein il n'en est pas capable, n'ayant point de cœur, haïssant la peine et aimant fort ses plaisirs. Et, particulièrement, que le cardinal se souvienne de faire garder soigneusement ledit grand-prieur, qu'il sait beaucoup de choses de leurs desseins, mais qu'il a peur qu'on le découvre
Que le cardinal a plus de raison de se garder que jamais; qu'au lieu de vingt gardes il en doit avoir trente qu'à cela on n'y retourne pas deux fois que -le Roi sait bien qu'il y a eu entreprise sur sa vie
qu'elle y est encore, et qu'il se doit garder'de poison, et prendre garde à tout ce qui entre dans sa maison chose dont il charge Guron par plusieurs fois, de n'omettre pas à dire qu'il doit plus que jamais songer à l'avenir pour sa sûreté ce qu'il ne dit sans connoissance de cause
Que Monsieur est offensé et ne lui pardonnera point, qu'il attendra le temps de sa vengeance que c'est l'ordinaire en telles occasions que son humeur y est portée qu'il ne parle point par coeur, étant en état de découvrir beaucoup de choses pourvu qu'on ne le découvre point.
Puis ledit sieur prince, descendant des affaires générales aux siennes particulières, témoigna avoir grand désir d'être rappelé en là cour auprès de Sa Majesté et être employé pour son service au moins voudroit-il qu'il lui fût permis de voir Sa Majesté, quand ce ne seroit que pour une heure pour être hors de l'infamie de ne pouvoir approcher son maître comme font ses autres sujets.
Que dans la solitude en laquelle il confessait s'ennuyer beaucoup', il avoit trois partis à prendre ou en sortir par une faction, ou revenir à la cour dans la bonne grâce du Roi, ou prendre patience comme il avoit fait jusqu'alors.
Pour le premier, qu'il ne le fera jamais quand il devroit mille fois mourir, qu'il a tâté de ces folies-là, et que son expérience lui a appris à n'y vouloir jamais retourner.
Pour le deuxième il le désire passionnément et en supplie Sa Majesté.
Qu'il croit que le temps viendra qu'on le rappel-
lera à cause qu'il sera toujours homme de bien, et qu'on l'obligeroit grandement de l'anticiper, et qu'il serviroit encore de cela de se charger de très-bon coeur'de toutes les choses rudes et ne laisser dans les opinions du peuple que les bonnes pour le Roi. Et qu'il acceptera volontiers son rappel avec cette condition qu'en cas que Sa Majesté n'ait satisfaction de lui il subira la peine de la prison ou telle autre qu'il lui plaira.
Qu'il promet un fruit certain de son retour, qui est qu'il dépite toute sortè de factieux, de quelque qualité qu'ils soient de jamais pouvoir rien attenter ni entreprendre n'exceptant pas les huguenots connoissant la portée de tous et les remèdes à toutes leurs folies, et les moyens de ruiner tous ceux qui s'en voudroient mêler-.
Que Sa 'Majesté peut juger s'il est homme de bien; étant éloigné- comme il est il peut voir et écouter tout le monde, et néanmoins, par la grâce de Dieu', il n'a pas peur qu'on le puisse accuser de quoi que ce soit, l'ayant bien témoigné en ces derniers temps, où-, partant de Dijon il s'en vint avec trois gentilshommes à Limours.
Enfiri qu'il est près de signer qu'il s'accommodera aux volontés du Roi en tout que son exemple servira à beaucoup d'autres choses et que quelques autres conditions que l'on désirera pour s'assurer de lui, il les signera de sori sang.
Pour le troisième parti, qui est de prendre patience, il y étoit tout résolu.
Que quant au mariage du prince de Joinville avec sa fille il désire l'accomplir quand elle sera en âge
mais que ce ne sera pas sans en demander la permission du Roi et se remettre entièrement à la résolution que Sa Majesté en voudra prendre.
Il dit aussi qu'il croyoit que Monsieur auroitjalousie du voyage dudit Guron
Qu'il falloit respecter mondit seigneur, mais qu'il s'assurait qu'en le bien traitant, comme'il est raisonnable, il seroit facile de le contenir en son devoir.. Et pour fini il supplia Sa Majesté de l'exempter des poursuites que mondit seigneur faisait contre lui, afin qu'au moins en son éloignement de là cour il pût jouir de son bien en repos.
Et pour convier le cardinal à l'assister en ses désirs, il donna charge à Guron de lui dire qu'il avoit besoin d'un homme auprès du Roi pour faire voir les occasions de faire pour lui qu'il sait bien que nul ne feroit mieux cela que lui, sachant qu'il étoit homme à qui il falloit faire du bien sans qu'il le sût.
Voilà les avis et réponses que M. le prince fit au Roi par Guron.
Tandis que le cardinal (1), touché de l'honneur de la France, essayoit, par tant de raisons démonstratives, de persuader aux notables que le Roi se devoit faire fort sur la mer pour la sûreté de son Etat et la richesse de ses sujets, les Anglais, nos anciens ennemis, (i) Tandis que le cardinal: Le rédacteur de cette partie des mémoires omet ici une des particularités les plus curieuses de cette assemblée des notables. Richelieu y proposa de modérer les peines établies contre les criminels d'Etat, et de les réduire à' la seule privation de leurs charges après la seconde désobéissance. La majorité, dont il disposoit, rejeta cette proposition, et supplia le Roi de maintenir la rigueur des anciennes ordonnances. Ainsi Richelieu put être sévère en semblant obéir an vmu de l'élite de. la nation.
qui avoiçnt plus de jalousie de ce dessein que tous les autres, et plus de crainte que le Roi l'exécutât, néanmoins, comme s'ils eussent été aveugles etfurieùx, agirent contre eux mêmes et leur propre bien et sans y penser firent voir à un chacun la nécessité de ce conseil, et obligèrent le Roi à l'appuyer d'autant qu'ils lui firent connoître que sans cela, tant s'en faut qu'il fût redoutable à ses ennemis, il n'étoit pas même assuré en son Etat.
Ils méprisèrent l'honneur que le Roi leur avoit fait de leur envoyer le maréchal de Bassompierre pour leur demander raison des violences commises au préjudice du traité de mariage, et se sentant forts sur' mer, et sachant notre foihlesse, il n'y eut sorte de voleries qu'ils n'exerçassent impudemmentcontre nos marchands, jusque là qu'ils armèrent une flotte contre nous.
Mais, pour déduire ceci avec ordre, reprenons le maréchal de Bassompierre que nous avons laissé s'embarquant à Douvres pour passer à Calais. Dès le lendemain qu'il partit de Londres, il fut donné un commandement secret par toute l'Angleterre, d'arrêter tous les vaisseaux et marchandises des Français et il fut fait défenses à tous les marchands de leur payer aucune chose qu'ils leur dussent. Le maréchal ne remportoit autre chose de toute sa négociation qu'une promesse de rétablissement de fort peu d'officiers français de là.maison de la Reine, et encore cette promesse lui avoit été faite de telle façon, qu'il lui étoit aisé à juger qu'ils n'avoient pas dessein de tenir ce qu'ils promettoient.
Mais lui, qui avoit plus de désir de paroître avoir
fait quelque chose que de ferme dessein .de rem-porter quelque solide avantage pour le service du Roi, s'en contenta, et disoit que le fait d'un ambassadeur étoit de porter et rapporter des paroles non' pas des effets.
C'est pourquoi les plus sages en Angleterre prévoyoient bien que son voyage seroit infructueux. Rosdprf, résident du Palatin en écrivit en ces termes au chancelier de Suède, en décembre 1626. Nihil tanzen aliud istû pomposâ legatione effecit quàm quod de dissidio ex ejectione Gallorum orto, qualilercumque transigerit, et ab Anglo pronzissionem excipiendorum alzquot Gallorum in Reginœ familiam obtinuerit at laudé et desolutorice transactionis gloriâ contentus, successus et executionis incuriiis, ccetera quce majoris momenti *et altioris indagims attingerenoluit.
Bassompierre n'a tiré autre effet de cette pompeuse ambassade, sinon qu'il a fait une telle quelle transaction sur le sujet du différend provenu entre les deux couronnes pour le bannissement des Français hors d'Angleterre, et a tiré promesse de ce Roi qu'il en rétabliroit quelquesuns en la maison de la Reine sa femme. Il s'est contenté de cet honneur, et de la vaine gloire de cette transaction ne se souciant pas du succès de ce qui en arriveroit, et. de l'exécution des choses, et n'a osé approfondir les affaires davantage.
De Calais., le maréchal de Bassompierre prit la poste pour aller à la cour, où il arriva après Noël. Il représente au Roi son traité; il le fait valoir tant qu'il peut; il assure de la bonne volonté du roi d'Angleterre et fâit tous ses efforts pour persuader le Roi d'avoir
agréable que Buckingham vienne ambassadeur extraordinaire du Roi son maître, pour rétablir une bonne intelligence 'entré ces deux couronnes, se faisantfort qu'il viendra à ce dessein, et travaillera avec sincérité. Il y avoit de grandes raisons quicombattoient au.contraire, et qui détournoient le Roi de condescendre à ce qu'il proposoit.
Le cardinal représenta au Roi que, pour délibérer mûrement d'une affaire, il en falloit considérer la fin et l'utilité qu'on en pouvoit tirer. Or, il sembloit que' son arrivée étoit honteuse au Roi, préjudiciable au repos de 'cet État et peu utile à la correspondance de ces deux couronnes
̃ Qu'il y avoit plus d'un an que, désirant dès lors wenir en cette cour, le Roi lui fit témoigner par ses ambassadeurs sur l'inexécution des traités, qu'il ne pouvoit approuver son dessein qu'on ne lui eût donné contentement sur les articles qui lui avoient été promis.
Quelle raison d'y consentir présentement que les Français sont éloignés, et la religion ouvertement persécutée?
Les rois doivent être jaloux de faire connoître qu'il y a force en leurs résolutions et fermeté en leurs conseils.
Est à noter que le refus lui fut fait en'un temps auquel, à cause de la guerre que nous avions dedans et dehors l'État, l'intelligence de ces deux rois sembloit utile où, maintenant que la paix est affermie si nous n'avons les effets d'une véritable amitié nous n'avons pas-besoin des apparences.
Dans la réponse donnée au maréchal'de Bassom-
pierre par le conseil d'Angleterre, le roi de la GrandeBretagne se plaint, en termes formels des instances qu'on lui a faites en faveur des catholiques vu que le Roi son père et les principaux ministres avoient assuré ses ambassadeurs, de bouche et par écrit, qu'ils ne prétendoient pas l'observation de cette clause, mais seulement la promesse pour obtenir la dispense du mariage.
Si on reçoit avec accueil celui qui est auteur de ces artifices, que peut-on juger, si ce n'est que le Roi, en matière dé religion, a traité de mauvaise foi, et cherché plutôt de la vanité que le soulagement de ces consciences affligées ?
A la vérité, il n'est pas raisonnable que le Roi entre en guerre avec lés Anglais pour la passion des catholiques il doit plus à ses sujets qu'à ses voisins. Il est engagé aux uns par nature, èt aux autres seulement par âffection mais aussi n'est-il pas de sa dignité qu'il voie de bon œil celui qui est seul. cause de leurs misères.
Plusieurs personnes du conseil d'Angleterre et d'éminente condition se sont montrées, pour mériter les bônnes. grâces du Roi favorables aux intérêts de la Reine et des catholiques qui en perdront la volonté s'ils voient que les personnes qui en ont avancé la ruine aientla meilleure part en ses faveurs.
Mais si sa venue, fait contre la réputation du Roi elle.ne fait pas moins contre le'repos de ses peuples. En l'état où est sa faveur, il y a peu d'apparence qu'il s'éloignât de son maître si ce n'étoit pour faire quelque action qui le mît à couvert de la haine pu.-
Or, il n'y a qu'une voie pour arriver à cette fin, qui est de relever les espérances des huguenots et leur donner de nouvelles forces; car, comme le principal chef de ses accusations dans le parlement a été d'avoircontribué des vaisseaux à leur ruine, aussi n'y a-t-il point de doute qu'il ne reprît créance dans l'État s'il avoit avancé le rétablissement de leurs affaires. Il est donc à préjuger qu'il essaiera de faire cabale •- dans cette cour et se prévaloir du mécontentement des grands, afin de donner moyen aux hérétiques de; profiter de ces divisions publiques; et que dans leur accroissement il trouve'son salut. Car de croire qu'il vienne ici pour traiter des affaires d'Allemagne c'est un abus outre que leur nécessité ne leur permet d'y penser, il a été très-bien informé par les ambassadeurs du Roi qu'on veut en-, trer dans les effets, et non pas dans la ligue, qu'on veut soutenir les affaires d'Allemagne, et non pas les pousser. Joint qu'on n'a que trop de connoissance de la part qu'il avoit dans la dernière conjuration et de la haine qu'il' porte à celui qui, par son industrie et courage, a dissipé leur mauvais dessein et relevé l'autorité de son maître. Si on dit que son arrivée liera ces deux Rois plus étroitement, on justifie que non,,et parfaisons est par exemples.
Jamais favori ne pense avoir reçu les.honneurs qu'il prétend avoir mérités; la grande puissance qu'ils ont dans les États qu'ils gouvernent, leur fait trouver petits les respects qui ailleurs leur sont rendus; et cette règle générale'se vérifie en sa personne. A-t-il jamais pris commission étrangère qu'il, n'en,
soit sorti peu satisfait, et offensé contre les princes vers lesquels il avoit été envoyé P
Il ne fut pas sitôt en Espagne qu'il rompit avec le favori, et'engagea son maître dans une guerre ouverte pour venger ses passions:
Le voyage de France, qui le devoit acquérir entièrement à cet Etat, l'en rendit ennemi, peu d'occa- siohs s'étant passées depuis, où il n'ait témoigné le peu de respect qu'il portoit au Roi, et l'animosité qu'il avoit contre ses principaux ministres.
L'ambassadeur de Hollande a dit qu'il ne fut pas sitôt arrivé à La Haye qu'il essaya de rendre la personne du prince d'Orange odieuse, et troubler par diverses facons leur ancienne alliance.
A ceci on pourroit ajouter que son voyage donnera moyen et facilité à son maître de conclure la paix avec l'Espagnol, qu'on doit traverser par toutes sortes de voies car la crainte que les Espagnols auront dé l'union de ces deux Etats, fera qu'ils se pourront relâcher des conditions qu'ils ont jusqu'ici disputées. Ces raisons, d'une part, et l'ardent désir de Buckingham de l'autre, firent que le Roi prit un conseil avec telle modération, que, sans agréer sa venue ni la refuser, il la détourna adroitement. Il commanda au maréchal de Bassompierre d'écrire à Buckingham que du Moulin avoit charge de Sa Majesté de lui faire entendre ce qu'elle désirait sur le sujet du rétablisse- nient des officiers français près de la Reine, qui étoit une chose si juste et de si petite considération, qu'il s'assuroit qu'il y émploieroit ses bons offices vers le Roi son maître, et que là chose réussiroit au contentement de Leurs Majestés.
Pour ce qui est de l'envoi que le roi de la GrandeBretagne propose de faire d'un ambassadeur en France, et peut-être de la personne dudit sieur duc, que, sur l'avis qu'il en avoit donné à Sa Majesté elle lui avoit répondu qu'elle ne pouvoit avec honneur recevoir personne de la part du Roi son frère, que, premier, la contravention qui avoit été faite au traité de mariage, par l'éloignement des officiers de la Reine, n'eût été réparée ^d'autant que Sa Majesté ne vouloit pas avoir occasion de se plaindre, lorsqu'elle vérroit auprès d'elle un ambassadeur du Roi son frère, et désiroit n'avoir à penser qu'à lui faire bonne chère. Les Anglais, au lieu de répondre aux propositions si raisonnables de Sa Majesté, prenoient, par un secret complot entre eux, tous les vaisseaux des Français qu'ils pouvoient rencontrer en la mer, et ceux qui, à dessein ou par accident, relâchoient en leurs ports ou en leurs côtes.
Ils viennent au Conquet', où 'ils prennent tous les vaisseaux marchands qu'ils trouvent à la côte. En celle de Normandie, ils font le même de tous les vaisseaux qui vont en Espagne. Ainsi le roi d'Angleterre, grand roi par sa naissance, devient pirate par les mauvais conseils d'un homme plus présomptueux que courageux, et qui se veut sauver dans la perte de son maître.
Il fait gloire en même temps d'être mal avec les parlemens d'Angleterre, avec la France, et en Espagne il émeut tout; mais le temps nous fera voir qu'il ne peut rien résoudre que sa perte.
Le Roi, voyant que les Anglais ne se lassoient de violer le droit des gens et la foi publique, interdit
tout commerce et trafic en Angleterre, et commença à faire armer vingt vaisseaux pour empêcher ces pirates d'écumer les mers impunément.
Soubise étoit chez eug; ils l'avoient reçu et entretenu depuis sa défaite.
Ils avoient intelligence aveé le duc de Rohan de sorte' qu'après tant de troubles évités et apaisés, lorsque la France pensoit que, n'y ayant plus de guerre il ne lui resteroit plus que d'en étouffer les semences pour plus long-temps jouir de la paig, un nouvel orage s'éleva, non moins grand que ceux qu'elle venoit de passer.
On avoit deux princes absens, M. le prince et NI. le comte, deux autres prisonniers, M. de Vendôme et le grand-prieur.
Il falloit terminer les affaires des uns et des autres; -on y avoit de la peine parce que les esprits, nourris dans'les factions et les brouilleries ne se reposoient pas mais tâchoient dé débaucher Monsieur.
Ils se servent de l'Angleterre, laquelle piquée ( pource que celui qui offense ne pardonne pas ) n'oublie rien de ce qu'elle peut pour conforter les huguenots et les factieux en leurs mauvais desseins, et y exciter ceux qui ne les ont pas encore.
Ge misérable Soubise, dont le malheur, l'esprit et le courage sont également décriés, n'ayant autre art, pour couvrir ses hontes passées, que de s'en préparer de nouvelles sollicite en Angleterre. Le sieur de Rohan plus propre à être procureur dans un palais que chef d'un parti les avantages duquel il faut procurer par courage en guerre et en paix par franchise et in.génuité, ne. pense à d'autres
choses qu'à des vilenies insupportables à un souverain, et odieuses à tout le monde, continue ses pratiques, et par mille factions fait connoître à un. chacun qu'il fait aussi bien, durant la paix, tout ce qui peut apporter la guerre comme durant la guerre, tout ce qui semble ne convenir qu'à la paix. Durant la paix, son esprit est aussi peu en repos comme durant la guerre il hasarde peu sa personne. Il entretient intelligence âvéc tous les factiéux du dedans du royaume, et avec tous les brouillons du dehors.
Cependant, pour se couvrir, il en donne avis à la cour; il avertit que Savoie lui offre de l'argent, que l'Anglais lui offre des hommes. Ainsi il découvre ceux qui traitent avec lui, pour, à l'ombre d'une telle perfidie envers ses complices, avoir temps d'en commettre une plus grande contre sa patrie et son roi. On ne reçoit qu'avis de factions et brouilleries au dedans de mauvais desseins et d'entreprises du dehors, de concerts et d'accords de tous les entrepreneurs.
Un gentilhomme de M. de Rohan, nommé. son domestique, envoie à Sommières un soldat que M. de Soubise avoit envoyé à M. de Rohan pour, sous prétexte de se rendre cuisinier du sieur de Serillac prendre entrée en la place et chercher lieu de la faire surprendre. Le soldat est pris, il confesse son dessein et celui de ceux qui l'avoient envoyé; sa confession est si véritable qu'il la soutient à la mort.
D'autre part, le Roi a avis certains que Savoie et (1), Nommé: Le nom est en blanc dans le manuscrit.
Lorraine s'entremettent fortement pour faire la paix entre l'Angleterre et l'Espagne l'Infante s'y emploie avec passion; Montaigù est envoyé d'Angleterre en Piémont pour remettre cette affaire entre les mains de ce duc, qui, par là, se pense relever et se bien remettre avec Espagne lui faisant voir combien il a su faire profit de l'amitié du roi de la Grande-Bretagne, pour en servir Espagne en meilleure manière qu'on n'eût pu attendre de lui.
Cette affaire n'est point difficile à terminer, d'autant que l'Angleterre est si enragée contre la France, qu'elle se relâche à des conditions honteuses pour y parvenir, jusque-là que le roi d'Angleterre se con-,tente que l'affaire du Palatinat soit remise en ambassade, et que le roi d'Espagne y fasse des offices, sans en garantir l'événement, qui est l'abandonner tout-àfait et l'abandonner ouvertement. Pour le reste, les Anglais ne demandent que la confirmation d'un'ancien traité signé à Londres par, le feu connétable de Castille, et ils promettent même faire entrer en ce traité Hollande et Danemarck, et faire de.leur,part une suspension d'armes pour tant d'années que l'Espagne voudra. •
Le cardinal de Lâ Cueva et Spinola pressent le conseil d'Espagne d'accepter ces conditions 5 cela ne se. peut faire que la France n'y soit merveilleusement intéressée et en sa réputation et en ses propres forces. En sa réputation, car la France est oflensée des Anglais par une outrecuidance extraordinaire en la face de la chrétienté et en un traité si solennel est offen- sée de nouveau par leur insolence à ne pas montrer seulement aucune inclination à réparer leur offensée,
qui est un mépris insupportable. Il faut que le Roi en tire quelque raison.
Or iln'est pas des injures reçues par les Etats comme de celles qui sont reçues par les particuliers car le plus grand mérite des chrétiens est de pardonner sitôt qu'ils sont offensés. Mais la plus grande gloire des Etats, et ce qui les rend plus considérables, est de tirer raison des offenses reçues, et ne les pas laisser impùnies, pour ne faciliter la hardiesse à entreprendre. La raison de cette différence vient d'un même prin: cipe; mais appliqué à deux-sortes d'obligations différentes.
La première, et la plus grande obligation de l'homme, est le salut de son ame qui doit laisser la vengeance à Dieu et ne la pas prendre. La plus grande obligation des rois est le repos de leurs sujets, la conservatison de l'Etat en son entier et la réputation de leur gouvernement à quoi est nécessaire de repousser si bien les injures faites à l'État, que la sévérité de la vengeance ôte la pensée d'y oser attenter une autre fois. Or si la paix d'Espagne et d'Angleterre se conclut maintenant, tout moyen est ôté au Roi de tirer raison du mépris qu'il a reçu du dernier.
Outre l'intérêt que cette paix apporte à la réputation de la France elle diminue encore ses forces et sa grandeur: deux ennemis puissans s'élèvent contre elle, et, d'autant qu'ils se fortifient par leur liaison, ils l'affoiblissent, et ne font cette liaison qu'à dessein de nous nuire quand bon leur semblera, et de nous mettre en état de ne leur pouvoir mal faire,quand il leur plaira de nous offenser.
La même considération qui nous oblige a empê-
cher l'étendue de la puissance d'Espagne, nous doit aussi porter à traverser celle-de ses. alliances et les mêmes préjudices que nous avons autrefois cru et croyons recevoir de l'Infante avec le roi d'Angleterre, les mêmes nous recevrons de cette réunion et accord entre eux, s'il se fait maintenant.
Je dirai plus, que nous en recevrons davantage d'autant que l'Angleterre s'est insinuée dans nos propres entrailles leur liaison avec plusieurs de nos mauvais Français est connue et leurs mauvais desseins sont publics et manifestes.
Les huguenots, intéressés avec eux, n'attendent que cette réunion d'Espagne et d'Angleterre pour s'élever et faire mouvement dans la France, affoiblie par les guerres passées délaissée des Etats voisins, regardée par l'Espagne, et non tranquille et assurée au dedans; et les grands de l'Etat n'ont autre désir et attente pour brouiller impunément et se rendre plus considérables au préjudice de l'autorité du Roi et du repos de l'État.
Mais il y a ce bonheur, que la mauvaise volonté de ceux de dehors et de ceux de dedans étant égale, ceux de dedans ne peuvent rien sans ceux de dehors, et ceux-ci n'osent rien-entreprendre tandis qu'ils auront à craindre l'Espagne.
Toutes ces considérations donc obligeoient Sa Majesté de retarder tant qu'elle pourroit la conclusion de la paix entre ces deux royaumes; mais il ne s'y rencontroit pas peu de difficulté d'autant que les Anglais offroient et recevoient toutés les conditions qu'Espagne vouloit. Tandis qu'on recherche les moyens de la vaincre,' il sembla qu'une occasion
inespérée s'en offrît. Le comte Olivarès parlant en discours familiers avec le sieur du Fargis comme .ambassadeur, étant venu à tomber. sur le sujet des extravagances des Anglais envers nous et de leur mauvaise foi en l'exécution de notre traité, au préjudice duquel, et contre la foi publique ils maltraitoient les catholiques en leur île, de là il passa aux ressentimens que justement les deux couronnes en pourroient avoir pour l'intérêt de la religion, et quels moyens légitimes on pourroit trouver de pourvoir à ces viole,nces, et obliger les Anglais à une réparation proportionnée à leurs mauvaises actions.
Le Fargis repartit au comte que l'Espagne n'avoit pas moins été offensée par les Anglais que la France, et qu'elle l'avoit été la première et enfin ils jetèrent entre eux quelque propos d'attaquer à armes communes l'Angleterre, chacun d'eux protestant de son côté que ce qu'ils disoient n'étoit que discours familiers, sans engager leurs maîtres.
Le Roi, ayant eu avis de ce pourparler, donna ordre à son ambassadeur de l'entretenir, reconnoissant bien l'avantage que son service. recevroit de cette proposition si elle étoit exécutée, non-seulement en ce qu'elle retardoit l'accommodement d'Espagne avec' l'Angleterre, mais les engageoit toutes deux en une -guerre l'une contre, et délivroit la France de celle qu'elle étoit en danger de souffrir seule contre deux ennemis dans ses propres entrailles, etla lui faisôit transporter au dehors, et outre cela faisoit assisterla France des forces d'Espagne contre l'Angleterre seule, (i) Le Roi ayant eu avis Cette phrase a été corrigée par RicLelicu; les mots en italique sont de sa main.
sur laquelle par ce moyen nous rejeti.ons et la.perte e.t l'opprobre qu'elle avoit machinés contre nous. Mais, d'autre part, parce que les infidélités espagnoles étoient connues au cardinal, qui savoit avec quelles astuces ils traitoient, et particulièrement avec la France, il manda au Fargis qu'il se donnât bien ,de garde d'engager mal à propos le Roi qui ne vouloit être obligé à rompre avec l'Angleterre qu'en juin de l'année suivante, pource que ce temps-là étoit nécessaire à Sa Majesté, et pour armer puissamment par mer,' et être en état d'attaquer et se défendre, et cependant que le roi d'Espagne s'obligeât de déclarer présentement la guerre au roi d'Angleterre, et de faire dès cette année, voir qu'il avoit assez de vaisseaux équipés pour un effet contre ladite Angleterre,. digne de sa puissance. Mais que si le comte Olivarès jugeoit plus avantageux pour ledit dessein que le Roi, dès cette heure, fît quelque' effort 'couvert contre l'Angleterre, Sa Majesté offroit, dès maintenant, due contribuer dix vaisseaux au même temps que le roi d'Espagne commenceroit son attaque, pour faire diversion ailleurs, selon qu'il seroit convenu entre Leurs Majestés, c'est-à-dire, six vaisseaux de trois cents tonneaux et quatre pataches. Et, parce que si peu de chose ne seroit pas digne de la grandeur de cette couronne, et que la France ne pourroit pas faire à présent un plus grand effort par mer, cet armement se feroit sous le nom de corsaires, pour faire le même eiet sous un nom emprunté; et les deux couronnes se promettrolént l'une à l'autre de ne faire aucun traité sans le su et consentement l'une de l'autre. Le Fargis ayant reçu ces ordres les dévoit suivre; mais son ai-
deur u) et impatience ordinaire dans les traités, qui l'avoit déjà fait précipiter et aller au-delà de sa puissance en celui de la paix d'Italie, lui fit faire la même faute en celui-ci.
Le comte Olivarès lui témoignoit une extrême passion en ce dessein, lui faisoit accroire que tout le conseil d'Espagne y étoit contraire, que le Roi son maître seul tomboit en son avis. A quelques jours de là, il lui dit que l'Infante avoit déjà envoyé les articles de la paix avec l'Angleterre que le Roi son maître ne savoit quel moyen trouver pour se défendre pour les signer qu'il seroit contraint d'antidater notre traité, pour mander à l'Infante qu'on eût signé le sien s'il ne fût arrivé trop tard, le nôtre étant déjà arrêté et partant, qu'il n'avoit pas loisir d'envoyer en France, et d'attendre la réponse sur les difficultés qui étoient entre lui et le conseil d'Espagne, à raison de quelques-uns de nos articles; qu'en une grande affaire comme celle-là, il ne falloit pas que peu de chose arrêtât, et que tout cela s'acc.omm6deroit puis après facilement de gré à gré entre les deux couronnes.
Le Fargis peu caut et fort chaud en ses désirs, se laissa tromper à ces belles paroles, et signa, le 20 mars un traité par lequel le roi d'Espagne ne s'drien plus que le Roi, mais déclaroit seulement à Sa Majesté qu'il avoit déjà guerre ouverte avec Angleterre, et exécuteroit, de toute la puissance de (y) Mais son ardeur Il paroît que la Reine-mère, qui désiroit vivement une alliance avec l'Espagne, fit agir du Fargis, dans cette occasion, avec autant de précipitation que 'pour l'affaire de la Valteline. (Voyez la note de la page 5 de ce volume.)
ses forces contre ses Etats, tous genres d'hostilités permises en guerre royale; ce que Sa Majesté promeltoit aussi de-faire, au plus târd, dans Je mois de juin de l'année. 1628..
Et quanta l'exécution et moyens'qu'il faudroit employer pour arriver aux fins susdites, il se nommeroit, de la part du roi Catholique, un ou deux ministres qui conféreroient avec l'ambassadeur du roi TrèsChrétien qui résideroit en Espagne le roi Très-Chrétien faisant en France la même chose afin qu'avec tout le secret possible ces affaires se pussent traiter et avancer, dans lesquelles il étoit convenable et de grande importance, que l'ennemi ne fût point averti, mais prévenu.
Bien que le Roi n'eût pas le traité agréable en cette manière-là, qui n'étoit celle qu'il avoit proposée et que son ambassadeur, qui pour la troisième fois étoit retombé en pareille faute, méritât punition; néanmoins' Sa Majesté étoit si offensée des indignités que ses su- J jets recevoient de l'Anglet'erre, qu'elle oublia l'offense de son ambassadeur, et ratifia le traité pur et simple, 'le 20 avril 1627 ce que le roi d'Espagne fit aussi de sa part..
Le comte Olivarès. proposa, incontinent après, que les forces d'Espagne n'étoient ^pas suffisantes pour faire une attaque royale en Angleterre pour cette année, si le Roi, de sa pàrt, ne niettoit aussi une armée navale en mer d'autant que d'ordinaire le succès des guerres dépend des premiers exploits qui donnent la réputation aux princes. Davantage, qu'il étoit nécessaire que le Roi traitât auparavant une neutralité avec les états des Provinces -Unies des
Pays-Bas en cette guerre; que le roi d'Espagne désiroit envoyer en Flandre don Diegue de Meria, général de la cavalerie, lequel, en passant en France conféreroit avec les ministres du Roi, lequel il croyoit qu'il devoit au moins tenir, dès cette année, vingtcinq vaisseaux en mer.
Le père de'Bérulle, auquel le cardinal avoit commis la charge d'écrire au Fargis, et avoit charge particulière de ce traité, ne faisoit, du commencement, point de doute que les Espagnols n'y cheminassent d'un bon pied; mais ce changement le détrompa bientôt, et lui fit connoître que les Espagnols n'avoient mis en avant cette affaire que pour se moquer de la religion et faire que le Roi se portât plus facilement à entrer en la guerre contre l'Angleterre, en laquelle ils vouloient l'abandonner.
Ce qu'il avoua au cardinal, et par son commandement manda au Fargis qu'il dît au comte Olivarès que la France procédoit avec franchise ,et qu'il paroissoit que l'Espagne reculoit, et témoignoit n'avoir franchement pour la religion fait ce traité mais pour penser surprendre le Roi; qu'elle étoit la première offensée, et avoit plus de sujets de s'en ressentir; que le Roi, pour témoigner son zèle à la religion accorderoit au-dessus de ce qui avoit été convenu tout ce qu'il pourroit; que les propositions d'Espagne sembloient faire voir qu'elle eût désiré faire ce traité, ,plutôt pour empêcher la France de s'accommoder avec Angleterre, et avoir temps de s'accommoder avec Hollande, que pour rien entreprendre dès cette année contre Angleterre selon que porte le traité fait et les propos qui lui en avoiéni été souvent réitérés. Néan-
moins, qu'il trouvoit bon le passage de don Mena, encore que cela dût raisonnablement porter les Anglais et Hollandais à une créance certaine du traité entre les deux couronnes, et ensuite les inciter à s'unir ensemble, et faire leurs efforts pour soulever les huguenots de France; que Sa Majesté ne refusoit pas de, faire tous les offices possibles pour porter les Hollandais à une neutralité qu'elle ne faisoit cependant pas difficulté de tenir vingt-cinq vaisseaux armés dans la Manche, pour favoriser les entreprises d'Es* pagne sur l'Angleterre mais de joindre ces vaisseaux avec les forces d'Espagne pour faire une même entreprise, il ne sembleroit pas raisonnable, et n'est pas supportable que deux grands rois concourent en un même dessein, l'un avec trois fois autant de forces que'l'autre.
Et pour témoigner que la France procède de bonne foi bien que par le traité la déclaration de France'ne doive être faite que dans un an, Sa Majesté ne fera difficulté que- l'union qui est entre ces deux couronnes sur le sujetd'Angleterre paroisse et soit connue de tout.le monde, du jour que l'Espagne exécutera une entreprise. Joint que le Roi la fera bien,paroître au même.temps, étant avec vingt-cinq vaisseaux dans la Manche, pour combattre les Anglais qui se présenteront, et favoriser ouvertement l'Espagne. Presque en même temps Le Fargis conclut en Espagne un accord entre les deux couronnes touchant les. deux salines des deux royaumes, qui, plusieurs années auparavant, avoit été proprosé. Les nations septentrionales n'ayant point de'sel, sont contraintes de le venir chercher en France ou
en Espagne. Celui d'Espagne est trop âcre et consomme les chairs celui dé France aussi n'a pa's tant d'acrimonie et de force que quelquefois les chairs qui en sont salées ne se corrompent dans les voyages de long cours; mais l'un et l'autre, mêles ensemble, sont tels qu'on les peut désirer. On ne laisse pas néanmoins en une nécessité-de se servir de l'un à l'exclusion de l'autre.
Cela fait que si en France le Roi hausse l'impôt sur te sel qui se vend aux salines, ils s'en vont tous fournir en Espagne. Si en Espagne on fait-le même, ils en viennent quérir en France. Cela étant représenté en France et en Espagne, il fut proposé aux deux Rois de convenir ensemble de mettre l'un et l'autre même impôt sur le sel, sans le hausser ni baisser que par un commun consentement. La ratification en fut faite par les deux Rois r'éciproquement ruais l'Espagne, à son ordinaire n'en effectua aucune chose se privant de- son- propre avantage pour faire perdre à -la France celui qu'elle en pouvoit recevoir de sa part. On arrêta au même temps au conseil du Roi-, mais sans effet pourtant pour les infidélités des partisans, les moyens d'introduire du sel en Suisse. Cette in'tro'duction avoit été résolue plusieurs fois mais jamais exécutée. Aupàravant, les Suisses tiroient leur sel de Hall, ville du T'rol, d'Allemagne par Bavière qui perméttoit à ceux de Saltzbourg de le faire.passer dé 'Bourgogne et de Lorraine. Il étoit grandement important de détacher, autant qu'il seroit possible, les Suisses d'avec tous ceux dont ils tiroient cette commodité, et de les attacher en outre par la même voie.
Qui plus est, introduisant le sel, la France en tiroit cette commodité que son argent ne sortiroit plus de son sein, vu qu'on pourroit-payer leurs pensions en sel. Le moyen qu'on trouva de cette introduction fut de leur,donner le sel à meilleur marché que tous les autres étant certain que pourvu qu'ils l'eussent à meilleur prix, étant meilleur comme il étoit, ils le prendroient indubitablement.
Parmi ces grandes affaires publiques, parlons d'une particulière qui mérite bien d'être misé en ce nombre pour la qualité des personnes, le funeste accident qui leur arriva et l'effet salutaire qui s'en ensuivit. Le sieur de Bouteville, non content d'avoir violé -vingt-une fois les édits, retombe en cette faute pour la vingt-deuxième fois et ce dans Paris, à la vue du Roi, du parlement et de toute la France.
Bouteville et La Frette se battirent en janvier Bouteville se retira en Flandre vers l'Infante, et mena quant et lui Deschapelles, son cousin, fils du sieur de Molac, en Bretagne.
Beuvron, qui vouloit tirer raison.de Bonteville qui avoit tué Torigny en duel le carême de l'aunée .précédente, s'en alla déguisé en Flandre pour se battre contre lui; il est reconnu en l'hôtellerie à Bruxelles et arrêté.
Le Roi écrit à l'Infante, et la prié de ne les point laisser battre, mais de' les accorder; Bouteville lui jure qu'il, ne se battra point es terres de son obéissance et qu'il aimerait mieux mourir que de lui donner ce mécontentement.. Le màrquis de Spinola invita Beuvron -Descha-
pelles et Bouteville où il prie 1 ambassadeur de France d'assister avec plusieurs grands de cette cour il les accorde et s'embrassent l'un l'autre.
Incontinent après, Beuvron dit à Deschapelles, puis à Bouteville même, qu'il ne'seroit jamais content qu'il ne le vît l'épée à la main.
L'archiduchesse écrivit au Roi, et le s.upplioit de vouloir donner abolition à Bouteville.
Sa Majesté ayant proposé à son conseil s'il le pouvoit faire en conscience, on lui répondit que non. Sur quoi elle manda à l'Infante que tout ce qu'il pouvoit faire pour l'amour .d'elle étoit que, s'il venoit enFrance, il ne le feroit pas chercher au il seroit,: mais qu'il se donnât garde de revenir à sa ,cour ou dans Paris.
Bouteville, piqué de cette réponse, se.vante qu'il se hattroit en France et ce dans Paris, et en la PlaceRoyale ce qu'il exécuta le 12 mai.
Ils se battirent avec deux seconds; ils n'eurent point d'avantage l'un sur l'autre; mais Bussy^d'Amboise, qui étoit un des seconds de Beuvron, fut tué par Deschapelles; :Beuvron s'enfuit en Angleterre^ Bouteville et Desçhapelles prirent la poste pour se retirer en Lorraine mais il fuirent reconàus .et arrêtés à Vitry-le-Brûlé et amenés à Paris à la Bastille, par le commandement du Roi par le sieur dè iGordes capitaine de ses gardes.
Sa Majesté envoya quérir le parlement au Louvre, et leur commanda de leur faire et .parfaire leur procès mais elle permit à tous leurs parens et amis de voir les juges.
M- le 'prince et madame la. princesse, avec M. de
Montmôr:ency firent -entre les autres, les'plus grandes instances pour obtenir pardon du Roi, qui, craignant t d'offenser Dieu, et d'être cause de la mort de plusieurs s'il leur donnoit la vie avoit de la peine à se résoudre à la leur accordeur.
Le cardinal lui-même étoit bien agité en son esprit. il étoit impossible d'avoir le cœur noble et ne plaindre pas.ce pauvre gentilhomme, dont la jeunesse et lè courage émouyoient à grande compassion. Tout le monde fait ce qu'il peut pour lui. Ceux qui sont émi'nens en quelque bonne qualité, quoiqu'ils en abusent, sont d'ordinaire, en cette considération, esti- més et aimés de beaucoup de gents.
Il appartenoit de près à la plupart des grands du royaume. On représentoit qu'en le sauvant on les obligeoit tous. Les services de son, père et de ses oncles, qui ont toujours servi le feu Roi pendant qu'il étoit huguenot, quoiqu'ils fussent catholiques, sont considérables' A Saint-Jean il eut un cheval tué sous lui; il fut enterré à la mine à Royan; à Montauban, il fit fort bien à Ville-Bourbon, en la bataille navale, il se témoigna aussi vaillant sur l'eau que sur la terre. Il sembloit qu'il ne se pût jamais trouver une telle occasion pour faire voir la clémence du Roi, tant de fois ofïensé par le mépris qu'il avoit fait de son autorité. On pouvoit dire qu'il n'avoit jamais rien fait contre les lois de l'honneur du monde, ni pensé seulement violer celles de l'humanité, vu qu'il n'avoit jamais exercé aucune cruauté contre ceux sur qui le sort des armes lui avoit donné l'avantage. On pouvoit eiicore considérer que cet appétit dé-
réglé des combats étoit une mâladie de son esprit, qui avoit maintenant son période et en seroit guéri par la maturité de l'âge auquel il étoit.
Le marquis d'Hamilton, étant en Angleterre et apprenant les fréquens duels de ce gentilhomme, dit au marquis d'Effiatune chose d'honnête homme: Si cet homme, disoit-il m'envoyoit un billet, je .ne le recevrois pas, s'il n'étoit accompagné d'un autre de son médecin qui m'assurât que cette envie qu'il a de se battre ne procède pas d'une maladie. Le cardinal avoit en son particulier grande aversion de sa perte et grande inclination à porterie Roi a'lui pardonner mais il étoit retenu, quand il considéroit que conserver la vie de ce- gentilhomme qu'il avoit déjà fait perdre à plusieurs autres l'ôteroit à la meilleure noblesse de cet Etat, qui estimeroient ,ne devoir pas être.plus malheureux que lui en suivant son exemple.. On r eprésentoit qu'il n'avoit pas simplement contrevenu aux édits du Roi,. mais qu'il en avoit toujours fait métier et marchandise et qu'en cette der.nière fois il avoit voulu violer, et les lois de l'Etat et la' majesté de.-la justice, et l'autorité royale particulièrement, en tant que, de propos délibéré, il avoit commis son crime dans Paris,.en lieu: pnlilic, .en la Place-Royale, pour être vu de tout le monde mépriser les lois, qui sont seules craindre en un Etat, et qui sont l'unique bride par laquelle les hommes sont contenus en leur devoir.
1 Le cardinal reconnoissoit bien qu'il étoit impossible de lui donner la vie, sans ouvrir la porte aux duels et à toute sorte d'infractions des lois. Il. voyait
.bien que-le sauver étoit, en effet, autoriser ce qu'on ̃çléfendoit par ordonnance. On représentoit que par là on établissoit toute sorte d'impunité, et, en un mot, on perdoit l'autorité du Roi qu'en pardonnant à ,une personne qui,avoit enfreint vingt-deux fois l'édit, :et .avec des circonstances qui aggravoient extrêmement ses fautes on ne saurait plus justement punir 'ceux qui séroient si malheureux d'y tomber l'avenir. Au réste; il étoit à craindre que l'impunité de ce gentilhomme ne fit autre effet sur son esprit que de Je rendre plus insolent, la raison ayant eu jusques en tce. temps-là si peu dé pouvoir sur lui, qu'il n'y avoit pas grand lieu d'espérer qu'à l'avenir elle en dût ,avoir davantage.
D'autre part, on devoit aussi appréhender que ceux :qui entrepreiioient de le sauver n'imputassent son jsalut.à. leur sollicitation plutôt qu'à la bonté du Roi, et que lui-même lui rendît plutôt hommage de sa vie -qu'à celui qui seroit vrai et seul auteur de sa grâce. Qui plus est, ce pauvre gentilhomme étoit si aveu- -glé qu'il estimoit mériter autant de récompenses par ses crimes, qu'il en eût dû attendre s'il eut rendu au-, -tant de témoignages de sa valeur en servant le Roi, ;qn'il àvoit fait en violânt les lois de son Etat et celles .dé Dieu même.-
Toutes ces considérations tenoient le cardinal en suspens, et l'empêchoient de penser,a ce qu'il, eût désiré;.d'autant qu'ainsi que la. clémence est une vertu des princes, la.justice l'est des Etats dont le salut -est, plus considérable que, celui des particuliers. Cependant il est vrai que le Roi lui pouvoit donner la vie, et que mil justement ne l'en sauroitblàmer,
sa bonté devant quelquefois avoir autant d'étendue que sa puissance.
Donner la vie à un homme, dont les prédécesseurs ont plusieurs fois employé la leur pour son service, se peut faire sans blâme.
Au reste, s'il est vrai que les fautes, de ce gentilhomme viennent d'une maladie, sa vraie peine' est une prison; étant vrai que, comme l'échafaud est la peine des méchans, la prison le doit être des frénétiques.
En un mot, il faut se souvenir de la pensée de Sénèque niliil gloriosius rege impune Iceso et comme cette action dépend de la seule puissance du Roi, elle doit venir de son seul mouvement. Etant prisonnier il ne peut plus nuire à4'autorité du Roi, et si Sa Majesté lui pardonne, il servira de beaucoup à sa-gloire.
Le cardinal, après avoir pesé toutes ces considérations en son esprit, donna au Roi sur cette affaire 'l'avis suivaut r « L'affaire dont il s'agit est si importante, que, pour mon particulier, j'aime mieux en être rapporteur que juge, proposer les difficultés que les résoudre. « Votre Majesté, qui nous surpasse autant en jugement qu'en puissance saura bien d'elle-même, après en avoir ouï les raisons, prendre la résolution la plus utile à son Etat.
« Quelque parti qu'elle suive, elle profitera toujours de la faute de ceux qui sont condamnés car ou le châtiment fera connoître et redouter votre justice ou le pardon estimer et admirer la grandeur de votre clémence.
Il Il n'y a point de doute qu'ils n'aient mérité la mort il est éertain qu'on ne peut leur donner la vie sans hasarder celle de plusieurs, qui, pensant ne devoir pas être plus malheureux qu'eux, suivront leur exemple. « Il est difficile de les sauver sans autoriser en effet ce qu'on défend par ordonnance, sans ouvrir la porte aux duels, augmenter le mal par l'impunité, et rendre votre autorité et la justice pleine de mépris.
Il ne s'agit plus d'une simple infraction des édits, mais d'une habitude à les rompre d'une profession publique de mépriser l'autorité royale, de violer toute sorte de lois dont le respect est l'unique fondement des Etats.
«Jl.n'ya a eu querelle depuis six ans dans la cour dont ils n'aient été ou l'occasion ou la cause. Ils ont toujours fait les gladiateurs à gages., et réduit en art ce qui ne tend qu'à la destruction, de la nature. Au lieu que, jusqu'ici, les duels n'ont été en usage que pour repousser les injures pàrticulières il semble que ces messieurs ne les aient recherchés que pour en faire au public surtout en cette dernière occasion" où ils ont violé la dignité de votre présence, les lois du royaume et la majesté de la justice, ou ils ont choisi Paris, un lieu public, la Place-Royale, pour joueè, à la vue de la cour, du parlement et de toute la France, une sanglante et fatale tragédie pour l'Etat. « Tacite dit que rien né conserve tant les lois en.leur vigueur que la punition des personnes èsquelles la. qualité se trouve aussi grande que les crimes. « Châtier pour des fautes légères marque plutôt le gouvernement de cruauté que de justice et met le prince en haine., et.non en respect. Et quand ou ne
châtie que des personnes de basse naissance, la plus noble partie se rit de telles punitions et les croit plutôt ordonnées pour les malheureux que, pour les coupables. Que, si l'exécution tombe sur ceux dont les qualités sont aussi connues que les crimes, le crime diminue la compassion de la peine, et la qualité ôte aux autres la volonté de se perdre parce qu'il ne leur reste aucune espérance de se sauver.
« Votre Majesté trouve en cétte rencontre ces deux conditions
« Les prisonniers appartiennent de près aux plus illustres maisons de ce royaume ;/un d'eux a rompu vingt-deux fois les édits, c'est-à-dire autant de fois qu'il a hasardé sa vie il a mérité de la perdre. «.Leurs crimes sont si publics que nul n'en peut improuver le châtiment, et l'extraction si bonne, qu'en ne .leur pardonnant pas vos édits 'seront dans un éternel respect.
« Il seroitmême à craindre quel'impuniténefit autre effet sur leurs esprits que de les rendre plus insolens, la raison ayant eu jusqu'ici si peu de pouvoir sur eux, qu'on,peüt, par les exemples du passé, conjecturer .qu'elle n'en aura pas davantage à l'avenir.
«Les grands, qui ont entrepris de les sauver, pourroient imputer leur salut à leurs instantes sollicitations plutôt qu'à votre bbnté et eux-mêmes seroient capables de leur rendre plutôt hommage de leur vie qu'à votre Majesté, qui ses-oit le vrai et seul auteur de leur grâce.
« Il est question. de couper la gorge aux duels ou aux édits de votre Majesté.
« La punition de ces messieurs sera un moyen convenable, quoique non infaillible, pour le premier effet, et la grâce un très-assuré pour le second. « Reste à voir s'il ne vaut pas mieux conserver grande quantité de noblesse par la punition de deux personnes de condition que d'exposer mille gentilshommes à leur perte par le salut de deux particuliers. ,« Au reste, il est à craindre et qui plus est à prévoir, comme chose assurée, que pour une ou deux personnés intéressées qui se plaindront maintenant de la sévérité du jugement qui pourra interve,nir, tous ceux qui perdront à l'avenir leurs frères leurs enfans,et leurs maris crieront bien davantage et imputeront leur sang à céux qui auront contribué à la grâce de ces deux criminels. « Et il y aura cette différence, que ceux qui se plaindrônt mainténant'le féront sans raison, au lieu que la plainte des autres sera accompagnée de justice.« Cependant il est impossible d'avoir le cœur noble etiri'être pas touché de leur misère leur jeunesse et leur courage émeuvent même à compassion leurs ennemis. .«Ceux qui sont éminèns en quelque qualité, quoiqu'ils en abusent, ne laissent pas d'en être' estimés, parce que l'abus se peut corriger et la chose revenir à son légitime usage.
̃ Il ne se peut jamais présenter une telle occasion pour faire voir votre bonté, tant de fois offensée par le mépris qu'ils ont fait de^ votre' autorité toute 'la France parle en leur faveur les grands à qui Boute;ville appartient, représentent qu'en lui sauvant la vie on conserve l'honneur de leurs familles.
« Les services de son père e,t de ses oncles, qui ont suivi les armes du feu Roi dans une religion contraire et dans un temps fort difficile, ne sont pas peu considérables.
« On doit à leur générosité le salut de Sentis et à, la défense de cette place la ruine de la ligué.
'«'On.' représente que Bouteville eut, au siège de Saint-Jean, un cheval trié sous lui pour votre service, ̃quïil fut enterré dans une mine à Royân qu'on le vit des premiers aux attaques de Ville-Bourbon, qu'il se signala en là dernière bataille navale gagnée par votre Majesté sur les ennemis de Dieu et'du repos dé Vos sujets. Oh dit que jamais il n'a rien fait contre les lois de l'honneur du monde, ni pensé à violer'celles dé l'humanité, n'ayant jamais exercé aucune cruauté contre ceux dé qui le sort dés armes avoit soumis la vie à sa « Oh ajoute que cet àppétit déréglé des combats est une maladie d'esprit, qui est maintenant en son, période, et dont il guérira par la maturité de'l'âge. « Mais ces raisons, pour parler nettement, si elles ne sont appuyées de votre bonté, émeuvent et ne per- suadent pas; elles ne servent qu'à faire condamner avec larmes ceux-mêmes dont on voudroit racheter la vie par son propre sang. « Bouteville, servant votre Majesté a fait ce qu'il a dû-, contrevenant à vos édits il a fait ce qu'il n'a pu vouloir sans crime. u Aussi n'allègue-t-on pas ses bonnes actions'pour l'exempter du châtiment des mauvaises; mais on eslime que votre Majesté qui est l'image du'grand
Dieu doit se gôuverner à son exemple, et qu'ainsi que la miséricorde est souvent émue par certaines actions qui ne sont capables de satisfaire à sa justice ainsi votre bonté peut être touchée de ce qui; n'est pas capable d'apaiser son courroux selon la rigueur de ses lois.
« Tous les politiques ont estimé que les plus signales services ne doivent pas être récompensés, en exemptant ceux qui les ont rendus', des peines qu'ils fcnt. depuis méritées par quelques notables crimes, parce qu'on ne le peut faire sans péril pour l'État, mais que telles récompenses doivent être faites par des grâces qui marquent la bonté du prince sans donne atteinte à sa justice. Cependant la philosophie chrétienne apprend et requiert quelquefois .que les rois en usent autrement.; Dieu pardonne à Salomon en considération de David son père.
« Il est vrai cependant que votre Majesté peut lui ,sauver la vie sans être justement blâmée. La miséricorde dés rois doit avoir quelquefois autant d'étendue que leur puissance.
« Les plus sévères ont souhaité ne savoir pas écrire, lors même qu'il étoit question de signer la condamnation de ceux-mêmes qui avoient attenté contre leurs .personnes et leurs Etats: nilail gloriosius rege impune Iceso. Il n'y a rien de si grand qu'un prince qui, étant offensé, veut pardonner, et qui, ayant moyen de châtier, se contente de le pouvoir faire. « Mais, comme cette action n'est pas propre qu'à des rois elle doit aussi venir de leur seul mouvement. Seulement peut-on dire que, s'il est vrai que les fautes de ce gentilhomme viennent d'une maladie, sa vraie
peine est une prison étant vrai que, comme l'échafaud est la peine des méchans la prison le doit être des frénétiques. « Encetétat, il ne pourra plus violer vos édits, et, ne pouvant nuire à votre autorité il servira de beaucoup à votre gloire.
« Entre les règnes des plus grands princes, les histoires remarquent pour les plus heureux ceux où il se trouve.plus de menaces que de supplices, plus de prisons que d'échafauds, plus d'emplois des prévôts que de bourreaux.' « N'user jamais de clémence donne occasion d'imputer à dureté et trop grande rigueur les actions mêmes dont la justice est accompagnée de modération non ordinaire.
« La commutation de peine de ces deux criminels ne diminue pas leur punition; ils auront la mort en désir, et la vie en supplice.
« Les parens demeureront satisfaits, parce quel'infâmie qui touche leurs maisons en sera ôtée et que la punition. ne tombera que sur les coupables. « Le parlement ne se pourra plaindre avec raison, parce, qu'il ne s'agit pas d'une absolution mais d'une commutation de peine la mort passe en un instant, la mémoire des crimes emporte celle de leur châtiment, au lieu qu'une prison perpétuelle fournit un exemple de justice aussi bon que sa «durée. » Ces raisons furent considérées et soigneusement pesées par Sa Majesté; mais les premières emportèrent la balance l'amour que le Roi portoit à son État prévalut à la compassion de ces deux gentilshommes. Partant, le parlement les ayant jugés et condamnés à
la mort, l'exécution de leur arrêt ne fut, point empêchée. Mais il faut remarquer qu'en l'arrêt que la cour donnoit contre eux, il y eut trois choses bien. injustes et qui offensèrent le Roi l'une c'est que, condamnarit les deux prisonniers ils osèrent absoudre la mémoire du mort pour ce qu'il étoit fils de la femme du président de Mèsmes; l'autre est qu'ils ne confisquèrent que le tiers du bien que les lois ordonnent être confisqué tout entier. En quoi ils donnoient à connoître qu'ils ne faisoient justice d'eux qu'à regret. En troisième lieu ayant donné l'arrêt de mort ils firent différer l'exécution jusqu'au lendemain, ou pour obliger le Roi, co ntre sa volonté, à se laisser aller aux instantes supplications qui lui seroient faites de leur pardonner, ou pour.le charger de l'ennui et de la haine de leur-mort.
Le,Roi trouva ce procédé insupportable,' et remarqua qu'ils faisoient paroître leurs mauvais desseins en toutes occasions.
Absoudre la mémoire d'un mort, et condamner un vivant pour le même crime montre leur injustice. Modérer la confiscation du bien qui devoit être entière au tiers, montre que les lois ne leur sont règles qu'en tant que bon leur semble, et qu'ils ne veulent pas seulement avoir l'exécution des lois, mais le pouvoir qui n'appartient qu'au Roi de faire et les changej pomme bon lui semble. Suspendre un jugement contre toute coutume en la présence de Sa Majesté, fait voir clairement qu1,ils veulent partager les grâces avec celui qui les doit faire, ou le charger de haine s'il ne le fait pas et ce dessein est si clair.qu'ouvertement on le disoit ainsi dans Je palais.
Au reste, un président, dès le soir auparavant, avoit promis la surséance qui a été donnée ce qui montre 'que cela avoit été concerté. Il fait bon d'être parent de M. de Mesmes. Le jour de devant on disoit publiquement dans l'antichambre de la Reine, que le parlement avoit fait le Roi, et que si on passoit à l'exécution le Roi feroit le parlement.
Un des parens même se lâcha à dire ce qu'on pouvoit faire auprès d'un Roi où on ne trouve ni clémence ni argent. Qui ne voit que le parlement mé,rite une touche si la bonté du,Roi ne le retenoit de la lui donner?
Qui voudra connoître la raison l'équité, et les bonnes intentions qui se trouvent en cette compagnie, doit considérer qu'ils, firent difficulté' de vérifier l'édit quand il fut fait, parce qu'il étoit trop doux, et -qu'à l'exécution ils en modèrentnon-seulement les peines mais font ce qu'ils peuvent pour les annuler. L'infâme genre de mort qu'ils furent contraints de subir, n'empêcha pas qu'ils ne fissent tout ce qu'ils devoient pour faire que leurs dernières actions la rendissent honorable. Jamais on ne vit plus de constance, moins d'étonnement, plus de force d'esprit plus de cœur en ces deux gentilshommes ils parurent et répondirent au parlement sans se troubler. Le comte Deschapelles lui parla avec éloquence et déchargeant son cousin autant qu'il lui fut possible en se chargeant lui-même.
On ne remarqua rien de foible en leurs discours, rien de bas en leurs actions. Ils recurent la nouvelle de la mort avec même visage qu'ils eussent fait celle de la grâce. Trois jours auparavant leur condamna-
tion ils s'étoient préparés a bien mourir il avoient quitté- les pensées de la terre pour élever leur esprit au ciel; ils redoublèrent leur soin à celte' nouvelle; leur repentir toucha le cœur de tous ceux qui en eu.rent connoissance ils offrirent vingt fois à Dieu leur ̃vie pour expiation de leurs fautes témoignant à tous momens estimer leur sang justement épandu, et heureusement, s'il pouvoit affermir et cimenter l'autorité royale, éteindre l'ardente rage des duels et guérir la frénésie des hommes qui, par cette voie, se sont jusqu'ici donnés à troupe au diable, au lieu de suivre, servir et se consacrer au grand Dieu.
En un mot, ces deux gentilshommes finirent leurs jours en tel état, que Tévêque de Nantes et ceux'qui les assistèrent à la mort soùhaitoient d'être en même état lorsqu'ils seroient prêts à comparoître devant Dieu. Il y eut cette différence entre eux Bouteville parut triste en cette dernière action, et le comte Deschapelles joyeux Bouteville triste, pour les fautes Le conzte Deschapelles joyeux: Ce seigneur^, la veille de sa mort, entreprit de consoler la jeune épouse de Bouteville, il lui écrivit la lettre suivante
a Madame ma chère cousine, si vous aviez moins de vertu je n.'entreprendrois pas, dans un déplaisir extrême comme le vôtre,'de « vous donner des consolations. Vous avez perdu tout ce que vous pouviez perdre, mais toute la France perd avec vous. Il étoit jeune, « mais il ne pouvoit plus acquérir d'honneur dans le monde. Qu'atten- « diez-vous autre chose de son courage qu'une fin précipitée qui eût « perdu le corps et l'ame? Vous ne l'auriez possédé que dans de continuels périls et Dieu, qui, par miracle, a toujours conservé sa vie, « vousdonne cette puissante consolation, qu'il le vous ôte pour le prendre «pour lui. Réjouissez-vous-en, madame, au moins si vous l'aimez,comme j'en suis très-assuré, Que votre .déplaisir ne vous 'fasse pas « abandonner vos enfaus qui ont besoin d'être élevés sous.votre aile « apprenez-leur ce que vous savez si abondamment, à vivre dans le « monde avec tant de vertu. Ne changez pas, votre condition, si vous
qu'il avoit commises, 'et l'autre joyeux pour l'espérance qu'il avoit d'être bientôt en paradis où toute joie abonde. • Toute la France vit en cette action mourir par l'ëpée la plus infâme du royaume ceux qui en avoient toujours eu-de si bonnes, qu'il n'y a personne qui se puisse offenser si on dit qu'il n'y eh avoit point dé meilleures au monde. On vit mourir comme des saints ceux qui avoient vécu en diables on vit servir à l'extinction des duels ceux qui n'avoient eu autre soin que de les fomenter.
i. Tant de «combats que ce gentilhomme avoit faits sans être puni, fit que Sa Majesté se lassa de la pun'ilion que recevoient les enfans de M. le maréchal de Sehomberg pour un simple soupçon, et-, en cette considération, prit résolution de lés rappeler. » Tandis que le point d'honneur portoit les seigneurs de la cour' mépriser leur vie, la mort n'épàrgnoit pas eelle dés plus grandes princesse. La duchesse de La Valette sortit dé'ce mondé lé 29 avril', avec ce malheur pour son mari, qu'en perdant une femme le'bruit commun' lui donna là réputation d'être devenu veuf plus par art que' par nature ce qu'on ne croit 'pas: '•̃̃•̃ Mais, lé 4 juin il' arriva un accident bien plus déplorable, et bien plus préjudiciable au bien de cet Etat, en la personne de Madame, qu'on vit eiï dix mois femme d'un grand prince, belle-sœur des trois «'voulez être la' plus estimée femme de votre siècle, comme M. votre «' mari des hommes. Chère cousirié, je vous fais part 'de la consolait, tion que j'ai de lui faire compagnie, et vous recommande-de tout «.mon cœur ma pauvre mère. Dieu la veuille btnir et vous copsol«r « Je suis, etc.
premiers et plus grands rois de la chrétienté, mère et morte tout ensemble..
Cet accident fut déploré de tous les gens de bien. Monsieur se vit en-un instant privé d'une princesse infiniment vertueuse.; la Reine d'une fille dont elles n'avoit désiré être mère que pour le salut de l'Etat le Roi, d'une sœur qui lui promettoit des enfans et des neveux tout errsemble, et par conséquent assurance de sa personne et de son royaume. Les ennemis de l'Etat reçurent, en cette occasion de la joie des larmes publiques.
Cette princesse avoit sucé dès son enfance la vertu avec le lait; la piété' de sa mère, connue à tout le monde; avoit toujours été un bon augure de la sienne qui a depuis paru en toutes occasions, n'y ayant personne qui ne soit contraint d'avouer que, comme la pureté de sa vie est un vrai exemple de celle qu'on doit mener dans les grandeurs du monde, la brièveté d'icelle est une bonne instruction du peu d'état qu'on doit faire des vanités de la terre.
Incontinent que la nouvelle de cette mort fut arrivée en Espagne le comte d'Olivarès remit de nouveau en avant la proposition qui avoit été faite par eux dès auparavant le mariage de Monsieur de le marier avec une des filles de l'Empereur, regrettant qu'il n;y avoit en Espagne une autre Infante pour la lui donner.
Il fit instance au Fargis d'en écrire en France pour savoir la volonté du Roi, et, passant .plus outre, lui dit que si-Dieu-bénissoit, ainsi qu'on pouvoit espérer, l'union de ces deux couronnes, on trouveroit aisément partage à ces jeunes princes aux
dépens des ennemis de Dieu et de ces coursonnes. Le Fargis répliqua que ce marché-ci n'étoit pas à faire sur des espérances, et que d'attendre que ces desseins et progrès eussent effet, on n'en avoit eri France, à son jugement, ni le dessein, .ni le loisir, Il consentit à sa réponse, et dit que, pour ce sujet, il n'avoit pas voulu parler de la sorte dans le fort de la conférence; mais que, comme hors d'oeuvre, il. n'étoitpas mal à propos de faire ces considérations. Mais comme on savoit en France l'esprit avec lequel il faisoit cette proposition, on n'y fit pas de fondément. Au même jour de la moet de cette princesse, le Roi fit arrêter un nommé Fancan pour lui faire expier une partie des crimes qu'il avoit commis.
De tout temps il s'étoit déclaré plus ouvertement que ne pouvoit un homme sage, ennemi du,temps présent; rien ne le contentoit que des espérances imaginaires d'une république, qu'il formoit selon le déréglement de ses imaginations.
II n''en voùloit pas seulement au temps, mais à l'éternité, toutes les apparences faisant croire qu'il n'avoit point d'autre dieu que sa folie.
Toutes ses fins étoient mauvaises et les moyens dont il se servoit pour y parvenir, détestables et méchant; il n'y avoit point d'injuste et cruelle imagination propre à changer fétat des affaires, qui ne lui passât une fois lé jour en son esprit.
Son exercice ordinaire étoit de composer des libelles pour décrier le gouvernement de rendre la personne du prince contemptible les conseils odieux exciter à sédition, à chercher de beaux- prétextes 20.
pour troubler le repos de 1 Etat et sous le nom. ae bon .Français, procurer la.perte du royaume. Le parti huguenot.lui étoit en si grande recommandation, quoiqu'il fût ecclésiastique, que tous ceux qu'il estimoit être bons catholiques lui étoient en horreur.
En cette considération, il avoit pris de tout temps intelligence avec les protestans étrangers auxquelsil servoit de. fidèle espion d'autant plus à craindre que sa condition le rendoit moins suspect.
Il' se servoit énvers eux de l'entrée qu'il avoit en diverses maisons des ministres,.pour, sous prétexte de bons àv.is, leur donner 'de fausses alarmes pour les armer contre l'Etat. Comme sectateur du diable, jamais la'vérité' n'é toit dans sa'bouche, et ses faussetés n'avoient autre but que, de semer.des divisions entre les personnes dont' l'union étoit nécessaire pour la paix de, l'Etat. Sa malice a été jusqu'à ce point, que. de chercher toutes sortes d'artifices, pour séparer ^en la maison royale, ce que la nature et le sacrement avoient étroitement uni.
Le Roi se résolut de châtier justement un sivméchant homme par un supplice conforme à.son crime mais le cardinal:, dont les conseils vont toujours à augmenter les récompenses des services: et diminuer la punition dés. fautes supplia. très.-humblement Sa Majesté de se contenter d'en arrêter le malipar l'emprisonnement; de. sa personne: i Lest Hollandais firent-en,ce;tenips:là»unei ouverture d e reno uvéllem en t 'd'alliance plus étroite: avec 1 e Roi comme ils avoient accoutumé les deux:ou trois années
'précédentes :mais une difficulté les ârrêtoit- toujours, qui étoit. qu'ils ne vouloient pas s'obliger à ne faire paix ni trêve avec les Espagnols sans le consentement de Sa Majesté. Ils vouloient bien s'astreindre a ne la pas faire, sans sa participation, communication et avis, mais ils ne vouloient pas exprimer le mot de cpnsentement, ains seulement que, s'ils, la faisoient sans son consentement ils lui rendroiënt le million que tous les ans il leur envoyoit pour.les assister.
Le conseil du cardinal sur ce sujet, fut que mes- sieurs les Etats s,e trouvoient fermes au traité qu'ils désiroient, faire avec la France, pour trois raisons: ou pource qu'ils avoient envie de faire ta trêve avec l'Espagne ou parce qu'ils appréhendoierit que nous voulussions les embarquer la guerre avec les Anglai's, ou parce qu'ils se prévaloient de la brouillerie qui étoit entre nous et lesdits Anglais, et'qu'ils:pen- soient que nous avions affairé d'eux.- Que nulle de' ces raisons n'étoit valable pour les empêcher de 'passer ce que Sa Majesté désiroit; car, s'ils vouloient faite la trêve, au lieu de leur nuire on leur aideroit ̃ Qu'ils ne devoient pas craindre que'par le traité nous les embarquassions la guerre avec les Anglais, parce qu'il n'en portoit rien ni directement, ni par conséquence Qu'ils ne devoient pas aussi faire plus les renchéris, pour être comme nous étions avec les Anglais parce que, outre que les traités que tious avions avec eux les obligeoient, pour le tempsdeleurdurée, àuncontrèsecours, quand même ils seroient finis la nature de leurs' affaires ne leurpermettoit pas de jouer autre jeu
.entre les Anglais et nous que celui de -neutres-, ce qui- nous suffiroit en tel cas, joint que nous n'ignorions pas que messieurs des Etats connoissoient trop la différence des secours qu'ils ont reçus -de France au' respect de ceux d'Angleterre, pour ne;pas faire pencher leur affection de notre côté
Que le Roi seroit toujours prêt de les secourir quand ilsenauroient besoin; qu'il contribueroit volontiers à quelque dessein qu'ils eussent, pourvu qu'il leur fût avantageux 5
Que s'ils vouloient et pouvoient faire une bonne trève, Sa Majesté en seroit bien aise, y interviendrait, et les assisteroit volontiers s'ils le désiroient ainsi; mais que de faire un traité avec ,eux par lequel .il s'obligeât à .grande dépense pour les maintenir sans.que réciproquement ils fussent obligés à ne faire point de trêve sans son intervention et son consentement, il ne le pouvoit et ne;le fëroit point; Que s'ils vouloient passer le traité tel qu'il l'avoit envoyé Sa Majesté donneroit pouvoir à. son ambassadeur, de le faire; que s'ils ne l'estimoient pas à propos il ne leur pouvoit dire autre choses, sinon que quand ils auroient besoin de son secours il les recevroit à le demander, se conserverait cependant la bonne volonté qu'ils sauroient .désirer pour leur bien et avantage sans s'engager à aucune chose par traité que le Roi ne prétendoit aucune parole ni condition dans le 'traité. qui leur pût préjudicier, et que celle qu'il désiroit, par laquelle ces messieurs s'engageassent à ne faire point de trêves sans le consentement de Sa Majesté, étoit ordinaire entons traités quisefont entre égaux, lesquels 'sou=
vent s'obligent clairement à ne pouvoir faire certaines choses portées par les articles passés entrè'eux sans le consentement l'un de l'autre.
Le Roi s'obligeoit àne pouvoir, tant que messieurs les Etats seroient en guerre manquer à leur fournir en don un million de livres, et eux s'obligeroient à iie pouvoir. traiter de trêves sans son consentement. Qu'au reste, l'alternative qu'ils présentoient, que s'ilmanquoit aux conditions portées, dont celle ci-,dessus est une ils en seroient quittes pour devoir rendre à Sa Majesté l'argent qu'il leur auroit donné comme s'ils l'avoient reçu en prêt, les garautiroit de l'inconvénient qu'ils auroient à craindre de la clause que nous désirons vu que par icelle ils se résérveroient le pouvoir de faire la trêve sans le consentement du Roi, en lui rendant l'argent qu'il leur auroit donné. Que cet article avoit si peu de difficulté en soimême, que M. Aersens l'avoit donné par écrit, couché comme il est dans le traité, et que feu M. le prince d'Orange, qui étoit fort entendu et zélé au bien de messieurs les Etats manda au même temps que si on ne pouvoit passer le traité sans cette condition, il ne laissât pas de le faire. Toutes ces raisons enfin n'eurent point d'efl'et; les Hollandais ne voulurent. rien conclure que simplement une ligue défensive nos divisions avec l'Angleterre, et peut-être la connoissance qu'ils avoient de'la part des Anglais qu'elles devoient passer plus avant les en empêchoient.
Cependant le roi d'Angleterre dépêcha, au mois de mars, Montaigu en Lorraine sous divers prétextes mais en effet pour sonder l'esprit de ce duc, et re-
connoître s'il seroit capable d'entreprendre quelque chose contre le Roi, lui proposant qu'il y seroit aidé de plusieurs grands et princes du royaume, du parti des huguenots et que' d'autres princes étrangers y prendroient part aussi.
Le due de Lorraine, ardent et jeune, vain.etinex-. périmenté., se proposant follement de grandes conquêtes reçut cette ouverture avec affection et promit d'y faire de sa part plus que personne. ̃• .La .duchesse de Chevreuse, qui n'avoit pas peu de puissance sur lui, poussa dans le précipice ce jeune, prince que déjà sa vanité y.avoit ébranlé.' Nous avons dit le sujet pour lequel elle s'étoit- re-, tirée de la cour en Lorraine où elle n'eut pas fait longue demeure, que le Roi ne reçut avis qu'elle étoit préjudiciable à son Etat: • ̃ Son mari s'y en alla et l'en fît partir dès le mois d'avril .et retirer à Bar, d'où encore elle fut peu' de mois après rappelée pour s'en retourner par la Bourgogne en Auvergne dont son mari étoit gouverneur. Mo.ntaigu en partant de Lorraine s'en alla en Savoie, où étoit l'esprit le plus remuant .de la cabale, qui se reconnoissoit lui-même pour être l'auteur de tous les troubles, etqui avoitavecluilecomtedeSoissons,qui pour sa qualité étoit un moyen puissant àfaire mal, et, déçu par de mauvais,esprits, étoiten dessein de le-faire. On avoit su nouvellement-, par Vieuxpont, que .ledit sieur comte tenoit.chez lui de mauvais discours, qui témoignoient qu'il étoit ulcéré contre le gouvernement
Que le chevalier de Senneterre oyant quelqu'un qui disoit à M. le comte que le Roi ne vouloit plus
que les arrêtes du Dauphiné fussent expédiés. sous le nom du gouverneur «Oh oh dit-il, ce petit prince est donc, bien en colère? » mais avec une 'façon de mépris qui servoit à donner l'interprétation -à, ces mauvaises paroles-, Que lui même avoit un manifeste que le père Martin, jésuite confesseur de NI.. le comte, lui avoit conseillé de faire
Que ledit père parloitavec grande chaleur des.affaires présentes, et fort licencieusement des ministres; Que' la société feroit ce qu'elle pourroit pour. le service dudit sieur 'comte et qu'un ministre.dont il redoutoit,la puissance avoit tort de Jui avoir, ravi mademoiselle de Montpensier.pour la donner à Monsieur qui n'en vouloit point.
Et passant plus avant, il dit encore que Sennèterre voulant parler à son maître en particulier comme on fit sortir un chacun étant demeuré le dernier, il entendit en sortant que Senneterre dit à M. le comte qu'il ne [fallait pas, qu'il espérât .plus,de contentement tant que cethomme seroit au monde, parlant du cardinal.. Que le chevalier de Seuneterre lui dit encore, qu'ils étaient comme les joueurs qui avoient plusieurs coups à faire, dontcelui-là étoit le dernier,,parlant d'assassiner le cardinal.
Que. Coquet, frère du contrôleur général, lui.en avoit dit autant, Tout.cela témoignoit une mauvaise disposition.en M. le comte, laquelle s'augmentoit par les inductions du duc de Savoie en qui. les Anglais pour ce sujet, avoient mis leur principale espérance.
Montaigu y alla, et lui ayant Communiqué ce qu'il
avoit fait avec le de Lorraine, lia la partie contre la France.-
De là il -passa à Venise pour l'y induire aussi et pour ne rien oublier il avoit eu même, en passant en' France, quelques pourparlers avec les huguenots. Le duc de Lorraine faisant comme ces méchans juges qui exploitant mal écrivent bien incontinent après avoir tramé cette trahison contre la France prit la poste le 18 avril, et s'en alla trouver le Roi Paris pour l'assurer de sa fidélité.
Cependant les Anglais, qui n'avoient pas seulement de quoi fournir aux dépenses ordinaires de la maison du- roi et de la reine d'Angleterre," qui avoient, dès dix-huit mois auparavant, engagé les bagues de la couronne aux Hollandais pour payer une partie' de ce qu'ilsfournissoient par mois au roi de Danemarck, qui avoient été contraints de faire une cueillette en leur Eglise pour payer le salaire des officiers de la Reine qu'ils renvoyèrent en France et qui avoient -tellement perdu leur crédit. partout que ni dedans ni dehors leur État, ils ne pouvoiènt trouver d'argent pour le Roi, se saisirent injustement de tant de vais"seaux français, qui de bonne foi, sur la créance de'la paix, relâchoient en leurs ports ou approchoie.nt de leurs côtes pour suivre leur route, que par la vente des marchandises qu'ils en firent ils tirèrent une somme assez notable pour, avec tout le bien de Bùckingham qu'il:-y engagea, équiper une armée de mer et venir descendre en la côte de France. Le bruit de cette descente donna à penser au Roi on avoit avis que leur dessein étoit de faire descente en Guienne et en Poitou y étant conviés par lés re-«
belles du. royaume, et notamment par ceux de La Rochelle qui-avoient intelligence secrète avec eux. Sa Majesté, sur ce bruit, résolut d'aller en ces provinces-là pour empêcher leur entreprise.
Il fit, de plusieurs,endroits de son royaume, venir des régimens de gens de pied et des compagnies de chevau-légers ès quartiers du bas Poitou, pour les tenir prêts de se rendre promptement aux lieux où les Anglais âborderoient, avec résolution de s'y en ^aller lui-même, et mener M. le duc d'Orléans son frère, auquel il donna dès lors la charge de lieutenant général de son armée.
Sa Majesté partit de Paris le i5 juillet 1627 pour aller coucher à Beaulieu, où Sa Majesté.fut surprise d'une fièvre tierce, ensuite de laquelle elle se fit porter le lendemain à Villeroy. Elle fut suivie de plusieurs accès, et dégénéra en double tierce dont les redoublemens furent accompagnés de périlleux' accidens; ce qui donna occasion d'envoyer NI. le duc. d'Angoulême en Poitou, avec une armée de dix mille hommes, pour tenir le pays en sûreté.
Il ne fut pas plutôt parti qu'il arriva un courrier à Escharcon, qui apporta la nouvelle au cardinal que l'armée anglaise avoit passé le Conquet; et peu de temps après, en arriva un autre de la part de >“ M. de Toiras qui donna avis qu'elle étoit arrivée à la rade de Ré, assurant que si lés Anglais s'adressoient à lui il les recevroit en homme de bien étant préparé à cela et ajoutant qu'il craignoit fort. qu'ils n'eussent pas le courage de s'attaquer à lui, y ayant apparence qu'ils donneroient plutôt à Brouage, tOleron, ou vers la rivière de Bordeaux. Les batailles
navales que le Roi gagna contre les Rochélois lui firent connoître la nécessité qu'il avoit de l'île de Ré pour mettre La Rochelle à la raison (1); et pour cet effet Sa Majesté y fit faire deux forts
L'un sur, le bord de la mer, proche le bourgade' Saint-Martin, à la rade qui .en porte le nom; l'autre, dit le fort de La Prée, au lieu dit La Baie, bornant la rade de La Palisse.
Le Roi apporta un grand soin de faire diligènter la construction de ces forts, et fit donner au sieur de Toiras, selon la confiance que Sa Majesté avoit en ,lui; tout ce qu'il demanda, qui monta en divers ordres jusqu'à près de 4ôo,ooo livres en l'année 1626, pour faire promptement dépêcher le tout, et pourvoir lesdites places de toutes munitions et choses nécessaires, dont Sa Majesté se voulut fier audit sieur de Toiras, lui faisant délivrer ces sommes par Contans, pour faire faire les ouvrages et provisions lui-même ,à sa diligence, afin que la longueur fréquente -et souvent ennuyeuse et dommageable des officiers né pût donner prétexte au retardement. Pour mettre La Rôchelle a la raison: Richelieu, dans un de ses ouvrages, composé vers la fin de sa vie, et intitule' -Méthode la plus- faéile et la plus assurée pour convertir ceux qui se sont séparés de l'Eglise, prétend que la première idée du siége de La Rochelle lui vint bien avant qu'il fût ministre: Il y a plus de trente ans dit-il qu'é« tant attaché aux fonctions de t'episcopat dans le diocèse de Luçon «près de La Rochelle, je pensois souvent, dans une profonde paix, « aux moyens de rendre cette place à l'obéissance du Roi. Ces pensées passoient alors dans mon esprit comme des songes ou de vaines imaginations. Mais Dieu ayant voulu depuis que l'on entreprît ce qui ne «'m'avoit semblé autrefois que des chimères, et que l'on attaquât cette « place pour lâ réduire son devoir, je pensois, durant ce siège, S « 'retirer dé l'hérésie par la raison ceux que le Roi retiroit de la rëbel« lion par la force.
Sa Majesté ayant, avec tant de soin, fait fournir tout ce qui étoit nécessaire pour la conservation de cette place, on ajoutoit facilement foi aux assurances que le sieur de Toiras donnoit par ses lettres car on n'eût jamais cru qu'elle eût été si dépourvue de tout ce qui étoit nécessaire comme il se trouva qu'elle.étoit, vu que, outre que M. de Toiras assuroit par ce même courrier qu'il ne craignoit qu'on l'attaquât, il avait reçu peu auparavant 100,000 liv. pour faire mettre, dans la citadelle quantité de munitions de guerre et de bouche, même qu'il pouvoit prendre celles qui étoient dans le bourg Saint-Martin, qui en étoit bien fourni.
Le 20 juillet, environ les six heures du matin, on vit de l'île de Ré quelque dix-huit ou vingt voiles du côté des Sàbles-d'Olonne.
L'on estima au commencement que ce fussent vaisseaux dunkerquois: qui attendissent une flotte de Flamands qui étoit pour lors en rade; mais, les voyant approcher,peu à peu, et le nombre des vaisseaux grossir, sans que les Flamands en prissent alarme, on jugea bien qué. c'étoient Anglais, dont oh fut assuré quelque temps après, qu'ils furent. mouiller tout le jour à la rade au nombre d'environ six vingts voiles; le surplus de:farinée descendit vers le fort de La Prée, et passa toutle jourà tirer force coups de car¡on contre' ce fort..
Le 21 le duc de Buckingham, général de cette armée, étant encore à la rade de l'île de Ré', fit'un manifeste (1) par lequel.il excusoit l'infidélité de son (O.Fjt un jiianijfiste et tpuis XIII,, en répondant. à ce manifeste; 1 dit Anbery, prédit au roi de la Grande-Bretagne une partie du
entreprisse, et essayoit de lui donner quelque prétexte spécieux, qui étoit que le Roi son maître étoit le protecteur et défenseur des prétendues églises réformées, à l'exemple des rois ses prédécesseurs qu'il avoit contracté l'alliance avec le Roi pour les maintenir en France, qu'on en avoit abusé au contraire pour les détruire à la bataille de Ré avec leurs propres vaisseaux; qu'il avoit ensuite moyenné la paix avec eux, laquelle nous n'avions observée, n'ayant fait démolir le fort de Saint-Louis près La Rochelle; que toutes ces choses l'avoient obligé d'armer et faire descendre son armée en.Ré pour venger cette injure.
Ces'raisons parurent frivoles ajoute la chrétienté comme elles- étoient; le traité de mariage de Madame avec lui faisoit foi quel en avoit été le dessein il y étoit promis soulagement aux catholiques d'Angleterre, et n'est fait aucune mention des huguenots de France. Le Roi s'est servi contre les Rochelois de leurs, vaisseaux de leur bon gré, et en les payant bien chèrement, et n'a point employé leur entremise pour faire recevoir la paix à ses sujets, et n'a à répondre à personne qu'à Dieu du traitement qu'il leur faisoit.
Le 22 dudit mois, à la marée du soir, ils vinrent Il la pointe de Samblanceau où avançant leurs vaisseaux près de terre, à laquelle ils tournoient le côté ils commencèrent leur descente.
Samblanceau est un bras de terre s'étendant en' « malheur qui lui est depuis arrivé lui représentant les révolutions et a disgrâces de fortune où étoit tombé l'électeur Palatin pour avoir «e suivi de mauvais conseils. »
mer, ue mille ou douze cents pas de long et trois cents- pas de large à l'extrémité duquel pour aller où ils faisoient leur descente, il falloit que les nôtres fissent six ou sept cents pas à découvert, et essuyassent toute la mousqueterie et les canonnades de leurs vaisseaux qui portoiént plus de deux mille canons, et au retour encore il falloit passer le même péril; car de demeurer là, qui est un lieu sans aucun abri, il n'étoit pas possible.
Le sieur de Toiras, qui commando! dans l'île et dans les forts pour le Roi doutant que l'ennemi fit feinte de vouloir descendre là pour y attirer les nôtresavec un si grand désavantage, ét eût dessein de descendre en quelque autre lieu, divisa ses forces, établit cinq compagnies dans le fort Saint-Martin une en l'île de l'Oye, quatre en Ars, avec la moitié de sa compagnie de chevau-légers, et s'achemina avec le reste de son régiment et de sadite compagnie, le 'régiment de Navarre et bon nombre de volontaires, vers Samblanceau, où il se mit derrière de petites dunes il avoit bien huit cents hommes de pied et deux cents chevaux, et disposa la cavalerie en sept escadrons afin qu'étant divisés'en plusieurs troupes, ils fussent moins en prise au canon des ennemis.
Quand il vit que les Anglais avoient mis deux mille hommes en terre et continuoient toujours à y en porter dans leurs chaloupes, étant lors assuré que c'étoit le lieu choisi pour leur descente, il commanda à cinq escadrons de donner et commencer la charge; l'infanterie devoit suivre, et les deux escadrons restant avoient ordre de lé soutenir.
Ces cinq escadrons étoient partis au pas; mais le
péril leur fit bientôt prendre le galop, et incontinent on alla à toute bride.
L'on étoit tellement pressé du canon qui tonnoit de 'tous côtés que la plupart des nôtres étoient hors de combat avant qu'être à l'ennemi; qui étoit tué, qui blessé qui n'avoit point de cheval ils- entrèrent néanmoins dans les bataillons ennemis et les attaquèrent si courageusement qu'ils les repoussèrent jusque dedans l'eau; mais, ne voyant ces premiers suivis de personne, ils se rassurèrent.
L'infanterie donna, mais tard car elle ne pÓúvoÍt aller vite dans le sable, et les deux escadrons qui avoient ordre de la soutenir, ne vinrent point à cause que l'étonnement étoit tel, que Tôiras oublia de leur donner le signal qui avoitété 'accordé de leur faire. Ainsi les nôtres se reticèrent et perdirent l'assurance d'empêcher leur descente. Les mousquetaires, dont ils avoient bordé leurs vaisseaux, et qu'ils avoient loges sur les hunes des navires, et les coups' dè canon à cartouches qu'on tiroit sur les nôtres, -les mettoient bien plus en peine que les ennemis qu'ils avoient en Nous y perdîmes de la cavalerie, Rostinclair, frère de Toiras, Chantal, Navailles et plusieurs autres gentilshommes et chevau-légers jusqu'au nombre desoixante, et environ cent-cinquante soldats.
Les ennemis y perdirent quinze officiers principaux de leur armée et beaucoup d'autres lieutenans et enseignes dont les nôtres emportèrent un drapeau, et plusieurs volontaires qu'ils estimoient beaucoup. Entre les autres, ils regrettèrent fort Saint-Blànéard'; du Languedoc, homme dont la mémoire sera à
jamais en malédiction, qui avoit fait le voyage pour le duc de Rohan en Angleterre et perdirent cinq ou six cents simples soldats: Aussi témoignèrent-ils bien qu'ils avoient fait une grande perte car ils n'avancèrént jamais un pas après les nôtres, ne voulant point abandonner l'abri de leurs vaisseaux ains craignant qu'au lendemain On revînt à eux et qu'on les voulût encore combattre avecle reste des forces, comme nos soldats avoient crié. Le lendemain, 23 juillet, ils achevèrent leur descente jusqu'à huit régi.TÎei's de mille hommes chacun; et, soit qu'ils ne Ressent pas bien assurés soit qu'ils ne sussent pas user de la victoire et bon succès qu'ils avoient eu en prenant terre, soit la crainte que l'on retournât à eux, soit que la Providence divine sontfrît cette'entreprise pour la confusion de ceux qui la faisoient, et de ceux qui fondoient sur cela l'ëiécution,des desseins qu'ils avoient de mettre le feu par toute la France, ils employèrent quatre jours à reconnoître l'île, sans faire plus grand chemin que jusqu'au bourg de La Flotte. Le 28 ils allèrent à Saint-Martin où ils /entrèrent sans résistance.
Je ne puis ici oublier une action de valeur digne d'une éternelle louange, qui est que, les Anglais s'approchant de Saint-Martin, le sieur Despoulains, con-^ sidérant leur ordre, vit trois hommes à soixante pas de leur gros les va combattre et les tua tous trois avec étonnement de leur armée.
Le Je Roi étant au fort de sa maladie arriva un courrier dépêché par le marquis de Brézé qui apportoit toutes ces nouvelles.
Le cardinal ne jugea pas qu'on en dût rien faire savoir au Roi en l'état où il étoit, de peur que cette nouvelle n'accrût sa maladie, et plus encore le mal de la France, nous éloignant d'autant plus des moyens d'y remédier. Il est vrai qu'il falloit donner des ordres si puissans et si prompts pour pourvoir à cet oragé, que cela méritoit bien qu'ils vinssent de la personne même du Roi, vu que, si les affaires n'eussent pas heureusement succédé on eût dit qu'on eût oublié quelque chose de ce qui s'y pouvoit faire, et que, si le Roi en eût été averti, il y eût mieux pourvu. Mais le cardinal, qui sait qu'un serviteur (t) ne fait compte de soi à l'égard de son maître, ayant à hasarder sa fortune et sa réputation ou la personne du Roi, aima mieux se mettre en péril d'être blâmé ou ruiné en bien faisant' que, pour se garantir, faire aucune chose qui pût être occasion de rengréger la maladie de Sa Majesté. Mille soins le travaillent et l'agitent en son esprit; mais le plus grand de tous, et qui lui fait plus de peine, est de faire paroître au Roi qu'il n'a point de peur, afin que de là il ne puisse faire jugement de ce qui est arrivé.
Il est tout le jour auprès de sa personne; la nuit le plus souvent-il ne l'abandonne point. Il a néanmoins toujours l'esprit occupé aux ordres, que, d'heure à autre, il donne à la dérobée pour secourir l'île, et faire que les Anglais n'y puissent venir à bout de ce qu'ils prétendent.
Ce qui l'étonné èt'l'afflige le plus, est qu'avec la (i) Qui sait qu'un serviteur: Dans le manuscrit il y avoit d'abord protecteur. Le mot serviteur est substitué de la main de Richelieu.
nouvelle de la descente des Anglais, on lui mande qu'il y a disette de toutes choses dans les forts de Ré, et que, s'ils,ne sont secourus promptement, ils sont perdus.
Le fort de Saint-Martin, commencé à construire depuis treize mois, sans que le Roi y eût épargné aucun argent, étoit lors du combat en tel état, que trente hommes de front pouvoient entrer par la porte. Il n'y avoit sur les bastions ni p'arapet ni barrique; il n'y avoit pas un muid de vin, nulle viande, peu de farine, et du biscuit seulement pour vingt jours; il y avoit du blé pour plus de deux mois.
On avoit fait fournir au sieur de Toiras dès l'an 1626, comme nous avons dit, 1oo,o0o livres pour les munitions de guerre. Et, bien qu'il fût ordonné qu'on enverroit un lieutenant de l'artillerie pour passer les marchés, ledit sieur.de Toiras ne le voulut souffrir, et les passa lui-même, disant qu'il feroit les choses bien meilleur marché et néanmoins il se trouva qu'il n'y en avoit point.
Il avoit su la descente des Anglais trois mois auparavant, et, comme si c'étoitassez de parler, il se contentoit de se vanter qu'il ne manquoit -de rien, et de refuser l'assistance de tout le monde, disant plusieurs fois au sieur de La Rochefoucauld que, si les Anglais alloieni à lui, il se lieroit un bras, qu'il n'avoit besoin de troupes ni d'aucune clibse.
M. de Maillezais y allant six jours avant l'occasion de-la part du cardinal, pour savoir s'il n'avoit besoin de rien, il lui fit la même réponse, et qu'il tenoit des chaloupes et barques toutes prêtes pour aller secourir Oleron, sachant bien qu'ils -ne l'attaqueraient pas,
d'autant qu'ils n'ignoroient pas qu'il n'y-avoit. rien à gagner pour eux. Il écrivit plusieurs fois même langage à la cour'.
Il pouvoit par le loisir que les Anglais lui donné-*rent depuis le jour de leur descente se munir de toutes choses sans frais et retirer dans la citadelle toutes les provisions qui étoient-au bourg Saint-Martin mais il étoit si troublé et tous ceux qui étoient avec lui qu'on eût dit 'qu'il ne vouloit pas gâter le logement de l'armée anglaise, mais leur laisser toutes choses nécessaires à leur arrivée.
Il fit emporter une meule pource qu'il n'y avoit qu'un moulin dans le fort qui n'étoit pas assez capable de moudre etfaire lesfarines pour les gens quiy étoient. Il prit seulement du vin et de la viande pour nourrir deux cents volontaires sept ou huit semaines; il ne tenoit qu'à,lui d'en faire entrer pour tous les soldats. ̃
II n'eut pas seulement le soin de se munir de drogues d'apothicaire.
On laissa dans le bourg grand nombre de vivres et de meubles qui eussent été très-utiles aux pauvres soldats qui faute d'en avoir, sont tombés malades pour coucher sur la terre.
On y laissa deux boutiques d'apothicaire, dônt .depuis les malades etblessés eurent un extrême besoin, comme de plusieurs autres choses., entre autres, ce qui est à remarquer du viri dont ils ont perpétuellement manqué bien que les celliers de toute l'île en fussent pleins, et qu'elle ne soit abondante en autre chose, si ce n'est en sel, qui leur faillit encore sur lafin. Il laissa dans le bourg une si grande quantité de
vin que quand les Anglais en partirent ils y en laissèrènt encore.
Ge nefut pas un trait de capitaine de n'avoir pas brûlé le bourg de Saint-Martin dans lequel les ennemis étoient à coùvert et à leur aise plus qu'ils n'eussent été en Angleterre dans leurs maisons. Que s'il dit que la pitié du peuple l'en empêcha au moins ne peut-il pas apporter cette excuse à ce qu'il ne l'avoit pas fortifié ni ne l'a pas défendu un seul jour, donnant par ce moyen-à son ennemi l'avantage d'être venu sans tranchées au pied de la citadelle.
Ce mauvais commencement faisoit craindre au cardinal une suite semblable et un pire événement, et lavanité inconsidérée de cet homme ne lui permettoilt pas -d'asseoir une ferme espérance d'une meilleure conduite a l'avenir. Mais au- milieu de toutes ces pensées différentes, il prit la résolution que la magnanimité donne-toujours à un cœur généreux qui est de faire de soi tout ce que la nature des choses peut porter et de surmonter par sa vertu tous les manquemens d'autrui; de peur que, tandis que l'on s'àrrête à s'affliger des fautes commises on ne perde le temps qui doit être employé à les réparer. Il jugea qu'il falloit secourir cette place plus de vivres que d'hommes, afin de donner du temps aux préparatifs d'un plûs puissant secours.
Cela folaligea d'envoyer par tous les ports pour avoir des vaisseaux propres à cet efiet, et, quant et quant, il envoya argent et personne de créance vers le duc d'Angoulême,. afin. que, cependant que sa présence pourvoiroit aux affaires de la terre ferme, ils
pourvussent aussi à ce que les embarquemens dudit secours fussent assistés de tout ce qui y étoit nécessaire.
Et parce qu'il étoit à craindre qu'en ce temps de bonace les vaisseaux' à voiles fussent inutiles il donna ordre que quinze pinasses fussent conduites de Bayonne et Saint-Jean-de-Luz aux Sables-d'Oloune, pour servir à ce que ledit sieur duc d'Angoulême ordonneroit, avança trois mille livres du sien pour les payer, et manda au sieur de Grammont qu'il le supplioit de faire trouver argent pour payer tout ce qu'il faudroitpourles équiper, et qu'il lui en répondoiten son propre et privé nom. Ce qui fut suivi d'un si heureux succès, que, tous moyens étant tentés d'ailleurs inutilement, celui-ci seul réussit comme nous verrons ci-après.
Il envoya au Havre 30,000 livres de son argent pource que celui du Roi n'eût pas été touché assez vite, et que lors il ne s'en trouvoitpoint àfépargne, ̃> pour faire armer cinq cents dragons, suivant l'état du sieur d'Ocquerre, secrétaire des commandemens. Il envoya d'autres courriers en Olonne, Brouage et autres lieux de ce côté-là, pour faire faire des farines et essayer, par tous moyens, quoi qu'il coûtât, de les faire passer aux assiégés; fit partir Bigotean munitionnaire, passionné pour Toiras, homme entendu en la çonnoissance de toutes les côtes proches des îles de Ré et d'Olonne homme de crédit parmi tous les matelôts de ces quartiers-là, pour aller faire entrer des farines, pour le paiement desquelles il lui -fit donner 10,000 écus dépêcha à Saint-Malo le sieur Destourelles, pour faire armer en diligence six vais-
seaux pour servir au secours de l'armée navale qu'il faisoit préparer.
Et sur ce que Saugeon, envoyé de Toiras et l'évêque de Nîmes, son frère, demandoient que le sieur de Beaumont premier maître-d'hôtel du Roi et mestre. de camp d'un, régiment entretenu grand et singulier ami de Toiras, fût envoyé pour le secourir, et qu'il fût donné de l'argent audit Bigoteau pour lui faire passer des vivres, assurant que moyennant cela il n'en pouvoit manquer, et que l'on donnât audit sieur de Beaumont un pouvoir d'intendant sur toutes ces côtes pour ledit secours; ledit sieur de Beaumont fut dépêché à l'instant, et ledit pouvoir lui fut envoyé le 5 d'août, pour aller sur les lieux solliciter, presser et accélérer ledit ravitaillement, et ne partit toutefois que le 31, à cause de ses affaires domestiques.
Le duc d'Epernon dépêcha le sieur de Magnas vers Sa Majesté, et promettait que, moyennant qu'on lui donnât une pareille commission pour prendre toutes les barques galions et flinx de Garonne et Dordogne, et les blés dont il auroit besoin, avec commandement au sieur Treillebois de faire ce qu'il lui commanderoit, il secourroit Ré de vivres; le même jour il partit avec la même commission, qui lui fut expédiée à l'instant, et porta lettres du cardinal audit Treillebois, comme étant sous sa charge, et audit sieur duc, pour l'encourager à ce secours par toutes les voies qu'il pourroit imaginer.. Mais, pource que le cardinal ne peut avoir en son esprit trop d'assurance pour l'exécution des ordres en une chose de si grande importance, et qu'il sait qu'en malière d'Etat il ne
faut jamais prendre ses mesures trop justes, ni se, contenter d'ordonner simplement ce qui semble suiffire, à ce que l'on se.propose, mais que, pour faire beaucoup, il se faut préparer à plus, il envoya l'abbé de Marsillac, qui étoit à lui, et est maintenant évêque de Mende, pour avoir l'oeil ce que tout s'exécutât ponctuellement et qu'aucune occasion ne,se perdit. En lui baillant de l'argent *du sien, il le chargea, très-particulièrement de faire en sorte par ses diligences., inventions et artifices que d'Olonne et de toute la côte, jusques à Chef-de-Baye on pût faire tenir des' farines et biscuits dans ledit fort, etfaire à quelque prix que ce fût, et quoi qu'il coûtât, hasarder les matelots pour y aller.
Et le même jour, il fit dépêcher un lieutenant de l'artillerie pour aller faire fournir onze pièces de canon de fonte, retirées de divers particuliers en Bretagne, moyennant 8,000 livres que le cardinal lui fit fournir dé son argent.
Il en envoya un autre en toutes les places de la rivière de Loire pour en prendre quarante coulevrines et bâtardes pour l'armement des vaisseaux de Blavet, lesquels il prit à Orléans Angers Saumur Nantes et' Clisson il dépêcha aussi un. courrier en Espagne pour accepter l'offre que le roi Catholique faisoit au Roi de l'assister de sa flotte contre les Anglais,
Le Fargis. avoit écrit, du 3 juill.et, que le comte d'Oliv,arès ayant su que Buckingham étoit en mer à dessein d'attaquer l'île de Ré l'avoit envoyé quérir cette nuit-là,, et lui avoir dit que le roi d'Espagne avoit résolu cette après-dînée de s'opposer avec toutes
ses forces à cette entreprise, et que, dès à présent, il avoit commandé par courriers qui avoient été dépêchés en tous les ports-d'Espagne à ce que tous les navires et gens de guerre de La Corogne, Bilbao et Saint-Sébastien le joignissent, pour attendre les ordres qui leur-seroient donnés de cette cour
Que pour cette heure ils n'avoient -encore que vingt-cinq galions de prêts mais que avant le retour du courrier il y éiyauroit trente ou trente-cinq, sur lesquels le Roi pourroit faire son compte
Qu'ils s'offroiént de combattre les Anglais si le Roi le Jugeait possible et expédient par les avis que le Roi pouvoit avoir des forces que lesdits Anglais avoieut ensemble; et que, s'il étoit jugé qu'on ne les pût combattre, le, roi d'Espagne 'offrait de les faire suivre, et au cas qu'ils missent des gens en terre, et s'affbiblissent par conséquent, de prendre, s'il se pouvoit, l'occasion de'les combattre avec cet avantage Qu'au reste l'armée espagnole iroit, si le Roi l'avoit agréable, dans tel port de la Franche qu'on voudroit choisir, tiendroit la mer et suivroit en tout et partout les ordres de la France qui, comme plus proche des Anglais, pouvoit mieux juger la conduite qu'il falloit garder qu'on né sauroit faire en Espagne. Et le comte d'Qlivarès témoignoit avoir cette affairé si .à coeur,'qu'il vôuloit que Le Fàrgis dépêchât un des siens afin qu'il, retournât en toute diligence porter la réponse à Sa Majesté.
L'ambassadeur d'Espagne fit en même temps les mêmes offres de la part du Roi son maître. Le car'dinal, qui se défioit toujours' d'Espagne, et, principalement offrant de servir-et assister le Roi ne fit
pas grand fondement sur ses promesses; mais, néanmoins, il crut que le Roi ne les devoit pas refuser pource qu'en quelque façon que ce fut il lui étoit avantageux d'en user ainsi soit pour s'en prévaloir contre les Anglais soit contre les Espagnols mêmes, mettant au jour leur infidélité.
Dès le premier jour d'août, il proposa et fit résoudre au conseil de Sa Majesté, que Pompée Targon, faisant profession d'entendre ce qui est des machines et artifices connoissant la mer et les îles et les moyens d'y aborder, seroit envoyé pour servir à l'armée du Roi, et trouver les moyens de secourir de victuailles le fort de Ré.
Trois capitaines de mer, Beaulieu, Courcelles et Cantelou, partirent pour aller faire armer les vais'seaux en Olonne, et trouver le moyen de jeter des vivres en Ré, lesquels promirent d'y entrer ou se perdre. On envoya aussi quérir le sieur d'Argencourt, gentilhomme fort expérimenté, qui étoit lors au Havre, et on le dépêcha pour aider à trouver invention de ce faire, et aller de là servir en l'armée de Sa Majesté.
Beaulieu-Persac fut dépêché pour exécuter les propositions par lui faites, de brûler les vaisseaux anglais et jeter des vivres en la place assiégée.
Un courrier fut envoyé pour amasser des barques et chaloupes autant qu'il pourroit, et faire couper les petits vaisseaux de ceux qui avoient été arrêtés sur les Anglais à Blaye, pour faire en sorte qu'ils pussent aller à rames et servir au secours de Ré.
Un autre fut dépêché au Fort-Louis, ou BIavet, en B'retagne, portant ordre que tous les capitaines de
mer étant audit lieu eussent à s'assembler et tenir conseil, pour voir tout ce qu'ils pourroient faire pour empêcher la communication de l'armée anglaise étant aux îles, avec l'Angleterre, et, par quelque moyen, si quelque petit vaisseau bon voilier d'entre lès leurs, et «particulièrement celui de Richardière, pourroit bien entreprendre de se jeter dans Ré avec des vivres par-un bon vent. Et, pour l'importance de cette ouverture, la même dépêche fut réitérée le 7 août ensuivant.
La Rivière-Puigrefié partit avec commission pour aller en Olonne amasser toutes les chaloupes, barques et vaisseaux qui vont à rames, pour la même fin d'empêcher ladite communication et jeter des vivres en Ré, et lui fut donné, par le marquis d'Effiat surintendant des finances, ordre pour recevoir 30,000 livres sur les lieux ce que nous remarquons ici, pource que tout l'argent que nous avons dit ci-dessus avoir été fourni a été avancé par le cardinal, qui le trouva sur son crédit. Et, sans vanité on peut dire que les avis ci-dessus et les résolutions qui furent prises, l'ont été sur ses propositions, procédant du soin infatigable qu'il avoit de cette affàire.
Le sieur du Chalart fut aussi dépêché' pour aller à La Corogne en Espagne qui est le port auquel étoit et s'assembloit l'armée navale d'Espagne, que l'ambassadeur d'Espagne leur envoyoit par le commandement de son maître, pour hâter leur partement. Le cardinal lui donna charge de faire acheter jusques à trente pinasses en Biscaye et les faire venir eu diligence bien armées et équipées lui donnant promesse de l'en rembourser en son privé nom. pareillement fut
donné, commission à son lieutenant, nommé Mes-' signac, pour ramasser tous les flinx barques et bateaux à rames des rivières de Garonne et Dordogne, et les emmener pour servir à porter en Ré le secours des vivres qui étoient préparés à cette fin.
On. manda aussi en Hollande, par courrier exprès, au commandeur Desgoutes qui commandoit les vaisseaux, du Roi, et aux sieurs Manuel et Larbrisses qui avoient mené six cents hommes pour mettre.dans lesdits vaisseaux qu'ils les .fissent partir en toute diligence et au sieur Despessés, àmbassadeur de Sa Majesté qu'il s'obligeâtaux marchands s'il en étoitbesoin, et si les lettres de change que le marquis d'Efliat avoit envoyées ne suffisoient.
Un autre courrier fut dépêché à Dunkerque pour porter la dépêche des ambassadeurs d'Espagne étant à Paris, pour faire partir les vaisseaux dunkerquois qui devoient joindre l'armée du Roi; et en même temps on dépêcha Chaban vers le maréchal de Thémines en Bretagne, pour mettre le port de Morbihan en état .de recevoir l'armée d'Espagne, et envoyer des matelots et pilotes le long de la côte pour rencontrer ladite armée et la piloter, avec charge pa'rti- culière de faire toute sorte d'accueil et de bonne réception aux chefs, et pour l'assurer du rembotirsement de toute la dépense qui s'y feroit. Et le même jour,, qui fut le 7 août, fit donner au duc de Guise le commandement de.l'armée navale que Sa Majesté faisoit préparer en ses côtes, et lui en fut expédié le pouvoir, avec commandement de faire toute la meilleure réception qu'il se pourroit aux Espagnols et que tous ceux qui seroient sur les vaisseaux-du Roi
vécussent avec eux avec toutes sortes de courtoisies, faisant punir sévèrement ceux qui y contreviendroient
1 leur fit les présens ordonnés par Sa Majesté, priant premièrement celui qui leur commanderoit de. l'avoir agréable, puisque le Roi ne le faisoit que pour le respect d'amitié qu'il portoit au Roi son frère, à qui ils appartenoient;
Qu'il fit choix de personnes considérables, etd'ailleurs bien affectionnées à l'union et bonne intelli- gence des deux nations, pour leur donner charge de prendre garde à tout ce'qui la pourroit amoindrir; Qu'il sût que Sa Majesté avoit convenu avec le roi d'Espagne que les Espagnols salueraient les premiers dans les mers et ports de France, et ne feraient pas difficulté d'abattre le pavillon les vaisseaux du Roi leur rendroient aussi le même compliment dans leurs mers et leurs ports
Que -Sa Majesté vouloit que, le général ayant pris sa place, il leur donnât dans les ports du Roi le meilleur lieu, comme on a accoutumé de faire envers les étrangers qu'on reçoit et qu'on veut favorablement traiter-,
Que si quelques-uns d'eux meltoient pied à terre et y faisoient quelque désordre en flagrant délit, ils fussent rendus à l'heure même à leurs capitaines et que les officiers de la justice, en France, fussent avertis et commandés de n'en prendre aucune connoissance
Que tous les vivres munitions, équipages poudres, 'armes, bois et toute autre chose, dont ils auroient besoin, leur fussent fournis à même prix qu'à
l'armée et aux gens du Roi, et que l'on donnât ordre partout où il seroit besoin à l'exécution de ces conventions.
Et que s'il leur arrivoit disgrâce ou naufrage dans nos côtes, ils fussent secourus, assistés et recueillis de même manière que le seroient les Frânçais et ce qui se pouroit sauver du naufrage, armes, artillerie, meubles etc. leur fût rendu entièrement, sans que personne s'en pût approprier, sous quelque prétexte, droit ou prétentions que ce fût, et qu'ils eussent pouvoir de transporter le tout en telle partie d'Espagne et de Flandre qu'il leur plaira, sans qu'on leur pût faire aucun empêchement, et en attendant le transport leur fut conservé dans.les magasins ou du Roi ou des villes;
Qu'il appelât aux conseils de guerre qu'il tiendroit pareil nombre d'Espagnols que de Français; et que pour leur^ témoigner qu'on ne les vouloit pas embarquer à aucune entreprise contre les règles de la guerre où ils pussent courir fortune sans apparence de victoire, il donnât en toutes les occasions la pointe aux Français si, ce n'étoit que lesdits Espagnols y demandassent part par honneur, auquel cas l'avant- garde seroit èomposée d'autant de vaisseaux espagnols que de français quant, au butin qui se pourroit faire, qu'il fût partagé par moitié si ce n'étoit que les Espagnols voulussent que ledit partage fût fait au prorata du nombre de port de tonneaux qui seroit en chaque armée
Qu'il essayât de contraindre l'armée anglaise de s'éloigner des côtes de France et qu'il ne hasardât de' donner bataille si la nécessité ne l'y obligeoit
et que les forts ne pussent être secourus par autre moyen.
Et pour conserver le bien des sujets du Roi des lettres-patentes furent expédiées, portant interdiction du commerce par mer de quelque marchandise que ce fut, afin de retenir les marchands français qui sous une foible apparence de profit hasardoient et perdoient'leur bien mal à propos.
Il seroit impossible de rapporter toutes les dépêches qui furent faites, et tous les ordres .qui, en moins de quinze jours, furent donnés sur le sujet de cette affaire durant la maladie du Roi, afin de pourvoir à tout ce qui étoit nécessaire et préparer toutes choses en sorte que le Roi et la France en pussent recevoir le fruit qui en a été recueilli par après. Aussi le baron de Saugeon qui fut dépêché de Toiras pour procurer le secours des vivres 'et au- tres choses nécessaires au fort, étant arrivé en cour, et ayant appris ce qui étoit fait et les ordres qui avoient été donnés dit publiquement qu'il n'avoit rien à demander, mais qu'il étoit obligé de convertir en remercîmens toutes les demandes qu'il avoit charge de faire.
Cette grande application d'esprit que le cardinal avoit pour l'île de Ré ne l'empêcha pas d'avoir toutes les autres nécessités de la côte présentes. Il fit donner ordre à M. d'Angoulême, de la part du Roi, de faire mettre tous les vaisseaux des Sables dans le petit port qui est à couvert du château de La Chaume, et voir si on pouvoit faire quelques retranchemens pour la sûreté du port; et au sieur de Là Rochefoucauld, de tenir la main à faire armer vingt vais-
seaux des Sables, les meilleurs, pour se joindre à ceux du Roi qui étoient.à Blavet et ailleurs., et pour servir à jeter des vivres en l'île.
Il manda aussi au marquis de Brézé qu'il fît tra-' vaillér avec une extraordinaire diligence aux fortifications d'Oleron, le munir bien de-vivres, et se souvenir, si les Anglais y alloient, que ce qui a fait l'efl'et contre ceux de Ré n'a été que le canon, afin qu'en tel cas on cherchât toutes les inventions qu'il se pourroit pour s'en garantira
Que, si on pouvoit prévoir les lieux où plus probablement on pût faire des descentes, il y faudroit faire des retranchemens pour loger la cavalerie et l'infanterie, en sorte qu'elle -pût jouer son jeu à couvert.
Il défendit aux troupes d'Oleron d'en partir,, ordonnant qu'au moins il y demeurât toute l'infanterie, qu'on fortifieroit le plus qu'on pourroit, et deux cents gentilshommes, outre les compagnies,de la Reine et. de La Flosselièré vu qu'on craignoit et on prév.oyoit que les Anglais ayant, pris ún poste dans Ré pourroient faire une attaque dans Oleron; et fit donner ordre au sieur de Drouet, gouverneur de,Royan, d'y mettre promptement trois cents hommes, outre sa garnison, et lui fit assigner de l'argent à Poitiers poursa recrue.
Retournons à Buckingham, et voyons ce qu'il fait à son arrivée à Saint-Martin.
Le 28, il s'en rendit maître sans combat. Il y prit son quartier avec cinq régimens et une compagnie de cavalerie; le reste fut départi au bourg de La Flotte hormis S.pubise à qui le village de La Couarde échat,
en département; et quelques jours après ils commencèrent à ouvrir un retranchement, depuis le bourg jusqu'à la mer, pour enfermer la citadelle hors de la communication du fort de La Prée, en intention de la forcer par la faim et non par les armes.
Quelques huguenots se vinrent rendre il Soubise, qui donnoient avis à Buckingham de tout ce qu'il devoit faire.
Le 2 août, ils commencèrent à tirer dès le point du jour dans le fort; ce qui mit en grande peine ceux de dedans d'autant que les coups portoiént sur le lieu où étoient les moulius, et peu s'en fallut qu'ils ne les ruinassent; mais on travailla si diligemment il les couvrir et la batterie' du fort tira si heureusement qu'elle démonta leurs pièces. Il ne resta qu'un canon en état, et ne firent autre mal que tuer un cordelier et un valet. Ils cessèrent de tirer sur les dix heures et peu après remirent encore dix autres pièces; mais on les leur démonta derechef, avec la mort de plusieurs de leurs canonniers. Cette batterie cessa sur les cinq heures du soir.
Le 5, ils ouvrirentune autre batterie et faisoient quant et quant d'autres tranchées d'avance pour attaquer le fort, d'où on alloit aussi incontinent au devant par autres tranchées et, dès qu'ils entreprenoient un travail on y accouroit avec grandevigueur. Ce qu'on fit de mieux, fut d'avancer un tra• vail de chaque côté de la citadelle sur le bord de la mer qui tenoit un grand espace de rivage lequel par ce moyen leur demeurait libre pour y recevoir les barques de secours qui leur viendraient; car ils. ii'avoient point de havre, et avoient mine ces deux
têtes comme tous les autres travaux avancés en sorte que quand bien les ennemis les eussent gagnés, ils les 'eussent fait sauter tôt après et c'eût été à recommencer. Treize gentilshommes en une chaloupe à douze rames commandée par La Morissière, se hasardant de les aller secourir, ayant passé toute l'armée, furent découverts par des chaloupes qui étoient en garde, attaqués et contraints de retourner vers la grande terre; mais ils furent attrapés la plupart inhumainement tués et jetés en mer entre autres Artaignan et tous les matelots, hormis deux qui se sauvèrent à la nage. Jouy fut blessé et pris prisonnier. Buckingham fit pendre les matelots, qui n'avoient pas voulu jeter en mer ledit Jouy. Ces cruautés, au lieu d'épouvanter, animoient lès nôtres contre les ennemis. Et enfin le 8 Marsillac, que, comme nous avons dit, le cardinal avoit envoyé exprès pour faire.passer des vivres en Ré, après avoir tenté par deux fois d'y en faire passer, et en ayant toujours été empêché par un vent contraire, ayant fait charger aux Sables trois barques et trois chaloupes de biscuit, farines, fèves, pois, beurre vin et morue-, deux desdites barques relâchèrent en la rivière de. Saint-Benoît, et une chaloupe en la rivière de Marans; une autre chaloupe passa au fort.de Saint-Martin, et une barque et une chaloupé passèrent au fort de La Prée si à propos qu'il n'y avoit de vivres que pour quatre ou cinq jours et elles y en portèrent pour un mois.
Buckingham commença lors à. rabattre quelque chose de la confiance absolue qu'il avoit de se rendre maître du fort, ayant été si peu avisé qu'il avoit écrit au Roi son maître qu'il lui en répondoit. Et sur cela il
fut fait un édit en Angleterre par lequel tous les sujets delà Grande-Bretagne étoient conviés de venir demeurer en Ré; avec promesse de grands priviléges, et ordre d'en chasser tous les Français; mais quand ces nouvelles leur arrivèrent, ils en sursirent la publication. Le Roi, en ce temps-là commençant à se porter assez bien pour entendr e sans préjudice de sa santé; les nouvelles de ce qui se passoit on les lui dit, et ce d'autant plus volontiers que les premières barques de secours, arrivées heureusement, ouvroient le chemin à d'autres et faisoient ctinnoître qu'on y pouvoit passer; ce qui lui causoit une grande consolation dans son déplaisir, puisqu'elle lui donnoit assurance que la continuation des soins qui lui avoient procuré ce grand service contre l'attente de tout le monde feroit enfin réussir cette âffaire à sa gloire et à la confusion de ses ennemis.
On l'avertit quant et quant quelesRochelois avoient toujours assisté les Anglais, en Ré, de vivres, munitions et hommes, et de tout ce qu'ils pouvoient, attendant la prise du fort pour se déclarer; ce qui fit qu'elle envoya commandement au duc d'Angoulême d'empêcher qu'ils fissent plus entrer en leur ville les blés et bestiaux qu'ils avoient en la campagne, afin que, si par malheur l'île étoit prise, la peine qu'ils avoient d'avoir des vivres les empêchât de donner des leurs. pour la ravitailler, et lui commanda de tailler en pièces les gens de guerre qui voudroient y entrer ou joindre les Anglais, et qui marcheroient en troupes, et faire entendre auxhabitans qu'il les traiteroit comme rebelles s'ils communiquoient plus avec 'lesdits Anglais.
Sa Majesté aussi lui donna- ordre de faire raser les maisons de ceux qui les assisteroient et les iroient trouver, commençant par celle du sieur de Soubise. Il reçut aussi commandement de faire fortifier la pointe de Coreille qui.étbit un poste si important à La Rochelle, qu'on ne s'en fût jamais saisi en pleine paix, sans que les huguenotes s'en fussent remués. Mais maintenant il se pouvoit sans crainte pource qu'ils étoient déjà attendant le seul événement de Ré pour prendre les armes et que les Rochelois témoignoient en effet tant de mauvaise volonté qu'il ne se pouvoit davantage, et que les Anglais, qu'ils eussent en un autre temps pu appeler à leur secours, étoient occupés en l'île dé Ré; joint que, si les Anglais prenoient l'île de Ré, .comme l'insolence croît aux victodeux, ils eussent pu s'emparer de ce poste, auquel cas la France eût été en guerre pour long-temps sans qu'on en pût sortir que par une paix honteuse. A.peu de jours de là Sa Majesté voyant la continuation de la mauvaise volonté des habitans de La Rochelle se résolut d'en entreprendre fortement le, siège et donna le commandement de cette armée à monseigneur son frère. Cependant le cardinal ne laissoit passer un seul jour inutile sans faire de nouveaux efforts pour la conservation de l'île de Ré.
Il faisoit dépêcher courriers sur courriers en Es- pagne, pour hâter le secours qui avoit été promis; à Bordeaux, àBayonne,auHavie, àBrouage, enOIonne, en Bretagne, pour solliciter la prompte exécution de ce qui leur avoit été enchargé -promettant 10,000 écus de récompense à celui qui d'entre eux secour-
roit le fort- de vivres pour deux mois. Outre son soin il y employoit encore sa bourse et son crédit. Il sut que les matelots du Havre ne vouloient pas partir, à cause qu'ils n'avoient point été payés aux armemens des années passées; bien qu'ils eussent été payés pour trois mois, qui ne finissoient qu'à la fin de septembre. Il leur envoie l'évêque de Monde, avec 6,000 pistoles pour les faire partir, avec ordre de ne revenir point qu'il ne les vît à la voile, et de prendre le propre canon de la place pour mieux armer lesdits vaisseaux.
Et pource- qu'on ne pouvoit avoir de l'argent de l'épargne pour les dépenses les plus pressées, il emprunta 22,000 pistoles de messieurs les présidens de Flesselles, de Cheyry, de Castille et du Houssay. 'Il donna 47,000 francs à la Gree de Bruc par avance pour l'armement de trois vaisseaux à Saint-Malo, et pour le fournissement des vivres de l'armée navale; envoya francs en deniers et lettres de change en Olertin, pour acheter des vivres et des munitions pour quatre cents gentilshommes qui y étoient pourles gens de pied, et pour. les fortifications outre que, depuis le 22 juillet; que les Anglais entrèrent dans Ré -il y avoit toujours eu en Oleron trois cents gentilshommes, dont le train faisoit pour le moins neuf cents chevaux et autant de valets, auxquels il avoit fait toujours donner, à ses frais, pain pour les valets, foin et avoine pour les chevaux, et il y avoit quatre mois et davantage que le régiment du Plessis Praslin y étoit, auquel on donnoit toutes les semaines les prêts ordinaires en tel cas, et tout cela de deniers empruntées. Joint que les compagnies,
d Angers, qui étoient-eii ladite île, n'étoient suri état qu'à cinquante hommes et furent toujours à cent et à cent dix, et payés d'emprunt; et enfin, que la garnison de Brouage, qui n'étoit pas de quatre cents hommes pour l'ordinaire, avoit toujours été depuis plus de trois mois à huit et neuf cents.
Mais pourceque le soin de la conservation de l'île de Ré pour le service, de l'Etat, .-ne devoit pas être arrêté à la simple pensée de la défense des forts qui y étoilent, mais se devoit encore étendre à ce qui aideroit aux ennemis à la conserver s'ils l'avoient une fois prise, et à nous en rendre le recouvrement plus difficile, le cardinal n'oublia aucun moyen pour bien fortifier et défendre l'île d'Oleron.
Cette île est distante de Ré de trois lieues Ré a de bonnes rades et parages tout autour de l'île, et des forts qu'on y a bâtis.
Oleron n'en a point mais Ré n'a que du vin et du sel et point de blé. Oleron est abondant en blés, vins et bestiaux: de sorte que, bien que les ennemis eussent pris Ré, ils eussent eu bien de là peine à le pouvoir conserver, bien que les forts fussent excellons, parce qu'en cette île ne croissant que du ♦in et du sel, et La Rochelle investie n'étant pas en état de leur donner des blés et des chairs il eût fallu qu'ils eussent apporté tous leurs vivres d'Angleterre; ce qui à la longue eût été de difficile exécution à un royaume nécessiteux. Mais, s'ils eussent eu Ré et -Oléron tout ensemble, il eût été difficile de les empêcheur de conserver ces deux îles qui se secourent l'une l'autre, Ré donnant les rades où les ennemis eussent tenu leurs vaisseaux, et Oleron, abondante
en blés en vins et en bestiaux, fournissant de vivres plus que sunisans pour leur garnison, étant certain que le revenu de cette île vaudroit à un conquérant plus d'un million de livres.
Il envoya donc une forte garnison dans ladite Oleron, et fit mettre quantité de grains dans le fort et les retranchemens de ladite île,' et donna ordre qu'en cas d'extrémité et qu'ils fussent forcés dans l'île, ils empoisonnassent les puits gâtassent les sels et brûlaient les vivres qu'ils ne pourroient emporter.
Il étoit certain que si la perte d'Oleron pouvoit sauver Ré, c'eût été folie de ne pas abandonner Oleron, à cause de la situation en laquelle est Ré, à l'embouchure du canal de La Rochelle des bonnes rades et parages qu'elle a.
Mais aussi, si d'autre part il étoit inutile de hasarder la perte d'Oleron pour le salut de Ré, c'eût été une imprudence de le faire.
Mais ne sauver pas Oleron présupposé que Ré se perdît, c'eût été une faute irréparable et qui eût rendu comme nous avons dit, la perte de Ré incapable de remède.
D'autant plus donc que Ré étoit en hasard, d'autant plus falloit-il renforcer Oleron qui, en ce cas, étoit de très-grande conséquence; outre que cette île tient l'embouchure des rivières de la Charente et de la Sendre, d'où on pourroit fort incom.moder celle de la Garonne qui seroit de très-grand préjudice aux fermes du Roi et au commerce;
Que dans ces deux îles les Anglais trouveroient assez de sel pour toute l'Angleterre et, qui plus est,
quasi pour les flamands ce qui priveroit, non-seule- ment le Roi de J'avantage qu'il tire maintenant de débiter le sel à tous les pays septentrionaux, mais en outre de celui qu'il en peut .tirer à l'avenir: et que c'eût été une grande honte d'abandonner une chose qu'on pouvoit garder aisément, et l'abandonner en la présence du Roi, après Favoir gardée en son absence. Et c'eût été bien une plus grande gloire aux Anglais parmi les étrangers ,'de dire qu'ils auroient pris les îles que d'en avoir pris une.
Mais tous ces'soins, si continuels et si étendus, et toutes ces veilles employés pour la conservation des forts de Ré et délivrance des assiégés ne leur pou-voient néanmoins pas donner un si prompt secours que l'extrémité en laquelle où ils étoient ou man"doient être le sembÍoit requérir.
Ils avoient faute d'eau; ils se servoient en partie, d'un puits hors de la citadelle, que les ennemis, empoisonnèren t ils manquoient de vivres, et Buckingham, le 21 i août, pour les anamer encore plus tôt, fit, avec la cruauté et inhumanité-ordinaire aux hérétiques, ramasser toutes les femmes catholiques de' l'ile qui avoient leurs maris dans la citadelle, ouest la grande terre, et leur firent passer les tranchées à coups de bâton, les chassant vers la citadelle, où, d'autant que du commencement on ne les vouloit pas recevoir, et qu'elles revenoient à eux ils firent tirer sur elles et en tuèrent beaucoup, dont les soldats de la citadelle ayant compassion ils leur ouvrirent les portes et les reçurent.
Il y eut une de ces pauvres femmes; qui, étant tombée d'uie- mousquetade dans le corps,- donnoit
encore en cet état la mamelle à son enfant qu'elle '3 voit entre les bras, pour l'empêcher de crier; et, venant mourir, l'enfant se trouva téter encore vivant lorsqu'on la fut quérir.
Mais cette action'chrétienne de nos soldats au lieu de leur consumer leurs vivres les leur multiplia, et leur attira de la bonté, de Dieu une plus prompte délivrance.
Les ennemis les croyoient déjà à l'extrémité, et, afin d'ôter tout moyen de les pouvoir secourir, et leur en faire perdre toute espérance, ils échouèrent quantité de barques devant la citadelle et les remplirent de pierres pour les rendre fermes et immobiles mais la mer ne les y laissa pas long-temps, pource qu'il n'y avoit en cet endroit que la vive roche où rien ne .pouvoit arrêter à l'épreuve. d'un grand. vent de nord-est ou nord-ouest.
Ils firent après une machine de deux ou trois fonds dé grands navires attachés ensemble, sur quoi ils bâtirent une forme de fort où il y avoit sept ou huit pièces de canon, et la vinrent mettre à l'ancre plus près de la citadelle qu'ils n'en avoient.pu approcher avec aucun vaisseau., pour servir de refuge aux chaloupes et galiotes qui) iroient en garde de ce côté-là; outre que le canon, y étant logé comme à fleur d'eau, il battroit aussi à fleur d'eau toutes les' barques qui y passeroient ce qu'ils ne, pouvoient faire des vaisseaux, d'où les canons ne tiroient que du haut en bas. Mais cette machine dura,peu, car' il s'éleva un vent de nord-est qui, dans une nuit, la renditinvisible. Enfin, ils. firent une estacade de mâts de navires attachés ensemble avec des chaînes de fer, et, parles
extrémités, liés de gros câbles à de grosses- ancres, et étoit à mille pas de la citadelle en demi-cercle C dont un des bouts étoit attaché du côté de la fosse de l'Oyé, et l'autre du côté de la flotte, et se rompoit quelquefois; mais ils la rhabill oient incontinent. Ils attachèrent aussi de gros câbles d'un vaisseau à l'autre, où ils enfilèrent des barriques et des pataches pour la soutenir sur l'eau.
Cette invention devoit, ce semble, fermer tout passage pour arriver à la citadelle; de sorte que Buckiugham se vantoit qu'iln'y avoit que les oiseaux qui en pussent approcher. Mais Die.u en disposa autrement.
Dlarsillac, qui avoit la principale charge du cardinal pour le secours de l'île, et y avoit déjà si heureusement réussi, fit charger, le 10 août, aux Sables d'Olonne six barques de biscuit, farines, fèves, pois, vins, viande beurre morue poudre et mèches, lesquelles il envoya peu de jours après en la rivière Saint-Benoît, pour partir avec sept autres que Richardière avoit chargées par l'ordre dudit cardinal.
Mais les ennemis ayant découvert cette entreprise par le moyen de ceux de la religion'prétendue réformée du pays, envoyèrent dix ou douze vaisseaux à l'embouchure de ladite riviére; ce qui rendit ce secours inutile pour lors, dont Backingham enorgueilli,, envoya convier Toiras de se rendre, et lui fit présent d'une douzaine de melons. Toiras lui manda n'être pas encore réduit à cette extrémité, et lui envoya, en revanche de ses melons, six bouteilles d'eau de fleurs d'orange et une douzaine de vases de
poudre de Chypre, dont il avoit eu soin de mieux fournir sa citadelle que de poudre à canon contre ses ennemis, et de blé et de vin pour ses soldats. Néanmoins, se voyant réduit à de grandes incommodités, et principalement par les pluies qui commencèrent en septembre à être fréquentes Toiras, désirant faire savoir au Roi l'état où il se trouvoit, proposa aux mariniers qui se trouvoient avec lui si quelqu'un d'eux s'oseroit hasarder d'aller à la nage à la terre ferme porter de ses nouvelles. Trois l'entreprirent; l'un se noya, l'autre n'en pouvant plus, s'alla rendre aux ennemis; le troisième, nommé Pierre, natif de Gascogne près Tonneins,passaheureusement. Il fit une partie du chemin en calme, fut suivi quelque temps d'une chaloupe des ennemis, qui ne savoit ce que c'étoit; car, lorsque la chaloupe approchoit, il faisoit le plongeon, se tenoit sous l'eau le plus longtemps qu'il pouvoit, avançant toujours; ce qu'ayant fait trois ou quatre fois, il fit perdre à ceux qui le suivoient la connoissance, ne sachant si c'étoit un homme ou un poisson; le reste du chemin il le passa en orage, se laissant porter aux vagues, persécutédes poissons près d'une demi-lieue; enfin il arriva, et, prenant terre, il ne se put tenir sur ses pieds, mais fut contraint de marcher à 'quatre pates. Il trouva quelque paysan qui le mena- au Fort-Louis. Le Roi lui donna i oo écus de pension sur les gabelles, outre les gratifications qui lui furent faites à l'abord. L'avis que la lettre qu'il portoit donnoit de l'événement de' la place, mettoit le cardinal en grande peine, pource qu'il savoit que le ravitaillement qui avoit été fait ne devoit ni ne pouvoit être encorè
consommé. On ne perdoit point de temps pour leur envoyer de nouveaux secours mais cela dépendoit des vents et de la mer.
Tandis qu'il étoit en ces peines, le capitaine Vaslin arriva avec les pinasses que le cardinal avoit mandé qu'on lui ramassât et envoyât de la côte de Bayonne. Il aborda promptement aux Sables-d'Olonne, où étoit le. sieur de Beaumont avec un secours préparé et prêt à passer qui ne passa point néanmoins quoiqu'il s'offrît de l'y servir et accompagner mais Marsillac s'en servit réellement, et par' son moyen secourut l'île.
C'est une chose bien digne d'étonnement, que Beaumont, cônfident de Toiras, et qui lui tenoit lieu de frère ayant la, principale charge du ravitaillement et plein pouvoir comme nous avons dit que le Roi lui avoit donné le 28 juillet, ayant reçu quantité d'argent pour cet effet, d'une part, 57,ooo tant de livres qu'il reçut de Bigoteau, de l'autre 3,75o que le cardinal lui envoya et 12,000 livres que. Monsieur, frère du Roi, ou M. d'Angoulême lui fit délivrer, il n'ait jamais fait aucun effet ni assisté la citadelle d'une seule barque de provisions, où, aucontraire, Marsillac, qui n'avoit ordre du ravitaillement que par accessoire, a envoyé tous les secours qui ont été envoyés en Ré. Ce qui ne peut provenir que de la bonne intention des uns et du mauvais dessein des autres qui ne se soucioient pasde laisser perdre la place, pourvu qu'en apparence on ne leur en pût imputer la faute, espérant, par ce moyen, calomnier le cardinal, rejetant toute la cause de la guerre sur lui.
Vaslindonc étant arrivé aux Sables, Marsillac, dès
la nuit même, fit charger seize pinasses et mettre en chacune cinquante tonneaux de farine, pois, fèves, biscuit et morue vingt barils de poudre grosse grenée et dix de menue grenée, avec quantité de mèches et plomb, et quantité de médicamens. Les huguenots débauchoient tous les matelots et leur faisoient refuser de s'embarquer, tant par raison de religion que par crainte, parce qu'ils voyoient plusieurs corps jetés par la mer à la côte, ayant un bras lié avec une jambe, qui étoient de nos matelots pris pa,r les Anglais, et jetés à la mer en cette manière pour ne se pouvoir sauver. Ce spectacle les épouvantoit en sor te; avec lesdites subornations de ceux de la religion prétendue reformée des Sables., qu'ils ne voulo'ient en .façon quelconque- s'embarquer de sorte que Vaslin fut contraint de faire mettre prisonniers treize maîtres et soixantedix-huit matelots, qui est ce qu'il put trouver de deux cent quarante qu'il avoit amenés, et les tint six jours au pain et à l'eau, et ne les retira que pour les faire embarquer. Sur les six heures du soir, ils se disposent *pour le partement l'ordre, fut arrêté que Saugeon iroit à la découverte quatre cents pas devant, Vaslin tiendroit la tête même au milieu de l'armée ennemie; que, s'il étoit attaqué, les autres passeroient outre, afin que le secours arrivât en quelque manière que ce fût. A la nuit obscure, Vaslin se reconnut près de l'armée n'ayant que quatre pinassés avec lui il se mit à chercher les autres près d'une heure, et se résolut de montrer le fanal par trois fois, qui étoitle signal donné entre eux pour se rallier s'ils étoient écartés. Mais personne ne revenant, il fut contraint de-retourner vers la grande terre à la tranche,
où il rencontra sept de ses pinasses qu'il joignit aux cinq qu'il avoit.
Avec ces douze pinasses il alla reconnoÎtre l'île du côté des Baleines vers la mer sauvage; puis approchant de l'armée ennemie, ils déployèrent toutes les grandes voiles et furent incontinent découverts n'étant pas à dix pas l'un de l'autre force coups de canon et mousquetades furent tirés sur eux, qui ne blessèrent personne, mais seulement coupèrent quelques mâts, rompirent quelques voiles et percèrent une pinasse.
Quittant les grands vaisseaux., ils tombèrent au milieu des pataches, chaloupesetgaliotes des ennemis, quiétoienten grand nombre; mais ils ne purent aborder les pinasses qui alloient trop vite, et ne firent que tirer des mousquetades.
Après cela ils rencontrèrent l'estacade que les ennemis avoient faite pour empêcher le passage; plusieurs des pinasses passèrent par-dessus à cause de leur vitesse et que la mer étoit fort haute les autres se rencontrèrent aux endroits auxquels la tempête des la nuit précédente avoit rompu des mâts et fait ouverture, qui fut un trait singulier de la Providence divine d'avoir laissé quelque temps cette barrière en son entier, et par ce moyen donné confiance aux ennemis que les nôtres ne pourroient entrer et sur le point du passage, et en même temps qu'ils ne pouvoient avoir loisir de la réparer, avoir envoyé l'orage et la tempête qui ouvrit une porte à ses serviteurs pour passer et aller secourir ces pauvres assiégés. Ils abordèrent à l'île à deux heures de nuit; n'étant qu'à deux cents pas près ils furent aperçus du fort,
oa, incontinent, on commença à crier vive le Roi! Ils allèrent échouer à l'un des bastions de la citadelle, et si avant que les ennemis ne les pouvoient endommager.
Le matin, au jour levé, les matelots déchargèrent les pinasses dans le fort sur lesquelles les ennemis tirèrent force canonnades sans blesser personne. Le fort étoit en grande extrémité Toiras fort malade les vivres manquant, les moulins presque rompus; on y avoit déjà mangé vingt chevaux. L'ordinaire des soldats augmenta dès lors de quatre onces de pain par jour et d'une écuellée de fèves, et les soldats reprirent courage, et espérèrent de recevoir d'autres secours à l'avenir. Et les ennemis, au contraire, perdirent leur audace .quand ils virent ce secret si important découvert qu'il n'étoit pas impossible de jeter du secours dans le fort.
Deux jours après, le capitaine Vaslin partit à la marée de minuit ,.avec toutes ses pinasses chargées de malades et blessés et de femmes catholiques que les ennemis avoient envoyées àla citadelle. Le Roienvoya une chaîne d'or de 1,000 écus audit Vaslin et r,3oo écus pour les matelots des pinasses et promit encore à Vaslin 4>ooo écus ou une compagnie au régiment de Navarre, à son choix.
Deux capitaines basques qui avoient bien fait furent reconnus chacun d'une chaîne d'or et les matelots tous récompensés. Mais il ne suffisoit pas encore, mais il falloit renouveler les secours, et y en envoyer d'autres si grands, que l'ennemi seroit hors de tout espoir de pouvoir affamer le fort;, et pource que cela dépendoit des vents, il falloit toujours être
prêt, et ne pas être,un seulmoment sans, y travailler, étse préparer en plusieurs lieux tout à la fois, afin que si le secours ne pouvoit aller d'un lieu il partît de l'autre.
Le cardinal, pour ce sujet, donna ordre à Marsillac de préparer les provisions nécessaires pour le secours en plusieurs ports et faire partir, au même temps qu'on voudrait faire effet des barques de toutes les parts qu'il pourroit qu'il séparât les munitions de guerre en toutes les barques chaloupes et pinasses qu'il auroit, afin que, à quelque prix que ce fût, si tout n'y pouvoit passer, il en entrât une partie et que ceux qui d'entre eux verroient ne pouvoir éviter de tomber entre lés mains des ennemis, jetassent les vivres et munitions dans la mer.
Marsillac travaille avec une affection incroyable à ce qui lui est commandé.
Les Rochelois, qui avoient as sisté les Anglais d'hommes, de vivres et de munitions, font enterrer solennellement les seigneurs anglais et les rebelles français qui moururent à la descente de Ré; font revenir Loudrières avec ce qui lui restoit de soldats reçoivent Soubise qui assistoit en leurs assemblées de ville; chassent les deux iritendans de la justice, et font plusieurs tels autres actes de rébellion en présence du ciel et de la terre, et furent si impudéns que s'osant encore qualifier d'innocens, ils firent un manifeste pour justifier leurs crimes et condamner la sincérité de la justice du Roi.
C'est une chose bien digne de remarque" que le Roi avoit toujours été si généreux qu'il n'avoit voulu entendre a aucunes honteuses conditions de paix qui
lui fussent présentées par ses ennemis dont ceux mêmes quiluiavoient donné des conseils contraires, avouèrent que c'avoit été une manifeste bénédiction de Dieu car, un mois après la descente des Anglais dans l'île, dès le 26 août, Laleu, bourgeois de La Rochelle, vint trouver Sa Majesté par la permission du duc d'Angoulême qui commandoit l'armée de terre du Roi, et lui proposa que les Anglais se retireroient pourvu que Sa Majesté fît raser le fort de Saint-Louis. Le duc d'Angoulême manda au Roi qu'il étoit d'avis qu'il reçut cette offre et lui représenta la difficulté qu'il y avoit d'attaquer de force La Rochelle que lé blocus seroitlong, et que le Roi seroit obligé de lever deux armées, l'une devant La Rochelle, l'autre pour s'opposer aux descentes des Anglais dans les côtes du Poitou et de la Saintonge pource qu'il y avoit apparence et étoit quasi assuré qu'ils seroient bientôt maîtres de l'ile de Ré et ensuite de celle d'Oleron que Sa Majesté étoit encore foible sur mer, et que'les Anglais y seroient les maîtres;
Que les Rochelois à l'extrémité les recevroient en leur ville'pour les secourir, et que les Anglais, sous ombre de les secourir, s'en saisiroient, et que les vieilles guerres avec l'Angleterre recommericeroient; qu'il valoit mieux raser le fort/avec un peu de désavantage pour la réputation du Roi, mais avec plus de sûreté, pour, à l'avenir, en une meilleure conjoncture, reprendre ses premiers desseins de se rendre maître de -La Rochelle.
Sa Majesté trouva très-mauvais le conseil du duc d'Angoulême, et encore plus quand elle vit que c'étoit le dessein du duc deBuckingham, qui dépêcha, le
de septembre, le sieur de Saint-Surin avec un nommé Halsburnin qui lui proposèrent de raser le, fort, et consentoient que ceux de Ré demeurassent en leur entier.
Le cardinal dit à Sa Majesté que ce lui étoit une chose très-honteuse d'accorder par force ce qu'elle Vavoit jamais voulu accorder de bonne volonté; que la réputation est la principale force des rois et ne, peut être rétablie quand elle est une fois perdue; ce qui faisoit qu'il valoit mieux se mettre en hasard de perdre par mauvaises fortunes l'île de Ré, que non pas le fort par foiblesse de cœur préjudiciable à l'honneur du Roi
Que cette paix seroit tout-à-fait glorieuse à l'Angleterre, qui n'avôit jamais eu autre fin que de faire raser le fort; qu'outre la honte qui en reviendroit à la France et la gloire qu'en recevroit présentement l'Angleterre, cette paix seroit encore très-préjudiciable à la France, en tant que le roi d'Angleterre seroit, ensuite d'une telle action, reconnu des huguenots pour leur protecteur ce qui apporteroit en autre temps de pires conséquences que la perte du fort, vu que, par là, il mettroit la guerre quand il le voudroit dans l'État;
Que les huguenots qui étoient lors abattus en France seroient d'autant plus relevés qu'ils connoîtroient bien que ledit fort n'auroit été rasé que par foihlesse
Que par ce moyen on redonnoit force non-seulement aux huguenots, mais encore à tous les grands qui étoient capables, à raison de leurfortune, de' faire faction en France.
Que, ce faisant, on perdoit pour jamais l'occasion et le moyen de prendre La Rochelle, étant certain que, bien que l'île de Ré fût beaucoup plus considérable en soi que le fort, ledit fort, et les autres commencés autour de La Rochelle l'étoient beaucoup plus, en tant qu'ils préparoient la voie et étoient nécessaires pour la prendre
Qu'on diroit peut-être que si on perdoit l'île de Ré, on auroit beaucoup de peine à la ravoir; qu'il l'avouoit mais qu'il mettoit en avant, plouf contrebalancer cette considération, que si on perdoit l'honneur on ne le recouvreroit jamais;
Qu'il disoit, de plus, qu'en ce cas il vaudroit mieux s'attacher à prendre La Rochelle, qu'à reprendre l'île de Ré, vu qu'il n'y auroit pas plus de peine à l'un qu'a l'autre, et que l'utilité étoit bien plus grande Qu'enfin les plus puissans monarques ne sauroient se garantir d'un mauvais événement et revers de fortune, lequel ils souffroient sans blâme, quand ils avoient fait ce qu'ilsavoient pu pour s'en garantir mais ils ne sauroient se laver du juste blâme qu'on leur donne pour les mauvais succès qui leur arrivent par leur foiblesse et manque de fermeté et de coeur es rencontres difficiles. Qui plus est, il soutenoit qu'au lieu d'éviter la guerre par ce moyen, on en préparoit une autre bien plus difficile °donnant pied et force à des gens pleins de mauvaise volonté pour cet'Etat; Que cette guerre étoit venue ensuite de l'affiont que les Anglais avoient fait à la France, en chassant les Français contre la foi des contrats de mariage de la Reine, ensuite des sujets du Roi qu'ils avoient dépossédés contre la.loi des anciennes alliances re-
nouvelées depuis peu. Elle étoit venue pour n'avoir pas voulu permettre à Buckingham de venir en France; qu'il la recommenceroit volontiers pour le même sujet,' puisque la même passion lui demeuroit (0; que les prétextes ne lui pouvoieiit manquer, et qu'il auroit plus de pouvoir et de crédit pour le faire; partant, qu'il étoit clair qu'on ajouteroit par cette.paix honte sur honte, et qu'on acquerroit peu de repos pour cet Etat si on ne vouloit encore se soumettre à une vergogne plus grande qui consisteroit à permettre à Buckingham de venir triomphant en France apporter ses lauriers à ceux en faveur de qui il les auroit àcquis.
Monsieur, mal conseillé dé quelques-uns des siens, avoit toujours remis de jour en jour son partement de Paris pour aller à l'armée. Le Coigneux donna avis au cardinal qu'il faisoit difficulté d'y aller s'il n'étoit assuré que le Roi n'iroit pas; comme si ce lui eût été chose honorable de prendre jalousie de la ,réputation, et du courage de Sa Majesté, ou s'il lui eût été déshonorable d'y servir en sa présence et sous son commandement.
Néanmoins enfin, le cardinal l'y fit résoudre, écrivant au Coigneux que ce seroit gloire à Monsieur d'y être avec le Roi; joint qu'il ne croyoit pas que les médecins lui plussent ni dussent bientôt permettre d'y aller, -ni, quand ils- lui permettroient, qu'il le pût encore faire, quoique sa passion y fût très-grande et se portât fort bien, Dieu merci. Au resté que si on formoit souvent en l'esprit (t) La même passion lui demeuroit On a vu que Buckingham avoit "la. folie d'aimer la reine de France Anne, d'Autriche.
de Monsieur des hydres imaginaires comme cela il n'avoit rien à dire, sinon qu'il n'y auroit ni plaisir ni presse à se mêler de 'ses affaires. Quant à lui qu'il feroit toujours ce qui est de son devoir. Enfin, le 28 août Monsieur partit en poste de Paris pour aller en l'armée devant La Rochelle, où le Roi l'avoit lait son lieutenant général, lui en ayant fait expédier un pouvoir très-ample.
Outre toutes ces choses, que le dessein de Buckingham pouvoit être de dégoûter les Espagnols, dont il savoit que nous devions avoir du secours, ou de connoître sûrement quelle confiance avoit Sa Majesté en ses forces, pour de là prendre ses mesures et voir s'il avoit à continuer le siège ou se retirer; car il pouvoit philosopher ainsi Si on accepte la proposition que je fais c'est signe de foiblesse, je n'ai rien à craindre; si on la refuse, on croit sauver Ré par force; mais qu'il étoit plus croyable que cet envoi étoit un témoignage de sa foiblesse; qu'il avoit reçu un secours qui n'étoit pas considérable; qu'après cela il demandoit la paix, c'éloit signe qu'il ne se sentoit pas fort pour la guerre
Que les Rochelois se voyant pressés, et voyant. bien que les Anglais ne les sauroient garantir à la longue des forces du Roi qu'ils avoient attirées sur leurs bras, avoient grande raison de faire proposer la paix, puisque par la. guerre ils prévoyoient leur Que peut-être aussi Toiras malade, et ennuyé du siége, voudroit sortir d'affaires par un accommodement, et que, des entretiens qu'à diverses fois on avoit eus avec Saint-Surin, on avoit reconnu (bien
qu il.ne se fût pas ouvert) que lui, qui avoit fait les allées et venues, avoit mis en ce point les parties d'accord.
Et qu'outre les conjectures que, par conclusions. infaillibles, il y en avoit, cette vérité étoit clairement manifestée, parce que le président Le Coigneux avoit mandé par homme exprès, en même temps que SaintSurin arriva;
Que s'entretenant. Desplan et lui, du mauvais état du fort et des souhaits qu'ils faisoient, pour ,1e service du Roi, que les affaires se pussent accommoder honorablement, il lui avoit proposé que s'il vouloit pour ménager la réputation du Roi, Toiras, par forme de composition, sans en avoir charge mais promettant le faire, après agréer au Roi, proposeroit le rasement du Fort-Louis dans certain temps, en conservant le fort Saint-Martin, et estimoit ledit Desplan que cette proposition pourroit être reçue si cette ouverture sembloit avantageuse à Sa Majesté, ou quelque autre semblable qui ne parût être faite avec ordre du Roi, mais à son desçu
Que cette proposition convertissoit en science ce qu'on ne savoit que par conjecture-, que si les Anglais, les huguenots et Toiras y trouvoient leur compte, Sa Majesté n'y trouvoit pas le sien car il falloit pour le moins six semaines, quand les Anglais procéderoient de bonne foi, pour réduire cette proposition indigeste à quelque effet.
Si la place n'avoit pas de vivres pour six semaines, et qu'on ne lui en pût fournir, ce pourparler ne ponrroit faire .autre chose qu'ajouter la honte à la perte. Si,elle avoit des vivres comme elle en avoit, et
qu'on lui en pût donner, il sembloit que ce remède, proposé n'étoit pas nécessaire, vu que, dans ce temps, la saison, les vents et une armée navale, pouvoient chasser les Anglais.
Après lesquelles choses il ajouta que, s'il voyoit une bonne paix sa condition l'obligeoit à la désirer et à la conseiller à Sa Majesté mais quand on sortoit foiblement d'une brouillerie faite par un ennemi on s'en préparoitune autre.
Et partant, il étoit d'avis que Sa Majesté ne daignât pas seulement faire venir en sa présence Halsburnin ni le faire voir par aucun de sa part, et qu'elle défendît à Saint-Surin de le lui amener', lui commandant de lui dire que le duc étant en armes dans son État, nul homme envoyé de sa part n'étoit le bien venu.
Davantage; qu'au fond de l'affaire il croyoit, sur la relation-de Taraube, que Ré n'étoit pas en état de se perdre si les places soutiennent un'siège quand les soldats orit.pour vivre du pain, du beurre des pois et des fèves. Bréda tint neuf mois sans avoir autre chose, six mois durant, que du pain et de la pètite bière.
De plus, il ne faisoit point de doute qu'on ne la pût secourir d'hommes et de vivre, puisqu'on l'avait déjà fait
Que, si l'île de Ré se perdoit, il croyoit que Sa Majesté étoit obligée de s'attacher au blocus de La Rochelle et qu'il se pouvoit faire avec succès Que si les Anglais se retiroient en ce cas, si Sa Majesté vouloit, elle pouvoit demander le châtiment de quelques mutins de La Rochelle, et pardonner
au reste et par ce moyen conserver la paix dans son royaume.
Cependant pource que les Anglais avoient fait courir le bruit qu'il venoit pour traiter là paix, ilcroyoit que Sa Majesté devoit faire avertir nettement et promptement. l'ambassadeur d'Espagne de tout ce qui se passoit, faire envoyer en Flandre et en Espagne â même fin, et assurer l'Espagne plus que jamais qu'elle ne manqueroit point à ce qui étoit arrêté remettant enfin à Sa Majesté de prendre ses résolutions et ses mesures sur les sentimens de ceux de son conseil et non sur les siens èsquels il avouait' qu'il se pouvoit tromper.
LeditHalsburnin dità quelqu'un qui le visita, avec qui il avoit eu amitié lorsqu'en un autre voyage il étoit venu en France, que, si on lui eût fait quelque proposition, il en eut fait une douzaine qui eussent été agréables au Roi.
Se voyant ainsi renvoyé, il demanda permission de s'en aller en Angleterre à quoi le Roi n'eût pas fait difficulté pour la chose en soi,' l'armée des Anglais ayant par la mer fréquente et facile communication avec l'Angleterre, et que cela ne leur pouvoit donner avantage. Mais Sa Alajesté, prévoyant que ce voyage augmenteroit les bruits de quelque traité en ce qu'il' semblerait que ledit Halsburnin allât porter au roi de la Grande-Bretagne les propositions qu'il dirait, lui avoir été faites, et que ces bruits ne ser-.voient qu'à refroidir et dégoûter ses sujets au fait de cette guerre dont il avoit. tant à cœur de voir une heureuse issue, avisa de le renvoyer avec le même Saint-Surin audit Buckingham. Ledit Saint-Surin fut
chargé d'une quantité de remèdes et onguens accommodés dextrement sur lui, par la prévoyance du cardinal, pour les blessés de la citadelle. Mais le duc de Buckingham le retint, et ne le laissa pas retourner au fort; qui fut une grande infidélité, étant parti sur son passe-port pour accompagner son parent. Le même Saint-Surin témoigna au Roi, en la présence de plusieurs qu'il y avoit en ladite citadelle des vivres jusqu'à la fin de septembre; ce qui étoit bien vraisemblable, pource que, dès le 5 août auparavant, le baron de Saugeon avoit assuré le Roi qu'il y avoit des vivres pour jusqu'à la fin dudit mois de septembre, et depuis ce temps y étoient d'abondant entrés les vivres que nous avons rapportés ci-dessus. Dès le lendemain que Saint-Surin partit du fort pour venir trouver le Roi, Toiras envoya Taraube exprès à Sa Majesté pour lui représenter que, pour secourir Ré plus, assurément il étoit nécessaire de faire entrer six mille hommes en l'île par le fort de La Prée, pour combattre les Anglais et les chasser par une bataille, et qu'il les falloit accompagner de vivres pour un, 'mois, de planches pour se butter, et de munitions à proportion, et faire provision de deux cents barques pour passer toutes les provisions.
C'étoit une entreprise bien hardie tenir La Rochelle investie, et ne la pas quitter, envoyer néanmoins les meilleures forces pour secourir une citadelle que les hommes tenoient à demi perdue faire une descente en une île assiégée par une grande armée navale, mettre au hasard la meilleure partie de l'armée à la merci des vents et des vagues de la mer des canons et vaisseaux anglais, oii l'on rie pouvoit
aborder en ordre et en armes et partant, on rendoit la victoire ou défaite plus facile aux ennemis, c'étoit se mettre' en danger de ne pas chasser les Anglais, ni secourir le fort et perdre l'armée. Et pour cela, ancuns disoient qu'il étoit plus à propos d'essayer à jeter des vivres dans le fort, puisqu'il n'y avoit rien à craindre par la force; que les ennemis se déferoient d'eux-mêmes et par ce moyen l'on les chasseroit; que quand bien les ennemis auroient pris le fort Saint-Martin et seroient maîtres de l'île, cela n'empêcheroit pas de continuer le siége'de La Rochelle fermer le port et leur ôter toutè espérance de secours; que, La Rochelle prise, les Anglais ne pourroient pas subsister en l'île de Ré et partant qu'il étoit meilleur et plus assuré de penser seulement 'au siège de La, Rochelle, rebelle et ennemie qui étôit la semence de la guerre et de tous les troubles depuis soixante ans, et que; par la réduction véritable de cette villeen l'obéissance, du Roi, on mettroit la fin aux troubles de la France on acquerroit la paix et le soulagement aux peuples, et en viendroient des biens indicibles, qu'il ne falloit pas hasarder facilement. Mais le cardinal considérant que l'importance de l'île de Ré étoit si grande qu'il falloit tenter tous moyens pour la conserver; que, si l'ennemi s'en rendoit maître, il pourroit aussi à l'instant emporter l'île d'Oleron, se fortifier dans l'une et dans l'autre et ayant la liberté de la mer, il seroit secouru d'hommes et de vivres tant qu'il voudroit; qu'en la paisible possession de ces îles il tiendroit toutes ces côtes en sujétion tireroit grand avantage des vins, blés et sels de ces îles empêcheroit le transport des sels de Brouage
et Marennes et autres côtes de ces quartiers et des vins de Gascogne et de toutes les autres marchandises feroit à tous propos des descentes en diversendroits de toutes ces provinces, et croîtroit tous les jours ses conquêtes; que le bon succès qu'il auroit sur l'île de Ré seroit suivi de plusieurs mauvais effets dans le royaume qu'il ne falloit laisser emporter aucun avantage aux ennemis pour peu que ce fût; que Dieu, qui étoit protecteur de la France, ne l'étoit point à demi; que l'infidélité de l'Anglais étoit trop grande, et l'injure faite à Sa Majesté ne se pouvoit dissimuler; qu'il falloit tout tenter pour chasser l'Anglais que, lui chassé, La Rochelle étoit grandement affoiblie, et là réduction d'icelle beaucoup plus facile; il fut d'avis qu'on mandât à monseigneur, frère du Roi, qui en avoit écrit à Sa Majesté, que, pour bien voir s'il étoit à propos de faire entrer six mille hommes en Ré, comme on proposoit de nouveau, il falloit considérer, si on ne pouvoit sauver Ré par autre voie, si celle-ci étoit possible et facile, et si, quand on exécuteroit ce que l'on désiroit, c'est-à-dire quand on chasseroit les Anglais de File, on ne se mettroit pas plus au hasard de perdre que de gagner;
Que Toiras avoit souvent écrit qu'il étoit impossible de le prendre de force; que, pourvu qu'il eût des vivres il n'y avoit rien à craindre; partant, puisqu'il en avoit été secouru et que l'on lui pouvoit encore porter ce qu'il avoit besoin, l'autre secours n'étoit point nécessaire qu'on savoit bien qu'il n'était pas impossible de faire entrer six mille hommes dans Ré mais cependant il étoit vrai de dire que les difficultés n'étoient pas petites.
Que si on manquoit à arriver la nuit, et que les ennemis eussent connaissance' de notre dessein, comme il étoit difficile de faire un si grand embarquement sans que les huguenots qui étoient espions dans l'armée ne le connussent, deux vaisseaux mettroient lesdits six mille hommes à fond sans^péril. Supposé qu'ils passassent heureusement., il leur falloit des vivres pour un mois entier, autrement ils se déferaient d'eux-mêmes par la faim
Qu'il falloit faire cet effet devant que le secours d'Angleterre arrivât d'autant qu'étant renforcés de trois ou quatre mille hommes, il pourroit arriver que nous ne serions pas en état de défaire nos ennemis; Que la meilleure issue de cette entreprise seroit que les Anglais se retirassent dans leurs vaisseaux, étant certain que, quand ils se verroient en état d'être combattns et défaits, ils se rembarqueroient; et en ce cas, demeurant à la rade comme à l'accoutumée, on n'auroit gagné autre. chose, sinon que de leur faire quitter la terre et leur donner lieu de nous affamer plus facilement, si l'on n'avait porté des vivres suffisamment pour nourrir les gens entrés dans l'île et les assiégés
Que, s'il arrivoit que les retranchémens et redoutes des Anglais fussent en état qu'ils dévoient être ils se pourraient difficilement emporter sans canon, lequel se trouveroit bien dans le fort de La Prée mais l'on ne sauroit qu'avec incommodité passer daus l'île l'équipage pour le faire marcher.
Qui plus est, les Anglais rembarques, ayant reçu leur secours, seroient en état de faire descente en tel autre lieu des terres que bon leur semblera, et ce sans
aucune difficulté ni résistancé, si 1 on prenoit les six mille hommes que l'on vouloit mener en Ré du corps de l'armée, ou des lieux que l'on doit garder en tel cas, outre qu'il ne seroit pas facile de faire repasser lesdits six mille hommes dans la grande terre pour s'en servir contre les nouveaux desseins des ennemis; Que si on vouloit dire que les six mille hommes ne pouvoient être affamés dans l'île, ni les Anglais descendre en tel lieu des terres qu'ils voudroient, parce que l'armée du Roi et celle d'Espagne seroient jointes pour le plus tard dans le i o octobre et contraindroient l'armée anglaise de se tenir toute en mer, où indubitablement ils la déferoient s'ils la trouvoientfoible, on pourroit aussi dire, par la même raison, qu'il ne seroit point nécessaire de.faire entrer les six mille hommes, parce que, le secours d'Espagné devant venir dans le temps susdit, les Anglais seroient infailliblement contraints de lever le siège.
Enfin qu'en vain tente-t-on de faire une chose par divers moyens, quand on est assuré que l'un d'iceux est sulfisaut pour la fin qu'on se propose
Que si Toiras étoit en péril entre ci et la venue de l'armée navale il faudroit tenter le secours des six mille hommes et tout autre mais que ses lettres, et, le secours qu'on lui avoit donné, faisant connoître qu'il ne l'étoit pas, et qui plus est qu'il ne le pouvoit être, on n'estimoit pas cela nécessaire.
Et partant, que supposé que ce secours pût être pris d'autres troupes que de celles qui étoient lors dans l'armée, et qui étoient destinées à garder les postes que l'on rie vouloit pas perdre
Supposé que ceux qui étoient sur les lieux jugeas-
sen t en pouvoir faire la conduite, sans les faire perdre au passage, comme l'on présupposoit;
Supposé qu'ils pussent porter des vivres suffisamment avec eux, des pics, pelles, et autres instrumens nécessaires à faire un bon retranchement
Supposé que l'effet que l'on vouloit faire pût être fait devant la venue du secours d'Angleterre, avec toutes les conditions que ceux qui proposoient ce secours écrivoient eux-mêmes être nécessaires, il, étoit d'avis de le laisser tenter.
Et, pour faciliter l'exécution de cette entreprise, il dit à Sa Majesté qu'il estimoit qu'il falloit recevoir la proposition d'Ambleville', qui étoit sorti de l'île et se.promettoit de faire un régiment assez temps pour cet effet, et une autre semblable proposition que faisôit le comte de Parabère; Qu'il falloit aussi hâter les régimens de Ribérac, de Castel-Bayard et du Plessis-Juigné, pource qu'il suffiroit d'ajouter à toutes ces troupes nouvelles les vieux régimens de Chappes Piémont et Beaumont et par ce moyen sans perdre aucun des postes qu'on gardoit, on pourroit tenter ce secours.
Le cardinal ayant représenté toutes ces choses à Sa Majesté qui les eut agréabies, on donna rendezvous une grande partie desdites troupes destinées à cet effet, à Oleron, qui sembloit être un des lieux les plus propres pour partir.
Etpource qu'il falloit bien deux cents barques pour passer six mille hommes, et qu'il n'y, avoit point de fonds pour les trouver, le cardinal entreprit d'en faire fournir cent du côté de Brouage, dont il avanceroit les frais et, en outre donna six mille écus à
l'évêqué de Nîmes, pour aller en diligence amasser le reste sur les côtes de Poitou et de Bretagne. Le Roi, qui n'épargnoit aucune dépense en cette occasion, qui lui étoit si à cœur qu'il ne refusoit aucune de toutes les propositions qui lui étoient faites pour en sortir à son honneur, étant contraint de rechercher tous les moyens possibles pour trouver de quoi subvenir aux frais extrêmes de cette guerre après avoir reçu de son peuple tous les secours extraordinaires qu'il en pouvoit requérir, eut recours .au clergé pour lui demander assistance en un si juste sujet, auquel il étoit particulièrement intéressé y allant de la religion, de la conservation de laquelle il devoit avoir le principal soin. Pour cet effet il s'adressa au Saint-Père, et commanda, par une dépêche du alt septembre, au sieur de Béthune, de représenter à Sa Sainteté qu'il lui étoit impossible de fournir' aux frais qu'il faisoit, tant contre La Rochelle que contre les Anglais, qui étoient deux aflàires qui lui importoient, plus pour l'intérêt de l'Eglise que pour celui de son Etat, s'il n'étoit secouru de grande quantité de moyens extraordinaires;
Qu'il lui étoit impossible de les tirer tous par les voies accoutumées en France, c'est-à-dire par des avis, qui, quoiqu'on les qualifiât innocens, fouloient extrêmement le peuple.
Partant, on estimoit que non-seulement pouvoiton en conscience tirer du secours du clergé, mais que ledit clergé ne pouvoit en conscience non-seulement en refuser, mais manquer d'en offrir un eh cette occasion où il s'agissoit de l'extirpation de l'hérésie en France.
Qu'on proposoit de demander une aliénation, mais ,qu'on aimerait mieux un autre secours, parce qu'il s'y commettroit plusieurs abus en l'exécution de telle grâce
Que la concession d'une double décime pour deux ans sembleroit plus raisonnable, si on y joignoit la revente du bien déjà aliéné qu'on pourroit tirer de ces deux natures de secours un million d'or ,.qui étoit un secours considérable, mais le moindre qu'on pût donner en une telle occasion, que le Roi vouloit entreprendre tout de bon
Qu'il y en avoit qui estimoient que Sa Sainteté pourroit aussi accorder une bulle pareille à celle qui étoit en Espagne pour la croisade, pour laquelle, en considération de ce que le Roi, contraint de s'opposer aux mauvais desseins des Anglais et hérétiques rebelles de France, s'étoit résolu de témoigner son zèle contre les uns et les autres, Sa Sainteté accorderoit plénière indulgence'à tous ceux qui serviroient personnellement à un si saint dessein et ceux qui n'y pourroient aller auroient les mêmes grâces en contribuant à la même fiu vingt sous par tête, et, en outre, permission de manger du fromage et œufs en carême; Que le Roi se promettoit aussi que Sa Sainteté ne voudroit pas voir la Frarice et l'Espagne embarquées en une guerre offensive contre les Anglais sans être de la partie et y contribuer puissamment
Que Sa Majesté' désiroit savoir les intentions du Saint-Père sur tout ce que dessus; pour ,vseloh. sa ,réponse, se résoudre, ou à entendre conjointement avec Espagne à la paix dont les deux. couronnes étoient recherchées, ou à conclure une forte guerre;
Que si Sa Sainteté, qui étoit le chef de l'Eglise étoit froide en cette occasion la meilleure qui eût jamais été, les deux couronries ne pouvojent être blâmées si elles se colifbrmoient à ses sentimens mais si elle vouloit accorder tout ce que dessus on entreprendroit avec fermeté le dessein qu'on avoit résolu. Le même jour Sa Majesté, se portant très-bien, partit de Paris pour s'acheminer à son armée. Peu avant son partement il arriva un courrier de Rome, qui apporta la nouvelle de,la promotion du père de Bérulle au cardinalat (1).
Sa Majesté, en partant, laissa à.la Reine sa mère un pouvoir pour ordonner de toutes choses, en son absence, en ses provinces de deçà la Loire, et s'en alla avec un si grand désir de secourir Ré, qu'il n'en pouvoit perdre la pensée un seul moment. Elle manda de Monpipeau, près d'Orléans à Toiras, le 18 septembre, qu'elle ne pouvoit ajouter foi aux avis qu'on lui donnoit qu'il y avoit des gens assez lâches dans le fort Saint-Martin pour parler de se rendre, tant qu'il y auroit dedans de quoi manger et se défendre; (1) La promotion du père de Bérulle au cardinalat. Richelieu, pour plaire, à la Reine-mère, qui depuis long-temps accordoit sa confiance à Bcrulle, avoit. sollicité.cette promotion; mais on assure que ses agens avoicnt ordre de la contrarier en secret. Cependant il écrivit au nouveau cardinal la lettre suivante: a Mon père ce sera ici pour la dernière fois « que j'userai de ce titre en votre endroit, parce que je le convertirai « désormàis en celui de monseigneur. Je ne vous dis pas le contente« ment que j'ai de ce qu'il a plu au Pape vous promouvoir au cardinale lat ne doutant pas que vous ne croyez qu'il est tel que le requiert a l'afl'ection que je tous porte. Seulement vous dirai-je que Sa Sainteté, « en vous honorant de cette dignité, a plus fait pour l'Eglise et pour « la France quepour vous-même et que le Roi ne pouvoit la'procurcr à « personne de qui il pût attendre plus de service que de vous. Le temps, « je m'assure, fera connoître chacun cette vérité.
et que tout ainsi qu'il n'y avoit honneur ni, gratification qu'il ne fit à .ceux qui endureroient courageusement les incommodités d'un long siège, ^aussi n'y avoit-il point de châtiment que ne méritassent ceux qui seroient cause qu'il reçût une si grande injure, que de voir prendre à sa vue une place qui ne courait aucune fortune par la force de ses ennemis, et qui .avoit des vivres assez pour, s'empêcher de mourir de faim;
Qu'it é.toit assuré qu'il n'y avoit pas un seul portant le titre de gentilhomme ou de brave soldat, qui lui, donnât peine à lui persuader de. souffrir toutes sortes d'incommodités pour lui rendre un si signalé service, et s'acquérir une si grande gloire;
Que pour les autres il en fit justice exemplaire, puisque aussi bien n'éviteroient-ils pas la sienne; Qu'il s'en allp.it en diligence donner ordre lui-même à to.ut.ce qui éto.it nécessaire pour Sa conservation. Cependant on trayailloit incessamment à l'armée au ravitaillement de Ré, et le dernier dessein de secourir l'île y faisant entrer six mille hommes de guerre, ne ralentissoit le pouvoir d'envoyer des rafraîchissemens nécessaires au fort de Saint-Martin. L'évêclue de Mende et Dlarsillac auxquels le cardinal envoyoit tous les jours de l'argent et des courriers faisoient d'extrêmes diligqnces pour embarquer des vivres et en hasarder le passage.
Le 12 septembre, Marsillaçfit partir un vaisseau de soixante-dix tonneaux, nommé le. Poste^, conduit par Beaulieu de Normandie, avec une barque et une chate chargées de toutes sortes de vivrés., munitions de guerre, médicamens, souliers, bas et chemises. Le
vaisseau afta jusques à la portée du mousquet près de la. citadelle et toutefois il alla relâcher en la rivière de Marans la barque et la chate furent prises par les Anglais les capitaines blessés et prisonniers et presque tous les matelots tués.
Cela ne le découragea point il fit encore partir le 20, cinq chates chargées de farines, fèves, 'pois, morue, sardines, beurre et chandelles; mais elles furent chassées par les ennemis, et contraintes de relâcher en la rivière de Saint-Benoît.
Mais, le 22 le capitaine Maupas, fils de La Richardière, arriva au fort, deux heures devant le jour, avec -une barque, chargée de plus de vingt-cinq tonneaux, portant provisions pour huit jours,, et seule passée de sept que ledit Richardière père leur envoyoit, les autres six ayant relâché. Il y avoit encore en cette barque trente hommes du régiment de Chappës commandés par le chevalier du Ménil. A l'instant que cette barque fut arrivée, les ennemis vinrent le long de la côte, lorsque la marée s'en ret.ournoit, faire effort pour la brûler; mais ils y furent fort malmenés, et perdirent deux capitaines, deux: lieutenans, un sergent, et quantité- de soldats tués et blessés.
Le colonel Borrach, lieutenant général en leur armée fut aussi tué. Ils firent effort pour le retirer, et, afin d'en venir 'bout avec moins de péril, ils obscurcirent l'air d'une épaisse fumée à la faveur d,e laquelle ils le retirèrent, et plusieurs autres avec lui. 1ls laissèrent encore sur la place six morts et un blessé, qu'ils envoyèrent demander sur le soir, et leur fut permis d'e les emporter.
La mort de ce colonel, avec les autres pertes qu'ils a voient faites, les piqua tellement, que, le jour étant. venu, et la mer se trouvant fort calme, se rencontrant aussi quec'étoitle gros de l'eau queles vaisseauxpouvoient' approcher plus près de terre, ils ôtèrent tous leurs pavillons en signe dé deuil et, ayant approché leurs vaisseaux le plus qu'ils purent, firent tirer tout Je jour sans cesser plus de trois cents pièces de canon dans la place, ou sur la barque arrivée, de l'un desquels coups fut tué le sieur de Montferrier, brave èt sage gentilhomme, frère du sieur de Toiras. Le dernier de septembre un autre secours de vivres, qui étoit conduit au^ fort, fut encore repoussé par les ennemis et contraint de relâchér ce qui donna grande appréhension aux assiégés entre lesquels Toiras témoignoit le plus-de désir de se rendre.
Il. donnoit à entendre qu'il étoit réduit à l'extrémité et, n'ayant plus; à son dire, de vivres que pour quarante jours, il commença il parlementer ce qui sembla bien étrange, vu les témoignages .publics qui avoient été rendus, tout contraires à ce qu'il disoit même en ce qui en avoit été rapporté à Sa Majesté de sa part, et vu encore la quantité de vivres qui, à plusieurs fois, lui avoient été apportés.
Le cardinal, ayant appris cette nouvelle par une dépêche de Monsieur, et qu'il étoit nécessaire de tenter le secours du combat par terre écrivit à Monsieur, le suppliant de prendre tous les gens de guerre qui étoient en Oleron et les faire passer en Ré pour le sauver. Enfin les affaires vinrent à cette extrémité; que le 6 octobre Toiras envoya Montendre demander
à Buckingham, de sa part, quelle composition il lui voudroit donner.
Il répondit qu'il savoit qu'ils étoient si gens de bien qu'ils avoient attendu l'extrémité toutefois qu'il traiteroit courtoisement et promit de leur dire le lendemain sa volonté. Il faisoit en cela ce' que les assiégés désiroient qui étoit de tirer. le temps en longueur Dieu qui les vouloit conserver lui aveugloit le jugement. Un meilleur capitaine et plus prudent ëût dès lors formé et conclu la composition, s'il eût pu, la resserrant à une seule réponse.
Le sieur de Montendre étant devenu malade les sieurs de Soubran et des Étangs allèrent le lendemain trouver ledit duc pour apprendre de lui quelle composition il leur vouloit faire; mais il se ravisa, et leur dit que c'étoit à eux à proposer ce qu'ils démandoient'; ils lui répondirent n'avoir autre charge de Toiras que de lui demander sa volonté.
Sur cela il les renvoya, ne leur donnant que trois heures pour mettre leurs demandes par écrit. Etant de retour et ayant exposé leur négociation il fut avisé de renvoyer un tambour à l'ennemi j pour lui faire savoir qu'il y avoit quatre corps dans la citadelle, les ecclésiastiques, les volontaires, les soldats et les habitans que le temps étoit trop bref pour communiquer l'affaire à toutes ces personne, qu'on le supplioit d'attendre au lendemain; dont il s'irrita grandement disant qu'on l'abusoit, et fit tirer un • coup de canon et jeter force grenades.
Ce jour du lendemain, qui étoit le 8, étoit attendu de ceux de la citadelle avec grande impatience, soit que l'extrémité ou l'ennui les pressât, et ils n'atten?.
doient que le jour pour.conclure la capitulation et rendre la place.
Cependant le cardinal avoit fait donner si bon ordre de tous bôtés, qu'il y avoit partout'des convois de vivres prêts à passer en l'île; il ne restoit qu'à avoir le vent propre, lorsque la marée le serait et la nuit obscure à.même temps; et, pour faciliter le passage, le Roi avoit,donné ordre à M. de Guise de faire sortir en mer les dragons de la Manche qui étaient à'Morbihan, avec le corps de l'armée navale et quelques vaisseaux à feu pour incommoder les ennemis, et leur, donner de continuelles jalousies pour, avec plus de commodité faire secourir la place assiégée.^ Il est impossible d'insérer les dépêches qui furent faites pour hâter et préparer ce secours' y en ayant si grande quantité qu'on ne les sauroit rapporter il suffit de dire qu'on a fait tant de diligence, que; bien que, tout le monde estimât impossible de faire secourir la citadelle Saint-Martin, que le secours du sieur de Beaumont, conduit par M. de Cominges, très-brave homme, eût été défait et qu'il rendît les choses plus difficiles par un général étonnement,* M. de Mende et le sieur abbé de Marsillac, dépêchés de Paris à cette fin par le cardinal, la secoururent en cette extrémité non sans' un visible miracle de Dieu qui voulut, par sa bonté, seconder une si grande affection et diligence du cardinal à secourir la France en cette importante occasion.
Le 6 octobre, qui étoit le même jour que Toiras avoit envoyé demander composition auducdeBuckingham, l'évêque de Mende et Marsillac, qui étoient aux Sables-d'Olonne de la part dudit, cardinal avec
les vaisseaux provisions et munitions toutes prêtes pour partir. au premier vent, ayant fait de bori matin dire une messe de Sainte-Magdeleihe pouf favoriser leur dessein, firent partir. une' flotte composée de trente-cinq voiles, tant barques que flibots traversiers et pinasses, avec quatre cents matelotes, trois ,cents soldats et soixante gentilshommes choisis, dont il ÿ en avoit aucuns de la maison du Roi, étqùiétoient ordinairement proches de sa personne, lesquels on envoyoit exprès pour encourager un chacun à veiller sur ceux qui ne feroiént pas leur devoir.
Toute ladite flotte, en laquelle étôiënt les -sieurs Desplan de Beaulieu, Pefsac, Launây, Rasilly, Cãhusac, Àudouin et plusieurs autres capitaines particuliers se' mit en rade le même jour, sur les quatre heures'du soir, pensant'partir du temps qu'il fâisoit, qui étoit nord-ouest assez frais lequel vent se changea sur les sept heures du soir et sauta au sud-oitést ^avec grande pluie qui dura toute la huit, et grande tourmente en la mer.
Le capitaine Audoùih, avec les pinasses qu'il com-mandoit entra dans Je port des Sables; mais les barques, flibots et'tràvefsiers se tinrent la rade et n'en partirent point soùnrant cette tourmente toute la nuit et tout le jour, qui étôit le jeudi dudit mois. Les vents changèrent stir le midi, et ravalèrent et vinrent an nord-ouest assez frais, lesquels sembloient 'leur être envoyés de Dieu pour leur donner le moyen ,de conduire le secours, qui étant fout assemblé, et les -pinasses revenues, les: vents continuant, et le mot donné vive le Roi! passer ou mourir, la flotte se -remit sur les voiles entre sept et huit heures, un peu
trop, tôt; ce qui fit mettre le cap à la, mer, et laisser passer, quelques heures de temps pour attendre la marée, et ,prendre si bien les mesures que l'on ne manquât l'occasion du secours.
Ainsi la flotte partit le 7 octobre sur les dix heures du soir. Le jeune Richardièré dit le capitaine Maupas, qui, ayant passé et repassé à travers l'armée an.glaise, en reconnoissoit mieux les détours, rnenôit l'avant.garde et avec lui étoit le sieur Desplan. A la droite étoit Persac et Rasilly, et avec eux dans leurs barques les sieurs d'Anery, La Gagne Roquemont, le commissaire Caloty.
A la gauche, les sieurs de Brouilly, capitaine au régiment de Chappes, Cahusac, La Roque; Soutiers, Jon- quières, et plusieurs autres gentilshommes volontaires. Après eux alloient quatre barques conduites par quatre bons pilotes La Treille, Odouart Masson et lVlartin.. Suivoient après dix pinasses et dix autres travérsiers de Brouage, conduites par le capitaine Audouin; et en l'arrière-garde étoit le .flibot du sieur de Marsillac, bien armé et bien munitionné, sous la conduite du capitaine Cantelou avec Beaumont, nourri page dudit cardinal, suivi de cinq barques d'Olonne, auxquelles étoient plusieurs gentilshommes volon- taires; et le sieur Lomeras qui avoit déjà passé et repassé avec le capitaine Vasiin, y étoit aussi. Cette flotte rangea la côte de Poitou jusqu'à ce qu'elle eût la connoissance des feux de la' citadélle après lesquels elle ne tarda guère à voir l'armée en- nemie. ̃
Les Anglais étoient avertis de ce dessein, mais non
pas de la route, l'ayant faite toute contraire leur .opinion et créance, qui étoit que l'on devoit aller vers les Baleines qui est la pointé de l'île de Ré et ranger toute la terre de File et passer sur le Couronneau et c'étoit là résolution qui avoit été prise aux Sables dont les mal affectionnés au service du Roi donnèrent avis aux ennemis qui envoyèrent cent cinquante barques pour les y attendre. Mais Dieu, protecteur du Roi et conducteur de cette affaire, fit changer la résolution de la route ,'et, au lieu d'aller vers les Baleines et ranger l'ile il fut résolu de passer au travers de l'armée anglaise et souffrir leurs canonnades et mousquetades lesquelles ne furent pas en petit nombre mais le courage vainquit le péril, lequel ne fut pas assez puissant pour empêcher la résolution /qui étoit de passer ou mourir. Il arriva que la flotte cinglant en pleines voiles,. pensant être déjà près de Saint-Martin, voici que tout à à coup le vent cesse en telle sorte qu'ils demeurent près de deux heures sans pouvoir aller à droite ni à gauche, qui causa. un grand. étonnement chacun croyant être à la merci des ennemis sitôt que le jour serait levé.
L'on se mit donc à prier Dieu, et tôt après il se lève un petit vent qui leur fit prendre leur route, et environ demi-heure après ils virent le feu que Toiras faisoit en la citadelle, et celui que l'évêque dé Mende d'un côté, et'Richardière le père de l'autre, faisoient faire à la côte selon l'ordre des signaux concertés entre eux. Ils passèrent ainsi à travers l'armée ennemie, et sous une grêle furieuse .de canonnades et mousquetades, attaqués de plus de cent chaloupes.
Le chirurgien du capitaine Maupas .y fut tué, la barque percée, son mât rompu; le capitaine Audoùin coupa d'un coup d'épée le bras d'un Rochelois qui vouloit prendre son gouvernail et combattirent si bien. qu'ils passèrent, et eurent tant d'heur que de trente-cinq voiles, il en arriva sous la citadelle vingtneuf, et n'en relâcha que cinq.
Une fut prise, où étoient Beaulieu et Launay sur lesquels tomba tout le danger, et furent pris sur les hansières et câbles que les ennemis avoient attaches les uns aux autres au» beauprés de leurs navires, étant fort près les uns des autres, et faisant un cercle au devant de la citadelle.
Ils firent jeter un homme à la mer avec une hache, qui coupa l'hansièrë et câbles espérant par ce moyen, se tirer d'entre les deux navires. au milieu desquels ils étoient; mais par malheur le. contremaître du vaisseau du capitaine Maupàs ayant coupé un grand câble qui empêchoit le passage de sa barque, ce câble toinbant embarrassa le gouvernail de celle de Launay, Rasilly, et l'entraîna contre la ramberge où ce câble étoit attaché. Là il fut attaqué de.plusieurs chaloupes; et; après un grand combat auquel le sieur La Guette, nourri page de la reine d'Angleterre, pourfendit un des ennemis, ils furent contraints de se rendre à composition, moyennant 10,000 écus de rançon qu'ils promirent.
Les ennemis, qui tenôient prêtes des.barqués à feu, voyant que leurs efforts sur mer n'avoient su empêcher le passage du secours, en envoyèrent une à la queue de celles du convoi, qui, se mêlant parmi vint échouer comme,.les autres sur le port.
La nuit empêchoit de reconnaître si c'étoiént amis ou ennemis, jusqu'à ce qu'on y vît allumer.le feu, et trois Anglais qui demandoient la vie qu'on leur accorda, n'étant pas juste en un jour auquel ils rece--voient une si grande grâce'de Dieu de la refuser à personne.
Ainsi, après tes avoir retirés on laissa achever de brûler la barque à feu, sans qu'elle fit effet sur les nôtres, qui se trouvèrent par bonheur avoir le dessus .du,vent.'
Buckingham qui attendoit l'heure de huit heures comme celle de sa félicité et du couronnement de ses travaux, fut outré de désespoir de la voir changée en' celle de sa honte,et de l'opprobre de sa nation'. Dès le matin, pour toute réponse,.on lui montra .de la citadelle, au bout des piques, force bouteilles de vin, chapons coqs d'Inde jambons, langues de boeuf et autres provisions, et les nouveaux canonniers, arrivés.avec la flotte, saluèrent de force canonnades.leurs vaisseaux qui s'étoient approchés.de trop 'près; sur la créance qu'ils avoient que ceux de dedans n'avoient plus de poudre.
Il y avoit dans ces barques plus de deux cents tonneaux de farine, dont-deux et demi sursoient par jour pour le pain de ce qui étoit dans le fort. Il y avoit plus de soixante pipes de vin, du vin, d'Espagne,.trois coffres d'onguens et drogues, pour les malades et blessés des morues des pois, des fèves en très-grande quantité, du verjus, du vinaigre, des jambons, soixante bœufs salés, plusieurs moutons vifs, des chemises; des chausses, des souliers en grand nombre, des manteaux de caban pour les sol-
dats qui font la sentinelle, douze douzaines de,gants, des fourreaux d'épée, tous les vaisseaux lestés de charbon de terre pour chauffer les soldats, un grand nombre de planches pour faire les logis, deux chirurgiens, seize canonnier, les gentilshommes, soldats et-matelots que j'ai dit.
Le jour étant venu, les ennemis jetèrent quantité, de grenades balles à feu sur les barques, pour essayer encore de les brûler, mais en vain; et peu après, la marée se retirant laissa les vaisseaux à-sec. Ce que voyant, les Anglais qui étoient dans fîle y vinrent en.deux bataillons mais ils furent repoussés avec perte de beaucoup des leurs et de prisonniers, lesquels Interrogés, dirent qu'il y avoit plus d'un mois que la barque à feu étoit préparée à cet effet. Sur les deux heures après xiaidi, la marée revint, à la faveur de laquelle les Anglais vinrent derechef avec un grand appareil dé chaloupes, galiotes et pataches, et une autre barque à feu pour brûler ce qui pouvoit être resté à débarquer. Il y eut une grandé escopeterie, et quantité de coups de canon de part et d'autre avec fort peu de perte d'hommes; et le brûlot, nonobstant les efforts dés nôtres, fut amené parmi leurs barques; mais ils trouvèrent moyen de le dégager, et notre convoi fut garanti. Le sieur Desplan fut légèrement blessé de l'éclat d'un fût dans une hutte du fort vingt barques des nôtres furent brisées et rendues inutiles mais les. provisions en, avoient été. ôtées et servirent aux huttes et à brûler.
-Sur lés neuf heures du soir, lés ennemis firent jouer une mine à l'endroit du travail avancé de Saint-
Martin; mais, comme ils n'avoient pas bien proportionné la quantité de poudre à la terre qu'il falloit enlever, la mine aussi n'étant pas assez avancée, elle ne,réussit pas, et cela les empêcha de faire l'attaque qu'ils avoient entreprise.
En ce même temps le Roi reçut des avis de plusieurs parts qu'un orage se formoit en Allemagne sous le nom de l'Empereur, pour venir fondre en notre frontière de Champagne', sous prétexte des vieilles querelles de la protection de Metz, Toul est Verdun. Sa Majesté crut devoir tirer éclaircissement de cette affaire, non. en écrivant en Allemagne, où les desseins seulement s'exécutoient, mais en Espagne, où en étoit la première origine étant certain que c'étoit un trait de leur façon de faire accoutumée, de faire attaquer secrètement par des personnes supposées ceux avec lesquels ils font semblant d'entrer sincèrement en une étroite alliance.
Le cardinal de Bérulle eut, commandement d'en écrire au Fargis, ce qu'il fit, et lui manda que nous n'avions aucunes nouvelle's de l'armée d'Espagne, qui devoit néanmoins être à Morbihan dès la fin d'août; que nous avions deux fois secouru Ré, et espérions continuer encore; que nous avions trente-cinq vaisseaux prêts à Morbihân qu'il ne restoit à venir que ceux d'Espagne que cela faisoit tort à leur réputation, à la liaison commencée entre les deux couronnes à la confiance nécessaire aux plus grands desseins préparés pour l'année suivante qu'on ne se relâchoit point de deçà mais qu'on persévéroit dans les résolutions premières qu'on refusoit la paix qu'on étoit venu offrir jusque dans le
Louvre, et que chacun désirait; que le Roi seul et ses .ministres ne, veulent pas seulement écouter; et cependant le secours 'd'Espagne offert "et attendu nous manquoit; même qu'au lieu d'icelui on étoit' battu des bruits et des avis qüi venoient, que l'Em-' pereur approchoit et vouloit attaquer Verdun c'est-à-dire l'Espagne sous le nom de l'Empereur, puisque c'étoit une même maison et une même conduite qu'on ne le pouvoit croire pourcé que c'étoit une tromperie insigne peu honorable à l'Espagne-, très-dommageable à la chrétienté, et enfin peu utile l'Espagne même qu'il y avoit cent ans que l'Espagne n'avoit rencontré une pareille disposition dans les affaires publiques à célle qui se présentôit depuis un, an, pour satisfaire conjointement au zèle qu'ellevouloit qu'on crut en la chrétienté qu'elle avoit vers la religion. Mais cependant, lorsque nous pensions recevoir les premiers eflets d'une disposition si importante, nous voyions que l'armée ne s'avançoit pasdu côté d'Espagne pour nous secourir, et elle s'avançoit, ce dit-on, du côté d'Allemagne pour nous attaquer que cela étoit si hors dé temps, de raison et de piété, qu'il ne le pouvoit croire néanmoins, qu'en, chose de telle conséquence il s'en falloit assurer, et que pour ce sujet il leur dépêchoit un courrier pour tirer d'eux les éclaircissemens nécessaires. Qü'on sera en France bien fondé à croire que l'Espagne nous faisoit une querelle d'Allemand; que nous savions bien les voies ordinaires dont on pallioit semblables affaires mais que nous savions bien aussi les vôies d'y remédier; que le mal' étoit que c'étoit auprofit de l'Angleterre et de l'hérésie et à la ruine
dés desseins projetés, et de meilleurs encore que Dieu alloit préparant par ses voies douces et secrètes, si les hommes n'empêchoient les conseils de Dieu par leurs mauvais' conseils.
Qu'enfin si la religion en pâtissoit, Dieu en demanderoit compte, son avis, à l'Espagne et non à la France.
Il est incertain si cette dépêche fit quelque effet et retarda quelque temps l'éclat de cet orage qui n'éclata que l'arinée ensuivant, ou si le retardement provint de ce que l'Empereur ne put pas plus tôt exécuter son dessein.
Le Roi reçutla nouvelle de ce grand et dernier secours de Ré, le 9, sur le chemin de Niort, par le comte de La Rochefoucauld, qui la lui apporta à la dînée. Le lendemain il arriva à Surgères, où Monsieur le vint trouver, et l'accompagna le jour suivant à l'armée, qui étoit'en bataillé entre La Jarrie et Estrées, où Sa Majesté prit son quartier mais mondit seigneur, frère du Roi, ne tarda guère à s'ennuyer à l'armée depuis l'arrivée de Sa Majesté, et lui parla incontinent de lui donner son congé.
Sa Majesté lui répondit qu'il ne savoit à quoi il pensoit quand il pensoit à s'en aller; qu'il ne lui en' vouloit point 'de mal, parce qu'il savoit bien que c'étoient quelques-uns de ceux qui étoient auprès de lui qui le lui persuâdoiént.
Quand il y seroit résolu qu'il ne l'en empêcheroit pas, voulant que toutes ses actions fussent libres; mais lui disoit-il qu'il feroit une action qui témoigneroit à tout le monde qu'il affectionnoit peu les affaires de la guerre qu'il n-'aimoif pas sa personne
puisqu'il s'en éloignoit, et que ses desseins ne favosoient pas le bien de l'Etat; que, quand après cela il voudroit partir, il le prieroit encore de ne le fairepas, mais néanmoins qu'il le laisseroit faire; que tout le monde verroit qu'il auroit tort, et qu'il connoîtroit un jour l'obligation qu'il avoit à ceux qui lui donnoient de si bons conseils.
Cependant, dès que Sa Majesté fut arrivée, sans se divertira à aucune autre chose, elle voulut reconnoître l'état de ses troupes, voir les forts, l'ordre des gardes, l'artillerie les magasins des vivres et provisions de l'armée, et le nombre des hommes tant de cheval que de pied dont il se.pouvoit assurer.
Le cardinal se logea au Pont de la Pierre qui est une maison sise sur le borddelainer, éloignée de tout secours et sans aucun retranchement ce qui donna sujet aux Rochelois de faire une entreprise par mer pour l'enlever la nuit dont il partit le jour pour aller en Brouage..
Le Roi, en étant averti par un de l'entreprise sorti de La Rochelle, fit mettre ses mousquetaires dans la maison, et des régimens sur le ventre dans les dunes qui sont à l'avenue de la mer et Sa Majesté demeura toute la nuit avec quelques-compagnies de cavalerie derrière la maison, attendant les Rochelois, mais sans effet car, bien qu'ils fussent venus à la rade pour exécuter leur dessein ils n'osèrent se débarquer, et s'en retournèrent. Depuis, le cardinal pourvut à la sûreté de cette demeure par de bons. retranchemens et fortifications à l'épreuve du canon.- Il arriva lors avis au Roi d'une action survenue en Hollande le premier jour d'octobre, action la plus infâme qui pût
être, et portant un très-évident témoignage de l'infidélité des Hollandais envers le Roi.
Des pesses; ambassadeur du Roi en Hollande, avertit les États qu'on lui avoit rapporté que les Anglais avoient dessein d'enlever les vaisseaux que le Roi avoit fait faire en Hollande et qui-étoient encore en leurs ports. '̃• Ils témoignèrent que ce n'étoit pas chose qui se pût faire, et qu'ils l'en garantiroient.
L'ambassadeur se repose sur cette assurance. Ce• pendant il arrive que, le 7, trois ramberges et cinq autres vaisseaux entrent dans la rivière du Texel, et s'approchent du galion de To'iras, qui étpit bien une lieue dans la rivière au milieu de huit vaisseaux de guerre des États et quantité d'autres grands navires hollandais bien armés.
Le capitaine Régnier, à qui Gentil! o_t qui étoit allé à Enckhuysen, avoit laissé la garde du vaisseau de Toiras, ne pouvant pas bien discerner le pavillon de la flotte anglaise à cause de l'obscurité, et qu'elle étoit encore un peu loin, envoya au bord des Hollandais pour en apprendre,des nouvelles. Ils leur dirent que c'étoient vaisseaux hollandais revenant des Indes il échappa néanmoins à un des leurs de dire que c'étoient Anglais.
Aussitôt le capitaine Regnier se met en devoir de se défendre, et commande à cinquante ;matelots hollandais qui étoient commis aux canons et aux poudres, de mettre l'artillerie aux .sabots ce qu'ils refusèrent, disant qu'ils étoient Joués pour conduire levaisseau en Frànce; non.pour combattre lès Anglais. En ces entrefaites les Anglais s'abouchèrent avec
les Hollandais qui leur montrèrent ledit vaisseau lequel ils abordèrent et firent une décharge dessus de leurs canons et-leurs mousquets.
Les Français se voulant défendre trouvèrent que les Hollandais avbient par méchanceté vidé les charges de leurs bandoulières.
Le maître canonnier d'entre eux, sitôt qu'il se put faire entendre, demanda quartier aux Anglais., les reçut par les sabots de la poupe, et lui livrable capitaine Regnier qui coupoit les ancres pour s'échouer. Sur le minuit étant arrivé un renfort aux Anglais, ils passèrent outre pour chercher les vaisseaux du Roi et de la Reine; mais le chevalier Desgoutes hasarda de les faire passer à travers les bancs, jusqu'auprès de la digue d'Enchuysen, où ils furent en sauveté.
Quelque poursuite que fit l'ambassadeur envers les États pour les obliger à faire rendre le vaisseau, ou combattant les Anglais, ou en ôtamt les tonnes qui marquent les bancs en ladite rivière, il n'en put jamais venir à bout, disant que, par un des'articles de leur traité de paix avec l'Angleterre, ils ont permission d'assaillir, dans les ports les uns des autres, les vaisseaux espagnols et de leurs adhérons, au nombre desquels les Anglais .tenaient le Roi.
Le 15 octobre, Marsillac commença un autre embarquement de quinze barques et onze pinasses qui furent chargées de toutes sortes de vivres pour le fort. Saint-Martin, et dix-neuf chates pour passer au fort de La Prée. Ces deux convois ne se mirent à la rade que le 9 de novembre; plusieurs échouèrent d'autres relâchèrent, et ne passèrent qu'après la.retraite
des Anglais. Le 16, le capitaine Audouin repassa du fort avec une partie des barques du grand secours, chargées de plusieurs malades et blessés qu'ils ramenèrent. Mais le lendemain-le jeune Richardière capitaine Maupas, en partant sur les huit heures du sbir, fut abordé par plusieurs chaloupes et tué, se défendant courageusement sans s'être jamais voulu rendre.
Toutes les nouvelles qui en venoient disoient que les Anglais, en leur siège/se ruinerôient eux-mêmes dans les pluies, les maladies et incommodités de l'hiver qu'ils ne pensoient plus au grand secours que le sieur de Taraube, envoyé au Roi par M. de Toiras, avoit proposé puisque la citadelle étoit rafraîchie de vivres pour long-temps. Néanmoins, Toiras manda par Saint-Preuil,le25 octobre, qu'il n'avoit des vivres que jusques au i3 novembre et que ce temps-là passé, il rendroit la place aux ennemis.
Cette nouvelle surprit extrêmement; car il avoit donné charge au capitaine Odart, en partant de la citadelle peu auparavant, d'assurer le cardinal qu'il avoit. assez de victuailles pour deux mois; ce qu'il fit, et le donna par écrit, ajoutant que ledit Toiras lui avoit donné charge de dire que le plus grand.secours que le Roi lui pourroit faire seroit de lui envoyer cinq ou six mille hommes, afin de chasser les ennemis hors de l'île, à cause que les soldats étoient grandement, fatigués.
Cela fit hâter Sa Majesté de disposer toutes choses pour dresser ledit passage en Ré de six mille hommes de pied et trois cents chevaux, pour faire lever le siège aux- Anglais et les chasser de l'île.
Elle avoit déjà donné le commandement et le pourvoir de son lieutenant générâl en cette expédition au maréchal de Schomberg, auquel elle avoit baillé Marillac pour maréchal de camp mais il alloit lentement à cette entreprise attendant que la pluie et l'hiver dans lequel on entroit affoiblissént toujours davantage l'armée dé l'ennemi.
Le cardinal afin qu'on ne perdît désormais une seule heure de temps, se chargea de fournir barques, .vivres et.munitions pour l'embarquement de la plus grande partie en. Oleron et Brouage.
Le il avoit envoyé en Oleron pour faire embarquer le régiment du Plessis-Praslin qui y étoit avec ordre d'aller descendre au fort de La Prée, pour commencer les retranchemens hors d'icelui et tirer quelques lignes et rédoutes depuis ledit fort jusqu'à la mer,, tirant vers Saint-Martin, pour favoriser l'entrée au reste des troupes*
• Le régiment de Beaumont qui étoit au Plomb eut la même charge. Six jours après, huit cents hommes de ces deux régimens y entrèrent; le reste, ne l'ayant pu faire à cause des vents et tempêtes avoit relâché dans la rivière de Charente pour attendre le beau temps. Le cardinal dès le'même jour que ladite lettre de Toiras fut reçue partit d'auprès le Roi pour aller zen Brouage. et Oleron faire embarquer le régiment de Navarre, celuide La Meilleraie, et cinquante gendarmes de la compagnie de la Reine. Il arriva le 28 et fit une grande diligence pour trouver des barques et des vivres, et faire embarquer les troupes.
Cent vingt hommes du régiment de Beaumont, et
cinq cent cinquante du régiment du Plessis-Praslin passèrent heureusement au fort de La Prée.
Sa Majesté envoya au Plomb, pour s'embarquer, huit cents hommes de ses gardes avec Canaples leur mestre de camp, quatre cents restant du régiment de Beaumont, et trente gendarmes de la compagnie. de Sa Majesté.
Elle commanda au maréchal de Schomberg d'y allerincontinent avec les mousquetaires de Sa Majesté, les volontaires et cinquante chevaux de sa garde, afin de. passer dans les barques qui retourneroientdu premier embarquement, et les trouver déjà un peu reposés dans. l'île, pour être plus prêts à employerquandil arriveroit. Elle'commanda à Marsillac d'aller en Oleron, pourpasser de ce côté-là avec ce que ledit sieur cardinal auroit préparé avec les régimens de Navarre ce qui restoit du régiment de La Meilleraie, cinquante des. gendarmes de la compagnie de la Reine mère de Sa Majesté et la compagnie des chevau-légers de Bussy-Lamet et les vivres.
Elle eut encore le soin d'envoyer aux Sables-d'Olonne l'ordre pour faire embarquer six cents hommes de Vaubecourt et de Ribérac, et le régiment du Fresne d'Urbellière avec cinquante gendarmes de la compagnie de monseigneur le duc d'Orléans conduits par le sieur de La Ferté, et la compagnie des chevau-légers du sieur de La Borde, avec ordre à -l'évêque de Nîmes de se joindre à Mar§illac pour y tenir la main, et commandement au capitaine Richardière, bon homme de marine, de mettre toute la flotte de vaisseaux, jusques au nombre de cinquante-deux, en état de faire service.
Le cardinal ayant par le commandement du Roi pourvu au paiement de toutes les dépenses de cet embarquement., il n'y avoit plus que le vent à désirer.. v Ces troupes seules étoient d'hommes si choisis qu'elles eussent été capables de combattre le double de ce qu'elles étoient et les mousquetaires seuls, à trente-deux 'desquels Sa Majesté avoit fait prendre des .armes à l'épreuve et des hallebardes, étoient entel état, qu'il n'y avoit point de front de bataillon qu'ils n'eussent été capables de percer jusqu'à la queue. Mais Sa Majesté ne se contenta pas de cette prévoyance et de ces armes il eut principalement recours à Dieu commanda que- chacun se mît en bon état, et particulièrement ses mousquetaires, qu'il fit confesser et communier avant que partir.
La noblesse de la cour venant à la foule prendre congé de Sa Majesté l'on voyoit dans leurs -visages une telle gaîté, qu'il faut avouer n'être permis qu'à la nation française d'aller si librement à la mort pour le service de leur Roi ou pour leur honneur, que l'on ne sauroit remarquer aucune différence entre celui qui la donne et celui qui la reçoit.
Tous ces ordres donnés le Roi de sa propre main fit ceux du combat, et en traça les dessins en plusieurs sortes, afin de s'en-servir selon la situation des lieux,,ou la disposition en laquelle les troupes ennemies seroient. i
Deux jours après, Marsillac partit pour s'en aller en Oleron, où il trouva que le cardinal avoit usé d'une si grande diligence qu'encore que.dans les ports de
Brouage et Oleron, il n'eût pas trouvé à son arrivée trois barques prêtes, le régiment de Navarre, le reste de celui du Plessis-Praslin celui dé la Meilleraie six cents hommes de Piémontet de Rambure, quatrevingts hommes de la compagnie de la Reine mère du Roi, cinquante _chevau-légers de Sa Majesté, cinquante de Bussy-Lamet et soixante gentilshommes avec ledit Marsillac et les vivres, furent prêts à faire voile la nuit d'entre la Toussaint et les Morts. Il arriva un accident qui pensa apporter beaucoup de confusion. Le maréchal de Schomberg, qui devoit passer au Plomb ayant appris que le passage y'étoit difficile et qu'il n'y pourroit passer, et qu'au contraire le passage étoit plus prompt en Oleron le fit entendre au Roi, qui trouva bon qu'il y allât passer. Suivant cela il en prit le chemin et arriva à Marennes, entre Brouage et Oleron avec -les mousquetaires et grand nombre de noblesse, et de là il écrivit audit cardinal, le .priant de lui envoyer des barques pour passer toutes ses troupes en Oleron,.
Le cardinal avoit suffisamment pourvu à tout ce qui étoit nécessaire pour l'embarquement des trois régimens qu'il avoit pris en charge de faire passer; mais cette arrivée du maréchal de Schomberg si à l'improviste en Oleron avec cinquante chevau-légers de la garde du Roi, cinquante de la compagnie de Bussy-Lamet, le sieur de Montalet avec les mousquetaires du Roi, quatre cents hommes du régiment de Piémont autant de Rambure et plus de quatre cents gentilshommes volontaires eût causé un grand désordre si sa prudencé n'y eût pourvu; car, bien que cette surcharge- fût plus grande que celle qu'il avoit
'entreprise, néanmoins le tout fut embarqué avec, les munitions, nécessaires lé jour de la Toussaint -et toute cette flotte fit voile sur le-soir pour se rendre au Saumonat, qui est une partie de l'île vers- le sudTouest pour prendre le vent.
Le.même jour que le maréchal de Schomberg arriva en Oleron, qui fut le 30' octobre, les huit cents hommes des gardes quatre cents du régiment de Beaumont et trente géndarmès, qui s'étoientembarqués au Plomb, arrivèrent au fort de La Prée à onze heures de. nuit avec leurs vivres et munitions de guerre et trois canons. En même temps Sa Majesté envoya ses propres mulets pour faire. apporter cent mille pains qu'elle avoit fait faire à Marans avec une très-grande pro- vision de foin et d'avoine pour la cavalerie.
A l'arrivée de ce secours., les ennemis étant avertis, de leur passage, se résolurent de les venir attendre à la descente; et, de fait, s'y trouvèrent avec deux mille hommes choisis et six vingts chevaux. ,Le sieur 'de Sàint-Preuil, duquel les services depuis l'attaque dé là citadelle, jusqu'à la défaite des Anglais. sont dignes de. louanges ayant reconnu les troupes anglaises, en vint avertir M. de Canaples qui commandoit tout l'embarquement comme mestre de camp du réaiment des gardes; mais, ne laissant pas de passer outre sans suivre le conseil' que lui donna-SaintPreuil, qui étoit d'attendre au jour à faire sa descente, parce, que les cannons du fort. de La Prée l'eussent favorise et eussent chassé les ennemis, ils donnèrent, mais lâchemenf. La barque de Fourrilles arriva la première, et celle du sieur de Canaples,
mestre de;camp du régiment des gardes, après. Dès lors -qu'ils furent échoués ceux du fort envoyèrent des gens pour les reconnoître mais Canaples et Four-, rilles; qui avoient déjà mis pied à terre, étant reconnus leurs noms et à leurs voix furent gaîment reçus par ceux du fort, et avertis que les ennemis étoient bien proches d'eux ce qui fut cause que Canaples commanda àFourrilles de faire descendre les soldats de sa barque, qui étoient environ quatre-vingts, et d'en faire un bataillon les autres chefs reçurent pareil, commandement à mesure qu'ils arrivoient. Ce que Fourrilles fit; et, après avoir formé sonbataillon, il reçut commandement de s'avancer quelque quatre cents pas hors la contrescarpe et de faire un peloton de huit enfans perdus pour les mener surles avenues de l'ennemi, ce qu'il fit. Tilladet fit aussi un bataillon des soldats, qui étoient dans sa barque et prit la main droite de Fourrilles, distant de quelques cents pas et Porcheux prit la gauche à même distance. A deux heures de.là on'vit paroître l'ennemi. La sentinelle tira elles enfans perdus de Fourrilles firent fort bien leur décharge sur le bataillon del'ennemi, qui,ne tira jamais .qu'il ne fût à vingt pas du bataillon de Fourrilles auquel il alloit tout droit.
Au-feu des mousquetades, Fourrillesvitleurordre et, jugeant qu'il seroit plus à propos d'aller au devant que de les attendre, il commanda de donner et s'avança dix ou douze pas, et va au devant. Mais en cette généreuse action il ne fut suivi que de Mansan, qui fut tué d'un coup de mousquet et de quatre coups de pique, de son enseigne de Barilles et de Pensamont qui fut tué aussi de quatre coups de pique.
Le choc de ces cinq fit fait avec tant de vigueur qu'il sépara l'ennemi en deux, et n'y a,.point de doute que si les soldats du bataillon eussent donné qu'on eût défait le bataillon de l'ennemi; mais ils se mirent à vau de route, et n'y eut que le premier rang des mousquetaires -qui tira. Celui qui le vit dit qu'il ne vit jamais une, pouvante si grande, soit que le passage de la mer eût étourdi les soldats, soit que le peu de connoissance qu'ils avoient du lieu où ils étoient les rendît peu préparés à recevoir un tel choc; on -fut plus d'une heure à rallier les soldats, car la plupart des chefs étoient encore dans les vaisseaux, même la cavalerie.
Le nombre des morts fut plus grand des ennemis que des nôtres. Il y en eut cinquante de tués des leurs des nôtres, un capitaine du régiment de Beaumont et son sergent-major, et cinq ou six soldats y demeurèrent.
Toute la nuit les nôtres furent sur leurs gardes, et, à la pointe du jour, la cavalerie étant descendue, _celle des ennemis se vint promener tout contre la baie. Nos gendarmes montent à cheval, qui n'étoient que trente, les poursuivent, les chargent, en tuent cinq ou six, et amènent des prisonniers, et le reste se mit en fuite, qui étoient environ quarante maîtres. Le jour de la Toussaint, sur la nuit, Buckingham, croyant que les gardes du Roi attaqueroient le village de La Flotte où il tenoit cinq cents hommes, fit quitter les tranchées du. côté d'Antioche pour envoyer deux mille hommes au secours de cette garnison. Le lendemain., a. novembre, la cavalerie anglaises Venant fondre sur quelques soldats débandées, entre
La. Flotte et le fort de La Prée, trente gendarmes montèrent à cheval douze desquels, venant aux mains avec les ennemis, en tuèrent plusieurs sur la place et en prirent cinq prisonniers.
Ces exploits, bien que petits, étoient grandement avantageux; ils ôtoient le coeur aux ennemis, l'aug- mentoient. aux nôtres, et ébranloient ceux de l'île quitter le parti des Anglais et à prendre celui du Roi. Un effet, en parut dès le soir même car plusieurs personnes de La Flotte-Sainte-Marie vinrent donner des avis que les ennemis se rembarquoient. Ils avoient pris ce dessein ,huit ou dix jours aupara- vant de sorte qu'ils furent long-temps sans tirer de leurs tranchées, et en ôtoient leurs canons' pour les rembarquer. Mais Lorbières,, que Buckingham avoit envoyé en Angleterre arriva qui leur donna espérance d'un secours de six mille hommes, que le comte, de Holland leur devoit amener. D'ailleurs, le sieur de Soubise, qui étoit La Rochelle, vint, accompagné de députés pour supplier le duc de ne les pas abandonner; lui promettant beaucoup d'assistance et d'hommes et de vivres ils promettoient plus qu'ils ne pouvoient tenir. Lors^ les ennemis changèrent dc dessein, et, nonobstant les incommodités dutèmps et des maladies qui les pressoient fort, s'opiniàtrérent de nouveau au siège.
Mais voyant les troupes du Roi arrivées en File et sachant qu'il en devoit passer encore d'autres, ilsreprirentleur premier dessein de s'emharquer. Toute-, fois à la persuasion des Rochelois, ils se résolurent de donner un assaut général avant que de partir. Pour cet effet, le vendredi 5 dudit.mois, ils firent
entrer leur garde plus forte, que de coutume, sans faire relever celle qui y étoit déjà: • •, Toiras, qui fut averti sur le minuit, par un soldat venu de La Prée que les Anglais se préparoient à donner un assaut général, commanda que chacun se munît d'armes et.de courage pour les repousser, mit ordre que chacun se trouvât à son poste, et leur ordonna ceux qu'ils devoient défendre..
Au point- du jour l'on vit encore filer quantité de soldats dans les tranchées on voyoiten des endroits quantité de bourguignotes, on voyoit aller et venir quelques chefs d'un .quartier à l'autre, à cheval et assez. vite; ce qui confirma l'avis qu'on avoit eu.. Peu après sur les huit heures, vint un avis du travail le plus avancé vers Saint-Martin, qu'on entendoit chanter des psaumes. A l'instant on tira trois coups de canon du camp des ennemis, qui étoit le signal de l'attaque. Toute leur armée, donna en même temps de tous côtés sur les travauxavancés, contrescarpes et demilunes. Néanmoins leur attaque principale fut,du côté du bourg de Saint-Martin sur le bord de la mer. Leur intention étoit de laisser la demi-lune droite et gagner le bastion de Toiras qui étoit le. moins avancé. Il y avoit deux mille hommes destinés pour.cette seule attaque; les uns venoient par la contrescarpe, de la demi-lune de la porte, les autres par le travail avancé qui étoit entre .çette contrescarpe et la mer, et, les autres du long de la côte, car c'étoit en basse marée, et dressèrent quarante échelles contre la falaise.
Il furent en peu de,,temps sur le; bord du fossé de
ce bastion, parce que comme on vit que 1 attaque ëtoit générale, noms gens ne s'amusèrent pas a garder les dehors, et fut aisé aux ennemis de s'avancer jusMais c'est aussi-'tout ce qu'ils purent faire; car, depuis que. les assiégés se furent un peu reconnus, les mousquetaires les malmenèrent si fort, et l'on retourna à eux avec tant de résolution qu'ils furent contraints de lâcher le pied.
Ils descendirent si vite par leurs échelles qu'ils ne touchoiènt qu'au premier échelon. Nargonne, qui étoit en garde dans la demi-luné', fut le premier qui alla à eux soutenu de Tibaut; et y firent fort vaillamment tous deux. Urie autre attaque principale fut au bastion d'Antioche, qui étoit bien plus revêtu ,et plus haut que l'autre, mais le fossé, à cause de la disposition du lieu, si peu creux,, que qui étoit sur la contrescarpe avoit gagné le fossé.
Il y avoit en cette attaque mille ou douze cents hommes, qui furent promptement les'inaîtres de la contrescarpe et du fossé de ce bastion, contre la pointe duquel ils firent un bataillon de cinq ou six cents hommes; le reste les soutenoit de chaque côté de la, contrescarpe.
Ceux des nôtres qui étoiènt aux travaux avancés de ce' côté-là né s'y amusèrent point, non plus que les autres de l'autre attaque; mais s'étant jétés dans la fausse braie du bastion, firent ferme là avec ce qui y étoit déjà. Les ennemis faisoient effort pour y gagner le passage mais comme ils le virent gardé avec tant de vigueur, et qu'on les assommoitdes pans
des demi-lunes par les mousquetades, et de la faussebraie à coups de cailloux ils lâchèrent aussi le pied et prirent la fuite de tous côtés. Les nôtres furent après, les poursuivant jusque dans leurs tranchées. Des Etangs commandoit dans la fausse braie'de ce bastion, Montaut à celui de Toiras, Ciedié du côté de la mer pour la défense de la falaise du Vigeau étoit à sa demi-lune; ce qu'il y avoit du régiment de Chappes gardoit une petite demi-lune du côté de la mer et l'autre du même côté étoit à ceux du régiment de Chastelier. Chaque capitaine et officier étoit occupé à faire, vigoureusement en son quartier, et comme c'étoit là la partie du tout, personne aussi ne s'y épaj-gnoit. L'attaque avoit commencé partoutenmême temps; elle finit aussi en même temps presque par- tout, sinon au bastion de Toiras, où elle dura plus de demi-heure plus qu'aux autres.
Ce combat fut de bien près de deux heures avant que les ennemis fussent retournés en leurs tranchées; ils laissèrent trois cents hommes sur les contrescarpes ou dans les fossés outre ceux qu'ils eurent moyen de retirer, particulièrement du côté de la mer à la faveur de la falaise. Ils y laissèrent toutes leurs échelles et cinquante prisonniers, capitaines, officiers ou soldats.
Les habitans de Saint-Martin ont dit depuis. qu'il .mouroit quantité de blessés arrivant au logis; qu'il y en avoit qui avoient cinq et sixmousquetades. Le reste des blessés, disent-ils, faisoit encore plus.de deux cents.
On fait état qu'ils perdirent en cet assaut pour le :moins six cents-hommes;. et le bonheur des assiégés
fut si grand, qu'ils n'y perdirent que dix-huit ou vingt soldats et un sergent. Saldaigne y reçut une mousquetade dans la tête, dont il mourut le lendemain Gravai, lieutenant en la mestre de camp, eut aussi une mousquetade au travers du corps, dont il mourut trois jours après il y eut quelques autres blessés, mais de légères blessures.
Comme ce combat finissoit, l'on vit venir des gens des vaisseaux pour mettre pied à terre, que l'on douta s'ils n'avoient point envie de redonner mais la suite fit voir que leur échec étoit si grand qu'ils se défioient de pouvoir bien garder leurs tranchées de fait, ils en abandonnèrent la moitié dès l'heure. Le duc de Buckingham envoya bientôt après un geritilhomme vers le sieur de Toiras, pour demander les morts et savoir s'il y.avoit des prisonniers. La liste lui en fut baillée pour les échanger avec ceux des nôtres qu'ils pouvoient avoir auparavant, ét leurs morts leurfurentaccordés; mais ils ne les vinrent quérir qu'au lendemain, et comme on les leur eutapportés sur le bord de leurs tranchées, ils ne leur firent autre fosse que de les jeter dedans et les couvrir de la terre de la tranchée même; ce qui fit assez remarquer clue leur intention étoit de lever,le siége. En cette occasion, les soldats de la citadelle témoignèrent un merveilleux courage; car ceux qui étoient malades et languissans dans leurs huttes se trouvèrentsur les bastions. Il y en avoit de si fqibles, que, ne pouvant combattre, ils chargeoient les mousquets de leurs càmarades, et d'autres qui, ayant combattu plus que leurs forces ne permettoient, n'en pouvant plus, di.soient à leurs camarades « Ami, ,je te donne- mes
hardes.; je te prie, lais-moi, ma fosse, » et s'y retirant mouroient. Le vendredi an soir, 5 novéinbre, qui ëtoit la veille de cette attaque on donna avis à Êanaplés que Buckingham avoit dessein de venir attaquer avec trois mille hommes de pied du côté de la terre et qu'au même temps ils feroient échouer des barques parmi les nôtres qui crieroient vive le Roi et se mêleroient parmi eux pour apporter plus de désordré. Cela fut jîàuse que toute la nuit les troupes du Roi furent en armes; mais à la poirite du jour on les vint avertir que Buckingham avoit quitté La Flotte et 'ramassait tous ses gens pour essayer d'emporter. la citadelle d'assaut.
A cette nouvelle on prit les armes, et, comme on 'se mettoit en ordre on entendit une furieuse escar'mouche qui se faisoit à la citadelle;.ce ;qui obligea 'Canaples de mettre toutes ses troupes en. bataille. 'qu'il divisa en cinq bataillons, et fit marcher droit vers Saint-Martin.
La cavalerie marchoit quelque trois cents pas devant l'avant-garde laquelle soutenant les enfans perdus, on fit halte du côté de La Flotte. Les Anglais 'avoient laissé toute leur cavalerie à l'entour de La Flotte, qni paroissoit d'environ cent ou six vingts che'vaux, et se tenoit toujours en fort bon ordre devant la nôtre. L'attaque de la citadelle ayant cessé M. de Canaples fit commencer sa retraite, et, en passant à La Flotte envoya quinze ou vingt mousquetaires pour brûler quelques navires qui étoient à sec dans le port dé La Flotte, ce qui fut fait.
*̃ "Ités le lendemain de cette attaque générale, les
ennemis commencèrent tout de bon à se vouloir retirer, ayant perdu toute espérance, s'ils vouloient emporter la place par famine de pouvoir surmonter la diligence et l'adresse du cardinal à rafraîchir de vivres, de munitions et d'hommes les assiégés' et, s'ils vouloient la prendre de force de pouvoir surmonter le courage des Français.. Ils ne faisoient point difficulté de le dire tout haut, et Canaples ayant envoyé demander un passeport, à Buckingham pour faire passer à la grande terre deux ou trois gentilshommes qui avoient été blessés en descendant au fort de La Prée, lors du combat dont nous avons parlé il lui récrivit que les malades auroient bientôt' le passage libre que son intention étoit.de s'embarquer sans attendre qu'il descendît plus de gens en l'île qu'il ne vouloit point hasarder ses gens fatigués d'un long siège contre des g ens frais comme si les gens de guerre du Roi eussent étè moins fatigués qui étoient tous les jours dans la fange et dans l'eau,. et la plupart du temps sans couvert.
Le jour même il écrivit la même chose à Fiesque,' qui étoit dans le fort de La ,Prée; et, pour montrer son extravagance il ajouta qu'on le verroit encore' bientôt entreprendre quelque chose sans raison: Mais le Roi, qui ne se fioit point en ses ennemis et' entre tous aux Anglais desquels.il avoit reçu, même étant amis, tant de témoignages d'infidélité et de men-'songe,'craignant qu'ils fissent courir ces bruits pour' lui donner.occasion de retarder le passage du reste de ses troupes joint qu'ils se pouvoient embarquer et désembarquer de nouveau très-facilement et
qu'il connoissoit Buckingham être homme qui pour n'avoir pas la force de se résoudre en une telle occasion, ne savoit ni combattre ni fuir, continua eri sa première résolution, et pressa plus que jamais défaire, plus promptement passer tous ceux qui restoient, afin de rencontrer les ennemis en terre, les combattre et les faire à l'avenir trembler de crainte si on leur proposoit de faire une nouvelle descente en ses États.
Le sieur de La Meilleraie passa ce jour-là en Ré heureusement avec trois cents hommes de son régiment, quarante gentilshommes volontaires et vingtdeux gendarmes de la compagnie de la Reine. La nouvelle de ce passage réjouit le Roi et toute la cour parce qu'ayant bien succédé il étoit aisé de voir que ce passage continuant d'être possible, cela échaufferait un chacun à faire la même chose. Le Roi, qui étoit averti de l'heureux passage du Plomb et des occasions qui se passoient dans l'île, toutes.à l'avantage de son service, sachant que M. de Schomberg n'avoit pas passé, donhoit les journées aux soins de conduire son entreprise jusqu'à la fin; et les nuits, Sa Majesté avoit tant d'inquiétudes, que ses, ser,viteurs demeurôient dans la peur que cela n'altérât sa santé., Et, parce que le vent n'étoit pas bon en Brouage Sa Majesté» délibéra de renvoyer quérir Marillac et ses mousquetaires, étant nécës- saire d'avoir un homme de commandement dans l'île, et désirant que sa compagnie des mousquetaires passât au Plomb, pour participer au bonheur ou au hasard de ce qui arriveroit, à ce qui'étoit déjà passé. Ledit LYIarillac s'embarqua dans le canal de La Roi-
chelle, et avec luile commandeur de Souvré, les sieurs de Chappes Tavannes Villequier, le chevalier de Chappes et le quatrième frère, le vicomte de Melun Eguilly Mérinville et autres, jusques à trente gentilshommes et quinze mousquetaires, et passèrent sur deux chaloupes et deux pinasses à rames au tra-vers de l'armée ennemie, la mer étant fort orageuse, et descendirent à la pointe de Samblanceau dont ledit sieur de Marillac ne voulut partir qu'il n'eût fait mettre à terre tous les vivres et munitions qui étoilent dans les vaisseaux; ce qu'étant fait, traversant l'île à pied sans faire rencontre, il alla jusques au fort de La Prëe, où le sieur de Canâplés avec les troupes l'àttendoient.
Le maréchal de Schomberg et les autres troupes qui s'étoient embarquées à Olerpn furent à peine en mer que le vent changea, et il leur fut force de passer six jours et six nuits sur le fer, tantôt sur les voiles, sans pouvoir avancer chemin et en grand péril de se perdre.
Ils furent contraints de relâchèr, ,tantôt en Brouage, tantôt en Charente et en l'île d'Aix.
La nuit d'entre le 7 et le 8 novembre, le maréchal de Schômberg étoit au désespoir de tarder tant àpasser. Le capitaine Regnier, bon pilote conclut d'aller échouer à la mer sauvage, dans un port nommé Chauveau, vis-à-vis de Sainte-Marie, où ledit sieur de Schomberg avoit donné ordre, par le commandeur de Yalençai, qu'il avoit envoyé devant avec une chaloupe aufortdeLaPrée, qu'illùifît un signal si audit lieu de Sainte-Marie il n'y avoit point d'ennemis logés. La descente fut très-heureuse et sans hasard toutes
ses troupes descendirent en terre sans avoir mouillé le pied. Cahusac opinoit qu'il falloit droit aller La Prée, et avertir ce qui y étoit de se tenir en bataille, afin de niarcher et surprendre les ennemis qui ne prouvoient avoir avis de cette nouvelle descente. Pour cet effet, il offrit d'aller audit fort, fondant son opi- nion que, si les ennemis gardoient le village de La Flotte, il seroit aisé de les emporter, sinon, et qu'ils fussent retirés à Saint-Martin, que leur retranchement n'étant que d'une simple ligne, ils ne la pouvoient défendre, et par conséquent la citadelle serait, secourue du côté de la mer.
Il fut:en partie cru, car le maréchal, marchant droit à La Prée, avertit toutes les troupes, par un de ses .gardes, de son arrivée et qu'il désiroit les trouver toutes en bataille. -Cecommandement étant exécuté, le maréchal com-, manda au sieur de Marillac de prendre touté la cavalerie et de s'avancer entre La Flotte et Saint-Martin, à dessein de tailler en pièces ce qu'il y auroit de troupes à La Flotte, sinon de voir-la contenance des ennemis, soit dans leur retranchement, soit au devant, s'ils étoient résolus de venir au combat.
Cependant il fit suivre l'infanterie, qu'il disposa en douze bataillons, et de ce pas marcha droit aux ennemis, plus en intention'de faire lever;le siége, comme étant l'avantage du service du Roi, que de hasarder un combat général où il y avoit autant à perdre qu'à gagner.
Il ne se trouva plus d'ennemis à La Flotte, ils en étoient délogés dès deux heures devant jour; ce qui fit que Marillac passa outre avec la cavalerie, et s'a-
vança vers le retranchement des ennemis, où n'ayant trouvé personne, il envoya Saint-Preuil dans la citadelle donner avis à Toiras de sa venue et de celle du maréchal et de prendre langue de cè que les ennemis faisoient dans Saint-Martin.
Toiras, qui ne pouvoit quasi croire cette nouvelle, sortit seul, et'déjà ledit maréchal étoit arrivé, auquel il ne put lui dire aucune chose de ce que les ennemis faisaient dans Saint-Martin; bien présumoit-il qu'ils se préparoient à lever 4e siège sur la venue d'un tel secours, dont, dès la nuit, un habitant de l'île, huguenot leur avoit donné la nouvelle. Quant au dehors, ils paroissoient déjà' en deux escadrons de cinquante chevaux chacun, entre des moulins à vent, à la main gauche du bourg, faisant mine d'en vouloir déf'endrè la venue.
Notre infanterie cependant s'acheminoit et parce que le maréchal, en partant de La Prée, avoit été ordonné de prendre et garder les logemens de La Flotte, pour tenir les ennemis plus serrés entre eux et la citadelle, dit Plessis, sergent de bataille, fut envoyé pour lui choisir et faire prendre un poste avantageux à la tête dudit bourg; ce qu'il fit très• prudemment.
Durant ce temps les' ennemis, qui s'étoient promptement résolus à la retraite dans l'île d'Oye, pour de là s'embarquer à leur aise filoient leurs bataillons hors le bourg Saint-Martin, sans bruit et sans désordre, par le côté qui regardé le village de La Couarde et c'étoit pour les couvrir et les cacher de nous que leur cavalerie'avoit pris le poste des moulins; mais nous en aperçûmes les drapeaux.
Lors il fut temps de délibérer ce que l'on avoit à faire, soit que les ennemis fussent sortis de SaintMartin pour se retirer, comme il.y avoit grande ap- parence, soit qu'ils l'eussent fait pour nous venir combattre. Partant ledit maréchal appela quelques-uns au conseil, et beaucoup.s'y trouvèrent d'eux-mêmes. La plus générale opinion fut" de n'attendre pas leur dessein ains de les contraindre à la bataille; c'étoit celle de Toiras mais elle ne fut pas suivie. Le maréchal de Schomberg. considéra que déjà l'un des. points pour lesquels le Roi les avoit envoyés, à savoir pour faire lever le siège, étoit accompli, puisque les ennemis avoieüt abandonné leurs tranchées; et. que l'autre, à savoir de les chasser de l'île, sein-bloit assuré, puisqu'eux-mêmes prenoient le chemin d'en sortir. Que partant M. le maréchal devoit plutôt leur faire un pont d'or qu'une barrière de fer; que le succès des batailles est et avoit toujours été incertain, principalement ou les forces étoient'inégales; que l'accomplissement du dessein du Roi et l'avantage de son service étant clair et assuré par la retraite des ennemis, ce seroit crime de le hasarder par un combat de vanité; que c'était pour la gloire et, le contentement des particuliers, desquels le courage étoitlouable, et non pour celle du Roi, que le combat étoit proposé mais que pour l'intérêt de Sa Majesté et dé la réputation de ses armes il falloit attendre à le donner avec tel avantage que la, victoire en frit .certaine et assurée comme elle seroit infailliblement si on se savoit bien servir des avantages qui se rencontrent ordinairement sur les retraites qu'une armée entreprend à la vue d'une autre que les en-
nemis ayant à passer entre Saint-Martin et le canal del'Oye, en quelque détroit, on pourroit prendre le temps dé les combattre à demi passés sinon au passage dudit canal.
Ces considérations firent àrrêter qu'on devoit conserver le poste .que notre infanterie avoit pris à la tête de La Flotte, auquel elle ne pouvoit être contrainte à la bataille que selon qu'il lui plairoit Que si les ennemis tournoient tête vers leur retraite notre armée les smvroit en bon ordre, et toujours gardant l'avantage du terrain qu'elle rencontreront. S'ils présentoient la bataille, on ne la récevroit point qu'avec avantage. S'ils passoient dans le village de La Couarde on éssaieroit de les charger a demi passés, ou quand ils arriveroient au canal de l'Oye. Qu'ils ne pouvoiént passer qu'à notre vue; et enfin qu'on prendroit tels avantages à les combattre que la défaite d'une grande partie dè leur armée y seroit assurée.
Toiras voulant encore après importunément insister, par vanité, en son avis de donner la hataillé, le maréchal n'y eut point d'égard, et lui dit qu'il préféroit le service de Sa Majesté à ses intérêts particuliers que toute sa gloire étoit de combattre que ses désirs le portaient à ce dessein; mais les ranisons de l'État l'obligéoient à chasser les ennemis aussitôt qu'à les défaire, l'un étant plus sûr que l'autre, qu'il falloit prendre le parti de l'avantage du service,, pour laisser celui de sa propre passion. Ensuite, il donna charge à Marillac de se mettre devant avec l'escadron de Bussy-Lamet qui étoit de trente chevaux, et les volontaires qui n'étoient que
huit, avec ordre de ne s'engager, ni à escarmouche ni combat, sinon avec avantage certain; que le maréchal, à la tête du reste dé. la cavalerie, le suivroit et soutiendroit et que du Plessis sergent, de bataille, seroit envoyé pour commatlder à l'infanterie, et la faire marcher et arrêter selon que feroit la cavalerie. Par ordre aussi dudit maréchal, Toiras fit sortir de .la citadelle six cents hommes .pour grossir son armée d'un bataillons.
Dès la première démarche que Marillac fit avec son escadron, celui des ennemis qui étoit. entre les moulins de Saint-Martin, lâcha le pied et leur infanterie, tourna visage, vers leur retraite, droit à La Couarde.
La plaine d'entre La Couarde et Saint-Martin étant longue et large d'une bonne-lieue, ils la. passèrent sans faire halte qu'une fôis, et sans rompre ni changer leur ordre à cette halte ils tournèrent tête, et firent contenance de présenter la bataille aux troupes du Roi, qui les suivoient -en bon ordre; mais ce qu'ils en faisoient n'étoit que pour donner haleine à leurs soldats, auxquels ils firent incontinent reprendre leur chemin droit dans La Couarde; et, parce que les marais les empêchoientde passer à droite et à gauche, ils firent ferme à l'entrée du village, tournèrent tête une autre fois, et, ayant mis au devant de leurs bataillons un grand fossé plein d'eau, jetèrent bon nombre de mousquetaires, derrière d'autres fossés, murailles et ,haies qui flanquoient très-avantageusement leur front de bataille, et, cela fait, commencèrent à- filer au travers du village les bataillons qui
faisoient tête à leur retraite, étant à couvert de ceux qui faisoient tête à l'armée du Roi; ce qui fit qu'on ne pouvoit pas reconnoître s'ils passoient outre ou s'ils s'étoient logés dans ledit bourg ce qui étoit le mieux qu'ils eussent su faire pour y attendre la nuit, la faveur de laquelle ils pouvoient se retirer, et sans perte et sans désordre mais ils ne choisirent pas ce parti, et continuèrent leur retraite, de laquelle les paysans dudit bourg venoient donner avis. Mais il y eut diflé-. rence d'opinions quels chemins on dévoit prendre pour les suivre; si on devoit passer par dedans le village ou par le dehors d'autant qu'il y-avoit des marais des deux côtés, et que le pays étoit inaccessible particulièrement pour l'infanterie quin'ypou-. voit passer sans mouiller le pied. Toiras décida la question assura qu'il y avoit un passage très-bon à la main droite, ce qui fit que la cavalerie évita le village mais l'infanterie passa au travers, ce qui donna loisir aux ennemis de s'éloigner, et de mettre leurs troupes en bataille à la tête des dunes, et proche d'une maison où leur cavalerie avoit un espace de quatre cents pas.
Ils marchoiént en bon ordre vers le canal de l'Oye, qui étoit encore à une petite lieue de là. Quand le maréchal qui s'étoit un peu avancé pour observer leur contenance., les vit arrivés en un détroit qui se fait par les dunes de la mer sauvage et les marais salans près d'une maison appelée les Passes, et qu'il les y vit faire front de trois bataillons, et gagner par une partie de leur cavalerie le haut desdites dunes, pour'ôter aux troupes du Roi, tant qu'ils pouvoient la connoissance .du chemin qu'ils avoient à faire et
que cependant les autres hloient à la suite de leurs canons vers une chaussée qui alloit droit à un pont qu'ils avoient fait sur ledit canal, il jugea que c'étoit le temps de les attaquer pour en avoir une facile victoire. Et pouace que cette action est une des plus signalées qui se soient faites de notre temps, il ne sera peut-être pas hors de propos de décrire un peu plus particulièrement comme ce passage étoit fait. Il y avoit une longue chaussée, large de dix-huit ou vingt pieds, bordée d'un grand fossé plein d'eau à. chaque côté et ayant à droite et à gauche des marais sâlans à perte de vue, aboutissant à un chemin qui, par une ligne droite,de trois à quatre cents' pas, conduisoit à un petit pont de bois qui côupoit ladite' chaussée. Là elle faisoit un coude à la main droite, de quatre-vingts pas ou environs, puis elle rétournoit à gauche en deux cents autres pas dé lorigueur, où elle faisoit un autre coudé eriviron de cent vingt pas, lequel arrivoit à un pont de bois fait par les ennemis, large pour six chevaux de front, sur un achënal qui sépare ladite île de celle de Ré, large environ de quarante pas. Au-.delà du pont étoit un! retranchement dé trente toises de long, élevé de neuf pieds de haut, avec un bon fossé flanqué dë deux demi-bastions, dans le pan d'un' désquèls étoit le passage. A l'entrée de cette'chaussée et à' là main droite étoit une maison fermée d'eau', et au devant d'elle'une grande place fermée de fossés pleins d'eau, capable de tenir douze cents hommes en bataille. A la main gauche de la chaussée étoit une prairie fermée d'un fossé relevé ,et au devant de ladite'chaussée un' grand champ de sable fermé de fossés secs.
Le canon des ennemis étoit arrivé an pont, deux bataillons l'avoient passé, trois étoient sur la chaussée, et deux attendoient en.bataille dans le camp fermé de fossés, avec deux escadrons de cavalerie à leur niain, droite pour faire leur retraite., Mais le maréchal commanda que l'infanterie à droite et à gauche, et la cavalerie par le front, allassent la charge aux ennemis fit tirer des deux bataillons des gardes qui faisoient la tête de la bataille deux corps d'enfans perdus conduits par Drouet et Pontségur commanda aux bataillons de suivre- en diligence et à Bussy-Lamet de marcher au milieu des deux corps d'enfans perdus. Mais comme, en s'avançant, il. eut reconnu qu'à la vue desdits enfans perdus les ennemis branlèrent pour gagner la chaussée et la maison susdite où ils prouvoient faire tête plus avantageusement, et que notre infanterie, encore qu'elle allât au grand pas, n'y ponr- roit arriver assez à temps il fit lâcher le bouton à l'escadron de Bussy-Lamet, et alla à la charge à toute bride.
Cet escadron trouvantles ennemis dans la démarche et l'ébranlement, et étant soutenu comme il étoit par le'reste de la cavalerie que le maréchal conduisoit en personne, choqua si furieusement les ennemis, que ,d'abord leur cavalerie, quoiqu'elle eût tourné fort hardiment, fut renversée et l'infanterie, qui se préparoit à faire tête à l'entrée de ladite chaussée et de ladite maison, fut percée jusqu'aux drapeaux si. rudement que la moitié fut jetée à droite et gauche dans les fossés. Le général des galères fut.blessé d'une mousquëtade à l'épaule Villequier d'une autre dans le corps Porcheus capitaine, du, régiment des
gardes, y eut une cuisse cassée, dont il mourut après. Toute la-noblesse y fit si bien, qu'il est impossible d'en remarquer un seul aux actions duquel on pût trouver à redire. Ils jonchèrent la terre de corps morts des ennemis, et mirent entre eux un tel désordre et un si graiid effroi, que notre infanterie les poussa tout du long de la chaussée jusqu'au-delà de leur pont, gagna leur retranchement et leur canon, et avança dans l'île'd'Oye de plus de quatre cents pas, renversant tout ce qu'elle trouva devant elle. Mais les chefs s'étant aperçus que deux des bataillons ennemis, qui avoient passé les premiers, se rallioient entre deux masures, .que l'on ne pouvoit aller à eux que par une autre chaussée étroite, 'entre deux flancs, que leur mousqueterie avoit déjà gagné et que le pillage et les prisonniers arrêtoient grande partie des soldats,'et mettoient le reste en désordre, ils jugèrent à propos de ne leur permettre, pas de passer outre; et incontinent après une telle épouvante se mit parmi eux que, malgré leurs chefs, ils s'enfuirent jusqu'au pont.
Cela redonna aux ennemis assez de cœur pour s'é,branler à les suivre et le firent piques basses; mais la hardiesse de Salligni arrivé en même temps avec quelques mousquetaires des gardes, dont trois étoient valets de pied duRoj fut assez grande pour leur faire tête encore clu'ils fussent en deux bataillons formés,. et les arrêter tout court.
Ce service de Salligni et de cette noblesse fut grand et généreux: il donna temps aux nôtres de se rassembler, et au maréchal d'envoyer des troupes fraîches à leur secours. Puis, considérant les, grands avantages
que Dieu nous avoit donnés ce jour-là sur nos ennemis, que nous foulions aux pieds leurs armes, que la terre étoit jonchée de leurs corps et la mer rouge de leur sang, il crut que c'étoit assez et qu'il ne falloit pas abuser de la victoire et donna, commandement aux troupes de se retirer un peu, et se servit du propre ,retranchement des ennemis contre euxmêmes.
Il fit retirer Salligni dans un de leurs bastions pour y faire'ferme, et pour chasser le désordre que le pillage causoit aux environs du pont. Et parce que, de main droite et de main gauche, la mousqueterie ennemie venoit incommoder le pont par derrière des chaussées qu'ils avoient gagnées, il les envoya chasser,. les uns par le sieur dè.La Meilleraie, mestre de camp, qui tout malade s'étoit fait porter sur le lieu et les autres par Marsillac capitaine de Piémont. Il arrêta les sieurs de Fontenay et de Beaumont' pour garder la tête du pont, avec un bon corps de piquiers de leurs régimens il 'fit passer le sieur dé Rambure et Dampierre, avec quelques mousquetaires des siens pour aller rafraîchir Salligni et envoya des Estangs, capitaine de Champagne Baure de Pié- mont, qui ayant, été blessé en y allant, La Courbe' passa il sa place, La Pasle capitaine de Chappes, Fouquerolles de Rambure La Meilleraie même à son tour et Le Plessis Praslin au sien y furent.. Ainsi chacun, par cet ordre aida à conserver cette tête, et sans confusion jusqu'à ce que les ennemis d'eux-mêmes quittant la leur, et tournant le reste de leurs drapeaux vers le bourg de-l'Oye, leur donnassent .loisir de se reposer.
Les ennemis perdirent en cette rencontre près de deux mille hommes quatre canons et soixante drapeaux, tout le chainp.étoit semé dé leurs armes, cinq colonels, deux cent cinquante capitaines ou officiers, vingt gentilshommes de *qualité et trois lieutenans colonels; le milord Montjoie, général de la cavalerie, y-fut pris prisonnier.
Ils confessèrent qu'ils eussent été contraints de lever le siége bientôt à laute de vivres et qu'ils avoient quasi perdu toutes leurs galiotes et chaloupes; ce qui étoit cause qu'ils ne pouvoient faire si'bonne garde. Le jour même du combat, 8 du mois, fut encore envoyé audit fort un secours de vivres en quatorze vaisseaux, sous la conduite du capitaine Odart, par le sieur de La Richardière, selon l'ordre et l'argent lui baillé par Sa Majesté, et le soin qu'elle prit de pourvoir abondamment aux secours des troupes qu'elle avoit ordonnées pour le secours.
Les Anglais, dès la nuit même du combat, commencèrent s'embarquer, et le furent tous le lendemain à huit heures du matin.
Il fut trouvé plusieurs papiers au logis de Bùckingham, par lesquels l'intelligénce des Espagnols avec ëux paroissoit manifestement; et fut aussi trouvé un mémoire de lui, envoyé à un de ses confidens en Angleterre, pour colorer l'infidélité et la folie de son entreprise contre la France. Il disoit qu'il l'avoit faite avec prudence, parce que Gerbier lui avoit rapporté d'une part à laquelle il devoit ajouter foi' ( il entendoit :madàme de Chevreuse ) qu'il le devoit faire ainsi; que,- s'il venoit à bout de ce dessein, le Roi son maître seroit maître de tous les huguenots de
France, comme dépendaus lors nécessairement de sa puissance ce qui obligeroit le Roi à s'entretenir toujours en bonne intelligence avec lui, pour avoir pair avec ses sujets; qu'en cette considération l'Espagne respecterai aussi beaucoup davantage ledit Roi son, maître^ qui pourrbit entretenir la guerre en France tant que bon lui sembleroit par les huguenots, comme le Roi fait par les Hollandais contre le roi d'Espagne. Davantage, qu'ayant les,rades et les ports de Ré, ils auroient des ports à retirer leurs roberges desquels ils seroiént en quatre heures dans les ports d'Espagne; ce qui leur donneroit moyen.de lui faire des maux indicibles, au lieu qu'ils étoient quelquefois trois mois sans que leurs vaisseaux pussent sortir de la 'Manche, à cause du péril et des vents nécessaires qui ne règnent pas souvent; que le feu roi d'Angleterre ayant été un prince pacifique, il lui avoit semblé bien à propos de faire commencer le règne du Roi son fils par des actions belliqueuses et principalement qui étoient à l'avantage de leur religion, joint que la plupart des frais de cette grande armée avoient été faits sur l'engagement du bien qu'il avoit eu de la libéralité du Roi son maître. Il le prioitde faire courir ces raisons partout, comme si elles ne venoient pas. de lui.
Ils demeurèrent quelque temps dans leurs vaisseaux attendant le vent et l'eau fraîchie qui leur manquoit, dont il leur vint à deùx diverses fois provision de La Rochelle.
Ils partirent le 17 emportant mille malades ou blessés dans leurs vaisseaux et ne leur restant pas douze cents hommes de huit mille qu'ils avoient ame-
nés et de tous les renforts qui leur étoient venues depuis.
En s'en allant ils jetèrent plus de trois cents nom-, mes à la mer, qui les porta aux côtes deBretagne; et,: pour récompense et consolation de toutes leurs pertes, ils ramenèrent Soubise en'Angleterre. On n'a point parlé de lui durant tout ce siège pource que, lorsqu'il étoit question de traiter on ne vouloit pas s'adresser à lui mais, seulement au duc. Quand il falloit combattre il n'y vouloit point entendre. Le jour de la descente des Anglais il étoit à La Rochelle, depuis il fut logé à La Couarde et toujours malade.
On ne sait où il étoit lors de l'assaut mais il étoit des premiers et ;des plus avancés à la déroute. Il s'embarqua dans le vaisseau qui l'avoit apporté, mais le duc le fit mettre dans un autre chargé de morue où il le fit passer en Angleterre.
Ainsi finit leur malheur cette entreprise injuste contre la France, et ne leur apporta autre fruit que d'avoir été cause que le Roi ensuite attaqua La Rochelle etleurôta en elle le moyen de plus rien jamais attenter contre la France.
Les huguenots et eux, quand ils descendirent en Ré publioient partout qu'on violoit la foi publique, mais faussement; car le traité fait en 1625 avec les huguenots, portoit en termes exprès que le Fort- Louis et les îles devoient demeurer entre les- mains du Roi et par cet article on dérogeoit clairement au traité de Montpellier qui en requéroit le rasement. Iln'yapoint eu de contre-lettre à cela, ils nel'osèren t aussi mettre en avant mais ils prétendaient se pou-
voir-fonder en quelques paroles que proféra le chancelier, lorsque le Roi leur donna la paix lesquelles, bien qu'elles nesignifiassent pas cequ'ils préteiidoient, néanmoins, se disoient-ils les ambassadeurs anglais avoient déclaré à ceux de La Rochelle qu'elles devoient être ainsi interprétées. En vertu de quoi lesdits ambassadeurs avoient-ils le pouvoir d'expliquer à contre-sens, aux sujets du Roi les paroles qu'il leur faisoit dire par un de ses principaux ministres ? N'est-ce pas un crime d'en user ainsi ?
Le cardinal de Richelieu leur dit et répéta cent fois; leur parlant particulièrement,' qu'il ne falloit qu'ils prétendissent qu'on se voulût engager en aucune fa- çon à raser le fort, non-seulement en ce temps, mais en un autre qu'il n'y avoit personne qui pût obtenir cette grâce du Roi, demandée par les Rochelois qu'euxmêmes, non par leurs paroles et prières mais par leurs comportemens quand ils rendroient une entière obéissance au Roi en se remettant entre ses mains comme les autres villes et les autres sujets de son royaume.
L'évêque de lVIende et le duc de Chevreuse même, comme leur confident, leur fut souvent envoyé pour leur tenir même langage et leur déclarer que 's'ils pensoient se mêler de la paix, comme entremetteurs entre Sa Majesté et ses sujets, le Roi ne l'auroit pas agréable;,mais que s'ils y youloient travailler, déclarant'à.ses sujets rebelles que le Roi leur maître, comme beau-frère et ancien allié de Sa Majesté, joindroit toutes ses forces avec celles de la France,, s'ils ne vouloient se remettre en leur devoir envers, le Roi, Sa Majesté ne refuseroit pas cette entremise parce
que tous les souverains se la pouvoient et dévoient rendre réciproquement lés uns aux autres..Autant de fois qu'on leur tenoit ce langage, autant de fois répoñdoient-ils qu'ils ne prétendoient autre chose. Après cela faire une autre déclaration contraire, ne peut recevoir aucune excuse si ce n'est qu'ils usent dé la même extravagance envers Dieu, leur religion prétendue n'étant fondée qu'en l'explication de ses paroles à contre-sens de ce qu'elles signifient.
Tandis que .cette grande armée. navale qui vint descendre en l'île de Ré se préparoit en Angleterre, les.Espagnols en Flandre furent en une merveilleuse crainte. Le bruit couroitbien que c'étoit pour France; mais, doutant que ce fut une feinte pour les tromper, ils tâchèrent de donner le meilleur ordre qu'il leur fut possible en tous les lieux où ils croyoient qu'elle pouvoitfaire descente. Ce qui les effrayojt davantage étoit que les Étatsfaisoient équiper Amsterdam, pour empêcher les coursesdesDunkerquois, cinquante grands vaisseaux qu'ils craignoient être à dessein de se joindre avec l'armée française contre eux.
Quand ils surent qu'elle étoit descendue en l'île de Ré, ils rassemblèrent toutes leurs forces et frent un corps d'armée et le 4 août partirent en intention de fâire construire un fort a Santolet, entre l'île et Berg-op-Zoom et envoyèrent une autre armée pour joindre le comte de Tilly. Mais le prince d'Orange, assiégeant en même temps la ville de Grole leur fit révoquer cet ordre, et donner charge au comte Henri de Bergues de partir de Guéldres avec tout ce qu'il pourroit faire de gens de guerre qui furent quinze mille.hommes et deux mille chevaux pour venir.
essayer de défendre cette place. Ce fut en vain,- car elle se rendit par composition le 20 du mois et par ce moyen les Hollandais délivrèrent une partie du duché de -Gueldres toute la Frise Groningue le pays d'Over-Yssel Brante etTurante, des contributions qu'ils étoient contraints de donner pour se garantir des courses et ravages de la garnison de cette place et s'affranchirent de l'entretènement de huit mille hommes qu'il leur falloit tenir en ces quartiers-là pour leur sûreté. Les Espagnols ne prirent pas si bien leurs-mesures qu'eux car ayant projeté de longue main une entreprise sur l'île de Targouets, ils s'embarquèrent à Santolet pour l'exécuter, et la manquèrent par lâcheté.
Après cela, les uns et les autres mènent leur armée en garnison en ce temps que les Anglais firent une extravagance contre les Hollandais, arrêtant trois de leurs navires revenant des Indes valant un million d'or.
Les Hollandais délivrèrent pour ce sujet en octobre une commission à l'amiral Dorbel pour assembler des vaisseaux, pour les mener en l'île de Wight, pour les reprendre de force dont les Anglais étant avertis leur firent promettre par leur ambassadeur de les leur rendre volontairement cè qu'ils firent. Le roi de Danemarck qui se voyoit mal assisté d'Angleterre qui, non contente de lui manquer de parole empêchoit le Roi, son principal confédéré, de lui donner le secours qu'il eût bien désiré, lui en ôtant entièrement le moyen et lui en diminuant sa volonté essaya de se raccommoder avec l'Empereur par le moyen du duc de Saxe. Mais cela n'ayant pu réussir
sitôt, il fut contraint de continuer la guerre. Il reçut en avril un secours de cinquante enseignes de gens de pied anglais, conduits parle colonel Morgant, et quatre mille volontaires français levés par divers seigneurs. Avec ce renfort il fit une armée de quinze mille chevaux et vingt -quatre mille hommes de pied.
Le comte de Tilly avoit assiégé Nienbourg et bloqué Northeim occupant toutes les places qui sontsur le Weser et l'Elbe, et sembloit que Neubourg ne pouvoit être secouru; mais le 8 avril le roi de Danemarck j à la faveur des glaces le rafraîchit d'hommes de vivres et de munitions de guerre. Et ceux de Northeim firent une sortie si courageuse qu'ils rasèrent deux des forts de Tilly'et lui enlevèrent trois pièces de canon. Sur la fin d'avril les troupes impériales étant passées au-delà de Dessau, Dàiiemarck se campa près de la rivière de Weser fit bâtir trois forts aux deux rivages, et mit huit vaisseaux armés sur l'Elbe et le Weser, podr émpêcher.le passage aux Impériaux. Tilly en voulut attaquer un d'où il fut repoussé.. En mai et en juin, se renouvela le pourparler d'accommodement. La proposition en fut faite. par le comte d'Oldenbourg de la part de Danemarck mais les conditions qu'il demandait étoient telles, que l'Empereur ne lés lui put accorder.
Peu après la villë^le 'Northeim qui s'é toit courageusement défendue, soutint un grand assaut, auquel le comte de Furstembërg,.qui commandoit à ce siège, perdit quantité d'hommes; mais ne perdant courage pour cela, et se préparant à en donner un second
les assiégés demandèrent à parlementer le 2 juillet. Leur étant refusé, ils lui mandèrent, par un trompette, que puisqu'on ne vouloit entendre à aucune composition avec eug, ils leur vendroient leur vie si chère qu'il auroit sujet de s'en repentir.
Le comte en étant indigné, f faire le 5 juillet une furieuse batterie, qu'il continua tout le jour sans intermission, et fit donner en même temps un autre assaut où il fut repoussé avec perte de six capitaines, huit enseignes, neuf capitaines blesses, et quantité de soldats demeurés morts sur la place.
Il leur envoya demander il quelque heure la licence d'enleverles corps morts; ils lui répondirent que, puisqu'il leur avoit dénié tout traité, ils ne vpuloient avoir nulle trêve d'armes avec* lui. La nuit suivante ils firent une sortie en laquelle ils dépouillèrent les morts et achevèrent de tuer ceux qui respiroient encore..
Cette résolution si déterminée fit que les Impériaux, craignant la perte de leurs hommes leur offrirent composition laquelle ils reçurent; ils sortirent enseignes déployées, mèche allumée et balle en bouche. La perte de cette place fut fort sensible aux Danois et leur abattit le courage.
Le comte de Tilly, incontinent qu'elle fut rendue," s'avança vers la rivière d'Elbe où étoit le roi de Danemarck, du côté dujïolstein, et avoit fortifié le rivage de deçà de bons forts, avec nombre de canons, de soldats, de vivres et munitions de guerre.
A. l'arrivée de Tilly, les Danois qui étoient dans les forts les abandonnèrent lâchement, et se retirèrent dé l'autre côté de la rivière. Il mena toujours le
roi de Dânemarck battant avec tant d'effroi des Danois, que tout se rendant devant lui il dépouilla le roi de Danemarck de tout ce qu'il tenoit de terre ferme.
Voilà l'effet que la folle entreprise des Anglais sur l'île de Ré causa à leurs confédérés en Allemagne, et le bien qui en revint au Palatin. Au temps de leur déroute en Ré, il leur arriva une autre disgrâce qui, après l'autre étoit celle qui leur touchoit le plus au coeur'; çe fut la prise de Montaigu, auquel Buckingham avoit confié tous ses mauvais desseins contre la France, l'ayant faitvdépêcher deux fois en Lorraine et en Piémont pour y lier les intelligences contre le Roi.
Au.retour de son premier voyage, il trouva déjà Buckingham embarqué pour son entreprise de Ré; il se mit dans un petit vaisseau pour essayer de le rencontrer en mer; mais, 'ne pouvant prendre la route, il fut contraint de s'en retourner à Londres d'où le Roi son maître le fit incontinent repartir pour le même voyage et les mêmes desseins. Revenant de ce second voyage plein d'instructions et de mémoires et pour éviter de passer par la France, ayant pris le chemin des Suisses et de la Lorraine, il fut épié-par Bourbonne qui en avoit charge du Roi, et fut pris par lui en la Lorraine au lieu le plus proche des terres de l'obéissance du Roï que ledit Bourbonne put choisir en son passage.
M. de Lorraine se piqua grandement de cette capture, craignantqu'ondécouvrîtce qu'il vouloi t cacher. Il envoie le sieur de Ville premier gentilhomme de sa chambre, en qualité d'ambassadeur extraordinaire,
trouver la Reine mère du roi à Paris sur le sujet de cette prise se plaignant comme si sa souveraineté qui doit être un asile aux étrangers, avoit été violée en cette action. Ensuite ledit duc eut recours à madame la duchesse douairière de Lorraine, qui envoya à Sa-Majesté un gentilhomme nommé Saint-Belin pour lui remontrer la conséquence de cette affaire. Deux jours après il arriva un courrier exprès audit ambassadeur qui en l'audience qu'il eut de la Reine le vendredi 26 novembre, lui demanda deux choses l'une que le Roi eût agréable de faire justice de Bourbonné l'autre de rendre Montaigu à son maître..
Pour fonder sa plainte en son instance, il apporta une information pour justifier que la prise de Montaigu a été faite en Lorraine. La réponse de Sa Majesté fut que., tant s'en faut que ce qu'il demandoit à l'égard-de Bourbonne fut raisonnable, qu'au contraire il méritoit reconnoissance du service qu'il avoit rendu au Roi, par son commandement exprès et que, pour le regard de Montaigu (posé qu'il eût été pris en Lorraine), il n'y avoit point d'apparence de penser que le Roi voulût rendre un homme qui tramoit et faisoit des menées, il y avoit quatre mois, contre son Etat et que l'on avoit pris avec tant de soin que l'ordre avoit été donné il y avoit long-temps, ne présupposant pas qu'il dût être pris en Lorraine-, s'assurant que la'il né'trouveroit point de-lieu à faire des menées contre.l'Ètat que, s'il avoit été pris deux ou.trois ce qu'avoit pu faire Sa Majesté -avoit été d'envoyer un gentilhomme, comme autrefois il s'étoit fait en. semblables rencon^
très pour donner compte à M. dé Lorraine du corn-; mandement du Roi; et que, si Maillau, qu'elle y avoit- dépêché à cette fin, eût été arrivé Sa Majesté ne croyoit pas qu'il eut donné ordre,de demander justice contre Bourbonne; qu'elle ne pouvoit faire autre chose que d'écrire au Roi ce qui se pas'soit. Le samedi novembre, il arriva un gentilhomme dudit sieur de Bourbonne, avec lettre du 94 dudit mois, pour avertir la Reine du dessein que 1\:1;' de Lorraine avoit eu de l'aller assiéger dans Coify; mais, qu'ayant su qu'il avoit jeté dedans six cents soldats, force blé et vins et tout ce qu'il avoit pu ramasser ès environs de Coify, et qu'il av.oit pour soutenir six mois un siège, il avoit converti son dessein à tâcher de recburre Montaigu, quand on en feroit la conduite que, pour'cet effet il avoit fait avancer deux compagnies de':chevau-légersde Cressias etd'un autre à, demi-lieue. de là, dans ses terres toutefois outre cela, que le colonel Cratz qui n'étoit qu'à. cinq lieues deCqify, lui promettoit d'enlever le prisonnier avec mille chevaux. "•
La Reine, mère du Roi pour prévenir cet inconvénient,. dbiiria. ordre de faire tenir jusqu'au nombre de trois'cents',chevaux prêts, pour rendre ces enreprises inutiles* ̃ • Cependant Montaigu ne plaignôit que. ses' papiers et disoit que s'il les avoit dans sa-têteil ne s'en soupiêroit pas et' qu'il se laisseroit -.plutôt déchirer que • Lâ> Reine, sans s'engager .à aueun'e ,cbose assura madame la -douairière *dé Lorraine-^ «'par le sieur de Saint-Belin. qu'elle avoit enSToy.ë,'qu'é« son. entremise
seroit toujours fort agréable et que, selon que le procédé de M. de Lorraine seroit daps la raison, il pour-, roi.t attendre du Roi toute démonstration d'affection et de bienveillance.
Le gentilhomme qne.la Reine avoit envoyé à M. de Lorraine pour avouer Bourbonne de la prise de Mon-. taigiijà son retour' rappor ta que d'abord M. de Lorraine avoit trouvé étrange l'aveu de la prise dudit Montaigu sur ses terres et ne pouvoit. digérer quelques termes de la lettre de la Reine écrite par M. de .La Ville-aux-Clers, qui portoit qu'elle avoit été faite par l'exprès .commandement du Roi avec témoignage; toutefois que l'on eût désiré qu'elle eût été faite ail– leurs; que ledit 'sieur de Lorraine ayant su la nouvelle 'de'la retraite èntière des Anglais, adoucit de beaucoup son style ,parla avec bien plus .de civilité et, de respect qu'il n'avoit fait au commencement. *Le lundi', 28 novembre, le prince de Falsbourg. arriva a Paris comme de lui-même, sans en avoir, disoit-il-, parlé au duc de Lorraine, mais seulement à la douairière et au duc de Chevreuse. Là fin de son.voyage fut d'essayer de remporter quelque bonne parole sur le.sujet de Montaigu, pour le faire rendre à 1\1; de Lorraine, après que le Roï, ayant vu:et re- tenu :ses mémoires et papiers, en auroit tiré ce qu'il- auroit voulu. La Reine ne lui répondit autre;chose, sinon qu'elle en écrirbit au Roi, et que si le duc de; Lorraine par* le. changement de, soii procédé, lui donn'oit sujet de, contentement, ellècontinueroit, près de Sa Majesté, ce qu'elle^ pourroit ppur le sien, soit pour cet article. de» Montaigu, soit-en- tout autre quilé regarderoit'
La nouvelle étant venue de la prise de cet homme, et qu'il avoit été trouvé chargé de plusieurs lettres et, papiers, l'ambassadeur de Venise ne se put tenir de dire qu'ils étoient tous ruinés., et qu'il s'étonnoit que.la république s'intéressât avec des princes quise servaient de bêtes.
Il.ÿ avoit long-temps que le cardinal bien que si le'Roi le pouvoit avoir entre ses mains, il découvriroit beaucoup de choses qu'on soupçonnoit,' desquelles il étoit important d'avoir une plus grande çohnoissarice mais comme en tous ses voyages il se donnoit bien de garde de passer par la France,- il étôit et difficile- de lui mettre la main sur le collet, eut dangereux, pour ne pas offensèr les princes'sur le's terres duquel il seroit pris. Pour la difficulté, il jugera qu'elle pouvoit être surmontée, le faisant 'prendre en quelque lieu qui ne fût distant que d'une: journée' ou moins, des frontières, de France,' afin que d'une traite .011. le pût rendre en lieu de Pour les terres .du'prince sur lesquelles on faisoit dessein de l'arrêter, il crut que celles du duc de Lorraine; étoient de peu de considération, et pour sa foiblésse, et pour son intention envers le Roi, auquel, s'il ;ne>rendoit point de desservice; ce n'étoit pas faute de.imauvajse volonté mais de pouvoir qui lui manquoit.. 1 iSiir ce .fondement il jeta les 'yeux sur tous ceux qu'il. corinoissoit en ces frontières qui seroieht ca- pàbles d'exécuter'cettè entreprise., et choisit Bourbonne, qui est a deux pas de la Lorraine et a grande • coniioissance du'pays, pour y, avoir été nourri, et être fils d'un père qui: ,étoit au.service du duc de
Lorraine, et avoir ses deux frères demeurant dans le pays.- Bourbonne accepte la commission, envoie de ses gens jusques en Suisse, par où il savoit qu'il devoit passer, afin de Je conduire de journée en journée et le venir avertir quand il seroit à sa porte pour le prendre (1).
Aussitôt qu'il fut pris; Bullion et Fouquet furent envoyés par le Roi pour voir et examiner ses papiers et Instructions, et l'interroger sur le contenu en icelles. On y trouva une instruction du Roi son maître, du 3 juillet, en laquelle il y avoit six choses à remarquer, dignes de considération.
La première, qu'il se chargeoit de bien représenter au duc de Savoie qu'il seroit très-dangereux de se divertir, en aucune façon, des desseins qu'ils avoient faits contre la Francè, particulièrement si.ce qu'il entreprendroit ailleurs pouvoit donner l'alarme et soup- çon au reste du parti qu'ils avoient en ce royaume; mais qu'ils dévoient assembler leurs forces,,et, lors, regarder où le meilleur jugement- et inclination de ceux de France, qui les y avoient menés et poussés, se porteroit.
La seconde, qu'il témoignoit appréhender que la passion que.le duc de Savoie avoit contre Gênes né le détournât de leurs desseins communs contre la France; ce qui le faisoit craindre de s'y engager trop avant,
La troisième, qu'il remarquoit, pour chose arrêtée, que le comte de Soissons devoit être chef d'une armée (i) Pour le prendre Ici, se trouve dans le manuscrit une lacune de deux pages, et l'on voit en marge la note suivanle au crayon: Cette a place est destinée mettre; par le mena le discours de cette prise.
de seize, mille hommes, dont il,devoir fournir une partie qu'il chargeait ledit Montaigu de le décharger, par sa dextérité de ce fournissement, jusqu'à tant qu'il fût délivré des affaires qu'il avoit dans son royaume; représentant que la puissante armée navale qu'il faisoit lui doit tenir lieu de sa contribution. La quatrième, qu'il y avoit une proposition de mariage entre le comte de Soissons et la nièce du roi d'Angleterre, et fille aînée du roi de Bohême et que Pugeol étpit le premier qui avoit manié cette négociation ,et porté un portraitde ladite fille audit comte. La cinquième, que ledit comte avoit demandé une place sûre pour armer; que le roi d'Angleterre s'excusoit d'en donner, vul'éloignement de son royaume; qu'il chargeoitMoptaigu d'exhorter M. de Savoie à ce que ledit.sieur comte armât en son pays, et, en tout cas, qu'il portât Brison à prendre Le Pousin et.Varlence lieux oÙ, commodément le comte de Soissons pouvoit faire, son armement. La .sixième, il le ch.argeoit.de voir M. de Lorraine, etvl'encpurager à faire ce qu'il ayoit promis pour la chose publique.
Ou lui trouva la çqpie d'une des lettres qu'il avoit écrites en Angleterre, rendant compte de ce qu'il avoitvu., traité et appris.
II mandoit qu'on ne s'étonnât pas si le. comte de Soissons ri'avoit encore rien entrepris; que la cause en étoit parce qu'il n'avoit pas encore de lieu de refuge en France; mais que maintenant il avoit tant de. desseins en main pour avoir quelque place ënDauphiné, qu'il en viendroit bientôt àboutj'qu'fen ce cas il.étoit résolu de former une accusation contre
le cardinal de Richelieu, qui gouvernoit a son compte, 1 si mal l'Etat, qu'il espéroit le convaincre de crime^ lèse-majesté qu'il voulôit adresser son accusation à ,la cour de parlement, à laquelle, comme prince dti sang, par prérogative particulière, il se devoit plaindre des crimes d'Etat que si le parlement le refusoit, il auroit juste raison de prendre.les armes pour se défendre contre les injures lesquelles il pouvoit attendre; que, par là j il coloreroit son affaire, et la partie qui àvoit déterminé la ruine du cardinal prendroit, par ce moyen, un bon commencement. Montaigu ajoute que. cette manière de procéder lui plaisoit beaucoup, d'autant qu'ils n'avoient intérêt' qu'à son action, et non pas à la justice d'icelle. Il disbit encore que Senneterre l'assuroit que si la guerre continuoit seulement deux mois le sieur le comte auroit fait un bon progrès enDauphiné, et que jamais il ne s'accommoderoit avec le cardinal. Par la même lettre, Montaigu se plaignoit de ce que l'on ne lui àvoit pas envoyé un manifeste contre le cardinal, que le Roi son maître et l'abbé Scaglia lui avoient promis de faire suivre incontinent après lui aussitôt qu'il seroit parachevé que cette omission 3-voit'été préjudiciable à la cause, parce que le duc de Savoie et le comte de Soissons étoierit résolus d'en fairè publier chacun un pour confirmer celui d'Angleterre accusant tous de trahison le cardinal. de Richelieu lequel avoit désobligé tous les parens et alliés deFrance; que cela eût servi à exciter les méeontens catholiques à se déclarer pour une nation étrangère, ce qu'ils ne pouvoient faire honnêtement, si elle h'avoit point d'autre querelle que pour la rein
gion.; que lé duc de Lorraine lui auroit envoyé un courrier exprès, pour lui donner avis qu'il avoit levé diX mille hommes et quinze cents chevaux pour jouer son jeu de son côté qu'il espéroit six mille hommes dé l'Empereur et mille chevaux; que M. de Verdun formoit aussi une armée de son chef; que toutes ces troupes étant jointes on assiégeroit Verdun; que ce tonnerre" cbmraençoit faire bruit, mais que dans peu il tomberoit sur la France et ne trouveroitrien qui lui résistât; que le duc de Rohan, ayant été averti de son arrivée lui avoit envoyé demander comment il plairoit au roi d'Angleterre disposer de sa personne et si on poursuivroit le dessein qu'avoit Buckingham de descendre au Bec-d'Ambez, en quoi il accompliroit ce qu'il avoit promis; que,si l'entreprise de Ré avoit changé ses premières intentions, il ne seroit aucunement utile, ni pour l'Angleterre, ni pour la religion de suivre ce dessein n'étant pas capable seul de fortifier et maintenir ce passage, et pouvant avec plus de facilité s'avantager au bas Languedoc et aux places qu'il choisiroit; que le gouverneur d'Orange qui l'avoit beaucoup assisté ne vouloit plus continuer faute d'argent; qu'il avoit fait sonder le duc de Montmorency par.le sieur de Candale qui l'avoit laissé en assez bon état; mais que, par l'importunité du parlement, il avoit été obligé à armer contre son gré; que le duc de Savoie étoit prêt de faire partir uri nommé Vignolès avec deux mille hommes de pied et quatorze cents chevaux, pour aller joindre le duc de Rohan lorsque le courrier arriva, qui lui apporta la nouvelle que Asbournas de la part du.duc, et Saint-Surin de la part de Toiras, étoient
arrivés .à Paris pour faire quelques propositions d'accommodement; ce qui lui donna appréhension de paix entre la France et l'Angleterre et lui fit dire audit sieur Montaigu qu'il voyoit bien qu'il vouJoit faire tomber sur lui tous les effets de la colère du Roi.
Le duc de Rohan s'excusa sur ce manque de ce .qu'il n'étoit avec ses troupes allé joindre l'armée anglaise ce qu'il n'avoit osé entreprendre qu'il ne fût fort de dix mille hommes de pied et mille chevaux.
Que ledit duc de Savoie étoit d'avis qu'il falloit se résoudre, ou de prendre les armes'fortement contre le Roi et essayer d'attirer à leur parti la Hollande et prendre prétexte de la liberté de la France et de la sûreté de la personne du Roi, qu'on veut tirer des mains de ceux qui le tyrannisent avec tout le royaume, ou faire un prompt accommodement pour éviter l'union de la France à l'Espagne et les. progrès de l'Empereur en, Allemagne qu'étant avec Gênes et Espagne en l'état qu'il étoit, il ne pouvoit pas apporter à la cause commune tous les secours qu'il voudroitbien; néanmoins, qu'il donneroit écus par mois, comme il y étoit déjà oblige" et 10,000 davantage à tels marchands que le roi d'Angleterre lui nomfieroit, pour en faire ce qu'il lui plairoit; mais que si aussi son accord étoit fait avec Espagne et Gênes, en ce cas il se déclareroit ouvertement pour l'Angleterre avec quatre mille hommes de pied et cinq cents chevaux pourvu qu'on lui tînt la parole qu'on lui avoit donnée qu'on ne viendroit jamais à aucun accord avec la France que ce ne fût par son
intervention, ni avec Espagne sans sa participation que madame- de Rohan et les-arùbassadeurs anglais et savoyards à Venise avoient obtenu "de cette république qu'elle contribuerait la solde de dix mille -hommes de pied; pour autant de temps qu'il seroit nécessaire, jusques à ce que le Roi eût été fôrcé dé confirmer le traité qu'il âvoit fàit avec les princes ses 'confédérés et que ladite dame et sa fille se trouve'roient là pour otages que les deniers séroient utilement employés sans tromperie, comme l'on avoit fait autrefois qu'ils avoient fait pressentir à Berne s'il y 'auroit moyen de les attirer à leur parti, et les autres ̃cantons protestans, et leur avoient envoyé le manifeste de Buckingham poùr leur faire voir que la guerre que l'Angleterre avoit avec la France n'étoit que pour le sujet de la religion;' mais qu'ils avoient répondu .que les progrès de l'Empereur en Allemagne les ôbli'geoiènt à se tenir sur leurs gardes', et conserver leurs hommes pour leur propre défense.
Tous ces mémoires de Montaigu mohtrôient l'horrible conspiration qui étoit faite contre la France et ensuite la bénédiction que Dieu donnoit aux bonnes intentions et sages conseils de; Sa Majesté. Elle avoit plusieurs de son royaume et tous ses alliés conjurés contre elle, et ce d'autant plus dangereusement que c'étoit secrètement, l'Angleterre déclarée et avec toute sa puissance maritime à nos côtes; le roi d'Es'pagne en apparence uni à Sa Majesté, mais en effet, non-seulement lui donnant dé vaines paroles,' mais lui faisant sous le nom de l'Empereur une diversion du côté. de l'Allemagne; et néanmoins tous ces mauvais desseins sé dissipèrent comme des nuées que
lé vent emporte et comme des comètes que le feu qui les fait luire consume; et le Roi, comme un vrai soleil, s'éleva au plus haut du ciel sur l'horizon de la chrétienté, et, parla lumière de sa justice,, se renditle maître de toutes ces tempêtes qui s'elforçoient d'obscurcir sa gloire..
Environ le temps de la déroute des Anglais en Ré, arriva la réponse de Sa Sainteté à la demande que lé Roi lui avoit fait faire le 24 septembre, touchant le secours qu'il désiroit du clergé et le désir qu'il eût eu que Sa Sainteté fût entrée en l'union qu'il avoir, avec Espagne contre Angleterre, Elle envoya un bref au Roi, par lequel elle exhor toit le clergé d'assister Sa Majesté jugqués à. un million d'or, sans lui prescrire les moyens par lesquels il le pouvoit faire, ni lui donner autorité d'aliéner du fonds des biens ecclésiastiques pour faire cette somme. Le sieur de Béthune ambassadeur de Sa Majesté, lui manda que Sadite. Sainteté étoit inclinée à la double décime pour deux ans plutôt qu'à la vente ou revente des biens déjà aliénés qu'elle refusoit d'accorder une croisade, comme elle se lève en Espagne, où, si elle étoit aujourd'hui à concéder elle se garderoit bien d'y cohsentir pource que bien que le premier fondement en' eût été bon il y avoit en la continuation de l'exaction beaucoup de choses à y reprendre et a blâmer.
Il vouloit bien accorder plénière indulgence à ceux qui serviroient en cette guerre, mais non pas que ceux qui, n'y allant point, paieroient quelque chose pour tête, y puissent participer, attendu que le concile de Trente avoit expressément retranché
telles concessions qui avoient tant donné d'occasion aux hérétiques de parler, et élevé Luther contre l'Église.
Pour le regard même de tirer cette même contribution sur ceux qui voudroient manger du fromage et des œufs en carême, qu'il se souvenoit encore d'avoir connu une telle dévotion et si grande ferveur au.x catholiques-de France en l'observation du carême, qu'il se sentoit obligé à les confirmer en ce bon propos, étant bien juste d'entretenir les bonnes coutumes où elles se trouvent.
Quant à l'union de France et d'Espagne contre Angleterre il ne croyoit pas s'y devoir engager ni y contribuer, tant pour, à ce qu'il disoit, n'en avoir les. moyens., que pource que toutes les. unions des grands princes ensemble contre un autre, produisent après des unions. qui.sont souvent de plus grande conséquence que n'est le bien espéré de l'entreprise de quoi celle du royaume de Naples du temps de Louis xii peut servir d'exemple ayant après la séparation causé des guerres qui ont duré jusques après la mort de Henri ii -la France procédant souvent de bonne foi et ne lui étant pas correspondu de même. Qu'il estimoltque les Espagnols n'y alloient pas de bonne foi et n'avoient dessein' que dé 'divertir Sa Majesté par une guerre étrangère, pour lui ôter l'occasion de se prévaloir des moyens que Dieu lui pré- "> sentoit de ruiner l'hérésie en France, désirait que Sa Majesté fût toujours occupée chez soi; qu'il étoit plus avantageux à Sa Majesté dé faire la 'guerre ses sujets .rebelles que de l'aller porter en Angleterre et en aller chasser l'hérésie pendant que l'on la lais-
seroit en France. Qu'enfin ce qui outre ces raisons l'empêchoit principalement d'entrer en' aucune déclaration de guerre contre le roi c'étoit parce que ce Roi en prendroit une occasion de faire une telle persécution contre les catholiques en Angleterre, que cela seroit cause sans une particulière assistance de Dieu qu'il n'y en laisseroit pas un. Ainsi en pensant avancer la religion ce seroit la ruiner.
Le Roi, ayant, cette réponse de Sa Sainteté, ne la sollicita pas davantage d'entrer en la ligue proposée, mais eût bien désiré qu'elle eût ordonné au clergé d'assister le Roi d'un million d'or, constituant écus de rente sur les biens ecclésiastiques,, excepté les hôpitaux, maladreries, les ,commanderies de Malte, toutes cures au-dessous de 100 écus de revenu, ettous bénéfices, commeprieurés, çhapelles,' églises collégiales dont le revenu des prébendes est au-dessous de 100 livres et à la charge que chaque bénéficier seroit tenu de racheter la rente de laquelle seroit chargé son bénéfice en dix années savoir, en cinq ans la moitié, et en autres cinq ans l'autre moitié, étant libre, toutefois à qui voudroit de racheter en un seul paiement et moindre temps ladite rente auquel cas les héritiers du bénéficier qui l'auroit rachetée devant les dix ans, j;.uiroient de ladite rente pendant le temps qui resteroit des dix. années si le bénéficier venoit à mourir devant qu'elles fussent expirées. Par lequel moyen lesdits ecclésiastiques ne paieraient guères plus en dix ans que ce à quoi Sa Sainteté les exhortoit par son bref d'assister Sa Majesté, et ne se feroit point d'aliénation, qui étoit ce
que Sa Sainteté appréhend'oit et que le Roi ne désiroit pas et le temporel de l'Église seroit conservé en son entier.
Mais enfin le Roi aima mieux, sans attendre autre bref du' Pape, ni se servir de celui qu'il avoi t déjà envoyé, assembler le clergé de France, et lui demander leur assistance en cette guerre si sainte laquelle ils lui accordèrent libéralement, comme nous verrons en l'année suivante.
Puisque le duc de Rohan a, par ses menées, incité l'Anglais à vénir en France il est raisonnable qu'après avoir raconté ce que les Anglais y ont fait, nous montrions ce que, pendant leur séjour en Ré, Rohan a fait en Languedoc et Guienne pour soulever le parti huguenot.
Au même temps de la descente des Anglais en Ré, il fit publier un manifeste séditieux en Languedoc, auquel il donna le titre de déclaration des raisons qui l'avoient obligé à implorer l'assistance du roi de la Grande-Bretagne, et prendre les armes pour la défense des églises, prétendues réformées de ce royaume. En ce manifeste, il essayoit dé colorer sa rébellion du nom d'une juste défense, et de rejeter sur l'inexécuiion des choses promises de la part du Roi la cause de ces,troubles.
II avouoit avoir appelé les Anglais, et tâchoit de couvrir son crime par une fausseté qu'il mettoit en avant, que le Roi avoit eu agréable que les, Anglais fussent médiateurs de la paix dernière qu'il avoit donnée à ceux de son parti; que, si le Roi a pu justement employer les armes des Hollandais pour les défaire, ils peuvent bien à plus forte raison, appeler
celles des Anglais leurs frères pour se défendre contre lui; que, quand leur secte commença à s'accroître en ce royaume, leurs chefs faisoient descendre du fond de l'Allemagne des déluges d'hommes pour combattre pour eux, et toutefois, par les édits des rois ils ëtoient qualifiés fidèles et obéissans sujets; qu'on en vouloit à leurs vies à leurs biens à leur liberté et à leur religion que la nécessité les obligeoit à se défendre que, si de sa propre autorité il avoit traité avec les Anglais, sans en donner part au corps de leurs églises, il ne croyoit pas que personne de bon sens le lui imputât à faute; chacun sachant que, parmi les communautés il n'y eût pas eu assez de résolution pour cela, et que nul n'eût osé entreprendre ce que tous en leurs consciences eussent désiré joint que c'eût été éventer son dessein et perdre l'occasion que le découvrir en une si grande compagnie. Quant à ce qu'on pourroit dire qu'il valoit mieux souffrir le mal qu'on leur faisoit que de le repousser. par la force, ceux d'entre les catholiques qui parloient ainsi le faisoient pour les tromper et ceux d'entre eux qui tenoient ce langage le faisoient par foiblesse, où pource qu'ils étoient corrompus par quelques pensions qu'ils tiroient du Roi. euant lui, qu'il aimoit mieux suivre l'exemple de ses pères qui 1 en avoient ainsi usé, et avec bénédiction de Dieu et heureux succès pour leurs églises. Enfin, il concluoit par une prière à leurs églises de se joindre au roi d'Angleterre et à lui, et promettoit audit Roi de ne, se détacher jamais du but général de ses armes par- aucun accommodement particulier mais persister.avec lui jusqu'à obtenir conjointement avec lui une
paix bonne et assurée pour les huguenots; protestant avec tout cela ne vouloir s'écarter présentement ni à l'avenir de l'obéissance et fidélité vers le Roi, à laquelle sa conscience et le devoir de sujet l'obligeoient. Ce manifeste étoit tissu d'une continuelle fureur déguisée d'un ingénieux artifice soutenu d'une im-"pudence de démon. Il est inutile d'y répondre, le fil de l'histoire des choses passées et la lumière de la raison naturelle convainquent et confondent assez son-auteur, et ce, d'autant plus qu'il semble qu'il ne ressente pas sa honte, puisqu'il ose bien confesser .de- sa propre bouche et signer de sa main qu'il a faussement emprunté le nom de ses prétendues églises, pour appeler l'étranger contre le Roi son maître, et. qu'il est seul cause en ce royaume de ce dernier embrasement.
Ensuite de ce séditieux écrit, soigneuseinent envoyé par toutes leurs prétendues églises, plusieurs se joignirent à lui, et le 10 septembre'fut tenue une assemblée en la ville d'Uzès,.où se trouvèrent lets députés de Nîmes, d'Uzès, de Saint-Ambroix, d'Alais, d'Anduse, Le Vigan, Saint-Hippolyte, SaintJean-de-Gardoiiingue, Samens La Salle et autres lieux, et plusiéurs de la noblesse, tant des provinces de Languedoc, des Cevennes que d'autres endroits de ce royaume.. Là ils approuvèrent, d'un commun consentement, cequeleditdeRohan avoit fait, l'en remercièrent, et, pour concourir tous à son dessein ils l'élurent chef et général dès prétendues églises de ladite province et des Cevennes, et en cette qualité lui' douèrent pouvoir de faire levée de gens dé guerre,
et tous exploits qu'il jugeroit à propos pour leur bien; le supplièrent de pourvoir au plus tôt -à la convocation d'une assemblée générale, afin de fortifier leur parti et que cas avenant de paix, elle ne se traitât que de l'avis de tous les intéressés. -Et pource qu'ils se promettoient que le roi d'Angleterre et ledit duc'de Rohan n'enfendroient jamais à aucun traité particulier, et ne feroient point de paix qu'elle ne fût générale, et où ils fussent tous compris, ils promirent. aussi de leur part le semblable, le jurèrent, et envoyèrent leur serment à ceux de La Rochelle pour les encourager.
Le duc de Rohan reçut la charge de général de leur parti, fit serment de s'en bien acquitter. Îls nommèrent des députés d'entre eux pour aller, de leur part, vers leurs églises en Languedoc, Guienne et autres lieux de ce royaume, les solliciter d'entrer avec eux en .cette ligue. Et pour fin comme se moquant de Dieu et des hommes, ils protestèrent de toute fidélité envers le Roi.
Sa Majesté, ayant avis de cette rébellion du duc de Rohan qui avoit attiré celle de son parti, et qu'ensuite il s'étoit mis en campagne, jugea qu'il falloitde bonne heure remédier à ce mal et se résolut d'y envoyer le prince âe Condé, ennemi juré des huguenots avec forces suffisantes, sinon d'étouffer la rébellion, au moins d'empêcher son avancement.
Le duc de Montmorency, auquel à raison de son gouvernement, il sembloit que cette commission^dût être donnée, ne paroissoit pas y être propre, pource qu'en tous les mouvemens passés il n'avoit pas réussi contre le d.uc de Rohan, soit par mauvaise fortune
ou manque de conduite, ou qu'il avoit dessein d'entretenir le parti huguenot que son père y avoit établi. Et on ne pouvoit, sans la ruine des affaires du Roi, envoyer en son gouvernement aucun autre pour y commander les armes de Sa Majesté que ledit sieur prince, à cause de sa qualité et pour l'alliance qui étoit entre eux.
Ledit sieur prince alla pour ce sujet à Richelieu, où étoit le cardinal, pour y recevoir, par sa bouche, le commandement et les ordres de Sa Majesté et y arriva le 6 octobre. Il témoigna l'obligation qu'il avoit à Sa Majesté de l'emploi qu'elle lui donnoit contre les hérétiques rebelles à la ruine desquels il corlseilloit qu'on pensât à bon escient, et témoignoit avoir crainte qu'on ne voulût, à quelque prix que ce fût, faire la paix avec eux. Il approuvoit et admiroit la liaison offensive qu'on avoit faite avec Espagne, et plus encore celle qu'avec le consentement d'Espagne on avoit faite avec Hollande, par où l'on em- pêchoit que les- deux plus grandes puissances de la mer se joignissent contre nous, et par où l'on avoit le secours d'Espagne sans perdre nos anciennes al- liances, bien qu'ennemies particulières d'Espagne laquelle aussi, de son côté, étoit portée à y consentir, pour le gain qu'elle faisoit en la neutralité' des Hol-,landais en cette affaire.
Il fut d'avis que si l'Espagne marchoit d'un bon pied, on continuât le dessein de l'extermination du parti huguenot, sinon qu'il falloit faire la paix avec eux; qu'absolument, si on craignoit quelque chose au dedans, il falloit s'en assurer, et prendre prison niers ceux qu'on auroit lieu de craindre; qu'il con->
seilloit qu'on fit le procès au duc de Vendôme et au grand-prieur son frère, puis qu'on pardonnât au premier, non pas à l'autre qu'il connoissoit pour très-'méchant et violent, et en tout temps traître et brouil-, lon qu'es choses indifférentes Monsieur fût parfaitement bien traité, et que le Roi ne devoit pas regarder beaucoup de choses qui lui pourroient donner quelque jalousie, sans qu'elles pussent faire de mal, comme lui donner à commander une armée ainsi qu'on avoit fait; en' quoi il n'y avoit point de difficulté, parce qu'avec deux doigts de papier, ou le manque du paiement d'un moins, on défaisoit ce qu'on avoit fait quand on vouloit, mais de gouvernemens et autres choses non. Il demanda d'abord beaucoup de troupes mais sur ce que le cardinal lui répondit qu'on n'estimoit pas qu'il dût faire de grandes entreprises, mais seulement empêcher que le duc de Rohan ne pût faire aucun progrès, il avoua qu'il ne lui en falloit pas tant. Il demanda to,ooo écus pour se mettre en équipage, témoigna qu'il seroit bien aise d'avoir part à la confiscation des biens du sieur de Rohan, et s'offrit de faire vérifier, par sa présence, quelques édits ès chambres des comptes et cours des aides du Languedoc et Guienne, de solliciter ceux des parlemens, et, en un mot, faire tout ce qui lui seroit prescrit par Sa Majesté mais il demanda 200,000 livres pour cela ioo,ooo livres pour distribuer, et autant pour sa peine.
Après ces choses, s'étendant en discours familiers avec le cardinal, il lui avoua qu'il s',étoit opposé tant qu'il avoit pu au mariage de Monsieur, non à cause du mariage, mais à cause de l'union qu'il pénsoit
qu'on vouloit prendre avec la maison de,Guise à son exclusion; et dit au cardinal que, quand il vit ce mariage, il ne le tint guère habile homme, d'autant que s'il fût arrivé faute du Roi, et que Monsieur fût venu en sa place, le duc de Guise comme beaupère, l'eût mis sous le pied. v Il dit qu'après les mouvemens d'Angers, on agita au conseil du connétable de Luynes si on devoit tuer M. du, Maine qu'ils redoutoient; que Schomberg et le cardinal de Rètz le conseilloient, contre la bonne foi de la paix, voulant qu'il fût poignardé dans l'antichambre du Roi; que lui et M. de Chaulnes alloient à la prison Luynes et Modène conclurent à rien
Qu'on le voulut envoyer, lorsque la Reine-mère étoit à Angers avec cinq cents chevaux pour la prendre si -elle alloit en Guienne ce qu'il refusa disant que le premier prince du sang n'offenseroit jamais une Reine mère du Roi jusqu'à ce point; Qu'il avoit su, après la mort du maréchal d'Ancre, qu'on avoit proposé trois conseils au Roi ou de faire mourir la Reine, ou de la mettre en prison, ou de l'envoyer en Italie; qu'il croyoit que c'étoit Deageant et du Vair;
Que les raisons pour lesquelles il alla en Italie étoient qu'il croyoit que M. de Schomberg demeurant auprès du Roi, lui et'Cauniartin qui étoient ses amis le feroient rappeler et lui conserveroient sa place, et qu'il auroitcet avantage que tous les catholiques croiroient qu'il n'auroit point été d'avis de la pair
Que le -Roi avoit fait Luynes il grand contre-coeur
connétable, mais qu'enfin on l'avoit emporté par art; qu'il savoit bien les oppositions que les ministres avoient faites à ce que la Reine fût du conseil, et la diligence, avec laquelle ils avoient rempli la place du cardinal de La Rochefoucauld de peur que le cardinal y fût appelé. Après s'être ainsi entretenu de diverses choses; avec le cardinal, il partit, le priant d'assurer le Roi qu'il le serviroit fidèlement. Mais, après qu'ils se furent séparés, la passion qu'il avoit contre les huguenots et le désir d'avancer leur ruine lui fit oublier ce dont il étoit convenu avec le cardinal, et écrire au Roi qu'il lui sembloit que le temps étoit venu d'attaquer à outrance tous les huguenots de son royaume à la fois; que ce ne seroit jamais fait de les prendre pièce à pièce; qu'il falloit se résoudr:e de ne jamais poser les armes que Sa Majesté ne tînt en sa main tout ce qui restoit de leurs villes de boucher les oreilles à tout traité de-paix, et principalement avec le duc de Rohan., Brison et autres, qui n'étoient dans la faction que pour leur.profit partictilier, et qui y étoiént retombés si souvent; Que les huguenots n'avoieut ,pour ennemi, que la seule personne du Roi; la noblesse, lès villes, et une partie des gouverneurs mêmes s'entèndoient avec eux et favorisoient la maison, le frère et les parens de leurs serviteurs, et ainsi chacun se conservoit en particuculier, tiroit son intérêt du-public, et mettoit les affaires 'du Roi en impossibilité. Qu'ils demandoient tous garnison che» eux, non pour se défendre, mais pour en mettre l'argent en leurs bourses.
Il étoit d'avis de déclarer le duc de Rohan Brison et autres adhérens, ennemis de l'Etat; ordonner que, sans délai, tous les biens de ceux qui le suivent soient confisqués et leurs maisons rasées. Que ce n'étoit assez de dire il le falloit exécuter; et qu'à cet effet il falloit faire un rôle, par diocèse, de tous les rebelles, puis raser leurs maisons; que ,de là il arriveroit que les huguenots feroient le même aux maisons des catholiques, et lors ces demandeurs d'argent et de garnisons, qui vouloient la guerre pour leur profit au dommage public, voyant la guerre chez eux et leurs biens ruinés, feroient la guerre tout de bon pour leur propre intérêt et quant aux rebelles, voyant qu'au lieu de gagner suivant leur but la rébellion leur coûteroit leur ruine, ils changeroient de pensées et de conseils.
On lui répon'dit qu'il savoit bien ce que lui-même ayoit jugé raisonnable parlant au cardinal, et que les moyens de se gouverner ,en cette guerre avec les huguenots le Roi en ayant une autre grande sur. les bras, devoient être différens de ceux qu'il faudroit prendre si Sa Majesté n'avoit point d'autre affaire que celle-là.
Sa Majesté lui fit expédier à Niort, leio octobre, un pouvoir pour commander ses armes en Languedoc, Guienne, Dauphiné Lyonnais Forez et Beaujolais; en qualité de son lieutenant-général; et le i4> fit une déclaration contre le duc de Rohan et ses àdhérens, portant qu'il fût poursuivi comme ennemi de l'Etat, et principal auteur des factions présentes non-seulement par la voie des armes mais encore
par les peines portées par les lettres de déclaration qu'elle avoit fait faire, en août dernier, contre ceux qui favoriseroient les Anglais, et enjoignit au parlement de Toulouse de lui faire et parfaire son procès nonobstant le privilége de la pairie, dont il étoit déchu et indigne, attendu l'énormité du crime notoire de rébellion, et l'attentat par lui témérairement avoué contre' l'autorité royale et le repos de ce royaume.
Plusieurs murmurèrent de cette déclaration, comme c'est l'ordinaire de trouver toujours à redire en ce que font les personnes publiques, et plus en France qu'en aucun autre.Etat, tant à cause de la facilité, naturelle à parler, que de la liberté, depuis un long temps prise et enracinée, de mépriser l'autorité royale et décrier le gouvernement
Le sujet qu'ils prenoient de trouver à dire à cette commission étoit que le duc de Rohan étoit pair de France, et que les pairs de France jouissent de ce privilège,- que toutes les causes concernant leurs personnes état ou honneur, ne ..peuvent être traitées qu'en la cour de parlement de Paris garnie de pairs ou iceux appelés.
Mais ils feignoient de ne voir pas que le duc de Rohan avoit perdu son privilège et étoit déchu par sa rébellion notoire et partant n'avoit dîi être considéré comme pair mais comme personne-privée, duquel le crime devoit être jugé et puni au lieu où il avoit été commis suivant la règle ordinaire en tout crime, à plus forte raison en celui de lèsemajesté.
En l'arrêt de 1562, contre l'amiral de Châtillon et
ses complices ils sont déclarés criminels de lé semajésté au premier chef.
Il est'sans doute qu'il n'y a point de privilége qui ne se puisse perdre, et tous les docteurs sont d'accord que le privilége qui se convertit en abus doit être révoqué, et que les personnes qui abusent de leurs priviléges, sont déchues d'iceux et ne s'en peuvent servir.
Le privilège des ecclésiastiques est grand, pour ne pouvoir être jugés que par les juges d'Eglise néanmoins, .il est certain qu'ils perdent leur privilége en plusieurs cas.
Si un ecclésiastique est accusé de fausse monnoie, il perd le privilége de cléricature et ne sera pas renvoyé devant son juge d'église.
Les officiers royaux clercs délinquans au fait de 1 leurs charges, s'ont privés de leurs priviléges, et sujets à la justice du Roi, même par les bulles des papes. Si, par le respect de l'autorité que le Roi doit avoir sur la-police publique de son royaume, un privilège de telle qualité se perd ès cas mentionnées, qui ose•roit dire qu'un privilège donné par les rois, quand il seroit "donné ne se peut perdre ès cas qui regardent son autorité, son État et le,point le plus important qui se puisse dire?
Les rois, par la confession de tous les docteurs, non plus que les autres souveraines, ne donnent jamais privilège contre eux-mêmes de sorte que nul privilége ne peut ôter aux'rois l'entière liberté d'user de leur'autorité pour la' punition des coupables; même de tels crimes et de les faire juger en quel lieu et par queis juges il leur pîaît. •
Les pairs de France-sont particulièrement obligés à la fidélité envers le Roi, et lui doivent par la pai.rie l'hommage lige, qui est de les servir envers et contre tous en telle sorte qu'ils ne s'en sont jamais voulu départir non pas même-du consentement des rois ce qui arriva lorsqu'en l'accord entre Plilippe-le-Long et les Flamands, fait en l'an 1329, le pape Jean xxii, qui étoit médiateur de cet accord, fit mettre une clause que les pairs de France s'obligeraient de ne point suivre le Rôi s'il contrevenoit à l'accord. Le Roi les interpella de passer cette obligation; mais ils le refusèrent, disant que cela étoit indigne des pairs de France.
On ne dira pas qu'un privilége qui n'a source que de la fidélité ni existence qu'en Icelle, puisse servir à l'infidélité, la trahison à la rébellion.
Si la pairie est un fief, et si le pair en fait hommage comme il est certain, personne ne dira que la félonie ne le confisque, et que la rébellion ne soit un crime qui passe toute félonie. On ne peut dire aussi qu'il faille que le pair soit, par jugement, déclaré déchu de son privilége avant que de l'en tenir privé car cela est contre la coutume et l'ordre des jugemens de France nouseulement.pource qu'en lieu du monde ès choses notoires et publiquement manifestes, on n'a jamais requis la preuve ni le jugement mais la punition prompte mais aussi pource qu'en France la seule accusation fait le choix de la- juridiction.
Outre que là célérité est rame des procès intentés pour la punition des crimes, et qu'es crimes de lèsemajesté., le seul acte du crime induit la perte de tous.
les biens au seul moment du crime commis à plus forte raison la perte des privilèges,
Il' Y a une autre raison qui confirme cette vérité un ecclésiastique peut perdre son privilège de cléricatuéè et néanmoins il n'y peut renoncer. Ce qui est ,tellement vrai, que si un ecclésiastique est accusé devant un juge royal pour un délit commun, pour lequel le renvoi au juge d'Église ne lui peut être dénié, s'il subit volontairement la juridiction du juge royal, et renonce à son privilège, il, est en la puissance d'un autre ecclésiastique qui n'aura aucun intérêt au procès, de demander que l'autre soit renvoyé au juge de l'Église, ce qui lui sera accordé. Et estarrivé souvent à la Tournelle du parlement de Paris qu'un prêtre étant sur la sellette pour un délit commun subissant volontairement la juridiction de la cour, une des conseillers clercs de la même compagnie.étant venu demander le renvoi pour lui son juge d'Eglisé, la cour y a déféré et l'a renvoyé.
Si un ecclésiastique ne peut renoncer à son privilége, et 'néanmoins il le peut perdre, à plus forte raison un pair perdra-t-il le sien par crime, puisqu'il y peut renoncer et ne s'en servir s'il ne veut:
Jacques d'Armagnac, duc de Nemours, par l'accord qu'il fit avec Louis xi le 17 janvier 1469, renonça formellement à son privilége de pairie, et déclara qu'il vouloit être jugé comme personne privée s'il manquoit à l'obéissance du Roi. Cet acte nous apprend deux choses l'une que le pair peut renoncer à son privilége l'autre que la désobéissance prive le pair de son privilége.
On pourroit peut-être dire que, bien que le pair
perde son privilége au moins devrôit-ll être jugé au parlement de Paris; mais cela est impertinent car, n'ayant cette grâce que par la pairie la perte du privilège d'icelle la lui ôte; mais il y a bien davantage, c'est que ce privilège prétendu par eux n'a aucun fondement ailleurs qu'en l'usage. Le roi Charles vu, voulant faire faire, le procès à M. d'Alençon, envoya, enl'an i458 M. Jean Fudert, maître des requêtes au parlement de Paris demander à son parlement s'il y avoit' quelque chose concernant les pairs en l'institution du parlement. A quoi la cour répondit que, ni parl'institution ni par aucune ordonnance il n'y avoit aucune réservation des causes qui pouvoient toucher la personné et l'état des pairs de France mais qu'ils en parloient selon l'usage, et qu'il étoità remarduer, que, parleur même avis; ils changeoient en quelques points ce qui avoit été fait autrefois; ce qui montroit que cet usage n'avoit rien d'absolument certain, et que ce privilégé n'étoit fondé en aucun établissement, mais seulement en quelque observation..
Ce fut la raison pour laquelle le comte d'Angoulême ne se trouvant pas assuré en ce privilège par sa seule qualité de pair, obtint du roi Louis xinne' déclaration du i3 octobre i463, contenant qu'en ce qui concerneroit sa' personne il ne seroit tenu de répondre ailleurs qu'au- parlement de Paris. S'il eût estimé être bien certain du privilège par la qualité de pair il n'en eût pas désiré des lettres particulières, tant de diversités qui se trouvent en cet usage suffisant pour que la plus grande certitudé soit en la volonté des rois.
Au procès fait à Robert d'Artois en l'aii il'
fut dit, par arrêt, que puisque le Roi étoit présent avec plusieurs prélats, barons et autres ses conseil1ers, il n'étoit pas besoin pour lors d'appeler les pairs; et par un autre arrêt de la cour il fut dit que lorsque la cause touchoit au Roi il n'étoit point astreint .à certainesformes d'appeler les pairs; ce qui, en effet, étoit à'dire que le Roi ne donnoit point de privilège contre soi-même. Les pairs prétèndent être seuls juges des autres pairs, même à l'exclusion du Roi et qu'il n'y doit assister.' Et lorsqu'il fut question du jugement du procès fait au'roide Navarre l'an i386, ils en firent leur protestation par la bouche du duc de Bourgogne, doyen des, pairs comme ils avoient fait au procès du duc de Bretagne huit ans auparavant. Mais le Roi ne laissa pas de passer outre, témoignant qu'en sa seule yolonté consistoit l'état et manière de ces priviléges, pour en user selon les occasions et les mérites.
Le roi, Édouard n. d'Angleterre se plaignit en l'an i3i i au roi Philippe-lë-Bel qu'il faisoit procéder contre lui' par commissaires, pour les cas de ses gens de Guierine, et qu'étant pair de France il devait être ajourrié au parlement. Le Roi lui répondit que lorsqu'il y avoit nouvelleté ou surprise cette voie ordinaire n'avoit 'lieu mais que l'on s'enquéroit de 'la vérité par commissaires.. Ainsi, même en fait civil en cas de surprise, le privilége n'a pas lieu à plus forte raison, en matière criminelle de faction, rébellion et trahison ne doit-on prétendre qu'il ait lieu. Mais, passant plus outre, non-seulement leprivilégea étéjugé incertain, n'voir
lieu en certain cas, être sujet à la volonté du Roi même 'où le fait le touche mais aussi nous voyons que, pour le fait de rébellion et autres les pairs en ont été ex- pressément privés et déclarés déchus.
Au jugement dudit duc de Bretagne, Jean de Mont- fort il fut-dit que le roi de Navarre n'y seroit appelé pource qu'il étoit rebelle. En la cause de Jean d'Alencon auquel fut fait le procès criminel pour la seconde fois en l'an à Vendôme, où le Roi avoit fait venir une partie du parlement jusques à seize juges, il fut fait difficulté .de la juger à cause que les pairs de France<n'y étoient point. L'affaire mise ,en,délibération il fut résolu qu'il seroitjugé par le parlementseul sans les pairs à cause qu'il étoit accusé de rechute en crime dé lèse-majesté. Or, par ces termes spécialement désignés ils ont jugé la cause du duc de Rohan, et que, par ses fréquentes rechutes au crime de rébellion et soulèvement, il est déchu de toutprivilége de pairie ,et autres.' René d'Alençon, 'fils de celui-là fut aussi accusé d'autres crimes pour lesquels le Roi envoie commission au parlement pour l'interroger au bois de Vincennes où il étoit prisonnier. f1 proposa son décli- natoire et son appel de ce que l'on procédoit contre lui sans que les pairs y fussent appelés; dont le Roi ayant été averti, il envoya parle comte de Castres, au parlement de Paris, ses lettres-patentes de l'an par lesquelles il déclara ledit René d'Alençon débouté de son déclinatoire et appel, et ordonna que son procès lui seroit fait comme à un simple gentilhomme. Ce qui fut fait; et les termes de simple gentilhomme, en un prince du sang et pairde France, sont remarquer.
Parées raisons., et exemples il appert combien justement le Roi a envoyé au parlement de Toulouse la commission pour faire faire le procès au duc de Rohan auquél se rencontrent les crimes de désobéissance, de rébellion et rechute en crime-de lèsemajesté, qui ont fait priver de ce privilège des princes du sang même plus considérables que lui, et ce encore d'autant plus que le Roi est sa vraie partie auquel cas il a été jugé par plusieurs arrêts que'tous les -privilèges céssoient.
Or, étant déchu de la pairie, il n'y avoit pas raison de le faire juger ailleurs qu'en la province en laquelle il a commis tant. de crimes de lèse-majesté même au premier chef; car c'est. ainsi que le parlement de Paris appelle les crimes de rébellion et soulèvement, en l'arrêt contre l'amiral de Châtillon, ci-dessus rapporté. ̃
Et se trouve par une rencontre, qui a quelque marque de présage que.le bisaïeul du due de Rohan, Pierre de Rohan seigneur de Gyé maréchal de France accusé de lèvement de troupes.contre le service du roi Louis xn son procès lui ayant été fait à Paris, Dreux, Orléans et Amboise fut envoyé au parlement de Toulouse pour y être jugé, comme il fut en l'an i5o3.
Enfin, outre les raisons, le droit et les exemples, il étoit .fort convenable et nécessaire que la condamf nation du duc de Rohan intervînt en la province en laquelle il faisoit de si grands maux où la faction de la rébellion étoit plus puissante ,,où il restait plus de villes, plus de noblesse et d'habijans rebelles pour donner la terreur où le mal se commettoit qui est
1-e principal effet des supplices ordonnes au crime. Le prince de Condé arriva au commencement de décembre à Lyon. Il en partit'le g pour aller assiéger Soyons et Beauchâtel sur le Rhône. Il arriva à Soyons le 12 avec deux mille hommes de pied et deux cents chevaux Brison s'y jeta le, soir avec vingt chevaux mais l'épouvante le prit; -et, craignant que s'iltonibpit entre les mains de M. le prince il le fît pendre, il s'enfuit là nuit à Beauchâtel.
Sa fuite épouvanta la garnison qui étoit de cinq cents des meilleurs hommes du Vivarais, et les fit aussi retirer là nuit à Beauchâtel, laissant tout leur butin et le reste de leurs munitions dans la place. M. le prince les poursuivit, et, dès lé r3, investit Beauchâtel d'où ils s'enfuirent tous par des lieux inaccessibles, où ils ne pouvoient être poursuivi. Il prit aussi Saint-Auban, où quarante hommes, qui y étoient en garnison, furent tous tués fors six qui se sauvèrent.
Après avoir ainsi nettoyé le Rhône, il s'avança en Languedoc; .et, arrivant le 27 à Tarascon, eut avis que ceux de Nîmes, fortifiés de courage par'la présence du duc de Rohan, qui avoit beaucoup de forces avec lui s'étoient emparées des deux châteaux de Vauvert et de Coilla assis sur la rivière du Vistre il amasse ses troupes, se résout de les attaquer; ils prennent l'épouvante, -et, la nuit du dernier décembre, abandonnèrent ces places, et se retirèrent avec si grande hâte qu'une partie d'eux se noya en passant un marais. Ledit sieur prince fit raser Coilla pour punir le baron d'Aubais à qui elle appartenoit, qui étoit lieutenant du duc de Rohan dans Nîmes.
Je ne puis oublier ici la bonté de Dieu en la conversion de tout le peuple de la ville d'Aubenas. Brison, comme nous venons de dire, fuyant devant les armes du Roi, surprit, par les menées du ministre du lieu la place de Vais, distante d'une petite lieue d'Aubenas, appartenant à la maréchale d'Ornano: La ville d'Aubenas en prit l'alarme bien chaude, appela la noblesse d'autour pour l'assister; le sieur d'Ornano y fut envoyé par M. le prince, pour l'assurer au service du Roi; il y alla avec troupes qu'il mit dedans. Deux régents de la ville, qui étoient huguenots, le venant saluer, il leur ôta leurs chaperons, et les donna au premier régent, qui étoit catholique, leur disant que le Roi n'avoit pas sujet de se fier en eux. Ensuite, le temps de l'élection étant arrivé, il commanda au premier régent d'assembler le conseil, et faire élire le lendemain qui étoit le premier jour de l'an, les trois régens tous catholiques. Il fit apporter les armes de tous les huguenots au château leur commanda de ne point sortir'de la ville, et ne faire assemblées, sur grandes peines, et fit loger les troupes qui étoient dans la ville chez les huguenots en exemptant les catholiques. Incontinent, quinze ou vingt d'entre eux se convertirent, etabjurèrent leur hérésie. Ils furent bientôt suivis d'un plus grand nombre tant, qu'enfin deux cent cinquante- familles se convertirent en moins de trois semaines..La plupartd'eux avouoient librement qu'ils avoient désiré une telle occasion de se réduire,. les uns depuis six ans, les autres depuis dix, voire quelques-uns même depuis trente: tant les respects humains, bien que petits et foihles en considération de choses divines et dp
notre salut, sont quelquefois puissans et quasi nécessaires pour notre conversion..
Le Roi avoit bien reconnu, en tous ces mouvemens des années précédentes, que les Hollandais ne 'marchoient pas avec lui du pied qu'ils dévoient. La difficulté qu'il eut de les faire combattre en son aimée navale, et le rappel qu'ils firent de l'amiral Hauslein avec les vaisseaux qu'il commandoit, et, nouvellement,, la trahison qu'ils avoient commise en la prise du vaisseau de Toiras dans le Texel en servoient de preuves suffisaiites. Mais, en ces derniers mouvemeiis, il apprit, de plus, que la ville d'Orange servoit comme de place d'armes et de réduit où se tramoient dés entreprises contre son service, et où se donnoient les rendez-vous et se recevoient les intel- ligences des conjurés contre son Etat.
Les papiers de Montaigu comme nous avons dit ci-dessus, lui donnèrent une lumière certaine des avis incertains qu'il eu avoit reçus. Cela l'obligea de rechercher le moyen de s'assurer de cette place et ce, d'autant plus que la souveraineté de cette principauté appartient à la couronne, qui depuis plus de trois cents ans en cà en a reçu les hommages. ,Et si les princes d'Orange mettent en avant que les comtes de Provence leur ont autrefois remis ladite souveraineté, on leur répond qu'ils ne l'ont pu faire, puisqu'ils étoient eux-mêmes sujets de la couronne, à laquelle ils ne pouvoient préjudicier; que cette principauté enclavée dans les terres du royaume ne peut être censée d'autre qualité, que les autres terres voisines, et quelle relève, et a toujours relevé du Dauphiné, aussi hien que faisoient le marquisat
de Saluées,' comté de Bresse et autres seigneuries, de sorte qu'inutilement on se vouloit servir de la remise des comtes de Provence.
Pour le regard des traités, quand bien il y en auroit article au.traité de, Madrid, cela étoit en faveur de Philbert de Châlons., et ne pouvoit s'étendre qu'à ses enfans où héritiers de son sang, et non aux collatéraux, au profit desquels il n'y avoit aucune stipulation ceux de Nassau n'étant:ni de l'ancienne race des de Baux, ni de la famille des Châlons, auxquels ils sont tout-à-fait étrangers..
Et, de plus, quand on. voudroit s'arrêter, auxdits traités, ils ne sont considérables, d'autant que ce fief dépénd, comme dit est, du Dauphiné, qui est l'héritage des enfans mâles aînés des rois de France, lequel leur a été donné et substitué particulièrement; que le Roi n'a pu, par aucun traité, blesser lesdits droits; aussi; que de temps en temps les procureurs généraux de la cour de parlement de Grenoble et ceux dé la chambre des comptes, ont requis, agi et poursuivi contre lesdits princes d'Orange, pour leur fâire rendre leurs devoirs et obéissance féodale; ce qui a conservé les droits du Roi contrè une telle quelle liberté que prétendoient avoir ceux qui sont de ladite maison de Nassau. Mais, pource que ceseroit une chose longue de déduire ici toutes les raisons pour et contre, et déclarer cette affaire par le menu, nous en avons mis le discours à la'fin de ce livre Le Roi, ayant résolu, pour les causes ci-dessus, de tenter tous les moyens qu'il pourvoit de se rendre Alafinde ce livre Cette pièce ne se'trouve pas dans le manuscrit. _̃ t <
maître de la ville d'Orange, donna charge à l'évêque d'Orange de sonder le gouverneur, et voir s'il pour-'roit le rendre serviteur, de Sa Majesté..
Ledit sieur évêque s'y comporta avec tant d'adresse, qu'après l'avoir secrètement converti à la foi catholique il le fit serviteur du Roi, et passa un traité avec lui, ,par lequel ledit gouverneur promettoit de faire profession de la religion catholique prêter serment au Roi et tenir {:)place pour Sa Majesté.seule, et la faire reconnoître en toutes les villes château et principauté d'Orange ne se servant en sa garnison que de soldats et officiers catholiques, et dé faire démolir, aux dépens de Sa Majesté, dans six mois, toutes les fortifications d'Orange et de La Vignasse, n'y laissant que ce qui seroit nécessaire pour rendre lesdites places hors de surprise contre les ennemis de Sa Majesté, au nom de laquelle ledit évêque lui promit quelque argent, et lui accorda la continuation au gouvernement desdites places et principauté, avec la survivance pour son fils. Sa Majesté ratifia ce traité le 18 décembre..
Mais il est temps que nous retournions trouver le Roi, que nous avons laissé plein de gloire et de contentementen son camp, rendant grâces àDieu.d'avoir vu ses ennemis fuir honteusement devant lui et s'en retourner cacher dans les cavernes de leur île. Nous pouvons dire avec vérité que la justice mar-. choit toujours à la tête des armées du Roi et toutes ses actions étant, soutenues de la gloire de Dieu sa divine bonté a voulu en cette occasion si itnportante, tant honorer le Roi, qu'on ne peut nier que toute la gloire n'en soit à sa personne.
Le passage de ses troupes en Ré a été fait par sa résolution, conduit par son jugement et exécuté par son bonheur. Le Roi envoya aussitôt à Paris donner avis aux Reines de cette victoire. Elles la firent savoir à l'hôtel de ville; les témoignages de joie universelle furent indicibles; et, pour rendre grâces à Dieu d'un si heureux succès, on chanta le Te Deum à NotreDame.
Cependant on avertit M. *jfë)Guise et les gouverneurs des provinces maritimes du partement de l'armée. anglaise, afin que le duc prît,garde à celledu Roi qui étroit en Morbihan et les autres aux côtes de leurs gouvernemens afin que si les Anglais par désespoir vouloient entreprendre quelque chose contre raison, comme Buckingham avoit écrit qu'ils' alloient faire on les reçût si bien qu'on achevât de les ruiner. 1 Après cette célèbre victoire le Roi eri ayant rendu grâces à Dieu- et toute la France témoigné unecroyable joie ,.Sa Majesté dépêcha en Espagne le sieur de Bautru, pour empêcher qu'une grande armée navale qu'on lui avoit promise, il y avoit déjà longtemps, et qu'on différoit de quinze en quinze jours à lui envoyer, ne vînt inutilement après qu'il n'en auroit plus affaire.
Cependant, pour témoigner de quel pied Sa Majesté marchoit en tous les traités qu'elle faisoit, elle donna charge audit Bautru d'offrir au Roi son frère trente vaissèaux qu'elle avoit pour se joindre à sa flotte pour concourir il telle entreprise qu'il voudroit faire sur l'Angleterre ou sur l'Irlande, au cas clu'il eût quelque dessein prêt, selon que le marquis
de Lega nez avoit fait connoître en passant à Paris 'pour 'aller en Flandre.
Cette offre fut d'autant plus à estimer que Sa Majesté la fit en refusant Buckinghamdela paix, lequel, ayant été battu, la demandoit avec. tout avan tage pour la France, qui, en la faisant, pouvoit gagner une seconde -victoire, puisque ses ennemis montroient .par là que leurs forces n'étoient pas seulement défaites, mais même qu'ils avoient le cœur vaincu. Mais d'autre côté en même temps la prospérité étant souvent peu retenue la plupart de sa cour parloient fort désavantageusement des Espagnols, et semoquoient de leur secours, dont ils avoient fait grand bruit sans qu'on en vît aucun effet. Le cardinal fit tout ce qui lui étoit possible pour arrêter le cours de cette liberté.
Il représenta au Roi que, par cette voie, il étoit à craindre qu'on portât les Espagnols à s'accorder avec les Anglais ce qu'il falloit éviter pour toutes sortes de 1 raisons: Au lieu que s'il faisoit semblant de croire que les Espagnols n'avÓient point manqué faute de bonne volonté, cela les obligeroit à mieux faire une autre fois pour couvrir leur honte, ou au moins à promettre plus que jamais un nouveau secours; ce qui étoit capable d'empêcher que les Anglais ne revissent promptement secourir La Rochelle, et cependant on prendroit le temps de barrer le canal pour les en empêcher de force par après. Et sur ce conseil, le sieur de Bautr u eut commandement de faire de grands remercîmens au roi d'Espagne de la volonté qu'il avoit eue d'envoyer son armée ce qui fit un fort bon effet. Cependant Sa Majesté renvoya à la reine d'Angle-
terre sa sœur tous les prisonniers qui avoient été pris en Ré, tant pource qu'on ne savoit qu'en faire, l'argent qu'on en eût tiré n'étant pas considérable, que pource que les Anglais avoient emmené sept ou huit gentilshommes) français que nous voulions ravoir et que Sa Majesté désiroit obliger la Reine, et faire cônnoître à l'Angleterre que ce leur étoit bénédiction de l'avoir pour leur Reine; et étoit bien aise d'essayer de prendre occasion de lui faire parler par homme confident, et faire connoître certaines choses en Angleterre qu'on avoit besoin de savoir et enfin pource qu'en effet en user ainsi étoit une seconde victoire, vu que celui qui les remenoitn'avoit charge que de voir la Reine et non le Roi, témoignant ouvertement que c'étoit à elle seule à qui les prisonniers avoient obligation de leur liberté.
En ces entrefaites, les Espagnôls, qui sont aussi curiéux à donner des apparences que peu religieux à donner des effets, envoyèrent .cette flotte dont ils avoient tant parlé, dans nos côtes. Elle arriva à JMorbihan le 28 novembre, vingt jours après la défaite des Anglais. Ils demeurèrent trois ou. quatre' jours sans mettre pied à terre, durant lesquels ils furent traités par le duc de Guise avéc grande abondance et magnificence; et depuis encore, quand ils eurent mis pied à terre, le même traitement leur fut continué, dont ils ne pouvoient se lasser de se louer..
Ils furent à Vannes, voir.le' chef de Saint-Vincent, et partout reçus avec grand honneur et témoignage d'amitié. Chacun parloit diversement de cette flotte: les uns estimoient qu'ils i'avoient»envoyéetard parce qu'ils eussent été bien aises de voir prendre l'île de
Ré que 1 expérience nous apprenoit que les secours d'Espagne sont toujours grands quand ils ne peuvent plus.servir, c'est-à-dire qu'ils viennent après coup, puis tâchent de persuader qu'ils eussent fait merveille. D'autres, au contraire, pensoient que rien ne les avoit retardés que la nécessité si grande en laquelle ils étoient; qu'après quatre mois de préparatifs, ils n'avoient su venir qu'avec des vivres pour trois semaines qu'il y avôit trop de raisons qui obligeaient l'Espagne à donner ce secours à temps pour y man- quer.
Premièrement, qu'ils l'avoient offert sans qu'on y pensât qu'ils avoiént été cruellement offensés d'Angleterre, et craignoient que nous ne nous raccommodassions les Anglais et nous contre eux, dont ils savoient bien que Buckingham nous recherchoit; qu'ils prétendoieht, en nous donnant un secours utile, tâcher de nous dégager de l'assistance que nous donnons aux Hollandais; ce que, bien qu'ils sussent que nous ferions difficilement, ils ne laissoient pas d'espérer.
Quoi qu'il en soit', il est vrai qu'ils ne partirent d'Espagne qu'après qu'ils eurent la nouvelle de la défaite des Anglais.
Sa Majesté sachant l'arrivée de cette armée, dépêcha de nouveau un courrier au sieur du Fargis son ambassadeur, avec particulière instruction pour presser le roi d'Espagne de consentir que la victoire obtenue contre les Anglais, ennemis communs de ces deux royaumes fût chaudement poursuivie. On représentoit qu'il falloit considérer les Anglais comme gens battus qui s'en étoient retournés reme-
nant seulement huit cents soldats de dix mille qu'ils avoient amenés en France, où ils étoient tous mortspar maladie ou par les armes du Roi que la nécessite d'Angleterre étoit incroyable, la haine en laquelle étoit Buckingham extrême, tout l'Etat crioit contre lui ce qui faisoit que, 'pour peu de péril' qu'ils vissent dans leur royaume, il étoità croire qu'ils en avancerôient la ruine; que l'on jugeoit bien que la saison étoit difficile pour des entreprises que les vents étoient forts l'hiver, et surtout dangereux dans la Manche,; mais qu'il y avoit deux_choses à dire,: l'une qu'ès mois -d'octobre, novembre, mars et avril, la navigation est plus malaisée qu'ès mois de janvier et février, auxquels règnent d'ordinaire les vents .du nord qui sont unis et ne font point de tempête l'autre qu'on pouvoit entreprendre en des lieux peu'avancés dans la Manche et où .ayant une fois pris un port, on demèureroit à couvert, quelque mauvais, temps qu'il pût arriver; que, si le roi d'Espagne approuvoit ce dessein, Sa Majesté désiroit qu'il enyoyât un pouvoir à don Fréderic d'exécuter, conjointement avec les forces de France ce qui seroit résolu entre lui, messieurs de Guise et l'évêque de Mende; que les armées navales neferoient pas moins de dépense dans les ports que si on leur donnoit de l'emploi; que les soldats se retireroientayant la commodité de la terre, et que nous ne ferions pas sitôt voile que pour s'opposer à nos entreprises, les ennemis ne se consommassent en dépense sans nous pouvoir nuire, d'autant que nous aurions fait ou failli sans péril ce que nous résoudrions d'entreprendre. On dépêcha quant et. quant Févêque de Mende à
Morbihan à don Frédéric pour lui représenter les mêmes choses.
Cependant Sa Majesté, considérant que les Anglais étant défaits, elle n'avoit plus affaire qu'àLa Rochelle, se résolut de la bloquer de toutes parts, en sorte que rien n'y laîtt entrer tant par mer que par terre. Mais pource que le peu d'affection avec laquelle le cardinal prévoyoit bien qu'un chacun travailleroit à cette entreprise lui donnoit quelque crainte, il se sentit obligé de prévenir le Roi, et l'informer au vrai de toutes les difficultés qui-s'y rencontreroient. Il lui dit qu'il se trouvoit bien empêché en ce glorieux dessein que le Roi prenoit de, réduire La Rochelle en son obéissance que cette affaire étoit grande mais que néanmoins elle ne l'étonnoit point quant à elle-même que toute la difficulté étoit que la plupart n'y travailleroient que par manière d'acquit.
Il apporta pour exemple les vivres et les couverts des soldats de l'armée, où on avoit usé de tant de négligence qu'on voyoit ouvertement qu'elle étoit à dessein que ceux qui devoient répondre des exécutions les négligeoient; et. cependant qu'il n'y avoit rien si aisé que d'avancer les travaux; qu'il avoit bien fait couvrir un corps de garde en trois jours, et avoit fait faire ses petites fôrtifications à un écu la toise, sans détourner un homme de l'armée, ayant fait venir cent hommes d'Oleron que le marquis de Rosny lui auroitfait fournir quatre ou cinq charpentiers trois ou quatre jours durant, et quatre charrois les premières journées s'il en avoit dit davantage, et qu'il plût à Sa Majesté le faire venir devant lui, elle seroit éclairée
de la vérité que chacun se contentoit (,)de se décharger sur son compagnon, qu'un seul ne pouvoit faire tout, qu'il pouvoit bien conseiller ce qu'il falloit, mais non pas tout exécuter ;*que, pour contraindre aux exécutions, il falloit agir avec force'et vigueur. Si un particulier le faisoit on se plaindroit dé sa violence, quoique ce ne fut que fermeté à bien faire servir le maître et de là on prendioit prétexte de le ruiner en son, esprit, comme si sa- conduite nécessaire étoit préjudiciable au Roi.,
Si quelqu'un" faisoit mal' sa charge, on ne pouvoit y remédier qu'en le dépouillantou y. commettant. Si on usoit de ces remèdes on seroit 'assez impùdent pour dire qu'on feroit par passion ou par intérêt ce qui ne se feroit que pour le bien de l'Etat exemple du marquis de Rosny, qui lui vint demander:s'il vouloit sa charge, comme si sa condition étoit compatible avec cet emploi;
Que ceux qui étoient dans la confiance des rois étoient en butte à tout le monde, et ceux qui envioient leur fortune les ruinbient souvent pour des sujets qui eussent dû affermir leur autorité. Par exemple, que Sa Majesté savoit ce qu'il avôit lait pour le secours de Ré, et néanmoins, par l'irigratitude de celui qui l'avoit reçu il avoit peu fait, est rien du tout si on ne le faisoit maréchal de France M, (J) Chacun se contentait: Cette négligence venoit principalement de ce que le plus grand nombre des seigneurs craignoient que le succès de cette entreprise ne rendit Richelieu trop puissant « Vous vcrrez, disoit Bassompierre, que nous serons assez fous pour prendre La Rochelle. ̃ (2) 'b'i on ne le faisait maréchal. de Il s'agit de Toiras qui avoit défendu le fort Saint-Martin. Quelque temps après; il fut fait marïclial de France.
et qu'on ne lui donnât 100,000 écus de rente; quily -a peu de fidélité en lui, et point de bornes en son ambition.
Il fut au. commencement page de la vénerie de M. le prince, et depuis, étant en Flandre avec lui, il pensa qu'il feroit fortune auprès du feu Roi; il y fut le bien venu, et par le moyen de ce qu'il dit il se fit donner 2,000 livres de pension.
Après la mort du feu Roi il se donna au sieur de' Courtanvaux, le suivant ordinairement, vivant de son pain montoit ses chevaux et faisoit chasser ses chiens, puis le quitta et fut son ennemi.
Sa Majesté ayoit lors une meute de petits chiens, dont Haran et maître Jacques avoient la charge lesquels venant à décéder les lui donna en charge par grande grâce; que depuis il se donna au sieur de Luynes, lequel il trompa. A Montpellier il fut chargé, de la conduite de quelques travaux, fut blessé d'une mousquetade à une jambe à trois cents pas de distance. Son frère fut employé en ce même temps à faire les allées et venues de la réduction de quelques places, dont Sa Majesté lui donna le gouvernement de Lunel et d'un autre château proche nommé Mervé. Qu'après cela, il demanda la permission de récompenser la compagnie aux gardes du commandeur de 'Frémigières, et par le secours du sieur de Claret, conseiller au parlement de Toulouse, son oncle, et de quelques autres ses amis, il en bailla dix mille écus;
Qu'Arnaut, gouverneur du Fort-Louis et mestre de camp du régiment de Champagne; venant à mourir, le Roi, pour éloigner honnêtement ledit Toiras
duquel il se trouvoit bien chargé à cause des 'intrigues et cabales qu'il faisoit parmi ceux de sa maisori lui donna la dépouille dudit Arnaut;
Qu'elle donna à son frère l'évêché de Nîmes, le prieuré de Longpont, l'abbaye de Saint-Gilles à son oncle l'évêché de Saint-Papoul; à un autre de ses frères le château de Foix à lui Amboise, la charge de maréchal de camp, le régiment de Champagne le Fort-Louis, File de Ré, de l'utilité qu'elle est, et du'après tout cela il se plaignoit encore
Que les cabales recommençoient plus que jamais le tout pour traverser le succès des affaires du Roi, après quoi chacun craignoit de ne pouvoir faire ses' affaires particulières comme il le désiroit; Que Sa Majesté savoit ce qui s'étoit passé durant sa maladie où on disposoit des charges et chacun' prenôit son parti aux dépens de qui il appartenoit; Qu'elle savoit de plus, au moins La Forêt avoit dit le lui avoir fait entendre, comme Beaumont et Cominges n'avoient eu autre but que de faire croire à tout le monde que le cardinal désiroit faire perdre l'île de Ré et cependant eux ne la secouroient .point pour s'en prévaloir aux dépens de leur ami Que La Forêt leur représentant ce que ledit cardinal faisoit par les ordres et commandemens du Roi, pour ledit secours de Ré, ce qui paroissoit par le bon succès qui en étoit arrivé, ils ne laissèrent pas de persister en la malice qui leur faisoit publier ces mauvais bruits cherchoient tous les jours dé nouvelles raisons pour les faire croire les publioient dans l'armée, et leur malignité alloit jusqu'à ce point, que Cominges avoit voulu persuader qu'il falloit en-
voyer un manifeste par toute la France, aux parlemens et au Roi sur ce sujet, pour perdre le cardinal. Que ledit La Forêt savoit mille particularités de telle malice, disoit, qu'ayant amené des gens disposés à mener du secours dans la citadelle Saint-Martin, et qui estimoient la chose facile, Beaumont leur rendoit les choses impossibles, et les dégoûtoit telle- ment qu'ils n'y vouloient plus aller; ce qu'il vérifioit par le capitaine Martin, et plusieurs autres circonstances. Disoit de plus que le sergent La Garde lui avoit dit qu'ayant été envoyé de La Prée apporter la lettre par laquelle Toiras mandoit n'avoir plus de vivres que jusques au i5 de novembre, et demaudoit un grand secours d'hommes en l'île qui étoit désiré de tout le monde, Cominges enchargea au sergent La Garde de dire au Roi que la descente de La Prée étoit impossible. Et, quoique ledit sergent connût tout le contraire, il ne laissa pas de le charger de le dire au Roi, afin d'empêcher le secours; ce qui fut rapporté à La Forêt par le petit contrôleur qui étoit au fort et parledit La Gardé.
Que La Forêt savoit cent histoires de cette nature par lesquelles paroissoit le dessein formé qu'avoiènt ces gens de troubler les affaires du Roi; que Toiras: même n'avoit point de bons desseins
Qu'il témoigne ouvertement un chagrin incroyable, et n'avoitpas la joie qu'il devoit avoir dé sa délivrance,, d'autant qu'il craignoit que Sa Majesté prît La Roichelle, et que la prise de cette. ville en diminuât la considération de sa place, ou en attirât la ruine; Qu'aussi étoit-il en aussi bonne intelligence avecBeaumont que jamais quoiqu'il n'en eût point été se-.
couru, et que ses frères lui eussent mandé la mauvaise satisfaction qu'ils avoient de lui;
Que l'évêque de Nîmes parlant à celui de Mende, lui dit qu'il craignoit, si La Rochelle étoit prise, qu'elle n'emportât les îles aves elle c'est-à-dire qu'on estimât qu'il les fallût raser, ce qui montroit qu'on craignoit la prise de La Rochelle; Que Toiras avoit mandé souvent au cardinal qu'il ne falloit guères tenir Sa Majesté en cet air-ci; qu'il n'étoit pas sain; ce qu'il ne pouvoit mander à autre fin, sinon pour détourner l'entreprise de La Rochelle; Qu'il avoit grande jalousie que Brouage fîit en main assurée pour le service du Roi, et que cette place fit contre-poids à son autorité en ces pays-ci, où il se voudroit rendre absolument nécessaire;
Qu'aussi avoit-il fait tout ce qu'il, avoit pu pour la faire avoir à Beaumont, n'ayant autre but que s'établir puissant, et, à l'ombre de La Rochelle subsister éternellement en grande considération;
Que ce dessein paroissoit de ce que Cominges avoit dit à l'évêque de Mende sur.le sujet dudit Toiras qui mandoit toujours qu'il étoit en état de ne rien craindre, et qu'il avoit tout'ce qui lui étoit nécessaire de munitions et vivres et quatre mille hommes de guerre car Cominges dit que tout cela n'étoit point, que ce n'étoit que pour être en considération et avoir de l'argent;
Qu'il recherchoit tous Ies cabaleurs. Belingan avoit désiré le voyage de Paris, pour aller publier ses. louanges dans le parlement Desplan celui de Languedoc, pour y aller faire le même.
Il étoit vrai que si le Roi ne prenoit La Rochelle
cette fois-ci, il ne la prendroit jamais, et les Rochelois et les huguenots seroient plus insolens que jamais, et que tous les ans on auroit la guerre par les huguenots et lesgrands factieux, la plupart desquels, et tous les petits qui vouloient faire fortune dans la confusion, appréhendoient qu'elle fût prise, autant que l'Angleterre, l'Espagne et tous les princes voisins mais que si le Roi la prenoit, il auroit la paix pour jamais; que sa réputation passeroit celle de ses prédécesseurs qu'il seroit leplus puissant roi de l'Europe, et arbitre des affaires de la chrétienté 5 que, sans doute, un tel dessein seroit beaucoup traversé, qu'il y trouveroit beaucoup de difficultés, mais qu'il étoit certain que, s'il persévéroit, il l'emporterait et lors il falloit raser la plupart des places de la France; ce qu'il ne lalloit point dire Qu'il y avoit à craindre de tous côtés, et les bons et les mauvais succès les mauvais, il aimeroit mieux mourir que de les'voir et pour.le bien de Sa Majesté, et pour son honneur, particulier les bons parce que, pensant faire plaisir à Sa Majesté, s'il arrivoit que l'on lui donnât quelque part en la gloire qui est due à Sa Majesté, d'autres essaieroient de lui persuader qu'elle diminuoit la sienne;
Qu'on étoit encore obligé, pour bien servir les princes de combattre quelquefois leurs sentimens et néanmoins il appréhendoit que, pour être servi-' teur utile, il ne se rendît désagréable-,
Que l'affaire de Targon en étoit un exemple; qu'il appréhendoit, comme Sa Majesté qu'elle ne réussît pas mais en affaire si importante c'étoit une grande consolation de n'avoir rien négligé.
Outre que les Rochelois, par le changement de ce conseil, prendroient espérance que par impatience on abandonneroit l'entreprise.
Sa Majesté, l'ayarit ainsi ouï parler l'encouragea à ne point craindre qu'il lui pîit jamais mésavenir en le bien servant, ni que les paroles malicieuses de ses envieux ennemis de son Etat, lui pussent jamais n'en faire croire à son préjudice; qu'il avoit trop de signalées expériences de ^a fidélité et de sa capacité, pour n'en faire pas l'état qu'il devoit, malgré tous ceux qui ne le trouveroient pas bon lesquels, quand il n'en auroit pas d'autres preuves il sauroit bien par là qu'ils n'étoient pas ses serviteurs. Alors on entreprit, à bon escient, le siège de La Rochelle.
Le duc d'Angoulême, les maréchaux de Bassompierre et de Schomberg, et les maréchaux de camp prirent la charge d'empêcher la communication de la terre, et le cardinal celle de la mer, par le moyen d'une digue de deux cents toises, avancée dans la mer des deux côtés, et des vaisseaux maçonnés, qui seraient enfoncés dans le milieu.
Pompée Targon proposoit de barrer. le canal avec des inventions particulières, dont il donnoit si peu de connoissance qu'il étoit impossible d'y avoir grande foi. Cependant pour ne rien omettre, on lui laissa choisir le lieu de son travail. Il embarqua à un grand fort de terre pour soutenir son estacade, et enfin après plus de six mois de patience, ses desseins se trouvant chimériques, on fut contraint d'abandonner le travail du fort, qui1 étoit assis en mauvais lieu, et tracé contre les règles ordinaires.
La digue, dont le cardinal s'étoit chargé, fut commencée le premier jour de décembre.
Quant aux vaisseaux, le cardinal avoit commencé de les faire préparer à Bordeaux six semaines auparavant.
Chacun commença à travailler, mais la saison étant mauvaise et les pluies grandes quelque diligence qu'on pût faire on avancoit fort peu; la mer, par plusieurs fois, rompoit tout ce que l'on avoit fait.. Les Rochelois demandèrent des passe-ports pour faire sortir les bouches inutiles qui étoient en leur ville, sous prétexte de la compassion de l'infirmité des femmes et enfans; mais il leur fut refusé, comme aussi à madame de Rohan celui qu'elle demanda pour elle et deux cents femmes.
Le Roi cependant, attendant la réponse de l'envoi du sieur de Bautru en Espagne, et du sieur évêque de Mende qu'il avoit envoyé à Morbihan, pour voir ce que don Fréderic, général de l'armée d'Espagne, pouvoit et vouloit faire, lui fàisant les mêmes propositions que Bautru étoit allé faire en Espagne pour la gloire des deux couronnes.
Le sieur de Bautru fut plus de deux mois devant que d'avoir sa réponse. Le sieur de Mende ne tarda pas si long-temps. Il trouva en la personne de don Frédéric un cavalier extrêmement courtois en sa flotte .vingt-huit vaisseaux dépourvus de vivres, mal ar tillés non fournis d'ancres et d'amarres comme ils eussent dû être, chargés de peu de bons soldats, tout pleins de misère et de nécessité. En général, don Fréderic nepublioitautre chose que d'être prêt d'obéir à tous les commandemens du Roi; mais, comme
il ne trouvoit rien de trop difficile en apparence, rien n'étoit aisé au jugement de son conseil de guerre, ce qui fit connoître à tout le monde qu'ils vouloient nous donner des apparences et non des effets plaire au Roi et non le servir.
Il avoua ingénument qu'il n'étoit parti d'Espagne qu'après avoir su la défaite des Anglais, et qu'il avoit besoin d'amender le passé par le futur.
Il témoigna que le plus expédient étoit de le laisser retourner en Espagne, avec obligation de revenir au printemps avec cinquante vaisseaux.
En effet leur voyage ne fut fait que pour tâcher de faire croire à tout le monde que l'Espagne avoit dessein d'aider la France; mais les plus clairvoyans connurent qu'elle n'en vouloit que l'apparat.
Les Dunkerquois qui étoient partis de Dunkerque pour venir en apparence secourir le Roi, rencontrant quelques vaisseaux anglais de leur déroute, se retirèrent sans vouloir combattre, le général Ribère, qui les commandoit, ne l'ayant jamais voulu., quoique les capitaines dunkerquois en fussent d'avis, et jugeassent le pouvoir faire sans péril.
Le Roi., voyant que cette flotte d'Espagne ne vouloit rien faire, fut. conseillé de la faire venir à La Rochelle pour s'en servir à la mode des Espagnols, c'est-à-dire se prévaloir de l'apparence pour étonner les Rochelois par l'union des deux couronnes et arrêter, par le bruit de la venue des deux armées un secours de vivres qu'on disoit que les Anglais vouloient envoyer aussitôt qu'ils seroient arrivés; mais ils ne se hâtèrent pas beaucoup. Le duc de Guise, s'é- tant embarqué le décembre conduisit l'avant-
garde de l'armée du Roi composée de douze grands vaisseaux, vers ladite La Rochelle, et alla mouiller l'ancre à l'embouchure du canal, où le cardinal l'alla recevoir avec grand témoignage de réjouissance de part et d'autre.
Et, dès le lendemain deux grandes barques de La Rochelle, chargées de provisions, furent prises par la galère et la galiote du cardinal et peu après arriva l'armée d'Espagne, qui se vint mettre à la rade dé l'île de Ré. Ils furent.par après bien marris de s'être tant avances mais le discours en est réservé en l'année suivante.
Nous finirons celle-ci par la mort du seigneur Vincent, duc de Mantoue et de Montferrat, comme par une comète qui présage une sanglante guerre pour les années suivantes.
Avant sa mort, il déclara le duc de Nevers son successeur èsdits duchés.
L'Empereur, incité des Espagnols, prétendoit qu'on les dût mettre en séquestre entre les mains du comte Jean de Nassau, jusqu'à ce qu'il eût été informé des droits de tous les prétendans.
Le duc de Savoie, comme un des principaux, est le fnsil qui allume la guerre.
La douairière de Lorraine qui y' prétend aussi quelque droit, envoie Florinville à l'Empereur pour le supplier de le lui conserver.
TABLE DES MATIÈRES 1 CONTENUES
DANS LE VINGT-TROISIÈME VOLUME.
MÉMOIRES DU CARDINAL DE RICHELIEU. Livre XVII. Page i LIVRE XVIII. 238 FJW DU TOME VINGT-TROISIÈME.